Fos » C * ri Fe \ + À ra Ta ‘ \ { , de + . ‘ _ : à . CONGRÈS + SCIENTIFIQUE DE FRANCE. { « - + * L 2 + , £ . ces ” 4 4 p F EL J à . ï es ser CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. DIXIÈME SESSION, TENUE A STRASBOURG EN SEPTEMBRE ET OCTOBRE 1842. _ TOME PREMIER. STRASBOURG, AU SECRÉTARIAT GÉNÉRAL, RUE SAINTE-ÉLISABE TH, 27. < PARIS, CHEZ DER ACHE, LIBRAIRE, RUE DU BOULOY, 7. 1843. STRASBOURG , IMPRIMERIE DE G. SILBERMANN. * DISCOURS PRÉLIMINAIRE. Le Compte-rendu du Congrès de Strasbourg paraît quatorze mois après la clôture de la Session. Les règlements veulent que la publication du Compte-rendu précède l'ouverture de la Ses- sion suivante. Or, celle d'Angers est close depuis deux mois. - On voit que nous n’essayons nullement de dissimuler le reproche fondé qui peut nous être fait du point de vue des règlements du Congrès scientifique de France, à raison de la publication tardive de ces volumes. Nous n'avons pas besoin d’ajouter l'expression du vif regret que nous éprouvons d’avoir commis cette infraction. Mais les circonstances ont été plus fortes que nous ; nous avons besoin d'en justifier. Le grand développement qu'ont pris les travaux du Congrès de Strasbourg ; l'abondance et la variété des matériaux qui se sont accumulés dans les cartons des Sections; les difficultés particulières de rédaction qu'a créées l’usage facultatif des deux langues dans les communications écrites et orales faites au Con- grès ; la nécessité de faire une part équitable aux travaux des - membres étrangers comme à ceux des membres nationaux , ont placé les rédacteurs du Compte-rendu dans une situation particulièrement difficile, et ont multiplié les obstacles autour d'eux. D'autre part, tous ces rédacteurs, sans exception, ab- sorbés par les travaux sérieux de leur carrière académique, ou par de laborieuses fonctions administratives, n'avaient que des loisirs très-insuffisants à consacrer au travail du Compte- rendu ; de là des retards inévitables dans la livraison des Procès- verbaux, dont les derniers ne furent déposés au Secrétariat général que vers la fin de maï et au commencement de juin. Or, ce n’est qu'à ce moment qu’ilest devenu possible de prendre des mesures efficaces pour la distribution générale des maté- riaux et pour leur mise sous presse. Mais ici se présentaient des difficultés nouvelles. Soit mo- destie, soit oubli, beaucoup d'auteurs avaient négligé d'adresser aux Secrétaires des Sections les mémoires dont celles-ci avaient ordonné l'impression. Interpréter littéralement les statuts, qui excluent des honneurs de l'impression les travaux non produits dans un délai fixé, c’eût été compromettre la valeur scientifique de la publication par un respect exagéré pour une disposition réglementaire , qu'en tout cas la justice ne permettait pas d’ap- vi DISCOURS PRÉLIMINAIRE. pl'quer rigoureusement aux membres du Congrès étrangers à la France. Il est de fait que le Compte-rendu contient vingt- cinq mémoires, et des plus importants, dont les manuscrits n’ont été fournis que par suite de démarches pressantes et di- rectes faites auprès des auteurs. Or, nous pensons qu'on aurait. su fort mauvais gré à la rédaction si, soit par insouciance , soit par rigidité réglementaire, elle avait négligé d'enrichir ces volumes de documents aussi précieux. Justement préoccupés des devoirs que leur avait imposés le succès marquant du Congrès de Strasbourg, les rédacteurs du Compte-rendu se sont consciencieusement appliqués à ériger à cette imposante réunion un monument digne d'elle. Il leur a- semblé que ce Compte-rendu devait rendre témoignage tant de la variété et de la profondeur des travaux des membres du Con- grès, que de la cordiale fraternité littéraire qui les avait unis, et des puissantes sympathies de rapprochement entre les na- tionalités diverses, que, par un privilége rare et unique jusqu’à ce jour, le Congrès de Strasbourg a eu le bonheur de réunir dans son sein. A leur avis, toutes les autres considérations de- vaient céder à cette heureuse nécessité, à laquelle ils n’ont pas hésité de sacrifier tant la condition du délai réglementaire im- posé à la publication , que le luxe typographique des volumes. Car le grand nombre de manuscrits désignés à l'insertion dut faire choisir une impression assez compacte, pour que les ressources limitées de la caisse du Congrès pussent suffire aux frais. Grâce au rare désintéressement de M. Silbermann, imprimeur, l’un des Secrétaires-généraux adjoints et Tréso- rier du Congrès, qui avait soumissionné l'impression du Compte- rendu , et grâce à la perfection reconnue de ses presses , la ré- daction espère avoir concilié les nécessités diverses, et avoir justifié ainsi le choix obligé d’un petit caractère dont l'impri- meur a su tirer un parti aussi avantageux. Mais en dépit de tous ces soins, il a été impossible de publier tous les documents importants qui étaient venus grossir le porte- feuille du Congrès. Quelques auteurs, dont plusieurs étrangers, ont laissé sans réponse la demande en communication de leurs manuscrits. Des mémoires d'un haut intérêt n’ont pu être in- sérés, au grand regret de la rédaction , parce qu'ils ne sont pas arrivés en temps utile à la lecture en Section. D’autres encore avaient été l’objet d'analyses tellement détaillées dans les procès- verbaux des Sections, que leur insertion aurait semblé faire double emploi ; c'est donc sur ces mémoires que la réduction pouvait porter avec le moins d'inconvénient. Sur d'autres, ren- DISCOURS PRÉLIMINAIRE. VIT voyés à des Commissions, les rapports n'ont pas élé fait aux Sections. Il en est même à l'impression desquels il a fallu re- noncer, par la difficulté de déchiffrer les manuscrits et par l'impossibilité qu'il y avait, vu les distances® à les soumettre aux interprétations des auteurs. Enfin, les règlements s'oppo- saient péremptoirement à l'insertion de travaux concernant des auteurs qui n'avaient pas fait partie du Congrès. Plus de quarante mémoires rentrent dans ces diverses catégories. Mais les travaux des Sections ont été loin de se borner à la lecture de mémoires. Dans toutes il a été fait des commu- nications orales aussi nombreuses qu'importantes, et ces com- munications ont donné lieu à des discussions qui ont habi- tuellement offert un haut intérêt. Mettre ces communications en lumière et présenter ainsi comme une table des matières des travaux littéraires du Congrès, était à la fois une çonve- nance et une nécessité , d'autant plus que les mémoires présen- tés au Congrés, imprimés ou non, devaient y trouver naturel- lement leur place, et que, de ce travail synoptique, devait res- sortir toute la variété et toute l'importance relative des travaux ‘ de chaque Section. Ces considérations ont motivé la rédaction du grand Tableau, qui résume exactement les Procès-verbaux du Congrès, et dontilforme le complément. Mais l'exécution 1y- -pographique de ces sortes de rédactions comporte des difficultés et exige du temps. Nous ferons la même observation au sujet des Tableaux résumant les résultats statistiques qui font suite à la double liste des membres du Congrès et des Sociétés et Cor- porations sayantes qui y ont adhéré, et nous trouverons dans ces soins divers des motifs nouveaux el bien puissants pour compter sur la bienveillante indulgence de nos lecteurs. Cependant, quelle qu'ait été la puissance des obstacles qui ont retardé la publication du Compte - rendu , nous n’en avons pas moins fait tous nos efforts pour nous conformer autant que possible au statut, qui veut que le Compte-rendu de la dernière Session soit soumis à la Session suivante, dès l'ou- verture de ses séances. En conséquence nous nous sommes empressés de faire parvenir à MM. les Secrétaires-généraux du Congrès d'Angers, dès les derniers jours du mois d'août, un certain nombre d'exemplaires des feuilles du Compte-rendu du Congrès de Strasbourg, imprimées à cette époque, et ces feuilles, au nombre de 41, dont 27 du premier volume et 14 du second, comprennent les Procès-verbaux des Séances géné- rales, ceux des six premières Sections et les Mémoires impri- més des (rois premières Sections. Le texte d'impression de notre vi DISCOURS PRÉLIMINAIRE. Compte-rendu est tellement compacte, que ces #1 feuilles con- tiennent à elles seules plus de matière qu'aucun des Comptes- rendus des Congrès précédents, sauf peut - être le Compte- rendu du Congr# de Lyon; preuve évidente qu’en dépit de tous les retards nous aurions réussi à satisfaire à nos obliga- tions dans les délais réglementaires, si celles-ci n'avaient pas été doublées par la masse immense des documents destinés à l'impression. Confiant dans la bienveillante équité des membres du Con- grès, nous terminons ici une justification, à laquelle nous n'avons recouru qu'à notre grand regret. Nous dirons peu sur la distribution des matières du Compte- rendu. À cet égard, les précédents étaient parfaitement établis et nous nous y sommes conformés avec empressement. Nous avons néanmoins cru devoir nous en écarter pour la place à assigner aux Procès- verbaux des Séances générales. Il nous a semblé que , dans l’interêt dela clarté ; il convenait d'insérer la suite complète de ces Procès-verbaux en tête des impressions du Congrès, dont ils retracent l'histoire morale , au lieu d’in- terrompre cette suite par l’intercalation des Procès - verbaux des Sections. Sans doute la chronologie des travaux en souffre; mais il serait difficile de satisfaire à ses exigences à moins d'imprimer tous les procès-verbaux les uns à la suite des autres, dans l’ordre de la tenue des séances, sans distinction de celles des Sections et de celles des Assemblées générales. Les publications provoquées par les décisions du Congrès ct les Procès - verbaux des Séances que deux Sociétés savantes de France ont tenues à Strasbourg pendant la durée du Con- grès, ont dû trouver place dans le Compte-rendu. Nous les avons insérés sous forme d’Appendice, à la suite des séances des Sections. L'ordre d'insertion des Mémoires, qui composent le second volume, aété habituellement celui même des questions du Pro- gramme auxquelles ces mémoires répondent. Les infractions à cette règle doivent être attribuées à la remise tardive des manuscrits. Les mémoires et lectures qui ne se rattachent à aucune question ont été classés à la suite, dans l’ordre de leur communication aux Sections. Il est enfin un petit nombre de lectures , exclusivement faites en séance générale, auxquelles nous avons dû conserver leur place dans les Procès-verbaux de l'Assemblée générale. Nous avons assigné la même place aux rapports sur les travaux des Sociétés savantes qui ont été communiqués au Congrès. DISCOURS PRÉLIMINAIRE. IX Nous avons compris dans la même liste nominative les mem- bres présents et les membres adhérents du Congrès, nous bor- nant-à désigner ces derniers par une astérisque. Nous y avons trouvé l'avantage de gagner de la place tout en évitant la con- fusion. D'ailleurs les Tableaux statistiques joints établissent les chiffres exacts'et sont soumis eux-mêmes au contrôle de la liste nominative. Nous demandons pardon de la longueur de ces détails sur la publication du Compte-rendu ; ils étaient devenus néces- saires pour expliquer le retard que celle-ci a éprouvé. Nous pourrions , nous devrions peut-être les compléter par l'histoire des entraves qu’à sa naissance le projet du Congrès avait ren- contrées dans notre ville, entraves par suite desquelles la transmission régulière des pouvoirs d'un Congrès à l’autre s'est trouvéé interrompue et a été nécessairement dévolue à l’élec- tion, contrairement aux usages invariablement consacrés par toutes les Sessions précédentes. Mais nous ‘croyons ne pas de- voir exposer une fois de plus les conséquences regrettables de la froidèur et du découragement systématique qui accueillent dans la province tout projet littéraire, tout mouvement intel- lectuel spontané, non, certes, parce que l'originalité de la pensée et la sincérité du zèle y manquent, mais parce qu’une douloureuse expérience semble lui avoir prouvé qu'elle se dé- battrait en vain sous les étreintes de la centralisation intellec- tuelle: Si Strasbourg , grâce à ses antécédents et à sa position, semble moins exposée à cette influence étouffante , il y a mal- heureusement dans cette supposition plus d'apparence que de réalité; car les services spéciaux qu’elle serait appelée à rendre à la cause des lettres ét du progrès intellectuel , ont habituel- lement-trouvé indifférence et même défaveur chaque fois que, dédaignant une coopération passive et subalterne, ces services se sont offerts sous l'inspiration de la spontanéité et empreints du cachet de l'individualité alsacienne. Rien d'étonnant dès lors qu’à l'annonce de la solennité littéraire dont le Congrès scientifique de Lyon entendait gratifier notre ville, les oppo- sitions aient été plus promptes à se manifester que les sympa- thies ,'et que les obstacles se soient dressés dans toute leur fan- tastique puissance. D'autre part, le calcul des éléments de succès comportait tant de chances et engageait si fort la res- ponsabilité, qu’on conçoit parfaitement la répugnance des positions officielles à se compromettre par la tentative. Mais ce calcul, pour être prudent, n’en était pas moins erroné, l'événement l'a prouvé d'une manière éclatante, et désormais X DISCOURS PRÉLIMINAIRE. la puissante vitalité intellectuelle de notre province et de notre ville aura cessé de faire question. C’est là le premier et un des plus précieux fruits du succès du Congrès de Strasbourg. Nous avons repris notre position d'intermédiaires intelligents entre deux grandes civilisations ; c'est à nous et à nos fils à veiller à la consolidation et au développement de notre patrimoine reconquis. Le Congrès scientifique de France nous arrivait avec de beaux, d'honorables antécédents. Neuf Sessions s'étaient écou- lées depuis sa création , fruit d'une pensée élevée éclose dans. un cœur généreux. Promenant sa bienfaisante activité de l’ouest, son intelligent berceau, au nord, au centre et à l’est de la France, il venait de tenir ses brillantes assises dans la seconde Capitale du royaume, et semblait avoir atteint l'apogée de son développement, grâce aux abondantes ressources de tout genre que cette illustre métropole lui avait offertes, et au dé- vouement des hommes qu'elle avait su mettre à son service. C'est entouré de ce prestige que le Congrès annonça sa pro- chaine apparition au milieu de nous. Si le renom de nos établisse- mentslittérairesl’autorisait à des espérances, il devait craindre, d'un autre côté, que l’excentricité de notre position topogra- phique ne lui devint dommageable, et que les distances ne fissent obstacle au concours de nos honorables compatriotes. Iostitution jusqu’alors exclusivement consacrée au culte des lettresfrançaises , ie Congrès scientifique de France pouvait-il se flatter de réunir sur l'extrême lisière du royaume un nombre suffisant d'hommes fervents pour y continuer avec succès ses utiles et patrioliques travaux ? Premier doute bien légitime, mais que l'événement a si heureusement dissipé. D'autre part, il était évident que par le seul fait de sa trans- lation parmi nous, le Congrès scientifique de France avait tendu une main fraternelle à la science étrangère. Fort de ses succès et parfaitement consolidé comme institution nationale, il lui tardait d'accomplir un progrès de plus, et de se mettre en communauté d'idées et de travaux avec les institutions semblables, qui avaient grandi et prospéré à l'étranger. Ce désir légitime , qui va si bien à notre nation , peuple d'initiative et d'élan, devait, dans l'intention du Congrès , trouver salis- faction dans une ville, qui semblait réunir tous les éléments historiques et littéraires propres à en assurer le succès. Ne rien négliger pour réaliser ces flatteuses espérances, tel devait être le premier devoir, la principale mission des ordonnateurs de la dixième Session. Ke - | DISCOURS PRÉLIMINAIRE. Y1 Mais celte grande tâche n’était pas exempte de chances défa- . vorables, ni de difficultés sérieuses. Nous ne parlons pas ici de difficultés matérielles, ni d'embarras d'exécution; de plus graves, de plus délicats intérêts étaient en jeu. Ne risquait- on pas de compromettre la fierté , nous dirions presque l'hon- neur national , par des avances qui ne seraient pas accueillies ? Et les irritations politiques n’étaient-elles pas assez récentes, n’avaient-elles pas été assez vives, pour susciter de légitimes craintes à cet égard ? D'un autre côté, la convocation solen- nelle des hommes de la science étrangère à une grande entrevue littéraire internationale était par elle-même un acte sans anté- cédent, et dont, comme tei, le succès devait être plus que problématique. Et cette invitation fût-elle écoutée, quel ac- cueil se ferait-on dans le domaine des idées? Les sympathies l'emporteraient-elles sur les antipathies ? La diversité des mé- thodes , la différence des langues permettraient-elles de créer des moyens satisfaisants de rapprochement et de communi- cation ? Questions graves, questions vitales, questions toutes neuves , dont la solution allait être tentée aux risques et périls de notre cité ; questions qui engageaient de la manière la plus directe la responsabilité de ceux qui s'étaient portés les garants du succès de la dixième Session. Cette Session a pris soin de les exonérer de ce lourd fardeau. Grâces lui en soient rendues! -C'est sous l'empire des légitimes préoccupations dont nous venons de rendre compte qu'ont été arrêtées les mesures spé- ciales par lesquelles le Congrès de Strasbourg a innové dans les dispositions réglementaires habituelles des précédentes Ses- sions. Elles expliquent entre autres le partage des travaux en huit Sections au lieu des six Sections réglementaires ; car il im- portait d'ouvrir et d'élargir le champ des discussions morales et philosophiques , quand on voulait inviter au tournoi la mé- ditative Allemagne ; il importait de réintégrer dans le cadre du Congrès les Sciences statistiques et économiques , quand il s'agissait d'intéresser aux discussionsles populations riveraines d'un fleuve, qui est l’une des grandes artères du mouvement commercial et industriel de l'Europe. Qu'on consulte les pro- cès-verbaux, et l’on verra l'intérêt populaire et général qu’ex- citérent les discussions des deux Sections correspondantes, et les fruits précieux qui en furent le résultat. D'autre part, il ne pouvait pas être question d'inviter à des conférences littéraires des étrangers distingués, sans pro- mettre en même temps accueil à leur langue et aux formes dans lesquelles s'exprime leur pensée. Si l'égalité de droit et XI DISCOURS PRÉLIMINAIRE. de rang avait disparu de la terre , elle devrait survivre encore dans la république des lettres, et cette égalité s'étend des hommes à la pensée et à ses formes. Cette conviction a dicté l'égale admission des langues cultivées de l'Europe dans la dis- cussion orale comme dans la rédaction des mémoires. Si l'urba- nité de nos honorables hôtes a usé avec une extrême discrétion de cette latitude légitime , la consécration du Droit n’en est pas moins acquise , et le lien d’un rapprochement intellectuel du- rable et régulier est formé. Au besoin, notre Compte-rendu en porterait un solennel témoignage, car il renferme un petit nombre de mémoires d'auteurs allemands, insérés dans la langue originale, moins sans doute pour ne pas compromettre, par l'essai d'une traduction, l'originalité de la pensée ou le mérite du style, que pour constater la parfaite égalité de traitement désormais assurée aux travaux de la science étrangère colla- borant avec la science française. Il restait encore à satisfaire sur un point essentiel aux légi= times prétentions des hôtes distingués que les ordonnateurs du Congrès étaient si jaloux de voir s'associer à la grande solen- nité qu'ils avaient mission de préparer : il fallait que le Pro- gramme des questions füt assez riche , assez varié , assez cosmopolite pour exciter leur intérêt et pour provoquer leur collaboration. D'illustres suffrages et la part prépondérante que nos conviés de France et de l'étranger ont prise aux tra- vaux du Congrès, semblent témoigner du succès avec lequel les Commissions spéciales, chargées de la rédaction des ques- tions , se sont acquittées de leurs importantes fonctions. Nous sommes fort loin de faire honneur à ces diverses mesures qui, à tout prendre, se bornaient à écarter des obs- tacles du beau succès de la dixième Session du Congrès. Des hommes graves, retenus pour la plupart par de sérieux de- voirs de carrière, ne se déplacent pas, ne franchissent pas de longues distances, n’imposent pas sileuce à des préventions provinciales ou nationales, quelle qu’en puisse être la valeur, uniquement pour répondre par un acte de courtoise bienveil- lance à une invitation qui leur vient de loin. Des Sociétés , des Corporations savantes sont moins disposées encore à y répondre, surtout quand la voix qui leur parle est inconnue, et que nulle relation établie ne les sollicite à y prêter l'oreille. Et pourtant les hommes graves, les hommes distingués n’ont pas fait défaut au Congrès de Strasbourg ! Et pourtant on les a vus affluer dans celte cité de tous les points de l'horizon, sans distinction de langue et de nationalité! Et pourtant des corporations sa- DISCOURS PRÉLIMINAIRE. XII vantes du Nord et du Midi, de la France et de l'étranger, ont fait acte d'adhésion affectueuse et empressée l une ex- pliquer ce remarquable phénomène, si ce n'est par la confor- mité parfaite de l'institution du Congrès avec les besoins, lesin- térêts, lesinstincts de notre temps? Comment ne pas reconnaître que cette institution est an produit nécessaire de notre époque, etque par cela même elle est appelée à de grandes destinées ? À voir ces humbles commencements , ces laborieux débuts, suivis-d’accroissements si rapides , en dépit des clameurs inté- ressées ou ridicules des adversaires; à voir cette popularité contagieuse qui propage l'institution d'un bout de l'Europe à l’autre, sans distinction de races ou de langues, l'observateur ne tarde pas à se convaincre qu'il y a plus ici qu'une affaire de caprice ou de mode, et qu'il s’agit même d'autre chose que de simples conférences entre hommes spéciaux sur les intérêts communs de leurs travaux et de leurs études. Nous ne préten- dons pas que l’illustre fondateur des Congrès, en convoquant modestement, il y a vingt ans, les naturalistes et les médecins de l'Allemagne à une première entrevue dans la ville de Leip- zig !, ait eu pleine conscience de toute la puissance de dévelop- pement que renfermait son idée féconde ; mais nous n’en af- firmons pas moins que c'était là une de ces idées inspirées dont la mission est d’influer sur les destinées de l'humanité. Si cette idée s'était présentée dès l'abord dans toute son ampleur et dans toute sa signification, elle aurait eu probablement peu de chance de triompher de l'énergie des oppositions qu’elle n'aurait pas manqué de rencontrer. Dans notre siècle à soup- çons, et dans lequel le génie de la police réussit trop souvent à se substituer au génie de la politique, les accusations antici- pées et les incriminations n'auraient pas manqué, et auraient étouffé dans son germe l'avenir de l'institution. Et pourtant quelle institution fut jamais plus inoffensive, plus exclusive- ment bienfaisante par ses résultats, plus cmt par son in- fluence , grâce à la gravité des hommes , à la pureté et à l’élé- vation des intérêts qui les réunissent, et à cette atmosphère de liberté intellectuelle et morale dans laquelle elle se déve- loppe ? Le Congrès de Strasbourg a fourni de nouveau l’éclatante 1 Le premier Congrès des naturalistes allemands réuni à Leipzig , en 1822, par le professeur Oken, son fondateur, comptait 20 membres ; le vingtième, celui réuni à Mayence en 1842, en a compté 980. — La première Session du Congrès scientifique de France convoquée à Caen , en 1833, par M. de Caumont, son fondateur, se com- posait de 313 membres et adhérents ; la dixième en a compté 1525. XIV ‘ DISCOURS PRÉLIMINAIRE. démonstration de cette vérité, la solennelle constatation de l'esprit de sagesse et de modération de notre temps, et de la puissante autorité que l'homme exerce sur lui-même quand il se sent libre et respecté dans ses légitimes tendances. Les questions délicates ont-elles manqué à la dixième Session ? L'actualité d'intérêt d’une foule de discussions a-t-elle poussé un seul orateur hors des bornès du respect de l'ordre et des principes ? La chaleur des débats a-t-elle donné issue à une seule prévention de nationalité, de culte, de parti politique ? Y avait-il une autre rivalité que celle des intérêts de l'in- telligence et de la vérité? d’autres empressements que ceux dictés par la courtoisie et par les affections bienveillantes ? Or cette expérience décisive sur la conformité parfaite de cette institution avec les besoins les plus intimes de l'époque, et sur la sagesse instinctive qu'elle inspire à ceux qui subissent son action, a été réalisée au sein d'une assemblée qui semblait devoir servir d'arène à tous les antagonismes , aux préven- tions et aux passions les plus contraires. Tant il est vrai que chaque époque a son génie propre , son mode propre de déve- loppement et d'action, et que ce génie, ce mode d'action portent en eux-mêmes leur règle et leur mesure , si leur marche n’est pas troublée par des entraves que des préjugés et la prudence surannée d'un autre temps inspirent et dirigent. Le succès soutenu de l'institution des Congrès répond victo- rieusement à un reproche bien grave qu'on fait souvent à notre siècle. De nos jours, dit-on , nul intérêt n'a chance de popu- larité et de succès qu’autant qu'il se rattache au bien matériel, au lucre et au gain; cet intérêt est seul assez puissant pour remuer les hommes et pour les faire agir. — Eh bien! qu'on essaye d'appeler, au nom de quelque intérêt matériel d'une nature bien palpable, le concours des hommes éclairés de toutes les parties de l'Europe; l’appel sera-t-il entendu? Nous en doutons fort par deux raisons, tlont l'une découle de l'ardent antagonisme qui divise les hommes, individus, peuples et classes, dans le domaine des intérêts matériels, et l'autre de l'absence d'affection, de sympathie et de con- fiance , que le fait même de cette concurrence entraîne habi- tuellement , alors qu'aucun intérêt plus élevé, plus pur, plus véritablement humain n'anime et n’ennoblit la lutte. Et n'est- ce pas au contraire ce prédominant intérêt qui est seul assez puissant dans notre siècle calomnié pour triompher des obs- tacles et pour unir et concentrer tous les efforts ? Et, à ce titre, l'institution des Congrès n'est-elle pas un des signes les moins DISCOURS PRÉLIMINAIRE. XV équivoques et les plus éloquents du temps pour indiquer dans quelle direction celui-ci a mission et instinct de se développer ? Ce grand, cet énergique, cet irrésistible intérêt où tend-il? que veut-il ? quelle est la devise inscrite sur sa bannière ? Où il tend? Au rapprochement , à la conciliation des indi- vidus , des classes et des peuples. Ce qu’il veut? La concentrafion des efforts de tous pour avancer l’œuvre commune de pacification , de travail, de lu- mières , de moralité, d'ordre , de liberté et de toute-puissance de la loi. Et la devise de sa bannière ? | La garantie à chaque individu de l'usage libre de ses moyens de travail, de propriété , de développement et de bien-être ; La solidarité et la réciprocité de concours et de garantie entre les enfants d’une même patrie, réunis par les mêmes sen- timents de loyauté, d'affection et de dévouement à leur com- mune mère, sous l'égide de lois équitables et d’une autorité forte, bienveillante et respectée ; Entre les peuples, la pratique d’un loyal respect des nationa- lités , fondé sur les sympathies communes de probité et de con- fiance , sur la puissance du symbole chrétien, sur l'identité des intérêts de l'intelligence, sur l'autorité d'une opinion publique dirigée à la fois par les lumières et par les convictions, et dé- gagée de l’alliage passionné et impur d’un patriotisme étroit et haineux ; en un mot, le respect sincère et vrai de l'individualité de chaque peuple dans toutes ses manifestations légitimes, et le concours empressé de tous à l'œuvre commune de civilisa- tion, qui tend essentiellement à émousser les aspérités, à écarter les obstacles , à doubler le succès de tous les efforts et à con- solider par l'harmonie la conciliation progressive de tous les intérêts. L'humanité marche d'un pas rapide dans la voie de ses nouvelles destinées ; il lui tarde de réaliser ses nobles et puis- santes aspirations, et elle sait les faire prévaloir sur les pas- _sions les plus impétueuses, sur les préjugés qui semblaient les plus invétérés. Voyez l'intelligente, la courageuse opiniâtrelé avec laquelle, depuis passé un quart de siècle, elle fait prédo- miner les intérêts de la paix sur les provocalions les plus répé- tées et les plus irritantes. Voyez avéc quelle force d'instinet les sympathies affectueuses rapprochent les populations, en dépit de vieilles rancunes, ou même des efforts d'une politique malha- bile, qui croit qu'il est de son intérêt d'isoler et de désunir. A côté du rapprochement moral et intellectuel, la conciliation sur XVI DISCOURS PRÉLIMINAIRE, le terrain de l'intérêt matériel et économique n'est-elle pas de- venue une question impérieuse pour les gouvernements, grâce avant tout à la persistance énergique de l'opinion européenne ?- Puis , sur un terrain plusélevé , l'Europe ne tend-elle pas avec une significative unanimité, autant que les différences de la civilisation le permettent, à reconstituer et à réchauffer. ses croyances, à développer et à assurer la satisfaction des besoins de l'intelligence, et à compléter les garanties dues à ces précieux intérêts ? Le Code des nations lui-même ne s'épure-t-il pas sous la puissante influence des idées nouvelles, qui savent im- poser aux gouvernements eux-mêmes les plus importantes concessions ? Et dans le régime intérieur des États, quelle n’est pas l’éner- gie irrésistible, avec laquelle la nouvelle humanité à su faire prévaloir la puissance des lois et l'intérêt de l'ordre, la pléni- tude des garanties civiles et politiques sur les passions les plus grossières et les plus contraires, sur les doctrines et les pré- tentions les plus extravagantes! La victoire est-elle assurée sur tous les points? Le moment est-il arrivé de s’abandonner à l'incurie, à la mollesse ? Nous sommes loin de le prétendre, mais nous maintenons que la tendance est irrésistible et qu’elle trace la marche du siècle avec une fatalité bienfaisante. A son tour, l'intérêt privé et individuel a éprouvé les pro- fondes atteintes des commotions contemporaines, et les luttes qui s’élevèrent dans son enceinte n'ont été ni moins vives, ni moins opiniâtres ; il s’en faut même qu'elles soient définiti- vement apaisées. Violemment foulé aux pieds par les excès qui marquèrent le début du dernier demi-siècle, mais réa- gissant à son tour contre cette oppression avec une vigueur qui avait appris à se jouer même de la morale et des lois, il sut se faire reconnaître, au retour de l’ordre, dans la sainteté de son droit, et dans l'actualité de possession qu'il avait su con- quérir. Seul capable de donner base et appui au nouvel ordre de choses qui succéda à l'anarchie , il trouva auprès du nouveau législateur garantie entière , ce qui était bien, mais en outre faveur exclusive, et cette faveur fut telle qu'elle devint le dogme fondamental de la politique nouvelle. C'est ici que sub- siste un germe de lutte d'une intensité puissante et dange- reuse , lutte qui ne peut être composée que par la sagesse com- binée du législateur et des populations , lutte dont nousévi- tons de préciser le caractère, parce que la vérité et la justice absolue ne sont d'aucun côté, et que ce n’est pas ici le lieu d'en développer les chances et les péripéties. DISCOURS PRÉLIMINAIRE. XVII Mais ce n'est pas seulement autour dela possession des biens matériels que s'est épaissie cette atmosphère d'égoïsme et d’ex- clusion ; les biens, les activités d'un ordre plus relevé en ont éprouvé à leur tour l'isolante atteinte. Dans le domaine des convictions morales et religieuses, l'âpre et l’exclusif esprit de secte et de domination , dans celui de l'intelligence, l’étroit et orgueilleux esprit de métier et de détail, sont venus relâcher les sentiments de bienveillance , d'affection , de concours, et l'individu s’est isolé à mesure même des progrès qu'il semblait faire dans les voies de sa vocation. De là ce mal moral im- mense que les hommes destinés à être les propagateurs de toutes les idées élevées, les instruments providentiels du développe- ment de l'humanité , perdant de vue leur mission auguste, et _rétrécissant leur horizon à mesure que la civilisation réclamait plus impérieusement leur bienfaisant concours, sont restés trop souvent au-dessous du rôle prédominant, auquel celle- ci les appelait, et ont vu ce rôle saisi par d’autres mains, qui s'en acquittaient dans des vues bien différentes de celles que la destination de notre espèce exige. Au lieu de saisir la grande unité de la science dans ses rap-- ports avec l’immortelle destinée de l'homme : au lieu de com- prendre l'intime et indissoluble relation entre la vérité intel lectuelle et la vérité morale, et la réaction incessante qui subsiste entre elles ; au lieu ; dès lors, de joindre leurs efforts sur leterrain du développement moral et social, et de s'inspi- rer de la sainteté de leurs missions respectives, ‘une entente fausse et incomplète de leur vocation, une jalousie aveugle et étroite les a fatalement poussés à se combattre, à s’affaiblir h à se-déconsidérer réciproquement, au moment même où la tâche commune que la Providence leur avait assignée deve- nait plus rude et plus ingrate, grâce à la prépondérance fatale à laquelle leur haineuse désunion avait appelé les âpres con- voilises des intérêts matériels. Il en est arrivé que le gou- vernement du monde ; leur domaine naturel, leur est échappé — le monde dira si:c'est à son avantage — et que, réduits à l'exploitation égoïste de leur. domaine rétréci, ils .ne figurent plus sur-le théâtre des intérêts vivants de l'humanité que comme des instruments plus ou moins habiles qui reçoivent l'impulsion ,-mais qui ne la donnent pas, et qui semblent n'a- voir plus ni idées ni inspirations à mettre au service des in- lérêts de la nouvelle société. Les hommes de métier, et des plus habiles, ne manquent pas, Srâce à Dieu, à l'industrie scientifique et littéraire ; tous les b XVIII DISCOURS PRÉLIMINAIRE. domaines lucratifs de l'intelligence sont explorés par d'infati- gables ouvriers, par d'ingénieux hommes de détail; le morcel- lement du sol moral et intellectuel dépasse celui du sol territo- rial, et il est labouré avec non moins d'intelligence , avec non moins d'ardeur, mais trop souvent aussi avec non moins d'Apreté et d'aveugle égoïsme; la petite culture, pauvre de capitaux, n’y prédomine que trop. Aussi cette industrie suffit-elle mer- veilleusement à toutes les commandes que lui fait l'intérêt privé poursuivant le comfort de la vie, ou que lui adressent les pas- sions assez riches pour payer leurs instruments , et elle s'em- presse d'autant plus à satisfaire tous les goûts, que, travail- . lant pour le détail et se bornant à manipuler , l'absence d'idées générales et de convictions élevées, qu'elle fuit, qu’elle redoute comme de fatales , comme d'importunes distractions , la laisse dans l'ignorance la plus absolue sur la moralité et les dangers de sa complaisante activité, La sagesse routinière moderne, si fatalement impuissante par suite de sa déplorable méprise sur les besoins, les instincts et les nécessités de la société contemporaine, semble s’aveugler sur les dangers de ce rétrécissement mesquin, de ce fraction- nement arbitraire, de cette direction mercantile de la science, apparemment parce qu'elle nourrit la funeste illusion qu'elle allégerait sa tâche en élargissant le champ de l’égoïsme maté- riel, en isolant les individus, en affaiblissant, en détruisant même les convictions et les affections communes. On conçoit parfaitement que dans cette voie, le savoir-faire, l'habile ma- niement des intérêts égoïstes continueraient à être de suffisants, d'admirables , d'infaillibles arcana dominationis. Mais l'humanité marche en dépit de tous les égoïsmes, en dépit de tous les aveuglements ; car Dieu la mêne, a dit un homme d'état illustre‘. Or, Dieu mène par les idées; celles-ci recèlent donc une force, disposent d'une puissance que l’on peut contester, mais qu'on ne détruit pas. Comme on nesait niles comprendre dans leur origine, ni lesdiriger dans leur influence, on prend bravement le parti de les nier ; mais comme elles ne s’en obstinent pas moins à être, el même à exercer une au- torité irrésistible sur les esprits, elles deviennent autant de leviers d’agitation , autant d'armes redoutables d'agression et de révolte entre les mains de l'ignorance brutale ou de l’au- dace factieuse. Schiller renvoie aux pieds de Jupiter le poëte fatalement oublié dans le partage des biens de la terre ; notre ! M. Guizot. DISCOURS PRÉLIMINAIRE. XIX siècle renvoie les idées générales , qui seules ont le secret de gou- verner et de moraliser les hommes , aux utopistes et aux agi- tateurs. On sait sous quelle forme elles nous en reviennent et quelles expérience#mous vaut celte prudente conduite. A leur place nous canonisons l'égoïsme et nous érigeons des autels au Dieu du succès ; c'est, pensons-nous , une idée générale comme use autre , et sur la foi de ce merveilleux talisman nous nous as- soupissons dans la plus profonde, dans la plus fatale sécurité. Avec des idées générales de cette force il est à craindre que la vieille morale ne soit plus de mise , et que ses maximes d'hon- néteté, de modestie, de patriotisme et de dévouement ne soient plus bonnes qu’à faire des dupes et des victimes. Or , ce double rôle, penible en tout temps, comporte en outre la fatale flé- trissure du ridicule aux yeux des hommes du savoir-faire, et on sait que pour eux le ridicule est pire que le crime; nous laissons donc à dire où peut conduire le culte de principes restés si évidemment en arrière des pratiques d'un monde qui se croit si habile et si éclairé. Que ferait-il, ce monde, de la science ramenée à son ôrigine divine , et qui va amarrer la frêle barque de nos destinées ici-bas aux rivages même de l'éternité ? de la science qui prétend trouver dans les profondeurs du cœur humain les titres de sa légitimité comme de la vérité de ses doctrines ? de la science qui ramène à l’auguste unité de notre destination toutes nos activités, tous nos désirs , tous nos ef- forts ? de la science qui rapporte toutes ses pensées et {ous ses travaux aux types éternels du bon, du juste, du vrai et du beau, moteurs exclusifs de son activité, régulateurs inva- riables de ses doctrines? de la science enfin qui n’a d’apo- théoses que pour le génie et qui n’a d'autre palme à offrir que celle de l’immortalité? Les écarts que nous venons de signaler avec douleur , mais avec conviction, sont d'autant plus déplorables, qu'à aucune époque de l’histoire la science n’a eu à remplir -un rôle plus auguste et plus puissant que celui que lui impose notre civilisa- tion actuelle. Dans notre siècle d'autonomie et d’individua- lisme , elle a le devoir sacré de répandre des lumières abon- dantes et vraies, de faire germer dans tous les cœurs des convictions justes et élevées , d’avoir des enseignements pour toutes les intelligences, des directions pour toutes les forces et pour toutes les volontés. Ce devoir repose sur ce phénomène remarquable et providentiel, qu'après la ruine de tous les moyens de direction et de contrainte , qui étaient autrefois en possession de conduire l’homme dans les diverses phases de XX DISCOURS PRÉLIMINAIRE. son existence, la supériorité morale et intellectuelle seule a vu son autorité de direction et d'influence solennellement re- connue par les générations contemporaines. Cette autorité, on pourrait la croire faible et éphémère , päfce qu 'eile semble n'avoir d'autre base que l’assentimenñt volontaire des indivi- dus ; mais elle n’en est que plus forte et plus irrésistible , car elle repose sur le besoin impérieux de direction et de lumières que l'homme éprouve avec d'autant plus de force, qu'il se trouve à la fois plus isolé et plus libre , plus indépendant et plus faible. Au défaut de guides et de tuteurs légaux , dont il supporte im- patiemment l'empire, il se met à la recherche de guides de son choix , et sa docilité croît en proportion de la vivacité du besoin qu'il en éprouve. S'il est dans notre siècle une royauté dont la légitimité ne fasse jamais question , c’est bien la royauté de la pensée et de l'intelligence. Pour elle, toutes les barrières s'abaissent, toutes les jalousies se.taisent , tous les orgueils fléchissent. Il y a donc dans le génie intime de notre temps quelque chose de plus fort que la vanité, de plus irrésistible que l'esprit d'indépendance et d'individualisme ; il y a l'instinct de nos nécessités les plus pressantes, il y a le sentiment de notre responsabilité envers nous-mêmes qui nous subjugue aux directions, que les intelligences éminentes peuvent seules nous prescrire. Nous obéissons par égoïsme raisonné. Cette puissance incontestée de l'intelligence, tout en offrant un moyen efficace deredressement des erreurs et des souffrances du temps présent, impose à la science morale le devoir rigou- reux de soumettre ses doctrines à une révision sévère, de les mettre en contact intime avec les besoins du monde contem- porain et de les faire pénétrer le plus possible dans les convic- tions et dans la vie pratique des populations. Le temps est passé où, affectant de se retirer dans le secret et le mystère, ellene s’énonçait qne sous forme d'oracle, et se croyait d'autant plus puissante et plus respectée qu’elle était plus inintelligible. Elle a, au contraire, tout à gagner à se faire accessible et populaire ; et elle y réussira à mesure qu’elle se rendra plus utile, qu’elle s’enquerra avec plus de sollicitude et de tact des besoins et des intérêts si complexes de notre nature. Jamais époque n’a été plus avide d'instruction, jamais les individus ne se sont préoc- cupés avec plus d'inquiétude de leurs besoins religieux, mo- raux et sociaux, jamais l'humanité tout entière n’a eu une conscience plus vive que la consolidation de ses destinées dé- pendait du triomphe définitif d’un petit nombre de principes dans le domaine des idées morales, religieuses et sociales. DISCOURS PRÉLIMINAIRE. xxI Ainsi c'est sur ce terrain que nous retrouvons la science comme le guide et comme l’auxiliaire le plus puissant de la civilisation nouvelle, la science qui éclaire l'individu, la science qui conduit les sociétés , la science qui rapproche et confond lesintérêts, la science enfin qui développe et fortifie les sympathies. Voilà pour elle des destinées qui, pour n'être pas nouvelles, n'en em- pruntent pas moins de la nouveauté, de la gravité et de la diffi- culté de la situation, une importance, une saintelé et un éclat dont clle n'était entourée à aucune autre époque de l’histoire. Mais cette science devenue, par une vocation providentielle, la modératrice et l’inspiratrice de la vie, doit être large et compré- hensive comme elle ; pratique, parce qu'elle doit guider l'homme dans la poursuite des intérêts légitimes, moraux et matériels que sa destination crée pour lui ; morale, parce qu’elle doit ins- pirer et diriger sa volonté ; populaire enfin etadaptée à tous les degrés de l'intelligence, parce qu'elle doit satisfaire à un besoin usiversel , et respecter dans {ous les hommes le type sacré de fraternité que la religion et la loi leur ont imprimé l'une et autre. Où reste-t-il place ici pour ce savoir fragmentaire et stérile, trop souvent aliment de vanité ou d'orgueil, humble instrument d'intérêts égoïstes et hostiles, arme d'agression et de lutte qui déchire les flancs de la commune mère, parce qu'il est détaché de ses bases morales et parce qu'il se rétrécit dans l'étroit horizon des exigences éphémères de la vie? Est-il, au contraire, une vocalion plus élevée, une influence plus puis- sante et plus pure, une mission plus bienfaisante et plus digne de respect que celle qu’assigue la science conçue dans ses rap- ports directs avec la civilisation et avec les intérêts de notre commune et immortelle destinée? Et dès lors est-il un but plus _noble de collaboration, un terrain plus fécond pour le déve- loppement de lumières, de sympathies, d'affections communes, un moyen plus puissant de consolider l'harmonie entre les de- . woirs, les intérêts et les tendances de l’homme, et les intérêts, les devoirs et les tendances de la société et de l'humanité? En nous livrant à ces déductions fondamentales sur les er- reurs comme sur les- besoins et les intérêts prédominants du monde contemporain, nous ne nous sommes pas écarté un seul instant du but que nous poursuivons, et qui est de faire res- sortir la conformité évidente de l'institution des Congrès avec le génie viril et réfléchi de notre temps. À chaque grande phase du développement de l'humanité cor- respondent certaines institutions, qui sont comme le produit . de l'épanouissement spontané de la vie morale des peuples, le b. XXII DISCOURS PRÉLIMINAIRE. sensorium de leur civilisation et de leur nationalité. La Grèce valeureusé ét poélique avait ses jeux nalionaux , joûtes à la fois guerrières et intellectuelles, ses couronnes nationales. Le moyen âge chrétien et chevalerésque manifestait sa puissante vitalité dans les conciles, dans l'enthousiasme des croisades et dañsles tournois, symboles de sa foi, de sa vaillance et de sa. mâle courtoisie. Nous n'avons pas la prétention d'indiquer les institutions destinées à remplir le même rôle dans la civilisation contemporaine; celle civilisation est trop complexe, trop neuve, trop enlacée encore dans les embarras dont elle tend à se dégager, pour qu'elle soit arrivée à l'expression nette de sa formule définitive et aux institutions qui consacreront son caractère. Maïs on n'en peut pas moins prédire avec confiance le sort influent réservé à l'institution des Congrès née de la double tendance providentielle de notre époque : la diffusion et la vulgarisation des lumières, le rapprochement moral des in- dividus et des nations par le développement des sympathies et par la fusion des intérêts. C'est dans cette double expression que réside sa force, c'est sous ce rapport qu'elle mérite à un baut degré de fixer l'attention du philosophe, du moraliste et de l’homme d'État. Nous tenons pour certain que celte relation est si étroite, qu'il y a cinquante ans encore les Congrès n’au- raient eu aucune chance de naître et de durer, et que leur dé- veloppement doit se faire parallèlement à celui des grands in- térêts de la science et de la civilisation actuelles. Si ces rappro- chements sont exacts, ils font pressentir la haute signification et l'importance pratique et historique à laquelle est appelée l'institution des Congrès. Et, en effet, est-il un seul des intérêts signalés dans les dé- veloppements qui précèdent qui ne trouve sa satisfaction rela- tive dans cette impulsion nouvelle et instinctive des individus à se réunir, à mettre en commun leurslumièreset leurs efforts, à se rapprocher par les sentiments et les affections, et à s'ins- pirer de convictions généreuses et communes? N'est-ce pas dans cette voie qu'ils réussiront le plus efficacement à conci- lier, à émousser, du moins, les prétentions exclusives des inté- rêts hostiles, à affaiblir, à dissiper même des préjugés haineux, et à substituer des sympathies communes aux luttes terribles el passionnées de l'égoïsme? Puis, des hommes sensés peuvent- ils entrer en contact de nos jours sans se préoccuper des inté- rêts communs de la stabilité, de l'ordre, du règne des lois? Ne sont-ce pas là de ces instincts qui s'entendent sans se parler, et qui sont d'autant plus puissants qu'on ne fait rien pour les | DISCOURS PRÉLIMINAIRE. XXII _excitér? De même, qu'y a-t-il de plus propre à stimuler et à épanouir le sentiment biénfaisant de la nationalité, la conscience de sa vitalité, de sa force et de son honneur que ces entrevues cordiales entre les enfants d'une même patrie qui viennent se réchauffer au foyer de lumières et d’affections communes ? Enfin , n'est-ce pas au moment solennel où ce sentiment élevé a atteint toute sa puissance, qu’il s’épure le plus volontiers , en se mettant en contact avec les nationalités étrangères, pour en apprécier avec équité.et noblesse la diguité et la valeur ? Ces entrevues entre nations ne se font-elles pas par l'élite des populations? Dès lors l'estime et l'affection ne naissent-elles pas spontanément? Puis, les auspices mêmes sous lesquels elles ont liéu, ne sont-ce pas ceux même des lumières et des convictions élevées? Toutesles circonstances ne viennent-elles pas conspirer pour écarter de ces solennelles rencontres tous les sentiments ignobles, tous les préjugés hostiles, toutes ies velléités désordonnées ? | Mais, d’une autre part, la science, à son tour, a tout lieu de : s'applaudir de l'influence bienfaisante des Congrès. On sait de quel prix est pour les hommes d'étude le contact personnel et l'échange, même rapide, d'idées avec ceux qui cultivent le même domaine de l'intelligence , et quelles précieuses étincelles jaillissent de ces communications fugitives. On sait encore com- bien sont utiles et féconds les encouragements dont les maîtres de la science honorent les talents naïssants, le mérite obscur et délaissé, les conseils qu’ils leur prodiguent , les directions qu'ils leur impriment. Ces services là , personne ne les mécon- paîl; c'est par eux que l'institution des Congrès exerce une influence si puissante sur le développement intellectuel des provinces , et qu’elle a conquis une si rapide popularité. Mais ils deviennent encore plus précieux quand ils s'échangent de peuple à peuple, par la mise en commun des idées, des mé- thodes, des travaux et des progrès accomplis. Eofin,— et c'est là le résultat le plus directement important des Congrès, — ils deviennent l'occasion pour la science de descendre de ses hauteurs, de se dépouiller de la rigidité de ses formes, de l'obscurité de ses abstractions, des allures dé- daïgneuses de l'esprit de spécialité, pour s’accommodeg aux . besoins et aux intérêts de la vie, et pour conquérir sur ce terrain une popularité, qui seule lui concilie l’autorité dont elle a besoin et l'influence civilisatrice qui est à la fois sa plus baute destination et sa plus glorieuse récompense. C'est ici que se fait le rapprochement entre les organes des diverses XXIV DISCOURS PRÉLIMINAIRE. branches de la science, et la fusion entre les classes savantes et les classes cultivées de la société ; entre la théorie et la pra- tique, entre la science et la vie. C’est donc ici que naît et se fortifie la véritable civilisation, et que les affections se déve- loppent parallèlement avec les intérêts. Évidemment, nulle autre institution ne pourrait remplacer les Congrès dans cette grande et bienfaisante mission. Dès lors il est permis de ne pas tenir compte du bizarre re- proche qu'onleur fait de rester inféconds pour les hautes théo- ries de la science. Ont-ils donc jamais eu la prétention de se substituer aux académies et aux corps savants sédentaires, de remplacer les élaborations lentes et patientes du génie indivi- duel, et de transporter sur lé terrain mouvant et capricieux d'une discussion animée les méditations graves qui essayent de surprendre les secrets de la nature, ou de l'intelligence et de la destination de l'homme? Non, les Congrès ont, nous ne di- rons pas mieux, mais tout autre chose à faire. Organes et auxiliaires des académies, ils ont à populariser et à introduire dans la pratique de la vie et des affaires les fruits précieux de ces travaux solitaires. Cela est si vrai que les Congrès seraient sans objet, qu'ils ne seraient pas possibles, s'il n’y avait pas des idées scientifiques et littéraires à mettre en commun. Qu'on cesse donc désormais de créer un antagonisme qui n'existe pas, parce qu'il serait contre nature , et que les Corps savants apprécient avec équité et bienveillance les services signalés que les Congrès sont appelés à leur rendre dans l'intérêt de la vulgarisation de leurs travaux et de la gratitude publique qui doit en être la récompense. Nous venons d'exposer les idées, sous l'influence desquelles la dixième Session du Congrès scientifique de France a été con- voquée et organisée. Ses résultats ont admirablement démontré la vérité de ces idées. Et d'abord l'inquiétude même qui avait présidé à l'émission de la circulaire de convocation, est venue se dissiper prompte- ment à la vue du grand nombre de lettres d'adhésion arrivant de tous les points de l'Europe, et des signatures distinguées qu'elles portaient. Ce résultat précieux a mis fin au triple doute sur la puissance de la sympathie dont dispose l'institution, sur l'estime dont elle jouit auprès des hommes spéciaux , sur la confiance en son efficacité pratique qu’elle inspire aux classes actives et cultivées de la société ; -— car l'absence d'une seule de ces conditions aurait suffi pour lui ôter sa valeur théorique ou son influence pratique. Mais, grâce à Dieu, l'institution DISCOURS PRÉLIMINAIRE. XXV n’a fait défaut sous aucun de ces rapports essentiels, et dès lors on avait la garantie de l'intérêt et du succès des travaux de la dixième Session. Si nous renvoyons avec confiance, pour appuyer ces assertions, aux tableaux statistiques qui font suite à la liste nominative , nous insistons avec un véritable orgueil sur la haute signification du Tableau récapitulatif des car- rières entre lesquelles se partagent les membres du Congrès présents à la Session. Il serait difficile d'imaginer une réunion aussi nombreuse , renfermant dans des proportions plus satis- faisantes des organes et des interprètes, de tous les intérêts vivants et essentiels de la science et de la vie pratique, et par conséquent des mandataires plus compétents pour les discuter. Et ce qui achève d'imprimer une haute valeur aux discus- sions de cette assemblée éminente, c'est qu’elle comptait des représentants distingués de presque toutes les nations de l'Eu- rope. Rien donc n’a manqué au Congrès de Strasbourg pour en faire une solennité hors ligne , dont le souvenir vivra dans la mémoire reconnaissante de l'Alsace. Le succès avec lequel le Congrès a porté son investigation sur des questions d'intérêt public et pratique, ressort des vœux aussi inombreux qu’importants qu'il a formulés, et qui ont été transmis par ses ordres au Gouvernement, près duquel ils ont trouvé un bienveillant accueil. — Quant à la valeur scientifique des discussions et des travaux , nous osons espérer que les Procès-verbaux et les nombreux Mémoires sur toutes les branches importantes des sciences, des lettres et des arts en rendront un favorable témoignage. La part que la science étrangère a prise à ces travaux a été si sérieuse et si active, qu'il lui revient un grand tiers sur les mémoires , notes et rap- ports insérés dans le second volume du Compte-rendu , outre son riche contingent dans les communications orales faites aux Sections. C’est un large, c’est un beau tribut, qui prouvemieux que tous les raisonnements avec quelle cordialité et quelle confiante sincérité les représentants de la science étrangère ont accueilli notre invitation et se sont associés à nos efforts. C’est sous l’i impression de ce zélé et loyal concours que le Congrès de Strasbourg a proclamé avec un vif empressement la création de la Société encyclopédique des bords du Rhin, dont la proposition avait été faite au sein de sa sixième Section par un professeur distingué de l’université de Fribourg (Bade). Il a imposé à cette Société la mission expresse de consolider et de développer par une institution stable cette cordiale collabo- ration de la science francaise et de la science étrangère, sur XXVI DISCOURS PRÉLIMINAIRE. la base d'une parfaite égalité et d'un respect absolu des na- tionalités. Outre le haut prix qu'il attachait à consacrer sa mémoire par une création de cette importance, le Congrès était justement préoccupé des services éminents que cette Société serait appelée à rendre à la cause des sciences et des lettres, non moins qu'à celle du rapprochement moral des populations dans l'intérêt de la civilisation et de la paix. — Ces vœux et ces espérances ont trouvé de l'écho hors du Congrès , notam- ment dans la presse allemande et suisse, et si des objections de détail ont été faites au projet d'organisation présenté par la Commission que le Congrès avait créée , la franchise des explications qui ont été fournies doit avoir prouvé aux contra- dicteurs , qu'entre gens animés des mêmes sentiments de loyauté et de dévouement à une œuvre de bien , il sera toujours facile de s'entendre sur les moyens d'exécution, quand il y a unani- mité de conviction sur l'utilité et la grandeur du‘but que l'on poursuit à efforts communs. Avec cela il était peut-être utile d'attendre la publication du Compte-rendu du Congrès pour reprendre avec énergie et suite l'organisation définitive de la Société encyclopédique des bords du Rhin; car nous espérons que ces volumes convaincront les plus incrédules de la parfaite et puissante sympathie et de l'affectueuse estime qui a relié entre eux tous les membres du Congrès , de l'identité de leurs vues sur les intérêts de la science , et de leurs vœux pour des rapports plus fréquents et plus intimes, enfin de l'esprit de parfaite égalité qui n'a cessé de dominer dans leurs relations. Le Compte-rendu n'aurait d'autre mérite que d'être le monu- ment authentique des sentiments qui ont animé la première , la grande, la solennelle entrevue des organes de la science et de la civilisation européenne, que déjà il serait digne d’un bienveillant accueil de la part de tous ceux qui savent appré- cier la valeur de ces graves intérêts et le sens profond de sem- blables manifestations. Nous entrerons d'autant moins dans plus de détails sur la conslitution définitive de Ja Société encyclopédique, que le Compte-rendu renferme , outre le texte de la proposition ori- ginaire de M. le professeur Buss, la circulaire publiée au nom de la Commission d'organisation, et les explications supplé- mentaires qui ont été fournies. Nous croyons seulement devoir ajouter qué nos honorables compatriotes de l'intérieur ont ac- cueilli avec beaucoup d’empressement la nouvelle création, dont tout démontre dès lors le facile et prochain succès. Ce succès trouve une puissante garantie dans le vote solennel DISCOURS PRÉLIMINAIRE. XXVII par lequel.le Congrès d'Angers vient d'associer ses vœux à ceux du Congrès de Strasbourg dans l'intérêt de la Société encyclopédique , dont il a apprécié l’utile mission avec un em- pressement patriotique, pour lequel notre vive gratitude lui est engagée. Avant de terminer, nous avons à nous acquitter d’une dette sacrée et toute personnelle envers ceux de nos honorables compatriotes dont les conseils éclairés et l’active coopération nous ont guidés et soutenus dans l’organisation de la dixième Session, et qui ont pris une part si active dans la conduite de ses travaux. La déférence el le respect nous interdisent de citer des noms et de prétendre distribuer des éloges. Mais il doit nous être permis de protester de nos profonds sentiments de reconnaissance envers des hommes en qui l'expérience acquise dans-la direction des Sessions précédentes se mettait au service du succès de la dixième Session avec autant de zèle que de bienveillance et de dévouement. Strasbourg, le 21 décembre 1843. G. Px. Hepp, Professeur à la Faculté de Droit , Secrétaire général de la dixième Session du Congrès, ÉiÀ SP Le ds mo bn do hd css k 1 nait dos rs envier de ae 2 NET RL TEE hé ‘a ñ 7 É sb ge (inv Hagens se d A (es tal @UR 45 pe à ani PATIO MEN ann aurait HN Da etre toraoranà) li sde ne agen ls pan EE js is a als lab sr TUTO UPEULT TOUL PR TRUE LE mt Bali Peur: DS oh p Ps as x OR 2 res "FA RUE 280 5 PTE ES oui as reed REA. + #18 We) DR Perl Ta ju: db 0 #i CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. DIXIÈME SESSION. CIRCULAIRE DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL. Monsieur, Par un acte de sympathie toute spontanée, auquel nous attachons un grand prix, l’Assemblée générale du Congrès scientifique de France, dans sa neuvième Sessicn, tenue à Lyon, en septembre 1841, a désigné la ville de Strasbourg comme le siége de sa dixième Session. Cette honorable dis- tinction nous impose de grands devoirs : nous ferons tous nos efforts pour ne pas y faillir. En transférant dans notre ville une réunion périodique des savants et des liltérateurs de France, qui, dès les premières années de son existence, a tant fait pour ranimer dans les provinces le goût des lettres, des études sérieuses et des tra- vaux utiles, l’Assemblée de Lyon a sans doute pensé que la position centrale de notre ville entre deux grands pays, lo développement de nos institutions savantes et littéraires, la richesse de nos musées, de nos bibliothèques, de nos collec- tions universitaires, et l'importance de nos autres établisse- ments publics, offriraient à la dixième Session des ressources nouvelles et abondantes pour le succès de ses utiles travaux. D'autre part, les imposants monuments de notre cité, les curieux débris d’art et d’antiquités qui jonchent un sol foulé par vingt peuples, de races et d’origines diverses, dont chacun _a laissé des vestiges durables et curieux, recommandent puis- . Samment nos contrées aux savantes recherches de l’archéo- 1 2 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. logue et de l'artiste. Placée au cœur de la vallée du Rhin, théâtre de tant de révolutions dans l’ordre physique, l’Alsace offre un vaste champ aux curieuses explorations du géologue et du naturaliste. La fécondité de son sol, la variété des pro- duits que l’agriculture, depuis longtemps en progrès, sait en obtenir, et celle non moins grande des branches d'industrie, sur lesquelles l’activité alsacienne s’exerce avec tant de suc- cès, attirent à un haut degré l'intérêt de l’agronome, de l'in- dustriel et de l’économiste. L’historien et le moraliste , à leur tour, trouvent à exercer leur utile sagacité dans l’étude de l’influence que le mélange des races, des cultes, des lé- gislations a produite sur les mœurs et les idées d’une popu- lation qui, à en juger par la sagesse de ses vieilles institu- tions, la grandeur de ses monuments et l’importance des inventions qui se sont accomplies dans son sein, n’a pas toujours fait défaut au rôle qu’elle avait à remplir dans l’œuvre de la civilisation et du progrès. Ainsi, quelle que soit la spé- cialité de l’observateur et de l’homme d’étude, notre pro- vince offre des objets dignes de captiver son attention et de stimuler ses travaux; et ce n’est ni l’abondance ni la variété des matériaux qui manqueront à la dixième Session pour marquer sa place dans l’histoire du Congrès scientifique de France. Mais peut-être une tâche plus élevée encore semble im- posée à celte réunion, Profitant de Ja faveur de sa situation, au point de contact et d’intersection des populations du Gon- tinent européen les plus avancées dans la culture des lettres et des sciences, la ville de Strasbourg, cosmopolite dans le domaine de la pensée et des formes que celle-ci revêt, paraît, plus qu’une autre, propre à servir de lieu de rendez-vous aux interprètes éclairés de ces nationalités diverses, pour s’y ren- _dre respectivement compte des progrès intellectuels accom- plis, et pour s'entendre sur les bases et les procédés d’une collaboration désormais plus intime, plus sympathique et plus active. Le contact personnel, dont la dixième Session est principalement destinée à leur fournir l’occasion, ne pourra que resserrer les liens d’estime et de confraternité entre les hommes distingués des diverses régions de l’Europe civilisée. Des préjugés décrépits, des préventions sans objet - DIXIÈME SESSION. 5 disparaîtront devant ce cordial échange d'idées et de lumières dont la république des lettres a constamment conservé le précieux secret, parce que l’égoisme n’a rien à voir dans les nobles travaux et les généreux efforts qui ont pour der- nier but l’avancement de l'intelligence et l’amélioration de notre commune destinée, S'il nous était permis de porter nos regards encore plus haut, ne pourrions-nous pas rattacher à cette grande solen- nité litléraire et scientifique le bienfaisant espoir d’une nou- velle ère de rapprochement et de mutuel accord entre les - populations qui, de nos jours surtout, se conduisent si vo- lontiers sur l’exemple des hommes éminents par la pensée? N’est-il pas naturel d'espérer que les liens intimes, que vont nouer entre eux ces hommes éminents, les constilueront les propagateurs des idées de paix, de conciliation et de bien- veillance, et que leurs paroles prévaudront sans peine contre de vieilles rancunes et de récentes excitations ? Ne leur sera- t-il pas facile de faire comprendre les nouvelles nécessités morales, industrielles, sociales et politiques, qui imposent à des peuples rapprochés par tant d'intérêts une union plus intime de leurs tendances ct de leurs efforts, pour satisfaire les intérêls nouveaux et compliqués que la sagesse providen- tielle a créés au monde contemporain ? Jamais réunion plus imposante par le mérite des hommes et par la pureté et l’é- lévation du but qu’ils poursuivent n’aura concentré plus d’é- léments de rapprochement et de pacification; et si la dixième Session du Congrès réalise les espérances généreuses qu'il est permis d'en concevoir, la science et l’humanité auront un égal droit de s’applaudir de ses travaux. Les hommes chargés d’organiser celie imposante solennité se sont vivement pénétrés des devoirs que cette mission leur impose, Dans la rédaction des questions du programme, comme dans celle des dispositions réglementaires, ils ont été incessamment préoccupés de Ja nécessité de faire une large part aux travaux des savants étrangers, sur la bienvyeillante collaboration desquels tout les autorise à compter, De nom- breuses questions sont de nature à fixer leur attention et à meltre en lumière la science étrangère dans les différentes branches du savoir humain. La prolongation éventuelle de À CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. la Session au delà de la durée réglementaire est exclusive- ment calculée dans l'intérêt des lectures et des communica- tions intéressantes que nous altendons de nos savants hôtes. En leur réservant expressément le droit de se servir, à cet effet, de leur langue nationale, nous n’avons, à la vérité, rempli qu’un devoir de courtoise hospilalilé, mais en même temps nous élions sûrs que la science française nous saurait gré d’avoir écarté un obstacle qui aurait pu entraver d’une manière fâcheuse la facilité et l’abondance des communi- cations. Dans la prévision flatteuse d’un concours nombreux de savants étrangers à la France, l'Administration du Con- grès de la dixiéeé Session s’est même réservé la faculté d'autoriser, s’il y a licu, en dehors des dix séances, que les règlements consacrent spécialement à chaque session, un pe- Lit nombre de séances exclusivement réservées aux lectures et aux discussions en langues étrangères. De celte manière tous les obstacles sont aplanis, et rien ne s’opposera dans les communications, que la dixième Session du Congrès scien- tifique a mission de provoquer, à la plus large mise en com- mun des trésors intellectuels de notre époque. En ne négligeant aucun effort pour préparer un bon et cordial accueil aux savants, aux littérateurs et aux artistes étrangers, l'Administration de la dixième Session croit s’ac- quitter d’un grand devoir envers les savants, les littérateurs et les artistes de France. Ménager à ceux-ci une grande et solennelle entrevue avec les hommes distingués qui fécon- dent à l'étranger les divers domaines de la science et de l’art, c'est aliefaire cet impérieux besoin qui pousse, depuis un quart de siècle, les intelligences françaises à s’enquérir des progrès accomplis Aiéare C’est leur offrir en même temps, et particulièrement aux hommes studieux qui vivent loin de toute émulation au fond de nos provinces, une précieuse occasion de faire connaître leurs travaux, et de se mettre en contact d'idées et d’efforts avec tous ceux qui partagent leurs tendances. La facilité et la rapidité des communications, qui lient notre ville aux diverses provinces de la commune pa- trie, et qui la rapprochent en même temps des pays étran- gers les plus fréquemment visités par le$ voyageurs, nous font espérer que l’obstacle des distances ne sera pas allégué DIXIÈME SESSION. B par nos honorables compatriotes pour justifier leur absence de la dixième Session. L'époque même de l’ouverture de celle-ci a élé calculée de manière à coïncider avec les loisirs des savants étrangers, et à ménager aux hommes universi- taires de France la libre disposition du mois de septembre, dans l'intérêt de leurs excursions. Nous sommes donc en droit d’espérer que nos compatriotes accueilleront avec bien- veillance l'invitation empressée que nous leur adressons. Qu'ils n’oublient pas que la science francaise doit se pré- senter en phalange serrée dans ce solennel rendez-vous des représentants de la science européenne, et que, pour un peuple avide de palmes, il n’en est pas de plus glorieuses que celles qui sont cueillies dans le champ de l'intelligence. Les savants, les lillérateurs et les artistes de Strasbourg et de l’Alsace promettent de s’acquilter, par les plus cons- cisncieux efforts, du rôle modeste, mais important, qui leur est imposé. Interprètes empressés ei fidèles des penseurs et des hommes d’étude et de science, que leur vieille cité sera si fière de réunir dans ses murs, ils ne négligeront rien pour leur rendre à lous le séjour parmi eux aussi fructueux et aussi agréable que possible; heureux si, à la faveur des larges communicalions intellectuelles et lilléraires, que la dixième Session du Gongrès scientifique de France doit provoquer, ils pouvaient troaver, dans l’active bienveillance de leurs nobles hôtes, de précieux encouragements pour reprendre, avec une nouvelle ardeur et avec quelque chance de succès, la noble mission dont ils ont hérité, d’être les intermédiaires et les truchements lilléraires des deux grands peuples aux- quels, de tout temps, la destinée de leur province a été liée. Les mœurs hospitalières de notre population, et l'intérêt bienveillant sur lequel nous sommes en droit de compter de Ja part de toutes nos aulorités, pour le succès de la dixième Session du Congrès, deviennent pour nous des molifs nou- veaux et bien puissants d’impulsion et d'encouragement; et c’est avec confiance que nous vous adressons, rte la prière de vouloir bien adhérer à la dixième Session du . Congrès scientifique de France, dont nous avons l’honneur de joindre sous ce pli le programme renfermant les questions qui seront soumises à l’examen du Congrès. Nous nous em- 6 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. pressons, cependant , d'ajouter que nous recevrons avec re- connaissance les nouvelles questions que vous voudrez bien nous communiquer, el qui trouveront place dans un pro- gramme supplémentaire avec toutes celles que nous devrons à l’obligeance des personnes qui s’associeront aux travaux du Congrès. J’ai l’honneur de vous offrir, Monsieur , l’expression de ina haute considération. Le Secrétaire-Général de la dixième session , G. Ps. Hzgpp, Professeur à la Faculté de droit. P. S. L'ouverture du Congrès est fixée au 28 septem- bre 1842. EXTRAIT DE L'ARRÊTÉ PRIS EN ASSEMBLÉE GÉNÉRALE PAR LA NEUVIÈME SESSION, TENUE EN SEPTEMBRE 1841, A LYON. . ARTICLE 1°. « La dixième Session du Congrès scientifique de France se tiendra à Strasbourg, en 1849.» Li Signé : pe Gaumonr, premier Vice-Président , Comanon», Secrétaire général. CIBLE DIXIÈME SESSION. si PROGRAMME ARRÊTÉ PAR LA COMMISSION CENTRALE DE LA DIXIÈME SESSION. LI DISPOSITIONS RÉGLEMENT AIRES. Art. 1°. La dixième Session du Congrès scientifique . France s'ouvrira à Strasbourg, le 28 deptaribhe 1842 ; midi, dans l’une des salles du Château royal. Art. 2. Tous ceux qui s'intéressent aux progrès des scien- ces, des lettres et des arts, et plus spécialement les personnes qui ont déjà fait partie du Congrès scientifique dans les sessions précédentes, sont invités à s'associer aux travaux de la dixième Session. Art. 5. Les Académies et les Sociétés savantes de France sont priées de communiquer au Congrès la Statistique de leurs travaux, et de s’y faire représenter par un ou plusieurs de leurs membres, Art. 4. Les travaux du Congrès seront répartis en huit sections : 17, — Histoire naturelle. 2% — Sciences physiques et mathématiques. 3°. — Sciences médicales. 4%. — Agriculture, Commerce, Industrie, Statistique, Sciences économiques. 9°. — Archéologie, Philologie, Histoire. 6°. — Philosophie, Éducation, Morale, Législation. 7 — Littérature francaise et bits. étrangère. 8°. — Beaux-Arts, Architecture, Histoire de l'Art, Art. 5. La durée de la Session sera de dix à quinze jours?. ! Décision prise au Congrès de Metz, en 1837. 2 Latitude réservée dus! l'intérêt des travaux des savants étrangers. 8 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Art. 6. A l’ouverture de la première séance, on nommera le Président et les trois Vice-Présidents du Congrès, qui, avec les Secrétaires généraux, formeront le Bureau central. Chaque Secrétaire inscrira dans sa Seclion tous ceux qui désireront en faire partie. On pourra se faire inscrire dans plusieurs Sections à la fois. Art. 7. Chaque Section, le lendemain de l’ouverture du Congrès , nommera son Président, ses deux Vice-Présidents, et un ou deux Secrélaires adjoints. Art. 8. Les Sections s’assembleront chaque jour. Elles fixeront à la première réunion la durée de leurs séances. Elles pourront, dans l'intérêt de leurs travaux, se distribuer en Sous-Sections. L'ordre d'ouverture des séances des Sections sera indiqué sur une carle parliculière, qui sera remise à chaque membre du Gongrès. Art. 9. Chaque jour , à trois heures précises après midi, il y aura assemblée générale de toutes les Sections. Le Se- crélaire général lira le procès-verbal de la séance de la veille; les Secrétaires des Seclious donneront lecture des procès-verbaux des séances particulières tenues dans la ma- tinée. La lecture des procès-verbaux des Sous-Seclions aura lieu danslés Sections dont elles dépendent. La séance de l’as- semblée générale sera ensuite consacrée à des lectures de mé- moires et à des communicalions verbales. Art. 10. Nul ne pourra prendre la parole à une séance sans l’aulorisalion du Président. Art. 11. Aucune délibération ne sera prise, soit dans les Sections, soit en assemblée générale, à moins que le Liers des membres inscrils ne soit présent. Art, 12. Toute discussion sur la religion et la politique est interdite. Art. 13. Aucun travail ne sera lu en séance générale qu'a- près qu’il aura élé approuvé par la Section à laquelle il res- sortit. Art. 14. Les savants et les littérateurs étrangers pourront lire des mémoires et discuter au besoin en d’autres langues que la langue française. Art. 15. Les membres ont, outre le droit de communi- quer des travaux, celui de présenter des questions autres que DIXIÈME SESSION. 9 celles du programme; mais ces questions devront être préa- lablement déposées sur le bureau en séance générale. Elles seront examinées le soir même par la Commission perma- nente, qui jugera si elles peuvent être admises. Le résultat de la délibération sera communiqué le lendemain aux Sec- tions compétentes. ; Art. 16. La Commission permanente est composée des Membres du Bureau central, du Président et du Secrétaire de chaque Section. Art. 17. Des excursions scientifiques pourront avoir lieu pendant et après la tenue du Congrès. Art. 18. Tous les membres régnicoles s’engagent à verser entre les mains du Trésorier une somme de dix francs, qui leur donne droit à un exemplaire du comprE-RENDu des tra- vaux de la Session. Art. 19. Ce comrre-Renpu sera publié par les soins des Secrétaires généraux et des Secrélaires de chaque Section. Art. 20. Les personnes empêchées de se rendre au Con- . grès, pourront, de même que celles qui y assistent, présen- ter des mémoires sur les diverses questions contenues dans le Programme, ou sur tout autre sujet relalif aux travaux de l’une des Sections, sauf, dans ce dernier cas, à se confor- mer à l’art. 15 ci-dessus. Art. 20. Avant de se séparer, le Congrès fixera la date et le lieu de la onzième Session. . Art. 21. Toute difficulté non prévue par les présentes dis- positions sera soumise à la Commission permanente. Art. 22. Chaque Membre du Congrès signera le présent Règlement en relirant sa carie d’entrée. Signé : G. Pu. Hsrr, Secrétaire général. Escngacu, Secrétaire général adjoint. Foncrr, Secrétaire général adjoint. Juxc, Secrétaire général adjoint. SILBERMANN, Secrétaire général adjoint, Trésorier. 10 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. IL. ADMINISTRATION ET ORGANISATION. 1. PERSONNEL CHARGÉ DES TRAVAUX PRÉPARATOIRES"!, SECRÉTARIAT GÉNÉRAL. Secrétaire général du Congrès. M. Herr, professeur à la Faculté de Droit. Secrétaires généraux adjoints. MM. Escngacu, professeur suppléant à la Faculté de Droit? Forcer, professeur à la Faculté de Médecine; June, professeur à la Faculté de Théologie, bibliothé- caire de la ville; SILBERMANN , imprimeur, conseiller municipal, tré- sorier. SECRÉTAIRES DES SECTIONS. 1e Section. MM. LereBoucLer, professeur à la Faculté des Sciénces ; "2 — Farceaup, professeur à la même Faculté; y Sroger , agrégé à la Faculté de Médecine, médecin des hospices ; 4 — Boœrscu, docteur en médecine, conseiller municipal ; Re Spa cu (Louis), archiviste du département ; 6 — Wii, inspecteur de l’Académie ; 1 Pour plus de clarté et pour évitér de trop nombreuses répétitions , le tableau complet de l’organisation du personnél, telle qu’elle es sortie des élections, soit avant, soit durant la réunion du Congrès, doit trouver sa place ici. Ce tableau est divisé en deux parties: il com- prend d’abord le personnel chargé des travaux préparatoires; puis, le Personnel appelé à diriger les délibérations du Congrès. 2 L'ordre alphabétique a été observé dans toutes les désignations de personnes insérées dans ce Compte-rendu. Les personnes dont le domi- cile n’est pas indiqué résident toutes à Strasbourg. PROPRES LE, Ty. DIXIÈME SESSION. 41 7° Section. MM. Bercuanx, professeur à la Faculté des Lettres ; 8 — Reiser fils, architecte. COMMISSION CENTRALE. Cette Commission se compose : Du Secrétaire général ; Des Secrétaires généraux adjoints ; Des Secrétaires des Sections. COMITÉ DES ADHÉSIONS ET DES RÉCEPTIONS. MM. Anonssoun, agrégé à la Faculté de Médecine, mé- decin consultant du Roi; — Bizzy (DE), ingénieur en chefdes mines; — Brucx, doyen de là Faculté de Théologie; — Cor- rARD , ancien recteur de l’Académie; — Coze, doyen de la Faculté de Médecine; — Daurér, ingénieur des mines, pro- fesseur à la Faculté des Sciences, Secrétaire; — l'abbé Dre- TRicu, docteur en théologie, professeur au Grand-Séminaire ; — Eurmann, professeur à la Faculté de Médecine; — Fée, professeur à la Faculté de Médecine et à l'hôpital militaire d'instruction , Président; — Fries, architecte de la ville; — l'abbé Frirscn, ancien directeur du Grand-Séminaire; — Gocvzz, chef d'institution; — HicxkeL, avocat; — KLorz, architecte du département; — LAurenT, capitaine d’état- major; — LEGrou, ingénieur des ponts et chaussées; — Mi- CHELLE, recteur de l’Académie; — OpPPERMANN, professeur à l’École de pharmacie; — Psnsoz, directeur de l’École de pharmacie, professeur à la Faculté des Sciences; — RauTer, doyen de la Faculté de Droit; — Reuss, professeur à la Fa- culté de Théologie; — ScaimPer, conservateur du Musée d'histoire haturelle; — Scauxé, docteur en médecine; — ScaurzenserGer, professeur à la Faculté de Droit, Maire de’ la ville de Strasbourg; — J. SencENwaLD, négociant; — Srœæss, docteur en médecine; — TaizLAnDiER, professeur suppléant à la Faculté des Lettres. 12 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. COMMISSIONS NOMMÉES PAR LES SECTIONS pour rédiger les questions du Programme, de concert avec MM. les Secrétaires. PREMIÈRE SECTION. Zoologie: MM. Bæœckel (Théodore), docteur en médecine ; Ehrmann, professeur à la Faculté de Médecine; fée, professeur à la Faculté de Médecine; Silbermann, impri- meur, membre de la commission administrative du Musée d’histoire naturelle. Botanique: MM. Buchinger, inspecteur des écoles primai- res; Fée, professeur à la Faculté de Médecine; Kirsch- leger, professeur à l’école de pharmacie; Schimper, con- servateur du Musée d'histoire naturelle. Minéralogie et Géologie: MM. de Billy, ingénieur en chef des mines; Daubrée, professéur à la Faculté des Sciences; Fargeaud, professeur à la Faculté des Sciences; Schin- per, conservateur du Musée. DEUXIÈME SECTION. Commission unique: MM. Daubrée, professeur à la Faculté des Sciences; Langlois, professeur à hôpital militaire; Laquiante, ancien capitaine du génie; Persoz, professeur à la Faculté des Sciences, directeur de l’École de phar- macic; Rameaux, professeur à la Faculté de Médecine. TROISIÈME SECTION. Médecine et Anatomie: MM. Bæœckel (Théodore), docteur en médecine; Ehrmann, professeur à la Faculté de Mé- decine; lorget, professeur à la Faculté de Médecine; Tourdes fils, professeur à la Faculté de Médecine. Chirurgie et Accouchements: MM. Aronssohn, médecin consultant du roi; Bach, agrégé à la Faculté de Méde- cine; Boyer, professeur à la Faculté de Médecine; Ehr- mann, professeur à la Faculté de Médecine; Rigaud, pro- fesseur à la Faculté de Médecine; Stæss, docteur en médecine. Pharmacie: MM. Fahlmer, pharmacien; Heydenreich, phar- DIXIÈME SESSION. 15 macien; Oberlin, professeur à l'École de pharmacie; Op- permann, professeur à l’École de pharmacie. QUATRIÈME SECTION. Commission unique: MM. Husson, inspecteur de la culture des tabacs; Münch, directeur de l’école industrielle ; Saum père, négociant; Sengenwald (Jules), négociant. CINQUIÈME SECTION. Archéologie: MM. Bergmann, professeur à la Faculté des Lettres; Fries, architecte de la ville; Jung, professeur à la Faculté de Théologie, bibliothécaire de la ville, Philologic: MM. Bergmann, professeur à la Faculté des Lettres; Berneaud, professeur au Gymnase; Reuss, pro- fesseur au Séminaire protestant. Histoire: MM. Bader, homme de lettres: Baum, professeur adjoint au Séminaire protestant; Levrault, contrôleur au change à la Monnaie; Ræhrich, pasteur; Schmid, pro- fesseur à la Faculté de Théologie. SIXIÈME SECTION. Philosophie et Morale: MM. Bruch, doyen de la Faculté de Théologie; Busch (Frédéric), propriétaire; Hickel, avocat; Richard, professeur à la Faculté de Théologie; Schwebel, licencié en Théologie; Taillandier, professeur suppléant à la Faculté des Lettres. Enseignement et Éducation : MM. Fritsch (Pabbé), ancien directeur du séminaire diocésain; Fritz, professeur à la Faculté de Théologie; Goguel, chef d'institution: Kreis (Théodore), professeur au séminaire prolestant ; Michelle, recteur de l’Académie; Schmidt, professeur à la Faculté de Théologie. Législation: MM. Aubry, professeur à la Faculté de Droit; Catoire, substitut du procureur du roi; Eschbach, pro fesseur suppléant à la Faculté de Droit; Lauth, juge de paix; Rauter, doyen de la Faculté de Droit; Schützenber- ger, professeur à la Faculté de Droit, maire de Stras- bourg. 14 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. SEPTIÈME SECTION. Commission unique : MM. Goguel, chef d'institution; Hickel, avocat; Lehr (Paul), propriétaire; Levrault, contrôleur au change à la Monnaie; Schmidt, professeur à la Faculté de Théologie; Spach, archiviste du départe- ment; T'aillandier, professeur à la Faculté des Lettres. HUITIÈME SECTION. Comanission unique: MM. Berg, professeur de musique ; Bruch, doyen de la Faculté de Théologie; Kirstein , sta - luaire; Xratz, ancien notaire; Perrin, srehiféctes Stuber, architecte; Weyer, architecte. COMMISSION DES LOGEMENTS. MM. Bucmnezr, sous-inspecteur des écoles primaires; — Carome, substitut du procureur du roi; — Gimez (ne), con- trôleur des contributions directes; — HorrerT, chef d’insti- tution, à Lyon; — F. Laurn, docteur en médicine; — Mar- cHaL, fils, chirurgien en chef des hospices; — OBEruin, professeur à l’école de pharmacie. 2, PERSONNEL CHARGÉ DE LA DIRECTION DES DÉLIBÉRATIONS DU CONGRES, BUREAU CENTRAL. Président du Congrès. M. Caumonr (px), de Gaen, correspondant de l’Institut , fondateur du Congrès scientifique de France ; Vice-présidents. MM. B. Berrinr, président de la Faculté et de la Société médico-chirurgicale de Turin; BoussinqauzT , membre de l’Institut (Académie des Sciences) à Paris; Juczien, de Paris, fondateur dela Revucencyclopédique; Scaanow (pe), directeur de l'Académie des Beaux-Arts à Düsseldorf; DIXIÈME SESSION. 15 Secrétaires. Le Secrétaire général du Congrès ; Les Secrétaires généraux adjoints. COMMISSION PERMANENTE. Cette Commission se compose : . Des membres du Bureau central. Voy. ci-dessus. . Des présidents des Sections. Voy. ci-après. . Des Secrétaires des Sections. Voy. ci-dessus p. 10. QI NO = BUREAUX DES SECTIONS. PREMIÈFE SECTION. Président : M. Duvernoy , correspondant de l’Institut, pro- fesseur au Collége de France à Paris; Vice-présidents : M. Mougeot père , docteur en médecine à Bruyères. — M. Brehm, pasteur à Renthendorf (Saxe). — M. Simon (7.), vice-président du tribunal, président de la Société d'histoire naturelle, secrétaire général de la cinquième Session du Congrès scientifique , à Metz. Secrétaire : M. Lereboullet, professeur à la Faculté des Sciences. Secrétaires adjoints! : M. Kérschleger, professeur à l’École de pharmacie; pour la botanique. — M. Schimper, con- servateur du Musée d'histoire naturelle; pour la géologie. DEUXIÈME SECTION. Président : M. Boussingault, membre de l’Institut (Aca- démie des Sciences), l’un des vice-présidents du Congrès. Vice-présidents : M. de Haldat, correspondant de l’Institut, directeur de l’École de Médecine à Nancy.— M. Kupffer. membre de l’Académie impériale de Saint-Pétersbourg. — M. Lecoq, professeur d'histoire naturelle, secrétaire général de la sixième Session du Congrès scientifique, ! L'urgence des travaux préparatoires a exigé que MM. les secré- taires adjoints des sections fussent nommés ayant l'ouverture de la Session du Congrès. 416 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. à Clermont-Ferrand. — M. Vogel , professeur de chimie à l’Université de Munich. Secrétaire : M. Fargeaud, professeur à la Faculté des Sciences. Secrétaires adjoints : M, Kopp; docteur ès sciences, profes- seur à l’École normale primaire; pour la chimie. — M. La- quiante, ancien capitaine du génie; pour la mécanique et les sciences mathématiques. TROISIÈME SECTION. Président : M. Forget , professeur à la Faculté de Médedie secrétaire général adjoint du Congrès. Vice-présidents : M. Ehrmann , SA étir à la Faculté de médecine, directeur de l’École d'accouchement , médecin en chef des hospices. — M. Mayor, professeur de méde- cine à l’Académie de Lausanne. — M. Textor, profes- seur de médecine à l’Université de Würtzbourg. Secrétaire : M. Stæber (V”.), agrégé à la Faculté de Médecine, médecin des hospices. Secrétaires adjoints : M. Oppermann, professeur à l’École de pharmacie; pour les sciences pharmaceutiques. — M. Tourdes fils, professeur à la Faculté de Médecine; pour les sciences médicales. QUATRIÈME SECTION. Président : M. Dollfus (Émile), président de la Société in- dusirielle de Mulhouse, Vice-présidents : M. Bonnet, docteur en médecine, pro- fesseur d’agriculture du département du Doubs, à Bec- sançon. — M. Couturat, ingénieur en chef des travaux du Rhin. — M. Kosegarten, professeur d'économie poli tique à l’Université de Bonn. Secrétaire: M. Bærsch, docteur en médecine, membre du Conseil municipal. Secrétaires adjoints : M. Marchal fils, chirurgien en chef des hospices; pour l’agriculture. — M. Aa à (J.) fils, négociant; pour le commerce et l’industrie. CINQUIÈME SECTION. Président : M. Comarmond, docteur en médecine, inspec- 8 DIXIÈME SESSION. 17 teur des monuments historiques du Rhône et de l’Ar- dèche, membre de l’Institut des provinces, secrétaire gé- néral de la neuvième Session ,à Lyon. Vice-présidents1: M. Bæhr, professeur de Littérature an- cienne à l’Université de Heidelberg. — M. Richelet, secré- taire de l’Institut des provinces, secrétaire général de la septième Session, au Mans. — M. Schirlin, professeur au Séminaire épiscopal. Secrétaire: M. Spach (L.), archiviste du département. Secrétaires adjoints: M. Baum, professeur adjoint au Sémi- naire protestant, — M. Guiard, professeur au Collége royal. SIXIÈMEÉ SECTION. Président : M. Warnkænig, professeur de Droit à l’Uni- versité de Fribourg. Vice-présidents.: M. Bruch, doyen de la Faculté de Théolo- gie, supérieur du Gymnase. — M. Zecerf; professeur + honoraire à la Faculté de Droit de Caen. — M. Scholz 2, professeur à la Faculté de Théologie catholique à l’Uni- versité de Bonn. Secrétaire : M. Willm, inspecteur de l’Académie. Secrétaires adjoints : M. Catoire, substitut du procureur du roi; pour la législation. — M. Goguel, chef d'institution; pour l’éducation. — M. Schmidt (Ch.), professeur à la Faculté de Théologie; pour la morale. SEPTIÈME SECTION. Président : M. Delcasso, doyen de la Faculté des Lettres. Vice-présidents : M. Guerrier de Dumast, ancien Sous-in- tendant militaire à Nancy. — M. Hoffmann de Fallers- leben, professeur à l'Université de Breslau. — M. Peschier, professeur à l’Université de Tubingen. Secrélaire : M. Bergmann, professeur à la Faculté des Lettres. Secrétaires adjoints : M. Boissard, aumônier au Collége 1M. le vicomte de Cussy, appelé à la vice-présidence dans la cin- quième et dans la huitième Section, a opté pour cette dernière. 2 Aprés le départ de M. Scholz, M. Ch. Vivien, directeur de l'École normale primaire, lui a succédé dans la vice-présidence. 18 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. royal. — M. Colin, professeur suppléant à la Faculté des Lettres. HUITIÈME SECTION. Président : M, le général baron Lejeune, de Toulouse. Vice-présidents : M. le vicomte de Cussy, officier supérieur en retraite, membre de l’Institut des provinces , à Saint- Mandé. — M. Rinck (de), propriétaire, à Fribourg. — M. Schadow (de), directeur de l’Académie des Beaux- Arts à Düsseldorf, l’un des vice-présidents du Congrès. Secrétaire : M. Levrault?, contrôleur au change à la Monnaie. Secrétaires adjeints: M. Bader, homme de lettres. — M. Destroyes fils, avocat, — M. Engelhardt (H.) fils, avoué. 1 Le départ de M. de Schadow a appelé M. le vicomte de Lavalette, ré- dacteur en chef de l'Écho du monde savant , à la vice-présidence de- venue vacanle. 2M. Reiner, architecte, secrétaire primitif de la huitième section, ayant donné sa démission avant l'ouverture du Congrès, M. Levrault a été appelé à lui succéder. DIXIÈME SESSION. 19 QUESTIONS PROPOSÉES POUR CHAQUE SECTION. PREMIÈRE SECTION. HISTOIRE NATURELLE. 1 14° Zoologie. 1° De la nature et des fonctions des car de Peyer dans l’homme et dans les animaux. 2° Rechercher, dans l’histoire du développement des dents, quels pourraient être les usages des canaux dentaires découverts par MM. Retzius et Purkinje. 30 Établir les limites du règne animal et du règne végétal, et faire connaître s’il existe des organismes intermédiaires. 4° Les faits actuellement acquis à la science confirment-ils ou infir_ ment-ils la question si controversée de l’unité de l'espèce humaine ? 5° Apprécier les bases sur lesquelles reposent les principaux systèmes de classification du règne animal proposés par les zoologistes modernés. 6° Faut-il restituer à la classe dés annélides la dénomination de Vers adoptée par Linné, en lui adjoignant d’autres animaux vermi- formes, entre autres, les Entozoaires? ou bien est-il plus convenable de conserver cette classse telle qu’elle a été établie par Cuvier? 7° Préparer les matériaux d’une Faune de la vallée du Rhin, en pré- sentant au Congrès la liste des diverses productions appartenant au règne animal, qui auront été trouvées dans une circonscription quel- conque !. 8° Le plumage des oiseaux deût-{1 servir de base à une classification ornithologique ? Entomologie. — 9° Quels seraient les moyens de simplifier et de ré : gulariser la synonymie ? 10° Tracer le plan d’une distribution géographique, botanique et géologique des insectes. 20 Botanique. 49 Quel est le mode de génération des cellules , et quel est le rôle que joue la substance intercellulaire dans leur on ? 2° Quelle est l’origine du carbone dans les plantes ? Examen des doc- trines de M. Liebig, comparativement à celles de MM. Meyen et Mitscherlich. À Les personnes qui possèdent des collections sont priées d'adresser au Congrès le catalogue des pièces trouvées dans la vallée du Rhin, avec l'indication de la localité et l’époque de l’année où ces pièces auront été recueillies. 2. 20 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. 3° Les ovules sont-ils une production latérale ( appendiculaire) ou axile ? 4° Quelle est la signification du fruit dans les mousses ? Peut-il être considéré comme un verticille soudé ? Comment faudrait-il alors expli- quer le nombre 32 qui se répète dans les dents, et la formation des sporules dans les cellules-mères ? 5° Déterminer la nature physiologique et chimique du contenu des Anthéridies (utricules spermatophores). 6° Quelle est la valeur morphologique de l’écaille dans les Conifères? 7° Existe-t-il des plantes exclusivement propres à certaines constitu- tions géologiques, et quelles sont ces plantes ? 8° Comment faut-il construire la fleur des Crucifères ? 90 Les progrès que la botanique systématique a faits depuis vingt- cinq ans, et les limites différentes dans lesquelles on a circonscrit les familles, confirment-ils ou infirment-ils la théorie des rapports existant entre les formes et les propriétés des plantes ? 10° Les Agames désignés sous le nom d’Entophytes , méritent-ils ce” nom? quelles causes les propagent? peut-on les faire naitre à volonté ? leurs germes circulent-ils dans la plante pour se porter à la périphérie ? les radicelles les entraînent-elles dans le torrent de la circulation, après les avoir reçues de l’eau qu’elles aspirent dans le sein de la terre ? 3° Minéralogie et géologie. 1° Quelle est l'origine des dépôts erratiques et diluviens qui s’éten- dent sur une partie du globe ? Avantages et difficultés que présente la théorie des glaciers, telle qu’elle a été le plus récemment émise. 90 Les nombreuses variétés de dépôts métallifères peuvent être rame- nées à un petit nombre de groupes naturels, dont on propose de pré- ciser les caractères distinctifs et les analogies. 30 Esquisser les traits généraux de la structure géognostique de la chaîne des Vosges; préciser, à l’aide d'observations, les principales phases de la formation de cette chaîne. Analogies et différences qui existent entre les Vosges et la Forêt-Noire. 4° Classer les différentes roches plutoniques qui entrent dans la com- position de la chaine des Vosges, en s'appuyant sur leurs caractères minéralogiques et géognostiques. 5° Quels sont les Caractères chimiques et géognostiques des roches connues sous le nom de porphyre feldspathique quarzifère ? 6° Présenter des monographies des diverses régions du bassin du Rhin, et plus particulièrement de la Minette de M. Voltz et du Læss. 7° Quel est le mode de formation et de reproduction de la tourbe, et d’où vient le rôle important que jouent les Sphagnum dans ce phé- nomène ? 8° Pourquoi le sel gemme est-il constamment accompagné de sulfate _calcique anhydre ou hydraté ? 9° Faut-il attribuer la production des combustibles minéraux à des formations analogues à la tourbe ou à des dépôts ligneux ? DIXIÈME SESSION. 21 DEUXIÈME SECTION. SCIENCES PHYSIQUES ET MATHÉMATIQUES. 1° Des causes auxquelles on peut attribuer les explosions des machines à vapeur et des moyens de les éviter. 2° Quels sont les systèmes d'appareils galvaniques qui , sous le rap- port de la force, de la dépense, de la régularité, etc., doivent être em- ployés par ceux qui essayent de rendre utiles, à diverses branches de l’industrie, les propriétés des courants électriques ? 3° De l'électricité atmosphérique, et, en particulier , de la foudre. Certaines substances métalliques ne jouent-elles pas quelquefois un rôle important dans la production de ce phénomène? 4° Indiquer les moyens de mesurer avec précision la vitesse de l'air dans toutes les directions. 5° Quels sont les avantages relatifs des différents moteurs hydrauli- ques employés jusqu’à ce jour ? 6° Développer les avantages théoriques que peuvent présenter les machines à vapeur rotatives. 7° Examen comparatif des procédés qui ont pour but la préparation et l'emploi du gaz de l'éclairage. 8° Les végétaux ligneux ou herbacés ont-ils une température propre pendant les diverses saisons de l’année ? 9° Les observations météorologiques , faites depuis longtemps dans un grand nombre de lieux, ont-elles rendu quelques services à l’agricul- ture, aux arts, etc. ? Par quel moyen pourrait-on accroître leur utilité? 10° Que doit-on penser des divers arrangements moléculaires pro- posés par les physiciens et par les chimistes? 11° Y a-til des substances isomères? Rechercher les causes qui pro- duiraient l’isomérie ? 12° À quelles causes doit-on définitivement attribuer la fermentation alcoolique ? \ 13° Les acides ou composés capables de produire des sels avec les bases oxydées, doivent-ils être envisagés comme des hydracides, ainsi que l’admettaient MM. Davy et Dulong? 14 L’acide carbonique, l'air, l'eau, l’'ammoniaque et les matières salines inorganiques, sont-elles les seules substances qui concourent au développement des plantes ? 15° Quelles sont les causes physiques et chimiques qui , dans la na- ture , déterminent journellement la mise en liberté de l'acide silicique? 16° Quelle est, dans l'impression des toiles peintes, l'influence que les variations atmosphériques peuvent exercer sur les combinaisons des mordants de fer et d’alumine avec les tissus ? 17° Quelles sont les réactions chimiques qui peuvent se passer au- jourd’hui au fond des mers ? | 18° Quelle est la manière d'expliquer la formation des dépôts de soufre dans les différents gisements connus ? 22 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. 19° Des miasmes et des moyens d'en connaître la nature. 20° Indiquer un moyen efficace, prompt et facile pour reconnaitre les falsifications des huiles du commerce. 21° Indiquer les moyens chimiques à l’aide desquels on pourrait reconnaître l'empoisonnement par les alcalis organiques. 22° Des aurores polaires. 23° Météorologie spéciale de la vallée du Rhin. TROISIÈME SECTION. SCIENCES MÉDICALES. 1° Des modifications que réclame l’organisation médicale en France. 2° Des maladies endémiques de l'Alsace. : 3° Établir les caractères de ce qu’on appelle constitution épidémique. 4° De l'influence que les recherches modernes sur le sang doivent exercer sur la’pathologie et sur la thérapeutique. 5° Poser les bases d'une classification des médicaments. 6° Les expériences faites sur l’homme en état de santé peuvent-elles donner la mesure de l’action des médicaments, tant simples que com- posés ,”’sur l’homme malade ? 7° Établir les espèces de fièvres admissibles dans l’état actuel de la science. 8° De l’histoire pathologique et géographique de la miliaire aiguë et chronique. ; 9° Déterminer les analogies et les différences qui existent entre les scrophules et la cachexie tuberculeuse. 10° Des indications et du mode d'emploi de l’arsenic. 11° De l'influence des eaux minérales dans le traitement des maladies. 12° De l’action thérapeutique de l'huile de foie de morue. 13° De la part relative de la médecine et de la chimie dans la théra- peutique des empoisonnements. 14° Déterminer les causes des morts subites. | 15° Quelles sont, parmi les maladies des os, celles qui trouvent leurs analogies dans les affections des parties molles? 16° Spécifier les affections diverses, confondues sous la dénomination de tumeur blanche. 17° Quelle est la conduite à tenir dans l’ouverture des abcès par con- gestion ? 18° Étudier les maladies de la muqueuse vésicale,.et le traitement qui leur convient. 19° Les différentes affections considérées comme symptômes primitifs de la syphilis sont-elles identiques, quant à leur nature? 20° Préciser les caractères des amauroses susceptibles de guérison , et en indiquer le traitement, 21° Déterminer la valeur de la section sous-cutanée des muscles et des tendons, comme moyen de guérison des déviations de la colonne ver- tébrale. DIXIÈME SESSION. 23 22° Jusqu'à quel point les recherches modernes sur l'anatomie et la physiologie des dents peuvent-elles éclairer la pathologie et la théra- peutique de ces organes ? 23° L'observation prouve-t-elle la curabilité des fistules vésico-vagi- nales ? 24° L'existence de l’hydromètre, hors l’état de gestation, et de la tympanite utérine , est-elle démontrée par des faits authentiques et : bien observés P 25° La symphyséotomie mérite-t-elle l'oubli dans lequel elle est tombée? 26° De l’organisation de la pharmacie en France, et principalement : 1° de l'utilité de la limitation du nombre des officines et de l'opportunité d'imposer un cautionnement aux titulaires ; 2° de l'établissement de chambres de discipline départementales ; 3° de la nécessité de réviser ou d’amender l’art. 34 de la loi du 21 germinal an XI, concernant la vente des poisons ; 4° des moyens d'arriver à la suppression des remèdes secrets. À 27° De l'emploi de l’électro-galvanisme dans les opérations pharma- ceutiques. 28° De la révision du Codex. 29° Des divers modes de préparation du chlorure mercureux ; déter- miner si la différence d’action de ce médicament doit être attribuée au procédé que l’on a suivi. : 30° Faire l’histoire des produits que l’on retire des Lactuca saliva, virosa et scariola, et principalement du Lactucarium et de la Thridace. QUATRIÈME SECTION. AGRICULTURE , COMMERCE, INDUSTRIE, STATISTIQUE , SCIENCES ÉCONOMIQUES. 1° Par quels moyens, législatifs ou autres, peut-on faire cesser l'isolement dans lequel se trouvent aujourd’hui les ouvriers, les attacher aux grands établissements industriels comme le propriétaire est attaché au’sol, et contribuer à leur amélioration sociale? 2° Quels sont les avantages et les inconvénients de la concurrence illimitée dans les différentes industries, et par quels moyens peut-on remédier à ces inconvénients ? . 3° Quels avantages peut procurer à l’industrie une éducation profes- sionnelle , et comment peut-on organiser, d'une manière satisfaisante, une pareille éducation ? ñ 4° Quelle influence le système des douanes allemandes a-t-il exercée sur l’industrie , sur le commerce et sur l'agriculture des contrées qu'il a successivement englobées ? Quelle influence ce système a-t-il exercée sur les relations internationales de la France et de l'Allemagne? Etsur quelles bases pourrait-on négocier un rapprochement entre les systèmes douaniers des deux pays ? 24 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. 5° Quelle influence le morcellement de la propriété exerce-t-il , principalement en Alsace, sur l’agriculture et sur le développement de la richesse publique P 6° L’émigration des populations industrielles et agricoles peut-elle être considérée comme avantageuse à ces populations et aux pays qu’elles abandonnent ? 7° Quelles sont les conditions d'existence et de prospérité des colo- nies agricoles, et quel avenir de pareilles colonies peuvent-elles espérer en Alsace? 8° Quelle influence le remplacement militaire exerce-t-il sur la- griculture et sur le mouvement de la population en Alsace ? 9° Quels obstacles s'opposent en Alsace au défrichement des terrains communaux vagues, et quels avantages les communes pourraient-elles - retirer de ce défrichement ? : 10° Quelle est la situation actuelle de l’agriculture en Alsace, et quelles sont les principales améliorations qu’on pourrait y introduire? 11° Quelle est l'influence du prix des denrées alimentaires sur le mouvement de la population ? 12° Quelle influence exerce le chiffre de la population, tant sur le salaire des ouvriers, que sur le prix des objets de première nécessité? CINQUIÈME SECTION. ARCHÉOLOGIE , PHILOLOGIE , HISTOIRE. 1° Archéologie. 4° Expliquer l’origine et la formation de la mythologie grecque ; in- diquer la meilleure méthode pour la traiter. 20 Y a-t-il identité complète entre la mythologie grecque et la religion des Grecs? 3° Pourquoi les Grecs n’érigeaient-ils qu’exceptionnellement des statues iconiques ? 4 Dans quel pays faut-il chercher l’origine du culte d’A pollon ? 5° Quel est le caractère distinctif de la religion des Romains ? — Dans quel rapport avec la politique le peuple romain avait-il mis ses institu- tions religieuses ? 6° Les images des ancêtres chez les Romains étaient-elles des bustes ou des masques ? 7° Des sépultures anciennes et modernes comparées entre elles. — Indiquer si quelques modifications pourraient être apportées au mode actuel. 8° Des haches gauloises en bronze, connues sous ce nom par tous les archéologues. Quelle est l'opinion qu’on doit avoir sur celles que l’on a découvertes dans toute l'étendue de l’ancienne Gaule? 9° Expliquer l’origine de l'écriture runique. 10° Quelles causes ont déterminé les Scandinaves à enterrer leurs DIXIÈME SESSION. 25 morts sous des tombelles pendant la période appelée haugs œlld (l'âge des collines), au lieu de brüler les cadavres, ainsi qu’ils avaient eu coutume de faire pendant la période précédente dite bruna ælld (l'âge des brülements) ? 41° Recueillir dans les chartes de l’abbaye de Haslach des données précises sur l’époque de la reconstruction de son église. 42° Examiner la construction de l’église de Dorlisheim dans ses rap- ports avec le culte des Templiers. 13° Énumérer les monuments druidiques de l’Alsace. 44° Les admirables et gigantesques monuments de l'Inde orientale ne seraient-ils pas antérieurs à l'établissement des sectateurs de Brahma dans la presqu'ile Indoustane ? 15° Jusqu'à quel point l’ensemble et les détails des importants monu- ments que l’on découvre encore journellement dans l'Amérique centrale, peuvent-ils nous révéler le degré de civilisation auquel étaient par- venues les sociétés depuis longtemps éteintes dans le Nouveau-Monde ? 16° Rechercher si la comparaison des monuments de l’ Amérique cen- trale , avec les monuments analogues de l'Égypte et de l'Inde, ne pour- rait pas, en l’absence de tous les. documents historiques , nous révéler l'origine de peuples dont le souvenir n’est pas même resté dans la tra- dition locale. Le 470 On trouve dans le lit de plusieurs de nos rivières et dans les ter- rains d’alluvion ou d’atterrissement, des agglomérats ou poudings, composés de brèches, de galets et de divers débris d'objets de facture humaine. Peut-on établir l’âge et la théorie de cette formation moderne? Quel avantage peut retirer l’archéologue de cette réunion de débris et d'objets anciens trouvés dans les poudings modernes ? 20 Philoloyie. 4° Exposer et apprécier les idées de Platon et d’Aristote sur l'origine et la nature du langage. 2° Quels sont les rapports entre le dialecte latin et les autres dialectes de l'Italie ancienne ? — A quelle souche faut-il rattacher la langue du Latium ? 3° L'étude des poëmes homériques a-t-elle abouti depuis Wolff à de nouveaux résultats ? 4° Quels sont les résultats que l’étude des langues grecque et latine a obtenus jusqu'ici de la philologie comparée ? 5° La grammaire raisonnée ou philosophique , telle qu’elle est en- seignée aujourd’hui en Allemagne, doit-elle primer la grammaire pure- ment expérimentale? — Dans le cas où cette question serait résolue af- firmativement, indiquer les raisons qui militent en faveur de la méthode moderne, — Expliquer : à ce sujet, logiquement et grammaticalement, pourquoi , en grec , le verbe régi par un pluriel neutre , est mis au sin- gulier ? — Comment s’est formée la construction de l'accusatif avec l’infinitif?— Si ;en français , la juxta-position de deux substantifs pour exprimer . 26 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. le nominatif et le génitif (par exemple, le peuple-Dieu) est analogue à ce qu’on appelle l’état construit dans les langues sémitiques ? 6° Indiquer en quoi consiste le perfectionnement et la décadence d’une langue quelconque. 7° Quel est le principe sur lequel repose la permutation des lettres mobiles , dites muables , dans les langues celtiques ? 89 Y a-t-il dans les langues indiennes de l'Amérique du Nord des phénomènes philologiques exceptionnels et sans analogie avec les prin- cipes de formation des langues de l’Europe et de l'Asie? 9° Les lois qui ont présidé à la formation de la langue chinoise , dif- fèrent-elles essentiellement de celles qu’on remarque dans l’organisa- tion primitive des langues indo-germaniques ? 109 Y a-t-il dans la syntaxe du vieux français des phénomènes qu’on ne saurait expliquer que par l'influence des langues germaniques ? 11° Spécifier les subdivisions du dialecte allémanique, et déterminer ses limites géographiques. 42° Peut-on attribuer, encore aujourd’hui , à Cicéron les quatre dis- cours dont l'authenticité a été attaquée par Markland ? 13° Les biographies attribuées à Cornélius-Népos n’ont-elles reçu leur forme actuelle que dans le siècle de Théodose P L 3° Histoire. 1° Quelle est l’origine de la population alsacienne ? — Ne serait-il point possible de préciser sa descendance, du moins dans certaines frac- tions de l’ancienne province, telles que le Kochersberg , la partie Pala- tine et le Sundgau ? 2° Désigner, à l’aide des auteurs contemporains , l'emplacement où s'est livrée, près de Strasbourg, la bataille de Julien-l A postat contre les Allemands. È 3° A quelle époque le paganisme a-t-il définitivement cessé d’exis- ter dans les parties orientales de la Gaule P 4° Quelles étaient la nature et les limites du pouvoir civil et politique des évêques de Strasbourg au moyen âge ? 5° Rechercher les traces des rapports qui ont pu exister entre la France et la ville de Strasbourg avant le seizième siècle. — Y a-t-il eu, avant cette époque , action des idées françaises sur nos révolutions com- munales ? — Dans le cas d’une réponse affirmative, déterminer les principaux caractères de cette influence et en montrer les résultats. 6° Quelles étaient les vues de Bernard de Weimar et les moyens d’exé- cution dont il disposait pour former un royaume de Bade et d'Alsace? 7° Quels-moyens l'antiquité a-t-elle employés pour combattre le pau- périsme ? 8° L'importance politique de l’industrie et du commerce a-t-elle été aussi grande dans les Etats de l'antiquité que dans les États modernes ? 9° Quel est l'élément apporté par les Barbares à la formation de la ci- vilisation moderne? M. Guizot (Histoire de la civilisation en France, SR PS RL PNR DE TE PRE M SEE NE Re LL 4 DIXIÈME SESSION. 27 t. I, p. 287) a-t-il raison d’affirmer que c’est l'esprit d'indépendance et de liberté individuelle? 10° Indiquer les causes de l’affranchissement des municipes et des républiques italiennes du moyen âge , du joug des empereurs d’Alle- magne. ; 11° Quel est le résultat des recherches critiques (de Kopp de Lucerne et de ses adversaires) sur l’histoire de Guillaume Tell ? 12° Déterminer l'influence que les Anglais ont exercée sur les pro- vinces françaises par eux occupées jusqu’au milieu du quinzième siècle. — Rechercher les traces que leur domination a pu y laisser après leur expulsion. 43° Déterminer les résultats que nos connaissances historiques et géographiques ont retirés des missions chrétiennes dans les différentes parties du globe. 44° Pourquoi la France est-elle plus riche que les autres pays de l'Eu- rope en mémoires historiques ? — Pourquoi cette forme de l’historio- graphie s’est-elle développée en premier lieu et de préférence dans ce pays ? ÿ 15° Quelle influence la philologie comparée a-t-elle exercée jusqu’au- jourd’hui sur les recherches relatives à l’origine et à la filiation des peu- ples ? — Quels ont été les résultats de ces investigations? 16° Déterminer l’état actuel de la géographie historique de la France. — Indiquer ce qui reste à faire pour cette branche de la science. 47° L’historiographe, pour écrire l’histoire d’une nation , doit-il se placer au point de vue subjectif de sa propre religion et de sa nationalité ? Ou bien doit-il se mettre au point de vue de l’époque qu’il raconte ? Ou bien le point de vue du cosmopolitisme philosophique doit-il être adopté par lui de préférence ? 18° Qu'est-ce que la philosophie de l'histoire? — Telle qu’elle a été traitée jusqu’aujourd’hui, a-t-elle quelque valeur réelle pour la science historique elle-même? SIXIÈME SECTION. PHILOSOPHIE , MORALE , ÉDUCATION , LÉGISLATION. 1° Philosophie et morale. 4° Définir l’éclectisme en général , et, en particulier, l’éclectisme français au dix-neuvième siècle; comparer ce dernier, comme méthode, avec celui qui semble résulter de la philosophie de l’histoire de l'esprit humain , selon Hegel. 2° En quoi consiste l’éclectisme français de nos jours ? Diffère-t-il de l’éclectisme qui, en Allemagne, à précédé l'avènement de Kant, et jusqu’à quel point répond-il aux besoins des penseurs de notre époque ? La science, en poursuivant cette direction, pourra-t-elle se garantir des aberrations pratiques du scepticisme, d’une part, et de la confusion théorique du s yncrétisme, d'autre part ? 28 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. 30 Y a-t-il une critique réelle des systèmes de philosophie indépen- dante de tout système positif, et quels sont les principes de cette cri- tique ? 4° Quels sont les avantages que la psychologie expérimentale peut retirer d’une étude approfondie de la physiologie ? 5° Définir le rapport qui existe entre le magnétisme animal et la psy- chologie, et rechercher si les phénomènes du magnétisme animal peu- vent être expliqués par l’activité normale des facultés de l’âme. 6° Quels rapports y a-t-il entre le panthéisme mystique du moyen âge et le panthéisme spéculatif de nos jours ? 7° Le panthéisme peut-il servir de base à un système solide de morale? 8° Considérer l’idée de la personnalité de Dieu , dans sa haute im- portance pour la conscience religieuse , et dans son incompalibilité avec l'idéalisme absolu. 99 La théorie des sentiments moraux pourra-t-elleavoir les caractères d’une science positive et certaine ? 10° Les idées de Malthus sur la population peuvent-elles se concilier avec un système de morale quelconque ? 20 Enseignement et education. 1° Quels sont les moyens qu’il conviendrait d'employer pour em- pêcher que, par l'effet d’une centralisation excessive, la vie intellectuelle et littéraire ne s’affaiblit dans les provinces ? 20 Ne serait-il pas convenable de doter la France de quelques centres universitaires semblables aux bonnes universités de l’Allemagne, et de faire cesser ainsi l'isolement des facultés de nos académies ? 3° Quels sont les caractères par lesquels doit se distinguer l’enseigne- ment public de la philosophie, pour exercer une influence heureuse sur les mœurs de la nation ? Ne devrait-il pas avoir une teinte plus reli- gieuse ? : 4 Y a-t-il convenance d'enseigner la philosophie dans les collèges , et comment devrait-elle y être enseignée ? 5° Le programme du baccalauréat ès lettres, tel qu'il a été adopté par les derniers règlements, est-il de nature à renforcer ou à affaiblir les études classiques ? 6° Pour que l’éducation publique puisse être appelée nationale , est- il nécessaire qu’elle se fasse dans les établissements de l’État , d’après un plan uniforme et une même méthode? Ou suffit-il qu'un même esprit anime tous les établissements d'instruction ? 7° Parallèle entre le Lycée impérial de 1808 et le Collége royal de nos jours. — Conséquences qui résultent de ce rapprochement. 8° Serait-il prudent , comme le désirent quelques esprits en France, de subordonner l'instruction de la jeunesse au movement matériel qui semble entrainer la société, et de réduire ainsi l’enseignement aux étroites proportions de l'utilité et de l’intérêt bien entendu ? 9° La réunion des écoles industrielles aux colléges est-elle désirable ? DIXIÈME SESSION. 29 Ou vaut-il mieux maintenir la séparation de ces deux genres d’établis- sements ? 40° Les écoles industrielles doivent-elles devenir des ateliers, des écoles d’arts et métiers ? 11° Serait-il à désirer que l’État exerçât une intervention plus éten- due que celle qui subsiste actuellement dans l'instruction secondaire des jeunes filles élevées dans les pensionnats ? Quels seraient les avan— tages et les inconvénients de la création de pareilles institutions publi- ques, et placées sous la direction de l’Université, en concurrence avec les écoles privées? 12° L'État ne devrait-il pas, pour former des institutrices , créer des établissements semblables aux écoles normales primaires ? 43° L’excitation de l’amour-propre et de l'ambition, telle qu’elle se pratique dans l’enseignement public en France, est-elle nécessaire pour entretenir le zèle pour les études ? De l’émulation employée comme mobile dans l'éducation, et des moyens d’en prévenir les dangers. 14° La division des élèves, d’après les divers objets de l’enseignement, est-elle moins rationnelle que la division par classes ? Ne vaudrait-il pas mieux, comme cela se fait assez généralement pour les mathématiques, classer les élèves d’après leur degré de force dans chaque partie , plutôt que de leur donner pour toutes les branches un enseignement commun ? 15° Un enfant ne doit-il avoir qu’une seule langue maternelle, ou peut-il en avoir deux ? Le développement de son intelligence est-il ar— rêté ou hâté par l'étude simultanée de deux langues ? Et, s’il en est arrêté, par quels moyens pourrait-on remédier à cet inconvénient dans les localités qui exigent que l’enfant apprenne à la fois deux langues ? 46° Quels sont les divers genres d'intérêt que doit mettre en jeu l’en- seignement pour captiver l'attention des élèves et pour entretenir leur application ? 17° Quelle est l'importance pédagogique de l’enseignement de l’his- toire dans les écoles primaires, et quelle devrait en être la méthode P 18° L’enseignement de l’histoire locale dans les écoles secondaires ne donnerait-il pas plus de force et de consistance à la vie de province et plus de prix au foyer domestique ? 19° Indiquer les moyens d'assurer en France le bon établissement des écoles primaires et de leur mobilier. 20° Par quels moyens pourrait-on réussir à établir partout, dans les communes rurales aussi bien que dans les villes , des salles d'asile ou des écoles du premier âge, sans ajouter sensiblement aux charges de l'État? 24° Des notions précises de droit public et privé ne devraient-elles pas faire partie de l’enseignement des écoles normales primaires? Se— -rait-il utile d’ailleurs de mettre entre les mains des instituteurs un précis des lois les plus importantes et des institutions politiques de Ja France; et, en cas d’affirmative, quelle forme donnerait-on à cet ouvrage po- pulaire ? 220 Dans l'intérêt de l'éducation physique et de la santé publique, ne 50 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. conviendrait-il pas de mettre entre les mains des instituteurs du peuple, dans les campagnes surtout, un traité d'hygiène populaire, avec des conseils sur les soins à donner aux malades, et sur les mesures d’ur- gence à prendre en cas d'accidents, en attendant l’arrivée du médecin ou du chirurgien? Dans quelles limites devrait se renfermer un pareil ouvrage, et quelle en serait la forme? 230 L'éducation des sourds-muets n'est-elle possible que dans des établissements spéciaux , ou peut-elle encore se faire dans toute école primaire ordinaire ? Dans le dernier cas, quels sont les moyens à em- ployer pour mettre les instituteurs en état d’instruire les enfants sourds- muets avec leurs autres élèves ? Législation. 4° Qu'est-ce que le Droit naturel ? 90 Que faut-il entendre par la liberté de l’enseignement garantie par la Charte? Et comment concilier cette liberté avec les intérêts de l'État ? 30 Est-il de l’intérêt de la Société que le législateur punisse les actes qui ne blessent que la morale? 4° En admettant qu’une loi rende obligatoire pour tous la fréquen- tation des écoles primaires , dans quelles limites, à quelles conditions et sous quelle pénalité le législateur devrait-il imposer cette obligation ? 5° Il existe en Alsace des biens ruraux concédés, sous la législation germanique, à titre de Waldrecht. En l'absence des titres constitutifs, quelle est la nature de ces concessions? Quels sont les droits et les obli- gations des concédants et des concessionnaires ? 6° Convient-il de rétablir le droit de bourgeoisie ? 7° Quel est, dans le Droit français actuel, l'autorité de l’usage en gé- - néral et des usages locaux en particulier ? 8° Quel est, dans le Droit français actuel, l'autorité de l'équité ? 9° Dans quel sens est-il vrai de dire que les étrangers ne participent point en France à la jouissance des droits civils ? 10° Rechercher dans les plus anciennes lois municipales et pénales des villes d'Alsace, les traces de la législation romaine et des coutumes barbares. 419 Y a-til des améliorations a apporter aux lois qui régissent en France la constitution de la famille ? 12° La loi française accorde-t-elle au créancier envers le débiteur toutes les garanties nécessaires au bon état du crédit? 13° Quelle est l'influence de la codification sur l’enseignement et l'étude du droit ? 14° Ne s'est-il pas opéré, dans les mœurs et dans les intérêts de la société française , depuis la promulgation du Code civil, des modifica- tions de nature à rendre désirable une révision de ce Code ? DIXIÈME SESSION. 51 SEPTIÈME SECTION. LITTÉRATURE ERANÇAIRE ET LITTÉRATURE ÉTRANGÈRE. 1° Déterminer l'influence de la poésie arabe sur la poésie des Trou- badours, et l'influence de cette dernière sur la poésie italienne du douzième, du treizième et du quatorzième siècle. 29 Quels rapports y a-t-il entre la poésie des Troubadours et des Trou- vères, d’un côté, et celle des Minnesinger, de l’autre? Ces derniers ne se rapprochent-ils pas plutôt des Trouvères que des Troubadours ? 3° Expliquer l’origine et la formation successive du roman du Renard. 4° De l’origine et de la signification des traditions épiques sur le Saint-Graal. 5° Appréciation des différentes opinions émises sur l’origine et le fond historique du poëme des Nibelungen. 6° Quel est le mérite littéraire des prédicateurs dits burlesques qui, vers la fin du quinzième siècle, se montrent simultanément en France, en Italie et en Allemagne? et quel profit peut-on tirer de leur sermons pour la connaissance du langage et des mœurs populaires ? 7° De l'influence que les littératures étrangères ont exercée successi- vement sur la littérature française depuis le dix-septième siècle. 8° Quelles sont, indépendamment des formes du style, les différences essentielles qui séparent le romantisme du classicisme ? 9° Apprécier les œuvres dramatiques du romantisme français mo- derne, en les comparant avec les drames de Shakespeare , de Lope de Véga , de Caldéron , de Schiller et de Gæthe. 10° Quels sont les traits caractéristiques des littératures des peuples de l’Europe occidentale comparées entre elles ? 11° Quelle a été, dépuis 1814, l’action de la littérature allemande sur la littérature française , et, depuis 1830, la réaction de cette dernière sur la littérature d’outre-Rhin ? 12° Quelle influence Gæœthe a-t-il exercée sur le goût et sur les mœurs en Allemagne et à l'étranger ? 13° Apprécier l'influence que l'étude des littératures étrangères exerce en France sur les principes de la critique littéraire. 14° Déterminer l'influence que l'Académie française exerce ou peut exercer de nos jours sur la langue et la littérature. -45° La littérature des idiômes populaires ou patois doit-elle être en- couragée au profit de la vie provinciale , ou doit-on lui refuser-ces en— couragements en vue de la littérature nationale ? 16° Pourquoi, dans la littérature italienne, les différents dialectes ont- ils acquis une plus grande importance que dans les autres littératures modernes ? 47° L'Alsace at-elle une mission littéraire spéciale? Et nélle est cette mission ? 18° Les formes du gouvernement ont-elles quelque influence sur les progrès et le génie de la littérature ? 52 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. 19° De l'influence du journalisme sur la littérature. 20° Quelle est l’action de la tribune parlementaire en France sur l’é- loquence du barreau et sur l’éloquence académique ? 240 Jusqu'à quel point l'étude du vieux langage français peut-elle contribuer à retremper la langue poétique dans notre littérature? 220 Déterminer l'influence réciproque de la poésie sur les beaux-arts et des beaux-arts sur la poésie. 230 L’'Esthétique est-elle une science ? Ou peut-elle en devenir une? 24° Le beau en littérature doit-il être le but, ou n'est-il qu’un moyen? HUITIÈME SECTION. BEAUX-ARTS, ARCHITECTURE , HISTOIRE DE L'ART. 1° Peut-on conclure de l'étude des monuments indiens et égyptiens que l’art étrusque procède directement des sources où les Grecs puisè- rent eux-mêmes leurs connaissances ? 20 Rechercher l'origine et la signification des monuments plus ou moins informes que l’on désigne sous le nom de monuments celliques. En essayer une classification méthodique , en soumettant à une étude comparative tous les vestiges analogues qui couvrent l'Europe, se pro- longent le long desrives du Bosphore à celles de la Tauride, et s'étendent même jusqu'aux steppes de la Haute-TFartarie. 3° De la singulière analogie de toutes les constructions capitales , gé- néralement souterraines, des plus anciens peuples. Peut-on leur assi- gner une origine commune ou les rapporter à une même famille hu- maine , chez laquelle ce système d’excavation aurait été nécessité par la nature des lieux qu’elle habitait? 4° Doit-on rationnellement distinguer (et à quels caractères ?) les mo- numents véritablement celtiques des débris gallo-romains ? 5° A quelle classe de monuments appartient l'enceinte de la montagne Sainte-Odile dite Heidenmauer ? À quel peuple doit-on en attribuer la construction ? — Distinguer soigneusement , dans l’étude comparative que l’on aurait à faire des diverses ruines répandues dans cette enceinte et dans ses environs , les parties d'origine évidemment romaine d'avec celles qui, purement polygonales, se rapportent plus particulièrement aux constructions connues en Grèce et en Italie sous le nom de murs cyclopéens ou pélasgiques. 6° L'application de la polychrômie à la statuaire grecque fut-elle ac cidentelle ou méthodique ? Dans quelles limites ses applications sont-elles justifiées par le bon goût , et pourraient-elles répondre aux convenances de l'art moderne ? 7° Aujourd'hui que l'étude comparative des monuments anciens a pu rectifier les idées que les modernes en avaient conçues , est-on encore fondé à considérer Vitruve comme un convenable interprète des con- naissances de son temps ? 8° L'architecture dite arabe ou mauresque manifeste-t-elle réellement un style particulier de construction ? DIXIÈME SESSION. 55 gv Peut-on déduire de l'étude comparative des monuments de la Si- cile et de la Basse-ftalie, l'influence que les dominations successives des Sarrasins et-des Normands ont exercée sur les constructions de ces contrées ? 10° Quelle est la véritable origine de l’ogive, et sous quelles in- fluences est-elle devenue l'élément capital dû Fe, de construction qui porte son nom ? 41° D'où vient que les doctrines artistiques connues en France et en Italie sous le nom de renaissance, ont recu si peu de développement en Allemagne ? 42° Comment et pourquoi un même élément d'architecture se trouve: t-il modifié selon les conditions du climat ou de la civilisation des con- trées où on l’emploie ? 13° D'où vient que les temps modernes n’ont produit aucun style d'architecture nouveau ? — Quelles sont les conditions qui , à des épo- ques diverses et chez différents peuples, ont donné naissance aux divers styles d'architecture ? 14° La sécheresse des formes et le manque d'intérêt qui règnent dans la plupart de nos monuments modernes, ne sont-ils pas dus à l'étude exclusive de l’art païen et au délaissement de l’art chrétien? 15° Quelle est l'influence des associations artistiques. sur l'avenir de l'art, et quelle serait la meilleure organisation à leur donner dans ce but ? 16° Comparer entre elles les tendances si diverses des écoles de Mu- nich et de Düsseldorf. Préciser leur avenir et leur action sur l’art français. 17° Quels sont les meilleurs moyens pour entretenir et développer le goût des beaux-arts dans la province ? 18° Quelle a été l'influence du christianisme sur les beaux-arts ? 49° Quél caractère conviendrait-il de donner, de nos jours, aux cons- tructions d’un temple protestant ? 209 Quels résultats serait-on en droit d'attendre de l’établissement , sur un point de la frontière de l'Est (à Strasbourg , par exemple), d’une haute école d’architecture et de peinture, particulièrement destinée à mettre à la portée des artistes français les théories et même les procédés pratiques des écoles allemandes ? 249 La hardiesse et la grandeur des monuments d'architecture ro maine ne seraient-elles pas dues , au moins en grande partie ; aux ma tériaux d'origine volcanique , dont les Romains pouvaient faire un des principaux éléments de leurs constructions ? Déterminer jusqu’à quel point l'emploi de ces précieux matériaux s’est maintenu dans les constructions du moyen âge, principalement aux bords du Rhin. 22° Discussion architectonique et archéologique d’un système de res- tauration définitive , auquel il conviendrait de soumettre le chœur de la cathédrale de Strasbourg. 23° Rechercher quel fut le système d’échafaudage employé au moyen âge pour les constructions élevées , et notamment pour les flèches dés monuments religieux. 3 54 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. 24° Jusqu'à quel point la mosaïque , considérée comme un puissant élément de décor architectonique, pourrait-elle être appropriée à la dé- coration de nos constructions modernes ? — Citer à l'appui de sa réap- plication à nos besoins actuels les importantes parties d'ornementation de ce genre, que l'Italie, et plus particulièrement la Sicile, nous ont conservées. 25° De quelle nature sont les difficultés qui, dans l’état actuel de nos connaissances , s'opposent encore à la complète rénovation de l’art du peintre-verrier ? 26° Déterminer les différentes périodes dans la construction des chà- teaux forts en Alsace. Donner la restauration d’un de ces châteaux à une époque déterminée. 270 Peut-on, dans l’état actuel des arts en Europe, pressentir l'ave- nir de l'architecture , modifiée dans ses principes et dans ses applica- tions par l'adoption des types néo-grecs ou byzantins? 280 Quelle est l'influence qu’exerce sur l’art francais le séjour de nos artistes à Rome? Pourrait-on attendre des résultats plus satisfaisants encore de la fréquentation de notre École à Rome, si l’on en modi- fiait le régime et l’organisation ? 29° Indiquer les rapports qui existent entre la musique et les autres beaux-arts ; montrer comment , dans les grandes périodes du dévelop- pement de l'art, les qualités et les défauts qu’on remarque dans le goût ou le style de la musique, se retrouvent également dans le style de la poésie, de la peinture et de l’architecture. 30° La différence du caractère national suffit-elle pour expliquer les qualités distinctives de la musique italienne, de la musique française et de la musique allemande ? 31° Pourquoi, de nos jours , la musique d'église ne tire-t-elle pas un plus grand parti, d’abord du chant à l'unisson exécuté par des chœurs (d'enfants, d'hommes et de femmes); et ensuite, du chant non mesuré , dont on admire l'effet musical dans les lectures religieuses des Juifs, et dans les récitatifs des opéras ? 320 Comparer la musique d'église moderne avec l’ancienne, pour voir si, dans ce genre, il faut se tenir rigoureusement au style uniforme et soutenu des chefs-d'œuvre de l’ancienne école romaine, ou s’ilest permis d'y mettre plus de variété, par des motifs d’un style moins sévère ? 83° Quelle est la part qu'en France l'administration municipale doit prendre au soutien de l’art musical ? Dans l'intérêt des mesures à prendre pour la tenue de la dixième Session , les per- sonnes disposées à en faire partie sont priées de faire connaître à temps leurs inten- tions. — L'administration du Congrès s'occupe de tous les détails qui pourront contri- buer à rendre agréable aux étrangers le séjour de la ville de Strasbourg, — Un bureau de renseignements, établi auprès du Secrétariat général, sera prêt à leur fournir toutes les indi- cations dont ils pourraient éprouver le besoin au moment de leur arrivée. — Il leur sera délivré des cartes, à l’aide desquelles ils pourront visiter tous les établissements publics. Strasbourg , le 6 avril 1842. eg —— 2 ot 0: DIXIÈME SESSION. PROGRAMME SUPPLÉMENTAIRE. QUESTIONS PROPOSÉES PAR DIVERSES SOCIÉTÉS SAVANTES ET PAR DES MEMBRES DU CONGRÈS, POSTÉRIEUREMENT A LA RÉDACTION DU PROGRAMME. Observation. Ges questions élant en dehors du pro- gramme discuté et arrêté par la Commission centrale, sont à considérer comme l’œuvre personnelle de ceux qui les ont posées. LE. Questions proposées par la Socielé philotechnique de Paris. 1° Déterminer ce qu’on doit entendre par les mots genres , espèces, races appliqués à l’homme. 20 Quels sont les meilleurs moyens d'assurer la prospérité de nos possessions en Algérie par un bon système de colonisation ? 3° Quelle a été en Afrique l'influence des dominations Carthaginoise, Romaine et Arabe sur les sciences, les arts et les lettres ? 4° Quelle a été l'influence du christianisme sur la civilisation ? 5° Quel rapport existe-t-il entre la langue des peuples et leur état social ? 6° Quelle a été l'influence de l'imprimerie sur la langue et la littéra- ture? IT. Questions proposées par l'Association normande. 7° Existe-t-il un assolement forestier ? En d’autres termes, est-il bon de substituer certaines essences à d’autres, après une période temporairé plus ou moins longue, comme on intercale les plantes annuélles dans l’assolement agricole ? 8° A-t-on constaté par des documents cértains qu’un changement notable se soit opéré depuis quelques siècles dans les essences d’arbres qui peuplent nos forêts ? ' 99 En adoptant le projet développé par M. de Caumont pour la con- fection d’une carte agronomique de la France par départements, quel serait le mode de notation préférable pour indiquer les assolements et les cultures? 10° Quels sont, dans les laiteries , les vases qui conviennent le mieux pour le développement de la crême ? LIL. Questions proposées pur la Société française pour la conservation el la description des monuments historiques. 11° Quels sont les caractères particuliers de l'architecture ogivale des bords du Rhin aux treizième , quatorzième et quinzième siècles ? : 3. 56 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE lRANCE. 12° A quelle époque peut-on faire raisonnablement remonter l'ori- gine des corporations de macons ou de tailleurs de pierre sur les bords du Rhin? IV. Question proposée par la Société Bacinienne. 13° Rechercher les causes de la décadence du théâtre français. In- diquer les moyens d'empêcher la littérature dramatique de sortir des voies de moralisation dont elle n’aurait jamais dû s’écarter. V. Questions proposées par M. Bonnet, professeur d'agriculture à Besançon. 44 L'enseignement agricole porté directement au milieu des culti- vateurs , peut-il avoir lieu dans tous les départements, comme il se pra-" tiqueavec grand succès depuis plusieurs années dans celui du Doubs ? 15° L'exercice du droit de vaine pâture étant dans beaucoup de pro- vinces contraire aux améliorations agricoles, ne peut-on pas, d’après les lois existantes , en réglementer l’usage de manière à ce que la vaine pâture ne soit permise que dans le temps où elle ne serait pas nuisible? Formuler dans ce cas les mesures administratives qui deviendraient protectrices du progrès agricole. 16° Établir les moyens de nourrir les animaux à l'étable et faire con- naître les avantages qui en résulteraient pour leur propriétaire et pour l’agriculture. 17° Quels sont les procédés agricoles ou les méthodes d'agriculture qu'il serait important à la France d'importer de la Suisse, de l’Alle- magne ou de quelques autres pays voisins ? 18° Un Ministère spécial d'agriculture serait-il utile à à la prospérité de cette profession ? 49° Peut-on organiser des moyens protecteurs de l’agriculture et de l'économie rurale et publique? Dans ce cas en quoi consisterait cette organisation ? 20° La police rurale étant généralement mal faite, à quels moyens faut-il recourir pour que toutes les récoltes aient protection ? - VE. Questions proposées par M. l'abbé Clerc, professeur à Luæeuil. 21° Quel serait le meilleur moyen de favoriser en France le dévelop- pement de l’éloquence sacrée ? 22° Les nouvelles doctrines littéraires doivent-elles avoir quelque in- fluence sur cette espèce d’éloquence ? 239 Jusqu'à quel point les prédicateurs doivent-ils rester fidèles au culte du classicisme et se tenir en garde contre le romantisme ? VII. Questions proposées par M. Jullien, de Paris. 24° L'esprit d'association , appliqué à l’édilité publique avec intelli- gence et persévérance, ne permettrait-il pas d'obtenir, en un petit nom- bre d'années , dans plusieurs de nos villes , les mêmes résultats d’assai- Lo dé DIXIÈME SESSION. SÉ nissement , d’agrandissement , d'embellissement et d'amélioration en tout genre, qui , autrement, ne seraient oblenus qu'après un très-long intervalle de temps par la marche lente et routinière suivie jusqu'à ce jour? 25° Les congrès sciéntifiques, dont les sessions annuelles de dix, douze ou quinze jours aü plus, sont toujours séparées par un intervalle de onze mois et demi , et qui ne sont ainsi qu’une institution tout à fait isolée et temporaire dans chacun des pays où elle a été introduite, ne pour- raient-ils pas retirer un grand avantage de l'établissement d’un recueil mensuel qui serait leur organe commun et central , et qui servirait de lien d'union, de moyen de communication et d'instruction mutuelle entre les membres du congrès, tous dispersés après chaque session , et entre les congrès eux-mêmes des différents pays, qui restent trop étran- gers les uns aux autres ? è 26° L'influence naturelle et légitime qu’exercent les femmes, est-elle convenablement préparée et dirigée par l'éducation qu’elles reçoivent , et n’est-il pas à désirer que le législateur et le gouvernement veuil- lent fixer leur attention sérieuse sur les meilleurs moyens de bien éle- ver les femmes, dans l'intérêt particulier de leur sexe et dans l'intérêt général de la société ? , VIIL. Question proposée par M. le général comte de Chassenon. 27° Un nouveau genre d'industrie agricole, dù au général comte de Chassenon , essayé avec succès dans le grand-duché de Luxembourg , qui consiste à extraire, par des procédés chimiques , des baies de l’ar— buste appelé Myrtille, très -commun dans quelques pays du Nord, du vin, du vinaigre et de l’eau-de-vie , parait-il devoir être encouragé par les administrations de ces pays, comme un moyen d'augmenter le bien- être des classes pauvres et laborieuses, en leur procurant, avec un fruit . sauvage et presque inutile jusqu’à présent, une boisson saine, abon- dante, peu coûteuse et assez agréable ? IX. Question proposée par M. le chevalier de Balbi, de Venise. 28° L'Italie, sous les rapports scientifique et littéraire, se mainlient- elle, de nos jours, au niveau des autres nations civilisées de l'Europe? X. Questions proposées par M. le comte Lencisa. 299 Les idées de Malthus sur la population sont-elles fondées en prin- cipe? Son système est-il susceptible d’une application quelconque à l’économie sociale ? 30° Sous quel point de vue convient-il de considérer le régime mu- nicipal dans l'intérêt actuel de la Société européenne ? 31° Les sciences et les arts généralement considérés n'étant que les branches d'une même tige, serait-il possible de puiser dans leurs élé- ments mêmes un principe d'unité, qui servirait de base à l'éducation 58 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE ‘et à l’enseignement coordonnés d’après un même-plan et dans un même esprit ? XI. Question proposée par M. le D' Mayor, de Lausanne. 320 Quels sont les caractères différentiels de la chirurgie et de la mé- decine, et quels avantages doivent résulter, pour la science, de préciser les limites qui séparent ces deux grandes divisions de l’art de guérir ? XII. Questions proposées par M. Morin. 33° Quelle est la cause de la formation de la gréle ? 34° Sur quelle théorie pourrait-on se fonder pour arriver à prédire le temps, et quel est le genre de formule à employer pour cela ? 35° Quel but doit-on se proposer pour arriver à former une société météorologique ? XII. Questions proposées par MM. Herzog el Vulliemin, professeurs à l’Académie de Lausanne. 36° Les antiquités celtiques antérieures à l’ère chrétienne ne per- meltent-elles pas de déterminer le caractère de l’art chez les Gaulois? 37° Si cet art s’exprimait sur le métal par l’ornement de détails plutôt que par la simplicité et la grâce des formes prises dans leur ensemble, si ces ornements de détail consistaient essentiellement dans la ciselure de lignes droites et de disques, les agrafes damasquinées , découvertes dans ces dernières années en Franche-Comté et dans la Suisse romande, ne présentent-elles pas, par leurs formes et par leurs filets d'argent in- crustés sur le fer, des éléments de la manière de concevoir le beau? Strasbourg , le 24 septembre 1842. Pour copie conforme, Le Secrétaire-général, G. Pa. Hepr. Pour s'acquitter des devoirs que lui imposait l'avis qui termine le Programme, l’administration du Congrès s’est empressée de faire appel au zèle de beaucoup de personnes et au concours bienveillant des autorités, Elle est heureuse de dire que ni les unes ni les autres ne lui ont fait défaut, Tandis qu’une Commission spéciale dirigea, avec un véri- table dévouement, pendant toute la durée du Congrès, l’exé- cution des dispositions prises pour seconder MM. les hôtes du Congrès dans la recherche de logements convenables et à des prix modérés, une autre Commission, que le Gomité des ad- DIXIEME SESSION. 9 hésions et des réceptions avait nommée dans son sein, sc chargea de rédiger une nolice qui pût servir de guide aux étrangers dans la visite des monuments et des curiosités de notre ville; et par des démarches préliminaires, elle se mit en devoir de leur assurer un bon accueil de la part de MM, les propriétaires des collections et de MM. les directeurs des éta- blissements. Le. mérite de celle notice a dû lui assigner une place dans les impressions du Compte-rendu. La bienveillance de MM. les bibliothécaires de la ville, et la courtoise obligeance de MM. les administratéurs du Casino lilléraire avaient ouvert à MM. les membres du Congrès étran- sers à la ville le libre accès de ces deux établissements pour toute la durée de la Session. Dans la prévision, si heureusement réalisée, d’un concours nombreux d’assistants, l'administration du Congrès s’était occupée de bonne heure de la recherche de locaux suffisam- ment vastes pour servir de salles de séances. Grâce à l’em- pressement bienveillant des autorités , les difficultés sérieuses qu’elle avait rencontrées se sont facilement aplanies. Dès le 29 janvier 1842, M. le Maire de la ville avait mis à sa dis- posilion, dans l’ancien Château royal, les salles nécessaires aux réunions préliminaires, avec la promesse d’étendre sa concession pour l’époque de la tenue du Congrès. Mais bien- tôt il devint évident que les salles du Château ne sufliraient pas à ce service. De là de nouveaux embarras qui cédèrent devant l’obligeance deM. leRecteur de l’Académie, non moins que devont la munificence éclairée du Conseil municipal. Par sa lettre du 23 septembre 1842, M. le Recteur, de concert avec MM. les Doyens des facultés et M. le Directeur de l’École de pharmacie, mit à la disposition de l’adminis- tration du Congrès , à l’hôtel de l’Académie, tous les locaux nécessaires aux assemblées des Sections , et assura en même temps aux membres du Gongrès l’accès de toutes les coliec- tions scientifiques et littéraires. De son côté, l’administration municipale, après avoir constaté l'impossibilité, pour l’administration du Congrès, de trouyer une salle convenablement disposée pour les as- semblées générales, voulut bien se charger elle-même de la ‘recherche et de la mise en état d’un tel local. C’est dans ce 40 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. but, que le Conseil municipal, jaloux d’ailleurs de faire à MM. les membres du Congrès étrangers à la ville un accueil digne des mœurs hospitalières de la population, vota, dans sa séance du 12 août 1842, un crédit de 8,000 francs, et nomma dans son sein une Commission de neuf membres, présidée par M. le Maire , pour en diriger et surveiller l’em- ploi. Cette Commission s’acquitta de sa mission avec autant de dévouement. que de discernement et de goût; elle a dû en trouver da flatieuse récompense dans le plein succès de toutes les dispositions par elle prises, et dans les droits in- contestables qu’elle a acquis à la vive reconnaissance de tous les membres du Congrès. Le Programme des fêtes, rédigé par la Commission , et sanctionné par les autorités, était d'autant plus complet et plus brillant, que M. le Lieutenant-général commandant la 5° division militaire avait bien voulu contribuer pour une bonne part à en rehausser la variété et l'éclat. L’impression de ces belles solennités militaires a été profonde. La parfaite prévenance qui a accueilli MM. les étrangers dans leur visite auxnombreuxetimportants établissements militaires de notre place , a achevé de les pénétrer de reconnaissance envers les autorités militaires. La Commission municipale a étendu sa Sois inde éclairée sur lout ce qui pouvait contribuer à rendre le séjour de notre ville plus agréable à nos hôtes. Sans entrer ici dans des détails , que la brièveté de cette notice ne comporte pas, nous nous bornerons à mentionner les dispositions judicieuses par elle prises, pour créer, dans une des salles du Château, une table commune à des prix modérés, et qui pût devenir un point agréable de réunion pour tous les membres du Con- grès. Par de tels soins, à la fois si actifs et si éclairés, la Commission municipale a concouru d’une manière extrême- ment eflicace au bon succès de la dixième Session du Gon- grès , dont l'administration est heureuse de lui exprimer de nouveau toute sa reconnaissance. Nous croyons devoir compléter les renseignements don nés sur les mesures d’ordre et de prévision, qui ont précédé l'ouverture du Congrès, par la communication des actes et publications qui s’y rapportent. ‘ DIXIÈME SESSION. 41 COMMISSION DES RENSEIGNEMENTS, NOMMÉE PAR LE COMITÉ DES ADHÉSIONS ET DES RÉCEPTIONS. MM. F£s, Président du Comité des adhésions et des récep- | tions; jultie Friss , architecte de la ville: HrcxeL, avocat , Conservateur de la Société des amis des arts ; LaurenT , capitaine d’étal-major. COMMISSION MUNICIPALE. MM. Scaürzengercer, Maire, Président ; * Boœnrscu, membre du Conseil municipal; Braun, entreposeur des sels; Grucker père, libraire; KRrATz, ancien notaire ; Laura (Cnarzes), membre du Conseil municipal ; SCHNEITER, idem ; SILBERMANN, idem ; STEINER, tdem. ARRÊTÉ DU MAIRE DE LA VILLE DE STRASBOURG. LE Marre, Vu les propositions faites par la Commission nommée par nous pour l’organisation des fêtes que la ville donnera en l’honneur du Congrès scientifique, Arrêle : 1. La nouvelle Halle couverte sera mise à la disposition des membres du Congrès pour la tenue des assemblées gé- nérales; elle sera close et décorée. 2. Afin d'offrir aux membres du Congrès, ainsi qu’à leurs dames, un centre de réunion, les salons du Château seront ouverts tous les soirs à sept heures, à dater du 28 septembre, et pendant Loute la durée du Congrès. 42 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. 3. Les fêtes auront lieù dans l’ordre suivant: Le samedi 1% octobre, à huit heures du soir, réception des membres du Congrès et de leurs dames dans les salons de l'Hôtel:de-Ville, 4. Le dimanche 2 octobre, à onze heures du matin, M. le Lieutenant-général commandant Ja. 5° division militaire pas- sera la revue des troupes de la garnison sur la place Kléber; des places spéciales seront réservées aux membres du Con- grès. À deux heures de relevée, on se réunira à la station de Kæœnigshofen pour se rendre par le chemin de fer à la colonie agricole d’Osiwald, 5. Lundi 3 octobre, soirée musicale au Château, à laquelle sont invités les membres du Congrès et leurs dames. 6. Mardi 4 octobre, à midi, exercices gymnasliques mili- taires à la Finckmatt. 7. Mercredi 5 octobre, illumination à Jlampions de la flèche de la Cathédrale; fanfares dans l’intérieur de la tour. 8. Jeudi 6 octobre, à huit heures du soir, grand bal paré à la salle de spectacle, offert à MM. les membres du Con- grès étrangers à la ville, et à leurs dames. 9. Vendredi > octobre, de huit à neuf heures du soir, feux de Bengale sur la flèche de la Cathédrale. 10. Le présent arrêté sera immédiatement transmis à M. le Préfet du Bas-Rhin, et soumis à l’approbation de M. le Lieutenant-général commandant la 5° division militaire, en ce qui concerne les dispositions des art. 4 et 6. Strasbourg, le 24 septembre 1842. Pour le Maire absent, signé Haanw, adjoint. Approuvé : Le Lieutenant-général, signé Baron Bucuer. Vu par le Préfet, signé Sens. DIXIÈME SESSION. 45 ÉNUMERATION DES PRINCIPAUX ÉTABLISSEMENTS ; MONUMENTS ET COLLECTIONS DE LA VILLE DRE STRASBOURG ACCESSIRLES À MM. LES MEMBRES DU CONGRÈS ; RÉDIGÉE PAR LES SOINS DE LA COMMISSION DES RENSEIGNEMENTS. Établissements publics. 1. Le Musée d'histoire naturelle sera ouvert pendant toute la durée du Congrès , tous les jours de neuf heures à midi, et depuis une heure de relevée jusqu’à cinq heures du soir. M. le directeur et M. le conser- vateur du Musée se tiendront à la disposition de MM. les membres du Congrès le jeudi 29 septembre , le samedi 1° et le lundi 3 octobre , de neuf à onze heures du matin , dans les galeries du Musée. 2, Le Musée d'anatomie pathologique sera ouvert tous les jours de neuf heures à midi et de une heure à cinq heures. M. le directeur du Musée se tiendra à la disposition de MM. les membres du Congrès le vendredi 30 septembre, le mardi 4 et le jeudi 6 octobre, de midi à deux heures. 3. Le Cabinet de physique de la Faculle des Sciences et celui de la Faculté de Médecine seront ouverts tous les jours , le premier de une heure de relevée à trois heures, le second aux mêmes heures que le Ca- binet d'anatomie pathologique auquel il est attenant. 4. La Bibliothèque de l’Académie sera ouverte tous les jours de onze heures à deux heures. u 5. L’Arsenal de chirurgie sera ouvert aux mêmes heures que la Bi- bliothèque de l’Académie, dans le local de laquelle il se trouve. 6. Le Laboratoire de la Facullé de Médecine et celui de l'École de pharmacie seront ouverts tous les jours , de neuf heures du matin à cinq heures du soir, pour MM. les membres du Congrès qui appartien- dront à la deuxième Section. 7. L'Observatoire. (Ces sept premiers établissements se trouvent réunis dans les bâtiments de l’Académie.) 8. Le Jardin botanique, rue de l'Académie, sera ouvert pendant toute la durée du Congrès , tous les jours de neuf heures du matin à six heures du soir. Les serres pourront être visitées de neuf heures à midi , et de deux heures à cinq heures du soir. M. le directeur du jar- din botanique se tiendra à la disposition de MM. les membres du Con- grès , le samedi 1°", le lundi 3 et le mercredi 5 octobre, de deux heures à quatre heures du soir. 9. La Bibliothèque de la ville (au Temple-Neuf), avec un Musée d'antiquités , une collection de médailles et d’autres objets d’art, parmi lesquels les vitraux de la Chartreuse de Molsheim , sera ouverte tous les jours de dix heures à midi. M. le bibliothécaire se tiendra à la dis- A4 à CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. position de MM. les membres du Congrès, le vendredi 30 septembre, le lundi 3 et le mercredi 5 octobre, aux mêmes heures. 10. L’Arsenal, avenue de la Citadelle, sera ouvert tous les jours de- puis une heure de relevée jusqu’à cinq heures du soir. 11. La Fonderie de canons, place de la Comédie, sera ouverte tous les jours depuis le lever jusqu'au coucher du soleil. Le 6 octobre, il y aura une coulée de six bouches à feu. 12. Le Musée de la ville (à l'Hôtel-de-Ville) sera ouvert tous les jours de neuf heures du matin à quatre heures du soir. - 13. L'Hôleldes Monnaies, rue de la Monnaie, 12, sera ouvert tous les jours de dix heures du matin à midi. (On ne pourra recevoir que cinq personnes à la fois.) 14. La Manufacture royale des Hibuks: rue de la Pierre-Large , 13, et ses machines à [llkirch, pourront être visitées tous les jours de nent heures du matin à midi et de deux heures de relevée à cinq heures. 15. Le Dépôt royal d’étalons, à l'hôtel du Haras, rue Sainte-Élisabeth, sera ouvert de huit heures du matin à midi et de une heure à cinq heures du soir. Exercices d'équitation de huit heures à onze heures du matin, 16. L’'Hospice civil sera ouvert CRAN une heure de relevée jusqu’à quatre heures. 17. L'Hospice des orphelins, rue de la Madeleine , sera ouvert tous les jours de neuf heures à midi et de deux heures de relevée à quatre heures. 18. Le Mont-de-Piété, quai Saint-Jean, sera ouvert les jours ordi- naires , excepté les jeudis , de trois heures et demie de relevée ; les di- manches de neuf heures du matin jusqu’à midi et de deux heures de relevéequsqu'à cinq heures. 49. La Colonie agricole d'Ostwald, à sept kilométres de la ville. (Voir le programme des fêtes ) Monuments el curiosités d'architecture. 1. La Cathédrale. L'Horloge de M. Schwilguë sera ouverte tous les jours à dater de vendredi 30 septembre , de neuf heures à cinq heures du soir. Le Télégraphe sera ouvert toute la journée, excepté aux heures où l'on travaille. On ne pourra recevoir que dix personnes à la fois. L'Atelier de l'OEuvre-Notre-Dame, à la Cathédrale. 2. La Maison de Recette de l'OEuvre-Notre-Dame , place du Chà- teau , 3 ; escalier à vis ; cabinet du receveur; chapelle du rez-de-chaus- sée; dessins originaux de la cathédrale, sur parchemin; exposition de l’ancienne horloge astronomique. 3. Le Temple-Neuf ; Danse des Morts peinte sur le mur; plusieurs monumenis funéraires. ; 4. La Fondation de Saint-Guillaume et le Gymnuse ; ancien cloître; salle de l'Auditoire. 5. L'Église Saint-Thomas ; tombeau du maréchal de Saxe; vitraux; beaucoup de monuments; sur la tour belle vue de la cathédrale, x" Sp: DIXIÈME SESSION. 45 6. Saint-Pierre-le-Vieux ; tableaux de Martin Schœn. 7. Saint-Pierre-le-Jeune ; jubé à peintures ; un tableau attribué à Holbein; chapelle. 8. Saint-Étienne; du côté du chœur, façade dans le style byzantin. 9. Saint-Guillaume; jubé; tombeau dans le chœur ; bas-relief en bois ; vitraux peints. 10. L'Église de la Madeleine ; vitraux peints. . 11. La Synagogue ; rue Sainte- Hélène. 12. La Halle-aux-Bles ; au Marais-Vert. 13. Le Château royal. 44. L'Hôtel-de-Ville. 15. L'Hôtel de la Préfecture. 16. L'Hôtel de la 5° Division mililaire. 17. L'Hôtel du Commerce (ancien Hôtel-de-Ville), place Gutenberg; architecture de la renaissance. 18. Le Théâtre. 19. L'École de pharmacie, à côté de l'Académie. 20. Le Monument de Kléber, place Kléber. 21. Le Monument de Gutenberg, place Gutenberg. 22. Les Remparts et la Citadelle construits par Vauban: 23. Le Polygone avec un monument de Kléber, à trois kilomètres de la ville. 24. Le: Chemin de fer, débarcadère à Kænigshofen. 25. Les Canaux ; a) le canal du Rhône-au-Rhin, hors la porte Na- tionale; b) le canal du Faux-Rempart et de la rivière de l'Ill ; c) le ca- nal de l'Il-au-Rhin, à la Robertsau; pont-levis en fonte à la Poncelet ; écluses pour bateaux à vapeur ; près de là, pont suspendu; barrage à la Poiret, à planchettes mobiles de nouvelle invention ; d) le canal de la Marne-au-Rhin , au Wacken. Style de Louis XV. Collections particulières et ateliers d'arts. 4° Collections de tableaux. M. Deu, quai des Pécheurs , 82. M. le baron d’'Olry, rue des Veaux, 3 bis. M. Simonis, rue des Juifs, 34 M. le vicomte Renouard de Bussierre , rue Derrière-Saint-Nicolas , 27. . Allaire, rue du Dôme, 2 . Guérin , quai des Pécheurs, 5. + Kiehm, place du Château, 20. . Ris, rue des Échasses, 9. . Gay, rue de l’Ail. . Reiber, rue du Vieux-Marché-aux-Vins. Mme Ve Richshoffer, rue du Vieux-Marché-aux-Poissons. M. Thibaut, rue St Male M. Klein, rue de la Fontaine, 23. M. Ochs, rue Saint- Urbain, 19. SESESE 46 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. 20 Collections de curiosités archéologiques et artistiques. M. Schweighæuser, rue de la Monnaie. M. Brunner, quai Saint-Nicolas. M. Eckel , rue des Hallebardes (aussi minéralogie et géologie). M. Thompson, rue du Vieux-Marché-aux-Poissons , 110. M. Ingweiler, rue du Faisan, 6. M. Hemmet, Place Saint- Thomas, 3. M. Klipfel , Petite-rue-de-l'Église, 3. M. Piton, rue des Juifs, 8 (panorama de Strasbourg et de ses environs). 30 Collections d'objets d'histoire naturelle. M. de Billy, quai Saint-Thomas, 13. Géclogie. M. Buchinger,r. des Fribourgeois, 2. Herbier. M. Fée, rue des Juifs. . . . . . . . Idém (avec collection de fruits). M. Schimper, quai St-Thomas, 14 . Idem (très-riche en mousses). M. Silbermann, placeSt-Thomas, 3. Entomologie (Coléoptères). M. Ott, près des Grandes-Arcades, vers la place Kléber . . : . . . Idem. M. Goubert, Grand'rue . . . , . . Idem. M. Saucerotte, rue de la Mésange, 6; Idem. MM. Robert etKüss,r.des Veaux,23. Objets d’anatomiehumaineet com- parée, modelés d’après nature. 4° Ateliers d'art. — a. Dé peinture. M. Guérin, à l'Hôtel-de-Ville. M. Mercklé, au Château. M. Klein, aux Ponts-Couverts, 11. M. Flaxland, à l'hôtel de la Loterie. M. Oster, rue du Jeu-des-Enfants. M'e Jeannot, au Château. M. Kübler, rue du Jeu-des-Enfants. M. Eck, rue des Tonneliers. M. Petitville, quai des Bateliers b. De sculpture. M. Grass, rue Brülée, 28. M. Friedrich , quai Saint-Jean, 56. M. Kirstein, rue des Orfèvres, 4. c. De peinture sur verre (vitraux). MM. Pereyra et Horn, rue du Fossé-des-Tanneurs. MM. Rütter et Müller, rue du Jeu-des-Enfants. DIXIÈME SESSION. 47 d. De gravure. 1. En médaille. M. Kirstein, rue des Orfèvres, 1. M. Emmerich, au Broglie. 2. En taille-douce. M. Schuler, rue de la Toussaint, 9. M. Oberthür, Grand’rue, 18. Établissements industriels particuliers. 1. Intra muros. Établissement de constructions mécaniques de M. Kolb, rue Saint-Marc. Filature et fabrique de soieries de M. Fæs, rue Salpétrière. Fabrique de grande horlogerie de M. Schwilgué, rue Brülée , 24. Fabrique d’ébénisterie de M. Blumer , quai des Bateliers, 40. Fabrique de maroquin de M. Emmerich , rue du Bain-aux-Plantes, 4. Fabrique de pianos de M. Frost, place Saint-Pierre-le-Jeune. . Fabrique de pianos de M. Allinger, rue Sainte-Barbe. Fabrique de papiers peints de MM. Schmidt frères , rue des Serruriers. Brasserie aux Trois- Rois de M. Farny, avec application de machines à vapeur, rue d'Austerlitz, 15. Fonderie de caractères, imprimerie et lithographie de Mme veuve Le- vrault, rue des Juifs, 33. Imprimerie de M. Sfiberratin, avec impression en noir et en couleurs, place Saint-Thomas, 3. Imprimerie lithographique de M. Simon, rue du Dôme, 19. Imprimerie lithographique de M. Bæhm, rue des Tonneliers , 8. Manufacture d’ornements d'architecture de M. Joseph Heiligenthal et comp., rue des Veaux, 3. Fonderie de cloches de M. Edel, rue Sainte-Barbe, 6. ” Fonderie en bronze de M. Laroche, rue du Dôme. Jardin de M. Hodel, jardinier-pépiniériste (belles serres), faubourg de Pierre, 37. 2 Extra muros. Raffinerie de sucre dite Alsacienne, au Wacken, directeur M. Siegler. Fabrique de sucre de betteraves, à la Meinau. Établissement de constructions mécaniques, à Graffenstaden, diséaienes MM. de Lièvreville et Mesmer. Fabrique’ de produits chimiques de MM. Polidoro-Maroco et comp., au Contades. Imprimerie lithographique et fabrique de papier porcelaine de M. Jundt, à la Robertsau. Fabrique de toile cirée de M. Seib, à la Robertsau. Fabrique de draps de M. Dietsch , à la Robertsau. 48 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Promenades. 1. L'Orangerie, avec les anciennes plantations de Lenôtre et la nou- velle promenade à l'anglaise, à la Robertsau. 2, Le Contades, hors la porte des Juifs. 3. Le Waclken, hors la porte des Juifs. 4. L'ile du Rhin, hors la porte d’Austerlitz ; le monument Desaix ; le grand pont du Rhin en face de Kehl]. Observations. MM. les membres du Congrès, pour être admis aux collections et établissements publics, devront se présenter partout munis de leurs cartes. Pour visiter les collections, ateliers et établissements particuliers, ils devront être accompagnés d’un membre du Comité de réception qui aura soin d'en prévenir les propriétaires ou directeurs. Ceux de MM. les membres du Congrès qui désireraient connaître plus particulièrement les établissements d'instruction , de bienfaisance pu- blique ou particulière, l'hôpital militaire d'instruction , etc., etc., sont priés de s'adresser aux membres du Comité de réception qui s'empres- seront de leur fournir les renseignements dont ils pourront avoir besoin. Au surplus, MM. les membres du Congrès pourront consulter avec fruit les deux ouvrages suivants qui viennent de paraître à l’occasion du Congrès : 4° Notice sur la ville de Strasbourg, par M. Scamipr, professeur au Séminaire protestant , chez Schmidt et Grucker, rue des Grandes-Ar- cades. 20 Énumération des monuments les plus remarquables du départe- ment du Bas-Rhin et des contrées adjacentes , par M. SCHWEIGHÆUSER, correspondant de l'Institut, professeur à la Faculté des Lettres. Chez Levrault, rue des Juifs, 33. DIXIÈME SESSION. 49 * ASSEMBLÉES GÉNÉRALES, OUVERTURE DE LA DIXIÈME SESSION. Séance du 28 septembre 1842. La première réunion, en assemblée générale, des membres du Congrès scientifique de Strasbourg a eu lieu mercredi le 28 septembre. L'autorité municipale avait mis la nouvelle Halle à la dis- position du Congrès pour ses séances générales. Cette halle, close provisoirement, était décorée intérieurement d’une manière conforme à la circonstance. Des tentures rouges sont disposées avec élégance aux arcades; des faisceaux de drapeauxtricolores sont suspendus aux extrémilés de la salle: Le bureau est établi au centre, sur une estrade, et surmonté d’un faisceau de drapeaux aux couleurs des différentes na- tions de l’Europe, symbole des idées de paix et d’harmonie dont les congrès scientifiques sont la manifestation. Devant le bureau est placée la tribune des orateurs. Des siéges sont préparés dans la salle pour mille personnes environ; dans les deux angles s'élèvent deux tribunes occu- pées par des dames. Vers trois heures, environ six cents membres du Congrès sont réunis dans Ja salle. Parmi eux on remarque un grand nombre de savants étrangers, surtout de l’Allemagne, et S. G: Mgr. l'Évêque de Strasbourg , accompagné d’une par- tie de son clergé. Le bureau est occupé par M. Hepp, Secrétaire-général du Congrès, assisté de MM. Eschbach, Forget, Jung et Silber- mann, Secrétaires généraux adjoints, Après une introduction musicale exécutée par des artistes placés à l’une des extrémités de la salle, M. Hepp déclare la 4 . D0 CONGRÈS SCIENEIFIQUE DE FRANCE. dixième Session du Congrès scientifique de France ouverte, et prononce le discours suivant: MESSIEURS, « El est des situations dont la solennité accable l'homme chargé d’en souténir le poids, et où il ne peut trouver que dans le sentiment du de- voir une force passive et insuffisante. Briguer une telle position, serait audace ou folie; la subir, c’est résignation et dévouement. «Je viens, Messieurs , de vous mettre dans la confidence des senti- ments qui m'agitent au moment où j'aborde cette tribune, et je bor- nerai à ce peu de mots ce que j'aurais à vous dire des terreurs et des an-° goisses légitimes qu’un tel moment comporte. Chargé de cette grande tâche par la confiance spontanée de mes concitoyens et de mes collègues, je conserverai à jamais le souvenir d'un honneur, auquel rien , dans ma carrière passée, ne m'avait aulorisé à aspirer. «Mais c'est trop parler de l'homme; abordons la situation : elle est à la fois pleine d’écueils et de grandeur. Votre affectueuse indulgente soutiendra l’orateur ; cette consolanté pensée fait sa seule force; puisse- t-elle ne pas l'abandonner ! «Avant tout, qu'il me soit permis de féliciter mon époque, mon pays, mes concitoyens d'être témoins d’une telle réunion. Quelle plus éloquente preuve des progrès infinis dé la science que cé magnifique concours d'illustrations intellectuelles venues de tant de points ! Quelle démonstration plus victorieuse du développement rapide des sympathies morales entre les peuples de tant de climats! Quel témoignage plus flatteur de l’affectueuse bienveillance qu’on porté à cette Alsace, ce pays à la vieille piété, à la vieille science, à la vieille loyauté! Mais aussi quelle institution si merveilleusement adaptée aux besoins de notre temps, aussi admirable de simplicité et de fécondité que celle de ces assises solennelles de la science, convoquant périodiquement sés plus fervents adeptes pour faire l'inventaire de ses richesses, pour vérifier ses mé-— thodés, pour rectifier ses tendances et pour les mettre de plus én plus d'accord avec lés intérêts et les nécessités de la vie intellectuelle, mo- rale, industrielle et sociale du monde contemporain! Quelle a été ra pide et universelle la popularité d’une conception qui, éclose, il y à à peine vingt ans , dans la tête d’un des plus illustres naturalistes de l’Al- lemagne !, a accompli dans peu d'années son tour d'Europe, et dont les solennités se succèdent da sud au nord, de l'est à l’ouest! Et en effet , il est à peine un grand pays de l'Europe qui n'ait son Congrès scientifique, et dans la studieuse Allemagne toutes les branches prin-- cipales du savoir humain célèbrent leurs congrès particuliers. En France, ce pays d'initiation et d’élan , il a suffi de la voix patriotique et éloquente d’un seul homme, et cet homme siège parmi nous?, pour acclimater cette belle institution, et les progrès visibles et soutenus 1 M. le Professeur Oken. 2 M. de Caumont, dé Caen, Correspondant de l'Institut: DIXIÈME SESSION. 51 qu'elle a faits depuis les dix années de son existence, établissent d’une manière irrécusable sa parfaite vitalité et sa conformité intime avec le génie national. Nous ne dirons pas les services spéciaux et importants que chez nous elle est appelée à rendre au milieu du délaissement et de la torpeur littéraire de nos provinces; car nous avons besoin d'écarter en ce moment de notre esprit tout ce qui pourrait l’attrister, lhumilier peut-être. Mais nous ferons ressortir, à la gloire de la France, le tact parfait avec lequel elle a su améliorer cette institution , en lui impri- mant cette utilitésociale et pratique, que notre siècle recherche en toutes choses avec une si légitime avidité. Cette amélioration fondamentale i nous la trouvons dans le caractère universel et encyclopédique que le Congrès scientifique de France s’applique à imprimer à ses travaux ; (en- dance exposée peut-être à quelques critiques de la part des hommes spé- ciaux, mais qui n’en est pas moins la condition vitale de son influence sociale et la cause véritable de la faveur croissante dont il est entouré. «Nous n’ignorons pas qu’on a essayé d'attribuer ce caractère d’uni— versalité à des circonstances moins favorables pour lamour-propre na- tional , et que les détracteurs du Congrès scientifique lui reprochent de ne produire que des résultats insuffisants pour les sciences spéciales. Mais de grâce, qu'on ne veuille donc pas confondre la mission des congrès avec la mission des académies ; la vulgarisation de la science, son influence de tous les jours sur la vie et sur Ja civilisation des peu- ples, avec le développement abstrait de ses théories, avec la sagacité lente et patiente qui plonge dans ses profondeurs. Qu’on veuille bien comprendre que la nourriture intellectuelle est le premier, le plus im- périeux besoin de notre époque ; que nous avons besoin de beaucoup d'idées pour avoir des idées justes; que chez nous il y a longtemps que la science à cessé d’être le patrimoine d’une caste, et que la nationalité du mot profond de notre vieux Montaigne : « Je ne m'enquiers pas qui est le plus savant, mais qui est le mieux savant, » renferme le secret de la force et de l'énergie françaises. Est-ce à dire qu'il ne faille pas s'ap- pliquer à donner de jour en jour plus de consistance , de profondeur et d'originalité aux travaux du Congrès scientifique de France? Nulle ment ; le moindre doute à cet égard lui tournerait à injure, et l'éclat croissant de ses réunions nous est un sûr garant des efforts consciencieux qui seront faits, dans cette direction, par tous les hommes de cœur qui apprécient cette institution. Mais , pour Dieu! qu'on ne lui enlève pas son caractère populaire , ni sa merveilleuse aptitude à se plier au génie particulier des provinces, qu’il ramène et assimile si naturellement au génie national ; que dans ses courses vagabondes on lui conserve sa précieuse mission de recueillir toutes les lumières ,; d'encourager tous les talehts , de se plier à tous les besoïns et de proclamer, au milieu des populations , la dignité de la science et sa vertu civilisatrice. C’est à ce prix , et à ce prix seul, que son influence grandira, c’est dans cette voie seule qu'il deviendra un des plus puissants instruments du progrès reli- gieux et moral et des besoins sociaux et intellectuels. «Nos idées sur la mission véritable des congrès scientifiques en 4, 52 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. France nous ont conduits à une des questions les plus élevées qui soient dignes d’être débattues devant une telle assemblée ; car, il n’en est pas -qui soit en rapport plus direct avec les intérêts les plus pressants de notre époque. Cette question, nous l’aborderons avec conviction et franchise. La civilisation et la science, la pacification des esprits et la diffusion des lumières sont également intéressées à sa judicieuse solution. «Quel est, demanderons-nous, le rôle de la science dans la société contemporaine ? Ge rôle a-t-il toute sa puissance et toute sa grandeur ? La science en a-t-elle l’exacte intelligence? Le monde sait-il suffi samment la respecter et l'utiliser ? La science est-elle l’'humble servante de la vie, ou en est-elle la directrice et la lumière? Le développement dés deux est-il symétrique? Les progrès de l’une déterminent-ils l'avan- cement de l’autre , et celle-ci devient-elle plus morale et plus heureuse en proportion des clartés que l’autre essaye de répandre? En un mot, dans quel rapport la science se place-t-elle avec la vie el réciproquement ? «S'il est un point hors de controverse pour l'observateur réfléchi du développement progressif de l'humanité, c’est la révolution fondamen- tale qui s’est opérée dans les instincts et les principes qui conduisent l'homme contemporain dans sa vie morale comme dans sa vie sociale, si on les compare à ceux auxquels obéissaient les générations qui nous ont précédés. A la foi instinctive, à la docilité héréditaire , qui avait tout au plus ses accès de mutinerie, au respect implicite des précédents et des traditions, en un mot, aux instincts hiérarchiques qui le guidaient dans la vie morale et intellectuelle comme dans la vie sociale, et qui avaient pour base un sentiment profond, quoique confus, de sa débilité et de son infériorité, nous avons vu succéder tout à coup et presque sous nos yeux, ou au moins dans des temps que nos souvenirs peuvent atteindre, uneindiscipline de la pensée, un mépris des traditions, un es- prit d’audace et de nivellement , qui dépassèrent rapidement en témé- rité et en arrogance tout ce que les anciens instincts avaient acquis de tenacilé et de consistance ; et la défiance de soi , caractère pour ainsi dire distinctif des temps précédents, céda le pas à une sorte d’adoration de l’homme pour sa science et pour son infaillibilité personnelle. Cette révolution, longtemps latente dans ses causes et dans ses mobiles, éclata soudain, et le monde moral et social en furent également ébranlés sur leurs bases. Son premier effet fut de désorienter tous les esprits , de dé- payser, pour ainsi dire, les plus hautes intelligences ; car non-seule- ment tous les étais de la vieille société s’étaient affaissés à la fois, non- seulement tous les égoïsmes s'étaient fait juur, mais encore toute con- fiance avait disparu, tous les instruments de direction et de conduile s'étaient brisés violemment, et le trouble fut tel, que l’on vint à douter si la nature humaine avait conservé ses caractères distinctifs et son impérissable dignité. La science fut des premières à succomber sous d'aussi effrayantes atteintes ; tous ses principes acquis , loutes ses doc- -trines consacrées étaient ébranlées à à la fois , et cet ébranlement fut tel, qu’à l’heure actuelle elle n’a pas encore acquis une suffisante confiance DIXIÈME SESSION. 55 en soi , qu’elle n’a pas encore repris cette influence suprême qui lui est due sur le développement de nos destinées. Étourdie des coups qui l'accablaient de toutes parts, il lui arriva de perdre la premiére l'in- telligence des événements gigantesques qui se développaient autour d’elle, et longtemps, trop longtemps, sans doute, elle s’agita avec obs- tination dans le cercle de ses vieilles expériences et de ses vieilles idées. Doutant d'elle-même en même temps que de la nature humaine, il n’est pas d'écart dans lequel elle ne se soit jetée pour déformer et pour torturer cette nature dans le sens de ses impuissantes théories. In- capable de saisir le fil conducteur dans cet immense dédale de contra- dictions, de souffrances et d’excès, elle en devint de jour en jour plus impuissante à comprendre et à diriger les intérêts complexes et multi pliés de la vie nouvelle. Trop souvent aux gages de passions extrêmes, auxquelles , par une coupable condescendance , elle s’efforça de subor- donner ses doctrines éphémères , elle en arriva , par moments, à accu- muler sur sa tête le dédain moral pour ses coupables complaisances, et le discrédit intellectuel qui s’attachait à ses combinaisons impuissantes. «Mais en même temps que la science, qui aspire à expliquer l’homme et à le diriger, eut à subir ces profondes, ces mortelles atteintes, la science, qui scrute la nature et qui l’assouplit aux fins et aux nécessités de notre existence, fit des progrès d'autant plus extraordinaires et plus brillants; car, pressée par les nécessités impérieuses qui l’agitaient de toutes parts, elle profita de la popularité que lui valurent ses ser- vices , et de l'énergie de tant d’esprits puissants, qui se détournèrent avec dédain et presque avec dégoût des folles orgies, dans lesquelles son -infortunée sœur était allée compromettre/son autorité et son empire. Se mettant au service de ce besoin de travail et de bien-être , qui était devenu comme la passion de l’époque, parce que l'instabilité déplo- rable des doctrines et des institutions avait flétri et désenchanté les biens de la vie morale, la science du monde matériel s’éleva à une hau- teur inconnue jusqu "alors, et ses méthodes se développèrent et,se per- fectionnèrent en proportion des immenses conquêtes qu’elles lui per- mirent de réaliser. Ce sera un beau, ce sera un magnifique cha- pitre de l’histoire future de l'Humanité , Celui des merveilles enfantées Par le génie créateur de l’homme dans l’ordre des intérêts matériels et industriels , et le récit des bienfaits que dans cette direction il a ver- sés sur notre espèce, formera une sorte de compensation aux maux sans fin que lui ont fait endurer les fatales erreurs des sciences morales. Mais que parlonstnous de compensation ? Peut-il en être pour les douleurs du déchirement moral dont la passion, le doute, les froideurs glaçantes de l’égoïsme affligent l'individu ? Y a-t-il une compensation possible à l'absence de stabilité, de sécurité , de respect des institutions et des lois , qui sont les premiers biens du citoyen ? Et ces biens pou- vaient-ils renaître avant que les principes de religion et de moralité eussent repris leur empire? en d’autres termes, avant que la science morale eût refait ses méthodes et rétabli ses doctrines ? Preuve évidente et victorieuse de la prédominance absolue des intérêts de l’ordre moral D4 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. sur les intérêts de l’ordre matériel, en apparence les plus irrésistibles et les plus puissants. Aussi, voyez avec quelle chaleureuse piété les généra- tions contemporaines sont occupées à reconstituer le domaine de leurs convictionsreligieuses et morales ; quelle ardeur elles déploient à létrir de leur dédain les grossiers écarts d’une époque à peine écoulée, et combien sont vaines les clameurs de ceux qui essayent de les détourner de la sa- tisfaction de ce plus noble , de ce plus impérieux besoin de l'homme! «Mais si les ravages du désordre sont rapides, les remèdes n’exer- cent qu’une action lente et contrariée, et cette observation est vraie, surtout dans l'ordre moral. Il ne suffit pas que le monde contemporain ait replacé au premier rang les vérités de cet ordre, et qu’il s'applique sé- rieusement et énergiquement à les remettre en honneur dans le monde intellectuel comme dans le monde social, pour qu'aussitôt toutes les traces de vieilles et fatales erreurs disparaissent ; tenaces , parce qu’elles sont enracinées, et parce qu’elles ont su se mêler intimement aux inté- rêts de la vie positive, elles ne céderont que devant le travail lent mais irrésistible de l'éducation, à laquelle revient dès lors le grand rôle de rétablir définitivement la société sur dgs bases que le siècle avoue et dont l'humanité puisse s’honorer. D'ici là, l’action des vérités morales restera plus ou moins livrée à la vanité et à l'acharnement des disputes humaines; bien souvent leur prééminence sera méconnue au profit de ce qu’on nomme si pompeusement les intérêts positifs , et l’on verra, trop souvent encore, les principes moraux et sociaux les plus élevés être sacrifiés aux notions grossières du lucre et de l’utile. «Pour être justes, nous dirons que la science morale expie durement, mais n’expie pas sans l'avoir méritée, l’humiliation profonde dont la, fatalité de ses erreurs l’a rendue l’objet. Ce qui prolonge ses souffrances, c’est, d’un côté, l’impéritie de la plupart de ceux qui essayent d'y por- ter remède; de l’autre, l’audace d’agression de ses détracteurs, qui croit peut-être en proportion directe du vif pressentiment qu'ils ont d’une infaillible défaite. La plupart des prétendus restaurateurs des scientes morales partent de principes faux ou exagérés ; et lors même que leur point de départ prêterait moins à la critique , leur logique pas- sionnée, ignorant l’homme dans ses immortelles tendances, comme dans les nécessités qui assiégent sa vie morale et sociale ; les fait arriver à dés résultats que le bon sens et la conscience du genre humain repoussent à l’envi. Plongés tantôt dans le fatalisme de l’histoire, tantôt dans les abstractions sèches et stériles d’une métaphysique creuse; se plaisant à forger l’homme selon les nécessités de leurs vaporeuses hypothèses , au lieu de l'étudier tel qu’il est sorti de la main de Dieu , et se passionnant pour leurs rêveries à mesure qu’elles sont plus excentriques, ces mala- droits apologistes réussissent à livrer au ridicule ou au dédain un genre de vérités et de recherches, auquel déjà les enfants du siècle adressent le reproche, impardonnable à leurs yeux, de ne jamais se résoudre en ré- sultats positifs, c'est-à-dire en résultats palpables et qui admetlent le nombre, le poids et la mesure. Et cependant jamais il n’y a eu d’épo- que où la consolidation de (ous les intérêts de l’ordre moral et de l'or- s DIXIÈME SESSION. 5 dre matériel ait dépendu d’une manière plus absolue et plus péremp- toire de la démonstration d’un petit nombre de principes de l'ordre philosophique et moral, et de leur introduction dans les affaires de la vie pratique. L’étourdissante cacophonie de doctrines, qui est sans contredit le fléau le plus désastreux de notre époqué, ne pourra être vaineue que par le triomphe de doctrines plus rationnelles et plus mo- rales; la consolidation de nos destinées et le sort même de la civilisa- tion dépendent donc en définitive de la rectitude des vues et des prin- cipes qui prévaudront dans la science morale. Ce n’est qu'à ce moment que ceMe-ci reprendra , dans l’ordre hiérarchique , la place qui lui est due, comme au guide et au flambeau de l'humanité; et alors seule- nent on s’apercevra de la vanité des efforts prolongés qu’on a faits pour la supplanter dans cette mission auguste, par un ordre de vérités qui resteront toujours impuissantes à conduire l’homme moral , aussi long- temps du moins que l’égoïsme et le grossier instinct du bien matériel ne seront que des impulsions aveugles et brutales qui ont besoin d’être maîtrisées et contenues, et qui n’ont, par cela même, aucun titre pour aspirer à la domination des existences. « Il est évident , par ce qui précède, que la longue dépression de la science morale a dû compromettre d’une manière fatale l'autorité de direction et d'empire qui lui revient de droit sur les destinées humaines ; et à considérer la hiérarchie actuelle de la société, on demeure con- vaineu de l'insuffisance du rôle qu’elle y joue. A sa place, la science du monde matériel , favorisée par les secours positifs qu’elle apporte aux nécessités et aux jouissances de la vie, a acquis une influence aussi pré- pondérante que temporairement utile ; car cette influence n’a pas peu servi à raffermir, sur la base de l'égoïsme et du désir des jouissances, l’ordre extérieur et la régularité du fonctionnement social, Mais déjà les vices graves de cette interversion des rôles des deux sciences éclatent de toutes parts, et il faut quelque naïveté pour s’étonner qu’une société qui n’aurait que de tels appuis, ne pût ni se reposer ni se consolider. Ce n’est pas par l’intérêt grossier et par la convoitise qu’on réussira jamais à discipliner l’homme, aussi peu qu'à le rendre heureux ; car ce sont là des divinités brutales et insatiables dont les appétits grandis- sent à mesure qu’on essaye de les satisfaire ; la doctrine seule du devoir et des vérités immortelles a cette vertu toute puissante, car elle seule a le droit de dominer et de parler d'autorité; toutes les autres vérités sont utiles à connaître et précieuses à exploiter : mais destinées à ser— vir Ja cause de l’utile , comment pourraient-elles aspirer à démêler et à imposer la doctrine du bien? «La liaison est directe entre les considérations que nous venons d’ex- poser et les intérêts des congrès scientifiques, qui ont droit de nous Préoccuper en ce moment. Si ces congrès aspirent à devenir de véri- tables messagers de civilisation, à réunir en un brillant faisceau tous les éléments de lumières épars cà et là, c’est, avant tout, par la propaga- tion d’une bonne philosophie des sciences qu'ils doivent s ‘appliquer à marquer leur passage. Or, cette philosophie des sciences doit être es- 56 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE, sentiellement calquée sur une saine philosophie de l’homme lui-même et de sa nature immortelle, et de cette idée, aussi simple que féconde, jailliront, comme d’une source intarissable, les grandes et larges con- ceptions de la science et ces sentiments élevés qui ennoblissent et sanctifient toute l’activité intellectuelle et morale de l'homme. Cette mission , bien comprise, imprimerait aux congrès scientifiques une in- fluence incalculable sur le développement des intérêts les plus sacrés de la société, en même temps qu’elle eontribuerait puissamment à modérer et à régulariser l'estime excessive des jouissances matérielles , en extir- pant des âmes ce doute glacant qui flétrit, et cette indifférence pour les satisfactions morales, produit de l'instabilité et de l'extravagance des doctrines bien plus encore que des convoitises grossières et de la passion effrénée des satisfactions sensuelles. «Mais si, d'une manière générale, la bienfaisante influence des congrès scientifiques est directement subordonnée à la moralité des tendances qu’ils poursuivent, il est encore pour eux certaines causes immédiates de succès, qui dépendent des circonstances , sous l'empire desquels ils se réunissent. Lei il est des conditions qui, pour varier se- lon les époques et selon les localités , n’en ont pas moins quelque chose de fatal et de nécessaire. Dans des pays à instruction iusuffisante, en l'absence des travaux de la science ou des excilations puissantes du commerce et de l’industrie , au milieu de la stérilité des souvenirs his— toriques ou de l’apathique indolence des populations, le rôle des con- grès scientifiques serait naturellement nul et infécond. «Les Congrès ne sauraient prétendre à créer les idées ; leur mission est de les mettre en lumière et de les vulgariser. Moins préoccupés des amours-propres individuels que du désir de stimuler les imtelligences, il leur faut un premier fond d'idées , et surtout une disposition sympa- thique des esprits à l’activité intellectuelle , scientifique, littéraire ou artistique , pour se produire avec quelque chance de succès. Mais l’at- mosphère qui leur convient avant tout , c’est celle des populations his- toriques , riches de leurs souvenirs et de cette poésie suave et brillante, intime et pompeuse, qui anime de son souffle divin la littérature et l'art, et prête même aux travaux de la science et aux conceptions de l'industrie quelque chose de sa chaleur et de sa grâce. Il y a donc des terrains plus ou moins favorables au succès de ces solennelles réunions, et celte considération doit influer sur l'appréciation de leurs travaux. Or, il est peu de régions en Europe qui, pour la richesse el pour la ma- gnificence des souvenirs , puisse lutter avec cette admirable vallée du Rhin, que Dieu, en la créant, semble avoir destinée à rester pour jamais une des grandes artères de la vie morale et de la civilisation des peuples. Car, soit que l’on remonte à l’origine de l’histoire des régions centrales de l'Europe, et qu’on assiste à ces luttes gigantesques entre la rude énergie des races septentrionales et la civilisation épuisée de Rome , entre l'esprit féodal et l'esprit municipal ; soit que l’on pour- suive dans le cours des siècles les développements de la religion et de l'art, ceux de la chevalerie comme ceux des corporations bourgeoises, DIXIÈME SESSION. 57 que l’on recherche la trace du réveil de la pensée humaine et de ses formes d'expression, ou qu’on suive celle du génie appliqué à la vul- gariser ; ou qu’enfin on essaye de retracer les anciennes routes du com- merce et de signaler les premiers efforts de l’industrie au milieu des ténèbres du moyen âge; partout et toujours l’on est ramené vers celte magnifique vallée du Rhin , comme vers un des foyers d'élaboration les plus ardents des éléments de puissance , de grandeur, de piété et de lumières de l'humanité. Incessamment placés sous l’action de déux civi- lisations qui de l’est à l’ouest viennent se mêler et se confondre dans ces beaux parages , leurs habitants ont dù de bonne heure se former un caractère propre et adoucir les aspérités les plus saillantes des deux na- tionalités d’où ils tirent leur origine. Ce n’est pas ici le lieu de retracer - avec détail les phénomènes curieux que notre remarque tend à expli- quer; mais ce qui est vrai, c’est que ces phénomènes subsistent, et que les luttes les plus acharnées de la politique n'ont jamais réussi à détruire les sympathies naturelles et innées qui rapprochent les habitants des deux bords du fleuve. Ce qui les distingue, c’est leur aptitude singulière à apprécier le génie propre à chacune des deux nationalités, entre les— quelles la Providence leur a assigné le beau rôle de médiateurs et d'in- terprètes; et, pour achever de marquer la prédilection avec laquelle elle les a traités, elle a voulu qu’à côté du rôle de transaction et de rap- prochement qu’elle leur a imposé , ils sussent conserver intactes les gé— néreuses émotions du patriotisme et de la nationalité. «C’est sur ce terrain si admirablement préparé qu’a dû s’acclimater facilement la belle institution des congrès scientifiques, et l'expérience a pleinement confirmé la vérité de la déduction que nous venons de faire. Nées à peine depuis vingt ans en Allemagne, et depuis dix ans en France, ce court intervalle a suffi pour reporter six fois ces belles réunions sur les bords du fleuve, et pour peu que nous rattachions, par la pensée, le bassin du Rhin à celui du Rhône, avec lequel il a de si nombreux points de contact historique , nous pourrons énumérer, avec quelque orgueil local, à côté des quatre congrès de Fribourg, de Hei- delberg, de Mayence et de Bonn, les quatre congrès de Metz, de Be- sancon, de Lyon et de Strasbourg. Nous imputera-t-on à vanité ces ‘rapprochements complaisants? mais nos juges sont trop équitables pour nous reprocher un sentiment qui ne doit servir qu'à réveiller en nous celui des graves devoirs que notre position même nous impose. «Or, cette position, comment la concevons-nous ? tout simplement sous le point de vue des destinées nouvelles que la Providence semble avoir faites à l'humanité dans une ère de paix, de progrès, de rappro— chementet de civilisation. Désormais les luttes entre nations n’ont plus pour objet que des rivalités de travail, de lumières, de bien-être moral et matériel, el si de pénibles vestiges d’hostilités naguère flagrantes survivent encore aux causes qui les ont fait naître , ils disparaîtront ra- pidement devant les nécessités instinctives du siècle nouveau, et devant ce senliment aussi profond que vrai, qu'entre des nations qui ont tant de biens à se communiquer, tant d'appui et de secours muluels à se pré- 58 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. ter, à n'est plus temps de prêter l'oreille à de vieilles rancunes, mais que le moment presse pour se tendre La main et pour travailler de concert à l’accomplissement de l’œuvre commune. «C’est à regret que nous nous arrêtons dans le développement de nos idées sur la grandeur et l'importance de cette tâche, car il nous eût été doux d'énumérer tous les services que les deux peuples sont ap- pelés à se rendre sur le terrain des intérêts moraux, religieux et sociaux, comme sur celui des intérêts matériels. Il nous eût été facile de dé- montrer que ces services seront d'autant plus signalés, que les deux peuples consolideront et fortifieront davantage leur nationalité , et que, sous ce rapport, nous considérons comme un symptôme heureux les sentiments d'estime réciproque qui ont survécu aux luttes gigantesques, dans lesquelles ils étaient naguère engagés. «Mais il est un point de coopération réciproque entre les deux peu- ples sur lequel il semble d'autant moins besoin d’insister, que la con- viction de son utilité et de son importance a déjà pénétré dans tous les esprits sérieux. Nous voulons parler des secours immenses que les deux : peuples sont appelés à se rendre par l'union plus intime de leurs efforts dans le domaine de la science et de l'intelligence. C'est ici que la cause des lumières et de la vraie civilisation aura tout à gagner, du jour où l’on se sera entendu sur une coopération plus intime, plus régulière, plus confiante ; du jour où chaque peuple, conservant son génie propre, se sera rendu compte du gain immense que lui promet une étude, plus dégagée de préjugés, des connaissances acquises et des méthodes sui- vies par le peuple rival , et où il lui deviendra dès lors facile de se mettre en possession de ces trésors. Or, c'est ici que renaît la spécialité du rôle naturellement assigné aux populations intermédiaires ; car c’est à elles à ménager les traasitions , à calmer les amours-propres , à faire ressortir les mérites respectifs et à faciliter en toutes choses l'échange des secours et des conseils. Si ce rôle est modeste, il a bien aussi son importance et sa grandeur, et ce rôle, Messieurs, nous avouons naïvement que nous l’ambitionnons. Jamais occasion aussi solennelle ne nous a été donnée de faire cet aveu qu’au milieu de cette imposante as- semblée, dont les membres , accourus de tant de points divers à l'appel cordial que nous leur avons adressé, peuvent être considérés à juste titre comme les représentants légitimes, dans le domaine de l’intelli- gence et des idées, des deux grandes nationalités ou, pour mieux dire, des deux grandes races historiques qui se tendent une main fraternelle, et qui, par le bienveillant empressement dont il nous ont honorés, ont donné la mesure de leur aptitude à la mission de paix et de rapproche- ment intime que les intérêts de la nouvelle humanité nous imposent. Jamais réunion à la fois plus grave et plus brillante ne s’est assemblée sous des auspices plus heureux; jamais les populations des bords de la Méditerranée à ceux de la Baltique, des grèves de l'Océan aux plaines de la Hongrie, ne se sont rencontrées dans un rendez-vous intellectuel représentées par des organes plus distingués et plus dévoués; et si ce magnifique concours de tant d'hommes honorables doit marquer à ja DIXIÈME SESSION 9 mais dans les annales de notre cité comme un événement qui justifie un patriotique orgueil, un sentiment plus désintéressé doit nous animer dans ce moment : c’est le sentiment des graves , des immenses devoirs qu’un si éclatant honneur nous impose, c'est celui des légitimes espéran- ces qu’il nous est permis de concevoir sur les fufures destinées littéraires d’une ville dont les travaux n’ont pas toujours passé inaperçus dans l’histoire des progrès de l'intelligence, et à laquelle il importe d'autant plus de restituer son rang dans le domaine intellectuel, que, riche d'ins- titutions savantes, et remise récemment, par une suite de judicieuses mesures du gouvernement , dans les voies de son ancienne prospérité matérielle , tout fait espérer qu’elle se montrera désormais ardente et empressée à ressaisir ce dernier et brillant élément de son ancien re— nom et de son antique illustration. « Grâces vous en soient donc rendues, à vous tous, hommes de cœur, de science, d'intelligence, qu’un sympathique intérêt pour les plus grands biens de l'humanité, la moralité et la science, a réunis et pressés dans cette vaste enceinte, et qui avez accueilli avec tant de fa- veur et d’indulgence l'invitation qué vous a été adressée à ce solennel rendez-vous. Grâces vous soient rendues, au nom de la cité, que votre présence honore et flalte, comme au nom des intérêts de paix et de con- corde, que votre réunion même est destinée à seconder si puissamment ; et si à ces graves accents de la reconnaissance publique et contempo— raine, celui qui a l'honneur de vous parler ose joindre l'expression de sa gratitude profonde et respectueuse pour la bienveillance avec la- quelle vous avez daigné accueillir ses efforts, qu'il lui soit permis de résumer dans un vœu solennel cette allocution, sans doute trop longue, mais que le cœur seul lui a dictée. Puisse, et c’est ainsi qu’il termine, puisse le souvenir de votre séjour parmi nous se perpétuer par une ins- titution à laquelle vous aurez donné l'être ; puisse l’organisation que la dixième Session du Congrès scientifique de France a imprimée aux hommes d'étude et de progrès de la ville de Strasbourg et de l'Alsace , puissent l’ardeur et le zèle qu’elle leur a inspirés, survivre aux heureuses circonstances qui l'ont fait naître, et puisse-1-il sortir de cetle organi— sation même une SOCIÉTÉ ENCYCLOPÉDIQUE DES BORDS DU RHIN, qui tiendra de vous la mission d'entretenir le feu sacré que vos rayons auront allumé, et de se constituer le chaînon inter— médiaire dans cet échange d'idées et de sympathies, qui deviendra désormais la loi de la nouvelle humanité! Inspirée par vous, forte de vos sympathies, docile à vos conseils, la Société, fille de vos œuvres, ne manquera, nous l’espérons, ni de dévouement, ni d'énergie, pour poser fortement et pour élargir avec prudence sa sphère d'action , et elle conservera, comme un éternel titre d'honneur, le précieux souvenir d'avoir dû le jour aux encouragements d’une assemblée qui ne le cède à nulle autre én gravité], en science et en illustration.» Ge discours de M, le Secrétaire général est accueilli par les applaudissements de l’assemblée. 60 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. M. Comarmond, Secrétaire général de la neuvième Session du Congrès scientifique de France tenue à Lyon en 1847, rend compte de la gestion finarcière de celte Session. Après avoir établi la balance des recettes et des dépenses, M. Comarmond termine ainsi: «Vous voyez, Messieurs, que la caisse du Congrès est restée étran- gère aux dépenses occasionnées par les fêtes, et que la ville de Lyon seule en a supporté tous les frais. Une somme de cinq cents francs seu- lement a été appliquée à la course de Vienne, que nous avons considé- rée comme excursion scientifique. «Les dépenses nécessitées pour le cuivre et la frappe de la médaille sont restées aussi à la charge de la ville. «M. le Maire et le Conseil municipal , dont je me rends ici l'organe, ont voulu honorer la présence des étrangers et leur laisser un souvenir de leur séjour à Lyon. Je saisis cette occasion pour exprimer à MM. les membres de la neuvième Session tôus mes regrets pour lesretards qu'ont éprouvés l'impression et la distribution du Compte-Rendu ; il seraït trop long de vous en expliquer ici les causes forcées. «Je veux aussi, au sein d’une ville amie et hospitalière, qui vous prépare une brillante Session, vous remercier en public de loutes les bontés que vous avez eues à mon égard, et de votre indulgente dont j'avais si grand besoin. «Messieurs, le Congrès de Lyon offre à la dixième Session un exem- plaire de son Compte-Rendu, plus un second exemplaire à la ville de Strasbourg , à laquelle M. Terme, maire de Lyon, me prie de joindre une médaille frappée en l'honneur du Congrès.» Des applaudissements accueillent ces paroles. On passe ensuite à l’élection d’un Président et de trois Vice-Présidents. À cet effet, on remet aux différents mem- bres de l’assemblée un bulletin portant les mots: Président: 1e Vice-Président: 2e Vice-Président: 3e Vice-Président: Avant d'ouvrir le scrutin, l'assemblée décide : ° Quele président sera nommé #la majorité absolue des votants; 2° Que les vice-présidents seront nommés à la majorité relative; DIXIÈME SESSION. - 61 3° Que les indications du bulletin : premier, deuxième. troisième’ vice-président n’auront aucune influence sur le rang à assigner aux vice-présidents, el que ceux-ci se placè- ront suivant le nombre de voix qu’ils auront obtenues. On procède ensuile au scrutin, qui donne les résuliats suivants : Mombhreadesvotantst.02 eus ler 440 Marié abfolue. >. 0e 42 fe eut 248 parte crie 221 . Pour la Présidence : MM. pe CaumonrT (de Caen), Correspondant de l’Institut, fondateur du Congrès scientifique de France, a CE) à (RE a A net A A LL LAS je 296 voix. BOUSSINGAULT, membre de l’Académie des Sciences deParise PRIE RC RES CE Ed 410 Vos perdues) als RON Er NES R3Z En conséquence, M. de Caumont est proclamé Président de la dixième Session du Congrès scientifique de France. Pour la Vice-Présidence : MM. BERTINI, professeur en médecine à Turin, aobtenu. 203 voix. DE SCHADOW, directeur de l’Académie des Beaux— Arts de Düsseldorf . . . . . . . . CAR SEP OR LES (CL JuLLIEN (de Paris), fondateur 1de la Revue encyclo- ; PEHIQUE AN RUE Velére aie, à Lo) HS SUAREANRTE 166 HÉlCAUMONT- RSR. ED PHAREMER HSE BE 96 DuverNoy, professeur au Collége de Krance . . . . 81 GUERRIER DE DUMAST, ancien magistrat à Nancy. : 73 REINER fils , architecte . . . . . . . . . . . . . .. 71 BOUSSINGAULT , membre de l’Institut . . . . . . 1070 Le comte DE COËTLOSQUET, de l’Académie de Metz. 61 SCHüTZENBERGER, professeur à la Faculté de Droit, maire de Strasbourg NOEL AE LOTS to PIERRE 57 ForGET, professeur à la Faculté de Médecine de Strass bourg , secrétaire général adjoint . . . . . . . .. 29 Avant que ce résultat ne soit proclamé, un membre de l'assemblée demande que, pour satisfaire aux intentions vraisemblables de l’assemblée, il soit décidé que les voix que tel candidat à la vice-présidence aura obtenues pour la pré- sidence même, soient ajoutées à celles qu’il aura obtenues pour la vice-présidence. 62 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. On engage sur ce point une discussion, à laquelle pren- nent part plusieurs membres de l’assemblée, Un° membre propose, pour trancher la difliculté, de décider qu’au lieu de trois vice-présidents, lassemblée en nommera quatre, el que pour arriver à ce résultat, on comptera aux candidats pour la vice-présidence les voix qu’ils auront obtenues pour la présidence. En conséquence, sont proclamés vice-présidents du Con- grès : MM. Berri, président de la Faculté et de la Société médi- co-chirurgicale de Turin ; pe Scuapow, directeur de l’Académie de Düsseldorf; Boussinqauzr, membre de l’Institut, Académie des Sciences, à Paris; Jucuien (de Paris), ancien inspecteur aux Revues, fon- dateur de la Revue encyclopédique. Sur l'invitation de M. le Secrétaire général, M. de Cau- mont vient prendre place au bureau, et prononce une courte allocution pour remercier l’assemblée de l’honneur qu’elle a bien voulu lui décerner. — Il donne connaissance de l’or- dre du jour pour le lendemain, et annonce que les Sections commenceront leurs iravaux dans les bâtiments de PAca- démie aux heures et dans les salles suivantes : Première secrTion { Histoire naturelle), à onze heures du ma- Lin, dans la salle de la Faculté des Sciences. Dzsvxièue secTioN (Sciences physiques et mathématiques), à huit heures, dans la salle des cours de Physique. Troisième secTioN (Sciences médicales), à neuf heures et demie du malin, à l’amphithéâtre de Médecine. QuaTRÈME sEcTioN ( Agriculture, Commerce, Industrie, Statistique, Sciences économiques), à huit heures du malin, dans la salle des Actes. CinQuiïmx SECTION (Archéologie, Philologie, Histoire), à huit heures du matin, dans la salle de la Facalté de Droit. Sxièe secrion { Philosophie, Éducation, Morale, Légis- lation), à neuf heures et demie du matin, dans la salle de la Faculté des Lettres. DIXIÈME SESSICX. 63 S&PTIÈME SECTION (Litiératurefrançaise et Littérature étran- gère), à onze heures.du matin, dans la salle de la Faculté de Droit.” Hurrièue section (Beaux-Arts, Architecture, Histoire de (Ars), à neuf heures, à amphithéâtre de l’École de l'har- macie. La séance est levée. 22 % 6 S— Séance du 29 septembre 18242. Le bureau est occupé par M. le président, assisté de MM. les vice-présidents, de M. le secrétaire général et de MM. les secrétaires généraux adjoints, M. Eschbach remplit les fonctions de rapporteur. | Le procès-verbal de la séance d’hier est lu et adopté. M. le président accorde la parole à M. le vice-président BerTiNi, qui prononce l’allocution suivante : «Qu'it me soit permis d'exprimer en peu de mots toute ma recon- naissance à cette illustre assemblée de l'honorable distinction dont j'ai été l’objet, et que je considère uniquement comme un trait de cour- toisie française et un témoignage de sympathie envers mes compatriotes de la part de ce beau pays , maître ermpolitesse comme dans les sciences et les arts. «Je reporterai en Italie le plus doux souvenir d’un accueil si cordial, manifestation heureuse de l'esprit du siècle, qui ne reconnait plus de barrières quand il s’agit des grands intérêts de la science et de l’hu- manité, » Ces paroles, prononcées d’une voix émue, sont accueillies par des applaudissements, M. le président appelle successivement à la tribune MM. les secrétaires des sections pour y rendre compte des opérations de leurs sections respectives dans la séance de ce jour; chaque secrétaire donne lecture de son rapport ; il en résulte que dans la première section ont été nommés : Président : M. Duvernoy, professeur au Collège de France, correspon- dant de l'Institut. Vice-présidents : M. Mougeot père, docteur en médecine à Bruyères. — M. Brehm, pasteur, de Renthendorf (Saxe). — M. Victor Simon, vice-président du tribunal, président de la Société d'histoire natu- relle à Metz. 64 : CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Dans la seconde section : Président : M. Boussingault, membre de l'Institut. Vice-présidents : M. Haldat (de), correspondant del'{nstitut , directeur de l’École de Médecine à Nancy. — M. Æupffer, membre de l’Aca- démie impériale de Saint-Pétersbourg. — M. Lecoqg, professeur d'histoire naturelle à Clermont-Ferrand. — M. Vogel, professeur de chimie à l'Université de Munich. Dans la troisième section : Président : M. Forget, professeur à la Faculté de Médecine. Vice-présidents : M. Ehrmann, professeur à la Faculté de Médecine. — M. Mayor, professeur à l'Académie de Lausanne. — M. Textor, professeur en médecine à l'Université de Würtzbourg. Dans la quatrième section : Président : M. Dollfus (Émile), président de la Société industrielle de Mulhouse. Vice-présidents : M. Couturat, ingénieur en chef des travaux du Rhin. — M. Kosegarten, professeur d’économie politique à l’Université de Bonn. — M. Bonnet , professeur d'agriculture à Besancon. Dans la cinquième sectien : Président : M. Comarmond, secrétaire général de la neuvième Session, conservateur des monuments du Rhône et de l'Ardèche, à Lyon. Vice-présidents: M. Bæhr, professeur de littérature ancienne à l’'Uni- versité de Heidelberg. — M. Richelet, secrétaire de l’Institut des provinces, au Mans. — M. le vicomte de Cussy, membre de l'Institut des provinces , officier supérieur en retraite, à Saint-Mandé. Dans la sixième section : Président : M. Warnkœnig, professeur en Droit à l'Université de Fri- bourg. Vice-présidents : M. Bruch, doyen de la Faculté de Théologie de Stras- bourg. — M. Scholz, professeur à la Faculté de Théologie de l’Uni- versité de Bonn. — M. Le Cerf, ancien professeur en Droit à Caen. Dans la septième section : Président : M. Delcasso, doyen de la Faculté des Lettres. Vice-présidents : M. Hoffmann de Fallersleben, professeur de littéra— ture allemande à l’Université de Breslau. — Peschier, professeur de littérature française à l'Université de Tübingen. — M. Guerrier de Dumast, ancien magistrat à Nancy. Dans la huitième section : Président : M. le général haron Lejeune, à Toulouse. Vice-présidents : M. le vicomte de Cussy, officier supérieur en retraite, DIXIÈME SESSION. 65 membre de l'Institut des provinces, à Saint-Mandé. — M. Rinck (de), propriétaire, à Fribourg. — M. Schadow (de), directeur de l'Acadé- mie à Düsseldorf. Après les rapports de MM. les secrétaires des Sections, il est donné lecture par M. Charles Bærsch, secrétaire de la quatrième Sec!ion, d’un morceau littéraire deM. Louis Spach, archiviste du département et secrétaire de la cinquième Sec- tion, retenu chez lui par une indisposition. Le sujet en est: La ville et l'université de Strasbourg en 1770. Celte lec- ture est suivie d’applaudissements, et l'assemblée décide par acclamation l’impression de ce raémoire, dont voici le texte: «Vers le milieu du dix-huitième siècle, Strasbourg, quoique réunie depuis soixante-dix ans à la France, conservait encore son ancien ca- ractère germanique. Les mœurs d'au delà des Vosges n'étaient point encore celles de la bourgeoisie strasbourgeoïise, et le voyageur qui serait entré à celte époque dans nos murs aurait pu, à la rigueur, se croire à Francfort ou à Mayence, si les uniformes de la garnison ne lui avaient annoncé qu’il marchait sur le territoire français. « Mais dans les dernières années du règne de Louis XV, cet état de choses avait changé; la lutte entre les deux nationalités était engagée ; les deux courants d’eau , forcément encaissés dans le même lit, com mençaient à mêler leurs ondes. C’est le commencement de cette lutte que je vais peindre. En vue d’une réunion curieuse, je dois le supposer, de connaître l'origine de cette bigarrure de mœurs et de langage qui la frappe aujourd'hui, j'ai essayé de me faire un moment homme du dix- huitième siècle , d'entrer à Strasbourg, de traverser ses rues , ses pro- menades , de pénétrer dans ses maisons, de voir fonctionner ses ma— gistrats, d'écouter l'enseignement de ses savants, el maintenant je vous prie de me suivre dans cette rapide exploration de la ville, du peu- ple, de la société, du gouvernement et de l’université de Strasbourg en l'an de grâce 1770. «Strasbourg, il faut en convenir, n’a jamais été et ne sera jamais une belle ville ; pour aspirer à cette qualification , il lui manque l'unité: les remparts , d'ailleurs, l’emprisonnent dans leur impitoyable étreinte , et s'opposent à la formation de nouveaux quartiers. A l'époque dont nous parlons, l’intendant Gayot commençait dans les principales rues à exé- cuter un plan d’alignement que lui avait présenté l’architecte Blondel: on avait mis hardiment la main à l’œuvre; mais comme il arrive né- cessairement dans une transition pareille qu’on ne relève et ne rajuste point par un coup de baguette la disposition des façades , tout étranger tant soit peu railleur pouvait exercer sa verve sur les inégalités cho- quantes , les angles saillants et rentrants qui s’offraient à sa vue ; sur ces habitations sans style distingué, tantôt surplombant , tantôt s’effaçant, ici formant des auvents , plus loin des arcades ou des impasses, sans 5 66 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. compter les ruelles latérales, étroites et tortueuses, où, de nos jours encore, il est permis de se croire en plein moyen âge. Quant aux prin- cipaux édifices publics d'aujourd'hui, ils étaient presque tous debout ; les places avaient à peu près la même dimension; Strasbourg, en un mot, dans son apparence extérieure, n’a point depuis lors subi une mé- tamorphose aussi complète que beaucoup de capitales et de grandes villes d'Europe. Les facades ont été récrépies et rajustées, des rues ont été élargies , des ponts vermoulus ont fait place à des constructions plus élégantes et plus solides; un canal de navigation a pris la place de deux bras de rivière ; des murs de souténement ont, sur d’autres points, mieux encaissé le cours d’eau principal; la destination de quelques édifices à changé; les vieux tilleuls du Broglie sont tombés sous la hache, et la salle de spectacle s’est affaissée dans un incendie; l'église de Saint- Louis a subi le même sort , pour faire place à une église moderne; mais les autres temples sont restés les mêmes; la cathédrale élève depuis quatre cents ans sa flèche dans la région des nuages, et les prophètes, les saints, les rois , brisés par des iconoclastes aveugles, sont remontés sur leur piédestal. «Mais au pied de ces mêmes temples , dans ces mêmes rues, seule ment un peu plus noires, plus étroiles et ornées de magasins moins riches et moins élégants, se mouvait, il y a soixante-dix ans, une po- pulation bien différente de celle d'aujourd'hui. Les modes parisiennes commençaient à envahir la classe élevée de la bourgeoisie. Les familles qui, par leur position, se trouvaient en contact avec la petite celonie des fonctionnaires français, en adoptèrent peu à peu le costume. Comme toujours, la révolution somptuaire commença par la jeune génération ; on se fit français par la coupe des habits et des perruques avant d’'assou- plir les gosiers à une langue étrangère. La moyenne bourgeoisie, les artisans, les ouvriers conservaient, bien entendu, le costume allemand. Il résultait de là d'incroyables disparates qui n’ont pas manqué de frap- per tous les voyageurs. A côté d’un vieillard à perruque ronde, chaussé de bas rouges ou verts, ou couleur d'acier, et presque honteux de sa bonne carrure tudesque , vous pouviez voir un jeune homme frisé, pou- dré à la Richelieu , en habit français, en bas de soie, armé de lunettes, toisant d’un air hautain les étrangers , et parfumé au point de les mettre en fuite; ou bien une matrone en robe puritaine de satin, transmise par quelque aïeule; et cette matrone donnant le bras à sa petite-fille dont le leste costume et les œillades sentaient un peu le siècle de Louis XV ; ou bien , au coin de la rue, un chevalier de Saint-Louis, fringant et leste comme un page, saluant avec galanterie la mercière dont les che- veux, nattés à l’allemande, n’avaient pas encore disparu sous la poudre , et dont le teint frais repoussait les mouches de la régence. Ici de graves magistrats se rendant à pas mesurés vers le sénat ou dans l’une des chambres suprêmes, portant la médaille, insigne de leur charge, en pourpoint serré et en petit manteau noir; plus loin, des hommes de peine, sans manteau, sans pourpoint, sans médaille et sans veste , sor- tant d'une trentaine de fabriques de tabac qui subvenaient alors, avant DIXIÈME SESSION. 67 le monopole, aux besoins d’une notable portion de l'Europe; plus loin encore , les compagnies du régiment Corse de Royal-Suédois ou de Royal-Alsace, marchant , brossées et lustrées , au pas de charge vers la place d’Armes, sous la conduite de leurs officiers, petits-maitres en culottes, en bas de soie blancs , avec des gants de même couleur , l'épée d’acier au côté, le tricorne en main; enfin, le carrosse doré de l’inten- dant, où se prélassait quelque prince étranger, dépassant à la hâte les bataillons pour les voir se ranger en ligne de bataille. «Si notre étranger portait ses pas hors de l’enceinte de la ville, il trouvait déjà les respectables tilleuls de la Robertsau , quelques allées du Contades, et dans les salles basses des cabarets traditionnels, ces danses bruyantes qui, à toutes les époques , ont excité la réprobation des moralistes. Le peuple qui se pressait dans ces lieux de plaisir mon- dain formait un amalgame assez plaisant des deux nationalités, en ce sens , que la France y était représentée par les danseurs, et l'Alsace par les villageoïses de la banlieue et les servantes de la haute bourgeoisie. Des laquais de grande maison, des perruquiers et des militaires ensei- gnaientbénévolement à leurs parteners le menuet et le dialogue francais ; ils apprenaient en échange la valse et quelques dictons allemands. La nuit venue, une nuit sans gaz et sans lanterne (car les hôtels et les au— berges étaient seuls éclairés à celte époque), des danses pareilles à celles de la banlieue attiraient les vertus douteuses à la Pomme-de-Pin et au Poële-des-Pelletiers. Des plaisirs plus raffinés réunissaient, dans quelques salons , la haute société, tandis que le Strashourgeois dé la vieille roche se cloîtrait chez lui , en criant anathème sur ces mœurs de perdition qui frappaient à sa porte et menaçaïent de faire invasion, parce que l'ennemi du dehors avait déjà des intelligences dans la place. L’en- nui d'une longue paix , l'ennui des habitudes monotones desséchait la jeunesse; aussi aspirait-elle des lèvres et du cœur le vent d'ouest, le vent de France, qui lui arrivait chargé de fraicheur, de parfums eni- vrants, de plaisirs inconnus et d’idées nouvelles. «Avant d'aborder les partis qui divisaient alors la société de Stras- bourg , je dois vous introduire dans l’intérieur de ces maisons que nous .ne connaissons jusqu'ici que par leurs façades. «Ces demeures si noires, si étroites, souvent si chétives en apparence, offraient presque toutes du bien-être dans la disposition de leurs appar- tements. La maison du Strasbourgeois portait , je parle du passé, por- tait en quelque sorte le reflet du caractère de ses habitants, qui dédai- gnaient les formes brillantes et se contentaient d’un fond solide. «L'envahissement des mœurs françaises, qu’à vol d'oiseau nous avons déjà aperça dans les carrefours, se produit plus visiblement der- rière ces fenêtres à vitres rondes et derrière ces portes à marteau de cuivre jaune. De 1740 à 1760 encore, la plus grande partie des maisons bourgeoises étaient arrangées de la même façon : une seule chambre lambrissée et plafonnée en bois de chêne ou de noyer réunissait patriar- calement toute Ja famille ; une chambre d'apparat avec la vaisselle d’ar- gent, étâlée sur une belle crédence, était réservée pour les couches de LE à. 68 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. la maitresse de maison et pour les anniversaires ; les domestiques et les enfants étaient relégués dans quelque réduit modeste; partout, d'ail- leurs, des meubles grossiers en bois indigène, et sur la table invariahle- ment des mets peu nombreux. «ÆEn 4770 , au contraire, les habitants qui penchaïent pour la France s'étaient déjà entourés d’un luxe de tentures , de rideaux, de papiers peints, de meubles élégants, de marbres et de dorures. A une seule chambre, chauffée en hiver, on avait ajouté, soif en exhaussant les étages , soit en chassant des locataires , un bon nombre de pièces à des- tination diverse: les riches ne croyaient point perdre la voie du salut en s'arrangeant à leur aise sur terre, comme leurs voisins au delà des Vosges ; et les fortunes moyennes suivaient déjà timidement l’impul- sion et l'exemple qui leur venaient d’en haut. Mais il restait toujours un noyau de bourgeois revéches qui auraient plutôt vécu et fait élever leurs enfants à la mode espagnole qu’à la mode française. «Sans que je me laisse aller à plus de développements, vous devinez déjà que le mouvement français partait surtout de la fraction catholique des habitants. Les luthériens de la vieille roche devaient voir avec mé- fiance l’envahissement d’une langue et d’habitudes qui leur venaient sous l'égide du culte romain. Jaloux d’ailleurs des privilèges municipaux et des franchises religieuses que Louis XEV avait laissé subsister, ils obser- vaient avec inquiétude la progression numérique de leurs antagonistes, et repoussaient les usages de la France par respect pour leurs ancêtres, par crainte et par une opiniâtrelé que nous n’oserions point blämer. Cependant, comme il arrive toujours qu'entre deux parties adverses vienne se poser un médiateur, on vit une société composée de nobles suédois , luthériens par leur croyance, Germains par leur langage et Français par leurs manières, servir de terrain neutre, où la conciliation devenait possible. D'ailleurs, les hauts fonctionnaires français, auxquels leur position commandait l'impartialité , gagnaient l'esprit et le cœur des femmes par leur bonne grâce et leur urbanité ; ils secondaient de leur mieux l’œuvre à laquelle travaillait sans préméditation la société suédoise , formée par les familles de beaucoup d'officiers au service de France. Quelques savants à demi-francisés complétaient ces réunions , espèce de hauts-fourneaux , où des alchimistes adroits tentaient quel- que chose d'aussi difficile que la recherche de l'absolu : — la fusion des deux nationalités hostiles. Là, dans une même soirée vous pouviez vous entretenir sur les affaires publiques avec le maréchal de Contades, le marquis de la Salle ou M. Gayot; apprendre de la famille de Lewen- haupt ou du colonel Silverstolpe, des nouvelles de la cour de Gustave HIT; de Rasumowsky, hetman des Cosaques, quelques détails sur la stran- gulation de Pierre FT; écouter l'abbé Grandidier ou le savant Schæpflin discutant des faits de l’histoire locale ; M. de Dietrich, parler de ses dé- couvertes métallurgiques; M. de Wormser, de ses tableaux; Spielmann, de ses médailles; Brunck, de Sophocle ou de la guerre de sept ans. Dans quelque coin du salon , les membres de la magistrature munici- pale faisaient de l'opposition contre le roi , contre les ministrés, contre DIXIÈME SESSION. 69 l'intendant d'Alsace; car, l'expression n’était pas encore inventée, que déjà l’on faisait de l'opposition à Strasbourg. Et non loin de ces hommes, les uns graves, les autres sémillants , tous bien nés ou anoblis par leur mérite intellectuel , se mouvaient des groupes de femmes charmantes, les unes nées sur les rives de la Seine, les autres sur les bords de la Baltique, quelques-unes , enfin , dans les murs de Strasbourg , toutes donnant à l'étranger d’outre-Rhin , par leur mise élégante et simple, par leur grâce et leur afabilité, un avant-goût de cette société brillante et sans égale des salons du dix-huitième siècle , dont la tradition est à peu près perdue aujourd’hui. «Ce travail de fusion, qui s’opérait ainsi dans les hautes régions sous le souffle enivrant du pouvoir, de la science et de la beauté, se poursui- vait sous l'influence des plaisirs bruyants dans certaines classes avides de jouissancesmatérielles ; et la population ambiguë, qui s'attache à l'éla- blissement d’un théâtre, y contribuait beaucoup dans les régions intermé - diaires. Les mœurs ne gagnent jamais rien au contact de deux nationa- lités diverses. Strasbourg, sans contredit, s’enrichissait d’une part, etse peuplait depuis la réunion, grâce au transit et aux fabriques, mais ce fut aux dépens de son ancienne austérité et d’une aisance plus également répartie. Pendant le seizième et.le dix-septième siècle , il eût été par- faitement inutile d'établir ici une maison de refuge ou des enfants trou- vés. En 1770, ces tristes succursales des prisons et des hôpitaux étaient devenues nécessaires. Une société philanthropique fut instituée cette an- née même ; le vaisseau de l'État allait déjà se heurter contre les écueils du paupérisme. Tous ces noms de formation nouvelle annonçaient aux esprits clairvoyants que le vieux temps finissait. Les âmes timorées, qui trouvent de sinistres présages dans les accidents fortuits ou parfai-— tement explicables , n’entraient plus dans la cathédrale sans un mouve- ment d’effroi superstitieux. Dans un angle du transept méridional, l’an- tique horloge du savant Dasypodius oubliait de marquer avec régula-— rité le retour des heures ; les quatre âges ne marchaient plus ; le coq seul chantait encore deux fois par jour d’une voix clapissante, et battait desailes, mais mollement, comme $ ’il avait pressenti que son temps al- lait aussi finir. «En effet, de même que les anciennes mœurs s’altéraient, et que la nationalité française > juxtaposée à une population de race germanique (c'est-à-dire lente et difficile à entamer), préparait l’ amalgame, dont la génération actuelle est le produit, la lutte s’engageait aussi sur le ter rain politique, et c'était là une lutte beaucoup plus compliquée. Dans les rues et dans les salons , deux. langues s’entrechoquaient ; dans ia sphère politique c'étaient aussi deux pouvoirs, le gouvernement du roi et le gouvernement municipal, qui se trouvaient en présence ; mais les rouages de ce double mécanisme étaient si compliqués , si bizarrement engrenés, qu’il devient assez difficile d'en tracer, dans les limites étroites qui me sont imposées, une image nette et précise. «Louis XIV, en prenant la ville par capitulation, lui laissait son an— cien régime; Strasbourg, de ville libre et impériale, devenait ville libre 70 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. de France; mais c'était, il faut bien le dire ici en toute franchise, une liberté illusoire, que le grand monarque octroyait à la cité qui allait de- venir un des plus beaux fleurons de sa couronne. Louis XEV, très-ac- commodant à l'égard de Strasbourg pour la forme et pour les termes, ne l’élait nullement pour le fond. El voulait bien que les très-honora- bleset très-dignes bourgeois de l'antique ville impériale continuassent à faire leurs comptes de ménage; peu lui importait que ce füt en florins ou en livres, souset deniers, pourvu que l'apurement et le visa fussent réservés au ministère des finances logé à Versailles. Voici comment il s’y prit pour neutraliser les influences et rendre boiteuses les allures du gouvenement local , qui continuait, en apparence du moins, à marcher droit et à fonctionner en pleine liberté, «Le grand roi se trouvait en face d’une constitution démocratique, légèrement tempérée par un alliage nobiliaire. Il n'essaya point de pré- ter son appui direct au parti aristocratique de Strasbourg ; vus du haut de l'Olyÿmpe où siégeait sur son trône le roi de France et de Navarre, les bourgeois et les nobles de la cité rhénane apparaissaient les uns et les autres comme ces imperceptibles atômes de poussière qui flottent et tourbillonnent dans un rayon oblique du soleil. Certes , ni lui, ni ses ministres ne s'étaient abaissés à étudier la pancarte de 1482, qui réglait les rapports multipliés de deux sénats , des trois chambres , et de la lé gion des comités spéciaux entre lesquels le gouvernement de la ville li- bre était partagé comme sur un vaste lit de camp, où l'amour — propre de chacun était parvenu à se faire une place plus ou moins grande. Peut-être ces demi-dieux de la Gaule moderne avaient-ils appris va— guement par quelque commis, obscur et infatigable travailleur , que les bourgeois , partagés en vingt tribus , dont chacune élisait tous les ans quinze échevins, formaient ainsi un corps de trois cents électeurs, dans le sein desquels étaient pris à un second degré d'élection les deux tiers du grand et du petit sénat , et que l’autre tiers était formé par le corps de la noblesse ; qu’à côté de ce gouvernement mobile , roue tournante à laquelle chaque citoyen se cramponnait à son tour à l'effet de se hisser en l'air, se trouvaient des comités permanents, appelés les chambres des Treize, des Quinze et des Vingt-et-Un , dont la première représentait les affaires étrangères et la justice, la seconde l’intérieur et la police, et dont la troisième ne représentait rien du tout , servant au plus d’anti- chambre à quelques aspirants au pouvoir. Sans doute le roi et ses mi- nistres ayaient entendu parler des huit consuls ou roitelets de ce petit Étatintra-muros, lesquels, sous le nom d’ammeisler et de steltmeister, donnaient le branle à cette lourde machine ; mais certes , ni le roi ; ni ses ministres ne s'étaient énquis si les ammeister, nommés par les bour- geois , ou si les stettmeister, élus par la noblesse , fonctionnaient avec plus ou moins de liberté dans les nombreuses commissions dontils fai- saientpartie; s'ils arrivaient où non à tour de rôle au pouvoir; bien moins encore s’élaient-ils informés des règlements et des attributions de toutes ces chambres : le formidable vocabulaire des charges tempo- raires ou à vie que se partageaient ces nobles et ces bourgeois , étail DIXIÈME SESSION. 71 probablement ignoré en haut lieu ; ou pensez-vous que l'on sût à Ver sailles qu’il existait ici-bas des surveillants spéciaux pour le pain et la viande , et le sel , et le blé, et le bois , et le charbon , et le suif, et les épices, et les légumes, et les fleurs, et les fruits, et les puits, et le pavé des rues, et les pierres des maisons ; qu’une vingtaine de curatelles pour des œuvres pieuses absorbaient la journée d’un bon nombre de digni- taires ; que les tribunaux , la chancellerie , la comptabilité réclamaient les soins de beaucoup de notabilités locales ; qu’une caisse d’épargnes, qui gardait le denier du pauvre domestique ou de l’artisan , était ad- ministrée par des hommes dévoués ; que les orphelins trouvaient dans la cité des pères adoptifs et intègres.…. « Le roi se réserva le département de la guerre et les soins pénibles de la haute diplomatie ; quant aux autres attributions du gouvernement strasbourgeois ; il se garda bien d'y porter directement la main. Les élections s’y firent comme par le passé; les sénats et les chambres sié- gèrent comme de coutume, mais à toutes leurs délibérations assistait un commissaire, portant le titre de préteur du roi, doucereux ami de Strasbourg , homme modeste , qui n'avait ni voix délibérative ni voix consultative, mais qui, le cas échéant, opposait quelquefois un véto pé- remptoire aux mesures adoptées par ces maîtres de la cité. Ne trouvez- vous pas que ce préteur était , dans la main invisible du roi , une es- pèce de sabot de fer lancé sous la roue du char républicain, lorsque ce dernier roulait avec trop de vitesse et de spontanéité? En 1779 M. d’Au- tigny s’acquittait de ces fonctions avec beaucoup de ménagement, de tact et d’habileté, c'est-à-dire qu’en parfait honnête homme, il faisait pré- valoir ses avis pour ne point être réduit à jouer un rôle pénible ; sa tâche était facile, il succédait à un fripon, à M. de Klinglin, qui entra- vait volontiers les affaires pour avoir le bonheur de se laisser fléchir à l’aide de ces raisons concluantes auxquelles les hommes de son espèce ne résistent jamais. «Le gouvernement de Louis XIV avait encore avisé un autre moyen propre à faire naître de nombreux conflits , et à ramener en dernier lieu à l'autorité suprême de France la décision de toute affaire impor- tante. A Colmar siégeait le conseil souverain d'Alsace, tribunal d’appel de la province. Il fut décidé que les habitants de Strasbourg auraient aussi le droit de recourir à ce corps judiciaire pour toutes les affaires ci- viles où ils ne seraient point satisfaits du jugement prononcé en pre— mière instance par le Kammergericht. Ainsi, le conseil souverain de Colmar était, à l'égard des deux premières instances strasbourgeoises , une véritable cour de cassation. Ce sont , de fait, ces appels à Colmar qui ont en grande partie miné la constitution de Strasbourg , en ame-— nant la confusion de la procédure française et de la procédure allemande. Il s'établit par la force des choses une rivalité constante entre le conseil d'Alsace et le magistrat de Strasbourg. Journellement les statuts de la ville se trouvèrent lésés. Un point de droit était-il douteux, el ne semblait- il pouvoir être résolu à l’aide des lois et coutumes de Strasbourg ou du Droit romain ; on avait recours aux lois françaises. Un jugement porté 72 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. par le grand sénat déplaisait-il à l'une des parties, on sautait par-des- sus l'instance du Æammergericht, pour en appeler à Colmar. A voir la marche que prenaient les choses , certes , si la révolution de 89 n'avait mis une fin violente à la charte municipale de 1482, celle-ci, à une époque plus ou moins rapprochée de la nôtre, aurait infailliblement péri de mort naturelle. «D'ailleurs la désunion régnait entre les pouvoirs municipaux eux- mêmes. Depuis la réunion, les chambres permanentes avaient peu à peu attiré à elles toutes les affaires : et lorsque, vers 1770, les bourgeois élec- teurs et les deux sénats prétendirent arrêter cet envahissement des co- mités , il était trop tard; l'oligarchie municipale restait maitresse du terrain ; ainsi la désaffection des citoyens eux-mêmes acheva ce qu'avait commencé la politique de Louis XIV. «En vérité , sous le rapport gouvernemental , Strasbourg présentait à cette époque un curieux aspect; car, à côté de ce mécanisme munici- pal déjà si complexe , se croisaient encore sur le terrain de la cité cinq ou six autres juridictions : celle de l'évêque, celle du directoire de la no- blesse , celle de la maréchaussée (espèce de tribunal criminel), celle du gouverneur militaire, enfin celle de l’intendant civil, dont l'autorité s’é- tendait sur les eaux et forêts, sur les ponts et chaussées , sur les biens communaux de toute l'Alsace, et représentait à peu près un préfet mo- derne , auquel on donnerait, au lieu d’un seul département, toute une province à administrer. Si, de nos jours, sous un système centralisateur qui fonctionne avec une remarquable précision, les conflits entre les - différents pouvoirs ne sont pas toujours évitables, combien plus fré— quente ne dut pas être la lutte entre des magistratures aussi multipliées, dont chacune rapportait son autorité à une origine spéciale ; l'évêque au pape, la noblesse à l’empereur, l’intendant au roi, le magistrat de Strasbourg à ses chartes et priviléges. Ainsi, dans le cadre restreint de Strasbourg, étaient représentées à la fois les vieilles coutumes consignées sur parchemin, la couronne fleurdelisée, le sceptre et le globe de l'em- pire, la tiare du successeur de Saint-Pierre. «Ce n'étaient point là des fractions d’autorité , c'étaient en quelque sorte des pouvoirs juxtaposés, qui cherchaient à gagner du terrain ou à n’en point perdre. Le pauvre magistrat, le cœur gros de sa mort pro— chaine , n'était pas le seul à résister aux empiétements. La noblesse de la Basse-Alsace, alors encore représentée par tant de noms historiques, qui presque tous ont disparu depuis , jetait souvent des regards sup— pliants sur la rive droite du Rhin; mais la fausse position que la paix de Westphalie avait faite à ces vieilles familles , autrefois planant comme des vautours sur les rochers des Vosges, maintenant apprivoisées, amoin- dries dans la plaine et la ville, cette position ambiguë, dis-je, les livrait sans défense au roi de France, aux envahissements des nobles francais , et plus tard du peuple souverain. Le roi les laissa végéter ; car, comme lui , ils étaient par la grâce de Dieu ; le peuple , qui dans les moments de crise ne respecte rien , les dévora. « Le pouvoir épiscopal, nous l'avons déjà dit, s'élevait à côté des puis- DIXIÈME SESSION. 75 sances temporelles. Sévère et inquisitorial dans la première moitié du dix-huitième siècle, il s'était fort modéré vers la fin du règne de Louis X V. Le cardinal de Rohan, qui occupait alors notre siége épiscopal , ne rési- dait guère sur les bords de l'Il; il préférait aux salles du palais son élé- gant château de Saverne , les arbres séculaires et l'air vivifiant de son parc, et le gracieux ampithéâtre des Vosges : c'était alors un beau nom que celui de Rohan, non compromis par les criminelles imprudences de son successeur, et en harmonie avec ce beau séjour. Autour de Son Éminence , au sein du vénérable grand chapitre de la cathédrale, se groupaient des noms aussi grands que le sien: la France.et l'Alle- magne y avaient envoyé de nobles représentants. Parmi ces dignitaires de l’église d’Argentorat , les Latrimouille portaient la même croix ca- nonicale que les Hohenlohe ; les Croy s’abritaient. sous la même ban- nière que les princes de Salm; les Kænigseck s'agenouillaient au pied du même autel que les Rochefort. Ici, comme sur le terrain de la cité, comme dans l'hôtel de l’intendance, comme sur la place Saint-Étienne, où siégeait le directoire de la noblesse, les deux nationalités:se trouvaient en présence, mais c'était pour prier le même Dieu, et, j'aime à le croire du moins, pour donner aux puissances mondaines l'exemple de la:con- corde et de la fraternité. Alors, quand résonnait la cloche d'argent de la cathédrale, vous eussiez vu aux grandes solennités ; sous les voütes ogi- vales de la nef, ou sur le parvis, au pied de la façade d'Erwin, un spec- tacle qui devait rappeler de loin ces processions majestueuses au pied de l'obélisque romain, sur la place de Saint-Pierre, où le cortége.des pré- _ lats, la pompe de leurs costumes, les hymnes entonnées par des milliers de voix , proclament à la fois la majesté de Dieu et celle de son église. «Pour achever de peindre Strasbourg en 1770, il me reste. à vous introduire au sein d’une corporation , qu'à dessein j'ai réservée, parce qu'elle représente plus exclusivement les droits de la pensée ;.je.veux parler de l’université, engloulie par la révolution ; et reconstruite de— puis commeacadémie provinciale, c'est-à-dire comme fraction du grand corps universitaire de France. — L'université de Strasbourg, fondée.en 1566, par Maximilien IL, existait en germe depuis 1538, comme sim- ple gymnase, que les soins de Bucer, Capiton, Hédion avaient ap- pelé à l'existence, et que dirigeait depuis lors le recteur. Jean Sturm " de Sleyde , aussi célèbre comme diplomate que comme écrivain et pé- dagogue. Maximilien IL, en donnant, sur les instances du magistrat, aux classes supérieures du gymnase le titre d’Académie, ne faisait qu'un acte officiel. L'impulsion que Slurm, nourri à l’école des anciens, avait imprimée aux études du gymnase, fut si puissante, que dès les premières années les élèves affluaient ‘de loin , et ne s’éloignaient que pour se faire graduer dans quelque université voisine. L'acte impérial du 30 mai 1566 conférait à l'académie de Strasbourg le privilége de délivrer des diplômes, En 1621, Ferdinand LI ; au milieu de la guerre de trente ans , éleva l'académie au rang d'université. Cette hante école réunissait en 1770, sous la surveillance d’un recteur et de trois scho- larques , une vingtaine de professeurs, nombre minime lorsqu'on le . 74 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. compare au luxe d'enseignement dont la France a doté notre ville. Mais ce chiffre suffisait alors aux besoins de la science, moins subdivisée , moins étendue et plus abordable dans son ensemble que les sciences d'aujourd'hui, Et maintenant, Messieurs, permettez-moi de vous faire connaître quelques-uns de ces hommes modestes , dont les mânes as- sistent peut-être à cette solennité; permettez à ma faible voix d'évoquer un souvenir, de pa yer un tribut de reconnaissance aux maîtres respec- tables qui ont élevé nos pères, et dont quelques-uns ont réuni au pied de leur tribune académique une jeunesse élégante, venue de France, d'Allemagne et de Russie. «Suivez-moi dans le jardin d’une antique maison de chanoine, sur une esplanade de tilleuls ; vous y verrez, au milieu d’un auditoire respec- tueux, un vieillard septuagénaire, marchant droit comme les élèves : qui l'entourent, et gardant sur son front , uni et calme, la sérénité du jeune âge: c’est Schæpflin; il a vécu avec les livres et avec les hommes ; il a été l'ami des rois et des sujets, des nobles et des bourgeois ; cepen- dant il n’a flatté personne ; impassible comme l’histoire ; érudit et la- borieux comme un bénédictin , doué d’une rare sagacité , il poursuivait jusqu’à leur point de départ, à travers toutes les ramifications, la filia- tion des anciennes familles; il réglait leurs différends; il étouffait, grâce à son intègre franchise et à son savoir, plus d’un procès ruineux; il scrutait les origines de la province d'Alsace, dont il était devenu l’en— fant adoptif, Le premier, dans cette large et belle vallée du Rhin, où les châteaux et les abbayes promettaient une ample récolte à son zèle de moissouneur savant , il a remis en honneur les chartes poudreuses, les diplômes aux sigilles pendants; le premier il a formé dans son Alsace illustrée , dans son Alsace diplomatique et dans son Histoire de la mai- son de Zæhringen, un réservoir de faits où les historiens de France et d'Allemagne iront toujours chercher des matériaux déjà équarris. Sur les sept collines de Rome , dans les montagnes de la Sabine , dans les magasins des antiquaires d'Italie, de France, d'Allemagne, d'Angle- terre, il fit une collection de médailles, de camées, de vases, qu'il légua, ainsi que sa vaste bibliothèque historique, à la ville de Strasbourg. La maison de Schæpflin n'existe plus; mais le souvenir de l’homme sera toujours vivant dans les salles de la bibliothèque, dont il a garni la moitié des rayons. Schæpflin possède un autre mérite encore : plus que tout autre sa- vant Strasbourgeois du dix-huitième siècle , il activa la fusion entre les deux nationalités dont il avait su lui-même réunir les qualités les plus saillantes ; au savoir germanique il joignait la forme française ; il parlait, il écrivait avec une égale facilité les deux idiomes, sans compter le la tin, sa véritable langue maternelle. Tous ses contemporains, tous ses élèves l'ont admiré comme un orateur du premier ordre. Si Schæpflin était né à la fin du dix-huitième siècle, il aurait sans doute parcouru une carrière analogue à celle de quelques-uns de nos hommes d’État, partis d’une chaire de collége pour aller s'asseoir dans le cabinet des rois. DIXIÈME SESSION. 75 «Auprès de Schæpflin, nous trouvons deux jeunes hommes : Oberlin et Koch. Le nom du premier est familier à tous les archéologues ; celui du second l’est à tous ceux qui ont fait de la chronologie une étude sé- rieuse. Oberlin, à une époque où l’on ne s’occupait guère de questions de philologie spéciale, s'adonnait à l'étude des patois et des dialectes français; Koch , dans un temps où l’on ne songeait pas toujours à rendre la science abordable aux intelligences paresseuses , écrivait son Manuel de l’histoire du moyen âge et de l’histoire moderne ; Y'un et l’autre con- tinuèrent, après la mort de Schæpflin, à attirer dans les murs de Stras- bourg une élite de jeunes nobles qui ont marqué depuis dans les grandes affaires d'Europe. Schweighæuser, le futur éditeur de Polybe, d'Ap- pien et d’Hérodote, préludait par ses opuscules académiques à sa gloire littéraire , et réchauffait le culte, alors presque oublié, des muses grec- ques et de l’histoire de la philosophie. Brunck, sans faire partie du corps universitaire, cueillait aussi dans le champ de la philosophie grec- que des palmes méritées. Ses belles et ingénieuses éditions de Sopho — cle, d'Aristophane, d’Anacréon illustrèrent à la fois son nom et la typo- graphie strasbourgeoise !. Lorenz , sec et froid, mais érudit, expliquait les historiens et les orateurs latins ou l’histoire compliquée du corps germanique, et remplaçait la chaleur de l’enthousiasme par cet amour honnête des fortes études, affection calme et douce qui se communi- que à la longue du maître aux élèves. «Les sciences naturelles , alors presque dans l'enfance, trouvèrent toutefois à Strasbourg un professeur habile et zélé. Hermann jetait déjà les fondements de la vaste collection qui fait aujourd’hui l’un des ornéments de la Faculté des Sciences. C’est à ce titre que son nom mé- rite une mention dans celte esquisse rapide qui ne peut énumérer tous les noms recommandables , sans tomber dans l’aridité du vocabulaire. «J'ai parlé jusqu'ici des hommes agrégés tous à la Faculté de Phi- losophie, puisque sous cette dénominalion on avait rassemblé les sciences les plus disparates qui ne rentraient pas dans les trois cases de la ju- risprudence, de la médecine et de la théologie. «La Faculté de Droit se ressentait, plus que ses sœurs, de l’influence française , et si ce fut à l'avantage des études faites dans le but d’une application immédiate, on ne saurait disconvenir, d'autre part, que ce n'ait été au détriment de la science elle-même. Parmi les professeurs qui enseignaient à cette époque le Droit germanique, le Droit romain et le Droit coutumier, nous trouvons des noms fort recommandables, maïs aucun (celui de l’honnête Treitlinger excepté) qui doivent nous ar- rèter ici. Il n'en est pas de même de la Faculté de Médecine, où trois docteurs d’une réputation méritée, savaient attirer à leurs leçons des élèves de toutes les facultés. Ehrmann enseignait la clinique. — Dans la chimié, science que Lavoisier révolutionnait alors par une nomencla- ture nouvelle et par lanalyse de l’air et de l’eau , Spielmann, marnipu- lateur adroit , transmettait à ses élèves les découvertes du savant fran- ! Celle de Heitz. 76 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. cais. A l’amphithéâtre d'anatomie, où les cadavres abondaient, grâce à deux hôpitaux, Lobstein initiait une jeunesse , avide d'analyse, dans les admirables détails de la structure humaine. Au milieu de ses audi- teurs de tout âge, vous eussiez pu remarquer alors un homme et un adolescent; l’un silencieux et mélancolique , l’autre à la figure noble et spirituelle , respirant le bonheur que donnent une large existence et la santé; {ous deux suivant avec une attention scrupuleuse le scapel du professeur. L'homme, c'est Jung-Süilling, qui sortira d’ici l’un des ocu- listes les plus adroits et le mystagogue le plus naïf de l'Allemagne. L'adolescent ne sera ni médecin, ni mystagogue, quoiqu'il aime la physiologie et les visionnaires; il ne sera pas davantage jurisconsulte , quoiqu'il suive honnêtement les cours de droit; ce sera le premier poëte de l'Allemagne, ce sera l’auteur de Faust, ce sera Gœthe. — Je reviendrai tout à l'heure encore sur ces deux étudiants si différents de caractère et de position et pourtant unis d'amitié. (CA la Faculté de Théologie, des professeurs d’un grand bon sens et d’une piété sincère résistaient à la fois au rationalisme allemand, qui commençait sourdement à exercer son influence dissolvante, et au pié- tüisme rigoriste, qui a toujours trouvé de nombreux adhérents parmi les protestants de Strasbourg. «Au nombre de ces théologiens, Reuchlin, plus qu’octogénaire en 1770, est mort presque centenaire la veille de la révolution de 89. Reuchlin, sans être célèbre comme son homonyme du seizième siècle, a exercé sur la population de Strasbourg une influence dont le souvenir a longtemps vécu dans toutes les classes, malgré la terreur de 93 et les guerres de l'empire qui ont si vite effacé la mémoire du passé. Reuchlin appartenait à la classe peu nombreuse de ces hommes de cœur qui con- densent toute leur énergie sur le point du globe où Dieu les a jetés, et qui ne sortent point d’une sphère étroile, afin d’en mieux labourer dans tous les sens le terrain circonscrit. Lorsque affaibli par l’âge, il ne put vaquer plus longtemps à ses fonctions universitaires et pastorales, le vieillard octogénaire, doué de la faculté socratique d'instruire en ques- tionnant, visitait les ateliers des artisans ; s’enquérait de leurs besoins, de l’état de leur famille, et apportait les consolations du christianisme dans l’asile de la souffrance, les doctrines d’une philosophie saine et pra- tique aux intelligences qu’un travail mécanique laissait inoccupées. Les enfants accouraient à sa voix, pour recevoir la bénédiction de sa main paternelle, et les femmes des artisans bénissaient à leur tour ce pa- triarche vénéré, qui rendait meilleurs et les enfants et les pères. Toujours avec l'aube matinale, Reuchlin se levait pour se rajeunir au milieu de la rosée ; il longeait Ja rivière pour voir à l'œuvre et pour en- courager les bateliers , ses amis ; il parcourait les prairies et les champs qui touchent aux glacis de nos remparts ; il s’arrêtait auprès des jardi- niers , race robuste et agreste, où jusqu’à nos jours les mœurs patriar- cales se sont conservées dans beaucoup de familles. El leur parlait, dans un langage simple et biblique , de la grandeur et de la bonté de ce Dieu qui mürit les moissons et les fruits; et lorsqu'il se trouvait en face de DIXIÈME SESSION. 77 quelque vicillard , déjà penché vers la terre, au sein de laquelle il allait bientôt chercher le repos, Reuchlin rendait la vie à cette âme morte ou affaissée sur elle-même , en lui parlant des espérances du ciel. «Placé en dehors du sénat et du corps académique , un homme, un prêtre , légal des plus savants professeurs et la gloire de l'Église de Strasbourg, éditait l'Histoire de l’évéché et de la cathédrale. J'ai nommé l'abbé Grandidier. C'était à ses yeux, sans doute, un devoir de piété filiale que de réunir les matériaux d’une vaste narration , qui devait dire à ses nouveaux compatriotes les vicissitudes de l'église dans le chœur de laquelle sa vieillesse trouvait un abri. Comme Schæpflin, Gran- didier avait pressenti l'intérêt majeur qui se rattachait aux chartes les plus obscures du moyen âge. Le classement rationnel qu’il a établi dans les archives de l'évêché, profite encore aujourd'hui au plus humble et au plus obscur de ses successeurs. «Nous avons vu les représentants de la science. Peut-être demande- rez-vous quels étaient les représentants des arts et de la poésie dans une ville qui avait vu dans son sein Erwin de Steinbach et son école ; le minnesinger Godefroi , et Sébastien Brandt, le fléau de la sottise. «Les arts, en 1770, ne manquaient point à Strasbourg de disciples zelés. Un Hieleuir Habite, Baër, réveilla sans doute dans Kirstein les pre- mières étincelles d'un beau talent; Weiler et Loutherbourg portérent , l'un à Londres, l’autre à Paris, les produits de leur palette ; et Bemmel, travailleur infatigable, mais attaché à sa ville natale, remplissait de ses paysages les salons de ses compatriotes. Bemmel s’était inspiré de la nature verte, calme, un peu triste, des environs de Strasbourg, et il reproduisait , en les idéalisant , les sites des bords de l'E et du Rhin. «Quant à la poésie officielle , la décadence la plus effroyable régnait au sein de l'antique institution destinée à perpétuer le culte sacré des muses. La société des Meistersænger, ces hériliers bâtards des chantres d'amour , végétait dans un coin obscur de la ville, non loin du Ritter haus, et n’offrait dans ses rares séances qu’un (riste exemple de dé- générescence ou plutôt de pétrification. Fondée sous les empereurs de la maison de Saxe, renouvelée en 1492 et1550, cette réunion, en 1770, était devenue burlesque. Des savetiers et des tailleurs venaient y chan- ter;ten bouts rimés , sur un ton näasillard , la louange du bon Dieu et du bon magistrat. Le président ; caché derrière un paravent , arrêtait à sa guise ces larmoyantes litanies , lorsqu'il s’'apercevait aux bâillements d'un auditoire clairsemé que la patience du public était épuisée. Quelques années plus tard , la société se fit elle-même justice ; sentant qu’elle devenait la risée de la ville, elle ferma Ja salle de ses séances, en remettant à l’hospice des orphelins , récemment fondé, les capitaux dont elle disposait. C'était charitablement finir, après avoir pauvrement vEURe, 5! «La poésie s'était réfugiée autre part; la muse des nobles vers et des grandes pensées n’établit point son séjour dans les institutions décré- pites ; elle aime à descendre dans les jeunes cœurs qui battent à l’unis- Son de chaque génération nouvelle. Au nombre des étudiants qui fré- 78 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. quentaient alors l'université de Strasbourg, se trouvait un jeune homme que je vous ai déjà signalé, el que vous avez tous nommé avant moi. Wolfgang Gœthe, le fils d’un patricien de Francfort ; pressentait con- fusément qu'il était appelé à régénérer le Parnasse allemand, livré alors aux pédants et aux imitateurs. Son séjour parmi nos compatriotes oc cupe une grande place dans l'histoire de son développement littéraire, Avant d'arriver à Strasbourg, Gæthe s’ignorait lui-même; ici, l'étude d'Ossian et de Shakespeare lui ouvrit un nouveau monde dans les do- maines de l'imagination. Sous le toit d’un modeste presbytère de vil- lage , aux bords du Rhin, il apprit pour la première fois à lire au fond de son cœur, et à connaitre à la fois les charmes et la douleur d'une passion naïve. Par le contact avec des hommes jeunes et vieux , de tout rang, de toute condition, il parvint de plus en plus à étudier et à com- prendre des caractères de toute nature. Véritable Alcibiade, Gæthe passait du grave au doux , du plaisant au sévère , sans fatiguer son in- telligence, et sans prodiguer les trésors que recélait son âme. Partout où il se montrait, les cœurs allaient à lui ; il régnait en souverain , car le grand poëte est l’égal des rois. Autour de lui se formait une cour de jeunes hommes suspendus à ses lèvres. Gœthe, à peine âgé de vingt et un ans, se trouvait sur la pente dangereuse sur laquelle plusieurs poëtes contemporains ont glissé et se sont irrévotablement perdus. Gæœthe fut plus heureux et plus fort. La flatterie l’excitait et ne l’enivrait pas. D'ail- leurs il n'avait pas encore fait ses preuves devant le public. Des femmes aimables copiaient et répétaient déjà ses vers lyriques, consacrés depuis par le suffrage de beaucoup de milliers d'hommes ; mais les essais, com- posés presque tous à Strasbourg et à Sessenheim, auprès de Frédérique, et pour elle, ces essais n’existaient qu’en portefeuille, et Gœthe se sentait trop d’avenir pour escompter à la légère sa gloire future. Déjà, du pro- pre aveu de l’auteur, il méditait. sa composition dantesque de Faust ; déjà la noble figure de Gætz de Berlichingen le préoccupait, et son âme ardente, en vue d'une séparation inévitable avec sa maîtresse, était déjà dévorée par les tourments de Werther. «Devant une assemblée aussi grave , je n'oserais point tracer le ta- bleau de l’idylle de Sessenheim. D'ailleurs les confessions de Gæthe se trouvent entre les mains du public, et pour rendre compte des amours du poëte , il ne me resterait qu'à traduire ces pages immortelles dont l'éclat et la fraicheur défient toute imitation. Des commentateurs, que j'appellerais sacrilèges s'ils n'étaient maladroits, ont essayé de déchirer le voile dont l’auteur de Werther a discrètement enveloppé ses relations avec la fille du pasteur de Sessenheim. Que diriez-vous de celui qui, pour rendre plus sensible la beauté d’un papillon, arracherait une à une les plumes de son léger duvet? Les malheureux n’ont rien respecté; ils ont inventorié le presbytère et son jardin, les champs et les bois des en- virons; ils ont scruté dans les détails les plus intimes la biographie de la jeune fille ; ils n'ont épargné ni le père , ni les sœurs , ni les frères de leur victime, Mais, Dieu merci, ce flot de brochures a passé sans Lernir le coloris dont le récit du poëte se pare , lorsqu'il se prend à raconter DIXIÈME SESSION. 79 ses promenades dans les iles du Rhin, et cette fraîche verdure, et après des jours d'orage, ces arcs-en-ciel qu'il n’a jamais vus aussi éclatants que sur l'horizon de Sessenheïm , au-dessus de la demeure de sa mai- tresse. «C’est donc de Strasbourg et de ses environs que date, pour l’Alle- magne littéraire , le renouvellement que son plus grand poëte fit subir à la poésie lyrique , au roman et au drame. Grâce au concours fortuit des circonstances les plus favorables , grâce à une société brillante, à l'influence d’un beau pays de plaine et de montagnes, à des études heu- reusement dirigées, grâce surtout à la fécondation de Famour, les ger- mes que la nature avait déposés dans l'esprit du jeune Gæthe arrivèrent ici à se faire jour et à étaler pour la première fois au soleil une floraison inconnue. «Je ne dois point négliger de faire passer sous vos yeux quelques-uns des amis du poëte ; vous comprendrez mieux comment, au milieu d’un tel cercle, les années de son séjour en Alsace devinrent décisives et cli- matériques pour lui. «Pendant qu'il suivait à Strasbourg les cours de droit et dé méde- cine, Herder, un peu plus âgé que lui, et jouissant déjà d’une réputa- tion littéraire, était venu dans la même ville, souffrant des yeux, et sur le point de subir une opération dangereuse. Par une impitoyable cri- tique , par des sarcasmes et par l'autorité que donne une forte érudi- tion et un nom célèbre, Herder exerça sur son jeune compatriote une influence salutaire. Gæthe , dans un âge fort avancé, n'avait pas oublié les railleries que Herder s'était permises à son égard ; maïs ces rail- leries avaient servi de contrepoids à l’adulation des femmes et des jeunes élourdis qui pensent grandir un talent en l’enveloppant d'un encens funeste. Ce n’est point par la critique seule que Herder agissait sur son ami, l’auteur des Idées sur la philosophie de l’histoire fut en tout temps un foyer de lumières et de vie intellectuelle ; son âme rayonnait dans toutes les directions; son esprit investigateur récoltait, comme une abeille littéraire, du miel partout où il trouvait des fleurs. A l'époque dont nous parlons, Herder était occupé à réunir et à classer les Chants populaires , et il attira sur cette inépuisable source de poésie l'attention de Gæthe, qui doit à ce genre d'étude la simplicité, le naturel que l’on admire dans tous ses ouvrages. «Dans la société habituelle de Gœthe se trouvait aussi un de ces êtres incomplets et incompris qui dilapidait de précieuses facultés en vivant au jour le jour, sans but précis, mais non sans inquiétude et encore moins sans désirs. «Le poëte Lenz, dont les productions lyriques et dramatiques n'ar- riveront point à la postérité, parce que l’excentricité ne remplace jamais le talent , Lenz fut pour Gœthe une espèce de stimulant, et sans doute aussi le sujet de curieuses études. Ensemble ils idolâtraient Shakes- peare , et s'ils se rencontraient dans ce goût littéraire , la destinée, ou pour mieux dire la folie de Lenz voulut qu'ils aimassent aussi la même femme. Après le départ de Gœæthe, Lenz éprouva ou feignit une extra- s0 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. vagante passion pour Frédérique , qui lui fit comprendre que le cœur d’une femme bien née ne se donne point à un homme bizarre après avoir reçu les hommages d’un homme de génie. Lenz, plus tard, vécut d'aumônes , et mourut, peu regretté, quoique jeune encore, au fond de la Russie. «Aux côtés de Gœthe se trouvait un autre jeune homme, aussi né cessiteux , d’autres diront aussi extravagant que Lenz: c'était Jung- Stilling. Quoique doué d’une âme poétique, celui-ci ne professait point le culte de la poésie mondaine ou matérielle : appliqué à des études très-posilives , il se livrait aussi à des rêves apocalyptiques. Comme Pa- racelse, Swedenborg et Jacques Bœhme, il se croyail en communi- cation avec les esprits invisibles , et il prophétisait l'avenir, parce que le présent lui échappait. Ce pauvre homme sortait d'une famille de visionnaires et d’alchimistes; dans son pays natal (le duché de Nas- sau), beaucoup d’esprits étaient tournés vers les sciences occultes et vers un étroit piétisme. Jung-Stilling fut saturé de bonne heure de cel air narcotique qui endort la raison et surexcite la faculté de rêver. Tour à tour charbonnier, tailleur , maître d’école, précepteur , médecin ocu- liste, professeur d'économie politique , dans toutes les positions de sa vie, Jung-Stilling se transportait et vivait dans les siècles du christia- nisme patriarcal ; Dieu, le Christ et les anges descendaient à lui; il était le fils chéri de la Providence. Au milieu des commensaux de Gæthe, cette nature de sensitive aurait joué un triste rôle, si elle ne s'était abri- lée contre les railleries derrière le jeune et généreux poëte. A Stras- bourg cependant, Jung-Stilling ne professait encore qu’une foiinébran- lable dans les miraculeux effets de la prière, il se contentait de faire su- bir à la divinité une anthropomorphose. Plus tard seulement, après les commotions du terrorisme, après les promenades triomphales des ar-— mées révolutionnaires , Stilling s’adonna corps et âme au mysticisme ; contre les excès inévitables de la guerre, son âme tendre et pieuse ne voyait d'autre remède que la fin du monde; il s’en fit le messager, et mourut avant d'avoir vu ses prédictions accomplies. «Que ne puis-je vous développer sa théorie du monde des esprits, citer des pages de son roman allégorique Le Mal du pays , dans lequel il fait parcourir aux chevaliers de la Croix la véritable route qui conduit au temple de Jérusalem ! Du reste, le peu que j'ai pu vous dire de cet homme bizarre explique suffisamment l'affection que Gæthe lui portait. Ce jeune homme, à l'esprit large, étudiait loutes les directions de l’es- prit humain ; et celle qui tend à franchir l’abime entre la terre et le ciel, n'est certes pas une des moins curieuses. La clef d’une portion de Faust se trouve dans les rapports de Gœthe avec Jung-Süilling. «En tout temps, d’ailleurs, depuis Tauler jusqu’à nos jours, le mys- ticisme a trouvé dans cette ville assez de prosélytes, soit que l'air at- mosphérique, ce ciel souvent chargé de vapeurs lourdes et humides prédispose certains lempéraments à des hallucinations, soit que le hasard seul ait jeté sur notre sol les imaginations rêveuses. Gœæthe , tont jeune qu'il était, avait bien remarqué ce côté inaperçu et voilé - DIXIÈME SESSION. 81 d’un séjour où pour lui tout semblait respirer la passion et le bonheur. «Un autre homme, moins connu, mais plein de mérite, se trouvait dans ce cercle composé d'éléments si hétérogènes. Lerse ; Que Gœthe a illustré dans Gætz de Berlichingen, était un esprit méthodique et calme, plus tard' collaborateur de l’illustre Pfeffel à Colmar. Je n’en tends point parler ici d’une collaboration littéraire; les fables et les apo- logues de Pfeffel sont l’œuvre exclusive de cet aimable aveugle; mais l’établissement pédagogique et militaire de Pfeffel fut en grande partie dirigé par Lerse, qui avait déjà, au milieu de ces jeunes étudiants, adopté, d’un commun accord, le rôle de précepteur. «Quelques—uns d’entre vous, Messieurs, ont encore connu, à Paris À le Saussure du Mont-Perdu, le peintre des Pyrénées, l’auteur de la Guerre d'Alsace, M. Ramond, notre compatriote; lui aussi faisait partie du petit comité qui préparait à Strasbourg une nouvelle ère littéraire. «A cette époque pleine , comme la nôtre, de vie, de mouvement et de transformation , Ramond comprenait aussi quelle dévait être un jour la mission littéraire de l'Alsace, qu'une volonté providentielle semble avoir arrachée au sol germanique et incorporée à la France, pour servir de médiatrice entre les deux peuples qui marchent en tête de la civilisation européenne. Peut-être chez nous le fardeau d’une double éducation pèse-t-1l sur les intelligences, et leur imprime-t-il un caractère d’indécision qui nuit à la force créatrice; mais le rôle de messager intellectuel entre deux grandes nations est certes asséz beau pour que des hommes, jeunes et heureusement doués, y mettent leur existence ‘et leur avenir. C’est travailler en même temps à une œuvre de paix; car aujourd’hui plus que jamais les masses suivent l'impulsion des penseurs; aussi longtemps que les poëtes , les hommes de science, les érudits de deux pays rivaux fraternisent, lès discordes politiques sont bien près de tomber dans l'oubli, et les arsenaux n’ouvrent plus leurs portes que pour livrer passage au canon inoffensif destiné à an- noncer les fêtes de l’industrie ou de l'intelligence. » M. le Président annonce que la Société francaise pour la conservation des monuments tiendra le même soir une séance dâns l’une des salles du Ghâteau: La séance est levée à cinq heures.. LE à 24 ——Re— Séance générale du 50 septembre 1842. Le bureau est composé comme la veille. Le procès-verbal de la séance d’hiér est lu et adopté. | M. le Secrétaire général donne connaissance à l'assemblée 6 82 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. de la liste des Sociétés et corporations savantes qui ont ad- héré au Congrès, et de la correspondance flatteuse de plu- sieurs d’entre elles. Elles sont unanimes dans l’expression de leurs sympathies pour la belle et utile institution des congrès scientifiques, el dans les vœux qu’elles forment pour que le Congrès de Stras- bourg contribue au rapprochement des dati o0 EE et à leur cordixle coopération dans le domaine des travaux de l’intel- ligence. La plupart-ont chargédes délégués spéciaux deles re- présenter dans celte solennité littéraire. L’adhésion officielle des autres s’est manifestée par celle de leurs présidents ou de leurs secrétaires. Nous allons énumérer la série de ces corporations en sui- vant l’ordre de date des lettres d'adhésion : Association normande séant à Caen. Délégués : M. De Cau- mor, directeur. — M. Girarnin, inspecteur divisionnaire, professeur de chimie. — M. Gonrrroy , trésorier. Société francaise pour la conservation et la description des monuments historiques, à Caen. Délégués: M. le comte pu Moncez. — M. pe Formieny. — M. Gaucain, trésorier. Société linnéenne de Normandie, à Caen. Délégués : M. Ev- pes Drsconccuamps, professeur à la Faculté AE Sciences. — Le Crerc, docteur en médecine. Société industrielle de Saint-Étienne, par son président , M. Peyrer-LaLuier, ancien député. Société archéologique de Saintes, par son secrétaire, M. l'abbé Lacurre. Société philomathique de Haies par son vice-présiden} , M. Buvienier. — Délégué : M. Gaurar», professeur à Mire- court. Société de médecine du département de la Sarthe, au Mans, par son président, M. Vazsée. Société d'éducation de Lyon , par M. J. Crermowr, son pré- sident. — Délégués : M. le docteur Lonrer. — M. Horrer, chef d'institution. Société archéologique du midi dela France, à Toulouse, par son président, M. le marquis ne CASTELLANE. Société pharmaco-technologique du Palatinat, à Kaisers- DIXIÈME SESSION. 85 lautern (Bavière rhénane), par son directeur, M. le doc- teur HERBERGER. Société libre pour concourir aux progrès du commerce et de l’industrie, à Rouen, par son secrélaire, M. Dusarpix aîné. Société centrale d'agriculture du département de la Seine- Inférieure, à Rouen, par son secrétaire , M. Du Breuiz. Société médicale de Tours, par son secrétaire général, M. An- GLADA. Pollichia, à Deidesheim (Bavière rhénane), par son direc- teur, M. le docteur Scuurrz. Société académique de médecine de Marseille, par son secré- taire général , M. Sozrier. Société industrielle d’ Angers, par son président M, Gur- Lory aîné. — Délégué: M. À. Rousseau, homme de leitres. Université de Bruxelles (Belgique), par M. le professeur Our , son secrétaire. Université de Christiania (Norwège) , par MM. Hozzreupr, Hozrz, Dierricuson, KeysEr, membres du sénat acadé- mique. Université de Fribourg (Bade), par son Sant M. le professeur SCHREIBER. Société médico-chirurgicale de Turin. Délégués : M. B£r- TiNt, président, — M. le chevalier Marrinr, professeur. Société d'agriculture, sciences, arts et belles-lettres de Bayeux, par M. Casrez , son secrétaire général. Société nationale de vaccine à Paris. Délégués: M. Jur- LIEN (de Paris), vice-président. — M. Jawes, directeur. fondateur, Académie impériale et royale des Géorgophiles, à Florence. : Délégués : M. Cu. Tonnegrant. — M. V. Rossi, professeur. — M. V. Baroccui, docteur en médecirre. Société royale agraire, à Turin. Délégués : M. BerTinr. — M. Barurri, professeur à l’Université. Société d'horticuliure du grand-duché de Hesse, à Darm- stadt. Délégués : M. le baron de WepekinD, son direc- teur. — M. E. E. Horrmanx, conseiller municipal. Société des antiquaires de la Morinie, par son secrétaire perpétuel , M. de Grivencuy. 6. 84 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE, Société philotechnique de Paris. Délégués: M, Jurirex (de Paris). — M. KinsTEzin , statuaire. Academia Labronica, à Livourne, par son président M. E. Mayen. Institut des provinces de France, au Mans , par son pré- sident, M. Gauvin. Académie royale de médecine de Bruxelles, par son prési- dent, M. Vieminex, inspecteur général du service de santé. Société française de statistique universelle, de Paris. Délé- gué : M. Juzuien (de Paris). | Société de statistique de Marseille. Délégué : Son secrétaire perpétuel, M. Roux , docteur en médecine. * Société Racinienne de La Ferté-Milon. Délégué : Son vice- président, M. pe RoosMALEN. Société d’émulation du département des Vosges, à Épinal. Délégués : M. pe Bizz , ingénieur en chef des mines. — M. Hocanr» , directeur des chemins vicinaux. — M. Mov- ceor père, docteur en médecine. — M. Moucesor fils, docteur en médecine. — M. Purow, géologue. — M. Toc- quaInE , architecte. — M. Durac, propriétaire. — M. M4- raigvu, médecin vétérinaire. — M. Haxo, docteuren mé- decine. Société de médecine de Lyon. Délégué: M. le docteur Ps£- TREQUIN,, chirurgien en chef de l’Hôtel-Dieu. Société internationale des naufrages, à Paris, par M. Gore pe LiancourT , son fondateur. Congrès des naturalistes allemands, par MM. les Secrétaires généraux Groser, docteur en médecine; Brucn, notaire. Société industrielle de Mulhouse. Délégués: M. Em. Doz- russ, son président. — M. Em Koœcuuin , secrélaire. — M. FazLor, secrétaire adjoint du Comité de chimie. — M. H. Tnierwy, secrétaire adjoint du Comité de méca- nique. — M. Muuzenseck, secrélaire du Gomité d'histoire naturelle. — M. Sazanin, membre du Comité des beaux- arts. — M. J. Manrz, secrétaire du Gomité de commerce. . Société des sciences, agriculture et arts du Bas-Rhin. Dé- légués : M. Coururar , président. — M. UrensaaL , vice- président. — M. Mazze, secrétaire perpétuel. — M. Mar- cHaL fils, secrétaire adjoint. DIXIÈME SESSION. 85 Gymnase supérieur de Stuttgart, par M. D’OsianDer, ins- pecteur des écoles du’cercle. École polytechnique de Francfort , par le conseil des profes- seurs. Lycée de Rastadt , par le conseil des professeurs. Société générale d'histoire , de la Suisse. Délégué: M. DA- auer, professeur à Fribourg. Société royale d’agriculture et de commerce, à Caen. Dé- légués : M. le marquis De BANNEvILLE , président. — M. Lam, secrétaire. — M. Lecerr, professeur en Droit. Société d'agriculture d’ Evreux, par son secrétaire, M. Tnéos. CHEVERAUX. Académie royale des sciences, belles-lettres et arts de Cler- mont-Ferrand. Délégué: M. Lecoo, Secrétaire général de la sixième Session du Congrès. Il est fait ensuite lecture du catalogue des différents ou- vrages déposés sur le bureau et offerts à la dixième Session du Congrès. Beaucoup de ces livres sont adressés par leurs au- teurs à titre d'adhésion de leur part à ses travaux. M. le prési- dent propose et l'assemblée décide que ces volumes seront, suivant la coutume du Congrès, déposés à la bibliothèque de la ville après la clôture de la Session. Le catalogue en sera inséré dans le Compte-rendu. MM. les Secrétaires des sections rendent compie des opé- rations de leurs sections respectives. Il ne résulte de ces rap- ports d’autre fait qui doive être consigné ici que le suivant : M. de Cussy ayant été nommé vice-président dans les cinquième et huitième sections , a déclaré que la spécialité . de ses travaux l’appelait à suivre les séances de la huitième section plulôt que celles de la cinquième, et qu’en consé- quence il optait pour la vice-présidence de la huitième sec- tion. La cinquième section a décidé que la troisième vice- présidence serait donnée au candidat qui aurait réuni le plus grand nombre de voix après M. de Gussy : en conséquence, M. Schirlin, professeur au Séminaire épiscopal , a été pro- clamé vice-président de la cinquième section. M. de Schadow est invité à donner communication du mé- moire présenté par lui dans la séance de la huitième section. 86 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. M. le Vice-président, après une allocution de remerciments que l’assemblée accueille par de vifs applaudissements, lit son mémoire, qui captive à un haut point l'intérêt et l’at- tention de l’auditoiref. La séance est levée à cinq heures et demie. _—_—<0— Séance générale du \°* octobre 1822. Le bureau est constitué comme la veille. Le procès-ver- bal de la séance précédente est la et adopté. M. le Secré- taire général donne connaissance de la correspondance et des livres offerts au Congrès. MM. les Secrétaires des Sec- tions rendent compte des travaux de la matinée, Un membre de l’assemblée ayant cru devoir réclamer con- tre la rédaction du procès-verbal de la sixième Section, M. le Président répond que, conformément aux règlements du Gon- grès, toute réclamation pareille est interdite en séance gé- nérale, et doit être élevée dans la séance spéciale de la Sec- lion. M. le Président invite M. le pasteur Naville, de Genève, à lire le Mémoire sur l’Éclectisme présenté par lui à la sixième Section , quien a proposé la lecture en séance générale ?. Ce travail philosophique, d’une grande puissance logique, a été accueilli par les applaudissements de l'assemblée. La séance est levée à cinq heures et demie. Séance générale du 3 octobre 1842. Le bureau est occupé comme la veille. Le procès-verbal de la séance générale précédente est lu et adopté. M. le Se- crélaire général donne communication de la correspondance. 1 Ce mémoire et tous ceux lus en séance générale, sur le renvoi prononcé par les Sections, sont imprimés sous la rubrique des Sections correspondantes dans le 2° volume du Comple-rendu. Le mémoire de M. de Schadow fait partie des impressions de la huitième Section. ? Voy. les mémoires de la Sixième Seclion, vol. 2°, DIXIÈME SESSION. 87 Un grand nombre d’hommes distingués de la France et de l'étranger expriment leurs vifs regrets d’être retenus loin ° des LATE du Congrès par des er de service ou de santé; ils pere ou aux tendances de rapprochement el de mutuel accord dans le domaine de l'intelligence que la dixième Session est destinée à réaliser, et ils insistent sur le rôle important qui est assigné dans celle œuvre à Alsace et à la ville de Strasbourg. Nous croyons devoir faire suivre les lettres et les passages les plus expressifs qu’on trouve dans cette volumineuse-correspondance. M. Oken, professeur à l’Université de Zurich, le célèbre fondateur des Congrès scientifiques en Allemagne, dit entre autres, dans sa lettre en date du 24 mai 1842: «Les commissions chargées de la rédaction des questions du Pro- gramme ont fait preuve d’un zèle actif, de connaissances étendues et d’une appréciation judicieuse des rapports de bon voisinage littéraire, dans le choix de questions aussi nombreuses qu’elles sont importantes. Düt même le nombre de celles qui recevront une solution n'être que fort restreint , elles n’en auront pas moins fixé l'attention des hommes _d’étude qui en feront l’objet de leurs travaux solitaires !. Les questions de zoologie et de botanique.sont d’un haut intérêt, et ne manqueront pas de provoquer des recherches. Il en est de même des questions d'histoire, surtout en tant qu’elles touchent l'Alsace et même l’Alle- magne. J'en dirai autant des questions d'archéologie, quoiqu'’elles aient déjà donné lieu à des travaux importants. Je n’en regrette que d'autant plus vivement d’être empêché de prendre part à de si intéressantes dis- cussions. » M. Bowring, économiste distingué et membre du Parle- ment, écrit de Londres , le 17 septembre 1842, ce qui suit: «Personne plus que moi ne désire la fusion des intérêts et la réu— nion des peuples. Personne n’est plus affligé que moi de la triste ten- LI ? Ces prévisions bienveillantes n’ont pas tardé à se réaliser. Nous sommes heureux d’ayoir à signaler ici deux publications inspirées par les questions du Programme. L'une estdue à la plume de M. le baron Émile de La Cour ; elle contient une réponse à la huitième question de la septième section : « Quelles sont , indépendamment des formes du style, les différences essentielles qui séparent le romantisme du classicisme?» Elle a paru à Loches en 1840. L'autre, sous le titre : Febres ex morborum numero esse eliminandas, traite la septième question de la troisième section: « Établir les espèces de fièvres admissibles dans l’état actuel de la science. » Rédigée en latin, elle a pour auteur M. le docteur J. Ra- dins, professeur de pathologie à l'Université de Leipzig, où elle vient de paraître. Le Con- grès a sans doute quelque lieu de s’applaudir d’une influence aussi utile qu'honorable, ss : CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. dance d’une politique haineuse, d’une législation soi-disant nationale, mais dans le fond bornée et égoïste. Aussi ces réunions scientifiques ont une portée plus importante qu’il ne parait d’abord, et je les ai vues s’é- tendre avec une vive satisfaction. «£a nécessité de rester en Angleterre me privera d’une satisfaction qui m'aurait été singulièrement agréable. Je prends un vif intérêt dans les efforts tentés pour réunir les hommes et les peuples dans le cercle où les intérêts cosmopolites planent au-dessus des petites questions in- dividuelles , et je vois avec joie les tentatives de ceux qui veulent arra- cher les grands principes au terrain de la discorde pour les planter dans celui du bien-être de tous. On a fait beaucoup, et beaucoup trop, pour éloigner les hommes, pour les faire s'entrehair. Tâchons, tâchons de les réunir, de les faire s’entr'aimer; car il y va de l'intérêt de l’indi- vidu et de l'intérêt de tous. » Peu d’adhésions ont droit de flatter le Congrès de Stras- bourg à l’égal de celle des professeurs composant le Sénat académique de l’Université de Ghrisliania , que la distance n'empêche pas d'exprimer leurs sincères regrets d’être pri- vés, par la coïncidence de l’époque de notre réunion avec celle de la reprise des cours, de la satisfaction de prendre part à nos travaux. «Cependant, ajoutent-ils, comme le programme de l’illustre-Congrès est d’un plus ample intérêt scientifique et littéraire, le Sénat acadé- mique n’a pas laissé d'en faire communication aux intéressés hors de l'Université, se flattant en même temps qu’à la prochaine réunion Scan- dipave, qui se tiendra à Christiania, les érudits de France veuillent bien contribuer à donner du relief aux assemblées scientifiques du Nord. » La lettre de M. le baron de Gérando, pair de France, con- seiller d’État, membre de l’Institut, professeur à la Faculté de Droit de Paris, datée de Thiais, 22 septembre 1842, n’ad- met pas d'extrait; elle doit être rapportée tout entière, comme l'expression la plus vraie des sentiments qui doivent présider à la tenue du Congrès de Strasbourg, «J'aurais bien vivement désiré assister en personne à la belle solen- nité que vous allez célébrer, et qui a été pour vous l’objet de tant de soins. Mais à la suite d’une longue maladie, je suis encore retenu ici par l’état de ma santé, et je déplore de ne pouvoir me rendre en ce mo- ment auprès de vous. Veuillez en agréer, en faire agréer tous mes re- grets et mes excuses. J’y assisterai du moins par la pensée. Vous savez, 1 Pourquoi a-t-il fallu que la mort donnät sitôt une mélancolique consécration à de si nobles vœux , à de si généreuses espérances ? DIXIÈME SESSION. 89 Monsieur et cher confrère, que l'alliance intellectuelle de l'Allemagne et de la France a été le vœu de toute ma vie. Vous savez que depuis quarante ans je n’ai cessé d'y contribuer par mes faibles efforts. Vous savez aussi combien j'avais désiré que notre cher Strasbourg servit de médiateur à cette grande et noble fédération, privilége qui lui appar- tient à tant de titres. Enfin, cette idée dont nous nous sommes souvent entretenus, se réalise! Soyez mille fois remercié de ce que vous avez fait pour préparer ce beau jour. Je vous félicite, je me réjouis en son- geant à ce riche commerce d'échange qui va s'établir, à ces sympathies généreuses qui vont se satisfaire, à ces amitiés qui vont s’entretenir et se former, à ces hommages que va recevoir la science. «Je vous demande la faveur de me compter comme présent dans ces journées solennelles. Permettez-moi de m’y faire représenter par l’un: de mes neveux, un de mes enfants adoptifs, qui a aussi des titres per- sonnels à y prendre place, un Alsacien , M. Édouard Morel, porteur de ce billet, professeur à l'Institution royale des Sourds-muets de Paris depuis vingt ans, et celui, je crois, de tous les professeurs de cet art qui l’a le mieux étudié, connu, appliqué. Il pourra donner sur cet art si intéressant , si peu connu, de précieuses lumières. «Sans doute cette circonstance appellera à Strasbourg la plupart des savants allemands qui m’honorent de leur bienveillance. J’ose vous prier de me servir d’organe auprès d'eux et de me rappeler à leur sou- venir. «Si ma santé me l’eût permis, j’eusse envoyé au Congrès l'hommage de quelques travaux ; mais toyte occupation m'est interdite en ce mo- ment. QAu sein du bonheur dont vous allez jouir, accueillez avec votre bienveillance accoutumée le tribut, etc., etc.» Voici comment s'exprime M. le pasteur Paniel, de Brême, dans sa lettre du 6 septembre 1842: «L’excellent choix des questions à traiter, le concours sans doute très-nombreux de savants français et allemands , et ma vieille prédilec- tion pour la France, mon pays d’origine, me font regretter d'autant plus vivement d’être retenu loin du Congrès par des obstacles invinci- bles. Je dois donc me borner à former les vœux les plus sincères pour le succès de ses travaux. Puisse-t-il contribuer à rapprocher plus intime- ment deux grands peuples, et à leur inspirer réciproquement une estime plus entière. Si nous étions d'accord, nous prescririons des lois au monde, et nous reléguerions notamment pour jamais dans les steppes du Nord la barbarie de plus en plus menaçante qui surgit de ce côté. Vous avez raison de dire dans votre circulaire que la belle Alsace a la mission d’être la médiatrice entre la France et l'Allemagne. Puisse- celle, en conservant toute sa prédilection politique pour la France, ne jamais oublier que ses habitants , comme ceux de toute la France sep- tentrionale , sont issus du sang germanique. L'harmonie vraie et du- 90 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. rable entre les peuples ne naitra jamais que de l'estime sincère et réci- proque des nationalités. » La présence de M. de Schadow au Bureau central ne nous empêchera pas de citer une phrase significative et cordiale desa lettre d'adhésion en date du »1 juin 1842. «Les principes sur l'alliance de deux grandes nations énoncés dans votre lettre d'invitation, de même que les questions contenues dans le Programme, sont tellement conformes à mes sentiments, que je m’em- presse de m'inscrire à temps. » M. le chevalier de Wendt, conseiller intime aulique à Munich, dit dans sa lettre du 26 septembre 1842: «Je sais parfaitement apprécier l’idée d’un tel Congrès, formé par des savants de deux nations qui mutuellement méritent de se connaître, de s’estimer, de s'aimer, et de joindre leurs travaux scientifiques pour le bien-être public et universel, » Dans une lettre qui respire la plus affectueuse estime pour les savants et les litlérateurs francais, M. le conseiller Frie- demann , directeur des archives centrales du duché de Nas- sau à Idstein, dit sous la date du 10 septembre 1842: «Les loyaux Alsaciens, à l'intelligence allemande et au cœur fran- cais, sont particulièrement appelés à rapprocher et à concilier par leurs travaux-les tendances progressives des deux pays. Je forme les vœux les plus sincères pour le succès de cette œuvre de médiation sur les fron- tières des deux pays et dans une ville, à laquelle la nature elle-même sémble en avoir imposé la tâche. Puissent les membres du Congrès d’en decà et d'au delà du Rhin être animés sans cesse dans leurs travaux de cette belle pensée de votre poëte Lamartine : Chacun est du climat de son intelligence; Je suis concitoyen de toute âme qui pense. La vérité c’est mon pays.» M. le conseiller intime Mittermayer, de Heidelberg, ancien président de la seconde chambre des États du grand-duché de Bade, s’énonce d’une manière bien flatteuse dans sa lettre du 8 juin 1842: Al n'est certes pas de ville qui, assise sur la frontière , entre la France et l'Allemagne, réunisse plus d'éléments propres à faciliter, par leur heureuse fusion, l'accomplissement des plus solides progrès de l’huma- nité. J’éprouve d'autant plus de regrets de ne pas pouvoir vous donner dès à présent l'assurance de prendre part à vos travaux, que je trouve les questions de législation de votre Programme choisies avec beaucoup de discernement, etc. » DIXIÈME SESSION. 91 Cette même idée se reproduit dans la lettre de M. Louis Lecointe, de Genève, qui parle de Strasbourg comme d’une des capitales européennes, comme d’un foyer réflecteur de la science et du véritable progrès. Mais , quelque regret que nous en ayons, il est temps de nous arrêter dans ces communications. Il nous est interdit de reproduire les expressions de cordiale sympathie de MM. de la Fontenelle, de Poitiers; de Givenchy, de Saint-Omer, et de la Saussaye, de Blois, anciens secrétaires généraux du Congrès; de MM. les professeurs Creutzer et Zachariæ, de Heidelberg ; Gaüpp et Hahn, de Breslau ; Harless, de Bonn; Medicus, de Munich; Berthold, de Gættingue ; Hagen, de Kænigsberg; Schweigger et Wilda, de Halle; Martin, de Dresde; Kærcher, de Carlsruhe; de M. Oulif, professeur en droit et secrétaire de l'Université de Bruxelles; de M. Den Tex, professeur en Droit d'Amsterdam; de M. le prince de Canino et Mussignano, de Rome; de MM. M. Bonafous et Ormea, de Turin: de M. le marquis de Ridolfi, de Florence ; de M. Biasoletio, de Trieste: de MM. le docteur Ackermann, de Meiningen; Roser, con- seiller de légation à Sluttgart; Paulet, de Beaune; Bussard, de Fribourg, qui tous protestent du regret qu’ils éprouvent de ne pas pouvoir prendre part aux travaux du Congrès. Qu'on nous permette de féliciter le Congrès d’un succès qui dépasse toutes nos espérances, Il nous reste à communiquer à l’assemblée deux lettres d’un conteuu plus sévère. L’une a trait à des questions d’un haut intérêt scientifique; elle nous esl adressée par M. le vicomte Pazos, Consul général et Chargé d’affaires de la Co- lombie à Londres. L'autre, qui nous est arrivée sous le voile de l’anonyme et qui à ce titre n’aurait nul droit à faire l’objet d’une communication, n’en est pas moins curieuse par sa forme bizarre et par l'originalité de quelques solutions; car elle n’est autre chose qu’une suite de réponses axiomatiques et sententieuses à des questions du Programme !. Au Congrès scientifique de France à Strasbourg .… - As a native of Upper Peru, and consequently interested in whate- ver relates to the institutions of my ancestors in that country, E take 1 Les expressions techniques qui se rencontrent dans la première de ces lettres , et les tournures originales de la seconde, nous ont déterminé à les reproduire en langue anglaise. 92 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. the liberty of submitting for the consideration of the learned for solu-— tion, various questions which were originally proposed by the editors of the MERCURIO PERUANO» (Peruvian Mercury) in the 40% vol. of that publication in the year 1794, to the scientific world at that period. These propositions , howerer, remained unanswered , in consequence of the opposition uniformly made by the Spanish government to every investigation and discussion relative to the system of administration adopted by the INCAS. « The cause which prevented the impartial examination of the ancient history of the aforesaid country being now happily removed, and the litterati of Europe at length in possession of every necessary particu— lar to form a critical judgment of the civil, political, militar y and eco- nomic institutions of Peru as they formerlyÿ existed, it appears tome that an important service would be rendered to science in general, as well as to the Peruvians in particular, by attending to the following subjects deducible from the authentic annals of Peru. «45t. The legislation of the INcAS compared with the principles of the Laws of nature and of nations, as well as with the Roman Civil Law, the spirit of which is observed in the Hispano-Peruvian Code; and for what reason ? «2. The agriculture and hydraulies of the INCAS; on what system founded implements adopted etc. ; with comparative and impartial con- siderations between their practice and that now in vigour? «3. Mining system of the INCAS, compared with that now in use. «4. Fortification of the Incas: on what rules based, and how appli- cable to their modeofwarfare ? The description of the fortresses ofCuzco, CANETE, NICARI, and others will serve to explain this particular point. «5. Civil architecture: mode of building cities, and means employed to raise weights of magnitude : the interior distributions of their tem- ples , palaces and houses? This subject may be illustrated likewise by the description of the ruined town of PACHACAMAC, and forming an estimate as to the number of its former inhabitants. «6. Dissertation on the existence and condition of the two celebrated causeways of the Incas, and observations on their bridges : thence sol- ving the prohlem, whether our modern roads and bridges are superior or inferior to their’s ? «7. Mineralogy : what metals they were acquainted with ; their use, and in what manner worked ? «8. Porcelain:* their jars, vases, and other earthenware articles , which are, even now, frequently excavated from tombs ; how formed ? «9. Method of spinning and weaving , as well as the dresses used by the Incas ? «10. The practice of medicine amongst the INCAS, compared with that of the earliest nations on record? «41. Astronomy, and mode of computing time ? «42. Investigation into the causes of the entire absenceof rain at Lima. «13. Examination and analysis of the Peruvian language. DIXIÈME SESSION. 93 «14. Account of the singing and dancing of the INCAS. «15. Hypothetic statistic as to the amount of the ancient population of Peru in comparison with that now existing. Signé: V. PAZzos, Membre de la Société de’statistique universelle et Consul général de la Bolivée à Londres. Londres, 10 septembre 1842. Neuilly, hôtel de la Poste, 12th August 1842. SIR, À «LE avail myself of the permission, extended to strangers, to answer the questions addressed by the Congres scientifique de France. «1. Legislature. The exercise of justice. «3. Zoology. Those which partake of both kingdoms belong Lo neither and they consequently possess an organism intermedial. «13. Education. Emulation is the wish to equal, and ambition to excel ; therefore it would be well to modify the excitement by rewar- ding the application of a child in preference to his genius, which would lead to an attentive regularity in his studies and a desire to do well. . «41. Statistics. Enquire the price of provisions during any known rebellion. «19. Architecture. The personation of a saint: « Ye are the temples of the Holy-Ghost. » «1. Statistics. By attaching the artisans to the government, and by providing for them in cases of sikness. «11. Architecture. Because architects are confined to a servile adhe- rence to the adjustments of the five orders. «18. The influence of Christianily on the fine arts is to render them perfect, as Christianily is an effect of the unereing guidance of the Al- mighty, so, all Christians will necessarily become more just in their notions and tastes, and gradually advance towards the perfection in all things. «20. Physics. By producing a separation of animal and vegetable substances. «10. Entomology. To appoint a yearly committee, for each degree of latitude and longitude, to collect and arrange the various insects found in the different parts of the earth during twelve months.» La parole est successivement donnée à MM. les Secrétaires des Sections, pour rendre compte des travaux de la matinée. Il en résulte notamment que M. Brehm, vice-président de la première Section, et M. Scholtz, vice-président de la sixième , ayant été obligés de retourner dans leurs foyers , 94 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. ont manifesté de vifs regrets de ne pouvoir continuer à pren- dre une part active aux travaux de la dixième Session du Congrès , et que ces deux vice-présidents ont été remplacés : M. Brehm, par M. le professeur Fée, et M. Scholtz, par M. Vivien, directeur de l’école normale primaire. La séance tout entière ayant été occupée par la lecture des procès-verbaux des Sections, M. le Président invite MM. les Secrétaires à vouloir bien dorénavant abréger leurs comptes-rendus, afin que l'assemblée puisse entendre la lecture de quelques mémoires. La séance est levée à cinq heures. ne D Séance générale du 4 octobre 1842. Le bureau est le même que celui de la veille. Le procès- verbal de la séance générale précédente est lu et adopté. M. le Secrétaire général donne la suite des adhésions qui sont parvenues au Secrétariat général depuis la séance du 30 septembre de la part des Sociétés savantes dont les noms suivent : Société pour l'instruction élémentaire du Rhône, repré- sentée par M. TararraiT, son président. Académie royale de Metz. Délégués : M. Eu. Bécix. — M, le comte pe Cogrrosouer. — M. Fournez. — M. V. Simon. Société des sciences médicales du département de la Moselle, représentée par M. B£aix, son secrétaire général. Société d'histoire naturelle du département de la Moselle. Délégués : M. V. Simon, président. — M. Fourvez, profes- seur d'histoire naturelle. Société royale des sciences, lettres et arts de Nancy. Délé- gués: M. J. M. pe Hazpar, correspondant de l’Institut. — M. G. »e Duuasr, ancien magistrat. Suciété d'agriculture , sciences et arts de la Sarthe. Délé- gués : M. Lepzicerier, son président. — M. Ricuezer, Secrétaire général de l’Institut des provinces. Académie des sciences, à Amiens, par M. Duroyer, son Se- crélaire perpétuel. DIXIÈME SESSION. 95 Société d'agriculture de Lyon, par M. Guimer, son vice- président. Société royale d’émulation, d'agriculture, sciences et aris de l'Ain, à Bourg, par M. Puvis, son président, ancien député, correspondant de l’Institut. Société d'agriculture, sciences et arts de Rochefort. Délé- gué : M. JEan Casrez, pasteur de l’église réformée 1. Il communique ensuite une lettre, par laquelle M. Isidore Lebrun, de Paris, invite MM. les membres du Congrès à sous- crire pour l’érection d’un monument à la mémoire de l’amiral Dumont-d’Urville. MM. les Secrétaires des Sections rendent compte des tra- vaux de la matinée. Le reste de la séance est occupé par des expériences de galvanisme faites par M. Münch, directeur de l’école indus- trielle de Strasbourg. M. Münch les fait précédes de l’expo- silion suivante : 2 MESSIEURS, «J'ai présenté à la deuxième section du Congrès, dans la séance d'hier, quelques considérations sur une nouvelle pile galvanique, ac- compagnées de quelques expériences propres à faire voir les avantages de son emploi dans l’enseignement. La section pensant que ces expé- riences pourraient offrir quelque intérêt'à MM. les membres du Con- grès qui n’ont pas assisté à la séance, m'a invité à les répéter à votre séance générale. C’est pour me conformer à celle invitation que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd’hui cet instrument avec ses acces- soires. — Il m’a semblé utile de faire précéder mes expériences de quel- ques considérations générales propres à faire ressortir l'importance du perfectionnement des instruments relatifs à l’électricité galvanique. L'assemblée voudra bien, j'espère, m’écouter dans cette occasion avec indulgence; si j'avais pu supposer que l'honneur de paraître devant elle püt m’échoir pendant la durée du Congrès, j'aurais fait mon possible pour lui présenter un travail élaboré convenablement, «Nos connaissances des lois de la nature sont quelquefois le résultat de l'attention que nous prêtons aux phénomènes qui s'offrent spontané- ment à notre observation; mais plus souvent, pour arriver à la connais- ! Nous complétons cette énumération chronologique des adhésions des corporations savantes, en ajoutant que l'adhésion de la Sociéé royale d’émulation d’ Abbeville, par M: Boucner De PerTues, son Président, n'est parvenue au secrétariat général qu’a- près la clôture de la Session du Congrès. 96 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. sance de la vérité, sommes-nous obligés de nous livrer à des expériences dans le but de consulter la nature, de lui faire parler un langage plus clair, de vérifier nos conjectures sur les causes des phénomènes natu- rels ou même dans celui de découvrir des agents dont le hasard nous aurait fait soupconner l'existence. «L'homme a observé la nature avant de faire des expériences, et, s’il était possible de rechercher jusque dans les ténèbres de l'antiquité com- ment s’est formé successivement ce corps de notions sur les lois de la nature, qui forme aujourd’hui cette vaste science que nous appelons physique, nous arriverions à un ordre chronologique parfaitement d'accord avec cette marche naturelle de l'esprit humain. « Les parties de la science dues uniquement à des recherches expéri- mentales seront donc toujours les plus récentes. «Voici pourquoi la nature a pu si longlemps garder le secret sur l'existence de l'électricité dynamique. «Cet agent, si universellement répandu, qui est partout et en tout, ne donne point, dans le cours ordinaire des choses, lieu à des phéno- mènes que nos sens puissent saisir facilement; et c’est à la faveur de l'imperceptibilité de son action qu'il a pu se dérober si longtemps à l'esprit d'investigation des plus habiles physiciens. Il a fallu le génie de immortel Volta pour mettre son existence au grand j jour, après que les découvertes de Galvani eurent mis sur sa trace. «Le champ des observations galvaniques, restreint d’abord à quel- ques faits physiologiques , fut agrandi rapidement quand on se trouva en possession d’un instrument capable de rendre sensibles les effets d’un fluide qu’on reconnut bientôt pour être le fluide électrique sous une forme nouvelle. «De l'invention de la pile de Volta date une ère nouvelle pour la phy- sique. «L’immense développement que la science de l'électricité dynamique a pris de nos jours, fait d'autant plus honneur à l’esprit humain, que, plus que toute autre partie de la physique, elle est une conquête pu- rement humaine. Déduite entièrement d'expériences pour lesquelles il fallait même inventer des instruments nouveaux, elle n’est pas seule- ment le résultat de ces recherches qui ont pour but d'arriver à une théorie servant d'explication à un de ces mystères que la nature semble si souvent offrir à l’homme pour exercer sa sagacité, mais ce qui en fait le mérite, c’est que l'existence du mystère elle-même était inconnue et qu'il fallait d’abord la découvrir. &lest donc évident que les instruments servant aux expériences, soit de recherche, soit de démonstration, acquièrent pour cette partie de la physique une importance qu'ils n’ont pas toujours dans d’autres parties, et que leur perfectionnement peut contribuer à l'avancement de la science. «L’instrument capital pour l'étude de l'électricité dynamique est la pile de Volta ; elle est devenue tout aussi indispensable au physicien que les machines électrique et pneumatique. DIXIÈME SESSION. 97 * «J'ai pensé que la pile que j'ai construite et dont la disposition offre quelques particularités qui lui donnent, à mon avis, un avantage nota- ble sur celles qui sont usitées , pourrait peut-être mériter l'attention des personnes qui s'intéressent aux progrès de la physique ; heureux si, en déposant cette faible offrande sur l’autel de la science, je puis y apporter un léger tribut de reconnaissance pour les jouissances douces et pures qu’elle offre en profusion à ses disciples. » Après avoir donné lecture de ces considérations générales, M. Münch a exposé en peu de mots quelle est en général la composition des piles galvaniques, et ce qui distingue la sienne du grand nombre de celles qu’on possède déjà. Pour faire voir son énergie , il a opéré d’abord avec une petite pile dont la longueur totale est de 27 centimètres , composée de plaques de cuivre ’et de zinc amalgamé d’un décimètre carré de surface et formant quarante couples. Cette pile a fait rougir un fil de fer d’un millimètre d’épais- seur et de 30 centimètres de longueur. Il a fait observer à cette occasion que l’action calorimo- trice d’un fort courant électrique sur un fil métallique a tou- jours lieu du dehors en dedans; qu'avant que l’incandes- cence du fil ait lieu, il s’élève toujours une vapeur très-ap- parente de sa surface, quelque soin qu’on ait mis à nettoyer ou polir le fil; que c’est, à ce qu’il paraît, la couche la plus superficielle du métal qui, en subissant dans cet instant à elle seule toute l’action du courant, passe à l’état de vapeur; el que, si on suit avec attention les progrès de l’incandes- _cence et de la fusion, on voit que celle-ci commence encore par la surface, et qu’avant de tomber en globules, le métal coule le long d’une espèce de noyau qui forme l’axe du fil. L'expérience avec les cones de charbon et la lumière ra- dieusé éblouissante qu'ils dégagent, a complétement réussi. La même expérience a été répétée sous l’eau avec autant de succès. * La pile a ensuite été employée à quelques expériences élec- tro-magnétiques , qui ont aussi constaté son énergie sous ce rapport. Quant à son action chimique, on a été frappé de la ra- pidité avec laquelle elle opérait la décomposition de l’eau et de la quantité de gaz fournie en peu d’iastants. Quelques expériences faites ayec une pile de grande di 98 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. mension, construite d’après le même système, ont terminé la séance. Fusion du fil de fer; ignition éblouissante d’un fil de pla- tine d’un millimètre d'épaisseur et de 4o centimètres de lon- gueur; expérience du charbon ; lumière dont l'éclat ne peut être comparé qu’à la lumière solaire, et qui éclaire, comme un globe radieux, le vaste espace de la salle. Ces expériences sont accueillies et suivies avec une satis- faction qui provoque plusieurs fois les applaudissements de l'assemblée. Lasséance est levée. Séance générale du 5 octobre 1812. Le Bureau est occupé comme la veille. Le procès-verbal de la séance d’hier est lu et adopté. MM. les Secrétaires ren- dent compte des travaux de leurs Sections respectives. M. Jules Sengenwald lit un mémoire, présenté à la qua- trième Section et proposé par elle à la lecture en séance gé- nérale 1, La lecture de ce mémoire est suivie de vifs applaudisse- ments. M. le Président soumet à l’assemblée la proposition sui- vante, émanée de M. À. Laurent, capitaine d’état-major attaché à la 5° division militaire : «Les idées, les travaux utiles doivent un jour se répandre dans toute la société européenne au moyen des sessions annuelles du Congrès scien- tifique. « Déjà ces assemblées ont produit le plus heureux résultat en rappro- chant les hommes éclairés, philanthropes de tous les pays. Afin de res- serrer ces liens d’une manière plus intfme dès les premiers jours des sessions annuelles, on propose d'inviter chaque membre de cette grande association intellectuelle à déposer sur le bureau la liste exacte, com- plète de ses ouvrages, mémoires ou publications quelconques insérés dans des recueils scientifiques. «Ces bulletins individuels seraient lus dans les premières séances gé- nérales , transerits fidèlement sur un registre spécial , et publiés dans le Compte-rendu officiel, à la suite du nom de chaque membre auteur. 1 Voyez les mémoires de la quatrième Section , 2° vol. DIXIÈME SESSION. 99 Par ce mode, on fonderait une bibliographie se complétant chaque année ; CN . Q ._ y . en fayeur des hommes éclairés et bienyeillants qui ont le désir sincère de se communiquer leurs vues, leurs idées sur un sujet déjà élaboré par eux dans le silence du cabinet. » ANTONIN LAURENT. Strasbourg, 5 octobre 1842. Après en ayoir délibéré, l'assemblée, appréciant le mé- rite et l'utilité de l’idée qui a inspiré celte proposition , mais considérant que l’époque tardive à laquelle elle est faite ne permet plus qu’elle trouve son application dans la pré- sente Session, est d’avis de son ajournement, pour être reprise, s’il y a lieu, dans une des Sessions subséquentes du Congrès. M. Schattenmann, directeur des mines de Bouxwiller, produit des fragments de chaussées cylindrées à l’aide du rouleau compresseur ; il indique sommairement les effets et les résultats de l'emploi de ce procédé. «Le rouleau compresseur est le complément du système de Mac- Adam, lequel consiste à faire les chaussées en pierres cassées. Ce mode de construction, qui a réalisé de grandes améliorations, a été généralement adopté; mais la compression des empierrements, abandonnée à l’action des roues de voitures, ne se faisait que lentement dans la saison plu- _vieuse, en usant en pure perte une partie des matériaux qui étaient écrasés et en harassant les attelages. Le rouleau compresseur, qui com- prime , aftermit et lie immédiatement les empierrements neufs et de réparation , offre l’heureuse solution de cette grave difficulté. «J'ai l'honneur de présenter au Congrès : «4° Un fragment de chaussée cylindrée mastiquée avec du sable. «2° Un pareil fragment mastiqué avec du détritus calcaire. « Vous verrez, Messieurs, par l'inspection de ces fragments , qu'une chaussée cylindrée est parfaitement comprimée, liée et qu’elle présente une surface entièrement plane et lisse. » Gette communication est accueillie avec intérêt. La séance est levée à cinq heures. —0>— Séance générale du 6 octobre 4842. La composition du Bureau est la même que celle des séances précédentes. Le procès-verbal de la séance d’hier est lu et adopté. 7. 100 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. M. le Président communique une lettre qui lui a été adressée par M. le Vice-Président de Schadow; en voici la teneur : ‘CMONSIEUR LE PRÉSIDENT , «Comme, à mon grand regret, je suis obligé de quitter Strasbourg demain matin, je vous prie de vouloir bien vous charger d'exprimer à mes collègues toute ma gratitude pour l'accueil si bienveillant que j'ai recu ici. «L’élévation d'esprit et la satisfaction du cœur que m'ont procurées les travaux du Congrès, resteront ineffacables dans ma mémoire. « Veuillez, etc. » Signé : W. SCHADOW. Le Secrétaire général soumet à l’assemblée une lettre à lui adressée par M. le baron de Wedekind, membre de l’admi- nistration grand- ducale des forêts à Darmstadt, au moment de son départ de Strasbourg. Cette lettre fixe l’attention du Congrès sur une question qui est d’une haute importance littéraire. M. de Wedekind s'exprime en ces termes : «MONSIEUR LE SECRÉTAIRE-GÉNÉRAL, «Étant obligé de retourner demain dans ma patrie, je ne puis quitter cette illustre ville sans exprimer combien j'ai été satisfait et du bon ac- cueil trouvé partout et des travaux du Congrès. «Parmi les grands progrès que votre Congrès prépare pour le per- fectionnement de l'humanité, je compte en première ligne l'alliance in- tellectuelle des nations et le contrepoids contre le monopole trop do- minant de la capitale , monopole qui semble être le principal empêche- ment à la distribution proportionnelle des lumières, dont la France, dans toutes ses provinces, n’est pas moins susceptible que l'Allemagne. «Cette considération me mène aux moyens propres à favoriser la distri- bution mentionnée. «Parmi ces moyens, l'organisation convenable de la librairie mérite une attention plus grande que celle qu'on semble lui avoir attribuée jusqu'ici en France. «La librairie est un des plus importants instruments de la littérature et par cela des progrès scientifiques. Nous lui devons en Allemagne la facilité de publier partout nos ouvrages , de les propager avec une grande célérité, et de nous procurer tous les ouvrages désirés non-seule- ment sur-le-champ ou dans un très-court délai, mais encore à bien bon marché. En Allemagne, les libraires forment une association commer- DIXIÈME SESSION. 4101 ciale qui unit les provinces les plus éloignées. Leslibraires ont deuxassem- blées principales par an à Leipzig , où les intérêts de la librairie sont dis- cutés. Tous les libraires sont dans une relation commerciale immédiate l'un avec l’autre; ils sont en compte-courant pour les livres de leurs fonds , et deux fois par an ils tirent leur balance réciproque. «Je vous prie, Monsieur, d'attirer l'attention du bureau central du Congrès sur cet objet, pour que la prochaine (onzième) Session du Con- grès daigne examiner l’état de Ja librairie et en Allemagne et en France, les comparer tous deux et en tirer des conclusions pour l’amélioration de ce véhicule littéraire. à «C’est dans ce but que je propose d’intercaler parmi les questions de la onzième session du Congrès scientifique de France la suivante : «Quelle est l'organisation de la librairie en France et en Allemagne, el par quels moyens peut-on l'améliorer en France pour faciliter la publication et la propagation des productions littéraires ? QI vaudra la peine de nommer une commission pour préparer la discussion de cette question et pour se procurer les informations préli- minaires nécessaires. «Veuillez, Monsieur, exprimer à M. le Président et à tous les mem- bres du bureau central ma plus haute considération, avec laquelle jai l'honneur d’être, Monsieur, votre bien dévoué serviteur. » Baron DE WEDEKIND, de Darmstadt. «Strasbourg, ce 5 octobre 1842, » MM. les Secrétaires rendent compte des travaux de leurs Secfons respectives. . La quatrième Section ayant demandé que cerlains vœux formés par elle fussent soumis au vote de l’assemblée géné- rale et deviennent ainsi des vœux du Congrès tout entier, M. le Président a mis aux voix et l’assemblée a adopté les . propositions suivantes : «Sur la proposition de la quatrième Section , «1. Le Congrès scientifique émet le vœu que l’enseignement de l'a- griculture, porté directement au milieu des cultivateurs, soit établi dans tous les départements de la France, et que le même professeur soit chargé de cet enseignement à l’école normale. «2. Le Congrès scientifique recommande au gouvernement l’exécu- tion de cartes agronomiques basées sur les cartes géologiques , et indi- quant la circonscription des régions agricoles. . «3. Le Congrès scientifique émet le vœu que le gouvernement'élende à tous les départements où l'usage du parcours et de la vaine pâture existe, 102 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. le projet de règlement proposé pour le département du Doubs par M. le docteur Bonnet. «4. Le Congrès scientifique prie le gouvernement de s'occuper d’une loi organique sur l'exercice de la médecine vétérinaire en France, et de nommer des vétérinaires par cantons, par arrondissements et par départements. «5, Le Congrès scientifique émet le vœu que le gouvernement veuille bien prendre les mesures nécessaires pour qu’une organisation de la police rurale par cantons ait lieu, de manière que chaque canton ait son .-commissaire de police et des gardes champêtres sous ses ordres. «6. Le Congrès scientifique émet le vœu que le gouvernement sup- prime les terrains vagues, et accorde au pouvoir administratif la fa- culté de résister aux mauvais penchants des communes à cet égard. » La parole est ensuite accordée à M. le docteur Ch. Bœrsch, Secrétaire de la quatrième Section, pour lire une Votice sur l'extinction de la mendicité à Strasbourg et sur la fon- dation de la colonie agricole d’Ostwald. Cette lecture est écoutée avec le plus vif intérêt. «MESSIEURS, «La colonie agricole d'Ostwald, que les membres du Congrès ont visitée dimanche dernier , a excité parmi eux un si vif intérêt, qu'une notice historique et statistique sur l’origine et sur la situation actuelle de cet établissement , quoique rédigée à la hâte, sera peut-être accueil- lie avec quelque indulgence. Elle répondra à de nombreuses questions qui ont été faites, et auxquelles il n’a été possible de donner sûr les lieux mêmes que des réponses insuffisantes. Elle ne contiendra aucune exposition théorique ; elle se bornera à des faits, à des chiffres, à des indications pratiques que j'ai été à même de recueillir comme mem- bre du conseil municipal de Strasbourg et de la commission de surveil- lance de la colonie agricole. «Quoique Strasbourg soit une ville plus commerçante que manu- facturière, et que la petite industrie des artisans n’y ait pas encore été écrasée par la grande industrie des fabriques, le paupérisme et la mendicité ne l'ont pas moins envahie dans ces derniers temps. Non pas que cette lèpre dévorante de la société moderne soit née spontanément au sein de notre cité: elle y a été implantée du dehors. La situation géographique de Strasbourg à l’extrêème frontière de la France , l'usage commun de la langue française et de la langue allemande, l'extrême facilité que la législation de notre pays accorde à tous :es étrangers qui veulent y fixer leur séjour, les grands travaux publics entrepris ré- cemment, les nombreux établissements de secours que nous a légués la féconde charité de nos pères, et, qu'on me permette de le dire, la malheureuse renommée de bienfaisance dont jouit au loin notre & DIXIÈME SESSION. 103 cité, ÿ ont attiré et y altirent chaque jour encore une foule de gens sans aveu, sans moralité, sans moyens d'existence, des repris de jus- tice , la lie de tous les pays voisins. L'immoralité engendre le liberti- nage, et du libertinage naît l'imprévoyance et la misère. « Aussi la mendicité offrait-elle en 1830 à Strasbourg le plus triste spectacle. Les riches revenus de nos établissements de bienfaisance suffisaient à peine à alimenter les pauvres qui venaient frapper à leurs portes, et la mendicité se promenant de maison en maison, poursuivant les passants dans les quartiers les plus fréquentés , donnait à l'étranger une pénible opinion de la population de notre ville. «Ëmue du noble désir de porter remède à cette situation doulou- reuse, l'administration municipale de cette époque s’entoura des lu- mières et-du dévouement des plus généreux citoyens ; un appel fut adressé à la charité publique ; et l’on vit se réaliser à Strasbourg, en 1830 déjà, cette association de ceux qui possèdent du superflu en fa- veur de ceux qui manquent du nécessaire, préconisée, il y a quelques jours, comme le souverain remède à tous les maux. Pour arriver à un inventaire exact de la misère des classes inférieures , à une statistique officielle de leurs souffrances, la ville tout entière fut divisée en qua- rante sections , réparties entre cent vingt citoyens notables qui, avec le titre d’inspecteurs des pauvres, visitèrent chaque maison, chaque étage, inscrivant à la fois sur leurs registres les besoins des indigents et le chiffre des secours que consentait à leur consacrer annuellement le riche. Ce double recensement de la misère et de la charité publique fut terminé en peu de jours, grâce à la fièvre de générosité qui s'était emparée de toutes les âmes; et si la statistique de la population indi- gente offrait 2,350 ménages pauvres , composés de plus de 6,000 in- dividus , la statistique des souscriptions dés classes aisées fournissait la promesse d’un revenu annuel d'environ 60,000 fr. , consacré par les ciloyens , en dehors des ressources des établissements de bienfaisance, à l'abolition de la mendicité. «Une mesure préliminaire fut prise par l’autorité municipale. S’ar- mant des pouvoirs que lui donnait la loi, elle expulsa de Strasbourg plus de mille étrangers qui y résidaient sans moyens d'existence, et qui retombaient à la charge des autres citoyens. Puis la société qui s'était formée chercha , à l’aide des ressources dont elle pouvait dis- . poser, à multiplier ses moyens d'action, à saisir pour ainsi dire le mal 2 , par toutes ses extrémités ; elle ouvrit une maison de refuge et de travail pour les mendiants valides; elle organisa des distributions de vêtements, de bois, de comestibles, à domicile; elle créa des salles d’asile et des écoles gratüites, dans lesquelles plus de 2,000 enfants pauvres furent accueillis ; les femmes, qui viennent toujours réclamer leur part dans tous les actes de charité et de dévouement humanitaire, s’associèrent avec une ardente émulation à cette œuvre d'éducation morale; les dames . de la classe supérieure de la société présidèrent à la direction des salles d'asile et des écoles ; et c’est à leur salutaire influence, à cette vigilance toute maternelle qu’elles ont étendue sur tant de pauvres petits êtres, 104 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. que l’on peut à juste titre attribuer les heureux résultats que ces insti- tutions ont produits. «Ainsi la société pour l'extinction de la mendicité, à laquelle tous les citoyens aisés se faisaient honneur d’appartenir, poursuivait la misère dans toutes ses directions, elle la saisissait dans toutes ses manifesta- tions; au mendiant valide elle offrait un asile et du travail; aux néces- siteux honteux, des secours à domicile pendant la saison rigoureuse ; aux enfants pauvres, les bienfaits d'une tutelle moralisante et de l’ins- truction élémentaire. Si tous ces moyens d'assistance, malgré leur sage combinaison, ne pouvaient opérer la cure radicale de la misère, qui a sa source dans le défaut d'organisation sociale du travail, ils consti- luaient cependant un merveilleux ensemble de tous les palliatifs vantés ou essayés de différents côtés; s'ils ne guérissaient pas le paupérisme, ils en arrêtaient du moins les envahissements, ils en soulageaient les douleurs, ils atteignaient enfin le seul but pratique que l’on puisse se proposer dans une période de transition comme la nôtre, lorsque les anciennes solutions des problèmes sociaux sont devenues insuffisantes , et que l’on cherche encore, en tâtonnant, les solutions nouvelles dans les ténèbres de l’avenir. «Aussi la mendicité, qui avait infesté toutes les rues de Strasbourg, avait disparu complétement. Au lieu de tendre la main au passant, et de le poursuivre de ses bruyantes sollicitations, le pauvre trouvait un asile dans la maison de refuge; et les enfants, au lieu d’être délaissés dans les rues ou dans des chambres malsaines par leurs parents occu- pés au dehors, venaient faire dans les salles d’asile l'apprentissage de la propreté et de la discipline. «Pendant quelques années, l’association , heureuse du bien qu’elle venait de réaliser, se maintint dans un véritable moment de prospérité. Elle trouvait dans la charité publique, dans la générosité et dans le grand nombre des souscripteurs, les ressources dont elle avait besoin pour subvenir à l'entretien des institutions qu’elle avait créées, pour alimenter les bienfaits silencieux qu’elle répandait dans toutes les re- traites de la misère. Elle se suffisait à elle-même. Malheureusement, les hommes se lassent même de leurs bonnes qualités; ils se fatiguent même de faire le bien; et la nature humaine est ainsi faite que la plus belle organisation sociale , basée sur la vertu, périrait inévitablement si la vertu engendrait la monotonie. Peu à peu les recettes de la société pour l'extinction de la mendicité diminuèrent; le nombre des souscrip- teurs alla en décroissant ; les riches, après avoir donné beaucoup, dans up premier élan de générosité, donnèrent moins, puis moins encore, et finirent par ne plus rien donner. Le zèle des inspecteurs des pauvres se refroidit; les collectes étaient en retard; et la société, impuissante à subvenir à ses frais, vint demander au conseil municipal des alloca-— tions supplémentaires chaque année plus considérables; elle finit même par déclarer que si le conseil ne prenait pas à la charge de la ville l'entretien des nombreuses institutions qu'elle avait créées, elle serait obligée de les supprimer, d'abandonner au hasard les 2,000 DIXIÈME SESSION. * 105 enfants placés sous son patronage, de rejeter sur le pavé les 250 pauvres qu’elle avait recueillis à la maison de refuge. «La situation était pleine de difficultés. Refuser l’onéreux héritage que la société pour l'extinction de la mendicité voulait remettre à l’au- {orité municipale, c'était anéantir beaucoup de bien péniblement pré- paré, c’était rouvrir la plaie hideuse de la mendicité cicatrisée depuis quelques années. Accepter cet héritage, au contraire, transformer en institutions communales les établissements de charité créés par l’asso- ciation des citoyens, c'était marcher vers le système de la taxe des pauvres , c'était presque reconnaitre le droit de l’indigent au secours de la commune. Et si un pareil système peut être soutenu en théorie, s’il peut défrayer les spéculations philanthropiques de quelques rêveurs socialistes, il ne saurait, dans l’état actuel de la société, être mis en pratique sans ruiner la société même. « Dans cette alternative , le conseil paraissait disposé à scinder la dif- ficulté, à accepter la charge des salles d’asileet des écoles gratuites, parce que l'instruction des enfants du pauvre ne doit pas être une aumône , mais une dette sacrée de la société ; à fermer au contraire la maison de refuge , parce que les hôpitaux et ni établissements de charité sont là pour recevoir et secourir les pauvres invalides, et que, sous le ré- gime de liberté et de concurrence qui domine de nos jours , le pauvre valide n’a pas plus le droit d'exiger une assistance de la commune, que la commune n’a le droit de lui imposer un travail. «C’est alors que M. Schützenberger, maire de Strasbourg, vint ar- rêter par une proposition nouvelle la menace de suppression suspendue sur la maison de refuge. Dans un rapport concis et substantiel , plein de faits et de hautes considérations sociales , M. le maire résuma rapide- ment les causes principales du paupérisme. Il les trouva dans la désor- ganisation du travail, dans la concurrence sans frein et sans règle , qui amène à sa suite la destruction progressive des classes moyennes, la décroissance des bénéfices du travail et des capitaux, et l'instabilité de toutes les positions. Il les trouva encore dans la direction exclusive des capitaux vers les entreprises industrielles, au détriment de l’agriculture. Il les trouva enfin dans le défaut d'organisation de la commune et dans l'insuffisance des attributions conférées à l’administralion communale. «Tirant ensuite de ces principes généraux les conséquences pratiques qu’ils portent dans leur sein, les appliquant à la solution du problème local qui s’agitait devant le conseil municipal, M. le maire examina s’il ne serait pas possible de substituer à la maison de refuge, dont l’organisation laissait à désirer , une organisation différente, plus satis- faisante et assise sur des bases plus larges. Je ne puis, Messieurs, mieux vous initier à la peñsée organique qui dominait M. le maire, et d’où sortit notre colonie d’'Ostwald, qu’en reproduisant ici textuel- lement la partie du rapport de ce magistrat qui concerne la création de la colonie. «Sans doute, dit M. le maire, la caisse communale n'a pas à doter les 106 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE, établissements dé charité, et n’est pas obligée à ce titre à recueillir ja suc- cession onéreuse qu'on lui abandonne. «Mais l'administration communale a l'obligation de maintenir au sein de la citéune bonne police; elle doit donc, autant que ses ressources le lui permettent, employer les moyens les plus efficaces pour arriver à ce ré- sultat. C’est cette obligation quej'invoque, pour vous prier avec instance, Messieurs, de bien peser la décision que vous allez prendre. Supprimer la maison de refuge sans la remplacer par un établissement analogue, c’est rétablir la mendicité, c’est favoriser le paupérisme, c’est renoncer à tout moyen légal d'en réprimer les écarts, c’est rendre impossible toute bonne police. Vous le savez, la mendicité est un délit dans les communes qui ont établi une maison de travail; elle ne constitue point un délit dans les lo- calités qui en sont dépourvues. À quel titre la société frapperait-elle d’une peine celui qui demande l’aumône là où il ne trouve pas la ressource du travail? «Supprimez la maison de refuge, et la mendicité va pulluler autour de vous : elle ne tardera pas à devenir un métier, une profession plus lucra- tive que le travail du journalier; elle prélèvera son tribut régulier, elle l’arrachera par son impudence et ses feintes souffrances; elle yous assié- gera dans la rue, elle pénétrera dans votre domicile, bideuse et dégue- nillée. Bientôt le crime lui empruntera ses haillons, et jettera le masque aprés s'être assuré de toutes les chances de l'impunité. «A ces considérations en ajouterai-je d’autres encore? Que devra faire l'administration de cent cinquante malheureux qui habitent en ce moment la maison de refuge et qui seraient jetés dans nos rues sans aucune res- sourcé, au milieu de la saison la plus rigoureuse de l’année ? Et nos con- citoyens, qui depuis dix années se sont imposé tant de sacrifices, pour- ront-ils approuver une mesure aussi rigoureuse que fatale ? «Sans insister davantage, j'ose espérer vous voir partager ma convic- tion sur l'impossibilité dans laquelle nous nous trouvons de fermer la maison de refuge. «Mais en combattant la seconde partie des conclusions du rapport de votre commission, je ne me dissimule pas ce qu'il y a d’onéreux dans la charge qui en résulterait pour la commune, si la maison de refuge était conservée dans son organisation actuelle. Vous inséreriez dans votre bud- get une nouvelle dépense ordinaire, dont le chiffre peut s'élever dans la suite bien au delà des prévisions du moment. C'était donc un devoir sé- rieux pour l'Administration d'étudier la question que la situation finan- cière de l'association , formée dans le but d’extirper la mendicité, a sou- levée si inopinément, et de soumettre à votre appréciation les moyens les plus convenables pour arriver avec le moins de sacrifices possible au ré- sultat si désirable de l'extinction de la mendicité. «Un premier moyen consisterait à donner un développement plus com- plet au travail industriel de la maison de refuge, telle qu’elle existe en ce moment. Il faudrait la mettre sur le pied d'un établissement industriel ; la doter des marchandises nécessaires au filage et au tissage , tout en lais- sant à la partie la plus valide de sa population les travaux relatifs à l’en- tretien de la propreté de nos rues. Cette organisation, calquée sur celle de différentes maisons de détention centrales, exigerait non-seulement des frais de premier établissement assez considérables, mais encore un per- sonnel intelligent et actif. Il est à présumer que la maison de refuge, mise . DIXIÈME SESSION. 407 sur ce pied, ferait ses frais, et les intérêts financiers de la ville seraient ouverts. © «Différentes considérations, que vous apprécierez, ne me permettent point de vous proposer l'exécution de ce projet. Si la ville fondait un éta- blissement industriel, elle ferait concurrence aux industries qui se livrent à la fabrication des mêmes produits, et cette concurrence ne serait ni juste ni morale. - L «Il en-résulterait un autre inconvénient encore. Le travail industriel est d’une nature toute spéciale; et lorsque ceux que vous avez admis dans cet établissement en ont contracté l'habitude, ils ne retrouvent plus le même travailen le quittant, et retombent ainsi dans le vice auquel il fallait les arracher pour toujours. Le principal résultat ne serait point at- teint ; car le vice de la paresse et les habitudes d’une vie désordonnée sont la source la plus fréquente de la mendicité. «Du reste, les travaux purement mécaniques de l'industrie n’ont pas la puissance de retremper le moral de l’homme ; ils ne sont ni assez attrayants ni assez variés pour qu’un homme habitué au désordre apprenne à les aimer au point d’en contracter une habitude suffisante pour former contre- poids à ses mauvais penchants. «La maison de refuge, organisée sur ce pied; pourra bien fournir du travail et du pain à ceux qui y entrent; mais ils ne la quitteront que pour se trouver et plus misérables et peut-être plus abrutis encore qu'ils ne l’é- taient en entrant. «La pensée à laquelle je me suis arrêté est fondée sur un ordre d’idées différentes; elle n’est, à vrai dire, que l'application des conséquences aux- quelles je suis arrivé en recherchant les causes générales du paupérisme. «A la place d’un établissement d'industrie, je vous propose la fondation d’une colonie agricole. «Les frais d’un premier établissement sont moins coûteux que ceux d’un établissement industriel, et n’imposeront à la commune aucun sacrifice réel. Vous arriverez plus facilement au but que vous vous proposez; enfin, l'établissement que vous fondez reposera sur une base plus solide, et ne fera point concurrence à d’autres industries. «La fondation d’un établissement d'industrie , soit filature ; soit tissage, assez développé pour fo@rnir du travail à une population de deux cents à quatre cents individus de tout âge, exigerait, d’après des renseignements qui m'ont été fournis par des personnes compétentes en constructions et en machines, une somme de 100,000 francs par cent ouvriers; il faudrait de plus y engager un capital flottant de 100,000 francs, pour alimenter l'établissement. Nous n’évaluons pas les frais de gestion; car ces frais sont à peuprés les mêmes pour les deux établissements, La caisse communale aurait donc à débourser un capital de 500,000 francs; qu’elle ne pourrait guére se procurer que par la voie de l'emprunt ou l’aliénation de rentes constituées. Ce capital considérable suivrait les chances favorables ou dé- favorables de l’industrie à laquelle il serait consacré. «Les frais de construction nécessaires à l'établissement d’une colonie agricole de quatre cents individus ne dépasseront point le chiffre de 150,000 francs, y compris les bâtiments nécessaires à la culture de 440 -bectares. Le capital nécessaire pour l'exploitation de la ferme , pour le bé- tail nécessaire et les instruments aratoires ne dépassera pas le chiffre de 50,000 francs. 4108 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. «Vous n'aurez pas besoin de demander ce capital à l'emprunt; les moyens d'exécution que j'ai l'honneur de vous présenter vous le fourni- ront sans aucune diminution sensible de nos revenus. «Une transaction, dont les bases sont définitivement arrêtées, recon- naît à la ville la propriété longtemps contestée de la moitié de la forêt d'Ostwald. Le domaine qui nous revient forme un seul corps de biens d’une contenance de 140 hectares environ. «Le rapport moyen de cette forêt ne s’est élevé dans les sept dernières années qu’à une moyenne annuelle de 2,608 francs 1. La possibilité de la forêt ne permet guëre d'y faire des coupes extraordinaires; il faudrait plutôt en opérer le repeuplementetextirper les épines qui dominent dans certains cantons. «Le sol de cette forêt est fertile ; il consiste en terres d’alluvion de FIN, propres à la culture là où le solest élevé, et à la création de prairies d’une bonne qualité, là où le fond est plus bas. Les meilleures terres de la ban- lieue longent le cours de cette rivière; leur supériorité sur le littoral du Rhin est incontestable. «Si le gouvernement accorde l'autorisation de défricher la forêt d’Ost- wald , le sol nécessaire à la colonie agricole est trouvé. La vente des bois vous donnera les fonds dont vous avez besoin pour faire face aux frais de constructions et de premier établissement; enfin, le produit des terres, convenablement exploitées, suflira à l'entretien d’une population qui peut varier de cent cinquante à quatre cents individus. L'exploitation peut donner des bénéfices en raison des variations qu'éprouve cette population, et procurera , dans tous les cas, un revenu suffisant pour couvrir les frais de l'établissement. Vous n’engagez ainsi qu'un capital qui, dans l’état actuel des choses, vous produit un revenu moyen de 1,300 francs, et ce sacrifice sera largement compensé par la plus-value du sol, qui, étant défriché, amendé etconvenablement cultivé, acquerra une valeur vénale de plus de 800,000 francs, indépendamment de la valeur des constructions que vous aurez exécutées , et que je ne porte point en ligne de compte. «Ces avantages matériels ne sont pas les seuls que j’invoque en faveur du projet que j'ai l'honneur de soumettre à votre appréciation. L’avan- tage moral qui doit résulter de la nature des travaux auxquels se livreront ceux qui seront recueillis dans cet établissemefft, me frappe beaucoup plus encore. Les travaux de l’agriculture et de l'éducation des bestiaux conviennent par leur variété à chacun des deux sexes, à tous les âges, à toutes les forces, et ils offrent une variété que n'ont pas les travaux de l'industrie. Ils s’exécutent en plein air, ils influent favorablement sur le physique comme sur Le moral, ils sont attachants par eux-mêmes, ilsrap- prochent l'homme de la nature et retrempent insensiblement son moral. Il suffira d’une discipline sévère pour vaincre les premières répugnances : l'attrait naturel de ces travaux fera le reste pour donner aux pensionnaires des habitudes d'ordre et de travail. Ils les retrouveront partout dans nos campagnes, auxquelles nous pourrons renvoyer ces mendiants qui auront cessé de l'être. «La population de l4 colonie, durant la saison morte, pourrait être uti- lement employée aux travaux d'entretien des chemins vicinaux et aux tra- vaux relatifs à l'entretien de la propreté de nos rues. Peut-être le dépar- (1) Dont moitié seulement pour la ville. DIXIÈME SESSION. 109 ternent y trouverait-il un jour une ressource avantageuse pour y placer à des prix plus modérés les enfants trouvés et abandonnés. Cet essai pour- rait même servir à faire faire un progrès notable au systéme pénitentiaire, qui depuis silongtempsflotteentre les exagérations d’une philanthropie sen- timentale et les rigueurs du système de l'isolement, que nous avons em- prunté aux États-Unis, sans tenir compte de la différence du caractère na- tional et de la situation du pays, sans songer que les Etats-Unis ont leurs terres del’ouest pour se débarrasser de la partie la plus inquiète et la plus turbulente de leur population, et qu’il faudrait avoir en France une res- source analogue avant que de recourir à leurs procédés pénitentiaires. «L'établissement que je vous propose servirait tout à la fois et de maison de refuge et de ferme-modeéle : convenablement dirigé, il exercerait une influence heureuse sur l’agriculture en général , sur l'amélioration des ra- ces bovines, et pourrait donner l'exemple des meilleurs systèmes de culture. «Le gouvernement ne nous opposera bien certainement aucune diffi- eulté. La conservation et le repeuplement des forêts est sans doute d’un intérêt général et mérite d'être pris sérieusement en considération; mais lorsque des considérations purement financières ont déterminé le gouver- nement à autoriser des défrichements considérables dans les forêts doma- niales qu'il a aliénées, il ne peut refuser une semblable autorisation lors- qu'il s’agit de la fondation d’un établissement conçu dans des vues d'intérêt général et dont l'exécution, si elle répond à mes espérances, exercera quelque influence sur la solution de hautes questions sociales. «En conséquence j'ai l'honneur de vous faire les propositions suivantes, dans lesquelles se résument les conclusions actuelles de mon rapport: «10 De décider en principe que la commune fondera une colonie agri- cole en remplacement de la maison de refuge. «20 D'autoriser dès à présent le maire de demander le défrichement de la forêt d’Ostwald , dont le terrain sera affecté à la colonie projetée. «3° De voter que les fonds provenant de la vente des bois de la forêt d'Ostwald seront spécialement affectés jusqu’à due concurrence à l’exé- cution du projet dont vous aurez adopté le principe. «4° D’adjoindre à l'administration une commission spéciale, nommée dans votre sein, pour arrêter définitivement l’organisation de l’établisse- ment.» GA la suite de la lecture de ce rapport, le conseil municipal s’associa . avec entraînement à la pensée de M. le maire. Il y vit d’abord la solu- tion momentanée d’une grave difficulté d'administration municipale, qu’il valait mieux encore dénouer avec de sages précautions que trancher avec'brusquerie. Il y vit aussi un premier essai de l'organisation sociale du travail proposée comme remède du paupérisme; et sil est vrai de dire que, dans la situation actuelle de la société, un conseil municipal, qui a pour obligation de ménager avec prudence la fortune communale, ne doit pas l’engager légèrement dans des entreprises dont le succès financier est incertain, qu’il ne doit pas compromettre le patrimoine de la commune dans les hasards d’une téméraire initiative d'organisation sociale, il sera vrai de dire aussi que, dans cette circonstance, il y avait de la sagesse même dans l'audace, un calcul financier même dans cet 410 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. essai de réalisation d’une théorie économique. En effet, la tentative réussissait-elle, la ville de Strasbourg était à jamais délivrée du fléau de la mendicité et elle avait la gloire d'avoir apporté la première, et sans frais pour ainsi dire, un élément pratique à la solution du graye pro- blème du paupérisme. La tentative échouait-elle au contraire, la ville n’aurait déboursé qu'une somme de 150,000 fr., produit probable du défrichement de la forêt; et au lieu de 140 hectares de terrains impro- ductifs, donnant à peine un revenu de 1000 fr. par année à la caisse communale, elle possédait une vaste et belle ferme et 140 hectares de terrains défrichés et cultivés, dont le produit, s’il élait mis en location par parcelles , pouvait rendre 12 ou 15,000 fr. par an. «Le projet avait été adopté par le conseil municipal dans sa séance du 23 décembre 1839. Plus d’un an après seulement , grâce à la lenteur déplorable que l’attirail bureaucratique de la centralisation administra- tive fait peser sur la marche des affaires, dans la séance du 17 fé- vrier 4841, M. le maire put annoncer au conseil que les principales difficultés qui s’opposaient à l’exécution du projet étaient surmontées , et que le ministre avait approuvé la fondation de l'établissement. Les coupes furent adjugées immédiatement , mais la vidange ne put s'en effectuer qu’au mois de mai. On ne put donc opérer le défrichement que dans le courant de l’été 1841, et les terrains déboisés et en nature de vaine pâture purent seuls être livrés à une culture immédiate. Au lieu de 130 à 450,000 fr., la vente des bois et la cession des terrains né- cessaires pour le chemin de fer n'avaient donné que 95,000 fr. La réalité des recettes était donc au moins de 30,000 fr. inférieure à lévaluation primitive d’après laquelle avaient été calculées les dépenses de premier établissement. Pour ne pas entraver la réalisation de la colonie dès sa naissance, le conseil s'empressa de voter, au budget de 1842, une somme de 30,000 fr. à prélever sur les ressources ordinaires de la commune, afin de parfaire les 130,000 fr. jugés primitivement nécessaires. «Tandis que l’on défrichait et cultivait une partie des terrains, pen- dant l'été et l'automne de 1841, les constructions, dont le projet avait été approuvé par le ministre, s’élevaient rapidement à la proximité du chemin de fer et dans l’endroit le mieux situé du domaine. «Ces bâtiments, vous les avez vus, Messieurs , vous avez pu en ad- mirer la disposition convenable, la construction à la fois simple et élé- gante. Je vous demande cependant la permission de vous en donner une description sommaire ; car, comme j'ai eu l'honneur de le dire en com- mençant, ce n’est pas ici une question de spéculation et de théorie, c’est une question d'application pratique ; et dans des questions de ce genre, les détails insignifiants en apparence ont une importance réelle, car c’est de la bonne organisation de ces détails que dépend le plus sou- vent le succès de l’entreprise entière. « Voici donc les diverses parties dont se compose la colonie : «1° Sur la face antérieure, au centre, se trouve le bâtiment de l’éco- nomat, comprenant un pavillon du milieu et deux ailes. Il renferme un grand vestibule servant aussi de commun et de salle à manger pour DIXIÈME SESSION. A1 les domestiques et gens de service salariés, le bureau de l’économe, une grande cuisine avec four et chaudière de bain et deux grandes salles à manger, l’une pour les colons hommes et l’autre pour les colons femmes, «Le rez-de-chaussée est élevé à un mètre au-dessus du sol. «La cave s'étend sous tout le bâtiment et sert à conserver les légumes, les vins et les divers autres produits. «Au premier étage , il y a quatre pièces pour le logement de l’éco- nome, et une grande pièce pour lingerie et dépôt d’habillements: «Contre cette piècese trouvent deux greniers au-dessus des deux ailes. «Le pavillon du milieu a en outre un grenier dans lequel sont des chambres de domestiques. «2° Deux bâtiments servant de dortoirs , l’un pour les hommes, l’autre pour les femmes. Ces deux bâtiments, composés d’un rez-de-chaussée, sans cave, mais élevé à un mètre au-dessus de terre, ne contiennent qu’une salle chacun. «Chaque salle, susceptible d’être divisée, est pour cinquante colons. «Les deux bâtiments sont surmontés de greniers pour serrer des grains et diverses denrées. Le comble est projeté avec une très-grande saillie pour servir à y suspendre et à y tenir divers produits à l'abri de la pluie, et en même temps pour préserver davantage les bâtiments. «La disposition générale du plan est combinée de telle sorte que, en cas d’agrandissement de la colonie, deux autres bâtiments, en tout semblables aux précédents , puissent être construits au devant de ceux- ci, en formant deux cours à l’usage des colons. Dans ce cas, les deux ailes du bâtiment de l’économat contenant les salles à manger, seraient prolongées de manière à avoir le double de leur longueur actuelle. «3° Deux étables, chacune de la contenance de quatre-vingts vaches; elles sont à deux rangs de bêtes , avec une allée au milieu pour la dis- tribution des fourrages. Le toit a sur les deux côtés une forte saillie pour servir de hangar. «Une seule de ces étables a été construite immédiatement, sur la moitié seulement de la longueur projetée. L'autre moitié ainsi que la seconde étable seront construites plus tard pour achever le développe- ment de cette partie de l’exploitation. «4° Une grange renfermant trois aires à battre le blé, ayant le toit très-saillant, afin de pouvoir y abriter des voitures et toutes sortes d’ins- truments et denrées. «5° Deux petits bâtiments , l’un servant de tec à porcs et de bücher, l’autre conteyant la forge, l'atelier du charron et un hangar y attenant, servant aussi d'atelier de réparations. «6° Quatre petits pavillons d'habitation : le n° 1, pour le surveillant du personnel des colons; le n° 2, pour le personnel des gens salariés ; le n°3, pour le surveillant des bestiaux, et le n° 4, pour le surveillant des terres. Ces quatre pavillons sont placés de manière à pouvoir exercer une surveillance convenable sur les basses-cours, et en général dans toutes les directions de l'établissement. «7° La grande cour de la ferme. 412 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. «8° Les deux basses-cours, avec deux grandes fosses à fumier et deux puits. «Les diverses parties que je viens de décrire, composant les. bâti- ments et cours de la colonie, sont entourées d’un large fossé qui en forme l'enceinte. Sur le devant de l'établissement se trouvent deux par- ües de vergers et de parterres comprises dans l’enceinte. Du côté du chemin de fer, cet enclos est bordé par un chemin d’exploitation qui longe toute la propriété de la ville. «Toutes ces constructions, comme vous l'avez vu, Messieurs, ont une étendue très-considérable. Et cependant elles n’ont pas coûté plus de 75,000 fr. Aussi ne sont-elles ni en pierres taillées, ni en moellons ; elles n’ont pas la prétention de braver les siècles. Elles ont été élevées d’a- près un système plus simple et moins coûteux, pratiqué déja avec suc- cès dans quelques comtés d'Angleterre, mais qui offre néanmoins toutes les garanties de solidité et de durée. Ce système consiste à construire les cloisons en briques crues, que l’on recrépit à l’intérieur au lieu de les plâtrer, et que l’on garnit à l'extérieur de voliges , superposées à peu près comme le bordage de‘nos bateaux du Rhin, et enduites d’une couche d'huile cuite. Toutefois, afin d'empêcher que les bâtiments soient atteints par l'humidité dans les parties inférieures, on a posé toutes les cloisons sur un soubassement en maconnerie d'environ { mètre de hauteur au-dessus du sol. «Pour compléter le projet d'ensemble, il reste à construire deux dortoirs, deux annexes aux salles à manger et une étable; ces cons- tructions coùteront encore 40,000 fr. ; mais elles sont ajournées pour le moment. Les bâtiments existants suffisent aux besoins actuels dela colonie ; et si elle doit prendre une nouvelle extension dans l'avenir, il faut que son développement sorte pour ainsi dire de son propre sein, qu’elle puisse elle-même enr faire les frais à l’aide des bénéfices succes- sifs que doit présenter l’exploitation. «Le personnel de la colonie, qui n’y est installé que depuis le prin— temps de 14842, se compose de 85 colons, de l’âge de douze à soixante- dix ans, dont 67 hommes et 18 femmes, transférés successivement de la maison de refuge à la colonie. «Quatre personnes suffisent à l'administration de l'établissement : un directeur, un agent comptable, un premier valet de labour et un surveillant pour les animaux. La distribution pour le travail est ré- partie de la manière suivante entre les colons : 4 charretiers ; 8 hom- mes employés dans l’étable ; 2 charrons; 4 menuisier ; 2 maréchaux ; 3 cordonniers ; 2 lailleurs ; 2 batteurs en grange ; 3 jardiniers ; 2 cui- siniers; 4 commissionnaire. Quarante hommes et 13 femmes sont em- ployés aux travaux des champs ; 5 femmes s'occupent de la lingerie. Cependant, toutes les fois que les circonstances l’exigent , tous les co- lons sont obligés de prêter la main aux travaux des champs, et tous jusqu'ici ont apporté leur assistance sans aucune répugnance et même avec empressement. CA cinq heures du matin, le tambour éveille les colons. Le règle- DIXIÈME SESSION. MS ment leur accorde une demi-heure pour les soins de propreté et pour faire leur lit. Ils se réunissent d’abord dans les réfectoires , où les co- lons de chaque culte font séparément une prière. Puis le directeur in- dique aux chefs de bretelle, qui ont chacun 8, à 10 hommes sous leurs ordres, l'emploi de la journée , et ils se rendent immédiatement au travail. À huit heures, chaque colon recoit un kilogramme de pain, qu’il coupe dans un litre de bouillon ; à midi un pot au feu, des légumes variés, ‘avec un quart de litre de vin; les dimanches et les jeudis on leur distribue -en outre une portion de viande. Les colons travaillent ainsi jusqu’à six heures du soir, avec des intervalles de repos, prescrits par le règlement. A six heures du soir, la cloche fait entendre le rap- pel ; ils viennent prendre leur souper, qui consiste en potage ou en légumes. Après le souper, une prière en commun comme le matin , et à sept heures les colons rentrent dans leurs dortoirs. «Les jours fériés, les colons, conduits par le directeur, se rendent aux églises de leurs cultes respectifs, les catholiques à Ostwald, les protestants à Lingolsheim. Après le service religieux, on leur donne des Bibles et des livres de lecture, on leur permet des jeux dans la cour de l’établissement, enfin on leur accorde parfois des permissions pour se rendre à Strasbourg; mais il faut qu’à l’appel de six heures du soir tous soient rentrés à l'établissement. «Il est difficile de croire quelle heureuse influence cet ordre, cette régularité dans les travaux, ont exercée sur la moralité des colons. Beau- coup d’entre eux étaient presque abrutis par la misère, par des habi- tudes d'oisiveté et de paresse, peut-être par l’aumône elle-même, qui démoralise et dégrade à ses propres yeux celui qui la recoit. Mainte- nant le sens moral s’est réveillé chez la plupart d’entre eux ;‘leur zèle pour le travail s’est ranimé par l'émulation ; et chacun aspire à la seule récompense instituée jusqu’à ce moment, c’est d'être signalé le di- manche par l’ordre du jour du directeur, qui indique chaque fois les noms de ceux qui ont le mieux travaillé pendant la semaine. Ce prin- cipe de l’excitation doit être appliqué peu à peu sur une plus large échelle, à mesure que se développera le sentiment moral parmi les colons. Trois fêtes annuelles seront fondées dans la colonie, suivant les intentions de M. le maire ; à la fête de septembre, l'autorité muni- cipale distribuera en primes aux colons qui auront le mieux mérité par leur conduite et par leur travail, les dons en nature que la sympathie de nos concitoyens aura offerts à l'établissement. Les pri- mes seront accordées de préférence à ceux des colons qui quitteront la colonie en justifiant de leur placement dans un établissement agri- cole. " «Plus tard encore, lorsque l'établissement reposera sur des bases bien assurées, el n'aura plus rien à redouter des éventualités de l’ave- nir, le principe de l'association y sera introduit d'une manière plus large , par la participation des colons aux bénéfices de la colonie, par la reconnaissance des droits sacrés du travail à une partie des avan- tages que le travail procure au capital. 8 4114 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. «Les femmes, nous devons le dire, sont en général moins sensibles que les hommes à cet attrait de l'émulation et des récompensés ; la plupart d'entre elles manquent de zèle , et n’apportent que de la répu- gnance aux travaux auxquels elles sont employées. «Le système de direction de la colonie est donc un système fondé sur la bienveillance et l'émulation ; cependant il existe aussi des moyens de correction, une sanction pénale. Elle consiste dans la réprimande et dans la déduction d’une ou plusieurs journées de solde. Toutefois les cas où la punition est nécessaire ne sont pas fréquents , et les co- lons y sont en général très=sensibles. « Les colons sont divisés en trois classes pour leur rétribution. «La première classe comprend les chefs d'atelier et les colons em- ployés à l’étable ; ils ont une solde de 40 cent. par jour. «La seconde classe, composée des hommes valides , est principale ment chargée des travaux de l’agriculture. Leur solde journalière est de 30 c. «La troisième classe enfin renferme les hommes invalides, les infirmes et les femmes. Ils reçoivent 20 cent. par jour , et sont principalement occupés aux travaux intérieurs de l'établissement, à l'entretien de la propreté et aux travaux domestiques. «Le tiers seulement de ce salaire est accordé aux colons. L'adminis- tration retient les deux autres tiers, qui sont censés représenter les frais de nourriture, d’'habillement et d’entretien en général. «L'étable, qui, comme je l'ai dit précédemment, n’a encore que le quart de l'étendue qui lui est destinée, est garnie en ce moment de trente-deux génisses, sept vaches laitières , six bœufs et d’un jeune tau- reau de race franconienne. Ces génisses ont accru celte année la dé- pense, sans rien produire ; mais elles deviendront vaches laitières l’an- née prochaine, et le produit seul de la vente du lait devra subvenir à une partie des frais d'entretien de la colonie, lorsque la ferme sera complétement garnie. «La contenance du terrain dépendant de la colonie est de 140 hec- tares. Ce terrain présentait, il y a dix-huit mois, le spectacle d’une plaine aride, inégale , parsemée de bouquets de bois, sillonnée de gravières et de marécages. La transformation que la plus grande partie de cette surface a subie en si peu de temps tient presque du prodige, quand on songe aux moyens d'action restreints dont on pouvait disposer. Aujour- d’hui l’on voit partout les fruits du travail et de l’activité humaine ; les terrains ont été nivelés , les bas-fonds comblés, les gravières recouvertes d’une couche de terre végétale, le sol boisé a été dessouché et défriché ; des sentiers ont été tracés et serpentent à travers les champs; plus de huit cents arbres fruitiers ont été plantés en allée le long des chemins, et promettent de fournir en peu d'années une source abondante de re- venus. Sept hectares, qui entourent les bâtiments, ont été convertis en potagers, et on y a récolté depuis le 1°" avril les légumes nécessaires à la nourriture de près de 100 personnes et à l’ensemencement de l'année prochaine. Cinq autres hectares ont été semés de graines de différents DIXIÈME SESSION. 115 arbres forestiers, el pourront être convertis en pépinières. Un fossé de quatre mètres de largeur entoure le potager, et l’on s’occupera d'y élever des poissons. Plusieurs gravières ont recu des semences d'acacias qui fourniront dans un certain temps, à la colonie, par des coupes annuelles , le bois nécessaire au chauffage. Après le défrichement, on a confié à la terre des pommes de terre, du maïs, des fèves; l'année prochaine elle produira des céréales. Quarante hectares environ seront convertis en prairies, auxquelles un système convenable d'irrigation portera la fécondité. Enfin quarante hectares restent encore à défri- cher, et offriront à la colonie un nouveau développement. e «Voilà, Messieurs, l'aperçu sommaire des faits; voilà les premiers résultats obtenus par l'association agricole d’Ostwald, sur un terrain stérile , avec un capital d'exploitation qui ne dépasse point 140,000 fr.! Je voudrais, pour compléter ces renseignements , pouvoir vous pré- senter encore quelques chiffres, un état exact des produits récoltés dès cetle année, un calcul des frais d'entretien des colons. Mais il est difficile d’oblenir pour un établissement qui compte à peine quelques mois d'existence des données qui ne soient pas viciées par beaucoup d'éléments d'erreur. Une partie des récoltes faites est encore dans les granges ; la récolte des pommes de terre, des navets et d’autres ra- cines n’a pas encore eu lieu ; la comptabilité de la colonie agricole est encore confondue en grande partie avec celle de la maison de refuge, puisque les colons n'ont été transférés à Ostwald qu’au printemps de 1842. Il est cependant permis de croire que dès cette année la colonie se suffira à elle-même, et qu’elle eût fourni un bénéfice qui eût pu constituer une réserve, sans la grande sécheresse qui a désolé nos campagnes. La journée d’entretien du pauvre à la maison de refuge ne s'élève pas au delà de 25 à 30 centimes. Elle sera plus considé- rable, sans aucun doute, à la colonie agricole; mais cet accroissement des frais trouvera une large compensation dans l'accroissement des ri- chesses produites par le travail des colons. «Vous assistez aujourd’hui, Messieurs , à la naissance de notre as- sociation agricole. Vous l'avez vue à peine éclose pour ainsi dire, s'essayant timidement encore à la vie, procédant lentement pour procéder sûrement, cherchant à asseoir avec solidité les bases mêmes de son existence, avant de tenter imprudemment l'avenir. «Mais,cet avenir , quel sera-t-il? Je n'aurai pas la témérité de you- loir le prédire. Certes , si jamais des éléments favorables ont été réunis pour la réalisation de cette pensée d'association des travailleurs qui fer- mente aujourd’hui dans toutes les têtes, qui préoccupe tous les hommes de progrès et de dévouement, c’est dans la colonie agricole que la ville de Strasbourg vient de fonder, sous l'inspiration de M. le maire. Si l'organisation sociale du travail n’est pas une chimère , une généreuse utopie, mais Ja loi providentielle à l’accomplissement de laquelle marche la société moderne, elle parviendra à porter ses premiers fruits sous nosyeux, elle sortira triomphante de cette première épreuve; car l’ap- plication est la pierre de touche de toutes les doctrines; et il n’y a que 8. 416 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. la vérité qui soit assez forte pour descendre des hauteurs de la théorie, et se mêler aux événements humains , sans recevoir d'eux aucun dé- menti. » M. le Secrétaire général, rectifiant une omission, donne communication de l’adhésion des Sociétés dont les noms suivent : | Société Linnéenne de Lyon, par M. Macxe, son Secrétaire général. — Délégué : M. Horrer , chef d'institution. Société royale de médecine de Marseille. Délégué : M. Roux, son ancien Président. Sociéré des antiquaires de Normandie, à Cacn. Délégué : M. pe Caumonr. Société des amis des arts, à Strasbourg. Association rhénane pour l'encouragement des beaux-arts. Les rapports imprimés des travaux de ces deux Sociétés pour 1841 ont été déposés sur le bureau. ; La séance est levée à cinq heures. — Séance générale du 7 octobre 1842. Le Bureau est composé comme la veille. Le procès-verbal de la séance d’hier est lu et adopté. MM. les Secrétaires rendent compte des travaux de leurs Sections respectives. M. le Président donne lecture d’une lettre de M. le vicomte de Layalette, qui ouvre aux savants allemands, pour répan- dre leurs travaux en France, les colonnes des deux jour- naux scientifiques qu’il dirige : l'Écho du monde savant et le Mémorial encyclopédique. M. Jullien (de Paris) fait à l'assemblée générale la com - munication suivante : «MESSIEURS , «Un jeune professeur de Mayence, établi maintenant à Paris, qui s’est inscrit, d’après mon invitation , sur la liste des membres du Con- grès, M. Krætzer-Rassaerts , vient de m'adresser, pour en faire hom- mage à votre honorable réunion, un {ableau stalistique, géographique et héraldique de tous les États d'Allemagne compris dans la confédé- ralion germanique, au nombre de trente-huit, en y mentionnant les DIXIÈME SESSION. 417 quatre villes libres. Ce tableau , orné des armoiries de ces trente-huit États, contient, dans quinze colonnes parallèles : 1° un exposé histo- rique du pacte de la confédération ; 2° la hiérarchie des Etats à la diète ; 30 Jes noms des États et des princes régnants ; 4° la situation astrono- mique ; 5° les frontières des États ; 6° la superficie évaluée en myria- mètres ; 7° l’état physique de chaque pays, le climat , la température, les montagnes , fleuves, rivières et lacs ; 8° la population et la religion de chaque État ; 90 les divisions intérieures ; 10° les villes principales ; 11°]a forme du gouvernement et les lois de chaque État ; 12° les reve- nus et la dette publique ; 13° l’armée et le contingent; 14° la comptabi- lité respective des États suivant les différentes monnaies ; 15° un aperçu géographique indiquant les productions naturelles , les eaux minérales , les monnaies d’or et d'argent des différents États. «L'auteur de ce travail, qui a exigé de longues et patientes recher- ches, désirerait qu’il püt être renvoyé à une commission spéciale du Congrès , chargée de l’examiner et de voir s’il ne serait pas convenable et utile d'inviter quelques savants sfatisticiens, géographes et écono- mistes de recueillir les matériaux d'un tableau semblable qui serait dressé, d’ici à quelques années, pour les quatre-vingt-six départements de la France, et qui récapitulerait sous un seul et même point de vue, dans des colonnes comparatives, toutes les ressources et les richesses de notre beau pays. | QUn travail analogue pourrait être fait successivement, sous les aus- pices des Congrès scientifiques, pour la Suisse, pour l'Italie, pour les États scandinaves, pour les deux Amériques du Nord et du Sud, si peu connus encore, et où sont de véritables mines, presque inépuisa-— bles, que pourront exploiter avec succès l'agriculture, l’industrie et le commerce de l'Europe. Les nations ont besoin de se mieux connaître les unes les autres, de se mieux apprécier sous tous les rapports qui constituent la civilisation ; et de ces rapprochements, de ces’ études comparées et approfondies, de cette instruction mutuelle des peuples, résulteront, en peu d'années, de nouveaux et immenses débouchés ou- verts à nos populations toujours croissantes , à nos productions terri- toriales et industrielles quelquefois surabondantes , à notre jeunesse avide et impatiente de se frayer de nouvelles carrières. « L’encouragement donné à la formation de tableaux analogues à celui que j'ai l'honneur de mettre sous vos yeux, paraît digne d’un Congrès scientifique-et sera le‘germe fécond d'améliorations nouvelles de plus d’un genre. JULLIEN , de Paris. . M. le Président met ensuite aux voix les vœux suivants émis par les Sections, et qui sont lransformés en vœux du à : Congrès par l’assemblée générale. Sur la proposition de la quatrième Section ; «1. Le Congrès scientifique exprime au gouvernement le vœu: 118 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. de le voir entrer en négociations avec l'association douanière alle- mande, et baser ces négocialions sur un système de concessions réci- proques. «2. Le Congrès scientifique exprime au gouvernement le fœu que toutes les prohibitions soient levées d’une manière absolue et remplacées par des droits protecteurs, et que tous les tarifs exagérés soient abaissés dans une juste mesure. «3. Le Congrès scientifique émet le vœu que , dans l'intérêt de l’é- lève des bestiaux et de l’agriculture, le gouvernement prenne des me- sures pour diminuer l’impôt du sel. «Sur la proposition de la sixième Section , «1. Le Congrès scientifique exprime le vœu que le gouvernement veuille bien encourager, plus qu’il ne l’a fait jusqu’à présent, les so— ciétés savantes et les entreprises littéraires de la province ; «2. Que, loin d'encourager l'affluence à Paris des savants les plus marquants , il cherche au contraire à les attacher aux académies pro- vinciales dans lesquelles ils sont placés, soit en augmentant leur traite- ment , soit en leur accordant des distinctions honorables; «3. Que les facultés isolées de la France soient réunies en un certain nombre de grands établissements scientifiques, académies complètes , foyers de lumières, qui seraient réparties dans les diverses circonscrip- tions de la France ; «4. Que les villes qui, par cette mesure, perdraient les facultés isolées dont elles ont été dotées , reçoivent en compensation des établissements propres à répandre les lumières et à entretenir la vie intellectuelle dans les classes instruites (des espèces d’Athénées) ; «5. Que par de sages modifications apportées aux règlements univer- sitaires , les facultés des diverses académies soient rapprochées les unes des autres pour former de véritables corps littéraires (aniversités ; res- publicæ lillerariæ); «6. Qu’affranchies de règlements trop minutieux, ces grandes aca-— démies soient mises en état de développer une vie plus libre ; «7. Que la comptabilité universitaire soit détachée de nouveau de la comptabilité générale du royaume et rendue à l’université ; «8. Que la jeunesse de chaque circonscription universitaire soit as— treinte à faire une certaine partie de ses études dans l'académie de sa circonscription , libre de les compléter dans celle qui lui inspirera le plus de confiance.» M. le Président annonce à l’assemblée générale que les opérations du Congrès prendront fin dimanche prochain, 9 octobre, et que la dernière séance aura lieu ce jour-là. M. Charles Bærsch, Secrétaire de la quatrième Section, monte ensuite à la tribune et demande que la dixième Session du Congrès ne se sépare point sans réaliser le projet qu’il pro- DIXIÈME SESSION. 419 pose, de créer une Société d’émulation générale pour les dé- partements du Haut et du Bas-Rhin. M. Bæœrsch formule sa proposition dans les termes suivants: «L'assemblée générale du Congrès scientifique décide qu’elle nom- «méra dans sa séance.de demain, samedi, une commission de sept «membres , chargée de préparer le projet d’une Société générale d’ému- «lalion pour les deux départements de l'Alsace. «Cette commission convoquera , dans la quinzaine qui suivra sa no- a mination , tous les membres du Congrès du Haut-Rhin et du Bas- «Rhin, pour leur soumettre le résultat de ses travaux. » «Si l'assemblée veut bien le permettre, continue-t-il, je motiverai en peu de mots la proposition que j'ai l'honneur de lui faire; je serai concis, je n’abuserai pas des momen que l’on aura voulu m’accorder. «Messieurs , le Congrès de Strasbouig touche à son terme ; puisque la clôture officielle en est annoncée pour agrès-demain. QE doit donc être possible d’en apprécier dès ce moment d’une ma- nière sommaire les résultats. É «Le Congrès a-t-il fait faire à l’une ou à l’autre des sciences qu'il embrasse dans son domaine, un progrès positif, clairexsent apprécia- ble? A-t-il donné le jour à une découverte nouvelle ? A-t.i] Jancé la science dans une carrière inexplorée ? : « Vous ne le croyez pas, Méssieurs ; tel n’était point, en effet, lebut que le Congrès avait la prétention d'atteindre ; les révélations de n science, les inventions du génie de l’homme r’attendent pas qu’on veuille bien leur fixer d’avance le jour, le lieu et l'heure où elles pour- ront se produire ; le progrès social et scientifique ne s'opère plus aujour- d’hui comme par sauts et par bonds ; il est continu , il se fait jour par jour ; chaque homme prend suivant ses. forces la place qui lui appar- tient dans cette élaboration dé l'avenir, et si, de distance en distance, il est possible de constater les progrès accomplis, on ne saurait suivre heure par heure les progrès qui s’accomplissent. «Le premier résultat du Congrès scientifique de Strasbourg, comme de tous les Congrès précédents , aura été d'établir des liens de sympa- thieet de confraternité entre des hommes qui. s’ignoraient ou se mécon- naïssaient peut-être, et de faciliter entre eux l'échange des idées basées sur des sentiments d'estime et d'affection. Ce résultat, je ne crains pas de le dire, le Congrès scientifique de Strasbourg l’aura produit ; et nous aimons tous à croire que les relations nouvelles, qui se sont établies ici sous les auspices du travail scientifique, porteront des fruits heureux pour l’avenir de la science. «Grâce au privilége de sa position géographique, Strasbourg aura même donné au Congrès scientifique de France une valeur sociale qu'il n’avait pas jusqu'ici ; Strasbourg lui aura donné , comme le disait na- guère notre honorable président, M. de Caumont, un caractère de grandeur qui assure à jamais l'avenir de l'institution ; Strasbourg aura 120 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. ajouté à la signification française du Congrès, une signification plus large encore, une signification européenne. Ce ne sont plus des rela- tions de province à province , resserrées dans le cercle de la nationalité francaise, que le Congrès aura créées, mais des relations internationa- les entre les hommes de science de tous les pays de l'Europe. «Un autre but des Congrès de France est de réveiller dans les dépar- tements la vice intellectuelle et scientifique , qui languit et meurt, parce qu’il lui manque le puissant stimulant de l’émulation, qui est élouffée par de petits intérêts, de petits égoïsmes, de petites passions. Sous ce rapport encore , le Congrès scientifique qui , depuis dix ans, promène dé province en province sa puissance fécondante , aura bien mérité de la partie de la France dans laquelle il tient session en ce moment. Nous avons secoué la’ torpeur intellectuelle qui pesait sur nous; un nouveau souffle de vie a pénétré dans les âmes ; le cliquetis des opinions a réveillé le besoin des discussions et des lrites pacifiques de la science ; à la lé— (hargie dans laquelle nous végéüons a succédé le mouvement, l'ani-— mation , l'émulation, la vie riorale dans toute sa plénitude. «Eh bien! je le demande, que vont devenir tous ces germes précieux, tous ces éléments de fsrce et de progrès , lorsque le Congrès aura pro- noncé la clôture deses travaux? Tout sera-t-il fini quand ces banquettes auront disparu 4€ cette salle, quand cette tribune sera démolie? Ren- trerohs—nors dans lon dont nous venons à peine de sortir? Chacun z entre nous va-t-il de nouveau se retirer daus son individua- lité. s abriter derrière la muraille de son indifférence , et oublier tout qu'il y avait de grand, de fécond, de progressif dans cette association de quelques jours dont le Congrès nous offre le merveilleux spectacle? «Non, Messieurs, j'aime à me persuader qu'il n’en sera point ainsi. Le Congrès ne terminera point son existence sans laisser des traces vivantes derrière lui ; il n'aura pas eu parmi nous la valeur éphémère d’un simple accident ; il doit nousléguer, comme un héritage sacré, toute la richesse de vie et d’ardeur scientifique qu'il porte dans son sein ; il doit en doter l'avenir intellectuel de l'Alsace. | QI y a en Alsace, à Strasbourg surtout , des éléments d’association scientifique qui vivotent obscurément , qui traînent dans le silence et dans l'oubli une stérile existence. Eh bien! que l’on réunisse tous ces éléments épars , qu’on en dresse l'inventaire, qu’on examine ce qu'ils peuvent fournir de vitalité à une association nouvelle, plus large, plus étendue ; qu’on profite de l’activité qui s’est emparée aujourd'hui des esprits, pour organiser le progrès et le développement intellectuel de notre Alsace. «Une société créée sur de vastes fondements, embrassant toules les sciences qui comptent des disciples parmi nous, offrant à toutes les intelligences l’occasion de s’essayer à la discussion scientifique, à toutes les idées l'occasion de déployer leurs ailes, basée sur l’émulation , sur le concours de toutes les bonnes volontés, sur la publicité enfin, ce gage de succès pour tout ce qui est utile; une société pareille , née du Congrès scientilique lui-même, pourrait espérer un bel et fécond DIXIÈME SESSION. 121 avenir elle serait le legs le plus beau que le Congrès pourrait trans— metre à la ville de Strasbourg. «Et, qu’on me permette de le dire, ce n’est point là une idée d’ap- plication toute locale ; bornée à l'enceinte de notre cité. Ce sera la réa- lisation d’un nouveau progrès qu’accomplira l'institution des Congrès scientifiques en France. Vous le savez, Messieurs, les institutions ne peuvent vivre qu’à la condition de se développer sans cesse, de satisfaire toutes les légitimes exigences de leur époque. Voyez ce qu'étaient à leur origine les Congrès scientifiques, amenant avec peine à leurs réunions cinquante ou cent personnes! Voyez ce qu'ils sont devenus aujourd’hui, où des voix leur répondent de toutes les contrées de l’Eu- rope! Combien notre honorable président, à qui appartient l'initiative de ces associations intellectuelles, a le droit d’être fier de l'œuvre qu'il voit grandir sans cesse ! Eh bien! aujourd’hui les Congrès sont solide- ment établis en France ; ils peuvent donc faire un nouveau pas, s’im— poser une nouvelle mission : celle d'organiser d’une manière perma- nente les éléments intellectuels des provinces qu'ils visitent. Que Stras- bourg en donne le premier exemple, et l'Alsace en tirera les premiers et les meilleurs fruits. Car nous surtout avons besoin de nous initier aux habitudes de la discussion , au maniement de cette langue française qui est désormais notre langue nationale. Nous avons besoin de sortir de cette situation indécise qui étouffe en nous toute puissance, de cette nationalité ambiguë qui manque de vie propre et de spontanéité. Nous avons malheureusement déjà perdu une partie des solides vertus de l'Allemagne ; cherchons du moins à conquérir les brillantes qualités de la France! » M. Goguel, Secrétaire adjoint de la sixième Section, Lout en reconnaissant les avantages de l’associalion proposée , rap- pelle à l’assemblée que la sixième Seclion a, sur l’iniliative de M. le professeur Buss, soumis à la Commission permanente une conception plus vaste, la création d’une Sociétéencyclopé- dique des bords du Rhin, comprenant à la fois la France et l’Allemagne. M. Goguel ajoute que la Commission permanente a fait connaître au Bureau de la sixième Section son refus de prendre l'initiative dans-cette circonstance, et demande que si l’assemblée croit D se prononcer sur la créa- lion d’une société sciewlifique quelconque , la priorité soit accordée à la proposition de la sixième Section. M. Hiepp, Secrétaire général, expose les motifs de règle- ment qui ont déterminé la Commission permanente à ne pas se charger de l'initiative, et termine en ajoutant que l’assem- blée générale, considérée comme une réunion d'hommes 122 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. d'intelligence et de science, n’en resle pas moins omnipo- tente pour ce qu’elle croira devoir faire. M. Bærsch réplique à M. Goguel au sujet de la priorité des deux propositions, et après une vive discussion, à laquelle prennent part MM. Buss, Hepp, Goguel, Fée, Reuss, Pascal et Le Cerf, M. le Président met aux voix la proposition de la sixième Section. L'assemblée générale l’adopte et décide en conséquence qu’il sera créé une Société encyclopédique des bords du Rhin. La séance est levée à cinq heures et demie. Séance générale du 8 octobre 18242. Le Bureau se compose comme la veille. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté, M. le Secrétaire général donne lecture du projet d’arrêté pris en Commission permanente concernant la fixation du lieu de réunion de la prochaine Session du Congrès. Cet arrêté recoit la sanction de l’assemblée. En voici la teneur : Arrêté pris par la dixième Session du Congrès scientifique de France, dans la séance générale du 8 octobre 1842, concernant la tenue de La onzième Session à Angers!. ARTICLE 1°. La onzième Session du Congrès scientifique de France se tiendra à Angers en 1843; elle commencera ses travaux du 1° au 15 septembre. ART. 2. Le Congrès sera divisé en six Sections, comme aux septième, huitième et neuvième Sessions ;, savoir : 1° sciences naturelles ; 2° agri- 1 Commission permanente dé law dixième Session du Congrès. — Séance du 7 octobre. La Commission convoquée pour s’occuper du choix de la ville, siége de la onzième Ses- sion du Congrés scientifique , s’est réunie ce soir dans une des salles du Secretariat général. Le Secrétaire général expose que la ville d'Angers est la seule qui ait fait parvenir une demande tendant à être choisie comme siège du onzième Congrès. La ville de Bordeaux avait été également recommandée dans cet intérêt par le neu- vième Congrès tenu à Lyon; mais attendu que personne n’a fait de démarches dans l'in- térét de cette ville, la Commission ne s’est pas arrêtée à celte recommandation. À la suite d’une discussion , l'unanimité des membres présents a désigné la ville d’An- gers comme siége de la future Session du Congrès scientifique. M. le Président de Caumont communique à la Commission un projet d'arrêté concer- nant celte translation et les mesures à prendre pour la rédaction du Compte-rendu de la dixième Session. Cet arrêté sera soumis au vote de l'assemblée générale. DIXIÈME SESSION. 425 culture et industrie; 3° sciences médicales; 4° archéologie et histoire ; 5° littérature et beaux-arts; 6° sciences physiques et mathématiques. ART. 3. Il ne pourra être apporté aucun changement à ces divisions. ART. 4. M. Planchenault, président du tribunal civil, sera chargé des fonctions de Secrétaire général ; il s’adjoindra M. Guillory , prési- dent de la Société industrielle, et M. Victor Godard, inspecteur des monuments historiques de Maine-et-Loire. ART. 5. MM. les Secrétaires généraux choisiront un trésorier et des Secrétaires pour les six Sections. ART. 6. La convocation pour la onzième Session sera faite au moyen d’une circulaire adressée aux savants de la France et de l'étranger. MM. les Secrétaires généraux des précédentes Sessions seront priés d’aider MM. les Secrétaires généraux de la onzième Session dans cette distribution. ART. 7. Le Programme des questions qui seront mises à l'étude dans la onzième Session sera rédigé et imprimé avant le 1* mars. Pour éviter la reproduction des questions déjà discutées dans les précédentes réunions, ou l'admission de questions qui ne seraient pas de nature à être discutées avec fruit, le comité d’Angers prendra l'avis de l’Institut des Provinces et lui communiquera le Programme avant de l’imprimer. ART. 8. M. le Secrétaire, général de la dixième Session, assisté de MM. les Secrétaires généraux adjoints, s’occupera immédiatement de la publication du Compte-réndu du Congrès tenu à Strasbourg, de con- cert avec MM. les Secrétaires et membres des bureaux des Sections en résidence dans cette ville, qui formeront avec les membres du Secré- tariat général le comité de publication. ART. 9. Cette Commission est chargée de revoir les mémoires lus dans les séances : elle choisira ceux qui paraïtront les plus importants ; elle pourra n’imprimer que par extrait ou supprimer tout à fait, si elle le juge convenable, les mémoires présentés pendant la Session, lors même que l'impression en aurait été votée en Section ou en séance générale. ART. 10. La même commission présidera à la distribution du Compte- reñdu, dont cent exemplaires au moins seront adressés , au nom du Congrès, aux académies et sociétés savantes de la France. Les acadé-— mies et sociétés savantes de France et de l'étranger, qui auront adhéré à la dixième Session, auront un droit de préférence dans cette distribu- tion, La Commission prononcera sur toutes les difficultés qui pourraient s'élever ultérieurement. Elle donnera aux Secrétaires généraux chargés de préparer la onzième Session, tous les renseignements qu’ils pour- ront désirer : en un mot, elle sera investie des attributions du Congrès, qu’elle représentera jusqu’à l'ouverture de la onzième Session. A Strasbourg, les jour, mois et an que dessus. A. DE CAUMONT, G. Pa. Herr, Président. Secrétaire général de la dixième Session. M. le Président donne communication à l'assemblée de la 4124 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. lettre suivante, qui lui a été adressée par MM. les savants, les littérateurs et les artistes allemands présents au Congrès : _ CVEREHRTESTER HERR PRÆSIDENT, «Die Deutschen, welche die Ehre hatten an der zehnten Sitzung des {ranzôsischen Gelebrtenvereins Anthei! zu nehmen, künnen Strassburg nicht verlassen, ohne den Ausdruck ihres Dankes für die ihnen gewor- dene freundliche Aufnahme, so wie für die vom Gelehrtencongress er- wiesene Auszeichnungen in Ihre Hände niederzulegen. «Das schône, edle Streben, welches die ganze Versammlung be- seelte, die eben so gründlichen als geistreichen Vorträge über die wichtigsten Fragen der Zeit, aus den verschiedenen Zweigen der Wissenschaft, die wohlwollende und nachsichtsvolle Beurtheïlung , welche unsere Leistungen in Ihren Augen gefunden, haben uns Alle von der grossartigen Geistesrichtung überzeugt, welche die Provinzen Frankreichs beherrscht, und diesem schônen Lande, auf der Grund- lage einer fruchtharen Gegenwart, eine glückliche Zukunft vorbereitet. Es konnte für alle hier anwesenden Deutsche nur hôchst erfreulich seyn, zu sehen, dass auf dem Gebiete der Wissenschaft und der geistigen Bestrebungen zwischen Frankreich und Deutschland keine andern, als in dem Wesen der besondern Nationalität und Eigenthümlichkeit be- ruhende Gegensätze mehr bestehen; dass der germanischen Sprache, in der wir zu Thnen redeten, die gleiche Anerkennung zu Theil gewor- den , und dass nur ein Gedanke Alle beseelte, der eines aufrichtigen Wohlwollens zu einer wahren Einigung in hôhern Interessen, Nie werden wir vergessen, wie oft, wie feurig in Ihren Reden diese Ge- sinnung gegen uns sich aussprach. «Und die biedern Bewohner Strassburgs, unsere Stammgenossen, die uns mit brüderlichem Sinn und Geist aufgenommen, mügen sie unseres innigsten und herzlichsten Dankes versichert seyn! Allen Civil- und Militär-Behôrden haben wir gleichen Dank zu zollen. Nie werden wir vergessen die schünen Tage, die wir im Anblick des unvergang— lichen Denkmals, dass Ihre Vorfabren aufgerichtet, in Fhren Mauern zu erleben so glücklich waren! Wir sprechen hierin nicht nur unsere eigenen Gefühle aus , son- dern wir glauben darin den Gesinnungen unserer schon akgereisten Mitgliedor treuen Ausdruck zu geben. «Strassburg, den 8. October 1842.» Unterzeichnet : L. A WARNKOENIG, von Freiburg; E. A. LEWALD, Professor aus Heidelberg; ERNST EMiL HOFFMANN ; Doktor HABER- KORN, aus Darmstadt; ZEUXE, aus Berlin; A. FucHs, aus Dessau ; VoiGr, aus Hannover; A. KRANTz, aus Berlin; SCHNAAZE, aus Düs- seldorf, zugleich Namens der Professoren MOsLER und WIEGMANN , aus Düsseldorf; Doktor Buss, aus Freiburg; A. MICHAELIS, aus Tü- DIXIÈME SESSION. 425 bingen ; BÆBR , aus Heidelberg ; FR. SEGIN , aus Heidelberg; Doktor W. SozpaN ; C. J. HOFFMANN, Dr. jur., aus Darmstadt; Doktor J. N. SCHERRER , praktischer Arzt aus Constanz; Doktor A. PESCHIER, aus Tübingen ; APPELIUS, aus Braunschweig, zugleich Namens des Professors LACHMANN, aus Braunschweig und des Pastors BREHM, aus Altenburg; R. ROLLER, aus Pforzheim. En voici la traduction : «MONSIEUR LE PRÉSIDENT, «Les Allemands qui ont eu l'honneur de prendre part à la dixième ‘ Session du Congrès scientifique de France , ne peuvent quitter Stras- bourg sans vous exprimer leur reconnaissance pour l'accueil bienveil- lant qu'ils y ont trouvé et pour les distinctions flatteuses dont ils ont êté l’objet de la part des membres du Congrès. «Ce noble esprit qui animait toute l'assemblée, ces savantes discus- sions qui ont approfondi les questions les plus importantes de notre époque, dans chacune des branches de la science, la bienveillante in- dulgence avec laquelle vous avez apprécié notre participation à vos tra- vaux, nous ont tous convaincus de la tendance. intellectuelle élevée qui règne dans les provinces françaises, et qui prépare à ce beau pays un heureux avenir fondé sur un présent plein d'espoir. Pour nous tous, Allemands, qui avons assisté au Congrès, nous ne pouvions que nous réjouir vivement de voir que, sur le terrain de la science et de l’intelli- gence, il n'existe plus entre la France et l'Allemagne d’autre différen- ces que celles qui reposent sur la nationalité et l’individualité de chaque peuple; de voir que notre langue germanique, que nous avons parlée avec vous, a été écoutée avec autant de faveur que la vôtre, et qu’une seule pensée, le désir sincère d’une union intime dictée par les intérêts les plus élevés animait tous les esprits. Pourrions-nous oublier ayec quel feu, quelle chaleur vous nous avez exprimé ces sentiments? «Que les loyaux habitants de Strasbourg, nos frères d’origine, et dont l'accueil a été si fraternel, reçoivent également ici, nos sincères et vifs remerciments. Les autorités civiles et militaires ont un égal droit à toute notre reconnaissance. Comment pourrions-nous oublier les heu- reux jours que nous avons passés dans vos murs, en face de l’impé- rissable monument que vos ancêtres ont érigé? «Ces sentiments ne sont pas seulement les nôtres; nous sommes convaincus que nos compatriotes qui ont déjà quitté cette cité les par- tagent avec nous. «Strasbourg , le 8 octobre 1842. Signé : L. A. WARNKOENIG, de Fribourg ; E. A. LEWALD, professeur _ à Heïdelberg; ErN. EM. HOFFMANN : docteur HABERKORN, de Darm- Stadt; ZEUNE , de Berlin ; A. FucHs, de Dessau ; VorGr, de Hanovre ; A. KRANTz, de Berlin ; SCHNAAZE , de Düsseldorf, en son nom et 426 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. au nom des professeurs MOsLER et WiEGMANN, de Düsseldorf ; doc- teur Buss, de Fribourg; A. MicnæLts, de Tubingue; Bæur, de Heidelberg; FR. SÉGIN, de Heidelberg; docteur W. Sozpan ; C. J. Horrmanx, de Darmstad{j; docteur J. N. SCHERRER, médecin à Cons- tance ; docteur A. PESCHIER , de Tubingue ; APPELIUS, de Bruns-— wick, en son nom et au nom du professeur LACHMANN , de Bruns- wick, et du pasteur BREBM, d’Altenburg ; R. ROLLER, de Pforzheim. Par une lettre en date du même jour, MM. les docteurs de Kurrer et C. J. Kreutzberg , de Prague, se joignent de cœur et d'intention aux sentiments exprimés dans l’adresse ci- dessus, et chargent le Secrétaire général d’y apposer leurs signatures. MM. les Secrétaires rendent comple des travaux de leurs Sections respectives. M. Couturat , Président de la Société des sciences , agri- culiure ct arts du département du Bas-Rhin, dépose sur le bureau le Compte-rendu des travaux de cette Société pen- dant l’année qui vient de s’écoaler. En voici le texte : «MESSIEURS, «La Société des sciences, agriculture et arts du Bas-Rhin, jalouse de satisfaire aux statuts du Congrès scientifique de France, vient vous ini- tier à sa vie passée et vous faire connaître en même temps les travaux principaux qu’elle a accomplis. «Notre compagnie s’enorgueillit de sa naissance; car, de même que l'Académie des jeux floraux et plusieurs autres Sociétés d'Italie, la So- ciété académique de Strasbourg existait avant que Richelieu songeât à délivrer des lettres patentes aux modestes savants qui constituèrent l'Académie française, cette illustre société dont sont sortis tant de grands hommes et que trois lettres de cachet du roi Louis XIII purent seules faire instituer légalement. : «Depuis lors, Messieurs, notre société a subi plus d’une transfor- mation, sans doute, mais nous rappelons néanmoins, que l'héritage de gloire, que Strasbourg s'était acquis au seizième siècle, s'était transmis d’âge en âge, et que chaque génération a compté ses savants et ses litté- rateurs, Wimpfeling!, Beat Rhénanus?, Sébastien Brandt, les deux 1 IL naquit à Schléstadt en 1450 et mourut en 1528. Il se distingua surtout dans la philologie, l’histoire et la théologie. 211 naquit à Schléstadt en 1455. Le premier il porta le flambeau de la critique sur l'histoire et la topographie de l'Alsace, Voy. son ouvrage Rerum germanicarum, lib, 1T1. 3 Né à Strasbourg en 1459, jurisconsulte, poëte et historien. DIXIÈME SESSION. ' 127 Sturm !, Schleidan ?, Jean Schæffer 5, Jean-Henri Bœckler, Ulric Obrecht, Jean Schilter, Jean-Daniel Schæpflin; et dans des temps moins, anciens , Hermann, Lobstein, Dietrich, Brunck, Arbogast, Lorentz, -Oberlin, Grandidier, Koch, Kimmich, Spielmann, Noël, Brisorgueil, etc., etc. « L'exemple laissé par ces savants illustres n’a pas été perdu pour leurs arrière-neveux; car à l'époque où la tempête révolutionnaire exerçait son empire, on les a vus se réunir pour reprendre le cours de leurs travaux, et prouver ainsi celte indépendance d’une âme forte qui sait, quand elle le veut, échapper au tumulte du forum pour remonter dans le paisible domaine des pensées philosophiques et littéraires. Alors seu- lement tous les membres qui composaient ces réunions scientifiques n'étaient point encore confondus en une seule académie ; ce ne fut que plus tard que la Société libre des sciences et des arts, constituée le 29 prairial an VIT, se réunit à la Société d'agriculture et d'économie intérieure et à la Société de médecine, à l’effet de fonder la Société des sciences, agriculture et arts du Bas-Rhin. Cette fusion eut lieu le qua- trième jour complémentaire de l’an X, et tout ce que le département comportait alors d'hommes distingués sous le rapport des lettres et des sciences tint à honneur d'y appartenir. Sur la liste de ses membres se lisaient les noms des Francois de Neufchâteau, des Grégoire, des An- drieux, de l’Académie française; de ES de l'Institut ; de Ramond, de Tessier. On remarquait parmi les travaux de la société libre des sciences un mémoire de M. Koch, membre de l’Institut, dans lequel cet honorable compatriote traçait l’histoire dé la société littéraire de l'Alsace, lors de la renaissance des lettres; puis un travail de M. de Montbrison, qui dans le compte-rendu d'une excursion dans les environs de Landau, avait cherché à imiter le langage de Démoustier, dans ses Lettres sur la mythologie; un discours de M. de Dietrich servant d'introduction à la cinquième partie de son ouvrage sur les mines de France, ét un poëme appelé l'Homme des champs, du même auteur, Y figuraient aussi avec éclat. A ces travaux doivent être joints, en économie politique et indus- trielle , ceux de M. Robin, ingénieur des ponts et chaussées , sur la possibilité de réunir le Rhin à la Moselle, et le Rhin au Rhône, par l'intermédiaire du Doubs, et-ceux de M. pic sur Yintroduétion des plantes exotiques. «Quant aux sciences médicales, elles étaient représentées par M. Lob- stein, auteur d’un travail sur la position des organes générateurs dans le fœtus, et sur la structure de la membrane de l'œuf dans les animaux mammifères , et par M. Lauth, qui avait fait insérer dans nos annales ! Jacques Sturm, né à Strasbourg en 1489, juriseonsulte , philosophe et littérateur. Jean Sturm, auteur d’un grand nombre d'ouvrages de littérature. 2 Né en 1506 , historien et littérateur. 3 Né à Strasbourg en 1621, savant philosophe, appelé plus tard en Suède par la reine Christine. 128 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. des considérations physiologiques sur les frères Lambert , plus connus alors sous le nom de pores-épics. «Plus tard, grâce à la fusion des deux sociétés, jusque-là isolées, l’émulation devint telle parmi les membres qui la composaient , qu'à chaque séance avaient lieu des lectures nouvelles. «Ainsi en littérature les mémoires de M. Hullin, ancien doyen de la Faculté des Lettres de l'Académie de Strasbourg, sur les avantages qu'ont retirés les poëtes épiques de l'introduction du genre dramatique dans l'épopée; son discours sur la satire, dans lequel il rappelle non- seulement les écrivains que ce genre de poésie a illustrés, mais appré- ciant en même temps Horace, Juvénal et Gilbert, il se trouve conduit à comparer ce dernier à Juvénal lui-même. Suivant M. Hullin, en effet, il y a dans ces deux auteurs la même verve et la même indigna- tion pour fustiger les vices et les travers de l'époque à laquelle l'un et l'autre vécurent. Le travail du même auteur sur l’état de la littérature en France pendant le dix-huitième siècle, mérite aussi d’être cité. Tous ces chefs-d’œuvre mémorables, M. Hullin les compare successivement à ceux du siècle de Louis XIV, puis cherche à expliquer comment l'é- poque qui produisit la Henriade, l'Esprit des lois, l'Émile, l'histoire naturelle de Buffon, ne peut être néanmoins considérée comme la pre- mière époque de la décadence du goût. Aux travaux de M. Hullin il faut ajouter le poëme de M. Bouillon, sur l'empire des femmes, et celui de M. Esmenart, sur la navigation. «Nous citerons en archéologie les travaux de M. Schweighæuser, l’une des plus grandes gloires de notre contrée, et ceux de MM. Mi- cheli, Oberlin, et Arnold. «En agriculture ceux du général Schaal sur le houblon ; ceux de MM. Saltzmann et Nestler sur le fruit du frêne à trois feuilles ; ceux de M. Heydt sur l'emploi de nouvelles herses ; de M. Cadet sur la culture des forêts ; de M. Merlin sur la culture de la vigne; de MM. Richardot et Savagner sur le desséchement des marais; enfin les travaux de M. Lebel sur la reproduction des pommes de terre par le semis et sur les diverses plantes à fourrages dans le canton de Weærth. «En médecine les observations sur la vie par M. Lauth et un travail sur l'efficacité du phosphore dans les maladies internes ; un mémoire de M. Spielmann sur l'emploi de l'acide muriatique oxygéné dans les maladies syphilitiques ; un autre de M. Lorentz, médecin en chef de l’armée du Rhin, sur les avantages de l’applieation des sangsues sur l'estomac des femmes enceintes, dont les fréquents vomissements ébran- lent et fatiguent ce viscère ; deux mémoires de M. Lobstein, l'un sur la structure de l'utérus et l’autre sur la circulation fœtale ; et enfin un mémoire de M. Sultzer et de M. le professeur Flamant sur un nouveau bandage de la fracture de la clavicule. «Tels ont été les principaux travaux publiés par la société jusqu'en 1811. ; «Depuis cette époque jusqu’en 1823, et nonobstant les désastres des dernières années de l'empire et le deuil que fit naître l'envahissement DIXIÈME SESSION. 429 PA de la patrie par les armées étrangères, non-seulement la Société des sciences, agriculture et arts du Bas-Rhin, a continué ses travaux, mais c'est pendant cette période qu'ont été faites en archéologie les recher- ches si remarquables de M. Schweighæuser, fils, sur l’ancienne popu- lation de la contrée, lorsqu'elle était occupée par les Celtes primitifs, les Gaulois- Belges, la peuplade germanique des Triboques, et les peuples allémaniques, auxquels le pays demeura soumis, lors de la grande invasion de l'empire d'Occident par les nations barbares, au com- mencement du cinquième siècle. Notons encore les autres recherches de notre savant compatriote sur les monuments celtiques, et le soin avec lequel il a porté son attention sur l'enceinte de la montagne de Sainte- Odile , sur les hauteurs de laquelle il existait primitivement une ville celtique. «La plupart des vieux châteaux qui garnissent la chaîne de nos mon- tagnes et se distinguent par une position pittoresque et des ruines im- posantes, toutes les églises enfin, dont l’architecture rappelle chaque siècle du moyen âge, ont exercé tour à tour son érudition et ajouté puissamment à l'intérêt des séances de la compagnie. «ŒEn médecine, outre un travail de M. Lobstein sur l’ossification du système artériel, nous devons mentionner un fragment d'anatomie com- parée sur le mandril, travail remarquable, dans lequel l’auteur s’est plu à rendre à Gallien la justice qu'il mérite, pour l'exactitude et Ja fidélité de ses descriptions. «Un mémoire sur les pneumatoses, dont la cause première lui paraît être dans le système nerveux ; un travail de M. le docteur Ristelhueber sur les différences de capacité que peut présenter le système sanguin, suivant les tempéraments, les âges et certaines maladies , figurent aussi honorablement dans les annales de la Société. Mais c’est surtout à Fodéré qu’elle est redevable des mémoires les plus nombreux et les plus remarquables. Celui entre autres intitulé De la salubrité en général, peut être considéré comme un traité à l'usage des magistrats municipaux ; puis viennent successivement plusieurs rapports sur les améliorations à introduire dans la propagation de la vaccine et sur plusieurs autres questions d'hygiène générale. Signalons enfin en éco- nomie rurale, industrielle et politique, les considérations de MM. Meær- len et Hessert, sur les moyens de favoriser l'introduction et l’amélio- ration des belles espèces d’animaux utiles à l’agriculture ; les recherches statistiques sur la race bovine du département , celles de M. Villot sur les chemins vicinaux, enfin celles de M. Engelbardt sur les assemblées agricoles d'Angleterre et les concours établis en faveur des meilleurs mémoires sur l'amélioration de la race chevaline en Alsace. « De 1823 à 1828, la Société prit la résolution de publier tous les trois mois un journal , destiné à reproduire les travaux auxquels se serait livré chacun de ses membres, et c’est pendant ce court espace de temps qu'ont été publiés les cent quarante-trois mémoires que ren- ferme cette collection académique. «Au nombre de ces écrits se trouve, en archéologie, un mémoire 9 450 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. de M. le comte de Layser, sur les institutions commerciales des Gau-- lois ; les recherches de M. Matter sur le système religieux , le gouver- nement et les mœurs des peuples scandinaves à l’époque de leur in- vasion en France, en Angleterre et en Italie; un travail de M, de Golbéry sur quelques anciennes fortifications des Vosges ; des considé- rations critiques de M. Schweighæuser fils, sur deux fours romains destinés à la fabrication des vases de terre rouge découverts au- dessus du village de Heiïligenstein ; enfin des recherches pleines da plus vif intérêt de notre compatriote M. Reiner, en faveur de la conserva- tion de l’église de Dom Pétry, située entre Dachstein et Avolsheim , et considérée comme le berceau du christianisme dans les Germanies. Pouvons-nous oublier , maintenant surtout que celle œuvre remar- quable est sur le point d’être achevée, pouvons-nous oublier que M. Schwilgué avait déjà fait insérer à cette époque dans nos annales un mémoire sur la reconstruction de l'horloge astronomique de notre ca- thédrale, mémoire dans lequel il proposait d’ailleurs tous les perfec- tionnements qu’il a exécutés récemment, à l'effet de mettre cette œuvre au niveau des progrès que les sciences astronomiques et mécaniques ont faits depuis sa construction. «ŒEn littérature, parmi les travaux accomplis durant cette période, nous citons avant tout les recherches de M. Matter sur les antiquités philosophiques et liltéraires de l'Alsace; sa traduction du voyage de Dom Ruinart, puis les discours de M. Barrois sur l'influence de la solitude sur les gens de lettres. «Le travail de M. Delcasso sur Ronsard , si exalté de son vivant , et si injustement déprecié après sa mort par les épigrammes assassines de Boileau ; la traduction des odes d’Horace par M. Stiévenart, et le discours de M. René Crédot sur l'origine des difficultés que présente la langue française, sous le triple rapport de l'orthographe, de la syntaxe et de la prononciation, méritent aussi d’être signalés; disons-en autant du travail de M. Théodore Ratisboane sur l'éducation morale. «La section médicale n’a pas moins dignement rempli sa mission pendant l’époque dont nous esquissons à grands traits l’histoire. Le nom de M. Lobstein, déjà si souvent cité avec éloge, se trouve repro- duit non moins honorablement que dans les mémoires précédents. Ge sont tantôt des recherches sur les doctrines anciennes qu’il oppose aux théories nouvelles ; tantôt des faits cliniques sur lesquels le professeur appelle l'attention des membres de la société; tantôt enfin des considé- rations de haute physiologie pathologique sur des états morbides nou- veaux. ; ; «Si nous passons à regret sous silence une foule de travaux, c'est afin d’avoir le loisir de vous entretenir du mémoire de M. Fodéré sur l'accouchement prématuré artificiel, mémoire qui souleva contre son auteur une clameur voisine de la colère; mais heureusement impuis-— sante pour ébranler la conviction du professeur de médecine légale de la Faculté de Strasbourg. Malgré les obstacles nombreux qui lui étaient opposés , Fodéré n’en persista pas moins dans son opinion, et DIXIÈME SESSION. 151 n'hésita pas à conseiller, en 1827, cette opération sur une femme dont l'accouchement naturel était impossible. «Aujourd'hui qu’elle est admise, rappelons avec bonheur que M. Stoltz, un de nos anciens collègues, a eu l'honneur de la pratiquer parmi nous pour la première fois. C’est à ce professeur que la Société est redevable d’un rapport sur l'emploi du mercure dans les inflamma- tions aiguës, et de détails anatomiques précieux sur une variété très- rare de pieds-bots: «Mentionnons enfin, avant de terminer ce qui a.trait aux sciences médicales , les rapports de Fodéré sur la propagation de la vaccine et sur le cancer du sein ; ainsi que les observations pleines d'intérêt pré— sentées par M. Ristelhueber sur quelques cas de grossesse extra-utérine et sur les effets quelquefois étonnants de la foudre. «Si maintenant nous abandonnons les sciences médicales pour nous occuper des travaux publiés sur l’histoire naturelle, un nom se présente tout d’abord à notre pensée , celui de M. Duvernoy, naguère doyen et professeur de zoologie à la Faculté des Sciences de Strasbourg , et main- tenant professeur au Collège de France. Les discours que ce savant pro— fesseur a fait insérer dans nos annales sont tous d’une lecture pleine de charmes , et dans tous aussi se révèle sans cesse, à côté des plus vastes cviiméissances, ‘le coup d'œil supérieur qui compare ; qui coordonne tous les phénomènes, et les rapporte à leurs causes respectives, «L'amour passionné de la nature respire dans toutes les pages de ses écrits, où la grande image de Cuvier semble rallier tous les naturalistes, comme le pontife d’une religion entouré de lévites. Il y a en même temps , on ne sait quoi de touchant à voir un naturaliste aussi distin- gué qué M: Duvernoy, après avoir énoncé toutes les gloires du génie de la science qu’il professe ; se prosterner dans une pieuse contemplation devant la Providence, qui a permis, commeil le dit lui-même, ces grands ébats de la nature, et voit passer les existences variables et pas- sagères devant son immuable éternité. En agriculture, des travaux estimables ont aussi été publiés pendant ce témps. Sans parler de l'opinion émise dans une des séances de la So- ciété, sur les moyens de mieux utiliser les 300,000 arpents de terres communales situées en grande partie le long du Rhin, depuis Marckols- heïm jusqu’à Lauterbourg , ou le long de la rivière de la Scheer et de P'Andlau et dans cette direction appelée le Rieth, nous mettons au pre- mier rang le mémoire de M. Fodéré sur la culture du houblon en Alsace, et sur les avantages que peuvent s’en promettre les cultivateurs ; puis, Son travail sur l’utilité qu'on pourrait peut-être retirer de quel- ques îles du Rhin restées jusqu'à cette époque sans profit pour l’État. Rappelons encore le mémoire du même auteur sur la culture des plantes oléagineuses; celui de M. Husson‘sur la culture du tabac et sur les différents essais de plantation entrepris dans le jardin de la Marguerite sur vingt-quatre espèces de cette plante , essais qui tous ont eu pour résultat de démontrer que quand cette plante est cullivée convenable- ment elle est, sous le rapport pécuniaire, beaucoup plus avantageuse de 432 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. que toutes les autres plantes connues. Nous devons, enfin , également citer avec non moins d’éloges, les travaux de M. Stoltz, officier de santé à Andlau, sur la culture de la vigne, et le mémoire du même auteur sur la destruction de la bêche, insecte qui nuit considérablement à cette plante. «Nous aurons fini, Messieurs, d’énumérer les principaux travaux de la Société depuis 1823 jusqu’à la fin de 1828, quand nous aurons dit que, pendant ce temps, la société a décerné chaque année des ré- compenses aux auteurs des mémoires sur les questions qu’elle avait mises au concours. C’est malheureusement à une question posée par la section des lettres qu’il faut attribuer les discussions survenues dans le sein d’une compagnie qui jusque-là avait marché avec un accord et un ensemble parfaits. «Toutefois et nonobstant la désertion de quelques membres et le dé- couragement de quelques autres, la Société, grâce au dévouement de ceux qui étaient jaloux de conserver à l'Alsace la seule représentation académique qu’elle possède, la Société n’a pas interrompu ses publi- cations , comme le prouve l'énumération succincte des travaux accom- plis dans ces douze dernières années. «Ainsi, en médecine, lorsque le choléra menaçait d’envahir nos frontières, la Société s’est fait un devoir de publier une notice sur les meilleurs moyens à employer pour se préserver de ce redoutable fléau, et le mémoire de feu M. le docteur Brassier, sur cette maladie, est là pour attester toute la sollicitude de la Compagnie sur un sujet aussi im- portant. «Plus tard , le mémoire de M. Lereboullet sur l'épidémie de grippe qui a régné à Strasbourg pendant les mois de janvier, février et mars 1837; plus récemment les lettres de M. Malle et de M. Forget sur la méningite, attestent ce que la science est légitimement en droit d’at- tendre des membres qui composent la section de médecine, dans le cas où des épidémies plus meurtrières viendraient à sévir sur la population alsacienne. “ «Œn agriculture, le mémoire publié par la Société sur le monopole du tabac donne la mesure des services qu’elle peut rendre. On se rap- pelle qu’en 1835 une commission d'enquête fut nommée au sein de la représentation nationale pour s'occuper des mesures propres à substi- tuer au monopole des tabacs un moyen de revenu plus en rapport avec les formes du gouvernement constitutionnel. Consultée à cet effet, la Société a répondu par une publication remarquable , et dont le mérite nous permet d'affirmer que jamais la cause des planteurs n'avait été plaidée avec plus de chaleur, jamais des raisons ss fortes n'avaient été produites contre le monopole. «Avoir, en effet, dans un si court espace de tetaps; traité ex pro— fesso de la culture du tabac, de sa fabrication , de son débit, de son im- pôt et de son exportation; au oi soumis à un contrôle sévère et avoir surtout rétabli, dans l'intérêt de la vérité et de la justice , les documents publiés par la régie, avoir proposé enfin à l'État des moyens sûrs et DIXIÈME SESSION. 1353 propres à maintenir un revenu de cinquante millions, est un acte dont la Société peut à coup sûr se glorifier. «Nous avons aussi à citer le mémoire couronné de M. Nickles, sur l'amélioration des prairies artificielles en Alsace. Qui ne sait dans la contrée que ce travail est sans contredit l’un des meilleurs qui aient été publiés sur cet important sujet? Nous n’omettrons pas les rapports si consciencieux de M. Félix Dartein sur les points les plus importants de l'agriculture et de la sylviculture; les communications pleines d'intérêt de M. Ottman; le mémoire de M. le professeur Kirschleger sur la vi- ticulture du Bas-Rhin , travail demandé par M. le grand référendaire de la chambre des pairs, et qui peut être considéré comme un traité ex professo. «Dans les sciences, le rapport de M. Langlois sur les propriétés de l’iodure d’amidon, et celui de M. le professeur Sarrus, sur le plus grand commun diviseur, figurent honorablement. «En littérature et en poésie nous-signalerons avec bonheur les lec- tures de M. Olry, celles de M. l’abbé Riant, les beaux vers de M. Del- casso, de M. Stiévenart, de M. Michel Lévy, de M. Capron, de l’auteur de la Poésie du dix-neuvième siècle, les travaux nombreux de M. Paul Lebr, ce traducteur si distingué des fables choisies de Pfeffel, et nous n'omettrons pas le discours remarquable de M. Thieriet, intitulé : Des avantages et des dangers des plaidoiries et de l’art oratoire dans les débats des causes criminelles. « Plus qu’à tout autre il appartient à un ancien magistrat de démon- trer quelle inhumanité il y aurait à ne pas laisser toute liberté à la défense. «S'il est parfois à craindre, en effet, de voir un rhéteur absoudre un criminel , mieux vaut mille fois qu’il en soit ainsi que de priver un innocent de la parole éloquente d'un avocat : à celui-ci, d’ailleurs, le soin de rester toujours fidéle aux devoirs de sa profession, devoirs si bien tracés, dit M. Thieriet, par le sage et vertueux Daguessau, dans un de ses discours devenu classique pour le barreau. «Cest ainsi, Messieurs, qu'il n’est, pour ainsi dire, aucune des nombreuses branches, sur lesquelles s'exerce l’activité hurhaine, qui n’ai fixé l'attention de la Société, et dont elle ne se soit occupée avec succès. | «Nous pouvons dérouler avec orguei) les registres déja poudreux où sontinscrits les noms qui ont honoré notre Société; à côté de ces noms » qui ont recu la consécration du temps, nous proclamons ceux que la mort a récemment détachés de nos rangs, sans les enlever à nos annales et surtout à nos cœurs... «Aux jours de labeur et de découragement, c'est vers eux que se tournent nos regards pour reprendre courage el énergie, et suivre avec Confiance la voie généreuse tracée à toutes les institutions utiles. «M. Le Cerf, Vice-Président de la sixème Section , délégué de la Société royale d'agriculture et de commerce de Caen, 154 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. dépose aussi sur le bureau le Compte-rendu des travaux de celte Société pendant la dernière année. En voici la teneur : «MESSIEURS, « La Société d'agriculture et de commerce de Caen s'occupe, comme son titre-le fait connaitre, de tout ce qui peut contribuer au dévelop- pement et à l'amélioration de ces deux branches importantes de l’éco- nomie sociale. Culture des terres, éducation des bestiaux, extension du commerce, tels sont les points capitaux autour desquels elle déve- Jloppe toute l’activité et tout le zèle dont elle est capable, et c'est sur chacun de ces points que je vais vous présenter un apercu de ses tra- vaux pendant le cours de l’année qui vient de s’écouler. «Culture. Une nouvelle plante oléagineuse, le Madia-Sativa, avait depuis peu été introduite en France. La Société, il y a deux ans, s'était procuré une assez grande quantité de graines de cette plante pour faire de nombreux essais de sa culture ; elle a mis cette graine à la disposi- tion d'un grand nombre d'agriculteurs, et des essais ont été faits. Cette année la Société a voulu connaître et préciser les résultats obtenus; une commission a été nommée et un rapport a été fait. Je dépose ce rapport sur votre bureau, et vous verrez qu'il en résulte que, s’il ne faut pas espérer de la culture du Madia-Sativa les bénéfices presque fabuleux que d’imprudents enthousiastes ou d’adroits spéculateurs ayaient annoncés , il ne faut pas non plus condamner et repousser cette culture comme absolument mauvaise et improductive. «La culture des pommes et des poires d'où l'on exprime le cidre et le poiré, qui sont la boisson ordinaire des habitants de plusieurs provin- ces du nord et de l’ouest de la France, et la manière de fabriquer, de conserver et de convertir en esprit ce cidre et ce poiré , ont fixé spé- cialement l’attention de la Société. Un mémoire sur cette matière im- portante et un programme avaient été adressés au ministre du com-— merce et de l’agriculture, pour solliciter du gouvernement une somme suffisante pour établir un concours et appeler l'attention des chimistes et leurs travaux, Le ministre a soumis ces deux ouvrages au Comité central d'agriculture de Paris; ce comité a fait un rapport favorable, en indiquant cependant quelques modifications au programme; ces modifications ont été faites par la Société , et elle a l'espoir fondé d’ob- tenir bientôt l'établissement du concours qu'elle sollicite. Je dépose également sur votre bureau le mémoire et le programme dont je viens de vous parler, «Les concours de labourage , les récompenses accordées aux domes- tiques des deux sexes constants et fidèles ; les médailles d'encourage- ment décernées aux cultivateurs dont les fermes sont le mieux tenues et le mieux conduites, tous ces moyens d’excitation et d’émulation fon- dés par la Société dans son ressort d'action , ont présenté cette année des résultats très-salisfaisants et ont fait reconnaitre de sensibles amé- liorations. DIXIÈME SESSION. 455 «Éducation des bestiaux. La Société ne se borne pas à publier et à répandre parmi les cultivateurs tous les mémoires que font plusieurs de ses membres, ou qu’elle peut recevoir ou découvrir, sur les meilleu- res méthodes de nourrir, de soigner et d’éduquer les bestiaux ; elle y joint le moyen actif de l'émulation. Des primes à la suite de concours ont été décernées cetle année, comme les années précédentes, aux meil- leurs taureaux, aux meilleures vaches, aux plus belles génisses , aux plus belles laiteries, c’est-à-dire à la plus belle réunion de quatre vaches au moins appartenant à un seul cultivateur. Vingt primes ont élé ac- cordées cette année aux jeunes chevaux avant l’âge de deux ans. Près de cent chevaux avaient été présentés au concours; une amélioration très-remarquable s’est encore montrée dans cette partie. «C’est la Société d'agriculture qui seule avait, en 1837, fondé des courses de chevaux dans la ville de Caen. Depuis une société spéciale s’est formée pour cet objet; mais la Société d'agriculture s’y est jointe, et a continué à donner des prix en son nom. Cette année, les courses ont été extrêmement remarquables : les coureurs ont atteint les plus grandes vitesses signalées aux courses de Paris et de Chantilly. Les courses au trot par des chevaux montés, des chevaux attelés à des voi- lures à deux roues, et des équipages attelés à des voitures à quatre roues, ont fait voir celte année que le cheval normand est digne de son ancienne réputation, et que, s’il s’est élevé à cet égard quelques doutes! cela provenait uniquement de la négligence ou de l'ignorance des éle- veurs qui ne prenaient pas un soin suffisant de l'éducation de ces nobles et vigoureux animaux. «Commerce. La Société a porté principalement son attention cette année sur l’achèvement d’un dock dans la ville de Caen et d’un canal latéral à la rivière d’Orne, et aboutissant directement à la mer avec des portes d’ebe et de flot ; elle a joint ses efforts à ceux de l’adminis- tration communale et départementale pour obtenir du gouvernement la prompte terminaison de ce travail si important pour le commerce de la ville de Caen et des pays qui l’environnent. «Tels sont, Messieurs, les moyens que la Société d'agriculture et du commerce de Caen emploie pour contribuer, dans sa petite sphère d’ac- tion, et suivant les bornes de sa capäcité et de ses moyens, au grand œuvre de l’accroissement et de l’amélioration de l’agriculture et du com- merce, ces deux grandes sources de la prospérité publique et particulière. «Dans un intérêt différent, mais non moins important, puisqu'il tient à l'horineur et à la gloire de notre patrie, je dois vous faire connaître que la Société d'agriculture et de commerce de Caen a ouvert une sous- cription pour contribuer à l'érection d’un monument à la mémoire du vice-amiral Dumont d'Urville, né à Condé-sur-Noireau , département du Calvados, que l’épouvantable catastrophe du 8 mai dernier a arrêté dans ses immenses et utiles travaux d'exploration d'hydrographie dans les mers australes. La Société invite MM. les membres du Congrès à s'associer à celte œuvre éminemment nationale. La liste de souscription est ouverte chez M. le trésorier du Congrès. » 456 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. M. de Caumont, Président du Congrès, dépose les rap- ports sur les travaux de la Société des antiquaires de Nor- mandie, de la Société Linnéenne et de l’Association Nor- mande pour 1841. Voici ces rapports : «La Société des antiquaires de Normandie à publié cette année son douzième volume, composé de cinq cents pages in-4° et de vingt-quatre planches; je l'ai déposé sur le bureau , où il pourra être consulté par tous les membres du Congrès : ce volume renferme des mémoires d’un assez grand intérêt, parmi lesquels je citerai : «4. Mémoire de M. Vautier, sur le doyenné de Vaucelles (Calvados). «2. Recherches de M. d'Huisy sur quelques paroisses de l’arron- dissement de Caen. «3. Mémoire de M. l’abbé de La Marre, sur l’origine de la cathédrale de Coutances. «L'auteur s'efforce, contre toute probabilité, de faire remonter au on- zième siècle l’origine de ce beau monument du treizième; mais il a fait un grand nombre de recherches intéressantes et publié bon nombre de pièces inédites, pour appuyer la discussion qu'il a soulevée. Son travail offre de l'intérêt et c'est un des plus considérables de ce volume. «4. Mémoire de M. de La Sicotière , sur l’abbaye de Loulay (Orne). «5. Divers mémoires de MM. Gervais, Deville, Lambert, l’abbé Durand, Delarue, Pillet et moi. Le volume se termine par quinze autres notices plus courtes, groupées à la fin du volume sous le titre de Notes el communicalions , qui toutes ont beaucoup d'intérêt, «Le treizième volume de la Société est sous presse, et j'aurai l'hon- neur de l'offrir au Congrès l’année prochaine. «La Société Linnéenne de Normandie fait imprimer son septième volume, qui se composera d'environ quatre cents pages in-4° et de dix-huit planches lithographiées avec le plus grand soin par les premiers artistes de Paris. Ce volume renferme des mémoires d’une importance très-grande pour la paléonthologie, la zoologie, l'anatomie comparée, etc. M. le docteur Deslongchamps , professeur à la faculté des sciences de Caen, membre de l’Institut des provinces de France, a fourni plus de dix mémoires pour ce volume , qui sera le plus intéressant peut-être de ceux que la Société Linnéenne aura publiés : il paraîtra vers le mois de février. «L'Association Normande, dont j'ai offert l'annuaire au Congrès, continue de s’accroitre et donne chaque année plus d'extension à ses publications. Elle va publier prochainement des recherches très-impor- tantes et le compte-rendu des séances générales qu’elle a tenues à Rouen et à Elbœuf. L'annuaire de 1843 sera plus remarquable encore et plus étendu que les précédents. La parole est ensuite accordée à M. E. Mayer, Président de l’Académie de Livourne, qui lit un discours accueilli DIXIÈME SESSION. 137 par les plus vifs applaudissements. Ge mémoire est intitulé : Pensées sur l’avenir de l’art 1. M. Kopp, docteur ès sciences, professeur à l’École nor- male primaire, Lermine la séance en donnant lecture d’un mémoire intitulé: Considérations sur la différence qui existe entre la force élastique de la vapeur et l’électro-magnétisme, dans leur application comme forces motrices?. L'assemblée suit avec intérêt les développements de l’orateur. La séance est levée à cinq heures et demie, Séance générale du 9 octobre 1842. Le Bureau est composé comme la veille. Le procès -ver- bal de la séance précédente est lu et adopté. M. le Secrétaire général donne communication de la cor- respondance et particulièrement de la lettre suivante: \ MONSIEUR LE PRÉSIDENT, « Les Italiens qui ont fait partie de la dixième Session du Congrès scientifique de France, ne peuvent s’en éloigner sans céder au besoin d'exprimer toute leur reconnaissance pour les marques touchantes de bienveillance dont ils ont été l’objet pendant leur demeure à Stras— bourg. «ls saluent, en partant, leurs frères de France et leurs frères de l'Allemagne, et retournant chez eux, ils y rapportent les souvenirs les plus chers, et l'espérance de pouvoir aussi » dans leurs futurs Congrès, tendre la main aux Français et aux Allemands qui viendront les visiter. Us leur rappellent que le Congrès italien pour l’année 1843 se tiendra à Lucques et celui pour 1844 à Milan. M Qu'il n’y ait plus de barrière pour la science; que les conquêtes de l'intelligence ne soient arrêtées par les Alpes pas plus que par les flots du Rhin; que les hommes de tous pays se reconnaissent pour frères; qu'ils travaillent en commun en tous lieux aux progrès de l'humanité; tels sont les vœux que les Italiens vous expriment en vous serrant la main et en vous disant adieul « Vous-même, Monsieur le Président, agréez pour votre personne el faites agréer à vos collégues ainsi qu’à toutes,les autorités et aux ! Ce discours est imprimé dans les mémoires de la septième Section, vol. 2° du Comptc- rendu. 2 Voy. les mémoires de la deuxième Seetion, zbid. 4158 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. citoyens de Strasbourg l'assurance que nous regarderons toujours notre séjour dans cette ville comme une des plus belles époques de notre vie. «Strasbourg , le 9 octobre 1842. Signé : B. BERTINI, l'un des Vice- Présidents du Congrès, au nom des Italiens qui en ont fait partie et qui ont déjà quitté Strasbourg ; E. MAYER, de Livourne; docteur V. BALOCCr, de Florence; pro- fesseur Barurr1, de Turin. Sur la communication faite par le Secrétaire général de le] différents vœux formulés au sein des Sections, l’assemblée prend les résolutions suivantes : «Sur la proposition de la quatrième Section, «1. Le Congrès scientifique reconnait que la division de la propriété est utile, mais que son morcellement au-dessous de dix, quinze ou vingt ares est nuisible. En conséquence il émet le vœu qu'il soit pris dans ce sens des mesures législatives. «2. Le Congrès scientifique émet le vœu que le Gouvernement, dans ses dispositions réglementaires sur la plantation des chemins, prenne en considération l'utilité de l'emploi des arbres fruitiers. «Sur la proposition de la sixième Section, «Le Congrès scientifique prie le Gouvernement : «1. D’opérer le recensement des sourds-muets en France, à l’occasion du recensement quinquennal de la population. «2. D'appeler par une loi tous les sourds-muets au bienfait de l’édu- cation. «3. De commencer l'éducation des sourds-muets dans les familles et dans les écoles primaires, et de l’achever dans les écoles spéciales. «4. D'établir, à cet effet, dans chaque chef-lieu d'académie, une institution organisée sur une plus vaste échelle, et soutenue par le dé- partement et par l'État, «3. De rattacher les institutions des sourds-muets au ministère de instruction publique. «6. De leur donner une organisation uniforme. «7. De les placer sous l'autorité des recteurs d’Académie, assistés de commissions de surveillance. «8. De former des professeurs de chaque école une commission des éludes. x «9. D'instituer des inspections spéciales pour les écoles des sourds- muets. «10. D'annexer à l'institution de Paris une école normale, pour for- mer les professeurs des écoles spéciales. «14. D'initier les instituteurs primaires aux premiers éléments de la méthode. DIXIÈME SESSION. 159 «12. De diviser le cours d'instruction dans les écoles en deux parties : la première commune à tous les élèves, la seconde appropriée à la po— sition qu'ils occupent dans le monde. «13. D'associer l'éducation industrielle à l'éducation intellectuelle et morale. à «14. Enfin d'organiser le système des ateliers de manière à répon- dre aux divers intérêts des sourds- muets et à maintenir l'esprit de famille. «Sur la proposition de la huitième Section ; «Le Congrès scientifique prie le Gouvernement «De changer les bases du concours pour les beaux-arts. «De juger non-seulement l’œuvre , mais l’homme et sa force pro- ductrice. «D'établir des luttes annuelles entre les élèves. «D'éliminer au besoin la médiocrité, qui deviendrait stérile. «De ne pas borner les études à l'Italie. «D'envoyer les élèves, selon leur spécialité, dans les pays où l’art qu’ils étudient a reçu ou recoit le plus d'éclat. «Enfin de veiller sur eux à leur retour dans la patrie 1. 1Le Secrétariat général croit remplir un devoir envers le Congrès en portant à la connaissance de ses membres la correspondance suivante, qui prouve avec quel bien- veillant intérêt MM. les Ministres ont accueilli les vœux que le Congrès leur a adressés. Dès le 29 octobre ces vœux avaient été transmis à MM. les Ministres De la justice et des cultes, Des affaires étrangères , De l'instruction publique , De l’intérieur, De l’agriculture et du commerce, s Des travaux publics, Des Finances , avec la lettre d'accompagnement qui suit: « Conformément aux intentions du Congrès scientifique de France, nous avons l'hon- neur d'adresser à Votre Excellence la série des vœux qu'il vient d'émettre dans sa dixième Séssion tenue à Strasbourg, sur divers objets d'intérêt publie ressortissant à votre département. Nous prenons la liberté de recommander à votre bienyeillante solli- citude la réalisation de ces vœux, ct nous vous prions de vouloir bien agréer l’expres- sion du profond respect avec lequel nous avons l'honneur d'être, etc,» G. Pa. Herr, Secrétaire général; Escurace, FoRGET, JUNG , SILBERMANN, Secrétaires généraux adjoints. Voici, par ordre de date, les réponses que quatre de MM. les Ministres ont faites à celte commmuniciation : MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS. Paris , 8 novembre 1842, «MONSIEUR, «J'ai recu avec la lettre que vous m'avez fait l'honneur dé m'écrire , le 29 octobre dernier, l'expression du vœu émis par le Congrès scientifique de France, dans sa Session 440 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. M. Paul Lehr monte à la tribune et invite les membres du Congrès à prendre part à la souscription ouverte par la ville de Colmar pour l'érection d’une statue au célèbre fa- buliste Pfeffel. «Permettez-moi, continue M. Lebr, de vous rappeler, Messieurs, que Pfeffel est une de nos gloires alsaciennes. Les honorables membres du Congrès, qui voudront bien s'associer à un hommage digne de sa mémoire et de notre époque, sont invités à joindre leurs offrandes à celles déjà recueillies. En laissant une pareille trace de leur présence au Congrès , ils concourront à créer une nouvelle source d’émulation pour la jeunesse studieuse de l'Alsace. Le monument de Pfeffel attestera le prix qu’ils attachent au noble culte de l'intelligence; il attestera leur appréciation d’une renommée qui n’a coûté à l'humanité ni sang , ni larmes. C’est à ces titres, Messieurs les membres du Congrès, que nous invoquons votre généreuse sympathie , etc. » à Strasbourg , pour que l’administration, dans les dispositions réglementaires sur les plantations , prenne en considération l'utilité de l’emploi des arbres fruitiers. «Je vous remercie de cette communication. L'administration reconnaît l'avantage que l'on peut, en certains cas et dans certaines localités, obtenir de la plantation des arbres fruitiers le long des routes , et il n’est pas rare qu’elle prescrive l'emploi de ces arbres aux propriétaires riverains. Elle examinera avec intérêt jusqu’à quel point il serait pos- sible de généraliser la mesure. «Recevez, Monsieur, l'assurance de ma considération distinguée. » Le Sous-Secrétaire d'État des travaux publics , LEGRAND. MINISTÈRE DE L'AGRICULTURE ET DU COMMERCE. Paris , 9 novembre 4842. « MONSIEUR, «Vous m’avez fait l'honneur de m'adresser, le 29 octobre dernier, conformément aux intentions du Congrès scientifique de France, plusieurs vœux qu'il a émis sur divers objets ressortissant de mon département, dans sa dixième Session tenue à Strasbourg. «Je vous remercie de l’envoi de ces documents , dont j'ai fait prendre note. Ils me se- ront représentés quand j'aurai à m'occuper des graves questions qui y sont mentionnées. «Recevez, Monsieur, l'assurance de ma parfaite considération.» Le Ministre de l’agriculture et du commerce, L. Cunix-GRIDAINR. MINISTÈRE DE LA JUSTICE ET DES CULTES. Paris, 17 novembre 1842. « MOonsIEUR , « Par votre lettre en date du 29 octobre dernier, vous m'avez donné connaissance du vœu que le Congrès scientifique de Strasbourg a émis relativement à la division des pro- priétés, DIXIÈME SESSION. 441 MM. les Secrétaires rendent compte des travaux de leurs Sections. M. le vicomte de Lavalette lit un mémoire Sur Le Jour- nalisme et de son influence sur la littérature 1 L’orateur termine en proposant à l’assemblée de nommer à Paris un Comité central chargé de la publication des tra- vaux scientifiques des membres du Congrès durant l’inter- valle des Sessions. M. Bæœrsch repousse ce projet comme une idée de centralisation parisienne , et il n’est pas donné suite à celle proposition. M. L. Spach adresse à l’assemblée les paroles suivantes ?: VUE RÉTROSPECTIVE SUR LES TRAVAUX DU CONGRÈS DE STRASBOURG. «Il y a mille ans aujourd’hui, deux princes, deux frères , s'étaient donné rendez-vous avec leurs armées sous les murs de Strasbourg. «Je vous remercie de cette communication dont l’objet ‘se rattache à de sérieux in- térêts. à «Recevez, Monsieur, l’assurance de ma considération distinguée. » Le Garde des sceaux , Ministre de la justice et des cultes, N. MARTIN. MINISTÈRE DE L'INTÉRIEUR. Paris , 24 novembre 4842 « MonsIEUR , « Par votre lettre, en date du 29 octobre dernier, vous m'avez transmis expédition du procès-verbal de la dixième Session tenue par le Congres scientifique de France à Stras- bourg, et dans lequel il émet le vœu : « 1. Que des améliorations soient introduites dans l’organisation de la police rurale ; «2, Que des mesures soient prises pour vaincre la résistance des conseils municipaux, et rendre à l’agriculture les terres vaines et vagues à ppartenant aux communes ; «3: Qu’une loi étende à tous les sourds-muets le bienfait de l’éducation ; «4. Qu'un changement soit apporté dans les bases du concours pour les beaux-arts. «J'ai fait prendre note de ces vœux ; je les examinerai avec intérêt , et j’y aurai égard, le cas échéant. «Agréez, Monsieur, l'assurance de ma considération distinguée. » Le Ministre de l'intérieur, Pour le Ministre et par autorisation, le Sous-Secrétaire d'Etat , _A. Passy. 1 Ce mémoire n'a pas été livré. 2 Cette vue rétrospective sur les travaux du Congrès , qui sort de la plume du spirituel auteur de La ville et l’université de Strasbourg en 1770, morceau qui a si brillam- 4142 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. C'étaient Louis-le-Germanique et Charles-le-Chauve. L'époque à jamais mémorable eommencait où les deux nationalités francaise et allemande se formaient, où les deux peuples, réunis sous le sceptre de Charle- magne et de son fils, allaient se séparer et pour la langue, et pour les in- térêts. Me 2e «Les deux rois cependant, en face de leurs troupes assemblées sur le sol de notre cité, jurèrent de demeurer fidèles à leurs liens fratérnels, Louis d'Allemagne prononca son serment en langue française ; Charles le dit en langue tudesque, et les acclamations des deux peuples ratifiè- rent la parole des deux rois. «Depuis lors, les deux peuples se sont rencontrés sur bien dés champs de bataille, quelquefois en alliés, plus souvent comme ennemis; les serments de Louis et de Charles avaient duré ce que durent les ser- ments politiques. «Aujourd’hui, dix siècles après ce pacte d'alliance entre les deux nations, les délégués de deux armées se sont aussi rencontrés dans les murs de Strasbourg; ce sont les apôtres pacifiques de la science, de la littérature, des arts qui se sont serré les mains; mais dans leurs rangs on n’a point vu briller d'armes au soleil; dans l'arène où ces missionnaires sont descendus, on n’a fait usage que du glaive de la parole; et les éclairs qui ont jailli de plus d’un esprit ingénieux, de plus d'une noble intelligence, ont été les seules foudres de cette guerre toute courtoise et toute au service d’une déesse voilée, mais couronnée d’un diadème lumineux, au service d'une reine que le monde révère sous le nom de vérité. «Oui, Messieurs, nous sommes tous les humbles, mais les coura- geux champions de la vérité. Les uns cherchent à réaliser le vrai dans les arts, les autres y aspirent par la voie de la philosophie ou de l’his- toire; tous cherchent à soulever un coin du voile qui cache l'antique déesse. «Nous n’ignorons point que jamais nous n’arriverons à voir la vé- rité face à face ; mais nous savons aussi que deux frères qui s’entr'aident dans une tendance commune ont plus de chancés d'atteindre un ré- sultat, fûüt-il circonscrit, qu’en restant isolés. Plus les savants d’Alle- magne et de France concentreront leurs efforts , plus les laboureurs de la science dans les deux pays rivaux s’appliqueront à serrer les rangs, et plus sûrement ils arriveront à une conquête commune. Les pro- messes d'union, faites en 1842 au Congrès scientifique de Strasbourg, dureront plus longtemps que les serments des princes de 842, Dans la science il n’existe d’autre rivalité, d'autre ambition, que celle de toucher les premiers au but; et si l’'amour-propre est permis au savant et à l’artiste, ce n’est qu’à la condition de s’allier au désintéressement. ment inauguré la série des lectures en assemblée genérale, devait être lue dans la séance de clôture. Mais l’état de souffrance de l’auteur s'y étant opposé , nous n’en croyons pas moins devoir lui restituer la place légitime qui lui est due dans les impressions du Compte- rendu. DIXIÈME SESSION ! Gy 4145 «Je le demande à lous ceux qui ont pris part aux travaux des huit Sections , si la courtoisie à fait défaut dans ces discussions érudites ; - sinos frères d'Allemagne n’ont pas rendu pleine justice aux ingénieuses REA t spirituelles improvisations de nos frères d'au delà des Vosges ; si les hommes venus du Midi n’ont pas accueilli avec cette vivacitéd’enthou- 1 | siame que leur départit le ciel, les recherches des hommes du Nord? Dans cette enceinte même , d’unanimes applaudissements n’ont-ils pas accueilli l'artiste, le maitre de Düsseldorf ; lorsqu'il est venu exposer, avec la simplicité de l'homme de génie, les principes qui l'ont guidé dans la recherche.du beau, lorsqu'il a mis à nu la source secrète d’où jaillit son inspiration chrétienne? «On vous a dit, Messieurs, que ces réunions ne produisaient d'autre résultat que d'établir des relations entre des hommes faits pour s'es- timer et s'aimer. Ce résultat serait assez beau sans doute; mais, veuil- lez le croire, ce n’est pas le seul. Vous pouvez avec confiance el avec quelque orgueil jeter les yeux sur les procès-verbaux de vos sections ; ces registres vous diront que votre lemps n’a point été perdu en discus- sions oiseuses ; que ces douze jours de lectures et d’improvisations ont mis en lumière plus d’un point obscur. Dans le domaine de l’histoire naturelle, vous avez tous entendu le disciple, l'ami de l'illustre A gassiz faire l'exposition d’un nouveau système sur les glaciers ; vous êtes des- cendu avec lui dans ces palais de cristal aussi vieux que le monde ; vous avez entendu la filtration des eaux à travers cette mystérieuse structure, maintenant révélée. Un jeune savant, récemment revenu de la vieille terre des Scandinaves , vous a promené au milieu des blocs erratiques , disséminés sur ce sol runique ; il vous a fait lire dans les stries des roches suédoises les révolutions antédiluviennes, Un vieillard bienveillant a revendiqué pour les êtres inférieurs une parcelle de cette intelligence divine dont l'homme aime à se croire le monopole. Des, savants français ont cherché à vous initier aux lois de la météoro- logie, et jeté les premiers linéaments de la science de l'atmosphère. Le sort des ouvriers a vivement préoccupé une autre portion de vos mem- bres , qui ont prêté une oreille attentive à ces ouragans bien plus dan- gereux que ceux de l’atmosphère, à ces ouragans que soulèvent les hommes poussés par les tourments de la faim. Les propositions ingé-— nieuses faites par des hommes de cœur pour arriver au soulagement de la misère , pour prévenir les fluctuations dans le sort des ouvriers, ont trouvé de l'écho dans le cœur de nous tous. Nous aimons à croire que les moyens discutés par la Section d’économie politique, pour lutter avec le paupérisme, sont autre chose que des palliatifs. La loi arrivera bientôt à régulariser, à étendre sur toute la surface de la France les efforts isolés de quelques hommes généreux. Le Congrès de Strasbourg aura porté son obole aux victimes de la guerre effrénée de l’industria- lisme. «D’autres penseurs, sur un terrain moins pratique, mais abordable pourtant au philosophe, ont scruté les lois du langage ; et les érudits ont feuilleté ces pages de l’histoire qui inspireront toujours de l'intérêt 144 ._ CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. lorsqu'elles s'adressent à la fibre sensible et à l'élément national. Le procès des templiers et la légende de Guillaume Tell ont été soumis à de savantes investigations. Des voix éloquentes ont protesté contre l’i isO— lement des provinces et indiqué des moyens propres à y mettl e un terme. Des questions ardues de droit, de législation, de péda; 4 à ont exercé l'esprit analytique de plus d'un penseur. La poésie et les : dans leurs sections respectives , ont fait acte de présence ; les anciennés traditions épiques ont été savamment discutées ; des mains hardies ont arraché le lichen qui recouvre les pierres druidiques de nos montagnes et de nos forêts ; des artistes, unis à d’habiles archéologues, en visitant le chœur défiguré de notre cathédrale , ont tracé en quelques lignes concises et claires la meilleure voie de restauration. Dans toutes les Sections du Congrès, la théorie et la pratique se sont donné la main; et la réunion des deux nationalités sur le champ de la science a produit partout cet heureux effet de faire marcher de front la synthèse et l’a- nalyse , l'inspiration et le travail, le réel et l'idéal. » M. Hepp, Secrétaire général, prononce le discours suivant : «MESSIEURS , «En élevant pour la dernière fois ma voix dans cette enceinte, ce n’est plus l'émotion de la crainte, c’est celle du regret qui m’agite. La crainte a disparu devant la cordialité et l’aménité des relations qui se sont formées entre nous; le regret est né à l’approche du moment fatal d’une séparation inévitable. «Ce serait peut-être le moment de jeter un coup d'œil rétrospectif sur la variété et l'importance. des travaux qui nous ont occupés durant les trop courts instants de notre réunion, et de tracer comme l'inventaire des progrès faits et des idées nouvelles mises en circulation. On pourrait essayer d’un parallèle entre les résultats du Congrès de Strasbourg et ceux des congrès qui l'ont précédé; on pourrait même faire la statis- tique de cette docte assemblée en la décomposant dans ses éléments. Mais je dois laisser à d’autres, qui ont le droit de parler avec autorité, l'appréciation des travaux et du mérite relatif de la dixième Session ; et le calme de l'esprit me manque pour le dénombrement des résultats statistiques. Absorbé tout entier par les regrets de la séparation , mon âme cherche à en diminuer l’amertume en se complaisant à constater les résultats moraux que la dixième Session a produits. Or, jamais ré sultats n’ont dépassé à ce point les espérances même les plus flatteuses, et celui qui a l'honneur de vous parler, a d'autant plus droit de s’en féliciter, que, dédaignant les conseils d’une prudence vulgaire, il s'était constitué par anticipation le garant du plein succès moral de votre réunion. Jamais assemblée plus nombreuse, composé d'éléments plus divers, riche de lumières plus profondes et plus variées, ne s’est fondue plus rapidement en un corps homogène de tendances , d’intentions et de sentiments, sous le souffle inspirateur du culte désintéressé du vrai DIXIÈME SESSION. 145 et du beau. Parmi nous nulle prévention fâcheuse, nulle aspérité bles- sante, nul préjugé fondé sur les distinctions de nationalité ou de lan- gue, n’a trouvé place, même pour un instant; une rivalité plus noble et plus généreuse nous avait absorbés , et l'éclatant succès de nos . travaux prouve à quel point cette rivalité était sérieuse et énergique. - Car nous étions poussés par le vif et solennel pressentiment que notre assemblée était destinée à ouvrir une ère nouvelle pour les rapports moraux et intellectuels entre les nations, et que l'exemple de frater- nité , de concorde et de dévouement à ces intérêts élevés, porterait des fruits précieux et abondants. Ce pressentiment, Messieurs, ne sera pas trompé , nous en avons pour garants tous les honorables collaborateurs de la dixième Session, qui, par un privilége rare et presque unique, à compté dans son sein des représentants distingués de toutes les nations civilisées de l'Europe. Qu'ils restent fidèles aux solennels enga- gements librement et spontanément contractés dans cette enceinte, et le Congrès de Strasbourg marquera dans l’histoire des progrès intellec- tuels et moraux de notre époque. Remarquable par son esprit de fusion et de concorde, non moins que par l'importance de ses travaux, cette grave et brillante assemblée, en abordant toutes les questions, même les plus délicates, et en les résolvant toutes avec autant de modération que de sagacité, aura prouvé à la face de l’Europe que le temps des discussions irritantes et des luttes stériles est passé, et que là où les lumières abondent et où la droiture du cœur devient:l’apanage de la science, apaiser les passions en éclairant, est la mission auguste et sa crée qué les hommes à intelligence élevée s'imposent dans l'intérêt de l'humanité. «Mais le temps presse, et je me reproche, Messieurs, de me donner à vos dépens la satisfaction d’énumérer les résultats moraux qu'il est permis de rattacher à la tenue du dixième Congrès scientifique de France. Je me flatte cependant que vous voudrez bien juger avec moins de rigueur l'expression de regrets qui ne vous sont pas étrangers, et que vous reporterez avec bienveillance vos souvenirs sur cette commu- nauté d’affection et de travaux dans laquelle se sont absorbées les jour- nées fugilives qu'il nous à été donné de consacrer à un commerce si doux, si varié et si cordial. «Adieu donc , hôtes chéris, doctes confrères , collaborateurs bien- veillants, adieu! Allez, missionnaires de paix et de lumières, porter témoignage dans les différentes régions de l'Europe civilisée du bonheur que votre présence a répandu au milieu de nous; allez dire quelles sym- pathies vous ont accueillis, quels regrets vous suivent, et combien il a été beau ce spectacle de dix nations luttant par leurs représentants pour les palmes de la science et de l'intelligence. Allez redire à vos doux climats, à votre belle Italie, que le culte de l’art n’est pas éteint dans la patrie d'Erwin. Dites à la population mâle et guerrière des vallées des Alpes et du Jura que nous n’avons pas oublié les vieilles sympathies qui reliaient nos pères. Et vous, nobles enfants de la vaste confédéra- tion germanique, dites à vos concitoyens que nous conservons pieuse- 10 446 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. ment les traditions communes de culture morale et intellectuelle que les siècles nous ont transmises. Et vous enfin , chers compatriotes , ac courus des points les plus reculés de notre belle France, recevez n03 cordiales actions de grâce pour le patriotique empressement qui vous a conduits dans notre cité, Vous saviez qu'il importait que notre patrie se présentât armée de toutes pièces dans la lice ouverte aux nobles com- bats de l'intelligence; vous étiez avides de vous rencontrer sur les rives de notre beau Rhin, avec les doctes représentants de la science euro- péenne; peut-être même étiez-vous conduits par le désir, si honorable pour nous, de resserrer les liens d'affection et de science avec une population à laquelle vous rattachent depuis des siècles la communauté du patriotisme et de la nationalité. Désormais les distances auront disparu entre nous, et la patrie aura lieu de s’applaudir de la fusion plus intime qui se sera opérée entre ses enfants. «Quant à nous, nous conserverons religieusement le souvenir de cette brillante et imposante réunion. Elle aura ranimé en nous le goût des études fortes et désintéressées, parce qu’elle nous aura donné des appréciateurs et des conseils bienveillants et éclairés; elle aura relevé parmi nous le drapeau des intérêts de l'intelligence qui a le droit de flotter haut au milieu d’une population dont l'histoire se jalonne par quelques-unes des plus grandes conquêtes qu’il lui ait été permis de faire ; et les cordiales sympathies que cette population a fait éclater au— tour de nos honorables hôtes, attesteront au loin qu’elle n’a pas dégé- néré de sa glorieuse origine. » é M. Silbermann, Secrétaire général adjoint, trésorier, donne sur les résultats de la dixième Session les détails sta- tistiques qui suivent : MESSIEURS; «Au moment où va être prononcée la clôture des travaux de la dixième Session du Congrès scientifique de France, il ne sera peut-être pas sans intérêt pour vous de connaître la statistique de vos travaux. «Les chiffres ont une valeur morale aussi, et leur aridité apparente se féconde par les résultats intellectuels dont ils sont la représentation arithmétique. «Je dirai d'abord quelques mots de la composition même du Con- grès ; puis, je résumerai la statistique matérielle de vos travaux. «Le nombre des personnes qui ont envoyé par écrit leur adhésion à la dixième Session du Congrès, est de 4457. «Celui des membres qui ont retiré leur carte, et qui, par consé- quent, ont assisté aux séances , est de 1008. «Ces 1008 personnes se répartissent de la manière suivante: Habi- tants de Strasbourg, 490; étrangers à la ville, 518. Ces derniers se di- visent ainsi d'après leur nationalité : «Français, 309; Allemands, 139; Suisses, 33; Italiens, 11; An- glais, 6; Belges, 5; Russes, 5; Hongrois, 3 ; Polonais, 2; Suédois, 1; DIXIÈME SESSION. 147 Norwégien, 4; Hollandais, 4; Espagnol, 1, et Américain (États-Unis), 1. — Total, 518. | «Les Sociétés savantes qui ont adressé leur adhésion sont au nombre : de 61. «Le Congrès a eu 11 jours de travaux actifs. «Dans ces 11 jours, il y a eu 41 séances générales et 89 séances de sections, qui se répartissent de la manière suivante: «Première section, 11 séances; deuxième section , 9 séances : troi- sième section, 42 séances; quatrième section, 14 séances; cinquième section, 13 séances; sixième section, 41 séances ; septième section, 40 séances; huitième section, 9 séances. — Total, 89. «Chaque séance a duré au moins deux heures; ainsi il y a eu, dans les 89 séances de sections, 178 heures de travaux, et 22 heures dans les 11 séances générales; ce qui donne un total de 200 heures de travaux ou une moyenne de 48 heures et quart par jour. «Le nombre des ouvrages offerts au Congrès s’est élevé à 180, for- mant 242 volumes et brochures de divers formats. «Sur les 243 questions qui avaient été proposées dans le programme, afin d'offrir dans un vaste répertoire un attrait spécial pour chaque genre d'études, 107 ont été traitées avec détail dans les huit sections, savoir : 9 dans la première section ; 7 dans la deuxième section ; 14 dans la troisième section; 21 dans la quatrième section ; 14 dans la cinquième section; 14 dans la sixième section ; 9 dans Ja septième section; 19 dans la huitième section. — Total, 407. «Ces questions ont donné lieu à la lecture en sections de 117 mé- moires, et de plus à une série de discours improvisés, dont la plupart ont également brillé par l'éloquence et par le savoir. Leur analyse se trouve consignée dans les procès-verbaux que MM. les Secrétaires ont rédigés avec autant d’exactitude que de talent. «Voici comment sont répartis par sections ces 117 mémoires : «Première section , 12 ; deuxième section, 8; troisième section > 16; quatrième section , 13; cinquième section, 48; sixième section, 17 ; sep- tième section , 15; huitième section, 18. — Total, 117. «Mais indépendamment des travaux relatifs aux questions du pro- gramme, il en a été présenté beaucoup d’autres non moins importants. Nous en avons trouvé 96 par le relevé que nous avons fait des procès verbaux. Ils se trouvent ainsi répartis : «Première section, 27; deuxième section, 8 ; troisième section » A; quatrième section, 5; cinquième section , 40 ; sixième section, 4; sep- tième section, 11; huitième section , 10. — Total, 96. «Enfin 4 grands mémoires sur des sujets étrangers aux questions ont été envoyés au Congrès ; mais leur étendue n’a pas permis d’en faire la lecture, «Récapitulation généraledes travauxoucommunicationsétendus, 227. «Il a été impossible de comprendre dans cet apercu une foule de com- munications spéciales, d'observations partielles , de précieuses indica- tions qui ont été faites dans les séances. 10. 148 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. «Les assemblées générales ont été principalement occupées par la lec- ture des quatre-vingt-neuf procès-verbaux des séances de sections, par quelques discussions sur des propositions faites par le Bureau central ou par des membres isolés du Congrès , par le vote sur vingt et un vœux formulés solennellement par le Congrès, et par la lecture en assemblée générale de 8 grands mémoires renvoyés par les Sections. Le temps à malheureusement manqué pour en entendre beaucoup d’autres qui étaient bien dignes du même honneur. Mais le Compte-rendu, qui sera publié par le Congrès, suppléera à cet inconvénient, en reprodui- sant tous les travaux importants qui ont été présentés. «Enfin vous venez de couronner tous ces généreux efforts de l’intel- ligence, en décidant en principe la création d’une Société scientifique qui, fille du Congrès, ne devra jamais oublier sa noble origine et réa- liser les vœux qui de toutes parts ont salué sa naissance. «Tel est, Messieurs, l'aperçu sommaire de vos travaux, réduit en chiffres. C’est le squelette de la Session que j’ai présenté à vos yeux; vos discussions en ont été l’âme et la vie. «Qu'il me soit permis, en terminant, de me rendre ici l'organe de mes concitoyens de Strasbourg , et de remercier en leur nom les savants de tous les pays qui ont honoré de leur présence la réunion scientifique qui a eu lieu dans notre cité. «Puissent-ils emporter quelques bons souvenirs de l'hospitalité que nous avons été si heureux de leur offrir! «Puisse la ville de Strasbourg avoir vu se cimenter dans son sein l'union morale des peuples de l'Europe, et cette communauté de sen- timents qui assure le progrès de la civilisation par le concours pabisique de toutes les intelligences ! » M. Jullien, de Paris, l’un des Vice-présidents du Congrès, prononce l’allocution suivante : «MESDAMES ET MESSIEURS , «Chargé de l'honorable mission d’être aujourd’hui l'organe du Con- grès scientifique , et d'exprimer en son nom aux habitants de la bonne et belle ville de Strasbourg, ses vifs remerciments et sa profonde re- connaissance pour l'accueil hospitalier dont il lui est redevable, j'aime à vous signaler d’abord cet heureux et remarquable résultat d’un rap- prochement cordial et affectueux, d’une fusion plus intime entre les populations de l’une et de l’autre rive du Rhin, pour lesquelles cette solennité est devenue comme une fête de famille. Ces populations, re- présentées dans le Congrès par un certain nombre de leurs citoyens les plus distingués, ont reconnu et constaté que des vœux, des sentiments, des intérêts communs les réunissent , et qu’ils sont appelés à resserrer entre eux les liens de bon voisinage et d'amitié par des communications de plus en plus fréquentes , et par des échanges, tant des produits du sol et de l'industrie que des productions de l'intelligence, qui contri- buent si puissamment à embellir et à ennoblir la vie. DIXIÈME SESSION. 429 «Get effet bienfaisant qui donne un caractère nouveau et spécial à la dixième Session des Congrès scientifiques de France, n’est pas dû seu- lement à l’heureux choix de la ville où cette session a été convoquée. Il est dû surtout à la disposition bienveillante et hospitalière, commune à chacun des habitants de cette ville toute française, qui n’a point oublié ses anciens et bons rapports avec les contrées voisines d'Allemagne, et qui a senti par un instinct unanime , que les démarcations tracées par la politique ne devaient en rien altérer ni diminuer les sympathies créées par la nature. Elles doivent être fortifiées par le progrès social et par le perfectionnement des voies de communication. Espérons, Mesdames et Messieurs, qu’à une époque peu éloignée une circonstance toute sem- blable, une nouvelle Session de nos Congrès scientifiques pourra encore rapprochèr , dans une des villes peu éloignées de votre beau fleuve, ces populations si bien faites pour s'aimer, s’entr’aider, s'amé- liorer mutuellement. > «Mais un hommage particulier est dû à vous, Mesdames, qui avez si bien compris la noble part assignée à votre sexe dans cette réunion. Sans doute, des destinations différentes sont affectées par la nature elle-même à l’homme et à la femme. Mais si le courage, la défense qu pays, la persévérance dans les travaux , par lesquels le génie et l’indus- trie doivent surmonter les obstacles que leur oppose la nature, sont l'apanage particulier du sexe le plus fort; l’autre sexe, doué de cette grâce presque céleste dont le charme irrésistible triomphe de la force elle-même, est appelé à exercer une influence morale toute puissante, éminemment civilisatrice. Votre présence dans nos réunions, Mesdames, a été une preuve touchante de l’unanimité avec laquelle vous vous asso- ciez à nos efforts pour laisser quelques traces utiles et durables de ce Congrès. Vos cœurs et vos intelligences ont apprécié et ont encouragé nos travaux. - «En effet, Mesdames , tout ce quiintéresse le bien public excite votre généreuse sympathie. A toutes les époques de la vie, votre participation à nos sentiments, à nos actions, leur donne la vie et la fécondité. Nour- rices et Institutrices de l'enfance, Amies et Inspiratrices de la jeunesse, Compagnes et Confidentes de l’âge mür, Consolatrices et Appuis de la vieillesse, vous nousapportez, à chacune des périodes de notre existence, le bienfait de votre précieux concours. En assistant à nos discussions sé- rieuses, et quelquefois, il faut l'avouer, peu attra yantes, vous nous avez prouvé que rien de ce qui a rapport aux intérêts de l'humanité ne vous trouve froides et indifférentes. En venant vous réunir à nous dans les aimables soirées de conversation, de musique et de danse qui nous dé- lassaient des travaux de chaque jour, vous avez donné un nouveau charme à l'hospitalité que nous avons reçue dans vos murs; vous avez voulu nous dédommager de l'éloignement momentané de nos familles et des objets de nos plus chères affections. Une délicatesse exquise vous a fait bannir de ces soirées, par une sorte d'instinct, la froide étiquette des réunions d’apparat; vous avez ainsi voulu nous prouver qu'aucun de nous n’était pour vous un étranger, mais que le motif qui nous avait amenés 450 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. dans votre ville nous donnait des droits à une confraternité de famille qui nous a été et nous sera toujours chère. En étant admis dans une douce intimité au sein de vos foyers, plus d’un exemple de vertus do- mestiques, de nobles dévouements dont nous emporterons le souvenir, a excilé notre admiration. «Sans vouloir ici soulever ce voile de pudeur et de modestie dont la vertu la plus pure aime à s’entourer , qu’il me soit permis seulement de payer un tribut d’estime respectueuse à l’une de vos concitoyennes qui, modèle des bonnes épouses, a consacré quatorze années entières d’un infatigable dévouement à un mari digne de toute sa tendresse et atteint d'une douloureuse infirmité, Elle n’a pas voulu le quitter un seul instant, pendant ces quatorze années, renonçant volontairement au monde et à ses plaisirs, à la société et à ses relations , pour adoucir par sa présence et par ses soins assidus et affectueux une existence condam- née à de cruelles souffrances et à des privations continuelles. Cette lon- gue, constante et courageuse résignation honore à la fois la femme qui a su la pratiquer sans peine et sans eflort , et l’homme savant et labo- rieux, qui a su mériter cet acte de dévouement par les nobles qualités de son cœur et de son esprit. Dans ce tableau d'intérieur et de famille dont je n’ai pu vous offrir qu’une si imparfaite ébauche , je me plais à signaler la trace de ces vertus patriarcales qui sont une sorte de culte du foyer domestique, plus religieusement conservé dans ces heureuses contrées que sur d’autres points où une civilisation , en apparence plus avancée, a souvent porté une atteinte funeste aux coutumes et aux mœurs que nous avaient léguées nos ancêtres. «Recevez, Mesdames et Messieurs, avec la vive expression de notre gratitude, l'hommage des sentiments d’affection et de respect que les membres de la dixième Session du Congrès scientifique de France ont voués aux habitants de la ville hospitalière de Strasbourg et des deux rives du Rhin. » M. de Caumont , Président du Congrès , prononce le dis- cours suivant ! : «MESSIEURS , «Les souvenirs que nous emporterons du Congrès de Strasbourg resteront profondément gravés dans nos âmes. Nous n’oublierons jamais ces discussions si animées et si intéressantes, ces lectures si instructives, ces travaux si variés et si attachants qui ont occupé et si utilement sur- excité nos pensées pendant la Session. «Nous n’oublierons jamais la bienveillante hospitalité que nous avons recue des Strasbourgeois, les fêtes brillantes qu’ils nous ont offertes, ces 1 Nous regrettons vivement que par une modestie excessive, M. de Caumont se soit refusé à nous communiquer le manuscrit de son discours , et qu'ainsi nous ayons été ré- duit à le reproduire dans la rédaction abrégée qui en a paru au Bulletin du Congrès. DIXIÈME SESSION. 451 réunions de chaque soir, auxquelles donnaient tant de charme la pré- sence et l’amabilité des dames de Strasbourg. «Jamais session du Congrès n’avait été si belle, si intéressante, si féconde en utiles résultats. Il est vrai que l'importance et l’heureuse ‘position de la ville où nous siégeons était d’un favorable augure pour le succès de nos travaux; nous savions combien le pays renferme d'hommes laborieux et instruits; nous comptions sur le concours de l'Allemagne, et nous espérions que les savants d’outre-Rhin, si persé- vérants dans leurs études, viendraient nous aider de leurs lumières. «Toutefois, je dois le déclarer, nos espérances ont élé largement dépassées; nulle part nous n’avions trouvé un concours aussi franc et aussi honorable: nulle part le but de l'institution n'avait été si bien compris, nulle part les travaux n’ont été plus satisfaisants ni mieux dirigés. «Le Congrès de Strasbourg, comme je l’ai déjà dit ailleurs, a réuni des savants de toutes les contrées de l’Europe, et ce concours admirable des nations les plus éclairées donne à la dixième Session un caractère de grandeur qui la distingue des précédentes et qui assure à jamais l’a- venir de l'institution. «Vues de loin, les meilleures choses apparaissent sous une forme abstraite toujours un peu vague et inanimée ; ce n’est que de près, lors- qu’ellesse transforment en œuvres spéciales, en résultats positifs, qu’on en comprend bien toute la portée. Or, Messieurs, vous avez jugé de la valeur de l'institution du Congrès ; vous avez compris qu’en appelant dans son sein tous les hommes de science et de dévouement, qu’en donnant une grande et large impulsion aux travaux de tout genre en province , en cherchant à entretenir et à fortifier la vie locale , le Con- grès est entré dans la véritable voie du progrès. » M. de Caumont, après diverses considérations sur l'esprit de province, qui, bien compris, est pour la France un des meilleurs moyens de régénération littéraire, scientifique et morale , continue en ces termes: QIl appartient au Congrès d'imprimer aux études de la province la direction qui doit lui être le plus profitable; il vous appartient, Mes- sieurs, de réunir, dans chacune de vos sessions, le faisceau de con- naissances que chacune d’elles peut vous apporter, de mettre en lumière les hommes de mérite qui, éloignés de Paris et des grands centres, sont trop souvent peu connus dans leur pays même. «Ce but, Messieurs , vous l’avez déjà atteint en partie, mais il faut continuer de le poursuivre avec persévérance. Il vous faut unir plus intimement les hommes qui se dévouent au progrès des sciences, de l'industrie, des arts et des lettres; exciter le zèle et l’émulation au sein des localités secondaires ; dnbattre ce vieux préjugé que hors de la capitale tout est frappé d'ighorsnce de stérilité et d'inertie; faire un appel à toutes les spécialités ; les mettre en lumière, les honorer; en un 452 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. mot, féconder tous les germes que le pays renferme , et qui souvent meu- rentoulanguissentcomprimés par une centralisation excessive et injuste. «Le meilleur moyen pour détruire ce que la centralisation a de nui- sible et d’abusif, c’est de tirer les littérateurs et les savants de l’isole- ment où ils vivent, de les mettre en rapport par des réunions géné- rales telles que les congrès, de favoriser le développement des insti- tutions littéraires placées dans les villes que leur position a créées métropoles. «Plusieurs d’entre vous l’ont parfaitement compris quand ils ont concu le projet d’une Société qui réunirait les hommes les plus mar- quants et les plus studieux de ce pays et des contrées voisines. Nous faisons des vœux pour que ce projet recoive son exécution, nous en attendons les résultats les plus heureux. «Si le Congrès a progressé si rapidement depuis quelques années, s'il a pris racine en France, c’est la meilleure preuve que nous puis- sions donner de son utilité, c’est une preuve incontestable que le be soin d’une semblable institution existe ; car le Congrès s’est élevé lui- même par ses propres forces, et il a eu plus d’une fois à lutter contre le mauvais vouloir et la jalousie de Paris. «Heureusement, Messieurs, nous pouvons nous passer de l’approba- tion des littérateurs et des savants de la capitale ; notre conviction nous suffit, et nous continuerons notre œuvre avec courage, sans nous in— quiéter des entraves qu’on voudrait apporter, par une froideur calculée, à des travaux si utiles et si désintéressés. «Dans notre état social, tel que la marche du temps l’a successive- ment formé, il n’y a plus de privilége de localité ; la science appartient à tous, elle est accessible pour tout le monde : il ne faut pas qu’elle soit circonscrite dans un centre unique, il faut qu’elle rayonne de tous les centres, qu’elle réchauffe partout et féconde également les intelligences. «Si quelques esprits étroits méconnaissent encore ce principe, il est juste de dire que les préventions s’effacent, que les hommes les plus distingués comprennent les droits de la province et les proclament, Plusieurs des sommités parisiennes nous tendent une main amie, et vous en avez eu la preuve cette année, puisque deux membres distin- gués de l’Académie des sciences sont venus siéger au milieu de vous, vous aider de leurs conseils et diriger vos travaux. Honneur à MM. Bous- singault et Duvernoy, car ce sont les premiers membres de l’Académie des sciences qui aient siégé à notre Congrès scientifique et franchement coopéré à son développement. Il était digne du chimiste distingué au— ‘quel nous devons tant de découvertes, et du savant professeur du Col- lége de France, de donner ce bon exemple dans un pays qui les reven- dique l’un et l’autre comme ses enfants. » Après quelques considérations sur les travaux des Sections et les résultats scientifiques de la Session, M. de Caumont termine ainsi : «Qu'il me soit permis, Messieurs, d'adresser les remerciments du DIXIÈME SESSION. 155 Congrès aux personnes qui ont bien voulu encourager ses travaux , à tous ceux qui lui ont prêté le secours de leur collaboration. «Et d’abord j’adresserai vos remerciments à M. le Secrétaire géné ral, à MM. les Présidents et les Secrétaires des Sections. «Si cette réunion a été si belle, si elle a rassemblé dans les murs de Strasbourg tant d'hommes de mérité, n’oublions pas que ce beau succès est dù surtout à M. Hepp, Secrétaire général de cette Session , et aux différents commissaires qui l’ont secondé. «M. Hepp et ses collègues ont déployé, dans les diverses fonctions qui leur étaient confiées, un zèle, un dévouement que le Congrès a su apprécier. Je suis heureux d’être près de M. le Secrétaire général et de MM. les Secrétaires des Sections, l'interprète de l’assemblée , en leur offrant l'expression publique de notre reconnaissance et de notre satis- faction. «Je dois offrir aussi les remerciments du Congrès à M. le Lieutenant- général commandant la division de Strasbourg , qui a mis tant d’obli- geance à nous montrer les grands établissements militaires de cette ville, et qui nous a, par la revue passée durant la Session , mis à por- tée d'admirer la belle tenue de nos troupes et la précision de leurs ma— nœuvres. «A M. le Maire et au Conseil municipal de Strasbourg, qui ont mis à notre disposition les magnifiques salles du palais et ont si généreuse- ment pourvu à toutes les dépenses faites pour donner de l'éclat à la dixième Session. «Je crois être votre interprète encore en adressant particulièrement vos remerciments à M. Silbermann, votre Secrétaire général adjoint, trésorier , qui a si bien pris toutes les mesures d’ordre, sans lesquelles nous n’aurions pu vaquer régulièrement à nos travaux, et qui a eu l’heureuse idée de publier chaque jour le compte-rendu de vos séances : qu’il recoive nos félicitations sincères pour cette utile innovation et pour le dévouement dont il a fait preuve durant toute la Session. «Et vous, Messieurs, qui avez répondu à l’appel de vos confrères de la France, vous qui êtes venus des différentes contrées de l'Allemagne, de la Suisse et de l’Italie nous prêter le secours de vos lumières, rece- vez tous nos sincères remerciments Nous espérons que le lien qui vient de s'établir entre nous ne sera pas rompu après notre séparation, mais que, rendus à vos résidences respectives, vous y ferez connaître notre institution , que vous direz à vos compatriotes ce qu’elle peut produire, et que vous les engagerez à venir avec vous assister à nos prochaines sessions. C’est ainsi, Messieurs , que nous cimenterons de plus en plus celte alliance qui promet d’être si favorable au progrès de nos com- munes études. «Pour moi, Messieurs, que vous avez honoré de tant de bie nveil- lance, et que vous avez appelé à présider cette belle réunion lorsque j'avais si peu de titres pour obtenir ‘une pareille distinction, veuillez agréer l'expression de ma profonde gratitude et mes remerciments pour l'indulgence que vous avez accordée à votre bureau central, el pour le 454 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. concours que vous lui avez prêté. Jamais assemblée si nombreuse n'a- vait montré dans la discussion tant de calme, de sagesse et de dignité. «Je n’ai plus qu’un vœu à exprimer, Messieurs. Que le Congrès soit toujours animé de cet amour désintéressé de la science et de l'étude dont il a fait preuve durant la dixième Session, qu'il travaille avec le : même zèle à l’œuvre qu’il a commencée, et le succès le plus complet viendra couronner ses efforts. «Je déclare close la dixième Session du Congrès scientifique de France.» Tous ces discours ont été accueillis par les applaudisse - ments de l’assemblée, qui, sur la proposition de M. le vi- comte de Cussy, vote, avant de se séparer, des remerci- ments au Président et aux Membres du bureau central. Le Président déclare la séance levée et la dixième Session du Congrès scientifique close. PROCES-VERBAUX SECTIONS. LE q À sise ke Qi cap Pa. c ” an RS 3 se à rs cf: PE ss ; dpt on sh Me Ho fe Sa ns ; k “ | LI 2 À ART 1 Le "h Sea 7 ge (rep ; sai vale s , po Ft ae 2 4" tte né , 4 AS AT AL LEA PF “li ont pr amo rasé p0e cprsinfs DE DE tp # dt > — p" 5 d fe FA jt TE Re TU au Pur à + cop) AOTASASSE, DAS “ : | : ie _ gran es: cri our 33 w: tarot rorof À sh Le fi re RE" ste: oirutéé re nl # Le ete) ce CN nets OPA Rue dx h c NE sevitsé fo où auifsut30À] el { : Es #9b aë! Idaineent ; 1. simenpbracnamilivs qe si. re LE D suloeduétisoisot #4 dat aie sashriat 0) sup Fate saBbieèriq soi" v »9t 14 LL à. + aa ovale So Ton. € HE féorss-s0 Be ri Fi IDE sade si rl éndurée TTC LE: L so" en 5 pero ps NC ET LUE D PR ALES ATH ES sal scudb asjuityi «D ia: Le ES SE u, dE LR ASS y y de v$ *+ 2 4 A, VASE NL. HT 1000 7 dieu dE 2 ; Let re où M'Ox À 7 PROCÈS-VERBAUX SECTIONS. PREMIÈRE SECTION. HISTOIRE NATURELLE. Première séance. — Du 29 septembre 1842. Rapporteur : M. LEREBOULLET, Secrélaire. La Section s’est réunie à onze heures dans la salle des Cours d'histoire naturelle de la Faculté des Sciences, pour procéder à la formation de son Bureau. Avant le dépouillement du scrutin, l’assemblée détidé que le Président sera nommé à la majorité absolue des suf- frages et les Vice-présidents à la majorité relative; elle dé- cide en outre que les voix pour la présidence seront ajoutées aux voix qu’un même membre pourrait obtenir pour la vice- présidence. Le dépouillement du scrutin donne les résultats suivants : Membres inscrits. . . . . . . RAR TUOG EE 2 197 Nombre des votants. . . . . . ... A. H:2t40448 Majorité absolue. . . . . . . . . . , . . . . 25 Ont obtenu, 1° pour la présidence : D Dave... .- 81 VOIX. MoncaDee ri u .: 4! APTE OS HD ÈT 2° Pour la vice-présidence : M. Moucsor a obtenu 27 voix, plus 17 pour la présidence, ce qui fait un total de 44 voix. 458 CONGRÈS SCIENTIFIQGE DE FRANCE. MM. Braun . . . .. PERF ON ART 59 VOIX. MMONIUMTETOR NM, POUTINE Dove sien, 0 En SO CFO ARE Rte aus à RON aM-urtdasiE TI Le sénateur De Heypn + 4: 1.01 4. . . . 8 En conséquence, M Duvernoy, professeur au Collége de France, correspondant de l’Institut (Académie des Sciences), est proclamé Président de la Section d’histoire naturelle; et MM. Mougeot, docteur en médecine, à Bruyères (Vosges); le pasteur Brehm, de Renthendorf, et Victor Simon, de Metz, sont élus Vice-présidents. M. le Président et MM. les Vice-présidents prennent place au bureau et remercient l’assemblée de la distinction dont elle a bien voulu les honorer. M. Lereboullet, Secrétaire , annonce à la Section qu’il a désigné, pour remplir les fonctions de Secrétaires adjoints, M. le professeur Kirschleger et M. Schimper, conservateur du Musée de Strasbourg; ces choix sont approuvés par la Section. È s Le Secrétaire donne communication de la correspon- dance, qui comprend une lettre de M. de Sélys-Longchamps, de Liége, lequelannonce l’envoi prochain d’un exemplaire de la Faune belge, dont il est l’auteur, et de plusieurs brochures dont il fait hommage au Congrès; et unelettre deM. Holandre, bibliothécaire de la ville de Metz, avec envoi d’une note ma- nuscrite sur la formation des tourbières. M. le professeur Barufhi, de Turin, témoigne, de la part de M. le prince de Canino, le regret qu’éprouve ce naturaliste distingué de ne pouvoir assister aux séances du Congrès. M. le pasteur Brehm exprime, au nom des naturalistes allemands récemment réunis à Mayence, tout l'intérêt qu’ils portent à nos congrès. «Ges associations , dit en terminant M. Brehm , contribueront puissamment à resserrer les liens d'amitié qui unissent deux grandes nations, et si la France, du fond du cœur, s’écrie : Vive l'Allemagne ! l'Allemagne aussi criera du fond du cœur: Vive la France !» Ces der- nières paroles sont accueillies par les applaudissements una- nimes de, l’assemblée. DIXIÈME SESSION. 459 M. le Président invite la Section à régler l’ordre de ses travaux ; il propose de suivre autant que possible l’ordre in- diqué dans le Programme , et de traiter dans une même séance une question de zoologie, une question de botanique et une question de minéralogie ou de géologie. M. Lereboullet, Secrétaire, demande que l’on consacre successivement une séance à chacune de ces branches, afin de laisser plus de loisir à ceux de MM. les membres que telle ou telle partie pourrait moins intéresser. M. Fée appuie la proposition de M. le Président, en fai- sant observer à l’assemblée que si l’on suivait une autre marche, on s’exposerait à voir certaines réunions trop peu nombreuses, É Quelques membres demandent qu’on se divise en Sous - sections. M. le Président met aux voix cette proposition: elle est adoptée à une très-grande majorité. M. le Président donne successivement lecture des diverses questions du Programme, et invite MM. les membres à s’ins- crire pour les” questions qu’ils désirent traiter. Au sujet de la première question de zoologie, celle qui a trait aux fonctions des glandes de Peyer, personne ne s'étant fait inscrire, M. le professeur Ehrmann mentionne un travail des plus remarquables sur la structure intime de ces glandes, travail accompagné de planches exécutées avec une rare per- fection. L’auteur de ce mémoire, M. Flouch, de Bordeaux, était l’un des élèves les plus distingués de la Faculté de Médecine de Strasbourg, et par ses connaissances, et par son zèle, et par son admirable patience pour les recherches les plus difficiles. Une maladie cruelle la enlevé à ses tra- Yaux avant qu'il ait pu y mettre la dernière main, avant même qu'il lui ait été possible de coordonner les nombreux matériaux qu’il avait réunis. M. le Président , après avoir fixé Pordre du jour du len- demain, lève la séance à une heure. -_—"t2=— 4160 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Deuxième séance. — Du 30 septembre 1842. Rapporteur : M. LEREBOULLET, Secrétaire. Le bureau est occupé par MM. le Président, les Vice- présidents, le Secrétaire et les Secrétaires adjoints. La séance est ouverte à onze heures et quart. Le Secrétaire donne lecture du procès-verbal de la der- nière réunion; ce procès-verbal est adopté sans réclamation. Le Secrétaire donne connaissance des titres des ouvrages adressés à la Section , savoir : 1. Observations sur un veau monstre, par M. Mathieu, médecin vété- rinaire en chef du département des Vosges; brochure in-8°. 2. De l'importance du Rhône, par M. le docteur Lortet, de Lyon; brochure in-8°. L 3. Propagation de la culture du mürier et du ver à soie, par M. le docteur Lortet. 4. Essai sur la topographie géognostique du département du Calvados, par M. de Caumont ; Caen, 1828 ; in-8°. 5. Mémoires de la Société Linnéenne de Normandie; publiés par M. de Caumont ; t. V, in-4° ; 14835. 6. Carte géologique du département de la Manche , eP deux feuilles , et Carte du département du Calvados, par M. de Caumont. 7. Systema vertebratorum, par M. le prince de Canino. Londres, 1840 ; in—-40. 8. Quatre tableaux de classification des animaux vertébrés, par M. le prince de Canino. ” 9. Osservazioni sullo slato della zoologia, par M. le prince de Canino ; Florence , 1842. M. le professeur Zeune, de Berlin, a la parole pour une communication sur la distribution géographique des cou- leurs dans la nature. . CM. Zeune rappelle en peu de mots quel a dù être l’état primitif du globe lors de sa création. Dès l'instant où la lumière a commence à éclai- rer la terre, les trois rayons primitifs, le rouge, le jaune et le bleu, ont exercé leur influence diverse sur les diverses zones de notre planète. Le rouge, le plus chaud de tous les rayons, apparaît surtout dans la zone torride ; le plus froid, au contraire, le rayon bleu, prédomine dans les zones glaciales, tandis que c’est le rayon intermédiaire, le rayon jaune, qui se montre particulièrement dans les zones tempérées. La cou- leur rouge prédomine, en effet, dans le système de coloration des oiseaux et des plantes de la zone intertropicale (les ibis, les flammants, les aras, les cochenilles, et parmi les plantes la nombreuse famille des cactus et nombre d’autres). Dans la zone tempérée, nous voyons les DIXIÈME SESSION. : 161 oiseaux et les fleurs de couleur jaune l'emporter sur les autres (canaris, loriots, bruants, etc.; renoncules des prairies, synanthérées, gentiane jaune). Enfin, dans la zône glaciale, plusieurs animaux, le renard entre autres, prennent une teinte bleuâtre et les gentianes sont bleues. Plusieurs plantes de nos pays qui recherchent l'ombre prennent aussi la même couleur. Ces considérations ont déterminé l’auteur à désigner cette réunion des trois couleurs sous le nom de drapeau tricolore de la nature. M. Zeune termine sa communication par des paroles de courtoisie à l'égard de la France.» M. Lecoq présente quelques remarques au sujet de la communication de M. Zeune. M. Lecoq n’a pas observé de distinction bien tranchée dans la distribution des couleurs ; il objecte entre autres que les couleurs bleue et rouge sont surtout propres aux climats chauds, tandis que les cou- leurs jaune et blanche sont plus particulières aux contrées froides ; il rappelle Les travaux de M. Chevreul sur ce sujet, et fait remarquer, d’après lui, que la teinte bleue qu’on observe chez les animaux du Nord pourrait bien n’être qu’un effet de contraste. M. Lecoq a observé des rapports très -remarquables entre la coloration des fleurs et leur odeur, et termine en disant qu’il serait à désirer que l’on s’occupât de faire l'éducation de l’œil comme on a fait, par exemple, celle de l’oreille. _ M. le pasteur Brehm, Vice-président, présente , en alle- mand , des remarques très-intéressantes sur le plumage des oiseaux considéré comme pouvant servir à caractériser cer- tains groupes. Ainsi, l’on observe que pour les mêmes groupes la forme, la consistance et le développement des plumes sont tout à fait analogues et toujours en rapport avec le genre de vie des espèces. Il en est de même de la distri- bution des couleurs; elle indique presque toujours d’une manière sûre, à quel genre ou au moins à quel groupe l’oi- seau appartient. M. Brehm appuie ses propositions de nom- breux exemples pris parmi différentes familles d’oiseaux. M. Schimper expose verbalement son opinion sur la va- leur morphologique du fruit dans les mousses. «Plusieurs auteurs, entre autres M. Bischoff, de Heidelberg, sou- tiennent que le fruit des mousses est le produit d’un verticille de feuilles soudées et que les dents du péristome sont la portion libre de ces feuilles. M. Schimper, au contraire, voit dans le fruit des mousses 11 162 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. un organe axile continu, sans appendices périphériques ou foliacés. M. Schimper expose avec beaucoup de détail et en s’aidant de figures tracées au tableau, tous les faits minutieux d'anatomie microscopique qui viennent corroborer son opinion. M. Schimper termine en mon- trant l'étroite analogie qui existe entre les granules polléniques des plan- tes phanérogames et les sporules des mousses , tant sous les rapports anatomique et chimique, que sous le point de vue de la germination de ces organes reproducteurs. » M. le docteur Schuré commence la lecture d’un travail sur l'anatomie des dents. L'heure étant très-avancée , la continuation de celte lec- ture est remise à Ja prochaine séance. M. le président, après avoir composé l’ordre du jour du lendemain , lève la séance à une heure. Troisième séance. — Du 41® octobre 1842. Rapporteur : M. LEREBOULLET , Secrétaire. À onze heures précises M. le Président ouvre la séance. Le procès-verbal de la dernière réunion est adopté. Après la lecture du procès-verbal, un membre demande qu’à l’avenir le rapport du Secrétaire ne soit pas lu en Sec- tion, puisqu'il en est donné lecture en séance générale et qu’on l’imprime dans le bulletin. Un autre membre répond que toutes les personnes ne sont pas abonnées au bulletin, et que plusieurs peuvent être empêchées d'assister à la réu- nion générale. M. le Président met aux voix la proposition : elle n’est pas adoptée; en conséquence on continuera à don- ner lecture du Compte-rendu de la séance précédente. Ouvrages présentés : 1. Récapitulation des objets d'histoire naturelle déposés au musée dé- partemental des Vosges , depuis le mois de mai 1840 jusqu'au mois de mai 1842; par M. le docteur Mougeot, de Bruyères ; deux brochures in-8°. 2. Tableau des champignons observés dans les environs de Metz, par MM. Fournel et Haro; 17 mémoire. Metz, 1838, in-8°. M. de Heydn fait connaître son procédé pour préparer et pour conserver les très-pelils insectes. DIXIÈME SESSION. 465 «Les procédés employés généralement et qui consistent à les coller sur de petites cartes ou à les piquer avec des épingles de laiton, sont défectueux. M. de Heydn se sert d’épingles très-fines de fil d’archal, et fixe les insectes sur de petits cubes en moelle de sureau. Ces cubes qui ont été préalablement trempés dans une solution de sublime , ser- vent aussi à étendre les ailes des petits papillons ; de cette manière leur corps s’imprègne peu à peu de la solution vénéneuse ce qui les préserve de l'attaque des insectes parasites. Avant d’être fixés par les épingles, les insectes pris vivants, sont asphyxiés à l’aide de l'éther sulfurique. » M. Silbermann fait connaître un moyen qui lui à été in- diqué par M. Reïche, à Paris, pour prévenir les moisissures. «Ce moyen consiste à passer sur les insectes un pinceau trempé dans une solution alcoolique extrèmement légère de sublimé (5 centigram- mes pour 500 grammes d'alcool rectifié). M. Silbermann s’est assuré par des essais que ce moyen est infaillible pour empêcher les moisissures. » M. le professeur Fournel, de Metz , à obtenu les mêmes résullats en imbibant les insectes d’essence de serpolet; il a remarqué que cette essence les préserve contre les attaques des insectes parasites. : M. le docteur Schuré continue la lecture de son travail sur la structure des dents. «Après une introduction historique dans laquelle l’auteur fait voir qu'un nouveau champ d'investigation a été ouvert à l'anatomie et à la physiologie des dents par les recherches microscopiques, il examine d’abord la nécessité d'admettre trois substances distinctes, trois élé- ments physiques de la dent ; il passe ensuite à Ja description de cha- cun de ces éléments et à l’énumération des caractères qui lui sont pro- pres. Il s'étend principalement sur l’arrangement des tubes découverts par Retzius et Purkinje.et sur leurs ramifications. Ses observations lui ont fait voir des anastomoses distinctes entre les Canaux dentaires. Il a, de plus, vérifié et confirmé plusieurs autres points relatifs à la structure de l'émail et du troisième élément dentaire, la substance cor- ticale qu’il appelle ossiforme, substance analogue au cément qui unit les diverses parties d’une dent composée. M. Schuré se demande quel peut être l'usage des dispositions admirables que révèle l’intérieur du tissu dentaire. On ne peut admettre une identité, ni même une ana- logie entre Je système vasculaire et les ramificalions des tubes ; mais il y a analogie entre les os et les dents, sous le rapport de la disposition de la substance ossiforme de ces dernières et des amas calcaires que présente le tissu osseux ; il ÿ a aussi analogie entre un canal médullaire et les ramifications de fibres calcaires qui l'entourent, comparés à la cavité de la pulpe et aux systèmes des tuhes dichotomés de l’ivoire qui PE 464 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. l'environnent. L'auteur pense que le tissu dentaire porte l'empreinte d’une loi plus générale qui préside à l'organisation de tissus analogues ; il marque la position intermédiaire des dents entre les organes com- plétement vivants, à transformation continuelle et les produits inorga- niques soumis à l'empire des lois de la cristallisation. » M. le Président demande à l’assemblée l’autorisation d’in- tervertir l’ordre du jour pour donner la parole à M. le pas- teur Brehm, qui, devant partir lundi, désirerait faire encore une communication. Personne ne faisant d’observation, la parole est donnée à à M. Brehm. «M. Brehm communique les observations qu'il a faites lui-même sur l’apprivoisement des animaux, particulièrement des oïseaux. La domestication des animaux se perd dans la nuit des temps; dans les siècles les plus reculés il existait des animaux soumis à l’homme et destinés à le servir. Les oiseaux ne le cèdent pas aux mammifères sous le rapport de la faculté qu ils ont de se laisser apprivoiser. Parmi les vautours , une seule espèce, le condor parait susceptible de reconnaître la puissance de l’homme et de lui obéir. M. Brehm en a vu un exemple dans la ménagerie de Van Aken. Les aigles au contraire s’apprivoisent facilement; M. Brehm en cite de nombreux exemples. «Mais parmi les oiseaux de proie diurnes, on doit mettre en pre- mière ligne les espèces du genre faucon , et chacun sait le parti qu'on a tiré de cette faculté dans l’art de la fauconnerie. M. Brehm donne quelques détails sur cet art, tel qu'il est cultivé de nos jours en Hol- lande. Les oiseaux de proie nocturnes sont au contraire très-reculés sous le rapport de leurs facultés intellectuelles; il en est de même des engoulevents et des podarges. Les corbeaux se font remarquer par des dispositions très-développées à l’apprivoisement, ainsi que tous les coni- rostres de ce groupe : M. Brehm a possédé une jeune pie, qui passait toute la journée dehors avec ses parents et rentrait chaque soir au logis; elle vivait en très-bonne intelligence avec un chat. Les oiseaux chanteurs sont connus de tout le monde par leur attachement pour leur maître; ils paraissent susceptibles de reconnaissance même à l’état sauvage : ainsi M. Brehm a vu une mésange charbonnière sauvage venir prendre sa nourriture jusque dans le creux de la main, sans té- moigner aucune méfiance. «Les échassiers ont offert à M. Brehm des exemples remarquables d’apprivoisement, Il a vu une grue chercher longtemps dans toutes les parties de la maison son maître qu’elle avait perdu; cette grue faisait la police de la basse-cour et châtiait toujours les plus gros volatiles, quand des disputes venaient à s'élever parmi eux; elle arrêtait même les chevaux, et forcait les paysans qui passaient sur des chemins défen- dus , à changer de direction. M. Brehm raconte avec beaucoup d’esprit une foule d'anecdotes piquantes sur beaucoup d'oiseaux ; il conclut de ces observations qu’on ne peut refuser aux animaux l'intelligence et le DIXIÈME SESSION. 4165 sentiment ; l'homme a de plus la raison, et c’est cette raison supé— rieure, que reconnaissent très-bien les animaux, qui explique le mieux leur apprivoisement et leur domestication.» M. Daubrée communique quelques observations qu’il a faites en Suède et en Norwége sur les phénomènes errati- ques et diluviens. «Une grande partie de la Scandinavie est couverte de matériaux ar- rondis. Ces débris affectent toutes sortes de dimensions, depuis la gros- seur de sables fins jusqu’à celle de 1 mètre cube et au delà. Outre ces débris de roches évidemment usés par l’action des eaux, on trouve une immense quantité de blocs anguleux dont les cassures fraîches montrent qu’ils n’ont subi aucun frottement. Ces derniers sont ceux qui ont reçu le nom de blocs erratiques, tandis que le nom de dépôts diluviens est ordinairement réservé aux cailloux roulés. «Ces débris se trouvent ordinairement loin des montagnes dont ils proviennent; il en est de dimensions énormes qui sont à dix, vingt, cent lieues et davantage de leur point de départ. Tous ont subi un transport du nord vers le sud. «Ce que ce phénomène présente de plus remarquable, c’est la forme de toutes les collines et autres protubérances du pays qui sont en gé- néral arrondies et usées, de la manière la plus frappante , du côté du nord, tandis que les parties tournées vers le sud sont restées anguleuses. Ces roches arrondies, quelle que soit leur dureté, présentent en outre des stries fines, rectilignes et ordinairement parallèles, dont la largeur et la profondeur ne dépassent guère deux millimètres. Tout cet ensem- ble de faits est évidemment le résultat d’un transport gigantesque de ma- tériaux, et d’un énorme frottement qui a arrondi et strié les proémi- nences que la masse en mouvement a rencontrées sur son passage. «M. Lefstræm a annoncé, il y a quelques années, que la direction moyenne des stries en Suède est N. N. E. —S.S. O., abstraction faite des déviations de détail. D’après M. Durocher, on trouve dans une. partie de la Laponie que les stries se dirigent du N. N. O. au S.Ss. E. Mais on ne retrouve plus cette constance dans la région montagneuse proprement dite de la Scandinavie, particulièrement en Norwége. On reconnaît ici que les stries rayonnent à partir des points élevés de la chaîne, en se dirigeant comme les grandes vallées, disposition analogue à celle que l’on a observée dans les Alpes. «En outre ces stries ont été en partie tracées sous la mer, ou au moins les surfaces, après avoir été striées, ont été recouvertes par la mer , jusqu’à environ deux cents mêtres au-dessus du niveau actuel. En effet, elles sont recouvertes en Norwége par un dépôt argileux ren- fermant des coquilles marines, toutes identiques à celles des mers en- - ironnantes; on en connaît environ trois cents espèces. On peut même voir que le séjour de la mer n'a pas été seulement de peu de durée, 466 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. car près de Christiania on trouve de nombreuses serpules adhérentes aux rochers striés. » M. le professeur Frommherz, de Fribourg, communique ses observalions sur les dépôts diluviens de la Forêt-Noire. «Tous les dépôts diluviens qui se rencontrent dans la Forêt-Noire, proviennent de la Forêt-Noire même, chose très-facile à constater en comparant les dépôts avec les roches diverses qui composent cette chaine de montagnes. «M. Frommherz ne voit dans ces dépôts que l’effet de grands courants d’eau qui prennent naissance dans la chaine même. Ces courants ont été le résultat d’un débordement des grands lacs qui remplissaient, avant et pendant la première période des dépôts diluviens , les vallées élevées. Ces débordements ont été provoqués par des dislocations qui se sont étendues pendant l’époque diluvienne, non-seulement, sur toute la chaine de la Forêt-Noire, mais aussi sur les contrées environnantes où, comme dans la Forêt-Noire, des formations très-récentes se trou— vent déplacées et élevées au-dessus de leur niveau primitif. Les grands déversoirs par lesquels l’eau de ces lacs s’est précipitée dans les vallées et dans une partie de la plaine, et qui forment aujourd’hui des ravins ou des vallées profondes à flancs plus ou moins escarpés, portent l’em- preinte d'une formation récente, en ce qu'aucun dépôt un peu ancien ne s’y rencontre, et parce que le muschelkalk, de même que les dépôts diluviens plus anciens, ne se voient que sur le sommet-des montagnes qui environnent ces ravins. «M. Frommherz allègue à l'appui de sa théorie que les amas diluviens qui se trouvent dans la Forêt-Noire n’ont rien de commun avec les amas qui sont déposés par les glaciers (moraines), ni sous Le rapport de leur composition, ni sous celui de leur forme, et que les roches polies qui se voient seulement sur les flancs inférieurs des vallées ne sont pas polies de la même manière que celles qui le sont par la glace.» L'heure étant écoulée, M. le Président annonce que les communications sur le même sujet seront continuées dans la séance de lundi. Plusieurs membres demandent qu’on se réunisse demain à huit heures. M. le Président met aux voix cette proposition qui est adoptée à une faible majorité. En conséquence la Section convient de se réunir, demain dimanche, à huit heures du matin, pour entendre la suite des communications qui pourront être faites sur les dépôts erratiques. MM. Schimper et Vogt se sont inscrits pour trai- ter celle question. M. le Vice-président Brehm , avani la clôture de la Séance, DIXIÈME SESSION. ; 167 remercie l’assemblée des témoignages de bienveillance dont elle a bien voulu l’honorer. Il reportera en Allemagne et il conservera toute sa vie le souvenir de l’accueil cordial qu’il a reçu parmi nous. La séance est levée à une heure et quart. Quatrième séance. — Du 2 octobre 1842. Rapporteur : M. LEREBOULLET, Secrélaire. La séance est ouverte à huit heures et demie. Le procès-verbal de la dernière réunion est adopté. M. le docteur Mougeot, Vice-président, dépose sur le bureau , de la part de la Société d’émulation du départe- ment des Vosges , le 2° et le 3° cahier du t. IV des Annales de cette Société. M. Renoir, professeur au collége dé Belfort, demande à présenter quelques observations au sujet de la communica- tion faite par M. Daubrée dans la séance d’hier. «Les remarques de M. Renoir portent principalement sur la difficulté d'expliquer par l’action des eaux le transport des blocs erratiques. Les cailloux peuvent avoir été arrondis par la même cause qui a arrondi les pierres des moraines. On ne peut regarder les stries comme le résultat du mouvement des blocs, elles ont dù être tracées par des corps qui tenaient solidement les uns aux autres ; ces blocs ont, le plus souvent, franchi des vallées, en passant par-dessus les chaînes qui forment ces dernières ; enfin les surfaces polies sont semblables à celles qu’on ob- serve dans les glaciers ; la cause a dû conséquemment en être la même. M. Maurice Engelhardt appuie les observations de M. Re- noir comme élant conformes à la théorie de M. mr «M. Maurice Engelhardt appelle, à cette occasion, F attention de la Section sur la publication faite par ce géologue d’un supplément à à son ouvrage sur les glaciers et le terrain erratique du bassin du Rhône, afin de montrer comment l’origine des roches striées de la Suède et de la Norwége, ainsi que les blocs erratiques qui se trouvent dans. ces contrées et dans le nord de l'Allemagne, peuvent être expliqués par l'effet des glaciers. » M. Daubrée répond qu’il a annoncé, en commencant sa 168 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. communication, qu'il n’entrerait pas dans l’examen de la théorie des blocs erratiques : son but était d’exposer simple- ment les observations qu’il a eu l’occasion de faire pendant son voyage en Norwége. M. le docteur Vogt rend compte des observations qu’il a faites sur le glacier del Aar, conjointement avec MM. Agas- siz et Desor. «M. Vogt donne d’abord quelques détails sur le nevé et sur sa trans- formation en glace. La neige qui tombe dans les hautes régions est toujours composée de cristaux, elle ne tombe jamais sous la forme de grains, ainsi qu'on l’a prétendu ; ce n’est que plus tard qu’elle se trans- forme en nevé, substance composée de grains arrondis et parfaitement transparents. On trouve le nevé dans les hauteurs comme dans la plaine, partout où la neige est exposée longtemps aux variations de la tempéra- ture. L'eau qui se forme à la surface des champs de neige s’infiltre à tra- vers la masse, agglomère les pelits cristaux dont la neige se compose primitivement, et détermine, en se congelant, des amas irréguliers qui trahissent encore leur composition primitive, mais qui finissent peu à peu par se changer en grains très-régulièrement arrondis. Le nevé , est de plus en plus dur, à mesure qu’on l’observe à une plus grande profondeur ; il finit par se transformer en une glace très-dure, cassante et remplie de bulles d’air qui lui donnent une couleur blanche: c’est la glace de nevé , dans laquelle on peut reconnaïtre les granules dont ce dernier se compose. Sur les parois des crevasses, dans les hautes régions des glaciers, on voit parfaitement cette succession de haut en bas : neige, nevé, glace de nevé. «Les masses de nevé sont stratifiées horizontalement ou à peu près , et les couches, de 1 à 3 mètres d'épaisseur, paraissent correspondre aux chutes annuelles de neige. Les surfaces des couches se distinguent par la poussière et les débris qui les noircissent. Quand on fait pénétrer des matières colorantes, on voit qu’elles se répandent uniformément dans toute la masse et s'arrêtent à la surface des couches , ce qui n’a pas lieu pour la glace ordinaire. « Lés couches de nevé recouvrent les glaciers et se meuvent comme eux. Quand les glaciers sont simples et n'arrivent pas dans les grandes vallées, les couches restent à peu près horizontales ; mais comme tous les glaciers considérables résultent de la réunion d'un grand nombre de glaciers simples disposés en cirque ou en amphithéâtre, les couches subissent dans leur direction les modifications les plus variées. Tantôt les bords se redressent et le milieu s'avance en forme d'ogive dont l'angle est de plus en plus aigu, au point que les lignes finissent par sembler parallèles ; tantôt un glacier plus considérable en comprime un autre et en redresse les couches; souvent même l'un des glaciers glisse sur l’autre sans déranger sa stratification. M. Vogt cite des exemples de ces dispositions qu'il a observées au Lauteraar, au Finsteraar, au DIXIÈME SESSION. 469 Strahleck, etc. Ce redressement des couches finit presque toujours par leur donner une direction verticale, parallèlement à l’axe du glacier. «M. Vogt passe ensuite à l’explication des bandes bleues qui sont toujours verticales et coupent les lignes de couches sous des angles di- vers, suivant la direction de celles-ci. Ces bandes prennent leur origine dans des accumulations d’eau qu’on à nommées champs d'infiltration ; elles ne sont autre chose que de l’eau congelée , ainsi qu’on s’en est assuré par l'observation des trous de forage et des crevasses remplis de glace semblable. Exposées à l’action de l'atmosphère, ces bandes se fendillent en lames minces et verticales ; l’infiltration se fait dans leur direction, en suivant principalement la limite qui les sépare de la glace blanche résultant du nevé. Vers l'extrémité inférieure du gla- cier, les deux espèces de glace sont de nouveau confondues en une glace bleue composée de gros fragments provenant évidemment de cas- sures produites par la pression considérable que les masses supérieures exercent sur les inférieures. En effet , il a été démontré par des signaux plantés l’année dernière que le glacier marche plus vite dans ses par- ties supérieures qu’en bas : près de sa réunion, le glacier avait avancé, pendant une année, de 291 pieds, tandis que, près de l’extrémité, il ne s'était déplacé que de 168 pieds ; le milieu du glacier avait marché beau- coup plus vite que ses bords, la différence était de plus de 140 pieds. Ces chiffres, joints à cette remarque que le glacier a précisément moins avancé à l'endroit de sa plus grande pente et de sa plus petite épaisseur, parlent en faveur de la théorie de l’avancement du glacier par la dila- tation de l’eau congelée dans sa masse. «M. Vogt ajoute quelques mots sur l’action des glaciers sur leur fond, sur le passage immédiat des surfaces polies fraiches aux anciennes et sur Ja limite de ces surfaces en haut, limite très-tranchée et très-visible. » . M. Maurice Engclhardt annonce que les observations qu’il a eu l’occasion de faire aux glaciers de Saint-Théodule (en 1836) el au col du Monte-Moro (en 1835), sont d’accord avec celles dont M. Vogst vient de rendre comple, en ce qui concerne la forme sous laquelle la neige tombe dans les hautes régions : ces neiges se composent toujours d’abord de pelits cristaux et non de grains; ce n’est que plus tard qu’elle se transforme en nevé. MM. Zeune et Lortet demandent quelques ABC à M. Vogt. M. Schimper rapporte, pour appuyer l'opinion que les nevés se composent de couches correspondant aux neiges annuelles et se transforment successivement en glace de glacier, qu'il a observé au Goldberg-Tauren, sur la crête entre la Rauris et la Carinthie, que les couches des nevés 470 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. étaient régulièrement disposées , considérablement affaissées à la partie qui correspond au glacier et redressées vers les crêtes rocheuses où elles prennent tout à fait l’aspect de pics de montagnes à couches redressées. Ge phénomène prouve que le glacier diminue à sa partie inférieure en se fondant, et augmente à sa partie supérieure en recevant la glace des hauts-nevés. La disposition inclinée de ces cou- ches, si analogue aux couches redressées de beaucoup de montagnes dites soulevées, el leur déchirure suivant la ligne anticlinique, font penser à M. Schimper qu’on pourrait tout aussi bien expliquer la formation des montagnes par affais- sement que par soulèvement. M. le Président lève la séance à dix heures et demie, après avoir fixé l’ordre du jour du lendemain. Re — Cinquième séance. — Du 3 octobre 1842. Rapporteur : M. LEREBOULLET, Secrélaire. La séance est ouverte à onze heures. Le procès-verbal de la séance de la veille est lu et adopté. Ouvrages présentés : 1. Plusieurs brochures de M. Morin, ingénieur des ponts et chaus- sées , savoir : Mémoire sur la question des soulèvements. — Mémoire sur les encombrements des ports de mer. — Du mouvement orbitaire. — Des travaux qu'on peut faire dans quelques ports de la France el nouveau système de jelée. 2. Iconographie des plantes vénéneuses, par M. C. Soldan ; 23 planches noires et 23 planches coloriées. . Mémoires de la Société du Muséum d'histoire naturelle de Strasbourg, &. LIT, 2° livr., in-4°, avec planches. Ce M. le professeur Fée adresse la communication suivante dont il est donné lecture à la Section : «J'ai reçu, il y a quelques jours, diverses productions brésiliennes , parmi lesquelles se trouve une tige curieuse. Cette tige est fasciée-spi- rale; le canal médullaire est petit et anguleux. Dans les plantes ligneu- ses, la puissance de reproduction des couches s'exerce également vers tous les points, tandis qu’ici la force de développement serait en quel- DIXIÈME SESSION. 471 que sorte didyname, c’est-à-dire qu’elle se manifesterait très-faiblement dans un sens et très-fortement dans l’autre. Il y aurait donc une lame de produite et non un cylindre. Cette loi présiderait à la formation des tiges fasciées ; mais comme ici la tige est spirale, ces deux forces se combinent, ce qui expliquerait la singularité de cette structure. L'âge de la tige pourrait facilement être supputé par celui des zônes, qui sont, comme on peut le voir, très-apparentes. Il semble que cette sorte de tige ne puisse avoir un accroissement continu en largeur, mais qu’elle peut s’allonger indéfiniment. La nature paraît avoir préparé ce mode d’accroissement, en rendant poreux le tissu dans lequel on voit un très- grand nombre de cavités tubulaires. Cette tige , ainsi organisée, doit permettre avec une grande facilité le passage des fluides nutritifs. Cette tige appartient à une dicotylédone, et c’est sans doute une liane. » M. le professeur Braun pense aussi que cette production appartient à une liane du genre Bauhinia. M. le Président annonce à la Section que M. Brehm, Vice-président, ayant quitté Strasbourg , il semble conve- nable d'appeler à la vice-présidence celui des candidats qui a réuni le plus de voix après les Vice-présidents élus. Cette proposition est adoptée par acclamation. Én conséquence, M. le professeur Fée, qui a réuni le plus de suffrages , est invité à venir prendre place au bureau. La parole est donnée à M. Morin, ingénieur en chef des ponts et chaussées. M. Morin lit plusieurs passages d’un travail imprimé , sur la question des soulèvements, travail qui a été présenté au Gongrès tenu à Besançon , en 1841. M. Morin développe les propositions qu’il a consignées dans cet écrit, et cherche à prouver par des exemples que les montagnes n’ont pas été formées par des soulèvements. M. À. Braun a la parole sur la sixième question de bota- nique du Programme, ainsi conçue : Quelle est la valeur morphologique de l’écaille dans les cônes des conifères ? M. Braun expose d’abord plusieurs branches de mélèzes qui por- tent des strobiles diaphysés ou prolifères. Passant plus spécialement à l'examen de la question posée par le Congrès, M. Braun demande à parler en langue allemande. Sans s'arrêter aux anciennes opinions de M. Richard, et même à l'opinion très-récente de M. Schleiden, qui envisageait l'écaille carpellaire comme un organe axile placentaire, 172 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. M. Braun parle d'abord de la formation des rameaux du mélèze et de l'inflorescence ou plutôt de la fleur mâle que, jusqu'ici, on avait envi- sagée comme un chaton semblable à celui des amentacées, tandis qu’elle n’a même aucune analogie avec ce dernier, puisque le chaton des co— nifères peul être plutôt comparé à une fleur individuelle , au lieu que le chaton des salicinées, par exemple, est une inflorescence en épi. La partie la plus importante du mémoire de M. Braun est précisé-— ment la solution complète de la question proposée par le programme. Dans les conifères, il y a deux sortes d’écailles , les unes extérieures , les autres éntérieures ou carpellaires placées directement au devant des premières ou des extérieures. «M. Robert Brown est le premier qui ait regardé l’écaille ovulifère comme une feuille carpellaire étalée ou non fermée. Or, la position de l’écaille ovulifère envisagée comme feuille individuelle est en contra— diction avec les lois du développement des rameaux. Les transforma- tions que M. Braun a observées sur les monstruosités d’un cône de mélèze, lui ont prouvé que l’écaille ovulifère ou carpellaire n’est pas une feuille individuelle, mais qu’elle est le produit de deux feuilles soudées par un bord ; ces monstruosités nous montrent ces deux feuilles presque complétement divisées; souvent on voit postérieurement une troisième feuille peu développée; les écailles ovulifères constituent donc les premières feuilles d’un bourgeon. Dans ces monstruosités, M. Braun a encore fréquemment observé un petit bourgeon situé entre les squames ovulifères et l’écaille extérieure. Ce petit bourgeon ou celte gemmule est la suite (non développée dans l’année) du bourgeon axillaire, dont les écailles ovulifères sont les parties inféricures développées. Les ovules ou graines sont toujours des productions solitaires ou individuelles qui nais- sent sur la partie dorsale de chacune des deux feuilles qui constituent ensemble et normalement l’écaille ovulifère. Cette production ovulaire sur le dos des feuilles se trouve non-seulement dans les fougères , mais on les retrouve encore assez fréquemment chez les phanérogames dico- tyles, par exemple , chez certaines gessnériées et gentianées. CM. Braun a souvent observé des transitions de fleurs mâles en fleurs femelles, par exemple, dans les chatons du Picea alba. Xci M. Braun a pu observer tous les degrés transitoires de la transformation d’une élamine en une écaille-bractée. ‘« Pour confirmer et corroborer ses remarquables conclusions morpho- logiques , M. A. Braun fait passer sous les yeux de la Section les nom- breux et beaux dessins exécutés par lui-même. Il présente aussi plu- sieurs cas très-curieux de cônes soudés les uns aux autres. » Sur la demande de M. Fée, appuyée par la Section, M. le Président exprime le désir que le mémoire de M. Braun soit inséré dans le Compte-rendu du Congrès. Sur l’invitation de M. le Président, M. Kirschleger repra- duit en français les idées fondamentales que M. Braun a ex- ns a dar DIXIÈME SESSION. 475 posées, ainsi que les conclusions morphologiques auxquelles ce savant est arrivé. | M. Schimper fait connaître une singulière monstruosité par soudure qu’il a eu l’occasion d'observer dans deux es. pèces de mousses. Dans chacune de ces espèces il y avait deux opercules renversés l’un sur l’autre, ce qui présentait l’aspect de deux individus qui se seraient soudés l’un à l’autre, bout à bout. M. Schimper indique aussi plusieurs cas de monstruosités par juxla-position. M. le professeur Schüler, de Iena, annonce qu’il a ren- contré, dans tous les dépôts de sel gemme qu’il a eu l’occa- sion d'étudier, des traces plus ou moins considérables de bi- tume, avec de nombreux débris de substances végétales. Il se demande si l’on ne pourrait pas expliquer l’origine du pé- trole par l’action du bitume sur le sel. M. de Billy, ingénieur en chef des mines, a trouvé le même assemblage dans plusieurs localités. Dans les Basses- Pyrénées, par exemple, il a rencontré des masses bitumi- neuses ra pprochées des gîtes de sel. Cette disposition n’est pas habituelle dans le Bas-Rhin; cependant à Haguenau , en creusant le puits arlésien, on a aussi rencontré du sel. M. de Billy se borne à citer ces faits sans vouloir en tirer aucune conséquence. M. le professeur Zeuschner, de Cracovie, rapporte des faits analogues, qu’il a observés, mais non d’une manière constante, dans les monts Carpathes. M. le docteur Grenier, de Besancon, lit une note sur quelques violettes critiques de la flore française. Son but est surtout de rendre les botanistes attentifs à plusieurs espèces _ qu’on a négligées jusqu’ici. «Ainsi, le Viola pumila Cnaix et Vizz., que M. Grenier est allé récolter au lieu indiqué par Villars lui-même, n’est autre chose que le Viola pratensis Kocx. MM. F. G. Schultz, A. Braun, Buchinger, Billot, auxquels il a remis des échantillons de Gap, ont adopté cette manière de voir. «M. Grenier énumère les caractères qui lui ont fait adopter le-Viola alba BESSER , et démontre, par des échantillons desséchés de cette es- pèce, que l’éperon est un organe très-variable dans le genre Viola. «Abordant le groupe dont le Viola canina était regardé comme le type, M. Grenier admet les espèces suivantes : V. sylvestris LAM.; V. syl- 474 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. vestris B. riviniana KOCH ; V. arenaria DC. ; V. lancifolia THORE; V. pumila ViLx.; V. canina «.; V. elatior FRIES; V. stagnina M. K.; V. Schultzii BizLOoT. Ces espèces sont réparties en trois sections, dont les éléments appartiennent à trois célèbres botanistes : MM. Bertoloni, A. Braun et F. G. Schultz. Le caractère pris des axes appartient à M. Braun; celui tiré des stolons est de M. Bertoloni, qui l’applique à une espèce, tandis que M. Schultz, en l'appliquant à un groupe et en le combinant avec le caractère précédent, en a fait sortir une nouvelle combinaison, ainsi qu’on va le voir. M. Grenier regarde le Viola lan- cifolia THORE comme l'espèce la mieux caractérisée de ce groupe. «Première section : Trois axes, le primitif se terminant par une ro- sette de feuilles (V. sylvestris LAM. $. riviniana, V. arenaria DC.). «Deuxième section : Trois axes, le primitif ne se terminant pas en ro- sette et périssant la première année sans donner de fleur (M. À. Braun n’admet ici que deux axes). (V. canina THORE, pumila ViLL., lanci- folia THORE). « Troisième section : Trois axes (deux axes, À. Braun); le primitif ne se terminant pas par une rosette et donnant naissance à des stolons (axes bisériés). (V. elatior FRiEs; stagnina M. K., Schultzii BILLOT.» La séance est levée à une heure et quart. Sixième seance. — Du 4 octobre 4822. Rapporteur, M. LEREBOULLET, Secrelaire. Le Secrétaire donne lecture du procès-verbal de la der- nière réunion. M. de Billy demande la parole sur le procès-verbal. «M. de Billy rappelle la communication faite par M. le professeur Schüler sur la présence simultanée du bitume, du lignite et du sel gemme, et la demande posée par ce minéralogiste sur la question de savoir si l’on ne pourrait pas expliquer la production du pétrole par l’ac- tion réciproque de ces trois substances. M. de Billy ne croit pas cette explication possible. «Si le bitume était le résultat de l’action réciproque du sel gemme et du lignite, on devrait trouver les deux éléments de cette action réci- proque dans les terrains bituminifères, ou au moins la place qu'ils occu- paient. Or, à Lobsann , où l’on exploite le bitume et le lignite, personne n'a constaté la présence du sel gemmes; et, si on voulait admettre que le sel s’yest trouvé jadis, il faudrait admettre aussi que le sel a été remplacé complétement par le bitume. «A Bechelbronn, situé à deux kilomètres de Lobsann, le sable bitu- DIXIÈME SESSION. 475 mineux est exploité seul et n’est accompagné ni de sel gemme ni de lignite. A la rigueur on concevrait que le bitume eût remplacé le sel gemme, si le bitume devait son origine à ce dernier, mais que serait alors devenu le lignite? Tout porte à croire qu'il n’y a jamais eu , dans le terrain de Bechelbronn, de lignite en quantité appréciable ; dès lors on ne saurait attribuer l’origine du bitume à l’action réciproque du lignite et du sel gemme. «D'un autre côté, des considérations chimiques nous empêchent aussi d’adopter cette explication. On sait que le bitume se compose de pé- trolène et d’asphaltène , et l’on sait que ces deux substances sont elles- mêmes composées, l’une d'hydrogène et de carbone, l’autre de ces deux éléments, plus l'oxygène. On devrait y rencontrer de plus quel- ques-uns des éléments constitutifs du sel, ce qui n’a pas lieu.» M. Grenier a la parole pour une rectification. M. Grenier n’a pas dit que les auteurs français envisageaient le Ÿ. pra- tensis Kocn comme une variété de Ÿ. canina Kocu:; il de- mande la suppression de cette phrase. Quant à la liste des espèces que M. Grenier admet comme bonnes, ce botaniste prévient qu’elle est incomplète, Après ces rectifications, M: le Président met aux voix l'adoption du procès-verbal : le procès-verbal est adopté. M. le Président fait ressortir tous les inconvénients de la mesure prise par la Commission centrale, de faire lire en séance générale le procès-verbal de la séance du matin, avant que celui-ci n’ait été lu en Section. La Section partage l'avis de M. le Président, et le charge de réclamer contre cette mesure au sein de la Commission centrale, et de de- mander que les procès-verbaux ne soient lus en assemblée générale qu’après qu’ils auront été approuvés par les Sections. Le Secrétaire donne communication de la correspondance. M. le directeur du gymnase militaire prévient MM. les mem- bres de la Section que les exercices gymnastiques n’auront pas lieu aujourd’hui à cause du mauvais temps. M. Billot informe l’assemblée que M. le docteur Schultz, de Bitche, ayant avec lui un exemplaire des centuries qu’il publie, se fera un plaisir de les montrer aux personnes qui se présenteront chez lui, rue des Veaux, 13. * Ouvrages présentés : Mémoire sur le lias du département de la Moselle, par M. V. Si- - mon ; 1836. e 476 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Aperçu sur la géologie des environs de Sar-Louis, d'Oberstein et de Berncastel , par le même. Aperçu sur la géologie du département de la Moselle, par le même ; 1838. Descriptions et figures des céréales européennes, par M. le professeur Séringe, de Lyon; les deux premières livraisons. M. Fée, en présentant ce dermier ouvrage à la Section, indique en peu de mots le but que s’est proposé l’auteur, et fait remarquer surtoat le nombre et la belle exécution des planches qui l’accompagnent. La parole est à M. le docteur Lortet pour une communi- cation. «M. Lortet avait rencontré dans la Nagelfluh de Saint-Saphorin, sur le lac de Genève, à une petite distance de Vevey, des cailloux se pénétrant réciproquement; les cailloux noirs présentaient des empreintes qu'y avaient laissées les cailloux voisins. Dans le même temps, M. Rozet ob- servait des impressions analogues dans les Nagelfluhs de Seyssel. Depuis lors M. le professeur Blum, de Heïdelberg, les a observées dans des Nagelflubs de diverses localités. Cette année, M. Lortet a trouvé, dans le département de l'Isère des cailloux roulés portant des empreintes semblables à celles qu'on rencontre dans la Nagelfluh. La localité présente des couches horizontales du calcaire oolithique avec des amas de cailloux roulés au milieu desquels on voit des blocs anguleux. M. Lor- tet pense qu’on peut expliquer la présence simultanée de cailloux rou-— lés et de blocs erratiques, en admettant que les premiers ont été arra- chés à la formation de la Nagelfluh et ont été antérieurement arrondis. «M. Lortet met ensuite sous les yeux de l'assemblée une coupe longi- tudinale et cinq coupes transversales du bassin du Rhône, et annonce qu’on s'occupe activement de l'étude de ce bassin sous le rapport géognostique , afin de répondre au vœu exprimé par le Congrès dans une précédente session, de tracer une description géognostique de la France par bassins.» M. Kirschleger a la parole sur la septième question du Programme, ainsi conçue : Existe-t-il des plantes exclusi- vement propres à certaines constitutions géologiques, et quelles sont ces plantes ? «M. Kirschleger annonce qu'il n’a pas l'intention d'approfondir la question. Il expose un fragment sur la végétation comparative des Vosges granitiques et du Jura. Il établit trois catégories : la première comprend les plantes propres au Jura; la seconde , celles qui se trou- vent à la fois dans les Vosges et dans lé Jura; enfin la troisième com— prend les plantes exclusivement vosgiennes. DIXIÈME SESSION. 477 «Le nombre des plantes alpestres (habitant exclusivement une hau- teur de 800 à 1600 mètres) dans le Jura, est de 350. Celles des Vosgesde 270; 60 habitent exclusivement les Vosges granitiques et 140 le Jura calcaire ; 210 espèces habitent à la fois le Jura et les Vosges; total des plantes alpestres, 410; sur ce nombre, 195 habitent presque exclusive- . ment les hautes régions de 12 à 1600 mètres. QIl résulte de cette énumération que le Jura a une flore plus variée que les Vosges granitiques, et qu’il existe des plantes qui préfèrent le sol calcaire au sol granitique. On ne doit cependant pas conclure de ces observations que les plantes jurassiques ne se retrouvent pas ailleurs sur des roches primitives cristallines et arénacées et vice-versa. » M. Kirschleger lit ensuite quelques fragments d’un mé- moire inédit sur la statistique végétale des environs de Stras- bourg. L’auteur expose les principaux résultats auxquels il est arrivé. Sous le rapport de la coloration des pétales il men- tionne ce fait : qu'après la coulear blanche, c’est la couleur jaune qui est la plus commune dans la zone tempérée; opi- nion déjà exprimée par M. Zeune. M. Fée présente un travail sur la classification des fougères. «Les fougères sont constituées , quant à leur appareil floral, par une capsule qui diffère beaucoup de celle des mousses; elle est aplatie, entourée d’un anneau contractile qui concourt à la dissémination de la graine. Cet anneau, qui est la seule partie colorée de la plante, sert à maintenir une poche membraneuse formée d’un tissu hexagonal très- lâche. La sporange est tantôt pédicellée, tantôt sessile ; les auteurs ont -décrit ce pédicelle comme articulé; M. Fée croit que c’est une illusion d'optique. La sporange est une espèce d’anthère ; elle renferme des spores qui elles-mêmes contiennent les sporules. Les spores paraissent être libres, mais elles se trouvent dans un état de compression qui en modifie la forme. On trouve dans l’intérieur uné substance liquide qu'on regarde comme oléagineuse, mais qui ne l’est pas toujours. D’après ce qui précède, il y a entre la spore et le grain de pollen une analogie parfaite ; seulement il existe une différence sous le rapport physiologique , c’est que le grain pollinique porte en lui la propriété de réveiller le germe, tandis que la spore est le germe lui-même des tiné à se développer plus tard. «Dans leur germination, les fougères paraissent avoir beaucoup d’ana- logie avec les hépatiques, particulièrement avec les Marchantia. «Après cet exposé sur l’organisation des fougères, M. Fée en vient à leur classification. Il démontre que les sporanges peuvent servir à établir les tribus, mais qu’elles ne sauraient plus être que d’une utilité secon- daire pour l'établissement des genres. Les meilleurs caractères pour constituer ces derniers sont fournis par la disposition très-variée des ner- villes ; on peut en distinguer vingt-cinq à trente formes principales. » (2 478 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. L'importance des caractères fournis par les nervilles vient de ce que celles -ci ne sont réellement que des supports, des pédicelles sur les- quels viennent se fixer les sporanges. M. Fée est arrivé aux résul- tats qu’il annonce, en même temps que M. Pressl, en Bohême, et M. J. Smith, en Angleterre. » Voici quelles sont les bases de la classification proposée par M. Fée. | Pour les ordres , il adopte : «La présence ou l'absence de l’anneau, le mode de déhiscence des sporanges, la disposition et la structure de ces dernières. » Pour les genres, M. Fée considère : «1. La nudité et la vestiture des sporanges. «2. Le lieu d'élection de la puissance prolifique. «3. L’attache et le mode de déhiscence de l’indusium. «4. La situation des sporothèces. «5. L’homomorphie ou l'hétéromorphie des pinnules considérées dans un même caudex. «6. La similitude dans la disposition des nervilles. «M. Fée met sous les yeux de l’assemblée des planches représentant la disposition des nervilles dans un grand nombre de genres, et onze plan- ches figurant des genres nouveaux appartenant à plusieurs familles; savoir: Abacopteris Philippinarum Fée; Cheiloplecos Philippinarum Fée; Orthonevrum acrosticoïdes FÉE; Coniogramma Philippinarum FÉE ; Vaginularia graminoïdes FÉE; Callogramma rigida FÉE; He- teropteris formosa F£E ; Plectopteris gracilis FÉE; Cryptonerus elas- ticus FÉE ; Grammostenia striata FÉE; Pteriglyphis elegans FÉE. » M. le docteur Mougeot, de Bruyères, communique une note sur les sauriens du Muschelkalk de Ja Lorraine et de l’Alsace!. : La Séance est levée à une heure et quart. —— Septième séance. — Du 5 octobre 4842. Rapporteur : M. LEREBOULLET, Secrétaire. La Séance est ouverte, à onze heures et quart. Lecture est donnée du procès-verbal de la précédente réunion. Ge procès-verbal, mis aux voix, est adopté après quelques légères rectifications. ? Voy. les mémoires de la 1'e Section, 2° vol. DIXIÈME SESSION. 179 M. Silbermann demande la parole sur le procès-verbal, M. Silbermann rappelle à la Section, à l’occasion de la réclamation insérée au compte-rendu de la dernière séance, qu'il avait été convenu dans le principe que MM. les Secré- taires se borneraient à présenter à l’assemblée générale du Congrès un compte-rendu succinct des travaux de leurs Sec- tions respectives, et que le procès-verbal officiel et plus dé- taillé ne serait lu que le lendemain, en séance de Section. M. Silbermann rappelle à cette occasion l'invitation adressée par M. le Président du Congrès à MM. les Secrétaires, pour les engager à rentrer dans les bornes dont on s’était peu à peu écarté. M. le professeur Schüler, de Téna , demande à répondre aux observalious présentées par M. de Billy dans la dernière séance, «M. Schüler à élé conduit à présenter son hypothèse sous forme du- bitative par de nombreux exemples de la présence simultanée du bi- tume et du sel gemme. Il cite les localités de Sovar, en Hongrie; de Bu- sev, Fokschang, Prachova, en Valachie ; de Tegerñsee, en Bavière, etc. M. Schüler ne croit pas qu’il soit nécessaire que le bitume eontienne des éléments analogues à ceux qui composent le sel gemme, pour qu'il puisse êlre regardé comme résultant d’un contact de ce minéral avec les lignites, vu que les matières élémentaires peuvent se combiner diver- sement, suivant les divers degrés de chaleur et les influences galvani- ques plus ou moins intenses qui agissent sur elles. Il n’est pas non plus nécessaire, suivant lui, que le bitume se trouve dans la même localité que les lignites, sa pesanteur spécifique lui permettant de gagner les couches supérieures, et sa liquidité lui donnant la faculté de se déplacer à la manièrede l’eau et de former des dépôts indépendants du lieu de sa naissance. M. Schimper a la parole. «M. Schimper cite à l'appui de ce dernier cas le déplacement des matières grasses provenant de cadavres enterrés, déplacement souvent assez considérable; il dit qu’on a des exemples où, dans le voisinage des cimetières , des dépôts de graisse forment des lits d’une puissance de plusieurs Pouces, sans qu’on en trouve des traces dans les cimetières mêmes. «M. Schimper cite encore plusieurs exemples oùfle sel gemme ou au moins des sources salines se trouvent dans le voisinage des dépôts de lignites et de matières bitumineuses, et croit qu'on pourrait souvent annoncer d'avance la présence de l’une de ces substances par la présence de l'autre, quoique les deux dépôts se rencontrent dans des formations 12: 1850 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. d’un âge tout différent. Il croit pouvoir admettre une relation entre Ja source saline de Soultz-sous- Forêts et les bitumes de Lobsann et de Bechelbronn, bitumes qui, à son avis, ne sont qu’un produit végétal, et cela avec d'autant plus de raison qu’on trouve dans ces localités de nombreux débris végétaux et des traces évidentes d’une formation pa- lustre et de terre ferme. » M. de Billy répond que les raisons que l’on vient d’allé- guer ne lui paraissant pas concluantes, il croit devoir main- tenir ses observations. M. le docteur Schultz, de Bitche, a la parole pour con- tinuer l’examen de la question traitée hier par M, Kirsch- leger. «M. Schultz a fait, depuis un grand nombre d'années, des observa- tions multipliées, dans divers pays, sur la géographie des plantes ; il a cru longtemps qu'il existait des plantes exclusivement propres à cer- taines constitutions géologiques , mais plus tard il a vu que cette loi ne saurait être admise dans sa généralité. Il est vrai que dans un même pays, dans une même chaîne de montagnes, il existe des plantes inhé- rentes, pour ainsi dire, à certaines formations; maïs si l’on se trans- porte dans d’autres contrées , souvent très-éloignées des premières, on retrouve les mêmes plantes sur des formations toutes différentes. «Dans les environs de Bitche, par exemple, sur un espace d'environ 40 kilomètres carrés, dans lequel il n’existe que deux formations, le grès vosgien et le Muschelkalk , certaines plantes ne se rencontrent que sur le grès vosgien, tandis qu’on ñe trouve les autres que sur le Mu- schelkalk. «M. Schultz cite de nombreux exemples à l’appui de ses propositions: l’Anemone vernalis ne croit que sur le grès vosgien, dans les environs de Bitche ; à Munich, elle vit sur d’autres formations, et à Ratisbonne on la trouve même sur des calcaires. Il en est de même de l’Anemone pulsatilla, que l’on a rencontrée sur le Muschelkalk et sursd’autres for- mations. Parmi les autres plantes exclusivement propres au grès vos- gien, près de Bitche, mais qui se trouvent ailleurs sur d’autres ter- rains, M. Schultz mentionne l’Arabis arenosa, le Sinapis cheiranthus (terrains volcaniques), Déianthus deltoïdes, Trifolium alpestre, Gera- nium sylvaticum, Orobus niger, Rubus saxatilis, Circœa alpina, Ille- cebrum verlicillatum (qu’on retrouve sur le granit, etc.), Peucedanum oreoselinum , Galium tenerum (plante rare qu’on ne trouve qu’à Bitche et dans les montagnes plutoniques du Haut-Valais), G. saxatile, Hypo- chœris maculala, Jasione perennis (montagnes granitiques des Vosges et alluvion de la plaine), Myosotis sylvatica, Scrophularia vernalis , Rhinanthus angustifolius, Daphne cneorum, Thesium intermedium et alpinum , Lilium martagon, Juncus capitatus, etc. «Parmi les plantes du Muschelkalk de Bitche qu’on rencontre ail- leurs sur d’autres terrains, M. Schultz cite entre autres les espèces DIXIÈME SESSION. 181 suivantes : Fumaria Vaillantii (terrains argileux de l’alluvion ou sur d’autres calcaires), Erysimum orientale, Helianthemum vulgare (sur le grès), Polygala calcarea, Linum tenuifolium, Trifolium ochroleu- cum etelegans, Vicia gracilis, Bupleurum falcatum et rotundifolium, Orlaya grandiflora, Crepis præmorsa, Lithospermum purpureo-cæru- leum (porphyres et alluvion), Linaria elaline et spuria, Stachys annua, Prunella alba (porphyre), Teucrium montanum, Passerina annua, Daphne mezereum, Mercurialis perennis, plusieurs espèces d’Orchis et d'Ophrys, Ornithogalum sulphureum, Gagea lutea (porphyres et granites), Carex ornithopoda, Bromus erectus, Hordeum pratense. , Dans les tourbières, on trouve les Andromeda , Scheuchzeria, calla, Malaxis paludosa (Vosges granitiques), Rhynchosporus alba, erio- phorum , Carex limosa , les Sphagnum. Toutes ces plantes forment la tourbe et se rencontrent presque toujours sur toutes les constitutions géologiques. Enfin, pour les plantes de l’alluvion, M. Schultz cite le Peucedanum Chabræi et l Alopecurus utriculatus. » M. Mougeot combat l’opinion de M. Schultz; les faits cités par ce botaniste ne sont, suivant M. Mougeot , que des exceptions; mais en général il existe des différences remar- quables entre la végétation des divers terrains, ce qui prouve bien que celte végétation dépend en grande partie de leur constitution géologique, quoiqu'il soit vrai de dire qu’elle dépend aussi de leur nature physique. M. Schimper dit qu’il ne faut pas avoir égard à des indi- vidus isolés, mais bien à l’ensemble de la végétation. M. Kirschleger croit qu’il faut distinguer entre les plantes qui choisissent exclusivement certains terrains et celles qui préfèrent tel terrain à tel autre; il ne pense pas qu’il existe des plantes appartenant à la première catégorie. M. Simon fait observer que, dans l’examen de cette ques- Lion , il faut tenir compte des terrains de transport. M. Fournel cite des faits qui viennent à l’appui de la re- marque de M. Simon; ainsi, dans les alluvions qui appar- “Licnnent au terrain siliceux, on peut trouver des plantes qui appartiennent à ce terrain, M. Schultz répond que dans les cas dont il a parlé il n’y avait pas de terrains de transport. Quant à l’observation de M. Mougeot , elle est juste pour une contrée; mais quand on étudie la végétation d’une autre contrée , les mêmes terrains ne fournissent pas toujours les mêmes plantes. M. Silbermann fait remarquer qu’il existe pour les in- 182 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. sectes une corrélation intime entre les espèces qu’on ren- contre et la nature des terrains; et comme on observe généra- lement une grande concordance entre les lois qui régissent la distribution géographique des animaux et des plantes, il ne croit pas pouvoir se ranger de l'avis de M. Schultz. Correspondance. — M. Hoffet, chef d'institution à Lyon, dépose sur le bureau une lettre de M. Magne, secrétaire général de la Société Linnéenne de Lyon, par laquelle cette ” Société délègue M. Hoffet pour assister à la dixième Session du Congrès scientifique de France , et le prie de la repré- senter devant cette illustre compagnie. M. le docteur Vogt, de Neuchâtel, présente quelques points de l’embryologie des poissons. «Les œufs des poissons, par leur transparence , sont très-propres aux recherches embryologiques ; on peut les féconder artificiellement en exprimant dans un vase d’eau, à l’époque du frai, les œufs de la femelle et la laite du mâle. Ces œufs, qui sont très-petits, peuvent être placés sous le microscope et observés dans toutes leurs parties ; et comme l’observation est facile sans qu’on ait besoin de leur faire subir aucune préparation préalable, on a la faculté d'observer successivement sur le même œuf toutes les phases de son développement. «L'œuf , examiné dans l’oyaire, se compose du vitellus et de la vé- sicule germinative de Purkinje, dans laquelle nagent des vésicules isolées (taches germinatives). La vésicule de Purkinje se fend ou dispa- rait d’une manière quelconque; ses taches deviennent libres et forment la première base de l'embryon. La part que prend le vitellus au déve- loppement de l'embryon varie suivant les vertébrés. Ainsi, dans les ba- traciens, les taches germinatives se rangent concentriquement dans toute l'étendue de la surface interne de la membrane vitelline ; dans le crapaud accoucheur cependant elles n’occupent que la moilié de cette surface. Dans la palée (corregonus palæa) , poisson sur lequel M. Vogt a fait ses observations, le vitellus n’entre pour rien dans la formation de l'embryon, les taches se réunissent pour former à sa surface un petit amas de cellules. Ces différentes dispositions expliquent les divers modes de scissuration qu’on observe dans les ovules. «M. Vogt a dirigé son attention sur le mode de formation primitive des cellules. Il n’admet pas avec M. Schwann que ce mode soit le même dans les animaux que dans les plantes. Dans les animaux, la cellule se forme de diverses manières : les unes (les cellules de la corde dorsale) sont dépourvues de noyau; chez celles qui ont un noyau, celui-ci n’ap- parait que secondairement; dans d’autres enfin on voit apparaître simul- tanément la cellule et le noyau (cellules des cartilages), sans qu’on puisse distinguer lequel de ces deux organes est primitif. DIXIÈME SESSION. 4185 «Passant à la formation de l'embryon, M. Vogt n’admet pas le fen- dillement des couches du blastoderme en trois feuillets, mais seule- ment des différences entre ces couches. Celles-ci sont formées de deux espèces de cellules, dont les unes sont destinées à constituer plus tard les organes de la vie animale et le cœur, les autres l’intestin et ses an- nexes. Dans les reptiles, M, Vogt n’a même rencontré qu’une seule espèce de cellules. «M. Vogt a assisté, pour ainsi dire, à la formation des vaisseaux ; il a vu les cellules s’écarter les unes des autres dans une certaine direc- tion , de manière à constituer des espaces analogues aux méats inter cellulaires des plantes; ces cellules finissent par se disposer régulière- ment les unes à côté des autres , pour constituer la couche d’épithélium qui revêt les vaisseaux intérieurement. Les canaux excréteurs se for- ment de la même manière; aussi M. Vogt est-il porté à ne pas nier l'anastomose des extrémités sécrétoires et des vaisseaux sanguins, quoi- que cette anastomose ne soit pas démontrée. «M. Vogt dit, en terminant, que les embryons des palées et des autres salmones ont la queue disposée comme l'était celle des poissons appartenant aux terrains anciens, c’est-à-dire relevée en haut et portant la nageoire à sa face inférieure. » M. le docteur F. Engelhardt , directeur des forges à Nie- derbronn, annonce qu’il est occupé à faire l’étude du profil des terrains de la Basse-Alsace, comparé aux terrains de l’Albe wurtembergecise, de la Moselle et de la vallée du Rhône, et que, pour faciliter à MM. les membres du Congrès les excursions qu'ils pourraient vouloir faire , il allait donner une Courte esquisse de ce travail. «C’est notre savant compatriote Voltz, auquel nous devons la majeure partie de la collection paléontologique du Musée de Strasbourg, qui a élaboré les principaux éléments géologiques de l'Alsace. «A cette occasion, M. Duvernoy, Président de la Section , rappelle que c’est l’estimable docteur Reisseisen , que la mort n’a enlevé que trop tôt à la science et à ses amis, qui-fut le premier à tracer une carte minéralogique de l’Alsace, quoique la science ne fût pas alors assez avancée pour donner à cette carle une valeur géologique. «Le terrain de la Basse-Alsace est constitué de la manière suivanie : 1. le trias d’Alberti, adossé contre les Vosges qui tournent la tête des Assises contre la vallée du Rhin ; 2. la série jurassique plus ou moins complète ; 3. la molasse , assez puissante en différents endroits; 4. le terrain palustre de Bouxvwiller, qui ne se voit plus que par flots, étant recouvert en beaucoup d’endroits par le diluvium et l’alluvium; 5. le less ou lehm; 6. la siénite soulevée à Jægerthal; 7. la diorite à Weiler près Wissembourg , et 8. le basalte à Schirlenhof près Gundershofen. «Le profil de Niederbronn, sur une étendue de deux lieues , embrasse 4184 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. la siénite du Jægerthal, le grès vosgien, le trias d’Alberti, dont les couches sont accidentées d’une manière très-compliquée et paraissent montrer que des soulèvements postérieurs aux soulèvements des Vos- ges sont venus les déranger. Le keuper (marnes irisées), qui fait la dernière série des trias, est peu développé en Alsace; il se trouve sé- paré, à Oberbronn, du grès liassique qui le recouvre, par une couche de dents de poissons et de sauroïdes, d'un centimètre d’ épaisseur, qu'on re- voit dans le Wurtemberg et qu'on dit se reproduire aussi dans le dé- partement de la Moselle. «Le lias se divise en trois grandes assises : lias inférieur , lias moyen et lias supérieur. Le lias inférieur peut encore être subdivisé en trois autres assises , savoir : «1. Entre Oberbronn et Zinsweiler. Le grès liassique, peu développé en Alsace, peu coquillifère, ne renfermant que cà et là quelques dents de poissons et de sauroïdes. Ce grès est plus développé dans le Wur- temberg, où il est d’une texture plus ferme et plus saccaroïde où il alterne avec des bancs calcaires, et où ses assises inférieures contiennent l’unio concinna. Ce même grès est encore très-développé dans le Luxembourg, où il contient un grand nombre de fossiles liassiques. «2. Werth, Zinsweiler. Les assises de calcaire liassique inférieur pro- prement dit, alternant avec des marnes plus ou moins feuilletées. Ces calcaires , qui donnent une excellente chaux hydraulique , sont carac- térisés par la présence de la Gryphea incurva SOW, de Lima gigantea et Hermanni , et des ammonites de la famille des ariétides. Les couches marneuses renferment une grande quantité d’avicules, surtout l’avi-— cula inæquivalvis, «3. Une seconde assise calcaire plus saccaroïde et pénétrée de pyrites de fer, contient encore quelque lima de la couche inférieure, mais s'en distingue par la présence de la Gryphea cymbium , du Pecten æquival- vis, de beaucoup de pecten lisses, des Terebratula acula et beaucoup d’autres, des Belemnites paæillosus, de | Ammonites costatus et d’une autre belle ammonite nouvelle, que Voltz a nommée Engelhardti. Ces lias inférieurs sont séparés du lias moyen par une couche de marnes très-feuilletée , dans lesquelles les pétrifications sont tellement compri- mées qu’elles n'apparaissent que comme empreintes. Ces marnes con- tiennent surtout beaucoup de débris et d’arêtes de poissons. «Vignes.et forêt d’Uhrweiler. Les marnes du lias moyen contiennent moins de noyaux calcaires, mais un assez grand nombre de géodes ovoïdes argilo-ferrugineuses, dont les lavages constituent les mines de fer que nous aurons occasion de citer plus tard. C’est dans ces marnes moyennes qu’on trouve : Astarte Voltzii, Cerithium echinatum, Trochus duplicatus , Nucula Hammeri el rostralis, Trigonia pulchella , Am- moniles fimbriatus, Davæi, les falcifères et le Belemniles acuarius. «Au lias moyen succède le lias supérieur , qui est surtout très-déve- loppé à Gundershofen. Les marnes de cette couche , dans laquelle le cal- caire ne se trouve plus qu’en forme de boules, sont très-caractérisées par la présence des Trigonia navis et similis, de la Cithereu trigonellaris, DIXIÈME SESSION. 485 de la Gervilia aviculoïdes, des Ammonites primordialis , opalinus el Murchisoneæ, et des Belemnites irregularis, compressus , umbilicatus elabbrevialus. C’est sur le lias que repose entre Uhrvweiler, Mulhausen, Offweiler et Zinsweiler, un lavage diluvien composé de débris liassiques et de débris de grès des Vosges. Ce lavage contient tous les fossiles du lias, plus des dents et des ossements de mastodontes, de chevaux, de tapirs. C’est encore dans ce lavage que se trouvent réunis par couches des débris des ovoïdes ferrugineux dont nous avons parlé plus haut, et qui par cette réunion en couches deviennent exploitables pour les usines de fer. «Là où le lias n’est pas recouvert par le diluvium il va plonger sous le marly sandstone qui est à découvert à Gundershofen, à Mietesheim et à Engwiller. Ce marly sandstone et les marnes qui le précèdent ressem- blent absolument à celui du Wurtemberg à Wasseralfingen, seulement il est beaucoup moins développé en Alsace, et la grande couche de fer oolithique wurtembergeoïse y est à peine ÉÉDNÉSPnEe par quelques vei- nes très-minces. «Les marnes qui précèdent le marly sandstone contiennent la Phola- domya foliacea, des modioles et des Gresslia. «Le marly sandstone lui-même contient des Lima , la Pholadomia foliacea, la Modiola plicata , des Pinna, des EEE des Ammoniles Murchisonæ et des bélemnites peu caractérisées. « Vient ensuite l’inferior oolithe très-développée à Mietesheim, avec Serpula socialis, cidarites, Pholadomia Murchisonæ, Phol. triquetra, Phol. costellata, Phol. fidicula, Gresslia tumida, pinguis, Trigonia clavellata, Dr proboscidea, Ostrea Marshii, Pectlen lens et autres; Mytilus rugosus, Terebratula spinosa, ornithocephala et autres; Am- moniles Murchisonæ, dubius, Brochii et autres; Belemniles cliptieus, pyramidalis, giganteus. «A Bouxviller, le Bradfordclay s’est très-bien développé ; il y est caractérisé par Serpula vertebralis, Galeriles depressus, Cyathophyl- lum, Ostrea Knorrii, Perna Na hr «A Pfaffenhofen il y a une portion de grande oolithe ; mais les autres couches jurassiques manquent totalement dans ces environs. C’est sur linferior oolithe que reposent la plupart des mines de fer en grain si abondantes dans ces environs et qui présentent toutes les analogies de la Haute-Saône. À Gundershofen elles ont tous les caractères des mines de Kandern dans le pays de Bade, et contiennent, comme là, des boules de jaspe. Ces mines sont exploitées pour les forges du Bas-Rhin et de Mutterhausen (Moselle). La couche palustre de Bouxwiller, caractérisée par sonligniteet par les planorbes, les puludines et les limnées, s'étend par lambeaux jusqu’à Dauendorf et peut-être au delà. « Les molasses des environs de Lamprechtsloch contiennent, à Bechel- bronn et à Lobsann, des mines de pétrole et d'asphalte ; on vient de trouver encore du pétrole dans un sondage artésien près Sourbourg , et les marnes de cette molasse paraissent dépasser Haguenau. 186 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. «Enfin toutes ces couches sont plus ou moins recouvertes par du lehm ou lœæss qui a des épaisseurs très-variables , les masque quelque- fois entièrement et rend l’étude des profils assez difficile. » La séance est levée à une heure. Huitième séance. — Du 6 octobre 1822. Rapporteur : M. LEREBOULLET, Secrétaire. Le procès-verbal est lu et adopté sans réclamation. Ouvrages présentés : 1. Des exemplaires d’un mémoire imprimé sur une question de chi- mie, par M. le professeur Schweigger, de Halle. 2. L'Echo du monde savant, 3° trimestre 1842, et Tableau des sa- vants de tous les pays pendant le 1°" trimestre de cette année, par M. le vicomte de Lavalette. La parole est donnée à M. le professeur Fée, directeur du jardin botanique de la Faculté de Médecine. «M. Fée avait eu le projet de réunir la Section d'histoire naturelle, afin de célébrer avec elle la pose d’un marbre destiné à rappeler l’époque de la fondation du jardin , l’un des plus anciens de l'Europe, et à con- sacrer le souvenir des savants qui ont successivement dirigé cet établis- sement. Le mauvais temps n'a pas permis que cette petite fête eût lieu , et les serres dans lesquelles on devait se réunir ont aujourd’hui reçu leur tenue d'hiver. «M. Fée, en exprimant ses regrets à la Section, donne communication de l'inscription suivante, maintenant placée dans la rotonde des serres : Viris summe colendis, Rei herbariæ cultoribus, Hortique argentoratensis Illustrissimis ministris. Antegresso, scientiæ naluræ In academia primo professore, Celeberrimo Rudolpho Salzmann 1619 — 1652+ Claruerunt dignissimi, regni vegelabilis Arcanorum inlerpreles : J. A.'SEBIZ , 1652 — 1685 +. J.R.SPIELMANN, 1759 —1783+. M. MaPPus , 1685 — 1701 +. J. HERMANN, 1784 — 1800 +. M. SEBiz, 1702 — 1704 +. N. BRISORGUEIL , 1799. J. HENNINGER , 1704—1719+. MACQUART, 1803. J. BOEKLER , 1719 — 1732 +. C. VILLARS, 1805 — 1815 +. J. J. SACHS, 1733. | GC. NESTLER, 1817 — 1832+, J. P, BOEKLER , 1735 — 1759+: DIXIÈME SESSION. 487 M. Fée offre en outre à la Section plusieurs exemplaires d’une histoire du jardin botanique de Strasbourg, qu’il a publiée en 1836 dans la Revue d’ Alsace. M. Simon , Vice-président , dit quelques mots sur la com- position du lias des environs de Metz, comparé à celui de Niederbronn. «Les ovoïdes sont très-abondants dans le lias des environs de Metz, mais il paraît qu'ils ne sont pas assez riches pour être exploités. On avait commencé à en extraire à Grimont, mais bientôt on a été forcé d’y renoncer. On en a aussi essayé l'exploitation près de Sorbey, où ces ovoïdes ont été chariés et brisés par les eaux; il a même existé une forge dans cet endroit ; elle a sans doute disparu à cause de l’insuffi- sance des produits. Il n'existe ni gervilies, ni trigonies dans le lias des environs de Metz ; mais ces sortes de fossiles se trouvent dans le calcaire à Pecten lens (partie inférieure de l’oolithe). «Des couches de pyrites parallèles aux couches de lias dans les en- virons de Thionville , paraissent devoir combattre l'opinion émise par M. Engelhardt que les pyrites auraient été injectés dans ce terrain ; le cabinet de la ville de Metz possède un très-grand échantillon provenant d’une de ces couches, et dans lequel on remarque un grand nombre de fossiles dont la plupart sont passés à l’état de fer sulfuré. «La couche qui renferme un grand nombre de dents de poissons et que M. Engelhardt a signalée comme se trouvant à la partie supérieure du Keuper, existe aussi dans le département de la Moselle, notam- ment près de Pange et de Hombourg, sur la rive droite de la Moselle, entre Melz et Thionville. » M. Noël Thiaville, pharmacien à Saint-Dié, lit un mé- moire sur la pyrale du raisin (pyralis uvæ) d’après des ob- servations qu’il a faites sur cet insecte pendant les années 1826, 1831, 1837 et 18421. Il dépose sur le bureau un fla- con renfermant plusieurs pyrales du raisin avec leurs larves et leurs chrysalides. M. Duplâtre, de Lyon, adresse une note sur les moyens les plus propres à détruire la pyrale de la vigne. « Cet auteur conseille l’échenillage pratiqué avec tout le soin possible sur les échalas et sur les ceps. Pour écheniller les échalas, il faut, dès les premiers froids, les arracher et les mettre dans un four dont on vient de retirer le pain et les y laisser jusqu’à ce qu’ils soient refroidis. « Pour écheniller le cep, pendant l’hiver , le vigneron le déchaussera au moins d’un pouce, en nivelant le terrain ; ensuite , il formera, au- 1 Voy les mémoires dela tre Section , 2° vol. 188 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. tour, sur la terre, un vase de trois pieds de diamètre, dont le fond sera composé d’une douille à rosette en peau, fendue jusqu’au centre, d’un pied de diamètre , liée à la base du tronc, et de deux disques en toile cirée, fendus jusqu’au centre, de trois pieds et demi de dia- mètre, superposés à fentes diamétralement opposées, contenus, au centre par la rosette et à la circonférence par un anneau en bois de trois pieds de diamètre et de six pouces de hauteur, qui formera le con- tour ; ensuite il frottera le cep avec une brosse cylindrique très-forte et un couteau en bois très-tendre , pour faire tomber dans ce vase toute l'écorce écailleuse et morte, fous les lichens , toutes les mousses avec toutes les chenilles. Quand il ne restera sur le cep que son écorce, unie, vivante, il déliera la douille, il lèvera l’anneau et les disques, l’un après l’autre, en leur faisant former le cône tronqué de l’enton- noir, pour verser tout ce qui y sera tombé dans une boîte en fer-blanc ayant la forme d’un grand seau, garnie d’une anse, fermant hermé- tiquement , comme les tabatières cylindriques. A la fin de la journée, il fera un feu très-large au milieu duquel il versera tout ce qu’il y aura dans la boîte. S'il aperçoit quelques fentes sur le cep, il les masti- quera avec de la cire jaune térébenthinée. Cet échenillage bien fait dé— truira presque toutes les chenilles. La vendange suivante payera géné- reusement l’échenillage. Le cep bien nettoyé végélera plus vigoureu- sement et vivra plus longtemps. » M. l'abbé Somni , de Mirecourt , dépose sur le bureau un mémoire manuscrit relatif à l’utilité de la culture des tuber- cules du Lathyrus tuberosus. M. le Président informe l’assemblée que, sur la demande de plusieurs membres, les séances de la Section d’histoire naturelle commenceront dorénavant à dix heures. En conséquence , demain vendredi , la Section se réunira à dix heures du matin pour entendre la suite des communi- calions portées à l’ordre du jour d’aujourd’hui. La séance est levée à midi. Neuvième seance. — Du 7 octobre 1842. Rapporteur : M. LEREBOULLET, Secrélaire. La séance est ouverte à dix heures et demie. Le procès-verbal de la précédente réunion est lu et adopté. M. le docteur Godron, de Nancy, adresse une brochure DIXIÈME SESSION. 189 intitulée : Quelques observations sur la familledes Alsinées : Nancy, 1842. M. Duvernoÿ communique à l’assemblée les résultats aux- quels l’ont conduit ses recherches sur la structure intime des dents des mammifères, particulièrement des dents de musaraignes. «M. Duvernoy rappelle ses travaux sur les musaraignes qui datent de 1834. Cette année il a étudié la dentition de ces petits mammifères sous le rapport de la composition générale des dents et de la structure intime de leurs différentes parties, de leurs rapports avec les mâchoires, de leur développement et de leur succession. M. Duvernoy rappelle que cetravail étendu a déjà été présenté à l'Académie des Sciences et inséré dans ses comptes-rendus. «M. Duvernoy parle d’abord de la composition des dents. Après un historique raisonné et très-étendu sur les travaux de ses prédécesseurs, il passe à ses propres recherches. Il fait voir que les canaux dentaires dont la réunion constitue la substance qu’il appelle principale (subs— tance osseuse des auteurs), prennent leur origine dans les parois du noyau pulpeux. A leur naissance, ces canaux ou ces tubes peuvent être considérés comme des troncs vasculaires; ils se rétrécissent un peu dans leur trajet et se rendent toujours par le chemin le plus court vers la surface de la dent; arrivés près de cette surface, ils se ramifient et finissent par former un réseau d’anastomoses. Quelques-uns de ces tubes ne se terminent pas nettement, mais semblent se prolonger jus- que dans l'émail. Ces tubes ont des parois propres formées par les pro- longements de la membrane qui tapisse le noyau pulpeux, et chargées de sécréter les fluides nourriciers. Le nombre des canaux paraît dimi- nuer avec l’âge, et ils finissent aussi par ne plus atteindre la surface de la dent, par suite de l'accumulation de la matière calcaire. Le noyau pulpeux (bulbe) est l'organe producteur de la substance principale ; ce noyau ne sécrèle pas l’ivoire par sa surface externe , ainsi qu'on l’ad- mettait généralement. On sait que le tissu dentaire ne recoit pas de vaisseaux , ce qui le distingue du tissu osseux. Le noyau pulpeux con- tient lui-même le canevas de la dent , il contient tout d’abord les tubes ou canaux dentaires; mais c’est en même temps un follicule qui verse dans sa cavité les matériaux nécessaires au développement de la dent ; ces matériaux sont pris ensuite par les tubes et conduits à la surface. « L’émail est en quelque sorte l’épiderme de la dent ; les prismes qui le composent sont implantés dans les dépressions qu’on observe à la surface de l’ivoire ; une membrane le sépare de cette dernière substance, et il est lui-même sécrété par une autre membrane faisant partie de la capsule dentaire et qu’on connait sous le nom de membrane émaillante. Quand les dents sont colorées, la membraneémaillante participe toujours à cette coloration. Le ruban d’émail est toujours plus épais dans les pointes des dents que dans les intervalles de ces pointes. 190 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. «Le cément n’a été considéré jusqu'à présent que comme lenant à la dent ; il fallait aussi le considérer comme servant à lier la dent à la mâchoire. M. Duvernoy distingue ce dernier cément sous le nom de cément alvéolaire ; il a une régularité remarquable dans les dents des musaraignes ; il se place entre les racines de leurs molaires et sert à les souder aux mâchoires; il tombe et se renouvelle avec les dents; ce cé- ment a la structure des os. «M. Duvernoy dit quelques mots du rapport des dents avec les mâ- chotres et de leur développement. Dans les musaraignes , la couronne des dents déborde les alvéoles des mâchoires; cela provient de ce que le dé- veloppement des dents est ici extérieur. Le premier développement n’a pas lieu dans la mâchoire, mais dans une rainure tapissée par un repli du périoste; c'est donc en dehors du périoste et non dans la mâchoire elle-même que le développement se fait. La dent occupe, dès le prin- cipe , la place qu'elle doit toujours occuper ; Ja racine , la couronne et le cément paraissent à la fois, mais la racine durcit la dernière. C’est cette circonstance qui fait qu’il ne peut y avoir d'évolution, comme cela à lieu pour les dents des autres mammifères. «M. Duvernoy passe à la succession des dents. Les musaraïignes ont une deuxième dentition et peut-être plusieurs autres. Ce renouvellement est sans doute nécessité par la prompte usure de ces organes, dont les substances sont minces et transparentes au point qu’on voit à travers le noyau pulpeux coloré en rouge. Toutes les dents se renouvellent simul- tanément et toutes se durcissent à la fois. M. Duvernoy a recherché quelle influence eelte espèce de mue pouvait avoir sur le reste de lor- ganisme. Dans les individus qu'il a étudiés et qui avaient été pris dans les mois de juillet et d'août, le tube digestif était vide, les os du crâne un peu ramollis et le foie comme huileux. «M. Duvernoy met sous les yeux de la Section de nombreuses prépa- rations et detrès-beaux dessins représentant les divers points de Por- ganisation du tissu dentaire. » M. le docteur Schuré demande si le cément contient des canaux médullaires, et s’il est formé ou non par le périoste ? M. Duvernoy répond qu’il ne croit pas qu’il existe des canaux médullaires dans le cément; quant à son origine, il n’est pas produit par le périoste ; le cément alvéolaire est produit par une membrane particulière qui enveloppe ce cément et qui pourrait bien sécréter par sa face externe le cément dentaire , tandis qu’elle séparerait le cément alvéolaire par sa face interne. La Section entend diverses communications sur les tour- bières. Le Secrétaire donne d’abord lecture d’une lettre de M. le DIXIÈME SESSION. 49 vicomte de Lavalette, par laquelle ce savant s’excuse de ne pouvoir assister à la séance et communique en peu de mots ses idées sur la formation de la houille. « A l’époque de la formation des houilles, les plantes, on le sait, étaient placées dans les conditions les plus puissantes pour se former, vivre et grandir ; elles se nourrissaient pour ainsi dire entièrement dans l'air; le moindre espace, la moindre fissure entre d’autres plantes étaient assez meuble pour recevoir leurs racines, j'allais dire leurs radi- cules ; car si leur tête s'élevait rapidement , leurs pieds ne s’enfonçaient point; aussi elles tombaient promptement et voyaient aussitôt surgir à côté d’elles d’autres sujets vigoureux. Ainsi les couches s'’amoncelaient. «Les prêles gigantesques, peut-être même quelques sortes de fou- gères et des plantes marécageuses jouaient le même rôle que les Spha- gnum dans la formation des {ourbières. «Les lieux les plus favorables aux développements de ces couches superposées de végétaux furent aussi les plus propices pour recevoir et arrêter les grands amas de végétaux que les eaux enlevèrent des collines et des montagnes. «Alors, il se fit dans ces couches énormes de matières organiques un grand foyer de mouvement et de chaleur. Ce ne fut point un in- cendie , une distillation, comme le prouve l’analyse de la houille, mais une sorte de putréfaction et de combustion latente. Vint ensuite Ja stra- tification qui produisit les différentes qualités de houille et d’anthracite. «Ces considérations me font regarder la formation de la houille comme tout à fait analogue (si non identique) à celle de la tourbe et, pour une des faces de la question, à ce qui s’est passé dans les dépôts de lignites. «Mais la tourbe est formée lentement par la main du temps, tandis que la houille a été produite instantanément par la main puissante de la nature. 3 «Si l'analyse chimique, les études microscopiques , les travaux géo- gnostiques ont produit de nombreuses vérités partielles, si mes recher- ches, mes expériences m'ont démontré qu'il y a une analogie intime entre les deux formations de la tourbe et de la houille, il faut le dire, la vérité absolue, complète restera longtemps, toujours peut-être dans l'obscurité ; car il y a dans les grands phénomènes que nous ont légués les cataclysmes , une cause violente, insaisissable, immense, qui échappe non-seulement à l'analyse, mais encore à la conception de l’homme ; l’homme ne peut découvrir l'effet instantané qui est produit dans ces grandes crises de Ia nature par les influences combinées de toutes les forces réunies. » * Le Secrétaire donne ensuite lecture de la note suivante : Sur la formation des tourbières dans l’est du département de la Moselle et en particulier dans les environs de Bitche ; 192 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. par d. d. J. Holandre , ancien bibliothécaire de la ville de Metz. «N'ayant pas eu la possibilité d'étudier d’une manière générale ou étendue le mode de formation et de reproduction de la tourbe, tel que le propose, par la septième question de minéralogie et géologie, le Programme de la dixième Session du Congrès scientifique de France, _ et de présenter un travail complet, je me contenterai de vous adresser, Messieurs , quelques observations que j'ai faites il y a plusieurs années sur cet objet, dans mes excursions aux environs de Bitche, et sur le rôle important que jouent les Sphagnum dans le phénomène de la production de la tourbe. «Ayant reconnu que la masse des tourbes de cette contrée était for- mée en grande partie par les sphaignes ou sphagnum , je portai d’abord mon attention sur la manière dont s’établissent et croissent ces espèces de mousses qui donnent naissance à la tourbe, et je cherchai à décou- vrir des tourbières nouvelles ou commencant à se former. Je remarquai bientôt que les sphagnum s'élablissent non-seulement dans le fond des vallées, mais aussi sur des pentes assez inclinées, et cela dans tous les lieux où l’eau filtre petit à petit à la surface du sol. Cette filtration a lieu, soit à travers des sables, soit sur les grès vosgiens qui forment en général la base et le sol de cette contrée. J'examinai quelques lieux humides où ces grès avaient été dénudés plus ou moins récemment, et je vis dans plusieurs endroits que l'eau y filtrait tout le long des joints des couches de grès, et que, dès la première année, ces fissures humides étaient déjà en partie garnies de jeunes sphaignes, à peine hautes de quelques millimètres , lesquelles s’étendaient et augmentaient d'épais- seur à mesure qu’elles avancaient en âge. «Je remarquai en plusieurs endroits que ces grès avaient de l’incli- naison vers le fond des vallées et sur leurs côtés où ils venaient affleurer le sol; et je pensai dès lors que l’autre bord où les tranchées de ces couches pouvaient bien se montrer au jour dans quelques lieux plus ou moins éloignés, où elles recevaient les eaux pluviales, qui, s’infil- trant à travers leurs joints, suivaient la pente des couches jusqu’au lieu où elles venaient affleurer le sol dans les vallées , et s'y épanchaient sous la forme de filtrations. «Ce n’est donc pas à cause de la stâgnation des éaux dans les vallées sans écoulement que s’établissent les sphaignes, les plantes cypéracées et autres dont les débris concourent à augmenter la masse des tourbes, comme on l’a souvent répété, puisque des tourbières ou des marais tourbeux se trouvent aussi sur des terrains inclinés, et que les ruis- seaux qui traversent celles des environs de Bitche témoignent, par leur écoulement, d’une pente assez forte. «L'eau filtrant ainsi sur de grands espaces du sol du grès vosgien où se trouvent les marais tourbeux, ceux-ci en sont constamment impré- gnés de bas en haut jusqu’à leur surface, et les sphaignes qui les cou- vrent avec d’autres plantes et petits arbustes qui viennent se joindre à OT TS DIXIÈME SESSION. 195 elles, s’accroïssent d'année en année, en exhaussant petit à petit le terrain , tandis que la partie inférieure de ces sphaignes prend une cou- leur brune et se convertit à la longue en véritable tourbe, avec les racines et débris des plantes qui ont crû au milieu d’elles. «C’est à raison de cette filtration continuelle des eaux de bas en haut qu'il est si difficile de saigner et de dessécher des terrains bumides que l'on voudrait rendre à la culture; on y fait, à la vérité, de nombreux fossés d'écoulement; mais l’eau filtrant goutte à goutte sur de grands espaces du fond du sol, continue à imprégner d'humidité l’humus ou terre végétale qui se trouve au-dessus, sans qu’il soit possible d'en dé- truire la cause. «Dans nos terrains secondaires de Fouest du département de la Mo- selle, où les vallées sont creusées dans le terrain oolithiqueet le lias, on ne voit rien de semblable et point de marais tourbeux. C’est que dans ces terrains les couches ou bancs calcaires sont presque horizontaux et présentent leurs tranches sur les côtés des plateaux et des collines qui les composent. Les eaux pluviales s’insinuent alors par le haut à travers les fissures qui s’y trouvent; mais ces eaux trouvant au-des— sous des bancs argileux et marneux qu’elles ne peuvent pénétrer, elles s'arrêtent à leur surface et suivent leur légère pente ou leurs dépres- sions pour venir sortir sous la forme de sources ou de fontaines au fond des vallons, ou le long de ces collines au point de séparation des bancs d’oolithe et des marnes argileuses du lias. «Une observation que j'ai faite et qui m'a conduit à expliquer pour- quoi les sphagnum, dont la tourbe est composée en grande partie, parais- sent souvent dans celle-ci très-bien conservés, c’est que les mousses, en général, restent très-longtemps dans la terre sans perdre leur forme et sans se décomposer. J'avais fait enfouir de la mousse commune avec des plantes herbacées du jardin pour m'en débarrasser et les convertir en terreau ; mais au bout de plusieurs années, les mousses, quoique dissé- minées avec les autres plantes, étaient restées intactes et presque dans le même état où elles étaient lorsqu'elles avaient été enfouies. Cela m’a donné la raison de la conservation de la partie inférieure des sphaignes, qui appartiennent aussi à un genre de mousses, et dans la tourbe elle- même, quoiqu’elles aient été constamment imbibées d’eau pendant une longue suite d'années. «Les espèces du genre sphagnum que l’on observe dans les marais de Bitche sont particulièrement le Sphagnum latifolium HEDW., qui m'a paru recouvrir la plus grande partie des tourbières; ensuite le Sphagnum acutifolium Eurx. M. le docteur Schultz, de Bitche, m’a envoyé une troisième espèce , le Sphagnum subsecundum ; mais j'ignore si elle est commune aux environs de Bitche. «Quant à la reproduction de la tourbe dans les endroits où elle a été exploitée, il n’est pas étonnant que, la même cause des eaux filtrantes de bas en haut y existant toujours, les sphaignes s’y établissent et y croïssent de nouveau, pour produire de la nouvelle tourbe au bout d'un certain nombre d'anûiées, » 13 494 CONGRÉS SCIENTIFIQUE DE FRANCE Après cetle lecture, M. Schimper demande la parole pour exposer sa manière de voir sur celle question intéressante. M. Schimper croit qu'il ne faut pas chercher la cause de l'influence des sphagnum sur la formation et la propagation de la tourbe dans le caractère général de ces plantes comme mousses, mais bien dans leur caractère spécial comme sphagnum. «Après avoir parlé de la place que doivent occuper les sphagnum parmi les plantes muscinées, et après avoir esquissé les caractères ex- térieurs par lesquels ils se distinguent des mousses proprement dites, il entre dans des détails microscopiques , en commencant par la cons- truction intime des feuilles. Celles-ci ne se composent, suivant lui, que d’une seule espèce de cellules, et non pas de deux, comme on a cru devoir l’admettre. Ces cellules, d’une dimension plus consi- dérable que les cellules dans les autres mousses, se font remarquer tout particulièrement par des stries transversales et des ouvertures ar- rondies. Ces stries ont été prises par tous les auteurs pour des fibres, ‘tantôt en spirale, tantôt en cercles; M. Schimper n’y voit que des étranglements provenant d’un accroissement irrégulier de la cellule. Contre l'opinion de Meyen, il admet avec Hugo Mohl les trous arrondis ; il voit dans ces derniers la cause principale de l'influence des sphagnum sur la formation et la reproduction de la tourbe , en ce que ces ouver- tures , dont il se trouve constamment plusieurs dans une cellule et par conséquent un très-grand nombre dans une feuille, donnent aux feuil- les et à la couche cellulaire qui recouvre la tige, la propriété d’une éponge à pores très-fines et par conséquent très-propre à attirer l’eau. Outre cet effet de capillarité , qui permet à la plante de s’imbiber d’eau avec une grande facilité et de fournir de l'humidité aux cypéracées et autres plantes nécessaires à la formation d'une bonne tourbe, M. Schim- per signale une autre particularité propre à la famille des sphagnées , savoir la disposition des rameaux secondaires. Ces rameaux sont dis- posés par fascicules , chaque fascicule en compte cinq à six , dont deux à trois se redressent et restent assez courts , tandis que les autres s’al- longent et se couchent étroitement contre la tige. On concoit, dit M. Schimper , que par ce moyen il doit s'établir un courant capillaire tout le long de la tige, dès que la base de celle-ci se trouve en contact avec l’eau, et que, par conséquent , il doit se former une irrigation naturelle de bas en haut et de haut en bas, chaque plante constituant un système de siphons. Par ce moyen, l’eau reste constamment en mouvement, et étant très-souvent mise en contact avec l’air de l’atmos- phère , elle peut dégager l’azote et empêcher la putréfaction des masses végétales qui doivent composer la tourbe. Pour donner une idée de l'action capillaire dans les sphagnum, M. Schimper montre à l'assemblée des tiges de ces mousses qu’il venait de plonger dans l’eau par leur partie inférieure et qui s'étaient immédiatement imbibées d'eau dans toutes leurs parties. Pour prouver que Meyen s'était trompé en disant que les cellules à fibres sont seules pourvues d'ouvertures, M. Schimper DIXIÈME SESSION. 495 communique le dessin d’un sphagnum de l'Amérique septentrionale où les cellules sont percées d'ouvertures nombreuses, sans présen- ter la moindre trace des prétendues fibres en spirale. M. Schimper soumet à l’assemblée de nombreux dessins analytiques concernant la structure microscopique des sphagnum. «M. Fée fait observer qu'il y a aussi des lichens qui forment un humus. Il cite le Cladonia rangiferina qui se décompose à sa partie inférieure à mesure qu’il croit par sa parlie supérieure. » M. Fée donne communication de quelques observations faites par lui sur la nervation des feuilles des plantes phané- rogames. j «Il reconnait deux ordres de nervures: celles qui doivent être re- gardées comme des subdivisions successives du pétiole, et celles qui s’y rattachent, sans en naître nécessairement, pour former le réseau dont les mailles reçoivent la chromule. Les premières ouvrent des angles plus ou moins aigus à leur point d'insertion , et peuvent former des courbes vers leur partie supérieure. Dans les graminées, l’angle est tellement aigu, qu'elles paraissent parallèles; elles diminuent de diamètre de la base au sommet; ce sont là les nervures de construc- tion, et la feuille leur doit sa forme et sa consistance. Les autres cons- tituentle réseau de la feuille, elles suivent toutes les directions, s’anas- tomosent en petites mailles , leur diamètre est le même partout ; elles sont fort déliées et constituent une sorte de système capillaire ; leur rapport avec la chromule est intime. On peut leur conserver le nom de veinules, sans chercher cependant à consacrer l’analogie que semble indiquer ce nom. Dans quelques monocotylédones, ces veinules courent parallèlement avec les nervures, et quelques feuilles semblent réduites pour la nervation à la côte médiane. «L'analyse qu'a faite M. Fée de la cuticule d’un très-grand nombre de feuilles, lui a démontré que celle qui recouvre les nervures est diffé- rente de celle qui revêt les veinules. La première est formée de cellules hexagonales allongées dans le sens longitudinal de la feuille ; la seconde est constituée par des mailles à parois flexueuses ayant un diamètre à peuprès égal dans tous les sens. «On peut conclure de cette structure si différente, une différence dans les fonctions. C’est dans le système capillaire de la feuilie que se passent les principaux phénomènes de la nutrition, et c’est lui qui ramène dans les nervures la sève élaborée ou descendante d’où elle passe par le pétiole pour se distribuer aux parties inférieures du tronc où elle nourrit les nouveaux tissus. «Suivant M. Fée, ces données peuvent conduire à d'importantes découvertes, et servir à éclairer quelques points obscurs de la vie phy- siologique des feuilles. @Ainsi, lorsque les auteurs disent que les nervures, les nervilles, les veines et les veinules sont des divisions et des subdivisions du pétiole , 13. 196 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. ils se trompent dans ce qui a rapport aux veinules ; car elles sont une production distincte, quoiqu'en connexion avec elles. » Après cet exposé sur les nervations en général, M. Fée décrit une disposition particulière que présentent les nerva- tions chez la plupart des aroïdées. «Il existe une nervure médiane qui continue le pétiole; de celle-ci se détachent, comme dans la plupart des dicotylédones, des nervures se— condaires latérales et souvent même tertiaires. Toute cette nervation s'élève vers la marge en diminuant de la base au sommet, mais en dé- crivant des courbes vers le haut. La médiane et les latérales vont toutes se réunir à une nervure marginale qui suit à des intervalles sensiblement égaux le pourtour de la feuille ; à une courte distance s'étend une autre nervure : celle-ci est d’un plus petit calibre et parallèle ; l’une et l’autre sont réunies par des nervures transversales. «Ces nervilles marginales tirent leur origine du pétiole, mais elles se grossissent évidemment, dans leur parcours, des fibres fournies par les nervures latérales, car elles sont d'autant plus fortes qu’elles s’éloignent davantage de la base de la feuille. La présence de cette double nerville marginale est déjà un fait curieux; ce qui va suivre l’est pourtant bien da- vantage; car, vers la marge, commence une nouvelle nervation, laquelle descend vers la nervure médiane en se ramifiant. Le plus gros calibre de ces nervilles est vers la marge, et on les voit insensiblement se terminer vers la côte médiane, avec laquelle pourtant elles sont en rapport. «Cette disposition singulière est principalement évidente dans les Caladium ; elle est beaucoup plus obscure dans les Pothos , les Calla , les Dracuntium. On la reconnait très-bien dans les Arum. «Cette observation vient à l’appui de la théorie que professe M. Fée. Pour lui, il y a chez les feuilles deux systèmes de nervation. Les nervures qui proviennent du pétiole et de ses subdivisions, les veinules qui s'ap- puient sur elles et forment le réseau destiné à recevoir la chromule. «Les nervures sont coniques, à diamètre inférieur plus large. «Les veinules ne le sont pas , leur diamètre est égal partout. «Les nervures ouvrent des angles. «Les veinules forment des mailles. «Ce qui prouve encore mieux l'indépendance de ces deux ordres de vaisseaux, c’est que les deux cuticules qui les recouvrent sont diver- sement organisées. » La séance est levée à une heure. Dixième séance. — Du 8 octobre 1842. Rapporteur : M. LEREBOULLET, Secrélaire. La séance est ouverte à dix heures et demie. Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté après une légère rectification. DIXIÈME SESSION. 497 M. Duvernoy ajoute à la communication qu’il a faite hier, que les musaraignes ont une seule capsule pour toutes les molaires et une seule membrane émaillante. Sous ce rapport, les molaires des musaraignes jouent le même rôle que les lames dont se composent les mâchelières des éléphants. Ouvrages présentés : M. Hesselat, ancien officier du génie, dépose sur le bureau deux tableaux de la hauteur des Vosges, dont il fait hommage au Congrès. M. Schimper présente, de la part de M. le docteur Carl Schimper, une carte géologique du royaume de Bavière, avec des coupes destinées à expliquer sa théorie sur le plissement de l’écorce terrestre. M. de Caumont adresse, de la part de M. le comte des Guidi, une brochure sur les moyens homæopathiques de guérir la rage. M. W.F. Koch, intendant de S. M. le roi de Wurtem- berg , adresse une note, écrite en langue allemande, sur la reproduction des abeilles. M: Saucerolte, qui s’est chargé de la traduire, en indi- que rapidement le contenu. «M. Koch pense que le développement incomplet des abeilles ou- vrières provient de ce qu’elles se sont trouvées dans des cellules trop étroites , que néanmoins les matériaux nécessaires à la formation d’une abeille parfaite existent et servent alors au développement de l'appareil mellifère et de la trompe. M. Koth prétend que les mâles ne fécondent pas la reine, mais bien les cellules vides; cette fécondation se fait en été, mais elle n’est utilisée par les abeilles qu’au commencement du prin- temps. «M. Saucerotte fait observer que la note de M. Koch ne renferme de neuf que son opinion sur la fécondation des cellules, et que cette opi- nion ne saurait nullement renverser les observations positives faites par Réaumur et Huber sur la fécondation de la reine par les abeilles mâles. M. Silbermaon lit une Vote monographique sur la gale- ruque du nénuphar. «Après avoir énoncé les caractères du genre galéruque, tel qu'il est admis maintenant par les entomologistes, M. Silbermann dit quelques mots des mœurs de ces insectes. Les mœurs des galéruques, en géné- ral, ressemblent à celles des chrysomèles ; leur démarche est assez lente, plusieurs d’entre elles se servent rarement de leurs ailes ; d’autres, au contraire, volent rapidement; elles sont toutes timides et se laissent tom- ber ou s'envolent quand elles se croient menacées de quelque danger; celles qui se laissent tomber restent quelques instants immobiles pour tromper leur ennemi. Elles se nourrissent de feuilles et se tiennent le plus ordinairement dans les lieux ombragés et frais, sur des buissons 198 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. ou des fleurs, dans les bois et les prairies, près du bord des rivières. «L'espèce qui fait l'objet du travail de M. Silbermann, vit sur les feuilles du nénuphar, d'où elle a reçu son nom. Elle est connue depuis longtemps à l’état parfait; mais ses précédents états, ses métamorpho- ses et ses mœurs ont été moins étudiés. M. Silbermann donne une des- cription détaillée de l’insecte parfait et de sa larve. Au moment de pas-— ser à l’état de nymphe, la larve s'attache à la feuille par l'anus, à l’aide d’une sérosité glutineuse, et se dépouille de sa peau, qu’elle refoule jus- qu’au dernier segment et en forme une espèce de paquet. D’une cou- leur jaune orange au commencement de cette métamorphose, la larve prend peu à peu une teinte plus foncée et finit par passer entièrement au noir. La nymphe est beaucoup plus renflée que la larve; on remar- que bientôt, à travers la membrane qui la recouvre, les différentes par- ties de l’insecte parfait. «La larve dévore le parenchyme des feuilles du nénuphar et y fait des trous plus ou moins allongés, dont les plus longs atteignent cependant à peine quarante millimètres ; jamais elle ne ronge la feuille dans toute sa longueur. Sa croissance est rapide. Quand elle est sur le point de se métamorphoser, elle se fixe à la feuille et-refoule sa peau ainsi qu’il a été dit. L’insecte parfait perce, à l’aide de ses mandibules, la membrane qui le recouvre et se dépouille de son enveloppe. «Cet insecte diffère de beaucoup de ses coñgénères par son agilité et la rapidité de son vol. Au moindre rayon du soleil, il déploie toute sa vi- vacité et voltige d’une feuille à l’autre. Par les temps couverts, il se lient tranquillement sur la feuille, souvent immobile et comme privé de vie, ou bien occupé à se nourrir, et, moins vorace que la larve , il se con tente du parenchyme supérieur, sans percer la feuille. «Le balancement qu’éprouvent les feuilles du nénuphar le fait sou- vent plonger sous l’eau, mais sans aucune suite fâcheuse, l’insecte par- fait étant couvert d’un duvet soyeux, tandis que la larve et la nymphe sont protégées par une sérosité glutineuse. « L’accouplement se fait sur les feuilles du nénuphar ; le mâle est un peu plus petit que la femelle, mais ressemble à celle-ci par ses autres caractères. Il y a plusieurs générations par été. On trouve l’insecte de- puis le mois de mai jusqu’en automne, constamment sur la même plante et jamais ailleurs. » M. Silbermann communique une très-belle planche qui représente l’insecte à ses différents états, M. Fée demande si M. Silbermann n’en a pas rencontré sur le nénuphar blanc (WNymphæa alba) ou sur le nénuphar des lacs. M. Silbermanu répond qu’il n’en a jamais observé. Il rap- pelle que chaque plante nourrit son insecte et quelquelois plusieurs, excepté lorsqu'une plante est iransportée dans d’autres contrées très-éloignées de leur patrie; alors les in- DIXIÈME SESSION. 499 sectes ne la suivent pas, et c’est pour cetle raison que les insectes nuisibles respectent les plantes exotiques. M. Lereboullet lit un discours sur l'Unité de l'espèce hu- maine. La Section, après avoir entendu cette lecture, ex- prime le vœu que ce discours soit reproduit en assemblée générale et imprimé textuellement dans le Compte-rendu du Congrès. La discussion sur ce sujet sera mise à l’ordre du jour de demain. M. Schimper communique, de la part de son cousin, M. le docteur Carl Schimper, de Munich, un mémoire sur la construction de la fleur des crucifères. «La fleur des crucifères est une fleur meiomérique, c’est-à-dire une fleur dont le système carpellaire (feuilles carpellaires, le carpidium) se trouve construit sur un nombre moindre que celui commencé par le calice. Elle offre # feuilles calicinales , 4 feuilles florales , 4-+ 4 étami- nes (feuilles polliniques melbra), et seulement 2+2 membres du sys- tème carpellaire, dont les deux externes manquent ordinairement, tandis que les deux internes existent. «Elles n’ont pas leurs 4 carpides disposés sur un seul cycle, mais . bien 2+-2 disposés sur deux cycles différents, dont le premier fait une pause. M. Schimper donne des exemples d’un grand nombre d’autres plantes meiocarpiques dont les parties internes de la fleur se trouvent construites sur une base pentamérique; les Campanula, par exemple, qui présentent 5 sépales , 5 pétales, 5 ou 5 +5 étamines , n’ont que 3 carpides ; les Asperifoliæ , les Labiatæ et les Solanées n’en ont que 2 (242!) (dans les Papilionacées, où l’on n’en trouve qu'un, la pré- disposition était pour 2). «Ce qui arrive pour les fleurs pentamériques peut aussi arriver pour les fleurs tétramériques. Nous citons seulement le Rhamnus catharticus, qui a 3 carpides , le Machringia, qui en a 2. M. Schimper montre par une série d'exemples (les Triglochin palustre et maritimum , dont le premier n’a que 3 feuilles carpellaires ; le second, 6 ; les Orchis , les Lris, le Campanula medium, etc.) que le système carpellaire peut pré- senter un cycle en repos (pause) à l’état ordinaire, en action, à l’état exceptionnel. Dans les Cratægus, les Potentilla et d’autres dicotylédones de la famille des Rosacées, on trouve souvent des cycles du système pollinique en repos (Schwindekreise!); c'est aussi le cas dans les cruci-" fères. Dans la plupart des crucifères, ce n’est que le cycle interne qui se montre complet en offrant le nombre 4; celui-ci, correspondant aux 4 étamines plus longues, le cycle externe ne se trouve en action que par- iellement en ne montrant que les deux petites étamines qui occupent la place vis-à-vis des sépales latéraux. Mais il y a une crucifère qui mon- tre l'inverse de la construction ordinaire ; la fleur de cette plante est privée de tout ce qui existe dans la fleur des autres crucifères ct pré- 200 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. sente seulement les parties qui manquent à celles-ci; c'est le Lepidiwm ruderale (Senkenbergia), que M. Schimper a nommé Pelidiwm , tant pour exprimer la physionomie extérieure de la plante (æAts, sans coù- leur, pâle) que pour rendre attentif à sa singularité morphologique. «M. Schimper fait remarquer que de toutes les fleurs tétramériques il n'y en a aucune qui présente autant de difficultés que la fleur des Plantago, fleur qui, sans la découverte que les parties internes se trou- vent construites sur un calice pentamérique, ne saurait nullement être expliquée. Cette découverte a montré que la fleur des plantago est cons- truite à la manière des Veronica, dont déjà les graines font présumer une analogie entre les Plantaginées et les Véronicées. M. Schimper a en sa possession un épi floral du Veronica incana, qui montre dans toutes ses fleurs une construction fondamentale pentamérique. Pour revenir au système carpellaire des crucifères, M. Schimper fait obser— ver que les carpelles antérieurs et postérieurs se trouvent soudés aux carpelles latéraux à l’état ordinaire, mais libres par exception; il cite l'exemple de la fleur d’un échantillon de Sinapis arvensis, où les carpel- les antérieurs et postérieurs se trouvent développés. » M. Bertrand de Lom, membre de la Société géologique de France , met sous les yeux de la Section plusieurs échan- tillons de minéraux, savoir : «1. L'existence de l’anatase dans le peroxyde de fer de Framont, en octaèdres aigus, modifiés, d'une perfection étonnante. «Ce fait pourra expliquer l’origine de l’oxyde de Titane qu’on a ob- servé depuis quelque temps dans les cheminées de certains hauts-four- neaux. «2. Un silicate de soude cristallisant en octaèdre à base carrée , très près du régulier. «Cette substance présente des phénomènes de groupement de cris- taux, à angles rentrants, analogues à ceux du rubis spinel. D’après l'analyse qu’en a faite M. Damour, celte espèce doit être regardée comme nouvelle. «C’est dans la formation volcanique de Sasbach (grand-duché de Bade) que cette substance se trouve en petits cristaux. «M. de Drée l’a nommée faujassite, en l'honneur de Faujas Saint- Fond, qui a écrit sur les volcans. «3. Un sulfate de chaux hydraté, de formation ignée contemporaine, en cristaux limpides, très-beaux et d’un grand volume. «C'est dans les houillères embrasées des environs de Rive-de-Gier (Loire) que le phénomène s’est produit. «4. Le corindon bleu et le grenat rouge à base de fer, faisant partie constituante accessoire d’une pegmatite, laquelle s’observe en rognons enveloppés de brèches basaltiques ou de laves scorifées. «De semblables faits ne laissent aucun doute sur l'origine de ces gemmes, et permettent de conclure, avec raison, que s’il existe des DIXIÈME SESSION. 201 corindons et des grenats de formation volcanique, il en existe aussi , dans ces mêmes circonstances , qui ont été évidemment arrachés au granit, par la cause ignée soulevante, et disséminés dans les produits volcaniques. «5. Une substance d’un vert bouteille foncé, à poussière verte, éclat vitreux assez vif, fayant légèrement le verre; elle cristallise en octaëdre régulier et est infusible. «Cette substance se présente ordinairement en rognons facilement clivables , dans un talc-schiste vert, à base de grenats rouges, dans la vallée d'Aoste , en Piémont. «L'auteur propose de l'appeler Sismondite, en l'honneur de M. Sis- monda , professeur de minéralogie à l’université de Turin, et auteur de la carte géologique du Piémont, dont la publication doit avoir lieu incessamment. «6. Un silicate ou sous-silicate rose à base de manganèse, à structure lamellaire, rayant le verre » d’une ténacité considérable; poids spéci- fique encore inconnu. «Cette substance, exposée aux réactions atmosphériques d’une année, comme je l'ai éprouvé par l'effet d'un oubli, perd complétement sa couleur rose et devient noire. «Ce fait prouve clairement que ce silicate de protoxyde de manganèse n’est pas celui connu sous le nom de rhonile, qui conserve sa couleur rose indéfiniment. : «Le silicate de manganèse noir, résultant des modifications de ce silicate rose, peut être considéré, à juste raison , comme un minerai pseudomorphique, par épigynie du minerai rose. «Ces substances, extraites depuis quelque temps, constituent un petit amas de forme ellipsoïdale, allongée , dont le grand axe était pa rallèle à la stratification d’un micachiste subordonné, de la vallée de Saint-Marcel, dans lequel il était enclavé. «7. Un fluorure de calcium, d’un blanc très-uniforme, en masses lamellaires d’un clivage difficile, d’un poids spécifique et d’une dureté supérieurs à ceux des fluorures des autres localités connues, sans phos- phorescence et sans décrépitation. CM. Bertrand propose de donner à cette variété le nom de Drancéite, du nom de la vallée de la Drance (Bas-Valais), dans laquelle elle a été observée. «Cette substance sert de gangue à un sulfure de plomb, lequel est subordonné à une roche amphibolique. «8. Etenfin, pour derniers faits, l’aimant cristallisé en octaèdre 3 Prenant la limaille de fer; et quatre formes nouvelles dans le fer oxy- dulé ou aimant, savoir : le dodécaèdre rhombaïdal tronqué sur ses arêtes; le trapézoèdre résultant de la forme précédente par extension de ses. plans modifiants; le même dodécaèdre biselé sur ses arêtes; et enfin le solide à Quarante-huit faces, analogue à celui qu'offre le diamant, résultant de la forme précédente par extension des plans modifiants, 202 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. .. «Ces quatre formes ont été trouvées dans le fer oxydulé de Fra- verselle, » Avant de lever la séance, M. le Président désigne MM. Fée, de Billy et Lereboullet pour faire partie de la commission chargée d’organiser la Société encyclopédique des bords du Rhin. La séance est levée. Séance de clôture. — Du 9 octobre 1842 Rapporteur : M. LEREBOULLET, Secrétaire. Le procès-verbal est lu et adopté. Sur la proposition du Secrétaire, la Section vote l’impres- sion du mémoire de M. le docteur C. Schimper, lu dans la séance précédente. M. de Lavalette écrit qu’il ne peut se rendre à la séance, et donne quelques-unes de ses idées sur la formation de la houille. M. de Lavalette annonce que son mémoire paraîtra dans l’un des prochains numéros de l’'Écho du monde sa- vant. La parole est à M. Lereboullet : «M. Lereboullet communique un travail sur la Ligie des hypnes , petit crustacé isopode de la famille des cloportides, qui vit aux envi- rons de Strasbourg dans la mousse humide. L'auteur fait connaitre ses caractères extérieurs et les principales circonstances de son organisa üon. Ce mémoire est accompagné de planches qui sont mises sous les yeux de la Section. M. Lereboullet pense qu’il faut maintenir le genre Ligidium établi par M. Brandt pour cette espèce. «M. Lereboullet communique les résultats d’un autre travail sur la * détermination des espèces de cloportides appartenant aux genres Onis- cus, Philoscia et Porcellio. I croit devoir supprimer le genre Philosciæ établi par Latreille sur des caractères insuffisants, l’auteur n'ayant trouvé aucune différence de formes entre la philoscie des mousses et le cloporte des murailles. Il propose en conséquence de lui restituer le nom d'Oniscus muscorum, que Cuvier lui avait donné. «Quant au genre Porcellio, M. Lereboullet' décrit les espèces sui- vantes , trouvées à Strasbourg : ?. scaber (avec ses trois variétés dis tinguées par M. Brandt sous les noms de wnicolor, marginatus et mar- moratus); P. dilatatus BRANDT, P. lœvis LATR., P. pictus Br. (avec ses variétés : fessellatus, marmoratus el flavo-maculatus), P. armadil- loides LERER,, et P. trivillatus LERES. L'auteur a décrit ces espèces DIXIÈME SESSION. 205 avec tous les détails nécessaires, en prenant surloul pour caractères spécifiques , ainsi que l’a fait M. Brandt, les lobes du front et le der- nier article de l'abdomen. «M. Lereboullet fait connaître, en terminant, le procédé qu'il em- ploïe pour exposer les petits animaux que l’on conserve dans l'esprit de vin, tels que les araignées, certains insectes, les petits crustacés, etc. Ce procédé consiste à coller ces animaux, à l’aide de gomme ara- bique, sur de petites feuilles de carton blanc, lisse, coupées d’après les dimensions des vases; quand la gomme est sèche, on met la plaque de. carton dans de l'alcool presque pur (28 à 30 degrés de l’aréo- mètre de Baumé). On peut, de cette manière, étendre les pattes et placer les animaux dans telle position qu’on veut leur donner. Cette méthode, employée au Musée de Strasbourg depuis trois années , a obtenu les suffrages de tous les étrangers qui sont venus visiter les col- lections. Lorsque les objets que l’on veut exposer sont blancs ou de couleur claire, on emploie du carton recouvert de papier glacé noir. » M. Kirschleger lit une note sur l'ovaire infère, dans la- quelle il combat l'opinion émise par Schleiden contre celle de Decandolle. «Vous connaissez tous, dit M. Kirschleger, l'opinion établie en 1801 par Baasch, et reproduite par M. Decandolle en 1826, dans son Orgo- nographie et en partie déjà dans sa Théorie élémentaire, sur l'ovaire infère. «Ces auteurs condamnèrent la doctrine ancienne de l’épigynie et de la périgynie, établie avec tant de ténacité par A. L. de Jussieu. Tous les bons livres élémentaires, Bischoff, Lindley, etc., partagèrent l’opinion de Decandolle, c’est-à-dire qu’ils envisagèrent l'ovaire infère comme un ovaire adhérent au tube calicinal. Dans toute fleur il y a véritablement hypogynie; mais dans la périgynie il y a adhérence des bases pétali- ques et staminales à la paroi interne des sépales cohérents en tube dans leur partie inférieure, le cycle carpellaire étant encore parfaitement libre. Dans l'épigynie, ce dernier se soude également au calice par l’inter- médiaire des bases pétaliques et staminales. «Telle est, en peu de mots, la doctrine candollienne admise égale- ment par la grande majorité des morphologues allemands et anglais. … (Toutefois il y avait encore divergence sur la nature des bases péta- liques et Staminales adhérentes au calice. Les uns croyaient qu’elles appartenaient à un prolongement de l'axe du pédoncule; M. Decan- dolle même partageait cette opinion. Ce prolongement de l'axe sur le . lube calicinal était décrit sous le nom de disque, de torus, etc. « Ces considérations ne détruisaient ni la périgynie ni l’épigynie de Jussieu. Tout le monde botanique admettait généralement cette opinion sur a morphologie del'ovaireinfère, quand M. Schleiden vint , en 1839 (Wiegmanns Archiv), et plus récemment encore, dans ses Éléments de la bolanique scientifique, imprimer ces paroles : «Un des exemples les plus saillants de la légèreté et de l'inconséquence des botanistes, c’est l'opi- 204 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. nion de Decandolle sur l'ovaire infère. On dit que dans les Iridées, les Onagraires, le calice est adhérent à l'ovaire. Personne n’a même osé douter de la vérité de cette assertion. Eh bien, il faut la rayer com- plétement de nos doctrines scientifiques; c'est une erreur grossière que le développement de la fleur ne justifie d'aucune manière. » L’au- teur renvoie à son opinion déjà exprimée dans Wiegmanns Archiv. Voici ce que nous y lisons : «Le véritable ovaire infère (on en excepte l'ovaire infère des Pomacées) n’est nullement formé par les feuilles carpellaires; mais il est au contraire exclusivement formé par l’axe creusé , à l'instar de ce qui a lieu dans la figue. Les feuilles carpellaires ne servent qu’à former les styles et les stigmates, et l’on remarque même que la cavité ovarienne est déjà très-avancée dans son développement, alors que l'on trouve à peine des traces du style et du stigmate. Les ovaires dits infères des Asarinées , des Ombellifères, des Onagraires, des Iridées, etc., appartiennent tous à ce système d’ovaire axile. Ainsi l'ovaire in fère n’est que l’axe creusé, en même temps que les ovules ne sont jamais que des bourgeons naissant sur des placentaires centraux ou déviés sur les parois. » «L’urcéole des rosiers n’est également, d’aprés Schleiden , qu'un axe creusé dont les parois donnent naissance aux ovules. QE nous est impossible d'admettre ces opinions. Plusieurs monstruo- sités nous offrent des arguments à y opposer. Ainsi nous avons observé une antholyse de Campanula persicifolia, qui nous offrait une disjonc- tion et une extension de tous les cycles floraux; au sommet de l'axe se trouvaient trois feuilles carpellaires avec leurs bords étalés, épaissis et chargés de rudiments ovulaires, tandis que dans l’état ordinaire ces trois feuilles carpellaires sont adhérentes au tube calicinal par l’intermé- diaire des bases pétaliques et staminales: «Trois monstruosités de rosier nous démontrent que l’urcéole de la fleur de cet arbuste est formé par les bases élargies ou stipules , soudées ou cohérentes par leurs bords; car dans ces cas monstrueux, ces feuilles calicinales étaient libres et développées comme les feuilles ordinaires ; l'axe se continuait el présentait alors tous les caractères des Renôn- culacées proprement dites. «Une autre monstruosité, celle que nous avons observée sur le Trago- pogon pratensis (Mém. de la Société d'hist. nat. de Strasbourg , XIE, 2€ Jiv.), nous révèle également que l'ovaire infère des Composées est formé par deux feuilles carpellaires qui naissent au-dessus des éta- mines, et qui s’effilent vers le sommet; cette atténuation constitue les deux branches du style à l’état ordinaire. Dans cette monstruosité, tous les cycles floraux (calices, cor., étam., carp.) étaient disjoints et sé- parés. La fleur ordinairement à insertion épigyne s’est donc présentée à nous avec tous les caractères de l’hypogynie. «Nous croyons queces quelques faits nous autorisent à admettre encore l’opinion candolléenne , à savoir que l'ovaire infère est produit par la cohérence des carpidies et leur adhérence au tube calicinal à sépales soudés par leurs bases, adhérence opérée par l'intermédiaire des bases DIXIÈME SESSION. 205 8 . . à e je. . - pélaliques et staminales. Comment d’ailleurs encore expliquer les cloi- … sons. des Iridées, des Onagraires dans le système de Schleiden? Ces cloisons trouvent une explication facile dans l’opinion candolléenne.» M. Duvernoy communique quelques idées el quelques faits relatifs à la génération. «M. Duvernoy rappelle les conditions nécessaires pour que la fécon- dation puisse s’opérer , le développement de l’ovule et sa marche vers la surface de l'ovaire, où il est destiné à recevoir l’action vivifiante de l'élément fourni par le mâle. Quand la fécondation n’a pas lieu, les œufs tombent et se perdent: il y a là sans doute une cause de stérilité. L'élément du mâle est porté sur l’ovule par l'intermédiaire de parties vivantes de l'organisme qu’on avait improprement appelées animalcules et qu'on désigne généralement maintenant sous le nom de spermalo- zoaires. M. Duvernoy décrit une nouvelle forme de ces prétendus ani- malcules qu’il a observée dans le homard, et qui est très-différente de celle qu'on rencontre dans l’écrevisse; c’est une espèce de cône irrégu- lier, muni d’un filet qui se détache d’un des points de la surface, à quelque distance de la base du cône. «M. Duvernoy termine par quelques faits relatifs à l'œuf fécondé. Il fait d’abord remarquer la différence qu'il y a entre le nombre et le vo- lume des œufs dans l’écrevisse et la langouste ; puis il rend compte des observations qu'il a eu l’occasion de faire sur le développement des œufs de l’écrevisse de rivière. Ces observations concordent parfaitement avec celles de Rathke, et, chose remarquable, il a existé une coïnci- dence parfaite entre l’époque du développement à Paris et à Dantzig, ce qui prouve que la différence de climat influe peu sur le développe- ment. M. Duvernoy a vu les petites écrevisses au moment où elles ve- naient d’éclore, et il n’a pas observé que ces petites écrevisses fussent aussi différentes des écrevisses adultes qu’on l’a prétendu récemment.» À cette occasion M. Fée rapporte l'observation suivante : «Ayant examiné au microscope de l'urine rendue immédiatement après une défécation un peu pénible, M. Fée a vu dans cette urine des animalcules spermatiques qui s’y mouvaient avec agilité, aussi longtemps que l'urine restait chaude ; ces animalcules existaient quel- quefois en quantité considérable. M. Fée a aussi trouvé fréquem- ment dans ces urines, des globules arrondis, lisses, assez gros quel- quefois pour être vus sans le secours d'instruments grossissants ; ces globules étaient des espèces de kystes remplis d’animalcules et tout à fait analogues aux capsules spermatiques qu’on observe chez les ani- maux. » L'ordre du jour étant épuisé, M. le Président, avant de clore les travaux de la Section, prononce l’allocution sui- vanie : «Avant de nous séparer et de suivre ailleurs la tâche et la destinée 206 CONGRÈS SGIENTIFIQUE DE FRANCE. e He que chacun de nous a reçues de la Providence, je voudrais vous mon- trer , dans une courte esquisse de vos travaux , que vous avez rempli, autant qu’il dépendait de vous, le double but des Congrès scientifiques: celui d'avancer la science et de la répandre. Si vous n’avez pas eu l’oc— casion de discuter toutes les questions du Programme, des objets non moins essentiels ont été préparés et traités ex professo par plusieurs d’entre vous. QIls sont trop présents à votre mémoire pour que je vous les rappelle en ce moment. «Je n'ai donc plus, avant de lever votre dernière séance, avant de clore vos travaux, qu'à vous remercier de nouveau cordialement de l'honneur que vous m'avez fait de me choisir pour les diriger. Vous avez ainsi augmenté très-sensiblement les souvenirs ineffaçables qui m'attachent à cette noble cité, à cet établissement dont la belle organi- sation assure la durée, à ce lieu même où j'ai repris à l’âge de cinquante ans, après une longue interruption, ma carrière scientifique. «C'est ici que je l’ai terminée dans l’académie de Strasbourg, après onze années d'efforts assidus pour propager les saines doctrines de la science; c’est de cette place même que j'ai pris congé, en 1838, de mes chers disciples ; c’est ici qu’ils sont venus me surprendre de la ma- nière la plus touchante en me décernant spontanément un témoignage durable de leur attachement. C’est d'ici que je dois prendre un nou— veau congé non moins touchant pour celui dont le cœur, toujours sen- sible malgré l'hiver de son âge, a dû être vivement ému de la marque insigne d'estime que vous avez bien voulu lui décerner. Si quelque chose peut adoucir les regrets de vous quitter , c’est le souvenir même de cette honorable réunion , de cette fraternité qui a régné pendant sa trop courte durée entre les adeptes de la science , quelle que soit leur origine nationale; c'est cette fusion d'idées qui amène celle des senti ments; c’est celte tendance humanitaire des sciences et des lettres qui marchent à la suite du christianisme, pour rapprocher les nations comme les enfants d’une même famille. «Permettez-moi de compter , pour le peu d'instants que :a Provi- dence me réserve, sur votre souvenir, sur votre estime, sur voire attachement, comme je vous prie de compter sur ma reconnais- sance. » Ces paroles de M. Duvernoy sont accueillies par de vifs applaudissements,. Sur la proposition de M. de Billy, la Section vote des re- mercîments à son Président. La séance est levée à une heure. DIXIÈME SESSION. - 9207 DEUXIÈME SECTION. SCIENCES PHYSIQUES ET MATHÉMATIQUES. Première séance. — Du 29 septembre 1842. Rapporteur : M. FARGEAUD , Secrétaire. . La séance est ouverte à huit heures et demie par M. Far- geaud, Secrétaire, assisté de MM. Laquiante, ancien ca- pitaine du génie, et Kopp, professeur à l’École normale , Secrétaires adjoints. Très-peu de membres inscrits sur la liste officielle assis- tent à celte séance. Un membre fait remarquer que l’heure d’abord indiquée était midi et demi, et qu’un certain nombre de personnes peuvent ne pas connaître le changement qui a élé annoncé à la fin de la première séance générale. Un autre membre ajoute qu’il est à sa connaissance que beaucoup de membres inscrits pour la deuxième Section as- sistent dans ce moment à la séance de la quatrième Section, et qu'un changement dans les heures des séances de ces. deux Sections devient indispensable. Par suite de ces deux observations, le Bureau , d’accord avec les membres présents, décide que le scrutin restera ouvert jusqu’à une heure de l’après-midi, Avant de procéder au dépouillement du scrutin , la Sec- tion , considérant que plusieurs savants étrangers à la ville quitteront Strasbourg avant la fin du Congrès, décide qu’elle nommera quatre Vice-présidents, si toutefois un nombre suffisant de noms se trouve sur les bulletins qui ne contien- nent chacun que quatre désignations. Le dépouillement du scrution pour la présidence donne les résultats suivants : Nombre de votants. . . . . , . .. SREINE RE Pour la présidence : M. BoussiNeaur a réuni, . , . . ., MMIOS DES vx. 208 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Pour la vice-présidence. MIRE nier ee or 0 7 ROOMS VOTE, DER Es 0e un ue 9 ur OR D are de ours LOC OMS un jen Gen es SRE En conséquence, le bureau provisoire proclame M. Bous- singault, membre de l’Académie des Sciences, Président de la Section. Les Vice-présidents sont : MM. pe Harpar, correspondant de l’Académie des Sciences ; Kurrrer, membre de l’Académie des Sciences de Saint - Pétersbourg; Lecoo, professeur d’histoire naturelle à Clermont- Ferrand ; Vocez, professeur de chimie, à Munich. La Section décide qu’elle s’occupera dans la séance de de- main des questions de météorologie. M. Vogel, présent à la séance, prend place au bureau et remercie l’assemblée. Deuxième seance. — Du 50 septembre 1842. Rapporteur : M. FARGEAUD , Secrétaire. MM. Boussigault , Lecoq et Vogel prennent place au bureau. M. le Président ouvre la séance à huit heures un quart, et donne la parole à M. Morin, ingénieur des ponts et chaus- sées à Vesoul. Cet observateur prend pour texte de sa dis- serlalion une question envoyée par lui à la commission cen- trale et mise à l’ordre du jour pour cette séance; savoir : Sur quelle théorie pourrait-on se fonder pour arriver à prédire le temps, et quel est le genre de formule à employer pour cela ? M. Morin commence par lire quelques passages d’un mé- DIXIÈME SESSION. 209 moire déjà imprimé dans le Compte-rendu de la huitième Session du Congrès scientifique tenue à Besancon : il déve- loppe ces passages, en essayant de prouver d’abord qu’on ne doit pas désespérer d’arriver à: l’art de prédire le temps beaucoup à l’avance. « À toutes les époques, dit-il, dans tous les pays, on a observé des «signes qui annoncent l'apparition de certains phénomènes... on dé- «couvre, quoique de loin en loin, de nouvelles liaisons entre les phé- «nomènes météorologiques. Ainsi M. Redfield a trouvé la manière «dont se dirigent les ouragans et les lois d’après lesquelles soufflent les «vents qui les forment; M. Dowe, les rapports d'après lesquels les vents «se succèdent et les phénomènes qui les accompagnent le plus ordinai- «rement ; M. Howard a fait voir comment les diverses formes de nuages «se succèdent et comment elles annoncent le temps , etc. » Abordant la seconde partie de la question, M. Morin commence par annoncer qu’il a déjà recueilli une masse de matériaux à l’aide des- quels on pourrait composer une sorte d'histoire météorologique du globe depuis environ l’an 800 de notre ère jusqu’à l’époque actuelle : il résulte pour lui, des comparaisons qu’il a faites , qu’on ne peut jus- qu'à présent établir aucune période météorologique; qu’à chaque se conde de temps il tombe sur la terre entière la même quantité de pluie, de même qu’elle recoit la même quantité de chaleur, ete. M. Morin énumère-ensuite les diverses causes qui influent sur ce qu'on appelle vaguement le temps. Les unes sont constantes, les autres variables d'une année à l’autre: «Ce qui influe le plus, ajoute-t-il, «sur le changement du temps d’une année à l’autre, c’est l’état plus « froïd ou plus chaud, plus sec ou plus humide de la surface de la terre: «or la nature des saisons qui viennent de s’écouler déterminant cet «état, on pourra déduire ce qui doit avoir lieu dans l'atmosphère, de «ce qui s’y est passé antérieurement, etc. Du reste M. Morin ne se flatte pas d’être arrivé à des formules in- faillibles,, tant s'en faut : s’il a pu se faire quelquefois cette illusion , l'événement n’a pas tardé à le détromper ; cependant il nous a annoncé avec quelque assurance que cette année la ligne de séparation entre les pays secs et les pays humides coupe diagonalement l’ancien monde du nord-est au sud-ouest: d’où résulte une année humide pour la Chine, une grande crue pour le Nil, etc. M. Hugueny, professeur des sciences physiques à Dijon, répond à M. Morin et lui demande d’abord : 1. S'il croit que d’un jour à l’autre les variations d’un même lieu dépendent des variations antérieures des diffé- renls points de la surface du globe, et non pas seulement des variations du lieu où les RATES se font. 2. S'il croit aussi que pour la majeure partie de la surface 14 210 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. du globe, pour la surface des mers, par exemple, et pour les zones polaires, il soil impossible de faire des observa- tions continues. Les réponses de M. Morin étant nécessairement aflirma- lives sur ces deux questions, la conséquence qui en a été déduite par M. Hugueny, c’est que d’une année à l’autre , d’un jour à l’autre, d’une heure à l’autre, il sera impossible de prédire les variations atmosphériques d’un même lieu. M. Cook pense qu’on attribue trop peu d’importance aux marées atmosphériques résultant de l’action combinée de la lune et du soleil. En ayant égard aux soixante à soixante- douze heures de retard qu’éprouve cette sorte de flux et de reflux, il dit avoir formé des tableaux à l’aide desquels, pendant six ans, il a pu prédire les changements de temps et réussir environ trois fois sur quatre. Il dépose entre les mains du Secrétaire un travail relatif à cet objet. M. Barufli ajoute aux faits précédemment énoncés que l’état de la végétation doit être pris en considération par les météorologues, puisque l'Égypte, qui pendant de longues années était presque privée de pluie, en reçoit d’assez fré- quentes depuis les nombreuses plantations faites par le pacha : il fait en outre remarquer que si, comme l'ont sup- posé divers savants, notre globe se trouve à certaines épo- ques dans des régions de l’espace de température différente, il doit en résulter de grandes modifications dans les phéno- mènes atmosphériques. Enfin M. le Président Boussingault fait observer que M. le docteur Mutis, qui a recueilli pendant quarante ans, dans les régions équatoriales , toutes les données atmosphériques, n’a pas trouvé de différences sensibles d’une année à l’autre dans les moyennes. Troisième seance. — Du 1% octobre 1842. Rapporteur : M. FARGEAUD, Secrétaire. M. Boussingault, Président, MM. de Haldat et Lecogq, Vice-présidents, prennent place au bureau. me — —————— DIXIÈME SESSION. 241 * M. le Secrétaire dépose les ouvrages suivants au nom de M. Morin, qui en fait hommage à la Section : 4. Correspondance pour l'avancement de la météorologie ; huit bro- chures in-8°, publiées depuis 14827 jusqu'en 4840. 2. Instruction sur la manière de faire des observations météorologiques. Au nom de M. Parisot : Un grand cahier manuscrit intitulé : Météorologie du département des Vosges ; tableaux. Cet ouvrage est adressé à la Section par le bureau central , afin qu’il soit fait un rapport sur son contenu, si la Sec- tion le juge convenable. La Section a voté des remerciments à M. Parisot. Lecture est faite du procès-verbal de la séance de la veille. M. Hugueny, à cette occasion, déclare que l’opinion négative qu’il a énoncée doit se rapporter non pas à une prédiction vague du temps, mais bien à la prétention que paraît avoir M. Morin d’arriver à déterminer, pour un moment donné ‘et pour un lieu donné sur la surface du globe, les degrés thermométriques et hygrométriques, la hauteur du baro- mètre, la direction et l’intersité des vents, l’état électrique de l’atmosphère , etc. M. de Lavalette fait connaître que, d’après l’opinion de M. Cuulvier-Gravier, il existe dans les régions supérieures de l’atmosphère des courants qui, au bout de deux ou trois jours, descendent dans les régions inférieures , et dont l’ob- servalion lui permet de prédire d’avance la direction et l’in- tensilé des vents, et par suite les changements atmosphiéri- ques qui en dépendent. La région dans laquelle ces courants ont lieu est aussi celle dans laquelle s’observent les étoiles filantes, d’où il faudrait conclure que celles-ci sont plus rapprochées qu’on ne le croit généralement , ou que l’atmosphère s’étend à une hau- teur très-considérable. M. de Lavalette a en outre rappelé qu’ilexiste des relations très-inlimes entre les variations magnétiques et les variations de l’atmosphère. M. Baruffi cite à cette occasion des observations récemment 14. 212 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. faites en Italie; il insiste en outre sur la nécessité de véri- fier plus souvent l'exactitude des instruments employés, et fait remarquer que l’usage des appareils magnétiques est peut-être trop négligé en France. Enfin , M. le Président Boussingault ajoute que sous les tropiques , où les variations magnétiques sont peu sensibles, les variations atmosphériques sont également très-faibles. Lecture faite des questions chimiques du Programme, M. Béchamp obtient la parole sur la quinzième question : Quelles sont les causes physiques et chimiques qui, dans la nature, déterminent journellement la mise en liberté de l’acide silicique ? Il indique les expériences qu’il se proposait de faire, ainsi que les points de vue théoriques qui devaient le guider dans des recherches qui ne sont pour ainsi dire que commencées. M. Engelhardt, directeur des forges de Niederbronn, fait observer qu’un mémoire très-détaillé à ce sujet avait déjà été présenté à l’Académie de Berlin. M. Boussingault rappelle à cette occasion les travaux de Saussure et de M. Payen sur des sujets analogues. La séance est levée à onze heures. Quatrième séance. — Du 3 octobre 1842. Rapporteur : M. FARGEAUD, Secrétaire. MM. de Haldat et Lecoq occupent le bureau. Après quelques observations de M. Barufli, le procès- verbal est adopté. M. de Haldat se proposant de prendre la parole, cède le fauteuil à M. Lecoq. Le mémoire de M. de Haldat a pour titre : Recherches sur la puissance motrice et l'intensité des cou- rants de l'électricité dynamique. Ge travail important se compose de la description des appareils employés par l’auteur et des nombreuses données expérimentales qu’il a obtenues, les unes nouvelles , les au- DIXIÈME SESSION. 213 * tres confirmant des résultats trouvés par d’autres physiciens; il le termine par les conclusions suivantes : «Quelle que soit la théorie admise pour leur explication, il résulte de ces faits : «4. Que les modifications dans l’état moléculaire des corps n’exer- cent aucune influence sur l'intensité des courants, en exceptant pour- tant celles qui diminuent l'agrégation. «2. Que l’altération de l'agrégation ne modifie les courants que par la diminution du contact entre les molécules intégrantes des conduc- teurs. «3. Que la puissance ou force magnétique n’exerce aucune influence sur l'intensité des courants dè l'électricité dynamique. «4. Que les courants d'électricité statique n’exercent aucune influence sur les courants d'électricité dynamique, et que ces derniers courants n’exercent sur eux-mêmes aucune influence, à moins qu'ils ne soient transmis par le même conducteur ou par des conducteurs intimement unis. «5. Enfin, comme conséquence générale, que les courants d’électri- cité dynamique sont animés d’une force motrice dont la puissance ne peut être sensiblement altérée que par le défaut de contact entre les par- ties intégrantes des conducteurs qui les transmettent. » Cette lecture a vivement intéressé la Section, qui en a volé l’impression dans le Compte-rendu, M. Kopp, docteur ès sciences, professeur à l'École nor- male de Strasbourg, fait remarquer que plusieurs des ob- servations de M. de Haldat, sur l’influence de la chaleur, sont opposées à celles de divers physiciens , tels.que Lenz, Jacobi, Fechner, etc. Au reste, M. de Haldat avait déjà an- noncé lui-même que ses résultats étaient, sur quelques points , opposés à ceux de M. Pouillet. Personne ne demandant plus la parole, M. le docteur Kreutzberg , de Prague, présente de l’essence de térében- thine, modifiée par l'acide sulfurique , et ayant la propriété de dissoudre rapidement et à froid le caoutchouc, en lui conservant ses propriétés essentielles : il montre une série d'échantillons de solutions et de feuilles de caoutchouc pré- parées par sa méthode. M. Münch, directeur de l’École industrielle , après avoir luüquelques considérations sur les courants électro-dynami- 1 Voy. mémoires de la 2€ Section, 2° vol, 24 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. ques et leurs applications , présente ses nouveaux appareils galvaniques et les fait fonctionner sous les yeux de la Section, qui lui témoigne une vive reconnaissance 1, La Section des beaux-arts fait prévenir la deuxième Sec- tion qu’elle a nommé une commission pour faire un rapport sur l’horloge de M. Schwilgué, Elle pense qu’il est conve- nable que la deuxième Section nomme aussi une commission qui se joindra ‘à celle des beaux-arts, et ira mercredi pro- chain, à deux heures, entendre les communications que M. Schwilgué voudra bien faire etexaminer son horloge. Cette proposition, mise aux voix, est adoptée par acclamation, et M. le Président désigne comme membres de cette com- mission : MM. Baruffi, professeur à Turin; Laquiante, Secré- taire adjoint; Hugueny, professeur à Dijon; Frisiani, as- tronome de l’Observatoire de Milan; Kupffer, membre de l’Académie des Sciences à Saint-Pétersbourg ; Fargeaud, Secrétaire. M. le Président lève la séance à onze heures et demie. Cinquième séance. — Du 4 octobre 4842. Rapporteur : M. FARGEAUD, Secrétaire. MM. les Vice-présidents Kupffer et Lecoq prennent place au bureau. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adoplé sans observations. Sur la proposition de M. Fargeaud, la Section décide par acclamation que M. Persoz sera prié de prendre place au bureau comme Vice-président. M. le vicomte de Lavalette adresse à la deuxième Section le dernier numéro de l'Écho du monde savant ; il annonce qu’il a déposé dans la bibliothèque de l’Académie, pour la facilité des recherches scientifiques pendant la durée du Gongrès, la collection des douze années du Mémorial en- cyelopédique et la collection de la seconde série de PEcho 1 Voy. le mémoire de M. Münch, t, [er, p. 05. DIXIÈME SESSION. D5 du monde savant, journaux qui renferment les principaux travaux des savants de tous les pays, dans toutes les sciences. M. Heydenreich dépose un travail qui a pour objet de répondre à la vingtième question du Programme : Indiquer un moyen efficace, prompt et facile pour recon- naître les falsifications des huiles du commerce. Ge travail sera la dans la séance du jeudi 6 octobre. M. Kopp dépose également un travail ayant pour titre : Différence entre la force élastique de la vapeur et l’élec- tro-magnétisme dans leur application comme force motrice. M. de Haldat, Vice-président, fait hommage à la deuxième Seclion d’une brochure intitulée : Recherches expérimen- tales sur le mécanisme de la vision. M. Kopp présente des considérations sur les circonstances qui produisent l’intensité des effets obtenus par la pile de M. Münch. Il passe en revue les différentes parties desquelles doit dépendre l'intensité d’un courant, et examine la ma- nière dont elles sont représentées dans l’appareil cité. En se servant de la formule d’Ohm , il détermine les cir- constances dans lesquelles les effets doivent être les plus considérables, et indique la manière d’obtenir le maximum possible tant pour l’électro-magnétisme que pour l’électro- lisation. En se fondant sur Ja différence qui existe entre la résistance de passage pour le cuivre et pour le fer, il in- dique la construction d’une pile à éléments cylindriques de fonte et de zinc, capable de produire des courants très- intenses. M. l'abbé Morquin, professeur de physique au séminaire de Saint-Dié, convient que, sous le rapport de la force, la pile présentée par M. Münch ne laisse rien à désirer; mais il n’en est pas de même sous le rapport de la dépense et de la régularité : il lui semble que l'appareil connu sous le nom de pile à courant constant est préférable dans bien des cir- constances. Il résulte d’une note écrite, dont il a fait lec- ture, que, pour lui, la pile à courant constant, composée d’un nombre variable de couples , suivant les applications, répond complétement à la deuxième question du Programme : Quels sont les systèmes d'appareils galvaniques qui, sous le rapport de la force, de la dépense, de la régularité, ete., 216 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. doivent étre employés par ceux qui essayent de rendre utiles à diverses branches de l’industrie les propriétés des courants électriques ? M. Persoz fait observer que la quantité d'électricité pro- duite se trouvant en rapport avec les actions chimiques, dans ce genre d’appareils, en diminuant la dépense, on doit aussi diminuer les effets. Du reste, il est incontestable que l’appareil de M. Münch l'emporte sur la plupart de ceux qui ont été proposés, par la facilité des manipulations, dans les classes des colléges comme dans les cours publics. M. Baruffi pense que la meilleure pile pour obtenir des effets mécaniques est celle dont se sert M. Jacobi à Saint- Pétersbourg, dans ses intéressantes recherches. Mais comme le platine, qui est un des éléments de cette pile, est d’un prix trop élevé, on pourrait Lirer parti de la grande ductilité de ce métal, le réduire en feuilles très-minces et en recou- vrir des plaques d’un autre métal. Un membre, prenant la parole en allemand, ajoute qu’on a obtenu de très-bons effets en recouvrant de platine de simples feuilles de verre. La Section ferme la discussion sur cette question, tout en regretlant de n’avoir pas recu un plus grand nombre de communications sur un sujet aussi imporlant. M. Rameaux, professeur de physique et d’hygiène à la faculté de médecine de Strasbourg, donne communication d’un long et intéressant travail relatif à la température des végétaux , et dont voici une analyse : «On peut rapporter les températures végétales à deux sources dis- tincles, qui sont : 1° les actions organiques; 2° les influences météoro- _ logiques. «La chaleur vitale résultant des actions organiques, paraît mainte- nant tout à fait démontrée par les recherches de M. Dutrochet; mais celte découverte n’est d'aucun secours pour résoudre la question des’ températures végétales. Ces températures varient en effet dans des li— miles fort distantes : les variations se manifestent dans toutes les par— tes, quels que soient leur ancienneté, leur texture et leur diamètre ; tandis que la chaleur vitale ne s'aperçoit que dans les parties jeunes , molles et herbacées, et s’y montre même avec si peu d'énergie, que les instruments les plus délicats et les plus minutieuses précautions sont nécessaires pour la dévoiler. Il est impossible d'expliquer avec une rss DIXIÈME SESSION. 27 source de chaleur si locale et si faible, des effets si généraux et si in- tenses. «Les influences météorologiques ont deux sortes d'action; l’une, èm- médiate , s'exerce sur les parties végétales exposées à l’air libre; l’autre, médiate, s'exerce sur le sol, et par suite sur la partie aqueuse de la sève. É « L'action immédiate est certainement la cause prédominante des tem- pératures végétales; sun influence se lit à chaque ligne dans les propo- sitions suivantes, toutes déduites de l'observation et formulées par l’auteur : «1. En général, il y à dans un arbre, à un instant quelconque, autant de températures différentes qu’il y a de points inégalement accessibles aux influences extérieures. «2. La somme de toutes ces températures, ou, si l’on veut, la chaleur intégrale de l'arbre, augmente avec la température ambiante et dimi- nue en même temps qu’elle. «3. Les variations de chaleur sont plus rapides et plus intenses dans les couches végétales superficielles que dans les couches profondes : les parties qui ont un petit diamètre se refroidissent ou s’échauffent avec plus d’énergie et de vitesse que les parties d’un diamètre plus grand. Par là s'expliquent toutes les variations particulières de température qu’on observe dans les arbres suivant l'époque de la journée, l'éclat du soleil , la sérénité des nuits, l’état des vents, des saisons, etc. «4. L'action des rayons solaires est une des causes les plus puissantes des températures végétales. «3. Enfin la sève ascendante augmente ou diminue la température des parties qu’elle traverse, selon que ces parties ont une température - inférieure ou supérieure à la sienne. » Cette communication de M. Rameaux et les explications détaillées qu’il donne de vive voix, sont reçues avec un grand intérêt par la Section, qui vote l'insertion de son mémoire dans le Compte-rendu des travaux du Congrès scientifiquet, Après cette lecture, M. Lecoq, Vice-président, et quel- ques autres membres font diverses observations relatives . soit à l’effet thermométrique qui doit résulter de l’évapora- tion végétale, soit aux moyens d’expérimentation employés par M. Rameaux. L'heure étant avancée , la Section décide que demain on ouvrira la discussion sur le mémoire qui vient d’être lu et sur la question générale proposée par le Programme (n° 8): 1 Voy. les mémoires de la 2€ Section , 2° vol. 218 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Les végétaux ligneux ou herbacés ont-ils une tempé- rature propre pendant les diverses saisons de l’année ? M. le Président lève la séance à onze heures et quart. —<è5——— Sixième séance. — Du 5 octobre 1842. Rapporteur : M. FARGEAUD , Secrélaire. La séance est ouverte sous la présidence de M. Kupffer, assisté de MM. de Haldat et Persoz. Le procès-verbal de la séance de la veille est lu et adopté. Le Secrétaire lit une lettre adressée par M. Lecoq, Vice- président, qui se trouve forcé de quitter Strasbourg. « Je vous prie, dit-il, de remercier en mon nom les membres de la deuxième Section de l'honneur qu’ils m'ont fait en m’appe- lant à la vice-présidence; je n’ai dû celte marque de haute considération qu’à la bienveillance de mes collègues et à la déférence des habitants de Strasbourg, qui, dans toutes les Sections du Congrès, ont pris pour eux les fonctions péni- bles du secrétariat, et ont laissé les honneurs aux étran- gers. C’est avec bien du regret que je quitte si promptement une ville où nous avons été si bien accueillis, etc. » M. Hugueny présente quelques observations sur le travail de M. Rameaux, et conteste l’une des propositions émises par l’auteur du mémoire : il fait surtout remarquer que , si l’on prenait pour sujets d’expériences d’autres plantes ligneu- ses, par exemple des palmiers, il est à croire qu on arri- verait à des propositions différentes. Personne ne demandant plus la parole sur cette question, M. de Haldat fait connaître les résultats qu’il a obtenus en répétant, avec des appareils plus précis, ses anciennes expé- riences sur la diffraction. «Ayant acquis, dit-il, le micromètre que Fresnel nous a donné pour mesurer les franges, j'ai choisi le cas où les agents impondérables peu- vent être le plus facilement appliqués, celui où le fil métallique est op- posé perpendiculairement à la direction du rayon lumineux introduit dans la chambre obscure. On sait que l'ombre du fil dilatée présente DIXIÈME SESSION. 219 des raies sombres, entremélées de raies lumineuses en plus ou moins grand nombre, terminées par des raies lumineuses suivies de franges colorées. C’est dans les dimensions de ces franges , mesurées au micro- mètre de Fresnel, que nous avons cherché les preuves de l'impuissance des agents impondérables pour modifier le phénomène; les franges, en effet, ne peuvent varier que relativement à leur éclat, à leur largeur et à leur situation. L’œil peut facilement apprécier la première de ces mo- difications et le micromètre détermine les deux autres. . Œn chauffant convenablement un fil de cuivre d’un millimètre de diamètre, en l’amenant même au rouge avec la lampe à esprit de vin, les franges n’ont présenté aucune variation avant, pendant et après l'incandescence. En expérimentant comparativement sur des fils d’acier égaux, aimantés ou non aimantés; sur des fils de cuivre, soit dans leur état naturel, soit parcourus par des courants d'électricité statique ou d'électricité dynamique, M. de Haldat n’a pu observer aucune modifi- cation dans les franges. » La Section remercie M. de Haldat de sa communication. M. Kopp a lu des considérations sur la différence qui existe entre la force élastique de la vapeur d’eau et l’électro- magnétisme, dans leur application comme forces motrices 1. «Pour déterminer avec précision la puissance des appareils galvani- ques, et les cas dans lesquels ils pourront remplacer avec avantage les machines à vapeur , il examine ces deux forces sous les trois rapports - suivants : «1. Les conditions de leur production ; «2. Leur nature et les lois auxquelles elles sont soumises ; «3. Les frais qu’elles occasionnent. GEL arrive aux conclusions suivantes : que d’après les lois mathéma- tiques des courants galvaniques, et quelle que soit la manière de les transformer en force motrice, leur emploi ne peut être avantageux que dans le cas d’un travail discontinu, fonctionnant et s’arrêtant rapi— dement, et n’exigeant pas une puissance considérable; que l’électro- magnétisme ne pourra donc jamais remplacer la vapeur ni dans la na vigation, ni sur les chemins de fer, ni dans les grands établissements mécaniques et industriels. » Le travail de M. Kopp a été renvoyé à la commission centrale, pour être lu, s’il y a lieu, à l’une des séances générales. La séance est levée à onze heures. ! Voy. les mémoires de la 2€ Section , 2€ vol. —— cr — 290 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Septième séance. — Du 6 octobre A8%2. Rapporteur : M. FARGEAUD , Secrétaire. M. Kupffer, président, et MM. de Haldat et Persoz, Vice- Présidents, prennent place au bureau. Un membre, M. le docteur Rauschenplatt, demande qu’une commission soit nommée pour visiter une voiture mécanique construite par un habitant de cette ville. Le Secrétaire , sans s’opposer à cette visite, croit devoir faire observer que les voitures de cette espèce sont connues depuis longtemps et en général peu estimées des mécaniciens. MM. Laquiante et Münch acceptent la mission d’aller voir cette machine. M. Münch lit et dépose la note suivante : «M. Müncha fait une observation sur le phénomène d’incandescence des fils de fer soamis à l’action d’un fort courant galvanique. En sui- vant avec attention la marche de l'expérience, on remarque d’abord l'apparition d'une vapeur très-sensible qui s'élève de toute la surface du fil; ce n’est qu’ensuite que le fil commence à rougir; bientôt il est rouge-blanc et commence à fondre. Cette fusion a toujours lieu d’abord à la surface, de sorte que la couche superficielle se ramasse en globules sur le reste du fil, devenu d’autant plus mince, et si on arrête le cou- rant à temps, le fil se solidifie à l'instant dans cet état, et on peut l’exa- miner à loisir après le refroidissement. Je crois qu’on peut conclure de cette observation que le courant agit sur le fil du dehors en dedans, que toule son énergie, se portant dans le premier moment sur une couche superficielle très-mince, en élève la température au point de vaporiser le métal avant que la chaleur ait le temps de pénétrer dans l'intérieur ; la marche ultérieure de l’expérience démontre suffisamment le sens dans lequel l’action a lieu. Il est encore à observer que l’appa- rition de la vapeur a lieu , quel que soit le soin qu’on ait mis à nettoyer et polir la surface du fil, et qu’elle ne peut donc être attribuée à la pré- sence de corps étrangers. Le platine paraît présenter le même phéno- mène, quoiqu’à un degré plus faible. » M. Heydenreich lit son mémoire sur les moyens de re- connaître la falsification des huiles; il répond à quelques objections qui lui ont été faites par le rapporteur de la So- ciété industrielle de Mulhouse , à laquelle le travail avait été envoyé. Les moyens proposés sont: «1° Le développement de l'odeur propre des huiles par la chaleur. * DIXIÈME SESSION. 291 «2° L'action de l’acide sulfurique concentré et ; «3° La mesure de leur densité. « Il insiste surtout sur ce dernier caractère dont la valeur avait été mise en doute par le rapporteur de la Société industrielle de Mulhouse qui croit que des huiles de même nom, également pures, mais de pro- venances différentes ne devaient pas avoir exactement la même densité. « Les nombreuses expériences faites depuis dix-huit mois par M. Hey- denreich démontrent au contraire que la densité des huiles provenant des mêmes graines mais cultivées dans des terrains différents, ne varient jamais que de deux ou trois dixmillièmes et que l’épuration même par l'acide sulfurique n’exerce sur elle aucune influence. MM. Persoz, Langlois et Kopp prennent successivement la parole et contestent l'efficacité des moyens indiqués par l’auteur, principalement la coloration par les acides; mais il leur répond qu’il a recommandé l’emploi successif des trois procédés. À M. Baruffi exprime combien il serait à désirer que la science pût fournir aux constructeurs et aux possesseurs de chronomètres des produits huileux, sinon inaltérables, au moins capables de résister aux diverses influences locales pendant un laps de temps plus considérable, La discussion est fermée sur la vinglième question du Programme. M. Fargeaud lit le rapport que la commission déléguée par la Section l’a chargé de faire sur l'horloge astronomi- que de M. Schwilgué.! La séance est levée à onze heures. ——<8— Huitième séance. — Du 7 octobre 18242. Rapporteur : M. FARGEAUD , Secrélaire. M. le Vice-président Kupffer occupe le fauteuil. Le Secrétaire lit les procès-verbaux des deux séances pré- cédentes : ils sont adoptés sans réclamation. M. Botto, professeur de physique à l’université royale de Turin , adresse à la deuxième Section une brochure in - 4° intitulée : Considérations sur les rapports des courants gal- vaniques avec le magnétisme. F AE 3 Voy. les mémoires de la 2€ Section, 2° vol. 222 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. M. Schweiger, professeur à l’Université de Halle, un pro- gramme en latin, Sur les rapports qui existent entre les phénomènes chimiques et l'électricité, brochure in-4°. M. de Lavalette demande à être entendu dans la séance de demain sur la dix-septième et la dix-neuvième “era du Programme. M. Le Vice- président Kupfler remercie la séclion de l'honneur qu’elle lui a fait en l’appelant à la vice -prési- dence; il est persuadé que le Congrès de Strasbourg ouvrira une ère nouvelle pour les savants des contrées de l’Europe les plus éloignées. Obligé par d’autres devoirs de quitter au- jourd’hui notre ville , il demande à exposer de vive voix, de- vant la Section, l’organisation adoptée par la Russie, de concert avec l’Angleterre , pour les observatoires magnéti- ques que ces deux nations ont établis dans un grand nom- bre de lieux; il espère que d’autres nations, et la France en particulier, ne tarderont pas à prendre part à cette coalition scientifique et que le premier établissement des nouveaux appareils aura lieu à Strasbourg. La Section écoute avec un vif intérêt le récit de M. Kupffer et lui témoigne toute sa re- connaissance pour celte importante communication 1. M. Barufhi annonce que M. le professeur Bourg vient d’é- tablir un observatoire magnétique à Athènes, et que M. Plana en fait, dans ce moment, bâtir un à Turin; il ajoute que M. Plana a tout récemment déterminé avec une grande pré- cision les trois éléments magnétiques de Turin. M. Fargeaud expose verbalement , sur les anciennes tem- pératures du globe, quelques idées que la Section paraît écou- ter avec intérêt 2. La séance est levée à onze heures. —_—=$— Neuvième séance. — Du 8 octobre 1842. Rapporteur : M. FARGEAUD, Secrétaire. M. le Vice-président Persoz occupe le fauteuil. Le procès- verbal de la dernière séance est lu et adopté. 1 Voy. les mémoires de la 2° Section, 2° vol. 2 Voy. tbidem. DIXIÈME SESSION. 225 M. Persoz commuuique à la Section des considérations sur les relations qui existent entre la composition des gaz hydrogénés et leur pouvoir délétère; il fait observer que ceux qui ont l’action la plus forte sont précisément ceux qui se décomposent avec la plus grande facilité par Poxy- gène. Dans la respiration, l’hydrogène est brûlé, les radi- caux libres ou combinés se déposent dans les voies respira- toires et occasionnent ainsi les plus graves accidents. M. Per- soz pense qu’au moyen de l’hydrogène pur introduit dans la poitrine, on pourrait, dans certains cas, y produire un développement de chaleur salutaire. MM. Baruffi, Rameaux, Kopp, Pascal, présentent quel- ques observations à ce sujet. ‘ M. Reiset met sous les yeux de la Section une pile galva- nique à courant constant de M. Bunsen , formée de charbon et de zinc; il donne des explications détaillées sur la pré- paration des cylindres de charbon, et annonce qu’ils rem- placent le platine avec avantage. Cet ingénieux appareil intéresse au plus haut degré l'assemblée, qui charge M. le Président d'exprimer à M. Reiset toute sa reconnaissance. Le même membre présente ensuile une base salifiable très-remarquable formée de platine, d'hydrogène , d’azote . et d'oxygène, et qui jouit de toutes les propriétés des alcalis les plus énergiques; il explique le mode de préparation de cette base, sa formule et la manière rationnelle de la con- sidérer ; enfin , il rend compte d’une partie d’un travail re- marquable de M. Bunsen sur le kakodyle; il fait voir ce ra- dical à la Section et lui montre l’extrême inflammabilité de cette espèce de métal liquide et composé. M. de Lavalette prend la parole sur la dix-neuvième ques- lion : Des miasmes et des moyens d'en reconnaître la nature. * I lit la première moitié d’un long travail, dans lequel il s’occupe à la fois des miasmes proprement dits et des diver- ses émanations gazeuses, naturelles ou artificielles , qui peu- vent influer sur la santé de l’homme: il indique la nature d'un grand nombre de ces émanations ët les moyens plus ou moins connus qu’il faut employer pour les combattre. Arrivant aux miasmes proprement dits, il rappelle les 224 ê CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. travaux de MM. Boussingault, Dumas et Leblanc; il insiste sur les services que ce dernier a rendus à l’humanité par ses travaux sur l’air confiné ct appelle surtout lattention du gouvernement sur les habitations étroites et inalsaines, où chaque jour, à Paris comme dans les grandes villes de pro- vince , des milliers d’ouvriers vont puiser le germe de beau- coup de maladies. M. Persoz fait connaître un fait important , d’où il parai- trait résulter que les émanations ammoniacales ont une heu- reuse influence sur les maladies des poumons. Le Secrétaire lit les questions du Programme et prend noie de celles qui n’ont point été discutées. M. Barufli fait remarquer, à l’occasion de la première question , qu’un des meilleurs moyens de diminuer le nom- bre des explosions des machines à vapeur serait peut-être de former des écoles où l’on apprendrait l’art de diriger ces machines compliquées. M. Münch répond qu’ en France ces écoles existent jusqu’à un certain point , puisque beaucoup d'élèves sortis des éco- les de Châlons ou d'Angers adoptent ce genre d'industrie. , M. le Président Persoz déclare, au nom de l’assemblée, que les travaux de la seconde Section sont terminés. Les réclamations sur le présent procès- -verba! pourront être faites, s’il y a lieu, après la séance générale. La séance est levée à onze heures et quart. 19 rt) GE © DIXIÈME SESSION. TROISIÈME SECTION. SCIENCES MÉDICALES. Première séance. — Du 29 septembre 1842. Rapporteur : M. STOEBER, Secrétaire. Le Secrétaire ouvre la séance en priant les membres de la Section de constituer le bureau par Ja nomination d’un Président et de deux Vice-présidents. En conséquence le scrutin est ouvert. L Le nombre des votants est de. . . . . .. 85 La majorité absolue de . . . . . . . . .. 45 Ont réuni le plus de voix : 1 D ane ia mods t 2 ou) Ma) 14 à ….. 41 voix EHRMANN . . . .…. . . ‘ DORE 17 SR Rent fn E 10 ne: ah Mnonherduesr: ui. Le 9 Aucun des membres n’ayant obtenu la majorité absolue, on procède à un second tour de scrutin, qui donne les résul- © tats suivants : 0 le MMarn Horn Dé absolue." 5e 22.05 LR ot 36 LL OISE mn 96 voix. ExRMANN . De. D É nas Es NP AREAS LPS 11 Mavon SN SRE A PRE SD 5 En conséquence, M. Forget, professeur à la Faculté de Médecine, Secrétaire général adjoint du Congrès, est pro- clamé Président de la troisième Section. 15 2926 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE, Le dépouillement du scrutin pour la vice - présidence donne les chiffres sufvants : MM. Eunmann, professeur à la Faculté de Mé- hd. LE 36 voix. Mayor, chirurgien de l hôpital de EE 4 31 Texror, professeur à la Faculté de Méde- cine de Würtzhourg Co EST 31 D’Aumow, premier médecin du Roi de er 18 Srourz, professeur à la Faculté de Médecine. 18 Naumann, professeur à la Faculté de Méde- CORTE OMR pure dame dress ete ce ee TE Voix perde. eusgee. ele ecpeneuete + 128 Pour arriver à ces chiffres, on a compté à chacun de ces membres les voix qu’il avait recueillies pour la présidence et la vice-présidence. En conséquence sont proclamés Vice-présidents : MM. Enrmann, professeur de Strasbourg. Mayor, professeur de Lausanne. Texror, professeur de Würtzbourg. M. Forget ayant pris place au fauteuil, annonce aux mem- bres de la Section que les occupations nombreuses des se- crétaires ont déterminé le Bureau central à adjoindre deux secrétaires provisoires au titulâire de chaque Section. Il appartient à la Section même de confirmer ou d’invalider ces choix. Quelques membres font observer qu’il faudrait voter par acclamation, Cette proposition étant appuyée, M. le Président prie les personnes qui sont d’avis de confirmer définitivement les secrétaires provisoires de se lever. La grande majorité des : membres présents se lève; à la contre-épreuve, personne ne réclame contre la décision de la Section. En conséquence sont proclamés Secrétaires adjoints : MM. Tounpes fils, professeur à la Faculté de Médecine, OpPPERMANN, professeur adjoint à l'École de Pharmacie. M. le Président donne ensuite lecture des questions pro- posées au Programme , et ajoute que tous ceux des membres qui auraient des communications à faire sont priés d’en DIXIÈME SESSION. 227 prévenir-le Secrétaire , afin que chaque jour on puisse fiker l’ordre du jour du lendemain. . La première question du Programme est ensuite mise en discussion. Elle est conçue en ces termes : Dés modifications que réclame l’organisation médicale en France. M. le docteur Roux, de Marseille, dans un discours sur ce sujet, émet le vœu que les médecins favorablement placés auprès des hommes qui ont le pouvoir en main veuillent user de leur influence pour faire sentir la nécessité d’une ré- forme dans l’organisation médicale. Il se réserve de déter- miner ultérieurement les moyens d'exécution les plus effi- caces pour arriver à cette réforme. M. le professeur Pascal voudrait qu’on accordät une cer- taine autorité aux médecins, qu’il y eût un ministèré des. affaires médicales et qu’on établit dans chaque chef-lieu de département une autorité médicale composée de deux sec- tions : l’une (conseil &e santé) s’occuperait du personnel, l’autre (conseil de salubrité) surveillerait tout ce qui regarde la salubrité publique. On arriverait par à à donner plus de considération aux médecins et plus de sécurité au public. Un membre annonce que MM. les pharmaciens demandent à constituer une Sous-section. Cette demande sera soumise au Bureau central. Avant de clore la séance, M. le Président fait voir des reins affectés de la maladie de Bright. La séance est levée. Deuxième séance. — Du 50 septembre 1842. Rapporteur : M. STOEBER, Secrétaire. Le procès-verbal est lu et adopté après quelques rectifi- cations qui portent sur le sens des discours de MM. Roux et Pascal, et sur l’omission d’une proposition de MM. tes pharmaciens, membres de la Section, qui consistait à faire créer une Sous-section de pharmacie, proposition qui n’a pas de suite. = 15. 228 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Le Secrétaire donne lecture de la correspondance, qui comprend : : 1. Cinq mémoïres manuscrits de M. le docteur Oustalet, chirurgien de l'hospice civil et militaire de Montbéliard, savoir : Essai sur la thérapeutique médicale de quelques peuples anciens. Discours sur l'étude de la médecine, les qualités el les devoirs du mé- decin. Du travail dans les manufactures considéré sous le rapport de l'hy- gène , de la pathologie et de la thérapeutique. Mémoire sur l'emploi des purgatifs dans les affections aiguës. De la sortie tardive des testicules et des accidents qu’elle occasionne. 2. Lettre de M. Jullien sur l'emploi de la gélatine, renvoyée par le Bu— reau central à la Section de médecine. Des communications sont annoncées par MM. Bailly, Turck, Falke, Petrequin, Stoliz, Aronssohn , Textor, d'Am- mon, Heydenreich. La parole est accordée à M. Bailly, médecin inspecteur des eaux de Bains, pour la lecture de son mémoire sur l’organi- sation médicale. Dans ce travail, l’auteur propose un plan entier d’organi- sation de la médecine, ayant pour but de constituer un corps médical régulièrement organisé et classé hiérarchi- quement. M. Bailly fait ressortir les défectuosités de l’organisation actuelle; il démontre par des chiffres l’inégale répartition des médecins en France !, 1 M. Bailly a dressé le tableau statistique suivant pour les départements de la Meurthe et des Vosges: Officiers Meurthe. Habitants. Médeems de santé. RAPPORT. Nancy (ville) - . . . . 31,445 39 10 1 hom. de l’artsur 541 habits. Nancy (arrond., la ville exceptée). . . . . . 98,396 8 16 ra — 4,055 Lunéville (ville). . . . 12,738 7 3 1. — — 1,272 Lunév. (restedel’arrt). 71,960 6 6 ERRIE Te 5,996 Toul(ville) . . . . . . 7:333 9 0 tr — — 8167 Toul (reste de l’arrt). . 58,708 II & L. — — 3,083 Arrond. deSarrebourg, : composé de6 cantons et 19 communes, le chef-lieu compris. . 75,499 rI 5 1, — — 4718 Sarrebourg et Phals- x bourat-22.#n-1.:. 6,062 8 2 TO + — 616 Il reste donc pour. . . 69,437 3 3 1 — — 11,572 Vosges. La proportion des médecins , chirurgiens et officiers de santé dans le dépar- DIXIÈME SESSION. 229 le dénuement de tout soin médical dans lequel se trouve souvent la po- - pulation des campagnes, et propose, pour remédier à cet inconvénient, la nomination de médecins cantonaux dans toute la France, institution dont le département du Bas-Rhin apprécie depuis lngtémps l’heu- reuse influence. - D'après M. Bailly, l'organisation de la médecine se divise en trois parties : ù 1. L'instruction, par les facultés et les écoles secondaires. / 2. Les perfectionnements des points de doctrine, par l'académie royale de médecine. 3. La pratique, par l'expérience et par l' E Dtication de la théorie. La médecine pratique comprendrait une direction générale, des conseils médicaux aux chefs-lieux de chaque département, des médecins can tonaux, les médecins des établissements publics, les médecins ordinai- res et les officiers de santé. M. le docteur Roux, ancien président et délégué de la Société royale de médecine de Marseille, pense que tous les esprits sont d’accord sur les améliorations que réclame l’or- ganisation de la médecine en France. Il s’agit seulement de s'entendre sur les moyens d’exécution. Or, pour atteindre ce but, il fait la proposition suivante : «Je propose que la troisième Section des sciences médicales de la dixième Session du Congrès scientifique de France charge une Com- : mission du noble mandat de rallier les médecins français intéressés à voir s’opérer les réformes indispensables en fait d'organisation mé- dicale. «Cette Commission serait composée de cinq à sept membres pris dans le sein de la Section, parmi les gens de l’art résidant à Strasbourg. Ils seraient nommés au scrutin secret. Un pharmacien ou deux en feraient partie. Le président et le secrétaire de la Section en seraient membres de droit. «Cette Commission engagerait , comme elle l’entendrait, les gens de l'art à combiner, pour obtenir les réformes dont il s’agit, les moyens que chacun d’eux en particulier et tous en général pourraient employer. «Le mode de ralliement s’effectuerait , par exemple, en invitant, au moyen d’une circulaire, les médecins et pharmaciens de chaque dé- parlement à fonder un comité de cinq à sept membres, qui veillerait à tement des Vosgesest, relativement à la population, de 1 sur 3,425 habitants; cependant les cantons de Xertigny, de Brouvelieure et de Corcieux n’en ont aucun pour plus de 51,000 habitants ; ceux de Gerardmer, Saales, Senonnes et Saulxsure n’ont que 4 mé- decins pour 50,500 habitants, tandis que le canton de Lamarche en possède 11 pour 15,900, ce qui fait x sur 1,443 habitants, et celui de Saulxsure 1 pour 8,173. Enfin, l'arrondissement de Neufchâteau à 1 médecin par 1,914 âmes , et celui de Saint-Dié r par 6,280. 230 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. l'exécution des lois sur l'exercice de la médecine, à la suppression des abus, etc.; recueillerait les observations , propositions et généralement tout ce qui émanerait des médecins du département respectif concer- nant l'organisation médicale. «Chaque comité correspondrait avec la Commission centrale, dont la mission serait aussi de faire valoir les ressources mises à sa dispo- sition dans le but proposé. «Cette Commission serait renouvelée à chaque session du Congrès ; ; comme la précédente, la nouvelle Commission serait composée de membres résidant au siége de la session. CA l'expiration de ses fonctions , la Commission centrale rendrait compte des travaux entrepris et des progrès obtenus. Ce compte-rendu serait publié par ses soins, aux frais des comités des départements, bien entendu que les médecins et pharmaciens (qui payeraient une co- tisation) en recevraient un exemplaire. «Les frais de correspondance seraient aussi à la charge des comités.» La prise en considération de cette proposition étant mise aux voix, la majorité se lève pour ; elle est en conséquence renvoyée à l’examen du Bureau central du Congrès. M. le professeur Rigaud, en appuyant la proposition de M. Roux, s’élège contre le charlatanisme, et considère sur- tout comme tel l'annonce des travaux. de médecine par d’autres organes que par ceux destinés uniquement à la science. M. d’Ammon, de Dresde, premier médecin du roi de Saxe, communique, en langue allemande, le résultat de ses recherches sur le développement de l'œil. Suivant M. d’Ammon : 4. L’œil ne se développe point Pr une seule cavité, mais par deux parties latérales. 2. Ilest un des organes primitifs , car il naît dès les premiers temps de la vie fœtale par l’évolution de la vésicule qui plus tard forme le cerveau (vésicule cérébrale). 3. L’œil est primitivement constitué par de la matière plastique trans- - parente et communique avec la vésicule cérébrale. 4. On observe d’abord à cette matière une dépression antérieure-qui donne naissance au système cristallinien. C’est ce que Huschke a vu chez lesoiseaux, Vogtsur les poissons, M. d’Ammon sur les mammifères. 5. En même temps la choroïde se forme, mais au commencement sans pigmentum. Elle constitue d’abord une portion de sphère creuse ouverte en bas et en avant. Peu à peu les deux côtés s’allongent et leurs extrémités se rapprochent de manière à compléter la sphère, excepté en avant. Cependant il reste pendant longtemps une fente et plus tard 4 DIXIÈME SESSION. . 251 une eicatrice à la partie inférieure. Les procès ciliaires ne se dévelop pent que lorsque la fente est fermée. A cette époque il n'existe pas éncore d'iris, le vice de conformation appelé éridérémie ou absence de l'iris est done l'effet d’un arrèt de développement. Le bord antérieur de la choroïde donne naissance à l'iris ; aussi , lorsque la choroïde pré- sente une fente, l'iris en offrira une aussi, et il en résultera le vice de “conformation connu sous lé nom de coloboma de l'iris. «Pendant tout ce temps, l’œil communique avec la vésicule céré- brale, et l'artère centrale traverse la fente choroïdienne et le corps vi- tré. Ce n’est qu'après la formation de la rétine que l’œil se ferme en arrière; il y reste une cicatrice dans la choroïde, la rétine et la sclé- rotique. Alors seulement la chambre antérieure se forme rapidement.» M. d’Ammon entretient ensuite l’assemblée de la descente tardive du testicule dans les bourses. Crypsorchis, testi- condie, d’après M. d’Ammon. | La descente du testicule ne se fait que lorsque l’évolution du bassin a lieu. Jusqu'à présent nous manquorts de données anatomiques pré- cises sur l’état des parties chez les crypsorchides. Les investigations de M.-d'Ammon lui ont prouvé que dans ces cas, toutes les parties envi-— ronnantes du testicule , telles que le scrotum, la tunique vaginale , le cordon spermatique , ont subi un arrêt de développement, sont atro- phiées, raccourcies. Il en résulte que dans un âge avancé, par exemple , lors de la pu- berté, la descente du testicule est impossible, car un organe ätrophié ne se développe plus. Les accidents qu’on a dit être produits par là, sont dus à une congestion vers ces parties, à une hérnie inguinale congéniale, coexistante , à des efforts violents. Il ne peut donc pas être question d’une opération ayant pour but de faire descendre le testicule, comme un auteur allemand l’a proposé. Mais il peut exister des cas où, par suite d’inflammation, le testicule se trouve étranglé et où il peut devenir nécessaire de débrider. Après cette communication , M. le Président engage ceux des membres qui désireraient parler sur la deuxième et la troisième question du Programme à se présenter. Personne ne demandant la parole sur ce sujet, elle est accordée à M. le Vice-président Textor. M. Textor, professeur à l’université de Würtzhourg, fait à l’assemblée une communication sur les tubercules du cœur, Fe rare, qu’il a cependant eu l’occasion d’observer cinq ois. «Les tubercules s'étaient développés chez des individus atteints à un haut degré d’affections scrophuleuses. Tous ces malades ant succombé à 232 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. des hydropisies ; un seul d’entre eux a présenté un trouble notable dans. les fonctions du cœur. Chez quatre de ces malades le péricarde fut trouvé adhérent. Les tubercules enkystés étaient placés dans la substance mus- culaire. Les pièces sont déposées au musée de Würtzbourg. » MM. Alexandre, professeur de médecine à l’université d’Utrecht , et Stæber rapportent des cas analogues. La séance est levée. Troisième séance. — Du 4% octobre 1842. Rapporteur : M. STOEBER , Secrétaire. Le procès-verbal est lu et adopté. M. le Président annonce que le Bureau central a décidé que la proposition de M. Roux est de la compétence exclusive de la Section de médecine. Celle-ci devra par conséquent nommer une Commission. C’est ce qui aura lieu au scrutin dans la séance du dimanche 2 octobre. Le Secrétaire donne lecture de la correspondance; elle comprend les ouvrages adressés à la Section et les demandes d'inscription pour des lectures. Se sont inscrits : M. Bertini, pour la lecture d’un mémoire sur les différentes doctrines médicales enseignées en Italie depuis le commen- cement de ce siècle; M. Kuhn, de Paris, sur la dix-septième question du Pro- gramme ; M. Vleminckx, de Bruxelles, sur les mesures d’hygiène à prendre pour empêcher la propagation de la maladie syphi- litique; M. le professeur Pascal, pour parler sur le charlatanisme et sur les affections pulmonaires chroniques. Les ouvrages suivants ont été offerts à la Section : Traité du froid, de son action et de son emploi, intus et extra, en hy- giène, en médecine el en chirurgie, par le docteur La Corbière. Pa- ris 1839. Ucber spontane und congenitale Luxationen, so wie über einen neuen Schenkelhalzbruch-Apparat, von J. Heine. Stuttgart 1842. Du mode d'action des eaux minéro-thermales de Plombières, par M. Léo- pold Turck. Paris 1837. DIXIÈME SESSION. 255 Essai sur le cancer, par le même. Paris 1842. De la suette miliaire et de la miliaire rhumatismale, par le même. Paris 1841. M. le Vice-président Mayor distribue aux membres de la Section une brochure imprimée à l’occasion du Congrès et intitulée : Des caractères différentiels de la médecine et de la chirurgie. Il appelle la discussion sur les idées qu’il émet dans cet opuscule, et espère que cette discassion pourra s’ou- vrir dans une des prochaines séances, quand les membres auront eu le temps de prendre connaissance de l’écrit qu’on vient de leur distribuer. M. Mayor profite de cette occasion pour faire une com- municalion. : * Il rappelle les avantages des révulsifs, particulièrement ceux du fer incandescent, tout en regrettant que la douleur qu'il provoque soit un obstacle trop fréquent à son emploi. Il propose de le remplacer par des cautérisations à l’aide d’un acide très-concentré. On trace avec un pinceau d’amiante, imbibé d’acide sulfurique, des raies plus ou moins profondes et nombreuses sur la partie qu’on veut cautériser. La douleur est nulle au premier moment; au bout d’une demi-minute elle se dé- veloppe, augmente, dure deux ou trois heures, suivant la sensibilité du sujet. Les résultats varient suivant l'étendue de la cautérisation et la nature du pansement consécutif. A l’aide da coton appliqué sur la partie cautérisée, on obtient une simple croûte qui tombe au bout de quelques jours; les émollients font naître de la suppuration. Ce moyen est utile dans les névroses, les sciatiques , les varices, les tumeurs blan- ches. On l’emploie facilement chez les enfants et les aliénés qui n’op- posent aucune résistance à son application. Après celte communication verbale , M. le Président met en discussion la quatrième question du Programme , ainsi conçue : De l'influence que les recherches modernes sur le sang doivent exercer sur la pathologie et sur la thérapeutique. M. le docteur Turck , de Plombières, a la parole. EI pense que les altérations du sang et des sécrétions jouent un rôle principal dans la production des maladies et ont été trop peu étudiées jusqu’à présent. Il s'appuie sur les faits suivants : Le sérum et la fibrine du sang ne diffèrent que par des proportions plus ou moins fortes de soude (Denis et Liebig); les sécrétions cutanées rendent le sang plus fluide et plus alcalin en éliminant l'acide qu’il renferme. On a reconnu que le sang était plus fluide dans les régions équatoriales. Le sang est 254 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE: trop plastique et trop acide dans les maladies produites par le froid bu- mide ; trop fluide et trop alcalin dans les affections des pays chauds et parmi nous dans certaines maladies, telles que la suette miliaire épidé- mique. Quand le sang est trop plastique, il occasionne chimiquement des maladies en se portant vers les organes alcalins qu’il enflarmme. Dans la pratique médicale il faut tenir compte de li cause du mal et dé la nature des sécrétions bien plus que de l’état de l'organe malade. En se dirigeant d’après ces principes , on obtient des résultats meilleurs. M. Turck cite pour exemple la suette miliaire épidémique et un cas d’hémiplégie compliquée d'épilepsie. Gette lecture donne lieu à une discussion longue et animée. M. le professeur Forget combat la doctrine de M. Turck, et demande comment une lésion du sang a pu produire une affection locale telle que l’hémiplégie. M. le professeur Cailliot aflirme que cette doctrine n’est appuyée que sur des assertions vagues et non sur des expé- riences chimiques exactes ; qu’il y a toujours de la soude libre dans le sang et qu’on n’a pas mesuré les divers degrés d’alcalinité de ce liquide; que certaines sécrétions, aussi importantes que celle de la peau, peuvent être alternative- ment et dans un court espace de temps, acides et alcalines, sans aucun trouble apparent de la santé, M. Turck répond qu’une maladie générale peut se loca- liser; que le sang trop plastique peut être appelé par tel ou : tel organe; que dans la suette miliaire la perte de l'acide, par la transpiration, rend le sang alcalin et tellement liquide qu'il s’infiltre dans tous les organes. M. Stœber n’a jamais rencontré cette fluidité du sang dans les miliaires sporadiques. M. Aronssohn ne croit point que la théorie de M. Turck explique la promptitude de la mort dans certains cas de mi- liaire où le malade paraissait convalescent. Il attribue cette mort prompte à une inflammation de lendocarde dans un grand nombre de cas. M. le professeur Pascal, tout en avouant que les analyses chimiques sont souvent insuffisantes, croit cependant qu’il ne peut s'élever d’objection sérieuse contre l’existence des altérations du sang. L'examen physique de ce liquide en donne la preuve; le gaz acide carbonique y existe à l’état DIXIÈME SESSION. 2355 libre; l’alcali y esl en quantité variable. Ces variations dans les éléments du sang expliquent les lésions locales, de même que certains médicaments introduits dans la masse du sang agissent toujours sur des organes déterminés; ainsi l’opium, la noix vomique, la belladone, la digitale. - M. Schützenberger traite la question de l’humorisme en médecine ; il fait voir que nos connaissances sur les altéra- tions des humeurs sont encore peu étendues , et qu’elles ont été acquises plutôt par induction que par une expérimentation exacte. Il passe en revue, sous ce double point de vue, les principales maladies dans lesquelles l’altération des humeurs a été admise. Il termine en disant que les systèmes en mé- decine doivent être appuyés sur des faits précis, et que les théories hasardées ont toujours retardé les progrès de notre science. M. La Corbière, de Paris, disciple et ami de Broussais, revendique pour son maître la part qui lui revient dans les progrès de la médecine moderne. Rétablir les maladies géné- riques n’est plus de notre temps ; les modifications des sueurs et du sang sont consécutives; ce qui importe, c’est de trouver organe malade, de déterminer comment il souffre et ce qu’il faut pour l'empêcher de souffrir. M. Hirtz fait remarquer que la doctrine de Broussais a le grand tort de ne ienir nol compte des altérations humorales: que l’irritation et la localisation n’expliquent nullement la nature des exanthèmes fébriles, et que c’est là une des causes principales de la chute du système de Broussais. MM. Malle et La Corbière répondent aux objections diri- gées contre Broussais, qui est une des gloires de la méde- cine francaise. Ceux-là même qui s'élèvent le plus contre lui ont subi dans la pratique l'influence de ses doctrines. M. Turck reproduit ses principaux arguments. M. le professeur Forget dit qu’il faut respecter toutes les gloires, même celles qui se sont trompées: il résume la dis- cussion en disant qu’il faut avoir égard aux lésions de tous les éléments de l’économie, et que l’humorisme doit avoir une large part dans l'explication des phénomènes morbides. La séance est levée. ——<8— 236 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE, Quatrième séance. — Du 2 octobre A842. Rapporteur : M. STOEBER, Secrétaire. Le procès-verbal est lu et adopté après quelques modifi- cations. La correspondance comprend des demandes d’inscription pour des lectures par MM. Textor, sur la non-existence de la rage; La Corbière, sur la phrénologie; Rœsch, médecin du bailliage de Schwenningen (Wurtemberg), sar le créti- nisme. M. Bertini, Président de la Faculté de Médecine de Turin, l’un des Vice-présidents du Congrès, offre à la Section une brochure intitulée : Congresso scientifico di Lione. Tu- rin 1841. M. de Haldat, correspondant de l’Institut, Vice-président de la deuxième Section, offre au Congrès, et fait distribuer un opuscule qui a pour litre : Recherches expérimentales sur le mécanisme de la vision (première partie ). M. Bertini a la parole pour une lecture sur les différentes doctrines médicales enseignées en Italie depuis le commen- cement de ce siècle jusqu’à nos jours. Ql résulte de cette exposition des théories italiennes que la Pénin- sule est partagée aujourd’hui en quatre doctrines principales , à cha- cune desquelles un nom illustre sert de drapeau : le dualisme dyna- mique, représenté par Tommasini; le mysticisme organique, par Bufalini ; l’éclectisme par induction, par Puccinotti ; la doctrine empi- rico-analytique, par Geromini. La première perd chaque jour du terrain; elle n’est plus enseignée que dans quelques parties de la Lombardie , à Parme, à Pavie, à Padoue. Les Toscans sont partisans de la seconde et de la troisième, la quatrième est concentrée à Crémone. «Les médecins du Piémont, de l'État romain, du royaume de Naples, fatigués d’abstractions métaphysiques, adoptent pour guide l’obser- vation et l'expérience clinique ; ils choisissent et accueillent toutes les vérités que contiennent les systèmes des autres régions de la Péninsule. Les savants qui parcourent l'Italie ne tardent pas à se convaincre que la médecine est surtout florissante et féconde en applications heureuses dans les universités qui s'appliquent à l'étude attentive des faits, reje- lant ces généralisations ambitieuses qui sont la ruine de toutes les sciences. » DIXIÈME SESSION. 2357 Le mémoire de M. Bertini a été écouté avec le plus vif intérêt. Nous nous bornons à cette courte analyse , ce tra- vail se trouvant au nombre de ceux dont la Section a voté l'impression! | M. Vleminckx, Inspecteur général du service de santé de l’armée belge, Président de l'Académie royale de médecine à Bruxelles, obtient la parole pour une communication sur les moyens d'arrêter la propagation de la syphilis. M. Vleminckx déclare qu’il a été amené à faire cette communica- tion par suite de la visite qu’il a faite à l'hôpital militaire d'instruction de Strasbourg, où il a trouvé cent vingt vénériens en traitement, Il affirme qu’en Belgique on n’a pas la moindre idée d’une pareille calamité ; qu’a- lors que la garnison de Strasbourg, forte de près de sept mille hommes à fournit cent vingt vénériens, et quelquefois au delà de deux cents , celle de Bruxellés, par exemple, forte de quatre à cinq mille hommes, donne à peine une moyenne de quinze syphilitiques. Il avoue toutefois que l'état des choses n’a pas toujours été aussi favorable. 11 rapporte qu’il y a six ans, M. Jullien étant venu à Bruxelles lors d’un Congrès médical é engagea les médecins à fonder une institution utile, et qui rappelât plus tard le souvenir de cette assemblée. Il convia les médecins à se réu- nir et à former une commission de salubrité publique, et une commis- sion permanente du Congrès médical de Belgique. Cette proposition fut agréée. La seconde de ces commissions mit au concours la question sui- vante : Quels sont les moyens pour parvenir à extirper la syphilis ? M. Dugniolle obtint le premier prix et M. Marinus le second. Les me- sures proposées par M. Dugniolle furent mises en exécution, c’est à elles qu’on doit la diminution du nombre des syphilitiques. Ces mesu- res sont les suivantes : 1. Obligation des prostituées de subir la visite. 2. Obligation des maisons de recevoir la visite des médecins. 3. Séquestration des femmes se livrant à la prostitution sans y être autorisées on sans être munies d’une attestation concernant leur état sanitaire. 4: Traitement dans un hôpital de toutes les femmes trouvées atteintes ‘de syphilis. 5. Nomination de médecins visiteurs et d’un médecin inspecteur chargé de contrôler ceux-ci, tous hommes honorables et largement ré- tribués. Enfin on insiste beaucoup aussi sur l’interrogatoire des soldats malades pour arriver à la découverte de la femme infectée. M. Vleminckx abandonne ces moyens à l’appréciation du Congrès, et finit par Proposer à l'assemblée d'émettre le vœu que dans toutes les villes de France il soit pris au plus tôt des moyens efficaces pour arrêter 1 CRE s Voy. les mémoires de la 3 Section , 2€ vol. 258 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. la propagation d'an des plus grands fléaux qui puisse affliger l'espèce humaine. « Quand bien même, ajoute-t-il, il n’y aurait que dix d’entre elles, quand il n’y aurait que Strasbourg seul qui obtempérerait à ce vœu , le Congrès aurait déjà fait œuvre assez utile, et comme celui de Belgique naguère, dont je vous parlais il n’y a qu’un instant, il aurait produit un résultat immédiatement fructueux et profitable à l'humanité, «Il me reste à vous prier de me pardonner, Messieurs, dit-il en ter- minant, de ce que je me sois permis, quoique étranger à la France, de m'immiscer en quelque sorte dans son régime intérieur ; mais pour nous autres médecins il n’y a, vous Je savez, ni Français, ni Allemands, ni Belges, etc.; il n'y a que des hommes au sort desquels c’est pour nous un devoir de nous intéresser, quel que soit le sol qui leur ait donné le jour. » Cette communication, ainsi que le vœu de M. Vléminckx, reçoivent un accueil très: favorable de la part de l’assem- -blée. M. le docteur Schützenberger a la parole. M. Schützenberger avoue que les maladies vénériennes sévissent d’une manière effrayante en France et surtout à Strasbourg. Ce n’est pas faute d’avis médicaux : des commissions ont été nommées ad hoc à différentes reprises, principalement à Strasbourg, et les mesures qu’elles ont recommandées sont à peu près identiques avec celles indiquées par M. Vleminckx ; mais elles ont toujours été trop mollement exécutées par l'autorité municipale. Ainsi, à Strasbourg, on a chargé des visites les médecins cantonaux déjà surchargés d'ouvrage et faiblement rétribués; les employés de la police des maisons ne la font pas bien. Il faudrait, pour cet objet, des médecins spéciaux, une police spéciale, et alors on pourrait obtenir une surveillance plus assidue des maisons et des filles et une plus grande sévérité envers les malades. Quelques observations sont ajoutées à ce que vient de dire M. Schützenberger par MM. Bonnet, de Besançon, Ra- meaux, Roux, Forget, Malle, Strohl et Held. Elles font voir que presque partout les mesures indiquées par les mé- decins, quelquefois même adoptées par l’autorité, sont à peu près les mêmes; mais que le plus souvent elles sont très-mal exécutées par les autorités compétentes. - M. Falk, médecin vétérinaire à Rudolstadt (Saxe), lit en langue allemande une note sur la nécessité de faire entrer l’étude de Part vétérinaire dans celle des sciences médicales. M. Falke fait voir qu'on donnerait aux médecins vétérinaires une DIXIÈME SESSION. - 259 instruction plus solide en leur faisant fréquenter une faculté de méde- cine ainsi complétée; car la médecine humaine étant plus avancée que celle des animaux, les jeunes vétérinaires reporteraient sur celte der- nière les connaissances qu'ils auront pu acquérir en étudiant la science de l'homme. On n’oserait plus alors, comme cela a quelquefois lieu, charger de l’enseignement de l’art vétérinaire des médecins qui ne l'ont jamais étudié. L'assemblée passe à la discussion sur le mode d’exécution ‘de la proposition de M. Roux. Cette proposition ayant été adoptée dans une des précédentes séances, la Section aura à choisir une commission. Avant de passer au scrutin, plusieurs membres font sentir toutes les difficultés que rencontrera l’exécution des mesures proposées. Quelques membres voudraient y introduire des modifications; d’autres, en rappelant que les autorités mé- dicales , telles que les facultés, l'académie royale de méde- cine, les associations médicales, ont fait leur devoir pour obtenir une réforme, mais que leurs vœux et leurs réclama- tions ont toujours échoué contre l’inertie de l’autorité supé- rieure , n’espèrent pas plus de la nouvelle mesure proposée, mais voudraient que le Congrès manifestât au moins le vœu de voir produire au grand jour le projet d’organisation mé- dicale enfoui dans les cartons du ministère, Comme la proposition de M. Roux donne à la Commission - la latitade de choisir les moyens d’exécution, on termine celte discussion, à laquelle ont pri: part MM. Turck, Bon- nel, Forget, Ehrmann, Roux, Stæœber, Aronssohn et Malle, et on passe au scrulin pour la nomination de celte Com- Mission. MM. Oppermann, Aronssohn, Stæber, Tourdes, Ehrmann et Forget ayant réuni le plus grand nombre de suffrages , sont proclamés membres de cette Commission. La séance est levée. * Cette Commission a élu pour son Président M. le professeur Ehrmann , et pour son Secrétaire, M. le professeur T'ourdes fils. Conformément à la décision de la Section des sciences médicales, ele a publié une circulaire adressée à toutes les Sociétés médicales de France, et a délégué, dans chaque département, à un médecin l'honorable mission d’or- ganiser le comité dont le Congrès a voté la création. La circulaire ést insérée dans le présent Compte-rendu , à la suite des procès-verbaux des Sections. _—i— 240 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Cinquième séance. — Du 5 octobre A842. Rapporteur : M. STOEBER , Secrétaire. Le procès-verbal est lu et adopté. A cette occasion, M. Fée, professeur à la Faculté de Méde- cine et à l'hôpital militaire d’instruction , demande à dire quelques mots sur le nombre des syphilitiques à l’hôpital mi- litaire de Strasbourg. La proportion de ces malades est moins forte qu’elle ne le paraît; car l'hôpital militaire de Strasbourg recoit des malades étrangers à la garnison de Strasbourg. En outre, pour diminuer le nombre des syphilitiques, MM. les : ministres de la guerre et de l’intérieur se sont concertés ré- cemment pour faire visiter les militaires en route par congé temporaire. La correspondance comprend : Une lettre de M. Finizio, sur une modification du céphalotribe. Deux mémoires de M. le docteur Pravaz, de Lyon : Second mémoire sur l'emploi du bain d'air comprimé dans le traite- ment du rachitisme, des affections strumeuses, spasmodiques et des surdiles calarrhales ; Lyon 1841. De l'influence de la respiration sur la santé et la vigueur de l'homme ; Lyon 1842. M. Pravaz s’est inscrit pour une communication : Sur les luxations spontanées du fémur. M. Féea la parole pour une communication extraordinaire. Après avoir rappelé en peu de mots les mérites du professeur Fodéré, l'orateur annonce que la patrie de l’ancien professeur de Strasbourg a le projet de lui ériger un monument. M. Fée donne lecture de deux lettres du conseil municipal de Saint-Jean de Maurienne (Savoie), qui lui font connaitre officiellement cette nouvelle et le prient d’en infor- mer le Congrès. Pour effectuer ce projet, la municipalité de Saint-Jean de Maurienne a décidé qu’une souscription serait ouverte à cet effet, et qu'une commission serait nommée pour régler tout ce qui concerne l'exécution de tout ce qui se rattache à ce pieux dessein. M. Fée prie le Congrès de s'associer à cette œuvre de reconnaissance envers un professeur distingué qui pendant longues années a illustré la chaire de médecine légale de la Faculté de Strasbourg. Cette com- munication recoit l'approbation de l'assemblée. M. le Président annonce qu’une liste de souscription sera DIXIÈME SESSION. 221 déposée sur le bureau de la Section et sur celui de l’assem- blée générale, et engage les membres du Congrès à s’ins- crire sur ces listes. M. Arronssohn, agrégé à la Faculté de Médecine, médecin consultant du roi, donne lecture d’une Vote sur l’albuminu- rie, considérée sous le point de vue étiologique. Ce mémoire renferme trois observations, desquelles il résulte que l’albuminurie peut se développer, indépendamment de toute lésion ap- préciable des reins, sous l'influence de maladies chroniques du foie et des intestins; qu'elle peut exister sans hydropisie et coïncider avec une santé parfaite. M. Aronssohn communique ensuite une observation de diabètes sucré guéri par l’emploi des bains de vapeur. Il insiste sur le rôle que joue la peau dans le développement des deux maladies précédentes, rôle démontré par le climat des pays où elles prédominent. Il admet, comme M. Bouchardat et d’autres médecins, la formation du sucre dans les voies digestives et dans le sang aussi bien que dans les urines. Une longue discussion s'élève à l’occasion de ces deux communicalions. 1. Discussion sur le diabètes sucré. M. Bertini a rencontré celte maladie assez fréquemment chez des femmes, contrairement à l'opinion générale qui la considère comme très-rare chez le sexe féminin. Plusieurs membres de la Section citent des faits semblables. M. Ber- tini rapporte un exemple de guérison du diabèles par l’em- ploi simultané des Préparations de fer et l’opium à haute dose. M. le professeur Textor a fréquemment observé cette ma- Jadie à Wäürtzbourg. M. Forget pense qu’il faut admettre avec la plus grande réserve les exemples de guérison du diabètes; les récidives sont fréquentes : MM. Bouchardat et Proust, qui d’abord ont annoncé des succès, ont avoué ensuile que ces succès n’avaient point été durables. Bien des praticiens ont vu échouer l’opium et les bains de vapeur. MM. Aronssohn , Cailliot et Forget examinent les princi- 16 242 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. pales opinions admises sur le mode de formation du diabètes. 2, Discussion sur l’albuminurie. M. Schützenberger établit que l’état albumineux des uri- nes, considéré isolément, a peu d'importance, puisqu'il peut coexister avec des affections diverses. C'est'un symp- tôme qui doit être mis en rapport avec les autres pour avoir une valeur réelle. M. Schützenberger rappelle les observa- tions microscopiques de Gluge, desquelles il résulterait que l’albuminurie reconnaîtrait pour cause la transsudation mé- canique du sérum du sang. M. Mayor cite des exemples de guérison d’hydropisie avec albuminurie, obtenue à l’aide des bains de vapeur et de l’acétate d’ammoniaque. M. Turck insiste sur l’avantage des moyens qui lendent à réveiller l’action de la peau. M. Stæber rapporte des observations d’hydropisie avec urines albumineuses, succédant à des scarlatines, et qui ont cédé à un traitement antiphlogistique. MM. Aronssohn, Strohl , Textor, prennent encore part à la discussion. M. le Président Forget la résume en établissant que l’al- buminurie peut exister avec des états organiques variés, qu’il faut préciser le sens attaché à l’expression maladie de Bright, ‘en la restreignant aux cas dans lesquels ily a état albumineux des ürines ét'hydropisie , sans autre affec- tion organique appréciable. M. Forget fait connaître (les résultats qu'il ‘a obtenus ‘dans le ‘traitement de la maladie de Bright; ils l’ont'conduit à cette conclusion quelle traite- ment de l’albuminurie n’arién de spécial, et ‘doit être ‘éta- bli comme celui de toutes les autres ‘hydropisies. M. le docteur Petrequin, chirurgien en chef désigné de l’Hôtel-Dieu à Lyon, communique ses Recherchés sur l’opé- ration de la nécrose étudiée au point de vue de ses principes et de sa valeur. M.'Petrequin cherche à démontrer que jusqu'à présent on ra-for- mulé ni méthode générale fixe, nisprocédé opératoire spécial. Il étudie dans trois chapitres les points suivants : 1. utilité de l’opération; 2..épo- que opportune pour l'opération ; 3. méthode et procédé opératoire. EEE DIXIÈME SESSION. 245 1. Il combat la doctrine de Delpech et de Janson, qui se bornent à une chirurgie toujours expectante, s’efforcant de montrer que les gué- risons spontanées sont rares, souvent achetées par une incurvation , une difformité des membres,et que cette méthode expose à des accidents variés : ül.cite deux terminaisons funestes et conclut à l'utilité de l’opé- ration. 2, Contrairement à M. Mayor, de Genève, qui opère dès le principe, et à MM. Jules Cloquet et Bérard jeune, qui attendent très-tard, V’ora- teur pense avec S. Cooper qu’on peut s’y prendre de meilleure heure et qu'il n’est pas nécessaire que l'os nouveau puisse soutenir le;poids du corps, comme on l’a voulu, car il ne s’agit pas de faire marcher Je ma- lade immédiatement. M. Petrequin détaille les conditions principales du diagnostic et passe à l’expose de la méthode et des procédés opéra- toires qu’il propose. 3. Il combat la doctrine de M. Ribes, qui fait, selon dui, d'inutiles déperditions de substance; il demande à l'anatomie chirurgicale la so- lution du problème : par quel point il faut attaquer l’os malade? Les données anatomiques lui paraissent contraires aux indications du pro- fesseur Richerand , de M. Ribes , etc. Il veut qu’on s’éloigne des extré- mités du séquestre pour ne pas trop se rapprocher des articulations. Pour-rendrel’extraction plus:facile, il imagine de diviser le séquestre en deux moitiés par une couronne de trépan, etc. Il appliqua ces pré- ceptes à la cure d’un jeune malade affecté d’une nécrose invaginée du tiers supérieur du tibia gauche, chez lequel la guérison fut obtenue en deux mois et demi. Le séquestre avait plus de quinze centimètres. Sur un autre malade, qui offrait:une nécrose invaginée detout le tibia droit, il imagina de diviser le séquestre en deux fragments, ce qui lui permit de les extraire isolément, d’une manière plus facile, à l’aide d’une incision peu étendue. Le malade conserva l'usage de son membre et le jeu des articulations du genou et du pied. Dans ‘un'troisième cas pour une nécrose/’invaginée du’tiers inférieur du radius, M. Petrequin réussit à découvrir l’osenécartant, d’une part les.muscles radiaux, de l’autre l’abducteur et l’extenseur du pouce, et avec une seule couronne de trépan, placée au tiers moyen, il retira un séquestre de sept centimètres ; il développe les avantages de ce procédé anatomique. Dans une dernière observation relative à une nécrose-in- vaginée de l’humérus gauche tout entier, avec cinq fistules et.ankylose du coude et de l'épaule, l’auteur, se fondant sur, l’anatomie chirurgicale, découvrit l'os en divisant le deltoïde, au-dessous des vaisseaux et des nerfs circonflexes, par,une incision qui vint séparer en deux le muscle brachial , pour éviter le nerf radial et le musculo-cutané. Le séquestre, découvert à l'aide de deux couronnes de trépan, fut divisé en deux ‘fragments qu’on put -extraire isolément avec:facilité. Leur Jongueur totale était de dix centimètres. Les, résultats furent heureux. M. Petrequin ajoute en terminant, que-ses expériences cadavériques, poussées plus loin, tendent à élever l'opération de la nécrose au rang des opérations réglées à l’aide des procédés anatomiques fixes, mais qu’il 16. 23% CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. se borne aux indications précédentes, ne voulant parler que les preuves en mains et en appuyant ses préceptes sur l'expérience 1. A la suite de cette lecture, la discussion est ouverte sur ce sujet, et la parole est accordée à M. le professeur Textor, de Würtzbourg. Il a l’occasion d’observer souvent la né- crose, qui est plus fréquente dans son pays que dans tout le reste de l'Allemagne. Durant l’année passée, il a vu à sa clinique la nécrose de la mâchoire inférieure, de la mâchoire supérieure, du cubitus, du tibia, etc. Il a fait l’opération souvent, et croit qu’on ne doit l’entreprendre que lorsque le séquestre est mobile. Il ne se sert plus de la gouge et du maillet, mais de l’ostéotome de Heine; il est étonné que cet instrument ne soit pas employé plus souvent, Il a cependant l’avantage de couper les os comme un bistouri coupe les chairs vives, de pouvoir être porté à de grandes profondeurs, avantage que n’ont pas les instruments modifiés par Martin et Charrière, enfin de ne point faire une perte de substance à l’os aussi considérable que celle produite par le trépan. On a reproché à l'instrument de Heine d’exiger de l’exercice. C’est un petit inconvénient. M. Textor a réséqué avec l’os- téotome le col du fémur; il a emporté une portion de la mâchoire inférieure, de manière à y faire comme une mor- taise, en enlevant même la racine de quelques dents; ces dernières n’en sont pas moins restées en place; enfin il a scié un os d’une dureté extrême, et qui probablement n’au- rait pu être entamé par aucun autre instrument, Il ajoute que, lorsque le séquestre est diflicile à retirer, il suivait autrefois le précepte donné par Dupuytren, de le casser, mais qu’il y a renoncé, cette opération étant inutile et dangereuse par suite de l’inflammation consécutive à la- quelle elle donne lieu. M. Mayor croit que le point important du sujet qui occupe la Section est de fixer l’époque du mal à laquelle on peut opérer. S'il y a quelques mois qu’existe la nécrose , on peut procéder à l'opération , lors même que le séquestre ne serait pas mobile. M. Mayor arrache le séquestre avec les mêmes instruments dont on se sert pour l’évulsion des dents. Ce ! Voy. les mémoires de la 2° Section, 2° vol. DIXIÈME SESSION. 245 n’est quelquefois pas sans difficulté, ni sans-donner lieu à un craquement, qu’on parvient à extraire le séquestre; mais il ne faut pas craindre d'employer la force. M. Malle répond à M. Textor que l'instrument de Heine est connu et apprécié en France. M. Textor trouve qu’on l’emploie trop peu. La séance est levée à midi. Sixième séance. — Du 4 octobre 1822. Rapporteur : M. STOEBER, Secrélaire. Le procès-verbal de la dernière séance est la et adopté. La correspondance comprend deux brochures : 1. De la Statistique appliquée à l'étude de l'hygiène publique en géné- ral, et de l'hygiène des Marseillais en particulier, par M. le docteur Roux, président de la Société royale de médecine de Marseille. Mar- seille 1842. 2: Introduction au traité de médecine pratique, de M. Piorry, pro- fesseur à la faculté de médecine de Paris. M: le Vice-président Ehrmann communique une lettre de M. le professeur Harless, de Bonn, dans laquelle ce dernier exprime ses regrets de ne pouvoir assister au Congrès, aux travaux duquel il comptait prendre part. L'ordre du jour appelle la discussion sur la dix-septième question du Programme, ainsi conçue : Quelle est la conduite à tenir dans l'ouverture des abcès par congestion © M. le docteur Kuhn, de Paris, a la parole. Après avoir rappelé les dangers de l’ouverture, soit spontanée, sait artificielle, des abcès par congestion, et le petit nombre des guérisons complètes et durables , M. Kuhn, à l'exemple de M. J. Guérin, propose l'application de la méthode sous-cutanée au traitement de cette mala- die. Cette méthode consiste dans l'introduction dans le foyer purulent d’un trocard particulier dont M. Kubn présente le modèle. A ce tro- card est adaptée une seringue et une canule très-longue percée de plusieurs trous latéraux et d’une ouverture à sa pointe , disposition qui 246 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DÉ FRANCE. permet de vider d'énormes abcès, sans que les flocons albumineax rettent obstacle à l'issue du liqaide. M. Kuhn a assisté à vingt-quatre ponctions, faites sur neuf individus, dont quatre sont morts et cinq ont guéri. Les quatre insuccès reconnaissent pour cause des conditions indépéndantes dé la méthode, particulièrement l'introduction acciden- telle de l’air dans le foyer. La ponction a encore été appliquée aux abcès consécutifs , aux coxal- gies; quinze ponctions sur cinq individus n’ont amené aucun accident grave. Du pus a été retiré de l'articulation du genou; tréizé ponctions ont été pratiquées sur des abcès froids occupant diverses régions du corps. L'opération n’a pas guéri les malades, mais elle a diminué le danger inhérent à l'ouverture des abcès, soit spontanée, soit provoquée par les moyens ordinaires. M. le docteur Balocchi, de Florence, montre que cette méthode est inapplicable aux cas dans lesquels la matière est épaisse et concrète. Il pense que le danger de la maladie ne provient pas de Pentrée de l'air dans le foyer. Il a observé à Paris et à Florence quelques cas de guérison à la suite d’in- cisions larges et d’un traitement général approprié. M. Textor rappelle qu’Abérhethy a déjà proposé un pro- cédé analogue à la méthode sous-eutanée, mais qu'après quelques ponctions l'air finissait toujours par s’introduire dans le foyér. Il regarde les ponctions comme insuffisantes ; une large ouverture lui paraît la méthode la plus rationnelle, mais il ne s’en dissimule pas les dangers. M. le docteur Küss conseille, pour empêcher l’introduc- tion de l’air dans les abcès, d'ouvrir ceux-ci pendant que le malade est plongé dans un bain. Discussion sur la vingt-quatrième question du Programme: L'existence de l’hydromètre hors l’état de gestation et de l&tympanite utérine est-elle démontrée par des faits authen- tiques et bien observés ? M. le professeur Stoltz fait à ce sujet la communication ver- bale suivante : | Après quelques considérations historiques sur ces deux maladies, il déclare qu’il ne croit pas à la réalité de ces affections telles qu’elles ont été décrites par les auteurs. Il nie l'existence de l’hydromètre pen- dant la vacuité de l’utérus par les raisons suivantes : 1. L'intérieur de l’utérus est tapissé par une membrane muqueuse ét non par une membrane séreuse, ainsi que le démontrent sa structure anatomique et le produit de ses sécrétions. DIXIÈME SESSION. 241 2. Le tissu de l'organe utérin, fibreux et musculaire, oppose une résistance invincible à sa dilatation par de la sérosité; s’il est distendu par le sang menstruel dans les cas d'imperforation de l’hymen, il y a en même temps des congestions actives et répétées qui facilitent cette dila- tation. | 3. Il n'existe à l’orifice de l'utérus aucun obstacle de nature à em- pêcher la sortie du liquide; 4. On ne possède point d'observation authentique d’hydropisie de l'utérus : les cas rapportés par les auteurs appartiennent évidemment à l’hydropisie de l'ovaire. : Pendant la gestation, l'utérus peut être, il est vrai, le siége d’une collection séreuse, mais elle ne mérite nullement le nom d’'hydromètre ; c'est une véritable hydropisie de l'œuf, une accumulation de liquide, soit entre les parois de l'organe et les membranes, soit entre le chorion et l’amnios; ainsi l’hydromètre doit être rayé du cadre pathologique. Passant ensuite à l'examen de la tympanite utérine, M. Stoltz croit que cette maladie n’a également aucune existence réelle, Des gaz peu- vent se développer dans l'utérus, souvent en quantité notable, chez les bystériques, mais ils sont immédiatement rejetés et ne produisent ja- mais ces tympanites énormes décrites par les auteurs. Deneux, d’après Désormeaux, a vu à la suite de la parturition l'utérus subitement dilaté, non par du sang, mais par de l'air. M. Stoltz ne partage pas cette opinion ; ik est certain que des caillots de sang se putréfiant dans la cavité du viscère y développent des gaz, mais que ceux-ci s’échappent sans produire une véritable tympanite. M. le professeur Nægele, de Heidelberg, déclare partager Vopinion de M. Stoltz. M; Aronssohn a observé des pertes de sérosité pendant la gestation; il croit que ce liquide était contenu entre le chorion et l’amnios. IL ne pense pas que la structure anato- mique implique l’impossibilité de l’hydrométrie. Les recher- ches modernes établissent une grande ressemblance entre les muqueuses et les séreuses. L’épithélium vibratile existe sur toutes les deux; la muqueuse est formée de nombreux canaux qui sécrètent un liquide , lequel soulève l’épithélium et peut s’accumuler dans la cavité. Cette analogie de struc- ture établit la possibilité de l’hydropisie de l’utérus ; la na- ture du liquide contenu ne peut être considérée comme pouvant différencier la maladie. M. Stoltz soutient que la différence de nature des liquides épanchés établit des différences fondamentales entre ces maladies , et qu’on ne confondra jamais sous le même nom des accumulations de sérosité, de pus ou de sang. 248 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Il dit que l'affection indiquée par M. Aronssohn a été dé- crite sous le nom d’hydrorrhæa uteri gravidarum, dans une thèse soutenue à Heidelberg, sous la présidence de M. Næ- gele. Le liquide s’accumule, d’après le professeur de Heidel- berg, entre l’œuf et la paroi du viscère; à différentes re- prises il s'écoule en petite quantité. M. Stoltz croit encore que ce liquide peut provenir de la rupture du chorion; dans ce cas la gestation continue; mais l'avortement est inévi- table dès que l’œuf a été ouvert; une ouverture de l’amnios ne peut se cicatriser. M. Aronssohn admet qu’une hydropisie peut se dévelop- per dans les parties non tapissées par des séreuses; il cite pour exemple les hydropisies de l’ovaire et du rein. M. Stoltz répond que l’hydropisie de l’ovaire commence dans une des vésicules qui contiennent le germe, et que ces vésicules sont séreuses. Il ajoute qu’il ne faut pas confondre l’hydrométrie avec l’infiltration du tissu cellulaire qui sépare les fibres de l’organe utérin. M. Ehrmann confirme , quant à la non-existence de la physométrie et de l’hydromètre, l'opinion de M. Stoltz. Il présente quelques considérations sur les changements qui s’observent dans les liquides sécrétés par suite de la lésion des tissus sécréteurs. M. Küss rappelle que les recherches microscopiques ont dé- montré la présence de l’appareil glanduleux en cylindre dans l'estomac et non dans l’utérus; que cet appareil n’existe même plus qu’en rudiment dans la muqueuse intestinale. Il établit encore que l’épithélium vibratile ne se trouve point sur les sé- reuses de l’homme; que de véritables séreuses (les gaînes des tendons) sécrètent un liquide ayant beaucoup de rapport avec le liquide utérin. M. Aronssohn reproduit sa première opinion. Ù M. le docteur Hirtz, agrégé à la Faculté de Médecine, cite un cas où l’on aurait pu prendre pour une hydrométrie l’ac- cumulation d’une grande quantité de sérosité dans l’amnios après la mort du germe. A la suite de cette discussion, M. le docteur Pravaz, de Lyon, donne lecture d’un travail intitulé : Vote sur l’étiolo- DIXIÈME SESSION. 249 gie, le diagnostic et le traitement des luxations congénitales du fémur. Dans ce mémoire intéressant, l’auteur, après avoir passé en revue les principales opinions émises sur cette maladie, expose les résultats de sa propre expérience qui l’ont conduit à des déductions nouvelles. Les conclusions suivantes découlent de ce travail : 1. L’étiologie des luxations du fémur est multiple, et l’on a con- fondu avec les déplacements originels des luxations consécutives à la naissance qui paraissent dépendre d’un relâchement du système liga- menteux coïncidant avec un changement de direction du bassin. 2. Il faut ajouter aux signes des luxations congénitales du fémur, la possibilité de porter la flexion de la cuisse sur le bassin au delà de ses limites ordinaires , la jambe restant étendue. 3. La curabilité relative des luxations congénitales du fémur est établie expérimentalement par des faits qui ont été soumis au contrôle de l’Académie royale de médecine de Paris. * 4 La réduction des luxations originelles ne peut être extemporanée; elle doit être précédée d’un traitement destiné à produire l’élongation progressive du membre et à dilater l’étranglement qui sépare les deux loges du ligament orbiculaire des tendons. 5. Le seul signe univoque de la réduction est la sensation claire et distincte donnée par le toucher de la présence de la tête du fémur dans le lieu anatomique du cotyle, dans des conditions d’exploration indi-— quées par l’auteur. 6. Un traitement de consolidation d’une assez longue durée est né- cessaire après la réduction. Il doit consister dans l’exercice du membre réduit, soumis à des règles précises. 7. Une claudication plus ou moins sensible persiste toujours après le traitement le plus heureux; elle est en général proportionnelle au degré du développement organique à l’époque de la réduction. M. Textor félicite la science de ce que les recherches mo- dernes aient fait découvrir des moyens de guérir des mala- dies réputées jusque-là incurables. Il cite un exemple de guérison subite d’une luxation spontanée du fémur; une chute à fait rentrer dans sa cavité la tête de l’os luxé. M. le docteur Held, agrégé à la Faculté de Médecine, op- pose à l’opinion de M. Pravaz, sur l’influence du relâchement des liens articulaires , le maintien de la tête du fémur dans sa cavité par la pression atmosphérique , malgré la section des ligaments. Il indique comme cause principale des luxations congénitales le gonflement du fond dela cavité cotyloïde, ainsi que le ramollissement et la déformation de ses bords. 250 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. M. Kuhn attribue à la rétraction musculaire une grande importance dans l’étiologie de ces affections. M. Pravaz répond qu’il admet des causes multiples. M. Forget cite, comme preuve de l'influence du relâche- ment des ligaments, un matelot qui se luxait l’'humérus à volonté. La discussion étant terminée, M. le Président proclame l’ordre du jour de la séance suivante. M. Vleminckx demande qu’on tienne une seconde séance à sept heures et demie. Gette proposition est agréée par l’as- semblée. La séance est levée à midi. Septième séance. — Du 4 octobre 1842. Rapporteur : M. Tournes fils, Secrétaire. La séance est ouverte à sept heures et demie du soir. La parole est à M. Heydenreich, sur la vingt-huitième ques- tion du Programme, ainsi conçue : De la révision du Codex. M. Heydenreich, pharmacien, donne lecture d’un mé- moire intitulé : Observations critiques sur la dernière édi- tion du Codex. Nous présentons une analyse de ce mémoire, qui traite d’un des sujets les plus importants non-seulement pour les hommes de l’art, mais encore pour le public étranger à la médecine. Le Codex pharmaceutique français est pour les pharmaciens ce que les codes sont pour les hommes de loi. C’est une règle qui les dirige dans leurs opérations principales et à laquelle ils sont légalement tenus de se conformer. Il est nécessaire qu’un pareil livre arrive le plus près possible de la perfection ; la moindre erreur exerce sur la santé publique l'influence la plus grave et peut-être la source des plus déplo- rables accidents. Depuis longtemps le Code français donnait lieu aux attaques les plus nombreuses et les mieux fondées ; on demandait una- nimement la réforme d’un livre qui n’était plus au courant de la science. En 1837, le gouvernement fit droit à ces réclamations; une commission DIXIÈME SESSION. 251 fut nommée pour réviser le Code pharmaceutique, et, contrairement à l'esprit de la loï, cette commission fut exclusivement composée de médecins et de pharmaciens de Paris. Bientôt le Codex nouveau fut publié ; il paraissait sous les auspices d'hommes éminents dans la science, son avant-propos contenait les plus belles promesses; on devait croire qu’on possédait enfin un Code pharmaceutique digne du rang qu’occupe la science française et présentant les garanties que le public a le droit d’exiger. On ne tarda pas à reconnaître que ces espérances étaient des illusions, que le nouveau Codex contenait des négligences impardonnables , les erreurs les plus graves, et que, sous bien des rapports, ce nouveau Code était inférieur à l’ancien. M. Heydenreich, entrant dans l’examen approfondi des détails du Codex, administre la preuve de ses assertions ; il porte la conviction la plus complète dans l’esprit des membres de la Section, qui tous re- connaissaient depuis longtemps l'insuffisance du livre officiel. Les dé- fauts du Codex consistent soit en erreurs et en négligences, souvent de la nature la plus grave, soit en lacunes qui mettent cette œuvre au- dessous de beaucoup de pharmacopées étrangères. Ne pouvant reproduire tous ces faits de détails, nous ne citerons que quelques-unes des fautes reprochées au Codex. Il présente un défaut d’ordre absolu ; la nomenclature pharmaceu- tique est mal raisonnée et souvent inexacte ; la nomenclature chimique présente la plus étrange confusion dés dénominations françaises et de celles qu'a proposées Berzélius; la synonymie des plantes est incomplète et parfois erronée. On admet des substances en quelque sorte exigi— bles, créant ainsi un demi-devoir au pharmacien, au lieu de lui indi- quer nettement sès obligations, et parmi ces substances, il en est de parfaitement inutiles , ou qui s’altèrent en vieillissant, tandis qu’on omet de déclarer exigibles des médicaments importants qui demandent une longue préparation. Les tables approximatives pour les poids des quantités exprimées en volume sont basées sur de tels principes, que neuf fois sar dix, dans les prescriptions de ce genre, le pharmacien donnera une dose de médicaments plus ou moins forte que celle qui a été indiquée par le médecin. Tantôt on se sert de l’alcoomètre de Gay - Lussac, tantôt de - l’aréomètre de Cartier ; le meilleur est le moins employé. Le Codex indique souvent des procédés dispendieux, difficiles, pres- que inexécutables, à la place de procédés économiques et simples, et donnant facilement de bons produits. On ne trouve dans le Codex aucune disposition de pharmacie légale, aucune table de médicaments simples et composés , de densités des liquides officinaux, des propor- tions des substances actives dans les diverses préparations. Nous termi- nerons celte énumération, qu’on aurait pu prolonger encore, en citant deux faits dont on ne peut trop répandre la connaissance : la poudre de sulfure d’antimoine, d'après les indications du Codex, contient presque nécessairement une proportion notable d’arsenic. Le procédé prescrit pour la préparation du calomel, ce médicament si employé de nos 252 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. jours, est tel qu’il fournit nécessairement du sublimé corrosif, au lieu d’une substance d’une activité médiocre, un des poisons les plus éner- giques. On frémit en songeant aux accidents déplorables que cette erreur causerait, si heureusement ici le procédé du Codex n’était telle- ment long, difficile et dispendieux, que peu de pharmaciens seront tentés de l’'employer. Cetie communication de M. Heydenreich est accueillie par d’unanimes applaudissements. M. le Président Forget demande son insertion dans le Compte-rendu des travaux du Congrès! Il voit dans le Codex français un nouvel exemple de l’abus des commissions. Les noms les plus distingués figurent parmi les membres de la com- mission du Codex, et cependant ils ont abouti à une œuvre déplorable. Sous le rapport médical ce livre prête à de justes attaques autant que sous le rapport pharmaceutique. M. Kuhn croit qu'il serait utile de renvoyer ce mémoire à l’autorité supérieure , afin d’appeler son attention sur un objet aussi important. M. Vleminckx, de Bruxelles, émet le vœu que l’on pro- cède à une nouvelle réforme du Codex français; il pense que la Commission de révision devrait être prise, non pas seulement parmi les médecins et les pharmaciens de Paris, mais parmi ceux des départements. Quoique étranger à la France, il insiste fortement sur ce vœu, à cause de l’in- fluence qu’exerce nécessairement la pharmacopée française sur celle des autres nations. Il fait connaître de quelle ma- nière on a procédé à une révision semblable en Belgique. L’Académie royale de médecine a eu la direction de l’œuvre; les professeurs de chimie et de pharmacie des universités ont été réunis en commission, les principaux médecins et phar- iwaciens des provinces ont été consultés, et c’est seulement après la réponse des commissions médicales des provinces que le Codex belge a été révisé. M. Heydenreich répond qu’en France on eût procédé d’une manière analogue si on avait obéi aux prescriptions de la loi. M. Laurent, capitaine d’état- major, demande que la Sec- tion de médecine nomme une commission composée des pro- fesseurs de la Faculté de Médecine et de l’École de pharma- 1 Voy. les mémoires de la 32 Section , 2° vol. DIXIÈME SESSION. 255 cie, auxquels on adjoindrait les médecins et pharmaciens qui se sont occupés de ces matières. Gelte commission signa- lerait à l’autoyté les erreurs du Codex, et émettrait le vœu qu’à l’avenir les médecins et les pharmaciens de province ne fussent plus exclus de ces commissions de révision. M. Ehrmann insiste sur la nécessité d’une révision du Co- dex. Il propose à la Section de nommer une commission spécialement chargée d’examiner cette grave question et d'attirer sur elle l’attention du Congrès. La Section de médecine prend la résolution suivante : «Elle émet le vœu qu’il soit procédé à une nouvelle révi- sion du Codex ; elle demande qu’à l’avenir les médecins et pharmaciens de province fassent partie de la commission de révision; elle décide qu’elle nommera une commission chargée d’examiner cette grave question, » On passe ensuite à la discussion de la cinquième question du Programme : Poser les bases d’une nouvelle classification des médica- ments. | La parole est à M. le professeur Forget pour une commu- nication verbale. M. le professeur Forget rappelle que cette question est un des écueils de la science. Il établit qu’il n’existe que trois bases possibles pour les classifications des médicaments , et que les classifications actuelles con- sistent dans un éclectisme qui les embrasse toutes les trois. La base phy- siologique, qui donne naissance aux divisions en émollients , toniques, narcotiques , stimulants, altérants, etc., est souvent incertaine ; tel médicament tonique dans une circonstance déterminée exerce dans une autre une action toute différente. La base pathologique est la plus vi- cieuse; elle comprend les nombreuses classes d’antiphlogistiques, d’antiscrophuleuses , d’antispasmodiques, d’antidartreuses et autres ; le même médicament, suivant les cas, peut être rangé dans toutes ces classes ou ne peut trouver place dans aucune ; l’alun, le nitrate d’ar- gent, l'émétique, ne sont-ils pas quelquefois les meilleures antiphlo- gistiques , tandis que dans quelques circonstances la saignée figure parmi les antispasmodiques les plus puissants. La classification fondée sur les propriétés chimiques des substances serait la plus rationnelle de toutes , la science aurait atteint sa perfection si les classifications étaient basées sur un rapport exact et bien connu entre l’action chimi- que des médicaments et leurs effets physiologiques. Malheureusement 254 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. il n’en est point ainsi, et celte connaissance n'est acquise que pour un petit nombre de faits. Ainsi, dans l’état actuel de la science, il n'ya point de classification univoque, homogène possible; on en est réduit à l’éclectisme qui puise à chacune des trois sources @œæ qu’elles présen- tent de plus certain !. M. le docteur Jænger , de Colmar, pense que jusqu'ici les expérimentations sur les médicaments ont ét6 faites sans une exactitude suffisante et d’après de faux principes. On admi- nistre un médicament dans une maladie, puis dans un cas qui paraît analogue , et on s'étonne que les effets soient.diffé- rents. En procédant ainsi on me parviendra jamais à établir de règles générales. L’expérimentation des remèdes sur l'homme sain a pro- duit de meilleurs résultats; mais ils sont encore restés in- complets, parce qu’un élément du problème a été négligé. Cet élément, ce sont les variétés si nombreuses de l’organisme humain. Les individus les plus semblables en apparence peu- vent différer au fond d’une manière essentielle. Avant de procéder à des ‘expériences, il faut déterminer les titres physiologiques et organiques des individus, les classer, les diviser suivant leur nature, et seulement en opérant ainsi sur des groupes déterminés, on obtiendra des résultats utiles. . M. Forget répond que c'est à justement le problème dont on cherche la solution : la connaissance des effets des médi- caments et celle des aptitudes individuelles. M. Turck croit que les expérimentations en thérapeutique ne sont pas faites avec assez de sévérité. Il pense que les tempéraments n’apportent point dans l’action des remèdes des différences essentielles, mais seulement des modifications en plus ou en moins. Il établit qu’il faut étudier avec le plus grand soin toutes les modifications de l’organisme. Il rap- pelle qu'à côté de la science qui propose de nouveaux médi- caments et régularise leur emploi, il y-a le hasard.et l’em- pirisme auxquels l'humanité a dû les plus précieuses décou- vertes. M. Mayor, après cinquante ans de pratique, voit tous les ! Voy.les mémoires de la 32 Section, 2° vol. TE DIXIÈME SESSION. 255 jours diminuer la confiance dans la polypharmacie. Il cite l’opinion de Tommasini, qui, sur la fin de sa vie, réduisait les remèdes vraiment utiles à un petit nombre; les paroles de Frank, qui, au commencement de sa pratique , comptait vingt remèdes pour une seule affection, et à la fin un seul remède pour vingt maladies. La séance est levée à neuf heures et demie. Huitième séance. — Du 5 octobre 1842. Rapporteur : M. STOEBER, Secrétaire. Les procès-verbaux des deuxséances du octobre sont:lus. A l’occasion du procès-verbal , M. le docteur Ristélhuëber, médecin en chef des hospices, présente quelques observa- tions sur la discussion qui a eu lieu sur l’hydromètre. Il ne croit pas que l’anatomie fine puisse faire rayer cette:maladie du cadre nosologique. Les faits sont positifs; on ne peut pas admettre que Vésale, Sebitz, Nicolaï, Saltzmann , Fernel à Bonnet, Geoffroy se soient lous trompés en citant des ças d’hydrométrie. Quelques remarques sont faites ‘sur les procès-verbanx, qui sont adoptés après de légères modifications. La correspondance comprend: 1° Une'brochure intitulée Homéopathie ; de l’art de guérir ét de ses progrès, par Des- saix, docteur ‘médecin à Lyon. Parvis, 1841. 2° lUne léttre ‘de M. Combes, professeur de médecine à Toulouse ,‘accom- pagnée ‘de la’ premièreipartie d’un ouvrage inédit sur:l’orga- nisation dela médecine en Iltalie. L'auteur demande dans sa lettre qu'un ‘rapport’soit fait:sur cet ouvrage. M. le Prési- dent annonce que le Congrès n’est pas dans l'usage de faire des rapports'sur des mémoires envoyés , et que l’ouvrage de M. Combes sera déposé comme les ‘aûtres à la bibliothèque dela ville. M. Vleminckx annonce qu’il aurait désiré communiquer à assemblée un travail sur la thérapeutique des granula - Lions palpébrales, mais qu’il renonce. à ce projet, vu l’épo- 256 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. que avancée de ia Session et le nombre des communications importantes encore à l’ordre du jour. M. Jænger se fait inscrire pour une lecture sur la condi- tion du progrès en médecine. M. le docteur La Corbière, de Paris, lit un travail sur la phrénologief, J1 cherche à justifier cette science des attaques injustes dont elle a été l’objet. Il repousse avec force les inculpations du matérialisme et du fa- talisme que l’on prodigue à ses partisans. Tous les philosophes ont ad- mis que le cerveau est le siège de l’âme et qu’il est nécessaire à sa ma— nifestation. Immatérielle dans sa nature, cette âme est complexe dans ses attributions instinctives, morales et intellectuelles, et chacune d’elles a pour siége une des trois grandes sections de la masse céré- brale. La phrénologie est démontrée par les variations d’instincts, de sen- timents, d'intelligence des différents êtres correspondant aux varia- tions infinies des organismes : elle est une vérité, et nulle vérité n’est impie; elle se concilie parfaitement avec le sentiment religieux. La phrénologie n’est point fataliste; le libre arbitre n’est ni absolu , ni égal chez tous les hommes; mais chez tous ceux qui ne sont pas des mons- tres, la liberté existe, telle qu’elle convenait à la nature humaine, et telle que le Dieu juste et bon devait nous la donner, pour que nous fus- sions devant lui responsables de nos actes. Un jour, la phrénologie , mieux comprise, donnera lieu aux applications les plus heureuses. M. Pascal admet la doctrine de Gall et expose des faits physiologiques et pathologiques en sa faveur. M. Malle, sans nier la pluralité des organes, pense que Gall n’a pas éclairé la physiologie du cerveau , et que son ouvrage ne renferme que des assertions déjà anciennement connues et des faits vagues et peu concluants. M. Vieminckx, de Bruxelles, rapporte qu’en Belgique, dans la prison centrale qui contient près de deux mille cri- minels , on a réuni une collection de crânes qui n’est nulle- ment en rapport avec la biographie des hommes auxquels ils ont appartenu. M. le professeur Rigaud croit qu’il y a de nombreuses er-- reurs dans les musées où l’on conserve des pièces phrénolo - giques. Il rappelle que la localisation des facultés est depuis longtemps connue, que Guy de Chauliac, en 1364, l’a déjà admise. ï Voy.les mémoires de la 3° Section, 2° vol. DIXIÈME SESSION. 257 M. Jænger établit l'influence de l’éducation et de l’exer- cice sur le “développement des différents organes cérébraux. M. La Corbière reproduit ses arguments en faveur de la phrénologie. M. le professeur Textor lit une note sur la non-existence de la rage (ou plutôt de la fureur rabique?). I fait voir qu’il existe chez les chiens une maladie qui peut se trans- mettre par la morsure à d’autres chiens et à l'homme; mais que cette maladie n’a pas les symptômes qu’on lui attribue en général. Les re- cherches de Hertwig, de Berlin, ont prouvé que les chiens atteints de cette affection ne Aont pas hydrophobes , qu’ils ne sont pas non plus enragés dans le sens vulgairement attribué à ce mot; ils sont tristes, se cachent, ne sont enclins à mordre que lorsqu'on les excite. Les inocu- lations faites ont prouvé que la salive seule propage la maladie ; encore cette propagation n'est-elle pour ainsi dire qu ’exceptionnelle, puisque sur six ou huit chiens mordus il n’y en a qu’un qui devient malade. L’autopsie ne nous apprend rien sur la nature de l'affection. ! Chez l’homme, la maladie appelée rage se manifeste par de la tris- tesse, des rêves pénibles, de la dysphagie ; le malade avale surtout difficilement-les liquides ; il a de l’aversion pour tout ce qui les lui rappelle; il ne peut entendre verser de l’eau, il ne peut voir des ob- jets luisants, tels qu’une glace. Il avale difficilement même les solides : aussi est-on souvent dans l'impossibilité de donner des médicaments. Mais ce qu’on a considéré comme pathognomonique de la maladie, les accès de fureur , M. Textor ne les à pas observés sur les malades qu’il a vus à Würtzbourg , à Paris et à Vienne. La maladie est différente chez l’homme et chez le chien. Dans le pre- mier cas, c’est une variété du tétanos traumatique, ce qui explique pour- quoi on à vu survenir l’hydrophobie spontanément, ou après des lésions traumatiques ordinaires, ou après des morsures faites par des animaux non malades. M Textor cite le cas d’une femme morte hydrophobe après avoir été mordue par un chien non enragé; un second cas, d’une fille qui succomba à la même maladie occasionnée Par une blessure du nez; enfin une observation recueillie à Vienne qui a trait à un homme mort hydrophobe sans avoir été mordu, et chez lequel on trouva après la mort un fragment de verre dans la plante du pied. M. G. Tourdes a observé un exemple de développement de la rage chez l’homme quinze mois après la morsure. Il a noté , parmi les principaux symptômes, la surexcitation des organes génilaux, accompagnée d’éjaculations multipliées dans les derniers moments de la vie. Il a constaté à l’autop- sie li injection de la pie -mère cérébro-rachidienne, une rou- 1 Voy. les mémoires de la 32 Section, 2€ vol. 17 258 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. geur intense de toute la muqueuse aérienne, une quantité considérable de bave sanguinolente dans les voies respira- toires , la fluidité du sang, l'injection et la tuméfaction des glandes salivaires et une altération tout à fait identique du pancréas. M. Mayor dit que l’existence de la rage, comme maladie, ne peut être mise en doute, que le nom seul est attaqué. II rappelle qu’en Suisse, il ÿ a quelques années, on observa la rage sur des renards qui arrivaient au milieu des villes et altaquaient les hommes et les chiens. M. Mayor emploie dans les cas de morsure la cautérisation au moyen d’un cy- lindré de pierre à cautère qu’on peut rendre très-aigu en le plongeant dans l’eau. Ge même moyen sert avantageusement pour la cautérisation des abcès des ganglions. M. Balocchi a vu trois cas d’hydrophobie à Florence. On a inoculé à des animaux la salive, le mucus des bron- ches , de l’estomac, la bile, le sang. Tous ces animaux sont morts au bout de vingt quatre heures. M. Malle dit que l’hydrophobie pouvant se déclarer spon- tanément, on peut expliquer de celte manière les cas où elle ne s’est manifestée que très-longtemps après la morsure par un animal enragé. M. La Corbière croit qu’il faut vulgariser les idées de M. Tex- tor, afin de rassurer le public. Il rapporte que M. David Ri- chard , directeur de l’asile des aliénés de Stephansfeld , a vu l’organe de la destruction enflammé chez les individus qui avaient succombé à la rage. Peut-être qu’en saignant à la partie latérale de la tête, et en y appliquant le froid, on ob- tiendrait des résultats favorables. M. Pravaz dit qu’à Alfort, en faisant des inoculations à la partie postérieure du cou, on réussissait presque con$stam- ment à produire la rage. A Lyon, il l’a vue être provoquée sur des moutons par l’inoculation sur le nez. M. le docteur Blin rappelle que la rage ne s’observe ni en Orient ni en Afrique, et qu’en Europeelle n’est probablement déterminée que par la réclusion des chiens et l’empêchement qui en résulle pour eux d’exercer leurs fonctions sexuelles. La séance est levée à midi. DIXIEME SESSION. 259 Neuvième séance: — Du 6 octobre 1822. Rapporteur : M. STOEBER , Secrétaire. Le procès-verbal est lu et adopté. A cette occasion, M. Stoltz répond à ce que M. Ristelhueber ayait avancé hier, que c’est précisément après avoir pris connaissance des observations publiées qu'’ilest arrivé à nier l'existence de l’hydromètre. La correspondance comprend : Une lettre de M. Jullien, accompagnant une brochure de M. Héreau , intitulée : Des parasites cutanés de l’homme. Paris 1842. M. Jullien demande un rapport sur cet opuscule. M. le Président répond que le Congrès n’est pas dans l’u - sage de faire des rapports. M. le docteur Trapp, conseiller médical, offre à la Section une brochure sur les eaux minérales de Hombourg-ès-Monts. M. Schweigger, professeur à l’université de Halle, envoie quelques exemplaires d’un programme sur des questions de chimie. MM. les docteurs Küss et Robert exposent des pièces arti- ficielles d'anatomie humaine et comparée. L'ordre du jour appelle la discussion sur la sixième ques- tion du Programme , intitulée : Les expériences faites sur l’homme en état de santé peu- vent-elles donner la mesure de l’action des médicaments, tant simples que composés, sur l’homme malade ? M. Turck a la parole. Après avoir insisté sur l'importance de cette question, M. Turck cherche à démontrer que nos connaissances sur l’action des médicaments sont encore peu avancées, et que l’expérimentation sur l’homme sain devra contribuer pour beaucoup à nous faire connaître les propriétés pharmacodynamiques des substances. Que, du reste, il est essentiel d'observer l’action quelquefois complexe des médicaments. Une fois que nous saurons comment agit la cause morbide, et quelles modifications peut faire subir à l'organisme chaque moyen inscrit dans nos matières médicales, nous agirons avec assurance. M. le docteur Rapou, de Lyon, dit que les substances les 17. 260 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. plus capables d’impressionner un organe malade sont celles qui, chez l’homme sain, portent leur action sur la fonction de cet organe; exemple, la térébenthine dans les affections de la vessie, Les expérimentations sur l’homme sain sont insuffi- santes, ainsi que l’ont démontré Jœrg et Kopp: elles doivent être complétées par la clinique. M. Pascal demande si, par l’action de l’émétique sur l’homme sain, on pourrait expliquer son efficacité dans la pneumonie. M. Rapou réplique que cette substance produit chez l’homme sain une inflammation du poumon, ce qui expli- que pourquoi elle guérit la pneumonie. M. Turck ajoute qu’on peut se rendre compte de l’action avantageuse du tartre stibié dans la pneumonie par l’action de ce remède sur les fonctions de la peau, dont le trouble a occasionné la maladie, On passe à la septième et à la quinzième question du Pro- gramme. Personne ne demandant la parole sur ce sujet, M. le Président la donne à M. Pascal , qui lit un mémoire sur les affections pulmonaires chroniques. Dans ce travail, l’auteur reproduit les opinions déjà émises par lui dans une brochure publiée il y a quelque temps. Suivant lui, ces ma- ladies si rebelles aux moyens généralement mis en usage, seraient dans la plupart des cas combattues avec avantage par les alcalis. Mais c’est surtout au début de la tuberculisation pulmonaire que le traitement peut être efficace. M. Pascal emploie les sels de potasse et de soude, et préférablement la potasse et la soude pures; il se sert habituellement d’une solution d’une partie de potasse dans neuf parties d’eau, et fait prendre ce liquide à la dose de quelques gouttes et même de plusieurs grammes. Il en résulte une augmentation d’alcalinité des urines et une activité plus grande de toutes les sécrétions. La potasse dissout les ma- tières qui engorgent le poumon; quelquefois cette solution se fait même très-rapidement. A l’appui de ce qu’il vient de dire, M. Pascal cite l'observation de trois malades. M. le docteur Luroth, médecin cantonal à Bischwiller, ne croit pas à l’importance des alcalins, et présente quelques considérations sur l’un des faits relatés par M. Pascal. M. le Président donne ensuite lecture d’une lettre de M. le Vice-président de la sixième Section, par laquelle ce dernier annonce que dans la séance de demain la sixième DIXIÈME SESSION. 261 Section discutera la question du travail et du régime moral dans les asiles d’aliénés. Une lettre de M. Roth, pharmacien, prie M. le Président d'inscrire sur son Programme la question supplémentaire suivante : Quels sont les moyens chimiques pour constater un em- poisonnement par la strychnine ? M. Turck a la parole pour la lecture d’un mémoire intitulé: Essai sur les causes et la nature des maladies. Après avoir constaté que les causes et la nature intime des mala- dies nous échappent presque.toujours, M. Turck établit que l’anatomie pathologique est impuissante pour résoudre ce problème. Il pense qu’au- jourd’hui on néglige trop complétement l'influence des qualités de l’at- mosphère et l'étude des modifications diverses présentées par les sécré- tions. Il examine le mode d’action du froid humide, de la chaleur, de l'alimentation, des affections tristes; il insiste particulièrement sur quelques causes trop peu connues. Certaines douleurs siégeant soit dans l'abdomen , soit dans le thorax ; et qui ont résisté à tous les moyens de traitement, cèdent à la compression de la carotide du côté malade. La laxité des parois abdominales donne naissance aux accidents nerveux les plus graves, et il suffit, pour les dissiper, de comprimer ces parois. L'absence d’une quantité suffisante de sel dans les aliments rendant le sang trop plastique, détermine les affections qui déciment certaines po- pulations. L'auteur fait des vœux pour que l’on réduise le prix d’un aliment plus indispensable que le pain, puisque rien ne peut le rem- placer; ilattribue l'influence heureuse des eaux thermales dans les ma- ladies chroniques à l'excitation qu’elles impriment aux fonctions de la peau et des sécrétions acides. . La séance est levée à vnze heures et demie. —8®— …… Dixième séance. — Du 7 octobre 1842. : Rapporteur : M: STOEBER , Secrétaire. Le procès-verbal est lu et adopté. M. le docteur Haxo, d’Épinal ; offre au Congrès les bro- chures suivantes : ” De la nécessité d'établir un service médical dans les campagnes. Épi- - nal, 1837. Réflexions adressées à MM. les membres du Conseil général sur le mode de propagation de la vaccine el l’organisation des vaccinateurs dans le département des Vosges. 262 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Considérations médico-philosophiques sur quelques maladies affectant spécialement les classes pauvres. 1'° el 2° part. Conformément à la décision prise par la Section, une commission devra examiner le mémoire de M. Heydenreich et faire un rapport sur ce travail. La Section décide que M. le Président nommera cette commission; en conséquence, M. le Président désigne, pour en faire partie, MM. Persoz, Nestler, Oberlin, Forget , Stœber. L’ordre du jour appelle la discussion sur.la huitième ques- tion du Programme. Personne ne demandant la parole, on passe à la neuvième, qui éprouve le même sort. La dixième question étant mise en discussion , M. Roux, de Marseille, dépose une lettre de M. le docteur Boudin, médecin en chef de l’hôpital militaire de Marseille, et Pou- vrage de ce médecin sur les fièvres intermittentes et d’em- ploi de l'arsenie. Dans cette lettre, M. Boudin dit que depuis la publication de son ouvrage, il a toujours employé larsenic dans les fièvres intermittentes, et que ses résultats continuent à être heureux; seulement, au lieu d’un milligramme qu’il donnait par dose au commencement, il en administre deux. M. Roux ajoute que les médecins marseillais se défiaient beaucoup de ce remède, mais qu’ils ont fini par être per- suadés de son efficacité. Même les fièvres graves cèdent à son emploi. Si Fodéré a eu des insuccès et des accidents, c’est qu'il donnait un huitième de grain plusieurs fois par jour. M. Boudin, au contraire, ne donne que des doses très-minimes. M. Roux a vu une névralgie faciale, qui avait résisté aux moyens ordinaires, être guérie par deux doses d’arsenic. M. Stæber dit que la probrièté fébrifuge de l’arsenic est incontestable , et qu’il en a vu des er” lui-même. Mais ouvrage de M. Boudin contient des assertions théoriques qui sont très-hypothétiques ; ainsi, il affirme que les fièvres intermittentes ne règnent que très-peu dans les localités où l’on observe fréquemment la phthisie et l'affection typhoïde. Ce qu’on observe à Strasbourg, réfute cette opinion; ces trois maladies sont fréquentes dans celte localité, M. Roux répond que M. Boudin établit une différence entre le typhus et l’affection typhoïde. DIXIÈME SESSION. 265 M. Forget signale la tendance à l’exagération qui se dé- cèle dans Lous les sujets nouyeaux, Il est bien prouvé que l'arsenic a des propriétés fébrifugues ; mais là n’est pas la question. Îl s’agit de savoir s’il possède vraiment une aclion puissante qui puisse le meltre à côté du sulfate de quinine. Eh bien! l’expérience montre qu’il n’en est nullement ainsi. M. Forget s’est convaincu par des expériences que le sul: fate de quinine a une supériorité incontestable, et que l’ar- senie w’a que la valeur secondaire d’un bon saccédané. M. Rapou rappelle combien les fièvres intermittentes sont communes à Rome; on a essayé en grand l’arséniate de potasse ; quelques malades ont guéri, mais en nombre infi- niment moins grand que par le sulfate de quinine, dont la supériorité a été reconnue de la manière la plus incontes- table. Ce qu’il importerait de déterminer maintenant, ce sont les circonstances particulières dans lesquelles l’arsenic peut rendre des services. M. Rapou croit que l’arséniale de polasse est sutout efficace dans les fièvres quartes. . M. Rigaud affirme que les fièvres quartes du midi de la France cèdent parfaitement au sulfate de quiaine , et que ce sont surtout les fièvres quotidiennes qui lui opposent par- fois de la résistance. M. Pascal dit que la difficulté du traitement des fièyres intermittentes consiste surtout à empêcher les rechutes. Il faudra comparer l'influence de l’arsenic et du sulfate de quinine sur l’inneryation quienest la principale cause. M,Pas- cal.a vu l’arsenic inférieur au sulfate de quinine. M. Jænger a vu réussir l’arsenic dans des cas de rechutes contre lesquels avait échoué la quinine. M. Je docteur Stæss signale les dangers qu’entrainerait l’a- doption de l’arsenic comme moyen général de traitement. - M, Forget établit qu'il résulte de cette discussion que l’ar- senicest un bon succédané du sulfate de quinine , mais que ce dernier médicament conserve son incontestable supériorilé. On passe à la discussion de la onzième question du Pro- gramme : 2e var . De l'influence des eaux minérales dans le traitement des maladies. 264 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. M. Forget appelle sur cette question l’attention des mé- decins. On parle de succès, mais on ne cite pas les revers. C’est sur les dangers qui peuvent résulter de l’emploi des eaux minérales qu’il serait utile que chacun exposât son opi- nion. M. Turck donne la statistique des eaux minérales de Plom- bières. Sur douze cents malades, il n’y a eu qu’un seul décès l’année dernière et deux cette année , et encore par des causes étrangères à l’action des eaux. Certes, voilà une sta- listique qui témoigne bien de l’innocuité des eaux. Quant à leurs effets, M. Turck les attribue bien plus à la modifi- cation des sécréteurs qu’à l’action altérante du remède. Dans certaines affections qui ne permettaient pas l’emploi des bains d’eau de Plombières, les baias de vapeur ont suffi pour amener la guérison, et ils ne pouvaient agir en modifiant par de nouveaux principes la composition des humears. M. Kuhn, médecin des eaux de Niederbronn, dit que l’action des eaux minérales dépend particulièrement de leur mode d’emploi dirigé d’une manière méthodique et suivant les dispositions individuelles. Un ensemble de phénomènes qu’on peut appeler crise minérale , indique les changements qui s’opèrent dans les organes. L’action des eaux minérales dépend de leurs propriétés physiques et chimiques jointes aux influences hygiéniques qui entourent le malade. Des eaux artificielles préparées à Niederbronn ont produit ab- solument les mêmes effets que les eaux naturelles. M. Turck croit que la pression atmosphérique supportée par les différentes localités exerce la plus grande influence. M. Aronssohn attribue l’action des eaux à leurs propriétés physiques et chimiques , mais il ne croit pas qu’on puisse les remplacer par des eaux artificielles. Il existe dans les premières une combinaison telle entre leurs éléments, que la chimie ne peut pas toujours la reproduire. Ainsi les eaux martiales naturelles sont, à dose égale, plus actives que les mêmes eaux préparées dans les pharmacies. M. Pascal dit qu’il existe dans les eaux minérales des prin- - cipes que la chimie ne peut reproduire. M. le professeur Radius, de Leipsig, établit que d’après des expériences faites à Dresde et à Berlin, les eaux natu- DIXIÈME SESSION. 265 relles et artificielles ont absolument les mêmes effets. Il cite, par exemple, celles de Garlsbad et de Tæplitz. Dans sa con- viction, l'influence est la même à composition identique, pourvu qu’il y ait en même temps identité dans les condi- tions extérieures. M. Forget conclut de cette discussion que les met dris ne croient plus à une propriété spécifique et inexplicable des eaux minérales. Il cite des exemples d’accidents mortels produits par l’emploi intempestif des eaux minérales d’Ems, de Lichtenthal et de Niederbronn. M. le docteur Weber, de Mulhouse, répond que les eaux: minérales ne sont pas responsables du danger qui résulte de leur emploi intempestif. Un reproche du même genre pour- rait être adressé à toutes les médicalions : toutes nuisent lors- qu’elles sont employées mal à propos. La discussion étant close sur ce sujet, la parole est ac- cordée à M. le docteur Jænger, de Colmar, pour la lecture d’un mémoire sur une nouvelle méthode à établir pour l'étude de la physiologie, de la rte pt et de la théra- peutique. M. Jænger établit que trois faits délimitent toute la science : l’étude des attributs du principe de vie, celle de ses manifestations phénomé- nales, enfin celle de la loi qui régit ses actions et réactions; l’étude de ce dernier fait est le plus important pour la pratique. En effet, c’est son manque d'application qui est la cause de la confusion dans la théorie et de l'incertitude dans la pratique. L'auteur considère l’ordre sériaire comme le moyen général qu'emploie la nature dans l'ordonnance de la vie dans tous les règnes. Il pense que la science doit se conformer à la nature, et dans ses investigations adopter le classement par séries de groupes et de sous-groupes. Il cherche à démontrer qu’il règne de la confusion en physiologie et en pathologie , et dans les applications hy-— giéniques et thérapeutiques, et oppose à ce tableau les résultats qui dé- couleraient de l'adoption de l’ordre sériaire. Il croit que c’est dans l’é- tude de la physiologie que cet ordré doit d’abord être introduit , et ter- mine par quelques considérations qui devront servir de fil conducteur dans cette étude. M. Hirtz proteste contre les assertions du préopinant. Nous savons déjà beaucoup de choses positives en médecine. D'ailleurs , la méthode recommandée par M. Jænger a tou- jours été employée , quoique sous d’autres noms : on a tou- jours individualisé, puis on a réuni les faits individuels par 266 CONGRÈS SCIENSIFIQUE DE FRANCE. séries ; les tempéraments et les idiosyncrasies indiquent ces divisions. M. Malle soutient que l’accusation contre la physiologie el la pathologie actuelle n’est pas fondée; il cite pour preuve l'ouvrage de M. Bégin sur la physiologie pathologique, I ajoute que la méthode numérique est certainement une mé- thode sériaire, puisqu'elle rapproche les cas analogues et qu’elle scinde les cas différents. M. Luroth ne croit pas que cette méthode sériaire soit applicable en médecine. M. Jænger explique que par les méthodes adoptées jus- qu’à ce jour on n’est point arrivé à des résultats favorables ; qu’on est obligé par conséquent de chercher une voie nou- velle; que l’ordre sériaire lui paraît le plus propre à con- duire au but; que cet ordre a été adopté par tous les natu- ralistes, mais que c’est Fourrier qui en a déterminé toutes les applications, La séance est levée à onze heures et demie. Onzième séance. — Du S octobre 1842. Rapporteur : M. STOEBER , Secrélaire, Le procès-verbal est lu et adopté. La correspondance comprend une lettre de M. le profes- seur Wattmann, de Vienne, dans laquelle il exprime ses regrets de ne pas avoir pu assister au Congrès , et ajoute ‘quelques réflexions sur les septième , quinzième, seizième , dix-septième, vingt et unième et vingl-troisième questions du Programme. M. G. Tourdes communique une note statistique sur les morts subites à Strasbourg. Une statistique des morts subites n’a de valeur que lorsqu'elle est ba- sée sur des ouvertures de cadavres. Le médecin constate rarement les symptômes, et par eux-mêmes ils sont insuffisants pour faire connaître d’une manière certaine la véritable cause de la mort. Nous donnons les principales conclusions de ce travail, qui comprend les résultats de vingt-six autopsies. -1° Les genres de mort sont les suivants : Apoplexic (hémorrhagie DIXIÈME SESSION. 267 cérébrale), 1; apoplexie séreuse, 1; congestions cérébrales, 4; conges- tion cérébrale et pulmonaire, 1; hémoptysie, 1; corps étrangers dans les bronches, 2; congestions pulmonaires, 13; syncope, 1 ; perforations intestinales, 2. Les maladies des poumons figurent en première ligne ; elles ont occasionné les deux tiers des décès; les affections cérébrales sont beaucoup moins fréquentes, on ne les a observées que dans le cin- quième des cas. 20 La mort subite a rarement reconnu pour cause de graves désor- dres organiques; le plus souvent elle a été déterminée par de simples congestions sanguines. La congestion pulmonaire sans hémorrhagie en a été la cause la plus commune, l’apoplexie cérébrale nne des plus rares. 3° Dans plus de la moitié des cas, la mortest survenue pendant le tra- vail de la digestion ; l'estomac renfermait une quantité considérable d’a- liments récemment ingérés. 4 Le sang a été trouvé liquide ou mêlé de caillots diffluents dans les deux tiers des autopsies; à une exception près, cet état était constant pour les congestions pulmonaires, 5° Le cœur était le siége de lésions organiques chez les deux tiers des sujets ; elles consistaient en hypertrophies eoncentriques ou le plus sou- vent excentriques avec dilatation des cavités, jamais en rétrécissement des orifices; elles ont agi en favorisant le développement des affections du poumoncet du cerveau; une seule fois la mort a eu lieu par syncope. 6° La mort subite a été observée plus fréquemment chez les hommes que chez les femmes, et chez ces dernières à un âge plus avancé. Le maximum des cas s’est présenté en été et en hiver, mais surtout dans cette dernière saison. M. Mayor cite des observations de mort par syncope dé- terminée par des causes légères ou inconnues. Une jeune fille, après un pansement, HET tout à coup dans une syn- cope mortelle. Deux cas semblables ont été observés à Lau- sanne. L’innervation joue un grand rôle dans la production des morts subites. La syncope occasionnée par l’hémorrhagie la plus légère peut devenir mortelle si elle se prolonge. M. Forget croit qu’il faut admettre avec réserve les cas de mort sans cause organique, M. Aronssohn a vu tout récemment encore une congestion pulmonaire produire une syncope qui eût été mortelle sans de prompts secours. Il rappelle l’observation de mort par syncope rapportée par M. Boyer. M. Stoltz , tout en admettant que la mort par congestion pulmonaire est beaucoup plus commune qu’on ne 7 a dit jusqu'ici, considère cependant l’apoplexie comme étant plus fréquente encore. : 268 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. M. Bertini a vu, au commencement de sa pratique, un jeune homme mourir subitement au moment où un chirurgien in- troduisait une sonde dans le canal de lPurètre. M. le professeur Radius , de Leipsig, a la parole. Il com- munique le résultat de ses recherches sur les propriétés de quelques médicaments. 1. Noix vomique. Il l'a employée avec avantage dans l’incontinence d'urine, lorsqu'elle provient d’un affaiblissement de la vessie. Le mé- dicament a été également efficace contre les pollutions. M. Radius se sert de la poudre de noix vomique à la dose de dix grains deux fois par jour, ou de l'extrait spiritueux en poudre à la dose d’un demi-grain deux fois par jour. En pilules, la substance est moins efficace. La strychnine n’a pas rendu les mêmes services. 2. Acide sulfurique. M. Radius l'emploie comme caustique dans l’en- tropion, et pour favoriser l'absorption, il se sert, dans les tumeurs blanches et les rhumatismes chroniques , de fomentations avec de l'a-— cide sulfurique délayé. Il résulte de là une irritation de la peau. | 3. Indigo. Stahly et Lenhossek l’ont vanté dans l’épilepsie. M. Radius n’a pas réussi par ce remède. 4. Anthracocali. Recommandé par Poliah contre les dartres. Ce re- mède n’a point réussi entre les mains de M. Radius. M. le docteur Deybel, de Colmar, a vu l’indigo agir très- favorablement dans un cas d’épilepsie. MM. Forget, Stæss et Bertini n’ont rien obtenu de ce mé- dicament. M. Radius ajoute que Weiss a recommandé les baies de wyrtille contre l’épilepsie. M. Radius les a employées sans succès. M. Ehrmann communique une observation d'affection du foie avec distension de la vésicule biliaire. Le cas se rapporte à un homme qui, par suite d’affections morales , fut atteint d’un ictère avec trouble dans les digestions ; puis ressentit vers la fin de sa vie, et à différentes reprises , des douleurs aiguës dans la région du foie, qui furent attribuées à des ruptures de la vésicule biliaire. Il succomba à une fièvre hectique. A l’autopsie , on trouva le foie hypertrophié, les conduits hépatiques dilatés, la vésicule distendue par deux litres d’un liquide noirâtre, une masse fibro-celluleuse, située dans l’intérieur du canal cholédoque, l’oblitérait complétement. La vé- sicule contenait un caillot de sang. M. Ehrmann communique les des- sins de cette curieuse affection. M. Forget rappelle que M. Cruveilhier a vu des calculs bi- liaires se créer une route artificielle jusque dans le colon. DIXIÈME SESSION. 269 M. Stoltz rapporte qu’une femme traitée à la clinique de M. Lobstein pour une maladie du foie, présenta à l’autopsie le canal cholédoque obstrué par un calcul biliaire dont un lombric formait le noyau. On trouva trois cents lombrics dans le canal intestinal. Discussion sur la douzième question du Programme : Del’action thérapeutique de l'huile de foie de morue. M. Aronssohn appelle l'attention de la Section sur les avantages de l’huile de morue dans la paraplégie. Il cite deux observations de succès obtenus à l’aide de ce remède. Dans les deux cas, il y avait paralysie des extrémités inférieures sans lésion des fonctions du rectum et de la vessie. M. Aronssohn croit l'huile surtout efficace dans les paraplégies qui proviennent d’une affection des méninges rachidiennes avec ou sans épanchement, tandis qu’elle échoue lorsque la maladie tient à une affection de la moelle épinière. M. Stæber, étant convaincu de l’efficacité de l’huile de foie de morue dans les rhamatismes chroniques, reconnaît qu’elle peut être utile dans les paralysies produites par des rhuma- tismes. Il croit bien difficile de distinguer l’affection des mé- ninges rachidiennes de celles de la moelle elle-même. Il pense que chez le premier malade cité par M. Aronssohn, la paralysie pouvait bien dépendre d’une affection goutteuse dont il a été atteint plusieurs fois. MM. les docteurs Uebersaal et Erdmann partagent cette der- nière opinion. M. Stoltz dit que le second malade est tuberculeux. M. le docteur Strohl, agrégé à la Faculté de Médecine, examinant la composition chimique de l’huile de foie de mo- rue, se demande si elle n’agirait pas uniquement comme un corps gras. M. Aronssohn attribue son action principale à la résine ; l’huile brune lui paraît la plus efficace. M. Oberlin, professeur adjoint à l’École de pharmacie, préfère l’huile de couleur vineuse; la blanche a été traitée par l’acide sulfurique, la brune contient des impuretés. Pour rendre son goût moins désagréable, il conseille de la faire passer par du charbon purifié. Discussion sur la question suivante : 270 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE Par quels moyens peut-on reconnaître la strychnine dans l’économie animale? M. Oberlin résume l’état de nos connaissances sur cette matière qui présente un intérêt d’autant plus vif que depuis quelque temps les empoisonnements par la noix vomique semblent se multiplier. Il a commencé des expériences dont il fera plus tard connaître les résultats, Il a pu facilement reconnaître la présence d’une petite quantité de strychnine mélée à du sang. M. Mayor prend congé de l’assemblée en la remerciant de la bienveillance unanime dont il a été l’objet. Les paroles de l'honorable Vice-président sont accueillies par les applaudis - sements de l’assemblée. La séance est levée à onze heures et demie, Douzième séance. — Du 9 octobre 1842. Rapporteur : M. STOEBER , Secrélaire. Le procès-verbal est lu et adopté. A l’occasion du procès-verbal, M. Bertini dit qu’en Italie on n’a guère employé l'huile de morue que dans les Laies de la cornée; mais il se propose de l’employer dans les scro- phules à son retour en Italie. M. le Président prie les membres présents de désigner au scrutin trois membres qui devront faire partie de la Gom- mission chargée par l’assemblée générale de poser des bases d’une Société encyclopédique des bords du Rhin. Le scrutin étant dépouillé, donne le plus de voix aux trois membres suivants : MM. Forget, Siœber et Ehrmann. M. le docteur Scherrer, médecin à Constance, a la parole pour la lecture d’un mémoire relatif à la vingtième question du Programme : Préciser le caractère des amauroses susceptibles de gué- rison , et en indiquer le traitement. M. Scherrer n’aborde qu'un point de cette question. Il communique le résultat de ses recherches et de ses observations sur l'amaurose appe- DIXIÈME SESSION. 271 lée abdominale. I croit qu’on a appliqué quelquefois ce terme à des af- fections non amaurotiques. Il définit la maladie une diminution ou abo- lition de la vue par suite d’une affection des nerfs ciliaires, sympathique d’un trouble dans le système nerveux ganglionnairé de l'abdomen. La réline n’est affectée que secondairement dans cette amaurose qui est toujours accompagnée de troubles dans les fonctions abdominales, d’en- gorgements viscéraux, d'affections hémorrhoïdaires, menstruelles. Les symptômes caractéristiques de cette maladie sont les suivants : l'iris est immobile, poussé en avant ; à son bord pupillaire on remarque un cercle brun-noirâtre, comme si l’uvée s'était repliée en dehors; la pupille est modérément dilatée, ovalaire transversalement ; la conjonc- tive est jaunâtre et présente des vaisseaux variqueux. « La marche de la maladie est lente, son pronostic moins fâcheux que celui de la plupart des amauroses. Le traitement a consisté jusqu’à nos jours, surtout dans l'emploi des extraits végétaux, des gommes résines, du tartre stibié à doses réfrac— tées. M. Scherrer a surtout retiré de grands avantages de lusage de la pulsatille et de l’arnica, isolément ou combinés. Suivant l'auteur, la pulsatille n’est efficace que dans l’amaurose abdominale ; elle est pres- que spécifique et agit comme antiparalytique. Les premiers symptômes qu’on observe sont des douleurs dans le sourcil et l'œil, du larmoie- ment, puis le retour de la motilité dans l'iris, surtout lorsque lé ma- lade regarde alternativement des objets rapprochés et éloignés. M. Scher- rer se sert de l’extrait préparé avec le suc exprimé, à la dose d’un à huit grains. L’arnica est surtout utile lorsque la congestion sanguine est très-intense dans l'œil, par exemple, dans les cas où élle a déjà déter- miné des épanchements de sang dans l'organe. L'auteur emploie l'ex trait des fleurs d’arnica à la dose d’un quart de grain à six grains, Dans le cours de son mémoire, M. Scherrer dit qu'il y a des'indivi- dus qui peuvent acquérir le pouvoir de contracter l'iris à volonté, M. Ehrmann expose que les nerfs ciliaires pourraient bien dans ces cas provenir exceplionnellement du nerf nasal , comme cela a lieu toujours chez certains animaux, par exemple, le caméléon, suivant Larrey. Discussion de la vingt et unième question du Prograinine : Déterminer la valeur de la section sous-cutanée des mus- cles et des tendons comme moyen de guérison des dévia- tions de la colonne vertébrale. M. le docteur Kuhn, de Paris, a la parole. M. Kuhn, après avoir rappelé que les déviations de l’épine recon- naissent un grand nombre de causes, en conclut que la section des muscles n’est point un moyen absolu de traitement. Cette section n’est 272 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. utile que dans les difformités occasionnées par la rétraction musculaire, c’est-à-dire environ dans la moilié des cas. La rétraction a son siége tantôt dans la masse commune des muscles , tantôt dans quelques fais- ceaux distincts. Le traitement consiste dans un allongement préparatoire auquel ne résistent pas les muscles secondairement contractés, puis dans la section des faisceaux , siège de la rétraction primitive. Sur 160 malades qui ont subi 350 sections dans l'établissement orthopédique de M. Jules Guérin, à la Muette, quelques-uns ont été redressés immédiatement, la plupart après un traitement mécanique consécutif; d’autres ont éprouvé une amélioration légère; chez un petit nombre il n’y a pas eu d'effet. M. Kuhn répond aux interpellations de MM. Stæss, Held , Malle et Bonnet, au sujet des moyens de diagnostic, des ac- cidents conséculifs et de l'influence de l’âge, 1° que les moyens de diagnostic consistent à meltre en relief les fais- ceaux musculaires en déterminant leur contraction; 2° qu’il n’y a jamais eu d'accidents graves, parfois des trombus, deux fois de la suppuration par introduction d’air dans la plaie ; 5° que l’âge a eu beaucoup moins d'influence que la durée antérieure de la maladie. M. Petrequin a la parole pour une communication sur un nouvel appareil pour les fractures du bras. Il expose que l’art ne possède jusqu'ici que des ressources insuffisan- tes pour le traitement des fractures de l’humérus près de ses extrémi- tés articulaires. Ainsi d'abord la compression circulaire ne peut être méthodiquement exercée ni sur l'épaule, ni près du coude, parce que ces régions ne présentent qu'une de leurs faces réellement accessible ; de plus, dans nos appareils rien ne s’oppose au déplacement qu’en- traine la rétraction musculaire incessante, ce qui rend la compression circulaire plus insuffisante encore. Pour obvier à ces inconvénients , M. Petrequin a eu l’idée d'appliquer l'extension permanente, parallèle à l’axe de l’humérus. Il a reconnu par expérience que la position demi- fléchie, avec la supination de l’avant-bras, est la plus convenable pour le rapport exact des fragments, soit dans les fractures du col, soit sur- tout dans celles près du coude. Pour obtenir l'extension permanente , il a imaginé un appareil qui consiste à placer sur un bandage roulé une bande verticale destinée à former au-dessous du coude une anse à la- quelle on suspend un poids convenable. Les chefs de cette anse sont amidonnés et fixés par des circulaires. Dans le jour, le malade se pro- mène avec son appareil. Durant la nuit, le membre est couché sur un coussin ; on ajoute à l’anse un lac qui glisse sur un cylindre fixé au pied du lit, de manière que le poids suspendu à son extrémité monte ou descende suivant les mouvements du membre, avec une traction toujours égale. DIXIÈME SESSION. 275 Cet appareil a été appliqué plusieurs fois avec succès par M. Petre-- quin. M. Balocchi demande où se fait la contre-extension , et si le nouvel appareil est capable d’empêcher les déplacements dans les fractures du col. M. Malle demande si la traction est toujours parallèle à l’axe du membre, et M. Stæss, quels ont été les poids em- ployés. M. Petrequin répond que le poids est, suivant la force des individus, de un à plusieurs kilogrammes ; que le parallélisme de la traction est une conséquence de l’appareil même ; que la contre-extension n’est point indispensable et qu’il n’a cru devoir en faire usage que chez les enfants ; qu’enfin cette nouvelle méthode, en conservant les avantages des ancien- nes, a de plus celui de l’extension permanente, qui remédie à l’une des causes principales des déplacements. M. le Président, avant de lever celte dernière séance, adresse à l’assemblée l’allocution suivante: «CHERS ET TRÈS-HONORÉS CONFRÈRES , «Avant de clore nos travaux, permettez-moi de vous remercier et de l'insigne honneur que vous m’avez fait en m’appelant à présider cette savante ‘assemblée, et de la bienveillance dont vous m'avez favorisé pendant l'exercice de mes glorieuses , mais pénibles fonctions. .«Pénétré de l'importance de mon mandat, il m’est sans doute arrivé “de froïsser quelques susceptibilités. Or, croyez que mon dévouement à l'intérêt général a pu seul me donner la force et le courage d’accom- plir ce devoir douloureux. J’ose espérer que les résultats de nos labeurs m’absoudront, même auprès de ceux dont j'ai pu contrarier les élans oraloires , et pour lesquels je ne m’en sens pas moins pénétré des plus vifs sentiments d’estime et d’affectueuse confraternité. » x Ces paroles sont accueillies par des applaudissements una- nimes. M. Bonnet exprime , au nom de l’assemblée, des remer- ciments aux membres du bureau. La séance est levée à onze heures et demie. LU AT 4) 18 274 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. QUATRIÈME SECTION. AGRICULTURE , COMMERCE, INDUSTRIE , STATISTIQUE , SCIENCES ÉCONOMIQUES. Première séance. — Du 29 septembre 1842. Rapporteur : M. CH. BoErscH, Secrétaire. La quatrième Section s’est réunie jeudi matin, à huit heures , à la salle des actes de l’Académie, pour procéder à la nomination de son Président et de ses Vice-présidents et à la fixation de l’ordre général de ses travaux. Beaucoup de membres ne s’élant présentés que quelque temps après l’heure fixée pour l’ouverture de la séance, le scrutin n’a donné que 44 votants sur 180 membres inscrits. Le dépouillement du scrutin a fourni le résultat suivant : Pour la présidence : M. Émze Dorzrus, président de la Société indus- trielle de Mulhouse . . . . . . . cle e AD MAT OTE Pour la vice-présidence : MM. CoururaT, ingénieur en chef des travaux du Rhin:%: "0 0 TUO a IN NS AO em KosEGARTEN, professeur d'économie pbIftE: que à l’Université de Bonn: . . . . . . 51 Bonxer, docteur en médecine et professeur d'agriculture du département du Doubs, à Besançon. . . . . ds, Lt TE En conséquence, M. Émile Dollfus a été proclamé Président. MM. Couturat , Kosegarten et Bonnet ont été proclamés Vice-présidents de la quatrième Section. En l’absence de M. Émile Dollfus, M. Couturat prend place au fauteuil du Président. DIXIÈME SESSION. 275 M. Bonnet fait hommage à la Section des deux onvrages suivants : Manuel d'agriculture, particulièrement à l'usage de la Franche-Comté et pays semblables. Bulletin de l’enseignement agricole dans le département du Doubs pen-— dant l’année 1841. M. le Président donne lecture des questions proposées pour la quatrième Section dans le Programme arrêté par la Commission centrale. Ces questions sont au nombre de douze. M. le Secrétaire prend note des membres qui se proposent de présenter sur l’une ou l’autre de ces questions des mé- moires écrits ou des communications verbales. M. le Président donne également lecture de onze ques- tions qui se rapportent aux travaux de la quatrième Section, et qui ont été proposées depuis la rédaction du Programme par M. Bonnet, M. le général comte de Chassenon, M. le comte Lencisa, et par l’Association normande, que repré- sente M. de Caumont, son président. Plusieurs membres se font inscrire pour la discussion de ces questions supplémen- taires, M. Schattenmann, directeur des mines de Bouxwiller et membre du Conseil général du Bas-Rhin, présente à la Sec- tion une brochure intitulée : Mémoire sur le rouleau com- presseur et sur son emploi pour affermir les empierrements neufs et de réparation des chaussées. Il annonce qu’une nouvelle édition de ce mémoire est sous presse et que son intention est d’en offrir un exemplaire à chaque membre du Congrès. Il ajoute que sur la demande qu’il a faite à l’autorité municipale de Strasbourg , celle-ci fait disposer un empierrement sur un des quais de la ville, afin que l’expérience du rouleau compresseur puisse avoir lieu pendant la durée du Congrès. M. le Président invite M. Schattenmann à faire connaître, dans une prochaine séance, à la Section le jour et l’heure de l'expérience annoncée , afin que la Section puisse en préve- -mimles membres du Congrès en assemblée générale. La Section décide que les deux questions suivantes seront . mises à l’ordre du joar de sa séance du vendredi 30 sep- tembre : 18. 276 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. 1. Par quels moyens, législatifs ou autres, peut-on faire cesser l’isolement dans lequel se trouvent aujourd’hui les ouvriers, les attacher aux grands établissements indus- triels, comme le propriétaire est attaché au sol, et contri- buer à leur amélioration, sociale ? Cette question est la première du Programme. Sont inscrits: Pour un mémoire, M. Kreutzberg, docteur en philoso- phie, de Prague ; : Pour des communications verbales, MM. Daniel Legrand, fabricant , du Ban-de-la-Roche; Arm. Hennequin , avocat et homme de lettres, de Paris; de Pompéry; Lecerf, profes- seur à Caen; Louis Saum , négociant à Strasbourg. >. L'exercice du droit de vaine pâture étant dans beau- coup de provinces contraire aux améliorations agricoles, ne peut-on pas, d’après les lois existantes, en réglementer l'usage, de manière à ce que la vaine pâture ne soit per- mise que dans le temps où elle ne serait pas nuisible? For- muler dans ce cas les mesures administratives qui devien- draient protectrices du progrès agricole. Cette question a été proposée par M. Bonnet, professeur d'agriculture à Besancon. Sont inscrits pour prendre part à la discussion : MM. Bonnet et Lecerf, La séance est levée à neuf heures et demie , et la Section s’ajourne au vendredi 30 septembre, à huit heures du matin. Deuxième séance. — Du 50 septembre 1842. Rapporteur : M. CH BOERSCH , Secrétaire. La séance est ouverte à huit heures. M. Couturat, premier Vice-président, occupe le fauteuil de la présidence. M. le Secrétaire donne lecture du procès-verbal de la der- nière séance. La rédaction en est approuvée. M. le Président annonce que la discussion est ouverte sur la première question mise à l’ordre du jour, et ainsi conçue: | { DIXIÈME SESSION. 271 Par quels moyens, législatifs ou autres, peut-on faire cesser l'isolement dans lequel se trouvent aujourd’hui les ouvriers, les attacher aux grands établissements indus- triels, comme le propriétaire est attaché au sol , et contri- buer à leur amélioration sociale? En l’absence de M. Kreutzberg, docteur en philosophie, de Prague , inscrit pour lire un mémoire , M. Legrand , du Ban-de-la-Roche, ouvre la discussion. «Messieurs, dit-il, la question à l’ordre du jour, telle qu'elle est posée, admet un principe destructeur de la famille; car elle veut aviser aux moyens de déraciner ce que l’industrie a de plus précieux, l'indus- trie de famille, celle qui est exercée dans le foyer domestique, par les parents entourés de leurs enfants. Je suis l'impulsion du devoir en protestant de toute la puissance de mes convictions contre ce principe et son application. L’agglomération des ouvriers dans de grands ateliers et dans des casernes est une des plaies les plus saignantes et les plus dangereuses de notre époque, et elle menace l’existence de toute la société; ainsi, loin d’aviser aux moyens de l’encourager, tout ami de l'humanité, tout manufacturier qui porte sur le cœur les intérêts mo- raux et matériels de la classe ouvrière, et qui a l’intime conviction que la famille est le foyer des vertus privées et sociales, et par cela même une des bases les plus solides de la prospérité, devrait chercher la solution des deux questions suivantes que j'ai l'honneur de proposer : «1. Par quels moyens, législatifs ou autres, peut-on encourager. l'in- dustrie de famille, et la protéger contre les envahissements de l'indus- trie des ateliers ? «2, Quels seraient les moyens, législatifs ou autres, les plus propices à encourager et à culliver la vie de,famille dans les industries qui par leurnature ne peuvent étre exploitées que dans des ateliers, et à attacher l'ouvrier au sol, comme propriétaire, par l'alliance de l’agriculture à l'industrie? «Qui sait, Messieurs, si dans un avenir plus ou moins reculé, la Providence n’ajoutera pas aux découvertes de l'esprit humain celle d'un moteur à bon marché qui pourrait être utilisé dans chaque ca- bane, qui ne nécessiterait plus les agglomérations d'ouvriers dans de grands bâtiments et qui comblerait les vœux de tous les manufacturiers animés de sentiments généreux, en rendant l’industrie la digne com- pagne de l'agriculture. En attendant, Messieurs, n'oublions pas que nous possédons en nous-mêmes an moteur bien plus puissant que tous ceux que la science pourra découvrir dans la nature: notre conscience ! Écoutons à chaque instant sa voix, écoutons ses inspirations nobles et genereuses, et nous surmonterons victorieusement les difficultés in- nombrables qui se trouvent en dehors de nôus, et l'opposition bien plus forte que nous trouvons en nous-mêmes, en notre égoïsme, nolre 278 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. cupidité, notre ambition, et, Dieu aidant, nous remplirons fidèlement la grande et belle mission providentielle qui nous est dévolue. » M. Arm. Hennequin, de Paris, attribue l'isolement dans lequel se trouvent aujourd’hui les ouvriers à l’état général de la France et à son organisalion sociale. Avant 1789, il existait en France une organisation agricole par la féodalité, une organisation industrielle par les corporations. Mais cette organisation était défectueuse; elle était contraire à la liberté et à la justice; car la propriété était concentrée entre les mains de la noblesse; et les règlements des corporations opposaient des bar- rières difficiles à franchir à ceux qui aspiraient à y trouver place. Ces atteintes à la liberté et à la justice ont disparu aujourd'hui ; l'état actuel des choses présente sous ce rapport des avantages incontesta- bles sur l’ancien. Mais à côté de ces avantages se sont manifestés de graves inconvénients : l'isolement des hommes, le morcellement de la propriété. Alors on a tourné les regards vers le passé; on a com- mencé à regretter l’ancien système de la propriété. Du moins il y avait de l'unité, et de l’unité naissait la force. La grande propriété n’était pas restée autrefois étrangère à l’industrie; elle l’avait organisée. L'étude de l’organisation intime de l’ancienne société romaine en fournit des preuves nombreuses; elle montre que cette distribution du travail , que l'on poursuit comme un problème à résoudre dans la société moderne, était un problème résolu jusqu’à un certain point dans la société ro- maine. Le défaut d'union et de concentration que l’on signale avec raison dans la sitution industrielle de la France, amène l’impuissance et le dégoût dans le travail. Quel est le remède à ce mal? Le remède est dans l'association. Le caractère de l'association est dans l'apport que chacun y met et dans la part proportionnelle à son apport que chacun reçoit. L'association doit embrasser le capital, le travail et le talent. Pour être bonne et féconde, il faut qu’elle soit fondée sur cette triple base. Le grand tort de l'école Saint -Simonienne en pro- clamant ce principe : à chacun suivant sa capacilé, à chaque capacité suivant ses œuvres, a été de n’avoir pas accepté le droit du capital, de lavoir exclu de l'association à laquelle elle conviait le travail et le ta- lent. Et cependant le capital est le produit du travail; il est le travail accumulé ; et il serait injuste de porter atteinte à sa propriété. Les avantages de l'association fondée sur cette base trinaire peu- vent s'étendre également à l’agriculture et à l’industrie; car elles sont sœurs, et on ne peut sans violence les isoler l’une de l'autre. Aujour- d’hui, dans les fabriques , il y a association matérielle, mais il y a iso- lement moral, il y a antagonisme, hostilité des intérêts; et cet isole- ment, cet antagonisme sont tels, qu’ils aboutissent fréquemment à la révolte. L'ouvrier voit avec méfiance les inventions nouvelles; il lui arrive souvent de s’oppôser à l'introduction d’une machine destinée à faciliter et à perfectionner le travail. Pourquoi? Parce qu'il n'existe DIXIEME SESSION. 279 aucun rapport moral entre le maitre et lui ; Parce que l'ouvrier ne tire aucun profit du produit de cette invention, de cette machine nouvelle, Ce n’est pas une utopie, l’idée d’une association entre l’ouvrier et le maitre. Cette idée commence à se réaliser dans la boulangerie de Paris 3 la boulangerie viennoise, et les maîtres et les ouvriers y trouvent des avantages incontestables. Mais il faut avant tout rendre le travail attrayant. Il faut le répartir par séries et par groupes. Il faut que la série soit contrastée, rivalisée, engrenée. s | | + M. Hennequin entre dans l'exposé du système de Fourrier. Il déve loppe l’organisation de la phalange et du phalanstère; il considère le travail organisé d’après cette théorie comme un remède à l'isolement dans lequel se trouvent les ouvriers. Mais comment arriver à l'établis- sement d'un phalanstère ? Soit par une réunion d'actionnaires qui con- sacreraient des capitaux à cette œuvre, soit par des primes qu’accorde- rait le gouvernement à des agriculteurs ainsi organisés, Toutefois nous ne sommes pas encore à la réalisation de cette doctrine. Un phalanstère À si même il parvenait à s'organiser au sein de la société actuelle > péri- rait par les efforts des éléments hostiles qu'il rencontrerait autour de lui. Il faut donc d’abord répandre, vulgariser ces idées qui sont peu connues, qui sont exposées dans des livres peu intelligibles pour les masses. Il faut les mettre à la portée de ces dernières, les populariser; il faut en outre les compléter, les élaborer. Il faut enfin qu'elles subissent d’abord l’épreuve de la critique. La réalisation suivra ce travail prépa- raloire. M. Lecerf, professeur honoraire de la Faculté de Droit à Caen, établit que la plus grande plaie de l'humanité c’est la misère: et que la misère trouve un remède dans l’associa- tion. «Mais quelle est la nature de l'association qui pourra apporter ce re- mède ? Voilà la difficulté à résoudre. Trois grands systèmes se sont pro- duits dans ces derniers temps: le système de Saint-Simon, celui de Robert Owen et celui de Fourrier. C’est ce dernier qui vient d’être dé- veloppé et mis en relief. L'homme, au sein de la société, peut se trou- ver dans l’une ou l’autre des trois positions suivantes : il peut être pro- priétaire d’un capital, d'une terre; il peut posséder un talent; il peut enfin n’avoir d'autre propriété que la faculté de travailler. I faut que ces trois éléments sociaux, le capital, le talent et le travail se réunis— sent. Eh bien! Fourrier a été frappé de ce que, dans l’état actuel de la société , ces trois éléments, au lieu de se prêter un mutuel appui, sont en hostilité, chacun ne s’occupant que de lui-même, de ses propres avantages, et n’ayant nul souci des autres. Et Fourrier à son tour a proclamé la nécessité de l'association , Pour meltre fin à cette lutte dé— plorable. La doctrine de Fourrier peut être fort belle comme spécula- tion de l'esprit humain, mais elle vient échouer contre la réalité. Du 280 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. moment qu'on songe à la mettre en pratique, on aboulit à des impos- sibilités. On dit, il est vrai, qu'il ne s’agit pas en ce moment de l’ap- plication ; qu’il faut d'abord propager les idées , convaincre les esprits. L'application viendra plus tard. C’est fort bien; car lorsque tout le monde sera convaincu , il n’y aura plus aucun obstacle à un essai de réalisation. Mais pour convaincre, ne faut-il pas d'abord prouver la possibilité du système ? Or, en examinant de plus près la doctrine de Fourrier , où arrive-t-on? La passion vient de Dieu, a dit Fourrier; le devoir vient de l'homme. Cela veut dire que tous les devoirs religieux, moraux, Sociaux sont une invention humaine et sont la cause de tous les maux. Tout homme a recu de Dieu, en naissant, une passion; cette passion est une attraction; elle est la loi de sa destinée ; il faut qu'il s'y abandonne. Mais il y a des passions de différentes espèces ; eh bien ! chacun, suivant son attraction, se livrera à des travaux différents. Il est des enfants qui se complaisent dans la malpropreté; on les em— ploiera à des travaux analogues à leur goût, à nettoyer les rues; il en est d’autres qui ont le goût de la propreté, on les emploiera à nettoyer les appartements; et de même de toutes les autres passions. Chacune trouvera sa satisfaction dans le phalanstère. «Mais ici la théorie ne tient aucun compte des faits. Admettez que l’on trouve 1800 personnes, puisque c’est là le nombre indiqué, ayant les dispositions requises pour constituer un phalanstère complet : si ces 1800 personnes sont d'accord au moment de leur association , le seront- elles encore quelque temps après? Les passions ne se modifient-elles pas sans cesse dans l’homme? Et la situation de chacun ne se modi- fiera-t-elle pas aussi? Quand l’ouvrier se sera enrichi dans le phalans- tère, il deviendra capitaliste, et à côté de lui pourront se trouver, comme dars la société actuelle, d’autres ouvriers dans la misère. Et les enfants auront-ils les mêmes passions que leurs parents? Ne renverseront-ils pas l’œuvre de leurs devanciers? «En négligeant de s'occuper des applications, en se maintenant dans la région des théories, on s’égare dans les utopies, dans des rêves. Ces rêves peuvent partir d’un bon cœur, d’un sentiment généreux. Mais entre le rêve d’un cœur généreux et la réalisation , il y a un abime. C’est à la pratique à déterminer la valeur des systèmes, à les rectifier. Si donc la doctrine de Fourrier est vraie, qu’elle marche à la réalisa- tion. Qu’au lieu de se borner à propager des théories , on organise un phalanstère , une commune sociétaire. Si l'essai réussit, si les merveil- leuses promesses du système se réalisent, les théories deviendront su— perflues; l'humanité suivra par entrainement le bel exemple qu’elle aura sous les yeux. «Mais en attendant l'association telle que l'entend Fourrier, il faut tirer du principe même de l'association tous les éléments d’organisa- tion applicables à la société actuelle. Il faut travailler à constituer dans chaque commune une association entre tous ceux qui possèdent du superflu, pour venir en aide à ceux qui manquent du nécessaire, pour empêcher la misère de gagner du terrain. El faut faire avec sollicitude DIXIÈME SESSION. 281 l'inventaire de toutes les souffrances, pour répartir entre elles les res- sources dont on peut disposer pour leur soulagemeut. » M. Ed. de Pompéry, de Paris, pense que les objections du préopinant peuvent se résumer en une seule: c’est que l’at- traction ne peut pas produire les résultats qu’on en attend. «Nous croyons que Dieu, qui a créé l’homme, est juste et bon ; nous croyons aussi que l’homme est un être sociable, et que l'association est une condition de sa vie. Nous devons donc croire que Dieu a doué l'homme de toutes les facultés propres à réaliser l’association, qui est sa tendance naturelle. Il n’y a pas d'opposition réelle entre la passion et le devoir ; car le premier devoir de l’homme est de suivre la loi qu’il porte dans son cœur. Il faut distinguer la passion de ses excès. La passion est quelque chose d'essentiel et de primitif; au fond elle n’est pas mauvaise, quoique , dirigée dans de mauvaises conditions , elle puisse amener des effets désastreux. La passion, c’est la force naturelle sans excès ; et Four- rier , en disant que la passion était bonne, n’a jamais voulu en légiti- mer les excès. Or , puisque le devoir consiste à accomplir les nécessités que Dieu même nous a imposées , la passion et le devoir ne sont pas en contradiction. Ils le sont aujourd’hui, parce que l’organisation sociale est vicieuse. Saint-Simon, Robert Owen et Fourrier se sont également proposé d’y porter remède ; mais Fourrier seul a choisi le vrai chemin ; lui seul a pris pour point de départ de sa théorie l’homme même. Il! a pris mesure sur l’homme ; il veut qu’on propose à chacun un mode d'activité en accord parfait avec sa nature. S'il y a aujourd’hui des hommes qui se refusent au travail, c’est qu’on leur propose un mode d'activité contraire à leur nature, c’est que le genre de travail qu’on leur offre est pour eux un supplice. Il y aura protestation de l'homme contre le travail, et violence contre la société, tant que l’organisation du travail ne reposera pas sur des bases justes et convenables. «Eh bien ! la question proposée porte en elle-même la solution de ce problème. On demande par quels moyens on attachera l’ouvrier aux établissements industriels comme le propriétaire est attaché au sol. Voïci la réponse : le propriétaire est attaché au sol, parce qu’il y a in- térêt; l'ouvrier aussi s’attachera par un intérêt à l’industrie. Mais com- ment lui donner cet intérêt? Il ne peut être question d’improviser ici un plan. Cependant, en principe, le gouvernement, qui est la société en action , doit fout organiser, tout réglementer, et lorsqu'il y a quelque chose d’organisé en dehors de lui, c’est un mal, car c’est une force tournée contre lui. Il a réglementé bien des choses, les finances, la ma- wine, la guerre, les impôts, l'instruction publique; il est nécessaire qu'il descende enfin dans le champ de l’industrie pour la réglementer à son tour ; car l’industrie forme avec l’agriculture la base de la société; la société tout entière repose sur la production. Aujourd’hui les élé- ments de la production sont isolés, hostiles, et de là vient leur faiblesse. Voyez les Arabes, aussi braves que nos soldats, venir mourir contre 282 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. les baïonnettes de nos régiments! Ils ont le courage et l'audace; mais nous avons de plus qu’eux l’ordre, l’organisation. C’est l’ordre aussi qui manque à la production ; on parle d’encombrement des marchés, et, à côté de ces produits sans écoulement, vous voyez la masse de la population pauvre et misérable, parce qu’elle n’a pas de produits de son travail à échanger. «Il en est aujourd’hui de la elasse moyenne comme de la classe noble en 1789. Elle est au gouvernail, elle est mise en demeure de résoudre un grave, un sérieux problème social. En 1789, la classe moyenne de- mandait à participer aux avantages sociaux; la noblesse a résisté, et une tempête s’est élevée qui a fait justice de ces résistances et balayé la classe noble de la surface de la société. Maintenant un problème sem- blable est soulevé; c’est celui de l'accession des classes qui ne possèdent pas aux avantages sociaux dont jouissent les classes qui possèdent. Il y aura lutte, hostilité au sein de la société, tant qu’une partie sera frap- pée d'exclusion , et ne pourra prendre part aux avantages que l’orga- nisation sociale doit offrir à tous. Nous sommes mieux préparés aujour- . d'hui que ne l'était la noblesse en 1789; nous sommes plus en état d’ar- river à la solution du problème d’une manière pacifique , de prévenir des violences et de nouvelles tempêtes. Mais pour cela il faut examiner toutes les théories, il faut ne rejeter aucune utopie sans l’ayoir sondée. Les plus grands génies ont été théoriciens , utopistes, avant d’avoir réa- lisé leurs hautes conceptions. Christophe Colomb avait rêvé l Amérique avant d'entreprendre le voyage qui lui en fit faire la découverte, » Plusieurs membres de la Section étant encore inscrits pour prendre la parole sur la question proposée, l'assemblée dé- cide qu’elle continuera la discussion demain samedi, à huit heures du matin. La séance est levée à dix heures. Troisième séance. — Du 1% octobre 1842. Rapporteur : M. CH. BOERSCH , Secrétaire. La séance est ouverte à huit heures, sous la présidence de M. Couturat , premier Vice-président. L'assemblée approuve le procès-verbal de la dernière séance, dont lecture a déjà été faite par le Secrétaire en séance générale. M. le Secrétaire donne lecture des titres de différents ou- vrages dont il est fait hommage à la Section. DIXIÈME SESSION. | 285 L'ordre du jour est la suite de la discussion de la première question du Programme , ainsi conçue : Par quels moyens, législatifs ou autres, peut-on faire cesser l’isolement dans lequel se trouvent aujourd’hui les ouvriers, les attacher aux grands établissements. indus- triels, comme le propriétaire est attaché au sol, et contri- buer à leur amélioration sociale ? M. Saum père, négociant et membre de la chambre de commerce à Strasbourg , a la parole. M. Saum pense que l'on pourrait arriver à la solution du problème par une disposition législative qui imposerait à tout propriétaire d’une manufacture occupant un certain nombre d'ouvriers, l'obligation de présenter un terrain propre à la culture, libre de toute charge et inalié- nable, et dont la distribution par parcelles servirait à récompenser le zèle et l’assiduité des ouvriers. Tout ouvrier, après un certain nombre d'années de travail dans une manufacture, aurait droit à une haute paye, indépendamment de son salaire. Cette haute paye serait cumulée pour l'ouvrier et pour ainsi dire capitalisée par des inscriptions succes- sives dans un livret dont il serait porteur, et quand ces inscriptions auraient atteint un chiffre déterminé, il serait, en échange du capital ainsi cumulé , déclaré propriétaire d’une parcelle. Ces parcelles seraient inaliénables, et ne pourraient être hypothéquées. A cet attrait de la propriété offert à l’ouvrier, il faudrait joindre celui de distinctions honorifiques spéciales pour les industriels, d’une hiérar- chie de décorations semblable à celle qui existe dans l’ordre de la Lé— gion d'Honneur. Ce système, bien combiné, s’appuierait à la fois sur les passions et sur les intérêts de l’homme, sur le désir de la propriété et sur les excitations de l’ambition. M. Kreutzberg, docteur en philosophie, de Prague, lit un mémoire allemand sur la question proposée. M. le Secrétaire en présente , après la lecture de l’auteur, une analyse en langue française, | La lecture de ce mémoire est suivi des applaudissements de l'assemblée, qui en décide le renvoi au Bureau central , avec prière d’en ordonner l'impression 1. M. Fallot , fabricant à Mulhouse, croit devoir combattre la théorie de Fourrier développée hier; il dit qu’elle ren- ferme dans son sein le plus puissant désorganisateur Heu L ’ a = Voy. les mémoires de la 4° Section , 2€ vol. 284 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. qu’elle tend à détruire la vie de famille, à briser tous les liens qui font la joie et le bonheur de l’homme sur la terre. Il soutient qu’il faut faire reposer l’éducation sur la religion , et que c’est en mettant cette éducation religieuse à la portée de l’ouvrier et du cultivateur, qu’on verra bientôt le bon- heur succéder à la douleur et à la misère. À côté de l’édu- cation religieuse de la famille , il faut une éducation civile bien organisée, des institutions de prévoyance , des caisses d’épargne, de petites banques départementales, des réunions pour la lecture, pour le chant, la musique instrumentale, pour des conversations , des jeux, des amusements moraux dans des jardins ou des promenades. M. Fallot termine ces considérations en citant les conclu- sions des deux mémoires couronnés par la Société indus- trielle de Mulhouse, l’un de M. de Gérando, pair de France, l’autre de M. de Lafarelle , ancien magistrat, sur les pro- grès de l’industrie considérés dans leurs rapports avec la classe ouvrière. M. de Pompéry dit que la doctrine de Fourrier ayant été de la part du préopinant l’objet d’accusations imméritées , il serait convenable que ces accusations fussent détruites im- médiatement, et il demande que la parole soit accordée à M. Victor Considérant, ancien capitaine d’artillerie, chef de la doctrine sociétaire , présent à la séance. | M. Bærsch , Secrétaire de la Section , répond que la doc- trine de Fourrier n’est pas à l’ordre du jour; elle n’est ar- rivée dans la discussion que d’une manière incidente, et elle a déjà été exposée par deux de ses adhérents dans la séance d'hier. Les questions dont la quatrième Section doit s’occu- per sont des questions essentiellement pratiques : l’agricul- culture , l’industrie , le commerce; elles demandent des so- lutions pratiques aussi, d’une réalisation possible et immé- diate. Or, les deux défenseurs dela doctrine de Fourrier déjà entendus, ont avoué que cette théorie ne pouvait recevoir d'application actuelle, qu’elle était encore à l’état d’utopie. Ii faut donc en renvoyer l’examen à celle des Sections qui s’occupe de ces sortes de matières, et maintenir la discus- sion dans la voie pratique et positive dans laquelle l’ont mise les deux premiers membres entendus aujourd’hui. DIXIÈME SESSION. 285 M. Schützenberger, maire de Sirasbourg , pense que ce serait porter atteinte à la liberté de la discussion que de re- fuser d'entendre la défense de la théorie de Fourrier, après les accusations dont elle a été l’objet. M. Hepp , Secrétaire général du Congrès, réplique que la discussion ne saurait être illimitée; elle a ses bornes tracées par les questions proposées au Programme. La doctrine de Fourrier a eu deux adversaires et deux défenseurs ; le droit de discussion a donc été respecté. Plusieurs membres prennent encore part à ce débat, que M. Considérant termine en déclarant qu’il ne réclame la pa- role qu’après les membres déjà inscrits pour prendre part à la discussion. M. Hepp, Secrétaire général du Congrès , a la parole. Après avoir rendu justice aux généreuses intentions des hommes qui composent le parti sociétaire, il considère leurs doctrines comme erro- nées, parce qu'ils n’ont pas vu la véritable source du mal qui ronge la société. La répartition inégale des profits entre le capital et la main- d'œuvre, en voilà la cause réelle. La France a commis une erreur fon- damentale en s’égarant sur les traces de l'Angleterre, en mettant son économie politique à la suite de l’économie politique anglaise. La con- centration de la propriété en Angleterre, la division de la propriété en France, établissent une différence immense dans la constitution sociale des deux pays et dans la direction économique qui lui est avantageuse. Le but des Anglais est de multiplier les produits en diminuant sans» cesse les frais. Cette doctrine mène la France dans une voie de perdition. En effet, qu'est-ce que les frais de production? C’est en majeure par- lie le salaire de l’ouvrier. Diminuer les frais de production’, c’est donc diminuer pour l’ouvrier les moyens de subsistance, c’est lui rendre la vie plus difficile. Et cependant la société existe pour nourrir tous ses membres. Cette déplorable doctrine de la diminution des frais de pro- duction a pénétré dans les actes du gouvernement. L'État, dans toutes ses opérations , interpose un capitaliste, un entrepreneur entre l’ouvrier et lui. L’entrepreneur exploite à la fois l’ouvrier et l'État; il diminue le salaire de l’ouvrier par la part de bénéfice qu'il se réserve et qu’il ne peut trouver que par cette réduction. Dans sa politique commerciale extérieure, l'État obéit à la même tendance fâcheuse. Le mal vient de ce que l’on considère et de ce qu’on traite l'homme comme la houille ou comme la vapeur; l’homme n’est plus, dans le système économique actuel, qu’une marchandise dont on cherche sans cesse à déprimer le prix; et l’on oublie que la dépréciation des salaires engendre la misère comme une inévitable conséquence. Chaque nation a sa loi particulière pour la production et pour la 286 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. distribution des richesses. Imiter servilement l'étranger, sans tenir compte des conditions de sa propre existence, c’est pour une nation courir à une ruine certaine. Voilà pourtant ce qu’a fait la France en prenant l'Angleterre pour modèle. Nous nous plaignons du morcelle- ment de la propriété qui facilité l’aisance générale; nous nous plaignons de la non-intervention de l'État dans les questions industrielles; et cependant nous avons renversé la constitution sociale précédente parce que la propriété y était concentrée dans un petit nombre de mains; et nous avons lutté depuis cinquante ans pour obtenir, en matière d’in- dustrie, la concurrence et la liberté. L’individualismé, l'autonomie, voilà la tendance de l’époque, voilà le besoin du siècle. Or, comment concilier avec cette tendance instinctive, énergique et d'autant plus irrésistible qu’elle est solennellement consacrée par nos lois, toutes fondées sur le principe impérissable de la plus parfaite éga- lité civile, soit les aveugles pratiqués de l’économie politique contem- poraine, tristement empruntées à la terre classique du privilége et dé l'inégalité, et qui tendent à la concentration en même temps qu’à la mobilisation et à la fluctuation extrême de la propriété, soit les doc— trines qui menacent à la fois l'indépendance personnelle et la respon- sabilité morale des individus ? L'assemblée décide qu’elle continuera lundi matin, à huit heures , la discussion de la première question, qui a déjà occupé deux séances; que les mémoires encore annoncés sur cette question seront lus d’abord , puis que la discussion portera sur les solutions que ces mémoires proposent. L'assemblée décide encore que pour ne pas enlever aux questions spéciales d’agriculture le temps auquel elles ont droit, il sera tenu, lundi et les jours suivants, s’il y a lieu, une seconde séance de la Section, à une heure, dans la salle des actes de l’Académie. La séance est levée à dix heures et quart. Quatrième séance. — Du 5 octobre 1842. : Rapporteur : M. Cm. BOERSCH, Secrétaire. La séance est ouverte à huit heures, sous la présidence de M. Émile Dollfus , président de la Section. DIXIÈME SESSION. 287 Le procès-verbal de la dernière séance , déjà la en assein- blée générale, est adopté ; les réclamations présentées contre sa rédaction par M. Fallot ne sont pas admises. M. le Secrétaire indique le, titre de différents ouvrages dont il est fait hommage à la Section. M. le Président donne lecture d’une lettre de M. Schatten- mann, annonçant que ses mesures étaient prises pour faire le cylindrage de l’empierrement sur le quai Lézay-Marnésia, lé 6 de ce mois; mais l'interruption de la navigation du canal de la Bruche ayant retardé l’arrivée des matériaux nécessaires, ce cylindrage ne pourra avoir lieu que ven- dredi prochain , 7 de ce mois. M. Schattenmann l’effectuera, au jour indiqué , de dix heures du malin à trois heures de l'après-midi. La Section décide qu’il sera fait mention de cette lettre à l’assemblée générale , afin que tous les membres du Congrès que cette expérience intéresse, soient prévenus du jour et de l'heure à laquelle ils pourront y assister. L'ordre du jour est la suite de la discussion de la première question du Programme , ainsi conçue : | Par quels moyens, législatifs ou autres, peut-on faire cesser l’isolement dans lequel se trouvent aujourd’hui les ouvriers, les attacher aux grands établissements indus- triels, comme le propriétaire est attaché au sol , et contri- buer à leur amélioration sociale ? M. Schattenmann, directeur des mines de Bouxwiller et membre du Conseil général du Bas-Rhin, prend la parole. Son mémoire , écouté avec le plus vif intérêt , est renvoyé au bureau central , avec prière d’en ordonner l'impression. M. Jean Zuber fils, fabricant et ancien président de la Société industrielle à Mulhouse, présente ses idées sur la même question. Son discours est accueilli par des applau- dissements unanimes, et la Section lui décerne également les honneurs d’un renvoi au Bureau central, M. de Humbourg dit qu’il à vu de près l’industrie manu- 1 Voy. les mémoires de la &e Section , 2€ vol. 2 Voy. ibidem. 288 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. facturière du Haut-Rhin , et qu'il a pu juger de la déplorable situalion des ouvriers. La cause en est dans l’avidité sans entrailles des industriels qui ont organisé une véritable traite des blancs. Ges expressions soulèvent dans l’auditoire un murmure général de désapprobation qui interrompt l’orateur. Repre- nant son discours , M. de Humbourg annonce que pour traiter d’une manière approfondie la question pratique, il juge né- cessaire de se placer d’abord au point de vue supérieur de la théorie dont la pratique doit découler. Il se livre ensuite à des considérations générales sur les rapports de la théorie et de la pratique, que M. le Président croit devoir inter- rompre pour inviter l’orateur à aborder la question propo- sée par le Programme. M. de Humbourg déclare qu’il va se borner à exposer ses conclusions pratiques, le caractère spécial de la Section devant éloigner les théories générales de ses débats. Il ne partage pas les opinions émises par l’école sociétaire, mais il rend justice à ses efforts. Elle a prouvé clairement que le mal est uni- versel ; le remède doit être universel aussi. Ce remède, c’est l'applica- tion en grand du christianisme, le développement des idées de fraternité et de dévouement , sous les auspices des intelligences supérieures. M. de Humbourg propose de créer dans les fabriques des confréries reli- gieuses, comme il y en a dans les hôpitaux. Ces confréries de céliba— taires, surveillées par le gouvernement et offrant toutes les garanties désirables , rendraient de grands services en soignant à la fois les intérêts de l’ouvrier et ceux du fabricant. Déjà à Lyon et à Strasbourg la con— frérie de Saint-Joseph a obtenu des résultats immenses. On peut donc trouver dans le christianisme le remède au mal; ilestinutile de recourir à des théories nouvelles. M. Held, docteur en médecine à Strasbourg, a été frappé des avantages du système proposé par M. Kreutzberg dans une précédente séance, et qui tend à assurer aux ouvriers une propriété commune autour de la fabrique à laquelle ils appartiennent. Il présente des observations qui ont pour but de compléter le système de M. Kreutzberg ; il s'occupe de dé- tails d'organisation intérieure de cette association et cherche à réfuter les objections qui pourraient être faites au système qu’il défend. DIXIÈME SESSION. 289 Quant aux moyens d'exécution, aux retenues à opérer sur les ouvriers, d’après le projet de M. Kreutzbersg , il pré- fère une avance faite par le gouvernement, avance qui serait successivement remboursée par des retenues de 10 à 15 p. cent que l’on pourrait facilement opérer avec le ménage commun. M. Victor Considérant, ancien capitaine d'artillerie, a la parole. La question mise en discussion ayant donné lieu à des expositions de la doctrine de Fourrier et à des attaques dirigées contre elle, il demande à réfuter ces dernières. « L’objection capitale faite contre la doctrine de Fourrier consiste à dire qu’elle est attentatoire à la famille. Mais diriger contre elle un pareil reproche, c’est prouver qu’on ne la connaît pas. Il arrive à la théorie de Fourrier ce qui arrive à toute idée nouvelle. On la juge avec préven- tion, et on lui attribue des caractères qui ne sont pas les siens. Bien loin de les attaquer, la théorie de Fourrier se fonde sur les sentiments de famille, Fourrier admet la passion de la famille au nombre des quatre passions fondamentales. Voici d’où provient l'erreur : Aujourd’hui il ya identité entre la famille et le ménage; on ne sépare point ces deux idées. Fourrier, au contraire, les a séparées ; il main- tient la famille, mais au ménage de la famille il veut substituer le mé- nage sociétaire. Qu'on prouve les accusations ! Quand Fourrier a-t-il cherché, soit dans ses doctrines philosophiques, soit dans ses vues pratiques, à rompre les liens de la famille, à jeter la confusion au sein de la société? L'association des familles n’est pas leur communauté ; le ménage n'est pas la famille. Aujourd’hui encore, dans les campagnes, toutes les industries domestiques se font dans le même ménage, Mais dans les villes il n’en est plus ainsi. Une foule d'industries sont sorties du ménage. Maïs parce que ces industries domestiques se pratiquent au dehors , parce que, pour reproduire un exemple qui a été cité, on blan- chit le linge au dehors au lieu de le blanchir dans le ménage, y a-t-il atteinte aux sentiments de la famille? Personne n’oserait le soutenir. Et voilà cependant la base sur laquelle repose l'accusation dirigée contre Je système de Fourrier, de porter atteinte à la famille. QUn reproche non moins grave est celui de matérialisme. Le système sociétaire, dit-on, ne s'occupe ni de religion, ni de politique: il se restreint aux choses matérielles. Mais pourquoi dirige-til avant tout son attention vers les intérêts matériels de la société? C’est parce que ces intérêts sont en lutte, parce qu'ils ne sont pas organisés. Si la théorie sociétaire demande d’abord l'ordre dans les choses matérielles, c'est que cet ordre est la condition première du développement intellectuel et moral. Aujourd'hui, obligé de pourvoir par un rude travail aux pre- miers besoins de la vie, l’homme est pour ainsi dire réduit à l'état de la brute. Supposez, au contraire, la production organisée de manière 19 290 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. à répandre l’aisance dans la société entière, et le développement intel- lectuel et moral des hommes n’éprouvera plus d’entraves. » M. Considérant se borne pour le moment à ces réponses. Lutter contre des considérations particulières, des objections isolées, c'est perdre beaucoup de temps pour arriver à un petit résultat. Il faudrait pou- voir procéder par une exposition de principes, et l’on verrait que la théorie de Fourrier apporte la solution du problème proposé par le Programme. Après en avoir délibéré, la Section prend ensuite les dé- cisions suivantes : à. Elle arrête que la discussion de la première question du Programme sera close provisoirement , et qu’elle tiendra une séance extraordinaire consacrée à l’exposition de la doc- trine de Fourrier , présentée par M. Considérant, comme une réponse à la première question du Programme et comme le remède à l’état d'isolement dans lequel se trouvent les ouvriers. . 2. Elle arrête en outre que celte décision sera communi- quée au Bureau central par le président de la Section, afin que le Bureau central désigne, d’accord avec ce dernier, pour l’exposition de la doctrine de Fourrier, un jour et une heure qui permettent aux membres des autres sections d’as- sister à la séance. 3. Elle arrête enfin que la deuxième et la troisième ques- tion du Programme , ainsi conçues, seront mises à l’ordre du jour de la séance du mardi 4 octobre: Quels sont les avantages et les inconvénients de la con- currence illimitée dans les différentes industries, et par quels moyens peut-on remédier à ces inconvénients ? Quels avantages peut procurer à l’industrie une éduca- tion professionnelle, et comment peut-on organiser, d’une manière satisfaisante, une pareille éducation ? La séance est levée à dix heures et quart; et la Section s’ajourne au même jour, à une heure, pour la discussion des questions spéciales d'agriculture, et au lendemain, à huit heures du matin, pour la discussion de la seconde question du Programme, DIXIÈME SESSION. 291 Cinquième séance. — Du 5 octobre 1842. SOUS-SECTION D'AGRICULTURE (are SÉANCE). Rapporteur : M. MARCHAL fils ; Secrétaire. La Section d'agriculture se réunit à une heure, sutls la présidence de M. Dollfus. M. le Président appelle la discussion sur la cinquième ques- tion inscrite au Programme de la Section, et.qui est. ainsi conçue : Quelle influence lé morcellement de lu Propriété exerce- t-il, principalement en Alsace, sur lagriculture et sur le développement de la richesse publique ? M. Grosz » agent comptable des hospices civils, demande la parole et lit un mémoire dans lequel il établit que le mor- cellement de la propriété, qui, en Alsace > remonte à l’an- née 1790 , y a exercé une influence salutaire. Avant cette époque, les. grands corps de biens, appartenant presque exclusivement aux établissements religieux, aux communes et aux nobles, étaient affermés à canons très-minimes, de telle sorte que les propriétaires subissaient la loi des fermiers, et ceux-ci n'avaient aucun intérêt ou aucun stimulant qui les poussât à l'amélioration des terres et qui les amenât successivement à l'augmentation des produits. À ces motifs se joignaient encore les inconvénients de la vaine pâture. La vente des biens ecclésiastiques et de ceux des émigrés, et celle des biens communaux fut la cause première du morcellement des terres et pro— duisit l'extension forcée de l'exploitation; une troisième classe de culti- vateurs surgit : elle se composait de particuliers qui achetèrent quelques parcelles de terre, tout en cherchant à en affermer d’autres, et ce fut même celte restriction dans Ja culture qui dût porter le laboureur à Ja rendre plus productive. Plus tard, les possesseurs des domaines ; trou- vant plus facilement à louer leurs biens, en exigèrent un prix plus élevé, ce qui obligea les cultivateurs à chercher les moyens d’aug- mener les produits en raison de l'accroissement des charges. Après la lecture de ce mémoire, M. le Vice-président Bonnet, professeur d'agriculture du département du Doubs, prend la parole et établit Ja distinction qu’il faut faire entre la 19. 292 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. division et le morcellement de la propriété. Les partages opé- rés en 91 el 95 ont été la division et non le morcellement. Se- lon lui le morcellement seul peut entraîner des inconvénients. M. le professeur Lecerf, de Caen, pense que si l’aggloméra- tion des grandes propriétés et leur inaliénabilité sont désavan- tageuses , il en est de même du morcellement. Une loi sur les mutations des propriétés et le mode de substitution pour- rait seule y porter remède. M. Lecerf propose la formation de grands centres d’exploitation agricole, où l’on ferait, à l'égard des plus petites parcelles, ce que l’on fait dans toute autre industrie, Il propose d’affermer de petites portions de terre, mais à longs baux. M. Schattenmann, directeur des mines de Bouxwiller et membre du Gonseil général du Bas-Rhin, regarde le morcel- lement comme avantageux, mais seulement quand il a lieu dans certaines limites, qu’il voudrait voir déterminées par des mesures législatives, Il propose comme le minimum de division une contenance de dix à vingt ares. M. Mathieu, médecin vétérinaire à _Épinal, n’admet pas que le progrès dans l’agriculture ne soit que l'effet du mor- cellement des terres. Il est, dit-il, nécessaire que la légis- lation intervienne; mais pour que le morcellement devienne réellement utile, il faut que la parcelle soit constamment accessible par un chemin, de telle sorte que la culture al- terne ou toute autre puisse y être mise en usage. M. Frigniet pense que le morcellement est d'autant plus difficile , qu’il est plus éloigné du centre d’exploitation. M. L.... propose d'admettre pour limites la contenance de dix ares, et voudrait que la loi déclarät inaliénable toute propriété au-dessous de cette contenance. M. Bonnet demande que la Section se prononce sur la ques- tion énoncée, qu’il soit établi que la division de la propriété est utile, mais que le morcellement soit déclaré nuisible au- . dessous de dix, quinze ou vingt ares. M. Busch demande la division de la proposition. Il est ap- puyé par M. Schattenmann. La majorité de l’assemblée se prononce pour la division. Les deux propositions sont mises aux voix et adoptées à l'unanimité. DIXIÈME SESSION. 293 M. le Président donne lecture de la septième question. L’un des membres qui se propose de la trailer étant ab- sent , elle sera portée à l’ordre du jour dans une séance pro- chaine. Il en est de même de la neuvième, sur.laquelle un mémoire écrit a été adressé à la Section. On passe à la dixième question, qui est ainsi conçue : Quelle est la situation actuelle del SERRE en Alsace? Quelles sont les principales améliorations qu’on pourrait y introduire ? M. F. Busch, propriétaire, ancien adjoint au maire de Strasbourg, a la parole. M. Busch pense qu'il ne manque à l'Alsace , douée d’un sol fertile, d’un climat heureux et d’une population active, que de suivre les pro- grès qu'a faits la science agricole chez plusieurs peuples voisins, pour voir multiplier rapidement tous ses produits. «A cet effet, dit M. Busch, il faut d’abord abandonner l’assolement triennal encore en usage dans la plupart des communes, et lui substi- tuer tout autre modé de rotation : car il est démontré que plus on éloi- gne le retour des mêmes espèces ou des mêmes familles de plantes, dans le même terrain, plus on augmente la somme du rendement. Cette vérité, déjà connue des anciens, Mutatis quoque requiescunt fructibus arva, est mise en pratique, de nos jours, en Angleterre, en Belgique et dans “plusieurs contrées de l'Allemagne, tandis qu’en Alsace on s’obstine pa encore à faire succéder des céréales à des céréales (lorge au froment), qui occupent ainsi constamment les deux tiers du terrain de chaque commune, et à ne laisser qu’une année sur trois pour toutes les autres cultures réunies. «I résulte de là que non-seulement on fatigue la terre outre mesure, mais encore qu’on ne laisse point assez de place aux prairies artificielles, qui, avec les prairies naturelles, devraient occuper une surface au moins égale à celle des terres sxablés, comme dans les pays que nous venons de citer. Dans ces pays, c’est l'étendue desprairies artificielles qui forme leur supériorité sous le rapport agricole. Avec des fourrages on multiplie les bestiaux, et les bestiaux fournissent la quantité de fumier nécessaire pour couvrir la partie du sol réservée à la nourriture de l’homme. On ensemence moins, on récolte davantage, et les produits des bestiaux viennent augmenter les bénéfices. Qu'on passe d’une con- trée du globe à une autre, on y trouvera toujours les récoltes propor- . tionnées à la quantité d'engrais, par conséquent la nourriture de 294 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. l'homme assurée en raison de celle du bétail qui sert à fumer les terres arables. Quand l'Alsace se sera rendue à l'évidence de ce fait pratique, elle ne sera plus forcée de tirer ses bestiaux de l'étranger, et les tarifs qui excitent tant de réclamations tomberont d'eux-mêmes. «Un autre genre d'amélioration doit avoir pour objet la manipula- tion des engrais. 1 ne suffit pas d’avoir de nombreux troupeaux, il faut encore savoir conserver ce qui doit revivifier la terre, ce qui doit lui rendre cette substance créatrice que chaque génération de fruits lui enlève. C’est donc à augmenter sans cesse la masse des engrais que doit tendre tout bon système d'économie rurale. Or, quelle est la pra- tique suivie en Alsace, du moins dans la plupart des localités? Dans certains endroits on répand le fumier le plus également possible sur toute la surface de la cour, qu’on a soin de creuser à cet effet; dans d’autres, on en fait des tas réguliers qu’on met quelquefois dans la rue; ailleurs, enfin, on le place dans un enfoncement , dans une mare d’eau. Mais ces différents systèmes ont un rapport commun , c’est l’al- ternative du soleil qui consume, qui volatilise, el de l’eau qui dissout, qui entraine les principes actifs, ou qui empêche au moins la fermen- tation. Heureusement qu'il est facile de remédier à tant de pertes, no- tamment par la formation des composts , qui consiste à faire alterner des couches de fumier avec des couches de terre superposées, et dont l'utilité est inconstestable malgré l'avis contraire de quelques auteurs modernes. «Enfin , une dernière amélioration à introduire dans l’agriculture de l'Alsace, et qui n’est pas la moins importante, puisqu'à elle seule elle triplerait tous les produits, c’est la régularisation des cours d'eau et leur application dans une proportion plus équitable aux besoins du sol. Un rapport particulier vient d’être présenté, à ce sujet, par M. le Préfet du Bas-Rhin au Conseil général, qui a témoigné à ce magistrat toute sa gratitude pour les sages mesures qu’il a adoptées, mesures qui accordent tout ce que la législation actuelle permet d’accorder aux in— térêts dont il s’agit. Mais cette législation elle-même n’est plus suffi- sante. Il faut une loi toute spéciale, en attendant le Code rural qu’on nous promet depuis plus de trente ans. «Non-seulement la législation actuelle est insuffisante pour assurer l'irrigation complète des prairies, mais elle ne permet même pas d'é- tendre celle-ci aux terres arables, qui par ce seul moyen peuvent être poussées au plus haut degré de fécondité possible. «La possibilité de ces irrigations ne fait pas question. Car si des cours d’eau naturels étaient barrés dans leur partie la plus élevée, et que l’eau fût retenue dans des canaux à une hauteur convenable, il n’existerait presque aucun endroit, si éloigné des eaux qu’il füt d’ailleurs, qu'on ne pût faire participer aux avantages de ce système. C'est ce que l'on pratique de nos jours dans la partie supérieure de l'Italie, et tout le monde connaît ces vers de Virgile : Quid dicam, jacto qui semine cominüs arva Insequitur, cumulos que ruit male pinguis arenæ ; DIXIÈME SESSION. 295 Deinde satis fluvium inducit, rivos que sequentes Et, cum exustus ager morientibus æstuat herbis , Ecce supercilio clivosi tramitis undam Elicit : illa cadens raucum per lavia murmur Saxa ciet, scotibris que arentia temperat arva. «Aussi, chez toutes les nations de la Péninsule, les produits de l’a- griculture étaient-ils anciennement d’une abondance merveilleuse. «Lesirrigations se pratiquent encore de nos jours en Perse; sans cette précaution, ce pays ne serait qu’un vaste désert. Olivier nous apprend (dans son Voyage) qu'elles sont une affaire d'État, et que celui qui est chargé d’y présider se nomme le prince des eaux, Emir-Ab. «Dans le royaume de Valence, les Maures ayaient eu la hardiesse de joindre deux montagnes par une jetée monumentale, afin de créer dans le bassin qu’elles dominaient un vaste réservoir : le Pantano de Tili, dont Cavanille a fait une si belle description, et qui transformait la plaine de Valence en un vrai paradis. «Les plaines de Jéricho étaient renommées pour leur fertilité : elles étaient irriguées par les eaux du Jourdain (Strabon , liv. XVIII). «Mais la contrée la plus fertile du monde était la Babylonie, et en général les bords de l'Eupbrate et da Tigre. Ce petit pays était réputé valoir le tiers de l’Asie entière. Les terres y produisaient chaque année trois récoltes (Pline, X VITE, 17). Hérodote dit que la terre y rend commu- nément deux cents pour un, et dans les bonnes années jusqu’à trois cents pour un. Strabon (liv. X VI) répète la méme chose. Cette im— mense fécondité n’était pourtant due qu’à l'industrie des habitants, qui dirigeaient les eaux par des canaux et des fossés, de manière à diviser toutes les plaines. Le plus grand de ces canaux portait navire; il était tourné vers le solstice d'hiver, et se rendait de l’Euphrate dans le Tigre. «On pourrait multiplier ces citations à l'infini : celles que nous ve nons de rapporter doivent suffire, ce nous semble, pour montrer quels sont les trésors incalculables qu’à chaque instant les courants nous en- lèvent en s’échappant en pure perte de notre territoire, et quelle serait la fertilité de notre province, si, avec tous les avantages dont la nature l'a douée, elle savait profiter des lecons du passé en les combinant avec les découvertes modernes. » M. Bonnet établit la nécessité d’un règlement sur la vaine pâture. Il propose de substituer à l’assolement triennal celui de quatre ans , de telle sorte qu’on puisse introduire des cul- tures fourragères ou sarclées entre deux cultures de céréales. Il insiste sur la nécessité des irrigations, qui doublent et tri- plent le produit des prairies naturelles. Il est nécessaire que la législation intervienne. Mais il faut aussi approprier le sol et lui donner une pente convenable. Il expose les règles qu’il 296 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. croit nécessaires de suivre dans la formation des composts propres aux différents assolements, selon que la terre est calcaire ou argileuse. M. Chrétien, professeur d'agriculture à l’École normale primaire de Nancy, croit que ” culture admise en Alsace n’est point triennale , mais que l’assolement y est plutôt de six ans , la jachère remplacée par la culture alterne du trèfle et des plantes sarclées. Il pense néanmoins que les terres n’y sont pas cultivées comme elles pourraient l'être , vu l’ab- sence d'instruments nécessaires à cet effet , tels que la houe à cheval et le buttoir. Il y a donc augmentation de dépenses pour lé prix de la main-d'œuvre. Il ne partage pas l’opinion que M. Bonnet a émise sur la formation des composts et sur l'efficacité du sable et de l’argile comme amendements. Ce n’est pas un mélange qu'il s’agit d'obtenir, c’est une com- binaison (chose difhcile). M. Chrétien insiste sur l’atilité des composts liquides. M. Burckhardt reproche à nos cultivateurs de n’avoir point de fosses imperméables pour y recevoir les engrais liquides. Il propose , à l’instar de ce qui se pratique en Lombardie, l'irrigation au moyen de canaux souterrains. M. Schatienmann entre dans des considérations sur les transformations chimiques qui ont lieu dans la formation des engrais, d’après une théorie basée sur lés expériences de Liebig et de Dumas. M. le professeur Persoz aborde la question pratique de la nécessité de faire fermenter les engrais, et s'appuie sur ce qu’il a observé à Berne et dans le canton de Vaud. «Là, dit- il, on ne trouve pas d’herbes parasites dans les champs, parce que la fermentation des fumiers décompose les graines qu’ils renferment. Dans ces contrées, les fosses sont construites à plan incliné et terminées par une citerne. Le fumier est en- tassé , le liquide s’écoule naturellement , il y a décomposi- tion putride dans la citerne; au dehors , et par suite des ar- rosements du fumier, il y a fermentation acide et saturation par le contact des parties liquides et solides. » La Section adopte les propositions faites par MM. Busch et Bonnet. M. le Président met à l’ordre du SAR pour la séance de DIXIÈME SESSION. 297 demain , les septième , huitième et neuvième questions du Programme supplémentaire. La séance est levée à deux heures et demie. Sixième séance. — Du 4 octobre 1842. Rapporteur : M. CH. BOERSCH, Secrétaire. La séance est ouverte à huit heures, sous la présidence de M. Émile Dollfus. . A l’occasion du procès-verbal de la dernière séance , dont il ne conteste pas l’exactitude, M. de Humbourg croit devoir déclarer que son intention n’élait pas de se livrer à des atta- ques personnelles contre les honorables industriels du Haut- Rhin qui font partie de l’assemblée. Il n’avait en vue que les doctrines; et les expressions dont il s’est servi pour qualifier la situation des ouvriers, n'avaient pas, dans sa pensée , une autre portée que les paroles dont d’autres orateurs s’étaient servis précédemment. M. le Président annonce que le Bureau central, sans avoir aucune intention de s’opposer à ce que l’on continue la dis- cussion de la première question, mais vu l’embarras de treu- vér des heures non occupées par les travaux réguliers du Congrès, a cru devoir abandonner à la Section la désigna- tion du lieu et de l’heure pour la tenue dé la séance extraor- dinairé arrêtée par la Section, pour lexposition de la doc- trine de Fourrier, présentée comme réponse à la première question du Programme. La Section, après en avoir délibéré, décide qu’elle fixera dès lors elle-même le lieu , l’heure et le joùr de cette séance. Elle aura lieu demain, mercredi, à onze heures du matin, dans la salle des actes de l'Académie, et le Secrétaire est invité à en donner connaissance à l’assemblée générale, afin ‘que tous les membres du Congrès qui le désirent puissent y assister. ? . . r . L'ordre du jour appelle la discussion de la deuxiè me buestion du Programme, ainsi conçue : 298 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Quels sont les avantages et les inconvénients de la con- currence illimitée dans les différentes industries, et par quels moyens peut-on remédier à ces inconvénients ? M. Jules Sengenwald, négociant à Strasbourg, lit, sur celle question, un mémoire aussi remarquable par les pen- sées que par la forme. La Section décide le renvoi de ce mémoire au Bureau central, pour être lu en assemblée générale et inséré dans le volume qui rendra compte des travaux du Congrès. M. Schattenmann fait observer que si en France on ré- glemente l’industrie , tandis qu’elle continuerait à jouir d’une liberté entière dans d’autres pays, l’industrie française ne pourra plus soutenir la concurrence au dehors. M. Lecerf, prenant l’observation du préopinant pour texte, dit que la société a été examinée de deux points de vue op- posés : «Les économistes n’ont pris en considération que l'accumulation des richesses, l’accroissement du capital ; les philanthropes, au contraire, se sont attachés à la question de la misère, et ils ont proclamé que la prospérité de la société est une prospérité apparente, illusoire, destruc- tive. Est-il vrai qu’en effet l'accumulation des richesses soit la mesure de la prospérité d’une nation? Non, telle qu’elle est considérée, elle est au contraire une source de ruine et de destruction. Car cette aug- mentation de la richesse n’est pas générale, elle ne s'étend pas à toutes les classes de la société. La richesse, aux yeux des économistes, c’est le capital territorial , le capital manufacturier, les bâtiments, les machines, le bénéfice que fait l'industriel. Mais à qui ce capital appartient-il? à un petit nombre d'individus. La masse de la population n’est propriétaire que de la faculté de travailler. Et cette accumulation des richesses à son tour, comment s’opère-t-elle? Par la diminution des frais de production, par la diminution du salaire de l'ouvrier. C’est donc à tort que l’on prend l'accumulation des richesses pour mesure de la prospérité d’une nation. Il y a deux signes certains de cette prospérité : c’est l’'augmen-— tation de la population et l'augmentation de la durée moyenne de la vie. En Angleterre, l'accumulation des capitaux est bien plus grande qu’en France; et cependant oserait-on comparer à la PES pReRS de Ja France la situation sociale de l'Angleterre? » M. Buss, professeur d'économie politique à l’universilé de Fribourg, demande à traiter à la fois, en langue alle- * Voy. les mémoires de la 4° Section, 2° vol. EEE DIXIÈME SESSION. 299 mande , la seconde question du Programme, relative à la concurrence, el la troisième, relalive à l’éducation profes- sionnelle. «Les avantages de la concurrence sont reconnus. Le plus grand c’est l’émulation qui conduit à l'accroissement de la production ; et l’accrois- sement de la production provoque à son tour l’augmentation de la con- sommation. Mais, à côté de ces avantages, la concurrence présente des inconvénients plus considérables que les avantages mêmes. Il y a in- certitude, instabilité pour la production, pour les ouvriers, pour les consommateurs. La liberté est une noble conquête, mais elle doit avoir pour but d'assurer la position sociale de chaque homme. L'État, à son tour, doit avoir sa liberté comme les individus: car l’État est la repré- sentation de la Société, il est l'organe et l’applicateur d’une idée. Il faut concilier les droits de l’État avec les droits des individus; il faut que l'État détermine les positions des individus sans porter atteinte à Ja li- berté de chacun. Et ce problème se résout par l’établissement de garan- ties positives à exiger de tous ceux qui aspirent à une position sociale, à une position industrielle surtout. Ces garanties sont de deux sortes : elles sont intellectuelles et morales. La garantie intellectuelle sera four- nie par l'éducation que l’État à le droit d’exiger de tous ceux qui veulent occuper une position. Il faut ouvrir des écoles industrielles primaires pour les classes laborieuses ; il faut même imposer aux parents l’obliga- tion d'yenvoyer leurs enfants. Au-dessus de ces écoles il en faut d’autres plus fortes, des écoles intermédiaires; et enfin, pour couronner digne- ment ce large système d’éducation populaire , il importe de créer une école industrielle supérieure, une véritable institution polytechnique. Les classes populaires ont en effet autant de droits que les classes riches à une éducation supérieure, et l'État ne peut la leur refuser sans injustice. «Quant aux garanties morales , l’égoisme, la dissolution sociale au sein de laquelle nous vivons, ajoutent encore à leur importance. Les corporations , les jurandes, les maîtrises, tous ces débris des temps passés ne sont plus considérés aujourd’hui qu'avec répugnance. Le passé est mort, il est vrai; il ne doit plus ressusciter de sa tombe ; mais si les institutions qu’il a fait naître ont succombé , la pensée qui les ani- mait leur a survécu; l'esprit d'ordre qui régnait dans ces anciennes for- mes est aujourd’hui encore un besoin de la société moderne; seulement cet esprit d'ordre cherche une forme nouvelle, en rapport avec les idées de la nouvelle société. Eh bien! cette réorganisation aura lieu par le groupement. des industries’, suivant leurs affinités et leurs rapports. « La première garantie morale se trouve dans l'éducation du foyer do- mestique , dans l'éducation de l'enfant au sein de sa famille. Au sortir de l'adolescence, il faut faire faire une pérégrination à l'apprenti indus- triel; et ce voyage par le monde deviendra la source d’une nouvelle ga— rantie morale qu'il pourra offrir à la société. En effet, chaque peuple a sa nature spéciale, ses tendances particulières, sa vocation pour ainsi 500 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. dire. C’est en visitant les peuples étrangers que l'apprenti industriel for- tifiera et complétera son éducation; il puisera dans ces voyages le senti- ment de sa propre force , de sa propre valeur; il y puisera aussi le senti- ment d’un orgueil national légitime. À son retour dans sa patrie, il devra subir un examen professionnel, large et sérieux; et après cette épreuve, il entrera dans la carrière à laquelle il se destine. 11 saura mé- riter la confiance de ceux qui se livrent au même travail que lui et la confiance des consommateurs. On ne verra plus l'industriel professer pour ainsi dire au hasard , et promener sa faillite d’une industrie à l’au- tre, compromettant toutes celles qu’il aborde. «L'industrie a toujours fait la force principale d’une nation. L’organi- sation de l’industrie a toujours eu la plus grande influence sur sa des- tinée, Dans l'antiquité , alors même que l'esclavage constituait une ex- ploitation brutale de l’homme par l’homme, l'industrie était déjà orga- nisée. Lorsque le christianisme eût offert un nouveau but à l’activité humaine, la bourgeoisie industrielle du moyen âge se forma. C’est elle qui a miné et renversé le système féodal ; c'est au sein des communes que s’est réfugiée toute la vie, toute la puissance. Et comment de si beaux souvenirs ne viendraient-ils pas frapper l'intelligence au sein de celte noble cité de Strasbourg, qui était autrefois un des plus beaux fleurons de la couronne germanique et dont Macchiavell a déjà célébré l’aisance. En effet, il dit, dans ses Ritralti delle cose della Alamagna : «Della potenza della Alamagna alcun non debbe dubitare, perchè «abbonda di uomini, di ricchezze e di armi. E quanto alle ricchezze non «vi è communità che non abbia avanzo di danari in pubblico; e dice «ciascuño che Argentina sola ha parecchi milioni di fiorini. » «Il y a deux ans, aux fêtes célébrées en l'honneur de Gutenberg, la bourgeoisie de Strasbourg a fait acte de présence par ce magnifique cor- tége industriel qui s’est déroulé par les rues de la ville. Elle a montré qu’elle était encore animée de cette vie propre qui la distinguait daus les siècles antérieurs. Si jamais une organisation industrielle a été un besoin pour une époque quelconque, c’est pour l’époque actuelle surtout, au milieu de l'indifférence religieuse générale, lorsque la pensée chré- tienne, dépouillée de tout pouvoir organisateur, est reléguée dans le sanctuaire. Et dans quel pays cette organisation pourrait-elle naître , si ce n’est dans cette noble France qui a toujours marché à la tête des nations ? » M. le Secrétaire donne, en langue française , une analyse de l’improvisation allemande de M. Buss. Plusieurs membres désirant encote prendre part à la dis- cussion , la Section décide qu’elle sera continuée demain. La séance est levée à dix heures. DIXIÈME SESSION. 501 Septième séance. — Du 4 oclobre 4842. SOUS-SECTION D'AGRICULTURE (2° SÉANCE). Rapporteur : M. MARCHAL fils, Secrétaire. En l’absence de M. Dollfus , président, M. le Vice-prési- dent Couturat occupe le fauteuil. M. le Secrétaire donne lecture du procès-verbal de la séance de la veille; il est adopté après rectification demandée par M. Chrétien. L’ordre du jour appelle la discussion sur la septième ques- tion , ainsi conçue : L'enseignement agricole porté directement au milieu des cultivateurs, peut-il avoir lieu dans tous les départements, comme il se pratique avec grand succès depuis plusieurs années dans celui du Doubs ? M. le Président invite M. Bonnet à prendre la parole. Cet honorable membre expose comment l’on est arrivé, dans le dé- partement du Doubs, à l’enseignement agricole. Il signale l’organisa- tion d’un comice, d’une société, d’un institut, les concours de charrues, la démonstration des instruments araloires, la création d’une chaire d'agriculture, les règlements sur la vaine pâture et les heureux effets qui résultent de cet état de choses dont il attribue une grande part à M. le préfet du Doubs, qui a parfaitement compris la partie de l’en- seignement agricole porté à la campagne. M. Bonnet pense que l’expé- rience a suffisamment sanctionné ce qui a été fait pour que l’on soit autorisé à réclamer du gouvernement la fondation d'institutions sem- blables, sinon dans tous les départements, du moins dans le plus grand nombre. Pour que ces mesures soient efficaces, l’enseignement doit être fait d’après une connaissance exacte des localités, et joindre Ja pra- tique à la théorie, Le maître doit pouvoir donner l'instruction au sein des campagnes; mais alors il faut aussi lui donner un traitement con- venable , afin qu’il puisse y vouer tout son temps. M. Bonnet conclut à ce que l’on propose au Congrès d'émettre le vœu que le ministre crée une chaire d’agriculture dans chaque département. M. Chrétien partage l’avis de M. Bonnet; mais il croit qu’il faut faire plus encore. Autrefois , dit-il , il était impos- sible de faire comprendre aux cultivateurs que des moyens d'amélioration devaient être mis en usage, [l en est quelque- 502 CONGRÈS- SCIENTIFIQUE DE FRANCE. fois de même aujourd’hui. Il est donc à désirer qu’il y ait à la campagne des hommes instruits pour faire sortir les cul- tivateurs de la routine, et répandre parmi ceux-ci les con- naissances agricoles. Dans les écoles normales on devrait s’appliquer à porter la jeunesse aux idées d’amélioration en initiant les élèves à des systèmes de culture préférables à ceux employés. M. Ghrétien réclame dans ces établissements non-seulement un enseignement théorique , mais encore un enseignement pratique , el à cet effet des terrains d’applica- tion. Il voudrait que les professeurs de ces écoles se missent en rapport avec les cultivateurs. Par [à on arriverait à don- ner aux jeunes gens le-goût des améliorations utiles , et les professeurs et les élèves inspireraient aux cultivateurs le désir d’imiter leurs progrès. M. Bonnet reconnaît l’influence avantageuse que peuvent exercer les instituteurs des écoles normales et des écoles primaires. Il insiste pour les écoles pratiques, les fermes- modèles et les cultures d’essai. . M. Lecerf, tout en admettant l’heureuse mfluence que l’enseignement agricole, porté directement au milieu des cultivateurs, peut avoir eue dans le Doubs, ne pense pas qu’il puisse en être de même dans certaines provinces, telles que l’ancienne Normandie, où les cultures sont vastes et les fermiers riches , conditions peu favorables à l’enseignement direct. À lappui de cette observation, M. Cheveraux , secrétaire de la Société d’agriculture d'Evreux, signale l’impossibilité où l’on s’est trouvé de faire fonctionner des instruments nou- veaux , les cultivateurs se refusant à leur transport et laissant aussi des graines qu’on leur offrait. M. Bonnet dit qu’on ne saurait établir que plus les fermes sont grandes , moins on y ressent la nécessité de l’enseigne- ment : celui-ci s’adresse à l'intelligence et est formulé se- lon elle. L M. Chrétien établit que l’enseignement pratique au milieu des cultivateurs ne peut être utile qu’autant que celui qui s’en charge a une connaissance parfaite des terrains et des différents modificateurs qui l’entourent. M. Giberton-Dubreuil, avocat à Paris, résout la question DIXIÈME SESSION. 505 dans le sens affirmatif : «Que la culture ait lieu en grand ou en petit, il ne voit point d’inconvénient à y porter l’en- seignement; si la majorité le refuse, la minorité le recoit, et celte minorité, si faible qu’elle soit, doit être prise en con- sidération , puisqu'elle peut devenir majorité. » M. Rameaux abonde dans le sens du préopinant; mais il se demande si on ne peut combiner les deux systèmes, ce qui rentrerait dans la proposition de M. Chrétien. Après quelques considérations présentées par MM. Lecerf, Bonnet et Mathieu, M. Bonnet formule la proposition sui- vante : Émettre le vœu que l’enseignement de lagriculture , porté directement au milieu des cultivateurs, soit établi dans tous les départements de la France » et que le même Professeur soit chargé de cet enseignement à l’écolenormale1. La Section adopte celte proposition. La séance est levée à deux heures et demie. Huitième séance. — Du 5 octobre 4822. Rapporteur : M. JuLESs SENGENWALD, Secrétaire. Le séance est ouverte à huit heures, sous la présidence de M. Couturat ; Vice-président. M. le Secrétaire donne lecture du procès-verbal détaillé, sur. lequel M. Schattenmann présente des observations qui ne sont pas admises. Le procès-verbal est adopté dans sa teneur primitive. | L'ordre du jour est la suite de la discussion de la deuxième et de la troisième question du Programme. M. Schattenmann rend hommage au travail de M. Jales Sengenwald, lu dans la séance d'hier; mais il pense que la Proposition de grever l’industrie d’un prélèvement au pro- fit des ouvriers, et de limiter les heures de travail des adultes, exercerait une influence fâcheuse sur l’exportation des pro- 1 Voy.les mémoires de la 4e Section, 2€ vol. 504 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE, duits de notre industrie, et priverail nos ouvriers d’une masse de travail qu’il importe d’assurer à la France. En effet , si le travail des ouvriers anglais était de douze heures par jour, et que celui des ouvriers français fût li- mité à huit heures , la main - d’œuvre en France serait d’un tiers plus élevée que chez nos concurrents, et augmenterait le prix de revient des produits français, qui seraient en désa- vantage marqué sur les marchés étrangers. M. Oppenheim, docteur en droit, agrégé à l’université de Heidelberg, présente ses objections à l’encontre du sys- tème de M. Buss développé dans la séance d’hier. Les cor- porations qu’on voudrait ressusciler ne répondent plus à aucun besoin de l'époque. Pour y entrer, il faudra subir un examen. Or, qui fera subir cet examen? Les magistrats ? Mais ils n’entendent rien aux questions profssfondellés! Les industriels qui sont les pairs naturels dans chaque branche spéciale? Mais ils seront en même temps juges et parties. Ils seront, comme autrefois, influencés par le népotisme. Mieux vaudrait encore l’examen par les industriels, mais sous le contrôle des magistrats, pour empêcher les abus et contenir les animosités. M. Oppenheim ne veut pas de la concurrence illimitée, et il reconnaît les avantages d’une éducation technique, pro- fessionnelle ; mais pour cela il n’est pas nécessaire de rétablir les jurandes et les maîtrises. L'histoire démontre que le pro- létariat existait autrefois en même temps que ces institutions, par conséquent il n’est pas né de leur abolition. La conclusion de l’orateur est, que la fabrique conduit à l'association, et l’association libre des individus à l’organi- sation, tandis que les jurandes et les maîtrises sont une con- trainte imposée à chaque individu. Le discours de M. Oppenheim a été prononcé en langue allemande, M. de Pompéry fait l'inventaire des avantages et des in- convénients de la concurrence illimitée. Les avantages consistent dans une excitation générale de toutes les industries à produire le plus et le mieux possible, comme aussi dans la baisse et l’avilissement des objets de consommation. DIXIÈME SESSION. 505 Mais les inconvénients sont: la sophistication des produits, le charlatanisme obligé et le luxe exagéré. Ainsi, en France on dégrade nos plus beaux vignobles, et l’on vise non plus à la qualité, mais à la quantité; on dépense des sommes con- sidérables en annonces ct en frais de commis-voyageurs; on orne-les boutiques avec un luxe qui , en définitive, doit être payé par le chaland. Enfin, le plus grave de tous les inconvénients est la lutte forcée entre les capitalistes et les ouvriers : cette lutte existe également dans le sein de ces deux éléments de la produc- tion. De là, antagonisme ou coalition entre les capitalistes, et abaissement des salaires au détriment des ouvriers. L’ora- teur cite le procès récent des marchands de bois de Paris. Ils s’étaient d’abord coalisés pour la baisse en s’abstenant de faire des achats; puis les mieux avisés ont profité de l’avilis- sement des prix pour s'emparer d’une quantité de bois égale aux trois quarts de l’approvisionnement de Paris. C’est ainsi que naît la féodalité industrielle dont les messageries sont un des exemples les plus frappants. Pour remédier à l'incertitude des salaires , il faudrait rap- procher les éléments opposés, associer le capitaliste et l’ou- vrier. Mais il serait imprudent de laisser au fabricant la fa- culté de formuler les conditions du contrat. Le législateur lui-même doit intervenir et réglementer la concurrence par des mesures générales. ‘ M. Daniel Dollfus , fabricant à Mulhouse, dit que la pas- sion de l'industriel, c’est le progrès. Ainsi le fabricant qui précédemment tissait et filait la laine, fabrique aujourd’hui le feutre; telle ville où il existait des porteurs d’eau, les rem- place par un système de conduite des eaux dans chaque mai- son; en fait d'industrie, ne pas avancer, c’est reculer. Quant aux effets de la concurrence des ouvriers entre eux, M. Dollfus les regarde comme fâcheux ; il propose d’adopter la législation anglaise, qui fixe la durée du travail d’un ou- vrier en fabrique à 144 heures par quinzaine. M. le professeur Persoz pense qu'il y a quelque chose de divin dans la concurrence, qui est mère de la civilisation et qui permet à chacun de prendre la place que lui assigne son talent et sa capacité. L’orateur veut que la concurrence soit 20 306 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. illimitée, non-seulement entre les hommes, mais entre les peuples. Elle est tout à fait normale quand elle s'exerce entre les matières premières du sol, Ainsi, pour citer un exemple, tel pays qui possédera le sel marin et le soufre se trouvera dans les conditions à livrer la soude au meilleur marché pos- sible. Qui d’ailleurs osera dénier la concurrence légitime du génie ? déplacera-t-on l’industrie des toiles peintes si floris- sante en Alsace ? tentera-t-on de faire émigrer du Locle, de la Chaux-de-Fond, de Genève, l’industrie de l’horlogerie qui y tient par de si fortes racines? Tous les efforts qui ont été faits vers ce but l’ont été en pure perle. Sans doute la concurrence illimitée produit de grands maux aujourd'hui; mais un jour la concurrence deviendra normale, alors que chaque peuple n’aura plus la prétention de produire tous les objets dont il a besoin. M. de Pompéry proteste contre l'intention qu’on a pu lui supposer de vouloir anéantir toute faculté émulative chez l’homme; l’émulation peut être ou normale où anormale. Ainsi, que deux régiments français soient chargés de l'attaque d’une place, ils agiront avec ensemble dans la seule vue de la gloire; mais si vous leur promettez le pillage, chacun vou- dra arriver le premier. L’émulation peut se concilier avec un but unitaire: ce qu’il faut blâmer, c’est l'essor de cette activité émulative quand elle se change en antagonisme. M. le docteur Jænger dit que la concurrence est une pas- sion primitive de l’homme qui le pousse à l’action, et à un essor ou régulier ou désordonné. C’est l’abus seul qu’il faut condamner. M. le professeur Lecerf propose à la Section de déclarer qu’elle donne son entière adhésion aux vues et aux considé- rations présentées par M. Jules Sengenwald , son Secrétaire adjoint, sur la deuxième question du Programme ; et en se- cond lieu, il demande que Ja Section émette le vœu formel de voir le mémoire de M. Sengenwald inséré en entier dans le Compte-rendu du Congrès. M. Ch. Bœrsch demande la division de ces deux proposi- tions , par le motif que la Section ne saurait déclarer donner son adhésion aux conclusions d’un mémoire qui a trait à une matière aussi controversée que la concurrence illimitée. DIXIÈME SESSION. à 307 D'après ces observations, la Section passe à l’ordre du jour sur la première partie de la proposition de M. Lecerf, mais elle adopte la seconde partie relative à l’impression du travail de M. Sengenwald. La clôture de ta discussion sur la Hesse à et la troisième question est prononcée. L'on met à l’ordre du jour de la séance du 6 octobre la quatrième question du Programme, ainsi conçue : Quelle influence le système de douanes allemandes a-t-il exercée sur l’industrie, sur Le commerce et sur l’agriculture des contrées qu’il a successivement englobées? Quelle in- fluence ce système a-t-il exercée sur les relations intcrna- tionales de la France et de l Allemagne? Et sur quelles bases pourrait-on négocier un one entre les sys- tèmes douaniers des deux pays ? La séance est levée à neuf heures et demie. La Section, conformément à sa délibération précédente , s’est réunie de nouveau à onze heures, pour entendre les développements présentés par M. Considérant sur la première question du Programme. * Nouvième seance. Du 5 octobre 1842. SOUS-SECTION D'AGRICULTURE (3° SÉANGE). Rapporteur : M. MARCHAL fils, Secrétaire. Le procès-verbal de la précédente séance est lu et adopté. M. Bonnet a la parole sur la huitième question, ainsi posée : L'exercice du droit de vaine pâture étant dans beaucoup de provinces contraire aux améliorations agricoles, ne peut-on pas; d'après les lois existantes, en réglementer l’usage de manière à ce que la vaine pâture ne soit permise que dans le temps où elle ne serait pas nuisible ? Formuler dans ce 20. 508 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. cas les mesures administratives qui deviendraient protec- è $ j trices du progrès agricole. M. Bonnet croit devoir établir d’abord ce qu’il faut entendre par vaine pâture; car le droit de pâture est différent selon qu'il a lieu sur son propre fonds, sur la propriété commune, dans les forêts, ou de commune à commune; selon qu'il s'exerce en vertu d’un usage ou d’après des titres positifs. Il entend par vaine pâture le droit qu'ont tous les habitants d’une commune de faire paître leurs bestiaux sur les sols ou sur les prairies naturelles avant et après fruits levés, d’après les usages des localités. La loi du 6 novembre 1791 reconnait ce droit dans certaines limites qu’elle définit. Mais cet exercice, tel qu’il existe, est tellement nuisible à la libre culture, qu’il est indispensable de le réglementer. M. Bonnet propose d'adopter le règlement suivi par les communes rurales du département du Doubs. Il fait ressortir en même temps les intérêts moraux qui doivent engager à supprimer la vaine pâture , puisque celle-ci détourne les enfants de la fréquentation des écoles, et qu’elle les habitue à la paresse, au mensonge et au ma- raudage. La loi sur les attributions des conseils municipaux donne le droit de faire des règlements à ce sujet. M. Lecerf remonte à l’origine de la vaine pâture, et dit que c'était primitivement une concession bienveillante faite par les communautés religieuses, dans le temps où elles pos- sédaient de grands corps de biens , aux paysans qui ne pos- sédaient rien ou presque rien pour les secourir dans leur misère, peut-être aussi pour les empêcher de se révolter. Mais aujourd’huique cet état de choses a disparu, il est bon de restreindre, autant que possible, les droits de pâture. Le Code établit que tout propriétaire , dans les lieux où existe la vaine pâture, peut s’y soustraire en se closant , et à con- dition qu’il perdra ses droits à une portion de pâture égale à la portion qu’il y aura soustraite. Le règlement proposé par M. Bonnet est si bien concu sous le rapport législatif, qu’il paraît l’œuvre d’un jurisconsulte. M. Lecerf désire que la Section déclare qu’elle considère le projet de règlement du parcours et de la vaine pâture proposé par le docteur Bonnet pour le département du Doubs, comme essentiel- lement avantageux, même indispensable pour l’entier et libre usage de la culture des terres et pour les améliorations de toute nature dont cette culture est susceptible ; qu’elle pense aussi que ce n’est pas seulement dans le département du Doubs que ce règlement peut être appliqué , mais qu’elle DIXIÈME SESSION. 309 émet le vœu formel qu’il soit étendu à tous les départements où l’usage du parcours et de la vaine pâture existe ; que l’ins- truction spéciale et les projets de règlement rédigés par le docteur Bonnet sur cette matière importante soient impri- més dans le Compte-rendu des travaux du Congrès1. M. Mathieu attribue à l’usage de la vaine pâture des in- convénients si graves, qu'il croit opportun de demander qu’une loi en abroge à tout jamais l’usage. M. de Caumont dit que, sur la demande des conseils géné- raux , le conseil général d’agriculture a été saisi de cette ques- tion, et que le ministère se trouve muni de tous les renseigne- ments; mais que, comme il pourrait se passer encore bien des années avant qu’une loi fût présentée, il propose l’adoption du projet de règlement de M. Bonnet. M. Bonnet est d’avis de joindre la proposition de M. Ma- thieu à celle de M. Lecerf. M. le baron de Wedekind , conseiller, membre de l’admi- nistration supérieure des forêts grand-ducales à Darmstadt , s'étonne de ce qu’en France il y ait encore de tels obstacles au développement de la culture; dans le duché de Hesse la vaine pâture est abolie depuis 1816. M. Mathieu établit que les prairies naturelles, surlout celles arrosées , sont dans un état de culture permanente, et peu- vent, sous ce rapport, ainsi que les prairies artificielles , rentrer dans les cas d’exception prévus par la loi. M. Schattenmann propose d'établir que à où il y a des droits d'usage ils soient rachetables. M. Lecerf dit que les droits de cantonnement existent dans la loi. M. Schattenmann répond que le cantonnement n’est point applicable à l’Alsace en raison de la division de la propriété. M. de Caumont propose d'ajouter au vœu formulé par M. Lecerf que, sur la demande de plusieurs conseils géné- raux, le conseil général d’agriculture étant saisi de la ques- tion , on sollicite le‘ ministre de hâter la présentation d’un _projet de loi sur la vaine pâture. 2 »La Section décide que la proposition sera formulée selon ce vœu. ! Voy. les mémoires de la 4° Section , 2° vol. 510 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE, M. le Président ouvre [a discussion sur la question sui- vante , proposée par l’Association normande : Existe-t-il un assolement forestier ? en d’autres termes, est-il bon de substituer certaines essences à d’autres , après une période de temps plus ou moins longue, comme on in- tercale des plantes annuelles dans l'assolement agricole ? Il prie M. de Caumont, président de l'Association nor- mande , de vouloir bien développer cette question. M. de Caumont demande s’il faut établir dans une série d’années une rotation dans les essences à cultiver, changer les essences ou tenter d’entretenir celles qui existent. M, Mathieu présente, en réponse à cette question, le ré- sultat d'observations faites il y a vingt ans, et consignées dans un ouvrage intitulé : Voyage agricole dans l'es Vosges. «L’alternat naturel, c'est-à-dire la succession des diverses espèces d'arbres, se voit, dit-il, à chaque pas dans la forêt des Vosges. Ainsi l'on rencontre des forêts qui , il y a cent ans ou deux cents ans, n'étaient composées que de chênes et qui ne présentent plus de cette espèce que quelques troncs dispersés cà et là , et dont la souille nouvelle est tota— lement de hêtres. Sur d’autres points le chêne est assez multiplié; mais le rabougri des arbres, la mousse qui les recouvre, les rugosités de l'écorce et le desséchement des branches indiquent irrévocablement que le sol est fatigué de cette essence , tandis que le charme et le hêtre, leurs voisins, sont superbes et vigoureux. Quelquefois on observe un alternat opposé : c’est le chêne qui succède au sapin , le hêtre à eelui- ci, le tremble au hêtre. Pourquoi donc, à l’époque où le terrain n'était couvert que d’un seul végétal, la chute des semences n’a-t-elle pas longtemps perpétué cette espèce? Pourquoi ces semences, au lieu de germer, se sont-elles détruites, et pourquoi la terre a-t-elle si bien accueilli la graine étrangère déposée fortuitement dans son sein ? La nature se fatiguerait-elle aussi de la même parure, et n'est-ce que la variété de nos cultures qui la fera sourire sans cesse à nos soins et à nos efforts? Le célèbre et savant Bosc avait déjà noté ce phénomène dans les antiques forêts de l'Amérique. Et quel est le jardinier qui n’a vu par expérience que le remplacement d’un arbre ne s’effectuait jamais par l’analogue non-seulement de son espèce, mais même de son genre? Épinal est entouré de monts granitiques qui étaient boisés, et qui ont été dépouillés par les ravages révolutionnaires. L'administration fores- tière a voulu les repeupler ; on tenta deux essais à dix années d’inter- valle et après une culture soignée, sans qu'on oblint des résultats. Sous - l'administration de M. Drouel, maire, M. Massa, garde général des forêts, pensa qu'il fallait couvrir ces coteaux d’essences de bois vert ; il DIXIÈME SESSION. 544 établit différentes zones; le mélèze, le sapin blanc y furent jetés, et au- jourd'hui ces coteaux sont verts et touffus. » 5 M. de Wedekind lit un mémoire dans lequel il établit que l’assolement agricole a entrainé à des analogies pour la syl- viculture, mais que dans cette analogie on avait oublié que la récolte dans les forêts ne se fait qu'après une série d’années plus ou moins longue. Pendant ce temps l’essence couvre le sol, et les feuilles gisantes lui rendent les substances nutritives et les amendements nécessaires. Si les racines excrètent une malière nuisible à la végétation d’une même essence , et que ces excrélions ne soient pas neutralisées par d’autres subs- iances , la décomposition des feuilles mortes par l’eau , par l’humidité, par le froid et la gelée, agit sur le sol. Dans quel- ques cas il faut une culture intermédiaire; l’on peut conser- ver ainsi en permanence la même espèce d’arbres forestiers, lorsque la situation, le sol et les aménagements sont con- venables. M. de Wédekind appuie son opinion sur celle de M, Cotta. M. Schattenmann cite comme exemple de l’efficacité de la culture alterne des arbres à feuilles et des arbres verts , ce qu’on observe dans les Vosges et dans la vallée de la Moder: mais il signale comme une des conditions de durée des es- sences la culture du sol: il pense qu’après trois ans la même essence peut être reproduite dans certaines terres, en ayant soin d’extirper le boïis-blanc , de faire des semis de glands et de pratiquer des éclaircies. is M. Bonnet, s'appuyant sur ce qui existe tant dans le dé- parñtement du Doubs que dans celui du Jura, constate la nécessité de faire succéder telle essence à telle autre : ainsi le hêtre et le chêne au pin, et réciproquement ; il invoque sur ce fait le témoignage des chartes anciennes. A l’appui des observations présentées par M. Bonnet, M. Pérsoz cite ce qui a lieu à la montagne de Boudry, sur le versant méridional du Jura. Là, un alternat natarel se cons- tate également; le sapin succède au hêtre , et réciproque- ment. Le chêne, qui ne se trouve qu'au pied de la côte, paraît sûivre un. autre alternat ; il succède au pin et vice versä. Au reste, ajoute M, Persoz , la question de la nécessité de Palternat dans les essences des forêts semble pouvoir être 312 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. résolue à priori, par cela seul que les arbres , aussi bien que les plantes herbacées , ne s’assimilent pas les mêmes ma- tières salines propres à leur accroissement , parce que aussi les racines, étant pivotantes ou traçantes, n’altèrent pas éga- lement la roche sur laquelle repose la terre végétale. L'ordre du jour de la prochaine séance est la suite de la discussion. La séance est levée à deux heures trois quarts. Dixième séance. — Du 6 octobre 1842. * Rapporteur : M. JULES SENGENWALD , Secrétaire adjoint. La séance est ouverte à huit heures, sous la présidence de M. Couturat, Vice-président. M. le Secrétaire donne lecture du procès-verbal détaillé de la séance précédente. La rédaction en est adoptée sans réclamation. L'ordre du jour est la suite de la discussion sur la troi- sième question du Programme. M. Jean Zuber fils, de Mulhouse , adhère au système d’é- ducation professionnelle développé par M. Buss; mais il voudrait, conformément aux idées de M. de Lafarelle, que le classement des industriels en corporations füt non pas obligatoire, mais facultatif pour chacun. M. Zuber, en parlant de la loi sur le travail des enfants dans ies manufactures, a oublié de citer un homme qui a puissamment concouru à son adoption, M. J.J. Bourcard, de Guebwiller. | Pour se faire une idée de l’industrie en Alsace, que l’on aille visiter les établissements de MM. N. Schlumberger et comp., de cette maison dont M. Bourcard est l’un des chefs. Écoles , caisses d'épargne, caisse de prévoyance , association des ouvriers pour la fabrication du pain qu’ils consomment, tout s’y trouve réuni. Bien mieux, M. J. J. Bourcard a fait Pachat d’un ancien couvent où il a établi une véritable en- cyclopédie d'institutions philanthropiques. Là se trouve une salle d’asile, de petits logements gratuits pour de pauvres DIXIÈME SESSION 315 vieux ménages, un bureau de charité, une école de chant gratuite , et Sétif un hospice dont le fondateur a fait don à la ville, en se réservant toutefois quelques lits pour lui et ses descendants , tant il compte peu sur la stabilité des for- tunes industrielles. Tant qu’il y aura en Alsace de pareils exemples à citer, ajoute M. Zuber, que l’on ne dise pas que les industriels font la traite des blancs ! M. Lecerf présente une objection contre le système des cor- poHARS libres proposé par M. de Lafarelle , et dont M. Zu- ber s’est fait le défenseur. En dehors de chaque corporation, il y aurait des artisans qui n’auraient pas reçu d'éducation professionnelle, qui chercheraient à produire au rabais et qui, en se ruinant, ruineraient leurs concurrents. Tous les abus actuellement existants seraient maintenus. M. Zuber entre dans quelques développements sur le sys- tème de M. de Lafarelle, qui cherche à encourager l’adjonc- tion dans les corporations par la concession de priviléges. Par exemple , les membres de corporations seraient seuls éligibles au conseil des prud’hommes ou au syndicat, seuls ils pour- raient prendre sur leurs enseignes la qualification de maîtres. La discussion est ouverte sur la quatrième question du Programme : Quelle influence lesystème des douanes allemandes a-t-il exercée sur l’industrie, sur le commerce et sur l’agricul- ture des contrées qu’il a successivement englobées © Quelle influence ce système a-t-il exercée sur les relations interna- tionales de la France et de l’ Allemagne? Et sur quelles bases pourrait-on négocier un photon entre les sys- tèmes douaniers des deux pays ? M. le baron de Wedekind, forcé de quitter Strasbourg, a mis ses idées par écrit. Le Secrétaire donne lecture de cet apercu. M. de Wedekind établit que les résultats de l” association des douanes allemandes ont surpassé toute attente. Gelle in- fluence favorable ne s’étend pas seulement sur le commerce et l’agriculture, mais aussi sur l'esprit national. L’associa- 514 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. tion des douanes n’a pas eu pour but de créer un système de prohibition, mais de resserrer l'alliance entre tous les États de la confédération germanique. M. de Wedekind a observé avec regret la tendance de la chambre des députés de France à élever les tarifs protec- teurs, et il termine par le vœu formel que la France renonce au système prohibitif, et consente à traiter avec l’association allemande sur le pied d’une parfaite réciprocité. M. Schatienmann formule une proposition ainsi conçue : Le Congrès scientifique exprime au gouvernement le vœu que toutes les prohibitions soient levées d’une manière absolue et remplacées par des droits protecteurs, et que tous les tarifs cxagérés soient abaissés dans une juste mesure, M. Schattenmann ajoute que, dans sa pensée , toute pro- tection dépassant 15 à 20 p. cent de la valeur est exagé- rée, mais qu’il convient de né rien formuler de précis à cet égard. ‘ k L’assembléeadopteà l’unanimitéla proposition de M.Schat- tenmann. M. D. Dollfus, fabricant à Mulhouse, remercie l'assemblée de la décision qu’elle vient de prendre. ; Il est nécessaire de lever les prohibitions; car, c’est du système prohibitif que proviennent et le malaise des ou- vriers ct celui des autres agents de la production. Ainsi, pour citer un exemple, il y a peu d’années encore on ne pouvait acheter de coton qu’au Havre, et les spécu- lateurs de ce port de mer faisaient la loi à tous ceux qui avaient besoin de cette matière première. Aujourd’hui le filateur est maître du marché français et impose ses lois au tissage. Celui-ci, à son tour, a le monopole de l’approvi- sionnement des fabriques d’indiennes, et celles-ci ne se sou- tiennent que grâce au savoir-faire des fabricants; ils ont pour eux le goût, la pureté du dessin, Péclat du coloris, avantages que nulle autre nation ne pourra jamais leur enlever. M. Persoz abonde dans les mêmes vues, et indique les fâcheuses influences que les droits et tarifs exercent sous des points de vue différents : / DIXIÈME SESSION. 315 1ælls élèvent le prix des matières premières et des den- rées de consommation. Le pays de Bade avait autrefois le sucre à la moitié du prix que l’on paye maintenant. °. Ils arrêtent l'essor de l’industrie; celle des fers, par exemple, en est encore aux procédés en usage il y a quel- ques siècles. 3. Ils poussent à la création d’ nas anormales. L’ex- traction du sucre de la betterave sera toujours désastreuse partout où le combustible ne sera pas à très-bon marché. 4. Ils provoquent les crises commerciales. Dans le Haut-Rhin, les filatures et les tissages ont cette année réalisé de très-beaux bénéfices; les fabriques d’in- diennes sont en perte. En Suisse il n’existe rien de semblable. 5. Ils ont une influence démoralisante, puisqu'ils excitent certains individus à enfreindre les lois. M. Schattenmann établit la différence qui existe entre les tarifs protectears qui servent à nous défendre de l'invasion de produits similaires de ceux que nous fahriquons, et les droits de consommation qui frappent les cafés, par exemple, et qui sont un impôt parfaitement bien établi. Le commerce n’est que l’échange de divers produits les uns contre les autres : si nous ne vendons pas nos vins, c’est que nous refusons les marchandises que les autres nations auraient à nous offrir. Du reste, il ne faudrait pas procéder par coups d’État ; les industriels qui, sous la foi de la législation existante, ont engagé leurs câpitaux dans certaines industries, ont droit à quelques ménagements. M. le Met Buss annonce qu’il parlera sur la qua- trième question dans la séance de demain. M. le Président donne lecture de la sixième et de la hui- tième question. Personne ne demandant la parole, on passe à la onzième question, ainsi conçue : Quelle est l’influence du prix des denrées alimentaires sur le mouvement de la population ? M. Lecerf demande quel est le sens de celte question. Il y à quelques siècles , le prix des denrées alimentaires n’était 516 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. : pas le même qu'aujourd'hui: mais dira-t-on que le pain qui valait un sou autrefois est plus cher maintenant qu'il est à trois sous ? Évidemment une telle induction serait complé- tement fausse, Quelques membres prennent encore part à la discussion, et on finit par tomber d’accord sur ce point que la onzième question , dans les termes où elle est posée, ne présente pas un sens tout à fait clair. Sur la douzième question. Quelle influence exerce le chiffre de la population tant sur le salaire des ouvriers que sur le prix des objets de pre- mière nécessité ? M. Busch déclare qu’il se bornera à quelques observations succinctes - touchant la France et la Grande-Bretagne. Sans vouloir nier le danger de la crise qui menace ce dernier pays, M. Busch pense que c’est bien moins l’excès de sa population que l’inique répartition des produits de son travail, jointe à d’autres causes purement accidentelles, qu’il faut accuser. Et malgré ce vice radical de la société anglaise, le sort du tra- vailleur s’est constamment amélioré, non pas toujours à la vérité d'année en année, car il y a des années de disette , mais de siècle en siècle. L'on voit, dans Adam Smith, quelle a été jusqu’en 1775 d’une part la hausse des salaires et d'autre part la baisse des objets indispensables à la vie. Des données analogues se trouvent reproduites dans plusieurs articles de la Revue britannique. Elles servent à compléter ce qu'a dit Adam Smith, en nous montrant depuis 1775 jusqu’à nos jours, la marche cons- tante et progressive de ce double mouvement. Il ne restera plus qu’à comparer à ce mouvement celui des chiffres de la population et la con- clusion sera facile à tirer. Pour suivre cette même progression en France, il faut prendre notre pays à l’époque de la renaissance, pouvant à peine nourrir ses quinze millions d'habitants, avec ses artisans confinés dans de chétives masu- res, qu'aucun vitrage ne protégeait contre la rigueur des hivers, avec ses ouvriers privés-de souliers, de bas, de chemises même. Il faut voir, dans l'Essai sur les monnaies, par Dupré de Saint-Maur, le bas prix des salaires à cette époque et leur augmentation successive. «A ces misères lentement effacées, opposons, dit M. Busch, le dis- «cours prononcé le 22 novembre 1840. au Conservatoire des arts et ma- «nufactures, par M. Ch. Dupin, pour l'ouverture du cours de statistique, «etnous saurons qu’en 4840, avec 35 millions d'habitants, il yavait6 mil- «lions de propriétaires en Franceet par conséquent 24 millions d'hommes - «participant à la propriété foncière, en admettant 4 personnes par fa- «mille; que 188 millions de francs se trouvaient en dépôt dans les DIXIÈME SESSION. 517 «caisses d'épargne, dont 67 pour Paris et 121 pour les départements. «Nous saurons enfin que la mesure la plus infaillible de la prospérité «d’un peuple étant la vie moyenne des individus qui le composent, en «ne remontant qu’à l’année 1790, quand la France comptait environ «25 millions d'habitants, on trouve qu’il mourait alors le trentième de «la population; et actuellement qu’elle en compte 35 millions , il n’en «meurt plus que le quarantième, ce qui représente un accroissement de «10 années sur Ja vie moyenne des Français! Voilà des faits positifs «qui suffiront peut-être déjà pour répondre à la question posée par le «Programme.» La séance est levée à neuf heures et demie. Onzième séance. — Du.6 octobre 1842. SOUS-SECTION D’AGRICULTURE (4° SÉANCE). Rapporteur : M. MARCHAL fils, Secrétaire. La discussion est ouverte sur cette question : En adoptant le projet développé par M. de Caumont pour la confection d’une carte agronomique de la France par dé- partements, quel serait le mode de notation préférable pour indiquer les assolements et les cultures ? M. de Gaumont, Président du Gongrès, expose à l’assemblée qu’une carte géologique de France a été terminée l’année der- nière, mais que nous n’avons pas de travail satisfaisant sur la géographie agricole du royaume. Il importe d'entreprendre un travail complet sur cet objet et de dres- ser une carte agronomique de la France par départements; il donne ce nom à une carte géographique qui offrirait, soit au moyen de teintes diverses, soit au moyen de signes conventionnels, les limites approxima- tives des régions’ agricoles et l'indication des principales cultures ap- propriées à ces terrains. On conçoit que dans l'appréciation des terrains et des productions qui leur seraient le mieux appropriées, on devra toujours apporter beaucoup de réserve et souvent s’en tenir à des gé- néralités. Les énonciations devront toujours être modifiées par une quantité considérable d’exceptions. Ainsi les zones argileuses qui, dans la plupart des départements de l'Ouest, forment la base des ré— 518 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. gions herbifères , renferment aussi des terrains labourés; des herbages se trouvent enclavés dans les régions les plus éminemment granifères; il n’y a rien d’absolu dans la nature et à plus forte raison dans les faits que la culture, l'industrie et la volonté de l’homme tendent perpétuel- lement à modifier. Toutefois on sait que les régions agricoles ont des limites assez nettement déterminées, qu'il existe des rapports entre le sol meuble et la nature des roches inférieures ou du sous-sol, et que par suite les régions agronomiques correspondent jusqu’à un certain point aux régions géologiques. Le rapport incontestable, au moins en général, entre le sous-sol et le sol meuble, montre combien l’étude de la géologie peut être utile à l’agronome; il prouve en même temps que la détermi- nation des roches et de leur étendue doit servir de point de départ pour la détermination des régions agronomiques. Pour entreprendre avec succès une carte agronomique, il faut donc avant tout faire une carte géologique. M. de Caumont présente une carte du département du Cal- vados, dans laquelle les diverses régions dont il s'agit sont désignées par autant de couleurs différentes, et à laquelle se trouve annexée une table explicative des signes conventionnels employés. M. Schattenmann reconnaît l’ulilité d’un travail semblable et dit qu’on avait déjà conçu quelque chose d’analogue pour le département du Bas-Rhin , où la culture est mise en rap- port avec la nature du sol. Il établit qu’une carte géologi- ue pourrait servir de base au classement des terres. M. Zeysolff, agronome à Roville , dit qu’une carte de ce genre a été faite pour le royaume de Wurtemberg, qu’elle était en relief, d’une grande exactitude, et que les différents terrains y étaient indiqués par des nuances tranchées. M. de Caumont ajoute qu’il serait bon de signaler les dif- férentes variations dans les assolements. M. Bonnet expose qu’il s’est occupé d’une manière spé- culative de la confection d’une carte semblable par com- mune, que l’état du cadastre eût servi de point de départ, qu’ensuite on aurait fait une çarte géologique , puis une carte agronomique , et qu’enfin on y aurait joint la statistique. M. Schattenmann établit qu’en Alsace les cartes seraient faciles à faire à cause de la différence tranchée de la nature des terrains suivant certaines zones. M. Zeysolff ne pense pas que l’analyse chimique des terres des différents cantons soit facile en raison des influences qu’elles recoivent de diverses conditions. M. Mathieu ajoute que ces cartes seraient plus complètes Pres DIXIÈME SESSION. 019 sielles mentionnaient certaines hauteurs et les expositions, M. Bonnet croit qu’il serait utile que le ministre saisit les conseils généraux de cette question. M. Couturat objecte qu’il faudrait au préalable avoir un plan à offrir pour point de départ. M. de. Caumont propose de déclarer que les cartes agro- nomiques sont bonnes , et qu’il est utile d’en encourager la confection. M. Schattenmann pense que la carte agronomique est le complément de la carte géologique; cette dernière étant admise , il faut demander l’autre comme complément. M. Persoz reconnaît l’utilité de cartes semblables. Il pro- pose de demander au gouvernement qu’elles soient établies sous le rapport agronomique. Un membre ajoute qu’elles peuvent favoriser les opéra- tions cadastrales pour le classement des terres. La question ainsi posée est admise. On passe à la discussion de la question suivante : Quels sont dans les laiteries les vases qui conviennent le mieux au développement de la créme ? M. de Caumont expose que dans les laiteries on a remar- qué que certaines poteries sont plus avantageuses que d’au- tres pour la production de la crême , et que celles faites avec les argiles du grès bigarré semblent être les plus convena- bles ; il demande à être éclairé sur ce point. M. Zeysolff dit qu’il faut être attentif à la forme de ces . vases. Sous ce rapport, ceux qui sont plats, peu élevés, lui semblent les plus propres à cet usage. Ceux en argile et en grès sont plus imperméables; il donne la préférence à ces derniers, qui sont moins poreux , s’imprègnent moins de substances étrangères , et prêtent par consiquent moins à la fermentation acide. Il recommande le lavage de ces vases avec de l’eau chaude, et leur exposition à l’air pour en opé- rer la dessiccation. M. Mathieu croit que les pots de grès ou d’argile sont en effet les plus convenables; mais il pense que la matière dont ces vases sont formés a moins d’inflaence sur la séparation 520 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. de la crême que leur conformation ; il préfère ceux qui sont larges et évasés. Il demande ensuite si les récipients en zinc que l’on a préconisés offrent effectivement des avantages , et si, en raison de leur nature métallique, il ne peut y avoir du danger à s’en servir. M. Persoz répond qu'il regarde les vases de zinc comme dangereux ; d'abord, parce que certains zincs du commerce renferment de l’arsenic, et ensuite , parce que ce métal, en s’altérant, donne naissance à des composés salins qui agis- sent sur les organes digestifs à la manière de l’émétique. . Ce même membre, tout en faisant remarquer que la forme des vases et la nature de la terre qui les constitue peuvent exercer une influence sur la séparation de la crême d’avec la partie séreuse du Jait , ajoute qu’on peut rendre cette-sépa- ration plus prompte , en introduisant quelques grammes de sel marin par litre de lait chaud. Selon M. Persoz, il se passe dans celle circonstance un phénomène de l’ordre de celui qu’on observe dans une solution de savon ordinaire, qui, de très-soluble qu’il est dans l’eau , devient insoluble si l’on y ajoute du sel marin. L'ordre du jour est la suite de la discussion des questions insérées au Programme. La séance est levée à une heure et demie. Douzième séance. — Du 7 octobre 4842. Rapporteur : M. Cx. BoERsCH , Secrétaire. La quatrième Section du Congrès scientifique a consacré sa séance de ce jour à la question de l’Associationdes douanes allemandes. La plus grande partie de la séance a été occupée par un discours en langue allemande de M. le professeur Buss, de Fribourg, qui a présenté avec autant de clarté que d’élo- quence et avec une grande justesse de vues le développement historique et le but industriel et national du Zollverein. DIXIEME SESSION. 3521 L’analyse de ce discours présentée en langue francaise par le secrétaire de la Section se résume dans les termes suivants : &M. le professeur Buss, de Fribourg, déclare qu'il se bornera à des considérations générales. QÀ sa naissance, l'Association douanière a rencontré des obstacles de toute espèce. Elle avait à vaincre non-seulement les préjugés du dedans, mais encore le mauvais vouloir des nations étrangères. «La Russie , qui possède un système de centralisation très-compacte, voyait d'un œil jaloux la tendance de l’Allemagne à se fondre en une unité vraiment nationale, qui pouvait lui faire perdre de son influence. Elle a exercé des représailles en renforçant son système prohibitif, «L’Angleterre a vu principalement dans l'Association une œuvyrein- dustrielle et commerciale; mais elle pensait, comme le disait lord Pal- mersion, qu’au premier coup de canon tiré èn Europe, le Zollverein tomberait. C'était là une erreur. «L'idée française est prisede plus haut, mais elle n’est pas moins er- ronée. La France pense que c’est une œuvre politique , une association de beaucoup d’États qui se sont centralisés pour donner à l'Allemagne une plus grande influence dans la balance des destinées de l'Europe. De là nécessité pour la France de lui opposer une association semblable pour la paralyser. Erreur! le Zollverein est tout allemand de caractère, et il est encore loin d’être général : il ne comprend ni l'Autriche, ni le Ha- novre, ni le Mecklenbourg, ni les villes anséatiques. Comment dès lors peut-on le considérer comme une association de Ja politique allemande? On se fait une fausse idée de l'organisation allemande, L'Allemagne est composée de trente-huit États, divers de croyances religieuses et d’ins- titutions, réunis par un lien commun, la confédération. Ces États ont même histoire, même origine , même volonté : ils ne sont que les mem- bres du même corps. Ce n’est donc pas une association de nations diffé- rentes comme le seraient la France et l'Espagne. C’est toujours l’Alle- magne, l'unité allemande qui n’est pas même comprise tout entière dans le Zollverein. Comment donc la France peut-elle croire nécessaire de lui opposer une association qui comprendrait la Hollande, Ja Belgi- que , l'Italie, la Suisse ? Non: l'Allemagne n’a fait que ce que la France a fait il y a cinquante ans: elle a aboli les barrières intérieures pour se réunir en une nation. «Du reste, on ne doit pas s'étonner des préjugés qui règnent au dehors, quand on voit que l’Allemagne elle-même a mal jugé le Zollverein. La Prusse ayant créé l'association à pas lents et graduels , il devait arriver qu'on la SOupconnât d'arrières-pensées ambitieuses. Mais dix ans ont suffi pour rectifier les idées. ; «Qu'est donc, en effet > l'Association allemande? C'est une union des États de l'Allemagne pour l'abolition des douanes intérieures et l’éta- blissement d'un système protecteur favorable à l'industrie allemande. « Cette association a poursuivi les résultats suivants : «Fonder l'unité allemande par l'abolition des douanes. 21 522 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE, « Augmenter les revenus douaniers. «Protéger l’industrie. «Faire prévaloir l'idée de nationalité, qui, du reste, n'a paru que dans ces derniers temps. «M. le professeur Buss entre dans l'exposition historique de l'Asso- ciation. Après lés guerres de la révolution et de Fempire, l'Allemagne était épuisée. L’Angleterre, qui voit avant tout la question commer- ciale, même dans la propagation de l’évangile, paya le sang allemand par des marchandises anglaises. La France engloba l'Allemagne dans - le système continental, et lorsque le jour de la délivrance arriva, toutes les sources de la production étaient taries. «L'Allemagne, ce pays des études silencieuses, s'était pénétrée len- tement des principes d'économie politique de l'Angleterre, qui préco- nisait en même temps la liberté de la pensée et celle du travail. C’est dans cette disposition des esprits que furent conclus les traités de Paris et de Vienne. Mais le système adopté était hasardé. La liberté peut être absolue dans le domaine de l'intelligence, elle est au contraire limitée par les faits dans le cercle des intérêts matériels. L'Allemagne était trop faible pour soutenir la concurrence étrangère, et elle courait à sa ruine. La Prusse le comprit d’abord. Elle établit. la liberté commerciale en théorie , etadmit les restrictions dans la pratique. Son exemple trouva des imitateurs. Quelques États isolés seréunirent pour former l'Association douanière; en 1820 ils commencèrent à délibérer en commun, sous les auspices de la Prusse. Cette puissance se chargea d’organiser l’union. Après avoir échoué devant la diète, elle se mit à agir par elle-même. Le cercle s’étendit peu à peu et aboutit au point que nous voyons au- jourd’hui. «Le principe de l'association est celui du tarif prussien de 1818. Une liberté commerciale absolue est une chimère, mais une chimère dont il faut se rapprocher le plus possible. Avec la liberté absolue il n’y a pas moyen de résister à la France et à l'Angleterre : mais il ne faut pas non plus que les droits soient tellement élevés que l'Allemagne s’en— dorme à l'abri de leur protection. Bref, le système est et doit être tel qu’il puisse faire de larges concessions à toute nation qui viendra au devant de lui. «L'Association manque d’un gouvernement permanent : il faudrait le constituer. Il faudrait encore modifier la distribution des voix : il n’est pas juste que Nassau, par exemple, ait la même influence que la Prusse. L'on devrait centraliser les canaux et les chemins de fer, réorganiser la poste, réformer le système des patentes et la législation commerciale. Pour compléter l’union, il est indispensable d'arriver à la mer. L’AI- lemagne a deux fleuves, le Rhin et le Danube, deux grandes artères pour communiquer avec l'Océan et la mer Noire. Qu'elle exploite les avantages de sa position, qu’elle crée une marine allemande, qu’elle in- corpore au Zollverein le Hanovre, le Mecklenbourg , les villes anséati- ques et même l'Autriche pour contrebalancer l'influence de la Prusse. Voilà l'avenir que la nation pressent et qui a commencé à se réaliser. L'union industrielle deviendra une union nationale. DIXIÈME SESSION. 325 «Les conséquences heureuses du Zollverein sur le développement de l’industrie allemande sont assez claires pour qu’il ne soit pas nécessaire de s’y arrêter. Mais quels seront lès résultats au dehors? On ne peut se dissimuler que les relations avec l'Angleterre, avec la Russie, avec la France, ne souffrent de l'établissement du nouvel ordre de choses. Néanmoins tous les matériaux sont prêts pour cimenter une union du- rable avec la France. : «Abolissez vos prohibitions , abaissez vos tarifs, et nous vous imite- rons. Nous avons été obligés de nous protéger. Mais notre principe est de suivre toutes les concessions sur les bases de la réciprocité. Le rap- prochement entre la France et l'Allemagne est donc beaucoup plus facile qu’on ne pense. «Nous avons sauvé notre industrie, dit en terminant M. Buss » Nous avons conquis notre nationalité allemande, Est-ce une raison pour nous placer en hostilité contre la France ? Si la terre ne peut pas porter deux Alexandre, elle peut porter deux grandes nations également fortes et puissantes, animées d’une noble rivalité pour le développement pro- gressif de la civilisation. » Sur la proposition de M. Eug. de Dietrich, ancien dé- puté, la Section décide à l’unanimité qu’elle priera lé Gon- grès scientifique «d'exprimer au gouvernement le vœu de le voir entrer en négociations avec l’Association douanière alle- mande, et baser ces négocialions sur un système de conces- sions réciproques. » Treisième séance. — Du 3 octobre 1822. SOUS-SEOTION D'AGRICULTURE (4% SÉANGE). Rapporteur M. MARCHAL fils, Secrétaire. M: Bickes , négociant à Castel, près Mayence, donne lec- ture d’un mémoire sur la manière dé cultiver les terres sans engrais , dans lequel il cherche à établir que les plantes ainsi cultivées acquièrent plus de développement, en même temps que leurs produits sont plus doux et plus savoureux. Il ex- prime l’intention qu’il a d'employer les bénéfices de son en- reprise à l'établissement d’une école-modèle gratuile d’agri- culture, soit en France , soit en Allemagne. M. Mathieu fait observer que M. Bickes n’initiant pas la 21 524 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Section aux moyens qu'il met en usage, l’exposé qu’il vient de faire ne peut être envisagé que comme une annonce. M. Bonnet dit qu’une commission prise au sein du Con- grès de Mayence, a déclaré que le procédé dont il s’agit fa- vorisait le développement des plantes, mais avait pour ré- sultat l’épuisement du sol. La Section se borne à prendre acte de la communication du mémoire de M. Bickes. L'ordre du jour appelle la discussion sur la neuvième ques- tion, ainsi posée : Quels obstacles s'opposent en Alsace au défrichement des terrains communaux vagues, et quels avantages les com- munes pourraient-elles retirer de ce défrichement ? En l’absence de M. Schwind, auteur d’un mémoiré sur cette question, M. le Secrétaire donne lecture de ce mé- moire. ox M. Schwind fait remonter la régénération de l’agriculture en Alsace au décret de l’empereur, qui, en 1813, détermina la vente des biens communaux, Une grande étendue de terrains jusqu'alors improductifs fut convertie en prairies ou en terres arables, et devint ainsi féconde. Depuis cette époque, le produit des terres a sensiblement augmenté * par l'introduction de bonnes méthodes de culture, d'instruments avan- tageux, et par la nécessité de faire produire au sol tout ce qu'il est sus ceptible de rendre. M. Schwind démontre qu’il existe encore dans le Bas-Rhin beaucoup de terrains incultes, soit dans la plaine, soït dans les montagnes. Il attribue les obstacles qui s'opposent au défrichement des communaux moins au défaut de bon vouloir des habitants qu’au défaut d'énergie et de moyens de persuasion de l'autorité. Il propose de faire défricher les terrains incultes des côtes et des montagnes, pour les plan- ter en forêts-taillis de chênes, érables, acacias, etc. Le défrichement s’opérerait par lots répartis entre les habitants pauvres, à la condition de l’effectuer. Ils trouveraient leur salaire dans la concession gratuite du fonds pendant une série d'années déterminée. A l'expiration de la jouis- sance gratuite, les plantations à faire par les communes réussiraient d'autant mieux qu’elles se feraient sur un terrain rendu meuble. Quant au pâturage en plaine, après avoir signalé les inconvénients et les pertes qui en résultent, il propose de convertir les terrains sur lesquels il 1 M. Bickes nous ayant soumis depuis cette séance des pièces qui justifient l'accueil favorable fait à son procédé au Congrès de Mayence, le Secrétaire de la Section d’a- griculture croit devoir en faire mention dans cette note. DIXIÈME SESSION. 525 s'exerce, en prairies et en terres arables, de les louer par lots à bas prix, pour arriver à une culture soignée. M. Schattenmann abonde dans le sens de M. Schwind. Gependant il expose que le principal obstacle siége dans la loi de 92, dont il réclame l’abrogation , afin de faire rentrer les communaux dans le droit commun. M. Bonnet dit que c’est une question administrative. Il partage l’avis du préopinant sous le point de vue agricole , en reconnaissant les inconvénients du parcours. Mais il établit que la loi sur les attributions des conseils municipaux investit ceux-ci, en vertu de l’art. 19, d’un pouvoir suffisant, et cite à l'appui de ce qu’il avance ce qui. s’est passé dans le département du Doubs; sous l’administration de M. Victor Tourangin. Il conclut que la commune est libre, qu’elle est dans son droit , et qu’elle peut amodier pour un temps quel- conque. M. Schattenmann n’a pas. entendu contester les attribu- tions des conseils municipaux , mais il maintient qu’il existe une loi qui empêche l’administration supérieure d’autoriser les communes à changer le mode de jouissance. M. Persoz fait remarquer que toutes ces propositions ten- dent à faire annuler le pâturage, pour r’avoir plus que des ierres arables et des forêts. Il se demande si une telle dis position n’aura pas d'influence sur la reproduction des bes- tiaux. Il faut, dit-il, de l’air et de l’exercice aux élèves. M. Chrétien objecte que cette considération se rattache à une autre question du Programme ,.et qu’il se réserve d’y répondre. Lost 9 M. le Président résume la discussion ; et démande si la Section veut exprimer le yœu de supprimer les terrains va- gues , et de réclamer auprès du gouvernement pour le pou- voir administratif la faculté derésister.aux mauvais penchants des communes à cet égard. sky 'e M. Schattenmann reproduit la proposition qu'il a émise d’abolir la loi de 92. M. le Président la met aux voix: elle est rejetée. Le vote suivant sanctionne celle de M. le Président. Les sixième, septième, huitième et douzième questions 526 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. insérées au Programme sont successivement présentées à la discussion , et personne ne réclamant la parole, on passe à la neuvième question du Programme supplémentaire : Établir les moyens de nourrir les animaux à l’étable, et faire connaître les avantages qui en résulteraient pour le propriétaire et pour l’agriculture. M. Chrétien lit un mémoire dans lequel il présente quel- ques considérations qui se rattachent à ce sujet. Il se prononce pour la nourriture du bétail à l’étable : de cette ma- nière, dit-il, le produit des prairies reste intact et devient même plus considérable; les animaux rendent davantage, donnent plus de fumiers, et leur santé s’en trouve mieux, puisqu'ils ne sont point exposés aux intempéries de l’air. Il ne fait d'exception que pour la race chevaline. Il cite à l’appui de son opinion la conduite des agriculteurs dans plu- sieurs pays avancés en agriculture, tels que la Bavière rhénane, M. Bonnet monte à la tribune pour reconnaître la vérité de ce qui vient d’être lu à l’assemblée , et l’appuie de quel- ques exemples puisés dans son expérience pratique. M. Chrétien fait observer que le pacage du bétail est con- traire à l’emploi de l'irrigation. M. Mathieu lit un mémoire dans lequel il corrobore les faits énoncés dans celui de M, Chrétien , et termine par des con- sidérations sur les avantages de l’emploi du sel comme con- diment dans l’alimentation des animaux. Il attribue à cette pratique les succès qu’il a obtenus dans plusieurs épizooties ; il conclut à ce que le Congrès émette le vœu que le gouver- nement prenne des mesures pour diminuer l’impôt du sel dans l’intérêt de l’agriculture. M. Bonnet a la parole sur la dixième question : Quels sont les procédés agricoles ou les méthodes d’agri- culture qu’il serait important à la France d'importer de la Suisse, de l’ Allemagne ou de quelques autres pays voisins P Get honorable membre appelle l'attention des membres du Congrès sur cette question, el demande si c’est à l’aide de procédés nouveaux ou par l’extension des prairies artifi- M DIXIÈME SESSION, 327 cielles et naturelles qu’on arrive à l’amélioration de l’agri- culture ? M. Schattenmann rend hommage à la culture de l’Alsace et du Palatinat. C’est aux bonnes praliques et aux soins que l’on y met, en raison de la division de la propriété, qu’on doit les heureux résultats obtenus dans ces contrées. M. Grosz rapporte que dans la Bavière rhénane l’on a de- puis quelques années défendu la vaine pâture , et que depuis cette époque la culture s’y est améliorée d’une manière sen- sible. La discussion est ouverte sur la onzième question, M. Bon- net propose d’y joindre la douzième. Elles sont ainsi conçues : Un ministre spécial serait-il utile à la prospérité de l’a- griculture P Peut-on organiser des moyens protecteurs de l’agriculture et de l’économie rurale et publique? Dans ce cas, en quoi con- sisterait cette organisation P Après quelques considérations à l’aide desquelles M. Bon- net fait ressortir les avantages que procurerait une adminis- tration spéciale et protectrice dans le département de l’agri- culture, il conclat qu’il n’est point opportun d’émettre de vœu à cet égard, puisqu'il n’y a pas encore de service organisé. On passe à la treizième question : La police rurale étant généralement mal faite, à quels moyens faut-il recourir pour que toutes les récoltes aient protection P Après le développement de ses vues sur cette question, M. Bonnet exprime le vœu que le gouvernement veuille bien prendre les mesures nécessaires pour qu’une organisation de police rurale ait lieu , de manière que chaque canton ait son commissaire de police et des gardes champêtres sous ses ordres. - La proposition est adoptée à l’unanimité. La Section procède par voie de scrutin à la nomination des trois commissaires chargés de représenter la Section à la #Gommission pour l’organisation de la Société encyclopédi- que dite des bords du Rhin. 528 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. MM. Hepp, Couturat et Bærsch réunissent la pluralité des suffrages. La séance est levée à onze heures. Quatorzième séance. — Du 9 octobre 1842. Rapporteur : M. MARCHAL fils, Secrétaire. M. Kosegarten , professeur de Bonn, remercie la’ Section de l’honneur qu’elle lui a fait en l'appelant à la vice -prési- dence; alléguant le peu de facilité qu’il dit avoir à s’énoncer en français , il: prie-M. Bonnet de vouloir bien présider l’as- semblée. M. Bonnet accepte les fonctions de Président , et, à son tour, offre à la Section l’expression de sa gratitude. Le procès-verbal est lu et adopté. M. le Secrétaire donne communication d’une lettre que M. Émile Dollfus a adressée à M. le Vice-président Couturat, et par laquelle il exprime le regret de n’avoir pu continuer à partager les trayaux de la Société. La parole est à M. Imlin, médecin vétérinaire. M. Imlia lit un mémoire sur les rapports de la médecine vétérinaire avec l’agriculture, sur la cause de la pénurie des vétérinaires dans le département du Bas-Rhin et sur l’orga- nisation de la médecine vétérinaire civile. L'auteur commence par établir l'influence que la médecine vétéri- aire peut et doit avoir sur l’agriculture, la position subalterne où se trouvent placés ceux qui exercent cet art dans l’armée, et les concur- rences bumiliantes qu'ont à subir les vétérinaires civils de la part des guérisseurs et des empiriques ; il constate ensuite, à l’aide d’un relevé statistique , l'insuffisance, des vétérinaires dans le Bas-Rhin. Il a soin d'indiquer les causes de cette insuffisance et les moyens d'y remédier. Il réclame, à cet effet, une loi sur la répression de l’empirisme et sur l’organisation de la médecine vétérinaire civile, par l'institution de vé- térinaires départementaux, d'arrondissement et de canton. M. Schattenmann, tout en reconnaissant la justesse des vues de M, Imlin, pense qu’il serait difficile d’obtenir une loi, sur cette malière, puisque tant d’autres projets de loi plus DIXIÈME SESSION. 529 importants n’ont pas encore eu de solution. Il demande s’il y a en France un nombre de vétérinaires suffisant pour pou- voir interdire l’exercice aux guérisseurs, et si sous ce rapport la tolérance dont ils sont l’objet n’est pas dictée par une né- cessité impérieuse. Il pense qu'il serait plus opportun que le département tournât ses vues vers l’associslion des com- munes pour la rétribution des vétérinaires. M. Imlin demande le maintien de sa proposition. Après une discussion assez animée à laquelle prennent part plusieurs membres , M. le Président soumet à l’assemblée la proposition de M. Imlin, tendant à ce que l’on sollicite le gouvernement de s'occuper d’une loi organique sur l’exercice de la médecine vétérinaire en France, et la nomination de vétérinaires par communes , par arrondissements et par dé- partements. La Section adopte cette proposition. La parole est à M. Chrélien sur la question suivante: Les plantations d'arbres fruitiers où autres sur ‘les bords des chemins sont-elles nuisibles à ces chemins , ét neéConvien- drait-il pas dans les intéréts agricoles de lès’ supprimer P M. Chrétien entre dans;tous les développements que comporte la matière sous le rapport de l’horticulture, de la sylvicure et de l’agri- culture , et en raison des pertes que l'arbre fait éprouver à l’agriculteur et la dégradation des chemins qui résulte de sa présence, conclut pour laffirmative. Il croit qu’il est utile d'engager le gouvernement à faire une étude approfondie de cette question. M. Imlin, se basant sur ce qui a lieu en Alsace et dans le grand-duché de Bade , croit qu’il est nécessaire d'établir une distinction entre les plantations des arbres fruitiers et celles des autres arbres. Il admet que les produits des arbres à fruits compensent amplement les pertes auxquelles teur PRES peut donner lieu. Après quelques considérations présentées par divers mem- bres, M. Bonnet propose d'émettre le vœu que le gouverne- ment , dans ses dispositions réglementaires sur les plantations des chemins, est prié de prendre en consid ération l’utilité de l’emploi des arbres fruitiers. 550 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Celle proposition est adoptée. L'ordre du jour appelle le développement, par M. Jullien, de Paris, Vice-président du Congrès, de la dix-seplième ques- tion du Programme supplémentaire. Il cède son tour de parole à M. Busch, inscrit pour la vingt-sixième question, ainsi conçue : Les idées de Malthus sur la population sont-elles fondées en principe? Son système'est-il susceptible d’une application quelconque à l’économie sociale ? M. Busch regrette que M. le comte de Lencisa, de Gênes, ancien préfet en Piémont , auteur de cette question , se trouve empêché, pour raison de santé, de la soutenir lui-même; il dit que c’est l’ouvrage de Godwin (Recherches sur la justice politique) qui a fourni à Malthus l’occasion de produire sa théorie. «Je suppose, disait-il à Godwin, que vos utopies réussissent. Plus de corruption, de vénalité, d’intrigues. Le vice disparait de la société; la vertu et le savoir règnent en tous lieux; vos plans s’exécutent, vos visions se réalisent. Je vous accorde tout ce que vous me demandez : je veux que la raison et l'opinion publique subjuguent et compriment à jamais l’impétuosité des passions humaines. Hélas! à peine cette per- fection est-elle atteinte, qu’une terrible, une inévitable catastrophe vient renverser votre propre édifice : il n’est facile de le prouver. Le principe de l’accroissement progressif de la population humaine, prin- cipe indestructible, favorisé par la richesse, le bonheur et la vertu qui règneront alors, ne pourra manquer d'acquérir une énergie, une puis- sance inconnues; ses résultats seront terribles. L'espèce, en se multi pliant à l'infini, épuisera les aliments nécessaires à sa conservation. En vain perfectionnera-t-on la culture de manière à ce que chaque pied carré nourrisse son homme; la masse des produits terrestres ne suffira plus à la subsistance publique. Que fera-t-on alors? Le vice et la mi- sère, seuls remèdes à cet état de choses, seuls contrepoids que nous possédons aujourd’hui, reviendront exercer leur influence. La voix de la raison cessera d’être entendue; les passions ressaisiront le sceptre. A la famine succéderont la peste, le carnage, la ruine, infaillibles con- séquences d’un système de perfectibilité indéfinie. La société, par l’effet du principe de la population, tombera tout à coup dans le plus affreux désordre : et la paix, la vertu, la félicité publique n'auront fait que creuser le profond abime de barbarie où le monde ira s’engloutir.» «Voilà l’analyse exacte de la théorie dont il est question. Mais il est facile de voir que ce terrible sÿstème ne repose que sur une pétition de principes. On suppose que la population du globe puisse arriver à un DIXIÈME SESSION. 531 chiffre si élevé que toute la surface de la terre soit cultivée comme un jardin. Or, il est évident qu’une telle utopie ne se réalisera jamais, pas plus qu’elle ne s’est réalisée dans les soixante siècles qui forment notre histoire, car il est de l’essence de l'humanité de marcher continuellement de progrès en progrès, sans jamais pouvoir atteindre la perfection idéale. Supposer cette perfection idéale , pour se donner la triste jouissance de la combattre par les moyens proposés, c’est évidemment tourner dans un cercle vicieux. Dire que plus la population s'accroît, moins les pro- ductions du sol suffisent à ses habitants, est un épouvantail fantastique détruit par l’expérience de tous les siècles. et par la vue des immenses déserts qui n’attendent que des bras plus nombreux pourles féconder !. «Le seul fait de l’existence de ces terres incultes résoudra suffisam- ment la première partie de la question proposée par le comte de Lencisa, et j'ai déjà traité la seconde partie dans la sixième Section, où j’espère avoir démontré que l'effet du système de Malthus, s'il était fondé en principe, serait l’anéantissement de toute idée de Providence et de toute idée de charité. Il serait superflu de répéter ici les mêmes argu- ments, et je terminerai par les nobles paroles prononcées par M. de Lamartine devant l’Académie de Mâcon : «Nous ne sommes point de cette école d’économistes implacables qui «retranchera les pauvres de la communion des peuples, comme les in- «sectes que la société secoue en les écrasant. Nous croyons, nous, et nous «agissons selon notre foi, que la société doit pourvoir, agir, guérir, «vivier, et qu'il n’y a de richesse légitime que celle qu'aucune misère «imméritée n’accuse.» «Je crois done pouvoir répondre aux deux parties de la vingt-sixième 13. B. Say (Cours d'économie politique, Paris 1840, t. I1, 155) démontre très-bien que la France , en perfectionnant partout sa culture selon nos connaissances actuelles , pourrait, sans nouvelles découvertes, et sans avoir recours à l’importation d'aucune sub- sistance , nourrir 66 millions d'hahitants. dE Panton (Métrologie. Paris 1780, 4°, p. 553-555), après avoir établi que la popula- tion de la Terre-Sainte, sous Salomon, devait avoir été d'environ 6 millions d'habitants, démontre que la France , pour être peuplée dans la même proportion, devrait en conte- nir «20 MILLIONS!!! … Mais quel'on compare l’état de cette Palestine antique avec la Palestine actuelle, et on verra que le même pays, qui autrefois non-seulement nourrissait avec profusion son énorme population , mais fournissait encore Tvr et Sidon de blé, de lin, de chanvre, de fruits ; que ce pays, qui exportait jusqu’en Égypte de grandes provisions d'huile et de vin, est aujourd'hui changé en un désert. Les villes sont devenues des villagés misérables ou des amas de ruines. Autrefois tout y était cultivé, jusqu’au sommet des montagnes : au- jourd’hui tout est stérile, Ce n’est cependant pas la terre qui a’ changé, car la terre est restée la même , ce sont les habitants qui manquent à la terre, On pourrait multiplier ces rapprochements ; on pourrait comparer la misère de l’Es- pagne moderne avec la splendeur del’Espagne sous les Maures ; la misère des États romains actuels avec la splendeur del’ancienne Rome ; la misère de la Grèce moderne avec la splen- deur de l’ancienne Grèce : on obtiendra partout la preuve évidente que ce n’est point la fertilité d’un pays qui cause le chiffre élevé de la population, mais que c’est le chiffre élevé qui cause la fertilité, et que partout où ce chiffre diminue, il y a une diminution correspondante dans les produits. 532 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. question du Programme supplémentaire, que les idées de Malthus sur la population non—seulement ne sont pas fondées en principe, mais sont essentiellement destructives des principes qui sont la base de toute société et de toute morale, » M. Buss appuie l’opinion de M. Busch. Il ajoute que la question dont il s’agit est tellement complexe et exige tant d’appréciations statistiques , philosophiques et politiques, qu’il est impossible de la résoudre complétement dans le court intervalle qui nous sépare du terme de nos travaux. M. Mayer, président de l’Académie de Livourne, établit qu’on a trop de tendance à ne s'occuper des faits que sous le rapport matériel et qu’on néglige leur examen sous le point de vue moral, Il révendique pour son pays l'initiative dans l’é- tude de l’économie politique et sociale. M. Jullien , de Paris, a la parole sur la dix-septième ques- tion, conçue en ces termes : L'esprit d'association appliqué à l’édilité publique avec intelligence et persévérance, ne permettrait-il pas d'obtenir, en un petit nombre d'années, dans plusieurs de nos villes, les mémes résuliats d'assainissement, d’embellissement et d'améliorations en tout genre, qui, autrement, ne seraient obtenus qu’après un très-long intervalle de temps par la marche lente et routinière suivie jusqu’à ce jour ? Il rappelle les grands services qu’ontrendus, depuis le com- mencement de ce siècle, les deux sociétés établies à Paris pour l’encouragement de l’industrie nationale et pour l’amé- lioration de l’instruction élémentaire, etd’autres sociétés ana- logues. M.Jullien pense que le même esprit d'association ; appliqué aux diffé- rentes questions d’édilité publique dans nos villes et dans noscampagnes, serait susceptible de produire en peu d'années les résultats d’assainis— sement, d'embellissément étd’améliorations en tout genre, qui, autre- ment, ne seraient que lelent et imperceptible résultat d’un siècle entier ou même de plusieurs siècles. Une Société d'édilité publique, qui formerait un point central où viendraient aboutir et se féconder les observations isolées de beaucoup d'hommes instruits et zélés pour le bien général, serait, dit-il, un auxi- liaire précieux et puissant pour l'administration publique qui recevrait * DIXIÈME SESSION. 335 d'utiles avertissements, qui serait fortement stimulée, qui serait secon- dée par le concours éclairé des bons citoyens. L M. Jullien dépose surle bureau un projet imprimé de fondation d’une société d'édilité publique, susceptible d'être organisée dans nos villes , qui contribuerait puissamment à éclairer et à aider les autorités muni- cipales dans toutes les questions qui intéressent l'hygiène publique et l'édilité. M. Ch. Lauth, docteuren droit, conseiller municipal, doute qu’un pareil projet soit d'accord avec les attributions confé- rées à l’autorité municipale. M. Jullien détruit cêtte objection en affirmant que l’asso- ciation qu’il propose, loin d’être la rivale de l’autorité, n’en serait que l’auxiliaire. IL demande que sa proposition soit prise en considération. Elle est appuyée, puis admise à l’u- nanimité. | M. le Président engage les membres de la Section qui au- raient des communications à faire à prendre la parole. M. Schattenmann appelle l’attention de l’assemblée sur l'utilité du rouleau compresseur appliqué aux travaux agri- coles. Après quelques observations , la Section recommande l'emploi de cet instrument. M. Schattenmann expose ensuite les avantages qu’il trouve à rendre les pommes de terre accessibles à l’air au moyen de couches de païlle interposées entre elles , quand on les récolte à l’état humide: Il signale également les modifications heu- reuses importées dans la nature des fourrages mal fanés lors- qu’on saupoudre de sel leurs différentes couches. M: Jullien demande à présenter quelques développements sur la vingtième question : Un nouveau genre d'industrie agricole, dû au général comte de Chassenon essayé avec succès dans lé grand-duché de Luxembourg , qui consiste à éxtratré, par des procédés chimiques, des baies de l arbuste appelé myrtille, très-com- mun dans quelques-pays du nord, duvin:;rdus vinaigre et de l’eau-de-vie, parait-il devoir étre encouragé par les ad- Ministrations de ces pays cofime un moyen d'augmenter le bien-être des classes pauvres et laborieuses, en leur procu- rant avec un fruit sauvage et presque inutile jusqu’à pré- 554 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. sent une boisson saine, abondante, peu coûteuse et assez agréable? «Cette question, dit-il, porte en elle-même sa réponse. En effet, ÿ a-t-il à hésiter lorsqu'on parvient à tirer d’un frait inutile une boisson salutaire à la classe pauvre, lorsqu'on parvient à trouver dans la nature des ressources inattendues et qui peuvent tourner au profit de la société?» M. Lauth constate que l’eau-de-vie de myrtille est en usage dans la Forêt-Noire et dans les Vosges. M. François Schweighæuser, négociant , ajoute qu’en An- gleterre on fait avec ce fruit une liqueur plus fine que celle connue sous le nom de Kirschwasser. M. Bonnet regrette que l’on ne puisse, faute de renseigne- ments suffisants, exposer avec précision la manière de traiter ces baies de myrtille. M. le Président donne en peu de mots une indication suc- cincte des travaux auxquels s’est livrée la quatrième Sec- tion. Il espère qu’ils n’auront point été sans résultats heureux. Au moment de la clôture de la séance, la Section prie MM. ses Présidents et Secrétaires d’agréer ses sincères re- merciments pour les peines qu’ils se sont données pour me- ner à bonne fin ses nombreux travaux. M. le Président Bonnet réplique par quelques paroles gra- cieuses, et déclare closes les séances de la quatrième Sec- tion. DIXIEME SESSION. QT O1 © CINQUIÈME SECTION. ABCHÉOLOGIE ; PHILOLOGIE , HISTOIRE. Première séance. — Du 29 septembre 18242. Rapporteur : M. CH. BAUM, Secrétaire. Le Secrétaire de la Section ,M. Spach , étant absent pour cause d’indisposition , l’un des secrétaires adjoints, M. Baum, invite assemblée a élire son président et ses trois vice- pré- sidents. Pour éviter toute discussion, la Section décide : 1° que les votes donnés pour la présidence ne compteront que pour la présidence; 2° que l’élection se fera à la majorité relative. Le résultat du scrutin a été le suivant : Pour la présidence : MM. Comarmonp, membre de l’Institut des provinces, ins- pecteur des monuments historiques du Rhône et de l’Ardèche, Secrétaire général de la neuvième Session du Congrès , ...... dnprasal et JBSIVOIX, ROnRBACHER (l'abbé) . . . . . . . : , . . ja DE CaumonT, correspondant de l’Institut . 6 Wannkoœnié, professeur en droit à Fri- bourg . . aol dé ab stèle 6 Le vicomte DE MEtes membre de PAnstitut ee Momnbes 0 vi A RCA" 2 JU 5 Pour la vice-présidence : MM. Bæur, conseiller aulique intime , professeur à l’Université de Heidelberg . . . . . . 35 Ricuerer, Secrétaire de l’Institut des pro- vinces de France, Secrétaire général de la septième Session du Congrès. . . . . 19 556 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. MMléivicomie, pe Gussve ae. et sent, 15 voix. ScmmLuin, professeur au Séminaire diocé- BAD, à 0 0 IR Re 12 Reuss, professeur à la Faculté de Théologie 10 LaunenT, capitaine d'état-major. . . . . 10 Bei, avocat, docteur en droit . , . . . 9 Beck, professeur à l'École normale primaire 6 Baum, professeur adjoint au Séminaire pro- tesiant 5 pere Le 2 6 En conséquence sont proclamés : Président de la Section , M. Comarmond. Vice-présidents : MM. Bæhr, Richelet, vicomte de Cussy. M. le Président Comarmond et M. le Vice-président Bæhr remercient l’assemblée de la confiance qu’elle a bien voulu leur témoigner. L'heure LAURE Vane de , M. le Président lève la séance. Deuxième séance. — Du 50 septembre 1842. Rapporteur : M. Baum, Secrétaire. M. le Président ayant ouvert la séance, M. de Cussy, Vice- président, déclare qu’il a été également appelé à la vice- présidence par la huitième Section. Les beaux-arts étant sa spécialité plus encore que l’archéologie , M. de Gussy croit devoir opter pour la vice-présidence de la huitième Section. Sur la proposition de M. le Président, l’assemblée décide que le membre qui, après les trois Vice-présidents, a obtenu le plus de voix, serait appelé à la place de M. de Cussy. En conséquence M. le Président proclame comme troisième Vice- président M. Schirlin, professeur au Séminaire épiscopal. M. le Président donne ensuite lecture des questions por- tées par le Programme , et invite les membres qui auraient des mémoires à présenter ou des communications à faire sur les questions proposées, à vouloir se faire inscrire au Bureau. M. Jolibois, curé de Trévoux, présente, par l’entremise de DIXIÈME SESSION. 337 M. Monnier un mémoire intitulé : Dissertation sur l’Atian- , tide. M. le professeur Warnkænig propose la question suivante : Quelle était l'étendue des droits temporels des évêques dans l’ancien royaume de France ? Pourquoi n’y at-il pas des princes-évéques en France comme dans l'empire germa- nique ? M. Matile, de Neuchâtel (Suisse), dépose au bureau un plan et une description de Péglise collégiale:de Neuchâtel. M. Daguet , professeur de Fribourg (Suisse); présente-un mémoire sur Guillimann, historien, du dix:seplième siècle, qui le premier a douté de l’histoire de Guillaume Tel], et un autre mémoire sur les [rancs-macons [rébourgeois en à 63, ou Tableau de mœurs et d'histoire du dix-huitième siècle, M. de Launay, professeur de mathématiques à Vendôme, présente un travail de M. de Caumont ; Statistique routière de Normandie, sur lequel il désire prendre la parole. Aucun des membres inscrits pour l'archéologie n'ayant apporté son mémoire , on passe à la philologie. M. G. Bellin, docteur en Droit, de Lyon, donne lecture de son mémoire sur la première question GAS Exposition et appréciation des idées de Platon et d’Aris- tote sur l’origine du langage. M. Bellin insiste d’abord:sur:la difficulté que présente la question-de l’origine et de la nature du langage. Il fait ressortir l'ignorance profonde des Grecs relativement aux sources de leur langue, et dit qu'il faut les chercher dans le sanscrit. Après s'être résérvé de fournir ailleurs la preuve de cette assertion, en réctifiant, à l’aide da sanScrit, les étymo- logies indiquées par Platon, orateur: donne un änalysedu Cratyle, dialogue dans lequel Platon aexposé lathéorielde-senmai tre sur laques- tion de l'origine.et de lanature du langage. M. Bellin passe ensuite à l'examen des idées d’Aristote sut Je même sujet. [l déplore les lacunes qui existent dans les ouvrages du Stagirite, qui ne nous laissent entre voir l’opinion de Ce Srand génié que sous formé de cofollaires et sans développements. Après avoir‘analysé quelques fragments-de' l Hermé- néja et de l'histoire des animaux > fragments dontquelquestuns ne sont pas à l'abri de toute controverse Par rapport à leur authenticité, il ter— mine par cette conclusion : que suivant Platon > les noms ont par eux- mêmes une valeur Propre et absolue, et que le discours peut être com- paré en quelque sorte à une peinture dont les couleurs sont fournies par 22 358 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. la nature , dont elles imitent toutes les modifications et tous les accidents chromatiques ; tandis que le principe contraire, qui admet l'indifférence des noms en eux-mêmes et leur appropriation significative par voie de convention, a servi de base aux vues d’Aristote sur le langage. L'heure étant très-avancée , M. le professeur Lewald , de Heidelberg, ne peut communiquer qu’un fragment de son travail sur la question traitée par M. Bellin. Nous donnerons dans la prochaine séance l’analyse du mémoire de M. Lewald. M. le Président lève la séance. Troisième séance. — Du 4® octobre 18242. Rapporteur : M. BAUM, Secrétaire. Avant de passer aux travaux de la troisième séance, nous nous empressons de donner le résumé du mémoire de M. Le- wald sur la première question de philologie. «Pour apprécier les idées de Platon et d’Aristote sur le langage, a dit le savant professeur , il ne faut pas perdre de vue que l’idée d’une ana- logie intime entre les noms et les objets désignés, principe émis par Platon dans son Cratyle, se rapporte plutôt à l’état de perfectionnement successif qu’à l’origine primitive du langage. Les débats scientifiques sur le Cratyle, dialogue dans lequel le sérieux et l'ironie se trouvent mélés d’une manière étrange, sont loin d’être terminés. La partie la plus faible de cet ouvrage est, il est vrai, celle qui traite des étymolo- gies des mots grecs, pour ne rien dire de quelques indications très- superficielles sur la connexité des différentes langues. Malgré tous ces défauts, provenant en partie de l’imperfection des connaissances philolo- giques et de la tendance sophistique du siècle, cet ouvrage renferme cependant des idées fécondes et lumineuses dignes du génie de son au- teur. Il parle avec vérité et profondeur de la manièreexacte dont les objets doivent être représentés (essentiellement) par le langage, du travail que le dialecticien doit mettre à perfectionner le langage, et de la connais- sance des choses, connaissance qui doit nécessairement précéder la dé- nomination des objets. Platon ne veut pas faire dépendre l'origine des mots du hasard ou d’une convention purement arbitraire; mais 1l est tout aussi peu enclin à embrasser le système opposé qui rapporte l'ori- gine des noms à une certaine nécessité. DIXIÈME SESSION. 559 «Le sentiment d’Aristote paraît assez éloigné de celui de Platon. Sans chercher à découvrir une analogie possible entre les noms et les choses, il observe simplement que.les mots ont reçu une certaine, signification par le consentement général, Aristote pose comme.caractère essentiel dulangage humain la spontanéité avec laquelle il s’est établi. D'après lui, les sons inarticulés des animaux seuls peuvent être attribués à la na- ture; par conséquent le discours ou la phrase ne saurait être considéré comme un moyen naturel servant à exprimer la pensée. Ces obser- vations, poursuit l'orateur, caractérisent l’esprit d'Aristote. Tout ha- bitué qu'il est à manier les plus subtiles abstractions , il se trouve cependant plus disposé à se baser sur l'expérience et sur ce qui est clair et positif qu’à se perdre dans le vague de l’idéalisme, Platon , il est vrai, n'a pas mesuré ses pas avec autant de circonspection que son disciple ; mais malgré tous les détours de sa dialectique, il a saisi le point principal de la question. » Nous arrivons au procès-verbal dela séance du 1° oclo- bre. Le Président ayant ouvert la séance, le procès-verbal est lu et adopté après quelques rectifications. M. de Launay fait une,communication orale sur la Sratis- tique routière de Normandie, par M. de Gaumont. Il croit que cet intéressant travail statistique et archéologique est fait pour exciter l’émulation.des savants et provoquer des écrits semblables sur toutes les autres parties de la France. D’après l’ordre du jour arrêté dans la séance précédente, la parole est donnée à M. de Joannis sur la notice archéologique _et historique et sur les plans et dessins relatifs à l’église col- légiale de Neuchâtel, par MM. de Joannis et Matile. M. de Joannis, professeur de mathématiques, de Neuchâtel (Suisse), donne lecture d’un mémoire sur la construction et l'architecture de cette église, qui est de la plus haute antiquité. I fait voir les plans et les des- Sins, qui excitent l'admiration de l'assemblée. Il insiste surtout sur une planche où se trouvent gravés un grand nombre de signes de maçons ou d'architectes qui ne se trouvent que sur les pierres de construction à l'extérieur des murs de cetédifice. L'orateur pense que cés Signes pour- raient fournir un moyen pour déterminer la duréé du temps qu’on a em- ployé à la construction de cette église et pour d'autres constructions semblables. "M. le Vice-présidentRichelet dit avoir eitaé des signes semblables dans notre cathédrale. M. Richelet ayant occupé le fauteuil , M. le Président Co- marmond monte à la tribune et lit la première partie de son mémoire sur les sépultures anciennes et modernes. 22. 540 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Le sujet étant très-vaste, l’orateur déclare s'être restreint autant que possible dans les limites de la question. Il cherche à établir que l'inci- nération est un des plus anciens modes de sépulture; il convient aussi que presque toujours l’inhumation s’est jointe à l'incinération. Il ter- mine celte première partie de son savant travail en passant en revue les funérailles des peuples anciens, depuis les temps les plus reculés jus-- qu’à la décadence de l'empire romain. L'assemblée est d’avis d'ouvrir la discussion sur cette pre- mière partie, pour donner quelques instants de repos à l’o- rateur. M. Guerrier de Dumast, de Nancy, a la parole. L’orateur combat l’opinion émise dans le mémoire, savoir que l’incinération a précédé l’inhumation. Suivant lui le con- traire a eu lieu, tant chez les peuples sémitiques que chez les nations japhétiques. En ce qui concerne les Arabes, par exemple, leurs poésies les plus anciennes parlent toujours de fosses et jamais de bûchers. Pour les juifs, on peut se rappe- Eh Abraham, qui fait enterrer Sara et achète la tombe. En Égypte on ne voit pas le moindre témoignage d’une créma- tion primitive; ce sonl des hypogées qui ont toujours reçu les corps. M. de Dumast n’insiste pas autant sur l’inhumation chez les Grecs, parce que les données nous manquent. Mais pour les Romains, il ne peut douter que l’inhumation ne re- monte jusqu à l’origine de ce peuple, et qu’elle n’ait même existé antérieurement chez les Étrusques. La crémation, con- iünue l’orateur, ne s’est introduite à Rome que dans les pre- miers siècles de la république. IlLresta même défendu de brü- ler les enfants. L'une des souches patriciennes les plus illustres, la gens Cornelia , refusa obstinément pendant des siècles d’adopter le nouveau mode, et Sylla fut le premier membre de cette fa- mille que l’on porta sur le bûcher. Il y a plus : le droit pon- tifical (voir Cicéron, De legibus) ne consacrait que l’inhuma- tion , n’accordait l’inaliénabilité qu'aux lieux où un homme était enterré, Landis que le sol où un homme avait été brûlé pouvait être vendu. Aussi, pour donner un caractère sacré aux endroits où la crémation avait eu lieu, on était obligé d’enterrer une partie minime du corps, un os (sans doute de phalange), que l’on réservait à cet effet, et les pontifes DIXIÈME SESSION. SA pouvaient regarder la tombe comme sainte dès que ce simu- lacre d’enterrement avait eu lieu. Ainsi, lorsque, sous les An- tonins et par l’influence du christianisme déjà répandu dans l'air, si l’on peut employer cette expression, les Romains aban- donnèrent la combustion pour l’inhumation , ils ne firent que revenir au mode antique et patriarcal. Ce futun triomphe du sentiment religieux. M. Comarmond observe que de tout temps on a trouvé des ossements calcinés dans l’Inde. Il prétend que si l’incinéra- tion n’est pas le seul mode primitif de sépulture, on la trouve cependant toujours à côté de l’inhumation, M. Lœbell, professeur à l’Université de Bonn, cite un pas- sage du Zend-Avesta , qui prouve que dans l’Inde les morts furent abandonnés aux bêtes fauves, parce que ni la terre, ni le feu , comme éléments purs et sacrés, ne devaient être souillés par un cadavre. Plusieurs mémoires el questions en dehors des questions du Programme sont déposés au Bureau. Ils seront soamis à l’approbation du Comité central, d’après les statuts du Con- grès. < La séance est levée à neuf heures et demie. Quatrième séance. — Du 5 octobre 1822. Rapporteur : M.-BAUM, Secrétaire. M. le Président ayant ouvert à huit heures précises la séance, on donne lecture du procès-verbal qui est adopté. M. le Vice-président Richelet occupe le fauteuil pendant que M. le Président Gomarmond donne lecture de la seconde partie de son travail sur la séptième question d'archéologie , ainsi conçue : Indiquer si quelques modifications pourraient être ap- Portées au mode actuel de sépulture. L'orateur , après avoir signalé, avec autant de science que de saga- 542 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. cité, les graves abus et les dangers du mode actuel de sépulture , termine son excellent travail par les propositions suivantes : 1. Je crois qu'il est convenable et urgent de donner au convoi du pauvre plus de décence et de lui rendre les honneurs de sa religion jusqu’à sa tombe. 2. Je propose des lieux obligés de dépôt momentané, des chapelles d'attente dans le but d'éviter les méprises en cas de mort apparente. 3. Ces mêmes dépôts deviendraient utiles à la société sous le rapport de la justice criminelle. Là , des registres seraient établis où l’on pour- rait faire des dépositions ; plus d'un crime serait dévoilé par ce moyen, et beaucoup d’autres n'auraient pas lieu par la crainte de la délation ou à raison des inspections réitérées. 4. Je propose d’adjoindre l’incinération à l’inbumation. Par le pre- mier moyen vous détruisez des principes délétères, et une étendue de terrain bien moindre suffira pendant de longues années aux sépultures. Aussi l’incinération est-elle plus facile à exécuter qu'on ne pense; car tout le monde sait avec quelle facilité s’enflamment et se consuméent les chairs. Le savant archéologue ne se dissimule cependant pas que les modi- fications indiquées éprouveront de nombreuses oppositions ; mais en mü- rissant une semblable réforme, il croit qu’elle rentre sous bien des rapports dans la pensée du bien public. M. Guerrier de Dumast, tout en rendant hommage aux idées et aux intentions généreuses de M. Comarmond, pense que l’exposition des corps et leur dépôt dans des chapelles d'attente trouvera souvent beaucoup de résistance dans les familles. à L’incinération, à laquelle il ne s’oppose pas absolument , qu’il approuve en théorie , lui semble très-difficile à mettre en pratique , notamment à cause de l’accroissement de con- sommation qu’elle nécessilerait dans le combustible, déjà devenu rare. M. Victor Simon, de Metz, ancien Secrétaire général de la cinquième Session du Congrès, fait observer que dans beaucoup de localités les cimelières ont pu et peuvent encore devenir une cause d’insalubrité. Les églises, au moyen âge, presque toules fortifiées ou renfermées dans l’enceinte de châteaux-forts , étaient ordinairement situées sur un point qui dominait le village. Le cimetière étant adjacent à l’église, les eaux qui s’infiltraient à travers celui-ci pénétraient dans les puits inférieurs, où elles pouvaient apporter un principe de corruption. Quant à l’exposition des morts, M. Simon LA DIXIÈME SESSION. 345 pense que l'on a rétrogradé en abandonnant certains usages qui n'étaient probablement que l'exécution de règlements prescrits par l’autorité. Ainsi l’usage ancien d'exposer les morts sur le seuil de la porte avait l’avantage de constater publiquement le décès et d’enlever du domicile tout prin- cipe insalubre. Il ajoute quelques réflexions sur la nécessité de s’assurer du décès des morts. M. l'abbé Latouche cite à ce propos un fait horrible. M. Aron, grand -rabbin, demande si le mode d’incinéra- tion ne favoriserait pas le crime en anéantissant les preuves de conviction ? M. Richelet pense qu’il est irès-difficile que le décès soit constaté dans les campagnes. Souvent une seulechambre sert d'habitation à une famille entière. Gomment conserver alors un cadavre en état de décomposition? Dans l'Ouest on ense- velit immédiatement après la mort. Il signale également les dangers auxquels sont exposés les enfants nouveau-nés ; on les porte à la mairie, siluée souvent à une grande distance, par des temps très- rigoureux. M. Baum, Secrétaire adjoint, fait observer que de sembla- bles questions sont du domaine des sciences économiques et d'administration. Il demande l’ordre du jour. La Section décide que la discussion sera continuée , sauf à renvoyer la question aux Sections compétentes, pour être examinée plus müûürement. M. Guerrier de Dumast fait remarquer que l’on semble néanmoins d'accord sur deux points qui pourraient par con- séquent être déjà formulés en proposition, savoir : 1. Que la tête ne soit pas cousue dans le linceul ; 2. Qu'il soit créé une salle d'attente dans les cimetières de toutes les communes. M. Victor Simon communique à ce sujet divers usages qui existent dans son pays. Dans certaines localités , avant d’enfermer les cadavres dans le cercueil, on les place ser un lit de parade orné de fleurs; dans d’autres, on les couvre totalement d’une légère mousseline ; dans d’autres, on serre le corps dans du linge qui l'enveloppe de la tête aux pieds : le visage seul est découvert; on place dessus un linge que chaque personne enlève quand elle vient jeter de l’eau bé- LR 544 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. nite. M. Simon pense qu’il serait bien intéressant d’étudier dans chaque localité les divers modes usités pour la sépul- ture; on parviendrait peut-être par ce moyen à recueillir des documents qui aideraient à découvrir l’origine de certains peuples. M. Rigaud, professeur à la Faculté de Médecine , revenant sur l’objection présentée par M. Aron, contre le mode de sépulture par incinération, établit qu’il est de la dernière importance de conserver les corps le plus longtemps possible. Cette considération l’a conduit à regarder le procédé d’in- cinération, qui lui avait souri d’abord , comme dangereux et impraticable. M. Laurent, capitaine d’élat-major, parle de la résolution qui vient d’être prise par la Seclion des sciences médicales, relativement à la proposition de M. le docteur Roux, de Marseille. Les travaux de la commission, nommée dans la séance extraordinaire de la troisième Section, ouvriront une ère nouvelle où la conservation de la santé publique et in- dividuelle trouvera de fortes garanties. M. Richelet, Vice-président , clot la discussion. La parole est donnée à M. Keller, doyen de la Faculté de Droit à l’Université de Zurich, qui fait hommage à la Section de deux volumes d’un ouvrage non encore terminé, intitulé : Semestriumad M. Tullium Ciceronem, Zurich 1842, in-8°, et développe en allemand l’idée qui préside à cet ouvrage. La connexité intime qui existe entre le Corpus juris romani et les discours de Cicéron et d’autres orateurs de ce genre, a été reconnue et sentie par les savants philologues et jurisconsultes du seizième siècle. En France surtout les Hotoman, les Cujas et les Brisson ont appliqué les auteurs classiques à l’explicatiou du Droit romain , et le Droit romain leur a servi à son tour à l'explication des auteurs classiques. Mais il y avait toujours un grand inconvénient dans cette méthode d’interpréta- tion, c'était Ja distance de six siècles qui se trouvent entre la rédaction des discours de Cicéron et celle du Corpus juris. La découverte des pa- limpsestes nous a fait connaitre les ouvrages de Gajus, qui vécut au deuxième siècle après Jésus-Christ, et qui forme pour nous le chainon intermédiaire entre Cicéron et les ouvrages composés du temps de Jus- tinien. Depuis les travaux des savants français el allemands du seizième siècle, on n’a fait que piller en grande partie les ouvrages de ces co- ryphées de la jurisprudence, et la philologie a souvent encouru le re- DIXIÈME SESSION. 545 — de n’être qu’une science aride de mots et de formes, parce que malheureusement les discours des plus grands jurisconsultes romains ne furent considérés que comme un moyen d'apprendre de belles phrases (man belrachtele sie als ein lateinisches Flætenspiel). On a presque entièrement négligé l'explication des choses, et l’on ne s’est attaché qu'aux formes de la grammaire et du discours. Donner une explication plus satisfaisante et plus profonde du fond à l’aide du Droit romain, sans toutefois négliger la forme, voilà le but que le savant professeur s’est proposé en publiant ses Semestria ad, Ciceronem. M. Desiré Monnier, de Lons-le-Saulnier, correspondant du ministre de l’instruction publique, donne ensuite lecture d’un mémoire intitulé : Origine des Germains en général et des Alsaciens en particulier, M. Monnier s'attache surtout à prouver; par des'passages tirés d’une foule d'auteurs lant anciens que modernes; les rapports desparenté entre les nations de l'Asie, de l’Inde surtout, et les, peuplades germaniques, en rapprochant d’une manière très-ingénieuse les mœurs et les usages de ces nations, leur culte et jusqu’à leurs costumes. Il donne la copie de la description d’un bas-relief du monastère de sainte Odile , repré- sentant la sainte Vierge aveclenfant Jésus, Atticon, duc d'Alsace, sainte Odile et saint Léger, et deux abbesses du monastère. L’orateur fait remarquer que les vêtements de ces personnes, rayés horizontale- ment, se retrouvent en Perse et en Arménie; les toques dont la Vierge et l'enfant Jésus sont coiffés se retrouvent chez les Perses, et la capette de la Haute-Alsace en est la dernière expression'de nos jours: La sainte Odile et la sainte Vierge du bas-relief ont leurs cheveux divisés en deux nattes pendantes, mode qui paraît avoir existé chez les Parthes, et on l’a conservée jusqu’à ce jour dans la Grande et la Petite-Buccharie, autrefois occupées parles Parthes. M. Monnier termine en montrant comment les Ari se retrouvent dans la Germania de Tacite, les Catac- Scythæ chez les Cattes, les Mèdes de la Mattiani chez les Mattiatici, les Cossei chez les Cauci et ainsi de suite. M. le Vice-président Schirlin, professeur au Séminaire diocésain, observe que l’aflinité, qui existe entre les peuples de l’Asic et de la Germanie n’a pas besoin d’être démon- trée, parce qu’elle est depuis longtemps généralement re- connue. Fr M. Guiard, professeur au Gollése royal, Secrétaire ad- joint , lit un mémoire de M. Spach, retenu chez lui par une indisposition , sur la seconde question d'histoire : Désigner, à l'aide des auteurs contemporains , l'emplace- 546 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. ment oùus’est livrée, près de Strasbourg, l& bataille de Julien- l’Apostat contre les Allemands. Le résultat des investigations du savant et spirituel écri- vain est celui-ci : selon toute probabilité, la bataille s’est livrée entre le coteau d’'Oberhausbergen d’une part, Stras- bourg et le Rhin de l’autre. Gette localité se trouve circons- crile par le cours de la Souffel au nord, par les coteaux d’Oberhausbergen à l’ouest, par le Rhin et ses embranche- wents À l’est, par les murs de Strasbourg au sud. La Section décide que ce mémoire, qui a été écouté avec un vif intérêt, sera renvoyé à la commision centrale pour le proposer à la lecture en séance générale. M. le Président de la Section offre au Congrès l'ouvrage suivant, intitulé : Antiquités de Lyon. Lyon 1840. M. Simon de Metz offre au Congrès une série de mémoires qu’il a composés : 4. Notice sur Metz et ses environs, et sur le hiéraplè silué près de Forbach. 2. Notice sur les matériaux employés à Metz dans les temps antiques, tant pour la construction que pour la décoration des monuments. 3. Notices archéologiques. 4. Notice sur une statuette représentant deux personnages opposés dont l'un a des ailes à la tête. La séance a été levée à dix heures et demie. Cinquième séance. — Du À octobre 1842. Rapporteur : M. BAUM, Secrétaire. M. le Président Gomarmond occupe le fauteuil. MM. Bær, Richelet et Schirlin, Vice-présidents, sont pré- sents au Bureau. M. le Président ayant ouvert la séance, le procès era est lu et adopté moyennant quelques rectifications. L'assemblée, se conformant à l'usage généralement reçu par toutes les réunions délibérantes, décide qu’à avenir DIXIÈME SESSION. 547 son procès-verbal ne sera imprimé qu'après la lecture faite en Section. La parole est à M. H. Robert, commissaire-inspecteur des antiquités de l'Indre, qui expose les principes de son grand travail sur l’unité linguistique et théogonique de l'antiquité, dontil va confier un résuméaux presses de l’imprimerieroyale. L'orateur montre comment, en étudiant les hiéroglyphes d'Égypte, il est arrivé à la clef numérale. C’est le nom thoth, ou Mercure égyp- tien , qui l’a initié au secret de la base de formation de toutes les langues du monde et des antiques théogonies. Ce nom, numéralement apprécié avec l’alphabet grec, identique à l'alphabet copte, lui a donné pour résultat le nombre 88. Or, la période de la planète de Mercure est pré- cisément de 87 jours 23 h. 14! et 33 ‘‘ ou 88 jours. Partant delà , M. Her- cule Robert, après trois années d'épreuves sur les langues de l'Asie, de l'Afrique et de l'Europe, est enfin arrivé à cette conclusion , que toutes les langues du monde ont pour base de formation les périodes des sept planètes considérées comme centres d'idées, etil sé propose d'expliquer ainsi pourquoi les langues chaldaïque, syriaque, égyptienne, geor- gienne, grecque, arabe, etc., ont un alphabet numéral. L’orateur voulant entrer dans les démonstrations détail- lées de son système, M. le Président observe que le temps accordé s’est écoulé, et propose à l’assemblée une séance spéciale pour l’exposilion du système de M. Robert. Gette séance est accordée et fixée à demain mercredi 3 octobre, à une heure de l’après-midi. M. Richelet, Vice-président, ayant occupé le fauteuil, M: Comarmond monte à la tribune pour parler sur la hui- tième question, ainsi conçue : Des haches gauloises en bronze connues sous ce nom par tous les archéologues. Quelle est l'opinion qu’on doit avoir sur celles que l’on a découvertes dans toute l'étendue de l’an- cienne Gaule ? L’orateur montre à l’assemblée neuf pièces très-différentes entre elles et très-bien conservées, qu’il possède, ainsi que beaucoup d’autres, dans son riche cabinet, et il expose les dessins d’autres haches semblables. M. Comarmond rapporte d'abord les différentes opinions des archéo- logues sur usage de ces instruments. Leur forme n’autorise guère à croire qu'ils aient servi à couper le bois, quel qu'ait été d’ailleurs le genre d’emmanchement, Ils ne peuvent non plus avoir servi de bêche 548 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. ou d'outil à remuer la terre, parce qu'il est peu probable qu'on ait employé le bronze à cet usage. La durée de ces haches, considérées comme soc de charrue, eût été bien courte et leur forme peu en harmonie avec l'usage des charrues. Après avoir également fait voir qu'il est peu probable qu'elles aient servi soit à escalader les remparts en bois des Gaulois, ou à garnir, comme on l'a prétendu, l'extrémité d’un bâton pour conduire les bœufs, ou à servir de base à une houlette, ou à être employées comme coins, M. Comarmond émet son opinion, qui lui parait être nouvelle. Il pense que ces curieux instruments se trouvaient au bas des lances pour servir de contre-poids au fer de lance, et pour faciliter ainsi l’équilibration de cette arme, de manière à frapper le point de mire presque à angle droit. M. Comarmond présente à l'assemblée un dessin qui doit montrer à la seule inspection combien la monture en hache est peu convenable, tandis qu'il fait voir, en s'appuyant principalement sur un de ces ins— truments déposés au bureau, instrument absolument obtus et sans tran- chant, que toutes les pièces qu'il a montrées à l'assemblée remplissent parfaitement les conditions requises pour l'usage par lui indiqué. Avant d'entamer la discussion, M. Désiré Monnier donne lecture d’un mémoire sur le même sujet. Il fait la part des haches de sacrifice faciles à reconnaitre par leurs bords rabattus, adoucis et non emmanchés. Elles se retrouvent aussi sur un monument de Persépolis. Ensuite l’orateur passe aux haches à anneau fixe d’un côté, et fait servir cet anneau à attacher une chaîne ou une courroie par laquelle on retirait l'instrument quand on l'avait lancé. Il appuie son assertion sur la particularité remarquable que ces instru ments à oreilles ou à boucles fixes, qu’il a recueillis et dont il fournit les figures, ont été relevés sur les champs de bataille où Jules César a combattu les Gaulois et les Germains réunis. Si l’on objecte que pour les javelots et les lances l’armure devait être pointue, l’orateur répond que les dards de haste pouvaient bien n'avoir pas de pointe, parce que, comme dit M. de Caumont, les Gaulois avaient une épée longue, large et sans pointe. L'antiquité connaissait la fragula et l'amentum , espèce de javelot qu’on retenait par une courroie. On a aussi parlé de la cateia, arme des Teutons et des Gaulois, décrite par Isidore : «Genus est Gal- lici teli, ex materia quam maxime lenta, quæ jactu quidem non longe, propler yravilatem , evolat ; sed quo pervenit, vi nimia perfringit. Quod si ab artifice millatur, rursum redit ad eum qui misit.» Papias, qui dit la cateia, d'origine persique, et qui.en fait la haste dont se servait Hercule, ajoute : «£rat enèm cum ligqulis catenarum et quando eum pro- Jiciebal ilerum,cum catenula retrahebat !. » i Dans une lettre à M. le professeur Schweighæuser , correspondant de l’Institut, du 15 novembre 1842, M. Monnier ajoute ce qui suit : « Je ne dis pas que toutes ces haches gauloises soient des armures de lances ou de javelots; j'admets qu’elles ont été des instruments de sacrifice, quand elles n'avaient pas de boucles ou d'oreilles rabattues. Ainsi mon opinion n’est pas exclusive.» DIXIÈME SESSION. 549 Après la lecture de ces deux mémoires, une discussion assez longue est ouverte sur ce sujet. M. Richelet observe que ces instruments pouvaient ne pas être gaulois, mais romains, et que sur les bas-reliefs où sont représentés des soldats gaulois portant des lances, on ne voit point que celles-ci soient garnies au bas d’une armure de la forme des haches gauloises , mais de pointes servant à enfon- cer l’arme en terre. Il adhère à opinion de M. l’abbé Rohr- bacher, qui croit que c’étaient des instruments aratoires. M. Comarmond objecte qu’on a souvent trouvé un grand nombre de ces instraments en un seul et même endroit, et il induit de là qu’il n’est pas probable qu’ils aient servi à lagri- culture. M. Richelet ajoute qu’en Hongrie on se sert encore au- jourd’hui d'instruments semblables pour en garnir les herses. La parole est à M. V. Simon , de Metz. M. Victor Simon fait observer que les formes variées des instru- ments de bronze dits celliques amènent à croire que tous ces instru— ments n’ont pu servir à un même usage; il cite à ce sujet les opinions de quelques archéologues, dont les uns ont pensé que certains de ces instruments étaient consacrés à des usages religieux , tandis que d’autres sont d’avis que l’on avait placé dans des tombeaux des instruments en cui- vre, parce que ceux-ci se conservaient mieux que les instruments en fer. Ne pourrait-on pas, si cette dernière opinion était adoptée, être amené à admettre que le grand nombre d'instruments trouvés dans cer- tains lieux funéraires y avait été déposé pour indiquer le nombre d’in- dividus qui avaient rendu les derniers honneurs au mort. On sait, ajoute-t-il, que les peuples anciens avaient admis la symbolique dans leurs usages; on en retrouve encore actuellement des traces , notam-— ment dans la sépulture des Juifs; il demande si des clochéttes privées de leurs battants et déposées dans quelques tombeaux ne pourraient pas être considérées comme l'emblème du corps privé de la vie. Il ajoute que l'un des instruments en bronze exposés par M: Comarmond et dont le tranchant est le plus large, a été indiqué dans une notice insérée dans les mémoires de l’académie des inscriptions et belles lettres, comme ayant pu servir à enlever la peau de la victime, Quant à celui qui est en forme de ciseau et qui a une boîte propre à recevoir un manche, il pense qu'il pourrait être assimilé à l'instrument dont les cultivateurs se servent pour couper les mauvaises herbes. M. Victor Simon saisit cette circonstance pour faire connaître que sur le penchant d’un coteau près de Metz, au-dessous du village de Lessy , on à trouvé, il y à deux ans, dans un terrain calcaire dénué de 550 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. sources, des restes de constructions antiques bâties avec des pierres ramassées sur place et de la chaux fabriquée avec des pierres de la méme localité. On remarquait dans cette chaux beaucoup de débris de char- bons. Cette ruine renfermait plusieurs instruments en cuivre dont deux avaient la forme de faucilles, un troisième était une longue épingle à cheveux et le quatrième une sorte de gouje avec une boite propre à recevoir un manche; il demande si l’on ne serait pas disposé à ad— mettre que ces instruments étaient destinés à des usages domestiques. M. Simon dit ne pas avoir encore une opinion bien arrêtée sur les instruments de bronze dits celtiques, en vue des contradictions qu’ils semblent présenter. Les haches en pierre offrent des difficultés analo— gues. Presque toutes ont des formes pures et la matière de beaucoup d’entre elles aurait pu servir de tranchant, tandis que d’autres sont tellement petites ou d’une pierre tellement tendre (par exemple, celle en grès bigarré qu'il a trouvée près de Metz), que l’on est porté à ex- clure toute idée d'usage domestique. D'une autre part, les haches que l'on attribue aux premiers âges de l'espèce humaine se trouvent cepen- dant dans des localités très-éloignées du gisement des roches dont elles ont été détachées, ce qui permet de supposer déjà des relations étendues. Ce sont sans doute des motifs de ce genre qui ont porté quel- ques archéologues à admettre que la plupart de ces instruments en pierre et en bronze auraient pu ne pas avoir l’âge et la destination qu'on leur assigne généralement. M. Gomarmond fait observer à M. Simon qu’il a vu beau- coup de ces mêmes haches dont le tranchant était fort émoussé et ébréché. M. le Président lève la séance à dix heuses et demie. Sixième séance. — Du 5 octobre 1842. Rapporteur : M. SPACH, Secrélaire. M. le Président Comarmond occupe le fauteuil. MM. Bæbr, Richelet et Schirlin, Vice-présidents, sont présents au Bu- reau. M. Henri Congnet, chanoine de Soissons, membre de la So- ciété asiatique de Paris, fait hommage de plusieurs ouvrages relatifs à l’étude de la langue grecque, savoir : 1. Prières dumatin et du soir, publiées en grec, avec des renvois aux règles les plus importantes de la grammaire. Paris 1839, 8°. DIXIÈME SESSION. 591 2. Le pieux Helléniste sanctifiant la journée par la prière. Paris 1839, 18°. 3. Joseph, Ruth, Tobie, d’après le texte des Septante, suivis des Fables d’Ésope et de Morceaux choisis d° Élien; grec-francais, avec un lexique. Paris 14841, 12°. 4. Grammaire grecque élémentaire, accompagnée de questionnaires et ’exercices. Paris 1840 , 82. 5. Grammaire de la langue grecque ; 2° édit. Paris 14840, 8°. L'auteur de ces ouvrages, dans une lettre adressée à M. le Secrétaire général du Congrès, émet le vœu qu’une commis- sion soit nommée pour examiner sa grammaire grecque et la comparer avec celle de M. Burnoul. — La ‘cinquième Sec- tion, toul en acceptant ayec reconnaissance les ouvrages de M. Congnet, croit devoir se dispenser de.cet examen, comme n’élant pas dans les usages du Congrès: M. le Président appelle à la tribune M. le professeur Warn- kœnig, qui est inscrit pour développer la question suivante : Sur l’étendue des droits temporels des évéques dans l’an- cienne France. M. Warnkænig n’a posé cette question que dans le but de provoquer une discussion. Il pose en principe qu’il y a une grande différence.entre la position des évêques de France et la position de ces mêmes prélats en Allemagne. Sous les deux premières races, la position politique et sociale des évêques ét abbés est la même en France et en Allemagne, qui faisaient alors partie d'un même empire. Au treizième siècle, au contraire, cette position est déjà toute changée. C’est la raison de cette différence qu’il serait utile de déterminer. Sous la première et la deuxième race en France et en Allemagne, le pouvoir des évêques est double ; ils ont d’abord les droïts seigneuriaux, les droits temporels. Ils ont une puissance dans l'État, non comme chefs religieux, mais comme seigneurs politiques. Cette position se dé- veloppe sous la race carloyingienne; les églises acquièrent des propriétés foncières; elles acceptent des legs, des donations, Ces propriétés, ces territoires ainsi acquis sont situés primitivement dans le département des comtes, des ducs; mais on favorise les nouveaux propriétaires ecclé- siastiques au point Winlerdire toute juridiction aux.comtes. et ducs sur le territoire de l'Église. C’est là l’origine du droit d’immunité. L'évêque est Grundherr ; il a la grande propriété germanique qui donne le droit sur le terrain et sur les personnes ; il est à la fois suzerain et évêque, et prend part aux placila generalia, à ces assemblées générales organisées par Charlemagne et composées pour ainsi dire de deux chambres : l’une 552 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. de seigneurs laïques et l'autre de seigneurs ecclésiastiques. L'évêque, sous la race carlovingienne, est donc à la fois seigneur territorial et membre de la diète; il n’a d'autre supérieur que le roi ou l'empereur. Cet état de choses dure jusqu’au onzième siècle; les évêques deviennent méme plus puissants, en acquérant des comtés et même des duchés. Ainsi, en Allemagne, l’évêque de Würtzbourg devient duc de Fran- conie; lui et ses confrères deviennent princes dans l'empire germanique. ils sont les égaux des ducs et des comtes. Mais bientôt un autre ordre de choses s'établit en France. Si d’un côté en Allemagne nous voyons la position des dignitaires ecclésiastiques devenir de plus en plus favorable, si nous voyons l’empereur Frédéric II sanctionner (1228), par une espèce de charte la haute position territo— riale des évéquesetidés abbés, si quelques-uns de ces princes-évêques s'élèvent jusquià-la dignité d'électeurs du Saint-Empire romain, et for- ment.pour ainsi dire le noyau de ce gouvernement électif, en France, au contraire, les” évêques ne restent point les égaux des dues et des comtes; ils Teur sont subordonnés lout en conservant leurs droits sei— gneuriaux. Cette réiiarque s'appliqué surtout au midi de la France. Et pour préuvede son ‘assertion, M:1Warnkænig cite le fait qu'en France le seigneur temporel ; après la:mort de l’évêque, administrait l'évêché; il percevait. les reyenus.en vertu de la régale; les évéchés, en un mot, étaient dans des duchés et dans les comtés (par exemple en Nomaneié} CA Au céntré dé là Frañice la position des évêques est différente. Là ils ne sont soumis:qu'awtoi (par exemple les évêques de Rheims, de Laon, de Chartres, de Soissons, etc.). Quelques-uns deices évêques arrivent même à la pairie. Ici M. Warnkænig donne quelques détails sur la création toute accidentelle des douze pairs de France, el il adopte à ce sujet l'opinion de M. Beugnot. Enfnil existait une troisième espèce d’évèques dans les domaines de la couronne; ceux-ci sé trouvent vis-à-vis du roi dans la même position que dans le midi de la France. D'où vient que parmi les évêques de France quelques-uns seulement jouissent du même pouvoir que les princes-évêques de l'Allemagne ? C'est là un problème ‘que l'étude de l’histoire provinciale parviendra seule à éclaireir Voiciiles idées émises à ce sujet par M. Warnkœnig. Partout.en France.les évêques avaient le droit d’immunité, c'est-à- dire que la juridiction c civile des comtes ne s’étendait pas sur eux. Les évêques en France avaient la juridiction terporelle, non pas avec la même éténdue qué là juridiction des évêques d'Allemagne. Pourquoi lés évéqués én France n'ont-ls pas eu celte qualité de prin- ces? pourquoi deur droit:d’immunité a-4-ilété, peu à peu restreint? pourquoi les évêques ont-ils êlé médialisés? comment sont-ils tombés sous celle tutelle royale et princière? Pour résoudre ce pr oblème il faudrait examiner le droit d’avouerie; car il se peut que les évêques soient Lombés à la suite de ce droit acquis par les ducs et les comtes. + DIXIÈME SESSION. 395 Lesévêques n'étaient d’ailleurs pas aussi forts sousle rapport militaire que leurs voisins les ducs et les comtes; donc ils durent succomber dans la lutte. Il existait enfin un autre ordre de choses en France qu’en Allemagne. Jamais les élats-généraux de France n’ont ressemblé aux diètes de l’em- pire; la royauté française était aussi toute différente du pouvoir impé- rial. Ces considérations , dit M. Warnkænig, expliquent comment les évêques de France ne sont pas devenus princes, mais non pas leur dé- pendance des ducs et des comtes. M. Bégin rend justice à l'analyse donnée par M. Warn- kœnig; mais il trouve que des contradictions naissent de ce que M. Warnkænig a trop généralisé, la:question. | Lesévêques, à l’époque de leurinstitution, résumaient dans leur personne le pouvoir civil, militaire et religieux. Lorsque les souverains de France et d'Allemagne ont voulu, à leur tour, asseoir le privilége de leur glaive , ils, ont dû le conqué- rir sur les évêques;.de, là; pour tel prélatiuné position indé- pendante, pour tel autre une condition de vasselage. En France, dans beaucoup de villes, les évêques, sans jouir du titre de comte, étaient aussi indépendants que les évêques d'Allemagne. A Strasbourg, à Toul, à Verdun, les évêques avaient à la; fois la puissance temporelle-et la puis - sance ecclésiastique. M. Warnkænig fait observer que ces remarques s’appli- quent à des évêques de villes alors allemandes. M. Goguel trouve la différence du développement du pou- voir épiscopal dans la royauté de l’un et de l’autre pays, qui était héréditaire en France et électiveen Allemagne. Les évé- ques allemands , qui se sont élevés au rang de princes et d’é- lecteurs , avaient des intérêts plus puissants à défendre, et devaient par là:même acquérir plus de consistance; les évé- ques allemands étaient successeurs des évêques saxons insti- tués par Gharlemagne , par conséquent lés premiers officiers de l'empire. Lorsque l’Allemagne se sépare de la France, ce sont les évêques qui ont une grande partà l'élection d’Arnouif. Plus tard , dans les guerres entre l’empireét la papauté, les évêques durent nécessairement acquérir plus'dé’ force. M. Warnkænig réplique que le problème subsiste toujours pour la France. M. le professeur Læbell , de Bonn, fait remarquer que dans 23 504 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. aucun pays de l’Europe les évêques n’ont jamais eu le même rôle important que dans l’empire germanique. M. Richelet ramène la question à son point de départ, en montrant comment les choses se passaient dans les provinces du Maineet de l’Anjou, où les évêques ont eu le suprême pou- voir jusque dans le dixième siècle, époque à laquelle les comtes vinrent se mettre à leur place, probablement à la suite de la politique suivie par les rois de France. Ceux-ci cher- chaient évidemment à combattre la puissance ecclésiastique au moyen des comtes, Dès que les comtes apparaissent , le pou- voir des évêques diminue. M. Rameaux trouve que l’on ne répond pas encore aux dif- ficultés proposées par M. Warnkænig. Les faits sont différents en France ét en Allémagne, Où en est la cause ? M. le Vice-président Schirlin trouve la raison de cette diffé- rence dans l'élément constitutif dusystème féodal. Le pouvoir royal a toujours été plus puissant en France ; l’élément ger- manique au contraire est resté plus pur en Allemagne. M. Warnkænig trouve que cela n’explique point comment les évêques sont tombés sous les dues,et les comtes. M: Goguel remonte plus haut;'il trouve que les évêques bourguignons et visigoths se regardaïent comme les succes- seure dés gouverneurs romains, et que les Francs durent viser à atténuer cette influence épiscopale. Dès que les conquérants eurent envoyé des ducs et des comtes dans les provinces , la lutte s’engagea avec les évêques. De là vint la sujétion des évêques. M. Warnkænig dit que ceci est fondé pour le midi de la France. M. Chauffour, avocat à la Cour royale de Colmar, fait des observations contre la généralité dé la question. En Alle- magne , les évêques non-seulement, mais aussi les abbés sont investis du: droit de souveraineté. Les abbés ont place aux diètes de l’emipire: Le droit d’immédiateté était attaché à la possession térritorialé, nôn à la qualité ecclésiastique, Pour expliquer la question posée par M. Warnkænig, M: Chauffour pense qu'il faut s'adresser au caractère de la conquête dans les deux pays. En France, l’épiscopat avait hérité de la puissance romaine; en Allemagne, l’idée ecclé- DIXIÈME SESSION. ‘ 5) siastique n’a pénétré qu’avec les conquérants; en France , l'épiscopat est du côté du parti vaincu; donc il a dû être subalternisé. En Allemagne, dès la diète de Tribur, on voit la puissance ecclésiastique primér sur la puissance temporelle , et cela constitutionnellement. Dès cé moment , la puissance temporelle n’est plus que l’humble exécutricé des décisions de la puissance ecclésiastique. M. Warnkænig trouve que les évêques en Allemagne sont restés les égaux des princes, même après la diète de Tribur. M. le Président clot la discussion. [1 sÈ Lu 22 VX VIe] La parole est donnée à M. Fuchs, de Dessau >. Sur la qua- | D'AVUON XULAIN REA trième question de philologie ; Mn ste uels sont les résultats que l'étude des. langues orecque ct " 4 $ DAASHES 856Cq latine a obtenus jusqu'ici de: la Philologie comparée? ! L'influence de la philologie comparée sur l'étude des langues grecque et latine, quelque graude qu’elle soit, ne saute Pas aux yeux de prime abord. Le résultat le plus clair de cette science; c'est de nous donner des vues générales sur le langage humain, à l’aide desquelles on pé- nètre mieux dans les phénomènes de chaque langue spétiale. La phi— lologie comparée montre que dans ces langués!rien n'est arbitraire ni accidentel ; que toute forme, toute lettre.est nécessaire et,significative ; elle a donné naissance à la phonologie, c’est-à-dire au système des sons, à une physiologie des sons. La phonolôgie anime chaque mot ; elle jette du jour sur les dialectes et sur la dérivation scientifique des mots. À l’aide de la philologie comparée } le ‘système des flexions grammaticales a élé entièrement refondu ; l’origine-et lassignification de presque toutes les terminaisons a été spécifiée et fixée. La syntaxe, au contraire, n’a profité qu'indirectement de la philologie comparée. Pour les langues grecque et latine , le résultat général de da philologie comparée peut se résumer én ces térmes : Jà längué latine n'est point la fille, mais la sœur de la langue grecque, de même que les. langues sanscrite , gothique , celtique, et slave. 8 IUOË(: Il est clair que ces résultats exerceront une grande influence sur l’é- tude de l'histoire ancienne. M. Fuchs appuie aussi sur la relation de la langue latine avec les langues romaties, lesqtiéllés né sont pas, à pro prement dire, les filles du latin, mais plutôtlelatin lnizmême, continué et perfectionné. Les philologues devront.donc. étendre leufs recherches sur la langue grecque moderne et sur les langues, romanes, pour arriver à étudier le grec et le latin depuis leur origine jusqu'à leur état actuel. IUIICOXS 4 Un membre désire que le mémoire de M. Fuchs soit recom- mandé à l’impression; l’assembiée appuie cette proposition {. : \ À LS « = "1 . ; Voy. les mémoires de la 5e Section , 2° vol. 23. - 556 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. M. le Vice-président Schirlin fait observer que les faits his- toriques s'opposent à l’idée que les langues romanes ne sont que le perfectionnement de la langue ah: 11 demande si l'auteur du mémoire considère l” Éécent germanique comme un perfectionnement. M. Fuchs répond aflirmativement. Il considère les langues romanes comme un développement du latin ou du moins comme un mode par lequel celui-ci a été enrichi. M. l’abbé Latouche trouve que les questions de philologic ne s’élèventpas assez haut ; qu'il faudrait remonter à l’hébreu, c’est-à-dire à une langue primordiale. Il demande à exposer son système de philologie. M. Richelet propose d’entendre M. Latouche dans une séance extraordinaire. Gelle proposition est adoptée et la séance fixée à jeudi, 7 octobre, à une heure. Septième séance. — Du 6 octobre 1842. Rapporteur : M. SpAcn , Secrétaire. Sont présents au Bureau : MM. Comarmond, Président; Richelet et Bæœhr, Vice-présidents, et MM. les Secrétaires. M. le Vice-président Schirlin se fait excuser pour cause de maladie. La lecture du procès-verbal de la séance ordinaire du 5 oc- tobre ne donne lieu à aucune remarque. L'un de MM. les Secrétaires adjoints donne lecture du procès-verbal supplémentaire relatif à la séance du 5 oc- tobre , à une heure, dans laquelle M. Hercule Robert a ex- posé son système sur la base de la formation des langues et des théogonies. Aprèslesobservalions de quelques membres, la Section vote la RlAROn de la phrase finale de ce procès- verbal. Voici d’ailleurs la note abrégée du compte-rendu'de celte séance, rédigée par M. RE Robert lui-même. Il expose : Que lés anciens Persans admettaient une période de 360 - 4 D LL . #” “ » . « ! L'insertion de cette note a été admise postérieurement à la rédaction du procès- verbal, sur la réclamation dirécte de M. Hercule Robert, adressée au Secrétaire général. | | DIXIÈME SESSION. 557 jours, puisqu'ils donnaient au soleil le nom de Müthras, qui, apprécié *_ avec l'alphabet grec, réalise 360. Il Lire de là cette conclusion , que l’an- cien persan a été organisé avec un alphabet identique aux alphabets grec, ou phénico-égyptien. Les Égyptiens, selon lui, admirent d'abord cette période; puis ensuite ils ajoutèrent 5 jours épagomènes. Cette période étant encore trop courte de 6 heures , les astronomes d'Héliopolis dé couvrirent, par l'observation du lever héliaque de Sothis ou de Sirius, la véritable année de 365 jours et 6 heures, etils formèrent leur grande période sothique de 1460 ans. | M. Robert annonce qu’il a découvert le symbole égyptien de cette période. El va le publier dans son travail général. Le mot prior donne 360. Le mot unius, 1460. . . M. Robert avance que le sacré collége ; auteur de la langue du Latium, connaissait l'immobilité du soleil; car, d’après. lui, le mot ämmotus , adj. masc., emprunte ses éléments de formation au soleil seul, astre masculin. ! - Immotus apprécié avec l'alphabet grec, identique presque entière- ment à l'alphabet latin, réalise le nombre 1800 ,/savoir.: < 4 périodes solaires apparentes, 1460 1/2 _ == 182 18 — — 91 1/8 = _ 45 Hé _ 22 1800 * Tmota, adj. fém., donne 1201, et se rattache au soleil pour l'idée d’immobilité, puis pour lé genre féminin à la lune‘et à Vénus; planètes féminines. 2 périodes solaires apparentes; 730: 1/2 me _. ni ABD 4 12lune — SUR CAS, 12 Vénus — Cal ii fA x de jan 1201, M. Robert partage les langues en deux grandes divisions : _ 4. La langue révélée où la langue divine qu'il éroit être l'hébreu ; 2, La langue savante des ‘hommes ou la: langue! primitive astrono- mique, ayant pour base de formation les périodes des sept planètes considérées comme centres d'idées. D’après lui, tous les idiomes se sont modelés sur les principes de cette langue primitive astronomique. Ce secret s’est transmis de sanctuaire à sanctuaire, Ja sciénce étant le pa- trimoine exclusif des colléges sacrés. de l'antiquité. A, quelles planètes ” a-t-on rattaché l’idée de course? Aux deux planètes les plus actives : à Mercure, qui parcourt 633 lieues par minute, età Vénus, qui en parcourt 63: Il citesles mots : latin currere, anglais to run, et gaulois courir ; 558 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. car, de même que M. Étienne Quatremère a découvert que l'antique Égyptien revivait dans le cophte, M. Robert pense que le Gaulois revit dans notre langue. Terra, qui réalise 511, couvre l’idée de terre de mars, parce que, d’après les croyances antiques, Dieu avait créé le monde à l’équinoxe de printemps; et Minerva, qui donne également 511, est la symbolisation avec son costume national de la terre de: mars; elle était surnommée vierge, parce que la terre était viergeau moment de la création, Comme, d’après les théogones, Dieu avait imprimé aux planètes leur mouvement périodique à partir de minuit à l’'équinoxe du printemps, la chouette de Minerve symbolisait les ténèbres qui entouraient la terre à ce moment. ‘H Av couvrait la même idée; elle symbolisait la pensée de Zeds ou la pensée divine ne qui produit en demeurant toujours vierge, etc. nuit primordial chantée par Orphée, et les por vdE et no déatisert 910: JU / Sol... 1030, réalise l'idée de’ soleil de mars. Le soleil, l'astre par excellence , était signifié par l’unité 1, et 1030 donne 1 mars 686 1/2—. 343 + 1 1030 M. le professeur Schweighæuser, retenu chez lui par une longue waladie, écrit à M. Comarmond une lettre, dans la- D il discute savamment l’opinion de. M. le Président de la Section,sur les haches gauloises. M. Schweighæuser, qui n’a cessé de suivre avec intérêt la marche de la science, dé- sire du moins par Ce commerce épistolaire et par sa bro- chure, récemment distribuée aux membres de la Section, prendre part aux travaux du Congrès. M. le professeur Schneyder présente , au nom du Lycée de Rastait, un ouvrage intitulé: De legecontra philosophos, imprémis T'heyphrdsturn, auctore Hoffnann. Rastalt 184. M. Spach, Secrétaire de la Section, lil un mémoire sur l’époque. de la construction de l’église de Haslach. A l'aide.des chartes émises par les évêques Conrad de Lichtenberg , Frédéric de, Lichtenberg:; Berthold de Bucheek et Frédéric de Blanken- heim il fxe lesannéés,127% et 1387 comme les deux points entre les- quels s’est élevé cet élégant édifice. M. le professeur Læbell, de Bonn, auteur d’un ouvrage DIXIÈME SESSION. 559 sur Grégoire de Tours et ses contemporains, lit un mémoire, écrit en allemand, sur la neuvième question d’histoire ainsi posée : Quel est l'élément apporté par les Barbares à la forma- tion de la civilisation moderne? M. Guizot at-il raison d'affirmer que c’est l'esprit d'indépendance et de diberté in- dividuelle P M. Lœbell montre les peuples germaniques, au moment de la con- quête de l'empire romain, Comme une race énergique, indomptée , violente ; l'opposé, en un mot, «les races romanes - civilisées, mais timides , rusées, fourbes ; habituées au despütisme ! : il fait'le eh de l'action réciproque de ces deux races hostiles, l'influence que l’une exerce sur l'autre; il énumère les qualités et les vices que les Germains apportent aux peuples-ramans , où qu'ils empruntent à leur tour de la race coriquise. B'OEt A vdié Jibt Il renvoie à un ouvrage antérieurement publié par lui (intitulé Gré- goire de Tours et ses contemporains), dans lequel il a exposé l'origine de ces rapports complexes de la race conquérante avec la race conquise dans les porlions occidentales de l’empireromain. Quant à l’esprit d'indépendance, apporté, selon M. Guizot, par les peuples barbares au sein de kr civilisation romaine, M. Lœbell ne sem- ble lui accorder qu’une-part très-restreinte ; selon lui, cet esprit d’in- dépendance avait toujours existé dans les proyinces romaines; ét si, dans les derniers siècles, il s'était assoupi, le plus léger souffle venu du dehors suffisait pour l’attiser et le réveiller de nouveau. Ce ne sont point les Germains qui ont apporté les premiers l'élément de la‘liberté in- dividuelle; à chaque page de l’histoire ancienne (de, l'Europe bien en- tendu) on en trouve des traces ; la Grèce surtout en était imprégnée, à la différence du monde Érieltale qui n’a jamais connû celte tendance de l'Occident à faire prévaloir et FÉSRECIER la liberté “ ie indépendance de l'individu. M. Lœbell , toutefois sfaitune Si it antique n'a pas connu au même point que: le, monde.moderne;cette; liberté in dividuelle; dans l antiquité classique, c'est là ville, lavhourgade, la province qui s'efforcent d’ acquérir une ‘existence indépendante, et qui pour atteindre ce but ne ‘craignent point: ‘de sé iméttre en opposition avec l’ensemble du pays,-avee la hation,) dont iélles‘né sont'que des fragments. Chez les races germaniques, au contraire, et dans les États formés par la fusion des Germains et dés races romanes, est l'individu lui-mêine qui se posé comme:tel, et qui aspire aiiatibbrté illimitée , aux dépens de l’aisemble; aux dépés de: “Eh riatiomalitée C'est l’homme qui veut et sait être libre. Cette concession restreinte , faite par M. Lbell , ést encore limitée par lui. Les vainqueurs Germains, répète-{-il, n’apportent point à ceux 560 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. seuls cette tendance; les éléments de cet esprit d'indépendance, de cet esprit d individualisme étaient donnés par le temps, par une nécessité impérieuse, sans laquelle aucun fait historique ne saurait se produire. Après l'invasion des peuples barbares, la civilisation, un moment inter- rompue , dut se reconstruire par fragments, et procéder, si j'ose m’ex- primer ainsi, du simple au composé. Ici l'auteur entre dans des détails ingénieux sur le systéme de pon- dération et, d'équilibre qui règne dans l’histoire. À cette occasion, M. Lœbell montre l'esprit d'individualisme représénté par les Ger— mains en lutte avec l'esprit centralisateur , qui prévalait dans l'empire romain. Il termine en émettant le vœu que notre époque s iapphquest à fondre et à réunir cette double tendance. La Section vote l'impression de ce mémoiret, M. Richelet fait une communication verbale sur des anti- quités, romaines {rouvées à Bergzabera ; il appelle l’atten- tion des amateurs sur des fragments de vases dont il démontre la fabrication très-récente. M. Friry, de Remiremont, lit un mémoire sur la peinture à l’encaustique: Le procédé, trouvé par l’auteur de ce mémoire, consiste à appliquer sur le tableau, à l’aidé d’un pinceau, des cires colorées et fondues, d'attaquer ensuite ces cires à l’aide d’un fer chaud. M. Friry affirme que le-fer qui pénètre ainsi dans l'intérieur des cires remplit parfaite- ment l'office d’un pinceau. Après la séance, M. Friry est invité par M. le Président à faire des essais devant quelques membres de la Section. — — Huitième séance. — Du T octobre 1822. Rapporteur : M. SPACH, Secrétaire. Sont:présents au bureau : MM, Gomarmond, Président ; Richelet , Bæhr, behinins Vice-présidents , et MM. les Se- crélaires. Le séance est ouyerLe à huit heures un quart. M. G. Soldan , professeur agrégé à l’Université de Giessen , lil un mémoire sur le culte et le procès des templiers. M. Soldan examine plus spécialement Ja question suivante : Le culte des lempliers a-1-il existé comme culte spécial ? et répond par la néga- * Voy. les mémoires de la 5° Section, 2° vol. DIXIÈME SESSION. 561 tive. Quant à d’autres inculpations portées contre l'ordre , par exemple celle d’une réception à deux degrés, d’une initiation secrète, de mystè- res anti-chrétiens, de vices hideux, l’auteur du mémoire convient que l'instruction du procès des templiers semble établir ces points; mais qu’en examinant avec une scrupuleuse attention les détails du procès, la position de l’église et du royaume de France, on arrive à ne voir dans les accusations formulées contre les templiers qu'une grossière et bru- tale reproduction des attaques auxquelles les hérétiques ont été en butte pendant le moyen âge. L'ordre des templiers , aux yeux de M. Soldan, est complétement in- nocent; ce n’est point l’ordre qu'il faut accuser d’avoir lui-même amené sa chute: il est tombé victime de lavarice, de la cupidité de Philippe- le-Bel et de la faiblesse du pape. g M. Soldan met en lumière les contradictions flagrantes entre l’abo-— minable hérésie dont on accuse les lempliers et leur, conduite noble, ferme, toute chrétienne et toute catholique pendant le procès et dans les tourments de la torturé ou du sapplice. L'auteur conelut ainsi : Il n’existait point de culte secret parmi les templiers; les aveux même des prisonniers ne méritent aucune croyance; car ils nesont que lerésultat de l’intimidation et le produit de l’influenee royale. 4 +. ! Sur la proposition de M. Warnkænig , la Section demande à l’unanimité que cet intéressant mémoire de M. Soldan soit traduit en entier et recommandé au Bureau central pour l'impression! L Let La lecture du travail de M. Soldan donne lieu à une re- marque de M. With, inspecteur de la navigation et agent con- sulaire de France à Mannheim, sur un monument figuré ; re- latif au culte des templiers, dans un T'empelhof, près de Deux- Ponts. M. Warnkænig cite , à propos du mémoire de M. Soidan, un ouvrage de M. de Ghambure, sur des manuscrits concer- nant la règle des templiers, et qui prouve aussi avec beau- coup d’évidence la non-culpabilité de l’ordre. M. Richelet fait hommage à/la Section d’un vavrage de M. Spencer Smith , membreide la Société royale dé Londres, ES é Ÿ intitulé : Collectanca Gersoniana, recueil d’études, derecher- ches et de correspondances littéraires ayanvtraitawproblème bibliographique de l’originedel imitation de Jésus-Christ, : Caen 1842. Ge volume renferme entre‘autres wnéloge des écrivains copistes, dans lequel Gerson cherche à relever la position des écrivains de son époque. 1 Voy. les mémoires de la 5€ Section, 2° vol. 562 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. M. Comarmond observe à cette occasion que le tombeau de Gerson se trouve dans l’église de Saint-Paul, à Lyon. M. Daguet , de Fribourg, monte à la tribune pour parler sur la onzième question d'histoire: Quel est le résultat des recherches critiques sur l’histoire de Guillaume Tell? M. Daguet remonte à Guillimann , père de l’école sceptique, et qui, lé premier, prétendit que l'histoire de Tell était une invention du peuple suisse faite en haine du peuple autrichien. Mais Guillimann vivait au- près des archiducs autrichiens dont il était l'historiographe. M. Daguet relate ensuite l'ouvrage d'Uriel Freudenbérgcer et de Haller (fils du grand Haller), qui publièrent en 1760, sous le voile de l’anonyme, leur Guil- laumé Tell, füble danoise. Cé Hvre qui prétendait, à l’aide de Saxo Gram- imaticus, reléguer l’histoire de Tell dans le domaine de la mythologie, fit en Suissé üné imrense sensation. Le bannissement fut prononcé contre les auteurs inconnus, et l'ouvragé brülé par la main du bourreau. Balthazar, de Eucerne, et Zurlauben entamèrént üne polémique à l’oc- casion de cêtte publication. L'orateur ne cite que pour mémoire le nom de Voltaire , qui niait l'existence de Tell comme il niait toute chose. Grâce à Jean de Müller, Tell remonte sur son piédestal. L’'illustre histo- riographe suisse fixe la mort de Tell à l'an 1354, etle poëte Uhland im- mortalise par une ballade le fait héroïque, à la suite duquel le libérateur de l’Helvétie trouva la mort dans les flots'. De nos jours, Kopp, de Lucerne, essaya de nouveau de révoquer en doute l’existénce de Tell : aussi l’a-t-on surnommé tour à tour le Nie- bubr et l’Attila de l'histoire nationale. Le professeur Kopp traite de révolte la conjuration du Grütli el étaye lé système dé Guillimann par de nouvelles récherches. Vers la même époque, Hüsely publie une dissertation latine dans laquelle il reproduit les arguméfits des défenseurs de Tell. Aujourd’hui l'opinion de Hüsely s’est un peu modifiée; il doute de la circonstance de la pomme posée sur la tête de l'enfant. Quant à l'opinion publique en Suisse, elle est fortement prononcéé contre Kopp; on ne partage pas même l'opinion de Hüsely. Après avoir discuté la Yaleur des écrivains qui ont tour à lour attaqué et défendu Guillaume Tell, M. Daguet pose trois questions : 1. Guillaume Tell ést-il un personnage historique ou un mythe ? 2. "Tell a=til acéompli tous les faits que lui prête la tradition histo- rique ? di 4. sas degré d'importance faut-il lui altribuer, s'il a réellement existé? AU UE Quant À la première question, M. Daguet pense que les écrits , les monuments et les traditions prouvent à la fois l'existence de Guillaume : Tell périt en voulant sauver un enfant dans une inondation du Schæchen. DIXIÈME SESSION. 365 Tell. La chronique des barons de Klingenberg parle de lui, pas en dé- tail, il est vrai, mais elle mentionne Tell comme un lyrannicide. Mel- chior Rüss, qui vivait vers 1499, raconte la même tradition, Dans les détails, Rüss ne se rencontre pas avec Tséhudi ; mais il suffit qu’il parle de Tell, qui a pu être connu par le grand-père du chrôniqueur en ques- tion. Un fait constaté, c’ést que cent trente habitants de Bürglen, et qui tous ont connu ow entendu parler de Tell, ont assisté, en 1388, à l'é- rection de la chapelle construite en son honneur. A partir de Rüss, tous les historiens parlent de Guillaume Tell. Jean de Winterthur, le cordelier et Je chroniqueur, qui lors de la bataille de Morgarten était âgé de neuf ans , ne parle point du héros de Bürglen. Pour expliquer cette lacune ou cette réticence; il suffira de se dire que la Suisse alors n’était qu'un point Jmperceptible des domaines autri- chiens, qu’elle se réduisait de fait à quelques pauyres vallées, et que la personnalité de GuillaumeTe]l pouvaitne pas,ayoir frappé Jean de Win- terthur. Plus tard seulement , lorsque la confédération suisse. vint à grandir, on se demanda quel avait été le point de départ de cet état de choses. Jean de Winterthurétait d’ailleurs l’antagoniste des montagnards d'Uri, qu'il traite de rebelles; en bon Autrichien, il n'aime point à racon- ter les défaites des gouverneurs autrichiens, SC ra | M. Daguet discute ensuite la légende scandinaye racontée par Saxo Grammaticus, et dé laquelle on,a voulu induire fa non-existence de Guillaume Tell, parce qu'il se rencontre entre les gestes de ce dernier et ceux d’un héros scandinave du huitième ou neuvième siècle une.ana- logie frappante. M. Daguet pense qu'aucune histoire.ne subsisterait si l’on voulait détruire une tradition par cela seul qu'il existe dans un autre paysune tradition semblable. D'ailleurs la circonstancede la pomme n'est pas le seul fait dans l'histoire de Guillaume Tel] , et cette circons- lance est la seule qui se trouve être identique dans les deux traditions. 1INTEITT en l’honneur de Guillaume Tell ? Auraient=ils été élevés pour ou. contre lui? Tell a été, de l’aveu général, métayer à Bürglen; on cite même une fondation faite par lui en l'honneur d'une église. La tradition concernant Guillaume Tell est universelle ; ces hommages auraient-ils été rendus à un fantôme? ïà AR) M. Daguet discute aussi incidemment opinion, qui, fait sortir. de Scandinavie les Suisses des cantons primitifs, Æn admettant que cette 0 tradition soit vraie, et que les émigrés eussent emporté du Nord la tra- .… Que signifieraient d'ailleurs tous les monuments construiis ;en Suisse dition relatée par Saxo Grammaticus, cette migralion n’aurait pu avoir lieu qu’au dixième ou onzième siècle, époque à laquelle la Scandinavie était encore idolâtre. Les Suisses auraient donc bâti des monuments re— ligieux en l'honneur d’un héros illustre parmi leurs ancêtres païens ? … M: Daguet conclut à l'existence de Tell. Quant à la seconde question, il pense que plusieurs détails de l’histoire de Tell sont contestables: il semble disposé à ne point croire authentique la circonstance de la pomme. I discuté aussi quelques détails de la navigation sur le lac, de l’arrivée 504 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. à Küsnacht; enfin, le nom de Gessler (Geissler) lui fournit le sujet d'une discussion piquante. La troisième question, sur l'importance relative de Guillaume Tell, _est résolue en ce sens par M. Daguet : que l'on a évidemment exagéré l'influence de Tell sur les destinées de la patrie. Les trois conjurés du Grütli pâlissent devant la figure de Tell, quoiqu’à vrai dire ce sont eux qui ont valu aux cantons primitifs la liberté et l'indépendance; ils pâ- lissent, parce que le peuple , amoureux du pittoresque et du merveil- leux, s’est épris d’un homme héroïque, à la fois chasseur, archer et nau- tonnier. - Les applaudissements de l’assemblée accueillent cette bril- lante improvisation de M. Daguet. M. Chauflour demande déif explications sur la dHcobilfhe des barons de Klingenberg. M. Daguet s’en réfère à la chronique de Rüss, qui ren- ferme la citation. = M. Stahl, professeur d'histoire au Séminaire protestant, fait quelques objections savantes au système patriotique de M. Daguet, et demande à développer son opinion. La parole lui est réservée pour la séance du lendemain. M. Richelet , à l’occasion de la quinzième question d’his- toire, donne quelques détails sur un ouvrage de M. Cauvin, président de FInstitut des provinces de France au Mans, qui s’occupe de la géographie historique du Maine, et dont le travail formera la première publication de l’Institut des pro- vinces de France. M. Gauvin classe les communes par ordre alphabétique: il fait la synonymie des noms latins, et donne des extraits de chartes à l’appui; des pièces justificatives et des cartesgéographiques seront annexées à l’ouvrage. Il serait désirable qu’un travail pareil se fit dans toutes les provinces de France: :M.Richelet prend congé de l’assemblée, en la remerciant dans lestermes les plus obligeants de l’honneur qu’elle lui a fait en lui conférant la vice-présidence. _——R——_— Neuvième séance (extraordinaire). — Du 7 octobre 1842. La lecture du mémoire de M. l’abbé Latouche a excité l’in- térêt des personnes présentes, qui ont exprimé le désir de DIXIÈME SESSION 565 voircoñlinuer l'exposition complète de son système de linguis- tique, et demandent que le Bureau de la cinquième Section fixe une nouvelle séance, afin que M. Latouche puisse dévelop: per sa méthode. Dixième séance. — Du S octobre 1842. Rapporteur ::M. SPACH, Secrétaire. Sont présents au Bureau: MM. Comarmond.; Président ; Bæhr, Schirlin , Vice-présidents , et MM:les Secrétaires. La séance est ouverte à-huit. heures: La parole est à M. Stahl , pour répondre à M:Daguet ;: de Fribourg. sto1qsldsie M. Stahl annonce.qu'iltraiteraile sujet. de/Guillaume Tell sous deux points de-vue:: 1. Gelui de l’opinion reçue (ce qu’il appelle la vulgate) ; 2. Celui de l’histoire contemporaine, pour. voirsi celle-ci confirme l’opinion-recue;. D O0 M. Stahl récapitule l’histoire de la Suisse-avant Guillaume Tell; puisil passe en revue les chroniqueurs et lesihistoriens qui ont parlé du héros populaire de la Suisse. Jean de Winterthur, le plus ancien chroniqueur;contem- porain de Tell , ne fournit rien sur le comple:de: celui-ci; donc M. Stahl le passe sous silence. Quantà'la chronique des Klingenberg, il demande si.ce nom représente un seul au- teur, ou si c’est une chronique de famille, Quant à la date-de la chronique, il est difficile de la fixer; M. Stahlla place entre 1420 et 1450:-Les Klingenberg isontccités par Rüss d’une manière très-équivoque: Le Bernois Justingeriest igno- rant, sans ordre chronologique; du reste excellent raconteur. Melchior Rüss s'appuie de Justinger pour rédiger sa chro- nique. Le même Rüss cite, comme autorilé (en parlant de Tell), une chanson: il parle tantôt des gouverneurs, tantôt du gouverneur. me ges Rüss, qui écrit vers 1482 , est suivi par Petermann et Et- terlin (1510); c’est une répétition de Rüss. 506 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Diebold Schillinger présente des variantes; ici c’est un comte de Seedorf qui a obligé Guillaume Tell de tirer la flèche en 15343; tandis que Rüss place le fait en 1314; le drame d’Uri place l’histoire de Tell en 1296, Il est inutile de nommer les autres chroniqueurs. Les études historiques et classiques commencent au seizième siècle. M. Stahl cite entre autres Stumpf, un auteur allemand, ecclésiastique, qui a passé sa vie dans le canton de Zurich, et qui a publié un ouvrage historique sur la Suisse, en 3 vol. in-fol. Mais Stumpf est dépassé par son contemporain J. Tschudi, vrai phénomène yun home qui a passé la moitié de sa vie dans les affaires!, ‘etqui: écrivit sa chronique, sa Gallia comata, vers 1550:-Sa chronique commente à l’an 1000; elle a fixé la tradition de Tell. | Ilexiste aussi une composition dramatique sur Guillaume Tell, rédigée au commencement du dix-huitième siècle par an habitant d’Uri:- Enfin, l'ouvrage de Jean de Müller pa- rut en 1789, Après cette revue sommaire des écrivains qui parlent de Tell et qui ont contribué à former sur son compte la vul- gate’ ou l’opinion jusqu’aujourd’hui reçue, M. Stahl examine surtout la position des Suisses vis-à-vis de l’empire d’Alle- magne ,/et demande si les Suisses ont pu être indépendants. Il faudrait-sur cela des preuves évidentes. Tout ce que nous savons ;'c’est que-des dignitaires impériaux gouvernaient le pays. Le silence le plus complet règne chez tous les écrivains contemporains sur tout ce qui touche aux quatre cantons. Nous sommes ‘6bligés de recourir au! pays de Galles pour trouver une mention de la Suisse. Là vivait, en 1190, Ti- ralt, l’auteur kymrique d’une topographie de l'Irlande; à l’occasion d’un lac d'Irlande , Tiralt cite aussi un lac suisse. Dans la lutte entre l'empire et le sacerdoce, le pouvoir im- périal s’affaiblit aux extrêmes frontières ; mais Rodolphe de Habsbourg) qui rétablit le calme’et l’ordre dans l’empire, maintint aussi en Suisse l’antique pouvoir; et, après sa mort, Albert son fils sut de même faire respecter son autorité dans les cantons. Dans aucun diplôme il n’existe une trace du soulèvement de 1307; et si les Suisses n'étaient pas serfs de la maison d'Autriche , bien certainement ils étaient ses sujets. = DIXIÈME SESSION. 3067 Quant à l’histoire même de Tell, les chroniqueurs et les historiens la rapportent avec des variantes. Rüss, en par- lant de la mort d’Albert d'Autriche , l’énonce ainsi: «Les Suisses se mirent en campagne.et tuèrent Albert d'Autriche, près de Windisch !».Après un:fait dénaturé de la sorte, Rüss ne peut plus mériter aucune confiance: M.Stahl discute ensuite l’autorité de Jean de Müller, qui fait de Tell un métayer établi à Bürglen. Gependant aucun diplôme ne mentionne Tell. La charte de 1388, où ilest question de la chapelle.élevée en l’honneur de Tell ,:n°a jamais été publiée. Müller-fait naviguer Tell jusqu’au Grüuli, par un fœhn violent; puis ;.ille reconduit jusqu’à la chapelle (Tellenplatte) ; c’est une:impossibilité matérielle’etgratuite. Müller fait prendre terre à Gessler au châteaü de Küssnacht, il n’a évidemment purtraverser,le-chemin:ereux: (en venant du lac). Müller, enfin ; en parlant de-Jean-le-Parricide , af- firme qu’on ignore. comment mourut; cet assassin: Or! en 1772, l’épitaphe de Jean-le-Parricide a été publiée, et l’on sait (par un passage du 0°.volume de Muratori) qu’en 1312, à Pise, le duc Jean a.été présenté à l’empereur Henri VIT. M. Stahl se résume. Un seul fait existe, raconté ide deux manières par l’histoireet par la tradition; en d'autres termes, il est arrivé à Tell ce qui, s’est passé dans l’histoire d’Attila, de Fingal, d'Arthur et de Gharlemagne, qui se-présentent aussi à la postérité, sous deux faces différentes ;:mon-seule- ment les hommes sont. doubles, mais Fhistoireselle-même est double. ‘ ! 1110 Tue ANHIGTO( LUI Nous ne donnons,que les contours de-cette Jongue-et sa vante improvisation, qui a-élé-écoutée.avecde plusivifin- térêt par la Section. 000: | PIN A IU9ÎUS M. D RÉSEUUR ICT tell b'o8t no 5 mors : Daguet réplique à M. Stahl: 1.911119 9HJUI 61 «Il n’est pas étonnant, dit-il, que les Suisses n'aient point d'histoires contemporaines de Tell; le peuple suisse avait. horreur, des.écrivains, des hommes à parchemin. Le silence de Justinger :ne prouve pas grand'chose. Nicolas de Flue, le pacifcateur de la Suisse, le pieux ermite, a bien cerlainement existé ; cepétidant Diebold Schillinger, un auteur contemporain et témoin oculaire , puisqu'il a assisté à la diète de Stanz, ne dit pas un seul mot de Nicolas. La chronologie relative à Tell est embrouillée, il est vrai, mais il en est de même pour beau- 068 CONGRÉS SCIBNTIFIQUE DE FRANCE. coup d’autres événements. M. Stah], d’ailleurs, semble se contredire . en traitant Tschudi d'abord d'auteur véridique, puis en lui reprochant ses contradictions el ses mensonges. M. Daguet affirme qu’en 1106 déjà on trouve des citations du nom Suisse. I] finit par repousser l'inculpation lancée par M. Stahl contre les gouvernements suisses, qui n'auraient rien fait pour leur histoire nationale. Le grand nombre de questions et de travaux qui restent encore à épuiser ne laissent point à M. Daguet le temps de développer ses objections contre le système présenté par M. Stahl. M. le Président clot la discussion, qui a duré une heure et demie. M. Comarmond.cède le fauteuil à M. Schirlin, et monte à la tribune pourdire un mémoire: sur la dernière question d'archéologie ; ainsi posée : On trouve dans le lit de plusieurs de nos rivières, et dans les terrains d’alluvion ou d’attérissement , des agglo- mérats ou des puddings, composés de brèches , de galets et de divers. objets de facture humaine. Peut-on établir l’âge et la théorie de cette formation moderne? Quels avantages peuvent retirer l'archéologie et la géologie de cette réunion de débris et d’objets anciens trouvés dans les puddings modernes P M. Comarmond commence par soumettre à la Section plusieurs morceaux de puddings de rivière, qui renferment des médailles romaines et des débris d'instruments. Puis il établit dans son mémoire la question suivante : Sila présence de débris organiques variés, déposés dans le sein de la terre, est nécessaire pour reconnaitre l’âge respectif de La couche dans laquelle ils reposent, ne serait- il point. possible que depuis l'apparition de l’homme des objets travaillés par lui et déposés par lui ou enfouis par hasard dans le sol, pussent servir à fixer l’âge approximatif des formations contemporaines? L M. Comarmond résout celte question d’une manière aflir- q DIXIÈME SESSION. 569 mative, ayant observé lui-même , et fait retirer du lit de la Saône, dans l’intérieur de Lyon, des agglomérats qui renfer- ment des débris de facture humaine : tels que tuiles, briques , vases, verres , quelques pierres fines, quelques camées , des outils en fer ou en bronze , des médailles, etc. Des faits développés dans son mémoire il tire la con- clusion : 1. Que la formation des puddings de certaines rivières conserve des antiquités qui ne seraient jamais arrivées à nous sans ce mode de réclusion; que les antiquités en fer, par exemple, enfouies dans des terres jou exposées à l’air se dé- composeraient bien plus vite; ? 2, Que si la géologie vient au secours de l’archéologie, celle- ci, à son tour, peut venir em aide à a géologie; pour déter- miner l’âge de certaines formations modernesq on. Le mémoire de M. Comarmond sera recommandé:au-Co: mité central , pour, porter à la publicité les faits aussi neufs qu’intéressants qu’il renferme, M. le Vice-président Bæhr, professeur à l'Université de Hei- delberg, a la parole sur la treizième question de philologie : Les biographies attribuées à Cornélius Népos n’ont-celles reçu leur forme actuelle que dans le siècle de T'héodose ? L'orateur, dans un exposé court et lucide, démontre qu’à l'exception de la vie d’Atticus et de Caton, les autres biographies ou vitæ n’appar- tiennent pas à Cornélius Népos. L'ouvrage parut pour la,première: fois au quinzième siècle sousle nomd'Emilius Probus ; tous les codices nom- ment d’ailleurs Emilius Probus comme auteur. Ce grammairien vécut sous Théodose, c’est-à-dire vers la‘fin du quatrièmé siecle. Cependant, depuis lé dix-septième siècle; l'opinion qui attribuait-ces: biographies à C. Népos, c'est-à-dire à un contemporain de Cicéron, avait prévalu. De nos jours seulement on a de nouveau revendiqué pour E.,Probus la facture de ces biographies. Toutefois M. Bæbr ne pense point que l’on puisse reconnaitre dans les vilæ un ouvrage du quatrième siècle; le style et la pureté du langage s’y opposent. 11 est probable qu'Emilius Probus n'a fait qu'extraire l'ouvrage original dé C, Népos dans l'intention de composer un ouvrage élémentaire. Le but du grammairiendu quatrième siécle a été bien rempli; car, nous possédons dans,son, extrait ou dans Son travail un véritable livre d'éducation qui, depuis quatorze cents ans, sert à l'instruction de la jeunesse. 1 Voy. les mémoires de la 5e Section , 2€ vol. 570 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Un membre demande que les remarques de M. Bæhr soient recommandées à l’attention du Comité central, pour contri- buer à leur propagation, M. Hugot , archiviste - bibliothécaire de la ville de men à fait une bn icution sur un travail, qu’il exécute sous les auspices de la ville de Haguenau , travail qui a pour objet le re- cueil et la publication des ducuments qui constatent l’existence politique des anciennes villes impériales d'Alsace (Landvogtei de Haguenau). Il met sous les yeux de la Section le résultat des explora- tions faites par lui jusqu’à ce jour dans les archives des an- ciennes villes impériales d'Alsace. La cinquième Section écoute avec intérêt les communi- cations de M. Hugot; elle témoigne sa satisfaction de voir la ville de Haguenau occupée d’une entreprise aussi profitable à l’histoire locale , et elle émet le vœu que d’autres villes se- condaires d'Alsace veuillent bien suivre cet exemple. Onzième séance (extraordinaire). — Du 8 octobre 1842. Dans la séance extraordinaire du 8 octobre, M. l’abbé La- touche a continué à exposer sa nouvelle méthode linguisti- que; il a démontré la clarté de son enseignement de la langue hébraïque, en présentant un de ses élèves, âgé de douze ans, qui a traduit avec facilité quelques passages de la sainte Bible. Douzième séance. — Du 9 octobre 1842. Rapporteur : M. SPACH, Secrétaire. Sont présents au Bureau : MM. Comarmond, Président ; Schirlin, Vice-président, et MM. les Secrétaires. La séance est ouverte à huit heures et quart. 1 Voy. les mémoires de la 5° Section, 2° vol. DIXIÈME SESSION. 571 + Le procès-verbal est adopté avec une légère modification. M. le Vice- président Schirlin, professeur au Séminaire diocésain, a la parole sur la dix-seplième question d’histoire, ainsi COnÇUE : L’historiographe, pour écrire. l’histoire d’une nation, doit-il se placer au point de vue subjectif de sa propre reli- gion et de sa nationalité? ou bien doit-il se mettre au point de vue de l’époque qu’il raconte? ou bien le point de vue du cosmopolitisme philosophique doit-il étre adopté par lui de préférence ? L'orateur, après des considérations générales, répond d’une manière négalive à la première question. Le culte de l’historien doit être celui de la seule vérité. L’historien doit être attaché à sa religion et à sa na- tionalité ; mais du moment qu’il écrit, il ne doit se souvenir que de la magistrature élevée qu’il est appelé à exercer. Le point de vue de l'historien doit être purement scientifique et philosophique. A la seconde question, M. Schirlin répond affirmativement. Toute- fois l'historien ne doit point s’emprisonner dans le point de vue de l’é- poque qu’il décrit. Il faut que la science de son époque lui serve de flambeau, pour éclairer l’histoire du passé. Quant à la troisième question , l’auteur l’affirme de la manière la plus explicite. L'expérience individuelle de l'historien s'agrandit de l’expé- rience du genre humain. L’impression de ce mé moire est votée à l’unanimité 1. M. Baum prend la parole sur le même sujet : il pense qu’il faut distinguer l’historiographie de l’investigation historique. Le but principal de l’historien , c’est d’échauffer le cœur et d'élever l’esprit. Pour résoudre cette question, il faudrait passer en revue tous les historiens de tous les temps. Le bon historien ne peut abdiquer sa nationalité s’il veut intéresser. L’historien passionné, tout en faisant Ja juste part à la vérité, exercera plus d'influence que l’hislorien-placé au-dessus de toute considération de nationalité. : Quant à la deuxième question , l’orateur pense qu’en tout cas l’historien doit se placer au point de vue de l’époque dé- crite par lui, et ne point appliquer les principes de son propre 1 Voy. les mémoires de la 5e Section , 2€ vol. 24. 572 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. temps, parce qu’il arriverait à être souverainement injuste. Le cosmopolitisme philosophique n’a point de base. Pour défendre sa thèse de l'historien passionné, M. Baum caractérise Jean de Müller, et le défend contre les inculpa- tions dont il a été l’objet dans la séance d’hier. En résumé, il faut réanir les trois points de vue, et ne point écrire l’histoire comme une chronique , ni la traiter comme une simple formule philosophique. M. Schirlin fait quelques remarques sur l’improvisation de M. Baum; il pense se rencontrer avec lui, si ce n’est pour les termes, du moins pour le fond. La philosophie, selon lui, ne tend à exclure aucune vérité; mais seulement à spiritua- liser ou à idéaliser les faits. M. Warnkœnig cherche à concilier toutes les tendances. L’historien doit allier la peinture des faits avec le raisonne- ment. L’historien doit être psychologue , posséder l’ensemble des faits matériels et des faits intellectuels. On peut fort bien écrire l’histoire d’une manière à la fois objective et philoso- phique, en observant les lois susmentionnées. Pourvu que l'historien ait égard à ce que l’orateur appelle les nécessités historiques , il réunira toutes les tendances. M, Daguet fait encore quelques observations sur lesdifféren- tes classes d’historiens , sur les historiens raconteurs, les his- toriens juges et les historiens juste-milieu , qui réunissent les deux tendances. Jean de Müller est de ce nombre. L’histo- rien type ne peut être que l’historien philosophe, sans exclure pour cela les autres tendances historiques. M. le Président clot la discussion. M. J. J. Simon, bibliothécaire de la ville de Saint-Dié, parle sur les monuments celtiques ou druidiques de la Lorraine, près Saint-Dié, surtout sur un monument désigné dans le pays sous le nom de temple des Juifs. M. le Président engage M. Simon à faire une monogra- phie sur ces monuments. M. H. Robert fait quelques remarques archéologiques sur âge présumable des monuments dont parle M. Simon; il pense, puisque le fer y a touché, que ce sont des monuments de l’époque gallo-romaine. DIXIÈME SESSION. : 575 M. With, agent consulaire de France à Mannheim, a la parole sur quelques figures allégoriques des cathédrales de Strasbourg , de Worms, de Fribourg et de Bâle. Les statues dont il s’agit sont celle de l'impureté, qui détruit les temples, et celle de la piété ou de la foi, qui les élève. M. With entre à ce sujet dans des détails d’un grand intérêt. Le même orateur soumet à l’assemblée la proposition de faire auprès de qui de droit des démarches pour obtenir que la pierre tumulaire d’Erwin de Steinbach soit enlevée du lieu peu convenable où elle est posée en ce moment, et qu’une place honorable soit assignée , dans l’intérieur de l’église, à l’architecte d’un monument qui permetaux mortels de frapper à la porte des cieux. La Section prend en considération la proposition de M. With. | MM: Baum, Reuss et Louis Spach ont été nommés mem- bres de la Commission de la Société encyclopédique des bords du Rhin. M. Comarmond, avant de clore la Session, remercie l’as- semblée de l'honneur qu’elle lui a fait en le portant à la pré- sidence. La cinquième Section vote des remerciments à son Bureau. 574 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. SIXIÈME SECTION. PHILOSOPHIE , MORALE, ÉDUCATION , LÉGISLATION. Première séance. — Du 29 septembre 1842. Rapporteur : M. WiLLM, Secrétaire. La sixième Section s’est réunie pour la première fois, au- jourd’hui, le 29 septembre, à neuf lieures et demie du matin, à la salle de la Faculté des Lettres , sous la présidence pro- visoire de son Secrétaire. Avant de procéder à la nomination du Président et des Vice-présidents, on convient du mode qu’on suivra dans cette opération. Il est décidé qu’on élira par un seul et même scrutin le Président et trois Vice-présidents, et que celui des quatre candidats qui obtiendra le plus de voix sera proclamé Président. Nombre de votants. . . . . ... . . ... …. 162 Ont obtenu : MM. WannKkoENIG. . . . . Pr 6 Te —… TIALYOIS: BaMlék.ocidreon « sœ0r veulent oise FRE SÉRIE Lead M ele 2 rat 01 81 LD ent hair éone A PR a EEE AE Le DR =. Labels Æ 32 GUERRIERNE DuMaAsT... . ... . « +, » 23 Lodoctenr DIETRICH... . . . . ..: : . . 29 Detcassol.hge. 0 uetil se ds RATER En conséquence sont proclamés Président et Vice-prési- dents de la sixième Section : M. Wannkœnie, professeur en Droit à l’Université de Fri- bourg (grand-duché de Bade). DIXIÈME SESSION. 515 MM. Brucn, doyen de la Faculté de Théologie protestante. Scuozz, professeur à la Faculté de Théologie catholique . de Bonn. Lecerr, ancien avocat-général , professeur honoraire à la Faculté de Droit de Caen. M. le professeur Warnkænig, après avoir pris possession du fauteuil par une allocution accueillie aux applaudisse- ments de l’assemblée , et après avoir invité ses collègues à venir prendre place auprès de lui, fait donner lecture des questions soumises à la Section , et appelle MM. les membres à s'inscrire sur les différentes questions à la discussion des- quelles ils désirent prendre part. Se sont fait inscrire : Pour la première question de philosophie, MM. Naville et Willm ; pour la seconde, M. Naville; pour la troisième, MM. Willm etNaville; pour la sixième, M. Charles Schmidt; pour la septième et la huitième, M. Bruch; pour la neuvième, M. Gilliot, d’Erstein; pour la dixième, M. Busch. Pour la troisième question d'enseignement etd’éducation, MM. Bruch et Hennequin; pour la quatrième, M. Bruch; pour la sixième et la neuvième, M. Fritz; pour la treizième, MM. Naville, Bruch, Hoffet et Fritz; pour.la quatorzième, MM. Fritz et Bruch; pour la quinzième, M. Fritz; pour la seizième, M. Naville; pour la vingtième, MM. Mayer, de Livourne, et Willm; pour la vingt et unième, MM. Willm et Lecerf; pour la vingt-troisième, MM. Morel, Selligsberger et Piroux. Pour la première question de législation, MM. Warnkœænig, Lecerf, Hepp et Welcker; pour la deuxiènie, M. Bruch; pour la troisième, par l'envoi d’un mémoire, M. C. S. Zachariæ , conseiller intime, professeur en Droit à l'Université de Heidelberg; pour la quatrième, MM. Willm, Lecerf et Hepp; pour la cinquième, M. Lobstein père; pour la sixième, M. Hepp ; pour la septième, M. Lecerf; pour la huitième, MM. Lecerf et Ch. Drion; pour la neuvième, M. Lecerf; pour la onzième, MM. de Pom- péry et Hennequin; pour la douzième, M. Lecerf; pour la treizième, MM. Warnkœnig et Hepp; pour la quatorzième , MM. Lecerf et Hepp. Plusieurs membres demandent qu’il soit formé une sous- section pour les questions de législation. Gette demande n’esl pas admise par la majorité de l’assemblée, qui décide que toutes les questions scront traitées devant toute la Sec- lion réunie. L . . 4 L'assemblée procède ensuite à la fixation de l’ordre géné- 3576 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. ral dans lequel seront discutées les questions du Programme. Après une assez longue discussion , la Section arrête que les questions seront toules traitées dans l’ordre où elles sont inscrites au Programme; de telle sorte que celles qui n’auront pas été discutées à leur tour faute d’orateurs inscrits, seront toujours à l’ordre du jour, et pourront chaque fois être re- prises. Plusieurs nouvelles questions ayant élé proposées , la Sec- tion décide, conformément au règlement général du Con- grès, que les propositions seront soumises au préalable à la Commission centrale permanente. L'assemblée arrête enfin que la Section discutera à tour de rôle une question de philosophie ou de morale, une ques- tion d’enseignement et d’éducalion , et une question de lé- gislation. En conséquence sont mises à l’ordre du jour pour demain : 1. Les deux premières questions de philosophie, comme pouvant être traitées ensemble à cause de leur intime con- nexilé ; 2, La première question d’enseignement , et à son défaut, la seconde ou la troisième. 3. La première question de législation. Il est convenu , comme conséquence naturelle de cette décision, que si la discussion d’une où de deux questions prenait tout le temps consacré à une première séance, la question mise à l’ordre du jour après celle-là , sera discutée la première dans la séance-suivante. La séance est levée à midi. —_—08—— Deuxième seance. — Du 50 septembre 1842. Rapporteur : M. WILLM, Secrétaire. La sixième Section a tenu sa seconde séance aujourd’hui 30 septembre , de neuf heures et demie à midi, sous la pré- sidence de M: Warnkœænig , assisté de MM. les Vice-prési- dents Bruch , Scholz et Lecerf. Le procès-verbal de la précédente séance est lu et adopté sans réclamation. DIXIEME SESSION. 311 Le Secrétaire donne lecture de plusieurs questions nou- velles proposées par divers membres, et approuvées par la Commission centrale permanente : M. Fayet, professeur de mathématiques au collége de Colmar, de- mande à faire à la Section quelques communications sur la statistique criminelle de la France, principalement sur les verdicts du j ury et des _ tribunaux correctionnels depuis 1825, et sur les condamnations avec circonstances alténuantes depuis 1833; sur la profession des accusés devant les assises depuis 1829 ; sur le nombre toujours croissant des ré- cidives depuis 1826; enfin sur la marche de la criminalité en France depuis 1825. ; Toutes ces notes sont extraites d’an travail que M. Fayet va publier sous le titre d'Essai sur la statistique intellectuelle et morale de la France. Le même demande la permission de communiquer à la Section un tableau contenant les principaux éléments de la statistique physique, morale et intellectuelle des deux départements de l'Alsace. L'assemblée décide qu’elle entendra M. Fayet dans sa séance de lundi prochain. M. le docteur Richard, directeur de l'asile des aliénés de Stephans- feld, demande à soumettre à la sixième Section quelques considérations sur le travail el le régime moral dans les asiles d’aliénés et sur la né- cessilé d’un patronage pour les aliénés indigents quéris. Gette lecture est classée à la suite des questions de philo- sophie et de morale. Enfin M. Mayer, président de l'académie de Livourne ; propose la question suivante : Existe-t-il un principe commun qui doive lier entre elles les institu- tions d'éducation , de bienfaisance et de punilion ? Cette question sera discutée à la suite de celles qui sont inscrites sous la rubrique d'enseignement et d'éducation. Plusieurs ouvrages ont élé présentés à la Section : L'Orateur, par M. de Roosmalen ; 22 édit. Paris 1842. Traité sur la religion, traduit de l'allemand de Kant , par M. Lortet, de Lyon, avec une introduction par M. Bouiller. 1841. Esquisse d'un système d'instruction el d'éducation, par M; Fritz ; 3 vol. Strasbourg 1841 -18492. La morale de l'enfance , par M. Morel de Vinde. 1834. Comparaison de la situation de l'instruction primaire en 1837 el 1840, par M. Fayet. 578 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE, Enfin, M. Lortet dépose sur le bureau quelques exemplaires d'une lithographie représentant l'établissement gymnastique de Genève. Conformément à l’ordre du jour, la parole est ensuite accordée à M. le pasteur Naville , de Genève , pour la lecture d’un mémoire relatifaux trois premières questions de philoso- phie, concernant l’éclectisme et la critique philosophique. M. Naville commence par dire que les idées qui se rattachent aux mots éclectisme français lui paraissent très-confuses, confusion dont il a cru remarquer des traces dans la rédaction même des deux pre- mières questions du Programme. Pour éclaircir ces idées, il va faire quelques distinctions jusqu'ici négligées selon lui. Il présentera ses ob- servations sous forme de réponse aux attaques dont l’éclectisme français a été l’objet de la part de M. Bautain, dans le discours préliminaire qui précède sa Psychologie expérimentale. Abordant la question même, M. Naville expose sommairement les vues de M. Cousin. Dans ces vues , qui constituent l’éclectisme français, l'orateur distingue trois choses : la méthode, le système , le travail cri- tique. La méthode est celle de l’observation intime ; le système, c’est l’en- semble des faits de conscience et des conséquences qu’on peut déduire de ces faits; le travail critique a pour objet de rechercher, à l’aide du cri- térium fourni par la conscience, la part de vérité qui se trouve en tout système : c’est à ce travail que M. Naville propose de réserver exclusive- ment le nom d'éclectisme. L’éclectisme n’est pas un système, et selon les règles qu'il suit, il peut conduire à des résultats différents. Ce n’est pas une méthode; car, loin de conduire à un système, le travail éclectique suppose déjà un mystère arrêté. Mais à quoi sert-il alors? De contre-épreuve ou de critique pour les systèmes historiques; c’est surtout un instrument nécessaire à l’his- toire de la philosophie. C’est ainsi que M. Cousin lui-même a d’abord envisagé l’éclectisme; plus tard seulement il a confondu sous le même nom et l'observation intime et le travail critique. De là surtout les atta- ques dont il a été l’objet. M. Naville défend la philosophie de M. Cousin contre les attaques de M. Bautain, qui lui reproche 1° de n’être qu'un amas confus d'idées incohérentes; 2° de manquer d’un criterium de la vérité et de mêler le vrai avec le faux; 3° de réduire les principes ration- nels à n’être que des faits généralisés ; 4° d’être impuissante pour rendre raison des vérités objectives. M. Naville repousse successivement ces quatre reproches. Il montre quant au premier que l’accusation d’incohérence ne saurait atteindre l’éclectisme ni commê méthode, ni comme système, ni même comme travail critique. La seconde accusation non plus n’est fondée ni quant à la méthode, ni quant au système, ni quant à l’éclectisme proprement dit contre lequel elle est surtout dirigée. Avant de passer aux deux dernières accusations soulevées par M. Bau- tain contre la philosophie de M. Cousin en même temps que contre la philosophie écossaise, M. Naville s'arrête un instant pour se résumer et DIXIÈME SESSION. 319 pour répondre en passant d’une manière plus directe aux deux premières questions du Programme : ces réponses résultent, selon lui, de tout ce qui précède. Il répond en même temps à la troisième question, concer- nant la critique philosophique sans système arrêté; il applique ses prin- cipes à cet égard à l’utilitarisme, au système de Loke, à celui de Ros— mini, et établit cette règle : plus la doctrine soumise à notre critique est complète, plus il importe, pour la juger, de posséder déjà sur les matières qu’elle traite d'idées déterminées. Après avoir ainsi répondu incidemment aux trois premières questions du Programme, l’orateur révient à sa réfutation des reproches que M. Bautain a dirigés contre la philosophie écossaise et les vues de M. Cousin. _ Le troisième reproche tombe évidemment sur la méthode de l’obser- vation psychologique, qu’il accuse d’assimiler la philosophie rationnelle à la physique, et de ne produire qu’un système d’empirisme, objection faite également par M. Le Roux, et qui a beaucoup d’affinité avec les attaques de Hume contre le principe de causalité, M. Naville fait res— sortir ce qu’a de singulier cet accord sur ce point de trois penseurs aussi opposés que le sont MM, Bautain, Le Roux et Hume, Répondant à l'ob- jection, il montre la différence qui existe entre la généralisation par laquelle on détermine les lois de la nature physique ou psycholoëique, et celle au moyen de laquelle on pose un principe rationnel. La pre- mière se fait par la comparaison de plusieurs faits et l'abstraction; la seconde s'élève sur un seul fait duquel on dégage l'élément transcen- dant, nécessaire et comme tel universel : à proprement parler on ne généralise pas; on ne fait que reconnaitre un élément général préexis- tant. C'est par un abus de langage qu’on a appliqué la qualification d'empirique à ce procédé, La quatrième accusation dirigée contre la méthode psychologique d’être impuissante pour rendre raison des vérités objectives , n’est pas plus fondée selon M. Naville : les éléments de raison que nous révèle notre conviction; nécessairement subjective, sont précisément ce avec quoi nous avons prise sur le monde objectif, et ces éléments présentent des caractères qui ne permettent pas de les confondre avec le moi et ses modifications; l'individu ne peut s'élever au-dessus de ses facultés qu'au moyen de ses facultés même. Prendre son point de départ hors de soi Pour arriver à la vérité des choses objectives, c’est aboutir nécessaire- ment à un scepticisme passif et absolu. Pour faire voir dans quelles in- conséquences se jettent ceux qui prennent leur point de départ hors de la raison tout en raisonnant > il prend pour exemple Ja proposition de M. de Lamennais, que nous ne pouvons croire raisonnablement à notre existence qu’autant que nous croyons en Dieu : il lui reproche surtout , de confondre sans cesse l’ordre logique de la formation des idées avec Ù ordre antologique dell&production des substances, et lui renvoie l’épi- thète d’absurde que le célèbre écrivain a lancée contre ses adversaires. M. Naville finit par relever une dernière accusation plus grave, diri- see contre l'éclectisme par M. Bautain. Selon lui, M. Bautain reproche 580 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. à cette philosophie l'indifférence morale. L’orateur s'applique à démon- trer que ce reproche d’immoralité retombe à bien plus juste titre sur le système professé par l’école à laquelle appartient M. Bautain, puisqu'on ne saurait infirmer l'autorité de la conscience psychologique sans dé- truire en même temps celle de la conscience morale. La lecture de ce mémoire est à plusieurs reprises inter- rompue par des applaudissements. La Section est unanime pour réclamer pour le discours de M. Naville l'honneur d’être reproduit dans une des assemblées générales du Congrès 1. M. Naville ayant reproché aux deux premières questions du Programme d’être rédigées d’après des idées un peu con- fuses sur l’éclectisme, M. Willm , Secrétaire de la Section, demande la parole pour justifier cette rédaction , surtout en ce qui concerne la première question. [I dit que l’éclectisme français n’est pas une simple méthode ; que c’est un travail critique, ayant pour règles des principes fournis par l’obser- vation psychologique , et tendant par là même à un système qui puisse devenir ce que Leibnitz a appelé quædam peren- nis philosophia : que c’est un système auquel on arrive par un travail critique exercé sur les systèmes de philosophie au moyen de principes fournis par l'analyse de la conscience ou de la nature raisonnable de l’homme , considérée comme infaillible. Après M. Willm, la parole est accordée à M. le chevalier Laur Martini, professeur en médecine à l’Université de Turin, qui présente des réponses à la première et à la seconde question du Programme. Ces réponses, à cause de leur concision, se refusent à l'analyse : elles seront textuellement insérées dans le procès-verbal. En voici la teneur : 1° Question : Définir l’éclectisme en général, et en particu- lier l’éclectisme français au dix-neuvième siècle. Comparer ce dernier, comme méthode, avec celui qui semble résulter de la philosophie de l'histoire de l'esprit humain, selon Hégel. L’éclectisme, selon son étymologie, est un choix de tout qui est ou qui semble meilleur dans tous les systèmes. Potamon, d'Alexandrie, est le fondateur de l’éclectisme. Juste Lipse , : Voy. les mémoires de la 6° Section, 2° vol. DIXIÈME SESSION. 581 peu avant Descartes, donna un éclcectisme à sa manière ; Qui tendait à concilier le catholicisme avec le protestantisme. M. Cousin, dans notre siècle, se fit chef d’une école qu’il nomma éclec- tique. Reid et Dugald-Stewart avaient donné l’empirisme de la cons cience; Kant, l’idéalisme critique ou transcendental: Fichte, l’idéa- lisme transcendental , ou théorie de la sciegce ; Schelling, l'absolu ou l'identique; Hegel, l’être-idée , ou l’idéalisme absolu. L’'empirisme ma- tériel ou le sensualisme était presque oublié. M. Cousin entreprit la con- ciliation des écoles écossaise et allemande ; cependant il ajouta beaucoup de son fond. M. Le Roux composa un longarticle, qu’on peut bien direun ouvrage, dans l'Encyclopédie nouvelle; mais son but est plutôt une censure ou— trageante et personnelle qu’une critique raisonnée. Nous avons ici trois choses à remarquer : 1. L'éclectisme est un impossible, pour ne pas dire un absurde. 2. La doctrine de M. Cousin n’est pas éclectisme, 3. Regardée comme psychologie, elle est très-digne d’éloges : mais elle ne donne point la philosophie. Venons aux preuves. I. Les systèmes philosophiques doivent être examinés dans leur es— prit, ou, pour me servir du langage de l’école, dans leur forme. Or, l’empirisme, le rationalisme, le scepticisme, enfin toutes les vérités qui en dérivent ont une forme, une essence tout à fait différente : donc la conciliation est impossible, On m'objectera peut-être que tous les systèmes ont des vérités , que la vérité est toujours vérité. Je réponds que dans chaque système toutes les propositions dépendent d’un point : si ce point, ce fondement est une erreur > nécessairement tout le reste est fautif. à IT. La doctrine de M. Cousin ne peut pas être considérée comme un éclectisme. En effet, il parle toujours du moi, de l'entendement, de la conscience, de la volonté, de la liberté. Il est bien vrai que nous lisons : Dieu, nature, ordre, raison impersonnelle; mais on ne peut pas dissi- muler qu’il touche à peine l’objet, qu'il ne l’examine pas du tout. XLL. L’essence de la philosophie est la connaissance de l'objet : la psycho- logie ne peut être qu’une science propédeutique, une préparation. Ce- pendant, si on veut la considérer comme une partie de la philosophie, on devra toujours établir que l’ontologie est la partie essentielle. Hégel donna un panthéisme : or, dans tout panthéisme on confond ensemble non-seulement le sujet et l'objet, mais Dieu et la nature. Ainsi je crois qu’on ne peut pas à la rigueur comparer le Cousinisme avec l'Hégélisme. Cependant, je dirai que la doctrine de M. Cousin, du côté de la psychologie, est très-utile ; qu’elle est imparfaite, parce qu’elle n’exa- mine pas sévèrement l’objet: que l’Hégélisme est fondé sur l'erreur, 2 2° Question : En quoi consiste l’éclectisme français de nos Jours? Diffère-t-il de l'éclectisme qui, en Allemagne, a pré- 582 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. cédé l'avènement de Kant, et jusqu’à quel point répond- -il aux besoins des penseurs de notre époque? La science, en poursuivant cette direction, pourra-t-elle se garantir des aberrations pratiques du scepticisme , d’une part, et de la confusion théorique du syncrétisme, d'autre part ? M. Cousin consulta Reid et Kant ; il y ajouta beaucoup de son propre fond; il appela son école du nom d’ éclectique. A mon avis, la doctrine de M. Cousin est un peudu psychologisme. On parle toujours ti moi, tandis qu’en philosophie on demande le non-moi. En Allemagne, peu avant Kant, Sulzer réunit la spéculation et l’ex- périence; Mendelssohn , Garve invoquèrent la psychologie et l’esthé— tique; Tetens proposa l'objectivité de la vérité; Lessing et Herder examinèrent avec une critique très-profonde les systèmes philosophi- ques; Feder analysa le cœur de l’homme. Cette période est appelée celle de l’éclectisme de l'Allemagne; mais on voit que chaque philosophe marchait à part. On ne pouvait pas regarder comme éclectique ni Spinosa, ni Leibnitz: le premier est panthéiste , le second rationaliste. Les penseurs de notre époque ont senti l'absurdité du sensualisme; l’é- cole écossaise laisse à désirer l’origine des connaissances. Kant abaisse trop la raison, et l’entraine vers le scepticisme; le panthéisme est trop contraire aux témoignages de la conscience et à la morale, pour pouvoir satisfaire. Ces doctrines contradictoires ne peuvent pas servir de fon- dement à un système qu’on voudrait appeler éclectisme. Pour procéder avec sûreté , il faut consulter la conscience et la rai- son; mais en même temps consulter la révélation. Leibnitz nous a donné un exemple admirable. La révélation n’impose pas un esclavage brutal ; elle est toujours dis- posée à donner les motifs de crédibilité. Invoquons encore une fois le docte Leibnitz : il démontre la confor- milé de la raison avec la foi. M. L. Montet, licencié en théologie, de Montauban, fait quelques observations sur le mémoire lu par M. Naville. Il ne voit que deux choses dans la philosophie de M. Cousin : une méihode et un système. M. Naville pense que le reproche d’incohérence , d’indécision ne peut pas être adressé à l’é- clectisme, soit qu’on le considère comme une méthode, soit qu’on désigne par ce mot un système philosophique arrêté. Il a essayé de montrer que si en effet ce reproche n’atteint pas la méthode de M. Cousin, il tombe de tout son poidssur l’ensemble des principes dogmatiques de ce penseur et des DIXIÈME SESSION. 585 hommes de son école, et il a cité, pour établir son opinion, deux exemples : 1° l’idée que se font les éclectiques de la raison et la définition qu’ils en donnent , définition qui est obscure , embarrassée, reposant plutôt sur une hypothèse que sur une base psychologique ou logique; 2° la manière dont M. Cou- sin et ses adeptes comprennegt les rapports du monde avec Dieu, manière vague, mal déterminée, qui les a fait accuser, non sans quelque apparence de raison , tantôt de panthéisme, tantôt d’admettre la nécessité de la création et son existence indépendante d’un Dieu créateur. M. Naville, dans sa réplique, dit qu’il n’a entendu ni ad- hérer à la philosophie de M. Cousin, ni la réfuter ; qu’il a seu- lement voulu examiner et repousser les reproches que lui a adressés M. Bautain, La discussion des deux premières questions pourra être reprise à l’occasion de celle dont la troisième sera prochai- nement l’objet. Personne n'ayant demandé la parole sur les deux pre- mières queslions d'éducation, M. le Président déclare ouverte la discussion sur la premiète question de législation : Qu'est-ce que le droit naturel ? M. Warnkœnig ouvre la discussion sur cette matière par un discours où il expose l'historique de la question, et il la précise en ces termes : 4. Y a-t-il une science de droit naturel, ou la science qui porte ce nom devrait-elle en porter un autre? 2. Si une telle science est possible, quelles sont les questions scien- tifiques qui doivent être résolues par elle? Il établit qu’en affirmant la première de ces questions, on peut de- mander : 1. Existe-t-il un droit naturel , comme droit proprement dit, et fondé sur des principes bien déterminés, droit qui n’ait d'autre sanction que celle de la raison humaine, mais tout aussi obligatoire qu’un droit pres- -crit par le législateur, et que l’on doive considérer comme une législa- tion primitive, absolue et universelle du genre humain ? 2. Ou bien y a-t-il seulement des principes de justice éternelle que la raison prescrive comme règles de la morale sociale, mais qui ne soient obligatoires comme droit que lorsque le pouvoir les a sanctionnés ? 3. Ou y a-t-il un droit naturel dans un autre sens, et dans ce cas, quelle idée doit-on y attacher? 584 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. 4. Ou, enfin, doit-on rejeter tout à fait l’idée d’un droit naturel, et dans ce cas, quelle base philosophique donnera-t-on au droit? Cette question sera reprise demain , dès l’ouverture de la séance, et la discussion sera suivie, s’il y a lieu, de celle d’une question d’éducation. La séance est levée à midi. Troisième seance. — Du 1 octobre 1842. Rapporteur : M. CATOIRE , Secrétaire. La séance est ouverte à neuf heures et demie, sous la pré- sidence de M. Warnkænig , assisté de MM. les Vice-présidents. M. Willm, Secrétaire de la Section, donne lecture du pro- cès - verbal de la séance précédente; ce procès-verbal est adopté. | L'ordre du jour appelle la suite de la discussion sur la pre- mière question de législation ainsi conçue : Qu'est -ce que le droit naturel ? discussion ouverte dans la séance précé- dente par un discours de M. Warnkænig. M. le professeur Welker, de Fribourg, inscrit sur la ques- tion, a la parole. Dans un discours incisif et chaleureux, plusieurs fois interrompu par des applaudissements unanimes, l’orateur, qui s'exprime en alle- mand, après avoir annoncé qu'il ne s’en tiendra pas à une définition purement formelle ou nominale , analyse son sujet sur quatre points : l’idée , la réalité, la source et l'usage du droit naturel ; et il parcourt rapidement la carrière qu'il s’est ainsi tracée. Et d’abord à la première question : qu’entend-on par droit naturel? l'orateur répond que c’est un droit fondé sur la nature de l'homme, également distinct de la morale par son caractère extérieur, et du droit positif par son universalité. La deuxième question : existe-t-il un droit pareil? lui semble résolue par l’assentiment universel des peuples auquel ne s'opposent que les voix isolées de quelques sceptiques, parmi lesquels figurent les chefs de l'école historique en Allemagne ; ce droit a été réalisé par la révolution française, et cette réalisation du droit naturel a régénéré le monde. Quant à la troisième question, celle des sources du droit naturel, l’orateur convient qu'ici les opinions sont si divergentes que la notion fl DIXIÈME SESSION. 385 même de ce droit s’est souvent faussée, et qu'elle semble parfois dé- faillir complétement ; mais il établit que ce droit se retrouve tout entier par la voie de l’analyse dans les résultats de l’expérience universelle. Enfin l'usage et la valeur du droit naturel.sont de servir à la fois à comprendre le droit positif et à le critiquer. En résumé, le droit na- turel est le fondement de la société ; c’est la règle de son développement et la condition deson progrès. L'Allemagne, aujourd’hui surtout, a be- soin de revenir à ce droit; il est à déplorer que les principes de l’ancien droit étant tombés , ceux d’un droit nouveau ne soient pas encore posés. La France, sous ce rapport, est à la tête de la civilisation moderne : c’est chez elle que les éternels principes du droit naturel sont réalisés. Qu’elle ‘avance en paix dans cette voie et la reconnaissance du monde civilisé lui sera de plus en plus assurée !. Ce discours est couvert des plus vifs applaudissements, Un membre de la Section propose que l’orateur soit invité à le reproduire dovant l’assemblée générale. Cette proposition est accueillie par acclamation. | M. le professeur Lecerf, de Caen, succède à M. Welker, et s’attache à établir que si la sanction extérieure est le caractère essentiel du droit, il n’existe pas un droit näturel distinct du droit positif, susceptible d’un enseignement et d’un usage distincts ; que dèslors ce qu’on nomine droit positif n’est que lapplication du droit naturel à une situation particulière, et. que réciproquement ce qu’on nomme droit naturel n’est que la philosophie du droit positif. M. Drion, président du tribunal de première instance de Schlestadt, prononce un discours dans lequel il insiste sur la réafité du droit naturel, en s’attachant à fixer sa place in- termédiaire entre la morale et le droit positif, et en substi- Luant, pour éviter les équivoques, à la dénomination de droit naturel, celle de philosophie du droit. Ici s'engage entre les deux thèses mises en avant, d’un côté par MM. Welkeret Drion, de l’autre par M. Lecerf, une dis- cussion très-animée , à laquelle prennent part MM. Rauchen- platt, Daguet ; Warnkænig et Buss. M. Lecerf, pour nier la distinction du droit naturel et du La rédaction regrette vivement que M. le professeur Welker se soit refusé à l’inser- tiondans le Compte-rendu d’un discours qui, par la profondeur des idées comme par la nouveauté des aperçus, a si vivement impressionné l'assemblée, La lettre pressante qui lui a été adressée à ce sujet est restée sans réponse, 25 386 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. droit positif, s'était attaqué à la définition romaine du droit naturel ; quod natura omnia animalia docuit. M. Rauschenplatt, docteuren droit, proteste contre l’im- portance qu’on donne ordinairement à cette définition : tirée d’un fragment unique et isolé d’Ulpien , elle ne peut aucu- nement être prise comme l’expression de la pensée romaine , que l’on trouverait plutôt dans celte qualification donnée par Cicéron au droit naturel : jus sapientium. M. Welker, répondant à M. Lecerf, objecte que si le droit naturel n’est point distinct du droit positif, il s’ensuit que le droit naturel varie avec celui-ci suivant les temps et les lieux; qu’ainsi, par exemple, la féodalité aura été en son temps l’expression du droit naturel. M. Lecerf répond qu’il n’a pas prétendu que le droit posi- tif fût toujours conforme à la raison, mais bien qu’il devait y être conforme; que ses aberrations n’altèrent point son essence; que ses varialions proviennent de son objet et non de la raison humaine. M. Welker insiste : il faut distinguer la morale, le droit naturel et le droit positif; s’il n’y a pas de raison pour dis- tinguer le droit naturel du droit positif, il n’y en a pas non plus pour distinguer celui-ci de la morale , et une première "confusion en entraîne une seconde. M. Lecerf réplique que le droit se distingue de la morale par sa sanclion exlérieure : s’il y a un droit naturel distinct du droit positif, où en est la sanction ? M. Drion appuie la triple distinction faite par M. Welker. M. Welker ajoute que les Romains faisaient cette distinc- tion; puis, pour rendre plus sensible la notion, la réalité, la nécessité d’un droit naturel, il suppose que deux hommes soient jetés, en présence l’un de l’autre, dans une île dé- serte : qui empêchera le plus fort d’opprimer le plus faible, _sice n’est le droit, et quel sera ce droit, si ce n’est le droit naturel ? M. Lecerf, revenant à son objection, répète : Que fera-t-on en France, par exemple, à celui qui ne se conformera pas au prétendu droit naturel qu’on invoque de toutes parts ? M. Vivien, directeur de l’École normale, répliquant à cette question, demande à son tour si la loi civile française ne dis- DIXIÈME SESSION. 587 tingue pas elle-même des obligations civiles, auxquelles elle donne pleine force, et des obligations naturelles, auxquelles elle accorde une certaine valeur ? M. le professeur Daguet , de Fribourg, attaque la thèse de M. Lecerf sous deux points de vue. La loi positive peut être le fait de la prédominance d’une caste; la révolution suisse a fait cesser un fait de celte nature; elle a changé la loi positive: elle n’a pas changé le droit naturel. En second lieu, le droit naturel n’est pas, ainsi qu’on définit le droit positif, une collection de lois : iln’y a pas un droit naturel francais, suisse, allemand; ce droit est humain, ou plutôt il est divin. M. Warnkænig, dans un court résumé, s’attache à pré- ciser la question. Il fait remarquer que s’il ne suffit pas qu’un principe de raison applicable à la conduite des hommes en société, ait été émis pour devenir principe de droit , s’il faut encore qu’il soit généralement reconnu , ce qui semble con- fondre la notion du droit naturel avec celle du droit positif, cependant il existe de certains principes de justice sociale qui finissent toujours par obtenir une reconnaissance uni- verselle, ce qui suffit pour rétablir la notion du droit naturel. Aiasi l’orateur ramène la question, si vivement débattue , à pen près à l’élat d’une discussion de mots, el les murmures approbateurs de l'assemblée Lémoignent qu’il n’a fait que rendre une impression à peu près générale, M. le professeur Buss, de Fribourg, a la parole. Dans un discours prononcé en allemand et fréquemment interrompu par de très-vifs applaudissements , l’orateur ouvre un nou- veau champ à la discussion : il s’attache à établir la distinc- tion de la morale, du droit naturel et de la philosophie du droit positif. «Le droit naturel, dit-il, est l'ensemble des notions de droit qui sont déduites logiquement dela nature des choses'et qui sont universellement reconnues. Pour fonder un droit , il faut le consentement universel , autrement on n’a qu’une philosophie. Mais ce consentement n’est pas le fond, la matière du droit : il n’en est que la forme; le fond, la matière dudroit consiste dans les besoins de la nature humaine, qui sont toujours et partout les mêmes: c’est donc par la voie synthétique et non par la voie analytique, dans les principes de la raison, et non dans les résul- tats de l'expérience qu'il faut chercher le droit naturel. La philosophie du droit positif n’est autre chose que la réduction du droit d’un peuple 25. 588 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. aux principes du droit naturel. Quant à la différence du droit naturel et de la morale, l’orateur la formule en ces termes : Le droit naturel est une nécessité réglée par le consentement universel; dans la mo- rale au contraire, c’est la liberté qui est réglée par la nécessité de la conScience. » Après quelques mots prononcés par M. Welker, pour jus- uifier l’expression de droit naturel, plusieurs fois attaquée dans la discussion, et pour déclarer d’un autre côté qu’il n'accepte pasentièrement les distinctions établies par le préo- pinant, la clôture est mise aux voix et prononcée. “ Quatrième seance. — Du 5 octobre 182. Rapporteur : M. SCHMIDT, Secrétaire. La séance est ouverte à neuf heures et demie, par M. Warn- kœnig, Président, assisté de MM. Bruch et Lecerf, Vice-pré- sidents. La parole est donnée à M. Caioire, Secrétaire adjoint, pour la lecture du procès-verbal de la dernière séance. Dif- férentes réclamations ayant été faites au sujet du compte- rendu présenté dans l’assemblée générale du 1° octobre par M. Catoire, celui-ci fait quelques observations pour justifier sa rédaction. Après un court débat , auquel plusieurs mem- bres prennent part, M. Catoire donne lecture du procès- verbal, qui, après quelques rectifications , est adopté. M. le Président donne ensuite communication d’une lettre de M. le professeur Scholz, de Bonn, Vice - président. M. Scholz exprime à la Section ses regrets d’être obligé de partir le 3 octobre , et de quitter des travaux qui avaient au plus haut degré excité son intérêt. L'assemblée , qui ne perd qu’à regret ce savant distingué, décide qu’il sera remplacé dans la vice-présidence par le membre qui a obtenu le plus de voix après lui. M. Boitel, curé à Châlons-sur-Marne , fait hommage à la Section de deux ouvrages, dont voici les titres : DIXIÈME SESSION. 389 Dialogues moraux , instruclifs et amusants à l'usage de la jeunesse chrélienne. Vitry 1837. Histoire de l’ancien et du nouveau Vitry. Châlons 1841. Suivant l’ordre du jour, M. Fayet, professeur àGolmar, a la parole pour une communication sur la statistique intellec- tuelle et morale de France. Les détails intéressants qu’il com- munique à l’assemblée portent sur les progrès de la crimi- nalité en France depuis 1832 jusqu’en 1840. A l’aide de chiffres et de calculs comparatifs, qu’il nous est impos- sible de reproduire ici, M. Fayet établit : 4° Que le nombre des crimes contre les personnes , qui avait consi- dérablement diminué de 1829 à 1831, et considérablement augmenté de 1832 à 1834, est resté à peu près stationnaire depuis cette dernière époque... 20 Que le nombre des délits de coups et blessures volontaires , après avoir subi une Jégère diminution de 1829 à 1831 , a continuellement augmenté jusqu’en 1840. 3° Que le nombre des crimes contre les propriétés, autres que vols, a continuellement augmenté, et que celte augmentation, qui semblait s'être ralentie de 1832 à 1835, a repris avec unenouvelle intensité de- puis cette époque; le progrès moyen annuel , qui était de 5 p. 100 de 1826 à 1831, et seulement de 2 p. 100 de 1829 à 1834, s'est élevé à 11 p. 100 de 1835 à 1840. 4° Que le nombre des vols simples et qualifiés a constamment aug- menté , et que cette augmentation , ralentie de 1832 à 1834, a repris avec une rapidité effrayante depuis cette époque; le progrès triennal a suivi une progression géométrique, dont la raison est un peu plus grande que deux. Voici les chiffres : 0,076 ; 0,169 ; 0,324. 5° Que le nombre annuel des délits autres que vols, coups et bles- sures volontaires et délits forestiers, après une légère diminution de 1829 à 1831, augmente d’une manière continue et accélérée jusqu’en 1840. L'augmentation totale de 1829 à 1831, de 1838. à 1840 , est de 16,315 sur 26,035,, ou de 0,555. À côté de cetle terrible augmentation des crimes et des délits, M. Fayet signale en terminant, comme consolation à la fois et comme remède, les progrès immenses qu'ont faits, depuis 1830, les institutions de bienfaisance, ainsi que les réformes introduites: dans les établisse- ments destinés à améliorer sous tous les rapports le.sort des classes pauvres. Ge rapport ne pouvant donner lieu à aucune discussion, M. le Président remercie M. Fayet des communications in- téressantes qu’il a bien voulu faire à l’assemblée. 590 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. M: Willm, Secrétaire, a la parole pour faire différentes communications : 1. M. Jullien, de Paris, l’un des Vice-présidents du Con- grès, désire lire un discours intitulé : Petit code philosophi- que et moral , etc. Le comité central ayant approuvé cette lecture , elle sera faite dans la séance de demain, 4 octobre. 2. M. Kley, professeur à l’École normale de Colmar, dé- sire qu’une commission soit nommée pour examiner uhe iné- thode linguistique qu’il présente, et qui pourra servir de ré- ponse à la quinzième question de la catégorie d’éducation. M. Kley y joint plusieurs ouvrages d'instruction élémentaire. La commission est nommée par M. le Président. En sont proclamés membres : M. Bruch, Président; MM. Fritz, Na- ville, Hoffet, Mayer, de Livourne , Martini. 3. M. F. d’Olincourt, ingénieur civil, rédacteur en chef de la Revue de l'Est, à Bar-le-Duc (Meuse), a adressé à la Sec- tion un mémoire en réponse à la dix-neuvième question de son Programme, intitulé : Des moyens d'assurer en France le bon établissement des écoles primaires et de leur mobilier. La Section renvoie ce mémoire à l’examen de la commis- sion qui vient d’être nommée. 4. M. le professeur de Roosmalen, Vice-président et délégué de la Société Racinienne, fait hommage à la Section de son livre intitulé l’Orateur. Cet ouvrage sera soumis à l’examen de la même commis- sion. L’ordré du jour appelle la discussion de la première ques- tion de la catégorie d’enseignement et d'éducation. Getle question est ainsi conçue : Quels sont les moyens qu’il conviendrait d'employer pour empécher que, par l'effet d’une centralisation excessive, la wie intellectuelle et littéraire ne s ’affaiblit dans les pro- vinces. M. Bruch a la parole. «De la manière comme elle est formulée; dit11 en commencant, celle question semble impliquer l’appréhension que, par une centralisation à DIXIÈME SESSION. 391 excessive, la vie intellectuelle , scientifique et littéraire ne vienne à s’af- faiblir de plus en plus dans les provinces. Cette appréhension a besoin de se justifier. Elle est partagée par une foule de penseurs remarqua- bles ; elle a déjà été exprimée par plusieurs de nos principaux hommes d'État. Cepéndant, m'objectera-t-on, le gouvernement ne fait-il pas tout pour encourager la vie intellectuelle dans les provinces ? ne fonde-t-il pas tous les jours des écoles? ne dote-t-il pas les bibliothèques , les musées? ne favorise-t-il pas en tous lieux instruction primaire, aussi bien que l'instruction secondaire et supérieure ? Oui, sans doute, le gouvernement fait tout cela ; mais néanmoins il est vrai que Ja vie in- tellectuelle va en s’affaiblissant dans les provinces, et cela, il faut Pa- vouer, par l’effet d’une centralisation qui attire tout dans la capitale. «Pour le prouver, M. Bruch cite les faits qui sont de nature à attes- ter l’état de la vie littéraire et scientifique dans une contrée : ce sont le nombre de savants qui s y trouvent; le nombre des ouvrages scienti- fiques et littéraires qui y paraissent; le journalisme scientifique; l’état de la librairie; enfin l’état des établissements scientifiques. «Œh bien, dit M. Bruch, tous ces faits se réunissent pour prouver que la vie scientifique n’est pas florissante dans la province. Mais, dira-t-on, le Congrès de Strasbourg ne réunit-il pas en ce moment.une foule de savants illustres des départements? La capitale y a-t-elle envoyé autre chose qu’un contingent fort, il est vrai, par ses talents et ses connais— sances , mais faible par le nombre? Cependant, quelle disproportion entre le nombre des savants de la province et le nombre de ceux qui peuplent la capitale! Le jeune homme qui se sent du talent et de l’a venir , accourt à Paris. Lorsqu'un savant commence à s’acquérir de la renommée , il porte ses vues vers Paris, où il espère trouver un théâtre plus vaste, et où souvent il se perd dans l’abime de l'oubli, tandis qu’il était estimé, admiré par ses concitoyens. «Considérez ensuite le nombre des ouvragesscientifiqueset littéraires ; parcourez les catalogues des ouvrages nouveaux, et comparez le nom- bre de ceux qui ont vu le jour dans la province avec celui de ceux qui paraissent à Paris, et vous serez frappés du petit nombre des pre- miers. Les difficultés que le savant de la province rencontre quand il veut publier le fruit de ses veilles, de ses études, sont immenses; plus d'un déjà en a été rebuté, et souvent peut-être au détriment de la science, Cela accuse un mal profond, cela prouve que la centralisation domine et absorbe tout. «Considérez de plus le journahisme littéraire en province. Quelque remarquables que soient plusieurs des publications de ce genre, elles se traînent à peine dans un petit cercle, ignorées ct dédaignées dans la capitale. (Quant à la librairie, où trouve-t-on en province des éditeurs renom- més? Ne faut-il pas aller à Paris, et à Paris seul pour en voir ? «Abordant enfin l’état des établissements scientifiques , M. Bruch ob- serve que sans doute la France est dotée d'un grand nombre d'acadé- mes, de facultés, etc. Mais ces établissements sont-ils en effet dans 592 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. un état prospère et florissant? Depuis plusieurs années on se plaint de leur langueur ; d’où vient-elle? Elle vient de ce que les illustrations de ces académies se rendent à Paris, et que la jeunesse les déserte pour affluer dans la capitale, où, outre les moyens d'étude, elle trouve des distractions, une indépendance, un exemple, et même un genre de vie qui souvent lui deviennent si funestes. Comment demander alors du professeur de la province de l'enthousiasme? Comment, devant un au- ditoire presque désert, peut-il se livrer à ces élans, à ces nobles et belles inspirations qui ne sont que le fruit du contact avec un audi- toire nombreux et attentif? Et comment attendre de l’auditeur isolé ce zèle qui, pour s’allumer, a si souvent besoin de l’ardeur de la foule? «Après avoir signalé cet état de choses, M. Bruch passe à l’examen des moyens pour y remédier. C’est là, dit-il, la partie la plus difficile de la question; quant à lui, il exprime les vœux suivants : «1.Que le gouvernement encourage dans les provinces la création de sociétés savantes et littéraires, qui peuvent devenir si utiles, et qui, faute de soutien, végètent pendant quelque temps, pour se dissoudre sans avoir porté de fruits. «2. Lorsque, dans une académie de province, il se trouve un savant illustre, le gouvernement devrait faire quelque chose pour le retenir à son poste, où il pourrait souvent faire tant de bien. » Pour poursuivre, M. Bruch passe à la deuxième question d'éducation du Programme : Ne serait-il pas convenable de doter la France de quel- ques centres universilaires semblables aux bonnes univer - sités de l’ Allemagne, et de faire cesser ainsi l'isolement des facultés de nos académies P «Jusqu'à présent, dit l’orateur, il n’y a en province qu’une seule aca- démie complète : c’est celle de Strasbourg. Il n’y a partout que des fa- cultés éparses, qui, vu leur isolement, ne peuvent répondre au but de leur institution. Le professeur donne-t-il des cours brillants, il n’ins- truit pas les élèves ; ne calcule-t-il son enseignement que sur les besoins des études, il n’a qu’un auditoire peu nombreux, et le double but que le gouvernement avait en vue en créant ces facultés n’est pas atteint. «Ï1 nous faut , au lieu de ces facultés isolées, quelques grands centres littéraires et scientifiques; il faudrait que la France füt pour ainsi dire divisée en un certain nombre de circonscriptions scientifiques; il fau drait de véritables académies. Une fois que nous les aurions, elles de- viendraient des foyers de lumière ; la jeunesse studieuse y accourrait plus nombreuse et plus empressée; elle s’exciterait mutuellement, et rani- merait par son exemple la vie littéraire et intellectuelle autour d'elle. QIl y a plus, Nous avons des académies, mais dans chacune les facultés s’isolent; elles ne forment pas un corps, un ensemble; chacune DIXIÈME SESSION. 393 vit pour elle seule; élèves et professeurs ne se connaissent pas. Il faudrait que cela finit ; que les académies devinssent de véritables universités 3 des républiques littéraires , où il y eût une vie commune, des intérêts communs , une émulation , une excitation mutuelle. «Pour y arriver, demande M. Bruch, ne pourrait-on pas changer les conseils académiques en des sénats d'université, comme ils existent en Allemagne? Ces sénats, au lieu de s’oécuper uniquement de compta- bilité ou d’administration, s’occuperaient des intérêts des études et de la science. «Toutefois on pourrait objecter à l'introduction de ces mesures, qu’on déshériterait ainsi les villes qui ont des facultés. Sans doute ; mais alors il faudrait les doter d'établissements plus en harmonie avec leurs be soins; il faudrait y créer des espèces d’Athénées pour le ‘grand public: ces établissements répondent mieux que des facultés au but qu'a le gou- vernement de ranimer dans les villes le goût pour les occupations litté- raires et intellectuelles. «Pour terminer, M. Bruch exprime son intime conviction que l’état actuel est triste, qu'il est même dangereux pour la jeunesse; il faut, s'écrie-t-il, que le gouvernement finisse par l'arrêter; c’est un de ses plus saints devoirs; car c’est un mal qui atteint la racine même de la société. Peut-être ce ne sont là que des utopies; mais il! est bon , utile souvent de s'occuper de pareilles utopies. Tout l’état social de la France actuelle, toute la liberté dont elle jouit aujourd’hui >\n’étaient , il y a soixante ans , qu’une utopie : mais cette utopie a fini par devenir une admirable et puissante réalité! Tâchons donc que ces utopies pas- sent à l'état d'opinion publique. Un jour, quand elles seront bien répan- dues dans le peuple, elles triompheront; car l'opinion publique est au- jourd’hui une puissance devant qui tout le monde s'incline , et qu'il n’est permis à personne de braver. Que la France, s’écrie l’orateur en ter minant, ne soit pas seulement grande par ses armes et sa liberté ,; Mais qu'elle le soit par son culte intelligent pour tout ce qui est beau, vrai et divin; c’est alors seulement qu’elle sera ce qu’elle aspire à être, et ce que ses glorieuses destinées lui promettent : la grande nation! » Gette éloquente et chaleureuse improvisation est couverte par les plus vifs applaudissements de l'assemblée. Sur l’observation de M, Jullien , de Paris , l'assemblée prie M. Bruch de formaler ses vœux > afin qu’ils,soient exprimés , par une décision générale, comme vœux du Congrès tout entier. M. Bruch ne cède pas seulement à ce vœu, mais aussi à celui exprimé par M. Guerrier de Dumast, de re- produire, aulant qu'il lui sera possible, son discours !, M. Bernays, avocat de Frankenthal (Bavière rhénane), 1 Voy.les mémoires de la 6e Section, 22 vol. 594 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. monte à la tribune. Dans un discours, prononcé en langue allemande, il fait observer qu’il ne croit pas que l’établisse- ment d’universités et de sénats académiques puisse obtenir en France un grand résultat, si les universités ne sont pas organisées en corporations comme en Allemagne. M. Bernays doute de la possibilité de cette organisation pour la France. Il y a plus, dit-il : les universités de l'Allemagne ont une histoire , et par conséquent une vie originale qui leur est propre. Ces antécédents historiques ne peuvent pas être dé- crétés par des ordonnances. En outre, la philosophie n’est pas aussi répandue en France qu’en Allemagne; elle ne domine pas autant toutes les sciences et ne pénètre pas au même degré tout l’enseignement , de sorte que la création d’universités en France n’aurait pas au- tant de résultats qu’en Allemagne. Cette création serait à la fois difficile et insuffisante pour ranimer la vie scientifique dans les provinces. M. le docteur Rauschenplatt réplique au dernier point al- légué par le préopinant, en disant que les divers systèmes de philosophie n’exercent pas en Allemagne une influence aussi grande, et moins encore une domination telle que M. Bernays l’assure. Un déhat est sur le point de s'engager sur cet incident, mais il n’a pas de suite. M. Hoffet, de Lyon , ajoute aux faits que M. Bruch a cités pour attester les grands inconvénients de la centralisation scientifique, que cette centralisation s’étend aussi sur l’en- seignement élémentaire. Aucun ouvrage d'instruction pri- maire ne peut être introduit sans qu’il ait obtenu l’approba- tion du Conseil royal. Il est excessivement difficile aux ins- ütuteurs de la province de voir leurs ouvrages obtenir cette approbation universitaire, tandis que beaucoup de livres sont approuvés qui sont écrits à Paris par des hommes qui n’ont jamais exercé et qui sont étrangers à celte expérience pratique indispensable pour produire un bon livre d’instruc- tion élémentaire. Que faire pour remédier à cela ? Les livres élémentaires, pour produire tout le fruit qu’il faut en at tendre , doivent être fort souvent adaptés aux besoins de la localité; administration centrale est-elle toujours en état de bien apprécier les besoins? Pour obvier à cet inconvénient, DIXIÈME SESSION. 395 M. Hoffet croit qu’il faudrait laisser le jugement sur ces ou- vrages à des commissions spéciales siégeant dans les provinces, sauf à soumettre leurs décisions à l’approbation ministérielle. Sur la proposition de M. Hoffet, l'assemblée exprime le vœu que le gouvernement institue dans les différentes aca- démies des commissions chargées d'examiner les livres des- tinés à l’enseignement élémentaire , sous la condition que les décisions prises par ces commissions seront soumises au Conseil royal. M. Scherer, ministre du saint Évangile , de Paris, voudrait que M. Bruch eût étendu son point de vue; ce n’est pas seule- ment la vie intellectuelle qui est concentrée à Paris, mais la France est en quelqne sorte un corps dont tout le sang a re- flué vers le cœur. M. Scherer croit que la décentralisation littéraire devrait être accompagnée de la décentralisation po- litique; ce n’est qu’en celle-ci, dit-il, qu’il voit la condition d’une vie nouvelle pour les provinces. M. Ahrens, professeur en droit à l’Université de Braxelles, pour répondre aux idées émises par M. Bernays, de Fran- kenthal, sur les difficultés que trouverait l'établissement de centres universitaires en France , rappelle l’origine de la cé- lèbre université de Gœttingue, et croit qu’il n’yauraitaucune difficulté pour un Ministre de l'instruction publique bien in- tentionné d’appeller à la vie de pareils établissements en France. Quant à l’organisation par corps des universités allemandes , M. Ahrens ne la croit pas convenable; c’est une forme, dit-il, qui est surannée; il ne faut pas la ressusciter. Mais quels sont les moyens d’arriver, par l'établissement d’universités, à la décentralisation ? M. Ahrens insiste sur le mode déjà proposé par M. Bruch, et qui consisterait à im- poser aux jeunes gens l'obligation de fréquenter pendant un certain temps l’université de leur province ou de leur cir- Conscriplion , sauf à leur laisser plus tard la faculté de se ren- dre ailleurs. Un autre moyen , proposé par M. Ahrens, serait l’intro- duction d’une plus grande liberté dans l’enseignement se- condaire, dans le choix des ouvrages employés dans les col- léges. Il termine en disant qu’il donne tout son assentiment aux propositions développées par M. Bruch. 596 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. M. le Président met aux voix la clôture de la discussion sur cette question; elle est adoptée par l’assemblée, qui déclare en même temps , par la bouche de son Président, qu’elle adhère en tout point aux idées de son honorable Vice-pré- sident. L'assemblée décide enfin qu’elle tiendra demain, à sept heures du soir, une séance extraordinaire pour la discussion de la question sur le droit naturel. LA La séance est levée à midi. Cinquième séance. — Du 4 cctobre 1842. Rapporteur : M. WiLLM, Secrétaire. La sixième Section a tenu aujourd’hui, à l’heure accou- tumée, sa cinquième séance, sous la présidence de M. Warn- kœnig, assisté de MM. Bruch et Lecerf, Vice-présidents. Le procès-verbal de la précédente séance est lu et adopté après quelques légères modifications. ; Le départ de M. le professeur Scholz, de Bonn, ayant laissé un fauteuil de vice-président vacant, M. le Président proclame à sa place M. Vivien, directeur de l’École nor- male primaire de Strasbourg, lequel avait obtenu le plus de voix après M. Lecerf, lors de l'élection de ces fonctionnaires. Conformément à l’ordre du jour, la discussion est ou- verte sur la vingt-troisième question d’éducation , conçue en ces Lermes : L'éducation des sourds-muets n'est-elle possible que dans des établissements spéciaux , ou peut-elle encore se faire dans toute école primaire? Dans le dernier cas, quels sont les moyens à employer pour mettre les instituteurs en état d’ins- truire les enfants sourds-mucts avec leurs autres élèves P M. Selligsberger, directeur d’un établissement de sourds- DIXIÈME SESSION. 597 muets à Strasbourg, dans un discours en langue allemande, qui a été reproduit en substance par le Secrétaire, expose l’état actuel de l’éducation des sourds-muets en France. Sur 20,000 individus sourds-muets que l’on compte en France , 1000 au plus, c’est-à-dire un tiers à peine de tous ceux qui devraient suivre une école, recoivent l'instruction nécessaire dans 34 établissements spé-- ciaux. Selon lui, pour suppléer à l'insuffisance de ces établissements , il faut mettre les instituteurs primaires en état de préparer l'instruction et l'éducation des sourds-muets qui peuvent se trouver dans leurs com- munes. De cette manière, les jeunes sourds-muets, qui ne peuvent être admis dans les écoles spéciales, ne seraient pas privés de toute éduca- tion, et les autres auraient à y faire un moins long séjour. Pour cela il propose que l’art d’instruire les sourds-muets fasse partie de l’enseigne- ment dans les écoles normales primaires, comme cela se pratique déjà dans un certain nombre de ces institutions en Allemagne. Il termine en traçant le plan d’un pareil enseignement. Après M. Selligsberger, la parole est accordée à M. Morel, professeur et secrétaire - archiviste à l’Institution royale des sourds-muets de Paris. M. Morel prononce un discours in- terrompu plusieurs fois et couvert par les applaudissements de l’assemblée. M. Morel a envisagé la question sous un point de vue plus général, pour rechercher les moyens de propager l’éducalion des sourds-muets en France et d'organiser les écoles spéciales sur de plus larges bases. Il dépeint la déplorable condition de 20,000 sourds-muets répandus sur le sol de la France, et démontre sans peine que leur régénération intel- lectuelle et morale est un devoir pour la société, autant dans son propre intérêt que dans celui de ces infortunés. Il est temps, dit-il, que les pouvoirs publics interviennent pour re- médier à une aussi Sliecante situation. Il retrace l'historique de ce qui a été fait par le gouvernement français depuis 1791 à cet égard, et in- dique ce qui reste à faire. Il rappelle ce qu’on a fait ailleurs, en Bel- gique, en Danemark, en Hollande, dans les villeslibresde l'Allemagne, où il est pourvu à l'éducation de tous les sourds-muets. La France ce- pendant est, après ces pays-là, avec le Wurtemberg et la Prusse, au nombre des États où cette éducation est le moins négligée. La France n'a pas fait défaut à ce grand devoir; l’institution de Paris a fait de gé- néreux efforts pour généraliser l'éducation des sourds-muets; mais le moment est venu de compléter son œuvre, afin que dans le beau pays de France il n’y ait plus un seul sourd-muet qui ne puisse recevoir une éducation convenable, Pour cela, il faut d’abord faire le dénombrement exact de tous les individus affligés de cette infirmité, et ensuite organiser les écoles spé- ciales sur une plus large base. 598 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Il faut répartir également ces écoles dans toutes les parties de la France;.il faut les placer sous la direction et la haute surveillance de l'université, comme cela a lieu presque partout ailleurs. Il propose de créer autant d'écoles spéciales qu’il y a d’académies , aux frais de l'État et des départements, et d'établir près de celle de Paris une école nor- male pour former les professeurs. Abordant ensuite la question proposée, M. Morel établit que l’édu- cation des sourds-muets peul être commencée, mais non achevée dans les écoles ordinaires ; il montre ce que peuvent faire à cet égard les parents, les salles d'asile, les écoles primaires. Il fait l'éloge des ou- yrages de M. Piroux, de Nancy, et demande qu’il soit composé un Ma- nuel qui puisse servir de guide pour l'éducation des sourds-muets aux parents et aux instituteurs primaires, Pour ce qui est de la question de savoir s’il convient de mettre l’art de l'éducation des sourds-muets au nombre des objets qui doivent êlre enseignés dans les écoles normales, M. Morel pense qu’il faut se borner à leur transmettre les premiers éle- ments de cet art: il suffira que cette éducation soit commencée dans les familles et les écoles primaires ; elle ne peut être achevée que dans des établissements spéciaux: Il faut de plus mieux approprier l’enseignement que reçoivent Jes sourds-muels à la position sociale qu’ils devront occuper un jour; le cours de leur éducation devrait être divisé en deux parties : dans la pre- mière, commune à tous, l'éducation serait purement humanilaire ; dans la seconde, vocalionnelle, plus libérale pour les uns, professionnelle pour les autres. M. Morel repousse Le projet de réunir en colonie lessourds-muets; il veut qu’à leur sortie de l’école ils retournent au sein de leurs familles. Il applique enfin ses idées à l'éducation des sourds-muets en Alsace, et résume ses vues dans les conclusions suivantes : 1. Opérer le recensement des sourds-muets en France, à l’occasion du recensement quinquennal de la population. 2. Appeler par une loi tous les sourds-muets au bienfait de l'éducation. 3. Commencer l'éducation des sourds-muets dans les familles et dans les écoles primaires, et l’achever dans les écoles spéciales. 4. À cet effet, établir dans chaque chef-lieu d'académie une institu- _tion organisée sur une plus grande échelle, et soutenue par les dépar- tements et l'État, 5. Rattacher les institutions de sourds-muets au Ministère de l’ins- truction publique. 6. Leur donner une organisation uniforme. 1. Les placer sous l'autorité des recteurs d'académie, assistés de com- missions de surveillance. 8. Former des professeurs de chaque école une commission des études. 9. Instituer des inspections spéciales pour les écoles de sourds-muets. 10. Annexer à l'institution de Paris une école normale. 11. Initier les instituteurs primaires aux premiers éléments de la mé- thode. æ DIXIÈME SESSION. 599 12. Diviser le cours d'instruction dans les écoles en deux parties, la première commune à tous les élèves, la seconde appropriée à la posi- tion qu’ils occuperont dans le monde. 13. Associer l'éducation industrielle à l'éducation intellectuelle. 14. Enfin organiser le système des ateliers de manière à répondre aux divers intérêts des sourds-muets et à maintenir l’esprit de famille. M. Morel termine par quelques observations sur la mission spéciale dévolue à Strasbourg de servir d’intermédiaire entre les méthodes alle- mandes et les méthodes françaises. La Section s’est unanimement associée aux vœux émis par M. Morel , et elle recommandera à la Commission centrale l’impression de ce discours, M. Piroux, directeur de l’Institut Le sourds-muets de Nancy, prend la parole aprés M. Morel. Dans la première partie de son discours, après quelques considérations générales, pleines d'intérêt, il émet sur la question proposée à peu près les mêmes vœux que le préopinant; comme lui, il soutient que les établissements spéciaux seront toujours indispensables, mais qu’il est à désirer que les jeunes sourds-muets soient préparés dans les familles et les écoles primaires ordinaires. M. Piroux retrace ensuite l'historique de ses propres travaux dans l'intérêt des sourds-muets. Généraliser ces travaux, dit-il, ce sera ré- soudre la question. En effet, dans les trois départements qui concou- rent à l'entretien de l’Institut de Nancy, déjà les instituteurs sont mis en état de préparer convenablement les sourds-muets de leurs écoles. L’Ami des sourds-muets, publié par M. Piroux , renferme, dans les livraisons de 1841 , des lettres sur l'éducation des sourds-muets, com-— mencée dans les familles, cominuée dans Îles écoles House achevée dans les instituts spéciaux. En terminant, M. Piroux fait hommage à la Section des quatre pre- mières années de ce journal et de trois exemplaires de cireulaires adres- sées à tous les instituteurs primaires des académies de Nancy, de Metz et de Dijon, sur la manière d’instruire les sourds-muets. M. le Président , au nom de la Section , remercie M. Piroux de ses intéressantes communications. | M. Selligsberger dépose l'écrit publié par lui sous le titre : Quelques mots sur les sourds-muets. La discussion sera continuée demain. Quand elle sera ter- minée, la Section entendra la lecture d’un morceau de M. Jul- : 3 à = Vo. les mémoires de la 6e Section, 22 wol. 400 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. lien, de Paris , et discutera la troisième question de philoso- phie. La séance est levée à onze heures. Sixième séance. — Du 5 octobre 18242. Rapporteur : M. WiLLM, Secrélaire. La sixième Section a tenu aujourd’hui, de neuf heures et demie à onze heures et demie, sa sixième séance, sous la présidence de M. Warnkœnig , assisté de MM. Bruch et Le- cerf, Vice-présidents. Le procès-verbal est lu et adopté sans réclamation. La parole est d’abord accordée à M. Jullien, de Paris, pour la lecture d’une pièce de poésie didactique , intitulée : Petit code philosophique et moral, contenant l'exposé sommaire de douze lois générales qui gouvernent le monde physique et ie monde moral. Ces douze lois sont exprimées par les douze propositions suivantes : En tout il faut une base, un point d'appui : loi de la base. Nul effet sans cause : loi des causes ou de génération. . Tout se tient dans le monde : loi de l’enchaînement universel. Tout est série et gradation dans la nature : loi de la gradation ou de l'échelle. ; 11 faut diviser et réunir pour créer : loi de la division ou de la réu— nion. Tout est échange entre les hommes et entre tous les êtres : loi des échanges et du concours. En tout il faut garder un juste milieu : loi de l'équilibre. Tout, dans la nature, est soumis à une sorte de balancement : loi de l’action et de la réaction. Tout, ici-bas, est mêlé de bien et de mal: loi du mélange universel. Tout obstacle peut devenir un élément de succès : loi des obstacles rendus utiles. Tout est relatif : loi des rapports et des harmonies. En tout il faut un but: loi du but. M. Jullien fait en même temps part à la Section de ce qu’il DIXIÈME SESSION. 401 appelle un alphabet philosophique; se composant des signes ou caractères représentant hiéroglyphiquement les douze dés! Le principe du point d'appui est figuré par une pyramide s’élevant sur une base très-large ; La loi des causes, par un œuf; La loi de la chaîne, par deux anneaux entrelacés ; La loi de gradation, par une échelle; La loi de division et de réunion, par deux lignes croisées; La loi des échanges, par une croix sur une pièce de monnaie; La loi de l'équilibre, par une ligne horizontale, appuyée par son point de milieu sur une ligne verticale ; autrement par'un grand T ; La loi de l’action et de la réaction, par un V renversé (A); La loi du mélange, par un double V(W); La loi des obstacles, par un Cercle traversé par un diamètre; La loi des rapports, par une ligne horizontale, divisée par portions égales ; enfin La loi du but, par une cible contre laquelle on s'exerce au tir. Après M. Jullien, M. Jacoutot, directeur d’un établisse- ment de sourds-muets , prend la parole sur la question à l’or- dre du jour. M. Jacoutot déclare être d'accord pour le fond avec MM. Morel et Piroux, et présente quelques observations à l'appui: Il s'applique à éta- blir que l'éducation des sourds-muets ne peut se faire convenablement que dans les écoles spéciales, et que quant à l'instruction même le point de départ est tout différent pour l'enfant sourd-muet.et pour l'enfant qui est en possession de l'ouie.et de la parole. Après avoir entendu M. Jacoutot, la Section déclare qu’elle adopte formellement les conclusions de M. Morel, appuyées par MM. Piroux , Selligsberger et Jacoutot’, et qu’elle priera le Bureau central du Gongrès de les recommander à l’atten- tion du gouvernement. Conformément à l’ordre du jour, la parole est ensuite ac- cordée à M. Willm, sur la troisième ve de philosophie, conçue en ces termes : F a-t-il une critique réelle des systèmes de philosophie, indépendante de tout système arrêté, et quels sont les prin- cipes de cette critique P Le discours de M. Willm a obtenu l’assentiment de l’as- 26 402 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. semblée , qui a émis le vœu que ce discours fût imprimé dans le Gompte-rendu du Congrès et reproduit dans une des séances de l’assemblée généralet. M. Willm a terminé son essai par cette conclusion : «Oui, il y a une critique des systèmes de philosophie qu'on peut exercer sans avoir un système définitivement arrêté, pourvu que l’on ait des principes, de ces principes que nulle philosophie} ne puisse in— firmer. On demandera à tout philosophe ses titres de légitime origine et de légitime déduction, et l’on n’admettra d’autres principes que ceux qui ont leur racine dans l’esprit et le cœur de l’homme, prêt à rejeter dans tous les cas et sans hésiter toute philosophie qui serait impuissante pour expliquer et pour confirmer les convictions morales, ou qui, par ses conséquences nécessaires, serait en contradiction avec elles. » M. le chevalier Martini, de Turin, inscrit pour parler sur la troisième question, déclare se ranger de l’avis du préopi- nant et se contente de déposer sur le bureau la réponse qu’il avait préparée. La discussion est, après cela, ouverte sur la quatrième question de philosophie : Quels sont les avantages que la psychologie expérimentale peut retirer d’une étude approfondie de la physiologie P M. Feuillet, juge de paix à Lyon, présente sur cette ques- tion un mémoire dans lequel , après avoir retracé l’historique de la question, il expose les secours que la psychologie peut trouver dans les études physiologiques. Tout en reconnaissant l’action du corps sur l'âme, M. Feuillet insiste sur l'empire que l’âme exerce incontestablement sur elle-même et sur les organes. La doctrine de la substantialité de l'âme , de son existence personnelle et indépendante, n’a rien à craindre des études physiologi- ques, qui ne peuvent que la rendre plus certaine. Le fait de la liberté prouve surtout que l’âme n’est pas un simple résultat de l’organisation physique. M. Feuillet montre comment, selon lui, la physiologie peut conduire à nous mieux faire comprendre la nature de l’âme. La Section recommande le travail de M. Feuillet à l’atten- tion de la Commission qui sera chargée de rédiger le Compte- rendu du Congrès. 1 Voy.les mémoires de la 6° Section, 2° vol. DIXIÈME SESSION. 4035 * La quatrième question sera remise à l’ordre du jour pour demain. Quand cette discussion sera terminée, la Section fera un triage des questions qui restent à discuter, décidera quelles sont ut qui devront être traitées de préférence aux autres, et passera, s’il ÿ a heu, à la discussion d’une ques- tion de législation. La séance a été levée à onze heures et demie. Septième séance (extraordinaire). — Du 5 octobre 1842. Rapporteur : M. SCHMIDT, Secrélaire. Le 5 octobre, à sept heures du soir, la Section, confor- mément à la délibération prise la veille, a tenu une séance extraordinaire, pour continuer la discussion de la question sur le droit naturel. M. le Président Warnkænig a défendu les thèses suivantes, proposées par lui dans la séance du 1° octobre. I. Le droit naturel considéré comme un système de règles de droit proprement dit, absolu, immuable et obligatoire pour tout le genre hu- main, en vertu d’un ordre prescrit par la raison (c’est-à-dire de la rai- son individuelle), n’a pas de réalité. IL. Néanmoins le droit n’est pas quelque chose de purement arbi- traire : il est engendré par une loi de la nature de l’homme, qui con- duit et les individus et les nations à distinguer et à suivre le juste dans les relations sociales. III. Cette loi de la justice ne doit pas, avec Bentham , être considé- rée comme identique avec le principe de l'utilité, ni être confondue avec la philanthropie. IV. Cette loi est la cause première du droit et en forme la base ra- tionnelle. Mais tout droit a en outre : 1. Une base matérielle et 2. Une base historique. Toute théorie philosophique de droit qui n’admet qu’une base du droit est fausse. V. Afin d'éviter la confusion des idées de droit et de morale, on de- vrait proscrire le nom de droit naturel et se servir de la dénomination 26. 404 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. de philosophie du droit, pour désigner la science qui a pour objet de faire connaitre le fondement rationnel du droit. Cette science n’est pas purement spéculative, mais mixte. VI. La loi morale de la justice se manifeste par une triple action. 1. Elle dirige la conscience des individus, les conduit à distinguer le juste de l’injuste, et les engage à préférer le juste. 2. Elle entraine les nations et leurs gouvernements à sanctionner des règles de justice obligatoires pour tous. Ces règles sont le droit positif, 3. Elle met les juges dans un état social donné et sous l'influence d’i- . dées communes d’un peuple, à même de déduire de la nature des choses de véritables règles de droit pour décider les contestations. VIT. Le droit est nécessairement quelque chose de variable, quant à ses règles pratiques, dans ce sens, que celles-ci sont toujours subor— données à la manière de voir d’une nation dans un temps donné et à la forme de son existence sociale.: VITE. Il n’y a pas de principes de justice obligatoires pour un autre, sans qu’il n’ait reconnu leur vérité. On ne peut pas imposer par la force à un autre son opinion individuelle sur le juste ou l’injuste. IX. Le but suprême de la civilisation est en même temps celui de la législation, savoir le progrès infini du genre humain sous le rapport matériel , intellectuel et moral. M. Warnkænig a répondu à différentes objections qui lui ont été faites. Après lui, MM. les professeurs Ahrens, de Bruxelles, et Hepp ont émis leurs idées sur la même matière. On est tombé d'accord qu’il y a des idées de justice éternelle qui se dé- veloppent dans notre conscience avec les progrès de la civi- lisation. Huitième séance. — Du 6 octobre 1842. Rapporteur : M. ScHMIDT , Secrétaire. La séance a été ouverte à neuf heures et demie, par M. Warnkœænig, Président , assisté de MM. Lecerf et Vivien, Vice-présidents. Le procès-verbal de la dernière séance est adopté. L'ordre du jour est la continuation de la discussion sur la quatrième question de philosophie. Le membre qui s’était DIXIÈME SESSION. 2405 inscrit pour prendre la parole, ayant déclaré qu'il ÿ renonce, et personne ne demandant la parole , M. le Président déclare la discussion fermée, et procède au triage des questions , d’après le principe que les questions sur lesquelles il y a des mémoires, ou pour lesquelles il y a des orateurs inscrits, au- ront la priorité. M. le Secrétaire donne lecture du Programme. Sont maintenues : 1. Philosophie. Les questions 6, 8, 9 et 10. Sur la demande de M. Busch, on accorde la priorité à la dixième. À ji : M. Richard, directeur de la maison d’aliénés à Stéphans- feld , ayant ensuite désiré qu’on lui accorde la parole dans la prochaine séance, sur une question proposée par lui et rela- tive au régime moral des aliénés, l'assemblée décide que cette communication sera faite immédiatement après la discussion de la dixième question. | 9. Éducation. Sont maintenues : les questions 3, 4, à, 6, 9, 10, 11, 12, 19, 14, 19, 16, et 18 à 22. La priorité est accordée aux questions 12, 19, 16et 20. Une question proposée par M. Mayer, de Livourne, sera discutée à la suite de la série. 5. Législation. On maintient les questions 2 à 6, puis la 11° et la 13°, en accordant la priorité à la 11° et à la 2°. M. le professeur Schneyder fait hommage à la Section, au nom du lycée de Rastatt , d’une dissertation de M. Hoffmann, professeur audit collége , intitulée : De lege contra philosophos, imprimis, Theophrastum, Athenis lala. Carlsr. 1842; 8°. Déjà dans une séance précédente, M. de Roosmalen avait fait distribuer aux membres de la Section, un certain nom- bre d’exemplaires de la brochure intitulée : De l'envahissement du commerce et de l'industrie sur les leltres, les sciences el les arts. Paris 1842, 8°. ‘ La onzième question de législation est en discussion ; elle est ainsi conçue : re 406 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Ÿ a-t-il des améliorations à apporter aux lois qui régis- sent en France la constitution de la famille ? Avant de passer à cette discussion , M. le professeur Buss, de Fribourg , obtient la parole pour faire une proposition. M. Buss commence par reconnaître le haut intérêt du Gon- grès de Strasbourg. < «C’est un Congrès, dit-il, qui aura un long retentissement, une in- fluence profonde pour l'avenir ; il a une signification morale qui de- vra porter des fruits durables. Mais pour que ces fruits mürissent, il faut que des institutions sortent des nobles sentiments qui nous animent tous en ces jours, il faut que notre enthousiasme soit fécond en résultats. « La France a la gloire d’avoir réuni dans ses congrès toutes les bran- ches de la science humaine en un seul corps, d’avoir formé un tout de ces congrès qui, en Allemagne, sont isolés, séparés suivant les sciences. QIl faut que quelque chose de plus large, de plus vaste sorte de nos congrès. Et où cela se pourrait-il mieux qu'ici, dans cette belle vallée du Rhin, où deux grandes nationalités se rencontrent, autour de cette cathédrale admirable, qui est comme placée sur la grande route des peuples modernes ? «M. Buss propose donc la formation d’une Société PR PUS des bords du Rhin, d'une société qui, ayant son centre à Strasbourg, se réunisse tous les ans dans les différentes grandes villes rhénanes , depuis Bâle jusqu’à Cologne. «De là devra sortir, dit-il en terminant, une alliance des deux na— tions, qui aura un bel, un magnifique avenir. Il désire donc que la Section nomme des commissaires , pour que cette institution se réalise déjà dans cette Session, et qu’elle invite les autres Sections à y concourir, pour rédiger dès maintenant les statuts de la nouvelle Société1.» M. le Secrétaire reproduit en français l’improvisation de l’éloquent professeur de Fribourg. M. Jullien désire qu’on ajoute à la proposition de M. Buss, comme complément, le vœu de la formation d’un organe particulier qui servirait de lien d'union, de moyen de com- munication entre les membres du Congrès. C’est ainsi que l'esprit de fraternité , de vraie civilisation , deviendra le vrai produit de l'institution des congrès scientifiques. ? Voy. la circulaire de la Commission d'organisation de la Sociéte encyclopédique des bords du Rhin, dans l’Appendice à la suite des procès-verbaux des Sections. DIXIÈME SESSION. 407 M. Jullien propose en outre de lier à la Société encyclopé- dique des bords du Rhin, la Société internationale qui est en voie de formation à Paris, et qui en serait la sœur. Ces propositions étant généralement appuyées par la Sec- tion , M. le Président procède à la nomination des membres appelés à représenter la sixième Section dans la Commission proposée : ce sont MM. Buss, Eschbach et Willm qui sont priés de se mettre immédiatement en rapport avec les autres Sections. On revient alors à la question mise à l’ordre du jour. M. de Pompéry monte à la tribune et lit un mémoire qui excite à un haut degré l’attention de l’assemblée, Il divise la question en trois points principaux : M. de Pompéry s’est d’abord demandé quelle était la base de la cons- titution normale de la famille. Il a posé en principe que la constitution de la famille tient à la condition sociale de la femme. Cette proposition, l’auteur la confirme naturellement, en recherchant, au point de vue historique, jusqu’à quel degré l’état de la famille chez les différents peuples du monde a été d’accord avec ce principe fonda- mental. Il remarque que chez les Nomades , où la femme est réduite au rôle de bête de somme, de fort, la famille participe de cet état précaire plein de brutalité et d’ignorance. Rien n’assure de garanties aux faibles contre la violence du chef. Il est la loi vivante. Chez les Patriarches , l'existence moins incertaine et la nécessité de continuer la famille donnent quelque importance plutôt à la mère qu’à la femme. Dans l’état de Barbarie, la polygamie se régularise au profit des riches et des oppresseurs; mais la femme n’est encore considérée qu’en vue du plaisir ou de la génération. La mère seule obtient quelque garantie et quelque prévenance. D'ailleurs, le père est toujours un des- pote absolu, ayant tous les droits contre l'enfant et contre l'épouse. L'enfant n’est pas l'expression harmonique du couple, il est le repré- sentant du père. Dans toutes ces phases de la société humaine, la constitution de la famille est mal assise et suit la condition misérable faite à la femme, laquelle n’est regardée que comme un instrument de plaisir, ou au plus comme un moule humain. L’avènement du christianisme est le grand fait philosophique qui caractérise le passage des sociétés antérieures à la civilisation. Non-seu- lement Jésus a donné la Vierge-mère, ce touchant et sublime symbole de pureté et de fécondité tout ensemble; il a fait plus , il a réhabilité la femme sous tous ses aspects. De sa main divine il a relevé la Magde- laine, cet autre symbole de la femme souffrante et avilie par une société grossière, 408 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. C’est au christianisme que nous devons l'institution de la monogamie et de l'union religieuse de l’homme et de la femme. La femme s'élève du rôle d’esclave ou de servante du maitre à celui de compagne de l'homme. Elle n’est plus considérée uniquement en vue de sa faculté reproductive, mais bien comme ayant une personnalité, une valeur mo- rale et intellectuelle. Son consentement exprès devient l’une des clauses essentielles et fondamentales du mariage. Le lien des sexes est regardé comme saint et indissoluble. On le voit aisément, jamais la famille n’a- vait été aussi solidement établie, parce que jamais la condition sociale de la femme n'avait élé plus équitablement déterminée. Toutefois, et bien que tous les codes des sociétés européennes recon- naissent aujourd'hui l'Évangile pour source première, il faut dire que la législation française, dont nous avons à nous occuper ici, laisse en— core la condition dela femme , et par suite la constitution dela famille, dans un état d'incertitude contraire à l’ordre et à la justice. Il est vrai de dire avec Aristote: Partout où la constitution n’a pas parlé des femmes , la moitié de l'État est sans lois. Or, nos codes ne contiennent pas de loi organique fixant nettement l’état de la femme dans notre société, non plus que celui de la famille. Le législateur fran- cais ne s’en est occupé qu'accidentellement. En effet, à l'exception du consentement de la femme pour que l'union puisse être légale, voici toute la loi et les prophètes sur cette matière importante. { Art. 212. Les époux se doivent mutuellement fidélité et assistance. Art. 213. Le mari doit protection à sa femme, la femme obéissance à son mari. Art. 203. Les époux contractentensemble, par le seul fait du mariage, l'obligation de nourrir, entretenir et élever leurs enfants. Or, pour peu qu’on y réfléchisse , il est manifeste que ces dispositions sont puériles ou impuissantes. Elles sont puériles dans le cas où une véritable union existe entre les époux, dans le cas où ils s'aiment. Elles sont impuissantes dans le cas contraire; car rien ne saurait forcer le mari à protéger sa femme, s’il est animé contre elle de mauvais senti- ments. De même, rien ne peut contraindre la femme à la douceur et à la soumission, si elle ne s’y sent portée par affection. Quel moyen de forcer le mari à la fidélité, s’il n’y est pas tenu par son cœur? Bien qu’il soit plus difficile à la femme de manquer à cette prescription, la loi, seule, est impuissante à la lui faire observer. Quant à l'assistance mu- tuelle des époux, on sait combien il faut d’interminables et de pénibles discussions judiciaires avant d'arriver à un résultat. L'obligation de nourrir et élever les enfants est encore plusillusoire, s’il est possible, Si les parents sont incapables de cette haute mission ; s'ils sont matériellement dans l'impossibilité de satisfaire au vœu de la loi; s’ils chassent leurs enfants sur la voie publique, les livrant à toute chance fatale ; s'ils les exploitent par un dur labeur au-dessus de leurs forces, que peut la loi contre toutes ces tristes et misérables iniquités ? Condamner les parents à l'amende, à quelques jours de prison, c'est- L DIXIÈME SESSION. 409 à-dire placer les enfants dans une situation encore plus fâcheuse et plus grave sous tous les rapports. Force est donc de le constater, ces prescriptions de la loi sont pué- riles ou impuissantes. Elles n’ont ni ne peuvent avoir de sanction pé- nale efficace. Les articles 203, 212, 213 sont tout simplement des axiomes de mo- rale inexécutés et inexécutables, lorsque les mariages sont mal assortis. Lorsque les unions sont fondées sur l'amour, les prescriptions morales sont dépassées et paraissent puériles. Mais nous allions omettre le fameux article qui traduit l’axiome du Droit romain : Pater is est quem justæ nuptiæ demonstrant, l'enfant conçu pendant le mariage a pour père le mari. En principe, une fiction légale est une monstruosité, c’est là quel- que chose d’incontestable. On connait assez les dols et les fraudes qu’en- traine forcément celle-ci. Toutefois, continue M. de Pompéry, nous ne contesterons pas non plus qu'il était impossible de l’éviter avec notre législation. Mais nous y trouverons précisément un motif de plus de nous élever contre l'insuffisance de nos lois. Pour achever, nous devons dire enfin que d’après le Code il y a des enfants qui n’ont ni père ni mère, et qu’en aucun cas ces enfants ne peuvent rechercher leur père. Quel symptôme révélateur du désordre! et quelle accusation contre l’état actuel de la famille et la condition présente de la femme! L'auteur, après ces considérations critiques sur notre législation, termine ainsi son mémoire : Grâce au christianisme, la dignité de la femme, sa personnalité, le respect de l'enfant étant admis et reconnus en droit, la question n’est plus une question de principe, mais une question de pratique et de moyens. Or, le premier moyen indispensable pour assurer l’individualité de la femme, c’est qu’elle soit matériellement affranchie par son travail, ainsi que l’homme. Et secondement , que son instruction et son édu- cation la délivrent de l'ignorance, de la misère morale. C’est ainsi seu- lement que la femme pourra connaître et choisir son mari, et ne sera plus dans la nécessité de se vendre pour une position sociale. Il faut encore que le ménage ne soit pas une charge accablante pour les époux, il faut que la société veille sur l'éducation des enfants et tire parti de leur activité dès leur jeune âge. Or, on concoit que, pour que ces choses puissent exister, il faut un ordre social autrement compris , au- irement constitué que le nôtre, qui n’est qu'une agglomération de fa- milles et de ménages isolés. 1 Peut-être, ajoute l’orateur, induira-t-on avec nous de cet examen, que toucher à la constitution de la famille et à la condition de la femme, cest reprendre la société à ses bases. S'il est vrai que la condition de la femme et la constitution de la famille marquent le degré de socia- bilité d'un peuple, modifier l’une et l'autre, c’est non-seulement ac- complir un progrès partiel, mais une évolution sociale tout entière. 410 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. C'est ainsi que l'institution de la monogamie chrétienne tranche nette- ment la société civilisée des sociétés antérieures. Telle est l’esquisse du mémoire présenté à la Section par M. de Pom- péry. Après la lecture de ce discours, M. Lecerf prend la parole pour justifier la législation française du reproche de puérilité et d’impuissance que le préopinant lui a adressé. Il le fait en rappelant les dispositions de notre Code rela- Lives au mariage. Le Gode demande le consentement mutuel; il y a donc égalité entrele mari et la femme ; ils sont placés sur le même rang. Si la loi demande de la femme obéissance au mari, cela signifie-t-il que la femme est l’esclave du mari? Cette disposition est le résultat d’une nécessité absolue , et n’est pas injuste; car si le mari demande de la femme des choses injustes , elle peut lui refuser l’obéissance, et avoir recours aux tribunaux: si la femme doit obéissance, le mari lui doit protection. Ges deux devoirs sont des corrélatits in- séparables. Pour ce qui concerne la puissance paternelle, elle appar- tient, pendant la durée du mariage, au mari; quand le mari ne peut plus l'exercer, elle passe tout entière à la mère. Nos lois, dit l’orateur, sont-elles donc injustes , impuissantes, puériles ? Il examine ensuite les-autres objections faites par le préopinant à la loi française, et s’efforce notamment de la justifier dans ses dispositions sur la recherche de la pater- nité. Ici M. Chauffour observe que l’orateur s’écarte de la ques- tion; mais M. Lecerf s’en défend et continue son apologie de la loi française , en établissant que dans les dispositions de la recherche de la paternité, c’est la femme qui est respectée. Quant au sort de l’enfant, la loi ne l’a pas non plus aban- donné, elle lui accorde sa protection. L’enfant est-il mal- traité par l’un des parents, les tribunaux sont là pour pren- dre sa défense. En terminant , l’orateur répète que la femme est parfaite- ment respectée par notre loi dans ses droits el dans son in- dépendance. M. de Pompéry déclare qu'il n’a pas voulu attaquer le ma- riage en lui-même , mais seulement les mauvais mariages , DIXIÈME SESSION. A1 et que pour remédier à des maux que tout le monde est forcé de reconnaître , la loi actuelle est impuissante. Lorsqu'il y a amour réel, la famille subsiste ; lorsqu'il n’y a pas affection, la loi est insuffisante pour maintenir la famille sur une base inébranlable, M. Hennequin s'applique ensuite à rétablir les idées de M. de Pompéry, qui, dit-il, n’ont pas été bien saisies par une partie de l’assemblée. La loi française est assurément respectable, et doit être observée; mais , en se plaçant à un point de vuesu- périeur, en considérant l’idéal de la société, cette loi est im- parfaite ; elle n’a pas de puissance pour prévenir ces nom- breux crimes, tels qu’adultères , infanticides, empoisonne- ments, etc., qui sont le résultat de la mauvaise constitution de la famille. L’orateur, qui s'était fait inscrire pour lire un mémoire sur celte grave questiou, déclare qu’après le dis- cours de M. de Pompéry, il renonce à cette lecture ; il se borne à donner communication d’une statistique des crimes résuliant de la constitution de la famille sous le régime des lois actuelles. Il tèérmine en traçant le tableau d’un état social plus parfait que le nôtre , et reposant, selon lui, sur une autre et meilleure constitution de la famille. Personne ne demandant plus la parole sur cette question, la parole est à M. Busch, sur la dixième question de philoso- phie : Les idées de Malthus sur la population peuvent-elles se con- cilier avec un système de morale quelconque ? M. Busch prend la parole dans les termes suivants : «Peu de mots suffiront pour démontrer que ces idées sont contraires à la raison, contraires à l'humanité , contraires à la morale religieuse. «ŒElles sont contraires à la raison, puisqu'il est absurde de supposer que la raison suprême qui se manifeste tant dans les lois de la nature que dans l’histoire du monde, ait pu donner à l’homme des besoins physiques et moraux, sans lui donner en même temps les moyens d’y satisfaire. Cette raison suprême se manifeste surtout dans la loi admi- rable qui, après avoir constamment divisé le genre humain en deux fractions séparées , et dans une proportion toujours fixe, toujours inva- riable , les porte ensuite à se réunir. Notre cœur a la loi d'aimer, comme le feu à la loi de consumer, ou comme notre poitrine a la loi de respi- rer. Or, ne point respirer, ne point aimer , c'est la mort. Condamner au néant ce qui pourrait naître à la vie, c’est donner la mort. On ne 412 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. saurait donc, sans crime, chercher à réduire le nombre des générations futures , surtout sous le vain prétexte qu’elles risqueraient de manquer des choses nécessaires à la vie : il n’y a qu’une source de toute vie, un arbitre de l'existence ou du néant,.une volonté et une puissance su— prêmes. C’est cette puissance qui, après avoir présidé à notre naissance, nous donne l'air que nous respirons , le soleil qui nous éclaire et la terre qui nous nourrit; c’est elle qui nous donne la santé ou la maladie, c’est elle qui compte les jours de notre existence, c’est elle qui compte à chaque minute le nombre des hommes qui doivent peupler la surface de cette terre. Et c’est à cette puissance , qui nous a donné notre âme, que nous hésiterions à confier les moyens de sustenter notre corps? Ces moyens ne sont-ils pas illimités? Le nombre des hommes a-t-il jamais pu suffire à défricher toute la terre, et la Providence a-t-elle besoin du misérable secours de notre égoïsme? «C'estcet égoïsme qui est la base du système de Malthus : c'est pour se dispenser des devoirs les plus sacrés, c’est pour fouler aux pieds tous les droits de l'humanité, qu'on affecte des craintes hypocrites sur son. sort à venir. A entendre les partisans du système : #« De quelque ma- «nière que l'aumône soit répartie, c’est toujours une prime donnée à «l’imprévoyance. Il est évident que plus les maux qui en résultent or- «dinairement seront soulagés, plus elle deviendra générale. . .. Comme «s’il n’était pas presque certain que l’attrait du bien présent empêchera «un ignorant prolétaire de songer au mal à venir, un homme qui de- «vrait être plus sage que lui, va, par une bienfaisance indiscrète, dé «truire le peu de prudence qui lui reste... Le soulagement des souf- «frances est un grand bien sans doute; mais, quand ces souffrances «sont des sauvegardes contre de plus grandes, il n’y a pas à hésiter, et «si on ne peut pas faire cesser les deux maux, il faut laisser subsister «le plus petit... Quand nous nous sentons émus par l'aspect des mi- «sérables , il faut, pour éviter une faiblesse, nous éloigner prompte- «ment de ces indignes objets de notre compassion. .… Il ne faut point «d'écoles gratuites, puisque les enfants y sont plus propres, mieux «nourris, respirent un air plus pur que chez eux, et que par conséquent «la mortalité y est moindre que s’ils avaient été élevés chez eux... Les «hospices où sont reçues les femmes en couche ne servent qu’à aug «menter leur nombre; sans ces institutions, les femmes réfléchiraient «davantage aux embarras qu’occasionne une grossesse dans un pauvre «ménage... Il en est de même pour les enfants trouvés : les établisse- «ments où on les recoit ne servent qu'à accroître le mal qu'on vou- «drait guérir... Si l'art des médecins pouvait détruire les maladies, «tous ceux qu’elles tuaient auparavant mourraient de la famine. La faim «deviendrait la seule maladie; mais à elle seule, elle ferait précisément «le même nombre de victimes que toutes les autres ensemble...» { Revue britannique, collection décennale, t. IE, 1837, Des institutions de charité). ; «Le simple énoncé de ces horribles pensées suflira pour montrer com- bien elles sont opposées à tous les sentiments d'humanité, comme aux DIXIÈME SESSION. 15: préceptes des religions de presque tous les peuples du monde. Mais elles sont surtout en opposition directe, en révolte ouverte contre les com- . mandements de Jésus-Christ. Le chap. XIX , 11 et 12, de saint Mathieu divise le genre humain en deux classes de personnes , dont l’une doit se marier, et dont l’autre peut garder le célibat. Pour tous ceux qui ne sont point compris dans cette dernière catégorie, le mariage est un de- voir rigoureux et absolu. Salvabitur autem mulier per filiorum genera- tionem (1 Tim. , IL, 15). Plus loin (1 Tim., IV, 1-4), saint Paul traite d’imposteurs pleins d’hypocrisie, dont la conscienceest noircie de crimes, ceux qui interdisent le mariage, et il qualifie leur doctrine de diabolique. «Jésus-Christ ne s’est pas contenté d’ordonner le mariage à tous ceux : qui ne se trouvent point dans l’exception déjà mentionnée, mais il a voulu leur ôter l’excuse des besoins de la vie, et les craintes de l'avenir temporel. C'est pourquoi il leur a dit(saint Math., VI, 25) : Ne vous in- quiétez point où vous trouverez de quoi manger pour le soutien de votre vie, ni d’où vous aurez des vêtements pour couvrir votre corps. La vie n'est-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement ?.… Ainsi n’ayez point d'inquiétude pour le lendemain, car le lendemain aura soin de ce qui le regarde. Deux poissons et cinq pains ont suffi à nourrir abondamment cinq mille hommes. On doit donc se confier à la Providence, qui a voulu qu’en tout temps il y eüt des pauvres à secourir, et des riches pour être les dispensateurs d’une abondance qu’elle n’a mis entre leurs mains que pour ce seul et unique usage. «La parabole du pauvre Lazare montre le sort qui attend les mau- vais riches qui ne veulent pas comprendre la mission dont ils sont chargés. «L'Évangile est rempli de passages qui développent ce principe fon- damental de toute morale. Je me bornerai aux citations suivantes : saint Math., XIX, 24; 1 Tim., VI, 10; saint Math., VE, 19, 20; saint Marc, VILL, 36; saint Luc, XVI, 15; Ép. de saint Jacq., V, 1-5 ; saint Math., XX V, 41-46. QI est donc évident que si les idées de Malthus pouvaient se conci- lier avec une morale quelconque, cette morale serait sans Providence , comme elle serait sans charité. » M. Jullien exprime le désir que la Section flétrisse par un vote solennel la doctrine deMalthus, comme immorale etanti- sociale. En réponse aux opinions qui viennent d’être émises , M. Oppenheim prononce, en allemand, quelques mots pour montrer que la doctrine de Malthus n’est pas destinée à être immédiatement mise en pralique, mais qu'elle doit être consi- déréecomme une simple théorie qui exprime des observations basées sur une expérience incontestable. Qu’on cherche des moyens pour remédier au mal profond révélé par celle ex- M4 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. périence, mais qu'on s’abstienne encore de flétrir l'opinion de Malthus. M. Willm observe que cette question ne peut pas être traitée dans cette Section sous le point de vue de l’écono- mie politique, mais simplement sous le point de vue moral, et que, sous ce rapport, elle est évidemment immorale. M. Buss ajoute en allemand quelques paroles pour confir- mer celte opinion, Une courte discussion s’engage alors, à laquelle différents membres prenneut part. M. Buss soutient que la théorie de Malthus s’est bien cer- tainement produite avec la prétention de se mettre en pra- tique. M. Mayer, de Livourne , ne croil pas qu’il serait de la di- gnité de l'assemblée de flétrir une doctrine , sans en avoir entendu la défense. Tout en blâmant lui-même la théorie de Malthus, il demande que le vote d’un blâme public soit en- core ajourné. En se rendant à ces considérations , la Section, tout en exprimant sa désapprobation des idées de Malthus, ne donne pas suite à la proposition de M. Jullien. La clôture de la discussion est mise aux voix et adoptée. La séance est levée à onze heures et demie. Neuvième séance. — Du 7 octobre 1842. Rapporteur : M. GOGUEL, Secrétaire. La séance est ouverte à neuf heures et demie. Présents : M. Warnkænig, Président; MM. Bruch , Lecerf, Vivien, Vice-présidents. Le procès-verbal est lu et adopté, sauf quelques légères rectifications. M. Chauflour, avocat de Colmar, ayant de- mandé si la discussion sur la onzième question de législation est close définitivement, M. le Secrétaire lui répond aflirma- « DIXIÈME SESSION 215 tivement; mais que si l’on en trouve encore le temps après la discussion des autres questions, on pourra revenir sur celte importante question ; sinon , on la recommanderàa à la future Session du Congrès. M. Richard, directeur de l’hospice des aliénés de Stéphans- feld , est appelé à la tribune pour donner lecture de son mé- moire intitulé : Du travail et du régime moral dans les asiles d’aliénés, et de la nécessité d’un patronage pour les aliénés indigents guéris. Dans ce travail, qui a captivé à un haut degré l'attention et obtenu l’assentiment de l’assemblée, M, Richard , après avoir déclaré que les préjugés de toute espèce relatifs à la nature et à la curabilité de la folie ne sont pas partout complétement dissipés, établit que ces mêmes pré- jugés ont leur source dans une psychologie incomplète et fausse. Il ne veut ni ne peut s'attacher à traiter en détail tout ce qui reste encore à faire pour fonder un parallélisme, une harmonie satisfaisante , complète en- tre la psychologie et la physiologie ; il se bornera, dit-il, à indiquer quelques applications du principe de la multiplicité des facultés dans le moi humain , au régime moral des asiles d’aliénés. L Après avoir cherché à démontrer que la vérité de ce principe découle nécessairement de l’expérience journalière, et se trouve au fond de toutes les théories et observations des illustres médecins qui se sont occupés du traitement de la folie, M. Richard, émettant le principe que l’intérieur d’un hospice d’aliénés doit être en quelque sorte le reflet de la société extérieure, déclare que tout traitement basé sur la violence , la torture et les railleries, est entièrement contraire au but qu’on se propose; il veut que le traitement de ces infortunés, tout en conservant son carac- tère physique, soit aussi moral que possible, Les mauvais traitements, dit-il, développeraient en eux les passions les plus haineuses et achève- raient d'effacer en eux jusqu’au dernier vestige de la grandeur hu- maine. L'orateur demande qu’on organise dans les asiles diverses espèces d'industries et de travaux, soit physiques, soit intellectuels , répondant aux habitudes et aux aptitudes variées des malades. Il désire que les promenades soient rendues plus fréquentes et établies sur une échelle plus large , attendu que dans l’hospice de Stéphansfeld , qu’il dirige, près de deux cents aliénés de l’un et de l’autre sexe ont pu faire des pro- menades assez longues, sans qu’il en soit résulté quelque grave incon— vénient. Puis, revenant sur cette incrédulité systématique relative à Vincurabilité de la folie, incrédulité qui est encore assez généralement répandue et qui déjà a eu de tristes et funestes conséquences, M. Ri- Chard demande qu’on remédie aussi promptement que possible aux dan- 3ers que court l’aliéné après sa guérison et sa sortie de l’hospice. Pour cela il demande que des sociétés de patronage se forment à l’instar de 316 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCÆ. celles qui existent en Prusse pour les condamnés libérés, et que ces sociétés se constituent les défenseurs des aliénés qui ont recouvré lu- sage de leurs facultés intellectuelles et morales. L'assemblée demande l'impression du mémoire et croit de- voir le recommander à l'attention du Bureau central. M. Ristelhueber, médecin en chef des hospices de Stras- bourg et ancien médecin en chef de l'établissement de Sté- phansfeld, répond à M. Richard. Les considérations de ce savant médecin sont accueillies avec empressement par l’as- semblée. Tout en reconnaissant le caractère généreux de M. Richard et les succès qu’il a obteous, il croit devoir lui faire observer qu’il n’est pas toujours bon que la direction soit divisée, ainsi qu’elle l’est en ce moment à Stéphansfeld. M. Richard répond qu'il y a unité, parce qu’il ne prend aucune mesure sans avoir pris conseil du médecin de l’hos- pice. M. Ristelhueber ajoute qu’il n’est pas de l’avis de M. Ri- chard relativement aux manies aiguës ou universelles, comme les appelle l’auteur du mémoire; qu’elles sont beaucoup plus fréquentes qu’il ne l’a dit. Après avoir donné des détails fort intéressants sur les genres de travail auxquels on pourrait astreindre les aliénés , et sur- tout après avoir fait voir de combien de circonspection il faut user à cet égard, M. Ristelhueber craint que l’intro- duction du travail industriel ne finisse par devenir une ex- ploitation comme une autre. Le travail, dit-il, est un remède qui ne peut être appliqué avec discernement que par un mé- decin , et que, pour ne pas lui donner une fausse direction , il faut avoir étudié la psychiatrie, spécialité médicale que l’on ne connaît qu'après avoir étudié l’homme physique et moral, la médecine en général, et, en particulier, son appli- cation au traitement de l’aliénation mentale. Quant à l’idée du patronage , M. Ristelhueber croit devoir _en revendiquer la priorité ; il l’a communiquée, il y a dix-huit mois, à la préfecture du Bas- Rhin; il est fermement con- vaincu que de telles sociétés ne pourraient avoir que des ré- sullats très-avantageux. 1 Voy. les memoires de la 6° Section, 2° vol, DIXIEME SESSION. 217 M. Mayer, de Livourne, demande à soumettre à la Section quelques observations sur les hospices d’aliénés en général, Les observations personnelles faites dans divers États de l’Eu- rope, et surtout dans les trois hospices de Londres , À Bed-. lam , à Saint-Luc et à Hangwell , où il a été profondément afligé de la différence souvent très-grande des méthodes ap- pliquées, l’ont amené à la conviction que le traitement des aliénés n’est pas encore arrivé à l’état de science positive , et qu’aussi longtemps qu’on ne s’efforcera pas d’obtenir un tel résultat, cette portion de l’humanité se trouvera toujours dans un état de souffrance déplorable, Après quelques données et observations présentées par MM. Warnkænig et Ristelhueber sur la colonie d’aliénés éta - blie à Geel, dans le Brabant, où six cents aliénés se trouvent confiés presque uniquement à la garde des paysans , l’assem - blée , sur la demande de M, Richard » Consacre par un vote le principe de la formation d’une société de patronage pour les aliénés indigents guéris , et elle décide qu’il en sera ré- féré au Bureau central. _ La Section passe ensuite à la discussion de la vinglelunième question d'éducation ainsi concue : Des notions précises de droit public et privé ne devraient- elles pas faire partie de l’enseignement des écoles normales primaires ? Serait - il d’ailleurs utile de remettre entre les mains des instituteurs un précis des lois les plus importantes et des institutions politiques de la France P et , en cas d’af- firmative, quelle forme donnerait-on à cet ouvrage popu- laireP La parole est à M. Lecerf. L'orateur, après avoir posé en principe que l’une des conditions essen- tielles de l'éducation est d’être en harmonie avec les circonstances de lé- gislation, de mœurs , elc., où se trouve un État , et après avoir reconnu que tout Français est maître de choisir sa profession, quelque élevéc qu’elle puisse être, déclare qu’il serait non -seulement utile, mais en- core nécessaire de faire pour le droit ce qu’on fait pour d'autres sciences , telles que la physique, la chimie, l’histoire vaturelle, etc., c’est-à-dired’en enseigner les premières notions aux enfants qui fréquentent les écoles primaires et secondaires. Ce serait un excellent moyen pour remédier à l'ignorance inconceyable qui se fait sentir non-seulement chez les jeu- nes gens qui débutent aux écoles de Droit, mais encore dans les mairie, 27 M8 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. dans les conseils municipaux, etc. Ce serait un excellent moyen pour faire disparaitre peu à peu cette espèce de répugnance, de crainte , et même de haine, que bien des personnes ressentent pour la loi, pour les tribunaux, les huissiers , les avocats, les avoués , les notaires et autres fonctionnaires. Le citoyen lui-même, qui n’exerce aucune profession , ne saurait presque pas se passer de ces premières notions de droit. M. Lecerf, après avoir émis le vœu que ces notions soient enseignées dans les écoles normales et dans les écoles primaires , présente à l’as- semblée un ouvrage qu'il a publié en 1840 dans ce but, et qui a pour titre : Tableau général et raisonné de la législation française. N s’es— timerait heureux de voir le plan de cet ouvrage adopté pour un pareil usage. M. Willm, Secrétaire de la Section, demande que la dis- cussion de cetle question soit renvoyée à demain, vu l'heure avancée, parce que , selon lui elle est d’une haute gravité. Cette proposilion est adoptée, M. Lobstein père, avocat, monte ensuite à la tribune pour répondre à la cinquième question de législation, ainsi conçue. Il existe en Alsace des biens ruraux concédés sous la lé- gislation germanique, à titre de Waldrecht. En l'absence des titres constitutifs, quelle est la nature de ces concessions ? Quels sont les droits et les obligations des concédants et des concessionnaires ? Après avoir présenté quelques notions générales sur les concessions de biens raraux à des colons, dans les temps qui sont loin de nous, l’au- teur aborde dans une première section la discussion sur la nature des biens concédés à litre de Waldrecht, faisant une subdivision dela catégorie de ceux concédés à titre de colonie héréditaire et irrévocable ; il établit la nature de ces concessions d’après les documents recueillis par divers auteurs (Estor, Lunig et Waldschmid); elle consiste dans une espèce de bail héréditaire ou de location de biens ruraux; le concessionnaire a le droit d’user et de jouir des biens selon ses besoins d’après l’usage ob- servé dans chaque localité ou déterminé par le titre ; le bien concédé passe aux héritiers directs à l'exclusion des collatéraux ; le concession- naire ne peut céder ses droits à un étranger sans le consentement du cé- dant ; il ne peut vendre, ni échanger, ni hypothéquer les biens sous peine de perdre la concession ; le concessionnaire est tenu de payer au concédant un cens annuel, susceptible d'aucune remise , pour quelque cause que ce puisse être; en cas d'extinction de la famille du concession- naire ou de changement du propriétaire, le nouveau possesseur est tenu de solliciter la confirmation de sa possession , et d’acquitter un droit de laudème ; toutefois cette disposition n’est point générale et se règle selon l'usage des lieux. La concession cesse lorsque le concessionnaire s’en DIXIEME SESSION. M9 désiste , lorsqu'il néglige l’acquittement du cens et lorsqu'il aliène le bien sans le consentement du propriétaire. Dans une seconde Section, l’auteur rend compte de ses recherches , relativement à des concessions de biens à titre de Waldrecht, faites en Alsace. Il analyse les documents consultés dans les archives, s’appli- quant à une concession de celte nature sur le territoire de la commune de Hipsheim. Cette concession a pour objet une forêt, baillée aux habi- tants par parcelles moyennant un cens annuel et sous diversesconditions. Appliquant les principes développés dans la première partie de son travail aux concessions qui se rencontrent en Alsace, l’auteur établit qu’en l'absence des titres constitutifs, la nature de ces concessions doit être déterminée selon les caractères du bail héréditaire usité en Alsace, ou de l'emphytéose germanique, dénomination que les auteurs ont ajou- tée à celle de Waldrecht. La séance est levée à midi moins un quart. Dixième séance. — Du 8 octobre A8%2. Rapporteur : M. GOGUEL , Secrétaire. La séance est ouverte à neuf heures et demie. Présents : MM. Warnkænig, Président; Bruch, Lecerf et Vivien, Vice-Présidents. Le procès-verbal est lu et adopté, sauf quelques rectifica - tions proposées par M. Ristelhueber et aussitôt adoptées. M. de Pompéry a la parole pour soumettre à la Section cinq propositions sur la question : Qu’est-ce que le droit naturel ? Il se bornera à les énoncer, vu que la discussion sur la première question de législation est close. Voici la rédaction fournie par l’auteur : 1. La solution de cette question exige la solution préalable de la question suivante : Qu’est-ce que la nature de l’homme ? «est de toute évidence que ; si je ne puis dire quelle. est la nature de l'homme, il m'est impossible de m'expliquer sur le code de ses droits. En effet, les droits naturels de l’homme ne peuvent se déduire que de sa nature essentielle, et ne sauraient consister que dans l'exercice de la vie conformément à la nature de son être.» 2. Pour que l’homme se connaisse et aït pleine conscience de sa nature , il faut nécessairement qu'il ait atteint son plus haut degré de développement. «C'est ainsi que l'individu n’a pleine conscience de la valeur de son 27. 420 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. être qu'à l’époque de la virilité, alors qu'il est le plus complet possible, Et voilà comment nous nous expliquerons que jusqu'à ce jour cette question du droit naturel, si simple en apparence, n’a pu recevoir une solution satisfaisante. » 3. Ges faits expliquent la nécessité d’un droit positif, dif- férent d’un droit idéal supérieur, auquel nous aspirons et que nous appelons droit naturel. «Nous avons un droit positif, parce qu’une ignorance première , une initiation graduelle à l'existence pèse sur l'humanité comme sur tous les êtres. L'homme ne pouvait avoir à son origine pleine conscience de sa nature. Ses développements progressifs lui donnant une idée supé— rieure et plus juste de la nature de son être, il a une conscience moins imparfaite de ses droits naturels, et modifie alors le droit positif actuel sur cette nouvelle révélation de la nature de son être.» 4. Les divers droits positifs, qui ont fondé les Sociétés du passé, élaient en rapport exact avec le développement de ces mêmes Sociétés. 5. Les droits positifs sont nécessairement frappés d’un ca- ractère d’instabilité et d'incertitude , tandis que le droit na- turel ne peut varier, attendu qu’il se base sur la nature hu- maine , qui est constante et invariable. «Qu'il me suffise d’avoir ainsi nettement posé la question, ear je crois qu’elle ne peut être placée logiquement en dehors des termes où je l'ai prise. Il me resterait à exposer maintenant quelle est la nature de l’homme. Grâce à la lumière nouvelle que les lois découvertes par Four- rier ont portée sur cette question fondamentale , je suis en mesure d’y répondre et de résoudre le problème; je ne m'arrête que devant l'obli- gation de me restreindre aux limites posées par le Programme. » M. Richard, directeur de l’hospice des aliénés de Stephansfeld , fait hommage à la Section de deux brochures publiées en 1840, et ayant pour titre : Programme de quelques principes d'administration pratique des mai- sons d’aliénés. Renseignements sur l'asile départemental d'aliénés de Stéphansfeld. M. Mayer, de Livourne, fait hommage à la Section d’un volume in- titulé : Frammenti pedagogici, et appelle l'attention des membres de la Section sur le journal d’où ces fragments ont été extraits. Ce jour- nala pour titre: Guida de ll’educazione, et est rédigé par le savant abbé Lambruschini. M. Bentz, directeur de l’école normale de Nancy, fait hommage à la Section d’un petit volume ayant pour titre: Maître Paul, ou Traité sommaire des devoirs de l’instituteur. Tulle 1835. M. le comte de Coëtlosqnet, devant partir ce soir, dépose DIXIÈME SESSION. 421 sur le bureau un mémoire sur la deuxième question de lé- gislation ; il regrette de ne pas pouvoir assister à la discus- sion de cette grave et intéressante question. M. Willm, Secrétaire de la Section, a la parole sur la vingt et unième question d'éducation. «Dans un mémoire très-remarquable à tous égards , il demande d’a- bord s’il est convenable d’enseigner dans les écoles normales primaires des notions précises de droit public et privé, c'est-à-dire des notions élémentaires sur les droits et les devoirs du citoyen français? M. Willm répond affirmativement, parce que, dit-il, les instituteurs exerçant une grande influence en dehors de l’école, surtout dans les campagnes, il - serait imprudent de les laisser dans une ignorance absolue sur ces ma- tières. Cependant cet enseignement doit être net et précis, parce qu'ici l'erreur serait encore plus funeste que l’ignorance, «Il ne faut pas craindre de leur donner l'habitude de politiquer ; le danger serait bien plus grand si avec leur ignorance ou leurs notions défectueuses ils se laissaient aller à ce penchant si général. Cet enseigne- ment, du reste, devra être confié à des personnes süres, et surveillé convenablement. «Serait-il utile de mettre entre les mains des instiluteurs un pfécis des lois les plus importantes et des institutions politiques de la France? Telle est la seconde question que M. Willm se pose. Il croit devoir la résoudre également d'une manière affirmative par suite des considéra-— tions suivantes. La commission nommée par la chambre des députés pour examiner le projet de loi présenté en 1832, avait mis au nombre des objets de l’enseignement primaire des notions sur les droits et les devoirs sociaux et politiques. L'année suivante, cette même commission ne fit pas une mention expresse de ces notions, parce qu'elle les consi- dérait comme rentrant dans l’enseignement de l’histoire et de la mo- rale. M. Willm regrette ce manque de précision, parce que la société actuelle est grosse de germes de discordes et de révolutions; partout, et jusque dans les dernières classes, sont répandues des idées et des espé- rances d'amélioration, de réformé sociale, Ces vœux et ces idées, les laissera-t-on se répandre sans contrôle? Il faut une espèce de caté- chisme du citoyen ; autrement la société courrait risque d’être débordée par les nouveaux systèmes. «M. Willm distribue ces notions sous quatre chapitres principaux : «1. Notions du droit proprement dit, tendant surtout à éclairer l’ent fant du peuple, sur des délits qu'il regarde à peine comme tels; délits de chasse, de contrebande , etc. Ces notions de pénalité et de crimina- lité mettraientun terme à la manie des procès, entretenue par des pra- ticiens avides, et viendraient en.aide à l’enseignement moral. «2. Notions élémentaires de droit administratif ; à savoir, organisa- tion générale du gouvernement, du département, etc., et attributions et devoirs des fonctionnaires dans toutes les carrières. «3. Notions de droit politique , auxquelles la Charte servira de texte. 422 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. IL serait bon de les faire précéder de quelques propositions fournies par la science sociale , afin de prémunir les élèves contre toute exagération. On entrerait dans quelques détails sur les institutions qui régissent la France, tout en signalant les progrés qui se sont opérés dans le déve- loppement politique de ces mêmes institutions. «4. Des notions d'économie privée couronneraient cet enseignement ; car, dit l’orateur, il y a des règles d'économie qui sont du ressort de l’enseignement et que l’on retrouve du reste en grande partie dans quel- ques ouvrages populaires, assez généralement répandus. Ces notions prémuniraient contre le prêt usuraire, contre l’avarice souvent sordide qui se rencontre à la campagne, ainsi que contre les folles dépenses, qui bien souvent causent la ruine des populations des villes et des ateliers. «Si un tel enseignement est trop au-dessus de la portée des écoles primaires, il faut alors avoir des écoles d'adultes, ou retenir les enfants plus longtemps dans les écoles. Un livre destiné à un tel enseignement, serait sans doute difficile à faire; mais il ne serait pas introuvable et pourrait d’ailleurs se faire sous les auspices du gouvernement. «M. Willm termine en déclarant qu'il croit que l’ouvrage de M. Le- cerf ne répond pas au but proposé; qu’il ne s'adresse pas à des institu- teurs, encore moins aux enfants du peuple.» M. Rau, professeur à la Faculté de Droit de Strasbourg, ne croit pas que la question ait été envisagée sous toutes ses faces. Pour lui, il la regarde comme devant être raménée à deux points principaux : 1. Get enseignement du droit élémentaire est-il possible ? 2. Est-il usileP Pour ce qui concerne la possibilité, il faut distinguer entre le droit public et le droit privé. M. Rau croit qu’on peut enseigner le droit public ou po- litique élémentaire dans les écoles d'adultes, et qu’on peut même y rattacher les premiers principes du droit adminis- tratif. Mais pour ce qui regarde le droit privé, cela n’est pas possible; cette partie du droit est tellement compliquée, que vouloir l’enseigner rudimentairement, ce serait s’exposer à ne donner aux élèves que. des notions incomplètes , et par conséquent erronées. Cet enseignement.est-il utile P M. Rau le nie, parce qu’il est convaincu que ces notions donneraient lieu à de dangereuses exploitations de la part des soi-disant praticiens , surtout dans les campagnes. De plus, il n’y aurait presque pas de maître d’école qui, se croyant DIXIÈME SESSION. 425 versé dans la matière , ne se croirait appelé à s’ingérer dans les affaires judiciaires , dans les contestalions. M. Rau ajoute que l'opportunité reconnue par M. Willm ne s'applique qu’à l’enseignement du droit public ; et non pas à celui du droit privé; que d’ailleurs les observations de M. Willm semblent ne se rapporter qu’au droit public. M. Willm répond que M. Rau n’a pas compris sa pensée, surtout lorsqu'il a parlé des fonctions de juré, d’électeur, etc.; que du reste, sauf ces réserves , il est entièrement d'accord avec le préopinant. M. Beck , professeur à l’École normale, demande si l’in- troduction de cette nouvelle branche d’enseignement ne se ferait pas au détriment de quelque autre plus importante, de l’enseignement religieux, par exemple. M. Daguet, professeur, de Fribourg (en Suisse), fait obser- ver que dans le canton de Vaud l'instruction civique fait par- tie de l’enseignement primaire, Un manuel des droits et des devoirs des citoyens y traite du droit constitutionnel et des premiers principes du droit administratif, M. Bruch pense que la Section devrait émettre un vœu pour que cet enseignement soit introduit dans les écoles normales primaires et dans les écoles supérieures. M. Rauschenplatt dit qu’un précis des lois et institutions politiques rendu obligatoire dans les écoles normales pri- maires, devrait seulement résumer le droit positif, sans y mêler de la philosophie du droit, celle-ci étant de sa nature essentiellement du ressort de la liberté de l’enseignement. M. Mayer, de Livourne, reconnaît la nécessité d’un tel enseignement en vertu de cel axiome que la loi suppose que personne ne l’ignore. La discussion étant close, la Section passe à la discussion des treizième et seizième questions, ainsi conçues : L’excitation de l’amour- propre et de l'ambition, telle qu'elle se pratique dans l’enseignement public en France, est-elle nécessaire pourentretenir le zèle pouriles études P Quels sont les divers genres d’intérét que doit mettre en jeu l’enseignement pour captiver l'attention des élèves et Pour entretenir leur application ? 424 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. M. le Vice-président Bruch a la parole. Dans un discours brillant et interrompu à différentes reprises par les applaudisséments de l'assemblée, M. Bruch s'élève particulièrement contre l'opinion de ceux qui croient que pour stimuler le zèle et faire avancer l’élève d’un pas rapide dans la carrière des études, il n’y a réellement qu’un seul et unique moyen, exciter l'ambition de l'élève, son amour-propre et le sentiment de l’honneur. Cependant il convient que l’on ne peut pas se passer entièrement des moyens d’action offerts par l’émulation ; mais l'amour de l'honneur et de la gloire conduit à l’'égoïsme, et ôte à nos efforts ét à nos actions leur véritable mérite. Si donc on ne peut se passer de l’émulation, il faut la contenir dans de justes limites ; si quelquefois il est nécessaire de faire appel à l’amour- propre de l'élève, il faut le faire avec mesure et circonspection; si l’on s'adresse à son ambition, il faut en même temps chercher à la répri- mer , pour qu’elle ne devienne pas prépondérante. Lorsque l’école , qui doit préparer à la vie, ne connait d’autres prin- cipes d’action que celui de l’'émulation, on court risque de ne fournir à la société que des hommes ambitieux, pour qui le dévouement et l’ab- négation séront des mots vides de sens, et qui éprouvent dans la vie des mécomptes souvent bien cruels. Après avoir blämé l'ambition effrénée dont la jeunesse de notre épo- que est dévorée , tout en rendant justice à ses bonnes qualités, M. Bruch déclare qu’il serait temps d’insister avant tout sur les motifs qui tirent leur force des convictions les plus pures et les plus sacrées. Qu'on ré- veille dans l’élève le sentiment du devoir; qu'on dirige son attention sur son avenir , et qu’on fasse un appel loyal à ses sentiments d’affec- tion pour les auteurs de ses jours et pour ses maîtres. M. Bruch termine en disant que les considérations qu'il vient de sou- méltre à l'assemblée, ont été mises en pratique dans le collége mixte de Strasbourg , dont il est le Supérieur, et que les élèves n’en ont nulle- ment souffert. Il demande qu'on émette un vœu pour que les moyens d’émulation actuellement employés en France, soiént modifiés et rem- placés par des stimulants d’un ordre plus élevé. M. Naville , pasteur de Genève, donne ensuite lecture d’un mémoire écrit avec chaleur, et renfermant des considérations pratiques d’un très-haut intérêt. L'auteur ne croit pas devoir s'arrêter à montrer les inconvénients du principe d’émulation , tel qu’il est pratiqué en France. Ces inconvénients sont généralement reconnus, et la teneur même des questions propo— sées le condamne, puisqu'il y est appelé une excitation de l’amour- propre el de l'ambition. Mais peut-on lui faire subir des modifications qui en ôtent les dangers, et quels sont les ressorts que peut mettre en jeu l'enseignement lui-même pour captiver l'attention? Telles sont les deux questions à résoudre. Quant à la première , ce qu'il y a de plus mauvais dans l’émulation , DIXIÈME SESSION. 425 c'est sa Lendance à établir un esprit d’hostilité entre les enfants, en fai- sant des revers des uns la condition du succès des autres. On remédie- rait à ce grave inconvénient en partant, pour décerner les récompenses, non pas d’une comparaison des élèves entre eux, mais d’une compa- raison du travail de l’élève avec le degré de perfection auquel on avait droit de s'attendre qu’il arriverait quant à ce travail. Quant aux ressorts à mettre en jeu pour captiver l'attention, il faut avoir égard à l'espèce des idées, qui doivent être, autant que possible, de nature à les intéresser, à la durée et à la combinaison des leçons, ainsi qu'au mode d'enseignement. Ces éléments doivent être déterminés de manière à accommoder l'instruction à la mobilité de l’enfance , et à rendre cette instruction piquante el yariée. Mais ce qui importe surtout, c’est de rendre l’enseignement intellec- tuel, en ne présentant à l'enfant que des mots qui expriment pour lui soit des idées claires, soit des sentiments qu'il puisse comprendre; en associant dans son esprit les idées par des liens naturels et intimes, enfin en lui faisant raisonner l'instruction, c’est-à-dire en lui faisant connaître au fur et à mesure les raisons des vérités ou des procédés qu’on lui enseigne. C’est ainsi qu’on lui rendra l’étude attrayante , et, en outre, ce mode offrira d'immenses avantages; ces avantages ont été énumérés par l’orateur avec une très-grande clarté. M. Naville rappelle ensuite que la direction morale doit toujours ac compagner le développement intellectuel. C’est, dit-il, de la réunion seule de ces deux éléments qui, combinés dans l’enseignement, consti- tuent l'instruction éducative , que l’on peut attendre la régénération de l'humanité, et il termine par un pressant appel aux membres de l’as- semblée, les conjurant de faire servir à la cause sainte de cette instruc- tion éducative leur savoir, leur éloquence , leur honorable renommée, et d'assurer ainsi à la France un bonheur solide et véritable. M. Hoffet, chef d'institution de Lyon, lit un mémoire sur la même question. L’auteur annonce qu’il se bornera à présenter quelques observations sur les distributions solennelles des prix, telles qu’ellesse font en France. il ne répond à cette question : Ces solennilés sont-elles nécessaires pour maintenir le zèle pour les études ? que par des faits. Il cite plusieurs établissements d'instruction fréquentés par:un grand nombre d'élèves, où l’on ne se sert pas de ce stimulant sans que le zèle s’y soit ralenti pour cela. L'auteur croit même que les distinctions n'étant accordées qu’à un petit nombre d'élèves, elles sont plutôt nuisibles qu’utiles à la majorité des enfants. M. Hoffet examine ensuite si les prix sont conformes aux principes de la pédagogie, de la saine éducation. Il établit que l'éducation exige que les récompenses soient adaptées au sexe, à l’âge, au degré de dé- veloppement intellectuel et moral des élèves. I ne retrouve pas ce ca- ractère dans nos distributions, où les prix sont accordés sans qu'on tienne compte de ces distinctions. 426 CONGRÈS SCIENTIFIQUR DE FRANCE. Les récompenses doivent être en second lieu autant que possible pro- portionnées aux efforts et au mérite réel des élèves, et l’auteur croit pouvoir établir en toute vérité , que si les prix récompensent quelque- fois le vrai mérite, souvent aussi ils manquent ce but, et que dans tous les cas il y a une disproportion choquante entre la récompense et les efforts que font les élèves pour l'obtenir. Les récompenses doivent enfin , dit M. Hoffet , venir en aide aux mo- biles purs et moraux , mais elles ne doivent pas substituer à ces derniers des mobiles égoïstes, ce qui n'arrive que trop fréquemment dans les distributions solennelles. Au lieu d'apprendre peu à peu à l’enfant à se contenter de l'approbation de sa conscience , on crée en lui un besoin factice d'autant plus dangereux qu’il n’est pas en son pouvoir de le sa- tisfaire. On a fait bien peu pour l'éducation du jeune homme, si l’on n’est pas parvenu à lui apprendre à accomplir ses devoirs sans la pers- pective d’une récompense éclatante. Après avoir signalé plusieurs autres inconvénients, l’auteur propose un autre mode d'encouragement, qui consiste à accorder des récom-— penses à la masse, à la classe ou à l’école tout entière. Ce mode d'encouragement a l'avantage: 1. De ne pas récompenser seulement les grands talents et les grands efforts. 2. De lier entre eux les élèves et de les rendre solidaires du bien gé- néral. 3. De resserrer les liens et d'établir des relations plus douces entreles maitres et les élèves. 4. D'exciter une noble et heureuse émulation parmi les élèves, sans distinction , émulation qui n'offre aucun danger, parce qu'elle a pour but, non pas un bien personnel, isolé , mais le bien général. L’orateur termine en émettant le vœu que les distributions de prix soient , sinon supprimées , du moins considérablement modifiées. M. Jullien, de Paris, après avoir donné quelques détails sur l'institution de Peslalozzi, où le stimulant des prix n'existait pas , demande que la Section émette le vœu de voir modifier en France les moyens d’émulation. On reviendra sur la pro- position lorsque la discussion devra être close. La discussion est renvoyée à demain, vu l’heure avancée. M. Buss demande l’impression du mémoire de M. Lobstein père , sur le W'aldrecht. La Section adopte sa proposition et recommande à cet eflet cet intéressant travail au Bureau central. La séance est levée à midi. DIXIÈME SESSION. 427 Onzsième seance. — Du 9 octobre AS242. Rapporteur : M. SCamIDT , Secrétaire. La séance est ouverte à dix heures par M. Warnkænig, Président , assisté de MM. Lecerf et Vivien , Vice-présidents. Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté après quelques rectifications. M. Mayer, de Livourne, fait hommage à la Section des derniers rapports de plusieurs Sociétés italiennes qui ont fondé des salles d’asile ; M. le professeur Hepp lui fait hom- mage de son mémoire sur la réorganisation de l’enseigne- ment du Droit et sur l'introduction de l’enseignement des sciences politiques et administratives, inséré dans la Revue de législation et de jurisprudence, années 1841 et 1842. L'ordre du jour est la reprise de la discussion sur les treizième et seizième questions d'éducation. M. Guyard, professeur au Gollége royal de Strasbourg , monte à la tribune. _ «Les allégations au moins hasardées, dit-il, dont les établissements d'instruction secondaire ont été l’objet dans la séance du 8 octobre, l’ont décidé à plaider la cause de l’émulation dans les études. L’émulation, cette mère des grands talents et des grandes vertus , a été, selon l’ora- teur, étrangement méconnue quand on lui a reproché d’être un mobile corrupteur, funeste à l'éducation. C’est l’émulation qui a fait ce qu’il y a de beau et de bon dans le monde; elle à produit, et produit encore toujours de merveilleux effets. M. Guyard en signale plusieurs, tirés de l’histoire ancienne comme de l’histoire moderne. Il aborde ensuite les reproches qui ont été adressés à l’émulation dans nos établissements universitaires ; il s'attache à justifier les concours généraux de Paris par l’histoire de nos dernières années et par sa propre expérience. Toutefois il ne nie pas l'exactitude des faits qu’on a allégués pour démontrer l'ignoble charlatanisme de certains professeurs qui exploitent les luttes du concours pour leur propre profit, et qui, pour spéculer sur les suc- cès de leurs élèves, ne s'occupent uniquement de quelques-uns au dé- triment des autres, qu’en vuede leur ambition personnelle. Cependant, dit-il, ces faits sont peu nombreux. Les concours , loin de tendre à faire dominer le principe de l'ambition chez les maîtres , aux dépens du prin- cipe plus moral du droit qu'ont tous les élèves aux soins de l’instituteur, et chez les élèves eux-mêmes aux dépens de la modestie, les concours resserrent à un haut degré les liens entre les professeurs et les élèves ; ils ont toujours été excellents et le sont encore dans leurs résultats. Pour répondre à ceux qui désirent qu’on accorde plutôt des prix à la bonne 428 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. conduite que d'en décerner trop au seul mérite littéraire, M. Guyard insiste sur les inconvénients d’une trop grande multiplicité de récom- penses, bien que, s’il en voyait la possibilité, il serait heureux de voir se multiplier les prix de bonne conduite ; il rappelle à ce proposles notes d'honneur introduites dans le Collége royal de Strasbourg , notes que tous les élèves, à défaut de prix , peuvent également obtenir. Quantaux bons effets obtenus par la suppression des prix dans quelques institu- tions, l’orateur en appelle à un passage de M. Matter, inspecteur géné- ral de l’Université, pour prouver que par les prix on obtient des résul- tats bien plus sûrs, sans exciter ces passions qui, suivant les préopi- nants , sont les tristes fruits des récompenses. Il cite encore plusieurs autres auteurs à l’appui de la cause qu’il défend. L’émulation, conti- nue-t-il, est la mère des grandes choses ; c’est un saint devoir des maitres de l’exciter dans de justes bornes, parmi les élèves ; car tous les autres mobiles, comme par exemple l'idée du devoir ou l’idée du bien absolu, comme l’orateur l’appelle , et dont il déclare ne pas pouvoir se faire une notion exacte, n’ont pas de prise sur le cœur de l’enfant; en voulant le substituer au principe de l’émulation , on méconnait les besoins de la nature humaine, on risque d’éteindre le sentiment de l'honneur et de ne favoriser chez les élèves que la paresse. «Il termine en refutant l’accusation que les maîtres sont souvent dans la triste nécessité de commettre des injustices dans la répartition des ré- compenses. «Non, dit-il , cette nécessité n’existe pas! Il n’y a pas de professeur en France qui soit capable d’un tel oubli de ses devoirs!» M. Hoffet repousse l’idée que lui suppose le préopinant d’avoir voulu accuser les fonctionnaires de l’Université. M. Goguel, chef d'institution, monte à la tribune pour répondre à M. Guyard. Il rend justice à tout ce qu'il y a de brillant dans le discours de M. Guyard, maisil doit. dire qu'il n’a pas trouvé dans le fond de ce dis- cours de quoi satisfaire à la question du Programme. Une expression assez fréquemment employée l’a surtout frappé , et il croit devoir demander à M. Guyard ce qu’il entend par le bien absolu, mot bien vague, lorsqu'il sagit du développement moral de l'enfance et de la jeunesse. Dans une improvisation chaleureuse, et qui excite vivement l'attention de l'auditoire, Forateur s'attache à prouver que l'émulation, telle qu’elle existe dans nos écoles, ne peut que nuire aux véritables intérêts de l'éducation ; au lieu d'envisager l'enfant comme un être qu'il faut former et développer sous le triple rapport de l'intelligence, du cœur et de la volonté, elle ne s'adresse le plus souvent qu'aux senli- ments égoistes., à l’amour-propre, et favorise toutes ces tendances am- bitieuses qui aujourd'hui travaillent la société à un si haut degré, et portent en elles le germe d’une démoralisation, plus grande encore. D'ailleurs , à la vue de cet esprit de concurrence illimitée qui envahit DIXIÈME SESSION. 429 successivement toutes les classes de la société, maint éducateur con- sciencieux a déjà dû plus d’une fois se demander si cet esprit n’était pas la conséquence nécessaire des moyens d’émulation employés dans nos écoles, et surtout dans nos écoles secondaires. L’orateur est loin de vou- loir s’en prendre à tel homme ou à tel autre, à telle institution ou à telle autre; car selon lui, il ne faut pas apporter de l'aigreur dans la discussion d’une matière aussi grave et aussi délicate; en combattant les systèmes , il demande qu’on respecte les intentions pures et droites des hommes qui croient devoir soutenir des opinions opposées. Il croit que M. Guyard a mal interprété certains principes émis par les orateurs qui ont parlé avant lui, et que dans l’appréciation de ces mêmes prin- cipes, il avoulu mettre aux prises l'uneavec l’autre, l'instruction publique et l’instruction privée; moyen peu loyal , selon l’orateur, puisque dans ce conflit l'instruction publique, appuyée par la force , aurait nécessai- rement le dessus. ; M. Goguel, tout en reconnaissant que les moyens d’émulation em- ployés en France sont peu psychologiques , et par conséquent peuvent porter de graves préjudices au développement de l’homme, convient qu'il serait peu prudent de les réformer subitement; mais il demande qu'on les modifie peu à peu , et surtout qu’on respecte plus qu’on ne l’a fait jusqu'ici toutes les lentatives faites par des hommes sincères et droits pour frayer à l'éducation publique des voies plus généreuses et plus morales. M. Warnkænig rappelle à cette occasion que depuis quel- ques années les prix ont été supprimés dans tout le grand - duché de Bade, A la fin de l’année on donne à l’élève de sim- ples certificats, qui excitent autant l’émulation que les prix : les enfants attachent une haute importance à ces simples notes d'honneur. M. Guyard déclare qu’il n’a voulu répondre qu’à des at- taques dirigées contre l’Université, et qu’il a été loin de sa pensée d'attaquer les institutions privées. Quant à l’expres- sion de bien absolu , il lui paraît impossible d'en donner une définition, attendu qu’elle est trop vague; Îl demande ce qu'on veut mettre à la place du système actuel? Que l’on formule une proposition précise, qu’on dise ce qu’on veut lui substituer, M. Willm observe que la discussion s’est: écartée de la question qui est toute générale; il ne s’agit pas de délibérer sur les moyens de remplacer le mode suivi en France. Si Vé- mulation existe, on ne la tuera pas; il faut seulement la di- riger. Il est permis de se servir de tous les moyens d’émula- tion pour l’instruction jusqu’au moment où ils nuisent à l’é- 430 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. ducation. La question, est donc : les moyens employés en France , surtout les distributions des prix, nuisent-ils ou ne nuisent-ils pas à cette éducation ? Les distributions de prix sont bonnes en elles-mêmes ; mais les prix devraient être accordés, plus souvent qu’ils ne le sont maintenant, à l’application et à la bonne conduite. M. le Président propose de résumer les questions de la ma- nière suivante : 1. Les distributions sont-elles nécessaires ? >. Les distributions sont-elles utiles à conserver ? 3. Les distributions sont-elles à modifier P M. Frey, professeur à l’École industrielle de Strasbourg, demande si l’assemblée peut résoudre ces questions, vu qu’elle ne lui semble pas composée de manière à prendre une décision formelle. Cependant il désire que la discussion soit continuée. On a entendu plusieurs orateurs contre l’émula- tion, il est donc juste de laisser aussi le temps nécessaire à la défense. M. Vivien croit qu’on aurait dû commencer par se placer à un point de vue plus élevé, et avant d’aborder la question du Programme, s’informer des exigences du caractère na- tional, en se demandant si l’émulation n’est pas conforme aux besoins du peuple français actuel. Si on a pu supprimer avec avantage les prix dans le grand-duché de Bade, c’est que le principe de l’externat domine en Allemagne, tandis que chez nous c’est le principe de l’internat. En Allemagne, la vie de famille , fortement ébranlée en France, est encore en vigueur; l’internat est donc nécessaire chez nous, et ce mode exige l’émulation telle qu’elle existe en France. M. Hoffet combat le système actuel, précisément parce qu’il voudrait ranimer la vie de famille; il voudrait que dans les établissements d'instruction tout fül fait comme en famille, et que par conséquent on modifiât en ce sens les distributions des prix, en les dépouillant de ces pompes solennelles dont on les entoure aujourd’hui. « Avant tout , dit-il, il faut déve- lopper dans l’enfant le sentiment du dévouement, du désin- téressement; or, dans le mode actuel ce sentiment est beau- coup moins encouragé que celui de l'ambition.» DIXIÈME SESSION. 451 La question ne paraissant pas être assez mûre pour qu’on pût en donner une solution satisfaisante, M. le Président propose de la renvoyer au Congrès futur. Cette proposition est adoptée. Après quelques mots prononcés par M. Naville, pour déclarer que-dans son discours d’hier, il n’a pas voulu attaquer les fonctionnaires de l’Université , la discussion sur celle question est close. M. Buss, de Fribourg , est appelé à la tribune, pour parler sur un sujet proposé par lui, et approuvé par le Bureau cen- tral : La nécessité et la vraie méthode de l’étude des législa- tions comparées. «L'époque actuelle, dit-1, en commencant , tend à compléter le ca- dre des connaissances humaines. C’est ainsi que de nos jours la science des législations comparées a pris rang parmi les plus importantes bran- ches du Droit. Il a déjà été beaucoup fait pour cette partie : des chaires ont été créées dans différentes Universités, des journaux sont publiés pour discuter les principes de la science. Cependant il reste encore beaucoup à faire; jusqu'ici on n’a comparé le plus souvent que les lois d’un pays à celles d’un autre, mais on ne s’est pas arrêté à rechercher le principe d’après lequel cette comparaison devait se faire, la mesure qu’il fallait appliquer aux lois pour les juger. Pour découvrir ce prin- cipe, cette mesure suprême, l’orateur demande qu’on réunisse toutes les législations comme en un foyer commun ; qu’on les centralise pour ainsi dire. «La civilisation, dit-il, est comme une masse de lumière dont cha- que époque et chaque nationalité reçoivent leur part avec la mission de la répandre. En considérant les époques, on juge la civilisation du point de vue historique; en considérant les nations, on en établit la statistique; il y a donc deux méthodes que l’orateur désigne sous les noms de méthode chronologique et de méthode synchronistique. Toutes les deux sont fondées dans la nature des choses, mais il ne faut pas les isoler , il faut les combiner. Par conséquent, la comparaison des légis— lations ne doit point seulement être faite d’un point de vue statistique, comme on le fait trop souvent de nos jours, maïs il faut aussi montrer la génération et la filiation historique des lois , suivant les différentes époques de l'humanité, Ici M. Buss entre dans quelques considérations historiques pour mieux éclaircir sa pensée. «Dans l'antiquité , ce qui dominait les peuples, c'était une puissance fatale à laquelle l'individu était sacrifié, et qui avait produit dans les États antiques une unité grandiose, mais raide et inflexible. Le chris- tianisme déliyra! l'humanité de ce pouvoir, il aflranchit l'individu , et proclama un principe de fraternité inconnu à l’ancien monde. Avec les peuples germaniques l'esprit de liberté personnelle prit place dans la civilisation moderne. Un droit nouveau se forma et régna du-- rant le moyen âge : le droit romain représenta l'unité dans la nouvelle 432 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. société , le droit germanique représenta la liberté individuelle , l'église représenta les saintes lois de la conscience et de la morale. C’est ainsi que, surtout par l’église, l'unité fut rétablie en Europe; mais ce fut une unité qui ne tarda pas à réclamer de nouveau le sacrifice de l'indi- vidualité. Elle ne dura point, ni dans l'Église, ni dans l’État; elle fut rompue; les différentes nationalités se séparèrent, différentes confes- sions se formèrent , et chacune obtint son rang dans l'Europe moderne, et avec ce rang sa tâche particulière dans l’œuvre commune de la civi- lisation. La mission des temps modernes est de créer un droit commun qui embrasse l'humanité, sans effacer les différences nationales. Telle est la noble tâche de l'étude des législations comparées, sous le double point de vue historique et statistique. Jamais cette tâche ne pouvait être mieux remplie que dans nos jours de discussion libre et de recherche consciencieuse. M. Buss termine en annonçant à l’asssemblée qu'il se propose de publier, en langue allemande, une revue de législation et de science sociale comparée de l'Europe et de l'Amérique. El invite ceux des membres qui s'occupent de ces importantes matières, à l’assister de leurs lumières , afin de produire une œuvre qui serve à la fois la cause de la science et celle de la civilisation moderne. » L'heure étant trop avancée pour épuiser l’ordre du jour, on passe au choix des questions qu’on désire recommander au Congrès futur. L'assemblée exprime le vœu que la 8° ques- tion de philosophie , les questions 13 et 16, 20, 22 d’éduca- tion , et les questions 11 et 13 de législation soient recom- mandées à l'examen des savants qui se réuniront au Congrès de 1843. Elle leur recommande aussi la question proposée par M. Mayer, de Livourne : N°ya-t-il pasun principe commun pour relier ensemble les différentes institutions de bienfaisance, de pénitence, ete. P M. le Président donne la parole à M. Lecerf, Vice-prési- dent, pour clore les séances de la sixième Section. M. Lecerf remercie l'assemblée du zèle, de l'attention, de l’impartialité qu’elle a mise dans ses débats, et espère que le Congrès de Strasbourg produira des fruits durables. Sur la proposition de M. le professeur Frey, l'assemblée vote des remerciments à M, le Président et aux différents membres du bureau. La séance est levée à midi. ©! DIXIÈME SESSION. 45 SEPTIÈME SECTION. LITTÉRATURE FRANÇAISE ET LITTÉRATURE ÉTRANGÈRES. Première séance. — Du 29 septembre 1822. Rapporteur : M. BERGMANN, Secrétaire. Présents au bureau: M. Bergmann , professeur à la Fa- culté des Lettres, Secrétaire de la Section; M. Colin, pro- fesseur au Gollége royal, Secrétaire adjoint. À onze heures du matin , les membres de la septième Sec- tion se sont réunis dans la salle des cours de la Faculté de Droit pour se constituer en assemblée et pour s'occuper des travaux préparatoires. Le nombre des membres présents est de quarante-sept. M. Bergmann, Secrétaire , commence la séance par la lecture des noms inscrits dans la Section. * On procède ensuite à la nomination du Président et des trois Vice-présidents. Au premier tour de scrutin, M. Dercasso, doyen de la Faculté des Lettres de Strasbourg , ayant obtenu la majorité des voix , a été proclamé Président. Ont été nommés Vice-présidents : MM. Horrmann De FALLERSLEBEN , professeur de littérature allemande à l’Université de Breslau ; Pescier , professeur de littérature française à l’Univer- sité de Tubingue ; Guerrier De Dumasr , ancien sous-intendant militaire, de Nancy. Après la formation du bureau, on dresse la liste des 28 454 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. membres qui se proposent de lire des mémoires, ou de par- ler sur les questions du Programme ou sur des questions de leur choix. L'ordre du jour étant épuisé, la séance est levée à une heure. Deuxième séance. — Du 50 septembre 1842. Rapporteur : M. BERGMANN, Secrélaire. M. le Président ouvre la séance par une courte allocution, dans laquelle il remercie la Section de l’honneur qu’elle lui a fait en lui donnant ses suffrages. Le procès-verbal de la séance préparatoire est lu et adopté. M. de Roosmalen, de Paris, délégué de la Société Raci- nienne, fait hommage à la Section de trois ouvrages intitulés : 1. De l’envahissement du commerce et de l’industrie sur les lettres, les sciences el les arts. 2. Les derniers moments de la duchesse d'Abrantès. 3. La Tour de Londres, drame en trois actes et.en sept tableaux. Le Bureau propose à la Section de lui adjoindre un troi- sième Secrétaire. M. Boissard , aumônier au Collége royal de | Strasbourg, désigné par M. le Président, est investi de ces fonctions. L'ordre du jour appelle la discussion des questions du Programme. M. le Secrétaire donne lecture de la première question, ainsi conçue : Déterminer l'influence de la poésie arabe sur la poésie des troubadours , et l'influence de cette dernière sur la poé- sie italienne du douzième, du treizièmeet du quatorzième siècle. Aucun mémoire n'étant présenté sur celte question, M. Bergmann monte à la tribune et expose, dans une impro- visalion rapide , son opinion sur la matière. ] DIXIÈME SESSION. 455 L'influence de la poésie arabe sur la poésie des troubadours est nulle pour le fond et pour la forme. Pour le fond, ce qui caractérise la poésie des troubadours, la chevalerie et la galanterie, ne se rencontre pas dans la poésie des Arabes ou du moins ne s’y retrouve pas avec les mêmes caractères. Pour la-forme, la versification des Arabes diffère essentiellement de la versification des troubadours. Quant à l'influence de la poésie des troubadours sur la poésie italienne du douzième , du treizième et du quatorzième siècle, elle est non-seulement évidente, mais à une certaine époque il y avait encore entre les Italiens, les Pro- vencaux et même les Catalans une telle fusion de langue et d'idées, qu’il en est résulté une poésie presque identique chez ces trois peuples d’origine romane. M. Bergmann est remplacé à la tribune par M. de Pan- toja, ancien procureur général près la Cour suprême de Madrid. L’orateur combat sur la première parlie de la ques- tion J’opinion du préopinant. : Au douzième siècle, l'influence que les Arabes ont exercée dans les sciences et en philosophie sur les Espagnols et les Provençaux, a dû agir aussi sur la poésie des troubadours. L'influencescientifique d’une nation prépare en même temps son influence en littérature. La galanterie et la chevalerie n’ont pas été inconnues aux poëtes arabes et se rencontrent, par imitation, dans les mœurs et dans la poésie des Espa- gnols, depuis les temps anciens jusqu’à nos jours, Quant à la versification, les vers des troubadours en deca et au delà des Pyrénées sont à la fois lyriques et harmonieux comme les vers des poëtes arabes. Réplique de M. Bergmann : L'influence générale de la ci- vilisation arabe sur les peuples du midi de l’Europe n’est ni contestable, ni contestée; mais les Provençaux, tout en la subissant en philosophie ct dans les sciences , sont restés eux-mêmes par la poésie, Gar la poésie, et surtout la poésie lyrique, sortant immédiatement de l’âme du poële, porte -généralement l’empreinte du génie individuel des nations , et se Soustrait plus volontiers que l’érudition et la science à toute influence étrangère. Si cependant il y a entre la poésie des troubadours et celle des Arabes quelques analogies de forme et de fond , il ne faut pas les attribuer à l’imitation ou à une influènce historique, mais à l’universalité de certains senliments et de certaines formes qui, par cela même qu’elles 28. 456 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. sont fondées en raison comme dans la nature, se reprodui- sent spontanément chez les nations les plus diverses, sans qu’il y ait pour cela ni imitation de l’une par l’autre , ni influence historique de l’une sur l’autre. M. Guerrier de Dumast déclare qu’il partage entièrement l'opinion de M. Bergmann , et il l’appuie encore par des dé- veloppements nouveaux. Malgré quelques traits imparfaits et rudimentaires que le roman d’Antara serait le seul à fournir, il n’y a rien de che- valeresque dans les mœurs guerrières des Arabes; et quant à la galanterie , ce que M. de Pantoja pourrait citer comme exemple dans les poésies arabes, est postérieur aux relations des Maures avec les chrétiens. Enfin, la versification arabe est métrique, comme celle des Grecs, et non pas simplement accentuée et rythmique comme celle des nations romanes. Suivant M. de Dumast, l’idée de l'influence de la poésie des Arabes sur celle des troubadours est si peu fondée, qu’il s'étonne même qu’on l’ait conçue et qu’elle ait obtenu quel- que vogue. Elle n’a pu résulter que de l’antériorité de la poé- sie arabe et de la présence de la rime dans la poésie des troubadours. Mais cette antériorité est fortuite et ne saurait rien prouver; la rime n’est pas plus significative, car l’affai- blissement des règles prosodiques suffisait pour faire adopter cette loi de consonnance. L’orateur croit donc que M: de Pantoja , sans s’en apercevoir , s’est laissé un peu entraîner au mouvement réactionnaire qui, depuis l’apparition des écrits de Condé, pousse la générosité des Espagnols à faire aujourd’hui une trop belle et trop large part aux Arabes qu’ils ont expulsés de leur sol. M. de Pantoja ne réclamant plus la parole, la discussion sur la première question du Programme est close. Pour faire marcher de front les questions d’histoire et les questions de théorie, la Section décide qu’on changera l’ordre des numéros du Programme, en prenant alternative- ment la première question et la dernière , la seconde et l’a- vant-dernière , et ainsi de suite. La séance est levée à une heure, ——Rte—— x | DIXIÈME SESSION. 45 Troisième séance. — Du 4er octobre 1842. Rapporteur : M. BERGMANN, Secrélaire. Le procès-verbal de la séance d'hier est lu et adopté sans réclamation. L'ordre du jour est la discussion de la vingt-quatrième question, ainsi conçue : Le beau en littérature doit-il être le but ou n'est-il qu’un moyen ? La parole est donnée à M. le comte de Coëtlosquet , mem- bre de l’académie de Metz, pour lire un discours sur cette question. s Affirmer, dit l’orateur, que le beau est le but enlittérature, c'est ré duire la mission de l’homme de lettres à flatter l’oreille par l'harmonie du langage, à charmer l'imagination par l'originalité et la grâce des fictions. Une telle proposition ne peut se soutenir, et le vrai but à pour- suivre en littérature, c’est l’utile, non pas en appliquant aux besoins matériels de la vie, mais aux intérêts plus élevés de la religion et de la morale, Un écrivain de nos jours s’est donc étrangement mépris lors- que, en tête de son poëme, il a écrit cette épigraphe : La muse peut chanter tout ce que l’âme rêve. ë La muse chrétienne aura-t-elle le triste office de servir d’organe à toutes les rêveries qui peuvent traverser l’imagination de l’homme ? A cette maxime, l’orateur oppose cette pensée d’un jeune poëte : IL est doux de chanter ce qu'il est doux de croire. Une forte conviction, telle est donc la sève fécondante du génie. Gar- dons-nous de croire qu'il suffise de s’appeler poëte pour être en droit de tout dire, ou qu’une pensée quelconque ait le privilège de se produire au grand jour, à la seule condition qu’elle sera enchâssée dans un beau vers. Le beau n’est donc pas le but suprême , mais il doit être un moyen essentiel en littérature. En effet, admettre le principe que le beau n’est pas un moyen essentiel, c’est arriver par une conséquence naturelle à professer la théorie du laid. En finissant, l’orateur cherche à apprécier le système de l’art pour l’art; c’est par cette théorie, dit-il, qu’on excuse quelquefois les ouvrages les plus licencieux, et cependantles lettres ont 458 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. pour but, suivant l'expression d’un auteur contemporain , d'élever à de hautes pensées , d’accoutumer à de sublimes contemplations , de faire chérir la vertu, et de mettre entre les hommes ces communications ai- mables et gracieuses qui font l’ornement et le charme des sociétés. Sur la proposition d’un membre, la Section décide que le discours de M. de Coëtlosquet sera lu à l’assemblée générale. Un autre membre de la Section regrette que le discours ne présente pas une conclusion précise. M. de Coëtlosquet répète en concluant que selon lui le beau ne doit pas être le but, mais qu'il doit être un moyen en lit- lérature. Après la clôture de la discussion, un membre ayant de- mandé à parler sur le même sujet, le Bureau décide que la question sera reprise à la prochaine séance. M. le Secrétaire donne ensuite lecture de la seconde, de la troisième, de la vingt-deuxième et de la vingt-troisième question du Programme. Personne ne se présente pour les discuter. M. Bergmann monte à la tribane pour lire un mémoire sur la quatrième question, ainsi conçue : De l’origine et de la signification des traditions épiques sur le Saint-Graal. Après la lecture de la première partie de ce mémoire étendu, l’orateur sentant le besoin de se reposer , prie le Bureau de remettre à une prochaine séance la lecture de la suite de ce discours. M. Yrouard, capitaine en retraite, termine la séance par la lecture d’une pièce de vers intitulée : Départ du général Bonaparte d'Égypte, après la vic- toire d’Aboukir. Eloge du général K léber. Cette leciure est favorablement accueillie, La séance est levée à une heure moins un quart. DIXIÈME SESSION . 439 æ Quatrième séance. — Du 3 octobre 1842. Rapporteur : M. BERGMANN, Secrélaire. Le procès-verbal de la séance du 1° octobre est lu et approuvé. Conformément à la décision prise par l’assemblée dans la séance précédente , la discussion est ouverte de nouveau sur la vingt-quatrième question du Programme : Le beau en littérature doit-il étre le but ou n'est-il qu’un moyen ? La parole est à M. L. Ehrmann, homme delettres, de Paris. Dans un discours écrit, l’orateur défend la théorie de l’art pour l’art, attaquée par M. le comte de Coëtlosquet ; il ne veut pas que le beau ne soit qu'un moyen et la littérature qu'un instrument. Trop souvent de nos jours on a mis les lettres au service d’un parti, d'une opinion, d’un système. La poésie employée même à populariser la science a produit les poëmes didactiques, el toutes ces dissertations en vers qu’on ne lit plus et que l’autorité des plus grands noms sauve à peine de Foubli. Dans cette argumentation , l’orateur s'appuie de nombreux exemples empruntés à la littérature des Anglais, des Allemands, des Français. Non, dit-il, la poésie ne s’enrégimente pas; elle n’a pour mission ni de _ prêcher, ni de dogmatiser. Certes , le vrai poëte est moral, il est pieux ; mais il ne faut pas réduire son rôle à l'utilité. Notre époque ne connaît que trop peu les enthousiasmes désintéressés : respectons l’art dans son dernier sanctuaire. L’orateur conclut en affirmant que le beau en liltérature doit être un but et non un moyen. M. de Roosmalen remplace M. Ehrmann à la tribune. «Le beau, dit-il, c'est ce qui excite nos sensations par l’admiration. Il y à deux genres de beautés : la beauté idéale et la beauté naturelle ou classique; la première, formée par le caprice de l'homme et suivant les usages et les modes, toujours variable , toujours changeante ; la se- conde, innée en nous, réglée et uniforme, ayant ses bases, ses lois dans le principe général qui domine le monde entier. La beauté idéale se dé- signera sous le nom de romantique, la beauté naturelle s'appellera clas- sique. Ces deux genres différents de beauté doivent se prêter appui; mais ; conclut l’orateur, la beauté naturelle seule est le but en littéra- ture; la beauté idéale ne peut être regardée que comme moyen. » 440 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. M. Rousseau , homme de lettres, de Saint-George-le-Thou reil (Maine-et-Loire), délégué de la Société industrielle d’An- gers, prend la parole sur la vingt-troisième et la vingt-qua- trième question. L’orateur s’attache d’ab ord à caractériser le beau. «L'homme, dit-il, aspire à produire le beau dans ses œuvres, etilne peut arriver à ce but qu’en travaillant en vue de Dieu, ou, ce qui est la même chose, en vue de ses semblables. En effet, Dieu est la parfaite beauté , comme il est la vérité , la justice parfaite ; et en travaillant en vue de nos semblables , nous cherchons ce qui est à l’usage de tous, ce qui fait le besoin de tous les cœurs , c’est-à-dire la beauté, la vérité et la justice. Si la beauté existe , si nous y croyons, si nous l’aimons, per- sonne cependant ne peut la contempler dans son essence , nous soupi- rons après elle sans pouvoir la réaliser. L'art tout entier est cette con tinuelle aspiration de l’homme vers la véritable beauté. C’est ce qui fait que tout grand artiste semble continuellement regretter un monde idéal , et qu’il fait des efforts pour en reproduire une faible image à nos yeux. «L'orateur n’affirme pas que le beau doit être le but plutôt que le moyen de l'art, mais il croit que nous ne pouvons arriver à un but noble et généreux que dans la pensée ou sous la conception du beau. On re- connaît, en se plaçant à ce point de vue, que l’esthélique est la philoso- phie de l’art, et comme telle la science par excellence. » M. Ch. Soldan, professeur à l’École normale de Friedberg (grand- -duché de Hesse), monte à la tribune et improvise un discours en langue allemande , que M. Bergmann, Secré- taire , reproduit ensuite en français. « Pour répondre à la question proposée, dit l'orateur, il faut partir de la définition du beau. En général, nous appelons beau ce qui plait, et l’homme éprouve du plaisir toutes les fois qu’il voit ou qu'il sent la manifes{ation libre et l’effet normal d’une ou de plusieurs de ses facultés. Ce plaisir, et par suite l’idée du beau qu’il détermine, différeront selon ‘que les sens, l'imagination , l’esprit (Wätz), la raison prédominent dans l'homme. Au premier degré de son développement , quand il est sous le joug de la sensation, il se réjouit de ce qui frappe fortement ses sens. De là le goût des peuples sauvages pour une musique bruyante, pour les couleurs vives , les étoffes bigarrées, etc. Plus tard, quand l'imagination domine , l'homme recherche le beau idéal , il veut le réa- liser dans l’art et dans les institutions humaines , et, sortant des limites du monde réel, il aspire à l'infini. C’est à ce besoin d'agrandir les pro- portions de la réalité que nous devons , par exemple, les pyramides de l'Égypte. Au troisième degré, c'est l'esprit (Wäitz) qui constituera le caractère principal du beau, et en peinture, en musique, comme en DIXIÈME SESSION. 411 littérature, on donnera la préférence aux ouvrages qui réveillent en- nous des pensées fines, ingénieuses et piquantes. Parvenu au plus haut degré de son développement, l'homme voit le beau plus particulière- ment dans les grandes idées de la religion et de la morale. «On conçoit, d’après cet exposé, pourquoi les jugements sur le beau sont si variés. À une époque de frivolité on aimera les productions qui flattent les sens et qui donnent un libre essor à l’imagination; mais celui qui vit dans le monde de InINEenES attachera l'idée du beau à Dieu à la vertu , à-la justice. «Mais tout en donnant la ane au beau qui satisfait notre intel- ligence, nous n’exclurons pas les autres genres de beauté. Car le beau parfait "est précisément l'harmonie dans la manifestation de nos diffé rentes facultés, et le plaisir que nous procure un chef-d'œuvre parfait doit résulter de la satisfaction donnée simultanément à nos différentes facultés, à la sensation , à l'imagination, à l’esprit et à la raison. «D’après cela, si le beau est l'harmonie parfaite entre les facultés de notre âme, il doit être un but; il sera le‘but de la poésie : et c’est seu- lement dansle beau et par le beau que l’homme pourra manifester l’en- semble de ses facultés, l'essence et la plénitude de son être. » M. Ed. de Pompéry, homme de lettres, de Paris, prend la parole pour concilier les deux opinions DPROAGERIS sur le beau comme but ou comme moyen. Partant de l’idée que pour connaître le but, la valeur et le rang d’une chose quelconque, il faut se placer au point de vue religieux et philo- sophique, l’orateur trouve que dans l'esthétique on a suivi deux mé- thodes: l’une historique, qui part de l'observation et de l’analyse; l’autre qui porte un caractère plus spéculatif et plus rationnel. Depuis Platon, qui a fondé cette science en apprenant à voir les choses dans leur es- sence, elle, était restée un objet d’amusement et de réglementation puérile , lorsque les savants allemands lui ouvrirent une roule nouvelle et entraînèrent dans cette voie une foule d’esprits ingénieux qui en ont reculé les limites. L'orateur établit ensuite que tout est moyen pour nous élever à un but supérieur et absolu. Ce but absolu, c’est Dieu, et c'est seulement en adoptant ce principe que l’on pourra se former une idée juste de l’ar- liste et de son œuvre, du beau et des moyens de le reproduire. L'artiste, c’est l’homme inspiré qui contemple l'idéal et cherche à le traduire sous les formes les plus harmonieuses. Son œuvre est donc une création. L'art se propose le beau, le vrai et le bien, trinité mystérieuse et im— pénétrable. Le beau, c’est la splendeur du vrai, c’est le moyen d'arriver à l'idéal, à Dieu. L'art, dont le domaine est immense, est, comme la nature, l'expression de la vie en vue de cet idéal. L'orateur présente ensuite quelques observations sur la théorie de l'art pour l’art. La première qualité de l'artiste, dit-il, c'est une grande impressionabilité. Or, dans une époque de crise et de rénovation 50— 442 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. -ciale comme la nôtre, où trouvera-t-il dés inspirations ? Rien n’est fixe autour de lui, tout est remis en question; et de là vient que, privé de boussole, l'artiste incertain prend des routes diverses, sans avoir la conviction, la foi qui seule fait vivre les productions du génie. S'il est sans inspiration harmonique et normale, êst-il étonnant qu'il tombe quelquefois dans le scepticisme et arrive à ces conceptions bizarres ou extravagantes qui nous choquent dans quelques productions modernes? C'est, il faut le dire, la faute du temps, plutôt que celle de l'artiste. M. Guerrier de Dumast prend la parole et déclare que s’il monte à la tribune, ce n’est pas précisément pour combattre le discours que l’on vient d'entendre, car une partie des idées du préopinant ne laisse rien à dire , et sur l’autre, au contraire , il ÿ aurait trop à dire. M. de Pompéry s’est trouvé parfaitement dans le vrai quand il a mon- tré que tout était moyen pour arriver au but absolu qui est Dieu; mais on ne pourrait laisser passer sans les repousser plusieurs assertions qu’il a émises. Par exemple, quand après avoir dit que devant l'Être suprême rien n'est petit, rien n’est grand, il a ajouté qu'aux yeux de Dieu rien non plus n’est vrai ou faux. D'autres assertions de M. de Pompéry, où il considère comme éteintes des croyances qui ne sont mortes, ni ne mourront, donneraient lieu, dit M. de Dumast, à de nécessaires réfu- tations : mais l’orateur ne pouvant s’y livrer sans entrer dans la ques- tion religieuse, genre de controverse interdit par les règlements du Congrès, se borne à la seule mention des réserves qu'il croit de son de- voir de faire. La séance est levée à une heure moins un quart. Cinquième séance. — Du 4 octobre 1842. Rapporteur : M. BERGMANN, Secrélaire. Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. L'ordre du jour ramène la discussion sur la vingt-qua- trième question : Le beau en littérature doit-il étre le but ou n'est-il qu'un moyen ? DIXIÈME SESSION. 4435 M. G. L. Bartholmess, bachelier ès lettres, présente, dans un discours écrit, les considérations suivantes : «Pour résoudre la question, dit-il, il faudrait définir le beau; or, c’est impossible ; nous ne faisons que concevoir le beau. La forme ne doit être en littérature que l'expression spontanée, la suite naturelle de la beauté du fond. C’est cette beauté qui doit être le but du littérateur, Trois grandes idées guident l'humanité : le vrai qui conduit à la science, le bien d’où naît lamorale, le beau d’où naît l’art. Le beau peut se trouver dans le bien et dans le vrai; mais le vrai et le bien ne sont pas beaux par eux-mêmes, ils le deviennent quand un sentiment de plaisir vient s’y joindre. L’orateur établit la différence qui sépare ces trois ordres d'idées , et il en conclut que le bien n’est pas le but du poëte, que son rôle consiste à enflammer, à entrainer. C’est le beau qui doit être le but dé la littérature, mais pour le réaliser, employons le vrai et le bien. » M. Henri Mayer, président de l'académie de Livourne, remplace à la tribune M. Bartholmess. M. Maÿer admire la première partie du discours prononcé dans la séance précédente par M. de Pompéry; mais il vient combattre la seconde et surtout les idées décourageantes pour l'art qui y ont été émises. L’orateur proteste contre de telles idées au nom de son pays, où le culte des arts est une partie intégrante dé la vie; au nom de notre époque ; témoin de si grands événements, de si belles découvertes; au nom de la foi, qui n’est pas morte, quoi qu’on dise. Il espèré donc, il attend la résurrection de l’art. L'art du poëte est le premier de tous ; à tous il ouvre la route. Or , le poëte ne choisit pas son siècle, il le subit; mais il le subit en réagissant sur lui. Tout siècle recèle son élément poé- tique : c’est au génie à l’en tirer, et pour y réussir , la philosophie est indispensablé, La grande et véritable poésie concentre en soi tout l’art et formule tout un siècle. C’est ainsi qu’elle acquiert la puissance de se reproduire sous toutes les formes artistiques , musique, peinture, archi- tecture, sculpture. Notre siècle ; il est vrai, n’a pas encore prononcé sa parole; mais c’est qu'aucun génie n’a su l’évoquer. Pour évoquer un siècle, pour le traduire , il faut le dominer dans son ensemble, il faut être philosophe. L'orateur ne compte nullement sur l'esthétique pour ressusciter l’art. Selon lui, l'esthétique n’est qu’une froide et stérile analyse. Il veut que l'on étudie Dieu, l’homme, le siècle ; qui les comprend est philosophe, qui les traduit , poëte. Des applaudissements ont interrompu l’orateur pendant son discours , et éclatent de nouveau quand il descend de la tribune. La Section, à l'unanimité, témoigne au Bureeu le désir 444 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. que le discours de M. Mayer soit reproduit en séance géné- ralef, M. Daguet, professeur de Fribourg, en Suisse, combat l’opinion émise par M. de Roosmalen, que le beau idéal est formé par le caprice d’une imagination affranchie de toute règle. Selon l’orateur , le beau idéal est le type de tout ce qu'il y a de grand et d’élevé dans le cœur de l’homme. Sous ce rapport il se lie à des idées morales et devient le noble but de la littérature. Il peut cependant se trouver même dans des productions littéraires dont le fond est immoral. Du reste, l’orateur reconnait au beau , comme au vrai et au bon, un type suprême qui est Dieu. On aurait tort de croire que l’art puisse jamais disparaître entièrement; il est au contraire éternel comme le type su- prème dont il est l'expression. M. Guiard , professeur au Collége royal, répond à M. Da- guet que le beau exclut toute idée d’immoralité, et qu’il est inséparable de la noblesse des sentiments et des émotions pures. Sur la demande des membres du Bureau, qui sont d’avis que la vingt-quatrième question a été suffisamment débattue, M. le Président, après avoir consulté l’assemblée, déclare que la discussion est close. M. Jullien, de Paris, est ensuite autorisé par le Bureau à donner communication d’un mémoire composé par M. le che- valier Adrien Balbi, de Venise, en réponse à la septième question du Programme supplémentaire et formulée en ces termes : 1 L'Italie, sous les rapports scientifique et littéraire , se maintient-elle de nos jours au niveau des autres nations ci- vilisées de l’Europe ? Dans ce mémoire, qui a pour titre : De l’activité littéraire en Italie, l’auteur montre par le nombre des ouvrages publiés depuis 1834 jus- que et y compris 1839, que sous le rapport de l'instruction élémentaire et de l'instruction supérieure, l'Italie, surtout la Toscane et le Royaume lombard-vénitien , peut figurer à côté des pays les plus avancés de l'Europe. 1 Voy. les mémeires de la 7° Section, 2° vol, DIXIÈME SESSION. 445 M. Balbi désire que, pour payer un tribut à la gloire litté- raire de l’Italie, son discours, qui contient des faits positifs, soil inséré en entier ou en partie dans les actes du Gon- grès 1. La séance est levée à midi et demi. #5 — Sixième séance. — Du 5 octobre 1842. Rapporteur : M. BERGMANN, Secrélaire. Le procès-verbal de la dernière réunion est lu etapprouvé. M. Hoffmann de Fallersleben, l’un des Vice-présidents, absent de la séance, exprime par l’organe d’un de ses amis, les regrets qu’il éprouve d’être obligé de quitter demain le Congrès. Il remercie encore une fois les membres de la Sec- tion de l'honneur qu’il lui ont fait en le nommant à la vice- présidence. L'ordre du jour est la lecture de la seconde partie du mé- moire de M. Bergmann , Secrétaire, sur l’origine et la signi- fication des romans du Saint-Graal. L'auteur fait observer que la lecture du mémoire ayant été interrompue par la longue discussion incidente sur la vingt-quatrième question , les faits et les considérations ex- posées dans la première partie ont dû s’effacer de la mémoire des auditeurs ; et comme la seconde partie se rapporte con- tinuellement à la première, les membres de la Section, sur- tout ceux qui n’ont pas assisté à Ja lecture du commence- ment, auront de la peine à bien comprendre la suite de ce discours. Pour cette raison l’auteur préfère renoncer à la lecture de la seconde partie de son mémoire , et il propose à l'assemblée de passer à l’ordre du jour. Sur la proposition de plusieurs de ses membres, la Sec- tion décide à l’unanimité que le mémoire de M. Bergmann sera imprimé dans le Compte-rendu du Congrès? L Voy. les mémoires de la 7e'Section , 2€ vol. 2 Voy. tbidem. 446 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. M. le vicomte de la Valette, rédacteur en chef de l’Écho du monde savant , a la parole sur la dix-neuvième question du Programme , ainsi conçue : De l'influence du journalisme sur la littérature. L'orateur, dans son discours écrit, jette d’abord un coup d'œil sur l'origine de la presse, son agrandissement et son influence progressive sur toutes les œuvres de l'intelligence. Il indique quelle fut sa mission, son rôle pendant le dix-septième et le dix-huitième siècle ; comment , à l'époque de la Révolution , elle fut entièrement livrée aux passions poli- tiques. Il montre ensuite que sous l’Empire la presse fut enchainée par la main-de fer de l’empereur et qu’elle n’est devenue une puissance que sous la Restauration. Alors elle a touché aux trois grandes questions de la vie intelligente, sociale et morale, à la littérature, à la politique, à la religion. Elle a ressuscité la littérature, renversé un gouvernement et s’est attaquée même à Dieu. Au commencement de sa puissance, par une critique animée et sage, elle avait rendu de grands services à la littérature et aux arts; maintenant, elle resserre les travaux des écri-— vains dans un feuilleton. L’orateur termine en montrant quels services la presse peut rendre encore pour répandre et populariser les travaux de l'esprit humain. La Section accueille avec faveur ce discours qui renferme des vues élevées sur l’avenir des congrès scientifiques en France, et décide qu’il sera imprimé dans le GP -rendu et lu en séance générale, M. Daguet, de Fribourg, est autorisé à lire un mémoire historique , dont le sujet est en dehors des questions posées par le Programme et qui a pour titre : Les francs-macons de Fribourg (en Suisse). M. le Secrétaire demande que ce travail, qui renferme d'in- téressants détails sur l’esprit de la franc-maçonnerie suisse vers la fin du dix-huitième siècle, soit soumis à l’examen du Bureau central pour être inséré dans les actes du Gongrès. Sa proposition est acceptée. La séance est levée à midi et demi. 1 L'auteur n’ayant pas fourni son manuscrit malgré la demande itérative qui lui en a été faite l'insertion de ce discours n’a pas pu avoir lieu. = 0 0 ——— DIXIÈME SESSION. 447 Septième séance. — Du 5 octobre 1822. Rapporteur : M. BERGMANN, Secrétaire. A l’ouverture de la séance, le procès-verbal de la dernière réunion est lu et approuvé. L'ordre du jour appelle la lecture d’un mémoire de M. le docteur Bégin, secrétaire et délégué de la Société des sciences médicales de Metz. En l’absence de ce premier orateur ins- crit , la parole est donnée à M. Rousseau pour lire sa réponse à la huitième question du Programme, ainsi conçue : Quelles sont , indépendamment des formes du style, les différences essentielles qui séparent le romantisme du clas- sicisme! P M. Rousseau y répond en ces termes : QI n’y a pas de différences fondamentales entre le classicisme et le romantisme; celles qu’on croit apercevoir ne sont qu’apparentes; car il n’y a pas réellement plusieurs littératures, mais une seule qui se de- veloppe. Quant aux différentes formes qui apparaissent dans l’art dra matique, elles varient selon les époques, les nations et le génie des au- teurs. Mais on ne peut pas dire qu’il y ait deux manières de procéder, romantique et classique; car les grandes lois qui président aux immor- telles créations du théâtre, comme de la littérature, sont les mêmes. » M. Fuchs, candidat en philologie , de Dessau (Saxe) , a la parole pour lire an mémoire sur la quinzième et sur la seizième question du Programme , ainsi conçues : La littérature des idiomes populaires ou patois, doit-elle être encouragée au profit de la vie provinciale, ou doit-on lui refuser ces encouragements en vue de la littérature na- tionale ? Pourquoi dans la littérature italienne les différents dia- lectes ont-ils acquis une plus grande importance que dans les autres littératures modernes ? ! Voy. sur cette même question la brochure publiée par M. le baron Ém. de Lacour, citée t. 1°", p. 87. 448 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. «Chez tous les peuples, dit l’orateur, qui se sont constitués en corps de nation, on distingue la langue nationale des idiomes populaires. Les hommes sont d'abord membres d’une tribu et comme tels ils ont leur patois; plus tard ils deviennent membres d’une nation et en cette qua- lité ils adoptent l'usage d’une langue nationale. Comme la tribu existe avant la nation, le patois est aussi plus ancien que la langue nationale qui se forme des éléments d’un ou de plusieurs patois. Si, par des rai- sons quelconques, une province obtient la prépondérance sur les autres provinces, son patois s'élève peu à peu au rang de langue nationale. On l'a vu en Espagne, où les Castillans, et en France, où les Comtes de Paris sont parvenus à la domination. Mais si aucune des provinces n’ar- rive par la conquête ou la domination à imposer son idiome au pays, alors c’est le besoin d’un lien intellectuel entre les diverses provinces qui provoque l'adoption d’une langue commune ou nationale; et c'est ordinairement l’idiome qu’on parle au centre du pays qui oblient cette distinction. Ainsi, le dialecte attique en Grèce, le dialecte florentin en Italie, le dialecte saxon en Allemagne, sont devenus de préférence les langues littéraires de ces pays. 7 «Une fois la langue nationale introduite et fixée, on néglige ordi- nairement, on supprime même quelquefois les patois et leur littérature, sans songer que les idiomes populaires qui présentent déjà tant d'intérêt et tant d'avantages sous le rapport philologique, contribuent encore par leur littérature au développement intellectuel des provinces et agissent par cela même sur la langue, la littérature et les lumières de toute la nation. En effet, c’est à la vie intellectuelle répandue dans les différentes provinces que l'Allemagne, par exemple, doit l'avantage d’être si avan- cée sous le rapport scientifique et littéraire, tandis qu’en France l’acti- vité littéraire est concentrée dans la capitale. L’académie française de- vrait enrichir la langue nationale de nouvelles beautés, en puisant dans les idiomes provinciaux plusieurs termes qui lui manquent encore. Si les bons écrivains s'occupent à la perfectionner , la langue nationale n’a pas à craindre, ajoute l’orateur, qu’elle soit jamais absorbée ou sur— passée par les dialectes provinciaux, sur lesquels, d’ailleurs, elle a des avantages réels et incontestables. «En Italie, plus que dans tout autre pays, les dialectes provinciaux ont été cullivés avec prédilection et ont influé puissamment sur la lit- térature. La raison en est simple. Depuis la chute de l'empire romain, les diverses provinces qui la composent ont toujours été divisées par les passions et les intérêts politiques. Cette absence d’unité a dû favoriser le développement de la vie provinciale et profiter à la littérature des patois. Une autre cause puissante se trouve dans le goût des Italiens pour la musique et par suite pour la poésie lyrique. Cette poésie étant l'expression de l'âme et des sentiments du peuple, se revêt naturelle- ment plutôt de l’idiome populaire que de la langue nationale. » Sur la demande de l’un de ses membres, la Section décide DIXIÈME SESSION. “449 que le mémoire de M: Fuchs sera imprimé dans les actes du Congrès, M. le docteur Bégin, de Metz, lit ensuite un mémoire aussi remarquable par l'élégance du style que par l'intérêt des dé- tails; il est intitulé : Quelques années du pote Delille. La Section décide l’insertion de cette intéressante notice dans le Compte-rendu?. | M. le Secrétaire donne lecture d’une lettre adressée par M. Chappuis, maire de la ville de Colmar, au Bureau de la septième Seclion. Dans cette lettre, M. Chappuis annonce qu'en vertu d’une décision du Conseil municipal de Colmar, un monument sera élevé à la mémoire du célèbre fabuliste Pfeffel , et il invite les personnes qui voudraient bien s’asso- cier à l’exécution de ce projet, à inscrire leurs noms sur une liste de souscription déposée au bureau par M. Hugot, bi- bliothécaire-archiviste de la ville de Colmar. La séance est levée à midi et demi. Huitième séance. — Du 7 octobre 18242. Rapporteur : M. BERGMANN, Secrétaire. Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. M. Jullien, de Paris , est appelé à la tribune pour lire des fragments d’un poëme inédit sur les malheurs de la vertu et du génie. ff Il présente d’abord quelques considérations sur les causes qui font que la vertu et le génie sont presque toujours méconnus et livrés à une malheureuse destinée. 11 passe rapidement en revue Homère, réduit à vivre des secours que lui accordaient ses compatriotes; Socrate, victime de la basse envie d'Anytus, et condamné à boire la ciguë. Un long fragment retrace la vie et la mort du divin fondateur du christianisme. L'auteur traverse le moyen âge, et signale d’abord les injustices qui ont fait expier à Bélisaire et à Boëce > Par le supplice, la cécité, la mendi- cité et la mort, les éminents services qu'ils avaient rendus à leur pays. Dans un autre fragment sont rétracés l'exil, la proscription et la mort 1 Voy. les mémoires de la 7° Section , 2€ vol. 2 Voy. ibidem. 29 450 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. du Dante. Quelques vers sur Pétrarque et sur l'influence et la noble des- tination des femmes qui encouragent, récompensent, consolent le gé- nie et la vertu au milieu des cruelles vicissitudes qu’ils éprouvent sur la terre, terminent les fragments lus par M. Jullien et accueillis par les applaudissements de la Section, qui décide qu’ils sont insérés dans le recueil des travaux du Congrès 1, M. Mayer, de Livourne , au nom de ses compatriotes , re- mercie M. Jullien de l’hommage qu’il vient de rendre au poëme du Dante. Le culte de l’illustre poëte; dit-il, vit en- core en Italie. Depuis 1829, un cénotaphe est érigé en sa mé- moire dans l’église de Santa-Croce; son portrait le plus au- thentique est dans la cathédrale de cette ville, et l’on a dé- couvert dans l’ancien palais du podestat le premier portrait que Giotto fit du grand poëte avant la publication de la Di- vina comaædia. M. Jullien ajoute que le grand-duc de Toscane a fait dis- tribuer au dernier congrès scientifique de Florence, composé de plus de neuf cents membres, le portrait du Dante et ce- lui de Galilée , et il a désiré que le Congrès vint inaugurer le monument élevé à Galilée et aux grands hommes de l'Italie. M. Paul Lebr, le traducteur en vers français des Fables et poésies choisies de Pfeffel, donne ensuite lecture de quatre nouvelles fables qu’il vient de traduire de ce poëte alsacien et qui ont pour titre : La Mort, Ibrahim, Diogèneet le Men- diant , la Baleine et le Lion. L’assemblée demande unanimement que cette élégante et fidèle traduction soit insérée dans le Gompte-rendu; mais elle se rend aux vœux de M. Lehr, qui exprime le désir de ne pas encore livrer ces fables à la publicité 1, En l’absence de M. Cahun, appelé à lire an mémoire sur la littérature arabe et la littérature hébraïque au treizième siècle, la parole est donnée à M, Ferd. Schütz, membre du comité des Chartes de Nancy, pour lire un discours en vers intitulé Strasbourg. «La nouvelle gloire de Strasbourg, dit l’orateur , ne lui fait pas ou— blier les siècles passés. L'ancienne bourgeoisie est digne de ce pieux souvenir, C’est elle qui a préparé les progrès de notre siècle et surtout 1 Voy. les mémoires de la 5° Section, 2€ vol. 2 Voy. ibidem. DIXIÈME SESSION. 451 la domination des classes moyennes. On ne peut trop admirer le cou— rage qu'elle déploya dans les luttes de plusieurs siècles contre les rois et les empereurs. Cet exemple de résistance «est une des principales causes de l’affranchissement du peuple des campagnes. Ces événements mémorables furent célébrés par des poëtes populaires dontles œuvres, presque entièrement inconnues de nos jours, expriment les sentiments les plus élevés , l'amour de Dieu , de la patrie cet de la liberté. L'ancienne Alsace fut célèbre dans les arts, les sciences et la guerre ; elle eut de fréquents rapports avec la Lorraine. Ces deux belles provinces furent réunies à la France; et sous l'influence des idées nouvelles et dela gloire militaire, elles sont devenues éminemment françaises. » Sur la proposition de M. Boissard , Secrétaire adjoint, la Section vote l’impression de ce discours en vers!. À la fin de la séance, M. Paul Lehr demande que la liste de souscription pour le monument Pfeffel soit déposée aussi au bureau des assemblées générales , afin que les amis du célèbre fabuliste puissent s’associer à l’hominage qu’on se pro- pose de lui rendre. La séance est levée à midi et demi. Neuvième séance. Du S octobre 18492. Rapporteur : M. BERGMANN, Secrétaire. M. le Secrétaire donne lecture du procès-verbal de la der- nière réunion. La rédaction en est adoptée. L’ordre du jour est la discussion de la vingt et unième question du Programme, ainsi conçue : Jusqu'à quel point l'étude du vieux langage francais peut- elle contribuer à retremper la langue poétique dans notre littérature P é La parole est à M. Guerrier de Dumast. L'orateur regarde l'étude de nos anciens poëles , surtout de ceux qui ont précédé Immédiatement le siècle de Louis XIV, comme l’un des moyens d'enrichir notre langue. Il est frappé des incorrections, de la 1 Voy. les mémoires de la 7° Section, 2€ vol, 29. 452 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. raideur et de l’uniformité des tournures qui déparent les ouvrages des écrivains étrangers à cette étude; et pour prouver combien il y a de fa- cilité, de couleur, de naturel dans les auteurs qui ont suivi Marot, dans les contemporains et les disciples de Malherbe, il cite le sonnet de Desportes, pleurant la mort de Passerat à une époque où il croyait que la langue française était finie. M. Vaissière, homme de lettres, fait remarquer que la ques- tion sur l’importance de l’étude du vieux langage n’est pas nouvelle. Déjà Lafontaine regrettait une foule de termes énergiques et précis tombés en désuétude au dix-septième siècle. M. Delcasso pense que l’emploi des mots qui ont disparu de la langue française depuis le seizième siècle porterait dans la littérature un élément un peu factice, que les érudits seuls pourraient comprendre et apprécier. Selon lui, le meilleur moyen de ranimer notre langue poétique, ce serait d’y in- troduire des expressions usitées dans les idiomes populaires. Cette question ne soulevant plus d’autre observation, M. Peschier, Vice-président, donne lecture d’une pièce de vers envoyée au Congrès par M. Jules Pautet, bibliothécaire de la ville de Beaune, et intitulée : {a Marseillaise des che- mins de fer. Gelte ode est favorablement accueillie par la Seclion. M. Mayer, de Livourne , monte ensuite à fa tribune pour traiter la dix-huitième question, ainsi conçue: Les formes du gouvernement ont-elles quelque influence sur le génie et les progrès de la littérature? L'orateur pense que cetteinfluence est incontestable. Sans entrer dans aucune discussion politique, il n’envisage les gouvernements que d’a- près le plus ou moins de latitude qu'ils laissent à la manifestation de la pensée, et il prouve, par des exemples tirés de l’histoire, que sous le despotisme ni les sciences ni les arts ne peuvent se développer avec suc- cès. L’éloquence politique, l’éloquence sacrée, la poésie, l’histoire, le journalisme, l'éducation publique ne peuvent vivre sans la liberté. Si des hommes de génie s'élèvent par fois, au milieu d’une société livrée à l'arbitraire, ce sont de rares exceptions. Botta s’est condamné à l'exil pour écrire l'histoire de sa patrie; Romagnesi a accepté la prison et la misère plutôt que de renoncer à Ja liberté de penser. C’est un beau rôle, DIXIÈME SESSION. 453 dit l’orateur, que celui de l'Italie, qui par sa littérature proteste énergi- quement contre les entraves qu’on voudrait lui donner. Vestale des na- tions, elle nourrit encore le feu sacré dont elle a éclairé le monde, et dût-elle descendre vivante au tombeau, ce ne sera pas pour avoir man- qué à ses vœux. M. Guerrier de Dumast pense qu’il serait curieux de traiter la question en sens inverse, et de rechercher comment il se fait que sous des gouvernements absolus on voit paraître tant d’hommes de talent et de beaux génies , tandis que l’es- prit humain , placé dans des circonstances plus favorables sous le rapport.de la liberté , ne produit pas d’aussi brillants résullats. ‘ M. Delcasso, après avoir fait observer que la forme du gouvernement influe nécessairement sur la vie sociale des peuples et par conséquent sur leur développement littéraire, pense qu’il eût été plus utile de rédiger la question différem- ment et de demander quelle fut l’influence de telle forme politique sur le développement et le caractère des différents genres de littérature. À la fin de la séance, la Section se conformant à la déci- sion de l’assemblée générale , désigne trois de ses membres, MM. Delcasso, Bergmann et Boissard, pour faire partie du comité chargé de procéder à l’organisation de la Société en- cyclopédique des bords du Rhin. La séance est levée à midi et demi. Dixième séance. — Du 8 octobre 1822. + Rapporteur : M. BERGMANN, Secrétaire. M. le Président ayant ouvert la séance , le procès-verbal de la dernière réunion est lu et adopté sans réclamation. L'ordre du jour est la discussion de la quatorzième ques- 7 s pris Uion du Programme supplémentaire, laquelle est ainsi conçue : | Quel serait le meilleur moyen de favoriser en France le développement de l’éloquence sacrée P 454 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. La parole est donnée à M. Guerrier de Dumast. La bril- lante improvisation de l’orateur laisse une vive impression à l'assemblée , qui, sur la proposition de M. le Secrétaire, prie M. de Dumast de rédiger son discours pour l’insérer dans le recueil des travaux du Congrès. M. le pasteur Dürrbach, docteur en théologie, donne en- suite lecture de son poëme allemand intitulé Vogesus (les Vosges) et dédié aux membres du Congrès scientifique. La Section accueille très-favorablement ce poëme , et témoigne à l’auteur sa satisfaction par des applaudissements. M. Delcasso , Président de la Section , monte à la tribune pour lire quelques fragments d’un poëme intitulé : Sainte Odile. L'assemblée interrompt plusieurs fois par de vifs ap- plaudissements la lecture de ce poëme , qui réunit au mérite de l'invention la grâce et la pureté du style; elle décide à l’unanimité qu’il sera inséré dans le Compte-rendu du Con- grès ?, Avant la fin de la séance, M. Peschier, Vice-président, prend la parole pour remercier l’assemblée du témoignage d’estime qu’elle lui a donné en le nommant à la vice-pré- sidence. Il emportera, dit-il, en Allemagne le souvenir bien doux de accueil cordial qu’il a reçu à Strasbourg et des dis- cussions littéraires auxquelles il a eu le plaisir de prendre part. Sur la proposition de M. de Pantoja, la Section vote des remercîments aux membres du Bureau. M. Delcasso termine la séance par l’allocution suivante : «MESSIEURS, «Je ne puis me séparer de vous, sans vous remercier, au nom du bu- reau, de votre coopération bienveillante, qui a rendu nos fonctions aussi douces que faciles. Des théories importantes ont été exposées dans cette enceinte avec une sage réserve, qui n’a rien ôté à l'élévation des principes, ni à la franchise des convictions. «Siles matières portées au Programme sont loin d’être épuisées,, il ne faut pas s’en prendre au zèle des membres de la Section, mais au temps qui nous a fait défaut. Nos séances ont été bien remplies. Les mémoires à la fois solides et intéressants dont vous avez entendu la 1 Voy. les mémoires de la 5° Section, 2 evol. 2? Voy. ibidem. DIXIÈME SESSION. 455 lecture, seront imprimés, conformément à votre vœu, dans le recueil du Congrès. «Une seule question a été longuement et vivement débattue, celle des principes de l'esthétique. Il est à regretter que nous ne puissions reproduire textuellement dans le Compte-rendu de vos travaux, les im- provisations rivales qui, sur ce grand problème, ont lutté avec tant d’at- ticisme et de courtoisie. De ces discussions toujours animées sans cesser d’être amicales, il est résulté, ce me semble, que nous étions tous d’ac- cord sur l'essentiel. En effet, les différents orateurs ont reconnu , avec Lafontaine, que le beau doit êlre camarade du bon; ils ont répété avec . Boileau: rien n’est beau que le vrai, identifiant ainsi l’objet de l’art et celui de l'intelligence , les lois du goût et celles de la morale. Dès lors il n’est plus permis de demander si la littérature est l’œuvre d’un vain caprice, ou si ellé est soumise à des règles fixes : car il ÿ a nécessaire ment une conscience d'artiste, tout comme il y a une conscience d’hon- nête homme; il y a une religion du beau, comme il ÿ à un culte du vrai et du bon. «Cette Session, si rapidement passée, ne nous laisse, Messieurs, qu’un seul regret, c’est de ne pouvoir prolonger des relations dont nous nous étions fait une douce habitude. Mais, n’en doutons pas, ces relations, formées sous lés auspices de la science et des plus pures sympathies, survivront au Congrès de Strasbourg : nos esprits se sont trop bien en- tendus dès la première rencontre, pour ne pas aspirer en commun à resserrer de plus en plus les tiens de confraternité qui les unissent. » Ges paroles de M. le Président sont suivies des applaudis- seménts unanimes de Passemblée. La séance est levée à une heure, —_0@——— 456 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. HUITIÈME SECTION. BEAUX-ARTS, ARCHITECTURE, HISTOIRE DE L'ART. Première séance. — Du 29 septembre 18242. Rapporteur : M. L. LEVRAULT, Secrétaire. La huitième Section s’est réunie à neuf heures du matin, à l’amphithéâtre de l'École de pharmacie, mis à sa disposi- tion pour la durée du Congrès. Le Bureau est composé de M. Louis Levrault, correspon- dant du ministère de l'instruction publique pour les travaux historiques, Secrétaire de la huitième Section, et de MM. Émile Detroyes, membre du comité de la Société des amis des arts de Strasbourg; Engelhardt, avoué, membre de la même Société, et Bader, homme de lettres, Secrétaires adjoints. Le Secrétaire ouvre la séance en donnant lecture des dis positions réglementaires arrétées par le Gomité central du Congrès. Conformément à l’art. 2 de ce règlement , il invite l'assemblée à procéder immédiatement à l’élection du Pré- $ident. Ce premier scrutin donne la présidence de la huitième Section à M. le général baron Leseune , de Toulouse, qui est aussitôt appelé par le Secrétaire à prendre place au fauteuil , mais dont les fonctions, à raison de son absence, restent dé- volues dans cette première séance au Secrétaire. Le scrutin pour l'élection des trois Vice-présidents a lieu ensuite à la majorité relative. Sont proclamés Vice-présidents : MM. Le vicomte ne Gussy , membre de la Société des anti- quaires de Normandie ; De Rice , homme de lettres à Fribourg (grand-duché de Bade) ; $ DIXIÈME SESSION. 457 M. G. »g Scanow, directeur de l’École royale des beaux- arts de Düsseldorf. À l’occasion de l’éiection de M. de Schadow, un membre de la Section témoigne le désir que cette élection soit déclarée non avenue, attendu l’incompatibilité qui semble exister, se- lon lui, entre les fonctions de Vice-président d’une Section et celles de Vice-président du Congrès , conférées la veille, en séance générale, à M. de Schadow. Le Secrétaire ayant fait observer qu’aucun article du règle- ment n’établit cette incompatibilité, l’assemblée décide, sur sa proposilion, que mention de l'incident sera faite au pro- cès-verbal, où seront en outre consignés les droits éventuels de M. le vicomte de Lavalette à la troisième vice-présidence de la huitième Section, dans le cas où M. de Schadow, qui ne l’a emporté sur lui que d’une seule voix, croirait ne devoir pas accepter ou devoir se retirer avant la fin du Congrès. Dans l'intervalle écoulé entre l’ouverture des deux scru- tins et leur dépouillement , le Secrétaire donne lecture des trente-trois questions du Programme de la huitième Section. Lecture faite de ces questions, il invite MM. les membres de la Section à se faire inscrire pour celles qu’ils auraient l'intention de traiter, ou pour telles autres questions rela- tives aux arts et à l’histoire de l’art, sur lesquelles ils vou- draient lire des mémoires ou appeler la discussion. Dans cette première séance deux membres seulement se font inscrire : M. de Schadow, pour lire dans la séance suivante un mé- moire sur les seizième et dix-huitième questions , et M. de Ring, pour faire, dans la troisième séance , des communi- cations sur les deuxième et quatrième questions. La séance est levée à onze heures. Deuxième séance. — Du 50 septembre 1842. Rapporteur : M. L. LEVRAULT, Secrétaire. En l’absence de M. le Président , la séance est ouverte à neuf heures et demie par M. le vicomte de Cussy, Vice-pré- sident. 458 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Le Secrétaire donne lecture du procès-verbal de la séance précédente. Ce procès-verbal est adopté. L'ordre du jour appelle la lecture du mémoire de M. de Schadow , directeur de l’Académie des béaux-arts de Düs- seldorff, l’un des Vice- présidents du Congrès, sur les deux questions suivantes du Programme: Comparer entre elles les tendances si diverses des Écoles de Munich et de Düsseldorf}. Préciser leur avenir et leur ac- tion sur l’art français. Quelle a été l'influence du christianisme sur les beaux- arts ? M. de Schadow établit en premier lieu les conditions nécessaires à la production d’un objet d'art classique , soit grec, soit romain. Puis il expose quel est le caractère d’un objet d’art chrétien. El voit dans l’art antique l’idéale perfection des formes humaines ; dans l’art chrétien, au contraire, des formes plus ou moins humaines ou naturelles données aux idées surnaturelles. Cette différence éclate surtout dans la période la plus ancienne de l’art chrétien, alors que les têtes sont autant déve- loppées par l'expression que par la forme, tandis que les autres parties de l’œuvre restent fort imparfaites. Guido da Siena, Giotto, Orcagna, caractérisent cette première période, règne de l’idéalisme pur, qui se prolonge jusqu’à Masaccio, jusqu’en 1450. Avec ce grand maître, l’art chrétien subit en Italie sa première transformation. La conception de- vient moins grandiose peut-être, mais l'exécution se perfectionne, et tandis que Fiesole continue à se préoccuper exclusivement de l'idéal, Ghirlandajo , Gozzoli, Signorelli, les Lippi, préparent en Italie l'avè- nement de Vinci, de Michel-Ange, de Raphaël, admirables types de la troisième époque de l’art chrétien, de cette grande époque qui réunit la perfection du naturalisme à l'idéal. Après avoir suecessivement passé en revue lesdiverses phases , les pro- grès et la décadence de l’art dans les pays autres que l'Italie ; après avoir présenté l’école espagnole comme un simple reflet de l’école italienne, et la peinture religieuse des Pays-Bas comme l'expression d’une foi vive, . étrangère au goût du beau, élément prédominant de l’art méridional, M. le directeur de l’école de Düsseldorf raconte la résurrection de l’art chrétien en Allemagne dans le dix-neuvième siècle. Cette résurrection est due à quelques artistes qu'on appela par dérision les Nazaréens , et sous la direction desquels se sont formées et développées les écoles de Munich et de Düsseldorf. M. de Schadow, arrivant au parallèle de ces deux écoles , essaye de les juger au double point de vue de l'idéal et du vrai, ou de la poésie chrétienne et du naturalisme. Toutes deux, par l'effet de causes locales, semblent dans l’origine avoir des tendances différentes, mais peu à peu elles se rapprochent, elles se pénètrent du DIXIÈME SESSION. 439 même esprit. Ainsi l’idéalisme règne d’abord seulement à Munich, où le zèle éclairé d’un roi poëte et pieux et d’une haute aristocratie catho- lique assure toute faveur à ses développements, tandis qu’à Düsseldorff , simple chef-lieu de province, la peinture est d’abord réduite à se faire bourgeoise, et à préférer les tableaux de genre, les paysages , aux sujets historiques et religieux, seules toiles dignes de l’idéalisme. Mais bien- tôt, grâce à l'enthousiasme de. quelques artistes, et à une meilleure direction donnée au goût public, l’école de Düsseldorf à son tour de— vient religieuse.et peut se livrer à toutes les inspirations de l’idéalisme chrétien. M. de Schadow termine son brillant mémoire par quelques conseils aux artistes sur le devoir d’unir autant que possible la perfection du naturalisme à la poésie de l'idéal, et par des considérations générales sur le développement artistique presque toujours parallèle aux dévelop- pements religieux, philosophique et poétique {. L’assemblée décide que ce mémoire sera imprimé et re- commandé par le Secrétaire au Comité central pour être lu en séance générale du Congrès. Aucune discussion n’a lieu sur les faits et les doctrines ex- posés par M. le directeur de l'École de Düsseldorf. Mais un membre de la Section exprime le regret que l’auteur du mé- moire ne se soit pas expliqué sur la quinzième question du Programme , ainsi conçue : Quelle est l'influence des associations artistiques sur l’a- venir de l’art , et quelle serait la meilleure organisation à lui donner P M. de Schadow répond que cette question nécessite une étude toute spéciale, et qu’il essayera de la traiter dans une séance suivante , du moins quant à son application à l’état actuel des arts en Allemagne. M. de Cussy, Vice-président, cède le fauteuil à M. le gé- néral Lejeune, Président de la huitième Section, survenu pendant la lecture du mémoire de M. de Schadow. M. le gé- néral Lejeune , après avoir remercié l’assemblée de ses suf- frages , renouvelle l’invitation faite la veille par le Secrétaire et recommande à MM. les membres de la Section de mettre plus d’empressement à faire fixer les tours d'inscription pour les séances suivantes. M. de Ring, Vice-président, veut bien se pol dans ce 1 Hyde À Vo. les mémoires de la 82 Section, 2€ vol. 2460 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. but de donner une seconde lecture des questions du Pro- gramme. Plusieurs membres se font inscrire pour lire des mémoires ou disserter verbalement sur les 2°, 14°, 15°, 25°, 26° et 27° questions du Programme. Sur la vingt-deuxième question, Déterminer le système de restauration définitive du chœur de la cathédrale de Stras- bourg, ün débat s'engage entre plusieurs membres. Faut-il appeler à cette restauration le style romano-byzantin ou le style vulgairement appelé gothique ? Faut-il approprier le chœur à la nef ogivale ou lui rendre son caractère primitif, son ornementation byzantine, ses formes traditionnelles? Faut-il, enfin, agrandir l’apside ou simplement changer sa distribution et son ornementation intérieures ? Ces différents points de la question sont contradictoire- ment abordés, mais plutôt effleurés que traités dans une dis- cussion improvisée et engagée avec plus de vivacité que de méthode. Enfin, un membre du Bureau fait observer que cette question est trop importante, intéresse trop l’art en gé- néral, et la ville de Strasbourg en particulier, pour qu’il puisse être opportun de la traiter dans une simple conversation et sans le préliminaire d’un rapport ou d’ane proposition écrite. L'assemblée faisant droit à cette observation, décide qu’une commission sera nommée pour préparer les éléments de sa délibération , et charge le Secrétaire de la Section de lui présenter, dans la séance prochaine, la liste des sept mem- bres qui devront former cette commission. La séance est levée à midi. Troisième séance. — Du 1er octobre 1842. Rapporteur : M. L. LEVRAULT, Secrétaire. Après la lecture du procès-verbal de la séance précédente, qui est adopté, le Secrétaire présente les divers ouvrages dont hommage est fait à la huitième Section. DIXIÈME SESSION. 461 Ces ouvrages sont: 1. Énumération des monuments les plus remarquables du département du Bas-Rhin, par M. le professeur Schweighæuser , correspondant de l’Institut et de la Société royale des antiquaires de France. M. Schweighæuser, qu’une cruelle maladie empêche de prendre part aux travaux du Congrès, a bien’voulu charger le Secrétaire de la huitième Section de distribuer cinquante exemplaires de son intéressante et savante brochure entre ceux des membres de la Section qui n’en auraient pas déjà en leur possession quelque exemplaire. Sur la proposition du Secrétaire , l’assemblée vote des re- merciments à M. le professeur Schweighæuser. 2, Séances générales tenues en 1841 par la Société pour la conservation des monuments historiques. 3. Congrès scientifique de France, Session de 1833. 4. Notes sur quelques monuments gothiques del'Ilalie, par M. Renouvier. Ces trois ouvrages sont offerts par M. de Caumont, Prési dent du Congrès. : 5. Travail sur la perspective, ouvrage accompagné de planches. (Hommage de M. Ch. Soldan, de Friedberg). 6. Essai sur l’ancienne Monnaie de Strasbourg el sur ses rapports avec l’histoire de la ville et de l’évéché. (Hommage du Secrétaire de la huitième Section). La parole est à M. de Ring, pour la lecture de son mé- moire sur La signification et les caractères distinctifs des mo- numents celtiques (deuxième et quatrième questions du Pro- gramme). M. de Ring remonte à l’origine des races celtiques pour mieux éta- blir l’origine de leurs monuments. Il les montre descendant des pla- eaux de l'Asie et s’avançant de forêts en forêts jusqu’à Ja barrière de l'Océan, barrière plus tard franchie par elles. Ces races emportent avec elles de l'Asie la croyance à l’immortalité de l'âme et à un génie sou- verain présidant à toute la nature. Leurs plus anciens monuments sont consacrés à ces deux points de leur foi. Elles les ont semés non-seule- ment sur le sol de la Gaule et de la Grande-Bretagne, mais sur toute la longue route qu'elles ont dû pareonair pour arriver de l'Asie par delà le Rhin. M. de Ring a reconnu en effet plusieurs monuments celtiques en Al- lemagne, monuments plus informes, il est vrai, que ceux de la Gaule et de la Grande-Bretagne. 462 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Passant à la classification de ces divers monuments, tels que nous les présentent surtout certaines contrées de la Gaule, il cite en premier lieu les monolithes, élevés comme un symbole de la croyance à un être su- prême dontle soleil est la plus magnifique expression ; ces pierres levées offrent la même idée mythique que l’obélisque de l'Égypte et que la tour étagée ou temple de l'Inde. Comme ces deux sortes de monuments, elles lui paraissent destinées à être frappées du rayon solaire, symbole du feu créateur. Les dolmens et les galeries souterraines présentent selon lui la même analogie avec les monuments de l’ancienne Égypte. La même pensée les éleva, ici avec exécution imparfaite, rudes et sauvages comme la Bar- barie celtique, là riches et élégants comme la civilisation égyptienne. Quant aux {umuli, il voit en eux, sur les rives du Bosphore et dans les steppes de la Tartarie, comme dans les contrées plus particulièrement reconnues celtiques, la trace et la preuve des migrations des Celtes. Abordant la différence qui existe entre les débris gallo-romains et les monuments véritablement celtiques, il incline à croire que tous ceux de ces derniers monuments qui ont eu une destination religieuse, tels. que les menhirs, les cromlechs , les dolmens, et en partie les tumuli, sont antérieurs à la domination romaine , mais ont pu quelquefois par Ja suite être utilisés par les Romains. Il ne peut donc admettre comme monuments gallo-romains que les retranchements, et encore y a-t-il lieu de douter et de leur dénier aussi le titre de monuments gallo-ro- mains. Après la lecture de ce mémoire , dont l'impression est vo- tée , la discussion s’engage sur quelques-uns des points de la deuxième et de la quatrième question , que vient de traiter M. de Ring. Un membre demande quelle signification on doit raison- nablement assigner aux pierres vacillantes ou branlantes. M. de Ring répond qu’il n'ignore pas que selon l’opinion générale elles servaient à la divination , mais qu’il ne saurait apporter de preuves à l’appui de cette opinion. M. de Caumont rappelle que la forme des pierres vacil- lantes est fort souvent le résultat de la décomposition; le granit se décompose circulairement, et en général les ro- chers granitiques prennent la forme circulaire. M. de Cussy croit également que beaucoup de pierres dites branlantes ne sont qu’un travail de la nature, ce qui d’ailleurs n’exclut pas l’usage que le culte druidique a pu faire de ces accidents naturels. Il cite la pierre branlante d’un grès assez grossier qui se voit à Brimham Craggs, dans le comté d’Yorck, parmi un grand nombre d’autres mo- DIXIÈME SESSION. 465 numents celtiques. Mais il pense que dans d’autres cas on ne saurait méconnaître sur ces pierres la trace de la main des hommes. Ainsi, dans la presqu’ile du Cotentin, dans une loca- lité voisine de Cherbourg , on trouve à l'extrémité d’une ma- gnifique galerie.couverte une pierre branlante encoreintacte, quoique couchée sur le flanc. Les parties convexes et con- caves annoncent un long contact par le poli de leur surface. Cette pierre n’a pu être façconnée ainsi par la nature toute seule, car sa base a été évidemment disposée par les efforts humains. Dans le pays on la nomme Dogan , et elle servait, selon la tradition, aux épreuves de la fidélité conjugale. M. L. Leyrault fait remarquer, à l’appui de ce que vien- nent de dire MM. de Caumont et de Gussy, qu'il existe sur le Schneeberg, haut sommet des Vosges entre Haslach et Wasselonne , une pierre nommée Lottelfels que l’on peut as- similer aux pierres branlantes ou roulers de la Bretagne. Ce quartier de roc en forme de cône renversé et placé en équilibre sur sa base, remue à la moindre secousse. M. Le- yrault admet volontiers avec M, Schweighæuser , qui en fait mention dans ses Vues pittoresques d’ Alsace et dans sa Notice, que c’est là un jeu de la nature. Toutefois on doit tenir compte de la position du Lottelfels, qui est debout, presqu’au centre d’un grand cercle d'énormes pierres , au- jourd’hui couchées sur le flanc, mais qui paraissent avoir été dressées et avoir formé un cromlech. D’ailleurs aucune tradition n’est restée attachée à cette pierre, quoique les * montagnards des environs lui attribuent une sorte de carac- tère diabolique. M. le général Lejeune mentionne, à l’occasion des pierres levées et pierres vacillantes , une observation qu’il a faite dans une circonstance bien critique de sa vie militaire , alors que, prisonnier des guérillas espagnoles , et traîné à leur suite de rochers en rochers dans les montagnes d’Avila, il apercut dans une gorge étroite plusieurs pierres levées , sur lesquelles était sculptée la figure d’un bœuf ou taureau et que ses gardes lui dirent avoir nom T'oros de Guizando. Le général suppose que ces sculptures informes provenaient des premières no- tions de l’art rapportées d'Italie dans ces montagnes par les Ibériens de l’armée d’Annibal. 4164 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Des pierres levées et vacillantes, revenant à la quatrième question du Programme , MM. de Caumont et Richelet n’ad- mettent pas que les monuments celtiques puissent jamais être confondus avec les débris gallo-romains , comme semble le donner à penser le texte de la question. Les caractères de ces divers monuments sont bien aisés à séparer. M. de Gau- mont reconnait toutefois que les uns et les autres peuvent par fois être contemporains, et que tous les monuments re- ligieux des Celtes ne sauraient être antérieurs, comme le pense M. de Ring , à la colonisation romaine. A la suite de cette discussion, M. le Président invite l’as- semblée à procéder à la nomination de la commission qui sera chargée de lui présenter un rapport sur la vingt-deuxième question du Programme , relative au meilleur système de res- tauralion du chœur de la cathédrale de Strasbourg. Sur la proposition du Secrétaire, MM. de Caumont, Be- gin, Wiegmaun, Comarmond, Schnazé, Bard, Mosseler, sont nommés membres de cette commission. M. L. Levrault propose ensuite de déférer à Monseigneur l’évêque de Strasbourg la présidence de la commission qui vient d’être formée. Cette mesure , dont MM. de Caumont et de Cussy font remarquer la haute convenance, est adoptée avec empressement. La séance est levée à midi un quart. Quatrième séance. — Du 5 octobre 1842. Rapporteur : M. L. LEVRAULT, Secrétaire. À l'ouverture de la séance , M. de Ring demande la parole eu se plaint que dans le Bulletin de la séance précédente le Secrélaire ait omis de mentionner le vote de l'impression de son mémoire sur les deuxième et quatrième questions du Programme. Le Secrétaire répond à M. de Ring que les comptes-rendus provisoires lus en assemblée générale et publiés par le Bul- DIXIÈME SESSION. 465 Levin du Congrès, ne sont pas les procès-verbaux des séances, mais de simples extraits de ces procès-verbaux, des résumés succincts des travaux de chaque jour. [1 donne lecture du procès-verbal de la séance précédente qui constate le vote rappelé par M. de Ring, et qui est adopté sans autre récla- mation. Il informe ensuite l'assemblée que M. Perrin , architecte à Strasbourg et correspondant du Comité des arts el monu- ments, à bien voulu donner communication de ses belles études sur les cathédrales de Montréal et de Messine, la chapelle Royale, la cathédrale , les églises de Saint-Simon et de la Martorana, l’Ospedale grande et les palais Normand et Sarrasin de Palerme. | Ces planches, exposées sur le bureau et non moins remar- quables par la beauté de l’exécution que par la conscience du travail, excitent un vif mouvement d'intérêt, Leur com- munication est d'autant plus opportune que l’ordre du jour doit appeler dans cette séance la discussion de la neuvième question du Programme. D’autres planches, représentant des vues de la cathédrale de Strasbourg prises au daguerrotype, sont présentées à la Section, Elles ont été communiquées par M. Simon, litho- graphe à Strasbourg, qui se propose de les publier. Le Se- crélaire lit, sur l’invitation du Président, une note explica- tive de ces planches , sur lesquelles une commission, com- posée de MM. Soldan de Friedberg, Frics et Weyer, est chargée de préparer un rapport. Avant de passer aux questions à l’ordre du jour, M. le vi- comte de Cussy, Vice-président, propose à la Section de se réunir extraordinairement pour assister à l'inauguration s6- lennelle de l'horloge astronomique de la cathédrale de Stras- bourg. Gette proposition est accucillie avec empressement. L'assemblée désigne MM. de Cussy, Klein et Kirstein pour faire un rapport sur la partie artistique de cette œuvre non moins admirable sous le rapport de l’art que sous celui de la science, La première question à l’ordre du jour est la cinquième du Programme, relative au Heidenmauer de la montagne de Sainte-Odile, 30 466 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE, Le Secrétaire rappelle à la Section que M. le professeur Schweighæuser, dont il faut tant regretter l’absence en cette séance surtout, a savamment traité la question du Heiden- mauer dans ses Vues pittoresques du Bas-Rhin, dans sa brochure intitulée : Explication du plan topographique de l'enceinte antique appelée le mur païen, et dans la MWotice récemment publiée à l’occasion de la réunion du Congrès. Sur l'invitation de M. de Caumont, il donne lecture du pas- sage de la notice précitée concernant le Heidenmauer. M. le conseiller Bæhr, professeur et bibliothécaire de l’Uni- versité de Heidelberg , a la parole pour lire le mémoire qu’il a préparé sur celle question. M. Bæhr ayant témoigné la crainte de ne pouvoir pronon- cer avec assez de facilité le français , sa rédaction est lue par M. de Ring. La première proposition de l’auteur du mémoire tend à assimiler l'enceinte antique, de Sainte-Odile aux enceintes murées que l’on ren- contre dans différentes parties de l'Allemagne, et jusque dans le Meck- lembourg etle Danemark. M. Bæbr ne croit pas que l’on puisse attribuer avec raison la cons- truction primitive de cette enceinte aux Romains, mais il admet que certaines parties du mur aient pu se ressentir de l'influence de l’art ro- main et appartenir à une époque contemporaine de l'occupation ro- maine. . Il ne reconnaît aucune analogie entre cette enceinte et les construc- tions dites pélasgiques et cyclopéennes de l’Italie et de la Grèce. Quant à sa destination , il la suppose plutôt religieuse que défensive. Plusieurs enceintes semblables qui existent en Allemagne n’ont pu jamais, selon M. Bæhr , être susceptibles de défense, tant leur abord est facile et tant elles sont dépourvues d’eau et de tout voisinage de sources, Cette des— tination religieuse est surtout probable lorsqu'il s’agit d'enceintes pou- vant être attribuées aux Celtes. Les cérémonies religieuses de ce peuple auront continué à avoir lieu dans ces enceintes, même sous la domina- tion romaine, et jusqu’au jour où le christianisme vint édifier ses cha- pelles et ses monastères sur l'emplacement même des sanctuaires de l’ancien culte , perpétuant ainsi dans la religion nouvelle la destination religieuse de certaines construclions antiques. M. Bæhr ne nie pas d’ailleurs que les enceintes religieuses , telles que le mur de Sainte-Odile, n’aïent pu , dans quelques circonstances , servir ‘à des assemblées politiques. L'antiquité grecque et romaine lui fournit sur ce point des analogies; mais en l’absence de documents positifs, 1l y a lieu de douter et de poser le problème plutôt que de le résoudre ‘. 1 Voy. les mémoires de la 8° Section, 2° vol. DIXIÈME SESSION. 467 La discussion s'ouvre sur les propositions du mémoire de M. Bæbr. M. Victor Simon, de Metz, Vice-président de la première Section , ne saurait reconnaître à l’enceinte de Sainte-Odile une origine plutôt religieuse que militaire. Toutes les en- ceintes, sans doute, n’eurent pas , il le reconnaît volontiers , un but militaire; mais, à moins de preuves du contraire, il est plus rationnel de leur supposer cette dernière destina - tion. En outre, plusieurs camps romains, bien reconnus camps romains par les antiquaires , présentent des restes de murs dont, à la première vue , les pierres semblent n’avoir été réunies par aucune attache, ce qui provient seulement de ce que leur revêtement a été détruit et de ce que les plombs ont élé successivement enlevés. M. le général Lejeune partage l’opinion du préopinant , et cite quelques monuments romains de l'Italie qui sont tel- lement dégradés par suite de la recherche et de l’enlève- ment successif des plombs, qu’on les croirait formés de pierres simplement amoncelées et superposées. Le Secrétaire de la Section fait remarquer que les pierres du Heidenmauer portent en général des entailles , et que par conséquent il n’y a pas lieu de ranger cette enceinte dans la classe de celles qui, formées de pierres sèches simplement superposées, semblent avoir appartenu plus particulière- ment au culte des Druides. Ces entailles des pierres du Hei- denmauer peuvent d’ailleurs convenir aussi bien à des crocs en fer, à des jointures en plomb qu’à des tenons en bois, quoique ces derniers soient les seules attaches dont jusqu’à ce jour on ait signalé l’existence au Heïidenmauer. M. de Ring cite une enceinte semblable à celle de Sainte- Odile, qui est traversée et a une partie du mur coupée par une chaussée romaine; ce qui indique que l'enceinte est antérieure à la chaussée et a pu servir aux assemblées du peuple, soit comme lieu de prière , soit comme lieu de re- fuge. Le mur païen de Sainte-Odile a pu aussi changer de destination, mais dans l’origine cette destination fut pro- bablement religieuse, et l’enceinte put servir d’abord aux assemblées du peuple accouru sur la montagne pour les cé- rémonies du druidisme. 30. 468 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. M. Dessarte pense aussi que le mur de Sainte-Odile dé- crivit un grand cromlech. M. L. Levrault rappelle que le Heidenmauer a près de deux lieues de développement , et que ce serait là pour un cromlech une dimension énorme. Ce cromlech aurait en outre une forme très-irrégulière, puisque le mur suit les es- carpements de la montagne et les sinuosités du terrain. M. de Caumont appuie cettg observation. | M. Piton refuse au Heidenmauer toute destination reli- gieuse. Îl est d'autant plus convaincu que cette enceinte eut un but militaire ou défensif, qu’il'a eu l’occasion d’observer l'emplacement où furent les portes des retranchements. Cet emplacement est marqué par des quartiers de rocs formant ouverture , et à entailles ponr recevoir des gonds et des barres. L’une de ces portes s’ouvrait du côté qui fait face aux ruines du château de Landsperg. Une autre preuve, selon M. Piton, de la destination non religieuse du Heidenmauer, c’est que l’on n’a jamais trouvé sur la montagne de Sainte- Odile, comme sur le Donon, des statues ou bas-reliefs de divinités antiques. M. Plée , professeur d'histoire à Blois, croit qu’il est pos- sible de concilier les deux opinions et de reconnaître à la fois au Heidenmauer une origine religieuse et militaire. Il rappelle que les Gaules furent divisées en deux grands partis: le parti des Druides ou des prêtres, et le parti des grands ou des chefs militaires. L’enceinte dont il s’agit a pu être un mur de fortification élevé par les Druides autour de leurs principaux établissements, et destiné non-seulement à déli- miter le lieu sacré, mais encore à les protéger, eux el leurs partisans , contre l’ennemi. j M. Victor Simon ne trouve dans cé qui vient d’être dit aucune preuve contre l’hypothèse de l’origine romaine et par conséquent militaire du Heidenmauer. Le manque d’eau, dont argue M. Bæbr, ne lui paraît pas suflisant pour auto- riser à nier l’existence d’un camp romain. Les camps romains n’ont pas toujours été établis sur les bords d’une rivière, et n'ont pas toujours renfermé dans leur sein une source ou un cours d’eau. M. L. Levrault fait observer que dans tous les cas l’ob- DIXIÈME SESSION. 469 jection ne s’appliquerait pas au Heidenmauer , qui a dans son enceinte une source d’eau , et qui est à proximité de plusieurs autres. On peut même remarquer vers l’ouest une sorte d’é- chancrure et de saillie donnant sur des débris d’abreavoir, ce qui semble une preuve de plus en faveur de la destination défensive de cette enceinte, lieu de refuge , asile populaire, d’origine probablement antérieure aux Romains, mais que dans les derniers temps de l'empire les populations gallo-ro- maines, menacées par les incursions des Barbares, essayèrent peut-être d’utiliser à leur tour et modifièrent dans quelques parties. L'ordre du jour amène la discussion de la neuvième ques- tion : 1 Peut-on déduire de l’étude comparative des monuments de la Basse-Ttalicl’influence que les dominations successives des Sarrasins et des Normands ont exercée sur les construc- tions de ces contrées ? M. de Caumont, Président du Congrès, est prié de vouloir bien, en manière d'introduction, donner lecture des pas- sages de sa traduction de l’ouvrage de M. Gally Knight, qui sont relatifs aux monuments sarrasins el normands de la Si- cile et de la Basse-ltalie. j M: de Caumont établit qu’en Sicile le style d'architecture des Nor- mands diffère non-seulement du style des Normands en France et en Angleterre, mais encore du style normand de la Calabre. | Ainsi, en Calabre comme en France, les Normands semblent n’avoir suivi que le style circulaire ou roman, tandis qu’en Sicile ils ont adopté le style ogival, non pas sans doute le style ogival usité plus tard dans le Nord, mais un style ogival emprunté aux Sarrasins bien avant l'in- troduction de l’ogive dans le reste de l’Europe. 1 M. de Caumont fait remarquer, en terminant sa lecture, que les plan- ches exposées par M. Perrin sont en quelque sorte une démonstration vivante de la théorie de.M. Gally Knight. M. Perrin adhère aux principaux points de cette théorie. Passant à l'explication de ses planches, il montre d’abord les cathé- drales de Messine et de Montréal, qui, par la conception grandiose de leur ensemble, la richesse de leurs mosaïques, la classification chronologique des sujets religieux formant la principale décoration intérieure, enfin par l'identité de leur style et la sévère entente de leur polychromie, caracté- 470 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. risent une des phases les plus belles de l’art normand de la Sicile. M. Per- rin a fait huit études dans la cathédrale de Messine, présentant le plan et les détails de la charpente. Ila trois planches de Montréal, dont deux donnent le plan et les coupes longitudinales et transversales prises dans l'axe de la nef, et dont la troisième reproduit une des mosaïques. Ses études sur Palerme ne sont pas moins brillantes. La chapelle Royale lui a fourni quatre belles planches, dont l'une offre le plan com- plet de l'édifice, deux les coupes transversales et longitudinales avec la reproduction minutieuse de toute leur ornementation, et dont la qua- trième est un admirable échantillon de polychromie. M. Perrin consi- dère la chapelle Royale de Palerme comme le type le plus complet du style romano-sicilien antérieur aux cathédrales de Messine et de Montréal. La date de la construction de la chapelle Royale remonte en effet au règne de Roger I°, vers l’an 1072. Ses coupoles ornées de mo- saïques sur fond d'or, ses charpentes en bois de cèdre , recouvertes de peintures, sa nef principale et ses bas côtés si richement ornementés, attestent l'influence qu’exerça sur l’art normand la présence des monu- ments grecs, romains, sarrasins et byzantins, éléments divers dont la fusion donna un caractère tout particulier aux créations normandes de la Sicile. Les autres planches de M. Perrin, telles que l'Ospédale grande, le plan de l’église de Saint-Simon de Palerme, et la facade principale de l'église della Martorana, monument du quatorzième siècle, ainsi que les détails présentant les couronnements et les ornements en lave de l'Etna incrustés sur la partie lisse des moulures de la cathédrale de Pa- lerme, achèvent de démontrer combien original et riche fut l'art nor- mano-sicilien. Enfin la Ziza, le vieux palais des rois normands, et le palais sarrazin (la Cuba) complètent ces études sur la Sicile, qui, à elles seules, suffiraient à résoudre la neuvième question du Programme de la huitième Section. La discussion et les développements qui viennent d’avoir lieu sur la neuvième question, ayant en quelque sorte pré- paré l’assemblée à s’occuper de la dixième, relative à l’ori- gine de l’ogive, le Secrétaire fait connaître qu’un mémoire très-inléressant sur cetle question a été envoyé de Paris par M. Schmit, maître des requêtes au Conseil d’État, membre du Comité historique des arts et monuments. M. Bader , Se- crétaire adjoint, donne lecture de ce mémoire, qui, malgré heure avancée, caplive toute l'attention de l'assemblée et donne lieu à de fréquents applaudissements. L'auteur commence par déclarer qu’en traitant de l’origine de l’archi- tecture ogivale , il sera amené à traiter aussi la douzième question : Comment et pourquoi un même élément d'archilecture se trouve- t-il modifié selon les conditions du climat et de La civilisation? DIXIÈME SESSION. ATA Eu la treizième : D'où vient que les temps modernes n'ont produit aucun style nouveau d'architecture ? Quelles sont les conditions qui, à des époques diverses et chez différents peuples, ont donné naissance aux divers styles d'archi- lecture ? Il s'élève ensuite contre l'opinion assez générale qui veut faire dériver telle figure d'architecture de tel lieu et de telle latitude. L’ogive, par exemple, une des figures les plus simples de la seconde section de la trigonométrie, a dû naître spontanément partout où la main de l’homme a su tracer, à l’aide d’un compas ou d’un cordeau, des arcs dans un angle. Elle a pu être connue de temps immémorial et dans tous les sys- tèmes d'architecture; mais la préférence et l'essor à elle donnés par les architectes chrétiens du moyen âge, tiennent à des causes spéciales et à la nature même des idées mystiques développées par le christianisme au sein des peuples du Nord. Pour mieux prouver cette proposition, l’au- teur du mémoire cherche dans les idées religieuses de quelques peuples antiques le type deleur architecture. Il montre le déisme des prêtres de l'Égypte, voilé à la foule sous l’enveloppe d'une théogonie pleine d’é- nigmes , faisant élever par des milliers d'esclaves la pyramide, type du mystère, et ke temple impénétrable au vulgaire, entouré de labyrinthes et de sphinx. Dans la Grèce, au contraire, la mythologie, longtemps dégagée de tous mystères, pleine de fables riantes , sensuelles, de dieux qui ne sont que des hommes plus grands que la nature humaine, devait avoir un type de temples différent de celui de Égypte. Temples en effet visibles à l’œil de tous, simples et élégants comme la demeure d’un riche mortel, et pour ainsi dire harmonieusement rhylhmés comme le langage même. M: Schmit passant ensuite aux peuples du nord de l'Europe, rap- pelle qu'une fois convertis au christianisme, ils durent conserver même au sein de la religion nouvelle une partie de leur caractère sombre et rêveur. Ces peuples , après avoir d’abord accepté, sauf certaines modifi- cations, les temples construits par les Romains d’après les formules de l'Orient, reviennent davantage, à mesure qu'ils s'éloignent du monde romain, à leurs inspirations natives , et cherchent pour leur culte, de- venu celui du Christ, des sanctuaires pleins de mystères comme les forêts du druidisme, et pleins de grandeur comme la foi chrétienne. C'est de ce double instinct des nations chrétiennes que naît l'architec- ture ogivale, avec ses votes élancées vers le ciel, ses forêts sculptées en colonnes légères, ses dentelures, ses flèches aériennes. L'ogive et le style religieux qu’elle caractérise n'ont donc pas été rapportés d’Asie ou d'Afrique par les croisés, mais au contraire ensei- gnés par ceux-ci aux Sarrasins. Dire que ce style est le symbole le plus parfait de l'enthousiasme chrétien, c’est dire assez , selon l'auteur du mémoire, pourquoi, une fois disparu , il n’a été remplacé par aucun style nouveau d'architecture. Lorsque le sensualisme et le matérialisme, mots Synonymes, ont remplacé le spiritualisme, le génie religieux s’est 2712 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. tù, et le talent qui imite avec plus ou moins de discernement, a suc cédé au génie qui crée. La Section vote l'impression de ce mémoire , et charge le Secrétaire d’en proposer la lecture en assemblée générale du Congrès !. Aucun membre ne demandant plus la parole, la séance, ouverte à neuf heures, est levée à une heure et demie. Cinquième séance. — Du 4 octobre 1842. Rapporteur : M. DETROYES , Secrélaire-adjoint… À l’ouverture de la séauce , qui a lieu sous la présidence de M. le vicomte de Cussy, M. Detroyes , Secrétaire adjoint, donne lecture du procès-verbal de la séance précédente. Ge procès-verbal est adopté. M. Silbermann, imprimeur à Strasbourg, Secrétaire gé- néral adjoint du Congrès, dépose sur le bureau un grand nombre de planches offrant des échantillons fort remar- quables de l'application des couleurs à l’art typographique et de la reproduction par la typographie de la peinture à l’aquarelle. L’assemblée entend avec un vif intérêt les ex- plications données par M. Silbermann sur les procédés nou- veaux de cette branche perfectionnée de l’art, dont l’appli- calion, récemment faite à un ouvrage sur le blason des prin- cipales maisons de France , se concilie avec la modicité des prix. M. le vicomte de Cussy fait hommage à la Section de plu- sieurs exemplaires de l’aperçu statistique de M. de Roosma- len , intitulé: De l’envahissement du commerce et de l’indus- trie sur les arts , Les lettres et les sciences. Il rappelle ensuite à l’assemblée que M. Louis Levrault, Secrétaire de la hui- tième Section , lui a fait hommage d’un exemplaire de l’ou- vrage in-8° de plus de 400 pages, qu’il a récemment publié sous le titre d’Essai sur l’ancienne Monnaie de Strasbourg ! Moy. les mémoires de la $€ Section, 2° vol. DIXIÈME SESSION. 515 et sur ses rapports avec l’histoire de La ville et de l’évéché. M. de Cussy témoigne le désir qu’un rapport soit préparé et présenté à la Section sur cet ouvrage, qui estaccompagné de plusieurs documents inédits relatifs à l’histoire d'Alsace. M. Weyer est désigné pour faire un rapport sur l'ouvrage de M. L. Levrault. l M. de Ring a la parole pour lire un rapport sur l’ouvrage de M. le chevalier Bard, intitulé : Statistique monumentaire de la ville de Ravennes. M. de Ring établit, que selon l'opinion de M. le chevalier Bard, la ville de Ravennes fut la seconde patrie de l’architectonique byzan- tine, qui, stationnaire à Constantinople jusqu’au huitième siècle, prit à partir de cette époque son plus grand développement, et s’introduisit dans l'Occident sous des noms divers et sous différentes modifications nécessitées par la différence des climats et des mœurs. M. de Ring, après avoir donné lecture-de quelques passages du livre de M. le cheva- lier Bard , recommande d’autant plus cet ouvrage à l'attention des mem- bres de la huitième Section , que quelques-unes des questions du Pro- gramme, et notamment la douzième, semblent y trouver leur solution. Le premier mémoire à l’ordre du jour est celui de M. Schnaasé, procureur du roi à Düsseldorf, sur la onzième question du Programme : D'où vient que les doctrinesartistiques connues en France et en Italie sous le nom de renaissance ont reçu si peu de développement en Allemagne? M. Schnaasé croit que la question est inexacte, ou du moins qu’elle comporte quelques vérifications préalables. Pour le prouver, il rappelle quelques-uns des développements donnés par M. de Schadow, dans une séance précédente, à la question de l'influence artistique du christia- nisme. M. Schnaasé n’admet pas que le mot renaissance soit applicable seulement au mouvement du seizième siècle ; mais il reconnaît que la réaction qui suivit l'abus de l'idéal dans l'architecture gothique peut, jusqu’à un certain point, mériter le nom de renaissance. Il ne veut pas que l’on confonde sous le même nom les mouvements contemporains de l’art en Italie et en France. Dans ce dernier pays l’art renaquit sous François Ier, tandis qu’en Italie il avait depuis longtemps jeté un vif éclat. Quant à l'Allemagne, elle reçut à peu près aussitôt que la France les idées de l’art italien; mais ce pays, fractionné en pe- tits États en général assez pauvres, ne put fournir au luxe des arts une Carriére aussi vaste que la monarchie française. M. Schnaasé cite plu- sieurs villes d'Allemagne qui comptent de beaux monuments de la re- naissance , et sans aller bien loin, ajoute-t-il, nous avons sous les yeux 474 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. l'ancien Hôtel-de- Ville de Strasbourg, aujourd’hui l'hôtel du com merce, monument remarquable de la renaissance allemande du seizième siècle. M. Schnaasé reconnait au surplus quelque différence entre les renais- sances françaisé et allemande, et il n'hésite pas à déclarer que la pre- mière a sur la seconde l'avantage de la richesse et de l'élégance. Il con- clut en faisant remarquer que l'unité des doctrines artistiques de l'AI- magne et de la France, unité que ne rompent pas quelques différences produites par la diversité du sol et du caractère national, donne:le droit de comparer ces deux grands pays à deux frères doués de talents divers qui se prêtent un mutuel appui. ' L'impression de ce mémoire est votée 1. Après M. Schnaasé, M. le chevalier Bard a la parole pour lire un mémoire sur la douzième question du Programme : Comment et pourquoi un méme élément d'architecture se trouve-t-il modifié selon les conditions du climat ou de la civilisation des contrées où on l’emploie P M. le chevalier Bard s'attache à démontrer qu’il ne saurait exister que deux architectoniques, celle du Nord et celle du Midi, allant alterna- tivement de l’un de ces points à l’autre, selon que la loi du plus fort, la domination, va du Nord au Midi ou du Midi au Nord. M. le chevalier Bard cite entre autres preuves des modifications des mêmes éléments d'architecture, selon la différence des climats et des ci- vilisations, la cathédrale de Strasbourg. Il pense que le chœur de cette magnifique basilique ne saurait être restauré que dans les conditions du douzième siècle, et que l’on doit s'attacher surtout à laisser intact tout ce qui reste de l’art primitif. L’impression de ce mémoire est également volée?. M. Hercule Robert, commissaire inspecteur des .monu- ments de l'Indre, est ensuite appelé à donner lecture de deux mémoires , relatifs tous deux aux premières queslions du Programme , et intitulés, le premier : Recherches sur l'o- rigine des pierres druidiques; le second : Les pierres de Carnac et d’ Ardeven. M. Hercule Robert émet sur la destination des pierres druidiques en général et sur Ja signification de quelques-unes d'entre elles des idées neuves qu'il justifie par de nombreux chiffres. Selon lui, des calculs astronomiques donnent la clé des mystères de l'archéologie celtique. Ainsi, les cromlechs , les menhirs, les dolmens , les lichavens, les gal- 1: Moy. les mémoires de la 8° Section, 2° vol. 2 Vos. ibidem. DIXIÈME SESSION. 475 gals , les barrows , les allées couvertes, sont expliqués par des périodes solaires ; et par des observations tirées de la marche des planètes, les noms même de ces monuments se justifient par des calculs ; les pierres vacillantes symbolisent par exemple l'extrême vitesse de la planète de Mercure, qui parcourt 633 lieues par minute. Arrivant aux alignements de Carnac, M. Hercule Robert établit d'a- bord par la similitude des noms une affinité entre la Gaule et l'Égypte, entre la ville des menhirs druidiques et la capitale de la Haute-Égypte. Il cherche à prouver celle affinité, ces rapports archéologiques entre la Gaule et les Pharaons par des considérations historiques et par de nouveaux caleuls astronomiques. It offre aussi par des calculs la preuve de la différence de rang qui exista, selon lui, entre les lignes d'Ardeven et celles de Carnac, les premières étant consacrées à la noblesse des Gaules, les secondes aux communes. Ces dernières ont eu chacune à Carnac, suivant l'opinion de M. Hercule Robert, leur pierre en quel- que sorte représentative, leur emblème, leur délégation de clocher, leur monolythe sacré. Et M. Hercule Robert en conclut que Carnac était le point général de réunion des États de la Gaule, l'enceinte suprême des réunions des députés de la confédération gauloise, sous la présidence de l’archi-druide. Après la lecture des deux mémoires précités, M, de Ring ayant demandé la parole et lémoigné adhérer aux princi- pales propositions de M. Robert, sauf vérification des cal- culs et de l’application de certains chiffres à certains noms, M. Hercule Robert s’attache à prouver l’exactitude de ses calculs et leur utilité pour arriver à la solution qu’il s’était proposée. Les différents calculs dont M. Hercule Robert a su appuyer son système, ne pouvant être vérifiés séance lenante , l’im- pression des deux mémoires est volée sans opposition !. La séance est levée à onze heures. Sixième séance. — Du 5 octobre 1842. Rapporteur : M. L. LEVRAULT , Secrétaire; La séance est ouverte à neuf heures... M. le vicomte de Gussy, Vice-président , donne lecture d’une lettre de M. le général baron Lejeune , Président de la huitième Section, ! Voy. les mémoires de la 8° Section, 2° vol, 476 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. qui, obligé dequitter Strasbourg, exprime à MM, les membres de la Section ses regrets de ne pouvoir partager plus long- temps leurs travaux. à La Section décide que la lettre de M. le général Lejeune sera mentionnée au procès-verbal, dans lequel seront en ou- tre consignés les regrets que lui fait éprouver le départ de son honorable Président. | La Présidence de la huitième Seclion est dès ce moment déférée à M. le vicomte de Gussy, premier des Vice-prési- dents. M. Désiré Monnier, correspondant du Ministère de l’ins- truction publique, dépose sur le bureau une notice sur les monuments funéraires de l’église des Cordeliers à Lons-le- Saulnier (Jura). Il en fait hommage à la Section et désirerait provoquer une discussion sur l'opportunité du maintien des figures mythologiques sur un monument de la renaissance à placer dans le chœur d’une église chrétienne. M. Désiré Monnier demande s’il ne serait pas de meilleur goût et plus respectueux pour le sanctuaire, d’écarier du monument à restaurer les allégories païennes, et de les remplacer par des anges ayant autant que possible les mêmes attributs que les figures rejetées (la Renommée et Pallas) ? Le Secrétaire de la Section fait observer , à l’occasion de la demande de M. Monnier, que la renaissance doit être res- ponsable de ses œuvres, et qu’il n'appartient pas à notre siècle de corriger ses impiétés apparentes. Il pense toutefois que si aujourd'hui l’on voulait construire dans le style de la renaissance un monument funéraire destiné à une église, les convenances mieux entendues devraient interdire l’em- ploi des allégories païennes. Aucun autre membre ne demandant la parole sur la ques- tion posée par M. Monnier, le Secrétaire donne lecture d’une lettre de M. Bottin, qui fait hommage à la huitième Section des ouvrages suivanis : 1. Ses Mélanges d'archéologie , précédés d’une notice historique et de rapports sur les travaux de la Société royale des Antiquaires de France , avec atlas des monuments celtiques de Carnac et de Loc-Mariaker, ete., par J. B. J. Jorand, peintre. 2, Ses Mélanges sur les langues , dialectes et patois, publiés en 1831, Los D “ss sf DIXIÈME SESSION. 477 contenant entre autres une collection de versions de la parabole de l’En- fant prodigue en cent idiomes ou patois différents, Presque tous de France ,‘et précédés d’un essai sur la géographie de la langue française. 3. Grammaire de Denis de Thrace , tirée de deux manuscrits de la bibliothèque du Roï, publiée en grec, en arménien et en français, par M. Cirbied, membre de la Société royale des Antiquaires de France et professeur d’arménien à la bibliothèque du Roi, et précédée de consi- dérations générales sur la formation progressive de la science glossologi- que chez les anciens. 4. L'Église Saint- Thomas à Strasbourg , et ses monuments. Ouvrage offert par l’auteur, M. Louis Schneegans, docteur en droit. M. E. Bégin fait hommage à la Section des ouvrages sui- vanis : 5. La Moselle , traduction du poëme d’Ausone. 6. Esquisses biographiques et littéraires. 7. Histoire de la ville de Metz. Sur la proposition de M. Louis Levrault, la Section vote des remerciments à MM. Bottin, Bégin et Schneegans. M. Charles Teutsch est chargé de faire un rapport sur le remarquable ouvrage de M. Schneegans. La parole est à M. de Schadow, pour une lecture sur la quinzième question du Programme : Quelle est l'influence des associations artistiques sur l’a- venir de l’art, et quelleserait la meilleure organisation à leur donner? M. de Schadow présente en premier lieu quelques aperçus généraux sur les associations artistiques en Allemagne. C’est, dit M. le directeur de l’école de Düsseldorf, un des caractères propres à notre époque, que dans toutes les sphères d'activité de l'esprit humain, les grands résul- tas ne s’obliennent que par l'association. En Allemagne, Berlin est la première ville qui ait organisé une société des amis des arts. Mais elle ne favorisa d’abord que le développement de la peinture du paysage et du genre, et dut se borner à provoquer le développement de ce degré de l’art qui répond aux besoins esthétiques de la vie bourgeoise. Cette société, formée sous les auspices du célèbre. M. de Humboldt, devint bientôt le modèle de celles qui se formèrent en Allemagne et entre autres à Düsseldorf. Ayant cette dernière cependant , Munich avait déjà su organiser, sur une plus grande échelle et dans un but plus grandiose, une association artistique. La grande peinture , la peinture historique et religieuse, recut dès le principe à Munich des encouragements spéciaux, grâce au zèle éclairé du roi Louis de Bavière; puis, peu à peu toutes 478 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. les associations allemandes cherchèrent à se pénétrer de l'esprit de Mu- nich, à le concilier autant que possible avec les exigences plus bour- geoises de leurs moyens d'action. Mais ces efforts tropisolés n’ont peut- être pas encore obtenu tout le résultat désirable, et M. de Schadow voudrait qu’ils pussent être combinés et centralisés au moyen de lor- ganisation d’une association générale allemande pour les beaux-arts. Il expose le plan de cette grande association dont il serait heureux d’être le promoteur, et qui deviendrait pour l'Allemagne ce que furent les fêtes Olympiques pour la Grèce. Elle se composerait de dix sections répon-— dant aux dix corps d'armée, aux dix cercles de la confédération germa- nique, et riches chacune de quinze cents actions. En mettant l’action à deux thalers, on aurait par sections une somme suffisante pour se procurer tous les dix ans au moins une œuvre d'art monumentale, du prix de vingt mille thalers, pour encourager des travaux natio— naux sur une moins grande échelle. Chaque section nommerait dans son sein un électeur, dont la réunion , au nombre de dix, élirait un directoire composé de trois personnes, choisies parmi les notabilités artistiques de l'Allemagne, lequel directoire administrerait et jugerait en dernier ressort. M. de Schadow croit qu’une organisation semblable, sauf les modi- fications exigées par les différences de nationalité et de régime politique, pourrait avoir sur l'avenir de l’art en France une influence mon moins avantageuse que celle espérée par lui pour l’Allemagne. M. Bruch, président de la Société des amis des arts de Strasbourg, ne saurait partager entièrement l'avis de M. le directeur de l’école de Düsseldorf sur ce dernier point. Il . pense qu’une association sur d’aussi larges bases ne pourrait être en France que provinciale et ne devrait pas compter sur l’adhésion de Paris, qui est cependant le centre artis- tique de la France. Quant à l'Allemagne , il craint que son morcellement et d’autres causes nées de la différence des constitutions politiques, ne nuisent à l'application du projet de M. de Schadow et n’en neutralisent les bons effets. M. de Schadow répond qu’il est à sa connaissance qu’un des monarques les plus éclairés de l'Allemagne, le roi de Prusse , ne se montrerait pas défavorable à une association générale allemande pour les beaux-arts. M. le chevalier Bard est du même avis que M. Brach:; il s’écrie que les provinces de France ne doivent jamais comp- ter sur le concours de Paris pour tout ce qui se rapporte aux intérêts provinciaux des arts. Il faut qu’elles apprennent à se suflire à elles-mêmes; mais il ue doute pas qu’elles ne puissent faire beaucoup pour l'avenir de l’art, quoique le pro- DIXIÈME SESSION. 479 jet de M. de Schadow ne lui paraisse pas applicable à la France. M. Schnaasé rappelle que même sur une petite échelle et isolées les unes des autrés, les associations artistiques ont déjà produit un grand bien en Allemagne. Celle de Düssel- dorf , en associant ses revenus aux contributions volontaires des paroisses pour l’acquisition de grandes œuvres reli- gieuses, a déjà puissamment aidé au développement de l’art allemand. M. Piton déclare adopter les idées émises par M. de Scha- dow; il propose de faire publier le projet d’une association générale pour les beaux arts dans tous les journaux ou revues qui s'occupent plus spécialement des intérêts artistiques. Un membre du bureau fait observer que cette publica- tion ne saurait dépendre du Congrès , et la Section décide que le projet de M. de Schadow sera imprimé dans le Compte- rendu’, et, s’ilest possible, inséré au moins dans les jour- naux de la localité. | Les membres de la Section inscrits pour traiter dans cette séance les questions vingt-trois et vingt-six du Programme ne s’étant pas présentés, le Secrétaire invite l’assemblée à s'occuper de la dix-neuvième question , relative au carac- tère qu'il conviendrait de donner de nos jours aux construc- tions d’un temple protestant. [l rappelle que cette question a un intérêt tout spécial pour une partie des habitants de Strasbourg et de l’Alsace. M. le chevalier Bard s’étonne que la question ait élé posée au Programme. 1| ne saurait reconnaître au protestantisme le droit d’avoir un type particulier d'église, car le proestan- tisme est moins, à ses yeux, une religion qu’une philosophie, une négation. Aussi ce culte n’a-t-il fait en général qu’ap- proprier à ses usages les églises catholiques , seul type connu jusqu’à ce jour des églises chrétiennes. D’ailleurs le protes- tantisme est contemporain de la renaissance, époque de dé: cadence pour l’art chrétien. C’est surtout pour l'Église qu’il faut avoir un type traditionnel, car là chaque pierre est un symbole, a un sens mystique. Mais le culte qui proscrivit des 1 Voy.les mémoires de la 8e Section , 2€ vol. r 480 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. images ne peut vouloir de ces symboles et ne peut s’accom- moder d’un type traditionnel, qui semblerait une pp contre ses doctrines. M. Bruch, doyen de la Faculté de Théologie protestante et Président de la Société des amis des arts de Strasbourg , de- mande la parole : Il ne doute pas que le culte protestant ne puisse avoir, comme les autres cultes, une forme spéciale pour ses temples. Le culte protestant est bien loin aujour- d’hui de proscrire les ornements, le luxe des églises. Il peut les admettre comme le culte catholique, mais il doit vou- loir que ces ornements , ce luxe soient appropriés à ses exi- gences. On s’est jusqu’à ce jour, ilest vrai, trop peu préoc- cupé de la forme à donner aux constructions nouvelles des- tinées au culte protestant. Quelle que soit cette forme, il ne paraît point d’ailleurs nécessaire de s’éloigner beaucoup du type traditionnel des églises chrétiennes antérieures à la ré- formation. M. Bruch désire même que l’on conserve aux églises à construire la forme antique et symholique de la eroix. Dans le cas où cette disposition en croix serait jugée devoir nuire au développement de la voix de l’orateur sacré, il pourrait suffire de la conserver à l'extérieur, saufà masquer à l’intérieur les bras de la croisée par des. cloisons placées dans l'alignement des nefs ou des latéraux , et à les employer à servir de sacristie et de salle d’enseignement. Les voûtes paraissent à M. Bruch dévoir être préférées aux plafonds comme étant plus dignes de la majesté d’un édifice religieux. Quant aux tribunes , elles pourraient poser sur des colonnes, et la place de l’autel devrait toujours, comme celle de la chaire , être bien en vue de tous côtés. L’autel devrait en outre être placé de façon à ce qu’il fût facile de circuler à l’entour. Enfin, M. Bruch recommande surtout de s’abste- nir de toute construction qui rappellerait la forme ordinaire des théâtres, car il faut que l’édifice soit grave comme Ja parole qui doit y retentir. M. le chevalier Bard ne veut faire qu’une seule observa- tion sur ce qui vient d’être dit par l'honorable doyen de la Faculté de Théologie protestante de Strasbourg : il déclare n'avoir pas l'intention de blesser les susceptibilités très-légi- times d’une partie de ses collègues du Congrès, mais il ne « DIXIEME SESSION. 481 peut admettre que le culte protestant ait droit à un type traditionnel d’église. M. Kuhlmann père, architecte, de Golmar , pense que la forme circulaire serait la plus favorable à l’audition de l’ora- teur sacré; mais celte forme a quelques inconvénients, et entre autres celui de ressembler à la forme ordinaire des théâtres, Il se propose de formuler plus au long ses idées sur la question, mais il désirerait avoir le temps de les recueillir et de se préparer davantage à la discussion. En conséquence, et attendu l'heure avancée , la discus- sion sur la dix-neuvième question est remise à l’ordre du jour du 6 octobre. La séance est levée à onze heures trois quarts. Septième séance. — Du 6 oclobre 1842. Rapporteur: M. L. LEVRAULT, Secrétaire. Doucriure de la séance a lieu à l’heure accoutumée. Le Secrétaire informe l’assemblée que M. de Schadow, l’un des Vice-présidents de la Section, ayant dà quitter les travaux du Congrès pour aller reprendre ses fonctions de di- recteur de l’École royale des beaux-arts de Düsseldorf, M. le vicomte de Lavalette se trouve appelé. à lui succéder, con- formément à la décision consignée dans le procès-verbal de la première séance. M. de Lavalelte vient aussitôt occuper le fauteuil laissé vaçant au Bureau par M. de Schadow. Plusieurs planches sont exposées sur le bureau et sur des chevalets placés en regard de l'assemblée. La première offre le panorama de la ville de Strasbourg et de ses en- virons , pris de la plate-forme de la cathédrale. Ce beau travail , exécuté à l'occasion de la réunion du Congrès, par M. Fréd. Piton, libraire à Strasbourg, vaut de nombreuses félicitations à son auteur, présent à la séance. _Les autres planches sont communiquées à la Section pour servir à la discussion de la dix-neuvième question du Programme. Elles présen-— tent plusieurs études différentes de temple protestant, dont trois par M. Weyer, architecte à Strasbourg; trois par M. Stuber, aussi archi- J1 182 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. tecte, et cinq par M. Perrin, architecte et correspondant du Comité des arts et monuments. Avant de passer aux questions à l’ordre du jour, il est donné lecture d’une lettre écrite de Munich par M. le con- sciller Vorherr, directeur de l’École royale d’architecture , qui fait hommage à la Section : 1° des différentes séries de la Revue mensuelle d'architecture, publiée par lui à Munich; 2° d’un album contenant des plans et des modèles pour lx construction el la décoration des presbytères et des maisons d'école. M. le conseiller Vorherr exprime dans sa lettre ses regrets de ne pouvoir se rendre au Congrès, et ses vœux pour le complet développement des associations artistiques. La publication de M. Vorherr, non moins digne de louange par son but pralique que par la science et le style de la ré- daction , est au nombre des entreprises que la Section des beaux-arts du Congrès scientifique ne saurait trop recom- mander à l’attention de tous les amis des arts, et de tous les hommes chargés de présider aux travaux publics d’un État. Elle semble destinée à exciter un intérêt non moins vif en France qu’en Allemagne , car elle offre aux architectes et aux administraleurs des deux nations une série sans cesse renouvelée de notions et d’investigations précieuses. M. le chevalier Joseph Bard , rapporteur de la Commission chargée de déterminer quel serait le meilleur système de res- lauralion du chœur de la cathédrale de Strasbourg, esl ap- pelé à donner lecture de son travail. M. Bard établit que la commission, après avoir reconnu la confession souterraine et les substructions de l’apside, et après s'être assurée par l'enlèvement d’un panneau que les boiseries actuelles du chœur cachent les restes d’un système d’arcature à trois subdivisions, a été unanime- ment d'avis : | 1. De conserver à l'apside les proportions existantes. 2. De maintenir et de reproduire le caractère du type romano-byzan- tin de transition accusé par les croisillons, et de continuer le type des portions inférieures dans les limites des proportions relatives qui ne peuvent pas être identiquement les mêmes au premier étage et au rez- de-chaussée. 3. De puiser les détails des chapiteaux et les motifs de la petite arca- ture supérieure (qu’on pourra peut-être disposer en tribune), dansles édifices congénères ou dans la basilique elle-même. Le. dre DIXIÈME SESSION. 485 4. Devéduire les baies à des dimensions appropriées aux exigences de l’école byzantine de transition. 5. De les garnir de verrières peintes, imitées des mosaïques diaphanes, dont l’usage commença à s’introduire vers l'époque transitionnelle pré- citée. s 6. De remplacer l'autel majeur actuel par un autel puisé dans l’école byzantine orientale, c’est-à-dire par la table de marbre blanc soutenue par quatre colonnettes. 7. De donner au chœur des stalles d’un style convenable et un siège pontifical copié sur celui des basiliques d’ltalie. 8. De couvrir toute cette partie de la voûte apsidaire, que les Italiens nomment il concavo, par une fresque à fond d’or avec monogrammes, légendes et représentations imitées de celles dont l’époque de l’art à reproduire offre les modèles. 9. Enfin, de compléter cetle restauration par l’ornementalion peinte de la coupole et l'emploi dela fresque à fond d’or avec représentations des évangélistes symbolisés par leurs attributs respectifs aux quatre naissances de la voûte. Un débat s’engage sur quelques-unes des propositions de ce rapport. M. Friderich, sculpteur à Strasbourg, demande que le chœur soit établi dans des conditions d’harmonie avec la nef. Il repousse les idées byzantines , dont l'emploi ne lui. semble pas justifié par ce que l’on connaît des détails apsi- daires cachés par les boiseries du chœur. Et lors même que ces détails et tout l’ensemble du chœur se trouveraient être byzanlins, ne serail-il pas préférable de substituer l’ogive au plein cintre, subslitulion qui seule pourrait donner à la grande cathédrale le caractère de l'unité, el compléter en quelque sorte l’œuvre d’Erwin? Vouloir faire de l’histoire dans une église, non-seulement en conservant , mais en res- laurant des parties qui ne s’harmonient pas à l’ensemble, ce n’est pas servir l’art, c’est méconnaître son but. Autant vaudrait, ajoute M. Friderich, si vous sacrifiez lout à l’in- térêt historique, autant vaudrait conserver la boiserie ac- tuelle du chœur , boiseric qui date du commencement du dix-huitième siècle, du règne de Louis XIV, et qui, à ce titre , a bien aussi son intérêt historique. M. le chevalier Bard répond à M. Friderich que l’église chrétienne la plus complète est celle qui réunit les différents styles de l'architecture chrétienne, et résume par là en un* seul cadre les différentes époques du christianisme. Ainsi 31. 484 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. un chœur byzantin et une nef ogivale sont bien loin de se nuire par leur contraste et augmentent l'effet artistique bien entendu au lieu de laffaiblir. Quant à la boiserie du dix- huitième siècle, elle n’a que faire dans ce débat, et ne peut avoir rien de commun avec le maintien ou la restauration des types de l’architectonique chrétienne. MM. de Lavalette et Bégin appuient le rapport et les observations de M. le chevalier Bard. M. de Caumont fait observer que l'introduction du style de la nef dans le chœur nécessiterait l’aggrandissement de ce dernier aux dépens des bâtiments du dehors , et par con- séquent entraînerait des frais énormes. M. Schnaasé dit que l’architecte de la nef semble avoir voulu tenir compte de l'existence d’un chœur byzantin, car celte nef a des proportions différentes de celles qui sont les plus usitées dans les églises gothiques. M. Mossler , professeur de l’Académie des beaux-arts de Düsseldorf, déclare qu’il n’a pas voulu se séparer de ses coi- lègues de la commission, et qu’il approuve dans toutes ses dispositions principales le rapport de M. le chevalier Bard. Mais il diffère d’opinion avec l’honorable rapporteur de la commission sur quelques points secondaires. Ainsi, au lieu d’un aulel majeur dans le goût byzantin oriental, autel qui s’éloignerait davantage encore du style de la nef, il verrait de préférence établir, même dans un chœur byzantin, un autel dans le goût du quatorzième siècle , approprié au style de la nef, et qui la relierait en quelque sorte au chœur, son aîné. La Section adopte à une grande majorité le rapport de M. le chevalier Bard, en vote l’impression , et décide qu’il sera recommandé au Comité central pour être la en assem- blée générale du Congrès. M. Bégin a la parole pour la lecture d’un mémoire. sur la physionomie architecturale du nord-est de la France et sur l'art chrétien en Lorraine. L'auteur remonte en premier lieu aux sièeles antérieurs au christia- nisme. IL dénie au nord-est de la France toute trace de villes cyelo- péennes, et ne reconnait point de monuments plus anciens que les mo- 1 Voy. les mémoires de la 8° Section , 2€ vol. DIXIÈME SESSION. 485 numents celtiques. Mais après. ces derniers, et encore pour la plupart contemporains de ces derniers, apparaissent des débris aux sculptures égyptiennes, nobles étrangers venus des contrées artistiques de l'Orient dans la Gaule barbare. Bientôt ces monuments se mélent à d’autres monuments de la civilisation, à ceux que les arts romains s’empressent de fonder dans les villes légionnaires. Le nord-est de la Gaule, qui compte tant de cités florissantes et militaires, s'enrichit alors prompte- ment de monuments architecturaux dignes de la grande métropole de l'Empire ; mais les Barbares passent le Rhin, et les Barbares renversent tout sur leur passage. Les villes légionnaires ne sont plus, mais le chris- lianisme ‘a survécu dans leurs ruines, et le christianisme les relève. Elles.se rétablissent à l'ombre de ses autels, sous la protection de ses évêques; elles prennent. alorswun caractère à la fois militaire et religieux, et les villes épiscopales surtout adoptent promptement des formes de bien-être, de joyeuse vie, de liberté presque licencieuse , qui se reflètent dans leurs constructions. M. Bégin passe successivement en revue les principales villes de cette partie de la France; il suit pas à pas les variations de leur architecture, qui se modifie assez promptement, en Lorraine surtout, tandis qu’en Alsace les cités grandes et petites conservent plus religieusement les formes et les traditions du moyen âge. Aussi l'architecture a-t-elle au- jourd’hui encore un autre caractère à Metz et à Strasbourg, qui, toutes deux mérowingiennes el:carlowingiennes, toutes deux cités cathédrales, toutes deux cités républicaines, Loutes deux dotées de magnifiques édi- fices religieux élevés par des francs-maçons, diffèrent cependant l’une de l’autre autant que l'architecture moderne peut différer de l’archi- tecture du moyen âge. Car à Métz l'aspect des rues est déjà tout mo- derne, tandis qu'à Strasbourg il conserve davantage l'empreinte, des siècles écoulés. Et à Metz aussi la cathédrale exprime dans son ensemble une pensée forte, mais un peu sèche, tandis qu’à Strasbourg la cathé- drale est la poésie de la foi. L'impression du mémoire de M. Bégin est votée. Laquestion à l’ordre du jour est la: dix-neuvième. Avant de la reprendre un membre de la Section demande à pré- senter une observation sur la vingt-huitième question : Quelle est l'influence qu'exerce sur l'art francuis le sé- jour de nos artistes à Rome ? Pourrait-on attendre des ré- sultats plus satisfaisants de la fréquentation de notre école &Rome, si lon en modifiait le régime et l’organisation? Al n’hésite pas à dire que les bons effets de l’école de Rome ‘ Voÿ.les mémoires de la 8€ Section, 2€ vol. 486 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. sont neutralisés par une foule de causes auxquelles il serait urgent d'apporter un remède, et il voudrait que la huitième Section du Congrès prit l'initiative des réformes à demander. La première de ces réformes devrait avoir pour but de ren- dre moins précaire la position des élèves à leur retour dans la mère patrie. M. le chevalier Bard partage les vœux du préopinant pour le bien - être des élèves à leur retour dans la mère patrie, et puisqu'il est amené à donner son avis dans cette séance, il veut indiquer encore différents points à la sollicitude du Congrès. Ainsi, l’on peut craindre que l'influence des directeurs de l’école de Rome sur leurs élèves ne nuise au développement artistique de ces derniers. M. Bard voudrait que les jeunes artistes eussent davantage leur libre arbitre. M. Fries, architecte de la ville de Strasbourg, n’admet pas cette influence fâcheuse da directeur de l’école de Rome sur ses élèves. Il croit qu’en général les directeurs ont beau- coup moins d'influence qu’on ne leur en suppose, et dans cerlains cas on a lieu de le regretter; car cette influence, loin d’être pernicieuse, serait salutaire, M. Fries reconnaît toutefois volontiers qu’il y aurait quel- que chose à faire dans l'intérêt des élèves, comme dans lin- térêt de l’art. M. de Lavalette émet le vœu de voir la Section s'occuper sérieusement de ce grand intérêt artistique. M. L. Plée jugerait utile de substituer à l’école permanente de Rome une sorte d'école nomade. Il voudrait que les jeu- nes artistes fussent libres d’aller chercher leurs inspirations , et de les demander même au séjour et aux modèles de Rome sans le conirôle du maître. L'État , au lieu de les soumettre à l’influence d’un chef d’école, ferait peut- être mieux de leur faire faire de fréquents voyages, non- seulement en Italie, mais partout où peut se rencontrer un centre arlis- tique, $ M. Bruch propose de fermer provisoirement ce débat, et de nommer une Commission pour faire un rapport sur la ques- lion. La Section adopte cette proposition et ajourne sa déli- béralion jusqu’après la présentation du rapport. Les com- missaires nommés sont MM. de Lavalette, Plée et Blanchet. DIXIÈME SESSION. 487 La discussion sur le meilleur système de construction d’un temple protestant esl reprise. M. Bruch se fait un devoir de rappeler de nouveau, avant tout débat sur les plans présentés, que le culle protestant n’est point ennemi de l’ornementalion et du luxe des temples. Dans le seizième siècle, sans donte , il a pu , jusqu’à un cer- tain point, encourir ce reproche ; mais depuis longtemps une réaclion s’est faite, et aujourd’hui le culte protestant ne dé- daigne plus l'alliance des beaux-arts, auxquels il demande des inspirations graves , dignes de lui, dignes d’eux. M. le vicomte de Cussy, Président de la huitième Section, appuie d’autant plus volontiers observation du préopinant, qu’il a pu remarquer en Angleterre quelque mouvement ar- tistique en ce sens. Là aussi le culte protestant, embarrassé de la vaste étendue des cathédrales dont il a obtenu la pos- session, s’est longtemps retranché dans un petit espace de ces splendides édifices, abandonnant le reste à une nudité qui glace, quand on pénètre dans ces parages écartés de l’église, où à peine quelques monuments funéraires, le plus souvent antérieurs à la scission religieuse, ont été admis ou conservés. Mais le Puséysme, qui agite en ce moment surtout l’Université d'Oxford, considéré seulement du point de vue artistique, doit amener une réaclion salutaire en faveur de la décoration religieuse , réaction qui, si elle n’est déjà faite, se fera jour de ce côté du détroit, où le luthéranisme d’ail- leurs a laissé encore debout plusieurs beaux débris de l’or- nementalion primitive, M. Weyher, architecte à Strasbourg, lit une note sur les plans d’église protestante qu’il soumet à la huitième Section. M. Weyher a choisi pour motifs principaux du temple à construire le plein cintre et le pilastre. Il veut un dôme en forme de coupole octo- gone au-dessus du sanctuaire. Au fond de ce sanctuaire il place la chaire, et l'autel en forme de table est placé aw- centre. M. Perrin donne à son tour lecture d’une note qu’il a ré- digée sur ses études de temple protestant. M. Perrin admet la forme carrée comme rappelant mieux les basili- ques Primilives. Au premier étage une galerie, ouverte sur la nef principale, circonscrit la limite de la basilique autour de la nef, au 488 ; CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. centre de laquelle apparait l'autel en forme de table. La chaire est à quelque distance derrière l'autel, et dans les tribunes derrière la chaire et l'autel sont placées les orgues. Quant à la facade, elle présente une grande porte et deux portes secondaires, que deux tourelles à escaliers séparent. Les quatre piliers de la nef, qui recoivent les quatre grandes arcades, se terminent par quatre pendentifs, versés dans une forme octogone pour recevoir l’assise de la coupole également octogone. Enfin M. Perrin s'efforce de résoudre le problème en mariant pour ainsi dire les formes traditionnelles des plus anciennes églises connues avec les exigences actuelles du culte protestant. M. Charles Teutsch dit que la religion protestante s’étant dès l’origine annoncée être un relour à la primitive Église , la forme traditionnelle et symbolique de la croix peut lui ap- partenir à aussi bon droit qu’au culte catholique. C’est par la même raison, et parce que l’époque byzantine se rapproche davantage des siècles de l'Église primitive, que M. Teutsch croit l'application du style byzantin plus convenable que tout autre à la construction d’un temple protestant, Le style byzan- tin, aussi éminemment chrétien que le syle ogival , est d’ail- leurs beaucoup plus simple que ce dernier, et sous ce rap- port aussi plus analogue à la simplicité du culte protestant, qu’il semble devoir caractériser. M. de Ring cite à l’appui de l'opinion de M. Charles Teutscb, la nouvelle église protestante de Fribourg, reconstruite avec les matériaux d’une ancienne église byzantine, M. Schnaasé approuve le choix du style byzantin. Mais il désire qu’on donne aux églises protestantes la forme de la croix latine de préférence à celle de la croix grecque, afin de mieux conserver les formes historiques des églises chré- tiennes d'Occident. C’est dans le même but que M. Schnaasé conseille de conserver autant que possible même la distribu- tion intérieure des églises latines du onzième siècle. Évitez surtout, s’écrie-t-il, les ridicules emménagements de la Hol- lande, où par fois se dresse un amphithéâtre dans les vieilles nefs gothiques. Et placez l'autel à sa place ordinaire, au fond du chœur, dans nne apside ronde, loin, bien loin de la porte d'entrée , afin que cet autel soit toujours le sanctuaire , tou- jours et de Loutes parts le but du regard des fidèles. Quant à la croisée de l’église, on pourra toujours, s’il le faut, la masquer par une cloison dans l'intérêt de l’acoustique. DIXIÈME SESSION. 489 M. Kuhlmann père , architecte à Colmar, a la parole pour développer ses idées sur la question. Il établit d’abord les défauts d'emménagement intérieur et le peu d’u- niformité de construction des églises protestantes actuelles ; puis il dé- termine quelles sont les exigences du culte prôtestant, en lête desquelles il place l’acoustique. Le pasteur ne doit pas seulement être entendu du haut de la chaire, mais encore de devant l'autel; il faut donc que l’au- tel réunisse presqu'au même degré que la chaire les conditions de l'a- coustique. Il faut aussi que dans l’église il y ait non-seulement une salle d'école pour l’enseignement religieux et une sacristie pour le pasteur , mais encore un salon ou salle pour les réunions du consistoire. M. Kuhlmann, abordant la question proprement dite, celle de la forme à donner au temple, répudie la forme de la croix, parce qu'elle contrarie plutôt qu’elle ne sert les exigences matérielles du culte, et parce que le style des églises catholiques, soit byzantines, soit gothiques, soit de la renaissance, ne répond pas à l’idée de la réforme, au sens qu’elle a eu , aux tendances qu’elle a manifestées. Le style byzantin, qui est le plus ancien des trois, appartient cependant aussi, comme les deux autres styles précités, à un état de choses que le protestantisme s’est donné mission de réformer ; il n’est assurément pas le style de la pri- mitive Eglise. Donc, même en admettant la nécessité d’un type traditionnel , qui rallie en quelque sorte le temple protestant actuel aux temples de l'Église primitive, il.vaut mieux, selon M. Kuhimann , adopter la basilique sans croisée, et distribuée conformément aux exigences du culte. Le dix- huitième siècle a créé dans cet ordre d'idées des modèles qu’on peul imiter, et même des églises catholiques, telles que Saint-Philippe-du- Roule et l’église moderne de Guebwiller, qui passe pour un édifice re- ligieux fort remarquable et fort digne du christianisme, quoiqu'elle ne présente ni croix latine; ni croix grecque. M..Kuhlmann propose d’em- ployer pour la façade de son temple à construire l’ordre dorique ancien; l'avant-corps serait à péristyle, ou décoré de pilastres à simple portique, où à portique à colonnes ; il serait surmonté d’un fronton triangulaire, dont le tympan recevrait des symboles chrétiens, et il serait couronné par une croix. Derrière le:fronton et au-dessus dù vestiaire s’éleverait une tourelle ou clocher aussi couronnés par une croix. Quant à la dis- tribution intérieure, on pourrait suivre ce qui se pratique aujourd'hui en Angleterre , où cette distribution est imitée des salles des réunions législatives. Par conséquent , la chaire serait à la place ordinaire de la tribune ; ‘les jubés à la place des loges; la’salle entièreserait en hémi- cycle, avec des emménagements dans l’avant- corps. et l’arrière-corps pour les pièces accessoires. Pour éviter l'amphithéâtre à gradins, qui s'éloigne trop des idées reçues, on établirait un plancher en pente douce, dont les avenues rayonneraient vers la chaire, et qui serait coupé en deux par une large allée. Enfin, l'autel, exhaussé sur deux marches , serai au pied et un peu en avant de la chaire. 490 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. M. Bruch trouve que le projet présenté par M. Kuhlmann ne satisfait pas assez aux exigences esthétiques. Il s'éloigne trop du type traditionnel des églises chrétiennes, et dans la distribution intérieure il rappelle trop l’idée monduine des théâtres ou des assemblées politiques. M. Bruch persiste à désirer que les temples protestants à construire affectent autant que possible la forme byzantine. Aucun membre ne demandant plus la parole; la séance est levée à une heure et quart. Huitième seance. — Du T7 oclobre 1842. Rapporteur : M. L. LEVRAULT, Secrétaire. A l'ouverture de la séance , M. le Président signale à Pat- tention de MM. les membres de la Section plusieurs cahiers de planches représentant les costumes alsaciens depuis le moyen âge jusqu’à nos jours. Ce recueil, communiqué par M. Fréd. Piton, atteste le zèle éclairé de cet honorable mem- bre de la Section pour la recherche des souvenirs piltores- ques du pays. M. Friry, de Remiremont, correspondant du ministère de linstruction publique pour la conservation des monuments historiques , lit un mémoire sur la peinture à l’encaustique. Il donne, après cette lecture, quelques explications verbales non moins pleines d'intérêt; et pour la démonstration pra- tique de son texte, il expose sur le bureau un échantillon de son procédé de reproduction à l’encaustique. M. Hugot , archiviste-bibliothécaire de la ville de Colmar, présente quelques considérations sur l’intérêt historique et artistique des nombreux tableaux et autres monuments du moyen âge et de la renaissance que possède la bibliothèque de cette ville, M. de Caumont, Président du Congrès , a la parole pour une communicalion relative à la vingt-sixième question du Programme. » DIXIÈME SESSION. 2491 M. de Caumont témoigne le regret de n’avoir pas eu le temps de pré- parer un travail complet sur les différentes périodes de la construction des châteaux-forts qui couronnent la chaine alsacienne des Vosges. Ces châteaux, dont les ruines les plus complètes et les plus riches paraissent être celles de Hohen-Kænigsburg , ne sont pas d’un seul jet, et presque chacun d’eux accuse plusieurs âges. Leur étroite parenté avec les vieux châteaux de la rive droite du Rhin, qui ont avec eux non-seulement des analogies de construction et de site, mais même de nom, la plupart ayant appartenu aux mêmes familles, donne un intérêt particulier aux recherches faites sur ces derniers par M. le colonel de Krieg, aide-de- camp de S. A. R. le grand-duc de Bade, et rattache ces recherches à la vingt-sixième question du Programme. M. de Caumont s’empresse en conséquence de donner lecture d' une lettre de M. de Krieg, concer- nant les châteaux d’outre-Rhin , situés en regard de ceux de nos Vosges. Dans l'opinion de M. de Krieg, les plus anciens châteaux des bords du Rhin reposent sur des fondations romaines, et ont été primitivement construits d’après l’ancien type des forts romains. Ces fondations ro- maines, qui servent de base aux constructions féodales allemandes, ap- partiennent presque toutes à la dernière époque de l'Empire. Elles pro- viennent de tours et de fortins élevés par les ingénieurs de Rome sur les points où se dressa plus tard le donjon de la féodalité. La plupart de ces forts ou châteaux romains , renversés avec l'Empire, ne furent res- taurés que quelques siècles après les victoires des Barbares, en général fort rarementavant le dixième siècle, et plus volontiers aux douzième et treizième. M. le colonel de Krieg croit que les tours carrées des mo- numents féodaux des bords du Rhin sont en général antérieures aux croisades, et sont par fois la tour romaine elle - même réparée par le burgrave tudesque. Quant aux châteaux à double enceinte, ils accusent au moins par une de ces enceintes, indépendamment de tout autre signe archéologique , l'influence des siècles postérieurs aux croisades. M. Louis Levrault cite, parmi les monuments féodaux du revers oriental et des vallées alsaciennes des Vosges, les châteaux de Greiffenstein , de Hohbarr, de Lützelburg , de Girbaden, le Hagelschloss, peut-être l’un des Windstein, Frankenburg , un des trois Égisheim, Wasserburg, Wil- denstein, dont les ruines paraissent offrir, dans quelques-unes de leurs parties , des traces de construction ou de fondations romaines. Ces châteaux peuvent donc êtrerangés dans la ca- tégorie de ceux auxquels M. le colonel de Krieg assigne une origine romaine, etils semblent avoir été élevés sur l'emplace- ment de “a LA -unes de ces tours de garde qui, au moins dans les derniers temps de l'Empire, Lunbanos la double ligne stratégique du Rhin et des Vosges. Parmi ces châteaux, 492 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. ilen est trois, Frankenburg, près Villé, Wasserburg et Égis- heim, dans la Haute-Alsace, dont la tradition et les docu- ments historiques font remonter l’existence jusqu’à l’époque mérovingienne. M. de Ring prend la parole et regrette que M. le colonel de Krieg se soit contenté de rechercher les traces d’origine romaine des châteaux des bords du Rhin, sans essayer, comme le demande la seconde partie de la vingt-sixième question, de donner la reconstruction d’un de ces châteaux à une époque déterminée. M. de Ring est d’avis que, si l’on voulait remonter à l’origine de tous les vieux châteaux des deux rives du Rhin, l’on serait en droit de se demander si, même ayant les Romains, les peuples gaulois et germains n'avaient pas eu là des fortifications. Mais sans aller si loin , on ne peut douter que plusieurs lignes de défense r’aient été, tant en decà qu’au delà du Rhin, établies par l’autorité romaine. Ainsi, une première ligne de forts ou tours de si- snaux suivit la Forêt-Noire et le Rhin jusqu’au delà du lac de Constance , et plus tard une autre ligne s’étendit du Da- nube au Necker. Une troisième ligne, enfin, s’appuya au grand rempart (Pfahloraben, vallum). La Section passe à la vingt-septième question du Pro- gramme : Peut-on, dans l’état actuel des arts en Europe, pres- sentir l'avenir de l'architecture, modifiée dans ses principes et dans ses applications par l'adoption des types néo-grecs ou byzantinsP M. le chevalier Bard lit une note sur la question. Il se demande en premier lieu si c'est de l'architecture religieuse ou de l'architecture civile que le Programme veut parler, en appelant à discuter l'influence des types néo-grecs où byzantins sur l'avenir de Part. M. Bard ne saurait douter que cette influence ne devienne très salulaire, et que l'art ne soit appelé à lirer un grand parti de la pensée romano-byzantine formulée dans les premiers siècles de l'Eglise. Ainsi - l'on pourrait revenir à la véritable peinture murale, à la véritable pein- ture monumentale , à la plus vivace des peintures, à la seule qui soit presque éternelle , à la mosaïque. Sans doute , eette partie de l’art aura encore à-réaliser de grands progrès ; mais le mosaïste, à forces d'études DIXIÈME SESSION. 495 et d'essais, pourra réussir à vaincre les conditions désavantageuses et à obtenir des effets nouveaux d’ornementation. M. le chevalier Bard. veut aussi que l’on tente la combinaison des idées de la renaissance et du style byzantin. I faut surtout que le mou- vement artistique soit religieux, et pour amener l’art à ce point il faut que le peuple:s’associe au retour des âmes généreuses et grandes vers les pieuses exaltations de la foi, car c’est le peuple qui invente, change, modifie les types d'architecture, c’est le peuple seul qui par son con- cours peut faire naître un art national. Aucun membre n’ayant demandé la pârole sur la question traitée par M. le chevalier Bard, on passe aux 29°, 31°, 32° et 35° questions du Programme, relatives toutes quatre à Part musical. M. Berg, professeur de musique , est appelé à donner lec- ture du mémoire qu’il a préparé sur ces questions, et, prin- cipalement sur la trente-troisième. Après avoir fait. l'esthétique de la musique, et l'avoir proclamée non- seulement un art, mais une science, M. Berg déplore son état actuel en France. Il y à partout , sans doute, des amateurs, des amis de la musi— que; mais il ne faut pas juger de la prospérité de la science musicale par le grand nombre de ceux qui la-cultivent ou prétendent la cultiver, Cela prouve bien que la musique est à la mode, mais non pas que la musique est comprise comme elle doit l’être, comme elle mérite.de l'être. La musique a une autre mission que: celle d’amuser : il ne doit pas lui suffire de plaire, de passionner , d’émouvoir ; elle doit en outre élever l'âme, développer les nobles instincts, elle doit surtout réveiller le sentiment religieux. M. Berg, pour prouver cette mission toute re- ligieuse, toute morale , toute civilisatrice de la musique, cite des faits historiques. et invoque l'autorité de l'Écriture sainte. Il rappelle ensuite que la musique actuelle doit son origine au chris- lianisme. En effet, à peine quelques restes de l’art antique ont-ils été recueillis dans les, chants dits grégoriens ou.ambroisiens , inventés au quatrième et au cinquième siècle, et qui sont le. point de départ de toute musique moderne. Or, c’est la musique religieuse, la seule vraie et complète musique , qui souffre aujourd’hui, qui est incomprise, né- gligée comme sa mère, la foi chrétienne. C’est aussi à rendre sa puis— sance à celte musique religieuse qu'il faut tendre avant tout. Pour ob- lenir ce résultat, M. Berg voudrait qu’on établit des écoles de musique, obligatoires au moins pour les élèves des écoles normales d'instruction primaire ; on formerait ainsi une pépinière de bons maîtres de musique religieuse. Cette organisation devrait être à Ja fois le fait du gouverne- ment central et du pouvoir municipal. Elle existe jusqu’à un certain point en Allemagne, sinon comme enseignement populaire, au moins Comme enseignement universitaire, par exemple à Gôttingue, à Berlin. 494 ù CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Dans l'opinion de M. Berg, lorsque la musique religieuse sera pros- père, la musique profane sera aussi mieux entendue, et en meilleure voie de sages progrès. Cette lecture est accueillie par de vifs applaudissements et l'impression du mémoire est volée par acclamation!. M. Blanchet, ancien manufacturier, facteur de pianos du Conservatoire royal de musique à Paris, présente des con- sidérations sur les mêmes questions du Programme. Il se félicite de se rencontrer en communion d'idées avec le professeur distingué qui l’a précédé dans la discussion des intérêts de l’art musi- cal. Comme lui, il reconnait que la prospérité de cet art n’est qu'appa- rente en France, et qu’il ne faut pas trop compter sur la sympathie pu- blique; car le goût pour la musique n’est malheureusement qu'une affaire de mode et jusqu'à ce jour n'a pas même su atteindre à ce degré de popularité dont il jouit dans des pays voisins. Pour lui donner cette popularité qui lui manque, pour inoculer l'instinct de la musique aux masses, il y aurait beaucoup à faire, et peut-être faudrait-il commencer par enseigner la musique vocale à l’armée. Mais ce sont surtout les écoles de musique qu'il faut créer et organiser. Le Conservatoire, cette institution d'art musical la plus florissante de Paris et de la France, est plutôt une pépinière de bons exécutants qu'une pépinière de bons mai- tres. Si l’on sort de Paris, l’enseignement est nul , à l'exception de deux ou trois grandes villes. Et encore dans ces grandes villes les efforts des maîtres sont-ils isolés, sans protection officielle. C’est au pouvoir social qu'il appartient cependant de'sauver la musique; il faudrait que le gou- vernement et les conseils municipaux s’entendissent, le premier pour organiser un fort enseignement central de musique ; les seconds pour appeler à eux les professeurs sortis de cette grande école, et leur con- fier la direction des études musicales dans chaque centre de population. S'attachant ensuite plus particulièrement à la trente et unième question, M. Blanchet déclare être convaincu que la musique religieuse ne pourra reprendre quelque éclat en France que par suite du rétablissement des maîtrises dans les cathédrales, et par l'interdiction sévère de la musique théâtrale dans les églises. La Section vote l’impression du mémoire de M. Blanchet?. M. le vicomte de Gussy se fait un devoir, à propos du vœu émis par M. Blanchet pour l’enseignement de la musique vocale dans l’armée, de rappeler que M. le colonel Amoros avait fait admettre, sous les auspices du ministre de la guerre, le chant comme accessoire obligé des exercices gymnastiques. 1 Voy. les mémoires de la 8e Section, 2° vol. 2 Voy. ibidem. DIXIÈME SESSION. 495 . Il faut regretter, ajoute M. de Gussy, que cette mesure, qui promettait des résultats si féconds , ait été abandonnée. M. Stéphen Morelot, avocat à Dijon, lit un mémoire sur la trente-deuxième question du Programme , ainsi conçue : Comparer la musique d’église moderne avec l’ancienne, pour voir si dans ce genre il faut se tenir rigoureusement au style uniforme et soutenu des chefs-d’œuvre de l’ancienne école romaine, ou s’il est permis d’y mettre plus de variété, par des motifs d’un style moins sévère. L'auteur de ce travail se propose moins de donner une solution ex professo de la question, que de présenter quelques considérations gé- nérales qui fassent sentir toute l'importance qu’elle a, selon lui, pour l'avenir de l’art religieux. IL montre d’abord que l’art n'étant qu'un reflet de la société, doit en reproduire les tendances. Or, la société reli- gieuse ayant par sa nature mêmé deux tendances distinctes, l’une im- muable parce qu’elle procède du dogme, l’autre progressive et suivant la loi du libre développement, la musique née dans son sein doit aussi être soumise à cette double condition. De là deux classes de composi- lions musicales, qui doivent différer par leur forme et leur caractère, comme elles diffèrent par leur objet. La première renferme toutes les pièces religieuses que produit le génie individuel et qui sont connues sous lesmoms d'oralorio ou de cantate, etc. ; leur style doit donc varier avec toutes les circonstances de temps, de lieu et de personnes qui pré- sident à leur création. La seconde se borne à ces compositions liturgi- ques qui ont leur place marquée dans les offices de l'église; leur type commun et authentique est le plain-chant , conservé depuis plusieurs siècles au milieu des variations continuelles du goût: Ce type s’est dé- veloppé pendant toute la durée du moyen âge, et se combinant avec la science nouvelle de l'harmonie, il a produit au seizième siècle la grande école romaine, sur les procédes de laquelle l’auteur donne quelques brèves explications. Dans les siècles suivants, l’art s’enrichissant de nouvelles formes , presque toutes au profit des tendances mondaines, les compositeurs subslituèrent peu à peu à l’ancien type liturgique, res- pecté par les maîtres du seizième siècle, les effets plus brillants et les formes plus développées de l'oratorio, en attendant l'introduction plus récente des accents de la musique dramatique et profane jusque dans le sanctuaire. C’est contre ce double abus que l’auteur voudrait ga- ranlir les compositeurs qui travaillent pour l’église; et pour cela il pro— pose de remonter au type primaire de toute musique liturgique, au chant grégorien combiné avec l’emploi sobre et intelligent des ri chesses de l’art moderne. 11 examine rapidement cet emploi sous divers rapports qu'il classe sous six chefs principaux : la tonalité ecclésiasti- que, la mélodie, l'usage des dissonnances , le rhythme, le genre fugué et l’adjonction des instruments. 11 rappelle, en terminant sur ce der— nier objet, une décision récemment émanée du vicariat général de 496 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Rome, qui défend dans toutes les églises des États pontificaux, l'emploi des instruments autres que l'orgue et quelques instruments à vent à ef- fets graves. La lecture de ce mémoire, écoutée avec beaucoup d’in- térêt et vivement applaudie , n’ayant été suivie d’aucune dis- cussion sur les questions à l’ordre du jour, la séance est levée à midi et demi. Neuvième seance. — Du S octobre 1842. Rapporteur : M. E. DETROYES, Secrétaire adjoint. La séance est ouverte à neaf heures, par M. le vicomte de Cussy, Président. M. Émile Detroyes , Secrétaire adjoint, donne lecture du procès-verbal de la séance précédente, qui est adopté sans réclamation. Il fait ensuite l’énumération des divers ouvra- ges et publications dont il a été fait hommage à la huitième Section pendant le cours de ses travaux, et dont les pro- cès-verbaux des séances précédentes ont fait mention. Ces ouvrages seront , aux termes du règlement , remis par les soins du Secrélaire de la huitième Section, à M. le Secrétaire gé- néral du Congrès , pour être par lui déposés à la bibliothèque de la ville. M. Fries a la parole pour lire, au nom de la Commission dont il fait partie, un rapport sur les dessins lithographiés de la cathédrale de Strasbourg d’après des vues prises au daguerréotype, par M. Émile Simon. M. le vicomte de Cussy présente et lit son rapport sur l’ensemble et les détails de l'horloge astronomique, que M. Schwilgué père vient d’achever et de vouer à l’admira- tion publique dans la cathédrale de Strasbourg. Ge rapport, qui donne aussi l’historique des horloges antérieures à celle de M. Schwilgué, est accueilli avec le plus vif intérêt par l’assemblée , qui en vote aussitôt l'impression et en demande 1 Voy. l’Appendice faisant suite aux procès-verbaux ; 1°° vol. | | in ar me + 4 DIXIÈME SESSION: 497 le renvoi au Gomité central pour être lu en assemblée géné- rale du Congrès. M. Plée, au nom de la Commission, composée de MM. de Lavalette, Blanchet et Plée, lit un rapport sur la vingt-hui- lième question , ainsi conçue: Quelle est l'influence qu’exerce sur l’art français le séjour de nos artistes à Rome? Pourrait-on attendre des résultats plus satisfaisants encore de la fréquentation de notre école à Rome, si l’on en modifiait le régime et l’organisation P La Commission admet que les résultats de notre école des beaux- arts à Rome sont insuffisants ; que cette insuffisance tient à celle des élé- ments qui sont appelés à composer l’école, c'ést-à-diré que le grand vice de l’organisation est dans le concours pour les grands prix, avec ses condilions actuelles , ses calégories, ses programvmes ; au lieu d’un concours libre entre les jeunes artistes d'un âge à peu près équivalent ; avec liberté dans les condilions du sujet , lequel doit être laissé au choix des concurrents eux-mêmes parmi plusieurs sujets proposés, sans pré- férence d'une école à l’autre. On laisserait dans ces dernières conditions plus d’essor au génie, et l'on éloignerait les médiocrités qui n'arrivent que par un certain fonds acquis et en observant les traditions. Un plus grand vice de la colonie artistique de l'Italie, c’est le défaut d'émulation. Une fois à Rome, les lauréats, pour la plupart pauvres, assurés d’un bien-être passager, s’y endorment, et se bornent à en— voyer chaque année à Paris l’ouvrage qu'ils sont tenus de présenter. La Commission voudrait queles laur‘ats des mêmes classés et de toutes les dates fussent obligés d'établir entre eux une nouvelle lutte dont la palme sérait décernée par les élèves eux-mêmes. é La Commission a pensé aussi qu'il y avait dans les arts d’autres maîtres que ceux de l'Italie, et que leurs œuvres devraient être étudiées sous le ciel même qui les a inspirées. Enfin, le sort des artistes, et particulièrement celui des sculpteurs et des musiciens à leur sortie de l’école, a paru à la Commission mé- riter toute la sollicitude du gouvernement. A leur retour dans la pa- trie, les artistes trouvent toutes les positions occupées, et seuls, sans protecteurs, sans moyens pour se faire connaître, ils ne savent quelle direction prendre et sont exposés à échouer ou à perdre le fruit de leurs études en se lançant dans des voies pernicieuses, mais où ils trouvent au moins des moyens de subsistance. La Commission propose de combiner ; avec un nombre raisonnable d'années de séjour à Rome, deux années de voyage, et enfin la créa- tion d’une institution qui donne aux élèves > à leur retour de Rome, des ressources qui leur permettent de travailler tout en se faisant connaître. 1 Voy les mémoires de la 8€ Section , 2€ vol. 32 498 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Après cette lecture, M. de Cussy prend la parole sur la vingt-troisième question du Programme , non encore traitée jusqu’à ce jour, qui propose de: Rechercher quel fut le système d’échafaudage employé au moyen âge pour les constructions élevées, et notamment les flèches des monuments religieux. M. de Cussy conclut, des rares données à cet égard, que le système d'alors était le même que celui employé aujourd’hui ; qu’on hissait à l'in- térieur les matériaux de construction sans autres échafaudages extérieurs que ceux indispensables pour placer les clochetons et les accessoires destinés aux ornements détachés. M. Bégin ajoute, à l'appui de l'opinion de M. de Cussy, que ces matériaux durent sans doute n’arriver que grossièrement préparés et n’être achevés qu'après leur pose. Plusieurs membres de la Section déclarent partager cette opinion. M. le chevalier Bard donne, après cette courte discussion , lecture de deux pièces de vers intitulées : l’ Homme d’argent et Beaux rivages d'Orient. Les trente-cinquième et trente-sixième questions restant seules, et personne ne se présentant pour les débattre, M. le Président accorde la parole à M. Schütz, membre du comité des Chartes à Nancy, qui donne des explications in- téressantes sur un bas-relief de la cathédrale, représentant la danse des sorcières. Ge dessin, que l’on voit au-dessous de la première galerie, en montant à la plate-forme, reproduit naïvement la légende populaire sur le sabbat. M. Schütz pro- met un ouvrage complet sur les détails de la cathédrale. M. Plée ayant ensuite proposé que l’on votât des remer- ciments au Président, M. de Cussy est salué par les accla- mations répétées de la Section, auxquelles il a répondu par des paroles pleines d’effusion et de cordialité. Avant de se séparer , les membres de la Section , répondant au vœu de M. le Président du Congrès, prennent l’engage- ment de se réunir une dernière fois au banquet du Château demain dimanche. La séance est levée à onze heures un quart. ——<3=— SIGNE D Dis Li encore traitée S D'ANRÉVIATION ation verbalo ture en séance générale ou de section SÉANCES GÉNÉRALES. nment L — DATES ystèm 1 SÉANCES série M {.de Cussy, que ee grossièrement Benin Sracu, *L L partager ce omme d'argent wstions restant r les débattre ix, membre du xplications in smtembre. |Dx 314 représentant ; n voit au-dessous forme, reproduit M. Schütz pro- cathédrale , des remer- 3 1 répondu par ;, répondant 5 D s re général xo, J à sur la gestion finar ' me S tenue à I itution du Bureau cehtr. P Congrés, Allocut y A ù Lecture des pr crbau w, Vice-Président, Lectur OUVERTURE DE LA DIXIÈME SESSION PREMIÈRE SECTION, HISTOIRE NATURELLE ' Forui x Section L MM. Secvs-I uAMPS et Voce (n k Hanvrt, CR M Can dur € \ rle 1 Discussion ment de ï RANX, C., Travaux de fou M, Flou: x, C., Distributior phique de rs. 160 | Momx, M, T M. Lecog 60 Bneur, C., Plumage des oiseaux Scuniekn , € morphologique du fruit dar Cook, M, u 1 Senont, M are intime des dents di 1 De 11 C, Prép 1 ] br Lusuvs, L ctobre, | Müxen Mardi # octobre. {Mardi au soir. Notitication d'adhésions de saciét vante 1, Lettre sur le monument Dumont-d'Ur ville Lecture de erbau Expériences de galranisme De Ducs DuLor Fix Lonrur Lonrer KIRSCULEGER KimscuLecn Fée, Moceor M M. Mau M, Schueler Sur l6s centuries de M, Sehult Duscriplion dés céréales ur nes, par M. Serin Cailloux roulés de l'isére Éto in du Rhône Plantes en rapport avec Là lulion géologique slique végétale des environs de Strasbourg Classification des fougéres Sat du muschelkalk dé Lor- raine et d'Alsace 174 175 176 170 476 M DEUXIÈME SECTION. AVEC I (1 INVOI AUX PAGE cs TABLEAU ANALYTIQUE ET SYNOPTIQUE DES TRAVAUX DU CONGRES :S DU COMPT QUATRIÈME RENDU, (Tome SECTION age [4 e 49 à 498. SIGNES D'ABRÉVIATI M Mém TROISIÈME SECTION CINQUIÈME SECTION SIXIÈME SECTION 'TIÈME SECTION. nn nr M ntona durs COURSE nn ET QUE DE HUITIÈME SECTION SCIENCES MÉDICALE ARCHÉOLOGIE, MISTOIRE , PHILOLOGIE Qu 0 1 ÉGISLA LATTÉRATURE PRANÇAISE ET LITTÉRATUR J S : FT = D A TOO Fomsation du bureau de la S l S = ation du bureau de RS x L r D. On médicale en E Leclure dés questl re Comanuono, Président, Allocutior Wanoesie, F \ TnsenipLion dos » ' L udelaS PascaL, D,, Mém {l SCHATTENMA. C. Su rouleau [TI r CRIE Y Président, Allocution 5 L as du programn Héorié pour prédira Ie Camps. Ousraser, Dépôt d manuser Lrénant M, Amélioration du sort des ouvrier Juno Dép ie dissertation sur l'Attantid Navi M, Del Lenemaxs, D, lulu de 1 DE vin k, Hr JULIE Lell a gélatine Hexveouiy, A, D., Exposition du systéme de Fourier DELUIN, M s de Platon et d'Aristote sur l'originu M 1 le des troubadour ae ï TL DAELY, M, Organ Leckn D., Réfutation dt té à langage Martin, ch MM De PaxrosA , D., Même sujet rs ji) RSA { atmosphérique Roux Proposition de la création d'une com DePourény, D. Défense de ce ni #1 | Lewazo, M,, Méme sujet MM, Monter, N MM. Bergmann, G. di Du | PARUS Ton : de « D'Asmox, C., Rechercl r le développemon : UE Ra sur a D'Aum C., De tard lesticul, a qua Mere 1 MINE ë NM. 7 L L à chir K M. Meme su) mand M. de € Lec D, M but ou r f I Maxon , C., À [l r ir î Fa D., Réf n de + Du D., M L È r r sal D M der PAL De J si : Ms ï A se, 6 i SIN Fr | : L fl non D He Mons ques du, S : ion sur les appareils galvant ques de M. Münch: MM. Æopp Morquin (note), Persoz, Haruff N Des lempératures des végétaux M, Lecog FALRE PETREQUIX Kuux, € Srourz, € PnAyaz, N N AN Moyeus d'arrêter la propagation syphili MM, Sehülsenberger meaur, Ni £ Stroht, Held Étude de l'art vétérinaire Discussion sur la commission médi permanente: MM. Zurck, L net, Forget, Ehrmann, R Sixber, Aronssohn, Malle n: MM. Opp er, Tourd Discussiop sur la Lettre sur une mi phalotril Monument de E de-Maurienne L'albuminur cale Scuarrewmanx, C., Essai du rouleau compresseur Comanmoxn SCHATTENMAXN, M., Amélioration du sort des où ï Zunen AL, Môme sujel De Hosmouac, D., Même sujet Ken, ( vu Ho D., Méme sujet MoxMER, M si} ConsbénanT, D. Défense éme de Fourier MM. Textor, Mayor, Maile Tr Gnosz, M., Morcellement de la propriété en Alsace ju MM. Bonnet, Lecerf, Schattenmann Mathieu, Frignet, L'®, Buseh »91 Buscu, C., Amélioration de l'agriculture en Alsace... 29 | MM. Bonnet, Chrétien, Durekhard Schattenmann , Pers0z 0 Ouverture des abcés par congestion Explications de M, de Hurmbour 207 | Rowenr, 1 MM, Baloecht, Tertor Ha Fiéaion d'un éunco onde à ES L'existence de l'hydrométre et de la Cu | Congrès, pour l'exposé du |Comanmoxn panile utérint estelle démontré par systéme de Fourier 207 | Moxin, D des faits authentique 2416 | SéxésxwaLD, M, Avantages el inconvénients de la Sion, MM. Noel, Aronsiohn, Stoltz, Ehr | limitée; remèdes. monn, Küss, Hirts M. Séhatienmann fiologie, disgnôste. où Craitement dk Lecenr D., Môme sujet atlc génitales du fémur 248 | Boss D., Mè 1 éducation profession: MM, Tezior, Held, Kuhn, Pravaz | - “nelle ARE Forget 20 Uevorxasien, M MM. Jamger, Forget, Mayor. , Observations critiques sur la ich, Laurent , Ehr- Turck , iguement agricole N. Chrélien, Bonnet, L Giberton- Dubreuit , meaux, Malhieu.........., erf, Che- fa- aux objections de M. de Billy contre sa théorie : Sehimper, de Billy. 179} 179 | Dettar Texron, Discussion sur l'hydro) télhueber, AIME Fours, M 34 | La Conrtar, M, Sur la phrénologi MM. Pascal, Malle, Vlaminer, aud La Corbidre. 456 de ñ fayor: Bach. » 1 SCHATIENMANS , 255 | Orrexmenr, S6 | De Pomvény, DoLurus, Dax. D D. Sur D. Mme au) D, Mme Objections à AL Songenwall.… D., Objoctions À M. Buss: concurrencer jet, . . MM. de Pompéry, Jwnger , Le- ‘Hariéh.…. su 304 305 D Focus, À, \N M M D. 30%| Wanxkonnia, D, LEA 5 MM. B F Mayer, Hof hev Va Mar nucu, D, Dangers di plait, Hoffet, Sche tique el théogonique de | Secuisnencen, D,, Éducation des sourds-muets 306 | Hanruouwess, L,, D,, Même sujet l'antiquité 547 | Monur D., Même sujet 397 | Maya, 1 D,, Sur l'avenir de l'art auloises en bronze 547 | Pinoux D., Mémo sujet 1 MM, Daguet, Guiard lo sujet 548 De Baum, chev., M, L'Italie, sous les rapports scicu: a sujet 549 Uliquetlittéraire , se main- MM, Richelet elle de l'Europe en de Paris Comarmond uüs jours ai Wa |Levnauur, Elune Monnatedestns ML Mayer. rapporteur. 472 Du un ar b Masque monumet ie de Ravennes, parle chere | lier Band “ wa |Scuvaasé, Mt, pocnnes aflaiques de la Hemais si ane Bano, chev., M, Modification des ture par {Origine d ŸLes pierres M. de Ring IRowenr, 2M Caruai éléments d'arch Gwatoulacivilisition 474 jerres druidiqi sp ‘ téardevent #*| Droits temporels des l'ancienne France : œ MM. Dégin, Warniwnty, Go quel, Labull, Richet, Ha- Viva, méaux, Sehtrln Chiv/four = 355 Aiésultateae in philologie con ou du grec ou latin. 35%, MM, Sehirlin, Latoucho, Hichelet, L., Pelltcode philosophique et mo- ral P Ds üucalion des sourds=muets, une critique réelle hi dvéques de Juke de Paris, sou | soi 351 Jacogror sun de Fribourg Dacurr , L.. Los franc-maçor 2 Qui) Moxxiun, Dés, N,, Monuments de l'église des Cor- deliers à Lon-le-Suulnier. tions de | Discussion sur Là (eorie de l scussion sur l'hydrométre : M, Rés SCHATTENMANN 30%| Wannkonnio, D, Droits 16 Juuues à as Réponse aux objeclior 18 AE 3 Û L., Vellt code phiiosopht = RTS 38 SCHUELER EE eaux : M. Hugueny © be 55] Ovexueut, "D, Objoctions à M 0 V'anc sut ! phique et nn DT & = one L C dan mémoire s UE 130 | De Matbar, C., Expériences surla diffraction LT NE ERP AR CE ü | De Pourénx, D., Sur la concurrence tn MM, Dégin, Warnkaniy, JACOUTOT AIRE 00 alle. du mématre sur le Salt (sr, DE, MO à Lone-le-Saulnier.… 4 SEXGEXWALD È 6 Tete y. 179 |Korr " entre la force élastique de aseal, Malle, Vlominex Doucvus, DA. D., Môme sujot 0 guel, Label, Hichelet, Ra î ApANOA rd-muet s! | De LavaLer _ si aura : ME D ner Mt Fier ea Kinebleger 180 dans leur application Texron N., Sur la nonsexistence da la rage 2 MM. de Pompéry, Janger , Le Fueus, A, Mis Hésalatsde la philologie comparée jsiêmes do phitasophie Dauer LL Taser H6| Ds Scnanow, Ml soclat taie ù rouleau € RE SLT Per omtue forces motrices 219 MM. Fourdes, Mayor, Haloceht CNP RUN de Done l'ONU Un mec ei du latlos! 385 indépendante do tout francæ-maçons de Fribourg sf, Bruh, de Shore, ch tot Kirscklager: Fe Simon Malle, La Corbiére, Pravoz MA. Sehirlin, Latouche, Rlehelet.… 354 tm et quels sont is wi D arde Sinaosé, Pliom, L Si Fournel, Silbermann..… 181 Blein 257 ls principes de cette er | craull Mercredi Ve €., Embr 182 MAnTINI, che, M Bauv, chev Done care A sorcuanot, Fnép,, C., Étud . Futur M, Quels sont (es ; ji ë 104 ! Avantages que La Fe sféme sujet us psychologie expérimentale De Méga, le cher. Hard, Ka Peutretirer d'ane étude à mann prre ss profondio de la phystole > Hoxss D, Sur la vaine pâturc 307 | Rowwar, 1 0 sur In base de la Wanvkoene, Théses de droit naturel v° Lecenr D, Mémesujet 08 langues et des thé ; MM, 4hrens, Warnkantg, Happ.… 404 MM, Mathieu, de Caumont, Don nie ss net, de Wedékind, Schatten- mann , Lecerf 309 clobre De Caumont, D, Existe-Lil un assolement fores- Mercredi au Marie D,, Mémo sujet soir De Weekrxo, M. Même sujet MM. Schatenmann, Honnet Persoz si Ti T7 1e |Senwuc Lettre sur les hanches gautoises… 354 | Bus ar . ï a | RauseueneLarr, C,, Examen d'une voiture mécaufique Discussion, sur l'hydromtro : M Zum D, Éducation professionnelle 12 |Senwrcieusrn, À r osition de la création d'une S Docs, D, Clisiciemo et romantismi M5 | Prrox D panorama de la ville de Strmbourg. 4 Le verbaux bis €, Jardin botanique de Strasbourg 185 Ce TEE MO SPA Stottz Ù MM. Lecerf, Zub 512 | Sract M;, Époque de la construction de ciété encyclopédique des bords | FC À Rene Ses times Populaires... 447| Weren ai Lell Schadow ot de Wedekind, 4@/Surax, Vicron, C., Lias des environs de Metz 1 DMfoxcn NI ES DEN LAS TUE Don Kiss et Honrnr, G:, Piéces artificielles d'anatomie hu De Weokkinn, M, Systéme des douanes allemandes. 31 l'église de Haslach A du Rhin uw Béctx. L., Quelques années dufpoëte Delille #0! Srceen | Ge. ftudes de temple protestant 1 MAVILLE , NOËL Pyra 18 g FRERES 259 | SCHATTENMANX Propositioi sc 344 | Lonneut Sf., Élément apporté par les Dar M Jullien de P 0 pfoffel à ériger à Colmar 449! Prnnrs Sanct amis par la quatrième I N M cu un d'un fort cou maine et comparée a Proposition admi 14 [UL P n de Paris, Proposition Cuarruis, C.. Monument de Pfef su {DopLarRe N., Destru 187 aus Ténck &., Valeur des expérimentations des Doutvus, Das. , D., Même sujet 314 bares à In formation de la smi wo7 YoanEsn, (, Texté et pl. pour la décoration dl nscn, Le on de la Souxt HT | evosxamien, ML, Moyens de roconnaitre la fall médicaments sur l'homme en PERSO D,, Même sujet 514 civilisation #moderne; op Cormissa la sixiéme Sectior preshytéres el maisons d'école. 492 ë AL lat de santé 259 | Scarremanx , D, Mémo suje 3 nion de M, Guizot 559 MM us bach M. 407 Baup, cher commis, paur larestaa à fonda huile état de san ï D, M jet 1 d Erchbach, Wi 10 b Rapportdela P SN ; ve MAI. Rapou, Pascal, Turek..… 259 | Lecyur HA lpliencadt per de dentée au lcuwuer C., Antiquités romaines [De Pourfny, M,, Améliorations à apporter aux lolsqui ration duchwurdela Cathédrale 4% Notification d'adhésions de sociétés savantes, 41 PAscar M., Affections pulmonaires chroui | le mouvement de la popula- zabern 360 nt en Fronce la consl | M. Friderich, chev. Bard, de | FANGEAUT Rapport sur l'horloge | ques 0 tion Fninx M,, Peinture à l'encaustique 50 n de La famille 107 Lavalete, légin , de Caumont + thédrale Ê s M. Euroin Busen D, Influence de la population sur le LecEnr D, Même sujot. Réfutation “10 Sehnaasé, Mosler G Er 7 [Tunes M., Essai sur les causes el la nature salaire etle prix dés denrées MM. Chauffaur , de Pompéry.…… 410 Bécrx M, Arcbiteet. du nord-est de la France. 444 : des maladies 261 Hexvequix, D, Méme su iii Levmattr, (.' fnfuence sur l'art français d Jeudi Uuscu D., Valeur morale des idées de Malthu jour des artistes à Rat 4 sur Ja populat sui AML le cher. fard, Fries, de La MM. Jullien, Oppenheim, Wilir valette, Plée ‘ | Luss, Mayer “5 Commission: MM. de Lavaletta Plée, Blanchet | Bnrei D. Construction d'an temple protestant. 4 | Dr Cusst, D Mémeanjet 87 Were N°, Mans de conuiroetion par lai soumis. 497 | PEUNIX Ne Élodés conmalquéss à La Selon. 497 MALO, Toul, de Ring, Schnaasé KOULMAXX , M, Même ane GARE M. Hru " | : _. = M5 x Da Caumont, €,, Cartes agronomiques: notation = MM. Schattenmann, Zeyssol[f, de | Go Caumont, Bonnet, Mathieu Couturat, Pers0z | eudi au soir De Cavmowr, C., Vases des laiteries MO. Zeyssolff, Mathieu, Persoz Kuvrren, M. Olservatoires magnétiques de la Hus Com pour l'examen du mémoire Hs TD, Association des douanes alle Souoan , G..M, Culte et procés des Templiers 300 |ücuanv, D, Travail ot régime moral dans les asiles ï L., Poëme sur les malheurs de la Pirox C. Cw vert 115] Duvanxo Structure lents p LIEN nes a depuis le mo | de Lavalsite. 41010 x M SE sie de M Ad: Heydenreich sur le Codex mandes, MM. WParnkænfg, WFith EU] d'aliénés “ vertu et du 550 pere À | ; RTE I AL Lun M. Baruff MM. Persoz, Nestlor, Oberlin, For De Digrnien, E. Proposition admise Rienerer, C,, Sp. Smith, Collectanca Gersoniana 361 MM. Ristelhueber , Hichard, Mayer MM. Mayer, Jullien s50 | Fin " rt ULLIEN de Paris es | ne Log | Fancravn, M, Ancicones lempératures du globe get, Saber Ê M, Comarmond ai Warnkænig WG! Len L., Fables de elfe, traduites en Hvcor C Tablezur el monuments de là Be pr STE DAT a HS 191 Doux Lettre sur les fiévres intermitientes et Dacuxr D. Résultats de l'histoire de Guillaume Lecenr, D, Ens nent populaire du droit “i vers fran ‘ pre TI nellon de vœux des quatrième Fes Opinion sur le même sujet 194 l'emploi de l'arsenie 262 Tell 36 M. Wim ##| Scnürz L., Discours en vers, intitulé: Stras De Cavuoxt, €. Oeior To + E Sanction de vœux des q y] Somrs ion a NAT ATENTON BTP OTAIL Map MM. Chouffour {Sal AL, Concession de biens ruraux à ütre de 51 TT Analae M 1 rune Société ï C,, Nervation des feuill plantes Rigaud, Pascal, Jænger , Sia 2 Ricnscer, C, Cauvin : Géo rique de la Waldrecht A) Leur €. Liste on au monu Banv, chev., N., À ri anse) Ë ju, [tornsen pe n decr ou ir ervation des feu ; Foncur, C., Infuence dés eaux minérales 5 France 364 va | Ben M, Sur l'art mical… 5 ES a ! € MM. Turck, Huin, Aronssohn, Par Braxcmer, M Mnne g | CT hé cal, Radius, Forget, Weber 264 nee 34 DT pour JexGen, M, Nouvelle méthode pour l'étude de la phy MonkLor, Sr., M, Musique d'écfise 4 | D. G Dust, FL Halbgioy de la rathologie ot do In 1e ls 4 , sx Pas rapeulique 965 réati FAURE ee MM. Hiriz, Malle, Luroth, Jænger.… % Es: 3 = Fe nu Larovene, Expos son systéme de linguistique. 64 le lation cuire la co de WaTrMANN, Lettre sur diverses questions du pro Iexes 55 |S Objectionsà ML. Daguet sur l'histoire Dr Pos D, Cinq propositions de droft naturel ue D de du vieux langage français. 451 | Fnix Lyon ectur rhaux Kocu Keproduction des abeilles 107 | Vu C: Rel tre 1 d questions du f M, Culture des terres sans engrais ra j F > ve Dumasr, D., Étude du vieux langag Lipport sur les vues daguerroty Xrral du Congrés à ; PATATE 107 gaz hydrogénés et leur pou rame ET MM. Mathieu, Bonnet Guillaume Tell 368 | Wu M, Enseignement populaire du droit MM. Vaissiére , Delecsn 52 la Cathédrale , par ML. Si TA : s N.. Galéruque du nénuphar. 197 voir délétère TounDes que des morts subites à Stras Scuwino, AL, Défrichement des terrains communaux Dauer Répliqu 67 | Ac D., Même sujet AcrEr, J L., La Marscillaise des chemins de De Crssr Se RS Leuro Sadieu à S'ale Der IS PRET SRE 108 MM. Baruffi, Rameaur, Hopp jure nc vagues d'Alsace 524 | Cowansioxr, M nmérats dans les rivières et MM. Wällm, Beck, Daguet, Bruch re : : £ dé “En #1 1, D. Unité de l'espéce humaine 190 Paseal MM, Mayor, Forget, Aronsiohn MAL Schattenmann, Bonnat, Per- terres d'alluvion Rauschenplatt, Mayer Maven D., Influence des formes de v Puér Uppôrt sar l'influence de Iécoïe de 1 AS Pre M! Construction de La fleur des cru Retser, J €, Pile galvanique à courant constant Sioltz , Rertini sû7 102, Chrétien naun N., À qui attribuer les vitæ de Cornélius nren D., Excitation de l'amour-propre et dé ment sur Le géni Ç Sanil Lo min: n C., Base salifiable formée de platine | noix votmiqu de l'acid Manineo, ML, Mém liuor C,, Travaux historiques sur la décapolo Nayu Müme sujel MM. G. de Dumas, D ; ML Ségin u > + were Jr ere agreutinre DU ART | Lords du Kbin:; Commis gène l'anthracocali sus | Boxer, C, Introduction thodes d'agricul- ML. Jullien de Paris du Rhin: Comuissaires do la Beaux rivages d'Orien " ROULENT _ A La Pré TEE Bee Reiser, J C., Travailde Bunsen sur le kakodyle MM. Deybel, Forget, Siass, Der. ture étrangères septième Section: MM. Del Sa £, Danse des sordères, bas-relief de Là Same , ; ommerce À Caen... : SL tee de By De Lavauerfr, M., Miasmes ct moyens d'en recon tini, Radius 268 MM. Schottenmann, Gro ca1s0, fergmann F S Cathédralé : st ones: M. Pers vésicule biliaire 268 calturo 52 aranres Fi mandie el ion n Bancer: et Müseu, Explosion des machines à vapeur MM. Forget, Stollz 268] Boxer, €, Moyens de foriier la 3 as pus F Clôture de La Anoxssonx, C., Action thérapeutique de l'huile de foie Société Æncyclopédiqu pans de morue 260 Min ? Commissaires de la qua | Maven ot Korr, Lectures Û MM. Stæber, Uebersnal, Er | trième Section: MM. Hopp mann, Stoltz, Strohl, Arons | Couturat, Bærsch 524 sohn , Oberlin 960 Ovenuix, C., Moyen de reconnaitre la strychnine dans l'économie animale RE + Laroucne , Enseignement de la langue hébraïque 50 =- — — 7 — Samedi au = ==. — = 20 PR PRO pres Discussion sur l'huile dé foie de mo- Is, M Médecmey “agriculture Scumuix, M, Point de vue de l'historiographe. sn | D, Excitation de l'amour-propre et de l'ambi G. ne Domasr, D., Moyen de favoriser en France le É Lettre d'adieu des membres La Luusouzuer, M, Détermination de quelques espèces , rue: M, Bertin 270 M. Schattenmann MM. Baum, Schirlin, Warnka- | tioti dans l'éducation. Réfutation pement de l'loquence nn CADRE -- de cloportides Société encyclopédique des bords du Cunérrex, M, Plantation d'arbres fruitiers le long des Daguët si M. Hoffet sacrée. = een Læamouuer, C, Conservation: des pellis animaux | Rhin: Commissaires de la {roi routes Simon, 3. 3, C., Monuments celtiques ou druidiques Goccez, D. Méme sujet Dünnuacu L., Poëme allemand : Vogesus. 154 siiéme et huitième Sectic 12 dans l'alcool Te . sième Section: MM. Forget, Stæ- MM. Imlin , Bonnet de la Lorraine MM. Warnkænig, Guiard, Willm Daicasso L:, Poëme français : Sainte-Odile Lion €. Souscription pour le monament | Kinscurecen, N., Sur l'ovaire infére 205 ber, Ehrmann 270! Busen, M, Mées de Mallhus sur la population MM. Comarmond, Robert | Frey, Vivien, Hoffat, Naville Pescnien Vice-Président, Adieux is PrelTel (D Devaanov-" C! Tdéos ot faits rolalifs à la généralion. 20! Scuennen, M, Caractère des amauroses susceptibles MAL Buss, Mayer War € ares allégoriques Buss, D, Néce vraie méthode de l'éludo des | Deccasso Président de la septième Section Dares RTE Hi: M Fée 205 de guérison, et traitement Juuux, D, L'asuciation appliquée à l'édilité pi de Strasbourg , «| stations comparées s51 Discours de clôture 54 Sracn L., Voe rétrospective sur les travaux Doveunos sident de la quatriéme Section | M. Ehrmann blique. bourg el Bâle 5 | Lecens Vice-Président la sixième Section, M. de Pantoja. 454 | du Cons ës au Tscons AA AlAES 205 Kuux C., Section sous-cutanée des MAL Ch. Lauth, Jullien Wir Réclamation au sujet de la pierre tu | Discours de clôture F Soctobre. | gps SE RÉ Dee Mi de Billy % des tendons pour la guérisd Juuuex, CG. Vin de myrtilles, par M, le général mulaire d'Ervin de Steinbach 5 M. Frey 45 de iu déviations de la colonne verté- comte Cliassenon Société encyclopédique des bords du | | Dimanche.) |Siwmuaxx, D. Secrélairegénéraladjoint, Statis- brale MA Ch, Lauth, Fr. Schweighœusser Hhin: Commissaires de la cin- LE a tes u MM. Stæss, Held, Malle, Honnet Bonnet quiéme Section: MM. Baum | Dot out do Paris: VIS PranC Ale aire Kuln, Boxer Président de ln quatrième Section | Reuss, L. Spach à la ville de Strabourg au | Peru, C,, Nouvel appareil pour les fractures du Discours de clôture Comanaonn, Président de la cinquiéme Section, | | nomdes membres du Congrés 14 bras, Discours de clôture le Cacmonr, Président du Congrès, Discours | | e M. Balocchi, Malle, Petrequin, de clôture … 4 | FonGer silent de la troisième Section , Dis- | Clôture de la Session 15 | cours de clôture. | M. de C : 4 | | «| | | | Ce Tableau présente l'énumération complète des travaux, défctes et décisions tant des huit Sections que de l'Assemblée générale dû Congrès, dans le cours de sa dixième Session. Toutes les communications faites, tous les rapports présentés y sont exactement indiqués, Dressé exclusivement sur les procès-verbaux imprimés au Compte-rendu, — Le tableau reproduit exactement Je nombre des séances orditiires et extraordinaires ; Lant des Sections que de l'Assemblée générile. — Chacune des neuf colonnes verticales donne l'indication complète des travaux de la Section à laquelle elle est affectée. — Les colonnes horizontales indiquent les travaux du Congrès pour chaque jour de sa dur des ligues. — Les noms des mewbres qui ont pris part aux discüsious, de même que ceux des membres des commissions nommées dans les Sections, sont imprimés on italique. 1.15, p. 49 à 498, il en présente une table des matières complète. Il est étranger au reste, du contenu du Compte-rendu. e. — Bes noms des auteurs des mémoires lus où des communications faites sont imprimés en, petites capitales en tête DIXIÈME SESSION. 499 FÊTES ET EXCURSIONS DU CONGRÈS". Quelque longues et multipliées que fussent les discussions littéraires et scientifiques , elles ne sufisaient point à l’avide curiosité des membres du Congrès. Tant d'hommes distin- gués accourus à Strasbourg de points si éloignés et si divers, ne pouvaient se borner aux graves escrimes de l’érudition, de la philosophie et de l’éloquence. Aux idées on voulait joindre les faits, aux paroles les résultats et la pratique vi- vante. Après avoir disserté, il était bon de voir, et on savait qu’il y avait beaucoup à voir dans celte Alsace si vieille et si jeune tout ensemble. La richesse et les scènes pittoresques de nos campagnes , des ruines savantes et poétiques semées avec profusion, des monuments de tout genre et de tout âge , les créations de l’industrie et des beaux-arts , les œuvres de la bienfaisance, les fondations philanthropiques et pieuses, tous les travaux de la paix et de la guerre appelaient à l’envi intelligente attention des observateurs, Que dis-je? ce n’é- tait pas assez pour Strasbourg d'offrir à ses hôtes ce qu’il y a de grave, de sérieux, de solide, dans ses mœurs et ses institutions locales, dans sa vie publique et privée : il fallait qu’une hospitalité ingénieuse entremélât constamment les distractions aux travaux, les fêtes aux doctes exercices, les réunions amicales aux assemblées savantes; il fallait mon- trer enfin ce que peut faire l’urbanité alsacienne pour asso- cier la grâce, l'éclat, le plaisir à un Congrès scientifique. Wa relation qu'on va lire est due à la plume élégante d’un honorable membre du Congrès, étranger à l’Alsace, et auquel les rédacteurs du Compte-rendu en expriment leur Vive reconnaissance , tout en lui laissant la responsabilité des expressions de cour- toise obligeance qu'il veut bien adresser à l'administration du Congrès. 32. 500 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Beaucoup de dames avaient accompagné leurs maris à cet imposant rendez-vous qu’embellisait leur présence. Elles assistaient régalièrement, et avec un intérêt visible, aux séances générales. Ge zèle méritait sa récompense : tout ne devait pas se terminer en élucubrations sévères et en spécu- lations philosophiques. Le comité supérieur et la commission municipale y avaient pourvu avec une courtoisie qui ne lais- sait rien à désirer. Une prévenance attentive el minutieuse préparait el facilitait les visites et les promenades intéres- santes, les excursions agréables et instructives, les fêtes ci- viles ou militaires, les banquets, les soirées musicales et dansantes1. Nous ne pouvons nous dispenser de rappeler ici plusieurs solennités qui, sans tenir intimement au Congrès scienti- fique, sont venues s’y joindre avec un merveilleux à propos. Ainsi, la Société française pour la conservation des monu- ments a tenu trois séances, dans lesquelles ont été lus des mémoires qui intéressent au plus haut degré les progrès de l’art dans les départements de l'Est. Peu de jours après, l’Institut des provinces a décerné, sur le rapport de M. de Cussy, une médaille d'argent à M. Schwilgué père, pour con- sacrer l’inauguralion de son horloge astronomique?. Cette étonnante création avait inspiré à M. Lehr, l’élégant traduc- teur de Pfeffel, le quatrain suivant : Ton horloge, ô Schwilgué, fruit d’un labeur savant, Des astres, dans leurs cours, retrace l'harmonie. L'homme, en face des cieux , reconnaît son néant, Mais ton œuvre immortel atteste son génie. Une séance louchante avait eu lieu le 1° octobre, pour l'ouverture de l'institut des jeunes aveugles , si habilement dirigé par M. Selligsberger. Cette solennité avait reçu de l'éclat par la présence et la participation active des trois célèbres directeurs d'établissements de ce genre : MM. les professeurs Zeune, de Berlin; Lachmann, de Brunswich, et Müller, de Fribourg (Bade). i Le détail des dispositions préparatoires et le Programme des fêtes dressé par l'au- torité municipale , se trouvent t. I, p. 38 à 48 du Compte-rendu. 2 Voy. pour ces séances l’Appendice ci-après. MUR eee ee NU ce DIXIÈME SESSION. 501 Cédant à une attraction naturelle, les établissements utiles, les entreprises généreuses gravitaient pour ainsi dire autour du Congrès. De toutes les fondations charitables , celle qui appelait surtout l’examen des amis de l'humanité, était la colonie agricole d’Ostwald. D’après le programme arrêté par lautorité municipale, une excursion a été dirigée sur ce point, le 2 octobre. | L'administration du chemin de fer ayant mis un convoi spécial à la disposition des visiteurs, quatre cents membres du Congrès se sont réunis à la station de Kænigshoffen , où ils ont été reçus par les délégués de la Commission munici- pale. Quatorze voitures les ont transportés en quelques mi- nutes au sein de celle ferme élégante , premier essai d’une organisation du travail agricole. À Ostwald, M. le maire de Strasbourg et les membres du comité dé surveillance atten- daient le convoi. Tous les habitants de la colonie étaient groupés devant les maisons. M. le maire, dans une courte allocution adressée aux assistants , a exposé le but que s’était proposé l'autorité municipale de Strasbourg en créant la co- lonie d’Ostwald : c’est l’extirpation de la mendicité par des habitudes d’ordre et de travail. Les membres du Congrès ont visité successivement toutes les parties de l’établissement ; qui compte à peine quelques mois d’existence , les dortoirs , les réfectoires des colons , les ateliers, les étables , les granges , et ils ont admiré la bonne tenue et la propreté qui régnaient partout. Cette visite, nous aimons à le dire , a paru causer à toutes les personnes présentes la plus vive satisfaction, C'était là un premier exemple pratique de ce que peut l'association lors- qu’elle est bien organisée, lorsque ses forces sont bien diri- gées; et, sous ce rapport, la discussion , qui avait eu lieu pendant les deux dernières séances dans la quatrième Sec- tion du Congrès, donnait un intérêt tout actuel à cette ex- cursion à Ostwald 1, Des études et des expériences d’un autre ordre appelaient à Mulhouse tous ceux qui se préoccupent des questions vi- 1 Voy. le rapport de M. Ch. Bæœrsch, Secrétaire de la quatrième Section et Conseiller municipal, sur la fondation de la colonie agricole d’Ostwald, lu en séânce générale le 6 octobre 1842 ,t. I, p. 102-116: 02 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. tales que soulèvent les prodigieux développements de l’indus- trie et du commerce. La Société industrielle de Mulhouse et son honorable Président, M. Émile Dollfus, qui s'étaient associés avec un empressement tout à fait patriolique aux travaux préparatoires de la Session, et dont les membresont contribué pour une part si importante à son succès , avaient invilé, avec une bienveillante insistance, MM. les membres du Congrès à venir visiter leur ville, où ils leur avaient pré- paré l’accueil le plus gracieux. Cette excursion , fixée au lundi 10 octobre, lendemain de la clôture des séances, a été favorisée par un temps magni- fique. Environ quatre-vingts membres du Congrès y ont pris part. Le convoi quitta la station de Kænigshoffen dès six heures du matin. Les étrangers ont été frappés de la magnificence du spec- tacle que déroulait à leurs yeux cette belle chaîne des Vosges couronnée de vieux châteaux et que dorait le plus beau soleil du man. À neuf heures et demie , le convoi est arrivé à Dornach, où MM. les délégués de la Société industrielle, ayant à leur tête M. Émile Dollfus, ont recu les membres du Gongrès avec la plus franche cordialité. On se rendit immédiatement dans le grand et bel établissement de filature, tissage et impri- merie de MM. Dollfus, Mieg et comp., que les assistants vi- sitèrent avec le plus vif intérêt. Le cortége se réunit ensuite à Mulhouse dans les bâtiments de la Société industrielle , dont le riche et vaste local est en grande partie occupé par des collections d'histoire naturelle et d'objets d'industrie. Un des plus curieux est la série non interrompue des produits de l’industrie cotonnière depuis 1767 jusqu’à nos jours. A midi, un déjeuner splendide, qui faisait honneur à ses or- donnateurs, élait servi à l’Hôtel-de-Paris. Dans un très-beau salon était dressée une table de cent trente couverts. Des Loasts portés par MM. Émile Dollfus, de Caumont , Hepp, Jul- lien de Paris, Mayer de Livourne, de Lavallette de Paris, Daguet de Fribourg, furent accueillis par les plus vives ac- clamalions, Vers deux heures, le cortége retourna dans les bâtiments al PERS, 2e sr DIXIÈME SESSION 505 de la Société industrielle. Du haut de la plate-forme de ce bâtimeut on jouit du ravissant coup d'œil de la ville de Mul- house et de ses environs. De là on se rendit dans les ateliers de constructions mé- caniques de M. André Kæchlin et de M. Meyer, qui riva- iisent avec les plus beaux établissements de ce genre en An- gleterre. En quittant ces admirahles usines on aila visiter une filature de lin, et enfin les beaux ateliers du chemin de fer. M. Polonceau, l’un des directeurs , fit exécuter par une loco- motive avec son tender diverses évolutions très-intéressantes. Au moment de l’arrivée du convoi de départ devant les ateliers du chemin de fer, une pensée commune animait tous les assistants, c'était celle de la plus vive reconnaissance pour MM. les commissaires de Mulhouse, qui avaient procuré aux membres du Congrès une si belle et si intéressante journée. L'autorité militaire n’avait pas voulu rester indifférente au mouvement qui aniwait loute la cité. On sait que l’armée française n’est étrangère à aucune des nobles passions de l’époque. M. le lieutenant-général baron Buchet, avec le plus gracieux empressement , a offert aux étrangers et aux natio- naux le spectacle des exercices du gymnase divisionnaire dirigé par M. le capitaine Boullanger, et les pompes guerrières d’une grande revue. Sous le mobile éclat des armes et des évolutions, les savants aimaient à retrouver la science qui multiplie la force , et devient la sauvegarde de la civilisation. Cependant la ville prenait tous les jours sa robe de fête : aux illuminations succédaient les banquets, les bals et les concerts. Chaque soir étaient ouverts aux membres du Con- grès les vastes salons du Château , ces appartementssi riches, si élégants encore, malgré les dégradations du temps. Il semble même que leur parure, jadis trop coquette, soit de- venue plus respectable en se fanant. Les fresques et les do- rures du dix-huitlième siècle se mariaient heureusement aux fêtes de la science. Des dames patronesses et des com- missaires adjoints faisaient aux étrangers les honneurs de ces réunions, d'autant plus agréables qu’elles étaient sans apprêts. La soirée s’ouvrait d'ordinaire par des conversa- tions d’abord timides, bientôt plus animées , qui continuaient 504 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. sur un ton plus léger les discussions du jour. En se mêlant à ces entretiens, les femmes y ajoutent toujours un charme et une finesse d’aperçu qui en rehaussent le prix. Toutefois de trop longues causeries ont leurs inconvénients; d’agréables intermèdes en rompaient la monotonie : c’étaient des vers presque improvisés, ou bien une séance de déclamation; d’au- tres fois, le chant, la musique; plus souvent la danse, Entre ces réunions, trois surtout ont été signalées par ce goût, celte élégance et cet entrain de bon ton qu’on ne ren- contre que dans une assemblée d’élite. Nous voulons parler de la réception du 1° octobre à la Mairie, de la soirée du 3 au Château, et du grand bal donné au théâtre le 6. La salle, élégamment décorée , offrait un aspect vraiment féerique. Ce décor, concu et exécuté par M. Schæffer , lui a valu tous les suffrages. Qu’on se figure en effet toutes les loges converties en autant de boudoirs par des tentures à riche dessin, blanc et bleu tendre, et ornées de fraîches guirlandes. De pareilles tentures drapaient les deux côtés de la scène, où quinze glaces immenses multipliaient l’éclat et le mouve- ment de celte délicieuse soirée. Au fond s'élevait un nom- breux orchestre dirigé par l’archet magique de Waldteufel. Sous lestrade des musiciens était disposé un frais berceau d’arbustes et de fleurs. Un magnifique éclairage inondait de lumière la vaste salle, le foyer et les deux salons attenants. La veille avait eu lieu le banquet du Congrès. Gomme cette solennité vraiment dramatique nous paraît résumer l’es- prit de fraternité dans la science, qui, pendant toute la durée du Congrès , a fait taire les vieilles rivalités nationales , nous croyons devoir la présenter naïvement dans tous ses détails. Ce banquet, présidé par M. de Caumont, eut lieu à cinq heures et demie du soir, dans la grande salle à manger du Château; cent vingt-sept membres du Congrès y ont pris part. M. le lieutenant-général Buchet , commandant la 5° di- vision militaire; M. Sers, préfet du Bas-Rhin; M. le général Mangin, commandant le département, et M. Schützenberger, maire de Strasbourg, y ont assisté. La salle était ornée de vingt et un écussons entourés de drapeaux. Sur neuf de ces écussons étaient inscrits les noms des neuf villes de France où se sont tenues les neuf pre- ed. DIXIÈME SESSION. 505 mières Sessions du Gongrès!; sur huit autres, l'énoncé des huit Sections du Congrès de Strasbourg; enfin, sur les quatre derniers , diverses inscriplions de circonstance. La table a été somptueusement servie par M. Lips , res- taurateur, Une musique, placée dans l’antichambre de la salle à manger, contribuait à animer la fête. Le premier toast a été porté par M. le slt a Buchet : «Au Roi, protecteur des sciences et des arts! Deuxième toast, par M. le professeur Hepp, Secrétaire gé- néral du Congrès : «A M, de Caumont, Président du Congrès, fondateur des Congrès scientifiques de France! «A l’homme de science, de patriotisme et d'énergie qui a su accli- mater en France une institution destinée à exercer la plus puissante et la plus salutaire influence sur le développement intellectuel et moral de notre pays. GA l’homme qui, par son zèle infatigable, a triomphé de tous les obsta- cles, qui, par l’aménitéde son caractère, s Co El appui empressé de tous les hommes dévoués au progrés moral de notre temps; à l’homme qui a même su conquérir les sympathies de nos honorables voisins, et se poser auprès d'eux comme missionnaire de la civilisation et du rap- prochement intellectuel des peuples. Notre reconnaissance sincère et profonde lui est engagée à jamais, et le souvenir du Congrès de Stras- bourg se confondra dans nos cœurs avec les sentiments d’affection et de sympathie que nous avons voués à son honorable président. « Honneur à M. de Caumont!» M. de Caumont, Président du Congrès, a répondu en ces termes : MESSIEURS, «Je suis profondément touché de la sympathie que vous avez montrée pour l'institution du Congrès que j’essayai d'introduire en France, il y a quelques années, avec le concours de plusieurs honorables savants qui siégent dans cette enceinte : j’éprouve le besoin de vous en exprimer lous mes remerciments. | «Le Congrès a déjà rendu de grands services; il a donné une grande Ce sont, d’après l’ordre chronologique , les villes de Caen, Poitiers, Douai , Blois, Metz, Clermont-Ferrand, le Mans, Besancon, Lyon. 506 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. impulsion aux recherches scientifiques, une nouvelle vie aux travaux littéraires, dans les contrées où ses sessions ont eu lieu. «Mais , Messieurs, jamais dans aucun pays l'institution n'avait élé aussi bien comprise, aussi justement appréciée que dans la ville de Strasbourg, jamais elle n'avait obtenu un concours plus franc ni plus général. «Le Congrès de Strasbourg a réuni non-seulement l'élite de la po pulation de l’Alsace et des autres provinces francaises, mais encore de l'Allemagne, de la Russie, de la Suisse, de l’Italie, de l’Autriche, de l'Angleterre, de la Prusse , de la Belgique , etc. Ce concours aduirable des nations européennes les plus éclairées donne à la dixième Session du Congrès un caractère de grandeur qui assure à jamais l'avenir de l'institution. «Ce résultat immense est dù surtout, Messieurs, à un homme, qui, par son zèle, son tact, sa haute capacité, a su conduire à à si bonne fin la dixième Session du Congrès, à votre Secrétaire général , M. Hepp. «Par lui, Messieurs , tout a été admirablement organisé, et l'appel si noblement exprimé par lui au nom du Congrès, a excité toutes les Sy mpathies : : ainsi, Messieurs, le succès si remarquable obtenu cette année est dû aux efforts de M. Hepp et des honorables coopérateurs qui l'ont secondé. «En portant ce toast à M. Hepp, je ne fais qu’être l'interprète des sentiments unanimes du Congrès, que m'acquitter avec vous de la dette que nous avons tous contractée envers l'honorable Secrétaire gé- néral du Congrès de Strasbourg, à M. Hepp! » M. Hepp ayant de nouveau pris la parole , a dit : «C’est avec une vive émotion que j'essaye de répondre aux paroles bienveillantes et flatteuses de M. le Président. Elles m'inspirent un profond sentiment de gratitude, mais elles m'imposent en même temps l'obligation de reporter à mes honorables collaborateurs une grande partie de l'honneur du succès. Si l'invitation à la dixième Session du Congrès scientifique a rencontré une vive sympathie tant en France que ‘dans les pays étrangers, c’est sans doute à la vieille et belle répu- tation des établissements littéraires de notre cité et à sa situation cen- trale qu'il convient avant tout d’en attribuer le mérite. Mais l'excellent esprit qui a présidé au choix de MM. les Secrétaires, le zèle soutenu avec lequel ils se sont consacrés à leurs difficiles et importants travaux, et l'intérêt populaire que le Congrès a su exciter, étaient autant de puissants, d’infaillibles moyens de succès. Si l'appel fait aux savants français et étrangers a été accueilli avec un empressement dont nous nous honorerons à jamais, c'est à ces hommes zélés et généreux qu'il convient d’en reporter le mérite, et celui qui parle est heureux de leur exprimer sa respectueuse reconnaissance pour la preuve signalée de bienveillance et d'estime qu’ils ont bien voulu donner à la belle institu- tion du Congrès scientifique de France et à une population qui s'y est montrée si sensible et si reconnaissante. » Arroes,. DIXIÈME SESSION. : 507 Troisième toast, par M. Bærsch, membre du Conseil mu- nicipal, Secrétaire de la quatrième Section : «MESSIEURS, «Si la solennité scientifique quinous réunit depuis plusieurs jours doit exercer une heureuse influence sur les rapports individuels des hommes qui cullivent dans différentes directions le vaste champ de la science, elle doit produire aussi des résultats plus étendus, plus généraux, sur les rapports des deux grandes nations qui se tendent la main d’une rive du Rhin à l’autre, de l'Allemagne et de la France. « Trop souvent elles se sont laissé exciter l’une contre l’autre par de déplorables passions, par des haines qu’exploitaient des ambitions étrangères; trop souvent elles ont oublié la mission providentielle qui leur est assignée à toutes deux dans le pénible travail de la civilisation ; trop souvent elles ont méconnu ce qu’il y aurait d'éléments de force et de progrès dans leur union intime, dans une association sincère et sans arrière-pensée, qui, laissant à chacune sa liberté d'action, lui facilite- rait l’accomplissement de sa vocation spéciale : à l'Allemagne la patiente et savante élaboration des grandes pensées, à la France l'initiative au- dacieuse de toutes les conquêtes nouvelles dans le domaine pratique; à l'Allemagne la fonction de la têle dans la société moderne, à la France la fonction du cœur. «C'est qu'aussi, il faut bien le dire, l'Allemagne et la France ne se sont guère rencontrées jusqu'ici que sur les champs de bataille ; elles ne se sont vues de près qu’à travers la fumée de la poudre et le feu des ca- nons ; elles n’ont, dans leur passé, d’autres souvenirs communs que des souvenirs de luttes et de combats; et le Rhin, qui fut le témoin de tant de guerres acharnées entre les deux peuples, doit s'étonner au- jourd’hui de ne plus entendre sur ses bords le cliquetis de la guerre , et de voir les bateaux à vapeur, ces grands agents de concorde et de fraternité, sillonner ses eaux, et aborder successivement aux deux rives, comme si elles étaient habitées par deux peuples de frères. «Aujourd’hui, pour la première fois, la France et l'Allemagne se sont rencontrées sur un champ de bataille pacifique; elles se sont rap- prochées dans le domaine de la science; elles se sont vues face à face, sans haine, sans prévention, sans préjugés. Elles se sont toisées; elles ont pu se juger l’une l’autre; et , je ne crains pas de le dire, elles ont. pu apprendre à s'apprécier, à s’estimer réciproquement ; elles ont pu reconnaître ce qu’il y a d’affinité dans le génie des deux nations, sous des formes différentes , ce qu’il y a d'attraction mutuelle. QI! y a longtemps qu’on a dit que Strasbourg est le pont destiné à joindre la France et l'Allemagne. Plaise à Dieu que cette prophétie se soit enfin réalisée! Plaise à Dieu que la réunion actuelle soit l'aurore de cette nouvelle ère! «Oui , vous tous, nos hôtes d'Allemagne, vous qui êtes les délégués 508 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. et les représentants de tant de corps savants et de cités, quand vous aurez quitté Strasbourg, si heureuse de vous avoir accueillis dans son sein, Strasbourg que vous aimez encore comme un beau joyau tombé de la couronne germanique , vous direz à vos compatriotes quelle vive sympathie vous avez trouvée au milieu de nous. Vous leur direz que cette belle et noble France n’est pas un foyer de vices et de perversité, de charlatanisme et de mensonge, comme on la dépeint au dehors dans des vues intéressées; qu’elle n’est point tourmentée d’un sauvage désir de guerres ef de sanglantes conquêtes, menaçant sans cesse de déborder sur l'Europe comme un impétueux torrent. Vous leur direz que vous avez trouvé parmi nous aussi de nobles passions et des sentiments géné- reux , des sentiments de concorde et de fraternité , le dévouement pour tout ce qui est beau, grand, utile à l'humanité. Vous leur direz que nous vous avons tendu cordialement la main, el que nous vous avons dit : «Soyez désormais nos frères, comme nous serons les vôtres. » «Vous leur direz surtout tout ce qu’il y a encore de bonne et vieille affection dans notre Alsace pour l'Allemagne. Souvent encore nous tournons nos regards vers elle; mais ce ne sont pas les regards de regret de l'enfant arraché à la maison paternelle et qui pleure son exil : c’est plutôt, permettez-moi la comparaison, c'est plutôt le regard d'affection dont la jeune épouse salue encore le toit de sa mère, heu- reuse du toit nouveau qui l’abrite et du nom de son époux qu'elle porte avec orgueil. » «A l'union de l'Allemagne et de la France!» Quatrième toast, en langue allemande, par M. Ernest- Émile Hoffmann, conseiller municipal de Darmstadit : D «Môge Frankreich, dessen Institutionen gleich einem neuen Leben die Vülker durchdrungen, das durch seine vortreffliche Gesetzgebung der Welt unendlichen Nutzen gebracht, dessen Gesetz in Betreff des Gemeinde-Rechnungswesens in vielen deutschen Gauen einen neuen Zeïtabschnitt in der Gemeinde-Verwaltung begründet hat, — ich sage, môge dieses Frankreïch als Freund Deutschlands gross und glüeklich seyn , und mûüge nie mehr eine Zeit erscheinen, wo Frankreich und Deutschland einander feindlich gegenüber stehen! Auf dieses hoffend, schlage ich vor, auf das Glück Frankreichs , das uns Fremde so freund- lich aufnahm , und das in neuester Zeit Hamburgs Leiden so bedeutend durch seine grossen Gaben milderte, als Freund Deutschlands ein Eebe- hoch auszubringen. » \ En voici la traduction : «La France a , par ses institutions, donné une nouvelle vie aux peu- ples; son excellente législation a été utile au monde entier; ses lois sur la comptabilité communale ont fondé, pour beaucoup de parties de l'Allemagne, une nouvelle ère dans l'administration des communes. et PRE Ce dot à ons DIXIÈME SESSION. 509 «Puisse celte France, amie de l'Allemagne, être grande et heu- reuse! Puissions-nous ne jamais revoir un temps où la France et l'AI- lemagne seraient hostiles lune à l'autre! «Dans cet espoir, je propose un toast au bonheur de la France, qui nous a reçus si amicalement, et qui, par ses riches dons, a contribué d’une manière si efficace à adoucir les souffrances de Hambourg. » Cinquième toast, par M. le baron Wedekind, conseiller supérieur de l’administration générale des eaux et forêts du grand-duché de Hesse, à Darmstadt : «Le Congrès scientifique de France a ouvert ses rangs aux étrangers. Par là déjà vous avez prouvé que rien ne vous est étranger sur le ter- rain de la-science; vous avez demontré que le règne intellectuel em— : brasse l'humanité entière, et que toutes les nations de l'univers, unies par ce lien commun , doivent non-seulement apprendre à se connaître les unes les autres , mais encore s’entr’aider dans leur développement et leur perfectionnement. La différence des pays et des événements historiques, ainsi que les besoins de l’administration, exigent que le genre humain se divise en groupes séparés pour le règlement des af- faires politiques et économiques. Mais vous, Messieurs, vous nous avez fait voir, par votre bienveillante invitation et votre cordial accueil , que la division du globe en provinces et en pays divers n’a point détruit le lien général. «Plus la civilisation avance et progresse, plus le cercle des commu nautés humaines croît et s'étend, plus aussi nous sentons le besoin de voir le genre humain former spirituellement et scientifiquement un ensemble d'intelligences. C’est dans ce sens que je rends hommage au cosmopolitisme, sans renoncer pour cela à mon amour pour la patrie, sans cesser d'être fier d'appartenir à ce groupe RE va de l'humanité qui s'appelle la nation germanique. «A quelque groupe que nous appartenions, nous participons tous médiatement aux progrès de la prospérité et des lumières de chaque autre groupe, mais ces progrès nous profitent surtout lorsqu'ils se ma- nifestent plus près de nous. Ainsi l'intérêt matériel vient se joindre à l'intérêt moral, pour cimenter entre l'Allemagne et la France cétte alliance que fonda autrefois la fusion des Gaulois et des Francs, qui a produit la noble nation française ; cette alliance qui répondraït égale- ment aux vœux et aux intérêts des deux nations, s’il leur fallait un jour repousser en commun les prétentions de FOuest maritime ou de FEst septentrional. «Mais revenons à la source de tous ces sentiments, et laissez-moi rendre hommage à cette bienveillance avec laquelle vous nous avez per- mis de prendre part à vos travaux, ainsi qu'à cet esprit d’hospitalité dont vous et cette illustre cité nous avez donné tant de preuves. Veuillez agréer nos vifs remerciments , et croire que l'impression de notre sé— jour en cette ville et le souvenir des relations 1 nous y avons {trouvées ne s’effaceront jamais de notre cœur. 510 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. _«J'invite donc l'honorable assemblée, et principalement mes compa- triotes , à s'unir à ce toast sincère : « Vive l'alliance spirituelle el intel- lectuelle des nations! Vive la cité où elle a pris un nouvel élan!» M. Schützenberger, maire de Strasbourg , a répondu en langue allemande : «Sie haben uns in Frankreichs Sprache einen Toast auf Frankreichs Wohl mit offener Herzlichkeit zugebracht. Es sei mir vergünnt Ihnen in Jhrer eigenen Mundart einige Worte zu erwiedern , und Ihnen aus- zudrücken welchen Anklang die edlen Gesinnungen, die würdigen Ge- fübhle nicht bloss in diesem Kreise gefunden , sondern auch ausserbalb, nicht bloss in unserm mit Deutschland altverwandten Elsass , sondern auch in Frankreich finden werden! «Wir alle theilen den Wunsch und die Hoffaung, welche Sieso kräftig ausgesprochen. Môge ein immer innigeres Band Deutschland und Frankreich verknüpfen ! Mügen beide Nationen sich immer mehr und näher kennen, und sich gegenseilig immer vorurtheilsfreier würdigen, môüge jede nach ihrem Charakter , nach ihrem eigenen Sinn und We- sen auf der Babn fortschreiten, welche die Vorsehung ihr angewiesen. Ein gegenseitiges Band immer inniger werdender Achtung wird auch daun sie immer näher verbinden! «Glauben Sie es, mit dem hôchsten Interesse folgen wir den gross- artigen und ernsten Bestrebungen deutscher Wissenschaft, welche mit soausgezeichneter Gewissenhaftigkeit und so fester Beharrlichkeit nach Wahrheit, dem hôchsten Ziel alles menschlichen Wissens in allen Fä— chern anstrebt. « Schon lange sind die Vorurtheile, welche frühern Zeiteñ angehô- ren , aus dem Sinn beider Vülker verschwunden, und auch ihre letzten Spuren wird ihre immer fortschreitende Bildung verwischen. Wir hof- fen , wir glauben, wir wünschen es! «Was früher die Vülker trennte, Verschiedenheit der Sprache, der Bedürfnisse, der Sitten und des Charakters , wird künftighin eher sie vereinigen denn sie scheiden , denn sie werden es immer mebr und mehr fühlen und erkennen, dass die Mitglieder der grossen europäischen Vôl- kerfamilie gegenseitig ihr Wesen zu ergänzen haben, und dass nur ihr gemeinsames Streben alle die schwierigen Fragen aufzulôsen vermag , welche die fortschreitende Menschheit auf ihrer Bildungsbabn vor-— findet. «Es sei mir demnach wergôünnt Ihrem freundschaftlichen Zuruf, hoch tebe Frankreich! mit dem gleich herzlichen Zuruf zu antworten : hoch lebe Deutschland!» En voici la traduction : « Vous nous avez porté en langue française un toast cordial à la pros- périté de la France. Qu'il me soit permis d'emprunter votre propre langue pour vous exprimer combien ces nobles sentiments, ces idées DIXIÈME SESSION. 541 généreuses ont trouvé d'écho dans cette assemblée, combien ils en trou- veront aussi au dehors, non-seulement dans notre Alsace, cette an- cienne parente de l'Allemagne, mais encore dans la France entière. «Nous partageons tous le vœu et l'espoir que vous avez exprimé si énergiquement. Puisse un lien toujours plus intime unir l'Allemagne et la France! Puissent les deux nations apprendre à se connaître de mieux en mieux et s’apprécier l’une l’autre avec un esprit dégagé des vieux préjugés; puisse chacune d’elles, fidèle à son caractère et en sui- vant les tendances de son génie propre, marcher en avant dans la voie que la Providence lui a tracée! Le lien d’estime réciproque qui naîtra de relations chaque jour plus intimes, ne pourra que fortifier l’union entre les deux peuples. «Croyez-le bien, c’est avec le plus vif intérêt que nous suivons de l’œil ces nobles et grandioses efforts de la science allemande, cette cons- ciencieuse et énergique persévérance à arriver à la vérité, but suprême de tout savoir humain. «Depuis longtemps déjà les préjugés des vieux temps se sont effacés de l'esprit des deux peuples ; le progrès ne tardera pas à en faire dispa- raitre les derniers vestiges. C’est là notre espoir, notre foi, notre désir! «Tout ce qui tendait autrefois à diviser les peuples, la différence du langage, des besoins, des mœurs et du caractère, aura désormais pour effet de les rapprocher plutôt que de les séparer; car ils reconnaîtront chaque jour davantage que les membres de la grande famille euro- péenne doivent contribuer réciproquement à leur amélioration, et qu'une communauté d'efforts est seule capable de les amener à la so- lution des questions ardues que l'humanité rencontre à cou pas dans la carrière du progrès. «Qu'il me soit donc permis, en réponse à votre Fu toast à la France, de porter un toast non moins cordial à !’Allemagne. » Sixième toast, par M. de Pompéry, de Paris : «Aux habitants de Strasbourg ! «A leur gracieuse hospitalité, aussi affable qu'éclairée! «L'institution des congrès scientifiques en France recoit par ce noble et intelligent accueil une nouvelle force et une nouvelle vie. Je suis cer- tain de n’exprimer que bien faiblement ici les sentiments de sympathie et de profonde RL ns qui animent tous les membres étrangers du Congrès. «A la bonne ville Fr Strasbourg et à ses honorables habitants hospi- taliers! » Septième toast, par M. Lortet, docteur en médecine, à Lyon : «Notre célèbre naturaliste Élie de Beaumont , impartial comme la science, a dit dans sa Description géologique de la France : «Le Rhin, 542 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. «fleuve navigable, est destiné à réunir les populations qui couvrent ses «deux rives, bien plutôt qu'à les diviser. La belle plaine qui s’élend «de Bâle à Mayence forme une des régions les plus naturelles, et faire «une frontière de ce fleuve, c'est détruire ce que la nature avait uni. » «Qui, cette belle vallée qui a donné au monde Erwin, Gutenberg et Cuvier, est ouverte aux rapports industriels et scientifiqués des peuples. «Les inondations du Rhône cet l'incendie de Hambourg ont habitué ces deux sœurs, l'Allemagne et la France, à une assistance mutuelle dans le malheur. «Aujourd'hui elles ne veulent plus lutter que pour le bien-être de l'humanité et la propagation des connaissances humaines. «A la prospérité croissante de l'Allemagne et de la France, qu’elles continuent à éclairer le monde comme les deux brillantes constellations de la science! » Après ces Loasts officiels, arrêtés d'avance , les toasts sui- vants ont encore élé portés : Par M. Daguet, professeur à Fribourg (en Suisse) : «Les grandes nations ont porté leurs toasts. Mais il est encore un peuple dont le nom n’a pas été prononcé; petit peuple de deux millions d'hommes, il est vrai, mais de cinq cents ans de liberté, et dont l'in dépendance ne tombera qu'avec ses montagnes ; le peuple suisse a été représenté au Congrés. (Ici l'orateur est interrompu par une voix qui s’écrie : Le peuple suisse est allemand.) «Le peuple suisse n’est pas allemand. El est allemand, oui, en grande partie par la langue, par les mœurs, par les sympathies. Mais politi- quement parlant, le peuple suisse est une nation souveraine. Elle n'ap- partient à personne. Elle n’est ni française ni allemande! Elle est elle! Et si jamais Français ou Allemand voulait s'imposer à elle, elle retrou— _verait un Guillaume Tell. «Mais si la Suisse a un cœur libre, elle a un cœur aussi pour sentir les bienfaits. Merci à vous, Français, nation généreuse qui nous avez reçus avec tant de bienveillance et au milieu desquels nous avons pu faire entendre notre voix ! Merci à vous, savants de l'Allemagne, qui nous avez éclairés par vos travaux! Merci à vous, Italiens, hommes de cœur et ognor frementi.…… «A vous, vieux Strasbourgeois! avez-vous oublié l'amitié, la eon- fraternité qui vous unissait à la confédération des montagnes dès le quinzième et le seizième siècle ? Avez-vous oublié ces jours où la Suisse accourait à vos tirs, à vos fêtes ? «A vous tous, Français, Allemands, Strasbourgeois, je porte un toast, au nom de la Suisse, du fond de mon âme, du fond des mes en- trailles ! » DIXIÈME SESSION. 515 M. Schützenberger, maire de Strasbourg , à répondu : «Un membre du Congrès vient d'exprimer avec chaleur de généreux sentiments, de nobles pensées. Il a parlé au nom de ses compatriotes helvétiques; il a fait un appel à nos souvenirs. Ses éloquentes paroles retentissent encore dans nos cœurs. «Al a demandé si nous avions donc oublié en Alsace, à Strasbourg, les rapports de bonne amitié et d'alliance qui durant tant de siècles | ont uni notre cité et les villes de la fédération helvétique. «Des souvenirs de cette nature ne s’effacent point de la mémoire des peuples. Notre vieille cité se plaît à conserver la mémoire du passé ; elle en est fière et glorieuse. , a «Non! nous n’avons point oublié la vieille amitié de nos pères ; la cordialité avec laquelle nous vous recevons en est un gage. Non! nous n’avons point oublié que le sang suisse et strasbourgéois s’est mêlé sur maint champ de bataille. Nous connaissons tous le fait auquel vous avez fait allusion; nous connaissons le gage que les fidèles alliés de Zurich donnèrent à nos pères, pour leur prouver avec quellé promptitude ils sauraient se joindre à eux pour défendre leurs droits et leur berté au jour du danger. «Aujourd’hui, comme jadis, là nation helvétique a toutes nos sym- pathies, et nous unissons de cœur nos vœux à ceux qui viennent d'être exprimés avec tant d'énergie. ; : «Ce n’est pas un petit peuple celui qui à su conserver au milieu de tant de luttes et de révolutions sa nationalité, ses institutions ; Sa liberté, ses mœurs. Le courage qu'ont déployé les fédérés aux journées de Granson, de Morat, sur la Bierre, sur tant d’autres champs de bataille, ne ferait pas défaut à leurs descendants. «Mais, il faut l’espérer, les peuples n'auront plus à sé défendre contre d'injustes agressions, et l’esprit inquiet des conquêtes a fait place à des tendances plus nobles et plus généreuses. L'indépendance des peuples sera respectée de nation à nation , et la liberté de la Suisse durera au tant que ses montagnes! , « Les temps sont passés où les peuples ne sé rencontraient que sur un champ de bataille. Le commerce, l'industrie, les arts, la science ; tous les nobles éléments de la civilisation, multiplient les liens qui les unissent, et qu’une appréciation mutuelle ne pourra que resserrer da- Yantage encore. «Chaque nation conservera son caractère et développera son génie ; chacune respectera dans les autres ce qu’elle voudra qu’on respecte en elle-même. L’échange de plus en plus fréquent de leurs productions et de leurs pensées complétera leur existence respective. «Vive notre ancienne et fidèle alliée ! » M. le docieur Balocchi , délégué de l’Académie des Gévr- gophiles, de Florence, a porté en italien le Loast suivant : 33 BA14 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE.— DIXIÈME SESSION. «MESSIEURS, «Rappelez-vous que l'Italie, notre belle Italie, ne fut jamais en ar- rière d'aucune autre nation; qu’elle se trouva au contraire jadis à la têle de la civilisation. «Rappelez-vous son beau ciel d’azur ; sa température douce et se— reine, qui vivifie et féconde les intelligences les plus-froides. «Rappelez-vous ce peuple plein d'amour pour le progrès des sciences et des arts, qui fera toujours les vœux les plus ardents pour la prospé- rité des Congrès scientifiques, sources de paix et de science. Au nom des Italiens présents, pénétré de fa plus profonde gratitude pour le fraternel accueil que nous a fait la capitale de l'Alsace, cette ancienne Argentina où fut érigé, il y a déjà quelques siècles, un temple digne du Créateur, et où Gutenberg fit jaillir la principale source de tout sa- voir, j'adresse ici à la France et à l'Allemagne l'invitation solennelle de venir concourir aux travaux du Congrès qui se réunira dans la dernière moitié de septembre 1843 à Lucques, et de réaliser ainsi les espérances de tous les savants, qui désormais se considèrent comme membres d’une même famille, puisque la science est le patrimoine de tous. «Buvons donc, en signe de cordiale et fraternelle amitié, à l'union scientifique de la chaleureuse France, de la savante Allemagne et de la belle Italie.» Par M. Warnkænig , professeur à l’Université de Fribourg : «A M. le Maire de Strasbourg ! » Par M. le vicomte de Lavalette , rédacteur de l’Écho du monde savant , à Paris : «A MM. les Présidents et Secrétaires des Sections!» À huit heures on s’est levé de table pour passer dans les salons du Château, où se trouvait réuni un brillant cercle de dames. Des danses et des conversations ont terminé cette belle soirée. APPENDICE. L'impression des procès-verbaux des séances générales et des séances des huit Sections termine la publication des actes officiels du Congrès. Mais notre relation resterait incomplète si elle omettait de rendre comple soit des actes qui sont la conséquence directe des décisions du Congrès, soit des tra- vaux littéraires dont il est devenu l’occasion pour deux So- ciétés savantes, fondées par l’honorable M. de Caumont, Président du Congrès. Tel est le double objet de cet Appendice. Ï. PUBLICATIONS FAITES EN EXÉCUTION DES DÉCISIONS PRISES PAR LE CONGRÈS. A. Circulaire concernant la Société encyclopédique des bords du Rhin, créée par délibération du Congrès dans sa séance du 7 octobre 1842. MONSIEUR, Le Congrès scientifique de France, récemment réuni à Strasbourg, en sanctionnantune proposition émanée de sa sixième Section, a arrêté, dans sa séance du 7 octobre, la formation d’une Société encyclopédique des bords du Rhin, et a chargé ses Sections de nommer les membres de la Commission d'organisation de cette Société 1, -: Les Sections ont désigné comme membres de la Commission, savoir: La première, MM. Fée, professeur à la Faculté de Médecine et à l'hôpital militaire d'instruction ; DE Bizzy, ingénieur en chef des mines ; LEREBOULLET, professeur à la Faculté des Sciences. La troisième , MM. ForGer et EHRMANN , professeurs à la Faculté de Méde- cine ; STOEBER, professeur agrégé à la même faculté. La quatrième , MM. Herr, profes- seur à la Faculté de Droit; Coururar, ingénieur en chef des travaux du Rhin ; BoERsCE, adjoint au maire de Strasbourg. La cinquième , MM. Baum, professeur adjoint au Sé- minaire protestant ; Reuss, professeur à la Faculté de Théologie; L. Sracx , archiviste du département. La sixième, MM. Wrzim, inspecteur de l’Académie; Buss, profes- seur des sciences politiques à l’Université de Fribourg (Bade) ; Escæeacx , professeur suppléant à la Faculté de Droit. La septième, MM. Deccasso , doyen de la Faculté des Lettres, BeRGMaANN, professeur à la même Faculté; BoissARD, aumônier au Collége royal. Les deuxième et huitième Sections n’ont point nommé leurs commissaires, parce qu’elles avaient clos leurs séances dès le 8 octobre, 39. 516 APPENDICE. Cette Commission, s'inspirant des considérations par lesquelles la création de cette Société avait été motivée dans le sein du Congrès, et jalouse de s'acquitter dignement de la mission dont elle a été investie , en a fait l’objet de ses plus sérieuses méditations. Elle ne s’est dissimulé ni les difficultés, ni la grandeur de sa tâche ; vous en trouverez la preuve dans la lenteur de ses délibérations , non moins que dans la légitime hésitation qu’elle met à vous en soumettre les résultats, avec le désir bien sincère de s’éclairer de vos conseils et de vos lumières !. ? Nous croyons faire un acte de légitime déférence envers les honorables membres étrangers du Congrès, ct satisfaire autant qu'il est en nous au regret manifesté par ses membres allemands, que la Circulaire n'ait pas été accompagnée d’une traduction, en transcrivant ci-dessus en note un article publié à l’occasion de la polémique suscitée dans les journaux allemands sur certains passages de la Circulaire, et notamment sur le choix exclusif de la langue française, proposé par la Commission, pour les futures publications de la Société. Cet article a le double objet d'interpréter la Circulaire et de justifier les opérations de la Commission contre les imputations dont on n’a pas craint de la charger dans certains journaux étrangers. Enfin, il fait un nouvel et cordial appel aux sympa- thies morales et littéraires de nos honorables voisins. Strassburg , Herbstmonat 4845. Das Rundschreiben zur Bildung des von dem Strassburger Gongresse beschlossenen wissenschaftlichen Vereins der beiden Rheinufer hat zwar von Seiten ausgezeichneter Mænner Deutschlands und Frank- reichs die wohlwollendste Aufnahme gefunden , ist aber auch in einigen deufschen Zeitungen zum Ge- genstande von Anfeindungen geworden, die nur auf Missverstændniss beruhen ; und zum Verfasser sicherlich keinen der Gelehrten haben kœnnen , welche den Versammlungen des Gongresses in Strass- burg beigewohnt haben. Denn wer Zeuge war dés Woblwollens und der freudigen Achtung, womit fremde und einheimische Gelehrte dort einander entgegenkamen, wer Gelegenheït hatte zu sehen , zu bewundern , wie während der ganzen Dauer der Zuzammenkunft auch nicht der leiseste Missklang vor- gefasster Abneïgung von Volk zu Volk sich vernehmen liess ; wer die vollkommene Gleichstellung be- merkte , die der Sprache, wie der Wissenschaft und den Uelerzeugungen eines Jeden gesichert war ; wie beïde Hauptvælker sich gleichsam um die Ebre edler Zuvorkommenheit stritten ; und wie laut sich der Wunsch aussprach , durch œfteres geregeltes Zusammentreffen auf dem Gebiete des geistigen Aus- tausches die gepflogenen Verbindungen enger zu knüpfen : wer alles diess mit erlebte , wer mit em- pfand , wie sich diéss wohlthuende Verhæltniss so einfach; so natürlich entwickelte , dem war es klar, dass es durch die Gunst der Qmstænde dem Strassburger-Gelehrten-Vereine vorbehalten war, den that- sæchlichen, augenfælligen Beweis zu liefern, wie es nun endlich nicht mehr an der Zeit seï , durch Auf- frischung veralteter Vorurtheile zu neuer Entfremdung , zu neuem Hasse die zwei hochgebildetsten Vœlker Europa’s anzufeuern, in denen das unvertilgbare Bewusstsein lebt ; ihnen sei in der Geschichte wie in der Zukunft von der Vorsehung der hobe Beruf geworden, als kraftvolle Træger der Gesittung in der Wissenschaft wie im Leben durch gemeinsame Bestrebung Wahrheit und Recht, Gesetz und Ordnung , Licht und Freiheit, Erieden und Woblstand , Religion und Humanitæt zu allgemeiner Aner- kennung und dauernder Herrschaft zu bringen. Wir werden daher lediglich bei der Beleuchtang solcher Einwürfe verweilen , deren Gründe tiefer als in leidenschaftlichem Verurtheil liegen. Der Gedanke der Gründung einer bleibenden Verbindung zwischen den Gelehrten der beïden grossen am Rheinstrom sich berührenden Vælker entstand um so einfacher und natürlieher, als schon seit længern Jahren die rheinischen Stwdte, mit Strassburg im Bunde, einen Künstlerverein gegründet haben, der den freudigsten Fortgang nimmt. Strassburgs wissenschafiliche Bestimmung weiset durch seine geschichtlichen Verhæltnisse wie durch seine akademische Stellung gleichsam nothgedrungen auf den Zweck hin , den die encyclopædische Gesellschaft sich vorsetzt, — eine Lücke auszufüllen im Interesse, nicht der Elsæsser Gelehrten, sondern der deutschen und franzæsischen Wissenschaft , und der mofa- lischen und intelléktuellen Annæherung unter den Vælkern Central-Europa's. Auch ist der Plan der Gesellschaft in- und ausserhalb des Strassburger-Gelehrten-Vereins mit Feuer und Begeisterung von ausgezeichneten Mænnern jedes Landes und jeder Zunge ergriffen worden, Nur eine Aeusserung des Einladungsschreibens hat von Seiten trefflich gesinnter Mænner Widerspruch und Tadel hervorgerufen : es ist die vorgeschlagene Herausgabe einer Zeitschrift ausschliesslich in franzæsischer Sprache, — ein APPENDICE. 547 La Commission n’a pas pu se méprendre un seul instant sur le but que , dans les intentions du Congrès, la Société encyclopédique des bords du Rhin est destinée à atteindre. Les puissantes sympathies que Vorschlag , wodurch sie ebensowohl die deutsche Sprache, als den Einfluss deutscher Wissenschaft auf die Zwecke der Gesellschaft in den Hintergrund gestellt zu sehen glauben. Wir hoffen diesen Em- wurf nach allen Seïten siegreich zu widerlegen. Zuerst aber eine wesentliche Vorbemerkung. Der Congress sprach die Bildung unserer Gesellschaft erst in seiner allgemeinen Sitzung vom 7. Oktober aus; zwei Tage nachher frennte er sich. Die zweite und die achte Section hatten ihre Sitzungen schon vorher geschlossen , daher die sechs ihnen zustehen- den Mitglieder des Bildungsausschusses nicht ernannt. Aber selbst in andern Sectionen fiel die Wahl in die letzten Augenblicke des Zusammenseins, wo die Geschæfte und Vortræge sich drængten und schen viele Mitglieder abgereist waren. So geschah es, dass in mehreren Sectionen die Ausschuss- Glieder, statt durch ein Abstimmen der Versammlung , der Zeïtersparniss halber , kurzweg vom Præ- sidenten bezeichnet wurden. Hætte der Ausschuss gleich in den ersten Tagen des Congresses kænnen gebildet werden , so würde man bei seiner Zusammense{zang den næmlichen Grundsatz nachbarlicher Verschmelzung der Nationalitæten befolgt haben , der die Wahl der General- und Sections-Vorstænde leitete. So aber traf es sich, dass der Ausschuss nur ein einziges , nicht in Strassburg ansæssiges Mit- glied zæhlte, und dieses ist der beredte Antragsteller, ein Deutscher, Professor Buss aus Freiburg, welcher durch sein schriftlich eingesandtes Votum emen wirksamen Einfluss im Interesse deutscher Wissenschaft auszuüben sich hat angelegen sein lassen. Aus dieser Darstellung geht zur Genüge hervor , dass eïn unter solchen Umstænden gebildeter Aus- schuss sich als bloss mit einer vorlæufigen Berathung über die Bilduny der Gesellschaft beauftragt an- seen konnte, und nie hat er bei seinen Vorarbeïiten diesen Gesichtspunkt aus den Augen verloren. Dér Ausschuss konnte sich nur mit ganz allgemeïnen Vorfragen befassen , und musste die Entscheïdung selbst dieser den weitern Debatten der General-Versammlung vorbehalten, Und wenn sich das Rund- schreiben über die Læsung mehrerer Fragen speziell auslæsst , so mag diess allenfalls angesehen wer- den als die ausgesprochene Vorliebe des Schreibers oder wohl selbst des Ausschusses für gewisse Læ- sungén', kemeswegs aber als ein vorgreifender Ausspruch über Punkte , die ausser der Cumpetenz des Auschusses lagen. . Miele dieser Punkte sind nun schon von Seïten der beitreteuden Gelehrten aus Frankreichund Deutsch- land in Frage gestellt worden, wie z. B. die Wahl zwischen einer Zeitschrift oder einer Veræffent- lichung der Arbeiten in zwanglos zu erscheinenden Bænden ; — über die Zeit und Wiederkehr der Versammlungen , ob um Ostern oder im Herbst, ob alljæbrlich oder aber alle drei oder fünf Jahre ? — ob der Sitz derselben wechseln solle, und zwischen welchen Stædten? ob die Gesellschaft sich in ihren Arbeïten auf ein gewisses Feld beschrænken solle? — Ueber keinen dieser Punkte herrscht voll- kommne Binhelligkeit der Ansichten , und der Ausschuss, statt aller Einwendungen, fordert Jeden auf, seine Wünsche und Ueberzeugungen frei und offen auszusprechen , weil nur auf diesem Wege zu hoffen ist, zu freundlicher und woblwollender Einstimmung zu gelangen. Keiïn Punkt des Circulars ist indess so lebhaft und so mannigfaltig angefochten worden, als die unmass- gebliche Bestimmung in Hinsicht auf die Sprache , in welcher die Gesellschaft ihre Arbeiten veræffent- lichen würde. Pass der Ausschuss der franzæsischen Sprache den Vorzugg ab, würde sich zunæchst schon aus seiner Zusammensetzung erklæren , wenn nicht auch noch besondere, auf vollkommenster Achtung und ehrendster Anerkennang der deutschen Wissenschaft beruhende Gründe diese Wabhl empfohlen hætten, É Der deutsche Fleiss , die wissenschafiliche Regsamkeït der deutschen Gelebrten, læsst schon længst kaum eine enzige in Fraukreïch zu Tage gefærderte wissenschaftliche Forschung unberücksichtigt. Schon jetzt geschieht'es zuweilen , dass Frankreich durch Deutschland auf dis Wichtigkeit gewisser auf seinem Gebiete erzeugter wissenschafllicher Erscheinungen aufmerksam gemacht wird. Es kann als eine ausge- machte Thatsache angesehen werden , dass die meisten deutschen Gelehrten der franzæsischen Sprache hilænglich mæchtig sind, um mit Nutzen die franzæsischen auf ibr Fach bezüglichen Bücher zu lesen. Aber wie viel fehlt dazu , dass man ein Gleiches der Mechrzahl der franzæsischen Gelehrten nachrüh- men kœnne? Zwar sind hierin seit den letzten zwanig Jabren überraschende Fürtschritte gemacht worden, und die Verfügungen der obern Schulbehærde bürgen für die Zukunft. Aber die deutsche Sprache ist unstreitig die am schwersten zu erlernende unter allen neuern Sprachen , und es vergeht woblnoch eine geraume Zeit , bis die jetzigen Uebelstænde verschwunden sein werden. Die rheinische Gesellschaftkann sich daherweit weniger zum Ziele setzen, Deutschland mit franzæsischer Wissenschaft bekannt zu machen, als vielmebr der deutschen Wissenschaft einen græssern, geregelteren Eingang in Frankreïch zu verchaffen, und so einem grossen, in diesem Lande ticf gefühlten Bedürfnisse abzuhelfen, , . , D18 APPENDIGCE. la réunion du Congrès a fait éclater entre tant d'hommes de science et d'intelligence venus de tous les points de l'Europe, et l’utile échange d'idées qui s’est établi entre eux, ont fait ressortir la haute importance Und hierfur bietet Strassburg einen um so passendern Stützpunkt dur , als die dasigen Gelehrten ihre Verbindung mit den nahe gelegenen Haupt- und Universitæts-Stædten um so leichter pflegen kænnen , und anderer Seits alle ihre Verbindungen mit den Gelehrten Frankreichs, und namentlich mit jenen von Paris , sie auf die Nothwendigkeit hinweisen, reichere Stræme hit Wissens nach Frankreich zu leiten, Wa sie in dieser Richtung ihrer Thetigkeit bei denselben am meisten Anklang uud Unter- stützang EN Fügen wir noch hinzu , dass der Zugang zu den franzæsischen periodischen Schriften aus mancherlei Gründen æusserst RARE ist , und dass hinwiederum, wer bloss für Deutsche schreibt, bei der grossen Menge gediegener und weit verbreiteter deutscher Zeïtschriften, wobl nur ausnahms- weise der Veræffentlichungemittel der encyklopædischen Gesellschaft sich bedienen würde : so muss es ganz natur- und sachgemæss erscheinen , wenn wir den Wunsch ausdrückten , die Veræffentlichungen der Gesellschaft mæchten in franzæsischer Sprache sfatt finden. Wer aus Erfahrung weïss, wie es kaum ein mühevolleres , undankbareres Geschæft in der Gelehrten-Republik gibt , als das Uebersetzer-Ge- schæft, der wird die Bereitwilligkeit der Elsæsser Gelehrten zur Uebernahme einer solchen Bürde nicht missdeuten, Nach freimüthiger Darstellung der Gründe, welche im Ausschusse del Gesellschaft von Seiten der “ergebensten Freunde des deutschen Volkes LA der innigsten Verehrer deutscher Wissenschaft zur Be- gründung jenes Vorschlags gemacht wurden , fragen wir nun redlich und offen , ob dem Ausschusse in der Wahl der franzæsischen Sprache auch nur irgend ein unedler, Élbettehtiger Beweggrund vorge- worfen werden kœnne? Welche Stellung wird dadurch der deutschen Wissenschaft angewiesen ? Offen- bar die ehrenvollste , denn gerade in Anerkennung ihrer Wichtigkeit und der wohlthætigen Wirkungen, die von ihrem Einflusse erwartet werden , hat man auf die wirksamsten Mittel gesonnen, um sie, soviel es an der Gesellschaft ist, in Frankreich einzuführen und gleichsam heimisch zu machen. Wære das deutsche Wissen weniger gediegen, wære dessen Werth in Frankreich weniger anerkannt, so würde die Wahl der Sprache von ungleich geringerm Belange sein. Dem sei nun aber wie ihm ‘wolle ; es reicht hin, dass diese Absicht ist misskannt worden , um diese Frage einer neuen sorgfæltigen Prüfung zu Enr und deren vollstændige Læsung der Ténerie stigen General-Versammlung zu überlassen. Es ist ein Er nicht genug zu ehrendes Zeichen bei einem Volke, wenn es auf seine Muttersprache cifersüehtig ist ; und welches Volk wære dazu mehr berechtigt als das deutsche? Nur steht ein Volkk wenigstens eben so hoch durch den Reïchthum und die Gediegenheit seines Wissens ; und wenn es hiedurch zu einem Einflusse berufen ist; der an Glanz und Dauer keinem andern nachsteht, so fragt sich, ob ein solcher ïhm schon pt und von dem Nachbarlande achtungsvoll anerkannter Einfluss nicht die Vortrefflichkeit der Sprachform aufwiege ? Die Beantwortung dieser Frage mæchte wohl, im Gesichtspunkte der ernsten Tendenzen unserer Zeit, kaum zweifelhaft bleiben. * Und somit hætten wir uns unumwunden ausgesprochen, nicht über die Bestimmungen des Rund- schreibens , denen jede massgebende Kraft abgeht, sondern über die Gründe und Rücksichten, die bei dem Entwurf und der Abfassung desselben dem Ausschusse und dem Verfasser des Rundschreibens vor- schwebten. — Ueber viele Punkte schwieg das Einladungsschreïben , damit man es ja nicht für einen vorgreifenden Entwurf ansehen mæchte. Nochmals ergeht daher die Bitte an alle Theïlnehmer, sie mægen in ibren Beitritts-Schreiben nicht ermangeln , ihre Wünsche und Absichten freimüthig auszusprechen, damit, soviel mæglich, jeder Ein- wand berüeksichtigt und jede Besorgniss entfernt werden kœnne. Die Gesellschaft der beiden Rheinufer betritt einen neuen Boden , das Gebiet humaner — dieses Wort im edelsten Sinne — und freimüthiger, achtungsvoller Annæherung , nicht mehr Einzelner, son- dera hochgebildeter, sich ihres Zieles und ihres Werthes bewusster Nationen auf dem Felde der Wis- senschaft und der hœhern Zwecke der auf der Bahn wahrer Gesittung so rasch vorrückenden Mensch- heit. Hier giltes, mit edler Festhaltung des angestammten Volkscharakters und der eigenen Nationalitæt, sich vor Schroffheit und grober Gebærdung zu hüten , beides traurige Wæchter der Nationalehre , und sich dagegen freundlich und willig zu Erreichung FR Zwecke zu verstændigen, die als er Ziel vielleicht nur gemeinsamer Anstrengung erreichbar sind. Und würden sie auch nicht erreicht, so würde schon das gewissenhafte Streben darnach eine hœhere Stufe im ewigen, ungemessenen Fortschritte der Menschheït bezeichnen, Æt tentasse juvabit ! G, Pa, Herr, l'rofessor an der Rechis-Fakultæt in Strassburg. Yerfasser des Rundschreibens. APPENDICE. 519 de communications scientifiques et littéraires plus intimes et plus ré- gulières. D'autre part, le cordial et parfait accord qui a présidé aux re- lations personnelles provoquées par le Congrès, a prouvé combien il serait facile d'entretenir et de développer cette estime réciproque et cet esprit de confraternité littéraire qui ont répandu tant de charme sur la dixième Session du Congrès scientifique. C’est sous l'empire de cette. double conviction que l'assemblée a décidé , avec une entrainante una- nimité, la création de la Société encyclopédique des bords du Rhin, en imposant à cette Société la belle mission de réaliser les vœux ,et les espérances qui s'étaient manifestés dans l’assemblée avec autant de force que de spontanéité. Par le choix significatif du nom donné à la nouvelle Société, elle a déterminé l'esprit qui doit en animer l'activité, et au lieu d'en resserrer l’action dans des limites géographiques, elle a tracé une ligne de convergence heureusement choisie , qui permet d'espérer que cette Société trouvera au loin concours, sympathie et encourage- ment pour ses travaux. En fixant le siége de l'administration de la So ciété dans une ville appelée à devenir le lien intellectuel et littéraire de deux grands peuples, l'assemblée a suffisamment indiqué le sens dans lequel elle désire que la nouvelle Société comprenne sa tâche ; mais en lui imposant de grandes obligations, elle lui a assuré en retour le droit de compter sur la coopération empressée de toutes les intelligences ca- pables d'apprécier les bienfaisants résultats qu’il est permis d'espérer de ses travaux. Aprèsavoir précisé l’objet et le but de la Société, il s'agissait de dis- cerner les meilleurs moyens d'en assurer le succès. Nous ne vous en- tretiendrons pas de la difficulté du choix à faire , ni des obstacles graves qui nous ont arrêtés dans nos recherches. Sans entrer dans le détail de délibérations aussi longues que difficiles, qu’il nous suffise de dire que la Commission a concentré son attention sur trois questions, dont l’une a pour objet la composition de la Sociélé encyclopédique; la seconde, les moyens d‘action qu'il importe de lui créer dans l'intérêt de sa mis- sion scientifique et littéraire; la troisième, enfin , l’organisation à lui donner pour faciliter à ses membres les rapports de contact personnel si utiles à l’accomplissement de leurs desseins. Quant au premier point, il est évident que la Société encyclopédique, cosmopolite de sa nature , n’est particulièrement liée à aucune ville dé- terminée, et que dès lors elle ne saurait être soumise à des convenances purement locales dans son organisation, aussi peu que dans son mode d'action. Si des raisons historiques, littéraires et géographiques ont fixé à Strasbourg le siége de son administration centrale, il n’en résulte pas le moindre privilége pour les savants et les littérateurs de cette ville, si ce n’est celui d’un dévouement plus entier et plus désintéressé au suc- cès d’une association dont ils apprécient parfaitement la haute utilité. Voutes les agrégations de littérateurs et de savants dans les autres villes françaises ou étrangères qui adhéreront à la Société encyclopé- dique jouiront des mêmes droits, et les villes de leur résidence auront alternativement l'avantage d'être choisies comme lieux de réunion des 520 APPENDICE. assemblées périodiques. El est d’ailleurs superflu d'ajouter que l’Asso— ciation projetée ne saurait nullement remplacer les Sociétés littéraires, locales ou spéciales, sur lesquelles elle doit au contraire s'appuyer; car, étrangère par sa destination même aux intérêts des localités , ses tra- vaux devront avoir pour objet l'avancement direct et le développement de la science, dans les intérêts de la civilisation et des rapports inter— nationaux. Mais par ce motif même la Société encyclopédique s'impose la mis- sion spéciale de lier entre elles les corporations savantes , telles qu’uni- versités, académies, écoles supérieures et sociétés littéraires, et si elle réussit à trouver dans,ces Corps des centres d’action et de concours, son but élevé sera bien plus sûrement et plus facilement atteint. Quant aux membres de la Société qui vivent isolés et loin de ces centres, leurs rapports de collahoration les rattacheront directement au siége de l’ad- ministration de la Société. Le but même de la Société n’admet pas la fixation préalable dn nombre de ses membres, ni une détermination rigoureuse des condi- tions personnelles d’ MOMENT Il est évident que tous les membres de la dixième Session du Congrès scientifique de France, fondateurs de la Société encyclopédique, ont, comme tels, le droit incontesté d’en faire partie, s'ils y adhèrent expressément par leur signature. Le statut définitif déterminera le mode et les conditions d'admission des membres qui n'auront pas fait partie de la première formation. Pour ce qui est du mode d’action le plus efficace et le plus approprié à la mission que la Société encyclopédique doit remplir dans l'inten- tion de ses fondateurs, il ne saurait y avoir de doute sur la nécessité d'organiser un mode de publication destiné à rendre compte de ses travaux; nous croyons inutile d’insister sur cette démonstration. Le seul point à discuter serait de savoir si on donnera la préférence à la publi- cation de Mémoires, qui paraitraient à des époques indéterminées, ou si on s'arrêtera à l’idée d’une publication périodique, dont le titre, les formes et les conditions resteraient à déterminer. La Commission, tout en s'abstenant de formuler à ce sujet des propositions précises , croit être l'interprète fidèle de l'opinion qui a paru prévaloir dans le sein du Congrès, en énonçant sa préférence pour une publication périodique. IL est d’ailleurs expressément convenu, dès à présent, que les publica- tions se feront à Strasbourg, par les soins de ladmiaistration centrale et exclusivement en langue française. Des mesures seront prises par le Comité de rédaction pour la traduction des travaux rédigés en d’autres langues. Les rapports des collaborateurs avec le Comité de rédaction et l’organisation du tavail de publication trouveront leur place dans le statut définitif. Enfin, la Commission a dù se préoccuper des moyens de faciliter les relations personnelles entre les membres de la Société encyclopédique des bords du Rhin, relations dont les fondateurs ont si parfaitement apprécié le prix durant les trop courts instants de leur réunion. S'il faut encore iei interpréter leur pensée, lon pourra avancer avec confiance APPENDICE. 521 que le désir de réunions périodiques était à peu près unanime parmi eux, ét que plusieurs l'ont même formulé expressément ; en émettant le vœu d’un Congrès à réunir d'année en année, ou au moins de cinq ans en cinq ans, dans l’une ou l’autre des villes de la vallée du Rhin. Pendant quelque temps, la Commission à hésité à émettre sur cette question un avis positif, de peur que l’organisation de Congrès pério- diques sur les bords du Rhin ne fût de nature à contrarier ou même à compromettre le succès des Congrès annuels de France et d'Allemagne. Mais après y avoir mürement réfléchi, ella a pensé qu'il serait facile d'éviter un si fâcheux conflit, en assignant la semaine de Pâques aux réunions de la Société encyclopédique des bords du Rhin, et qu'on ac- corderait entre elles les convenances locales et nationales , en désignant un nombre suffisant de villes de France, d'Allemagne et de Suisse pour la tenue périodique de ces réunions. Elle a cru devoir renvoyer au sta- tut définitif les dispositions plus précises à arrêter sous ce double rap- port. Enfin , elle est d'avis d'écarter de ces réunions de Ja Société l’ap- pareil et la solennité d’un Congrès scientifique , et dans cet intérêt elle pense qu’en bornant à quatre ou six jours au plus la durée de ces réu- pions , el en supprimant la publication d’un programme de questions, elle maintiendra ces réunions dans les limites de simples entrevues lit- téraires et de conférences amicales entre des associés sur des intérêts qui leur sont communs. Telles sont, Monsieur, les idées fondamentales qui ont paru à la Commission les plus propres à servir de bases à l’organisation de Ja Société encyclopédique des bords du Rhin. Ces idées, elle les soumet à votre sérieuse appréciation, et vous prie de lui communiquer les ob- servations que leur examen vous aura suggérées;-elle s’'empressera d’en profiter pour la rédaction ultérieure du statut définitif. Sa profonde conviction est que l’organisation d’une Société aussi importante, et dont les éléments sont si variés, ne peut se former que peu à peu, sous l'impression des conseils de l’expérience, et qu’il importe de se borner pour le moment à arrêter un petit nombre de principes susceptibles de se développer en s’adaptant aux exigences diverses qui se manifesteront. Si ceux qu’elle vient d'émettre étaient approuvés par la majorité des membres de la Societé, ils seraient inscrits en tête du règlement défi- nitif et la Société serait constituée. Mais dans l'intérêt même de cette constitution, la Commission a be- soin de se fortifier de l’appui et du concours de tous les hommes que leur position appelle à s'associer aux travaux de la Société encyclopé- dique des bords du Rhin. Avant de passer outre, elle doit savoir si son appel est entendu par un nombre suffisant de corps savants et de col- laborateurs, et s’il lui est ainsi permis de compter sur la réunion des moyens intellectuels et matériels nécessaires pour assurer le succès de ses publications. Elle vous prie en conséquence d'exprimer votre adhé- sion en inscrivant votre signature sur la liste des membres de la So- ciété encyclopédique, et en vous engageant ainsi soit à la collaboration, . soit au payement d’une cotisation annuelle destinée à être appliquée nr APPENDICE. aux frais d'administration et de publication de la Société. L'inspection de ces listes de souscription, en faisant connaître à la Commission la nature et l'importance du concours sur lequel elle sera en droit de compter, lui permettra de procéder à une organisation définitive, dont elle s'empressera de porter tous les détails à votre connaissance. Veuillez adresser, Monsieur, d'ici au 31 juillet prochain, votre sous- cription comme membre de la Société encyclopédique des bords du Rhin, ainsi que les communications que la Commission sollicite de votre obligeance, au soussigné Secrétaire général de la dixième Session du Congrès scientifique de France, membre de la Commission, à la- quelle il s'empressera de les soumettre. Cette Commission procédera , dans le courant du mois d’août !, à la constitution définitive de la Société et à la rédaction des statuts d'organisation, et déposera ensuite ses pou- voirs entre les mains d’un Comité de rédaction et d'administration dont les membres seront nommés dans l’assemblée générale de la Société, que la Commission se réserve de convoquer à l’époque qui sera ulté- rieurement déterminée. Je vous prie, Monsieur, d’agréer l'assurance de ma haute considé- ralion. Au nom de la Commission d'organisation de la Société encyclopédique des bords du Rhin, G. Px. HEPp, Professeur à la Faculté de Droit, Secrétaire général de la dixième Session du Congrès scientifique de France. Strasbourg , le 20 avril 1843. NB. On est prié d’affranchir les lettres. 1 Différents obstacles se sont opposés à ce que les opérations de la Commission d'or- ganisation eussent lieu dès la fin d’août; les principaux ont été l'ouverture du Congrès d'Angers dès le 1° septembre, et la lenteur de l'expédition par voie de librairie des Cir- culaires envoyées à l'étranger. Il a dès lors fallu proroger notablement le délai pour l'ad- hésion, ce qui fait que les opérations de la Commission , aussi bien que la convocation de l’assemblée générale de la Société, devront subir une nouvelle fixation. La récente et flatteuse adhésion de la onzième Session du Congrès scientifique, réuni à Angers, à la création de la Société encyclopédique des bords du Rhin , non moins que les voix sym- pathiques qui s'élèvent de toutes parts à l’étranger, ne pourront que soutenir et encou- rager la Commission d'organisation dans l’accomplissement de la belle et difficile tache qui lui est imposée. APPENDICE: 525 * B. Circulaire de la Commission permanente de la Scetion des sciences médicales", La Section de médecine du Congrès scientifique de France a pris, dans sa dixième Session, une décision importante qui témoigne de sa sollicitude éclairée pour les intérêts de la profession médicale; elle a pensé que l'institution des congrès ne devait pas seulement avoir pour but les progfès de la science, mais qu'elle pouvait encore devenir l'instru- ment des réformes et des améliorations que réclame la profession elle- même. La nécessité d’une nouvelle organisation médicale est un fait univer- sellement reconnu; les conquêtes brillantes de la science ne peuvent cacher les tristes plaies de la profession ; l'exercice de l’art est entouré d'abus innombrables: le charlatanisme l’exploite et le déshonore; per- sonne ne révoque en doute l'utilité des réformes , on est d'accord sur les améliorations les plus urgentes, et cependant aucune d’elles'ne s'accom- plit. La loi sur l'organisation médicale, depuis si longtemps attendue, semble d'année en année reculer dans un avenir plus lointain. Nous le disons à regret; malgré tant de promesses, le gouvernement ne s’est occupé de nous qu'à l'occasion des patentes , pour consolider et aggraver une mesure d’exception contre laquelle nous n’avons cessé d'élever les protestations les plus fondées et les plus unanimes. Peut-être les médecins sont-ils pour quelque chose dans cette len— teur que l’on apporte à leur rendre justice; peut-être n’ont-ils pas mis dans leurs réclamations cette persistance et cette énergie qui forcent l'attention et ne permettent point de méconnaître des vœux légitimes. Mais ce défaut de constance et d'ensemble dans leurs plaintes s’explique encore par l’organisation actuelle de la médecine en France. Le corps médical n’existe plus parmi nous, au grand détriment des intérêts légitimes et de la dignité de la profession. Les médecins ne sont plus que des individus isolés, sans rapports nécessaires , sans r'esponsa- bilité commune, C’est à cette triste situation que le Congrès de Strasbourg a cherché à porter remède; son but a été de rétablir, autant qu'il était en lui, l'unité médicale, afin de s'appuyer sur elle pour obtenir les améliora- tions demandées. Un centre permanent qui se transportera d'année en année sur les divers points du territoire, donnera aux réclamations des médecins une force que l'isolement leur enlève. Sur la proposition de M. Roux, de Marseille , la Section de médecine a pris les résolutions suivantes , conformes aux intentions que nous venons d'exprimer. Une Commission de six membres choisis parmi les médecins et les pharmaciens de la ville où le Congrès aura siégé, représentera la Sec- l'Cctte Commission a été créée dans la séance de la Seclion des sciences médicales du 2 octobre 1842 (t Ie, p. 239). y 524 APPENDICE. tion médicale du Congrès scientifique pendant l'intervalle des Sessions ; elle aura pour mission de servir de centre et de point de ralliement à tous les efforts qui ont pour but la réforme médicale. Cette Commission invitera les médecins et pharmaciens de chaque département à créer au chef-lieu une commission semblable. Les co- mités départementaux veilleront à l'exécution des lois sur l'exercice de la médecine et de la pharmacie; quelque incomplète que soit la légis- lation actuelle, elle contient des garanties précieuses qu’il importe de ne pas laisser tomber en désuétude. Les comités recueilleront tous les faits contraires à ces lois ou à la dignité de la profession; ils réuniront tous les documents qui ont pour objet les améliorations à introduire dans l’organisation actuelle de la médecine. Les comités départementaux correspondront avec la Commission cen- trale1 et lui transmettront les résultats de leurs travaux. La Commis— sion centrale, réunissant ces observations isolées, en présentera l’ensem- ble aux autorités compétentes, et sera chargée d'accomplir, au nom des médecins et des pharmaciens de France, toutes les démarches néces- saires pour-arriver au but de nos efforts. A l’ouverture du nouveau Congrès, la Commission centrale rendra compte à la Section médicale des travaux entrepris et des résultats ob- tenus; elle déposera ses pouvoirs au sein de l'assemblée, et une nou- velle commission , élue parmi les membres résidants , continuera l’œu- vre de la première. Ainsi, chaque année le Congrès scientifique de France sera saisi de l’importante question de la réforme médicale, et chaque année une Commission centrale, prise parmi ses membres, entre- tiendra, dans l'intervalle des Sessions, l'impulsion nécessaire pour arri- ver au but. La ville d'Angers sera le siége de la onzième Session du Congrès scientifique; c’est parmi les médecins et les pharmaciens de cette ville que sera choisie la Commission centrale de 1843 et 1844. Nous ne dissimulons pas les obstacles de tout genre que doit rencon- trer dans l'exécution la mesure adoptée par le Congrès médical de Stras- bourg ; nous savons bien qu’une première campagne sera peu fruc- tueuse, qu’elle sera stérile peut-être en résultats positifs, mais elle aura posé les bases d’une institution utile que l'avenir fécondera, Nous au rons fait une première tentative d'organisation, un premier pas vers le rétablissement du corps médical en France. Nous en appelons au zèle et au dévouement de nos confrères; nous les invitons à organiser sans délai les comités départementaux, et à préparer les éléments du rapport que la Commission centrale doit adresser à la onzième Session. Que les médecins déploient pour leur propre cause le dévouement qu'ils consacrent tous les jours au service de l'humanité, et le*suecès de leurs légitimes demandes ne sera pas douteux. Aidons-nous nous-mêmes, et nous obtiendrons les améliorations que réelament.les intérêts de la société aulant.que ceux de la profession médicale. Nous indiquons ici aux comités départementaux, sans prétendre en * Adresser les lettres et paquets affranchis au Secrétaire de la Commission centrale. APPENDICE. 525 aucune manière limiter leur initiative, une série de questions sur les- quelles il nous a paru important d’appeler dès aujourd’hui l'attention des médecins : 1. Des moyens d'obtenir la stricte exécution des lois et des règlements actuels sur l'exercice de la médecine et de la pharmacie ; 2. De la création de médecins cantonaux dans tous les départements de la France et du règlement de leurs attributions ; 3. De l'opportunité de la suppression du titre d’officier de santé ; 4. Del’institution légale de conseils de salubrité dans toute la France, et du règlement de leurs attributions ; 5. De l'établissement au chef-lieu de chaque département de cham-— bres médicales permanentes, chargées de veiller aux intérêts généraux de la profession ; 6. Des modifications à introduire dans l'exercice de la médecine lé- gale en France; 7. De la suppression absolue des remèdes secrets ; de la réforme des lois et règlements relatifs à la vente des poisons ; 8. De l'opportunité d'une révision périodique du Codex pharmaceu- tique; 9. De la nécessité d'établir un mode de réception uniforme pour les pharmaciens dans toute la France; 10. De l'opportunité de la limitation du nombre des officines , suivant les besoins des localités, et de l'établissement d’une taxe des médica- ments; 11. De la création de chambres syndicales pour les pharmaciens. Les membres de la Commission permanente de la Section médicale du Congrès : EHRMANN, Président ; G. TOURDES, Secrétaire; ! FORGET, ARONSSOHN , STOEBER, OPPERMANN. Strasbourg , le 29 avril 1843. : Il. SÉANCES DE SOCIÉTÉS SAVANTES. À. Société française pour la conservation et la description des monuments. Conformément à un usage invariablement suivi dans les précédentes, Sessions MM. les membres de celte Société pré- sents au Congrès ont tenu plusieurs séances durant leur sé- jour à Strasbourg. 526 APPENDICE. Quoique nous ne soyons pas en possession des procès-ver- baux réguliers qui ont dû être rédigés, nous avons cru d’autant plus devoir conserver les mentions de ces séances qui ont été insérées par les ordres de la Société dans le Bulletin du Con- grès, que la Société a non-seulement décerné une médaille à un homme utile , mais qu’elle a aussi admis au nombre de ses membres plusieurs savants distingués de la France et de Pétranger, rattachant ainsi par un lien de plus nos doctes voisins aux travaux intellectuels de notre patrie. En outre, elle a rendu un service tout à fait spécial à notre province, en obtenant de ME l Évêque de Strasbourg la création d’un cours d’archéologie au Séminaire diocésain , cours dont l’u- tile influence ne ee pas à se faire sentir. Voici le compte-rendu de ces séances tel qu’il est imprimé au Bulletin du Congrès, p. 43 et 100. Séances des 29 septembre et 4° octobre 18 42. A l’occasion dela réunion du Congrès scientifique de France à Strasbourg, la Société pour la conservation des monu- ments a tenu déjà deux séances, l’une le 29 septembre, lantre le 1°" octobre. Dans la séance du 29 septembre, différents rapports ont été faits par M. Simon, de Metz; M. Guerrier de Dumast, de Nancy; M. de Cussy, de Saint-Mandé. M. de Ring a lu un mémoire fort important sur les sépul- Lures celtiques de l’Allemagne. Une discussion, à laquelle ont pris past plusieurs membres de l’assemblée, a été en- suite entamée. Dans la séance du 1° octobre, une médaille d'argent a été décernée à M. Deny, entrepreneur chargé de la construction de la tour de la cathédrale de Metz. La Société a admis parmi ses membres étrangers : MM. Cur. Bænr, conseiller aulique , professeur et bibliothé- caire en chef de l’Université de Heidelberg ; WanxkoEnie, conseiller aulique et fr RTS à Fri- bourg ; APPENDICE. | 527 MM. Von Srawrrorr , vice-président du tribunal de Münster; “De BrinckeN, conseiller d'État, à Brunswick: SuLricE BoisseRéE, correspondant de l’Institut de France, à Munich ; Colonel pe Kriec, aide-de-camp de S. À. S. le grand- duc de Bade, à Garlsruhe. La Société se réunira de nouveau mardi 4 octobre, à sept heures du soir , sous la présidence de Mr l’évêque de Stras- bourg, dans une des pièces du Château. ——<02— Séance du À octobre 1842. Présidence de S. G. Mgr l’Évêque de Strasbourg. La Société française pour la conservation des monuments a tenu, le 4 octobre, à huit heures du soir, dans un des sa- lons du Château, sa troisième et dernière réunion, sous la présidence de M" l’Évêque. M. L. Arth, avocat à Saverne, remplissait les fonctions de Secrétaire. La séance a été ouverte par M. de Gaumont , qui a exposé l'origine , le but et les progrès de la Société. Ms l’Évêque, après avoir signalé à la Société les princi- paux édifices religieux de son diocèse, s’est engagé à créer au Grand-Séminaire un cours d'archéologie, dont les leçons devront commencer cette année. La Société a encore entendu la lecture d’une pétition adressée par M. Guerrier de Dumast à M. le Ministre de l’in- térieur, pour obtenir la formation d’un musée d’antiquités à Nancy, dans l’aile encore existante de l’ancien palais des ducs de Lorraine, qui serait restaurée à cet effet, et un rap- port verbal de M. Comarmond sur les antiquités romaines dé- couvertes depuis quelques années dans les départements du Rhône et de l'Ardèche. La Société a admis au nombre de ses membres : MM. Zérxmn Rogerr, archiviste de la préfecture du Gard ; Auvcusre Rocu, professeur, à Saint-Claude; + 528 APPENDICE. MM. Eure Künzuanx, licencié en droit à Colmar; Perrin, architecte; Reinen fils, architecte, à Strasbourg. Ont été proclamés membres étrangers de la Société : MM. De Rine, membre de plusieurs sociétés savantes , à Fri- bourg ; D£ FrorencourT, membre de plusieurs académies , di- recteur du Musée d’antiquités à Trèves; { Ræiner, professeur à l’école polytechnique de Bamberg; More, directeur des archives générales du grand-duché de Bade ,.à Carlsruhe; SCHREIBER, professeur à l’Université de Fribéares Wiuerur, directeur de la Société areHE MO de Sinsheim ; Hüsscu , du Gonseil supérieur des bâtiments , du grand- duché de Bade , à Carlsruhe. B. Institut des provinces de France. Séance du G octobre 1842. La solennité de cette séance a offert un intérêt d'autant plus vif qu’elle était destinée à décerner à un artiste émi- nent, qué de si justes hommages entourent, une médaille dont le prix se sera rehaussé à ses yeux par la distinction du corps savant qui s’est fait, à cette occasion, l'interprète de la reconnaissance nationale. Par malheur, les renseignements du Bulletin sur cette séance sont encore plus incomplets que ceux sur les séancés de la Société française des monuments. Mais au moins sommes-nous à même dé communiquer le sa- vant et élégant rapport de M. le vicomte de Gussy, à la suite duquel cette flatteuse récompense a été décernée. Voici la mention de cette séance d’après le Bulletin des Congrès : Dans une séance que l’Institut des provinces de France a tenue hier 6 octobre , à une heure et demie de relevée, dans la salle des assemblées générales du Gongrès scientifique, APPENDICE. 529 celte Société, sur le rapport de M. le vicomte de Gussy fait au nom d’une commission spéciale, a décerné à M. Schwil- gué père, auteur de [a nouvelle horloge astronomique de notre cathédrale, une médaille d'argent, comme un témoi- gnage de son admiration pour le bel œuvre dont cet habile mécanicien a doté la ville de Strasbourg. Voici le rapport de M. de Gussy : «Messieurs, «L'Institut des provinces, qui a pour mission éntre autres de rechercher et de récompenser autant qu’il dépend de lui tout ce qui est vraiment beau, l’Institut des provinces désire rendre un hommage public au génie créaleur de M. Schwilgué, auteur de la merveille qui attire tous les re- gards. « Qu'il nous soit permis avant tout de vous présenter quel- ques notions préliminaires sur les monuments da même genre qui ont précédé dans cette ville celui qui fait l’objet de ce rapport, dont M. Charles Schwilgué, digne fils d’un tel père, a bien voulu fournir les éléments. «La première horloge de la cathédrale de Strasbourg date de 1352; c’est probablement à ces premiers efforts que se rattache la fable si ancienne et si ordinaire, quand le vul- gaire admire et ne peut comprendre ce qu’il voit. Fort re- marquable pour l’époque de sa construction , elle était placée en face de celle dont nous nous occupons; ses supports sont encore saillants hors du mur, le temps ayant exercé sa fatale et inévitable influence. On tenta deux cents ans plus tard la confection d’une nouvelle horloge, à la régularité de laquelle devaient présider des mathématiciens distingués; mais la mort de quelques-uns d’entre eux vint interrompre et rendre inachevé ce second appareil. Enfin, en 1971 parut la troi- sième horloge , sous les auspices du savant Conrad Dasypo- diys, professeur de mathématiques de l’université de cette ville : il s’adjoignit son ami David Volkenstein, astronome augsbourgeois. Ce travail, fidèle miroir de l’état des sciences à la fin du seizième siècle, fut confié aux frères Isaac et Jo- sias Habrecht, de Schaffhouse. Tobias Stimmer , de Stras- 34 D50 APPENDICE. bourg, fut chargé de la décoration , et c’est au talent de cet artiste que nous devons les peintures et les statuettes qui ornent encore diverses parties du buffet actuel, Terminée le 28 juin 1574, puis restaurée en 1669 par Michel Habrecht, en 1752 par Jacques Straubhar, cette horloge cessa de fonc- tionner en 1789, et son mécanisme est déposé dans l'OEu- vre-Notre-Dame. Aucune des pièces qui le composaient spé- cialement n’a pu être utilisée par M. Schwilgué, qui n’a compris dans son travail que quelques peintures fort dignes de ces égards, et celles des statuettes qui n’avaient pas à jouer un rôle dans le mouvement. Les unes ont reçu une pose plus naturelle ou des attributs plus justes et distincts. Un grand nombre d’autres, pleines de grâce comme elles sont pleines de vie, ont été ajoutées, ainsi que des peintures fines et bien touchées; toutes concourent à l’envi à exciter l’admiration dans ce chef-d’œuvre mécanique. « Autrefois les indications étaient limitées dans leur appli- calion par la marche du temps, et il fallait les renouveler à des époques plus ou moins rapprochées : soumises aujour- d’hui à des lois plus fixes par les plus ingénieuses combinai- sons, leur action sera désormais perpétuelle. Elle est basée sur l’état présent et avancé de nos connaissances. «C’est le 24 juin 18358 que M. Schwilgué s’est mis à l’œu- vre, et son horloge a été achevée le 2 octobre 1842, à l’oc- casion de la dixième Session du Congrès scientifique de France, qui nous réunit. Elle s’applique à la fois à la me- sure du temps, au calendrier et à la marche des corps cé- lestes. Un moteur central, qui est à lui seul une horloge d’une grande précision, sert à indiquer sur un cadran placé à l’extérieur de l’église, vers le Château, les heures et leurs subdivisions, les jours de la semaine avec les signes des pla- nèles qui y correspondent. «Les autres moteurs qui dirigent cet ensemble si remar- quable, ont pour but de faire connaître les fractions de l’heure, sonnées par les quatre âges de la vie humaine, re- présentés par autant d’automates qui paraissent alternative- ment pendant toute la durée du jour, mais non pendani la nuit, réservée à la mort, sans doute, en ce cas, emblème du sommeil de la nature. APPENEICE. 531 «L'enfant fait entendre le premier quart. « L’adolescent le second. «L'homme fait le troisième. «Le vieillard le quatrième. « Dans cette sonnerie , composée de deux coups successifs , un génie frappe le premier, les quatre âges le second. «La mort, qui représente si bien le temps écoulé, est en- core chargée d’annoncer les heures, et chaque fois qu’elle remplit sa grave mission, un petit génie, placé en pendant de celui dont nous avons parlé, retourne dans ses mains un sablier dont la précision a causé plus de difficulté à M. Schwil- gué que la solution de beaucoup de problèmes fort compli- qués. C’est qu'ici il se trouvait en face d'obstacles en dehors de ses habituels et profonds calculs. «A midi, à la sonnerie des heures succède une procession des douze apôtres, qui, s’inclinant d’une manière particu- lière à chacun d’eux , viennent saluer le Christ; celui-ci les bénit. Dans l’ancienne horloge, le Sauveur du monde se trouvait sur le même plan que la mort; dans la nouvelle, par une pensée plus heureuse et plus poffiques le principe de toute vie occupe un plan supérieur. «Pendant que les disciples rendent à leur divin maître l’hommage qui lui est si bien dû, un coq, d’une vérité à faire illusion, entonne trois fois son chant de victoire, en agi- lant ses ailes et sa queue. «A ces indications il faut joindre celles des jours de la se- maine ; représentés par diverses figurines heureusement ren- dues. « Apollon paraît le dimanche. «Diane se montre le lundi. «Mars au jour qui lui est consacré, et ainsi de suite. «Le mouvement de translation des chars de ces divinités a lieu sur un réel chemin de fer. «Le cadran spécial au calendrier n’a pas moins de neuf mètres de circonférence , et nous fait voir les mois, le quan- tième , ainsi que la lettre dominicale, enfin les saints et saintes qui sont honorés chaque jour de l’année. Ce cercle est soumis à une révolution de 365 ou 366 jours, suivant le cas, et pour qu’il n’y manque rien, la suppression des jours 34. 552 APPENDICE. bissextiles séculaires est également indiquée , de même que les fêtes mobiles, marquées avec uon moins de précision. «Ici, Messieurs, il me faudrait peut-être vous offrir une juste appréciation de ce travall prodigieux , considéré au point de vue des sciences mathématiques et astronomiques, mais une telle tâche est au-dessus de mes forces, et réclame des éludes spéciales qui sont à la portée d’un bien petit nombre. «Un mot encore, Messieurs , si vous voulez bien le per- mettre, sur la décoration de notre chef-d'œuvre. Les pein- tures anciennes, nettoyées el revernies, prouvent qu’elles sont le fait de talents dignes de remarque et de mains diffé- rentes. Plusieurs têtes sont d’une grande énergie; d’autres se distinguent par la naïveté dent elles sont empreintes. Un portrait de Copernic, représenté avec une branche de mu- guet à la main, est, dit-on, lhommoge d’un de ses fervents admirateurs , qui, toutefois , n’a pu obtenir que le système de son maître fût préféré à celui de Ptolémée. «Le grand Apollon du bas, dont les traits ne ressemblent eu rien à ceux des autres personnifications du Dieu de la lu- mière , laisse à supposer que Tobias Stimmer a cru pouvoir consacrer ainsi son portrait à la postérité. «Moins modeste cent fois que M. Schwilgué, qui, à regret, a placé son nom sur une petite bande métallique inaperçue, l’ancien décorateur a glissé le sien partout. «Il faut savoir gré à M. Schwilgué d’avoir conservé reli- gieusement les œuvres de ses devanciers, qu’entoure une sorle de vénération traditionnelle. « Au premier aperçu on est tenté de trouver trop cru le ton de couleur des figurines, mais ce n’est qu'après des épreu- ves réitérées qu’on les a admises ainsi; une teinte plus adou- cie paraissait terne et blafarde, tandis que sa vivacité actuelle s’accorde parfaitement avec les verrières éclatantes du fond de la chapelle. «Rien de beau comme l’alliage qui compose les diverses parties mécaniques ; de longues recherches , de difficiles ex- périences ont dû précéder ce succès; le ton des métaux em- ployés est on ne peut plus heureux dans l’ensemble qu’ils présentent à l'œil, et on ne peut qu'être surpris du bel effet APPENDICE. 555 des deux riches et savants mécanismes qui remplacent les deux grands panneaux du bas de l’ancien buffet. «Je n’en finirais pas, Messieurs, si j'entrais dans tous les détails des combinaisons intimes et de toute nature de ce monument dans lequel tout a été prévu et coordonné, on dirait sans le moindre effort , ainsi qu’il arrive aux produc- tions du génie. C’est le cas, toutefois, en finissant , d’ap- peler votre attention sur la dernière trace de son passage, si je peux m’exprimer de la sorte. Il s’agit du plus délicat mé- ridien qui se dérobe aux regards au moyen d’une fermeture. Il est tracé dans l’angle de la porte de la chapelle. L’auteur de ce prodigieux travail a mis de cette manière son régula- teur sous sa main. Au reste, Messieurs, quand le principe destructear qui s’acharne incessamment contre les œuvres matérielles de l’homme, aura prévalu , le dépôt des calculs organisateurs de M. Schwilgué permettra en tout temps la reconstruction de son horloge. «Puisse, Messieurs, ce faible essai vous transmeitre une partie de l'admiration que je ressens pour l’habile et mo- desle auteur qui a si bien mérité des arts, des sciences el de ses compatriotes !, » 1 L’horloge astronomique de M. Schwilqué est devenue l’objet de deux rapports dans le sein du Congrès. Dès le 3 octobre, la Section des sciences physiques et mathématiques (Voy. t. Ie, p. 214) et celle des beaux-arts (t. Ie, p. 465) avaient nommé des Commis- sions spéciales. Le rapport fait par M. le professeur Fargeaud, le 6 octobre , à la Section des sciences physiques et mathématiques (t. Ie", p. 221) est inséré t. IT, p. 113. On vient de lire celui présenté par M. le vicomte de Cussy à la Section des beaux-arts dans la séance du 8 octobre (1. Ie", p. 496). 74 # en. Ronan CUITE TER dés: Marerres ir D De. Smic co 9b Soi onseb ef sis pente pat a “bu. e rabeutqrh Matt 1104 sh voice, Mae re lattes à 7 1 Fe " ol hot Re OT lle BIS Lis Qu: \9P 0 2 f » bi +: Né 0 ALAN er in ntlrae) sgrige ra. LE rate as dre pe ; UNE ppt otre ep se 4 Ah Die AE ta Le Pa ete. SL senc don RIT TE pur. ne ame AUTANT). Er à 0 és Eau tata s D bn SU pi Rd : (2 hisitasgéo ia er (nov gti à via Re: D perte) EE CATALOGUE OUVRAGES OFFERTS AU CONGRÉS. Alti della terza riunione degli scienziati Italiani tenuta in Firenze nel settembre del 1844. 1 vol. gr. 4, Firenze 1841. Exem- plaire n° 709 offert par M. le chevalier Ferd. TARTINI, surin- tendant général des communes, secrétaire général du Congrès de Florence, d’après les ordres de S. A. R. le grand-duc de Toscane. Béein. La Moselle, traduction d’Ausone. Broch. 8. Metz. Ésquisses biographiques et littéraires. 4 vol. 8. Metz. Congrès scientifique de France, section d'histoire. Broch. 8. Metz 1858. BEL. Exposition des principes de rhétorique contenus dans Île Gorgias de Platon et dans les dialogues sur l’éloquence de Féné- lon. Broch. 8, Lyon 14841. Exposition critique des principes del’École sociétaire de Fourrier. Broch. 8. Lyon 484. Benrz. Maître Paul, ou traité des devoirs de l’instituteur. Tulle 1835. Benrz et CHRÉTIEN. Premiers éléments d'agriculture. 4 vol. broch. 16. Paris 1841. Berc. Aperçu historique sur l’état de la musique à Strasbourg. Broch. 8. 1840. Bernouzet. Handbuch der Populationistik. 4 vol. 8. Ulm 14841. Einige Worte über anthropologische Statistik. Broch. 4. Bâle 1842. BersteTT (Freiherr Aug. von). Versuch einer Münzgeschichte des Elsasses. 4 vol. 4. Fribourg (Bade) 1840. Bern. Congresso scientiñco di Lione. Broch. 8. Turin 1841. Bixo (D. AL.). De l’état de la production des bestiaux en Allemagne, en France eten Belgique. Broch. 8. Paris. BLanrré (pe). Considérations sur les primes accordées dans le dé- 556 | CATALOGUE. partement de l’Orne , à l’élève des chevaux. Broch. 8. Caen 1842. L BorreL. Dialogues moraux, instructifset amusants, à l’usage de la jeunesse chrétienne. Broch. 42. Vitry 4837. Histoire de l’ancien et du nouveau Vitry. Broch. 8. Chälons 1841. Boxarous (chev.). Rapport sur les éducations automnales. Broch. 8. Paris 1842. j Jardin expérimental d'agriculture créé à Saint-Jeau-de-Mau- rienne. Turin 4842. Hommage de M. MorrarD, directeur. BoxaparrE (Ch. L., prince de Canino et de Musignano). Systema vertebratorum. Broch. 4, avec planches. Londres 4840. Osservazioni sullo stato della zoologia in Europa. Broch. 8. Flo- rence 4842. Bonxer. Bulletin de l’enseignement agricole dans le Doubs en 4841. Discours sur les avantages de l’enseignement de l’agriculture. Besançon 1841. Instruction spéciale concernant le règlement de vaine pâture. Besançon 1842. Leçon sur la culture des racines fourragères. Besançon 4842. Lecon sur la culture des prairies artificielles. Besançon 1842. Manuel d'agriculture, 3° édition. 4 vol. 8. Paris 1856. Born. Annuaire du département du Bas-Rhin pour l’an VII de la république française. 1 vol. 32. Strasbourg, an VII Almanach Bottin, 45° année. 4 gros vol. 8. Paris 4842. Statistique du département du Nord, 5 vol. Douai 4804. Collection des treize annuaires statistiques du même dépar- tement, série de l’an XI à 4845. Douai. Mélanges sur les langues, dialectes et patois. 4.vol. 8. Paris 1851. Mélanges d'archéologie. 4 vol. 8. Paris 1854. Borro. Considérations sur les rapports des courants galvaniques avec le magnétisme. Broch. 4. Boucner pe Perrnes. De la création. Essai sur l’origineet la pro- gression des êtres, 5 vol. 42. Broca. Discours prononcé à la distribution des prix aux élèves du Collége mixte de Strasbourg. Broch. 8. 4859. Brummer. Antiquarii Creuzeriani numos veteres romanos fami- liarum imperatorumque usque ad Gordianum I recensuit. Broch. 8. Heidelberg 1838. Bucu (pr). Observations sur les volcans d'Auvergne, traduites de l'allemand par Mme Kleinschrod, avec des notes par M. Lecoq. 4 vol 8. Clermont-Ferrand 4842. Hommage de M. Lecoo. CAUMONT (pr). Essai sur la topographie géognostique du département du Calvados. 4 vol. 8. Caen 1828. CATALOGUE. 537 Caumont (ne). Carte géologique du département de la Manche {2 feuilles). Carte du département du Calvados. Mémoires de la Société Linnéenne de Normandie. 5° vol. Paris 4835. Mémoires de la Société des antiquaires de Normandie. 4er vol. 4. Paris 4840-1841. Annuaire des cinq départements de l’ancienne Normandie. 4 vol. 8. Caen 1841. Voyagearchéologique fait en Normandie par Gally-Knight. 4 vol. 8. Caen 1858. Statistique routière de Normandie. Caen 4842. Cirgien. Grammaire de Denis de Thrace, tirée de deux manuscrits arméniens de la bibliothèque du Roi. Broch. 8. Paris 4850. Hommage de M. BOTTIN. CoETLOSQUET | comte DE). Considérations sur l'étude des sciences dans ses rapports avec la religion. Broch. 8. Metz 4839. Rapport sur analyse et la synthèse. Broch. 8. Metz. Comarmonp, Antiquités de Lyon. Lyon 4840. Comses. De la médecine politique. Broch. 8. Toulouse. Organisation de la médecine en Italie. Conçener. Grammaire grecque élémentaire, accompagnée de ques- tionnaires et d'exercices. Broch. S. Paris et Lyon 1840. Grammaire de la langue grecque. 2% édit. 4 vol. 8. Paris et Lyon 4840. Joseph, Ruth, Tobie, d’après le texte des soixante-dix (grec- français). 4 vol; 8. Paris et Lyon. Le pieux helléniste. 24, papier jaune. Paris 1839. Prières du malin-et du soir, publiées en grec. 8. Paris 4859. Corta. Traité de culture forestière, traduction et hommage de M. Ganp. 4 vol. 8. Paris 1856. Coussx. Du génie de l'architecture. 4 vol. 4. Paris 1822. Davin. Rapport sur le madia fait à la Société d'agriculture et de commerce de Caen. 1842. DesPine (père). Observations de médecine pratique faites aux bains d’Aix en Savoie. Anneci 4858. Dessarx. Homæopathie. De l’art de guérir et de ses progrès. Broch. 8. Lyon 1842. Dougzer pe Boisrgigaur. Du régime cellulaire. 8. Chartres 4842. Dumasr (GUERRIER DE). Chios, la Grèce et l’Europe, poëme lyrique, suivi de la traduction d’une épitre grecque moderne. Paris 1822. La Navarre et l'Espagne, ou vraie nature de la question débattue par lesarmes dans la péninsule Ibérique. Paris 4856. 558 CATALOGUE. Dumasr (GUERRIER pe). Le tombeau des deux amants de Clermont, légende imitée de Grégoire de Tours. Nancy 1856. Notice sur Silvio-Pellico. Paris et Nancy 4838. Brochure inaugurale de la Société Foi et Lumières, publiée lors de la fondation de cette académie chrétienne. Nancy 1858. Ce que la France avait raison de vouloir dans la question d'Orient. Paris et Nancy 1841. Paris fortifié, ou l’avenir de la grande ville. Paris 4841. Da retour à Dieu, ou des moyens futurs de réconciliation en France. Nancy 1822. Duvernoy. Résumé sur le fluide nourricier dans tout le règne ani- mal. Broch. 8. Paris 4839. Leçons sur l’histoire naturelle des corps organisés. Brôch. 8. Paris 4842. Dysrewiez. Essai sur l’origine de l'écriture runique. Épinal 4842. FaRELLE (pe LA). Plan d’une réorganisation disciplinaire des classes industrielles en France. Mémoire couronné par la Société de V’Ain. 4 vol. 42. Paris 4842. Hommage de M. Zur. Fayer. Comparaison de la situation de l'instruction primaire en 4857 et en 1840. Broch. 12. 1842 Fournez et Haro. Tableau des champignons observés dans les en- virons de Metz. Broch. 8. Metz 1858. FResenivs. Zur Landeskunde von Palestina. 8. Francfort 4842. Leitfaden für den ersten Unterricht in der Bibelkentniss. Broch. Ibid. 181. Zur Belebung der Aufmerksamkeit auf die Jugend. Zbib. 4841. FRIEDEMANN. Chrestomathia Ciceroniana (4re partie du 4e vol.). Quatre exempl. 4 vol. 42. Brunswick 4842. FRIEDLEBEN. Fünfundzwanzigjæhrige Jubelfeier der Gesellschaftzur Befœrderung nützlicher Künste in Frankfurt am Main. 1841. Frirz. Esquisse d’un système compelt d'instruction et d'éducation et de leur histoire, avec indication des principaux ouvrages qui ont paru sur les différentes branches de la pédagogique, surtout en Allemagne. 5 vol. Strasbourg 1841. Gap (G.). Mémoire sur l’alternance des essences forestières. Broch. 8. Paris 1840. GazzERI (Cav. Guis.). Di una machinetta per cui è resa possibile Panalisi indiretta della arie insalubri. Deux exemplaires. Fi- renze 4842: GÉRANDO (baron DE), pair de France. Des progrès de l’industrie considérés dans leurs rapports avec la moralité de la classe ouvrière. Mémoire couronné par la Société industrielle de Mul- house. Broch. 8. Paris 1841. Hommage de M. Zusrr. CATALOGUE. 559 German». Recherches sur la classification chimique des substances organiques. Broch. 8. Paris. | Grcior. Quelques aperçus sur une théorie de nos sentiments mo- raux, en réponse à la neuvième question du Programme. Broch. 8. Strasbourg 1842. Goppe pe Lrancourr. De la confédération des corps savants. Broch. 8. Paris 1841. Traité pratique des moyens de sauvetage. Broch. 8. Paris 1841. Gonrow. Quelques observations sur la famille des Alsinées. Broch. 8. Nancy 1842. Guror (Cte pes). Des moyens homœopathiques de guérir la rage et de la prévenir. Broch. 8. Paris 1842. Guicrarn. Des avantages pour la ville de Lyon et les communes environnantes d’un canal de dérivation du Rhône passant à l'est de la Guillotière. Deux exemplaires. Broch. 8. Lyon 1842. Second mémoire sur l’endiguement du Rhône. Deux exem- plaires. Broch. 8. Lyon 4854. Hazpar (pe). Recherches expérimentales sur le mécanisme de la vision. Broch. 8. Haurz. Jacobus Micyllus , Argentoratensis philologus et poeta. Dis- sertation. Broch, 8. Heidelberg 1842. Haxo. De la nécessité d'établir un service médical dans les cam- pagnes. Épinal 4857. Réflexions adressées au Conseil général sur la propagation de la vaccine dans le département des Vosges. Épinal. Considérations médico-philoscphiques sur quelques maladies affectant spécialement les classes pauvres. 4re et 2 partie. Hens. Ueber spontane und congeniale Luxationen, so wie über einen neuen Schenkelhalsbruch-Apparat. Hger. Mémoire sur la réorganisation de l’enseignement du Droit en France et sur l’introduction de l’enseignement des sciences politiques et administratives. Paris 1841. Héréau. Des parasites cutanés de l’homme. Paris 4842. Herçanc. Pædagogische Real-Encyclopædie, oder encyclopædi- sches Wærterbuch , etc. 4 vol. gr. 4. Grimma 1840. De apostolorum sensu psychologico. Dissertation. Broch. 4. Budissæ. 181. ? Hessecar. Deux tableaux de la hauteur des Vosges. « Horrer. Les parties du discours mises à la portée des enfants ; 2 vol. contenant le Manuel de l’élève et celui de l'instituteur. 4'° ei 2° édition. Paris et Lyon 184 , 1842. Manuel d'exercices de style et de composition française; 2 vol. 540 CATALOGUE, contenant le Manuel de l'élève et celui de Pinstituteur. Stras- bourg et Paris 1839. Grammaire française élémentaire théorique et pratique. Paris et Lyon 4842. Horrmann. De lege contra philosophos. Imprimis Theophrastum , auctore Sophocle, Amphichidæ filii, Athenis lata. Broch. 8. Carlsruhe 1842. Hommage du Lycée de Rastadt. Hocarp. Observations sur les moraines des Vosges. 4 vol, 42 et 1 cahier 4, avec planches. Épinal 4842. JACQUEMIN. L Allemagne agricole, industrielle et politique. 4 vol. 8. Paris 4845. JaEs. Journal de vaccine. Nes de juin, de juillet et d’août 4822. Paris. Joue Monuments celtiques , etc. 28 planches lith. fol., faisant * suite aux Mélanges d'archéologie de M. Bottin. Paris 4830. JULLIEN (de Paris). Exposé de la méthode d'éducation de Pesrasozzt, ete. 2e édition. 4 vol. 8. Paris 1842. Éloges du duc de Doudeauvilleet du maréchal Clauzel, prononcés à la séance publique annuelle de la Société nationale de vac- cine. Forüfications de Paris. Broch. 8. Paris 1844. Kærcger. Programm des grossherzoglichen Lycæums zu Carls- ruhe. 4842. Das obsolete Zeitwort Quio und seine Familie. Broch. $. Carls- rube 4842. KeLLER. Semestrium ad Tullium Ciceronem. 2 vol. 8. Zurich 4842. Ko rez (Fr. V.). bie Galvanographie. Broch. gr. 4. Munich 4842. KosecarTEN. Betrachtungen über die Veræusserlichkeit und Theil- barkeit des Landbesitzes. Broch. 4 vol. 8. Bonn 4842; KræTzER-RassÆRTs. Tableau statistique , géographique et héral- dique de l'Allemagne. La Conmiëre. Traité du.froid,, de son action, de son emploi intus et extra en hygiène, etc. La Cour (baron E. pe), Sur le classicismeet le romantisme. Broch. 8. Loches 4842. Lacroix. Compte-rendu des travaux de la Société d'éducation de Lyon pendant l’année 4841. Broch. 42. Lyon 48/2. LarrTicue. Exposition du système des vents. 4 vol. 8. Paris, de l'imprimerie royale, 1840. Laroucue. Grammaire hébraïque. Bruxelles 1842. La VaLerre (vicomte pr). L'Écho du monde savant. 2° série, t. Il et TT. 2 vol. gr. 4. Paris 4840. L’É cho du monde savant. 4er sem. 4842. CATALOGUE. 541 La Vazerre. Mémorial encyclopédique. Année 1841. 1 vol. 8. Paris. Lecerr. Essai sur les États-généraux de France. Broch. 8. Caen 1842. Tableau général et raisonné de la législation française. 4 vol. 8. 2 exemplaires. Paris 41841. Lecoo. Note sur la découverte des débris organiques marins sur le sol de l'Auvergne. Broch. 8. Clermont 1837. Observations sur la grêle du 28 juillet. Broch. 8. Clermont 185€. Lecoo. Notesur les petits lacs des terrains basaltiques de l'Auvergne. Broch. 8. Clermont 1838. Recherches sur les eaux thermales. Broch. 8. Clermont 1839. Recherches sur la reproduction des végétaux. Broch. 4. Cler- mont 4827. LecrAn». Requête au chancelier de France et aux pairs. Strasbourg 41841. Les relais, ou la mère de famille et le fileur. Paris 1841. LevrauLT (L.). Essai sur l’ancienne Monnaie de Strasbourg. 1 vol. 8. Strasbourg 1842. LEvRAULT (Mme veuve). Plan de la ville de Strasbourg. Cartes topographiques des départements du Haut et du Bas- Rhin. Lonrer. Propagation de la culture du mürier et du ver à soie. Broch. 8. Lyon. Théorie de Kant'sur la religion'; traduit de pra avec une introduction par M. Bouiczier. Broch. 8. Lyon 1842. De l’importance du Rhône. Broch. 8. Lux. De la question du paupérisme sous le point de vue politique et social. Broch. 42. Paris 4842. , Mazrière (DE). Athénéon. Projet d'établissement en faveur des sa- vants, des gens de lettres et des artistes âgés et sans fortune ; précédé d’une lettre au roi sur l’état actuel des arts et de la littérature, et suivi de Pharamond ou la Franciade. à vol. 8. Paris 1835. Marmeu. Éloge de J. F. Oberlin, pasteur. 2e édit. 4 vol. Épinal 1852. Rapport sur une maladie épizootique en 4840. Épinal. Notice sur les houblons des Vosges. Épinal. Observations sur un veau monstre. Broch. 8. Mayer (de Livourne). Frammenti pedagogici. 4 vol. 8. Firenze 1840. Rapports de plusieurs sociétés italiennes qui ont fondé des salles _ d'asile. 4 vol. 8. MiQuez x Roca (D. Luis). Album de la historia de España. Hom- mage de l’auteur. 542 CATALOGUE, Miocezar». Rapport sur le jeu de la roulette. Broch. Be Strasbourg 1842. More DE Vinpë. La morale de l’enfance, traduit en allemand et offert par M. Benrz, de Nancy. Broch. 42. Strasbourg 1854. Morin. Correspondance pour l'avancement de la météorologie. Broch. 8. Paris. Instructions sur la manière de faire des observations météoro- logiques. Paris. Mémoire sur la question des soulèvements. Paris. 184. Du mouvement orbitaire. Paris. Monix. Destravaux qu’on peut faire dans quelques por ts de la France et nouveau système de jetée. Paris. Mémoire sur les encombrements des ports de mer. Paris. Deuxième et troisième mémoire sur les mouvements et les effets . de la mer. Paris. Movesor. Récapitulation des objets d'histoire naturelle déposés au musée départemental des Vosges de 4840 à 14842. Deux mé- moires. Broch. 8. Bruyères. NicxLÈs. Des prairies naturelles en Alsace, etc. Strasbourg 4859. OuncourT (p’}. De la construction des écoles primaires en France et de l'établissement de leur mobilier. 4 cab. avec planches. Paris et Bar-le-Duc. ORmEA. Appendice al miglioramento serico. Broth. 8. Turin 4842. PainE (MartyN). Essays on the philosophy of vitality, etc. Broch. S. New-York 1842 PapanopouLo. Quattro mesi in Firenze, ete. Paris 4842. Parisor. Météorologie statistique du département des Mage An- nées 1856, 1858, 1859. 8. Épinal. Pomre. Notice sur l'hôpital de Guy à Londres et sur l’hospice départemental d’aliénés d'Auxerre. Broch. 8. Lyon 4842. Porcuar. Traduction en vers de l’art poétique d'Horace. Broch. 8. Lyon 4841. Proxy. Introduction au traité de médecine pratique. Prroux. Mémoire lu au Congrès de Strasbourg, le 4 octobre. Nancy 1842. L’ami des sourds-muets. Journal de leurs parents et de leurs instituteurs , utile à toutes les personnes qui s'occupent d’édu- cation: 4 vol. Broch. 8. Paris et Nancy 1858-1842. PrAvaz. Second mémoire sur l'emploi du bain d’air comprimé dans le traitement du rachitisme, ete. Lyon 4841. De l’influence de la respiration sur la santé et la vigueur de homme. Lyon 1842. CATALOGUE. D45 Povis. De la nécessité d’un ministère spécial pour l’agriculture. Broch. 8. Bourg 1842. Rerner (0e). Die Bemühungen der Deutschen in Erforschung der Denkmæler altdeutscher Baukunst. 4 vol. 4. Bamberg 1841. Renouvier. Notes sur les monuments gothiques de quelques villes d'Italie. Caen 4841. Hommage de M. pe Caumonr. Ricrarr. Programme de quelques principes d'administration pra- tique des maisons d’aliénés. Broch. 8. Strasbourg 1841. Renseignements sur l’asile départemental d’aliénés de Stéphans- feld. Broch. 8. Strasbourg 184. RinG (pr). Établissements celtiques dans le sud-ouest de Allemagne. Broch. 8. Fribourg 1842. RoosmaLen (pe). De l’envahissement du commerce et de l’indus- trie sur les lettres , les sciences et les arts. Broch. 8. Paris 1842. La Tour de Londres. Drame. Broch. 8. Paris 4840. Les derniers moments de la duchesse d’Abrantès. Broch. 8. Paris 1858. L’orateur. 2e édit., gr. 8. Paris 1842. Racine. Cantate chantée au Congrès littéraire de la Société Raci- nienne. Paris. Rousser (A.). La mort de Danton, drame en trois actes et en vers. Broch. 8. Paris et Lyon 1859. La mort de Mirabeau. Drame en cinq actes et en vers. Broch. 8 Paris et Lyon 184. La bataille électorale, ou les marionnettes politiques. Comédie en cinq actes et en vers, avec préface par M. Beccu. Paris 4842: Roux. De la statistique appliquée à l’étude de l'hygiène publique en général et de l'hygiène des Marseillais en particulier. Mar- seille 1842. Saintes (A. E. pe) Les quatre petits Savoyards. 4 vol. broch. 8. Paris 1841. Jean et Julien, ou les petits colporteurs. 4 vol. 8. Paris 4858. L’Ange de la maison. 4 vol. 8. Paris. Thérèse, ou la petite sœur de charité. 4 vol. 8. Paris 1858. SAUVAGE et BuvieniER. Statistique minéralogique du département des Ardennes. Mézières 1842. ScHATrENMANN. Mémoire sur le rouleau compresseur. Broch. 8. Strasbourg 48242. Scggurer. Rapport sur la Société industrielle de Mulhouse. Broch. 8. Mulhouse 1842. Sagimrer. Carte géologique du royaume de Bavière. Scamir. Notice sur la ville de Strasbourg. 8. Strasbourg 1842. 544 CATALOGUE: Scumir. Souvenirs d’un voyage archéologique dans l’ouest de la France. Broch. 8. Paris 4841. Scarerser. Die ehernen Streitkeile zumal in Deutschland, eine historisch-archæologische Monographie. Trois exempl. dont un rehé. Broch. 4. Fribourg 1842. ScawerGGer. Dissertation latine sur les rapports qui existent entre les phénomènes chimiques et l'électricité. Einleitung in die Mythologie. 4 vol. 8. Halle 4856. Ueber die ælteste Physik, und den Ursprung des Heidenthumsaus einer missverstandenen Naturweisheit. Nürnberg 4825. Ueber die Natur der Sonne. Broch. 8. Halle 4829. Dissertation latine sur une question de chimie. Broch. 4. Halle. ScrweEIcHæusER. Énumération des monuments du Bas-Rhin. Stras- bourg 4842. ScnWweIGHÆUSER. Antiquités de Rheinzabern. Cahier de planches lithographiées. Scnucrz. Archives de la Flore de France et d'Allemagne. Beitrag zur Kenntniss der Orobanchen. Munich 4829. SELLIGSBERGER. Quelques mots sur les sourds-muets. Broch. 8. Stras- bourg 1842. 2 exemplaires. Sérys-Lonccaawrs, Instructions pour l'observation des phénomènes périodiques. Broch. 8. Liége. SerINGe. Description et figures des céréales européennes, avec planches (4 livr.). 4re et 2e livr. gr. 4. Paris et Lyon. Simon (V.). Notices archéologiques (1841-1842). Broch. 8. Metz. Notices sur Metz et ses environs, et sur le hiéraple de Forbach. Broch. Metz 1841. Notice sur une statuette. Broch. 8. Metz 1857. Aperçu sur la géologie des environs de Sarre-Louis , d’Oberstein et de Berncastel. Metz. Notice sur les matériaux employés à Metz dans les temples an- tiques, tant pour la construction que pour la décoration des monuments. Aperçu sur la géologie du département de la Moselle. Metz 1858. Mémoire sur le lias du département de la Moselle. Metz 1856. Notices archéologiques (4858-1839). Broch. 8. Metz. SiLBÆRMANN. Album typographique, publié à l’occasion de Pinau- guration de la statue de Gutenberg. Gr. 4. Strasbourg 1840. Sozpan. 50 planches d’un cours de perspective. Darmstadt. Iconographie des plantes vénéneuses. 23 planches noires et 25 coloriées. Fol. Fribourg (Hesse). Sreck (M. DE, Freiherr von Sternburg). Landwirthschaftliche Be- CATALOGUE. 545 schreibung des Ritterguts Lütschena bei Leipzig, mit seinen Gewerbszweigen. 4 vol. 8, relié. Leipsig 4842. Srencer-Smire. Collectanea Gersoniana, recueil d’études, ‘de re- cherches et de correspondances littéraires, ayant trait au pro- blème bibliographique de l'origine de l’imitation de Jésus- Christ. Caen 1822. À Tararrair. Société pour l'instruction élémentaire du Rhône. Broch. 8. Lyon 1842. Trape. Eaux minérales de Hombourg-ès-Monts. Turcx. Du mode d’action des eaux minéro-thermales de Plom- bières. Paris 4837. L Essai sur le cancer. Paris 4842. De la suette miliaire et de la miliaire rhumatismale. Paris 18/4 Va (des États-Unis). De la littérature et des hommes de lettres des États-Unis d'Amérique. 4 vol. 8. Paris 1844. Notice sur les Indiens de l’Amérique du Nord: 4 vol. 8: Paris 4840. * VizeNave. L'Institut de France. Broch. 8: Paris. Louvois. 8. Paris. Les moyens d’assurer la paix universelle et permanente. Broch. 8. Paris. VuzpizzaT. Annuaire du département du Bas-Rhin. Année 1822. 4 vol. 8. Strasbourg. Vorgerr. Monatsblatt für Bauwesen und Landesverschænerung. Are année. 4 vol. 4, avec planches. Munich 4821. Compte-rendu de la première Session du Congrès scientifique de France, tenue à Caen en 4855. 1 vol. 8. Hommage de M. DE CaumonrT, Secrétaire général du Congrès. Compte-rendu de la deuxième Session du Congrès scientifique de France, tenue à Poitiers en 4854. 4 vol. 8. Hommage de M. DE La FONTENELLE DE VAUDORÉ , Secrétaire général du Congrès. Compte-rendu de la troisième Session du Congrès scientifique de France, tenue à Douai en 1855. 1 vol. 8. Hommage de M. »E Givencay, Secrétaire général du Congrès. Compte-rendu de la quatrième Session du Congrès scientifique de France, tenue à Blois en 4856. 4 vol: 8. 1837. Hommage de … M. pe La Saussaye, Secrétaire général du Congrès. Compte-rendu de la sixième Session du Congrès scientifique de France, tenue à Clermont-Ferrand en 1838. 4 vol. 8..4839. Hommage de M. Lecoo , Secrétaire général du Congrès. Compte-rendu de la neuvième Session du Congrès scientifique de France , tenue à Lyon en 184. 2 vol. 8. 1842. Hommage de M. Comarmonn , Secrétaire général du Congrès. 39 546 CATALOGUE. Répertoire des travaux de la Société de statistique de Marseille. 4 vol. 1857,1838, 1859, 1840. Remis par M. Roux, son délégué. Annales des sciénces et de l’industrie du midi de la France, publiées par la méme Société. 5 vol. en douze cahiers. Année4832. Remis par M. Roux. ; Compte-rendu de la méme Société, pendant les années 4827 à 4840. Règlements de la méme Société, approuvés par ordonnance royale. 1851. Recueil des travaux de la Société royale de médecine de Marseille. 4 vol., de 1826 à 1850. Remis par M. Roux, son délégué. Bulletin sémestriel de la méme Société. Les deux premiers vol. Journal des travaux de la Société francaise de statistique uni- verselle. 8 vol. de la 5° série. Année 4842. Remis par M. JULLIEN de Paris, son délégué. Annuaire de la Société philotechnique de Paris. Année18492, t. WI, 4 vol. 42. Remis par M. JuLLIEN de Paris, son délégué. Société Linéenne de Lyon. Année 4841. Broch. 8. Lyon 1841. Remis par M. Horrer , son délégué. Mémoires de la Société des antiquaires de la Morinie. 5 vol. 8. 48/4. Par M. pe Givencuy, son secrétaire perpétuel. Société d'agriculture et de commerce de Caen. Prix proposé par cette Société pour la fabrication des cidres , poirés el eaux-de-vie. Caen 1841. Annali dellu reale Società agraria di Torino. 2 vol. 8. Torino 4842. Offert par son président, M. BERTINI. Annales de la Société d’émulation des Vosges. T. IV, 2 et 5° cahiers. | Mémoires de la Société royale d’émulation à Abbeville. 4 vol. Offerts par M. Boucner pe PERTHES, son Président. Société industrielle de Mulhouse. Prix proposés par cette Société pour 4845. Mémoires de la Société des sciences, agriculture et arts du Bas- Rhin. 7 vol. 8. Mémoires de la Société du muséum d'histoire naturelle de Stras- bourg.'T. WII, 2e livr., 4, avec planches. Société des amis des arts de Strasbourg. Compte-rendu de cette Société pour 4844. 4 broch. pour 484 , et 4 broch. pour 4842. Un million de faits; aide-mémoire universel des sciences, des arts et des lettres, par une réunion de gens de lettres. Broch. 8. Paris 4842. Journal des femmes. Numéro d’août 4842. Offert par M. JuLLIEN de Paris. LISTE DES MEMBRES pu CONGRÈS SCIENTIFIQUE. IVB. Les * indiquent les membres adférents non présents au Congrès. — Les personnes dont le domicile n’est pas indiqué habitent Strasbourg. — Les chiffres à la suite des noms marquent les pages où les personnes sont nommées. *ABELE, docteur en médecine, à Cannstadt ( Wurtemberg). *Arg1, professeur d'histoire, à Aarau (Suisse). Acon, J., supérieur du Petit-Séminaire, vicaire général du diocèse. *ACKERMANN, docteur en théologie, prédicatenr de la Cour, à Mei- ningen (Saxe). P. 94. ADAM, Th., docteur en médecine, à Wasselonne. “AgmeD NEpiM, premier secrétaire de l'ambassade ottomane à Paris. AHLFELD , J. J., curé de Saint-Pierre-le-Vieux. ABRENS , H., professeur en Droit à l’Université de Bruxelles ( Bel- gique). P. 595, 404. ALEXANDER , Fr. S., chevalier, professeur en médecine à l’Uni- versité d'Utrecht (Pays-Bas). P. 232. ALEXANDRE, G., membre émérite de l’Université, à Paris. *ALLOU, ingénieur en chef des mines, à Paris. Azraauss , baron d’, Aug., conseiller des mines, à Dürrheim (Bade). *Amari, Ch., professeur d’architecture à l’Académie I. et R. des beaux-arts, correspondant de l’Institut de France, à Milan. Ammon, chev. d’, Fr. A., premier médecin de S. M. le roi de Saxe, à Dresde. P. 226, 250, 251. *Amoros, marquis de Sotelo, colonel, directeur-fondateur du Gym- nase normal, à Paris. ANGELON , E. A., docteur en médecine, à Dieuze (Meurthe). *ANDERLONT, P., professeur de gravure à l’Académie L. et R. des beaux-arts, correspondant de l’Institut de France, à Milan. “ANDRÉE, Ch., docteur en philosophie, à Brunswick. “AnGrana, docteur en médecine, secrétaire général de la Société médicale , à Tours. Au nom de cette Société. P. 83. APrELivs,Ch., ministre du saint Évangileetinstituteur, à Brunswick 39. 548 LISTE DES MEMBRES. “ARGET , d’, membre de l’Institut { Académie des sciences), com- missaire général de l’administration des monnaies, à Paris. ARBOGAST , Théoph., notaire. ARNozp , B., médecin cantonal, à Haguenau (Bas- Rhin). ARNOLD , Aug. architecte. ARON, Léon, homme de lettres. ARON, À, grand-rabbin du Consistoireisraélitedu Bas-Rhin. P. 543. ARONssonN , J. L., agrégé à la Faculté de Médecine , médecin con- sultant du Roi. P. 414,42, 254, et 241, 242, 247, 248, 264, 267, 269, 525. ARTE, ÉcEe avocat, à Saverne. P. 527 “Augry, professeur à la Faculté de Droit, membre de la Commis- sion des hospices. P. 43. *Auçus, bibliothécaire, membre de la chambre des députés, à Paris. AUNIER, propriétaire, membre de la Société Linnéenne, à Lyon. *Auzoux , docteur en médecine, à Paris. AxnGer, M.J., chanoine de la cathédrale d'Évreux, à Strasbourg. Bac, Jos., agrégé à la Faculté de Médecine. P. 42. Bacn, X. D., professeur de mathématiques au Collége royal. Bar , L., licencié ès lettres, Secrétaire adjoint de la huitième Section. P. 15,48, 470. Bzæge , Chr., conseiller aulique, professeur de littérature ancienne, bibliothécaire en chef de l’Université , l’un des Vice-présidents de la cinquième Section , à Heidelberg. P. 17, 425, 555, 569, 466, 526. Mémoires, t. 11, p. 550. Bæumun, C., président dutribunal depremière instance, à Altkirch. Barzcy, P. B., inspecteur des eaux thermales de Bains, corres- pondant de l’Académie royale de Médecine ; à Darnay (Vosges). P. 228. *Barzzy DE MERLIEUX , avocat, à Paris. “Bazpi, chev., Adr, de, conseiller impérial, à Venise. P. 57, 444. Baroccær, V., docteur en médecine, membre correspondant de l’Académie I. et R. des Géorgophiles, et son délégué au Congrès, à Florence. P. 83,158, 246, 258, 275, 515. *BANNEVILLE, marquis de , président de la Société royale d’agricul- ture et de commerce, à Caen, et son délégué au Congrès. P. 85. Banvize, vte de, de la Société des antiquaires de Normandie, à Villerville (Calvados). Ban, chev., Joseph, associé étranger de l’Académie pontificale romaine d'archéologie, correspondant du Ministère de lins- truction publique pour l’histoire de France , de la Société royale des antiquaires de France, etc., à Demigny (Saône-et-Loire). D. 464, 475, ATA, 478, 479, 480, 482, 485, 486, 492, 498. 227 ET) OT LISTE DES MEMBRES. 549 Barpez, Aug., avoué, membre de la Société industrielle, à Angers. *BarRAcHIN , docteur en médecine, à Paris. Bart, Eug., candidat en médecine. *BARTHÉLEMY fils, secrétaire de la Société française pour la conser- vation des monuments , à La Rochelle (Charente-Inférieure). Barraozoy, Ch., ancien professeur, à Münster (Haut-Rhin). *BarTHOLMESS, Chr., licencié ès lettres, à Paris. BarTHoLuess, Guill. L.,- bachelier ès lettres. P. 443. Barurri, J. Ph., professeur de philosophie positive à l’Université, membre délégué de la Société royale d'agriculture, à Turin. P. 85, 458, 158, 210, 2114, 212, 214, 216, 221, 222, 225, 224. “Bauer , docteur en médecine, à Mulhouse. Bauw, G., professeur adjoint au Séminaire protestant, Secrétaire adjoint de la cinquième Section. P. 43, 17, 555, 556, 545, 3574, 575, 515. “BauR, Fr. L., notaire , à Erstein. Bazzini, Ant., artiste, à Milan. *BeaumonT, G. de, membre de l’Institut (Académie des sciences morales et politiques) et de la chambre des députés, à Paris. Bécæamp, P.J. A., préparateur de chimie à la Faculté des Sciences. P. 242. Becx, F. M., professeur à l’École normale primaire. P. 556, 425. Becxer, Ch. Éd., ministre du saint Évangile, inspecteur de l’éta- blissement du Neuhof. BECKER, G., notaire. “Becker, rentier. “Becker, J., docteur en philosophie à l’Université de Giessen. “BeneL, Ch., docteur en médecine, à Schirmeck. BéGiN, Émile , docteur en médecine , membre de l’Académie royale de Metz, secrétaire et délégué de la Société des sciences médi- cales, à Metz. P. 94, 553, 449, 464, 477, 484, 498, 555. BELLIN, Ant. G., docteur en droit, avocat à la Cour royale, à Lyon. P. 336, 537, 355. Bezrz, Luc., docteur en médecine, à Guebwiller (Haut-Rhin). BENNIGSEN-FoErDER , Rod., officier, à Berlin. BENTZ, J., pasteur. Benrz, Laurent, directeur de l’École normale de la Meurthe, à Nancy. P. 420, 555, 542. “Berosroc», docteur, à Fribourg (Suisse). Berxays, Ch. L., avocat, à Frankenthal (Bavière rhénane). P. 395. Benvor , L., docteur en médecine, à Colmar. BERG, C: , professeur de musique. P. 44, 495, 535. Mémoires, t. IL. BERGMANN , Fr. G. professeur à la Faculté des Lettres, Secrétaire 590 LISTE DES MEMBRES. de la septième Section. P. 44,45, 47, 455, 454, 458, 445, 545. Mémoires, &. I. “BERNEAUD , professeur au Gymnase. P. 43. “BERGER, George, agent de change, à Paris. Bercer , Fél., docteur en médecine, à Bischwiller (Bas-Rhin). BERMEITINGER, G., sculpteur, à Kehl (Bade). BERNHARDT , A., abbé, vicaire à la cathédrale. Bernuarp, J. F., employé au Mont-de-piété. *BERNHEIM, professeur, secrétaire de la Société pharmaceutique , à Kaiserslautern (Bavière rhénane). BerNouLut, Chr., professeur à l’Université de Bâle. P. 555. Béror , A., docteur en médecine. “Bergi-BurkaarpT, M., architecte et capitaine du génie, à Bâle. “Berri, Ad., architecte, à Bâle. Bersretr, baron de, Aug., propriétaire, à Fribourg (Bade). P. 555. *BERTHAUD , procureur général près la Cour royale, à Caen. BERTHAULD-GRAS , F., propriétaire , à Châlon-sur-Saône. “BertuoL», A. A., professeur à l’Université de Gæœttingen. BERTINI, Bern., président de la Faculté de Médecine et de la So. ciété médico- chirurgicale , délégué de cette Société et de la So- ciété royale d'agriculture, l’un des Vice-présidents du Congrès, à Turin. P. 44, 61, 65, 85, 158, 252, 256, 241, 268, 555, 546. Mémoires, t. 11, p. 499. BERTRAND, J., sous-inspecteur des écoles primaires du Bas-Rhin. BERTRAND DE Low, géologue, membre de la Société géologique, à Paris. P. 200. : Bexrus, Ad., propriétaire, à Strasbourg. *BIASOLETTO , naturaliste, à Trieste (Autriche). P. 94. Bioxes , Fr., négociant, à Kastel (Hesse-Darmstadt). P. 525. “BIELLMANN, curé, à Wihr-au-Val (Haut-Rhin). Biccor, P. C., professeur des sciences physiques au Collége, à Haguenau. P.475. Brcey, de, Éd., ingénieur en chef des mines, délégué de la Société d’émulation des Vosges. P. 44, 12, 84, 175, 174, 180, 202, 206, 515. *Breperr, ingénieur mécanicien, à Mulhouse. : *Brxro, D. Al., directeur de la maison rustique , à Paris. P. 555. BLæsius, Ch., pasteur-président, à Wasselonne (Bas-Rhin). BLANCuET , N., ancien manufacturier, ex-facteur de pianos du Con- servatoire royal de musique, à Paris. P. 494, 497. Mémoires, L. II. *BLaNcK , architecte. BLex, Ch., docteur en médecine. P. 258. *BLérey, J., procureur du Roi, à Montbéliard. LISTE DES MEMCRS. 5b1 Brérey, N., négociant, membre de l’Académie de l’industrie de Paris, à Mulhouse. “Bunp, J., pasteur, à Münster (Haut-Rhin). BLorcuez, Ph., professeur à la Faculté de Droit. Biuw, A., docteur en médecine, à Rosheim (Bas-Rhin). “BLumy, G., secrétaire particulier de M. le comte de Læœwenhielm, ministre de Suède et de Norwége , à Paris. BLumsreN, D., inspecteur des postes du Bas-Rhin. Bockexmelm, de, Nic., docteur en médecine. BogckeL, J., pasteur-président, inspecteur ecclésiastique, mem- bre du Directoire de la Confession d’Augsbourg. Bogcxez, Th., docteur en médecine. P.42, Bogckec, Eug., docteur en médecine. Bogoxez, Ch. A., libraire. “Borcxa, conducteur des ponts et chaussées. Borexer, Ch. H., professeur au Gymnase. BoseEr, G. Ad., propriétaire. Borrscx, Ad., notaire. Borescx, Ch., docteur en médecine, conseiller municipal , Secré- taire de la quatrième Section. P. 10, 16, 41, 65, 102, 448, AA, 274, 284, 506, 528, 501, 507, 515. Bosse, Ch., directeur de l’école communale protestante, à Nie- derbronn. “Bosraunen, O., professeur de sanserit à l’Université de Saint- Pétersbourg. *Borceau, P., professeur de mécanique à l’École d'application de l'artillerie et du génie , à Metz. “BorscamserT, de, Ch. Fr., professeur à la Faculté de Droit, à Caen. BoïsLAMBERT , À., licencié en droit, à Caen. Borssarp , Ch. Fr., aumônier au Collége royal, Secrétaire adjoint de la septième Section. P. 47, 454, 4514, 455, 515. Borrez, Al. Clém., curé de Saint-Alpin, chanoine honoraire, membre de la Commission d'archéologie, à Châlons-sur-Marne. P. 588, 556. “Bozzey, D., professeur de chimie, à Aarau (Suisse). P. 94. “Bonarous, M., correspondant de l’Institut de France, directeur du jardin royal d'agriculture, à Turin. P. 556. “Bonaparte, Ch. Luc., prince de Canino et Musignano, à Rome. P.158, 160, 556. Boxcour , A., pharmacien, à Bischwiller. “Boxer, chirurgien en chef de l’Hôtel-Dieu , à Lyon. Bonner, S., docteur en médecine, professeur d'agriculture du 552 LISTE DES MEMBRES. Doubs, membre de l’Institut des provinces de France, Vice-pré- sident de la quatrième Section du Congrès, à Besançon. P. 46, 56, 258, 259, 275, 274, 275, 294, 295, 5014, 507, 51, 5148, 524, 525, 526, 527, 528, 529, 554, 556. Mémoires, t.II, p.265. Born, Séb., auteur de l’Almanach Bottin , ancien secrétaire général du Bas-Rhin et du Nord, à Paris. P. 476, 556, 557, 540. *Borro, professeur de physique à l’Université de Turin. P. 224, D36. *BoucaarLar, J, L., membre de la Société philotechnique et de plusieurs académies , à Paris. Boucaer, Léon, secrétaire de l’Académie. *Boucaer DE PeRTHes , directeur des douanes, président de la So- ciété royale d’émulation , à Abbeville. P. 95, 556, 546. *Bouizcer, Secrétaire général de la sixième Session du Congrès , à Clermont. *BouuaN , professeur au Collége royal. BouLLANGER, J.A., directeur du Gymnase divisionnaire. P. 503. Bougcart, J.J., fabricant, à Guebwiller. BourcarT, H., négociant; à Guebwiller. *BounIN, médecin en chef de l’hôpital militaire, à Marseille. P.262. Bourcrer , Jules, négociant, ornithologiste , membre de la Société royale d'agriculture et président de: la Commission des soïes, à Lyon. “Bourcrarp, docteur en médecine, à Sarrebourg (Meurthe). BourNiQue, Ch., instituteur, à Allemand-Rombach (Moselle). BoussiNGauLr, J. B., membre de l’Institut (Académie des sciences), l’un des Vice-présidents du Congrès, Président de la deuxième Section, à Paris. P. 14, 15,16, 208, 212. *BowrinG, J., membre du Parlement britannique, à Londres. P. 87. *Boxer, professeur à la Faculté de Médecine. P. 42. “Boxer , conseiller à la Cour royale de Colmar. *BraApLey, chef d'institution , à Paris. *BRANCHE , D., avocat , inspecteur des monuments historiques de la Haute-Loire, à Paulhaguet (Haute-Loire). *BRauN, procureur du roi, à Colmar. Braun, Al., professeur de botanique à l'École potytechnique , à Carlsruhe (Bade). P. 474. Braun, Ch. L., négociant. P. 41. BrauNwaD, E., pasteur, vice-président de la Commission des pri- sons civiles. BRAUNWaALD, Ch. G., conseiller municipal. “Bravais, professeur à la Faculté des Sciences, à Lyon. Ben, L., pasteur, naturaliste, l’un des Vice- présidents de la LISTE DES MEMBRES. 23 première Section du Congrès, à Renthendorf (Saxe). P. 145, 95, 425, 158, 161 , 164, 166. BREMSINGER , F. L. ES: ibn notaire, ancien adjoint au maire. “Beer, préfet du département du Haut-Rhin , à Colmar. Brerz, F.J., abbé, ancien professeur. “Brit, marquis de, à Loches (Indre-et-Loire). BRiFFauLT, Th., docteur en médecine. BRolstent, H., négociant, à Mulhouse. BRONNER , J. J., candidat en théologie , instituteur. BRucx , J. Fr., doyen de la Faculté de Théologie, supérieur du Gymnase, l’un des Vice-présidents de la sixième Section. P. (14, 45,14,17,574, 515, 590, 592, 425, 424, 478, AS0 , 486, 487, 490, 556. “Bruox, notaire , Secrétaire général du vingtième Congrès des na- turalistes allemands, à Mayence. Au nom de ce Congrès. BRUCENER, Ém., négociant. *BRUMMER , dir ecteur et professeur du Lycée, à Heidelberg (Bade). P.556. BRuns, G., professeur agrégé à la Faculté de Droit de l’Université, | à Tubingen (Wurtemberg). “Bucuer , avocat à la Cour royale de Colmar. Bucuer, “baron, lieutenant-général, commandant la 5° division _ militaire. P. 40, 42, 503, 504, 505. Bucanozrz , F., avoué , à Wissembourg (Bas-Rhin). BUCHINGER , J. D., inspecteur adjoint des écoles primaires du Bas- Rhin. P. 42, 14. “Burrer, Aimé, à Mirecourt (Vosges). “Burret, Louis, à Mirecourt. BüHLMANN, Frén., docteur en médecine , à Berne Buell *BuzLoz, M. ., prof. à l’École préparatoire de médecine, à Besançon. BücKEr, Px. J., professeur à l’École industrielle. BURCKHARD, Gust. , docteur en médecine. P. 296. BuRcHHAGDT, k; Antistes , à Bâle. BuRGER, J. D. F. , docteur en théologie, ministre du saint Évan- gile. BuRGUBURU ; P. S. A., propriétaire. Borrz , Théod., notaire. Busca , Fr., propriétaire, ancien adjoint au maire. P. 43, 293, 516, 550, 575, 411. Buss , Fr. J., professeur de Droit et des sciences politiques à l’Uni- versité de Fribourg (Bade). P. 422, 424, 292, 298, 520, 552, 585, 587, 406, 407, 444, 426, 451,515. Mémoires, t. IL, p.249, 252. 554 LISSE DES MEMBRES. “Bussan», Dr., avocat, professeur en Droit, député au Grand-Con- seil du canton de Fribourg (Suisse). P. 94. “Buvicnier , N. A., Vice-président et délégué de la Société philo- mathique, à Verdun. P. 545. Caëz, J. Jos., banquier, à Saint-Dié (Vosges). CanuN, Mayer, professeur de langues orientales , à Haguenau. P. 450. CazLior, Am., professeur à la Faculté de Médecine. P. 234, 244. Camrmas, B., docteur en médecine, à Colmar. Camuzr, G., propriétaire , à Dürmstein (Bavière rhénane). CanTENER , L. Pr., avocat, naturaliste, à Hyères (Var). “CAaRL, procureur du roi, ancien député, Carré, Louis, candidat en médecine. ‘CarRièREe, L., agrégé à la Faculté de Médecine de Strasbourg, à Saint-Dié (Vosges). “CARRIÈRE, Maur., docteur agrégé à l’Université, à Heidelberg. "CART-BALTHASAR, propriétaire , à Paris. CARVALLO, AL., officier d'administration. c ‘Css, général, ministre des États-Unis d'Amérique , à Paris. CAsTEL, A. H., secrétaire général de la Société d’agriculture, sciences, arts et lettres, à Bayeux. Au nom de cette Société. P. 83. Casrec, Jean, pasteur de l’église réformée, délégué de la Société d'agriculture, sciences et arts de Rochefort. P. 95. *CASTELLANE, marquis de, président de la Société archéologique du midi de la France, à Toulouse. Au nom de cette Société. P. 82. CaTOIRE, H., substitut du procureur du roi, Secrétaire adjoint de la sixième Section. P. 43,17, 588. Caumonr, A. de, fondateur de la Société des antiquaires de Nor- mandie, de la Société Linéenne de Normandie , de l’Association normande , du Congrès scientifique de France et de la Société française pour la conservation et la description des monuments historiques ; l’un des membres fondateurs de l’Institut des pro- vinces de France, membre correspondant de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, Président de la dixième Session du Congrès, à Caen. P. 6, 44, 64, 82, 116, 456, 150, 160, 197, 509, 510, 517, 519, 555, 557, 461, 462, 464; 468, 469, 484, 490, 502, 505, 515, 527, 556, 557, 45 , 545. “CauviN, Th., président de l’Institut des provinces de France, Secrétaire général de la septième Session du CADRE au Mans. P. 84, 564. Gerrperr, Max., lieutenant-colonel d'état-major, député du Bas- Rhin, à Paris. “CHaïix, François, archéologue , à Marseille. TS LISTE DES MEMBRES. 555 Caameneur*Ém., chirurgien-major da 75e régiment de ligne. *CBAMPOUILLON, médecin adjoint, professeur à l’hôpital militaire d'instruction. Cæawry, P., adjoint au maire, membre du Conseil général du Bas- Rhin. CHaperoN, P., ingénieur des ponts et chaussées. Cmarpuis, Ch. Jos., maire, membre du Conseil général du Haut- Rhin, à Colmar. P. 449. CHARREYRON , J., chef d’escadron au 9e régiment d'artillerie. “CaasseNow, général comte, propriétaire, àParis. P, 57, 275. CHaurFour, J., avocat, à Colmar. P. 554, 564, 410, 414. *CHayANNE, docteur en médecine, à Mirecourt. Cagrkier , de, propriétaire, à Neufchâteau. CerRier, F.J., avoué, à Colmar. CHEVALIER, J. B., curé de Saint-Louis. “CHEVALIER, Vicaire de Saint-Pierre-le-Jeune. Carveraux, Théob., secrétaire de la Société d'agriculture, à Évreux. P. 85, 502. “Caéz, Guill. de, littérateur, propriétaire , à Bade. “CHRÉTIEN, médecin, à Thann. CHRÉTIEN, A. J., professeur d'agriculture à l’École normale pri- maire, à Nancy. P. 296, 501, 525, 326, 529, 555. “Crarxe, Ch. W., président de l'institution royale de la Société des architectes , à Londres. CLAUDE , P. V., docteur en médecine. “CLaue , Ant., pharmacien, à Brunstatt (Haut-Rhin). CLAUSING , Ferd., médecin communal. *“Crerc, abbé, professeur de rhétorique , à Luxeuil (Haute-Saône). P. 56, 453. “CLERMONT, J., président de la Société d'éducation, à Lyon. Au nom de cette Société. P. 82, 540. | CLEVER, Guill., négociant, à Barmen (Prusse rhénane). “Cornorn, Edm. de, secrétaire d’ambassade. CozrLosquer, comte de, Ch. P., membre et délégué de l’Académie royale, à Metz. P. 61, 94, 420, 457, 557. Mémoires , t. II. *Comen , docteur en philosophie , à Hanovre. *Corerre, médecin en chef de l’hôpital militaire , à Belfort. *Cocerris, J., général, ministre de Grèce, à Paris. Cou, F., professeur suppléant à la Faculté des Lettres, Secrétaire adjoint de la septième Section. P. 48, 455. “Cozzecno, de, doyen de la Faculté des Sciences, à Bordeaux. “Cozienon , J. L. A., avocat, docteur en Droit, à Metz. “Gorompar. (de l'Isère), docteur en médecine, à Paris. 456 LISTE DES MEMBRES. Comarmon» , Amb., docteur en médecine , inspecteur des monu- ments historiques du Rhône et de l’Ardèche , conservateur des Musées archéologiques de Lyon, Secrétaire général de la neu- vième Session du Congrès, membre de l’Institut des provinces, Président de la cinquième Section , à Lyon. P. 6, 46, 60, 555, 559, 54H, 547, 549, 550, 562, 568, 575, 464, 527, 557, 545. Mémoires, 1.1, p.275 et 507. “Comes, professeur à l’école préparatoire de médecine, à Toulouse. P. 255, 537. “Coxexer, H., chanoine de la cathédrale’de Soissons (Aisne). P. 550, D37. “Conraux fils , docteur en médecine , à Villé (Bas-Rhin). ConsipéRanT, V., ancien capitaine du génie’, fondateur-directeur de la Phalange, à Paris. P. 285, 289. Cook, E., professeur au collége, membre de la Société indus- trielle , à Mulhouse. P. 210. CoRBIÈRE, de la , J. B., docteur en médecine, à Paris. P. 252, 255, 256, 256, 258, 540. Mémoires , t. IL, p. 215. “CosTEe, docteur en médecine, membre de la Société industrielle, à Mulhouse. ,: “Corrar», ancien recteur de l’Académie de Strasbourg, à La Ciotat (Bouches-du-Rhône). P. 44. “CoTTENET , maire du premier arrondissement de Paris. CouLmanx , J.J., ancien député du Bas-Rhin, à Brumath. “Couxes , ingénieur des ponts et chaussées. “Coussin, architecte, à Paris. P. 537. Coururar, A., ingénieur en chef des travaux du Rhin, président et délégué de la Société des sciences, agriculture et arts du Bas- Rhin , l’un des Vice-présidents de la quatrième Section. P. 46, 84, 126, 274, 519, 328, 515. *Coze , doyen de la Faculté de Médecine, vice-président de la Gom- mission des hospices. P. 41. *CRATZ, C., docteur en médecine, à Oestrich (Nassau). “CREUTZER, Conseiller aulique intime, associé étranger de l’Académie des inscriptions, professeur à l’Université , à Heidelberg. P. 94. CRÈVE, D. Dag., substitut du procureur général, à Mayence. Cristiant, Al., docteur en médecine. Cunier , Ch., inspecteur de l’enregistrement. “Cuxrer, F1l., docteur en médecine, rédacteur en chef de l’Ency- clographie des sciences médicales et des Annales d'oculistique, à Bruxelles. Conrrz , Éd., docteur en théologie. “Cuxrz , Corn., docteur et professeur, à Hadamar (Nassau. . LISTE DES MEMBRES. 557 *Curte , professeur à l’École normale primaire , à Colmar. Cussx, vicomte Fr. de, officier supérieur en retraite, membre de l'institut des provinces, Vice-président de la huitième Section, à Saint-Mandé (Seine). P. 47, 48, 85, 454, 555, 456, 462, 464, 465, 472, 416, 487, 490 , 494, 496, 497, 498, 500, 526, 529. *Cuvier , professeur à la Faculté des Lettres. Dacuer, Al., professeur, délégué de la Société générale d'histoire de la Suisse , à Fribourg (Suisse). P. 85, 557, 562, 567, 572, 585, 425, 444, 446, 502, 512. Dazwicx, baron R. de, directeur du cercle, à Worms (Hesse rhénane). Darcer. Voyez ARCET. Darcy, Alph., chef mineur des mines de Bouxwiller (Bas-Rhin). Darr, Ch., candidat en théologie, instituteur. DAUBRÉE, AS ingénieur des mines , professeur à la Faculté des Sciences. P. 41, 12, 465, 167. *DauLz, abbé, vicaire de Sainte-Madeleine. DEBENESSE, Aug., père, propriétaire. DEBENESSE , À., fils, négociant. Decker , Alb., clerc de notaire Decker , Cam., imprimeur, à Colmar, *Decomsce , contrôleur du bureau de garantie. “Decowgse, fils, Eug., ingénieur de l’arrondissement de Strasbourg. “De GÉRANDO , baron, pair de France, vice-président du Conseii d’État, membre de l’Institut (Académie des sciences morales et politiques), professeur à la Faculté de Droit, à Paris. P. 88. DExar8e, Ch., professeur au Petit-Séminaire. DELARUE , principal du collége de Thann (Haut-Rhin). Dercasso , L., doyen de la Faculté des Lettres. P. 17, 574,-455, 452, 453, 454, 515. *DeLesserr, baron B., membre de l’Institut, ancien député, à Paris, “Demaurre, maitre de forges, à Chaudeau, près Saint-Loup (Haute- Saône). | “Denis, ancien maire, membre de plusieurs sociétés savantes, à Commercy (Meuse). *Descxames, inspecteur des forêts en retraite, à Caen. *DESFOSSE , professeur de chimie, à Besançon. *DESGUIDI, ‘comte, docteur en médecine, à Lyon. P. 539. *DESLONGCHAMPS , Eudes, professeur à la Faculté des Sciences , délé- gué de la Société Linnéenne de Normandie, à Caen. P. 82. “DEsPine , baron , père , médecin inspecteur des eaux thermales, à Aix (Savoie). P. 537. “Dessaix, J. M., docteur en médecine , à Lyon. P: 537. 558 LISTE DES MEMBRES. DESSARTE , à Paris. P. 468. Desrrais, Ch., avocat, docteur en Droit. *Derourer, président du Comité central d'agriculture de la Côte- d'Or, à Vantoux. Dernoyes, Ém., avocat, Secrétaire adjoint de la huitième Sec- tion. P. 18, 472, 476. Mémoires, t. II. DerzEx , À. J. A., ingénieur des ponts et chaussées, à Mulhouse. Levure, J. B., docteur en médecine , à Colmar. P. 268. DinrerGEoRGE , J. B., docteur en médecine, à Bruyères (Vosges). Dreur, G., directeur des écoles primaires, à Mulhouse. *Drerricn, baron A. de, maître de forges, membre du Conseil géné- ral du Bas-Rhin, à Niederbronn. Dierrrcn, E. de, maitre de forges, ancien député, à Niederbronn. PS2 Drermicn, Ant., abbé, docteur en théologie, professeur au Sémi- naire épiscopal. P. 374. *DrerricH , abbé, vicaire, à Cernay (Haut-Rhin). *DrerricusoN, professeur. Au nom du sénat académique de l’Uni- versité de Christiania (Norwége). *Drerz, Ch., propriétaire, à Barr (Bas-Rhin). Duon, Victor, négociant. DiNCHER , J. V., avocat. Dirrrica, Jos., pharmacien, à Prague (Autriche). *Drrrwecer, professeur à l’École vétérinaire, à Carlsruhe (Bade). *DoeLL, Chr., professeur, à Mannheim (Bade). Doccrus, Ém., président de la Société industrielle et son délégué au Congrès, Président de la quatrième Section, à Mulhouse. P.16, 84, 274, 528, 502. Dozzrus-Ausser, D., membre de la Société industrielle, à Mul- house. P. 505. Dozuncer, Ph. Ferd., licencié en droit. “Doré, ingénieur en chef du département de l’Ain, à Bourg. Dorran, Ant., avocat, à Schlestadt. “DourLET DE BoiSTHIBAULT, avocat, conservateur des monuments historiques d’Eure-et-Loir, bibliothécaire, à Chartres. P. 557. Doyen , N., chanoine, archiprètre, curé de la cathédrale. Drace, Ign., libraire. “Dranr, M., professeur au collége de Haguenau. DREER, Ch., vicaire, à Kippenheim (Bade). Dieu, Al. Fr., colonel du régiment des pontonniers. DrioN, Charles, président du tribunal de première instance, à _Schlestadt. P. 575, 585. Driow , L., directeur des forges, à Schœnau (Bavière rhénane). LISTE DES MEMBRES. 59 *Dusois, intendant de la 5e division militaire. Dosreuiz, secrétaire de la Société centrale d'agriculture du dépar- tement de la Seine-Inférieure, à Rouen. Au nom de cette Société. Pir85 Ducné, Vital, chef de bataillon du génie, à Lunéville (Meurthe). Ducomuun , F., horloger. “Duray, Eug. L., docteur en médecine, à Paris. *DurREsNE DE Tour , à Metz. “Duyarin , aîné , secrétaire de la Société libre pour concourir aux progrès du commerce et de l’industrie , à Rouen. Au nom de cette Société. P. 85. “Dumoncez, comte, délégué de la Société française pour la conser- vation et la description des monuments historiques, à Cherbourg. P. 82. DuMasT (GUERRIER DE), AUg., ancien magistrat d'Épée , délégué de la Société royale des sciences, lettres et arts, l’un des Vice-pré- sidents de la septième Section du Congrès, à Nancy. P. 47, 64, 94, 340, 542, 545, 514, 595, 4355 , 456, 442, Ad1, 455, 454, 526, 527, 557, 558. Mémoires, t. IL. Dons , À. de, propriétaire, à Lemberg (Prusse). Doncor , Ch., professeur de chimie , à Glascow (Écosse). *DoPIN, ainé, membre de l’Institut, membre et ancien président de la chambre des députés, procureur général près la Cour de cassation, à Paris. “DupraTRE, Luc, de Lyon. P. 487. “Duquer, capitaine d’artillerie. Duroxer , Ch. F., maire, secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences, à Amiens. P. 94. DürrBAaca, G., docteur en théologie, pasteur. P. 454. Dürre, Ed., professeur, à Lyon. Durac, P. N., propriétaire , délégué de la Société d’émulation des Vosges, à Épinal. P. 84. Donc, Eug., propriétaire-cultivateur, à Versailles. Duroco, L., colonel du 7e régiment d'infanterie de ligne. Duvernoy, G. L., professeur au Collége de France , correspondant de l’Institut, Président de la première Section du Congrès, à Paris. P. 45, 61, 158, 189, 197, 205, 206, 558. *DysIEWICZ, profess. delangue sllemande, à Épinal (Vosges). P. 538. *EcxeL , propriétaire. Epez, F. G., pasteur-président, inspecteur ecclésiastique. Eces , Ph. E. d’, docteur en médecine. Enmanx , L., négociant. EHManN, J. P., négociant. 560 LISTE DES MEMBRES. EBRHARDT, propriétaire, à Schiltigheim (Bas-Rhin). EsrmaroT, E., pasteur-vicaire, à Bischheim (Bas-Rhin). Earmanx, Ch. H., professeur à la Faculté de Médecine, direc- teur de l’École d'accouchement, médecin en chef des hospices , président de la Société de médecine , l’un des Vice-présidents de la troisième Section du Congrès. P. 414, 12, 46, 459, 226, 259, 245, 248, 255, 268, 270,274, 515, 525. Eurmanx, Aug., membre de Ja Commission des hospices. Ennmann, L. F., négociant, conseiller municipal. Earmanx, H. D., négociant, membre du Conseil général du Bas- Rhin, à Bischwiller (Bas-Rhin). Eurmann, J. D., négociant. EnrmanN, Ch. Alb., docteur en médecine. Esrmanx , L., bachelier ès lettres. P. 459. EISsEN , L. À., avoué. Eissex , Ed., docteur en médecine, rédacteur en chef de la Gazette médicale de Strasbourg. Ecy, Will. d’, avocat, à Newhaven (Connecticut). Evmerica, Ch. Fr., graveur. EMMERICH , L.A., négociant. EncecnaroT, H., docteur ès lettres, professeur au Gymnase. ExGeznaRnt, Ch. M., propriétaire. P. 467, 169. EnGezmarpr, Fr., docteur’ès sciences, directeur des forges, à Nie- derbronn (Bas-Rhin). P. 483, 212. ExceLHaRpT, H., avoué, Secrétaire adjoint de la huitième Section. P. 48. EnceznaRpr fils, M., avocat. ExéeznarpT, Wolffe., ingénieur des mines, à Saalfeld (Saxe). ENGELBACH, J., avocat. ENGELMANN , À. L. F., sous-intendant militaire. Enwery, Jon., instituteur primaire communal. ENsFeLcper , Th., pasteur, à Dossenheim (Bas-Rhin). Erckmanx, Em., bachelier ès lettres, à Paris. ERDMANN , J. Aug., docteur en médecine. P. 269. Escagaca , L. Pr. A., avocat, docteur en droit, professeur sup- pléant à la Faculté de Droit, Secrétaire général adjoint du Con- grès. P. 9, 40, 45, 407, 515. EscaenauER , Th., négociant. Escuer, A., géognoste, à Zurich (Suisse). “EsreL, abbé, vicaire, à Colmar. Euzer , B. J., propriétaire. - Eytx , J. F., négociant. Faser , J., percepteur des contribulions directes. LISTE DES MEMBRES. 561 “Fasre, supérieur du Grand-Séminaire, vicaire général du diocèse, à Saint-Flour (Cantal). F4ës, J., négociant, membre de la chambre de commerce. FAHLMER, J. G., pharmacien. P. 42. Fax, Ern., médecin vétérinaire en chef, à Rudolstadt (Saxe). P. 258. FaLLor, L., fabricant, délégué de la Société industrielle, à Mul- house. P. 84, 285 , 287. FarGEauD, Ant., professeur à la Faculté des Sciences , SeCrélaire de la deuxième Section du Congrès. P. 10, 42, 46, 207, 214, 221, 222. Mémoires, t. II, p. 403, 408. “Faucon-DuquEsNé, professeur de médecine, à Caen. “Faunez, G.F., docteur en médecine, à Colmar. Faxer, P., professeur de mathématiques au collége, à Colmar. P. 577, 589. Fecar, Ch., pasteur, à Ottenheim (Bade). Fecater , D. A., docteur en philosophie, professeur au Gymnase, à Bâle. “FepERER, recteur du collége cantonal, à Saint-Gall (Suisse). Fée, À., professeur à la Faculté de Médecine et à l'hôpital militaire d'instruction, pharmacien principal des armées , lun des Vice- présidents de la première Section du Congrès. P. 41, 42, 41, 94, 422, 158, 159, 170, 171, 176, 177, 186, 195, 198, 2092, 205, 240. FEIN , G., homme de lettres, à Christiania (Norwége). “Ferrarr, docteur ès lettres, à Paris. “Ferrero, docteur en médecine , professeur, à Turin. FerscHeniN, Rod., conseiller d’État de la république de Berne. FeuiLcer, J., juge de paix, à Lyon. P. 402. “FEVRET DE Sait- MÉMIN , Ch. B. J., correspondant de l’Institut, conservateur du Musée, à Dijon. “Ficare, Imm. H., professeur de philosophie à l’Université de Tu- bingen (Wurtemberg). Froxrer, Ch., docteur en philosophie, directeur et professeur du Gymnase, à Donaueschingen (Bade). “FINANCE , rentier. L “Fuizio, docteur en médecine, à Paris. P. 240. “Eisemer , J. Ph., pasteur, à Pfaffenhofen (Bas-Rhin). Fisemee, M., négociant , à Engen (Bade). Fiscmer , Fr., professeur, à Bâle. Fisæer, Will. W., professeur à l’Université de Cambridge. FLAManT, N., docteur en médecine, à Schlestadt. “FLAXLAND , peintre. 36 562 LISTE DES MEMBRES. *Fonéré, M. R., médecin cantonal, à Wasselonne. *Foczy, J., avocat , à Fribourg (Suisse). *FonNTAINE, professeur au collége, à Remiremont (Vosges). *FoNTENELLE DE Vaunoré, de la, doyen des conseillers de la Cour royale, membre du conseil général des Deux-Sèvres, correspon- dant de l’Institut, Secrétaire général de la deuxième Session du Congrès, à Poitiers. P. 94. Foncer, Ch. P., professeur à la Faculté de Médecine, président du jury médical, Secrétaire général adjoint du Congrès, Pré- sident de la troisième Section. P. 9, 40, 42, 16, 61, 225, 227, 254, 255, 258, 259, 241, 250, 252, 253, 254, 262, 265, 264, 267, 268, 270. PP ANERER t. II, p.126. “FORMIGNY, de, délégué de la Société française pour la conser- vation et la désoription des monuments historiques, à Caen. Fournez, D. H. L., professeur d'histoire naturelle, directeur du jardin botanique; délégué de l'Académie royale de Metz et de la Société d'histoire naturelle de la Moselle, à Metz. P. 94, 462, 4165, 181. *Fourner, J., professeur à la Faculté des Sciences , à Lyon. François, H. A., médecin communal. FRANTZ, Ph., avocat. FRaynier, Aug., abbé, professeur. Frecx, Ch., docteur en médecine , à Bade. Frépérix, Chr., lieutenant-colonel, directeur de la fonderie royale, à Liége (Belgique). FREI, J. J., doyen du clergé réformé du canton d’ Appenzell, Trogen (Suisse). FRensporr , Jules, employé au chemin de fer. “Fresenits, J. F. Th., professeur à l’École urbaine , à Francfort. Frey, Ch.F., ministre du saint Évangile, professeur à l’École indus- trielle. P. 350, 432. FriveriCH, And., statuaire. P, 485. FRIEDEL, Ch., négociant. FRIEDEL, Théod., ministre du saint Évangile. *FRIEDEMANN , F.T., conseiller supérieur des écoles, directeur des archives AS du duché de Nassau , à Idstein. P. 90. “FRiEncesEn, docteur, professeur à l'École urbaine , à Francfort. Fries, F., architecte de la ville. P. 41, 13, 41, 465, 486, 496. Fricxer, bachelier ès sciences et en Droit. P. 292. Frier, Marc, homme de lettres, à Pont-de-Veyle (Ain). FRIRION , Jos. F., général en retraite, conseiller municipal. Friry, Ch. F. | correspondant du ministère de l'instruction 5 pour l histoire de France, à Remiremont (Vosges). P. 560, 490. LISTE DES MEMBRES. 565 Frisiani, Paul , professeur d'astronomie à l'observatoire de Milan. P. 214, Mémoires, t. II, p. 445. Frrrsen, J.B., ancien directeur du Séminaire épiscopal. P.44, 45. *Frrrscn, Jos., professeur d’humanités. Frirz , Th., professeur à la Faculté de Théologie et au Séminaire protestant. P.145, 575, 577, 590. Ù Frirz, Ferd., peintre, à Carlsruhe (Bade). *Frocy, J. F., économe du Gollége royal, à Lyon. Frommerz, C., professeur de chimie et de minéralogie à l’Univer- sité de Fribourg. Fucas, Ph. J., fabricant d’huile. Fucgs , Ch. Th., pasteur, à Guebwiller (Haut-Rhin). “Fuoczs, C. H., professeur de clinique interne à l’Université de Gættingen. Focus, Aug., candidat en philologie, à Dessau (Saxe). P. 424, 555, 556, 447. Mémoires , t. II. *Fuzemrron, membre de la chambre des députés, à Lyon. *FuRIET, ingénieur des mines, à Colmar. Gaz, baron, B. L. A. de, propriétaire-cultivateur, à Mulhausen (Bas-Rhin). Gaiz , H. de, avocat, à Colmar. *Gamss , Ch. E., homme de lettres, à Carlsruhe. “Gauss négociant, à Offenbourg (Bade). *GanD, "Gust., sous- inspecteur des forêts , à Senones (V osges). *GASPAKIN, Ébuie de, pair de France, ancien ministre de l’intérieur, membre de l’Institut (Académie des sciences) , à Paris. *GasparIN, Aug. de, membre de la chambre des députés, à Paris. *Gass , docteur en médecine, à Mommenheim (Bas-Rhin). Gavexrer , Phil., maître de poste, ancien adjoint au maire, à Wissembourg (Bas-Rhin). *Gaveaix, trésorier et délégué de la Société française pour la con- servation et la description des monuments historiques, à Bayeux. P. 82. GaurarD, Fr., professeur, délégué de la Société philomathique de Verdun , à Mirecourt. P. 82. *Gavzueur , H. Eus., professeur de Droit à l’Académie, ancien élève de l'École des Chartes, à Lausanne (Suisse). *Gavep, professeur en Droit à l’Université de Breslau (Prusse). P. 94. *Gazzert, chevalier, Jos. de , professeur de chimie, vice-président de l’Académie I. et R. des Géorgophiles , à Florence. Geisropr, J., négociant. Gex, Ét., jardinier en chef du jardin botanique. GÉRARD , Ch., homme de lettres. 36. 564 LISTE DES MEMBRES. GERHARDT, G. F., pasteur-président. GERHARDT, Sam., négociant. *GERHARDT, professeur de chimie, à Montpellier. G£ranpr, J. Ch., docteur en médecine. *Geaun6, professeur à l’Université de Marbourg (Hesse-Électorale). *GERMAIN , J. R., pasteur, président du Consistoire, à Pouzanges (Vendée). Génocx , Ch. Fr., professeur au collége, à Bouxwiller (Bas-Rhin). : Gérocn, Th., pasteur, à Kolbsheim (Bas-Rhin). GEXELIN, J. G., architecte, à Mulhouse. GIBERTON-DuBREUIL, H., avocat , à Paris. P. 502. GILBERT, ancien avocat. GiccioT, Alph., notaire, à Erstein (Bas-Rhin). P. 575. GImeL, Ch. de, licencié en droit, contrôleur des contributions directes. P. 44. *GIRARDIN, Correspondant de l’Institut, professeur de chimie, ins- pecteur divisionnaire et délégué de l'Association normande, à Rouen. P. 82. GIRARDOT, A., avocat. *Givencuy, L. de, secrétaire perpétuel des Antiquaires de la Morinie, Secrétaire général de la troisième Session du Congrès , à Saint- Omer (Pas-de-Calais). P. 85, 94. “Gels, abbé, vicaire, à Cernay. GLoxiN, B. Éd., conseiller à la Cour royale, à Colmar. GLoxIN, Éd., cultivateur. “Gone DE Lrancourr, fondateur-directeur de la Société interna- tionale des naufrages , à Paris. P. 84. “Goperror, trésorier et délégué de l’Association normande, à Caen. P. 82. Goprroy, Eus., professeur au Séminaire épiscopal , à Nancy. Gonin, P. D. C., chef d’escadron au 9e régiment d'artillerie. GopELtER , Ch., professeur à l'hôpital militaire d'instruction. GoePrer , J., économe, à Cork (Bade). GoErz, G., docteur en médecine, à Steinbach (Bade). *Gopron, professeur à l’École de Médecine , à Nancy. P. 488. Gocuez , Ed., licencié ès lettres, chef d'institution, Secrétaire ad- joint de la sixième Section. P. 44,45, 44, 17, 121, 553, 554, 428. “GozsÉay, de, correspondant de l’Institut, député, procureur géné- ral près la Cour royale, à Besançon. | “Gozréry, Ph. de, licencié en droit. GoLL, J. J. S. de, colonel du génie en retraite, à Colmar. GoLL, Dan., secrétaire général de l'administration des hospices. *GonpreT, docteur en médecine, à Paris. LISTE DES MEMBRES. 565 “GousErT, L., employé à la manufacture des tabacs , naturaliste. *GRÆFF, ingénieur de l’arrondissement de Saverne (Bas-Rhin). *Gaærr, receveur particulier, à Schlestadt (Bas-Rhin). “GRAF, Ch. H., licencié en théologie, à Paris. GRANDEURY, Ch. J., propriétaire et négociant , à Nancy. Grass, Ph., sculpteur de la cathédrale. *GRÉGORY, de , président de chambre à la Cour royale? à Lyon. GREINER , J.,.négociant. GRENIER, professeur à l’École de Médecine, à Besancon. P.475, 475. GRIMMER , G. L. Fr., notaire. “Griots , A., ancien notaire , maire de Ghatenay (Seine), à Paris. “GRorsER, conseiller médical, Secrétaire général du vingtième Con- grès des naturalistes allemands, à Mayence. Au nom dece Congrès. “Gros, F., officier d'administration. “Gros , J., membre de la Société industrielle, à Mulhouse. Grosz, J. G., agent comptable des hospices civils. P. 291, 527. Gxosz, F. Ch., docteur en médecine. GRUGKER,, J. G., libraire. P. 41. “Grün, Alph., avocat, rédacteur en chef du Moniteur universel , à Paris. GRüN , Ch., négociant. Gruyer, Gilb., percepteur, à Geispolsheim (Bas-Rhin). GupER , Ed., vicaire, à Berne (Suisse). “GuEMBEL , J. B., professeur, à Deux-Ponts (Bavière rhénane). GuerBEr , abbé , aumônier des prisons civiles. GuéRiN, Gabr., peintre, conservateur du Musée de peinture. GUERRE , P. Ad., ingénieur du canal de la Marne-au-Rhin. . GuraBn , Th., professeur au collége royal, Secrétaire adjoint de la cinquième Section. P. 47, 545, 427, 429, 444. *GurcHo, lieutenant-colonel au 40€ régiment d’artillerie. “GuicrarD , inspecteur émérite de l’Université , à Lyon. “Guizrorx aîné, président de la Société industrielle, adjoint au maire , Secrétaire général de la onzième Session du Congrès , à Angers (Maine-et-Loire). “Gurzzor père , botaniste-horticulteur, à Lyon. Gumer, J. B., manufacturier, vice-président de la Société d’agri- culture, à éxon P. 95. Gunpsracx, Ch., chimiste, à Thann (Haut-Rhin). Has , Ém., professeur de mathématiques , à Sédan (Ardennes). Haserconn , Ch., docteur en philosophie , à Darmstadt. P. 124. “HÆENtÉ, iispécteur de la saline, à Wilhelmshall (Wurtemberpg). *HÆRTER , pasteur. 566 LISTE DES MEMBRES. Hzsz, J,, candidat en théologie, à Wilstett (Bade). d Hævsser, L., professeur agrégé à l’Université de Heidelberg. -*HAGEN, Ch., professeur des sciences économiques à l’Université de Kænigsberg |Prusse). P. 94. “HAN, Aug., conseiller consistorial, professeur en théologie à l’Université de Breslau (Prusse). P. 94. Hammer, J. B., répétiteur à l’École royale et militaire de Saint-Cyr. Harccor, Ch. A., chef d’escadron d'artillerie. Hazpar, Ch. N. A. de, correspondant de l’Institut, inspecteur ho- noraire d’Académie, directeur de l'École de médecine, délégué de la Société royale des sciences, lettres et arts, l’un des Vice-pré- sidents de la deuxième Section du Congrès , à Nancy. P. 45, 94, 208, 212, 215, 218, 256, 2359. Mémoires, t. IL, p. 69. Hazcer, Fr., docteur en médecine , à Berne. “dacez, baron, général de brigade de la garde nationale de Paris , député et membre du conseil général du Bas-Rhin , à Paris. “Hammer, Fréd., propriétaire , à Ingershof (Bavière). Hanrior, J.B. Th., professeur de physique au Collége royal, à Nancy. | Harpe, de, propriétaire, gentilhomme russe, à Saint-Pétersbourg. “Harcess, Ch. F., conseiller aulique intime, professeur de méde- cine à l’Université de Bonn (Prusse). P. 94, 245. A ABTAANX, H., manulacturier, à Münster (Haut-Rhin). FHanTMANN , Fr. député du Haut-Rhin , à Paris. Harrman fils, H., ingénieur-chimiste, à Münster. HarrMann fils, Fr., avocat, à Münéter: Harrmann, Ém:, bachelier ès lettres , à Paris. Harrwayer , Maur., docteur en Droit, à Stuttgart (Wurtemberg). HarronG, H., médecin des hospices. HaseNGLEvER, L., négociant. “HAssELMANN , professeur au Séminaire protestant. “Harrerer , médecin cantonal, à Erstein (Bas-Rhin). HausmelstER , J. A., prédicateur. “Hauzey, V. A., ancien médecin en chef des hospices de Lisieux , membre de l'Association normande , à Croissonville (Calvados). “Haurz , professeur à l’Université de Heidelberg. P. 539. Haxo, J., docteur en médecine et chirurgien des hospices , délégué de la Société d’émulation des Vosges, à Épinal. P. 84, 261, 559. “Hazé, F. Al., conservateur des monuments historiques , à Bourges (Cher). Hecuar , Ém., pharmacien , professeur agrégé de l'Ecole de phar- macie. Hecur, M., négociant , consul des Pays-Bas. LISTE DES MEMBRES. 567 Hecar, Eug,, négociant , vice-consul des Pays-Bas. “Hecur, Ch., négociant. | Hecar, Jules , avocat. HEcxk, G., pharmacien , à Bischwiller (Bas-Rhin). HECEMANN, G., peintre, à Carlsruhe (Bade). HEILIGENTHAL, J, J., négociant. HEILIGENTHAL , F., négociant. Hem, Fr., curé, à Salmbach (Bas-Rhin). “HEMBURGER , Ph., professeur à la Faculté de Droit. *HEINE, J., docteur en médecine , directeur de l'institut orthopé- dique, à Cannstadt (Wurtemberg). P. 252, 559. Berz , Ch. H., pasteur, à Colmar. Heiscx, A., docteur en médecine, à Sainte-Marie-aux-Mines (Haut- Rhin). Heirz, J, H., pasteur, à Vendenheim (Bas-Rhin). Herrz, Fr. Ch., imprimeur-libraire. Herr, Ch., docteur en médecine, agrégé à la Faculté de Médecine. P. 258, 249, 272, 288. Hemmer, Fréd., négociant. HENNEQUIN, A. G., licencié en Droit, à Paris. P. 276, 278, 575, 411. HENNEQUIN, V., avocat , à Paris. Herr, G. Ph., professeur à la Faculté de Droit, Secrétaire général du Congrès, membre de l’Institut des provinces. P. 6, 10, 58, 49, 424, 144, 285, 528, 515, 404, 502, 505, 506, 545, 522, 539. Hgpp, E., élève en pharmacie. Herr, Ph., docteur en médecine, à Neustadt (Bavière rhénane). “Hergercer, Ed., docteur en philosophie, professeur de chimie, di- recteur de la Société pharmaco - technologique du Palatinat, à Kaiserslautern (Bavière rhénane). “Hérsau, docteur en médecine, à Paris. P. 259, 539. HERGANG, Ch. G., docteur en théologie et en philosophie , archi- diacre de la cathédrale, à Budissin (Saxe). P. 539. HErG , A. Th., docteur en médecine. | Herrcotr, Fr., docteur en médecine, à Belfort (Haut-Rhin). “Herman, curé de la citadelle. | HERRMANN , J. G., pasteur. “HERRMANN, Ferd., avocat, juge suppléant , à Schlestadt. HERMANN , J. J., professeur d’accouchement à l’Université de Berne. 5 “Herr, G.J., docteur en médecine, à Neuf-Brisach (Haut-Rhin). “Herrenscamior, Fr., fabricant de cuirs. HERRENSCANEIER , L., ancien professeur de la Faculté des Sciences 568 LISTE DES MEMBRES. et du Séminaire protestant, Président d'honneur de la sixième Section du Congrès. HERRENSCHNEIDER , B. Ph., pasteur. Hervé, P., inspecteur de l’Aradémie. HERYÉ, Am., chef d’escadron d'artillerie. Herrwicx, Ch., grand-bailli, à Grebenstein (Hesse-Électorale). Herzoc , J. J., professeur en théologie à l’Académie de Lausanne. P. 58. HEsseLaT, F., chef de bataillon du génie militaire. P. 497, 559. “HeusiGer, Ch. F., professeur à l’Université , directeur de la cli- nique médicale et de l'hôpital de la NALRrEe à Mar- bourg (Hesse-Électorale). “Hey, J. F., marchand de fer, conseiller municipal. HEYDEN, 10 Ch. H. G. de, sénateur, à Francfort. P. 458, 462. HEYDENREICE , L., pasteur, à Soulz-sous-Forêts (Bas-Rhin). HEYDENREICH, À. Ad., pharmacien. P. 42, 215, 220, 250. Mé- moires, t. II, p. 441. Hicxer, J. F., avocat. P.41, 45,14, 41. HicxeL, Ph. F., notaire honoraire, membre de la Commission des hospices. Hizs , J., docteur en médecine , à Schramberg (Wurtemberg). Himey, J. L., pasteur, professeur au Gymnase. Hier, J., docteur et professeur, à Bruchsal (Bade). Hirrz, M., docteur en médecine, agrégé à la Faculté de Médecine. P. 255, 248, 265. Hirrz, L. A., médecin cantonal, à Saverne (Bas-Rhin). “Hisezx, professeur, à Lausanne (Suisse). Hopess, M., professeur de médecine à l'Université de Zurich (Suisse). HogprFner , J., pasteur, à Lembach (Bas-Rhin). Hornrer , Ph., professeur de musique. Horer , N., fabricant, membre de la Société industrielle, à Mul- house. Horrer, J. G., chef d'institution, officier de l’Université, délégué de la Société d'éducation et de la Société Linnéenne, à Lyon. P.14, 82, 41146, 182, 575, 590, 594, 425, 428, 450, 559, 546. Horrmann, E. E., conseiller municipal, délégué de la Société d’hor- ticulture du grand-duché de Hesse, à Darmstadt (Hesse). P. 85, 124, 508. Horrmanx , Ch. J., docteur en Droit, à Darmstadt. P. 125. -HOFFMANN DE FALLERSLEREN , professeur de littérature allemande à l’Université de Breslau (Prusse). P. 47, 455, 445. HoGarD, Ch. H., agent voyer, directeur des chemins vicinaux, dé- légué de la Société d’émulation des Vosges, à Épinal. P. 84, 540. LISTE DES MEMBRES. 569 *HoLANDRE, J. J. J., ancien bibliothécaire de la ville de Metz. P. 158, 192. Hozz, J., bijoutier. c “Hozwser , C., professeur. Au nom du Sénat académique de l’Uni- versité de Christiania (Norwége). P. 88. “Hozsr, professeur. Au nom du même Sénat. P. 88. HozTzarrez , E. Th., négociant. *HOLTZFELD , %. A. ; professeur. cs nom du Sénat académique de Christiania. B: ss. “Howgres-Frrmas, baron, L. A. d’, docteur ès sciences , correspon- dant de l’Institut, à Alais (Gard). Hoenine, F. Th., pasteur, à Graffenstaden (Bas-Rhin): HorniNG, G. Ad., bachelier en théologie. HoRNunG G., propriétaire, à Kehl (Bade). Hornus, G., sdidat en médecine. HorsTMaNN, S., assesseur de régence, à Wisbaden (duché de Nas- sau). HraBowsxtr, Dav., avocät, à Pesth (Hongrie). - Huarr, baron, Emm. d’, membre de l’Académie royale, à Metz. Huc, Jules d’, sous-intendant militaire adjoint. Hucx , À: D., pasteur, à Ittenheim (Bas-Rhin). Huceoueer , H., directeur de l’École polytechnique , à Berne. Hucor, L. Ph., bibliothécaire-archiviste de la ville, correspondant du ministère de l'instruction publique pour l’histoire de France, à Colmar. P. 570, 490. Huevenx, Ch. Al. , pharmacien. HuçuEny, Fréd. , professeur des sciences dydiqués au Gollége royal, à Dijon. P. 209, 2414, 214, 248. Huwsoure, de, homme de Ltross P. 287, 297. HoumeL , J., négociant, consul de Bavière et de Bade. Hummer , Alf., négociant. “HuNAULT DE LA PELTRIE, docteur en médecine, membre de plusieurs sociétés savantes , à Angers. - Huor, Hipp., directeur des postes. à “Huwor, J. J. N., bibliothécaire de la ville, à Versailles. HürsreL, J. B., abbé, vicaire de Saint-Louis (Haut-Rhin). Husson , L., inspecteur de la culture des tabacs. P.15. Hürer, E., pasteur et profess. au collége, à Phalsbourg (Meurthe). Jacoss , S. J. A., docteur en médecine , à Haguenau. . Jacoutor, A., directeur d’une institution de sourds-muets. P. 401: JAGQUEL , J. FI., curé, à Liezey (Vosges). d JACQUEMN, Ém., agronome , à Paris. P. 540. “Jacquemon», baron, J. de, sénateur, président de la chambre royale 570 LISTE DES MEMBRES. d'agriculture et de commerce du duché de Savoie , à Chambéry. JacquiER , P. V., docteur en médecine, chirurgien-major au 7° ré- giment de ligne. Janzevsky, L., docteur en médecine , à Münster (Haut-Rhin). P. 9, 40. JÆ6er, L. F., pasteur, à Rothbach (Bas-Rhin). Jæcer , H., docteur en médecine, à Stuttgart (Wurtemberg). Jæncer, P. P., médecin des hospices, à Colmar. P. 254, 256, 265, 265, 266, 506. James , docteur en médecine , fondateur-directeur de la Société na- tionale de vaccine, et son délégué au Congrès, à Paris. P, 83, D40. É JaNKowsKt, V., ingénieur, à Delémont (Suisse). JANNESSON, Cam., pharmacien. JANNESSON , Hipp., avocat à la Cour royale, à Besançon. “Inoux, Aug., protesseur de mathématiques et de physique, à Lu- néville (Meurthe). “JEANGLERC, F. Z., négociant , à Lyon. JEHL , A., second commis de la manufacture royale des tabacs. Imes, Jos., négociant. Imuin, Fr., médecin vétérinaire. P. 328, 529. Mémoires, t. Il, p. 269. “Ixcocp, notaire, à Cernay (Haut-Rhin). Joaxnis, H. de, ancien élève de l'École polytechnique, professeur de mathématiques, à Neuchâtel (Suisse). P. 539. “JoziBois, curé, à Trévoux (Ain). P. 556. “Joxeux, docteur en médecine. JULLIEN DE Paris , ancien inspecteur aux Revues, fondateur-direc- teur de la Revue encyclopédique, délégué de la Société philo- technique et de la Société française de statistique universelle, Pun des Vice-présidents du Congrès, à Paris. P. 44, 56, 61, 85, 84, 416, 148, 228, 259, 552, 555 , 590, 595, 400, 406, 45, 426, 444, 449, 450, 502, 540, 546. Juxot, E., licencié en Droit. Jun6 , A., professeur à la Faculté de Théologie et au Séminaire pro- testant, bibliothécaire de la ville, Secrétaire général adjoint. P.45 59% Juxé , Ch., pharmacien , à Cork (Bade). “Kærcner , E., conseiller aulique intime, directeur du Lycée; à Carlsruhe P. 94, 540. KammËrER , J. G., ancien libraire. KamPpmaANN , G., professeur au Gymnase: KamPpmanN , Ph., candidat en théologie, instituteur. LISTE DES MEMBRES. 571 KampmanN, F. E., pharmacien , à Colmar. *Karm, curé cantonal, à Münster. Kara, J. N., négociant, membre du Conseil d'arrondissement. Karta, Ed., négociant. KarTe , Hipp., négociant. Karz, Ch. J., négociant. Kayser , Ph. A., agrégé à la Faculté de Médecine, bibliothécaire de l'Académie. Képoure , À , propriétaire. KELLER , Ch., notaire. Kezzer , F.L. Ch., pasteur, à Müttersholtz (Bas-Rhin). KezLer, F. L., doyen dela Faculté de Droit à l’Université de Zurich. P. 544, 540. “Kezcer, Ad., professeur de littérature moderne à l’Université de Tubingen (Wurtemberg). “Keriec , Hipp. de, à Hennebon (Morbihan). KeRw, J. C., docteur en Droit, président du tribunal d’appel du canton de Thurgovie, à Frauenfeld (Suisse). Ken, Ch. Th., docteur en Droit, juge d'instruction. “Kesrer , docteur en médecine , à Francfort. *KESTNER- RiGan, fabricant, à Thann (Haut-Rhin). *KEYSER , J. , professeur. Au nom du Sénat académique de l’Univer- sité de Christiania (Norwége). P. 88. KtæNLeEN, .H. G., docteur en théologie, pasteur, à Colmar. KiEsEWETTER , A., docteur en philosophie, à Hanovre. Kinscarecer , Fr., Professeur à l’École de pharmacie, Secrétaire adjoint de la première Section. P. 42, 45, 458, 472, 176, 481, 205. Mémoires, t. II, p. 28, 54. KimSTEIN, F., statuaire , délégué de la Société philotechnique de Paris. P: 14, 84, 465. KLE, J., peintre d'histoire. P. 465. Key, G. E. , professeur à l'École normale, à Colmar. P. 590. Kun6 , J. F. , Propriétaire. . négociant. Kcorz, G., architecte de la cathédrale. P. 44. KNoperER , Cam., pharmacien. Kwoperer, Ch., fabricant de cuirs. KNODERER , AUg., négociant. Kos, Ch., négociant. *KoseLz, F. de, professeur de minéralogie à l’Université de Munich (Bavière). P. 540. 4 “Kocx, W. F., intendant du roi de Mesiembengps à Stuttgart (Wur- temberg). P, 497. 572 LISTE DES MEMBRES. “KoEcHuin, Ém., secrétaire et délégué de la Société industrielle, à Mulhouse. P. 84. KoEcaLiN-Scnouca, D., membre de la Société industrielle, à Mul- house. “Korcauin , And., député du Haut-Rhin , à Mulhouse. “KorcuLin, Eug., fabricant, à Mulhouse. Koscauin-Dozcrus, Jean, fabricant, à Mulhouse. KoEcuLiN , Jacques, mécanicien, à Münster (Haut-Rhin). “Korarer, Chr., peintre d'histoire, à Düsseldorf (Prusse). KoëniGseGG , comte, L. de, colonel commandant la place. Kouer, F. Ch., officier d'administration , chef du bureau central des subsistances militaires. Korr, Th., pasteur. Korr, Em., docteur ès sciences , professeur à l’École normale pri- maire, Secrétaire adjoint de la deuxième Section du Gongrès. P.146,1457, 207, 245, 245, 219, 221 , 225. Mémoires, t. I, p. 77. KosEGARTEN, G., docteur en Droit et en philosophie, professeur d'économie politique à l’Université de Bonn. P. 46, 274, 528, D40. 3 Kosmanx, Const., pharmacien , à Ribeauvillé (Haut-Rhin). KrarFr, Ch. G., supérieur du Collége de Saint-Guillaume. KRAFFT, H. E., ingénieur civil , à Reichshoffen (Bas-Rhin). Kranrz, Aug., naturaliste, à Berlin. P. 424. KraTz , Ed., ancien notaire , conseiller municipal. P.14, 41. Krauss, Ferd., docteur en philosophie, conservateur du Musée d'histoire naturelle, à Stuttgart (Wurtemberg). Kretss , Th., professeur au Séminaire protestant. P. 45. KreuTz8ERG, Ch., docteur en philosophie et ès sciences politiques, à Prague. P.126, 215, 276, 283. Mémoires, t. II, p. 219. "Krærzer-Rassænrs , professeur, de Mayence, employé au minis- tère des affaires étrangères, membre de la Société de statistique universelle , à Paris. P. 446, 540. KRieGEer , Chr. Ch., pasteur, à Colmar. KroaN, Aug., docteur en médecine, à Hambourg. Kruse , Ch., docteur, professeur, à Elberfeld (Prusse). Kuczer, H., avocat, à Colmar. KÜHLMANN, x À B., architecte, à Colmar. P. 481, 489. KüHLMANN, B., docteur en Droit, avocat, chef de division à la préfecture, à Colmar. KüBLMANN, J. Em., licencié en Droit, à Colmar. P. 528. Kuax , F. A., docteur en médecine, à Passy. P. 252, 245, 250, 252,274. LISTE DES MEMBRES. 575 Koax, J., docleur en médecine, médecin des bains, à Niederbronn (Bas-Rhin). P. 264. *Küz», docteur, à Darmstadt (Hesse). Küxzu, H. L., pasteur, à Bouxwiller (Bas-Rhin). Kunrz , Ch. Th., pasteur. Kunrzer , J., fabricant de draps, à Bischwiller (Bas-Rhin). KUPFFER, Ad conseiller d’État, membre de l’Académie impériale de Saint- -Pétersbourg, l’un des Vice-présidents de la deuxième Section, à Saint-Pétersbourg. P. 15, 208, 214, 222. Mémoires, t. II, p.405. Kure, J. G., professeur d'histoire naturelle à l’École polytech- nique, à Stuttgart (Wurtemberg). Kurrer, G. H. de, docteur ès sciences économiques, à Prague (Bohème). P. 126. Kurtz, Ch., pasteur, à Lingolsheim (Bas-Rhin). Kurz, H., professeur de littérature allemande, à Aarau (Suisse). Küss, Ém., docteur en médecine. P. 246, 248 , 259. Küss, J. F., pasteur, à Westhoffen (Bas-Rhin). Küss, G. Ch., juge de paix, à Marckolsheim (Bas-Rhin). “Küss, J. F., principal du collége, à Bouxwiller (Bas-Rhin). rene, S. , professeur de médecine à l’Université de Saint-Pé- tersbourg. “Kurorça, M., professeur d'histoire universelle à l’Université de Saint-Pétersbourg. “Lagonpe, L. de, membre de l’Institut, ancien député, à Paris. LacHaAPPrELLE, Al., professeur de langues. LAcHAUME , Fr., négociant. LACHENMEYER, G. F., professeur au Séminaire protestant. LAcamaANN, G. R., profess. en médecine, à Brunswick. P. 125, 500. *Lacour , baron, Em. F., à Loches (Indre-et-Loire). P. 87, 540. “Lacour, chev., Delphis, à Loches (Indre-et-Loire). *LacuRIE , abbé, membre du conseil général de la Société française pour la conservation des monuments, secrétaire de la Société archéologique de Saintes (Gharente-Inférieure). P. 82. “Lapoucerrs, baron, député, secrétaire perpétuel de la Société phi- lotechnique, à Paris. Au nom de cette Société. Larow, P., avocat, docteur en Droit, professeur suppléant pro- visoire à la Faculté de Droit. Lacrer , F., libraire. Lacrer, F., substitut du procur. du roi, à Château-Chinon (Nièvre). “Lur, conseiller de préfecture , secrétaire et délégué de la Société “royale d'agriculture et de commerce, Président de la septième Ses- * sion du Congrès au Mans, à Caen. P. 85. " 574 LISTE DES MEMBRES. LALLEMENT, Jos., préparateur de physique à la Faculté des Sciences. Lames , J. Ph., pasteur. Lamey, A., juge au tribunal de première instance. Lawey fils, Ch., propriétaire. Lamey, Ferd., propriétaire. Lamorme, B. de, capitaine au 9e régiment d’artillerie. *Lanprior, abbé, à Autun (Saône-et-Loire). Lance, Ed., pasteur, ancien principal de collége, à Niederrædern (Bas-Rhin). Lance, G., docteur en philosophie, à Worms (Hesse rhénane). L'ANGE, J. P. P, Ch., adjoint au maire, notaire honoraire. *LANGLE, vicomte de, à Vitré (Ille- et-Villainc). “Lance, Augustin de, à Vitré. LANGLOIS, Ch. , professeur à l’hôpital militaire d'instruction. P. 42, 221. Lanrz, Rod., docteur en médecine , à Saint-Pétersbourg. Laporte, J. B., avocat, docteur en Droit, à Saverne (Bas-Rhin). LaqurantE, Alph., ancien capitaine du génie, Secrétaire adjoint de la deuxième Section. P. 12, 146, 24, 220. LarocHE, Aug., ciseleur. *LARVIGUE, capitaine de corvette, à Paris. P. 540. Lassalene, Ed., docteur en médecine, chirurgien aide-major au 7e bataillon des chasseurs d'Orléans. La Susse, Rego. de, vérificateur des douanes. LATOUCHE , AUS chanoine, à Avranches (Manche). P. 3435, 556, 364, 570, 540. Laver , L., instituteur, à Cork (Bade). Launay, Gerv., professeur de mathématiques, à Vendôme (Loir-et- Cher). P. 557, 559. LAURENT , J. B., vicaire général du diocèse. Laurent, A., capitaine d'état-major attaché à la 5e division mi- litaire. P. 44, 4, 98, 252, 556, 344. *LauRENT, pharmacien , à Haguenau. Laura, Ch., docteur en Droit, juge de paix, conseiller municipal. P,45,41, 555, 554. Laure , Fr., docteur en médecine. P. 44. Laura, Guill., négociant, conseiller municipal. Laura, Max., avocat. Laurn , Fr. A., notaire. “LavTz, J. A., docteur en Droit, avocat à la Cour royale, à Co- logne (Prusse rhénane). LAvALETTE, vicomte, P. de, rédacteur en chef de l'Écho du monde savant, V'un des Vice- présidents de la huitième Section , à Paris. LISTE DES MEMBRES: 575 P.48, 441,191, 202, 21, 24, 222, 225, 446, 457, 481, 484, 486, 497, 502, 514, 540, 541. *Leserr, H., dessinateur, à Colmar. *LEBRuN, Isidore, homme de lettres, membre de plusieurs acadé- mies et sociétés savantes, à Paris. P. 95. Lecerr, P. L., professeur honoraire de la Faculté de Droit, dé- légué de la Société royale d'agriculture et de commerce, l'un des Vice-présidents de la sixième Section, à Caen. P. 17, 85, 422, 455, 276, 279, 292, 298, 502, 506, 508, 509, 515, 545, 574, 515, 585, AO, 417, 452, 541. LECLERC, docteur en médecine délégué de la me Linnéenne de Normandie , à Caen. P. 82. Lecrerc, baron, M. J., maréchal de camp dons l'École d'artillerie. *LECoINTE, L., à Genève. P. 91. Lecoo, H., professeur d'histoire naturelle, Secrétaire général de la sixième Session du Congrès , délégué de l’Académie royale des sciences, lettres et arts, à Clermont-Ferrand (Puy -de - Dôme). P.145, 85, 161, 208, 218, 556, 541, 545. *LEFEBVRE, ancien Do des monuments historiques du Bas- Rhin. LEFEBYRE, Ua à Thann (Haut-Rhin). *Leregvre, J., docteur en médecine, à Joinville (Haute-Marne). LEFOURNIER, G. Th., ancien inspecteur de l’Académie. *Le Ga, ancien député, conseiller à la Cour royale, à Rennes (Ille- et-Villaine). “Lécer, ingénieur en chef, à Colmar. *LE Goninec, comte de Traïssan, à Vitré (Ille-et-Villaine). LEGRAND , D., fabricant, au Ban-de- la - Roche (Vosges). P. 276, 278, 541. | LEGRAND , H., pharmacien. Lecrom, Ch., ingénieur en chef du canal du Rhône-au-Rhin. P. 44. *LEHMANN, curé, à Reichshoffen (Bas-Rhin). Legr, P., propriétaire, homme de lettres. P. 44, 140, 450, 451, 500. Leicar, G., propriétaire, à willstett (Bade). LEJEUNE, général, baron, L. Fr., Président de la huitième Section du Congrès, à Toulouse. P. 18, 456, 459, 465, 467, 475. Lesonpre, J., président du tribunal civil, ancien député , à Wis- sembourg (Bas-Rhin). Léman , N., docteur en médecine, à Phalsbourg (Meurthe). Lewp, A. Ad., préparateur à l’École de pharmacie. “LENGISA, comte de, ancien préfet en Piémont, à Gênes. P. 37, 275. 576 LISTE DES MEMBRES. LEPELLETIER DE LA SARTHE , Alm., docteur en médecine, délégué de la Société d'agriculture, sciences et arts de la Sarthe, au Mans. PA: Leras , Nap., licencié ès sciences, professeur de ai + au collége, à Thann (Haut-Rhin). Lerepouzcer, Aug., professeur à la Faculté des Sciences, Secrétaire dela première Section. P.40, 45, 457,159, 199, 202. Mémoires, T/p. 1. *LEROUGE, CL H., aumônier du collége, à Troyes ty Le Roux, L., imprimeur-libraire. Lesae, L. G., docteur en médecine, à Blamont (Meurthe). LEUCRART, F. Sig, professeur en médecine à l’Université de Fri- bourg (Bade). Lévèque, J. P., chirurgien-dentiste. *LEVESQUE, Guill., du Bas-Canada. Levraurr, L., contrôleur au change à la Monnaie, correspondant historique du ministère de l'instruction publique, Secrétaire de la huitième Section. P. 15, 14, 18, 456, 465, 466, 467, 468, 472, 416, 491, 541. Lewaz», E. A., professeur en théologie à l’Université de Heïdelberg. P.124, 558. *LEwaLD, À., littérateur, à Bade. LEewannowsxy, Cas., chimiste. LewenxaupT, comte, Ch. A. de, propriétaire. *Lewy, Reich. S., docteur en philosophie, à Copenhague (Dane- mark). *Lex, F.J., ancien notaire, à Bâle. LiBERMANN , F. X., docteur en médecine. LIENHART, Th. G., abbé. professeur au Petit-Séminaire. LiÈVREVILLE , L. de, directeur de l'établissement de constructions mécaniques , à Graffenstaden (Bas-Rhin). *Lincourr, huissier. “Liz, contrôleur des contributions , à Spire (Bavière rhénane). Lirowsky, Jos., professeur à l’École industrielle. Lwpe, comte, E. Ch. O. de, à Ratiborschitz (Bohême). LrPPMANN, Raph., maitre de poste. Logstein père,'J. F., avocat. P.575, 418, 426. Mémoires, t. Il, p. #16. LosBeLL, J.G., professeur d'histoire à l’Université de Bonn (Prusse). P.54,553, 558. Mémoires, t. IL, p. 540. LoEwEL, H., chimiste, à Münster (Haut-Rhin). *LoEWENRIELM , comte , à Stockholm , envoyé extraordinaire et mi- nistre plénipotentaire de Suède près la cour de France, à Paris. LISTE DES MEMBRES. 577 *Loncsames , À. Fr., sous-principal du collége , à Troyes (Aube). *“Longhi, docteur en médecine, médecin des hôpitaux, à Milan. *LoRENzaANT, homme de lettres, à Paris. Lorter, docteur en médecine, délégué de la Société d'éducation, à Lyon. P. 82, 460, 469, 176, 577, 511, 541. LunpBrAp, de, conseiller de légation, à Stockholm (Suède). Lurotx, S. G., médecin cantonal, à Bischwiller (Bas-Rhin). P.260, 266. Lurux, J., docteur en médecine, à Berne (Suisse). Lurz, Ant., curé, à Mulhouse. *Lux, curé, à Dauendorf (Bas-Khin). P. 544. Manu, A., fabricant, ancien élève de l’École potytechnique, à Haguenau. Macxer , F. J., docteur en médecine, à Colmar. Mæper, A., pasteur, président du Consistoire de l’Église réformée. Macer, Ch., docteur en philosophie, conseiller, professeur, à Aarau (Suisse). 14 *MAGxE, secrétaire général de la Société Linnéenne, à Lyon. P. 482. *MAGNIER DE MAISONNEUVE , Max., directeur général des contribu- tions directes, député du Bas-Rhin, à Paris. Marzer, Jul., employé des douanes. *MAIMBOURG , chanoïne, curé, à Colmar. Mampoure, N., rédacteur du Glaneur, à Colmar. Mauszewskt, J., prètre polonais. MarcraRMÉ, Jos., avocat. Maze, P. À., agrégé à la Faculté de Médecine, secrétaire perpé- tuel et délégué de la Société des sciences, agriculture et arts du Bas-Rhin. P. 84, 255, 258, 259, 245, 256, 20 266, 272, 275. *MarièRE, de, à Paris. P. 541. “Maoecer , médecin des houillières de Champagney et Ronchamp, à Champagney (Haute-Saône). ManGin, baron, Ant., maréchal-de-camp commandant le dépar- tement du Bas- Rhin. P. 504. Manrz, J., négociant, délégué de la Société indéstriellés à Mul- house. P. 84. “Marcar père, docteur en médecine, chirurgien en chef titulaire des hospices. MarcæaL fils, A., docteur en médecine, chirurgien en chef des hos- pices, secrétaire adjoint et délégué dela Société des sciences, agri- culture et arts du Bas-Rhin, Secrétaire adjoint de la quatrième Section. P. 14, 16, 84, 291. “Marean», L., inspecteur de l’Académie. MARIGNET, A., ancien inspecteur aux Revues, à Paris. 37 578 LISTE DES MEMBRES. *“Marmien, X., bibliothécaire au ministère de l'instruction publique, à Paris. Marmy, M. J., docteur en médecine, chirurgien aide-major au 7: régiment de ligne. MarqQuiser, À., propriétaire, à Mulhouse. Marin, E., avocat à la Cour de cassation, ancien député du Bas- Rhin, à Paris. *Marmn, Chr. conseiller intime de justice, professeur honoraire de la Faculté de Droit à l’Université de lena , à Neu-Lœæsnitz (Saxe). Marrminer, P. H., censeur des études au collége royal. Mar, chev., L., professeur de médecine légale à l'Université, membre et délégué de la Société médico- chirurgicale, à Turin. P. 85, 581, 590, 402. MaszmanN, J. Ferd., professeur à l’Université de Munich. MATHIEU, V., avocat, à Paris. Maruieo, Hub., médecin vétérinaire, délégué de la Société d’ému- lation des Vosges, à Épinal. P. 460, 292, 505, 509, 510, 548, 519, 526, 541. Marmeu, Jos., capitaine d’artillerie. Maramieo pe Faviers, baron , Ed., propriétaire , à Paris. *MaTmiEu DE Faviers, baron, F., propriétaire, à Paris. MaTuis DE GRANDSEILLE, Capitaine d'artillerie. *Marax, Ch., député, à Schwetzingen (Bade). Mamize, architecte, à Neuchâtel (Suisse). P. 537. *Marter, J., inspecteur général de l’Université, correspondant de lPinstitut, à Paris. Marrazæt, H. Fr., pharmacien, à Hanovre. *MaurerLé, abbé, professeur au Petit-Séminaire. MauwGin , J., docteur en médecine, à Saverne. Mayer , Jos., docteur en philosophie. “Mayer, L., pasteur, à Beutal (Doubs). Mayer, D., avocat. Maxer , H., président de l’Académie de Livourne et son délégué an Congrès. P. 84, 156, 158, 552, 515, 511, 590, 414, MAT, 420, 423, 427, 445, 450, 452, 502, 541. Mémoires, t. II. Maver , Rod., directeur de la poste, à Kehl (Bade). Mayen fils, L., négociant. Mayor, M., docteur et professeur en médecine à l’Académie, l’un des Vice-présidents de la troisième Section , à Lausaone. P.46, 58, 226, 255, 242, 244, 254, 258, 267, 270. *Menicus, conseiller aulique:, professeur à l’Université, membre de l’Académie royale de Munich. P. 94. Mécar», Oct., conseiller à la Cour royale, à Colmar. LISTE DES MEMBRES. " 579 - Mecsueim , 1gn., propriétaire, à Rosheim (Bas-Rhin). Mercx , H.J., sénateur, à Hambourg. Mérran, P., propriétaire, à Bâle. MERTian, F., propriétaire. Messmer , directeur de fabrication à l'établissement des construc- tions mécaniques, à Graffenstaden (Bas-Rhin). Messerer, Chr., professeur au Gymnase, à Sarrebruck (Prusse rhé- nane). MErz, Al. de, propriétaire. - Merzcer, L., abbé, professeur au collége, à Obernai (Bas- Rhin). *MExeLz, J., profésséus, au nom du Sénat Te de l’Univer- sité de Christiania (Norwége). *Mexee, J. J., membre de la Société industrielle, à Mulhouse. “MEYER, médecin cantonal, à Obernai (Bas-Rhin). Mexsr, Ch., chimiste. Meyer , Chr. Fr., rédacteur gérant du Courrier du Haut-Rhin, à Colmar. Meyer, Val., candidat en médecine, à Hindisheim (Bas-Rhin). Micmaeuis, Ad., professeur en droit à l’Université de Tubingen (Wurtemberg). P. 124. Micuez, D., candidat en théologie, instituteur, à Mulhouse. Micmez, J. G., pasteur-président , à Eckwersheim (Bas-Rhin). *Mrcuezse , recteur de l’Académie. P: 414, 45. Mrescuer, Fréd., professeur , à Bâle. Micnor, Salv., docteur en médecine, chirurgien-major du 69° régiment de ligne. “Mreusz-v-Roca, avocat à Madrid, auteur de l’Album de la his- toria de España. P. 544. *Musrcer, docteur en médecine, à Schlestadt. “MiTTERMAIER , Conseiller intime, ancien président de la seconde chambre des États du grand-duché de Bade, correspondant de l’Institut de France, professeur en Droit à l’Université de Hei- delberg. P. 90. Moux, J. C., docteur en médecine , à Colmar. “Monnier, M., Aug., membre de plusieurs Sociétés savantes, à Nancy. Monnrr , Dés., homme de lettres, correspondant du ministère de l'instruction publique pour l’histoire de France , à Lons-le-Saul- nier. P. 545, 548, 476. Monraranp, L., professeur au Gollége royal. Monrer, L., licencié en théologie, à Montauban. P. 382. “Monrzursanr, de, président de la Société de statistique de Marseille. Au nom de cette Société. 37. L°}.1 1 NN LISTE DES MEMBRES. Morrerr, J, M., rentier. “Moreau, premier président de la Cour royale, député, à Nancy. *Moreau, César, directeur-fondateur de la Société française de sta- tistique universelle à Paris. Au nom de cette Société. *MorEAU , juge au tribunal civil de Saint-Mihiel (Meuse). Morez , Ch. Ed., professeur et secrétaire-archiviste à l’Institution royale des sourds-muets , à Paris. P. 575, 597. Morecor , L. S. St. H., avocat, à Dijon. P. 495. *MoreLor, docteur en médecine, à Éguilly (Côte-d'Or). Mon, E. P., ingénieur en chef des ponts et chaussées , à Vesoul (Haute-Saône). P. 58, 470, 474, 208, 214, 542. “Moritz, J. M., pharmacien, membre du jury médical, à Neuf- Brisach (Bas-Rhin). É Monzer , Ch. de, commandant du génie. Morquin , Ch., abbé, professeur de physique au Séminaire diocé- sain , à Saint-Dié (Vosges). P. 245. *MorTamn, de, pharmacien-major à l’hôpital militaire. Moscer, Ch., professeur à l’Académie des beaux-arts, à Düsseldorf (Prusse rhénane). P. 124, 464, 484. Mosmanx, bibliothécaire-archiviste adjoint, à Colmar. “MortaR», directeur du jardin expérimental d'agriculture, à Saint- Jean-de-Maurienne (Savoie). P. 556. Mouceor père, J. B., docteur en médecine, délégué de la Société d’émulation des Vosges , l’un des Vice-présidents de la première Section du Congrès, à Bruyères. P. 84, 458, 462, 167, 178, 181, 541. Mémoires, t. 11, p. 66. “Moucsor fils, docteur en médecine, délégué de la Société d’ému- lation des Vosges , à Bruyères. P. 84. “Mourain, de, conseiller de préfecture , directeur du Musée, à Pé- rigueux (Dordogne). *Mox, Ern. de, professeur en Droit à l’Université de Munich. *Muaz., G., docteur en philosophie, conseiller aulique, directeur de la Gazette universelle des bains, à Bade. MüxL, G., candidat en médecine. MüaLenseck , G., président de la Société médicale du Haut-Rhin, délégué de la Société industrielle, à Mulhouse. P. 84. MüLeerGer , G. Ad., fabricant de cuirs. Müzcer, Eug., chef de bureau à la mairie. Müzzer , Ch., pharmacien-droguiste. Müczer, J., avocat, docteur en droit. MüLcer, Fr. A., candidat en théologie. Müuzzer , baron, L. de, ancien maire de Colmar. *Müzcer, docteur en médecine , à Pfastatt (Haut-Rhin). # LISTE DES MEMBRES. 581 Müzrer, Fr., professeur, directeur de l’Institut des aveugles, à Fri- bourg (Bade). P. 500. | Müncx , Ch. G. B., directeur de l’École industrielle. P. 45, 95, 245, 220. Munier , J., professeur de mathématiques au Collége royal, à Nancy. Muxscama , Barth., licencié en Droit. Münrz, G., ingénieur de l'arrondissement, à Wissembourg. Münrz, Ch., contrôleur en chef des chemins de fer, membre de la Société industrielle, à Mulhouse. Münrz, Ad., ancien régent de philosophie et d’histoire , à Soultz- sous-Forêts. (Bas-Rhin). Næcece, Fr. Ch., professeur en médecine à Université de Heïdel- berg. P. 247. Navman, Maur., professeur en médecine à l’Université de Bonn. P. 226. Navi , Fr. M. L., pasteur, chef d'institution , à Genève. P. 86, 5175, 518, 585, 590, 424, 451. Mémoires, t. II, p. 355. *N£GELEN, abbé, vicaire à la cathédrale. Nesgrrr, Corby, officier anglais, à Londres. *Nesscer , Fréd., professeur, à Lausanne. “Nesrcer, professeur à l'École de pharmacie, pharmacien des hos- pices. P. 262. ‘Neuwark, Jos., propriétaire, à Manchester (Angleterre). NrcxLès, Nap., pharmacien , à Benfeld (Bas-Rhin). P. 541. *N**, curé de Saint-Ours, à Loches (Indre-et-Loire). Osez , L., professeur adjoint à l’École de pharmacie. P. 45, 44, 262, 269. *OBERMüÜLLER , Guill., géographe, à Paris. | *“OKen, professeur des sciences naturelles à l’Université, premier fondateur des Congrès , à Zurich. P. 87. *Operx, G. X., docteur en médecine , à Luxeuil (Haute-Saône). OEgz, Bernard, curé de Saint-Pierre-le-Jeune. OEsincer , Ch. Fréd., négociant, ancien député du Bas-Rhin. OErrncee , L., professeur à l’Université de Fribourg (Bade). OmLuan , J. M., propriétaire, ancien adjoint au maire. *Ouncourr, F. d’, ingénieur civil, rédacteur en chef de la Revue . de l'Est, à Bar-le-Duc (Meuse). P. 590, 542. OrrEen&eI , H. B., docteur en Droit, agrégé à l’Université de Hei- delberg. P. 5304, 415. Oprermann, Ch., professeur à l’École de pharmacie, Secrétaire adjoint de la troisième Section. P. 44, 45, 16, 226, 259, 525. OrPERMANN , E., négociant, à Paris. 582 LISTE DES MEMBRES. “Onmea , Ch., docteur en médecine , à Turin. P. M4, 542. ORTLIEB, Zén., pharmacien, à Sainte-Marie-aux-Mines (Haut-Rhin). *“OsranvEr , d’, docteur, inspecteur des écoles du Cercle, à Stuttgart. Oster, Ph. J., ministre du saint Évangile, à Metz. Orr, Ch. J., orfèvre. OTTMANN père, Ph., propriétaire, agronome. OrTmanx fils, Ed., négociant. “Ovsrarer, Fréd., docteur en médecine, à Montbéliard (boubs). P. 228. “Our, professeur en droit et secrétaire de l’Université de Bruxelles. P. 85, 91. Past, Alph., négociant , à Colmar. “Paie-MaRTyn, professeur, à New-York (États-Unis d'Amérique). P. 542. “PamaRo , P., chirurgien en chef des hôpitaux , de l’Académie royale de médecine , à Avignon (Vaucluse). *PanreL , pasteur de la paroisse de Saint-Ansgaire, à Brême. P. 89. Panroya, Grég. de, ancien procureur-général de la Cour suprème deMadrid, ministre de don Carlos. P. 455, 454. *PapaDoPOULO , à Corfou. P. 542. *ParINEAU , ancien membre de la législature du Bas-Canada. *Parès , député, procureur-général près la Cour royale, à Colmar. *Parisor, secrétaire de la Société d’émulation des Vosges, à Épinal. P. 244, 542. PascaL, J. Jos., médecin en chef et premier professeur à l’hôpital militaire d'instruction. P. 422, 225, 227, 252, 254, 256, 260 265, 264. *PascaLLer, rédacteur en chef de la Revue générale biographique , politique et littéraire. PasquiER, J. B. F. E., ingénieur des ponts et chaussées. Pau, O. F., chimiste de l’administration des mines, à Bouxwiller (Bas-Rhin). *Paurer, J., conservateur de la bibliothèque de la ville, ancien secrétaire d’Académie, à Beaune (Côte - d'Or). P. 91. *Pazos, vicomte, consul général et chargé d’affaires de la Bolivie, à Londres. P. 94. PéreGriny, Al., docteur en philosophie , à Pesth (Hongrie). “PerenNès , doyen de la Faculté des Lettres , à Besançon. PÉRIN, Eug., ingénieur civil. “PeRLes , Ch. J., professeur d'histoire naturelle et de botanique à l’Université de Fribourg (Bade). “PERRET, professeur au collége, à Saint-Gall (Suisse). PERRIN, Ch., architecte. P. 44, 465, 469, 482, 487, 5928. LA LISTE DES MEMBRES. 585 *PErrouD , B. Ph., avoué , entomologiste, à Lyon. Persoz, F., professeur à la Faculté des Sciences, directeur de l'École de pharmacie. P. 44, 12, 24, 216, 221, 225, 224, 262, 296, 505, 511, 514, 519, 520, 525. *PÉRUZZI, chev., ministre-résident de S. A. R. le grand-duc de Tos- cane , à Paris. Pescaier, Ad., professeur de littérature moderne à l’Université de Tubingen (Wurtemberg), l’un des Vice-président de la septième Section. P.17, 125, 455, 452, 454. PÉTIN, Fr., architecte , à Kientzheim (Haut-Rhin). | *PÉTION DE VILLENEUVE, J., archéologue, à Trévoux (Ain). Perir, lves, sous-ingénieur du chemin de fer. Perrrr, Eug., architecte-entrepreneur. PeritviLe, Ed., notaire, à Bischwiller (Bas-Rhin). PETREQUIN, J. E., chirurgien en chef désigné de l’Hôtel-Dieu , dé- légué de la Société de médecine, à Lyon. P. 84, 242, 272. Me- moires, t.Il, p.132. “Peyret-LaLuiER, E., président de la Société industrielle, ancien député, à Saint- Étienne (Loire). P. 82. “Prersporrr fils, professeur au collége, à Bouxwiller (Has- -Rbin). PictPre, Ab. | docteur en médecine, chirurgien-major du 40° ré- giment d'artillerie. : Prcarp, Léon, fabricant. Prcôr pe LIMoELAN, contrôleur principal des contributions directes. Prequarr, J., officier d'administration, directeur de la manutention. Piçace, Ant., directeur de la poste , à Kehl (Bade). “Prorry, professeur à la Faculté de Médecine de Paris. P..245, 542. Poux, J., directeur de l'institut des sourds-muets, vice-président de la Société des sciences, lettres etarts , à Nancy. P. 575, 399, 542. Prrois, R., chef de division à la préfecture du Bas-Rhin, direc- - teur des prisons civiles. Prrox, Fr., libraire. P. 468, 479, 481, 490. Prrscarr, J, À., docteur en médecine, conseiller aulique, à Bade. “PranrA, de, à Zurich (Suisse). PLARR, G., docteur ès sciences. PLÉE, L,. , professeur d'histoire au collége, à Blois (oise Ghnël. P.468, 486, 497, 498. Mémoires, t. II. PLerscx , J., propriétaire, à Landstuhl (Bavière). "PUENNGES , Tl., professeur, à Stuttgart. Pocce, Fr. , directeur de l’École forestière à Roggow, près Güstrow (Mecklembourg-Schwérin). “Povre, professeur à l’École de médecine , à Lyon. P. 542. 584 LISTE DES MEMBRES. Pozinoro fils, Balth., négociant. PoLoncEau, ingénieur, directeur du chemin de fer, à Mulhouse. P. 505. Postorr , L., pharmacien , à Brunswick. Powréry, Ed. de, homme de lettres, à Paris. P. 276, 281, 284, 504, 506, 575, 407, 410, 449, 44, 51. Porp , A. D., ancien payeur de la couronne. *Porcmar, J. J., ancien recteur de l’Académie, membre du conseil de l'instruction publique, à Lausanne. P. 542. Porsr, F. Th., huissier. PorscuerA, J., docteur en philosophie, à Moscou (Russie). PouLer, J. P., capitaine de recrutement. Pravaz, Ch. Gab., docteur en médecine , à Lyon. P. 240, 245, 258 , 542. PREIS, J., négociant. : “PReissweRk , Rud., professeur au Gymnase , à Bâle. PRIMAVESI, À., graveur en taille-douce, à Coblentz (Prusse rhénane). “ProN, baron, P. Jos., maréchal-de-camp commandant l’École d’ap- plieation de l'artillerie et du génie, à Metz. “Prost, Th., directeur des postes , à Mende (Lozère). “PRupnommE, directeur des postes, à Vesoul (Haute-Saône). Purxop, Fr., èlève interne des hospices. Purow, E., membre de la Société géologique de France, délégué de la Société d’émulation du département des Vosges, à Remi- remont. À “Puvis, ancien député , correspondant de l’Institut, président de la Société royale d’émulation et d'agriculture de l’Ain, à Bourg. P.95, 545. “Quinox, professeur à la Faculté de Droit, à Grenoble (Isère). Quiquerez , Aug., membre du grand-conseil du canton de Berne, préfet du district, à Delémont (Suisse). RaBaïoye, P. Ch., chef d’escadron , directeur de la fonderie royale. Ranivs , J., professeur en médecine à l’Université de Leipzig , pré- sident et délégué de la Socielas medica Lipsiensis. P. 87, 264, 268. Ræs, André, S. G. Mer, évêque de Strasbourg. P. 49, 464, 526, 527. RAMEAUX, J. F., professeur à la Faculté de Médecine. P. 42, 246, 225, 258, 505, 554. Mémoires, t. 11, p. 85. “RAMON DE LA SAGRA, correspondant de l’Institut, directeur du jar- din botanique, à Madrid. Raper, J. J., directeur de l’École normale, à Périgueux (Dordogne). Rarou, Aug., docteur en médecine, à Lyon. P. 259, 265. LISTE DES MEMBRES. 585 *Rarr, Maur., docteur, à Rotweil (Wurtemberg). *Rapr, professeur au collége, à Bouxwiller (Bas-Rhin). RATISBONNE, Ach., banquier. RATISLONNE , H., propriétaire. Pau, Ch., avocat, professeur à la Faculté de Droit. P. 422. RAUCHENSTEIN , recteur du collége cantonal, à Aarau (Suisse). Rauscmenrrarr, Ar., docteur en Droit. P. 220 , 585, 594, 4253. Raurer , J., doyen de la Faculté de Droit, ancien député du Bas- Rhin, membre du directoire de la Confession d’Augsbourg. P. 41, 45. RaynauD,, Ph., professeur d'histoire au Collége royal. Réau , A., chef du service des lits militaires. *RÉGLUZ, J. A., correspondant du ministère de l’instruction publique pour l’histoire de France, à Pézenas (Hérault). Rescos, H. Th., docteur en théologie, professeur au Gymnase. Rerrve, A. de, élève de l’École polytechnique , à Paris. *RécenieR , docteur en médecine. REnMAN\, Em., docteur en médecine, médecin de S. A. le prince de Fürstenberg , à Donaueschingen (Bade). Rercu, J. B., professeur au Petit-Séminaire. *RercæarDr, inspecteur ecclésiastique, pasteur-président, à Boux- willer (Bas-Rhin). Rene, M. J. de, professeur à l'École technique, à Bamberg (Ba- ‘vière). P. 528, 545. REIBLEN, G., pharmacien, à Stuttgart (Wurtemberg). REINER, Fr., architecte, ancien Secrétaire de Ja huitième Section. P.41, 48, 61, 528. * *RemmarD, comte, Ch., secrétaire d’ambassade, chargé d’affaires de France en Suisse, à Berne. Rerser, Jules, chimiste. P. 225. - Renan, M. M. H., proviseur du Collége royal. Reno, J. H., professeur de physique au collége, à Belfort (Haut- Rhin). P. 467. RENOUARD DE BUSSIERRE, vicomte, P. A., ancien député du Bas-Rhin. RENOUARD DE BOSSIERRE, A., banquier, membre de la chambre de commerce. RenOUARD DE BUSSIERRE, L., ancien député, maître des requêtes au conseil d'Etat, à Paris. *RenouLr, professeur au Collége royal. “RESCH, agronome. “Resranr , J. B., abbé, vice-préfet des études, à Pavie. Reuss, Ed., professeur à la Faculté de Théologie et au Séminaire protestant. P. 414, 45, 122, 556, 575, 515. 4. 586 © LISTE DES MEMBRES, Reuss, G.-Ch. El., ingénieur des mines, à Paris. REUSGHLÉ , G., professeur, à Stutfgart (Wurtemberg). REUSSNER , J. EFr., étudiant en théologie. “RÉVILLOUT, V., médecin-inspecteur des eaux thermales , à Luxeuil (Haute-Saône). “ReviLour, Ch., élève de l’École normale, à Paris. Rey, Ch., sous-inspecteur de la manufacture des tabacs, élève de l'École polytechnique. “Rey, CL., imprimeur-typographe, à Lyon. “RiBEIRo , Araujo, chev., ministre du Brésil, à Paris. RicarD, M., professeur à la Faculté de Théologie. P. 453. RicuarD, J. Dav., directeur de l'asile des aliénés à Stéphansfeld (Bas-Rhin). P. 577, 405, 45, 420, 545. Mémoires, t. IL, p. 595. RicarD, Th., négociant, à Tonnay-Charente (Charente). “Ricme, docteur en médecine, à Obernai (Bas-Rhin). RicaeLer, Ch. J., imprimeur, secrétaire de l’Institut des provinces, Secrétaire général de la septième Session du Congrès, délégué de la Société d'agriculture, sciences et arts de la Sarthe, l’un des Vice-présidents de la cinquième Section, au Mans. P. 47, 94, 555, 559, 545, 549, 554, 556, 560, 561, 564. Richet, Ed., juge d'instruction, à Colmar. Ricmerr, J., licencié en Droit, à Colmar. “Rinozri, marquis, Côme, fondateur de l’Institut agricole de Me- leto, pr résident du Congrès des savants italiens à à Florence en 184, à Florence. P.91. RIDER , J. J., pasteur. “Rigrrez , J., directeur-fondateur de la colonie agricole de Grand- - Jouan (Loire-Inférieure). “Rugrrez, L. A., docteur en médecine , à Epfg (Bas-Rhin). RIEGER , J., pasteur, à Willstett (Bade). RicauD, Ph. , professeur à la Faculté de Médecine. P. 42, 250, 256, 265, 544. Riçaur, V., docteur en Droit. Ricaur, Ad., avoué, à Wissembourg (Bas-Rhin). RING, Max. de, propriétaire, l’un des Vice-présidents de la hui- tième Section, à Fribourg (Bade). P. 48, 456, 461, 464, 466, 467, 475, 415, 488, 492, 526, 528, 545. Mémoires, t. I. RINGEISEN , Ant., architecte de l’arrondissement , à Schlestadt. “RINEKER, F., professeur de médecine à l’ Université de Würtzbourg. “RISLER , J. , fabricant, membre de la Société industrielle , à Mul- house. Riscer, Jér., fabricant, membre de la Société industrielle, à Mul- house. LISTE DES MEMBRES. 587 Rusr, Ed., avocat, ancien magistrat. RISTELHUEBER , M. A. J., médecin en chef des hospices. P. 255, 416, 447. “RITTELMEYER , médecin cantonal , à Truchtersheim (Bas-Rhin). Rirrer, Ch., chimiste, peintre-verrier. “RiviserT, 1., professeur, à Darmstadt (Hesse). RogBerT, Aimé, docteur en médecine. P. 259. Roserr, P. Herc., ex-secrétaire de l’École polytechnique, attaché à la bibliothèque du Roi, commissaire-inspecteur des antiquités départementales de l'Indre, à Argenton (Indre). P. 347, 556, 572, 414. Mémoires, t. II. “Rocæaozrz, professeur de littérature allemande, à A arau (Suisse). RocorrorT, Th., négociant, à Paris. Rorneree , Ch. Ach., sous-inspecteur de l'instruction primaire du Bas-Rhin. ROEDERER , Jul., docteur en médecine, médecin en chef de l'asile d’aliénés à Stéphansfeld (Bas-Rhin). RoëDERER , Ch. Ad., licencié en Droit, juge de Pie à Erstein (Bas- Rbin). ROEBRICE , Guill., pasteur. P. 43. Rorxricx, Ch., pasteur, à Ilkirch (Bas-Rhin). Rorscx, Ch., docteur en médecine, médecin du bailliage, à Schwenningen (Wurtemberg). P.256. ROoEsER, J. de, conseiller aulique, à Bartenstein (Wurtemberg). Rozra, Ed., professeur agrégé à l’Université de Heidelberg (Bade). ROHRBACHER, Fr., prêtre, membre de la Société royale des sciences, lettres et arts, à Nancy. P. 555, 549. RoLLÉ, Fréd., propriétaire. ROLLER , Rob. » professeur de physique et de mathématiques au Gymnase, à Pforzheim (Bade). P. 425. Ron, Ch., maitre de pension. ROOSMALEN, Aug. AL. de, vice-président et délégué de Ja Société Racinienne de la Férté-Milon , , à Paris. P. 84, 577, 590, 405, 454, 459, 412, 545. “Rose, de , conseiller intime de légation , à Stuttgart. P. 94. “Rossée, premier président à la Cour royale, ancien député du Haut-Rhin , à Colmar. Rossez , Ch., docteur en philosophie, à Wisbaden (Nassau). “Rossr, V., professeur, délégué de l’Académie L. et R. des Géorgo- philes , à Florence. P. 85. Rotu, Fid., pharmacien. P. 261. RoTa, J. J., instituteur, à Schiltigheim (Bas-Rhin). 588 LISTE DES MEMBRES. Roru, Ch. L., docteur en philosophie, professeur au Gymnase, à Bâle, * RotHan, G., bachelier ès sciences et en Droit, à Paris. “Rorova, comte de, de Madrid, propriétaire , à Paris. Rousseau, Ach., homme de lettres, délégué de la Société indus- trielle d'Angers, à Saint-George-le-Thoureil (Maine-et-Loire). P.85, 440, 447. “RousseLi, premier président de la Cour royale, à Caen. “Rousser, Al., membre de la Société littéraire, à Lyon. RousTAIN , J. B. P., professeur suppléant à la Faculté de Droit, à Paris. Roux, P. M., docteur en médecine, secrétaire perpétuel et délégué de la Société de statistique de Marseille, ancien président et dé- légué de la Scciété royale de médecine, à Marseille, P. 84, 446, 227, 229, 258, 259, 245, 262, 545, 546. Rovipa , P.F., avocat, à Milan. Rupro, Ed., chimiste, à Wisbaden (Nassau). RuEr, Maur., docteur en médecine. RünLmann, Ans., bachelier ès sciences, à Nothalten (Bas-Rhin). Ruwpezr, Ferd., docteur en médecine , à Dresde (Saxe). “Sacc, manufacturier, à Thann (Haut-Rhin). SAGLIO, À., propriétaire. SAHUNE , Ern. de, maître des requêtes au conseil d'État, membre de la chambre des députés, à Paris. “Saintes , Eymery de, homme de lettres, à Paris. 543. SALADIN , J. B. E., ingénieur-mécanicien , délégué de la Société in- dustrielle, à Mulhouse. P. 84. “SaraDIN, Em., ingénieur-mécanicien de la filature mécanique du Bas-Rhin, à Hüttenheim (Bas-Rhin). SALATHÉ , Ch. A., docteur en médecine, membre de la Société in- dustrielle, à Mulhouse. SALLOT, L. Fr., docteur en médecine, médecin des épidémies de l'arrondissement, à Vesoul (Haute-Saône). SALOMON , J. A. G., négociant, à Brunswick. SANDHERR , Ch., licencié en Droit, à Colmar Sarrus , doyen de la Faculté des Sciences. SarTi, G., ingénieur, à Milan. SAUCEROTTE , Nic., docteur en médecine, conseiller de collége de Russie, à Lunéville. P. 497. Sauu, L., négociant, membre de la chambre de commerce. P. 276, 285. SAUM, Aug., négociant. P. 45. Saux , J. C., propriétaire. LISTE DES MEMBRES. 589 *SaussayE , L. de la, correspondant de l’Institut (Académie des ins- criptions), Secrétaire général de la quatrième Session du Congrès scientifique , à Blois. P. 94, 545. Scaanow, G. de, directeur de l’Académie des beaux-arts, l’un des Vice-présidents du Congrès et de la huitième Section, à Düssel- dorf (Prusse). P. 44, 48, 61, 85, 90, 400, 457, 458, 459, 477, AT8, ASA. Mémoires, t. II. Scuærer, L., docteur en médecine. Scærre , Fr., pasteur, à Reitweiïler (Bas-Rhin). *ScHALLER, pasteur-président , à Colmar. ScxALceR , E. J., docteur en médecine. ScÆurFELÉ , J. M. D., pharmacien , à Thann (Haut-Rhin). SCHATTENMANN, Ch., directeur de l’administration des mines, membre du conseil général du Bas-Rhin, à Bouxwiller (Bas-Rhin). P. 99, 275, 287, 292, 296, 298, 505, 509, 514, 515, 518, 525, 3527, 528, 545. Mémoires, t. II, p. 227. “ScæauEnBurG, P. de, chef d’escadron d'état-major, député et membre du conseil général du Bas-Rhin , à Paris. SCHAUFFLER , Ch., huissier. ScuerFEez, Ph. J., major à la suite de S. A. R. le grand-duc de Bade, conseiller à la direction grand-ducale des ponts et chaus- sées, à Carlsruhe (Bade). Scngrrer, H. L., ministre du saint Évangile. Scnerer, Edm., ministre du saint Évangile. P. 595. SCHERRER, dE N., docteur en médecine, à Constance (Bade). P. 125, 270. j “Scenes , Aug., négociant, membre de la Société industrielle, à Mulhouse. P. 543. *ScaiLp, avocat, docteur en Droit, à Brême. SciILLINGER, J. J., pasteur, à Mühlbach (Haut-Rhin). ScgIMPER, G., Conservateur du Musée d'histoire naturelle, Secré- taire adjoint de la première Section. P. 44, 42, 15, 464, 466, 469, 475, 1481, 194. *Scmmper, Ch., naturaliste, à Munich. P. 197, 499, 545. Mémoires, t. II, p. 62. Scam , Nic., curé de la Madeleine. SegiRLiN, Séb., professeur au Séminaire épiscopal, l’un des Vice- présidents de la cinquième Section. P. 47, 85, 556, 545, 554, 556, 574, 572. Mémoires, t. Il, p. 544. *SemRmER, Eug., conseiller à la Cour royale, à Colmar. * SCHLAGDENHAUFFEN, J. F., architecte-entrepreneur. “ScLogsser , professeur de musique à l’École normale primaire , à Colmar. 590 . . LISTE DES MEMBRES. “ScHLUMBERGER , J. Alb., membre de la Société industrielle, à Mul- house. “ScHLUMBERGER, H., membre de la Société mdustrielle, à Mulhouse. *ScaLUMBERGER, Is., membre dela Société industrielle, à Mulhouse. “ScaLuUMBERGER, Iw., membre de la Société industrielle, à Mulhouse. SCHLUMBERGER , P., manufacturier ,.à Guebwiller (Haut-Rhin). *“ScaLumMBERGER , J., manufacturier, à Thann (Haut-Rhin). ScnzumseRGER , Jean , fabricant , à Guebwiller (Haut-Rhin). Scazun», Ch., docteur en médecine. Scan, H. D., fabricant, à Vienne (Autriche). “Seam, pharmacien, à Fribourg (Bade). Scamipr, Ch., professeur à la Faculté de Théologie ét au Séminaire protestant , Secrétaire adjoint de la sixième Section. P. 45, 44, 17, 575, 945. ScHMIDT, G. A., pasteur. Scamipr, Ch. Fr., libraire. “Scnmir, maître des requêtes au conseil d’État, à Paris. P:470, 544. Mémoires, t. IL “Scamurs , L., banquier, à Fribourg (Suisse). Scanaasé, Ch., procureur du roi, à Düsseldorf (Pr HN P. 424, AGA4, AT5, #79, 584, 488. Mémoires, t. Il. SCcaNEEGANS , Ferd., avocat. ScanEeGans , Ch., ingénieur-mécanicien. ScaneEGaANs , C. F., bachelier ès lettres. Seaneirer , Th., docteur en médecine, médecin en chef des hos- pices, conseiller municipal. P. 44. SCHNEYDER, J. à., professeur et délégué du Lycée, à Rastatt (Bade). P.558, 404, 540. “ScnniTzceR, J. H., directeur de l'Encyclopédie des gens du monde, correspondant de l’Académie impériale de Saint-Pétersbourg , à Paris. “ScaNorriNGER , docteur en médecine , à Oberbronn (Bas-Rhin). ScHoETTEL fils , Jean , négociant. Senozrz, Aug., professeur à la Faculté de Théologie catholique à l’Université, l’un des Vice-présidents de la sixième Section, à Bonn (Prusse). P. 47, 95, 574, 588. *SCHREIBER , prorecteur de l’Université de Fribourg (Bade). P. 85, 528, 544. ScnveLer, Gust., conseiller des mines, professeur de minéralogie et de technologie à l’Université de lena (Saxe). P. 475, 479. Scaurer , D. Th., pasteur. ScauLer, G. L., imprimeur-libraire, conseiller municipal. ScHuLER, Ch. A., graveur. LISTE DES MEMBRES. 591 *Scauzrz, Ch. G. E., docteur en médecine, à Deux-Ponts (Bavière rhénane). ScaucTz, F. G., docteur en philosophie, membre de plusieurs sociétés savantes, à Bitche (Moselle). P. 475, 480, 481, 544. *Soauzrz, Ch. H., médecin de Phospice et directeur de la Pollichia, à Deidesheim (Bavière rhénane). P. 85. ScauRË , J. F., docteur en médecine. P. 44, 462, 1463, 490. Mé- moires , t. I, p. 44. Seausrer, X., professeur au Petit-Séminaire. Scnürz, Ferd., correspondant du ministère de l'instruction pu- blique pour l’histoire de France, membre du comité des chartes, à Nancy. P. 450. Mémoires, t. II. ScaüTZzENBERGER , Fr., professeur à la Faculté de Droit , maire de Strasbourg , membre de la:chambre des députés et du conseil gé- néral du Bas-Rhin. P. 44, 43, 41, 61, 285, 501, 504, 510, D453. SCHÜTZENBERGER, Cb., rs à la Faculté de Médecine, médecin des hospices. P. 255, 258, 242. Scawartz , Ed., rentier, à Mulhouse. ScawarTz, L., “fabricant , membre de la Société industrielle , à Mulhouse. “ScawegEL , de, ancien consul général chargé d’affaires à Tunis. ScnweseL , Fr. L., licencié en théologie, ministre du saint Evan- gile. P. 45. ScnweBeL , Ad., docteur en médecme, à Barr (Bas-Rhin). “ScawelG, G., docteur en médecine, à Carlsruhe (Bade). *ScawErGGER , professeur de chimie à l’Université de Halle (Prusse). P. 94, 186, 222, 259. 544. SchWEIGHÆUSER , Geoff., professeur à la Faculté des Lettres, cor- respondant de l’Institut. P. 548, 558, 461, 466, 544. Mémoires, t.Il,-p. 549. | ScHWEIGHÆUSER , Ch. G., professeur au Gymnase. SCHWEIGHÆUSER , Fr., négociant. P. 554. SCHWEIGHÆUSER fils , Gust., négociant. SCHWEIGHÆUSER , fils, A., bachelier ès lettres. "ScaweIGHÆUsER, Ch., régisseur de forges, à Zinsweiler (Bas-Rhin). ScWiLGué père , J. B., ingénieur-mécanicien. P. 214, 496, 500, 529. . SeawiLGvé, J. B., ingénieur en chef du Bas-Rhin. ScWILGUÉ fils, Ch., vérificateur des poids et mesures. Scawinp , Fr. R., notaire, à Barr (Bas-Rhin). P. 324. Mémoires, t. II, p. 259. SCHWIND , Th., avoué, à Schlestadt (Bas-Rhin). 592 LISTE DES MEMBRES. *ScHWOERER , J., conseiller aulique, professeur en médecine à l’Uni- versité de Fribourg (Bade). *ScouTETTEN , chirurgien en chef, premier professeur à l'hôpital mi- litaire d'instruction. *Sgcréran, professeur de philosophie à l’Académie de Lausanne. *Sénicuor, professeur à la Faculté de Médecine et à l’hôpital militaire d'instruction. *Seepo9E , conseiller de régence , etc., directeur des écoles du duché de Nassau , à Wisbaden (Nassau). Sécn , Fréd., docteur agrégé à l’Université de Heidelberg. P. 425. *Sgecer , L., professeur de philosophie, à Berne (Suisse). SenriNG, G., homme de lettres, à Kœnigsberg (Prusse). Set , J. Ad., fabricant. SELLIGSBERGER, B., directeur d’un établissement de sourds-muets et d’aveugles. P. 575, 596, 599, 500, 544. *Servs-Lonccæawrs, correspondant de l’Académie des sciences de Bruxelles, à Liége (Belgique). P. 458, 544. SENGENWALD , J., négociant, Secrétaire adjoint de la quatrième Section. P. 44, 45, 16, 98, 298. Mémoires, t. II, p. 256. SENGENWALD , Ad., négociant. *SERINGE, professeur à la Faculté des Sciences, directeur du jardin botanique, à Lyon. P. 475, 544. Sers, maître des requêtes au conseil d'État, préfet du Bas-Rhin. P. 42, 504. *SrcanD, G. V., pharmacien, à Nancy. *SIcnEL, docteur en médecine et en chirurgie, à Paris. SicHerERr , Ph. Fr., docteur en médecine, médecin des hôpitaux, à Heïlbronn (Wurtemberg). Sino, L. M., sous-préfet de l’arrondissement, à Schlestadt (Bas- Rhin). SiLBERLING, E., agent d'assurances. SILBERMANN , G., imprimeur, conseiller municipal, Secrétaire gé- néral adjoint, trésorier. P. 9, 40, 42, 41, 146, 165, 479, 484, 497, 472, 544. Simon, G. H., avocat. Simon, Eug., pharmacien. Simon, Fr. Em., lithographe. F. 465. Simon, Ch. F. V., vice-président du tribunal civil, inspecteur des monuments historiques de la Moselle, président de la Société d'histoire naturelle, secrétaire archiviste de l’Académie royale, délégué de ces deux Sociétés, Secrétaire général de la cinquième Session du Congrès, à Metz. P. 15, 94, 158, 175, 181, 187, 542, 545, 546, 549, 467, 468, 526, 544. | LISTE DES MEMBRES. 593 SIMON, J. J., bibliothécaire, à Saint-Dié (Vosges). P. 372. “Smon, Gaëtan , principal du collége, à Troyes (Aube). SrmoniN, Mar., aumônier de l'institut des sourds-muets, à Nancy. SronoLKoWICz , H. V., colonel polonais, à Paris. SIven, docteur en médecine , à Gand (Belgique). Suita, J. Cas., de Varsovie, doct. en méd., à Benfeld (Bas-Rhin). Sozran , Guill., professeur au Gymnase, docteur en philosophie à l’Université de Giessen (Hesse). P. 60. Mémoires, t. II, p. 289. Soznan, Ch., professeur à l’École normale, à Friedberg (Hesse). P. 495, 170, 440, 465, 544. “Sozier, docteur en médecine, secrétaire général de la Société académique de médecine, à Marseille. P. 83. Au nom de cette So- ciété. SOMMERAU , Th., pasteur. Sony, J. B., prêtre habitué, membre du comice agricole, à Mi- recourt (Vosges). P. 488. SogLin, A. N. J., professeur à la Faculté des Sciences. Sracx, L., archiviste du département , Secrétaire de la cinquième Section. P. 14, 47, 65, 441, 545, 558, 373, 515. Mémoires, t. II, p. 554. SPACE, G., avocat, secrétaire général de la mairie. “SPANGENBERG, docteur en médecine, médecin en chef de la garnison, à Cologne (Prusse rhénane). "SrecK-STERNBURG, baron, Max. de, agronome, à Lützschena (Saxe). P. 544. *SrENCER-Smita, Iohn , membre de la Société royale de Londres, à Caen. P. 361, 545. SPIELMANN , Ch. Fr., pharmacien. “Srrrz, Ch., professeur au Petit-Séminaire. “STACKLER , fabricant d’indiennes , à Rouen. STAcKLER , X., docteur en médecine, à Mulhouse. STÆKLÉ , Jos., curé, à Heimsbronn (Haut-Rhin). STAHL , Fréd., pasteur. SrTaxL, Ch. A., professeur au Séminaire protestant. P. 564,- 565. Srauw, Ch., docteur en médecine, à Brumath (Bas-Rhin). STamm, G., docteur en médecine , à Gernsheim (Hesse). *Stamu , docteur en médecine. SreRELIN , Ed., fabricant, à Bitschwiller (Haut-Rhin). STE, Ch., ingénieur des mines, à Wisbaden (Nassau). “Sremnpacx, G., membre de la Société industrielle, à Mulhouse. STEINBRENNER , Ch. Ch., docteur en médecine, correspondant de la Société de médecine de Bordeaux, à Wasselonne (Bas-Rhin). *STEINBRENNER , J. J., maire, à Wasselonne (Bas-Rhin). 38 294 LISTE DES MEMBRES. STEINBRENNER , M. Aug., médecin cantonal, à Saar-Union (Bas- Rhin). *STEINER , J. L., conseiller municipal. P. 41. STEnNER , Ch., fabricant , à Ribeauvillé (Haut-Rhin). STENNHEIL , Sig. L., propriétaire. Sremae, S. L., docteur en médecine , à Altona (Dannemark). *Sreinmerz, Th., ingénieur-mécanicien du chemin de fer, à Mul- house. | Srern, Maur., docteur en philosophie, agrégé à l’Université de Gættingen. ? STERLIN , Fréd., instituteur, à Cork (Bade). Sroeser , V., agrégé à la Faculté de Médecine, médecin des hos- pices, Secrétaire de la troisième Section. P. 40, 16, 225, 232, 254, 259, 242, 262, 269, 270, 515, 525. Srorger , L. Ad., pasteur, à Mulhouse. *STOEBER, Aug., professeur au collége , à Mulhouse. STOEBER , Ed., avocat. Srorger , L., candidat en médecine, à Obernai (Bas-Rhin). Sroëss, C. P. H., docteur en médecine. P. 41, 12, 265, 268, 272. STorEs-STANLEY , professeur de langue anglaise. SroLtz, J. A., professeur à la Faculté de Médecine, président du jury médical , médecin des hospices. P. 226, 246, 248, 259, 267, 269. Mémoires , t. II, p. 489. Srorz, J. J., architecte. *Srrauss-DürckHeIM, Herc., naturaliste au jardin du Roi, à Paris. STRIEDBECE , Ch. A., conseiller municipal. STRIFFLER , J. Ch. Th., notaire. STROBEL , A. G., professeur au Gymnase. SrrouL, Ch. Ed. E., agrégé à la Faculté de Médecine. P. 258, 242, 269. à SrrogL , Fréd., négociant. SrROMEYER , C. G., négociant. Srromwaz», God., professeur au collége, membre de la Société industrielle , à Mulhouse. Sruser, Fr. A., architecte. P. 44, 181. Srükce, H., directeur du chemin de fer, à Mulhouse. Sucrzer , Ch., docteur en médecine, à Barr (Bas-Rhin). *Suzor , de, homme de lettres. SzERLECKI , Alf., docteur en médecine, à Mulhouse. TacxarD , P., pasteur, à Mulhouse. *TaiLLaNDtER, docteur ès lettres, professeur suppléant à la Faculté des Lettres. P. 44, 45, 14. “TarzLaR , conseiller à la Cour royale, à Douai (Nord). LISTE DES MEMBRES. 595 *TanNeR , président de la Cour suprème , à Aarau (Suisse). *TarmNt, chev., Ferd., surintendant général des communes, Se- crétaire général du Congrès de Florence, à Florence. P. 535. *Tavrruies, Ed., doct. ès sciences et en médec., à Barr (Bas-Rhin). *TAvERNIER, docteur en médecine, à Schlestadt (Bas-Rhin). Terme, maire de la ville, député du Rhône, à Lyon. Teursca, Ch., négociant. P. 477, 488. *Teurscx, A., chancelier d’ambassade, à Berne. *Tex, C. A. den, docteur et professeur en Droit, à Amsterdam. P. 94. Texror , Caj., conseiller aulique , professeur de chirurgie à l’Uni- versité, l’un des Vice-présidents de la troisième Section, à Würtz- bourg (Bavière). P. 46, 226, 231, 256, 241, 242, 244, 246, 249, 257. Mémoires, t. II, p. 212. Texror , Ch., docteur en médecine, à Würtzhourg. THEURER, Ch. propriétaire - cultivateur à Kurzenhausen (Bas- Rhin). Taxarrait, F., président de la Société pour l'instruction élémen- taire du Rhône, à Lyon. P. 94, 545. THAVILLE, G. Noël, pharmacien , à Saint-Dié (Vosges). P. 187. Mémoires, t. Il, p. 25. “Taregey, H. | délégué de la Société industrielle, à Mulhouse. P. 84. *THILENITS, 0. , Conseiller médical, à Hæœchst (Nassau). THIRIET , abbé, J. G., professeur de langues. Taomson , Ad., homme de lettres. Taomson, Jos., professeur de botanique, à l’Université d'Oxford (Angleterre). *Tero, abbé, vicaire à la cathédrale. *TauRMANN , J., directeur de l’École normale, à Porentrui (Suisse). *Tocquauxe, architecte, délégué deJa Société d’émulation des Vosges , à Épinal (Vosges). P. 84. *TocqueviLce, Al. de, membre de l’Institut et de la chambre des dé- putés, à Paris. *“Tozstoy, J. de , conseiller de collége au service de Russie , à Saint- Pétersbourg. *Torrecrant, Ch., délégué de l’Académie L. et R. des Géorgophiles de Florence) à Glbrcuce- P:85. Tourcoer, Aug. de, officier au 69e régiment de ligne, auteur dra- . matique, à Paris. Tounpes père, J., professeur à la Faculté de Médecine et à l’hô- pital militaire d'instruction. Tounpes fils, Gab., professeur à la Faculté de Médecine, Secrétaire adjoint de Ja troisième Section. P. 12, 46, 226, 259, 257, 266, D25. 38. 596 LISTE DES MEMBRES. “Tracy, V. de, membre de la chambre des députés, à Paris. Trarr, Ed., docteur en médecine, conseiller médical, à Hom- bourg-ès-Monts (Hesse). P. 259, 545. TrauT, Fréd., avoué. *Trawirz, Ch., licencié en Droit. TRAwiITZ , À., négociant. TRiPonEL , J. Val., docteur en médecine, à Rouffach (Haut-Rhin). Turcx , L., docteur en médecine, médecin des eaux, à Plombières. P.252, 255, 255, 259, 242, 254, 259, 261, 264, 545. *UEBEuN , J.J., diacre, à Bâle (Suisse). UreersaaL, Ch. G., médecin en chef de l’hospice des orphelins, vice-président et délégué de la Société des sciences , agriculture et arts du Bas-Rhin. P. 84, 269. ULLMANN , Ch., conseiller ecclésiastique , professeur en théologie à l’Université de Heidelberg. ULLMANN , Uh., candidat en Droit, à Heïdelberg. *Uzmer, curé à Cernay (Haut-Rhin). *Vaiz, Eug. (des États-Unis d'Amérique), it à de la Société philotechnique, à Paris. P. 545. Vaissière, Al., homme de lettres, dise cs des tabacs. P. 452. *Vacner, professeur au Collége royal et à l’École forestière, à Nancy (Meurthe). *VALGoRNERA, marquis de, directeur de l'instruction publique en Es- pagne , à Madrid. *Vazuée , président de la Société de médecine du département de la Sarthe, au Mans. P. 82. Au nom de cette Société. Vaois, À. L., doyen du conseil de préfecture du Rhône, à Lyon. *VANDERBACE , N., docteur ew médecine, à Thionville (Moselle). *Vaucaer, Ed., membre de la Société industrielle , à Mulhouse. VAUTRÉ , J. Dom., docteur en médecine. VELING , J. P., médecin des hospices, à Wissembourg (Bas-Rhin). *Vernier , professeur à l’hôpital militaire d'instruction. VeRoun , J. B., magistrat, à Vesoul (Haute-Saône). *Vicror, homme de lettres , à La Haye (Pays-Bas). *Vizzars , J. B., professeur d'accouchement à l’École préparatoire de médecine, à Besançon (Doubs). *VILLEMAIN , pair de France, secrétaire perpétuel de l’Académie française, ministre de l'instruction publique , à Paris. *VILLENAVE, vice-président de la Société de la morale chrétienne , à Paris. P. 545. VILLERSVAUDEY, Marquis, Am. de, propriétaire , à Paris. Viuuiers , Ch., membre du Parlement britannique , à Londres. LISTE DES MEMBRES. 97 Vizcor, N. J., ancien architecte de la ville de Strasbourg. VINCENT , J., ancien archiviste du département du Rhône, à Lyon. VIVIEN , Ch., directeur de l’École normale, l’un des Vice-prési- dents de U sixième Section. P. 17, 574, 586, 596, 450. VIvVIEN , J., licencié en Droit. VLEMINEX , J. F., inspecteur général du service de santé de l’armée belge, président et délégué de l’Académie royale de médecine de Belgique , à Bruxelles. P. 84, 232, 237, 250, 252, 255, 256. VocEL , Aug., conseiller aulique, professeur de chimie à l’Univer- sité, Vice-président de la 2° Section , à Munich. P. 16, 208. VoceL, Aug, docteur en médecine, à Munich. : Vocr, Ch., docteur en médecine, à Neuchâtel (Suisse). P. 166, 4168, 1 82. Vorcr, G. de, propriétaire, à HanOyre. P. 124. ei Dr Gust., conseiller des bâtiments, membre de l’Aca- démie royale des beaux-arts, directeur de l’ École Toyale d’archi- tecture, à Munich (Bavière). P. 482, 545. VouLor, CL. J., inspecteur de l'instruction primaire du Bas-Rhin. “VuIzLEMIN, professeur honoraire de l’Académie de Lausanne. P. 58. Vuzrizrar, D., ancien sous-préfet, rédacteur de l'Annuaire du Bas-Rhin. P. 545. *WazLmask , P. A., littérateur à Stockholm (Suède). WaAnGEn, baron, Em. de, propriétaire. Wancen, Eug. de, propriétaire. Ù WarnKoENIG6, L. A., conseiller aulique intime , professeur en Droit à l’Université, Président de la sixième Section du Congrès, à Fribourg (Bade). P.147, 124, 555, 557, 551, 554, 564, 572, 574, 5835, 585, 405, M7, 429, 514, 526. l “Warrman , professeur de chirurgie à l’Université de Vienne (Au-- triche). P. 266. | WEger, J., docteur en médecine, membre de la Société industrielle, à Mulhouse. P. 265. . “Weser, F. A., professeur au collége, à Belfort (Haut-Rhin). Weser, Ch. F., pasteur, à Wolfisheim (Bas-Rhin). Weger , Val., négociant. Wepexinn, baron, G. G., conseiller supérieur de l’administration des forêts du grand-duché de Hesse, à Darmstadt (Hesse). P. 85, 400, 509, 311, 513, 509. Weser , Fél., pharmacien , à Saverne (Bas-Rhin). “Weuz, A., homme de lettres , à Paris. Weicer , J. D., avocat, conseiller municipal. Weicer, Ch. Fr., négociant. Weiscerses , Ad., filateur, à Sainte-Marie-aux-Mines (Haut-Rhin). 598 LISTE DES MEMBRES. WEISGERBER , Guill., candidat en médecine. Weccker, Ch. Th., conseiller aulique, professeur, membre de la seconde chambre des États du grand-duché de Bade, à Fribourg (Bade). P. 584. *Wewor, chev., Ch. E. de, conseiller intime aulique, à Munich (Ba- vière). P. 70. WERNER, Fr. A., pharmacien, à Brunswick. WesrpHaL-CAsTELNAU, Al., consul des villes anséatiques , à Mont- pellier (Hérault). *WerzeL, L., architecte, à Montbéliard (Doubs). Weyer, J. A., architecte. P. 44, 465, 475, 484, 487. WuiTFiELD , Ch., capitaine, à Londres. WiecER , J. Fr., receveur de Saint-Thomas. Wiecer, Fr., aide de clinique à la Faculté de Médecine. WiEcmanx, Rod., professeur d'architecture à l’Académie des beaux- arts, à Düsseldorf (Prusse). P. 124, 464. *Wizpa, G. E., prof. en Droit à l'Univ. de Halle (Prusse). P. 94. *Wicoermura, D., docteur, agrégé à l’Université de Tubingen (Wurtemberg). WiLHELM , Cyr., abbé, chef d'institution. Wizucn, L., avocat, à Frankenthal (Bavière). Wizzm, Jos., inspect. de l'Académie, prof. au Séminaire prot., Secrétaire de la sixième Section. P. 40, 47, 374, 575, 580, 404, 407, M4, 42, 425, 429, 515. Mémoires, t. Il, p. 575. *WiaTGEn, professeur, à Coblentz (Prusse). Wisniecki, Ad., homme de lettres. Wire, J.B., inspecteur de la navigation du Rhin, agent consulaire de France, à Mannheim (Bade). P. 564, 575. Wira fils, L. E., inspecteur voyer. Wrz, Ch., pasteur et docteur en médecine, à Waldbach (Vosges). WoEgRLin , Ph., pharmacien. *Wosrce, instituteur, à Ulm (Wurtemberg). Wozr, Ch., docteur en médecine. *Wozowskr, L., avocat à la Cour royale, professeur de législa- tion industrielle au Conservatoire des arts et métiers, à Paris. *Wonx, abbé, professeur au Petit-Séminaire. Wünscmenporr , Camille, docteur en médecine , à Wissembourg. *Wünscamirr, chanoine , à Spire (Bavière). Wüsr, J. 0., agrégé au Gymnase, ministre du saint Évangile. YrouarD, L., capitaine en retraite. P. 458. *ZAcHARLE DE LinGeNTHa, C. S., conseiller intime, professeur en Droit à l’Université de Heidelberg (Bade). P. 91. Mémoires, t IN, p. A1. LISTE DES MEMBRES. 599 *ZæprreL, baron, maréchal-de-camp, commandant le département du Haut-Rhin, à Colmar. “ZæprreL, Ch., médecin cantonal , à Giromagny (Haut-Rhin). Zercer , J., chimiste, fabricant, à Zurich (Suisse). Zerree , D., fabricant, à Saint-Dié (Vosges). Zune, Aug., professeur de géographie à l’Université et direc- teur de l’Institut des aveugles , à Berlin (Prusse). P. 424, 160, 169, 500. Zeuscaner, Louis , docteur en médecine, professeur de géologie, à Cracovie (Pologne). P. 475. Zexs, D. F., juge au tribunal de première instance, à Belfort (Haut- Rhin). ZeyssoLrr, G., médecin communal. Zeyssozrr, L., agronome , à Roville (Meurthe). P. 318, 319. Zenrowicz , V., académicien, à Wilna (Russie). Ziez, Ch. Fr., instituteur, à Brumath (Bas-Rhin). Zimwer , L. F., notaire, vice-présid. du bureau de bienfaisance. ZrrregLt , J. B., docteur en médecine, à Rotweil (Wurtemberg). LoErrL, H. : professeur en Droit à l’ Université de Heidelberg. ZUBER, J., fabricant, ancien président de la Société industrielle de Mulhouse , à Rixheim (Haut-Rhin). P. 287, 512, 538. Mé- moires, t. II, p. 252. ZuerBaca, Jul., capitaine-archiviste de l'état-major de la place. Zyro, Fr. Ferd., professeur de théologie et de pédagogie à l’Uni- versité de Berne (Suisse). 4. À ajouter le renvoi : Mémoires, t. HW, p., aux noms des au- teurs suivants : MM. Bazar, chev., p. 475. MM. KüHLMANN , p. 572. BaRD, chev., p. 554, 594. LEBR , p. 487. BÉGIN, E., p. 582. LEWALD, p. 324. DELCASSO , p. 499. | MOREL , p. 384. - DürrBACH, p. 517. PERRIN , P. 578. FRIES , p. 620. WEYER, p. 580, 621, JULLIEN DE PARIS, p. 481. 2. Nous complétons l'indication des pages du second volume pour les Mémoires des auteurs ci-après : MM. BÆ8e, p. 556. MM. MAYER, E., p. 468. _ BERG, p. 602. PLÉE, p. 597. BERGMANN, p. 439, RING, de, 22 522. BLANCHET, p. 609. RoBERT, H., p. 529. Buss , p. 402, 427, 432, LE de, p. 560. CoETLOSQUET, p. 465. SCHMIT, P. 538. DETROYES, p. 614. SCHNAASÉ , p. 548. Dumas, É de, p. 472. ScaüTz, p. 490. Fucus, p. 461. LISTE SOCIÉTÉS ET CORPORATIONS SAVANTES, LITTÉRAIRES ET ARTISTIQUES, FRANÇAISES ET ÉTRANGÈRES, QUI ONT ADHÉRÉ A LA DIXIÈME SESSION DU CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE, d’après l’ordre alphabétique des villes où elles siégent". ABBEVILLE (Souwe). . Société royale d’émulation. AMIENS (Somu.) . . . Académie des sciences. ANGERS. . . . . . . Société industrielle d'Angers et du dépar- tement de Maine-et-Loire. BAYEUX (Caivaros.) . . Société d'agriculture, sciences, arts et belles- lettres. BOURG . . . . . . . Société royale d'émulation, d'agriculture, sciences et arts de l’Ain. BRUXELLES (Bezove.) . Académie royale de médecine. Université. CAEN (Cazvaros.). . . . Association Normande. Société royale d'agriculture et decommerce. Société des antiquaires de Normandie. Société française pour la conservation et la description des monuments. Société Linnéenne de Normandie. CLERMONT (Pur-»r-Diur). Académie royale des sciences, belles-lettres et arts. COPENHAGUE (Daew.) . Société royale des antiquaires du Nord. CHRISTIANIA (Nonwéer). Université , Sénat académique de l’. DARMSTADT (Brsse). . Rheinischer Kunstverein zwischen den Stæd- ten Carlsruhe, Darmstadt, Mainz, Mann- heim und Strassburg. Gärtenbau-Verein im Grosherzogthum Hes- sen. ! Pour les délégués de ces Sociétés, voyez t. 1°", p. 82, 83, 84,94, 95 , 116, et la liste nominative des membres du Congrès, p. 547 et suiv. LISTE DES SOCIÉTÉS SAVANTES. 601 DEIDESHEIM (Bavière) . EPINAL. . . . - .:: ÉVREUX (Eue.). « « » FLORENCE (Toscane.). . FRANCFORT . . . . . FRIBOURG (Susse.). . - FRIBOURG (Baos.). . . KAISERSLAUTERN (Bav.). LAFERTÉ-MILON (Aisne). LEIPZIG (Saxe). . LE MANS (sanruc.) LIVOURNE (Toscane) . LYON (Rnône.) . . . . MARSEILLE (B.-o1-Ru.) . MAYENCE (Hesse), . METZ (Moserse.). . MULHOUSE (HauT-Ruin.). Nancy (MEuRTHE.) . . . Paris (SEINE) Pollichia. Société d’émulation du département des Vosges. Société centrale d'agriculture, sciences, arts et belles-lettres. Imp. et R. Accademia economico -agraria dei Georgofili. École urbaine , conseil des professeurs de l’. Société générale d'histoire de la Suisse. Université, Sénat académique de l’. Société pharmaco-technologique du Pala- tinat. Société Racinienne. Societas medica Lipsiensis. Institut des Provinces de France. Société d’agriculture, sciences et arts du département de la Sarthe. Société de médecine du département dé la Sarthe. . Accademia Labronica di scienze, arti, in- dustria. Société royale d'agriculture, histoire na- turelle et arts utiles. Société d'éducation de Lyon. Société pour l'instruction élémentaire du Rhône. Société Linnéenne de Lyon. Société de médecine de Lyon. Société royale de médecine. Société académique de médecine. Société de statistique. Zwanzigste Versammlung der Gesellschaft deutscher Naturforscher und Aerzte. Académie royale des lettres, sciences, arts et d'agriculture. Société d'histoire naturelle du département de la Moselle. Société des sciences médicales du départe- ment de la Moselle. Société industrielle. Société royale des sciences, lettres et arts. Société française de statistique universelle. Société philotechnique. 602 LISTE DES SOCIÉTÉS SAVANTES. PARIS (SEINE). : + + + RASTADT (Barr) + ROCHEFORT (Cnan.-Inr.). ROUEN 2 SAINTES (CmaneNTE-INr. + SAINT ÉTIENNE (Lome.). SLOMER (Pas-ne-Car.) . STRASBOURG STUTTGART (Wonreme.) « TOULOUSE (Haure-Gan.) . Tours Meme nEn TuRIN (Péione) EL VERDUN (Meuse) Société internationale des naufrages. Société nationale de vaccine. Lycée, conseil des professeurs du. Société d'agriculture, sciences et arts. Société centrale d'agriculture du départe- ment de la Seine-Inférieure. | Société libre pour concourir aux progrès du commerce et de l’industrie. Société d'archéologie. Société industrielle. Société des antiquaires de la Morinie. Société des sciences, agriculture et arts du Bas-Rhin. Société du Muséum d'histoire naturelle. Société des amis ces arts. Gymnase supérieur. Société archéologique du midi de la France. Société médicale du département d’Indre- et-Loire, Reale Società agraria. Società medico-chirurgica. Société philomatique. re sd" RÉSULTATS STATISTIQUES. Observation. — La longueur même des listes qui précèdent , et la difficulté d’en saisir les éléments à la simple lecture, nous ont déterminé à emprunter aux Comptes-rendus des Congrès d'Allemagne l’usage de présenter sous forme de tableaux les principaux résultats statistiques qui ressortent de ces listes. Mais vu le grand nombre de noms de la liste nominative, nous avons dû nous borner à une imitation très-impar- faite de cet usage , de peur de tomber dans des répétitions et dans des longueurs. Nous avons en conséquence fait le dépouillement de ces listes sous le triple rapport du nombre, de la nationalité et des car- rières diverses auxquelles appartiennent les membres du Congrès. Quant au nombre, nous avons distingué entre les membres présents etles membres adhérents, conformément à la pratique uniforme des Comptes-rendus du Congrès scientifique de France. Quant à la nationalité, nous avons d’abord établi la grande distinc- tion entre Étrangers et Français. Mais ensuite nous avons classé les Étrangers d’après les pays d’origine, en ayant soin d'indiquer les villes et lieux de résidence, ce qui nous a fourni un nouvel élément consi- gné dans les tableaux. Quant aux membres français du Congrès , nous les avons classés à leur tour par départements et par villes; et si nous avons distingué entre les départements d'au delà et d’en deçà des Vosges, c’était pour satisfaire une curiosité toute locale, et comme pour constater le degré de sympathie que la cause du Congrès a trouvé en Alsace. Enfin, le classement des membres et adhérents sous le rapport de la diversité des carrières a offert des résullats d'autant plus intéressants qu’elle a mis en évidence la valeur intellectuelle de cette imposante réunion. En conservant sous ce rapport la distinction entre Étrangers et Français, nous avons été à même de constater ce fait important, que dans cette première et solennelle entrevue des nations cultivées de l Europe, tous les états influents de la société, toutes les branches de la science, toutes les directions principales de l’activité humaine étaient représentés par des organes distingués et le plus souvent nombreux. Le Congrès de Strasbourg a droit de s’enorgueillir d’un tel résultat. La récâpitulation qui termine ces tableaux présente les chiffres gé- néraux qui résultent de ce travail d'analyse. RESULTATS STATISTIQUES. 604 y € L « . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . PHpeI . . . . . . ANOVASF L [ : L LE PROD RUE PE AP LAC Ra pr Bac ir ce rat * + a1AOVW) & L ” LI . . CAM . + PV . . . . er CL" . "a euoJIY ‘..onBoyuados VAL SEBCET are HUVHANV(I 6 & L Of TT 7 7: * daysoqoueyg ‘ MoSsern ‘opaque “PAOJxXO ‘soapuortle * : ANN9VIAUG-AANVUX) L € y z . . . . . . . . . . . . . . . . . . puer) ‘a59lT <,,STI0Xnig . . . . . . ‘AAdII'TAY 8G OI gr CO TT © HOMIUEES ‘JIOPIOSSN ‘UOTE ‘PIOJIOQIA ‘ Z}U9[q07) ‘auboyop ‘uuog ‘(uosod) Sxoquorç ‘ oo ‘nejsoig ‘Sioqséiuoyg ‘umpogle + + + + + - assauq 6 8 L CUT TT TT T1 7 7 OISOMI ‘USd ‘AoSIOquey ‘onSesq ‘OUUOIA |: aNIVLL,T SUES ‘ AHOIMLAY s e € HOT DS CE eme tort Poe OT AUOQUICE UIOSOIRET| 7 © SOAQIT SOTITA 95 F4 YL PT * ‘&n ‘uuOIqiEO ‘ uroysuoyIeg ‘ u9SUUUIMHIS “NOYSUNOYIAA ‘ SIOQUIEIUOS ‘TOMUJOM ‘2PDISUUDD ‘uoBuIQNE SANS : : : SHioquoyind F4 © 6 D © Ÿ * * DUSYOSZINT ‘zNAUSDT-NON] ‘IpeJSOpny ‘NESSa( “PIOJIRES “USD WUA ‘JIOpuoqUuey ‘uissIpn SAS IZOT ‘eu9r ‘opsoiq|* apeonp 9 ope{ox ‘oxes g q e « . . . . . . . . . . . . YIINSHO © 29 1 49 KO 64 09 ‘xn8JOZ :SJU9SqY ‘SJUSAI YOI 006 ei et 20 19 GI 97 — 6r : "4 - ME € Soxrejou ‘ SITAI9 SRHEUUONIOUC] . . . a Ë . nee « GS . net . re SE . . "D 'oo xs sowuouoi$e ‘ Soxeondoiq Sn US de ee UE ee ee RS ee 2HSNPULP RON ‘sjueoriqeyz ‘ SJURI90S9N CONCERTS ER ur ME (OR TS RC EE re SE ME) . NAN S0J99)IU2LV RP Een CRE ES 0 MIS Un De Al. dr EE, de ee ne D 2) SUQIOIULIQU LE] SINOIU9 SU] Re RS en Tr ME ER Ne NT EE. TT DRE TE SU9roeur IeUd RCE OR CENTER PE SN AR AE I CT tem VO 22 ete NAT. 5 HO mec SOS REEO"* S9]S1[8AnJeN . . . . . . . . . : . . . . . . . . . . . . . . . . | . . . ’ . ‘Su9pan RE ete CET A CPE SO AD © eee ed ae ct on CEST. Et Cher NI *SOXIEYIT II MTO2 "HSM fre PS EE LS s pe 0h 1 73 SUR 7 € Son 01099; 1e SAN9YIOYIT SoJuPABS S9]91906 op SJU9PIS9I4 . . . . . . . . . . . . . . » . “SORSIOATUN xne sosgu0e Fo Mo1Œ ua Sin9)90P ‘ SJ2904AY . OS M dore con À Tu ÉE . UE. te . . CE Er ENT SJENSIS ET PGISTU à AT UbA Sop SAIUAPI9Y ,p SIN9SS9J0Iq SERRE BERLINES : RS soxreurid Sin9}n}1}Su] *S999ÂT ; soseumÂr) { 2118 pU090S quomousrosuo p SIN9SS9J0Iq LH SAAB CES CE ER D po he (pt ‘juomousrosuo Jneu op. SIN9SS9JO.1q ROREUSLS : 1° . A CIE : HE ECS RTL : *sonbnsers9109% "SUAONVUILA SINAUAHOV LA SHNANAN OLC S4Q SAUAIUUVO UVd NOILILUVAAH . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . HONAGISAU HA XOAIT LA SHTIIÀ * t * “xnep0r D 40" 0 jee sie DPDUD) * lsgag * 24004 “Y10X-MON * (moroauuos) U9AEHMON CS TAN) HAORIEN VA SLVLA * * |‘ aradwn ‘NOT SA] ‘Hoqu) nAJU910q ‘ 1JE4OnoN ‘ JUOMYIOG ‘71/09-UL0S PIRJ -UONPIT ‘U9SOIT, ‘œormz ‘ LL AQUED “NOT * QUO ‘Op ‘NeMY | * * * * * * assis . . . . . . . . . . . . . . . . . ser + + “H0q#0pSl * * : + + : ‘ans nn nd DR Se 2 CD NEO ‘SN OQS19J0Q-UIES nt 7 EEE St . . | ML: CSC … . . . Cali | “ofng 01° WDPAOJSUY * Joan . . . CC SV-SAVd A Le ge nues de Monte Hola + truensagn * * * * ‘ H9HANON CE UE Ce ee A me ct RC ewoy| * ‘ : suæmoy SYeH . . . . . . . . . . . . . . . . . . “aPUINOQIT “SOUOIONT . . LR L aueosor 11 1 7 7 OuUOND-0p-unor-uns ‘asp ‘ haoquoy) ‘ soup2) UNT|. énlfeires op "Aoy RTE ts + à cons Me TR RU ES Sas HET ob ut] uonmpa-opteque ‘fou 2h 45 606 RÉSULTATS STATISTIQUES. Il. DÉPARTEMENTS DE LA FRANCE REPRÉSENTÉS AU CONGRÈS. Les villes siéges de sociétés savantes ayant adhéré au Congrès sont indiquées par deux * noms des villes qui ne comptaient que des membres adhérents, mais non présents au pes; sont i im- primés en caractères romains. DÉPARTEMENTS. VILLES. MEMBRES — Les ET ADHÉRENTS Sociétés savantes. J'AIN :[Bourg'*, Pont-de-Veyle, Tré- . YOuUX. . gb) Lu 1 AISNE . .|La Ferté-Milon“*, Soissons 4119 € | » ARDENNES. e|SÉCUN RUES NIET) 1 AUBE . :|'Eroyes 22 + EU) » Boucues-Du-RHÔNE, Marseille'", La Ciotat . a 20 1 CALVADOS. . . .|Caen‘*, Bayeux‘, Croisson- ville UNE. : REG 3 CANTAL .[Saint=Flour : + 2: +. . ." .| » » CHARENTE. . . .|Tonnay-Charente . . Fe) CHARENTE-INFÉR. .| Rochefort", La Rochelle ; SAIS coue Tac 1e 1 CHER - . .[Bourges. .: . » » CÔTE-D'OR . . .| Dijon, Beaune, Éguilly, Van- COOL EN Eee ee PEN » 2 DORDOGNE .| Périgueux. . . » 1 Douss . .| Besançon, Montbéliard, Beu- LUS sa 1 RS SA) » 5 EURE NUE LÉDTOUELS SE M NNIEURS 1 1 EURE-ET-LOIRE . .|Chartres . . . . . . .| » » GARD . Ur PSAT aus TO er el) » GARONNE (HAUTE) .| Toulouse". . . . . . .| 1 1 GIRONDE .|Bordeaux . . e AE LS » HÉRAULT . .| Montpellier, Pézenas Es PE 0. 1 ILLE-ET-VILLAINE . INDRE . INDRE-ET-LOIR . . LOIRE (HAUTE) . . LOIRE-INFÉRIEURE . LOIR-ET-CHER Rennes, Mitrén2 "res » Ë Argenton, Lochess. 4 22.1, 1 AR re ME NOR D'EN E E LE » .|Grenobler 208. |) » .|Lons-le-Saulnier. . . * .| » 1 .[Saint-Étienne"* .. . . . .| 1 » Padihaonat eh 0.) 0 » Grand-Jouan DR LUS nie fie » » .| Blois, Vendôme. . . . .| » 2 LOZÈRE MONTS NT nes e e 22 cel» » MAINE-ET-LOIRE .| Angers‘, Saint - George - le Thoureil. 3 # Hs eh 2 MANCHE .| Avranches, Cherbourg : 41200) 1 MARNE. . AONGIONS EE RE . |. 1/2 1 MARNE (HAUTE). .|Joinville . . . . . : .| » » MEURTHE .[Nancy"", Blamont, Dieuxe, Lunéville, Phalsbourg, Sar- rebourg, Roville. . . .| 1 |19 MEUSE -[Bar-le Duc, Commercy, Saint- Mihiel, Verdun‘. . . .| 1 » A reporter... .| 20 | 44 = à DRE DR SNBmNEeRYS co = > > 19 1 S4 = à © Aus C = QI © > RQORR ER Re RE à QI OI EE OI > > RO > (OC RÉSULTATS STATISTIQUES. DÉPARTEMENTS. VILLES. Report. . . MORBIHAN. . , .|Hennebon. SARA GUEN . MOSELLE .|Metz**, Biche, Allemand- Rombach, Thionville . NIÈVRE .|Chäteau-Chinon.. NORD vb. 54 Donald, Rs, PAs-DE-CALAIS . .|Saint-Omer‘'. . PUS à Puy-DE-DÔôME . .|Clermont- Ferrand“ RHÔNE. . . . .|Lyon* .[ Vesoul .Champagney,Luxeuil, Saint-Loup. . .|[ Autun, Châlons, Demigny .|Le Mans” . à 15 ”, Passy, Saint-Mandé. SEINE-INFÉRIEURE .|Rouen * . . .| Versailles, Saint- Cyr : SAÔNE (HAUTE) SAÔNE-ET-LOIRE. SARTHE . SOMME. . + .| Amiens", Abbeville‘ . .… . TARN-ET-GARONNE. | Montauban SE AR. . Del HUETES EME AN Das 2 VAUCLUSE SAVICNON AE ET PONS VENDÉE .|Pouzanges. . * . . VIENNE. , .[Poitiers. DA NS AN ER As VosGEs. . . .| Epinal”, Ban-de-la-Roche, Bruyères, Darnay, Liezey, Mirecourt, Neufchâteau, Plombières, Remiremont, Schirmeck, Senones, Saint- Dié : : 55 départements situés au delà des voises è VILLES ET LIEUX DE RÉSIDENCE. . LES DEUX DÉPARTEMENTS DU RHIN. .|Colmar, Mulhouse**, Altkirch, Belfort, Bitschwiller, Brunn: stadt, Cernay, Guebwiller , Giromagny , Heimsbronn , Kientzheim, Mühlbach, Mün- ster, Neuf- Brisach, Pfastadt, Ribeauvillé, Rixheim, Rouf. fach, Sainte- Marie- aux- Mines, Thann, Wihr-au- Val” 2 : RHIN (HAUT). RHin (Bas), sans STRASBOURG . .| Schlestadt, Saverne, Wissem- bourg, Haguenau, Barr, Benfeld , Bischheim, Bisch- willer, Bouxwiller, Bru- math, Dauendorf, Dossen- heim, Eckwersheim, Epfig, Erstein, Geispolsheim, Graf- fenstaden, Hindisheim, Hüt- A reporter. . MEMBRES Êde ET ADHÉRENTS. M MN DS 20 | 44 | 84 |138 pt) » 1 1 3| 8| 6|141,4 » 1 » 1 » » 1 1 1 » 1 1 1  1 2 5 | 17 | 18 | 35 » 5 6 9 » 2 |‘ 1 3 3 3 1 4 A | 40 | 61 01 2 » 4 4 » > 1 3 2 1 1 2 » 1 » 1 » 1 » 1 » » 4 1 » » 1 1 » » 1 1 4 1C949 1244" | 32 22 [145 [901 |346 24 | 54 | 53 [107 4 | 94 | 56 1150 1 | 94 608 RÉSULTATS STATISTIQUES. MEMBRES ET ADHÉRENTS. DÉPARTEMENTS, VILLES. Sociétés savantes. RHIN (BAS), sans Report. . .| 41 | 94 | 56 | 150 STRASBOURG . .| tenheim,Z{lkirch,lttenheim, Kolbsheim, Kurtzenhausen, Lembach, Lingolsheim, Mar- kolsheim , Mommenheim , Mulhouse , Mäüttersholz , Niederbronn,Niederrædern, Nothalten, Oberbronn,Ober- nai, Pfaffenhoffen, Reichs- hoffen,Reitweiler, Rosheim, Rothbach, Saar-Union,Salm- bach, Schiltigheim, Soullz- sous-Forêéts, Truchtersheim, Vendenheim, Villé, Wasse- lonne, Westhoffen, Wolfis- heim , Zinsweiller. . . ,.| » | 89 | 30 | 119 2 départements du Rhin, sans Strasbourg. ,. .| 1 |183 | 86 | 269 Ville de Strasbourg .” . 0000 IPN | 1 57 4820815240 VILLES ET LIEUX DE RÉSIDENCE, . . . . .| 2 | 56 | 16 72 RÉCAPITULATION NUMÉRIQUE DES SOCIÉTÉS SAVANTES, DES MEMBRES ET ADHÉRENTS FRANÇAIS, 55 départements situés au delà des Vosges. . .| 42 |145 |201 | 346 2 départements sans Strasbourg. . . . . .| 1 |183 | 86 | 269 Ville de Strasbourg . . . . . . . . .| 3 |482 | 58 | 540 57 ‘57 départ. Totaux généraux pour la France. .| 46 |810 |343 [1155 VILLES ET LIEUX DE RÉSIDENCE. . . . . .| 26 [110 | 69 | 179 RÉPARTITION PAR CARRIÈRES DES 1155 MEMBRES ET ADHÉRENTS FRANÇAIS. . Prés. Abs. Tot. Départements. 42 25 relie Strasbourg .. 49 8 91 55 124 Départements. 10 20 Strasbourg . . 60 13 73 14 4 Ecclésiastiques . . . . Prof. de haut enseignement, Facultés, écoles spéciales . Prof. d’enseig. second., col- léges roy. et communaux . Départements. 928 Strasbourg . . 22 cf M Arr ou 6 » 6 { [nstituteurs primaires . Strasbourg . . 5 » 5 Départements. 4 2 6 = Prof.des beaux-arts, artistes. | Gtrasbourg . . 12 1 13 | 16 5 19 Magistrats de l’ordre judi- (Départements. 1417 511 8 48 36 CIAire : ie 08: Use Ne ele Strasbourg . . 4 1 51 Avocats, docteurs et licen-( Départements. 19 4 = 44 6 50 ciés en Droit, , . ..... Strasbourg . . 25 2 27 A reporter. . . 300111 411 ns RÉSULTATS STATISTIQUES, 609 Prés. Abs. Report. . . 300111 411 : épartements. 58 51 109 Tee Le Médecins à 2 à 3606 ous LUE = 48 103 54 157 \ sr PRE à 8 15 2 Militaires... he sante Départements: Fa | 56 11 ‘UStrasbourg . . 28 Départements. 27 5 Strasbourg . . 11 Départements. 15 Strasbourg . . 12 . { Départements. Présid. de Sociétés savantes, littérateurs, archéologues. Ingén. des ponts-et-chaus- sées et des mines, mécan. Y 19 m9 QT CID CI à "1 [ (4 : 21 Architectes . . . . . . ... Strasbourg . . 12 13 16 4 ' 2 Dépaniesrentt: 9 11 5 Avoués, notaires , . . * | Strasbourg . 15 16 24113 4 A D etes 8 40 » Naturalistes, chimistes. . : {Strasbourg . s 5 13° 2 k Départements. 9 4 13 2 Pharmacien … . . «1.1 Strasbourg . . 12 » 12 Mr Négociants, fabricants, di- RÉ amp 4127 68) 43 3% recteurs d'industrie . . Strasbourg . . 74 5 T9 mad D nee 17 29.,.46 Propriétaires , agronomes . Strasbourg . . 35 3 38 50 34 . { Départements. 14 20 51 Strasbourg . . 45 4 49 Éléves des Facultés. . . . . Strasbourg .. » » » 135. » : Totaux. : . 810 345 1155! De mn ES Dan de de Le 5e ES Fonctionnaires civils. . IN. RÉCAPITULATION GÉNÉRALE DES RÉSULTATS STATISTIQUES DÉDUITS DE LA LISTE NOMINATIVE DES MEM- BRES ET ADHÉRENTS DU CONGRÈS ET DE CELLE DES SOCIÉTÉS SAVANTES. MEMBRES ET ADHÉRENTS. Sociétés et corpo- ; » + Ù | rations Total 41. Résullals numériques. savantes, | Présents | Absents.| des membres ns ociétés savantes, membres et adhérents étrangers . . . Sociétés savantes, membres et adhérents français: Lu à C0... à Totaux généraux . , 49; 200 170 370 A6 810 545 | 1155 653 |1010 545 | 1525 RÉSIDENCES Siéges des| hrs MEMBRES ET ADHÉRENTS. Sociétés et corpor. F d Présents. | Absents. Totaux savantes. nuwériques PRLAELE ZAR POSE REUTERS" 16 10% AA 145 26 140 69 179 42 214 | 110 | 32 4 Ë 39 2, Résultats géographiques. . Pays étrangers. BEN à rance . . . LR ART: Totaux des hé de résidence. 610 RÉSULTATS STATISTIQUES. 3. Répartition comparative par carrières des membres et adhérents du Congrès, étrangers el français. ‘Statistique intellectuelle du Congrès. ET ç Étrangers 251 1O Ecclésiastiques . | Français . . . 91 33 Prof. de haut enseig. Univ., sf ÉMeuRaN + 55 5 Facultés, Écolcs spéciales. Français . . 10 Prof.d’ens.sec., lycées, gym- ç Étrangers . nases, collég. roy. etcomm. | Français . Étrangers Français . Étrangers . Français . . . Étrangers Français . Étrangers Le! Français . Étrangers Français . Étrangers . . Français , . Prés. de Sociétés savantes, | Étrangers littérateurs, archéologues. } Français . . . Militaires. . { ÉcRReS Ingén. des ponts-et-chaus- Étrangers sées et des mines; Mmécan. Français . {Etrangers . . {Français . .. Etrangers . . Français . . . Etrangers . . Français . . . Négociants , fabricants, di- { Étrangers recteurs d'industrie . +. - | Français. Prof. desbeaux-arts, artistes. Enseignement primaire . { Magistrats de l’ordre je ICT EN UNE * Avocats, docteurs et ose ciés en Droit, —_—— Docteurs en médecine . QE mn 9 Es HO Oo DU I OUR ICI 1h ss Ce et rt me tds QT mn D RO CII > { Avoués, notaires . . , er al En © 19 © © à EE Qt Architectes en pn |O Naturalistes, chimistes. . . 19 19 Pharmaciens e & æ 19 © = Cr Etrangers ‘. Propriétaires, agronomes . € Français . . . he LS O1 QG RO DO à = 19 R© C©t rS ordre arr Français . Élèves des Facultés de Strasbourg. . . . . 13» 13 Totaux généraux, ut supra, . . 1010 515 1525 Observation. Dans les chiffres ci-dessus sont compris : 1° Membres de l'Institut t : a. Titulaires b. Associé étranger. ce. Correspondants français et étr angers . 20 Membres de la Chambre des Pairs. 5° Membres de la Chämbre des dem: ; a. Actuels , b. Anciens . Fonctionnairescivilsde tout { Étrangers ‘ Les données nous manquent pour établir la liste exacte des membres des autres grandes Académies! et Corps politiques de l'Europe qui ont fait partie de la dixième Session du Congrès. Ne J | L TABLE DES MATIÈRES. s A Pages. Pages DISCOURS PRÉLIMINAIRE. ... VPN SEANCES ee A+ 186 EL: CIRCULAIRE DU SECRÉTAIRE 9. 1d nn. 188 GÉNÉRAL RO ne le 10 TA SOMME EAU EL à 196 : 11 CRE “ARC r: ECS 202 IL. ARRÊTÉ DE TRANSLATION DU CONGRÈS 4 STRASBOURG. 6 { DEUXIEME SECTION. IIL. PROGRAMME :. ; à A 10 Dispositions réglemen- Sciences physiques et mathématiques. (ETES NT ; j RSR PR ARR s AMScanee EME: ITR EE 207 20 Administration etorgani- 2, MA Sets eut LIRE 208' sation : É ETS SN PIERRE 210 a. Personnel chargé des 4 À LRO CR MERE, 1 212 travaux préparatoires. . 10 9 £ 5: SRE re ae | NUS 91% b. Personnel chargé de la ls dard hpusss RNS JS direction des délibéra- or Tai ! :2 mms Ne ce 220 tions ................ Abe :Tdér ut 991 D etons CPE TOUR M Ai A 299 a. Programme primitif... 19 : b. pere Sir 35 TROISIÈME SECTION. ; 4o Mesures administratives Sciences médicales. préparatoires; actes des à _autorités locales... .... 38| 1. Séance ............. .... 225 DVD URLS TN RENTE . 297 IV. PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES. SOMBRE 17 POP OR STORRARE EAST TE T C 232 è À AU: 4. NL RSR RS MES PRET RE 2 à 236 19 Assemblées générales. 5, TR ENS NE tes 2 . 240 L LA . Séance. Ouverture du Con- 6. 1 ER NOR NS SES | 245 a RES en Dh Dr] EUR L'ODEERESE PENe 250 LS NE 63| 8 Id................... 255 5, MT et dl HEAR ÉTTA VOE ERRR L'BSOREL EE LENS ARE ES 259 ce ppp Fa 86/10. Jd......... DEEE 261 1. “ic dheiiéde 2 86 VAR TIRER RE re eiie 266 re Me e esbieneee 94/12. Id.......... rss. + 270 Ts a oule 98 . 55 PT 0 RSR 3293-14 1:99 QUATRIÈME SECTION. - 9. JE SORA RC PEAR 116 spas . FREE : 10. RAR ei M0 gricullure, commerce, industrie, sciences 4 07 TARN SRE 137 économiques. le me Lie 4 PREMIÈRE SECTION. S: D PEER EE CURE A 282 Lips 4. LCR RES RENE TER A TS 286 Histoire naturelle. 3. Id. (Sous-section d'a- sance .... uses ce or 1450 griculture)..... 291 7 160 6%" Td.. 22 MARS RER AS 297 US ARRRERSRS AR RANENEE 162| 7. Id. (Sous-section d’'a- 4 è M cranpeste Ses 167 griculture)...... 301 2. DT RME AO NS TEE: PACE à À 3035 CE ne ser tte à .... 174! 9, Id. (Sous-section d’a- Le WTRSCOREERS do COÉBUÉ +. 1178 griculture) ..... 307 612 Pages. 10! SÉANCES. veste 512 41. Id. (Sous- section d'a- "griculture)...... 317 AD EEE TE ER ae es » ao. 520 43. Id. (Sous-section d’a- griculture)...,.. 523 PONT DE TRISTE 328 CINQUIÈME SECTION. Archéologie, philologie, histoire. He Séance Enr ePeR 535 2. ) C'ÉE R TOU nS Here 556 3 TA Se TT eee aise 338 DAS OR Tee AM C7 | LPS Jr etes eidente 546 Bet Id TRE een SD ‘7, Id. extraordinaire du Soctobre....... 3556 8 TARA torciets € 556 DSUME remet RUE Va 4 560 10. Id. extraordinaire du 7 octobre....... 364 Aï. 14-5528 RS RU 365 41. Id. extraordinaire du 8 octobre....... 570 AS eme r sue rap 370 SIXIÈME SECTION. Philosophie, morale, éducation, législation. A OCPADOP Et rereubeceente 574 2. Mecs RE RER ce 376 LA | (PA Sn ne - + 384 nn CHE Lsssursice L 388 NOIRE RE Etre ecter 596 ALU Li EN SRE RARE 400 7. Id. extraordinaire du - Soctobre....... 403 MRC LE AS 2 SE 40% Der LENS 0 «RE Ne | LOS: Ac ce 419 AA Ils seat Te 427 SEPTIÈME SECTION. Littérature française. et littérature s étrangère. AASGANCEL semences Li RTE ie tee ta wrtée D "Aire must Rire 3 VAR els ST ets MERS AN Se Id RATES Étee CORRE OS ET RER 5 1: IT MOETE DÉS. le 3. F5 Sp 1 UE A2 Li» v' FERRER ND din: trempe tele ADS AI RONA 7 mt à 4249 | TABLE DES MATIÈRES, HUITIÈME SECTION. Beaux-arts, architecture, histoire de Séance: ons::55.0200e k 2 Idate ire FU e 3 TA SSP ee RE 4 Id sonearrertteet MD 5 MAN Se ses TI DE 6 1 de OR RE rer Ets ARE EE Gin sd & déc is REC ITARTESE 9 dci s ASE IIS V. TABLEAU ANALYTIQUE ET SYNOPTIQUE DES TRA- VAUX DU CONGRES, pour servir de table des ma- tièéres depuis page 49 jusqu’à page 498... VE FÊTES ET EXCURSIONS DU ConGRës ns VIT, APPENDICE. 1. Publications faites en exé- cution des décisions pri- ses par le Congrès. a. Circulaire concernant lx Société encyclopédi- que des bords du Rhin. . b. Circulaire dela Commis: sion permanente de la Section des sciencesmé- AcAleRS SRE SE SELRE 2, Séances des Sociétés sa- vantes. a. Société française pour la conservation etla des- criplion desmonuments. b. Institut des provinces de SREAMCP SEE eee VIII. CATALOGUE DES OUVRAGES OFFERTS AU CONGRÈS. . IX. LiSTE NOMINATIVE DES MEMBRES DU CONGRÈS . X. LISTE DES SOCIÉTÉS ET COR- PORATIONS SAVANTES, LITTÉRAIRES ET ARTIS- TIQUES QUI ONT ADHÉRÉ AU CONGRÈS........ : XI. RÉSULTATS STATISTIQUES. 4, Pays étrangers.......... D ÉFARERS......1. 01 ..0R 3, Récapitulation générale . l’art. 498 bis 600 604 604 606 609 ANT EN er PCT TT ST LUE ” F RL US È EL > 4 7 f CONGRES CIENTIFIQUE DE FRANCE. 4 AU ÉRE SE WA * ": % pue 1e n ru *E Hs ARE x Po à mit HS UE Ve bis pu se so RS È Ces: dé CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. DIXIÈME SESSION, TENUE A STRASBOURG EN SEPTEMBRE ET OCTOBRE 1842. TOME SECOND. MÉMOIRES. AU SECRÉTARIAT GÉNÉRAL, RUE SAINTE-ÉLISABETH, 27. PARIS, CHEZ DERACHE, LIBRAIRE, RUE DU BOULOY, 7. 18#3. RS STRASBOURG , IMPRIMERIE DE G. SILBERMANN. CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. DIXIÈME SESSION. MÉMOIRES DE LA PREMIÈRE SECTION. Histoire Naturelle, MÉMOIRE . L'UNITÉ DE L'ESPÈCE HUMAINE 0), PAR M. LEREBOULLEF, professeur à la faculté des sciences, secrétaire de la première section. Malgré les travaux étendus qui se multiplient de nos jours avec une in- eroyable fécondité, malgré le nombre toujours croissant des faits que l’on s'attache de toutes parts à recueillir et à enregistrer, les sciences d’obser- vation n’en marchent pas moins avec une extrême lenteur, et leurs progfés réels sont loin de répondre aux louables efforts des hommes qui travaillent à leur propagation. C’est que l'esprit humain est ainsi fait, qu'il se refuse, le . plus souvent, à admettre les grands résultats auxquels la science croit être (4) Cet écrit faitsuite a mes Esquisses 20ologiques sur l'homme, insérées dans les Nouveaux mémoires de la Société des sciences , agriculture et arts du Bas-Rhin, t. NI, 2° partie, 1842. Les faits qui y sont consignés sont empruntés pour la plupart à la grande Histoire naturelle du genre humain , par Prichard , édition allemande. II, 4 2 MÉMOIRES parvenue, avant d'avoir fait passer à son propre creuset les observations sur lesquelles ces résultats reposent et dont ils sont les corollaires; c’est que, faisant table rase de ce qui existait avant lui, il reprend une à une chacune des pierres de l'édifice et les examine avec soin avant de les réunir de nouveau, soit pour rétablir cet édifice tel qu'il était auparavant, ou bien, ce qui arrive le plus souvent, pour le reconstruire sous de nouvelles for- mes. Ajoutez à cela.que les nombreux ouvriers qui ont entrepris la noble tâche d’'éleverle temple de la science, travaillent presque toujours sans en- semble, sans direction commune, chacun, pour ainsi dire, individuelle- ment, et vous comprendrez comment une seule question peut traverser des siècles avant d'avoir obtenu une solution définitive; vous comprendrez pourquoi on en est encore aujourd'hui à discuter les théories sur la nutri- tion, sur la génération spontanée, sur l'unité de l’espèce humaine et d’au- tres questions d'histoire naturelle générale. Une autre tâche non moins difficile est celle qui s'applique à faire ad- mettre, par tous les hommes réfléchis, les enseignements de la science, tels que les conçoivent les hommes spéciaux qui ont consacré plusieurs années de leur vie à l’étude de ces questions ardues; on s'adresse à des esprits éga- rés-quelquefois par des idées préconçues ou qui ont basé leur opinion sur des observations incomplètes, sur des faits mal appréciés, ou sur de faux raisonnements; l’érreur s’est accréditée, s’est propagée dans les masses, et quand on cherche à la déraciner, il arrive trop souvent que les efforts les mieux dirigés échouent contre cette force d'inertie des esprits paresseux qui aiment mieux persister dans leur opinion erronée, que de se donner la peine d'étudier tous les éléments de la question. Au nombre des sujets les plus importants qui sont du ressort de la z00- logie générale, il faut mettre en premiére ligne la question de l'unité de l'espèce humaine, qui intéresse à la fois le naturaliste et le philosophe. Cette question, résolue affirmativement par Linné, Buffon, Cuvier, Blu- menbach, par MM. de Blainville, Duvernoy, Isidore-Geoffroy Saint-Hi- laire, Flourens, d'Orbigny, Burdach, Prichard, R. Wagner, Charles-Lu- cien Bonaparte, je dirai même par la plupart des zoologistes actuels, trouve encore cependant, malgré l'autorité de ces noms respectables, un certain nombre de contradicteurs parmi des naturalistes de mérite et surtout parmi les hommes du monde. Ces réflexions m'ont déterminé à aborder ce sujet difficile, non que j'é- lève la prétention de porter la conviction dans tous les esprits, mais seu- lement pour mettre sous vos yeux les pièces les plus importantes de ce grand procès, et pour en appeler, relativement aux conclusions que L'on pourra en déduire, à votre bon sens et à votre esprit libre de tout système. Pour procéder méthodiquement dans l'examen des faits sur lesquels repose la question, il est, avant-tout, nécessaire d'établir d’une manière nette et précise ce qu'on entend par espéce, et d'étudier tout ce qui se rat- tache à la délimitation de ce groupe fondamental admis par les naturalistes comme une base indispensable, sans laquelle tout serait, dans la nature, désordre et confusion. Cette étude nous conduira nécessairement à examimer quelles sont les modifications que peuvent éprouver les individus d’une seule et même es- pêce , afin de rechercher, d’une part, ce qu'il y a de variable dans une es- péce et sur quelles parties portent les variations qu'on observe, et pour Eu > DE LA PREMIÈRE SECTION. 5. ‘déterminer, d’un autre côté, s'il existe dans chaque "groupe spécifique quelque chose de constant, d’invariable, qui ne soit jamais soumis à l’ac- tion modificatrice des agents extérieurs. Nous serons ainsi amené à apprécier l'influence que la domestication a exercée et exerce {ous-les jours sur les animaux domestiques , et à-estimer la-valeur des différences que l'on observe entre ceux de ces animaux qui dérivent évidemment d’une même espéce originelle. Ges bases une fois posées, il nous sera facile d'étudier de la même ma- niére les divers groupes établis parmi les hommes : nous nous attacherons à rechercher si les caractères qui les distinguent ont une valeur spécifique ; pour cela, nous examinerons si ces caractères sont uniformes, c’est-à-dire s'ils se retrouvent chez tous les individus d'un même groupe; nous verrons de quelle maniére ils se modifient par le croisement des races; nous com- parerons les différences que présentent entre eux les groupes humains les plus dissemblables , aux différences qui nous sont offertes par les individus d’une même espèce domestique; enfin nous rechercherons s’il n’existe pas dans les caractères fonctionnels, dans les grandes lois de l’organisme hu- main , quelque chose de constant, d'invariable, qui ne soit nullement en rapport avec les caractères organiques extérieurs, de même que nous au- rons trouvé une conformité de fonctions dans les variétés d'animaux les plus dissemblables. Cette voie nous paraît la seule logique, la seule qui puisse nous conduire à quelque résultat positif; car puisque l’homme fait partie de la création animale, il a dû nécessairement être soumis aux lois générales qui ont pré- sidé à cette création. L’ESPÈCE est une réunion d'individus des deux sexes , susceptibles de se propager indéfiniment avec tous leurs caractères organiques et fonction- nels, et dont les descendants, toujours semblables entre eux'et à leurs pa- rents, dès l'origine, peuvent différer plus tard les uns des Son où sous l'influence de causes très-diverses. Cette définition doit suffire: elle établit, comme éstie condition, le fait de lareproduction successive et indéfinie; le fait de la ressemblance ne xient qu’en seconde ligne, parce que cette ressemblance n’est pas cons- tante, les agents naturels pouvant modifier la couleur , la nature des tégu- ments, et même le squelette, sans que pour cela l'espèce cesse d’être la même. Les modifications imprimées par la nature aux individus d'une même espéce ont reçu le nom de variétés ; lorsque ces modifications deviennent héréditaires, on a des variétés constantes. Ainsi, parmi les animaux sau- yages, le lion de Barbarie est brun avec une forte-criniére, le lion‘du Sé- négal est plus jaunâtre et sa crinière moins épaisse, le lion de Perse est isabelle et sa crinière bien fournie ; ainsi l'écureuil de nos forêts ,'ordinaire- ment d’un roux plus ou moins vif, présente quelquéfois un pelage noi- râtre, tandis qu'il est d’un gris cendré dans les régions septentrionales. Ces faits sont connus de tout le monde, et personne, jusqu'ici, Le a ‘eu l’idée deregarder ces variétés-comme des espéces. Cependant, si les espèces sout sujettes à varier, il sunbié difficile, au Premier abord, d'apprécier la valeur-des différences’ qu’on observe entre deuxindividus voisins. Pour arriver à ce résultat, il est nécessaire d'étu- 4. 4 MÉMOIRES dier, non-seulement les formes extérieures, les proportions des différentes parties, la nature et la couleur des téguments , mais il faut, de plus, com- parer entre eux les principaux appareils et chercher à connaître les fonc- tions de cesanimaux, leur séjour et leurs habitudes. Cette derniére série de recherches nous ouvre une voie sûre pourarriver à la délimitation de l'espèce. En effet, s'il est constant que les animaux d'un même groupe spécifique peuvent varier dans leurs caractères exté- rieurs, il est certain aussi que leurs fonctions ne varient pas dans ce qu’elles ont d’essentiel. Ainsi, nous trouvons que, sous le rapport de la durée de la vie, de la durée de la gestation, de l'époque et de la fréquence de la mise-bas, du nombre des petits, de même que sous le rapport des facultés intellectuelles ou instinctives, des mœurs et même des maladies, les ani- maux d’une même espéce offrent entre eux la plus frappante conformité, quelles que soient leurs différences extérieures, tandis que deux espèces trés-voisines, mais distinctes, présentent toujours, dans la manière dont leurs fonctions s’accomplissent, quelque différence importante. La durée de la gestation, parexemple, est chez la louve de 90 et même de 400 jours, suivant Buffon, tandis que celle de la chienne n’est que de 62,ou 65 jours, et cependant le chien et le loup sont des espèces tellement voisines que quelques auteurs les regardent comme identiques. Aux éléments que nous venons de réunir pour nous aider à distinguer les espèces, nous en joindrons encore un autre dont la valeur ne sera pas moins importante. Nous avons dit que les variétés constantes perpétuent par la génération les caractères qui les distinguent de l’espèce-type; c’est ce qui arrive quand les individus qui constituent ces ÿariétés s'unissent entre eux, sans jamais se mêler à des individus faisant partie de groupes voisins. Mais si, au con- traire, ce mélange a lieu, si, pour me servir des expressions consacrées, les races se croisent, alors on voit les produits se rapprocher du type pri- mitif et les variétés disparaître peu à peu. On sait depuis longtemps quele croisement des races améliore les produits et augmente leur fécondité. L'observation si intéressante et si curieuse des animaux redevenus sau- xages, a démontré la stabilité , la fixité de l'espèce ; elle a fait voir que l'es- pêce est marquée par un cachet indélébile, puisque les variations qu'elle a éprouvées sous l'influence des causes diverses, disparaissent avec ces dernières. Nous venons d'établir les bases sur lesquelles repose la distinction du groupe naturel, que l’on connaît sous le nom d’espêce : Reproduction successive et indéfinie des individus qui appartiennent à la même espèce ; Conformité dans l'exercice des principales fonctions ; Amélioration des races par leur mélange et augmentation de leur force reproductrice ; Retour des variétés au type primitif, quand elles ne sont plus soumises aux causes qui les ont produites. Avant d'aller plus loin , il est nécessaire d'examiner une objection prin- cipale et sérieuse en apparence, qui s'éléve contre la définition même de l'espèce, telle que nous l'avons admise ; c'est le croisement d'individus ap- partenant à des espèces reconnues comme distinctes. La question importante de l'hybridité a été étudiée avec l'attention qu'elle “à, DE LA PREMIÈRE SECTION. - D) mérite, dans le règne végétal et dans le régne animal ; cette étude a donné lieu aux résultats suivants : * 40 Les individus qui appartiennent à des espèces distinctes se recher- chent très-rarement à l’état sauvage ; les exemples de pareils croisements sont trop peu nombreux et plusieurs d’entre eux sont trop peu authenti- ques, pour qu’il soit permis de les regarder autrement que comme de rares exceptions. Bien loin de là, on peut affirmer qu’il existe, entre les espé- ces les plus voisines, une véritable répulsion , ainsi qu’on a pu s’en assu- rer maintes fois quand on a cherché à les réunir forcément ( Buffon). 20 Le croisement des espèces n’est bien constaté que pour les animaux réduits à l’état de domesticité ou d’esclavage , et alors ne peut-on pas ex- pliquer ces rapprochements par cet impérieux besoin de la nature qui porte chaque être à pourvoir à la conservation de son espèce ? 30 Les produits de ces mariages contre nature sont, le plus souvent sté- riles (les mulets); quand ils sont féconds, ils ont besoin, presque toujours, du concours d’un individu de race pure; enfin leur fécondité s’arrête au bout de quelques générations et les produits sont constamment inférieurs aux parents de race pure dont ils sont issus. Rappelons-nous qu’un des ef- fets les plus remarquables du croisement des races, c’est, au contraire, d'amener une augmentation de fécondité et une amélioration notable dans les produits. 40 Les faits qui précédent sont confirmés par les recherches des physio- logistes. On a remarqué que les hybrides manquent de zoospermes, ou; quand ces derniers existent, ils n’ont pas les particularités qu’ils présentent dans les animaux féconds. Le professeur R. Wagner, qui a fait sur ce su- jet des observations trés-curieuses, croit qu’on n’a rencontré ces parties vi- vantes de l'organisme que sur les hybrides qui possédaient encore la vertu reproductrice. Il ajoute que, chez les femelles, du moins dans les oiseaux, on ne rencontre pas, à l'époque du rut, cette turgescence des ovaires qu’on trouve chez les femelles fécondes. 3o Une derniéreobservation, non moins intéressante que les précédentes, c’est que les zoospermes des différentes espèces animales montrent toujours des différences de formes bien tranchées (R. Wagner, Lehrbuch der Phy- siologie, p. 24; 1859.) I nous semble donc qu'on ne peut se refuser à admettre la définition de l'espèce et la délimitation de ce groupe; les exemples d’hybridité ne prou- vent rien; la fécondité perpétuée, comme le dit M. Flourens, c'est-à-dire la faculté de reproduire indéfiniment les formes du couple primitif, sauf les circonstances particulières qui font varier ces formes, voilà la base sur laquelle il faut s'appuyer , si l’on ne veut pas s’égarer dans un dédale de discussions qui ne sauraient condüire à aucun résultat. Voyez, en effet. ce qui serait arrivé, si les espèces avaient eu la faculté de se croiser et de se reproduire entre elles; auraient-elles conservé à travers les siécles les caractéres qui les distinguent? Non certes, on verrait parmi les animaux une multitude innombrable de formes intermédiaires, il n’y aurait rien de fixe, rien d’arrêté, et le désordre le plus complet remplacerait cet ordre admirable que nous trouvons dans les productions de la nature. ” ni \ Nous venons de voir ce que c’est que l'espèce en zoologie ; nous venons d'établir la fixité de ses caractéres. 6 MÉMOIRES Il nous resté à examiner jusqu'où peuvent aller les modifications qu'elle est susceptible d’éprouver, sans cesser d’être une. Pour cela, nous jette- rons un coup d'œil rapide sur les variations que nous présentent lesani- maux domestiques, dans leur forme , leurs dimensions , leur couleur, etc. Parmi les oiseaux , qui pourrait énumérer toutes les variétés queprésen- tent le pigeon, la poule, le canard ordinaire, le canard musqué, l’oie, le dindon ? Comparez ces oiseaux de basse-cour aux types sauvages qui exis- tent encore; mettez en regard le dindon sauvage de Virginie et le dindon domestique, rapprochez le canard et l’oie sauvages, les différentes espèces de cogset de poüles qui vivent dansles îles de la Sonde, de nos nombreuses variétés domestiques; et vous pourrez déjà vous faire une idée de la puissance de cette force modificatrice déterminée par l’état de domes- ticité. Prenons un seul exemple, celui des poules: les unes sont grandes, les autres petites; les unes ont des jambes nues, d’autres des pieds emplu- més, quelques-unes portent des huppes ; une race est dépourvue de queue, une autre a cinq doigts au lieu de quatre; les poules de Padoue ont la par- tie supérieure du crâne en forme de coque hémisphérique divisée en pe- tites cavités remplies de substance cérébrale. La classe des mammifères nous fournit des exemples non moins remar- quables. Voyez le cochon domestique, combien ne diffère-t-il pas du san- glier sous le rapport de la forme du crâne, de la nature du pelage, de la disposition des oreilles, qui sont longues et pendantes dans quelques varié- tés, etc.; et cependant il n’est venu à l'esprit d'aucun naturaliste de sépa- rer comme espèce le cochon et le sanglier. Les moutons des Kirgis, décrits par Pallas, sont trés-hauts sur jambes; ils ont la tête très-bosselée , de gran- des oreilles pendantes; une ou deux verrues couvertes de poils leur pen- dent au cou; enfin au lieu de queue, ils ont un gros peloton de graisse presque dépourvu de laine. Sans aller si loin, le pelage de largali ou du mouflon a-t-il la moindre analogie avec la riche toison laineuse de nos bre- bis ? Si l’on voulait se donner la peine d'examiner, ou de comparer les di- verses races de moutons répandues sur différents points du globe, on trou- verait entre elles des différences bien plus frappantes qu’on n’en rencontre parmi les groupes les plus dissemblables de l’espéce humaine. ! La même remarque peut s'appliquer aux chèvres; il en existe quelques races dont les oreilles sont d’une longueur démesurée: celles qu’on ren- contre à Jérusalem et à Alep. Quelquefois les modifications imprimées aux variétés sont si profondes , qu’elles ont été jusqu’à faire disparaître des organes ou du moins des par- ties extérieures que les naturalistes avaient prises pour caractères à cause de leur constance : je veux parler des cornes. Il existe des races de bœufs et de moutons qui manquent de cornes, tandis que d’autres (les moutons de Crète et de Sicile et les bœufs de l'Abyssinie) sont remarquables par le nombre et l'énorme développement de ces appendices. On trouve au Pa- raguay des races de bœufs sans cornes qui descendent de bœufs à cornes ordinaires. . Les chevaux nous offrent aussi des différences bien saillantes non-seule- ment dans leur taille et dans leur couleur, mais aussi dans leur proportion et dans la forme de leur crâne. Quelle différence, dit Blumenbach, entre les chevaux arabes et syriens et les chevaux du Nord de l'Allemagne! entre DE LA PREMIÈRE SECTION. 7 ° lecrâne allongé du cheval napolitain et la tête raccourcie du cheval de race hongroise ! Dans nos pays, les crânes des chevaux decourse différent des crânes de chevaux de trait. En général, dit encore Blumenbach., une série de.crânes de-chevaux.: depuis. le: crâne. volumineux. du:cheval sauvage, jusqu’à.la courte tête.du,cheval hongrois-ou.la tête.allongée du cheval de course anglais, offriraient dans leur forme des différences-bien plus frap- pantes que celles d’une série analogue de crânes humains. Citerai-je enfin le groupe si nombreux. et si varié-des-chiens dont les nuances sont, pour ainsi dire, individuelles ? En admettant même, ce qui n’est nullement prouvé , que les,chiens appartiennent, à plusieurs espèces, il;y aurait encore entre les individus.de chacun: de ces groupes ;, des difié- rences quisembleraient, au premier abord, plus que spécifiques. La forme du.crâne qui, dans l’épagneul, s’écarte si notablement de la forme nor- male , le nez fendu entre les narines, les pattes demi-palmées, les-oreilles pendantes, l'existence de cinq doigts aux pieds de derriére, et-enfin la forme générale du corps, tous ces caractéres.ne sont-ils pas bien plus im- portants, que la:couleur de la peau du nègre, la nature de ses cheveux et même que le peu d'ouverture. de son angle, facial? Je ne m'étendrai pas davantage sur l'examen des variétés que nous offrent les animaux domestiques. Le-peu d'exemples que j'ai rapportés suffira pour démontrer jusqu'où peut aller la puissance de l’homme dans l’action modificatrice qu'il fait éprouver aux animaux. Car c’est sous l’in- fluence de l’homme que tous ces changements s’opérent, et cela.est si vrai, que les animaux qu’il s’est soumis sont d'autant plus domestiques et plus variés qu'il est lui-même plus ayancé dans la civilisation. (Plus loin est portée la civilisation d’une nation, dit un zoologiste moderne, plus elle demande à ses animaux domestiques des services. variés; plus,elle les soumet, suivant les localités, à.des-régimes divers, plus. elle exerce d'influence sur l’époque et les circonstances de leur, reproduction. sur l'éducation des jeunes; plus, en un mot,-sont multipliées les.eauses de variation dont elle entoure ses animaux» (Isidore-Geoffroy Saint-Hilaire, Zoologie générale, p. 304). «Les,chiens des peuples restés encore à l'état sauvage ou barbare, dit le même auteur, onteux-mêmes conservé les caractères de leur type sau- vage: leur physionomie, leur-allure, leurs formes sont celles du loup et duchacal; et telle est même la constance de ces résultats que j’ai pu-dire le degréde domestication:-du chien presque partout proportionnel.au degré de:cixilisation de l’homme » (p. 306). M. Fr. Cuvier avait fait depuis longtemps la même observation relati- vement au chien.de la-Nouvelle-Hollande. L'influence de l’homme vient-elle à. cesser, et avec elle toutes Les causes devariätions, les différentes races s’effacent, seperdent, l’'espéce reprendses droits; le cachet que le Créateur lui avait imprimé dès l’origine-reparaît, les animaux; en.un mot, retournent au type-primitif. Ce rétablissement des formes normales de l’espéce chez les animaux redevenus sauvages, est une preuye évidente , ainsi que je:l’ai fait remarquer plus-haut, de la stabilité desscaractères qui servent à délimiter ce groupe. eh: /167 7 Nous ayons jusqu'ici, cherché à établir les principes qui doivent nous diriger, dans l'étude de l'espèce, en l'étudiant en elle-même et dans ses 8 à MÉMOIRES variétés. Il nous reste maintenant à appliquer ces principes à l'étude zoo- logique de l'homme. Nous aurons donc à examiner les caractères des principaux groupes établis parmi les hommes et admis par quelques naturalistes sous la déno- mination d'espèces, tandis que le plus grand nombre les regarde comme des variétés; nous chercherons à apprécier la valeur de ces caractères en examinant jusqu’à quel point ils sont persistants; nous comparerons les données que nous fournit l'étude du genre humain à celles que nous avons retirées de l'étude des animaux en général et des animaux domestiques en particulier; puis nous rechercherons s’il n’existe pas, au milieu de la di- versité des groupes qui peuplent la surface de la terre, une certaine con- formité de fonctions, de caractères psychiques, et même d’habitudes qui nous autorise, indépendamment des autres preuves, à réunir ces groupes en une seule espéce. Je ne rappellerai pas ici les nombreuses divergences qui existent entre les anthropologistes relativement au nombre de groupes qu’il faut admettre parmi les hommes et à la dénomination de ces groupes; qu’il me suflise de citer M. Bory-de-Saint-Vincent qui établit quinze espèces divisées en un grand nombre de races, et M. Desmoulins qui compte onze espèces, tan- dis que Linné et Blumenbach n’admettaient que cinq races, réduites à trois par G. Cuvier. Bornons-nous à mentionner les principaux caractères de ces trois races admises par notre grand naturaliste: Les Caucasiques, ou individus de la race blanche, ont le visage ovale, le front élevé et saillant, le teint blanc, les cheveux lisses: c’est le type de la beauté des anciens statuaires. Les Mongoles ont les pommettes élargies, les yeux obliques, les che- veux lisses et grossiers, le teint jaune. Les Négres enfin, se distinguent par un front qui fuit en arrière, des mâchoires saillantes, des lèvres épaisses, des cheveux laineux et une peau noire. Certes, si l’on se bornait à énoncer ces caractères, si lon se contentait de placer l’un auprés dé l’autre, un Géorgien, un Chinois et un habitant du Congo, un observateur peu attentif ne manquerait pas de regarder chacun de ces groupes comme devant former une espèce distincte. Mais nous verrons bientôt que les caractères de ces prétendues espèces sont loin d'être aussi constants qu'on le croit généralement, nous verrons qu'il existe de l’une à l’autre des passages insensibles et tellement nombreux qui devient très-difficile de circonscrire chaque groupe. Admettons pour un instant la séparation nette et tranchée de ces trois divisions; je prétends, et cette opinion sera partagée par tous ceux qui voudront bien raisonner logiquement, je prétends que les différences qu’elles présentent ne sont pas suflisantes pour en faire des espéces. L'homme, tel qu'il est sur la terre, et considéré uniquement sous le rap- port de ses caractéres physiques, ne saurait être assimilé aux animaux sau- vages; l'homme en effet, vit en société, il subit toutes les nécessités de cet état social, et si nous voulons étre conséquents, c’est bien plutôt aux ani- maux domestiques, qu'aux animaux sauvages, qu'il faut le comparer. Eh bien, qu'on se rappelle les exemples que j'ai cités il n'y a qu'un instant, qu'on mette en paralléle, d’une part, le cheval arabe et le cheval du Me- DE LA PREMIÈRE SECTION. 9 kienbôurg, ou bien la chévre syrienne et la chévre ordinaire , ou encore les moutons des Kirgis et les moutons de nos contrées , et d’un’autre côté, l'habitant du Caucase et l'habitant de la côte de Guinée et qu’on juge de quel côté se trouve la plus grande différence. On dira peut-être qu'il m'y -a aucune parité dans les termes de la comparaison. Comment, vous ad- mettez que les races de chevaux, de chèvres, de moutons, reconnaissent chacune-une origine commune, malgré les différences qu'elles présentent, et vous ne voulez pas que d’autres êtres, construits sur le même plan, faisant partie de la même création, placés dans des conditions analogues , soient soumis aux mémes lois? Vous donnez aux caractères différentiels de ces derniers une valeur que vous refusez aux caractères, bien plus tranchés cependant, des premiers! J'avoue que je ne comprends pas com- ment les'adversaires de l’unité de l'espèce humaine, n'ont pas été frappés de cette contradiction. D'un autre côté, les trois groupes que nous avons choisis pour exemple , semélent entre eux, et leurs produits sont toujours féconds. C'est là une seconde preuve irrécusable pour ceux qui admettront notre définition de l'espéce. En effet, s’il est démontré que les espèces ne sauraient se croiser indéfiniment, s’il est démontré que les cas d’hybridité sont exceptionnels et que la fécondité des hybrides est toujours trés-restreinte, n’est-on pas en droit d'admettre la proposition inverse, à savoir que les individus sus- ceptibles de se propager indéfiniment, appartiennent à un même groupe spécifique? Non-seulement les différentes variétés de l'espèce humaine répandues surla surface de la terre peuvent s’allier entre elles, mais de plus, et c’est encore un fait incontestable, les produits de ces alliances mixtes sont tou- jours supérieurs, par la beauté de leurs formes, aux races qui leur ont donné naissance. «Partout injustement réprouvés, dit M. Bory de Saint- Vincent lui-même, les mulâtres ne manquent cependant pas de cette beauté et de cette intelligence qui résultent en général du croisement des espéces et des races» (Dictionnaire d'histoire naturelle). Après la conquête de l'Amérique, les Espagnols se sont mélés aux aborigènes; leurs descen- dants forment la plus grande partie de la population du Paraguay et l’on s'accorde à les regarder, sous le rapportde leurs qualités physiques et de leur fécondité, comme supérieurs aux deux races dont ils dérivent. Laissons, du reste, parler d'Azara: «Ces métis s'unissent en général les uns aux autres, etce sont leurs descendants qui composent aujourd’hui au Paraguay la plus grande partie de ce qu’on appelle Espagnols. Ils me paraissent avoir quelque supériorité sur les Espagnols d'Europe par leur taille, par l’élé- gance’de leurs formes et même par la blancheur de leur peau. Ces faits me font soupçonner, non-seulement que le mélange des races les améliore, mais encore que l'espèce européenne l'emporte à la longue sur l’améri- caine.» M. d’'Orbigny, plus récemment, a observé des faits analogues dans l'Amérique du Sud. Pallas enfin, ce naturaliste si exact et si consciencieux, diten parlant des enfants issus de l’union des Russes et des Mongoles : «Ces enfants ont d’agréables et quelquefois de superbes figures, tandis que ceux d'origine kalmuke ou mongole conservent longtemps une figure difforme etbouffie etun aspect cacochyme. » Voilà des exemples qui nous démontrent que cesttrois groupes que l’on voudrait regarder comme différant spécifi- quementles uns des autres, reproduisent, par leur alliance , le phénoméne 40 MÉMOIRES que nous offre le croisement des races domestiques, je veux dire une supé- riorité incontestable des produits, avec augmentation de leur fécondité, tandis que le croisement des espéces nous offre toujours des individus moins beaux et chez lesquels la faculté reproductrice est, sinon tout à fait nulle, du moins très-restreinte. Nous nous croyons donc en droit de conclure des faits que nous venons de reproduire, qu’en admettant même l'uniformité des caractères que l'on attribue aux races caucasique, mongolique et éthiopique, Lanalogie ne nous permet pas de regarder ces races comme des espèces. Examinons maintenant si ces caractères sont aussi uniformes, aussi -constants que nous serions en droit de le supposer ; cherchons si les signes auxquels on reconnaît tel ou tel groupe ne sont propres qu'à ce groupe, ou si, au contraire, nous ne les voyons pas se reproduire quelquefois dans un groupe voisin. On a beaucoup insisté sur la forme du crâne; guidés par une analogie trompeuse et parce qu'ils n'avaient observé que quelques crânes de nègres, d'un côté, et des crânes de jeunes orangs, de l’autre, quelques naturalistes ont fait remarquer le peu de différence qui existait entre l'angle facial du nègre et celui de l’orang, et ont laissé entrevoir, s’ils n’ont pas eu le triste courage de l'exprimer clairement, l'idée déplorable que le nêgre n'était qu’un être intermédiaire entre l’homme et l’orang. Or, celte opinion, souverainement erronée, était basée sur des obser- vations incomplètes. Sans doute il y a des nègres, et le nombre en.est con- sidérable, chez lesquels l'angle facial est peu ouvert, mais il en est aussi qui ont le front tout aussi saillant que celui des Européens. Les recherches du célébre Tiedemann sur la capacité de la boite crânienne, recherches faites sur près de cinq cents crânes, appartenant aux nations les plus di- verses, ont produit un résultat tout à fait inattendu: c’est que, dans toutes les races humainés, la capacité du crâne oscille entre certaines limites et que la moyenne de ces variations n’est pas sensiblement plus grande dans une race que dans une autre. On à prétendu trouver dans la nature des cheveux un autre caractère ‘spécifique: Jaineux et frisés dans le nègre, rudes et pendants chez le Mon- gole, lisses et relevés dans la race blanche. Cependant il existe des peuples (les Gallas), qui ont les cheveux tantôt laineux, tantôt lisses; et, chose bien singulière, les Gallas à cheveux crépus se rapprochent, par tous les autres caractéres, de la race indienne, tandis que les Gallas à cheveux lisses ont à peu près la physionomie des nègres. Je ne dirai rien de la couleur de la peau: on sait que les habitants de l'Abyssinie, de la Nubie, du Kordofan et des pays voisins ont la peau déjà trés-foncée, et que chez les peuples des régions montagneuses du Sénégal, dela Gambie; ete., la peau est tout aussi noire que celle des nègres; et ce- pendant ces peuples dérivent de la race caucasique, de celte race appelée blanche, dont ils ont, du reste, tous les autres caractères. Ce fait remar- quable a été récemment démontré, de la manière la plus positive, pour la grande tribu des Fellatahs qui occupe en Afrique un vaste quadrilalére de 98 degrés de longueur sur une largeurmoyenne de,7 degrés. Cette tribu appartient, par sa langue, par ses caractères physiques, par l'introduction des bœufs indiens.et de la monnaie de Cauris, au groupe des races bru- nâtre de l'Archipel indien, Nous savons aussi que les insulaires d'une DE LA PREMIÈRE SECTION. 11 grande partie de l'Océanie ont la peau trés-noire et luisante, sans que pour cela ônles regarde comme des nègres. Ces remarques pourraient s'adresser à la couleur des Mongoles et à la couleur blanche des peuples de la race caucasique; nous ne trouverions pas plus de constance. Ainsi, ni la forme du crâne, nila nature des cheveux, ni la couleur de la peau, ne peuvent nous fournir de caractères constants, tel qu'il les fau- drait pour marquer une espèce. Ces caractères se fondent les uns dans les autres, de manière à rendre extrêmement difficile la circonscription des groupes, quel que soit le nom qu'on veuille leur donner. Voilà pourquoi les auteurs sont si peu d'accord, quand il s’agit de faire entrer dans les ca- dres de nos classifications les variétés de l’espèce humaine. Maintenant , je le demande : est-il rationnel , est-il conforme à une saine logique , d'établir des espèces sur des caractères tellement fugaces qu’on ne saurait en trouver un seul qui fût réellement invariable ? Si l’on procédait ainsi dans l’étude des animaux, on multiplierait indéfiniment les espèces et l’on arriverait nécessairement au chaos. > Nous venons de voir que l’homme, dans ses caractères physiques, est sus- ceptible de varier considérablement. Il nous reste à examiner's’il ne pré- sente pas dans ses fonctions, dans ses facultés psychiques, dans quelques- unes de ses habitudes, quelques traits de ressemblance , quelques-unes de ces conformités si frappantes chez les animaux très-dissemblables en appa- rence, mais qui font cependant partie d'un même groupe spécifique. Jeregrette que les bornes de cet écrit ne me permettent pas d'entrer ici dans les détails nécessaires. Il me serait faeile de démontrer que la durée. de la vie est partout la même, que tout ce qui tient à la durée de la gesta- tion, au nombre des enfants, à l'allaitement , au premier développement du corps, en un mot, à toutes les fonctions de l’économie, nous offre une conformité des plus frappantes ; et qu’enfin les maladies sont les mêmes , sauf quelques différences qui tiennent aux divers climats ou à la manière de vivre. Quant aux facultés psychiques, n’est-il pas bien remarquable que dans toutes les contrées du globe, toutes les nations, même les plus sauvages , aient conservé les traces ineffaçables de ce rayon immortel émané du foyer de toute lumière, de ce souffle divin qui met un abîme in- franchissable entre l’homme et la brute, de cette intelligence sublime qui unit la créature au Créateur, se manifeste par la pensée , par la parole, par le sentiment du beau, du vrai, de l’utile, du juste , et qui décèle son ori- gine toute céleste par l’idée-d’une autre vie, et par les hommages qu’elle rend à Intelligence éternelle ! ‘Cette conformité de-facultés et de fonctions ne vient-elle pas prétéé un puissant appui aux autres preuves que nous avons exposées en faveur de notre opinion ? Nous aurions encore à produire une derniére série de preuves, ce sont les’ faits tirés de l’histoire des peuples, de leurs langues, de leurs monu- ments, de leurs usages, afin de montrer leur filiation. Bornons-nous ä rappeler qu'il existe dans cette vaste partie du monde désignée sous le nom d'Océanie , un systéme de langues liées entre elles parde nombreu- sesaffinités, systéme qui s'étend depuis le cap de Bonne-Espérance jusqu'aux dernières îles du grand Océan, et qui embrasse, dans son ensemble, les idiomes deV’Archipel d'Asie; rappelons encore l'existence de coutumes tout 42 MÉMOIRES à fait semblables, et d'instruments identiques chez des peuples séparés les uns des autres par de vastes étendues de mer: le tamtam des Océaniens, imitation parfaite du tamtam de la côte de Guinée, le tatouage , les orne- ments du nez et des oreilles, la coloration des cheveux et de la figure, les mutilations, la fabrication de la poterie , le mode de construction des but- tes, la manière d’enterrer les morts (1), etc., elc., et nous verrons qu’il ne répugne nullement à la raison d'admettre que tous ces peuples ont eu jadis une origine commune. Le vaste continent américain lui-même, appelé avec justesse le Nouveau-Monde, a été envahi peu à peu par des nations provenant de l’ancien continent; c’estun fait que les découvertes des voya- geurs tendent chaque jour à confirmer de plus en plus, et qui concorde parfaitement avec les caractères physiques de ces nations, dont la plus grande partie rappelle d’une maniére frappante les traits de la race mon- gole. Permettez-moi, Messieurs, de vous rappeler, sous forme de proposi- tions, les principes ou les faits consignés dans cet écrit : 10 L'espèce est uneæéunion d'individus des deux sexes, susceptibles de se propager indéfiniment avec tous leurs caractères organiques et fonc- tionnels. 20 Les variétés sont des modifications imprimées aux individus dans les limites de l’espéce; ces variétés peuvent être héréditaires, elles sont alors dites constantes. 30 L'espèce peut donc varier dans ses caractères extérieurs; mais elle ne varie pas dans ses caractères fonctionnels, ces derniers persistent malgré les modifications extérieures de couleur et de forme. 4° Le croisement des races améliore les produits et augmente leur fé- condité; ces produits tendent toujours à se rapprocher du type primitif. 50 Les caractères de l'espèce sont indélébiles; les variétés disparaissent peu à peu, quand les causes qui les ont produites ont cessé d'exercer leur influence, ‘ 60 Les espèces ne peuvent s'allier entre elles qu'exceptionnellement : dans ce cas, les produits sont stériles , ou bien leur fécondité s'arrête après un petit nombre de générations, et le plus souvent ils ont besoin, pour se reproduire, du concours d’un individu de race pure. 70 Les zoospermes manquent tout à fait ou ne sont développés qu'im- parfaitement chez les hybrides mâles. 80 La forme de ces zoospermes est particulière à chaque espèce. 90 Les animaux domestiques d’une même espèce sont susceptibles d’é- prouver des changements extrêmement remarquables dans leur forme gé- nérale , dans la forme et dans les proportions de la tête, de tout le squelette ou de certaines parties molles, dans l'absence d'organes extérieurs essen- tiels au groupe dont ils font partie (les cornes chez les moutons et les bœufs), dans la nature et la couleur de leurs téguments. 100 Les caractères des groupes établis parmi les hommes sont bien loin de différer autant les uns des autres que les caractères des variétés d’une même espêce domestique. 110 Les races humaines se mélent entre elles et leurs produits sont fé- conds; ces produits de races mélangées sont supérieures aux races dont {) Voir les Esquisses zoologiques , aux notes DE LA PREMIÈRE SECTION. 15 elles dérivent. Nous voyons ici un résultat analogue à celui que nous offre le croisement chez les animaux et tout à fait opposé au croisement des es- pêces. 420 Les caractères des groupes qu’on a cherché à établir parmi les hommes varient dans le même groupe, et sont loin, par conséquent, de présenter cette constance que nous trouvons dans les caractères réellement spécifiques. 43° L'homme présente au contraire dans ses fonctions, du moins dans ce qu’elles ont d’essentiel, ainsi que dans ses caractères psychiques, une conformité parfaite; telle que nous la trouvons aussi dans les races d’ani- maux les plus variées. 440 Enfin, l'étude des langues, des monuments, des usages et des rap- ports des peuples les uns avec les autres tend chaque jour de plus en plus à nous démontrer que leur origine est commune. J'ai cherché, Messieurs, dans ce court aperçu de l’histoire zoologique de l’homme, à vous exposer les enseignements de la science, tels qu’ils sont admis de nos jours, sur la question de l’unité de l'espèce humaine. Puis- sé-je être parvenu à porter la conviction dans vos esprits; puissiez-vous reconnaître avec moi que la pensée qui a présidé à la création est UNE et que cette grande et belle unité se révèle à nous dans tous les détails de cette création merveilleuse, comme dans les lois que notre faible esprit parvient peu à peu à découvrir. 44 MÉMOIRES MÉMOIRE SUR LA STRUCTURE INTIME DES DENTS DE L'HOMME, PAR M. J. FR. SCHURÉ, docteur en médecine. Un nouveau champ d'investigation, fécond en résultats inattendus, a été ouvert à l'anatomie et à la physiologie des dents, déjà riche en brillants développements, par l'emploi de ce pouvoir admirable que la physique moderne a tant perfectionné et qui a si puissamment contribué à éclaircir, à réformer même un grand nombre de points appartenant aux sciences d'observation; je veux parler du pouvoir des instruments grossissants, qui a fait apercevoir à l'esprit humain, si avide de pénétrer l’immensité de la nature, des mondes entiers d’existences nouvelles inconnus jusqu'alors et merveilleusement organisés, qui lui a fait trouver des myriades de dé- bris d'animaux dans un peu de poussière inerte, et qui lui a permis de plon- ger son regard scrutateur jusque dans l'intérieur des tissus organisés ou des fluides qui s'y meuvent, pour surprendre quelques-uns des actes mystérieux de la vie, ou pour pouvoir mieux s'expliquer ses résultats compliqués. La véritable origine de nos connaissances sur la structure intime des dents, comme de celles de beaucoup d’autres organes, ne date que du mo- ment où l’investigation microscopique y fit découvrir une composition élémentaire trés-remarquable qu'on avait élé loin de soupçonner. Un nouvel ordre d'idées dut surgir de ces résultats, que des recherches répétées et consciencieuses confirmérent suffisamment, et l'on s’assura bientôt que des considérations d’une assez grande importance se trouvaient liées à ces faits et augmentaient encore de beaucoup le vif intérêt qui s'attache, dans les sciences naturelles, au rôle physiologique et zoologique qui est dévolu au systéme dentaire. Nous verrons qu'un chaînon de ces considérations s'étend jusqu'aux faits qui appartiennent à la connaissance des change- ments successifs qu'a subi l'écorce terrestre ou à l'histoire géologique du globe. Des vestiges d’une connaissance de la structure intime des dents se trouvent dans les ouvrages de deux anatomistes déjà anciens, Malpighi et Leuwenhæck, dont le dernier paraît avoir appliqué pour la premiére fois le microscope à l’observation de ces organes. Le passage suivant de Malpighi (Anat. plantar.): «Duplici excitantur parte quarum interior os- sea. lamella fibrosis et quasi tendinosis capillamentis in naturam retis implicitis, constat», prouve qu'il avait été frappé à la vue de cette disposi- tion filamenteuse qui est produite par les canaux dentaires. IL appelle pe: 7 DE LA PREMIÈRE SECTION. 7 45 livoire «substantia ossea filamentosa el crusta candida filamentosa:» Leu- wenhæk, dans un mémoire en forme de lettre inséré dansles Transactions philosophiques de 1678, parle explicitement de tubes qu’il a rencontrés dans les dents humaines, ainsi que dans celles de quelques animaux, et dont six à sept cents ne dépassent pas, comme il dit, l'épaisseur d’un poil de barbe. Dans un second petit écrit inséré dans le même recueil (Contin, epistol.), il décrit la direction des canaux qui vont en rayonnant de la cavité cen- trale à la circonférence. En même temps: il paraît avoir découvert ce que nous appellerons tout à l'heure la troisième substance de la dent. Cela résulte du moins du passagesuivant: «Undiquaque alio osse circum ducti erant adco ut jam me adhuc magis quam antea certum reddere. possem circum primo confectum dentem os accrevisse.» Cependant ce n’est que de nos jours, et par les recherches de quelques physioiogistes modernes, que ces-intéressantes découvertes devinrent la possession des savants. Il est étonnant que les observations de Leuwenhæk, malgré la mention partieulière qu'en fit Portal dans son Histoire de l'anatomie, et malgré leur grande importance, aient pu passer inaperçu pendant un si long espace de temps. Retzius lui-même, qui le premier y fixa les regards. des obser- vateurs, n’en eut connaissance qu'après ses propres recherches. Presque en même temps que Retzius, Purkinje et Frænkel dirigérent leur atten- tion sur le même-objet, mais s’occupérent principalement de l'émail, tan- dis que Retzius s’attacha plus particulièrement à la démonstration des fibres ,-ou-plutôt de ce qu’il appela des tubes ramifiés. Le professeur J. de Müller auquel Retzius avait communiqué ses observations, et qui publia la traduction de son mémoire dans ses Archives d'anatomie et de physio- logie; en 1837, s'était livré lui-même à des recherches sur le même objet. Seswues-et ses découvertes ont été publiées en majeure partie dans la dis- sertation de Miescher ( De inflammatione ossium eorumque analome, etc. Berol., 1856). Linderer,de Berlin, multiplia beaucoup ces recherches, également sous les auspices du professeur Müller, et en a consigné les ré- sultats dans son grand ouvrage sur les dents. En Angleterre Owen et Nas- myth devinrent les représentants de la nouvelle doctrine qui, en France, avait été embrassée par Dujardin. Ces deux auteurs anglais étendirent principalement leurs observations sur le domaine de l'anatomie comparée, qui leur ouvritune mine féconde ; ils arrivérent à des résultats précieux (1). Le désir de voir de nos propres yeux les faits dont ces observateurs ont enrichi la science, de rencontrer peut-être quelque nouvelle face intéres- (4) Dans les derniers temps, un jeune anatomiste distingué de Munich, le docteur Erdl, présenta à l'académie de cette ville un travail étendu sur le même sujet , considéré sous toutes ses faces , travail fort remarquable , dit-on , que nous n'avons pas pu nous procurer jusqu’à présent. Tout récemment enfin , le professeur Duvernoy, que tous les anciens élèves de la faculté des sciences de cette ville regretteront à jamais , et qui a bien voulu honorer de sa présence le Congrès de Strasbourg, le vénérable président de cette Section, a porté sôn æ&il exercé dans l'observation de la nature sur l’intéressant objet qui nous occupe. Son travail étendu sur la structure intime des dents et sur le développement des différents élé- ments anatomiques qui les composent, travail qui fut le fruit de recherches minutieuses sur.les dents des musaraignes , a été présenté à l’Institut il y a peu de temps. Il n’en a été publié jusqu'ici qu'un résumé snccinct dans les Comptes-rendus de l Académie des sciences ; mais il y a peu de jours, son auteur en pré- senta une petite analyse à la réunion des naturalistes à Mayence, et nous a promis de consacrer une de nos prochaines séances à l'exposition des principaux résultats de ses recherches. Ajoutons que deux nou- veaux mémoires sur la structure des dents viennent d’être présentés à l’Institot , lun par M. 4/er. Nas- myth, Vautre par Je professeur Rerzius, (Voy. Gazette médicale de Paris du 15 et du 22 octobre). 1 6 MÉMOIRES sante de la question, et surtout celui d'étendre nos observations sur le do- maine des altérations morbides des organes qui nous occupent, nous a con- duit à nous livrer nous-même à quelques recherches sur cet objet. Si ce propre examen ne nous a pas conduit à de véritables découvertes (qui n'é- taient plus à faire), il nous a du moins révélé quelques particularités nou- velles, tout en nous servant principalement de confirmation quant aux résultats obtenus par nos devanciers. Nous esquisserons rapidement ces derniers en y ajoutant ce que nos propres observations nous ont appris ou mieux éclairei. Cet exposé formera la première partie de notre travail. Nous le ferons suivre dans la seconde, beaucoup plus courte, de quelques consi- dérations relatives à l'usage de ces étonnantes dispositions organiques dans l'intimité du tissu dentaire. Deux points fixeront principalement notre at- tention dans la description anatomique de ce tissu : 1° la nécessité d'admet- tre trois substances diverses entrant dans la composition physique de la dent : 20 l'indication des caractères propres à chacune d'elles, indication dans laquelle nous ferons ressortir surtout la disposition particulière des tubes de la substance principale et des amas calcaires de la couche interne de la racine. Si l’on divise longitudinalement une dent par un trait descie, de manière à comprendre dans la section l'axe vertical de l'organe, on distingue facile- ment aux surfaces obtenues par la division la couche de la substance vi- treuse, appelée émail, ne recouvrant que l'extérieur de la couronne des dents et formant sur elle une lame d’une épaisseur variable selon les points de la couronne qu'elle protége, de la substance dentaire proprement dite. Celle-ci, appelée communément ivoire depuis Hunter, Cuvier et d’autres, s'étend depuis l'émail jusqu'à la cavité dentaire et se continue dans la ra- cine. Elle diffère manifestement de la couche émailleuse par son aspect et ses autres qualités physiques; aussi furent-elles de tout temps reconnues comme distinctes. Mais il n’en est pas de même d'une autre qui a été pres- que généralement négligée, et qui ne se révéla plus clairement que lors- qu’on étudia microscopiquement le tissu dentaire. Quelques naturalistes, il est vrai, avaient déjà parlé d’un troisiéme élément: Bertin et Rousseau sont de ce nombre , mais leur description n’est pas exacte. Ils ont donné ce nom à la couche la plus interne de la masse qui enveloppe la pulpe. Hempel était sur le point de reconnaître cette troisième substance en considérant comme telle une production accidentelle que l'on rencontre quelquefois à l'extrémité de la racine. Il en est de même de Sæœmmering, qui parle d'une substance cornée, mais la considère comme pathologique. Teron et Cu- vier sont les seuls qui l’aient désignée d’une manière plus précise. Le pre- mier lui donna le nom de cortical osseux ; le dernier la désigna par une expression qui doit rappeler sa signification en anatomie comparée, celle de cément. Néanmoins l'illustre naturaliste n’en connut point le véri- table caractère distinctif dépendant de sa structure intime. Cette portion du tissu dentaire formant Le troisième élément physique dont se compose généralement la dent, est une couche assez mince qui appartient à la ra- cine seulement {sur les dents de l'homme), et la recouvre extérieurement dans sa totalité. C’est une gaîne qui entoure chaque racine, qu'elle soit iso- lée ou fondue avec une ou plusieurs autres. Nous verrons que par sa struc- ture elle se rapproche du tissu osseux proprement dit, et forme pour ainsi dire la transition entre ce dernier et la substance de l’ivoire. De là aussi le DE LA PREMIÈRE SECTION. 47 nom de substanlia ostoidea, qui lui a été donné par Purkinje, qui le pre- mier l’a bien décrite et caractérisée à l’aide du microscope. Nous rendrons cette dénomination par substance ossiforme , mais en nous servant indis- tinctement de ce mot et de celui de cément et de substance corticale que lui donna Retzius, et qui est déjà usitée en anatomie comparée. Voyons maintenant quels sont les caractères propres à chacune de ces trois substances, tels qu'ils nous sont révélés par l'examen microscopique. Des préparations assez délicates sont nécessaires pour pouvoir soumettre le tissu qu'on veut interroger à l'instrument grossissant. Ce sont des la- melles trés-minces de la portion de la dent ou de la dent entière, quelque- fois même accompagnée d’une portion alvéolaire, qu’on se procure en di- visant la dent soit longitudinalement, soit transversalement, ou dans diffé- rentsautres sens, à l’aide de la scie et de’ limes, et que l’on rend ex- cessivement minces et transparentes par l’action de la meule fine. Ces lamelles sont quelquefois encore trempées dans des liquides capables d’en rehausser la transparence (l'huile d'olive, l'alcool, l'essence de térében- thine). Ces préparations exigent de grandes précautions; les recherches sur la structure de l’émail surtout demandent une adresse que l'habitude seule peut donner. 1. Substance dentaire proprement dite principale de Duvernoy, substance tubulée de Müller (Ræœhren- Substanz ), ivoire (Cuvier). Les deux éléments chimiques qui composent la substance dentaire pro- prement dite se retrouvent dans la disposition physique de son tissu, vu sous un grossissement même modéré, c’est-à-dire un milieu transparent, amorphe, sans trace de structure déterminée, et qui n’est autre chose que l'élément organique, la base gélatineuse de la substance dentaire, et puis des stries non transparentes, disposées parallèlement ou en divergence, ayant l’aspect de faisceaux de cheveux fins bien serrés et flottant dans un liquide, ce sont des fibres composées de phosphate calcaire opaque, que nous verrons bientôt être de véritables colonnes à ramifications plus ou moins compliquées. Dans la substance corticale ou ossiforme, cet élément opaque, au lieu d’être disposé en fibres, s’y trouve, au contraire, dissé- miné en amas séparés, plus ou moins considérables , dont partent, comme en rayonnant, des filaments irréguliers et donnent à ces amas une forme presque étoilée. Ce sont les corpuscules calcaires analogues à ceux que l'on rencontre dans le tissu osseux, à l’entour des points centraux formés par les canaux médullaires. L’émail seul ne présente aucun milieu trans- parent et ne paraît composé que de prismes cristallins de sel calcaire, ados- sés régulièrement les uns aux autres, et dont la disposition ne peut étre étudiée qu’à l’aide d’un fort grossissement. Nous nous occuperons d’abord des dispositions des tubes, telles qu'on peut les apercevoir sur les dents de l’homme principalement. Une coupe longitudinale antéropostérieure, comprenant à la fois la racine et la cou- xonne, nous en montre la direction relative à chaque région de la dent. Ainsi ceux de la couronne partent tous des différents points de la cavité dentaire et se portent en rayonnant vers la circonférence, de manière que les uns affectent une direction verticale, d’autres une direction oblique, et d’autres enfin se trouvent placés horizontalement. Dans la racine, les II. 3 2 13 MÉMOIRES tubes partent aussi horizontalement des parois du canal dentaire, avec le- quel ils font un angle plus ou moins rapproché d’un angle droit. Les lignes formées par le rayonnement de ces fibres tubulées ne sont pas des lignes droites, mais présentent des incurvations ou des ondulations réguliérés en forme d’un zêta grec allongé, ou semblables aux courbures de la 60- lonne vertébrale; toujours trois ondulations. Elles ne sont droites ou pres- que droites qu'au tiers inférieur de la racine et aux pointes des couronnes. Leur épaisseur est uniforme depuis leur origine à la cavité de la pulpe jusque vers la moitié de leur dernier tiers, où elle diminue progressive- ment jusqu'à leur entière disparition au milieu de la masse transparente et amorphe qu’elles traversent, disparition qui a lieu vers la terminaison de l'ivoire, dans le voisinage de la ligne de démarcation entre ce dernier et l'émail, ou entre ce dernier et la substance corticale , selon que c’est à la couronne ou à la racine. La comparaison d’un très-grand nombre de mesures faites avec un micrométre à vis de Frauenhofer , a fourni au pro- fesseur Retzius une moyenne de 1/17 de ligne (épaisseur des tubes à leur origine). Une autre disposition, plus intéressante, sans doute, que la direction de ces lignes rayonnantes de la surface de la pulpe vers la circonférence de la dent, mais qui exige déjà, pour être observée, une plus grande at- tention et surtout des grossissements plus forts, consiste dans leurs rami- fications, que les belles observations du physiologiste danois ont mis hors de doute et que d’autres, ainsi que nous-même, ont pu constater de la manière la plus évidente. Vues sur des dents humaines appartenant à des sujets adultes, ces ramifications ne sont ordinairement que de simples bi- furcations. Nous en avons vu un assez grand nombre qui présentaient une division en trois branches, mais c'était toujours la division la plus rapprochée de l'extrémité. Là où existent des ramifications très-appa- rentes, nous avons toujours rencontré un système entier de bifurcations, chaque branche se sous-divisant de nouveau en deux, et ainsi plusieurs fois de suite, mais en suivant constamment la loi de la dichotomie, et ne don- nant alors jamais lieu à des rameaux triples ou quadruples. Sur les dents des jeunes enfants, les ramifications sont très-faciles à observer; elles pa- raissent y exister à un degré bien plus prononcé. Les dents de certains groupes d'animaux les présentent d’une manière plus apparente encore, telles sont celles de l’hérisson d'Europe (erinaceus ewropæus), qui peuvent três-bien servir à la démonstration de la structure qui nous occupe. Il y a plus, ce qu’on était loin desoupçonner en observant pour la premiére fois la structure intime de la substance principale, les dents de certains animaux uonsmontrent de grandes etde véritables arborisations, pouyantfairenaître la fausse idée d’un système vasculaire complet dans le tissu dentaire. Il serait extrêmement intéressant de faire à cet égard des recherches multi- pliées. Les résultats auxquels on est déjà arrivé sur ce point sont de la plus haute importance. Ces résultats peuvent prêter à la détermination des principes de classement zoologique et à leur application à l’étudedes dents fossiles un appui fort utile. Owen ayant ainsi fait voir qu'une structure donnée se retrouve, d'aprés des lois constantes, dans le même groupe d’a- nimaux et présente chaque fois des particularités qui lui sont propres, on peut se servir évidemment avec avantage de ces caractères dans l'examen des fossiles. 1 DE LA PREMIÈRE SECTION. 19 Un autre point relatif aux ramifications des tubes dentaires, et que nos observations nous ont permis d'établir, consiste dans lears anastomoses. Elles existent manifestement entre des branches séparées. Retzius dit ne les avoir jamais trouvées et d’autres observateurs les ont également niées jusqu’à présent. M. le conservateur Schimper, qui a bien voulu nous pré- ter son instrument et nous aider de ses conseils pendant nos recherches microscopiques, a pu vérifier ce point avec nous sur plusieurss prépara- tions qui nous ont servi à en prendre le dessin. Les ramuscules obliques qui partent d’une branche pour se confondre avec une autre, pourraient être considérés comme étant seulement couchés sous ce dernier et comme donnant ainsi lieu à une erreur optique, si un examen plus attentif ne dé- montrait pas que la superposition ne peut avoir lieu 1à où une branche se rend à unrameau voisin et se confond avec lui sans s’en détacher de nou- veau à une distance plus ou moins grande et du côté opposé, ce qui de- vrait infailliblement avoir lieu s’il y avait seulement apparence d’anas- tomose par suite d’entrecroisement, et il n’est pas possible de supposer que le rameau anastomosique se rendant à la branche voisine soit si exactement couché sous cette derniére dans toute sa longueur depuis le point derencontre, qu’il ne se trahisse pas jusqu’à l'extrémité de la branche (qui , du reste , put être observée chaque fois trés-isolément), tandis qu’a- yant le point de rencontre il affecte une tout autre direction. Ayant ob- servé un assez grand nombre de fois cette disposition, contre laquelle s’é- levaient aussi des doutes dans notre esprit lorsque nous l’aperçümes pour la premiére fois, nous sommes resté convaincu de sa réalité. On trou- verait sans doute de nouvelles preuves et des modifications intéressantes de cette disposition sur les dents d'animaux que l’on examinerait dans cette intention. IL est à regretter que ces observations ne permettent pas des conclusions qui pussent mieux éclairer la question de l'usage des tubes ramifiés dont nous aurons à nous occuper; mais c’est dans tous les cas ur fait secondaire de plus à ajouter à l'histoire anatomique descriptive du tissu dentaire. Jasqu’ici nous n’avons parlé que de la direction et de la distribution des fibres calcaires de l’ivoire ; il nous reste à faire voir comment on s’est as- suré qu’elles sont de véritables tubes ou des canaux renfermant entreleurs parois la matiére calcaire ou quelquefois vides dans certains endroits. Une projection oblique de la lumière produite par le miroir du microscope sur les piéces qui servent à la démonstration des ramifications, ou l'obs- curcissement du fond de l'instrument montre déjà qué les stries, dont la disposition est si intéressante , sont formées d’une matiére opaque blanche qui se dessine distinctement au milieu de l'élément transparent dans le- quel ilsnagent, pour ainsi dire. Mais des coupes faites pérpendiculairement à la direction des tubes, de maniére à les diviser à l'endroit de leur plus forte épaisseur, sont plus propres à démontrer que ce ne sont pas seule- ment des filaments composés de matière opaque, mais que celle-ci est enveloppée de véritables parois formant des canaux et ne laissent plus de doute sur la structure tubulée du tissu de l’ivoire. Il n’est pas difficile de prouver que la matière opaque de ces tubes n’est autre chose que l'élé- ment calcaire de la dent. Elle paraît composée de particules très- fines et se trouve divisée quelquefois par intervaile, de manière à laïsser les ca- naux vides dans une certaine étendue. En trempant les pièces dans l’acide 2. 20 MÉMOIRES muriatique affaibli, on dissout le selet l’on fait disparaître les stries blanches et opaques. La même opération faite sur les coupes transversales aux tubes , en effaçant le contenu des cylindres, montre leurs parois divisées dans la forme de petits cercles ou de taches rondes offrant un point transparent , une lumière au centre, comme on en obtient chaque fois que l’on divise de la même manière une substance traversée par des canaux. Cependant ces coupes étant toujours faites dans une direction qui n’est perpendieu- laire qu’à l'égard d'un certain nombre de ces tubes seulement, vu leur di- rection rayonnée ou leur concentricité vers la pulpe, on en divise néces- sairement beaucoup dans un sens plus ou moins oblique, ce qui produit un aspect différent pour ces derniers, c’est-à-dire de la forme ovalaire plus ou moins allongée jusqu’à celle de petites lignes , qui sont des portions de tubes que la coupe a divisées presque parallélement à leur longueur , por- tions qui sont d'autant plus longues que l’angle de division est plus aigu. L'ensemble d’une telle disposition ne peut donclaisser de doute sur l’exis- tence de tubes distribués dans la. substance éburnée d’après un système de rayonnement qui part de la cavité et du canal dentaire pour se rendre à la circonférence. En examinant avec soin le point de départ des tubes, on voit que la surface interne dela cavité dentaire présente de nombreuses ouvertures, qu’elle est comme criblée de trous. Retzius pense que ces ou- vertures sont autant de commencements de canaux de la substance den- taire et prouvent que la pulpe est en rapport immédiat avec le contenu de ces derniers. 2, Émail. A l'aide d'un grossissement un peu fort, on aperçoit facilement dans la structure de l'émail un adossement de fibres prismatiques très-fines et trés-serrées les unes contre les autres. Leur épaisseur a été évaluée à 1/500 de ligne. La dissolution de l'émail dans les acides ne donne point lieu à un résidu cartilagineux, mais il se forme néanmoins un petit dépôt d’une substance floconneuse, membraniforme , d’une couleur brunâtre. Exposé au feu , il ne noircit que trés-peu à sa surface interne et nullement à sa surface externe, ne répand qu’un peu d’odeur ammoniacale et ne perd que très-peu de son poids, ce qui fait voir, comme l’avait déjà indiqué Berzé- lius, que l'émail ne renferme qu'une trés-petite portion de substance or- ganique; mais cette dernière cependant y existe, comme nous l'avons déjà dit, au commencement de ce travail. Elle est sans doute formée, en partie du moins’, par le résidu de cette membrane qui entourait, lors de la formation de la dent, l'organe sécréteur de l'émail, si bien décrit par Purkinje, membrane qui résiste à une longue macération dans l’eau. L’é- lément organique nous paraît formé en outre par cette enveloppe mem- braniforme qui probablement entoure chaque fibre ou prisme de l’émail , et dont l'existence a été pressentie par Retzius. C’est cette enveloppe qui paraît servir de moyen d'union entre les innombrables prismes qui cons- tituent l'écorce vitreuse de la dent. L'aspect qu’offrent les fibres de l'émail selon les différentes coupes pratiquées sur les dents, a fait l’objet des re- cherches de Purkinje , de Frænkel et de Linderer. Ils se sont surtout atta- chés à la description des stries fort remarquables que l’on y découvre et qni proviennent de la différence de direction qu'affectent les petites co- DE LA PREMIÈRE SECTION. 21 lonnes prismatiques, différence qui se trahit nécessairement au point d'intersection , par des effets de lumiére différents. Il y a d’abord des stries transversales en forme de zones, qui sont déjà visibles extérieurement et à l'œil nu. Elles sont le résultat de deux directions différentes de prismes qui alternent ensemble, et dont l’un est perpendiculaire à l’ivoire, l’autre plus ou moins oblique. Ces directions sont constantes dans toute l’étendue de l'émail, depuis la base jusqu’au sommet de la couronne. La seconde espèce de stries consiste dans des lignes arquées qui traversent de gran- des portions de l'émail dans le sens de la longueur de la dent. Elles sont ordinairement au nombre de trois , plus ou moins paralléles entre elles à la base de la couronne où elles commencent, et se rendent à la surface externe de l'émail dans une direction concentrique entre elles, de ma- niére que la plus interne s'étend jusqu’au sommet de la couronne, les au- tres se terminant plutôt et se trouvant par conséquent coupées. Elles pa- raissent provenir du développement de l'émail par couches coniques su- perposées. Les rapports de l'émail avec la substance principale consistent dans une simple juxtaposition, de manière cependant que les fibres ou prismes du premier sont reçus dans de petits enfoncements qui se trouvent à la surface de la seconde et s’y fixent comme par engrenage. Nous avons re- cherché avec soin s’il était possible de déterminer quelque chose de plus positif sur l’interposition de cette membrane dont parle Retzius, qui serait un résidu de l'organe sécréteur de l'émail. Une ligne plus ou moins appa- rente, et, vu dans une direction un peu oblique, un plan d'’intersection qui marque de part et d'autre, d’une manière tranchée, les limites des deux substances , est la seule impression visuelle que nous ayons pu obte- nir sur nos préparations. Les tubes de la substance principale avec leurs dernières ramifications se terminent ordinairement à une petite distance de la surface interne de l'émail; quelques-unes s’en approchent souvent presque complétement, surtout sur les dents de jeunes sujets, mais ne se confondent jamais, d’après nos observations, avec la ligne ou le plan qui marque la séparation entre les deux substances juxtaposées. Il n’en est pas de même quant aux rapports entre l’ivoire et la troisième substance que nous avons encore à décrire. 3. Substance ossiforme (Knochenartige Substanz, des Allemands). Subs- tance corticale ; cément. Cette troisième substance est, comme nous l'avons dit, celle qui dans la dent présente le plus d’analogie avec le tissu osseux, qui sur les dents de l'homme entoure la racine en lame mince, depuis les limites de l’émail Jusqu'à la pointe de la racine, où elle forme quelquefois un amas assez épais, mais qui offre un développement beaucoup plus considérable sur certaines dents d'animaux, où elle joue un rôle important. Son caractére propre consiste dans la présence des corpuscules ou de ces amas calcaires disséminés dans le milieu transparent et principalement gélatineux qui en fait la base comme dans la substance principale. Ici, plus de traces de ces filaments serrés, rayonnant de l’intérieur à l'extérieur, ou d’un systéme de tubes ramifiés, comme nous l’a offert la substance tubulée, mais un as- 22 MÉMOIRES pect pointillé, marbré, très-différent. Les amas ou les corpuscules qui for- ment ces points disséminés et noirâtres se montrentmême à l'œil armé d'un instrument grossissant trés-faible. Sous un plus fort grossissement, on voit partir de ces points noirs des lignes plus ou moins irrégulières ou de pe- tits filaments qui en émanent et qui leur donnent une forme étoilée. Ces lignes vont s’'anastomoser quelquefois avec les rayons qui proviennent des amas voisins. La grandeur et la forme des corpuscules sont assez va- riables; on en voit de semi-lunaires , le plus souvent leur forme est allon- gée. L'épaisseur des branches qui en partent est de 1/1000 à 1/5000 de ligne d'après le professeur danois; la longueur moyenne des corpuscules, de 1/600 /’’. Selon les coupes sur lesquelles on les observe, on peut distinguer un arrangement plus ou moins régulier de ces amas ,-en lignes concentri- ques. Ils sont plus serrés vers la pointe de la racine, plus rares à la région voisine de la couronne. Il est surtout trés-facile d'en observer la disposi- tion sur des dents à racines soudées, dans lesquelles chacune des racines fondues ensemble est représentée par une interposition de deux couches de substances ossiformes , résultat de la soudure de deux appendices. Existe-t-il des communications entre les dernières ramifications des tu- bes del’ivoire et des ramuscules qui émanent des amas calcaires de lasubs- tance ossiforme? Nous en avons aperçu sur plusieurs de nos pièces, mais elles nous ont paru presque exceptionnelles. Dans la grande majorité des cas on ne distingue aucun rapportentre les terminaisons des tubesetles cor- puseules qui appartiennent à la troisième substance qui entoure la racine. Certaines dents d'animaux en montrent, par contre, de très-nombreuses. Les dents de cheval en offrent bn exempie frappant. On voit même chez ce dernier de nombreux amas ou corpuscules calcaires interposés entre les ramifications des tubes etcommuniquantavec elles par des anastomoses. L'épaississement de la substance ossiforme à l'extrémité de la racine, épaississement qui accompagne certains états pathologiques de la dent et qu’on a appelé exostose, peut encore démontrer d’une manière três-évi- dente le caractère propre de la substance corticale qui enveloppelesracines des dents de l'homme. La partie qui correspond à cette espèce d’'hypertroe- phie du tissu dont nous parlons, est alors parsemée d’un grand nombre de ces amas cellulaires qui le rapprochent du tisssu osseux proprement dit. Ce dernier présente en effet à l'observation microscopique une disposition trés-analogue à celle de la substance corticale dentaire, avec cette diffé- rence pourtant que le tissu osseux offre de plus, comme on sait, lescanaux médullaires que plusieurs anatomistes, et notamment Purkinje, ontsibien décrit, et qui forment comme autant de centres desquelsirradientles nom- breuses ramifications de canaux calcaires, communiquant par anastomose avec les cellules également nombreuses de la substance osseuse. Quant à la dent, qui du reste diffère essentiellement de l'os par son mode de développe- ment,ilyaen cela analogie entreelle et l'os, que Les canaux médullaires se trouvent représentés par un seul, et concentrés dans un seul organe mé- dullaire, qui est le bulbe, l'organe générateur de l'ostéide dentaire et au- tour duquel se rangent les ramifications tubulées, circonscrites, pour la ra- cine, par la couche corticale (transition entre elle et le tissu alyéolaire qui la renferme); et, pour la couronne, par un élément particulier, sura- jouté, d’une formation sans analogue et destiné à la rendre plus apte aux fonctions qui lui sont dévolues, mais non d’une nécessité absolue, puisqu'il Re ORPI DE LA PREMIÈRE SECTION. 23 manque dans quelques genres et espèces animales, c'est-à-dire l'émail. (I1 manque sur les dents du brochet, du brasypus trydactylus, par exemple). Peut-être devrions-nous nous arrêter ici et ne pas aborder la question difficile qu'il nous reste à examiner, mais qui néanmoins doit se présenter à l'esprit de tous ceux qui se sont occupés de ces recherches. Il est im- possible, en effet, derésister à ce besoin pressant de l'intelligence d’inter- préter lelangage souvent mystérieux des faits, inscrits danslegrand livre de la création, et de remonter d’une simple analyse anatomique à la signifi- cation physiologique qui y est nécessairement attachée. Il serait difficile de ne pas se demander, à la vue des beaux résultats obtenus par l'observation microscopique sur la structure intime des dents, à quoi sert cette admirable disposition que révèle le tissu de ces organes, quel rôle joue dans leur dé- veloppement et dans leur vie cette ébauche d'organisation, cette multipli- cité de dessins que rencontre l’œil scrutateur, et quelles sont les lois régu- latrices qui dominent ces dispositions ? Nous sommes loin, vous le pensez bien , de vouloir entreprendre cette tâche; mais qu’il nous soit permis au moins d'émettre quelques idées que l’étude de cette question nous a suggé- rées, idées qui en partie ont été émises aussi par d’autres, et qui peuvent servir de point de départ à des discussions ultérieures. Évidemment nous ne pouvons pas admettre une identité, ni même une analogie entre le système vasculaire des tissus vivants et les ramifications dés tubes calcaires du tissu dentaire, quelque compliquées qu'elles fussent. Nous sommes forcés de conclure des rapprochements que l’on peut faire entre les os proprement dits et les dents, qu'il y a analogie entre l’arrange- ment des amas calcaires de la substance ossiforme des dents et les corpus- cules de même nature qu'offre le tissu osseux; qu'il ya, en outre, ainsi que nous l'avons vu, analogie entre les canaux médullaires et les ramifi- cations des fibres calcaires qui les entourent d’un côté, et la cavité du bulbe et le système de tubes ramifiés qui l’environne dans l’ivoire, de lautre; mais il y a loin de tout cela à une organisation vasculaire. Les observations et les expériences démontrent la présence de l’élément calcaire dans l’in- térieur de ces canaux ramifiés et ces cellules, avec leurs irradiations multi- pliées et leurs branches anastomosiques ; il ne s’y fait donc point de cir- culation et ils ne peuvent logiquement servir à un échange de fluide ou d'humeurs. Mais à quoi sert alors cet arrangement énigmatique, ces canaux et ces arborisations compliquées et merveilleusés? Nous croyons qu’une réponse n’est possible que lorsqu'on s'élève à des considérations physiologiquesd’un ordre plusélevé. Et, en effet, la science de l’organisation , l'anatomie compa- rée surtout, ne nous offrent-elles pas de nombreux exemples de dispositions organiques calquées sur un plan uniforme pour un certain nombre d'êtres ou de parties d'êtres, mais ne présentant pas, pris isolément , de but ap- _préciable ou réel; dispositions qui sont de la plus haute importance pour lesuns etmontrent aussi pour cela un grand développement, et qui pour les autres n’ont au moins pas de signification fonctionnelle; les individus subissant, pour ainsi dire, la domination de la grande loi générale? Qu’on se rappelle à cet égard les ébauches rudimentaires, les plans uniformes cachés sous une diversité de formes accessoires. Eh bien, nous pensons que dans le tissu dentaire il y a une empreinte d’une loi générale qui pré- side à l’organisation des tissus voisins ou analogues; que l'analyse de ce 24 MÉMOIRES tissu démontre la position intermédiaire des dents entre les organes com- plétement vivants à transformations continuelles, à tissus vasculaires , et les produits inorganiques soumis à l'empire des lois de la cristallisation. On serait tenté de dire que ces tubes remplis de substances salines sont des ir- radiations de la matière constitutive de la dent, au milieu de la masse plus gélatineuse qui leur sert de base, irradiations qui penchent plutôt vers le caractère de la cristallisation que vers celui de la vascularité, et qui don- nent ainsi à la substance dentaire son cachet particulier de tissu propre différant également des os plus vivants et des corps entiérement inorga- niques. s S'il fallait néanmoins trouver une signification fonctionnelle aux tubes de Retzius, on ne pourrait certes l’admettre que pour l’époque du déve- loppement de la dent où les canaux pourraient bien ne pas encore être complétement remplis de substance blanche et où la pénétration par l’é- lément calcaire de la substance homogène qui est la base du tissu pourrait bien se faire de la surface du bulbe à travers ces tubes qui partent de tous les côtés de cette derniére. Il resterait cependant bien des problèmes à ré- soudre en admettant ouenn’admettantpas cette hypothèse. Ne se passe-t-il absolumentrien qui soit analogue à une pénétration de sucs, soit par im- bibition , soit par véritable endosmose? Certains états pathologiques du tissu dentaire s’expliquent-ils par un état permanent de constitution de ce tissu, sans changement périodique? Comment s'expliquer, en outre, sans ad- mettre ce dernier, les influences de quelques maladies chroniques, d’un changement de tempérament, de l’âge, ou d’une substance médicamen- teuse sur l'aspect et la texture des dents ? La solution de toutes ces questions et de bien d’autres encore sur la phy- siologie et la pathologie des dents dépend naturellement d’une intelligence plus profonde de la véritable nature du tissu dentaire et de son mode de vitalité. Le physiologiste ne peut donc entreprendre de la résoudre qu'après être avancé de quelques degrés encore dans ces intéressantes connaissances. L'auteur de ce mémoire espère que des travaux ultérieurs ne tarderont pas à mieux éclairer la question qu'il a essayé de traiter : et que de nou- velles recherches faites par des hommes capables contribueront tôt ou tard à résoudre les problèmes qui nous embarrassentencore en ce moment. Il promet, du reste, de continuer lui-même de son mieux des recherches liées intimement à une spécialité qu'il cultive, et croit qu’en étendant ses observations sur le domaine pathologique et sur l'histoire du développe- ment des dents surtout, ainsi que sur celui de l'anatomie comparée, ilne manquera pas d'arriver à des résultats qui pourraient intéresser la science. La bienveillance avec laquelle la section des sciences naturelles du Con- grès a écouté cette lecture sera pour lui un précieux encouragement. DE LA PREMIÈRE SECTION. 25 MÉMOIRE LA PYRALE DU RAISIN, D'APRÈS DES OBSERVATIONS FAITES SUR CET INSECTE PENDANT LES ANNÉES 1826, 1831, 1837 er 1842, PAR M. NOEL THIAVILLE, pharmacien à Saint-Dié. Lorsqu'il survient des pluies continues pendant la floraison de la vigne, le pollen s'humecte , il ne peut féconder l'ovaire et il en résulte ce qu’on nomme la coulure. Dans ce cas, c’est à l’inclémence de la saison qu’il faut attribuer ce phénomène. Mais lorsque le printemps a été sec et chaud, comme celui de cette an- née, que la végétation a été belle et hâtive, on doit être surpris de trou- ver la récolte en raisins moindre dans certaines localités, quoique les ap- parences de quantité aient été les mêmes avant la floraison , et d'entendre . dire que, dans cette circonstance, ce soit la sécheresse qui cause la cou- lure. Si donc une température élevée détermine la coulure aussi bien qu’une température humide, ce doit être par un autre motif, qui, je crois, n’a pas encore été apprécié. Ce fait m'a engagé à étudier avec soin le raisin pendant les diverses phases de son existence. Le raisin commença à fleurir cette année du 10 au 15 juin, par une température très-propice et qui se prolongea jusqu’à la fin de la floraison. Dés les premiersjours , j’observai sur les grappes que trois à quatre grains étaient réunis; les jours suivants, l’agglomération était plus étendue, une toile tissée en galeries servait d’abri à un ver trés-agile, qui se portait d’une extrémité à l’autre de la grappe. D'abord trés-petit, ce ver se nourrit de la substance du grain sur lequel il est éclos , il le creuse, c’est son berceau; il y grandit , et lorsqu'il ne s’y trouve plus de quoi satisfaire à ‘ses besoins , qui augmentent avec ses forces , sans en sortir . il pique le grain le plus voisin, l’attire à lui, agit de même envers les autres; il les maintient ensemble par des filaments, Puis il se pratique ces galeries soyeuses dans lesquelles il parcourt sans crainte toute l'étendue de la grappe.pour la dévorer. \ Cette chenille met vingt à vingt-quatre jours pour acquérir tout son ac- 26 MÉMOIRES croissement; ensuite elle se choisit un abri, file autour d'elle une toile claire, qu’elle fixe contre les corps environnants; elle s’entoure encore d’une enveloppe écailleuse , reste douze jours en repos pour se métamor- phoser , etsort enfin à l’état parfait, en pressant sur l'extrémité supérieure des lames de la coque , qui , en se séparant pour lui livrer passage , offrent , aprés sa sortie , l'aspect d’une fleur de labiée. Cet insecte, qui, à ce que je crois, n’a pas encore été décrit, est un nocturne , de la tribu des tordeuses et du genre pyrale. Il différe beaucoup de la pyrale de la vigne: la chenille de celle-ci est verte, avec une tache jaune de chaque côté du premier anneau ; elle se nourrit des feuilles , tan- dis que l’autre ne mange que le raisin et laisse les feuilles parfaitement intactes ; elle a, dans sa plus grande longueur, huit ou neuf millimètres ; elle est rougeâtre , les trois paires de pattes antérieures , la tête et le cha- peron sont noirs. Le papillon a six millimètres de longueur, l'extrémité des ailes supérieures frangée , le fond jaune verdâtre , entouré d’une bande blanche nacrée, un point noir dans le milieu de l'aile, une tache rouge briquetée à l’angle extérieur ; puis une bande triangulaire , brunâtre , par- semée de blanc grisâtre, divise l'aile en deux parties , s’élargit du double sur le bord extérieur et ressemble à une chappe; en repos , il tient les ailes, agréablement colorées , relevées en toit. On rencontre rarement ce papillon; sa petitesse, les refuges qu'il se choisit pendant le jour font qu'il est très-difficile à trouver. On nes’aperçoit de sa présence que lorsque les œufs imperceptibles que la femelle a déposés de nuit sur les grains du raisin, éclosent et que les ravages de sa chenille commencent ; il faut alors, armé d’une aiguillette suspendue à la boutonnière, visiter les grappes où l’on voit des grains at- tachés ensemble; une chenille s’y tient cachée et les ronge; avec l’aiguil- lette on la perce facilement. De tous les moyens, c'est encore un des plus praticables et des plus expéditifs, parce qu’en trés-peu de temps on peut, avec le secours de quelques journaliers, en détruire la plus grande partie. En continuant cette chasse durant les quinze derniers jours de la floraison, on augmentera considérablement le rapport de la récolte et l’on diminuera en même temps le nombre de ces insectes, qui, disparaissant presque su- bitement aprés la floraison, semblent ne devoir plus revenir. C’est qu’a- lors ils subissent une métamorphose qui dure dix à douze jours, même quinze, suivant la saison; ensuite vient une nouvelle ponte qui exige encore autant de temps. Durant cet intervalle, les grains du raisin qui ont persisté, ont grossi; on devrait les croire échappés à cet ennemi occulte; mais si la température a été favorable à la ponte, on ne tarde pas à voir un de leurs côtés se tacher , se durcir; puis un petit point noir dans le milieu de cette tache décéle la présence de cette même chenille; elle se tient cachée dans ce grain; les premiers jours, elle se nourrit de la pulpe; devenant plus forte, elle attaque les grains qui l’avoisinent et se comporte en tout comme pendant la floraison en parcourant la grappe. Elle perce les grains prés du pédicule; cette blessure ne tarde pas à les dessécher si la température estélevée, ou bien ils pourrissent si elle est humide. On ne remarque ja- mais de pourriture dans les grappes dont les grains sont intacts. La pour- riture se propage, et toute la grappe est infectée de cette corruption qui non-seulement diminue les produits de la récolte, mais lui enléve en même temps toute la qualité qu'on pouvait en espérer. DE LA PREMIÈRE SECTION. 27 L'humidité n’est donc que la cause secondaire de la pourriture du rai- sin ; pendant les quatre mois que la pyrale se reproduit et se nourrit de ce fruit, il faudrait la surveiller attentivement: c’est ce qui ne se fait pas; il faudrait, si l’on veut faire de bonnes récoltes, enlever journellement tous les grains piqués, les recueillir dans des paniers, pour les transporter hors de la vigne et en nourrir la volaille, ou bien les écraser soigneusement ; par ce moyen on détruirait presque toutes ces chenilles et l’on éviterait la pourriture en septembre et octobre. Tels sont les seuls moyens praticables pour diminuer les ravages de cet insecte, lorsque, malheureusement, il s’est multiplié de manière à compro- mettre les récoltes. Mais on par viendrait encore à arrêter sa multiplication , si annuellement on avait la précaution d'enlever l’écorce des vieux ceps, ce qui peut se faire facilement en mars et avril , époque où elle se détache naturellement ; car c’est dans les gerçures du bois et sous les écorces que les chrysalides passent l'hiver. Ces écorces devraient être brülées et non pas abandonnées sur le terrain. Cet insecte habitant préférablement les anciens plants de vigne, il seraitaussi avantageux de passer un lait de chaux sur les échalas avant de les replacer. Si l’on voulait favoriser la multiplication des araignées dans les vignes, on trouverait en elles des aides précieux par les services journaliers qu'elles rendraient; il se prendrait dans leurs toiles une foule incalculable d'insectes nuisibles qu'il est impossible de détruire, tandis qu’elles, qui sont utiles et innocentes, on les chasse sans cesse parce qu’on les croit yénimeuses. Leur assistance cependant serait préférable à l'emploi des feux , qui sont ou impraticables ou trop dispendieux, de même que d’autres procédés re- commandés, mais qu'on pratique une fois, pour les abandonner de suite, faute de succés. S'ils n’ont pas réussi à la destruction de la pyrale de la vigne, ce fléau de nos plusriches vignobles, calamité à laquelle, jusqu’à ce jour, on n’a pu remédier, ils ne donneraient non plus aucun résultat satis- faisant contre la pyrale du raisin. La proximité des lieux où j’ai fait mes observations, quoique ne cul- tivant pas la vigne sur une grande échelle, mais seulement par agrément, melaisse dans la persuasion que cette pyrale a été importée dans nos con- trées par des raisins provenant d'Alsace ; c’est pourquoi, en présentant ce mémoire au Congrès scientifique de Strasbourg, je crois qu’il pourra ser- ir à guider les nombreux vignerons de cette province dans la conduite qu’ils auraient à tenir contre la coulure et la pourriture du raisin, dont ils ignorent généralement l’origine ou l’attribuent à d’autres causes. 28 MÉMOIRES NOTICE SUR LA VÉGÉTATION COMPARÉE DU JURA, DES VOSGES, ET DE LA FORÊT-NOIRE, EN RÉPONSE A LA SEPTIÈME QUESTION DE BOTANIQUE DU PROGRAMME, ainsi conçue : Est-il des plantes exclusivement propres à certaines constitutions géologiques et quelles sont ces plantes ? PAR M. F. KIRSCHLEGER , docteur-médecin , professeur à l’école de pharmacie. Je ne suis nullement intentionné d’épuiser la question si vaste posée par le programme; qu'il me suffise de vous exposer les résultats que j'ai obtenus sur ce sujet, en comparant entre elles les espèces de plantes qui habitent le Jura, les Vosges et la Forêt-Noire, sous le point de vue de leur distribution. Je puis annoncer d'avance que je suis arrivé à penser avec Unger qu'il existe des plantes qui préférent évidemment le sol calcaire su sol granitique et arénacé et vice versa; qu’il en est qui paraissent se com- plaire très-spécialement et peut-être exclusivement à l’une ou l’autre de ces constitutions géologiques (c’est là ce que Unger entend par «kalkholde, kalkstete, sandholde, sandstete Pflanzen)). . On a voulu attribuer à la nature physique du sol, à sa facilité d'être pénétré par les eaux de pluie, à les retenir ou à les abandonner, les diffé- rences de végétation que l’on a observées dans les diverses chaînes de montagnes. Je ne nie pas l'influence de ces causes, mais elles me semblent subordonnées aux influences géologiques. Dans cette notice nous voulons montrer qu’à hauteur égale au-dessus du niveau de la mer, sous les mé- mes influences climatériques et météorologiques, à des stations à peu prés égales, le Jura nourrit prés de 130 espèces de plantes que l’on ne ren- contre ni dans les Vosges, ni dans la Forêt-Noire; que dans ces deux der- nières chaînes, il y a tout au plus 40 espèces qui ne se trouvent point dans le Jura; que ce sol calcaire est de beaucoup plus riche en espèces que les bases granitiques et arénacées; enfin, que sur 550 espèces , alpes- tres ou montanes , il y en a tout au plus 140 qui habitent à la fois les deux constitutions géologiques. | I s’agit actuellement de prouver par des citations ce que nous venons de poser. A cet effet nous établirons plusieurs catégories. La premiére catégorie comprendra les plantes alpestres ou («montlanes», DE LA PREMIÈRE SECTION. 29 habitant à une hauteur de 800 à 1000 mètres le Jura, les Vosges et la Fo- rêt-Noire. : La deuxiéme comprendra les espèces particuliéres au Jura, et ne se trouvant pas à égale hauteur ni dans les Vosges, ni dans la Forêét- Noire. La troisième, les plantes du Jura et des Vosges, ne se trouvant pas dans la Forêt-Noire. La quatrième , les plantes du Jura et de la Forêt-Noire, n’existant pas dans les Vosges. La cinquième , les plantes des Vosges n'ayant pas encore été trouvées ni dans le Jura, ni dans la Forét-Noire. La sixième, les plantes exclusivement propres à la Forét-Noire et aux Vosges, et que le Jura ne posséde pas. Enfin la septième , les plantes propres à la Forét-Noire exclusivement. + PREMIÈRE CATÉGORIE. Plantes alpestres du Jura, des Vosges et de la Forét-Noire (1). 1 Renonculacées. Ranunc. aconitifolius, nemorosus. Trollius europæus ; Aconitum Napellus et Lycoctonum, Actæa spicata. 2 Crucifères. Arabis arenosa et Turrita ; Cardamine impatiens , amara ; Dentaria pinnata; Lunaria rediviva. 3 Violariées. Viola palustris. 4 Cariophyllées. Lychnis sylvestris ; Dianthus superbus ; Stellaria nemo- rum. Hypéricinées. Hypericum quadrangulum, montanum , pulchrum , hir- sutum. 6 Géraniées. Geranium sylvaticum. 7 Acerinées. Acer Platanoides et Pseudo-platanus. « 8 Aquifoliacées. Ilex Aquifolium. 9 Légumineuses. Trifolium alpestre; Genista sagittalis et pilosa , Orobus niger et tuberosus. 10 Rosacées. Spiræa Aruncus; Geum rivale; Rubus idæus et saxatilis ; Rosa alpina; Sorbus Aria, Chamæmespilus, torminalis , Aucuparia. 11 Onagraïres. Epilobium spicatum , montanum , alpestre, palustre, al- pinum; Circæa alpina. 12 Ribésiées. Ribes alpinum. 15 Crassulacées. Sedum annuum , villosum , dasyphyllum ; Sempervivum tectorum. 14 Saæifragées. Saxifraga Aizoon, stellaris. Chrysosplenium alternifolium et oppositifolium. 15 Ombellifères. Peucedanum Oreoselinum; Meum athamanticum ; Chæ- rophyllum hirsutum. 16 Caprifoliacées. Lonicera nigra ; Sambucus racemosa. 17 Rubiacées. Galium rotundifolium , saxatile , sylvaticum. 18 Valérianées. Valeriana tripteris. 19 Dipsacées. Scabiosa sylvatica , lucida. 20 Composées. Adenostyles alpestris Düll; Petasites albus ; Doronicum Par- [#14 (1) Par Jura nous entendons toute la chaine, depuis la vallée du Rhône à Fort-L'Écluse, jusqu'à Porentrui, Délémont et Bäle. 50 MÉMOIRES dalanches; Arnica montana ; Centaurea montana et nigra; Carlina acaulis; Hieracium prenanthoïdes, aurantiacum, paludosum; Hy- pochæris maculata ; Prenanthes purpurea; Sonehus alpinus; Apar- gia alpina; Senecio Fuchsii. 21 Campanulacées. Campanula latifolia, patula; Phyteuma orbiculare ; Jasione montana. 99 Éricinées. Vaccinium uliginosum, Vitis idæa, Oxycoccos; Andromeda poliifolia ; Pyrola secunda, minor, rotundifolia , ee Aretosta- phylos communis ; Monotropa hypopitys. 93 Gentianées. Gentiana lutea, campestris. 94 Borraginées. Pulmonaria angustifolis ; Officinalis. 25 Scrophularinées. Bartsia alpina; Veronica saxatilis, montana ; Melam- pyrum alpestre ; Digitalis ochroleuca. 26 Labiées. Mentha viridis, crispata. 97 Utricularinées. Pinguicula vulgaris. 98 Primulacées. Lysimachia nemorum. 29 Polygonées. Rumex arifolius , scutatus. 30 Euphorbiacées. Euphorbia sylvatica, verrucosa, dulcis; Mercurialis perennis. 31 Thymélées. Daphne Mezereum. 32 Conifères. Abics excelsa et pectinata ; Taxus baccata. 33 Orchidées. Orchis globosa, albida , viridis, mascula; Listera cordata ; Neottia Nidus avis ; Goodyera repens ; Cephalanthera ensifolia. 34 Liliacées. Lilium Martagon ; Gagea sylvatica. 33 Convallariées. Convallaria verticillata ; Streptopus amplexifolius. 36 Juncaginées. Scheuchzeria palustris. 37 Juncées. Juncus squarrosus ; Luzula maxima , albida, Forsteri, nigri- cans. 38 Cyperacées. Carex maxima, limosa , pauciflora ; Schænus albus; Scir- pus cespitosus; Eriophorum vaginatum. 39 Graminées. Elymus europæus; Calamagrostis montana et sylvatica; Festuca sylvatica; Poa sylvatica. Voilà donc 142 espèces habitant les régions moyennes et supérieures du Jura, des Vosges et de la Forêt-Noire. Nous aurions pu augmenter ce nombre par une foule d'espèces qui habitent également les régions infé- rieures et les plaines ; mais nous avons préféré ne citer que des espêces presque exclusivement alpestres ou habitant les vallées et les montagnes supérieures. Nous passons maintenant à la DEUXIÈME CATÉGORIE. Plantes du Jura , ne provenant ni dans les Vosges , ni dans la Forét-Noire. 1 Renonculacées. Thalictrum aquilegifolium , montanum ; Ranuneulus alpestris, Thora, lanuginosus; Aconitum Anthora, paniculatum , variegatum. 2 Crucifères. Arabis alpina , stricta , serpillifolia; Draba aizoides , Ker- nera saxatilis ; Hutschinsia alpina ; Erysimum ochroleuceum. 3 Violariées. Viola ealcarata, biflora. 4 Cariophyllées, Tunica Saxifraga ; Dianthus cæsius, sylvestris , mOns- DE LA PREMIÈRE SECTION. 51 pessulanus; Saponaria ocymoides; Mœæbhringia muscosa, Arenaria Yerna, uliginosa, ciliata, liniflora , grandiflora. > Linées. Linum montanum. 6 Hypericinées. Hyp. Richeri. 7 Acérinées. Acer. monspessulanum , opulifolium. 8 Géraniées. Geran. phæum. 9 Rhamnées. Rhamnus alpina , pumila. 10 Légumineuses. Cytisus alpinus et Laburnum ; Oxytropis montana; Co- ronilla vaginalis, montana ; Genista Halleri ;: Orobus vernus , luteus. 11 Rosacées, Dryas octopetala. 12 Onagraires. Epilobium Dodonæi, 15 Crassulacées. Sedum atratum. 14 Saxifragées. Saxifr. Hirculus, aizoides, rotundifolia. 15 Ombellifères. Laserpitium Siler; Heracleum alpinum, Bupleurum ra- nunculoides ; Athamanta cretensis: Ligustic@m ferulaceum ; Astran- tia major. 16 Caprifoliacées. Lonicera alpigena. 17 Valérianées. Valeriana angustifolia, montana. 18 Synanthérées. Aster alpinus, Erigeron alpinus; Cirsium erucagineum, Erisythales, rivulare ; Hieracium rupestre , glaucum, Jacquini, vil- losum, flexuosum; Crepis aurea , alpestris; Soyeràa montana. 19 Campanulacées. Campan. thyrsoidea , rhomboïidalis. 20 Ericinées. Rhododendrum ferrugineum. 21 Gentianées. Gentiana acaulis, Yerna , asclepiadea , bayarica. 22 Borraginées. Cerinthe glabra. 25 Scrophularinées. Linaria alpina, Erinus alpinus , Tozzia alpina; Vero- nica urticifolia, alpina, aphylla. 24 Labiées. Calamintha alpina, grandiflora; Sideritis hyssopifolia, Sta- chys alpina, Salvia glutinosa. 25 Utricularinées. Pinguicula alpina , grandiflora. 26 Primulacées. Primula acaulis , farinosa : Cyclamen europæum ; Andro- sace lactea, villosa. 27 Globulariées. Globul. cordifolia et nudicaulis. 28 Plantaginées. Plantago alpina, montana, Cynops. 29 Polygonées. Polygonum viviparum. 30 Thymelées. Daphne alpina et Laureola. 31 Euphorbiacées. Buxus sempervirens. 32 Beiulinées. Betula nana. 35 Salicinées. Salix retusa, pentandra. 34 Colchicacées. Tofieldia palustris. ‘ 35 Orchidées. Corallorrhiza innata: Orchis nigra, Limodorum abortivum. 56 Liliacées. Fritillaria Meleagris , Erythronium Dens canis. Ornithoga- lum fistulosum: Allium paniculatum ; Czakia Liliastrum. 57 Narcissées. Galanthus nivalis. 38 Juncées. Luzula flavescens, spicata. 39 Cyperacées. Carex brachystachys, Scopolii, alba, nitida, pilosa , gy- nobasis, sempervirens. 40 Graminées. Stipa Calamagrostis, Phleum alpinum , Poa hybrida; Fes- tuca hybrida , Scheuchzeri ; Agrostis rupestris; Phalaris alpina :; Ses- leria cœrulea. 32 : MÉMOIRES da de tr à OÙ 19 D 1 Q © 10 11 12 15 Ainsi, voilà donc 133 espèces qui habitent le Jura et n'existent point ns les montagnes granitiques des Vosges et de la Forèt-Noire, sous s conditions climatériques à peu près semblables. TROISIÈME CATÉGORIE. Plantes habitant à la fois les Vosges et le Jura, mais nullement la Forét-Noire. Renonculacées. Anemone alpina et narcissiflora. Crucifères. Thlaspi alpestre ; Dentaria digesta. Rosacées. Alchemilla alpina; Potentilla crocea et micrantha. Saæifragées. Saxifr. cespitosa. Ombellifères. Laserpitium latifolium, Libanotis montana; Bupleurum longifolium, Myrrhis odorata. Synanthérées. Carduus Personata. Borraginées. Cynoglossum montanum. Thymelées. Daphne Cneorum. Santalacées. Thesium alpinum. Narcissées. Narcissus Pseudo-narcissus. Liliacées. Allium Victorialis. Colchicacées. Veratrum album. Cypéracées. Schœnus fuscus. 20 espèces ! QUATRIÈME CATÉGORIE. Plantes communes au Jura et à la Forêt- Noire, mais n'existant point = Qt 19 & cr 6 7 8 © 10 11 dans les Vosges granitiques et arénacées. Renonculacées. Ranunc. montanus. Alsinées. Spergula saginoides. Rosacées. Potentilia aurea. Ombellifères. Chærophyllum aureum, Meum Mutellina. Synanthérées. Homogyne alpina; Bellidiastrum montanum ; Carduus defloratus ; Crepis succisæfolia , blattarioides ; centaurea phrygia. Gentianées. Swertia perennis. Primulacées. Primula auricula, Soldanella alpina. Salicinées. Salix grandifolia Cypéracées. Eriophorum alpinum. Graminées. Poa alpina. Betulinées. Alnus viridis. 18 espèces ! CINQUIÈME CATÉGORIE. Plantes communes aux Vosges et à la Forét- Noire et n'existant point © D 1 OU à O1 RO dans le Jura. Crucifères. Nasturtium pyrenaicum ! Polygalées. Polygala serpillacea. Curiophyllées. Dianthus deltoides ! Silene rupestris ! Paronychiées, Ilecebrum verticillatum ! Personées. Digitalis purpurea ! Santalacées. Thesium pratense (?). Juncèes. Juncus filiformis et Tenageja, Luzula spadicea. Cypéracées..Carex frigida. Graminées. Triticum Halleri. 12 espèces ! DE LA PREMIÈRE SECTION. 55 SIXIÈME CATÉGORIE. Plantes vosgiennes ne setrouvant ni dans le Jura, ni dans la Forét-Noire. 4 Crucifères. Arabis brassiccæformis , Sinapis Cheiranthos, Biscutella lævigata. Fumariacées. Corydalis fabacea. Violariées. Viola grandiflora (elegans). Rosacées. Sibbaldia procumbens; Rosa rubrifolia. Ribesiées. Ribes petræum. Crassulacées. Sedum Rhodiola ! repens ! Ombellifères. Angelica pyrenæa; Imperatoria Osthruthium. Synanthérées. Hieracium alpinum, albidum, longifolium, Sonchus Plumieri, Picris crepoïdes. 9 Campanulacées. Campanulla hederacea ! Cervicaria ! 10 Pyrolées. Pyrola media! % 11 Scrophularinées. Scruphularia vernalis! Linaria striata! Pedicularis foliosa ! 12 Primulacées. Androsace carnea ! 15 Orchidées. Epipogium aphyllum; Orchis sambucina! 96 espéces ! "1 O QE à OI 19 SEPTIÈME CATÉGORIE. Plantes dela Forét-Noire n'existant ni dans le Jura, ni dans les Vosges. 4 Primulacées. Trientalis europea. (Une seule espéce!) RÉCAPITULATION. à 1re catégorie (Jura, Vosges, Forêt-Noire), 142 espèces. 2e catégorie (Jura), 133 » 5e catégorie (Jura, Vosges), 19/80) 4e catégorie (Jura, Forêt-Noire), 47 » $e catégorie (Vosges, Forêt-Noire), AD) 6e catégorie (Vosges), 26 » 7e catégorie (Forêt-Noire), so Motale PRE 350 » Nous pouvons donc, jusqu’à un certain, point tirer les conclusions sui- vantes des chiffres que nous venons de poser : Sur 350 espèces alpestres ou montanes, 310 habitent le Jura, 190 les Vosges, et 175 la Forêt-Noire. Il y a donc proportion extrêmement fa- vorable pour les constitutions calcaires oolithiques. Il existe des plantes qui , toutes choses égales d’ailleurs, préfèrent le sol calcaire aux sols granitiques et arénacés, et vice versa ; maïs il en est un bien plus grand nombre qui préférent le calcaire jurassique. Cette diffé- rence pourra être exprimée par des chiffres. Ainsi sur 100 plantes alpestres et montanes , il y en a 37 de calcaréophiles et 10 seulement d’arénophiles (kalkholde, sandholde). Quant aux plantes exclusivement fixées aux sols calcaire ou arénacé (kalk-, sandstete), il est bien difficile d'affirmer quel- que chose de bien positif. Tousles observateurs modernes semblent conve- nir qu'il n'existe pas de plantes phanérogames exclusivement propres aux sols calcaires ou granitiques M. le docteur Schultz, de Bitche, a énoncé cette même opinion au Congrés. Nous croyons donc avoir répondu en partie à la septième question botanique du Programme, tout en nous tenant dans une réserve commandée par l’état actuel de la science. II. î 5 MÉMOIRES LL EST STATISTIQUE VÉGÉTALE DES ENVIRONS DE STRASBOURG, PAR M. F. KIRSCHLEGER , docteur-médecin , professeur à l’école de pharmacie, secrétaire adjoint de la première section. Lu TOPOGRAPHIE DE STRASBOURG (1). Strasbourg est situé sur l’Ill, à 4 kilométres ouest du Rhin, sous le 30, 25/ de longitude de Paris et sous le 480, 55! de latitude nord. Son élé- vation au-dessus du niveau de la mer est de 145m,70. Cette ville se trouve placée au milieu de l’admirable vallée du Rhin, à égale distance à peu prés (20 à 25 kilomètres) des Vosges et de la Forêt- Noire. Par sa situation sur l'I, par la proximité du Rhin, par les nombreux canaux et fossés de fortifications et d'inondation , Strasbourg doit être re- marquable par une flore aquatique très-riche. Les pays qui abondent en eaux courantes doivent encore se distinguer par des marais nombreux ; c’est ce’qui a lieu, en effet, à un haut degré à Strasbourg. En examinant le sol autour de cette ville, nous y rencontrerons: 10 l’alluvion ancienne et moderne de l’'Ill et du Rhin, composée d'immenses bancs de galets et de cailloux , surtout dans le pays compris entre les deux rivières dont nous ve- nons de parler; 20 à l’ouest de Strasbourg un magnifique sol argileux com- posé par le Læss, qui çà et là s’élève en petites collines, par exemple à Hausbergen , Geispolsheim , Schæffolsheim , Schiltigheim. Aucune autre base géologique ne se trouve aux alentours de notre ville. Les limites que nous assignons aux environs de Strasbourg seront tra- cées en tirant avec un rayon d'un myriamètre, la cathédrale prise pour centre, une demi-circonférence autour de la ville. Dans le sens parallèle au Rhin, nous irons vers le nord jusqu’à la Wanzenau , et vers le sud jus- qu’à Plobsheim; dans le sens perpendiculaire au Rhin nous arriverons, vers l’ouest , jusqu’à Breuschwickersheim , au nord-ouest jusqu'à Venden- heim , au sud-ouest jusqu'à Geispolsheim et Lipshéim. A l’est de ce canton (de 30,000 hectares de superficie à peu prés), nous avons les bords du Rhin, nous offrant des bancs de sable et de cailloux, des saulceraies, des aulnaies, de petits étangs, des digues, des maré- cages. A l’ouest, de Lipsheim vers Ensisheim , et de Hangenbieten jusqu'à (4) Sources. Mappus, Histor. plante alsat, AT42. — LiNberN , Tournefortius als. AT28. — Idem, Hort. als. ATAT. — Guen, Flor. badensi-alsat. A805-10. — GRAFFENAUER , Topographie de Stras- bourg. 1846. — SprELMANN , Olcrum. argent. fase., NN. 4770, — HennMANN , Flor. als. mspt. 4800. — KinscnreGer , Prodrome de la flore d'Alsace. 1856. — MERRENSCUNEIDER , Observations metéo- rologiques. — AtFSCRLAGER , L'Alsace, 1825-28. de: . DE LA PREMIÈRE SECTION. 5) Vendenheim et Richstætt, nous avons affaire au sol argileux du Loess , ter- rain admirablement cultivé , un des plus riches de l'Alsace. Sur les bords de VI nous retrouvons des prairies humides ou sèches, des bois, des champs à base généralement caillouteuse » quelquefois encore des pâtu- rages incultes , mais qui diminuent d'année en année par le défrichement. Ainsi la colonie d'Ostwald est établie sur un sol qui, il y a deux à trois -ans, était encore presque entiérement improductif. Déjà l'industrie parti- culiére suit l'exemple d’Ostwald. Les mauvais bois, les broussailles et buis- sons, les pâturages secs et caïllouteux , les mares disparaissent par le défrichement; la végétation primitive disparaît avec eux, etbientôtles loca- litésde certaines plantesraresne pourrontplus être citées que pour mémoire. Avant de passer à l'appréciation de la superficie du sol, il nous reste à dire deux mots des rivières qui viennent baigner les alentours de Stras- bourg. LeRhin, par son origine alpine, nous charrie une foule de plantes de la Suisse. L'IIL, dont la source est dans le Jura, a embelli d’un grand nombre de plantes jurassiques les prés et les bois qui la bordent. La Bruche, venant directement des Vosges granitiques, dioritiques et arénacées traverse une alluyion caillouteuse » au pied de la belle colline de Loess de- puis Ergersheim à Schæflolsheim , etarrose, soitpar des débordements , Soit artificiellement, de riches prairies. Enfin la Souffel, qui vient du Kochers- berg, va irriguer et fertiliser les prés de Richstætt et de Souffelweyersheim. La superficie du sol compris entre les limites indiquées plus haut, peut être estimée à 30,000 hectares, dont la moitié appartient au sol argileux , et l’autre à l’alluvion ello-rhénane. Voici comment les 13,000 hectares de sol plus ou moins limoneux sont répartis entre vingt-quatre communes exclusivement agricoles. hectares, Terres labourables , . . . . . . + + . 10,000 RATES ENT de ed NOSANNT + +. . 1,900 Nue SAR ROUES (ie ASE 500 Bois et oséraies . . . . . LS 700 JET EE paresse. Net 0 7 NI à 500 Lieux vagues et incultes . . . . . . . 5 740 Chemins et terrains surbâtis . . . EL OMTE 460 Eaux, mares, étangs, fossés, Wa 00 0 200 15,000 Les 15,000 hectares de l'alluvion caillouteuse ello-rhénane sont répar - tis de la maniére suivante entre sept Communes ( Plobsheim, Eschau, Illkirch, Graffenstaden , Ostwald, Strasbourg, Wanzenau). hectares. Terres labourables . . . -. . 5240414012 000 Pure tertles ee had A 2,000 Bois, oseraies, aulnaies. . . PT IUOD TU YA 00 Lieux vagues, pâturages land: hatie 1,000 Jardins, parcs. LED ODA fr de OP car ME 800 Eaux, riviéres, canaux ABÉC) RO pnbathe He ds500 Rerrainaisurbâtise enter sa AMAR + 400 Marais, bas-fonds. . . . , , . . . sue 700 Routes et chemins. … , . . . CRT C'AUIL 400 15,000 65 MÉMOIRES Les grandes différences entre ces deux régions tombent immédiatement sous les yeux. Là, un sol admirablement favorisé pour l’agriculture; ici, une superficie trés-accidentée, et remarquable surtout par une grande quantité de canaux, de fossés, de marais; par un grand fleuve et par une rivière assez considérable. Ici, une végétation très-variée ; là, disparition presque complète des herbes vivaces originaires par la culture bien enten- due du sol. Inous reste à dire quelques mots du climat des environs de notre ville, M. le professeur Herrenschneider a, pendant cinquante ans, observé les phénomènes météorologiques à Strasbourg, et les a publiés dans ses mé- moires, dont le monde savant a su apprécier la consciencieuse exactitude. Nous pouvons y renvoyer le lecteur et nous borner à rappeler les résul- tats les plus généraux. Température moyenne. La température moyenne des douze mois, à Strasbourg, comparée à celle de Bâle (ville située sous le 470,26/ latitude nord et le 59,13 longi- tude est de Paris, à 270 métres environ au-dessus du niveau de la mer, et à 15 myriamétres sud de Strasbourg), est la suivante : Strasbourg. Bâle. Janvier . . : — 0,79 Réaumur. — 1,50 Réaumur. Février . .- . + 2,40 + 1,50 ET ENNOUNE . 4,20 4,60 PAGES CRU 7525 8,20 MAR RTE 12,43 9,00 EUR Re 13,45 ” 15,50 net: 15,20 15,30 AONTS SR 14,55 14,50 Septembre . . 11,52 11,60 Octobre. . . 8,18 8,50 Novembre . . 4,00 4,40 Décembre . . 1,20 + 0,50 Moyenne des trois mois. D'hiver . . . + 0,94 — 0,25 De printemps . + 7,96 + 7,50 D'eté 24 Ne 14,50 14,40 D'automne . . 8,00 7,95 Année . . . 7,80 7,40 Maximum de chaleur . . . . . . + 98,7. de froides disses ee 1. cat 220080): La température peut donc varier de 480 R. L'hiver est généralement long et rude; il commence fin octobre pour finir vers la fin de mars. C’est en janvier que les froids deviennent rigou- reux, et il y a peu d'années où le thermomètre ne descende à — 8° R.: quelquefois même les hivers sont tellement rudes, qu'ils font périr par congélation les vignes, les noyers , les châtaigners , les colzas d'automne. Ordinairement, vers la fin de février, il survient une température plus douce, que le mois de mars remplace de nouveau par des jours froids, trom- DE LA PREMIÈRE SECTION. 31 pant ainsi les espérances de l’agriculteur. Ce n’est qu’en mai que la tempé- rature se soutient et que la végétation prend tout son essor. On aura remar- qué dans le tableau comparatif des températures moyennes de Bâle et de Strasbourg , que dans cette dernière ville la moyenne du mois de mai est de trois degrés supérieure à celle observée à Bâle, ce qui doit nécessaire- ment réagir sur la végétation, qui est plus précoce à Strasbourg. Vers la fin d'août, au commencement de septembre, la grande majorité des plan- tes a cessé de fleurir; les fruits ont mûri et la dissémination commence. Pression atmosphérique. D’après M. Herrenschneider, la moyenne barométrique à Strasbourg est de 752 millimètres. L’abaissement le plus fort a été, en cinquante ans, de 726 millimètres; la plus grande élévation , 772 millimètres; variation moyenne du baromètre : 21 millimètres. * Pluies, neiges, orages, etc. e Hauteur moyenne des eaux de pluie : 704 millimètres (à Colmar 754 mil- liméêtres. . L'on compte, année commune, 105 jours de pluie. Les mois les plus pluvieux sont: mai, septembre , novembre, juillet, août, avril; les moins pluvieux : mars, février, octobre, juin, janvier, décembre. Les jours neigeux sont, année commune, de 18 à 20; les neiges tombent ordinairement entre le 18 décembre et le 30 janvier. Toutefois il n’est pas rare de voir la neige tomber en novembre, février, mars et avril. Les brouillards ont lieu en automne et en hiver. | Les orages assez fréquents sont ordinairement suivis de grêle ou de pluie d’averses et de vents sud-ouest ou sud-est. L'on compte, année commune, 16 à 17 jours d'orage. Les jours clairs et sereins sont, année moyenne, de 72 à 80. Les journées couvertes et sans pluie, de 100 à 110. Jours de grêle : 2 à 5, année commune. Les jours de gelée sont en janvier au nombre de 17, en décembre de 12, en février de 11, en mars de 9 à 10, en avril de 5, en novembre de 2. Les plus dangereuses gelées sont celles d'avril. Les vents, dans l’ordre de leur fréquence, sont : sud, 27 0/0; nord-est, 24 0/0; sud-ouest , 12 0/0; nord , 11 0/0; sud-est, 9 0/0 ; nord-ouest, 8 0/0; est, 5 0/0; ouest, 4 0/0. Les vents du nord sont surtout communs en mars, juin, janvier, février; les vents austraux, en automne. LOCALITÉS ET STATIONS DES PLANTES. Strasbourg appartient, par sa position topographique , à la région ello- rhénane de l'Alsace. Cette région offre sept sortes de stations : 40 La station rhénane pure, c’est-à-dire les sables et cailloux du Rhin ; de plus, les pâturages, oseraies et aulnaies , les mares qui se trouvent sur le sol arénacé de l’alluvion rhénane. 20, La station arvale, comprenant les champs, les jardins, les lieux cul- tivés , les bords des routes, les décombres, etc. 58 MÉMOIRES 30 La station des prairies sèches, irriguées on non, 40 Les prairies marécageuses et humides et les prairies du Ried. 50 Les fossés aquatiques, ruisseaux, rivières, élangs, mares. Go Les bois, buissons , haies , oseraies des bords de FINI et de la Bruche. 70 Les lieux vagues, incultes, les graviers , les alluvions récentes des riviéres , ete. Nous verrons plus tard la station rhénane nourrissant une flore spé- ciale dont une vingtaine d’espêces ont été amenées par le cours du Rhin. Les bois gramineux des bords de l'I sont embellis par une foule de plantes appartenant plus spécialement au calcaire jurassique. Les bois des bords de la Bruche, au contraire, ne présentent que des espèces provenant de la vallée de Schirmeck. Au-dessous de Strasbourg, les prairies entre Richstætt et la Wanzenau offrent la végétation de celles des vallées des Vosges, du Bas-Rhin. Ainsi partout la végétation portera le caractère de la flore des bassins des riviéres ou des torrents dont les différents sols sont riverains. Nous allons passer actuellement au catalogue des plantes sauvages aux environs de Strasbourg, et puis nous tirerons les conclusions botanico- géographiques et statistiques que ce catalogue aura pu nous fournir. CATALOGUE DES PLANTES DES ENVIRONS DE STRASBOURG , AVEC INDICATION DE LEUR DURÉE, DE LEURS LOCALITÉS, DE LEUR ABONDANCE OU RARETÉ, ET DE L'ÉPOQUE DE LEUR FLORAISON. Nous nous servirons de signes, de lettres ou de chiffres pour indiquer ces diverses considérations. Ainsi, quant à la durée, nous emploierons les signes convenus de ©, @, 2, b. Pour indiquer l’époque de la floraison, nous nous servirons des chiffres correspondants aux mois de l’année, par exemple, mars: 5; avril, 4, el ainsi de suite. Les plantes communes seront notées du signe c; les plantes rares, de la lettrer; les modifications de plus ou de moins de fréquence ou de ra- reté, par les adverbes: assez, (a); très, (1); peu, (p). Quant aux localités ou stations, nousles indiquerons par des lettres ma- juscules. Ainsi : À — localité aryale; B, L. des prés secs; C, 1. des prés humides; D, 1. des marais caillouteux, des lits desséchés, des rivières, etc.; E , 1. aquatique: fossés, canaux, rivières, elc.; F,1. aux bords immédiats du Rhin; G, 1. des bois, buissons, haies. Nous marquerons des lettres (dil.), les plantes du diluvium ello-rhé- pan, et par (all.), celles qui habitent exclusivement l’alluvion argilleuse. Plantes phanérogames ou embryonées des environs de Strasbourg, DICOTYLÉDONÉES. THALAMOPÉTALÉES. TI. RENONCULACÉES. 2, Thalictrum. . 2 flavum. 4. B C G. 7. ac. 1. Clematis. 3 galioides. 4. B G. 7-8. p. c. 4 Vitalba. #. G. 7.8, c. dil. DE LA PREMIÈRE SECTION. 39 5. Anemone. 4 Pulsatilla. 24. B G. 3-4. c. . > nemorosa, B G. 5-4. t. c. 6 ranunculoides. G. 3-4. r. 7 sylvestris. G. 4-5. t. r. 4. Adonis. 8 æstivalis. ©. A. 5-6. c. 9 flammea. ©. A. 5-7.t.r. 5. Ranunculus. 10 aquatilis. 2. E. 5-8. c. 11 divaricatus. 4. E. 5-8. P- (A 12 fluitans. 2. E. 5-9. t. 15 flammula. 2. D. 5-8. 14 Lingua. 4. E. 6-8. CE 45 Ficaria. 4. À B G. 3 16 auricomus 24. B G. 3- 17 acris. A. B. 46. t. 18 nemorosus. 21. B 19 bulbosus. 2}. A B. 46 20 repens. 4. A B. 21 philonotis. ©. C 22 scelcratus. ©. D 25 arvensis. ©. A. 5-7. c. 6. Myosurus. 24 minimus. ©. À D. 4-6. p. c. 7. Caltha. 25 palustris. 4. C E. 4-5. t. c 8. Delphinium. 26 Consolida. ©. A. t. 6-7, c. 9, Aquiegia. 27 vulgaris. 4. B G. 5-6. c. 10. Nigella. 28 arvensis. @. À. 6-7. r. 5-8 D. E. II. BERBÉRIDÉES. 11. Berberis 29 vulgaris. 5. B G. 5. {. c. III. NYMPHÆACÉES (2}). 12. Nymphæa. 30 alba. E. 6-8. t. c. 15. Nuphar. 31 luteum. E. 6-8. t. c. IV. PAPAVERACÉES. 14. Papaver. 52 Argemone. ©. A. 5-6. p. c. 33 Rhœæas. ©. À. 5-7. t.c. 34 dubium. ©, A B. 5-6. t. c. G. 56 5-6. p. cc. Ne: 45. Chelidonium. 55 majus. 24. À G. 4-8. t. c. V. FUMARTIACÉES. 16. Fumaria. 36 officinalis. ©. A. 4-8. t. c. VI. CRUCIFÈRES. 17. Barbarea. 37 vulgaris. @. A B. 5-6. t. c. 38 præcox. ©. À. 4. t.r. 18. Nasturtium. 59 officinale. 2. E. 5-7, a. c. 40 sylvestre. @. D. 5-7. c. 41 palustre. ©. D E. 5-7 p. c. 42 amphybium. 2. C D E. 5-8. f. c. 19. Arabis. 45 thaliana. ©. A. 4-5. t. c. 44 hirsuta. ©. A B. 5-6. p. c. 20. Turritis. 45 glabra. ©. B G. 5-6. p. c. 21, Cardamine. 46 pratensis. 4. B C, 4-5. t. c. 47 hirsuta. ©. A. 4-6. p. c. 48 amara. 4. C E. 5-6. r. 22. Erysimum. 49 cheiranthoïdes, ©. A. 5-9. t. c. 50 orientale, ©. A. 5-7. a. c. 23. Sysimbrium. 51 Sophia. @. A. 6-7. a. c. : 52 officinale. @. 6-9. t. c. 53 Alliaria. 24. À G. 4-6. t. c. 24. Brassica. 54 Napus (subspont.). A. 5-6. 25. Sinapis. (©). 55 alba. A. 5-6. p. c. 56 arvensis. À. 4140. t. c. 57 incana. À. 6-7. t.r. 26. Erucastrum. 58 Pollichii. ©. A F. 3-10. t. c. 59 obtusangulum. @. A. 3-6. t. r. 27. Diplotaxis. 60 muralis. @. À F. 5-10. t. c. 61 tenuifolia. 4. F. 6-7, t.r 28. Draba, 62 verna, ©. À B. 2-4. {, c. 29. Alyssum. 63 calycinum, ©. A B. 4-6. {, c. 40 MÉMOIRES 30. Armoracia. 64 rusticana. 24. C. 5-7. a. ce. 51. Camelina. 90 65 sativa. ©. A. 5-7. a. c. 52. Thlaspi. 66 arvense. ©. A. 5-7. c. Fe 67 perfoliatum. @. A B. 5-4. p: c. 53. Iberis. 68 amara. ©. À. 5-7. à. c. 54. Biscutella. 69 lævigata. 2. B. 5-7. a. c. (dil.). 355. Lepidium. 70 ruderale. ©. A. 5-8. t. c. 71 campestre. ®. A. 5-7. a. €. 72 latifolium. 2}. F. bord du canal. 6-7. r. 36. Capsella. 75 Bursa-pastoris. ©. 4-10. {. c. 37. Sencbiera. 74 Coronopus. ©. À B. 5-8. à. c. 58. Isalis. 75 tinctoria. @. A B. 4-6. t. c. 59. Neslia. 76 paniculata. ©. A. (all.). 6-8. t.r. A0. Bunias. 77 Erucago.@. A B. (dil.). 5-7. t.r. 41. Raphanus. 78 Raphanistrum. ©. A. 6-7. t. c. 42, Rapistrum. 79 rugosum. @.-A. 6-8. t. c. VII. CISTIESe 45. Helianthemum. vulgare. 5. B G. 5-9. t. c. VIII. VIOLARIÉES. 44, Viola. hirta. 4. B C. 3-4. t. c. odorata. 24. B G. 3-4. c. sylvestris. 2. G. 4-5. c. canina. 4. C G. 4-6. a.r. nemoralis. 4. C G. 5-6. r. stagnina. 4. C. 5-6. a. c. pratensis. 2. E. 5-6. a. r. elatior. 2. B G. 5-6. a. c. 89 tricolor arvensis.®.A. 4-10. {.c. 80 116 117 1X. PARNASSLÉES. 45. Parnassia. palustris. 4, C. 7-8. c. X: RÉSÉDAGÉES. » 46. Reseda. Luteola. @. A. 5-7. c. lutea. 24. A B. 4-7. 1. c. XI. POLYGALÉES. 47. Polygala. vulgaris. 2. B G. 5-6. {. c. comosa. 2. B C. 5-6. a. c. uliginosa. 4. C. 4-6. c. XIL. SILÉNÉES. 48. Gypsophila. ÿ muralis. ©. A. 6-8. a. c. 49. Dianthus. prolifer. ©. A. 5-8. t. c. Carthusianorum. 24. B. 5-6. t, c. Armeria. @. À B. 6-7. a. r. superbus, 4. B C. 7-9. a. c. 50. Saponaria. officinalis. 4. À B. 7-8. {. ce. Vaccaria. ©. A. 6-7. a. c. 51. Silene. noctiflora. ©. A. 6-9. a. c. nutans. 4. B G. 5-6. a. c. Armeria. ©. À F. (subspont. ?) 5-7. a.r. inflata. 2. B. 5-7. {. c. 52. Lychnis. dioica. @. A B. 6-8. t. c. Flos-cuculi. 24. B C. 5-6. t. c. Githago. ©. A. 6-7. t. c. XIIT, ALSINÉES. 53. Sagina. procumbens. ©. D.5-8. t. c. apetala. ©. D. 5-7. p. €. 54. Spergula. nodosa. 4. D. 6-9. p.c. arvensis. ©. À. 6*8. a. c. 55. Alsine. rubra.@. À D. 6-9. a. c. tenuifolia. ©. A. 6-8. a. c. 56. Arenaria. serpyllifolia. ©. À B. 5-8. t. c. trinervia, 24, G. 5-7. a. c. DE LA PREMIÈRE SECTION. 44 57. Holosteum. 118 umbellatum. ©. À B. 3-4. t. c. 58. Stellaria. 119 media. @. A B. 5-9. t. c. 120 graminea. A4. B G. 6-7. a. c. 121 glauca. 4. C. 6-7. p. c. 122 holostea. 4. G. 4-5. a. c. 59. Malachium. 125 aquaticum. 4. E G. 6-8. c. 60. Cerastium. 124 glomeratum. ©. A B. 4-6. c. 125 brachypetalum. @. AB. 4-6. p.c. 126 triviale. © et @. A B. 4-7. t. c. 127 semidecandrum. ©. À B. 3-5. c. 128 pumilum. ©. A B. 4-5. a. c. 129 arvense. 4. A B. 4-6. t. c. XIV. LINÉES. 61. Linum. 150 catharticum. @. B C D. 6-8.t.c. 151 tenuifolium. 2. B. 5-7. a. r. XV. MALVACÉES. 62. Malva. 132 rotundifolia. @.. A B. 133 sylvestris. ©. À. 6-8. p 134 Alcea. 1. À B G.6-8.p 134 bis. moschata. 4 B G. 6 63. Althæa. 155 officinalis. 4. C. 6-8. a. r. 155 bis. hirsuta. ©. A B.5-7. r. c. Ce: -8. Tr. XVI. TILIAGÉES. 64. Tilia. 156 grandifolia. $. G. 6. p. c. 137 parvifolia. b. G: 6-7. a. c. XVII. HYPÉRICINÉES. 65. Hypericum. 158 perforatum. 2. A B G. 6-7. t. c. 139 tetrapterum. 4. C E. 6-7. a. c. 140 quadrangulum. 4. G. 6-7. p.c. ‘141 bumifusum. 4. A B. 6-8. r, 122 hirsutum. 24. G. 6-7. p. c. XVIII. ACÉRINÉES. 66. Acer. 145 campestre. b. G. 4-5. à. c. XIX. SARMENTACÉES. 67. Vilis. 144 viniferasylvestris.#.G.6-7, a,c. 6-8. {. c. XX. GÉRANTACÉES. -68. Geranium. 145 pyrenaicum. 4. À G. 5-6. a.r. 146 pusillum. ©. A. 5-8. t. c. 147 molle. ©. A. 5-8. t. c. 148 rotundifolium. ©. A. 5-8. c. 149 robertianum. ©. A B G. 5-8. t. c. 150 columbinum. @. A B. 5-8. c. 151 dissectum. @. À B. 5-8. c. _69. Erodium. 452 cicutarium. ©. A B. 3-G6.t-c. XXI. BALSAMINÉES. 70. Impatiens. 153 noli tangere. 4. G. 7-8. a. r. YXIT. OXALIDÉES. 71. Oxalis. 154 stricta. (subspont.) 4. À B. 6-8. UC: XXII. ÉLATINÉES. 72. Elatine. (©). 155 Hydropiper. D E. 6-7. p. c. 156 hexandra. D E. G-7. a. c. 157 triandra. D E. 6-7. a. r. 158 Alsinastrum. D E. 6-7. a.r. CALYCOPÉTALÉES. ÆXLV. CELASTRINÉES. (+). 75. Staphylea. 159 pinnata. G. 4-5. r. 74. Evonymus, 160 europæus. G. 5-6. c. XXV. RHAMNÉES. (b). 75. Rhamnus. 161 cathartica. G. 5-6. c. 162 Frangula. G. 5-8. c. XXVT. LÉGUMINEUSES. j 76. Ulex. 165 europæus. ÿ. G. 5-6. r. 77. Spartium. 164 scoparium. $. C G. 5-6. a. r. dil. de la Bruche. 78. Genista. (5). 165 germanica, G. 6-7. a. c. 166 tinctoria. B G. 7-8. a. c. 167 pilosa. G: dil. de la Bruche. r. 168 sagittalis. G. id. 5-6. r. — 1] 169 170 171 172 175 174 175 176 177 178 179 180 181 182 183 184 185 186 187 188 189 190 191 192 195 194 195 196 196 198 199 200 201 202 205 203 204 205 206 MÉMOIRES 79. Ononis. arvensis, 4, À B, 6-8. c. spinosa, 4. À B. 6-8, c. 80. Anthyllis. Vulneraria. 4. B. 5-6. c. 81. Medicago. sativa. A4. B. 6-7. c. falcata. 1. À B. 6-8 lupulina. 4. À B. 4- minima. ©. À D. 4 maculata ! ©. A. apiculata ! ©. A. 5 82. Melilotus. arvensis. Q. À B. 5-8. €, c. CE QUE 5-8. L.r. altissima. @. A C. F, 6-8. a. c. leucantha. @. C F. 6-8. c. 83. Trifolium. medium. 2}. B G. 6-8. a. c pratense. 24. À B. 5-7. t. c. rubens. 4. BG. 5-6. p. c. arvense. ®. A. 5-8, t. c. ochroleucum. 24. B 0: 6- 7 P- c scabrum. ©. B D. 6-8. t. striatum. ©. B D. 6-8. t.r fragiferum. 4. C. 6-8. c. repens. 4, BC. 5-9. t, c. 5 hybridum Koch (elegans Savi). in 2. C. 6-8. a. montanum. 2}. BC. 5-7. a. c. procumbens. ©. B C. 5-7. c. campestre. ©. A.5-7. c. filiforme. ©. B C. 5-7. t. c. aureum. 2, B G.6-8,. à. r. 84. Lotus. corniculatus. 4. B C, 5-8. t, c. major. 4, CD E. 5-8, a. c 85. Tetragonolobus. siliquosus, 4. B C. 5-7, L. c. 86, Astragalus. giycyphyllos. 4. B G. 6-8. a. c. hypoglottis! 24, B. 5-6, a. c. 87. Vicia. Cracca. 4. B G. 6-7. c. sepium. 4. B G. 4-6. c. sativa. ©. À. 4-6. c. bis. angustifolia. ©. A D. 4-6. c. tetrasperma. ©. À D. 5-8. c. hirsuta. ©. A D. 5-8. c. 88. Lathyrus. Aphaca. ©. A. 6-8. {.r. 207 208 209 210 214 219 220 221 222 223 22% 225 tuberosus. 4. À. 6-7. a, r. pratensis, 4. B, 5-7. {. c. sylvestris. 4. B G. 6-7. a. c. palustris. 4, C, 6-8. a. c. 89. Coronilla. varia. 4, B G. 6-8. a. c. 90. Hippocrepis. 2 comosa. 2, B G:5-7. t. c. 91. Onobrychis.. sativa. 2. À B. 5-6. £. c. XXVII. ROSACÉES. Are tribu. prurAGÉEs (b). 92. Prunus. spinosa. À G EF. 3-5. t. c. insititia. G. 4-5, a. c. 93. Cerasus. avium. G. 4. a. c. acida. G. 4. à. €. Padus. G. 4-5. t. ce. 2e tribu. SPIÉRAGÉES. 94. Spiræa. Ulmaria. 2. B. 7-8. t. c. Filipendula, 4. B G. 5-6. a. c. 3e tribu. roséss. (b). 95. Rosa. canina. À G. 5-6. t. c. rubiginosa. B G. 5-6. a. c. tomentosa. G. 5-6. a. c. arvensis. G. 5-6. a. €. cinnamomea. G. subspont, 5-6. aie. 4e tribu. FRAGARIÉES. 96. Fragaria. 6 vesca. 4. G. 4-5, t. c. collina. 4. B. G. 4-5. {, c. 97. Potentilla. anserina. 4, À B D. 5-8. £. c. reptans. 2. À B D.5-8.t:c argentea. 4. À. 6-7. p. c. bis. inclinata (Vill). 4. BG. Ost- wald. a c, 31 verna. 2. À B. 3-4. {. c. bis. cinerea (Chaix). 4. B. Ill- kirch. a c. supina. @. A. 6-8. p.c fragariastrum. 4. G. 5-4. à. c. 98. Tormentlilla. erecta. 4. B C G. 5-8. te. 99. Comarum. 235 palustre. 4. C E. 5-7. r. 100. Geum. 256 urbanum. 2. À B G. 5-7. c. 101. Rubus. cæsius. b. G. 5-6. c. fruticosus. 5. G. 5-7. c. (1) 102. Agrimonia. 237. 238 259 Eupatorium. 4. À B G. 5-8. c. De tribu. PomacÉEs (b). 105. Pyrus. 240 communis. G. 4-5. c. 241 Malus. G. 4-5. c. 104 Cratægus. 242 Oxyacantha. G. 5-6. c. 245 monogyna. G. 5-6. a. c. 6€ tribu. sANGUISORBÉES. 105. Sanguisorba. 244 officinalis. 4. a B. 7-8. {, c. 106. Poterium. 245 Sanguisorba. 4. À B. 4-6. {. c. 107. Alchemilla. 946 vulgaris. 2. B. 5-6. à. c. 247 arvensis. ©. A, 5-6. t. c. XXVIII. ONAGRAIRES. 108. Epilobium. 248 spicatum. 4. À G. 6-7. p. c. 249 montanum. 2+. G. 6-7. p. c. 250 hirsutum. 24. D E. 6-8. p. c. 251 molle. Z4. A D E. 6-8, p. 252 tetragorum. 21. À B D. 6- 253 palustre. 4. C E. 6-8. r. 109. OEnothera. 254 biennis. @. À EF. 6-7. c. 110. Isnardia. 955 palustris. 4. D E. 6-7. t. r. 111. Circæa. F 256 luteliana. 2. À G. 6-8. c. € 8. a. C. 266 267 268 269 270 271 272 275 DE LA PREMIÈRE SECTION. 45 XXVIII DES, HALORAGEES. 112. Myriophyllum. spicatum. 4. E. 6-7. c. verticillatum. 2. E. 6-7. c. 113. Callitriche, stagnalis. ] platy carpa. { ; vernalis. | 2]. E. 5-8. a. c. hamulata. 115 bis. Hippuris. bis. vulgaris. 4. E. 6-8. a. c. 114. Ceratophyllum. demersum... E. 7-9. c. XXIX. LYTHRARIÉES. 4145. Lythrum. Salicaria. 4. B C D. 7-8. {. c. 116. Peplis. Portula. ©. C D. 6-8. t. c. XXX. TAMARISCINÉES. 117. Myricaria. germanica. 5. F. 5-7. à. c. XXXI. GUCURBITACÉES. 118. Bryonia. dioica. 4. À G. 5-7. t. ©. XXXII. PORTULACÉES. 119. Portulacca. oleracea sylvestris. ©. A. 7-8. dc: 120. Montia. fontana. ©. E. 4-6. a. c. XXXIII. PARORYCHIÉES. 121. Corrigiola. littoralis. ©. À D. 6-8. a, c. 192. Herniaria. vulgaris. 4. À D. 6-8. c. 193 Scleranthus. perennis. 4. À D. 6-8. c. annuus. © ef @. À D. 6-8. c. (1)\Gette espèce , très-variable , a été sous-divisée en un grand nombre de sous-espèces , dont plu- sieurs se trouvent à Strasbourg. Voyez, à cet effet, la monographie du genre Rubus, par M. le doc- teur Godron (Nancy 1845), et la Flore rhenane , de DoELr. 1843. 44 MÉMOIRES XXXIV. CRASSULACÉES. 124. Sedum. 274 album. 275 acre. 276 sexangulare. 277 reflexum. 278 Telephium. 4. A BG. 7-8. a. c. 195. Sempervivum. 279 tectorum. 2. À. 7. a. c. XXXV. SAXIFRAGÉES. 126. Saxifraga. 280 tridactylites. ©. A B. 3-4. c. 281 granulata. 4. B. 4-5. c. XXxXV bis. GROSSULARIÉES 196 bis. Ribes. 281 bis. Grossularia. 5. À G. 4-5. t, c. XXXVI. OMBELLIFÈRES. 127. Hydrocotyle. 282 vulgaris. 4, C D. 6-8. a. c. 198. Sanicula. 283 europæa. A. G. 5-6. c. 129. Eryngium. 284 campestre. 4. À D. 7-8. c. 130. Cicuta. 285 virosa. 4. E. 6-7. c. 151. Sium. 286 latifolium. 2. E, 7-8, c. 287 angustifolium. 24. E. 6-7. c. 288 repens. 4. D E. 6-8. r. : 452. Falcaria. 289 agrestis. 4. A E, 6-7. c. 1355. Ægopodium. 290 Podagraria. 2, B G. 6-8. c. 134. Carum. 291 Carvi. @. B. 5-6. c. 292 Bulbocastanum, 4. A, 6-7. {.r. 155. Pimpinella. 293 magna. 4. B. 6-8. c. 294 saxifraga. 4. À C. 7-8. c. 156 Bupleurum. 295 rotundifolium. ©. À. 7-8. r,. 296 falcatum 2. B G. 6-8. a. c. 1357. OEnanthe. 297 fistulosa. 4. E, 6-8, c. 4.ABG.6G-7.c. 298 rhenana, 4. C. 8, p. c. 299 Phellandrium, @, E. 5-7, c. 158. Æthusa. 300 Cynapium, ©. À G. 6-7, c. 139. Seseli. 301 bienne. @. B C, 7-8, p. c. 140. Silaus. 302 pratensis. 2}, B, 6-7. e. 141. Selinum. 303 Carvifolia, 4, B C, 78. a. c. 142. Angelica. 304 sylvestris, 4. B C G. 7-8, c. 143. Peucedanum. 305 officinale. 4. B. 7-8. c. 506 Chabræ . 4. B G. 7-8.r. 307 palustre. @. C E. 6-7. a. c. 144. Pastinaca. 508 sativa. @. A B. 6-8. t. c. 145. Heracleum. 509 Sphondylium. 4. B. 6-7. c. 146. Daucus. 310 Carotta. @. A B. 6-8. t. ec. 147. Orlaya. 311 grandiflora. ©. À. 6-7. t.r. 148. Caucalis. 512 daucoiïdes. ©. A. 5-7. € 149. Torilis. 513 Anthriscus. @. À G. 6-7. €. 150. Scandix. 514 Pecten. ©. A. 5-7. c. 151. Anthriscus. 315 sylvestris. 4. B. 5-6. t. c. 152. Chærophyllum. 316 temulum. @. À G.6-7. c. 517 bulbosum. @. À G.6-7. c/ 155. Conium. 518 maculatum. @. A. 7-8. p. c. 154. Coriandrum. 319 sativum. @. A. 6-8. a. c. XXXVII. ARALIACÉES. 155. Hedera. 320 Helix. 5. G. 9-10, c. LL DE LA PREMIÈRE SECTION. 45 XXXVIII. CORNÉES. dk 156. Cornus. 521 mascula. 5. G. 3-4. c. \ 3522 sanguinea. 5. G. 5-6. 1. c. XXXIX. LORANTHÉES. 157. Viscum. 323 album. ÿ. parasite. 3-4. c. LX. CAPRIFOLIACÉES. 158. Adozxa. 324 Moschatellina. 24. G. 4. p. c. 459. Sambucus. 325 nigra. b. G. 6. c. 326 Ebulus. 4. À G. 7. p. c. 160. Viburnum. 327 Opulus. ÿ. G. 5-6. 328 Lantana. ÿ. G. 4-5. 460 bis. Lonicera. - 328" Xilosteum. b. G. 5. t. c. 328’ Periclymenum. 5. G. 6-9. c. XLI. RUPIACÉES. 161. Asperula. 3529 cynanchica. 2 B. 6-7. c. 330 odorata. 24. G. 4-5. p. c. 330 bis. arvensis. ©. A. 6-7. t.r. . Galium. 351 Aparine. ©. A. 6-7. c 532 tricorne. ©. A. 6-7. c 333 cruciatum. 4. À G. 4-6. c. 354 uliginosum. 2. B. 5-7. p. c. 335 verum. 2}. C. 6-7. c. 5356 Mollugo. 4. À B. 6-7. c. 337 sylvestre. A. B G. 5-7. c. 358 sylvaticum. 2. G. 7-8. p. c. 7- 339 boreale. 4. B C. 6-8. a. c. 340 palustre. 4. D E. 6-8. c. 163. Sherardia. 541 arvensis. ©. A. 5-8. c. XLII, VALÉRIANÉES. 164. Valeriana. 542 officinalis. 4. B G. 5-7. c. 345 dioica. 4. C. 45. c. - 165. Valerianella. 344 olitoria. ©. A. 4-5. c. 345 canalicuta. ©. A. 4-5. c. 346 dentata. ©. A. 6-7. c. 347 auricula. ©. A. 6-7. p. c. XLIII. DIPSACÉES. 166. Dipsacus. 548 sylvestris. ©. À B. 7-8. c. 3549 laciniatus. @. À B. 7-8. t.r’ 350 pilosus. @. À G. 6-7. p. c 167. Scabiosa. 351 succisa. 1. B C. 8-9. c. 552 arvensis. 4. À B. 5-6. t. C. 3553 columbaria. 4. B G. 7-9. a. c. XLIV. SYNANTHÉRÉES. sous-famille. cicnoracées. 168. Lampsana. 554 communis. ©. À D. 6-8. c. 1'e 168 bis. Arnoscris. 354 bis. pusilla. ©. A. 6-9. p. c. 169. Cichorium. - 555 Intibus. 2. A B. 6-8. c. 170. Thrincia. 356 hirta. 4. C D. 5-7. c. 171. Leontodon. 357 autumnalis. 4. B. 7-9. c. 358 hastilis. Koch ! 4. B. 5-7. c. 172. Picris. 359 hieracioides. 4. A B G. 6-9. c. 173. Tragopogon. 360 pratensis. @. B. 5-6. t. c. 361 major. ©. À B. 5-6. r. 174. Scorzonera. 562 humilis. 4. B C. 5-6. r. r. 175. Podospermum. 563 laciniatum. @,. A. 5-7. r.r 176. Hypochæris. 364 radicata. 2. À B. 6-9. t. c. 364 bis. glabra. ©. À. 6-9. p. c. 177. Taraxacum. 365 officinale. 4. A B. 3-5. t. c. 3566 palustre. 4. C. 3-4, c. 178. Chondrilla. 367 juncea. ©. A. 6-8. p, c. - 179. Lactuca. 368 muralis, 4. À G. 6-7. t. c 369 Scariola. ©. À B D. 7- 8. t Le 180. Sonchus. 370 oleraceus, ©. A. 6-7. t, ©. 46 571 372 373 574 375 376 377 378 379 380 581 382 383 384 385 386 387 388 MÉMOIRES fallax. ©. À. 6-7.t,c. arvensis, 4. À, 6-7. €, 104 181. Crepis. fœtida. ©. A D. 6-7. a. c. taraxacifolia, ©. A B. 5-6. a. ©. 405 setosa. ©. A D. G-8, à. r. 406 præmorsa. JL. B G. 5-6, a. c. 407 biennis. @. B. 5-6. c. tectorum. ©. À B. 6-8, €. polymorpha. ©. A B. 6-8, c. 408 paludosa. 24. C. 6-7. r. 409 4 182. Hieracium (1). A Pilosella. À B. 4-6. t. ce. Auricula. À B. 5-6. c. bifurcum. A B. 5-6. c. 4192 præaltum. À B. 5-6. a. c. MS vulgatum (Fries). À B, 5-7 murorum. À B. 5-9. c. boreale (Fries). A B. 6-9. c. MA umbellatum, À B G. 7-9. c. 415 2° sous-famille. conxumirÈères (Juss.) 400 * 401 402 403 (4) Cfr. Dorzr ; Rhein. Flor., 183. Eupatorium. cannabinum 24, C. F G. 7-8. c. 184, Tussilago. Farfara. 4. À D. 2-4. a. c. Petasites. 24. D E. 3-4. p. c. 185. Aster. Amellus. 4. B G. 7-8. à. c. Novi Belgii, aliique Asteres americani indigeni facti. 4. CG. 7-10 (1). 186. Bellis. perennis, 4. B. 2-9. €. c. 187. Stenactis. > biennis. ©. B F G. 6-9. t. c. 188. Érigeron. acris. ©. À B D. 6-8. t. c. angulosus (Gaud). A F.6-8. a.c. canadensis. @. À G. 6-9, {, €. 189. Solidago. Virga aurea. 4, B G. 6-8. a. c. 190. Inula. salicina, 4. B G. 6-7. a. c britanica. 4. A C G. 7-8. a. r. dysenterica 2, A B D. 7-8. à. €. Pulicaria, ©. A D. 6-8. c. p- 480 et suis. 428 429 430 451 452 435 5 germanica, > vulgaris. 191, Conyza. squarrosa. 4. À B G. 7-8, à. ec. 192. Filago. arvensis, ©. À. 7-9, c. montana, 195 Gnaphalium. sylvaticum. 4, G. 7-9. a. c. uliginosum, ©. D: 6-9, t. c. dioicum, 4, B G., 5-6. a, €. luteo-album, 4, D. 6-7. a.r. 194. Bidens. 2 cernua. ©. C D E. 7-9. a. c. 5 tripartita. ©. C DE. 1-9. c. 195. Artemisia. campestris. x. À B. 7-8. Le 196. Tanacetum. vulgare. 4. À B G. 7-9. t. c. 197. Achillea. Ptarmica. 4. À B. 6-7, 1. c. Millefolium, 4 A B.6G-8, {. c. 198. Anthemis. arvensis. ©. À. 5-8, {. c. Cotula. ©. A. 5-9. €. c. 199. Matricaria. Chamomilla. ©. A. 6-8, t. ce. 200. Chrysanthemum. Leucanthemum. 24. À B, 5-7, te 3 inodorum. ©. À. 6-7. a. c. 4 Parthenium, 2. À. 6-7. a. c. 201. Senecio. ; vulgaris. ®©. A. 2-10, {. c. viscosus, ©. À, 6-9. a. c. sylvaticus. ©. G. 6-9, a. c. erucæfolius. 4, B G. 8-10. a. c. Jacobæa. @. A B. 6-9. c. pratensis. @. B C. 6-9. £. c. Fuchsii, 4, G, 6-7. a.r paludosus. 4, D E, 6-7. 1. c. 3e Sous-famille. cARDUACEEs. 202. Cirsium. lanceolatum. @. À G. 6-7. t. €. DE LA PREMIÈRE SECTION. . 4 454 palustre, @. C E. 6-8. t. 455 oleraceum. 4. C E. 7-9, 456 tuberosum. 2, C. 6-8, t. 457 acaule. 4. B, 6-7. a. ce 458 arvense, A. À. B. 6-9. te. c. tie, C: (Species hybride.) 459 palustri-oleraceum. 440 oleraceo-tuberosum. 41 oleraceo-acaule. 442 tuberoso-palustre. 445 tuberoso-acaule. 445 bis. palustri-acaule. 205. Carduus. 444 crispus. @. À, 6-8. c, 445 acanthoides. @. A. 6-8, P. c. 446 nutans. ©. A, 6-8. t. c. 204. Onopordon. 447 Acanthium. @. A. 6-8. t. c. 205. Lappa. 448 tomentosa. @. À G. 7-8. P. €. 449 minor, @. A. 7-8. c. 450 major, @. À G. 7-8, HEC 206. Carlina. 451 vulgaris. @. À B G. 7-9. t-c. 207. Serratula. 452 tinctoria. 2. B G. 7-9. à. c. 208. Centaurea. 455 Jacea. 4. A B G. 6-9. €. c. 454 Scabiosa. 4. B. 6-8. t. c. 455 Cyanus. ©. A. 5-6. t, c. 456 Calcitrapa. @. À B. 7-8. t. c. 45T solstitialis. ©. À F, 8-9. p-c. XLV. AMBROSIACÉES. 209. Xanthium. 458 Strumariam. G. A. 8-9, a. c. XLVI. CAMPANULACÉES. 210. Jasione. 459 montana. @. B G. 6-8. a, c. 211. Phyleuma. 460 spicatum. 4, BG. 36.a.r. | 461 orbiculare. 4. B C. 3-6. a. c. 212, Campanula. 462 rotundifolia. 4. À B. 6-9. c. 465 Rapunculus. G. A B. 3-7. c. 464 rapunculoides. 4, À BG. 3-8. c. 465 persicifolia. 4, B G. 3-6. a. €. 466 Trachelium. 4, G. 6-7. c. 467 glomerata, 4. B. 7-8. c. omnes raræ, 213. Specularia. 468 arvensis, ©. A. 6-7, c. 469 hybrida. @. A.6-7.r. XLVI Dis. ÉRICACÉES. 214. Calluna. 470 vulgaris. 4, B G. 8-9. à. c. XLVI fer, MONOTROPÉES. 215. Monotropa. 470 bis. Hypopitys. 2? G. 6-7, p.c. COROLLIFLORES. D C. XLVIT. OLÉAGÉES. (b), 216. Ligustrum. d 471 vulgare. G, 6-7, c. 217. Syringa. 472 vulgaris. G. 48, ce. (subspont, ) 218. Fraxinus. 415 excelsior. G. 4-5. c. XLVIII. ASCLÉPIADÉES. 219, Vincetoxicum. 474 commune, 4, B G. 6-7. c XLIX. APOCYNÉES. 220, Vinca. > minor. 4, G. 4-5. p, c. (à Graf- fenstadt et à la Robertsau.) L. GENTIANÉES. 221. Gentiana. 416 Pneumonanthe, z. C. 7-8. a. €. 417 Cruciala. 4. B, 6-7. a. c. 418 germanica. ©. B C. 7-9. a, €. 479 ciliata. ©. B G. 9-11. a; C: 480 utriculosa. ©. B C. 5-6. t.r. 222, Erylhræa. 481 Centaurium, ©. B G. 7-8. à. c. 482 pulchella. ©. D, 6-8, c. 295. Chlora. 485 perfoliata. ©. C. 7-8, a. r, 484 serotina, ©. C. 8-9. a. C. 224. Menyanthes. 485 trifoliata, 4, CE. 4-5. a. L£ LT. CONVOLVULACÉES. 295. Convolvulus. 486 sepium. 2. À G. 6-7. t. c. 487 arvensis, A. À, 6-7. {, c. 43 MÉMOIRES LI]. CUSCUTÉES. 296. Cuscuta. 488 Epithymum. ©. BG. 6-8. c. 489 europæa. ©. À, 6-8. {, c. LIIT. BORRAGINÉES. 297, Cynoglossum. 490 officinale. @. A. 5-6. a. c. 998, Echinospermum. 491 Lappula. @. A. 5-7. tr. 229. Borrago. 492 officinalis. ©. A. 5-7. t. c. 230. Lycopsis. 493 arvensis. ©. À. 5-8. {. c. 231. Symphytum. 494 officinale. 4. C E. 4-6. t. c. 232, Pulmonaria. 493 officinalis. è 24. G. (alluv.) 4-5. 496 mollis. p. €. 933. Lithospermum. 497 officinale. 4, B G. 5-6. {. c. 498 arvense. ©. À. 4-6. {. c. 254. Myosotis. 499 palustris. 4. C E. 5-9. {. c. 300 cespitosa. @. G E. (alluv.) 7-9. DAC 501 sylvatica. @. G. 4-6. p. c. 502 arvensis. © et @. À. 5-8. {. C. 303 hispida. ©. A. 4-6. {. c. 504 versicolor. ©. A. 5-6. p. c. 505 stricta. ©. A. 5-7. p. C. LIV. SOLANÉES-. 255. Solanum. 506 Dulcamara. ÿ. G E. 5-8. {, c. 507 nigrum. @. À. 6-9. t. ©. (c. va- rietat. ex colore baccarum de- sumptis : ochroleucum, mi- niatum, viride, luteum.) 256. Physalis. 508 Alkekengi. 4. À. 6-8. p.c. 957. Hyoscyamus. 509 niger. @. À B. 5-7. a. c. 258. Datura. 510 Stramonium, ©. À. 6-8, a, c. LV. VERBASCÉES. 259, Verbascum.(®). 511 Thapsus. À. 7-8. €, 512 Schraderi. À. 7-8. p. c. 515 Lychnitis. A B. 6-7, c. 514 pulverulentum. À B. 6-7, t.r. 515 nigrum. À B. 6-9, p. c. 516 Blattaria. À B, 6-7, a. c. 517 phœniceum. 5-6. a. c. (allées et parc de la Robertsau.) 240. Scrophularia. 518 canina, 2. F. 5-8. a. c. 519 nodosa. 4. B CG. 5-7. t, c. 520 aquatica. 2. C E. 6-8, p. c. LVI. ANTIRRHINÉES. 21. Graliola. officinalis, 4, C. 6-7. a, c. 242. Antirrhinum. 522 Orontium, ©. À. 6-7. a. c. 522 bis. majus. À. (murs.) 6-7, a. C. 243. Linaria. 523 minor. ©. À F, 5-7. a. c. 324 Cymbalaria. Z. A. (murs.) 4-10. ONCE 525 vulgaris. 4. À B G. 6-9. t. c. 526 Elatine. ©.A. 6-8, tr. 527 spuria. ©. À. 6-8. a. r. 244, Lindernia. Pyxidaria. ©. D E. 6-8. tr. 9245, Limosella. 529 aquatica. ©. D E. 6-9. £. c. 528 LVII:. VÉRONICÉES. 246. Veronica. 530 spicata. 4. B G. 7-8. a. c. 531 longifolia. 4. C G. 7-8. a. r. 532 Beccabunga. 4. C E. 6-8. c. 533 Anagallis. 4. C E. G-8. e. 534 scutellata. 24. C E. 6-7. c. 533 Teucrium. 4. B G. 5-6. c. 533 bis. latifolia. 4. B G. 5-6. a. c. 536 prostrata. 4. B G. 5-7. c. 537 officinalis. 4. G. 6-7. c. 538 Chamædrys. 4. G. 4-6. ©. 539 serpillifolia. 4. C E. 4-7. c. 540 acinifolia. ©. À. 4-5. r. 35A arvensis. ©. À. 5-6. c. 342 verna. ©. À D. 3-4, a. r. 543 triphyllos. ©. À. 5-4. c. 544 præcox. ©. À. 3-4. C. 345 hederæfolia, ©. A. 3-6. L c. DE LA PREMIÈRE SECTION. 49 546 agrestis. ©. A. 3-7. c. 347 opaca. ©. À. 4-7. a. c. 548 polita. ©. À. 4-7. a. c. LVIII. RHINANTHACÉES. 247. Rhinanthus. 549 minor. ©. B CI. 5-6. t. c. 550 major. ©. B C1. 5-6. t. c. 551 hirsutus. ©. B. 5-6. t. c. 248. Melampyrum. 552 arvense. ©. A. 5-6. a. c. 553 cristatum. ©. G. 5-7. c. à l'Ost- winkel. 554 vulgatum. ©. G. 5-9. c. 249, Pedicularis. 555 palustris ©. C. 4-6. t. c. ; 556 sylvatica. @. C. 5-7. p. c. (Ried de la Wanzenau.) 250. Euphrasia. 557 officinalis., ©. B C G. 7-10. t. c. 558 Odontites. ©. A B C. 5-8. t. c. 559 lutea. ©. B G. 6-7. t.r. LIX. OROBANCRÉES. 251. Orobanche. 560 ramosa. ©. (sur le chanvre et le tabac.) 6-8. t, c. 561 rubens, (sur les luzernes). 5-6. a. €. 562 Galii, (sur les gaillets), 5-6. a. r. 252. Lathræa. 363 Squamaria. 2, G. 4-5, tr. LX. LABIÉES. 253. Mentha. (1). 564 sylvestris. A B. 7-8. a. c. 565 rotundifolia. À. 7-8. t. c. 566 aquatica. C E, 6-8. t, c. 567 sativa. C E,. 6-8. t. c. 568 arvensis. À. 7-8, t. c. 569 Pulegium. C E, 7-8. a. c. h 254. Lycopus. 570 europæus. 4. CE G. 7-9. c. 255. Salvia. 571 pratensis. 4. B. 5-6. t. c. 256. Origanum. 572 vulgare. 4, B G. 7-9. t. c. 257. Thymus. 575 Serpyllum. 5. B G. 6-9. t. c. II, 594 258. Calamintha. Acinos. ©. À. 5-7. t. c. 259. Satureja. hortensis. ©. À. 5-8. a. c. 260. Clinopodium. vulgare. 4. À G.6-9.t. c. 261. Nepeta. Cataria. 4, A G. 6-9, p. c. 262. Glechoma. hederacea. 4. A B G. 3-8. t. c. 265. Lamium. album. 4. À B G. 4-8. t. c. Purpureum. ©. À. 3-10. t, c. maculatum. 2. A G. 4-6. t. c. amplexicaule. ©. A, 4-9. t, c. 264. Galeobdolon. luteum. 24. G, 5-7. a, c. 265. Galeopsis. Tetrahit. ©. À G. 6-9. t. c. Ladanum. ©. A. 6-9. t. c. ochroleuca. ©. À D,6-9. a.r. 266. Slachys. germanica. 4. À B. 6-8, a. c. palustris. 4. A D. 6-9. c. sylvatica, 4. G. 6-8. c. recta. 4. B G. 5-8. c. annua. ©. À, 5-8. c. arvensis. ©. À. 6-S. p. c. 267. Belonica. officinalis. 4, B G. 7-8. t, c. 268. Ballota. nigra. 4. À D. 6-9, t. c. 269. Marrubium. album. 4. À B. 6-9. t. c. 270. Leonurus. Cardiaca. 4. À G. 6-8. p. c. 271. Sculellaria. galericulata. 4. C E. 6-9. t. c’ 272. Prunella. vulgaris. 4, B C. 6-9. t. c. grandiflora. 4. B G. a. c. bis. alba! 2. B G. 6-9. a. r. 275. Ajuga. reptans. 2. B C. 4-6. 4, c. 4 50 MÉMOIRES 601 genevensis. 2. À B. 5-6, à, ©. 602 Chamæpitys. ©. A. 5-7. c. 274. Teucrium. 603 Chamædrys. 2. À B G.7-8, à. C. 604 Botrys. ©. A. 6-8, c. 603 montanum. 4. A B G.6-9. c. 606 Scordium. 2. C D. 6-8. p. c. 607 Scorodoina. 4. À G. 6-7. p. c. LXI. VERBÉNACÉES. 275, Verbena. 608 officinalis. ©. A B. 6-9. t, c. LXII. LENTIBULANIÉES. 276. Utricularia. 609 vulgaris. 4. E. 6-7. a. c. 610 minor. 4. E. 6-7. t. r. (Ried de la Wanzenau). 611 intermedia. 4. E. 6-7. t.r. 277. Pinguicula. 612 vulgaris. ©. C. 5. t. r. (Nestler). LX[III. PRIMULACÉES. 278, Primula. 613 officinalis. 4. B G. 4-5. t, c. 614 elatior. 4. B G. 4-5. t. c. 979. Lysimachia. 615 vulgaris. 4. B C G. 6-8. t, 616 Nummularia. 4. C G. 5-8 4 280. Anagallis. 617 cœrulea. 618 phænicea. \ ©. À. 5-8. 1. c. 281. Centunculus. 619 minimus. @Q. D. 5-9. a. €. 282. Hottonia. 620 palustris. 2}. E. 5-6. p. c. 283. Samolus. 621 Valerandi, 4, C D. 6-8. à. c. LXIV, GLOBULARIÉES. 284. Globularia. 622 vulgaris, 2. B G. 5. a. € LXV. PLANTAGINÉES. 285. Plantago. 622 bis. major. 623 media. 624 lanceolata. 2, À B. 5-9, t. c. MONOCHLAMIDÉES. D C. LXVI. AMARANTHÉES. 286. Amaranthus. 625 Blitum, ©. A D, 6-7. c. 626 retroflexus, ©. À D EF, 6-8. a, €, LXVII. CHÉNOPODIACÉES. 287. Chenopodium. 627 Bonus Henricus.\ À 23 3 628 murale, 5 ES Fi 629 rubrum. Rise 650 glaucum. BETE - 631 album. RE 632 opulifolium. 5% HA 633 polyspermum. res 634 hybridum. Ségo 635 ficifolium. TERRE 636 Vulyaria. ASA9 À 288. Atriplez. 657 latifolia. 638 patula. 289. Polycnemum. 639 arvense. ©. A. 6-7. t,r. ©. À D. 8-10, t, c. LXVIII. POLYGONÉES. 290. Polygonum. 640 Bistorta. 4, B. 5-7. a. r. 641 ampbibium. 4. CE, 6-8. a. c, 642 lapathifolium, ©. A. 6-9. t. c. 643 Persicaria. ©. A, 6-9, t. ce. 644 mite. ©. À. G-9. p. €. 645 minus. ©. G D. 5-8. 646 Hydropiper, ©. D 647 aviculare. ©. A D. $- 648 dumetorum. ©. À G. 649 Convolvulus. Q. A. 6- 291, Rumex. 0 aureus. ©. C E, 6-8. t. r. 1 conglomeratus. 4, A B E, 6-8, 1 652 Nemo 2. G. 6-8. a, c. 653 pulcher, @. À. 6-7.r. 654 crispus. 4. B C. 5-7. c. 655 obtusifolius. 4. À B. 5-8. c. 656 Hydrolapathum. 2. E. 7-8. €. 657 Acetosa. 24. BC. 5-7. c. 638 Acetosella. 4. A. 5-7. c. LXIX. THYMÉLÉES 292. Daphné. 639 Mezereum. 5. G. 3-4. à, r. 292 bis. Stellera. 659 bis. Passerina, ©. À. 6-8, r. DE LA PREMIÈRE SECTION. LXX. SANTALACÉES. 293. Thesium. 660 Linophyllum. (intermed. Schr.) 4, B G. 5-6. a. c. LXXI4 ÉLEAGNÉES. 294. Hippophaë. 664 rhamnoides. $. F. 3-5. p. c. LXXII. EUPHORBIACÉES. 295. Euphorbia. 662 Peplus. 663 helioscopia. 664 Cyparissias. 665 gerardiana. 666 platyphyllos. 667 micrantha. a. C. 668 verrucosa. 4. B G.5-7. c. 669 palustris. 4. C E. 5-8. c. 670 exigua. ©. À. 6-8. €. 296. Mercurialis. 671 annua. ©. À. 4-10. t. e. LXLIII. URTICÉES. 297. Urtica. 672 urens. @. a. c. 673 dioica. 2. a. c. 298. Humulus. 674 Lupulus. 4. G. 7-9. c. LXXIV. ULMACÉES. (t). 299. Ulmus. 675 campestris. G. 5-4. €. 676 eflusa. G. 4-5, a, c. LXXV. QUPULIFÈRES. (b). 300. Quercus. 677 sessiliflora. G. 5-6. c. 678 pedunculata. G. 5-6. c, 301. Corylus. 679 Avellana, G. 2-3. c. 302. Carpinus. 680 Betulus. G. 4-5. t. c. LXXVI. BÉTULINÉES. (b). 303. Belula. 681 alba. G. 4. t. c. L 504. Alnus. 682 glutinosa. G. 3.t. c. (4) Stratiotes aloides ; à b. Nestler in aquosis circa Argentorat. olim imdigenifacta ; nunc exstirpata. | ©. À. 5-9. t. c. | 2. B €. 5-9. te. @ À B. 5-7. 683 incana. G FE. 2-3. t, c. LXXVII. SALICINEES. 305. Salix. (b). 684 capræa. 685 aurita. G. 5-4. c. 686 cinerea. 687 repens. G E. 2-5. r. 688 alba. 689 fragilis. 690 triandra. 694 inçana. 692 daphnoides. 693 phylicifolia. B G. 45. c. F G. 3-4. c. 694 violacea Holl! (hippophaëfolia Th.) (bords de V'IIL.) 4-5. t, r. 695 monandra. 696 viminalis. mo ère a tas 697 flissa. (bords del’ It et de la Bru- che.) 3-4. a. r. 506. Populus. 698 alba. 699 tremula. ? G, 3-4. t. c. 700 nigra, LXXVIIT. CONIFÈRES. (b). 307. Pinus. 701 sylvestris. 4-5. c. 308. Juniperus. 702 communis. 4-5. t. c. LXXIX. ARISTOLOCHIÉES. 309. Aristolochia. 703 Clematitis. 4. A. (vignes.) 5-6. a. C. 310. Asarum. 704 europæum. 4. G. 4-5. p. c. MONOCOTYLÉDONES. LXXX. HYDROCHARIDÉES. 511. Hydrocharis. 705 Morsus-ranæ. 2. E. 6-8. L. c. (1) LXXXI. HÉLOBIÉES. (End). 312, Alisma. 706 Plantago. 4. D E. 6-9. t. c. 313. Bulomus. 707 umbellatus. 4. E. 6-9. t. c. À 52 MÉMOIRES 314. Triglochin. LXXXVII. ORCHIDÉES. (2}). 708 palustre. 4, CD, 6-8, a. c. 324, Platanthera. 755 bifolia, G. 5-6, p.c. 525. Orchis. LXXXITI. POTAMÉES: (2}). 315. Potamogelon. 756 fusca. = 710 Tac Pb : 757 cinerea. | B G. 4-6. plusou IL DO (riviéresetétangs. 738 ustulata. moins commu- 712 perfoliatus. GS fReaEs 759 Morio. | nes. 713 pectinatus. « Le A ro na PL ne 714 pyriine. (mares , étangs). 6-8. 5 tif CEE & -6.ar. < 745 angustifolia. C. 6. c. 715 COMPTESUS. | mares, étangs, 744 maculata. C G. 6. p. c. 116, acuBIORE fossés, 6-8. r. 745 coriophora. B. 6. tr. 717 obtusifolius. É LT ga 746 conopsea. B G. 6. a. ec. 718 crispus. (fossés, étangs.) 5-6. C. 747 viridis, BC, 5-6. p. c: 516. Ruppia. 719 maritima. E. 6-8. t, r. 326. Ophrys. is < : 748 muscifera. } —. Zanichellia. A0 AAaEn À Au 720 palustris. E. 6-8. r. 750 arachnites. AD De Ce 751 apifera. LXXXIIT. PE EI 297 Ace 518. Najas. 752 anthropophora. B G. 5-6. r. 721 major. X. (riviéres , IL.) 8-10. c. (collines du Lehm). 722 minor... (mares, étangs.)7-8.r. 328. Herminium. a [4 4 2C s_ LXXXIY. LEMNACÉES. 753 monorchis. B G. 5-6. p. c. 519, Lemna. 329. Cephalanthera. 723 gibba. 754 pallens. B G. 6-7. p. c. 724 tisulCa. (étangs, fossés. t. c. 350. Epipactis. 725 polyrrhiza. 726 minor. 755 palustris. C. 6-7. {. €. 756 latifolia, G. 7. a. c. LXXXV. TYPHACÉES. (2). 531. Listera. 320. Typha. 757 ovata. B G, 5-6. a. c. 727 latifolia. E. 7-8. a. c. 332. Neottia. 728 angustifolia. E. 7-8. p. c. 758 Nidus avis, G. 5-6. p. c. 729 minor. F. 5. a. c. 4 . 333. Spiranthes. 521. Sparganium. 759 æslivalis. C. (bas glacis), 7-8. 750 ramosum. E. 6-8, c. 760 autumnalis. B. (coll. du Lehm). 751 simplex. E. 6-8. c. 8-9. ; 752 natans. F E, 6-8. r. 354 Slurmia. DRE PRTANOIDERS (2): 761 Læselii, C. (bas glacis). 6. r. 522. Arum. LXXXVIII. IRIDEES. 335. Iris (2.). er 325. Acorus. 762 Pseud-acorus. C E. 5-6. t. c. 754 Calamus. E, 5-6, c. 765 Sibirica. C G. 5-6. a. r. 735 vulgare. G. 45. c. DE LA PREMIÈRE SECTION. 55 LXXXIX. ASPARAGINÉES. (2). 789 acutiflorus. 4. C. rte cs = 790 lamprocarpus. 24. C. 7-9. t. c. np ge ec 791 ustulatus. 4. C. 7-9. c. 764 officinalis, B C. 5-6. c. 792 supinus. 4, C E. 6-9. p. c. 337. Paris. 349. Luzula. 765 quadrifolia. G. 4-5. c. 795 campestris. 4. À B G. 3-4: t. c. - Taxi 794 vernalis. 4. G. 4. à. c. forvallaria: 795 albida. 4. G. 6. p. €. 766 majalis. G. 5. t. c. Ë Roue 767 Polygonatum. B G. 3. t. c. XCITT. CYPÉRAGÉES. 768 multiflora. G. 5. t. c. 350. Cyperus. 559 Smilacina. 796 flavescens.) 4 F 797 fuscus. ©. GD. 6-7. c. 769 bifolia. G. 5. a. r. 540, Tamus. 770 communis. G. 5-6. a. c. 551. Schœnus. 798 nigricans. 4. C D E: 5-6. a, c. 3552, Cladium. 799 Mariscus. 4. D E. 6-7, à. r. 353. Scirpus. (L). 800 palustris. 4. D E. 6-7. c. XG. LILIACEES. (2}). 341, Anthericum. 771 ramosum. B G. 6-7. a. c. 342. Ornithogalum. 801 ovatus. ©. D. 6-8. r. 772 umbellatum. A, 4-5, a. c. 802 acicularis. ©. D E. 6-7 c. vÈU 805 bæothryon. 4. C D. 6-7. c. 345. Gagea. 804 setaceus. ©. D. 6-8. p, c. 773 arvensis, A. 5-4, a, c. 805 supinus. @. D. 7-9. r. 774 stenopetala. A. (Lehm). 5-4.2. 806 lacustris. Z. E. 7-8. £ c. Ÿ h 807 glaucus. 4. E. 7-8. c. 344. Scilla. 808 Duvalii. 4. C D. 7-8. p. c. 775 bifolia. B G. 2-4. t. c. 809 triqueter. 4. C D E. 7-9. a c à À " 810 maritimus. 4. E, 7-8. t. c. 545. Allium. 811 sylvaticus. 4, E G. 6-7. a. c. 776 ursinum. G. 5. c. 812 compressus, 4. C. 6-8, a. c. 777 oleraceum. A G. 6-7, c. ee à 778 sphærocephalum. A. 6-7. c. 554, Eriophorum. 779 Scorodoprasum, A G. 6-7. c. 813 latifolium. 2. C. 4-5. t. c. 780 vineale. vignes. 6-7. p. c. 814 angustifolium. 4. C, 4-5. a. r. 781 flexum. G.. 6-8. t. r. 815 gracile. 4, C. 4-5. 45.t r. 782 . C. 7-8, c. 7 acuiangulum C. 7-8. c 355. Carez. (4). 546. Muscari. 816 dayalliana. C. 4-5, a. ec. 185 racemosum. . vignes. 4. p.c. 817 pulicaris. C. 4-5. a. €. F 818 disticha. C. 4-5. t. c. PSRHOQUEATOAGEES. 819 vulpina. C E. 4-5. t. c. 347. Colchicum. 820 muricata. B C. 4-6. t. c. 784 autumnale, 4. B C. 9-10, t. 821 teretiuscula. C. 4-6. a. c. LT pets 822 paniculata, C G. 3-6. p. c. XCII. JUNCÉES. 823 brizoides. B G. 5-6. P. c. 824 Schreberi. B. 5. p c. 548. J'uncus. 825 leporina. C. 5-6. p. c. 185 conglomeratus. 4. C D. 7-8, c. 926 stellulata. G. 5-6. p. c. 186 effusus. 4. C D. 7-8. c. 827 remota. G. 5-6. p. c. 187 glaucus. 4. C D. 6-8. c. 828 elongata C, 5-6. a.r. 1872 bufonius. ©. € D. 6-8, c. 829 curta..C. 5-6. a. r. 787 compressus. 4. C. 6-8. c. 830 cœæspitosa. C. 4-6. c. 787€ consanguineus. 4. C, 6-8. P.c: 851 stricta. C, 4-6, t. c. 788 obtusiflorus. 4. C E. 7-9. t. c. 832 gracilis, C E. 4-6, t. c. 54 MÉMOIRES 855 pilulifera, B G. 4-6, p. c. 565. Agroslis. 834 præcox. B G: 3-4. {. €, CU i # 833 tomentosa. G, 4-6. { €. ue pare + nr _. 2% 8356 digitata. G, 4-5, t, c: , E Æ 837 ornithopoda. G. 4-5. {. c. ST4 CORRE 858 panicea. C. 4-5. t. c. 566. Apera. 839 glauca. B C. 4-5 t, ec. + Gni : 1 840 EttiBobR: GE. HE. th 875 Spicà ie ©. A. 6-7. €. 841 pallescens. C. 5-6, a c. 367. Calamagrostis. 842 flava. C. 5-6. t. c. - sen e 876 Epigeios. 4. BG. 7-8. c. A A Se 877 effusa (littorea). 4. F. 7-9. c. 844 hornschuchiana, C. 5-6, t, c. 845 fulva. RE tr. 368. Milium. 846 distans. C. G. 5-6. p. c. a _ 847 sylvatica. G. 5-6. t, c. 818 eEnsum, 2; fs Se 848 Pseudo-cyperus. E, 5-6. p. c. 369. Arundo. 849 vesicaria. E, 5-6. c. - : 850 ampullacea. E. 5-7. p. €. 879 Phragmites. 4, E. 8-9, c. 851 riparia, E. 5-6, t. c. 370. Kæleria. 852 paludosa. C E, 5-6. t. c. 880 cristata. L. B. 6. c. 853 hirta. B C. 5-6. t. c. 371. Aira. cespitosa. 24, B C. 7-8. c. XGIV. GRAMINÉES. 881 356. Andropogon. #72 854 Ischæmum, 4, À B. 7-8. a. c, 3727 COTES 882 canescens. 2. A. (Sables). 6-7. 3557. Panicum. P. c. 855 sanguinale. 375. Holcus. 856 glabrum. = s À Se Dee ©. À. 6-9. t. c. 883 lanatus. 4. B G. 5-6. c. 857 ciliare, 884 mollis, 4. B G. 5-6, c. 858 Crus galli. ss 314. Arrhenatherum. 558. Sétarta. 885 avenaceum., 4, B. 5-6. c. 859 viridis. 860 ARE ©. A. 7-8. L €. 575. Avena. 861 verticillata. ©. À. 7-8. à. r. 886 fatua. ©. A: 6-7. 0: y : 887 pratensis. 24: B, 6-7, ç. Se TE 888 flavescens. 4, B, 6-7. €: 862 arundinacea, 4. CE 6-7. c. 889 pubescens, 4, B. 6-7, c. 360. Anthoxanthum. 890 cariophyllea. 4. D; F, 5-6: c. 8635 odoratum. 2. B, 4-6. t. ç. 576. Triodia; 5- , 361. Alopecurus 891 decumbens. 4. C. 5-6. p: c. 864 pratensis. 24. B, 5-6. t, c. 577. Melica. 865 agrestis. © A. 5-7. {. c. 892 uniflora, 866 fulvus. 4. E. 6-7. a. c. 895 nutans. 4 + @+ #6. C- iculatus. 2. E, 6-8, a. c. 867 geniculatus. 2} 578. Briza. 362. Phleum. 894 media, 4. B. 5-7. c. 868 Bœhmeri. 2. B. 6-7. a. €. 869 pratense. A. B. 6-8. ©. 349: F9 895 annua. ©. A B. 4-10. 363. Cynodon. 896 pratensis. 4. B. 5-6. €. 870 Dactylon. 4. B. 7-9. a. c. 897 trivialis. 4. B C. 6-7. c. À l 898 fertilis. 4, B C. 6-7, 6. 364. Leersia. 899 nemoralis. 4. B G. 6-7. c. 871 oryzoides, 4, C D. 9-10, a. c. 900 bulbosa. 4, B. 5-6. p. c. DE LA PREMIÈRE SECTION. 55 901 compressa. 4. À B. 6-9. c. 380. Glyceria. 902 fluitans. 4, C E. 6-8. c. 903 spectabilis. 4: C E. 6-8. c. 904 airoïdes. 4, C E. 6-8. p. c. 381. Molinia. 905 cœrulea. 4, B. 7-9. t, c. 382. Dactylis. 906 glomerata. 4. B. 6-7. t. c. 583. Cynosurus. 907 cristatus. 4, B. 5-7. c. 584. Festuca. 908 ovina. A. B. 5-6. c. 909 duriuscula. 4. B. 5-6. c. 910 heterophylla 4. B G. 5-7. p. c. 914 rubra. 4, B G. 5-7. a. c. 912 gigantea. A4. G. 6-7. a. c. 913 pratensis. 2. B. 5-7. t. c. 914 arundinacea. 4. C. 6-7. c. 915 loliacea. 4. B. 6-7. p. c. 385. Vulpia. 916 Pseudo-myurus. ©. À. 5-6. p. c. 386, Brachypodium. 917 sylvaticum. 24. B G. 6-7. t. c. 918 pinnatum. 4. B G. 6-7. t, c. 587. Bromus. 919 secalinus. ©. À. 6-7. t, c. 920 multiflorus. ©. À. 6-7. a, c. 921 pratensis. A. B. 5-6. a. c. 922 mollis. 4. B. 5-6. c. 993 arvensis. A. A. 6-8. c. * 924 erectus. 2. B. 6-7. c. 9925 asper. 4. G. 6-7. à. c. 926 inermis. 4. À B. 6-8. a, c. 927 sterilis. @. À. 6-7. t. c. 928 tectorum. ©. A. 6-7. t. c. 588. Trilicum. 929 repens. A. À B G. 6-8. t. c. 930 caninum. 24. B G. 6-8. a. c. 589. Hordeum. 931 murale. 4, À B. 6-8. t. c. 390. Nardus. 932 stricta, 4, B. 6-7. p. c. 391. Lolium. 933 perenne. 4. B. 5-7. t. 934 boucheanum., 2}. B. 6 933 temulentum. ©. A. 6 c, 936 speciosum. ©. A. 6-7. à. c. c. SC. TC VASCULAIRES CRYPTO- GAMES. XCV. ÉQUISETACÉES. 392 Equisetum. 937 arvense. 2. À B. tac. 938 palustre. 4. C E. t. c. 939 limosum. 2. E, t. c. 939 bis.eburneum.2.CE. (Lehm).r. 940 hyemale. 4. B G. t. c. 941 variegatum. 4, C E., t. c. XCVI. FILICINÉES. 393. Ophioglossum. 942 vulgatum, 4, B C. p. c. 394 Pteris. 943 aquilina. 24. G. p. c. 395. Polypodium. 944 vulgare. 4. G. t. c. 945 calcareum. 2, (murs des fortifi- cations). r. 396. Aspidium. 946 Thelipteris. 4. C G. p. c. 947 Filix mas. A. G. p. c. 948 Filix femina. 4. G. p. c. 949 fragile. 4. CG G. r. 397. Asplenium. 950 Ruta-muraria, 4. (murs). c. 951 Trichomanes. 2. (murs). c. XCVIT. RHIZOCARPÉES. 398. Marsilea. 952 quadrifolia. 4. E. a. c. 399. Pilularia. 953 globulifera. 4. C E. p. c. XGVIITL: LYCOPODIACÉES. 400. Lycopodium. 954 clavatum. 4. B G. p. c. 953 inundatum. ÿ. C E: r. LL 56 MÉMOIRES Plantes des environs de Strasbourg citées par Mappus, Lindern et Her- mann, el non retrouvées depuis leur époque. 4 Ilex Aquifolium (bois d'Ilkirch). 2 Astragalus Cicer. (Wantzenau). 3 Anchusa officinalis (hors la porte Nationale). 4 Calaminthaofficinalis ( wald). Chrysanthemum segetum (Ost- wald), Cucubalus baccifer. heim). Heliotropium europæum (Mun- dolsheim). bois d’Ost- C: Le) ({Lingols- 8 Lactuca virosa (hors la porte Na- tionale). 9 Silene conica (glacis). 10 Lathyrus Nissolia (Mittelfeld, à Strasbourg). 11 Lathyrus hirsutus (Graffensta- den). 12 Sonchuspalustris(Ostwald,bords de l’Il). 153 Mœnchia erecta (Eckbolsheim). 14 Scutellaria minor (Eckbolsheim). Ces auteurs citent encore diverses autres plantes, mais qui nous parais- sent avoir été mal déterminées. RÉCAPITULATION. Espèces Genres. Familles. Plantes vasculaires . . . à 977 407 106 Plantes vasculaires cryptogames . 20 — 0,02 9 4 Plantes vasculaires phanérogames . 9357 — 0,98 598 102 Dicotylédonées. . . . . . 199-0773 517 87 Monocotylédonées = | 9551— 0,25 81 15 Espèces annuelles et Hésnadies - 312 —"0,32 Espèces verbacées vivaces . . Pete . 564 — 0,59 Espéces ligneuses arborescentes . ardt sta NB 0,09 Plantes arvales habitant les champs, les Deux vagues, décombres ; notre localité À... . . . . .!. 290 Plantes des prairies sèches et honte nos locanties B et C. 380 Plantes de la flore aquatique; notre localité E. . . . . . . 110 Plantes des marais, des vases , des lieux caillouteux et bat no- tre localité D. ; = Am 150 Plantes rhénanes ; notre toahie F . = SH MEENE V2) Plantes des bois, haïes et buissons; notre beat G à 270 Plantes printanniéres (2, 5, 4, 5) . 360 Plantes estivales (6, 7, 8). . . 560 Plantes automnales (9-10) . 40 Plantes ou espèces communes . 620 Plantes peu communes ou assez rares. 250 Plantes rares. . . Ë 80 Espèces munies d'une corolle ou in périanthe corollin: u 640 Corolle blanche . . 200 Corolle jaune ul 190 Corolle bleue ou violette : 150 Corollerose, rougeûtre, brune. 120 DE LA PREMIÈRE SECTION. 51 . Tableau des familles, dans l'ordre de leur richesse en espèces. 1 Composées - . . . - 1/9 107 30 Géraniacées. 8 2 Graminées . .: .: . . 1/11 83 31 Haloragées. 8 3 Cyperacées. . . . . 1/16 58 32 Caprifoliacées 7 4 Légumineuses .: . . 1/17 52 %3 Smilacinées 7 5 Labiées . . . . .. . 1/21 45 %24 Malvacées . 6 6 Crucifères . . . . . 1/22 42 35 Crassulacées . 6 7 Ombelliféres . . . . 1/26 38 36 Valérianées 6 8 Rosacées (Juss.). . . 1/27 36 37 Dipsacées : 6 9 Caroiphyllées (Juss.). 1/28 34 38 Typhacées . . Ê 6 10 Antirrhinées (Koch). 1/32 30 9 Equisétacées . 6 11 Renonculacées . . . 1/34 28 0 Solanées. 5 12 Orchidées . . . . . 1/35 27: 44 Hypéricinées F 5 13 Polygonées. . . . . 19 32 Paronychiées . 4 14 Salicinées . . . . . 17 3 Elatinées. 4 15 Borraginées . . . . 16 44 Papavéracées . 4 16 Rubiacées . . . . . 14 45 Lentibulariées 4 17 Juncées . . . . . . 14 46 Orobanchées . 4 18 Chenopodiacées. . . 15 47 Cupuliféres. 4 49 Liliacées . . . . ... 15 48 Lemnacées. 4 20 Potamées . . . . . 12 49 Betulinées . 3 21 Campanulacées . . . 11 50 Urticées . 3 22 Rhinanthacées . . . 11 51 Plantaginées . 3 23 Gentianées. . . . . 10 52 Polygalées . 3 24 Euphorbiacées . . . 10: 53 Oléinées . 3 25 Verbascées. . . . . 10 54 Hélobiées . . 3 96 Filicinées . . . . . 10 55-75 familles (29) . 299 X2 — 44 97 Onagraires (vraies) . 9 76-101 familles (23). 23 X 1 — 25 98 Primulacées . . . . 9 29 Violariées : . . . . 8 Total . 972 Familles de la flore rhénane non représentées à Strasbourg. nl Droseracées vraies; Vacciniées; Aquifoliacées; Pyrolées ; Rutacées ; Polémoniacées ; Empétrées ; Narcissées. Familles de la flore française et germanique non repnés entées à Strasbourg. Capparidées; Zygophyllées; Thérébinthacées; Granatées; Cactées ; Lo- béliacées ; Ébénacées; Jasminées; Acanthacées; Plombaginées; Cytinées ; Myricées. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LA FLORE DES ENVIRONS DE STRASBOURG. Lorsque, pendant plusieurs années, l’on a exploré la flore de Strasbourg , on arrive nécessairement aux conclusions géologico-botaniques suivantes : Le Rhin a amené quelques plantes alpines; telles que: Scrophularia canina; Myricaria germanica ; Typha minima, et différentes espèces de saules ; et l’Ill, plusieurs plantes jurassiques, telles que : Hieracium præ- morsum ; Daphne Mezereum; Veronica spicata; Inula salicina; Aster Amellus; Gentiana cilialu, germanica , cruciata; Teucrium montanum , Chamædrys; Trifolium rubens: Ranunculus nemorosus: Melampyrum cristatum ; Globularia vulgaris, Linum tenuifolium , etc. 58 MÉMOIRES La Bruche parait avoir amené des Vosges : Tussilago pelasiles; Épilo- biumspicatum, montanum ; Pulmonaria officinalis; Phytew#ma spicatum ; Senecio Fuchsii; Galium sylvaticum; Hicracium paludosum; Spartium scoparium; Genista sagittalis et pilosa; Carex remola, stellulata ; Vero- nica officinalis ; Alchemilla vulgaris, etc. La flore aquatique et palustre est très-riche , Strasbourg étant entourée de nombreux canaux, fossés , rivières, étangs, de prairies marécageuses ou humides, de lieux inondés en hiver par l’IlL ou par le Rhin, etc. De là notre grande richesse en Carex, en Scirpes, en Graminées aqua- tiques, en Joncs, en Potamols, Typhacées, Alismacées , etc. Ainsi, en additionnant les espèces des familles suivantes : Graminées, Cypéracées,Juncées, Tiphacées, Potamées, Alismacées, Acorées, Junca- ginées, Nymphéacées, Hydrocharidées, nous obtenons pour Strasbourg 200 espèces, c’est-à-dire 20 0/0 ou 1/5 de la flore entière; pour l'Allemagne, d'aprés Koch, nous obtenons 450 espèces, c’est-à-dire 13 0/0 de la flore tout entière. L'on voit donc que la végétation aquatique et palustre est largement représentée à Strasbourg; cette localité a une richesse relative trèés-supérieure à celle de l'Allemagne. Les familles qui sont en perte à Strasbourg, relativement à la France et à l'Allemagne, sont principalement les suivantes: Légumineuses, Om- bellifères, Silénées, Crucifères, Renonculacées, Liliacées, Primulacées, Saxifragées, etc. Les familles proportionnellement plus riches en espèces à Strasbourg qu’en Allemagne, sont : Orchidées, Borraginées, Polygo- nées, Antirrhinées, Cypéracées, Graminées, Juncées, Labiées, Salici- nées, Potamées, Typhacées, Valérianées, etc. Il existe aux environs de Strasbourg quelques plantes rares, peu ré- pandues d’ailleurs dans le reste de l'Alsace. Ce sont les suivantes : (1) Thalictrum galioides. Pâturages.secs du diluvium de VII. Biscutella lœævigata. Lieux gramineux et caillouteux, glacis, poly- gone, bois d'Illkirch, etc. Viola elatior (Fries). Prairies ombragées, du diluvium ello-rhénan , île des Epis, Gansau, Ostwald, etc. Les Elatine. Communs à Eckbolsheim et Wolfisheim. Trifolium rubens. Bois caillouteux du diluvium. Astragalus hypoglottis. Polygone, Gansau, Graffenstadt. Chærophyllum bulbosum. Trés-abondant. Crepis præmorsa. Bois de la Gansau. Crepis setosa. Bords du canal. Phyleuma orbiculare: Prairies du diluvium. Veronica longifolia. Prairies à Ostwald. Cladium mariscus. Marais entre la citadelle et la porte des Pêcheurs. Scirpus supinus. Mares caillouteuses. Sturmia Læselii. Bas glacis hors la porte de Pierre. Spiranthus æstivalis. Bas glacis hors la porte des Pécheurs. Tamus communis, Forêt de la Gansau; abondant. (4) Nous ne cilerons que quelques espèces vivaces, puisque les plantes annuelles rares n'ont pas de SR L : Ë S fixité , apparaissent et disparaissent sans laisser de frace DE LA PREMIÈRE SECTION. : 59 PLANTES CULTIVÉES AUX ENVIRONS DE STRASBOURG. $ 1. Céréales. Triticum vulgare hybernum et (ra- rius) æstivum ; fred. Secale cereale hybernum et (rarius) æstivum. Hordeum distichon. : sime. Hordeum yulgare; passim. Hordeum hexastichon.: rar. Tritic. durum, polonic., Spelta, amyleum, monococeum, turgi- dum ; rarius cult. Avena orientalis et sativa; copiosé. (Av. strigosa , nuda, brevis; rariss.) Panicum miliaceum ; passim. Setaria italica; passim. Phalaris canariensis: rar. Zea Mays; freq. Polygonum Fagopyrum ; freq. in glareosis. k frequentis- $ 2. Plantes fourragères. Trifolium pratense; frequentiss. Trifolium incarnatum ; rar. Medicago sativa; freq. Onobrychis sativa; freq. in glareos. Lolium italicum ; freq. Spergula arvensis; rariss. $ 3. Plantes culinaires et Potagéres. a) Cullivées pour les gousses et les semences. Pisum sativum et arvense; freq. Ervum Lens; freq. Vicia Faba; freq. Phaseolus vuülg.; freq. Lathyrus sativus; rar. Cicer arietinum ; rar. b) Plantes potagères cultivées pour leurs racines , tubercules, bulbes , etc, Scorzonera hispanica; freq{ Daucus Carotta; fregq: Pastinaca sativa ; infreq. Apium graveolens; freq. Sium Sisarum: rar. Armoracia rusticana: freq. Raphanus sativus; freq: Brassica Rapa; freq. B: Napo-Brassica ; freq. Beta campestris ; freq. Solanum tuberosum ; freq. Helianthus tuberosus; id. Allium Porrum: id. Allium Cepa; id. Allium ascalonicum; id. Allium sativum; id. c) Cultivées pour leurs turions et leurs feuilles. Asparagus officinalis; freq. Rumex patientia; infreq. Rumex scutatus hortensis; freq. Spinacia oleracea ; freq. Atriplex hortensis; infreq. Beta cicla; sat. freq. Brassica oleracea; cam multifariis varietatibus ; copiose. Lactuca sativa; freq. Cichorium Endivia; id: Valerianella olitoria; id, Portulaca sativa; rar. Lepidium sativum; frèq. Lepidium latifolium ; sat. freq. Poterium Sanguisorba ; vulg. Allium fistulosum ; id. Aiïlium Schôünoprasum ; id. Allium Porrum; id, Petroselinum sativum; freq. Anthriscus Cerefolium ; id. Borrago officinalis; id. Artemisia Dracunculus: id. d) Cultivées pour leurs inflorescences ou leurs fleurs. Cynara Scolÿmus ét Cardunicellüs : freq. Brassica oleracea botrytis ; freq. Tropæolum majus; sat. freq. e) Cultivées pour leurs fruits ou leurs semerices. Cucumis sativa; freq. Cucumis Melo ; infreq. Cucumis Citrullus; infreq. Cucumis anguineus; rar, Cucurbita Pepo cummullifariis va- riet, ; freq. Solanum Lycopersicam; sat. freq. Fragaria vesca; freq. Fragaria chilensis; sat. freq. Fragaria grandiflora ; id. Fragaria virginiana; id. Fœniculum sativum; freq. Anethum graveolens; sat. freq. Coriandrum sativum:; id. Pimpinella Anisum; id, 60 ; MÉMOIRES Sinapis alba et nigra; freq. in ar- vis vicorum Schiltigheim, Bisch- heim , etc. $ 4. Plantes économiques. a) Textiles. Cannabis sativa ; frequentiss. Linum uritalissimum ; rar. Aselepias syriaca; rariss. subspont. sur les bords de la Bruche à Lin- golsheim , provenant d’anc. cul- tures. b) Tinctoriales. Rubia tinctorum; sat. freq. Carthamus tinctorius; rar. Reseda luteola et Isatis tincto- ria, cult. du temps de l'empire. Polygonum tinctorium ; rariss. Crocus sativus; rariss. Phytolacca decandra; rariss. c) Plantes oléifères. Brassica Napus; frequentiss. Brassica Rapa oleifera; id, Camelina sativa; sat. freq. Papaver somniferum; freq. Madia sativa; rar. Helianthus annuus; sat. freq. Juglans regia; freq. d) Plantes économiques diverses. Nicotiana Tabacum ; freq. Humulus Lupulus; freq. Trigonella Fœnum græcum; rar. Dipsacus Fullonum; rar, $ 5. Arbres et arbustes fruitiers; vergers. a) Fruits à pepins ou pomacés. Pyrus Malus, c. multif. variet.; freq. Pyrus communis; id, id, Pyrus Cydonia; sat, freq. Mespilus germanica; id, Sorbus domestica ; rar, b) Fruits drupacés. Cerasus dulcis, c, multif. variet. ; freq. Ceracus acida; id. id, Prunus insititia; id. id. Prunus domestica; id. id. Prunus armeniaca ; id. id. Persica communis; id. id. Amygdalus communis; rarius. Cornus masecula; commun. c) Fruits bacciens. Vitis vinifera (in innumeris variet.) præcipue ; Vitis aminea, Chasselas. ( Gutedel ), Vitis rubra burgund. ; præcox. Vitis macrocarpa (Lombards), etc. Ribes rubrum, acinis albis et ru- bris; freq. Ribes nigrum; freq. Ribes Grossularia ; id, Rubus idæus; id, d) Fruits spéciaux. Castanea vesca ; infreq. Morus nigra et a’ ba; sat. freq. Ficus Carica; freq. Corylus Avellana; freq. Rosa villosa ; sat. freq. $ 6. Herbes médicinales et domestiques cultivées dans les jardins des Paysans et des particuliers. Labiées. Rosmarinus officinalis; Salvia off. ; Hyssopus off. ; Thymus vule. ; Lavandula vera; Melissa off. ; Mentha piperita, crispa; Origanum Ma- jorana; Dracocephalum moldavicum ; Ocymum Basilicum; Satureja hortensis. Synanthères. Artemisia Abrotanum, Absynthium; Inula Helenium; Bal- samita vulgaris; Centaurea benedicta; Silybum marianum ; Calendula officinalis; Anthemis nobilis; Santolina Chamæcyparissus. Rutacées. Ruta graveolens; Dictamnus albus, Ombellifères. Pimpinella Anisum; Anethum grayeolens; Archangelica off.; Fœniculum sativum; Imperatoria Osthruthium. Légumineuses. Melilotus cœrulea ; Glycyne Apios; Galega officinalis, Crucifères. Cochlearia officinalis. Malvacées. Althæa rosea et officinalis. Polygonées. Rheum Rhaponticum; Rumex Patientia, DE LA PREMIÈRE SECTION. 61 Solanées. Capsicum annuum ; Nicotiana rustica. Chénopodiacées. Chenopod. ambrosioides; Blitum virgatum et capitatum. Renonculacées. Clematiserecta; Helleborus niger; Pœonia officinaiis ; Aco- nitum Napellus et Stærkianum. Euphorbiacées. Euphorbia Lathyris; Ricinus communis; Buxus semper- virens. Valérianées. Valeriana Phus. Jasminées. Jasminum officinale. Silénées. Dianthus Cariophyllus. Liliacées. Lilium candidum, Martagon. Iridées. Iris florentina, germanica; Gladiolus vulgaris. Le Laurier, le Grenadier, le Myrte ne supportent pas nos hivers en pleine terre. $'7. Arbres et arbustes plantés dans les parcs publics el sur le bord des 1 routes. Acer Pseudo-platanus, platanoiïides , Negundo , dasycarpum , monspes- sulanum , striatum ; Kælreuteria paniculata; Æsculus Hippocastanum , carnea, flava; Tilia grandifolia, parvifolia , nigra, argentea ; Lirioden- dron tulipifera; Hibiscus syriacus ; Aiïlanthus glandulosa ; Staphylea ter- nata; Ptelea trifoliata; Rhus Cotinus, typhinum; Celastrus scandens; Cissus quinquefolia ; Gleditschia triacanthos ; Cercis Siliquastrum ; Cytisus Laburnum , Adami, capitatus , sessilifolius ; Amorpha fruticosa ; Sophora japonica; Robinia Pseudacacia, hispida, viscosa; Colutea arborescens ; cruenta; Kerria japonica; Spiræa salicifolia (sæpe subspontanea), ulmi- folia, chamædrifolia, opulifolia, hypericifolia, tribobata; Rosæ variæ; Rubus idæus, odoratus; Cratægus Pyracantha ; Sorbus Aucuparia ; Pyrus japonica; Tamarix gallica ; Philadelphus coronarius; Ribes rubrum, ni- grum , aureum, revolutum; Cornus suecica , alba ; Sambucus racemosa ; Lonicera Caprifolium, sempervirens , nigra, tatarica, alpigena ; Chionan- thus virginiana, Symphoria glomerata ; Lycium europæum, barbarum. Diospyros Lotus; Ilex Aquifolium ; Sirynga vulgaris , persica, chinensis ; Fraxinus excelsior et Ornus; Catalpa syringifolia ; Bignonia radicans ; Cel- tis australis; Ulmus campestris et effusa; Elæagnus angustifolia ; Platanus acerifolia; Salix babilonica ; Morus alba, nigra ; Broussonettia papyrifera ; Populus fastigiata, nigra, molinifera , balsamifera ; Fagus sylyatica (var.) atropurpurea ! Quercus Cerris, tinctoria; Juglans regia, nigra et cinerea; Larix europæa, Cedrus Libani (rare); Abies excelsa, pectinata , alba, bal- samea, canadensis; Pinus Strobus; Juniperus Sabina , virginiana , phœni- cea; Schubertia disticha! Thuja orientalis et oecidentalis ; Taxus baccata. = Nous ne croyons pas devoir faire mention des plantes d’ornements, an- nuelles ou vivaces, cultivées dans nos jardins, puisque nous ne saurions assigner des limites à cette catégorie. 62 MÉMOIRES UBER DEN BAU DER CRUCIFEREN-BLUTHE, VON DR. KARL SCHIMPER (1). Note sur La construction de la fleur des Crucifères, par M. le docteur Schimper, de Munich. En réponse à la question du programme, ainsi conçue ? Comment faut-il construire la fleur des Cricifères? (Lettre écrite à M. G. Ph. Schimper). Die Cruciferen-Blüthe gehôrt zu der meiocarpischen, d. h, solchen, deren Carpiden- (Fruchtblatt, vulgo Carpell-) System auf eine andere und kleinere Zabl eingerichtet ist, als der Kelch angetreten hat. Es sind 4 Kelchtheïle, 4 Blumenblätter, 444 Stamina (Welbra, Coniden von mir genannt) und 2+2 Glieder des Carpiden-Systems, von denen die zwei äussern- gewôühnlich schwinden, und nur die zwei innern entwickelt werden. Es sind also nicht blos 4Carpiden, woyon 2 schwinden, sondern es sind 2 besondere zweier Cyclen, wovon der erste schwindet. Um diess deutlich zu machen, brauche ich blos an die gemeinen meiocarpischen Verhält- nisse bei Blüthen, die auf die Basis eines pentameren Kelches errichtet sind , Zu erinnern. So haben unzählige auf 5 Kelch- and 5 Blumenblätter, 5 oder doppelt 3 Coniden , dennoch nur immer 2 oder immer 3 Carpiden (Campanula 5, Asperifotiæe, Labiatæ und Solaneæ 2, u.s. w.; wo sich nur 1 zeigt, wie bei den Papilionceen, da hat der Urbau dennoch 2). Was hier im Fruchtblattsy- stem der fünfzahligen Blüthe geschieht, kann auch in dem der vierzabligen Blüthe geschehen. So hat z. B. Rhamnus catharticus 53, Mœæhringia 2 zur Frucht gedeihende Fruchtblätter in der Anlage von einem vierer Gestell Alles Voraussehenden. Aus der Untersuchung derjenigen Blüthen (wie bei Pyrola u. n.a.), wo eben so viele Fruchtblätter sind als, so zu sagern, der Kelch erwartenlässt (in einer Blüthe, die mit Alternationen und analogen Prosenthesen schrei- tet), erlernt man aber leicht, dass dem Carpiden-System sehr häufig ein Schwindekreiss zuerkannt werden muss, weil dieselben sehr oft nicht ab- wechselnd gefunden werden, selbst wenn die Stamina vollzählig da sind. Wo nur 5 Stamina gesetzt sind, scheint dann gerade nichts zu fehlen , und so konnte Circaea einst Rüpern die einfachste Blüthe scheinen, eines Errthums, dessen ich schon 1854 auf der Stuttgarter Versammlung miss- billigend erwähnte. K 1 Wer das Ausbleiben gemachter, im Bau fortzählender morphologischer Glieder als Fiction betrachtet, weil er sich noch zu wenig mit dem Ge- genstand beschäftigt, oder meint, nur das sei, was man mit Hinden grei- fen kann , nicht bedenkend , dass die Pausen auch zur Musik gehôüren, (4) L'insertion en langue allemande de ce travail remarquable a été autant motivée par la concision du style de l'illustre auteur que par la nouveauté des idées sur une partie de la botanique qui a néces- sité une {erminologie non encore introduite dans la science française. DE LA PREMIÈRE SECTION. 65 und zur innern Gestalt eines Tonstückes unumgänglich nothwendig sind, der übereilt sich , kann aber bequeme Belehrung bei der Grasrispe holen, deren Zweiglein aus der Axille von Blättchen entspringen, welche zum Schwinden bestimmt sind, und nur selten (am leichtesten zu unterst nach beim Anfang, und bei Sessleria immer) gesehen werden, während die Rispe, Aehre u. dgl. doch:in ein Gipfeläbrchen endet, das aus Bracteen besteht, die vollgebildet, oft mit ihrer Granne, selbst ungeheuer lang sind. Bei Triglochin, z. B., erwartet man den gemeinen Typus von Tulipa, wo kein Schwindekreis ist, daher eine geringe Scheidung des Stamen- und Carpell-Systems stattfindet, so dass die Ausgestaltung oft schwankend wird, und die Carpelle mit Ovulis zugleich dicke Antheren haben, wie diess in jedem Garten leicht gesehen werden kann. Allein wer nur Tri- glochin genau aufnimmt und nicht irr wird durch die Umklammerung der Antheren von Seite des Kelches, der sieht, dass die 3 Carpelle mit den 5 innern der 6 Stamina nicht abwechseln; dass folglich dem System der sichtbaren Carpiden ein zugehôriges Schwindekreis-System vorausgeht, das man nicht dem System der Stamina andichten darf, welches vollzäh- lig da ist. Untersucht man hierauf Triglochin maritimum, so hat man die Freude zu sehen, dass hier die verborgen gebliebene (latente) Bauschritte als gleichartige, wobhlgestaltete Glieder sich herausbilden , und 6 Carpelle da sind! eine ungewôühnlich grosse Anzahl, wie man sie bei Juncus, Tulipa, u. a. nie findet. Triglochin ist also disponirt das zweite Carpell-System be- sonders auszubilden, während dieses System bei den meisten andern Mo- nocotyledonen ganz unterdrückt bleibt, und, von der gedeihenden Bil- dung der 3 äussern Fruchtblätter überbaut, von keinem Auge gesehen oder vermisst, nur von dem Gedanken des Theoretikers — aber mit Recht! — noch erreicht wird. Eben so, oder äbnlich versichert man sich des wahren Sachverhaltes bei Iris, Orchis und vielen Dicotyledonen. Campanula medium beweisst im Zustande, wo sie blos mit einer einzigen (also zweiten) Corolle dem Fül- lungs-Zustande genähert wird, aber dennoch 5 neue Stamina gut ausbil- det, durch den bleibenden Stand der 5 Carpellen, dass man da im ge- wübnlichen Zustande nicht eine einfach mit je 5 Gliedern alternirend sich fortbauende Blüthe vor sich hat, sondern dass die Stamina einen zweiten Schwinde-Kreis haben, dessen Entwicklung nicht auf eine Aenderung in der Stellung der Carpellen wirken konnte, wie man nach Analogie (z. B. der einsetzenden Aquilegia) erwarten sollte. Um sich zu überzeugen, dass innerhalb des Stamenkreises selbst Schwindekreise eingehalten werden kônnen, nehme man nur die Poten- üillen genau durch, wo man, zuerst durch die analogen vollständigen Gestalten bei Cerasus, etc., dann durch häufige Fälle bei Potentilla anse- rina lernt, dass das volle System aus 50 Gliedern besteht, — 15 mit 45 auf die bestimmteste Weise wechselnd , — so dass erst die dritten 5 vor die Petala, die vierten 5 Glieder (vierter Untercyclus) vor die Kelchtheile fallen. Allein Potentillen von dem Typus der P. verna, P. reptans und P. anserina haben nur 20 Glieder sichtbar hingestellt, indem die 10 inner- Sten dem Schwinden verfallen. Bei P. rupestris stehen die Stamina anders als bei den oben genannten, und bei P. fruticosa wieder anders als bei P. rupestris, doch sind es Cyclen der Mitte, deren Schwinden, ohne die 64 MÉMOIRES Stellung sonst zu ändern, die Zabl 20 immer wiederkehren lässt, Es sind bei diesen letzteren Arten nur die ersten und letzten 10 Stamina vorhan- . den , so dass weder vor die Petala noch vor die Sepala welche zu stehen kommen. Die Cruciferen, welche uns hier zunächst beschäftigen, zu deren Ver- ständigung aber Obiges einleitend gesagt werden musste, haben, wie schon bemerkt, einen Schwindekreis des Carpell-Systems, und eine Schwindung in dem Stamen-Systeme, und zwar im œussern Cyclus. Der innere Stamen-Cyclus besteht aus den 4 bekannten längeren Sta- minibus, die sich oft paarweise ziemlich genähert sind, oft aber auch die gewühnlichen Abstände zeigen. Bei dem äussern Cyclus der kleinen fehlt das vordere und hintere Stamen. Der Grundbau ist also ohne Vorblätter, wie fig. 1. Die gewühnliche Ausführung, wie fig. 2. Fig. tr. Es gibt aber eine Crucifere, welche das für die Theorie hôchst wichtige Phänomen bietet, dass bei ihr alles den Cruciferen in der mittlern Blüthe Gewôhnliche schwindet, und nichts kommt, als was bei allen Andern schwindet. Bei dieser Pflanze bleibt zwar das Fruchtsystem wie gewühn- lich, aber die 4 Petala und die 6 Stamina, die man an den Cruciferen kennt, sind zum Verschwinden bestimmt, und für die Ausbildung nicht vorhanden. Dadurch ist die Pflanze apetal, und da es eine Species Lepi- dium ist, die so Alles umwendet, so habe ich vor Jahren, eben weil sie gerade das Umgekehrte fast aller andern Lepidien ist, sie mit dem Namen Pelidium zur Gattung erhoben, um durch diese Benennung , die übrigens etymologisch auch ganz gut auf diese unansehnliche Pflanze passt (Tnhtc, farblos, bleich), auf ihre morphologische Eigenthümlichkeit aufmerksam zu machen. Erst Später erfuhr ich, dass sie bereits schon mit dem Namen Senkenbergia in die Reïhe der Gattungen eingetreten war. Die Blüthe dieser merkwürdigen Pflanze sieht daher aus wie Fig, 3. Das heiïsst, sie hat gerade nur diejenigen 2 Stamina, welche wir an den gewôübnlichen Cruciferen-Blüthen vermissen (siehe Fig. 3). Aus dem Beiïspiele von Pelidium ruderale geht also hervor, dass die beiden in den übrigen Cruciferen-Blüthen fehlenden Stamina in der An- lage existiren, und in gewissen Fällen zur Entwicklung gelangen kônnen, und dass im Gegensatze das gewôühnlichst Entwickelte fehlen oder gleich- sam pausiren kann. Nun frägt es sich noch, wie es sich mit dem bei der grüssten Mehrzah * der Cruciferen fehlenden ‘Carpell- -Cyclus verhält. Dieses Räthsel wurde im DE LA PREMIÈRE SECTION. 65 Jahr 1828 durch eine s. g. Monstrosität son Sinapis arvensis, welche un- ser Freund Dr. Berger, der in Griechenland gestorben ist, bei München gefunden hat, auf das Schônste gelüst. An diesem Exemplare finden sich die vermissten Carpelle gerade an der Stelle, welche sie nach der typischen Konstruction der Cruciferen-Blüthe einnebmen sollen, nämlich vor den beiden innern Kelchblättern (siehe Fig. 4). Fig. 3. Fig. 4. Een nes La 9 À \ in GOT 1 2e) 0 : À ) NOR FN LKR Ke N (4 { X } NS RE Se Ich bemerke nur noch schliesslich, dass es sehr schwer, ja unmôglich ist, eine aus der Mitte herausgegriffene Blüthenart deutlich zu konstrui- ren, während etliche hundert Blüthen leicht yerstanden werden künnen, wenn in der Konstruction ein methodischer Zusammenhang beobachtet wird. Das hier Gesagte muss daher als etwas hôchst Fragmentarisches, und für den, der mit dem Gegenstand nicht durch gründliche Vorstudien vertraut ist, Unverständliches betrachtet werden. Analyse de la note de M. Schimper, par M. le prof. Kirschleger. L'auteur construit le type fondamental de la fleur des Cruciféres de Ia manière suivante : (voyez fig. 1) un verticille calicinal quaternaire, un verticille corollin quaternaire, deux verticiiles staminaux quaternaires, tous en alternance régulière. Quant au cycle carpique, il est formé par deux cycles binaires se croisant en angle droit et non point par des ver- ticilles quaternaires dont deux membres avorteraient. C’est là ce que l’au- teur entend par fleur méiocarpique. Dans la construction habituelle des Cruciféres l’on voit les deux étamines antérieure-postérieure du premier cycle staminal avorter, ou plutôt ne pas se développer dans le plan con- génial de la fleur; de là les six étamines tétradynames, Le seul verticille carpique binaire interne se développe; le verticille externe antéro-posté- rieur est également supprimé dans la grande majorité des Cruciféres. Le Lepidium ruderale (voyez fig. 3) offre la suppression habituelle du verticille pétalique et des six étamines qui ordinairement se développent dans les autres Cruciféres; et les deux étamines ordinairement suppri- mées chez celles-ci, existent dans le Lepidium. C’est pour cette raison que M: Schimper propose le genre Pelidium, anagramme de Lepidium. En- fin la figure 4 représente un Sinapis, chez lequel le verticille carpique binaire extérieur s’est développé. Nous obseryerons encore qu’il n’est pas rare de trouver des Cruciféres à huit étamines, c’est-à-dire deux verti- cilles staminaux complets; nous les avons fréquemment observés ce prin- temps sur Cheiranthus Cheiri et Arabis alpina. Plusieurs espèces de Cru- cifères de la Daourie et de Sibérie, par exemple, Tetrapoma Turcz., nous offrentle développement complet des deux verticilles carpiques confondus en une silicule quadrivalve et quadriloculaire. IT. D 66 MÉMOIRES NOTE sur LES SAURIENS DU MUSCHELKALK DE LA LORRAINE ET DE L'ALSACE, PAR M. MOUGEOT, PÈRE, Docteur en médecine à Bruyères , vice-président de la première section. Lors de la réunion de la Société géologique de France à Strasbourg en 1834, j'ai eu occasion de l’entretenir de quelques fossiles du Muschelkalk de la Lorraine, en m’appuyant sur les travaux de M. Agassiz pour les poissons , et sur ceux de M. Herrmann de Meyer pour les sauriens. Depuis cette époque, les recherches de ces savants zoologistes ont sin- guliérement agrandi la sphère de nos connaissances à l'égard des débris de ces animaux dans le calcaire à cératite, et comme j'ose croire que les communications des pièces osseuses réunies par mes soins ont dû contri- buer à ce résultat, qu'il me soit permis de vous parler un instant de ce que vient de m’apprendre tout récemment M. Herrmann de Meÿer sur la grande famille des sauriens ensevelis dans les couches calcaires de cette vaste formation qui a reçu en Allemagne le nom de Muschelkalk et que M. Cordier propose de désigner en France par celui de calcaire à cératite. Je dois avant tout vous parler des moyens mis à ma. disposition pour placer sous les yeux de M. de Meyer les débris fossiles des sauriens du Muschelkalk de la Lorraine. Mme Gaillardot, de Lunéville, qui conserve à son fils, actuellement en Syrie, les collections zoologiques de feu son mari, m'a permis d'y puiser les morceaux qui pourraient servir à mes études paléontologiques, et M. le capitaine Perrin m'a traité avec la même obli- geance. C’est aprés avoir réuni ces objets à ceux que j'avais amassés moi- même et à ceux du Muséum de Strasbourg, que M. de Meyer a pu les décrire et les figurer et qu'il a pu nous les renvoyer ensuite ayec cette fidélité germanique que nous ne pouvons assez louer. Il est résulté de cette communication : 4. Une importante notice insérée au Journal de Minéralogie de MM. de Leonhard et Bronn, pour le mois de mars 1842, danslaquelle M. de Meyer établit parmi les sauriens un nouveau genre, le Simosaurus (museau ob- tus, Stumpfschnauxze), au moyen de plusieurs crânes , de plusieurs frag- ments de mâchoires inférieures, faisant partie des pièces communiquées, Ce genre, voisin du Nothosaurus., diffère de ce dernier par l'extrémité du museau beaucoup plus mousse et plus arrondie, particularité qui lui a mérité le nom de Simosaurus. La tête de ce saurien, par les trois paires de trous distinctement séparés, placés à la partie supérieure, et qui re- présentent les ouvertures des narines, les orbites et les fosses temporales, rappelle la conformation de la tête du Nothosaurus. Mais il existe entre LU DE LA PREMIÈRE SECTION. 67 les divers os qui forment le crâne des différences très-grandes, décrites avec un soin ‘extrême dans la notice citée. Les sutures sont si difficiles à retrou- ver sur les crânes du Simosaurus , que M. de Meyer n’a pas osé en parler, tandis qu’il les connaît parfaitement sur les os du‘ crâne du Nothosaurus. Il existe en outre dans ces deux genres des différences notables relative- ment à la mâchoire inférieure, ainsi que peut l'emplacement et la forme des dents. M. de Meyer n’avait point vu, lorsqu'il a publié sa notice , l'extrémité osseuse du museau, Nous avons pu la lui procurer, et elle s’est en effet trouvée trés-obtuse comparativement à celle du Nothosaurus: Nous avons pu en outre lui fournir la branche gauche de l'os maxillaire inférieur: de plus, l'extrémité articulaire de cette branche; et tout ici est positivement bien différent de ce qui s’observe dans le Nothosaurus et ne‘peut'étre non plus rapporté à la branche maxillaire de sauriens provenant du Muschel- kalk de Lunéville, figurée par Cuvier. Le docteur Gaillardot ayant observé le premier les crânes du Simosau- rus et attiré l'attention sur les‘ossements fossiles de la Lorraine; M, de Meyer a dénommé l'espèce à laquelle ils appartiennent Simosaurus Gail- lardoti. Jusqu’à présent un seul’ crâne de Simosaurus Gaillardoti à été trouvé dans le Muséhelkalk de l'Allemagne, tandis que les débris de cet animal abondent dans célui de la Lorraine. ‘2. Parmi les autres ossements fossiles du calcaire: à cératite communi- qués à M. de Meyer, sé trouvent le crâne} vu de sa face inférieure , du Nothousaurus andriani H. DE M.; mais d’un quart plus grand ‘que: le crâne de l'individu de ce saurien conservé dans la collection de la régence royale de Bayreuth ; plus la mâchoire inférieure de cette espèce avec des dents isolées. Ï1 y avaïit'en outre : lecrâne du Nothosaurus Munsteri, ‘ainsi que la symphyse de sa mâchoire inférieure ; .une‘mâchoire ‘inférieure du Nothosaurus Mougeoti; des vertébres, des’os des membres du Nothosau- rus mirabilis et une portion de crâne d'un nouveau genre de la famille des Labyrinthodontes nommé Xeslorrhytias par M. de Meyer, et dont l'espèce sera désignée Xestorrhytias Perrini, Et à l’occasion de cette der- nière pièce , M. de Meyer, dans sa correspondance, nous apprend que la famille des Labyrinthodontes est «la plus merveilleuse de l'empire des «sauriens; qu’elle est tout à fait fossile et restreinte au trias géologique. «Œlle comprend maintenant les genres Mastodonsaurus, Capitosaurus, (CMetopias, Odontosaurus, Xestorrhytias et plusieurs autres encore.» M: de Meyer connaît Les crânes des trois premiers genres presque entiers, avec leurs sutures, aussi bien que sur les crânes des animaux vivants de nos jours. C’est à la surface de ces os de la tête des Labyrinthodontes que nous ob- servons ces saillies osseuses, divergentes, bifurquées, contournées en tous sens, où viendront se ranger les plaques osseuses, dites frontales de sauriens, par Voltz. Nous avions pensé que ces plaques pouvaient apparte- nir à des poissons; nous les avions confiées à M. Agassiz, et il vient de nous les renvoyer pour les soumettre aux méditations de M. de Meyer. Nous le ferons d’autant plus volontiers, qu'il existe plusieurs espèces de Xestor- rhytias dans le Muschelkalk de la Lorraine, et que les plaques en ques- tion conduisent à les déterminer d’une maniére précise. La monographie des sauriens du Muschelkalk à laquelle travaille depuis D. 68 | MÉMOIRES plus de dix ans M. de Meyer, sera ornée d’un nombre considérable de plan- ches, format in-folio. Déjà 60 de ces planches sont achevées et tous lesdessins ont été exécutés par l’auteur d’après les piéces originales conservées dans les collections du comte de Munster, du cercle de Bayreuth et sur celles que nous lui avons communiquées de l'Alsace et de la Lorraine. C’est dans cet immense travail que nous verrons enfin des figures exactes, des des- criptions détaillées de tous les sauriens du Muschelkalk connus jusqu'à présent et dont le nombre augmente à mesure que les recherches des na- turalistes continuent. Certes, nous avons grand besoin d’un pareil secours pour répandre la lumiére dans les catacombes des sauriens du calcaire à cératite, en considérant les difficultés qu'éprouve le zoologiste à rétablir le squelette de chacune des espèces, surtout parce qu'il est bien rare de re- trouver réunis en contact deux à trois os ensembleetentiers. Ces os sont en effet Le plus souvent brisés, déformés, et il faut la sagacité, la science d’un Cuvier pour mettre en rapport des débris aussi maltraités. M. de Meyer y parviendra, parce qu’il suit les traces de l’immortel préfet du jardin du roi. Il résulte aussi des nouvelles observations de M. de Meyer, que les dents sur lesquelles on avait établi le genre Dracosaurus,appartiennentaux dents incisives de la mâchoire supérieure du Nothosaurus, toujours plus grêles que les inférieures, et qu'il faut en conséquence rayer ce genre de la liste de ceux établis parmi les sauriens du Muschelkalk. f M. de Meyer n’admet point parmi les débris organiques du Muschelkalk des ossements ayant pu appartenir aux tortues. Ce qui avait été reconnu par des hommes célèbres comme devant être rangé avec les ossements de Chéloniens, sont évidemment des parties de squelette du Nothosaurus ou de tout autre saurien. C’est ainsi, entre autres, que cet os bifurqué qui de- vait appartenir à la premiére paire de pièces d’un plastron de trionix, fait partie des côtes abdominales. Vous me permettrez, Messieurs, de vous dire quelques mots sur une es- péce d’Ichthyodorulithe, découverte récemment par M. le capitaine Perrin, dans le Muschelkalk de Lunéville et qui n’avait encore été observée que dans les couches du Lias en Angleterre; c’est le Nemacanthus monilifer AGass. qui s’est trouvé accompagné, comme à Bristol, de dents de Céra- todus. Je place ici sous vos yeux ce bel Ichthyodorulithe. DE LA DEUXIÈME SECTION. 69 MÉMOIRES LA DEUXIÈME SECTION. Sciences physiques et mathématiques. —— RECHERCHES SUR LA PUISSANCE MOTRICE ET L'INTENSITÉ DES COURANTS DE L'ÉLECTRICITÉ DYNAMIQUE. PAR M. DE HALDAT, Correspondant de l’Institut, directeur de l’école préparatoire de médecine à Nancy, vice-président de la deuxième section. Si la science n’enregistrait que les résultats des expériences dans les- quelles la nature, donnant pour ainsi dire son assentiment aux vues des physiciens, confirme les hypothèses qu’ils ont conçues, ses annales se- raient moins riches qu’elles ne le sont, et les résultats des recherches con- signés dans le mémoire auraient bien peu d'importance; mais dans la science de la nature aucun fait ne peut être négligé dès qu’il est bien constaté. Ses lois reposent sur des faits négatifs autant que sur des faits affirmatifs, et, parmi les investigateurs, il n’est aucun naturaliste, chi- miste ou physicien qui ne recueille les faits de l’une et l’autre espèce. C’est d'aprés ces principes que nous avons rassemblé tous ceux qui sont propres à caractériser la puissance motrice des courants de l'électricité dynamique, dont M. Pouillet a fixé les lois caractéristiques de leur intensité, selon qu’ils sont transmis par des corps solides ou fluides, simples ou complexes dans leur forme, égaux ou inégaux dans leurs dimensions. L'influence que l’on pouvait supposer devoir être exercée par ces courants de matière sub- tile, par les changements opérés dans l’agrégation des molécules dans la densité des corps, par leur passage de l’état solide à l’état liquide, par l'association de conducteurs homogènes ou hétérogènes ; enfin, parla pré- sence de conducteurs de nature analogue, mais d'espèce différente, n'ayant pas, ce me semble, convenablement fixé l’attention des physi- ciens, nous ont paru dignes d’un examen spécial. Avant d'exposer les ex- périences dont se composent ces recherches, nous devons faire connaître les instruments employés. Ceux communs à toutes sont : 1° une pile à effet constant, composée 70 MÉMOIRES d’un ou deux couples formés de lames de zinc roulées en spirale, de 500 centimètres carrés de surface, plongée, pour le cuivre, dans un sac d’un tissu serré rempli d’eau saturée de sulfate de cuivre, l’autre dans un vase contenant une solution de muriate de soude; l’une et l’autre entretenues à l’état de saturation ; 2° d’une boussole de sinus telle qu’elle a été décrite et employée par M. Pouillet, armée d’une aiguille aimantée trés-mobile, parcourant un cercle de 12 centimètres de diamètre divisé en demi-degrés, et dont le cercle, chargé des fils du multiplicateur, a 28 centimètres de diamètre ; 5° les autres instruments sont des conducteurs variés qui seront indiqués successivement ; ils se composent le plus ordinairement de fils de cuivre, de 1 à 3 mètres de longueur et de 1/2 millimètre à 1 millimètre de diamètre. À, Influence de l'état d'agrégation des molécules constitutives des con- ducteurs sur les courants. Un fluide dont les courants sont si sensiblement modifiés par la quantité des molécules matérielles qui le conduisent , ne semblerait-il pas aussi de- voir l'être par l’état d’agrégation de ces molécules? Cependant un fil de cuivre de 2/3 de millimètre de diamètre et 5 mètres de longueur, servant de conducteur à un courant produit par la pile indiquée, ayant donné des déviations égales à 350, 400, 450 avant d’éprouver aucune tension autre que celle de son propre poids, a été tendu par des forces égales de 1 à 10 kilogrammes, sans qu'aucun changement dans l'intensité du courant se soit manifesté. Seulement quand la tension, portée à 10 kilogrammes, a allongé le fil jusqu’au point qui produit la rupture, l'aiguille a indiqué cet allongement conformément à la loi établie. Les changements dans l’état des molécules intégrantes écartées au delà de l’état normal n'ayant exercé aucune influence sur l’état du courant ; on dut chercher si une modification dans laquelle des molécules d’un même conducteur seraient les unes condensées, les autres dilatées, comme on peut l’admettre dans l’extension des ressorts en hélice, modifierait la fa- culté conductrice et par là l'intensité du courant: Pour y parvenir, ona employé plusieurs ressorts-de cette espèce ; parmilesquels j’ai choisi celui qui semblait promettre des résultats plus évidents. Cette hélice, formée d’un fil de fer de 5 millimètres de diamètre et composée de 50anneaux de 6 centimétres de diamètre, qui fermée avait une longueur de 30 centi- mêtres et pouvait par l’extension s’allonger au delà de 2 mêtres, a été in- troduite dans la conduite de la pile de maniére à pouvoir être rapidement tendue où fermée pendant qu’on observait à la loupe la position de l'ai- guille, sans avoir, dans aucun cas, manifesté la moindre influence sur le courant qu’elle conduisait. Comme la théorie dés ondulations, si heureusement appliquée aux phé- nomènes de l'optique , a acquis beaucoup de célébrité, quelques physiciens ayant essayé de introduire dans l'explication des phénomènes de Vélec- tricité dynamique, on 4 dû chercher jusqu’à quel point ces ondulations hypothétiques pouvaient exister aveé ces ondulations produetrices dessons. C’est pourquoi on a excité dans des conducteurs variés en longueur, en diamètres et en tensions des vibrations transversales ou longitudinales, de manière à produire les sons caractéristiques de ces vibrations, sans que les plus intenses ou les plus faibles, les plus aigus ou les plus graves aient DE LA DEUXIÈME SECTION. TA modifié de la moindre quantité l'intensité des courants. Les fluides dont les molécules, si facilement retenues par la force d’agrégation , peuvent être le plus facilement mis en vibrations dans leurs molécules intimes, ont étéemployés à divers essais. Une colonne de mercure, de 3 à 4 décimètres de longueur et de 5 millimètres de diamètre; contenue dans un tube légé- rement courbé, a été introduite dans la conduite du courant. Quoique fortement agitée par des chocs ou frictions exécutés sur le tube, elle n’a apporté aucun obstacle à la marche du courant. Il en a été dé même pour l’étain ou le bismuth en fusion, qui ont transmis le courant avec la même intensité. pendant leur état liquide: et leurs vibrations que pendant leur repos à l’état solide. On a encore communiqué de plus vives agitations, enle faisant bouillir au sommet de la: courbure du tube dans lequel il était contenu, sans obtenir de résultats différents , seulement l'aiguille a mani- festé des variations quand, par les effets de l’ébullition, la continuité de la colonne s’est interrompue. Les variations transitoires dans l’état d’agrégation moléculaire des con- ducteurs n'ayant exercé aucune influence sur l'intensité des courants, on a dûse demander si une modification permanente serait également ineffi- cace. C’est ce que l'expérience a prouvé: car des fils de cuivre ayant été substitués l’un à l’autre avant et après avoir été écrouis , le même courant a conservé la même intensité. L’un de ces fils, d’un,millimétre de dia- mètre, converti par le laminoir en une bandelette de plus de2millimétres de. largeur, a montré la même propriété conductrice. Cette expérience toutefois a cffert une anomalie qui aurait pu en imposer, si les lois éta= blies par M. Pouillet, n’en avaient montré la cause dans l’allongement et la diminution du volume. L’altération du courant par le battage pen- dant sa marche a été également inefficace , soit qu’elle ait été partielle ou faite sur des parties. continues d’une certaine étendue. Les torsions, les plis répétés, les nœuds multipliés, qui sont des causes si efficaces du dé- veloppement de la chaleur ont été également impuissants pour modifier l'intensité ou la force motrice des courants. Quoique les variations constantes ou transitoires dans la force d’agré- gation des solides ou desfluides n’aient exercé aucuneinfluence sur les cou- rants transmis par de bons conducteurs, on n’en pouvait rien conclure relativement aux conducteurs.composés de parties solides, mais privées de la force de cohésion. Afin de reconnaître l'influence de cet état, on a introduit dans le circuit des tubes de verre remplis de diverses poudres métalliques plus ou moins atténuées, telles que limaille de fer et de cuivre poudre grossière. d’antimoine ou de bismuth, amalgame d’étain sec: Les obstacles que ces poudres diverses , contenues dans des tubes égaux en longueur et.en capacité, ont apporté à la marche des courants, ont. été, d'autant plus efficaces. que les particules étaient plus grossiéres, moins propres à se prêter dans leurs parties à des contacts plus exacts et plus multipliés, comme l’a montré cette espèce de poudre métallique con- nue sous le nom d’aventurine, dont on armait-autrefois les bouteilles de Leyde: L'obstacle à la marche des .courants s’est accru avec la longueur des colonnes, mais surtout par l’imperfection du contact entre les parti- cules, comme on l’a prouvé au moyen de l’amalgame détaché des vieilles glaces, qui par sa nature étant plus susceptible de se tasser, a pu, par la compression, de mauvais devenir bon conducteur. 72 MÉMOIRES Cette puissante influence de la densité et de la cohésion sur la conduc- tibilité indiquait une recherche à faire sur les phénomènes qu’elle a pré- sentée dans les expériences précédentes. Depuis la découverte de Galvani, on a constamment répété que la plus petite distance entre les parties qui composent le circuit arrêtait les effets de piles même très-puissantes, Mais d’un côté, l'analogie existant entre les deux modes principaux du déve- loppement de l'électricité, dont l’un franchit à travers de l’air d'assez grands intervalles et qui, dans l’autre, en offre encore un exemple remar- quable dans l'expérience de la combustion du charbon par le courant de la pile, semblait laisser du doute sur l’assertion générale des physiciens. Le plus petit intervalle possible entre les parties d’un conducteur de l’é- lectricité dynamique est-il infranchissable aux courants qui la caracté- risent, ou cet intervalle a-t-il une limite ? Il est évident qu’il peut l'être, lorsque le courant entraîne , selon l'explication généralement admise, des parties du conducteur, comme dans l'expérience que nous venons de ci- ter. Mais dans l'air, lorsque le courant est transmis par des conducteurs dont les parties sont retenues par une puissante adhésion , quelle est alors cette distance ? Pour la déterminer avec quelque exactitude, j'ai construit un instrument micrométrique composé de deux petites colonnes de laiton, fixées à une petite distance sur une base de bois sec. Ces deux colonnes portent à leur extrémité supérieure de gros fils de platine horizontaux qui se regardent par leur extrémité arrondie et dont l’une peut se rapprocher au moyen d’une vis à pas serré, portant une aiguille qui parcourt un ca- dran divisé en cent parties égales et qui peut diviser le millimètre en 200 parties. (Fig. 1.) Ce petit instrument, introduit dans le circuit de la pile, m'a prouvé que si l’on ne pouvait pas trouver la limite absolue de l'intervalle minimum , capable d'interrompre le courant de la pile employée jusqu'alors dans ces essais, cet intervalle n'était pas au-dessus de 1/200 de millimètre. J'avais déjà antérieurement reconnu ce fait en général , sans employer une me- sure rigoureuse, en portant le tranchant d’un instrument trés-acéré sur une bandelette fort étroite d'oripeau collée sur un carton , dont la division transversale, quoique extrêmement étroite, arrêtait cependant le cou- rant, On aurait pu considérer la sécheresse de l’air comme cause de l’'interrup- tion , quand la distance des parties du conducteur est si petite ; mais l'effet a été le même dans l’air saturé d’eau , dans l'hydrogéne et dans l'acide carbo- nique humide. Le courant a même été interrompu , lorsqu'on a dirigé un jet de vapeur d’eau dans l'intervalle qui séparait les parties du conducteur, et, ce qui est bien plus étonnant, il ne s’est pas rétabli quand on a introduit une goutte de potasse caustique ou d’acide sulfurique entre les extrémités des fils de platine de notre petit instrument. Ce fait serait inexplicable , si les recherches de M. Pouillet ne nous avaient fait connaître la résistance que les liquides opposaient à la marche des courants, quand ils forment de minces filets. Dans toutes ces expériences sur les effets de l'interruption des conducteurs, nous nous sommes toujours assurés que l'intervalle n'é- tait pas moindre que celui indiqué en passant entre les extrémités des fils de platine du micrométre de petites bandes de papier de soie, d’oripeau ou d’or battu. Ces faits relatifs à l'obstacle opposé aux courants par les interruptions DE LA DEUXIÈME SECTION. 73 des conducteurs, ont conduit à une expérience qui semble jeter du doute sur l'explication de la combustion du charbon dont nous avons parlé. Car si la communication est dans ce cas établie par les molécules du charbon, ilsemble qu’elles devraient l'être bien plus complétement par les vapeurs mercurielles ; cependant il n’en est pas ainsi. On a disposé un petit tube de verre courbe en double siphon , que l’on a rempli de mercure , de ma- niére à laisser un petit intervalle au sommet de la courbure moyenne en- tre les deux colonnes mercurielles latérales avec lesquelles on a fait com- muniquer un fil de cuivre destiné à y conduire le courant de la pile. (Fig. 2.) Quoique le courant fût puissant, il a été constamment interrompu tant qu’a subsisté l'intervalle entre les deux colonnes mercurielles, et il ne se ré- tablit pas même lorsque, par l’action de la chaleur, on dégagea des vapeurs mercurielles dans l'intervalle , en faisant bouillir le métal dans l’une des deux branches qui avait été mastiquée, afin de forcer la vapeur à passer d’une colonne à l’autre, en traversant l'intervalle qui les séparait. On voit par là combien les vapeurs même appartenant à des matières métalliques sont peu propres à transmettre les courants de l'électricité dynamique. Nous avons suffisamment prouvé leur impuissance à franchir les plus pe- tits intervalles lorsqu'ils sont faibles. Les franchiraient-ils si l’on augmen- {ait leur puissance? On a doublé la pile, on a même ajouté un quatrième élément, et quoique cette batterie, qui était assez puissante pour affoler l’ai- guille, donnât de fortes étincelles, le courant n’a pu franchirle petit in- tervalle de l'instrument micrométrique. Avec une batterie aussi puissante on aurait pu croire que l’une des colonnes aurait été entraînée vers l’au- tre , mais le circuit est resté constamment interrompu tant que les deux colonnes ont été séparées même par le plus petit intervalle, et la vapeur mercurielle dégagée par la chaleur s’est encore dans ce cas montrée im- puissante pour rétablir le courant. Comme la réunion des métaux hétéro- gènes dans un circuit détermine des phénomènes thermiques, que plu- sieurs physiciens regardent comme produits par les obstacles opposés à la marche du fluide électrique, on pouvait présumer que l'introduction d’un conducteur ainsi formé produirait quelque modification dans l'intensité du courant; on a construit, pour éclairer cette question, trois conducteurs égaux en longueur et en diamètre, composés de fils métalliqnes de diverse nature, dont les éléments avaient tous 12 centimètres de longueur ; l’un était de fer et de cuivre; le second, de cuivre et d'argent, et le troisième, de laiton et de fer. Les divers éléments de ces conducteurs ont été assem- blés comme les anneaux d’une chaîne et soudés en étain pour assurer la continuité des parties. Ils ont été successivement employés, comme con- ducteurs des courants de notre pile, de la manière suivante. Chaque conducteur composé étant accompagné d’un conducteur homogéne de même nature que l’un des deux métaux, pouvait être promptement subs- titué à celui dont on voulait apprécier l'influence ; pendant qu’on obser- vait l'aiguille de la boussole, dont on ayait déterminé la position, quoi- que les substitutions alternatives d’un conducteur à l’autre ayant été fré- quemment répétées, la constance dans la situation de l’aiguille a indiqué une égalité remarquable entre les courants transmis par l’un ou l’autre conducteur , et les différences peu nombreuses qui se sont présentées ont toujours pu être expliquées par quelque maladresse dans les manœuvres ou par quelque inégalité dans les conducteurs. 74 MÉMOIRES B. Influence des courants, effluves, émanations d'agents subtiles et im- pondérables sur les courants de l'électricité dynamique. Les modifications dans l'agrégation moléculaire des conducteurs de nos courants ayant si peu d'influence sur leur intensité, il était important de connaître quelle serait sur ces émanations subtiles l’action d'agents im- pondérables, analogues par quelques propriétés et d’ailleurs doués de beau- coup d'énergie et dirigés de manière à favoriser ou à contrarier leur action. Dans les premières expériences de cette classe on a fait intervenir l'agent magnétique : huit petits prismes d'acier de 15 centimètres de longueur, de 8 millimètres de largeur et de 5 d'épaisseur, ont été réunis bout à bout dans une gouttière de bois propre à les contenir exactement; ils ont été fixés solidement, et les deux extrémités dela série qu’ils composaient com- primées de maniére à les maintenir dans un contact immédiat, introduits dans le circuit et devenus conducteurs du courant: ils l'ont transmis comme les conducteurs non magnétisables. L’aiguille de la boussole s’é- tant fixée à 60 degrés, on a alimenté la pile pour éviter les variations dans l'intensité du courant; puis les prismes d'acier, qui avaient déjà acquis quelque puissance magnétique, ont été aimantés promptement par la mé- thode de la double touche avec de puissants faisceaux. Après avoir acquis toute la force magnétique dont ils étaient susceptibles, ils ont été replacés dans le trajet du courant, et l'aiguille qui a conservé sa position a éprouvé la nullité de Finfluence de l’état magnétique des conducteurs sur son in- tensité. Le pôle nord de cet aimant composé avait d'abord été opposé à la direction du courant; on lui a opposé ensuite le pôle sud, sans qu’au- cune différence ait été observée. L'influence de la matière de la chaleur a ensuite été examinée. Cet agent dont l’action sur l'agrégation moléculaire est si puissante, a-t-il une égale influence sur les courants électriques ? Je dois mettre dans la solution de cette question beaucoup de circonspection , parce que les résultats que j'ai oblenus ne s'accordent pas avec ceux d’un savant professeur dont les travaux sont justement appréciés des physiciens. M. Pouillet a reconnu à la chaleur la propriété de modifier, d’amortir les courants, lors même que son action est faible; cependant, quoique j'aie appliqué aux conducteurs de la pile une chaleur voisine de celle nécessaire à la fusion du laiton et dans une étendue de 25 à 30 centimétres , je n’ai observé aucune varia- tion dans l'intensité du courant. Ces expériences ont été faites avec le même instrument employé par le savant observateur , et il a constamment donné les mêmes résultats que ceux qu'il a obtenus dans toutes les autres recherches sur l'intensité des courants. Les courants de l'électricité statique, dont les effets mécaniques sont si remarquables et dont les effets chimiques annoncent une si grande éner- gie, semblaientsi propres à modifierles courants de l'électricité dynamique, que l’on ne pouvait se dispenser d'examiner ces influences; cependant, contre les apparences, ils ont été combinés ou opposés aux premiers, Sans qu'aucune modification se soit manifestée, Le fil conducteur du pôle zinc de la pile ayant été réuni à un fil de cuivre couvert de soie et maintenu parallèlement à ce fil par des liens convenablement disposés, on a fait tourner par un aide le plateau d’une machine électrique au conducteur de laquelle il était uni, pour rendre à la terre le fluide accumulé sur le con- DE LA DEUXIÈME SECTION. 75 ducteur; aucun changement/dans l'intensité du courant de la pile n’a été observé, soit que la direction des deux courants ait été commune ou oppo- sée. Les courants produits parladécharge de la bouteille de Leyde, si éner- giques et cependant si faciles à diriger, ont été de même impuissants, quelqu’ait été leur direction relative à celui de la pile. Il est surtout digne d'attention que le conducteur de la bouteille a pu être uni à celui de la pile par la torsion et parle croisement ;sans qu'aucun changement dans le cou- rant se soit rendu apparent, et l’on doit s’en étonner quand on sait com- bien les décharges de la bouteille de Leyde ont de tendance à s'étendre sur les conducteurs qu’elles rencontrent dans leur marche. Les courants ma- gnéto- électriques .ont été également essayés sans succés. Afin de rendre plus évidente la résistance que les courants de l’électri- cité dynamique opposent à tous les obstacles par lesquels il semblerait possible de modifier leur intensité, il ne reste plus qu’à déterminer leur action sur eux-mêmes. C’est pour tenter cette influence réciproque qu'un second couple , parfaitement égal à celui généralement employé, a été établi à côté du premier et chargé de la même manière. Les conducteurs homonomes , composés de fils de cuivre couverts de soie, ont été réunis \parallélement dans une étendue d’un mètre et demi; la même disposition a eu lieu pour les pôles hétéronomes, sans que. l'aiguille ait indiqué le moindre changement dans l'intensité, du courant examiné, qui, dans le premier cas, semblait devoir s’augmenter de toute la force du courant qu'on lui ayait réuni, et qui, dans le second, devait diminuer proportion- nellement à la force qui lui était opposée. Pour rendre ces.effets plus sen- sibles encore, on a affaibli l’un des courants, en faisant usage d’une pile de la plus petite dimension , et on a laissé à l’autre courant toute son éner- gie.sans que le premier ait éprouvé aucune modification, ce dont on s’est assuré en le mesurant avec un électromètre de Schweiger à long fil. La nullité d'influence réciproque des. courants, constatée dans toutes nos expériences, m'oblige à ajouter ici quelques remarques relatives à ce que ij'ai dit sur l'association ou l'opposition des courants, dans un mé- moire destiné à combattre.la théorie employée à l'explication des phéno- mênes du magnétisme par rotation. En partant de la réunion ou de lop- position des courants, il n’a été question que de ceux qui sont transmis par un même conducteur ou des conducteurs intimement unis. Quant aux courants transmis par des conducteurs isolés, indépendants, quoique les phénomènes de l'aiguille d’épreuve, présentée sur le trajet commun, soient en apparence semblables à ceux des conducteurs uniques ou réu- nis, les effets en sont fort différents; car, dans le premier cas, celui des courants multiples transmis par un même conducteur, ils s’ajoutent ou se neutralisent réellement, tandis que dans le second ils demeurent indé- pendants, comme on le prouve au moyen de l’électromêtre de Schweiger ou de la boussole des sinus. D’aprés les faits nombreux qui établissent si complétement l’indépen- dance des courants transmis par des conducteurs isolés , comment accorder ces faits avec les phénomènes si exactement décrits et si ingénieusement expliqués par feu Ampère ? Comment se fait-il que des courants qui s’at- _lirent et se repoussent avec tant d'énergie, selon qu'ils ont des directions communes ou opposées, qui donnent lieu à des mouvements rotatoires si remarquables lorsqu'ils combinent leur influence ; comment déjà se fait-il 76 MÉMOIRES qu'ils n'aient mutuellement aucune influence sur leur intensité, lors même qu’on les resserre entre eux le plus étroitement possible, en les for- çant à passer à la plus petite distance les uns des autres, et même à se confondre en se croisant? Les faits de cette classe, qui semblent contredire les lois du mouvement, qui même ne s'accordent pas entre eux dans les cas des conducteurs séparés par les plus petites distances des conducteurs communs à plusieurs courants, doivent-ils s'expliquer par leur subtilité infinie? Comme des substances impondérables dont les molécules, d’une ténuité excessive, peuvent se traverser en tout sens sans se heurter, comme cela a lieu dans les phénomènes de l'optique, dans l’action de ce fluide hypothétique désigné sous le nom d'éther? Je soumets ces ques- tions à la méditation des physiciens qui, chez les diverses nations euro- péennes, ont enrichi la science de l'électricité de tant de découvertes im- portantes et de travaux utiles. Quelle que soit la théorie admise dans leur explication , il résulte de ces faits : 1. Que la modification des courants dans l’état moléculaire des corps, à l'exception de celles qui diminuent l'agrégation , n’exerce aucune influence sur l'intensité des courants. 2. Que la modification des courants dans l’altération de l'agrégation ne depend que de la diminution du contact entre les molécules intégrantes des conducteurs. 3. Que là puissance ou force magnétique n’exerce aucune influence sur l'intensité des courants de l'électricité dynamique: 4. Que son action est impuissante pour modifier ces mêmes courants. 5. Que les courants de l'électricité statique n’exercent aucune influence sur les courants de l'électricité dynamique, que ces mêmes courants n’exer- cent sur eux-mêmes aucune influence, à moins qu'ils ne soient transmis par le même conducteur ou des conducteurs intimement unis. 6. Enfin, comme conséquence générale , que les courants de l'électricité dynamique sont animés d’une force motrice dont la puissance ne peut être sensiblement altérée que par le défaut de contact entre les parties inté- grantes des conducteurs qui les transmettent. EXPLICATION DES FIGURES. Fig. 1re. Instrument micromélrique. A. Base en bois vernis. BB’. Colonne en laiton : l’une B portant le micromètre, l’autre B' por- tant le conducteur fixe. CC’. Vases en ivoire remplis de mercure pour établir les communica- tiens avec les conducteurs de la pile. D. Cadran du micromèétre divisé en cent parties. E. Vis micrométrique portant l’un des fils de platine. Fig. 2. Double Siphon. AA’. Extrémités du double siphon recevant les conducteurs de la pile A , destiné à être mastiqué A’ qui demeure ouvert. BB’. Anneau commun aux deux siphons, indiquant la ligne de niveau et les extrémités des colonnes mercurielles. : C. Anneau de jonction vide de mercure. aubursn: ehhreniui “LLC rs AIT | dl A ANGEL) ” 41}: à : } 4 1 » CT TER UTILE 111N REIN etant : : LL 1 DE LA DEUXIÈME SECTION. CONSIDÉRATIONS SUR LA DIFFÉRENCE QUI EXISTE ENTRE LA FORCE ÉLASTIQUE DE LA VAPEUR ET L'ÉLECTRO- MAGNÉTISME DANS LEUR APPLICATION COMME FORCES MOTRICES, PAR M. E. KOPP. Docteur ès sciences, professeur à l’école normale primaire. A une époque où les tendances pratiques sont tellement prononcées qu’on pourrait avec raison la caractériser sous le nom d’industrielle , il n’est pas étonnant que peu de questions aient excité un intérêt aussi puis- sant, aient fait concevoir des espérances aussi grandes que celle de la subs- titution de la puissance électro-magnétique à la vapeur. Les brillantes expériences dues aux courants galvaniques, leurs belles et nombreuses applications, soit dans la galvanoplastique, soit dans l’art de dorer et d’é- tamer les métaux ou de les préserver de l’action corrosive des influences atmosphériques, enfin la réussite des premiers essais dans leur emploi comme forces motrices, ont dû nécessairement éveiller l'attention géné- rale et la concentrer sur ce nouvel agent si varié dans ses effets, sans dan- gers dans ses applications. De nombreux et zélés expérimentateurs se mi- rent à l'œuvre, les uns en tâtonnant et allant au hasard, les autres guidés par des théories plus ou moins complètes , plus ou moins exactes. La science y gagna de précieuses observations, mais la question pra- tique resta sans solution, et la réalité fut bien au-dessous des espérances nombreuses que les prédictions hardies de quelques savants avaient fait concevoir. À quoi attribuer ces difficultés inattendues? Faut-il les chercher dans l'agent primitif, dans la force magnétique elle-même, ou dans la manière de l'appliquer ? Tant que les lois fondamentales de l’électro-magnétisme étaient incon- nues, ou n’avaient point encore été formulées pour l’application indus- trielle, tant que la construction des piles était tellement imparfaite que la dépense excédait soixante-dix à quatre-vingt fois celle qu'indiquait la théorie, il était impossible de se prononcer avec quelque certitude sur une question aussi importante. Il n’en est plus de même aujourd’hui. Grâce aux infatigables recherches des physiciens de tous les pays et, ne crai- gnons pas de le proclamer, surtout des physiciens allemands et russes, ces lois fondamentales sont maintenant bien déterminées, et un examen comparatif des deux forces dans leur nature , leur mode de production et les frais qu’elles exigent, pourra non-seulement fournir une solution sa- tisfaisante, mais permettra même de fixer les cas dans lesquels la vapeur sera constamment supérieure à l’électro-magnétisme et ceux dans lesquels ce dernier pourra l'emporter sur la vapeur. - 78 MÉMOIRES Il faut bien l'avouer, on demande à ce nouvel agent, dont la découverte est un des faits les plus remarquables de notre époque, plus qu'il ne peut réaliser. De ce qu'un instrument est nouveau, qu'il se prête aux applica- tions les plus diverses, il n’en résulte pas qu'il soit aussi doué d’une puis- sance excessive, et ce n’est pas déprécier son mérite que de fixer les limites au delà desquelles son emploi ne sera plus avantageux. Examinons d’abord le mode de production des deux forces. La vapeur, formée constamment par échauffement de l'eau dans des gé- nérateurs hermétiquement fermés, à l'exception des points qui doivent donner issue à la vapeur ou permettre à l’eau d'alimentation de se rendre dans la chaudière, exige toujours un temps assez long, employé à élever la température de tout l'appareil, avant que la force élastique soit assez grande pour servir comme force motrice, Ce temps dépend: 10 de la masse entière de la chaudière avec les matériaux qui constituent le foyer et ses parois ; 20de la quantité d’eau renfermée dans les générateurs. Il sera d’au- tant plus long que la machine entière sera plus grande et, par conséquent, augmentera avec l'effet qui doit être produit. Mais il n’y a pas proportio- nalité, c’est-à-dire que pour un effet double le temps nécessaire ne sera pas double, mais bien moindre , et, en général, plus l'effet sera multiplié , moins sera considérable l'augmentation. L'inverse a lieu lorsqu'il s’agit de suspendre le travail. La chaleur de l’eau , de la chaudière et du foyer ne se perdant que peu à peu, la force élastique de la vapeur s’affaiblira graduellement, mais sera encore bien sensible longtemps aprés la cessation de l'introduction du combustible dans le foyer. Il en est tout autrement de la force électro-magnétique. Au moment même où la pile, source des courants, est plongée dans le liquide excita- teur, la machine acquiert instantanément son maximum de force et agira avec tout l'effet qu’elle peut produire, à l'exception des premiers ins- tants nécessaires pour vaincre l’inertie des matiéres constituant le méca- nisme. De même il y aura à peu près cessation complète de toute force en sor- tant la pile du vase contenant le liquide acide, et l’appareil entier s'arrête- rait sur-le-champ sans la quantité de mouvement qu'il possède et qu'il perd rapidement par les frottements et la résistance à vaincre. Moins le mécanisme aura de masse, moins il faudra de temps pour le mettre en mouvement ou pour l'arrêter. Il en découle comme conséquence, que toutes les fois qu'il s'agira de produire des effets instantanés devant cesser tout aussi rapidement, ou qu’il y aura des intermittences fréquentes et pro- longées dans le travail, l’électro-magnétisme présentera de grands ayan- tages sur l'emploi de la vapeur. Il faut cependant tout de suite faire subir à cette proposition: une res- triction très-importante : c’est que la puissance ne doit pas être considé- rable. En examinant la nature des deux agents moteurs, on remarque entre eux les plus grandes différences. On pourrait presque dire que pour la force élastique de la vapeur, l’effet est bien plus grand que la cause, c’est- à-dire qu'à une augmentation graduelle de température correspond une augmentation bien plus grande de force élastique. En effet, à 100 degrés la pression — 1 atmosphére; à 121 degrés — 2 atmosphéres; à 155 de- DE LA DEUXIÈME SECTION. 79 grés — 5 atmosphères; à 200 degrés — 15 atmosphéres; à 266 degrés déjà 50/atmosphéres et ainsi de suite jusqu’à la température à laquelle se pro- duit le phénoméne si curieux de la caléfaction. D’aprés cela, il est évident que plus la force exigée sera considérable , plus on aura avantage à se ser- vir de l’élasticité de la vapeur. C’est le contraire pour l’électro-magnétisme. D’abord quant à l'intensité des courants; il n’y a peut-être aucun cas qui représente mieux la propor- tionalité de l'effet à la cause et réciproquement. Pour mieux rendre notre pensée, supposons une pile parfaite, de manière à éviter toutes les pertes ac- cidentelles , on obtiendra le courant maximum pour une certaine dépense de zinc dans un temps donné. Ce courant pourra produire les effets maxi- mums soit de magnétisme, soit de décompositions chimiques, ete. Mais si l’on introduit dans le conducteur des résistances successives, de maniére à affaiblir l'intensité du courant, non-seulement on affaiblira les effets ma- gnétiques ou chimiques, mais en outre la dépense de zinc diminuera dans le même rapport, et si l'effet utile devenait zéro, la dépense serait égale- ment nulle. Donc, pour avoir un courant double en intensité, toujours en supposant une pile parfaite, elle devrait avoir une grandeur double et la dépense de zinc serait aussi double. Maisle courant seul ne peut servir comme moteur, il faut encore trans- former son intensité en puissance magnétique. Or, pour un cylindre de fer donné, ainsi qu'une certaine surface de zinc, on peut obtenir le maxi- mum de magnétisme d’une foule de manières, en faisant varier à la fois le nombre des tours de spirale, leur épaisseur, le nombre et la surface des éléments , etc.; mais de quelque manière que ce maximum soit obtenu, la dépense définitive en zinc est la même. En observant l'effort très-grand nécessaire pour vaincre l'attraction d’un électro-aimant sur une masse de fer doux et, à plus forte raison, sur un autre électro-aimant magnétisé en sens contraire, quoique cet effet ne soit produit que par une pile faible, on serait tenté de croire que ce même effort, appliqué à un mécanisme approprié, fût capable de produire les plus grands résultats. Mais, dans le système d'appareils construits jusqu'ici, il n’y à que l’at- traction à distance entre les deux magnétismes contraires qui puisse agir comme force motrice, et il y a une trés-grande différence entre l'effort nécessaire pour éloigner deux aimants (naturels ou électriques) avant le contact.et après le contact. Déjà à une distance de quelques centimètres, les appareils plus puissants de ce genre n’exercent presque plus d’action, et il semblerait résulter de quelques faits observés par M. Münch que, pour les différentes formes d’électro-aimants, toute circonstance égale d’ail- leurs; l'attraction à distance ne fût pas proportionnelle à l’attraction au contact. M. Jacobi, qui, le premier, a cherché à résoudre le probléme de l’ap- plication de l’électro-magnétisme comme moteur, avait d’abord pensé que cette force, agissant d'une manière continue comme la pesanteur, produi- rait un mouvement uniformément accéléré, qui irait jusqu’à l'infini sans la résistance de l'air et le frottement. Mais l'expérience vint démontrer que cette force rentrait dans la classe des forces ordinaires, et que le mé- canisme prenait bientôt un mouvement uniforme, indépendant des deux 30 MÉMOIRES causes citées. On se rend facilement compte de ce résultat en ayant égard aux courants contraires qui prennent naissance par la réaction rapide des aimants sur les spirales, et au fait démontré par Fechner, qu’il faut un cer- tain temps (quoique tré -court) pour que le fer puisse acquérir son maxi- mum de magnétisme. La rotation du moteur principal ne pouvait dépasser quatre-vingts tours par minute pour un courant faible, et cent vingt tours pour un courant plus fort. Si nous considérons d’une manière générale les différentes dispositions qu'on peut adopter pour utiliser les courants électro-magnétiques, elles peuvent être rangées en trois classes. Dans la première, le courant transforme des masses de fer doux en ai- mants, qui réagissent ensuite soit sur du fer, soit sur d’autres électro-ai- mants magnétisés en sens contraire, soit par le même courant, soit par celui d’une pile secondaire. On a constaté que l'attraction entre deux ai- mants opposés était quatre fois plus forte que celle entre aimant et fer naturel. La plupart des machines électro-magnétiques un peu considérables sont construites d’après ces principes. Dans la seconde, des aimants en acier, d’une grande puissance, réa- gissent sur des électro-aimants changeant alternativement de pôles. Dans la troisième, des hélices, traversées par le courant, réagissent sur des masses de fer doux ou sur des aimants en acier, ou enfin sur des élec- tro-aimants, comme, par exemple, dans la balance électrique de M. Bec- querel. Quelle que soit la méthode employée, plusieurs causes s'opposent à ce qu'un appareil électro-magnétique, même en ne reculant devant aucune dépense, puisse acquérir une puissance considérable, par exemple celle de quatre à cinq chevaux. Les principales sont les suivantes : L’attraction d’un aimant sur uñe masse de fer n’est pas proportionnelle à l'intensité du courant magnétiseur, mais au carré de cette intensité ; donc, pour avoir un effet triple, il faudrait un courant neuf fois plus in- tense. Si les masses de fer sont très-grandes et si un magnétisme puissant y est développé, de même que celui-ci n’atteint son maximum qu'au bout d’un certain temps, de même il ne se perd pas instantanément , et ces électro- aimants peuvent encore porter des poids assez considérables quelque temps aprés la cessation du courant. Une conséquence fatale pour la pratique en découle: c’est que si les changements de pôle se font avec une grande ra- pidité, une partie considérable de l'intensité du courant est employée à détruire le magnétisme contraire qui ne s’est pas dissipé, et la force élec- tro-motrice est diminuée de toute cette quantité. Pour les appareils dans lesquels il y a contact des aimants, les chocs vio- lents qui résultent de la force avec laquelle de grandes masses métalli- ques se précipitent les unes vers les autres et se séparent de même, doi- vent être à la longue un élément puissant de détérioration. Enfin, nous citerons encore comme obstacles la réaction qui s'établit entre les électro-aimants, les spirales et les éléments en acier, réaction qui doit nécessairement affaiblir graduellement le magnétisme de ces derniers et pourra même à la fin en renverser les pôles. Quant à la question d'économie, il est difficile de donner en ce moment des notions précises pour la pratique; car, de même que les machines à DE LA DEUXIÈME SECTION. SI yapeur ont successivement été perfectionnées sous le double rapport de la production de la force et de l’économie du combustible , il faut espérer qu’il en sera de même pour les machines électro-magnétiques. Dans tous les cas il y aura à considérer : 4. La disposition de la pile. E 2. Celle des spirales et des masses de fer magnélisées. 3. Le mécanisme auquel les aimants seront appliqués. Quant à la disposition des piles, celles à courant constant de Daniel, de Groye ou de Bunsen présentent en principe leplusd’avantages, comme fournissant dans un temps donné le courant le plus intense et le plus ré- gulier; mais leur construction même les rend trés-embarrassantes lorsqu'il s’agit de piles trés-grandes ; elles exigent les liquides toujours d’une même concentration et renfermés dans des compartiments isolés etemboités deux à deux les uns dans les autres, ce qui en rend le maniement très-long et très-difficile. En outre, chacune d'elles présente des inconvénients qui lui sont pro- pres: dans la pile de Daniele, la précipitation continuelle du cuivre mé- tallique sur l'élément cuivre en augmente continuellement l'épaisseur, et au bout d’un certain temps, qui ne sera pas long si la pile fonctionne d’une maniére continue, tout l’espace entre la paroi métallique et la cloison -poreuse, se trouvera complétement rempli. Les expériences galvano-plastiques nous rendent chaque jour témoin de ce fait; on pourrait à la vérité objecter que, pour éviter cet inconvénient, on n'aurait qu'à rendre l’espace entre la paroi et la cloison suffisamment large; mais alors aussi la couche de liquide interposée deviendrait bien plus considérabie et affaiblirait singulièrement l'intensité du courant. Dans les piles de Grove on rencontre un inconvénient d’une autre na- ture. L’acide nitrique concentré placé entre le platine et la porcelaine poreuse, s’échauffe trés-rapidement et souvent jusqu’au point d’ébullition ; des vapeurs acides et trés-irritantes se dégagent alors en abondance et ce n’est que par des dispositions assez compliquées qu'on peut éviter cette élévation de température. , Les piles de Faraday et de M. Münch présentent, quant à la facilité de la manœuvre, de grands avantages; d’après leur construction il n’y a au- cune difficulté de sortir une pile même de grande dimension du liquide excitateur ou de l’y plonger à des hauteurs voulues. | Mais elles ont par contre le grand défaut de n’être pas constantes et de s’user assez rapidement par un emploi continu. Ce n'est pas ici le lieu d’entrer dans la discussion des formules qui per- mettent de calculer avec une approximation suffisante, la dépense de zinc correspondante à un effet magnétique obtenu. La théorie indique que pour obtenir la force d’un cheval, c’est-à-dire une force capable de soulever 75 kilogrammes par seconde à un mêtre de. hauteur, il faut une consommation de zinc équivalente de 36 à 40 kilo- grammes; ajoutons à cette dépense celle de l'équivalent d'acide sulfurique qui s'élève de 50 à 60 kilogrammes, etune quantité proportionnelle d’acide nitrique, on arrive pour ce travail à une dépense de 70 francs au moins par jour , tandis que pour les machines à vapeur de cette force, même trés- imparfaitement construites, la dépense est tout au plus de 5 francs. (Il résulte d’un travail de M. Legrom surles machines à vapeur du Haut-Rhin, Il. 6 82 MÉMOIRES que la dépense moyenne y est de 3 francs 60 centimes.) Or, la meilleure machine électro-magnétique construite jusqu'à ce jour, a toujours con- sommé presque le double de zinc qu'indiquait la théorie , ce qui , avec les dépenses accessoires, acides, renouvellement des piles, etc., porte la dé pense journalière à prés de 120 francs. D’après ce que nous avons déjà dit de la proportionalité des effets à la cause dans ces appareils, il suit que, pour obtenir une force double, la dépense serait sensiblement double et ainsi de suite. De ces considérations il résulte que, dans l’état actuel de la science , l'em- ploi de l'électro-magnétisme comme moteur ne peut être avantageux que dans le cas d’un travail discontinu, devant fonctionner et s'arrêter rapide- ment et n’exigeant pas une force considérable, I1 ne pourra donc remplacer la vapeur, ni dans la navigation, ni sur les chemins de fer, ni dans les grands établissements mécaniques et indus- triels. LA DE LA DEUXIÈME SECTION. 85 DES TEMPÉRATURES VÉGÉTALES, PAR M. RAMEAUX, Professeur à la faculté de médecine de Strasbourg. Tant que les naturalistes s'en sont rapportés au simple aspect de la vie végétale pour juger de la température et de la caloricité des plantes, ils sont tombés dans des oppositions inconciliables. De ce que certains phénomènes de végétation s’accomplissent au mi- lieu de températures extrêmes, quelques-uns ont conclu, sans autres preu- yes, qu’il existe dans les plantes une résistance énergique aux influences du dehors. Puis, entraînés sans doute par des analogies puisées dans le règne animal, ils ont expliqué cette résistance en admettant que les végé- taux peuvent élever ou abaisser leur propre chaleur suivant l'exigence des conditions extérieures dans lesquelles ils se trouvent. D’autres, moins préoccupés des cas extraordinaires, en ont appelé à l'observation de chaque jour. Les rapports multiples qui lient la végéta- tion aux températures ambiantes, se sont présentés à leurs yeux comme une relation d'effet à cause; d’où ils ont pensé que, loin d’accorder aux Végétaux une faculté calorifique spéciale, il fallait les supposer , eu égard à la chaleur qu'ils possèdent, dans une entière dépendance des circons- tances extérieures. Les espritsnon prévenus comprenaient seuls que ces deux opinions étaien également hasardées, et que la question ne pouvait se résoudre que par des observations thermométriques. J. Hunter essaya le premier ce genre de recherches. Malheureusement, les instruments que l’on possédait alors ne pouvaient pas dévoiler la calo- ricité des plantes. Lé volume des thermomètres , quelque réduit qu'il fût, empéchait d'explorer avec exactitude les températures des branches très- petites, des derniers rameaux , des feuilles et des fleurs. Et cependant, si 6. 84 MÉMOIRES l'on en croit aux apparences, c'est dans ces parties surtout qu'on peut es- pérer de rencontrer les actes les plus saillants de la vie végétale, la mani- festation la plus vive de la chaleur propre des plantes. Il semble, au reste, qu’on ne croyait pas à la nécessité de recherches si délicates et si variées; car Hunter, Schæœpff, Bierkander, Maurice et Pictet se sont tous bornés à faire des observations sur des troncs d’arbres, sans varier, d’une manière convenable, les positions des instruments, sans même essayer quelques séries d'épreuves sur des branches de petites di- mensions. Les observations des auteurs que nous venons de citer s’accordaient , en somme, à indiquer dans les végétaux une température inférieure à celle de l'air dans les grandes chaleurs, et supérieure, au contraire , à celle de l'air dans les grands froids. Cependant il y avait de nombreuses exceptions à cette loi générale. Les recherches consignées dans les tableaux météorologiques des premiers vo - lumes de la Bibliothèque britannique , tout en signalant ces anomalies , conduisirent à une autre loi, en apparence plus positive et plus impor- tante, que l’on a formulée dans les termes suivants : Les variations d'un thermomètre placé dans l'intérieur d’un arbre correspondent sensiblement à celles d’un thermomètre enfoncé d'environ 1,50 dans l’intérieur du sol. Ce dernier résultat est devenu pour M, de Candolle la base de l’explica- tion qu'il a donnée des températures végétales. La nature des développe- ments que l’auteur donne à sa théorie, les applications qu'il en fait, l’ex- clusion dont il frappe les autres moyens d'expliquer la chaleur des plantes, tout fait penser qu'il croyait avoir fondé cette théorie sur des faits assez nombreux, sur des observations assez variées, pour pouvoir la revêtir d’un caractère de grande généralité. Les idées de M. de Candolle n'ayant pas, que je sache, été combattues par les naturalistes, je crois qu'avant les recherches récentes de M. Du- trochet, l’état de nos connaissances sur ce point de physiologie végétale était assez exactement représenté par les propositions suivantes : 1. La température intérieure des arbres est plus haute que celle de l'air en hiver , et plus basse en été. 2, Cette température est analogue à celle du sol où plongent les racines. 3. Pour expliquer cette température , il n’est pas nécessaire d'admettre dans les végétaux une faculté calorifique analogue à celle des animaux à sang chaud. 4. L'eau qui est aspirée par les racines , s’élevant verticalement dans le tronc, et étant au degré de chaleur que le sol possède à la profondeur moyenne des racines de l'arbre, elle tend à échauffer celui-ci dans la sai- son froide , et à le rafraîchir, comparativement à l'air, dans la saison chaude. 5. La chaleur des arum et celle de quelques autres fleurs, sont des faits si rares et relatifs à une époque si spéciale de la vie des plantes, qu'on ne peut les invoquer dans la question générale de la température des végé- taux, Chacun reconnaitra facilement , dans ces propositions, le langage pres- que textuel de M. de Candolle. J'accepte néanmoins la responsabilité de tous les termes qui pourraient altérer les idées de cet illustre botaniste. DE LA DEUXIÈME SECTION. 8 En 1839, M. Dutrochet aperçut dans les jeunes tiges des végétaux l’exis- tence d’une chaleur vitale , d’une vraie caloricité. Si le savant académicien prouve la généralité de ce fait important, s’il le place au-dessus de toute contestation , il fera faire un pas à la science, puisque avant lui les expé- riences semblaient conduire à un résultat tout opposé. Cependant la question des témpératures végétales ne sera pas pour cela résolue, En effet, ces températures varient entre des limites trés-distantes, et les variations se manifestent dans toutes les parties, quels que soient leur texture, leur ancienneté et leur diamètre ; tandis que la caloricité des plantes ne s'aperçoit que dans les parties jeunes, molles ou herbacées, et s’y montre avec si peu d'énergie, que les plus minutieuses précautions et les appareils les plus délicats sont nécessaires pour la dévoiler. Ne sera-t- il pas toujours impossible d'expliquer, avec une source de chaleur si locale et si faible, des effets si g ‘néraux et si intenses ? Ainsi , les derniers travaux de M. Dutrochet sur la caloricité des plantes ne peuvent rien changer aux notions qu’on possédait avant lui sur l’éner- gie , les variations et les causes des températures végétales. Et cependant, ce sont là les questions les plus importantes; leur solution pourra seule, je crois , fournir à l’agriculture des applications usuelles , en jetant quel- ques lumières sur l’histoire de la végétation comparée dans les différentes espèces, aux diverses époques de l’année, sous les différents climats. Mes observations sont bien loin de remplir les lacunes que j’entrevois maintenant dans l’étude des températures végétales. En les commençant, je n'avais d'autre but que mon instruction particulière, et si je les livre à la publicité , c’est pour faire contrôler les résultats auxquels je suis par- venu, et pour appeler l'attention des botanistes sur un sujet si fécond et si peu exploité. Instruments employés. Je me suis servi uniquement de thermomètres à mercure, gradués sur tige. Leurs dimensions variaient suivant les pro- fondeurs auxquelles ils devaient pénétrer dans les arbres, et suivant la grosseur des parties que je voulais observer. Voies et mode d'exploration. Dans le tronc et dans lés branches, je pratiquais obliquement des trous de profondeurs diverses, mais exacte- ment déterminées , et j’en fermais les ouvertures avec des bouchons por- tant des thermomètres. L’obliquité avait pour but d'empêcher la division des colonnes mercurielles. J’évitais l’action directe des causes extérieures sur les instruments, en calfeutrant tous les joints, que je recouvrais encore d’une couche épaisse de mastic. Je prenais exactement le diamètre de l'arbre , au niveau et dans la direction de chaque trou. Pour faire une observation , je tirais avec précaution le thermomètre par sa tige, jusqu’à ce que la colonne mercurielle affleurât le bouchon extérieurement ; après avoir opéré, je replongeais l’appareil jusqu’à fond. Cette manière d'observer n’entraîne aucune erreur lorsqu'on prend les précautions suivantes :. 1. La tige du thermomètre doit glisser à frottement dur dans le bou- chon , et le traverser suivant son axe; 2. Le trou fait dans l'arbre doit avoir dans toute sa longueur, le fond excepté, un diamètre plus grand que celui du réservoir thermométrique de 5 à 6 millimètres au moins. De cette façon, quand on tire ce réservoir du fond vers l'ouverture , il ne touche qu’accidentellement aux parois du trou et par quelques points seulement ; 86 MÉMOIRES 5. L'on ne doit jamais amener le réservoir jusqu'au contact du bou- chon. Prises avec de tels soins, les observations sont exactes ; elles expriment les températures des parties dans lesquelles plongent les réservoirs ther- mométriques. Orientation des instruments. Toujours les arbres ont été forés du nord au sud. Je n'ai jamais changé cette direction que pour satisfaire à des questions particulières, et j'ai soin d'en prévenir. Malgré le choix de cette orientation, la partie des tiges thermométriques qui restait au dehors de l'arbre recevait le soleil le matin et le soir; mais des observations nom- breuses m'ont démontré que, dans les conditions dont il s’agit, l'influence directe des rayons solaires sur les instruments est tout à fait négligeable. Températures des feuilles. Pour avoir cette température, je rassemblais les feuilles les plus voisines sans les détacher; je les appliquais les unes sur les autres , jusqu’à ce que la couche fût assez épaisse pour ne laisser pénétrer qu'une lumière insensible, et j'en enveloppais alors, dans toute sa longueur, un thermomètre de dimensions convenables. J'avais ainsi un petit système toujours retenu à la plante par l’ensemble des pétioles, et je le laissais flotter sans l’abriter du vent ni du soleil. Il ne me paraît pas nécessaire, pour l'intelligence des résultats auxquels je suis arrivé, de rapporter les deux mille observations que je possède en ce moment. Je me bornerai à mettre en tableaux un nombre de faits suf- fisants pour montrer avec évidence la marche, l'intensité et la distribu- tion des températures dans les végétaux. J'ai commencé mes recherches dégagé de toute idée préconçue, de toute vue systématique. Aussi y a-t-il eu beaucoup de tâtonnements et d’incerti- tudes dans les premiers pas que j'ai faits. Je ne puis donc, sans crainte de confusion, présenter mes observations d'aprés leur ordre chronologique. Je les mettrai en œuvre selon mes besoins, c’est-à-dire, en n'ayant égard qu’à la succession logique des idées et à l’ordre suivant lequel tous les faits s’enchaînent et s'expliquent le plus naturellement. Le samedi, 11 septembre 1841 , quatre thermomètres furent échelonnés à un mêtre de distance l’un de l’autre, dans la hauteur du tronc d’un jeune peuplier. Le plus près du sol en était à Om,50. Tous allaient jusqu'au cen- tre de l'arbre , et les diamêtres de celui-ci au niveau des quatre instru- ments, et en commençant par la section la plus basse, étaient : 0m,926, Om,21 , Om,20 , Om,17. Du 11 au 15 septembre, les observations commencérent avant le lever du soleil et ne furent abandonnées qu’aprés son coucher. À chaque fois, je prenais les indications des quatre thermomètres, de sorte qu’une ob- servation générale se compose de quatre observations particulières. Mais * celles-ci se faisaient dans un temps si court qu’on peut les regarder comme simultanées , et qu’elles expriment en réalité, pour un même instant , les températures relatives des différentes sections de l'arbre dans lesquels les instruments étaient plongés. IL y eut, dans ces cinq jours, cent cinquante-six observations parlieu- liéres : leur analyse conduit aux résultats suivants: . 1. La température centrale du tronc de peuplier, observée à toutes les hauteurs, augmentait pendant la journée et diminuait pendant la nuit. D'ailleurs elle différait toujours d’une section à une autre. 2, Avant le lever du soleil, et même encore quelques heures après, celle DE LA DEUXIÈME SECTION. 87 température centrale était décroissante de la base du lronc à son sommet. Elle était au contraire décroissante du sommet à la base pendant le reste de la journée. Il y avait ainsi deux distributions opposées de température, l'une pendant le jour, l’autre pendant la nuit. 3. Pendant le jour , la température d’une section quelconque de l'arbre lemportait d'autant plus sur la température des sections placées au-dessous d'elle, que la chaleur ambiante était plus forte et que les sections compa- rées étaient plus distantes. Les différences atteignaient leur maximum vers le coucher du soleil, puis elles diminuaient graduellement, s’effa- çaient peu à peu et finissaient par prendre des signes contraires ; l'arbre passait ainsi par nuances de la distribution diurne à la distribution noc- turne de ses températures. 4. Pendant la nuit, la chaleur d’une section quelconque l'emportait d'autant plus sur la chaleur des sections situées au-dessus d’elle, que la température ambiante était plus basse. Les différences atteignaient leur maximum vers le lever du soleil, puis elles diminuaient assez rapide- ment et finissaient par prendre des signes contraires ; l'arbre revenait ‘ainsi de la distribution nocturne à la distribution diurne de ses tempéra- lures. * 5. Le matin, avant le lever du soleil, la température centrale de l’arbre aux quatre sections observées, était inférieure à celle que possédait le sol à la profondeur moyenne des racines; c'était le contraire pendant la jour- née. Dans les deux cas, les différences étaient d'autant plus grandes , que les sections de l'arbre comparées au sol étaient situées plus haut. Ainsi, le lundi 15 septembre, la plus basse des quatre sections de l'arbre avait, au lever du soleil, une température inférieure de 20,25 à celle du sol; il n’y eut égalité entre ces deux températures qu’à trois heures aprés midi ; et lorsque la chaleur de cette section eut atteint son maximum, vers six heures et demie du soir, elle l'emportait de 1°,80 sur celles des racines , à leur profondeur moyenne. Le même jour, au lever du soleil, la plus haute des quatre sections de l'arbre avait une température inférieure de 70,00 à celle du terrain, prise à la profondeur moyenne des racines; il y eut égalité à onze heures du matin, et vers cinq heures du soir, la chaleur de la section l’emportait de 60,75 sur celle du sol. Pendant les cinq jours dont les observations viennent d'être analysées , le ciel fut toujours pur et les nuits étaient très-sereines. Les 16, 17, 18, 19 et 20 septembre, il y eut, pendant lé jour, ou des brouiïllards, ou des nuages, ou de la pluie, et les nuits furent souvent cou- vertes. Or, pendant tout ce temps, la distribution des températures de l’ar- bre fut très-variable. Pendant les brouillards et la pluie, ou quand le ciel restait longtemps couvert, toutes les sections de l’arbre tendaient'à prendre la même température. Un coup de soleil vif et un peu durable rendait la température du trone croissante avec la hauteur. Pendant la nuit, au con- traire, si le ciel se rassérénait , la température décroissait du pied de l’ar- bre à son sommet. 1 Jusque-là j'avais toujours opéré sur un même pied d'arbre ; le 22 sep- tembre je choisis deux peupliers voisins, d'inégales grosseurs , situés dans des conditions extérieures semblables , et dans chacun desquels je plaçai deux thermomètres. Voici, en tableaux , les observations de ce jour et du lendemain : PP TE à 88 MÉMOIRES oo, GRAND PEUPLIER. } PETIT PEUPLIER. HEURES RES nr > rl A PR Ve PERS Thermom, |Thermom.} Thermomw. | Thermom, des placé placé placé placé à 00,22 | à 1m,50 | à0m,22 | à 0m,50 du sol. du sol, du sol, du sol. Diamètre | Diamètre À Diamètre | Diamètre dé VPaibre|de VarbreÏde l'arbrelde Varbre à ce niveau | à ce niveau Ja ce niveau | a ce niveau —0,266|—0w,206]-—0m,210| —0u,1 40 a Thermo- mètre [OBSERVATIONS. extérieur observa- a Les quatre thermo- mètres vont jusqu’au centre des arbres. tions, Jour des observations. l'ombre. degrés. | degrés. | degrés, | degrés. 15,60 | 12,75 | 15,90 | 18,90 | Ciel pur, v.d'E. 14,50 | 13,60 | 14,20 | 19,10 id. 14,70 | 14,00 | 15,40 | 19,10 id. 15,20 | 14,50 | 15,90 | 18,60 id. 45,70 | 45,00 | 46,40 | 17,90 id. 16,00 !,15,25 | 16,90 | 47,70 id. 16,70 | 15,60 | 17,00 | 47,10 id. 16,70 | 15,75 | 17,40 | 16,90 id. 16,70 | 15,90 | 17,00 | 16,10 id. 16,40 | 16,00 | 17,00 | 15,60 id. 16,00 | 16,00 | 16,90 | 15,60 id. 16,00 [ 16,00 |! 16,40 | 14,10 id. sn iemnn ot pner Monde iluesfeue ste» ÉINTRSC EEE) 12,00 | 15,20 | 11,50 | 10,00 |} Ciel pur. 11,60 | 12,70 | 11,00 9,80 id. 11,20 | 12,50 | 10,40 8,60 id. 114,20 | 12,50 | 10,40 9,90 id. 41,25 | 12,50 | 11,75 | 12,60 id. 12,70 | 12,50 | 14,40 | 15,40 id. 15,65 | 12,70 | 15,70 | 17,50 id. 15,70 | 15,25 | 17,00 | 18,60 id, 14,50 | 14,00 | 20,40 | 19,90 | Lecielsegaze. 17,20 | 15,80 | 20,65 | 22,90 | se voile. 17,70 | 16,00 | 20,65 | 23,80 | se couvre. 18,70 | 16,00 | 20,75 | 22,30 | est couvert. 18,70 | 16,50 | 20,50 | 22,10 id. 18,70 | 16,50 | 20,40 | 21,80 id. 18,40 | 17,00 | 20,00 | 18,10 |[V. trés-fort du S. 18,50 | 17,20 | 19,50 | 17,00 | avecéclaircies. Mercredi 22 septembre. © Cr à & OT RO RO = = 19 OODAIADOUR ? Jeudi 25 septembre. Ce tableau est parfaitement d'accord avec les indications sommaires dé- duites des expériences faites les jours précédents et que j’ai développées plus haut. Ilmontre comment les températures se distribuent dans la hauteur des arbres, comment elles varient du jour à la nuit, et quels sont les rapports généraux qui les lient aux températures ambiantes. On voit aussi qu'il y a entre lestempératures des arbresde différentesgrosseurs, explorés à lamême distance du sol , des relations analogues à celles qui existent entre lestempé- ratures des diverses sections d’un même arbre; de telle sorte que, relati- vement à leur chaleur, les petits arbres sont aux gros comme les sections supérieures d’un arbre sont aux sections inférieures. Ce tableau donne en même temps la raison de ces analogies, car il dévoile une relation toute particulière entre les températures des sections observées, les diamètres de celles-ci et la chaleur ambiante. Pendant le jour, quand la chaleur ex- térieure est forte et croissante , les températures centrales vont en aug- mentant des sections plus grandes aux sections plus petites, et cela sur DE LA DEUXIÈME SECTION. 89 des pieds d'arbres différents comme sur un seul et même tror. Pendant la nuit, lorsque la chaleur du dehors est faible et décroissante, les tempéra- tures centrales des arbres vont en augmentant des petites sections aux grandes. J'ai fait depuis de nombreuses observations pour confirmer ou pour infirmer l'existence des rapports indiqués par le tableau précédent entre les diamètres des sections d’arbres observées et leurs températures. Voici le résultat auquel je suis arrivé : Toutes choses identiques, d’ailleurs, les parties végelales qui ont le même diamètre éprouvent simultanément les mêmes variations de cha- leur, et arrivent en même temps à des températures stationnaires égales. Si l’on jette maintenant un regard en arriére, on aperceyra un rapport constant et naturel entre la chaleur des arbres et celle du dehors. En effet, 4. Pendant la journée, les rayons du soleil enveloppent, pénètrent et échauffent tous les corps inertes qui sont à la surface du sol; eh bien! c’est précisément alors que la chaleur générale des arbres augmente ; 2, Pendant la nuit, tous les corps inorganiques se refroidissent par un rayonnement plus ou moins mal compensé : c’est aussi pendant la nuit que la chaleur générale des arbres diminue ; 3. Toutes choses égales d’ailleurs, les corps inertes, soumis aux in- fluences extérieures , se refroidissent ou s’échauffent d’autant plüs rapide- ment et d'autant plus énergiquement à leur centre qu'ils ont des dimensions plus faibles ; on trouve aussi que les parties centrales des végétaux se re- froidissent ou s’échauffent avec une vitesse d’autant plus grande, avec une énergie d’autant plus intense, que les sections observées ont des diamètres plus petits ; 4. En un mot, toutes les variations dans l’aspect du ciel, dans l'éclat du soleil, dans la sérénité des nuits, se trouvent traduites par des variations corrélatives dans les températures végétales, comme elles le sont par des variations de températures dans les corps inorganiques. Ces faits et ces rapprochements semblent annoncer que la chaleur du dehors est, sinon la source unique, du moins une cause tellement prédo- minante des températures végétales, que ses effets l’emportent sur ceux de toutes les autres causes. S'il en est réellement ainsi, la température d’un arbre doit, dans chaque section, diminuer de la surface au centre pendant le jour, quand la cha- leur ambiante est élevée ou que le soleil est éclatant; elle doit diminuer, au contraire , du centre à la surface pendant la nuit ou dans des circons- tances opposées aux premières. En effet, les couches superficielles perdent ou reçoivent, suivant les conditions extérieures, plus de chaleur que les couches sous-jacentes, celles-ci plus que les suivantes, et ainsi, de proche en proche, jusqu’au centre de l'arbre; de sorte que, s’il n’existe pas d’au- tres sources de chaleur pour les arbres que les influences météorologiques, ou si ces influences dominent tous les autres effets, les parties végétales resteront tout à fait ou presque entièrement assimilables aux corps inor- ganiques, en ce qui tient aux lois du réchauffement et du refroidissement sous l’action des causes extérieures. Voyons maintenant si les expériences confirment celte assimilation. Le lundi 13 septembre j'avais pratiqué trois trous dans un même peu- plier et au même niveau , à 0,54 du sol. A cette hauteur, le diamétre de l'arbre était de Om,253. L'un des trous allait jusqu’au centre, un autre 90 MÉMOIRES Jusqu'à la moitié du rayon et le troisième jusqu'au quart seulement du rayon. Le premier s’ouvrait directement au nord et les deux autres de plus en plus à l’est. Tous reçurent des thermométres qui , observés à des épo- ques choisies, fournirent les résultats suivants : Thermom, placé |Thermom. à l’est et Thermom. placé au nord - est Thermom. HEURES | placé au nord JOUR de dE Gris CE des et allant | et allant | allant au yet OBSER VATIONS vbserva-| observa- L'jusqu'au |jusqu'à la] quart à L be: centre de | moitié du | seulement l'ombre! ñ l'arbre. du rayon. ms | — mn degrés. degrés. degrés. degrés. 2. 20 | 16,20 | 17,40 | 47,70 | 24,90 Ciel pur, 2 | 5 40 | 16,40 | 47,40 | 17,70 | 24,90 id. 5.8 % 00 | 16,50 | 47,40 | 47,70 | 24,90 id, re 4 45 | 16,65 | 17,40 | 47,70 | 23,50 id. E A, 5 20.| 16,75 | 17,40 | 17,70 | 22,80 id. 5 © | 6 05 | 17,00 | 27,40 | 17,70 | 20,70 id. TER ER bord 4h rs sn ....|. ...] Nuit trés-sereine, , 6 O0m| 14,20 | 13,30 | 11,90 |- 10,20 Ciel pur, & = 0 0 4e \ Le soleil commence à a 6 30, 1:44,20 |:13,30:|, 11,904! 11,10 donner sur les instrum, = 11 45 | 15,75 | 16,50 | 17,70 | 24,30 Ciel pur. = 4.45 | 16,50 | 47,15 | 47,70 | 24,40 id. Ë 1 45 | 46,73 | 17,40 | 18,00 | 24,40 id. = 2 50 | 46,75 | 17,40 | 18,00 | 24,60 id. 2 50 | 17,00 | 17,60 | 18,00 | 25,00 id. NULS RECRUE TOI OP RP NUIUItrés-Ser eine} Mercr.| 5 O0m 14,60 | 15,00 | 11,00 Ciel pur. Ce tableau montre tout à la fois que les températures d’un arbre varient du centre à la surface, et que ces variations sont analogues à celles qu'é- prouvent les corps inorganiques abandonnés aux influences extérieures. Je vais aller au devant de quelques objections possibles sur l'exactitude de ces observations. On pourrait croire que les inégalités de chaleur observées dans les cou- ches concentriques d'une même section d'arbres doivent être attribuées aux actions directes exercées sur les thermomètres par le soleil et par l'air ambiant. On comprend, en effet, que, si de semblables actions ont eu lieu, leur énergie a été d'autant plus intense que les instruments étaient moins profondémentplongés; par conséquent, on a dû trouver tout naturellement dans les arbres une température décroissante de la surface au centre pen- - dant la chaleur du jour, et croissante, au contraire, dans la même direc- tion, pendant la fraîcheur des nuits; en un mot, les indications thermo- métriques consignées dans le dernier tableau se concevraient très-bien par le seul effet des influences immédiates que nous venons de citer, alors même qu'il n’y aurait aucune inégalité de chaleur dans les diverses cou- ches concentriques du tronc. Cette objection est puissante, je me la suis faite sans l’affaiblir, et je n’ai pas même été rassuré par le grand nombre de précautions que j'ai toujours prises, et dont quelques-unes ont été indiquées au commencement de ce travail. Cependant tous les doutes doivent s'évanouir., Et d'abord, examinons l’action directe des rayons solaires sur les instru- DE LA DEUXIÈME SECTION. 91 menis; lesobservations ont été faites à trois époquesdistinctes de la journée : 4. Le matin; mais alors le soleil n’était pas levé, ou bien il ne donnait encore sur aucun des instruments ; 2. Vers le milieu du jour; mais alorsles thermomètres ne recevaient plus depuislongtemps la lumière directe; et, pour étre sûr qu'ils ne conservaient plus rien de son action, l’on ne comptait les observations qu’à partir du moment où, aprés avoir descendu par la cessation de l’action directe de la lumière, les instruments recommençaient à monter, quoique à l'ombre; 3. Vers le soir; mais, à cette époque du jour, le thermomètre, placé tout à fait au nord et allant jusqu’au centre de l'arbre , était seul enveloppé par les rayons solaires; or, on peut voir par le tableau qu’en ce moment il marquait une température plus basse que celle indiquée par les autres. Ainsi, pendant les observations, ou bien le soleil ne donnait encore sur aucun des instruments, ou bien ses effets directs avaient entiérement dis- paru, ou bien enfin, malgré son action, le thermomètre qui la recevait indiquait une température inférieure à celle marquée par les autres instru- ments. Je vois dans tous ces faits la preuve évidente que l’action directe des rayons solaires sur les instruments, aux époques des observations, est à peu prés négligeable. Un fait sans réplique va maintenant nous faire apprécier l'influence di- recle de l'air extérieur. Lorsque les observations indiquent une température croissante ou dé- croissante de la surface au centre, si l’on tire le thermomètre le plus en- foncé dans l'arbre pour le ramener à la profondeur de l’un quelconque des'autres, et si l’on pèse sur la tige de maniére-que le réservoir touche les parois du trou à ce niveau, on s'aperçoit que la température marquée par ce thermomètre baisse ou s'élève pour devenir égale à celle de l'instrument qui est à la même profondeur. Ce nivellement de chaleur s’opérant dans un (emps trés-court , il faut bien l’attribuer à l’action des couches avec les- quelles le réservoir est alors en contact; car il serait impossible de com- prendre comment l’action directe de l'air extérieur produirait un effet si rapide à cette profondeur, quand elle ne peut pas, dans toute une journée ou dans toute une nuit, donner la même température à des instruments inégalement plongés. Il résulte évidemment de cette discussion que l’action directe du so- leil et de l’air sur les instruments est impossible à reconnaître dans les observations où l’on pouvait en supposer l'existence. Cependant, pour m'élever au-dessus de toute objection , je résolus d’aller chercher la tem- pérature des couches superficielles au delà du centre de l'arbre par rap- port à l'orifice d'entrée du thermomètre, de sorte que ce n’était plus l’ins- trument le moins plongé qui donnait la chaleur des couches les plus extérieures , c'était, au contraire, celui qui s’enfonçait le plus profondé- ment dans Pose Dans ce système d'expériences, il est impossible d’at- tribuer les effets observés à l’action directe de l'air extérieur et du soleil Sur les instruments ; car, d'aprés la distribution des températures , on se- ait forcé d'admettre que cette action immédiate est d'autant plus éner- gique que les thermomètres sont plongés plus profondément : cela ré- Püugne au sens commun le plus vulgaire. Plus de quatre cents observalions régulières et comparables, prises suivant celle méthode et à diverses épo- ques de l’année, n'ont fourni les résultats suivants : 92 MÉMOIRES 4. Dans chaque section d'arbre, la chaleur diminue de la surface au centre quand la température ambiante est élevée ou croissante ; elle aug- mente , au contraire, de la surface au centre dans des circonstances 0p- pee aux premières ; 2. Lorsque la température ambiante se maintient durant un ES suffi- instant long au-dessus ou au-dessous de la chaleur des couches centrales d’un arbre, la température de celui-ci devient décroissante ou croissante, sans interruption, de la surface au centre ; 5. Si la chaleur est d’abord décroissante de la surface au centre, la distribution opposée s'établit et succède à la première d'autant plus rapi- dement , que la température ambiante baisse avec plus de vitesse, et que les diamètres de l'arbre observés sont plus petits ; 4. Lorsque la chaleur est d’abord croissante de la surface au centre, le temps nécessaire pour qu'une distribution inverse de température s'établisse est d'autant plus court que la chaleur ambiante s'élève avec plus de vitesse, que le soleil brille avec plus d'éclat, et que les diamètres des arbres ou des sections d'arbre sont plus courts; 5. Lorsque les influences calorifiques extérieures n’'agissent pas assez longtemps dans le même sens pour qu'une chaleur croissante de la surface au centre remplace complétement une chaleur décroissante ou ré- ciproquement, les deux distributions de température se rencontrent simultanément dans une même section d'arbre, Si, par exemple, la série des températures est croissante de la surface au centre dans les couches superficielles, on trouve plus profondément une série décroissante dans la même direction; quelquefois à cette dernière série en succède une autre qui est croissante, et les alternances sont d'autant plus nombreuses, que les variations dans les sources calorifiques extérieures ont été plus fréquentes et que les arbres ont un diamétre plus grand ; 6. Ces alternances se rencontrent toujours, même sur des sections d’un trés-petit diamètre , quelque temps aprés le lever du soleil ou quelque temps aprés son coucher, aux moments où la distribution nocturne des températures de l'arbre fait place à ladistribution diurne et réciproquement. L'action des rayons solaires est une source plus puissante des tempé- ratures végétales que l’action de l’air extérieur. Sans doute il est difficile d'apprécier, même approximativement , l'efficacité de cette première source de chaleur, tant que les parties où plongent les thermomètres ne manifestent pas une température plus élevée que celle de l'air extérieur, Mais si l’on s'adresse aux branches de petites dimensions, les résultats ne laissent plus d'incertitude sur l'énergie d’action de la lumière directe. Au mois de septembre 1841, une jeune branche de peuplier, abritée par les branches voisines et par ses propres feuilles , mais pouvant néan- moins recevoir beaucoup de lumiére, me donnait toujours, quand le soleil brillait, une température centrale supériéure à la température de l'air ambiant; j'y avais alors attaché peu d'importance. Mais le 7 janvier 1842, je plaçai plusieurs thermomèêtres dans un gros peuplier, afin de pouvoir déterminer, à partir de cette époque et sous chaque influence météorologique , les températures des différentes couches concentriques de l'arbre et celle de ses différentes sections. L'un de ces instruments, de dimensions trés-petites , fut placé dans une branche de 0m,04 de diamètre e{ allait au milieu des couches centrales, Située à l’est de l'arbre auquel DE LA DEUXIÈME SECTION. 95 elle appartenait , la petite branche recevait le soleil un peu aprés le lever de cet astre.et elle le perdait vers midi, parce qu'elle entrait alors dans l'ombre d’une maison voisine. Voici les indications puisées dans mes ta- bleaux et relatives à ce thermomètre : 4. Tous les matins, avant le lever du soleil, la température des couches centrales de cette petite branchese trouvait égale à celle de l'air extérieur, quelque basse que fût cette dernière. Cette égalité se maintenait tout le jour si le ciel restait couvert, pluvieux ou neigeux, en un mot, si la tem- pérature ambiante variait trés-lentement et très-peu. 2, Mais si le soleil brillait aux heures pendant lesquelles il pouvait frap- per la branche, la température de celle-ci argmentait et l'emportait sur celle de l'air; l’excés variait tout à la fois suivant les conditions météoro- logiques et suivant la saison. Ainsi, pendant les jours purs, mais froids, de janvier et de février, la plus haute température diurne de la branche l’emportait de 4, de 5° et même de 6 sur la plus haute température de l'air. Les plus faibles différences appartiennent aux jours où le vent était fort, et à ceux où les arbres étaient le matin couverts de givre. Ces mêmes différences augmentaient avec la température de l’air exté- rieur et ayecla longueur du jour. Ainsi, le 24avril, à onze heures du matin, la température centrale de la branche était de 35° centigrades, celle de l'air à l'ombre était de 200, et celle d’un thermomètre exposé au soleil était de 240. 5. Un écran placé devant la branche, de manière à la garantir des rayons solaires, empéchaitsatempératuredes’éleyer au-dessus de celledel'air, ou la faisait redescendre au niveau de cette dernière, si déjà elle l'avait dépassée. 4. Un écran plus petit, ne garantissant que les sections de la branche dans lesquelles.le thermomètre était plongé, produisait une partie des ef- fets dus à un écran de dimensions plus considérables. On comprend dés lors que tout ce qui arrête les rayons du soleil et les empêche de tomber sur une partie végétale, doit nécessairement diminuer comparativement la température de celle-ci. Les observations que j’ai rapportées jusqu'ici, et celles dont j'ai déter- miné la signification, démontrent avec évidence l’effetdes influences ca- lorifiques extérieures sur la température des plantes. Il semblerait même, au premier abord, que ces conditions météorologi- ques sont les seules causes des températures végétales , et que leurs actions directes sur les parties des plantes situées au dehors du sol suffisent à tout expliquer. En effet, l'énergie destempératures des végétaux, les différences qu’elles présentent suivant la hauteur et le diamètre des sections observées, suivant la position profonde ou superficielle des couches ; suivant l'abri ou la position libre des parties, tout cela se conçoit aisément en admettant comme cause unique les influences calorifiques extérieures , et en ayant égard aux variations qui surviennent dans l'énergie et le mode d'action de celles-ci suivant les saisons, la succession des jours et des nuits, l’as- pect du ciel, l'état des vents, etc. Sans doute, en s'appuyant sur cette base , on ne pourrait pas prédire le chiffre absolu des températures végétales , mais on pourrait, la plupart du temps, prévoir le sens suivant lequel marcheront leurs variations et leurs différences. Les cas qui échapperaient aux prévisions ne prouveraient pas que le principe est faux , mais seulement que l'application en est difficile, et en cela, il n’y a aucune impossibilité qu'on ne retrouve dans l’explica- tion des températures inorganiques. 94 MÉMOIRES Je suis pourtant loin de penser que la chaleur des plantes soil unique- ment due aux causes extérieures agissant directementsur les parlies végé- tales exposées à l'air libre, et l’on peut voir que j'ai fait mes réserves pen- dant tout le cours de cetravail; c'est qu'il me semble impossible, a priori, que la sève ascendante ne modifie pas l’action des influences météorolo- giques; les effets observés doivent nécessairement être le résultat de ces deux actions combinées et agissant tantôt dans le même sens, tantôt en sens contraire: longtemps j'ai fait de vains efforts pour savoir rigoureuse- ment à quoi m'en tenir. Observer simultanément les températures d’un tronçon mort et celles d’un arbre vivant ne pouvait me conduire à rien, car il peut y avoirune grande différence de conductibilité dans ces deux sortes de bois et une grande différence organique. Quelle eût été , dans les résultats obtenus, la part de ces deux conditions particulières, si elles existent? Comment dé- montrer qu’elles n'existent pas? Je voulais aussi déterminer approximativement par le calcul la quan- tité moyenne de sève qui passe chaque jour dans chaque section d’un ar- bre donné, et évaluer, suivant la saison et la température du sol, l’effet refroidissant ou réchauffant de cette sève sur les sections observées. Les données sur lesquelles je me serais appuyé sont : 1. La quantité moyenne de pluie qui tombe annuellement à Strasbourg; 2, Les expériences des botanistes sur l'ascension de la sève; 3. Des considérations relatives à la perméabilité du terrain sur lequel je me trouvais ; 4. L'étendue de la surface envahie par les racines traçantes de mesarbres; 5. Enfin les températures du sol à toutes les profondeurs auxquelles des racines auraient été rencontrées. Toutes ces bases m'ont paru trop chancelantes pour pouvoir fonder sur elles la moindre proposition. J'ai imaginé divers systèmes d'épreuves que j'ai tour à tour suivis pen- dant assez longtemps ; mais les faits ne se sont pas présentés dans l’ordre et avec le degré de portée que j'avais prévus. Après avoir fait beaucoup de tentatives inutiles, je suis enfin parvenu à démontrer d’une maniére irré- cusable l'influence de la sève ascendante sur la température des végétaux. Deux mots d'analyse introductive vont faire comprendre et juger la marche que j'ai suivie, et qu'on peut formuler ainsi : 4. Sur deux arbres de même essence, de même grosseur et semblable- ment placés, eu égard aux circonstances extérieures, choisir deux sec- tions d’égal diamètre (une sur chaque arbre), et comparer, pendant une certaine suite de jours, les températures centrales de ces arbres dans leur état de vie pleine et réguliére. 2. Faire mourir l’un de ces arbres sans le couper ni le déraciner, mais par empoisonnement ou par l’action désorganisatrice d’un acideetcomparer encore la température des deux arbres pendant une certaine suite de jours. 30 Pour savoir si les différences obtenues sont dues à l'absence de la sève ascendante dans l'arbre mort, faire ébrancher brusquement l'arbre resté vivant, et comparer de nouveau la température de ces arbres. I est évident qu’ils sont placés dans des conditions à peu près semblables sous le rapport de l'ascension de la sève, quoiqu'ils puissent différer beaucoup quant à la vie végétale. DE LA DEUXIÈME SECTION. } 95 Je dois faire observer qu’il suffirait, pour démontrer l’action de la sève as- cendante, d'ébrancher l’un des arbres et de laisser l’autre intact. En un mot, des trois temps de l'observation l’on pourrait supprimer le temps moyen , c’est-à-dire celui danslequel on faitmourir l’un des arbres pour le comparer à l’autre. Si, dans ce travail, je conserve cette période moyenne de l’obser- vation ; c'est qu’elle pourra peut-être fournir quelques enseignements. Le mardi 26 avril 1842, je choisis, dans une allée tracée du nord au sud, deux peupliers ayant à peu près une grosseur égale, et se trouvant placés dans des conditions extérieures semblables. Dans chacun de ces ar- bres je pratiquai un trou s'ouvrant au nord et allant jusqu’au centre. Au point où les arbres ont été forés, leur diamètre était égal à 168 millimé- tres ou 17 centimèétres. Des thermomètres, placés dans ces trous, furent observés jusqu’au 20 mai, sans qu’on fit rien pour altérer la vie des arbres : c’est la premiere époque des comparaisons. Le 20 mai, à trois heures après midi, je fis quatre trous disposés en couronne à la base de l'arbre désigné dans les tableaux qui suivent par le n° 2, et j'y versai de l’acide sulfurique concentré. Trois jours après seu- lement, quelques branches de l'arbre commencérent à jaunir , et à partir de ce moment, chaque jour de nouvelles branches se fanaient. Le 8 juin, quatre nouveaux trous furent pratiqués au même niveau que lesanciens, et reçurent aussi de l’acide sulfurique. La section par laquelle on faisait pénétrer l'acide était à 1 mêtre 20 centimètres au-dessous d : celle où le thermomètre était plongé. Les observations commencérent le 10 juin'etse terminér, nt le 12 : ce fut la deuxième époque des comparaisons. Enfin, le 15 juin, à onze heures du matin, je fis ébrancher l’arbre n° 1 en ne laissant que lasommité. Les observations commencérent à une heure aprés midi et furent continuées jusqu'au 20 : ce fut la troisième époque. Dans les tableaux ci-dessous, je supprime les observations trop isolées. œ ER] : É sours | neures | 2% | Ê% | pm |24 5 &, des des 2 ÊE $7 5 MÉTÉOROLOGIE. à bservations. | observation 2 = rences, [ET 23) Oobserva 0, vations E A 2 EA Loc « h degrés. |degrés. 5 5 30 m.110,00| 9,75|+ 0,25] 7,50] Quelq. nuages. 5 S 7 40 9,75| 9,75| 0,00 Ha re id. ve de | TO 14,70/14,50|+ 0,20/17,4 ol. pur, v. d’'E. | Mercredi JMidi. |19,40/19,20| 0,0020,00! id. id. Se] 27avril Sos l29/75l21,00|— 0,25/20,00| id. id. DE MSA 2200122, 50|— 0,50/19,75| Ciel légér. gazé. ce 8 24,10/24,30|— 0,40/20,00 id. à © 6 50 |24,95/9475|— 0,50/16,00 id. £ © { 5 30 m./13,00/12,90|+ 0,10/12,90 Ciel pur, vent N. 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SF 2 | Mercredi JMi di. |27,50[28,95|— 0:75l2710| id. id. 87 £ | 15juin. } 58. 32,50/33,00|— 0,50128,20| id. id. TE © 5 33,00133,40|— 0,40125,00 id. id. SZ | Jeudi L 5 30,00/30,50|— 0,50/22,00| id. id. © = 16 juin. t 7 50,00/50,50|[— 0,50/20,50 id. id. = { Gm. |17,50/17,50| 0,00/15,20] Nuages. 3 2, #| Vendredi )Midi, |23,75|25,60|+ 0,15[21,60| Ciel pur. © © 7] 17 juin. } 48. 26,50126,60|— 0,10125,60 Nuages. S£ 7 97,00[26,70[+ 0,50/[18:50 id. Ce tableau pourrait se passer de commentaires. Dans la premiére pé- riode , lorsque les deux arbres ont la même vitalité, la température de l'un est constamment égale à celle de l’autre, Les différences peuvent, en effet , se négliger sans erreur sensible , car elles sont tantôt positives, tantôt négatives, et leur maximum s'élève à peine au delà d'un demi- degré. Dans la deuxième époque , l’un des arbres est mort, et l'on voit sa tem- pérature l'emporter constamment sur celle de l'arbre vivant; la différence s'accroît pendant la journée jusque vers le soir, et son maæzimum esl vingt fois plus fort que celui de la premiére époque. Il y a donc dans l'arbre mort des conditions particulières qui favorisent l’action des causes calorifiques extérieures, ou bien il y a dans l'arbre vivant des conditions spéciales qui neutralisent en partie l'énergie de ces causes; mais rien DE LA DEUXIÈME SECTION. 97 jusque-là ne peut servir à donner une explication rationnélle et précise des différences obsérvées. Enfin , dans la troisième époque, l’un des arbres est mort, l’autre est ébranché, et celui-ci prend, le jour même de l’ébranchage, une tempé- rature supérieure de 8 ou 10 degrés à celle qu’il prenait auparavant sous les mêmes influences extérieures. En un mot, la température de l'arbre ébranché tend sans cesse à s'élever au niveau de celle que prend l'arbre mort; les différences deviennent, en effet, de jour en jour plus petites, et finissent par être tour à tour en faveur de chacun des deux arbres. Comment l'opération de l’ébranchage a-t-elle pu rendre l'arbre vivant aussi impressionnable aux influences extérieures que l’était l’arbre mort? Ce n'est pas en modifiant l’organisation végétale; car, d'une part, l'arbre est resté plein de vie, malgré cette opération, et, d'autre part, l'influence de l’ébranchage a été tellement soudaine , qu’il est impossible d'admettre qu’une modification organique ait pu se produire entre le moment où l'arbre a perdu ses branches et celui où sa nouvelle susceptibilité pour la chaleur du dehors s’est dévoilée par les observations. On ne peut pas dire non plus que l’augmentation de température sur- venue dans l'arbre vivant après l’'ébranchage soit due à ce que le tronc soit trouvé dés lors sans abri contre les rayons solaires. En effet, les pre- miéres branches de cet arbre étaient à deux mètres au-dessus de la section dans laquelle était plongé le thermomètre qui a fourni les observations ; or, comme les branches sont dressées et presque verticales, jamais au- cune d’elles n’avait projeté son ombre sur la partie du tronc comprise entre le sol et le point de naissance de ces branches ; cette partie n’a donc pas reçu, aprés l’ébranchage, plus de rayons solaires qu'elle n’en rece- vait auparavant. Dira-t-on que l'augmentation de température , dans la section comparée à l'arbre mort, était due à une communication par conducibilité de l’excés de chaleur que les rayons solaires ont développé aprés l’ébranchage, dans les hautes parties du tronc qui recevaient, auparavant l'ombre des branches ? Mais il faudrait que ces parties eussent reçu un accroissement de chaleur incompatible avec la vie végétale pour qu'elles eussent pu, par communication, augmenter de 7, de 8 et même de 10 degrés la tem- pérature des sections situées à deux mètres au-dessous d'elles ! Or, bien loin que ces hautes parties du tronc aient reçu un si grand accroissement de chaleur, la température qu’elles ont manifestée après l’ébranchage a conservé ;, avec la température des parties inférieures , à 1/2 degré prés, le même rapport qu'avant l'opération. Ainsi donc, l'augmentation de température survenue aprés l’ébran- chage dans l'arbre resté vivant, ne peut être attribuée ni à une modifi- cation organique , ni à une plus grande quantité de rayons solaires reçus aprés l’opération , ni à une communication par conducibilité du calorique des parties voisines. Il ne reste plus qu’une seule cause à laquelle on puisse l’attribuer , c’est l'absence de la sève ascendante. * On comprend, en effet, que la sève arrivant du sol avec la température que celui-ci possède aux diverses profondeurs où plongent les racines, elle doit nécessairement augmenter ou diminuer la température des. par- ties qu’elle traverse, suivant que ces parties ont une chaleur inférieure ou supérieure à la sienne, Moins il y aura de sève ascendante, moins la II. 7 98 MÉMOIRES température des arbres sera modifiée par elle, plus celte température obéira aux influences extérieures. Or, l’'ébranchage a pour effet certain de diminuer la quantité de sève que les arbres puisent dans le sol; cette opération doit donc laisser les arbres plus complétement soumis aux in- fluences du dehors, et partant il doit en résulter qu'ils auront, après l'é- branchage , une température plus élevée ou plus basse que celle qu'ils au- raient prises, dans les mêmes circonstances , avant l'opération. Je n'ai pas fait assez d'observations pour juger complétement de l'effet modificateur produit par la sève sur la température des arbres à diffé- rentes hauteurs du tronc et selon les diverses profondeurs des couches végétales observées; mais au moins j'ai prouvé qu'elle exerce une in- fluence incontestable, et cette influence est même évaluée en nombre pour le cas particulier qui a servi à ma démonstration. Jusqu'ici cette action de la sève n'était démontrée par aucun systéme d'épreuves capable de supporter la discussion. Les expériences les plus précises qu'on ait invoquées à cet égard sont consignées dans les tableaux de météorologie de la Bibliothèque brilannique. Voici comment on a opéré : D'une part, on a placé un thermomètre à 1",50 de profondeur dans l'intérieur du sol , et on l’a observé chaque jour à deux heures aprés midi. D'une autre part, on a introduit un second thermomètre à 16 centimètres de profondeur dans la face septentrionale d’un marronnier de 64 centi- mètres de diamètre, et l'on a observé cet instrument au lever du soleil, à deux heures après midi et au coucher du soleil. Senebier, en comparant les indications fournies par ces deux thermo- mètres, trouve qu'il y a plus de conformité dans leur marche qu'il n’y en a entre la température de l'arbre et celle de l'air extérieur, ce qui lui semble indiquer que les changements de température de l'intérieur de l'arbre sont dépendants de la température du sol. Il ajoute bien «que des «expériences aussi délicates devraient être variées de mille manières, et «suivies avec le plus grand soin, pour offrir des conclusions tranchantes. » Mais on voit cependant combien il était disposé à rattacher la chaleur des arbres à celle du terrain. M. de Candolle a tiré des mêmes observations une conclusion moins timide , mais aussi moins exacte que celle de Senebier, et il la formule en ces termes: «Les variations d'un thermomètre placé dans l’intérieur «d’un arbre correspondent sensiblement à celles d’un thermomètre en- «foncé d'un mêtre 30 centimètres dans l’intérieur du sol.» C'est sur ce résultat, comme nous l'avons déjà dit, qu'il a fondé toute sa théorie des températures végétales, dans laquelle ne figure pas d’autre cause que la sève ascendante. Or ce résultat, qui a servi de point de départ à M. de Candolle, ne se déduit nullement des observations consignées dans la Bibliothèque britan- nique. Il ne se déduira jamais d'observations bien faites et suffisamment variées ; en un mot, il est d’une complète inexactitude. En effet, s’il est vrai, comme ce travail tout entier le prouve, qu'il y à dans un arbre, à chaque instant, autant de températures différentes qu'il y a de points inégalement exposés à l’action des sources calorifiques exté- rieures , quelle partie de l'arbre choisira-t-on pour en comparer la tem- pérature à celle du sol? Tout point situé dans l'arbre, plus haut, plus bas, DE LA DEUXIÈME SECTION. 99 ouplus profondément que celui qu’on aurait choisi , donnerait un résultat différent ! Ce qui serait vrai pour l’un de ces points ne serait vrai pour aucun autre ; en un mot, un arbre n’a pas une température , il en a d’in- nombrables, et partant, il est à jamais impossible de rattacher à la cha- leur du terrain, comme à leur source unique, toutes ces températures dif- férentes existant simultanément sur un même arbre. D'une autre part, la température de chaque point d’un arbre varie presque à tous les instants. Elle augmente pendant le jour ou mieux quand la chaleur extérieure s'élève; elle diminue pendant la nuit ou quand la chaleur du dehors s’abaisse. Au contraire, la température du sol varie très- peu Cans un jour, trés-peu d’un jour à l’autre , et, au lieu d’avoir des al- ternatives très-courtes d’abaissement et d’élévation, elle va croissant ou diminuantsans interruption pendant touteune saison , ouau moins pendant toute une série de jours semblables. Ce qui a induit en erreur dans les tableaux météorologiques dont on s’est servi, c’est que les indications fournies par le thermomètre de Farbre , à l'observation du matin, ne différent pas, d’une manière très-notable , des indications fournies par le thermomètre du sol, à l'observation de deux heures après midi. Cependant rien ne légitime la conclusion qu’on a dé- duite de cette espèce de conformité. Il suffisait, pour éviter toute mé- prise, de ne pas négliger les observations faites sur l'arbre , à deux heures aprés midi et au coucher du soleil. On:aurait vu alors. que la chaleur de l'arbre augmentait du matin au soir, et, comme celle du sol restait invariable ou à peu prés, on n'aurait pas cherché dans celle-ci la cause de l’autre. Température des feuilles. J'ai rencontré, à cet égard , des difficultés en- core insurmontables pour moi. J'attends que de nouvelles observations me permettent d'expliquer les nombreuses anomalies qui se sont présentées dans mes recherches. CONCLUSIONS. À priori, on peut rapporter les températures végétales à deux sources . distinctes, qui sont : 1. Les actions organiques ; 2. Les influences météorologiques. La chaleur vitale résultant des actions organiques, tour à tour rejetée ou admise sans aucune preuve expérimentale, paraît maintenant tout à fait démontrée par les recherches de M. Dutrochet. Cette découverte est une nouvelle richesse scientifique, mais elle n’est d’aucun secours pour ré- soudre la question des températures végétales. Ces températures varient , en effet, entre des limites fort distantes; les variations se manifestent dans toutes les parties, quels que soient leur ancienneté, leur texture et leur diamètre; tandis que la chaleur vitale ne s'aperçoit que dans les parties jeunes, molles ou herbacées, et s’y montre même ayec si peu d'énergie, que les instruments les plus délicats et les précautions les plus minutieuses sont nécessaires pour la dévoiler. IL est impossible d'expliquer, avec une source de chaleur si locale et si faible, des effets si généraux et si intenses. Les influences météorologiques ont deux sortes d'action : les unes, im- médiates , s'exercent sur les parties végétales exposées à l'air libre, et les autres, médiates, s’exercent sur le sol, et partant sur la sève que les arbres y puisent et qui vient modifier leurs températures. = El 100 MÉMOIRES Actions immédiates. Tout prouve qu’elles sont les causes prédominantes des températures vé- gétales. En effet, l'énergie de ces températures , les différences qu’elles pré- sentent suivant les hauteurs et les diamètres des sections observées, suivant la position profonde ou superficielle des couches, suivant l'abri ou l'ex- position libre des parties , suivant les saisons, la succession des jours et des nuits , l'aspect du ciel, l’état des vents, etc., tout cela ne peut s'expliquer, si l’on n’admet pas que ces actions immédiates ne l'emportent sur les effets de toutes les autres causes, Leur influence se lit à chaque ligne dans les propositions suivantes, toutes déduites des observations. 1. En général, il y a dans un arbre, à un instant quelconque, autant de températures différentes qu'il y a de points inégalement accessibles aux sources calorifiques extérieures. 2. La somme de toutes cestempératures, ou, si l’on veut, la chaleur in- tégrale de l'arbre, augmente avec la température ambiante et diminne en même temps qu'elle. 3. Les variations de chaleur sont plus rapides et plus intenses dans les couches superficielles que dans les couches profondes ; etles parties qui ont un petit diamètre se refroïdissent ou s'échauffent avec plus d'énergie et de vitesse que les parties d'un diamètre plus grand. Il en résulte qu’en géné- ral les températures des différents points d’un même arbre se présentent périodiquement selon deux distributions opposées , l'une pendant le jour, l’autre pendant la nuit. 4. Pendant le jour, les températures des différentes couches concentri- ques d’un arbre vont en diminuant de la superficie au centre; cette distri- bution diurne s'établit d'autant plus vite et d'autant plus complétement, que la chaleur ambiante est plus élevée, et que l'arbre a des dimensions plus faibles. 5. Pendant la nuit, au contraire, les températures des différentes cou- ches concentriques vont en augmentant de la surface au centre; plus les arbres sont petits, plus la température ambiante est basse, moins il faut de temps pour que cette distribution nocturne s'établisse. 6. Le matin et le soir, aux moments où l’une de ces deux distributions tend à remplacer l’autre, on les rencontre simultanément sur le même arbre. Ainsi : Quelque temps après le lever du soleil, la température est décroissante de la surface au centre dans une certaine épaisseur des couches superfi- cielles; c’est la distribution diurne qui déjà s’est établie dans ces parties, Mais au delà d’une certaine épaisseur, la température redevient croissante à mesure qu'on s’avance vers les couches centrales; c’est un reste de la distribution nocturne. ; Les choses se passent d’une maniére complétement inverse quelque temps après le coucher du soleil. 7. Les deux lois précédentes ont été observées sur des arbres dont le dia- mêtre, aux sections les plus grosses, ne surpassait pas 27 centimètres, el lorsque la température ambiante augmentait sans interruption du matin au soir, ou diminuait également sans interruption du soir au malin. Tout changement survenu dans ces deux conditions particulières pro- DE LA DEUXIÈME SECTION. 4101 duit un changement corrélatif dans l’ordre de distribution des tempéra- tures végétales; ainsi : : Lorsque la nuit est plus chaude que le jour, c’est pendant la nuit qu’on observe la distribution diurne, et réciproquement. Lorsque des variations surviennent pendant le jour ou pendant la nuit dans la température ambiante , leurs effets se manifestent immédiatement dans les couches superficielles de l'arbre et pénètrent plus ou moins pro- fondément , selon l’énergie et la durée de ces variations extérieures. On rencontre alors, en explorant un arbre de la surface au centre, des séries croissantes et des séries décroissantes de températures se succédant alter- nativement, et ces alternances sont d'autant plus nombreuses que les va- riations de la chaleur ambiante ont été plus fréquentés. L’épaisseur de couches occupée par chaque série croissante ou décroissante de tempé- ratures, est proportionnelle au temps pendant lequel a régné la tempéra- ture extérieure dont cette série est l’eflet. Ces alternances s’observent, à toutes les époques du jour et de la nuit, et à toutes les saisons, dans les grosses sections des grands ar- bres; car la chaleur se propageant lentement dans les tissus végétaux, tes couches centrales des gros arbres ne ressentent les effets des influences extérieures que longtemps après que ces influences ont commencé d'agir. Ainsi, au mois de juin 1842, pendant les plus fortes chaleurs, la tempé- rature des couches centrales d’une section de 0m,50 de diamètre commen- çait seulement à augmenter aprés le coucher du soleil ; son accroissement continuait durant toute la nuït jusqu’au matin, et ne s’arrêtait que bien longtemps aprés le lever du soleil : c’était l'effet de l'influence de la cha- leur du jour précédent, laquelle se propageant de couche en couche, warrivait au centre que quinze ou seize heures aprés avoir atteint la sur- face. Pendant la journée, au contraire, ces mêmes couches centrales diminuaient constamment de chaleur jusqu’aprés le coucher du soleil, ne recevant ainsi et ne manifestant les effets de la fraîcheur de la nuit que le jour suivant. En un mot, quelque grand que soït le diamétre d’une section d'arbre, les parties centrales de celle-ci ont des températures dont la marche est analogue à celle des températures ambiantes; seulement les premières températures retardent sur leurs analogues de l'extérieur de quinze , de vingt, de vingt-quatre heures et même davantage , suivant la grosseur des parties observées. Le retard serait probablement de deux jours et plus sur un arbre d’un mètre de diamètre. Si donc les sections végétales observées ont un diamètre suffisant, on trouve à un instant quelconque, dans leurs différentes couches concen- triques, des températures correspondant à la chaleur du jour, d’autres à la fraîcheur de la nuit, et par conséquent une alternance des distribu- tions diurne et nocturne de ces températures. 8. L'action des rayons solaires est , sans aucun doute, la cause la plus puissante des températures végétales. Dans les jours les plus chauds d'avril 1842, une branche de peuplier de 4 centimètres de diamètre avyaït, dans ses couches centrales, au milieu du jour, une température supérieure de 8, de 10 et même de 13 degrés à la température extérieure. 9. Un large écran placé devant la branche, de manière à la garantir des rayons solaires, ramenait sa température au niveau de celle de l’air ou l’empéchait de la dépasser. 102 MÉMOIRES 40. Un écran plus petit , ne garantissant que les sections de la branche dans lesquelles le thermomètre était plongé, produisait une partie de l'effet dû à un écran plus considérable. Actions médiates des influences extérieures, ou action de la sève ascendante, La sève ascendante augmente ou diminue la température des parties qu’elle traverse , selon que ces parties ont une température inférieure ou supérieure à la sienne. Cette action se conçoit & priori, mais on ne l'avait pas encore démontrée d’une manière satisfaisante. Maintenant le doute n’est plus possible. En effet : Un arbre ébranehé a pris, le jour même de l'opération et tous les jours suivants, une température centrale supérieure de 7, de 8 et même de 10 degrés à celle qu’il prenait auparavant sous des influences extérieures d'égale intensité; il est devenu, sous le rapport de la température, tout à fait semblable à un arbre mort de même taille, de même port et de même essence que lui. Or, cette augmentation de température ne provenait pas d’une modi- fication organique ; elle a été trop soudaine. Elle n’était pas due à ce que l'arbre recevait plus de rayons solaires après l’ébranchage; il n’y a pas eu de changement à cet égard pour la section observée et pour les sections voisines. Elle ne venait point, par communication du calorique, des parties supérieures de l'arbre : cela est rigoureusement impossible en principe, et les observations confirment le raisonnement. Il ne reste donc, pour expliquer cette augmentation de température, que de l’attribuer à une absence presque complète de sève ascendante , et l’on démontre que cette hypothèse satisfait aux conditions du phénomène. Donc la présence de la sève ascendante neutralise , en partie , les influences calorifiques extérieures qui tendent à élever la température des arbres au-dessus de celle du sol. On conçoit parfaitement que la sève puisse jouer parfois un rôle op- posé, c’est-à-dire qu'elle puisse réchauffer les parties dont la température est inférieure à la sienne; mais ce second effet est moins facile à prouver par des observations que le premier, ou plutôt il y a moins d’évidence dans les phénomènes. La raison en est que les circonstances extérieures qui tendent à abaisser la température de l'arbre diminuent en même temps la quantité de sève ascendante, et partant la somme des effets modifica- teurs de celle-ci. La masse de sève puisée dans le sol diminuant toutes les fois qu’elle aurait lieu d'exercer son pouvoir réchauffant, il n’est pas étonnant que celui-ci produise des effets moins notables que le pouvoir refroïdissant, lequel s'exerce toujours dans des circonstances qui favori- sent l’ascension de la sève, à savoir, quand il y a au dehors chaleur et lumière. Une preuve cependant que le pouvoir réchauffant de la sève s'exerce aussi, c’est que si la chaleur des arbres tend à s’abaisser au-dessous de celle du sol, l’abaissement est, en général , plus prompt et plus consi- dérable dans les arbres morts et dans les arbres ébranchés, qu'il ne l’est dans les arbres vivants de même taille. DE LA DEUXIÈME SECTION. 405 DES OBSERVATOIRES MAGNÉTIQUES DE LA RUSSIE, COMMUNICATION VERBALE FAITE A LA DEUXIÈME SECTION DU CONGRÈS SCIENTI- FIQUE DE STRASBOURG, DANS LA SÉANCE DU 7 OCTUBRE 1843, PAR M. KUPFFER, Vice-président , membre de l’Académie impériale des sciences de Saint-Pétersbourg. : Dans la séance du 7 octobre, M. Kupffer, membre de l'Académie des sciences de Saint-Pétersbourg, fit connaître, de vive voix, l’organisation des observatoires magnétiques de la Russie. Cette communication avait excité à un haut degré l'intérêt des personnes réunies, malheureusement en trop petit nombre, autour de l’illustre académicien. C’était véritable- ment de sa part un acte de complaisance dont il a pu voir que tous les membres présents étaient vivement reconnaissants. Aussi, lorsqu’en lui montrant les notes prises pendant son improvisation et en lui demandant quelques éclaircissements, nous lui ayons laissé apercevoir notre désir de reproduire aussi complétement que possible le récit qu’il venait de faire, il s’est empressé de nous offrir d’en écrire lui-même un extrait. Nous croyons devoir publier ici textuellement le travail qu’il a eu la bonté de nous adresser quelques jours aprés son départ de Strasbourg, et qu’il a, pour ainsi dire , rédigé en courant la poste. De cette manière nous répon- drons au vœu qu’exprime M. Kupffer dans sa lettre d’en voi , en même temps que nous pourrons espérer d'être agréable aux souscripteurs de ce volume et aux professeurs, nos confrères, A M. le professeur Fargeaud, secrétaire de la deuxième Section du Congrès scientifique de France , à Strasbourg. «Monsieur , «Je m'empresse de vous adresser la note relative à nos observatoires magnétiques que j'ai promis de vous envoyer; c’est, comme je vous l'ai déjà dit, un appel fait aux savants français auquel je désire donner une grande publicité en France, et, assurément, je n'aurais pu mieux faire que de l’adresser au Congrès scientifique de Strasbourg. «En vous priant de vouloir bien me rappeler au souvenir de tous mes amis de Strasbourg et agréer les assurances de mon estime et de ma recon- naissance pour toute la bienveillance que vous m’avez témoignée, je suis avec le plus sincère attachement , votre tout dévoué A, KUPFFER.» «Charmes, le12 octobre 1842, » 104 MÉMOIRES Eatrait rédigé par M. Kupffer. Dans l'étude des phénomènes du magnétisme terrestre, c'est à la décli- naison qu'on à loujours accordé une préférence marquée. On a reconnu depuis longtemps , que cet élément important ne varie pas seulement de siécle en siécle , mais même d'heure en heure, de minute en minute. Ces dernières variations de la déclinaison, qu’on pourrait appeler ses varia- tions microscopiques, parce qu'elles sont communément très-petites, sont de deux espèces; il y en a qui s’exécutent d’une maniére trés-réguliére et dont la période dépend évidemment du cours du soleil; mais il yen a encore d’autres qui ne présentent aucune régularité et que M. de Hum- boldt a appelées des affolements de l'aiguille aimantée ou des orages magné- tiques. On a remarqué depuis longtemps, que ces mouvements irréguliers de l'aiguille étaient souvent liés à l'apparition des aurores boréales; et comme les aurores boréales ont leur siége dans le nord le plus reculé, c'est-à-dire à une grande distance de la station où l’on observait la mar- che de l'aiguille, il était naturel de penser que la cause commune des af- folements de l'aiguille et des aurores boréales devait avoir une sphére d'ac- tivité trèés-grande. Pour éclaircir cette question, on est convenu de faire des observations correspondantes sur deux stations, très-élorgnées l’une de l’autre. Les premières observations de ce genre ont été faites par M. Arago et moi, à Paris et à Kasan , et ces observations démontrèrent que les mou- vements irréguliers de l'aiguille ont souvent lieu dans le même instant et dans le même sens , sur des points aussi distants que les deux villes que je viens de nommer. Pour donner plus de régularité à ces observations correspondantes, et pour les établir en même temps sur une plus grande échelle, M. de Hum- boiïdt proposa de convenir d'avance de certains jours dans l’année, où la marche de l’aiguille de déclinaison serait observée d'heure en heure, pen- dant quarante-quatre heures; il insista en même temps sur la nécessité de construire de petits observatoires magnétiques, dans la construction desquels l'emploi du fer serait soigneusement évité. Lorsque M. de Hum- boldt vint en Russie en 1829 il invita l'académie des sciences de Saint- Pétersbourg à concourir au succés de cetteentreprise. Despropositions sem- blables lui ayaient déjà été faites par moi quelques mois d'avance; tout était préparé et il ne manquait que l'adhésion du gouvernement, qu’il ne fut pas difficile d'obtenir. C’est ainsi que s’organisa cette grande association ma- gnétique, que j’appellerai la premiére, parce qu’elle a été remplacée plus tard par une autre. Les points extrêmes où la marche de l'aiguille fut ob- servée, étaient: Berlin, à l’ouest, et Sitka, colonie russe sur la côte-nord- ouest de l'Amérique, à l’est. Toutes les observations faites en Russie, ont été imprimées dans un ouvrage particulier, ayant pour titre Recueil d'ob- servalions magnétiques faites dans l'empire de Russie, par M. Kupffer et ses collaborateurs. (Un gros volume in-40, imprimé aux frais de l'aca- démie des sciences de Saint-Pétersbourg). Dans les obseryatoires fondés par la premiére association, on s’occupait exclusivement de l'étude des variations de la déclinaison; à l'observatoire magnétique de Saint-Pétersbourg seul , on observait les variations de l’'in- clinaison. Les méthodes étaient si imparfaites, qu'on ne pouvait en allen- DE LA DEUXIÈME SECTION: 105 dre des résultats exacts. Ce fut donc un immense service que M. Gauss rendit à l'étude du magnétisme terrestre, de nous donner une méthode pour observer avec exactitude l'intensité des forces magnétiques terres- tres et ses variations, et de perfectionner l’ancienne méthode pour déter- miner la déclinaison. Cependant la deuxième association magnétique, for- mée par M. Gauss, se borna pendant longtemps, comme la premiére, à observer les variations de la déclinaison seule; ce fut plus tard qu’elle y ajouta des observations sur les variations de l'intensité. Ces observations ne furent faites que six et enfin quatre fois par an, pendant vingt-quatre heures seulement ; mais on les fit dans des intervalles plus petits , de cinq en cinq minutes, tandis que dans les observatoires de la première as- sociation, on n’avait observé que d'heure en heure, ou tout au plus de vingt en vingt minutes. On établit d’ailleurs entre elles une simultanéité exacte, en réglant toutes les montres sur le temps moyen de Gættingue. Ces observations ont fait ressortir d’une maniére plus saillante encore la simultanéité des mouvements irréguliers de l'aiguille de déclinaison; mais leurréseau, dépassant à peine les limites de l'Allemagne, est trop restreint pour pouvoir amener des résultats généraux, et tout en admirant l’exac- titude des méthodes nouvelles que M. Gauss nous a données, et la profon- deur des recherches qu'il a faites relativement à la théorie du magnétisme terrestre, dont il a pour ainsi dire reconstruit les fondements, il faut avouer qu’il y avait encore un pas à faire pour donner une portée prati- que à ces vues ingénieuses , c'était de les exécuter sur une grande échelle et de les appliquer à un systéme d'observations plus complet; c'était enfin de faire selon les nouvelles méthodes, des observations journalières et de les faire sur des points trés-distants de la surface terrestre. Ce pas a été fait en Russie, et je vais vous exposer en peu de mots en quoi il a consisté. Lorsqu’en 1835 S. M. l’empereur ordonna la réorganisation de l’admi- nistration des mines de Russie; lorsqu’à la suite de cette réforme, M. le comte Cancrine , ministre des finances , fut nommé chef suprême du corps des mines et M. le général Tcherskine chef de son état-major, il s’offrit pour moi un excellente occasion pour faire exécuter des projets de cette nature; je la saisis avec empressement, et je présentai à M. le général Tcherskine le projet d’un systéme d'observations magnétiques et météorologiques dont le réseau devait embrasser la plus grande partie de la surface de la Russie, et par conséquent une partie notable de la surface terrestre. Ce projet consis- tait à fonder sur quatre points, et nommément à Saint-Pétersbourg, à Ca- tharinenbourg (dans l’Oural), à Barnault (au pied des montagnes Altaï) età Nertchinsk (frontière de Chine), des observatoires magnétiques et météoro- logiques exclusivement consacrés à cet objet , et d'organiser sur trois autres points ,.et nommément à Rogoslowrok, Ilatowste (tous deux dans l'Oural, à 60 et à 540 de latitude) et à Lougan (au midi, dans le voisinage du Don), des observatoires météorologiques, de sorte que des observations journa- lières (huit fois par jour) fussent faites sur ces sept points. Pour donner dela consistance et de l’uniformité à cette entreprise, je m'offris de faire un cours pratique de magnétisme et de météorologie à l'observatoire magné- tique de l’Institut des mines de Saint-Pétersbourg. Chaque observatoire devaitêtre muni de deux observateurs subalternes au moins, surveillés par un officier des mines faisant fonction de directeur de l'observatoire. Ces observateurs subalternes , ainsi que les officiers surveillants, reçurent de 406 MÉMOIRES moi-même les instructions les plus détaillées. L'exécution de ce projet fut ordonnée et commença à Saint-Pétersbourg dés l’année 1855, et un peu plus tard sur tous les autres points. Les observations ont été publiées an- nuellement dans tousleurs détails, dans un ouvrage consacré spécialement à ce but et distribué à toutes les académies de l’Europe. C'est trois ans aprés la création de notre grande institution magnétique que M. de Humboldt adressa une lettre au président de la Société Royale de Londres, M. le duc de Sussex, dans laquelle il invita la Société Royale à imiter l'exemple que la Russie avait donné; il fit voir à la Société les grands avantages que les sciences magnétiques pourraient en retirer, si le gouvernement anglais fondait des observatoires magnétiques dans ses co- lonies, Le projet de M. de Humboldt ne fut pas seulement accueilli avec acclamation par la Société Royale, mais en même temps fortement appuyé par l’association britannique. Le gouvernement britannique s'empressa de répondre aux vœux de la science, dont M. de Humboldt s'était fait l’or- gane , et une des plus grandes entreprises scientifiques qui ait jamais fixé l'attention des savants, fut organisée. Il fut résolu de fonder des observa- toires magnétiques et météorologiques en Angleterre et en Irlande, à Sainte-Hélène , au cap de Bonne-Espérance, à la Terre de Van Diemen et au Canada. Deux vaisseaux furent expédiés pour transporter les observa- teurs et les instruments aux lieux désignés, et pour faire un voyage d’ex- ploration magnétique autour du monde, et surtout dans les contrées qui environnent le pôle magnétique austral, dont la position exacte devait être déterminée, En même temps, on écrivit au gouvernement russe pour l’inviter à combiner ses observations avec les observations anglaises; la commission, choisie au sein de la Société Royale de Londres, et chargée de donner les instructions nécessaires et d’en surveiller l'exécution, délé- gua deux de ses membres, MM. Sabine et Cloyel, à un congrès magné- tique qui fut tenu à Gættingue, et où, en profitant des conseils de M. Gauss, nous réglâmes ensemble le plan à suivre-dans les observatoires anglais et russes. À ce congrés, il fut arrêté : 4. D’observer sur toutes les stations citées les variations des éléments magnétiques (les variations de la déclinaison de l'intensité horizontale et de l'intensité verticale) toutes les deux heures, jour et nuit, pendant trois années consécutives et simultanément, en réglant toutes les horloges sur le temps moyen de Gættingue, et de noter en même temps la pression at- mosphérique, la température de l'air, la pression des vapeurs d’eau qu'il contient, etc., etc. 2. De faire tous les mois, à des jours convenus , les mêmes observations de cinq en cinq minutes pendant vingt-quatre heures. 3. De déterminer tous les mois les valeurs absolues de la déclinaison , de l’inclinaison et de l'intensité horizontale. Quant au nombre de points où ce plan d'observations doit être suivi, la liste en grossissait je dirai presque chaque jour. La direction de la com- pagnie des Indes-Orientales ordonna de construire des observatoires ma- gnétiques semblables sur plusieurs points très-intéressants de ce vaste em- pire, entre lesquels je ne cite que Simla, au pied de l'Himalaya. En Alle- magne, M. Kreil, à Prague, et M. Lamont, à Munich, se joignirent à nous; ce dernier organisa bientôt après une association météorologique, qui couvre de son réseau une assez grande partie de l'Allemagne, En DE LA DEUXIÈME SECTION. 107 Russie, le chef du corps des mines, M. le comte Cancrine, sollicita auprés de Sa Majesté l’empereur la coopération des autres ministères dans cette grande entreprise et offrit de fournir les instruments nécessaires pour monter des observatoires magnétiques à Kasan, à Tiflis, à Nicolaieff et à Sitka, sur la côte N.-0. de l'Amérique. A Kasan et à Sitka, les observa- tions ont commencé en même temps que les nôtres; à Tiflis on construit dans ce moment un observatoire; les difficultés qui ont jusqu'ici empêché la fondation d’un observatoire à Nicolaieff disparaîtront, jel’espère , enfin. À Pékin, l’ombrageuse politique des Chinois ne nous a pas permis d’éta- blir un système d'observations complet; mais on a réussi à y envoyer quelques instruments; la déclinaison et l’inclinaison y ont déjà été déter- minées plusieurs fois, etune série complète d'observations météorologiques a été reçue derniérement à Saint-Pétersbourg. Ilest inutile de dire que le gouvernement russe a pris toutes les mesures nécessaires pour mettre nos observatoires magnétiques sur un pied con- forme à la grandeur de l’entreprise. IL y a à chaque observatoire quatre observateurs subalternes , dirigés par un officier surveillant; les officiers surveillants et deux observateurs de chaque station sont venus, comme je l'ai déjà dit, à Saint-Pétersbourg prendre des instructions pratiques chez moi. Enfin, pour consolider notre grande œuvre et pour donner à l'Eu- rope une garantie de plus, je me suis transporté moi-même, l'été passé, sur toutes nos stations magnétiques de la Sibérie pour les organiser défi- nitivement, pour placer moi-même les méridiens devant servirsà la dé- termination de la déclinaison et à la détermination du temps. Au retour de mon voyage, je n’avais qu’un seul vœu encore à former, c’est quele terme de nos observations, fixé à trois ans, fût continué, et je suis heureux de pouvoir vous annoncer que ce vœu aussi a été rempli; à ma sollicitation, notre gouvernement a prié celui de la Grande-Bretagne de prolonger le temps de nos observations combinées jusqu’à la fin de l’année 1845, et ce dernier a déjà ordonné toutes les mesures nécessaires à cet effet. 4108 MÉMOIRES NOTE SUR LES ANCIENNES TEMPÉRATURES TERRESTRES, EXTRAITE D'UNE COMMUNICATION VERBALE FAITE DANS LA SÉANCE DU 7 OCTOBRE , PAR A. FARGEAUD, Professeur de physique, secrétaire de la deuxième Section. La question des blocs erratiques et celle des glaciers, qu’on ne saurait désormais plus séparer, paraissent avoir occupé assez longuement la Sec- tion d'histoire naturelle : il ne m'a pas été possible d'assister aux séantes pendant lesquelles on a traité cet intéressant sujet. Mais d’après les procés- verbaux publiés dans le Bulletin et les renseignements que j'ai pu prendre, il paraît qu'il n’a été rien dit sur la cause en vertu de laquelle les anciens glaciers ont dû être infiniment plus étendus que ceux que nous connaissons aujourd'hui. Depuis longtemps je crois avoir trouvé, sinon une explication com- plète de ce grand phénomène, au moins une cause qui a dû contribuer puissamment , dans les anciens temps, à modifier le climat des régions montagneuses. Pour donner de l'importance à ma maniére de voir et un appui réel à mon système, il m'aurait fallu visiter un certain nombre de localités spéciales, questionner les savants qui habitent ces localités, recueillir même les produits organiques qui pourraient les caractériser. Les circonstances ne m'ont pas permis de faire ces voyages : si je me dé- cide pourtant à ajouter ici quelque chose à ce que l’on a pu entendre dans la première Section, c’est pour appeler l'attention des géologues et des phy- siciens sur ce point particulier; c’est aussi pour faire preuve de bonne vo- lonté vis-à-vis des savants étrangers ou nationaux qui sont venus avec tant d’empressement communiquer au Congrés scientifique de Strasbourg les fruits de leurs laborieuses veilles. 1. MM. Agassiz, Charpentier, etc., dans les Alpes; mon ami et con- frère M. Renoir, dansles Vosges, etavec lui M. Hogard, ont suflisamment prouvé que ces deux grandes chaînes de montagnes, si différentes d’ail- leurs par leur âge géologique , ont eu jadis leurs flancs couverts de glaciers trés-étendus , remplissant alors une partie des vallées qui sontaujourd'hui les plus fertiles et les p lus peuplées. La Forêt-Noire, sans doute, présen- terait des phénomènes du même genre à ceux qui s’adonneraient, dans cette région , à des investigations convenables. J'ai lieu de croire, par exemple, que l’amas de blocs granitiques ou autres , du haut duquel s’élance le ruis- seau qui forme la cascade de Tryberg , n’est réellement qu'une vieille mo- raine. L'intervalle qui la séparait autrefois des montagnes où le glacier prenait en quelque sorte sa source s’est comblé peu à peu, pour se trans- DE LA DEUXIÈME SECTION. 109 former en une plaine élevée, sur les prairies de laquelle le voyageur aper- çoit de tous côtés des blocs qu’on pourrait presque appeler erratiques. Ceux qui visitent les eaux des Pyrénées, en particulier Cauteretz, ne manquent guère de remonter la vallée qui conduit au lac de Gaube. Les plus intrépides arrivent même jusqu'au glacier de Vignemales. La position curieuse de Larallière; l'antre infernal d’où s'échappe la source brûlante de Mahourat; la cascade du Ceriset et son riche manteau d’iris: les im- menses blocs qui forment un autre cahos dans une partie de cette vallée ; la riche verdure qui couronne les anfractuosités les plus abruptes de ces magnifiques montagnes, tout cela m'a peut-être moins frappé jadis que les digues transversales qui ferment la vallée de distance en distance. On di- rait une série de lacs desséchés placés bout à bout et s'étendant presque jusqu’au lac de Gaube lui-même. Quelle est la main qui a construit ces digues aujourd’hui couvertes d'arbres et de gazon? Celui qui voudrait les étudier avec soin y verrait, je pense, les limites alternatives du glacier qu'on ne peutrencontrer aujourd’hui qu’en atteignant les flancs même du Vignemales , à quelques lieues de là : il y verrait de véritables moraines. Ainsi, quelle que soit la chaîne montagneuse ancienne que l’on prend pour point culminant, on reconnaît que de la plupart de ses vallées s’é- chappaient autrefois des espèces de torrents de glace. En se rencontrant à une certaine distance , ils devaient constituer souvent des enceintes presque continues, dont l'influence réfrigérante s’étendait certainement beaucoup plus loin qu’elles. Mais en même temps d’autres faits prouvent d’une ma- nière encore plus incontestable que ces mêmes parties de la terre, ou du moins des régions trés-rapprochées, nourrissaient des animaux et des plantes analogues à ceux qui ne vivent aujourd’hui que dans les parties les plus chaudes du globe. Ma théorie rend raison de ces états pour ainsi dire opposés des mêmes localités. Ce n’est ni à un dérangement dans l'axe du globe, ni à un transport dans d’autres parties des espaces planétaires, ni à la rencontre plus ou moins hasardeuse de quelque cométe que j’attribue les alternatives de tempéra- ture dont nous observons si souvent les traces. La chaleur centrale même est mise de côté: son influence devait déjà être peu sensible dansles temps dont je parle, comparativement à la cause énergique, mais locale, que j'ai à signaler. 2. Les forces qui agissaient alors étaient les mêmes que celles qui agissent aujourd'hui, à l'intensité prés. D'abord liquide et unie, la terre s’estsuccessivement solidifiée et boursouflée. A différentsäâges , d'immenses soulèvements ont produit les divers systèmes de nos montagnes, les Vosges ayant les Alpes, les Alpes avant les Cordilléres, etc., suivant la chronolo- gie si bien établie par M. Élie de Baumont. Lesmontagnes, d’abord hérissées d'immenses aiguilles pyramidales, lais- saient entre elles des fentes ou vallées d’une grande profondeur. Ces ai- guilles et ces pics , en s'émoussant successivement par l’action des agents atmosphériques, ont comblé une partie des sillons longitudinaux ou des cirques profonds qui devaient les séparer. Pour la même nature de roche la démolition faisait d'autant plus de progrès que l’on était plus rapproché de l’époque du soulévement du groupe. La forme arrondie des Vosges an- nonce que dorénavant leur diminution de bauteur et leurs changements 4110 MÉMOIRES de forme doivent être trés-peu sensibles. IL en est tout autrement d’une partie des Alpes, encore sous ce rapport dans un état de véritable jeu- nesse. Si par la pensée on rétablissait sur les Vosges et sur la Forêt-Noire l’im- mense quantité de blocs de diverse nature que l'on trouve partout sur leurs flancs et dans les vallées élevées; si on y remettait la masse bien plus grande qui s’est échappée de divers côtés sous forme d'argile, de sable , decailloux; celle qui est venue, par exemple, constituer la Basse- Alsace avec une profondeur qu'on peut sans doute évaluer à plusieurs centaines de mètres; si on réfléchissait en outre que tout cela a été en- levé presque uniquement aux parties supérieures des montagnes , puisque leurs bases se sont trouvées recouvertes et abritées bientôt par ces mêmes débris, quel ne serait pas l'accroissement de hauteur que la plupart d’entre elles pourraient ainsi acquérir ! En déblayant leurs bases pour recouvrir leurs sommets, on les verrait pour ainsi dire s'élever par les deux bouts et constituer alors un relief éminemment différent du relief actuel. Ainsi donc les montagnes étant plus élevées, plus isolées les unes des autres, plus pyramidales, si j'ose m’exprimer ainsi, la cause productive des glaciers devait avoir une bien plus grande énergie. + 3. Mais pendant que les glaces s’accumulaient sur certains côtés des montagnes , les flancs opposés subissaient l'influence des rayons solaires plusieurs fois réfléchis. Des parois rapides et dénudées devant pour ainsi dire concentrer la chaleur vers le fond, les températures habituelles des jours dépassaient de beaucoup celles qu’on pourrait observer maintenant dans les mêmes lieux, aux mêmes époques de l’année. Le rayonnement des nuits étant plutôt contrarié que favorisé par cet état de choses, il en résultait nécessairement des moyennes annuelles tout autres que celles de notre époque. Ce raisonnement repose d’ailleurs sur des faits pour ainsi dire journaliers et vulgaires. De simples murs de maison ou même de jar- din mettent nos arbres fruitiers à l’abri des gelées tardives ou précoces, donnent à leurs fruits des qualités qu'ils ne pourraient acquérir quelques mètres plus loin. Tout le monde sait au reste que dans nos vallées actuelles il y a en- core de grandes différences entre les températures de localités fort rap- prochées. Le‘Valais, examiné sous ce rapport, nous offrirait un exem- ple en grand pour l’état actuel des choses, en petit pour l’état ancien. On y trouve des plantes et des insectes qui ne conviennent ni à sa latitude, ni surtout à sa position élevée au-dessus du niveau des mers. Je n'ai pas de données sur la température moyenne de ses diverses parties; mais elle doit certainement être en rapport avec ses productions organiques, et cela malgré les glaciers dont il est proche voisin. Tous les naturalistes qui ont quelque peu parcouru les pays montagneux, ont remarqué com- bien l'exposition a d'influence sur les températures extrêmes : ils doivent admettre, comme moi, que cette influence augmenterait rapidement si chaque localité bien exposée devenait du tiers, de la moitié, etc., plus profonde. 4. Quelle doit être la température sous l'influence de laquelle se sont développées, dans chaque localité, certaines plantes dont nous trouvons aujourd’hui les débris ? Si je ne me trompe , les hommes les plus éminents ne sont pas toujours d'accord sur ce genre de questions. Tandis que DE LA DEUXIÈME SECTION. di M: Deshayes, par exemple, admet pour le bassin de Paris, à l’époque du calcaire grossier, une température moyenne équatoriale de 27 ou 98 de- grés, MM. Elie de Beaumont et Adolphe Brongniart trouvent suffisante la température moyenne du Caire, qui est de 22 degrés. D’ailieurs les lo- calités spéciales qui nous occupent sont soumises à des phénomènes par- ticuliers trés-importants pour nous, mais sans valeur pour les circons- tances générales et d’une toute .autre époque que ces messieurs ont en vue. Atmosphère très-humide et peu agitée , chaleur considérable : telles sont les conditions les plus favorables pour une végétation à la fois puis- sante et rapide. Nous les trouvons réunies au suprême degré au fond de nos vallées primitives. Le printemps arrive de bonne heure : lorsque l'hiver, toujours retardé , survient enfin à son tour, la plupart des végé- taux ont parcouru toute la période de leur existence annuelle. Ceux qui doïvent vivre plus longtemps sont bientôt recouverts par des couches épaisses de neige, qui ont glissé sur les parois inclinées et nues des mon- tagnes. Les productions des tropiques et les phénomènes des régions bo- réales venaient pour ainsi dire s’entreméler chaque année: On devait voir dans ces localités quelque chose d’analogue à ce que l’on peut voir au- jourd’hui à Khiva , par exemple , des champs couverts de cotonniers pendant l'été, et un demi-métre de glace sur la rivière pendant l'hiver. MM. Kupffer et Boussingault m'ont cité, l’un en Asie, l’autre en Amé- rique, plusieurs autres localités dans lesquelles ils ont pu observer des con- trastes analogues : seulement ces contrastes sont en général moins pronon- cés que ceux qui devaient correspondre aux anciens reliefs des contrées primitives. 5. Quant aux animaux dont nous trouvons les ossements ou autres débris dans tant de localités différentes, on peut dire qu'ils étaient alors seuls maîtres de notre globe; ils allaient et venaient en liberté. Si l’homme avait déjà paru, sa place sur la terre devait être fort restreinte. L’émi- gration était possible, était facile pour les quadrupédes de ces anciens temps, comme elle l’est aujourd’hui pour certains oiseaux : ils suivaient en quelque sorte la marche du soleil, s’avançant au nord pendant la saison chaude, revenant au sud à l'approche des hivers. Plusieurs animaux sau- vages de nos régions boréales qui voyagent en grandes troupes deux fois par an, ont, pour ainsi dire, conservé la tradition de leurs devanciers : ce que font encore les rennes, pourquoi les ours, les hyënes, leslions, les éléphants n’auraient-ils pu l’exécuter autrefois? En admettant ces émigra- tions par bandes ou isolément, suivant la nature de leurs appétits, nous expliquerons peut-être la présence dans certaines localités d’une immense quantité d’ossements de jeunes et de vieux animaux appartenant à une seule espéce. Qu'on se figure, en effet, ces bandes d’émigrants parcourant chaque an- née d'immenses distances, tout en suivant plus ou moins directement la série à peine interrompue de$ vallées profondes dont j'ai essayé de démon- trer l'existence. Des avalanches vingt fois plus fréquentes et plus terribles qu'aujourd'hui; de grands éboulements résultant de tremblements de terre Presque journaliers ; des émanations de gaz méphitique dues, comme les tremblements de terre, au grand développement des phénomènes volca- niques; des inondations non pas comparables à celles qui ont bouleversé 112 MÉMOIRES de nos jours quelques parties de la Suisse, ou ravagé plusieurs départe- ments de la France, mais je ne sais combien de fois plus terribles encore : telles sont les principales causes de mort accidentelle et instantanée sous l'influence desquelles pouvaient s'exécuter ces sortes d'émigrations. C’est souvent, sans doute, par suite de l’un de ces accidents que des ossements, des squelettes ou d’autres productions animales, enfouis à de grandes profondeurs, ont pu se conserver durant des siècles. 6. C’est généralement peu à peu que l’état de choses dont je viens de parler a dû se modifier. Mais il est pourtant probable qu'à l’époque du dépot diluvien un changement brusque et considérable s’est opéré dans le relief de la majeure partie du globe. A la suite des grandes oscillations qui ont sans doute accompagné le soulévement des Andes, l'Espagne, par exemple, s’est peut être séparée de l'Afrique. Alors les principales émigrations des quadrupèdes sont devenues impossibles pour nos climats : d’ailleurs une partie des glaciers a été disloquée et entraînée. Des mil- liers d'animaux ont péri, soit dans des cavernes, où le danger commun les avait rassemblés pêle-méle, soit dans les vallées comblées, soit aussi au fond des lacs et des mers accidentels ou permanents qui venaient de se produire, etc. Mais, je le répete, a vant de finir, si ces considérations exposées de vive voix ont paru présenter quelque intérêt, écrites elles n'auront pas le même avantage : elles sembleront trop vagues, trop peu développées. Je les donne comme de simples aperçus sur lesquels j'appelle, s'il y a lieu, l'attention des savants qui seraient en position de les approfondir. En ré- sumé , elles on! pour objet : 410 L'existence des glaciers dans des localités d’où ils ont disparu depuis longtemps. 20 Une des causes de la présence de ces anciens glaciers et de leur dispa- rition successive. 30 L'existence de vallées primitives profondes beaucoup plus chaudes que celles qui leur correspondent maintenant. 40 La végétation plus méridionale de ces vallées. 50 L’habitation momentanée de ces vallées par des animaux appartenant aujourd'hui à de tout autres latitudes. DE LA DEUXIÈME SECTION. 115 L’ANCIENNE ET LA NOUVELLE HORLOGE ASTRONOMIQUE DE LA CATHÉDRALE DE STRASBOURG , PAR M. A, FARGEAUD, Professeur à la Faculté des sciences , secrétaire de la deuxième section du Congrès. ee Rapport fait à la deuxième section du Congrès scientifique, dans sa séance du 6 octobre , au nom d’une commission composée de MM. Kupf- fer, membre de l'académie des sciences de Saint-Pétersbourg; Frisiani, astronome de Milan; Baruffi, Professeur de physique à Turin; La- guiante, ancien capitaine du génie; Hugueny, professeur des Sciences Physiques au colléçe royal de Dijon, et A. Fargeaud, Professeur à la Facullé des sciences, rapporteur. Cest, dit-on, au commencement du sixième siècle, de 504 à 510, sous le rêgne et par les ordres de Clovis » Que fut élevée l’église de Notre- Dame à Strasbourg. Elle fut d’abord construite entiérement en bois : mais , plus tard, Charlemagne fit bâtir le chœur en pierre , à peu prés tel qu'on le voit aujourd'hui. Louis-le-Débonnaire, son fils, lui succéda en 814 et mit la ville sous la protection de la sainte Vierge. Aussi l’image de la mére de Jésus figure-t-elle depuis ces temps reculés sur la grande banniére de la ville, malgré les révolutions religieuses et politiques qui ont changé tant d’autres choses. Nous avons vu porter cette banniére, il y a deux ans, aux fêtes de Gutenberg, en tête du cortége , et plus récem- ment à l'inauguration du chemin de fer. Pendant prés de deux siècles , la cathédrale et les évêques de Strasbourg continuérent à s'enrichir des dons des souverains. Si l’on en croit les piéces justificatives citées par Grandidier, l’or et même les pierreries cou- yraient en quelque sorte les murs de l'édifice et embellissaient les grandes cérémonies du culte. Mais il faut sans doute ne pas prendre à la lettre les récits des chroniqueurs, de même que nous n’ajoutons pas une foi en- tiére aux assertions du poëte Frischlin qui, en 1575, dans un poëme sur l'horloge astronomique de Strasbourg , célébrait en vers latins les maisons de marbre de cette cité opulente (1). : (EL Ro Se Seu duro mænia saxo (spectes) Condita, et armatas adversa in prælia vires : Marmoreas que domos atque ardua tecta domorum. II, 8 4114 MÉMOIRES . Au reste , toutes ces richesses allaient bientôt disparaître : le 4 avril 1002, la ville de Strasbourg fut prise d'assaut par l’armée du duc d'Alsace et de Souabe. L'église cathédrale fut pillée et profanée de toutes les manières. Le lendemain, jour de Pâques, les soldats y mirent le feu et l'œuvre de Clovis disparut en trés-grande partie : cinq ans plus tard, le feu du ciel acheva de détruire ce qui restait de la nef (24 juin 1007). Le chœur seul resta debout après ces deux incendies. Pour faire oublier autant que possible les crimes de ses soldats, le duc Hermann ne tarda pas à céder la riche abbaye de Saint-Étienne à l'évêque Wernher. En même temps le clergé du diocèse se cotisa, et des quêtes furent faites de tous côtés. Ces ressources extraordinaires, jointes aux libé- ralités de l’empereur saint Henri, inspirérent à l’évêque la résolution de construire un vaste et superbe monument ; les architectes les plus renom- més furent consultés : d'immenses préparatifs furent faits pendant huit années. Les paysans arrivaient de vingt lieues à la ronde pour contribuer au rassemblement des matériaux. Dans le courant de la quinzième année du onzième siécle , on se trouva enfin prêt à commencer les constructions. Tout le monde sait que les fondements en sont établis en partie sur des pilotis plantés dans le sable ou dans l'argile qui constituent le sol de Strasbourg. Mais le peuple se faisait sur ce point de singulières idées. Lorsqu'on creusa les puits où aboutissent les conducteurs du paratonnerre, on reconnut que pour avoir toute l’année de l’eau dans ces puits, il fallait descendre à environ un mètre au-dessous de la partie inférieure des pilotis. Il s’en faut, d'aprés cela, de beaucoup que l’on puisse aller en bateau sous la cathédrale, comme tant de gens avaient encore, il y a peu de temps, la bonhomie de le croire. A peu prés vers l'époque où Charlemagne faisait bâtir le chœur de notre cathédrale, les horloges à roues commençaient à être connues en Europe. Dans l’année 807, le célèbre calife de Bagdad, Aroun, envoya une de ces machines à l’empereur d'Occident. Les chroniqueurs de l'époque en parlent avec admiration. Elle n’avait pourtant pas encore de sonnerie. Ce perfec- tionnement important ne paraît avoir été imaginé que vers le milieu du quatorziéme siécle. C’est alors, vers 1544, que Jacques de Dondis cons- truisit, pour la tour du palais de Padoue , la célébre horloge astronomique qui valut à lui et à ses descendants le surnom d’Horologius. Elle marquait les heures, le cours annuel du soleil suivant les signes du zodiaque et le cours des planètes. L'apparition de cette merveille excita d’une manière extraordinaire, dans toute l’Europe, l’émulation des ouvriers et des mé- caniciens. Les magistrats de Strasbourg ne tardérent pas à faire jouir leurs compa- triotes de ces nouvelles inventions. La première horloge de la cathédrale fut commencée en 1552 et achevée au bout de deux ans. Sa cage était en bois et se trouvait placée vis-à-vis de celle qui existe aujourd’hui. La par- tie inférieure de la machine représentait le calendrier au moyen d'une roue qui faisait un tour par année. Dans la partie du milieu se trouvaient indiquées les heures et les demi-heures, ainsi que les mouvements du so- leil et delalune. Enfin le haut présentait l’image de la sainte Vierge, de- vant laquelle, à midi, Les trois rois venaient s’incliner successivement. Le sultan de nos basses-cours, ce fier volatile qui, sur nos étendarts, DE LA DEUXIÈME SECTION. 415 remplace les aigles glorieux de Napoléon et les nobles fleurs de lis de la vieille France, le coq jouait déjà un rôle distingué dans cette ancienne mécanique. Par respect pour son antiquité, Conrad Dasypodius le con- serva dans la nouvelle horloge qu'il construisit deux cents ans plus tard. IL nous apprend lui-même, dans un ouvrage dont il sera question plus loin, que pendant la semaine sainte, lorsqu'on récitait la passion, le chant du coq rappelait aux hommes que Pierre avait renié son maître (1). L’horloge que Philippe-le-Hardi, duc de Bourgogne, fit transporter en 1565 de Courtray à Dijon, n'était pas encore connue à l'époque dont nous parlons. Paris même ne possédait alors aucune grande mécanique de ce genre. C’est beaucoup plus tard, en 1370 , que Henri de Wic, venu d’Al- lemagne par ordre de Charles V, plaça sur la tour du palais la première grosse horloge que la capitale de la France ait possédée. Cette premiére horloge de Strasbourg, malgré les réparations qu’on y avait faites en 1599, tombait complétement en ruines, lorsque les direc- teurs de la fabrique résolurent d’en élever une nouvelle sur le mur qui se trouvait vis-à-vis de l'emplacement de la première. On était déjà en 1547. Depuis plus d’un siècle la tour était terminée (24 juin 1459), aprés cent soixante-deux années de travail. L’admirable conception d'Erwin avait rendu la cathédrale de Strasbourg de plus en plus célébre dans toute la chrétienté. La nouvelle horloge devait être digne d’un pareil monu- ment. Troismathématiciens, Chrétien Herlin, Michel Heer et Nicolas Brüchner, furent chargés d’en dresser le plan et de présider aux travaux. La tourelle en pierre qui renferme les principales parties de horloge , ainsi que l’es- calier placé du côté droit furent construits à cette époque. La machine elle-même était déjà en ouvrage, lorsque la mort du professeur Herlin , survenue le 21 octobre 1562, fit suspendre l’entreprise. Le magistrat ne songea définitivement à faire recommencer les travaux qu’en 1571 ; depuis dix ans les catholiques avaient été complétement exclus de la cathé- drale. Conrad Dasypodius, né à Strasbourg en 1552, avait succédé à Herlin . son maître, comme professeur de mathématiques. Il était fils de Pierre Rauchfuss, savant helléniste de Frauenfeld , en Suisse. Cet helléniste, cé- dant à une manie assez commune alors, avait changé son nom allemand Rauchfuss (pied velu) contre le nom grec Dasypodius, qui a la même signi- fication. Dans un ouvrage intitulé Heron mathematicus, ele., imprimé en 1580 (2), Conrad nous apprend qu’il fut chargé de faire construire un appareil aussi remarquable par la richesse des ornements que par l’indus- trie du mécanisme. Il s’associa son ami le mathématicien David Wolcken- stein, qu'il fit venir l’année suivante d'Augsbourg. Les peintures furent confiées à l’habile artiste Tobie Stimmer, que l’on peut, dit Dasypodius, (1) Galli gallinacei verd cantus, admirationem nostræ inventionis et dispositionis non solum auget ; Sedvetustatis el artis quoque considerationem “habet. Si quidem antè ducentos annos, hic ipse gallus gallinaceus affabrè factus fuit ; et veteri horologio impositus , at que eo tempore quo passionem Christi in ecclesià christianä solitum Juerat commemorare ; hic suo cantu abnegationis petri, homines commo- nefecit. (Chap. NIL, De psalmodiis in summitate machine, etc.) (2) Conradi Dasypodi heron mathematicus : seu mechanicis artibus atquè disciplinis ; ejusdem horo- logü astronomici , Argentorati in summo templo erecti, descriptio. (Argent, excudebat Nicolaus Wy- riot, 4580.) 8. 416 MÉMOIRES comparer aux peintres les plus célébres de l'antiquité. Enfin, ajoute-t-if, j'usai du travail manuel des frères Isaac et Josias Habrecht, ouvriers en fer(1). Ces illustres artisans étaient natifs de Shaffhouse ; ils achevérent en 1574 l'œuvre qui a excité pendant plus de deux cents ans l'admiration du vulgaire. Voici une description abrégée de cette horloge, soit d'aprés Grandidier, qui avait pu en voir fonctionner toutes les parties, soit d’après l'ouvrage même de Dasypodius. L'ancienne horloge de Strasbourg était divisée en trois étages posés l’un sur l’autre. Au pied ou à la base se trouvait, en outre, un globe astrono- mique , porté sur le dos d’un pélican. Ce globe avait trois pieds de diamètre et tournait toutes les vingt-quatre heures : il représentait le lever et le coucher du soleil et de la lune, ainsi que le cours et le mouvement du firmament. Le soleil et la lune y faisaient leur révolution astronomique par le moyen de ressorts placés dans le pélican. Dasypodius, qui avait pri- mitivement construit ce globe pour son propre usage, nous apprend qu'il avait mis le plus grand soin dans la disposition des étoiles d’après leur lon- gitude , leur latitude, etc. Il termine son troisième chapitre en disant que, de toutes les parties de son ouvrage, celle-ci est certainement la meil- leure (2). Au premier étage et derrière le globe, on voyait trois grandes roues pla- cées l’une dans l’autre et dont la plus grande, ayant environ trois mètres de hauteur, représentait les douze mois de l’année et chaque jour en par- ticulier : ce qui la faisait appeler par le peuple la roue de l’almanach. Sa révolution durait une année. La seconde, plus petite, marquait les fêtes mobiles, la lettre dominicale, les années bissextiles , etc. Elle tournait en sens inverse de la première, et son mouvement avait été calculé pour cent ans, c’est-à-dire de 1575 à 1675. Mais comme les calculs étaient faits d’a- prés le calendrier Julien, cette partie ne tarda pas à devenir inutile. Le cercle intérieur était fixe : on y avait peint une partie du cours du Rhin et en particulier la ville de Strasbourg. Apollon, placé à droite de la grande roue , indiquait avec une flèche le jour de l’année, ainsi que la fête qui lui correspond. Vis-à-vis se trouvait Diane. Derrière ces deux divins personnages, à droite et à gauche, on voyait deux grands tableaux sur lesquels étaient figurées les éclipses de soleil et de lune que Dasypodius avait calculées depuis 1575 jusqu’en 1605, et qu’il a également figurées dans son ouvrage. Plus tard, on les remplaça par d’autres tableaux marquant les éclipses comprises entre 1613 et 1649. Immédiatement au-dessus des grands cercles mobiles, sous une espèce de ciel ou de nuage, on voyait paraître chaque jour dans un char une des divinités représentant les sept planètes, et par suite les jours qui en por- tent les noms: le dimanche, c'était le char du soleil ou d'Apollon; le lundi, celui de Diane ou la lune; le mardi, celui de Mars, et ainsi de suite jusqu’au samedi, qui est consacré à Saturne. Au milieu et au-dessus de ce nuagé, était un cadran qui marquait les quarts d'heure et les minutes : à droite et à gauche se voyaient deux génies dont l’un, tenant en main un (1) Postea usus sum opera manuali fabrorum ferrariorum, Isaaci et Josiæ Habrecht, et statuario- rium , aliorumque opificum et officinatorum (Chap. H). (2) Sed quod sciam , ex præcipuis totius operis partibus , hanc esse excellentiorem. DE LA DEUXIÈME SECTION. (Er sablier, le tournait quand lheure frappait; l’autre souievait un sceptre comme pour répéter les coups. Le second étage était en grande partie oc- cupé par un grand astrolabe sur lequel tournaient les aiguilles des sept planètes pour marquer dans quel signe elles se trouvaient. La plus grande de ces aiguilles , terminée par un soleil, marquait les heures. Depuis 1669, les lions qui sont sur les côtés tenaient l’un les armes de la ville, Pautre les armes des directeurs de la fabrique : ces lions n’ont jamais fait aucune espèce de mouvement, ni poussé aucun cri. Le petit cadran qu’on voyait plus haut marquait le cours et le quantième de la lune : il faisait voir ses phases au moyen d’une espèce de nuage d’un côté duquel cet astre s'élevait, montrant d’abord son croissant, son premier quartier, etc., pour décroître ensuite et rentrer de l’autre côté. Au troisième étage, quatre personnages représentant les quatre âges de l'homme, frappaient chacun à leur tour les quarts d'heure sur autant de timbres. Enfin, immédiatement au-dessus se trouvait la cloche qui sonne les heures. Jésus-Christ étant d’un côté et la mort de l’autre, celle-ci s’ap- prochait à chaque quart d'heure , mais elle était repoussée par le Sauveur. Cependant l'heure étant venue, la mort s’avançait encore pour la sonner : Jésus-Christ se retirait et la laissait faire. Il y avait par dessus toutcela, dans le dôme de la tourelle, un carillon composé par Wolckenstein et jouant d'anciens airs de cantiques. La tourelle qui est sur la gauche renfermait les poids nécessaires pour le mouvement de‘tout l'appareil. Au-dessus se voyait le coq automate dont iba déjà été question. Autrefois, après que le carillon avait joué son air, le coq battait des ailes, allongeait le cou et chantait deux fois à toutes les heures. Mais le terrible coup de tonnerre qui éclata sur la couronne de la tour dans l'après-midi du 98 juillet 1695 étendit ses dégâts jusqu’à l'horloge astronomique ; les cordes qui soutenaient les poids furent tordues et en- tortillées d’une manière extraordinaire; le coq perdit sa voix et resta muet pendant plusieurs années. Personne, à ce qu'il paraît, ne sut le rétablir dans son état primitif; et jusqu’au moment où il se tut pour toujours, en 1789, il ne chanta plus que les dimanches et les fêtes à midi. Dasypodius put jouir pendant vingt-sept ans de la gloire qu’il s'était ac- quise. Trois ans avant sa mort, en 1598, il vit même sa machine imitée en quelque sorte à Lyon, par Nicolas Lipp, de Bâle. Malgré la célébrité de cette autre horloge, elle a toujours été regardée comme inférieure à celle de Strasbourg (1). La famille des Habrecht continua à soigner et à gouverner l'horloge jus- qu'à la mort du dernier de ces célébres mécaniciens arrivée en 1732. L'un d'eux avait nettoyé et réparé la machine au mois d’août de l’année 1669; Jacques Straubhaar, à la fin de 1752, y fit de nouvelles réparations. On sait qu’elle cessa de marcher en 1789. Depuis lors, plusieurs pièces furent soustraites par des mains coupables. L'autorité locale avait, pour ainsi dire, abandonné cette ancienne merveille comme un vieux meuble devenu embarrassant. {1) Herlin , qui avait précédé Dasypodius dans la chaire de mathématiques de Strasbourg , avait en- trepris un commentaire sur Euclide : il ne put achever que le premier et le cinquième livre. Dasypo- dius fit les quatre autres, et publia l'ouvrage en 1566. C’est un travail très-diffus : son Heron mecha- nicus offre le même défaut : on lui doit en outre Ja traduction de l'optique et de la catoptrique d Eu- clide, Il mourut le 26 avril 4601. 118 MÉMOIRES Cette machine n'était donc plus de nos jours qu'un illustre cadavre: depuis cinquante-trois ans elle avait cessé de fonctionner. Elle apparais- sait néanmoins encore dans les souvenirs du peuple comme un travail surnaturel : c'était en quelque sorte pour lui l’œuvre d’un ambitieux mor- tel, qui, comme Prométhée, ayant tenté d'animer un nouveau monde, avait dû, suivant la tradition populaire, payer de ses deux yeux le succés d’une entreprise aussi hardie. Prenez donc garde à vous, M. Schwilgué ; car sile mauvais génie, qui exécute ainsi les arrêts des divinités jalouses, possède encore quelque pouvoir parmi nous, le système visuel de votre famille entière ne suflira pas pour racheter la gloire de votre ingénieuse et savante création. : Cependant, à la vue de ce mélange du sacré et du profane, reproduit dans un siêcle positif comme le nôtre, quelques esprits chagrins diront peut-être que tant de peine et tant d'intelligence méritaient un meilleur emploi: Mais n'oublions pas qu'il y a autre chose que des savants à satis- faire dans le monde : le peuple doit aussi avoir sa part de jouissances in- tellectuelles : il les paye, comme nous, à beaux deniers comptants: D’ail- leurs, qui oserait soutenir que la vue de tous ces personnages venant chaque jour si régulièrement remplir leur rôlé, n’est pas capable d’ins- pirer à plus d’un artisan des pensées bonnes et des idées utiles? Le con- seil municipal de Strasbourg a donc bien mérité du pays en décidant que toutes les parties de l’ancienne horloge seraient reproduites : il lui reste une belle tâche à remplir, c’est d'honorer convenablement l’homme qui, seul en France, pouyait répondre à ce vœu d’une manière aussi brillante. Le 24 juin 1858, M. Schwilgué s’est mis à l'ouvrage, non pour restaurer la vieille horloge astronomique , mais pour en construire une absolument nouvelle, beaucoup plus complète, et dans laquelle ne figure aucune pièce de l’ancienne, les objets d'ornement exceptés. Aprés environ quatre ans et trois mois de travail, l'œuvre nouvelle a été en quelque sorte inau- gurée le dimanche 2 octobre 1842 par la visite d’un grand nombre de mem- | bres de la dixième session du Congrès scientifique de France. C’est le mer- credi suivant que la commission nommée par la Section des sciences phy- siques et mathématiques en a pris une connaissance un peu détaillée. Notre examen a eu pour objet les six parties suivantes : . La mesure du temps; . Le calendrier ; . Les indications astronomiques; Les automates ; . Les dispositions générales ; 6. Les ornements. Voici, d'après les notes qui nous ont été remises par M. Schwilgué fils, l'indication sommaire des objets qui se rapportent aux trois premières parties. I. La mesure du temps. Trois sortes de temps seront représentés dans l’ensemble de cette horloge; le temps moyen , sur le cadran placé au mi- lieu de la galerie des lions; le temps apparent, sur le cadran qui occupe l'intérieur du calendrier circulaire; enfin le temps sidéral, au-dessus de la grande sphère qui n'est pas encore mise en place. Le moteur central est une horloge d'une-grande précision, qui communique directement le mouvement soit aux aiguilles du temps moyen, au milieu de la galerie, O1 19 = ce à DE LA DEUXIÈME SECTION. 19 soit à celles que l’on voit sur le cadran, placé à l'extérieur en face du Châ- teau royal, où sont indiqués les heures, les jours ét les signes des sept planètes. Les autres moteurs qui sont relatifs à la mesure du temps font encore fonctionner les appareils suivants : 4. La sonnerie des quarts. Les quatre âges de la vie, représentés par autant d’automates , paraissent alternativement pendant la durée d’une heure : l'enfant sonne le premier quart; l’adolescent la demi-heure, l’homme les trois quarts, etenfin le vieillard vient sonner les quatre quarts. Dans l’ancienne horloge, ces quatre individus étaient fixés à leur place et-frappaient chacun sur un timbre particulier. Ici, l’automate qui doit sonner arrive vers le timbre, s’arrête assez de temps pour ne sonner que le second coup de chaque quart d'heure et s'éloigne ensuite. Le génie qu'on voit à gauche de la galerie où sont les lions sonne le premier coup de chaque quart en frappant d’une main, avec un sceptre, le timbre qu'il tient dans l’autre main. Enfin, lorsque les quatre quarts sont sonnés, le second génie tourne avec grâce le sablier qu’il tient avec les deux mains. Ces divers personnages ne fonctionnent que pendant le jour et sont sup- posés se reposer la nuit; mais la mort, qui sonne les heures en frappant un timbre avec un os, ne prend pas de repos et travaille pendant les vingt-quatre heures de la journée. 2, La procession des douze apôtres, qui a lieu tous les jours à midi, après que l'horloge a sonné les douze heures. Les apôtres arrivent succes- sivement devant le Christ, se retournent vers lui en inclinant la tête cha- cun d'une maniére différente, et s’éloignent ensuite. 3. Le chant du coq. Pendant que les apôtres passent devant le Christ, qui leur donne la bénédiction, le coq, placé comme anciennement au haut de’la tourelle des poids, chante trois fois en battant des ailes et en faisant mouvoir son bec, sa tête et sa queue. . IL Le calendrier. Sur un grand cadran métallique formé d’un anneau circulaire de 3 mètres de diamèêtre et de 25 centimètres de large, on a écrit toutes les indications d’un calendrier perpétuel, le mois, le jour, la lettre dominicale, le nom des saints. Ce cadran fait une révolution en 365 ou 366 jours, suivant que l’année êst commune ou bissextile : la sup- pression du jour bissextile séculaire est également observée. Le calendrier indique en outre les fêtes mobiles pour un temps illimité. A cet effet, au passage d’une année à l’autre , à minuit le 31 décembre, les fêtes mobiles se placent vis-à-vis du jour du calendrier fixe où elles doivent répondre pour toute l’année; elles tournent alors avec le grand cadran en conser- vant jusqu’au bout de l'an leurs positions respectives , et ainsi pour chaque année à venir, indéfiniment. Ces fêtes mobiles forment trois séries dis- tinctes dont chacune a exigé un mécanisme particulier ; savoir : 4° celles qui dépendent du jour de Pâques ; 2 les quatre temps qui dépendent de lavent; 3° enfin la fête de saint Arbogaste, patron de la Cathédrale. La fête de Pâques est obtenue par un mécanisme des plus ingénieux , dans lequel tous les éléments du compul ecclésiastique, le millésime, le eycle solaire, le nombre d’or, l'indiction romaine, la lettre dominicale etles épactes se combinent et produisent pour un temps illimité toutes les indications nécessaires à la détermination des fêtes mobiles. M: Schwil- gué, comme nous l’a fait observer notre collègue M. Kupfler, a réelle- ment traduit en mécanique.la formule de Gauss, relative à la détermi- 420 MÉMOIRES nation du jour de Pâques. C'est en bas, dans le compartiment à la gauche du spectateur, que se trouve ce bel appareil sous la dénomination de com- put ecclésiastique. Les divinités qui représentent les sept planètes anciennement connues figurent ici, comme dans la vieille horloge, les sept jours de la semaine. Elles arrivent chacune le matin dans leurs chars et disparaissent le soir. Leur mouvement se fait sur un chemin de fer circulaire. On est ainsi par- venu à gagner de la place, dans l’intérieur du cercle, pour le passage des divers systèmes de tringles métalliques qui transmettent le mouvement aux nombreuses pièces de ce nouveau monde. Apollon vient le dimanche ; Diane ou la Lune, le lundi; Mars, le jour suivant; Mercure , au milieu de la semaine; Jupiter, le jeudi; Vénus, accompagnée de Cupidon, le ven- dredi ; enfin Saturne termine la semaine. IT. Indications astronomiques. La partie de l'horloge qui a rapport aux indications astronomiques se compose : 1. D'un planétaire construit d’après le système de Copernie : il présente les révolutions moyennes de chacune des sept planètes principales. La terre, dans son mouvement, emporte avec elle la lune, son satellite ; celle-ci, de son côté, accomplit une révolution dans la durée du mois synodique. 2. Des phases de la lune qui sont représentées par un globe particulier, beaucoup plus grand que celui qui fait partie du planétaire. 3. Des équations solaires et lunaires. Cette partie que l’on voit der- rière la glace à droite, est encore une création de M. Schwilgué, aussi admirable d’ailleurs par la perfection du travail que par la profondeur de la conception. Les mécanismes apparents ou placés plus intérieurement ont pour objet principal de convertir, pour le soleil, le temps moyen en temps vrai, etc., et, pour la lune, de représenter presque toutes les irrégularités auxquelles est soumis notre satellite. Ainsi l'équation du centre, l’évec- tion, la variation, l'équation annuelle, la réduction et l'équation des nœuds s’y trouvent comprises. 4. Mouvements apparents du soleil et de la lune. Les mécanismes des équations ont permis de produire le mouvement apparent du soleil, son lever et son coucher , son passage au méridien , ainsi que le passage de la lune au méridien. Comme la latitude de cet actre est en même temps observée, il en résulte la représentation des éclipses de soleil et de lune sur le cadran du temps apparent compris dans l’intérieur du grand cercle qui représente le calendrier perpétuel. Au centre de cette grande surface circulaire peinte en bleu, on a placé l'hémisphére terrestre septentrional, orienté pour Strasbourg; deux lon- gues aiguilles marquent l’une le lever, l’autre le coucher du soleil. Cet astre lui-même, figuré par une autre aiguille garnie d’un petit disque à rayons, parcourt la circonférence du cercle en éclairant les différentes régions de la terre. La lune est figurée par unepetite boule qu'une qua- triéme aiguille fait également marcher; on peut ainsi reconnaître, lors- qu'il y a éclipse , si le phénomène sera visible dans tel on tel lieu donné. Le 51 décembre de cette année, entre cing el neuf heures du soir, les Strasbourgeois pourront, par exemple, observer l'éclipse annulaire de soleil qui aura lieu pour les habitants d’une partie de l'Amérique méri- dionale , mais qui sera invisible en Europe. DE LA DEUXIÈME SECTION. 121 “La sphère qui remplacera’le grand globe de Dasypodius et se trouvera par conséquent au niveau du sol, devant le grand cadran dont il vient d’être question , indiquera le mouvement apparent du ciel, en faisant une révolution dans la durée du jour sidéral. Son mouvement subira l'influence de la précession des équinoxes, dont la révolution est ; comme on sait, de 24,804 années: cette sphère ne tardera pas à étre mise en place. IV. Les automates. Comme je l'ai déjà remarqué , sil s'était agi d’une machine entiérement nouvelle, personne, et M. Schwilgué moins que d'autres, n'aurait pensé à faire parader à chaque milieu des jours ce bi- zarreassemblage de personnages sacrés, profanes, fabuleux. Mais le choix n'était pas libre : on pouvait bien agrandir, embellir, compliquer : il n’é- tait pas permis de tupprimer le plus mince automate. Notre immortel mé- canicien‘a pris ses mesures en conséquence. Aux savants , il a offert ses équations et son comput ecclésiastique : c'était plus qu’il n’en fallait pour faire taire les plus difficiles; au peuple, il a présenté ses douze apôtres, leurs gracieux mouvements, leurs saluts variés : leur place a d'ailleurs été si bien choisie, que beaucoup de gens croient sans doute qu'ils figu- raient déjà dans l’ancienne horloge: Au reste ; la plupart des autres figures, au lieu de glisser comme elles faisaient autrefois, marchent réellement devant le public, et commen- cent seulement à glisser quand elles sont soustraites à sa vue. Presque toutes les statuettes qui voyagent en voiture ont aussi été refaites sur de nouveaux modèles; car plusieurs étaient mutilées etquelque--unes avaient même disparu. Remercions M. Grass, statuaire de la cathédrale, des soins qu'il a bien voulu donner à un certain nombre de ces divinités : son beau talent su les reproduire dans l’ancien style pittoresque qui les carac- térisait. N. Dispositions générales. Nous avons vu dans ce qui précède que M. Schwilgué avait d'abord reproduit, en le perfectionnant , tout ce qu’il y avait dans l'ancienne horloge, et qu’en second lieu, à la place de ces . inutiles panneaux où Dasypodius avait fait peindre un certain nombre d'éclipses, notre illustre mécanicien avait construit des appareils absolu- ment nouveaux, et qui seuls le placeraient au premier rang dans la plus savante horlogerie. S'il nous était donné maintenant d'examiner les dé- tails de cette grande composition , nous reconnaîtrions bientôt qu'il n’est pas seulement profond calculateur et mécanicien du premier ordre, nous le trouverions encore, si j'ose m’exprimer ainsi, ouvrier savant, c’est-à- dire ouvrier au fait de tous les procédés délicats que chaque profession spéciale posséde en quelque sorte exclusivement. L’alliage, qu'il n’a adopté qu'après des essais nombreux , est un bronze de la plus belle couleur et d'une dureté égale à celle de l'acier. L'association de cet alliage avec l'a- cier fondu a permis de donner à tout l'ensemble des rouages une précision etun fini qui dépassent tout ce qu’on pourrait voir ailleurs dans ce genre. Au reste, votre commission n’a pas cru devoir se contenter de voir . Lhorloge astronomique; sur l'invitation de notre savant et modeste com- patriote, nous avons pu aussi prendre connaissance de quelques-unes des machines qu'il a inventées ou perfectionnées pour résoudre les nombreu- ses difficultés qui se présentaient à lui dans le cours d’un si grand travail. Les principales sont : | 41. Un’grand tour destiné à la préparation des cercles et des bandes an- 122 MÉMOIRES nulaires qui composent le calendrier. Le diamètre de l'un de ces cercles dépassant trois mêtres , il fallait lui donner le moins de poids possible tout. en lui conservant la solidité nécessaire. Il fallait surtout obtenir une mo- bilité parfaite : résultats qu'on ne pouvait atteindre qu’à l’aide d'un tour d’une dimension pour ainsi dire extraordinaire. Au défaut d’un mandrin en fonte qui, avec de pareilles dimensions , aurait coûté trop cher, on se détermina à en construire un en bois de chêne. Mais, malgré son épaisseur, malgré les soins qu’on avait mis dans le choix du bois et la précaution qui avait été prise d'appuyer la circonférence de ce mandrin sur des galets en fonte, le bois subissait encore l’influence des changements atmosphéri- ques ; chaque jour avant de commencer le tournage il fallait passer plu- sieurs heures à redresser la surface du mandrin. 2, Une grande machine à denter et à diviser, qui est de l'invention de M. Schwilgué et au moyen de laquelle il peut obtenir tous les nombres premiers sans exception , quelque grands qu’ils soient. La machine ordi- naire qu'il avait dans ses ateliers, quelque complète qu'elle fût, ne pou- vait donner la grande variété de nombres de dents nécessaires pour les di- vers mécanismes de l'horloge, des mouvements astronomiques, etc. 3. Une machine pour la détermination des courbes des dents, également inventée par M. Schwilgué; elle donne, sans aucun tâtonnement et sans tracé , La courbe d’une dent quelconque, d’après les principes les plus ri- goureux de la théorie des engrenages. 4. Une petite machine pour la formation du pignon d'un engrenage hélicoïde. Ce pignon, employé dans le mécanisme qui produit l'équation du temps, a permis d'obtenir, d'une maniére trés-simple, la longitude vraie du soleil au moyen de l'équation du centre, et en même temps de déterminer l'ascension droite vraie du soleil. Les difficultés d'exécution étaient telles que ce petit morceau de métal revient à plusieurs centaines de francs. 5. Un pyromètre propre à vérifier la compensation du pendule appliqué au régulateur de l'horloge. Les indications sont appréciables à moins d'un . millième de millimètre près, pour tous les degrés depuis dix degrés au- dessous du zéro, jusqu’à cinquante au-dessus. La construction de cet ap- pareil est déjà un beau travail et prouve que M. Schwilgué est aussi un excellent physicien. 6. Un lapidaire. On conçoit que les soins les plus extrêmes ont dû être donnés à la confection de l’échappement. Pour donner en outre à cette pièce la plus-grande durée possible, M. Schwilgué a composé les palettes de l’'échappement en pierres dures , la roue étant en acier. Mais on n’a pu donner à ces piéces la précision convenable qu'en créant des appareils et en organisant même un atelier particulier pour ce genre de travail. 7. Une machine servant à sculpter et au moyen de laquelle un bloc de bois a pu être dépouillé de toute la partie superflue pour ne laisser subsis- ter que le bois nécessaire à une ébauche exactement pareille au modéle. M. Schwilgué a ébauché ainsi toutes les statueltes dans un temps vingt fois plus court que celui qu’il aurait fallu au sculpteur pour faire le même ouvrage. 8. Un certain nombre d’autres machines moins importantes, mais sur- tout un grand nombre d'outils particuliers construits dans le but d’attein- dre à la précision la plus extrême. DE LA DEUXIÈME SECTION. 125 9. De nombreux calibres, des patrons de tous genres qu'il a fallu d’a- bord confectionner; chaque genre d'ouvrage a exigé des travaux prépara- toires particuliers, qui, le plus souvent, ont entraîné dans des dépenses bien supérieures à celles de l'ouvrage lui-même. 40. Toutes les dimensions calculées pour ces divers travaux ont été basées sur des résultats exprimés en millièmes de millimètre. Les pièces de forte dimension ont été mesurées au dixième de millimètre ; toutes les autres au centième de millimètre. Pour obtenir exactement des divisions aussi petites, M. Schwilgué a établi des instruments micrométriques par- ticuliers. Mais, comme quelques erreurs auraient pu se glisser dans l’em- ploi d'instruments aussi délicats, un seul et même employé a été chargé de mesurer et de vérifier chaque pièce à mesure qu ‘elle venait prendre place dans le mécanisme. Les immenses calculs qu’a dû faire M. Schwilgué ont été réguliérement mis au net et soigneusement classés; ils forment un recueil précieux sur lequel doit veiller un jour toute la sollicitude des gardiens de nos richesses intellectuelles. * NI. Les ornements. Je viens d’énumérer tout ce qu’il y a dans ce coin de notre cathédrale pour attirer les regards du peuple et pour fixer l’atten- tion des savants. J’ajouterai quelques mots encore pour vous faire remar- quer combien les artistes eux-mêmes peuvent y trouver des choses inté- rèssantes. - D'abord, si l’on arrive à l’horloge par la porte du midi, à côté du Col- lége royal, après avoir gravi les cinq degrés qui conduisent sur le parvis, on voit à sa droite la statue du grand architecte Erwin de Steinbach. Sa physionomie est noble, grande , profondément expressive. En ajustant cette belle tête sur un corps grêle, simplement drapé, le sculpteur , M. Kirstein , a copié la nature et nous a retracé fidèlement la tenue naïve et modeste de cet illustre représentant du moyen âge. La fille d'Erwin , placée à peine depuis quelques jours vis-à-vis de son pére , a déjà con- quis une grande popularité. Poétique et majestueuse comme ses propres créations, la Sabine de M: Grass ajoute un beau fleuron à la couronne. de cet artiste. Nousn’avons pas à décider ici quelle sont, parmi les anciennes statues de cette belle façade, celles qui peuvent être réellement dues au ciseau de Sabine : cette question serait hors de notre domaine , si elle m'était pas hors de notre compétence. L'inscription qu’on lisait anciennement (1) à côté de l’un des apôtres , saint Jean, ne laisse d’ailleurs aucun doute sur le fait principal. Mais la statue de la Vierge, placée au-dessous du cadran, doit nous arrêter un instant, puisque son histoire se rattache en quelque sorte à la météorologie électrique de Strasbourg. L'image de la protec- trice de notre cité fut élevée au sommet de la tour, en 1459 , immédiate- ment aprés l’achévement de la pyramide. C’est alors qu’on aurait pu dire avec Frischlin : Surgit et excelsum caput inter nubila condit. Mais si la position était brillante, elle n’était pas tenable : plusieurs fois (1) Gratia divinæ pietatis adesto Savine , De petra dura, per quam sum fucta figura. | la sainte Vierge fut frappée par la foudre, et l'on dut craindre de la voir enfin renversée. Pour prévenir un pareil danger , on la descendit en 1488, et cinq ans après, elle fut posée là où nous la voyons aujourd’hui. Comme elle était un peu trop mutilée , en 1669, on la remplaça par une statue neuve , taillée sur le même modéle; celle qui existe actuellement a été mise en place depuis le commencement de notre siécle. Si l'on pénètre enfin dans l'église, on voit en face de l'horloge la statue de l’évêque Wernher, qui jeta, comme nous l'avons dit, en 1015, les pre- miers fondements de la cathédrale. L'auteur du monument de Turenne à Sasbach , M. Friederich, a su faire revivre cet illustre prélat et rattacher sa composition à l'édifice qu’elle devait orner. Son Wernher semble pres- sentir l'avenir de l’œuvre qu'il projéte. Remercions l’administration de l'œuvre de Notre-Dame d’avoir eu l’heureuse idée de réunir dans un si petit espace tant de belles choses et tant de grands souvenirs: Wernher, Erwin, Sabine, Dasypodius, pour le passé; Friederich, Kirstein, Grass, Schwilgué , pour le présent et pour l'avenir (1). Quant à l'édifice remarquable qui renferme les diverses parties de l’hor- loge, M. Schwilgué l’a conservé absolument intact : il a seulement fait pratiquer dans les deux chambrettes principales de petites fenêtres qui prennent jour sur une cour intérieure du Collége royal, et rendent plus facile la surveillance des moteurs ou des autres mécanismes. Toutes les peintures et en général tous les ornements extérieurs ont été remis à neuf. On ne saurait trop louer les soins et l’habileté que l’on a mis dans cette restauration. M. Schwilgué présidait à tout; son œil exercé juge les dé- tails comme l’ensemble : son goût est aussi pur que son génie est inventif. Rien, d’ailleurs , n’a été fait hors de ses ateliers, pas même la belle litho- graphie qui représente ce monument de l'industrie de deux siècles si éloi- gnés. Parmi les peintures, dues en grande partie au pinceau de Tobie Stimmer, on doit remarquer, vers le haut de la tourelle gauche, Uranie, la muse de l'astronomie, et au-dessous d’elle, l’image du colosse qui, d’après Da- niel, désigne les quatre monarchies du monde. Le portrait de Copernic , qu’on voit plus bas, a été fait par Stimmer, d’après un tableau que le docteur Tydemann Gysse envoya de Dantzic à Dasypodius. Les trois par- ques Lachésis, Clotho et Atropos sont peintes sur la face de la tourelle qui regarde le chœur ; les tableaux qui sont à droite et à gauche du nuage où paraissent les divinités planétaires, sont encore dus au pinceau de Slimmer : ils représentent la création du monde, la naissance d'Adam et d'Ève , le jugement dernier, la résurrection des morts. Dans une description publiée en français et en allemand , probablement vers 4732, on attribue une certaine part à Copernic dans la construction de l’ancienne horloge. Mais cet illustre philosophe n’est jamais venu à Strasbourg, et l’œuvre dont il est question ne fut établie que vingt-sept 1] 4 R MÉMOIRES (1) Le grand cercle qu'on voit sur le mur derrière la statue de Wernher représente la circonférence d'une eloche que le froid fit, dit-on , fendre le jour de Noël de l'année 1521, pendant qu'on sonnait la grand'messe. Ce gigantesque monument du goût et de la piété de nos pères avait été coulé le 15 dé- cembre 4519. Le peuple avait jeté dans le bain métallique de la vaisselle plate , des monnaies d'argent, des bagues d’or, ete. On retira du moule un beffroi presque sans égal en Europe, puisqu'il avait en hauteur 4 mètres 26 centimètres et, en diamètre , 5 mètres 56 centimètres. e DE LA DEUXIÈME SECTION. 125 ans après sa mort. Le portrait copié par Stimmer, est sans doute un hom- mage que Dasypodius a voulu rendre au savant dont il n’avait pas cru devoir reproduire le système, mais dont certainement il admirait le génie. Ici se termine la tâche que m'avait imposée la confiance dela commis- sion nommée par la deuxième Section du congrès scientifique. Ne songeant d’abord qu’à l'honneur d’être son interprète auprés du Congrès, je n'avais pas même entrevu les difficultés que j’ayais à vaincre. Heureusement, MM. Schwilgué père et fils, par leur bienveillante complaisance, en ont aplani quelques-unes. Mes collègues ont bien voulu m'aider à en éviter d’autres: c’est ainsi que j'ai pu venir à bout de vous présenter queue d’hui ce rapport (1). Strasbourg , 6 octobre 1842. (4) Tous les rouages et les autres pièces de l’ancienne horloge ont été complétés et remontés dans la chapelle de la maison de l'OEwrre - Notre-Dame, sur la place du Château , où l’on peut étre ad- mis à la visiter, 426 MÉMOIRES MÉMOIRES LA TROISIÈME SECTION. —<2— Seiences médicales. — —— MÉMOIRE EN RÉPONSE À LA CINQUIÈME QUESTION DU PROGRAMME : (POSER LES BASES D'UNE CLASSIFICATION DES MÉDICAMENTS , » PAR M. FORGET, Professeur à la Faculté de médecine, Secrétaire général adjoint, Président de la troisième Section du Congrès scientifique. Depuis que la méthode a tenté de s’introduire dans la science , les au- teurs se sont posé ce probléme : Quelle est la meilleure classification à in- troduire en thérapeutique ? Or, personne encore n’en a trouvé la solution satisfaisante. Malgré des tentatives multipliées, pas un auteur n’est par- venu à édifier une classification reposant sur une base scientifique homo- gène, stable, répondant à tous les besoins de la science et de l’art. En effet, si l’on jette un coup d'œil d'ensemble sur les diverses classifications imaginées, on trouve qu’elles peuvent être rangées en deux groupes : l'un, purement artificiel et de convention, comprend les ordres alphabé- tique, géographique, voire même l’ordre dit naturel, selon les trois ré- gnes; et ce groupe, nous devons l’éliminer d'emblée; l’autre, qui com- prend les classifications scientifiques et médicales proprement dites , c'est- à-dire basées soit sur les états de l'organisme sain ou malade, soit sur les propriétés physiques, chimiques et surtout thérapeutiques des médica- ments. Poussant plus loin l'analyse, on trouve que ce dernier groupe de classifications peut se réduire à trois chefs principaux, qui, selon nous, constituent les seules bases possibles d’une classification réellementration- nelle. Ce sont : 1° la considération des effets physiologiques ou des modi- fications spéciales imprimées à l'homme en santé ou même malade par les remèdes; 2 la considération des effets pathologiques ou thérapeutiques proprement dits, ou des modifications définilives imprimées à la maladie ; 30 la composition chimique des médicaments, composition qui, rigoureu- sement, est la raison primitive, essentielle de leur activité. Le problème thérapeutique peut donc être envisagé sous ces trois faces ; DE LA TROISIÈME SECTION. 4197 mais, malheureusement, chacune d'elles, isolément considérée ; est in- suffisante pour le but qu’on se propose, n’est pas suffisamment compré- hensive pour embrasser tous les objets à classer, de sorte que les classifi- cations les plus répandues se voient presque toutes forcées d'emprunter à ces trois bases pour se compléter ; c’est ce qui ressortira de l’analyse du tableau suivant, dans lequel nous avons réuni à peu prés toutes les médi- cations usitées dans le langage comme dans la pratique, sans attacher d'importance à l'ordre dans lequel se trouvent rangés les objets apparte- nant à chacune des trois grandes divisions; ce n’est point un modéle, mais simplement un exemple que nous offrons. Tableau synoptique des principales médications ou classes des cgiahe 5 médicaments. Saignée. Emollients. Tempérants. Débilitants. Toniques. ' nets Ar omafiqnes » ACres, alcooliques, ; / Sialagogues — expectorants — Excitants émétiques — purgatifs (les deux derniers, à cause de leurs impor- n at tance, devant former des classes Première base SPÉCIAUX. | à part) — diurétiques — sudorif. (ordre ques — hydragogues — cholago- hysiologique). gues — emménagogues — ner pay gique) vins — céphalique:, etc. Astringents. (Tannin, acides, froid.) Moutarde — cantharides — am- moniaque — acides concentrés — potasse caustique — calori- que intense. généraux. (Opium — jusquiame , etc.) | spéciaux. (Belladone, digitale , ete.) | Emétiques (végétaux — minéraux). \Purgatifs (salins — huileux — résineux). Irritants et caustiques. È Narcotiques | Délayants. Incrassants. Incisifs. Fondants. Altérants. Contro-stimulants. Homæopathiques. acides. LE -| alcalins. Prusiimahase septiques. {ordre phlogistiques. pathologique < : généraux. Jen spasmodiques | spéciaux. 2 3 ériodiques. thérapeutique). re 2. ES onen np snitsnn de 2 goutteux. dartreux. syphilitiques. scrophuleux. scorbutiques. Dérivatifs. chlorotiques. Révulsifs. vermineux (anthelmintiques. Etc., etc. elc., etc. 4128 MÉMOIRES Acides. Alcalins. Sels (distingués selon leurs bases). Mercuriaux. Ferrugineux. Saturnins. Antimoniaux. Sulfureux. Ammoniacaux. Troisièmebase |lodés. cat \ quinine. (ordre Alcaloïdes végétaux © morphine. chimique). l strychnine , etc. Mucilagineux. Gommeux. Féculents. Acidules. Amers. Aromatiques. Alcooliques. Opiacés. Savoneux. Etc., etc. Si maintenant nous reprenons en détail chacune de ces trois grandes divisions ou bases de classifications, on verra, par quelques exemples, que chacune d’elles est insuffisante , je dirai même essentiellement erronée el mensongère dans une foule de cas. 1. Base physiologique. Le premier des débilitants, la saignée , est, au contraire , le meilleur des fortifiants, des corroborants, des toniques dont on puisse faire usage dans les débilités symptomatiques des phlegmasies graves. Dans une foule de cas, en outre, on emploie la saignée dans un but tout autre que de débiliter, dans l’anévrisme, l’asphyxie, les obstruc- tions mécaniques des voies cireulatoires , dans lés cas où l’on veut obtenir une dérivation (Lisfranc), etc. Le premier des toniques, le quinquina, devient débilitant dans les cas de phlegmasie , surtout du tube digestif, à l'inverse de la saignée. Lesexcitants généraux deviennent calmants, aussi bien et parfoismieux que les narcotiques, dans une foule de névroses. Les excitants spéciaux manquent souvent leur but ou produisent des effets tout différents de ceux qu’on en espére: les sudorifiques, les diurétiques ne font très-souvent ni suer ni uriner, ou font uriner lorsqu'on veut faire suer, et vice versä. Les astringents augmentent souvent la dilatation des capillaires au lieu de la diminuer, favorisent la fluxion au lieu de la réprimer, lorsqu'il y a réaction vive. Les irritants et les caustiques sont peut-être les médicaments dont l’ef- fet est le plus sûr. Cependant certains irritants sont parfois de trés-bons antiphlogistiques; témoins les résineux, le nitrate d’argent, le tartre sti- bié, le vésicatoire même, dans l’urétrite, l’'ophthalmie , la pneumonie, l’é- rysipéle , etc. Le premier des narcotiques, l'opium, tient certains individus éveillés au lieu de les endormir, endort à telle dose et cause l’insomnie à telle autre. DE LA TROISIÈME SECTION. 129 Rappelons-nous que les éméliques agissent souventcomme purgalifs, et que les purgatifs font souvent vomir. Donc la base physiologique, la plus usitée, la plus satisfaisante peut- être au moment actuel, est pleine de contradictions et d'erreurs dange- reuses. En outre, elle est insuffisante, car il est une foule de cas où l’on ne poursuit aucun des effets physiologiques ci-dessus, et où l'on recherche directement un effet curatif, abstraction faite des modifications physiolo- giques possibles et souvent inappréciables résultant des remèdes appliqués. Or, c’est pour satisfaire à ce besoin réel qu'on a recours à la base sui- vante : 2. Base pathologique ou thérapeutique. Les délayants, les incrassants. les incisifs, les fondants sont basés sur des idées purement spéculatives et surannées. Les allérants expriment un fait réel, puisqu'il y a modification dans les tissus pendant leur emploi ; mais en quoi consiste cette modification, cette altération? Ce mot, comme beaucoup d’autres, paraîtsignifier quelque chose et n’exprime rien de positif; sans compter que les altérants, les fondants, les incisifs et autres, manquent trop souvent leur effet, al- térent les lésions, mais en mal, les augmentent au lieu de les fondre, et, selon l'expression de Broussais, n’incisent que la muqueuse trop sensible du tube digestif. Les contro-stimulants sont une obscure logomachie. Les homæopathiques sont une ridicule mystification. Nous arrivons à cette formidable phalange des anti, cette inépuisable sentine de dogmes imposteurs, de funestes préjugés, d'erreurs meur- trières ; cette immonde litière où se vautrent l'ignorance et la paresse sous l'égide profanée de l'expérience confondue avec la routine; source fatale de ces droguesillusoires ou dangereuses que chaque jour le charlatanisme met aux mains de la sottise ou d’un industrialisme effronté. De ces anti, les uns, tels que ceux dirigés contre les prétendus acides, alealis, élé- ments sepliques ou putrides, etc., reposent le plus souvent sur de gratuites hypothèses à nous léguées par les théories purement spéculatives de l'antiquité ou par certains réveurs modernes. Cela soit dit sans jeter le blâme sur l’'humorisme positif qui fleurit de nos jours. D’autres, tels que les antiphlogistiques, les antispasmodiques, tant généraux que spéciaux , manquent fréquemment leur effet ou même produisent des effets con- traires: les cas ne sont pas rares où la saignée, par exemple, est le meil- leur des antispasmodiques, et où les excitants dits nervins ne font qu'augmenter les accidents nerveux. Ajoutez à cela que ces dénominations entretiennent de graves erreurs enracinées dans l'esprit des praticiens et des auteurs, à savoir, par exemple, que toute inflammation devra céder aux antiphlogistiques, sous peine de perdre son nom; que le spasme ré- clame de nécessité les antispasmodiques , etc. Puis viennent ces anticons- tituant autant de spécifiques d’une foule de maladies dont la plupart ont vingt spécifiques, soi-disant, et qui, en réalité, n’en ont même pas un. Combien possédons-nous de spécifiques pour le rhumatisme , la goutte, les dartres, les scrophules, les vers, etc.? et quel est celui de ces spécifiques qui chaque jour ne mente pas à son nom? On parle beaucoup de l’antipé- riodique et de l’antisyphilitique par excellence; eh bien! ne voyons-nous pas tous les jours de nouveaux agents tenter de détrôner le quinquina Il. 9 1450 MÉMOIRES (salicine, houx , arsenic) et même le mercure (préparations d'or, d'argent, iodure de potassium, etc.)}? Qu'est-ce, en outre, qu'un spécifique qui ad- met tant de rivaux, et qui lui-même se prête au traitement d’une foule d'autres maladies, comme le font le mercure et le quinquina, si répandus dans la pratique journalière ? Ces vives et légitimes récriminations contre les spécifiques n’émanent ni d’un seul homme ni d’une seule doctrine , car on les voit exprimées par Sydenham , Fr. Hoffmann, Cullen, Dehaen, Stoll, Jos. Franck, et par tout ce que les modernes comptent d’esprits phi- losophiques, positifs et sévères. Quant aux dérivalifs et aux révulsifs, qui ne sait qu’au lieu de déplacer le mal, il leur arrive trop souvent de con- tribuer à l’aggraver, à le fixer ? Donc la base pathologique, la plus médicale , la pius pratique, en ap- parence , et par conséquent la plus désirable en principe , la base patho- logique est, en réalité, la plus décevante, la plus vicieuse et peut-être la plus dangereuse des trois. C’est que les praticiens ne veulent pas,assez se persuader qu'une maladie n’est pas un être concret, invyariable , récla- mant toujours le même modificateur ; mais bien une réunion d'éléments multiples, mobiles, sujette à mille combinaisons qui réclament autant de modifications dans l'œuvre du traitement. Principe irréfragable dont pour- tant il faut se garder d’abuser; car pour éviter le danger des spécifiques, on pourrait tomber dans celui non moins dangereux d’une incohérente polypharmacie, cet autre fléau de la pratique. C’est ce qui fait que la mé- decine est un art si difficile et que les vrais médecins sont si rares. 3. Base chimique. Si la base physiologique est si variable et la base pa- thologique si trompeuse , la base chimique , elle, constitue au moins quelque chose de stable, ou à peu près. Les acides , les alcalis, le mer- cure, le fer, le soufre, l’iode et même les substances végétales composées , lorsqu'elles sont de bon choix et non sophistiquées, sont toujours doués des mêmes propriétés intrinséques. Mais, par malheur , 19 beaucoup de substances, surtout parmi celles du règne organique, sont encore peu connues dans leur composition intime. Néanmoins , les études modernes sur les alcaloïdes , les efforts incessants des chimistes de l’école des Berzé- lius, des Dumas, des Liebig , etc., augmentent journellement nos notions positives à l'égard des éléments actifs de nos agents thérapeutiques : la quinine, la morphine, la strychnine, etc., sont d’inappréciables con- quêtes qui portent un coup mortel au mysticisme des drogues, en nous révélant l'élément spécial de certains remédes complexes ; 2° une même substance produit parfois des effets différents dans l’état physiologique des sujets soumis à son action, sans que nous puissions préciser les motifs réels de ces différences; 5° une même substance ne produit pas tou- jours , tant s’en faut, les mêmes résultats curatifs dans des états mor- bides les mêmes en apparence , d’où résulte que la composition molécu- laire d'un remède n'implique pas toujours à coup sür les effets physio- logiques et thérapeutiques qu’on se croit en droit d’en attendre. C'est que le problème thérapeutique comporte presque toujours trois éléments essentiels : composition du médicament, conditions spéciales du sujet, particularités de la maladie, éléments auxquels répondent nos trois bases de classification. Or, nous sommes obligés d'emprunter à chacune de ces bases la désignation qui répond à notre but actuel, selon que nons voulons obtenir tel effet physiologique , ou tel résultat théra- DE LA TROISIÈME SECTION. 151 peutique , ou telle modification spéciale dérivant d’une substance parti- culière : mercure, fer, soufre, etc. Exemples : : une pneumonie étant donnée , nous avons d’abord recours aux antiphlogistiques , lesquels re- lévent de la classification pathologique. La maladie résiste : nous passons aux antimoniaux , dont le mode d'action nous échappe, et qui appartient à la classification chimique. Enfin, le mal persiste, alors nous avons re- cours aux irritants (vésicatoire), qui ressortissent de la classification phy- siologique. Soit encore une hydropisie : nous employôns successivement des remèdes releyant de la classification physiologique (diurétiques , éva- cuantsintestinaux); de la classification pathologique (fondants, altérants) ; de la classification chimique (mercuriaux, iodés , etc.) D’où nous devons conclure que la thérapeutique ne sera une science . faite, susceptible d’une classification-fixe, qu’alors que nous connaïtrons les circonstances précises où une substance devra produire invariablement tel effet physiologique ou thérapeutique; à l’époque où l'idée d’un médi- cament, dans une circonstance donnée , impliquera de nécessité tel résul- tat organique ou curatif; où un cas morbide déterminé emportera l'indi- cation de tel médicament d’un effet assuré. Alors il sera égal de prendre pour base de nos classifications soit la composition des médicaments, soit l'effet organique (physiologique), soit le résultat thérapeutique , puisque ces termes seront mutuellement corrélatifs. Mais c’est là le beau idéal de la science , la pierre philosophale que nous cherchons ; en atten- dant cet âge d’or, force nous est de recourir à cette méthode bâtarde qu’on appelle l’éclectisme, et qui dépose de notre impuissance à préciser la na- ture intime des phénomènes morbides. Nous combattons les apparences, inhabiles que nous sommes à saisir la réalité; nous désignons les médi- caments par les effets précaires que nous en attendons, et qui si souvent trompent notre attente. En somme , il est donc impossible no sait d'établir une classifica- tion univoque et stable en thérapeutique, non plus qu’en pathologie ; mais comme il nous en faut une , telle quelle, pour caser les nombreux objets de la matière médicale et faciliter leur étude , conservons , faute de mieux , celles qui sont usitées , mais avec cette pensée restrictive que ces classifications sont purement conventionnelles , et qu’à l’occasion de chaque fait morbide bien déterminé, il nous faudra , sans nous fier à l’éti- quette, recourir aux agents de telle classe comme à des moyens d’une utilité probable, mais dont les effets peuvent être faussés ou déjoués par cette foule d'inconnues, dont le problème médical est presque toujours embarrassé (1). (4) Depuis la clôture du Congrès, M. le professeur Forçer a publié une réponse à la troisième question du programme (Établir les caractères de ce qu'on appelle constitution épidémique) sous le titre d'Examen de la doctrine des constitutions épidémiques, (Gazette médicale de Strasbourg, juillet 1845.) 9: 452 MÉMOIRES MÉMOIRE SUR L'OPÉRATION DE LA NÉCROSE, AU POINT DE VUE DE SES PRINCIPES ET DE SA VALEUR INTRINSÈQUE , PAR M. J. E. PETREQUIN, Chirurgien en chef de l’Hôtel-Dieu de Lyon, délégué de la société de médecine de Lyon au dixième Congrès scientifique de France, siégeant à Strasbourg en septembre 1842. Multa renascentur quæ jam cecidere, cadentque Quæ nunc sunt in honore. (HoRAcE.) Les doctrines chirurgicales qui régnent dans nos écoles sur le traitement de la nécrose , au point de vue de la médecine opératoire , présentent cer- tainement une des questions les plus graves de l’histoire des maladies des os, en même temps que l’une des plus sujettes à controverses; et, en effet, pour me borner à quelques chefs principaux, doit-on opérer, quand faut- il le faire? et surtout, comment doit-on s’y prendre? etc. La science se ré- duit à cet égard à quelques règles générales sur lesquelles même on trouve de grandes dissidences parmi les auteurs, et l’art n’a point encore for- mulé de procédé opératoire spécial pour la généralité des cas cliniques d’un même ordre. Il me sera facile de démontrer que rien sous ce rapport ne s'élève au rang de ce qu’on nomme en chirurgie les opéralions réglées, et cependant c’est là, ce me semble, le but auquel doivent tendre et la science et l’art dans leurs phases progressives de perfectionnement. $ 1. De l'utilité de l'opération de la nécrose. Nous n’en sommes plus, à la vérité, à l’époque où Brun, de Toulouse (1781), ravivant d'anciennes traditions, préconisait l'amputation comme unique reméde, et la proposait comme règle générale dans la nécrose des grands os des membres; mais une médecine purement expectante m'a paru la pratique habituelle d’un grand nombre. Ainsi Delpech , d’après quelques cas heureux cités par Weidmannn, abandonnait le malade à la nature ; ainsi M. Janson, considérant quelques guérisons spontanées obte- nues à la faveur d’une incurvation du membre qui facilitait la sortie du séquestre, comme Boyer en rapporte des exemples, conseille encore la même conduite. Ils ont eu des disciples et moi-même j'ai été élevé dans ces idées. Curieux de m'éclairer sur l'opinion contraire, j'en ai recherché avec soin toutes les occasions propices. J’en étais préoccupé quand je vi- sitai les hôpitaux d’une partie de la France, de la Suisse, de la Lombar- die et de presque toute l'Italie , mais le hasard vouiut qu'aucune observa- tion décisive ne vint s'offrir à moi. On rencontre, il est vrai, plusieurs DE LA TROISIÈME SECTION. 155 pièces de nécrose dans les musées italiens, si riches en anatomie patholo- gique , mais la plupart présentent encore un séquestre incarcéré, c’est-à- dire qu'aucune opération chirurgicale n’a été faite et que le morceau s’est recueilli sur un cadavre. IL faut bien reconnaître que la presse médicale, qui touche successivement à presque tous les points de la science , néglige un peu celui-ci, et qu'on voit bien rarement paraître dans nos recueils périodiques quelque travail qui y ait trait. Durant un séjour de plusieurs années à Paris, je n’ai pu voir aucune opération majeure de ce genre, bien que Dupuytren l'y ait mise en honneur de son temps. Remarquons que M. Velpeau écrivait encore en 1839 au sujet des résections pour né- croses: (À part quelques observations... les auteurs classiques français font à peine mention de cette opération » (Méd. opér, t. IL. p. 600). Cependant l'opinion de David, de Rouen, dans sa polémique contre Brun, a prévalu et devait prévaloir. L'opération de la nécrose a été avec raison substituée à l’amputation des membres, réservée pour quelques cas extré- mes. L’expectation, dans ces cas, ne saurait être toujours une méthode ni sûre ni bien rationnelle; les guérisons spontanées tant prônées par quel- ques écrivains, ne sont que des faits rares et exceptionnels. La sortie na- turelle du séquestre à l’aide d’une incurvation du membre est bien chére- ment achetée par la difformité consécutive, et, en général, abandonner le malade aux seuls efforts de la nature, c’est l’exposer non-seulement aux accidents d’une suppuration interminable qui l’épuise, mais encore aux réactions fâcheuses des inflammations intercurrentes de nature érysipéla- teuse ou phlegmoneuse qui surgissent par intervalle et qui retentissent profondément sur les viscères intérieurs. Les preuves à l’appui de cette assertion abondent dans nos annales ; je me rappelle, durant le cours de mesétudes, ayoir vu mourirun soldat jeune et vigoureux dessuites d’une né- crose invaginée de l’humérus qu’on n’osa point extraire; j'ai rapporté ail- leurs (Gaz. méd., 8 oct. 1856.) l’histoire d’une nécrose du frontal qui em- ploya dix ans pour se détacher, perfora les paupières dans sa chute et finit par crever les deux yeux au malade (1). Certes, si l’art était intervenu à propos, croit-on que cette terminaison funeste aurait eu lieu? Agir alors, w’est-ce pas se montrer le ministre de la nature? l'extraction artificielle qui sauve un membre n'est-elle point un utile supplément de l'élimination spontanée qui ne peut s’accomplir ? et opérer dans ce cas, n'est-ce point faire une chirurgie non-seulement curative, mais encore conservatrice ? c'est l'application de cet aphorisme d’Hippocrate: quo natura vergit , eù ducendum. $2. De l'époque opportune pour l'opération de la nécrose. l'est donc démontré qu’on peut avec avantage opérer la nécrose in- carcérée; mais à quelle époque convient-il de le faire? Je l'ai dit : les plus grandes dissidences existent parmi les auteurs. M. Mayor, de Lausanne, prétend qu’il faut attaquer l’os dés les premiers temps; mais alors qu’il n’y a icloaques ni voie directe pour explorer le séquestre, quel symptôme assez pathognomonique pourra invoquer l’homme de l’art pour se décider? MM. 3. Cloquet et Bérard jeune professent , au contraire, que (ce n’est (1) RicweranD rapporte une observation analogue qui malheureusement n’est pas achevée. (Nosogr” chir:, 4808, t: III, p. 150.) 454 MÉMOIRES qu’au bout d’un temps considérable , et que le chirurgien doit toujours at tendre tant que la santé du malade ne souffre pas de ce retard; cette tem- porisation aura même l'avantage de permettre au séquestre de diminuer graduellement, et aux cloaques de se multiplier et de s’agrandir» (Dict. en 29 wol., 1839, &. XX, p. 406). Mais n'est-ce pas laisser en pure perte s’al- térer ainsi l'os nouveau, qui se crible inutilement d'ouvertures, et ce pré- cepte n'est-il pas d’ailleurs contraire à celui-ci des mêmes auteurs : GAL faut, disent-ils, craindre de faire une trop grande perte de substance, parce que l'os nouveau, trop affaibli, ne pourrait résister soit aux efforts de traction, soit plus tard à l’action des muscles ou aux usages qu’il est chargé de remplir » (ouv. cité, p. 407). En Angleterre, S. Cooper a posé une règle différente: «Si, dit-il, l’on se décide à opérer aussitôt que le séquestre devient vacillant, on trouvera l'os secondaire si mou qu’on pourra le couper avec le bistouri, circonstance qui rend évidemment l'o- pération et plus facile et plus prompte » (Dict. de chir. prat., 1898, t. HF, p. 169). Cette considération a paru accessoire et n’a point entraîné la con- viction de MM. 3, Cloquet et Bérard, qui ont écrit formellement: (Non- seulement il faut attendre que la partie mortesoit mobile, mais il faut que le nouvel os ait acquis assez de solidité pour se passer de l'espèce d’attelle que lui fournit le séquestre, pour résister à l’action des muscles et soutenir le poids du corps quand il s’agit du membre inférieur» (Dict. cité, p. 406). On a peine à comprendre l'opportunité de ce dernier précepte; car, enfin, il ne s’agit point de faire marcher le malade après l'opération, et cette déambulation, fût-elle possible, serait la manœuvre la plus contraire au succés. Il nous semble que Sanson posait une règle plus juste en réclamant dans l’os nouveau seulement : «une solidité suflisante pour résister à la rétraction des muscles ou au poids des parties, et supporter, sans se rompre, l’action des instruments et les efforts d'extraction » (Diet. de chir. prat., 1854, t, IL, p. 610). En résumé , dès qu'on a reconnu par les moyens appropriés et par l'emploi simultané des deux stilets, selon la méthode de Dupuytren et de Sanson, que la nécrose est complète et la séparation suf- fisante, il est non-seulement possible, mais encore indiqué de procéder à l'extraction. La multiplicité des cloaques n’est point nécessaire; ce n’est qu'un effet morbide des efforts prolongés de la nature pour expulser les parties mortes, et celles-ci pourraient être extraites artificiellement long- temps auparavant, L'on aurait l'immense avantage de gagner un temps précieux et d’abréger les périodes d’une maladie qui ne fait qu’affaiblir le malade, peut laisser des difformités et compromettre l'existence ou les usages du membre. $ 3. Du procédé opératoire pour l'extraction de la nécrose. Dans les hôpitaux où les malades en général arrivent tard, le choix n’est pas loujours laissé à la volonté du chirurgien; mais sa tâche, alors plus facile sous certains rapports, n’en présente pas moins d’autres difli- cultés. Une fois arrêté sur l'utilité de l'opération et sur l’époque la plus opportune pour la faire , il lui reste encore un grand problème à résoudre, je veux parler du procédé opératoire. Il cherchera en vain dans les au- teurs des données positives ; il faut l'avouer, cette branche n'a point été élevée au rang des opérations réglées. Il suflira, pour s'en convaincre , DE LA TROISIÈME SECTION. 455 de jeter un coup d'œil sur les doctrines actuelles. Voici ce qu’enseigne M. Ribes dans le Grand Dictionnaire des sciences médicales : «On fera avec un bistouri deux incisions , réunies par leurs extrémités et circons- crivant un espace plus ou moins étendu, de forme ovalaire, et au centre duquel se trouvera au moins une des ouvertures qui communiquent avec le cylindre. On enlèvera la-peau et les parties molles jusqu'à l'os, dans toute l'étendue de l’espace compris entre les deux incisions» (Dict. en 60 vol., 1819, t. XXXV, p.568). Or, pourquoi cette déperdition desubstance ? à quoi bon sacrifier des parties qu’on peut conserver? Et d'ailleurs, com- ment cette manœuvre serait-elle applicable sur des organes couverts de veines , d’artères , de nerfs, de tendons et de muscles qui veulent être res- pectés pour sauver les fonctions du membre? Ne semble-t-il pas que ces préceptes soient écrits sous l'empire des us et traditions des temps bar- bares de la chirurgie? N’y a-t-il pas lieu de s'étonner qu’ils aient été ré- pétés mot à mot et sans critique successivement par Richerand (1), par MM. Jules Cloquet et Bérard jeune , etc. (2). Weidmann avait déjà donné un semblable conseil, blâmé à juste titre par S. Cooper (Dict. de chir., 1828, t. IL, p. 162). Et en effet, à côté des nombreux inconvénients que j'ai signalés pour cette pratique, peut-on revendiquer en sa faveur des avantages capables de les balancer? est-elle rationnelle? Et l’ablation des parties molles est-elle ici plus nécessaire que dans l’opération du trépan où on l’évite avec tant de soin? D'ailleurs, dans quelle région pourra-t- elle être appliquée impunément? Poursuivons notre examen : «Si le sang, dit M. Ribes, coulait en trop grande abondance, on panserait la plaie avec la charpie sèche, et onremeltrait le reste de Vopération au lendemain» (Dict. cit., p. 368). Mais qui ne sait que les parties ambiantes de la mortification sont émi- nemment vasculaires , et qu’on doit toujours s'attendre à une hémorrhagie en nappe fort abondante ? L'expérience clinique montre d’ailleurs qu’elle ne tarde pas à s’interrompre, même celle des vaisseaux accidentels déve- loppés outre mesure; et puis, outre que cette remise n’offre pas d'utilité au point de vue opératoire, elle exerce sur le moral du patient une in- fluence très-ficheuse, à laquelle tout homme prudent se gardera bien de Pexposer. Si maintenant on se demande par quels points il faut attaquer l’os ma- lade, même vague, même insuffisance : «On opére , disent MM. J. Clo- quet et A. Bérard , au niveau de l'ouverture la plus large, la plus voisine d'une: des extrémités de l'os, et principalement de l'extrémité inférieure » (Dict. cité, p. 406). C’est aussi l'opinion de Richerand (3), de M. Ribes(4), etc. Or, la fistule la plus large est loin d’être toujours la plus convena- blement située pour l'extraction , et il est évident que la plus voisine de (1) @ On circonserit par deux incisions semi-elliptiques les chairs , qu'on enlève ensuite jusqu’à Vos auquel on doit faire une perte désubstance. (Nosogr. chir., t, IL.) (2):40n fait, avec un bistouri droit ou convexe , deux incisions demi-elliptiques proportionnées aux dimensions présumées du séquestre, ef circonscrivant un espace où se.frouve au moins la fistule qu’on a choisie ; on enlève la peau ct les parties molles comprises dans la double incision. » (Dictionnaire et 25 vol., 1859, t. XX, p. 406.) (5) « On applique le trépan vers la partie inférieure du séqueslre, » (Ouvrage cité, t. HE, p. 155.) (4)xOn dirige la section principalement veys l'extrémité inférieure du séquestre, » (Dictionnaire cité, p: 368.) 456 MÉMOIRES l'extrémité inférieure du séquestre , se rapprochant beaucoup des articu- lations, expose à un ordre particulier de dangers. Au milieu de ces incertitudes et de ces dissidences, il y a cependant une règle générale à établir; cette règle, il faut la demander à l'anatomie chirurgicale, et non aux accidents fortuits et variables d’une ouverture fistuleuse qui est rarement identique sur plusieurs sujets. Nous allons essayer de formuler quelques préceptes à cet égard. Le principe général de l’opération de la nécrose est fondé, en théorie comme en pratique, sur la régénération du tissu osseux. Si les auteurs ne s'accordent point sur le rôle respectif que prennent à ce grand phéno- méêne, soit le périoste, soit la membrane médullaire, il est néanmoins assez universellement admis que cette reproduction est un fait réel; et pour mon compte, j’ai pu m'en convaincre par plus d'une piéce anato- mique soit sur le vivant, soit sur le cadavre. L'Hôtel-Dieu de Lyon m'a paru plus riche à lui seul en exemples de ce genre que tous les hôpi- taux ensemble de Paris (1), et dans cette seule année, j'ai pu en observer une douzaine de cas. . En thèse générale, je crois qu'il faut épargner le plus possible le pé- rioste qui, dans les nécroses invaginées , m'a paru jouer le principal rôle pour régénérer l'os ; qu’il faut, contrairement aux préceptes des auteurs , s'éloigner des extrémités du séquestre pour ne pas se rapprocher trop des surfaces articulaires ; qu'il faut s'abstenir de l’ablation intempestive des parties molles et musculeuses, conseillée mal à propos par quelques écri- vains; qu’il faut opérer en un temps et sans remise, etc. Quant au point par lequel il convient d'attaquer le cylindre, c'estl'ana- tomie chirurgicale qui doit servir de guide; c’est à des formules opéra- toires spéciales qu'il faut demander les règles particulières. Il ne suflrait point de dire avec Richerand que : «On mettra l’os à découvert du côté où les parties molles ont le moins d'épaisseur , et vers lequel ne sont point situés les vaisseaux et les principaux nerfs du membre» (ouvr. cité, t. II). C’est un pas, sans doute, mais il faut des indications plus rigoureuses. Quelques chirurgiens l’ont déjà senti, mais il est encore vrai de dire que les méthodes opératoires n’existent pas et sont à créer. Nous trouverons peut-être quelques-uns de ces enseignements dans les observations sui- vantes, que je rattache à deux grandes divisions, membres supérieurs , membres inférieurs. . 4. Membre inférieur. De tous les os longs, le tibia est sans contredit un de ceux qui se mortifient le plus fréquemment. Je me bornerai aux deux faits qui suivent : Observation 1. Un jeune homme de la campagne (Ain) entre à l'Hôtel- Dieu de Lyon, le 24 décembre 184 , pour une nécrose partielle invaginée du tibia gauche , remontant à cinq ans, accompagnée de douleurs cons- tantes et ayant occasionné l’impotence du membre ; elle occupe les deux tiers supérieurs de l'os, où l’on compte sept fistules. La séparation encore insuffisante força de retarder l'extraction jusqu'au 4 mai. J’attaquai l'os par sa face sous-cutanée , sans déperdition aucune de substance aux tégu- ments, à l’aide d’un lambeau interne. L'os qui est dur etépais, est creusé (4) Aussi l'opération de la nécrose y a-t-elle été cultivée par MM. Cartier; VIRICET , BOXCHET , BonerT, etc. DE LA TROISIÈME SECTION. 4157 avec la gouge et le maillet, ce qui me permet de découvrir et d'extraire un séquestre d’une longueur de plus de Om,15 (6 pouces); le membre est placé dans une gouttiére et pansé simplement avec de la charpie. A la fin du mois, je saupoudre la plaie de camphre pour réprimer les bourgeons exubérants. — Ce 12 juin, le camphre est remplacé par la poudre d'alun et de sucre qui active la cicatrisation. — Le 24 juillet, elle est com- plète. Il commence bientôt à marcher, et sort le 18 août parfaitement guéri ; le vide s’est comblé au point de laisser douter de l’opération; le traitement n’a duré que deux mois et demi. Ici, bien que la maladie existât aux deux tiers supérieurs du tibia, la résection se borna au tiers moyen. Je songeai à un autre procédé pour les cas où tout l'os serait malade. Dupuytren avait eu l’idée de le réduire en plusieurs fragments, soit avec des cisailles, soit avec l'instrument de Cbarrière construit sur le plan des lithotriteurs. Sanson a suivi cette pra- tique ; ce précepte est bon en lui-même; il y a avantage à diviser le séquestre au moins en deux; mais le briser en fragments trop multi- pliés, n'est-ce pas courir le risque d'augmenter les difficultés de la ma- nœuvre , et s’exposer à en laisser forcément quelques-uns à demeure. Je regarde le trépan, conseillé par Weidmann, comme préférable pour la majorité des cas. Voici comment j’ai procédé dans un cas plus difficile : Observation 2. Un jeune homme de la campagne, âgé de quinze ans, entre à l’Hôtel-Dieu de Lyon, le 20 mai 1842, pour une nécrose invaginée du tibia droittout entier, remontant à plus d’une année et ayant entraîné la nécessité de l’alitement. Il avait antérieurement travaillé les jambes dans l’eau. À son entrée dans mon service, le membre est trés-engorgé, en- flammé et percé de neuf fistules depuis la malléole interne jusqu’à l’épine du tibia. J’employai plus d’un mois à triompher de l’inflammation conco- mittante ; la séparation alors était insuffisante; le 30 juillet je procédai à l'opération en présence des docteurs Maxwell, de Dublin; Poullain, Mor- may, chirurgiens militaires; Reybard, Mayer, Lambert, etc., médecins de la ville. — J’attaquai l'os par sa face sous-cutanée et à sa partie moyenne par une simple incision longitudinale; j'appliquai trois cou- ronnes de trépan , puis je fis sauter avec la gouge les deux ponts intermé- diaires qui découvrirent un séquestre complet. Au lieu des cisailles, j’i- maginai de le diviser avec une couronne de trépan, et les deux fragments furent extraits isolément d’une maniëére commode. Cette manœuvre me parut avoir l'avantage de simplifier beaucoup l'opération , de la rendre moins longue, de s'éloigner des articulations et de ne faire qu’une plaie médiocre, etc. Je pansai avec de la charpie séche et fis placer le membre dans une gouttièére. Aujourd’hui la régénération de l'os est fort avancée, le malade soutenu tour à tour par les ferrugineux, le vin de Bordeaux et le quinquina , se trouve dans d'excellentes conditions; il conservera non- seulement son membre , mais encore les mouvements du pied et du ge- nou, bénéfice inappréciable. Je passe maintenant aux membres supé- rieurs. 2. Membres supérieurs. À leur égard les difficultés sont beaucoup plus grandes. Pour ne pas abuser des moments de l'assemblée, je serai court, jeme bornerai à deux points principaux. Je prends d'abord pour exemple le radius. — Voici le fait: Observation 3. Un jeune garçon de la campagne d'environ douze ans 458 MÉMOIRES entre, le 4 septembre 1842, à l'Hôtel-Dieu de Lyon, pour une nécrose inva- ginée du tiers inférieur du radius gauche, dont l'origine, qui remonte à trois années , reconnaît pour cause un bain froid et une entorse du poi- gnet suivie d’inflammation suppurative. Il existe quatre fistules latérales et postérieures depuis l'articulation radio-carpienne jusqu’au milieu de l'avant-bras. Le membre est engorgé , impotent, il y a une atrophie sui- vant la longueur. Ce membre est plus court que l’autre d'environ Om,5 (1 pouce). L’atrophie a porté moins sur le cubitus que sur le radius, qui se trouve beaucoup débordé en bas, comme on le voit dans la figure , ce qui est contraire à l'état normal ; et dans tous les cas chroniques, j'ai constaté un résultat tout à fait opposé à celui que signale M. J. Cloquet et après lui Sauson (Dict. en 25 vol., 18354, t. XIE, p. 608), qui parlent d’un allon- gement notable du membre. Il est clair que la nécrose est bien plutôt une cause d'arrêt de développement, et qu'on verra bien plus souvent une atrophie consécutive du membre, comme nous le retrouverons encore plus loin à propos de l'humérus. Ici je reconnus une nécrose invaginée du tiers inférieur du radius , la séparation était suffisante et l'engorgement seul pouvait en imposer sur l’état du cubitus que je jugeai être sain; l'expérience le prouva. Mais com- ment attaquer l'os malade ? Le radius n’est pas facilement attaquable; un seul point me semble accessible. En voici l'anatomie chirurgicale. En faisant partir de la face postérieure et moyenne de l’article, une incision oblique ascendante qui vient abou- tir au bord externe du radius vers son tiers inférieur, on tombe à côté des branches dorsales de la veine radicale qu'il est facile d’écarter; puis , incisant l’aponévrose, on trouve les faisceaux réunis de l’abducteur et de ‘l’extenseur du pouce qu'on relève en dehors, en les détachant un peu de manière qu'on découvre une large portion de l'os circonscrit en dehors par les deux radius. C’est à ce procédé que je m'arrêtai, et, le 24, je procédai à l'opération en présence de plusieurs chirurgiens désireux de me voir appliquer la for- mule anatomique que je viens de décrire. Le premier temps fut mi- nulieux , parce que je voulais respecter tous les vaisseaux et les ten- dons; j'y réussis. Cette dissection faite, je plaçai une seule couronne de trépan sur la fistule supérieure, ce qui me permit d'extraire un cylindre complet, d’une longueur de 0%,07 (plus de deux pouces et demi). Le membre fut placé sur une palette, pansé simplement , et tout présage que la terminaison sera satisfaisante. I1 me semble que mon procédé tout à fait anatomique pourra servir avec avantage dans les cas analogues. J'ai essayé d'en créer un non moins rigoureux et trés-simple pour l'extraction des nécroses invaginées de l'humérus tout entier; voici à quel propos. Observation 4. Un jeune homme de la campagne (Ardèche), âgé de qua- {orze ans, m'est amené le 9 juillet 1842 pour une nécrose invaginée de tout l'humérus gauche, datant de trois ans et demi et ne pouvant être at- tribuée qu’à l'impression du froid. Elle présente cinq fistules depuis l’épi- trochlée jusqu'à la tête lunnérale dans la fossette sous-claviculaire. I ÿ a ankylose de l'épaule et du coude, avec demi-fluxion de Favant-bras. Le mem re est impotent, faible; il y a atrophie, comme on peut le voir dans la figure. Le bras droit mesure 0m,27 (dix pouces), le gauche n’en a que DE LA TROISIÈME SECTION. 1359 0,20 (sept pouces et demi), confirmation de ce que j'ai dit plus haut. Il y a eu.arrêt de développement depuis plus de trois ans. Les médecins de son pays regardaient le mal comme incurable; un seul crut que peut-être il y aurait une ressource dans l’amputation du membre. La séparation encore incomplète me força de retarder l'opération jusqu’au 1er septembre. Jel’y préparai par quelques bains, des applications émollientes et un régime diététique convenable. Mais comment opérer? Fallait-il, selon l'avis des auteurs , s'adresser à la fistule la plus large? C'était la supérieure; elle con- duisait sur la tête de l'os, dans une région inopérable. Ou bien à l’infé- rieure , comme ils le conseillent encore? On arrivait sur l’épitrochlée , et, dans l’un comme dans l’autre cas, il y aurait eu des désordres irrépa- rables. Voici le résultat de mes recherches. 5 Anatomie chirurgicale. Une incision verticale peutimpunément diviser le deltoïde jusqu’à l'os, seulement les artères et nerfs circonflexes doivent être évités. Or, ils rampent dans le cinquième supérieur de l’humérus ; on ne commencera donc qu’au-dessous. Mais l’'ineision ne peut rester verti- calement latérale, sous peine de couper le nerf radial én dehors (1); elle ne peut devenir interne sans courir le risque de blesser le tronc du mus- ele cutané externe qui traverse le biceps. J'ai trouvé un guide sûr dans le muscle brachial antérieur. Ainsi, l’incision arrivée aux attaches du deiltoïde deviendra un peu antérieure et pourra en toufe sécurité séparer le brachial en douze parties égales; et de la sorte on aura l'avantage de conserver intactes toutes les puissances motrices du membre, en respec- tant tous les nerfs et vaisseaux. L'os découvert, deux couronnes de tré- pan, à distance convenable, suffñront en faisant sauter le pont intermé- diaire. Je conseille d'ébranler alors le séquestre en masse, puis de le diviser en deux avec une couronne de trépan; on extrait ensuite isolé- ment chacun des fragments avec beaucoup d’aisance. Si je ne m’abuse, cette opération est aussi simplifiée que possible ; elle remplit toutes les indications, et, comme elle est fondée sur des points de ralliement anatomique, il me semble qu’elle pourrait peut-être prendre rang parmi les opérations réglées. C'est ainsi que j’opérai le malade (le 1er septembre 1842) en présence d'un grand nombre de chirurgiens et de médecins (2) curieux de voir réa- liser sur le vivant une manœuvre inspirée et déjà sanctionnée sur le ca- davre” L'opération fut simple, commode et prompte, et je parvins à extraire avec succès, en divisant l'os, deux cylindres longs, le supérieur de Om,085 (plus de trois pouces), l’inférieur de Om,08 (trois pouces), offrant une longueur totale, y compris le fragment enlevé par la couronne de trépar, de Om,17 (six pouces et demi); il n’y manquait que les épiphyses. La cavité fut remplie de charpie, le membre couché sur un coussin , avec la précaution, comme j'en ai pris l'habitude, de ne faire que des panse- ments rares. Les suites de l'opération ont été fort simples. L'os nouveau était épais et dur. Le résultat de l'extraction n'était qu’une simple fente (4) Cest à quoi on est exposé en suivant la donnée de RicuzranD: « choisissant pour Phumérus le côté inférieur et externe du bras » (ouvrage cité , p. 195). (2) Nommément MM. les docteurs Pouscain, Lecoire , Monnsy, chirurgiens militaires ; MAXWELL , de Dublin; Mayer, LamsErT , Pommier, MARTIN, ete., médecins de Lyon. 440 MÉMOIRES qui se comble de jour en jour, ainsi que la cavité osseuse; aujourd'hui (26 septembre) trois des cinq fistules sont déjà formées, et le malade touche à une guérison prochaine. Il aura conservé son membre, qui parviendra de plus en plus à prendre de la force et de l’agilité, et pourra remplir en- core tous les usages d’un bras simplement ankylosé, Il serait superflu de faire ressortir cet avantage; peut-être, s’il était venu plus tôt, aurions-nous pu prévenir la double ankylose. J'ai poussé plus loin les expériences cadavyériques; mais ici s'arrêtent mes recherches cliniques; ici doit s’arrêter.ce travail. Je pourrais formuler d'autres régles opératoires (non moins rigoureuses) pour le fémur, le cu- bitus, le péroné, etc. Mais j'ai voulu ne parler que l'expérience en main et la preuve à l'appui du précepte. Peut-être les observations précitées pourront-elles suffirepour démontrer d’une manière péremptoirel’immense avantage de l'opération de la nécrose, pour décider l'homme de l’art sur l’époque la plus opportune, et pour faire voir que cette branche de la mé- decine opératoire peut être élevée au rang des opérations réglées, en créant, comme j'ai essayé de le faire, des procédés fixes fondés sur l’ana- tomie chirurgicale. Certes, je m’estimerais très-heureux si j'avais apporté quelques éléments de conviction dans la savante assemblée qui me fait l'honneur de m’entendre, et si j'avais pu contribuer en quelque chose à cet important progrès de la science. DE LA TROISIÈME SECTION. 441 OBSERVATIONS CRITIQUES SUR LA DERNIÈRE ÉDITION DU CODEX. MÉMOIRE PRÉSENTÉ À LA TROISIÈME SECTION DU CONGRÈS SCIENTIFIQUE. DE FRANCE, EN RÉPONSE À LA VINGT-HUITIÈME QUESTION DE SON PROGRAMME. PAR CH. HEYDENREICH, pharmacien. En abordant cette question, je ne me suis pas dissimulé toute la respon- sabilité que j’assumais sur ma tête , surtout en considérant la faiblesse de mes moyens en présence d’une tâche aussi importante et aussi difficile ; mais la voix de la conscience et les devoirs de ma position ne m'ont pas permis de garder plus longtemps le silence sur les nombreuses lacunes et sur les défectuosités de cet ouvrage. Que les membres de la commission . de rédaction me pardonnent donc en faveur de mes bonnes intentions, si je critique certaines parties de leur travail, car je leur porte à tous personnellement une haute estime; mais il s’agit ici de l'intérêt de l’hu- manité, et je serais heureux si ma faible voix pouvait n’être pas tout à fait perdue. $ Je commencerai par dire quelques mots sur la marche qu’il convien- drait peut-être de suivre à l’avenir dans la composition de cet ouvrage. Je passerai ensuite en revue les différentes préparations et je terminerai en indiquant certaines lacunes que je voudrais voir combler. Le Codex est pour le pharmacien ce que le Code est pour le juge, il faut qu'il s’y conforme et qu'il le suive à la lettre , c’est une loi qui lui est im- posée ; bonne ou mauvaise, il ne doit pas s’en écarter. Il est donc de la plus haute importance que l'élaboration d’un ouvrage d’une pareille portée soit entourée de toutes les lumières possibles, afin qu’il devienne l’ex- pression vraie des connaissances de l’époque et qu’il réponde aux besoins actuels de la médecine et de la pharmacie. Voyons donc si l’on a fait tout ce qu’exigeait la circonstance pour ras- sembler les matériaux et faire converger les lumiéres et les renseigne- ments nécessaires à un travail de ce genre , et si toutes les ressources ont été mises à profit. : Nous lisons en tête du Codex un rapport au roi, dans lequel M. le Mi- nistre énumère les motifs pour lesquels il est urgent de donner une nou- velle édition du Codex, et propose à la sanction royale la nomination d’une n 442 MÉMOIRES commission choisie parmi les membres de l'académie royale de médecine, appartenant soit à la faculté de médecine , soit à l’école de pharmacie de Paris, en s'appuyant dans celte disposition sur la loi du 21 germinal an XI, art. 28, qui veut que le travail soit fait par les professeurs des écoles de médecine réunis aux professeurs des écoles de pharmacie. Or ici il est évident qu'on n’a pas rempli les intentions de la loi, en chargeant de la révision du Codex quelques membres seulement de l'académie de méde- cine de Paris , au lieu de consulter également les autres corps savants du royaume ! — N'eût-il pas été plus rationnel de commencer par inviter les différentes facultés de médecine et écoles de pharmacie à s'occuper de la révision du Codex, et d’avertir à leur tour, par une circulaire, les princi- paux médecins et pharmaciens des différents départements d'envoyer sur cet ouvrage leurs observations et leurs annotations ? Un premier triage de tous ces travaux eût élé fait alors dans les différentes facultés et écoles, et ensuite on les aurait envoyés à Paris, où une commission spéciale aurait pu être instituée; elle aurait fait usage de ces matériaux dans la construc- tion du nouvel édifice, tout en y admettant de son fond propre et en con- sultant encore les excellentes pharmacopées des pays d’outre Rhin et d'An- gleterre. De cette manière, chaque opinion aurait pu du moins se faire jour et chaque fait intéressant trouver sa place dans l’œuvre commune; car dans ces sortes de travaux, qui sont pour le plus grand bien de tout le monde, l’'amour-propre doit n’entrer pour rien, et c’est un devoir de pren- dre le bien partout où on le trouve. On sait aussi combien l’enseignement de la médecine et de la pharma- cie varie dans les différentes facultés et écoles, et quelle différence il en résulte dans la pratique , et partant dans les formules et les préparations employées dans le traitement des maladies. Il eût donc été naturel que les facultés de médecine et les écoles de pharmacie de Montpellier et de Stras- bourg eussent été admises aussi à faire valoir leurs observations et à deman- der l'introduction ou le changement de telle ou telle préparation, peu em- ployée peut-être à Paris même , mais très-usitée du reste dans une grande partie de la France. Je croirai volontiers que le Codex actuel est un trés- bon ouvrage pour la capitale et les praticiens sortis de cette école, mais il est certainement défectueux pour tous ceux qui auront fait leurs études à Montpellier et à Strasbourg, et cependant il nous faudrait une pharma- copée non-seulement pour Paris, mais pour toute la France. Je ferai une dernière observation sur une mesure que devrait prendre le gouvernement pour rendre le Codex obligatoire. Ce serait d’avertir of- ficiellement tous les pharmaciens de sa publication; car de la manière dont les choses se passent, un pharmacien qui habite un endroit un peu reculé et qui ne lit pas le Moniteur (cas qui peut arriver) vivra pendant des mois et des années sans qu’il en sache un mot, à moins qu’il n’en soil averti par l'instinct spéculateur des libraires ou par le jury chargé de lins- pection des pharmacies , ce qui, dans le dernier cas, équivaut à une cen- sure, Je serais étonné si en France on ne trouvait pas encore maïinte phar- macie où le nouveau Codex n'existe pas. Passons à la préface où il est question des dispositions générales et du plan de l'ouvrage. A la page XVEL on dit que les préparations les plus nécessaires sont marquées dans la table générale d’un astérisque , afin que chaque pharmacie en soit pourvue. Cette précaution est certes fort utile ; DE LA TROISIÈME SECTION. 145 mais il aurait fallu mettre un peu plus de soin dans le choix de ces prépa- rations, et dire alors qu’elles seront exigibles, et non pas, comme il est dit, en quelque sorte exigibles. Nous trouvons, en effet, un bon nombre de ces préparations marquées d’astérisques qui n’auraient nullement besoin d'être préparées à l'avance, ou qui en vieillissant perdent de leur effica- cité; par exemple, les pilules de térébenthine, de cynoglosse, le suc de citrons; ces articles ne sont que rarement demandés et se préparent d’ail- leurs très-vite; le sirop d'acide cyanhydrique se détériore au bout de peu de jours, la toile de Mai rancit facilement, le catholicum double est tombé en désuétude, la liqueur de Van-Swieten et le sirop d'acide tartrique se préparent en quelques instants, la poudre de sublimé corrosif ne s’em- ploie presque jamais qu’en fort petite quantité et doit dans tous les cas être préparée minutieusement chaque fois qu'on en a besoin, etc. Il aurait bien mieux valu laisser au pharmacien liberté entière toutes les fois que le médicament n'aurait pas été d’une nécessité absolue et susceptible d’être préparé en fort peu de temps; tandis qu’on aurait dû déclarer exigibles, et marquer par conséquent d'un astérisque certaines préparations lon- gues, difficiles et souvent demandées. Je citerai, par exemple , l'acide bo- rique , l'acide sulfurique pur, le cyanure potassique, l’alcool à 950 centigr., l'antimoine diaphorétique, l'acide arsénieux , qui est complétement oublié dans l'ouvrage, l’arséniate de soude, le bleu de Prusse, le carbonate de chaux préparé, le chlorate de potasse, les extraits de chardon benit, de chiendent, de digitale, de laitue véreuse, le fiel de bœuf épaissi , le baume de Fioraventi , l'acide benzoïque, l'huile de jusquiame, les huiles essen- lielles de cannelle, d'amandes améres, de fenouil, de romarin, de rue, de thym (un des composants de l’opodeldoch), le chlorure de barium, le chlorure de calcium, le magister de soufre , le mercure soluble de Hah- nemann , le muriate ammoniaco-mercuriel, la pierre divine; les poudres d’asafætida , de galbanum , de gomme ammoniaque, celle de jusquiame, d’opium, de séné, de seigle ergoté (en petite quantité); le sulfure d’anti- moine, le sel de Seignette, le sirop de rhubarbe, le sulfure de calcium , le sulfure dé fer, le cérat de Goulard, la teinture de belladone, de gajac, de Bestuchef, le vin aromatique, celui de colchique, ete. Tous ces médi- caments sont trop importants pour que le médecin puisse s’en passer dans sa pratique, et si l’on ne voulait les préparer que sur prescription magis- trale, le malade aurait le plus souvent le temps de guérir ou de mourir avant de recevoir le médicament; car la préparation des uns durerait trop longtemps, et celle de quelques autres ne peut se faire qu’à certaines épo- ques de l’année (exemple : les gommes résines, qui exigent une tempéra- ture au-dessous de zéro pour pouvoir être pulvérisées, etc.). Enfin, pour la moïndre analyse, il faut de l'acide sulfurique pur, du sulfure de fer pour dégager de l'hydrogène sulfuré , un sel de barite, de l’oxalate d’am-, moniaque;, etc:, chaque pharmacien devrait se trouver dans l'obligation légale d’être muni au moins des réactifs les plus essentiels, et rien ne s'opposerait à ce que le Codex en donnât une table; car, pour satisfaire aux besoins de l’époque, le pharmacien, dans quel endroit que ce soit, devrait être à même de répondre aussi bien au médecin, qui aurait besoin de quelques indications chimiques dans”le diagnostic ou le traitement d'une maladie, qu’à l'industriel, pour le guider dans les travaux, ou à la douane, pour l’éclairer sur quelque objet commercial; et, enfin, les 444 MÉMOIRES questions médico-légales, quiexigent des recherches chimiques ne lui sont- elles pas ordinairement dévolues? On a certainement eu raison de faire disparaître du nouveau Codex cette espèce d'histoire naturelle médicale qui précédait l’ancien, pour ne laisser subsister que le nom des substances employées, avec les indications les plus essentielles; mais il me semble qu’à côté du nom spécifique des plantes ou des animaux, On aurait fort bien pu placer le nom d'auteur, pour être plus clair et plus précis. Que de noms n’y voit-on pas changés et que de plantes dont la synonymie vous embrouille ! Si ce reproche a peu d'importance sous le point de vue pharmaceutique , il en a beaucoup sous le rapport scientifique, et l’on ne devrait pas s'attendre à l’omissiondecette règle si simple de la nomenclature. J'aurais aimé également que le désir d’être court n’eût pas fait perdre de vue des choses importantes. Ainsi, on aurait fort bien pu ajouter encore au Cassia aculifia le Cassia oborata CoLLAD., qui est{toujours mélangé avec la premiére espèce dans le séné de la Palte; et dire que l'écorce de garou vient à peu prés aussi souvent du Daphne Mezereum que du Daphne Gni- dium ; que ce n’est pas seulement le Pinus marilima qui fournit le gali- pot, la poix blanche, la résine, etc., mais aussi le Pinus syluestris, picca, etc.; que le tilleul provient de deux espèces bien distinctes : du Tilia microphyllos et du platiphylla, Flore française , tandis que, sous le nom de Tilia europæa, Linné avait confondu plusieurs espèces, ete. J'ai cherché en vain dans tout l'ouvrage la combinaison heureuse de la nomenclature française avec celle de Berzélius, dont parle le Codex, page XX ; je n’y ai trouvé, au contraire, qu'un désordre extrême, des noms empruntés à toutes les nomenclatures et à tous les âges; trés-souvent le nom n'indique pas même la composition des corps et encore moins leurs degrés d’oxydation ou de chloruration , et je ne parle pas seulement des synonymes mis en seconde ligne, mais bien des noms placés en tête de chaque préparation qui devraient être rigoureusement systématiques. Ce défaut d'ordre, nous le retrouvons malheureusement partout dans ‘cet ouvrage, et il serait à désirer qn'il disparût dans la prochaine édi- tion. Quant à la nomenclature des préparations pharmaceutiques , je ne crois pas non plus qu’on ait suivi le meilleur mode en adoptant tous ces noms anciens: c'eût été bon pour les préparations complexes; mais toutes les fois qu'une préparation tire son action principale d’un seul corps incorporé dans un véhicule quelconque, celle-ci devrait porter le nom de la base du médicament, afin qu’en le prononçant on sache aussitôt à quoi s’en tenir par rapport à son action, non que je veuille rejeter entièrement les an- ciens noms, mais ils ne devraient figurer que dans la synonymie; je di- rais, par exemple, pommade de sublimé corrosif ou de deuto-chlorure de mercure plutôt que pommade de Cyrillo, et ce dernier nom, je le mettrais entre parenthèse, comme l'ouvrage le fait du reste lui-même dans beau- coup d’endroits; mais parcourons l'ouvrage et nous trouverons. Chlore liquide. C’est sans doute par abréviation qu’on appelle ainsi la solution aqueuse de chlore? Le même fait se répète pour l'acide sulfureux , l'acide sulfhydrique liquide, l’eau de chaux, l’ammoniaque liquide, la li- queur arsénicale de Pearsan, l’arsénite de potasse , etc. Fumigation guytonnienne, au lieu de mettre: fumigation de chlore ! DE LA TROISIÈME SECTION. 445 C'est lun hommase rendu.à la mémoire de l’auteur de l'invention qui ne trouve pas bien sa place ici. . Eau régale et acide nitro-muriatique , au lieu de mettre : acide chloro- nitreux. Poudre antimoniale (poudre de James), au lieu de mettre : phospate et antimoniate calcique. é Safran de Mars apéritif eten synonymie oxyde de fer hydraté. Ni l'un ni l’autre de ces deux noms ne convient à cette préparation : le premier, parce qu'il.est suranné, etle second, parce que c’est un sous-carbonate d'oxyde ferrique hydraté, car une goutte d’ acide en dégage aussitôt une forte quantité d'acide carbonique. L'oxæyde rouge de fer du Codex est de l’oxyde ferrique! l’ozyde noir de fer, de l’oxyde ferroso-ferrique ! la magnésie, de l’oxyde magnésique ! la poudre de Vienne, un mélange d’oxyde potassique et calcique ! le termés minéral un oxysulfure d’antimoine hydraté ! le soufre doré d'antimoine, un.polysulfure d’antimoine hydraté! liodure d’or, un perjodure d’or! le nitrate de mereure.cristallisé, un nitrate mereureux cristallisé ! le vinaigre radical, un acide acétique concentré avec acétone! le proto-nitrate am- moniaco-mercuriel. (mercure soluble de Hahnemann) est un sous-proto- nitrate! le tartrate de potasse et de fer, un deuto-tartrate de fer et de potasse ! la teinture de Mars tartarisée, une teinture de proto-tartrate de fer et de potasse! les boules de. Nancy, un tartrate de potasse et de fer impur, car un peu plus loin on appelle l'extrait de Mars pommé , ‘malate de fer impur. La poudre de Verdet est du sous-acétate de cuivre! la poudre demagnésie blanche, du sous-carbonate de magnésie hydraté! celle de céruse, du sous-acétate et carbonate de plomb! la pommade hydriodatée est une pommade d’iodure potassique ! la pommade stibiée, une pommade * detartrate de potasse et d’antimoine ! celle de Gondret est une pommade d'ammoniaque caustique! la pommade citrine, une pommade de nitrate de mercure acide! la pommade nutritum , un margaro-stearate de plomb! l'emplätre.brun, un emplâtre d’oléo-stearate de plomb brûlé, etc. Oxzychlorure ammoniacal de mercure, au lieu de mettre : deuto-chlorure de mercure et d’'ammoniaque! Il faut au moins qu'on sache par le nom qu'il entre dans les deux sortes de sels d’Allembroth du deuto-chlorure de mercure et non du proto-chlorure; pour ce dernier sel surtout c’est impor tant; car il est aussi connu en Allemagne et en Alsace sous la dénomina- tion de précipité blanc, nom qui est réservé en France au calomel obtenu par précipitation, et,. comme ces deux préparations différent essentielle- ment dans leur action sur l’économie animale, leurs noms du moins ne devraient pas donner lieu à des méprises. Sulfate de soude purifié. Ce serait ici le cas d'ajouter encore le mot cristallisé, pour le différencier du sulfate de soude .effleuri qu’on conserve dans chaque pharmacie pour le faire entrer dans les poudres composées. Parmi les poudres, les pulpes , les sucs, leshuiles, les tisanes, certaines teintures, les huiles essentielles, les eaux distillées, les extraits, etc., cest.toujours le nom latin qui. indique la partie de la plante employée; tandis;que ce serait à la nomenclature française d’être la plus compléte et la-plus systématique. : Onguent brun, au lieu de mettre: onguent basilium avec deutoxyde de mercure ! car l’emplâtre de la mère Thécle est aussi quelquefois demandé Il. 10 446 MÉMOIRES sous le nom d’onguent brun; de plus, ici le nom ne laisse pas même sup- poser qu'il puisse y entrer du deutoxyde de mercure. Trochisques escharotiques, au lieu de mettre : trochisques de deutochlo- rure de mercure ; car il y a mainte substance qui pourrait servir à faire des trochisques escharotiques. Trochisques escharotiques de Minium, au lieu de mettre : de deutochlo- rure de mercure avec du suroxyde plombeux. Miel escharotique, au lieu de mettre : oxymel d’acétate de cuivre. Voici trois préparations dénommées escharotiques qui tiennent cette propriété de substances différentes, et cependant leurs noms ne l’indiquent nullement; bien plus, la suscription : trochisques escharotiques de Mi- nium donnerait à entendre que c’est le Minium qui est escharotique et non le sublimé corrosif, qui en est cependant l’agent principal. I1 y aurait encore bien des exemples à ajouter à ceux-ci, mais l'énumé- ration en deviendrait trop longue. Page VI. Le Codex donne une table approximative des poids des gouttes, des cuillerées, des poignées ; des pincées, etc., en ajoutant qu’on ne doit pas considérer ces poids comme rigoureusement exacts, mais comme des approximations suffisantes pour la pratique. Je crois aussi que des tables approximatives bien faites peuvent quelquefois rendre service au phar- macien; maïs il faudrait qu’elles fussent autrement conçues que celle du Codex, qui fait une part beaucoup trop large à l’inexactitude; et, d’abord, commençons par l’approximation par gouttes. Je concevrais une table du genre de celle qui figure dans le Codex, si, dans toutes les pharmacies, il y avait pour les différents liquides des vases exactement de la même grandeur, ayant un col et un rebord également épais, une ouverture du même calibre, la mouillure faite chaque fois d’un manière complète sur le pourtour et toujours une main également ferme et pas plus pressée une fois que l’autre; mais ces conditions ne pou- vant jamais exister réunies, il est de toute impossibilité de faire une table approchant un tant soit peu de la vérité; en effet, suivant les circons- tances, vingt gouttes de laudanum péseront 50-80-120 centigrammes et plus; l’éther produira des différences plus grandes encore; car très-souvent son poids tonibe à la moitié de celui qui est indiqué, et d’autres fois il le double ; aussi, tant qu’on ne soumettra pas les différents liquides absolu- ment aux mêmes conditions, on n’arrivera jamais à un résultat exact, et je serais tenté pour cette raison de proposer dans l'évaluation de très- petites quantités de liquides l’usage de la pipette graduée, à moins qu’il ne s'agisse d’un ou de deux gouttes d'huile de Croton tiglium, etc.; car ici l'importance de l'estimation par gouttes s'accroît encore quand on considère que la plupart des médicaments actifs qui sont sous forme liquide, tels que la teinture de digitale, de belladone, le laudanum , ete., ne sont , ordinairement ajoutés aux potions qu'en petite quantité, soit en comptant par gouttes , soit en se servant de la balance; or, comme les balances qui servent à tarer les fioles dans les pharmacies sont rarement assez sensibles pour laisser facilement apprécier la valeur de quelques centigrammes,; el que la table du Codex pour l'estimation des gouttes ne donne que des ré- sultats inexacts, il se trouve que sur dix fois le médecin aura au moins neuf fois une quantité de médicament plus ou moins forte que celle qu’il a prescrite. DE LA TROISIÈME SECTION. 447 Plus loin , dans la table des approximations, je trouve qu’une poignée de semences d’orge équivaut à 100,40 centigrammes; tandis qu'immédia- tement aprés, uné poignée de semences de lin, qui, certes, a une densité à peu prés égale aux semences d'orge, n’est évaluée qu’à 47,60 centi- grammes, ce qui, en poids, ne ferait pas même la moitié. Ensuite, quelle personne aurait le poignet assez formidable pour y cacher 105 grammes de farine de lin, ou 45,90 centigrammes de feuilles sèches de mauve, ou 32 grammes de feuilles sèches de chicorée, ou 40,10 centigrammes de fleurs de tilleul; et peut-il y avoir quelque analogie entre une pincée de semences de fenouil ou d’anis et une pincée defleurs d’arnica, de mauve, de guimauve, de camomille romaine, etc.? cette dernière est même éva- luée plus lourde que toutes les autres. — Du reste, toute cette table, telle qu’elle a été conçue, est complétement inutile, et pourrait, si elle était suivie, donner lieu à des suites fâcheuses aussi bien pour le malade que pour la réputation d’exactitude du pharmacien. Que faudrait-il, en effet, au pharmacien? Il lui faudrait une table qui indiquât, une fois pour toutes, combien l’on doitentendre par une cuillerée à café ou une cuillerée à soupe de liquide, combien par une verrée, com- bien par une poignée ou une pincée de semences, de feuilles, de fleurs, de racines, etc., afin qu'il ne soit jamais embarrassé pour le poids quand on lui présente des formules dont les quantités sont fixées dans ce genre. Les médecins eux-mêmes seraient alors obligés de s’y conformer et sau- raient à quoi s’en tenir. Au lieu d'entrer dans ces détails de grammes et de centigrammes pour quelques articles seulement, le Codex aurait dû donner une loi générale et dire, par exemple : Une cuillerée à café de liquide équivaut à > grammes. HR ASIE een ra oe 8 — ni AISOUpE 44 sente 45 — A LA 10 LOI D PCHIONS CEE AD DIE LCA 120 — — poignée de semences . . . . : . . . 30 — _— — d'herbe ou de feuilles . . . 15 — —: 4 —ù de fleurs 1... 15 — — —1 de racines . . . . . . . ... 30 — — pincée de semences . . . .:...... 8 —_ — — defleurs, de feuilles. . . . . 4 — — — deracines .......... 8 — etc. Sans doute, il y aurait de cette manière des inexactitudes à cause du poids spécifique variable des corps; mais cela importe fort peu, pourvu qu’ily ait accord partout et que le même poids soit toujours délivré. Mieux vaudrait cependant supprimer entiérement ce genre d'évaluation. PB: X: Il est question de l’alcoomètre de Gay-Lussac, qui certainement est l'instrument le plus parfait que nous ayons dans ce genre; il nous donne à la fois le degré et la quantité d’alcool réel, chose précieuse dans les travaux du laboratoire; aussi suis-je grandement étonné de voir qu’on a partout donné la préférence à l’aréomètre de Cartier, qui ne nousindique que des degrés conventionnels et que la cupidité avait même altérés pen- dant quelque temps. Ilest vrai qu’un peu plus loin il est dit: qu’on a joint toutes les fois en regard de l’aréomêtre de Cartier celui de l’alcoomètre > 40. 448 MÉMOIRES centésimal ; mais déjà cinq pages plus loin, dans la table sur le point d'é- bullition de certains liquides, je trouve: therm, cent «Alcool à 220 Cart. bout à . : . . . . . 81,25 — S60: Cart MEANS de roc _— paske JU nf el ge Gt pet 78,4 Éther:par:r.03 pen rires 36,5.» Ici, ce me semble, l’alcoomètre de Gay-Lussac n’est pas mis en regard. Je crois donc qu’il serait utile de mettre en pleine vigueur, dans la pro- chaine édition , l’alcoométre de Gay-Lussac, accompagné des tables de rec- tification relatives à la température et à la pression, et que l’aréomêtre de Cartier, bon tout au plus à servir dans les achats, en fût complétement banni. Nous arrivons maintenant au corps même de l’ouvrage, et nous allons passer en revue les différentes préparations. P. 2. Soufre précipité. Pourquoi prescrire du polysulfure de potassium là où le polysulfure de calcium, préparé par la voie humide, donnerait un aussi bon résultat et à bien plus bas prix? Il me semble que toutes les fois qu'un procédé à bon marché donne une préparation aussi bonne qu'an autre qui revient plus cher, un Codex devrait adopter le premier, sans quoi le pharmacien s'abandonne trop volontiers aux fabriques qui lui four- nissent des préparations à meilleur compte qu'il ne pourrait les faire lui- même en suivant le Codex. P. 13. Antimoine purifié. Ce mode de purification revient également trop cher; car sur quatre parties d’antimoine du commerce employées, on n'obtient qu'une partie de métal pur; le reste passe à l’état d'oxyde anti- monique impur. N’aurait-il pas mieux valu employer le procédé de Liebig (16 p. de régule d’antimoine du commerce , 1 p. de sulfure d’antimoine et 2 p. de carbonate de soude sec sont fondues ensemble; une deuxième fu- sion se fait avec 1 1/2 p. de carbonate de soude, et une troisième avec 4 p. (Journal de Pharmacie, décembre 1856, p. 646), qui donne un résultat bien plus satisfaisant. Quant à l'essai à faire pour constater l'absence de l’arsenie , je pense que le Codex remplacera le procédé actuel par celui de Marsch ou celui plus récent de Liebig, qui consiste à mélanger l’antimoine avec trois à quatre fois son poids de carbonate sodique et de cyanure potassique. P.19. Acide sulfurique purifié. Le Codex recommande de mettre au fond de la cornue quelques spirales en platine quand on veut distiller de l'acide sulfurique, pour empêcher les soubresauts; malheureusement ce moyen ne les empêche qu'en partie, et il n’est guëre possible d’en distiller plus que les deux tiers. Cependant M. Berzélius nous a donné depuis longtemps un moyen bien plus simple , qui permet de continuer la distillation presque jusqu’au bout et sans aucun soubresaut; ce moyen consiste à placer la cornue sur une espèce de calotte en terre glaise qu'on se confectionne soi-même et qui se met sur la grille au milieu du fourneau, le feu qu'on met alors sur le pourtour ne peut frapper que les parois de la cornue et jamais le fond; l'ébullition ne se fait par conséquent que sur les parois et ne donne lieu à aucune secousse ; car le sulfate de plomb ; au fur et à me- sure qu'il devient insoluble, se place sans inconvénient au fond de la cornue. DE LA TROISIÈME SECTION. 4249 P. 21. Acide sulfurique alcoolisé (syn. eau de Rabel). Pour cette opé- ration, le Codex dit à la vérité qu’il faut méler peu à peu les deux li- quides; mais cela ne me paraît pas encore assez explicite; car si le mé- lange s’échauffe, la moitié du liquide se transforme en acide sulfo-vinique, tandis que si l’on empêche l'élévation de la température, par exemple dans l’eau glacée ou en employant un ou deux jours à faire le mélange, l'alcool et l’acide sulfurique ne se décomposent pas mutuellement. Or, veut-on ou ne veut-on pas la présence de l'acide sulfo-vinique dans ce médicament ? Dans l’ancien Codex, cette préparation était composée d’une partie d’a- cide sulfurique et de deux parties d’alcool. Cette fois l’on a trouvé bon de mettre trois parties d'alcool sur une d'acide. Je ne sais réellement pas quelles raisons valables ont pu faire opérer ce changement? il y en a, au contraire, beaucoup qui militent en faveur du maintien de l'ancienne for- mule. On emploie, par exemple, trés-souvent ce médicament dans les attaques d’hémoptysie; eh bien, dans ces cas il faut éviter tout excitant nerveux et artériel ; il est donc clair que plus il y a d’aicool, plus le mé- dicament pourra devenir nuisible: de même, quand on l’administre dans le but de diminuer l'orgasme du systéme vasculaire, on n’atteindrait pas son but si l’alcool prédominait, et cela est si vrai, que plusieurs médecins s'étant aperçus du changement des proportions de ce médicament, sont venus réclamer l’ancienne préparation. Il n’y pas jusqu'aux petites hé- morrhagies provenant de quelque plaie superficielle, où l’ancienne pré- paration du Codex ne soit préférable. Il y a également confusion de noms pour cette préparation; car l’eau de Rabel est composée de cinq parties d'alcool et d’une d'acide, l’élixir acide de Haller, de parties égales de l’un et de l’autre, et l’élixir acide de Dippel, de trois parties d'alcool et d’une partie d’acide (voyez Dulck, PA. boruss., VII, p. 609). Une derniére observation sur cette préparation importante porte sur la pureté des substances qui la composent. Le Codex aurait dû prescrire de l'acide sulfurique pur et de l'alcool rectifié; car si l’on ne prend pas cette précaution , au lieu d’une préparation incolore, on obtient toujours, quand même le mélange serait fait à une très-basse température, un liquide trouble, qui peu à peu dépose du sulfate de plomb et qui est plus ou moins coloré en brun, ce qui provient de l'alcool 3/6 du commerce qui renferme constamment un peu de matière extractive des tonneaux. Peut-être ne faudrait-il pas non plus négliger l'avertissement de M. Liebig, qui nous a montré que l’acide sulfurique du commerce renferme presque toujours de l'acide arsenique. P. 21. Acide sulfureux. Le Codex ne pourrait-il pas substituer au pro- cédé par l'acide sulfurique et le mercure, celui par l'acide sulfurique et le charbon végétal? IL ÿ aurait économie sous tous les rapports. Il est vrai qu’outre l'acide sulfureux , il se dégage aussi de l’acide carbonique; mais celui-ci s'échappe et ne nuit en rien dans les différentes opérations où Jon s’en sert, par exemple, pour faire le sulfite et l’hyposulfite de soude. Acide nitrique. N’aurait-il pas été plus économique degrescrire le ni- {rate de soude pour la préparation de cet acide, plutôt què le nitrate de potasse? Il y aurait eu avantage de toute manière; car 10 le nitrate de soude qui nous vient des mines d'Amérique est beaucoup meilleur marché 450 MÉMOIRES que le nitrate de potasse, et 2 à poids égal, il fournit plus d'acide ni- trique; en effet, sur K 46,562 100 p. de nitrate de potasse il ya * 53,438 100,000 Na 36,600 et sur 100 p. de nitrate de soude --- N 63,400 100,000 Nous voyons donc qu'il y a 10 p. 0/0 d’acide nitrique de plus dans le nitrate de soude que dans le nitrate de potasse. Je ferai encore le reproche au Codex de n'être pas assez rigoureux pour le degré de force de cet acide; au lieu de prescrire que l'acide nitrique officinal doit ayoir une densité donnée, 36 degrés par exemple, il dit seulement : «il peut marquer jusqu’à 40 degrés au pése-acide; mais celui du commerce marque rarement plus de 56 degrés.» Le Codex n’a pas à s’enquérir du commerce; qu'il donne au pharmacien et au médecin des préparations invariables dans leur composition et leur force, c’est tout ce qu'on lui demande ! P.94. Acide nitrique alcoolisé syn. Esprit de nitre dulcifié. Le Codex appelle un mélange d’acide nitriqueet d'alcool : «esprit de nitre dulcifié. » Veut-il par hasard confondre sous cette dénomination l'acide nitrique al- coolisé et le véritable esprit de nitre dulcifié ou éther nitrique alcoolisé, préparé par distillation ? car, en effet, l’ancien Codex avait encore son Æther alcoolisatus niîtricus, p. 228, tandis que dans le nouveau je trouve cette préparation supprimée, Le vrai esprit de nitre dulcifié ouéther nitrique alcoolisé (spiritus nitri dulcis seu nîtrico œæthureus) a déjà été obtenu anciennement, par distil- lation, par Reymond Lull, et dans le quinzième siècle, par Basil Va- letin; dans les temps modernes on ne se départit pas de cette règle, et l'on mélangea une partie d'acide nitrique concentré avec quatre parties d'alcool à 86° centigrades, qu’on soumit d’abord à la distillation et ensuite à la rectification sur de la magnésie pour obtenir un liquide neutre. Il y a donc une grande différence entre le médicament du Codex, composé d'un simple mélange de trois parties d'alcool sur une partie d'acide, et celui dont je viens de parler. Dans celui du Codex, l'éthérification n’est pas complète; il s’y trouve un grand excés d'acide, et l’on sait avec quelle énergie l'acide nitrique libre agit sur les tissus vivants, fût-il même assez délayé. L'esprit de nitre dulcifié est un diurétique et un diaphorétique puissant et très-employé; d’un autre côté, l'estomac le supporte mieux dans certains cas de crampes hystériques que d’autres préparations éthé- rées, et pour obtenir ces effets l’on en administre souvent jusqu’à 8 à 10 grammes par jour. Quel médecin prudent oserait donner la même dose de la préparaÿon du Codex; n’aurait-il pas à craindre une inflammation de la muqueuse intestinale avant que le médicament ne püt agir comme diurétique ou comme diaphorétique ? — Il est de toute nécessité que l’on réintègre le vrai esprit de nitre dulcifié, et qu'on ne le confonde plus DE LA TROISIÈME SECTION. 451 sous la même dénomination/que l'acide nitrique alcoolisé. C’est au nom de tout médecin éclairé que je fais cette réclamation. J'aurais désiré aussi que Le Codex recommandât de ne pas boucher her- métiquement le mélange d’acide et d’alcool dans les quatre à cinq pre- miers jours de sa préparation, afin de ne pas exposer l’opérateur de voir sauter le flacon entre ses mains à cause du grand dégagement de gaz qui a lieu au commencement. P.95. Acide phosphorique. Le Codex ne dit rien dans cet article de l'arsenic qui se trouve quelquefois dans le phosphore du commerce et de la maniére de le séparer de l’acide phosphorique. On voit, en effet, assez souvent dans cet acide , évaporé à consistance sirupeuse, se déposer une poudre noire, qui n’est autre chose que de l’arsenic, et qui provient de la réduction de l’acide arsénieux et arsenique par l'acide phosphoreux, et qu'on peut.en éloigner par dilution et décantation ou par filtration. Une circonstance que le Codex oublie également de noter, c’est qu’en suivant son procédé, il se produit ordinairement vers la fin de l'opération un vif dégagement de deutoxyde d'azote, et une forte effervescence, provenant d'une certaine quantité d'acide phosphoreux, qui accompagne l’acide phosporique jusqu’à ce qu’il soit arrivé à la consistance sirupeuse, où il se transforme alors tout à coup en acide phosphorique à l’aide de l'acide nitrique, s’il en reste encore, et, à défaut de celui-ci, aux dépens de l’eau, en dégageant de l'hydrogène phosphoré. Il serait cependant bon que l'opérateur fût averti de cette circonstance pour qu'il pût s’en pré- munir. P. 26. Acide borique. Cette préparation pécke pour deux raisons, 40 Le Codex laisse perdre entièrement tout l’acide borique qui ne cristallise pas dans la première opération, aussi bien que celui que les eaux de lavagé, pro- venant des cristaux, dissolvent ; car il n’en dit pas un mot, quoique ce soit encore une quantité notable d'acide, d'autant plus qu'il prescrit une pro- portion d’eau trois ou quatre fois plus grande qu'il ne serait nécessaire : car au lieu de 11 parties sur une de borax, 2 1/2 à 5 parties suffiraient, et dans tous les cas l’acide chlorhydrique serait préférable à l’acide sulfu- rique. 2 Elle est impure ; car l’on n’obtient jamais de l'acide borique libre d'acide sulfurique par une première cristallisation et des lavages réitérés ; il faut ou le faire cristalliser plusieurs fois, ou, mieux encore, le soumettre à la fusion pour chasser l'acide sulfurique et ensuite faire cristalliser de nouveau. P. 32. Oxyde d'antimoine cristallisé et oxyde d’antimoine par préci- pitation. Voilà deux préparations qui se ressemblent quant à leur nom, mais non quant à leur- action sur l’économie animale, En effet, l’oxyde obtenu par précipitation est beaucoup plus soluble dans les sucs de l’es- tomac que celui préparé par sublimation; aussi produit-il quelquefois des nausées et des vomituritions à la dose de 50 à 50 centigrammes , par- ticuliérement s’il n’est pas très-bien lavé; tandis qu’on peut aller bien au delà avec l’oxyde d’antimoine par sublimation. Il serait donc nécessaire que le Codex indiquât quelle préparation le pharmacien doit délivrer quand le médecin prescrit simplement : oxyde blanc d’antimoine ; car c’est ce qui arrive le plus souvent. Ensuite il est à remarquer que le bi-carbonate de potasse peut parfaitement être remplacé par le carbonate de soude cristallisé dans la préparation de l’oxyde d’antimoine par précipitation. 152 MÉMOIRES Du reste, je me permettrai encore une observation à propos de ces pré- parations. L'ancien Codex appelle oxydum stibii album le surantimoniate, ou plutôt un mélange de surantimoniate et de surantimonite de potasse, et ne dit rien des deux préparations susmentionnées; les médecins sont donc encore habitués à cette préparalion, qui est certes de tous les anti- moniaux celui qui exerce l’action la plus douce; car l’on peut en donner jusqu'à 15 grammes par jour sans inconvénient. Aujourd'hui, voilà deux nouvelles préparations substituées , par leurs noms du moins , à celles de l’ancien Codex, qui ont une action bien plus énergique, et qui peuvent devenir la cause de bien des méprises et des accidents dans la pratique mé- dicale. Des changements de ce genre devraient être toujours accompagnés de quelque avertissement ! On aurait pu fort bien dire, en parlant de la préparation des fleurs ar- gentines d’antimoine : R. antimoiné pur ! comme on l’a fait plus loin pour l’antimoine diaphorétique lavé; car si l’on prend du régul d’antimoine du commerce, on est à peu près sûr d’avoir de l'acide arsénieux dans l’oxyde d’antimoine cristallisé. Pour l’antimoine diaphorétique , cette re- commandation est moins nécessaire , parce que les lavages enlévent tou- jours l’arséniate de potasse qui se forme pendant l'opération. P. 37. Oxyde rouge de mercure. Le procédé du Codex me semble fort peu économique. On se contente, en effet, de décomposer, par une cha- leur modérée , le sel, qui est un composé de deuto-nitrate et d’un peu de proto-nitrate de mercure. Dans ce cas, l'acide nitrique, qui se décompose, fournit au protoxyde du proto-nitrate encore un peu d'oxygène pour le transformer entièrement en deutoxyde; mais comme le deuto-nitrate de mercure est composé de Hg + et que l'acide nitrique se décompose en N et O5, il serait rationnel de profiter encore de ces trois proportions d’oxygéne mis en liberté, en ajoutant au moins une quantité égale de mer- cure coulant à celui qui se trouve déjà dans le sel, par-là ilserait transformé complétement en proto-nitrate de mercure; mais bientôt l'acide nitrique en se décomposant par la chaleur, donnerait au protoxyde de mercure une nouvelle proportion d'oxygène, et il y aurait formation d’une quan- tité double de deutoxyde sans plus de frais que le prix de revient de mer- cure coulant. On pourrait, ilest vrai, ajouter encore plus de mercure; car sur ces trois atomes d'oxygène mis en liberté, il n’y en a qu’un seul d’em- ployé pour la transformation du métal en deutoxyde; raais il est prudent de n’en pas mettre davantage; le mélange n'étant pas toujours homogène, il pourrait en résulter une déperdition d'oxygène, et d’un autre côté le sel primitivement employé renferme le plus souvent encore du proto- nitrate. P. 38. Oxyde rouge de fer (Colcothar). Pour quelle raison cette prépa- ration a-t-elle pu être introduite et maintenue dans le Codex ? Cette subs- tance a pris une concrétion moléculaire tellement forte par l'action du feu , qu’elle n’est pas même soluble dans les acides les plus énergiques ; elle ne produira donc sur les organes de digestion que l'effet d’une subs- tance inerte où indigeste ! — N’aurait-on pas mieux fait de lui substituer l'oxyde de fer rouge obtenu par une faible calcination de l'hydrate de sous-carbonate de fer dont le Codex ne parle qu'accessoirement, page 39? P. 40, Oxyde noir de fer (Ethiops martial). Le procédé que le Codex re- DE LA TROISIÈME SECTION. 455 commande pour faire cette préparation , el qui consiste à laisser agir l'air atmosphérique sur de la limaille humide, peut être bon si l’on agit sur de grandes masses ; mais il ne vaut rien pour préparer de petites quan- tités (1—2 Kk., par exemple, ce qui suffirait à l’approvisionnement d’une pharmacie); dans ce cas, la masse ne s'échauffe presque pas et l'opération marche assez lentement; il est bien difficile alors de s’apercevoir quand l'oxydation s'arrête, et je crois même qu’elle ne s'arrête pas du tout; car après avoir séparé l’oxyde noir de la limaille non encore oxydée, tous les soins et toute la célérité possible que j'ai mis dans la dessiccation n’ont ja- mais empêché d'obtenir un produit un peu rougeâtre, tandis qu’il devrait être d’un beau noir; il y a donc toujours beaucoup de peroxyde dans cette préparation. On aurait mieux fait de conserver la formule de l’ancien Codex, qui, à l'aide de vinaigre et de la chaleur, réduit le deutoxyde de fer à l’état de protoxyde; ou de suivre le procédé de la pharmacopée de Prusse, qui se sert d'huile au lieu de vinaigre pour arriver au même but; il est vrai que cette préparation renferme un peu de charbon finement divisé, mais au- cunement nuisible par son action. Un procédé plus économique est celui de Vauquelin, qui prend 100 p. de deutoxyde de fer et 37,7 p. de limaille trés-fine qu’il calcine ensemble ; mais ce protoxyde est un peu moins noir que celui obtenu au moyen de l'huile, qui paraît avoir la préférence sur les autres. Dans le Trailé de pharmacie de Soubeiran, j'ai également trouvé une espêce de critique du procédé que donne le Codex; aussi ne puis-je pas comprendre comment cet auteur, qui a cependant fait partie de la com- mission de rédaction, n’en a pas empêché l'insertion. P: 42: Oxyde de zinc préparé par sublimation (fleurs de zinc). I] me semble que le Codex aurait pu fort bien ajouter aussi le procédé par la voie humide et par calcination subséquente, afin que les médecins eus- sent pu choisir entre ces deux préparations. Il y en a beaucoup qui don- nent la préférence à cette dernière; car, disent-ils Duncan , Med. com- ment.,1788), «son état d’agrégation étant moins dense que celui de l’oxyde préparé par la voie séche, il doit être plus soluble et impressionner plus facilement la muqueuse de l’estomac.» De plus, il ne renferme ni oxyde de fer, ni parcelles métalliques, comme c’est presque toujours le cas pour les fleurs de zine, et à cette occasion je citerai volontiers le procédé émi- nemment pratique de M. Persoz pour purifier le sulfate de zinc. On commence par faire passer un courant de chlore à travers la solu- tion de sulfate de zinc jusqu’à ce qu’elle en renferme un petit excès, afin de peroxyder le protoxyde de fer qui s’y trouve; on y ajoute ensuite une petite quantité de solution de carbonate sodique (un 30—40e de la quantité de sulfate de zinc employé), et on porte sur le feu; l’oxyde de zinc, pré- cipité d’abord, déplace bientôt le peroxyde de fer de sa combinaison avec l'acide sulfurique; on filtre après le refroidissement, et l’on obtient un sulfate de zinc entiérement libre de fer, qui donne alors un oxyde de zinc trés-blanc. P:46. Potasse caustique à la chaux. Pour la préparer, le Codex se con- tente de prendre de la potasse du commerce, à laquelle il enlève l'acide carbonique au moyen de la chaux vive, de filtrer ensuite à travers une teile, d'évaporer les liqueurs réunies à siccité dans une bassine d'argent, 4154 MÉMOIRES et enfin de lui faire éprouver la fusion ignée pour la couler en lingots, en gouttes, etc. Prendre de la potasse du commerce pour celle opération, c’est sans doute vouloir obtenir une préparation fort impure et s'éloigner entiére- ment de toute marche raisonnée. Déjà l’ancien Codex preserivait du sous- carbonate de potasse, qui , suivant lui, devait être préparé par la com- bustion du tartre, ou la déflagration du nitre avec le tartre, et tous les autres ouvrages nous disent de prendre du carbonate de potasse purifié. En effet, le carbonate de potasse du commerce renferme toujours au moins un tiers et souvent la moitié de sels étrangers presque tous solubles dans l’eau, tels que le chlorure et sulfate potassique, le chlorure calcique, etc.; on risque donc fort de réunir tous ces sels dans la pierre à cautère, qui renferme alors peut-être le tiers de substances étrangères, ce qui est mauvais, non-seulement pour l'usage qu’on veut en faire comme mé- dicament, mais encore pour préparer la potasse à l'alcool, où l’on ob- tient alors un magma trouble et un précipité abondant qui entraîne tou- jours à des longueurs dans la filtration et à des pertes d’alcool. Je conce- vrais que le Codex s’évitât la peine de purifier le carbonate de potasse s’il prescrivait de concentrer la lessive jusqu’à une certaine densité et de la laisser reposer ensuite pour que les sels étrangers s’en séparent autant que possible par cristallisation; mais non, il trouve cette précaution inu- tile; et, d’un autre côté, il veut absolument que le pharmacien fasse l'énorme dépense d’une bassine en argent pour cette opération, comme si le peu d'oxyde de fer qui se séparerait d’une bassine en fonte, ajouté aux impuretés qui s’y trouvent déjà, faisait beaucoup de tort à cette pré- paration ! P.52. Poudre de sulfure d'antimaine. Le Codex prescrit simplement de porphyriser et de leviguer du sulfure d’antimoine, sans dire un mot ni de sa préparation ni de sa purification. Or, comme le Codex se tait entiére- ment là-dessus, personne ne pensera prendre autre chose que le sulfure d'antimoine du commerce ; mais ce sulfure renferme fort souven: du sul- fure d’arsenic, qui va quelquefois jusqu’à 1/50e du poids total, ainsi que du sulfure de fer et de plomb. Quant au sulfure de plomb, il n’est guère nuisible, et l'humidité pro- longée transforme facilement le sulfure de fer en sulfate soluble; mais il n’en est pas ainsi du sulfure d’arsenic , et il vaudrait certainement mieux suivre le conseil de la pharmacopée de Prusse, qui prépare le sulfure d’antimoine de toutes pièces avec de l’antimoine métallique pur et du soufre. Il se pourrait cependant que le Codex dise, comme pour la tisane de Feltz, que la quantité d’arsenic qui pourrait s’y trouver corrobore l’action médicamenteuse ? — Si ceci cependant n'était pas l'intention de messieurs les rédacteurs, je désirerais voir figurer dans le Codex la préparation du sulfure d’antimoine pur. P. 55. Soufre doré d'antimoine (hydrosulfate sulfuré d’antimoine). Si, en Alsace, nous étions réduits au procédé du Codex pour la préparation du soufre doré, nous aurions dans nos magasins des provisions énormes de kermés et jamais assez de soufre doré! Faut-il donc être condamné à la préparation du kermés pour retirer de ses eaux mères quelque peu de soufre doré, préparation si employée de nos jours dans tous les traite- DE LA TROISIÈME SECTION. 455 ments dépuratifs, antidartreux, rhumatismaux, dans les rhumes, les ca- tharres , les pneumonies, etc. ? Un autre reproche à faire à cet article de loi du Codex, c’est que le ré- sultat auquel il nous conduit n’est jamais ni identique ni pur. Supposons que le sulfure d’antimoine renferme de l’arsenic, ce qui est le cas le plus ordinaire, le soufre doré en renfermera également; car en présence de la soude il se formera du sulfo-arsénite de soude, qui sera décomposé par l'acide qu’on y ajoutera, et il y aura précipitation de sulfure d'arsenic. Il serait donc avant tout nécessaire qu’on employät du sulfure d’anti- moine pur. Le second chef de récusation est peut-être plus important encore; car la non-identité de cette préparation en France a sans doute été en grande partie la cause que les uns l'ont considérée comme un sudorifique d’une action douce et constante, et d’autres comme un reméde dangereux, qui déjà, à petite dose, produit des nausées et des vomissements. Qu'on exa- mine les eaux mères de kermés; fraîches, elles renferment toujours une quantité variable de sesqui-carbonate et de carbonate de potasse , de proto et bi-sulfure de potassium et du sulfure d’antimoine à différents degrés de sulfuration; mais, suivant que l’action de l'air agit dessus plus ou moins longtemps, il y a formation de produits oxydés, d’hyposulfite, de sul- fite et de sulfate de potasse, d'acide antimonieux, etc. Il est donc clair qu’en y ajoutant de l'acide chlorhydrique, il se précipitera du soufre non combiné uni à du soufré doré plus ou moins sulfuré, correspondant tantôt à l'acide antimonieux et tantôt à l'acide antimonique, et l’on sait que plus cette préparation est sulfurée, plus elle excite à la diaphorëse, tandis que moins sulfurée ses propriétés se rapprochent davantage de celles du tartre stibié. Je proposerais donc en place du procédé du Codex celui de la pharmacopée de Prusse , qui consiste à prendre : 12 p. de carbonate de soude pur, sec et effleuri ; 7 p. de fleur de soufre lavée ; 2 p. de sulfure d’antimoine pur finement pulvérisé ; 4 1/2 p. de charbon en poudre. On mélange le tout, on tasse dans un creuset eton fait fondre. La masse fondue est dissoute dans l’eau distillée et la solution filtrée est exposée à la cristallisation. On recueille les cristaux, on les redissout dans suffisante quantité d’eau distillée et l’on filtre de nouveau. On ajoute ensuite peu à peu de l'acide sulfurique délayé, jusqu’à ce qu’il ne forme plus de préci- pité, on lave ce dernier avec de l’eau ordinaire, on recueille sur un filtre et on sèche à une température qui ne dépasse pas 25° centigrades. M. Liebig, dans le Handwærterbuch der Chimie, v.1I, p. 453, indique en- core un procédé par la voie humide pour obtenir ces cristaux , qui sont du sulfo-antimoniate sodique (sel de Schlippe), dont un atome est composé de : 4 at. persulfure d’antimoine. . . . . . . . . .. su. ..== 2648,735 58,11 4.at. sulfure de sodium . ......... SLR ER. Rd — 492,06 11,03 SOA ARRET OPOONOE RT SPP E ER TE EC ET à — 13549,75 30,26 etreprésenté pas la formule : Sb2S5+ Na S+12 H0, Mis sulfarigne le décompose ensuile en 1 at. d'hydrogène sulfuré qui se dégage, 1 at. de sulfate, de soude et 1 at. de soufre doré représenté par Sb2S5. Ce ré- sultat est constant et fournit un sulfure toujours identique correspondant Par sa composition à l'acide antimonique Sb? O5. 456 MÉMOIRES P.58. Sulfure de calcium impur. Le Codex n'a pas lort d'appeler cette préparation impure; il aurait dû encore y ajouter éminemment variable. Voyons si, en l’analysant, nous ne prouverons pas que le fait est vrai? — Le Codex prescrit de prendre 100 p. de soufre sublimé et 300 p. de chaux hydratée! — Il est d'usage, dans un ouvrage du genre de celui-ei, de n'em- ployer une préparation pour une nouvelle opération que dans le cas où celle-ci aura été décrite dans le courant du même ouvrage ; si l’on ne con- nait pas a composition exacte des substances employées , on ne sait pas non plus ce que l'on obtient; c’est justement ce qui arrive pour l'hydrate de chaux, pour lequel le Codex devrait donner la préparation avant de l'employer à d’autres usages; car il peut renfermer plus où moins d’eau et cependant paraître toujours sec! — Ensuite la proportion de soufre comparée à celle de l’hydrate de chaux, est évidemment trop faible pour former ensemble un protosulfure de calcium qui est composé de 56 cal- cium et de 44 soufre. 56 p. de calcium ont besoin de 20 p. d'oxygène pour étre-trareforméesienichauxs:. 2.200 42:52 SR En 976 et à 76 p. de chaux il faut 24 p. d’eau pour se constituer à l’état d'hy- DRAC RSS PNEUS OA AN RE ME EN el TE 094 : Fotals Are 7400 Nous voyons donc que 100 p. d'hydrate de chaux équivalent à 76 p. d'oxyde de calcium, qui se transforment alors, avec 44 p. de soufre, en sul- fure de calcium , sulfite et hyposulfite de chaux. Quelle différence entre ces nombres et ceux du Codex qui, sur 34 p. de soufre, prend 132 p. d'hy- drate de chaux ; il n’y a pas moins de 32 pour 0/0 de chaux en excès, à moins que la chaux du Codex ne soit trés-impure. Cette préparation ren- ferme donc, outre le sulfure de calcium , plus ou moins d'humidité, une proportion variable d’hyposulfite, de sulfite et de sulfate de chaux, de la chaux non combinée et les impuretés que peut renfermer celle-ci. Une préparation aussi variable est à peine bonne pour l'usage externe, et cepen- dant bien souvent le sulfure de calcium est aussi donné à l’intérieur. Il est vrai qu’on a mis encore, comme par hasard, une annotation à cet arti- cle, dans lequel on dit comment l’on prépare le sulfure pur avec le gypse statuair et le noir de fumée; mais sans rendre cette préparation obliga- toire, car il est dit: «le sulfure de calcium pur se préparerait. » Je crois que l’on pourrait rendre la préparation du protosulfure pur men- tionnée dans le Codex obligatoire pour l'usage interne, et prescrire dans celle pour l'usage externe la quantité de chaux vive à employer plutôt que celle de l’hydrate de chaux, et enfin indiquer le poids qu’on doit ob- tenir par l'évaporation. P. 59. Polysulfure de potassium. Si je ne me trompe, le Codex entend par carbonate de potasse, le carbonate de potasse du commerce (voyez p. XXXID). Or, si c’est de ce carbonate qu'il veut parler, il a tort de dire que le foie de soufre qui en résulte est composé de trisulfure de potassium et de sulfate de potasse seulement ; car ce carbonate renferme toujours au moins un tiers de sels étrangers, ce qui fait qu’il y a souvent trop peu de potasse par rapport au soufre: on a donc un polysulfure variable au lieu d'un trisulfure. Sans doute cette préparation peut servir pour bains, encore vaudrait-il mieux la faire avec du carbonate de potasse purifié par solution concen- trée; mais jamais un médecin ne pourrait s'y fier s'il voulait l’'employer DE LA TROISIÈME SECTION. 457 à l'intérieur. Il serait donc nécessaire que le Codex donnât encore un mode de préparation pour obtenir le trisulfure de potassium pur, ou du moins.un sulfure dont on connût exactement‘la composition , par exem- ple si on le préparait avec du carbonate de potasse pur 100 p. et du sou- fre 58 p., on saurait qu'il s'y trouve 3KS3 et KS. Peut-être pourrait-on aussi remplacer ici la potasse par la soude, qui est un produit indigène, meilleur marché, plus pur et d’un poids atomique moins élevé. Je proposerais même cette substitution partout où cela pourrait se faire sans inconvénient. P: 65. Protochlorure de mercure par sublimation {mercure doux). Si le Codex était écrit pour des fabricants de produits chimiques , je ne m’éton- nerais pas du procédé qu'il indique pour préparer le mercure doux; mais, je le demande, est-il permis d’exiger d’un pharmacien qu'il fasse cette opération tellement en grand pour qu'il ait besoin «d’un grand baïn de sable en tôle ou en plaques de fonte , placé sur une bonne cheminée et entiérement recouvert par une sorte de cage garnie latéralement de châs- sis vitrés dont quelques-uns sont mobiles, et qu’on opère ensuite la subli- mation par un feu continu pendant trois jours et trois nuits? » — Encore faut-il soumettre le produit obtenu ainsi à une nouvelle sublimation ! — Ce serait un calomel fort cher, et pour ma part je conseillerais à mes confrères de reprendre le procédé de l'ancien Codex, qui soumet à deux sublimations successives 400 p. de sublimé corrosif mêlé avec 300 p. de mercure coulant : leur produit sera tout aussi beau et ils épargneront du temps et du combustible. Voici pour la forme de cette préparation ; mais en en examinant le fond j'ai presque reculé d'horreur. En effet, en con- sidérant cette prescription : JANET I nb ga de AN QU LÉ QE Late ce DA /e 5000 Acide sulfurique à 660 ............. 6000 SE La tv rte en E ae dre 3 aude ti date 4 5500 je ne puis m'empêcher de croire que MM. les rédacteurs ne se soient trom- pés ou qu'ils y aient oublié quelque chose; car bien loin d'obtenir du mer- cure doux avec ces ingrédients et leur manière d'opérer, on n’ obtient que du sublimé corrosif et peu ou point de mercure doux. On sait que le protosulfate de mercure pur ne se forme que très-diffici- lement, le plus souvent il y a production d’une grande quantité de deuto- sulfate et de fort peu de protosulfate, particuliérement si, comme ici, il y à plus que suffisamment d’acide sulfurique pour fournir assez d'oxygène ; car nous VOyOns que : API MREICUTE Le ee à © à ten eee à de 0 oO VAN PINS — 1965,822 CROLIUE At OLYDONE LL ue «8 coute ole del ral ee AU — 100 pour se transformer en deutoxyde de mercure, plus un at. d’acide sul- furique pour devenir deutosulfate de mercure ; prenons donc 2 at. d'a- cide sulfurique hydraté — 2 SH— 1227,290, l’un de cesatomesse décom- posera pour donner 1 at. d'oxygène au mercure, tandis que l'acide sulfu- reux se dégagera et l’autre atome d'acide sulfurique s'unira à l’oxyde Pour former le sulfate de deutoxyde de mercure. faudrait donc en poids 4,057 p. d'acide sulfurique à 66 degrés pour transformer 5 p. de mercure en bisulfate ; supposons maintenant, ce qui arrive toujours , qu’il se volatilise une certaine quantite d'acide sulfurique 458 MÉMOIRES non décomposé, le Codex , en prescrivant de prendre 6000 p. d'acide sur 5000 p. de métal, aura encore donné un excés de près de 2000 p. d'acide, il est donc plus que probable que le sulfate de mercure que le Codex ob- tient, sera du deutosulfate de mercure: mélez celui-ci avec du chlorure sodique sec et il y aura formation de sulfate sodique (Na S jet de chlo- rure mereurique (Hg Cl). Évidemment ici le Codex a oublié d'ajouter au sulfate mercurique une proportion de mercure coulant égale à celui qui s'y trouve déjà pour le transformer en sulfate mercureux ! et dans un livre comme celui-ci un pareil oubli est impardonnable; bien plus, il devrait entraîner la condamnation de tout l’ouyrage. Supposons qu'un pharmacien, se fiant aux proportions du Codex, veuille suivre son procédé pour préparer le mercure doux, n’en pourrait-il pas résulter des malheurs incalculables ? P.71 Deuto-chlorure de mercure. Si l'on devait procéder, comme le veut le Codex, pour la préparation du sublimé corrosif comme pour le mercure doux , il faudrait aussi le soumettre à deux sublimations , dont la première durerait à elle seule trois jours et trois nuits, chose certes fort inutile; car le deutochlorure de mercure n’a besoin d'être sublimé qu’une seule fois et cette opération ne doit guère durer plus de quatre à cinq heures! J'ai encore remarqué qu’en employant du peroxyde de manganèse dans cette opération, on obtenait presque toujours un sublimé corrosif jaunâ- tre , provenant du fer qu’il renferme et qui est transformé en chlorure vo- latil. Il vaudrait donc mieux prendre toutes les précautions pour obtenir un sulfate mercurique pur, afin que le peroxyde de manganèse füt rendu inutile dans l'opération. 74. Proto-chlorure de fer. I y a un contresens dans la description de cette préparation ; au lieu de déterminer la quantité de tournure de fer à employer, le Codex aurait dû déterminer la quantité d'acide , car l’on n’ob- tient du protochlorure de fer pur qu'avec un excès de limaille, celle-ci doit done rester indéterminée ! 74. Perchlorure de fer. Le Codex prescrit de dissoudre l'oxyde rouge de fer dans de l'acide chlorhydrique et d'évaporer à siccité! Or, si je ne me trompe, il appelle oxyde rouge de fer, le colcothar, p. 58, qui ne se dissout presque pas dans les acides; au moins est-il impossible d'obtenir ainsi une solution saline saturée, cette préparation est donc mauvaise. Il aurait dû dire : prenez de l’hydrate de deutoxyde de fer, que vous dissoudrez dans suffisante quantité d’acide chlorhydrique, ou: ajoutez à une solution de proto-chlorure de fer neutre suffisante quantité d'acide nitrique et d’acide chlorhydrique pour le transformer en deuto-chlorure, ensuite évaporez à siccité. 75. Fleurs ammoniacales martiales (Chlorurelum ferroso-ammonia- cum). Le Codex prescrit pour cette préparation, du proto-chlorure de fer et du sel ammoniac qu'il fait dissoudre et évaporer à siccité! Cette préparation est fautive, car le fer doit y être à l’état de perchlo- rure ; on n’a qu'à voir là-dessus tous les ouvrages qui en parlent. Ancien- nement Basil Valentin prenait de la pierre hématite ou du safran de mars astringent et du sel ammoniac pour servir à la sublimation; d’autres pre- naient , il est vrai, de la limaille ou du proto-chlorure de fer, qu'ils fai- saient sublimer avec l'hydrochlorate d'ammoniaque; mais durant cette LE LA TROISIÈME SECTION. 4159 opération , la limaille ainsi que le proto-chlorure étaient entraînés par le sel ammoniac et passaient à l’état de perchlorure. Plus tard, comme par la sublimation on obtenait toujours un sel plus ou moins chargé de fer, on s’avisa de dissoudre ensemble du deuto-chlorure de fer et de l’hydro- chlorate d’ammoniaque et d’évaporer à siccité. (Si l’on faisait cristalliser, les cristaux n'auraient pas non plus une composition identique). Le sel ainsi obtenu renferme toujours, comme les anciennes flores ammoniacales martiales , du deuto-chlorure de fer; mais de plus il y est dans des propor- tions constantes, tandis que d’après le Codex, il s’y trouve du chlorure ferreux mêlé d’une plus ou moins grande quantité de chlorure ferrique, suivant que l’'évaporation aura été conduite plus ou moins vite. P. 75. Chlorure de zinc. Le Codex prescrit de purifier ce sel par une macération de sa solution sur de la craie, sans réfléchir qu’en place de l’oxyde ferrique, qui en sera séparé, il se dissoudra un équivalent d’oxyde calcique , et que la préparation, aü lieu d’être impure par le fer, le de- vient alors par la chaux. Pourquoi donc ne pas prescrire de l’oxyde zin- cique fraîchement précipité en place de craie ? P. 79. Chlorure de sodium. Je ne sais pourquoi le Codex donne dans ce chapitre un procédé pour découvrir l’iode dans le sel de cuisine. Je pré- tends qu'on pourrait y ajouter au même titre celui d'y reconnaître le brome (car il y a beaucoup de sources salines, par exemple Soultz-sous- Forêts, qui en renferment), la chaux, la magnésie, etc.; ce ne serait alors plus un Codex, mais un traité des réactifs. Je concevrais encore qu'on indiquât dans chaque chapitre les moyens de reconnaître la pureté des préparations , maïs alors il faudrait que la mesure fût générale. P. 81. Bromure de potassium. Le Codex dit que «pour distinguer le bromure de potassium de l’iodure, on doit traiter par l’acide sulfürique concentré qui ne dégage pas de vapeurs violettes.» Cette réaction est in- suffisante si l’iode y est en trés-petite quantité; car il est souvent difficile de distinguer le mélange des vapeurs violettes d’un peu d’iode au milieu des vapeurs rouges du brome; et, certes, l’amidon-d’un côté et l’éther de l’autre valent bien mieux pour caractériser ces deux corps, ou mieux en- core les sels d'argent qui forment avec le bromure et le chlorure des com- posés solubles dans l’ammoniaque, tandis que l’iodure d’argent y est in- soluble, P. 86. Iodure de fer. Le sel obtenu par évaporation, comme le Codex leprescrit, est constamment variable dans sa composition , malgré toutes les précautions qu’on pourrait prendre pour l'en empêcher. Il se perd, en effet, toujours une grande quantité d’iode pendant l’évaporation par la réaction de l'oxygène de l'air, et renferme alors de l’oxyde ferrique, de l'iodure ferreux et de l’iodure ferrique en proportions variables, et quand on en fait une solution , celle-ci est brune , trouble et d’une odeur iodurée, tandis que la solution d’iodure ferreux fraîchement préparée est légére- ment verdâtre et sans odeur. On n’a, du reste, qu’à lire, sur cette préparation , l'excellent article de M°Dupasquier , Journal de pharmacie, 1841 , et les remarques de M. F. Boudet, on y trouvera toutes les améliorations dont elle serait susceptible dans l'intérêt de la thérapeutique. P:93. Cyanure de potassium. Le Codex parle dans cet article de deux couches qui doivent se former dans la cornue, dont l’une blanche su- 460 MÉMOIRES périeure et l'autre noire inférieure; mais ces deux couches sont bien | loin de se présenter toujours, le plus souvent même la masse est inégale- ment noire, et de celle-là le Codex dit: «qu’elle est difficile à doser à cause du quatri-carbure de fer qui y est en forte proportion el répandu d’une manière inégale dans toute la masse; » mais, au lieu de se borner à indiquer les difficultés, il me semble qu’il devrait prendre pour tâche de donner les moyens d'y remédier ! Ainsi, en faisant de la masse entiére une poudre homogène , on saurait quelle serait la proportion de carbure de fer qui s’y trouve, et dans le dosage on prendrait cette proportion en sus de la quantité prescrite, on dissoudrait et on filtrerait. Ce moyen, il est vrai, ne serait bon que dans les cas où le médicament serait prescrit en solution, ce qui cependant arrive presque toujours. Ou bien on dis- soudrait le cyanure de potassium fraîchement calciné dans le moins d’eau froide possible, et on évaporerait rapidement, de manière à ce que la solution ne fût pas trop exposée au contact de l'acide carbonique du feu ou de l’air atmosphérique (par exemple, sur un bain de sable ou dans une cornue ou un ballon) on arriverait à obtenir un produit assez actif. M. Soubeiran dissout le cyanure de potassium dans l’alcool, parce que celui-ei est plus volatil que l’eau et diminue par.conséquent les chances d’altération. Mais le mieux serait, sans contredit, de substituer au procédé du Codex celui que M. Liebig a récemment publié dans les Annalen der Chemie und Pharmacie, Band XLI, et qui consiste à faire sécher fortement huit par- ties de cyanure ferroso-potassique, à les réduire en poudre fine et à y ajouter trois parties de carbonate potassique sec; ce mélange est ensuite projeté en une fois dans un creuset en fonte préalablement chauffé au rouge obseur ; maintenu à la même température, il commence bientôt à se fondre en un magma brun en dégageant beaucoup de gaz; mais bientôt, quand la chaleur arrive au rouge vif, elle devient plus claire et prend une couleur ambrée; si de temps en temps on y plonge un tube de verre chauffé pour en prendre une épreuve, celle-ci sera d’abord brune en se refroidissant , plus tard jaune , et vers la fin de l'opération blanche et de texture cristalline. Durant la fusion , on voitdes flocons bruns nager dans la masse qui peu à peu se réunissent en forme d’éponge, en prenant une couleur grise-bru- nâtre, Si ensuite on sort le creuset du feu pour le laisser refroidir un peu, il arrive le plus souvent que cette poudre grise se dépose complétement , surtout quand on a soin de remuer une ou deux fois. On décañte ensuite la masse encore fondue dans une capsule de porcelaine échaufée, et si l’on use de quelque précaution, il ne s’y mêle aucune parcelle de poudre noire. P. 96. Sulfate de’ fer (proto) cristallisé. Si l'on ne rend pas la En de sulfate de fer légérement acide, au moyen de quelques gouttes d'acide sul- furique, au moment de l’exposer à la cristallisation , on obtiendra toujours un sel d’une couleur peu apparente, qui se couvrira de rouille avec la plus grande facilité; tandis que la liqueur acide, quelque faible qu'elle soit, donnera constamment des cristaux d’un vert clair qui, convenable- ment séchés , ne se couvriront que difficilement d'oxyde ferrique. Le Codex devrait préciser aussi dans cette formule la quantité d'acide à employer et non la limaille, puisqu'il recommande plus bas « de mettre un DE LA TROISIÈME SECTION. 461 excès de limaille de fer; » dans ce cas, on ne peut plus se diriger pour le fer d'après une quantité prescrite, tandis que pour l’acide on peut trés- bien dire : Je veux prendre une quantité donnée d’acide, ni plus ni moins! P: 99. Sulfite de chaux et hyposulfite de soude. Je nesais trop pour quel usage ces deux préparations se trouvent dans le Codex, si ce n’est pour mutter le vin ou les sucs végétaux? P. 102. Proto-nitrate de mercure. En lisant ce chapitre, je n’ai pu me défendre d’un sentiment de peine en pensant que la mauvaise préparation du proto-nitrate de mercure entraîne celle d’un grand nombre d’autres préparations toutes extrêmement importantes , tels que le mercure doux - par précipitation, le mercure soluble de Hahnemann, l'acétate mercu- reux, etc. Prenez, en effet, 1000 p. de mercure et 1000 p. d'acide nitrique à 35 de- grés; laissez l'opération se faire d'elle-même dans un lieu frais , comme le veut le Codex, et vous verrez si vous obtenez des cristaux de proto-nitrate de mercure pur. — Quant à moi, jamais ce procédé ne m'en a donné, le sel renfermait toujours du deuto-nitrate de mercure, et, de plus, comme il est prescrit de laver avec de l’acide nitrique, il est constamment acide et ne peut être desséché! Faisons d’abord une distinction nette entre le proto-nitrate de mercure neutre — Hg + N + 9 Hde Liebig et le proto-nitrate de mercure basique soluble du même auteur = 3 Hy +2N+5H; car-le Codex confond tout cela, et cependant il est essentiel d’être fixé sur ce point. 4. Pour obtenir le premier (le proto-nitrate neutre), il faut laisser réagir sur le mercure (1000 p.) à froid et pendant plusieurs mois de lacide nitri- que en excès (500 p.), délayé avec trois à quatre fois autant d’eau; alors seulément la réaction est assez faible pour ne permettre que la formation de cristaux de proto-nitrate de mercure neutre! — C'est là le sel qui de- vrait figurer dans le Codex. 9, Pour obtenir le proto-nitrate basique soluble qui sert communément pôur faire les autres préparations qui exigent un proto-sel , il faut prendre, au contraire, un excès de mercure et de l'acide nitrique faiblement dé- layé (à 27 degrés R. à peu prés), chauffer d’abord modérément jusqu’à ce qu’il ne se dégage plus de vapeurs rutilantes, et faire bouillir ensuite pen- dant quelque temps, tout en y ajoutant de temps à autre un peu d’eau pour remplacer celle qui s’évapore, jusqu’à ce que tout le deuto-nitrate, d'abord formé, soit transformé en proto-nitrate basique , en prenant garde cependant de ne pas chauffer jusqu’à ce que la solution commence à jau- nir, ou qu'il ne s’y forme un précipité de la même couleur, ce qui indique- rait la présence du sous-nitrate mercureux et exigerait une nouvelle ad- dition d'acide nitrique. Quand les réactifs ne démontrent plus de trace de deuto-nitrate, on décante pour en séparer le mercure coulant et on brasse jusqu’à refroidissement ; le proto-nitrate basique soluble se précipite alors . sous la forme d’une poudre cristalline blanche. Si cependant ce proto-ni- trate devait servir aussitôt à une préparation ultérieure, par exemple pour le mercure soluble de Hahnemann, on n'aurait qu'à évaporer encore le sel presque jusqu’à siccité, retirer du feu et broyer, pendant une demi- II, A1 4162 MÉMOIRES heure, dans un mortier en porcelaine, pour former, aveë l'excés de mercure métallique, une poudre grise, qui est ensuite dissoute dans de l’eau acidulée par l'acide nitrique, l'excès de mercure coulant seul reste; la solution est ensuite filtrée pour servir aux différentes prépara- tions. Par ce procédé on obtient une solution de proto-nitrate de mereure sans mélange de deuto-nitrate , qui précipite par l’'ammoniaque en noir et ne forme pas un atome de sublimé corrosif par l'acide hydro-chlorique. Arrivons maintenant aux applications : ; A. Proto-chlorure de mercure par précipitation. Le Codex, sans même indiquer la force de l'acide nitrique à employer, ce qui, je le pense du moins, donne à entendre que l’on doit prendre de l'acide nitrique à 35 degrés, comme dans le paragraphe 54, prescrit : «de prendre 1500 p. d'acide sur 1000 p. de mercure, de laisser réagir à froid pendant un jour ou deux, de séparer ensuite les cristaux et de les dissoudre avec de l’eau acidulée.» Évidemment il y a ici un grand excés d'acide, et les cristaux qui se forment renferment du proto et deuto-nitrate de mercure; on ob- tient donc , d’après le Codex, par l’acide hydro-chlorique un précipité de proto-chlorure de mercure, sali par une grande quantité de sublimé cor- rosif; ce qui vous donne non-seulement une perte évidente de matière, car ordinairement ‘on ne recueille pas le sublimé corrosif contenu dans les lavages, mais encore une préparation qu’on a beaucoup de peine à rendre pure. D’ailleurs, le Codex dit lui-même, en terminant l’article, que la liqueur séparée des cristaux renferme un mélange de proto et deuto-nitrate de mercure; il faut donc que le liquide qui se trouve entre les cristaux soit composé de même ! 2. Proto-nitrate ammoniaco-mercuriel (syn. Mercure soluble de Hah- nemann). Berzélius dit que cette préparation est composée de nitrate am- monique et d'oxyde mercureux ;: si donc l'acide nitrique se partage entre les deux bases, c’est un sous-nitrate ammoniaco-merceuriel et non un ni- trate simple comme le nomme le Codex. Le détail que donne le Codex de cette préparation en est la meilleure critique. Il dit de cesser d’ajouter de l’ammoniaque dés que le précipité paraîtra plus pâle; or c’est ce qui indique justement la présence du deuto- nitrate de mercure, et si malheureusement l’on prend du nitrate du Co- dex, ce point-là arrive trés-vite; tandis que préparé comme je l'ai dit plus haut, on obtient un précipité noir presque jusqu’au bout. Même avec le proto-nitrate le plus pur, on ne peut pas précipiter tout le protoxyde de mercure par l’ammoniaque; car vers la fin, le nitrate ammonique qui se forme, réagissant sur une portion de sous-nitrate mercureux, s’y combine et produit un précipité d’un aspect gris. 3. Proto-acélate de mercure. Ici encore le précipité sera fort peu abon- dant, par la raison que le deuto-nitrate de mercure, qui se trouve dans le proto-nitrate du Codex, formera avec l’acétate de soude du deuto-acé- tate de mercure soluble ; la quantité de précipité sera donc considérable- ment diminuée, et comme l’on est obligé de laver beaucoup pour enlever complétement le deuto-sel, et que le proto-acétate est aussi un peu so- luble, le précipité se réduit presqu'à rien ! 4. Proto-tartrate de mercure. Dans cette préparation, le mal devient encore plus grand par la raison que le proto et deuto-tartrate de mercure DE LA TROISIÈME SECTION. 4165 sont à peu près aussi peu solubles l’un que l’autre; ils restent par consé- quent mélangés et aucun lavage ne pourrait les séparer. Je verrais avec plaisir la réforme de ces cinq préparatious. - P.107. Sous-nitrate de bismuth. Cette préparation pêche par un point essentiel: si l’on prend les proportions de métal et d'acide nitrique à 33 degrés, prescrites par le Codex, on obtient durant la dissolution du pre- mier une grande quantité de sous-nitrate de bismuth jaune et insoluble même dans un grand excés d’acide nitrique , ce qui occasionne une perte non sans valeur, le bismuth étant toujours d'un prix assez élevé ! — Pour parer à cet inconvénient et pour que cette opération réussisse, il faut dé- layer l'acide jusqu’à ce qu'il n’ait plus qu’une densité de 1,95, y ajouter ensuite peu à peu environ un quart de son poids de métal en s’aidant de la chaleur pour hâter la saturation. Dès qu’on voit se former un précipité jaune grisâtre (sous-nitrate de bismuth), on ôte du feu, on délaye avec une partie égale d’eau, on expose à la réposition pour laisser se précipiter encore un léger dépôt, et enfin on le verse dans une quantité d’eau telle, qu’il y en ait à peu près 50 p. sur une de métal en dissolution ; une plus grande quantité d’eau ferait de nouveau disparaître le précipité (Geigers Handbuch der Pharm., p. 481). Vouloir évaporer la solution obtenue pri- mitivement , serait hâter la formation d’une nouvelle quantité de sous-ni- trate de bismuth insoluble. Le Codex oublie également de prévenir Popéraes qu'il ne laisse le précipité que fort peu de temps en contact avec l’eau mére acide, afin que le séjour prolongé ne le rende pas grenu et d’une texture cristalline (Buchholz, Theorie und Praxis). P. 119. Arsénile de potasse (syn. Liqueur arsénicale de Fowler). Voyez sur cette préparation les observations judicieuses de M. Selle (Journ. de pharmacie, 1837). P. 195. Vinaigre radical. Je voudrais voir aussi introduire dans le Co- dex le vinaigre de bois pur; car c’est une préparation à bon marché, et elle peut, dans le plus grand nombre de cas, trés-bien remplacer le vinai- gre radical qui revient fort cher. P. 126. Vinaigre distillé. Le degré de force qu’il doit avoir pour l’usage pharmaceutique n’y est pas même indiqué. P. 155. Morphine. Il se trouve dans la préparation de cet alcaloïde un fait fort peu pratique, c’est d'employer 40 p. d’eau pour extraire une seule partie d’opium! tandis que la moitié serait déjà suffisante. Cela ne sert qu’à rendre l'opération plus dispendieuse et à la trainer en longueur; d’ailleurs plus on emploie de véhicule dans ces sortes d’extractions, plus celui-ci dissout de substances étrangères résineuses ou autres, et plus la purification devient embarrassante et difficile. P.152. Acide tannique. Ce procédé est sans doute relaté ici pour donner aux pharmaciens l’occasion d’extraire aussi par déplacement ; car l’expé- rience a prouvé que deux macérations successives donnent au moins un tiers d’acide tannique de plus que le procédé par déplacement , sans pour cela employer plus d’éther. Par déplacement, 375 gr. de poudre de noix de Galle ont donné 195 gr. d’acide tannique, et par deux macérations, 185 gr. Il n’est pas nécessaire non plus qu’on laisse perdre l’éther qui se trouve dans la liqueur inférieure; il peut en être retiré tout aussi bien que de la liqueur supérieure, et certes cela en vaut encore la peine ; seu- 41. 4164 MÉMOIRES lement, il faut que vers la fin le feu soit conduit très-modérément, pour empécher que le tannin ne brunisse. 138. Strychnine. I me semble que le Codex pourrait fort bien dire de prendre de la noix vomique réduite en poudre assez fine, sans quoi l’on obtient fort peu de strychnine. Quant à la séparation de la brucine, le procédé du Codex, qui prescrit des cristallisations réitérées , est assez long et même dispendieux; il vaudrait bien mieux faire macérer d’abord le précipité à froid dans de l'alcool à 200 Cart., qui dissoudrait la brucine, plus une certaine quantité de matière colorante, et de faire bouillir en- suite avec l'alcool à 550 Cart. pour obtenir la strychnine. M. Soubeiran conseille ce procédé dans son Trailé de pharmacie, 1. 1, p.649, Je ferai encore observer que l'extraction de la noix vomique par l'al- cool à 200 Cart., donne toujours plus de strychnine avec moins de difi- culté dans sa purification que celle par l’eau recommandée par le Codex , qui vous donne un magma énorme et des évaporations dispendieuses. P. 143. Sous-acétate de plomb liquide. Je ne sais (rop pourquoi le Codex prescrit de faire bouillir l’eau avec lacétate de plomb et la litharge! — Une simple macération de quelques jours suffit pour opérer la solution. P.145. Acétate d'ammoniaque liquide (syn. Esprit de Mindererus). Dans ce chapitre le Codex dit : que l'esprit de Mindererus n’est autre chose que l’acétate d'ammoniaque impur ! — Il aurait dû ajouter : avec la différence que l'esprit de Mindererus est au moins de moitié moins fort que l'acétate d'ammoniaque liquide; car le vinaigre distillé ordinaire avec lequel on le préparait a une densité de 1009,5, et l'acide acétique que le Codex emploie pour l’acétate d'ammoniaque en a une de 1022,00 ou trois degrés aréométriques. Il est donc clair que celui-ci saturera plus du double de la quantité d'ammoniaque que sature le vinaigre ordinaire ! P.146. Tartrate de potasse et d’'antimoine (syn. Tartrestibié). Je ne crois pas qu’une personne qui connaît les diflérents procédés pour préparer le tartre stibié, soit tentée de suivre plus d’une fois celui du Codex; il n’a pour lui que son ancienneté. M. Soubeiran lui-même dit (Traité de phar- macie, première édition, p. 394): qu’on préparait autrefois l'émétique suivant le procédé du nouveau Codex , mais qu'aujourd'hui on préférait le procédé de la pharmacopée de Dublin avec l'oxichlorure d’antimoine ; suivant les travaux comparatifs de M. Henry; car: 10 on a de la peine à débarrasser le tartre émétique du Codex, du tartrate de chaux qu’on trouve d'ordinaire à la surface des cristaux ; 20 la couleur jaune que lui commu- nique la présence du tartrate de fer et de potasse ne s’enléve que fort diffi- cilement par des cristallisations réitérées et dispendieuses ; 5° quand même il fait évaporer les eaux méres à siccité pour rendre la silice insoluble, l'arséniate de potasse qui s’y trouve ordinairement , se dissout de nouveau et peut fort bien encore rendre les dernières cristallisations impures; 4° au lieu de faire bouillir l’eau avec le mélange de crême de tartre et le verre d'antimoine, il devrait seulement les faire digérer ensemble et à la fin chaaffer jusqu’à -- 80—900 centigr., puis filtrer et laisser cristalliser par refroidissement, Cette précaution empêcherait en grande partie la for- mation du tartrate de potasse et de fer, et donnerait par conséquent des cristaux presque blanes dès la première cristallisation ; la silice aussi se dissoudrait en moindre quantité, et permettrait d’épuiser mieux les eaux mères par des cristallisations successives. DE LA TROISIÈME SECTION. 465 Le procédé par l’oxyde d’antimoine et celui par l’oxichlorure de la phar- macopée de Dublin seraient préférables à celui du Codex sous tous les rapports. Tartrate neutre de potasse. Le Codex prescrit de faire cristalliser ce sel; mais il me semble que ce serait se donner trop de peine; les cristaux qu’on en obtient dessèchent difficilement et attirent l'humidité. Il serait plus pratique d’évaporer à siccité la solution épurée et de renfermer le sel dans un bocal bien bouché. Il va sans dire qu’il faudrait prendre du car- bonate de potasse purifié. P.156. Sulfate de quinine. Ce procédé pêche contre tous les faits de l'expérience. M. Soubeiran lui-même, un des rédacteurs du Codex, pré- munit déjà l'opérateur, dans la première édition de son Traité de phar- macie (t. 1, p. 601), contre les évaporations en disant : (Dans cette série d'opérations on évite ayec soin l’évaporation des eaux méres, ear il se produirait alors des matières colorées qui s’attachent au sulfate-et dont on a la plus grande peine à le débarrasser.» Et un peu plus loin, sur-la même page , il dit: «Les liqueurs alcooliques sont réunies , on les acidule avec de l'acide sulfurique faible, de manière à ce qu’elles aient à peine de l’action sur le papier tournesol , etc. »; et cependant le Codex distille d’abord l'alcool, et alors seulement il reprend par l’eau acidulée pourex- poser l’opérateur à tous les inconvénients que M. Soubeiran vous indique si bien, et qu'on pourrait éviter si l’on acidulait avant de commencer la distillation ; car la quinine obtenue sous la forme résineuse est comme combinée avec la matière colorante, et ne se laisse purifier que fort diffi- cilement. Aussi le procédé que M. Soubeiran indique dans son ouvrage, est-il aujourd’hui suivi partout où il se fabrique du sulfate de quinine ; mais pour les pharmaciens , le Codex trouve l’ancien procédé encore assez bon ! P. 159. Chlorhydrate, nitrate el acétate de quinine. Pourquoi ne pas adopter pour ces trois préparations un procédé uniforme; n’aurait-on pas pu prendre pour la préparation de l’acétate de quinine, également de l’acétate de baryte, comme l’on a fait prendre du chlorhydrate et du ni- trate de baryte pour préparer le chlorhydrate et le nitrate de quinine ? P.161.Hydroferro cyanate de quinine. Cette préparation pèche par les proportions : en effet, 31 p. de cyanure ferroso-potassique ne suffisent pas pour décomposer entièrement 100 p. de sulfate de‘quinine ! Nous savons que pour former du cyanure ferroso-quinique , 2 proportions de quinine remplacent toujours 4 proportion de potassium dans le cyanure ferroso- potassique , et comme dans.ce seLil y a 2 proportions de K — 979,832, elles sont remplacées,par 4 proportions de quinine — 8222,124. Or, si nous prenons lenombre atomique du cyanure ferroso-potassique — 2646,218 qui renferme 2 proportions de K — 979,832, il faut 2 proportions de sous- sulfate de quinine — 9674,574 renfermant 4 proportions de quinine pour que la décomposition puisse -être complète ; et cependant 31 : 2646,218 : : 100 : 8556,187, tandis qu'il faudrait le nombre 9674,3574 pour correspondre à400 p. de sulfate de quinine ; au lieu de 31 p. de cyanure ferroso-potas- sique pour 100 p. de sulfate de quinine, il en faudrait donc 55,15, en sup- posant que les sels employés fussent entiérement purs; mais comme le cya- aure ferroso-potassique renferme quelquefois encore du sulfate potassique, et qu'il est à peu près indifférent dans cette opération qu'il y ait un petit 1466 MÉMOIRES excès de cyanure ferroso-potassique, tandis qu’il s’agit d’être économe du sulfate de quinine à cause de son prix, il n’y aurait rien de trop si l’on portait la quantité de cyanure ferroso-potassique à employer à 40 - 45 p. sur 100 p. de sulfate de quinine. P. 169. Alcool à 40 degrés. Est-il prudent de prendre de l’acétate de po- tasse desséché pour préparer l'alcool à 40 degrés? Ce sel ne se décompose- t-il pas un peu pendant l’'évaporation, n’abandonne-t-il pas constamment un peu de son acide, et pour cette raison l’acétate desséché n'est-il pas constamment alcalin ? — Il doit donc passer de l'acide acétique avec l’al- * cool qui distille et le rendre impur! — Certainement le chlorure de cal- cium et même le carbonate de potasse calciné seraient préférables pour cette opération, aussi bien sous le rapport de la pureté du produit, quesous celui de l’économie. P. 172. Éther acétique. Si pour faire cette préparation l’on suit le pro- cédé du Codex (alcool à 350 Cart. 3000, acide acétique 2000, acide sulfuri- que 695), on obtient toujours un produit qui renferme 1° beaucoup d’al- cool; 20 de l’éther sulfurique souvent en assez grande quantité; 30 de l’eau; et enfin, comme il s’agit avant tout de se procurer de l'acide acétique du Codex, qui est le vinaigre radical, ce procédé ne laisse pas d’être trés- dispendieux. Il est vrai que le prix lui importe fort peu, et qu'il a pris ses précautions pour ce qui regarde la pureté du produit, en déclarant à la fin du chapitre : «que cet éther n’était pas pur, qu’il renfermait en- core beaucoup d'alcool!» Ne vaudrait-il donc pas bien mieux se servir d’acétate sodique ou plombique au lieu de vinaigre radical? les produits en deviendraient plus purs et reviendraient moins cher. (Voyez Geigers Handbuch der Pharmacie, revu par M. Liebig, p. 748, ou le Traité de pharmacie de M. Soubeiran, t. VII, p. 604). Acétate plombique anhydre . ......... 16 p. PATCODIS RE Bee Te ee Meet 41/2 AGIT SUITE 2 ET nero elle de eue 6 Acétate sodique cristallisé . . . . . . . . . . 10 Acide AHIUTIQUES CHERE 15 Alcool à 85 degrés . . . . . PAR Ne” + 6 P. 175. Urée. Le Codex pourrait fort bien recommander d'employer une capsule en porcelaine pour l’évaporation de l’urine plutôt qu’une bassine en cuivre; car fraîche, elle est acide et par conséquent capable d'attaquer la bassine, et une fois hors de la vessie pendant quelques heures, elle commence à devenir alcaline et renferme de l’ammoniaque libre qui at- taque tout aussi bien le cuivre au contact de l’air que les acides. IL serait donc utile d'éviter cette complication dans l'opération. Encore préférerais- je me servir de l’urée préparée de toute pièce d'aprés le procédé de Lie- big avec le ferrocyanure de potassium, le peroxyde de manganése et le sulfate d’'ammoniaque (Anñalen der Chemie und Pharmacie, vol. XXX VIH, p. 108), il en résulterait une grande économie et le remède serait moins dégoûtant à prendre pour le malade. P.183. Succinate d'ammoniaque impur. Peut-on trouver quelque chose de plus incertain que cette préparation? — Le Codex prescrit de prendre 100 p. d'esprit volatil de corne de cerf, de saturer par l'acide succinique DE LA TROISIÈME SECTION. 467 pyro-huileux , de filtrer et de conserver pour l'usage! — On sait cepen- dant que la composition de l'esprit volatil de corne de cerf est toujours va- riable , qu’il renferme l’acétate et le carbonate d’ammoniaque en plus ou moins grande quantité, et qu’il enæst de même des différents produits Py- rogénés huileux et odorants {eupione, picamare, parafine, naphtaline, odorine, etc.), qui y sont contenus; il saturera donc une quantité d'acide succinique plus ou moins grande, ce qui rendra la préparation incertaine dans son action! N’aurait-il pas mieux valu dire, comme la pharmacopée de Prusse: Rp. Acide succinique purifié une partie, dissolvez dans 8 p. d’eau; ajoutez carbonate d'ammoniaque pyro-huileux sec, quantité suffisante pour la saturation , filtrez et conservez pour l'usage. D'aprés ce procédé on a du moins toujours une préparation à peu prés identique; car la pharmacopée ajoute encore que sa densité doit être — 1,045 — 1,055, tandis que le Codex trouve cette indication superflue; ce- pendant c’est un médicament assez énergique pour ne pas négliger cette précaution. 198. Poudres simples. Je trouve en tête de ce chapitre un grand article de généralités sur les différents modes de pulvérisation; tandis qu'on a à peine touché à la tamisation et particuliérement aux différents degrés de finesse des poudres qu’on obtient par ce moyen, suivant les mailles plus ou moins serrées des tamis. En effet, est-ce l'affaire du Codex que de nous apprendre les différents modes de pulvérisation, de trituration, etc.? Qu'il laisse ces choses aux ouvrages élémentaires et qu’il s'occupe d'objets plus importants en pharmacie et en médecine pratique. Ne devrait-il pas, par exemple, fixer les différents degrés de finesse des poudres suivant les substances et l'usage qu’on veut en faire , et nous dire ce qu’il entend par poudre grossière , fine, très-fine el impalpable, en prescrivant de faire pas- ser lespoudres à travers des tamis de soie, de crin etc., qui auraientun nom- bre déterminé de fils par millimètre carré! — Tant qu’une pareille loi n’existera pas , il sera impossible de maintenir une bonne police dans les pharmacies, où l’on trouve souvent des poudres de quinquina , de jalap, d’ipécacuanha, de calomel qui vous permettent de compter à l'œil nu les parcelles dont elles sont composées, et cependant il est de la dernière im- portance que ces substances soient finement pulvérisées pour qu’elles agis- sent convenablement et avec toute leur énergie ! Mais au lieu de cela, la plupart des paragraphes du Codex qui traitent des poudres se terminent par la recommandation «de pulvériser par trituration, par contusion , etc.!» P. 205. Poudre de racine de fougère mâle. Pourquoi ne pas faire pour cette racine, la même observation qui a été faite plus loin pour la poudre de seille, c’est-à-dire, «de la remettre à l’étuve aprés sa préparation el de lenfermer dans des bocaux bien secs et de petite capacité. On doit d’ail- leurs n’en préparer que de petites quantités à la fois.» Il est cependant si important d'administrer la fougèére mâle dans un bon état de conserva- tion , afin d'en obtenir de bons effets. P. 214. Poudre de vanille. Le Codex, en prescrivant de pulvériser 32 p. de vanille avec 64 p. de sucre, exige une chose impossible ; car la bonne vanille renferme toujours assez d'humidité dans ses gousses pour rendre deux fois autant de sucre encore assez moite pour qu'un tamis de soie 168 MÉMOIRES ne laisse à peu prés rien passer à travers ses mailles, et certainement on ne voudra pas qu'elle soit préalablement séchée à l’étuve ! Il faudrait ou prescrire une plus grande quantité de sucre, ou y substituer du sucre de lait, et, dans tous les cas, supprimer le tamis de soie pour le rem- placer par un tamis de erin à mailles moins serrées ! P. 215. Agaric blanc. Le Codex ne veut pas qu'il reste de résidu quand on pulvérise l’agaric blanc; cependant j’ai toujours remarqué qu’il restait une fibre élastique presque impossible à réduire en poudre et qu’on pour- rait fort bien rejeter, d'autant plus qu’elle est moins active que la pre- mière poudre. P. 217. Poudre de suc de réglisse. I1 me semble que le Codex ne devrait permettre la pulvérisation du jus de réglisse qu'après avoir été purifié, car il renferme si souvent des parcelles de cuivre, qu’il pourrait fort bien en résulter des accidents fâcheux. En effet, que de fois ne prescrit-on pas de l'esprit de sel ammoniac anisé avec le jus de réglisse dans les catarrhes, etc. ! — Et, du reste , le jus de réglisse du commerce ne renferme-t-il pas toujours la moitié de son poids de substances insolubles (amidon, inu- line, etc.)! Dans le même paragraphe se trouve encore l'aloës et le cachou , qui trop souvent renferment assez de substances étrangères pour ne pas per- mettre qu’on les pulvérise sans laisser de résidu. P. 218. Poudre de gomme ammoniaque. Le Codex dit simplement de pulvériser cette gomme-résine par trituration et de la passer au tamis. L'Assa-fœtida, le Galbanum, l’Opopaxax et l’Oliban doivent être traités de la même manière! — Il aurait dû ajouter que cette opération ne peut se faire que par un temps froid (quelques degrés au-dessous de zéro), du moins pour ce qui regarde les trois premières gommes-résines ; car si on voulait les sécher à l’étuve, on leur enléverait non-seulement l'humidité qu’elles pourraient renfermer, mais aussi toute leur huile essentielle, et leur activité en souffrirait beaucoup. P. 219. Poudre de castoreum. Il n’est pas possible de pulvériser le cas- toreum sans résidu, car il reste toujours une quantité de membranes te- naces que le pilon ne peut plus diviser et dont il serait également impos- sible de priver la glande avant de commencer l'opération, comme le Codex le désire. Il vaudrait donc mieux dire : pilez jusqu’à ce qu’il ne passeplus rien à travers le tamis et rejetez le résidu..Pour le castoreum ; la dessieca- tion préalable est aussi nécessaire, tandis que pour la pulvérisation du muse on se. sert plutôt d’intermèdes, tel que la gomme, le sucre de lait, etc. P. 221. Poudre de verdet. Je trouve sous cette rubrique le sulfate de fer, qu'il est impossible de faire passer à travers un tamis de soie, à moins qu'il ne soit effleuri. P. 222, Poudre de suroæalate de potasse. Le Codex devrait dire pour le sel d'oseille, aussi bien que pour presque toutes les substances inscrites sous cette rubrique : pulvérisez par trituration ! au lieu de dire : «pilez par contusion ; » quiconque sait ce que c’est que la pulvérisation trouvera cette observation juste. Il faut avouer que dans le même paragraphe le Codex traite la pulvé- risation du calomel fort légérement, quand ilse contente de prescrire : «pilez par contusion dans un mortier de verre ou de porcelaine», sans DE:LA TROISIÈME SECTION. 4169 même dire un mot de son degré de tenuité. En effet, n’est-il pas de la plus haute importance en médecine que ce médicament soit administré sous la forme d’une poudre très-fine; et ne devrait-on pas prescrire ici la le- vigation ou, comme dit le Codex, la dilution, afin de séparer les par- ties les plus fines de celles qui le sont moins et pour le débarrasser en même temps par ces lavages du sublimé corrosif qui pourrait encore y ad- hérer ?! | P. 227. Pulpe de casse. C’est une singulière manière de faire la pulpe de casse que celle du Codex ! — Je n’ai jamais vu de gousse dont la pulpe eût pu être pulpée sans l’interméde de l’eau ! ce qui cependant ne lui pa- raît pas toujours nécessaire, pas plus que l’emploi du feu pour donner à la pulpe la consistance voulue. Le Codex fait donc la pulpe de casse sans eau et sans feu, tandis que je prétends qu’il faut toujours commencer par délayer:la pulpe avec de l’eau tiède, pulper ensuite et évaporer à une con- sistance suffisante, pour qu’elle se conserve au moins pendant quelque temps. Les pulpes de Tamarins et de Cynorrhodons ont également besoin d’être inspissées pour qu'elles se conservent bien. Pour assurer au pharmacien une bonne pulpe de casse, qui puisse se conserver indéfiniment , je voudrais que l’on évaporât la pulpe à siccité au bain-marie ou à la chaleur de l’étuve; ensuite on pulvériserait et on la conserverait dansides fioles bien bouchées. Une partie de cette poudre, délayée avec autant d’eau, donne une pulpe aussi bonne que si elle était fraîchement préparée. i P. 250. Des sucs. Le Codex ferait peut-être mieux de substituer au pro- cédé d’Appert, qui donne de trop grandes pertes par la casse, pour con- server les sucs, celui qui consiste à mettre les bouteilles remplies à peu près jusqu’au milieu du col dans un bain-marie , à faire bouillir l’eau jus- qu’à ce que le jus cesse de former une écume à sa surface, et à boucher ensuite de manière que le bouchon, préalablement mouillé, touche le suc; parle refroidissement le liquide se retire un peu, et il se forme une espéce de vide entre le bouchon et Ile liquide, ce qui maintient d’ailleurs le bouchon avec une force extrême. C’est le procédé que j’emploie pour conserver mes sucs et toujours avec un plein succés. P.245. Huile d'œufs. I1 me semble que l'expression pure et simple des jaunes d'œufs privés de leur humidité serait préférable au procédé du Co- dex, qui les épuise par l’éther; car celui-ci dissout non-seulement l'huile etla matiére visqueuse dont parle le Codex#ÿmais encore une espèce de résine et de la matière colorante qui restent en dissolution dans l’huile et lui communiquent une couleur foncée, une odeur désagréable , et un de- gré de liquéfaction plus élevé qu’à celle obtenue par expression, qui est au contraire très-fusible, sans odeur désagréable et d’un jaune clair. P. 246. Tisane de racines de quassia amara. Le Codex se trompe s’il croit qu’on emploie les racines quassia amara; c’est le bois et l’écorce de cet arbre qui est employé! P. 246. Tisane de chiendent. Tout le monde sait que la racine de chien- dent concassée s’extrait supérieurement bien par infusion, et même, suivant MM. Henri et Guibourt , la température de +20 — 300 Cart. suffit déjà; mais cela ne suffit pas au Codex : il veut qu’on en fasse une décoc- tion d’une demi-heure, ce qui ne sert qu'à donner une tisane trouble et 470 MÉMOIRES d'un arrière-goût désagréable, tandis que la tisane obtenue par infusion est claire et agréable au goût. Du reste, un peu plus loin, ie Codex se réfute lui-même quand il pres- crit de faire l'extrait de chiendent par macération, au moyen d’eau dis- tillée de 15-20 degrés de température. P.150. Tisane d'orge. Le Codex prescrit decuire l'orge ordinaire jusqu'à ce qu’elle soit bien crevée! Quant à moi, je n’en ai jamais vu de bien crevé, même aprés des décoctions très-prolongées; aussi est-il fort heureux qu’il y entre de la racine de réglisse , sans quoi cette tisane équivaudrait à peu prés à de l’eau chaude légérement jaunie. Ne vaudrait-il pas mieux faire prendre de l'orge perlé? P.252. Limonade tartrique. Le Codex n'aime pas, à ce qu'il paraît, que les proportions se ressemblent dans des préparations du reste fort analo- gues, sans quoi il mettrait pour la limonade tartrique probablement aussi 1000 p. d’eau comme pour l’hydromel simple, au lieu de 956 p. À propos des tisanes, je me permettrai de faire remarquer une impor- tante omission. Si le Codex donne des formules pour les tisanes, il devrait à plus forte raison donner des proportions exactes pour les décoctions, infusions et macérations destinées à entrer dans des potions, des mix- tures, etc. Dans les pharmacies, il ne se passe presque pas de jour sans qu'il vous arrive des formules qui prescrivent, par exemple : Rp. Infusion de fleur d'oranger, 120 grammes; décoction de guimauve , infusion forte ou faible de tilleul, infusion forte de valériane, etc. Que le Codex nous donne en tableau une proportion déterminée pour chaque substance, qu'il nous dise ce que nous devons entendre par décoction ou infusion forte, faible et moyenne , et qu’il nous tire enfin de cet embarras qui trés-sou- vent fait qu'une même potion , préparée dans deux pharmacies différentes, ne se ressemble plus, parce que chacune part d’une autre base. Il est vrai qu’on pourrait dire que les médecins doivent eux-mêmes indiquer les pro- portions; mais malheureusement cela n’arrive pas toujours; aussi le con- seil de santé de Berlin a-t-il cru nécessaire de faire cette prescription d’une manière toute spéciale dans la feuille officielle, et je crois que ce serait un exemple à suivre. P.956. Tisane royale. Il me semble qu’un tant soit peu de réflexion au- rait suffi pour déterminer MM. les rédacteurs à remplacer dans cette for- mule le cerfeuil frais, qu’on ne peut pas toujours se procurer enyhiver, par du cerfeuil sec ou par quelque semence d’ombellifère. P. 990. Émulsion simplewPartout le Codex se caractérise par ses incer- titudes et son allure vacillante ! — A quoi voulez-vous que le pharmacien se tienne, s’il reçoit, par exemple, la formule que voici : grammes. Rp. Émulsion d'amandes, 120 Eau de laurier cerise, 8 Sirop diacode, 30 Mêlez ? Il ouvrira le Codex au paragraphe émulsion simple etil trouvera: «Rp. Amandes et sucre ana, 32 grammes; eau , 4000 grammes : pilez les aman- des, etc., pour faire une émulsion.» Et plus bas: «L'émulsion ainsi pré- parée est prescrite comme tisane ; on en prescrit quelquefois de plus con- DE LA TROISIÈME SECTION. 474 centrées, et alors elles s’emploient à la dose de quelques onces.» — Est-ce qu'ici le Codex ne devrait pas indiquer le degré de force de cette émul- sion concentrée destinée aux potions, au lieu de nous laisser dans le vague? | P. 9263. Mucilage delin, de coings et de guimauve. Le Codex, en mettant sous la même rubrique ces trois substances, pour en obtenir des mucilages avec des proportions égales, commet une faute grave; 32 grammes de racines de guimauve ne sont, en effet, pas trop pour obtenir avec 192 grammes d’eau un mucilage assez épais; mais prendre 32 grammes de semences de coings pour 192 grammes d’eau, là où 5 grammes seraient déjà suffisants, cela dépasse-toute permission! — IL en est de même du mucilage de graine de lin, qui serait beaucoup trop épais. P.9266. Potion gazeuse. Il y a évidemment une erreur dans la formule de cette potion, quand le Codex dit de prendre d’une part: 2 grammes de bicarbonate de potasse et 16 grammes de sirop d’écorces de citrons, ce qui fait en tout 48 grammes; et de l’autre: 16 grammes de suc de citrons, 16 grammes desirop de limons et 64 grammes d’eau , en tout 96 grammes ; et de faire prendre successivement au malade parties égales de chacune de ces potions! Probablement il manque dans le premier mélange 78 p. d’eau pour le rendre égal en volume au second, sans quoi on prendrait d’un coup tout le bi-carbonate de potasse et seulement la sixiéme partie de la potion acide. P:9275. Teintures alcooliques. Je ne comprends pas comment on a pu laisser subsister dans le nouveau Codex les trois sortes d'alcool qu’on em- ploie pour la préparation des teintures avec les mêmes degrés de force! — Quelle corrélation y a-t-il, en effet, entre l’alcool à 21 degrés Cartier, et celui à 310 et à 34 degrés? Du premier au second, il y a 10 degrés de diffé- rence, et de celui-ci au troisième, il y en a 3 seulement. Ne devrait-il pas y avoir une succession plus égale dans les degrés de force; car cer- tainement les principes que l'alcool à 34 degrés Cartier extrait, l'alcool à 31 degrés est bien prés deles extraire aussi; tandis qu’il existe une lacune entre le 21e et le 31e degré. On aurait fort bien pu descendre du 21e de- gré au 48; car la plupart des substances herbacées, et particulièrement les plantes narcotiques, s’extrayent mieux avec un alcool faible qu'avec un alcool fort; quant au 34e degré, comme c’est celui de l'alcool 3/6 du commerce, il serait bon de le conserver, parce que cela épargneraïit la peine de changer sa force; mais pour la qualité moyenne, on aurait dû prendre le degré intermédiaire entre les deux extrêmes, ce qui nous aurait conduit au 26e degré. De l’alcool à40 degrés , il n’en est pasmême question, quoiqu'il soit indispensable pour différentes préparations, telles que la teinture d’iode, où un alcool moins fort ne dissout pas toute la quantité d’iode qu'’indique la formule; la teinture de succin , où l'alcool à 34 degrés ne dissout presque rien, et cependant pour ces deux préparations le Codex ne prescrit que de l’aloool à 54 degrés. Quant aux proportions respectives de véhicule et de substance à ex- traire, je trouve toujours le nombre 4 sur 1, et pourtant, quand il s’a- git de la préparation de certaines teintures où il entre des substances lé- gères , des herbes, des fleurs, etc., 4 parties de véhicule ne sont pas même suffisantes pour bien les mouiller; à plus forte raison ne suffiront-elles 472 MÉMOIRES pas à bien les extraire; je citerai pour exemples les teintures de digitale, d'aconit, de belladone , de fleurs d’arnica, elc., préparations si éner- giques qui deviennent par là variables dans leur action et ne représentent pas fidélement le degré d'activité de l'herbe qui a servi à les préparer. La pharmacopée de Prusse admet 6 parties sur une substance à extraire , et MM. Henri et Quibourt, sentant la faute grave dans laquelle était déjà tombé l’ancien Codex, proposérent 8 sur 4. Cette dernière proportion est à la vérité un peu trop faible et pourrait laisser jouer un trop grand rôle à l'alcool lui-même dans certains cas; mais à coup sûr la proportion adop- tée par la pharmacopée de Prusse aurait fort bien pu trouver sa place dans le nouveau Codex. Il aurait pu se prononcer sur un autre point, également assez important pour l'exactitude de la préparation des teintures. El y a des pharmaciens qui mettent avec la substance à extraire la quantité de véhi- cule prescrite, et qui, après une macéralion suflisante, expriment et fil- trent pour conserver la teinture , sans s'inquiéter de la quantité de pro- duit obtenu; d’autres , au contraire, ajoutent encore de l'alcool en lavage pour obtenir un poids égal à la quantité de véhicule voulue par le Codex. La première manière de procéder, qui donne toujours une préparation identique, quoiqu’elle puisse varier sous le rapport de la quantité, me semble préférable à la seconde, par laquelle on obtient, ilest vrai, une quantité pondérale toujours identique, mais variable en force, suivant qu’on aura employé une pression plus ou moins considérable, des sacs plus ou moins grands et d’un tissu plus ou moins épais; car de là dé- pend la perte d’une quantité de teinture plus ou moins grande, qui est alors remplacée par de l'alcool pour arriver au poids voulu. P. 275. Teinture de cannelle et, sous la même rubrique , teinture de cas- toreum, de musc, d'ambre, de digitale. Le castoreum est une substance si résineuse qu'elle devrait évidemment être extraite par de l'alcool à 54 de- grés au lieu de celui à 51 degrés qu’on emploie pour la teinture de cannelle. Il serait nécessaire aussi d'indiquer si le pharmacien doit prendre du cas- toreum du Canada ou de Russie; car la différence d'action de ces deux substances est tout aussi grande que celle du prix. — Quant à la teinture d'ambre et de musc, dans laquelle il n’y a aussi qu'une partie sur 4 de véhicule, les proportions sont beaucoup trop fortes, et je ne connais pas d'ouvrage qui en approche. — La teinture de digitale est, d'aprés la plu- part des praticiens, plus active quand elle est préparée avec de l'alcool faible ; il vaudrait donc mieux employer l'alcool à 21 degrés, comme on l'a fait , du reste, .pour les teintures de belladone, de ciguë, d'aconit , ete., plutôt que celui à 351. degrés ; du reste , on s'accorde généralement à don- ner la préférence aux teintures narcoliques préparées avec parties égales d'herbe fraîche (ou de jus).et d'alcool à 54 degrés, et, dans ce cas, Falcool descend au.moins jusqu’à 20 degrés Cartier par le suc aqueux de-l'herbe ; pourquoi donc n’emploierait-on alors pas également de l'alcool de cette force pour extraire les feuilles sèches? P. 276. Teinture de bois de gajac et de racines de jalap. Le bois de gajac et la racine de jalap, qui sont dessubstances si éminemmentrésineuses et chez lesquelles la principale action réside dans la résine, devraient être extraites plutôt par l'alcool à 349 que par eelui à 21° Cart. P.278. Teinture d'extrait d'opium. Cette prescription est au moins inu- tile dans le sens thérapeutique! On évite assez communément de donner DE LA TROISIÈME SECTION. 475 des spiritueux avec l’opium, pour ne pas augmenter l’action excitante de celui-ci sur le système circulatoire; c’est même pour diminuer cette action de l’opium qu’on en éloigne la partie résineuse par la préparation d’un extrait aqueux. Il vaut donc bien mieux doser l'extrait d’opium tel quel, plutôt que comme solution alcoolique. P. 286. Teintures éthérées. Ici, comme pour les teintures alcooliques, je voudrais voir changer les proportions du véhicule et de la substance à extraire ; il n’y aurait pas de mal qu’au lieu de 1 sur 4, la proportion fût de 1 sur 6 ou 8, et cela avec d'autant plus de raison, qu’on n’emploie guére d’autres teintures éthérées que celles où l’éther corrobore encore Paction du médicament qu’il tient en dissolution !... Presque partout le Codex prescrit de l’éther pur pour préparer ces teintures; tandis qu’il se- rait peut-être plus rationnel d’empioyer l'éther alcoolisé (liqueur anodine de Hoffmann), l’éther à lui seul étant un menstrue qui se charge de trop peu de principes actifs? c’est du moins ce que paraissent avoir senti les auteurs allemands ; car toutes leurs pharmacopées ont donné la préférence à l’éther sulfurique alcoolisé comme véhicule. Le Codex a cru devoir faire une exception dans les proportions pour la teinture éthérée de cantharides qui est de 1 sur 8; il me semble qu’on au- rait pu l’étendre encore au moins à celle du musc et de l'ambre gris. ILest vrai que la teinture de cantharides est faite avec l’éther acétique; mais cela ne change rien à la question des proportions. P. 289. Teinture éthérée de perchlorure de fer (syn. Teinture de Bes- tuchef ou du docteur Klaproth). Cette synonymie est inexacte; la tein- ture de Klaproth n’est pas la liqueur anodine martiale, mais bien une teinture faite avec 4 p. d’éther acétique, 2 p. d'alcool à 56 dégrés et du deuto-acétate de fer, autant qu’il peut s’en dissoudre. Cette erreur est copiée de l’ancienne édition du Codex. P.990. Vins médicinaux. Ces préparations forment par leur compo- sition un singulier contraste avec les teintures; je ne trouve pour la plupart d’entre elles qu’une partie de substance médicamenteuse sur 16 ou 52 p. de véhicule, tandis que les teintures en ont 4 sur 4! — Ilest vrai que les vins médicinaux se prennent ordinairement à plus forte dose que les teintures; mais la différence de 4 à 32 me paraît hors de pro- portion. P.295. Vin d'opium par fermentation. Valait-il réellement la peine de changer la formule du laudanum de Rousseau de l’ancien Codex, et d’as- Sujétir le pharmacien à trois distillations successives pour obtenir un peu d'alcool uni à un arôme à peu prés sans action sur l’économie ?. .. P: 298. Vinaigres médicinaux. À tout moment le Codex reste dans le vague, là où il serait si facile de prescrire des données fixes. C’est ce qui arrive encore dans tout ce chapitre; au lieu d'indiquer le degré de force du vinaigre à employer, il se contente de dire: «prenez vinaigre très- fort ! »..….. Qu'est-ce qui empécherait de dire en tête du chapitre que 32 gr. de vinaïgre ordinaire doivent saturer 1,25 centigr. de carbonate de po- tasse pur et 32 gr. de vinaigre fort 1,50 ! — du moins on saurait à quoi s'en tenir. P.305. Huile camphrée. Le Codex, pour pulvériser le camphre, y ajoute un peu d'alcool, ce qui trouble l'huile camphrée qui en résulte, tandis qu’il serait si simple de triturer d’abord le camphre avec quelques 174 MÉMOIRES gouttes d'huile, ce qui opérerait tout aussi bien sa division ; on évilerait ainsi la filtration, et la présence d'un corps étranger et inutile, P. 312. Eau distillée. Le Codex dit: «Rejetez le premier quart de li- quide comme moins pur.» C’est beaucoup trop rejeter : la dixième ou quinzième partie suffirait déjà. P. 315. Eau distillée d'amandes amères. Le Codex prescrit de prendre du tourteau récent d'amandes amères 1 kilogr., de le délayer dans suffi- sante quantité d’eau commune pour obtenir une bouillie bien liquide, ete. , et enfin d’en retirer par distillation 2 kilogr. Cette maniére de pro- céder pour obtenir un médicament aussi important et du reste aussi va- riable par lui-même, mérite une critique sévére. La nature du sol qui produit les amandes amères et la variabilité de la pluie et du beau temps, qui a tant d'influence sur la formation du principe cyanique, aussi bien que le mélange d'amandes douces qui a presque toujours lieu, sont, il me semble , déjà assez de causes d'incertitude, pour qu’on s'efforce de ne pas en ajouter encore par la préparation. IL serait nécessaire que le tourteau d'amandes fût non-seulement frais, mais encore exprimé à froid et pul- vérisé, pour pouvoir être délayé convenablement ; ensuite vouloir obtenir une préparation invariable avec du tourteau d'amandes amères , est chose aussi impossible que d'arriver à des nombres connus par des inconnus ; car suivant qu’on aura fait subir aux amandes une pression plus ou moins forte pour en obtenir l'huile , le tourteau donnera un produit plus ou moins actif; et enfin, au lieu de faire subir à la préparation de l’eau d'amandes amères un changement semblable à celui qu'on a fait pour l'eau de laurier-cerise, c’est-à-dire de retirer 1 kilogr. d’eau par kilo- gramme de feuilles employées, on se garde bien de prendre pour base les amandes elles-mêmes; mais bien le tourteau qui, comme je l'ai déjà dit, est éminemment variable de sa nature , et au lieu de retirer 1 kilogr. d’eau par kilogramme de tourteau, on en retire 2 kilogr. Je proposerais donc de faire subir à cette formule la transformation que voici : Rp. Amandes améres sèches récentes et époussetées 1 kilogr., pulvé- risez , exprimez-en l'huile à froid, pulvérisez de nouveau le tourteau et délayez avec eau commune froide q. s., pour obtenir une bouillie bien liquide , introduisez dans la cucurbite d’un alambic, monez, etc. (comme c’est expliqué dans le Codex), continuez la distillation jusqu’à ce que vous ayez obtenu 1 kilogr. d’hydrolat, c’est-à-dire autant de produit que d'amandes employées. P. 516. Eaux distillées renfermant des huiles essentielles. Si par la dis- tillation d’une racine, d’une herbe, d’une fleur ou d’une semence aroma- tique avec de l’eau , il se sépare beaucoup d'huile essentielle , soit au fond, soit à la surface, cela prouve que l’eau elle-même en est amplement chargée , et qu'une nouvelle quantité d’eau serait nécessaire pour dis- soudre l'huile essentielle séparée. Or, c’est ce qui arrive pour plusieurs des eaux distillées du Codex, et entre autres pour l’eau de fleurs d'oranger, l’eau de roses , l'eau de menthe poivrée, celle de fenouil, de persil, d’an- gélique, de racines de valériane , de baies de genièvre, etc. , et considé- rées sous ce rapport , les proportions du Codex sont trop fortes, à moins qu'on ne veuille obtenir en même temps les essences de ces plantes !.… P. 522. Huiles essentielles. Je remarque dans ce chapitre l’omission de l'huile de camomille vulgaire (matricaria chamomilla L). Il paraît que le DE LA TROISIÈME SECTION. 475 Codex n’admet pas cette espèce comme officinale , quoiqu'elle soit bien plus usitée en Alsace et en Allemagne (voyez Richters Arzneymittellehre), que la camomille romaine , aussi bien que son huile essentielle. P. 556. Alcoolats. Le Codex dit: «que pour les alcoolats on se sert d’al- cool à 31 degrés.» Je crois qu'ici l’on ne gagne rien à prendre de l'alcool si fort, car en distillant avec de l'alcool une plante qui renferme beaucoup d'huile essentielle , l'alcool n’entraîne d’abord que fort peu d’essence , tan- dis qu'il s’en charge davantage au fur et à mesure qu'il coule plus faible, c'est-à-dire quand il se rapproche du point d’ébullition de l’eau. Il est donc clair que pour obtenir un alcoolat bien chargé, il faut prendre un alcool d'une force moyenne (de 24 à 26 degrés), afin que vers la fin de la distil- lation il passe pendant quelque temps un alcool trés-faible qui entraîne l'huile essentielle; d’un autre côté il doit cependant avoir toujours une force telle qu'il ne devienne pas opalisant, ce qui arrive quand il ne peut pas dissoudre toute l'huile essentielle. Je trouve la force de 31 degrés ou- trée surtout dans certains cas, par exemple pour l'esprit de cochlearia, de romarin, etc.; où le Codex ne retire sur 6 p. d'alcool à 31 degrés em- ployées, que 5 p. d’alcoolat ; ou quand les substances soumises à la distil- lation renferment des huiles essentielles plus lourdes que l’eau, qui ont également un point d’ébullition plus élevé, comme la cannelle, les clous de girofle, etc. Il eût été aussi plus rationnel que le Codex indiquât pour chaque alcoolat le degré aréométrique qu'il doit marquer plutôt que la quantité à obtenir; car en agissant comme il le veut, on obtient facile- ment des résultats inexacts, soit que l’alambic ne ferme pas trés-bien, soit qu'il y ait perte d'alcool d’une autre manière. Quelle exactitude y a-t- il en effet dans cette formule de l’eau de mélisse composée, quand il dit: «distillez au bain-marie pour retirer toute la partiespiritueuse ,» ou comme pour l’eau de Cologne: «distillez jusqu’à ce qu'il ne reste plus dans la cu- curbite que la cinquième partie du mélange!» P. 541. Extrait de réglisse. N'est-ce pas un luxe superflu que de pres- crire de l’eau distillée pour la préparation des extraits? Cette précaution n’est guére nécessaire que pour l'extrait de quinquina préparé à froid, l’ex- trait d’opium et quelques autres ; mais en général l’eau bouillie est suffi- sante pour la plupart des opérations de ce genre, et je suis sûr qu'il n’y pas deux pharmaciens en France qui suivent cette prescription. P. 545. Extrait de genièvre. Le Codex fait extraire les baies de geniévre par l’eau froide; on obtient de cette manière un extrait d’une consistance bien homogène et même assez agréable au goût; mais il me semble que ce ne sont là que des choses accessoires ; le but principal , c’est d'obtenir une préparation active, et comme l'extrait de genièvre, est toujours donné pour provoquer la diurése, l'extraction des baïes devrait se faire par décoction dans un alambic, afin d’y faire entrer autant de résine que l’eau en peut tenir en suspension, et d’un autre côté, pour en retirer autant d'huile es- sentielle que possible, que l’on ajoute ensuite à l'extrait au moment de le finir; car la résine et l'huile essentielle des baies de genièvre sont certai- nement bien plus diurétiques que l’extrait gommeux. » Pour l'extrait de valériane, je proposerais le même procédé, l'huile es- sentielle de cette plante en étant probablement le principe le plus actif? P. 3545. Extrait de casse. À côté de la pulpe de casse cette ePeen n'est-elle pas superflue? 476 MÉMOIRES P. 346, Extrait d'opium. Page 557, dans les généralités sur les extraits, le Codex dit: «Toutes les fois qu'on a recours à une dissolution artifi- cielle, quelle que soit celle du véhicule de dissolution, il faut s’efforcer d'obtenir des liqueurs trés-concentrées, afin de les soustraire autant que possible aux chances d’altération que les matières d’origine organique éprouvent pendant leur évaporation au contact de l'air.» Or, iei il prescrit juste l'opposé en faisant prendre 6 kil. d’eau sur 500 grammes d’opium et plus tard 4 kil. pour redissoudre l'extrait évaporé. Si, au lieu d'agir ainsi, on faisait macérer l’opium dans quatre fois son poids d’eau seulement, on éviterait non-seulement une longue évaporation, mais encore on obtien- drait un extrait qui ne se troublerait plus par sa redissolution, etqui, par conséquent , rendrait la seconde opération du Codex superflue (voyez l'extrait d’opium de la pharmacopée de Prusse); il y aurait donc économie de temps, de peine, de combustible, d’eau distillée et une moins longue exposition de l'extrait aux influences de l’air et du feu. La différence qui résulte de ces deux manières de procéder pour l’ex- trait d’opium , s'explique trés-bien quand on pense que lorsque deux subs- tances, dont l’une trés-soluble et l'autre peu, se trouvent ensemble ex- posées à l'influence dissolvante de l’eau; l’eau, s’il n’y en a pas trop; com- mencera par dissoudre la substance la plus soluble sans toucher à la seconde, tandis que, s’il y en a beaucoup, elle dissoudra d’abord la subs- tance la plus soluble et viendra ensuite se saturer de celle qui l'est moins, particulièrement si, comme le veut le Codex, l’on malaxe la masse entre les mains et qu'on en fasse deux macérations ; car ce qui rend nécessaire la redissolution de l'extrait du Codex, c’est la nécessité d'en ôter une nou- velle quantité de substance insoluble. P.550. Extrait alcoolique de ciguë. Le Codex ne prescrit pour les ex- traits des plantes narcotiques (la ciguë, la belladone, la jusquiame, la stramoine , etc.) pas moins de quatre modes de préparation, tous néan- moins insuffisants pour arriver à un bon résultat. Le premier consiste à rapprocher à consistance extractiforme le suc épuré de l'herbe fraîche. Le deuxième joint la fécule verte au suc inspissé. Le troisième est une ex- traction aqueuse de l’herbe sèche. Le quatrième enfin est une extraction alcoolique ! N’y a-t-il pas de quoi jeter la confusion dans tous les esprits, et tout d’abord dans celui du médecin, qui ne sait pas trop à quelle pré- paration donner la préférence dans un cas donné? Les expériences diri- gées dans ce sens sont encore trop peu nombreuses, et un Codex ne de- vrait jamais multiplier les préparations d'un même médicament, à moins que la thérapeutique ne soit venue en prouver la nécessité par des diffé- rences d'action assez notables. Un pareil ouvrage ne s'occupe pas d'essais à faire, son rôle est d'enregistrer des préparations reconnues aclives par l'expérience. Le pharmacien, de son côté, sera souvent dans une grande perplexité pour savoir laquelle de ces quatre préparations il devra donner; car le médecin, en prescrivant un extrait narcotique, ne songe pas tou- jours à indiquer en même temps le mode de préparation , et, au lieu d'un seul vase, il faudra qu'il y en ait chaque fois quatre dans l’officine , qui n’est déjà que trop remplie. N’aurait-on pas bien mieux fait de donner pour chaque plante la préparation d’un seul extrait qui représentât autant que possible toutes ses propriétés pour n’en séparer que les parties inertes, tel que le ligneux, la fécule, la chlorophylle, etc.; on y serait parvenu DE LA TROISIÈME SECTION. 457 en suivant le procédé de la pharmacopée de Prusse, qui recommande d'exprimer d’abord le jus de l'herbe fraîche , de joindre le coagulum du jus, opéré au moyen du feu, au résidu de l'expression, et d'extraire en- suite par l'alcool à 34 degrés; après vingt-quatre heures de macération, on exprime, on filtre et on en retire l'alcool par la distillation au bain- marie; le résidu est ensuite joint au jus aqueux déjà évaporé à consis- tance sirupeuse , et le tout amené au bain-marie à consistance d’extrait mou. L'expérience a prouvé (voyez pour cela les ouvrages de thérapeu- tique allemands) que les extraits préparés de cette maniére sont trés-ac- tifs et préférables à tous les autres, excepté peut-être à ceux qui seraient . préparés par évaporation dans le vide. Il est vrai que le même ouvrage ajoute encore un autre procédé pour préparer ces extraits avec de l'herbe sèche; mais ce procédé n’est indiqué que parce qu’on manque dans cer- tains endroits d'herbe fraîche, et qu’on préfére que le pharmacien, au lieu d'acheter ces sortes de médicaments, les prépare lui-même, afin qu'il * en soit garant. Il y a encore un autre mode d'extraction qui mériterait plus d'atten- tion , c’est celui par le vinaigre, qui facilite la dissolution des alcaloïdes dans les plantes qui en renferment et donne de la fixité à certains prin- cipes volatils actifs; l'extrait acéteux des bulbes de colchique, par exemple, est bien plus actif que leur extrait spiritueux ou aqueux. P.554. Sirops. Avant d'entrer dans les détails de ce chapitre, je crois devoir faire quelques considérations générales pour me faciliter la tâche. Presque partout le Codex prescrit du sirop simple déjà préparé, auquel il fait ajouter la décoction, l’infusion ou la solution médicamenteuse, ac- compagné de différentes manipulations pour terminer les sirops. — Il n’y a certainement rien de plus simple et de plus naturel quand la quantité de liquide à y ajouter n’est que trés-petite, comme pour les sirops de sulfate de quinine, d’acétate de morphine, d'acide cyan-hydrique, etc.; mais sila quantité en est grande, cette maniére d’opérer présente alors de graves in- convénients! — Ou il faut évaporer fortement le sirop simple, pour qu’il constitue de nouveau avec le liquide à ajouter un sirop de bonne consis- tance, et, dans ce cas, on nesait jamais bien à quelle époque arrêter l'éva- poration; et le sirop lui-même, quoique primitivement clair, rejette par l'évaporation prolongée de nouvelles impuretés et devient de plus en plus coloré! — Il faut donc ou ajouter aussitôt le liquide médicamenteux au si- rop simple et faire cuire ensemble jusqu’à consistance voulue, comme pour lessirops d’ipécacuanha, de belladone, de thridace, de guimauve, etc! — Ou bien, il faut combiner les deux procédés sus-mentionnés pour:les sirops dans lesquels il doit entrer des principes volatils et extractifs à la fois ; tels que: les sirops de mousse de Corse, de douce-amèére, de va- lniono;, etc. Que de peine pour obtenir des préparations qu'on pourrait » faire aussi bien à moins de frais et d’embarras? À tous ces procédés je proposerais de substituer un mode d’agir plus simple et plus rationnel. D'abord, je pose comme fait prouvé par l'expérience, que le sirop simple , faitavec du beau sucre en pains, offre plus d'avantage que celui préparé ayec de la cassonade, comme l'indique le Codex (à moins qu’on magisse sur de grandes quantités), malgré la différence du prix d'achat; car celle-ci est presque toujours un peu humide et salie par des impuretés, cequi retient beaucoup de matiére sucrée sur le colatoire; de plus, elle Il. 42 178 MÉMOIRES renferme encore de la mélasse , du mucilage, des substances salines, ete., ce qui rend les sirops plus fermentescibles et par conséquent moins aptes à la conservation. Je commencerais 4° par ne faire qu'un seulsirop simple avec du sucre blanc en pains, qui servirait à faire les six premiers sirops inscrits dans le Codex, ainsi que le sirop de gomme. 20 Au lieu de sirop simple ordinaire, je me servirais pour tous les sirops faits avec des subs- tances seulement extractives et non volatiles, de 2 p. de sucre et d’un peu plus de 4 p. (1000 p. sur 625) de soluté, d'infusé ou de décocté médicamen- teux et de blanc d'œuf en suffisante quantité ; je ferais jeter quelques bouil- lons pour clarifier et je filtrerais à travers une flanelle. J'excepte toutefois de cette catégorie les sirops de guimauve , de consoude et de cynoglosse, auxquels il ne faut pas de blanc d’œuf pour devenir clairs; le sirop de ra- tanhia, qui en deviendrait trouble et qui rentre pour cela dans la caté- gorie suivante, et le sirop de gomme, qui se fait mieux à froid par un mélange de sirop simple et de soluté de gomme fait avec parties égales de gomme et d’eau. D’après ce procédé, on obtient des sirops fort peu expo- sés au feu, d’une consistance convenable et très-clairs, tandis que ceux du Codex sont ordinairement un peu troubles. 5° Pour les sirops qui ne renferment que des principes volatils ou des principes extractifs et volatils à la fois, je prendrais 1 p. de liquide médicamenteux filtré ou éclairci el 2 p. de sucre blanc en pains, et je dissoudrais à froid ou je chaufferais lé- gérement au bain-marie eten vase clos jusqu’à solution complète. On ob- jectera peut-être que ces derniers sirops sont un peu troubles; mais l’'éva- poration prolongée des sirops du Codex, le brusque mélange des liquides aqueux avec les sirops cuits à la plume, produisent également toujours des sirops pour le moins aussi troubles et ont de plus l'inconvénient d'être plus dispendieux et de donner lieu à plusieurs opérations au lieu d’une seule. Du reste, on peut toujours avoir recours à la filtration si l’on exige un sirop clair. Il y a, toutefois, quelques exceptions à ces deux procédés dont il sera question plus bas. (Voyez aussi Monographie des saccharolées liquides, de M. Mouchon.) Je voudrais également voir régner pour les sirops un peu plus d'har- monie dans les proportions respectives de la substance médicamenteuse et du sucre. Je ne trouve, par exemple, que 48 gr. de racines de gentiane sur 1 kil. de sucre, tandis qu’on prescrit sur 500 gr. de sucre 96 gr. d'é- corce de quinquina ! P. 560. Sirop d'extrait d’opium. Je ne sais trop pour quelle raison l'on a diminué de moitié la force de ce sirop, en ne mettant que 0,09 centigr. d'extrait d’opium sur 30 gr. de sirop, au lieu de 0,18 centigr., comme le voulait l'ancien Codex. Il me semble qu’une fois que l'habitude a consacré quelque chose et qu’il n’y a pas de raison valable pour le changer, il vaut mieux ne pas y mettre la main; et je ne sache pas qu'aucun praticien se soit plaint de la composition de ce sirop, d'autant plus qu'on n'a qu'à y ajouter encore du sirop simple si on le désire plus faible , tandis qu'il se- rait plus embarrassant d'en augmenter la force si on voulait y ajouter une nouvelle quantité d'extrait: ce serait un travail à recommencer. Sirop de pavot blanc. Le Codex dit que pour faire ce sirop, il faut dis- soudre de l’éxtrait alcoolique de têtes de pavots dans de l’eau pure, filtrer le soluté, l'ajouter au sirop simple bouillant et le cuire en consistance de sirop. Mais 40 nulle part le Codex n'indique comment cet extrait alcoolique DE LA TROISIÈME SECTION. 479 doit être préparé; 2 une bonne quantité de cet extrait ne se redissout plus dans l’eau, et 5° si l’on faisait ce sirop ayec du sucre blanc et un décocté aqueux de têtes de pavot amené à une consistance de + 350, on obtiendrait une préparation tout aussi active et qui se SARSAENEr AN três- bien. P.5653. Sirop de fleurs d'oranger. Sous la même rubrique, jetrouve aussi les sirops de cannelle , de roses, de menthe poivrée et de laitue ; or, c’est de ces derniers que je veux parler. Suivant le Codex, tous ces sirops doivent être préparés avec l’eau distillée de ces plantes; mais on se trompe fort si l’on eroit que les praticiens n’y recherchent que l’arome; que de fois ces sirops ne sont-ils pas prescrits pour corroborer l’action du mé- dicament principal ; souvent on ajoute le sirop de cannelle comme astrin- gent à une décoction de quinquina, le sirop de roses à cent feuilles à une potion laxative, celui de laitue à une potion narcotique , etc., et certes ce n’est pas leur arome qui en est le motif! — Pourquoi donc corriger l'ancien Codex dans ce qu'il avait de bon ? ses sirops de menthe poivrée et de cannelle valaient certainement mieux que ceux du nouveau. P.367. Sirop de violettes. Dans cette préparation , le Codex pèche contre un des premiers préceptes de chimie , à savoir : la couleur bleue des vio- lettes est verdie par les alcalis et rougie par les acides ! — Qu'on prenne en effet de l’eau bouillante, comme c’est prescrit, pour faire l’infusion des pétales de violettes, les carbonates calcaire , magnésien et sodique des eaux de source auront bientôt changé la belle infusion bleue en un liquide vert bleuâtre, sale et trouble qui donnera ensuite un sirop abominable. IL est de toute nécessité qu’on prenne de l’eau distillée pour cette prépa- ration. La même précaution est à prendre pour les sirops de cagaphiess, d'œillets, de pivoine , etc. P. 568. Sirop d'écorce d'oranges amères. Presque toutes les pharma- copées préparent ce sirop avec du vin, et je crois qu’elles ont raison; pour s’en convaincre, on n’a qu'à examiner comparativement le sirop du Codex fait par extraction aqueuse ayec celui où le vin sert de véhi- cule. Le premier a une saveur légèrement aromatique et à peine amére, tandis que le dernier a une amertume trés-prononcée et beaucoup plus d'arome, et comme il faut tâcher de rendre un médicament actif avant de penser à le rendre agréable , il me semble qu’il serait préférable d’em- ployer le vin pour menstrue de l'écorce d'orange , d'autant plus que dans tous les cas où ce sirop est employé , le vin ne peut qu'être un bon adju- vant. P. 572. Sirop de tolu. Le Codex prescrit 125 gr. de baume de tolu pour obtenir 1500 gr. de sirop procédé est fort peu économique; ear on pourrait avec la même itité de baume obtenir trois fois autant de sirop tout aussi fort, même sans s’écarter du procédé du Codex, car l’eau ne dissout qu’une fort minime quantité de baume. (Voyez aussi la critique de M. Bouchardat, Annuaire de thérapeutique, 1842, p. 49.) P. 378. Sirop des cinq racines. L'explication que donne le Codex de la préparation de ce sirop paraît énigmatique à la première lecture; mais bientôt , en relisant le paragraphe avec beaucoup d'attention , on s’aper- coit ou bien que l’auteur ne s’est pas compris lui-même, ou bien encore qu’il a commis une erreur grave; car il prescrit de faire une première in- fusion des espèces avec 2250 p. d’eau et. une seconde ayec 4000 p. , d’ajou- 42. 150 MÉMOIRES ter ensuile à cette seconde infusion 5750 p. de sirop de sucre, et d'éva- porer jusqu’à ce qu'il ait perdu en poids une quantité égale au poids de la premiére infusion , d'y ajouter rapidement celle-ci et de passer. Or, supposons que de 2250 p. d’eau employées à la première infusion , il en soit resté 2000, il faudrait donc évaporer les 3750 p. de sirop, plus les 4000 p. de la seconde infusion, ajoutées (au total 7750) de 2000 p. seule- ment , il resterait donc 5750 p., auxquelles on ajouterait la premiére in- fusion , ce qui reconstituerait le nombre 7750, dans lequel se trouveraient alors seulement 3750 p. de sirop d’une consistance convenable et 4000 p. d'eau. Le sirop des cinq racines du Codex serait donc un composé de 2500 p. de sucre et de 5250 p. d’eau, renfermant un peu de matiére P. 583. Sirop de raifort composé (syn. Sirop anti-scorbutique). Au lieu dé faire ce sirop moyennant une distillation et deux sirops préparés sépa- * rément, comme le veut le Codex, n’aurait-il pas mieux valu faire l’opé- ration d’un seul coup , en faisant digérer pendant trois à quatre jours les différents ingrédients , réduits en bouillie avec le quart du vin prescrit et la quantité d’alcool qui représente les autres trois quarts, de passer en- suite le liquide avec expression, de filtrer et d’en faire un sirop par sim- ple solution en vase clos et aù bain-marie à une douce chaleur ? Le sirop ainsi préparé vaut mieux que celui du Codex, car il n’y a ni perte de par- ties volatiles, ni action prolongée du feu sur les matières extractives , ni risque de décomposer en partie le principe volatil soufré du cochléaria etduraifort par le plomb qui se trouve ordinairement mêlé en petite quan- P.596. Thériaque. Messieurs les rédacteurs du Codex se font illusion s'ils croient qu’il y ait un seul pharmacien en France qui prépare la thé- riaque d’après la formule inscrite dans le Codex ; car il est à peu près im- possible, à moins de frais énormes , de se procurer toutes les substances qui y entrent. Il est vrai qu'il y a des pharmaciens qui font leur possible sous ce rapport et y mettent ce qu'ils peuvent; mais dés qu'on omet une seule substance, on peut tout aussi bien en omettre deux, trois et plus, ou les remplacer par d’autres qui leur sont analogues; et avec ce raisonnement, la thériaque est ordinairement tout autre chose que la pré- paration du Codex. On dit bien en théorie qu'il ne faut rien changer à la formule , parce que nous ne pouvons pas savoir quelles combinaisons et décompositions se font entre tant d'éléments hétérogènes , et parce que nous connaissons maintenant l’action de ce médicament; mais en pratique nous voyons qu’on dévie pour ainsi dire forcément de ce principe, et comme chacun omet ou substitue les substances d’après sa maniére, il se trouve qu'il y a presque autant de variétés de thériaque que de pharmacies. Il vaudrait donc mieux, à l'instar des pharmacopées allemandes, simpli- fier cette formule et par là la rendre plus exécutable, tout en lui conser- vant autant que possible ses propriétés primitives. P.404. Electuaire diaphæniæx. Préparation tombée en désuétude et inu- tile dans le Codex. 6 P. 416. Eleosaccharum de citrons. N'est-ce pas une faute d'impression que de prescrire un citron sur deux gros de sucre pour faire un eleosac- charum ? probablement on a voulu mettre deux onces, car avec deux gros de sucre et la partie jaune d'un citron on obtiendrait une bouillie et DE LA TROISIÈME SECTION. 481 non un eleosaccharum. Mais supposons pour un moment qu'on ait voulu mettre deux onces au lieu de deux gros, il y auraït encore trop peu de sucre et nulle proportion entre cet eleosaccharum et ceux faits avec les huiles essentielles , où il n’y a qu’une goutte d’essence par 4 gr. P. 422. Tablettes de fer. Il me semble qne le nouveau Codex aurait dû corriger cette ancienne formule, pour éviter aux estomacs le travail d’oxydation du fer que l’humidité de la masse ne fait qu’en partie; car dès que ce métal arrive dans les voies digestives, le malade a des renvois de vapeurs nidoreuses, composées en grande partie d'hydrogène, d’un peu d'hydrogène carboné et de ce principe pyrogéné odorant qui accompagne toujours l'hydrogène dégagé du fer. C’est même pour cet inconvénient que la thérapeutique éelairée a pour ainsi dire rélégué le fer métallique en poudre, en lui préférant, soit l’oxyde ferreux, soit l’hydrate de sous- carbonate de fer. P. 453. Cérats. On sait que les divers cérats ont l'inconvénient ,; quand” ils ont été appliqués sur des plaies, de répandre une odeur rante désa- gréable ; on sait aussi que la cire détermine sur le pourtour desplaies des croûtes qui irritent la peau et produisent souvent des excoriations de na- ture à retarder plus ou moins la guérison. Pour parer à tous ces inconvé- nients, M. le docteur Stæss a tenté de substituer à la cire le suif fraîche - ment délaissé, et au beurre frais un mélange d’huile d'olives et de suif, et, il faut le dire, avec un plein succés; car, traitées de cette manière, les plaies non-seulement ne répandent plus d’odeur, maïs encore restent toujours propres, et aucune croûte ne vient se former à leur pourtour. Je proposerais donc à la commission chargée de la prochaine révision de faire faire des essais dans ce sens, pour voir si, dans les préparalions analogues aux différents cérats, il ne vaudrait pas mieux de remplacer la cire par des proportions convenables de suif. P. 463. Pommade mercurielle. Tout le monde säit que pour préparer cette pommade suivant le procédé du Codex, il faut un travail continu de quatre à cinq jours , encore les globules mercuriels ne disparaissent-ils que par l’action de l’air constamment renouvelé sur la graisse qui en est oxydée; aussi est-il rare de trouver de la pommade mercurielle qui ne sente pas un peu le rance. Je proposerais donc, dans le but de gagner du temps, d'opérer l'éxtinctiou avec 100 gr. de pommade mercurielle prove- nant de la précédente opération sur 1000 gr. de mercure coulant ; une tri- turation de deux heures suffit ordinairement pour faire disparaître le der- nier globule métallique ; on y ajouterait ensuite la graisse, ou mieux un mélange de 200 gr. de suif et 800 gr. de graisse, parce que la pommade du Codex est un peu trop molle, particuliérement en été où elle devient souvent semi-liquide. P. 464. Pommade de cirillo. Ne vaudrait-il pas mieux dissoudre le su- blimé corrosif dans un peu d’alcool et l'ajouter ensuite à la graisse en tri- turant pendant quelques minutes pour faire évaporer l’alcool, au lieu de l'ajouter tel quel: la division serait plus compléte et l’on s’épargnerait le travail de la porphyrisation. P. 464 Pommade hydriodatée. Le Codex prescrit 1 p. d'iodure potassi- que sur 8 p. de graisse. Cette proportion, pour une prescription générale, est certainement trop forte; que de fois n’ai-je pas vu survenir des érup- lions, des boutons et des irritations locales avec la pommade de cette force. 182 MÉMOIRES Je ne dirai pas que les praticiens ne trouvent quelquefois bon de renforcer la proportion d’iodure potassique ; mais en thése générale, cela n’est pas nécessaire, et je crois que 1 p. de sel sur 12 à 16 p. de graisse serait sufli- sant. Il vaut également mieux dissoudre l’iodure potassique dans quelques gouttes d’eau et le mêler ensuite à la graisse plutôt que de préparer cette pommade sur le porphyre , comme le veut le Codex !... P. 464. Pommade iodurée. Ici non-seulement la même proportion d’io- dure potassique et de graisse est maintenue , mais il y a encore en sus 1 p. d’iode (ce corps déjà si irritant en lui-même) sur 3 p. d’iodure potassique; évidemment c’est sortir des bornes de la prudence. P. 475 Emplâtre agglutinatif. Cette préparation ne vaut rien comme emplâtre agglutinatif et doit être entiérement rejetée, par la raison que pour cet usage il faut une composition qui renferme peu ou point de substances irritantes; car l’on a ordinairement le plus grand intérêt à ne pas irritér les bords de la plaie avec des bandelettes agglutinatives, parti- culièérement aprés les grandes opérations. Or, l'emplâtre du Codex ren- ferme de la poix blanche, de la résine élémi, de la térébenthine et de l'huile de laurier, toutes des substances plus ou moins irritantes. Je pro- poserais en place de cet emplâtre la formule suivante comme remplissant mieux le but qu'on se propose; je la dois également à l’obligeance de M. le docteur Stæss : Rp. Emplâtre simple (préparé avec de la graisse de porc) . ; . . . 3p. DiachYION COM POS LM LE IMIRNRETMERT CNTDEMEMERUE 1 GOOpRATE PE ROMA EE ME TOUR SE ENT HENANAE 1 faites fondre ensemble et malaxez pendant longtemps. P. 476 Emplâätre d'acélate de cuivre. Si au lieu d'ajouter le sous-acétate de cuivre à la masse emplastique à une température fort peu élevée, comme le veut le Codex, on l’ajoutait après avoir chauffé celle-ci jus- qu’à + 1000 centigrades, l’acétate , au lieu d’être mélangé seulement, s'y dissoudrait parfaitement sans se désoxyder, ce qui vaudrait certaine- ment mieux qu'un simple mélange où l’on risque toujours que l’acétate de cuivre ne se mette en partie au fond pendant le refroidissement de l’em- plâtre. Quant à la térébenthine, pour n’en rien perdre, on pourrait ne l’a- jouter que lorsque la masse serait un peu moins chaude. P.477. Emplâtre de ciguë.Cetemplâtre, qui aété mairitenu intégralement tel qu’il est dans l’ancien Codex, est, quoi qu’en disent M. Soubeiran et le Codex lui-même, très-difficile à faire et dispendieux par l'emploi de l'alcool etdu feu, lamasse d’ustensiles qu’on salit, la perted’emplâtreetletemps qu'il faut y mettre , pour obtenir au bout du compte une préparation bien moins active qu’on ne le croirait à en juger d'aprés les substances qui le compo- sent; car 1° la matière extractive de la ciguë, qui renferme les principales vertus, ne se dissout pas dans la cire et les résines avec lesquelles on la fait cuire , elle reste en grande partie dans les fêces, il ne s’y dissout que la partie résineuse de la plante; il vaudrait donc mieux y faire entrer l'herbe, convenablement séchée sous forme de poudre fine; et comme 1000 p. d'herbe fraiche donnent en moyenne 185 p. d'herbe sèche, il x aurait 185 p. de poudre de ciguë à introduire dans l'emplâtre. 20 La gomme- résine ammoniaque, quand on la soumet à la distillation avec de l'alcool, perd ses parties volatiles qu’il serait important de conserver à l’'emplâtre, et on pourrait fort bien l’introduire sous forme de poudre de concert avec DE LA TROISIÈME SECTION. 485 la ciguë (bien entendu la poudre préparée par un temps froid , comme je l'ai dit plus haut). Emplâtre diachylon gommé. Quant à linfsodustion des gomme-résines dans.cet-emplâtre , je fais iei la même observation comme pour l'emplâtre de ciguë: il vaudrait bien mieux en préparer des poudres fines et les in- troduire sous cette forme, que d'aller salir une cornue ou un alambic avec toutes ces résines et perdre l’alcool et les huiles essentielles de celle- ci. Ou bien l’on pourrait opérer la solution des gomme-résines dans la té- rébenthine et la poix blanche , ce qui se fait très-facilement, passer à tra-- vers un tamis en crin un colatoire ou un tissu en fil de fer légèrement chauffé; faire le mélange avec le reste de la masse et ajouter enfin, si c’est nécessaire , un peu d’essence de térébenthine pour remplacer celle qui a pu se perdre pendant la dissolution des gomme-résines. P, 486. Emplâtre brun. Si, au lieu d'ajouter la litharge au mélange em- plastique quand il commence à fumer, comme le Codex le prescrit, on l’ajoutait seulement quand il est à peu prés assez brûlé, on agirait d’une manière plus logique; car, dans le premier cas, la graisse s’acidifie aux dépens de la litharge même ; il y en a donc une partie de réduite à l’état métallique, qui forme alors un dépôt dans l’emplâtre fondu, et une autre portion se combine à la graisse acidifiée; tandis que, dans le deuxième cas, toute la graisse s’oxyde aux dépens de l'oxygène de l'air, et la litharge ajoutée peut s’y combiner directement sans perdre de son oxygène; aussi cet emplâtre ne forme point de dépôt et ne jaunit pas par le temps, comme le ferait celui du Codex si l’on n’avait pas soin d’y ajouter de la poix noire. Sparaërap commun. Le Codex ne va-t-il pas prescrire de l’emplâtre diachylon gommé pour en faire le sparadrap commun! — Messieurs les membres de la commission paraissent avoir ici perdu de vue une des con- ditions d’un bon sparadrap commun, qui sont : de n'être pas irritant et de bien coller. Cette dernière condition est à la vérité remplie, mais non la premiére ; car l'emplâtre diachylon gommé est au contraire fort irri- tant, et ne doit pour cela entrer dans la masse que pour une petite pro- portion Je proposerais de prendre ici le même emplâtre que celui que j'ai proposé plus haut comme emplâtre agglutinatif, en y ajoutant par kilogramme d’emplâtre 15 grammes de résine élémi pour lui donner plus de liant; mais ceci seulement dans le cas où l’on voudrait étendre l’em- plâtre sur la toile au moyen du sparadrapier; car si l’on fait l'opération avec le couteau ou la spatule, cela est inutile. P. 500. Fomentations de fleurs de sureau. Il me semble que 10 gram- mes de fleurs de sureau sont une dose trop petite pour un litre d’eau bouillante, elle n’est nullement en rapport avec les proportions des au- tres fomentations; je vois, par exemple, dans les fomentations narco- tiques 32 grammes d’espêces par litre d’eau, et cependant la force de la fleur de sureau ne peut nullement être comparée à celle des espêces nar- cotiques. P. 514. Miel escharotique (syn. Onguent ægyptiac). En tête du chapitre des escharotiques, le Codex donne trés-bien la définition de ces sortes de médicaments: il est donc naturel de penser que le miel escharotique doit avoir l'action que son nom indique; cependant il est si singuliérement préparé qu'il n’y a rien de moins escharotique que cette préparation. En 484 MÉMOIRES effet, le Codex fait cuire ensemble le miel , le vinaigre el le verdet, jus- qu'à ce que le mélange ait acquis une couleur rouge et une consistance de miel; ce qui, en d’autres termes, veut dire jusqu’à ce que l’acétate de cuivre, qui a une vertu escharotique, soit réduit au moyen du miel à l’état de métal, qui a alors perdu cette action, et que le vinaigre soit à peu près évaporé! — Je ne puis m'empêcher de citer ici la maniére de procéder d’une pharmacopée bien autrement élaborée que le Codex; la pharmacopée de Prusse dit : . Rp. Acétate de cuivre pulvérisé, 1 once, Crême de tartre, 35 onces; faites cuire avec suflisante quantité d’eau ordinaire jusqu’à dissolution , passez et évaporez à siccilé sur un feu fort doux ; exposez ensuile le ré- sidu à une atmosphère humide, où il tombera bientôt en deliquescence; mêlez alors ce liquide avec 12 onces de miel commun. Sa consistance doit être celle du miel , d’une couleur brune trouble. On voit par là qu’au lieu de faire cuire le sous-acétate de cuivre avec le miel et le vinaigre, il transforme d’abord ce sel en une préparation plus stable, c’est-à-dire en tartrate de cuiyre et de potasse, qui est ensuite mêlé à froid au miel, afin que sa propriété escharotique ne soit pas dé- truite par l’action simultanée de la chaleur et de la matière sucrée. Me voilà enfin arrivé aux dernières pages de l'ouvrage, et cependant ma tâche n’est pas encore terminée. Il ne suffit pas, en effet, de critiquer ce qu'il renferme; mais il est tout aussi nécessaire de dire ce qui ne s’y trouve pas et ce qui devrait s’y trouver. Or, les lacunes que nous aurions à signaler sont nombreuses et prouvent le peu de soin qu'on a apporté à la rédaction d’un ouvrage aussi important. Le Codex, avant d'entrer en matière, commence par donner une énu- mération des médicaments simples et des préparations qui ne se font qu'en grand, que le pharmacien se procure, soit directement soit du commerce, et qui entrent dans les formules de l'ouvrage. Malheureu- sement celte énumération est si incomplète qu'il y manque pour ainsi dire les choses les plus importantes, tels que le vinaigre, l'acide sulfu- rique du commerce et celui de Nordhausen, l'acide chlorhydrique or- dinaire , l'acide nitrique ordinaire, l'acide pyro-ligneux, l'acide tartrique, l'acide citrique, l’éther sulfurique du commerce, le carbonate d’ammo- niaque ordinaire et pyro-huileux, l’asphalte, la craie, la chaux causti- que , le sublimé corrosif, l’oxyde rouge de mercure, le sucre de lait, le carraghéen (fucus crispus), l'origan (origanum vulgare), l'huile animale pyrogénée, le phosphore, le séné obové (cassia obovata Collad.), le bi- tartrate de potasse purifié , le tartre cru, le vin de Malaga, le vin blanc et rouge, etc. On dirait presque qu'on ne s’est pas douté du but de cette énumération placée en tête de l'ouvrage? N'’est-elle pas là pour dire au pharmacien ce qui lui est permis de se procurer dans le commerce, particu- liérement en fait de préparations pharmaceutiques et chimiques, tandis que celles qui ne s’y trouvent pas doivent être préparées dans son labo- raloire; car on ne voudra certainement pas qu'il fasse lui-même les acides sulfurique, chlorhydrique et pyro-ligneux impurs, la crême de tartre ; la chaux caustique, etc.; mais, d'un autre côté, on peut exiger qu'il rendra toutes ces préparations aptes à l'emploi médicinal, soit en les purifiant; soit en leur donnant la forme prescrite par le Codex. DE LA TROISIÈME SECTION. 485 Je ne trouve pas moins de lacunes dans les médicaments composés, dont le soin de la préparation repose sur le pharmacien lui-même ; il est vrai qu’on pourrait m'objecter que si on voulait inscrire dans le Codex toutes les préparations usitées en France, lé#volume deviendrait énorme et contiendrait une quantité de choses oiseuses; mais ici je ne veux parler que de préparations éminemment répandues , prescrites presque journel- lement, et sur la composition desquelles il s’agit de fixer le pharmacien, pour qu'il n’ait pas besoin d’avoir recours à tout moment aux pharma- copées étrangères, qui, n'étant pas toujours d'accord entre elles sur la même préparation, donnent souvent lieu à des différences notables si le médicament est préparé dans des pharmacies qui n’ont pas consulté le même ouvrage. Je citerai pour exemples : l’éthiops antimonial, l’éther muriatique alcoolisé, les teintures de rhubarbe aqueuse et vineuse, celle d’écorce d’oranges amères et une quantité d’autres teintures simples, le sulfure d’antimoine pur, la tisane de guimauve, le sirop antiscorbutique de portal, le savon de jalap, celui de gajac, la gelée de carraghéen, l’a- cétate de fer, la teinture éthérée d’acétate de fer de Klaproth, l'acide sul- furique dillué (esprit de vitriol), l’élixir d'orange composé (élixir viscéral de Hoffmann) , etc. Il manque aussi au Codex une table générale de la densité des liquides officinaux; il y a bien au commencement de l'ouvrage (p. XII une table indiquant la densité de certains liquides , mais elle ne donne que des faits isolés , et il importe fort peu au praticien qu'il sache quelle est la densité de l’acide acétique le plus pur ou de l'alcool absolu ; il lui faut avant tout une table qui indique la densité légale de chaque liquide médicamenteux, c'est-à-dire la densité sous laquelle le pharmacien est obligé de le dé- livrer, que ce soit maintenant une solution saline, acide ou alcaline, un liquide éthéré ou alcoolique , tout doit passer sous ce niveau. Un pareil travail serait d'autant plus nécessaire, que dans un grand nombre de cas le Codex oublie de donner les densités dans les paragraphes spéciaux , par exemple pour l'acide nitrique (p. 29) il n’y a rien d’indiqué; je ne trouve égalementrien dans les articles : vinaigre distillé, succinate d’ammonia- que impur, vinaigres médicinaux, alcoolats, etc. Enfin , les membres du jury chargés de visiter les pharmacies trouveraient dans cette table un guide dans leurs investigations , et le pharmacien lui-même saurait à quoi s’en tenir. Une autre table, non moins utile au praticien, pourrait être jointe à la précédente : ce serait un aperçu général des proportions dans lesquelles les substances d’une action énergique se trouvent dans les différentes pré- parations du Codex, tels que l’opium, dans la teinture d’opium simple, dans le laudanum de Sydenham, dans celui de Rousseau , le diascordium, la thériaque , l'extrait d’opium aqueux, la poudre de Dower, les pilules de cynoglosse; la digitale, dans les teintures alcoolique et éthérée de cette plante ; les cantharides, dans la teinture, lemplâtre et l’onguent , etc. Une table de ce genre aiderait singuliérement la mémoire du médecin dans ses prescriptions et lui épargnerait bien des erreurs; il n’y a peut- être pas une seule pharmacopée allemande qui n’en renferme une sem- blable. Je signalerai un autre oubli qui me peine, c’est l'absence totale de tout réglement pharmaco-légal dans le Codex, à une époque où les médecins 486 MÉMOIRES et les pharmaciens sont si souvent traînés devant les tribunaux ordinaires et jugés par de juges incompétents. Combien n'a-t-on pas déjà réclamé, et avec raison, contre cet état de choses! — Mais d’un autre côté, a-t-on pris seulement la moindre mesure pour faire cesser cet abus? Je suis sûr que les tribunaux ne demanderaient pas mieux que d’avoir un guide d’après lequel ils pussent se diriger; mais où le prendre, si Le seul ouvrage phar- maceutique légal que nous avons en France se tait entièrement sur ce chapitre? Si chez nous il arrive un empoisonnement par le fait du méde- cin qui commet une erreur dans le dosage, on ne sait à qui attribuer la faute , si c’est au médecin qui a commis l’imprudence, ou au pharmacien qui ne l’a pas relevée? — Le tribunal, dans le doute, ne s’abstient pas, mais condamne l’un et l’autre; il n’examine pas si le pharmacien a pu apprendre, dans la série d’études qu’on lui fait subir dans nos écoles, l’ac- tion des médicaments et la dose à laquelle ils commencent à agir comme toxiques, ou si ces connaissances sont plutôt du domaine du médecin; ü ne connaît que le délit et prononce la punition. Pour obvier à ce mal et pour éclairer la conscience des juges on n’au- rait qu'à tirer une ligne de démarcation nette entre les devoirs et les at- tributions du médecin et ceux du pharmacien, et deux articles de règle- ment y sufliraient. Le premier indiquerait les noms des substances considérées comme poi- sons, et qui devraient par conséquent être placées à part dans la phar- macie et sous clef; car il y a souvent grande discussion pour savoir si l'action d’une substance doit être regardée comme vénéneuse ou non. Je ne prétends certes pas faire cesser. par là toutes ces disputes; mais du moins chacun saurait jusqu'où va la limite de sa responsabilité. - Le second consisterait à dresser une table de tous les médicaments ré- putés héroïques, accompagnés du maximum de la dose à laquelle les phar- ‘ maciens peuvent les délivrer pour l’usage interne, avec injonction aux médecins de les sousligner, si dans leurs traitements ils veulent outrepas- ser la dose légale, De cette manière, les erreurs deviendraient extrême- mentrares, si ce n’est impossibles ; car si le médecin prescrivait impru- demment une dose trop forte sans sousligner, il serait du devoir du pharmacien, averti par le Codex, de renvoyer la recette au médecin, sans quoi la faute retomberait sur lui-même ; tandis qu’un accident qui arrive- rait avec un médicament sousligné serait entièrement imputé au médecin. Le juge à son tour n'aurait qu’à ouvrir le Codex pour prononcer son ver- dict d’acquittement ou de condamnation, et l’innocent ne souffrirait pas avec ou pour le coupable, et, enfin, on éviterait de faire naître entre le pharmacien et le médecin cette animosité qui provient toujours de ces sortes de procés. Il me semble qu’une table de la solubilité des corps ne serait pas non plus déplacée dans le Codex, c’est-à-dire l'indication de la quantité de sel ou de toute autre substance soluble dans une quantité d'eau donnée, à une température moyenne de 10—160 Cart. Cette table aurait pour avan- tage d'indiquer au médecin et au pharmacien jusqu'où ils peuvent aller dans la quantité de véhicule à employer quand ils veulent faire une dis-, solution. J'ai encore trouvé dans certaines pharmacopées (Codex medicamenta- rius Hamburgensis) des modéles pour la grandeur des emplâtres, afin que . DE LA TROISIÈME SECTION. 487 le pharmacien sache ce qu’il doit entendre par un emplâtre de la grandeur de la main ou de la paume de la main, etc.; mais il vaut mieux qu'ils soient prescrits par centimètres ou décimétres carrés ou par leur diamètre. “- Si, enfin, je reporte les yeux sur l’ensemble de l’ouvrage, j'y trouve quelquefois de bonnes intentions, mais qui sont tout aussitôt abandonnées que conçues ; j'en vois une preuve dans l'indication des propriétés carac- téristiques des préparations par laquelle on a eu soin au commencement de terminer quelques paragraphes, tels que le lait de soufre, le phos- phore, etc., mais dont on ne trouve plus de vestige dans le reste de l’ou- vrage; cependant cette mesure eût été bonne si on l'avait établie pour toutes les préparations; le pharmacien aurait pu en partie se diriger là-dessus , et dans les visites des pharmacies , elle aurait évité toute dis- cussion sur la bonne ou mauvaise préparation des médicaments. Cette inconséquence et ce manque de plan se retrouve également dans la no- menclature qui est empruntée à tous les âges, et dans les proportions res- pectives des composants decertaines préparations , telles que les teintures, qui sont extrêmement fortes, tandis que les vins médicinaux sont compa- rativement trés-faibles; les deux pommades épispastiques renferment si peu de cantharides (l’une 1/35e et l’autre 1/16e) qu’elles tirent à peine et que nous avons été obligés de renoncer à leur préparation, parce que tout le monde s’en est plaint; tandis que la force des pommades d’hydriodate de potasse et d’hydriodate de potasse iodurée est telle qu’elles produisent facilement des rubéfactions et des places inflammatoires; les deux solutions alcooliques de camphre touchent également dans les deux extrêmes. Il faut l'avouer, le Codex n’a pas été très-heureux dans le choix du juste- milieu qu’un pareil ouvrage devrait toujours s’efforcer de tenir parmi tous les travaux individuels qui paraissent chaque jour. La question de l’économie n’a pas du tout été prise en considération ; il est vrai que dans un ouvrage de ce genre elle ne peut être que secon- daire ; elle acquiert cependant de l'importance quand on pense que tout ce que les pauvres et même les gens peu aisés (qui forment au moins les trois quarts de la population) cherchent dans la pharmacie , est pris sur leurnécessaire. Partout on voit une profusion d’ustensiles en argenteten platine , là où le plus souvent les capsules en porcelaine et les vases en fonte feraient parfaitement le même usage; par exemple, dans la prépa- ration de la potasse à la chaux et de l’acétate de potasse , il est prescrit de se servir d’une bassine en argent; il veut qu’on prenne de la potasse, au lieu de chaux, pour faire le polysulfure destiné à la préparation du lait de soufre; pour l’éther acétique il fait prendre de l'acide acétique , au lieu d’un acétate; pour l'extrait de fer pommé , de la limaille porphyrisée ; dans la préparation de l'acide borique, il laisse perdre l’eau mére de la pre- miére cristallisation ; quelquefois même on croirait, par les difficultés avec lesquelles on a eu soin d’entourer certaines préparations, qu’on n'aime pas que le pharmacien les prépare lui-même; je citerai pour exemples : le calomel, le sublimé corrosif , le sulfate de quinine , etc. _ Et en présence de tous ces faits , faudrait-il peut-être reprocher au gou- vernement de n’avoir pas été assez large pour faire face aux frais qu'oc- casionne nécessairement une pareille œuvre ? Certes non ! car les cham- bres ont Yoté 14,000 fr. destinés à cet usage , sans compter le produit de la vente de l'ouvrage que M. le ministre, dans son rapport au roi, avait cru 488 3 MÉMOIRES suffisant pour couvrir tous les frais ; et en effet, il se paye assez cher et se débite par milliers; il doit donc produire de grands bénéfices, d'autant plus qu'on n’a pas négligé d'y annexer encore des prix courants de por- celaines, de cristaux, etc. Un ouvrage pareil devrait être fait dans l’inté- rêt de tout le monde, et ne jamais constituer une entreprise commerciale qui porte assez lé caractère d’une exploitation forcée de ceux auxquels il devrait servir. Pour terminer cette revue, dont l'importance du sujet fera pardonner la longueur , je me vois forcé de déclarer que notre nouveau Codex est un ouvrage fort incomplet, fait sans soin et rempli d’inexactitudes et de fautes telles qu’elles pourraient donner lieu à des accidents graves dans la pratique de la médecine. Je crois donc qu'il est de la plus urgente néces- sité d'appeler là-dessus l'attention du gouvernement, dont le devoir le plus sacré est de veiller à la santé et au bien-être des populations, afin qu'il renonce à le maintenir en vigueur , et qu’il en donne immédiatement une nouvelle édition revue et corrigée sur des bases plus larges et plus ration- nelles que celles qui ont servi à sa rédaction. DE LA TROISIÈME SECTION. 189 MÉMOIRE EN RÉPONSE A LA VINGT-QUATRIÈME QUESTION DU PROGRAMME DE LA l SECTION DES SCIENCES MÉDICALES, INTITULÉE : , L'existence de l'hydromètre hors l'élat de gestation et de la lympanile ulérine est-elle démontrée par des faits authentiques el bien ob servés ? . PAR M. J. A. STOLTZ, Professeur à la faculté de médecine de Strasbourg. L'hydromètre a été admise sur la foi des anciens, sans qu’on se soit donné la peine d'examiner si la matrice se trouve dans les conditions qui per- mettent une accumulation de sérosité dans sa cavité. Les pathologistes , en général, décrivent trois espèces d’hydropisie uté- rine; une premiére, dans laquelle le liquide est renfermé dans la cavité même de la matrice (ascites uterinus, hydrometra ascitica ); une seconde, formée par un amas d'hydatides (hydrometru hydatica); une troisième enfin, qui complique l’état de grossesse (hydrops amnii )(1). Sauvages ap- pelle encore hydromèétre une collection de sang ou de liquide puriforme dans l’utérus et même l’hydropisie de l'ovaire. Aujourd'hui il n’y a plus de doute que ce qu’on a décrit sous le nom d’hydromètre hydatique ou d'hydatides de l'utérus, hydatides en grappes (acephalocystis racemosa , H, CI.), n’est qu’un amas de vésicules hydati- formes développées dans le tomentum villeux qui recouvre le chorion, une véritable dégénérescence ou maladie de l'œuf » Qui n’a par conséquent rien de commun avec l’hydropisie utérine. L'hydromètre des femmes enceintes est aussi peu une maladie de matrice que la dégénérescence hydatique de l'œuf; elle appartient, comme cette dernière, au produit de la conception, et consiste en une accumulation considérable d’eau dans la cavité amniotique. C’est donc une hydropisie de l'amnios. Plusieurs auteurs modernes s’'empressent d'ajouter au mot hydropisie de la matrice en gestation, que la sérosité n’est pas renfermée immédiatement dans la matrice, mais dans une poche membraneuse, c’est-à-dire dans l'œuf. Les femmes grosses sont à la vérité sujettes à des écoulements de séro- sité par les parties génitales, qui ont lieu le plus souvent vers la fin de la gestation, quelquefois cependant aussi dés les premiers mois , et qui (1) Quelques auteurs en ont admis une quatrième espèce , consistant dans l'infiltration du tissu uté- rin (œdema uteri), 190 MÉMOIRES peuvent avoir une autre source que la cavité de l’'amnios. Ces pertes séreu- ses ont été décrites dans ces derniers temps sous le nom d’hydrorrhæa uterie gravidarum. Quoique je sois convaineu que le liquide qui s'écoule en plus ou moins grande quantité par le vagin des femmes enceintes était contenu entre le chorion et l’amnios, j'admets aussi qu’il puisse avoir été sécrété en dehors de l'œuf proprement dit, c'est-à-dire entre la membrane ca- daque utérine et la portion réfléchie, et non entre la face interne de l'utérus et la caduque utérine, comme paraît le croire Geil, en disant «quod inter uteri concavam el chorii convexam superficiem collectum li- quidum est, oriri persuasum habemus» (1). Ce fait était d’ailleurs reconnu depuis longtemps, (Zn slatu gravido uteri, dit Gregorini , aquosi humores accumulantur vel in ovulo ipso, inter embryonis superficiem et membra- nas ovi, vel inter membranas chorion etamnios, vel deniqueinter chorion et parieles uteri ipsius» (2). Mais s’en suit-il que cette collection séreuse entre deux feuillets d'une membrane de connexion , dont l’existence n’est que temporaire et qui appartient autant à l'œuf qu’à l'utérus, forme une hydromètre? Certainement non. Aussi l'hydromètre des femmes enceintes n’existe-t-elle pas. Une seule espéce pourrait être admise pendant la gestation, parce que l'observation clinique et l'anatomie pathologique l'ont plusieurs fois cons- tatée, et que, d’un autre côté, les changements que la matrice éprouve pendant l'exercice de cette fonction en font comprendre la possibilité : c’est l'hydropisie par infiltration ou l'œdème des parois ulérines. Je l'ai rencontrée moi-même , et plusieurs auteurs l'ont décrite avec tous les dé- tails nécessaires pour mettre son existence hors de doute. Nauche igno- rait probablement ces faits lorsqu'il a fait imprimer que «quant à lhydro- pisie dont le siége serait dans le tissu même de l'utérus, elle n’a jamais été observée » (3). Il est inutile de dire que l'extension que Sauvages a donnée au mot ky- dromètre, en l’appliquant à des collections sanguines ou puriformes, et même à l’hydropisie de l'ovaire , est irrationnelle et n’a été adoptée par aucun pathologiste qui a la moindre prétention à l'exactitude. L'hydropisie de la matrice, à l’état de vacuilé de cet organe, appelée hydrométre ascitique, est-elle mieux démontrée ? La plupart de ceux qui l’ont décrite ne l'avaient jamais vue; ils en ont parlé d'aprés d’autres auteurs, ou d’après des rapports de praticiens peu au fait de la structure intime et des propriétés de nos organes. D’au- tres , trop crédules, ont ajouté foi à des rapports de femmes, toujours exagérés et infidèles. Les modernes ont copié les anciens et ont eu dans leurs narrations plus ou moins prolixes une confiance aveugle, quoique, avec un peu de réflexion , on s’aperçoive facilement que les premiers élé- ments d’une bonne observation leur ont manqué. Hippocrate , Aretée, Aetius paraissent déjà en avoir parlé d'après d’au- tres, au dire de Gregorini lui-même, qui fait cependant preuve d'assez peu de jugement dans les exemples qu'il a choisis. (4) Geil, J. Bapt (præside Nœgele), De hydrorrhœæa uteri gravidarum commentatio inauguralis, Heïdelbergæ 1822 , p. 41, 2 V. (2) De hydrope uteri et de hydatidibus in utero visis aut ab eo erclusis. Malæ 1795 , in-4®, c. tab, p. 2 (5) Des maladies propres aux femmes. Paris 4829, €. Ier, p. 464. DE LA TROISIÈME SECTION. 491 Les observations de Galien, Rhazës, Jacques de Partibus, Benivenius, Dodonæus, Vésale, Fernel, Eraste, OEthé, Cordanus, Marc Donatus, Joubert, de Montpellier, Zacutus Eusitanus, Lazare Riviére, Ch. Pison, Regner de Graaf, Hartmann, Bonnet, Frédéric Hoffmann , Mauriceau , Turner, Lieutaud, Fabrius et d’autres auteurs qui ont vécu et observé dans les siécles antérieurs au nôtre, laissent toutes tant à désirer, qu'il n’en est pas une qui puisse porter la conviction dans un esprit tant soit peu critique. Et qu’y a-t-il d'étonnant que des hommes trés-instruits pour leur époque , mais manquant de bien des moyens de diagnostic que nous possédons aujourd’hui , et peu versés dans l'anatomie et l'anatomie patho- logique, crédules et courant après les singularités , s’en soient laissé im- poser ? Aussi, à mesure que nous avançons vers notre époque , le nombre des observations nouvelles diminue au lieu d'augmenter. L'organisation du corps humain restant la même, et les moyens d'investigation se perfection- nant tous les jours, l'anatomie pathologique étant étudiée avec beaucoup de soin, les cas d'hydromètre auraient cependant dû être rencontrés bien plus souvent qu'autrefois. Baudelocque, auquel se sont offertes un si grand nombre d'occasions d'observer, paraît n’avoir jamais vu d'hydropisie de matrice (1). N'osant pas avancer qu’il n’y croit pas, il dit qu’elle est si rare qu’on en rencontre à peine deux exemples dans un siécle. Tous nos auteurs modernes, sur les maladies des femmes, font entrer l’hydrométre dans leur cadre nosologique, quoique la plupart avouent n’en avoir jamais vu d'exemple. On se copie, on fait l’histoire de la ma- ladie en réunissant des lambeaux épars ; on en trace un tableau bigarré, sans unité et sans vraisemblance. On s’extasie quelquefois sur les choses admirables observées par les anciens, et on ne songe pas à se demander si ce qu'ils ont rapporté est possible , ou au moins probable, si cela s'ac- corde avec ce qu'on observe de nos jours. Que des auteurs qui dans toute l'étendue de leurs ouvrages montrent peu de perspicacité et peu de jugement, admettent, sur la foi d'autrui, et croient avoir vu eux-mêmes, ce qui ne peut pas exister, il n’y a là rien d'étonnant. Mais il en est qui déploient d'ordinaire la plus saine critique , et qui sur le sujet dont il est question s’en sont laissé imposer. Je n’en citerai qu'un exemple. Desormeaux, en parlant de l’opinion de Denman, peu favorable à l'hydromètre telle qu’on la décrit générale- ment, dit que les observations renfermées dans les auteurs ne laissent aucun doute sur l'existence de l'hydromètre ascitique. Puis il cite des noms dont j'ai déjà récusé l'autorité (2). * Nous allons voir si les causes que l’on invoque , la marche qu’on a as- signée à la maladie, les symptômes qui doivent la caractéricer , sa termi- naison et l’anatomie pathologique viennent à l’appui du sentiment de ces auteurs. Le plus souvent il est impossible, dit-on, de reconnaître les causes dé- (1) Nous avons connu plusieurs femmes, dit-il, qui rendaient à des époques irrégulières un flot d’eau, tantôt assez remarquable par son volume et tantôt moindre , mais constamment après quelques jours on quelques mois de souffrances , sans que nous ayons pu trouver en aucun temps de changements bien notables dans Ja forme , la grosseur et la situation de la matrice, (2) Dictionnaire de médecine en 21 volumes. Axt. Hydromètre. 492 MÉMOIRES terminantes de l'augmentation de sécrétion à la surface interne de l’uté- rus. Ainsi l'étiologie ne peut pas apprendre grand'chose. Cependant on admet deux espèces d’hydromètre , une essentielle, sans altération orga- nique, et une symplomalique ou consécutive, causée par des altéra- tions plus ou moins profondes dans le tissu de la matrice, telles que les tumeurs de diverse nature, la squirrhe, le cancer, etc., ou des organes environnants. Dans la première espèce, la cause prochaine est une activité exaltée de la sécrétion ou un défaut d'absorption. Mais la membrane interne de la matrice secrète du mucus (1). Ce mucus est même épais, glaireux, comme il est facile de s’en apercevoir en introduisant un speculum dans le vagin. Sans doute, par suite d’une irritation vive la sécrétion peut être modifiée, et la matière sécrétée devenir plus liquide, comme, parexemple , dans le coryza. Mais cela ne durera que peu de temps; et même en supposant, condition sine qua non, que l’orifice de la matrice soit obstrué ou bouché, jamais l'accumulation de ce liquide ne peut être telle que l'organe en soit distendu comme au quatriéme mois de la grossesse , encore moins comme à terme, et bien moins encore au point de pouvoir renfermer un enfant de dix ans, comme dans l’exemple de Schenk (2), ou cent quatre-vingt livres de sérosité, comme dans celui de Vésale (3). Et c’est devant de pareils contes qu’on s’extasie ! Et pourquoi pas, répondra-t-on. La matrice ne se distend-elle pas énor- mément par l'effet de la grossesse ? Sans doute; mais alors cet organe se trouve dans des conditions particulières qui n’existent pas sans concep - tion. Et lorsqu'il y a rétention des règles par suite d’imperforation ? C’est encore un cas spécial qui n’a que peu d’analogie avec l'hydromètre. En effet , la rétention des règles n’a lieu que dans l’oblitération complète et solide des voies génitales. Ce n’est que lentement et successivement que la matrice se distend , ce qui est d’ailleurs toujours accompagné de fortes douleurs. La sécrétion menstruelle se fait, malgré tous les obstacles phy- siques qui s'opposent à l’excrétion. Or, nous voyons assez souvent le vagin s’oblitérer à la suite d’accouchements laborieux. A-t-on jamais vu une hydromètre se former à la suite? Non. En supposant donc qu'une irritation de la membrane interne de l'utérus provoque une sécrétion plus abondante , le liquide tendra à s'échapper immédiatement ; et si l’orifice est obstrué , la matrice, loin de se distendre, se contractera et surmontera l'obstacle qui s'oppose à l'écoulement , de manière qu'il ne se forme jamais d’accumulation durable qui puisse rece- voir le nom d’hydropisie. Pour qu’il puisse se former une collection; il faut un sac membraneux, d’après Denman. Les espèces de fausses mem- brapes sont assez fréquentes chez certaines femmes dont les règles sont douloureuses; mais ces sacs ne deviennent jamais plus volumineux que le poing et leur expulsion est accompagnée de fortes tranchées. Encore ne les a-t-on jamais vus remplis de sérosité. Autant de fois que des mem- (4) Il est vrai que plusieurs anatomistes distingnés considèrent la membrane interne comme séreuse. Le fait est qu'on ne trouve à l’état de vacuité de l'organe qu’un mucus gélatineux dans sa cavité. Les follicules mucipares sont en grand nombre non-seulement à la surface interne du col, mais aussi à celle du corps (2) Observatorum medicarum rarorum. Francf. 4600, Lib. LV, {5) De corporis humani fabrica. Basil 4555 ; in-fol. Lib, V, c. 9, p. 627 DE LA TROISIÈME SECTION. 495 branes minces et organisées ont été rendues à la suite d’écoulements abon- dants d’eau, il y a eu grossesse. A cet ordre de faits se rapportent un grand nombre d'observations, entre autres celles de Galien, Rhazés, Jacques de Partibus, Benivenius, OEthé , etc., etc. Immédiatement aprésl’accouchement, la matrice se trouve dans les meil- leures conditions pour être distendue , mais aussi son ouverture est alors large, le plus souvent béante. Elle peut être bouchée par des restes d’ar- riére-faix , des caïllots de sang, etc., et malgré cela il ne s’y fait pas de collections abondantes, si ce n’est tout au commencement des couches: surtout on n’y a jamais vu de collections de sérosité. L’utérus réagit sur toute-espèce de corps étranger qu’il renferme. Peut-on appeler hydromètre l’amas de quelques cuillerées de liquide sé- reux à côté d’un corps étranger développé dans la matrice, par exemple des tumeurs fibreuses, des polypes; ou une sécrétion séreuse abondante qui se fait par des parties transformées , ulcérées, comme dansle cancer, etc.? Et cependant on l'a fait. Lazare Rivière (1) a observé une excrétion si abon- dante de pituite par les parties génitales que si elle s'était amassée dans l'utérus , elle aurait enzendré une hydropisie. Charles Pison (2) a vu lul- cération de la matrice suivie d’une collection hydropique. Frédéric Hoft- mann (5) parle d’une dame de Berkin qui a rendu pendant plusieurs mois de l’eau limpide par les parties génitales; elle mourut dans ün état de ma- rasme. Sont-ce là des observations d'hydromètre ? Dans un certain nombre de cas qui nous ont été transmis , la menstrua- tion avait été supprimée pendant trois, quatre , six ou neuf mois; dans d’autres elle avait eu lieu trés-réguliérement. Dans les premiers il y avait presque toujours grossesse dans laquelle le germe était avorté. Les accou- cheurs connaissent parfaitement ces faits. Il est vrai qu'on ne parle pres- que jamais du départ des membranes , mais il est question de purgations, d'un véritable écoulement lochial. Au commencement de la prétendue hydromètre, les femmes avaient éprouvé la plupart des signes rationnels de la gestation, et l'évacuation de l’eau était suivie de réaction dans les mamelles. Les signes de l'hydromètre, dit-on, sont ceux de la grossesse commençante; on peut ajouter que les suites sont analogues à celles de l'accouchement. Où est alors la différence ? Quant aux hydropisies de l’u- térus pendant la durée desquelles la menstruation n'élait pas dérangée, je demande si la matrice pouvait, en même temps qu’elle était distendue par de l’eau, remplir cette fonction importante? On dira que pendant la gestation une femme peut aussi être réglée. Mais n’y a-t-il pas une énorme différence entre un œuf et un liquide libre dans la matrice, une grossesse et une hydromètre ascitique? Ne faut-il pas, pour que cette dernière soit possible, que l’orifice se trouve exactement fermé? Il esttrès-probable que-dans tous les cas de prétendues hydromètres dans lesquels la menstruation n’a pas discontinué d’apparaître avec régularité, la collection d’eau était en dehors de la matrice. Le plus souvent on a dû avoir eu à faire à une hydropisied’ovaire. Dansle Magasin de Baldinger (4), (1) Praxeos medicæ. Libr. XV, c 412, p. 251 et suiv. > (2) Observationes et consilia de morbis a serosa colluvie ortis. Sect IV,c 5,p.569 Lugd. Batav. 1714, in-40. (5) Medicine rationalis systema. T. IT, sect. I, c. 7,2 44, p. 154. (4) Meues Magazin für Aercte. Band VI, p.558, fe 15 4194 MÉMOIRES par exemple , se trouve l'observation d'une femme qui a porté une hydro- mêtre pendant six ou sept ans. Les règles ont continué de couler. Il y avait une tumeur de chaque côté de l'hypogastre ! Un écoulement d’une quantité plus ou moins grande de sérosité ou de mucus trés-liquide par la vulve, est-il donc un signe certain d'hydropisie de matrice, c’est-à-dire d’une accumulation avec distension de l'organe? _ILest incontestable qu'il est des femmes qui perdent des flots de liquide par les parties génitales; chez les femmes hystériques, par exemple, il se fait quelquefois des éjaculalions séro-muqueuses abondantes; les mêmes pertes ont été observées chez d’autres femmes atteintes de lésions plus ou moins graves des parties génitales. Mais il ne faut pas se laisser induire en erreur pour la quantité. Une femme voit une pinte là où il y a quel- .ques cuillerées, parce que son linge est mouillé dans une grande étendue. Il ne faut croire que ce que l’on a vu. Souvent on a aussi pris pour le si- gne d'une hydropisie de matrice cet écoulement qui précède si souvent la menstruation chez certaines femmes, surtout chez celles qui sont arrivées à l'âge de retour. Fernel (1) parle comme ayant été atteinte de la maladie dont il est question, d’une femme qui rendait chaque fois avant les règles une grande quantité d’eau. Tous les auteurs qui décrivent l'hydromètre disent que son diagnostic est très-difficile, qu'on peut surtout la confondre avec la grossesse. La personne la plus habile peut s’y tromper, dit Van Swieten. D'après Bau- delocque , l'hydropisie des ovaires et mêfne celle du ventre en ontsouvent imposé aux personnes de l’art. En effet, plus d’une fois on a chassé le produit de la conception, croyant avoir à faire à une simple collection d’eau. Bien plus souvent encore on a confondu avec une dilatation de la matrice des tumeurs ovariques. Jusqu’à présent on n’a pas appliqué au cas d'hydromètre supposée cet examen diagnostique exact auquel on a recours aujourd’hui dans l’investigation du siége et de la nature des ma- ladies en général, et notamment de celles des organes génitaux. Les uns disent que l’'hydropisie de matrice est une maladie trés-grave , les autres, qu’elle est légère et insignifiante dans la plupart des cas, et qu’il faut l’abandonner à la nature, qui en débarrasse les malades par l’ab- sorption ou par l'évacuation de la sérosité, Fabri assure avoir Yu une femme atteinte d'hydromètre , accompagnée de tous les signes de la grossesse, à l'exception des mouvements de l’en- fant, et qui, au bout de neuf mois, a été guérie..…. par un ptyalisme(2)! Il faut être bien crédule pour avoir croyance en de pareils prodiges. Jean Muralt a inséré dans les Éphémérides des curieux de la nature une ob- servation sur une hydropisie de l'utérus, produite par une suppression des règles, et qui fut guérie… par un écoulement d’eau par l’ombilic (5) : Le plus souvent on assure avoir remarqué l'évacuation d'une grande quantité de sérosité par le vagin. Or, peut-on demander, cette eau pou- vait-elle provenir d'autre part que de la matrice? J'ai déjà dit que dans des cas de grossesse , l'embryon peut être avorté, dissous dans l’eau de l'amnios. Cette eau part alors précédée et suivie de douleurs ressemblant (1) De partium morbis et symptomatibus, Lib. VI, c. 65, p. 202. Lutet. Paris. 4567, in-fol, (2) Held's Auszüge aus den besten medizinischen und chirurgischen Schriften. Band T1, p 288, (5) Ephemerides naturæ curiosorum dec. XK ann. 4, obs. 114, DE LA TROISIÈME SECTION. 495 plus ou moins à celles de l’enfantement. Lorsque le départ de sérosité n'est pas lié, à une grossesse avortée, il n’alieu qu’en petite quantité à la fois et à des intervalles éloignés. Dans ce cas le liquide a trés-bien pu se reproduire. Serait-il absurde de croire qu'on a eu à faire quelquefois à des collections séreuses dans un ovaire ou même dans le ventre, qui se seraient fait jour par un des culs-de-sac du vagin ? La science possède quel- ques observations qui en constatent la possibilité. De ce nombre me pa- raît être celle qui a été publiée par le docteur Eberl (1), quoique l’on ait supposé dés ce cas que l'ovaire communiquait avec la trompe, et que l’'écoulemnt a eu réellement lieu par la matrice (2). Enfin ; des autorités respectables croient à la possibilité du passage de la sérosité renfermée dans le péritoine par les trompes. Fernel a pensé que l’hydromètre pou- vait être ainsi expliquée. Denman dit qu’il a vu des évacuations de li- quides abondantes chez des femmes en couches qu’il ne saurait expliquer autrement. Chez ces derniéres, il me paraît inutile d’avoir recours à une explication aussi peu en harmonie avec nos connaissances. Les lochies séreuses sont quelquefois trés-copieuses et l'effet d’une sécrétion paniaile ment normale. Plusieurs auteurs prétendent avoir ponctionné la matrice pour él la sérosité qui la distendait. C’est ainsi que Wirer a fait insérer dans le Journal de Loder (3) une observation sur une hydromètre , dans laquelle il dit avoir fait cette opération et retiré cinquante-trois livres d’un liquide épais et sanguinolent ! El. de Siebold dit avoir pratiqué la paracentése de l'utérus trois fois au-dessus du pubis dans des cas d'hydromètre , et avoir senti la matrice se contracter sous sa main (4). Mais quelle confiance ajou- ter au dire d’un auteur qui croit sérieusement avec Ch. Starke que la rup- ture d’un vaisseau lympathique de l’utérus a pu donner lieu à la maladie dont il est question ! Évidemment on n’a ponctionné que le ventre, un ovaire distendu ou un kyste quelconque. Mais les ouvertures cadavériques sont-elles at moins venues confirmer l'existence de l'hydrométre ? Puisque le diagnostic de cette maladie est si difficile que les plushabiles peuvent s’y tromper, a-t-on constaté quel- quefois par l’autopsie qu’on avait eu à faire effectivement à une hydro- mêtre pendant la vie ? La première et trés-mémorable autopsie, dit Gregorini , a été faite par Vésale sur une noble romaine. La matrice fut trouvée tellement distendue par de l’eau , qu'on pût en remplir jusqu’à soixante mesures. En même temps il y avait une quantité innombrable de vésicules. Qui ne reconnaît ici une grossesse avortée.et la dégénérescence hydatique de l'œuf? Othé, dit ensuite Gregorini, a trouvé tous les viscères sains, et la matrice for- tement distendue par de la sérosité. Regner de Graaf, quoiqu'un des meilleurs anatomistes de son siécle, a pris un ovaire squirrheux pour l'utérus, ce que la lecture de l’observa- tion fait reconnaîtreimmédiatement. Rien n’y manque, ni l’épaisissement, (1) Znaugural-Abhandlung über Extrauterinal-Schwangerschaften und'ihre Behandlung, vor Doktor Lang. München 1820, p. 8 et9. (2) Cet écoulement était provoqué chaque fois qu’on comprimait la tumeur du ventre. (5) Vüerter Band. St. 2. 1805. (4) Handbuch zur Erkenniniss und Heilung der Frauenzimmerkrankheiten. Frankfurt-am-Main 4841. Band I, p. 545, note. 45. 496 MÉMOIRES ni les loges distendues, ni l'adhérence au périloine , etc. Furner dit avoir trouvé un sac rempli d’eau placé entre le péritoine et la membrane La plus externe de l'utérus, évidemment une hydropisie enkystée; Decker, un utérus squirrheux, plein de tubereules et d’hydatides, renfermantune ma- tière tenace, lardacée, corps fibreux. Lieutaud a rencontré dans l'utérus des corps glanduleux et quatre môles dont chacune du volume d’une tête d'enfant, plus vingt pintes de sérosité sanguinolente; le tout pesant en- viron cent livres. Quelle exagération! Puis, est-ce là un exemple d'hydro- mètre? Enfin, Sauvages a vu la matrice cartilagineuse, renfermant seize pintes d’eau bourbeuse; les ovaires et les trompes oblitérées, ete. Encore ici on reconnaît un ovaire dégénéré. Telles sont les autopsies qu’on invoque pour prouver qu'il existe une maladie qui mérite le nom d'hydromètre. Car les auteurs modernes n’ont jamais eu l’occasion , que je sache, de vérifier la chose à l'ouverture des cadavres. Le nom et l'autorité de Morgogni n’y figurent pas. Celui qui a disséqué le plus soigneusement des milliers de cadavres, le principal fon- dateur de l'anatomie pathologique, n’a jamais rencontré d’hydropisie de matrice. «Que recueillir de ce long chapitre, dit Chambon de Montaux, après avoir disserté longuement sur l'hydromèétre et ajouté des exemples observés par lui-même (?) Des doutes sur l'existenre de celte maladie.» C’est aussi ce qui me reste, aprés avoir lu et relu tout ce que les au- teurs en ont dit, après avoir analysé tous les faits qu'ils ont rapportés. L'existence de la tympanite utérine a-t-elle été mieux constatée? Les autorités que l’on cite pour prouver que la matrice peut être disten- due d’une manière prodigieuse par des gaz sont à peu près les mêmes que celles qui ont fait admettre l'existence de l'hydropisie utérine. Hippocrate croyait que la tympanite de la matrice pouvait acquérir un développement tel que le diaphragme füt refoulé et l’asphyxie imminente. Suivant Chambon de ‘Montaux, peu d'auteurs anciens ont admis la physométre; quelques-uns en ont même nié la possibilité. Cependant on la trouve mentionnée et même décrite dans la plupart des écrits anciens sur les maladies des femmes, comme, par exemple, ceux de Moschion, d’Aetius, de Rocheus, de Mercurialis, de Mercatus, etc. Valescus , de Ta- rente, Jean-Mathieu de Gradibus, Gorrhæus, Dunus, Rambert Do- doens, etc., en ont parlé d’une manière spéciale. On peut ajouter à ces der- niers noms, la plupart inconnus dans la science , ceux de presque tous les accoucheurs du dix-septième et du dix-huitièéme siècle. Comme, en parlant de l'hydropisie de la matrice, on a confondu celle de l’'amnios ou des collections séreuses entre les membranes, etc., avec l'hy- dromètre essentielle, on a aussi généralement confondu le développement de gaz dans l'œuf renfermant un fœtus en putréfaction, la présence d’air qui s’est introduit pendant les manœuvres obstétricales ou immédiatement aprés l'accouchement, le dégagement de gaz fétides dans les premiers mo- ments de la puerpéralité par suite de la putréfaction d'une portion d’ar- rière-faix ou de sang, enfin le départ de flatuosités par la vulve chez cer- taines femmes hystériques, avec la physométre proprement dite, c'est- à-dire la distension plus ou moins prononcée de l'utérus par de l'air ac- cumulé dans sa cavité propre. Cette derniére espèce de tympanite utérine, c'est-à-dire celle qui est le DE LA TROISIÈME SECTION. 197 résultat d’une sécrétion morbide à la surface interne de la matrice, a été appelée essentielle, en opposition aux autres espèces qui sont accidentelles ou symptiomatiques. La tympanite utérine essentielle est très-souvent décrite sous le nom de fausse grossesse ou môle venteuse. Delamotte parle de la grossesse d’une femme qui, arrivée à terme , ne rendit que des gazabondants par les par- ties génitales(1). Mais cette femme était réglée, circonstance qui embar- rassait beaucoup le médecin, et qu'il expliqua bien vite à sa manière lorsqu'il eût cru reconnaître que la matrice avait été enflée, comme une vessie, par des vents. Dans le recueil de la Société de médecine de Bologne on trouve un cas plus récent (2). Une dame de quarante ans eut une suppression de règles et vit son ventre se gonfler. Elle se crut enceinte. Au cinquième mois de la suppression , l'utérus était à la hauteur de l’'om- bilic. Un jour cette dame, en se baissant, rendit des flatuosités' par la vulve, et le ventre reprit son volume normal. J. P. Franck (5) a le plus contribué à faire croire à l’existence.de la phy- somêtre par son autorité et les nombreux exemples qu’il en cite. Il parle entre autres de deux dames de Padoue qui se croyaient enceintes et qui n’ont rendu que des vents. La chose deviendrait facilement plaisante sion ne la considérait pas uniquement de son côté sérieux. Sur de pareilles matières , il faut laisser parler les accoucheurs expérimentés qui savent jusqu’à quel point les femmes peuvent en imposer ou étretourmentées par une imagination malade. Or, voyons le jugement que Baudelocque porte sur la physomètre essentielle. La tympanite de matrice est excessivement rare , dit-il, s’il y en a des exemples hors de la grossesse. En admettant la possibilité de la présence d’air dans l’utérus pendant la grossesse, il en- tend parler de son introduction accidentelle ou du développement de gaz dans les membranes, par suite de putréfaction du fœtus ou des eaux de l’'amnios. Ainsi il est généralement reconnu que l'air extérieur peut s’introduire dans l'utérus immédiatement aprés l'accouchement ; que par la putréfac- tion de restes d’arriére-faix ou de sang il peut s’y développer des gaz, et qu’il faut, pour qu'ils y soient retenus, occlusion de l’orifice. Mais j’ai peine à croire à ces distensions énormes que doit avoir observées M. De- neux, au rapport de M. Chomel (4). Il est trop facile de s’en laisser im- poser par la tympanite intestinale, si fréquente après l’accouchement et produisant justement les effets qu’on a attribués à la physomètre. Dans aucun cas ces espèces de tympanites ne peuvent durer longtemps et ne sont essentielles. Or, c’est de la tympanite à l’état de vacuité qu’il est ques- tion. Tout ce qu’on a dit de la distension de la matrice en repos, par des gaz qui s’y seraient spontanément développés, me paraît inexact ou ne sou- tient du moins pas l’analyse. Il n’est pas question ici de ces émissions de vents qu’on a appelées assez improprement rols vaginaux ou garrulitas (4) Traité complet des accouchements naturels, non naturels et contre nature. Nouvelle édition. Leide 4729, in-40, p. 55 , obs. 18. (2) Revue medicale. 1830. T IV, p. 484. (3) Epitome de curandis hominum morbis. Lib. V1, De retentionibus. Tub. 1811. , { (4) Voy. article Pneumatose du Dictionnaire de médecine en 21 volumes, A827, T. XVII. 195$ MÉMOIRES vulvæ. Ce phénomène est aussi peu un signe certain de la tympanite uté- rine , que des écoulements plus ou moins abondants de mucus liquide nin- diquent l’hydromètre. Il faut, pour être convaincu de l'existence de la physomètre, que l'utérus soit trouvé distendu, résonnant; qu'on puisse le circonscrire sans s’y tromper, et qu'une évacuation subite des gaz qu'il renfermait soit suivie du retour de l’organe sur lui-même. C’est ce que je prétends n’avoir pas encore été démontré. Sans doute on parle beaucoup du départ de gaz ou vents par la vulve; on dit même avoir constaté que ces gaz, dont la source peut se trouver dans le vagin même , avaient été retenus dans la matrice, en introduisant une canule dans le col jusque dans la cavité utérine et évacuant ainsi l'organe. Quand un observateur moderne digne de foi nous aura dit des choses semblables en accompagnant sa relation de détails qui excluent la possibilité de toute méprise, nous pourrons y ajouter foi. L'anatomie pathologique nous a-t-elle appris quelque chose relative- ment à la physométre? Absolument rien. Personne, que je sache, n’a jamais enfoncé un scapel dans l'utérus distendu et n’en a vu sortir que de l'air, comme cela se fait si souvent pour les intestins tympanisés. Mais la structure de la matrice s’oppose-t-elle donc à l'induction de la possibilité d’une sécrétion gazeuse ? Pas absolument si l’on admet que les muqueuses peuvent sécréter des fluides gazeux, ce qui est peu contestable. Mais l’organisation de la matrice s'oppose à l'admission de la probabilité de sa distension, excepté immédiatement après l'accouchement, moment dans lequel il n’est pas certain qu'elle ait jamais sécrété des gaz. De tout ce que je viens de dire sur l’hydromètre et sur la tympanite utérine, je conclus: Que l'existence de l'hydromèétre hors l'élat de ges- tation et de la tympanile utérine n'est pas démontrée par des faits au- thentiques et bien observés. DE LA TROISIÈME SECTION. 199 APERÇU DES . PRINCIPAUX SYSTÈMES ET DES THÉORIES MÉDICALES ITALIENNES, DEPUIS LE COMMENCEMENT DU DIX-HUITIÈME SIÈCLE JUS QU'A NOS JOURS. PAR LE DOCTEUR B. BERTINI, Président de la Faculté de médecine et de la Société médico-chirurgicale de Turin. Les différents systèmes qui ont régné dans les sciences et surtout en médecine , fournissent une preuve évidente des limites de l’entendement humain. Ces systèmes se sont succédé les uns aux autres sans interrup- tion, et le dernier a toujours entraîné aprés lui la pluralité des médecins, fatigués et ennuyés de l'insuffisance des précédents. Sans remonter à une époque plus reculée, l'Europe médicale dans le dix-huitième siècle était partagée entre Stahl et Boërrhaavye : l'Italie sui- Yait les doctrines du premier, la France était Boërrhaavienne, et l’Alle- magne prenait parti pour les deux à la fois. Stabl tomba le premier : il fut renversé par les humoristes. L'école de Boërrhaave était encore debout en Italie : quelques praticiens suivaient la doctrine du spasme de Cullen, mais le réformateur écossais les ren- versa toutes. L'Italie, ennuyée des dogmes de l’humorisme de Boërrhaave, accueillit avec transport la nouvelle doctrine. Moscati, Rasori, Sollenghi, Tom- masini furent d’abord ses partisans les plus zélés en Italie, comme en Allemagne Weikard, Hufeland , Marcus et les deux Franck. La simplicité de cette doctrine, l’éloquence de ses défenseurs, et sur- tout l’état d'incertitude des médecins, peu satisfaits des systèmes précé- dents, concoururent à en augmenter le prestige. Tous l’embrassaient aveuglément, les uns par prévention, les autres entraînés par l’autorité et le nom de ses défenseurs, ou séduits par sa grande simplicité. Il est bien étonnant qu’à une époque où la philosophie de toutes les autres sciences avait de préférence une tendance au positif, la médecine seule se frayât un chemin à travers les champs de l’idéalisme. Le systéme de Brown ne tarda pas longtemps à subir une réforme en Italie, pays où les esprits, ardents et enthousiastes, sont facilement trans- portés par les apparences, à croire et à ne pas croire: Les idées du réformateur écossais sur la vie considérée physiologique- ment étaient agréées ; mais on ne pouvait point se dissimuler les résultats peu satisfaisants de sa méthode thérapeutique. 200 MÉMOIRES Rasori fut le premier à s'élever contre la doctrine écossaise : il ne [a détruisit pas, il la retourna. Au commencement de notre siécle, à l'oc- casion de la fièvre pétéchiale épidémique qui ravageait Gênes et la Li- gurie , il fit la remarque que le traitement par les stimulants conseillé par Brown, au lieu d’être utile, faisait empirer le mal : qu’au contraire on obtenait un grand avantage des saignées, des acides végétaux et mi- néraux et des préparations antimoniales. Rasori vit ces remèdes constamment diminuer tous les mouvements vi- taux, et agir d’une manière {out à. fait opposée aux remédes appelés sti- mulants ; il en tira la conclusion qu’il existait un genre d’agents théra- peutiques, auxquels il donna le nom de contre-stimulants, En partant de ce point, il divise les maladies en hypersthéniques et hyposthéniques ; il soutint que les premières sont beaucoup plus fréquentes que les autres; que la faiblesse indirecte de Brown n’est autre chose qu’un engourdisse- ment (torpore en italien) des forces vitales causé par leur accumulation trop considérable, comme dans l'ivresse, et que cet engourdissement pou- vait être guéri par les contre-stimulants seuls. Beaucoup de médecins italiens embrassèrent la doctrine rasorienne ; les travaux de Borda, Bondioli, Fanzago, Guani, Rubini, Giannini, mais principalement ceux de Tommasini, concoururent à lui donner plus d’é- tendue; ce dernier décora la réforme de Rasori du nom de Nouvelle doc- trine médicale italienne. Nous allons indiquer en peu de mots les modifications faites par les au- teurs précités à la doctrine du réformateur italien. Ce court aperçu don- nera une idée précise de l'incertitude de tous les praticiens à embrasser le nouveau système, et servira à prouver comment, dès son commence- ment, il menaçait de ruine. Tommasini, de Parme, le plus vaillant et le plus opiniâtre défenseur et soutien de la doctrine des diathèses, enseigna dans ses leçons que l’on devait réduire toutes les maladies à la classification des deux diathéses. sthénique et asthénique; que tous les agents qui environnent et affectent les corps organisés pouvaient seulement augmenter ou diminuer l’excite- ment (eccitement); que l’excitabilité est une et identique; que dans la même maladie ilne pouvait y avoir ni changement de diathèse, ni compli- cation; que l’inflammation était le fait le plus général et qu’elle était la source de presque toutes les maladies (que l’inflammation était même nécessaire dans certains actes physiologiques, comme dans la génération, dans le développement du fœtus, dans l'assimilation, etc.); et il réduisit ainsi toutes les fièvres à de simples inflammations; que presque toutes les maladies étaient produites par un excés de stimulants; qu'on ne devait jamais placer leur essence dans les humeurs, mais plutôt dans l’excite- ment plus ou moins considérable des solides; que les maladies appelées par lui diathésiques avaient à parcourir une période nécessaire, et ne dépendaient plus des causes qui les avaient produites. Tommasini est l'inventeur de la tolérance ainsi nommée, ou plutôt du diathésimètre, avec lequel le médecin peut juger de l'intensité de la dia- thèse par la quantité plus ou moins grande de remèdes stimulants ou contre-stimulants que le malade peut supporter. La méthode curative, selon les principes théoriques du professeur de Parme, consiste surtout dans les contre-stimulants, parmi lesquels les DE LA TROISIÈME SECTION. 201 saignées , les préparations antimoniales , l’acide hydro-eyanique , les aci- des délayés (allungati), la digitale , les extraits des plantes vireuses , etc., tiennent la premiére place. Les ouvrages principaux dans lesquels sont développées les idées de Tommasini sont l'Histoire de la fièvre jaune de Livourne, le Traité sur tesinflammations, le Traité de physiologie et de pathologie, et plusieurs brochures. Le docteur Giannini, de Milan , ayant remarqué que les deax diathèses de stimulants et de contre-stimulants proposées par Tommasini ne suf- fisaient pas pour embrasser toutes les différences essentielles des maladies, fit imprimer en 1805 un ouvrage sur les fiévres, dans lequel il cherche à prouver l'existence d’un tiers état pathologique général, qui ne consistait pas dans un excédent ou dans une diminution des stimulants , et qu'il fallait admettre dans cet état morbide une complication de vigueur et de fai- blesse. Giannini appelle cet état particulier neurosthénie. Voici, en peu de mots, les propositions principales du docteur mila- hais : 1. La neurosthénie est un état simultané de force excessive et de fai- blesse. 2. La neurosthénie a lieu toutes les fois que la faiblesse du système ner- veux n’est pas égale dans les appareils, aux systèmes artériel et muscu- laire. $ 3. La faiblesse du système nerveux est la cause unique de la prépondé- rance des forces dans les autres systèmes, et cette prépondérance est en proportion directe avec la susdite faiblesse. Decette manière, Giannini expliqua par quelle raison on voit, dans un paroxisme de fièvre intermittente, une violente réaction artérielle suc- céder. à un affaissement nerveux trés-évident. Mais comme, d'aprés le système dominant des diathéses, on croyait que tous lesremédespossédaient une propriété stimulante ou contre-stimulante (deprimenti), il fallait que Giannini, diathésiste lui-même, trouvât un re- méde contre la névrosthénie, c’est-à-dire capable d’exciter en même temps le système nerveux, et de (deprimere) déprimer , avilir les deux systèmes artériel et musculaire. Il crut l'avoir trouvé dans les bains froids. Le doc- teur Guani et Pierre Rubini, professeur à Parme, ajoutérent une troisième diathèse aux précédentes (c’est-à-dire sthénique et asthénique), qu'ils ap- pelèrentirritativa. Ainsi prit origine l’irritation qu’on a appelée italienne, bien différente de l’irritation de Broussais , en ce que la première consiste dans un état pathologique de l’excitement (eccitement) différent du normal non-seulement en degré , mais en mode; cet état, selon Guani et Rubini, produit et maintenu par la présence de certains agents nuisibles, cesse aus- sitôtqu'ils sont éliminés du corps. L'exemple suivant servira d’éclaircis- sement. Les vers intestinaux causent un grand dérangement dans le corps ; ces troubles ne peuvent être classifiés comme une diathése sthénique ni asthénique, parce que,outre qu'ils ne sont point permanents, ils ne deman- dent pas de remèdes stimulants ou débilitants : il suffit d’évacuer les vers pour faire disparaître tous les phénomènes morbides. Si l'affection vermi- neuse était une maladie diathésique, elle ne cesserait pas avec l’expulsion de ces parasites, puisqu’un des caractères des diathéses ‘est de: persister quand même la cause génératrice est diminuée, 202 MÉMOIRES : Guani fit connaître la doctrine de l'irritation , en fixa les limites et éta- blit quels sont les agents irritants, à l’occasion du concours pour un prix proposé par la Société italienne siégeant à Modène. Bondioli ayant remarqué que si les diathèses constituaient à elles seules l'état essentiel des maladies, les différentes formes de ces maladies ne devraient dépendre que d’un degré différent de diathèse etn'offrir par con- séquent qu'une diversité dans le degré pathologique, ét, voyant que la chose n'avait point lieu ainsi, établit que, dans le diagnostic des maladies, on devait tenir compte de leur forme intérieure, ou, en d’autres termes : «que la même diathèse pouvait subir un mode différent d'existence; s’as- «socier constamment à elle un ordre particulier de mouvements patholo- «giques toujours subordonné au génie général ou particulier des agents «nuisibles; que les différentes formes morbides qui accompagnent essen- «liellement toutes les maladies diathésiques consistent dans ces mouve- «ments. » % Fanzago, autre célébre professeur de Padoue, ayant remarqué aussi que dans les maladies, outre l’état anormal universel de l’excitement, il y avait toujours quelque système ou quelque organe intéressé, et que par con- séquent , les diathèses seules n'étaient point suffisantes pour une distinc- tion essentielle des maladies, conseilla de faire attention à l’état patholo- gique local, par lequel un système ou un organe subissent un dérange- ment sans lésion de structure : ce désordre aménerait la diathèse générale comme par irradiation. Tommasini, en parlant des procédés diathésiques, admit aussi l’état ou condition pathologique du professeur Fanzago , convaincu probablement, sans vouloir l'avouer, de la trop grande simplicité de la théorie des dia- thèses browniennes. Nous ne finirions jamais en voulant faire mention de tous les commen- taires qui ont été faits à la nouvelle doctrine médicale italienne. Qu'il suf- fise d’avoir donné une idée des modifications principales que cette doctrine a subies comme une preuve de l'hésitation avec laquelle elle était embras- sée par ses sectateurs. D’après ce qu’on vient d'exposer, on peut facilement reconnaître que la nouvelle doctrine médicale italienne n'était qu'une réforme de celle de Brown, l’excitabilité et l’excitement étant aussi les bases sur lesquelles s'appuie cette derniére. Ses lois physiologiques étaient généralement adop- tées, et malheur à qui aurait osé parler de différence anatomique de tissus et de leurs propriétés diverses, etc. C’est en Piémont que Canaveri de Mondowi fut le premier à lever la ban- nière, non pour réformer, mais pour renverser l’idole de Brown. Cet il- lustre professeur de l’université de Turin publia en 1805 son Analyse et réfutation du système de S. Brown. Dans ce profond ouvrage il enseigne que l’incitabilité suppose la vie déjà existante, qu'elle n’est qu'un nom; qu’en voulant même envisager l’incitabilité comme une force positive, il est impossible de pouvoir expliquer avec elle seule les phénomènes de la vie, si variés selon les différents tissus et les différentes dispositions orga- niques ; il est impossible, dans ce système, de rendre raison de quelle ma- niére les substances organiques en état de vie résistent à la putréfaction, de quelle manière ont lieu les diverses sécrétions, etc. Il soutint en outre, contre l'opinion de Brown, que la vie est un état trés-actif; qu’elle n’est DE LA TROISIÈME SECTION. 205 pas passive; qu’elle suppose une réaction; que cette réaction est néces- sairement active, que sans cette réaction la vie ne pouvait point avoir lieu. Un autre argument pour l'activité de la vie devait se tirer des fonc- tions de reproduction, d’assimilation; des forces médicatrices, et enfin de lapplication pratique des principes de Brown au traitement des ma- ladies. Une si grande simplicité ne convenait en aucune manière à leur variété infinie; l'expérience journalière en démontrait non -seulement l'insuffisance , mais les dangers. A la suite de Canaveri, nous croyons à propos de mentionner les Let- tres médico-critiques sur la nouvelle doctrine médico-chirurgicale, du docteur J. B. Spallanzani, neveu du célèbre naturaliste de ce nom. Dans ces lettres, écrites avec tout l'esprit et toute la vivacité d’une ima- gination ardente, vigoureuse, l’auteur démontre avec évidence les erreurs et les inconséquences de la nouvelle doctrine médico-chirurgicale, soit en répétant tous les arguments de Canaveri , soit en produisant les siens pro- pres, neufs et trés-ingénieux. Pendant que Spallanzani cherche à ramener la médecine dans le che- min de l'observation et de l'expérience d’après les leçons des anciens, il blâme avec raison le titre de nationale ou italienne donné à la nouvelle doctrine médicale de Tommasini. Il appelle la doctrine des diathèses une doctrine bâtie dans les champs de l'imagination : il ne peut concevoir que l’on puisse s'occuper autant de forces, sans parler de la matiére. Il soutient que le mot contre-stimulant est vide de sens, qu’un agent peut fort bien être moins stimulant qu'un autre, mais que la différence dans le degré ne constitue point une diversité d'action; que les agents, si différents par leurs qualités physiques et par leurs principes consti- tutifs, ne peuvent agir absolument d’une seule maniére, c’est-à-dire en stimulant ou en contre-stimulant (débilitant), ce dont les expériences faites par Stellati et Bengonzi donnent une preuve éclatante : ces auteurs ayant prouvé que le tartre émétique et l’eau de laurier cerise (que l’école moderne considère comme deux contre-stimulants des plus énergiques) sont l’antidote l’un de l’autre ; que la tolérance imaginée par les secta- teurs de la nouvelle doctrine est un conte fait à plaisir ; que les idosyÿn- crasies individuelles sont en grand nombre, et que c’est d’elles qu'on doit déduire la tolérance plus ou moins grande des remèdes; que le corps hu- main est composé de parties solides et de parties liquides ; que les maladies ont leur siége réciproquement dans les unes et dans les autres; que les disciples de ia nouvelle école font grand abus des saignées, en ne tenant point compte des forces médicatrices de la nature, qui ont besoin d’un cer- tain degré de vigueur pour pouvoir agir, et prescrivent de trop fortes doses de substances vénéneuses. De cette manière, pendant qu'on cherche à éviter les erreurs de Brown, on tombe dans d’autres non moins graves. Spallanzani-finit par observer qu'il est surprenant que la plupart des ma- ladies soient considérées par les réformateurs comme dépendantes d’un excès de stimulants, tandis que les plus zélés partisans de la nouvelle doctrine soutiennent que la plus grande partie des agents qui nous en- tourent agissent en diminuant l’excitement (dyrimido l’eccitement). Parmi ceux qui ont attaqué la doctrine de Brown et sa réforme , on ne doit pas oublier le professeur Rolandi, de Turin, un des plus illustres ana- tomistes du système nerveux dont l'Italie s’honore. 204 MÉMOIRES Dans l'ouvrage publié, en 1821, à Turin , avec le litre : Aperçus physio- logico-pathologiques sur Les différentes espèces d’excitabilité et d'excita- tion; sur l'irritation , sur les puissances stimulantes, débilitantes, irri- tantes, elc., il pose en principe général que la vie est cette faculté par la- quelle les êtres organiques deviennent capables d'exécuter tels et tels mou- vements; que celte faculté, autrement appelée excitabilité, est sujette à différentes modifications, selon les tissus qu’elle occupe; qu’elle doit être distinguée en simple ou moléculaire et en organique ou composée; que la moléculaire doit être subdivisée en musculaire, nerveuse, cellulaire et cérébrale; que chacune de ces dernières offre des phénomènes parti- culiers qui les distinguent entre elles ; que l’excitabilité composée ou or- ganique résulte de ces excitabilités simples , différemment combinées entre elles. De cette manière, les différentes parties acquiérent l'aptitude à exer- cer des fonctions particulières , dont la réunion est nécessaire pour que la vie se maintienne, puisque les excitabilités simples ou primitives sont in- suffisantes pour remplir ce but. Ainsi, par exemple, une portion de muscle , de nerf ou de tissu cellulaire pourra produire des phénomènes de contractions et de mouvements sous l'influence d’un stimulant quel- conque ; mais ces phénomènes par eux-mêmes n’expliquent rien. Mais si on combine ensemble ces diverses pièces (muscle, nerf, tissu cellulaire), il en résulte un organe capable d'exécuter une action vitale déterminée. Le professeur de Turin anatomise ensuite pour ainsi dire ces différentes espèces d’excitabilité, et fixe à chacune sa propriété distinctive. IL fixe aussi à chaque agent extérieur, outre son action variée sur les différentes excitabilités, une action totalement chimique ou physico-chimique , qui varie selon les différents états de l’organisme sur lequel on les applique. Telles sont en peu de mots les idées de Rolandi. Nous ne ferons pas ici mention de ses opinions sur la manière dont se distribue le fluide ner- veux (d'aprés la comparaison par lui faite du cerveau et du cervelet à une pile de Volta, et des ramifications nerveuses aux conducteurs de la pile), ni du mécanisme de la circulation comparé à une pompe hydraulique, attendu qu’elles sont assez connues, et que d’ailleurs nous ne parlons ici que de généralités. Indépendamment des adversaires que nous venons de nommer, la doc- trine brownienne pure et la réformée furent aussi attaquées par une autre secte qu’on appelle les mixtionistes, et dont les fondateurs établirent des arguments si fondés et si forts , qu'ils n’ont pu être combattus ni par les dis- ciples de Brown, ni par ceux de la nouvelle doctrine médicale italienne. Ces nouveaux sectateurs, guidés par les principes philosophiques de Locke et de Condillac, d’après la considération que tout ce que nous sa- vons nous vient par la voie des sens, et qu'il n’y a dans ce monde rien de positif hors des sens et des inductions qui dérivent des sensations, renon- cérent à tout idéalisme de la science médicale et réduisirent tout au sen- sualisme. Les systématiques jusqu’à Brown inclusivement (sans en excepter même lillustre Bacon , qui cherchait à guider les médecins dans la voie de l'em- pirisme rationnel) avaient fixé toute leur attention, dans l’étude du corps organique, sur la faculté moyennant laquelle se déployaient les phéno- mèênes vitaux; et {out absorbés dans cette pensée, ils ne faisaient pres- que plus attention à la matière dont naît et dont dépend cette faculté. DE LA TROISIÈME SECTION: 205 Les uns avec le strictum et le laxum , les autres avec la chaleur innée, les autres avec l'âme, les autres avec l’archée, les autres avec l'esprit, d’autres enfin avec l’excitabilité, s'étaient tellement laissés entraîner par l'imagination, qu'ils donnaient corps et vie à cette faculté, et en fai- saient dépendre tous les phénomènes, comme si une simple faculté prise abstractivement pouvait exister sans son concert. Les mixtionistes, en étudiant avec une meïlleure méthode, c’est-à-dire avec le guide de l'analyse, les phénomènes de la vie, s'aperçurent qu'on avait manqué le but et se mirent à analyser chaque fait de la science en le soumettant à des expériences. De cette manière, en opérant peu à peu la synthèse des choses analysées , ils fondérent un nouveau systéme de médecine plus probable et plus près de la vérité, visible et palpable. A la tête des mixtionistes, nous placerons le professeur Maurice Bufa- lini, de Césène dans la Romagne , homme doué d’une éloquence extraor- dinaire, d’un tact et d’un jugement fin et d’une érudition universelle. Bufalini publia en 1819 la Pathologie analytique, dont nous allons don- ner les propositions principales. Cet auteur, convaincu de l'insuffisance de tous les systèmes antérieurs à lui, établit d’abord en principe qu’on ne devait point s'occuper de l’origine des phénomènes des corps vivants ; et que, quant à la pathologie , il fallait abandonner ces recherches dont le but consiste à découvrir la nature des altérations internes, ou plutôt le mode précis de ces changements intérieurs qui déterminent les phénomènes de l’état pathologique. Bufalini soutint que ces sortes de recherches sont vaines et sans utilité. Le pathologiste doit, selon lui, se contenter de cher- cher exactement quel est le nombre de ces altérations, quelles sont les causes extérieures qui les produisent, et à quels effets elles donnent nais- sance. Quant aux différences essentielles des maladies , il faut avant tout rechercher quelles sont les affections simples ou primitives, et en quel nombre elles se présentent; ensuite généraliser les résultats de l’étio- logie , de la sémiotique et de la thérapeutique. C’est de cette maniére seule qu’on peut fonder une pathologie générale. Le professeur de Florence définit la maladie un changement particulier ou spécial dans l'état matériel du corps vivant, produit ou par des prin- cipes (inconvenienti) anormaux existant dansle corps même, ou dans l’al- tération d'ordre et de composition de la mixtion organique (mixte orga- nica), où, en d’autres termes , un changement dans l’état matériel né par l'effet d'actions chimico-organiques ou mecanico-organiques. Quant au siége des maladies, Bufalini le fixe tantôt dans les solides, tantôt dans les fluides; quelquefois elles sont seulement locales, d'autrefois locales avec tendance à devenir générales. Les affections locales sont pro- duites par des agents mécaniques de nature irritante ; les générales dépen- dent d’un procédé chimique animal qui a lieu dans la mixtion organique. Quantaux différences essentielles des maladies, Bufalini enseigne qu’on doit plutôt faire attention à l’état de l'organisme qu’à l’excitement (eccite- mente), puisque avec son dérangement (de l’excitement) on ne peut point expliquer comment les maladies sont produites, marchent et guérissent. Au surplus , étant démontré que leur essence appartient à l’organisation matérielle , il s'ensuit que les différences essentielles des maladies ne dé- pendent point de l’activité plus ou moins grande de l’organisme, mais qu’elles sont aussi nombreuses qu’il y a de modes d’altération organique ; 206 MÉMOIRES par conséquent les maladies sont le produit d’une altération morbide spé- cifique et inconnue de la mixtion organique, excepté celles qui tirent leur origine d’un agent irritant mécanique local. Pour ce qui concerne ces dernières ou les maladies locales, dépendant d'agents mécaniques irritants, on ne peut établir de différences essen- tielles que sur leur apparence extérieure. Ainsi il faut les classifier d’après leurs symptômes. Au contraire, les maladies locales avec tendance à de- venir générales, quoique offrant une grande différence de forme et d’es- sence, possédent toutes quelque fait primitif commun. Ces faits, appelés par Bufalini affections simples, peuvent fournir des données pour une classification générale des maladies. L'auteur divise ces affections simples en quatre classes : la premiére comprend les dérangements chimiques et mécaniques des organes; la se- conde, les altérations manifestes et déterminées de l'assimilation orga- nique; la troisième tient compte de ces mutations secrètes et spécifiques qui certainement ont lieu dans la mixtion organique; la quatrième con- sidère les dérangements apparents et particuliers (delerminati) du mou- vement vital. + Les affections qui ont lieu dans toutes les maladies de la seconde classe doivent être considérées comme les faits simples, primitifs sur lesquels on peut établir une classification générale des maladies. Bufalini termine sa pathologie avec un projet de classification des ma- ladies de l'homme tiré des principes qu’il professe. Nous en donnons une idée en peu de mots. Les maladies sont divisées en deux grandes classes : 1. Maladiesde travail(processo, organique qui tendentà prendre le carac- tère d'état général ou qui occasionnent une lésion , un dérangement de la composition organique. 2, Maladies de procédé (travail) absolument local ou qui dépendent d’ac- tions mécaniques et chimiques qui altèrent la structure des organes. La premiére classe se divise en neuf ordres , la seconde en trois. Ordres de la première classe. a) Fièvres. Maladies de procédé spécifique, d’altération organique, gué- rissables principalement avec le quinquina et associées à un état, d'hypo- sthénie. b) Affections contagieuses. Maladies produites par un principe spécifi- que, se produisant dans l'organisme, qui ne sont directement guérissables par aucun reméde connu, si nous en exceptons les maladies syphilitiques. c\ Dartres. Maladies de procédé spécifique, curables principalement avec le soufre , et qui sont associées à une fluxion ou inflammation de la peau (de nature chronique), sous différentes formes d’éruption. d) Affections squirrheuses et cancéreuses. Maladies de procédé spécifique caché, qui ne peuvent être guéries directement par aucun reméde connu et qui ne sont point contagieuses. e) Affections scorbutiques. Maladies de procédé spécifique, engendrées principalement par l'air maritime et guérissables surtout par les acides végétaux. f) Polytrophie. Maladie avec excès de tous les éléments de l’assimila- tion organique ou de quelques-uns d’entre eux. DE LA TROISIÈME SECTION. 207 g) Oligotrophie. Maladie avec défaut de tous les éléments de l’assimi- lation organique ou de quelques-uns d’entre eux. ” h) Phlegmasies. Maladies composées d’irritation , de fluxion et d’hyper- sarcogénése. i). Convuisions. Maladies de procédé indéfini, dans lesquelles prédomi- nent les mouvements spasmodiques. Ordres de la seconde classe. a) Maladies par suite de corps étrangers existant dans quelque partie de la machine humaine. b) Lésions causées par des violences mécaniques. c) Changements de structure ou d’action propre des organes. Chacun de ces ordres comprend différents genres, différentes espèces et variélés qu'il serait trop long d’'énumérer ici. Telles sont en peu de mots les idées principales de Bufalini relativement à la pathologie. On voudra bien pardonner notre inexactitude à les expo- ser; et notre omission des raisonnements sur lesquels il s'appuie. Mais dans des matières si difficiles et si liées les unes aux autres, il est impos- sible d'en rendre un compte plus précis sans rapporter tout l'ouvrage. Pendant que dans la Lombardie le professeur Tommasini et ses disciples cherchaient et cherchent encore de toutes leurs forces, et peut-être contre leur conviction intime, à soutenir le vitalisme réformé de Brown et re- jettent toute idée d’humorisme, et ne tiennent aucun compte de la ma- tiére dans le corps ; pendant que Bufalini essayait avec sa pathologie ana- lytique de réduire toute la médecine à l’empirisme des sens, le professeur Puccinetti, compatriote de l’immortel Raphaël , se leva pour prouver avec sa nouvelle pathologie, l'insuffisance de la doctrine tommasinienne et la tendance au scepticisme de celle de Bufalini. Puccinetti, dans son ouvrage publiéen 1828, à Macerate, dit : «Toutes «nos connaissances en médecine sont de trois espèces : empiriques, ana- «ytiques et d’induction (inductive). Ces dernières ressortent des deux au- «tres; sans elles on ne peut décorer la médecine du nom de science, «puisqu'elle n'offre qu’un amas de recueils confus ou de rapsodies : trois «causes ont empêché la pathologie de faire des progrés. «19 Le peu de rapport entre les parties qui la composent; 20 le peu de «correspondance entre son ensemble et les faits cliniques, pour établir «exactement les différences essentielles des maladies; 5° le peu de corres- «pondance entre son ensemble et la science entière de l’homme physique, «pour établir un principe qui fixe les rapports entre les causes éloignées «et prochaines. «Afin qu’une pathologie puisse établir des principes généraux et exacts, «on doit partir de l’empirisme simple, analyser les faits et en tirer des «inductions. On ne trouve l’empirisme simple que dans Hippocrate et ses «sectateurs. » Puccinetti définit la vie d’un être organisé, «non pas l'effet d’un prin- «cipe particulier ou d’une cause qui subsiste uniquement par cet être, «mais seulement l'effet d’un degré, d’un mode plus parfait de la vie uni- «xerselle , mode qui maintient dans les corps organiques l’uniformité pour «la transmission génératrice. » La vie se manifeste par des mouyements: les mouvements vitaux actifs 208 MÉMOIRES peuvent être réduits à deux espèces, mouvement de contraction et mou- vement d’extention. Ces mouvements finiraient par produire certaine- ment la dissolution des corps organisés à force de se répéter, si leurs effets n'étaient point modérés et remis en équilibre par une continuelle opération reproductrice de cette même matiére sur laquelle ce mouvement s'opére. Ainsi dans les phénomènes de la vie on doit considérer l’organisation, le mouvement et la réparation, trois fonctions qui constituent les éléments vitaux mécanique, dynamique et chimique. Un rapport exact entre ces trois éléments constitue la santé; la mala- die consiste dans un désordre dans l'unité conspiralrice organique qui a lieu par suite d'un changement de forme, de mixtion ou de mouvement vital, dans quelques parties de l'organisme. L'auteur n’admet pourtant point l'existence d’une maladie totalement générale , ni de maladie tout à fait passive. Puccinetti divise les maladies en deux grandes classes: éthiopathiques et idiopathiques. La premiére classe comprend toutes les maladies qui subsistent par la présence de leur cause génératrice; la seconde, toutes les autres infirmités produites par un procédé et existant par elles-mêmes ; les maladies éthiopathiques sont divisées en deux ordres généraux , c’esl- à-dire en mécanico-organiques et dynamiques. De même les idiopathiques en deux ordres, chimico-organiques et spécifiques. Toutes les affections idiopathiques ne peuvent être engendrées que par des causes altérant les procédés chimico-organiques de la vie, c’est-à-dire les fonctions que l’auteur réduit à trois : nutrition, assimilation et sensa- tion. Ces ordres généraux, qui constituent en d’autres termes ce qui a été ap- pelé par Bufalini affections simples, sont quelquefois accompagnés dans leur commencement, leur cours et leur fin, par d’autres états pathologi- ques, idiopathiques ou existant par.-eux-mêmes, et qu'on doit attentivement distinguer des simples symptômes, lesquels n'existent pas par eux-mêmes. Pour remédier à ce défaut dans la classification proposée, l'auteur établi! un troisième genre général de faits pathologiques qu'il appelle Aomopa- thie ; avec ce nom il entend un procédé morbide de nature idiopathique , et différent de génie et de siége de l’autre idiopathie dont on a parlé, et qui s’y est associée par suite de quelque cause concomitante éloignée, soil primitive , soit secondaire. Ces causes seraient par conséquent distinctes da simple symptôme, en ce que ce dernier est dans une dépendance con- tinuelle du centre pathologique primitif, pendant que le procédé homo- pathique peut subsister quand même le primitif a disparu. Selon Puccinetti , l'homopathie diffère des complications simples, ainsi appelées dans les écoles, et des deuteropathies en ce que le génie du pro- cédé homopathique est différent du génie du procédé idiopathique primi- tif; et les complications et les deuteropathies n’ont pas de procédé idio- pathique dans le sens de l’auteur, ou si elles en ont un, il est identique avec le primitif et né par suite de sympathie consenso ou de melastase. Par exemple, la présence des vers pendant le cours d’une maladie quel- conque ne présentera pas une homopathie, mais une simple complica- tion ; de même l’inflammation de la vessie, compliquant une pneumo- nite, etc., tandis que l’inflammation produite par la lésion organique d'une partie quelconque sera homopathique. Telles sont les idées de cet in- DE LA TROISIÈME SECTION. 209 = génieux auteur; il s'occupe en ce moment des maladies du système ner- veux, et a déjà publié la première partie de son ouvrage qui comprend les généralités. | Ses opinions , peut-être encore hypothétiques, sont pourtant si ingé- nieuses que nous nous permettons d’en donner le très-court aperçu sui- vant: Les fonctions du système nerveux sont régies par un fluide. Ce fluide estanalogue à l’électrique , si plutôt ce n’est pas le même fluide électrique modifié par l'organisme. Le système nerveux est divisé en trois centres, cérébral, cérébro-spinal et ganglionnaire. Chacun de ces trois centres pos- sède da faculté d’absorber l’électricité extérieure , de la modifier et de la rendre ainsi propre à exécuter les fonctions nerveuses, de la même ma- nière que dans la vie végétative, l'estomac et tout l'appareil digestif chan- gent les aliments externes en sang. Les expériences faites par Puccinetti sont de ñature à prouver d’une maniére positive l'identité des’fluides électrique et nerveux. Il a observé que les courants électriques ne souffrent pas d'interruption sur le galva- nomètre de Melloni, en plongeant la pointe d’un métal dars le cerveau, etune autre pointe d’un autre métal dans la cuisse d’un lapin. Les cou- rants étaient plus vifs à mesure que l'animal donnait plus de force aux mouvements dans les convulsions de la mort, et cessaient aussitôt que l'animal expirait. Les courants du fluide nerveux, suivant l’auteur, obéissent aux mêmes lois queiles courants du‘fluide électrique ; l'accumulation , la diminution ou le: dérangement du fluide dans telle ou telle partie donnent lieu aux aflections appelées nerveuses. Par conséquent, l'indication suivie dans ces sortes de maladies consiste à réduire le fluide nerveux à son état normal. Dans ces derniers temps , le célébrée Geromini, de Crémone , déjà connu par son excellent ouvrage sur les hydropisies, paraît sur la scène comme auteur: d’une! nouvelle: doctrine. Nous allons l’exposer en trés-peu de mots. Geromini définit la vie une faculté que posséde la fibre organisée d’exé- euter, sous l’action des puissances internes et externes, des mouvements qui différent des mouvements physico-chimiques. Il établit l'existence de deux modes de vie, un naturel, l’autre anormal ou pathologique: Le pre- mier consiste dans l'exercice agréable , facile et normal des fonctions, pro- duit par les agents et les mouvements conservateurs de la disposition or- ganique primitive. Le second mode, au contraire, consiste dans l'exercice pénible, difficile et anormal des mêmes fonctions, produit par les agents et les mouvements opposés aux premiers. Or, les mouvements organiques sont, perceptibles par l’âme : les mouvements naturels y causent ou le plaisir où la douleur. Le plaisir et la douleur, quoique immatériels par eux-mêmes, accompagnent néanmoins ou produisent des conditions matérielles et corporelles. De cette manière, la condition matérielle du plaisir est établie comme un fait physiologique général ; par contre ; la condition matérielle de la douleur comme fait général commun à toutes les maladies , dans lequel fait pathologique général tous les mouvements organico-vitaux s’écartent de leur état normal. Ces mouvements anormaux sont de trois espèces : idiopathiques, sym- IL, i 44 10 MÉMOIRES pathiques ou mixtes. Ces derniers sont produits par trois faits patholo- giques partiels, par l'irritalion, par l’inflammation el par le vice orga- nique. 3 Ainsi, dans le traitement des maladies on doit avant tout faire attention à leur génie idiopathique, sympathique ou mixte , ensuite observer lequel des trois faits pathologiques y joue son rôle. . Par ce que nous venons d'exposer, on peut conclure qu’en Italie do- minent quatre systèmes de médecine , le dualisme dynamique (Tomma- sini), lemixtionisme organiqne (Bufalini), l'éclectisme par induction (Puc- cinetti), et empirico-analytique (Geromini). La première perd chaque jour quelques prosélytes et n’est plus ensei- gnée que dans quelques parties de la Lombardie , à Parme , à Paie et dans l'université de Padoue, où elle est soutenue par le professeur Giacomini. Les Toscans sont partisans de la seconde et de la troisième ; celle de Gero- mini est circonscrite à Crémone. Les médecins du Piémont , de l’État romain et du royaume de Naples n'offrent point de chefs d'école, vu l'impossibilité d'établir des maximes générales sur des faits de médecine si divers les uns des autres. Fatigués d’abstractions métaphysiques, ces médecins s’en tiennent à l’obseryation et à l'expérience clinique, en séparant le bon et le vrai du faux et du mauyais contenu dans les doctrines des autres parties de la Péninsule. Celui qui visiterait les universités d'Italie et suivrait les leçons cliniques des professeurs, ne {arderait pas à se convaincre que celles de ces univer- sités qui n’ont point de chefs de secte, offrent les plus heureux résultats dans l’enseignement de la thérapeutique. Les étudiants, sans expérience , ne se laissent point entraîner stupidement par une vénération aveugle envers leur maître; et en comparant toutes les opinions , ils apprennent à distinguer, avec le seul guide du bon sens (qui n’est point si rare), le vrai du faux , et l'hypothétique du certain. » La manie de vouloir généraliser les faits individuels est la ruine de toutes les sciences. Nous citerons à ce propos les paroles du célèbre Vol- ney, dans son Voyage en Égypte et en Syrie. «IL en est de la politique comme de la médecine, où des phénomènes «isolés jettent dans l'erreur sur les vraies causes du mal. On se presse trop «d'établir en règles générales des cas particuliers. Les principes universels «qui plaisent tant à l'esprit ont presque toujours le défaut d’être vagues. (EL est si rare que les faits sur lesquels on raisonne soient exacts, et l’ob- «servation en est si délicate, que l’on doit souvent craindre d'élever des «systèmes sur des bases imaginaires.» La médecine sera toujours en proie aux hypothèses et chancelante aussi longtemps que les médecins ne s’abstiendront pas de bâtir dans le vide de leur imagination des systèmes qui ne peuvent tenir contre les faits réels et positifs. Tant qu'ils suivront celte voie, ils auront le sort des alchimistes dans la recherche de la pierre philosophale. Nous finissons ce court aperçu de la médecine italienne en rapportant les paroles contenues dans un mémoire qui a été inséré par le docteur Asson, célèbre médecin de Venise, dans le cahier de mai 1841 du journal qui à pour titre Memoriale contemporane delle Scienze mediche. Ces paroles expriment en entier nos opinions et celles qui sont profes- sées généralement en Piémont. DE LA TROISIÈME SECTION. 214 L'auteur, aprés avoir démontré combien sont erronées certaines théo- ries médicales en vigueur, s’écrie : «Oh médecin clinicien ! laisse aux disciples assidus de la physique et de «la physiologie l’étude profonde des différents éléments de la vie, ou isolés «ou dans leur rapport mutuel; et jusqu’à ce qu’ils en aient trouvé la con- «mexion, contente-toi d'établir pour guide de ta clinique les faits et les «lois générales que tu pourras. Quitte pour le moment tout espoir d’une «application générale constante et non interrompue d’une loi à toutes «les spécialités (particularités). Mais pour établir ces spécialités, examine «avec diligence à quelles conditions pathologiques plus générales s’atta- «chent les médecins les plus positifs, les plus sages, les plus expérimentés «et les plus heureux des temps anciens et modernes. A quelles conditions «s'arrêtent les chirurgiens dans les maladies externes qui forment l'objet «de leurs études et de leur thérapeutique; et qui, bien qu ’extérieures , «ne changent point de nature et sont identiques à celles qui constituent «l'objet de la médecine internes. Cherche soigneusement, tant que tu «pourras, les liaisons de ces conditions entre elles et de la matiére, avec «les forces, les actes et les fonctions de la vie. S’il t'arrive quelquefois de «trouver la chaîne interrompue (et cela l’arrivera souvent), tiens-toi ferme «à l'expérience et à l'observation , et ne prétends pas pouvoir la renouer «par les vaines spéculations de la science de la vie ou des sciences acces- «soires. Aide-toi des découvertes de l'anatomie et de la physiologie, pour «reconnaître, aussi profondément que tu le pourras, la nature et l’in- «fluence de chacune desdites conditions. En agissant de la sorte, tu par- «viendras à établir d’une manière plus philosophique les indications cu- «ratives. «Mais n’exige pas de ces sciences ce qu’elles ne peuvent te donner. Tu «casseras l'arc en voulant trop le tendre. N’accepte que les faits, les faits «purs et bien prouvés , et les résultats des inductions précises tirées de ces «faits. «Ne néglige pas les faits d'exception, pourvu qu'ils soient vrais et «bien constatés, et cherche, si tu le peux, les causes de ces exceptions, «afin de reconnaître si elles sont seulement apparentes et en conséquence «propres à confirmer les faits, ou réelles et capables de diminuer l’appli- «cation possible (applicabilité) des lois établies à d’autres cas, dans la- «quelle circonstance les causes pourront être elles-mêmes considérées «comme de nouveaux principes. «En te conduisant de la sorte, tu éviteras le reproche qu’on pourrait te «faire de détruire sans bâtir, parce qu’en agissant d’après mes préceptes, «on ne détruit pas tout l'édifice. On tient compte du véritable rapport «entre les choses : on détache, on désunit celles qui sont fausses et chan- «celantes ; on observe pour faire des découvertes. «C’est un mouvement de raffermissement et de progression dans lequel «se maintient la science en évitant une marche hasardée qui finit par de- «venir rétrograde. «Suis franchement, 6 clinicien, la voie que je te trace: c’est le seul «moyen (s’il y en a un, ce dont on peut douter) d'élever la thérapeutique «au même degré que les sciences naturelles et de la ramener à un système (aussi universel que vrai. » 44. 22 MÉMOIRES DE LA DIFFÉRENCE QUI EXISTE ENTRE LA RAGE ET L'HYDROPHOBIE, PAR M. TEXTOR, Professeur de chirurgie à Wurtzbourg. Onsait que le genre canis et particulièrement l'espêce canis familiaris f. domesticus, est sujet à une maladie qu'on appelle généralement la rage. Cette maladie est contagieuse, et tous les animaux qui la contractent, en meurent. Les anciens la connaissaient déjà, et Aristote dit : Canes tri- bus laborant viliis; RABIE, angind, podagrä. Facit rabies furorem , et quæ morderint, omnia furiunt, eæcepto homine. Intereunt canes hoc morbo, et quæ morsa sunt, excepto homine (Historia animalium, lib. VIET, cap. XIL. Opera omnia, édit. Basil. 1565, in-fol., pag. 691). Les anciens étaient donc de l'avis que la rage ne se communiquait pas à l'homme. Aris- tote ne parle point de l'hydrophobie, comme on le voit; il parle seulement de la rage. Effectivement les chiens enragés ne sont jamais hydrophobes, ce qui est prouvé par les meilleurs observateurs, tels que Meynel, Wal- dinger, Delaberre, Blaine et Greve. Le docteur Hertwig, médecin vété- rinaire en chef et professeur à l’école vétérinaire de Berlin, a expérimenté sous la direction de M. Langermann, (rois années de suite, dans une mai- son destinée ad hoc, sur un grand nombre de chiens. Il en est résulté que jamais chien enragé ne devient hydrophobe; qu'au contraire, tous ces chiens boivent et nagent même dans l’eau. Tous les chiens enragés meu- rent sans aucune exception et régulièrement six à huit jours aprés la dé- claration de la maladie(1). Par une confusion aussi incroyable qu'impos- sible à expliquer, on a pris jusqu’à nos jours pour identiques deux mala- dies qui sont tout à fait différentes l’une de l’autre : la rage etl'hydrophobie. La rage est une maladie des animaux, l’hydrophobie est une maladie de l'homme. L'homme seul peut devenir hydrophobe, et le devient malheu- reusement par une multitude de causes : 4. Les blessures ou les lésions traumatiques en général, par exemple les contusions, les piqûres, les morsures, les plaies par arme blanche, par arme à feu, les brülures, la congélation, tout cela peut causer et a causé l'hydrophobie. Van-Swieten raconte qu'un homme se mordit lui- même au doigt, qu'il devint hydrophobe et mourut. On lit dans les Phi- losophical transactions, qu'un joueur se mordit par désespoir à la main, (4) Voy. Beitræge zur nœheren Kenntniss der Wuhkrankheit oder Toilheit der Hunde, von Doktor Hertwig, nebst Vorwort von Hufeland, aus des letsteren Journal der praküschen Heilkunde beson- ders abgedruckt im Supplementarbande des Jahres 1828, DE LA TROISIÈME SECTION. 215 qu'il devint hydrophobe et mourut. La mére de Malpighi fut mordue par sa propre fille ; devint hydrophobe et mourut. 2. L'hydrophobie naît ou accompagne quelquefois les maladies sui- vantes : les fièvres typhoïdes, l’encéphalite, l’inflammation du cœur , celle du diaphragme , de l’estomac, de là matrice. On l’a observée chez les femmes enceintes, les nouvelles accouchées , dans l’hystérie et dans l'hypochondrie, à la suite de fortes doses de belladonne, de stramo- nium , de jusquiame , par suite dé l’abus de boissons spiritueuses. Par- fois elle s’est développée par la peur. On l’a observée plusieurs fois chez les tétaniques. Moi-même, j'ai eu occasion de la voir trois fois chez des malades tétaniques, dans notre hôpital; tous les trois souffraïient du té- tanos traumatique ; on la voit à la suite de plaies ordinaires, sans mor- sure d’un animal quelconque. Les exemples de personnes mordues par un canard, par un coq, et qui sont mortes hydrophobes à la suite de ces bles- sures, sont connus de tout le monde. On n’a pas prétendu cependant que les canards et les coqs fussent sujets à la rage. Donc, s’il est démontré que les chiens et les animaux en général ne de- viennent jamais hydrophobes, et qué l’homme le dévient par une multi- plicité de circonstänces , bien différentes les unes des autres, avec Ou sans blessure par un animal quelconque, alors que quelqu'un se mord . lui-même , ou à la suite d’une autre maladie , il est clair comme le jour que la morsure du chien n’est ni l'unique, ni la principale cause de cette maladie terrible. Il est d’ailleurs démontré que l’hydrophobie se développe rarement chez l’homme aprés la morsure par un chien enragé, et qu’au contraire elle s’est plutôt montrée sans morsure d'un animal quelconque. Les expériences de M. Hertwig ont démontré que les-chiens mêmes qu'on a fait mordre par des chiens enragés, ne contractent la rage qu’exception- nellement. De cinquante-neuf chiens, quatorze seulement prirent la rage. C’est une proportion trés-médiocre pour une maladie si redoutée et pré- tendue si contagieuse , en comparaison, par exemple, de la syphilis, de la petite-vérole , etc. Dans ces maladies, la contagion est la règle, et la non-contagion l'exception. Ceux-mêmes qui croient à la contagion de la rage par la morsure du chien chez l'homme, ne nient pas qu’elle soit trés-rare. Lenhossek dit dans son ouvrage (die Wuthkrankheit, etc.; Pest und Leipzig , 1837), que d’après l’assertion de Hunter , sur vingt personnes mordues par un chien enragé, une seule devint hydrophobe. Il y a des observations nombreuses qui prouvent la même chose, et je renvoie, pour abréger , à la monographie couronnée de M. Saint-Martin. S'il est vrai que le chien n’est jamais hydrophobe, et il est démontré par les expériences de M. Hertwig qu'il ne l’est pas, comment pourrait-il donner ce qu’il n’a pas lui-même? Nemo dat, quod non habet. La gale produit la gale, le chancre produit le chancre, la petite-vérole toujours la petite-vérole ; c’est une loi qui a force partout où une maladie peut être propagée par une matière visible et palpable; pourquoi en serait-il autrement pour la rage? On m'’objectera qu’on a cependant vu la rage à la suite de la morsure du chien. Je ne nie pas que l’homme peut contracter le tétanos avec ou sans hydrophobie, aprés avoir été mordu par un chien, même par un chien non enragé, comme il devient quelquefois hydrophobe ou tétanique par une lésion {raumatique quelconque ; mais il ne deviendra jamais enra gé 214 MÉMOIRES ! s’il n’est pas traité ou plutôt maltraité comme tel. La rage chez l'homme est toujours un artefactum , et l’assertion d’Aristote est tout à fait vraie et conforme à l'expérience. Si l'homme mordu est traité comme un blessé ordinaire, jamais la rage ne l’attaquera; mais si vous commencez par le traiter comme un enragé, il le deviendra par votre traitement. On n’a qu’à lire attentivement les observations faites sur de prétendus enragés pour se convaincre de la vérité de ce que j’avance. Je le répète donc, la rage est une maladie des animaux et particuliére- ment des chiens, l’hydrophobie est une maladie de l’homme. Du reste, il n'est pas encore prouvé que la rage soit contagieuse, même pour les ani- maux, puisque, d’après les expériences de M. Hertwigetd’autres médecins vétérinaires , seulement le quatrième ou cinquième chien mordu devient malade, et que d’ailleurs cette maladie disparaît toujours bien vîte, quoi- qu'on l'ait déclarée être extrêmement contagieuse. M. White était si con- vaincu de la non-contagiosité de la rage, qu’il se. fit mordre lui-même par un chien enragé (voy. Froriep’s Notizen, année 1826, vol. XIII, n° 2). M. Heger, chirurgien en chef d’un service de l'hôpital de Vienne, en Autriche, a déclaré dans son ouvrage Erfahrungen im Gebiete der Heilkunde, Wien 1842, qu'il se soumettrait à toutes les expériences d’ino- culation avec la salive de chien enragé sur lui-même, étant intimement persuadé de la nullité d'action du prétendu virus rabique sur l’homme. DE LA TROISIÈME SECTION. * 245 DISCOURS SUR LA PHRÉNOLOGIE. PAR M. LE DOCTEUR LA CORBIÈRE, de Paris, Il faut étre de son siècle, et accepter les faits démontrés , les vérités nouvelles , quelles que soient les conséquences , les théories les lois qui en découlent. Messieurs et trés-honorés collègues, Arrivé ici depuis quelques jours par un heureux hasard ; je n’ai pas dû décliner l'honneur de prendre part à vos travaux; et par ce sentiment qui , entre toutes les causes, fait préférer celle de la veuve et de l'orphe- lin, j'ai choisi et voulu prendre ici en main la cause délicate et difficile de la phrénologie, au moment surtout où elle venait d’être en butte de nouveau , sinon à de puissantes, du moins à de hautes attaques; et pour qu’il ne fût pas dit qu’un congrés scientifique ait pu s’assembler en France, en 1842, et par les hommes les plus éminents du pays et de l'étranger, sans que la physiologie du cerveau, sans que l'anthropologie y ait au moins un représentant, et au besoin un défenseur. Certes, je le répète, Messieurs, c'est une chose grave et délicate, en- core de nos jours, que de professer haut et sans restriction les vérités de la doctrine de Gall. Vous le savez, en effet, depuis son apparition , les disciples du grand homme n’ont pas eu un instant de repos; on a cherché à les ridiculiser, à les mater, à les dégoüter par tous les moyens possibles ; on les a mis & l'index dans tous les corps savants et surtout enseignants, et, de prés ou de loin, on leur a jeté à la face, comme un injurieux défi, cette apostrophe absurde, injuste et immorale : Matérialistes. fata- listes. .… Et pourtant qu’a-t-on fait pour légitimer cette double et stupide accusation, Messieurs, sinon de produire et répéter sur tous les tons et sous toutes les formes des objections plus ou moins spécieuses, plus ou moins loyales , toujours facilement et victorieusement réfutées ? Il serait toutefois temps que les gens de bien, que les hommes de tête et de cœur intervinssent pour juger en dernier ressort cet éternel et so- lennel débat; car il s’agit là, sans nul doute, Messieurs, d’une des ques- tions les plus fécondes, les plus élevées qui, depuis des siécles, aient été pendantes devant le tribunal de la conscience publique ; question müre à cette heure pour une complète et satisfaisante solution , qu'il n’est plus permis d’écarter par une fin de non-recevoir, ou de rejeter de l’ordre du Jour de la science sans se rendre coupable de lèse-humanité!... Voilà pourquoi, Messieurs, malgré ma faiblesse, malgré mon insuffisance, j'ai 216 . MÉMOIRES voulu traduire une derniére fois la phrénologie devant votre justice sou- veraine, et la laver de mon mieux des souillures dont on a voulu l’en- tacher. C’est dans cette intention que je vais successivement et sommai- rement passer en revue et diseuter les délits, les méfaits qu’on lui a im- putés, les objections ou prétendues objections qu’on lui a faites. «La phrénologie est fausse, est impossible, a-t-on dit, et si elle pou- vait être, si elle était réellement ce que l'ont proclamée Gall et Spurz- heim, telle que la font leurs fauteurs , elle serait une impiélé religieuse et sociale, puisque telle elle implique le matérialisme et la fatalité... » Ainsi se formule, Messieurs , l’anathéme dans lequel se résument les ré- futations de Carus, de Tiedemann, de Rudolphi, d'Ackermann , d'An- cillon, de Leuret, de Flourens, etc., etc. Et d’abord, la phrénologie est impossible. Mais qu'on nie donc les péres de l'Église eux-mêmes , saint Paul et saint Augustin surtout; qu'on nie les plus grands philosophes de tous les temps et de tous les lieux, qui tous ont admis de prime-abord que le cerveau humain était le siége de l'âme, qu'il était nécessaire à sa manifestation; puis, que cette âme, complexe dans ses attributs, bien qu’immatérielle dans sa nature ,.c’est- à-dire instinctive, morale et intellectuelle , cette âme ou sa manifestation était dévolue, pour sa triple activité, à trois grandes portions ou sections de la masse cérébrale ; jusqu’à ce qu’enfin il ait été prouvé; directement et empiriquement , par Gall, que chacune de ces grandes masses ou divi- sions se décomposait, se subdivisait en organes spéciaux correspondant à desinstincts, à des sentiments ou à des facultés diverses: appartenant à ces trois grandes familles, et répondant aux différentes entités des psy- chologistes. .. Mais qu'on nie donc ces proverbes , la raison des nations, qui à eux seuls résument toute la science : Tot capita, tot sensus... Cet homme a du front. Cet homme a une bonne téle ! Qu’on nie donc l'angle facial de Camper; qu’on nie l'anatomie et la physiologie cérébrale com- parées , qu'on nie le soleil... La phrénologie est impossible.... Mais depuis le zoophyte jusqu’à l'homme, voyez done, Messieurs, quelle gradation continue, quelle suc- cession incessante dans le développement des êtres vivants! En bas, quelle simplicité ! en haut, quelle richesse , quel luxe ! partout quelle harmonie, quelle admirable coordination dans eette machine organique, dans cette pile voltaïque nommée système nerveux! Et pourtant et partout et tou- jours, corrélation nécessaire, flagrante des conditions telles quelles , de la matière à son animation, de l'organe à ses fonctions, de l'animal à ses facultés !…. La phrénologie est impossible. Mais d'où vient done, je vous supplie, Messieurs, cette diversité d’instinets, de penchants ; d’aflections, de sen- timents, de caractères et d’aptituüdes parmi les hommes, pour ne parler que de notre espéce; aptitudes, caractères , sentiments, affections, pen- chants et instinets correspondant toujours , nécessairement , remarquez-le bien, à une forme donnée de la tête ?.. Pourquoi ces différences non-seü- lement dans les diverses races humaines, chez les Africains, les Chinois et les Mogols, mais encore dans la même race, dans le même milieu s0- cial et atmosphérique, dans la même famille, chez les mêmes individus soumis à la même hygiérie, façonnés par la même éducation, nés du même sang ?... DE LA TROISIÈME SECTION. 247 La phrénologie est donc vraie, Messieurs; elle défie l'opposition im- puissante d’ennemis intéressés, aveugles ou passionnés; elle se fonde , immuable et majestueuse, sur la nature elle-même: elle fait à la fois ses preuves par l’anatomie, par la physiologie, par la philosophie: «Mais là phrénologie admise, vrate,, n'enserait pas moins une impiélé, a-t-on'ajouté, car elle est matérialiste et fataliste desanature:.. » — Est-ce bien en philosophie, Messieurs, est-ce bien-dans cette-enceinte età notre époque qu’on oserait dire qu'une VÉRITÉ peut être dangereuse ou même inutile... Sacrilége ! eh bien, moi, je ne crains pas de le dire : tout sys- tème, toute doctrine, tout fait social, toute société elle-même qui ne cadre pas avec une vérité générale, fondamentale, qui l’exclut ou la re- pousse, ce système est mal conçu, cette doctrine est erronée, ce fait'so- cial est à refaire, du moins en ce qui touche cette incompatibilité. . .. La plirénologie, d’ailleurs, ne change rien à la nature, à son ordre éternel, à ses lois saintes; elle les constate et: les interprète logiquement, rien de plus, rien de moins. — Mais entendons-nous, une fois pour toutes, sur ces mots équivoques matérialismeret fatalisme. j Oui, la phrénologie est matérialisle, si par matérialisme on entend'la manifestation des facultés , de la pensée, le sentiment de âme, de Dieu lui-même soumis à des‘conditions, à des nécessités organiques détermi- nant la nature, la force:et l'étendue de ces idées ou de ces sentiments et leur préexistant (1) : conditions organiques innées, indéniables, irrécu- sables dans l’état actuel de la physiologie du système nerveux... Mais la phrénologie! n’est pas matérialiste dans'le sens psychologique: et théolo- gique de ce mot, puisqu'elle admet l'existence d’un monde immatériel, l'existence et la nécessité morale de: Diew et de l'âme, mais comme vé- rités de sentiment devant lesquelles elle s'incline , qu’elle vénére et ne dis- cute pas... Lier Laphrénologie est également fatalistei, si par fatalisme on entend l’en- chaînement, la nécessité des fonctions , des forces cérébrales corrélatives aux dispositions, aux conditions organiques , c’est-à-dire la manifestation des instincts, des sentiments, de l'intelligence subordonnée à la nature et au développement de ces organes, de ces dispositions innées.. Mais la phrénologie repousse cette qualification, cette accusation qui emporte l’idée de: la soumission aveugle, nécessaire et brutale de Phomme à ses tendances, à ses besoins ; en d’autres termes, à une volonté souveraine, absolue, à une prédestination ou prélégislation de toute éternité. .. Sans doute la phrénologie reconnaît et proclame la diversité des organisations et, partant, des fonctions ou des facultés ; mais tout en admettant que le jugement et la volonté, c’est-à-dire le Libre arbitre, sont relatifs à la masse , à l’activité, à la puissance des organes qui en sont le siége , et que les actes cérébraux rentrent dans la coordination harmonique des actes de l'univers produisant l’ordre providentiel; tout en professant, dis-je, que le libre arbitre n’est point absolu, non plus qu’égal ou uniforme pour tous les hommes, la phrénologie l’admet chez tous ceux qui ne sont pas des monstres, tel qu’il convient à la dignité humaine , tel que Dieu , juste (4} Se parle ici, bien entendu, de la préexistence logique de la cause à l'effet appréciable, et non de la loi première de toute création , de toute genèse, du principe créateur universel qui préside à la formation et au développement de tout être vivant, comme de toute la nature... L 4 218 MÉMOIRES etbon, a dù le donner à chacun pour qu'il pût examiner, comparer, juger, se déterminer, c’est-à-dire être LIBRE, méchant ou bon, vertueux ou vicieux à son choix; tel qu'il est indispensable à l'existence des so- ciétés humaines. Ainsi, vous le voyez, Messieurs, la phrénologie, loin de devoir être l'objet d'injustes préventions, de vaines accusations, doit au contraire commander l'intérêt et l'estime de tout le monde, car elle proclame vrai, utile et respectable tout ce qui est ici-bas respectable, utile et vrai. Elle mérite, de plus, de la part des philosophes, des législateurs, des crimi- nalistes, des médecins, des instituteurs, de tous en un mot, la plus sé- rieuse attention , la plus profonde méditation. Elle seule, en effet, peut donner une analyse , une solution satisfaisante de l’entendement humain ; une définition, une appréciation convenable du droit et du devoir, et par conséquent de la morale et de la législation; une doctrine médicale complète , un système pénitentiaire et d'éducation rationnels et appropriés aux facultés, aux intelligences diverses, c’est-à-dire un bon code artisti- que et scientifique, industriel et professionnel; enfin la phrénologie, pour préparer utilement cette œuvre immense du réformateur philosophe, peut donner aux parents, dès le berceau, la clef de l’organisation, des propensions, des dispositions de leurs enfants, et par suite aussi de l’é- ducation qui leur est et doit être le plus convenable, de l’état qui leur serait le plus profitable, de l'association qui leur présenterait le plus d’élé- ments favorables... Ainsi, par la phrénologie , par la phrénologie seule, amenant le progrès et l'amélioration successifs et gradués de l'espèce, seront remplies les destinées de l’humanité : la satisfaction régulière, morale, de toutes les puissances , de toutes les facultés de l’homme dans sa triple individualité ; ainsi s’accompliront les desseins de Dieu, la fin de toute création : le bon- heur individuel par le bonheur social, le bonheur de tous, dans les limites mais dans la plénitude de la nature humaine. Donc et de toute évidence, Messieurs , la phrénologie aborde et résout, sans hésiter, toutes les questions instinctives, morales et intellectuelles, qui se rattachent à l’homme, au maître né de la création, et peuvent en faire Le véritable roi, le chef légitime, le souverain fort et noble, puis- sant et éclairé. Car, je le repète en terminant, elle repose sur sa propre organisation , l’'embrasse, le domine et l’explique tout entier. Strasbourg, 8 octobre 1842. DE LA QUATRIÈME SECTION. 219 MÉMOIRES LA QUATRIÈME SECTION. ——<9>— Agriculture, commerce, industrie, statistique, sciences économiques. | MÉMOIRE EN RÉPONSE A LA QUESTION DU PROGRAMME : Par quels moyens, législatifs ou autres, peut-on faire cesser l'isole- ment dans lequel se trouvent aujourd'hui les ouvriers, les allacher aux grands établissements industriels, comme le propriélaire est altaché au sol, et contribuer à leur amélioration sociale ? : PRÉSENTÉ A LA QUATRIÈME SECTION DU CONGRÈS, PAR M. C. J. KREUTZBERG, Docteur en philosophie et ès sciences économiques de l’université de Prague. (Traduit de l'allemand par M. J. Sengenwald , secrétaire adjoint ) La première question soumise au Congrès scientifique comprend la re- cherche des moyens propres à améliorer la position sociale des ouvriers attachés aux divers établissements industriels. Je sens qu'il y a quelque hardiesse à aborder un sujet qui occupe depuis si longtemps tant d'hommes distingués ; mais quand il s’agit d’une chose utile , il faut avoir le courage d'oublier sa personne, et, ce qui dans cette circonstance élève encore mon courage, à moi qui suis l’un des plus jeu- nes de cette assemblée, et qui Le cède à la plupart d’entre vous en savoir eten expérience, c’est l'espoir que j'ai d'obtenir votre indulgence. Né dans un pays dont on estime l’activité industrielle; occupé précé- demment dans une fabrique qui comptait des centaines d'ouvriers, et mis pendant longtemps en contact journalier avec un grand nombre de fabri- cants, je me laisse aller aux encouragements bienveillants qu'ont reçu mes travaux antérieurs , tant en littérature qu’en économie politique, et 220 MÉMOIRES je ne crains pas de tenter un effort pour arriver à la solution de la ques- tion qui vous est soumise. Il n’est plus nécessaire aujourd’hui d’insister sur l'importance des élu- des qui ont rapport à l'amélioration du sort des ouvriers. Déjà la Société industrielle de Mulhouse a pris une initiative louable en proposant un prix , et en le décernant à l'écrit si remarquable: Des progrès de l'indus- trie considérés dans leurs rapports avec la moralilé de la classe ou- vrière, par, M. le baron de Gérando. ; Toutes les parties de cet ouvrage sont traitées avec une connaissance si parfaite de la matière, une éloquence si brillante et une chaleur de sentiment si entraînante , que ce serait vouloir refaire l’'Iliade après Ho- mére que d'essayer la recherche de nouveaux moyens de guérison. Rien, en effet, n'échappe à l'œil scrutateur de M. de Gérando, ni la haute signi- fication de la classe ouyrière, par rapport aux progrés matériels et intel- lectuels de l’industrie, ni le sentiment d'humanité qui doit nous pousser à soulager toutes les souffrances, ni la crainte si menaçante pour l'avenir de la société européenne de voir s’élargir de plus en plus cet abîme qui sépare le petit nombre des riches et des puissants du grand nombre que la misère peut rendre si redoutable. Bientôt, j'en ai l'heureux pressentiment, le travail de M. de Gérando passera de la théorie à la pratique. Oui, il est sans doute réservé à ces dignes fils de l'Alsace, dont la capitale nous offre une hospitalité si empressée, à ces hommes dont les dispositions de cœur sont allemandes et dont l'esprit est tout français, à ces chefs de l’industrie de Mulhouse et de ses environs, il leur est réservé de réaliser les vues bienfaisantes de M. de Gérando. Prenant en mains l'éducation des classes ouvrières, ils sauront réveiller chez elles des sentiments de modération et d'économie, ils remettront en honneur toutes les vertus domestiques , ils fonderont partout des sociétés de secours et de haute protection. Ainsi cette semence qu’ils auront confiée à la terre et soignée avec amour , de- viendra bientôt un arbre majestueux, qui, projetant ses rameaux sur l'Allemagne, la Suisse et l'Angleterre, donnera des fruits et de l'ombre aux ouvriers épuisés, par Le travail d’une rude journée, Mais en le supposant atteint, le but que nqus poursuivons vers l’amélio- ration morale des classes ouvrières , nous n’aurons pas néanmoins trouvé de remède efficace pour guérir ces souffrances matérielles auxquelles notre devoir est de venir en aide. Pour supporter les privations , il faut une plus grande dose de résignation vertueuse qu'il n'est permis d'en de- mander aux classes du peuple , que l'éducation n’a point façonnées à une certaine élévation de sentiments. Or, plus l'ouvrier sera dépendant des vicissitudes de l'industrie et du commerce, plus il sera exposé à voir compromis en même temps et son existence matérielle et son développe- ment moral, et plus aussi la tentation sera forte pour lui dans les temps de détresse de comparer sa situation avec celle de ceux qui par l’effet de son travail, à lui, auront acquis une position meilleure que la sienne. Les efforts tentés pour l'amélioration morale des ouvriers ne suflisent donc pas, et cela est si vrai que, sans s'arrêter au travail si lucide et si concluant couronné par la Société industrielle de Mulhouse , le Congrès scientifique n’en a pas moins placé l'amélioration de la condition maté- rielle des ouvriers en tête de toutes les questions dont notre section aura à s'occuper. Je n'ai pas la prétention de résoudre ce problème , et je m'es- DE LA QUATRIÈME SECTION, 2921 timerai fort heureux qu'après avoir examiné ma proposition, vous la ju- giez propre à augmenter, ne füt-ce que dans une faible proportion , le bien-être des classes ouvrières. La cause principale du mal est que les ouvriers ne sont pas proprié- taires. Cependant il n’est pas permis de penser que cette classe d'hommes soit à jamais déshéritée par le destin des douces. joies de la possession. Le besoin de la propriété croît chez les travailleurs en même temps que l’'aisanceet la civilisation font des progrès, et pour que l'avenir-de ces mêmes travailleurs paraïsse moins menaçant, il faut qu’ils ne jouissent pas seulement de propriétés éphémères appartenant à des individus, mais qu'on établisse un fonds inaliénable au profit-de la classe tout entiére , en se servant'de ce levier qui dans notre siècle produit de si-grands résul- tats, je veux parler de l'association. L'idée qui forme la base de ma proposition, et qui consiste à assurer la position des ouvriers par la création d’un fonds permanent et sans cesse croissant, me semble facile à réaliser. L'on exercera sur lesalaire de tous les ouvriers sans exception de faibles retenues, de telle manière qu’elles ne soient pas trés-sensibles pour chaque individu en particulier, et que cependant leur accumulation produise un capital commun qui serve à assurer des secours mufuels à tous les compagnons d’une seule et même Hhrique: Le capital lui-même ne pourra être attaqué, et sera cumulé jus- qu’à ce qu’il suffise à l'achat d’une terre, dont les produits ne pourront être employés qu'à secourir de braves ouvriers tombés dans le dénuement sans qu’il y ait de leur faute. L’excédant du revenu de cette terre, joint à la retenue sur les salaires, continuera d’être capitalisé jusqu’à ce que la somme soit suffisante pour faire une nouyelle acquisition foncière. Ces biens appartiennent aux ouvriers, et restent leur propriété aussi long- temps qu’existe la fabrique à laquelle ils sont attachés. Si l'établissement vient à se dissoudre, les terres passent, suivant des règles convenable- ment établies, aux ouvriers d’autres fabriques. Veuillez me permettre d'entrer dans quelques développements de ma proposition, qui n’est pas ‘encore suffisamment dégrossie, et que je n’ai aucunement la prétention d'imposer comme une formule absolue. Les institutions qui, sous divers noms et diverses formes, ont été fondées pour les ouvriers, donnent la meilleure preuve que chacun se borne à des efforts individuels pour améliorer sa position, et cependant cette amélio- ration ne peut devenir stable que par le concours simultané de tous, c’est- à-dire par l'association. Quelque zèle que mettent les amis de l'humanité à encourager la créa- - tion des caisses d'épargne, quelque influence heureuse qu’exercent ces institutions utiles sur l'existence physique et morale de l’ouvrier consi- déré comme individu, jamais elles ne parviendront à améliorer la posi- tion de la communauté des travailleurs. Le salaire insuffisant que gagnent la plupart des ouvriers ne leur permetpas de verser dans les caisses d’é- pargne de quoi se former un pécule qui leur vienne en aïde dans les cas de besoin, de maladie ou d'interruption de travail. Même parmi les mieux rétribués, combien peu en est-il qui profitent de l’occasion qu'on leur offre de faire de leurs salaires un placement productif. La plupart d’entre eux ne pensent qu’au jour de la paye, parce qu'ils sont habitués à consommer dés le lendemain, au milieu des jouissances les plus misérables, tout le 222 MÉMOIRES produit de leur travail, et ils abandonneront au reste de la société le soin de veiller à leur sort futur aussi longtemps qu'on les laissera libres de faire ou de ne pas faire des épargnes pour l’avenir. Il en sera tout autrement quand chaque fabricant n’admettra dans son établissement que des ouvriers qui consentent à se laisser faire de petites retenues destinées à secourir dans les mauvais jours et eux-mêmes et leurs compagnons d'infortune , bien entendu que ces retenues, aussi peu sen- sibles que possible, seront {oujours assez faibles pour permettre aux mieux rétribués de placer quelques économies dans les caisses d’é- pargne. Comme je l'ai dit, la plupart des ouvriers ont trés-peu de penchant pour les épargnes volontaires, et c’est pour ce motif que, d’après mes vœux, je désire les amener à des épargnes forcées. Le capital placé à la caisse d'épargne est mobile, toujours à la disposition du déposant, et n'offre de ressources qu’à des individus isolés; ma proposition, au con- traire, a pour but de créer un fonds immobile, permanent, tout à fait in- dépendant des caprices de chaque individu , un fonds qui soit le produit des efforts non pas d’un seul, mais de tous, et qui, en cas de besoin, vienne en aide à chacun, non pas comme individu , mais comme membre de la communauté. Afin de rendre la chose plus sensible, prenons pour exemple une fa- brique d'importance moyenne comprenant 200 ouvriers, adoptons pour base le salaire hebdomadaire le plus bas réparti parmi les ouvriers de dif- férents grades , et convenons que la retenue sera de 5 p. 100. Nous supposerons que les 200 ouvriers seront rétribués suivant une échelle graduée des salaires , savoir : NOMBRE SALAIRE __ RETENUE EE DES OUVRIERS. PAR SEMAINE. PAR SEMAINE. PAR ANNÉE. Francs. Francs. Francs, 21/2 12 1/2 625 12 600 16 800 ) 250 250 500 De cette manière, un établissement de 200 ouvriers obtiendra au bout d’une année, par le prélévement de 5 p.100, une somme de 3098 fr., sans même tenir compte des intérêts. Cette somme servira à l'acquisition de terrains, qui à la longue formeront un tout compacte. Ils suffiront pour secourir des ouvriers nécessiteux , ou pour augmenter par la suite le bien- être de la masse des ouvriers travaillant dans une même fabrique , ou bien pour leur procurer dans les périodes de chômage les objets de premiére nécessité. Une telle perspective n'offre rien d’exagéré quand on pense DE LA QUATRIÈME SECTION. 295 quelle extension des lerrains acquis de la sorte pourront prendre pendant un espace de vingt années. Je ne méconnais pas les difficultés que ma proposition rencontrera dans les commencements, difficultés qui pendant longtemps encore seront in- surmontables dans un certain nombre de fabriques. Mais celles d’entre ces dernières qui sont dans des conditions plus favorables ne doivent pas pour cela renoncer aux avantages que l'exécution de mon plan pourra leur procurer, et elles s'assureront qu'en mettant hardiment la main à l'œuvre et à l’aide de réglements peu compliqués, la pratique leur sem- blera beaucoup plus facile que d’abord elles n’auraient osé l’espérer. Permettez-moi, Messieurs, de vous indiquer d’une maniére générale et ces difficultés d'exécution et les moyens de les aplanir. Il-est bien en- tendu du reste que les gouvernements, convaincus de l’importance vitale du sujet qui nous occupe, ne négligeront pas, chaque fois que besoin sera, de consacrer les principes par des SAppAtARs législatives et d’en surveiller la stricte observance. 4. La constitution du capital présentera le moins de difficultés si le fa- bricant consent à exercer lui-même les retenues sur les salaires, s’il en conserve la garde jusqu’à ce qu’ils aient atteint un certain chiffre déter- miné , et s’il tient la comptabilité dans un registre spécial. Il n’est pas de fabricant équitable et bien pensant qui ne se fasse un plaisir de donner ses soins à la bonne tenue de ce livre d’épargnes, et il n’en est aucun qui se refuse à payer l’intérêt légal des dépôts qui lui sont confiés jusqu’au jour où il devta les restituer. L’on peut espérer aussi que tout pays in- dustriel, reconnaissant combien il importe d'assurer une propriété aux prolétaires, modifiera sa législation de manière à donner à ces dépôts provenant de l'épargne une sorte d’hypothèque légale sur les établisse- ments jusqu’au moment où les dépôts seront employés à l'achat d’un fonds de terre. Cette hypothèque devra primer toutes les autres, afin que les épargnes des ouvriers ne puissent jamais courir aucun risque. La respon- sabilité du fabricant n’est engagée que pour les sommes que sous la forme de retenues il a touchées en espèces, et elle cesse au moment du remploi. Les acquisitions d'immeubles dont j'ai parlé peuvent se faire avec les conseils et les secours du fabricant; mais la décision n’appartient qu'aux fondés de pouvoir que les ouvriers auront choisis dans leur sein , en sui- vant divers modes de procéder consacrés par des règlements. L'on objectera que ce maniement des deniers provenant de l'épargne sera une source de difficultés et d’embarras pour le fabricant. Mais en considérant les avantages que le maître tire de ses ouvriers, et l’impor- tance qu’a pour lui l'amélioration de leur condition, on trouvera juste qu'il y coopère de la manière qui vient d’être indiquée. Et s’il est vrai que l'entrepreneur d'industrie doit avoir encore un autre but que celui de faire fortune; si le désir d’être utile à ses semblables est le plus beau, le plus noble qui puisse animer un fabricant, on doit s'attendre à ce que ce- lui-ci, pour peu qu'il ait d’élévation dans l'âme, se sente heureux de contribuer à un résultat également avantageux et pour lui-même et pour ses ouvriers, et pour toutes les classes de la société. L’humanité pour nos semblables, qui gardera son empire sur les cœurs tant qu'il y aura des hommes sur la terre, agira comme un puissant levier sur la réus- site des plans que je propose. 224 MÉMOIRES 2. Les fonds de terre à acquérir pourront consister non-seulement en . champs labourables, mais encore en vergers ou en jardins, et ils devront se trouver autant que possible dans le voisinage des fabriques et sous les yeux des ouvriers. Ceux-ci contracteront l'habitude de surveiller leurs propriétés avec plus de zèle, et ils recevront l'impression des sentiments de douce sérénité que font naître les travaux agricoles, Aux temps des semailles ou des récoltes; les ouvriers se trouveront mieux à portée si leurs champs sont à proximité , et: dans certains établissements les déchets que l'on jette comme n'ayant aucune valeur pourront être réunis par les ou- vriers et employés comme engrais, etc. 5. Il n’est personne quinedoive contribuer à former la réserve ;, même ceux qui reçoivent une paye plus élevée, tels que les contre-maîtres.et les commis principaux. Ces employés , qui ne participent pas directement aux charges de l’état, doivent, suivant les règles de l'équité, concourir à l’a- mélioration présente et future d'une classe d'hommes ayec laquelle ils sont en rapport continuel, et dont le travailleur procure une meilleure existence. 4: Pendant les premières années ; et aussi longtemps que les propriétés acquises n'auront pas atteint une certaine valeur, des secours ne pour- ront être accordés que dans des circonstances particulières à des ouvriers malades ou privés de pain qui auront travaillé dans la fabrique durant trois ans , et qui auront concouru à la formation du fonds commun. Plus lard, quand ce fonds se sera accru , on pourra donner plus d'extension à ces secours, qui ne s’appliqueront pas seulement à des ouvriers nécessi- teux , mais encore à leurs veuves et à leurs enfants devenus orphelins. Les secours devront toujours être distribués, non pas en argent, mais en produits des terres appartenant à la communauté: Une seule exception à cette règle pourra être admise en faveur de jeunes filles depuis long- temps employées dans la fabrique ; et auxquelles, lors de leur mariage, on constituerait une dot qui ne devrait en aucun cas dépasser une part et portion des versements qu'elles auraient faits dans la masse. 5. La durée des secours sera circonscrite au temps de privation de-tra- vail, et leur étendue se mesurera d'aprés la position particulière de eha- que famille , et plus particuliérement d'après le nombre d'années que Fouvrier aura passées dans la fabrique. Ainsi, toutes choses égales dail- leurs, la quote-part de celui qui aura dix années de services sera bien dif- férente de celle qu'obtiendra l’ouvrier dont l'entrée dans l'établissement ne remonterait pas à plus de cinq années. 6. L’exécution de mes plans aurait une influence trés-favorable sur la moralité des ouvriers. Ainsi; par exemple, celui d'entre eux qui serait renvoyé pour infidélité envers son patron perdrait tous ses droits à par- ticiper aux secours; de même aussi les maladies occasionnées par l'ivresse ou la débauche ne donneraient, suivant les circonstances, que peu ou point de droits à ces secours; enfin l’ouvrier qui se laisserait débaucher et quitterait la fabrique ne pourrait exercer aucune prétention sur les propriétés acquises de la masse commune. 7. Les ouvriers qui, sans avoir démérité, seraient renvoyés ou trouve- raient du travail ailleurs, ou qui pour des motifs pleinement avouables entreraient dans une autre fabrique, peuvent prétendre à la restitution d’une part, qui ne pourrait être moindre de la moitié de leurs verse- DE LA QUATRIÈME SECTION. 295 ments. Leur quote-part toutefois ne leur sera pas remise en espèces , mais on l'ajoutera au fonds de propriété de la fabrique qui les accueille. L’im- portance de ces apports réglera les droits de l’ouvrier dans la participa- tion des secours distribués par son nouvel établissement. Prenons un exemple. L’ouvrier qui aprés dix années de travail dans la fabrique A passe dans la fabrique B, et qui opére le transfert de la moitié de ses versements de À en B, aura au bout d'une année les mêmes droits que s’il avait travaillé pendant six années dans la fabrique B. Que s’il retourne en A et qu’il rapporte une-.partie des versements faits successivement aux deux fabriques A et B, il jouira des droits que lui donneront et ses pre- miers états de service en A et les bénéfices qu'il aura faits dans la fabri- que B. 8 Si l'ouvrier entre pour des motifs valables dans une fabrique qui n’a pas adopté le système des épargnes forcées, il pourra rester copropriétaire des terres qu’il aura aidé à acquérir, mais à la condition qu’il prélèvera sur son salaire et versera chaque semaine dans l’ancienne masse une somme équivalente à ses versements antérieurs. Si ce mode ne lui convient pas , il ne pourra pas retirer sa mise, mais, il aura droit à des secours s’il vient à tomber dans le besoin. 90 Dans le cas de cessation d’une fabrique où ma proposition aurait été exécutée, le premier soin à prendre sera d’assurer des secours à ceux qui y auraient droit par suite de leur dénuement. Ce n’est qu’aprés avoir sa- tisfait à cette obligation que l’on pourra vendre une partie des propriétés et en distribuer le prix parmi les ouvriers qui trouveraient de l'emploi dans d’autres établissements. Mais ce prix ne sera jamais payé comptant aux ayant-droit, mais sera ajouté aux biens-fonds de la nouvelle fabrique, de manière à constituer un ‘capital au profit de ceux qui auront fourni cet apport, et à leur procurer une plus grande pars dans les secours, ainsi qu'il a été expliqué au $ 7. . Aprés la mort de tous ceux qui avaient droit à des secours, s’il ne reste plus d'ouvriers qui puissent entrer dans d’autres fabriques, les terres ou leur prix de vente passeront, suivant certaines lois à établir dans chaque pays, aux établissements voisins dont les ouvriers seront aussi soumis au régime des épargnes forcées. Mais laissons là ces détails, qui doivent, Messieurs, lasser votre pa- tience , et qui du reste auront besoin d’être modifiés suivant les temps et les lieux. L'essentiel est de savoir si les hommes de science et d’expé- rience considérent comme juste et exécutable le moyen qui me semble propre à faire passer les prolétaires à la position de propriétaires. La grande objection théorique que l’on pourrait faire, est que je limite pour chacun la liberté de disposer de ses économies comme il lui plaît. Mais de la nature des choses il ressort que l’on est obligé de limiter la liberté d'action de l'individu pour doter la communauté d’un grand bienfait. Au reproche d’user de contrainte vis-à-vis des ouvriers, j’opposerai le but élevé que j'ai en vue, et je dirai que dans beaucoup de pays les em- ployés, les militaires subissent une retenue tout à fait semblable, qui fournit des pensions à ceux qui sont hors d'âge ou hors d'état de servir, et assure des secours à leurs veuves ou aux orphelins qu’ils délaissent. Si vous trouvez, Messieurs, que ma proposition soit conforme au fond à la raison et au droit, et qu’elle réponde à un besoin véritable, je pas- IT, 45 226 MÉMOIRES serai condamnation sur ce qu'il pourra y avoir d'imparfait dans l'exposé de ma doctrine. Il suflira que mes idées aient reçu votre approbation pour qu’elles gagnent par votre suffrage une force incontestable. Plus tard elles seront épurées, élargies, et eñfin mises en pratique par des fabricants généreux, qui regarderont comme un devoir d'améliorer la position de leurs ouvriers, et de délivrer la société de périls qui menacent sans cesse son.existence. Le peu d'efficacité que le remède pourra avoir dans les commencements ne devra pas servir de prétexte pour différer son appli- cation. Il s’agit de se mettre à l'œuvre, et l’on trouvera certes de nom- breux imitateurs, grâce auxquels, au bout d’une courte période, les pro- létaires pourront avoir acquis la propriété de bien des millions. Les ver- sements dans les caisses d'épargne ont aussi été insignifiants dans les commencements, et cependant chacun sait quel développement ont pris plus tard ces institutions bienfaisantes. Quel que soit au reste le sort de ma proposition, quelles que soient les espérances qui s’y rattachent , il est du moins une espérance qui ne sau- rait m'échapper : c’est celle que je fonde sur votre indulgence. DE LA QUATRIÈME SECTION. 227 DISCOURS PRONONCÉ DANS LA QUATRIÈME SECTION DE LA DIXIÈME SESSION DÙ CONGRÈS SCIENTIFIQUE, SUR LA QUESTION SUIVANTE : Par quels moyens, législatifs ou autres, peul-on fairé cesser l’isole- ment dans léquel se trouvent aujourd'hui les ouvriers, les attacher aux grands établissements induslriels, comme le propriélairé esl ältaché au sol, et contribuer à leur amélioralion sociale ? PAR M. SCHATTENMANN, Directeur des mines de Bouxwiller, membre du Conseil général du départemient du Bas-Rhin. MESSIEURS, Les théories de Saint-Simon et de Fourrier ont été suffisamment débat- tües devant vous pour que je puisse me dispenser de les discuter. Les par- tisanis de la Phalange ont défendu ce systéme avec une entiére convic- tioü. Ils ont développé avec éloquence et talent des théories entiérement spéculatives ; mais, arrivés à l'application, ils ont avoué unanimement léur impüissance d'en établir les moyens d'exécution pratique, et ils se sont bornés à y appeler les méditations de l’assemblée. M. dé Pompéry a soutenu qué toute théorie vraie était toujours sus- ceptiblé d’une application pratique, et qu'il était ainsi rationnel de com- mencér par établir la théorie, pour ne s'occuper qu'après des Moyens pratiques. Cette argumentation n’est pas exacte, car on a toujours admis des théo- ries Spéculatives ou abstraites et des théories susceptibles d’une applica- tion pratique. L'expérience de tous les temps a démontré le danger des théories abs- traites, qui égarent si facilement les hommes généreux. Je suivrai une marche entièrement inverse à celle adoptée par M. de Pompéry, en scrutant d’abord notre état social, pour n’examiner qu'a- près les moyens de guérir un mal dont tout le monde reconnaît la gravité. Depuis que le monde existe, l'intérêt privé a toujours été le mobilé principal qui a procuré à l’homme le bien-être matériel. La fortune des familles n’a jamais eu d’autres bases, et l’on sait que la richesse des États se compose de la collection des fortunes privées. Les gouvernements modernes ont la mission d'assurer les droits et la liberté des citoyens et de faire des rêglements d'intérêt public. Jamais on ne Jéur a reconnu le droit de s’immiscer dans les affaires d'intérêt privé, 45. 228 MÉMOIRES de réglementer les ménages, le travail, l'agriculture , l'industrie, le com- merce ou toutes autres branches, et la répartition des produits, ou pro- fits, ou pertes. L'axiome de laisser faire a toujours été reconnu comme juste et avantageux, el jamais la proposition d’une immixtion du gou- vernement dans les transactions privées n’a été sérieusement agitée, et l’on en reconnaîtrait l’inapplicabilité dés qu’on en examinerait les détails d'exécution. | ‘ S'il est vrai que l'intérêt privé est le mobile principal qui porte l'homme à travailler, à acquérir et à conserver, on bouleverserait nécessairement la société en le détruisant et en y substituant un intérêt collectif et une communauté de travail. La communauté de travail présente des impossibilités d'exécution; car, qui assignera la tâche à chaque individu et qui en déterminera le pro- duit? qui possédera et conservera les objets mobiliers, qui vendra le pro- duit du travail et qui en répartira le montant ? qui pourvoira aux besoins journaliers des membres de l'association , qui enfin couvrira le déficit qui ne peut manquer de se produire dans une association où chacun cher- chera à jouir et conséquemment à dépenser, quand il faudrait économiser et produire ? Tout le monde comprend qu'un pareil ordre de choses présenterait des embarras inextricables, et qu’il est complétement impraticable dans des limites restreintes, et à plus forte raison il ne saurait former la base d’un nouvel ordre social. Avant d'attaquer et de détruire la nécessité individuelle du travail et le mobile de l'intérêt privé, qui garantissent dans l’état actuel de la so- ciété la subsistance journaliére de l’ouvrier, la fortune des familles et conséquemment celle de l'État, il faudrait au moins prouver qu'on à quelque chose de mieux et de praticable à y substituer. Les partisans de la Phalange se sont prudemment abstenus d'aborder ce terrain; mais, malgré leurs brillantes théories, ils me permettront de repousser leur système jusqu'à ce que l'exécution pratique en aura été démontrée. Si leurs assertions sont vraies, les partisans de la Phalange sont sans doute déja nombreux; que dix-huit cents seulement d’entre eux se réunissent donc dans un phalanstére, pour mettre en évidence la possibilité pratique et le succès d’une pareille entreprise. Jusque-là je ne quitterai pas la réalité pour de vaines théories, et en recherchant les re- mèdes au malaise social, je ne me livrerai qu’à l'examen de moyens ap- plicables à l’état actuel de la société. Le malaise des ouvriers a deux causes principales : 1. Le défaut de travail, 2. L'insuffisance des salaires. Le défaut de travail est accidentel, il a ordinairement pour cause des crises commerciales ou industrielles, ou la cessation de grands travaux publics. L’insuffisance des salaires est ordinairement le résultat d’une concur- rence qui impose des nécessités aux fabricants, et qui n’est pas sans com- pensation pour les ouvriers, qui savent fort bien faire augmenter leur salaire dans les temps prospères. L'exemple de l'Angleterre montre les dangers d’une production exa- 2 7 gérée, excitée par un système protecteur poussé à l'excès. La France, DE LA QUATRIÈME SECTION. 229 qui a adopté plus tard le même système, est heureusement moins avancée dans cette carrière, et la même disproportion n’y existe pas, comme en Angleterre, entre sa population industrielle et agricole. Dans les actes du gouvernement, comme dans l'opinion publique, un retour du funeste système de prohibition et de droits protecteurs outrés s’est manifesté; mais il est urgent d'abandonner entièrement les probibi- tions et de modérer successivement et graduellement les droits de douane à l’entrée. Le système de protection absolue, de prohibition et de droits excessifs a pu séduire lorsque la production intérieure était encore au- dessous de la consommation du pays; mais aujourd’hui qu’elle a dépassé celle-ci dans presque toutes les branches, la crise est d’autant plus ter- rible, que des établissements développés par un stimulant artificiel, élevés en quelque sorte en serre chaude, luttant sur les marchés de l’intérieur, qui ne peuvent absorber la totalité de leurs produits, sont obligés de s’en- tre-détruire, parce qu’un prix de production trop élevé ne leur permet pas d'aborder les marchés étrangers. C’est au prix des plus grands sacri- fices, et en imposant des privations aux ouvriers par la réduction forcée des salaires, que quelques industries ont pu réduire suffisamment les prix de revient pour concourir avec leurs produits à l’étranger et assurer du travail à leurs ouvriers. Il importe de lever les prohibitions et de persé- vérer dans la réduction successive des droits protecteurs, afin d’asseoir l'industrie nationale sur des bases qui puissent lui permettre de soutenir la concurrence à l'étranger. La France, qui possède une population ac- tive et intelligente qui excelle dans les objets de goût, ne restera pas en arrière dans la lutte industrielle générale qui se trouve engagée sur toutes les parties du globe; elle acquerra ainsi une position nouvelle, qui assu- rera du trayail à sa population et qui établira un échange des produc- tions agricoles et industrielles entre toutes les nations que le système prohibitif et de protection a plus ou moins isolées, pour le plus grand dommage de tous. L’abandon du système prohibitif, qui est anti-commercial, en ce qu'il neutralise les échanges des productions des diverses contrées, rétablira les relations commerciales entre toutes les nations sur leurs véritables bases, et resserrera la confraternité des nations, que les peuples civilisés appellent de tous leurs vœux. Le travail et la classe ouvrière peuvent encore être favorisés par la ré- duction des impôts qui frappent les objets de premiére nécessité, tel que le sel, par la création de canaux, de chemins de fer, et enfin par l’amé- lioration de toutes les voies de circulation. L’honorable M. Lecerf a proposé, comme moyen de remédier au malaise actuel des ouvriers, une association entre ceux qui possèdent, pour venir au secours de ceux qui ne possèdent pas, et il a pensé que cette asso- ciation devait être communale. Ces sortes de secours sont déjà organisés et rendent de grands services à la société ; mais ils ont inconvénient d'être des actes de charité , et il faudrait arriver à quelque chose de plus direct et de plus efficace pour obtenir la solution de la question que nous discutons. L'industrie de sa nature est plus mobile que la possession du sol, l’ap- plication du moyen deyra nécessairement se ressentir de cette différence de position. 230 MÉMOIRES Je pense, Messieurs, que les ouvriers pourraient être attachés aux grands établissements industriels comme le propriétaire l'est au sol, en généralisant la création de caisses de secours et en leur donnant une existence légale, Tout établissement industriel pourrait être tenu d'établir une caisse de secours pour ses ouvriers, laquelle serait alimentée : 1, Par une retenue de 5 p, 100 sur le salaire des ouvriers ; 2, Par l’abandon également de 5 p. 100 des bénéfices nets de l'établis- sement. Ces parts contributives seraient un maximum, et pourraient être ré- duites lorsque la caisse de secours aurait acquis un fonds de réserve suffi- sant et qu'il ne s'agirait plus que de couvrir les besoins courants. Ces moyens seraient assez puissants pour parer aux mauvais jours de l'industrie, car on aurait certainement , dans la marche naturelle des af- faires , à opposer vingt jours de prospérité industrielle à un jour de revers. Les caisses de secours auraient bientôt un fonds considérable dans les industries qui jouiraient d’une prospérité durable, et le temps ceréerait nécessairement ce fonds partout, car il est de l'essence des statuts de pa- reilles institutions de ménager un fonds de réserve. Les caisses de secours seraient administrées par les fabricants et les délégués des ouvriers, sous la surveillance d’un commissaire du gouver- nement. La comptabilité et le placement des fonds seraient soumis aux règles qui régissent les établissements publics. Ces placements ne seraient point exclusifs d'acquisitions de propriétés foncières sous l'autorisation de-l’au- torité compétente, toutes les fois que l’occasion s’en présenterait dans le voisinage d’une fabrique, et que ces terres louées aux ouvriers offri- raient l'avantage de leur procurer des objets de premiére nécessité et d'u- üliser leurs moments de loisir et ceux de leur famille. L'alliance du fabricant avec ses ouvriers se trouverait ainsi heureuse- ment réalisée. L'ouvrier serait attaché à l'établissement, parce que la caisse de secours assurerait son sort et celui de sa famille en cas de ma- ladie ou de crise; le fabricant aurait une parfaite tranquillité et serait moins exposé à se voir quitlé par ses ouvriers toutes les fois qu’un salaire supérieur pourrait leur être offert ailleurs. d Les secours auraient naturellement lieu pour les cas de maladie, de réduction ou de cessation du travail. Ils n'humilieraient plus l’ouvrier comme l’aumône , car il ne toucherait que sa part à un fonds commun au- quel il concourt. L'ouvrier ne peut être aussi intimement attaché à la fabrique que le propriétaire l’est au sol, parce qu'il est dans sa destinée de s'élever selon sa capacité et sa bonne conduite, S'il ne trouve pas dans l'établissement où il est engagé l’ayancement auquel il a droit de prétendre, il peut le chercher ailleurs; dans ce cas, il peut perdre momentanément ses droits à la caisse de secours, mais il pourra toujours les reprendre, et s’il re- tourne dans sa commune, s’il y est malade et sans travail, il pourrait en- core aspirer à certains secours , qui seraient proportionnés au lemps qu'il aurait passé antérieurement à l'établissement. Il convient de prévoir dès aujourd'hui l'extinction d'un établissement industriel et le sort de la caisse de secours. Celle-ci devra toujours secou- DE LA QUATRIÈME SECTION: 251 rir viagérement les anciens ouvriers de la fabrique non replacés ou sans travail, mais le fonds de la caisse'devra alors appartenir à la caisse com- munale des ouvriers. £ Cette disposition conduit naturellement à la création de caisses de se- cours communales, que les subventions communales et les dons de ci- toyens généreux pourraient encore accroître, et dans lesquelles il serait possible de recevoir les versements volontaires des ouvriers, qui acquer- raient en retour le droit à des secours que les statuts détermineraient. Dans les discussions du sujet qui nous occupe, on a beaucoup parlé d’as- sociation entre le fabricant et les ouvriers, d’acquisitions forcées au profit de l’ouvrier, au moyen de retenues et d’immobilisation de. terrains. Je crois que ces vues, qui sont bonnes en théorie, sont inapplicables dans l'exécution. La nature des choses et notre législation s'opposent à ces combinaisons. L'association a ses conditions, il est dans son essence que celui qui participe aux bénéfices doit aussi supporter sa part des pertes; il a de plus le droit d’un concours ou d’une influence plus ou moins directe sur les affaires sociales. Or il serait impossible de rendre l’ouvrier respon- sable des pertes et de lui accorder une participation ou une influence quel- conque dans la direction des affaires; l’ouvrier, qui vit de son salaire, se- rait hors d’état de supporter des pertes, et il ne serait pas possible de sou- mettre son existence au sort de spéculations industrielles, Les dispositions et l'esprit de notre législation ne permettraient pas de retenir indéfini- ment la propriété mobiliére et foncière de l’ouvrier, et tout le monde comprend qu'une mesure qui aurait ce but toucherait aux plus graves questions du droit de propriété et de liberté assuré à tous les citoyens. L'immobilisation des terrains offre une question qui n’est pas.moins grave, car.ce serait une exception à la règle générale, préjudiciable au trésor, qu’elle priverait de droits de succession considérables, et si cette nature de propriété s’accroissait, elleenvahiraitlesol auprofit d’une classe, au préju- dice de toutes les autres, ce serait en un mot le rétablissement de la main morte. Dans le système de simples secours que je vous propose, aucune de ces difficultés ne se présente , et la législation peut lui donner la sanc- tion sans violer aucun principe et sans altérer aucune disposition fonda- mentale de notre droit public. Messieurs , vous n’attendez pas de moi que j’entre dans de plus grands développements, car yos moments sont comptés; mais je suis prêt à ré- pondre à l'instant même à toute objection qui pourrait être faite, à toute explication qui pourrait être demandée sur la proposition que j'ai l’hon- neur de vous présenter. 252 MÉMOIRES COMMUNICATION FAITE A LA QUATRIÈME SECTION DU CONGRÉS SCIENTIFIQUE DE STRASBOURG, SUR LA PREMIÈRE QUESTION : Par quels moyens, legislatifs ou autres, peut-on faire cesser l'isolement dans lequel se trouvent aujourd'hui les ouvriers, les allacher aux grands établissements industriels, comme le propriclaire est attaché au sol, et contribuer à leur amélioration sociale ? PAR J. ZUBER , FILS , DE RIXHEIM, Ancien Président de la Société industrielle de Mulhouse. MESSIEURS, Nous avons tous compris que la discussion a été portée jusqu'ici sur un champ trop vaste et trop spéculatif pour promettre des résultats quel- conques; je crois done me conformer à vos intentions en me renfermant strictement dans la question posée. De quoi s'agit-il en effet? — Tout simplement : d'indiquer les moyens de faire cesser l'isolement dans lequel se trouvent les ouvriers qui tra- vaillent dans les grands élablissements industriels, et d'améliorer leur état social. Ce ne serait donc que d’une certaine fraction de travailleurs que nous aurions à nous occuper ici, et nullement de la totalité de la . classe ouvriére; et il me paraît d'autant plus oiseux de s'occuper, à ce. propos , d’une réorganisation générale du travail, que je vais établir tout à l’heure qu'une grande partie même de la fraction de travailleurs dési- gnée ne se trouve pas dans les conditions d'isolement dont on parle. En effet, je soutiens que dans les villes seules cet isolement, tel que je l’en- tends , exisle, et que partout où il y a un grand établissement industriel à la campagne, le mal ou bien n'existe pas, ou bien ne présente pas la même gravité, et peut être écarté par la seule volonté du chef de l'élablis- sement. Les établissements qu’exploite ma maison de commerce sur divers points du Haut-Rhin occupent environ cinq cents ouvriers ; plusieurs de ces ate- liers existent depuis cinquante ans, et cependant nos ouvriers, de géné- ration en génération, s’y sont attachés d’une manière inyariable; de pau- vres prolétaires qu'ils étaient dans le principe, ils sont presque tous de- venus propriétaires d'un petit immeuble, ou se sont tout au moins élevés au-dessus de la misère ; leur état moral, et partant social, a certainement progressé aussi dans la même proportion. Ces faits, Messieurs, vous les retrouverez dans presque tous les établissements isolés, en Alsace surtout; ear là, la vie de famille , cet élément précieux de bonheur, subsiste en- DE LA QUATRIÈME SECTION. 255 core à côté de la vie des ateliers; cette vie des ateliers implante même souvent au foyer domestique des éléments d'ordre » de travail, d’écono- mie, qui n’y existaient Pas auparavaut ; là encore, l'ouvrier, éleyé-au milieu d’une population agricole, n’a d'autre ambition que de devenir à son tour petit propriétaire; cette ambition est si prépondérante, Mes- sieurs, qu’elle remplace et dépasse d'ordinaire les effets des caisses d’é- pargne, qui, en général , n’ont de succés que dans les villes. L'ouvrier manufacturier de la campagne achète à longs termes une petite pièce de champ ou une petite habitation ; et dès lors, son but d'économie est tracé, tous ses efforts tendent à ramasser par son travail de quoi payer le terme qui va échoir chaque année, et c’est un stimulant de tous les jours, de tous les instants, qui produit souvent des effets surprenants. Aussi ; Mes- sieurs, pour peu que le chef d’un établissement pareil le veuille ; pour peu qu’il exerce sur ses ouvriers un patronage bienyveillant, chrétien ;: pour peu qu’à l’aide de bons rêglements de police, de caisses de pré- voyance et autres, il cultive parmi eux le goût pour la tempérance et les épargnes, le sort de ces ouvriers sera aussi heureux qu'il peut raison- nablement l'être; il n’y aura pour eux ni isolement ni abandon. Je me crois donc fondé à éliminer de la classe d'ouvriers désignée par le programme, tous ceux qui travaillent hors des villes, et à ne laisser subsister comme atteints du mal auquel on veut remédier que Les ouvriers de fabrique résidant dans les villes, car j'en excepte encore ceux résidant à la campagne et allant travailler dans les ateliers de la ville. $ Vous le voyez, Messieurs, le champ de la diseussion s'est singulière- ment rétréci , et si les maux dont on se plaint sont réels, au moins n’at- ‘teignent-ils chez nous qu’une faible portion de travailleurs. Maintenant j'en conviens : Oui, les ouvriers de fabrique des villes ne sont attachés Par aucun lien durable aux établissements qui leur donnent momentané- met du pain; oui, leur état social est généralement dépravé et dénué de progrès; c’est là un mal auquel il faut chercher à porter reméde ! Je pourrais dire, à la vérité, qu'avant l'établissement des grands ate- liers, ces mêmes individus étaient plus misérables, plus dépravés encore s que c’étaient des vagabonds et des mendiants, que l’industrie est venue ramasser pour en faire au moins des travailleurs ; mais cela ne porterait aucun remède à leur état actuel > et si l'industrie, loin d’être la cause de cet état de choses , ainsi qu’on l'en accuse si souvent bien à tort, a, au contraire , puissamment contribué à en atténuer les effets; il ne s'ensuit Pas qu'il n’y ait plus rien à faire. Dans ma conviction intime » les moyens de donner à la classe ouvrière manufacturière la plus grande somme possible d'éléments de progrès ma- tériel et moral consistent : À. Dans le maintien de la vie de famille ; 2. Dans l'alliance de travaux agricoles, et par suile de possession im- mobiliére au travail manufacturier. Ajoutez, Messieurs, à ces deux conditions l'influence toute puissante de l'éducation par les écoles et Par l'enseignement religieux, corroborée par le bon exemple et par une direction paternelle du chef industriel, et Vous verrez réalisés vos plus beaux réves Philanthropiques ! Permettez que je vous conduise un moment en Suisse, dans le beau Pays d’Appenzell, où se fabriquent ces magnifiques mousselines brodées, 234 MÉMOIRES répandues dans tout l'univers ; c’est là que je trouve au suprême degré la réalisation des effets que je vous ai décrits. Chaque famille , dans cet heu- reux pays, est à la fois agricole et manufacturière ; mais elle posséde, en outre , des trésors que chacun peut se donner , et qui sont la base de son bonheur : elle est instruite; car dans ce petit État tout démocratique, la loi, qui comprend mieux la liberté individuelle que chez nous, la loi prononce le bannissement contre les parents qui ne font pas fréquenter les écoles à leurs enfants ; elle est religieuse, cette famille, mais avant tout , elle est d’une sobriélé incroyable. Je n’oserais le répéter, Messieurs, si je ne tenais le fait d’une autorité irrécusable , du vénérable Gaspard Zellweger ; mais l’ouvrier du canton d'Appenzell, qui est cependant d’une vigueur proverbiale, se nourrit moyennant 6 kreutzer par jour, c’est-à-dire 22 centimes et demi! Sa nourriture consiste en trois repas de lait assaisonné avec du café à la chi- corée , ét de pommes de terre; le pain n'apparaît que le d.manche, la viande aux grandes fêtes ! Eh bien! ce même ouvrier, qui peut ainsi ré- duire son salaire à presque rien quand les circonstances l'exigent, et qui peut ainsi lutter pour ses produits industriels avec le monde entier , gagne environ un florin , c’est-à-dire 2 fr. 25 cent. , dix fois ce qu'il lui faut pour vivre, quand les affaires vont bien! aussi est-ce dans ces moments-là qu'il jette la base de sa modeste fortune , s’associant en quelque sorte avec son chef industriel pour les bonnes comme pour les mauvaises chances ; il y a là réellement quelque chose de la théorie socialiste de réalisé par le cours naturel des choses. Je vous demande pardon de cette digression; elle me conduit à con- clure, que si la réunion de ces heureuses conditions n’est pas applicable à tous les genres d'industries, que si le travail en famille est incessam- ment menacé par la création des grands établissements à moteurs méca- niques, il n’en est pas moins vrai que la condition qui s’en rapproche le plus est l'établissement de ces grands ateliers au milieu de la population agricole et en dehors des villes. C’est là, selon moi, le remède au mal: il est pratique, il est naturel; et si mes prévisions ne me trompent, il se réalisera petit à petit par une meilleure appréciation, de la part des chefs industriels, de leurs véritables intérêts. La société, croyons-le bien , est impérissable ; à côté du mal, elle sait toujours préparer le remède; elle marche son chemin, elle marche , comme tout dans la nature, vers son but, tantôt avec la lenteur d’un glacier, tantôt avec la rapidité du torrent, mais toujours avec ses seules et propres forces, se souciant fort peu des pauvres efforts de l'intelligence humaine, qui prétend la diriger et lui per- mettant tout au plus de construire quelques faibles digues sur son pas- sage ! Aprés avoir ainsi établi que le mal, lorsqu'il pourrait devenir menaçant pour la société, trouverait son contre-poids dans son excès même, exami- nons si, pour l’atténuer au moins, nous n’aurions rien à demander à la législation ou à l'esprit d'association ? J'admets l’une et l’autre de ces res- sources. Depuis quelque temps on voit surgir de différents côtés l’expres- sion d’un besoin, que naguëre encore on aurait osé à peine énoncer : on commence à sentir que le travail de l'industrie , qui de tous temps avail élé soumis à des règles plus ou moins appropriées aux époques; que ce travail, tout à coup affranchi de toute direction comme de toute entrave, DE LA QUATRIÈME SECTION. 255 ne peut supporter ce trop de liberté qui devient de la licence, et que la législation , qui doit sagement régir tous les éléments de la société, ne peut se dispenser plus longtemps d'intervenir. Un premier, un grand pas vient d’être fait sous ce rapport en France, et, je suis fier de ledire, c’est à la Société industrielle de Mulhouse que ce progrès est dû ! je veux parler de la loi qui règle le travail des enfants dans les manufactures, Un second pas reste à faire, c’est une lai qui ré- glera le travail industriel des adultes. Cette mesure ne pourra se faire at- tendre longtemps, et il était digne du Congrés scientifique, venant siéger au milieu de l’industrieuse Alsace, de vouer une partie de son travail à cette importante question. Le concours ouvert, sur mon invitation, par la Société industrielle de Mulhouse, a fourni des matériaux dont déjà vous avez été entretenus; on vous à dit que d’une part M. le baron de Gérando{1), ne consultant que son excellent cœur, demande tout à l'esprit de charité et propose comme principal reméde la création de comités de patronage; il ne voudrait to- lérer d'associations d'ouvriers que pour des caisses de prévoyance; tandis que , d'autre part, M. F. de la Farelle (2) propose une réorganisation dis- ciplinaire des classes industrielles dans Les villes, c’est-à-dire des associa- tions disciplinaires et de secours mutuels entre maîtres et ouvriers, sanc- tionnées par la loi, dirigées par l’administration, mais non obligatoires quant à la participation. Cette conception d'un homme grave, que ses concitoyens viennent d'appeler à la députation, est le résultat de longues et consciencieuses études , et mérite toute notre attention. Si l'écrit si re- marquable de l'illustre pair de France, qui a bien voulu donner ce pré- cieux fruit de ses veilles à sa chère Alsace, est fait pour toucher tous les cœurs généreux et pour opérer tout le bien qu'il est possible d'opérer par ‘ voie de persuasion, le travail de M. de la Farelle aborde avec courage une grande mesure qui pourrait devenir efficace; il a formulé ses idées en projet de loi; la rédaction en est courte et claire; je vous demandera, pour terminer, la permission de lire ces quelques pages, et, en l’absence de l'auteur, je m’approprie sa proposition pour demander qu’elle soit mise en discussion; heureux si, en aidant ainsi à poser les premiers jalons d'une loi utile, nous aurons pu contribuer à faire quelque chose pour l'a- venir de notre pays. (1) Des progrès de l'industrie considérés dans leurs rapports avec la moralité de la classe ouvrière. Paris , chez J. Renouard , etc. Ouvrage couronné par la Société industrielle de Mulhouse. (2} Du progrès social au profit des claëses populaires non indisentes. Paris , chez Guillaumin. Ou- rage couronné par la Société industrielle de Mulhouse, Plan de réorganisation disciplinaire des classes industrielles. Paris, chez Guillaumin, Ouvrage eon- ronné par la Societé d'émulation de l'Ain. 256 MÉMOIRES MÉMOIRE LU EN SÉANCE GÉNÉRALE DE LA DIXIÈME SESSION DU CONGRÉS SCIENTIFIQUE DE FRANCE, SUR LA QUESTION SUIVANTE : Quels sont les avantages de la liberte du travail et les inconvénients de la concurrence illimitée dans les différentes industries ? par quels moyens peut-on remédier à ces inconvénients ? PAR M. JULES SENGEN WALD. La liberté du travail est un fait presque nouveau dans l’histoire de l'hu- manité. Il y a cinquante ans à peine, le sol de la France était couvert de corporations, de communautés , de jurandes et de maitrises, que la révo- lution fit disparaître avec tous les autres priviléges dans un même tour- billon. C'était justice; c'était nécessité. De criants abus avaient étouffé ce que dans l’origine le principe de ces associations avait de tutélaire pour les travailleurs et présentait de garanties aux consommateurs. En effet, lorsque les corporations naquirent au treizième siècle, elles réalisaient pour le temps un immense progrés, IL s'agissait de fonder l’ordre au mi- lieu de l’anarchie, de réprimer le brigandage et la piraterie érigés en pro- fession , de mettre un terme aux avanies sans nombre auxquelles le com- merce était en butte. Or, pour poser une digue à l'oppression féodale, pour conquérir le droit, qui nous semble aujourd’hui si naturel, de jouir en paix des fruits de son travail, il fallait s'unir, s’entr’aider, s'associer. Les individus isolés étaient impuissants; réunis en corps, ils devaient se faire respecter. Ce mouvement d’'émancipation est général au treizième siècle. Jean- sans-Terre se laisse arracher la grande charte qui devait servir de fonde- ment aux libertés de l'Angleterre. Les républiques d'Italie, déjà enrichies par les croisades, cessent de reconnaître la suprématie des empereurs. La ligue anséatique se forme: Lubeck et Hambourg jettent les premiers fon- dements de cette association vigoureuse qui plus tard devait embrasser plus de soixante et dix villes, depuis les bords du Rhin jusqu'aux rivages de la Baltique. En Flandre , Bruges, Gand , Ypres prétendent à l’indépen- dance qu’elles convoitent par le développement de leur commerce et de leur industrie. La France non plus ne reste en arrière de ce mouve- ment. Ses rois, depuis Louis-le-Gros, semblent favoriser les tendances nouvelles, et la gloire d’avoir le premier réglementé le travail appartient à saint Louis. On le voit: ce sont partout des chartes octroyées, achetées ou arrachées, et partout le mot de ralliement est liberté, sécurité pour le travail. Mais cette liberté, qui n’était aprés tout qu'une exception, un privilége DE LA QUATRIÈME SECTION. 257 de quelques communes, devait prendre l'empreinte des idées et des mœurs de l’époque. Ÿ Ainsi le droit acquis par les membres des corporations, d'exercer exclu- sivement certains métiers était corrélatif à cet autre droit qui attribuait aux classes nobles la possession exclusive du sol. De même encore l’auto- rité du maître sur les compagnons était calquée en quelque sorte sur les rapports de seigneur à vassal. Cette organisation du travail était, comme la féodalité, fondée sur la hiérarchie, et on aurait tort de vouloir juger de ses mérites du point de vue où nous sommes placés aujourd’hui. Saint Louis, dans ses établissements des métiers de Paris, en donnant une existence officielle aux corporations, avait surtout en vue d'assurer la bonne qualité des produits. IL créait la division du travail; il voulait que chacun ne fit qu’une chose et la fit bien. Mais quelques siécles plus tard l’idée primitive s'était complétement effacée , etles corporations n’é- taient plus qu’un anachronisme alors que les causes qui les avaient ren- dues nécessaires eurent disparu devant le progrès des lumiéres et des arts mécaniques. L'institution des corps de métiers fut, il faut en convenir, faussée par les gouvernements eux-mêmes, qui s’'accoutumérent peu à peu à se faire une ressource de finances des taxes qu'ils leur imposaient. À chaque chan- gement de règne, les priviléges des communautés avaient besoin d’être re- nouvelés , et les sommes accordées à titre de joyeux avénement, formaient le prix de la prolongation du monopole. C'était considérer le droit de tra- vailler comme un droit royal que le prince pouvait vendre et que les su- jets devaient acheter. Faut-il s'étonner aprés cela qu’un privilége obtenu à beaux deniers comptants füt exercé avec rigueur? Partout l’on cherchait à restreindre le nombre des maîtres et à rendre l'acquisition de la maîtrise presque im- possible à tous autres qu'aux enfants des maîtres actuels. Ainsi la multi- plicité des frais et des formalités de réception, la difficulté d'admission du chef-d'œuvre, la durée de l'apprentissage pendant sept ou huit ans, étaient autant de mesures prohibitives propres à dégoûter les aspirants à la maî- trise. Et aprés leur admission dans le sanctuaire, quel était le sort de ces pri- vilégiés de l’industrie et du commerce? Ils passaient le temps à se jalouser les uns les autres , à se susciter, de corporation à corporation, des procès ruineux, à gaspiller leurs ressour- ces en dépenses inutiles, frais d’assemblée, de repas, de cérémonie Le droit de visite établi pour s’assurer de la bonté des marchandises avait dé- généré en inquisition et en vexation ; les offices créés par le gouvernement l'étaient dans un but fiscal ; et on forçait de les racheter par des emprunts qui grevaient les communautés de charges chaque jour croissantes. Sous un pareil régime, il n’y avait pas d’'émulation sérieuse, et partant pas de progrès. Quelque génie inventeur découvrait-il un procédé nou- veau, mettait-il au service de l'humanité des forces ou des richesses non encore utilisées, s’il avait le malheur le demander des ouvriers ou des outils qui appartinssent à des professions différentes , il voyait s’insurger contre lui tous ceux qui se croyaient menacés dans leur existence privilé- giée. Il devait nécessairement succomber, à moins qu’une chance favora- ble ne lui sourit, ou qu’une main puissante ne vint lui prêter assistance. 258 j MÉMOIRES Quoi de plus! le temps ne devait-il pas nécessairement faire justice d'un système vieilli, qui au lieu de régler le travail, ne lui suscitait plus que des entraves? l y L'œuvre fut commencée par Turgot; mais elle temba en même temps que lui. C’est à la révolution française qu'il était réservé de rompre défi- nitivement avec le passé, et de jeter les basés de l’ordre de éhoses àc- tuel. Quelles espérances ne dut pas faire naître cette réforme, qué les pen- seurs et lés économistes appelaient dé tous leurs vœux? D'abord livré aux mains des esclaves et des serfs, puis exercé par privilége, le travail était libre enfin! Désormais rien n’arrétérait plus l'essor du génie; à chacun la place qu’il aurait conquise par son esprit de conduite , son zêle, sa capa- cité. Ces prévisions ne se sont pas entiérémerñit réalisées. Les anciens abus ont disparu , il ést vrai; mais le danger s’est placé ailleurs, Il naît aujour- d’hui de l’exagération du principe de la concurrence. Rien de mieux assurément que d'ouvrir toutes les voies et dé laisser lé prix au plus digne de le remporter. Mais il ne faudrait pas qu'une lutte, qui devrait être soutenue à armes courtoises, dégénérât én un combat à oütrance! il ne faudrait pas que souvent lé succés des uns né püt être acheté que par là ruiné des autres. L'un des plus fâcheux résultats de la concurrence illimitée est cé désir immodéré de faire fortune en peu de temps qui travaille aujourd’hui les esprits. En général, les bénéfices sûrs et réguliers sont tellement réduits dans le commerce et l’industrie, que leur accumulation successive est à peine suffisante pour procurer une honnête aisance aprés toute une vie de persévérance et d'économie. Aussi beaucoup d'hommes préférent-ils se lancer dans les hasards: Si la fortune est favorable , on ést riche en peu d'années, ét le but est atteint; si elle est contraire, on a pour dernière ressource la banqueroute, sauf à recommencer le lendemain. Ainsi, la concurrence, en alimentant le goût des chances aléatoires , engendre les faillites, qui, outre le tort moral qu’elles font au crédit, ac- cusent toujours une déperdition réelle d'une portion des richesses de la société. Et, chose digne de remarque! plüs le mouvement des affaires est aecé- léré et la concurrence active (comme aux États-Unis, où l'on compte , proportion gardée, plus de faillites que dans aucun autre pays du globe), moins aüssi les mœurs sont sévères à l'égard de ceux qui placent leur in- solvabilité sous la protection des lois. Cetté indülgencé extrême peut sembler regrettable. . Sans doute, il est des écueils que les calculs humains ne peuvent ni prévenir ni éviter. Lorsque, par suite d’un grand événement politique , des denrées viennent subitement à baisser des trois quarts de leur valeur, comm à la chute du système continental, il y a des victimes , il n'y a plus de coupables. Mais qué dans an temps calme, alors que toutes choses sui- vent un cours régulier, uné maison de commerce s'arrête tout à coup el expose au grand jour ses fautes où $es imprudences, l'opinion publique . ne doit pas rester indifférente. L'industriél et le commerçant, qui, par de folles spéculations où une DE LA QUATRIÈME SECTION. 259 extension exagérée donnée à la production, anéantissent des capitaux . créés par un travail antérieur, doivent compte à la société du dommage réel qu'ils lui causent; ils avaient dans l’armée des travailleurs un poste plus ou moins important à défendre , et, en se voyant forcés de l’aban- donner, ils trompent ceux qui avaient placé en eux leur confiance. Encore n’y a-t-il à déplorer ici qué la destruction de valeurs inertes:; mais combien la question n’augmente-t-elle pas de gravité, quand c’est l'existence de milliers d'hommes que les luttes déséspérées de la concür- rence mettent à l'enjeu! Ea concurrence sans frein et sans limites est la mère du paupérisme qui pèse sur les classes ouvrières. L'on a eu tort, selon moi, d'attribuer la cause de leur misére à la mul- tiplication et au perfectionnement des machines. Le mal que celles-ci produisent n’est que temporaire. Quand l’époque dé transition séra écou- lée, quand les ouvriers mis en disponibilité auront trouvé de nouvelles occupations, élle restera la plus belle conquête que l'intelligence ait faite sur la matière. Travaillant à la place et au profit dé l’homme, élles lui verseront sans douleur cés masses énormés de produits que sans elles nuls bras ne seraient jamais parvenus à créer. Cet avenir ést peut-être éloigné; mais il suffit qu'il soit réalisable pour absoudre les machines dés malédic- tions dont quelques économistes ont voulu les frapper. Tout au contraire, la concurrence illimitée exerce des ravages qu’il ne semble pas donné au temps d'arrêter complétement. D'un côté, l’indus- trie, cherchant de plus en plus à produire au rabais, ést obligée d’écono- miser sur les salaires, et, d'autre part, la multiplication progressive des populations ouvriéres provoque la baissé dé là main-d’œuvré. L'on tourne ainsi dans un cercle vicfeux, puisque l'offre des bras inoc- cupés croît en raison inverse de l'emploi qu’on peut leur fournir, et que la fôrée qui pousse l’industrie vers l'extrême bon marché ne trouve plus de contre-poids dans cette loi économique presque générale qui fait que la production s'arrête ou diminue du moment que les producteurs se trou- vent en perte. i Nous voyons aujourd’hui, par l'exemple dé l'Angleterre, jusqu'où peu- vent aller les abus de l'industrialismé poussé jusqu’à ses dernières consé- quences. Là, en face d’une industrie colossalé qui encombre le mondé de ses produits, des milliers d'ouvriers auxquels la faim fait pousser des cris de désespoir ; là, une nation dont le drapeau flotte sur tous les points du globe, et qui manque de pain pour ses classes laborieuses; là, une puissance sans précédents dans l’histoire, achetée au prix de sacrifices et de douleurs sans bornes. C'est ici que se présentent devant moi toutes les difficultés du travail que j'ai entrepris. Le mal éxisté, mais où trouver le remède ? comment concilier les droits de la liberté avec ceux non moins sacrés de l'huma- nité, et avec le bien-être des classes laborieuses ? s'il était question de trouver une formule pour résoudre le problème , jé n'aurais pas la hardiesse d'aborder un sujet devant lequel tant d'hommes distingués ont échoué. Mais je crois la découverte d’un spécifique contre les abus de la concurrence aussi impossible que celle de la pierre philo-" sophale, et, sans viser à une guérison radicale, je pense que ce serait déjà avoir beaucoup gagné que de trouver des remédes partiels à opposer au 240 MÉMOIRES mal sous les formes diverses qu'il revêt dans chaque pays et dans chaque genre d'industrie. Et d’abord reconnaissons que la question circonscrite à la France seu- lement, telle que je me propose de la traiter, est d’une nature moins déli- cate et d’une solution moins difficile que si elle était posée en Angleterre. La France n’est pas encore, grâce à Dieu, métamorphosée en un immense arsenal de produits manufacturés ; son riche territoire n'est plus la propriété de quelques famiiles ; elle n’a pas de taxe des pauvres , pas d'Irlande attachée à ses flancs. Sa constitution sociale, ses lois, ses mœurs convient un plus grand nombre d'hommes à jouir des bienfaits d'une honnête aisance. Enfin il est temps encore pour elle d'éviter , comme ferait un pilote habile, les écueils signalés par de fréquents nau- frages ! Déjà la législature française , en faisant une loi sur le travail des en- fants dans les manufactures, a posé une première borne à la concurrence illimitée. Condamnant implicitement le principe absolu du laisser-faire et du laisser-passer , elle a établi comme un droit et un devoir pour la so- ciété d'intervenir dans ces matières délicates , et de stipuler au nom des classes laborieuses comme un tuteur ferait pour son pupille. Ces prémisses étant posées, il ne faut pas craindre d’en tirer toutes les conséquences. Ce n’est pas assez d'assurer à tous les enfants les bienfaits de l’instruc- tion élémentaire, de les soustraire à l’avidité de leurs parents, de les af- franchir d’un travail excédant leurs forces ; il faut encore, hommes faits , les défendre contre les abus de la concurrence et les dängers que font naître leurs vices et leur imprévoyance. Puisque l’ouvrier, aussi bien que l'enfant, s'énerve par un travail prolongé au delà d’une juste mesure , puisque l’un et l’autre ont besoin d’un jour de repos pour accomplir leurs devoirs religieux et prendre quelque délassement, pourquoi lé législateur ne limiterait-il pas les heures de travail et ne prescrirait-il pas la sanctifi- cation du dimanche pour les adultes aussi bien que pour les enfants ayant moins de seize années ? L’on dira peut-être que ce serait aggraver le sort des maîtres aussi bien que celui des ouvriers en fabrique. Mais une me- sure qui est générale ne peut frapper personne en particulier. Le salaire del’ouvrier, dans l’état normal d’une industrie, doit représenter au moins l'équivalent de ce qu’il lui faut pour vivre, lui et sa famille: or, pense- t-on que s’il travaillait, par exemple, treize heures par jour au lieu de qua- torze , le taux de son salaire viendrait à diminuer, et ne serait-ce pas plu- tôt le produit fabriqué revenant un peu plus cher qui subirait une aug- mentation imperceptible pour le consommateur? D'ailleurs il y a quelque chose d'inhumain à spéculer sur la durée du travail des ouvriers ; c’est placer les chefs d'industrie moins exigeants dans l'alternative ou de suivre l'exemple de ceux qui le sont davantage, ou de soutenir la concurrence à armes inégales. , L'extrême réduction des salaires le manque de prévoyance et l'intem- pérance sont autant de causes qui empêchent les ouvriers de faire des éco- nomies, et cependant c’est de la possession d’un petit capital que dépen- drait et l'amélioration de leur sort et la sécurité de ceux qui les emploient. Les immenses services rendus par les caisses d'épargne ne sont ignorés de personne ; mais l'on peut regretter que ce soient précisément les ou- DE LA QUATRIÈME SECTION. 221 — vriers de fabrique qui montrent le moins d'empressement à s’en attribuer les bienfaits. Il faudrait donc que la création de ces institutions utiles de- vint. obligatoire dans toutes les localités industrielles et qu’une portion du salaire y fût, en vertu d’une disposition législative , déposée par les maîtreseux-mêmes aunom et pour le compte de leurs ouvriers. Cette épar- gne ne pourrait.être attaquée que dans les cas déterminés par des règle- ments; et dés qu'elle aurait atteint un certain chiffre, mille francs par exemple, elle serait de droit convertie en une rente sur L'État, ou pourrait seryir à l'acquisition d’une maison ou d’un fonds de terre. De cette manière on décomposerait le salaire de l'ouvrier en deux par- ties inégales, l’une qui pourvoirait à sa subsistance et à celle de sa famille, l’autre qui, représentant son bénéfice, lui formerait peu à peu un petit capital dont la possession le releverait à ses propres yeux. Ce serait, aprés avoir fait la part du capital qui crée et du talent qui dirige, accorder un intérêt au travail qui met en œuvre; ce serait établir une espéce de solida- rité de bonne et de mauvaise fortune entre tous ceux qui, par des moyens différents, concourent à la production. Mais, dira-t-on, cette épargne forcée que vous demandez pour l'ouvrier français, équivalant à une hausse de salaire, occasionnera une baisse de profits, en adoptant le système de quelques économistes célèbres; ou bien, suivant d’autres théories, elle proyoquera une hausse dans le prix des marchandises et fermera à celles-ci tout au moins les marchés étrangers. Jerne puis admettre que la hausse des salaires, qui sont un des éléments duprix de revient, n’ait pas une influence sur la hausse des produits fabri- qués, et raisonnant dans cette dernière hypothèse, je répondrai que l’in- térêt du consommateur me touche dans cette circonstance beaucoup moins que celui de l'ouvrier. Que demandé-je aprés tout pour améliorer la condition des prolétaires, que ce que l’on pratique chaque jour, en frappant de droits les cotons, les matières tincforiales, les sucres, les cafés, les vins et en général tous les objets de consommation? Au lieu de revenir au fisc, la taxe profiterait aux classes pauvres et laborieuses, voilà toute la différence, et si l'impôt payé à l'État fait marcher les services publics, celui-ci, qui serait presque imperceptible pour le consommateur, détournerait du corps social des dangers que le paupérisme tient incessamment suspendus sur sa tête. A'ceux, au contraire, que retiendrait la crainte d'arrêter nos exporta- tions ;, je poserais le dilemme suivant: Ou bien l’industrie que vous avez enwue a grandi naturellement et poussé de fortes racines, favorisée qu’elle étaït par les circonstances, ou fécondée par l'aptitude de ceux qui l’exer- cent, et alors une légère augmentation du prix de revient ne lui fermera pas les débouchés étrangers, ou bien elle aura été élevée en serre chaude à l'abri de droits prohibitifs , et alors on pourra lui demander que l'agent de la production soit protégé quelque peu, aussi bien que le produit même. En effet, ce serait agir contre l'intérêt du pays que d'encourager le déve- loppement d’une industrie qui, afin de pouvoir soutenir la concurrence à l'étranger, serait obligée de spéculer sur l'extrême réduction des salaires. C'est l’état relatif du bien-être des ouvriers et non leur nombre qui im- porte à la prospérité d’un État, et le système prohibitif, en imprimant trop souvent à l'emploi des capitaux une fausse direction, donne à l’accroisse- ment de la population une impulsion fâcheuse, puisqu'elle se résout en IT. 46 242 MÉMOIRES misère et en privations. Il faut donc, au point de vue d'une meilleure dis- tribution des richesses, prendre un juste-milieu entre les prohibitions ab- solues et la liberté illimitée, et le mérite d'un gouvernement éclairé con- siste précisément à trouver dans l'échelle des droits protecteurs ce point exact qui concilie le plus grand nombre d'intérêts. Le rapport de la population aux moyens d'emploi du travail se trouve souvent faussé dans les grands centres de fabrication , où l’on voit accou- rir de toutes parts , dans les moments de crise , des gens sans feu ni lieu, qui viennent disputer leur faible pitance aux ouvriers sédentaires. Cette pression qu’exerce la population flottante sur les travailleurs à poste fixe est trop lourde, surtout dans les provinces frontières, pour qu’il n’y ait pas urgence à réviser la législation concernant les étrangers. Nos villes d'Alsace, par exemple , sont changées en des espèces de lieux d'asile, où se réfugient, attirés par l'espoir d’un travail souvent précaire , des hom- mes sans ayeu , sans moyens connus d'existence , et qui forment le rebut des autres pays. Quel tort de pareils hôtes ne font-ils pas à d’honnêtes ou- vriers qui gagnent péniblement leur vie, et qui n’ont pas, comme eux, dans les cas extrêmes, ou la ressource d'industries coupables, ou le courage d’implorer la pitié publique ? Bien plus, la loi elle-même rend la position des uns plus dure que celle des autres. Les Français seuls sont appelés à la conscription , seuls ils ac- quittent cet impôt, le plus lourd de tous pour certaines classes de la société; les étrangers et leurs enfants en sont affranchis; quoique jouissant des mêmes droits civils, de la même protection que les régnicoles, ils n’ont pas les mêmes obligations. Eh bien! je me demande. comment il se fait qu’en France, où chaque industrie a sa part de protection , une seule, la dernière de toutes il est vrai, celle du manœuvre et de l’ouvrier, soit ex- posée sans défense à la concurrence étrangère? Employant le langage de l’économie politique, ne peut-on pas dire qu'il y a sur cette lête d’ouvrier arrivé à l’âge d'homme un véritable capital ac- cumulé, et que la force musculaire dépensée en travaillant représente les services productifs de ce même capital? et parce que l’ouvrier loue ses services au lieu de les utiliser directement, comme le fait un entrepreneur d'industrie, n’a-t-il pas autant de droits à être placé tout au moins dans des conditions de travail aussi favorables qué celle de l'étranger ? Il faudrait donc exiger de ce dernier quelques garanties de moralité et s’enquérir de ses moyens d'existence avant de lui permettre de se fixer définitivement dans le pays; surtout il faudrait le soumettre aux mêmes charges que le Français. Accueillons d'une façon hospitalière ceux qui se présentent avec une profession qui peut-être enrichira leur patrie adop- tive; mais soyons moins généreux envers des étrangers qui nous arrivent dans le dénuement, et qui, trop souvent, font concurrence à nos pauvres jusque sur le seuil de nos hôpitaux. J'ai dit que la concentration de la grande industrie dans des villes po- puleuses rendait plus mauvaise et plus précaire la condition des ouvriers, et je conclus de ce que nous avons sous les yeux, que cette condition de- vient meilleure lorsque les manufactures, au lieu d’être agglomérées sur un étroit espace, sont dispersées dans des localités isolées. Là l'air est plus sain, les logements sont moins chers, il y a moins d'excitations à l’intem- pérance , et il s'établit entre les maîtres et les ouvriers qu’ils ont vu naître DE LA QUATRIÈME SECTION. 245 ‘ et grandir à l'ombre de leurs établissements, des rapports de patronage et de clientelle qui tournent à l'avantage des uns et des autres. La plus grande dissémination des fabriques aurait à mes yeux cet autre avantage de préparer un rapprochement bien désirable entre l’industrie et l’agriculture. Autrefois la plus importante de toutes les industries, celle de la filature et du tissage, était exercée principalement dans les campa- gnes. Lorsqu’arrivait l'hiver et que lé travail des champs était interrompu, on échangeait la bêche contre la quenouille ou la navette , et on trouvait dans ce supplément de salaire les moyens de passer les plus durs mois de l'année. j Aujourd’hui cette ressource est presque perdue. D'ici à peu de temps la mécanique aura complétement remplacé la filature et le tissage à la main, etil ne restera d’autre alternative que de se vouer exclusivement à la culture de la terre, ou de déserter dans le camp industriel pour deve- air moins un agent intelligent qu’un simple instrument de la production. Cette séparation radicale entre l’agriculture et l’industrie proprement dite serait profondément regrettable, car de leur alliance et de leur con- cours simultané peuvent naître les résultats les plus heureux. D'un côté, l’agriculture tient à ses anciens procédés et regarde toutes les innoyations d’un œil défiant; de l’autre, l'industrie manufacturière s’élance avec une ardeur extrême à la rencontre de tous les perfectionne- ments ,-et croit n'avoir rien fait tant qu’il lui reste queique chose à faire. Symboles , l'une du repos, l’autre du mouvement, elles ont pour aïnsi - dire besoin d’être corrigées, d’être complétées l’une par l’autre. Quel spectacle affligeant ne frappe pas nos regards en traversant la France de l’est à l’ouest, du nord au midi? Dans la plupart de nos provin- ces on se croirait reporté au moyen âge, tant l’agriculture est arriérée, les paysans grossiers , les habitations malpropres et délabrées : on dirait que pas un rayon de civilisation n’a pénétré jusque-là, et cependant l’on est à quelques lieues de Paris, du foyer de la lumière et du progrès. Quel dommage, se dit-on, de ne pouvoir reverser sur ces campagnes insou- ciantes le trop plein d'activité qui déborde sur nos villes et nos centres manufacturiers? pourquoi les hommes négligent-ils la terre, leur bonne nourrice, et ne torturent-ils leur génie qu’à plier au joug les autres agents naturels, le vent, l’eau et le feu? , Or donc, puisqu'il faut à l’industrie un frein modérateur, et que l’agri- culture à besoin d’un aiguillon, qu'y aurait-il de mieux à faire que de les lier, que de les assembler l’une à l’autre, de manière que le char ne restât pas embourbé, ni qu'il fût emporté avec trop d’ardeur ? Un jour viendra sans doute, où la mécanique offrira des moyens de fa- brication si rapides, si merveilleux, qu’il suffira de quelques mois dans l'année pour élever la production au niveau des besoins de la consomma- tion. Alors, si nos vœux se réalisent, si autour de chaque fabrique s’éten- dent des champs à cultiver, l’ouvrier quittera son travail monotone pour redevenir paysan quand l'usine chômera ; ses forces se retremperont à l'air libre; son esprit reprendra quelque sérénité au milieu des scènes va- riées de la nature. L'homme sera toujours voué au travail, puisque telle est la condition de son existence; mais au moins obtiendra-t-il en échange plus de santé, d’aisance, de sécurité et de bonheur. 46. 244 MÉMOIRES Ainsi, pour me résumer, limitation des heures de travail, prélévement d’une épargne forcée, système de douanes sagement protecteur mais non prohibitif, dissémination des grandes fabriques de manière à amortir la concurrence des ouvriers entre eux, mariage de l’industrie et de l’agri- culture, tels sont entre autres les remèdes, ou si l’on veut les palliatifs, que je eroirais pouvoir opposer aux envahissements du paupérisme, qui est engendré par la concurrence illimitée, Je viens de considérer cette maladie des temps modernes dans les cas où elle présente le plus de gravité : mais sa présence se révèle encore par d’autres symptômes qui méritent de fixer l'attention. Ainsi, dans chaque profession, il est des gens qui, soit par de faux calculs, soit par la vaine gloriole d’embrasser beaucoup d’affaires, avilis- sent les prix et gâtent le marché aussi bien pour eux que pour leurs con- currents; de là des rivalités très-vives et un isolement complet les uns des autres; de là l’antagonisme des individus partout, et leur concours actif et dévoué vers un même but, nulle part. Le moyen de parer à ce mal me semble être de réveiller l'esprit de corps, aujourd'hui presque éteint; non l'esprit étroit et exclusif des ju- randes let des maîtrises, mais un esprit de solidarité et de confraternité qui établisse entre tous les membres d’une même profession une espèce de surveillance mutuelle des uns sur les autres. à Il est une profession libérale qui a conservé quelque chose des tradi- tions du passé, et dont l’organisation présente quelques traits que l’on pourrait désirer de voir se reproduire ailleurs. Chacun sait que l’ordre des avocats, qui accueille dans son sein tous ceux qui ont fait leur stage, élit un conseil de discipline et un bâtonnier auxquels il confie la garde de sa dignité collective, et la punition de tous les faits qui pourraient y porter atteinte. Aussi cet ordre a-t-il con- servé un esprit de corps qui mitige singuliérement ce qu’il peut y avoir de trop échauffant dans des luttes oratoires de tous les jours. De même aussi pour toutes les professions industrielles il serait utile de poser des conditions d'aptitude, de régler le contrat d'apprentissage et de créer des chambres syndicales que l’on pourrait greffer sur les con- seils des prud'hommes, institution qui dans l’ordre administratif et ju- diciaire rend déjà d'immenses services, mais qui attend une loi organi- que destinée à la compléter. Ces chambres ou ces conseils, comme on voudra les nommer, servi- raient de lien entre les membres d’une même profession , et représente- raient ce pouvoir modérateur, cette autorité plutôt morale que coërcitive, qui habituerait ces derniers à se considérer plutôt comme les membres - d’une même famille que comme des rivaux cherchant à se supplanter les uns les autres par des moyens souvent peu avouables. Signaler sous toutes leurs formes les abus de la concurrence, serait une entreprise qui dépasserait de beaucoup les bornes de ce travail, et qui d’ailleurs pourrait fort souvent ne mener à aucun résultat. Car tantôt on s’aperçoit qu’en affermissant l’ordre et la sécurité, on jette des entraves à la liberté, tantôt encore on se voit enfermé dans un cercle vicieux d’où nuls efforts ne peuvent vous faire sortir. ! Témoin l’industrie des transports. Par une singulière déviation de son principe, ici la liberté conduit di- DE LA QUATRIÈME SECTION. 245 rectement à la coalition ou au monopole, c’est-à-dire que par la force des choses elle est impossible. Les entreprises de messageries, par exemple, n’ont d'autre alternative que de se concerter Sur les prix avec leursrivales et de commettre le délit de coalition prévu par l'art. 419 du Code pénal, ou bien de se faire une concurrence effrénée qui a pour résultat un mal cent fois piré, le mono- pole. L Que la nature même des industries de transport soit antipathique à une concurrence régulière et modérée, cela peut s'expliquer. En eflet, quand une fois un service-de messageries , dé roulage ou de navigation se trouve monté et organisé, le talent de celui qui dirige ne compte plas que pour peu dans le succés. Là il y a rarement des hausses ou des baisses à prévoir, point d'activité ou de ralentissement à imprimer à des travaux ; aucune de ces combinaisons, de ces pérfectionnements , de ces inventions qui donnent à un commerçant ou à un industriel la su- prématie sur ses rivaux. Les frais de production étant à peu près inva- riables, du moment que la concurrence s’en mêle, elle ne s'exerce qu'au rabais: Or, étant donné une certaine quantité de voyageurs où de mar- chandises à transporter, et qu'il s’établisse subitement un nouveau service hors de proportion avec les besoins actuels, qu’arrivera-t-il? C’est qu’on se disputera la matière transportable, que chacun préférera accepter des prix féduits plutôt que d’aller à vide , et que de concession en concéssion on descendra si bas, que les frais d'exploitation ne seront plus couverts et que l’on marchera à une ruine infaillible. Avec une pareille perspec- tive de se consumer à petit feu, on comprend que bien des gens aiment mieux jouer leur destinée dans une seule partie; et engagent immédia- tement une lutte à outrance: De là ces fortes baisses, dont le public profite momentanément, mais qui ont pour effet de tuer sur place le plus faible des antagonistes, et de laisser le plus fort maître du terrain, avec la chance de sé récupérer de ses pertes par l’exercice d’un monopole. Ainsi, en dernière analyse, qu’il ÿ ait coalition ou monopole ; le ré- sultat pour le consommateur sera toujours de ne pouvoir ni débattre le prix ni traiter en pleine liberté, avec cette différence qué là première hy- pothése est pour lui bien plus avantageuse , comime lui laissant au moins le choix entre les divers coalisés: La concurrence alors ne portera plus sur le prix, mais sur le plus ou le moins de soins , d’exaclitude où d’é- gards par lesquels on voudra mériter la préférence. Ce sera toujours au- tant de gagné pour le public. Les anomalies que présente ce sujet deviendront.plus sensibles encore dans un avenir peu éloigné; alors quelles chemins de fer seront en pleine activité. Les chemins de fer, on le sait, se feront en France par le concours de l'État et des compagnies. L'État, de concert avec les départements et les communes, construira le chemin: des compagnies l’exploiteront en four- nissant le matériel. Sans doute des cahiers des charges, calqués sur ceux en vigueur maintenant, imposeront aux compagnies des tarifs, et.établi- ront un maximum pour le transport; soit des hommes soit des ayehan - dises. Quand l’État accorde pour une période de soixante et.dix à quatre- Yingts années un privilége à peu prés exclusif pour le transport.des voya- 246 MÉMOIRES geurs, c'est bien le moins qu'il stipule pour eux et en leur nom des con- ditions équitables. Mais voici le danger que l’on peut prévoir. Sur tous les points où il existera parallélement un chemin de fer et une voie navigable, et ce sera la régle plutôt que l'exception, il s’'établira une concurrence. . Les compagnies de chemins de fer, non contentes du transport qui leur appartient de droit, celui des voyageurs et des objets de quelque valeur, voudront empiéter sur la juridiction d'autrui, et attirer à elles toutes es- pêces de marchandises, même celles qui, par leur nature encombrante, sont du ressort de la navigation. Pour atteindre ce but, les compagnies suivront l'exemple déjà donné par les messageries, et en proclamant de fortes baisses dans Les prix, elles espéreront évincer toute concurrence, et rester maîtresses d’un mono- pole absolu et presque indéfini. Ce seraitlà un abus énorme. Les chemins de fer, livrés à l'exploitation d'une compagnie et à la direction d’un agent non responsable, tels que le sont les gérants d’une société anonyme, se serviraient de la puissance formidable que donne l'association de trés-grands capitaux pour anéantir, en pure perte, des millions de valeurs engagées dans des entreprises de roulage et de navigation. : Il est vrai que dans la plupart des circonstances l'intérêt particulier doit plier devant l'intérêt général, quelque malaise temporaire qui en résulte d’ailleurs. Ainsi, que l’on jette un pont sur une rivière, les plaintes de ceux qui vivaient du bac ne doivent point nous toucher. D'un côté il y aura pour le voyageur économie et avantage sous le rapport du prix, du temps et des dangers auxquels il peut être exposé; de l’autre, le ca- pital consacré à la construction du pont sera productif d'intérêt au moyen du péage. Ainsi, bénéfice réel , accroissement de richesse pour la société. Mais en est-il de même dans une lutte que je suppose engagée entre un chemin de fer et une voie navigable ? L'on peut considérer comme un fait prouvé que le prix de revient du transport sur un chemin de fer est bien supérieur à celui que donne un canal construit dans de bonnes conditions, tel que celui du Rhône au Rhin, ou telle que sera la route navigable entre Paris et Strasbourg. Pour qui a lu le beau travail de M. Ch. Collignon sur le tracé du che- min directentre Paris et Strasbourg, toute démonstration à cet égard est superflue. Pour le chemin de fer de Liverpool à j'Mnétionbes le transport d’une tonne de mille kilogrammes de marchandises à la distance de 1 kilomètre, coûte à la compagnie propriétaire 14 centimes, et cela avant tout prélé- vement d'intérêt ou de bénéfice. En Belgique, le prix minimum perçu sur le transport des marchandises est de 15 centimes 4/10 pour les petites vitesses, et sur le chemin de Lyon à Saint-Étienne le’prix pour les houilles est fixé à 13 centimes avec toutes sortes de droits accessoires, qui dépassent quelquefois le prix principal de transport. Lors de la concession primitive du chemin de Strasbourg à Bâle à une compagnie, le tarif portait pour le transport d’une tonne à 1 kilomètre 9 centimes pour les marchandises en transit, et pour les autres, suivant DE LA QUATRIÈME SECTION. 247 leur nature , 14 centimes en moyenne, et ces prix parurent tellement dé- sastreux aux compagnies, que, lors de la réaction qui, en 1840, s’opéra en faveur des chemins de fer, l’on s’empressa de demander une élévation du maximum fixé par les cahiers des charges: Sur les canaux, au contraire, en prenant pour base le prix du frêt sur le canal du Midi, et en adoptant les calculs présentés à la chambre des députés par le rapporteur de la commission chargée d'examiner le projet de loi sur le canal de la Marne au Rhin, on peut estimer que le frêt ne dépasse pas 2 centimes, et le droit ou péage au plus 4 centimes par tonne et par kilomètre. Ainsi, d’un côté 13 à 14 centimes, de l’autre 6 centimes, la partie est- elle égale ? et la compagnie du chemin de fer, qui , par un coup de tête, abaisserait ses tarifs au niveau des prix de transport sur une voie navi- gable, n’engagerait-elle pas avec cette derniére une lutte funeste à toutes deux, mais dont, en définitive, elle ressentirait le plus fort préjudice, comme étant pour le transport des marchandises dans des conditions in- finiment moins favorables ? Mais, dira-t-on, la concurreñce profitera tout au moins au consomma- teur qui obtiendra ses marchandises à meilleur marché. D'abord, et en thése générale, je n’admets de bénéfice pour la société que lorsque le prix de revient d’un objet baisse dans la même proportion que sa valeur vénale. Quand, par l'effet d’une de ces anomalies que l’on rencontre trop souvent, ces deux faits cessent d’être corrélatifs l’un de l'autre, il y a désorganisation dans les lois du travail, spoliation du pro- ducteur en faveur du consommateur. Et voyez où vous ménerait le système opposé. Tel chemin de fer, tel canal transporteront presque en totalité des marchandises en transit, qui ne font que toucher un moment le territoire, et sur l'achat ou la vente desquels aucun bénéfice ne pourra être réalisé. Eh bien ! si leur transport se fait à perte par suite d’une concurrence désordonnée, des sommes énormes seront perdues par le pays, et pourquoi? au profit de qui? De l'étranger, qui aura vendu, acheté ou consommé ces denrées. Vous aurez fait une trouée dans les capitaux destinés à féconder le travail national, pour gratifier d’un pur cadeau ceux-là même que, par vos lois prohibi- tives, vous repoussez des marchés français. Est-ce là être conséquent ? Le moyen, ce me semble, de couper court au mal causé par la con- currence dans de pareilles conditions, serait de fixer le minimum des prix de transport par chemin de fer, aussi bien qu’on en a limité le maæxi- mum , et de décider que cette clause du cahier des charges ne puisse être modifiée que par une loi. À une situation exceptionnelle, comme celle des chemins de fer, il faut une législation exceptionnelle, qui sauvegarde tous les intérêts, ceux des actionnaires, ceux du public et ceux des industries rivales. Quand, par la force des choses , on est poussé hors de la liberté commerciale, quand on sort du droit commun, l’on ne doit plus rien abandonner au hasard : car un monopole remis entre des mains inhabiles est une arme à double tranchant, qui blesse ceux-là même qui croient s’en servir pour leur dé- fense. J'achéve ici cette esquisse bien incomplète sur la grave question sou- mise au Congrés scientifique, et j'espère qu’on me pardonnera d’avoir 248 MÉMOIRES osé aborder uu pareil sujet, en faveur de l'intérêt que le sujet même offre à tous les penseurs. Je ne me fais pas illusion sur l'efficacité des moyens qui, suivant moi, doivent remédier et non mettre un terme aux abus de la concurrence. Ces moyens, qui pourront être hardis au gré des uns, anodins au gré des autres, je ne leur trouve d'autre mérite que de me sembler praticables. Quand le but qu'on a devant soi est l'amélioration de la condition de ses semblables, il peut être doux de s’abandonner à l'inspiration de sentiments philanthropiques, et de se bercer au vague de songes dorés, qui vous font apercevoir une perfection idéale. Mais ces utopies sont, je le pense, fatales à la cause que l’on défend, et l'imagination, cette folle du logis, usurpe alors à grand tort les droits de la raison. Après tout, l'homme ne pourra jamais , dans ce monde, atteindre qu’à un bonheur et à un bien-être incomplets au gré de ses désirs. Doué de libre arbitre, il aura toujours plus ou moins d'influence sur sa destinée, et il sera plus souvent le jouet de ses mauvaises passions que des imper- fections de l’organisation sociale. Interrogeons l’histoire; remontons le cours des siècles jusqu'aux pre- miers âges de l'humanité, nous ne voyons partout qu’anarchie, rapines, populations entiéres trainées en esclavage; la guerre est comme l'état normal et permanent de la société, et pendant sept siècles que dura Rome, jusqu’à Auguste, le temple de Janus ne fut fermé que trois fois. Aujour- d’hui tout est changé; depuis vingt-cinq ans l’Europe jouit des bienfaits de la paix; l’activité, l'audace, le goût des hasards et des fortunes rapides ont déserté les champs de bataille et se sont rués dans la carrière indus- trielle. Le glaive exterminateur a pris nom agiotage; au lieu des ruines fumantes, nous ayons sur quelques points la plaie hideuse du paupé- risme ! Toutefois, reconnaissons-le, pour être justes envers le temps présent, ce génie malfaisant qui ne cesse de harceler l'humanité, qui, Protée in- saisissable, prend de nouvelles formes alors qu’on le croit terrassé, à déjà cédé devant le christianisme et la civilisation une grande part de sa bar- bare domination. Il ÿ a maintenant en France, par exemple, beaucoup moins de prolétaires qu’il n’y avait d'esclaves dans l'antiquité ou de serfs au moyen âge, et encore la condition de nos classes inférieures est-elle beaucoup moins misérable que celle de ces parias d'autrefois. Arrétons-nous, pour terminer, à cette pensée consolante , qui nous fait voir, dans les progrés déjà accomplis, un gage de ceux que l'avenir per- mettra sans doute de réaliser. DE LA QUATRIÈME SECTION. 249 EINLEITUNG UND PLAN DER REDE ÜBER DIE CONCURRENZ, ZUR BEANTWORTUNG DER FRAGE : Quels sont les avantages de la liberte du travail et les inconvénients de la concurrence illimitée dans les différentes industries ? par quels moyens peul-on remédier à ces inconvénients ? VON DOCTOR BUSS, Professor an der Universitæt Freiburg (x). Die Vortheïle der Concurrenz sind anerkannt : sie lassen sich auf zwei zurückführen. Der grôsste ist der Wetteifer, welcher zur Steiserung der Produktion führt; der andere ist die grôssere Woblfeilheit der Consum- tion, weil die Zunahme der Produktion durch die Concurrenz des Ange- bots die Preise der Erzeugnisse herabdrückt. Allein die unbedingte Con- currenz hat im Gefolge grôssere Nachtheiïle; ja die erwäbnten beiden Vortheile selbst werden theilweise in Frage gestellt. Die unbedingte Concurrenz widerstreitet dem ersten Gesetz, welches . die neuere Zeit auf dem Boden der Oekonomie geltend gemacht hat: dem der Theilung der Arbeit. Die Vorsehung hat jedem Volke, jeder Zeit, und in jedem Volke den einzelnen Ständen ihren besondern Beruf angewiesen. Je vollkommener ein Staat ist, desto organisirter ist er : die unbedingte Gewerbs- und Handelsfreiheit ist der Gegensatz der Organisation, ist Anarchie. Vergebens Sagt man: die 6konomischen Interessen haben in sich selbst die Kraft, sich selbst zu ordnen und auszugleichen ; das ist nicht wahr. Die 6konomische Cultur ist die unterste Schichte; sie muss ibr Gesetz von einer hôhern empfangen ; je niederer die Motive des 6ko- nomischen Wirkens, des Interesse’s sind, desto mehr müssen sie regle- mentirt werden. Es ist der grosse Fehler, dass die politische Oekonomie als ein souyeränes Reich behandelt worden ist: sie muss ein hôheres Ge- setz empfangen. Die unbedingte Concurrenz widerspricht zweitens der Unterordnung des Individuums unter die Idee, die Aufgabe des Staats. Die Freiheit des Individuums bat allerdings ein Recht sich geltend zu machen , allein nur (1) Nous complétons par l'insertion de cette esquisse , soïtie de la plume de l’auteur, l'analyse subs- tantielle faite par le secrétaire de la quatrième section (t. 1er, p. 298-500) de l'improvisation remar- quable de M. le professeur Buss sur la grave question de la concurrence. La concision de cette es- quisse et sa terminologie scientifique s'opposaient à une traduction satisfaisante , Sous peine de s’ex- poser au danger d’en altérer le sens. — Nous recommandons vivement ce morceau aux méditations des économistes et des hommes d’État. 250 MÉMOIRES in Ueberejnstimmung mit dem Zweck des Staats. Das Geselz also, welches die ükonomische Thätigkeit des Individuums leitet, stellt sich in fol- genden drei Instanzen dar : in der Autonomie des Individuums , geleitet durch sein Interesse, sodann in der Disciplin der Association, endlich durch die Polizei des Staats. Und dieses geht durch alle Gebiete der üko- nomischen Thätigkeit durch. Die Autonomie des Individuums gilt, aber bedingt durch die Gesetze der Association der Standesgenossen und des Staats. Es ist übrigens falsch, wenn man die Concurrenz nur auf einem einzigen Gebiete betrachtet ; sie findet sich bei dem Landbau in nächster Beziebung auf die unbedingte Theilung des Grundbesitzes, bei den Ge- werben, als unbedingte Gewerbfreiheit , bei dem Handel, als unbedingte Handelsfreibeit. Ich verwerfe die unbedingte Fesselung auf allen drei Ge- bieten , wie die unbedingte Freiheit; ich verlange ein mittleres organi- sches System : so beim Landbau , neben wenigen grossen Betrieben , viele mittlere Güter, und die meisten kleinen Güter ; bei den Gewerben, Asso- ciationen von Gruppen verwandter Gewerbe zu einer gesetzlichen Kôr- perschaft mit eigenem Regime und unter die Gesetze gestellt; bei dem Handel ein dem Lande angeeignetes System beschränkter Handelsfrei- beit. So bleibt uns die Freiheit überall die Regel, und die Beschränkung ist die Fernhaltung des Missbrauchs. Unbedingte Freiheit zerstôrt selbst die sonst natürlichen Vortheile der Concurrenz. Rücksichtlich der Production entsteht gerade die grôsste Unsicherheit, denn die natürliche Tendenz der Concurrenz ist ein Kampf auf Leben und Tod; mit dem Siege des Einen und der Niederlage des Andern ist das Monopol des Siegers befestigt. Die Sicherheit des Arbeiters ist erschüttert ; sie entwurzelt die Macht des Capi- tals, welche zumal mit der Macht der Maschinen, dieser stummen Scla- venwelt der Neuzeit , die Macht der Prolification hat, so dass der des Ca- pitals entbehrende Arbeiter keine sichere Stellung besitzt. Allein auch der Consument verliert seine Sicherheit der Consumtion. Die schon von Platon gerügte tohvTpæyuoouvn (Vielthätigkeit) liefert schlechtere Er- zeugnisse, und da als Ergebniss des Kampfs der Concurrenten das Mono- pol erwäscht, theurere. So aber sind alle Stellungen im Staate erschüt- tert; alles ist in einer beständigen Fluctuation. Und der Staat, der ein ethischer Organismus der Freiheit sein soll, eine bleibende Institution, ist im ewigen Schwanken der die Stellung aller gewerblichen Stände auf- wüblenden, industriellen Krisen. Gegen diesen Zustand bedarf der Staat, der Producent, der Arbeiter, der Consument Garantieen. Diese sind so vielfach, als es Culturen gibt; sie sind also: 1. Religiôs-moralische Garantieen, 2. Intellectuelle, 3. Rechtlich-polizeiliche , 4. Sanitäts-polizeiliche , 5. Oekonomische. 1) Die religiôs-moralischen Garantien liegen vor Allem in einer zum Hôhern anleitenden Erziehung, die nicht nur im Hause, in der Schule, sondern im ganzen Leben stattfinden muss. Dadurch wird die ükono- mische Begierlichkeit {concupiscence) beschränkt, das Vermôügen als eine Grundlage hôherer Bestrebungen verkündet, und die Woblthätigkeit er- DE LA QUATRIÈME SECTION. 254 weckt, jener wohlwollende Patronat, dessen ein grosser Theil der Be- vôlkerung stets bedürfen wird. 2) Die intellectuellen Garantien bieten die Schulen, und so auch die gewerblichen, an welche sich die Schule des Lebens, die Wanderungs- pflicht, die Gewerbsprüfung vor der Niederlassung anschliessen. 3) Die rechtlich-polizeilichen Garantien sind eine zweckmässige Ge- werbs- und Handelsgesetzgebung, die Gründung eines nach dem Prinzip organischer, specifischer Association veredelten Innungswesens, so dass einecorporativeSelbstdisciplinirung eintritt; ferner alle die Hilfsanstalten, Sparkassen, u. s. f., welche streben, dem Arbeiter ein Capital zu ver- schaffen. 4) Die medicinischen Garantien sind gesetzliche Bestimmungen über die Zahl der Arbeitsstunden der Kinder und Erwachsenen, Verbot von Ge- werbsverfahrungsweisen, welche der Gesundheit der Arbeiter unbedingt schädlich sind, und andere mehr. 3) Die 6konomischen Garantien sind die Auffindung einer solchen üko- nomischen Organisation, wodurch Krisen verhütet werden, Verbindung kleiner Landwirthschaften mit den industriellen Betrieben, Verbindung der häuslichen Industrie mit der in grossen Fabriken, Vertheilung der Fabrication über das Land, um die Agglomeration der Industrie an ein- zelnen Orten zu verhüten , u.s. f. Auf diese Weise lassen sich die Segnungen der Freiheit gewinnen, ohne die Nachtheile , welche mit der unbedingten Concurrenz verbunden sind. 252 MÉMOIRES DISCOURS suk L'ASSOCIATION DOUANIÈRE ALLEMANDE, EN RÉPONSE À LA QUATRIÈME QUESTION DU PROGRAMME DE LA QUATRIÈME SECTION : Quelle influénce le système des douanes allemandes a-t-il exercée sur l'industrie, sur le commerce et sur l’agricullure des contrées qu’il a successivement englobées ? Quelle influence ce système a-t-il exercée sur les relations internationales de la France et de l'Allemagne ? Et sur quelles bases pourrait-on négocier un rapprochement entre les systèmes douaniers des deux pays ? PAR M. LE DOCTEUR BUSS, Professeur à l’université de Fribourg (grand-duché de Bade) (x): MESSIEURS , Je suis heureux que des sympathies de bon voisinage aient fait insérer dans le programme du Congrès une question relative à l'association doua- niére allemande; car cette question fournit l’occasion de rectifier des mésentendus, et, comme les mésentendus désunissent les individus et les nations, redresser les erreurs, c’est se rapprocher. Or jamais institution n’a été plus méconnue que l'association douanière de l'Allemagne. Je n’ai pas la prétention de vous exposer tous les carac- tères, l’origine, le but, les intérêts et Les rapports de cette association, soit avec la constitution fédérale de ma patrie et la situation particulière de chacun des États qui y ont accédé, soit avec les intérêts et la position des États d'Allemagne qui n’en font pas encore partie. Les intérêts économi- ques, si je voulais m’en occuper, demanderaient à leur tour un dévelop- pement qui, fût-il réduit à une simple esquisse, absorberait des courts moments dont je puis disposer. Je me bornerai donc à des considérations (1) L'analyse développée de l'improvisation de M. Buss sur la question du Zollverein se trouve inscrite au procès-verbal de la séance du 7 octobre 4842 (t. Ier, p 521 à 525). Mais le vif intérèt d'actualité de la question, et les indications précises de chiffres et de faits qui s’y rattachent ont dé- terminé l’orateur à rédiger lui-même l’esquisse de son discours , et l'insertion de ce travail, dont Vau- teur a lui-même revu la traduction , parmi les mémoires de la quatrième section, a dû faire d’autant moins de difficulté, que d’un côté ce discours comportait une responsabilité morale , que M. Buss n'a pas entendu décliner, et que d'autre part le public français est intéressé à connaitre les faits comme les doctrines qui tendent à expliquer Le grand événement du Zollyerein , et à apprécier les dispositions mo- rales qui peuvent faciliter le rapprochement économique de deux grandes et puissantes nations, — Ces considérations feront pardonner les répétitions devenues inévitables dans l’esquisse rédigée par l’ora- teur, comparée à l'analyse insérée au procès-verbal, DE LA QUATRIÈME SECTION. 255 générales, en ne faisant ressortir que les traits les plus saillants du ta- bleau. À sa naissance, l’association douanière a rencontré des obstacles. de toute espèce. Elle avait à vaincre non-seulement les préjugés du dedans, mais encore les méprises ou le mauvais vouloir des nations étrangéres. Je vais montrer en peu de mots sous quel point de vue chacun des grands États considéra l'intérêt qui se rattachait à l'établissement de l’as- sociation douanière et comment il comprit celle-ci. La Russie, qui posséde un système de centralisation trés-compacte , voyait d’un œil jaloux la tendance de l'Allemagne à se fondre en une unité vraiment nationale, qui pouvait lui faire perdre de son influence dans le domaine de la haute politique européenne. Elle a exercé des re- présailles en renforçant son système prohibitif, L’Angleterre a vu principalement dans l'association une œuvre indus- trielle et commerciale, mais elle pensait, comme le disait lord Palmerston , qu’au premier coup de canon tiré en Europe, le Zollverein tomberait. C'est là une erreur. L'idée française est prise de plus haut, mais elle n’en est pas moins er- ronée. La France pense que c’est une œuvre politique, une association de beaucoup d'États qui se sont centralisés pour donner à l'Allemagne une plus grande influence dans la balance des destinées de l'Europe. De là, nécessité pour la France de lui opposer une association semblable avec les États voisins pour la paralyser. Erreur! le Zollverein est tout allemand de caractère, et ilest encore loin d’être général. Il ne comprend ni l'Autriche, ni le Hanovre, ni le Mecklembourg, ni les villes anséa- tiques. Comment dés lors peut-on le considérer comme une association de la politique allemande? On se fait une fausse idée de l'organisation alle- mande. L'Allemagne est composée de trente-huit États divers de croyances re- ligieuses et d'institutions, réunis par un lien commun, la confédération. Ces États ont même histoire, même origine, même volonté; ils ne sont que Les membres du même corps. Ce n’est donc pas une association de na- tions différentes, comme le seraient la France, l'Espagne, le Portugal, l'Italie. C’est toujours l'Allemagne, l'unité allemande, qui n’est pas même comprise tout entière dans le Zollverein. Comment donc la France peut- elle croire nécessaire de lui opposer une association des autres États? Non, PAllemagne n’a fait que ce que la France a fait il y a cinquante ans; elle a aboli les barrières dans le sein de la nation. Du reste, on ne doit pas s’étonner des préjugés qui régnent au dehors, quand on voit que l'Allemagne elle-même a mal jugé le Zollvereïn, Et aujourd’hui même cette fausse manière de juger le Zollverein existe encore en Allemagne. En Allemagne, comme dans toutes les confédérations d'États, il existe deux grands partis; les uns sont les défenseurs de l’unité, les autres ceux de l'indépendance des États confédérés. Les défenseurs de l'unité en Alle- magne se divisent encore en deux camps : les uns la conçoivent et la re- cherchent comme unité morale et intellectuelle, tandis que les autres voudraient la voir réalisée dans les institutions. Les uns veulent l'âme; les autres le corps. Si l’on considère la chose de plus prés, on reconnaîtra 254 MÉMOIRES que les deux partis sont dans les extrêmes, et que la conciliation des deux tendances conduira seule à la vérité et au succés. Ces partisans de l'unité, et principalement ceux de l'unité organisée, ont exagéré les effets de l'association douaniére; ils font trop large la part de l'influence à lui attribuer sur le régime des Etats isolés, et ils révent un avenir dans lequel l'Allemagne figurera au rang des premières puis- sances industrielles, commerciales , maritimes et coloniales. L'examen calme des choses prouve le peu de fondement de ces espé- rances, et c’est faire preuve d’un patriotisme sincère que de reconnaître les limites imposées par diverses nécessités données, tout en faisant des vœux pour la grandeur de sa patrie. D'un autre côté se font valoir les intérêts séparés des États qui ne se sont pas encore réunis à l'association et qui ne veulent pas exposer incon- sidérément les avantages de leur position, soit avant, soil depuis l’asso- ciation. Les partisans enthousiastes de l'association douanière ont souvent re- présenté, et toujours à tort, comme égoïste, comme peu généreux, comme anti-patriotique le refus de coopération de la part de ces États. Néanmoins l’égoïsme n’est pas aussi blâmable dans les États souverains et dans la morale des peuples que dans la morale privée. Les sujets prisent souvent comme une vertu un tel égoïsme dansleur gouvernement. Cependant ces États, l’histoire de la création de l'association douanière à la main, ne peuvent-ils pas alléguer que cette association n’est elle- même que le résultat des intérêts particuliers, d’abord de la Prusse, puis des États qui s’y sont successivement rattachés ? L'association douanière n’a pas été créée dans les voies tracées par le Droit public de l'Allemagne confédérée. Elle eût dû être créée par la confédération germanique et dans les voies que lui prescrivaient les lois fondamentales , notamment l’acte fédératif du 8 juin 1815 (art. 6) et l'acte final du Congrès de Vienne du 15 mai 1820 (art. 64). Nous savons fort bien que la tentative en a été faite; nous connaissons les obstacles qui s’opposérent, et qui s'opposent encore, à ce que l’asso- ciation douaniére prit cette forme fédérative. Néanmoins cette voie anor- male, suivie dans la création de l'association, peut donner et a donné lieu à des suppositions, et elle a même fait croire à des arriére-pensées ambitieuses de la part de la Prusse. La justice veut que, tout en montrant les vices de forme qui ont pré- sidé à la formation de l'association douanière, on n’en méconnaisse pas les véritables bienfaits, et qu'on reconnaisse également les grands perfec- üonnements dont elle est encore susceptible. { Qu'est-ce donc, en effet, que l'association douanière allemande ? C’est l'union de la plupart des États de l'Allemagne pour l'abolition des douanes intérieures et l'établissement d’un système protecteur favorable à l'indus- trie allemande. Cette association a produit jusqu'ici les conséquences suivantes: Elle a fondé l'unité allemande industrielle et commerciale par l’aboli- tion des douanes. Elle a protégé l’industrie. Elle a fait prévaloir l’idée de nationalité collective, qui, du reste, n’a paru que dans ces derniers temps. DE LA QUATRIÈME SECTION. 255 Je pourrais prouver les faits énoncés par l'exposition historique de l’o- rigine et du développement de l'association; mais le temps me manque. Qu'il me suffise donc de distinguer trois périodes qui résument l’histoire entière de cette association. La première période va de 1818-1828. En l’année 1818-1820, la Prusse, pressée par ses besoins financiers , avait établi un système de contributions indirectes, subordonné exclusivement aux besoins du budget annuel. Du- rant les dix premières années, la Prusse, ayant attiré dans son rayon douanier les petits États voisins, n'avait établi qu'un arrondissement douanier conçu dans des vues purement financiéres. Dans la seconde période, de 1828-1851, la Prusse abandonne l’absorp- tion de ces États dans son pur intérêt financier, et y substitue la voie de l'association ; elle dissout indirectement l'association douanière de l’AI- lemagne centrale, qui s'était groupée naturellement; elle commence à organiser l'association douanière prussienne. En 1851, l'atmosphère politique de l'Allemagne était chargée par suite de la révolution de juillet, et la Prusse sentit la nécessité de gagner, par une grande mesure d'unité germanique , l’assentiment de la nation allemande. L'association douanière prussienne devient association alle- mande. C’est ainsi, Messieurs, que l'association douanière allemande naquit des embarras financiers dans lesquels la Prusse et d’autres États allemands s'étaient trouvés à la fin des dernières guerres. Aprés les guerres de la révolution et de l’empire, l'Allemagne était épuisée. L’Angleterre, qui voit dans sa politique extérieure avant tout la question commerciale, paya le sang allemand par des marchandises an- glaises. La France engloba l'Allemagne dans le système continental. Lors- que la délivrance fut conquise , les sources des revenus publics étaient en grande partie taries. Aussi l'Allemagne, ce pays des études silencieuses , s'était pénétrée lentement des principes d'économie politique de l’Angle- terre, qui préconisait en même temps la liberté de la pensée et celle du travail et du commerce. C’est dans cette disposition des esprits que furent conclus les traités de Paris et de Vienne. Mais le systéme adopté était ha- sardé. La liberté peut être absolue dans le domaine de l'intelligence, tan- dis qu’elle est limitée par les faits dans le cercle des intérêts matériels. L'Allemagne était trop faible pour soutenir la concurrence étrangére et elle courait à sa ruine. La Prusse le comprit d’abord. Elle établit la li- berté commerciale en théorie et admit les restrictions dans la pratique, et ces vues guidérent cette puissance dans le lent développement du Zoll- verein, qui ne se forma par conséquent pas d'aprés un plan arrêté d'avance. Selon l’économie politique du Zollverein, une liberté commerciale abso- lue est une chimère , {out en restant un idéal dont il faut se rapprocher le plus possible. Avec la liberté absolue il n’y a pas moyen de résister à la France et à l'Angleterre, mais il ne faut pas non plus que les droits soient tellement élevés que l'Allemagne s’endorme à l’abri de leur protection. Bref, le systéme est et doit être tel qu'il puisse faire de larges conces- sions à toute nation qui viendra au devant de lui. L'histoire de l’origine de l'association douaniére prouve sa défectuosité, son imperfection et le besoin d’une réforme. La piété envers mon pays, un patriotisme consciencieux m’ordonneraient peut-être de cacher ces 256 MÉMOIRES imperfections aux yeux de l'étranger. Mais l'institution de l'association repose sur une base si solide, ellea un’avenir si certain, que la publicité ne saurait lui nuire. J'indiquerai donc quelle doit être sa tâche et quelles réformes elle exige. 1. Elle doit comprendre toute la nation allemande: je connais les obsta- cles quiretardent l'accession de l'Autriche, du Hanôvre, du Mecklembourg et des villes anséatiques; ils tiennent en partie à la situation géographique de ces pays comme à leur position politique et économique; mais d'autre part ils s'expliquent aussi par l’organisation même de l'association, et je ne doute pas que le zëêle intelligent des gouvernements ne réussisse à vaincre ces obstacles évidents. : 2, L'association douanière allemande devra revêtir les formes légales de la confédération germanique. L'Allemagne, si dificile à unir, ne sup- porte pas deux unités nationales. L'unité légale et universelle, c’est celle de la confédération germanique, à laquelle l'unité de l'association com- ‘merciale, unité partielle et subordonnée, doit céder la place d'autant plus qu’à une époque où les intérêts matériels exercent une influence si pré- pondérante, l'association des douanes est trop puissante pour ne pas con- trarier et déranger l'unité politique de la confédération. 3 La législation douanière prussienne, jusqu'ici modératrice exclusive de l'association commerciale allemande, doit être remplacée par une lé- gislation douanière allemande qui conciliera les intérêts de tous les États de l'Allemagne. 4. Les États commercialement associés qui font partie de la confédéra- tion germanique, devront avoir à la diéte une représentation des intérêts douaniers, comme ils en ont déjà une pour les affaires politiques. 3. L'organisation de l'association douanière élevée au rang d’une asso- ciation nationale, devra s’entourer de toutes les institutions auxiliaires jugées indispensables pour assurer son développement et sa prospérité. Telles sont l’organisation centralisée des chemins de fer et des autres moyens de communication à effectuer par la diète germanique, la réor- ganisation des postes, l'introduction d’un droit commercial et industriel commun, eu égard, autant que possible, aux intérêts spéciaux des divers États; une législation sur les patentes ; l'établissement et le développement de règlements de navigation des grands fleuves d'Allemagne ; l'institution d'enquêtes périodiques chez les agriculteurs, les industriels et les commer- çants; des expositions périodiques d'industrie de tous les États qui sont membres de l'association , etc.; tout ceci rentre dans les mesures pratica- bles. La nation en sent le besoin et en demande la réalisation. Nous abandonnons , comme de raison, au domaine de l'imagination, les vœux patriotiques formés par un grand nombre de personnes pour la possession d’une marine puissante et de colonies allemandes. La yoca- tion de la nation allemande, comme nous aurons peut-être encore l'oc- ‘casion de le montrer dans cette session, lui impose la colonisation mé- diate, c’est-à-dire la propagation d’une influence à la fois scientifique et morale sur les nations contemporaines. La colonisation immédiate, dans des intérêts purement mercantiles , n’est pas dans sa destinée. Ils sont grands déjà les bienfaits de l'association douanière , qui est de- venue une précieuse conquête nationale depuis qu’on a réussi à écarter les apprébensions qui avaient frappé plus d’un intérêt ; elle recèle les germes . DE LA QUATRIÈME SECTION. sr d'un grand avenir. — Mais l'union douanière n’a pas trouvé ia même fa- veur à l'extérieur ; elle y a porté atteinte à bien des intérêts, et il devait en être ainsi. Elle a élevé des barrières, tant contre les membres de la nation allemande que contre les peuples étrangers. Espérons que ces obs- tacles s’aplaniront. Les Allemands ne sont pas un peuple à tendances ex- trêmes. Dans leur manière de penser, de vouloir et d’agir, se trouve un certain équilibre, une modération innée et acquise, qui garantit une équité naturelle. Dans notre tendance au cosmopolitisme et à l’abstraction, tendance qui nous a, de tout temps, valu tant d’éloges et tant de blâme, nous nous sommes d'autant plus approprié, dès le début, toutes les théo- ries abstraites de l’économie politique anglaise, que la science a chez nous sur tant de matières une autorité si décisive. Le rationalisme éco- nomique, dans sa passion d’émancipation , a détruit toute l’ancienne or- ganisation des rapports économiques; il a substitué à la concentration lé- gale de la propriété foncière le droit de libre disposition et de divisibilité à l'infini; il a remplacé par la libre concurrence les priviléges des corpo- rations, des maïîtrises, par la liberté absolue du commerce les entravyes qui avaient enchaîné celui-ci , et il a fait prévaloir la fameuse maxime du laissez-faire et du laissez-passer, sur la direction que les gouvernements -exerçaient sur les intérêts économiques; la nécessité seule le fit dévier de ces maximes dans la pratique. De tous côtés la doctrine fait retentir les cris d’émancipation , sans substituer ni régulateur, ni ordre nouveau. Mais les complications du temps présent démontrent mieux, de jour en jour, les lacunes et l’imperfection de ce système ; les vaines formules de la théorie ne sauraient conjurer les maux et les nécessités de l’époque. Le cosmopolitisme économique cède de plus en plus le pas à un systéme na- tional d'économie politique. Précédemment , nous autres Allemands, infatués de notre cosmopo- litisme , nous nous laissions dépouiller patiemment par les nations étran- gères. Cette singularité s'explique; car, par le morcellement de l’Alle- magne en tant d'États, le rétrécissement du régime douanier dans les limites étroites d'autant de petits territoires paralysait tout élan de l’in- dustrie et du commerce, et il était impossible que la concurrence inté- rieure remplaçât la concurrence étrangère. C’est à l'ombre des intérêts et de ia puissance de l'instinct d’abstraction que le principe cosmopolite de la liberté du commerce gagna, de plus en plus, du terrain en Allemagne. Mais depuis que, par la suppression des douanes intérieures , la circula- tion de la sève nationale a cessé d'être entravée , depuis que l'association douaniére a créé un grand marché allemand, l'opinion publique com- prend mieux de jour en‘jour que la concurrence nationale doit remplacer la concurrence cosmopolite. Le principe de la liberté absolue du commerce, qui ne serait admissible que dans la double supposition d’une égalité industrielle et commerciale entière entre toutes les nations, et de l'admission pratique du principe de la liberté commerciale par tous les peuples, suppositions qui ne se réali- seront jamais, cède de plus en plus le pas au principe d’une liberté com- merciale limitée ou conditionnelle, qui proclame qu’un commerce libre de produits industriels ne saurait subsister qu'entre nations liées par des besoins réciproques, et qui occupent la même place sur l’échelle écono- mique; que, par conséquent, il est urgent de se protéger par des droits IL, j 17 258 MÉMOIRES de douane modérés, mais suffisants contre la prépondérance industrielle des autres États, consolidée depuis longtemps. Car si l'Allemagne n’en- tend plus consentir désormais à être spoliée pour la plus grande gloire du principe de la liberté commerciale indéfinie, elle entend tout aussi peu s’isoler et se pétrifier derrière les barriéres du système prohibitif rigou- reux. Ainsi, pour prendre exemple de nos rapports de voisinage, l’Alle- magne a tant de points de contact avec la France, une contiguité éco- nomique si vaste, les deux pays sont dans une dépendance économique si naturelle, qu'un rapprochement est beaucoup plus facile etmieux indi- qué qu'on ne croit. Mais l'Allemagne fédérative , placée sous un systéme de droits protec- teurs, ne saurait s'entendre avec la France, soumise à toute la rigueur du système prohibitif. Abolissez donc vos prohibitions, abaissez vos ta- rifs, et vous nous trouverez prêts à cimenter un arrangement loyal et durable avec la France. Nous avons été obligés de nous protéger. Mais notre principe est de suivre toutes les concessions sur les bases de la réci- procilé. Nous avons sauvé notre industrie, nous ayons reconquis la pleine et vivante conscience de notre nationalité allemande. Est-ce une raison pour nous placer en hostilité contre la France ? Si la terre, selon la parole du jeune héros de l'antiquité, n’a pas pu porter deux Alexandre, elle peut porter deux grandes nations également fortes et puissantes , unies par une concurrence noble pour le développement progressif de leurs forces ma- térielles, morales et nationales, et par là , de l'empire moral du monde. DE LA QUATRIÈME SECTION. 259 MÉMOIRE PRÉSENTÉ A LA QUATRIÈME SECTION DU CONGRÈS SCIENTIFIQUE, SUR LA NEUVIÈME QUESTION DE SON PROGRAMME : Quels obstacles s'opposent en Alsace au défrichement des terrains com- munaux vagues, el quels avantages les communes pourraient-elles retirer de ce défrichement ? PAR M. F. SCHWIND, Notaire à Barr (Bas-Rhin). Le parcours où la vaine pâture est un droit que , de temps immémorial, les communes exploitent avéc plus ou moins détendue, selon qué les ter- rains communaux sont plus ou moins considérables. Avant la Révolution, lorsque l’agriculture était pratiquée en Alsace se- lon les anciennes traditions invariablement transmises du pére au fils, parler de supprimer les pâturages, c’eût été soulever le mécontentement parmi les propriétaires , trop esclaves de toutes les vieilles habitudes pour comprèndre les avantages immenses qui devaient résulter de l'emploi de nouveaux procédés. Aussi lorsqu'en 1813 parut le décret de l’empe- reur qui ordonnaït la mise en vente de la plus grande partie des biens communaux , la crainte qu’inspirait sa puissance put seule comprimer les nombreux symptômes d’irritation qui éclatérent de toutes parts. Néan- moins, et malgré le surcroît d’injustice que renfermait cette mesuré, en ce qu’elle était plus spoliatrice pour telle commune que pour telle autre, à raison même de l'importance inégale de leurs propriétés, on peut dire que la régénération de l’agriculture en Alsace date de l’époque où, par suite de ce décret, de bons terrains d'une immense étendue et jusque-là mal cultivés passérent entre les mains des propriétaires et furent convertis en bonnes prairies ou en excellentes terres labourables. Depuis cette époque, le produit des terres a sensiblement augmenté en Alsace, d’uné part, par l'introduction de bonnes méthodes et d'instruments aratoires avantageusement modifiés; de l’autre, par le besoin de faire produire aux terres tout ce qu’elles sont susceptibles de rendre; consé- quence naturelle de l'augmentation progressive de la population. Néanmoins il reste encore dans le Bas-Rhin une quantité prodigieuse- de terrains incultes , exclusivement livrés à la vaine pâture. Ces terrains sont de deux espèces bien différentes : les terrains des mon- lagnes et les terrains de la plaine. Leur défrichement et leur conversion en terres labourables ou en prai- ries est beaucoup moins difficile pour les terres de la seconde que pour celles de la première espéce, et l'on commence enfin à comprendre que le 47. 260 MÉMOIRES produit de ces terres serait quadruple si elles étaient exploitées au profit de la généralité des habitants , au lieu de n’offrir qu'un mauvais pâturage au bétail, qui y contracte le plus souvent des maladies, dont presque toujours des localités entières ont à souffrir. Les principaux obstacles qui s'opposent au défrichement des terrains communaux, se trouvent donc moins dans les convictions opposées des habitants que dans le défaut d'énergie de l’autorité supérieure et surtout des administrateurs des communes, auxquels les moyens de persuasion ne manqueraient pas pour triompher des préjugés qui restent à combattre. J'ai dit plus haut que les terrains communaux susceptibles de défriche- ment sont de deux espèces : les terrains des montagnes et les terrains de la plaine. Le défrichement des terrains montagneux paraît au premier aspect, si- non impossible, du moins trés-dispendieux et trés-difficile. Je vais prouver le contraire et indiquer les moyens d'atteindre le but proposé, sans grandes dépenses pour les communes et à leur entier avan- lage. : Il est généralement reconnu que les terrains des côles ou des monta- gnes sont arides et produisent peu de végétation alimentaire; il n’y aura donc sous ce rapport que très-peu de perte si les pâturages sont suppri- més. La maniére de les utiliser plus ayantageusement consiste à les faire défricher et à les planter en forêts-taillis. On emploirait avec avantage le chêne, l’érable , l’acacia , le bouleau, le saule et beaucoup d’autres bois de cette espèce, selon la nature des terrains. Pour opérer le défrichement, on partage les terrains en lots de plus ou moins d’étendue ; on distribue ces lots entre les habitants pauvres et peu aisés des communes propriétaires ou des communes environnantes, à condition de les défricher; et on leur abandonne en retour la jouissance gratuite du terrain par eux défriché pendant un nombre d'années dé- terminé. A l'expiration du temps de la jouissance gratuite, les communes font faire leurs plantations soit par replants, soit par semis, et les plantations réussiront d'autant mieux qu'elles se feront dans un terrain doux etrendu presque arable par la culture de l’usufruitier gratuit. Les châtaigners et les acacias surtout réussissent à merveille, et on sait combien ces bois sont recherchés par les vignerons, qui les utilisent comme échalas et qui les payent fort cher. Le produit profitera à la commune et par conséquent à la généralité de ses habitants. Des exemples remarquables de ce genre de défrichement et de planta- tions existent sur des terrains possédés en commun par la ville de Barr et par quatre autres communes des environs. Les précédents administrateurs et les administrateurs actuels, secondés par l'administration forestière, ont acquis des droits incontestables à la reconnaissance de leurs administrés par la création d’un revenu très-im- portant résultant de plantations de châtaigneraies, produit qui sera décu- plé dans une trentaine d'années. Ces terrains défrichés avaient été sans produit pendant des siècles. Au- jourd’hui , après avoir contribué à l'entretien d'un grand nombre de fa- milles usufruitières à charge de défrichement, ils sont devenus pour les caisses municipales d’un rapport toujours croissant. DE LA QUATRIÈME SECTION. 261 On peut calculer que les cent échalas se vendent de 25 à 50 fr. Le hectare, terme moyen, pouvant fournir tous les quinze ans cinq à six mille échalas , on voit quelle somme considérable on peut retirer d’une plantation bien faite, et surtout bien dirigée et convenablement ex- ploitée. Toutes ces considérations bien exposées et tous ces avantages bien com- pris , il y aurait donc réellement peu d'opposition sérieuse contre la sup- pression des pâturages des montagnes et leur défrichement. Pour les pâturages en plaine, les obstacles seraient peut-être plus nom- breux, puisque ces terrains sont trés-étendus et très-vastes; mais, comme je lai dit plus haut, si l'administration supérieure inspire’ et dirige bien dans la voie proposée les administrateurs des communes, bientôt toutes les difficultés seront aplanies, et la reconnaissance de tous les bons ci- toyens sera leur récompense par la suite. . Convaincu que les obstacles ne sont pas sérieux si l’on s'y prend bien pour les surmonter, je ne m'étendrai pas davantage pour les indiquer, et je signalerai de suite une grande partie des avantages immenses que le défrichement procurerait aux communes. -IL existe dans le département du Bas-Rhin d'immenses terrains situés à une petite distance et à la gauche de l’Ill; ces terrains, connus sous la dé- nomination de Brüche, ne servent absolument qu’au parcours ou à la vaine pâture, tant des chevaux que des bêtes à cornes, des brebis, des pores et même de la volaille. Il en résulte à la vérité une petite économie d’aliments, mais en re- vanche une perte en engrais qui est incalculable , sans compter les ma- _ladies épizootiques qui enlèvent souvent la moitié des bestiaux d’une commune. | ; Tous ces inconvénients n'auraient pas lieu si le bétail était conservé dans les étables ; car , de cette manière, l’engrais serait recueilli, au lieu de se perdre aux pâturages, et viendrait par conséquent féconder et amé- liorer les terrains livrés à la production des denrées. En convertissant ces terrains en bonnes prairies et en terres laboura- bles, il y aurait moyen de les faire produire doublement. D’abord en les louant par lots, même à un trés-bas prix, aux habitants, la commune en retirerait un revenu notable qui pourrait être utilisé en constructions et embellissements dans chaque localité. Et, d’un autre côté, les habitants, détenteurs des lots à titre de fermiers x en retireraient un beau bénéfice, en raison même de la modicité du prix de location. Admettons qu’une commune de deux cents feux soit propriétaire de 200 hectares de communaux ; la part de chaque habitant serait environ de 30 ares, En faisant payer les 20 ares à raison de 5 fr. par an, la commune reti- rerait un fermage annuel de 5,000 fr. , et chaque habitant jouirait pour 12 fr. 50 c. de 50 ares de terrain , qui dans les dix premières années ren- draient , toute dépense déduite , un bénéfice annuel de 200 fr. au moins ; car il faut bien remarquer que presque tous les terrains des Brüche sont des terrains vierges qui n’ont jamais produit qu’un peu d'herbe, broutée à mesure qu'elle sort de terre. La végétation y serait prodigieuse ; chanvre , tabac, blés, tréfles , tout y réussirait à merveille; mais ces terrains étant presque tous dans des 262 MÉMOIRES bas-fonds susceptibles d’être inondés au printemps et en automne , il fau- drait avoir soin de faire pratiquer des fossés pour l'écoulement des eaux, et des écluses pour l'irrigation des terrains, dont on voudrait faire des prairies, Outre les avantages que je viens de signaler pour chaque commune et pour-ses habitants en particulier , il ÿ aurait encore un avantage immense poux la population en général, puisqu'une aussi grande quantité de ter- rains livrée spontanément à Fagriculture, occasionnerait infailliblement une baisse sensible dans le prix des denrées. Je crois avoir ainsi rempli la tâche que je m'étais proposée, et j'ai la conviction que si les moyens que j’indique sont sagement mis en pratique , tous les obstacles qui continuent à s'opposer en Alsace au défrichement des terrains communaux vagues seront facilement aplanis, et que les avantages qui en résulteront pour les commumes en particulier et pour la population du département en général, et que j'ai signalés plus haut, devront se réaliser infailliblement. DE LA QUATRIÈME SECTION. 265 DISCOURS EN RÉPONSE A LA QUATORZIÈME QUESTION DU PROGRAMME SUPPLÉMENTAIRE : L'enseignement agricole porté directement au milieu des cullivateurs , peut-il avoir lieu dans tous les départements, comme il se pratique avec grand succès depuis plusieurs années dans celui du Doubs ? PAR M.S. BONNET, Docteur en médecine, Professeur d'agriculture du département du Doubs, l'un des Vice-présidents de la quatrième Section. « Tout art est enseigné , la culture doit l’étre : « C’est le premier des arts ; il veut aussi son maitre. MESSIEURS, L’utilité de l'enseignement de l’agriculture étant une chose reconnue aujourd’hui par toutes les personnes qui désirent voir prospérer cette belle profession, nous essayerons de démontrer par le raisonnement, comme nous Pavons fait par nos leçons, les avantages que les cultivateurs et les pratiques agricoles peuvent retirer du systéme que nous avons adopté de porter l’enseignement directement au milieu des cultivateurs qui sont destinés par état à en profiter. Nous pourrions nous contenter d’énu- mérer les heureux résultats obtenus depuis plusiéurs années ; maïs ce ne serait point assez pour convaincre ceux qui ne connaissent pas nos travaux, ni pour éclairer l'administration, toujours bienveillante pour l’agriculture, sur l'importance de nos fonctions. Nous devons aller plus loin ; et faire ressortir, par le sens moral où l'examen des faits, les avan- tages réels de l’enseignement que nous avons créé et pratiqué jusqu’à ce jour, .dans l'espoir de concourir à l'instruction et à l'éducation profes- sionnelle de la classe intéressante des cultivateurs, tout en améliorant les procédés agricoles, et par conséquent en augmentant les produits et les bénéfices. Une vérité, affligeante peut-être jusqu’à un certain point, paraît frap- per maintenant tous les esprits observateurs : c’est que ie plus grand obs- tacle à Famélioration de l’agriculture et de économie rurale domestique a toujours été le défaut d'instruction, dans toutes les classes, des moyens de progrés agricole ; de là l’idée naturelle que l’agriculture devait être enseignée , afin qu'il résultât de connaissances plus étendues et plus po- sitives le perfectionnement de cette profession. Mais pour atteindre ce butd'unintérét émminement général, les uns veulent l'enseignement dans les écolesprimaires et normales de tous les degrés , tandis que les autres le 264 MÉMOIRES réclament dans des établissements spéciaux ou au sein des villes. Ceux-ci le font consister dans les travaux d'agriculture, dans des fermes d'essais , d’expérimentation ou prétendues modèles, propres à fournir à la localité quelques exemples plus ou moins utiles; ceux-là enfin, au nombre des- quels nous sommes naturellement placé par la raison et la force des cir- constances, sans nier que les autres mesures peuvent avoir leur mérite, soutiennent en principe et d’après l'expérience que l’agriculture doit être professée aux cultivateurs mêmes, qui sont les élèves naturels de cet’en- seisnement, ou les personnes qui peuvent, par une pratique éclairée, réaliser promptement les avantages d’une instruction saine et solide de leur profession. D'après cet exposé, qui résume toutes les opinions qui ont des rapports avec notre sujet, permettez-moi de vous dire que l’enseignement de l’a- griculture dans le département du Doubs est autant l’œuvre des cultiva- teurs que celle de l'administration et du professeur; car s’il n’y avait point eu d’éléves pour suivre les leçons, le professorat_n'eût été qu'un non sens, au lieu d’être une institution de sage progrés, grandement utile à tous les intérêts moraux et matériels qui se rattachent à l’agri- culture, comme l'expérience le prouve déjà dans le département du Doubs. Il résulte, en effet, de cette expérience, qui remonte à 1856, que le premier avantage de notre système et Le plus important de tous peut-être, parce qu'il éclairera l'autorité en même temps qu’il se rendra utile, est d'avoir démontré par des faits nombreux que les populations agricoles sa- vent profiter de l’enseignement, qu’elles en sont dignes , qu’elles appré- cient et reconnaissent par la confiance et une honnête gratitude ce que l'on fait pour elles ou en faveur de leur profession. Le cœur des cultiva- leurs n’est point ingrat, comme quelques personnes le pensent, et jamais leur esprit ne rêve désordre ni révolution, à la différence d’autres popu- lations, auxquelles on porte souvent un intérêt aussi préjudiciable à l'a- griculture d’une part, que peu mérité de l'autre. Si nous avions à nous expliquer sur le sens de-ces mots, nous répondrions comme médecin : les classes nécessiteuses des villes nous sont connues, et c’est toujours avec empressement que nous avons répondu à leur confiance ou que nous sommes allé au devant de leurs besoins. Mais notre sentiment d'huma- nité ne peut pas nous empêcher de gémir sur les causes qui réduisent à la misère des familles entières dans nos villes, tandis qu'elles trouveraient par le travail une honnête existence à la campagne. v Un second avantage fort remarquable du professorat d'agriculture tel que nous l’exerçons , est de contribuer puissamment à la réforme des usages vicieux ou contraires au progrès, en stimulant les cultivateurs autant qu’en les éclairant. En effet, c’est par la persuasion que l'on af- faiblit où que l’on détruit la routine, comme c’est par l’enseignement que l’on développe l'intelligence et que l'on meuble l'esprit de connaissances utiles. Je puis vous affirmer, Messieurs, que la grande majorité des eul- tivateurs du Doubs désire maintenant améliorer sa profession, qu’elle cherche à bien faire et qu’elle consent à changer les mauvaises pratiques contre celles que. l'expérience et la science ont démontré valoir mieux. S'il est encore d'ailleurs quelques personnes qui hésitent, c’est par pru- ence, car elles ont vu plus d’un novateur s'applaudir d'une nouvelle DE LA QUATRIÈME SECTION: 265 méthode qui ne lui laissait à la fin que des mécomptes. Le bon sens de l'habitant des campagnes le préserve de ce danger; mais quand il a jugé une chose bonne, il la soumet à l'essai, à l'expérience, et rêgle sa con- duite en conséquence de ce qu’il obtient. Tout le monde n’a pas cette sagesse. C’est en démontrant les inconvénients de la vaine pâture aux cultiva- teurs mêmes, et en faisant connaître les moyens de lesprévenir, que nous avons amené déjà plus de deux cents communes du département du Doubs à régler cet usage de maniére à ce qu’il ne soit plus un obstacle aux amé- liorations progressives dont l’agriculture du pays est susceptible. Les avantages de cette mesure , qu’on n’aurait pas obtenus sans notre système d'enseignement, se font promptement sentir et servent d'exemples utiles aux communes voisines, qui ne tardent pas à en profiter. M. le préfet du Doubs estime avec nous que les communes qui absent le mode dont nous parlons, profitent, tout de suite ou dés les premières années de son existence, d’une amélioration trés-sensible sous le rapport moral, parce que la jeunesse fréquente les écoles primaires au lieu de contracter des habitudes vicieuses en passant son temps à la garde des troupeaux. Quant aux améliorations matérielles, elles sont tellement remarquables, au dire des communes même, que quelques-unes d'elles voient leur bénéfices en fromagerie, par exemple, augmenter de plusieurs mille francs chaque année. Mais les bénéfices de tout autre genre suivent celui-ci, parce qu'il y a augmentation de fourrage, d'animaux et de fu- miers. C’est dans cette augmentation que consiste le véritable progrès agricole pour tous les pays, et si l'Angleterre et l'Allemagne nous ont devancés sur ce point, nous devons espérer que par de sages mesures, au nombre desquelles l’en$eignement doit être en tête, nousne tarderons pas à les imiter, je dis plus, à les devancer, parce que notre belle France est propre à toute espéce de produits végétaux et animaux. Quelle est l'institution dite protectrice de l’agriculture qui peut, comme l'enseignement, exercer une action salutaire sur la population agricole desprincipaux points d’un département dans le cours d’une saison? Il n’en est.assurément aucune. La faculté d'attirer à soi et de fixer l'attention des cultivateurs sur quelques points de leur profession aurait déjà un grand mérite, lors même que rien ne leur serait démontré, car ils s’instruiraient mutuellement en s’occupant ensemble des intérêts de leur profession. Mais pour peu que chaque individu, en assistant à une séance, en écoutant une leçon de deux à trois heures, augmente ses connaissances d’une idée ou rectifie une erreur, les avantages d’une tournée d’enseignement de- viennent incalculables, parce que l’idée nouvelle sera utile d’abord, qu’elle en produira d’autres et que les pratiques agricoles s’amélioreront d'autant plus que l'instruction sera plus grande, plus solide, mieux ap- propriée aux divers besoins d’une exploitation. C’est par cette voie que l’on acquiert une expérience raisonnée , qui devient un guide fidèle pour la pratique. Qui pourrait, comme le professorat ambulant ou nomade, porter et dis- tribuer sur tous les points d’un département des graines utiles, pour en essayer la culture, et populariser les plantes et les procédés agricoles des- tinés à augmenter les produits? Aucun moyen ne peut avoir, sous ce rap- port, les avantages de notre système d'enseignement, qui a la faculté de 266 MÉMOIRES faire les achats, de conduire les graines à leur destination , et les instruc- tions nécessaires pour la réussite des essais ou des expérimentations sont essentiellement de son ressort. Ce mode de distribution a déjà beaucoup intéressé les cultivateurs du Doubs et fait du bien aux pratiques agricoles: mais il est susceptible d'amener encore de grandes améliorations, si lon sait persévérer, car il faut du temps pour faire le bien. Le célébre Par- mentier n’a-{-il pas passé cinquante ans de sa vie à populariser la cul- ture de la pomme de terre? S'il avait eu des professeurs d’agronomie à sa disposition , quelques années eussent suffi pour réaliser sa grande et généreuse pensée, de faire produire avec abondance le pain des pauvres. L'enseignement de l’agriculture porté au sein des comices, n'est-il pas le plus sûr de tous les moyens que l’on puisse employer pour régulariser leurs travaux et les soutenir en progrès? S'il en est ainsi, et il ne peut guère en être autrement, en raison de la nouveauté de cette institation et du peu d'habitude que la plupart des personnes qui en font partie ont ge- néralement de la marche de ces ‘sociétés, notre système, eñ se confondant presque avec eux, a l'avantage de les aider à réaliser dans leurs cantons tout le bien qu’ils peuvent y faire. Cet avantage doit être pris en grande considération, car là où l’enseignement manque, il est évident que les comices n’ont point de stimulant ni d'unité d’action , et que, livrés à eux- mêmes, ils n’atteignent que difficilement ou pas du tout le but pour le- quel ils ont élé organisés. Ce que j’avance ici est déjà malheureusement prouvé par l'inaction ou l'impuissance des dix-neuf vingtiémes des co- mices de la France, qui sont réduits, pour tous travaux ef pour tout signe de vie, à la distribution de quelques primes à des personnes qui souvent ne les ont pas méritées. | €onsidéré comme moyen de civilisation, notre système d'enseignement à aussi des avantages incontestables, puisque c’est en mettant en rapport les hommes les uns avec les autres, pour les mêmes intérêts et en public, qu'on les accoutume à des mœurs douces, à la bienveïllance, aux égards que! la civilité exige. Ainsi, travailler à l'instruction et à l'industrie pro- fessionnelle des cultivateurs, c’est employer le moyen le plus sûr de ei- viliser les campagnes sans exposer leurs habitants aux inconvénients graves qui accompagnent trop souvent la civilisation des populations ren- fermées dans nos villes. Un autre avantage, qui se rattache à ceux que nous signalons et que nous ne devons pas passer sous silence, c’est d’ins- pirer aux cultivateurs, par l’enseignement, de la confiance, en raison de l'intérêt qu’on leur porte et de la considération que l'on a pour leur pro- fession. Les conséquences de ces avantages ont une haute portée et sont faciles à prévoir; car si le cultivateur est content de son sort, il n'aban- donnera plus sa terre natale pour s’expatrier aventureusement comme un aveugle, ou il n’abandonnera plus la eampagne pour exposer sa vertu et son honneur dans le tourbillon des moyens corrupteurs de nos cités, et devenir , à la premiére occasion , un agent de trouble, de révolution, pour tomber à la charge des établissements de bienfaisance, où pour aller, par suite de débauche, d’immoralité et de vices, encombrer les hôpitaux et mourir sur le grabat. Envisagé sous le rapport moral, Fenseignement de l’agriculture porté au milieu des cultivateurs a des avantages certains, três-importants , que DE LA QUATRIÈME SECTION. 267 l'on ne peut guère obtenir sans cette mesure. On s’accoutume, en effet, plus facilement à être juste, à la bonne foi, à une conduite honnête, à faire le bien, en un mot, lorsque l’on s'occupe dans l'intérêt général ou commun à tous, que si les intérêts particuliers, l'indifférence ou les pas- sions viennent à se mêler à ce que l’on fait. Dans nos séances, la con- fiance réciproque est notre lien ; nous avons tousle même but: celui de la prospérité du pays par l'amélioration de l’agrieulture et de tout ee qui en dépend. En nous quittant, nous sommes contents les uns des autres, et nous avons tous gagné quelque chose à nous réunir, soit em instruction , soit en bons procédés. D'ailleurs , porter au travail par le développement de l'intelligence, c’est rendre les hommes meilleurs, c’est agir dans le sens de la Providence, comme dans les règles de la société. Messieurs, pour généraliser notre pensée et présenter notre système d'enseignement dans son ensemble, nous dirons:que nous saisissOns COrpS à corps le cultivateur et sa profession dans le but de les influencer favo- rablement : le premier , pour éclairer son esprit sur ses travaux, sur ses véritables intérêts et pour développer dans son cœur des sentiments hon- nêtes, généreux et patriotiques ; la seconde , pour en faire connaître les principes, les règles et les préceptes applicables selon les localités et les circonstances. C’est ainsi que nous ne séparons jamais l'intérêt moral de l'intérêt matériel , car le moral doit toujours être en premiére ligne. C’est ainsi que nous traduisons chaque année quelques parties de la science des Olivier de Serres, des Rozier, des Thaër, des Boussingault, eic., à neuf ou dix mille auditeurs, parmi lesquels nous sommes heureux de compter à chaque séance plusieurs honorables ecclésiastiques , des ministres pro- testants et toutes les personnes instruites de la circonscription, qui, par leur présence, donnent le bon exemple. Nos leçons ont une durée de trois à quatre heures, et sont composées, pour la moyenne, d'environ trois cents individus, qui tous écoutent avec une admirable attention. Nous faisons sur différents points du département trente-cinq à quarante leçons , de- puis les premiers jours de février jusqu’à l'entrée de l'hiver; mais aprés chaque leçon et pour terminer la séance, une conférence est établie, et c'est dans cette espèce d'école mutuelle que s’éclaircissent toutes les ques- tions qui demandent encore du développement, ou qui sont soulevées à l’occasion de quelques-uns des sujets de la leçon." C’est aussi dans cette conférence que nous mettons en pratique les différentes théories qui peu- xent recevoir tout de suite des applications. Aprés chaque tournée d’en- seignement ou à la fin de l’année, des bulletins ou comptes-rendus sont adressés aux membres des comices et à toutes les communes du départe- ment , afin que les détails les plus intéressants des leçons restent à la dis- position des cultivateurs. Cette année nous avons mieux fait encore : nos leçons ont été imprimées à l’avance , et nous en avons déjà distribué gratis 7,000 exemplaires aux cultivateurs présents à nos séances ; ils les reçoi- vent avec empressement et reconnaissance , et nous sommes sûr qu’ils en font un bon usage, c’est-à-dire qu’ils mettent en pratique les conseils donnés. : Messieurs, après vous avoir exposé les moyens dont nous disposons dans notre professorat, et fait connaître en partie les résultats avanta- geux auxquels ils donnent lieu, je croirais manquer à mon devoir si je n’exprimais pas encore devant cette honorable assemblée le vœu bien for- 268 MÉMOIRES mel : «que le Gouvernement, dans sa sollicitude, veuille instituer une chaire d'agriculture dans chaque département de France,» parce que l’ex- périence nous a convaincu que ce moyen est le plus général, le plus sûr, le plus prompt, le plus puissant , le plus moral et le plus économique que l'on puisse employer pour protéger tous les intérêts qui se rattachent à la belle profession du cultivateur. En proclamant ces vérités, nous sommes heureux de penser que nous avons été les premiers à les produire, les premiers à démontrer leur importance, parce qu’elles contribueront gran- dement, tôt ou tard, nous en avons la conviction , à la prospérité du pays. En s’associant à notre vœu et en le présentant au Gouvernement avec l'appui si concluant de son autorité, le Congrès de Strasbourg deviendra le promoteur du développement d’une institution extrêmement utile à tous les intérêts moraux et matériels attachés à l’agriculture; en un mot, il aura sur ce point, comme sur beaucoup d’autres, bien mérité de la patrie et de l'humanité. | DE LA QUATRIÈME SECTION. 269 MÉMOIRE SUR LES RAPPORTS DE LA MÉDECINE VÉTÉRINAIRE AVEC L'AGRICULTURE, SUR LES CAUSES DE LA PÉNURIE DES VÉTÉRINAIRES DANS LE DÉPARTEMENT DU BAS-RHIN , ET SUR L'ORGANISATION DE LA MÉDECINE VÉTÉRINAIRE CIVILE, PAR FRÉDÉRIC IMLIN, Médecin vétérinaire, Membre de la Société des sciences, agriculture et arts du Bas- Rhin, et de la Société de médecine de Strasbourg, collaborateur du Recueil de médecine vétérinaire. Les rapports de la médecine vétérinaire ayec l’agriculture , son influence sur#’éducation des animaux domestiques, sur leur conservation et sur l'amélioration de leurs races, sont parfaitement appréciés de nos jours. Le bien-être et la prospérité du cultivateur dépendent pour une bonne part de l’état de santé et du bon entretien des animaux domestiques, et la tenue de ses écuries et de ses étables, ainsi que le nombre du bétail qu'il nourrit, peuvent donner, de prime abord, la mesure de l'importance de son exploitation. Une quantité donnée de têtes d'animaux étant indis- pensable pour l'exécution des travaux de culture et pour la production de quelques objets nécessaires à la consommation, la diminution du -nombre des chevaux ou des bêtes à cornes par des maladies doit avoir pour le cultivateur les conséquences les plus fâcheuses. Outre la perte ou du moins la diminution du capital, cet événement cause toujours des dommages plus ou moins considérables par le retard qu’il occasionne dans l'exécution des travaux des champs et par la diminution qui en ré- sulte dans la production du fumier, diminution dont l'influence se fait sentir à une époque éloignée, lorsqu'une récolte maigre et des produits de qualité inférieure accusent l'insuffisance des engrais. Dans ces circonstances, le rôle prophylactique de la médecine vétéri- naire est nettement tracé, et son influence conservatrice sur la fortune de l’agriculteur est de toute évidence. Mais la mission du vétérinaire ne se borne pas au traitement des animaux malades ou à la pratique de quel- ques opérations : elle a une portée bien plus grande, et le vétérinaire exerce une action beaucoup plus générale sur l’agriculture lorsque, par des conseils désintéressés , il instruit ses clients sur le choix des animaux eu égard à leur aptitude aux différents genres de service, sur les qualités que l’on doit rechercher dans ceux destinés à la reproduction, sur la ma- nière de faire des élèves, d'éviter chez eux le développement de certaines défectuosités, de leur donner des qualités qui leur manquent, de les pré- server d'accidents et de maladies, de les ménager pendant le jeune âge, pour les amener sains et robustes à l’âge adulte. L'amélioration des races 270 MÉMOIRES dépend non-seulement des éléments reproducteurs, mais encore de l'in- telligence et de l'aisance de l’éleveur et de l'application des bons prin- cipes, dont la propagation me paraît être plus spécialement du ressort des vétérinaires en raison de leurs connaissances et de leurs rapports journaliers avec les cultivateurs. Je ne m'occuperai point, Messieurs, de la nature des études que les élèves vétérinaires sont obligés de suivre dans nos écoles pendant quatre années; je ne vous entretiendrai pas de la position aujourd’hui encore précaire des vétérinaires de l’armée , qui, assimilés en grade au maréchal- des-logis, sont obligés de marcher à côté du maître tailleur et du maître bottier du régiment. Cette position subordonnée des vétérinaires militaires a enfin fixé l'attention du gouvernement , qui est occupé dans ce moment de l’organisation de ce corps d’une manière conforme à l’état actuel et aux progrès de la médecine vétérinaire. Si les vétérinaires militaires voient dans un prochain avenir la réalisa- tion d’une partie de leurs espérances, les vétérinaires civils se trouvent, comme par le passé, et sans doute pour longtemps encore, abandonnés à leurs propres forces en face de l’empirisme , de l'ignorance et des préjugés. Dans les campagnes, confondus avec les maréchaux et assimilés aux em- piriques et aux guérisseurs, les vétérinaires civils s'appliquent en vain à obtenir la considération et la position qu’en raison de leurs études ilssont en droit de demander à la société. Malheur à eux si le découragement les saisit; de bons élèves qu’ils étaient, ils deviennent bientôt de médiocres praticiens. Le département du Bas-Rhin, qui entretient une population chevaline nombreuse mais peu améliorée, et dans lequel, grâce à la sollicitude de l'administration supérieure, l’éléve et l'emploi des bêtes bovines com- mencent à être en voie de progrés, est un des départements qui compte le.moins de vétérinaires ; mais‘par contre le nombre des empiriques y est considérable : presque chaque commune à son guérisseur, son faiseur de sympathie, son charlatan. Strasbourg, sur une population de passé 50,000 âmes, ne compte que deux vétérinaires civils, y compris celui de l’administralion des haras. Dans le tableau ci-joint nous indiquons le rapport du nombre des vé- térinaires civils à la population et aux communes de tout le département du Bas-Rhin. ARRONDISSEMENTS. POPULATION. | COMMUNES. | VÉTÉRINAIRES. Le es Strasbourg . . . .. 298,058 161 Séléstat . . . ... 130,895 114 SAVOIE 212 2 Pt 108,480 165 Wissembourg . . . 92,700 103 Bas-Rhin . . . .. 560,113 545 A ——…—…—…—…—…—…"…. A en juger d'aprés ces chiffres, qui démontrent à l'évidence l'insufi- sance du nombre des praticiens dans le Bas-Rhin, ce département sem- blerait devoir être un point de mire pour beaucoup de jeunes vétérinaires, et leur offrir une position sociale et un avenir assurés. Mais il n’en est pas DE LA QUATRIÈME SECTION. 274 ainsi. Plusieurs vétérinaires militaires, qui dans les dernières années s’é- taient fixés dans ce département, ont repris du service après quelques mois de séjour dans les localités qu’ils avaient choisies, par la raison que la clientèle civile ne leur fournissait pas même un revenu suffisant pour les premiers besoins de la vie. Cependant ce serait une erreur grave que de conclure de cette impossibilité où se trouvent les vétérinaires de sub- sister dans notre département, qu'il n’y a aucune nécessité à en augmenter le nombre , et que les neuf vétérinaires actuellement établis suffisent à tous les besoins. | La pénurie des vétérinaires dans le Bas-Rhin est un mal préjudiciable à l’agriculture et à l'élève des animaux. Ce mal est d'autant plus grand qu’il frappe principalement les habitants des campagnes , et qu'un grand nombre de localités demeurent sous la domination des empiriques qui ex- ploitent impunément la crédulité des cultivateurs en usurpant par fois une réputation par les moyens les plus honteux et les plus coupables. L’exis- tence de ces hommes dans les campagnes est pour le pays une véritable plaie dont la cicatrisation ne pourra être’ obtenue que sous l'influence d’une loi spéciale et protectrice. Les difficultés que rencontrent les vétérinaires de l’armée pour se fixer en Alsace , tiennent à des causes qui sont propres aux deux départements rhénans, maïs surtout au département du Bas-Rhin. La principale de ces causes est la prédominance exclusive de la langue allemande dans nos campagnes, ce qui forme un obstacle insurmontable à l'établissement dans le Bas-Bhin de jeunes vétérinaires français , étrangers à l'Alsace. Le peu de considération dont jouit la médecine des animaux dans le Bas-Rhin devient à son tour un obstacle principal à l'augmentation du nombre des vétérinaires , puisqu'il empêche beaucoup de jeunes Alsaciens de se vouer à l’étude de cette médecine. Ajoutons que parmi la classe aisée de notre société , il y a encore une grande répugnance à envoyer les en- fants dans les écoles de l’intérieur, et cela surtout lorsque les éléves, à leur sortie des écoles , ne trouvent pas, pour les sacrifices exigés par la nature et la durée des études, de compensation certaine dans une position sociale convenable et dans un avenir qui les mette au-dessus des premiers besoins de la vie. Ajoutons encore que lorsqu'une profession n’est pas lucrative , il faut, pour en faire choix, y être entraîné par vocation, et que pour l'exercice de la médecine des animaux, comme pour celle de l’homme , le dévouement au bien public et la charité envers le pauvre ne sont pas les moindres qualités du bon praticien. Aprés avoir énuméré les causes qui privent plus particuliérement notre département des secours bienfaisants de la médecine des animaux, il nous reste à examiner les moyens qui nous paraissent les plus propres à remé- dier à la pénurie des vétérinaires. La considération personnelle que quelques vétérinaires peuvent avoir acquise dans leur sphère d'activité, ne saurait s'étendre assez pour réagir sur les masses; elle est trop restreinte pour faire disparaître l’empirisme dans les villes, et elle est impuissante surtout pour combattre l'opinion générale et préventive des habitants des campagnes contre les vétérinaires sortis de nos écoles. La considératio® que nous réclamons pour le corps entier des vétérinaires civils, pour qu’elle soit adoptée par l'opinion pu- blique , doit émaner du pouvoir lui-même, elle doit être propagée de haut 272 MÉMOIRES en bas. Ce ne sont pas des circulaires ministérielles qui recommandent les vétérinaires à la bienveillance des préfets, ce n’est pas la publication périodique des noms des vétérinaires diplomés , ce n’est pas l'institution de vétérinaires d'arrondissement chargés de combattre ies épizooïies , qui porteront reméde au mal. C'est une loi, ce sont des mesures administra- tives sagement combinées avec les besoins des départements, qui seules pourront relever l’état déplorable de la médecine vétérinaire civile; une loi qui ait pour objet d'organiser et de protéger le corps des vétérinaires, et d'interdire aux empiriques et aux guérisseurs la faculté de traiter les animaux ; qui permette de les poursuivre en justice, et qui mette ainsi fin à cette concurrence humiliante , à laquelle les vétérinaires sont jour- nellement exposés. En observant ce qui se pratique dans les principaux États de l'Allema- gne , nous voyons que par la sollicitude des gouvernements pour la mé- decine vétérinaire , le corps des vétérinaires se trouve protégé par des lois contre la concurrence et les envahissements de l’empirisme ; nous trou- vons de plus dans quelques pays allemands une organisation yétérinaire plus ou moins étendue et plus où moins parfaite. En Autriche, des vété- rinaires de province , rétribués par l’État , et des vétérinaires de district , rétribués par les communes. En Prusse, des vétérinaires de province, des vétérinaires de cercle de première Lie, rétribués par l'État, et des vétérinaires de deuxième classe, rétribués par les communes. En Baviére également des vétérinaires de première , de seconde et de troisiéme classes. Un petit nombre de départements en France jouissent également d’une espéce d'organisation vétérinaire, et parmi eux se trouve le Bas-Rhin, dont le Conseil-général vote annuellement une somme de trois mille francs pour rétribuer quatre vétérinaires d'arrondissement. L'organisation des vétérinaires d'arrondissement, telle qu'elle existe dans le Bas-Rhin, est imparfaite, en ce qu’elle a pour but unique de com- battre les épizooties. Elle est encore imparfaite en ce que les vétérinaires d'arrondissement ne sont unis par aucun lien, et que leur action est iso- lée lors de l'apparition d’une épizootie sur un ou plusieurs points du dé- partement; elle est imparfaite en ce qu'elle n’a pas prévu l'ütilité d'un représentant principal dans le chef-lieu du département. Cette institution donne l’idée de quatre membres sans corps ni tête. Aussi qu'arrive-t-il dans les cas graves? Que les autorités, reconnaissant l'insuffisance d'un seul vétérinaire délégué dans l'arrondissement, sont obligées de demander conseil à la Faculté de médecine, dont les membres ne sauraient être fa- miliarisés avec la partie pratique du diagnostic et du traitement des mà- ladies des animaux. Pour que cette institution acquière le but d'utilité publique dont elle es! susceptible, il faut qu'elle soit changée dans sa base par la nomination d’un vétérinaire départemental et par l'extension de la surveillance des vétérinaires d'arrondissement dans les campagnes, même hors les époques où elles sont affligées par des maladies générales, Ainsi ces vétérinaires , au lieu dé rester étrangers aux localités éloignées de leur domicile, ou de n’y apparaître qu'au moment où elles seraientenvahies par une épizootie , auraient à parcourir périodiquement les communes de leur ressort, pour se mettre en rapport avec les cultivateurs. Ils seraient chargés d'examiner les besoins des communes sous le rapport de l'hygiène vétérinaire, de DE LA QUATRIÈMNE SECTION. 275 s'assurer de l’état des bestiaux, de la qualité des fourrages, de la nature _ des prairies et des pâturages; d'éclairer les cultivateurs sur les améliora- tions dont ces derniers seraient susceptibles ; d'appeler leur attention sur l'exposition et sur la distribution vicieuse des écuries et des étables; de les conseiller dans le choix des animaux destinés à la reproduction ; de sur- veiller et d'améliorer les mauvaises pratiques dans l'élève des animaux qui s'opposent au développement des individus et au perfectionnement des races. : Le vétérinaire départemental, en rapport direct avec l’autorité et avec les vélérinaires d'arrondissement, en même temps vétérinaire du chef- lieu, chargé de la surveillance des foires et ventes de bestiaux , aurait à se transporter sur les différents points du département toutes les fois qu'il importerait à l'autorité de faire constater l’état des choses signalé par les vétérinaires d'arrondissement , pour, de concert avec ces derniers, exa- miner les besoins et mettre en vigueur les moyens les plus propres, soit à arrêter les maladies, soit à obtenir des améliorations, qui porteront dés lors le cachet de l’uniformité et d’une tendance vers un seul et même but. Cependant, Messieurs, l'organisation des vétérinaires civils, bornée aux vétérinaires départementaux et aux vétérinaires d'arrondissement ré- tribués par le département, serait encore imparfaite, si l'administration supérieure ne prétait pas son concours à la création de vétérinaires can- tonaux , lesquels seraient rétribués par les communes. La possibilité de cette institution n’est plus aujourd’hui un problème. L'idée en a été conçue et réalisée l'année derniére dans le canton de Benfeld, dont les communes se sont cotisées et se sont engagées envers un vétérinaire de leur choix, parlant les deux langues, à lui payer un trai- tement fixe de huit cents francs: par contre ce vétérinaire a souscrit l’obli- gation d’habiter le chef-lieu du canton et de ne pas dépasser un maximum pour ses visites, quelque éloignées qu’elles soient de son domicile. C’est aux autorités du département à faire connaître à leurs admini trés cette voie tout récemment ouverte à l'association , dans laquelle le canton de Benfeld a l'honneur d’avoir pris l'initiative , et pour la Propagation de laquelle nous osons espérer qu'il se formera d’autres réunions de com- munes. - L'organisation de la médecine vétérinaire civile, par l'institution d’un vétérinaire départemental, de vétérinaires d'arrondissement et de vété- rinaires cantonaux, nous paraît surtout nécessaire dans le moment ac- tuel, où l’on agite la grande question de savoir si la production des che- vaux en France peut suffire aux besoins de l’armée. Niée par les uns, démontrée à l'évidence par les autres, la solution aflirmative de cette question est du plus haut intérét pour l’agriculture, et demande le con- cours d'hommes compétents et spéciaux. La mesure que M. le ministre de la guerre vient de prendre en deman- dant à MM. les préfets une Statistique sur l'espèce chevaline de chaque département, nous fera bien certainement connaître que les ressources dont peut disposer notre grande et belle patrie ne sont pas au-dessous des besoins de l’armée: elle démontrera que, même dans des moments de crise, l'administration de la guerre, sans être obligée de payer à des spéculateurs de ces prix exagérés qu’elle n’accorde jamais à nos éleveurs, trouverait dans nos pays d'élèves même son contingent en races fran- Il. 18 274 MÉMOIRES eaises. Cette mesure toute patriotique de M. le ministre de a guerre, en fournissant aux éleveurs un débouché assuré pour leurs chevaux, en- couragera tout d’abord la production et l'éducation du cheval de troupe, et préservera notre patrie de ces marchés onéreux , à la faveur desquels les pays étrangers font entrer dans la cavalerie française celte foule de chevaux médiocres dont ils sempressent de vider leurs écuries, et avec lesquels ils seraient honteux de remonter leur propre cavalerie. Les éléments de cette statistique départementale de l'espèce chevaline ont été demandés par commune aux maires, en vertu d’un arrêté de M. le préfet. MM. les maires, nous n’en doutons pas, mettront dans leur tra- vail toute la bonne foi et toute l'exactitude possible, mais leur travail ne saurait servir de base. Ce qu’il y aura d’exact dans les renseignements qu'ils pourront fournir, c’est le nombre et le sexe; les indications rela- tives à l’âge et celles relatives à l'aptitude au service de l’armée, ces der- niéres surtout, seront remplies d'erreurs et rendront la mesure entière à peu prés illusoire. Une statistique, je voudrais dire permanente, modifiée tous les ans suivant les changements survenus, devrait être comprise dans les attri- butions des vétérinaires départementaux, d'arrondissement et de canton; elle ne devrait pas se borner à l'espèce chevaline, car si celle-ci est d’un grand intérêt pour l’armée et pour l’agriculture, la statistique de l'espèce bovine est d'une importance au moins égale pour l’agriculture, elle est peut-être plus importante que la première pour le pays en général. Une loi spéciale sur la répression et l’extirpation de l'empirisme, et sur l'organisation de la médecine vétérinaire civile, par l'institution de vé- térinaires départementaux, d'arrondissement et cantonaux, serait un bienfait incontestable pour l’agriculture en général, et pour l'éducation et l'amélioration des bestiaux en particulier. Cette loi mettrait fin à la déconsidération qui pêse encore aujourd'hui sur l’état des vétérinaires, et son premier effet serait d'augmenter le nombre de ces derniers. L’ins- truction agricole, sous le rapport de la tenue du bétail, serait plus facile- ment répandue, et la richesse de notre département se trouverait aug- mentée en même temps que le bien-être de nos culiivateurs. DE LA CINQUIÈME SECTION. 275 MÉMOIRES LA CINQUIÈME SECTION. TS — Archéologie, philologie, histoire. MÉMOIRE SUR LA SEPTIÈME QUESTION DU PROGRAMME DE LA CINQUIÈME SECTION : de da D en nt < ds Des sépultures anciennes et modernes comparées entre elles. — Indi- | quer si quelques modifications pourraient élre apportées au mode + actuel. PAR M. COMARMOND, Docteur en médecine, Inspecteur des monuments historiques du Rhône et de l’Ar- dèche ; Conservateur des musées archéologiques de Lyon, Secrétaire général de la neuvième Session, Président de la cinquième Section du Congrès scientifique. — Messieurs, En abordant un sujet de cette nature, j'ai compris qu’ilétait impossible de le traiter dans toutes ses parties, et j'ai dû seulement en effleurer les points saillants, en me rattachant au motif principal de la question, celui de Comparer entre eux les différents modes de sépultures anciens et modernes, et de proposer des modifications qui puissent satisfaire l'âme et convenir à la civilisation actuelle. Si je voulais remonter à l’époque la plus reculée de la crémation et de linhumation des corps, je serais obligé de suivre les différents sillons tracés par les migrations humaines, et je me trouverais peut-être, au point de départ, dans le Thibet ou la Bactriane; là je serais fort peu avancé, et, en fouillant dans ce berceau primitif de la race humaine, je ne trouverais que le roman du premier âge. Les traditions ont été modifiées suivant le besoin, et les monuments de cette époque, s’il en existe, restent muets sur les mœurs et les usages de cette première pé- 18 276 MÉMOIRES riode de la vie; il est néanmoins trés-probable que le premier soin des hommes, relativement aux morts, a été de dérober aux bêtes fauves les corps de leurs parents et de leurs amis, et que les premiers adorateurs du soleil se servirent pour cela du feu, qui en était l'emblème. Arrivons à une période un peu mieux connue , où l'histoire commence à rapporter des faits avérés, des usages adoptés par des peuples anciens, et nous verrons que l'incinération et l’inhumation étaient en usage. Je considère comme inhumation toutes les sépultures où les corps, avec ou sans préparation, étaient déposés dans une simple fosse, dans des tombes en bois, en pierre, en briques, en métaux, ou dans des hypogées et monuments funéraires quelconques, élevés par l'orgueil, la tendresse ou la reconnaissance. Dans l'Inde, dans la Perse, enfin dans la primitive Asie, on brâlait les corps, on les inhumaiït; cet usage s’y est conservé, et il nous est venu de ces contrées comme tant d’autres choses qui se sont ensuite modifiées suivant les besoins. Les Scythes ou Celtes, les Germains et tous les grands peuples du nord de l'Europe sont de la même souche et ont apporté de l'Asie leur mode de sépulture ; il est reconnu qu'ils employérent-les deux modes de sépulture. Tous les peuples qui sont nés de la race blanche ou caucasienne, des rameaux araméen , indien, germain , pélasgique, scythes-tartares , avaient l'habitude première de brûler les corps ou de les enterrer. D'après quelques fragments de Sanchoniaton, d'Hérodote, d’'Eusébe, de Manethon, de Joseph, de Diodore de Sicile et de tous les historiens qui se sont occupés de la chronologie des peuples, ou dont les ouvrages ont servi à cette classification d'origines, si difficile, on retrouve quelques usages ; mais on a beau faire des recherches, on n'arrive toujours qu’à des données plus ou moins plausibles, et l’on peut dire qu'au delà de deux mille ans avant notre ére, il est impossible de trouver des indica- tions suffisantes pour asseoir une opinion sur des bases solides. En remontant aux Égyptiens, qui ont été les civilisateurs de l'Occident, nous serions en droit de dire que les premiers Égyptiens ont brûlé les corps; ces peuples ont une même origine avec les Chaldéens, les Sy- riens, les Hébreux, les Phéniciens, les Arabes et les Éthiopiens, puis- qu’ils ont tous parlé le même langage, et que l'identité a été reconnue avec la souche orientale, qui, primitivement, avait colporté les croyances et les usages de la mère patrie. Le peuple égyptien a été de tous celui qui a j'pôrté au plus haut degré l'amour et le respect pour les morts; c'est peut-être à cette cause qu’il faut attribuer sa passion pour l’embaumement et celle de garder chez soi une série d’aïeux, dont on ne voulait pas se séparer, que chacun conservait dans son domicile et honorait journellement. Je ne veux nullement en- trer ici dans les détails des embaumements; il me suflira de dire que d’a- près leur religion et les modifications qu'ils apportèrent dans leur civilisa- tion, ils adoptérent deux modes de funérailles : l'un par embaumement , l’autre par simple enterrement; et trés-souvent le corps, préparé par la caste des embaumeurs, était placé dans de vastes hypogées ou dans un monument particulier. Le fameux labyrinthe d’ Égypte, situé sur les bords du lac Mæris, n'était qu'un tombeau consacré à la sépulture des rois et des animaux sacrés, emblèmes de la puissance divine sur la terre, et des DE LA CINQUIÈME SECTION. 277 divinités qu'ils adoraient. Plus tard , les pyramides furent construites pour servir de demeures derniéres aux dynasties égyptiennes. Leur législation formait , sous le rapport des funérailles, un chef de doctrine civile et re- ligieuse; une foule de corporations étaient instituées pour yeiller et pro- céder à tous les détails qu’entraînait la préparation des corps. N'était point embaumé ou enterré qui voulait; il y avait des cimetières communs, et aucun cadavre n’était admis à la sépulture qu’après un ju- gement public, sur la moralité du défunt. Une yie scandaleuse ou la con- viction d’un crime lui faisait refuser une sépulture honorable; il était jeté dans une espéce de voirie ou fosse honteuse qu’on nommait le Tartare. Si les anciens Égyptiens punissaient le crime même après la mort, ils honoraient aussi la vertu ; ils faisaient assister leurs défunts à un banquet, à une fête , à une cérémonie de famille; on leur adressait la parole, on les félicitait, on les priait. Leur amour pour les parents défunts était porté à tel point; le prix qu'ils attachaient aux restes de leurs ancêtres était si grand, qu’un Égyptien trouvait facilement à emprunter en donnant pour gage le corps d'un de ses proches; aujourd’hui, ce serait une triste hypo- thèque à offrir, elle donnerait peu de sécurité à un usurier. L'art des embaumements n’a pas été pratiqué seulement par les Égyp- tiens; on connaît les momies des Guanches, anciens habitants des Cana- ries, et le desséchement des corps par l’ardeur d’un soleil brülant , et l'u- sage de quelques nations barbares dévorant, par respect, leurs parents, après en avoir préparé les chairs par le feu. La méthode d’embaumer.est arrivée jusqu’à nous; elle est encore pratiquée par les gens riches. L'histoire nous apprend que les Juifs brülaient les corps, qu’ils les embaumaient, ,et enfin qu'ils suivaient également le simple mode d’en- terrement usité de nos jours; nous lisons dans l'écriture sacrée que le corps d’Aza, roi de la tribu de Juda, fut mis sur un vaste lit de parade, rempli des parfums les plus précieux, et que le feu y fut mis. Cette céré- monie avait lieu aux funérailles de tous les rois de Juda. Les funérailles privées avaient lieu ayec pompe; Moïse en faisait une loi expresse : pa- rents, amis, serviteurs étaient obligés d'assister au convoi. Les sépulcres étaient placés hors des villes, le long des grands chemins, dans des champs ou des jardins. Des pleureuses à gages, dont les lamentations se mélaient au son lugubre des flûtes , accompagnaient le cortége jusqu'à la tombe préparée. Leurs sépulcres les plus somptueux étaient creusés dans la pierre, et quelques-uns surmontés d’un obélisque. Le monument qui futélevé par Salomon au roi David était d’une trés-grande magnificence. Je ne parlerai point ici des usages introduits dans les funérailles par les familles ;. on sait que les Juifs se revétaient de cilices et se couvraient de cendre, qu'ils jeunaient et se privaient d’une foule de plaisirs. Le deuil était de soixante-dix jours pour les grands, et de sept jours pour les sim- ples particuiiers. Une chose assez bizarre à remarquer, c’est que la reli- gion n'était pour rien dans le culte funéraire; les prêtres n’y paraissaient point, il leur était défendu d’y assister, sous peine d’une souillure légale, et tous les hiqmes qui se trouyaient présents à des funérailles étaient im- mondes jusqu’à ce qu'ils se fussent purifiés. Chez les Grecs, la sépulture des morts était un devoir sacré, recom- mandé par Les dieux : pietalis officium est mortuos sepelire. D’apres leurs croyances, les âmes de ceux qui n'avaient pas reçu les honneurs de la 278 MÉMOIRES sépulture restaient errantes et malheureuses sur les bords du Styx, le pas- sage du fleuve leur était interdit. Les lois, à cet égard , étaient de la plus grande rigueur ; un général qui aurait manqué à ce devoir était sévère- ment puni; il devait renoncer au litre de vainqueur, si, après une ba- taille gagnée, il avait oublié de rendre cet honneur aux soldats morts au service de la patrie; tout officier infracteur de cette loi était puni de mort, fût-il revenu victorieux. Chez les Macédoniens, Alexandre suivit cet exemple. Achille fut flétri. dans l'opinion publique pour avoir vendu le cadavre d'Hector, son ennemi. Les anciens historiens nous font tous connaître que dans la Gréce il y avait deux manières d’ensevelir, celle d’enterrer et celle de brûler. Homére dit qu’Achille décolla de sa propre main douze jeunes gentils- hommes troyens, ses prisonniers de guerre, devant le bûcher de Patrocle, son.compagnon d'armes. Il dit ailleurs que l’urne où reposait la cendre d'Hector fut couverte d'un voile de pourpre. Diodore de Sicile , qui décrit les funérailles d'Ephestion , dit qu'Alexandre y mit une grande pompe ef un luxe sans égal; elles surpassérent toute la magnificence connue alors; il fit abattre dix stades {une demi-lieue) des remparts de Babylone et construisit une espèce de socle carré, sur lequel il fit édifier le bûcher dont chaque face avait un stade de largeur; une masse immense de bois, élégamment dressée, avec ornements rehaussés de sculptures dorées, caractérisait ce bûcher gigantesque, sur lequel le corps fut placé; là il fut entouré de décorations, d’emblémes de tous les genres : aigles, galères, armes, animaux chimériques, ete. — Les amis, les capitaines de l’armée d'Alexandre, voulant lui étre agréables, firent faire en son honneur des statues d'ivoire , d'argent, d'or, et même de ma- tiéères plus estimées , telles que pierres précieuses. Il y avait peu d'appareil pour les classes pauvres, et même pour les ri- ches, qui demandaient dans leur testament un mode de sépulture simple. Guichard , qui a fait de longues etsavantes recherches sur les funérailles des anciens, s'exprime ainsi: «Cela est d'autant plus digne d’admiration «que la Grèce étant divisée en plusieurs provinces et républiques, gou- « vernées par loix, coutumes et cérémonies diuerses , elles se soyent néant- «moins si bien accordées touchant ce poinct, que tous également l'ayent «eu en singulière recommandation, et n’ayent non plus que les Romains «admis entre eux que deux manières d’ensevelir, lune qui est d’'enterrer, «l’autre d’ardre les personnes décédées.» Chez les anciens peuples, la pensée que leurs divinités principales ha- bitaient les régions supérieures, que le feu purifiait, qu’il réduisait en vapeur nos corps, qu'il n’en restait que la partie terreuse appartenant à notre globe, que le reste se rattachaïit à la spiritualité et montait vers la divinité, avait sans doute suggéré aux hommes l’idée de brûler les morts. Euripide dit que le corps de Clytemnestre fut purgé et nettoyé par le feu. Héraclyte professait en principe que le feu était le commencement et la fin de toutes choses, que tout vient de là et que tout doit y rentrer. Hé- raclyte connaissait-il la théorie plutonienne de nos jours, et pensait-il qu’à la fin des siècles notre planète viendrait à s'embraser de nouveau ? En parlant de ce philosophe, Guichard dit: «De faict, nous treuons «qu'Héraclyte s'estant barbouillé et frotté de bouse de vache à guise de «quelque onguent ou huile précieuse, il se précipila dedans le feu; belles pute chili à Rat us and DE LA CINQUIÈME SECTION. 279 «funérailles, certes! et dignes d’un philosophe, qui voulait monstrer le «chemin aux autres, de se brusler non pas aprésleur mort, mais encore «xivans en si honnête équipage.» | Les sépultures avaient lieu hors des villes , sur le.bord des grands che- mins, dans les jardins, sur les rivages de la mer, sur les bords desfleuves, au-dessus du niveau des débordements, et quelquefois dans les temples des dieux. Euripide rapporte que Médée:ensevelit ses enfants de sa propre main, et qu’elle fit porter leurs corps dans le temple, de Junon , afin que nul de ses ennemis n'osât remuer leur cendre. On jetait sur les bûchers et dans les tombes des fleurs, de l'herbe; on faisait des libations en vin, huile, lait, parfums de tout genre, bois odo- riférants, etc. On faisäit aux morts des offrandes de toute espèce; Euripide fait dire, à Oreste: «La nuit passée, étant allé sur le tombeau de mon «pére, j'ai pleuré dessus et lui ai fait l’offrande de mes larmes, de la ton- «sure de mes cheveux et du sang d’une brebis immolée sur la pyre.». Plus loin, Électre, en parlant du sépulcre d'Agamemnon , s'exprime ainsi: (Sa tombe déshonorée et méprisée n’a reçu aucune effusion., ni ra- «meaux de myrte, et la pyre est déserte de toutes parures et ornements.» Les Grecs portérent au plus haut degré la pompe des funérailles, et ils allérent plus loin que les Perses etles Égyptiens; ils élevérent les grands hommes au rang des dieux, et créérent les honneurs de l’apothéose. Les Romains empruntérent aux Grecs une foule d’usages et copiérent,, en graude partie, leur rite funéraire ;,ils portaient le plus grand respect aux morts et aux tombeaux. Cicéron disait: «Un peuple ne doit qu’à sa piété sa conservation et ses succès. », Cette raison était sans doute grande pour maintenir en eux les principes religieux, et les cérémonies funé- bres en étaient une partie importante. Le premier de tous les honneurs rendus aux morts était l'érection d'un bûcher; les,frais d'une cérémonie funèbre s’élevaient quelquefois à des sommes énormes, surtout quand il s'agissait de l’apothéose d’un grand citoyen ou d'un empereur. Un assez grand nombre de, médailles furent frappées à celte occasion, le mot consecratio nous l'indique ; des pierres gravées, des bas-reliefs, des vases, nous apprennent également l’apo- théose de quelques grands hommes de l'antiquité grecque et romaine. Plusieurs auteurs parlent de la chemise d'amiante qui était employée en pareil cas, pour garantir les cendres du mort de foute espèce de mé- lange. J'ai vu ef touché plusieurs tissus d'amiante, j'en posséde même un morceau; mais je doute fort qu’une chemise semblable , tout incom- bustible qu'elle est, puisse résister au fracas et au tumulte d’un bûcher embrasé ; si elle a été employée, elle a dû l'être sans succés. Chez les Romains les honneurs étaient proportionnés à la fortune, ou aux Services rendus. L'inhumation simple était réservée aux basses clas- ses, mais le respect pour les tombeaux était général; tout individu qui aurait fait une insulte à un mort était condamné à perdre la vie. On regardait comme un bonheur spécial de, recevoir les derniers sou- pirs d’un agonisant; c'était un grand malheur dans une famille, si l’un des membres succombait en pays étranger; aussi plaçait-on sur la tombe cette triste inscription: « Parentes infelicissimi filio infelicissimo. » Un Romain qui mourait au milieu des, siens était à l'instant même vi- sité par ses p'oches et ses amis ; on lui fermait les yeux, on l'appelait plu- - 280 MÉMOIRES sieurs fois à haute voix par son nom; le silence de ia mort était sa ré- ponse: on le lavait avec soin, on le parfumait et on lui mettait une robe blanche. Dans cet état, on le plaçait sur le seuil de la porte, les pieds tournés du côté du dehors; en signe de deuil, on plantait un cyprès de- vant la maison. Le mort restait ainsi sept jours, pendant lesquels les pa- rents préparaient tout pour les funérailles et allaient au temple de la déesse Libitine, pour y chercher tous les objets nécessaires à la cérémonie. Là on tenait et on vendait les objets préparés d'avance pour les convois funébres; des libitinaires (desservants) et autres employés étaient chargés du service de ce temple. Cette partie du culte fut instituée par Numa Pom- pilius. Guichard parle ainsi des soins qu'on donnait au mourant: «(Quand «le malade se trouvait en extrême danger, ses parents le venoyent wi- «siter, s'assoyent autour du lict.eb lui tenoyent compagnie jusqu'à tant «qu’il commençait à raller et tirer les traits de Ja mort; alors, le plus «proche d’entr'eux tout éploré s’auançait du patient et l'embrassait fort «étroitement, poictrine contre poictrine, visage contre visage, afin de «recueillir son âme, et recevoir bouche à bouche le dernier hoquet. «Quoy faict, l'un serrait les Jéures et les paupiéres, les accommodant «proprement, de peur que les assistants n’apperceussent les yeux du dé- «funct ouverts; il n’était pas loisible de voir les yeux des trépassés. » Pline dit que l'usage de brûler les corps n'est pas trés-ancien , et qu'il n'est pas antérieur à la dictature de Sylla. À Rome; comme ailleurs; il existait différents modes et l’on pouvait en faire choix. Ainsi, par exém- ple, Plutarque dit que le corps de Numa ne fut point brûlé, mais mis dans un coffre de pierre à deux cases: l'une était pour y déposer son corps, et l’autre pour les livres sacrés qu'il avait composés ; il avait, par testament, ordonné ce genre d’obséques. Dans la sépulture par incinération, le mort était d'autant plus honoré que le bûcher était vaste et construit avec du gros bois; c'était une igno- nimie que d’être à demi-brülé par un chétif amas de broussailles et'sans être arrosé de liqueurs, de parfums, etc.; c'était même une punition. Suivant la dignité du défunt, les parents, les héritiers , les amis mani- festaient leur tendresse ou leur reconnaissance en jetant sur le bûcher des meubles, des ustensiles précieux; les femmes et les enfants y jetaient ce qu'ils avaient de plus cher en bijoux, hochets, etc. Alexandre de Naples dit que la religion romaine ne permettait pas de brüler le corps des petits enfants avant la poussée de toutes leurs dents, Le temps de l'exposition écoulé, le corps était porté au bûcher, si le défunt avait demandé d’être brûlé , ou bien dans une tombe, s'il avait ex- primé le désir d’être inhumé; il était porté dans un cercueil découvert, par ses parents ou amis , ou bien par des porteurs gagés. Lorsque le défunt avait rendu quelques services militaires ou civils, la sompluosité de ses obsèques était proportionnée à l'importance de ses services, de sa dignité et de sa fortune; il était placé sur un lit de pourpre, on portait devant lui ses insignes, les dépouilles qu'il avait conquises sur les ennemis, les images de ses aïeux, enfin tous ses titres de gloire. Ses parents, ses amis , sés affranchis suivaient le convoi funébre , et des pleu- reuses gagées faisaient retentir l'air de leurs lamentations; à ce cortége se joignait une musique lugubre: Pour les grands personnages , on faisait une pose sur la place de Rome, on y prononçait une oraison funébre, et : DE LA CINQUIÈME SECTION. 281 de là on allait jusqu'au bûcher sur lequel on plaçait le corps; on larro- sait de liqueurs précieuses et on mettait dans la bouche du mort une pièce de monnaie, pour payer le passage du Styx. Les ossuaires dans lesquels on plaçait la cendre et les os des morts étaient en toutes sortes de matiéres : argile, pierre, marbre , porphyre, plomb , bronze , argent, or, etc. Les cercueils ou sarcophages de ceux qui se faisaient enterrer étaient aussi en matières variées, telles que le bois, l'argile, le marbre, le granite , le porphyre etc.’ Quelquefois, c'était (out simplement une modeste fosse creusée dans la terre ; ou faite en: brique et en maçonnerie. Les funérailles-de la classe moyenne du peuple se faisaient très-simple- ment. Pour la classe inférieure et les esclaves, les corps étaient: portés sans appareil dans un champ commun nommé Esquilia'} qui était situé hors des murs de la ville. Dans les sépultures par incinération, on brûlait non-seulement des of- frandes , mais encoredes victimes; on les sacrifiait dans les enterréments. Chez les Romains, les funérailles étaient suivies de banquets ; de fes- tins , de danses et de chants, d’une musique instrumentale; il: fallait? se réjouir-du passage du défunt à une: vie plus heureuse. Û En terminant cette esquisse incomplète et faite à longs traits, sur les modes de sépulture des'anciennes nations, je/crois pouvoir avancer que d’après les migrations.et la filiation-des peuples qui partirent:d’un centre commun tel que le Thibet;, la Bactriane, la Perse et l'Inde; tous ont ap- porté de la mére patrie l’usage de brûler les:corps ; et qu'ils les ont aussi enterrés; quandiles lois permettaient de choisir un mode particulier: On trouve presque:partout des tumulus :; où Von: rencontre des os:cal- cinés ou simplement enterrés ; on élevait ces:monuments à un. chef ; et quelquefois à un grand nombre de morts , après une bataille. Je ne puis, à l'exemple de quelques auteurs qui-ont'traité des funé- railles ; aborder des détails sans:nombre quitne peuvent entrer dans ce mémoire , qui a pour but principal de proposer-quelques modifications dansnos-usages funéraires: Jene parlerai point:ici des honneurs funé- bres de l’apothéose rendus: à certains personnages célèbres: Cet: usage, fondé dans:son origine par la reconnaïssance ou l'admiration ; dégénéra dans des siècles de dépravation, etl’on éleva des-temples; des autels, on créa des :sacerdoces: à desmonstres qui s'étaient rendus fameux pa des crimes ; à des femmes remarquables par leurs-débauches. En général , chez tous les peuples, les morts et les tombeaux ontiété un sujet de vénération. Chez quelques nations on‘immolait sur le bûcher ou sur la tombe-du mort des: esclaves, des prisonniers et même des.hommes libres; chez les Gaulois ,; ses compagnons d'armes ; chez les Indiens ; les épouses du défunt. Les Francs, les Germains enterraient le cheval ayec le cavalier tout armé. On rapporte que les Massagètes, par un sentiment aveugle d'humanité, massacraient leurs parents, lorsqu'ils étaient acca- blés par la vieillesse, et qu’ils les faisaient cuire et les mangeaient, en- suite’, pensant que cette sépulture était honorable, puisqu'elle les incor- porait avec leur postérité. Ceux qui mouraient de langueur ou de mala- die étaient considérés comme trés-malheureux, :et: l'estomac des chiens devenait leur tombeau ; d’autres les laissaient mourir: d’inanition : ils croyaient par là les délivrer des maux de la décrépitude. Les Troglodytes 282 MÉMOIRES couvraient leurs morts de pierres qu’ils jetaient sur eux au hasard ; ils ac- compagnaient, comme beaucoup d’autres peuples, ce genre de sépulture de fêtes et de grandes réjouissances. La pensée d’une vie plus longue et plus heureuse les déterminait sans doute à ces témoignages de joie. Le christianisme a détruit, en partie, une foule d’usages barbares ou peu convenables. Les protestants ont moins de somptuosité dans les funérailles que les catholiques romains. Les Grecs-Romains différent peu, dans leurs funérailles, des catho- liques; le cercueil est porté découvert dans la fosse , les parents baisent le défunt à la bouche: devoir indispensable , même envers un pestiféré. Les Moscovites suivent la lithurgie grecque; ils ont adopté cependant des usages particuliers, comme celui de faire un présent en bière ou hy- dromel au prêtre, pour l’engager à prier pour le défunt ; ils baisent aussi le mort ou son cercueil avant de le quitter , et ensuite le prêtre lui met son passe-port dans la main , signé du métropolitain et du confesseur. Les Georgiens font à peu prés les mêmes cérémonies. Les Mahométans, qui considèrent la terre comme une hôtellerie , s'em- pressent de rendre aux morts les honneurs de la sépulture, afin que l'âme, qui a pris les devants, ne soit point en langueur, en attendant le corps, pour aller jouir de la félicité éternelle: ils le lavent , répandent sur lui des parfums , et invoquent pour le défunt le Dieu de miséricorde. Lorsque le corps est descendu dans la tombe, ils récitent quelques versets de l’Alcoran , et pour donner de l'air au mort, on place dans la tombe des pierresen travers, comme on le fait pour couvrir certains conduits d’eau. Chez les Bramines, de temps immémorial, on a conservé l'usage de brüler les corps dans les classes nobles et élevées. Parmi les hommes qui ont réfléchi sur les mœurs et les usages des an- ciens, il en est sans doute beaucoup qui ont apprécié , sous plus d'un rap- port, les avantages de l’incinération. Je ne reproduirai point la proposi- tion de Giraud, de Paris, sur la construction d’un monument gigantesque qui serait construit avec le résidu de nos corps, qu'on réduirait en ma- tière vitrifiable. Cet immense projet était sans doute conçu sous l’in- fluence de trés-bonnes intentions, comme de perpétuer et d’honorer la mémoire des bons citoyens, en conservant, sous des formes variées, les restes de ceux dont la vie avait élé utile et signalée par des vertus. Dans le temps, le célébre Becker écrivait : «0 utinam consuelum foret «el amicos haberem qui ultimam illam opellam siccis et mullis laboribus «exhaustis ossibus meis aliquando præstarent.» «Plûüt à Dieu que l'usage «s’en introduisit (de brüler les corps) et que j'eusse des amis qui rendis- «sent un jour ce dernier office à mes os desséchés et exténués par de «nombreux travaux!» Plus loin il dit: « Nonne melius illis foret quam «ut jam sub terra putrescerent et semi putrida publicis locis exposita? » «Cela ne vaudrait-il pas mieux que de faire pourrir mes os dans la terre, «pour être ensuite, à moilié consumés, dispersés sur un cimetière ? » Après vous ayoir donné une faible idée des usages anciens relatifs aux sépulcres , nous arrivons à la période chrétienne, où l'incinération tombe tout à fait en désuétude; je veux parler ici des hauts temps de l'empire romain, où, vers la fin du premier siéele de notre êre, on vit pâlir les flammes du bûcher, qui disparut entiérement dans le deuxième siécle. DE LA CANQUIÈME SECTION. 2835 Dans le bas-empire, cet usage ne survécut pas, et depuis, dans toute l'Europe, le feu n’est point venu purifier la cendre des morts, la terre seule a été appelée à engloutir les générations qui se sont succédées , et le faste des funérailles, le respect pour les morts, ont semblé dititndèr sous l'influence de ce genre de sépulture. Maintenant, dans les méthodes abandonnées; ne sauraït-on y trouver quelque chose de bon, et parce qu’on les a quittées, souvent par des mo- tifs peu plausibles, n'est-il pas raisonnable de revenir à ce moyen délaissé s’il convient mieux qu'un autre? L’inhumation en usage est-elle plus convenable? Je ne le pense pas ? Ce mode est-il plus commode ? C’est pos- sible : mais est-il bien en rapport avec nos croyances, avec l'espoir d’une vie éternelle, avec le respect que nous devons aux morts ? Il me reste à parier des inconvénients qué présenté le mode actuel de sépulture , et des moyens de le remplacer, en {out ou en partie, par un usage préférable. Nul doute qu’il n'existe de graves inconvénients dans la manière habi- tuelle d’ensevelir de nos jours, et je place en premiére ligne la triste pensée qui s'élève dans les âmes un peu bien placées, en songeant que les corps de leurs parents, de leurs amis, que les leurs même subiront un jour les lois de la putréfaction et deviendront la pâture des vers ron- geurs. En seconde ligne, dans les cités populeuses , les cadavres de la classe pauvre vont chaque jour s’entasser et combler le grand fossé qui leur est destiné ; en peu d'années, les cimetières sont minés réguliérement, et un lit de chair se fatisf6mié bientôt en une couche de détritus humains ; tout est confondu dans cette matière inerte, les restes de l’homme ver- tueux sont au méme rang que ceux du criminel; de ce mélange informe il ne ressort que de tristes et immoräales leçons. Toutes sortes de motifs bümains, oublieux, cupidès ou mercenaires, viennent troubler le pai- sible repos des débris entassés d’une seule génération. D'ailleurs, le ter- rain manquant, il faut remuer plusieurs fois cette terre humaine, et lengraisser de nouveau par des générations nouvelles; autrement, la terre entière deviendrait bientôt un vaste champ de morts s’il fallait trop longtemps respecter ces dépôts funéraires. Pour l'homme qui a acheté une sépulture de famille, sa vanité ne reste point inactive, et le cimetière commun sé couvre de monuments plus ou moins fastueux ; en moins d’un siècle il ne peut plus suffire aux besoins des funérailles ; là aussi on pourra voir confondus le monument du voleur et celui du volé. C’est une triste leçon pour les peuples que de voir toutes les dépouilles humaines as- pirant aux mêmes hommages, aux honneurs d'un monument qu’une for- tune mal acquise à élevé à grands frais et que le mensonge vient re- hausser. Nous ne voulons point restreindre ici les souvenirs qu'une nation at- corde à ses morts, maïs nous demandons des réformes utiles et morales dans la législation qui règle les sépultures. Nous ne voulons point un 0s- tracisme impossible , mais nous désirons qu’une loi établisse les distinc- tions voulues par la morale; que le pauvre, à l'égal du riche, aït droit aux honneurs funèbres, sinon rendus avec pompe, du moins d’une ma- nière décente et convenable, toutes les fois qu’un jugement n’a point fiétri sa mémoire. N’est-il pas pénible de voir sortir d’un lieu de misères le corps d’un malheureux, sans autre accompagnement que les porteurs 284 MÉMOIRES nécessaires , et sans que le prêtre de charité précède le convoi et qu'un symbole de sa religion*soit porté en tête de ce cortége funébre ! Sans doute , une modification des lois qui régissent les sépultures offrira de nombreux obstacles, soit sous le rapport de l'exécution matérielle, soit sous les rapports moraux et religieux ; mais nous croyons qu'il serait plus facile qu'on ne pense de régler l’ordre des funérailles, de leur donner plus de dignité, de réveiller dans le cœur humain le respect pour les morts de toutes les classes de la société, de perpétuer la mémoire de l'homme de bien, depuis la classe la plus pauvre jusqu’à la plus élevée. De l'inhumation. Sans exprimer ici d'une maniëre positive le désir que la sépulture, telle qu’elle est usitée aujourd’hui, soit interdite par la loi, nous demanderons qu'il soit loisible à chacun de choisir, parmi les divers modes de sépulture, celui qui lui convient le mieux, et qu’on accorde à la famille , soit à l'hé- ritier du défunt, le droit d'exécuter sa volonté exprimée verbalement ou par testament. Nous demandons que les tombes soient isolées, que la terre qui les recouvre reste au moins un demi-siécle sans ouvrir ses flancs pour y recevoir une nouvelle victime, et que tous les morts soient sou- mis aux mêmes épreuves et subissent la filière des examens et des exposi- tions exigés par des règlements qui ressortiraient de nos propositions. Mort apparente. Bien que la mort se manifeste par des signes caractéristiques qu’il est difficile de méconnaiître, on voit cependant chaque année des exemples de morts apparentes et de funestes accidents résulter de cette méprise. Il est possible de méconnaitre un reste de vie dans certains cas, surtout avec l’examen superficiel qui’a lieu lorsqu'une mort est déclarée à l’au- torité; le plus souvent, l'examinateur s’en rapporte aux personnes qui ont assisté aux derniers moments du défunt; et par une foule de raisons qu'il serait trop long d’énumérer, on s’empresse de faire enlever le cadavre et de le descendre dans la tombe ; il faut qu’un cri, un gémissement ; un lu- gubre débat viennent interrompre l’active indifférence du fossoyeur, pour qu’il suspende le comblement de la fosse. Je sais que certaines infiltra- tions, des déjections d’une nature particulière sont des signes pathogno- moniques de la cessation de la vie; il en est de même de quelques météo- rismes et de l’affaissement de certaines parties ; mais il faut être circons- pect relativement à la cessation de la chaleur et de la circulation, à la pâleur de la peau, à la rigidité des membres. En thèse générale, un com- mencement. de putréfaction est le certificat positif de la mort réelle. Ce n’est point ici le lieu de faire un traité sur tous les signes qui cons- tatent la mort et tous ceux qui peuvent jeter du doute sur sa réalité; je me bornerai à dire que de nombreux accidents sont arrivés et arriveront encore, si on ne prend des précautions qui les rendent impossibles. Il est bien entendu que les moyens que je vais indiquer sont surtout pour les grands centres de population , que je me place en France, et dans une ville où la religion catholique domine, à Lyon par exemple. On com- prendra que de nombreuses modifications devront être adoptées pour que les bienfaits d'une semblable réforme dans le culte funéraire se répandent dans le simple village et parmi les hommes d'une religion différente. Ce late à ne doit DE LA CINQUIÈME SECTION. 285 De l'exposilion des corps. Elle est nécessaire sous plus d’un rapport, elle est indispensable pour constater la mort réelle, toutes Les fois qu’il n’y a pas de fermentation pu- tride. Elle est convenable sous le rapport religieux , elle est utile sous le rapport social. Cette exposition sera modifiée suivant les cas. La mort constatée par le médecin ordinaire du malade et par le com- missaire des convois mortuaires, le cadavre, si l'individu défunt était do- micilié, pourra rester le emps voulu dans son appartement ; il sera placé dans un cercueil non couvert et dans un linceul non cousu , du moins dans les parties supérieures. Arrivé à l'entrée du cimetière , il sera déposé dans une chapelle ou lieu de repos momentané. Là , une nouvelle inspec- tion aura lieu; elle sera faite par un médecin de l'autorité et un autre commissaire ad hoc; chacun d’eux fera un rapport isolé.et demandera que l’inhumation soit faite statim; on ordonnera une exposition à temps, dans ce lieu, jusqu’à ce qu'une. inspection nouyelle ait constaté qu’il. y a opportunité de terminer les obsèques. Déjà on a proposé d'établir des chapelles dans Le but dont il s’agit; en Allemagne on a fait plusieurs tentatives à ce sujet. Je ne ferai ici qu’é- mettre mon opinion sur la manière dont deyrait être construit cet établis- sement, et sur les deux motifs qui doivent faire adopter cette mesure toute de prudence et de précaution. Le premier est d'éviter toute espèce de méprise et de constater la mort par des certificats multiples qui écartent tout doute à cet égard, Le second motif n’est point sans intérêt pour la société, c’est qu’un examen aussi scrupuleux peut éveiller le soupçon d’un crime , le révéler'; il peut davantage encore, il peut, par la crainte de sa découverte, em- pêcher de l’entreprendre. Le criminel redoutera ces inspections multi- pliées, une exposition , qui laissent à tout le monde le temps d'examiner et celui de confirmer des soupçons plus ou moins importants. On sait que des blessures peuvent être inobservées par l’un. et constatées par l'autre ; que l’action du poison imprime souvent au facies de la mort certains ca- ractéres, et qu'il existe des signes à l'extérieur comme à l’intérieur. Une triste expérience nous a convaincus de la multiplicité de ces attentats, commis ayec une froide réflexion et dans la pensée qu’un simple certificat donné légèrement et une inhumation précipitée masqueraient le crime, et qu'enfin la terre le couvrirait bientôt d’un voile impénétrable. Pour arriver au résultat désiré d’une manière plus certaine ;, le corps arrivé à la chapelle ou maison des morts, l'inspection indiquée a lieu; si le corps doit y séjourner, il est placé dans Ja salle de dépôt, qui remplira les conditions suivantes. Cette salle sera vaste, éclairée par de larges ou- xertures; sa température sera réglée par un thermomètre et portée au degré nécessaire pour l'entretien de la vie. Elle contiendra un certain nombre de châsses vitrées qui seraient en rapport avec. le service mor- tuaire; chacune de ces châsses aurait une petite porte et une planche à coulisse pour y:faire entrer et en faire sortir la bière avec facilité. Le cer- cueil sera découvert, et les bords du linceul écartés laisseront à nu la face, le cou et le haut de la poitrine, si rien.ne s’y oppose. Le cadayre ainsi placé, on tolérerait l'entrée de cette pièce à tous ceux qu'un,but d'utilité, autre qu’une simple curiosité , aménerait; la police de cet établissement serail assurée par des réglements. 286 MÉMOIRES C’est ainsi que dans celte châsse à jour, les gardiens , le médecin pré- posé, les parents, les amis, les voisins, tous les hommes intéressés à ré- veiller un principe de vie mal éteint ou à scruler la cause d’une mort qui leur a laissé les soupçons d’un crime, pourront, d’une part, activer les secours et les soins; de l'autre, dévoiler un attentat ou faire des déposi- tions qui deviendraient utiles pour le reconnaître. Pour les inhumations qui ont lieu dans les cimetières des grandes villes, ceux qui laissent assez d'argent pour y être portés reçoivent les -hon- neurs d’une sépulture plus ou moins relevée ; mais il n’en est pas de même pour le pauvre qui meurt sur un grabat; il est porté incontinent, sans suite, dans les dépôts publics, puis jeté pêle-mêle dans le (tombereau, pour aller confusément combler le grand fossé qui attend sa dépouille mortelle ; il y arrive furtivement, aucun symbole religieux ne précède sa marche, et il descend incognito dans la tombe omnibus pauperibus. Je voudrais, pour rendre les funérailles du pauvre plus convenables, plus dignes de son rang d'homme faisant partie d’une société civilisée, qu’on employät les mêmes moyens que pour l’homme riche, afin d'ob- tenir le même degré de sécurité sous le rapport de la cessation de la vie et sous celui de l'existence ou de la non-existence du crime. Ces moyens, dont la mise en pratique paraît d'abord difficile , sont des plus simples, et leur adoption ne présenterait que de faibles obstacles tenant plus à l’in- novation du mode qu'aux difficultés réelles. Je sais que le pauvre ne laisse pas, à son heure dernière, de quoi faire des frais pour ses funérailles ; que la vanité du riche, au contraire, s'at- tache à pourvoir à ce que les siennes soient remarquables. Mais je vou- drais que sous le rapport religieux, en suivant la morale,chrétienne et les maximes de l'Évangile, les soins de la religion, de la charité accom- pagnassent le pauvre jusqu’à sa dernière demeure. Le transport d’un cer- cueil sans symbole religieux n’est plus en rapport ayec la morale évan- gélique, qui proclame si hautement que tous sont égaux devant Dieu. Je voudrais que les tombereaux fussent transformés en chars funèbres décents, que ces chars fussent divisés par étages et par cases pour les ca- dayres amoncelés et mutilés. Je désirerais aussi qu'une séparation dis- tincte isolât. chaque corps dans la tombe; je pense n'avoir pas besoin d’entrer dans le détail des convenances de semblables mesures. Incinération. L'incinération des corps offre des avantages sous le point de vue moral et sous le point de vue physique. Sous le premier, on ne se défend qu'avec peine de la pensée qu'on va être déposé après sa mort dans une cavité souterraine, et que là, solitaire et abandonné, votre corps est livré aux vers des tombeaux; vous yous trouvez pressé sous un poids énorme de terre, ou scellé au milieu de froides pierres, où dans le sombre caveau d'un lourd et fastueux mau- solée. Ce sentiment pénible augmente en songeant que peut-être le germe de la vie n’était point éteint, que l’âme n’avait pas encore déserté sa de- meure, et que, semblable à la brute, nos resles vont engraisser le sol. Cette idée que les molécules d’un corps décomposé rentrent dans les principes nutritifs des végétaux, qui à leur tour entretiennent la vie des DE LA CINQUIÈME SECTION. e 287 animaux , a bien pu faire naître chez les Indous, les Égyptiens, et plus tard chez les Grecs, leur systéme de métempsycose. Sous le point de vue physique, en laissant de côté les lois de décompo- sition dont nous voulons nous affranchir, comme représentant l'être pri- vilégié du créateur, nous ne pouvons nous dissimuler que tout répugne dans ces masses accumulées de cadavres, surtout dans le voisinage d’une grande ville ; les terrains manquent sur les hauteurs, vous les mettez dans les plaines : dans l’un et l’autre cas, des exhalaisons délétères plus ou moins fortes se dégagent de ces détritus humains; elles augmentent quand vous les remuez; les eaux qui les pénétrent forment des sources ; elles sont bues avec répugnance , toutes limpides qu'elles paraissent; et l’idée qu’elles tiennent en dissolution quelques éléments de corps humains est pénible à supporter. Certainement, à Lyon, par exemple, les eaux qui coulent des deux revers du plateau de Loyasse réveillent ce dégoût; il en est de même des eaux des puits qui avoisinent le cimetière de la Ma- deleine : ici on réfléchit péniblement à ce dépôt de cadavres sortant des hôpitaux, et qui, enfouis dans le sein de cette terre, viennent y croupir et infecter les eaux qui filtrent à peu de profondeur. D'ailleurs, c'est un principe reconnu que l’agglomération des corps d'animaux quelconques est délétère, et qu'on doit considérer comme nuisible à la santé le voisinage des grands cimetières et le remuement continuel de leurs terres. On doit donc désirer la diminution, sinon la suppression d'un mode de sépulture qui attriste l’âme et devient pernicieux à l’espéce humaine. D’après tous les inconvénients qu’entraine l’inhumation, je me crois donc pleinement autorisé à proposer de revenir à l’incinération pratiquée par les anciens, en modifiant cette méthode d'après nos mœurs et nos croyances religieuses. En adoptant les moyens que je vais présenter, on évitera une foule d'obstacles et de dangers. 7 Jé ne prétends point proposer de rétablir les honneurs du bûcher tels qu'ils étaient en usage chez les Romains; il faudrait trop de temps, trop de soin et trop de combustible. Mais au moyen de simples appareils funé- raires à incinération, on remplirait toutes les indications désirées; on pourrait plus facilement classer les générations, et même, par l'emploi de ce mode, laisser aux temps futurs des monuments historiques capables d’instruire facilement les races à venir de nos usages et de nos mœurs. Si, à une époque reculée, l’incinération n’a eu lieu que par un motif religieux, pourquoi de nos jours, sans blesser en rien nos rites et nos croyances, n’accommoderions-nous pas ce mode aux exigences de l’ima- gination, aux convenances physiques et sanitaires des grandes cités ? D'ailleurs, en laissant facultatif le genre des funérailles, il est certain que celui de l'enterrement, qui entraîne la putréfaction des corps, leur lente et dégoütante dirt diminuerait sensiblement , surtout si des paroles religieuses et civiles de haute portée venaient approuver les mo- difications proposées. En résumé, dans ce mémoire, où je ne fais qu’effleurer la plupart des questions les plus importantes, j'exprime un désir.et propose de modifier le culte funéraire en respectant toutes les croyances. 1. Je crois qu'il est convenable de donner au convoi du pauvre plus de décence et de lui rendre les honneurs de sa religion jusqu’à sa tombe. 2. Je propose d'établir des lieux spéciaux et obligés de dépôt momen- 288 MÉMOIRES tané, des chapelles d'attente, dans le but d'éviter de funestes méprises pour les morts apparentes. 3. Je dis que ces mêmes dépôts deviendraient utiles à la société sous le rapport de la justice criminelle, puisque des registres y seraient établis et qu'on pourrait y faire des dépositions ; plus d’un crime serait dévoilé par ce moyen, et beaucoup n'auraient pas lieu par la crainte de la délation ou à raison des inspections répétées. 4. Je propose d’adjoindre l’incinération à l'inhumation. Par le premier moyen vous satisfaites l'âme; il semble que la combustion élève vers le ciel, par l'évaporation, toutes les parties non terreuses; en second lieu, vous évitez l’idée repoussante que produit la période de la putréfaction et la destruction par les vers; vous n’engraissez pas le sol à la manière de la brute et des végétaux. Sous le rapport sanitaire, vous détruisez des prin- cipes délétères. Enfin, les inhumations devenues moins nombreuses, une étendue de terrain bien moindre suffira, pendant une longue période d'années, aux sépultures. Le caveau d’une famille, qui ne peut contenir qu'un nombre restreint de cadavres, pourra recevoir une longue série d’ossuaires , d’urnes funéraires; et sur chacun de ces petits monuments on pourra inscrire les noms, la profession et les bonnes actions de la personne dé- cédée dont il renfermera les restes. Si le riche a en partage une urne en porphyre ou en métal précieux, le pauvre aura là sienne en argile, qui pourra également transmettre à la postérité sa vie et un hommage rendu à ses vertus. L'indication des états, la représentation des objets tenant à l'art que le défunt aurait professé, seraient utiles pour les siècles futurs ; nous travaillerions ainsi à l’histoire, les peuples se dessineraient en lais- sant d’utiles leçons. En derniére analyse, l’incinération est plus facile à exécuter qu’on ne pense; au moyen d’un fourneau à cases où les corps brüleraient sans mé- lange , on atteindrait le but désiré sans beaucoup de frais. Tout le monde sait avec quelle facilité les chairs s’enflamment et se consument. Je sais, Messieurs , que les modifications que j'’indique éprouveront de nombreuses opposilions; mais en réfléchissant avec un esprit dégagé de toute prévention aux avantages nombreux et incontestables qui résulte- raient d’une semblable réforme, on se convaincra qu'elle rentre dans la pensée du bien sous beaucoup de rapports; et si, dans le siècle où nous sommes, on s'occupe beaucoup des vivants, il faut un peu songer aux morts ; d’ailleurs, d’après les considérations que j'ai émises, ceux qui leur survivent y sont grandement intéressés. Si mes propositions étaient prises en considération , si elles étaient ap- puyées par vous , Messieurs, elles grandiraient en France, et je pourrais alors livrer à la publicité un travail plus détaillé. Aujourd’hui je dois ré- clamer votre indulgence pour une œuvre aussi imparfaite et pour des pro- jets qui n’ont que le mérite d’une bonne intention. DE LA CINQUIÈME SECTION, 289 MÉMOIRE | SUR LES TEMPLIERS ET SUR LE CULTE SPÉCIAL QUI LEUR A ÉTÉ IMPUTÉ, PAR M. GUILLAUME SOLDAN, Docteur en philosophie, Professeur au Gymnase de Giessen (grand-duché de Hesse). La catastrophe de l’ordre des Templiers est un de ces grands événements qui inspirent un intérêt toujours vivant et attirent toujours les regards de la postérité. Les Templiers ont-ils été coupables ou non? Doit-on leur attribuer un culte spécial, des mystères, des initiations secrètes? Ces questions ont, de tout temps, donné matière aux plus vives discussions et à des opinions diamétralement opposées. Villani, Leibnitz, Thomasius, Anton, Herder, Muenter et Raynouard ont cru devoir soutenir l’inno- cence des chevaliers du Temple, tandis que la chronique de Saint-Denis, Dupuy, Nicolaï, Daniel, Berthier et la plupart des historiens ecclésiasti- qués ont accablé cetordre du reproche d’hérésie et d’impiété. IL n’est point étonnant que pendant des siécles le jugement public n’ait pu se fixer à ce sujet, tant que l'insuffisance des documents historiques, les intérêts op- posés des rois et des papes, la vanité des francs-maçons et la préoccupa- tion de leurs adversaires ont contribué à brouiller les opinions. Mais au- jourd’hui où les archives de la France sontouvertes à l’histoire, et depuis qu'une circonstance favorable a laissé pénétrer un regard investigateur dans les secrétes cases de la bibliothèque du Vatican, nous sommes nan- tis de documents suflisants pour nous former une conviction sur l’inno- cence complète de l’ordre des Templiers quant aux points d'accusation, et sur l'injustice criante de ses destructeurs. Les procés-verbaux dressés par les commissaires du pape sont d’ailleurs depuis longtemps’ accessibles à l'historien. M. Mollenhawer en a donné une traduction allemande, il y a cinquante ans déjà, et M. Michelet vient de publier le texte original en latin, dans la précieuse collection qui, sous les auspices du ministère de l'instruction publique, est consacrée à l'histoire de France. D’ailleurs MM. Muenter et Raynouard ont recueilli de Curieux monuments dispersés dans différentes archives. D’aprés tous ces documents, les points capitaux de l'accusation devraient tomber d'eux - mêmes; ils le devront encore davantage, si nous réussissons à prouver qu’ils ne présentent, dans leur substance, qu’une translation assez gros- sière des incriminations stéréotypes (s’il est permis de se servir de cette expression) lancées depuis longtemps contre les hérétiques, et occasion- nellement enrichies de quelques additions. Néanmoins les historiens modernes ne cessent de parler des prétendus IT. e 19 290 MÉMOIRES mystères des Templiers; tantôt ils s'empressentde les anathématiser comme une impiété inouïe, tantôt ils affectent d’y découvrir le noyau symbolique d’une sagesse révélée à quelques êtres privilégiés et beaucoup plus avancée que le génie intellectuel du moyen âge. A peine l’'Ophitisme de M. de Hammer, avec son Mysterium Baphome- tis, a-t-il été livré à l'oubli, que M. Wilcke, l'historiographe le plus ré- cent des Templiers, prétend de nouveau que l’ordre a été coupable, et il établit, par le moyen d'une critique et d’une argumentalion toutes deux fort arbitraires, un triple système de Templerie, qu’il désigne sous le nom de Templerie politique , riluelle et dogmatique. Wilcke pense qu’au sein de l’ordre, sur une base gnostique et mahométane, s'était formé un système dogmatique dont la doctrine la plus secrète aurait été réduite au principe suivant : GI n’existe qu'un seul Dieu; le Christ n’est qu’un être mortel: s’il réclame une adoration comme Dieu, il doit être renié.» . M. Léo, qui se réfère à M. Wilcke, nous parle de même d’un frivole déisme des Templiers, déisme issu des opinions protestantes qui régnaient en France dans ce temps; il nous parle d’une doctrine ésotérique , d’une politique secrète de l’ordre, d’une initiation scandaleuse , à laquelle se joignaient l'acte de renier Jésus-Christ, l’adoration de Baffomet et quel- ques honteuses obscénités; il avance enfin que des vices infâmes furent pratiqués par ces riches célibataires. M. Schlosser lui-même, d'habitude si impartial et si judicieux, et qui blâme d’ailleurs avec indignation les injustices commises envers l’ordre dans un procés plein d’irrégularités et de cruautés, n’a point cru devoir absoudre l’ordre en tout point. Il admet que les Templiers de la France méridionale avaient célébré des mystères babyloniques et hindoustani- ques , accompagnés d’une série d’initiations et de symboles empruntés à l'Orient; il considère du moins comme un fait positif que dans plusieurs provinces l’ordre s’est rendu coupable de vices effrayants, et que sa foi n’était nullement bien assise. Toutes ces opinions, sauf les arguments qu'on irait autrefois de cer- taines sculptures faussement attribuées aux Templiers, toutes ces opi- nions, dis-je, aussi incertaines dans leur origine qu'obscures dans leur signification, ont été proclamées comme acquises d'aprés les résultats du fameux procès qui précéda la chute de l’ordre. Cependant, Messieurs, je ne crois pas me tromper si, tout en m'appuyant sur la même base, j'en tire des résultats tout à fait opposés aux opinions que je viens de citer. Vers l’époque où l’ordre des Templiers allait accomplir, à son insu, son funeste destin, Philippe-le-Bel se trouvait dans une extrême pénurie d'argent. Les ressources financières employées jusqu'alors , c’est-à-dire la persécution des juifs, l’altération de la monnaie et les impôts de diffé- rentes espéces, étaient épuisées; à Paris, en Normandie et ailleurs des révoltes menaçantes s'étaient élevées à propos de ces mêmes opérations, et lorgueilleux monarque, hautement flétri du surnom de faux mon- nayeur, avait été forcé de faire des concessions à son peuple irrité. Mais ses affaires étrangères absorbaient des fonds qu’il s'agissait de renouveler sans cesse. Or l’ordre des Templiers possédait en France plus qu'ailleurs de riches et vastes immeubles; la maison du Temple à Paris renfermait même un trésor considérable en argent: Si jamais Philippe-le-Bel a eu l'intention de faire passer ces richesses dans ses propres mains, il n'y Lg er +" 20 À DE LA CINQUIÈME SECTION. À 291 avait à cet effet qu’une seule voie à suivre: il fallait recourir non pas à la persécution des individus, mais à l'abolition de l’ordre tout entier, en l’accusant du crime d'hérésie; car le droit adopté par l’inquisition du qua- torzième siècle voulait que les biens des hérétiques condamnés fussent confisqués. Ce n'était pas chose facile toutefois que d’accuser d’hérésie l’ordre tout entier considéré comme corporation; car non-seulement la plupart des chevaliers se trouvaient hors de France, mais l’ordre était trés-puissant et jouissait d’ailleurs d’une réputation incontestée d’ortho - doxie et de moralité. Ce témoignage a été porté en faveur de l’ordre, même à une époque postérieure à l'emprisonnement des chevaliers fran- cais, par le roi d'Angleterre, qui était stupéfait de cet acte arbitraire (1); le pape lui-même aires à plusieurs reprises qu'après de longues hési- tations seulement il avait fléchi sous le poids d’un soupçon qui grossissait de jour en jour(2); en outre, il est bien constaté que Philippe lui-même avait accordé en 1504 des priviléges aux Templiers, dans un document qui parle de l'estime et de l'affection du roi (3). Aussi , dans les procës- verbaux et dans les correspondances , l’impiété reprochée aux prévenus est-elle mentionnée constamment comme une chose récemment décou- verte.. Mais de pareilles circonstances ne pouvaient guëre présenter des difficultés insurmontables à un monarque aussi astucieux que Philippe-le- Bel. A ses yeux, l'utilité d’une mesure violente la rendait légitime. Le grand-inquisiteur de France était son confesseur, son conseiller et toujours prêt à seconder ses intérêts; le pape, enfin, se trouvait dans un état de soumission et de dépendance absolue vis-à-vis d’un roi dont il était la créature. N'était-ce pas le pontife qui, pour le prix de son exaltation, avait consenti à résider en France et à contracter des obligations dont l'accomplissement devait être aussi difficile que scandaleux? Car parmi les six articles qu’il avait signés, il s’en trouve un qui, si nous en croyons Villani , était en blanc, et un autre qui obligeait le signataire à condam- ner la mémoire de son prédécesseur Boniface VIII. Mais rien ne peut mieux caractériser Clément V que le fait bien constaté, que, sur la de- mande du roi , il nomma, quelques années plus tard ,-une commission pour fausser la correspondance de Boniface. Ce fait est prouvé par les docu- ments tirés des archives secrètes du Vatican lors de l'occupation fran- çaise (4). Jusqu'ici nous n'avons parlé qu'hypothétiquement des desseins que Philippe avait pu former pour acquérir les biens des Templiers; ajoutons (1) Quia prædicti magister et fratres n fidei catholicæ puritate constantes a nobis et ab omnibus de regno nostro tam vita, quam moribus habentur multipliciter commendati , non possumus hujusmodi suspectis relatibus dare fidem , etc. Noy. Wilcke , Geschichte des Tempelherrenordens. Nol. IL. Preuves justificatives , n° 42, (2) Et dicet ad credendum , quæ tunc dicebantur (c’est-à-dire ce que le roi avait dit en 1505 et au printemps de 4507), cum quasi incredibilia et impossibilia viderentur, nostrum animum vix potuerimus applicare ,» quia tamen plura incredibilia et inaudita extune audivimus de prædictis, cogimur hæsi- tare, étc. Lettre du pape au roi du 24 août 1507. (5) Philippus Dei gratia , etc. Opera pietatis et misericordiæ, magnifica Ha que in sancta domo militiæ Templi.... longe lateque per orbem terrarum jugiter exercentur, .… merito nos inducunt , ut dictæ domui Templi et fratribus ejusdem.…... quos sincere diligimus et prosequi favore cupimusspe- ciali, regiam liberalitatis dextram extendamus , ete. Trésor des Chartres. Voy. Raynouard, Monu- ments historiques relatifs à la condamnation des chevaliers du Temple, ete. Paris 1815 , p. 14. (4) Raynouard , p. 490. 49. 292 MÉMOIRES maintenant que ces desseins sont élevés au-dessus du doute. Non-seule- ment le roi fit soumettre à son conseil d’État la question: «jusqu’à quel point il pourrait prétendre à ces biens en cas de l'abolition de l’ordre » (1), il fit plus encore. Il s'empara sur-le-champ de tout le mobilier, et quant aux immeubles, ils ne passérent que très-tard entre les mains des Hospi- taliers auxquels ils avaient été adjugés par le pape , et il faut ajouter que cette transmission se fit aprés des réclamations souvent réitérées. Pendant ce long usufruit, sans compte-rendu, le roi avait d’ailleurs chargé ces biens d’hypothèques dont le dégagement coûta des sommes considérables à la maison de l'Hôpital. Aussi une partie des immeubles passa-t-elle sous la domination du pape. Il est vraisemblable que la cupidité seule ne détermina point les actions du roi ; sans doute, Philippe craignait que l'importance politique de l'ordre ne pût un jour menacer le pouvoir royal. Mais je ne suis pas de l'opinion de plusieurs historiens qui regardent cette crainte comme le seul motif qui fit agir le roi: Supposer que celui-ci ne perdit un ordre devenu trop puis- sant que pour en faire passer les biens à une autre corporation qui n’était pas pauvre non plus, et qui aurait été doublement riche par cette nou- velle acquisition, c’est supposer à Philippe-le-Bel une naïveté qui ne se retrouve certes point dans les autres manifestations de son caractére. D'ailleurs il est certain que Philippe, le représentant de la puissance séculière, éprouvait une impatience vive à voir poursuivre un procès dont le sujet était un crime ecclésiastique, tandis que le pontife suprême se montra toujours passif, indécis , se laissant influencer dans toutes ses dé- marches, sans jamais diriger les actions d'autrui. S'il eût jamais le cou- rage de blâmer modestement les mesures du roi et de l’inquisiteur, ce ne fut que pour y donner son agrément par forme supplémentaire. Durant la procédure entière, il permit au roi et au grand inquisiteurde se jouer de son autorité pontificale, sans leur opposer une seule fois une énergique résis- tance; il souffrit que la commission directement nommée par lui fût pa- ralysée par les actions violentes de la cour et des conciles provinciaux; et ilmanqua même deux fois à sa parole solennellement donnée à l'occasion de ces tristes événements. Quant à la procédure même intentée contre les Templiers, un examen rapide mettra le lecteur à même de porter à ce sujet un jugement impar- tial. Le pape, pressé dans deux conférences par le roi (2), se trouva à la fin contraint de céder aux instances de celui-ci, et il lui annonça par une lettre datée du 24 août 1307, qu’une commission papale serait nommée pour l'information de l'affaire; mais dans cette lettre il oublia sa haute dignité jusqu’à demander à peu près des instructions (5). A peine le roi eût-il arraché au pape son consentement, qu'il se hâta de s'emparer de (4) Articuli quæstionum in negotio Templariorum. N° 6, Sexto quæritur de bonis, quæ dicti Tem- plarii in communi tamque sua propria possidebant, an causa hujusmodi debeant confiscari, in cujus potestate constituta sunt. Trésor des Chartres. Voy. Raynouard , p. 24. (2) A Lyon, en 4505 , à l’ogcasion du couronnement du pape, et à Poitiers, au mois de mai 4507. {5} Cette lettre est attribuée par quelques auteurs à l'an 1506; M. Wilcke en rapporte la date an 24 août 1505. Mais elle est de l'an 1507, ainsi que l'auteur de l'Histoire du Languedoc, t. IV, p. 559, le prouve clairement , en corrigeant l'erreur fondamentale de Baluze, qui a été suivi par la plupart des auteurs. Cette erreur de chronologie a contribué à confondre les fais. DE LA CINQUIÈME SECTION. 295 toute l'affaire. Une ordonnance secrète adressée aux sénéchaux des pro- vinces ordonna l'arrestation subite et simultanée de tous les Templiers alors en France. Cette mesure fut exécutée le 13 octobre. Jacques Molai, grand-maître, à qui le pape, après sa première conférence avec le roi, avait fait pressentir que l’ordre devenait suspect, et qui lui-même , pour en prouver l'innocence, avait plusieurs fois réclamé une information, se {rouya au nombre des prisonniers. On l'avait fait venir d'outre-mer peu de temps auparavant, sous prétexte de se concerter avec lui sur le projet d’une nouvelle croisade. Pour donner le change à l’étonnement produit dans le peuple par cette mesure violente , et pour s'emparer de l'opinion publique, qui avait été jusqu'alors prononcée en faveur de cet ordre , on lança un manifeste qui caractérisa les Templiers comme des loups ravis- seurs, des hypocrites, des idolâtres; en même temps les moines furent obligés de précher contre eux, et l1 Sorbonne condescendit à approuver la procédure du roi. On s’efforça aussi de gagner le roi d'Angleterre; mais celui-ci se refusa avec indignätion à approuver les mesures illégales de Philippe. Il ne s’en tint pas là; il invita le pape à ne pas prêter l'oreille à des calomnies et avertit de ce qui allait se passer les princes de Portugal, de Castille, de Sicile et d'Aragon. Le 19 octobre s’ouvrirent les audiences. Les dépositions produites, en les supposant vraies, auraient fortement inculpé l’ordre; comme elles ont été répétées en d’autres occasions, elles ont fourni une base pour l'opinion hostile aux Templiers. J'espère toutefois prouver que la qualité même de ces dépositions les prive de toute vraisemblance, sans compter que toute la maniére de procéder contre les Templiers fournit des preuves à l'appui de ma thèse. L'âme et le moteur du procés, c’est Guillaume de Paris, pére domini- cain , inquisiteur papal et confesseur du roi. C’est lui qui a pris ses infor- mations avant le mandat d’arrêt royal (1). C’est sur la réquisition de Guil- laume , bien qu’elle ne füt qu’une pure formalité, que l'arrestation s’exé- cute; ce fait est affirmé d’ailleurs par le roi (2), et attesté par le pape dans sa lettre à Édouard d'Angleterre (3). Guillaume dirige les audiences à Paris, et rédige les instructions pour ses subdélégués dans les provinces. Il désigne les points qui doivent former l’objet des questions, il ordonne aux commissaires d'envoyer au roi, dans le plus court délai, la copie de la déposition de ceux qui confesseront les erreurs en question , et spécia- lement l’acte de renier Jésus-Christ (4). Si Guillaume avait eu pour but linvestigation de la vérité, la connaissance des dépositions négatives n’aurait pas été moins nécessaire. C’est Guillaume , enfin, et ses subdélé- gués, dont les procés-verbaux fournissent la matière aux 127 articles d'inquisition , articles qui furent, l’année suivante , joints à la bulle Fa- ciens misericordiam. Les indications vraies et fausses, insignifiantes et monstrueuses que l’inquisiteur avait obtenues grâce à sa premiére infor- mation, et tout ce qu'il jugea à propos d’y joindre de sa propre tête, put (1) Actes originaux de la bibliothèque du Roi. Voy. Æistoire du Languedoc, t. IV, p. 158. Ménard, Histoire de la ville de Nimes ; Preuves » P: 195. (2) Histoire du Languedoc, au lieu cité. Ménard ) P: 196. (5) Wilcke, t. II. Pièces justificatives. (4) Ménard ; Preuves , p. 206. Raynouard , p. 59. 294 MÉMOIRES devenir de cette manière matière à inquisition dans toute la chrétienté ; des dépositions absolument identiques durent s’ensuivre, pourvu toute- fois qu’on disposât de moyens assez puissants, pour obtenir ces déposi- tions. Voici comment on y arriva en France : Au mandat d'arrêt avait été joint l’ordre de se servir de la torture, d’ac- corder un pardon à ceux qui feraient des aveux, et de menacer de la peine de mort ceux qui persisteraient à nier les points incriminés (1), preuve évidente qu’on n’en voulait point aux particuliers , mais à la corporation même. A Paris, dans la tour du Temple, plus de trente-six de ces malheureux moururent en peu de jours à la suite des tourments qu’ils avaient supportés. Le détail de ces cruautés se trouve au long dans les ouvrages de MM. Raynouard et Michelet. Guillaume de Paris, qui avait ordonné ces tortures, et Flexian de Béziers , prisonnier pour crime, qui, à ce qu'on disait, avait dénoncé l’ordre, afin d’acheter sa grâce au prix d’une calomnie, passérent aux yeux des Templiers pour les auteurs de leur chute. C'est ce que dit nommément le brave Ponsard de Gisi, l'un des prisonniers; il désigne aussi comme un grand coupable le moine Ber- nard Peleti, qui avait été envoyé en Angleterre pour exercer une in- fluence funeste sur le roi Édouard. On continua toujours à leurrer les prisonniers par des promesses, à les intimider par des menaces (2). Beaucoup de personnes succombérent à ces influences; elles se concertérent dans leurs prisons et ayouérent en audience tout ce qu’on désirait, des choses abominables, absurdes et impossibles, qui accablaient l’ordre et ses statuts, et qui les excusaient comme individus. Le grand-maitre lui-même fléchit un instant; lui et beaucoup d’autres ont expié par la suite cette faiblesse d’un instant par une mort héroïque. Mais il y eut aussi des chevaliers qui , avec une ad- mirable intrépidité, persistérent du commencement à la fin du procés à refuser tout aveu ignominieux (3). Lorsque les procès-verbaux se trouvèrent suffisamment remplis de dé- positions accablantes, Philippe convoqua à Tours une soi-disant assem- blée des États-généraux, qui approuva aveuglément tout ce qu’on avait fait, et qui demanda la condamnation de l’ordre. Elle voulut même que le roi, lui seul, extirpât ces hérétiques , si le pape continuait à hésiter ; elle s’appuya de l'exemple de Moïse , qui avait commandé de tirer l'épée contre les idolâtres, sans demander permission à Aaron, le souverain pontife. Puis, le roi se rendit à Poitiers pour parler au pape, qu’il tour- menta de nouveau pour accomplir une promesse antérieurement faite et prononcer la condamnation de Boniface VIII. Le pape, à l'effet de sauver la mémoire de son prédécesseur, se montra prêt à sacrifier les Templiers. Alors on lui amena soixante-douze Templiers du nombre de ceux qui avaient déjà fait des aveux, et dont la plupart persistèrent dans leurs dé- positions. Le grand-maître , cependant , fut examiné par des commissaires spéciaux envoyés à Chinon. Si nous ajoutons foi à ce qui est affirmé par (1) Histoire du Languedoc, À. IN, p. 158. Ménard; Preuves , p. 196. (2) Raynouard , p. 51 et sui. © (5) Si quelque Templier a fait des aveux, füt-ce le grand-maitre lui-même, nous disons qu'il a menti par sa gorge, — voila ce que répondirent les prisonniers de la maison de Mas-Deu à lévique d'Elne LPS DE LA CINQUIÈME SECTION. 295 le-pape, le grand-maître avoua dans celte occasion que les statuts de l'ordre imposaient aux chevaliers l'obligation de renier le Christ et de cracher sur la eroix ; après cela , il demanda à étre réconcilié avec l'Église, et fut absous (1). Cependant l'affaire ne parut pas encore en état d’être jugée. Les aveux qu’on avait obtenus jusque-là en France seulement, et grâce aux machi- nations directes du roi, ne pouvaient motiver une condamnation devant le concile qui devait porter la sentence dans ce procès extraordinaire. Il fallut une base plus large , plus générale ; il fallut, en un mot, prescrire une information contre l’ordre ; envisagé comme corporation. C’est ce que fit le pape par la bulle Faciens misericordiam, datée du 12 août 1308. On y désigna comme les principaux points d'accusation : Scelus apostasiæ nefandum, detestabile idolatriæ vitium, execrabile Sodomorum et hæ- reses variæ ; parmi les imputations spéciales figurait l’acte de renier Jé- sus-Christ et de cracher sur la croix. On avait ajouté , comme base des interrogatoires , les 427 articles déjà mentionnés, qui avaient été compo- sés d’aprés le résultat des informations prises par Guillaume de Paris. . Pour la France, qui continuait à être le centre du procès, il fut nommé une cémmission de huit prélats, sous la présidence de l'archevêque de Narbonne. Un de ces prélats trouva moyen de se soustraire d’abord à cette pénible mission , quelques autres s’en retirérent dans la suite ; sept se réu- nirent à Paris, aprés l’espace d’un an (7 août 1309). Ces commissaires promulguérent d’abord une citation à tous ceux qui voudraient répondre en faveur de l’ordre (qui pro ipso vellent respondere). Dans la lettre d’évo- cation on promit solennellement, au nom du pape, qu’aprés la fin de l'information , l'ordre, représenté par d’habiles syndicsou défenseurs , de- vait comparaître devant Clément et devant un concile général, pour y entendre prononcer la sentence. Le lieu désigné pour ce concile fut la ville de Vienne , en Dauphiné. Le 12 novembre, lorsque les audiences durent commencer, personne ne parut devant les commissaires. On apprit à la fois que l’évêque de Paris n'avait pas publié la lettre d’évocation et que plusieurs chevaliers étran- gers, arrivés pour la défense de l’ordre, avaient été emprisonnés et tor - turés par les officiers du roi. Les commissaires ne tardérent pas à protes- ter contre cette double irrégularité(2). IL faut ajouter que ces prélats, en général, ont agi avec réserve et douceur pendant tout le cours du procès; si leur pouvoir avait été plus étendu, peut-être auraient-ils sauvé l’ordre , mais malheureusement leur mission se bornait à faire nommer des procureurs pour l’ordre et à enregistrer (eu égard surtout aux 127 articles) ce que les particuliers déposeraient pour la défense des Templiers. Cependant la présence de ces hommes sembla ranimer l'espoir dans le cœur des chevaliers. Les commissaires ne parvinrent pas, il est vrai, à faire élire des syndics pour l’ordre tout entier; car les prisonniers, sépa- (4) Cest ainsi que le dit le pape dans la bulle Faciens misericordiam. Le grand-maïitre , quand on lui récita l’année suivante ce passage de la bulle , se mit en colère, fit le signe de la croix, et donna des malédictions aux inventeurs des cabales dont il était la victime. Voy. Procès des Templiers , publié par M, Michelet, p. 34. (2) Procès des Templiers, p. 23 et 29. 296 ‘:- MÉMOIRES rés du grand-maître , n’osérent point remettre le sort de leur corporation entre les mains de quelques individus dont l'intelligence était sujette à l'erreur, et dont le courage restait exposé à de dangereuses tentations. Mais des centaines de personnes se déclarèrent prêtes à défendre les in- dividus. Beaucoup de chevaliers, les larmes aux yeux, révoquérent les aveux arrachés par les tourments; ils protestérent en faveur de l'innocence et de l’orthodoxie des membres de l’ordre. Leur langage porte le cachet d'un caractère mâle et d’une bonne conscience (1). On dévoila la méchan- ceté et la cruauté des inquisiteurs; on implora le secours des commissaires contre les influences toujours actives de la cour (2). Vaine espérance ! Les commissaires n'avaient le pouvoir ni de faire cesser, ni de neutraliser ces influences; cependant ils enregistrérent les plaintes des déposants, et ils ont de la sorte expliqué à la postérité comment il se fit que devant une commission qui ne se permit jamais ni leurres ni menaces, et qui aimait même à présenter sous un beau jour des affaires équivoques, comment il fut possible, dis-je, qu'une grande partie des témoins püût répéter les mêmes abominations déposées aux audiences précédentes. La cour fut si peu disposée à renoncer à ses influences qu’au milieu des interrogatoires nous voyons entrer dans le local des séances PlaZian et Nogaret, les ministres du roi; ils interpellent le grand-maitre, qui vient de déclarer, dans un langage ferme et noble, que l’ordre est innocent , et qu'il est resolu à le défendre; ils le prennent à part, ils le déconcertent et ils lui parlent à voix basse, et après cet entretien , Molai déclare qu’il n’a rien à dire devant ce tribunal et qu’il renvoie sa cause à l’examen immé- diat du pape. Le 14 février 1310 , un chevalier présenta une lettre confidentielle adres- sée aux prisonniers de Sens par un officier du roi. Dans cet écrit, on les invita à se prêter aux suggestions qu'on leur ferait, à déposer contre l’ordre et à montrer dessignes de contrition ; on leur insinua que l’évêque absoudrait les pénitents, et que le pape avait juré de faire brûler vifs tous ceux qui rétracteraient leurs aveux (5). Dans les mois de mars et d'avril parurent quelques protestations éner- giques adressées des diverses maisons de détention. Les articles de l'accu- sation, y est-il dit, ne contiennent que d’infâmes calomnies; les aveux ont été arrachés par la torture ou par la terreur, ou surprises par des prières, par des promesses et par la corruption. On signale les menaces de mort proférées par les officiers du roi contre les membres fidéles à la vé- rité; on montre ces mêmes officiers poussant aux audiences les miséra- bles apostats qui se trouvaient en liberté pour avoir déposé l'habit de l'ordre. Cette irrégularité, y est-il encore dit dans cette lettre, donne lieu aux faux aveux; les chevaliers opprimés, incapables de résister au pape et au roi à la fois, en appellent à la justice du Dieu tout-puissant. Jusqu'au 7 avril, trois cent soixante-dix-sept prisonniers s'étaient dé- clarés prêts à défendre l’ordre (4); ce jour même une dernière réclamation (1) Procès des Templiers , p. 415, 120. (2) Zbidem , p. 148. (5) Procès des Templiers, p. T1. Celui qui avait recu cette lettre fut brülé dans la suite. (4) Leur nombre augmenta encore de jour en jour; Raynouard évalue à neuf cents à peu près be nombre total, | DE LA CINQUIÈME SECTION. 297 générale fut présentée (1), puis les commissaires passérent à l'interroga- toire des témoins. Les deux premiers témoins interrogés ne sont ni Templiers ni défen- seurs de l’ordre; l’un est procureur. du roi, l’autre est un jeune gentil- homme; tous les deux prétendent avoir ouï dire que l’ordre a des statuts secrets. Là-dessus on se rend au lit d’un chevalier dangereusement ma- lade, et on lui arrache la déposition que le récipiendaire doit renier le Christ et cracher sur la croix. Certes, une parole prononcée au moment de la mort, si elle l’est sans contrainte ou si elle proteste contre une con- trainte exercée, doit mériter foi pleine et entière; mais un homme dan- gereusement malade dans l’intérieur d'une prison est doublement dépen- dant de ceux qui ont le pouvoir de soulager ou d’aggraver ses souffrances. Or, le témoignage des commissaires, témoignage consigné dans les pro- tocoles , porte que beaucoup d'individus, à leur derniére heure, déclaré- rent l’accusation entiérement fausse (2); les protestations des nombreuses victimes qui, peu de temps après, furent menées au supplice par l’arche- vêque de Sens, sont toutes en faveur de la non-culpabilité de l’ordre; déjà placées sur le bûcher, et en face d’un officier du roi qui leur annon- çait la grâce au prix d’un aveu ignominieux, elles choisirent la mort et ex- pirérent en chantant des hymnes à Dieu et à la sainte Vierge (3). Dans l’ordre des dépositions viennent ensuite quelques témoins à charge. Mais d’un autre côté, quatre chevaliers qui assistent aux audiences pour défendre les intérêts communs, s'engagent formellement à prouver qu’on avait fait circuler des lettres sous le sceau du roi, par lesquelles on insi- nuait aux prisonniers que, puisque l’ordre était absolument perdu, ils devaient tout avouer pour se sauver eux-mêmes; on avait ajouté dans ces lettres que le roi était disposé à accorder aux particuliers la liberté et des pensions comme récompénse de leurs aveux (4). Cependant les interrogatoires continuérent toujours, Il est à remarquer que souvent on vit comparaître des témoins qui avouérent immédiate- ment les points incriminés et s’empressérent de manifester leur satisfac- tion de ce que ces impiétés étaient sur le point d’être punies (5). Quelques- uns d’entre-eux ne sont que de misérables frères servants, mais ils parlent avec tant de détail des secrets les plus intimes de l’ordre, que, si la théorie des prétendus degrés d'initiation était vraie, ils auraient été au sommet de l'échelle. En vain vous vous attendez à voir comparaître à l’audience le noble Ponsard de Gisi et ses braves compagnons, qui s'étaient voués à défendre l'innocence de l’ordre jusqu’à la mort. La cour leur avait des- tiné un autre tribunal que celui des commissaires du papé. On: était arrivé au treizième témoin, lorsque Philippe de Marigny, frère du ministre, qui, sur les instances du roi, venait d’être élu arche- vêque de Sens par le pape, se décida à délivrer la cour des plus courageux témoins inscrits sur les rôles. Il convoqua un concile provincial, le 10 mai, sous le prétexte de procéder contre les individus de sa province (6), et (4) Procès des Templiers, p. 166. (2) Zbidem, p. 274. (5) Chronique de Simon de Montfort ad ann. 1510. Voy. Duchesne , t. V, p. 790. (4) Procès des Templiers, p. 202. () Voy., par exemple, les témoins neuf, douze et frcize. Proces des Templiers, p. 254 sui. (6) Paris appartenait à la province de Sens. 298 MÉMOIRES non point contre l’ordre pris dans son ensemble. Le lendemain , cinquante- quatre chevaliers qui avaient rétracté leurs aveux furent abandonnés au bras séculier comme relaps; ils furent brûlés vifs ; ceux qui n'avaient pas encore fait d’aveux furent jetés dans les cachots comme impénitents ; tandis que les témoins complaisants furent absous et mis en liberté ce jour même (1). C'était une démonstration claire et terrible; elle se répéta bientôt après dans les archevéchés de Reims, de Rouen et de Carcas- sonne ; à Paris même on en fit une seconde édition. Et ce fut précisément à l’époque où le concile de Ravenne prononça l’absolution des Templiers de sa province. En vain les commissaires du pape avaient-ils intercédé auprés de Marigny; le terrible effet de cette action violente s'étant ma- nifesté dés l'audience suivante (2), il ne leur resta qu’à ajourner à six mois leurs travaux. Trente-huit chevaliers avaient renoncé à la défense promise avant cet ajournement. A la réouverture des audiences, les deux membres qui, sans être formellement autorisés comme syndics , avaient fortement sou- tenu les intérêts de l’ordre par leur connaissance dans le droit, ne repa- rurent plus ; l’un d'eux s'était échappé de sa prison, et l’autre, ayant été privé de sa qualité de Templier à Sens , était devenu inhabile aux fone- tions de syndic. Rien d'étonnant qu'après ces menées la plupart des deux cent seize témoins , que les officiers de la cour avaient jugé à propos de présenter aux audiences, renoncérent à parler pour l’ordre; ils étaient presque tous du nombre de ceux qui avaient été réconciliés avec l'Église ; ; s'ils s'étaient retractés , ils auraient été déclarés relaps, selon la jurispru- dence de Marigny, et livrés au bûcher. Beaucoup de ceux qui s'étaient fait inscrire n’ont jamais été admis; beaucoup d'individus présentés ne s'étaient pas annoncés auparavant: il y en avait même qui avaient été condamnés au coneile de Sens à être emprisonnés à vie, sous réserve d’un adoucissement de leur peine en raison de leur conduite ultérieure (3). En plusieurs endroits des actes, il est parlé d’une certaine clause relative à la condamnation de quelques témoins. Chez quelques-uns d’entre eux la conscience et la peur se trouvent dans un étrange conflit. Le trente- septième témoin, par exemple, déclare d’abord vouloir persister dans les aveux faits aux inquisiteurs ; mais il pâlit en donnant cette déclaration. Les commissaires s’apercevant de son inquiétude, l'exhortent à prendre soin du salut de son âme et de dire la pure vérité. Le témoin se rassure, il se calme, il avoue que tout ce qu'il a déposé est faux, arraché par la crainte et par les insinuations continuelles des inquisiteurs. Il proteste en faveur de l’orthodoxie de l’ordre, et il sort de l’audience en assurant qu’il a sauvé son âme en perdant son corps. Mais trois jours plus tard il compa- raît une seconde fois, déconcerté et pusillanime; il rétracte sa premiére révocation , et affirme être venu spontanément. La même scène se répête à peu de chose prés avec plusieurs autres témoins. Le 26 mai 1311, la commission de Paris termina ses travaux , principale- ment faute de témoins, disait-elle (4. Cependant, sur les neuf cents qui (1) Raynouard , p. 400 et sui. (2) Voy. les procès-verbaux du 45 mai. Procès des Templiers , p. 270. # ) Voy., par exemple , l'audience du soixante-douzième témoin. Procès des Templiers, p. 505. (4) Moldenhawer, Process der Tempelherren, p. 656, PAL or. DE LA CINQUIÈME SECTION. 299 s'étaient inscrits, elle n’en avait interrogé que deux cent trente et un. Sur ces entrefaites on avait pris des informations dans les autres États, et comme l’on ne parvint pas dés le commencement à obtenir les résultats désirés, un bref du pape avait ordonné de faire usage de la torture. Car, à peine la protestation des prisonniers de Paris, datée du 7 avril 1510, eut-elle avancé que nul chevalier qui se trouverait hors de l'atteinte du roi Philippe ne se laisserait entraîner à faire des aveux, le pape avait aussitôt écrit aux souverains de tous les États d'Europe, en les blämant d’avoir négligé de faire usage de la torture; il leur avait même ordonné de l’employer sans délai (1). Néanmoins, dans les pays étrangers ; on n’ob- tint que trés-peu de dépositions défavorables à l’ordre des Templiers. Le concile de Ravenne s'était prononcé pour la non culpabilité; à Mayence et ailleurs on avait émis des avis analogues. Dans l'automne de la même année, quatre ans aprés l'emprisonnement des chevaliers français, le concile æcuménique de Vienne se réunit. Les actes de toutes les procédures contre les Templiers furent résumés par quelques prélats, puis collationnés et lus en pleine assemblée. Après ces préliminaires , il eût été de rigueur d’ouïir la défense juridique de Fordre, défense formellement promise par le pape. Or, le plus habile , le plus légi- time défenseur de la corporation aurait été sans contredit le grand-maître , détenu alors à Paris. Mais Jacques de Molai resta dans les fers. Neuf che- valiers se présentent comme députés et chargés de la défense; mais le pape les fait mettre en prison , et il en écrit au roi. Les péres du concile, indignés de cette mesure , se permettent de la censurer; on passe au sCTu- tin, Tous les prélats étrangers , à l'exception de deux Italiens , et tous les prélats français, excepté trois archevêques dont les mains étaient déjà souillées de sang, veulent qu’on écoute la défense des Templiers. Alors Clément léve la séance ; il perd à dessein le temps en pourparlers jusqu’à l’arrivée du roi Philippe (février 1312). Clément, aprés avoir tenu un con- sistoire secret , assemble le concile pour la seconde fois, et les pêres qui sont mandés cette fois pour écouter, non pas pour parler, apprennent de la bouche du pape qu’il avait aboli l’ordre des Templiers, en vertu de . son pouvoir pontifical. Dans la bulle Ad providam, émise le 2 mai 1312, ilest dit que depuis longtemps l’ordre s'était souillé d'erreurs et de délits inqualifiables en raison de leur obscénité , et que le pape l'avait aboli à jamais, per viam provisionis, non point par une sentence définitive qu’il ne pouvait porter d'aprés le résultat des informations obtenues. Ainsi cette longue procédure juridique se termina par une décision ar- bitraire de police. Les pères du concile de Vienne partirent pleins d’indi- gnation; les prélats d'Aragon surtout méritérent l'estime de la postérité, en absolvant à Taragone les Templiers de leur pays par une sentence dé- finitive, à une époque postérieure à la bulle du pape. Et en vérité, Mes- sieurs, existerait-il un tribunal indépendant et impartial qui n’eüt cassé comme nulle et non avenue une procédure entachée comme celle-ci d’illégalités et d’arbitraire? Et l'historien, qui doit voir plus juste parce qu'il est placé à distance, l'historien aurait-il plus de raison de consi- dérer la catastrophe de cet ordre comme méritée par sa dépravation? Il ne s’agit point de prouyer que les Templiers ont été fastueux, avides, (1) Voy. les lettres du pape tirées des archives secrètes du Vatican. Raynouard , p. 452 et 166. . 500 MÉMOIRES tièdes à remplir leurs devoirs , efféminés ou débauchés ; ces, accusations peuvent être admises avec quelques restrictions, sans qu'il soit permis d’en induire autre chose que la ressemblance de l’ordre du Temple avec d'au- tres ordres monastiques; en ce cas, il eût été permis de punir les indi- vidus coupables , ou judicieux de réformer toute la corporation. Mais ici, il s'agirait plutôt de résoudre la question suivante : les points incriminés sont-ils vrais ou vraisemblables, c’est-à-dire l'hérésie, l'apostasie , l'ido- lâtrie et le péché contre nature ont-ils régné dans les assemblées du Temple ? les statuts ou les coutumes de l’ordre en faisaient-ils une loi ? L'histoire première de l’ordre ne fait pas la moindre mention de ces infa- - mies; la diffamation ne commence qu'avec la dénonciation ; elle est for- tement repoussée et combatlue par Édouard d'Angleterre (1). Il ne reste donc que les résultats de l'information criminelle comme seule base sur laquelle un jugement quelconque puisse s'asseoir; car les prétendues peintures et les sculptures que M. de Hammer a prises pour des symboles de Templiers, sont désormais étrangères à la question telle que nous l'avons posée (2). Or, par cette instruction criminelle, aucun corps de délit n’est cons- taté, aucune preuve n’est fournie par des témoins valables; nous n'avons que les aveux des prévenus eux-mêmes. C’est sur des aveux obtenus par l’intimidation et la torture, sur des aveux contradictoires que M. Wilcke a fondé son systéme de la templerie rituelle et de la templerie dogmatique. Si la templerie rituelle était vraie, il s’ensuivrait pour la templerie dog- matique une chose singulière et paradoxale : les mêmes hommes qui , sur les sigilles de leur ordre, s’appelaient les Chevaliers du Christ , n'auraient pas même été des chrétiens. Mais, cette templerie rituelle, que signifie-t- elle en derniére analyse? Qu'est-ce qu'un rite? C’est, nous le pensons du moins, une forme fixée, nullement mobile au gré du caprice des in- dividus. Or , dans ces actes de renonciation au Christ, dans ces outrages faits à la croix , dans cette adoration d’une idole, rien qui porte un ca- ractére constant ou réglé. Les formules ; les circonstances du temps, du lieu , les acteurs eux-mêmes se contredisent. Lorsque, par hasard, plu- sieurs dépositions détaillées se trouvent identiques, elles n’ont point été faites par des membres sortis d'une seule et même maison de l'ordre, mais par des membres enfermés dans la même maison de détention. Quellesidées, par exemple, peut-on rattacher à cette idole qui a fait le sujet de tant de discussions ? Est-ce une tête humaine à uneseule ou à double face, ou àplu- sieurs faces? Est-ce une figure de démon, ou une tête in figuram Baffo- meti? Si c'est une tête, est-elle en or, ou en argent, ou dorée? est-elle à barbe grise, ou à barbe d'argent? est-elle rougeûtre , ou jaune, ou noire et blanche, ou toute blanche, ou aux yeux brillants en pierres précieuses ? est-ce une figure d'homme, ou une figure aux traits de femme , couverte d’une dalmatique ? ou bien est-ce quelque chose d’informe à quatre pieds, où un chat, ou un veau, ou un crâne des 11,000 vierges ? Car toutes ces désignations font partie des dépositions ; quelques témoins ont même af- firmé que la tête parlait et promettait des richesses. D’après ces déposi- (1) Même au printemps de 1510, les commissaires ; pour prouver qu'il existait de mauvaises ru- meurs contre l'ordre , n'ont pour argament que la bulle du pape. Voy. Moldenhawer, p. 147. {2) 11 suffit de renvoyer aux écrits de MM. Raynouard , Sylvestre de Sacy, Nell et Graf. Rd Rs Sd 0 à … om cdi Game à CRÉÉ es ASS, SSL . DE LA CINQUIÈME SECTION. 501 tions, peut-être direz-vous que les maisons de l’ordre recélaient une grande multitude de ces idoles ; mais lors de la saisie subite et simultanée des biens des Templiers, on n’en a pas trouvé une seule. Est-il permis de parler de rile, lorsqu'il est question à la fois de cracher une fois sur la croix, ou d’une pareille insulte trois fois répétée ? Tantôt les témoins af- firment que les initiés foulaient la croix sous leurs pieds , tantôt ils pré- tendent que l’insuite se faisait de la façon déjà signalée ; tantôt cette igno- ble cérémonie se fait pendant la réception d’un membre, tantôt aprés; tantôt pendant la prise d’habit, tantôt plusieurs mois plus tard; tantôt dans une chambre, tantôt dans une chapelle ; tantôt en face de l'initia- teur , tantôt en présence de quelques frères servants; tantôt la croix in- sultée consiste en un crucifix, tantôt c’est le symbole en drap rouge sur les manteayx des chevaliers. Est-il permis de parler d’un rite, lorsqu’au- cune règle ne décide si l’initiateur doit embrasser le récipiendaire, ou si eelui-ci doit embrasser l’initiateur ? si le baïser doit porter sur telle pres du corps , ou sur telle autre ? Et à quel but devait aboutir ce prétendu rituel ? M. Wilcke est d'opi- nion que c'était une initiation au second et au troisième degré de la tem- plerie. Mais quelles sont à ce sujet les dépositions des initiés? Les uns prétendent avoir reçu pour instruction de ne point croire à la divinité du Christ, et d'envisager la croix comme un morceau de bois vulgaire; d’au- - tres affirment que ce n'était là qu’une coutume, ou une simple farce. Et les récipiendaires ont-ils réclamé, par hasard, contre cette initiation ? ont-ils été soumis à une épreuve préliminaire ? ont-ils donné quelque ga- rantie de leur sincérité? Nullement. Ceux qui sont arrivés jusqu’à ce de- gré d'initiation, ce sont tantôt des chevaliers qui ont consacré prélimi- nairement leur vie au Christ et à l’Église par les serments les plus sacrés et avec la ferveur de la plus vive dévotion; tantôt des frères servants d'un esprit borné et sans aucune éducation, des hommes qui n'avaient guëre connu que les moulins et les fermes de l’ordre; tantôt de jeunes garçons incapables de comprendre l'épreuve qu’on veut leur faire subir. Nul ne veut avoir demandé ou prévu cette initiation; tous affirment qu’ils ne l'ont subie qu’à contre-cœur ; tous ont appris par cette cérémonie des faits incompréhensibles , ou rejetés bientôt aprés par eux avec horreur ; pas un seul qui veuille avoir pris part aux obscénités permises ou ordon- nées par les statuts. S'ils avaient déposé que l’ordre défendait sévérement toute immoralité, et que néanmoins quelques individus ont été débau- chés , il serait plus facile d'y ajouter foi. Beaucoup de membres ont pro- testé, aux audiences, d’avoir eu en horreur les vices de Vordre, et de n'avoir fléchi pour un moment qu'à la suite des menaces des initiateurs ; mais comment ne s’est-il pas rencontré un seul membre pour dénoncer ces horreurs avant l'ouverture de l’inquisition ? Serait-ce peut-être parce qu'un serment les obligeait à se taire? Ce serait un peu paradoxal. Car on aurait commencé sans scrupule par violer, en faveur de l’idolâtrie, le serment spontanément fait de mener une vie pieuse et chrétienne ; puis on se serait cru lié par un serment forcé , prêté en faveur de mystêres cri- minels que l’on détestait ! Il nous semble que toutes ces difficultés s 'aplanissent, en admettant la combinaison suivante : Le roi Philippe avait un intérêt majeur pour que l’ordre du Temple 502 MÉMOIRES fût aboli ; les Templiers devaient tomber sous le poids d'une accusation monstrueuse. Mais la conduite des chevaliers , telle qu'elle se présentait aux yeux du monde , était catholique ; et même, sur quelques points, par exemple , pour l’adoration de la croix, ils faisaient une œuvre de suréro- gation. Pour former la teneur et le fond d’une accusation , il fallait donc des infamies secrètes. Obtenir l’aveu de ces infamies, tel était le but de la procédure. La possibilité d’avoir obtenu ces aveux, contrairement à toute vérité, ne peut s'expliquer que par le système d’intimidation em- ployé par Philippe et par ses ministres pendant tout le cours de la procé- dure , même devant les commissaires du pape. Quant à la conformité qui se trouve jusqu'à un certain point dans les aveux, elle n’a rien qui doive étonner , lorsqu'on veut bien se rappeler que l'enquête fut dirigée dans toutes les localités d’après des instructions uniformes, qui tgutes parti- rent du confesseur royal. Mais si, après mûr examen , ces aveux présen- tent des variantes , des contradictions, des absurdités, que faut-il en con- clure, sinon que ces aveux ne tirent point leur origine d'un fond de vérité, mais d’un pur mensonge, que les plus habiles combinaisons ne réussissent jamais à complétement voiler (1)? Qué Guillaume de Paris ait emprunté les points d'accusation de la dé- nonciation d’un vil criminel, ou qu'il les ait inventés lui-même, en tout cas il les a soutenus par tous les moyens. Mais la critique historique, pour s’éclairer sur la valeur de ces points, ne peut pas, ainsi que l'a fait M. Wilcke , s’en tenir à ce que Trithemius, auteur de beaucoup posté- rieur à ces événements, raconte sur la prétendue dénonciation de Flexian ; elle doit plutôt recourir aux qüestions articulées dans les actes mêmes du procés. On était sûr de perdre les Templiers en leur reprochant les mêmes crimes qui, dans ce temps-là, furent imputés presqu’à tous les héréti- ques (2). Un examen même superficiel de la procédure doit aboutir à ce résultat ; il est clair, en outre, qu'à la suite de la contradiction manifeste observée entre les crimes imputés à l'ordre et sa conduite notoire, on à eu recours à l'hypothèse d’une templerie secrète, avec des degrés d’ini- tiation , des mystères et des vices horribles. Les 127 articles ajoutés à la bulle Faciens misericordiam, par laquelle l'inquisition fut étendue à l’ordre tout entier, ne forment pas un libelle d'accusation; ce ne sont que des articles d’inquisition tirés des dépositions même faites jusqu’à cette époque devant les inquisiteurs. Les assertions contenues dans ces articles n’ont point le caractère précis que l’on demande à toute enquête judiciaire. Les articles 1-13 serapportent à l'acte de renier Jésus-Christ et à l'outrage fait à la croix; actes qui impliquaient pour les Templiers le crime d’apos- tasie. Nous n’entrerons point ici dans ces subtiles interprétations qui établis- sent comment cet acte de renier le Christ était dirigé seulement contre le dogme de sa divinité. Nous nous en tiendrons au fait bien constaté qu’à une époque de beaucoup antérieure à la chute des Templiers, les inqui- siteurs en France, au moyen de la torture, avaient extorqué à des per- (1) M. Raynouard a comparé ces contradictions dans différen{s'passages de son ouvrage. (2) Chose qui a été reconnue déja par Herder (Briefe über die Tempelherren), M. W ilcke a tort de censurer avec tant de légèreté le petit ouvrage de ce judicieux auteur. DE LA CINQUIÈME SECTION. 505 sonnes qu'ils voulaient condamner comme hérétiques l’ayeu d’avoir reniéle Christ(1). Le même roi qui, dans le procès des Templiers, em- ploya cet artifice dans son intérêt, l'avait défendu aux inquisiteurs, avec indignation, peu de temps auparavant(2). Du reste, on se servait devant les commissaires de l’excuse d’avoir renié des lèvres seulement, mais non de cœur, et cette excuse paraît avoir été admise auparavant déjà par les inquisiteurs; on laissait volontiers une issue aux individus, pourvu que le fait criminel fût inscrit dans les actes et portât témoignage contre la corporation. Les actes hostiles contre la croix remontent à la plus haute antiquité; c'était une espéce de réaction contre l’adoration superstitieuse de ce sym- bole. Les sectateurs de Pierre de Bruis avaient démoli et brûlé une grande quantité de croix. Ces manifestations, quelque opposées qu’elles fussent à la croyance de l'Église catholique, prenaient leur source dans une piété sincère qui croyait honorer le Sauveur en vouant à l’exécration l'instru- ment de sa mort. «Il n’y a point de fils qui rendra honneur au gibet qui aura servi d’instrument de supplice à son pére,» disaient les Bagomiles. Les sectes qui adhérérent à cette opinion eurent le courage d’avouer fran- chement leur conviction et de subir la mort pour elle. Et l’on prétendrait charger d’une lâche hypocrisie et d’une incroyable inconséquence les vaillants et braves Templiers qui portaient la croix comme symbole de leur ordre, et qui, le vendredi saint, adoraient publiquement le crucifix avec une dévotion fervente(5)? Les cinquante-quatre victimes que l’ar- chevêque de Sens fit mener au supplice, comment n’auraient-elles point montré ouvertement leur aversion pour læ croix, si cette antipathie leur était commandée par leur religion? Ils n’avaient plus rien à perdre au moment où les flammes s’élevérent au-dessus de leurs têtes! Et pourtant ils protestérent vivement contre ce reproche d’impiété jusqu’au dernier souffle de leur vie ! g L'acte de renier le Christ et de cracher sur la croix se trouve le plus souvent répété dans les aveux ; mais il n’y a là rien qui doive nous éton- per. Les articles qui renferment ces points d'accusation se trouvent en tête de toute la série; de plus, les ennemis de l’ordre ayaient vivement insisté sur leur importance. On peut donc envisager ces points comme le mini- mum d'un aveu exigé, et cet aveu suffisait pour la condamnation. Les articles 44 et 15 parlent de l’adoration d’un chat. Ce n’est point là une imputation nouvelle. On avait déjà attribué cette adoration aux Ca- tbares ou Albigeois, et aux Stédingues, secte hérétique de l'Allemagne. Ce prétendu chat dans le culte des hérétiques est redevable de son origine (4) L’acte de renier le Christ se trouve déjà dans la légende du P’ice-dominns Theophilius, et dans un autre qui est racontée avec quelques variantes par Vincentius Bellovacensis, Spec. hist., NIL , 105 et 406. Comme objet d'inquisition , l46negatio fidei Jesu Christi se trouve dans un document de 4270. Yoy. Histoire de Languedoc , t. N; Preuves, p. 5 (2) Philippus Dei gratia, etc. Clamor validus.….. ad nostram audientiam perduxit, quod frater Fulco (Inquisiteur à Toulouse) … personas, quas pro libito asserit hæretica labe notatas, abnegasse Christum » etc. Vi vel metu tormentorum compellit, ete. De Van 150. Histoire du Languedoc, t, IV, Preuves, p. 118. (5) C'était exigé par les statuts de ordre (Muenter Statutenbuck, p. 456), et les prévenus parlent de la rigoureuse dévotion observée par l'ordre à cet égard, comme d’une chose notoire. Voy. Mi- chelet, Procès des Templiers, pe 144,217, 522. 504 MÉMOIRES à un artifice d'étymologie imaginé par Alanus ab Insulis, fameux anta- goniste des Albigeois au douzième siècle, qui voulait dériver de là le nom des Cathares. Voici ce qu'il dit: Cathari {il écrit Catari) dicuntur a cato, quia osculantur posteriora cati, in cujus specie, ut dicunt, apparet iis Lucifer. Dès ce temps, l’adoration du chat se rencontre dans beaucoup de procès contre les hérétiques. Les inquisiteurs de Nimes arrachent à quelques chevaliers soumis à la torture l’aveu que ce chat n’est autre que le diable, par eux adoré dans un chapitre tenu à Nîmes, et que, pendant l’adoration , le diable répondit à toute question qu’on lui adressa. Les articles 15-95 se rapportent aux hérésies ordinaires relatives à l’eu- charistie et au x autres sacrements; il est dit plus particulièrement que les Templiers ne croyaient pas à la transsubstantiation. Les articles 24-29 parlent de l’absolution laïque, fait qui se trouve sou- vent relaté chez les sectes du moyen âge, et qui est considéré ici comme un attribut des supérieurs de l’ordre. Quant aux Templiers eux-mêmes, le fait n’a point été prouvé, L'ordre d’ailleurs avait ses prêtres. Dansles articles 50-55, il est question d’un baiser obscène donné lors de la réception d’un membre. L'histoire de ce baiser remonte à l'antiquité; ilen est déjà parlé dans le livre de Minucius Félix. Dans l'arsenal des inquisi- teurs ce baiser servait depuis longtemps comme une arme contre les Ca- thares, et maintenant cette même arme est tournée contre les Tem- pliers. Les articles 34-59 parlent de certaines coutumes de l’ordre, lesunes fort innocentes et les autres démenties par des faits. Les articles 40-45 disent qu'il existait un statut en vertu duquel les Tem- pliers étaient invités entre eux au vice de sodomie. C’est encore là une de ces accusations infâmes qui remontent fort haut et qui sont toujours ré- pétées, toujours exagérées et augmentées par Les persécuteurs des sectes. L'opinion publique suppose ce vice fort répandu en Orient et chez les moines; aussi ce point d'accusation, dirigé contre une société de riches célibataires souvent inoccupés, a-t-il été considéré comme l’un des plus vraisemblables. Mais cette imputation ne saurait en tout cas être admise que pour les individus, non point pour la corporation , dont les lois punis- saient sévèrement toute lubricité; encore cette imputation serait-elle pu- rement hypothétique. Dans tout le cours du procés, pas un seul Templier n’a avoué le péché de sodomie; pas un seul n’en a été déclaré coupable. Quelques individus eurent la lâcheté ou la bassesse d’avouer que la per- mission de commettre ce péché était donnée par les supérieurs de l’ordre; mais en même temps les uns aflirmérent que l’on n'avait pas profité de cette licence, et les autres protestérent qu'ils n’en savaient rien que par ouï-dire. S'il existait à cet effet des dépositions directes et positives, que prouveraient-elles dans un procès où l’on forçait les prévenus d’avouer, en fait de lubricité, des choses physiquement impossibles? La simple so- domie ne suffisant pas aux yeux des inquisiteurs, ils arrachérent à Nîmes, au moyen de la torture , des aveux burlesques. Les prévenus convenaient d’avoir vu, comme témoins oculaires, plusieurs démons qui paraïssaient dans les chapitres sous la figure de femmes, dont chaque chevalier abu- sait à son gré(1). Cette sodomie diabolique, nouyellement imaginée, se (4) Histoire de Languedoc, &.AN, p 141. Raynouard , p. 294 DE LA CINQUIÈME SECTION. 505 trouve pour la seconde fois dans les actes des tribunaux de la France mé- ridionale. Le premier cas de ce genre était arrivé devant l’inquisition de Toulouse, en l’année 1275, où une vieille femme fut punie de mort pour avoir couché avec le diable(1). Les articles 47-57 parlent des idoles énigmatiques et de leurs attributs. Pour baser un système de templerie symbolique sur les idoles , il faudrait préalablement prouver leur existence et indiquer la véritable qualité de ces idoles; ce ne serait point chose facile au milieu des nombreuses contra- dictions que les actes renferment à ce sujet. Longtemps avant la chute des Templiers, beaucoup d'individus et de sociétés ont eu à subir des ac- cusations aussi fabuleuses. Au premier rang se trouve le caput asininum, adoré par les juifs et par les anciens chrétiens, s’il faut en croire les païens. On connaît cette tête, grâce à Josephus et à Minucius Félix, Suit la tête parlante attribuée au pape Sylvestre; la téte adorée par les Tem- pliers avait la même qualité. L'idole des Stédingues est touchée par un chat pendant qu’on adore le diable; l’idole des Templiers l’est aussi. Cette derniére possède de plus la vertu de sauver les fréres et de leur donner des richesses; elle fait fleurir les arbres et germer la terre. La fable a été débitée sur le compte d’Albert-le-Grand, possesseur de ce fameux an- droïde; il n’avait qu’à manifester sa volonté, et la neige disparaissait au milieu de l'hiver, la terre poussait des germes, les arbres déployaient leurs feuilles, les oiseaux faisaient entendre leurs chants! Ce sont là des lé- gendes qui ont eu cours; mais s’est-on jamais avisé pour cela de symbo- liser le caput asininum , les idoles de Gerbert, ou celles d’Albert-le- Grand, ou celles des Stédingues ? Au moyen âge, on le sait, on faisait beau- coup de cas des figures dites astrologiques ou magiques; et c’est précisé- ment dans ce sens que la plupart des témoins répondirent aux questions qu’on leur fit relativement à la téle en question. Quelques témoins dépo- sérent que l’idole était considérée comme l’image de Mahomet, d’où il.est permis d’inférer qu'ils voulaient qualifier les chevaliers tout simplement de renégats. D’autres aflirmérent qu’on adorait une figure de Baffomet en prononçant le mot sarrazénique Yalla, et cette dernière déposition aurait la même signification. Baffomet n’est qu'une mutilation du nom de Maho- met, mutilation trés-ordinaire chez les auteurs chrétiens du moyen âge; c’estune chose clairement prouvée par Herder, quiréfuta le premier les opi- nions paradoxales de Nicolaï qui voulait dériver ce mot du grec. Cette dé- couverte aurait dû préserver M. de Hammer de l'erreur dans laquelle il esttombé en cherchant un fondement grec au nom de Baffomet , et.en ba- sant sur cette étymologie le système d’un culte mystérieux. Mais le mysté- rieux exerce dans l’histoire un attrait irrésistible. On ne saurait expliquer autrement comment le terme de Baffomet, qui ne se rencontre que deux fois dans les actes du procès, a pu recevoir une célébrité si peu méritée ! Suivant les articles 58-61, les fréres doivent avoir porté autour de leur corps un cordon consacré par l’attouchement de l’idole. Si l’on veut com- parer les dépositions , il en résulte qu’ils portérent à la vérité un cordon de lin autour de la chemise , pour se rappeler à chaque instant le yœu de chasteté , mais que chacun se procurait ce cordon à sa guise. Dans le reste des articles , on examine jusqu’à quel point les abus men- (4) Züidem ; t. AV, p. 17. IT, 20 506 MÉMOIRES tionnés ont été répandus dans l’ordre, quelles obligations ont été impo- sées pour les introduire, et quels moyens ont été imaginés pour garder le secret. On y trouve, par exemple , l’assertion que les Templiers se con- fessaient exclusivement à des membres de leur ordre , assertion démentie par des faits notoires (1). L'art. 97 reproche aux Templiers leur tiédeur à faire des aumônes; l’article suivant prétend qu'ils étaient avides de ri- chesses et qu’ils cherchaient à en acquérir, même au prix du parjure. Quant au premier point, on sait qu'il y avait des commanderies trés-cha- ritables, et d’autres qui ne l’étaient pas; cependant Philippe lui-même avait vanté la libéralité de l’ordre entier peu de temps ayant sa chute. Quant à l’avidité des richesses, l’ordre ne peut être absous sur ce point pendant la derniére partie de son existence, mais jamais les chevaliers n’ont été convaincus de pärjure. On ne fera point entrer ici en ligne de compte les fausses lépositions faites en grand nombre pendant la durée du procés ; nous l’avons déjà dit, elles ont été arrachées par la torture. Tels sont les points d'accusation , à l'aide desquels on chargea l’ordre des Templiers ; les incriminations n'étaient pas même fraîchement inventées, mais renouvelées et adaptées aux circonstances. On peut être sûr que des moyens d’action , reconnus efficaces , se reproduiront à des époques di- verses. Nogaret et Plazian accusérent le pape Boniface VIIE d’avoir eu commerce avec les démons, d’avoir entraîné les hommes vers l’idolâtrie au moyen de statues en argent, d’avoir exercé le crime contre nature et d'avoir adhéré à des opinions hérétiques, relativement à l’eucharistie. Dans un temps postérieur on arracha des aveux tout à fait analogues aux Vaudois et aux prétendus sorciers. En pesant la teneur et la qualité des articles que nous venons de par- courir, puis l’irrégularité de toute la procédure, les aveux incroyables et contradictoires; en mettant en ligne de compte d'un côté le caractère connu du roi et ses indubitables projets, d’un autre côté la faiblesse du pape et son état de dépendance; en recourant aux témoignages des plus honorables contemporains et aux opinions de Villani, de Boccace et d’AI- béric de Rosate ; enfin en prêtant l'oreille aux protestations d’une grande partie des chevaliers eux-mêmes, qui scellérent par une mort héroïque leurs assertions , hésiterons-nous à absoudre pleinement l’ordre des Tem- pliers au point de vue de l’histoire? Ou nous contenterons-nous d'ab- soudre conditionnellement et de réduire le nombre des coupables à un chiffre arbitraire ? D'un procés dirigé contre une corporation , en ferons- nous un procès applicable à quelques individus ? Les abominations de la prétendue templerie ne seraient-elles qu'une simple hérésie ? L'auteur du présent mémoire est d'avis qu'il faut ou voter la culpabilité absolue, ou se prononcer pour l'innocence de l'ordre; il demeure persuadé qu'on a exercé contre la catholicité et l'honneur des Templiers un Galumniari audacter, qui a élé suivi par son semper aliquid hæret ; il pense qu'il est du devoir de l'historien de rendre à cette corporation la justice qui lui a été refusée devant le tribunal des autorités ecclésiastique et séculiére. (4) Voy. les statuts de l’ordre, Muenter Statutenbuch, p. 404, 450, et les dépositions des témoins, Michelet, p. 180, 259, 566, etc. DE LA CINQUIÈME SECTION. 3507 MÉMOIRE PRÉSENTÉ A LA CINQUIÈME SECTION DU CONGRÈS SCIENTIFIQUE, SUR LA DIX-SEPTIÈME QUESTION DE SON PROGRAMME : On trouve dans le lit de plusieurs de nos rivières et dans les lerrains d’alluvion ou d’attérissement des agglomérals ou poudingues, com-— posés de brèches, de galets et de divers objets de facture humaine : peut-on élablir l’âge et la théorie de celte formation moderne? Quel avantage peut retirer l'archéologie de cette réunion de débris el d’ob- jets anciens trouvés dans les poudinques modernes ? PAR M. COMARMOND, Docteur en médecine, Inspecteur des monuments historiques du Rhône et de l’Ar- dèche, Conservateur des musées archéologiqnes de Lyon, Secrétaire général de la neuvième Session , Président de la cinquième Section de la dixième Session du Con- grès scientifique. Lorsque la croûte terrestre s'est solidifiée, lorsque notre planète s’est refroidie, et que les zones de notre température se sont régularisées, le moment opportun est arrivé où la vie s’est implantée sur notre globe : la création a marché graduellement du simple au composé, et l’homme, dernier chaînon de la vie animale , est apparu. Mais longtemps avant lui de nombreuses catastrophes avaient bouleversé la surface du globe; des formations successives de terrains eurent lieu, les unes d’une maniére subite et tumultueuse, les autres d’une maniére lente et paisible. Je ne veux parler ici que des couches qui sont postérieures aux terrains désignés par les géologues sous le nom de primitifs. Déjà, à l'époque de la formation des terrains de transition, la création avait semé de nom- breux rudiments de végétaux et d’espéces animales à l’organisation simple ; ces terrains en recélent aujourd’hui les débris, et ils sont devenus l’un des signes caractéristiques de cette formation qui a la priorité d'âge sur les terrains secondaires et tertiaires, dans lesquels on rencontre égale- ment des fossiles caractéristiques de cette couche terrestre. Je ne parle point ici du diluvium ; la cause pertubatrice de cette for- mation à glané dans tous les terrains pour former cette masse d’alluvions hétérogènes. On tient donc pour constant en géologie que les restes des végétaux et des animaux conservés dans le sein de la terre sont devenus, par leur gisement et leur mode de classification, des signes positifs, ca- ractéristiques de telle ou telle formation. C’est ainsi que la géologie, en classant ces espéces organisées par ordre de créations, est venue nous éclairer sur l'ancienneté d’une couche relativement à une autre. Maintenant, Messieurs, nous ne pouvons penser que depuis l'apparition 20. 508 MÉMOIRES de l'homme sur la terre, la nature soit restée inactive; il existe un mou- vement continuel de composition et de décomposition dans la matière or- ganique et inorganique; les principes élémentaires de la vie marchent activement. D'autre part, les éléments de l’affinité, de la juxta-position composent de nouvelles substances minérales, qui sont à leur tour décom- posées pour s'unir à d’autres bases. Il existe un mouvement moléculaire continuel; il'est aussi constant qu'il se forma, de nos jours , des terrains par dépôt dans le fond des mers; plus, des terrains d’alluvion, d’attéris- sements, et des agglomérats ou poudingues à sédiment calcaire ou sili- ceux. À Actuellement, si la présence de débris organiques variés, déposés dans le sein de la terre, est si utile pour connaître l’âge de la couche où ils re- posent, serait-il possible d'établir l’âge approximatif des formations con- temporaines de l'humanité à l’aide des objets façonnés par l'homme, et déposés ou enfouis par hasard dans le sol, qui se rencontrent dans ces for- mations ? Les différents morceaux de poudingue que jai l'honneur de mettre sous vos yeux et de soumettre à votre examen, viendront peut-être nous éclairer sur ce point. - Onretire assez souvent dela Saône, du Rhône, du Doubs et des terrains d’alluvion qui dépendent de leurs courants anciens, des espèces de pou- dingues ou agglomérats qui sont contemporains de l’homme, puisqu'on rencontre parmi les éléments qui les composent une foule d'objets façon- nés par ses mains. Quant à leur formation, ilest, je crois, nécessaire, pour que ces éléments divers puissent se lier entre eux et former une masse compacte , qu'il y ait repos pendant un temps très-long, afin que le ciment qui les unit si fortement ait pu s’interposer entre eux et se durcir au point où il est arrivé. Jecrois qu’il est utile, pour mieux faire comprendre la théorie de cette formation, d'indiquer les éléments dont se composent ces poudingues , du moins de citer ceux qui s’y rencontrent le plus communément. Ce sont des bréches d’un grand nombre d'espèces, des cailloux roulés, soit cal- caires, siliceux, granitiques, schisteux, etc.; des débris de poteries , de verres et de briques; des morceaux ‘de fer et de plomb presque toujours entiérement oxydés; du cuivre rouge, du laiton, du bronze, des alliages variés; de l'or ; de l'argent; des pierres fines taillées et gravées, etc. Les proportions de ces différents corps varient à l'infini; les matières les plus précieuses doivent-être et sont en ‘effet plus rares; presque toujours, en brisant ces agglomérats, j'y ai trouvé les objets en fer en plus grand nombre que ceux de bronze ou de tout autre métal. On serait porté à penser que la décomposition du fer, qui passe à l’état de carbonate et de peroxyde, commence à servir de premier élément à la matière aggluti- nante, et:que la décomposition du métal est d'autant plus active qu'il est à l’état libre; mais du moment où cette portion de fer se trouve envelop- pée par une couche épaisse, sa décomposition devient très-lente et cesse pour ainsi dire; les exemples que je vais citer viendront à l'appui de cette opinion. Si la décomposition du fer paraît favoriser et activer ce premier état de formation, on ne peut révoquer ‘en doute l'existence d’un dépôt calcaire qui s’accroît avec le temps ; les expériences que j'ai faites sur la nature de De .. DE LA CINQUIÈME SECTION. 509 ce ciment m'ont affermi dans ma manière de voir au sujet de ces pou- dingues. Toujours ces morceaux de poudingues sont très-compactes, et aucune géode ou cavité intérieure n’annoncent la décomposition d'un corps qui y aurait été réclus; la dureté en est souvent trés-grande: j’en ai vu qui ré- sistaient au choc d’un marteau ordinaire et qu’on était obligé de rompre à grands coups de masse, pour y rechercher les antiquités qu’ils pouvaient recéler; toujours ces objets ou fragments antiques étaient resserrés dans une étroite prison, et il fallait les plus grands soins pour les dégager des corps environnants auxquels ils étaient fortement unis par un ciment cal- caire souvent ferrugineux. La forme de ces poudingues est trés-irrégulière; ils sont Métisnés de portions anguleuses, de pierres qui sortent de l’amalgame et sont à l’état libre. D’autres fois il en sort aussi des corps métalliques plus ou moins aigus, et par fois des médailles antiques; quelques-unes sont collées à leur surface. ‘ Le volume des morceaux de poudingues qu’on rencontre à Lyon, au fond de la Saône, est tout à fait variable , depuis celui du poing jusqu’à celui d’une masse imposante par ses dimensions et son poids; leur gise- ment n’est point par lits, par couches régulières; on les trouve épars dans toute l'étendue du lit des riviéres; mais on peut dire de cette dispersion qu’elle est en partie le résultat dela direction des courants qui s’établissent lors des crues extraordinaires, et qui entraînent çà et là de petits blocs qu’on rencontre dans le lit du fleuve. Comme je m'occupe ici plus spécialement des poudingues modernes de la Saône, je dois faire remarquer qu'ils se trouvent plus fréquemment dans l’intérieur de la ville et surtout entre le pont Saint-Vincent et le pont du Change, à une profondeur de quarante à quarante-cinq pieds; là un faible courant qui rêgne dans le fond chasse la vase et les substances terreuses d’un poids trop léger. Des débris antiques amenés de plus haut ou venus du bord dela rivière, qui a toujours été habité depuis la fonda- tion de Lugdunum, se sont trouvés mélangés à des graviers, à des cail- loux , à des bréches, etc. Cet amalgame s’est soudé peu à peu par un sé- diment calcaire et souvent ferrugineux, pour ne former dans la suite qu’une masse hétérogène; ce travail s’est opéré de l’intérieur à l’extérieur. Ce lit de poudingue n’est point uniforme, ni d’une grande continuité ; il est par rognons et par compartiments interrompus. J'ai sondé moi-même l'étendue de ce gisement moderne; des hommes de rivière, d’après mes conseils et au moyen de erocs en fer et de tenailles fixées au bout d’im- menses perches et de cordes pour les ouvrir, sont parvenus à entamer quelques-uns de ces blocs de poudingues et à en enlever d'autres d’un volume peu considérable. Le métier étant peu lucratif pour eux, quoique assez dispendieux pour moi, et ne concordant point avec leurs occupa- tions habituelles, c’est avec peine que je suis parvenu à leur faire retirer ces massifs, quelquefois pauyres en antiquités, tandis que d’autres n’é- taient qu'un ramassis de clous, destyles, d’outils divers , de médailles, etc. Je citerai à l'appui de ce fait le fragment suivant d'une lettre que j’écri- vais à M. Emy, capitaine du génie, auquel j'ai envoyé quelques piéces de serrurerie antique, cet officier s’occupant d’un ouvrage important sur cette partie de l’art antique. 510 MÉMOIRES Voici ce que je lui disais au sujet d’une clef en bronze sur laquelle it me demandait quelques détails : «Dans le morceau de poudingue où j'ai trouvé la clef dont il est ques- «tion, j'ai trouvé aussi un compas en fer, une hachette à deux tranchants, «des clous et une crosse en fer, bien conservés à raison de l’impénétrable «prison dans laquelle ils se trouvaient. J'y ai trouvé de plus deux mé- «dailles en argent, module ordinaire , de Faustine-la-Jeune, une mé- «daille d'Antonin-le-Pieux en grand bronze, deux médailles, moyen «bronze, de Claude, et trois, mêmes module et métal, de Néron. Re- «marquez ici que je n'ai point trouvé, dans ces masses compactes, de «monnaies du bas-empire ni du moyen âge; toutes celles que j'ai ren- «contrées jusqu’à ce jour dans ces poudingues sont des premiers siècles. «Le bloc dont je viens de parler a été retiré de la Saône, en juillet 1829, «vis-à-vis le pont de la Feuillée ; la clef de bronze qui se trouvait dans ce «bloc et sur laquelle vous me demandez quelques renseignements sur «l'âge, le style, le prix, etc., est considérée par moi comme une clef ap- «partenant à l’un des deux premiers siècles; elle est placée là comme «dans un monument où l’on aurait mis des monnaies pour en marquer Cplus tard l’origine : elle est d’un bon travail, les lignes en sont pures, «les dents du panneton sont bien faites ; elle vaut environ 20 fr., prix de «marchand. » Voilà ce que j'écrivais, en 1854, à M. Emy; depuis, je me suis procuré de nouveaux objets trouvés dans ces agglomérats, et j'avais formé le projet de faire des recherches plus exactes dans cette partie du fond de la Saône; déjà j'avais fait construire un appareil de plongeur qui pt per- mettre de travailler au fond de la rivière pendant quelques instants ; mais différentes circonstances ont retardé l'exécution de ce projet que je dési- rerais effectuer, persuadé qu'il existe une grande quantité d'objets impor- tants qu’on pourrait retirer de son lit, surtout dans l’intérieur de la ville de Lyon. Voici à peu prés les antiquités que j'ai vu découvrir dans ces poudin- gues, que j’en ai retirées moi-même et que je possède en grande partie , du moins les plus importantes. Poteries, verres. Fragments de vases, de briques, de tuiles , de verres; ces derniers trés- rares. Pierres, marbres, etc. Fragments de pierres calcaires taillées, à moulures, marbres, pierres fines, grenats, émeraude, saphir, cornaline, sardoine, quelques intailles et camées, Fer, Marteau, masse, coins, haches , hachette, francisque, ciseaux et mé- ches à bois, ciseaux pour la pierre, poinçon , moitié d'une cisaïlle , styles damasquinés; or etargent; presson, levier à pied de biche, crosses, clous et une foule d’autres petits ustensiles et outils qu'il serait trop long d’énu- mérer. J'observerai que tous les outils porteurs de douilles, pour y ajuster un manche, ne présentent pas, comme les nôtres, une ouverture carrée, DE LA CINQUIÈME SECTION. o11 mais ovale; ce caractère antique est presque toujours constant ; cepen- dant, la forme ronde était bien connue des anciens, car les Etrusques les faisaient ainsi; je posséde un gril, un grappin etune rôlissoire en bronze de la Grande-Grèce qui sont porteurs d’une douille arrondie. J'ai remarqué aussi que tous les objets en fer, dont une partie se trou- vait non engagée dans le poudingue, étaient fortement rongés ou dé- truits. Ces observations sont utiles sous plus d’un rapport. Je n’entre dans ces détails que pour prouver que la fabrication du fer date de la plus haute antiquité, qu'il a été très en usage chez les anciens, et que, si nous possédons peu d’antiquités de ce métal, c’est que le temps les a totalement détruites ou qu’on a méprisé les fragments qu'on a ren- contrés, parce qu'ils n’offraient pas à celui qui les découvrit dans cet état d'oxydation et de destruction l'appât d'un gain présumable; et qu’enfin les antiquités en fer nous instruisent sur la forme de leurs instruments, dont beaucoup, sans doute, n'étaient pointen bronze, à raison du prix et de la densité de ce dernier métal. Cuivre, bronze, alliages divers. J'ai recueilli aussi une grande quantité d’objets en cuivre, bronze ou alliages différents, tels que styles, fourchettes, cuillères pour introduire les parfums dans les vases à baume, clefs, fibules, bracelets, bouts de fléches , de hastes, de jayelines, clous, bagues, chaînes, anneaux, frag- ments de vases, d'outils, d’ustensiles , et une foule d’autres débris. Or et argent. Un collier, plusieurs bagues, une chaînette, divers fragments de bi- joux , etc. Médailles. Je place à part les médailles, et dans une seule catégorie, quoiqu'elles soient en différents métaux, attendu qu’elles sont d’une grande impor- tance, puisqu'elles sont là comme dates pour témoigner de l’origine de ces poudingues. Je n’ai qu’une médaille en or provenant de ces poudingues ; cependant je sais qu’on en a trouvé plusieurs avant que j’eusse la connaissance de cette découverte: mon médaillier possède plus de soixante médailles en bronze et au moins vingt en argent qui ont été trouvées dans ces roches de formation moderne, et quelques monnaies gauloises moulées et en potin. Ces médailles arrivent à la fin du quatriéme siècle ; je n’ai trouvé qu'un seul petit bronze de Constantin, et cependant on en trouve en grand nombre sur tous les points des alluvions de la Saône. Je ferai encore une observation essentielle relativement aux objets en bronze qui se trouvent emprisonnés dans ces poudingues, c'est qu'ils sont d’une conservation si parfaite que beaucoup n’ont pas éprouvé la moindre altération ; que plusieurs n’ont aucune trace de patine, et qu’il en existe qui ont un éclat métallique tel qu’ils semblent sortir des mains de l’ou- vrier, et qu'on serait trés-disposé à douter de leur antiquité si,on,ne les avait vu sortir avec peine de ces roches , où ils sont conservés avec leurs parties les plus tenues; mais il n’en est pas de même des objets en fer; 512 MÉMOIRES tous ceux qui sont d’un petit volume ont été en partie rongés par l’oxyde avant que leur conservation füt assurée par la pâte qui lie ensemble ces agglomérats. Il reste maintenant la question la plus importante à résoudre, celle de l'ancienneté approximative de cette formation : je crois qu’à l’aide des médailles et des autres antiquités qu’elle renferme, on pourra la déter- miner d’une manière bien plus positive qu'aucune de celles qui s’opérent dans la nature. En effet, Messieurs, si l’on réfléchit que dans les poudingues qui se trouvent dans les bas-fonds de certains endroits de la Saône on ne ren- contre aucun débris de travail humain qui date des derniers siécles de notre ére, on peut en conclure que cette formation leur est antérieure, puisqu'elle renferme dans son sein des témoignages certains de l’époque à laquelle ont pu se former ces agglomérats, et que, semblables aux dé- bris organiques qui caractérisent certains terrains, ils deviennent des signes caractéristiques de l’âge de ces morceaux épats de roche, dont l'origine remonte aux premiers siècles de l'empire romain. Il importe aussi de signaler certaines formations beaucoup plus mo- dernes qui se trouvent dans les graviers et les’bas-fonds de la Saône, de- puis le pont de Tilsit jusqu’au delà du pont d’Ainai; elles consistent en objets de fer, travail du moyen âge, autour desquels se sont groupés quelques graviers et cailloux qui y sont fortement aglutinés par un ciment purement ferrugineux; j’en ai également vu quelques-unes, qui ont été amenées par les dragueurs, qui sont entièrement fériféres, en rognons, variant de poids depuis un demi-kilogramme jusqu’à trois ou quatre ki- logrammes, ressemblant assez à des morceaux de scories de forges qui auraient vieilli dans le fond de la rivière, et auxquelles sont venus se coller quelques objets voisins. ï J'en possède qui contiennent des clous et une grande quantité d’épin- gles en laiton, etc., mais tous ces objets sont peu anciens. Devons-nous considérer ces morceaux comme des rudiments de masses plus étendues qui auraient grandi avec le temps ou simplement comme des accidents particuliers dus à un incendie ; à des fonderies ? C’est une question à étudier encore. J'ai également des instruments en fer, des débris d'armes, des poi- gnards, des dagues, des poignées de glaives entourés de graviers, de cailloux peu serrés entre eux et collés aux objets par un ciment de fer carbonalé. J'ai vu des morceaux de poudingues venant des graviers du Rhône, de la presqu'île Perrache et du littoral du fleuve jusqu’en dessous de la Voulte, dans la commune de Pouzin. On m'a apporté un massif de pierres et de cailloux agglomérés par un ciment calcaire trés-poreux , peu solide , dans le milieu duquel se trouve une cotte-de-mailles du moyen âge; la fabrication des anneaux de la maille indique qu’elle appartient au treizième siécle. Ce morceau , d’un volume considérable et du poids de près de cent kilogrammes, est curieux en ce qu'un pan de cette cotte-de-mailles sort de cette masse en manière de crépine; il a été trouvé dans le Rhône, près d’Yenne en Savoie, au bas d'un vieux château-fort. Tous les faits que je cite doivent établir une grande différence entre ces DE LA CINQUIÈME SECTION. 515 poudingues et ceux trouvés à Lyon, dans la partie supérieure de la Saône ; c’est précisément pour éviter une confusion que je suis entré dans ces détails. Les dépouilles de l’homme et ses ouvrages deviendront donc pour Va- venir des dépôts caractéristiques des formations de terrains qui s’opérent depuis son apparition sur le globe. Ainsi, en supposant qu’une catastrophe imprévue, qu'un soulévement partiel ou général vint à élever la croûte terrestre sur laquelle repose l'Océan , et que le continent fût submergé en partie et devint ce qu'il fut autrefois , qu’arriverait-il? Que sur ce nouveau continent, sorti du fond des mers, on rencontrerait dans les immenses dépôts qui se forment de- puis l'existence de ces mêmes mers , des débris de tous les âges, qui par leurs caractéres et leurs appartenances dénoteraient facilement les couches qui appartiennent aux premières races humaines et aux différents peuples qui se sont succédé. Nous nepouvons mettre en doute qu'il s'opère dans les abîmes de l’océan un travail continuel semblable à celui qui s’est fait aux époques de la for- mation des terrains secondaires et tertiaires, terrains dans lesquels on rencontre des débris organiques caractéristiques et indiquant l'ancienneté plus ou moins grande des couches qui les composent. On pourrait tirer une double conclusion des faits que j’ai avancés ; c’est: 1. Que la formation des poudingues de certaines rivières nous Con- serve des antiquités qui ne seraient jamais arrivées jusqu’à nous sans ce mode de réclusion, telles que celles en fer, par exemple, dont la décom- position a lieu souvent en moins d’un siécle , lorsqu'elles sont à l’état li- bre , enfouies dans les terres , ou dans le lit des fleuves. 2, Que si la géologie vient au secours de l'archéologie pour la conser- vation de certains monuments, cette derniére vient et viendra toujours en aide à la géologie, pour déterminer l’âge de certaines formations mo- dernes, relativement à celles qui sont d’une époque antérieure à l’homme. En faisant ici part de mes observations, qui rentrent tout à fait dans la question posée au Programme, j'ai placé un premier jalon ; le temps et l'expérience viendront ajouter à mes recherches, d’autres ensuite éclai- reront la question d’une manière plus positive. Telest, Messieurs, le résultat de quelques investigations ; je souhai- terais qu’elles devinssent utiles à la science et eussent été plus dignes de vous être présentées. 51 MÉMOIRES MÉMOIRE PRÉSENTÉ A LA CINQUIÈME SECTION DU CONGRÈS SCIENTIFIQUE, SUR LA QUATRIÈME QUESTION DE SON PROGRAMME : Quels sont les résultats que l'étude des langues grecque et latine a oblenus jusqu'ici de la philologie comparée ? PAR M. AUG. FUCHS, Candidat en philologie, de Dessau (Saxe). MESSIEURS, La philologie comparée est une science fondée, il est vrai, sur des bases solides, mais dont la création néanmoins est encore récente; il n’est donc pas étonnant que cette science, plus que les autres sciences éta- blies dès longtemps, soit exposée à des méprises. Les savants qui n’avan- cent pas avec le temps et qui ne veulent pas reconnaître les progrés im- menses que la science a faits dans peu de temps, se servent de ces mé- prises et erreurs inévitables pour se moquer de toute la science, innocente des erreurs de quelques personnes qui s’en occupent, et pour lui ôter l'honneur non-seulement de toute utilité, mais même celui d'être une science. C’est donc un mérite essentiel du Congrés scientifique de porter son attention sur ce point important, que le congrès des philologues alle- mands n’a pas encore daigné soumettre à ses investigations. Dans ce but le programme a proposé la question: Quels sont les résultats que l'étude des langues grecque el latine a obtenus jusqu'ici de la philologie com- parée? S'il m'est permis , Messieurs , à moi qui suis peut-être le plus jeune et qui ai le moins d’expérience dans celte assemblée de savants, de répon- dre en peu de mots, dans une langue étrangère, à cette question im- portante, cette conviction seule m'y détermine : qu'il faut écouter, de quelque bouche qu’elle vienne, la vérité, ou du moins la parfaite convic- tion de quelqu'un qui aspire à la connaître. D’ailleurs moi-même j'en ai fait l'expérience , et j'apprends de plus en plus combien la grammaire comparée contribue à rectifier et à épurer les opinions erronées qu'on à souvent du langage en général, et même comment la philologie compa- rée peut seule donner un coup d'œil juste, et, pour ainsi dire, une intui- tion du langage. Le sujet en question est si riche, qu'il serait plus facile d’en remplir un gros volume que de le comprendre dans peu de pages, comme j’y suis nécessairement obligé. L'influence que la philologie comparée a exercée sur l'étude des lan- gues grecque et latine ne se voit pas partout à l'œil, quelque grande et DE LA CINQUIÈME SECTION. 515 immense qu’elle soit. Au premier aperçu , il faudrait croire que nous sa- vons aujourd’hui le grec et le latin bien moins que les grands philologues du seizième , du dix-septième et au commencement du dix-huitième siècle. Les noms des Manucci, Scaliger, Budé, Muret, Étienne , Casaubon , Sau- maise, du Fresne, Reuchlin , Erasmus, Melanchthon, Voss, Hemster- huys, Valckenær, Bentley et de beaucoup d’autres savants de ce temps- là seront toujours grandement en honneur. Il faut ayouer qu'ils savaient les langues grecque et latine mieux que la plupart des philologues de notre temps , et que leurs connaissances ont produit des résultats extraor- dinaires , puisque c’est principalement à leurs efforts que les nations de l'Europe doivent une quantité de connaissances importantes , leurs pro- grès rapides et l'amélioration de leurs littératures nationales. Car ces phi- lologues aspiraient avant tout à s'approprier les connaissances de l’an- tiquité , à les communiquer à leurs contemporains et à former leur style d’après les grands modèles que les anciens nous ont laissés. Ainsi les langues anciennes n'étaient pour eux qu'un moyen pour atteindre à un but plus élevé. Mais aujourd'hui c’est différent ; après avoir acquis en grande partie ce que nos-ancêtres ont tâché d'acquérir, c’est à nous de poser un autre but à nos études, c’est-à-dire de ne considérer plus la langue comme un moyen pour d’autres études , mais comme le but et la fin méme de nos recherches ; c’est à nous de ne plus recueillir seulement les phénomènes dans les langues, tels qu’ils se présentent à nous au premier coup d'œil, mais de les ranger et de rechercher leur véritable na- ture et leur principe. Ces philologues savaient le grec et le latin, nous tâ- chons de comprendre ces langues. Cette étude scientifique des langues où nous ne nous contentons pas de savoir le fait, mais où nous recherchons le pourquoi des formes grammaticales, est impossible sans la philologie comparée. Car nous ne saurons jamais reconnaître les phénomènes qui sont propres à une langue , ni ceux par lesquels elle diffère des autres ou par lesquels elle leur est conforme , si nous ne la comparons pas à d'autres. Ces différences et ces conformités excitent la curiosité à en re- chercher les causes et les principes. De cette manière on pénètre de plus en plus dans l'étude de la langue, et plus on y pénètre, plus s’éclaircira la vue de celui qui fait les recherches. Les Depuis longtemps déjà on avait senti la nécessité de recourir pour l’é- tude d’une langue à d’autres langues parentes, mais on ne pouvait par- venir à des résultats sûrs qu'après avoir appris à connaître tous les mem- bres les plus importants de la grande famille des langues répandues sur toute l'Europe, et principalement la fille aînée de la commune langue mére, c’est-à-dire le sanscrit. La connaissance de cette langue éleva bien- tôt Ja philologie comparée au rang d’une science , à laquelle nous devons principalement une plus juste idée et une meilleure appréciation de la nature et du caractère de la langue en général. De telles vues générales apprennent à comprendre mieux une quantité de phénoménes qu’autrefois on n’a point su expliquer. Mais avant tout, la philologie comparée eut de l'influence sur la connaissance et l'étude des langues grecque et latine, ainsi que de la langue gothique, parce que lesdites langues, comme langues mortes (selon l'expression ordinaire), sont terminées, et comme elles ont une grande richesse de formes grammaticales, elles ressemblent le plus au sanserit. 516 ; MÉMOIRES Nous venons de dire que l’on doit à la philologie comparée des vues générales sur le langage humain, vues qui font mieux connaître et péné- trer les phénomènes. Ces vues consistent, pour m'exprimer en peu de mots, dans la conviction que la langue n’est rien d’arbitraire ou d’acci- dentel, mais qu’elle se fonde tout entière sur des règles et des principes constants; mais en même temps la philologie comparée nous apprend que ces règles et ces principes, dans l’origine de la langue, n’ont pas été artifi- ciellement inventés par les grammairiens, mais que l'esprit humain lui- même les a produits sans en avoir la conscience. Il s'ensuit que tous les phénomènes d’une langue quelconque, quelque peu d'importance qu’on leur attribue ordinairement, doivent être nécessaires, significatifs et con- formes au génie de la nation qui les a produits; la philologie comparée ne manque donc d'examiner aucun phénomène d’une langue; au contraire, chaque lettre lui est importante. : La philologie comparée est loin d’avoir atteint la perfection à laquelle elle tend; mais la minutieuse exactitude avec laquelle elle examine chaque forme grammaticale , même chaque lettre, lui a fait produire déjà à pré- sent des résultats surprenants. D'abord c’est elle qui a fait naître une pho- nologie, c’est-à-dire un système des sons et de leurs permutations dans la grammaire grecque et latine. Il est vrai que déjà précédemment on avait fait dans la grammaire grecque quelques observations sur la permutation des lettres produite soit par l’euphonie, soit par la différence des dialectes, mais on n’en avait pas recherché les motifs; en latin, on n'avait point encore un système des sons. Seulement l’étude du sanscrit et l'observation des analogies qui existent entre cette langue et les langues sœurs nous a appris que chaque lettre a une valeur certaine, parce que sous les mêmes conditions se trouvent toujours lesmêmes sons. Pour ne prendre qu’un seul exemple sur mille , en latin, la voyelle a change souvent dans la composi- tionene, mais aussi en t; on dérive, par exemple, de cano le parfaitcecini, mais aussi tubicen et au génitif tubicinis. Voila un phénomène auquelon n’a pas fait autrefois la moindre attention; en recueillant tous les exemples dans lesquels la voyelle a se change en à ou en e, nous remarquerons que l'a se change constamment en à dans les syllabes ouvertes, ene, dans les syllabes fermées. Cette observation et beaucoup d’autres semblables firent successivement aller plus loin ; on commença à réfléchir sur la nature et l’origine des sons et sur les rapports qui existent entre eux; On parvint à établir toute une physiologie des sons , qui nous fait connaître, en beau- coup de cas, le motif pour lequel, dans de certains endroits, on trouve tel son plutôt que tel autre. On découvrit que les voyelles a, à et u furent les sons primitifs dont toutes les autres voyelles dérivent; il s'ensuit de là que les voyelles é et 6 sont originairement des diphthongues nées de ai et au. Par exemple, en latin le parfait féci, égi est né du présent facio, ago, de sorte qu’on a ajouté à l’a du présent un i, dont on découvrit bien- tôt la signification. } On remarqua bientôt que non-seulement l’euphonie et les dialectes pro- duisent la permutation des lettres, mais que souvent un seul son suffit pour ajouter à la signification d'un mot une relation particuliére. Cette dernière permutation des voyelles qui est la plus significative, fut nommée par les savants allemands : der Ablaut (permutation significative de la yoyelle radicale , différente de la permutation de la voyelle radicale nom- DE LA CINQUIÈME SECTION. 517 mée Umlaut, qui n’est produite que par des causes extérieures) ; elle est bien importante pour la dérivation des mots et pour la conjugaison des verbes; par exemple, en grec on forme de la racine ouv, dans épavov, le présent guivu; de UT, dans Elo, le présent Xeiru); de puy: dans éguyoy, pEÜ yo) ; deTpar, dans Étparrov, TRÉTWy etc. ILest vrai qu'on a remarqué toujours cette permutation de la voyelle radicale, parce qu’elle est trop frap- pante pour être méconnue entièrement , mais ce n’est qu'à l’aide de la phi- lologie comparée qu'on sut mettre à leur place ces phénomènes et en ex- pliquer le principe; car la philologie comparée fit voir que les mêmes phé- nomènes se trouvent en sanscrit et en allemand, et aussi en quelque sorte en latin , par exemple, dans les mots cités ago, egi; facio, feci; capio, cepi, etc.; et de même dans les langues romanes , par exemple : savoir, Je Sais; venir, je viens; vouloir, je veux, etc. De plus, on remarqua qu’outre les voyelles , les consonnes aussi s’emploient pour former le pré- sen$ , par exemple, en latin n dans tundo, frango, etc., formes dérivées des racines tud, frag, etc.; de même en grec le présent se forme souvent à l’aide de la syllabe vu ou av; par exemple, detxvuut, ais0dvouo, for- més des racines detx, œioû ; dans d’autres exemples, il se trouve inséré encore un deuxième n, comme dans Aty{évw , Aau6dvw, de x, «6, etc. De ce phénoméne on tira la conclusion que les consonnes m’éfaient pas beaucoup moins significatives que les voyelles. Il s’agit de savoir maintenant quel résultat nous obtenons par l'établis- sement d’une phonologie dans les grammaires grecque et latine. Vrai- ment le profit que nous en tirons ne saurait être calculé. Les sons sont les éléments de la langue ; plus ceux-ci nous deviennent manifestes , plus nous pénétrons le profond secret de la formation du langage , et plus nous nous éclairons sur toute la composition artificielle et pourtant si simple de la langue. Si nous appliquons cela aux langues grecque et latine , nous reconnaissons une différence principale dans la structure extérieure des deux langues, causée par le génie différent des deux nations. Le génie de la ES grecque , ainsi que celui de la nation qui l’a parlée, aspirait beaucoup plus à la beauté de la forme, à la richesse «et à l'harmonie des sons et des accents; aussi sa grande richesse de voyelles, et pour ainsi dire la sensibilité de ses sons, fixent-elles notre attention, mais nous rappor- tons ces qualités au génie de la nation grecque. La langue latine , au con- traire, est plus simple et moins poétique; elle a moins d'harmônie des sons ; mais d'un autre côté elle est plus claire et plus distincte, en outre plus impérieuse et en cela tout à fait conforme au génie des Romains. Ainsi la philologie comparée ne nous fait pas voir des signes et des formes mortes , mais elle vivifie et anime tout. Dans les dialectes de la langue grecque régnait une assez grande con- fusion. On énumérait une grande quantité de formes , sans connaître le rapport qui existait entre elles ; la philologie comparée et la phonologie, fixée par celle-ci, nous ont fait distinguer les formes les plus anciennes et les plus pures des dialectes, et ontjeté du jour sur la manière dont les unes dérivent des autres. De même l'étymologie proprement dite ou la dérivation des mots errait ‘çà et là sans principes certains , parce qu’on ne savait dériver les mots que - Selon la ressemblance extérieure des sons ; au moyen-de la phonologie, l'étymologie a commencé à s'élever au rang d’une science qui se fonde 518 MÉMOIRES sur la connaissance de la véritable nature des sons. Il est facile dé voir que l’étymologie scientifique doit contribuer essentiellement à fixer le sens primitif et vrai des mots. Le système des sons est en même temps le fondement de la formation des mots et des flexions grammaticales; il en résulte qu’une phonologie scientifique étant établie, ces parties de la grammaire ont dû être construites entiérement de nouveau. D'abord, relativement à la forma- tion des mots, la phonologie a fait découvrir beaucoup de racines. En recherchant historiquement comment de ces racines se sont formés d’a- bord les mots primitifs, puis les mots dérivés, ensuite les mots composés, nous obtenons en même temps une histoire claire et infaillible du déve- loppement de l'esprit humain , et c’est ce qui doit exciter le plus l'intérêt le plus vif de tout homme instruit. De cette maniére nous pouvons nous représenter les idées, au commencement bien bornées, des anciens peuples, et juger comment elles se sont peu à peu étendues et enrichies. Nous voyons que toutes les racines sont des verbes, ou plutôt qu’elles réunissent en elles le sens de substantifs et de verbes non encore déve- loppé , c’est-à-dire nous remarquons que les hommes anciens qui se sont formé leur langage ont aperçu d’abord des actions, mais qu'ils n’ont pas encore su séparer l’action du sujet qui agit; mais bientôt ils commencé- rent à distinguer l’action de l'agent , c’est-à-dire ils formérent les verbes et les substantifs. Les verbes primitifs étaient tous des verbes intransitifs , mais bientôt on remarqua aussi l'influence que l’action exerçait sur quel- que objet, et on étendit la signification des verbes intransitifs, ou bien on forma de nouveaux verbes transitifs, qui différaient originairement des verbes intransitifs dans la conjugaison. Nous remarquons cela surtout en allemand, où la Se des deux genres de verbes est distinguée d'une manière très-sensible ; la conjugaison des verbes intransitifs y est nommée la conjugaison forte, celle des verbes transitifs est dite la conju- gaison faible; par exemple, des verbes primitifs intransitifs : sinke, sank, gesunlen , hange , hing, gehangen , steche, stach, gestochen, elc., on a formé plus tard les verbes dérivés transilifs senke, senkte, gesenkt, hœænge, hœngte, gehængt, stecke, steckte, gesteckt, etc. En grec, les verbes en pt sont les verbes primitifs, ceux en w sont formés plus tard; en latin, la troisième conjugaison comprend la premiére classe, la dernière appar- tient aux trois autres conjugaisons. Quoique dans toutes ces langues il se trouve assez d'exceptions à la règle générale que nous venons de poser, pourtant nous pouvons encore découvrir le principe primitif d’après le- quel les verbes se sont formés. Ainsi l'étude comparative de la formation des mots nous dévoile de plus en plus la culture et la direction de l'esprit humain en général, et celle du génie des différentes nations en particulier. On s'aperçoit, pour n’en citer qu'un seul exemple, que la langue grecque est extrêmement riche en mots composés , et que la langue latine, au contraire, est trés-pauvre sous ce rapport. Il est facile de voir que ce phénomène provient de la différence qui exista entre le génie des deux nations. Des peuples poé- tiques et amateurs des arts, tels que les Grecs, aiment beaucoup plus les mots composés et en ont plus besoin que d’autres peuples qui, tels que les Romains, tendent plus à l’utile et à l’intelligible. Car les mots composés occupent principalement imagination, qui doit combiner DE LA CINQUIÈME SECTION. 519 dans l'esprit ce qui est réuni en un seul mot et qui est heureuse de la propre faculté qu’elle a de créer des mots; l’entendement, au contraire, aime mieux décomposer et analyser que de combiner et de composer; les compositions ne sont donc pas assez claires pour cette faculté de l'âme. ; Le système des inflexions grammaticales a été refait entièrement, prin- cipalement au moyen de la philologie comparée. IL n’y a presque aucune forme dont on n’ait examiné la nature et recherché la cause. Car la philologie comparée avait fait voir qu’il n'existe aucune forme, aucune terminaison insignifiante ou arbitraire; en effet, on est déjà parvenu à comprendre beaucoup de formes ; quant aux autres, on est en voie d’en comprendre le sens primitif et véritable. Les éclaircissements que nous ayons obtenus sur la nature des flexions ont simplifié extrêmement tout le système des formes grammaticales; dans la grammaire grecque surtout une quantité de formes se trouvait autrefois réunie sans ordre et sans clarté; de même dans la grammaire latine chaque règle était suivie d’une quantité d’exceptions ; c'était le nom ordinaire que l’on donnait aux mots qui ne voulaient pas fléchir sous le joug des règles fixées par les gram- mairiens, et qui cependant ne paraissaient point avoir de raison pour cela. La philologie comparée, au contraire, nous a appris qu’il n’y a point d’exceptions dans le sens que l’on donne à ce mot, mais que tout ce qu’on a désigné autrefois par ce nom commode se fonde aussi sur des régles constantes, mais qui se croisent ordinairement avec d’autres règles. Les in- - flexions les plus importantes dans toutes les langues sont la déclinaison et ‘la conjugaison ; ce sont donc surtout ces deux parties de la grammaire qui ont tiré le plus grand fruit de la philologie comparée. On a reconnu qu'il n'ya proprement en grec et en latin qu'une seule déclinaison, mais que celle-ci se modifie selon la terminaison de la racine des substantifs. La déclinaison primitive est dans les deux langues la troisième; elle com- prend les substantifs terminés en consonne; les autres déclinaisons, qui en sont des modifications, comprennent les substantifs terminés en a et o,et en latin ceux en uv ete. Bien des formes, qui au premier abord pa- raissent irrégulières, s'expliquent aisément au moyen de la philologie comparée , surtout dans les pronoms qui ont conservé beaucoup de ter- minaisons primitives, perdues dans la déclinaison des substantifs; par exemple, en latin les formes MIHI, TIBI, NOBIS, ILLIUS, EJUS , etc. ; en grec beaucoup de formes dans les dialectes, qu’on croyait autrefois in- ventées par les poëtes, et dont je ne citerai que le génitif de la seconde déclinaison en oto, le datif pluriel en ætot et out, la terminaison gt, etc. ; de même beaucoup de formes du génitif singulier de la troisième décli- naison, qu’on croyait autrefois irrégulières, ont été prouvées régulières par une distinction plus exacte de la racine et de la terminaison, distinc- tion qui contribue en même temps beaucoup à simplifier les règles du genre. Je me contenterai d’en citer un seul exemple. La grammaire pure- ment expérimentale proposa la règle suivante : «Les substantifs en us qui appartiennent à la troisième déclinaison sont du genre neutre, pre- miérement quand ils sont des monosyllabes, en second lieu quand ils ont plusieurs syllabes et qu’ils prennent au génitif un e ou o au lieu de lu; mais ils sont du genre féminin quand ils ont plusieurs syllabes et qu'ils gardent l’u au génitif. La philologie comparée change toute la régle; elle 520 . MÉMOIRES montre que ls du nominatif est le signe du genre masculin ou féminin et que l'absence de ls indique le genre neutre; par conséquent, lorsqu'il se trouye un s au nominatif des substantifs neutres, cet s n’estpas le signe du nominatif, mais il appartient à la racine, comme dans opus, genus , yÉvos, uévos, elc.; puis la comparaison des langues nous apprend que ls entre deux voyelles s'omet en grec et se change en r en latin ; par exemple, YÉvos » gén. YEvOus, contracté de Yéve06, au lieu de 7évec0ç; en latin genus, generis, au lieu de genesis; la grammaire comparée po- serait donc ainsi la règle citée : les substantifs latins en us qui suivent la troisième déclinaison, sont du genre neutre si ls du nominatif ap- partient à la racine , ce qu’on voit quand ils gardent l’s au génitif sous la forme de l’r; au contraire ils sont du genre féminin quand ls n’est ‘que le signe du nominatif et par conséquent se perd dans les autres cas; voilà la règle non-seulement plus juste, mais aussi beaucoup plus simple. L'influence quelaphilologiecomparéea exercée sur le système des conju- gaisons grecque etlatine, non moins importante, estle principequ'iln'existe aucune lettre insignifiante une foisreconnu et adopté, on a remarqué que les terminaisons des trois personnes #, $, { (par exemple amem, ames, amet , &ui, Ebc, écti) ne sont autre chose que les racines des pronoms per- sonnels 1€, 6€, Te (racines du pronom démonstratif +0 et des formes la- tines tum, tam , talis, etc.). Dans leslangues anciennes, appelées à cause de cela des langues synthétiques, ils sont annexés à la racine, tandis que dans les langues modernes ou analytiques on les fait précéder séparément H A .. / A . le verbe. Le passif s'exprime de la même maniére: TUTTOUAL = TUTTU ue, TÜmTn, né de TÜnTeout = TÜnT-6e, TÜntetat.= tÜnt-te (Ë), ete.; de même en latin, quoique dans cetie langue, comme en russe et dans quelques autres langues, une seule forme , c’est-à-dire la forme de la troi- sième personne (se), ait été employée pour toutes les trois personnes; par exemple , amor est né de amo-se (pour me), amaris, de amas-se , etc. On voit donc que le passif, dans son origine, n’est autrechose que le medium des Grecs , et que amor proprement signifie je m'aime , c'est-à-dire je me trouve en amour; amalur, il s'aime, comme on dit en français il se vend —venditur; en espagnol, la virtud se ama (amatur) por los hombres. Le sens primitif du passif étant reconnu , l’on voit bientôt ce que veulent dire les verbes qu’on nomme en latin verba deponentia, expression for- mée par la grammaire expérimentale, mais qui est tout à fait fausse et ne signifie proprement rien; on est accoutumé à l'expliquer de cette manière : les verba deponentia sont les verbes qui déposent le sens du passif, quoi- qu'ils en aient la forme; la grammaire comparée, au contraire, dit que des verbes qu'on nomme verba deponentia sont la même chose que les verba media en grec, c'est-à-dire ce sont des verbes réfléchis; par exemple, lœætor signifie je me réjouis; ulor, je me sers; polior, je m'empare, ete. ; elle montre que dans la langue ancienne ils ont été employés aussi comme des verbes actifs, mais que plus tard l'actif s’est perdu. De plus, la philologie comparée a fait voir que non-seulement les ter- minaisons des personnes, mais aussi celles des temps ont leur propre si- gnification, et que par conséquent presque tous les temps qu'on a crus autrefois simples sont composés. On a trouvé, par exemple , qu’en latin amabam est composé avec la racine sanscrite bhu, qui signifie étre (en DE LA CINQUIÈME SECTION. 521 grec QUELV , en latin fo-re), ainsi proprement je fus en amour ; de même amavi est né de ama-fui; en grec, la lettre caractéristique de l’aoriste, 6, s'explique de la racine êç, être (esse, out): le 6 du futur est analogue à la forme sanscrite syämi , c'est-à-dire je vais étre (s —être, yumi—je vais) ; en allemand, ich suchte, dans la langue ancienne sôki-da, signifie pro- prement ich that suchen, je fis chercher, en anglais I did seek ; en fran- Çais, j'aimerai veut dire j'ai à aimer; enfin, en espagnol, estuve, tuve, etc., sont composés de est-hube (stare habui), ten-hube (tenère ha- bui), etc. Avant les recherches ingénieuses que M. Bopp (qui a été suivi par M. Polt et d’autres savants) a faites sur la langue sanscrite et sur son rapport avec les langues grecque et latine, la formation des temps et des personnes était enveloppée d’une nuit profonde. En grec, enlatin, en allemand, il y aun grand nombre de vérbesquel’on croyait autrefois irréguliers, parce qu'ils s'écartaient des règles qu’on avait fixées avant d’avoir une juste idée de la langue. La philologie com- parée a rendu trés-claires toutes ces irrégularités spécieuses ; car elle dis- tingue deux espèces de conjugaisons, dont l’une, qui est la plus an cienne forme les temps par la permutation de la voyelle radicale; l’autre, à l’aide de verbes auxiliaires , qu’elle annexe à la racine. Nous avons déjà indiqué auparavant les noms que leur ont donnés les grammairiens allemands . la première a été nommée die starke , la dernière die schwache Abwande- lung, conjugaison forte et conjugaison faible, expressions dérivées de ce qu'il faut, pour ainsi dire, une certaine valeur pour changer la voyelle radicale, et que c’est au contraire un signe de faiblesse que d'être obligé de recourir à des verbes auxiliaires. De même si l’on distingue ces deux sortes de conjugaïson dans les langues romanes, il n’y reste plus de verbes irréguliers. Tandis que nous devons à la philologie comparée une vue plus juste du langage en général, et que dans les grammaires grecque et latine en par- ticulier elle a produit une phonologie et causé un changement entier et une rectification complète du système de la formation et de la dérivation des mots, et une juste application des inflexions grammaticales, la syn- taxe au Contraire n’y a gagné jusqu’à présent que médiatement. Une syn- taxe fixée dans la grammaire sanscrite n’aurait sans doute pas une in- fluence importante sur les syntaxes grecque et latine. Cependant le fruit que la syntaxe a tiré médiatement de la philologie comparée est assez grand, parce qu’on a appris à réfléchir sur les causes des phénomènes et qu’on à mieux connu l’origine et le sens primitif des formes gramma- ticales, ce qui doit en éclaircir essentiellement l'emploi. Par exemple, c'est la philologie comparée seule qui a jeté du jour sur l’emploi et la signification des cas, des prépositions, des modes, des verbes, etc. ; c’est elle qui a engagé M. Becker à changer entièrement la syntaxe de la grammaire allemande, changement qui a été imité par M. Kühner pour la grammaire grecque. Sans doute le systéme de M. Becker a beau- coup de mérites, quoique je ne sois pas tout à fait d'accord avec lui: mais je m’écarterais trop de la question proposée en discutant sur ce point. La philologie comparée donne une histoire complète de la langue, parce qu’elle nous engage à réfléchir sur les formes les plus anciennes et à en poursuivre le développement graduel. La langue étant l'expression IT, 21 522 MÉMOIRES immédiate du génie d'une nation, nous acquérons en même temps une histoire infaillible du développement intellectuel de celle-ci. La dériva- tion des mots nous fait connaître en même temps les rapports extérieurs qui ont existé ou qui existent encore entre les peuples. Autrefois on a cru que la langue latine était la fille de la langue mére grecque, car on dérivait une quantité de mots latins du dialecte éolien; la philologie com- parée a montré au contraire que l’une est la sœur de l’autre, et que toutes les deux, ainsi que les langues germaniques, slawes, celtiques, ont tiré leur origine d’une seule langue mére inconnue à présent, mais qui a été parlée autrefois en Asie. Il est facile de voir que de telles découvertes ont une influence immense sur l’histoire universelle; car lorsque nous ne connaissons même aucun fait historique d’une certaine époque, c’est en- core la langue qui nous révèle en partie la liaison et la filiation des peu- ples. Autrefois on ne soupconnait pas que la langue grecque fût née en Asie; on la croyait indépendante de toute autre langue. L'opinion que la langue grecque venait de l'Asie une fois fixée, il faut croire aussi que le peuple en a rapporté avec lui des mœurs, des idées, des usages, des vues religieuses; de manière qu'outre l’histoire, la mythologie, l'archéologie et d’autres sciences obtiennent également de la philologie comparée, et d’une manière médiate, des résultats précieux. De même aussi la philologie comparée a donné lieu à l'étude plus exacte des dialectes anciens de la Gréceet de l'Italie, dialectes dont l’éclair- cissement est très-important, et pour la connaissance des langues princi- pales et pour l’histoire ancienne. Tandis que l'étude des langues grecque, latine et allemande à fait des progrès immenses par la philologie comparée , les langues modernes, principalement les langues romanes n'en ont tiré jusqu'ici que peu de profit, parce qu’on nourrit toujours encore le préjugé qu’elles ne sont que des mutilations de la langue latine, quoique la grammaire comparée et philosophique prouve qu'elles en sont plutôt des perfectionnements. Jusqu'ici il n’y a que peu de savants qui s’en soient occupés d’une ma- niére vraiment scientifique. M. Raynouard a le mérite d’avoir été le pre- mier qui ait comparé les langues de l’Europe latine ; mais le premier qui les ait traitées scientifiquement, c’est M. Fr. Diez, dans son excellente Grammaire des langues romanes ; M. Ampère s’est fondé sur ces recherches et les a communiquées aux Français. Moi aussi j'ai essayé dans mon livre sur les langues romanes (Beitræge zur Erforschung der romanischen Sprachen; erster Band, Berlin 1840) d'expliquer les irrégularités spé- cieuses des verbes romanes par l’acception d’une conjugaison forte et d’une conjugaison faible. Dans le même livre j'ai expliqué grammatica- lement tous les dialectes les plus importants de l'Espagne, de l'Italie et de la France. Si j'ai réussi à contribuer quelque peu à la grammaire scien- tifique des langues romanes , je ne le dois qu’à la philologie comparée, qui m’a porté d’abord aux langues classiques et qui m’a renvoyé de là aux langues romanes plus parfaites, à ce qu’il me semble , que la langue la- tine. Car je n’hésite pas à répéter ce que j'ai déclaré déjà dans ce même livre et exposé plus en détail dans un petit mémoire , dont il me sera peut-être permis de vous communiquer plus tard un extrait, que les lan- gues romanes ne sont pas proprement les filles de la langue mêére latine (à moins qu'on ne voulüt nommer aussi la langue française de nos jours ES DE LA CINQUIÈME SECTION: 525 la fille de la langue française du dix-huitiéme siècle, et ainsi de suite), mais qu'elles sont plutôt la langue latine elle-même , mais la langue, pour ainsi dire, adulte, continuée, plus développée , parfaite. Je crois donc absolument nécessaire que pour approfondir la langue latine, il faut la suivre dans toutes ses périodes, depuis son enfance, où elle venait de se séparer de ses sœurs sanscrite, grecque, gothique, slave, jusque dans son âge mûr , où elle se présente indépendante, semblable à un bel arbre qui étend ses branches sur une belle et grande partie de l'Europe. De même en étudiant la langue grecque ancienne, il faut avoir égard à la langue. Sans doute nous ne recueillerons les plus beaux fruits de la phi- lologie comparée que lorsqu'elle se sera étendue non-seulement sur toutes les langues principales, mais aussi sur tous les dialectes de l'Europe; les eforts qu’on fait partout pour atteindre ce but, nous font espérer que nous n’en sommes plus trés-éloignés. p 24. 524 MÉMOIRES e MÉMOIRE SUR LA PREMIÈRE QUESTION DE PHILOLOGIE DU PROGRAMME DE LA CINQUIÈME SECTION : Exposer et apprécier les idées de Platon et d'Aristote sur l'origine et la nature du langage. PAR M. LE DOCTEUR E. A. LEWALD, Professeur en théologie à l'université de Heïdelberg. Les idées de Platon sur cet intéressant sujét sont contenues dans son ‘Cratyle. Pour les développer en détail , il faudrait tracer le plan et donner une analyse complète de ce dialogue, dans lequel le sérieux et l'ironie sont mélés d'une manière étrange, et qui fait deviner plutôt le but de son auteur qu'il ne le fait connaître distinctement. Pour nous, il nous suffira d’en donner une esquisse succincte, propre à faire connaître la partie essentielle et saillante de la manière de voir de ce philosophe. Dans le début de l'ouvrage, Socrate s'élève contre l'opinion assez géné- ralement répandue que l'usage des mots est une chose purement conven- tionnelle et arbitraire, et qu’il n'existe aucun rapport intime et nécessaire entre les termes et les objets mêmes qu’ils doivent représenter ; que leur signification n’est fixée que par l’ordre établi dans la société ou par l'ha- bitude; et que, par conséquent, chaque mot , considéré en lui-même et non eu égard à la manière de voir communément adoptée, pourrait être attribué à d’autres objets tout aussi bien qu’à ceux qu'il désigne réelle- ment. Cette opinion, directement opposée à celle de Cratyle, sectateur d'Héraclite, fut adoptée, à ce qu'il paraît, et défendue , à l’époque où vi- vait Platon, par quelques Socraticiens dégénérés, qui la confondaient avec ce que Protagoras et d’autres argumentateurs sophistiques avaient avancé sur les limites qui restreignent la connaissance des choses elles- mêmes. Pour combattre ces adversaires, notre philosophe remonte à la source de toute certitude des connaissances humaines, en confirmant d’abord et posant en fait la vérité des impressions que nous recevons des objets. Il nie que les êtres n'aient qu’une existence relative à l’individu qui les considère, ou que l’homme soit la mesure de toutes choses, comme dit Protagoras. Au contraire, il lui paraît évident que les choses ont en elles-mêmes une réalité constante, et qu’elles ne varient pas au gré de notre maniére de voir. Il s'ensuit, à son avis, que le nom qu’on veut donner à une chose doit être convenable à sa nature; il regarde ce nom comme un instrument d'enseignement qui sert à distinguer l'essence de l'objet. L'institution des noms, observe-t-il, n’est donc pas l'ouvrage du premier venu, mais elle est l’objet d’un art exercé par le fondateur des usages, c’est-à-dire le législateur, et soumis à la direction du dialecticien ou de l’homme qui sait interroger et répondre. Pour constituer des noms suivant les règles de l’art, on doit s'attacher à l'observation de la nature des objets; il faut savoir trouver le nom propre à chaque chose, le mot le plus apte à en exprimer le caractère. En réponse à cette exposition de Socrate, Hermogène, son interlocuteur, lui demande en quoi donc con- DE LA CINQUIÈME SECTION. 325 siste cette propriété du nom qu’il prétend exister dans la nature. C’est là le point le plus important de toute la question et en même temps celui qui présente le plus de difficultés. Socrate entre en matiére et répond par un développement assez long et assez compliqué. On était déjà convenu précédemment que l'inventeur des noms peut faire indifféremment partie de toute nation, et qu’il lui suffit d’approprier convenablement à chaque chose l’idée du nom, quelles que soient les syllabes qu'il emploie, il n'en vaudra ni plus ni moins, qu'il soit Grec ou Barbare. Dés lors on fait men- tion des noms synonymes qui paraissent souvent dans la même langue, et l’on en déduit que la valeur d’un nom peut être exprimée de plusieurs manières , et quelquefois même par des lettres tout à fait différentes , sans que le connaisseur s’en trouve embarrassé. Les noms d’Astyanax et d’'Hec- tor, dont la signification étymologique est à peu près la même, en four- nissent, entre autres , l'exemple. Depuis, on s'occupe un peu plus en dé- tail des noms des hommes et des héros demi-dieux ; on abandonne pour- tant bientôt ce genre de noms, en faisant la juste observation qu’ils sont, en grande partie , purement héréditaires , et souvént ne conviennent nul- lement à ceux qui les ont reçus; qu’il y en a aussi une quantité qui sont donnés par forme de vœu , et qu’il faut supposer plutôt que les noms vérita- blement propres se trouveront surtout parmi ceux qui se rapportent aux choses éternelles et à la nature, parce qu’ils ont dû être créés avec unsoin particulier. On s'applique donc spécialement à l'examen des noms quiren- trent dans cette derniére classe, etcommençant, comme ilconvient, par les dieux, on cherche à se rendre raison de la signification originaire de ce nom dieux, Oct, qui leur est commun. De là, en descendant par de- grés, on parvient aux autres classes d'êtres, et l'on essaye de débrouiller le. sens primitif des mots démon , héros, homme, âme , corps. Aprés cela les noms individuels des divinités, dont Socrate n’entreprend l'analyse qu'avec une crainte respectueuse , donnent lieu à de savantes explications ou à des jeux de mots ingénieux. Ce qu’il y a de plus essentiel dans cette discussion, et ce qui a le plus de rapport au sujet-du dialogue, c'est le passage suivant : «Il me semble m’apercevoir qu'Héraclite, en traitant de certaines doctrines antiques, s’est rencontré sur Cronos et Rhéa avec Homére. Héraclite dit que tout passe, que rien ne subsiste; et comparant au cours d’un fleuve les choses de ce monde : Jamais, dit-il, vous ne pourrez entrer deux fois dans le même fleuve. Et quelle autre opinion pourras-tu attribuer à celui qui a placé en tête de la généalogie des dieux Rhéa et Cronos? Crois-tu que c’est au hasard qu’il leur a donné à tous deux des noms de courants?» etc. Ce passage est, pour ainsi dire, le pré- lude de ce que Socrate avance un peu plus tard, où il s’agit d'expliquer les noms qui se rapportent à la vertu, tels que sagesse, intelligence , jus- tice, et de définir ce qu’il peut y avoir de conforme à la nature dans ces beaux noms. Socrate sait éclaircir chacun de ces mots d’une telle maniére que l’acception s’en accorde avec l’idée que tous les êtres sont dans un mouvement , un flux, un reflux continuel. Par exemple , le motppovnotc, selon lui, est composé de popäc xæt 6oÙ vénots , ce qui veut dire: l’'intelli- gence de la mobilité des choses et de leur flux continuel; xd ÔtxaLov dé- rive du participe à tœiov , et signifie : le principe qui parcourt l'univers et gouverne toutes choses en les traversant dans leur mouvement. Il faut avouer que les étymologies, qui sont prodiguées en grand nombre ici, 526 MÉMOIRES comme partout dans le dialogue, ont pour la plupart peu de fonde- ment, et sont tout simplement des jeux d'esprit ou des produits de l’ima- gination. Aussi le philosophe ne les traite-t-il pds comme fruits de sa propre invention, et ne semble-t-il pas y attacher un trés-grand prix ; car il donne souvent au même mot deux dérivations différentes, et il en use d’ailleurs assez librement avec les syllabes, en supposant quelquefois sans scrupule qu’elles ont subi des variations, ou qu’une lettre y a été transposée, ajoutée ou retranchée par euphonie. De plus, Socrate, tout ‘en plaidantda cause de Cratyle, laisse déjà entrevoir qu’il n’est d'accord avec lui que sur le chapitre en question, et que, du reste, il n’a point du tout l'intention sérieuse d'appuyer le système d’'Héraclite, le maître de ce dernier. Il raille en passant certains philosophes qui, à force de tour- ner en tout sens dans la recherche @e la nature des choses, ont étéatteints d’un vertige qui leur a tourné la tête à eux-mêmes, et leur a fait voir tous les êtres dans un mouvement perpétuel, puisqu'ils ne sesont guëre avisés d'aller chercher dans leur disposition intérieure l'explication de leur ma- niére d'entendre. Cependant les idées de Socrate se rattachent pour le moment à ce système, de sorte que les noms qui désignent le mouvement et, ce qui lui est opposé, l’action d'arrêter et de retenir, paraissent ici comme mots primitifs, qui ne dérivent d'aucun autre. A l’égardges noms primitifs en général, il prétend que nommer les choses comme il faut, ce n’est pas seulement imiter par la voix les qualités des objets, telles que le son, la couleur ou la forme qui leur est propre, mais qu’il y a plutôt de la différence sous ce rapport entre l’art du musicien et du peintre et l’art de forger des noms, et qu’un nom n'est juste et bien choisi que quand, au moyen de syllabes et de lettres, il fait connaître l'essence même de la chose qu’il doit imiter. C’est là une distinction remarquable et qui porte l'empreinte de l'idéologie platonique. Quant à l’imitation de l’essencé des choses par des lettres et des syllabes, Socrate avoue que cette supposition peut sembler ridicule , mais il la croit indispensable, à moins que nous ne fassions comme les auteurs des tragédies qui ont recours, lorsqu'ils sont dans l'embarras, aux machines de théâtre, et font apparaître les dieux , et que nous ne nous tirions d'affaire en alléguant que ce sont les dieux eux- mêmes qui ont institué les premiers noms, et que par conséquent ces noms sont convenables. IL expose donc ses conjectures sur ce sujet, bien qu’elles lui paraissent à lui-même téméraires et bizarres. Dans la lettre p il voit l'instrument propre à l'expression de toute espèce de mouvement, parce que c’est la lettre qui oblige la langue à se mouvoir et à vibrer le plus rapidement; la lettre t, selon lui, convient à tout ce qui est fin, sub- til et capable de pénétrer les autres choses ; et c’est pour cette raison que l'auteur des noms l’a employée dans les mots tévat et sc0at. Il s’est trouvé également dans la pression que les lettres à et + font éprouver à la langue quelque chose de trés-convenable à limitation de ce qui lie ou arrête, decuwos, ctdctc. Dans l'articulation du À, la langue glisse; voila pourquoi cette lettre est entrée dans les mots Àsiov, 6AioÜatveiv. Et ainsi de suite. Lorsqu'on est parvenu à ce point, le discours prend une autre tournure. Socrate, dés ce moment, n'a plus à faire avec Hermogène, qui paraît avoir quitté son opinion première pour se ranger à celle que que son ami a su lui faire partager : mais il discute avec Cratyle, et fait voir en quoi l'opinion de celui-ci ne concorde pas avec la sienne. D'abord il conteste DE LA CINQUIÈME SECTION. 521 Vassertion paradoxale , établie par Cratyle, qu'il n'existe partout que des noms bien constitués, de sorte que nommer mal une chose ou parler faux, ce ne serait que faire du bruit, que battre l'air inutilement sans rien dire. Après avoir ainsi frayé un chemin qui pourra conduire à un éclaircisse- ment mutuel entre eux , il revient à ce qu'il avait précédemment avancé lui-même au sujet du caractère et de la valeur de certaines lettres; et, en examinant cela de plus prés, il cite des exemples de composition qui, loin d'être conformes à-ceux qu'il venait d’alléguer, présentent lesdites léttres sous des rapports tout à fait différents des premiers, en sorte qu'elles ne désignent pas ici ce qu’elles imitent naturellement, mais ce qui leur est dissemblable. Le À employé dans le mot 6xÀnpôc, cxAnp9tn6, est un de ces exemples. Cette remarque surprenante fait balancer Cratyle dans son opinion , et il ne peut s'empêcher de reconnaître malgré lui que l'usage et la convention ne manquent pas d’avoir quelque part au choix des ter- mes dont nous nous servons pour exprimer nos pensées d’une manière compréhensible. Ceci est constaté d’ailleurs par l'exemple des noms de nombre: car où trouverait-on pour chaque nombre un nom ressemblant, et quel en serait le terme propre si l’on ne s’en rapportait un peu à ce qu’on a concerté et à ce dont on est convenu? En conservant cepen- dant la règle que les noms qui imitent leurs objets , soit en totalité, soit par la plupart des lettres, seront les mieux composés, Cratyle attribue aux noms en général la vertu d'enseigner, et croit qu'on-peut dire sans restriction que quiconque sait les noms, connaît aussi les choses. En ré- ponse à cette observation , Socrate lui fait remarquer que nous n’osons pas toujours nous fier aux noms, qui ne sont justes qu’en tant que celui qui les a composés aura préalablement bien conçu les objets qu'ils doivent faire connaître; et que, par conséquent, si quelqu'un , dans la recherche de la nature des choses , ne prenait d'autre guide que les noms, il courrait grand risque de se tromper. Socrate lui-même , dans son discours précé- dent , avait relevé l’analogie et la tendance commune d’une quantité de noms : mais en discutant cela de nouveau , il n'y trouve pas une preuve suffisante de leur justesse, puisqu'ils pourraient être tous parfaitement d'accord entre eux et néanmoins sortir d’un faux principe. Au reste, il doute qu’il existe réellement une aussi parfaite harmonie entre les noms, et, pour défendre cette opinion, il en allègue quelques-uns qui, au lieu de représenter les choses comme livrées à un mouvement continuel, les font paraître plutôt stables et immobiles. Par exemple, le mot ÉmioTAUn , quoiqu'il l’eût expliqué tout à l'heure dans un sens analogue à la doctrine d'Héraclite, lui semble exprimer plutôt l'arrêt de l’âme sur les choses que son mouvement de concert avec elles, etc. Or, il voit s'élever une guerre civile entre les noms que chaque parti, avec autant de raison que l'autre, prétendra être les seuls légitimes. La connaissance préalable des choses, poursuit-il, nécessaire pour pouvoir leur donner des noms, et surtout pour établir les mots primitifs, ne peut être acquise par les créa- teurs de ces noms au moyen de quelques autres noms, puisqu'il n’y en avait pas encore partout. Il faut donc chercher, hors des noms, quelque autre principe qui, en nous enseignant la vérité des choses, nous fasse connaître sans le secours des noms quels sont les véritables, ceux qui se rattachent à la première des deux doctrines ci-dessus mentionnées, ou ceux qui se rattachent à la seconde. S'il en est ainsi, il est possible d'ac- 528 MÉMOIRES quérir sans les noms la connaissance des choses. Et par quel moyen croi- rait-on pouvoir arriver à cette connaissance, si ce n'est par le moyen le plus naturel et le plus raisonnable, savoir en étudiant les choses dans leurs rapports mutuels, lorsqu'elles sont de la même famille, et les choses en elles-mêmes ? Celte espèce de connaissance est sans comparaison plus belle et plus sûre que celle que l’on peut acquérir par les noms ; si toute- fois il ne vaut pas mieux demander d’abord à l’image si elle est fidéle , et rechercher ensuite quelle vérité elle représente, que de demander à la vérité ce qu'elle est en elle-même et de s'assurer après si l’image y ré- pond. Cratyle se trouvant assez disposé à se laisser convaincre de cela, Socrate se contente de l'avoir ramené à cet aveu, et ne cherche pas pour le moment à définir le mode pour apprendre ou pour trouver ce que sont les choses en elles-mêmes. Il lui fait pourtant apercevoir à la fin du dia- logue que la supposition d’un mouvement perpétuel des choses est aussi contraire à la réalité des idées éternelles qu’elle répugne à la possibilité d’une connaissance invariable des êtres; et qu’en tout cas il n’est pas d’un homme sage de soumettre ayeuglément son âme à l'empire des mots. Tel est l’abrégé de ce dialogue : pour en apprécier le contenu en peu de mots, il faut reconnaître d’abord que le principe qu'il fait prévaloir dans les noms, l’idée d’une analogie intime entre eux et leurs objets, a plus rapport à l’état de perfectionnement successif qu’à la premiére ori- gine du langage. Depuis on a bien vu que la restriction à laquelle ce principe, dans son application, doit être soumis suivant le précepte du der- nier discours, est posée, il est vrai , généralement, et soutenue par quel- ques preuves incontestables, mais que la raison n’en est pas clairement : démontrée. Aussi la tâche difficile de tout le dialogue n'est-elle pas ter- minée : il contient à la fin l’aveu formel d’être bien loin d'avoir épuisé son sujet. Ses parties les plus faibles sont les étymologies des mots grecs, pour ne pas parler de quelques indications très-superficielles qui s’y trou- vent sur la connexité des différentes langues entre elles, et sur l'influence que l’une d’elles peut avoir eue sur l’autre. Nonobstant tous ces défauts, dus en partie à l’imperfection des connaissances philologiques ou à la tendance tant soit peu sophistique du siècle, cet ouvrage renferme-des idées fécondes et lumineuses, dignes du beau génie de son auteur. Il y a surtout de la vérité et de la profondeur dans ce qu'il dit sur la manière exacte dont les objets doivent être représentés essentiellement par le lan- gage; du travail que le dialecticien doit mettre à perfectionner ce der- nier, et de la connaissance des choses nécessairement antérieure à leur dénomination. Comme, d’une part, il ne veut pas livrer l’origine des mots au hasard ou à une convention entiérement arbitraire, d'autre part il est tout aussi peu enclin à donner dans le système directement opposé, qui les soustrait au choix libre , guidé par la réflexion, pour les rendre l’objet d’une certaine nécessité, en niant que d’autres noms que les vrais soient possibles, Aprés ces diverses observations, venons-en à Aristote, dont l'opinion paraît assez différer de celle de Platon, pour que l’on puisse y remarquer la différence générale entre la direction d'esprit et le caractère intellectuel de ces deux penseurs les plus distingués de l'antiquité. Aristote, dans les quatre premiers chapitres de son Trailé sur l'interprétation, ne s'occupe de cette matière qu’en passant, pour rendre compte de ce qui fait partie DE LA CINQUIÈME SECTION. 329 de l’énonciation ou de la proposition simple dans la logique. Sans cher- cher à découvrir une analogie qui puisse exister entre les sons et les choses signifiées, il se contente d'observer que les mots sont significatifs, xurà ouvôxnv, ce qui veut dire qu’ils ont acquistun certain sens par le con- sentement des hommes. Les sons de la voix, dit-il, sont les signes ou in- terprétes de ce qui se passe dans l’âme, comme les lettres écrites sont les signes des sons de la voix. Mais dans les sons significatifs, comme dans leurs représentants, les caractères de l'alphabet, il ne se trouve pas une conformité d'usage adoptée généralement parmi les peuples , quoique les impressions et les conceptions de l’âme , désignées par les sons de la voix, soient les mêmes partout, ainsi que les objets dont ces impressions et ces conceptions offrent l'image. Or, tous les noms ont leur valeur par con- venance depuis qu’on en a fait les signes de certaines choses; et il n’y en a aucun qui soit introduit par la nature ou qui appartienne originaire- ment à son sujet. Il est remarquable qu’Aristote le regarde comme une propriété essentielle du langage, dont l’homme seul possède la vertu, que les significations des sons y soient établies spontanément et d’une maniére positive; et qu’il n’attribue à la nature que les sons inarticulés des animaux , non capables de former un nom, quoiqu'ils indiquent quel- que chose, savoir un appétit ou un mouvement d'instinct quel qu'il soit. Ce philosophe n’est dont guëre d'accord ‘avec quelques penseurs mo- dernes qui supposent que le cri de la nature, arraché par les sensations physiques, soit la base du langage de l’homme, supposition que Herder a assez clairement réfutée. Ainsi donc, d’après ce que nous venons d’ex- poser, le discours ou la phrase entière n’a, selon Aristote, de même que le nom et le verbe, qu'une signification conventionnelle, et ne doit par conséquent pas être considérée comme l’orgänon, l'instrument naturel qui sert à exprimer une pensée. Cette propriété instrumentale est réservée par lui aux organes corporels des sons, dont les qualités physiologiques l'occupent spécialement dans le quatrième livre de son Histoire des ani- maux, eten d’autres endroits où il traite aussi de la délicatesse des organes constituant la bouche de l’homme (voy. De partib. animal. liv. 2 et 3). Tout ceci est un reflet de son esprit : tout habitué qu’il est à manier les plus subtiles abstractions , il est disposé plutôt à se baser sur l’expé- rience et à se borner à ce qui est clair et positif, qu’à se perdre dans le vague de l’idéalisme ; mais par cette même tendance il est porté quelque- fois à ne pas s’élancer à pleines voiles dans la vaste mer de la spéculation pour en éviter les écueils. Platon, qui en ce cas n’a pas mesuré ses pas avec autant de circonspection que son disciple, malgré tous les détours de’sa dialectique, a su saisir le point principal de la question d’une ma- nière plus pénétrante. Cette remarque a été faite avec raison par Proclus, dans ses Scolies sur le Cratyle, quoique ce néoplatonicien ait grand tort d'attribuer à Aristote l'opinion absurde que le nom soit entièrement l’ou- vrage des organes physiques. Nous terminerons donc cette dissertation par les mots suivants, empruntés à J. J. Rousseau : «Si les hommes ont «eu besoin de la parole pour apprendre à penser, il ont eu bien plus besoin «encore de sayoir penser pour trouver l’art de la parole : e{ quand on «comprendrait comment les sons de la voix ont été pris pour les inter- «prètes conventionnels de nos idées , il resterait toujours à savoir quels «ont pu être les interprètes mêmes de cette convention pour les idées. » 550 MÉMOIRES BEMERKUNGEN ÜBER DIE DREIZEHNTE FRAGE DES PROGRAMMES DER FÜNFTEN SECTION, VON DOCTOR CHR. BÆHR, Grosherz. Bad. Hofrath, Professor und Oberbibliothekar der Universitæt Heïdelberg (r). Die Vite des Cornelius Nepos , ein seit Jahrhunderten in allen Bildungs- anstalten eingeführtesSchulbuch, erschienen, bekanntlich, zuerst gedruckt im fünfzehnten Jabhrhundert, unter dem Namen des Æmilius Probus, an dessen Stelle ein Jahrhundert später der des Cornelius Nepos gesetzt ward. Keine einzige Handschrift ist bis jetzt gefunden worden , welche den Na- men des Cornelius an die Spitze dieser Vitæ stellt, mit Ausnahme der Vita Catonis und der Vita Attici, welche unbezweifelt, nach äussern und innern Zeugnissen, für das Werk des ältern Cornelius anzusehen sind; alle Codd. nennen den Æmilius Probus , der in einem in mehreren Codd. befindlichen Vorwort geradezu diese Vitæ als sein Werk (opus) aus- gibt, das er dem Kaiser Theodosius dem Grossen überreicht, wodurch er sich als dessen Zeitgenossen, also in der letzten Hälfte des vierten Jahrhunderts, bezeichnet. Erst im neunzebhnten Jahrhundert nahm Rink die Frage von Neuem auf, indem er die alte Ansicht, dass Æmilius Probus der wahre Verfasser sey, von Neuem zu erhärten suchte. Vielfacher Widerspruch erhob sich von allen Seiten: er veranlasste eine nähere Untersuchung des in Frage stehenden Gegenstandes und allseitige genaue Beleuchtung, deren Resul- tate sich in Folgendem zusammenfassen lassen : Die Vitæ des Cornelius Nepos, in ihrer gegenwärtigen vorliegenden Gestalt, mit Ausnahme der beiden oben genannten, künnen nicht wohl für das Werk dessen angesehen werden, der die Vitæ Catonis und Attici schrieb, also des alten Cornelius Nepos , des Zeitgenossen des Cicero. Aber sie künnen auch nicht für das Machwerk elnes Schriftstellers des vierten Jahrhunderts angesehen werden : Styl und Fassung, Sprache und Ausdruck legen den entschiedensten Widerspruch ein. Dagegen kann man jenen Æmilius Probus wobl für den Concipienten balten, und in diesem Sinn diese Vitæ für sein opus gelten lassen , aber der eigentliche und wabhre Verfasser kann auch er nicht seyn; es ist glaublich und selbst wabrscheinlich, dass er die umfassenden Biogra- phien ausgezeichneter Männer des Cornelius vor sich gehabt, und wenn auch nicht in einen Auszug gebracht, doch in der Weise benutzt hat, um aus ihnen die uns erhaltenen kurzen Biographien zu fertigen. Er mag sich dabei môglichst in Inhalt und Form an sein Original gehalten haben , aber die ganze Zusammensetzung , die Bildung der Periode , der abgeris- sene Vortrag, manche einzelne Flecken der spätern Latinität zeigen , dass wir kein Originalwerk vor uns haben, wohl aber ein nach einem ältern Original, zum Schulgebrauch gefertigtes, und an dieses Original, mil Beibehaltung der Worte desselben, so weit als immer môglich, sich an- schliessendes Werk aus dem Ende: des vierten Jahrhunderts, für dessen Nützlichkeit und Brauchbarkeit seine Einführung auf Schulen und sein Gebrauch Jahrhunderte lang das beste Zeugniss abgibt. {1} Voyez l'analyse de cette note , t. 1, p. 569 DE LA CINQUIÈME SECTION. 29: MÉMOIRE SUR LA BATAILLE D’ARGENTORAT GAGNÉE PAR JULIEN-L'APOSTAT SUR LES GERMAINS, EN RÉPONSE A LA SECONDE QUESTION DU PROGRAMME D'HISTOIRE : Désigner, à l’aide des auteurs contemporains, l'emplacement ou s'est livrée, près de Strasbourg, la bataille de Julien-l'Apostat contre les Allemands. PAR M. L SPACH, Archiviste du département du Bas-Rhin. La question relative au champ de bataille où Julien-l'Apostat défit les Germains , a élé témérairement posée ; il vaut mieux en convenir dés le début. Ce n’est pas à dire pourtant que les auteurs contemporains qui parlent de cette mémorable rencontre soient en très-petit nombre; Am- mien Marcellin , Eutrope, Aurelius Victor, Libanius , Zozime, Socrate l'historien ecclésiastique, Sozomène , l’empereur Julien lui-même racon- tent ou mentionnent la défaite des hordes barbares prés de Strasbourg. Mais à l'exception d'A. Marcellin, qui consacre une partie de son sei- zième livre au récit de la bataille , tous les écrivains dont je viens de ci- ter les noms se servent de termes tellement vagues et généraux, qu'il n'y a pas moyen de circonscrire à leur aide le terrain sur lequel les deux armées se sont battues; A. Marcellin même est sous quelque rap- port d’une obscurité désespérante, quoiqu'il ait, selon toutes les proba- bilités , assisté à la bataille de Strasbourg. Mais Grec, il écrit en latin; c’est-à-dire qu’il puise dans sa langue maternelle et transporte dans la langue latine de nombreux hellénismes. Il composa d’ailleurs son ouvrage historique une vingtaine d'années plus tard; et les événements qui se pressent dans la vie de tout homme mêlé aux affaires publiques , avaient déjà obseurci dans l'esprit d'A. Marcellin les souvenirs de la campagne sur les bords du Rhin. A cette époque les historiens écrivaient de mé- moire ; il n’y avait point de bulletins rédigés le lendemain des combats. Avec les documents qui nous restent, quelque défectueux qu’ils soient, it est possible cependant de retracer dans ses principaux contours la scène de carnage qui se passa en 557 dans les environs de Strasbourg , et de déterminer approximativement, par induction , les limites au dedans des- quelles eut lieu le fameux conflit. Il ne sera point inutile de dire quelques mots sur les antécédents du gé- néral romain qui, pour la dernière fois, ramena la victoire sous les ai- gles impériales , et refoula pour quelques années encore les hordes ger- maniques dans leurs forêts sur la rive droite du Rhin. 532 MÉMOIRES Julien , le neveu du grand Constantin, n’avait point été destiné au métier des armes. La jalousie de son cousin l’empereur Constance l'avait tenu fort longtemps confiné dans un château de la Cappadoce , et rélégué plus tard dans plusieurs villes de l'Asie-Mineure et de la Grèce. Julien était un homme de science, non pas un homme de guerre; mais les fortes études trempent souvent les caractères aussi solidement que ne ferait la vie la plus active. La contrainte dans laquelle vécut constamment Julien, les dangers réels que courait sa vie, ce glaive que l’empereur tenait tou- jours suspendu sur sa tête après avoir égorgé son pére, ces haines ar- dentes contre le christianisme, religion officielle de ses persécuteurs, donnérent à l'esprit de ce jeune homme une mâle énergie, qui éclata tout à coup au grand jour lorsque les attaques répétées des peuples bar- bares aux deux extrémités opposées de l'empire de Byzance déterminé- rent Constance à confier à son jeune cousin, avec le titre de César, la défense des Gaules. C’est en 3555, à Milan, que se fit dans la fortune et la destinée de Julien ce revirement inattendu. Nourri dans la retraite de la ville de Minerve, dit À. Marcellin, il en sort guerrier. De- vant ses yeux brillaient les grandes images de Titus, de Trajan, d’Anto- nin et de Marc-Auréle; et certes, si nous tenons compte de sa carriére si agitée et si courte, des temps de détresse dans lesquels il vécut, des obs- tacles semés sur ses pas, il n’est point demeuré peut-être fort loin de ses modèles. En 356, un an avant la grande bataille de Strasbourg , nous le trouvons à Vienne, puis à Augsbourg , où il apprend que les Barbares dévastent le terrain d’Argentoratum , de Brocomagus, de Tres-Tabernæ , de Saleso, de Nemetæ, de Vangionæ, de Mogontiacum , c’est-à-dire que toute la li- siére du Rhin , depuis Strasbourg jusqu'à Mayence, est entamée. II se porte sur Brocomagus, à quatre lieues de Strasbourg , et défait une pre- miéré fois les Allémans; aprés ce succés il marche sur Cologne, qu’il ar- rache aussi aux Barbares; enfin, espérant avoir mis cette frontiéreorien- ‘tale à l'abri d’un coup de main, il va chercher des quartiers d'hiver dans la Gaule sénonaise. Je n’ai guère besoin, Messieurs, de vous prévenir que pour ces détails, et en partie pour ceux qui vont suivre, je puise dans le texte souvent obscur et confus d'A. Marcellin. Le printemps de 557, Julien marche dans le pays des Rémois ; il avait sous ses ordres Séverus, un bon général, et Barbation, qui arrivait pré- cisément d'Italie avec vingt-cinq mille hommes et prenait poste dans le pays des Rauraques, c’est-à-dire dans l'Alsace méridionale. Le but des généraux romains était de prendre les Allémans, s'ils repassaient en Gaule, comme dans une tenaille, « forcipis specie in angusliis cæderen- tur» (A. M., liv. 46, chap. 1). En effet, les Barbares aventureux passent entre les deux armées, lais- sant celle de Julien à leur droite, celle de Barbation à leur gauche ; par une pointe hardie, ils pénètrent jusqu’à Lyon, dont ils brûlent les fau- bourgs. Mais au moment de leur retraite, Julien tombe sur eux, en tue un grand nombre et refoule le reste vers Barbation. Toutes les bandes qui passent par ce rayon parviennent à s'échapper, grâce à la négligence eal- culée du tribun Cella. À la cour de Byzance on était de plus en plus mal disposé pour Julien , et, selon toutes Les probabilités , les officiers de l’ar- DE LA CINQUIÈME SECTION. 585 née de Barbation, ainsi que ce général lui-même, avaient reçu des ins- tructions formelles pour contrarier les plans du jeune César. Constance et sa cour espéraient que, peu habitué aux fatigües de la guerre ; Julien succomberait bientôt dans les Gaules. Il en fut autrement. Julien mourut jeune, il est vrai , mais aprés avoir rempli glorieusement quelques pages de l’histoire du monde , et sauvé son nom de l’oubli. Aprés cette retraite de Lyon, les Barbares occupaient les îles du Rhin, grandes et petites, le long de l'Alsace d'aujourd'hui. Du sein de ces re- paires ils lançaïent des imprécations contre Julien. De nuit et de jour on entendait leurs hurlements. Julien, pour déloger ces hordes à demi sau- vâäges, demande à Barbation les bateaux dont celui-ci disposait. Ce géné- ral, jaloux de son supérieur, trouva plus simple de mettre le feu à tout moyen de transport. L'été de 357 paraît avoir ressemblé à celui de l’année présente. Des chaleurs continues avaient presque mis à sec les petits bras du Rhin. Ju- lien profita de cette circonstance extraordinaire; il donna ordre au tribun Raïinobaüudes de passer dans les îles par les bancs de gravier, par les bas- fonds , sur les boucliers des soldats et à l’aide de quelques nacelles. Il se fit dans ces îles un grand massacre d’Allémans, hommes et femmes; puis, à l'aide de radeaux fabriqués à la hâte, le tribun Rainobaudes passa le thalweg , aborda sur la rive droite, et revint chargé d’un immense butin. Les Allémans avaient abandonné les îles capricieuses et mobiles du Rhin ; Julien pouvait croire lé repos du reste de l’armée complétement assuré. Il se tourna du côté de Tres-Tabernæ, forteresse élevée au pied des Vosges, sur l'emplacement de Saverne, pour défendre contre les in- vasions des Barbares le passage le plus facile, la dépression la plus forte de là chaîne des Vosges. De tout temps, Messieurs, la montée de Saverne a servi de grande voie de communication entre la vallée du Rhin et celles de la Meuse, de la Marne et de la Seine. Pendant le moyen âge, et durant les trois derniers siècles , les armées, les négociants, les voya- geurs ont toujours suivi cette route historique. Le même point est destiné à livrer passage au chemin de fer. Il devait en être ainsi; les peuples et les gouvernements ne choisissent pas capricieusement les lignes de né- goce et les routes stratégiques; c’est la configuration du sol qui déter- miñe l'établissement des chaussées sur lesquelles les marchandises s’é- changent et les bataillons se rencontrent. Julien, en prenant poste à Saverne et en réparant les fortifications de ce point de passage , agissait en général prudent. Avec les moissons récoltées un peu de vive force par les soldats, il approvisionna le fort pour un an et sa propre armée pour vingt jours; car son rival et surveillant, Barbation, avait mis la main sur les fourrages et les vivres récemment arrivés de l'Italie ou du midi de la France; il livra aux flammes le reste des provisions dont il n'avait pu se servir lui-même. Sur ces entrefaites, les Allémans, qu'on avait dû croire intimidés, s'étaient ralliés sous la conduite de Chnodomar, auquel vinrent se joindre six autres chefs, dont A. Marcellin rapporte les noms, en les estropiant sans doute. Rien né peut donner une idée plus exacte de ce genre de guerre , si ce n’est celle que nos troupes font en Algérie. Les Allemands du quatrième siécle étaient les Numnides du Nord. A peine battus sur un point, et dispersés comme la paille au vent, ils reparaissent quelques 354 MÉMOIRES ot jours plus tard, plus forts que la veille. La confédération, formée par Chnodomar, vint prendre pied près de Strasbourg. A. Marcellin ne dit point s’ils occupérent cette bourgade. On serait tenté de le croire en lisant la lettre de Julien aux Athéniens, que je citerai tout à l'heure, et en com- parant le passage d'A. Marcellin qui annonce leur arrivée (liv. 16, ch. 12 avec le récit du chapitre précédent, où il est question d’une défaite par- tielle, subie par le vaniteux Barbation, qui fut refoulé jusque chez les Rauraques, et s'enfuit de là vers Byzance, pour y triompher de ces mêmes ennemis auxquels il venait de livrer pour la seconde fois l'entrée des Gaules. Je vous demande pardon de ces détails; ils étaient indispensables pour expliquer la position morale et matérielle des deux armées. D'une part, nous voyons Julien occupé à terminer les fortifications de Saverne, et abandonné ou plutôt débarrassé de Barbation, mais ne s’at- tendant guëére à cette ligue -improvisée des Germains; d'autre part, ces derniers, pleins d’une aveugle confiance dans leurs forces et persuadés que Julien se tenait éloigné par peur. Leur chef Chnodomar avait détruit dans le cours de sa carrière militaire plusieurs villes gauloises ; il avait battu une armée césarienne, et se croyait sûr de remporter maintenant la victoire. La fuite de Barbation augmentait son illusion; et comme pour le confirmer dans ses rêves, un transfuge romain vint annoncer que Julien avait tout au plus treize mille hommes auprés de lui. | Pour refouler les Germains au delà du Rhin, Julien se met en route avec son infanterie, sa cavalerie légère, ses cuirassiers (cataphractarii) et ses sagittaires. Vingt et un mille pas (sept à huit lieues) le séparaient du camp barbare. Je rapporte ici le texte d'A. Marcellin; il est trop important pour que je puisse le passer sous silence : (A loco, unde romana promota sunt signa usque ad vallum barbaricum quarta leuga signabatur et de- cima ; id est, unum et vigenti millia passuum.» La voie romaine, qui de Tres-Tabernæ se dirigeait sur Argentorat, ne suivait alors ni celle de Marmoutier et Wasselonne par le Kronthal , ni celle de Stützheim par le Kochersberg; elle passait entre les deux routes, plus près cependant de la derniére, et débouchait par la Musau, entre Ittenheim et Stützheim, dans la grande route royale d'aujourd'hui. C’est par cette route, aujourd'hui en grande partie remplacée par des chemins vicinaux, que passa Julien avec le gros de son armée. Par le discours qu'il tint à ses soldats peu d'heures avant d'engager la bataille (prés de Käüttolsheim, d'après M. Schweighæuser), nous apprenons qu'un soleil brûlant avait desséché la terre, et que l’armée , marchant de grand matin jusqu'à midi, était accablée de fatigue. Le général ordonna de faire halte, de réparer les forces perdues, d'élever à la hâte un retranchement , et d'attendre jusqu'au lendemain , parce que la nuit serait privée du cJair de lune. . : A. Marcellin décrit trés-bien le terrain du Kochersberg que l’armée ve- nait de traverser. « Lassitudine nos ilineris faligatos scrupulosi tranutes excipiunt etobscuri… Terræ nullis aquarum subsidiis fultæ.….» C'est bien là cette portion de l'Alsace où de maigres filets d'eau , souvent desséchés en été, arrosent le reste de l'année quelques prairies; ce sont là ces che- mins difficiles qui, avant l'établissement des routes vicinales , rendaient la communication de village à village presque impossible en toute saison: DE LA CINQUIÈME SECTION. 339 L'armée romaine demande à grands cris le combat ; elle ne veut point de repos ; pour en finir , elle veut tomber sur les ennemis, pendant qu’ils sontencore rassemblés sur un seul point. Florentius, le préfet du prétoire, est du même avis. « Pugnandum esse, dum instarent barbari conglobati. » Quelque peu de cette confiance venait à l’armée romaine, parce qu’elle ignorait tout le danger, et qu’elle se croyait dans une position aussi favo- rable que l’année précédente; mais alors les Allémans étaient désunis ; en ce moment une douzaine de leurs chefs marchaient vers le même but. L'adjonction de Vadomar surtout était pour l’armée barbare une ressource inespérée. : “1 Tout à coup le porte-enseigne, inspiré, s’écrie: «Marche, César, toi, né sous une heureuse étoile, marche où la fortune prospére te conduit.» Alors l’armée s’ébranle de nouveau , et elle arrive prés d’une colline à pente douce , couverte de moissons, et située a peu de distance des bords du Rhin. «Prope collem adveniunt molliter editum. » Trois vedettes en- nemies, placées au haut de cette éminence ou de ce mamelon , s’enfuient à l'approche des Romains; l’une d'elles est prise et conduite devant Ju- lien, qui apprend que les Germains ont employé trois jours et trois nuits à passer le Rhin, et que leur armée était rangée non loin de là dans la plaine. Maintenant il ne s’agit que de déterminer cette colline sur laquelle étaient placées les sentinelles perdues de l’armée barbare. En examinant la carte et le terrain, en observant surtout le point où la voie romaine aboutit à la chaussée moderne, il ne peut presque plus rester de doute sur le monticule désigné par A. Marcellin. Julien a dû déboucher avec son armée par la Musau , située à deux lieues de Stras- bourg ; là, en sortant d’un chemin creux , et en arrivant sur un plateau, un peu plus élevé que la plaine dans laquelle coule le Rhin, le général romain et son armée ont dû apercevoir, sur leur gauche, la seule col- line qui interrompt ici par son ondulation la monotonie de la plaine : c’est le coteau d'Oberhausbergen. Il resterait à expliquer comment A. Mar- cellin place cette colline près du Rhin, tandis qu’elle en est éloignée de deux lieues encore. - À cela nous n’avons qu'une réponse : l'impossibilité de trouver dans les environs de notre ville, en arrivant par la voie romaine de Tres-Ta- bernæ, un autre coteau que celui de Hausbergen , à moins qu’on ne veuille donner ce nom à l’ondulation de terrain occupée par les trois villages de Schiltigheim , Bischheim et Hænheim. Mais des sentinelles placées dans cette localité n'auraient point été aperçues par une armée venue du côté de l’ouest. Autant qu'il est permis de se prononcer dans une matière aussi sujette à discussion , nous sommes d'avis de placer les avant-postes des Allémans sur la colline déjà nommée. . Au moment où, d'aprés notre hypothése, l'armée romaine s’avançait par la Musau, les Barbares, qui dés lors durent apercevoir les armures brillantes et les lances de leurs ennemis, se hâtérent de se ranger en ba- taille. La cavalerie romaine était placée à l’aile droite ; les Allémans, dés qu'ils eurent vu cette disposition, rangérent sur leur aile gauche les ca- Yaliers en les entremélant toutefois de piétons. Chnodomar et Sérapion, son neveu, commandaient l’armée ; le premier était reconnaissable au 556 MÉMOIRES loïn par une coiffe rouge; monté sur un beau coursier, il brandissait d’un bras vigoureux un immense javelot. Cinq autres rois ou chefs supérieurs, dix chefs d’un rang secondaire, beaucoup de nobles , et trente-cinq mille soldats allaient se battre sous ses ordres; c'était plus du double de l’armée romaine. A la tête de l'aile gauche de cette dernière chevauchait Sevérus, qui s'arrêta sur le bord d’un fossé, presqu’en face de l’armée ennemie , dans la crainte d’une embüche. Julien , entouré d’une garde d’honneur de deux cents hommes, parcourt en attendant les rangs de l'infanterie ; il encou- rage les uns, contient l’ardeur impétueuse.des autres , promet à tous une victoire certaine , destinée à effacer les taches dont la splendeur du nom romain avait été en dernier lieu obscurcie. Parmi les piétons allemands, un frémissement d’indignation force les chefs, qui étaient montés sur des coursiers, à mettre pied à terre. Le bruit vague d’une trahison , ce bruit avant-coureur de toutes les défaites , s'était probablement répandu dans leurs rangs; ils voulaient que leurs rois partageassent le sort de l’armée. Chnodomar saute fiérement de son cheval au moment où les deux ar- mées se prennent corps à corps. Bientôt un immense nuage de poussière s'élève dans cette plaine calcinée par un soleil dévorant, et enveloppe en un clin d'œil les Allémans et les Romains. L'arène où se décidait alors le sort des Gaules, où la placerons-nous ? et comment la circonscrire ? A. Marcellin n’en dit pas une syllabe; il ne précise rien, n’indique rien ; les historiens grecs sont encore plus vagues. Écoutez Julien lui- même dans son épître autobiographique adressée aux Athéniens : Ev rov- rois ouçav xaTa\abv eye nv L'ahatuuv, mokw te aveha6ov rnv Ayournt- vav ent T6 Pavw , too unvüv Éahoxutav mou dexx. Kat reryoc Apyevropa TAnGtoV pos Ta bmwperurs œutou tou Baupceyou — xat euayncauev…. «Aprés avoir occupé la Gaule, je repris la ville d’Agrippines, sur les bords du Rhin , qui avait été prise dix mois à peu prés auparavant (par les Germains).. et le fort d'Argentorat, situé au pied du Barsegus (Vosges), je me battis ..…...» On ne saurait être plus laconique. Il ajoute cependant : Etç üuac apixeto À TOLXUTN payn:.. «Vous avez eu connaissance de cette bataille...» Certai- nement c'est là se montrer modeste, presqu'aux dépens de l'exactitude historique. À. Marcellin donne plus de détails sur l’ensemble du combat; mais, ainsi que vous allez le juger vous-même , il nous laisse dans l'incertitude sur le champ de bataille. Sur l’aile gauche, les Romains avaient commencé par repousser les Barbares ; mais sur l’aile droite , la cavalerie se mit à fuir, et ne fut ar- rêtée que lorsqu'elle vint se heurter contre le gros des légions. Julien les ramène au combat. Le bataillon auxiliaire des Bataves vint aussi, en ce moment , au secours des légions, que les Barbares attaquaient axec plus d’ardeur après la fuite de la cavalerie romaine. Les chefs barbares pénétrérent même un instant jusqu’à la premiére légion. On se baltait toujours avec fureur ; les blessés se relevaient et luttaient à outrance. C'était un choc, bouclier contre bouclier, genou contre ge- BE LA CINQUIÈME SECTION. x 557 nou. Les Allémans y mettaient tant d'acharnement qu'on vit des hommes, qui avaient perdu la moitié de leur sang et ne pouvaient plus se soutenir debout, combattre et asséner des coups en se tenant ou sur leur séant ou agenouillés. Enfin, les Barbares, desespérant de rompre la véritable ligne de ba- taille, se prennent à fuir. (Quod voti magis quam spei fuisse falebilur quilibet tum præsens, » ajoute A. Marcellin. Les Romains, au contraire, enivrés de carnage, poursuivent les enne- mis avec ardeur. Ils remplacent leurs glaives émoussés en enlevant aux fuyards des épées et des javelots. Une grande partie des Germains meurt écrasée sous les pas des hommes et des chevaux. Les survivants ne voient plus d'autre issue que du côté du fleuve contre lequel ils étaient accolés. «Ad subsidia fluminis pelivere, quæ sola restabant, corum terga jam perstringentes. » c Julien défend à ses soldats de se précipiter dans le fleuve à la suite des fuyards, «ne hostem avidius sequens nostrorum quisquam se gurgilibus committeret vorticosis.» Alors on vit sur les bords du Rhin une scène affreuse, dans la descrip- tion de laquelle A. Marcellin semble se complaire. Il affirme aussi que les soldats romains regardaient ce spectacle, sinon avec indifférence, du moins sans émolion (sine molu), à peu près comme s'ils assistaient à un combat de gladiateurs. Quelques Germains, c’étaient les plus heureux et les mieux avisés, se servirent de leurs boucliers en guise de nacelle, et cherchérent à tromper la violence du courant en ramant en ligne oblique; d’autres flottaient à l'aventure, comme des troncs d'arbres; d’autres, dans la violence de leur désespoir, et égoïstes comme tous ceux qui vont périr, se cramponnaient aux nageurs et les entraînaient avec eux au fond des flots. «Le fleuve, dit A. Marcellin avec emphase, le fleuve écumait de sang barbare ; il changeait de couleur et s’étonnait de gonfler.» Zosime et Aurelius Victor, dans l'intention sans doute de grandir la victoire de leur héros, exagérent d’une manière fabuleuse le nombre des victimes. Le premier de ces auteurs parle de soixante mille hommes tués et de soixante mille noyés dans le Rhin, ce qui ferait, sans compter les survivants, une armée de cent vingt mille hommes opposée aux treize mille de Julien, Aurelius Victor, en parlant des morts, s’écrie : stabant acervi. La fanfaronnade est évidente; Zosime et Victor étaient païens; ils croyaient servir la gloire de Julien-l’Apostat en mentant de bonne foi, comme firent plus tard les chroniqueurs du moyen âge. Socrate, l'historien ecclésiastique, est plus sec, moins explicite; il semble, en bon chrétien, ne point trouver dans la victoire de l’empereur apostat un fait bien remarquable. Zvubahet de Ty F\NeL xat xuTa xpa- TO6 Vixe xat Tov Bacikea twv Bao6apuy aryualwrov Ax6üv, Kovotrav- sive éxepVe (il livre un combat à cette masse et remporte une éclatante victoire; quant au roi barbare qu’il avait fait prisonnier, il l’envoya à Constance). Sozoméne ne s'étend pas davantage. Libanius, au contraire, parle de vingt-huit mille morts. A. Marcellin éléve le chiffre des morts, * du côté des Barbares, à huit mille, sans compter les cadavres que le Rhin charriait dans ses flots. D’aprés cet auteur, les Romains n’auraient perdu que trois cents hommes. Cela ressemble toujours un peu aux bulletins de tous les temps et ne nous apprend rien quant au champ de bataille. II. 22 558 MÉMOIRES Nous ne pouvons procéder que par induction. La colline d'Oberhaus- bergen est bien certainement le lieu où les avant-postes barbares se trou- vaient placés. Entre ce coteau, d’une part, Strasbourg et le Rhin, de l’autre, nous sommes dans la plaine unie qui, au moyen âge et en 1815, a servi à plusieurs reprises de champ de bataille. Cette localité se trouve circonscrite par le cours de la Souffel au nord, par les coteaux à l’ouest, par le Rhin et ses embranchements à l’est, par les murs de Strasbourg au sud. Les Germains culbutés se jetérent dans le fleuve; mais où, et dans quelle direction ? | Je serais tenté de croire qu’à cette époque la Robertsau n’existait point encore, et que l'Ill se réunissait au Rhin immédiatement au-dessous des murs d’Argentorat. Peut-être aussi A. Marcellin confondait-il la rivière ®'Il avec l’un des bras du Rhin. Il me semble, en un mot, que les Germains, après que leur ligne de bataille eût été rompue, probablement sur la lisière aujourd'hui occupée par les trois villages de Schiltigheim, Bischheim et Hænheim , se précipi- térent tête baissée vers le fleuve. Je ne crois point tracer ici un tableau de fantaisie, mais la carte réelle de la bataille; du moins, dans mon hypothèse quant à l'emplacement même du conflit, j’ai pour moi l'autorité d’un savant archéologue, qui fut notre maître à beaucoup d’entre nous, et que nous regrettons de ne point voir dans ces réunions, que sa vaste érudition aurait rendues dou- blement fractueuses : M. le professeur Schweighæuser a mesuré la dis- tance à partir de Tres-Tabernæ jusque sur le champ de bataille présumable ; et il a trouvé que les vingt et un mille pas indiqués par À. Marcellin aboutissaient à Hœnheim. Aprés le combat, le roi Chnodomar, avec peu de fidéles, s’'échappa du côté de Tribunci et de Concordia, dans le pays des Tribocques, où il tenta de passer le fleuve. Mais au moment où il fit le tour d’une de ces vastes flaques d’eau que le Rhin forme souvent en dehors de sog lit prin- cipal, et qui empêchait le roi fugitif d'arriver sur les bords mêmes du fleuve, son cheval glissa; Chnodomar tombe, et se réfugie sur une pe- tite éminence couverte de bois. Ce monticule est de suite enveloppé par une cohorte romaine, et le roi barbare se rend, en marchant seul à la rencontre des soldats romains. Avec lui se rendent trois de ses amis in- times et deux cents de ses compagnons. Chnodomar, abattu, est traîné aux pieds de Julien, qui l'envoie à Rome, où l’infortuné Germain est pris du mal du pays, et meurt de langueur sur le mont Cœlius. Dans ce dernier fragment de récit, il reste encore un point géographi- que à déterminer. Quelle est la localité où Chnodomar tenta de passer le Rhin ? ] Concordia, d’après l'itinéraire d’Antonin, est placé près de Brocomagus (Brumath), ce qui donnerait une distance de quatre lieues en partant du champ de bataille. En admettant cette hypothèse, Chnodomar aurait tenté de franchir Le fleuve dans la direction de Ditlenheim et:Weyers- beim : on trouve dans ces environs des mouvements de terrain qui à la rigueur pourraient se prêter à la description de l'éminence sur laquelle le roi barbare se réfugia. D’autres antiquaires (Schæpflin et Schweighæuser) affirment que Con- DE LA CINQUIÈME SECTION. - 539 cordia correspond à Wissembourg; Tribunci, dans ce cas, pourrait être Lauterbourg (peut-être Altstadt). Dans cette hypothèse, Chnodomar aurait dressé son camp entre ces deux villes, avant de joindre le gros de l’ar- mée allemande prés de Strasbourg, et aurait cherché un refuge dans cet asile après la bataille perdue. Ce point, d’ailleurs moins important que celui du champ de bataille, ne pourra probablement jamais être décidé avec quelque certitude. Peu de mots encore sur le vainqueur lui-même. A la suite de ces mé- morables exploits, Julien, au lieu de recueillir la récompense méritée, reçut de la part des courtisans de Constance le sobriquet de Victorinus, moquerie perfide , en ce qu’elle jetait un vernis de ridicule sur les mérites réels de Julien, et semblait en faire une espèce de fanfaron qui n’avait qu’à se montrer pour voir fuir les Germains. La postérité a ratifié non point les insolentes plaisanteries de la cour de Constance, mais le jugement impartial d'A. Marcellin; elle a parlé par la bouche éloquente de Jean de Müller, qui dit de cette bataille de Julien : Er erhielt den letzten grossen Sieg rœmischer Kriegskunst über deutschen Muth. «Sous sa conduite, la tactique romaine remporta une derniére victoire sur le courage teutonique.» - 5410 MÉMOIRES EINIGE BETRACHTUNGEN ÜBER DIE FRAGE : Quel est l'élément apporté par les Barbares à la formation de la civi- lisation moderne ? M. Guizot a-t-il raison d'affirmer que c'est l'es— prit d'indépendance et de liberté individuelle ? VON Dr. J. G. LOEBELL, Professor der Geschichte an der Universitæt Bonn (1). Da eine vollständige Beantwortung dieser Frage den Stoff zu einer Abhandlung enthält, deren Grüsse weit über die Gränzen, welche einer mündlichen Mittheilung an die verehrte Section gesteckt seyn müssen, hinausgehen würde, so begnüge ich mich mit einigen allgemeinen Be- merkungen. Zuerst glaube ich die Frage in dem beschränktern Sinne fassen zu müs- sen, in welchem sie sich nur auf die Bildung der Vülker bezieht, welche aus romanischen und germanischen Bestandtheilen gemischt sind. Die rein germanisch gebliebenen Vülker, ihre Cultur und deren Entwickelung schliesse ich von dieser Betrachtung ganz aus. Denn für die rein germa- nischen Vülker müsste die Frage umgekehrt lauten, nämlich: was ver- danken wir der rümischen Cultur ? Um also von jenen Mischvôülkern zu reden, müssen wir zuerst den Charakter ins Auge fassen, den sie in dem Augenblicke hatten, wo der Zusammenstoss geschah. - Als die Deutschen das rômische Reich eroberten, waren sie das hefti- gere, ungezähmtere, kräftigere Volk, die Romanen dagegen das civili- sirtere , aber auch das an den Despotismus der rômischen Imperatoren ge- wôühnte, dadurch furchtsam gewordene , zu Hinterlist und Betrug geneigle Volk. Bald aber lernten beide Nationen von einander , so dass sie gegen- seitig das Gute wie das Schlimme von einander annahmen. Die Germanen nahmen mit der Civilisation der Romanen auch ibre Laster an; die Ro- manen erwachten zu neuer Kraft, sie gewannen das Bewusstseyn ihrer Stärke, und sie, welche sich von den Kaisern Alles hatten gefallen las- sen, die nur sebr selten und ohne Muth und Ausdauer Versuche ihr Joch abzuschütteln gemacht hatten , widersetzten sich nun , da sie Unterthanen deutscher Künige geworden waren, den Unterdrückungsversuchen der- selben nicht minder energisch, wie es die Deutschen thaten. Nicht we- niger als diese nahmen sie Theil an der Bildung jener mächtigen Adels- aristokratie, welche die Kôünige erst beschränkte, dann ihnen Gesetze vorschrieb. Eben so nahmen sie aber auch von den Deutschen den Hang zu gewaltthätiger Befriedigung ihre Lüste und Begierden an, ein Hang, (4) Voy. l'analyse développée de ce mémoire , t. I, p. 559. DE LA CINQUIÈME SECTION. 341 der sich in den Deutschen, welchen er ursprünglich fremd war, leider .wäbhrend der Jahrhunderte ausgebildet hatte, die in den Kriegen mit Rom vergiengen. Sehen wir namentlich auf Gallien, welches vorzugsweise angeführt zu werden verdient, theils weil Frankreich den entschiedensten Einfluss auf das übrige Europa geübt hat, theils weil wir von keinem andern Lande so viel specielle Fakta kennen : so erblicken wir schon in der Zeit der dritten merowingischen Generation, unter den Enkeln Chlodwigs, die grôüsste Aehnlichkeit der Richtung, des Sinnes, der Handlungsweise, der Motive bei beiden Bevôlkerungen. Der fränkische und der gallo-ro- manische Charakter sind nahe daran, vôllig in einander überzugeben. Nicht wenig unterstützt und gefôrdert wurde diese Mischung der Natio- naleisenthümlichkeiten und aller socialen Verhältnisse dadurch, dass sich die vornehmen und begüterten Romanen auch in der politischen Stellung den Deutschen immer mebr näberten. Da nun von allen Seiten der Unterschied immer mehr schwand, erlosch nach einigen Jahrhun- derten auch das Bewusstseyn desselben. Man kann annehmen, dass etwa unter Ludwig dem Frommen jede Rücksicht auf den Ursprung und jede Erinnerung an eine aus demselben abzuleitende Verschiedenheit der Ver- hältnisse aufsehôrt hatten. Die méisten Geschichtsschreiber sind freilich anderer Meinung. Sie nehmen eine durch viele Jahrhunderte fortgesetzte Verschiedenheit der beiden Hauptstämme an. Man ist sogar so weit gegangen, Erscheinungen die unsern Tagen sehr nabe liegen, aus ihr abzuleiten. Aber diese An- sicht entbehrt, nach meiner Ueberzeugung, alles wahrenhistorischen Grun- des. Die Beweise für die meinige, ihr entgegengesetzte, kann ich hier nicht mittheilen; ich habe sie aber in meinem Werke über Gregor von Tours und seine Zeit, gegeben , worin ich die Grundlinien der Entstehung aller romanisch-germanischen Verhältnisse gezeichnet habe, ein Werk, auf welches ich die Aufmerksamkeit der verehrten Versammlung um 50 mebr zu lenken wünsche , da es in Frankreich wenig oder gar nicht-be- kannt geworden zu seyn scheint, welches mich um den unschätzbaren Vortheil bringt, durch die Gelehrsamkeit, die Studien und die Einsichten der franzôsischen Forscher belehrt, so wie in meinen Vorausselzungen , wenn sie sich als fehlerhaft erweisen, berichtiget zu werden. Was nun die beiden in der Frage berübrten, von Hrn. Guizot aufge- stellten Punkte betrifft , so erlaube ich mir darüber, bei aller Achtung und Verehrung, die ich dem trefflichen und berühmten Forscher aufrichtig zolle , Folgendes zu bemerken. Der Unabhängigkeitsgeist kann nur in einem sehr beschränkten Sinne zu den neuen Elementen gerechnet werden, welche die Germanen in die Civilisation der modernen romanischen Vôlker brachten. Dieser Geist war in der Bevôülkerung der Provinzen des rômischen Kaiserreichs kei- neswess vôllig untergegangen und erloschen ; er war nur eingeschlum- mert; er durfte bei den Abkômmlingen der celtischen und iberischen Vülkerfamilien nur wieder erweckt werden, um sich gleich wieder in bedeutender Stärke zu zeigen. _ Auch der Trieb, in der Individualisirung die bürgerliche Freïheit zu suchen, ist kein erst durch die Germanen in den Lauf der Geschichte eingetretener. In der antiken Welt ist er schon mächtig und wirksam , 542 MÉMOIRES nämlich in der europäischen, im Gegensatz zum Orient, der ihn fast gar nicht kannte, noch auch heut zu Tage kennt , und eben daher in der Ent- wickelung der Freiheit so sehr zurückbleibt. -Vollkommen richtig aber ist, dass dieser Individualisirungstrieb durch die Germanen nicht nur neue Stärke gewann, sondern auch dass er bei ibnen viel ausgebildeter war, als in der antiken Welt, und durch sie in dieser Steigerung in die moderne gebracht wurde. Denn im klassischen Alterthum, vornehmlich in Griechenland , war es die einzelne Stadt, die Ortschaft, welche ein individuelles politisches Leben , ein Leben für sich, mit besondern Gestaltungen, gegen das Ganze des Volkes und Landes zu behaupten trachtete, nicht das einzelne menchliche Individuum, welches sich vielmehr dem Staate vôüllig unterordnen musste, oder wenn es eine Besonderheit geltend machen wollte, zu Grunde gieng. Bei den Germanen hingegen, und in den romanich-germanischen Staaten, so gut wie in den rein germanischen, ist es entweder die einzelne Corporation innerhalb des Staates, mochte dieser auch an sich schon sehr klein seyn , oder auch der einzelne Freie, besonders der Adelige, der diese Forderung macht, und dieses sein freies Bestehen hôüher schätzt als das Ganze, als dessen Sicherheit und Wohlfabrt. Die grossen Nachtheile, die verderblichen Folgen dieser Richtung, sie hatten aber auch in der ungemeinen Kraftent- wickelung des Einzelnen ibr Grosses und Schônes. Aus diesem Geiste hat sich das Feudalwesen entwickelt, welches sich hier in seiner wabhren Wurzel und in seinem wahren Lichte zeigt. Nun aber lag auch dieses wiederum nicht in den germanischen Siegern allein , sondern die Elemente waren in der Zeit und ihrer Richtung mit Nothwendigkeitsegeben. Diese Nothwendigkeit war , dass die Entwicke- lung der Cultur nach allen Seiten hin wieder von vorn angefangen , daher aus einzelnen Bestandtheilen neu auferbaut werden musste. Sie musste vom Einzelnen zum Ganzen fortschreiten. — Alle grossen geschichtlichen Thatsachen von dauernden Wirkungen und Folgen gehen aus diesen bei- den Factoren hervor : nämlich aus der Beschaffenheit des Volkes nach seiner Abstammung und den geographischen Verhältnissen seines Landes, und aus einer Richtung und Bewegung, welche die Zeit ergriffen hat. Die Geschichte hat eine doppelte Bewegung, welche theils neben einan- der und gegen einander wirkt, theils wenn die eine oder die andere Seite zu überwiegend vorgeherrscht hat, in ihr Gegentheil umschlägt. Dies ist die Tendenz , einerseits das Getrennte zu vereinigen, und andererseits das allzemein Gewordene und Verschmolzene damit dem Allgemeinen, wie dem Besondern, sein Recht werde, und jedes von beiden zur Erschei- nung komme. Dieser Gegensatz, so wie die Bewegungen, die er hervor- ruff, ist, wie alle ächten und wahrhaften historischen Momente, ein inner- licher, kein gémachter, oder zu machender. Aus dem innern in der Ge- schichte liegenden natürlichen Geiste heraus treibt er die Menschen , und lässt sich nicht durch irgend eine Willkübr in sein Gegentheil umkebren. Die Erkenntniss dieser Bewegungen und ihres Zusammenbangs ist, bei- läufig gesagt, der wahre Inhalt der Philosophie der Geschichte. Was bleibt — diese Frage drängt sich hier gleich auf — diesen innern Bewegungen gegenüber, der menschlichen Vernunft und Freiheit zu thun übrig? Müssen sie sich ihm blindlings beugen ? Keinesweges. Sie vermü- gen freilich den grossen historischen Strom weder zu dämmen , noch ihm DE LA CINQUIÈME SECTION. 545 einen andern Lauf anzuweisen ; aber sie künnen seine Gewalt mässigen. Sie kônnen , um im Bilde zu bleiben, Ueberschwemmungen verhindern ; was er, sich selbst und seiner wilden Kraft überlassen, zum Fluch wir- ken würde , in dauernden Segen verwandeln. Wenn eine in der Zeit vorherrschende Richtung auf Extreme geht, so liegt in der Vernunft und Freibeit eine Schwerkraft, die, richtig ange- wandt, wo nicht ein vôülliges Gleichgewicht herbeiführen, doch die Er- scheinung eines dem Gleichgewicht sich nähernden Zustandes mächtig fôrdern kann. So verhält es sich mit dem Gegensatze der Individualisirung, welche die Germanen auf die Spitze treiben, und dêr Centralisation , wie sie das alte rômische Reich kannte, und wohin Europa seit einigen Jahrhunder- ten wieder strebt. Dieses Streben ist seit dem Ende des fünfzehnten Jahr- hunderts, als die Triebfedern der Individualisirung abgespannt und er- schlafft waren, mehr oder weniger fast überall hervorgetreten, ganz besonders aber in Frankreich seit Ludwig XI. Keine dagegen gemachten Versuche haben den Sieg der Centralisation ,-ihre gewaltigen Fortschritte hemmen künnen; ja sie scheint aus jedem Kampfe immer mächtiger her- vorgegangen zu seyn. Vor diesem riesenhaften Gange verschwindet sogar der sonst so gewaltige Gegensatz zwischen dem absoluten Künigthum und der Revolution. In dem Kampfe gegen das individuelle Leben ist die Revolution , ist der Nationalconvent nichts als der consequenteste Fort- setzer Ludwigs XIV. Hier ist der Punkt, wo die Frage nach der Bedeu- tung der germanischen Elemente in der modernen Civilisation eine grosse praktische Wichtigkeit hat. -Wenn unsere Zeit eine wabrhaft erleuchtete ist, so kann sie es weder für ihre Aufgabe halten, diese schon viel zu weit getriebene Centralisa- tion noch mehr zu fôrdern, noch auch die alte, unmässige und verderb- liche Vereinzelung wieder herbeizuführen. Vielmehr wird das ibre Auf- gabeseyn, das Wabre, Grosse, Gute, Schüne, Erspriessliche, welchesin - beiden Richtungen liegt, zu vereinigen, so weit die Verwirklichung die-- ses Ideals in menschlichen Kräften liegt. | ot = à - MÉMOIRES MÉMOIRE SUR LA DIX-SEPTIÈME QUESTION DU PROGRAMME DE LA CINQUIÈME SECTION. PAR M. SÉBASTIEN SCHIRLIN, Professeur au Séminaire épiscopal, Vice-président de la cinquième Section. MESSIEURS, Sous le n° 17 du Programme, trois questions sont proposées en ces ler- mes : 1. L'historiographe, pour écrire l’histoire d'une nation, doit-il se placer au point de vue subjectif de sa propre religion et de sa nationa- lié? — 2. Ou bien doit-il se mettre au point de vue de l'époque qu'il ra- conte? — 5. Ou bien le point de vue du cosmopolitisme philosophique doit-il être adopté par lui de préférence ? Messieurs , avant de répondre catégoriquement à ces questions, je juge indispensable d'exposer quelques notions préliminaires , desquelles doi- vent découler mes réponses ; je le ferai très-succinctement pour écono- miser sur le temps déjà trop court qui est accordé à nos séances. $ 1. Philosophie et histoire. Le monde est un ensemble d'idées éternelles, ensemble concret, orga- nisé et vivant, que Dieu a librement exprimé et réalisé hors de lui par son “verbe. De là les choses, sur lesquelles le génie de l’homme s’exerce pour devenir ce qu’il doit être, intelligent, sont à considérer dans un double état : d’abord comme non visibles (w QULVOUEVE, suivant l'expression du philosophe sacré saint Paul, Héb., 11, 5), éternelles et invariables; ensuite comme visibles (Blexôueve, ibid.), temporelles et variables. Les considérer et les étudier sous le premier rapport, c’est-à-dire en elles-mêmes, est spécialement l’objet de la spéculation philosophique ; chercher à les con- naître sous le dernier rapport, c’est-à-dire dans toutes leurs variations successives, est la tâche de l’investigation historique. La distinction que je viens d'établir entre la philosophie et l’histoire est purement logique; car dans l’application la philosophie ne se distingue, ne se sépare plus d'aucune branche des connaissances humaines, puisqu'elle est elle-même la science proprement dite; sans elle la théologie même, je veux dire l'ensemble des vérités révélées, resterait à l’état mystérieux de connaissance positive, qui ne serait saisissable que par la foi. Il m'est conséquemment permis de conclure que les savants qui rédigérent notre programme entendent parler, dans la question proposée, d’un historio- graphe philosophe, et non d’un chroniqueur ou simple annotateur de faits historiques. Mais qu'est-ce donc que l'histoire alliée à la philosophie ? DE LA CINQUIÈME SECTION, 54) $. 2. Notion d’une histoire philosophique. Tout en ce monde est sujet à mutation : les choses, tout en conservant leur étre, changent sans cesse dans leur manière d’être. La série des trans- formations que subit une chose constitue son histoire. Connaître une chose dans les moments successifs de ses transformations , c’est en avoir la con- naissance historique. Cependant les transformations non-seulement se succédent dans les choses, mais encore elles sont produites et déterminées les unes par les autres , ce qui constitue les rapports de causalité. Or con- naître les transformations avec les rapports de causalilé, c’est la connais- sance philosophique de l'histoire, c’est l'histoire philosophique. Je définis cette histoire : «La science d’une chose dans les moments divers de ses transformations avec les rapports de causalité qui les déterminent dans le temps. » De ces notions générales, je passe à la notion de la société humaine et à celle de son histoire. $ 3. Sociélé humaine et son histoire. Dans l'humanité , comme dans la nature purement matérielle , les indi- vidus n’ont d'importance que par l’association , et leur vie ne se développe que par action et réaction ; la loi est générale. Un instinct puissant , fondé sur l'amour et le besoin, rapproche les hommes : l’amour les dispose et l'intérêt commun les détermine à s’unir en société. Cet intérêt est-il per- manent , la société se constitue permanente. Pour réaliser l'intérêt com- mun , les forces individuelles s'unissent comme en faisceaux et devien- ‘nent puissance publique et nationale. Dès lors il n’y a pour tous qu’une vie et qu’une action, il y a un homme en grand. Cet homme en grand, qu’on nomme peuple, nalion, a son caractère et sa physionomie distinc- tifs comme l'individu; par exemple, on distingue au caractère le peuple grec du peuple romain, comme on distingue au caractère un Grec d’un autre Grec, un Romain d’un autre Romain. Un individu à lui seul n’est historique que lorsque son caractère offre un type, et que sa vie à elle seule est une action sociale. L'histoire de l’humanité ainsi envisagée nous représente un grand drame partagé en actes et en scènes : les peuples, qui en sont les person- nages , figurent successivement sur le théâtre de ce monde, jouent leur rôle et en descendent pour faire place à d’autres. Il y a dans ce drame unité d'action et dénouement régulier : tout y est disposé avec intelligence etconduit avec sagesse; le hasard et la fatalité, mots inventés pour cacher notre ignorance des causes, n’interviennent pour rien. Celui qui a or- donné le monde physiqne et qui le fait mouvoir, a ordonné aussi et fait mouvoir le monde moral; il a marqué à l’activité humaine son point de départ et son point d'arrivée. C’est entre ces deux pôles que l’homme dé- ploie librement et en quel sens il veut les ressources de son génie et les forces matérielles qui sont à sa disposition. La main toute puissante de l'infinie sagesse coordonne les résultats des efforts humains, imprime aux événements le mouvement et la tendance vers la fin voulue. Il appartient à la sagesse finie de chercher à entrevoir les desseins de la sagesse infinie et d’en suivre la direction. 546 MÉMOIRES Telle est la notion que je me suis faite de la société humaine et de son histoire. Cette histoire est importante à bien des titres, qu'il serait trop long d'énumérer; mais il en est un que je dois mettre en lumière, parce qu'il servira plus particulièrement de base aux réponses à faire aux ques- tions proposées n° 17 du Programme ; c’est la précision avec laquelle son sujet peut être traité, afin de répondre à toutes les exigences de la science. $ 4. Principe des actions humaines. La précision exigée par la science dépend de la certitude du principe qui sert de point de départ au raisonnement. Or ce principe n’est certain. dans aucune histoire comme dans celle de l’homme. Dans le monde phy- sique, le principe des transformations ne peut être que supposé et ne jamais devenir objet de notre expérience immédiate. On raisonne les phénomènes etleurs rapports de causalité d’après des observations souvent répétées et vérifiées par la répétition, qu’on nomme lois naturelles, et l'on détermine ainsi la cause qui ne peut être expérimentée en elle-même. Dans l’homme, au contraire, le principe de l’activité est pour chacun objet de son expérience immédiate; car, par le sentiment personnel, chacun reconnaît en soi, et par la sympathie dans ses semblables, la volonté comme principe des actions humaines. 5 Le sentiment personnel et la sympathie sont donc les deux agents prin- cipaux de notre âme dans l'étude de l’histoire; car il serait impossible d’entrevoir et de comprendre les ressorts secrets d’une série de faits, si l’on ne retrouvait en soi-même les mêmes moyens d'action; de même, si l’on ne pouvait dépasser le cercle de son individualité et se mettre dans la position de ses semblables pour penser et agir avec eux, on ne croirait pas qu'il y eût eu jamais des hommes meilleurs et plus capables que nous. C’est aussi ce qui fait que l’histoire est un des plus puissants moyens de progrés intellectuel et moral, parce qu’elle nous met en contact âvec des types humains plus parfaits, et qu’elle nous excite à les égaler ou à les surpasser même. $ 5. Opération de l'historiographe philosophe. Appuyé sur les notions exposées Ç 1, je dis que l’historiographe doit bien distinguer dans son sujet : 10 le caractère constitutif ; 2 les transfor- mations temporaires; 3° les causes des transformations. Cette distinction est le résultat d’une induction logique complète qui est basée sur des-faits accomplis. Par exemple, les faits de l’histoire romaine connus, vous en induisez le caractère du peuple romain et les causes qui le faisaient agir. Le caractère se constitue de ce qui est propre à l’objet; ce sont ses qua- lités et ses moyens d'activité qui le distinguent en tout temps. Les causes sont la maniére particuliére dont s'exerce son activité en temps et cir- constances déterminés. Maintenant, Messieurs, j'aborde la question ou plutôt les questions proposées, et mes réponses je lestire des notions que je viens d'indiquer. A la premiére question : L'historiographe, pour écrire l'histoire d'une na- tion, doit-il se placer au point de vue subjectif de sa propre religion et de sa nationalité? je réponds négativement ; l’histoire , suivant les exigences DE LA CINQUIÈME SECTION. 947 de la science moderne et d’après les notions exposées dans les paragraphes ci-dessus, devant être scientifique , l’historiographe ne doit être que savant ou philosophe ; il ne peut être l'homme d’aucune religion , d’aucune natio- nalité , la science n’étant la propriété exclusive d’aucune religion et d’au- cune nationalité. Son culte doit être celui de la vérité historique, c’est à lui seul qu’il doit tout sacrifier, et son Église et sa patrie. Ce n’est pas une impiété que j'’avance; elle serait très-déplacée, surtout dans ma bouche. Que l’historiographe, comme homme privé, aime et pratique la religion de sa conscience , qu’il soit attaché à sa nationalité, c’est son droit, c’est son devoir. Mais quand il prend la plume en main, qu'il se souvienne aussitôt qu’il est une personne publique, revêtue d’un auguste et sacré caractère, Car le ministère qu’il exerce est une haute magistrature , une magistrature supérieure à toutes les magistratures de création humaine. A son tribunal, élevé au-dessus de toutes les parties pour que d’un coup d'œil scrutateur il puisse les voir et les pénétrer toutes, comparaissent les grands individus que nous appelons nations, peuples; ils comparaissent sans se défendre eux-mêmes et sans se constituer de défenseurs ; ilslivrent au juge leurs actions, et attendent avec confiance vérité et justice de sa haute probité et de sa parfaite impartialité. Or, Messieurs, comment ce juge répondrait-il à cette attente, si, abandonnant sa position élevée, il descendait au milieu des partis, s’il partageait ou leurs affections ou leurs haines patriotiques ou religieuses? Ses sentences se trouvyeraient néces- sairement entachées d’erreurs et d’iniquités, fussent-elles involontaires. Ainsi il faut que le point de vue où doit se placer l’historiographe, pour écrire l’histoire d’une nation, soit purement scientifique ou philosophi- que, et non celui de sa propre religion ou de sa nationalité. Je pourrais me dispenser de répondre aux deux autres questions, puis- que ma réponse à la première renferme déjà implicitement les réponses qui restent à faire. Aussi serai-je court , et à la question : L’historiographe doit-il se mettre au point de vue de l'époque qu'il raconte? je réponds aflirmativement, en faisant observer toutefois qu'il ne doit point s’y bor- ner et s’y emprisonner. Vous vous rappelez, Messieurs, que j'ai dit, $ 4, que la sympathie est l'agent principal au moyen duquel nous pouvons entrevoir et comprendre les ressorts secrets d’une série de faits histori- ques. Il faut donc qu’à l’aide de cet agent l’historiographe sorte de son temps et se transporte dans l’époque qu'il entreprend de raconter ; il faut qu’il assiste à toutes les grandes scènes de cette époque, à celles du foyer ‘ domestique comme à celles de la place publique, à ceiles du barreau comme à celles du champ de bataille; en un mot, il faut qu’il pense et agisse , qu'il vive avec les hommes qu’il veut nous faire connaître. Mais il ne doit pas, comme j'ai fait observer, se borner à cette époque et s’y enfermer au point de ne plus voir ce qui s’est passé au delà et en deçà. Il a été dit, $ 5, que l’histoire de l’humanité nous représente un grand drame, où chaque peuple , chaque nation a son rôle; or, le devoir de l'historiographe est de caractériser le rôle de la nation, dont il écrit l’his- toire; il faut qu’il nous fasse connaître ses rapports avec l’ensemble de la pièce dramatique. Pour cela il est nécessaire qu'en même temps que par la sympathie il vit avec les hommes du passé, il conserve sa position scientifique du présent, et que la science de son époque lui serve de flambeau pour éclairer la nuit de l'antiquité. 548 MÉMOIRES Je viens à la troisième question : Le point de vue du cosmopolilisme HAINE ‘doit-il être aGopié de préférence ? Dans toute l’'argumenta- tion que j'ai suivie jusqu'ici, j'ai aflirmé cette proposition dans son sens le plus absolu. Il suit des principes que j'ai posés que l’historiographe doit être cosmopolite philosophe non-seulement quant aux lieux , mais encore quant aux temps. L'histoire qu’il connaît et ne supplée à à son exis- tence bornée à un point du globe, ainsi qu’à la briéveté de la vie en le transportant dans tous les lieux et dans tous les temps; elle le met en re- lation avec les peuples qui ne sont plus, comme avec ceux qui sont en- core; son expérience individuelle s'agrandit de l’expérience du genre humain. De là, rien de plus vrai que les paroles de Cicéron par lesquelles je termine: Historia testis temporum , lux verilatis, vila memoriæ, ma- gistra vilæ , nuncia vetustalis (Or. IT, 56). DE LA CINQUIÈME SECTION. Qt © NOTICE sur LES ‘ANTIQUITÉS GALLO-ROMAINES DE RHEINZABERN, PAR M. SCHWEIGHÆUSER, Professeur à la faculté des lettres, membre correspondant de l’Institut (Académie des inscriptions et belles-lettres). Rheinzabern est un bourg de la Bavière rhénane, situé non loin du Rhin entre Lauterbourg et Spire, sur l'emplacement de l'établissement romain de Tabernæ, indiqué en cet endroit par l'itinéraire d’Antonin. Plusieurs établissements romains de nos contrées, du nom de Tabernæ, s'appellent en allemand Zabern, et ce changement du T en Z n’est pas le seul connu: c’est ainsi que tegula fait en allemand Züegel, et Téhos, Ziel et Zoll. On appelle ce bourg Rheinzabern, pour le distinguer de Bergza- bern, petite ville située non loin de là au bas des montagnes , et de notre Saverne, appelée en allemand Zabern tout court, ou Elsasszabern (Za- bern d'Alsace). Cette dernière ville est non-seulement nommée dans les itinéraires, mais est encore célébre pour avoir été fortifiée par Julien dit V'Apostat, et pour avoir servi à cet empereur de point de départ et en quelque sorte de place d'armes dans son expédition contre les Allémans, qu’il battit près d’Argentoratum (Strasbourg). Rheinzabern n’a, autant que je sache, joui d'aucune célébrité, ni du temps des Romains, ni de- puis. Il en acquerra peut-être un peu par le grand nombre d’antiquités gallo-romaines qu'il a fourni de nos jours. Bergzabern n’est nommé par aucun auteur romain; mais son nom et un monument romain qu’on y a trouvé peuvent faire présumer que là aussi il y avait un établissement du peuple roi nommé Taberneæ. Ces deux derniers endroits faisaient, pen- dant que nous possédions la rive gauche du Rhin , partie du département du Bas-Rhin et du district de Wissembourg. M. Lambert, de Lauter- bourg, l’un des administrateurs de ce district et-amateur éclairé des anti- quités , s'était procuré, dés le commencement de ce siècle, plusieurs mo- numents provenant de Rheinzabern , parmi lesquels on distingue un bas- relief en marbre représentant Apollon, Minerve et Mercure, élégam- ment groupés (1), et un cippe en pierre commune, entouré de sculptures représentant des écailles et surmonté d’un cavalier lancé au galop et bran- dissant une lance. IL possédait aussi plusieurs objets de poterie, parmi lesquels se trouvait une moitié de moule, dont il me fit présent et que j'ai déposée dans notre musée, où elle est encore. On y remarque, deux fois répétée, la figure bien singuliére d’une femme, dont les longscheveux, séparés en deux parties, retombent des deux côtés sur ses épaules, et qui a (1) Jen joins un dessin pl. 4. 550 MÉMOIRES les pieds appuyés sur une tête absolument semblable à la sienne. Depuis ce temps, plusieurs antiquités de Rheinzabern furent transportées à Spire, où M. de Stichaner a formé un petit musée. On y voitentre autres deux pierres votives, portant des inscriptions que nous retrou verons parmi n0s monu- ments de poterie. L'une est dédiée Dis Cassibus, l'autre Deo Cesonio. Cette derniére est un peu effacée , et l’on serait tenté de la lire Deo Ciscnio ; mais le monument dont j'aurai à parler plus bas, montre la véritable leçon. Dans le monument qui se trouve à Spire, l'E manque des jam- bages horizontaux et la moitié de l'O a disparu. Une feuille hebdomadaire qui a paru à Spire en 1898 fait connaître ces monuments, ainsi que les objets de poterie que renferme ce musée. Vers 1850, un M. de Saint- Amour, alors colonel d’un régiment de hussards en garnison à Lauter- bourg, ayant vu les antiquités que possédait M. Lambert, et peut-être aussi celles de Spire , se rendit à Rheïinzabern, achela ce qui se trouvait chez des particuliers et entreprit lui-même des fouilles fructueuses. IL se forma ainsi une assez jolie collection, qu'il me vendit quelques années aprés, ayant été mis à la retraite et devant se rendre à une autre extré- mité de la France. On me dit qu'il est fixé aujourd'hui à Paris et fait un petit commerce d’antiquités. Mon acquisition fut connue à Rheïnzabern , et depuis ce temps la plupart des objets qu'on y a trouvés m'ont été ap- portés par un homme de ce bourg qui, maçon de son état, mais fort in- telligent et passablement savait: s'occupe depuis de longues années à recueillir ces objets, fouillant lui-même les terrains où on lui permet d'exercer cette industrie, IL m’a dit avoir vu plus de trente fours destinés à la cuisson de la poterie rouge. D'après la description qu'il m’en a faite, ces fours ressemblaient tous à celui que j'ai eu occasion d'examiner au bas du village de Heiïligenberg, dans la vallée de la Bruche, dont j'ai communiqué des dessins à plusieurs personnes, et dont on peut voir à notre musée un modèle en petit que j’en ai fait faire. Ces fours sont d’une construction assez compliquée, avec beaucoup de tuyaux de chaleur et des arrangements qu’il est difficile d'expliquer, et que des dessins même ne font comprendre qu'imparfaitement: La plus grande singularité de celui que j'ai vu, est que le plancher sur lequel on posait les vases y est formé par un bloc de grès d'environ trois pieds d'épaisseur, ce bloc est percé de seize trous , sur lesquels étaient pla- cés des tuyaux. Il semble en conséquence qu'on ait eu le plus grand soin de préserver de l’action directe du feu les vases que l’on voulait cuire. Aussi ne sont-ils cuits que médiocrement, et des expériences faites à Paris ont prouvé que ces vases prennent un nouveau retrait lorsqu'on les expose à une forte chaleur. J'ai pensé que ces détails sur la fabrication ne seraient pas sans intérêt pour les amateurs. Je reviens à ma notice sur les objets trouvés. La trés-grande majorité de ces objets étant en ma possession, on me permettra de prendre pour base de ce travail ma collection, et de ne parler des autres objets dont j'ai eu connaissance que lorsque l'occasion s’en présentera , comme je viens déjà de le faire pour ce qui se trouve à Spire et chez M. Lambert , aujourd’hui chez le fils de celui qui a rassem- blé ces monuments , et que notre pays, qu'il a utilement servi , soit comme administrateur , soitcomme membre du conseil départemental, soit comme juge de paix, a eu le malheur de perdre il y a quelques années, DE LA CINQUIÈME SECTION. 51 Ma collection comprend : 1° quatre bas-reliefs en terre cuite, dont l'un a été montré à la Section par M. de Caumont, dans un dessin de la gran- deur de l’original. On se rappellera qu'il représente deux guerriers à che- val se battant à outrance. L’un d'eux est remarquable par l'extrême peti- tesse de son bouclier, quin’est pas, comme à l'ordinaire, attaché au bras, mais qu’il tient à la main; de l’autre il tient une longue épée, avec la pointe de laquelle il semble vouloir percer le crâne du cheval de son ad- versaire. Les armes de l’autre sont représentées d’une manière un peu confuse ; on voit devant lui un arc dont un bout a été cassé pendant le transport du monument. On ne voit pas la main qui tient cet arc. Je crois même que, par une singulière distraction de l'artiste, elle manque abso- lument ; ce qu'il tient de la main droite ressemble plutôt à un tronçon de lance qu’à une flèche. Si les anciens avaient connu l’arbalète, on pourrait croire que l'artiste a voulu représenter cette arme; mais je crois que les anciens ne la connaissaient pas; ce qui, du reste, mériterait peut-être une investigation spéciale, que peut-être ce monument pourrait soulever. Les cuirasses des deux cavaliers sont aussi fort remarquables , en ce qu’elles ressemblent plutôt à celles de nos cuirassiers modernes qu'aux loricæ des anciens , telles qu’on les voit ordinairement sur les monuments romains. C’est sans doute cette singularité effectivement assez étonnante et facile à remarquer qui à fait soulever des doutes sur l'authenticité de ce bas-relief. Je les partagerais peut-être si cette authenticité ne m'était pas prouvée par les raisons les plus simples et les plus péremptoires. IL ne peut avoir été confectionné à une époque antérieure au goût pour les antiquités qui ne s’est réveillé que de nos jours. Car alors aucun artiste n’aurait signé son ouvrage du nom d’un potier romain; s’il n’avait pas voulu y mettre le sien , il y aurait placé celui d’un artiste célébre de son temps. Il ne peut pas non plus avoir été façonné récemment; car non-seulement il n’y a ‘aujourd’hui personne à Rheinzabern capable d'exécuter .un tel ouvrage, mais encore cette industrie frauduleuse, qui supposerait un talent notable et un travail ue et difficile, aurait été exercée bien gratuitement; ce . rare morceau m'a été vendu au prix de quinze francs. Il a donc évidem- ment été trouvé sans frais. Il faut d’ailleurs bien peu connaître les anti- quités de Rheinzabern pour s'étonner d'y trouver des singularités. On en rencontre à chaque nouvelle découverte, et je compte même tirer de ces monuments une petite galerie mythologique gallo-romaine, qui différera beaucoup des types classiques, et dont je crois pouvoir rendre tout vrai- semblable qu’elle reproduira quelques types gaulois antérieurs à la con- quête romaine. Je reviens à notre bas-relief. La mine niaise et enfantine des deux com- battants frappe d’abord les-regards ; mais il paraît que les anciens artistes de Rheïnzabern étaient en général moins habiles pour l'expression: des têtes que pour le reste. On rencontre même beaucoup de morceaux où les têtes sont tout à fait négligées. C’est donc là encore un des caractéres d'authenticité pour ce bas-relief; car un artiste moderne n’aurait pas manqué de donner à la physionomie de ces guerriers une expression ter- rible. À Un autre de ces bas-reliefs, haut de 13 pouces et large de 16 pouces 6 lignes, représente Vulcain assis entre Minerve et Mercure d’un côté, et Apollon et une Abondance de l’autre. Le dieu des forges éléve ses yeux 52 MÉMOIRES vers Minerve, comme pour chercher une inspiration dans ses regards. Ici les têtes et les figures sont bien dessinées et tout y est classique. Je crois que ce morceau est une imitation ou une copie réduite de quelque bel ouvrage grec ou romain (1). Un troisième bas-relief, de 14 pouces 6 lignes de largeur et de 15 pouces 6 lignes de hauteur, représente Vulcain debout à côté de Minerve et de Mercure. Il ne différe également en rien des ouvrages classiques. On verra bientôt et de plus en plus combien il en est autrement de la plupart des petits monuments de Rheinzabern. Un bas-relief presque en tout semblable à celui-ci se trouve à Spire, et j'en joins sous le n° 5 une lithographie tirée de la feuille hebdomadaire donc j'ai parlé plus haut. Un quatrième bas-relief, beaucoup plus petit et imprimé sur une bri- que, présente Mercure tout seul, avec la particularité qu'outre tous ses attributs classiques, le caducée, la bourse, le coq et une tortue, on voit à côté de son épaule droite une chouette, oiseau exclusivement attribué à Minerve par la mythologie classique. Celle du dessin que j'en présente sous le n° 4 a la tête cassée; mais elle est tout à fait entière sur un autre exemplaire du même bas-relief qui a été acquis par notre musée; le même attribut singulier de Mercure se trouxE aussi sur un autel dont je parlerai bientôt. Je posséde de plus trois petits autels en terre cuite. Le premier, haut de 7 pouces 6 lignes, et dont les côtés larges ont 4 pouces de largeur et les côtés étroits 2 pouces 5 lignes , porte sur le devant l'inscription : SILVANO TETEO SERVS FITACIT EXVOTOR (2) sic et par derrière seulement le nom du potier COBENERDYS. Sur chacun des côtés étroits on voit une Vénus sous un arceau, repré- sentant sans doute une sorte de Temple, surmontée d'un petit amour ailé. Sur le couvercle de chacun des trois autels (ils sont creux) se trouve un taureau, soit couché soit debout, représentant apparemment ou un sacrifice perpétuel et fort économique, ou bien la commémoration d’un sacrifice splendide offert par celui qui les a commandés. Le second autel, dont les côtés sont égaux, a 8 pouces de haut et prés de 6 pouces de largeur. Sur trois côtés on voit deux bustes d'hom- mes et un de femme en très-haut relief. Ces personnages ont Les physio- nomies trés-respectables, mais aucun attribut ne les caractérise. Sur le ” quatrième côté on lit : LNH D7S:0: INDED DIS CAS SIBVS. (4) Jen joins un dessin pl. 2 (2) Je parlerai de cette inscription demi-barbare lorsque nous la verrons reparaitre sur plusieurs vases , toujours avec les mêmes singularités. - DE LA CINQUIÈME SECTION. 555 La premiere ligne peut, je crois, être lue : in honorem Deorum supe- riorum omnium; INDED me paraît être un barbarisme gallo-romain pour deinte. Mais j'avoue que je ne connais pas du tout les Di casses, et à Spire, où, comme j'ai dit plus haut, ils se trouvent également, personne n’a pu les expliquer. Si ma leçon de la première ligne est juste, ce doivent être les Dit inferi, et l'on pourrait appuyer jusqu’à un certain point cette signification du verbe latin cassescere, s’'évanouir. D’un autre côté, la si- gnification de ce verbe conduirait plutôt à y voir des dieux qui ne sont plus, tels que durent être, sous la domination des Romaïns, les divinités purement gauloises, et dont le culte fut aboli. Dans ce cas, ce serait un souvenir assez touchant des croyances anciennes et proscrites; mais je ne me dissimule point que cette explication est extrêmement hasardée et l’on peut dire téméraire. Le troisième autel est haut de 15 pouces, et les côtés, tous égaux, ont 6 pouces de largeur. Les quatre angles sont ornés de colonnettes. IL ne porte point d'inscription; seulement sur le couvercle on voit, à côté du taureau couché, le nom du potier COBENERDYS. Sur les côtés sont re- présentés, en bas-relief, Vulcain, une Abondance et Mercure. Celui-ci a dans la main droite le caducée, dans la gauche une bourse. Sur son épaule droite est un coq et prés de son épaule gauche une chouette. Je passe à mes objets en bronze. Ce sont: 10 une Minerve assise sur un globe. Elle est haute de 8 pouces et demi et creuse en dedans. Elle n’a point d’égide. On voit seulement sur ses seins l'indication d’une cui- rasse flexible à écailles. Mais elle est suflisamment caractérisée par le casque qu'elle porte et par l'expression sévére de sa physionomie. On voit par la disposition de la main droite qu’elle y tenait une lance (1). Le globe sur lequel cette Minerve est assise, et que l’on voit aussi sous les pieds d’une Minerve gallo-romaine publiée par Grivaud de la Vin- celle et d'une Minerve tout à fait classique et trouvée à Constantinople, que l’on voit représentée dans le Supplément de l'antiquité expliquée de Montfaucon, me rappelle les monuments de Brixie ( Brescia) figurés dans cette antiquité expliquée, où le globe joue un grand rôle. L’étran- geté de ces monuments trouvés dans l’ancienne capitale de la colonie des Gaulois Cenomani, me paraît bien remarquable. Qu'on se rappelle cette Cérès tenant sur ses genoux un grand globe sur lequel jaillissent deux rayons d’un lait divin qu'elle exprime de ses mamelles, et qui sans doute étaient destinés à fertiliser la terre. C’est là certainement une symbolique étrangère à l’art purement grec.et romain, et que les Gau- lois semblent avoir transmise à leur colonie. Un exemple encore plus frappant et plus certain d’une symbolique particulière aux Gaulois se trouve dans la description que nous donne Lucien d’un Hercule qu’il a vu dans les Gaules, et qui, considéré comme Dieu de l’éloquence, entraîne une foule de peuple par des chaînes attachées à sa langue. Ce récit prouve en même temps que les singularités de la mythologie figurée des Gaulois n'avaient point disparu sous la domination romaine, et qu'on ne doit point désespérer de trouver dans les monuments gallo-romains des sou- venirs d’un art gaulois et d’une mythologie figurée gauloise, antérieure à la conquête romaine. M. de Caumont , dans son Cours d’anliquités ,1 (4) J'en joins un dessin pl. 5. IT. 25 554 MÉMOIRES remarqué le premier que le style gallo-romain différe souvent du style romain ou grec pur, ét la justesse de cette observation m'a été confirmée de plus en plus par l'étude des monuments de ce genre qui sont parvenus à ma connaissance. Elle me paraît en conséquence mériter la plus haute attention, surtout de la part des antiquaires français. Je reviens à mes objets en bronze, parmi lesquels se trouve une anse de vase ornée d’une belle tête de femme vue de face et de très-peu de re- lief, ainsi qu'un petit cylindre solide, terminé par une belle tête de lion. Mais ce qui s’y voit de plus remarquable, c’est une jolie figurine de Vé- nus, avec un petit Amour à ses pieds. Cet enfant éléve une branche de myrte vers le bas-ventre de sa mère. Celle-ci a derrière la tête une de ces ménisques figurant une auréole, que l’on remarque dans quelques mornu- ments classiques, mais assez rarement. La faiblesse de mes yeux et le peu de temps qui m'était donné entre le moment où M. de Caumont me demanda ce travail et la clôture du Con- grés, m'ont forcé d'interrompre ici cette notice pour la lecture quien a été faite dans les deux dernières séances de la huitième Section. Je saisirai une autre occasion pour la compléter, PLI. Rhemzabern ) e à rbre, trouv icf en ma reh \ Ba ; UJAqEZUEU) e SANOI ‘apino 9JJ9] Ua JO -SE( ‘uloquzue ut C 9ANOM] "AFINI 9Jd9] u8 eipd-sed Bas-relief en terre cuite trouvé a Rheinzabern. BV = | NAS D ii Fr REX ER fl LC Hi Fr / | À —_ Minerve en Bronze trouvée à Rhemzabern.. DE LA SIXIÈME SECTION. O1 Ce CE MÉMOIRES. DE LA SIXIÈME SECTION. Philosophie, morale, législation, éducation. DE L'ÉCLECTISME. DISCOURS LU A LA SIXIÈME SECTION DU CONGRÈS SCIENTIFIQUE, A L'OCCASION DES TROIS QUESTIONS SUIVANTES DU PROGRAMME : 1. Définir l'éclectisme en général, et en particulier l'éclectisme français au dir-neuvième siècle; comparer ce dernier comme méthode avec celui qui semble résulter de là philosophie de l’histoire de l'esprit humain ; selon Hégel. 2. En quoi consiste l'éclectisme français de nos jours? Diffère-t-il de l'é- clectismequi en Allemagne, a précédé l'avènement de Kant, etjusqu'à quel point répond-il au besoin des penseurs de notre époque? Lascience, en poursuivant celte direction, pourra-t-elle se garantir des aberra- tions pratiques du scepticisme, d'une part, et de la confusion théori- que du syncrétisme, d'autre part? 3. Y a-t-il une critique réelle des systèmes de philosophie indépendante de tout système positif, et quels sont les principes de celle critiqué? fa PAR M. F. M. L. NAVILLE, Pasteur et chef d'institution à Vernier, près Genève. Messieurs, Les deux premières questions, indiquées comme devant être discutées dans ce Congrès par la section de philosophie, concernent explicitement, et la troisième concerne implicitement l’éclectisme français de nos jours. Je n’ai pas la prétention de les traiter ; mais je crois que les idées qui se rattachent à ces mots: éclectisme français de nos jours, sont trés-con- fuses , et il me semble même que l’on peut apercevoir quelques traces de cette confusion dans la manière dont les susdites questions sont rédigées. Peut-être la diseussion dont elles doivent être l’objet sera-t-elle plus claire 25. 596 MÉMOIRES si l’on a égard à quelques distinctions qu'il me paraît que l’on a jusqu'ici négligé de faire. Cette considération m’'encourage à vous présenter, Mes- sieurs , quelques observations sur ce sujet. Me confiant en votre bonté, j'espére que vous voudrez bien excuser ce que cette démarche peut avoir de téméraire, et l’envisager comme un tribut de mon respect et comme un témoignage de ma reconnaissance pour l'honneur que l’on m'a fait en m'invitant à cette auguste réunion. M. Cousin doit être, si je ne me trompe, considéré comme le fondateur de l'éclectisme français du dix-neuviéme siècle, et, par conséquent, comme le véritable représentant de cette doctrine. Je pense donc que la philosophie qu'il a professée est précisément cet éclectisme dont il est ici question. Entre les écrivains qui ont attaqué cette philosophie se trouve au pre- mier rang M. Bautain. Les idées que je viens, Messieurs , vous soumettre, m'ont été suggérées par la lecture du discours préliminaire qu'il a placé en tête de sa Psychologie expérimentale. C'est comme une réponse aux attaques de ce savant professeur contre l’éclectisme qu’elles se sont offertes à moi. Je vous prie de me permettre de vous les présenter sous cette même forme. Je m'y décide d'autant plus volontiers que M. Bautain a enseigné avec éclat dans cette ville, où sans doute il a laissé de beaux souvenirs, et qu'ainsi l'intérêt qui se rattache à son nom pourra donner quelque prix à mon travail, au défaut de la valeur intrinsèque qui peut lui manquer. Éloigné depuis longtemps par les circonstances et par d’autres travaux des études philosophiques , qui avaient fait le charme de quelques-unes des années de ma jeunesse, je ne connaissais de l’éclectisme que le nom, lorsque je me mis à lire l'ouvrage de M. Bautain. Je ne concevais pas comment ce nom, qui me semblait indiquer tout au plus une méthode, pouvait être donné à un systéme, ni comment un système, qui doit pré- senter un tout composé de parties intimement unies entre elles, pouvait se former par un choix d'idées recueillies de toutes parts. Aussi ne fus-je pas d’abord trés-étonné de lire dans le discours de M, Bautain que l’éclec- tisme est un syncrétisme, un recueil d'opinions ou de pensées humaines qui s'agrègent sans se fondre, un système obscur, vague et incohérent qui n’offre point une doctrine proprement dite. Mais lorsque ensuite je pus juger par d’autres paroles du même écrivain que la philosophie qu'il venait de caractériser ainsi était celle qu’il attribuait à M. Cousin , ma surprise fut extrême. (Quoi! pensé-je alors, quoi! ce puissant esprit qui répand une lumiére si vive sur tous les systèmes qu’il examine, qui y distingue avec tant de netteté le vrai et le faux, qui a exposé et appro- fondi les sujets les plus abstraits avec une clarté dont on n’avait encore aucun exemple; ce philosophe, à qui l’illustre Schelling a rendu le té- moignage qu'il réunissait à un degré éminent le calme, l’impartialité, la pénétration, une activité infatigable (1), manquerait-il, lorsqu'il s’agit de . ses propres idées, de ce discernement exquis et de cette sagacité dont il a donné tant de preuves lorsqu'il s’est occupé des idées d'autrui? Non, il est impossible qu'il en soit ainsi. Ou l’éclectisme n'est pas tel que M. Bau- tain le représente, ou M. Cousin n’est pas éclectique. » (1) Revue germanique , octobre 1855, p. 24, = à: dO sms dll DE LA SIXIÈME SECTION. Eu 591 Pour fonder à cet égard ma conviction sur une connaissance person- nelle de cet intéressant sujet, je me mis alors à étudier les ouvrages où M. Cousin développe ses propres théories, et en particulier les préfaces des diverses éditions de ses Fragments philosophiques et celle de sa tra- duction du Manuel de l'histoire de la philosophie de Tennemann, écrits que l’on me dit être ceux où je trouverais le mieux à m'éclairer sur la question qui faisait l'objet de mes recherches. Ce que contiennent ces pages immortelles, vous le savez, Messieurs; mais il faut que vous me permettiez d'en extraire, d’une manière sommaire et rapide, quelques traits principaux qui doivent servir de base à mes réflexions. Les idées, les vérités, quelles qu’elles puissent être , dit M. Cousin, ne peuvent devenir l’objet de la connaissance et de l'examen de l’homme qu’autant qu’elles arrivent à sa conscience. C’est là seulement qu’il peut les atteindre. C’est là qu’il doit nécessairement les saisir avant de pouvoir les analyser, les combiner et en tirer des conséquences. L'observation psychologique est done le premier élément de toute saine philosophie. Mais l'observation ne peut rationnellement devenir la base d’un système philosophique qu’autant qu’elle embrasse tous les faits de conscience. Si elle se borne à en saisir un, en négligeant les autres, le système est né- cessairement exclusif et incomplet, puisqu'il ne rend CPE que partiel- lement de ce qu’il devait expliquer en totalité. Comme on doit observer tous les faits primitifs que la conscience pré- sente, on doit en reconnaître toute la portée, admettre tout ce qui en est la conséquence incontestable. Or, entre ces faits il en est dont le déve- loppement régulier dépasse les limites de la conscience, et par l’intermé- diaire de notions marquées du sceau de la nécessité, atteint les existences même. On ne pourrait limiter arbitrairement ces notions sans attaquer les faits qui les contiennent et sans révoquer par là l'autorité même de la conscience. Par exemple, c’est un fait rationnel attesté par la cons- cience que tout phénoméne qui commence à paraître implique une cause. C’est un fait encore que ce principe de causalité est marqué du caractére d'universalité et de nécessité. S'il est universel et nécessaire, le limiter - c’est le détruire. Que l’on poursuive ces inductions, et l’on arrive très- légitimement à la connaissance du monde et de Dieu. C’est ainsi qu’en interrogeant les phénomènes subjectifs dont on a la conscience , on arrive à l'objectif, et que par la route de la psychologie on entre dans le do- maine de l’ontologie. Si maintenant nous pénétrions avec l’auteur dans cet intérieur du tem- ple dont il vient de nous ouvrir les portes, nous l'y verrions diviser les faits de conscience en faits volontaires, faits rationnels et faits de sensa- tion, résumer toutes les lois de la pensée dans les deux lois de la causa- lité et de la substance, toutes les formes de l’activité sous les deux caté- gories de la réflexion et de la spontanéité, essayer de réduire aussi les forces et les lois du monde extérieur (1), déterminer les caractéres qui dis- tinguent les notions premières (2), rendre compte de celles du temps, de l'infini et du beau (3), rattacher à tout fait de conscience la triple con- (4) Préface de la première édition des Fragments philosophiques. (2) Programmes , etc. (Fragments philosophiques.) (5) De la cause et de l'infini. Du beau réel et du beau idéal, (Fragments philosophiques.) 558 MÉMOIRES naissance de nous-mêmes , du monde et de Dieu, décrire le rôle que joue le moi relativement aux éléments de la pensée (1), etc. , etc. Mais il nous suffit de vous rappeler, Messieurs, par ces simples indications , la masse d'idées intéressantes que M. Cousin a développées sous ces différents chefs. Ce sont ces idées qu'il signale comme son système, ou si nous you- lons nous servir du terme modeste dont il a usé lui-même, eu égard à ce qu'il n’a encore tracé de cette doctrine qu'une simple esquisse , comme une espèce de système (2). Quand aprés avoir reconnu dans la conscience les divers principes sur lesquels se fonde l’ensemble des connaissances humaines, on se met à étudier les doctrines diverses des philosophes, on distingue dans chacune d'elles au moins un de ces principes, car nul homme ne peut trouver hors de lui-même une base pour ses croyances. À l’aide du critérium fourni par l'observation psychologique, on peut ainsi discerner la part de vérité que contient chaque système. Rien n'empêche de rapprocher et de com- biner ensuite par la synthèse ces vérités éparses , et de présenter le ré- sultat de cette combinaison comme une doctrine formée par l'examen des divers systèmes de philosophie. Partant maintenant, Messieurs, de cette indication sommaire des pre- miéres vues de M. Cousin , nous pouvons y reconnaître trois choses diffé- rentes qu'il importe extrêmement de distinguer; car c'est par suite de la confusion qui en a été faite qu'il y a eu une sorte d’obscurité répandue sur les débats dont l’éclectisme a été l’objet, et qu'il s’y est mêlé des idées très-fausses. Ces trois choses sont la méthode, le système et Le travail cri- tique. 1. La méthode. C'est celle d'observation , en tant du moins que M. Cou- sin veut que le philosophe porte son attention sur sa propre conscience pour y discerner, avec leurs caractères distinctifs , les faits sur lesquels il élèvera son système. 2, Le système ou l’ensemble de ces faits avec leur enchainement et leurs conséquences. 5. Enfin, le travail critique au moyen duquel le philosophe retrouve dans les différents systèmes les éléments qu’il a déjà reconnus par l’étude ‘de sa conscience, et se rend compte de l'importance trop exclusive qu'ils ont successivement acquise aux yeux des penseurs, en considérant les peuples au sein desquels ils ont pris naissance , les temps où ils ont paru et la marche générale des idées et de la civilisation. C’est à ce travail, qui est d’un si haut intérêt, qu’il convient de réserver le nom d'éclectisme, et c’est pour avoir indifféremment désigné sous ce nom les trois éléments philosophiques que nous venons de distinguer que les idées qui s’y ralta- chent sont si confuses. Il est néanmoins , Messieurs, bien facile de concevoir que l’éclectisme ne peut être ni un système , ni une méthode destinée à conduire à la for- mation d’un système. L'éclectisme n’est pas un système, car il consiste à choisir entre les idées des autres, et selon les règles qui dirigent l’éclec- tique dans ce choix, il doit arriver à des résultats différents. Si l'éclec- tisme était un système, on pourrait, à supposer que ce füt le véritable , (1) Préface de la première édition. Du fait de conscience , ete. (Fragments philosophiques.) (2) Préface de la première édition. (Fragments philosophiques.) DE LA SIXIÈME SECTION. 59 ‘en tirer cette conséquence étrange, que la vérité change à mesure que s'accumulent les idées et les écrits des hommes, et qu’il eût été impos- sible au premier homme d’aspirer à être philosophe. L'éclectisme n’est ‘pas une méthode, si l’on entend par là le moyen d'arriver à la formation d’un système. En effet le travail éclectique ne peut se faire qu’autant que le système est déjà arrêté. M. Cousin le reconnaît explicitement et à plu- sieurs reprises (1). Mais quel rôle l’éclectisme joue-t-il donc dans la phi- losophie pure ou rationnelle ? C’est un corollaire intéressant de toute doc- trine basée sur l'exploration impartiale des faits de la conscience envisa- gés dans toute leur portée; c’est une sorte de contre-épreuve qui peut quelquefois servir à signaler quelque défaut , quelque partie faible du sys- tème adopté et à provoquer un examen plus scrupuleux des faits de cons- cience; c’est un moyen de faire payer aux philosophes de tous les siècles un tribut d’assentiment à une doctrine où chacun pourrait reconnaître les pierres fondamentales de son propre édifice ; c’est surtout un élément indispensable de tout travail qui a pour objet l’histoire de la philosophie (2). Il me paraît résulter de la préface de la premiére édition des Fragments et de l’Essai d’une classification des questions et des écoles philosophi- (1) « Supposez un système qui , par une observation patiente et profonde et une induction à la fois « vaste et scrupuleuse, soit parvenu à embrasser tous les éléments de la conscience et de la réalité ; « quand ensuite il portera ses regards sur l’histoire , de quelque côté qu’il se tourne , il ne rencontrera « pas un seul système d’un peu d'importance dans lequel :1l ne trouve quelque élément de lui-même et «avec lequel il ne s’accorde au moins par quelque endroit... Cette méthode à la fois philosophique « ct historique qui, er possession de la vérité, sait en retrouver des fragments ça et là dans tous les « systèmes , c’est l'ec/ectisme. . .. L’éclectisme suppose un système qui lui serve de point de départ et « de principe pour s’orienfer dans l’histoire. . . , L’éclectisme part d’une philosophie, et il tend par « l'histoire’ à la démonstration vivante de cette philosophie. » (Cousin. Fragments philosophiques , préface de la deuxième édition.) «La philosophie compte déjà bien des siècles, et les génies qui ne sont plus nous ont légué mille « vérités. Mais ces vérités sont enfouies dans des systèmes où elles sont liées à de spécieuses erreurs. « IL faut donc sayoir discerner ces vérités des erreurs qui les entourent ; 1] faut savoir reconnaître que « ces vérités sont des vérités et non pas des erreurs ; et on ne peut le faire si Von n’a pas une mesure « d'appréciation , un principe de critique , si on ne sait pas ce qui est vrai, ce qui est faux en soi ; et «un ne peut le savoir qu’autant qu’on a fait soi-même une étude suffisante des problèmes philosophi- “ques, de la nature humaine , de ses facultés et de leurs lois, C’est quand une analyse scientifique, “patiente et profonde, nous a mis en possession des éléments réels, et de tous les éléments réels « de Vhumanité, que, nous adressant aux systèmes des philosophes et les étudiant avec le même soin « que nous avions mis à l’étude des questions philosophiques, nous pouvons reconnaitre ce que ces « systèmes possèdent et ce qui leur manque , discerner en eux le vrai et le faux , négliger l'un, nous «approprier Vautre , et agrandir et étendre nos propres pensées par d'habiles et judicieux emprunts . “Alors seulement vient le tour de l'analyse historique... L'analyse historique des systèmes na-t-elle u pas été précédée de l’analyse scientifique des matières en elles-mêmes ? Elle manque de guide et de « flambeau , et elle se perd dans les ténèbres. » (Cousin. Fragments philosophiques. De la philosophie en Belgique. La même pensée est exprimée, et aussi formellement , dans la deuxième leçon du Cours de l'histoire de la philosophie fait en 4828. Voy. aussi la quatrième leçon.) Ces passages confirment de la manière la plus positive ce que nous disons dans le texte de la place que doit occuper dans le tra- vail philosophique la partie critique des systèmes. Nous avons cru devoir les citer textuellement, vu que M. Nicolas, professeur de philosophie à Montauban, énonce une opinion contraire à celle que nous soutenons ici. (De l’eclectisme , p. 46.) (2) Yoy. Cousin , la deuxième leçon du Cours de l'histoire de La philosophie fait en 1828. M Monte a bien exposé l'influence des recherches de ce genre dans un article de la Bibliothèque universelle de Genève, article qui , ainsi que d’aufres insérés dans le même journal , annonce dans l’auteur un philo- sophe dont la France pourra un jour s’honorer. 560 MÉMOIRES ques (1), que c’est ainsi que de prime abord M. Cousin a envisagé l’éclec- tisme. On peut se demander, il est vrai, comment il arrive qu’au lieu de détruire, ainsi qu’il aurait pu le faire , certaines objections élevées contre ses doctrinés, en ramenant le mot éclectisme dans les limites de son sens primitif, il ait donné prise contre lui à ses adversaires, en les suivant sur le terrain où, commenous allons le voir, ils l'avaient conduit, qu'il ait même paru quelquefois autoriser la confusion d'idées qui se rattache à ce mot, en l’employant pour désigner tout à la fois et le travail à l’aide du- quel on cherche dans sa conscience les éléments de la pensée humaine, et celui par lequel on s’applique à les retrouver dans les écrits des philo- sophes (2). Je crois que l’on peut en donner pour raison la nature de ses doctrines et la manière graduelle dont elles s'étaient formées, ainsi que l'influence que ses travaux ont dû exercer sur la direction de ses pensées. Que l’on explique tous les produits de l’impressionnabilité et de l’acti- vité de l'âme humaine par les sens ou par les idées, lés termes de philo- sophie de la sensation et d’idéalisme se présentent immédiatement à l’es- prit; mais il était plus difficile de désigner par un nom convenable un système qui unit et combine plusieurs principes, et qui n’était encore qu’esquissé ; et dans l'embarras où M. Cousin a dû au premier moment se trouver à cet égard, il a pu facilement être entraîné par ses profondes et habituelles préoccupations concernant la critique des systèmes de philo- sophie, à avancer le mot éclectisme; c'est même ce que semblent a5sez clairement indiquer quelques passages de ses écrits(3). En outre, ce mot présente un caractère indéterminé, qui est en opposition avec l'esprit exclusif contre lequel s'élevait M. Cousin. Une fois lancé dans le monde, il y acquit bientôt une vogue en rapport avec la gloire du philosophe qui l'avait pris pour drapeau de ses doctrines(4). Cet illustre penseur dut être ainsi naturellement conduit à le défendre et à présenter de plus en plus ses idées sous un point de vue qui donnait contre lui prise à ses adver- saires. Lui-même, au reste, ne s'oppose pas à ce qu’on le change contre un autre (5). Peut-être , en effet, conviendrait-il d’en borner désormais l'application au travail critique, que dans l’origine il devait uniquement désigner. On mettrait ainsi fin à des reproches sans fondement et à des discussions très- embrouillées, comme le prouvera l'examen que nous allons faire des at- taques de M. Bautain contre la doctrine de M. Cousin. Ces attaques por- tent principalement sur quatre points : 40 La doctrine de M. Cousin n'offre qu'un amas confus d'idées incohérentes. 2 Le vrai s’y trouve mêlé avec le faux , et elle ne fournit aucun moyen de les distinguer. 5° Elle réduit les principes rationnels à n'être que des faits généralisés, de la même na- ture que ces résultats de l'expérience auxquels on donne en physique le nom de lois. 40 Elle est impuissante pour rendre raison des vérités ob- (1) Fragments philosophiques. (2) Introduction à l’histoire de la philosophie, Xeçon 45, — M. Wendt, sans méconnaitre la nature du rèle que nous avons attribué à l’éclectisme , accuse pourtant M, Cousin de s'être énoncé à cet égard d'une manière obscure et contradictoire. (Nouvelle Revue germanique, septembre 4854, p. 76.) (5) L’Orient et la Grèce, ou Histoire de la philosophie chez les Grevs. Préface de la traduction du Manuel de l'histoire de la philosophie de Tennemann. (Fragments philosophiques.) (4) Avertissement en tête de la troisième édition des Fragments philosophiques. (5) Préface de la traduction du Manuel de l'histoire de la philosophie de Tennemann ae HT 1. Dee. DE LA SIXIÈME SECTION. 561 jectives. C’est particulièrement contre l’école écossaise que M. Bautain dirige explicitement ces deux derniers reproches; mais comme ils concer- nent un principe commun à l’école écossaise et à l’école éclectique, ils tombent également sur cette derniére. : L'enseignement de M. Cousin n'offre pas unedoctrine proprement dite; il est obscur, vague , incohérent(1). Est-ce sur la méthode ; sur le système , ou surletravailéclectique que tombe ce reproche? Évidemment il ne concerne pas la méthode; car la simplicité de l’idée que présente le mot observation exclut toute combinaison d'éléments d’où pourrait résulter de l’incohé- rence. Concerne-t-il le systéme? Mais on y voit, au contraire, le soin qu’a pris M. Cousin de réduire à un moindre nombre ces éléments de raison que Reid à présentés sous le nom de principes du sens commun , et Kant sous celui de catégories , et de rattacher à tout fait de conscience la triple connaissance du monde, de nous-mêmes et de Dieu. Comment un tel travail pourrait-il être taxé d’être obscur, vague, incohérent, de n’of- frir qu'un syncrétisme, un recueil d'opinions qui s'agrégent sans se fon- dre(2)? Serait-ce parce que tous les principes de l'intelligence et de la vo- lonté n’y sont pas ramenés à un élément unique? Mais cette prétention de ramener à un élément unique les principes divers de l'intelligence et de la volonté est en contradiction avec la conscience du genre humain; et c'est ainsi qu’elle est devenue l’arrêt de mort de tous les systèmes dans lesquels on a cherché à la réaliser. Ils ont dû succomber devant les droits imprescriptibles de la raison , qui refusait de se laisser enlever une partie de son domaine. En effet, comme nous l'avons remarqué dans l’esquisse que nous avons présentée des traits principaux de la doctrine de M. Cou- sin , un système de philosophie doit tenir compte de tous les éléments dont l’âmehumaine a la conscience. Comment pourrait-on le considérer comme satisfaisant, quand il n’explique pas tous les faits qu’il doit expliquer, ou quand il ne peut donner de quelques-uns de ces faits que des explications que la raison désavoue ? Ce n’est donc qu'autant que les éléments dont on s'occupe peuvent étre effectivement réduits à un seul qu'il faut opérer cette réduction. Dira-t-on qu’un systéme qui repose sur plusieurs principes manque d'unité? Ce serait confondre l'unité dans la nature et dans les arts avec l'unité numérique, qu’il serait mieux, pour éviter de semblables méprises, de désigner par le mot unicité. L'unité, bien loin de réclamer cette unicité, ne peut résulter que de la combinaison d'éléments divers. Ce qui la constitue , c’est précisément le lien en vertu duquel ces éléments conspirent à réaliser un but commun. Croit-on que cette unité n’existe pas dans l'être intelligent et moral, comme dans les autres ouvrages du Créateur? et, si elle y existe, le systéme qui exprimera fidèlement les diverses parties de cet être ne la reproduira-t-il pas? L’accusation d’incohérence ne peut donc être faite ni à la méthode, ni au système. Aussi nous paraît-il très-vraisemblable que c’est à l’éclectisme proprement dit qu’elle s'adresse dans l'esprit de M. Bautain. Ce n'est pourtant pas avec plus de justice. Il s’agit ici d’un choix. Or ce n’est que dans les résultats de ce choix, et non pas dans l'opération de discerner et de choisir, qu'il pourrait exister proprement de l’incohérence, ou si l'on (1) Psychologie expérimentale, par L. E. Bautain. Discours préliminaire; p. xxx11t, (2) Tbidem, p.xxxI, xxx. 562 MÉMOIRES veut appliquer figurément ce mot à l'opération par laquelle on choisit, ce ne pourrait être qu'autant qu'on le fait d'aprés des règles variables, que l’on n’est guidé par aucun principe fixe. M. Bautain semble s'être figuré .que l’éclectique doit, sans partir d'aucune base, se mettre à fureter dans les écrits des philosophes pour en tirer tout ce qui lui paraîtra vrai, et, sans se soucier même de coordonner ces éléments, en faire un inglobo qu’il puisse appeler son système. Mais, certes, ce n’est pas là la philoso- phie de M. Cousin ; ce n’est pas cet éclectisme qui, comme nous l'avons dit, prenant pour point de départ un système déjà formé et arrêté, consiste à en retrouver dans d’autres systèmes les éléments épars. Mais, dit M. Bautain , la doctrine de M. Cousin ne possède pas le crilé- rium de la vérité ; et de là il résulte qu’elle mêle le vrai et le faux, et ne donne aucun moyen de les discerner (1). Nous demanderons encore : A quoi s'applique cette accusation ? A la méthode? Non; car en quoi consiste la méthode? Dans l'observation psychologique. Or c’est là précisément te moyen que l’éclectique possède pour discerner le vrai du faux. Au sys- tème? Mais comment mériterait-il ce reproche, puisqu'il est formé au flambeau de la conscience psychologique? A supposer que ce flambeau n'éclaire pas toutes les parties du sujet, le système serait incomplet; mais il n’en résulterait pas que le vrai s’y trouvât mélangé avec le faux, sans qu’il fût possible de les discerner; car on ne peut soupçonner ce sentiment intime auquel Descartes demanda un prin- cipe qui püt servir de fondement à toutés les connaissances humaines, d'être un moyen trompeur ou incertain d'atteindre la vérité. Il est vrai que sur une bonne base on peut élever un édifice défectueux ; mais les défauts de l'édifice n’attaquent point alors la solidité de la base. On n'en peut accuser que l'architecte dont le génie, quelque grand qu'il puisse être, participe toujours aux imperfections de l'humanité. Si c'était sous ee rapport que M. Bautain trouvait le faux mêlé avec le vrai dans la doc- trine de M. Cousin, il aurait signalé les vices de la déduction, tout en en respectant logiquement je point de départ. Mais non; ce n’est ni contre le système, ni contre la méthode qu'est effectivement dirigée l'accusation de M. Bautain ; c’est encore contre l’éclectisme, et, à partir de l’idée qu'il paraît s'en être faite, cette accusation se comprend trés-bien, comme aussi elle tombe dès que l'on substitue à cet éclectisme imaginaire celui de M. Cousin. Serions-nous assez heureux, Messieurs, que d’avoir, par les distine- tions que nous venons d'établir, satisfait en partie aux inductions qui ont dicté les questions qui se présentent de prime abord sous le titre philo- sophie dans le programme du Congrés ? Lorsque, dans les deux premiéres, on a demandé en quoi consiste l’éclectisme français de nos jours, c’est sans doute parce que l’on comprenait la nécessité de porter quelque lu- miére au sein de l'obscurité des idées que l’on se forme sur ce sujet; mais cette obscurité d’où pouvait-elle provenir? Existait-elle dans les ouvrages du chef de l’école éclectique moderne? Mais ces ouvrages ne sont-ils pas resplendissants de clarté, et comment les doctrines qui y sont exposées pourraient-elles donner lieu à des interprétations diverses ? Ce n’est donc pas au vague de ces doctrines qu'il faut attribuer le vague des discussions {1} Psychologie expérimentale, pax L. E. Bautain. Discours préliminaire ; p. SXXII DE LA SIXIÈME SECTION. 565 dont jusqu'à ce jour elles ont été l'o‘jet, mais à la diversité des idées que l'on a rattachées au mot éclectisme. Ce sont donc ces idées qu’il s'agissait de distinguer et de caractériser. Si vous croyez, Messieurs, que les observations que nous avons faites ne soient pas sans fondement, vous pouvez en outre en déduire immé- diatement quelques conséquences relatives aux trois questions qui se trou- vent en tête de celles qui concernent la section de philosophie. I1 nous semble d’abord que dans la premiére le mot méthode est im- proprement appliqué à l’idée que l’on voulait exprimer. En effet, puisque c’est en regard de la philosophie de l'histoire de l'esprit humain, selon Hégel , que l’on place l’éclectisme français au dix-neuvième siècle , c’est bien de l'éclectisme proprement dit que l’on veut parler; mais comme nous l'avons montré, ce n’est pas là une méthode qui puisse conduire à la formation d’un système; c'est simplement la contre-épreuve d’un sys- téme déjà formé. On demande dans la seconde question jusqu’à quel point l’éclectisme français de nos jours répond au besoin des penseurs de notre époque, et si la science, en poursuivant cette direction, pourra se garantir des aber- rations pratiques du scepticisme d’une part, et de la confusion théorique du syncrétisme d'autre part. Ce sont là des doutes qui, à ce qu’il me sem- ble, sont, moyennant les distinctions que nous avons faites , faciles à ré- soudre. S'agit-il de l’éclectisme tel que l'entend M. Bautain , il ne répond et ne peut répondre aux besoins des penseurs ni de notre époque, ni d’au- cune époque, et il doit infailliblement , par la voie d’un grossier syncré- tisme , aboutir au scepticisme. Mais s’agit-il de l'éclectisme dont M. Cousin a donné l'exemple et la leçon, d’une critique à l’aide de laquelle on cherche et l'on retrouve dans les travaux des penseurs précédents, ce que l'on a soi-méme découvert dans le trayail intime de sa pensée, alors la science , en poursuivant cette direction, s’éclaire au flambeau du génie des siécles, s'étend et se perfectionne. Il y a là de quoi seconder les no- bles efforts du philosophe, pourvu qu’il n'oublie pas que la critique ne doit jamais remplacer la méditation intérieure, qu’elle est faite seule- ment pour la provoquer et en confirmer les résultats, pourvu qu'il ne ré- duise jamais la science à n’être que de l’érudition. Cette manière de tra- vailler ne pourrait conduire à un syncrétisme qu’autant que l’homme lui- même serait un composé de parties hétérogènes, agrégées sans être com- binées, et loin de pouvoir conduire au scepticisme. Elle offre contre cet écueil la double garantie du sens intime et de l’assentiment des penseurs de tous les siécles ; elle fraye ainsi la route à la seule philosophie qui offre à l’esprit humain des caractères satisfaisants de vérité, ainsi qu'on peut le déduire de l’esquisse que nous avons présentée des principes de M. Cou- sin, et comme nous le montrerons bientôt avec plus de détails. Enfin, l'on demande dans la troisième question s’il y a une critique réelle des systèmes de philosophie indépendante de tout système positif, et quels sont les principes de cette critique. Si l’on s’en tient à cette question sous la forme sous laquelle elle est présentée, il né me semble pas que l’on puisse y répondre d’une manière absolue. La réponse pourra varier en effet selon le degré détendue que l'on donne à l’acception des termes crilique réelle et système positif. Lors- qu'un auteur cherche d’une manière explicite et directe à rendre raison 564 MÉMOIRES de certaines notions par des principes qui ne peuvent aucunement les ex- pliquer , le faux surgit alors , et il suflit pour le reconnaître d'un peu d'étude de soi-même et de réflexion. C’est ainsi que les vices de l’utilita- risme en morale se trahissent pour toutes les personnes non prévenues et doivent même les frapper d'autant plus que, plus étrangères aux subti- lités de l'esprit systématique et d’une philosophie toute de raisonnement, elles se laissent davantage guider par les lumières de la raison et de la conscience. Au milieu des remarques ingénieuses dont abonde la théorie des sentiments moraux de Smith, il ÿy en a qui doivent faire éprouver cette impression de faux, même aux lecteurs qui ne se seraient jamais occupés de systèmes de morale. Mais, si l’auteur ne fait point ressortir les difficultés dont il est dans l'impossibilité de donner une solution con- venable, soit qu’il ne les ait pas vues, soit qu'il ait à dessein évité tout ce qui pouvait y faire penser, soit qu'il en ait sophistiquement donné quelque explication en contradiction avec les bases même de sa doctrine, le lecteur ne peut être en état de critiquer cette doctrine qu'autant qu'il s'est déjà fait lui-même une idée des problèmes à résoudre, des diverses classes de notions dont il s’agit d'expliquer l’origine et de leurs caractères, ce qui suppose de sa part, sinon un système positif, du moins des idées arrêtées qui peuvent devenir les éléments d’un systéme. Moins la doctrine qu'il s’agit de critiquer est défectueuse , moins elle laisse en dehors d’elle des problèmes dont elle ne peut donner une solution satisfaisante, plus il importe que celui qui veut la juger possède déjà sur les notions qu’elle concerne des idées déterminées. Pour sentir le faible de la doctrine de Locke, il suffit d’avoir reconnu l'existence de vérités absolues et néces- saires, de bien savoir ce qu’impliquent ces termes. Ce qui peut manquer à celle de Rosmini est plus difficile à découvrir. Elle rend un compte satis- faisant des vérités ontologiques et d’un très-grand nombre de faits psy- chologiques qui y sont analysés avec une perspicacité de sens intime et une finesse de logique trés-remarquables. Mais quand on arrive à la mo- rale , les explications deviennent, à ce qu’il me semble , moins satisfai- santes. Ce n’est pas d'une manière suffisante et bien naturelle que l’auteur fait sortir l'ensemble des notions de devoir de l’idée pure de l’être. Aussi M. de Cavour, son disciple, semble-t-il à peu près abandonner dans cette nouvelle sphère le principe suprême de la philosophie rosminienne , et, comme pour ne pas y être infidèle , recourt-il en désespoir de cause à la Révélation , pour expliquer le principe moral. M. de Cavour n’aurait-il point fait ici relativement à la doctrine de Rosmini ce qu'avait fait Hume relativement à celle de Locke? Par l’ardeur avec laquelle il l'a embrassée et la logique avec laquelle il en a tiré les conséquences, ne lui aurait-il pas porté un coup mortel (1)? Il serait superflu de nous arrêter à la seconde partie de la troïsième question , qui concerne les principes d’une critique des systèmes de phi- losophie , indépendante de tout système positif. Ce que nous croyons que l’on doit en penser, peut se déduire aisément des remarques précédentes. (1) I est bien entendu qu’il ne s'agit ici que du principe de la philoso phie de Rosmini envisagé comme principe unique. L'ouvrage de ce penseur n’en reste pas moins un des plus beaux monuments de l'esprit humain ; il n’en est pas moins un trésor de pensées vraies et profondes et d'utiles découvertes, comme l'est aussi celui de Locke. DE LA SIXIÈME SECTION. 565 Passons maintenant au troisième point. . Mais, dans tout ce que nous venons d'avancer, nous ayons pris pour base la supposition que l'observation psychologique est la véritable mé- thode à suivre dans les travaux philosophiques. Or M. Bautain le nie; il reproche à la philosophie écossaise, et implicitement par conséquent à celle de M. Cousin, d'être fondée sur ce principe: Ce troisième reproche est plus sérieux que les précédents, et demande un examen plus appro- fondi. Ici du moins nous sayons d'emblée sur quoi doivent porter nos réflexions; c'est évidemment de la méthode qu’il s’agit exclusivement. Prendre l'observation psychologique pour point de départ de la philo- sophie, selon M. Bautain, c’est assimiler l'étude de l’homme moral et du monde spirituel à celle de la physique, Or, en physique, on ne fait que re- connaître des faits. Les lois que l’on en tire par induction ne sont jamais que des faits plus généraux ou des propositions abstraites avec peine et plus ou moins exactement des phénomènes connus de l'observateur, et qui n’ont de valeur que pour ces cas. Appliquées à l’étude de l'intelligence et de la volonté , des lois de cette espèce ne peuvent point donner la science de l'homme ; elles nenous apprennent rien de son principe, de sa nature, de ses devoirs, de sa destination (1). Cette même objection a été dirigée directement et fortement pressée contre l’éclectisme par M. Leroux (2); et, si l'on veut y réfléchir, on trouvera entre elle et les attaques de Hume contre le principe de causalité une affinité très-grande. Voilà une même profession de foi, et sur un point capital, faite par MM. Hume, Leroux et Bautain. Singulier accord! Il existe donc dans le domaine des idées, comme dans celui des intérêts, eten philosophie comme en politique, des associations spontanées et bizarres. Sans doute, le rapport que nous re- marquons ici entre les opinions de philosophes dont les vues sont d’ail- leurs trés-opposées, est dû à quelque principe commun qui, au sein d'i- dées divergentes, établit entre eux un mystérieux lien, Mais quoiqu'il fût trés-intéressant de déterminer ce principe, ce n’est pas d’une telle re- cherche que nous pouvons nous occuper ici. Ce dont il s’agit seulement, c’est de savoir si l’objection que ces philosophes font comme de concert contre la méthode de l'observation psychologique est véritablement fon- dée. Cette objection repose sur la supposition d’une similitude entre la généralisation au moyen de laquelle on s'éléve à la connaissance des lois de la physique, soit du corps, soit de l’âme(3), et celle en vertu de laquelle on pose un principe rationnel, tel, par exemple, que celui de causalité. Il existe une différence essentielle entre ces deux cas de généralisation. La généralisation au moyen de laquelle on détermine les lois de la nature physique pu psychologique, résulte de l’abstraction d’un élément contin- gent que l’on dégage de plusieurs faits contingents et complexes com- parés entre eux. La généralisation d’un principe, tel que celui de causa- (1) Psychologie expérimentale, Discours préliminaire , p. xx1 à XxIX. (2) Refutation de l’éclectisme , etc., par Pierre Leroux. (5) Le mot physique est employé ici, comme il Vest souvent en philosophie, pour exprimer ce qui est, en opposition à ce qui doit étre. Dans cette acceptation, les lois que l'observation psychologique nous déconvre , concernant le jeu de nos facultés , sont des lois physiques, analogues à celles de la physique proprement dite. Il ne faut pas les confondre avec les principes rationnels que la même ob- servation psychologique nous fait connaitre. 566 MÉMOIRES lité, s'élève sur un seul fait, duquel on dégage l'élément transcendant et nécessaire, élément qui, en tant que nécessaire , ne peut être que géné- ral, universel. C’est la raison même que l'on abstrait partiellement, et la raison n'existe qu’à la condition de cette généralité. A proprement parler, on ne généralise pas; on ne fait que reconnaître un élément général préexistant. Que l’on se représente cet élément sçus la forme d'une idée qui est dans l'esprit, sans faire partie de l’esprit même, ou sous celle d’une détermination virtuelle, d’une faculté de cet esprit; peu importe ,iln’en est pas moins essentiellement général. L'école de Kant a appliqué la qualification d’empirique à ce procédé, au moyen duquel nous arrivons à reconnaître par l'observation de nous- mêmes l'existence de vérités nécessaires; et M. Schelling emploie ce terme en parlant de la philosophie de M. Cousin (1). Mais il nous semble qu'il y à là un grand abus de langage. En effet, on entend communément par empirisme une sorte de tâtonnement expérimental, que l’on consi- dère comme indigne du nom d'expérience, parce qu'il n’est dirigé par aucun principe, et que l’on n’y prend pour guides que des analogies ap- parentes ; mais il n’y a ici ni {âtonnement , ni analogie; et même, quoique l’on prenne pour point de départ l'observation, on ne fait aucun appel à l'expérience , qui n’a rien de commun avec les vérités nécessaires. Si l'on nous dit qu'en philosophie on applique la dénomination d’empirique à tout système qui repose sur des faits généralisés (2), quel que soit le mode de cette généralisation, nous répondrons qu'à supposer même, ce que nous contestons, que cetle expression de fait généralisé, appliquée à un principe rationnel, füt exacte, ce serait là, vu les idées qui s’y rattachent dans le langage commun, un de ces termes dislogistiques que Bendham condamne à juste titre et qu'il vaut mieux s’interdire. Voici eñfin un nouveau reproche qui tombe aussi également sur l’éclec- tisme et sur la philosophie écossaise; il concerne encore la méthode. Les assertions d’une école qui prétend tirer tous ses principes de la cons- cience individuelle , n'ont aucune portée objective, aucune force mélaphy- sique ; car notre manière de connaître dépend des formes de nos facultés, des conditions de notre organisation, des lois de notre esprit, iesquelles étant purement subjectives, ne peuvent le transporter au delà des bornes de sa subjectivité, ni l'autoriser à affirmer La vérité de l'être en lui ou hors de lui(s). Mais, demanderons-nous , comment l’homme arriverait-il à la connais- sance des choses autrement que par l'impression qu’elles font sur lui , et par les idées qu'il s’en forme ? Où prendrait-il, si ce n’est en lui-même, son point de départ pour étudier ce qui est hors de lui? Pour qu'il puisse connaître le monde, ne faut-il pas que le monde se réfléchisse dans sa conscience; et prétendre que c’est hors de celte conscience qu'il doit cher- cher une base pour sa philosophie, ne serail-ce pas aussi absurde que de dire qu’un corps peut exister en plusieurs lieux à la fois? Lors même que par impossible un philosophe prendrait hors de sa conscience la base de son système, ce système ne serait aux yeux des lecteurs qu’une pure hy- (1) Revue germanique, octobre 1855 , p. 6. (2) Damiron, Logique, p. 156 , 137. (5) Psychologie expérimentale. Discours préliminaire , p. XXVI PORT DE LA SIXIÈME SECTION. 567 pothèse tant qu’ils ne l’auraient pas, quant à eux, trouvé d'accord avec les faits primitifs qui leur apparaissent dans leur conscience, car ce n’est que là qu'ils peuvent chercher des rêgles pour le juger. Comment donc obtien- drait-il leur assentiment , si l'élément générateur en était pris hors de la conscience humaine? Mais n’est-ce pas seulement par l'étude de sa propre raison que l’homme peut saisir les principes de touteraison , principes d’où il déduit ensuite les vérités qui y sont nécessairement liées, et sa raison, m’est-ce pas par l'intermédiaire de sa conscience qu’il la connaît? Sans doute, ma confiance dans les principes de substance et de causalité est le résultat de ma propre conviction, qui est un fait subjectif, mais il est im- possible que je saisisse la vérité autrement que par ma conviction ; et une conviction ne peut être que subjective. Toute subjective qu'elle est, les éléments de raison qu’elle me révéle sont précisément ce avec quoi j’ai prise sur le monde objectif, et ils présentent des caractères qui ne per- mettent pas que je les confonde avec le moi et ses modifications (1) Le reproche que l’on fait ici à l’éclectique, lorsqu'on lui dit qu'il se fie à ses facultés individuelles, est parfaitement logique en ceci, que si, comme on le demande, l'individu doit prendre hors de sa conscience le point de départ de ses connaissances, il faut qu'il le prenne au moyen de quelque autre instrument que ses facultés. Mais comment jugera-t-il sans l’inter- médiaire de ses facultés, ou comment s’élèvera-t-il au-dessus d’elles pou* les juger elles-mêmes? Peut-on penser et croire autrement qu'avec ses facultés ? Exiger que pour arriver à quelque connaissance certaine, on prenne son point de-départ hors de soi , c’est donc déclarer que l’on est dans l'im- possibilité de jamais rien savoir, et frapper d'avance de nullité tout ce que les hommes peuvent dire ou faire pour en sortir. Un scepticisme passif et absolu est le seul résultat en harmonie avec un tel principe. Mais ce scepticisme ne peut même proclamer son existence, sans se contredire. «Hé quoi! pourra dire l’éclectique à ceux qui lui reprochent de ne pas s'élever au-dessus de la sphère de la subjectivité, parce qu'il cherche la vérité au moyen de ses facultés individuelles, vous-mêmes, n'est-ce pas avec vos facultés que vous mettez en douté la validité de mes croyances et que vous cherchez à me réfuter? Si vous prétendez que votre réfutation a quelque valeur, par la même raison vous devez en ac- corder à mon assertion.» On arrive ainsi à deux propositions contradic- toires également fondées. * Ce scepticisme, au reste, l'esprit humain ne peut le supporter. En dé- pit de l'impossibilité , ou en l’adoptant comme banniére, on s’est mis lo- giquement de raisonner, on raisonne encore, non-seulement, comme nous l'avons dit, pour le légitimer , mais pour substituer à la raison, que l'on a fait descendre du rang de principe premier, quelqu’autre prin- cipe, etpour fonder l'évidence. Voyez alors, Messieurs , les conséquences auxquelles on arrive. En voici un illustre exemple. (1) Je ne m’arrête pas ici sur les contradictions patentes dans lesquelles on tombe lorsqu'on veut sortir de sa conscience. Après avoir hautement protesté contre la méthode d'observation psychologique, M: Leroux définit l’homme sensation — sentiment — connaissance , définition à laquelle il attache une grande importance ; mais comment , à la seule inspection de ces trois mots, na-t-il pas compris qu'il était complétement rentré dans le domaine de cette conscience pour laquelle il venait de professer un si grand dédain ? 568 MÉMOIRES Selon M. de Lamennais, nous ne pouvons raisonnablement croire à notre existence qu'’autant que nous croyons en Dieu. Notre foi en Dieu est le seul fondement qui puisse donner de la certitude à la croyance que nous avons que nous existons nous-mêmes. Voilà bien un principe que M. de Lamennais déclare antérieur et supérieur dans l’ordre des connais- sances humaines à tout principe de conscience, et il le fait de la manière la plus formelle. Il considère comme positif, comme incontestable, que la certitude n’a pas de base en nous-mêmes, qu'il faut admettre La néces- sité d’un premier témoignage et celle d'un acte de foi avant de pouvoir raisonnablement faire usage de nos facultés (1). En conséquence de ce principe, M. de Lamennais nie l'évidence. L'évidence n’a, à ses yeux, qu'une autorité subjective. C'est un sentiment qui n’est pas une preuve de vérilé plus certaine que les sensations (2). Mais alors qué signifient tant de raisonnements qu’il fait lui-même pour étayer cette autorité objective qui, en tant que principe premier, doit être la source de toutes les rai- sons qu’il donne, et ne peul en conséquence s'appuyer sur elles ? Que si- gnifie ce reproche d’absurdité qu'il adresse fréquemment aux philosophes qu’il combat? L’absurdité résulte de la négation de l'évidence, et M. de Lamennais ne reconnaît pas l'évidence. M. de Lamennais confond sans cesse le subjectif et l'objectif, l’ordre logique de la formation des idées avec l’ordre ontologique de la production des substances ; confusion bien étrange ! Au lieu de dire, s’écrie-t-il , au Lieu de dire, comme la Religion et le sens commun le lui commandent : Dieu est, donc je suis, l'homme se plaga insolemment à la tête de toutes les vérités et de tous les êtres, en disant : Je suis, donc Dieu est. Grande et fatale erreur (3)! Mais est-il bien possible que ce soit sérieusement que M. de Lamennais ait écrit ces paroles ? Celui qui dit : Je suis, done Dieu est, prétend-il que ce soit lui qui ait fait Dieu ? Il veut dire seulement que son existence propre lui at- teste l'existence de Dieu. S'il y a ici de l’insolence, il faut en faire re- tomber le reproche sur celui qui dit: Dieu est, donc je suis; car parler ainsi, c’est s’attribuer en commun avec Dieu l'existence nécessaire qui n'appartient qu’à lui. M. de Lamennais veut que je fonde la certitude de mon existence sur l'opinion des hommes qui sont à même d'en avoir une à cet égard, leur témoignage, lorsqu'il s'accorde , devant être pour moi le signe et la ga- rantie de celui de Dieu; et comme, en conséquence de ce principe, je ne puis absolument rien savoir de moi-même, que sur toutes choses je suis dans la nécessité de consulter les autres hommes , il appelle son systéme philosophie du sens commun. C’est là un nom qu'il a bien à tort enlevé à celui de Reid, qui le possédait légitimement. Cette usurpation est d'autant plus injuste qu'il est impossible de rien voir de plus opposé que la doc- trine de M. de Lamennais à ce qu’on appelle habituellement le sens com- mun. Le sens commun, c’est l'emploi de la raison dans les applications les plus élémentaires qu'il soit possible d’en faire ; c’est ce degré de raison qui appartient à toute personne qui n’extravague pas. Or, l'usage le plus simple de la raison apprend à l'enfant qu'il existe. La certitude de cette (1) Essai sur l'indifférence en matière de religion, eh. A7. {2) Zbidem , ch. 45 (5) Tbidem , ch. 21. DE LA SIXIÈME SECTION. 569 existence est implicitement comprise pour lui dans les premières idées qu'il acquiert. Qu'un homme demande à d’autres : Est-ce que j’existe ? comme doit le faire, pour être conséquent, le disciple de M. de Lamennais, les personnes à qui cette question sera faite se mettront à rire, et pour- quoi... sice n’est parce qu’en faisant cette demande, il a précisément violé ce sens commun dont M. de Lamennais a comiquement arboré l'étendart ? Voilà donc où l’on est conduit lorsque l’on nie l’autorité de la conscience psychologique. Et que l’on ne s’y trompe pas ! Ce sont là des conséquences rigoureuses de cette négation. Certes, si quelque prin- cipe objectif avait droit d’être placé en tête de la déduction de nos con- naissances, ce serait sans doute l’existence de la cause suprême. En en substituant un autre, on ne ferait qu’ajouter de nouvelles absurdités à celles qui sont le résultat inévitable d’une telle méthode. Il suit de là que la prétention de prendre hors de la sphére de la cons- cience psychologique le point de départ de la philosophie , conduit logi- quement à des propositions contradictoires et insoutenables. Aussi M: de Lamennais est-il à notre connaissance le seul philosophe qui ait explici- tement affiché, et clairement, hautement et loyalement soutenu une telle prétention. Les autres, même les plus excentriques , n’ont jamais eu vrai- semblablement l'intention de partir de principes indépendants de tout té- moignage de leur propre conscience, et de se soustraire au critère de Ja conscience individuelle des lecteurs. Que l’on parte de l’idée de l’étre ou que le moi se pose, n'est-ce pas toujours dans la conscience que l'on à pris ces éléments générateurs de l’étre et du moi? Il me semble donc que l’on ne peut pas dire en toute rigueur, avec M. Damiron, que dans les systèmes rationalistes, comme il les appelle, on généralise avant les faits (1); du moins faut-il toujours admettre que l'on a pris pour point de départ un fait fourni par la perception externe ou interne. C’est la notion de l'être simple qui lui est donnée par celle de l'âme que Leibnitz prend pour pivot de sa Monadologie. L'idée logique de Hégel , idée qui suppose, ou qui, par son mouvement propre, enfante la réalité objective, est assurément un élément que ce philosophe a pris dans sa conscience , puisque c’est la conscience seule qui rend témoignage de la raison et du raisonnement. C’est parce que Rosmini trouve l’idée de l'être au fond de toutes ses conceptions, qu'il én fait la base de sa philo- sophie. Ce qui me paraît le caractère spécifique de tous ces systèmes, c’est que chacun d’eux à pour principe un seul fait ou une seule idée ; aussi me semble-t-il qu'ils seraient convenablement désignés par lemot d'exclusifs, en opposition à ceux que le langage actuellement adopté per- mettrait de nommer éclectiques. Mais, s'ils ont entre eux ce rapport, d'autre part ils différent non-seulement par l'idée fondamentale qui leur sert de base, mais encore par le mode de leur construction. Entre leurs auteurs, lés uns cherchent à rattacher à l'élément générateur les éléments a posteriori ou faits que la conscience leur révéle. Les autres, sans se soucier de la psychologie , élévent a priori tout leur système sur le prin- cipe dont ils ont fait choix. La statue de Condillac et l'idéologie de Ros- mini sont de remarquables exemples du travail des premiers. Si les doc- trines formées de la sorte présentent quelques défauts, ces défauts ne (4) Damiron. Logique, p. 356, 557. II. 19 LS] 570 MÉMOIRES peuvent consisier que dans l’omission d'un ou de plusieurs éléments dont il fallait rendre compte, ou dans l'impuissance d'en donner une raison suffisante. Les systèmes formés d'aprés la seconde méthode offrent quelquefois un aspect grandiose et briilant. Ils peuvent témoigner du génie de leurs au- teurs, de la grandeur de l'esprit humain , donner un exercice agréable et noble à l'intelligence, ouvrir à l'imagination de belles perspectives , quel- quefois même jeter accidentellement des rayons lumineux qui éclairent quelques parties obscures du monde moral ; mais ils sont encore plus dé- fectueux que les premiers sous le rapport de cette vérité qui produit la conviction; et, comme c’est là ce qui a fait tomber la métaphysique dans un grand discrédit auprés des esprits positifs, peut-être conviendrait-il , par une sorte de concession faite aux raisons froides et sévéres, de les dé- signer sous le nom de systèmes romantiques. Si ces considérations sont justes, M. Bautain à mal jugé l’éclectisme , lorsqu'il a dit que ce système ne possède point le crilérium nécessaire à la vérité, qu'il ne saurait où le prendre, parce que la conscience et la raison individuelles ne sont que des faits particuliers , et que le jugement privé est sans autorité objective, que toutes les opinions humaines, vraies ou fausses, peuvent y trouver place (1). A cette accusation, dont , à ce qu’il nous semble , nous avons suflisam- ment établi la fausseté, M. Bautain en ajoute une plus grave. Ïl dit que l'éclectisme , pour être fidèle à son système, doit reconnaître que toutes les actions sont bonnes, que c'est l'événement qui décide du droit , le suc- cès qui prouve la légitimité, que la justice est dans la nécessité(2). Et nous, nous disons, au contraire, que c’est sur le système professé par l’é- cole à laquelle appartient l’illustre écrivain que peut retomber à bon droit cette accusation d’immoralité. En ôtant à la conscience psychologique son autorité, cette école; qui est connue sous le nom d'école théologique , détruit celle de la conscience morale. Les philosophes qui en professent les doctrines en conviennent eux-mêmes lorsqu'ils veulent être consé- quents. Ce juge intérieur, qui commande à un si haut point l'obéissance et le respect, qui, tantôt rémunérateur bienfaisant, verse dans le cœur du juste, au sein même de toutes les adversités, des joies ineffables, tantôt furie impitoyable, brûle de sa torche infernale le cœur du méchant par- venu au comble de ses vœux, la conscience, ils l’appellent une sensa- tion(3). Ici encore, Messieurs, je pourrais vous montrer une étrange confmunion de principes entre des hommes qui se croient aux deux pôles opposés de la pensée, qui se combattent et se stigmalisent mutuellement, sans se douter qu’une même idée les réunit, et qu'un même esprit les anime. Et plût à Dieu que ces principes restassent dans la sphère des théories, qu'ils n’exerçassent pas sur l'opinion des gouvernements et des peuples, comme il n’arrive que trop souvent pour la honte et le malheur de l'humanité, une influence qui finit toujours par se résoudre en persé- culions et en injustices! Mais ce serait sortir du cercle où doit me renfer- mer la teneur des questions au sujet desquelles je vous ai demandé, Mes- (4) Psychologie expérimentale, Discours préliminaire , p. XXXU , XXXHIL. (2) Zbidem , p. XXXIN , XXXIV, XXXV. (5) Essai sur l'indifférence en matière de religion , ch. 41 DE LA SIXIÈME SECTION. 571 sieurs, la permission de vous présenter quelques réflexions, que de pousser jusque-là la défense de la philosophie à laquelie on a donné le nom d’éclectisme. Il doit me suffire d’avoir dissipé par quelques distinctions la confusion des idées qui se rattachent à ce mot; et si j’ai fait, en outre quelques remarques en faveur de la méthode d'observation appliquée aux branches supérieures des études philosophiques, elles n'étaient pas hors de propos ; car, en vérité, que signifieraient les questions soumises à vos débats relativement à l’éclectisme, si cette doctrine devait rester sous le poids de la condamnation prononcée par M. Bautain lorsqu'il a dit : Elle est jugée (1). IL fallait bien que j'en appelasse d’une telle décision , pour me justifier d'en parler encore. - Le but que je m'étais proposé est donc atteint , et je pourrais m’arrêter ici. Mais comme l’école écossaise a été mêlée à cette discussion, qu’on a voulu la tuer du même coup que l’école éclectique, et avec les mêmes armes, veuillez, Messieurs, me permettre d'ajouter, en terminant, quel-' ques remarques pour la défendre contre les attaques spéciales dont elle a été l’objet. Je vous adresse cette demande avec d’autant plus de confiance que l’enseignement du système écossais, professé par la voix noble et res- pectée du patriarche existant des philosophes français, a beaucoup con- tribué à faire sortir la France du tombeau où l'avait couchée la doctrine de la sensation et de l’utilitarisme , et à lui assurer le rang élevé qu’elle tient actuellement dans le roÿaume de la pensée. Lorsque j'ai lu les ouvrages de Reid et de Stewart, les chefs de l’école écossaise, j'ai pu y désirer quelquefois une analyse plus rigoureuse et plus approfondie de l'esprit humain; mais j’ai été touché du caractère re- ligieux dont ils sont empreints. , Cette lecture avait contribué à fortifier en moi la persuasion qu’une bienveillance infinie a présidé à l’ordre du monde, en dirige les ressorts, conduit vers une heureuse fin les destinées des êtres sensibles, et à déve- lopper ainsi dans mon cœur les précieux sentiments de l’amour de Dieu, de la confiance en sa bonne et sage providence, et de l’attachement au de- voir. J'ai été, en conséquence, très-surpris lorsque j'ai lu , dansle discours préliminaire de la Psychologie expérimentale, que l’école écossaise ne nous apprend rien du principe de l'homme, de sa nature , de sa loi, de sa destination; qu’à peine ose-t-elle affirmer que l’homme a une âme ; que si on lui demande : D'où vient celle âme? Où va-t-elle? Quel est le but de son activilé? Pourquoi est-elle unie à son corps actuel? Que deviendra:t-elle ‘après la dissolution de ce corps? elle considère ces questions , qui sont les questions vitales de la philosophie et les seules après tout qui intéressent sérieusement l'homme, comme des questions oiseuses et insolubles (2). Et quels sont les fondements de cette grave accusation? L'école écossaise se complaît à développer les preuves de l'existence et des perfections de Dieu (3), et elle est attentive à profiter de toutes les occasions qui peuvent faire ressortir tout ce que les voies de sa providence ont d’aimable et de touchant ; cependant M. Bautain prétend qu’elle ne nous apprend rien du principe de l'homme, et pourquoi? Parce qu’elle part du témoignage de (1) Psychologie expérimentale. Discours prélimmaire , p. XXXVr. (2) Zbidem, p. xxv à xxvur. (5) Philosophie des facultés actives et morales , par Dugald Stewart , 1. 3, ch. 1,2 ,5. 572 MÉMOIRES la conscience individuelle (1); parce qu'elle s'appuie sur la causalité comme nous étant révélée par notre propre conscience, et sur l’idée que l’ordre indique un dessein, comme nous étant fournie par l'exercice de notre propre intelligence! Néanmoins c’est sur ces preuves qu’indépéendamment dela connaissance qu'a pu en donner la tradition d’une révélation primi- tive, on a dans tous les pays et dans tous les siécles cru à Pexistence d'une cause premiére; c'est à ces témoignages que les prophètes en appellent pour engager les hommes à entrer dans les voies de la justice (2), et saint Paul déclare inexcusables ceux des païens qui n’ont pas su reconnaître ces perfections invisibles de Dieu qui se voient comme à l'œil quand on con- sidère ses ouvrages(3). L'école écossaise développe avec soin diverses preuves de la vérité d’une vie à venir (4; cependant M. Bautain l’accuse de considérer comme oiseuse et insoluble la question de l'immortalité de l'âme(5), et pourquoi? Parce qu'elle tire ces preuves de la nature de l'homme et de la constitution de l'univers, s’attachant à montrer que, si notre vie est bornée à l'existence d’ici-bas . le monde n'offre qu'un amas de contradictions inconciliables, tandis que la supposition d'une vie à venir en fait un harmonieux ensemble, où tout s'explique et s’enchaîne (6). Mais M. Bautain professe l'intention de nous ramener à la foi par la science et par la raison (7); et à quoi la science et la raison peuvent-elles s'appliquer plus naturellement et plus légitimement qu’à apprécier les rapports qui existent entre les choses soumises à notre observation, pour en tirer des conclusions concernant des vérités qui sont hors de la portée de cette observation? Si, mises à l'œuvre dans cette sphére, elles ne mé- ritent pas de confiance , elles n’en méritent à aucun égard; les vues de M. Bautain ne sont plus que des hypothèses faites dans le seul but d’a- muser l'imagination, et son précieux travail ne repose plus sur aucune base. j Non-seulement l'école écossaise fait une exposition détaillée de nos différents devoirs; non-seulement elle montre par des considérations trés-belles que l’accomplissement de ces devoirs est intimement uni pour nous à l'intérêt de notre félicité, mais elle établit.que le détail s’en déduit de principes premiers etévidents, comme ceux qui servent de fondement aux sciences les plus certaines (8). Cependant M. Bautain prétend qu’elle ne nous apprend rien sur la loi qui doit régir l'homme , et sur le but qu’il doit donner à son activité (9), et pourquoi? Parce que cette évidence , à la- quelle l’école écossaise en appelle, est selon lui un fait personnel, subjec- tif, sans autorité; mais il se met ainsi en contradiction avec lui-même, car la science par laquelle il veut nous conduire à la foi, ou repose sur des principes évidents, ou n'est qu'un fantôme. C’est ce qu'il reconnaît (1) Philosophie des facultés actives et morales , par Dugald Steward, p. xxvi. (2) Voy. David, Esaïe , etc. (5) Épitre aux Romains, ch. 1, (4) Des facultés actwes et morales, par Dugald Stewart , 1.3, ch. 4. (5) Zbidem, p. XxXVH , xx. (6) Zbidem , 1. 5, ch. 4. . (7) Psychologie expérimentale. Discours préliminaire , p. x, x. (8) Reid. Des facultés actives , essai 3. Dugald Stewart. Philosophie des facultés actives et morales , 1.5. (9) Psychologie expérimentale. Discours préliminaire ; p. XXVH , XEVHI. DE LA SIXIÈME SECTION. 513 lui-même, lorsqu'il reproch e à M. de Lamennais de nier l'évidence (1). Mais alors comment concilie-t-il cet acte de foi dans les données fournies par la nature humaine avec le jugement qu'il porte ici de l’école écos- saise? Mais si l'autorité de l'évidence ne peut pas être contestée, il en ré- sulte que rien n’est plus certain que ce qui est évident. Aïnsi le devoir est aussi solidement fondé sur la philosophie écossaise qu'il est possible qu'il le soit ; et vouloir lui donner une autre base, c’est en diminuer la Sainte autorité. Un lecteur qui donnera son assentiment aux accusations de M. Bautain contre cette philosophie , devra, s’il veut être conséquent, abjurer les pieuses croyances qui, dans sa jeunesse, l'ont animé de tant de douces émotions, lui ont inspiré tant de résolutions généreuses , tenir pour rien les convictions du genre humain, déchirer avec plusieurs pages des saints livres les écrits des anciens philosophes, et les discours de ces grands orateurs qui ont illustré la chaire chrétienne en établissant avec une admirable éloquence les perfections de Dieu , l'immortalité des âmes, la divinité du christianisme, précisément au moyen de ces mêmes argu- ments que M. Bautain récuse; enfin s’enfoncer dans un labyrinthe où l'œil de l'intelligence prend le peu de lumière qui pouvait l’éclairer, où logique , raison, bon sens, tout s’engouffre à la fois dans un abîme sans fond. Avant que nous nous décidions à faire de tels sacrifices , qu’il nous soit permis d'attendre que M. Bautain ait mieux établi la légitimité des droits en vertu desquels il prétend exercer ce pouvoir destructeur. Puisque j'ai particulièrement signalé l'esprit religieux de l’école écos- saise, je crois devoir faire remarquer la maniére très-défectueuse, pour ne rien dire de plus, dont Dugald Stewart a rendu compte de l'argument par lequel le célèbre Clarke a cherché à démontrer l'existence de Dieu. On peut s’en convaincre en comparant l'ouvrage de Clarke sur Existence el les attributs de Dieu, avec le chap. 1er du liv. 3 de la Philosophie des facultés actives et morales, par Dugald Stewart; et, puisque l’occasion s’en offre ici, qu’il me soit permis de dire quelques mots de cet argument de Clarke. Plus j'y ai réfléchi et plus il m'est devenu familier, plus j'ai été convaincu de sa parfaite solidité. Rousseau en a fait un magnifique éloge, mais qui en établit plutôt la supériorité relative que l'excellence absolue (2). Reïd et Stewart ne lui ont donné qu’un assentiment équi- voque (3). Il est vrai que d’après la manière dont ce dernier l’a présenté (4), on a droit de supposer qu’il ne le connaissait pas. Brougham a fait un ouvrage pour le mettre à néant et faire valoir exclusivement l'argument tiré des causes finales (5). Cousin n’en dit pas un seul mot dans son expo- sition des preuves de l'existence de Dieu (6). Comme preuve a priori, il se borne à l'argument de Descartes, dont la force n'est peut-être pas aussi (1) Psychologie expérimentale. Discours préliminaire , p. LvIL. (2) Émile, 1. 4. (5) Dugald Stewart. De la philosophie des facultés actives et morales , 1. 3, ch. 4. (4) Zbidem. (5) Discours sur La théologie naturelle. (6) Cours de l'histoire de la philosophie (1829), 25e leçon. 574 MÉMOIRES incontestable, ou du moins dont il est plus diflicile de se faire une con- ception nette. D'où vient donc ce discrédit où l'argument de Clarke est tombé? Je crois que la cause en est dans ce qu'il a de singulier. Comme il n’y a qu’un seul être nécessaire, il ne peut s'appliquer qu’à un seul cas. Hors ce cas unique , le mot nécessaire ne s'applique dans le langage phi- losophique qu'à des rapports entre les idées. Clarke lui-même a eu le tort de ne pas distinguer ces deux nécessités : celle de causalité, sur laquelle se fonde l'existence de Dieu, et celle d'identité, sur laquelle se fondent les vérités mathématiques. Brougham en a profité pour le réfuter. De ce qu'il n’y a pas contradiction dans les termes à dire que Dieu n'existe pas, il en a conclu que Clarke s’était trompé (1). Je désirerais donc que les phi- losophes qui aiment à fonder sur des principes incontestables de la raison les vérités éternelles qui sont la consolation et l'espoir de l'humanité, se fissent un devoir de remettre en honneur l'argument du docteur Clarke. (4) Discours sur la théologie naturelle , p.14, s. 4. DE LA SIXIÈME SECTION. 315 MÉMOIRE A LA SIXIÈME SECTION DU CONGRÈS SCIENTIFIQUE, EN RÉPONSE À LA QUESTION PROPOSÉE SUR CE SUJET : Y a-l-il une crilique réelle des systèmes de philosophie, indépendante de tout système, et quels sont les principes de celle critique ? PAR M. J. WILLM, Inspecteur de l’Académie de Strasbourg. Cette question n’intéresse pas seulement l'historien de la philosophie, elle intéresse la philosophie elle-même , qui se nourrit de sa propre his- toire , grandit et se développe par elle : la solution en importe surtout au sincère ami de la vérité, qui a besoin de principes fermes et sûrs, de principes incontestables pour lui servir de pierre de touche au milieu de tant d'opinions souvent opposées qui sollicitent son suffrage, et comme de boussole dans le conflit des systèmes divers qui se disputent l'empire du monde intellectuel. La critique historique, la critique littéraire ont leurs règles; la critique philosophique doit avoir les siennes; mais avant de déterminer quelles sont ces régles et quel en est le principe, il faut la définir elle-même, L’historien de la philosophie a une double critique à exercer : l’une his- torique, l’autre philosophique. L'histoire générale de la philosophie peut être critique seulement comme doit l'être tout œuvre historique, en ce sens qu’elle ne doit ad- mettre que des faits avérés, exacts, bien saisis en eux-mêmes et dans leur ensemble, Puiser l’histoire de la pensée aux sources les plus pures et la présenter dans toute sa vérité, laisser à chaque penseur son esprit et son langage, à chaque système sa manière et sa forme propre; chercher à comprendre les rapports historiques et réels des doctrines diverses, leur filiation , leurs différences et leurs harmonies; exposer les faits essentiels sans préven- tion , sans haine comme sans faveur, et avec une pleine confiance dans le progrès et le triomphe définitif de la raison : voilà peut-être tous les de- . voirs de l’historien de la philosophie générale. Quant à cette autre critique qui juge la valeur réelle des doctrines, elle se fait pour ainsi dire d’elle-même, pourvu que l’histoire soit vraie et complète. Le plus souvent, en effet, les systèmes trouvent de leur temps même leur critique dans les systèmes rivaux, et toujours dans ceux qui les suivent. Aristote est la critique de Platon, Zénon la réfutation d'Épicure. Quelquefois l'absurdité évidente des conséquences logiques et 316 MÉMOIRES pratiques d’une opinion suffisent pour en faire éclater la fausseté. Le seul exposé de la morale de Volney et de la psychologie de Cabanis ruine le sensualisme de Locke et de Condillac, avant même que les Royer-Collard et les Cousin viennent l’attaquer jusque dans son principe et ses fonde- ments. s Mais si, dans une histoire générale de la philosophie, où toutes les doctrines sont mises en présence, où elles se complètent et se corrigent mutuellement, où toutes ne paraissent que comme autant de matériaux et de fragments d'un systéme définitif à venir, la critique philosophique peut sembler superflue, parce qu’elle résulte de l'exposé même des faits, il n’en est pas ainsi de l’histoire comparée des systèmes; car pour com- parer entre elles deux doctrines différentes, il faut les juger en vue d’une troisiéme, et tôéutes ensemble il faut les citer devant le tribunal de la raison individuelle, éclairée et assistée pour ainsi dire de la raison des sié- cles passés. Il faut, en un mot, les soumettre à un examen critique; mais cet examen sur quels principes s’appuyera-{-il ? d’après quel code ce procés devra-t-il s'instruire et se juger ? * La critique historique a ses principes d’exégèse, ses maximes de logi- que , de psychologie, de sens commun, de vraisemblance. Les systèmes de mathématiques ou de physique peuvent se vérifier par le calcul ou par l'observation. La critique esthétique et littéraire peut invoquer, à l'appui de ses décisions, l'autorité des grands maîtres et de leurs œuvres, les tra- ditions de l’art, les applaudissements des peuples, et, à leur défaut, les règles éternelles du beau et du vrai qui se retrouvent aisément dans toutes les consciences éclairées. Mais pour la critique philosophique, qui doit discuter les principes des systèmes nouveaux et rechercher la part d'erreur et la part de vérité qui s’y rencontrent, quelle sera la règle de ses appréciations, sur quels textes de loi, sur quelle autorité se fondera-t-elle pour faire admettre ses juge- ments ? Le théologien , appelé à dire son avis sur un systèmé philosophique, le jugera d'aprés sa foi religieuse, les dogmes et les traditions de son Église; l’homme politique l’approuvera ou le condamnera selon qu'il s'accorde ou paraît en opposition avec ses vues sur les intérêts et les nécessités de la société. Enfin l'homme du monde qui, étranger à toute spéculation, ne connaît et ne comprend que la philosophie du sens commun, ne le jugera vrai qu’autant qu'il est compatible avec son expérience actuelle, et il le rejettera peut-être , comme il en arriva d'abord au système de Co- pernic, pour peu qu'il s’écarte des apparences et de l'opinion vulgaire. Mais le philosophe, d’après quel modèle, d’après quels principes appré- ciera-t-il les doctrines philosophiques ? Le vrai philosophe ne se contentera pas d’opposer un systéme à un autre, ou de juger tous les systèmes d’après une doctrine arrêtée , ni de prendre au hasard dans les doctrines diverses ce qui est à sa convenance : il les soumettra toutes à une critique indépendante et fondée sur des principes qui soient, s’il est possible, au-dessus de toute autre critique et à l'épreuve de toute objection. Mais existe-t-il de pareils principes et quels sont-ils ? La critique philosophique est ou purement logique, lorsqu'elle ne porte DE LA SIXIÈME SECTION. 371 que sur la forme des systèmes, ou matérielle, lorsqu'elle en discute à la fois la méthode et les principes. La critique logique peut s'exercer sans convictions philosophiques , dans l'intérêt du scepticisme le plus absolu comme dans celui d’une opi- nion positive. Elle est indifférente quant aux principes: elle les admet par supposition et se borne à examiner si les conséquences qui en sont déduites le sont légitimement, et si toutes les conséquences possibles ont été épuisées, en un mot si le système a été légitimement et intégralement déduit des principes posés. Ce n’est pas la solidité de l'édifice qui est exa-. minée, mais seulement sa disposition intérieure, son plan, son exécu- tion. C’est une question d'art, de symétrie, de convenance. La critique purement logique est facile à exercer, et, en général, a peu de prise sur les doctrines qui ont véritablement marqué dans l’histoire de la philosophie. Mais elle devient presque matérielle lorsque , poussant des principes donnés jusqu’à leurs dernières conséquences, et faisant éclater à tous les yeux l’absurdité de celles-ci, elle en infére la fausseté de ceux-là, et ruine ainsi l’édifice par sa base, en vertu de cette loi qui déclare faux tout principe d’où l’on peut déduire légitimement et loyalement une seule conséquence évidemment fausse, bien que de la vérité des conséquences on ne puisse pas réciproquement conclure à celle des principes. Cette loi, selon laquelle la vérité ne saurait renfermer le germe de l'er- _ reur, est une loi logique, et Les lois logiques sont au-dessus de toute con- testation ; elles sont reconnues tacitement par tous les penseurs, et for- cément observées par les sceptiques eux-mêmes. Ces lois fournissent donc un premier moyen de critique, non pas seulement de critique logique, mais encore, dans de certains cas, de critique réelle, bien que purement négative. La critique qui porte sur la méthode n’est pas seulement logique, elle est matérielle en partie, puisqu'elle atteint quelquefois jusqu'aux prin- cipes, et puisque la méthode est elle-même une partie importante de la philosophie, ou pour mieux dire la philosophie de la philosophie. Lorsque Kant reproche à Locke , non pas de n’avoir reconnu d’autres sources de nos connaissances que les sens externes et le sens interne, mais d’avoir aprés cela essayé de s'élever au-dessus de l'expérience, et prétendu à la possession de principes et de vérités que l'expérience ne saurait fournir, il ne l’accuse pas seulement d’inconséquence, il ébranle le système de - Locke tout entier. La critique de la méthode ne s’informe ni de la vérité des principes en soi, ni de la justesse de leurs conséquences. Elle s’enquiert de la légiti-. mité de ces principes , de la source où ils sont puisés , du droît sur lequel ils se fondent, de leur origine. Elle repousseles hypothèses , les assertions gra- tuites et hasardées, et ne permet pas que sur une base mal assurée ou in- complète s'éléyve un systéme qui ait la prétention de renfermer toute vé- rité ; elle examine, en un mot, si l’analyse s’est élevée assez haut, et si la synthése est suffisamment justifiée. Mais pour faire ainsi la critique de la méthode, il ne suffit pas des règles de la méthode générale que fournit la logique, et qui sont les mêmes pour toutes les sciences; il faut de plus des principes arrêtés quant à la mé- thode philosophique, c’est-à-dire sur les sources de la yérité, et en philo- sophie la méthode est presque le systéme, puisqu'elle y conduit. Dans 518 MÉMOIRES l'origine, Fichte se proposait seulement de perfectionner la philosophie de Kant, en lui donnant une base plus solide et une forme plus rigoureu- sement scientifique, en l’établissant sur un principe suprême. Mais avan- cer qu'un système doit reposer matériellement sur une proposition unique, et en être déduit tout entier, c'était revenir au dogmatisme absolu que Kant avait combattu, c'était entrer dans d’autres voies que les siennes, et par conséquent tendre vers d’autres résultats. En philosophie tout dépend du point de départ , et le point de départ est donné par la méthode, par la théorie des sources et des caractéres de la vérité. Ainsi donc, pour faire l'examen des méthodes, il faut s'être fait, si ce n’est une méthode définitive, du moins des règles sur cette méthode, règles qui sont données dans l’idée même qu'on doit se faire d'une telle méthode ; il faut avoir des convictions sur le caractère de la vérité et sur les sources où il faut la puiser. Il faudra plus, lorsqu'il s'agira noû pas seulement de se prononcer sur la nature de la vérité en général, ou sur les conditions générales de la méthode philosophique , mais encore de décider entre les opinions émises à cet égard. L’évidence de Descartes suflira-t-elle pour reconnaître le vrai? Admettra-t-on avec Leibnitz, comme caractères de l'évidence , le principe de contradiction et la raison suflisante? Partira- t-on , comme les mathématiciens, de définitions et d’axiomes d’une certi- tude prétendue immédiate, ou bien ces axiomes eux-mêmes doivent-ils être vérifiés et ramenés à leur origine ? Pour répondre à ces questions, il suffira de savoir distinguer entre la vérité logique et la vérité réelle, entre l'évidence relative et l'évidence absolue. Mais lorsqu'on demande si, avec Condillac, on n’admettra que de pre- miers faits, et non plus de premiers principes fondés sur la raison et s'imposant à l'esprit par son seul développement, ou si, avec Spinoza el Fichte, on ira à la recherche d’un fait primitif unique ou d'un premier principe unique, pour en déduire non-seulement toute vérité, mais en- core loule existence : c’est demander si l’on sera rationaliste ou sensua- liste, panthéiste ou idéaliste, c’est vous demander une véritable déclara- tion non pas uniquement de méthode et de procédés, mais de principes réels. Des principes, il en faut toujours et partout, et Condillac lui-même, quand il disait avec tant d'assurance qu’il ne fallait plus de premiers prin- cipes , mais de premiers faits, n’énonçait pas un premier fait, mais pro- clamait, par une inconséquence inévitable, un premier principe, si ce n’est de philosophie proprement dite, du moins de recherche et de mé- thode. Ainsi la discussion des méthodes est inséparable de celle des principes, et toute critiqüe véritable des systèmes de philosophie est une critique réelle et positive. Il faut donc apporter à cet examen non-seulement des principes logi- ques , des règles générales d'observation et de recherche philosophique , des précautions sceptiques, mais une philosophie toute prête quant aux principes , si ce n’est close et arrêtée, une philosophie actuelle et posi- tive, si ce n'est définilive et compléte. J'ai dit que la critique sera réelle , c'est-à-dire qu'elle ne sera pas seu- lement logique et sceptique, mais fondée, si ce n’est sur un système, du moins sur des principes d’un système. Il ne s’agit pas , en eflet , dans l'examen critique des philosophies, d'opposer un systéme personnel aux DE LA SIXIÈME SECTION. 519 systèmes qu'on juge, ou d'apprécier les philosophies historiques d’après tel système historique. L'histoire de la philosophie écrite par un disciple servile de Condillac, de Kant, de Hégel, n’est jamais une histoire im- partiale et véridique. Il est du plus haut intérêt d'entendre Napoléon, relégué à Sainte-Hélène, juger les campagnes d'Alexandre, de César, de Fréderic IL; mais Condillac, dans son Traité des systèmes, et Hé- gel, dans ses Leçons sur l'histoire de la philosophie, sont moins à com- parer à des généraux qui apprécient les dispositions stratégiques des au- tres grands capitaines, ou à de grands artistes qui jugent les œuvres de leurs pairs, qu’à des puissances nouvelles qui font le procés à des puis- sances rivales ou déchues. Hégel lui-même , qui pourtant admettait dans l’histoire un développement organique et nécessaire, une succession ré- guliére d’évolutions prédéterminées de l'esprit universel, refusait en 1816, à toutes les nations étrangères , jusqu’à la moindre notion de la vraie phi- losophie (1), et déclarait qu’en Allemagne même, il n’y avait eu avant lui, dans les derniers temps, de philosophies que celle de Kant, perfec- tionnée par Fichte, et celle de Schelling-(2). C’est donc moins un système que les principes généraux d'un système large et universel , tels que les fournit une méditation indépendante: et éclairée par l'étude de l’histoire de la philosophie, qu'il faut apporter à l'examen des systèmes , avec un jugement exempt de toute prévention de nation ou d'école , et avec l’habitude des discussions philosophiques. Voici quelques-unes des règles qui peuvent servir de fil et de flambeau à travers ce dédale de voies qui se croisent et se mêlent sans cesse dans le monde de la pensée , de tant de systèmes souvent contradictoires. D'abord, sans avoir une foi superstitieuse dans l’infaillibilité du syllo- gisme, il faut toujours avoir présentes à l'esprit les lois de la logique. Bien que tout ne soit pas démontrable en philosophie , on ne doit jamais admettre dans le domaine de la science le ton de l'enthousiasme , l’inspi- ration prophétique à laquelle l'imagination a toujours plus de part que la raison ; il faut que tout soit justifié, et que partout rêgne l'évidence soit de fait, soit de raisonnement et de déduction : il faut avant (toutexaminer la base sur laquelle on entend établir l'édifice intellectuel , et cette base doit toujours reposer sur la nature raisonnable de l’homme, telle qu’elle se révèle à la conscience par une réflexion forte et méthodique. Sans la foi en cette nature raisonnable , en la conscience réfléchie qui la représente , il n’y a pas de certitude, point de vérité , plus d'existence assurée, car la vérité réelle n’est que l’être reconnu par la pensée. De cette confiance en la raison résulte la foi au parfait accord des deux na- tures , de la nature extérieure ou objective, telle qu’elle s'offre à nous par une observation suivie et raisonnée , et de la nature intérieure ou sub- jective, telle qu’elle se révèle au sens intime par la réflexion; et cette foi au parfait accord de ces deux natures, est réciproquement la condition de la véracité du produit de la raison, c’est-à-dire de l'intelligence qui naît de leur observation simultanée, et qui se développe, s'accroît et s’assure en proportion de la netteté et de la continuité de cette observa- tion. Cette foi à l'intelligence que suppose toute philosophie, n'emporte pas (1) Porlesungen über die Geschichte der Philosophie, À. XIE, p. 4. (2) bidem , p. 614. 580 MÉMOIRES - du reste l'approbation de toute intelligence , de toute conviction actuelle, et encore moins celle de tous les résultats de la dialectique, Toute philosophie actuelle, en supposant même qu’elle soit entiére- ment puisée aux sources vérilables , et qu'elle soit le fruit légitime d’une méditation méthodique , ce que la critique doit vérifier, n’est jamais qu'un édifice inachevé, un monument incomplet, une forme inadéquate de la philosophie absolue et définitive à laquelle aspire l'esprit humain, dans son développement indéfiniment progressif. Nulle forme déterminée, nul systéme né peut épuiser toute la richesse virtuelle de l'esprit, ni re- présenter l’universalité des choses. Tout systéme de philosophie, quelque riche et quelque magnifique qu'il soit, n’est jamais qu’une forme finie et temporaire de la vérité éternelle et infinie. Chaque philosophie n’est jamais qu’une page ou un fragment de la phi- losophie universelle à laquelle aspire l'esprit humain et à laquelle il n’ar- rive jamais, non pas seulement à cause des bornes qui lui sont tracées , mais à cause de sa grandeur même. Le philosophe le plus assidu et le plus habile à lire dans le grand livre de l'univers et à sonder les profondeurs de l'esprit, est semblable au stu- dieux solitaire de Jean Steen, qui, lisant dans un livre, est sur le point de tourner un nouyeau feuillet au moment où la mort ouvre sa porte pour l'appeler à d’autres destinées. IL vivrait des siécles, il lui serait donné de vivre aussi longtemps que l’espéce toutentière, qu’il ne finirait pas de lire jusqu’au bout l'ouvrage qui est ouvert devant lui; et son étude serait d'autant plus interminable qu'il aurait sans cesse besoin de revenir sur sa lecture, qu'à chaque page nouvelle, à chaque nouveau feuillet qu’il tourne, il s'aperçoit qu'il n’a pas assez bien compris ceux qui pré- cèdent , que le second explique le premier, le troisiéme le second, et ainsi indéfiniment , de telle sorte que la dernière page, à laquelle il n'arrive jamais en cette vie, pourrait seule lui donner l'intelligence de tout l’ou- vrage. Et ne nous plaignons pas qu’il en soit ainsi, que l’œuvre philosophique ne soit jamais consommée ! Elle n’est pas pour cela semblable au supplice des Danaïdes ou à celui de Sisyphe. IL n’y a point, dans ce lent travail des siècles, d'ouvrier inutile, d'ouvrage perdu. Chaque système, si im- parfait qu'il soit, pourvu qu’il soit légitime , suffit aux besoins de son au- teur, de son siécle. L'esprit humain s'y arrête, s’y établit pour un temps; puis il se remet à l’œuvre, et se reconstruit sa demeure plus commode , plus vaste et plus belle. Un repos absolu le plongerait dans le sommeil de la mort. Ce travail incessant fait sa dignité, sa volupté, sa vie. La juste confiance que nous devons à la raison nous oblige encore moins à recevoir pour vrais tous les résultats du raisonnement par cela seul que les lois de la pensée ont été observées. Les conclusions ne sont vraies qu’autant qu’elles sont le produit légitime de principes fondés dans la nature raisonnable de l'homme. Mais comme souvent cette réduction des résultats d’un système à ses principes est chose fort difficile, eteomme on peut encore se tromper aisément dans la vérification des principes eux-mêmes , il reste un autre moyen, si ce n’est de nous assurer de la vé- rité du système, du moins, s’il y a lieu, de nous en faire reconnaître la fausseté. Il y a une sorte de critique préventive et péremploire qui, bien qu’elle soit toute négative, peut rendre de grands services. DE LA SIXIÈME SECTION. 581 On dit qu’il faut laisser un libre cours à la spéculation sans lui faire un crime des conséquences auxquelles elle peut arriver. La vérité, en effet, ne se dévoile qu'à la pensée libre et indépendante , et vouloir étouffer une discussion parce qu’elle peut aboutir à des résultats désolants ou funestes, ce serait aussi peu servir la société que la vérité. On doit admettre avec Spinoza que la liberté de la pensée philosophique non-seulement peut être accordée sans danger pour la vraie piété et pour l’ordre social, mais encore que cette liberté ne peut être détruite qu’au détriment de la paix Fr et de la religion. Mais le respect de cette liberté n'empêche pas qu'on ne puisse protester contre les principes d’un systéme, lorsque les conséquencés qui en peuvent être loyalement déduites sont évidemment absurdes , et en contradition avec cette vérité naïve qui s'impose à l’assen- timent de tous comme la condition de la vie même de l'esprit, que sup- posent au fond tous les systèmes , ‘et qui éclate à tous les yeux comme la clarté du jour. C’est encore faire un appel à des principes, c’est mettre des prineipes devenus suspects par leurs conséquences en présence de principes incontestables , et dont nulle spéculation ne peut ébranler dans la conscience la puissante autorité. Je ne dis pas que toute philosophie qui s’accorde avec ces principes soit vraie, où qu'ils puissent tenir lieu de toute philosophie, màis seulement que tout systéme qui est incompatible avec eux, qui les annule est faux ; je dis que toute philosophie qui se met en contradiction avec le sens com- mun doit être réputée fausse tantqu’elle n’aura pas prouvé qu’il se trompe, et pourquoi il se trompe. Quelques observations sufliront pour justifier l'exercice de cette critique péremptoire. En effet, admettrait-on une philosophie qui aboutirait à nier l'existence du sujet pensant, l'existence même de celui qui l’a produite ? Évidemment non. Or mon existence actuelle n’est pas plus assurée, pas plus vraie que toute ma manière d’être, toute ma nature interne, avec tous ses señti- ments , toutes ses dispositions primitives, avec ses lois, ses besoins et ses tendances. Si mon existence actuelle est d’une vérité au-dessus de toute discussion , tout ce qui sera reconnu pour être de ma nature , sera égale- ment vrai, ét rien au dehors de moi ne pourra détruire cette vérité, ou y être contraire: car, à moins de renoncer à cette foi dans la raison qui est commune à tous les philosophes, je sais a priori que la vérité est une, et que la nature des choses ne saurait être en contradiction avec elle-même. A mesure que l'esprit se développe par la vie, il se forme en lui des croyances, des convictions sur lui-même et sur le monde, une sorte de philosophie naturelle qui, parce que partout, au même degré de civilisa- tion, elle se montre la même quant à l'essentiel, et qu’elle paraît indé pendante de toutes les différences de mœurs et de langage , est considérée comme la manière de sentir commune à tous, comme le sens commun, la conscience universelle. Or le sens commun peut étre soumis à un double examen, ét la critique dont il est l’objet est lé commencement de la philosophie de réflexion et une partie essentielle de toute philo- sophie. L'examen du sens commun est d'abord psychologique, et ensuite méla- Physique. Sous le premier point de vue, il a pour objet de constater l'ori- gine véritablement psychologique des convictions qui constituent le sens 582 MÉMOIRES commun, de rechercher l'histoire de leur développement spontané , afin d'en séparer {ous les éléments étrangers, tout ce qu'il pourrait s'y étre mélé de factice et d'imposé : examen plein d'intérêt et dont le succés est abondamment attesté par l'histoire de la civilisation. Le second examen du sens commun , la critique métaphysique, consiste à examiner si, dans les convictions reconnues pour naturelles et vrai- ment spontanées , il n’y a point d'illusions, si la philosophie naturelle est d'accord avec la réflexion libre et méthodique. Ainsi qu’il y a des illu- sions d'optique qu’une observation réfléchie, une expérimentation ha- bile et savante dévoile et dissipe, de même il peut y avoir des illusions intellectuelles, morales, religieuses, qu’il est du devoir de la philoso- phie d'expliquer et de détruire lorsqu'elle se met en opposition avec les croyances du sens commun, avec les convictions et les espérances de l'espèce humaine. Il ne suffit pas que la philosophie spéculative pose des principes qui paraissent certains et nécessaires, et qu’elle en déduise un système con- séquent et parfaitement lié dans loutes ses parties; si dans ses résultats elle n’est pas d'accord avec la conscience naturelle , il faut encore qu'elle prouve directement que cette conscience se trompe, qu’elle montre où est la cause de son erreur, et qu’elle réussisse à dissiper ses illusions. Tant qu’elle n’aura pas satisfait à ce triple devoir, dans son opposition à la philosophie spontanée et naïve, la spéculation doit être tenue pour sus- pecte et problématique. C’est ainsi que le système de Ptolémée, le système des apparences, se maintint avec raison comme science tant que le sys- tème contraire n’était pas démontré. C’est ainsi que l’idéalisme, s’il veut se faire admettre, sera tenu de me montrer avec évidence comment il arrive que, les objets sensibles n’existant pas, je les crée par la pensée et donne à mes idées une existence réeile hors de moi, et il faudra qu'il parvienne à dissiper mon illusion à cet égard. Spinoza, en niant la liberté, devra expliquer comment, n'étant pas libre, j'ai pourtant la conscience de l'être et me crois responsable de mes actions. Il a essayé de le faire; il a même persuadé sa doctrine à plusieurs ; mais on peut avancer hardi- ment qu'il n’a pu arracher du cœur de personne, ni même du sien, le sentiment de la liberté. C'est qu'il y a dans la conscience des convictions inébranlables : les convictions nées du sentiment moral sont de ce nom- bre, et elles nous fournissent un dernier moyen de critique négative, le plus sûr, le plus infaillible de tous. Mon existence n’est pas un fait plus assuré que ma nature morale , le sentiment du devoir. Non-seulement nulle philosophie ne saurait être admise à en prouver la nullité, mais encore un système qui, dans ses conséquences les plus éloignées même, y serait contraire, doit être dé- claré faux, parce qu’il est impossible qu’une philosophie vraie soit en con- tradiction avec un fait intime d’une certitude immédiate. Une doctrine qui, par son application, non à telle ou telle forme de société, mais à toute société, y porterait le trouble et la désorganisation, qui méconnai- trait toutes les notions du juste et de l'honnête, une doctrine selon la- quelle le sentiment de la liberté morale serait un rêve, l'appel à la dignité humaine une prétention risible, le devoir une charge imposée aux faibles, le droit le privilége de la force, l'enthousiasme pour ce qui est noble et grand une folie, le dévouement une chose absurde, une telle philosophie DE LA SIXIÈME SECTION. 585 doit être rejetée sans autre examen , non pas comme désolante et funeste, mais comme fausse et mensongére. L'emploi de cette critique est d'autant plus utile que nul philosophe, quelles que soient d’ailleurs ses convictions, ne consentirait à passer pour un malhonnéte homme , et que de tous les reproches qu’on peut adresser à une philosophie , celui que ses adhérents repoussent avec le plus de force, c’est celui d’être antimorale. Ainsi les moyens de critique , même sans qu’on ait un système arrêté, ne manquent pas, pourvu qu'on ait des principes , de ces principes que nulle philosophie ne peut infirmer. On demandera à tout système ses titres de légitime origine et de légitime déduction; et l'on n’admettra d’autres principes que ceux qui ont leur racine dans l'esprit et le cœur de l’homme, prêt à rejeter dans tous les eas et sans hésiter toute philosophie qui serait impuissante pour expliquer et confirmer les convictions morales, ou qui, par ses conséquences nécessaires, serait en contradiction avec elles. 184 MÉMOIRES DE L'ÉDUCATION DES SOURDS-MUETS ET DE L'ORGANISATION DES ÉTABLISSEMENTS QUI LEUR SONT DESTINÉS, PAR M. ÉDOUARD MOREL, Professeur et secrétaire-archiviste à l’Institution rovale des Sourds-muets de Paris. MESSIEURS, Au milieu des nombreuses et intéressantes questions soumises à l’atten- tion des hommes éminents qui composent celte assemblée, le programme n’a point oublié les sourds-muets. Comme Alsacien, j'ai accueilli avec joie ce témoignage de sympathie publique donné par mon pays natal à une cause qui m'est chère ; comme professeur à l’école de Paris, j'en rends grâces à la commission centrale, au nom des nombreux sourds-muets qui attendent encore le bienfait de l'éducation. Il était peut-être juste aussi que le premier appel en faveur de la régé- nération sociale des sourds-muets fût fait, au sein du Congrès scienti- fique , par une ville qui a fourni à l'esprit humain son plus puissant levier d'émancipation intellectuelle; car si Mayence se glorifie d’avoir donné le jour à l'inventeur de l'imprimerie, Strasbourg peut se glorifier d’être le berceau de l'invention. C’est ici qu'a jailli la premiére étincelle de ce vaste foyer de lumières qui devait éclairer le monde, pour ne plus s’é- teindre. « Le programme du Congrès propose à nos discussions la question sui- vante : L'éducation des sourds-muets n'est-elle possible que dans des établisse- ments spéciaux, ou peut-elle encore se faire dans toute école primaire ordinaire? Dans le dernier cas, quels sont les moyens à employer pour mettre les instituteurs en état d'instruire les enfants sourds-muets avec leurs autres élèves ? En posant la question dans ces termes, la commission centrale n’a, sans doute, pas entendu limiter la discussion ; permettez-moi donc, Mes- sieurs , d'envisager le problème sous un point de vue plus général, pour examiner les moyens de propager l'éducation des sourds-muets en France, et d'organiser les écoles sur de larges bases. La question spéciale indi- quée par le programmg trouvera sa place dans l'examen de la question générale. Dix-huit années d'expérience dans la première école du monde donneront peut-être quelque autorité à mes paroles. j En prenant comme point de comparaison le résultat des recensements opérés dans le Danemark, en Belgique, en Prusse et dans d’autres pays, on peut en conclure que plus de vingt mille sourds-muets sont répandus sur la surface de la France. Déshérités par la nature des bienfaits de la civilisation, privés de tous les moyens de communication avec leurs sem- blables, et par là placés au dernier échelon des créatures humaines, ces êtres dégradés, dont l'existence est une énigme pour eux-mêmes, restent DE LA SIXIÈME SECTION. 58 étrangers au milieu deleurs compatriotes, au sein de leur propre famille, et traversent la vie sans soupçonner leur destinée immortelle, sans puiser dans l'espérance d’un avenir plus heureux une consolation à leur infor- tune actuelle. Citoyens de la commune patrie, ils sont soumis à tous les devoirs, à toutes les charges que la loi impose, sans participer aux droits, aux avantages qu’elle assure. . Telle est la déplorable condition des sourds-muets qui restent privés d'instruction. Quand, enfin, la société, au lieu de se borner à jeter sur ces malheureux un regard de stérile compassion, s’occupera-t-elle sérieu- sement de leur régénération intellectuelle et morale ? Est-il besoin de démontrer que l'éducation des sourdicmmnts est un devoir pour la société? Personne n’en doute. Mais en éclairant les sourds-muets, en les réintégrant dans son sein, la société ne remplit pas seulement un devoir d'humanité, elle agit encore dans son propre intérêt, dans l'intérêt des bonnes mœurs et de l'ordre public. Privé d'instruction, abandonné à lui-inéme ,; le jeune sourd-muet grandit dans une ignorance complète des liens de famille, des rapports sociaux, des vérités religieuses; son intelligence, qui, du fond de sa pri- son, n’attendait qu’un rayon de lumière pour sortir des ténèbres, se replie sur elle-même et s’engourdit ; son cœur, qu'aucune sympathie n’échauffe, s'ouvre à l’égoïsme; son caractère, naturellement défiant, parce qu'il ne comprend pas la raison des faits dont il est témoin, s’aigrit, s’irrite et devient sauvage ; ses mauvais penchants, que nul frein n'arrête, se déve- loppent; arrivé à l’âge des passions, ils’ y abandonne sans scrupule , sans crainte : posséder, jouir, telle devient sa suprême loi; enfin, dénué de tout moyen d'existence, sans direction morale, il est pour la société à la fois un fardeau et un danger sans cesse menaçant. Pour reconnaître la vérité de ce tableau, il suffit de jeter les yeux sur les gazettes judiciaires qui enregistrent dans leurs colonnes les nombreux délits commis par de malheureux sourds-muets privés du bienfait de l’édu- cation. Sous l'impression du déplorable sort auquel les a réduits l'abandon de la société, les juges hésitent entre la crainte d’une condamnation im- méritée et celle d’une impunité dangereuse ; oui dangereuse ! car, si, par malheur, la jurisprudence accréditait l'opinion que les sourds-muets ne sont pas responsables de leurs actions devant la justice, ils pourraient, entre les mains des hommes pervers, devenir des instruments d'autant plus redoutables que les instigateurs seraient assurés de la discrétion de leurs complices, et.que ces derniers seraient assurés de leur impunité. Il est donc dans l'intérêt de la société autant qu'il est dans son devoir d'appeler tous les sourds-muets au bienfait de l'éducation. Ce devoir est-il complétement rempli? non, Messieurs : pendant que l'instruction publique fait des progrés si rapides, celle des sourds-muets reste stationnaire, Sur les vingt mille sourds -muets qui existent en France, les écoles en renferment à peine sept à huit cents, tandis qu’elles devraient en contenir habituellement tfois mille, pour que tous les sourds- muets pussent y être admis successivement. Les trois quarts de ces mal- heureux restent ainsi privés d'instruction, et sur une génération de vingt mille, quinze mille traversent la vie sans connaître la société au milieu de laquelle ils végétent. IT. 25 586 MÉMOIRES Il est temps que les pouvoirs publics interviennent pour remédier à une aussi affligeante situation. Depuis la loi de 1791, qui érige en établissements nationaux les deux écoles de Paris et de Bordeaux, la législation s'est à peine occupée des sourds-muets. La loi sur les attributions départementales, par une dispo- sition insuffisante, range l'entretien et l'éducation de ces malheureux parmi les dépenses facultatives, tandis qu’elle met l'entretien et l’éduca- tion des enfants trouvés au nombre des dépenses obligatoires; et cepen- dant les premiers sont au moins aussi dignes d'intérêt que les seconds ; car si les enfants trouvés ne doivent pas être victimes de la faute de leurs parents , les sourds-muets doivent encore moins être victimes du caprice de la nature. Plus tard une loi est venue déclarer que tout Français a droit à l'instruc- tion primaire, et cette loi n’est pas une vérité pour le sourd-muet ; seul il est déshérité du commun patrimoine de l'intelligence; le droit que la loi lui confére, comme à tous ses concitoyens, reste stérile entre ses mains , parce qu’elle ne lui offre pas les moyens de l'exercer. Et cependant ce droit est plus sacré chez le sourd-muet que chez l'en- fant ordinaire, parce que l'instruction lui est indispensable pour entrer en relation avec la société. L'enfant doué de tous ses sens apprend la langue maternelle par le simple usage, sans le secours d’une instruction spéciale; son intelligence se développe par le commerce de ses semblables, il peut exercer une profession et se suflire à lui-même. Le sourd-muet, au contraire, reste étranger à la société tant qu’une méthode spéciale ne vient l'y introduire en lui révélant nos moyens de communication. Dans quelques pays, ne craignons pas de l'avouer, les sourds-muets sont l’objet d’une sollicitude plus efficace qu’en France. Ainsi la législation de la Belgique impose aux communes et aux pro- vinces l'obligation de donner l’éducation à tous les enfants sourds-muets; et en cas d'insuffisance des ressources locales, l'État vient en aide. En Danemark, une ordonnance royale prescrit d'admettre tous les jeunes sourds-muets dans les deux institutions fondées en leur faveur. En Hollande et dans les villes libres de l'Allemagne, tous les sourds- muets reçoivent l'instruction. Puisse la France imiter de tels exemples ! Ne soyons cependant pas injuste envers notre pays : il est encore, avec le Wurtemberg, la Prusse, au nombre des États où l'éducation des sourds-muets est le moins négligée. Car en Suisse et dans le grand-duché de Bade, un sourd-muet seulement sur huit reçoit l'instruction ; en Italie, en Autriche, un sur quatorze; dans le Hanovre, un sur seize; en Por- tugal, un sur vingt; en Espagne, un sur quarante et un, et en Russie, enfin, un sur quarante-trois. L'institution de Paris a fait de généreux efforts pour propager, pour généraliser l'éducation des sourds-muets. Depuis quinze ans son conseil} d'administration, qu’une nouvelle organisation vient de détruire, a établi une correspondance scientifique éhtre toutes les institutions de sourds- muets de France et de l’étranger. Les résultats de cette correspondance ont été publiés aux frais du gouvernement, et envoyés gratuitement aux préfets, aux recteurs d'académie, aux écoles normales d’instituteurs pri- maires, et à {toutes Les écoles de sourds-muets du monde, Méthode d'en “ DE LA SIXIÈME SECTION. 587 seignement, éducation physique, intellectuelle et morale, statistique, recherches sur la surdité, organisation des établissements, analyse des ouvrages, tous les travaux enfin qui se rapportent aux sourds-muets étaient résumés, discutés dans ces publications périodiques. L'école de Paris’ était le centre où les rayons épars de lumières venaient se réunir en faisceau pour réfléchir ensuite une plus vive clarté. Tous les institu- teurs se trouvaient en quelque sorte réunis dans un congrès d'humanité où les diverses opinions étaient rapprochées, contrôlées , où l'expérience de chacun profitait à tous les autres. Chargé de l'honorable mission de servir d’organe au conseil d'administration et de rédiger les publications périodiques, j'ai saisi toutes les occasions de réveiller la sympathie pu- blique en faveur des sourds-muets, d'appeler l'attention des conseils gé- néraux sur la nécessité de procurer à ces infortunfs le bienfait de l’édu- cation, et surtout de provoquer des mesures législatives pour asseoir les établissements sur des bases solides. L’'active sollicitude du conseil d'administration allait porter ses fruits, et les amis des sourds-muets étaient sur le point de voir leurs espérances réalisées : sur la demande du ministre &e l’intérieur, un projet de loi, élaboré par l’homme le plus compétent en pareille matière, par, M. de Gérando, devait être présenté aux chambres; depuis plus de six ans il repose dans les cartons du ministère ! La politique absorbe trop l’atten- tion du gouvernement et laisse en souffrance les intérêts de l'humanité. Quoique le bien soit lent à obtenir, que les instituteurs, les amis des sourds-muets ne se découragent pas, qu’ils unissent leurs efforts, qu'ils ne cessent de recommander leurs clients à la sympathie publique ! la cause qu'ils défendent est bonne : elle intéresse à la fois l'humanité, la religion et la société ; elle finira par triompher de toutes les lenteurs, de tous les obstacles. Le premier soin du gouvernement doit être de constater le nombre des sourds-muets qui existent en France; il faut connaître l'étendue de l’in- firmité pour y proportionner le remède. Un recensement général et exact est donc le premier élément d'une bonne organisation des écoles de sourds-muets. L . La Prusse, le Danemark, la Belgique, les États-Unis d'Amérique ont donné l'exemple de recensements officiels, d’où il est permis de conclure qu'il éxiste à peu près un sourd-muet sur quinze cents habitants. La France aussi s’est, à plusieurs reprises, enquis du nombre des sourds- muets. Déjà sous la république l'assemblée nationale a prescrit des re- cherches à cet égard; sous l'empire et sous la restauration, les préfets ont reçu l’ordre de procéder au dénombrement des sourds-muets; enfin’, en 1854, le ministre de l’intérieur, en rappelant aux préfets les instruc- tions précédentes , a insisté de nouveau sur l'importance de cette mesure et a prescrit de compléter le recensement. Mais cette opération, mal com- mencée, mal exécutée, n’a jamais été achevée dans tous les départe- ments, et ne donne ainsi que des résultats imparfaits. L'administration supérieure ayant négligé de surveiller avec suite et persévérance l’exécu- tion des mesures prescrites , les documents statistiques qui lui sont par- venus des divers points de la France n'étaient point contemporains et manquaient ainsi de la premiére condition d’un résultat général et po- sitif. € 25 mt), 588 MÉMOIRES On n'obtiendra la statistiqué exacte des sourds-muets que, lorsqu'à l'instar des États-Unis, cette opération , au lieu de rester isolée, partielle, entrera comme élément dans lé recensement quinquennal de la popula- tion générale pour en emprunter l'importance. Lorsque la statistique aura fourni des documents positifs sur le nombre des sourds-muets, il faudra organiser les écoles sur une échelle assez vaste pour que tous les enfants qui sont en âge d’être instruits puissent y être successivement admis. Ici vient se placer naturellement l'examen de la question proposée par le programme du Congrès : d L'éducation des sourds-muets n'est-elle possible que dans des établis- sements spéciaux, ou peut-elle encore se faïre dans toute école primaire ordinaire? L’utilité des écoles de sourds-muets a été contestée par des raisons tout opposées. Parmi leurs adversaires , les uns prétendent que l'éducation de cette classe infortunée est une chimère; les autres assurent qu'elle est si facile qu’elle peut se donner dans les écoles ordinaires. Pour faire revenir les premiers de leur incrédulité, je me contenterai de les renvoyer aux Massieu ; aux Clerc, aux Gard, aux Kruse, aux Habermass, et à tant d’autres sourds-muets dont l'éducation a fait des hommes distingués. Aux seconds je répondrai : Oui , l'éducation des sourds-muets peut être commencée dans les écoles primaires, mais elle ne peut être achevée que dans les écoles spéciales. Les sourds-muets ne sont admis ordinairement dans les établissements spéciaux qu’à l’âge de dix ans. Avant cet âge , la plupart d’entre eux sont complétement négligés au sein de leurs familles ; et cependant leur jeune cœur est déjà sensible à l'influence des bons comme des mauvais exem- ples ; d’utiles soins peuvent être donnés à leur éducation physique , intel- lectuelle et morale. Aussi l’instituteur qui reçoit de nouveaux élèves, observe-t-il une grande différence entre ceux qui, ayant le bonheur d’appartenir à des parents éclairés, n’ont cessé d’être l’objet de leur tendre sollicitude , et ceux qui ont été livrés à eux-mêmes par l’insouciance de parents ignorants. Péres et mères qui comptez un sourd-muet parmi vos enfants, ne l'abandonnez pas à l'isolement, à l’inaction; gardez-vous d'aggraver le malheur de son infirmité, en l’humiliant devant ses frères , en le traitant avec une injuste différence ; son cœur froissé se fermerait à la sympathie, à la confiance. Associez-le à toutes les joies de la famille: intéressez-le à vos travaux , accoutumez-le à quelque occupation régulière; attirez ses regards sur les objets qui l'entourent; soyez attentifs au langage que la nature lui suggère, afin qu’à votre tour vous puissiez vous mettre en rap- port avec votre enfant. Il est à désirer que le jeune sourd-muet soit envoyé de bonne heure dans la salle d’asile, puis à l’école primaire ; là son caractère se formera, la régularité des exercices lui feracomprendre le besoin de l'ordre, de la discipline , de la subordination; il acquerra enfin de bonnes habitudes. La fréquentation de l’école ordinaire offrira aussi plus d'un aliment à son intelligence; l’instituteur primaire pourra lui apprendre à écrire , à des- siner en même temps qu'aux autres enfants , et le faire participer à tous les exercices qui n’exigent que le secours des yeux et des mains. Il pourra DE LA SIXIÈME SECTION. 389 même lui enseigner l'alphabet manuel, lui faire connaître, à l’aide des images , le nom des objets les plus usuels, lui apprendre la numération et les premières opérations du calcul, l'initier enfin à l'intelligence et à l'emploi des propositions simples, en s’aidant de quelques gestes natu- rels. Mais l’enseignement qui aura pour objet l'étude de la langue ne pourra pas lui être donné avec les enfants doués de tous leurs sens, parce que l’instrument de communication ne sera plus le même. Le sourd-muet formera nécessairement une division à part au sein de l’école et réclamera des soins particuliers. Ainsi préparé, le sourd-muet ferait des progrès plus rapides dans les écoles spéciales et n’aurait pas besoin d’y faire un aussi long séjour. Pour donner au sourd-muet cette premiére éducation , les parents ou les insti- tuteurs primaires puiseraient un utile secours dans le Vocabulaire icono- graphique de mon honorable ami, M. Piroux, directeur de l’école de Nancy, et surtout dans ses cartes mobiles, qui présentent d'un côté des dénominations simples ou composées et de l’autre leur interprétation par le dessin. Il reste cependant un ouvrage à faire pour guider les parents et les instituteurs primaires ; ce manuel, rédigé par un homme d’expé- rience , prenant le sourd-muet depuis l’âge-le plus tendre et le condui- sant jusqu’à l’âge de dix ans, indiquerait aux parents la maniére de cons- tater la surdité de leurs enfants, les prémunirait contre les dangereuses et infructueuses tentatives des charlatans , leur enseignerait les premiers soins à donner au jeune sourd-muet pour développer ses facultés phy- siques, intellectuelles et morales; il tracerait aux instituteurs primaires la marche à suivre pour introduire l’éléve dans la connaissance des pre- miers éléments de notre langue, en accompagnant ces instructions d’une série d'exercices gradués qui en faciliteraient l’accés. L'Allemagne possède un ouvrage conçu dans ce but; elle le doit à l'expérience de M. Jæger, ancien directeur de l’école des sourds-muets à Gmund, dans le Wurtemberg. Si LAPS du sourd-muet peut être commencée ayec fruit dans une école ordinaire, elle ne peut pas y être achevée. Le développement com- plet de l'intelligence, l’enseignement de la langue dans toute son étendue, celui de la religion, de la morale, de l’histoire, de la géographie, etc., exigent la connaissance approfondie d’un art difficile, la pratique d’un langage particulier que l’instituteur primaire ne peut pas posséder. Pour mettre les instituteurs primaires en état de faire l’éducation com- plète des sourds-muets, introduira-t-on l’enseignement de cet art spécial dans toutes les écoles normales? Mais alors il faudrait former dix fois plus d’instituteurs qu'il n'y a d’éléves à instruire. Dans la plupart des communes, il n'existe pas de sourds-muets ; beaucoup d’autres n’en comp- tent qu’un. Et quand l’instituteur aurait, dans une première éducation, acquis un peu d'expérience, aux dépens de son éléve , cette expérience resterait ensuite stérile, parce qu’il n’aurait peut-être plus de sourds- muets à instruire. L'enseignement dessourds-muets , dans tous ses degrés, ne peut pas être une chose accessoire dans la carriére d’un instituteur, il doit absorber la vie entière d’un homme spécial. Les écoles spéciales sont donc indispensables. Examinons maintenant quelle organisation il convient de leur donner. Outre les deux écoles royales de Paris et de Bordeaux, la France pos- 590 MÉMOIRES . sède une trentaine d'institutions de sourds-muets dont les unes sont sou - tenues par les départements ou par des associations religieuses, et les autres sont des entreprises particulières. Le nombre de ces écoles serait suffisant, mais la plupart d’entre elles sont établies sur une échelle trop petite, leur organisation ne répond pas à leur destination; elles sont, enfin, trop inégalement réparties sur la surface de la France. : Aucune uniformité ne règne dans l’organisation et la direction de ces écoles, qui, n’aboutissant pas à un centre commun, n’ont entre elles ni liens ni dépendance. Parmi les écoles des départements, les unes sont soumises, pour l'administration matérielle, à l'autorité des préfets, et, pour l'enseignement, au contrôle des recteurs d'académie; les autres sont affranchies de toute surveillance. Par une étrange anomalie, les deux écoles royales dépendent du minis- tère de l'intérieur; jusque dans ces derniers temps elles étaient confon- dues avec les théâtres dans la direction des beaux-arts; on vient de les réunir aux hospices. Ce n’est point encore là leur place. Les institutions d sourds-muets sont de véritables établissements d'éducation ; les moyens différent, mais le but est le même. Elles devraient ressortir du ministère de l'instruction publique. Le rapporteur du budget de 1838 a signalé cette anomalie, en demandant que les écoles de sourds-muets fussent rattachées à l'Université. Il convient cependant d'ajouter, pour excuser un peu le ministre qui était alors au pouvoir, que le rapporteur du budget, arrivé peu après aux fonctions de sous-secrétaire d'État de ce même ministère ; s’est bien gardé, alors qu’il pouvait opérer des réformes, de toucher à l'arche sainte de la bureaucratie. En classant les écoles des sourds-muets dans les attributions du minis- tère chargé de la haute surveillance de l'instruction publique, le gouver- nement suivrait l'exemple de la Belgique , du Danemark, de la Prusse et de la plupart des autres-États. Placées sous l'autorité universitaire , les écoles de sourds-muets seraient bientôt soumises à une organisation uniforme; les méthodes d’enseigne- ment, contrôlées par des juges compétents, se perfectionneraient, seraient ramenées vers l'unité. L'éducation des sourds-muets recevrait enfin une forte impulsion. Non-seulement les écoles de sourds-muets manquent d’un centre de direction commune, mais, à l'exception des instituteurs formés à Paris et à Bordeaux, ceux qui veulent se consacrer à l'éducation de cesinfortunés ne sont soumis à aucune épreuve, à aucune garantie de capacité, et cependant la mission qu'ils entreprennent est une sorte de sacerdoce; ils exercent à l'égard de leurs élèves les attributions de pére, d’instituteur, de ministre de la religion. Plus que dans toute autre carrière , un institu- teur incapable ou indigne pourrait abuser de sa position. L'exercice de Part d’instruire les sourds-muets doit donc être entouré de conditions d’au- tant plus sévères qu’il conserve encore, aux yeux de beaucoup de per- sonnes, un caractère mystérieux. - Dans ces derniers temps, il est vrai, le ministre de l'instruction pu- blique a prescrit aux recteurs d'académies d'exiger un brevet d'instituteur de la part de ceux qui veulent ouvrir des écoles de sourds-muets. Mais ce n'est point là une garantie suflisants. Un brevet d'instituteur ordinaire DE LA SIXIÈME SECTION. 591 prouve seulement qu’on possède certaines connaissances ; il ne prouve pas qu’on est capable de les transmettre à des enfants privés de l’ouïe et de la parole. L’instituteur de sourds-muets doit être astreint à des épreuves spéciales, à un noviciat qui le prépare à sa carrière. Si, dans l'intérêt des sourds-muets , l'État doit exiger de sérieuses garan- ties de la part des instituteurs qui veulent se vouer à leur éducation, il doit, d’un autre côté, assurer à ces derniers une existence honorable. Dans toutes les carrières , l'admission est le prix d'épreuves plus ou moins difficiles; mais ces épreuves une fois subies , le fonctionnaire a devant lui la perspective d’un avancement gradué. Il n’en est pas de même dans l’en- seignement des sourds-muets. Ici point de hiérarchie de fonctions, point de véritable carrière ! Aussi, Messieurs, voyez combien sont rares les instituteurs qui, ani- més d’un esprit philosophique, du saint amour de l'humanité, se livrent à une étude approfondie de l’art d’instruire les sourds-muets, qui le pra- tiquent avec le*désir de contribuer à son perfectionnement. Mais ce ne sont pas les hommes distingués qui manquent à la carrière, c’est la carrière qui manque aux hommes. En effet, pourquoi, pendant que toutes les carrières sont envahies, celle-ci serait-elle abandonnée? Est-il une mission plus belle, plus tou- chante, plus digne de l’ambition d’une âme généreuse que celle où l’on cherche une intelligence au fond de son tombeau pour la réveiller, la développer, lui donner une langue; où il s'établit des relations si intimes entre le maître et l'élève; où les progrès du lendemain viennent récom- penser les efforts de la veille; où, réparant une erreur de la nature, on rend un homme à la société, un chrétien à la religion, un citoyen à l'État ? Oui, je ne crains pas de l’attester, l'éducation des sourds-muets procu- rera de nobles, de pures jouissances. Que la loi vienne donc la généra- liser par une organisation régulière, et les hommes de cœur et d’intelli- gence ne feront point défaut à cette œuvre d'humanité. J’ai dit que les écoles de sourds-muets devraient ressortir du ministère de l'instruction publique. Vingt-cinq institutions organisées sur une vaste échelle et établies dans les vingt-cinq chefs-lieux académiques suffliraient aux besoins de l’éduca- tion des sourds-muets. | Ces institutions seraient soutenues aux frais des départements de chaque ressort académique , et l'État y contribuerait par une subvention propor - tionnée aux sacrifices que les départements s'imposeraient à eux-mêmes. Elles seraient placées naturellement sous l’autorité des recteurs d’aca- démies assistés de commissions de surveillance. Les professeurs de chaque établissement formeraient, sous la présidence du directeur, la commission des études. : A l'institution de Paris serait annexée une école normale d'instituteurs de sourds-muets. Et quelques inspecteurs spéciaux seraient chargés de vi- siter périodiquement les écoles et de rendre compte au ministre de leur situation. Pour mettre les instituteurs primaires en éfat de commencer l'éducation des sourds-muets, le directeur de chaque école serait chargé de faire con- naître les premiers éléments de son art aux élèves de l’école normale d’ins- 392 MÉMOIRES tituteurs primaires, qui pourraient même, de temps en temps, assister aux leçons de l'établissement des sourds-muets. Si, plus tard, un sourd- muet se trouvait dans la commune où l’instituteur primaire serait envoyé, on lui mettrait entre les mains les cartes iconographiques de M. Piroux et le manuel dont j'ai indiqué le plan plus haut, et, avec ce double secours , il pourrait avec fruit commencer l'instruction du sourd-muet. L'enseignement, tel qu'il est donné aujourd’hui dans les institutions, n’est pas assez approprié aux diverses positions sociales des sourds-muets; il est le même pour tous : pour ceux qui, appartenant aux classes ou- vriéres, doivent un jour exercer un métier, comme pour ceux qui, appar- tenant aux classes élevées de la socjété , seront appelés à exercer une pro- fession libérale. À mon avis, le cours de l’éducation devrait être divisé en deux parties : la premiére, que j'appellerais l'éducation humanitaire, serait commune à tous les élèves, parce qu’elle forme surtout l'homme; elle comprendrait le développement régulier des facultés physiques , intel- lectuelles et morales, l’enseignement de la langue, de la religion, du calcul, de quelques notions positives; ces connaissances sont nécessaires à tous les élèves, quelle que soit la position qu’ils occuperont un jour dans la société; tous doivent donc entrer en partage de ce patrimoine. Dans la seconde partie, l'éducation serait vocationnelle et prendrait deux direc- - tions différentes, selon l'avenir qui serait réservé aux élèves; d’un côté, les élèves qui se distingueraient par une aptitude spéciale, ou qui appar- tiendraient à des familles aisées , joindraient à l'étude de la langue celle de la grammaire, de la géographie, de l’histoire et des connaissances exactes; de l’autre côté, les élèves destinés à vivre du travail de leurs mains con- tinueraient l'étude de la langue et renonceraient aux autres connaissances pour se livrer plus particulièrement à l'apprentissage d’un état. En déclarant que vingt-cinq institutions seraient suffisantes pour ins- truire tous les sourds-muets, j'ai supposé qu’elles seraient organisées sur une large échelle. Il est plus ayantageux de former, dans chaque res- sort académique, un établissement considérable que plusieurs petites écoles, parce qu'il est plus facile d'y réunir tous les éléments de prospé- rité, de classer les élèves par groupes d'aprés le degré de leur instruction, et d'y introduire l'apprentissage d’une assez grande variété de professions pour répondre aux vœux des parents, aux goûts des éléves. Sous le rapport de l'éducation industrielle , il reste beaucoup à faire. En France, comme à l'étranger, un grand nombre d'institutions n’offrent pas à leurs élèves l'apprentissage d’un état, soit parce qu'elles ne sont pas assez considérables , soit parce qu’elles manquent de ressources sufli- santes. En Suisse, en Angleterre, quelques institutions préfèrent, par principe, renvoyer l'apprentissage d’un métier à la sortie de l’établisse- ment. J'ai déjà eu occasion, dans les circulaires de l’école de Paris, de démon- trer combien il est important de faire marcher de front l'éducation indus- trielle avec l'éducation intellectuelle : loin de se contrarier, elles se prêtent un mutuel appui. Il ne faut pas perdre de vue que la plupart des sourds-muets apparte- nant à la classe ouvrière seront obligés de vivre du travail de leurs mains; convient-il de ne leur apprendre un état qu'à l'époque où , sortis de l’école, à l’âge de dix-huit ou vingt ans, ils devraient déjà se suffire DE LA SIXIÈME SECTION. 595 à eux-mêmes ? ne serait-il pas à craindre qu’accoutumés pendant toute leur adolescence aux seuls travaux de l'intelligence , ils ne prissent en aversion les travaux mécaniques et ne regardassent avec dédain l’humble condition de leurs parents? Rendus à la société, sans moyen d'existence, ils offriraient moins de résistance à l'entraînement des passions. Dans l’organisation des ateliers , il convient surtout de consulter l’inté- rêt moral du sourd-muet. Il importe de lui offrir le choix d’un état qu'il puisse exercer dans la maison paternelle, ou du moins sans s'éloigner de sa famille. Rien ne saurait remplacer pour lui la sollicitude de ses parents ; c’est la meilleure garantie de son bien-être et de sa moralité. La plupart des institutions qui apprennent un état à leurs élèves ne satisfont pas pleinement à cette indication. L'éducation industrielle a une tendance trop exclusive vers les professions qui exigent le séjour des villes et néglige celles qui se rattachent à l’agriculture, s’exercent dans les campagnes. Il en résulte que les sourds-muets dont les parents sont laboureurs, ou demeurent dans les villages, sont obligés, au sortir de l'établissement, ou de renoncer à l’état qu'ils ontappris pour en embrasser un autre qui leur permettra de vivre dans leur famille , et de perdre ainsi le fruit de plusieurs années d'apprentissage , ou bien de se séparer de leur famille pour exercer leur profession dans une ville, Alors, livrés à eux- mêmes, les pauvres sourds-muets se trouvent bien désarmés en présence des mille tentations qui les assiégent. Le directeur de l'institution des sourds-muets à Berlin, M. Grasshoff, avait conçu le projet de former une colonie et d'y établir une manufac- ture de rubans dont tous les ouvriers seraient sourds-muets. Un professeur distingué de l’école normale du Haut-Rhin , M. Curie, avait aussi projeté la création d’un grand établissement industriel en faveur des sourds- muets. Mais ces projets n’ont point été réalisés. Les observations que j'ai présentées plus haut me feraient rejeter toute entreprise qui tendrait à concentrer les sourds-muets pour les constituer en société particulière. Qu'ils soient réunis dans un établissement pour recevoir en commun le bienfait de l’éducation ; mais, de grâce qu'une fois rendus à la société, ils ne soient point arrachés à la vie de famille; ne faites pas de ces mal- heureux un peuple à part au sein de la grande patrie. Il me reste à faire l’application des idées que j'ai émises à l'éducation des sourds-muets dans les deux départements de notre belle Alsace. Si, comme je l'ai dit, une institution considérable atteint mieux le but que plusieurs écoles restreintes, il est à regretter qu’on ait songé à établir à Strasbourg deux écoles qui se font une concurrence nuisible, au lieu de réunir tous les élèves dans un seul et même établissement; c’est affaiblir les ressources en les divisant, c’est se condamner à des résultats incom- plets. Les écoles dé Strasbourg ne reçoivent et ne peuvent recevoir que les sourds-muets de l'Alsace, à cause de la différence des langues; or, le nombre de ces infortunés n’est heureusement pas assez considérable pour alimenter deux institutions fondées sur de larges bases. Et si cha- cune des écoles ne compte que vingt à trente éléves, comment sera-t-il possible de les grouper en divisions d’après le degré de leur instruction, et surtout de favoriser par un bon système d'atelier l'éducation indus- trielle qu’il est si important d'associer au développement de l'intelligence ? Les vues que j'ai exposées et auxquelles je n’aurais pu donner tous les 594 MÉMOIRES développements nécessaires sans abuser de votre indulgence , Messieurs , et dépasser la limite fixée par le réglement, ces vues peuvent se résumer dans les points suivants : 4. Opérer le recensement des sourds-muets en France; et, pour en as- surer le succès, comprendre celte opération dans le recensement quin- quennal de la population générale. 2. Appeler tous les sourds-muets au bienfait de l'éducation, en vertu d'une loi. 5. Commencer l'éducation des sourds-mue!s dans les familles et dans les écoles primaires. L’achever dans les écoles spéciales. 4. A cet effet, établir dans chaque chef-lieu académique une institu- lion organisée sur une grande échelle et soutenue par les départements et l'État. 5. Rattacher les institutions de sourds-muets au ministère de l’instruc- tion publique. 6. Leur donner une organisation uniforme. 7. Les placer sous l'autorité des recteurs d'académie, assistés de com- missions de surveillance, 8. Former des professeurs de chaque école une commission des études. 9. Instituter des inspections spéciales. 10. Annexer à l'institution de Paris une école normale. 11. Initier les institutions primaires dans les premiers éléments de la méthode. 12. Diviser le cours d'instruction dans les écoles en deux parties : la premiére commune à tous les élèves, la seconde appropriée à la position qu'ils occuperont dans le monde. 45. Associer l'éducation industrielle à l'éducation intellectuelle. 14. Organiser le système des ateliers de manière à répondre aux divers intérêts des sourds-muets et à maintenir l'esprit de famille. Dans cette œuvre de la régénération sociale des sourds-muets, l’insti- tution de Strasbourg a une mission spéciale à remplir; il lui appartient de servir d'intermédiaire entre les écoles françaises et allemandes, de favoriser l'échange mutuel des fruits de l'expérience. Que les instituteurs de l'Alsace ne laissent point dépérir entre leurs mains l'héritage de Fabbé de l'Épée : c’est une des gloires de la France; qu'ils se souviennent que Strasbourg, dont l'antique et superbe cathédrale s'aperçoit du sommet de la Forêt-Noire*comme du sommet des Vosges, doit devenir l'anneau de l'alliance intellectuelle entre deux grands peuples dignes l’un de l'autre. Pour moi, Messieurs, je m’estimerai heureux si, dans celte solennité scientifique , dans cette grande et belle fédération des intelligences, mon faible tribut de lumières peut servir la cause des sourds-muets. * 7e DE LA SIXIÈME SECTION. 595 DU RÉGIME MORAL DANS LES ASILES D’ALIÉNÉS, ET DE LA NÉCESSITÉ D'UN PATRONAGE POUR LES ALIÉNÉS INDIGENTS GUÉRIS 5 PAR M. DAVID RICHARD, Directeur de l’asile public de Stéphansfeld. L’exposé des opinions successives sur la folie forme un chapitre bien curieux et bien triste de l’histoire des erreurs humaines. Nous ne sommes pas fort éloignés de l’époque où sévirent leurs plus funestes conséquences. On ne compte pas encore un siécle depuis qu ‘une jeune femme de la Franconie, atteinte d’aliénation mentale , fut, aprés tant d’autres, publi- * quement brülée vive, comme possédée du démon. Sans doute, dépuis 4750, la science et la bienfaisance ont réalisé d'immenses réformes; mais les antiques préjugés ne sont pas partout complétement dissipés. Combien de gens considèrent encore la folie comme une punition du ciel , une calamité mystérieuse , une affection de l'âme sans analogie avec les maladies phy- siques ! Combien croient encore cette perturbation des plus nobles facultés de l’homme un mal absolument incurable , qui lui ravit à jamais son plus beau patrimoine ! Et parmi ceux qui ne désespérent pas de la guérison, combien n’y entrevoient d’autres remèdes que des secousses violentes, des pratiques superstitieuses, des procédés extraordinaires, un régime de vie tout différent de celui des hommes raisonnables ! Ces préjugés ont leur source dans une psychologie incomplète et par- tant fausse. On ne tient pas compte de l’étroit lien qui unit l'âme au COrps, le moral au physique; on méconnaît la réciproque influence des sens sur l'intelligence et de l'intelligence sur les sens; on ne distingue pas dans l’homme le domaine intellectuel du domaine des sentiments et du domaine de l'instinct; on ne sépare pas ce qu’il y a dans les caractères de primitif et d’inné de ce qui est dû à l'éducation et aux circonstances extérieures ; voyant enfin toutes les maladies mentales dans cette unité vague et in- déterminée qu'on appelle être, et sur laquelle la science humaine n’a point de prise directe, on n’entrevoit pas comment cette science peut agir sur elle par l’intermédiaire de l’organisation, et l’on arrive ainsi à nier logiquement la réalité des guérisons les mieux constatées. . Les profondes recherches auxquelles, depuis le milieu du siécle der- nier, se sont livrés, sur les rapports du physique et du moral, un certain nombre de philosophes et de physiologistes de l'Allemagne, de l'Angle- terre, de l'Italie et de la France, n’ont pas certes résolu le probléme éter- nel de l'union de deux natures dans l'homme, mais elles ont rendu ce pro- blème plus abordable, en le décomposant dans ses éléments. Ne se bornant plus à considérer l’âme en général, l'âme abstraite, ces philosophes ont senti le besoin de changer de route; et, par l'observation 596 MÉMOIRES minutieuse des phénomènes intellectuels et moraux, ils sont arrivés à déméler dans cette âme un certain nombre de facultés fondamentales , source et moyen de notre activité, de nos affections et de nos connais- sances. Les unes, qu’on peut désigner sous le nom de penchants instinc- tifs, ont pour buts spéciaux la conservation de l'individu, la perpétuité de l'espèce, l’organisation matérielle de la vie de famille. Les autres, à qui convient surtout le nom de sentiments, sont la base des droits et des devoirs individuels, des droits et des devoirs sociaux, de l’adoration que l’homme doit à son créateur. Les autres enfin, auxquelles doit être reservé le nom de facultés intellectuelles, ont été décomposées en facultés perceptives, qui nous font connaître les objets extérieurs avec leurs qua- lités et leurs modifications, et en facullés réflectives, qui comparent les perceptions entre elles , les phénomènes du monde extérieur avec les phé- noménes de notre monde intérieur, et qui, arrivant, soit par intuition, soit par induction, aux lois qui les régissent, découvrent la chaîne pro- videntielle qui lie tous les êtres et tous les événements à une cause pre- miére infiniment sage. Pendant que la philosophie essayait ainsi de déterminer les facultés fondamentales et pratiques de l'âme humaine, les physiologistes et les médecins ont tenté de leur côté un travail analogue sur l’organisation, pour la décomposer en éléments corrélatifs à ces facultés. Depuis le com- mencement de ce siècle, cette tendance à la localisation a été surtout re- marquable. Et lorsque les recherches se sont concentrées sur le système nerveux , le plus important des systèmes organiques et le plus intimement lié au moral , de grandes lumiéres ont jailli sur la constitution de l'homme. Grâce à ces travaux, il est aujourd’hui possible de rattacher, sans trop de chances d'erreur, à des points particuliers de l'appareil nerveux, les pen- chants, les sentiments et les aptitudes intellectuelles constatées d’autre part par l'observation des phénomènes mentaux. Je ne me dissimule point, Messieurs, tout ce qui reste encore à faire pour établir entre la psychologie et la physiologie, entre les facultés et les organes , une harmonie, un parallélisme salisfaisant, complet. Ce sont là, vous le sentez sans que je le dise, des problèmes d’une difficulté, d’une complication infinies, et l'humanité s’évertuera sans doute long- temps encore dans la carrière qui est ouverte, avant qu’elle ait droit de se reposer. Mais que l'œuvre réservée à l’avenir ne nous empêche point de tenir compte des efforts du passé. Il est bon, il est nécessaire de faire ressortir les conséquences des résultats obtenus, quand ce ne serait que pour montrer comment s'y lient nécessairement les progrés passés et fu- turs dans la manière de traiter les aliénations mentales. Certes, mon intention n’est point de traiter ici en détail ce vaste et im- -portant sujet. Je veux me borner à indiquer quelques applications du prin- cipe de la multiplicité des facultés dans le moi humain, au régime moral des asiles d’aliénés. s Si l’on admet , Messieurs, une distinction à la fois psychologique, or- ganique et fonctionnelle entre les penchants instinctifs, les sentiments et l'intelligence de l'homme, n’est-on pas amené à concevoir que le trouble des uns n’entraîne pas toujours nécessairement un trouble égal des autres ? N’entrevoit-on pas qu'il peut y avoir aliénation des facultés affectives , sans aliénation des facultés intellectuelles; trouble de l'intelligence, sans per- DE LA SIXIÈME SECTION. 397 version des sentiments; impulsions irrésistibles des instincts, sans appro- bation de l'intelligence, sans assentiment de la conscience? Et si l'on considère en particulier Chacune des trois grandes classes de facultés, comment déclarer à l'avance impossible qu’un homme soit aliéné à l'égard d’un penchant, tout en conservant l'exercice normal de ses autres pen- chants; que la perversion d’un de ses sentiments laisse intacts les autres sentiments; qu'une hallucination d’un de ses sens ne soit pas suivie de celle des autres sens; que sur des impressions d’ailleurs erronées, il soit capable de raisonner très-logiquement? Sans doute, dans l’état normal, nous avons le sentiment de la solidarité de toutes les facultés de notre moi; mais la folie ne serait-elle pas précisément la rupture de cet équi- libre, de cette harmonie qui fait que nous nous sentons tout entiers à la fois dans tout notre être? Quoi qu'il en soit, Messieurs, l'expérience de tous les jours dans les asiles d’aliénés confirme pleinement la première conséquence que je viens de tirer du principe de la multiplicité des fa- cultés, et nous apprend que presque toutes les folies sont au début des monomanies, des délires partiels, et que la manie complète, le délire réellement général est infiniment rare, et, comme toutes les affections violentes , n’est jamais que de courte durée. Ce premier fait, qui se rattache si étroitement au principe de la multi- plicité des facultés et des appareils nerveux qui en sont les instruments, entraîne à sa suite une foule de conséquences secondaires de la plus grande importance dans la pratique. Elle est réellement la clef de ce qu’on à nommé le traitement moral de l’aliénation , traitement qu'avait deviné le génie médical de Celse, de Cœlius Aurelianus et d’Arétée, et qui, aprés avoir malheureusement fait place pendant bien des siècles aux pratiques les plus superstitieuses, aux violences les plus cruelles, n’a été remis en honneur et vigueur que depuis une cinquantaine d'années, grâce aux nobles efforts des Pinel, des Esquirol , des Joseph d’Acquin, des Horn de Berlin, des Spurzheim, des André Combe, des Voisin, des Leuret, des Trélat, des Ferrus, des Foville et de bien d’autres amis de l'humanité qu'il me serait doux de pouvoir nommer aprés eux. Ce n’est pas que je prétende, Messieurs, que tous ces médecins se soient également rendu un compte exact de l’idée fondamentale qui dictait leur conduite (les sentiments d'humanité, le tact naturel conduisent souvent aussi bien au but que les idées); mais j'ose affirmer que le principe de la multiplicité des facultés et des organes nerveux est au fond de toutes les réformes qu’ils ont eu la gloire d'accomplir, et que désormais méconnaître ce principe dans le traitement de L’aliénation mentale, c’est vouloir mar- cher dans la confusion et dans les ténèbres. En effet, Messieurs, de l'observation mentionnée sur le grand nombre des déltres partiels et de l'extrême petit nombre des délires généraux, il résulte : Que presque tous les aliénés, quand on n’a pas laissé, par de coupables retards, dégénérer leur maladie en une démence incurable, triste ache- minement à la mort, conservent toujours en eux plusieurs facultés ins- tinctives, morales et intellectuelles à l’état sain; et, gardant par consé- quent une grande partie des attributs distinctifs de l'humanité, ont droit à les voir respecter par les autres hommes ; Que leur affection mentale, qu’elle résulte de l'influence du physique 598 MÉMOIRES sur le moral, ou du moral sur le physique, peut toujours être considérée comme liée à des troubles ou à des altérations organiques partielles, que le devoir du médecin est de déméler et de combattre par des moyens phy- siques et moraux appropriés ; Que, de même que dans les maladies ordinaires on profite de l'énergie des organes sains pour ramener insensiblement à la santé les organes ma- lades, il est souvent possible, en maintenant, modérant, excitant l’acti- vité des facultés restées intactes chez les aliénés, de rendre, par l’inter- médiaire de l’organisation , le ton normal aux facultés dont le trouble est constaté ; Que le plus sûr moyen de rétablir cet équilibre normal, qui constitue la santé morale et intellectuelle, est de présenter, dans une juste mesure, à chaque faculté les objets qui doivent lui donnér satisfaction , les circons- tances qui lui permettent d'entrer en activité, afin que l’aliéné continue, autant que possible, à veiller lui-même sur sa propre conservation, à éprouver les affections de famille, à sentir les douceurs de la vie sociale, à discerner le juste de l'injuste, à respecter les personnes et les proprié- tés, à chercher dans la religion la force et les consolations véritables, à goûter le charme des arts, à exercer son activité manuelle par des métiers, à observer, admirer la nature, à comparer ses impressions externes etses impressions internes, à rechercher les lois et les causes des êtres et des événements, enfin à demeurer homme le plus qu'il lui est donné de l'être encore; Que la violence, les coups, les chaînes, laréclusion absolue, l'inaction complète, les railleries, les tromperies, enfin tout ce qui blesse les ins- tincts, les sentiments et l'intelligence des hommes raisonnables, sont d’exé- crables moyens de traitement pour les aliénés, qui excitent leurs passions les plus haineuses, dépravent leur moralité et achévent d'effacer en eux les derniers vestiges de la grandeur humaine ; Qu'il est possible, qu’il est indispensable d'organiser, dans un asile d'a- liénés, diverses espèces d industries et de travaux, soit physiques, soit intellectuels, qui répondent aux aptitudes et aux habitudes variées des malades; et que , par les mobiles de l'imitation, de l’émulation et par un bon système de récompenses, on doit s’efforcer de maintenir le travail “parfaitement libre et volontaire , puisque ce caractère de liberté le rend plus attrayant et plus efficace ; Qu'en somme, dans les asiles d'aliénés, l’organisation du travail phy- sique et intellectuel, et l'ensemble du régime moral ne doivent pas être fondés sur d’autres principes que ceux qui régissent la société extérieure , et qu’au milieu des perturbations les plus tristes et les plus effrayantes de l'instinct, de l'intelligence et des sentiments, on retrouve toujours au fond les lois simples , providentielles , immuables de la nature h@maine. IL y a cependant, Messieurs, une modification à ces lois : elle résulte des restrictions inévitables apportées à la liberté des aliénés , restrictions qui les placent légalement dans une condition analogue à celle des en- fants mineurs. {ls peuvent former entre eux sans doute une véritable as- sociation , car le sentiment de la sociabilité persiste toujours en eux au fond dans quelques-uns de ses éléments, mais cette société ne ressemble point à la société extérieure avec son morcellement en familles; elle est plutôt comparable à celle d’un collége perfectionné, d'une communauté bonté. DE LA SIXIÈME SECTION. 399 religieuse vouée à tous les genres d'activité , ou encore à l’équipage d’un navire en pleine mer. Il y a, en effet, dans un asile d’aliénés , direction unique, constante, imposée ; les familles privées, éléments naturels de lagrande société, y font place à une nouvelle famille artificielle, possible parce qu’elle n’est que temporaire; le mouvement imprimé à l’ensemble y domine continuellement les volontés particulières. Les conséquences que je viens de tirer du principe de la multiplicité des facultés et des organes ne sont,pas, Messieurs, de pures assertions. Elles sont chaque jour prouvées par la pratique, et c’est sur elles qu’on se base dans l’administration de l'asile public confié à ma direction , et où j'ai à m’applaudir du concours éclairé d’un médecin en chef de cette ville, M. le docteur Rœderer. Et cependant je dois faire remarquer qu’à Stéphansfeld se réunissent toutes les circonstances les plus défavorables : deux sexes, deux langues, trois communions religieuses, des pension- naires de familles aisées rapprochés de la classe la plus nombreuse, celle des indigents; enfin, sur une population d'environ trois cents aliénés, un grand tiers de malades tombés en démence ou frappés d’imbécillité ou d'idiotie. Que si quelqu'un d’entre vous, Messieurs, pouvait suivre le cours d’une journée de Stéphansfeld, il trouverait certainement que rien n’y ressemble à cet enfer anticipé sous l'image duquel on se représente d’or- dinaire une maison d’aliénés. Des réfectoires où, aprés une prière écou- tée avec recueillement, quarante à cinquante malades prennent leur re- pas en commun avec ordre et silence ; des ateliers où des aliénés, sans se nuire à eux-mêmes , ni à autrui, se servent de haches, de ciseaux, de poinçons, de tranchets, des instruments enfin les plus dangereux ; d’au- tres ateliers où les femmes filent , tricotent, cousent et tissent de la toile; des escouades de travailleurs allant hors de l'enceinte de l'asile défricher et cultiver les champs dont ils rentrent ensuite les récoltes avec une sorte de triomphe; enfin , les jours de fête et les dimanches, un concours nom- breux et calme au service divin, puis des jeux, des lectures, des chants, de la danse et de longues promenades; tout cela sans efforts, sans vio- lence et par le'seul effet de la douceur, de la sympathie, de récompenses bien ménagées, de la confiance surtout dans la persistance de bons senti- ments chez ces pauvres aliénés, en vérité, Messieurs, méconnus et ca- lomniés. J'ai parlé de promenades : permettez-moi, Messieurs , de m'arrêter un instant sur cet objet. Les directeurs des asiles d’aliénés sont responsables , sous des peines assez graves , des malades qu’on leur confie. Par suite de cette responsabilité et de craintes exagérées, on a été longtemps fort cir- conspect à permettre des promenades extérieures. Quand en 1840 l’admi- nistration de Stéphansfeld me fut confiée, je trouvai cette circonspection portée jusqu’à la timidité. À peine si de loin en loin quatre ou cinq ma- lades obtenaient la permission de sortir dans la campagne, toujours ac- compagnés d'un pareil nombre de surveillants. Je crus qu’on pouvait mon- trer plus de hardiesse , plus de confiance, et aprés m'être concerté avec le médecin en chef, j’essayai successivement d’en faire sortir dix, quinze, vingt, cinquante, puis une centaine; et enfin cette année ; le jour de la fête du roi, cent quatre-vingt-sept aliénés, quatre-vingt-quinze femmes et quatre-vingt-douze hommes, c’est-à-dire presque toute la population 400 MÉMOIRES valide de Stéphansfeld, ont fait en même temps, chaque sexe à part, une promenade de plus de trois heures dans les bois et les villages environ- nants, sans qu'aucun ait commis le moindre désordre, ni fait la moindre tentative d'évasion. Je vous l'avoue, Messieurs , je suis fier de ce résultat, parce qu’il relève la nature humaine, parce qu’il prouve mieux que tous les raisonnements l'influence salutaire de cette douceur et de cette con- fiance dont j'ai parlé, parce qu’il venge d’une manière frappante les alié- nés des préventions dont ils sont l’objet. Un fait encore à propos de ces promenades. Il y a quelques semaines, Messieurs, que‘par un beau jour, soixante aliénés environ se reposaient sur le penchant d'une colline, à près d'une lieue de Stéphansfeld. Ils avaient apporté avec eux sur un chariot du pain et un tonnelet de biére, et la distribution était faite en partie. Au fort de leur collation alsacienne, vient à passer tout auprès un char-à-banc chargé de femmes, d'enfants de vieillards. Le cheval, effrayé, ou mal conduit, fait un écart, rase un fossé , et toute la famille y tombe, exposée au plus grand danger. Voir l'accident, quitter leur collation, voler au secours, ée fut pour les aliénés l'affaire d’un instant. Les surveillants troublés courent après eux; mais le char-à-banc est déjà relevé et la famille remise sur pied. Peut-être ignore- t-elle encore quels hommes ont été ses sauveurs. Dans ce mouvement spontané, personne n'avait songé à profiter du trouble pour s'enfuir. Mais, Messieurs, tout tableau a ses ombres : pendant que le plus grand nombre d’aliénés accomplissait ce devoir d'humanité, quelques-uns d’en- tre eux, restés près du tonnelet de bière , l'avaient épuisé jusqu’à la der- niére goutte. On se fâcha bien quelque peu de cet acte d’égoïsme, mais on finit par en rire, et les promeneurs reprirent en chantant le chemin de Stéphansfeld. Vous le voyez, Messieurs, dans cette espèce de société qui se forme au sein d’un asile d’aliénés, on éprouve encore des sentiments humains , et si l’égoïsme s’y retrouve, il n’y domine pas. Je me suis plaint de l’incrédulité systématique qui accueille trop souvent les guérisons les mieux constatées. Je dois revenir encore sur ce préjugé. Grâce au ciel, les guérisons ne sont pas plus rares à Stéphansfeld que dans les autres asiles de France. Il résuite même des relevés statistiques qu’elles vont toujours croissant, et c’est surtout parmi les aliénés qui travaillent qu’on les obtient. Si l’on défalque les idiots, les imbéciles et les épilep- tiques qui n’offrent pas de chances de curabilité, on trouve que pendant les cinq dernières années , elles se sont élevées à une moyenne d’une gué- rison sur un peu plus de trois admissions. C'est là déjà un résultat qui ne laisse pas d’être satisfaisant; mais, je n’en doute point, Messieurs, le déve- loppement donné au traitement moral en aménera de plus consolants en- core, surtout si les familles et l'autorité n’apportent plus au placement des aliénés dans les asiles spéciaux ces retards qui rendent le mal mille fois plus difficile à surmonter. Quoi qu’il en soit, le chiffre considérable des guérisons, sans rechutes, obtenues à Stéphansfeld et dans les autres établissements de la France, démontre combien est faux le préjugé de l'incurabilité de l’aliénation mentale. Ce préjugé, Messieurs, n’est pas seulement faux: il est funeste et porte des fruits amers, surtout pour les aliénés indigents. Depuis la loi bienfai- sante de 1838, loi longtemps réclamée et qui honore notre pays , les soins 2 nd haies DE LA SIXIÈME SECTION. AO01 les plus protecteurs sont assurés aux infortunés de la classe pauvre qui tombent en aliénation mentale. C'était une dette que jusqu'alors la so- ciété n’ayait point payée ou qu’elle avait payée mal. Mais ce n’est pas assez de leur avoir ouvert des asiles où ils puissent recouvrer le bienfait .de la raison, eux que la misère entraîne si souvent à la folie; il faut qu’au sortir de ces établissements , ils ne trouvent pas une société prévenue contre eux, une société marâtre par indifférence, cruelle par préjugé. Vous savez, Messieurs , tout ce qu'on a dit de la triste condition des con- damnés libérés, qui, après avoir expié quelque attentat par une longue détention , sortent enfin de prison souvent avec le projet de réformer leur vie et de faire oublier leur passé. Les préventions élévent alors entre le monde et leur repentir un mur d’airain si infranchissable, que des amis de l'humanité s’en sont émus, et, pour prévenir des récidives presque inévitables , ont formé de nobles associations, afin de protéger ceux qu ont acquitté leur dette à la justice, et de leur procurer le travail qu’on leur déniait comme à des criminels. Certes, Messieurs, il y a loin de la maladie d’un aliéné au crime d’un libéré. Cette comparaison seule attriste votre âme et vous révolte. Et pourtant, quand l'un et l’autre rentrent dans lé monde , leur position est presque semblable. Les motifs sont diffé- rents, les. résultats sont les mêmes. L’aliéné indigent qui a recouvré sa raison, sort joyeux de l'asile, où il a été constamment traité avec les égards dus à sa souffrance. Rendu à la liberté, maître de ses actions, le cœur ouvert à l'espérance, il retourne*ayec empressement à ses anciennes relations. Chacun , pense-t-il, va se réjouir avec lui, l’aider à reprendre ses travaux, soutenir sa vie. Qu'il se trompe cruellement! On ne veut pas croire à sa guérison; on le poursuit de l’épithète injurieuse de fou ; on interprète défavorabiement toutes ses actions, toutes ses paroles; on lui refuse toute confiance ; la peur lui ferme toutes les maisons où il pour- rait trouver du travail, et resté isolé, bafoué , sans ressource , désespéré, sa tête s’égare, il cherche un refuge à ses maux dans le suicide, ou bien il est renvoyé dans l'asile où.il n'aurait jamais dû rentrer. Plus d’une fois j'ai appris avec douleur la triste fin de malades qui m’avyaient quitté pleins de santé et de courage ; plus d’une fois j’ai dû repousser les sollicitations d’autres aliénés qui me conjuraient de les recevoir de nouveau au milieu des insensés auxquels ils n’appartenaient plus ! Vous êtes ici, Messieurs, des représentants de la science et de la civilisation. Vous avoir signalé cette plaie cachée, c’est vous avoir persuadé qu’il faut la panser, c’est vous avoir prouvé l'urgence d'établir, dans chaque département, des sociétés de patronage qui se chargent de suivre, de protéger, d’encou- rager, de secourir les aliénés indigents que repousse un fatal préjugé. J'appelle sur ce point le concours de vos lumiéres et de votre philan- thropie, et je finis par une maxime empruntée à M. Esquirol, à ce digne protecteur des aliénés, que la mort leur a rayi naguëre : « C’est faute «de prudence , dans la folie comme en toute autre maladie, que les per- «sonnes qui en ont été atteintes sont sujettes à des rechutes. » ii. 26 402 MÉMOIRES DISCOURS SUR LA QUESTION: QU'EST-CE QUE LE DROIT NATUREL ? PRONONCÉ EN LANGUE ALLEMANDE (1), PAR M. LE DOCTEUR BUSS, Professeur de Droit et des sciences politiques à l'Université de Fribourg (Bade). (Traduit par M. 3. F. Hickel, avocat.) MESSIEURS , Au moment où la discussion du sujet qui nous occupe approche de son terme, j'aurais volontiers gardé le silence, s’il m'eût été possible de la voir aboutir à quelque résultat net et arrêté; mais en dépit de toute l’at- tention que j'ai mise à la suivre, je n’ai pu parvenir à y découv rir aucune solution définitive de la question. D’excellentes idées, je le reconnais , ont été successivement développées; mais non-seulement aucune opinion n’est arrivée à son expression complète, à son dernier résumé, mais à peine, pour gagner une solution, un point de départ avait-il été établi, une direction avait-elle été prise, qu'un discours subséquent est venu tout remettre en question. La conséquence d’une pareille manière de pro- céder est une indécision manifeste. Cette stérilité de la discussion me paraît provenir de ce qu’on s’est trop abandonné à des expositions oratoires , au lieu des’attacher à donner une définition rigoureuse du droit naturel, à donner une analyse exacte des différences qui le séparent des productions analogues de la vie et de la science, et à faire ressortir ses affinités avec elles, à tracer enfin le tableau mouvant des phénomènes de la vie, et des formations de la science qui en reproduisent l’image. c La question du programme exige la détermination de l’idée du droit naturel. Cette détermination doit être tellement claire et précise , que le droit naturel puisse être rigoureusement distingué de toute notion ana- logue, de la philosophie du droit , de la morale, de la philosophie du droit (4) En reproduisant le discours improvisé de M. le professeur Buss , sur la grave question du droit naturel , nous ressentons plus vivement le regret déja exprimé , que M. le professeur Welcker ne nous ait pas communiqué le manuscrit du sien , malgré la pressante demande que nous lui en avions adressée. Ces deux discours , quoique inspirés par des convictions qui diffèrent sous plus d’on rapport , avaiént si vivement impressionné l’assemblé par la hauteur des vues, par la profondeur des pensées et par la chaleur des sentiments , comme par l'éclat de l'expression , qu’accueillis par d’unanimes acclamations au sein de la sixième Section , ils ont été désignés l’un ef l’autre pour la lecture en séance générale. Mais la rigueur des règlements du Congrès s’élant opposée à la reproduction , devant l'assemblée générale , de discours improvisés , la rédaction da Compte-réndu en contractait l'obligation d'autant plus étroite de recueillir les graves et éloquentes paroles de deux penseurs aussi éminents. Si elle y satisfait d’une manière imparfaile ; elle n’a du moins rien négligé pour meltre sa responsabilité à couvert, DE LA SIXIÈME SECTION. À05 positif, de la jurisprudence et de la politique comparées , et de son con- traire , le droit positif. Pour comparer, en termes généraux, ma manière de voir avec celles des orateurs qui m'ont précédé , je déclare que je m’accorde avec la plu- part d’entre eux à reconnaître l’existence de principes de droit éternels comme autant de reflets d'institutions juridiques, et que je pense avec M. Welcker que le droit naturel n’est point l'œuvre de la spéculation indi- viduelle, un dogme purement philosophique. Sur tous les autres points, ma manière de voir diffère essentiellement de leurs opinions, qui d’ail- leurs m'ont semblé pécher par plus d’une contradiction. Afin de procéder scientifiquement, il faut, dès qu’on adopte, comme oi, l'existence objective d’un droit naturel, commencer par la définition de ce droit : car tout ce qui est clairement conçu doit être de nature à être clairement défini. Pour moi, le droit naturel est l’ensemble des institutions et des Principes inhérents à la nature du droit et de l'État, développés et déduits de cette nature comme vérités objectives, el reconnus par lous les peuples civilisés de la terre pour la véritable base du gouvernement de la société humaine. Il me suffira , pour. détruire toutes les objections qui pourraient s'élever contre cette notion, de la décomposer en ses éléments. Le droit de l'État repose sur un principe divin, sur l’idée créatrice d’une justice éternelle, dont la justice sociale n’est qu’une imitation. Cette jus- tice divine renferme en germe, comme un prototype previdentiel, toutes les institutions, toutes les idées, toutes les notions du droit. C’est ainsi qu'il existe un droit divin et un royaume divin, formant un organisme supérieur et immatériel de l’état social, un organisme de la justice hu- maine, nationale, individuelle, dont la révélation descend constam- ment dans l'humanité pour se propager de celle-ci dans les peuples et les individus. Cette révélation s'opère par une double voie , médiatement ou immédiatement : médiatement, par la constitution divine de l'esprit humain, dans lequel l’idée de la justice est déposée sous la garde de la conscience de l'individu ; immédiatement, par l'établissement divin d’ins- titutions juridiques, confiées à la garde de la nationalité, qui est la cons- cience d’un peuple. Ce principe de la justice établi par Dieu, et transmis à l'humanité comme modéle à imiter, forme l'essence, la nature même du droit et de l'État. Chaque institution juridique est le produit d’une idée juridique particulière , le moyen d'atteindre ou de satisfaire un but ou un besoin juridique spécial. L'ensemble organique de ces idées, de ces buts, de ces besoins et de ces moyens forme V'État. Tous les principes et toutes les institutions juridiques et politiques qui sont inhérentes à cette nature du droit et de l'État, qui sont susceptibles d'en être extraites et déduites logiquement, constituent le droit naturel, lequel porte ce nom à juste titre, parce qu'ils sont puisés dans la nature, c’est-à-dire dans l’es- sence même du droit et de l'État. C’est de la nature du droit et de l’État divinement préétablis que les nations empruntent leurs institutions, les explorateurs du droit, leurs principes juridiques. Ce travail est chez les premiers la création historique et objective du droit, chez les seconds, sa création scientifique, et cette création double n’est que la révélation du droit que nous venons d'indiquer. La formation du droit se partage en deux séries de productions distinctes 26. 404 MÉMOIRES qui traversent l’histoire : celle des productions de l’école comprennent des filiations entières d'idées juridiques nationales, qui sont comme les âmes du droit, et celle des institutions, qui en forment les corps, et qui, sor- tant du sol chaud de l'instinct national et s'épurant, d’abord sous l'in- fluence de l'usage, puis sous la direction déjà plus raisonnée de la cou- tume, finissent par s'élever, comme des chênes, à la lumière du droit réfléchi, pour abriter sous l'étendue de leurs voûtes la vie prospère des peuples. Mais qu'est-ce qui nous garantit que les investigateurs du droit, pour la formation de leurs principes, que les peuples, pour la création de leurs institutions, ont réellement puisé dans la nature du droit et de l'État? Qu'est-ce qui nous répond que toutes ces productions juridiques de l’es- prit des auteurs et du génie des peuples ne sont point des aberrations , des inventions contre nature? Ne savons-nous pas que les esprits les plus émi- nents, que des siècles entiers se sont trompés ? Platon n’a-t-il point fait de l’État le support impassible de son idée de la justice, de cette idée aveugle et ignorante d'elle-même, et n’a-t-il pas maltraité la liberté de l'individu? Par contre, Aristote n’a-t-il point ravalé l'État jusqu’à l’idée d’une simple imitation de la nature, ne lui assignant d’autre cause finale que celle de sa conservation et de sa prospérité? N’a-t-il point également détruit la liberté de l'individu en défendant l'esclavage comme conforme à la nature, et partant comme légitime ? Enfin, toute l'antiquité n’a-t-elle point considéré l'État comme un ordre de choses s'élevant au-dessus de la liberté individuelle , et excluant tyran- niquement de son domaine ? Ce n’est que le christianisme qui est venu délivrer l'homme des étreintes du civisme et de l'esclavage. Il attribua à l'État le caractére d’une insti- tution divine, en proclama la nécessité morale, et installa dans ses droits l'autonomie de l’homme. Mais cette autonomie fut-elle pratiquée avec sagesse? Au moyen âge, nous la voyons dégénérer en licence. A ce dé- réglement, à ces déportements extrêmes, l'Église vint imposer un frein salutaire ; mais cette intervention de l'Église , excitant à son tour à la résis- tance la liberté contrainte de l'individu, finit par provoquer ce rationa- lisme subjectif qui rompit l'unité compacte des peuples au moyen âge, la forte cohésion qui unissait leurs éléments ; ce rationalisme enfin où s’al- languissent et s’énervent les générations présentes, qui appellent de tous leurs vœux la cessation de cet isolement absolu et la reconstruction de ces unités humanitaires, embrassant les individualités à titre de puissances légitimes. Maintenant qu'est-ce qui garantit les individus et les peuples de ces aber- rations, de ces écarts? D'abord c’est la conscience , qui est le reflet du principe divin de la jus- tice, et qui résidé, comme régulatrice éternelle, dans le cœur des individus et des peuples. j Puis, c’est l'exigence de la raison, qui commande de déduire logique- ment les principes du droit et de développer sainement les institutions juridiques de la nature universellement reconnue du droit et de l'État. Enfin un dernier préservatif qui leur est offert pour s’en défendre, ce sont les conquêtes de la civilisation de chaque siècle. Dans les investiga- DE LA SIXIÈME SECTION. 405 tions de chaque penseur, dans la somme des idées de chaque peuple, nous trouvons, à côté du faux et de l’injuste, le juste et le vrai. Le faux, l’injuste finit par mourir et par disparaître; mais le vrai et le juste se transmettent comme un flambeau de génération en génération. C’est ainsi qu’une tra- dition éternelle, toujours plus riche et plus variée, s'étend à travers les âges, et que nous voyons s’amasser pour les individus et les peuples un trésor de notions sur le vrai et le juste. Et cette accumulation d'idées est loin d’être une masse inerte : elle est douée d’une force vitale qui la dé- barrasse peu à peu de tout ce qu’elle contient de faux et d’erroné , d’une force qui ne fait que s’accroître avec Le progrés de l’histoire. Cette histoire n’est elle-même que la réalisation du plan éternel que la providence a conçu pour le développement du genre humain ; c’est le travail incessant de l'esprit divin qui s’introduit graduellement dans la vie de l'humanité, ‘dont la perfection finale doit proclamer la gloire de son auteur. C’est ainsi que la civilisation, dans le progrés des temps, s’élabore et se rectifie sans cesse, et qu’elle devient la critique de toute découverte, de toute création nouvelle dans le domaine de la science et conséquem- ment dans celui du droit, Notre civilisation se compose de l’ensemble de toutes les conquêtes morales et intellectuelles faites par les peuples civi- lisés jusqu’à nos jours. Voilà pourquoi j'érige en juge souverain de la vérité et de la justice de tout ce qui se donne pour principe ou pour insti- tution de droit naturel, la civilisation de tous les peuples policés de la terre , la somme de lumières acquises par l'humanité cultivée. Au-dessus de ce juge il n’est plus de tribunal ici-bas. D’aprés cela, j'admets deux facteurs du droit naturel, savoir : Aë L'inhiérence de tous les principes et de toutes les institutions juri- diques à la nature du droit et de l’État établis par Dieu ; 2. L'adoption des principes et des institutions juridiques par toute l’hu- manité civilisée. De longues séries de siécles s'écouleront encore avant que les Senples soient parvenus à réaliser dans leurs institutions sociales la reproduction totale et fidèle des formes-juridiques et politiques dont le droit et FÉtat renferment les idées-modéles. Tous les droits et toutes les institutions juridiques et politiques sont des sanctions données à des besoins sociaux, soit intellectuels , soit moraux, soit physiques, et des moyens créés pour les satisfaire. Le mode adopté pour répondre à ces besoins dépend de la mesure dans laquelle les peuples les conçoivent et les reconnaissent. Ces besoins sociaux, inséparables de la nature humaine, sont invariables de leur nature; mais les moyens employés pour leur satisfaction changent d’un peuple à l’autre. Ces vérités, nous les trouvons confirmées dans les trois domaines prin- cipaux du droit. Prenons, pour exemple, dans le droit privé, l'institution de la tutelle. Le mineur, qui a perdu la direction protectrice de ses parents, éprouve, dans le sentiment de son incapacité de se gouverner lui-même , le besoin d’une compensation de cette perte, celui d’une représentation complète ou par- telle de sa personnalité juridique. Ce besoin est fondé dans la nature hu- maine; il se montre à toutes les époques, sous toutes les latitudes ; mais le mode de le satisfaire varie selon la diversité des peuples; il varie chez le même peuple selon la différence des temps. C'est ainsi que naquit la 406 MÉMOIRES tutelle testamentaire, la tutelle légale, la tutelle dative, la tutelle con- ventionnelle : toutes autant de formes diverses introduites pour la satis- faction d’un besoin toujours le même, et répondant au degré d’impor- tance qu’on lui reconnut. Dans le droit politique, par exemple, tous les peuples éprouvent le be- soin d’un gouvernement qui n’ait pour but que l'intérêt général librement reconnu par la nation. Mais le mode de satisfaction donnée à ce besoin permanent et toujours le même se régle sur la maniére de le concevoir et de le reconnaitre, laquelle différe de peuple à peuple , et sur les varia- tions que subit chez un même peuple l'appréciation et la reconnaissance de ce besoin. Dans le droit des gens, par exemple, la nature même des choses exige que chaque État souverain soit absolument libre de changer ses formes politiques, et que l'exercice de cette liberté ne dépende point de l'arbitre d'États étrangers, à moins que des changements de ce genre ne viennent violer les droits de l'humanité et que cette violation n’appelle à les dé- fendre les autres peuples dans lesquels l'humanité trouvé ses représen- tants naturels. Ce besoin national des États a toujours subsisté; mais ce n'est que par la reconnaissance collective des peuples que le principe de la non-intervention est devenu une conquête du droit des gens naturel, et par suite du droit des gens positif. C’est ainsi que chaque droit, et conséquemment le droit naturel, a sa racine, pour le fond, dans un besoin social, et, pour la forme , dans la reconnaissance de ce besoin par une société constituée , ou par la commu- nauté des peuples. Mais un droit. n'est un droit naturel qu’à la double condition de dé- couler de la nature du droit et de l'État et d'être reconnu par la civilisa- tion de l'humanité policée. . En partant de ce point de vue, on arrive à déterminer rigoureusement les différences qui séparent le droit naturel d'avec ses analogues. Ainsi nous trouyons que le droit naturel diffère essentiellement : 4. De la philosophie du droit. Celle-ci n’a de commun avec le droit naturel que la matiére; mais elle s’en distingue par la forme. La philo- sophie du droit n’est qu’un simple système philosophique , qu’une théorie appartenant à un seul individu, ou partagée par un grand nombre de penseurs; mais ce n’est point un droit. Ce qui lui manque pour en avoir le caractère , c'est la reconnaissance, la sanction générale, la force obli- gatoire de ses vérités, qui n’ont que la valeur de dogmes scientifiques , et non l'autorité de la loi. 2. Le droit naturel se distingue de la morale. L'un et l’autre , il est vrai, adressent'leurs commandements à la même volonté humaine ; mais ils différent entre eux pour la tendance. La morale a pour but d'introduire le royaume de Dieu dans les relations terrestres ; elle repose donc immé- diatement sur un fondement divin. Voilà pourquoi toute morale est d'une nature essentiellement religieuse, et si elle sort du domaine de la reli- gion, ce n'est que par son application aux relations terrestres, qu’elle a la mission d’accomoder à l’ordre divin. Le droit, au contraire, a sa ra- cine immédiate dans les besoins des hommes constitués en société; mais indirectement il tire également son origine de Dieu , qui a implanté ces besoins dans la nature humaine. Tandis que la morale gravite ainsi vers DE LA SIXIÈME SECTION. 2407 “un centre supérieur et tout spirituel, le droit repose lourdement sur la glébe des besoins terrestres de l’homme social, et se trouve retenu comme par l'ancre d’une sorte d’égoïsme. Par contre, la morale et le droit se ren- contrent dans la même volonté humaine, et participent souvent l’une et l’autre aux mêmes institutions, telles que le mariage, la famille, etc., lesquelles, par conséquent, présentent à la fois un côté moral et un côte juridique. Indépendamment des différences déj indiquées , il y a encore cette opposition entre la morale et le droit, qu’ils sont constitués pour la ma- tiére et la forme en sens inverse l’une de l’autre. Le droit, comme nous . l'avons vu, a pour matière une nécessité, un besoin social , et pour forme la reconnaissance de ce besoin par la société, c’est-à-dire la liberté. La morale , au contraire , a la liberté pour matière , comme, par exemple, le dévouement , la générosité, la bienfaisance, qui dépendent de ma vo- lonté ; et la nécessité pour forme, c’est-à-dire l'obligation que m’impose la conscience. C’est dans cette condition du droit d’être l’expression d’un besoin, soit de tout le corps social ou du moins de l’une de ses fractions, que nous trouvons la raison pourquoi certains devoirs, comme ceux de la généro- sité , de la bienfaisance, de l'amitié, sont exclus du domaine juridique. D’aprés {tout ce que nous venons d'exposer, on reconnaîtra combien les différences ordinairement établies entre le droit et la morale sont insufl-. santes pour en éclaircir la nature. Ces différences ne touchent que leur . surface et ne sont que les reflets de leurs différences internes. 5. Le droit naturel diffère de la philosophie du droit positif. L'un et l’autre concordent en ce sens qu’ils cherchent à explorer l’es- sence , la raison même de leur objet, et de les reproduire à l’aide de la déduction ; mais ils différent entre eux quant à leur objet. Le droit naturel explore la nature, l'essence du droit et de l'État considérés comme tels. Le résultat de ce travail est le droit pur , le droit exempt de toute trace de droit positif. La philosophie du droit positif, au contraire, explore la nâture de ce droit et en ramène les dispositions diverses à leurs derniers principes. Le résultat de ce travail est encore du droit positif, mais réduit à sa dernière expression , à sa substance même. 4. Le droit naturel diffère du droît et de la politique comparés. Comparer les différents droits positifs, c’est en rechercher les simili- tudes et les dissemblances. Mais cette comparaison présuppose une régle fondamentale qui lui serve de mesure. Cette règle est le droit naturel. C’est avec le droit naturel que les droits de tous les temps et de toutes les nations sont susceptibles d’être comparés, et c’est d’après le même droit qu'ils sont susceptibles de l'être entre eux. Or la science qui, à l’aide de cette règle fondamentale, rapproche, par groupes, selon leurs analogies ou leurs dissemblances, les différents droits nationaux, afin de rechercher les lois organiques de leur développement, c’est la science du droit et de la politique comparés. 5. Enfin le droit naturel est en opposition avec le droit posilif, c 'est-à- dire avec le droit qu’une autorité légitime et réguliére a établi, soit exclu- sivement pour un État seul , soit pour une pluralité d'États. Le droit po- sitif peut s'établir ou par voie législative ou par coutume et par usage judiciaire. Ce n’est que par la forme de sa naissance, et non par la qualité 408 : MÉMOIRES de sa matière , qu’un droit prend ce caractère positif; car une partie no- table du droit positif des peuples civilisés n’est rien que du droit naturel. Mais ilrésulte de la nature même des choses que le droit naturel, à mesure que la sphère de son autorité s'étend , diminue de matiére exclusive, tan- dis qu’au contraire le droit positif, à mesure que la sphère de son autorité se restreint, augmente son fond exclusif par la richesse des dispositions que lui dictent les particularités propres à un État. ‘ Telle est, selon mes convictions, le tableau complet des analogies et des différences qui existent entre le droit naturel et les autres formations du droit. Mais si la science et la réflexion froide ont la séparation et la dissection pour œuvre, c’est le propre de la vie de lier et de réunir. Ilnous importe donc, tout en maintenant les distinctions que nous venons d'éta- blir, de ne point perdre de vue le passage vital d’une formation dans une autre. A ne contempler d’abord que le champ de la formation réfléchie du droit, quel spectacle s’offre à nos regards? Voici une idée juridique qui com- mence à poindre dans la méditation silencieuse du penseur isolé ; bientôt, par une sorte de contagion idéale, elle augmente le nombre de ses parti- sans ; puis elle arrive par degrés à une reconnaissance générale, et finit, aprés avoir gagné assez d’ascendant, par se convertir en prescription légale, par se communiquer de législation à législation, et par devenir ainsi un élément du droit universel. Ailleurs, sur le champ de la formation irréfléchie et spontanée du droit , nous voyons les institutions juridiques, poussées par des instincts, des sentiments et des idées simples, surgir, s’accroître, se multiplier par fa- milles, et ne faire trêve à tout ce luxe de croissance et de développement, que leur ensemble ne réponde à la plénitude des idées juridiques renfer- mées à l’état de germe dans le génie des nations. Me voici parvenu à l'exposition complète, quoique succincte, de mesidées sur le sujet qui nous occupe, et je crois avoir paré à toutes les objections qui pourraient s'élever contre elles. Cette exposition suffira pour faire res- sortir ce que mes vues peuvent avoir d'opposé à celles des orateurs qui m'ont précédé. Il me reste seulement à combattre spécialement l'opinion de M. Welcker, laquelle m'a paru abonder en contradictions. La description que M. Welcker a donnée du droit naturel , au lieu d’une définition indispensable, est, à mon avis, trop vague et même inexacte, C’est une erreur de croire que le droit naturel et la morale ne sont op- posés entre eux que par une différence tout externe. C’est à tort que M. Welcker place, dans l’universalité du droit naturel, la seule différence qui le sépare du droit positif: des périodes entières de l'histoire, des fa- milles entières de peuples ont admis l'institution contre nature de l’escla- vage. C’est méconnaîitre la vérité que d’en appeler, pour prouver l’exis- tence d'un droit naturel, à l'accord des peuples. Il faut avant tout con- sulter la conscience juridique de l'esprit humain et recourir à l’idée de la justice divine qui y est déposée. Loin de s'arrêter au point de vue des jurisconsultes romains, il faut s’élever à la-hauteur des vues du christia- nisme. L'accord des peuples est, aux yeux de M. Welcker, la distinction capitale pour le droit naturel : ce n’en est que l'élément formel et acces- soire; encore, considéré comme tel, cet accord a-t-il besoin d'être res- treint dans son caractère numérique. A l'accord des peuples, au consensus > DE LA SIXIÈME SECTION. 409 gentium des jurisconsultes romains , il faut substituer l'assentiment épuré des peuples civilisés. C’est à tort que M. Welcker donne la méthode analytique comme la seule admissible pour le développement du droit naturel ; c’est au contraire la méthode synthétique qu’il est essentiel d'appliquer, tandis que la méthode analytique ne peut servir tout au plus que de contrôle. C’est encore une’erreur, et c’est méconnaître la dignité du droit naturel, que de lui assigner pour but unique, comme le fait M. Welcker, celui de faciliter l'intelligence et la critique du droit positif. Ce n’en sont là que des fonctions indirectes et trés-subalternes. Sa mission, au contraire, est de construire la société humaine sur la base immuable de l’idée de la jus- tice divine, Le droit naturel n’est pas seulement une simple théorie; c’est une force vitale et plastique , qui discerne et qui choisit, et dont l'œuvre architectonique s’éléve et s’arrondit en dôme majestueux, où les peuples déposent leurs institutions nationales sous la garde de l'Éternel. Voilà donc ma doctrine du droit naturel, doctrine fondée sur la large base du droit divin, du sein duquel se déploient les formes de la société humaine , d’après les types qu’il recèle. Elle est étrangère aux préoccu- pations étroites du jour et ne tend point, comme d’autres systèmes, à caresser les passions des hommes éphémères. Si j'ai cherché, par la gra- vité de mes observations, à fléchir l’arrogance superbe, l’orgueilleuse omnipotence de la science et de la volonté humaines, j’ai la douce per- suasion que mes paroles ont en même temps contribué à relever la science, à ennoblir la wolonté. Et cette doctrine avec ses tendances est non-seule- ment conforme à la vérité , elle offre encore la guérison du présent. Le temps qui court n’a pas besoin, tant s’en faut, des leçons de l’orgueil, mais de celles de la résignation volontairement soumise. Qui s’humilie devant Dieu élève sa nature d'homme , et l’obéissance aux prescriptions divines, c’est la liberté, la liberté véritable. Et ces paroles , où seraient-elles prononcées plus à-propos qu’en ce lieu, que sur cette limite qui sépare deux grands peuples qui se valent, qui en attestent la vérité et par leur labeur séculaire et par le sang qu'ils ont versé? Où seraient-elles prononcées avec plus d'autorité que sur cette grande route de l’histoire du monde, où celui devant qui les siècles passent comme des jours , était assis voilé dans les événements, et jetait les sorts de l'avenir sur les rives du Rhin , si verdoyantes et si riches en souvenirs: que dans cette cité, nœud de jonction de civilisations amies qui se con- fondent : que dans cette ville de Strasbourg enfin, si respectable par ce qu’elle fut, si respectable par ce qu’elle est aujourd'hui; qui nous em- brasse de son souffle et nous fête avec sa cordialité hospitalière; dont la génération présente , généreuse et forte, rivalise avec un grand passé par des œuvres dignes d’éloges, sous la double influence de deux riches natio- nalités? Où retentiraient-elles mieux ces paroles qu’au bas de cette cathé- drale, dont la fléche élancée et diaphane semble, comme l'ombre d’un autre âge, nous exhorter du haut des airs à marquer notre courte exis- tence par de grandes choses?! Ici, au sein de cette réunion où tant d’idiomes et tant d’esprits natio- naux se touchent et se saluent, au milieu de cette agitation littéraire et scientifique, au milieu du choc de tant d’intelligences diverses , dont l’in- fluence électrique nous saisit et nous pénêtre , dans ce confluent de la 410 MÉMOIRES civilisation de deux peuples limitrophes, j'ose, encore tout ému de l’ani- mosité qui naguëre divisait ces deux mêmes peuples, leur adresser un langage puisé dans la plus profonde de mes convictions. Oui, de grandes destinées vous sont promises; mais elles appartiennent non pas à l'arbitraire désordonné, mais à la soumission volontaire à une autorité supérieure ; non pas à l'esprit de renversement , mais à l'esprit de la construction; non pas à l'esprit qui cherche la conquête sur les champs de bataille, mais à celui qui prépare pour l'humanité de riches moissons sur les champs de la paix et de la concorde. C’est dans la sphère de l’in- telligence que ces deux peuples doivent lutter désormais, chacun avec le cachet que la Providence lui a imprimé : le peuple français avec ses prodigieux élans vers la gloire, avec sa promptitude à exécuter, à pro- pager des projets humanitaires; le peuple allemand avec sa méditation profonde et sa tendance universelle à poursuivre avec conscience tous les genres de développement; l’un et l’autre appuyés sur la grandeur de leur passé. Toutefois ce n’est point dans les souvenirs du passé que les deux peuples sont appelés à cueillir des lauriers. Les lauriers qui les attendent sont plantés sur les hauteurs de l'avenir. Qu'ils luttent donc tous deux pour les enlever, chacun sous la banniére de son génie national! Puissent- ils, vainqueurs couronnés, les rapporter en offrande à l'humanité, à laquelle ils doivent hommage, comme celle-ci doit hommage au Dieu éternel! DE LA SIXIÈME SECTION. AAA UBER DAS RECHT DES STAATES, HANDLUNGEN , DIE BLOS UNSITTLICH SIND, ZU BESTRAFEN (4), NON Dr. C. S. ZACHARLÆ VON LINGENTHAL , Gehéimerath, Professor der Reehte der Comthur, Universitæt Heidelberg. Unter den Fragen, welche für den diesjährigen wissenschaftlichen Con - gress Frankreichs zur Berathung ausgesetzt wurden , war auch die : «Est-il de l'intérêt de la société que le législateur punisse les actes qui «ne blessent que la morale?» Als die Vorfrage zu dieser Frage kann man vielleicht die Frage be- trachten, oder man kann auch jene Frage in die verwandeln : Hat der Slaat das Recht, Handlungen zu bestrafen, die blos die Moral (und nicht zugleich die Gesetze des Rechts) verletzen ? Ich wenigstens werde sie nur in diesem Sinne beantworten. Die Wichtigkeit dieser Frage liegt am Tage. In einer Menge von Fällen bietet sie sich dar. Und, wie die Menschen überhaupt geneigt sind, so wie ihre Bedürfnisse steigen, oder schwerer zu befriedigen sind, auch die Ansprüche zu steigern, die sie an den Staat machen, so gilt dasselbe auch von einer Frage, welche, so wie die Bevôlkerung und mit ibr zu- gleich die ungebildetere Volksklasse zunimmt , sich immer mehr und mebr dem nachdenkenden Freunde des ôffentlichen Besten aufdringt. (Eines andern und besonderen Grundes, auf welchem das Interesse dieser Frage gerade in unsern Tagen beruht, wird weiter unten gedacht werden. ) . Fälle dieser Art sind z. B. das Fluchen und Schwôren, das Zutrinken und überhaupt Trunkenbeit, Verirrungen des Geschlechtstriebes, Zins- wucher, versuchter Selbstmord, grobe Verletzungen des Anstandes (in England, z. B., the exposition of the person), Bettelei, wo für die Unterstützung der Armen genügsam gesorgt ist, Grausamkeiten gegen Thiere. Wenn auch einige dieser Fälle zu den rechtswidrigen Handlungen gezeichnet werden künnen, so stehen sie doch insgesammt, ihrem Gat- tungsbegriffe nach , nur mit dem Sittengesetze in Widerspruch. (1) Ce mémoire , adressé au Congrès par le professeur Zachariæ, est sans doute une des dernières productions sorties de la plume de ce profond jurisconsulte, de cet éminent publiciste, que l’Alle- magne et la science ont perdu dans les premiers jours du printemps dernier. Ce travail porte à un haut degré le cachet d'originalité que ce penseur a su imprimer à toutes ses œuvres : profondeur dans la pensée, sagacité dans la discussion, et une habitude de distinctions qui m’évite par fois Vobscurité qu'à force de lucidité et de netteté dans l’expression, Ces motifs, joints à une sorte de piété pour la mémoire du défunt , qui maniait sa langue maternelle avec une véritable supériorité, nous ont déter- miné à publier dans sa forme originale un travail qu’on peut considérer comme un legs de l’auteur à la science française , pour laquelle il avait tant d'estime et qu’il appréciait avec un rare esprit d'équité et de justice, A2 MÉMOIRES Auch auf die Handlungen erstreckt sich die vorliegende Frage, welche zwar Vergehungen, d. i. Handlungen sind, durch welche das Rechts- gesetz verletzt wird, welche jedoch ihrer moralischen Strafbarkeit wegen härter bestraft werden, als sie, blos als Vergehungen betrachtet, bestraft werden kôünnen. Ein Vergehen dieser Art dürfte der Diebstahl sein. (Ein besonders merkwäürdiges Beispiel, da es sich fast in allen Gesetzgebungen der heutigen europäischen Vôlker wiederholt, ungeachtet die andern Ge- setzgebungen, z. B. die Gesetze der Rümer, lehren , dass diesem Vergehen durch weit mildere Strafen gesteuert werden künne!) Wenn dieses Ver- gehen weit härter bestraft wird als Thätlichkeiten , die gegen die Person verübt worden sind, so liegt ein Hauptgrund der vergleichungsweise härtern Strafe unstreitig in der moralischen Schändlichkeit der That, die Tacitus ein servile vilium nennt. Die aufseworfene Frage würde leicht zu lôüsen sein, wenn man den Zweck der Strafen in die Befôrderung der Wobhlfarth der Menschen über- haupt, sowohl ihrer geistigen als leiblichen Woblfarth, setzt. Alsdann ist der Staat berechtigt, alle Pflichten des Menschen in Zwangspflichten zu verwandeln. Die Frage ist dann nur die : Darf der Slaat hoffen, in Fällen dieser Art oder in ähnlichen, dem Uebel durch Strafen oder durch härtere Strafen vorzubeugen oder abzu- helfen ? oder welches sind die Fülle, in welchen er diese Hoffnung hegen darf? oder, in welchen er, so niedrig auch seine Hoffnungen stehen mogen, dennoch den Versuch zu machen hat? Sind in diesen und ühn- lichen Füllen nicht Strafen, verglichen mit den Gefahren, die sie besei- tigen sollen, das grüssere Uebel? Mit andern Worten, ist es das Inte- resse des Staates oder das der bürgerlichen Gesellschaft, auch diese und ähnliche Handlungen bei Strafe oder bei einer härtern Strafe zu ver- bieten? | (Ein Hauptgrund , warum jetzt die Frage von den Grenzen der Strafge- walt des Staates häufiger aufseworfen wird, oder sich gebieterischer aufdringt , als ehemals, dürfte in der gänzlichen Trennung der Kirche vom Staate liegen , auf welche unser Zeitalter ausgeht. Wo blos unsitt- liche. Handlungen in das Gebiet der Kirchengewalt gehôüren, wo die Kirche diese Handlungen mit Nachdruck bestraft, da bedarf es kaum einer Ausdehnung der Strafgewalt des Staates auf blos unsittliche Hand- lungen.) Jedoch schon durch die Fassung oder Stellung der vorliegenden Frage wird diese Lüsung derselben ausgeschlossen. Denn in der Frage, so wie sie gefasst ist, wird vorausgesetzt , dass der Staat nicht eine jede Art pflicht- widriger Handlungen zu bestrafen berechtigt sei. Es wird ein Unterschied zwischen unmoralischen und rechtswidrigen Handlungen gemacht; es wird also die Sphäre der Staatsgewalt, und mithin die der Strafgewalt des Staates auf die Sanktion des Rechtsgesetzes beschränkt. Die Frage ist also mit andern Worten die : Kônnen wir die Strafgewalt auch dann, wenn wir den Slaat nur als eine Anslalt zur Bekräftigung des Rechtsgesetzes betrachten, auf Hand- lungen ausdehnen , die blos gegen das Sittengesetz verstossen? und auf welche Handlungen dieser Art? Bei der Beantwortung dieser Frage hat man von dem Grundsalze aus- zugehen : # DE LA SIXIÈME SECTION. A5 Alle Strafen , die der Staat verhängt, sind Sicherheitsmittel; es sind Mittel das Gemeinwesen, oder dessen einzelne Glieder gegen Rechtsver- letzungen oder gegen Gefahren einer Rechtsverletzung zu sichern. Zufolge dieses Grundsatzes kann der Staat zwar nicht unmoralische Handlungen als Rechtsverletzungen bestrafen , — denn unmoralische Handlungen würden aufhôüren, blos diese Eigenschaft zu haben, wenn sie zugleich rechtswidrige Handlungen wären; wohl aber durf er gegen unmoralische Handlungen, wenn und wiefern diese zugleich die Rechte Anderer bedrohen, Sicherheitsmassregeln ergreifen, welche nôthigenfalls auch Strafen sein kônnen. (Denn Handlungen werden erst durch ihre Folgen, durch ihre nothwendigen oder wabrscheinlichen Folgen, zu Ungerechtigkeiten. ) Derselbe Fall tritt auch bei dem Versuche eines Vergehens (bei einer rechtswidrigen Handlung, welche die Grenzen eines Versuches nicht überschritten hat), ein. Die Handlung hat — zufällig oder absichtlich — noch nicht die Rechte eines Andern verletzt; Niemand bat durch sie einen Schaden erlitten , sie ist nur nach dem Sittengesetze verdammlich. Gleich- wobhl kann der Staat auch gegen den Versuch eines Vergehens Sicher- heitsmittel anwenden, welche nach Befinden auch Strafen sein kônnen. Es fragt sich jetzt, von welcher Beschaffenheit müssen die Handlungen sein, welche, ob sie wobl an sich nur unmoralisch sind, dennoch zu- gleich die Rechte des Staates oder der einzelnen Staatsgenossen ge- fährden ? Man kann die hier in Frage stehenden Handlungen unter drei Klassen bringen. - Die erste Klasse begreift diejenigen unmoralischen Handlungen unter sich, welche den Menschen in einen Zustand versetzen oder versetzen kônnen, der alle Zurechnung ausschliesst; oder durch weiche der Mensch eine Gesinnung an den Tag iegt, die ihm gewisse von den Gesetzen ver- pônte Handlungen als unsträflich erscheinen lässt. Handlungen dieser Art sind z. B. Trunkenheit und Verleitung zum Trunke. Denn, wenn auch Trunkenbeit (in der Regel) keineswegs ein Entschuldigungs- oder ein Milderungssgrund wegen der durch ein Vergehen verwirkten Strafe ist, so sollen doch die Gesetze schon der Gefahr einer. Rechtsverletzung vorbeugen. — Handlungen dieser Art sind ferner die an sich nur unmo- ralischen Begünstigungen eines verübten Vergehens, z. B. durch den Beifall, den man der That ertheilt, durch die Befôrderung der Flucht des Thäters. Die zweile Klasse umfasst diejenigen blos unmoralischen Handlungen, welche zu Vergehungen leicht und fast unausbleiblich verleiten. Hand- lungen dieser Art sind z. B. Betteln , Grausamkeiten gegen Thiere. Der letztern würde man sogar das Tédten der Thiere beizählen müssen , wenn nicht der Mensch das Recht über Leben und Tod gegen die Thiere aus- übte, und — wie das Mikroskop gezeigt hat — ausüben müsste. Vergl. Burdett, The rigts of animals. London 1859 (1). Endlich die dritle Klasse enthält diejenigen — an sich blos unsitt- (1) Ein Engländer zeigte einem Hindu einen Tropfen reines Wasser durch ein Mikroskop. Als der Hindu die Thiere‘erblickte, die in dem Wasser herumschwammen , rief er aus : Du hättest mir das Geheïmniss nicht aufdecken sollen ; du hast mir die Ruhe meiner Seele geraubt ! JM 4 MÉMOIRES lichen — Handlungen, welche, indem sie die Nichtachtung oder die Verachtung, sei es der Gesetze überhaupt, sei es der Gesetze einer ge- wissen Gattung, beurkunden , die Sicherheit Anderer bedrohen. — Hand- lungen dieser Art sind 7. B. das Einschwärzen von Waaren ins Aus- land, die im Auslande verboten sind; Bettelei, unter der obenangegebenen Bedingung, und in gewissen Fällen die Verirrungen des Geschlechts- triebes. * : Xch behaupte nicht, dass alle die obenangeführten Handlungen aus dem einen oder dem andern dieser Gründe strafbar sind, dass z. B. auch der Selbstmord oder der Zinswucher (ein Wort, das man aus der Rechtssprache verbannen sollte!) mit einer Strafe belegt werden sollte. Sondern ich behaupte nur, dass eine unmoralische Handlung, wenn sie nach Rechts- grundsätzen strafbar sein soll, entweder unter die eine oder unter die andere jener Klassen gehüren müsse. Allein — gehôürt nicht eine jede unmoralische Handlung, nicht eine jede Aeusserung einer unsittlichen Gesinnung unter die eine oder die an- dere jener Klassén? Moralität, Tugend ist ein Ganzes; die Tugend beruht auf einer einzigen Maxime, auf der Maxime, pflichtmässig zu handeln, was auch Eigennutz, oder die Laune des Augenblicks dagegen einwenden môge. In einer Pflicht werden Alle verletzt, oder das Ansehen Aller wan- kend gemacht. Darf und soll nicht also der Staat , zufolge der aufgestellten Grundsätze, eine jede unsittliche Handlung mit einer Strafe bedrohen, da eine jede auch das Ansehen des Rechtsgesetzes gefährdet? Gelangen wir also auf diesem Wege nicht am Ende zu dem Resultate, zu welchem das System, das die Befôrderung der Wohlfarth der Menschen dem Staate zur Pflicht macht (das hierarchische System) unmittelbar fübrt? Das ist die Hauptschwierigkeit dieser Theorie! Sie dürfte sich jedoch auf folgende Weise beseitigen lassen. Es ist ein grosser Unterschied, ob man dem Staate ein gewisses Recht schlechthin, oder ob man es ihm nur bedingungsweise beilegt. Unter der erstern Vorausselzung muss man in einem jeden einzelnen Falle einen Grund nachweisen, aus welchem der Staat in diesem Falle von seinem Rechte keinen Gebrauch machken soll, unter der letztern Voraussetzung aber einen Grund, aus welchem er in einem einzelnen Falle von seinem Rechte Gebrauch zu machen hat. Unter der erstern Voraussetzung ist die Vermuthung, was den Gebrauch des Rechts betrifft, für, unter der letz- tern Vorausselzung ist sie gegen den Staat. Dort handelt es sich von einer Wiederherstellung, hier von einer Beschränkung der rechtlichen Freiheit der Einzelnen. Wendet man diese Sätze auf das in Frage stehende Recht der Staatsge- waltan, so muss nach der zweiten Theorie schon ein sebr erheblicher Grund, oder auch mehr als ein Grund vorhanden sein , um eine an sich nur unmoralische Handlung mit einer Strafe zu bedrohen. Denn das hôchste Gut, welches der Mensch, nach dieser Theorie, in Beziehung auf den Staat hat, ist seine äussere Freiheit. Diese ohne Noth zu be- schränken, sie namentlich so zu beschränken, dass man blos unmora- lische Handlungen wegen ihrer Gefährlichkeit verbietet , ist auch insofern bedenklich, als eine Beschränkung dieser Art nicht selten zur Umgehung des Gesetzes verleitet, also einem Uebel durch ein anderes und oft grüs- seres Uebel abhilft. Am wenigsten darf der Staat solche unsitiliche Hand- “als. -atamton du DE LA SIXIÈME SECTION. 45 lungen bei Strafe verbieten, welche nicht wegen der Verbindung, in der sie mit Vergehungen stehen , sondern nur wegen des Einflusses, den sie auf die Moralität überhaupt haben, (moralisch) strafbar sind, z. B. also Fluchen und Schwôüren, der Wucher. Dagegen ist es allemal vortheilhaft, wenn die upsittlichen Handlungen , die der Staat verpünt, zugleich (wie zZ. B. gewisse fleischliche Vergehungen)an sich rechtswidrige Handlungen sind. Alles dieses aber stellt sich anders nach der andern Theorie. (In wie vielen Fällen wird man auf das Bedürfniss einer Kirchenzucht hinge- wiesen !) Vielleicht erwartet man noch hier eine Erôrterung der Frage : Ob und inwiefern auf die einzelnen unsittlichen Handlungen, die ich oben als Vergehungen bezcichnet habe, vom Staate eine Strafe zu setzen sei? Jedoch diese Frage steht mit der Verschiedenheit der Vôlker, mit ihrem Charakter und mit ihrem gesammten Zustande in einem zu genauen Zusammenbange, als dass eine Beantwortung derselben im Allgemeinen mit Erfolg versucht werden künnte. 216 MÉMOIRES MÉMOIRE - PRÉSENTÉ A LA SIXIÈME SECTION DU CONGRÈS SCIENTIFIQUE, SUR LA CINQUIÈME QUESTION DE SON PROGRAMME : Il existe en Alsace des biens ruraux concédés sous la législation ger- manique à titre de Waldrecht. En l'absence des titres constilulifs , quelle est la nature de ces concessions ? Quels sont les droits et les obligations des concédants et des concessionnaires ? PAR M. LOBSTEIN, PÈRE, Avocat à Strasbourg. INTRODUCTION. L'usage de concéder des biens ruraux à des colons pour les cultiver sous diverses conditions, remonte aux temps les plus reculés; on ren- contre notamment ces concessions sous la domination des Frances. (Voy. Schilter, De bonis laudemialibus, $ XI.) La diversité des conditions sous lesquelles, dans l’origine, les proprié- taires concédérent leurs biens, fit naître autant de distinctions dans la classification de ces biens et dans leur qualification. Les principales sont : 4. Les biens concédés par les propriétaires à des colons à titre de pro- priété, moyennant un cens perpétuel. . Les biens concédés à des personnes ou établissements de main- morte. 3. Les biens attachés originairement à la cour principale du seigneur, lequel, pour ne point les en séparer, y plaçait un colon, sans toutefois lui concéder un droit héréditaire sur le bien même. 4. Les biens concédés à titre de colonie héréditaire et irrévocable (1). 3. Les biens concédés à titre de jouissance révocable pour une durée déterminée. Les biens de la quatrième catégorie comprennent, d'aprés les principes du Droit germanique, selon Mittermeyer, notamment : 10 Les concessions à titre héréditaire ; 20 celles à titre de bail héréditaire; 5° les biens dits Schillings- Güter, bona soiidorum; 4° les biens emphytéotiques; 5° les biens dits Schafft- et Vogteygüter, dans les pays de Luxembourg, de Trèves et de la Prusse rhénane; 6° les biens concédés à titre de Waldrecht} To les (1) 4d firmam seu censum perpetuum. Freher, Orig. palat., 1, p. 478, diplôme de 1094. Koch , Von der Erbleihe, diplôme de 968. Sub titulo emphyteuseos et coloniæ, quae dicitur : Einem Erbe, ibid., diplôme de 1025, n° 2 DE LA SIXIÈME SECTION. * 247 biens concédés à titre de métairie, Meyergüter ; et 80 les biens concédés pour la jouissance d’une partie aliquote des fruits (1). SECTION PREMIÈRE. Des biens concédés à titre de Waldrecht en général. La manière d'écrire le mot Waldrecht, qui se rencontre dans les an- ciens titres par un t{, — Waltrecht — a donné lieu à diverses interpréta- tions. D’après cette derniére orthographe, des glossateurs l’ont dérivé de walten, verwallen, gérer, administrer, soigner; signification qui rentre dans le sens de l'empythéose, de éputeüetv, améliorer. Toutefois l’or- thographe par un d étant celle qui se trouve dans tous les documents plus récents, nous l’adoptons avec d'autant plus de raison qu’un grand nombre de mots allemands écrits anciennement, et notamment dans les diplômes, par un t, le sont aujourd’hui par un d. Dans sa signification primitive , le mot Wald ne voulait pas seulement dire forét ou bois, mais en général un terrain sauvage et inculte, couvert de broussailles (2), de la nature de ceux que les seigneurs concédaient, pour les défricher, moyennant une redevance modique. La circonstance que parmi les biens concédés à titre de Waldrecht il se trouve aujourd'hui des maisons et des usines, s'explique par l'établissement postérieur de ces immeubles sur les terrains défrichés. Enfin, on trouve dans d'anciens diplômes, dont la rédaction a dû être faite à des époques rapprochées des concessions primitives, les dénominations latines de jus silvaticum, jus nemorale, quoique improprement ainsi traduites. C’est ainsi qu'un diplôme de 1553, en parlant d’une telle concession , porte : «jure nemorali, idest «emphyteutico, quod vulgariter Waldrecht vocatur (3). » D’après les documents et les diplômes recueillis par Estor, dans l’ou- vrage cit‘ dans la note, cet auteur définit ainsi le Waldrecht : «Est itaque «das Waldrecht, contractus consensualis de prædii usu et fructu cum do- «miniüi parte, pro certo canone annuo, in agnitionem dominii præstito, «alteri concedendo. » . La définition qu’en donne Lunig, Corp. jur. feudalis germanici, t. II, p. 718, est ainsi conçue: « Waldrecht ist, wenn jemand etzliche Güter, «Garten, Wiesen, Æcker oder anders, wie das Nahmen haben mag, «nach Inhalt Brieff und Siegel zu Waldrecht verthan (4) hätte. » On voit par ces définitions que les concessions à titre de Waldrecht sont faites par des contrats écrits, et que l'essence de ces contras consiste (4) Voy. Mittermeyer, Grundsætze des deutschen Privatrechts, t. 1, p. 1009. (2) Kero, De interpretatione vocabulorum barbarorum i. e. allemanicorum, dans Goldast, Script. rer. alleman , t. IX, où il est dit: Heremi-Waldes, Heremitarum-Waldlihhero. Ces mots sont dérivés de Épnuoc , eremus ; le désert, die Einœde, Wüste. Waldlihhero est le . génitif pluriel de waldlich , silvestris ; le ck à la fin d’un mot s’écrit 4k au milieu. (3) Estor, Harmonia juris civilis et Hassiaci in emphyteusi Waldrecht dicta, p.191. Ce traité du sayant professeur de la faculté de Giessen se trouve dans les Æna/ecta Hassiaca de Kuchenbecker, t I, collect. II, -p. 146. Marbourg 1750. Semper, dit cet auteur, p. 187, scribitur ab antiquis Walt non Wald. Nec est, quod obmoveas , a vetustis tamen dici jus silvaticum ve/ nemorale. Æst quis nescit majorum nostrorum ignorantiam in studio etymologico ! (4) verthun , concéder : eir Gut verthun , transferre bonum ; Schertz, gloss. IT. [ol 1 418 - MÉMOIRES dans le consentement réciproque, dans la désignation de l'objet concédé et dans la stipulation de la redevance annuelle. Quelques auteurs, notamment Lunig (L.'c., p.716 et 718), nous ont con- servé des contrats ou titres constitutifs textuels de concessions à titre de Waldrecht. Nous ne pouvons nous dispenser de donner ici le texte d’un de ces titres, afin de mieux apprécier la nature de ces concessions. Acte par lequel l’abbaye de Cappel a concédé des biens à titre de Waldrecht, en l'année 1485. « Des moyens de garder la liberté chérie Contre l'effort des rois et leurs complots secrets. On cherchait quel moyen, dans une cité libre, Pouvait résoudre enfin la grande question De calme intérieur et de sage équilibre, De repos, de progrés, d'association. C’est ainsi que l’on put combattre la licence ; Qui se parait en vain du nom de liberté, D'imprudents novateurs arrêter la puissance Et sauver la famille et la propriété. Quand les Germains disaient : L'âge d’or va renaître (1), Chacun vivra paisible et bienheureux sans maître. Plus de juge envoyant les hommes à la mort, Plus de loi consacrant l'empire du plus fort. Des biens mis en commun nous ferons le partage ; Et nous serons égaux, ainsi qu’au premier âge. La terre où nous vivons est au Dieu créateur 5 Et du sol nul mortel ne peut naître seigneur : Les peuples écoutant cette voix redoutable, Sentent naître en leur cœur une force indomptable, Et voilà qu’aussitôt, comme un vaste torrent , Leur foule avec fracas roule vers l'Occident. (1) Tout ce passage est imité de Laurent Pilade, dont voici les paroles - Cessabitque citd regnorum dura polestas : (Aurea) ætas his validis manibus revocata redibit Vivet sponte sud quivis sine principe tutus : : Absque metu Peræ spectabit judicis ora Nullum terrebunt decreta minentia legis. ’ Resque suas modicas humilis cum divite pauper Æquabit ; veluti fertur vixisse vetustas. Nam nullum telluris kerum natura creavit. Tnconstans plebs : quam nozx non arcet euntem , Hinc atque hinccurrens, metatur castra nefanda : Omnes atque vias implet fervente tumultu : Urbes evacuat, concrescens densiùs agmen : Sydereis subitd factum numerosior astris. 496 MÉMOIRES “ Les plaines et les monts se couvrent de leurs tentes, Les chemins sont remplis de leurs troupes bruyantes. Et dans plus d’un canton, dans plus d’une cité, Sur mille citoyens, pas un seul n’est resté. Les rois, les empereurs sont tous glacés de crainte, Le prêtre souverain tremble en sa ville sainte. On dit : Voici les jours par l'enfer attendus (1), Où des rochers du Nord les griffons descendus, Avec l'aigle viendront dans la cité romaine Et des hommes sans chef en feront le domaine. Pourtant des destructeurs le redoutable essaim Avait déjà franchi la barrière du Rhin, Comme une faible proie il regardait la France, Contre lui ce pays demeurait sans défense : Il était épuisé par de sanglants revers, Son monarque à Pavie avait trouvé des fers. C’est alors que paraît Antoine de Lorraine, Appui de l’ordre antique, il descend dans l’arêne. Avec ses chevaliers et dix mille soldats, D'une innombrable armée il arrête les pas. Strasbourg le voit alors, du haut de ses murailles, Livrer, en un seul jour, trois sanglantes batailles, Trois combats de géants, qui peuvent effacer Tous ceux que le trouvère aimait à retracer Dans les chants belliqueux de la chevalerie. Ici deux nations luttent avec furie, Au-dessus du fracas du fer heurtant le fer, On n’entend que ces cris : Lorrains ! Luther! Luther ! Antoine et ses guerriers rayissent la victoire, Mais leurs fiers ennemis succombent avec gloire; Chacun d’eux tombe mort au poste qu’il défend, Comme c’est la coutume au vieux peuple allemand. Strasbourg vit décider, en ce moment suprême , Des destins à venir du monde occidental ; Mais pour tous les débris de l’âge féodal, Un siécle après ce jour, le trépas fut le même. ” La Lorraine et Strasbourg ne se gouvernaient plus; Des monarques français ces dernières conquêtes, Révant aux jours meilleurs, avaient courbé leurs-têtes Sous la verge de fer des maîtres absolus. (4) Cette prophétie, attribuée à Cyrille d'Alexandrie , à sainte Brigitte et à frère Reinhart , -est rap- portée en ces termes par #o/kyr, livre 5, chap. 27, des excellents faits d'armes. « Hoc ipsum revelavit sybitla Cumea, spiritu prophetico dicens suo in vaticinio, quod post'hæc egre- dietur aquila de Allemaniæ rupibus, multis associata griffonibus quæ irruens in hortum chrismatis , sedentem in sede pastoris fugabit vorabit que ipsum, et gens sine capite regnabit annis illis et post ad- herebit aquile grandi, nn. do in DE LA SEPTIÈME SECTION. 497 Et voici qu’au milieu des clameurs et des larmes Et des fureurs d’un jour de révolution, Au bruit des cris de guerre et de l'Europe en armes, Un esprit visita la grande nation. Terrible messager de céleste vengeance, Sombre fléau de mort, soleil d’un nouveau jour : A la fois envoyé de colère et d'amour, C'était l'esprit de Dieu qui passait sur la France. Se relevant aïors au nom de liberté, Les deux illustres sœurs, l’Alsace et la Lorraine , Oubliant du passé la douleur et la haine, Accomplirent du ciel la sainte volonté. Puis aprés le retour des luttes colossales, Il se trouva partout que le puissant niveau De l’esprit , de la gloire et d’un état nouveau Unissait en un corps cent provinces rivales. Le nom de France alors fut partout accepté, Car il ne marquait plus le domaine d’un maître ; Mais le pouvoir des lois, l'amour, l'égalité, Et l’âge glorieux qui venait de paraître. Aussi dans le lieu même où le sang tant de fois Ruissela sous le fer des peuples et des rois, Dans l'antique cité terrible en mille guerres Les Germains et les Francs sont redevenus frères. Une même pensée a réuni leurs cœurs. Et d’un splendide accueil recevant les honneurs , : Des hommes sont venus, conquérants pacifiques ; Ils se montraient le but des beautés poétiques, Ils se communiquaient les trésors du savoir , Et du vaste avenir faisaient grandir l'espoir. Avec la douce voix que toujours on écoute, Aux autres nations chaque peuple a parlé. Et plus d’un cœur aimant, que tourmentait le doute En louant le Seigneur , s’en ira consolé. Partout on redira ces heureuses nouvelles : «Les peuples ont uni leurs gloires fraternelles, Ils ont interrogé le savoir et l'amour, Et de la paix du monde ils préparent Le jour. Oubliant les combats , la redoutable France Veut de son noble sein bannir toute souffrance , Forte , comme aux vieux temps , l'Allemagne sa sœur, A rallumé des arts le flambeau créateur. II, 52 498 MÉMOIRES L'Espagne va grandir, et la belle Italie Dans un honteux sommeil n’est pas ensevelie : L'art ne périra point, les inspirations Vont descendre du ciel au cœur des nations. Oui , de tout ce bonheur, j'accepte le présage , Car j’en ai rencontré le véritable gage. Ici, j'ai vu briller l’espritreligieux, Les hommes du savoir au ciel lévent les yeux; Jamais le nom sacré de la majesté sainte En vain n’a retenti dans cette noble enceinte. Le beau, le vrai, le bon, la liberté, la loi, Pour tous, c’est toi, mon Dieu, c’est toi, c’est toujours toi, De ces cœurs généreux écoute les prières , Donne enfin le signal que l'univers attend , Et notre siècle , à nous, ne sera pas moins grand Que celui de nos pêres: Oui , nous saurons comme eux et combattre et sentir Le céleste bonheur que donne la souffrance , Quand pour le bien de tous, le cœur plein d'espérance, On demande à mourir. Législateurs, guerriers, pontifes et poëtes , Tous marcheront , Seigneur , où voudra ton esprit ; Tous poursuivront encor les divines conquêtes, Au nom de Jésus-Christ. Oui, pour l'Éternité, votre œuvre sera belle, Levez-vous, levez-vous, ouvriers du Seigneur. Les épis sont nombreux, et la moisson nouvelle Attend le moissonneur ! Amis de l'avenir, la crainte et: la faiblesse Ne pourront vous troubler pendant les mauvais jours , Car du maitre des cieux le paternel secours Pour vous combat sans cesse. Car vous savez que Dieu créa l'humanité, Afin qu’elle grandit et dans la gloire immense, Dans l'amour éternel et la vaste puissance, Elle montât sans fin vers la divinité. DE LA SEPTIÈME SECTION. 499 SAINTE-ODILE. LÉGENDE ALSACIENNE DU HUITIÈME SIÈCLE, PAR M. DELCAËSO, Doyen de la Faculté des Lettres , Président de la septième Section. AU LECTEUR. Odile naquit aveugle en 657, d'Éthicon, duc d'Alsace, et de Béres- winde, nièce du célèbre évêque d’Autun, Leodegaire ou Ledger. Les trois fils de Clovis II occupaient alors le trône, sous la tutelle de leur mère , sainte Bafhilde , qui, peu de temps après, fut éloignée des affaires par Ebroïn. Élevée au monastére de Baume-les-Nonains , Odile recouvra miraculeusement la vue au moment de son baptême. Revenue au châ- teau de son père ; elle prit la fuite, pour se soustraire à un mariage con- traire à ses vœux. Dieu ne la rendit à sa famille que lorsque le duc eut pris le parti de la laisser suivre sa pieuse vocation. Cette sainte fille mou- rut en 760 , dans le couvent qu’elle avait fondé sur la montagne qui porte son nom. Voyez la Vie de sainte Odile, par le père Hugues Peltre. i. PROLOGUE. Vous qui d'Alsace aimez la vieille histoire, Les monuments, les souvenirs pieux; De ce passé naïf et merveilleux Vous qui sentez et le charme et la gloire, Venez, je veux évoquer la mémoire Du double monde où vivaient nos aïeux : Monde cruel, ignorant, fanatique, Qui guerroyait dans le sang submergé; Monde chrétien , doux , humble et pacifique , Qui priait Dieu sous l’aïle du clergé. En ces jours-là, des luttes acharnées Du grand Clovis divisaient les enfants, Et tour à tour vaincus où triomphants , Ils s’égorgeaient du Rhin aux Pyrénées. Faut-il nommer Ebroïn, ce soldat Qui gouvernait son maitre et sa patrie ? D’un bras de fer opprimant la Neustrie, I fut l’horreur et l'appui de l'État. Par la valeur, le crime et le génie Il cimentait sa longue tyrannie. 32. 500 MÉMOIRES Dieu prit pitié des Gaulois et des Francs. Au sein des cours, au milieu des armées, Dans les hameaux, près des peuples souffrants , Il envoya des âmes bien aimées, Pour conjurer la guerre et les tyrans. Partout des saints : sur la terre épuisée Le ciel s’ouvrant répandait sa rosée. C'était Éloi, l'ami de Dagobert , C'était saint Ouen, Pépin et Cunibert, Ledger prélat, ministre et capitaine , Siegbrand l’évêque , et Bathilde la reine. La pauvre esclave, elle vint à la cour; Pour l’éprouver, Dieu la fit souveraine. . Quand des ingrats lui prodiguaient la haine , Son cœur chrétien ne rendait que l’amour: Alors aussi vivait à Ratisbonne Un saint évêque; il se nommait Erbard : r L'esprit divin visitait ce vieillard. On vit souvent une ardente couronne De rayons d’or ceindre son front blanchi : En ces moments Dieu descendait à lui. ® 11. EXTASE DE SAINT ERHARD. Un soir, sous les arceaux du temple solitaire, Il priait , méditait , courbé devant l'autel. La sainte horreur du lieu charmait son âme austére, Et s’élançant loin de la terre, Il plongeait, en extase, au sein de l'Éternel. Ravi jusqu’au sommet du sublime empyrée , Il s'abreuve à la source où boivent les élus; Et pendant que Dieu même à son âme altérée Verse la lumière sacrée , Pour lui le temps s’éfface et le monde n'est Hu Libre du jou des sens, sa pure intelligence Sonde les profondeurs de l’Être illimité. Pour s’enivrer de foi, d'amour et d'espérance, Il contemple dans son essence Du vrai, du beau , du saint l’auguste trinité. I1 voit du firmament les splendeurs infinies ; Les sphères, dans leur cours, lui racontent leurs lois ; Il assiste aux concerts des bienheureux génies Et, dans ces vastes harmonies, D'un ange qui lui parle il reconnaît la voix. DE LA SEPTIÈME SECTION. «Lève-toi, serviteur fidèle ! «A Baume, où le Seigneur l'appelle, «Va porter du salut les ineffables biens. «Une vierge à Dieu consacrée «Attend que ta main révérée . «Marque son jeune front du signe des chrétiens. «Aveugle, faible et délaissée’, «Sur les ailes de la pensée, «Elle cherche sa joie au céleste séjour. «Dieu protège l'enfant qui l’aime, «Œt veut que les eaux du baptême ,: «Æn épurant son âme, ouvrent ses yeux au jour.» III. LE MOÛTIER DE BAUME-LES-NONAINS. Déjà le bon pasteur qui chemine vers Baume, Du Moûtier des nonains voit s’arrondir le dôme. Les pores du bercail s'ouvrent à son aspect, Et l’abbesse accourant l’accueille avec respect. Nièce du grand Ledger , haute et puissante dame, Aux périls de la cour elle a soustrait son âme, Et dans un cloître obscur enfermant ses désirs , Elle met en Dieu seul sa gloire et ses plaisirs. Sous une même loi sa piété rassemble Des cœurs faits pour prier, pleurer , aimer ensemble : Peupie chaste et béni, que ses pieuses mains S’appliquent à former aux devoirs les plus saints. Erhard, tout pénétré, la voit, l'entend , l'admire; Avec elle il parcourt son pacifique empire. A toute heure, du sein de ces murs innocents, La prière s'élève ainsi qu’un pur encens. Là viennent expirer les orages du monde; Là l’esprit satisfait, dans une paix profonde, De la grâce, à longs traits, savoure les douceurs ; Tout y parle de Dieu... Soudain, parmi les sœurs, Le saint homme découvre, en tressaillant de joie, La jeune néophyte à qui le ciel l'envoie. Sur ce yase mystique, élu par le Seigneur, Son regard paternel s’arrête avec bonheur. Tout dans sa figure modeste Respire la sérénité. On dirait ud parfum céleste | Qui s’exhale de sa beauté. Déjà pensive et recueillie, D'une austère mélancolie 504 502 MÉMOIRES Ses traits ont le charme réveur. Mais sur sa bouche qui soupire On voit errer un doux sourire, A l'approche du saint pasteur. De Sion c’est la blanche rose Inclinant son front argenté. Sa grâce pure se compose D’innocence et de majesté , Et ses yeux privés de clarté Semblent sous leur paupière close Entrevoir l’immortalité. «Quelle est, demande Erhard, cette novice aimable? — «C’est un ange, répond l’abbesse vénérable. «Quinze ans déjà passés, par de fidèles mains «Une enfant fut portée à Baume-les-Nonains. «A ma tendresse, aux soins de notre humble famille . «Béreswinde, ma sœur, recommandait sa fille, «Sa fille... espoir trompeur cruellement détruit ! «Hélas! de son hymen c’était le premier fruit. «Du puissant duc d'Alsace épouse heureuse et fière, «Longtemps elle implora la faveur d’être mères «Et chargea les autels d’offrandes et de vœux. «L'imprudente croyait qu'à ses nobles aïeux «Le ciel devait un fils. Nourri dans le carnage, «Éthicon , son époux, disait qu’un beau lignage, «La francisque du leude et le fief du guerrier, «Son nom, ses droits, son sang voulaient un héritier. «ŒÆEnfin Dieu féconda leur couche ambitieuse. «O ma sœur , que devint ta faiblesse orgueilleuse , «Lorsqu’au lieu de ce fils qu'attendait votre amour, «Une fille naquit, les yeux fermés au jour ? «Mais c'était ton enfant, la pauvre créature. «D'un regard inquiet tu cherchas sa figure ; «Tu la vis, à surprise ! un souris gracieux «Sur ses lèvres glissait comme un rayon des cieux. «Ses traits purs et sereins, sa tête rose et blonde, «Tout semblait annoncer sa bienvenue au monde. «Dans ce sein délicat qui battait doucement «Déjà coulait la vie avec le sentiment : «En son muet langage elle disait : «Mon père, «Pardonnez-moi si Dieu m’'envoya la premiére ! «Je serai simple , bonne et tout amour pour vous. «Croyez-moi, le baiser d’une fille est bien doux; «Une voix enfantine a d’ineffables charmes ; «Et d’innocentes mains ont séché bien des larmes. « Vous m’aimerez un jour...» Mais le duc furieux «Loin d'elle s’obstinait à détourner les yeux. «Terrible, il rompt enfin son silence farouche : «Des paroles de mort s’échappent de sa bouche. «Chacun frissonne ; il sort pâle et désespéré. “ DE LA SEPTIÈME (SECTION. 503 «Les moments étaient/chers ; à cepère égaré «Il fallait, sans retard, dérober sa victime. 5 «Pour sauver cette enfant, pour prévenir un €rime, «Dans un asile sûr il fallait la cacher. «Quand de ses bras mourants'on‘osa l’arracher, «O combien dut souffrir:sa mére, et que pour elle «La vie alors devint vide, sombre, cruelle! «Elle aurait succombé sous le poids du malheur, «Mais la grâce d’en haut descendit en son cœur. «Œlle pria: la foi lui rendit l'espérance. «Le Seigneur prit pitié de sa longue souffrance ; - «De la plaintive épouse il exauça la voix, «Œt bénit son hymen jusques à quatre fois. «Le duc, fier de revivre en sa brillante race, «Aurait pu de sa fille alléger la disgrâce; «Mais non; toujours pour elle étouffant la pitié, «Le cruel l’accablait de son inimitié. «Un exil éternel l’éloigna de sa vue. «Son nom seul l’'irritait; et ma sœur éperdue « «Ne confiant qu’à Dieu le secret de ses pleurs, «Dans son âme enferma ses muettes douleurs. «Celui qui sur le faible étend sa main divine, «Pour consoler la mére , adopta l’orpheline : «T1 daigna recueillir à l'ombre de l’autel «Ce trésor rejeté par l’orgueil paternel; «Et lui-même , en ce cloître, à nourri sa jeunesse «Du miel de la vertu , du lait de la sagesse.» IV. LE BAPTÊME. «Chère enfant, dit Erhard , le Seigneur aujourd'hui «Par un nouveau bienfait veut t’élever à lui ; «Œt c’est à moi d'offrir à la-piscine sainte «Ce cœur pur, qui du mal n’a point connu l'atteinte. «Tu fus, bien jeune encor, condamnée à souffrir : : «Dieu connaît ta blessure, il saurä la guérir. «De tes larmes de vierge il:garde-la mémoire , «Œt c’est pour les sécher qu’il t’appelle à sa gloire.» On la guide à l'instant vers les fonts baptismaux, Et le prêtre inspiré fait entendre ces mots : «Lumiére pure et féconde, «Rayon de l’astre éternel, «Qui, dès son entrée au monde, «Illumines fout mortel ! D04 | MÉMOIRES «Verbe, dont la vive flamme «Éclaire et réchauffe l'âme, «Sans jamais la consumer ! «Descends sur elle, et pénètre «Ces yeux faits pour te connaître «ŒEt ce cœur fait pour t'aimer. «Vierge pieuse et docile, «Dieu, qui m'a conduit vers toi, « T'impose le nom d'Odile, | «Gage d'amour et de foi. «Les anges, dans leur langage, «Se pläisent à faire usage «De ce nom mystérieux , «Mot sacré, qui signifie «La lumière de la vie, «La clarté, fille des cieux! » Il dévoile aussitôt sa tête virginale, Et sur ce front où la candeur se peint À grands flots versant l’eau lustrale, Il dit: «Au nom du Dieu, Pére, Fils, Esprit-Saint, Que la vertu d'en haut descende à ma prière! Je te baptise Odile, enfant de la lumière. » Et, sans effort, l'aveugle ouvre les yeux au jour, Les referme éblouis, et puis les ouyre encore, Cherche ces doux rayons que le soleil colore, Et de leurs flots brillants s’abreuve avec amour. Le saint prélat, les sœurs, l’abbesse, Ensemble tombent à genoux; Mais l'enfant s’abandonne à sa riante ivresse ; Son cœur bat et frémit des transports les plus doux. Qu'à ses yeux la lumière est vive, pure et belle ! Comme elle se déploie en un pompeux rideau! C’est une nature nouvelle Que lui révéle un sens nouveau. Palpitante, étonnée, et la main étendue, Elle sonde l’espace ouvert devant sa vue : Ce qu’elle touche est vide , et son être agrandi Au delà de son corps prend un vol plus hardi. D'un fluide éclatant l'élastique mollesse Entoure les objets, doucement les caresse : Dans ces flots transparents , lumineux, colorés, Elle marche craintive, et tout marche avec elle. Ce monde vaporeux, qui se meut et chancelle à Peut-être va trahir ses pas mal assurés. .…. Les noirs et lourds piliers portant la voûte antique , L’autel et les vitraux peints de mille couleurs , Du prêtre agenouillé la face prophétique , Le cercle de ses jeunes sœurs , Et sa tante, qui prie en répandant des pleurs , DE LA SEPTIÈME SECTION. N'offrent à son esprit qu’un tableau fantastique, Un ravissant prestige’, un miroir enchanté, Dont peut-être un souffle magique Enfante et fait périr la fragile beauté. V. LE CÉLESTE ÉPOUX, De ton cœur qui bouillonne apaise la tourmente, Pauvre fille, assoupis la fièvre de tes sens. Sur cette liqueur qui fermente Hâtez-vous de souffler , zéphyrs rafraîchissants ! Par trop d'émotions souvent l’âme épuisée Succombe à l'excès du plaisir : À force de vibrer, cette lyre brisée Peut , dans un dernier son, rendre un dernier soupir. Mais non, rassurez-vous. Pour sa frêle paupière De ces flèches de feu ne craignez point l’effet. Celui qui sur Odile épanche la lumière Ne reprendra pas son bienfait. A ces fougueux transports qu’allume la nature , À ce culte profane, ‘il saura l’arracher. Pour la garder fidèle à sa loi sainte et pure, Du monde qui l’attire il va la détacher. Du haut des cieux, la nuit sur elle est descendue. Adieu, flambeau du jour, monde enchanteur, adieu ! À son ombre premiére , hélas! elle est rendue; Dans sa morne cellule , elle est seule avec Dieu: Que ne peut-elle encor revoir ces clartés vives Qui naguëre charmaient ses regards éblouis ? Où ressaisir les traces fugitives De tant d'objets évanouis ? La contemplation réveuse Veille en son cœur peuplé de souvenirs eonfus, Et cherche à reformer la figure douteuse Des fantômes qu’elle a perdus. Parfois un pâle éclair sillonne sa nuit sombre : Il semble que le jour vienne effleurer ses yeux ; Des reflets empourprés se prolongent dans l’ombre ; Un rayon d’or rit dans l’azur des cieux. 505 PH MÉMOIRES Sans pouvoir se fixer, de mobiles images Croisent en cent façons leurs traits entrelacés, Souvenirs indécis, capricieux mirages, L'un par l’autre produits, l’un par l’autre effacés. Mais insensiblement tout l'horizon s’éclaire ; Le firmament s’abaisse étincelant de feux : On dirait que le ciel veut s’unir à la terre Par un hymen mystérieux. D'un être merveilleux la figure éthérée Apparaît tout à coup de rayons entourée. Un front calme où reluit l’indulgente vertu, Un corps aérien de splendeur revêtu, Sous une forme humaine une gloire infinie, De douceur et de force idéale harmonie , < D'un regard paternel l’ineffable bonté, En lui tout est bonheur, grâce , immortalité. Nature inexplicable, indéfinie , étrange, C’est un homme, et pourtant c’est beaucoup plus qu’un ange. Dans les vagues d'azur, qui pressent ce beau corps, Frémissent mollement d’indicibles accords : Du chœur des séraphins, c’est l'éternel cantique. L’oreille est étrangère à leur concert mystique ; L'air n’en est point frappé : leurs suaves accents Parlent au cœur ému sans ébranler les sens : Harmonieux soupirs des harpes invisibles, Dont l'esprit seul entend les voix intelligibles ! Odile se complaît à ces hymnes pieux, D'un monde plus parfait écho mélodieux. Jusqu'au fond de son être elle sent se répandre Des mouvements confus qu’elle ne peut comprendre.... . Quel est ce fils du ciel, dont l’adorable aspect, En commandant l'amour, inspire le respect ? Que lui veut-il ? d’où vient l’irrésistible empire De son regard serein, de son tendre sourire ? Tandis que la novice, avec ravissement, Au charme de l'aimer se livre innocemment , Soudain ont retenti dans son âme étonnée Ces mots: «Réjouis-toi, vierge prédestinée : Voilà qu'il vient à toi , l'amant spirituel , Il vient le chaste époux, le doux Emmanuel ! » A cette voix , Odile inquiéte , attendrie, Invoque , en tressaillant , le saint nom de Marie. Elle tremble, et pourtant sa naïve candeur Par un sublime instinct se confie au Seigneur : «Quel trouble tout nouveau s'élève dans mon âme ? «En mon sein virginal qui fait couler la flamme ? DE LA SEPTIÈME SECTION. 507 «Pour qui ces longs soupirs qui me glacent d’effroi ? «L'amour ?... oui, c’est l'amour; mais son chaste délire , «C'est un Dieu qui l’inspire ; «Un Dieu vers lui m'appelle , un Dieu s’abaisse à moi. «Par un père inflexible au cloître consacrée , «Je vivais dans les pleurs ,‘et du monde‘ignorée ; «Mais du faible opprimé le Seigneur est l’appui : «Lui seul a rassuré ma craintive innocence: «Que ma reconnaissance , «Comme un encens du cœur s’élévejusqu'àtlui. «Que mon père à jamais loin de sa cour m’exile, «Je chéris ma prison. Dieu, dans cet'humble asile , «M'offre le pain du ciel pour assouvir ma faim. «Viens, aimable pasteur, c’est toi que je veux suivre ; «A toi seul je me livre, «A toi, toujours à toi ,.pour les siècles sans fin !» Elle parlait encor , l’image radieuse S’envole en souriant à la vierge pieuse ; La lumiére s’éteint, la vision s’enfuit ; Odile reste seule, et seule dans la nuit. Mais la nuit n’a plus rien qui l’étonne ou l’afflige , Qu'importe la lumière et son brillant prestige, Qu'importe le soleil sur son trône de feu, Qu'importe l'univers à qui vit t&ut en Dieu ? VI. LA FAMILLE. Tandis qu’elle repose en sa béatitude , L’aube a blanchi les murs de l'humble solitude, Et déjà le matin, pâle et silencieux, De ses molles lueurs inonde ses beaux yeux. Heureuse , elle sourit à l’astre qui se léve. Ce jour qu’elle aimait tant n’était donc pas un rêve : Il renaît ; elle voit, sous l’azur velouté, En mille reflets d’or se jouer la clarté. Ce n’est plus le transport qui fatiguait son être, C’est le calme besoïn de sentir, de connaître, Et d'aimer. Loin des murs de son étroit séjour, Laissez-la parcourir les vallons d’alentour'; Laissez-la suivre, au sein de l'immense nature , Des horizons fuyants la mouvante ceinture. Sous le réseau brillant du jour et des couleurs, Là jaillissent les flots, ici s’ouvrent les fleurs. Mille objets révélés à son âme ravie Par de plus douxliens l’attachent à la vie : 08 MÉMOIRES Et la terre, et les cieux , et les champs, et les bois , Tout d’un charme inconnu la pénètre à la fois. Voyez-la, dans les traits de ses sœurs bien aimées, Surprendre avec bonheur leurs âmes exprimées , Entendre leur silence , et saisir aisément D'un souris, d’un coup d’œil le langage charmant. Tout parle à ses regards : dans la pierre glacée Elle ouït une voix, comprend une pensée. Sur ces murs, animés par le souffle des arts, Des symboles divins semés de toutes parts , Le culte du Seigneur, ses pompes éloquentes , Ses mystères empreints sur des toiles vivantes, Tout révèle à l'esprit de sublimes secrets. Sous l'empire nouveau de ces puissants attraits , Le cloître s’embellit, et la prière sainte D'un concert plus suave emplit la chaste enceinte. Mais ces lieux révérés, leurs augustes loisirs Ne sauraient plus combler les avides désirs Qui tourmentent déjà la vierge solitaire. Loin, par delà les tours de l’humble monastére , Elle réve l’Alsace , et ces champs inconnus Qu’au jour de sa naissance , hélas! elle a perdus. Au château d’Hohenbourg son cœur vole ; elle espére A force de tendresse un jour fléchir son pére. Ses frères, ces appuis par le ciel préparés, De leur sœur, à jamais , seraient-ils séparés ? Sa mère !... Ô quel tourment, 6 quelle angoisse amère Vient resserrer son cœur à ce doux nom de mére ! «Quoi ! le matin, sortir froidement du sommeil , «Sans avoir un baiser de mère à mon réveil ! «Le soir, ne voir jamais s’abaisser sur ma couche Un regard de ses yeux, un souris de sa bouche! «Dieu , n'avoir jamais lu son âme dans ses traits; «Ignorer ses chagrins, ses craintes, ses regrets! (Quoi ! grandir, voir déjà mon enfance passée , «Sentir battre mon sein et mürir ma pensée, «Vivre, hélas ! sans avoir dans cet âpre chemin, «Pour m'instruire, sa voix, pour me guider, sa main ! » Sa main , tu vas bientôt la presser ; sa voix tendre , Dieu ne t’enviera plus le bonheur de l'entendre : Dans son âme souffrante il a nourri l'espoir. Avant de se fermer, ses yeux te pourront voir, Tout le lui dit. Nul vœu prononcé par sa fille N’éléve une barrière entre elle et sa famille. Hugues, son fils aîné, l’a comprise : souvent, A l'insu d'Éthicon , il allait au couvent; De sa timide sœur écoutait les alarmes, Lui parlait de sa mére. En confondant leurs larmes LT DE LA SEPTIÈME SECTION. 509 Ensemble ces enfants préparent l’heureux jour Qui rendra l’exilée au paternel séjour. De concert avec eux, l’abbesse, bonne tante, Soutient de.ses conseils leur force chancelante ; Et, tout en l'approuvant , tremble d'encourager Un projet dont son cœur prévoit trop le danger. Un soir, près d'Éthicon la famille assemblée Devisait.…. tout à coup une fille voilée S’avance à pas craintifs, étouffant des sanglots. Béreswinde s’écrie : (O ma fille ! » à ces mots Le duc s’irrite, il lève un œil sombre et farouche, Voit Odile, et la haine expire sur sa bouche. Immobile, muet, il pleure, il est dompté. L'enfant qu’il repoussait, cet ange de bonté, À peine il l'entrevoit, qu’il la respecte, il l'aime, Mais d’un amoür ardent, impétueux, extrême. De ce jour, elle seule est l’âme du manoir : Il veut, à chaque instant , et l’entendre et la voir : Pour elle, il embellit ses sauvages demeures ; Il faut que les plaisirs se disputent ses heures : Ce ne sont que festins, jeux , tournois et concerts. Béreswinde, oubliant les longs tourments soufferts , Avec enivrement voit sa fille adorée, De gloire, de bonheur, d’hommages entourée. VII. LE FIANCÉ. Vingt seigneurs du plus haut parage Formant sa cour, A la voir si belle et si sage, Révaient d'amour; Et parmi la bouillante élite Des jeunes preux, Chacun voulait par son mérite Fixer ses vœux. Sa vie‘était un jour de fête Doux et serein : Rien ne présageait la tempête, - Lorsque soudain À sa fille le duc d'Alsace Dit: «J'ai fait choix «D'un fiancé de noble race, «Riche et courtois. MÉMOIRES «C'est Le prince de Germanie . «Chef redouté , «En qui la valeur brille unie (A la beauté. «Mainte et mainte royale dame «Voudrait l'avoir ; «Mais tes yeux ont soumis son âme «A leur pouvoir. «Pour dot ton pêre te destine «Prés et guérêts, «Un manoir et sur la colline «D’amples forêts. «ŒEx ces cantons, prés de ta mére, «Tu resteras, «Et tes enfants croîtront, ma chére , * «Entre nos bras, » A ce discours, la damoiselle Soupire.. et puis : «Seigneur, pardonnez-moi, dit-elle, «Car je ne puis. «Cette main, qu’on a trop prisée, «N'est plus à moi, «D'un autre je suis l’épousée : IL a ma foi. « C'est un roi puissant et sévêre, «Sire.. Mais quoi ? «Vos regards s’arment de colére ; «Je meurs d’effroi ! «Ah ! laissez-moi fuir loin d’un monde «Hélas ! trop beau ; «Et retrouver la nuit profonde «De mon berceau ! «Que Dieu remette sur ma vue «Un voile épais, «Et rende à sa fille éperdue «L'ombre et la paix ! «Puissé-je ainsi, prés de ma tante, «Dans le saint lieu, «Vieillir aveugle et pénitente, «En servant Dieu ! » — «Odile, dit le chef salique, «Écoute-moi. «Je suis maître en mon fief antique «Plus que le roi : E DE LA SEPTIÈME SECTION. 541 «Nul à ma volonté suprême «Ne contrevient, «Car tout, la terre et l’homme même, «Tout m’appartient. «Respecte les ordres d’un pére , «Crains son courroux, «Et que le gendre qu'il préfére «Soit ton époux. «J'ai sa parole, il a la mienne, «Et, dés demain, EL lui faut en fille chrétienne «Donner ta main. » L s VIII. LA FUITE. L'épouse du Sauveur ne sera point contrainte. Sous les haïllons du pauvre , en tressaillant de crainte, Elle s'enfuit, bravant la fatigue et la faim. Partie au soir, l'enfant marcha la nuit entiere ; Et lorsque le matin ramena la lumiére, Dans le château désert on la cherchait en vain. A cette étrange nouvelle, Le duc s’irrite, il appelle L’écuyer le plus fidéle : «Sur ses pas je veux aller. «Vite qu'on selle et qu’on bride «Un coursier fort et rapide : «Je veux, sans suite et sans guide, «Jour et nuit, courir, voler. » Déjà, loin du castel, l’auguste mendiante Fuyait, versant des pleurs, mais en Dieu confiante. Aux passants attendris elle tendait la main ; Les temples l’abritaient sous leurs porches antiques : Les vilains l’admettaient à leurs tables rustiques ; Et l’ange du Seigneur lui montrait le chemin. Cependant le duc d'Alsace, Sur un dextrier de race, Allait dévorant l’espace, Le cœur plein d’un sombre ennui ; Il franchissait les ravines, Les buissons armés d’épines, Les champs, les bois, les collines, Chevauchant droit devant lui. MÉMOIRES Et les femmes disaient : «Quelle est la faible fille ; Qui s’en va seule ainsi , bien loin de sa famille, Disant son chapelet et demandant son pain? L'inconnue a commis quelque faute sans doute. Par ordre du curé peut-être elle fait route, Pour chercher le pardon dans un moûtier lointain. » Aux manants du voisinage Qui couraient à son passage , Éthicon bouillant de rage Criait : « Vous avez dû voir Passer noble damoiselle Blonde, blanche, grande et belle ; Dites-le moi, car c’est elle, C'est mon bien, c'est mon espoir. » Et tous lui répondaient : (Non, mais une exilée A traversé nos champs , plaintive , désolée, D'une chétive aumône implorant la faveur. Heureux qui l’accuéillit dans son humble chaumière ! Heureux qui d’une obole allégea sa misère ! Car sa prière est vive, et portera bonheur. » En lui-même il dit: c’est elle! Et plein d'une ardeur nouvelle, Il part, pressant de plus belle Le coursier obéissant ; : Et, d’un élan plus rapide, Le quadrupède intrépide L'emporte au rivage humide Où court le Rhin mugissant. Le long du fleuve, Odile errait, pâle et craintive; Une barque était, seule, amarrée à la rive 4, Elle s'y précipite, et la nef sans effort Se détache elle-même , ouvre l'onde docile, Rompt les flots écumeux d’une course facile , Et porte son fardeau jusques à l’autre bord. Sur sa trace fugitive Éthicon vole, il arrive Un peu trop tard à la rive, Et, de fureur transporté, Voit l'enfant qui lui fut chère Quitter sa barque légère , Et sur la grève étrangère, Fuir d’un pas précipité. Longtemps elle parcourt, en une forêt sombre, D'âpres sentiers, Le jour décline ; bientôt l'ombre DE LA SEPTIÈME SECTION. -Plus épaisse descend et tombe des rameaux. Enfin, dans un vallon, haletante, éperdue Elle arrive, s’assied sous une roche nue, Cherchant dans le sommeil quelque trève à ses maux. De sa robuste poitrine, Contre la vague mutine Le coursier lutte et s'obstine : À vaincre le cours du Rhin. Tout fumant il sort de l’onde . Et dans la forêt profonde, D'une course vagabonde , S’égare jusqu’au matin. La fille était là bas, priant Dieu, les mains jointes. Ses genoux délicats du roc pressaient les pointes ; Le vent du nord soufflait dans son voile grossier. Son regard inquiet, errant à l'aventure, À l'horizon lointain voit une tache obscure Poindre, grossir. Ô ciel ! serait-ce un eavalier ? C’est le fougueux capitaine Qui bat en tout sens la plaine, Perdant son temps et sa peine; Et qui, sans être entendu, Demande aux antres sauvages, Aux mystérieux ombrages, Aux vents, flots, aux äuages, Son trésor si tôt perdu. Odile en frémissant a reconnu son père. Elle s’écrie : «O Dieu, toi seul en qui j’espére, Sauve-moi des transports d’un injuste courroux ! Épargne-moi l'horreur d’un mariage impie : Plutôt la mort! à toi j'ai consacré ma vie : N'’es-tu pas mon amour, mon maître, mon époux ? » Le pére irrité s'approche; Il touche au pied de la roche : La colère et Le reproche De ses yeux semblent jaillir. Ivre d’une affreuse joie, Il va fondre sur la proie ; Du regard il la foudroie , Et sa main va la saisir. Aussitôt le rocher s'ouvre, attire la sainte, Doucement la recueille en sa profonde enceinte, Et se referme aux yeux du pére éfiouvanté, D'un long frémissement la montagne est émue ; Des tonnerres lointains mugissent dans la nue ; Et le coursier,, saisi d'horreur , s’est arrêté. Il. QI LA 51 544 MÉMOIRES Au manoir héréditaire Le duc revient solitaire. Sur ce terrible mystère I1 médite sagement, «Dieu, dit-il, s’est fait entendre. «Lui seul a pu me la prendre ; «Lui seul pourra me la rendre : «Prions-le dévotement. » IX, LE MONASTÈRE D'HOHENBOURG. Éthicon , pour fléchir la justice divine, Aux marches de l’autel jour et nuit attaché, Humiliait son front et frappait sa poitrine, En disant : «Mon Dieu, j'ai péché ! «Jai péché, j'ai voulu contraindre ton épouse «A rompre de son vœu l’insoluble lien ; «J'ai déchaîné sur moi ta colère jalouse : «Je souffre , je pleure : c’est bien. «J'ai péché; mais, Seigneur, ma rude pénitence «Va macérer mon corps et briser orgueil. «Je veux, par l’oraison, les veilles, l’abstinence, «Creuser lentement mon cercueil. «Si mes pleurs désarmaient ton courroux légitime, «Si tu rendais ma fille à mes cuisants remords, «Pour accomplir ses vœux, pour expier mon crime , «Je donnerais tous mes trésors. «Ce rocher, qui voit naître à ses pieds le tonnerre, «Ces tours, où, prés du ciel, le brave a fait son nid, «Ce fief, que des géants ont armé pour la guerre «D'une ceinture de granit , «J'en ferai ta demeure, ô mon maître, Ô mon juge ! «Là de pieuses sœurs viendront suivre fa loi : «Des pudiques vertus ce sera le refuge ; «Là ma fille vivra pour toi. » Odile fut rendue à ses larmes chrétiennes. Elle-même, à l'abri du donjon féodal , Sur le plus haut sommet des crêtes vosgiennes , Fonda le palais virginal. DE LA SEPTIÈME SECTION. Cent ans elle y vécut en d’austères pratiques. Son corps repose en paix sous ce roc révéré ; Et son âme erre au sein des ruines gothiques Qui couronnent le mont sacré. Elle aime à parcourir nos cités ouvrières, Nos antiques châteaux et nos bourgs plantureux ; Mais plus souvent la sainte entre dans les chaumières Pour consoler les malheureux. Xe ÉPILOGUE. AUX MEMBRES DU CONGRÈS. Sur ces îlots que forme la rivière En nous quittant , au déclin d’un beau jour, J'ai vu parfois un rayon de lumièére, Enfant du ciel, descendre avec amour. De pourpre et d’or le feuillage mobile Se colorait à mes regards surpris. ... N’en doutez pas, c'était Odile, Saluant d’un tendre souris Strasbourg , sa bonne et grande ville, Et son Alsacetet ses enfants chéris. La nuit, au pied de la fléche hardie, Arrêtez-vous, seul et silencieux : Des accents purs, suave mélodie, Le long des tours semblent monter aux cieux. Souvent alors une étoile qui file D'un vif éclair blanchit le noir parvis... N’en doutez pas, c’est notre Odile, Qui veille avec un doux souris Au repos de la bonne ville, En priant Dieu pour ses enfants chéris. Naguëre encor, lorsque l'Alsace émue Coucha Kléber en-son dernier tombeau, On a pu voir, sur la noble statue, S'ouvrir le ciel pour un astre nouveau. Ange de paix, de son trône tranquille 11 contemplait la guerrière cité... N’en doutez pas, c'était Odile, Qui regardait avec fierté Le héros de sa bonne ville, De la patrie et de la liberté. 515 516 MÉMOIRES Quand tous les arts, en un cortége immense , A Gutenberg offrirent leur tribut, Hymne vivant de la reconnaissance D'un peuple entier, dans les airs apparut Un sillon d’or, dont la courbe docile Suivait la foule aux tortueux replis.... N’en doutez pas, c'était Odile, Escortant avec un souris, Sous les bannières de la ville, Ses échevins et ses bourgeois chéris. Quand le savoir chez nous tient ses assises, Et qu'aux talents ouvrant un grand tournois, Soir et matin, le Congrès met aux prises Tant de lutteurs belliqueux et courtois, L'amour du vrai planant sur le concile D'un feu sacré pénètre les esprits... N'’en doutez pas, c’est notre Odile, Qui, veillant avec un souris, A l'honneur de la docte ville, Souffle son âme à ses enfants chéris. Lorsqu’au palais un essaim plus folâtre Au grave cercle ose se mélanger, Un sylphe errant, auréole bteuâtre , Sur plus d’un front se plaît à volliger : Génie ami, son haleine subtile En la touchant rehausse la beauté... N’en doutez pas, c’est notre Odile. Qui vient mêler avec bonté Aux plaisirs de la grande ville La grâce aimable et la douce gaîté. De notre Alsace auguste protectrice, Donne à nos champs d’abondantes moissons , A nos raisins un ciel qui les mürisse, À nos bercails de nombreux nourrissons ; D'un souffle heureux que la vapeur entraine, Sans les briser , nos vaisseaux et nos chars ! Sainte Odile, puissante reine, Maintiens au sein de nos remparts, Dans une paix longue et sereine , La liberté, la richesse et Les arts! DE LA SEPTIÈME SECTION. . 517 VOGESUS. EINE DICHTUNG DEN MITGLIEDERN DES SCLENTIFISCHEN CONGRESSES ZU STRASSBURG GEWEIAT , n VON G. DÜRRBACH, Doktor der Thevlogie , Pastor zu Sankt-Nikolai , in Strassburg, Rom liess dés Vogesus gewall’sen Hôhen Einst gôttliche Verehrung angedeih’n ; 3 Und wer wird nicht der Gottheit heil’ges Wehen Empfinden, wenn hier in dem dunkeln Hain Die Winde mit dem Geisterflügel gebhen, Wenn dort die Felsen in dem Abendschein, Wie die Verklärung gottgesandter Träume, Aufschauen in die blauen Himmelsräume ? Hier schmückt dié schlanke, immergrüne Fichte Des Gottes Scheitel, wie ambros’sches Haar ; Wie freut sich Alles, wenn im Ætherlichte Die Locke schimmert, schôn und sonnenklar ! Doch, wenn auch auf des Gottes Angesichte Die Brauen sich verdunkeln, wenn die Schaar Der Wolken schwarz sich um die Gipfel leget, Und wenn der Sturm die jungen Flügel reget, Dann ist’s auch schôn, wenn von des Bérges Flankén Das Dunkel niederschauet ins Gefild, Wenn , aufgeregt vom Sturm , die Wipfel schwanken, Wenn Nacht umflort der Sonne goldnen Schild , Wenn in des Himmels aufgeschlossnen Schranken Die Wetterstreiche kämpfen , kühn und wild ; Dann hebt der Gott aus seinem Wolkenkranze Das Haupt im Kampf empor zum Sonnenglanze. Der Wandrer birgt sich in den dunkeln Räamen Der Hôhle, die ihm ihren Schutz verleiht; Er sieht, wie-hinter den bewegten Bäumen Der Blitz zerreisst die grause Dunkelheit. Bald ist’s vorüber, wie ein schweres Träumen, Bald ist des Himmels heitrer Glanz erneut ; Und neu, umleuchtet von den goldnen Strahlen, Sieht man das Grün des Berges Seite malen. 518 MÉMOIRES Des Gottes hehre Slirne ist umzogen Mit Sternenkränzen in der heitern Naëbt; Er trägt in Einer Hand den Regenbogen , Und mit der Andern giesst er aus dem Schacht Der Brunnen seiner Bächlein grüne Wogen , Und zeigt den Fluren seines Segens Pracht ; Er keltert Weïin mit seinen schünen Füssen, Un rings Begeistrung in die Welt zu giessen. Und nicht vergeblich giesst er seinen Sô‘hnen Die Feuergeister in das edle Blut; Gern ziehen sie}, wenn die Trommeten tônen, Ins Schlachtgefild mit kriegerischem Muth ; Sie brennen, mit dem Schmucke sich zu krünen , Der auf dem Haupt siegreicher Helden ruht; Und manches Herz, bewährt im Tode, sandte Der Vogesus dem heiïl’gen Vaterlande. Seht, wie im Mondlicht seine Gipfel ragen, Umflôtet von der süssen Nachtigall, Als träumten sie von frühen Schôpfungstagen , Wo noch, die Schônheit herrschte in dem All, Wo noch, von Engelsarmen sanft getragen , Die Erde schwebte als ein sel’ger Ball, Der unbefleckt von Sünde und von Sorgen , Hinlebte seiner Kindheit goldnen Morgen. Und wenn der Berg dann auf die schônen Auen Hinblickt, die durch die reiche Ebne ziehn, So darf er, o der heil’#en Wonne! schauen Die Freiheit in dem frischen Eichengrün. Der Landmann pflügt die Flur, wo im Vertrauen Auf das Gesetz die stillen Saaten blühn, Indess kein Grundherr sich es darf erlauben , Als Zehnten ihm des Fleisses Frucht zu rauben. Mit Recht wobl heisst ein freier Mann, ein Franke, Am Fuss des Vogesus, Alsatiens Sohn; Er, dessen freier, muthiger Gedanke Sich Babn darf brechen bis zum Fürstenthron, Der ôffentlich vor des Gerichtes Schranke Erbeben darf der Stimme lauten Ton, Weil nicht der Frevel, der das Recht will beugen, Sick hüllen darf in unheilyolles Schweigen. Ihr, von des Rheïns jenseitigen Gestaden, Gewiss, es freut euch innig, hier zu sehn, Dass wir im Ætherlicht der Freiheit baden Die Häupter, die wir froh und stolz erhühn, DE LA SEPTIÈME SECTION. Und dass wir nicht zu Herrn von Gottes Gnaden Mit demuthsvoller Bitte müssen flehn , Sie môchten uns mit hoher Huld vergônnen, Uns ibr dreimal beglücktes Volk zu nennen. Nur Eines feblet noch in unsern Gränzen : Das ist der heïl’ge Geist der Poesie, Die schônste Blüte in des Ruhmes Kränzen ; Ach kônnten doch die Sonnenstrahlen , die So herrlich über unsern Fluren glänzen, Die schlafende Gewalt der Harmonie Erwecken in des Wasgau’s Felsenhallen , Dass sie wie Memnons heil’ge Säule schallen! Ihr Deutschen, denen manches Lied gelungen, Ach! hättet ihr den freien Vogesus, Was hättet ïihr für Lieder da gesungen! Ach! dass doch stets der Welt was fehlen muss! — Euch fehlfs an Freiheit, uns gebrichts an Zungen, Zu singen unsrer Freiheit Hochgenuss. Rafft euch empor, ibr freien Bergeshalden, Und lasst den Geist des Liedes freudig walten. Einst wandelten wobhl auf des Wasgau'’s grünen Berghôhen edle Barden durch den Hain, Wo lichte Geister ihrem Blick erschienen, Allnächtlich bei des Mondes Silverschein , Und flüsterten mit sanftem Hauche ihnen Ein Wôrtchen zu von unserm hôhern Seyn, Von heil’ger Tugend , die vom Nebelthale Sich aufwärts schwingt zum lichten Sonnenstrahle. Sie leiteten der Menschen ird’sches Trachten Auf alles Edle, alles Hôh’re hin, Sie lehrten sie den goldnen Tand verachten, Für jeder Tugend ew’gen Ruhm erglüh’n, Und für das Vaterland in blut’gen Schlachten Dem Tod entgegengehen stolz und kühn ; Weil Wonne nur für die, die männlich fallen, Erblühet in Walhallas Gôtterhallen. Dann , in des Ritterthums bewegten Jabren, Wo statt der Trümmer, die zerfallen sind, Des Wasgau’s Hôb’n best mit Burgen waren, Da wallte hier , umhaucht vom Abendwind, Mit weh’nden Lorbeerkronen in den Haaren, Der Minne Lied , das heitre Gôtterkind : Und mancher Held, und manche Schône lauschte Dem süssen Klang , der durch die Saiten rauschte. 519 D20 MÉMOIRES 0 heil’ge Dichtkunst, Wonne unsrer Seelen, Wir würden ohne dich den schnüden Sold Der Erde nur zu unserm Ziele wählen ; Habgierig würde hier um schlechtes Gold Die Menschheit sich in bitterm Neïd zerquälen, Und keine nabe Gottheit wär’ ihr hold. Dort würde ohne dich der nackte Wilde Noch schweifen durch die traurigen Gefilde. Als Orpheus einst im heil’gen Gütterhaine Hinwandelte mit seinem Saitenspiel , Da wurde selbst im Thier und im Gesteine Geweckt ein ueñes, sinniges Gefühl, Wenn die Begeisterung, beim Abendscheine, Herunter yon des Himmels Räumen fiel. Und menschlicher begann’s im Menschenbusen Sich schon zu regen durch die Macht der Musen. Empfänglich neigte sich das Ohr des Wilden* Bald zu den Lehren ernster Weisheit hin ; Entwôühnt des Bluts, vertraut er den Gefilden Die stillen Saaten an; ja ibm erschien Die Schôünheit selbst in himmlischen Gebilden ; Bald haucht’ er sie in Zaubermelodien , Bald in den Marmor, welcher die Geberde Der Gôütter sichbar machte auf der Erde. Dann hob der Geist erforschend zu den Sphären Des Himmels seinen lichten Blick empor ; Er suchte die Gesetze zu erklären, Wodurch der Ew’ge lenkt der Welten Chor ; Er irrte späh’nd umbher auf allen Meeren, Und drang bis an des Nords krystall’nes Thor. Nichts war, das seines Strebens mächtgem Triebe In Hôh’n und Tiefen unerschlossen bliebe. Du ernste Weisheit, wenn du zu den Hôhen Des Himmels drangst mit feuerglüh’ndem Math, O hüte dich , die Dichtung zu verschmäben , An deren Brust du einst als Kind geruht. Du lenkst das Steuer ; doch ein leises Wehen Führt deine Segel schwellend durch die Fluth ; Die Dichtung leihet deinem Flug die Schwingen , Und gibt dir Kraft zum Ziel emporzudringen. In welchem lichten Glanze sich auch immer Der Adlerblick der Weisheit sonnen mag ; Die Dichtung ist der sanfte Abendschimmer, Der uns erquickt nach flammend heissem Tag : DE LA SEPTIÈME SECTION. Sie irrt um irdscher Grôsse stolze Trümmer, Sie sänftigt still des Herzens bangen Schlag, Und lässt das arme Herz von seinen Wunden Durch ibhrer Nähe Himmelskraft gesunden. Wo bist du hingeflohn, du Geist der Lieder, Warum hallt Echos ferne Grotte nur Gebrochne Laute von Gesängen wieder, - Die spurlos schwinden von Alsatiens Flur ? Erhabner Geist der Dichtung, kehre wieder, Und zeig’ uns deines Segens milde Spur ; Damit, wo so viel schôüne Blüten düften ; Die schôünste nicht gebreche unsern Triften. Ihr Weisen, die ihr zu des Wasgau’s Fusse Gekommen seyd in rühmlichem Verein , Wir heissen euch mit unserm besten Grusse An unserm Heimathherd willkommen seyn. O blicket huldvoll hin auf unsre Muse, Die schüchtern naht, um euch ihr Lied zu weih'n, Damit um unsre trauernden Ruinen Nun môügen neue Lorbeersprossen grünen. 24 522 MÉMOIRES MÉMOIRES DE LA HUITIÈME SECTION. Beaux-arts, Arelhitecture, Histoire de l'art. MÉMOIRE SUR LA SIGNIFICATION ET LES CARACTÈRES DISTINCTIFS DES MONUMENTS CELTIQUES, EN RÉPONSE À LA 2€ ET A LA 4€ QUESTION DU PROGRAMME DE LA HUITIÈME SECTION , PAR M. LE BARON MAXIMILIEN DE RING, (de Fribourg, Bade), l'un des Vice-Présidents de la huitième Section du Congrès. MESSIEURS, Lorsque je vins m’asseoir au milieu de vous, j'étais loin de m’attendre à ÉOn vous avez bien voulu m’accorder en me nommant l’un de vos vice-présidents. La cinquième Section, où se traitent des sujets qui sont plus à ma portée, était celle à laquelle je m'étais proposé d’assister de préférence. Mais je croirais mal reconnaître la confiance que vous venez de me témoigner, si je ne suivais pas avec tout le zèle que vous êtes en droit d'attendre de moi les travaux auxquels vous allez vous livrer. Qu'il me soit donc permis de vous adresser, en premier lieu, tous mes remerciments, et d'aborder ensuite l’une des questions du programme qui se rattache en quelque sorte aux études archéologiques auxquelles je me suis adonné. Le programme demande que L'on recherche l’origine et la signification des monuments plus ou moins informes que l'on désigne sous lenom de monuments celtiques. En essayer une classificatian méthodique en soumettant à une étude comparative lous les vestiges analogues qui couvrent l'Europe, se prolongent le long des rives du Bosphore à celles de la Tauride, et s'élendent même jusqu'aux steppes de la Haute-Tartarie. A DE LA HUITIÈME SECTION. 525 Or, Messieurs, pour remonter à l’origine des monuments répandus sur une telle surface de pays, il faut nécessairement remonter à l’origine des peuples qui les y ont laissés dans leur passage. D'abord nulles annales ne parlent d'eux , et nous n'avons pour point de départ que des données assez vagues basées sur une antique tradition, que nous a conservée dans ses écrits l’un des plus anciens géographes et historiens. Eratosthénes nomme le Celte habitant de l'Europe, le Scythe habitant des steppes de l'Asie. Plus tard, cette grande division des deux races celtique et scythe est rompue par l'apparition de la race germanique, qui est venue couvrir de ses peuplades tout le centre de l'Europe. La race celtique proprement dite est restée sta- tionnaire à l’ouest, la race germanique a envahi lenord et le centre de cette Europe, tandis que la race scythe a continué de parcourir en nomade les steppes de l'Asie centrale. D'où venait le Celte? C’est ce qu'il serait bien difficile de démontrer. Ce- pendant si nous voulons parler géologiquement, et que, laissant de côté ‘ toute tradition et tout miracle, nous considérions l'homme comme échappé aux catastrophes qui ont dû agiter la nature à différentes époques de son enfance , nous ne pouvons que le faire descendre des lieux élevés de l'Asie, où tout semble nous révéler que la terre a d’abord été rendue habitable. Avançant toujours de forêts en forêts, il ne s'arrêta vers l'Occident que lorsque l'Océan lui présenta sa barrière, et bientôt même, s’ayenturant sur ses flots, il alla au delà habiter les îles que l'Océan entoure. Mais le cuite qu’il porta avec lui, la connaissance approfondie qu’avaient ceux qui le guidaient du génie présidant à tous les actes de la nature et qui se répan- dait dans toutes ses parties, lesuivit dans les forêts qu’il vint élaguer. L’im- mortalité, le désir de vivre aprés la mort, qui poursuit tout homme en ce monde, fut le rêve de ce peuple , comme il l’a été de tous les peuples qui l'ont suivi. Et c’est à cela qu’il faut rapporter l’origine de presque tous les monu- ments qui nous restent de lui, rudes et informes, ilest vrai, comme il l'était lui-même, mais dont tout annonce l'intention religieuse dans la- quelle ils furent élevés. Sans doute ils sont informes; mais cette rudesse de formes est elle- même une langue qui semble nous dire à quelle haute antiquité il faut les faire remonter. Ce sont d’abord des monoiythes, élevés comme symbole de la croyance à un étre infini qui dans le soleil a mis sa plus grande magnificence. Puis ce sont des thèmes astronomiques et souterrains , où le culte rendu à la nature physique était symboliquement retracé. Puis encore des souterrains, quelquefoisagrandis par la main de l’homme, et où d’abord ce peuple avait dû vivre et se retirer. Ensuite ses tombeaux. Et enfin quelques traces plus modernes de retranchements, qui n'ont toutefois pu être élevés que lorsqu'une autre race est venue l'inquiéter dans ses demeures. Telle est la nomenclature bien simple de ces iidatimntst dont les traces S’effacent d'autant plus qu’on s'éloigne des lieux où ce peuple avait fondé ses établissements. Aussi n'est-ce que dans l’ancienne Gaule, dans la Celtique Ibérienne et dans l'antique Albion que se rencontrent surtout les deux premiers genres ñ C3 ñ 524 MÉMOIRES à : de ces monuments , tandis que sur la voie que ce peuple a dû suivre , en refluant de l'Asie, ces monuments sont plus rares et souvent même réel- lement méconnaissables. Appien, Strabon, Dion, et, d’un autre côté, tous les auteurs latins reconnaissent en effet les Celtes et les peuples sortis d'eux comme les ha- bitants primitifs de tous les pays situés entre le Rhin et l'Océan. Au delà du Rhin, ce sont les peuplades germaniques. Mais si l’on admet comme vraie l’assertion que le Celte est venu d’Asie, on doit reconnaître comme vrais aussi les monuments informes que dans son passage il a élevés çà et là, et que nous retrouvons encore au delà de ce fleuve. En Franceeten Angleterre, ces monuments ont souventété décrits. Leur forme tient aux idées religieuses du peuple, encore peu porté vers les arts, qui les y éleva. Si nous admettons en effet que c’est la vallée du Nil qui a donné naissance aux mythes astronomiques , que c’est d’elle que sont découlées toutes les idées mythiques sur les planètes et sur les constel- lations, il faut bien admettre aussi que de proche en proche ces idées, puisque nous les retrouvons partout, se sont propagées parmi tous les peuples de l'Orient et de l'Occident, et que le Celte aussi les reçut. Est-il antérieur ou postérieur à l’origine du culte solaire et astronomique? c’est une question que je n’essayerai pas de résoudre. Il me suflit de reconnaître la même idée mythique attachée à la colossale monumentation de l'Égypte et à l'architecture rude et cyclopéenne de l’ancienne Gaule. L’obélisque, cette aiguille destinée à être frappée perpendiculairement par le rayon solaire, ornait les temples de l'Égypte civilisée et créatrice. Le temple indien , dans cette autre partie du monde civilisé , fut lui-même un im- mense obélisque que surmontait une flamme de pierre, remontant vers le soleil , éternel symbole du feu créateur. Mais chez le Celte, perdu dans les forêts sombres, où son culte se célébrait, agreste et simple, comme les lieux sauvages où il avait établi ses mystères, une pierre, élevée à grand'peine , remplaçait dans sa croyance et l’obélisque égyptien et la tour étagée de l'Inde. Le symbole cependant était le même. Le brut monolythe était le signe qui liait le ciel à la terre, c’est-à-dire qu'il montrait sym- boliquement à l'homme la divinité vers laquelle il devait porter ses re- gards , et qu’il semblait guider ses prières vers celte région que parcourt l’astre bienfaisant qui renouvelle les saisons, et dans les régions duquel l'âme, un jour épurée, devait aller se confondre avec l'âme universelle, Or, il fallait bien une représentation quelconque de cette dernière mi- gration pour répondre à l’idée primitive. Les dieux, ou plutôt ces intel- ligences subordonnées à l'être principe de tout, et qui n’en a pas d'autre que lui-même, devaient avoir sur la terre des lieux consacrés où l'homme pouvait, par la priére, communiquer avec eux. En Égy pte et dans l'Inde, dans l'antique Éthiopie, ce fut dans les temples; parmi les Celtes, ce fut au sein des forêts sacrées. Là aussi s’établirent ces lieux nrofotida où la fille du Druide prophétisait, et dont toutes les parties, correspondant au ciel physique, dénotent bien la pensée religieuse de ce peuple, soit que la civilisation celtique ait encore été incapable d'élever d’autres mo- numents que ces pierres informes, soit que la rudesse de ces formes même , dans les monolythes comme dans les allées couvertes et dans les profondeurs des temples souterrains , ait de préférence été adoptée par les prêtres pour une cause que je ne saurais définir. Il est sûr que ces bornes, DE LA HUITIÈME SECTION. 525 ces men-hir, ces dol-men, ces espéces de temples souterrains, en tant qu’on les compare avec les obélisques, les sphinx et les propyleés de l'Égypte, offrent la même pensée mythique, et peuvent être définis comme le produit du principe astronomique et universel qui de l'Orient a pénétré chez ce peuple jusque dans l'Occident. La signification de ces monuments informes n’est donc que l’idée d’un Dieu fort et puissant, dont le nom est représenté symboliquement, et dans le monolythe celtique, comme dans l’obélisque égyptien , je ne verrai que la consécration religieuse de Fastre immense et créateur. Dans ces thèmes astronomiques, allées couvertes qui se rencontrent si fréquem- ment, surtout dans nos provinces françaises de l'Ouest, je ne verrai, comme dans les temples de l’antique Égypte, que la représentation du ciel physique et des constellations connues du Druide, dans les forêts gal- liques, comme sur le Nil , du prêtre et du pontife. Mais, de même que sur le sol qui enfanta ces mythes solaires, et d’où . tant de cultes divers refluérent vers le Tigre comme au sein de l'Émaüs, ‘dans le Nord comme chez le Scythe grossier, on vit parmi les nations celtiques se modifier l’idée primjtive d’un être universel présidant à la nature , et les cérémonies religieuses s'adresser dés lors aussi, non plus directement et exclusivement à cet être principe créateur, mais aux génies même comme parties du grand tout. De là ces monuments autres dans leur forme, mais conservant toujours dans ces formes quelque chose de cet ordre circulaire que représente le ciel, vers lequel s’élète le regard de tout homme qui prie; de là ces cromlechs, considérés improprement comme lieux de sépulture, et qu’il faut aussi rapporter au culte de ce peuple ; ces alignements de blocs élancés, symétriquement placés aux revers d’un coteau, ces pierres superposées, propylée sacré par où devait passer l’ini- tié, ces dol-men, ces men-hir, élevés sans doute, selon l’ordre des saisons, à tel ou tel astre bienfaisant. à Ces seuls monuments qui nous restent des Celtes , en tant qu'on ne con- sidére que le culte, sont en grand nombre là où ils s'étaient fixés, particu- lièérement dans ces provinces de l'Ouest, près de cet Océan au delà duquel était l’île où surtout le Druide avait déposé toute sa science. Ensuite encore vers le Nord, au delà de cette Baltique, où Rome n’avait jamais pénétré, mais d’où ensuite, refluant vers elle, sortirent tous ces peuples qui enva- hirent le Midi. — Au centre de l'Europe il est rare d’en rencontrer, et:ce- pendant on ne peut dire que le temps et les hommes les aient détruits. Mais e’est.que , lors de leur migration de l'Asie, ces Celtes antiques, ayançant sans cesse, n’ont fait que traverser cette immense étendue de terre, et ne se sont drrétés au Nord et à l'Ouest que lorsque si glaces éternelles et l'Océan leur ont enfin opposé une barrière. : Les monuments du Nord, comparés à ceux de l'Ouest, sont d’unestructure plus gigantesque. Et cependant, s’il faut, avec Eratosthènes, croire le pre- mier peuple plus ancien sur le sol européen que le peuple germanique, il y a vécu seul moins longtemps : peut-être est-ce la fusion des deux peuples, est-ce le culte qui en est sorti (le même, puisque c’est toujours le culte de la nature personnifiée dans la personne d'Odin), peut-être, dis-je, est-ce ces deux causes réunies qui ont produit la grandeur des monu- ments odiniques. Le centre de l’Europe, au contraire , pays de forêts im- pénétra bles, n’avait pas vu le Celte aussi longtemps stationnaire; aussi 526 | MÉMOIRES peut-on dire que l'antiquité la plus reculée n’a presque pas de monuments de ce peuple à nous y présenter. Mais lorsque la Celtique proprement dite se fut avec le temps peuplée au point que le superflu de sa jeunesse se vit forcé d’aller au loin coloniser d’autres terres, le Rhin vit sur ses bords se former de leurs établissements, et le Danube reçut aussi tout le long de son cours leurs aventureuses tribus. Les tombeaux que ces colonies ont laissés dans leur passage, sont tout ce qui rappelle leur séjour dans ces contrées ; ils sont toutefois des témoins muets de ce que l'histoire nous a dit de ces migrations. Je n’entrerai point dans le détail et dans le gise- ment de tous ces tumuli; cependant, pour compléter une notice monu- mentale, je vous dirai que je regarde encore la forme de ces sépultures élevées en collines circulaires au-dessus du sol, comme des preuves non moins parlantes que les cromlechs de l'idée religieuse qui présida à leur élévation. Plus ces tombes sont anciennes, et plus elles révèlent dans leurs cercles mystérieux ce disque solaire , symbole de la félicité parfaite ; et c’est au centre que s'élevait le foyer du sacrifice, autre symbole par- lant, annonçant que , comme ces flammes s’élevaient vers le séjour cé- leste, l’âme aussi remontait triomphante vers cette âme universelle à laquelle elle allait se réunir (1). Ce sont surtout ces monuments qui cou- vrent çà et là, en se prolongeant, toute l'Europe centrale, et qui même des rives du Bosphore vont encore s'étendre en effet jusque dans les steppes de la Tartarie. Certes, aucun homme ne voudra essayer de pré- ciser le temps où ces tumuli ont été fermés. Il en est de tant d’époques différentes ! Mais il est incontestable du moins que la moindre partie date de l’arrivée primitive du Celte au sein de l’Europe ; il faut bien les rap- porter en grande partie à ces migrations quel’histoire précise, elle qui nous instruit que. tandis que la race germanique vint occuper cette Europe, les Celtes et les Galles, habitant l'ouest aux bords de l'Océan, la traver- sérent de nouveau, et, aventureux, allérent en bandes plus ou moins fortes chercheŸde nouvelles terres jusqu’en Asie, ce sol dont leurs an- cêtres étaient sortis. La Gaule, l’Albion devaient autrefois être couvertes de ces antiques tombeaux, puisque c’est là que le Celte resta stationnaire. Ils ont cepen- dant presque partout disparu. L'Allemagne en offre encore un grand nombre également conformes à ceux de la Celtique. Ceux que possède le Nord surpassent même les autres en grandeur, mais leur sont du moins égaux quant au principe religieux que leur intérieur nous révéle. On y trouve , en effet, presque partout les mêmes objets et les mêmes. formes. Ils prouvent la souche commune du peuple qui les éleva , adorateur de ces astres présidant-aux saisons, et dont le culte, comme je l’ai dit, lui était venu des bords du Nil qui l'enfanta. A tous ces monuments d’un peuple qui compte tant de siècles au delà de l'époque que l’histoire lui assigne , il faut nécesairement ajouter les restes de retranchements qui çà et là, dans l'Europe du moins, semblent devoir lui être attribués. J'avoue cependant qu'il m'est à peu près impossible de statuer une époque fixe où ces travaux ont pu avoir eu lieu. Ces restes se montrent sur le Bosphore, sur l'Oder, sur les Alpes allemands et sur les (4) Voyez la description de quelques-unes de ces {tombes dans mon ouvrage sur les établissements celtiques en Allemagne. À Fribourg chez Emmerling , libraire-éditeur, 4842. a ui - lue fini di P'— dun - OA D nt © rites DE LA HUITIÈME SECTION. 527 Vosges ; en France comme en Angleterre, partout enfin où je Celte a passé et où il a vécu , mais où aussi le Romain l’a suivi. S'il m'est permis, par quelques comparaisons qu’il m’a été donné de faire entre ces vestiges, d'émettre ici mon opinion, je ne vous cacherai point que je regarde et ces restes dont je vous parlai sur l’Oder et sur les Alpes allemandes; et ces restes de la Gaule antique et de l’antique Albion, comme devant être attri- bués à des peuples de la même souche. C’est en effet le même systéme de défense et le même genre de construction. Quant aux grottes où l’on a trouvé des ossements et des bijoux Épintés Dibiques | grottes fouillées non-seulement en France et en Angleterre, mais encore en Allemagne et sur le Bosphore Cimmérien , je vous dirai de même que je crois bien que dans tous ces climats elles ont pu servir au premiéres populations. À vant de construire sa cabane , l'homme recherche en effet ce que la nature lui présente. Le Celte a fait ce que fit sans doute le Germain, ce qu'avait fait le Pélasge avant que la civilisation ne lui eut permis d'élever ses bourgades. Toutefois, ces lieux, qui pourraient aussi bien avoir servi à d’autres peuples, ne peuvent compter parmi les mo- numents. Ainsi ma tâche est achevée; et, pour récapituler, je dirai que l’origine de tous les monuments réputés celtiques vient en effet du peuple primitif européen connu sous le nom de Celte, peuple qui semble avoir couvert tout le centre de l’Europe avant que la race germanique qui l’envahit ne le reléguât à l’ouest du continent ; que la signification de ces monuments est celle de son culte basé sur les révolutions astronomiques et copié sur le culte de l'Orient, au grand foyer duquel il avait puisé sa premiére pensée religieuse ; que, pour la classification, il faut regarder comme re- ligieux tout ce qui, simples blocs de pierre, est élevé au-dessus du sol ; qu’il faut regarder comme lui ayant appartenu toute colline tumulaire attestant par sa disposition intérieure la même pensée religieuse; mais qu'on ne peuf nier non plus que quelques travaux de défense ne restent de lui, travaux que le Bonn semble même quelquefois avoir mis plus tard à profit. Cela me conduit nécessairement à aborder l’autre-question ‘du Pro- gramme, qui demande si l’on doit rationnellement distinguer (et à quels caractères?) les monuments vérilablement celtiques des débris gallo-ro- mains ? Je commencerai d’abord par répordre qu’il est impossible de confondre aucun monument véritablement romain avec ce que le Celte a élevé. Et il'est incontestable, d’autre part, qu’un peuple qui pendant tant de siècles a vécu sur une terre où il n’avait pas été inquiété, a dû y laisser quelques traces de son séjour. Oserait-on avoir la pensée que le Celte, dansles Gaules, eût en effet vécu sans qu’une pierre brute, un dol-men, un men-hir datât de son époque primitive ? Loin delà, je crois, au contraire, que ces dol-men, que ces men-hir, que ces allées couvertes, que ces cercles mystérieux , que ces pierres superposées, qui toutes attestent, selon moi, une idée mythique attachée à tel ou tel astre, à telle ou telle constellation, que ces monuments, dis-je, datent d’une époque bien antérieure aux Romains , puisque, sous la domination du grand peuple, les idées religieuses, dans les Gaules, se réformérent peu à peu , et que, quoique le collége des Druides existât tou- jours, le peuple, influencé par le vainqueur, commençait déjà à porter 528 MÉMOIRES son offrande aux divinités égyptiennes et romaines apportées par le Ro- main dans les Gaules. Ce n’est donc point sous cette nouvelle puissance d'idées que ces monuments ont pu être élevés. Car ce n’était pas une chose de peu d'importance que l'élévation d’un simple monolythe en l'honneur de l’astre souverain ; il fallait qu'une concordance de faits établis, con- servés par la tradition, rendit surtout tel ou tel lieu agréable à la divinité. Tel ou tel canton était le repaire des mauvais esprits ; tel autre était celui où la félicité présidait au repos des âmes pures. Ces lieux étaient célèbres parmi les Celtes depuis les âges les plus réculés; et c'était là que les dé- vots de tous les cantons venaient , aux jours solennels, déposer leurs of- frandes, et chercher, s’ils se sentaient coupables , à se réconcilier avec la divinité. Plusieurs de ces monuments ontété mis à profit par les Romains; souvent même le grand peuple y a imprimé une inscription, et alors on dit que le monument date de l’époque gallo-romaine ; cela dénote bien plutôt que les idées religieuses du peuple de tel ou tel canton s'étaient modifiées pen- dant l'occupation romaine jusqu’à négliger ces mêmes monuments, et que la civilisation romaine avait enlevé au Gaulois soumis ce zèle pieux que ses ancêtres avaient eu pour leurs dieux lorsqu'ils Fee de ces lieux les invoquer, en allumant le bücher sacré. Ce sont au contraire ces monuments , monolythes élancés -ou roches entassées dans un lieu solitaire, ce sont ces temples informes se prolongeant sous terre, ces pierres superposées, ces dol-men, tous ces restes du culte druidique , qui doivent être considérés comme appartenant à une antt- quité bien reculée au delà de l'antiquité romaine. Pour les tombes et les retranchements, il est plus difficile de leur assi- gner une époque, quoique les derniers semblent aussi avoir presque tou- jours appartenu à l’époque antérieure aux Romains. La forme des tombes a dû de même se conserver jusqu’au temps de leur occupation, et jusqu’à l’époque où, sous eux, d’autres idées religieuses étant venues régir cette partie du monde, les dernières cérémonies consacrées par le culte durent aussi en avoir ressenti l'influence. Ainsi, en définitive, on peut dire qu’il n’existe point de monuments druidiques de l'époque gallo-romaine. Pour ce qui reste de retranche- ments ou de tombes, ce n’est qu'une saine critique qui pourra , en les mentionnant, venir à cet égard au secours de la science (1). Li (1) La huitième Section ayant voté l'impression de ce mémoire, et ayant voté de même celle du mémoire de M. Hercule Robert , qui, par une autre voie dans la science , est parvenu , ainsi que moi, à la même solution de cette question , je prie le rédacteur du Compte-rendu du Congrès d'insérer, s’il est possible , ces mémoires l’un à la suite de l’autre. M..Robert n’ayant pas été présent à la séance lors de la lecture de ce mémoire , n’a pas pu développgr son système dans ce moment. “(Note de M. de Ring.) Codes db nn OT cie di ne Ce DE LA HÜITIÈME SECTION. 529 RECHERCHES SUR L'ORIGINE DES PIERRES DRUIDIQUES, ET OPINION SUR LES PIERRES DE CARNAC ET D'ARDEVEN, PAR M. PIERRE-HERCULE ROBERT, Ex-Secrétaire de l'École polytechnique , attaché à la bibliothèque du Roi, Commissaire- Inspecteur des antiquités départementales de l'Indre, à Argenton. MESSIEURS , Je vais avoir l'honneur de soumettre à votre judicieuse appréciation, dans le cercle le plus étroit possible , mon opinion : 40 sur les men-hirs ou pierres debout; 20 sur les cromllechs ou cercles druidiques, composés de men-hirs; 5° sur les dol-mens; 40 sur les allées couvertes ou roches des fées ; 50 sur les lichavens ; 60 sur la haute borne, élevée sur les limites des Leuci, habitants du Barrois; 7o sur les Galgals et les Barrow ; 8° enfin sur les pierres de Carnac et d’Ardeven. Dans l'exposé que je viens de faire devant la cinquième Section de la base de formation de toutes les langues et des théogonies de l’antiquité (1), j'ai démontré que cette base commune était les périôdes de sept planètes considérées comme centres d'idées, et que toute la mythologie antique n'était qu'une ingénieuse application des phénomènes astronomiques et physiques ; que la science , privilége exclusif du sanctuaire, revêtait des symboles jetés à la superstition du vulgaire, et que, pour l’initié seul, les prêtres tenaient en réserve de sublimes déductions , telles que les dogmes de l'unité de Dieu et de l’immortalité de l’âme. Cette doctrine, Messieurs, nous allons la retrouver formulée par les monuments drui- diques; car la civilisation du genre humain, à la deuxième époque, émane d’une pensée unique, pensée toute asatét puisqu'elle avait pour centre le sanctuaire. Ainsi, Messieurs, 000 ou le Mercure égyptien réalise par son nombre apprécié avec l'alphabet grec, presque identique aux alphabets égyptien, phénicien et latin, la période de la planète de Mercure, c’est-à-dire 88; et, en effet, la période de cette planète est de 87i 25h 14! 55/! ou 88 jours. En latin Dies réalise 224, une période précise de la planète de Vénus , et comme cet astre se montre le premier au cou- cher du soleil et brille encore au firmament prés de lui au moment de son lever, Vénus a été dite l'étoile du soir et l'étoile du matin , ou la mére du jour, Lucifera et Vesper ; et voilà pourquoi les Égyptiens ont représenté sur leurs temples Isis, portant sur sa tête la maison d’Horus ou du jour. Le nombre, Messieurs, est donc la véritable base étymologique des en- veloppes d'idées. Le nombre va donc nous révéler l’idée fondamentale ou (1) Voyez Compte-rendu , t.1, p. 556 à 558, II. Q1 ES 530 MÉMOIRES la base de formation des différents noms attribués aux pierres druidiques, dont nous avons en commençant posé la nomenclature. M. Étienne Quatremèére a découvert que l’antique égyptien revivait dans le cophte; de même, Messieurs, par une réflexion {out aussi simple, j'ai reconnu que l’antique gaulois, la langue de nos pères , traversant les dominations romaine et franke , revivait dans le français, construit avec un alphabet identique, par la valeur d’un grand nombre de ses lettres, à l'alphabet grec ou phénicien-égyptien. 1. Men-hir réalise le nombre 215. Savoir : 1/2 période solaire apparente . . . . ... 182 213 1/12 période solaire ou le mois de mars, . 31 Peer à Ici, Messieurs, je dois dire que c'était une croyance adoptée par tous les sanctuaires de l'antiquité que Dieu avait créé le monde à l’équinoxe de printemps , le 21 mars. Les noms des mois latins et des nôtres vous indiquent qu'en effet l’an- née astronomique commençait au mois de mars : par exemple, septembre est le septième mois à partir de l’équinoxe de printemps ; le mois de juillet, chez les Romains, avant la réforme du calendrier ordonnée à Sosigène par Jules César, usurpa le nom de Julius : il portait auparavant celui de Quintilis. Du reste, Messieurs, par la plus extraordinaire des coïnci- dences , Julius et Quintilis réalisent l’un et l’autre le nombre 1460, quatre périodes solaires ou la période sothique. Et remarquez, je vous prie, que le 21 juillet les astronomes d’Héliopolis faisaient partir, du lever héliaque de Sothis ou de Sirius, la grande période de 1460 ans, dite période so- thique. (J’ai consacré un article à part à l'explication du symbole du grand cycle caniculaire égyptien ou sothique.) Je vous demande bien pardon, Messieurs, de venir ici, sans une ini- tiation graduée, entreprendre des démonstrations aussi abstraites ; mais cette irrégularité se trouve justifiée par ma foi en votre intelligence. 2. Cromllechs. — L'illustre Latour-d’Auvergne, érudit aussi sagace que valeureux soldat, a jugé que les cromllechs avaient été dressés par nos péres en l'honneur du soleil. Le nombre justifie à merveille cette savante supposition. Cr AND TES a AINO Or 70 NE ne) 1 30 } 1095... 3 périodes solaires 565X3 — 1095. 1 50 CARE 5 : ch. . .. 600 Sos aie IDU0 Les cromllechs étaient donc érigés au soleil trois fois grand. 3. Qu'était-ce que le Dolmen, regardé généralement comme la table de sacrifice des Druides ? Le nombre ya répondre. : 1 ÉPAICNE HAE v 1/2 Mercure . . . .. 44 SA 70 1/8 de Mars. ..... 85 1 .... 30 199 & 1/8 de Vénus. . ... 28 mers HE 1/16 de Mars . . . . . 42 4 224 Mel 199 mn. 50 HAN TT DE LA HUITIÈME SECTION. 551 Mercure, chez les Grecs comme chez les Druides, conduisait les âmes des morts aux enfers ; les Grecs le nommaient Psychagogue ; Vénus pré- sidait à l'âme , à Fair. Air... 112 réalise 1/2 Vénus, parce que cette planète est la plus légère aprés Mercure, parcourant 463 lieues par minute (186 myr. 7 kil. 757 mêt.). Mars était considéré comme la planète de la destruction. Pourquoi ? parce que , astronomiquement, la densité de l’at- mosphére de cette planète est telle qu’elle absorbe, même à une grande distance, les astres dont elle s'approche. Voici, Messieurs, je crois, le moment de dire pourquoi Mars a été mythiquement considéré comme le Dieu de la guerre , le Dieu terrible qui triomphe de tout. Le 21 mars, à l’'équinoxe de printemps, le soleil entre en apparence au signe du bélier, où Mars a son domicile zodiacal ; et comme dés ce mo- ment le soleil est décidément vainqueur des ténèbres, comme les jours croissent, vous apercevez, d’après cette donnée astronomique, comment le mythe a été formulé. Theutatés était la réunion de Mercure et de Mars , et c’est à cette ter- rible divinité que les druides immolaient des victimes humaines. Mais les Romains, qui avaient intérêt à signaler les Gaulois comme des barbares, ne disaient pas que ces viclimes élaient presque toujours des scélérais voués au dernier supplice et rarement des prisonniers de guerre. d 1 ré A e. 5. 4 { 4 Mars .. . : 686 u . 800 42 \” me) e t. 500 * 1693 © 6 Mercures . 328 Ÿ 1693. HS FRET 1 ERP ANAENS 44 Léponat S0D POP PAPE (HMBEERE 8 s . 200 Jules César, qui s’est faitune si haute réputation de clémence parmi les Romains, parce que sa politique y était intéressée, était-il donc moins barbare que les Gaulois, lorsqu'il faisait couper le bras droit à tous les guerriers qui avaient héroïquement défendu la ville de .….(1)}, violant ainsi , à la face du ciel, la capitulation qu’il venait d'accorder à ces braves ? 4. Quelle signification religieuse peut avoir l'allée couverte ou roche aux fées, édifice gaulois au village de Bayeux, arrondissement de Saumur ? Le mot Bayeux réalise le nombre 908. Et comme les druidesses ou les fées auxquelles était réservé le mi- Savoir 14 Soleil 365 nistéredela divination, l’exerçaient (2) 4/2 Mars 345 908 ?S0us ces allées couvertes, lenombre 1/4 de la lune ou 1 Merc. 88 908 réalise aussi 2 périodes lunai- 1/2 Vén. 112 TES ee ee De 708 4Merc.ou1/4delalune ss 908. U/ AiNénuSs ac sos) 4 412 4 (1) Le nom de cette ville m'échappe : il est cité par Laurean , Ækstoire de France avant Clovis. 2 vol. in-42. (2) Dans l'ouvrage que je vais publier de l'interprétation de toutes les figures symboliques sculptées sur les temples égyptiens , je montrerai que Thotk, ou Mercure, dont le nombre sacré réalise 88, n’est représenté ayec'le croissant de la lune sur sa tête que par l'affinité de son nombre périodique avec le 1/4 de la lune , remarque qui a échappé à M. Champollion le jeune. 34. 532 MÉMOIRES Ce monument était donc consacré” à ces cinq astres, Bayeux leur a emprunté son nom. Le mot fée, fées est essentiellement celtique. Le nombre ya nous en ré- véler la base de formation. et le village de 1 A ATOME 500 1 Vénus +, ET ÉN 10} 515 12 SAUT 119 (515. e muet . .. 5 1/2 lune. 171 ) Fées donne 713. Savoir 2 Vénus 448) 1/2 lune. . . . 177} C) P'RA RSC 88 s. Lichaven. — Ce sont des pierres groupées deux à deux à des distances peu considérables; un troisième rocher, posé horizontalement, relie à leur sommet les pierres debout. : Lichaven donne 1006. Savoir 1/16 de Saturne 671 1/32 3355 Voici, Messieurs, une affinité bien remarquable entre les mythologies indienne et druidique. Saturne chez les deux peuples présidait aux portes. 6. À quelles divinités nos aïeux avaient-ils élevé, sur les limites des Leuci, habitants du Barrois, le men-hir qui, àtravers les siècles, a conservé son nom de haute borne? Le nombre va répondre. HE 8: | 1006. A] oO ge 1 1541. edf 1/8 de Jupiter 2 Soleils 15 id. 19 RTE 1/16 r rude OH1OT SIM: 19 La rénuion des deux plusgrandsastres du ciel constitue le Dieu suprême. Comme la Gaule était composée d'États fédératifs, la haute borne, con- sacrée au Dieu suprême, était la limite de deux peuples. 7. Qu'était-ce que les Galgals? Les Galgals, cônes en pierre, étaient des monuments de sépulture civile ordinaire, ainsi que le nombre l'indique. 9, 1 50 | 3) 268 | 1 30 200 Qu'était-ce que les Barrow? Les Barrow sont des tumulus en terre recouvrant des guerriers morts sur le champ de bataille. En voici la preuve. 994 44% 4 Vénus. . . : 926$ 12 Mercure. 268. D pe = 9 V9 Bsnaut. 2 PRE NS PETE 2 4 Mars 686 LARGE So ph 0 4174 3 Mercures . 264? 1174. Lois Ac NEO) DE = 4 Vénus 9224 (T4 PANNE 70 W 800 / DE LA HUITIÈME SECTION. D35 Pierre tournante. La pierre de La Peularde, près Beaugency, tourne, dit-on, à minuit précis, le jour de Noël avec une extrême vitesse. La Peularde réalise le nombre 1056; savoir 12 périodes de Mercure. Les points des équinoxes et des solstices ont été pour les premiers peuples civilisés de très-grandes fêtes. Le mouvement d’excessive rotation de cette pierre druidique symbolisait l’excessive vitesse de la planète de Mercure, qui parcourt 633 lieues par minute (281 myriam. 5 kilom. 505 mètres.) ANNE Py. 80 e . 5 À $ sea 1036 . . . 12 périodes de Mercure. a". 1 j ; male 100 d . 4 tes > LES PIERRES DE CARNAC ET D’ARDEVEN. L'idée sainte des Druides, comme celle des Indiens, comme celle des Chaldéens , comme celle des habitants de l'antique Jîrân , était que Dieu est un, infini, et souverainement bon. Voilà la croyance premiére de l’homme qui n’a pas oublié son origine. Dans l'Inde, comme dans les Gaules , les forêts sont les temples où s’assemble le peuple. L’alphabet des deux langues offre des identités remarquables. Moïse dit positivement que les premiers monuments érigés par l’homme à Dieu sont des pierres que le fer n’a point touchées. Dans les Gaules, le gouvernement était essen- tiellement théocratique, comme dans l'Inde, comme en Egypte. Chaque commune y avait sa pierre consacrée, comme aujourd'hui chaque paroisse a son clocher, et le nom primitif de la commune était formé des mêmes éléments qui composaient le nom de la pierre consacrée. Aïnsi, dans le département de l'Oise, la pierre de Borretz donne son nom à la commune ; et Mercure, d’abord invoqué quinze fois, est la divinité tutélaire à la- quelle cette pierre a été dédiée. En effet, Borretz réalise le nombre 1319, c’est-à-dire quinze périodes précises de Mercure, car 87i 25h 14: 33! X15 — 1519: 10h 37' 15’. Cette grande borne est le grand hermés de la forêt de Retz, et, par une heureuse combinaison, le même nombre couvre l’idée du soleil 3 fois grand . . . . . . .. 1095 1519 ete Vénus.rs 2e se soie et nie ei 202 ï Dans le département de l'Indre, la commune de Lachätre (L’Anglin) posséde une pierre druidique élevée par nos pères à la lune de Mars. | OR RTE ET) ‘ E COR LES 4. AVE 50 1e { 1 Lune 354. EE 40 DT SN) 4 Mars 686. het ot 100 Cknéotote b) D54 MÉMOIRES La commune de Parnac, dans le même arrondissement , a également sa pierre druidique. À quelle divinité avait-elle été consacrée ? Le nombre ya répondre. BEL. AD CNAEUNSE 1 raudenr 2.750 DODOIAUGE ni fs AD TRE dote. 1 . COS 20 4 périodes de Mercure. Mercure exécute 4 révolutions autour du soleil en 552 jours; elles sont symbolisées par les 4 ailes qu’il porte à son pétase et à ses talonnières, de sorte que ses deux périodes boréales ou supé- rieures et ses deux périodes australes ou inférieures, où infernales, se trouvent parfaitement indiquées; et c’est en raison de ces deux périodes inférieures que Mercure a été mythiquement considéré comme divinité infernale. \ Dans le même département , la commune de Liniez a conservé sa pierre druidique. Le nombre 112 qu'elle réalise étant une 1/2 PEAR de Vénus, montre qu’elle avait été dédiée à cette planète. Les villes, centres de plus grande population , avaient aussi leurs pierres levées : ainsi Poicttiers, dont voici la véritable dénomination celtique, avait pour divinité tutélaire le soleil. Et pourquoi sa pierre levée étonne- t-elle encore par sa masse ? Parce qu’elle était consacrée au roi des astres. Poicttiers réalise le nombre 1095, le soleil 5 fois grand. 565 X 3 — 1095. Mais où trouverons-nous, Messieurs, le grand temple de nos péres ? Suivez-moi à Carnac, comptez les dix nefs parallèles formées par onze lignes de monolithes , colonnes sacrées que le fer n’a point touchées, s’ali- gnant avec les pierres d'Ardeven sur une étendue de plusieurs milles, avec le ciel pour voûte , et dites-moi si jamais sur la terre l’homme a rendu à l'Être suprême un hommage empreint de plus de grandeur ? Vous savez, Messieurs, que Carnac étaitan des quartiers de Thébes, capitale de la Haute-Ëg gypte, et cette aflinité positive établit d'une ma- niére incontestable les rapports des Gaulois et des Égyptiens, par suite des deux invasions des pasteurs et de Cambyse. Chaque commune de la Gaule avait donc particuliérement sa pierre consacrée, et Carnac était ainsi l’architemple de nos pères. Le nombre immense des monolithes qu’il rassemble fait naître en moi cette pensée que les pierres consacrées de chaque commune gauloise s'y trouvaient numériquement reproduites , de sorte que chaque partie du territoire na- tional, représenté par son monolithe sacré, l'était encore moralement par les députés de la nation au moment de la réunion des États-généraux. Ainsi c'était là le corps de la nation gauloise, et cette idée politique, conçue par la théocratie , trouvait encore sa symbolisation dans la forme de ce temple gigantesque dont les trois parties reproduisaient la division territoriale en Belgique , Celtique et Aquitanique, L'hémicycle qui occupe une des extrémités des lignes d’Ardeven était le sanctuaire ou la tétedi- rigeant le corps. Ardeven était la partie consacrée à la noblesse aux grands jours de la représentation nationale. C'était le cœur, et la preuve, la voici: Ardeyen couvreayec précision l’idée de noblesse par son nombre sacré. DE LA HUITIÈME SECTION. 535 n : 50 | A 1 0 . 70 D È x : 18 100 1 50 4 Soleil . .. 365 [5 be 4 ë à 8 565 Le Vénus . . 112 565