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Il s'agissait de la xvn® Session; la xvi° devait s'ouvrir à Nancy, aux termes d’un arrêté précédent. Une révolution survint, et la situation politique de la France ne permit pas d'organiser le Congrès de 1848. On se demanda alors si la xvi° Session se tiendrait à Rennes ou à Nancy. C’est seulement au commencement de l'année 1849 que la question se trouva nettement décidée en faveur de la ville de Rennes. M. de Caumont, fondateur des Con- grès , se rendit près de nous, et la Commission d'’or- ganisation tint, le 25 mars, sa première séance, dans une des salles de l’'Hôtel-de-Ville. Une lettre de M. Barthélemy fit connaître qu'il se trouvait, à raison de ses fonctions publiques, dans l'impossibilité ‘de prendre part aux travaux du Secrétariat. Cette im- possibilité n’était que trop bien justifiée. M. Tarot, à la prière de M. de Caumont et des deux Secré- taires-généraux présents, voulut bien accepter la charge vacante. MM. Langlois et Delabigne-Ville- neuve furent nommés , l’un Trésorier-général,, l’autre Archiviste-Bibliothécaire. La Commission s’oceupa ensuite du réglement de la Session et de la nomina- tion des Secrétaires particuliers. Dès les premiers il NOTICE PRÉLIMINAIRE. jours d'avril, les matériaux du programme se trou- vaient réunis, et le programme fut presque aussitôt composé. Quelques circonstances en retardèrent l'im- pression et la distribution, mais on ne saurait voir - dans ce retard la cause du peu d’adhésions qui par- vinrent au Secrétariat. La correspondance nous a fait connaître que cette cause était due à la situation po- litique du pays, à la crainte de nouveaux désordres , à l'extension de l'épidémie cholérique en France, à son existence dans la ville de Rennes. Plus tard, la convocation des Conseils généraux pour la ‘fin du mois d'août a privé aussi le Congrès d’adhésions qui paraissaient assurées. En reconnaissant que la xvi° ‘ Session, comparée aux sessions précédentes, offre une diminution très-considérable dans le nombre des adhérents, nous dirons que le département d'Ille-et- Vilaine a fourni un contingent assez notable. Il n’y avait pas lieu de croire que l'absence de beaucoup de personnes, ordinairement assidues aux Congrès, se- rait compensée en quelque sorte par la présence des nombreux magistrats, avocats et professeurs que possède la ville de Rennes; l'époque des vacances prive toujours Rennes de la plupart de ses hommes studieux, et aussi d’un grand nombre d'hommes riches, qui s'intéressent aux progrès des sciences et des arts; la diminution de la population y devient alors très-sensible. Sous le rapport du travail, le Congrès de Rennes a eu de l'importance, et il sera, nous l’espérons, bien noté dans la série des Congrès scientifiques. Ajoutons qu’il en a rétabli le cours. L'administration municipale, malgré les grandes dépenses que les NOTICE PRÉLIMINAIRE. II malheurs du temps lui imposent, a fait, pour assurer le succès de la xvi° Session du Congrès, tout ce qu’il était convenable de faire; elle avait bien droit aux remerciments qui lui ont été sincèrement adressés. Les Secrétaires-généraux , LE GaLz, A. DE BLois, TAROT. ARRÊTÉ PRIS AU CONGRÈS DE TOURS, Le AA Septembre 4841, POUR LA TENUE DE LA XVWEI SESSION, A RENNES. ART. 4%. — La xvir Session du Congrès scienti- fique de France se tiendra à Rennes en 1849; elle s'ouvrira du 4°* au 40 septembre et durera dix jours au moins, comme les années précédentes. ART. 2. — Le Congrès sera divisé en six sections, qui porteront les mêmes dénominations que par le passé, savoir : Sciences naturelles ; Agriculture, Industrie et Commerce ; Sciences médicales ; Archéologie et Histoire ; Littérature et Beaux-Arts; Sciences physiques et Mathématiques. IV NOTICE PRÉLIMINAIRE. Sous aucun prétexte, il ne pourra être apporté de changement à ces dénominations. Art. 3. — MM. Le Gall, Conseiller à la Cour de Rennes, Aymor de Blois, Présilent de la classe d'Archéologie de l'Association Eretonne, Barthé- lemy, Secrétaire-général de la préfecture des Côtes- du-Nord et Inspecteur divisionnaire des monuments à Saint-Brieuc, sont chargés de remplir les fonctions de Secrétaires-généraux de la xvn Session. Ils nom- meront le Trésorier, désigneront les Secrétaires par- ticuliers des sections et constitueront les Commis- sions qui prépareront le Congrès de 1849. ART. 4. — La convocation sera faite au moyen d'une circulaire adressée aux savants de la France, aux savants étrangers et à toutes les per$onnes qui ont assisté aux précédents Congrès. MM. les Secré- taires-généraux des Sessions précédentes sont priés d'aider MM. les Secrétaires de la xvn° Session dans la distribution de cette circulaire, qui devra, ainsi que le programme des questions mises à l'étude, être distribuée six mois avant l'ouverture de la Ses- sion. Arrêté en séance générale, le 14 septembre 1847. Signé : BALLY, Président du Congrès. Le baron ANGELLIER, \ P.-M. ROUX, Cn. RICHELET, Vice-Présid. À. DE ( AUMONT, N. CHAMPOISEAU, - Cx. pe SOURDEVAL, RARE TE LAMBRON ne LIGNIM, 1 . VIOT PRUD'HOMME, Trésorier-général. CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. XVI° SESSION. CIRCULAIRE DES SECRÉTAIRES-GÉNÉRAUX. MONSIEUR , Un an s’est écoulé sans session du Congrès scientifique. La France venait d’éprouver une révolution et s’appliquait à fonder un nouvel ordre de choses; les questions consti- tutionnelles, les fait politiques occupaient tous les esprits. Mais les amis des sciences et des arts ne s’isolaient que mo- mentanément; ils ne voulaient pas rompre les utiles liai- SOns qui s’étaient formées entre eux; ils entendaient mainte- nir une association qui compte déjà quinze ans d’existence et qui contribue puissamment à l’avancement des connais- 2 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. sances humaines, au progrès de la civilisation. La Session de 1849 aura lieu ; elle sera la xvr Session , au lieu d’être la xvir°. Au node septembre 1843, le Congrès scientifique, qui siégeait dans l’ancienne capitale de l’Anjou, crut devoir visiter la grande , belle et riche ville de Nantes. Deux séan- ces générales y furent tenues; dans l’une d’elles, le droit de la Bretagne à une Session du Congrès fut noblement ex- posé. Quatre ans après, la ville de Rennes était désignée pour être le siége de l’assemblée en 1849. Les Bretons, dans l’échange de communications qui se prépare, sauront apporter un contingent de quelque valeur; ils ont sérieuse- ment, solidement étudié tout ce qui concerne leur pays, ei celui-ci, sous plusieurs rapports, méritait d’être l’objet d’une profonde étude. La ville de Rennes a toujours été une des villes les plus importantes de la Bretagne ; elle était depuis long-temps, lorsque la révolution de 1789 survint, le lieu de réunion des États de la province et le siége du Parlement. Elle est aujourd’hui le chef-lieu de la quinzième division militaire et le siége d’une Cour d'appel, dont de ressort comprend cinq départements. Elle est aussi chef-lieu d’Académie et possède une Faculté de droit, une Faculté des sciences, une Faculté des lettres, une École préparatoire de méde- cine et de pharmacie , une École d'agriculture , une École de peinture, sculpture et dessin. Plusieurs autres établis- sements y existent, notamment une Direction d’artillerie et un Arsenal de construction. Son évêché s’est accru par la suppression des évêchés de Dol et de Saint-Malo. Rennes n’est plus cette ville que Marbode, dans une sa- tire, pouvait dénoncer comme privée de la lumière du soleil. C'est, en très-grande partie, une ville fort régulière , à lar- ges rues munies de trottoirs , à vastes places, à quais d’une grande beauté. Parmi les monuments qui la décorent, on remarque surtout le Palais de justice , dont l'architecture . estbien sévère, mais dont les salles principales sont ornées de belles dorures, de légères arabesques et de bons ta- SEIZIÈME SESSION. 3 bieaux; l’'Hôtel-de-Ville , bâtiment d'une grande élégance, construit sur les dessins de Gabriel; le portail et les tours de l’ancienne Cathédrale: le Quartier de l'artillerie, caserne spacieuse, bien distribuée et peut-être sans égale en France. Un édifice de bon goût , digne d’une ville d'étude, s’élève en ce moment ; il est destiné aux {rois Facultés et à l’École de médecine; il recevra en outre le Musée des beaux-arts et le Musée d'histoire naturelle. La Bibliothèque publique de Rénnes contient près de : 40,000 volumes et beaucoup de manuscrits. On y trouve, pour chaque science, les ouvrages les plus importants. Le Jardin des plantes, qui est d’une assez grande étendue, s’unit avantageusement à la belle promenade du Thabor. Il vient de recevoir une amélioration bien notable : les vé- gétaux s’y trouvent maintenant distribués dans l’ordre adopté depuis quelques années pour le Jardin des plantes de Paris. et l’École de botanique voit aussi près d’elle une École d’horticulture. On a constaté l'existence , à Rennes, de quelques restes de la cité gallo-romaine qui portait le nom de Condate et qui dut à ses murailles de briques le surnom de ville rouge, urbs rubra. La recherche des voies romaines qui venaient y aboutir n’a pas été négligée et n’a pas été vaine: quel- ques faits intéressants se trouvent maintenant acquis. La rivière la Vilaine, qui traverse la ville, était déjà naviga- ble, au moyen d’écluses, sous le règne de François Er. En creusant , il y a peu d'années, le lit de cette rivière, on a trouvé peu loin de la vieille enceinte, dans un espace assez restreint, et à quelques mètres de profondeur, une immense quantité de pièces romaines et divers objets romains. La cause de cette agglomération bien étonnante n'est encore que soupçonnée. Les pièces recueillies embrassent une pé- riode de plusieurs siècles et présentent des particularités intéressantes pour la science numismatique. Les amis de l’antiquité, qui voudront explorer le dépar- tement d’Ille-et-Vilaine , trouveront beaucoup d’objets di- gnes de leur attention. Mentionnons ici la pierre du Champ- 4 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Dolent, obélisque brut de granit d’environ treize mètres; la galerie couverte dite la Roche-aux-Fées; les châteaux de Fougères et de Vitré; la tour Solidor, qui domine le lieu où fut la cité d’Aleth; la chapelle gallo-romaine de Sainte-Agathe, en Langon; l’ancienne cathédrale de Dal, que le Gouvernement faitresiaurer. L'illustre écrivain dont Saint-Malo possède la dépouille mortelle a décrit le château très-remarquable de Combourg , où jeune il demeurait avec es parents. Sa mémoire sera pour ce vieux château-fort ce que la mémoire de madame de Sévigné est pour la grà- cieuse habitation des Rochers, une cause de recomman- -dation, de célébrité. La mystérieuse forêt de Brécilien ou Brocéliande a perdu son nom et une partie de son étendue, mais elle offre encore des sites très-curieux, et les tradi- tions qui lui valaient jadis une mention dans les romans, dans les fabliaux, ne sont pas tout-à-fait éteintes chez les populations du voisinage. Une idée de merveille reste at- tachée à la fontaine de Barenton ou Ballenton. Le sol du département d’Ille-et-Vilaine présente quelques- ‘unes de ces formations qui invitent les géologues et les mi- néralogistes à des recherches attentives. Près de Rennes même se trouvent deux dépôts calcaires forts différents, avec une ancienne mine , dont a été extraite , en quantité, une blende à la fois remarquable par sa structure fibreuse et par sa richesse en argent. On doit à quelques recherches récentes faites dans le département des observations plei- nes d'intérêt sur certains fossiles, notamment sur les trilo- bites et les bilobites. La flore d’Ille-et-Vilaine est encore à faire, mais presque tous les matériaux nécessaires pour la composer sontréunis dans l’herbier départemental, laissé par l’auteur de l’Essai sur les carex de France, qui, de _ 1807 à 1840, professa avec succès la botanique à Rennes ei fit bien comprendre à ses élèves l’importance de l’herbo- risation. Un territoire, dont le sol est accidenté, diverse- ment composé, bien arrosé et même marécageux sur cer- tains points, ne promet pas en vain une végétation variée, surtout lorsqu'il est en partie bordé par la mer; ilne man- CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. 5 que pas aussi de révéler quelques faits relatifs à la distri- bution naturelle des végétaux. L’art agricole s’est développé ici d’une manière satisfai- sante. Dès le milieu du siècle dernier , une société d’agri- culture se fondait à Rennes sous la protection des États de Bretagne, et s’'empressait de publier d’utiles enseigne- ments, qui ne restèrent pas sans application ; mais il y avait bien des obstacles à vaincre et les temps difficiles arrivèrent. Au rétablissement de la paix, en 1816, l’insti- tution tout-à-fait neuve des comices de Plesder suscita de rechef l'élan agricole, qui devint assez vif après la forma- tion d’une société départementale et la création d’une ferme-modèle. Le précepte qu’il faut avant tout améliorer les terres cultivées a été généralement suivi. Cependant quelques défrichements ont été opérés avec avantage, et les essais faits pour mettre sous bois les landes arides n’ont pas élé malheureux. Au nord du département, un très- vaste terrain , jadis envahi par la mer , enfin reconquis sur elle, et travaillé aujourd’hui avec intelligence , fournit d’admirables récoltes, étonne par son haut degré de ferti- lité. En certaines parties du littoral, le vieil assolement a été considérablement modifié par l'introduction de deux plantes commerciales , le tabac et le colza. Au centre du département, l'augmentation du troupeau, conséquence de la vente avantageuse du beurre, a fait recourir à Ja ressource des prairies artificielles, bien que les prairies naturelles y fussent nombreuses et très-bonnes. C’est près de Rennes que se trouve la belle et riche terre de la Pré- valaye, dont le nom sert à désigner un beurre fin juste- ment recherché. La vigne s'est maintenue au point le plus méridional du département ; sur tous les autres points, elle a depuis très-long-temps cédé sa place au pommier, qui s’accommode parfaitement de la température du pays. Un autre arbre fruitier, le châtaignier greffé, est maïnte- nant très-multiplié dans certains cantons; son produit forme une branche d’exportation assez importante. La pêche a été nommée l’agriculture de la mer ; elle a me 2 < 6 SEIZIÈME SESSION. ici un riche domaine parfaitement exploité, la baie de Can- cale. Dans une assez grande partie du département, l’in- dustrie manufacturière s’est depuis long-temps alliée à l'industrie agricole ; le cultivateur, pendant la morte sai- son , transforme en toile le chanvre ou le lin qu’il a récolté. Rennes fournit à la marine des toiles à voile fort estimées. Nos principales forêts ont des usines consacrées au travail du fer. Sur les bords de nos cours d’eau se trouvent de nombreuses tanneries. Des travaux remarquables ont été exécutés pour l’éta- blissement du canal d’Ille-et-Rance , surlout au point de pariage. Ce canal, qui réunit la Rance à la Vilaine, est un moyen de communication entre la Manche et l'Océan , ce qui dénote assez son importance. Le commerce mari- time possédera bientôt dans le département deux magnifi- ques bassins à flot, l'un à Saint-Malo, l’autre à Redon. La pari des beaux-arts, dans le Congrès, ne sera pas sans importance. Une exposition régionale de peinture, seulpture, gravure et dessin, aura lieu à Rennes, pendant la Session. La ville possède d’ailleurs une riche collection de tableaux. Dans cette collection et dans les collections particulières, se voient quelques œuvres des grands mai- tres et quelques peintures curieuses par leur ancienneté. Les plafonds du Palais offrent des toiles que recommandent les noms de Jouvenet, Coypel, Ferdinand. Une grande exposition d’horticulture permettra d’étu- dier, fera. connaître la puissante action de l’homme sur le développement des végétaux. S'il ne peut créer des espèces, il crée d’admirables variétés. En vous adressant, Monsieur , le programme des ques- tions qui seroni traitées dans la xvi° Session du Congrès, nous aimons à compter sur voire adhésion , nous espérons qu’il vous sera possible de prendre part aux travaux. Il importe beaucoup que notre appel à l'esprit scientifique soit favorablement accueilli; une réunion nombreuse sera comme un dédommagement de l'interruption éprouvée-et pourra la faire oublier. CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. | Veuillez agréer, Monsieur, l’assurance de notre par- faite considération. Les Secrétaires généraux de la xvr° Session, LE GaLL, A. DE BLois, Tarot. La Session s'ouvrira le samedi, 1° septembre, à midi: elle durera dix jours. ù Pendant sa durée, des excursions scientifiques se feront aux environs de Rennes. Deux expositions auront lieu , l’une de peinture, sculp- ture, gravure et dessin, l’autre d’horticulture. Une fête agricole sera donnée par la Société d’agrieul- ture et d'industrie du département d’Ille-et-Vilaine. Elle comprendra une distribution d’araires Dombasle, un con- cours de bestiaux , un concours de labourage , et se ter- minera par une distribution solennellede primeset de prix. Des instruments aratoires perfectionnés et des produits agricoles seront exposés à la ferme-modèle des Trois- Croix. Pour faciliter les relations entre les membres du Con- grès, des salons leur seront ouverts chaque soir. Une Commission s’occupera de la réception des mem- bres étrangers et de tout ce qui pourra contribuer à l’agré- menti de leur séjour. . DISPOSITIONS RÉGLEMENTAIRES arrêtées par la Commission d'organisation de la # seizième Session. ART. 4%, — La xvi* Session du Congrès scientifique de . France s'ouvrira à Renhes, le 4% septembre 4849, à midi, daps la grande salle de l'Hôtel-de-Ville, 8 SEIZIÈME SESSION. ART. 2. — Tous ceux qui s'intéressent au progrès des sciences , des lettres et des arts, et plus spécialement les personnes qui ont déjà fait partie du Congrès scientifique dans les Sessions précédentes , sont invitées à s’associer aux travaux de la xvi° Session. ART. 3. — Les Académies et les Sociétés savantes de France sont priées de communiquer, au Congrès, la statis- que de leurs travaux, et de s’y faire représenter par un ou plusieurs de leurs membres. ART. 4. — La durée de la Session sera de dix jours. ART. 5. — Les travaux du Congrès seront répartis en six Sections : 1°, Sciences naturelles. — 2, Agriculture , In- dustrie , Commerce. — 3°, Sciences médicales. — 4°, His- toire et Archéologie. — 5e, Littérature et Beaux-Arts. — 6°, Sciences physiques et mathématiques. Cette dernière Section pourra être réunieà la première. ART. 6.— À l'ouverture de la première Séance, on nom- mera le Président et les quatre Vice-Présidents du Con- grès, qui, avec les Secrétaires généraux et le Trésorier, formeront le bureau central.” Chaque Secrétaire inscrira, dans sa Section , tous ceux qui désireront en faire partie. On pourra se faire inscrire dans plusieurs sections à la fois. -ART. 7. — Chaque Section, le lendemain de l'ouverture du Congrès, nommera son Président, deux ou trois Vice- Présidents, et au besoin un ou deux Secrétaires-Adjoints. ART. 8. — Les sections s’assembleront chaque jour. Elles fixeront , à la première réunion , la durée de leurs séances. Elles pourront, dans l'intérêt de leurs travaux, se distribuer en Sous-Sections. L'ordre d'ouverture des Séan- ces des Sections sera indiquée sur une carte particulière qui sera remise à chaque Membre du Congrès. Arr. 9. — Chaque jour, à trois «heures précises après midi, il y aura Assemblée générale de toutes les sections. Un des Secrétaires généraux lira le procès-verbal de la Séance de la veille ; les Secrétaires des Sections donneront lecture des procès-verbaux des séances particulières tenues GONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. ( dans la matinée. La lecture des procès-verbaux des Sous- Sections aura lieu dans les Sections dont elles dépendent. La Séance de l’Assemblée générale sera ensuite consacrée à des lectures de Mémoires et à des communications ver- bales. Arr. 10.— Nul ne pourra prendre la parole à une Séance, sans l'autorisation du Président. Art. 44. — Aucune délibération ne sera prise, soit dans les Sections, soit dans les Séances générales, si le tiers des membres inscrits n’est pas présent. ART. 12. — Touie discussion sur la religion et la politi- que est formellement interdite. ART. 43. — Aucun travail ne sera lu en Séance générale qu'après avoir été approuvé par la Section à laquelle il ap- partiendra. ART. 144. — Les savants et les littérateurs étrangers pourront lire des Mémoires et discuter au besoin en d’au- tres langues que la langue française. ART. 45. — Les Membres ont, outre le droit de commu- niquer des travaux, celui de présenter des questions autres que celles du Programme ; mais ces questions devront être préalablement déposées sur le bureau en Séance générale. Elles seront examinées le soir même par la Commission permanente , qui jugera si elles peuvent être admises. Le résultat de la délibération sera communiqué le lendemain aux Sections compétentes. ART. 16. — La Commission permanente est composée des Membres du Bureau central et des Présidents des Sections. ART. 47. — Des excursions scientifiques pourront avoir lieu pendant et après la tenue du Congrès. Art. 18. — Seront Membres du Congrès, les personnes qui, ayant accepté l'invitation qui leur aura été faite, au- ront versé entre les mains du Trésorier la somme de dir francs , pour servir à acquitter les frais de la tenue du Con- grès et à l’impression du Comple-Rendu des travaux de la Session. 10 SEIZIÈME SESSION. ART. 49. — Chaque Membre du Congrès aura droit à un exemplaire du Compte-Rendu, qui sera publié par les soins des Secrétaires généraux et des Secrétaires des Sections. ART. 20. — Les personnes empêchées de se rendre au Congrès pourront, de même que celles qui y assisteront, présenter des Mémoires sur les diverses questions contenues dans le Programme , ou sur tout autre sujet relatif aux tra. vaux des Sections, sauf, dans ce dernier cas, à se confor- mer à l’art. 45. ART. 21. — Avant de se séparer, le Congrès fixera la date et le lieu de la xvrre Session. ._ ART. 22. — Toute difficulté non prévue par les présentes dispositions sera soumise à la Commission permanente. ART. 23. — Chaque membre du Congrès sera tenu de signer le présent Réglement, en retirant sa carte d'entrée. AIDNENIESFTRANEON. SECRÉTAIRES GÉNÉRAUX. MM. LE GALL, Conseiller à la Cour d’appel de Rennes, Président de la Société archéologique d’Ille-et- Vilaine, Secrétaire dela Société d'agriculture, Mem- _ bre de la Société dessciences etarts, ancien Député. AYMAR DE BLOIS , Président de la Classe d’ar- chéologie de l'Association bretonne, Présidentde la Société archéologique du Finistère, ancien Magis- trat. TAROT %, Conseiller à la Cour d'appel, Membre du Conseil d'arrondissement et du Conseil muni- cipal de Rennes. 7 TRÉSORIER. M. Cx. LANGLOIS, Architecte, Inspecteur de la Société française pour le département d'Ille-et-Vilaine, CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. i1 - Trésorier de la Sociéte archéologique du mème dé- partement. ARCHIVISTE-BIBLIOTHÉCAIRE. M. E. DELABIGNE-VILLENEUVE, Orientaliste, Mem- MM. MM. bre de laæ Société archéologique d’Ille-et-Vilaine, Bibliothécaire-adjoint à la bibliothèque PUB de Rennes. SECRÉTAIRES DES SECTIONS. Première Section. MORRED *#, Doyen de la Faculté des sciences , Professeur de physique. MALAGUTTI *, Professeur de chimie à la Faculté des sciences. Deuxième Section. LJ Amaury DRÉO, Négociant , Président de la Société d'agriculture et d'industrie du département d’Ille- et-Vilaine. HARDOUIN, Propriétaire, Membre du Conseil gé- MM. MM. néral d’Ille-et-Vilaine. Troisième Section. J. AUSSANT, Docteur-Médecin, Professeur à l'Ecole de médecine de Rennes. TOULMOUCBE, Docteur-Médecin, pre -Ad- joint à l'Ecole de médecine de Rennes, Membre de plusieurs Sociétés savantes. Quatrième Section. Arrren RAMÉ, avocat, Correspondant du Comité des arts et monuments. DE LA BORDERIE , avocat, Membre de la Société archéologique d’Ille-et-Vilaime. 42 SEIZIÈME SESSION. Cinquième Section. MM. TASLÉ x, Conseiller à la Cour d'appel, Membre de la Société archéologique d’Ille-et-Vilaine. _ BOULLÉ, Architecte de la ville de Rennes, Membre de la Société archéologique. Sixième Section. MM. MORREN x, Doyen de la Faculté des sciences, . Académie de Rennes. MALLAGUTTI ÿ£, Professeur à la Faculté des scien- ces, même Académie. SEIZIÈME SESSION. 13 QUESTIONS PROPOSÉES POUR CHACUNE DES SECTIONS. > — PRENIÈRE SEGELON. Saencs naturelles. 1. Est-il possible de déterminer si la masse d’eau qui couvre la plus grande partie du globe augmente ou diminue? 2. L'exhaussement du lit de la rivière la Vilaine a-t-il eu lieu dans des proportions appréciables depuis l'occupation romaine et pendant le moyen-âge? Doit-on lui attribuer l’'inondation assez fréquente des terrains qui bordent la ri- vière ? 3. Etablir d’une manière plus rigoureuse qu’on ne l'a fait jusqu'ici les rapports et les différences que présentent les dépôts tertiaires qui existent en Bretagne et dans la “ii occidentale. 4. Quels sont, en Bretagne, les faits de prouvent l’in- in de la nature géologique du sol sur la distribution géographique des plantes ? 5. Quelques-unes des plantes appartenant spécialement . aux terrains calcaires, se montrent-elles sur les terrains schisteux où granitiques depuis long-temps amendés par Ja chaux? 6. La position de la Bretagne à l’ouest de la France donne-t-eile à la flore de cette province un caractère par- ticulier? En d’autres termes , la Bretagne produit-elle un nombre notable de plantes exclusivement occidentales ? 7. Existe-t-il une différence bien sensible entre la végé- TRUE 5 3 4% CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. tation du littoral nord de la Bretagne et celle du littoral sud ? Si la différence existe, quelle en est la cause ? . 8. Présenter les catalogües des plantes qui croissent dans les prairies des diverses contrées, en tenant compte des proportions réuves de chaque espèce dans la compo- sition des fourrages. 9. À quoi peut-on attribuer les différences que l'on re- marque dans la forme des œufs chez la plupart des familles d'oiseaux ? r 10. Quelles sont les modifications remarquables dans la forme du squelette des oiseaux, par rapport avec les genres de vols particuliers aux différentes espèces ? 41. La Bretagne fournit-elle à l’entomologie française quelques espèces rares ? 12. Les pins et sapins semés dans les îles qui n’en pos- sédaient pas sont attaqués, au bout de quelques années, par des insectes qui leur sont particuliers, insectes qui ne volent pas, où qui ne peuvent voler qu’à de petites distances, ou qui mème ne se trouvent pas dans la région continentale dont l'ile dépend. Ua pareil fait peut-il recevoir une expli- cation satisfaisante ? - DEVELÈLE SOCELON. Agruuliure, Indusine, Commerce. 4. Quelles améliorations l’agriculture de l’ouest a-t-elle réalisées depuis trente ans ? 2. Le bail à convenant, presque général en Basse-Bre- tagne, est-il un obstacle au progrès de l’agriculture? 3. Quel avantage a produit l'application de la chaux ou dela marne aux terres qui n’en contenaient pas? Quelles sont les qualités fertilisantes comparées des différentes es- pèces de chaux ou de marnes calcaires employées en Bre- SEIZIÈME SESSION. 45 tagne pour l'amendement des terres ? À quelle dose et de quelle manière les amendements calcaires y sont-ils em- ployés ? | 4. Quels sont les résultats incontestables de l'emploi du sel à l'amendement des terres ? 5. Quelles sont les causes qui s'opposent en Bretagne à la mise en valeur des terres vaines et vagues ? Des mesures législatives sont-elles désirables pour faciliter le partage de ces terres, lorsqu'elles sont possédées indivisément par des particuliers ? — Quel serait le meilleur parti à tirer des terres vaines et vagues appartenant aux communes ? 6. A-t-on appliqué, partout où elle était praticable, lir- rigation à l'amélioration des prairies ? Quels sont les tra- vaux récents les plus remarquables en ce genre ? 7. Quelles sont les qualités fertilisantes comparées des ruisseaux qui sortent des couches granitiques ou du grès quarizeux , qui coulent sur les schistes ou phyllades, ou sur d’autres terrains ? — La longueur du parcours des ri- vières est-elle en rapport avec la qualité fertilisante des eaux ? 8. Quels sont les grands travaux de reboisement à en- treprendre en Bretagne? — Indiquer les essences à pré- férer pour les différents terrains. 9. Serait-il important pour la Bretagne de substituer au -- _battage des grains pendant l'été le battage pendant l’hiver ? 10. Tire-t-on en Bretagne le meilleur parti du lait? Se- rait-1l avantageux d’y fabriquer du fromage? 11. Quelle influence la nature géologique du sol, et par suite la composition de la flore prairiale, paraît-elle exercer sur la qualité du beurre en Bretagne ? 12. Les prairies voisines de la mer et soumises à l’ac- üon des brouillards salins sont-elles plus favorables que les autres à l’engraissement des animaux ? 13. Faire connaître les meilleurs moyens à employer pour améliorer le cheval breton. — Que peut-on attendre des efforts que fait le Gouvernement pour obtenir en Bre- tagne des chevaux propres à la cavalerie ? 16 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. - 44. La Breiagne doit-elle conserver avec soin sa race bovine, ou songer à la modifier par l'introduction dans le pays des races suisse, anglaise ou autres ? 45. Quelle est pour la Bretagne la meilleure race ovine ? 16. Quelle esten Bretagne l'importance de la production du miel ? — L'éducation des abeilles s’y trouve-t-elle en progrès ? 17. La culture du mürier y prend-elle de l'extension ? — L'éducation du ver à soie, entreprise sur quelques points du littoral, promet-elle un résultat avantageux ? 18. Quel produit tire-t-on des étangs de l’ouest de la France ? Sont-ils suffisamment peuplés de poissons ? A-t-on “essayé dans le pays la multiplication du poisson par la fé- condation artificielle? — La nature des sols sur lesquels coulent les rivières exerce-t-elle une influence sur la mul- tiplication de certaines espèces de poissons d’eau douce ? 19. Jusqu’à quel point, dans un intérêt industriel, doit- on autoriser l'écoulement dans un cours d’eau public des eaux d’une usine qui seraient de nature à détruire le pois- son , à nuire à la végétation des terrains traversés ? 20. Quelle est en Bretagne l'importance de cHpepaton des denrées ? 21. Le moyen d'arrêter l’'émigration des populations ru- rales dans les villes ne consisierait-il pas dans une alliance de certains travaux industriels avec les travaux agricoles ? 22. Quelle est en Bretagne l’état de la fabrication des toiles dites rurales ? Cette fabrication est-elle bien impor- tante pour les populations qui s’y livrent ? Présente-t-elle des produits remarquables? Convient-il de provoquer cer- taines mesures en faveur de cette industrie ? 23. A quels moyens pourraient recourir les départements et les communes, pour procurer des travaux utiles aux ou- vriers que les suppressions opérées sur le budget de l'Etat laisseraient sans ouvrage ? è 94. Quelles ont été les premières canalisations en France ? Quels sont les résultats des canalisations opérées en Bretagne? $ + SEIZIÈME SESSION. 47 ‘93. De quelle application et de quelle utilité nn être en France les colonies PRES dans l’état actuel de notre agriculture ? 26. Quelle organisation paraît préférable pour les fermes- écoles à établir dans l’ouest de la France? Quel devrait être pour la Bretagne le nombre de ces fermes ? Celles qui existent dans cette ancienne province ont-elles puissam- ment contribué au progrès de l’agriculture ? 27. En Angleterre, des compagnies ont consacré des capitaux à l’amélioration du logement des personnes peu aisées, et ces capitaux ont rapporté en général un intérêt satisfaisant. Ne serait-il pas possible d’imiter ici cet exem- ple, et d'encourager au besoin l’amélioration dont il s’agit par des allocations aux budgets départementaux et muni- cipaux ? - 98. Faire connaître , en rappelant celles qui existaient déjà, les institutions fondées en France depuis 1789, dans l'intérêt des populations nécessiteuses, tant en vue de leur développement intellectuel et moral que pour l’améliora- tion de leur situation matérielle. Représenter les résultats obtenus. Serences médacales. 4. Quelle est la meilleure position topographique à choisir pour la construction d'un hôpital? Quelles sont les conditions hygiéniques que doit réunir sa construc- tion? Quelle est la distribution la plus convenable pour la facilité de tous les services ? 2. La canalisation des rivières dans l’intérieur des villes et l'ouverture de rues plus spacieuses ont-elles une influence marquée sur la santé et sur le chiffre de mortalité des habitants ? 3. Signaler l’état de la médecine et de la chirurgie en \ 48 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. France pendant le XIVe siècle et la première moitié du XVe. Rechercher et faire connaître les manuscrits mé- dicaux inédits se rapportant à ces époques. ‘4. Déterminer quelles sont les conditions nécessaires -pour qu’une maladie se transmette d’un corps malade à un corps sain, tant chez l’homme que chez les animaux. 5. Faire connaître et ressortir l'importance des études physiologiques pour les progrès de la philosophie et de la sociologie. 6. Indiquer les causes, tant générales que spéciales, de la génération des vers chez l’homme et chez les ani- maux; indiquer aussi quels sont les divers genres de ces. helminthes. * 7. Quelles sont les causes et les diverses formes de la scrophule? Quelles sont les conditions hygiéniques pro- pres à la prévenir, et quelle est la valeur des divers trai- teménts préconisés ? à 8. Peut-on, dans l’état actuel de la médecine, établir quelque chose de positif relativement à la curabilité de la phthisie? Quel mode de traitement offre le plus de chance de réussite ? 9. Quelle influence a exercée l’anatomie pathologique sur les progrès de la médecine et de la chirurgie? 40. Signaler les dangers résultant pour la santé de l’ha- bitation dans des pièces où chaque individu n’a pas une quantité suffisante d'air à respirer, et où cet air, faute de renouvellement, reste chargé d'humidité et d'émana- tions. Signaler aussi les dangers que courent les person- nes qui habitent des pièces où la lumière n’a pas un accès convenable. Examiner jusqu’à quel point et dans quelles circonstances l’administration pourrait, par des réglements de salubrité publique, remédier à ces inconvénients. 4. Que faudrait-il instituer pour mettre à exécution, au moins d'une manière équivalente, l’art. 77 du Code civil, qui prescrit à l'officier de l’état civil de ne délivrer l'autorisation d’inhumer qu'après s’être transporté auprès de la personne décédée ? SEIZIÈME SESSION. : 19 12. Quelles soni les causes qui s'opposent en France à V’établissement de salles mortuaires ? 413. L'art vélérinaire commence-t-il à triompher en Bre- tagne des préjugés et des erreurs ? Quelles mesures législa- tives pourraient être prises contre l’empirisme ? DSULEIRINES SECELOM Histour et Archéologie. 1. L'établissement des castes, dans l'antiquité, a-t-il éié nuisible ou favorable au développement de la civilisa- tion ? 2. Quelle part eurent l'industrie et le commerce dans le développement de la liberté chez les Grecs? 3. Examen et appréciation des travaux historiques de M. Lehuërou , et en particulier de sa théorie des origines féodales. 4. Quel a été en France le rôle du Tiers-État dans les guerres civiles et religieuses du XVI: siècle ? +5. Quelle a été l’importance de l'occupation romaine dans la péninsule armoricaine, comparativement au reste de la Gaule? Cette importance a-t-elle été la même dans toutes les parties de la péninsule ? 6. Exposer les principes de l’organisation sociale et poli- tique des anciens Bretons, d’après les monuments histo- riques et législatifs de la Bretagne galloise et de la Bretagne armoricaine. 7. Déterminer l’époque, le mode, le caractère véritable et les principales circonstances de l’émigration des Insu- laires sur le continent, et de leur établissement en Armo- rique. Assigner à l'élément religieux ou ecclésiastique son rôle et sa place dans ce double événement. 8. Quels ont été, depuis le règne de Clovis, sbtstéa milieu du X° siècle, les rapports des Bretons avec les di- 20 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. verses races germaniques (Franks, Normans, etc.) établies dans les Gaules ? 9. À quelle époque et à quelles causes peut-on rapporter l'extinction du servage de la glèbe dans l’ouest de la France, et particulièrement en Bretagne ? La liberté communale s’est-elle développée dans ce dernier pays d’après les mêmes causes et à la même époque que dans le rèste de la France? Et, spécialement, peut-on én rapporter l’origine au duc Conan-le-Gros, comme l’ont prétendu quelques historiens ? _ 40. Indiquer les caractères par lesquels la législation coutumière de la Bretagne se distingue de celle des autres anciennes provinces, et en particulier des provinces voi- sines. — Quelles origines peut-on assigner aux anciens usements de la Basse-Bretagne connus sous les noms de domaine congéable, de quevaise, de droit de motte, elc.? 41. Comment se sont formés les fiefs et les grandes sei- gneuries en Bretagne? Leur formation présente-t-elle des caractères différents de ceux que l’on remarque dans les autres régions de là France ? 12. Exposer les développements de la puissance ducale en Bretagne, depuis Alain Barbe-Torte jusqu'à l'époque de l’union à la France, en indiquant spécialement l'in- fluence exercée sur ces développements par les guerres civiles de la succession. Déterminer, durant la même pé- riode , le mode de formation des États ou Assemblées poli- tiques de la Bretagne, leurs rapports avec la puissance ducale, leur influence sur le gouvernement général du duché. | 43. Retracer les errements de la politique suivie par les rois de France à l’égard de la Bretagne, jusqu’à la fin du XVe siècle. } 44. Quels ont été, pour la Bretagne, les inconvénients et les avantages du contrat d’union entre elle et la France ? Quelles ont été, jusqu’en 1789, les relations de cette pro- vince avec le royaume? Quel a été, durant cette pétales le rôle des États et du Parlement bretons ? 15. Determiner et apprécier d’une manière ginétale le SEIZIÈME SESSION. o1 rôle de la race bretonne dans l’histoire ancienne et mo- derne. 46. En combien de classes peuvent se partager les mo- numents celtiques? Quelle destination peut-on assigner à chacune d’elles? 47. La carte ancienne de la péninsule armoricaine a-t- elle été terminée? Présenter cette carte au Congrès, avec l'indication des localités où il a été découvert des débris antiques et des lignes formant le réseau de voies destiné à relier les établissements romains. Ces voies se distin- guent-elles de celles qui existent dans le reste de la France, par quelques particularités ? 18. Quelle a été réellement l'influence exercée par lO- rient pour le développement de l'art occidental aux XIe et XIIe siècles? Y a-t-il en France une classe de mo- numents auxquels il convienne d’appliquer le nom de by- santins? 19. Quelles ont été les. limites extrêmes et la durée de l'architecture de transition dans les diverses provinces de la France? Dans quelle région se sont produits les pre- miers édifices de ce style? Faut-il y voir, comme on l’a prétendu, l’expression d’une lutte entre l'esprit sacerdotal, gardien des anciennes traditions, et l'esprit novateur ou laïque ? 20. Quelle est, dans le style dit de la renaissance, la part qu’il faut attribuer à l’élément national, et celle qu'il faut rapporter à l'influence italienne? i 91. Quelles sont les différentes périodes de l architecture £ religieuse et civile en Bretagne? Leur durée et leurs carac- tères peuvent-ils donner lieu à quelques observations par- ticulières ? 22. Quelles ont été les différentes phases de Farchitec- ture militaire en Bretagne? A quels siècles se rapportent les principaux ouvrages élevés pour la défense des chà- teaux et des villes? 23. Quelles sont les œuvres les plus remarquables que la peinture surverre nous ait laissées en Bretagne ? Quels T, I 4 22 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. seraient les moyens propres à assurer la conservation des vitraux ? 24. Quels sont, sur les monnaies gauloises, les types qui semblent propres aux différentes parties de l’Armori- que, y compris ceux du Maine, de l’Anjou etde la Norman- die? Sur quelle base peut-on faire reposer ces attributions? GINGULÉVE SEGELOM — Philosophe, Littérature ei Beuux-Aris. 4. Quelle est l'importance relative des divers points de vue qui doivent guider le législateur dans l’établissement des lois pénales. 2. Dans ce siècle, l'opinion publique ne se montre-t-elle pas trop favorable pour le coupable atteint par la loi? A quelles influences faut-il attribuer cet état de l'opinion ? 8. L’attraction est-elle un attribut de la matière ou est- elle-une force appliquée à la matière ? Indiquer les consé- quences de la solution qui sera donnée. | 4. Quelle a été, au XVI siècle, l'influence de la réforme de Luther sur les beaux-arts? - 8. La décentralisation scientifique, littéraire et artistique est-elle possible sans la décentralisation administrative ? Comment ? Dans quelle proportion ? 6. Dans quelle mesure convient-il, au XIX° siècle, de res- susciter, pour la sculpture , la peinturc:et l’architecture, les formes et les procédés usités au moÿen-âge ? 7. Rechercher : 4° quel est en France l’état des études estétiques; 2° quelle influence aurait, dans l’intérêt des diverses classes de la société, un plus grand développement dés arts; 3° ce qu'il conviendrait de faire pour favoriser ce développement; 4° en quoi et comment les musées et les pi d'objets d’art. peuvent contribuer à ce résultat. 8. Faire l’histoire de la peinture au pastel, depuis-son SEIZIÈME SESSION. 93 origine: signaler les avantages et les inconvénients de ce genre. 9. Indiquer les documenis inédits relatifs aux artistes bretons, si ces documents sont de nature à éclairer l'his- ioire de l’art en Bretagne. 10. Quelles sont les aptitudes spéciales qu’ont montrées les artistes bretons ? Dans quelle classe des beaux-arts ont- ils fourni les sujets les plus remarquables ? 14. Quelle est l’origine des épopées chevaleresques de la Table-Ronde. 12. Quelle part le celio-breton-peut-il réclamer dans la formation de la langue française ? Quel peut en être l'usage dans l’étymolugie des noms de lieux des diverses régions de la France? Quelle valeur peut-on attacher aux opinions étymologiques de l’abbé Bullet? 13. Faire la statistique des sociétés littéraires de la Bre- tagne ; présenter un résumé succinet des travaux accom- plis par elles: 14. Signaler les documents qui pourraient faire connai- tre l’état de l’enseignement musical en Bretagne dans les siècles antérieurs au XVIII. — Rechercher les origines des airs bretons les plus populaires et faire ressortir ce qui peut y caractériser le génie national! 15. Indiquer et faire ressortir les avantages qui résul- teraient pour les patrons et pour les apprentis d’une faci- lité plus grande accordée aux derniers pour l’étude du des- sin, et d’un meilleur emploi de leur temps dans les pre- mières années de l'apprentissage. 16. Quel est le caractère national de la poésie en Bre- tagne ? SESIÈNE SECGTRONM Sciences physiques et maïhématiques. - 1. Quelles sont les conditions acoustiques qui doivent présider à la construction des salles de spectacle et des lieux 24 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. de réunion destinés à l'audition de la parole humaine? Comment l’orateur , comment l'orchestre doivent-ils être placés pour que les sons, même les plus doux et-les moins vibrants, puissent être nettement et facilement perçus par l'assemblée? — Ne pourrait-on pas trouver sous ce rapport des renseignemenis précieux dans l'étude des monuments de l'art chez les anciens ? 2. Quelles sont les données météorologiques les plus im- ‘ portantes à obtenir pour la Bretagne etl’ouesi de la France ? 3. Rechercher avec détail l’importance de la météorolo- gie-et d’un ensemble d'observations bien suivies et bien re- hées entre elles, non seulement pour la connaissance du climat d’un pays et pour les secours puissants que l’agri- culture pourrait en retirer, mais aussi pour l'hygiène et la santé publique. 4. La rareté ei la D rue d’une maladie dans un pays sont-elles liées avec les variations météorologiques du cli- mat? Quels sont les meilleurs systèmes d'observations à établir pour contrôler ces liaisons avec certitude ? 8. Certaines conditions de chaleur ,-de lumière, d’humi- dité et de pression barométrique ne sont-elles pas indis- pensables pour le soulagement et la guérison des maladies de poitrine? — L'expérience n’a-t-elle rien appris sous ce rapport et a-t-elle été bien interrogée ? - 6. Dans l’état actuel de la science, avec quel degré de précision peut-on contrôler la présence et la quantité des corpsqui constituent l’atmosphère ou qui y sont accidentel- lement répandus? — Examiner et discuter avec soin les avantages el les inconvénients des méthodes proposées, à cet égard, dans ces derniers temps. — Devons-nous, par leur secours, être assurés d’apprécier avec certitude les va- riations de composition que l’atmosphère peut et doit pré- senter aux diverses époques de l’année ? 7. Les animalcules infusoires, qu’on peut développer et multiplier à volonté, même dans Peau distillée, contiennent de l'azote d’une manièré très-notable. Serait-il possible de savoir s'ils s’approprient directement cet élément dissous SEIZIÈME SESSION. 95 dans leseaux où ils vivent, ou s’ils l’'empruntent aux subs- tances azotées que contient l’atmosphère ? 8. Quels sont les services et les observations que, non seulement l’administration: et l’industrie, mais aussi les sciences, surtout la météorologie, peuvent demander aux télégraphes électriques ? 9. Plusieurs hommes éminents se sont occupés avec ar- deur de la construction de lentilles elliptiques et hyperboli- ques absolument exemptes de l’aberration sphérique. Quels sont les obstacles qui s'opposent à la solution de ce problème? Peui-on espérer de les surmonter ? 10. Dans ces derniers temps, la chambre obscure a reçu d'importantes améliorations. Quels perfectionnements ré- clame-t-elle encore ? Dans quel sens les travaux et les re- cherches doivent-ils être dirigés pour guider les opticiens d’une manière facile et pratique ? 11. Fixer les limites des substitutions des principes mi- néraux dans les plantes. Examiner l'influence de ce phéno. mène sur le développement général de l'espèce et sur la production relative de ses principes immédiats. 12. Plusieurs travaux faits sur la nutrition végétale semblent prouver que les plantes ne s’assimilent aisément l'azote que lorsqu'il leur est offert sous forme d’ammonia- que. Cela expliquerait pourquoi l’action nutritive des sels ammoniacaux et des substances qui, par une prompte dé- composition , engendrent de l’'ammoniaque , est beaucoup plus grande, toutés choses égales, que celle des matières azotées inaptes à fournir rapidement cet alcali. La chimie vient de s’enrichir de nouveaux produits (éthylamide , méthylamide), dont les propriétés se confondent avec celles de l’ammoniaque. Ne serait-il pas important de constater comparativement leur mode d'action sur la nutrition des plantes? — Le résultat de semblables recherches ne serait- il pas un élément pour résoudre la question beaucoup plus vaste des engrais azotés dans l'économie végétale ? 13. En supposant bien constatée la différence entre le lait de deux localités ; en supposani que les vaches qui pro- 26 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE. FRANCE. duisent ce lait soient entre elles semblables, autant qu'il est possible d’en juger par l'examen de leurs formes, de leurs dimensions, etc. : rechercher si, par la comparaison des habitudes locales des animaux et par l'étude physique, chimique; botanique et géologique des fourragesetdes sols, on ne pourrait pas entrevoir les causes de la différence. 14. Indiquer à l’édilité municipale les moyens les plus faciles pour faire profiter l’agriculture des excrétions dis- persées dans l’intérieur de la cité, préserver de dommages nos édifices et sauvegarder de plus les règles de la décence et de la propreté. 15. Découvrir des procédés peu coûteux pour préparer les alcaloïdes artificiels, et mettreainsi les médecins en état d’expérimenter si ces substances ne pourraient pas rempla- cer les alcaloïdes naturels provenant des plantes exotiques. 16. La facilité avec laquelle on peut combiner l'azote atmosphérique au carbone , le transformer en cyanogène , rend important de rechercher : 4° quelle est l’action des cyanures sur la végétation ; 2° si les engrais artificiels ren- fermant des eyanures agissent en raison de leur azote. QU SÉANCE D'OUVERTURE DE LA SEIZIÈME SESSION DU CONGRÈS NCIENTIFIQUE DE FRANCE. —Cc69——— Le samedi 4* septembre 4849, les Membres du Congrès se sont réunis, à midi, dans la grande salle de l'Hôtel-de- Ville de Rennes. Cette salle venait d’être décorée avec élé- gance et disposée d’une manière commode pour les séances générales. Les places destinées aux dames, comme les au- tres places, ont été promptement occupées. M. Le Gall, doyen des secrétaires généraux, se trouve chargé de la présidence provisoire. Près de lui siégent, au bureau : M. le général de division Duvivier, commandant la 45° di- vision militaire, Mgr. Godefroy Brossais Saint-Mare, évé- que de Rennes, M. de Caffarelli, préfet du département d’Ille-et-Vilaine, M. Pongérard, maire de Rennes et mem- bre de l’Assemblée nationale , M. Théry, recteur de l’Aca- démie, M. Legeard de la Diriays, président de chambre à la Cour d’appel de Rennes, M. Tarot, secrétaire-général de la Session, et M. Langlois, trésorier. Quelques places très-voisines du bureau sont occupées par MM. les délégués des Sociétés savantes. On remarque parmi eux M. de Caumont , directeur de l’Institut des pro- yinces. 28 . CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. M. le président déclare ouverte la xvi° Session du Congrès scientifique de France, et prononce le discours suivant : MESSIEURS , La commission chargée de préparer la xvi° Session du Congrès scientifique avait, à raison des circonstances, une tâche difficile à rem- plir. Après les grandes commotions poliliques , les préoccupations de- viennent nombreuses , et le mouvement intellectuel se ralentit. Alors, comme le travail cause un peu de gêne ou n'offre plus autant de char- me, les invitations qui ont l’étude pour objet sont moins favorablement accueillies. On nous a dit : Les fêtes de [a science devraient être réser- vées pour les jours de parfaite tranquillité. Quel bon effet , quelle ani- mation peuvent-elles produire, lorsque l'inquiétude est dans les esprits, lorsque le présent trop incertain laisse entrevoir un fâcheux avenir ? En pareil cas, il importe de ne point diviser l’altention des citoyens ; il faut négliger un peu la science , pour s'occuper beaucoup des moyens de sauver le pays. Mais, avons-nous répondu, le rétablissement de la confiance est un grand moyen de salut, et nous croyons y contribuer en reprenant le cours interrompu des Congrès, en ne mettanl.pas sur la même ligne l’année 1848 , où la France se reconstituait au milieu des plus vives agitations , et l'année acluelle, où nous avons l'avantage de posséder un Gouvernement régulier, qui entend garantir à la fois l’ordre et le progrès. Se laisser à présent dominer par la crainte, ne serait-ce pas entretenir les folles espérances produites par des événements inal- tendus ? Ces faits, Messieurs , nous les exposons à litre d’excuse, afin que vous ne preniez pas pour mesure de notre zèle le résullat obtenu, sice résultat vous semblait peu satisfaisant. - | L’utilité des grandes réunions scientifiques, quoique souvent expli- quée, n’est peut-être pas encore suffisamment comprise. Un Congrès n'est-il qu’une fête du savoir, qu’une récréalion pour les hommes labo- rieux, qu’une petite part pour eux de la vie extérieure si chère aux Français, qu’un moyen enfin d'émettre quelques idées nouvellement acquises, d'appeler l'attention sur des travaux récemment lerminés ? En ce cas même , un peu d’utile se trouve joint à l’agréable ; des relations heureuses pour l’avancement des sciences ne manquent pas de s’éta- blir; les faits observés en des lieux divers sont plus vite mis en présen- ce ; les inductions hasardées , toujours combattues, deviennent plus ra- res ; les divergences d’opinions, les contradictions bienveillantes, met- tent-quelquefois sur la voie de la vérité. Allons plus loin, et disons que l'institution des Congrès a eu pour conséquence une expansion de la science qui était vivement désirée. Il SEIZIÈME SESSION. 29 æst bon, certainement, que la capitale d’un grand Etat attire et retienne les hommes d'élite, que la science y soit représentée par une noble compagnie, qu’elle y ait son sénat; mais il est bon aussi que la pro- vince sache user des forces intellectuelles qui lui restent, qu’elle s'ap- plique à conserver une certaine indépendance, qu’elle puisse au moins combattre le charlatanisme, qui souvent dans la Capitale se place à côté du vrai savoir. Nos réunions dans seize villes principales ont été à la fois brillantes et pleines de retenue; la science s’y esl montrée dans toute sa dignité, comme devant augmenter le bien-être de l’homme ou dimi- nuer ses peines , et comme propre à rendre l'honme meilleur par l’élé- vation de ses idées et par la juste appréciation de ses devoirs. La pré- tenlion qu’elle est appelée, par ses progrès, à changer radicalement l'ordre social nous a paru tout-à-fait inadmissible : nons croyons seu- lement, avec un très-savant publiciste, que notre état social a besoin d’un état intellectuel qui lui corresponde et puisse le compléter. Dans l'intérêt de la vraie science, nous avons blâmé vivement , et nous conti- nuerons à blâmer, la plupart des productions littéraires que Paris ne se lasse point d'expédier en province. Elles ne manquent pas d’altrait ; mais elles finissent par causer l’affaiblissement*du bon sens, l'oubli des bonnes mœurs : on pourrait les comparer à ces feuilles qui pren- nent dans l'automne de très-belles nuances, et qui pourtant recèlent un principe de mort. Plusieurs personnes sont étonnées de la durée, de l’accroissement d’une institution qui reste tout-à-fait étrangère à la politique, qui n’ob- tient aucun secours de l'Etat et qui n’a pas même une colisation assu- rée. Je m'étonnerais comme elles, si je n’étais pas persuadé que l’insti- tulion don! il s'agil est un besoin de notre époque, et qu’une sorte d'in- stinct nous porte à la soutenir, à l’agrandir.-Je m'explique : les sciences _en progrès se sont divisées et les divisions sont devenues des sciences nouvelles, qui se developpent isolément et dont chacune a ses adeptes uniquement occupés d’en connaître et d'en ordonner les détails. La di- vision du travail est une fort bonne chose, mais la science peut en souf- frir ; car l'esprit qui se livre tout entier aux détails perd une partie de sa puissance. On ne sait plus admirer l’ensemble de l’arbre, la belle disposition de toules ses parties; l’altenlion resle fixée sur une des branches el peut-être sur une des feuilles. Les Congrès seuls peuvent rappeler aux sciences primitives ou fondamentales, sans nuire à l’ulile division du travail. Dans nos sections, qui sont en petit nombre et qui comprennent par conséquent divers ordres de connaissances, les communications et les discussions seraient souvent sans intérêt, si le rapprochement des sciences sorties de la même souche était négligé, si leur influence réciproque n’était pas bien sentie, siles généralités, enfin, ne.se mêlaient pas aux particularités. On y-prend l’habitude de faire Baa à 5 30 . CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE entrer autant que possible , dans un système général, les découvertes particulières et les inductions qu’elles autorisent. D'un autre côté, les grandes séances, par la diversité même des matières qui s'y traitent, 2 3 disposent à étendre nos connaissances et noûs amènent à com- prendre qu'il existe entre toutes les sciences un lien qui mérite d’être sérieusement étudié, et dans l'intérêt de chaque science, el dans un intérêt plus élevé, celui de la civilisation. Quelle est noble l'union du bien, du vrai et du beau ! Considérons aussi que les découvertes scientifiques donnent lieu maintenant à de nombreuses applications, et que les expériences faites dans un but pratique peuvent être de quelque secours pour bien éla- blir la (héorie. Il est donc très-ulile de réunir quelquefois les hommes qui s'occupent de faire marcher les sciences et ceux qui s’altachent à donner aux arts, même aux arts les plus modestes , tout le développe- ment désirable. On réunit ces hommes, on les met en présence au moyen des Congrès ; ils savent user de l'avantage qui leur est procuré. Si les Congrès scientifiques n'existaient pas , notre régime politique actuel nous porterait probablement à les fonder. L’art de discuter de- vient très-important,s lorsque lés citoyens, en grand nombre, sont appelés à s’occuper des mesures qui, à divers degrés , inléressent l’ordre social. Or, dans nos réunions , on peutse former à celte bonne et loyale discussion qui tient l'attention éveillée , qui donne du ressort à la pensée , et qui, par le concours d'idées neltement exprimées, con- duit à une heureuse solution. Les amis de la science repoussent forte- ment les divagalions et recommandent , comme une chose très-essen- tielle , l'observation des convenances. Comme l’objet qui nous rassemble est nouveau pour ce pays, je de- vais prévoir la question à quoi bon, cui bono? Elle m'a d’ailleurs élé fale , et faile par plusieurs personnes. je sais que celle question est parfois adressée avec une grande légèreté, et qu’elle est aussi parfois l'expression d'un sentiment d’indifférence ou même de dédain ; maisil convient toujours de la réputer sincère , et il ne faut voir qu’une saillie . d'humeur dans cette phrase d’un savant naturaliste. Le cui bono est la question de l’ignorance , quand elle n’est pas celle de la haute raison. Démontrer l'importance des congrès scientifiques , c’est rendre hom- mage au savant modeste qui les a introduits et naturalisés en France. Il a su, dans ses nombreux voyages , inspirer le gout de l’élude et le respect pour l’art ; fl a donné une vive impulsion aux idées généreuses; il a préparé en quelque sorte les esprits à cette conciliation , qui est. généralement désirée et qui paraît nécessaire pour assurer la tranquil- lité de la France. Nous sommes heureux de le posséder, et de possé- der avec lui les hommes distingués qui, répondant à l’appel des fils de la Bretagne , sont venus les visiter. Leur présence est pour nous une puissante cause d’émulation , et nous les prions d'accepler, comme SEIZIÈME SESSION. 31 remerciment, l'assurance que nous ferons lous nos efforts pour rendre leur voyage profitable à la science. Ils voudront bien se réunir à nous pour remercier l'administration municipale de tout ce qu’elle a fait dans l'intérêt du Congrès. Nous pouvions compter sur son entière bien- veillance , car nous la voyons depuis long-temps encourager, autant qu’il lui est possible , les sciences el les beaux-arts. Par ses soins , la ville de Rennes offre de grandes ressources aux personnes qui veulent s’instruire ou perfectionner leur instruction. Bientôt les sciences y au- ront un véritable palais. Rennes peut se féliciter d’être le chef-lieu d’un département qui a fourni d'excellents ouvriers pour le travail intellectuel qui s’est fait dans ce demi-siècle. Pour fonder cette assertion , il suffit de nommer Châteaubriand . Toullier , Broussais , René Desfontaines. Les trois pre- miers ont obtenu le glorieux litre de chefs d'école ; le dernier est un des principaux bolanistes français. M. le Président provisoire dit ensuite qu’une pièce de vers , adressée en 1847 au Congrès de Tours, est propre à faire sentir tout le charme des grandes réunions scientifi- ques. Il lit un très-court fragment de cette pièce. L’assem- blée applaudit. M. Aussant, président de la commission d’Exposition de peinture et secrétaire de la section de médecine, invité à prendre la parole, s'approche du bureau et dit : MESSIEURS , La poésie est aussi ancienne que le monde ; elle naquit du premier soupir , de la première joie du cœur humain , et tout homme est poëte quand, en présence des merveilles de la nature , il s’'abandonne avec simplicité et recueillement à ses impressions. Dieu, en créant l'Univers, n'y mit pas seulement ce qui devait servir à satisfaire les besoins maté- riels de cet être fragile, auquel il le donna pour domaine ; il y mitencore ce qui devait être un spectacle agréable à ses yeux, une source de plaisirs pour son esprit, de jouissance pour son âme ; et lui-même se complut dans son ouvrage : Vidét Deus cuncta quæ fecerat et erant valde bona. En même temps, il plaça au cœur de sa créature, outre le senti- ment de ce qui est bien , une aspiration pour ce qui est beau, aspira- tion qui devait remonter aussi de la terre vers le ciel, puisque la source de l’éternelle beauté est en Dieu. Ainsi l'homme, né perfectible , et tenant à la terre par ses organes, qui le lient aux choses créées, tend au ciel par les facultés supérieures de son-âme, qui conserve le sublime instinct de ses grandes destinées , et, par un effort constant, il s’élève.- 32 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. vers l'infini, dont l'idée implique seule célle de perfection , d'immuta- bilité, de repos. En communication avec Dieu, par l’adoration et la prière , l’homme a senli le besoin, dès qu’une société à subsisté, de communiquer à ses semblables les sentiments qu’il éprouvait, de traduire son âme au dehors : bientôt, à la parole, s’est joint le chant; et la musique, qui donne une voix à nos sensations les plus intimes, et les exhale en vibrations harmonieuses, a pris naissance. Plus-tard, l'homme a cherché les moyens de fixer davantage , d’ex- primer par quelque chose de matériel les élans de son cœur, de rendre sous une forme saisissable son idéale aspiration vers l'infini ; et les arts plastiques ont été créés. Après avoir reproduit les formes par les for- mes, il a, par un nouvel effort d’idéalisation, représenté des reliefs par des traits et par des couleurs : de là, la peinture , sœur puinée de la sculpture, qu’une architecture primilive a dü précéder elle-même. Les productions artielles sont, à l’origine de toutes les sociétés, pure- mént symboliques ; dans la pierre , dans le bois à peine dégrossis ou dans la réunion de quelques informes traits graphiques, l’homme, avec celle adorable poésie des impressions vierges et naïvés , rétrouve l'image complète qu’il a rêvée. Mais à mesure que la civilisation marche, que l’art perfectionne ses moyens, l’artiste se prend d'amour pour ces images qu’il a créées : il commence à goûter le plaisir infini de la repro- duction du beau. Il imite ; mais en imitant il crée à sa manière ; il refait l'œuvre. de la nature, en y mettant quelque chose de son âme, en lui imprimant le sceau de son individualilé. Alors le culte de la forme , après s'être allié à la tradition et au symbole, s'y substitue, et la pensée réagissant, s’exerçant sur les représentations elles-mêmes, crée celle science , celte héorie du beau ‘à laquelle on donne le nom d'esthétique. Et quel plus noble exercice , quelle plus intéressante étude la pensée peut-elle se proposer que la recherche du beau dans la création de Dieu, du beau dans la création de l'homme, dans l’art, fleur délicate née au souffle du génie , et qui est, il le faut bien établir, non la représenta- tion exacte, non limitation servile , mais l'interprétation poétique de la nature , l'expression accentuée du drame de la vie. L'art fait partie, comme poésie , du langage de l’âme , et c’est ce que voulait faire com- prendre Annibal Carrache, lersqu’il disait : « Les poèles peignent avec la parole ce que les peintres expriment avec des lignes et des couleurs. » Le but éternel de l'art, c'est le beau ; le beau qui n'est rien peut- être de ce que les paroles peuvent exprimer, tant les choses de senti- . ment son pleines de mystère, le beau, dont le secret reste au sein de Dieu, mais dont la recherche répond à un besoin vague, à une aspi- ration constante de notre pensée , d’où il se manifeste par l'expression; mais l'exactitude , le charme, les merveilles du procédé par lesquels SEIZIÈME SESSION. 33 l'idée se fait jour au dehors, par lesquels la réalisation vient donner une existence définitive aux vagues créations de l’esprit, ne sont que des moyens, et la fin des arts du dessin n’est pas plus le plaisir des yeux que la fin de la musique n’est celui de l'oreille ; c’est la ee nence de la pensée qui fait leur grandeur. ] Qu'un pauvre être, qui parait à peine un atôme sur le globe qu'il habite, mais dont la pensée pourtant ne peut être contenue dans les li- mites de l'Univers, réalise ainsi, avec quelques poussières délayées, avec un peu de terre ou des pierres, les rêves de son imaginalion, et fasse son œuvre dans l’œuvre de Dieu , n’est-ce pas une chose grande et belle , et ne mérite-t-elle pas les hommages qu’à toutes les epoques de la civilisation des peuples on a rendus aux arts et à ceux qui y appli- quèrent leur génie ? On sait que dans l’ancienne Grèce, où il n’était per- Mis qu'aux hommes libres de cultiver les arts, on élevait des statues aux arlistes fameux ; que même les Rhodiens dédièrent un temple à un de leurs peintres ; qu’une statuette d’Hercule, chef-d'œuvre de Lysippe, partageait avec les œuvres de son écrivain favori l'honneur de reposer sous le chevet d'Alexandre, et que l'ouvrage d'un grand artiste faisait quelquefois la fortune et l’honneur d'une ville, comme Strabon le rap- porte de Thespie, qui.était célèbre par une statue de l'Amour, œuvre de Praxitèle? En rappelant, d’après les historiens , que Bémétrius sacrifia sa propre gloire à la conservation d'un tableau de Protogène, préférant le- ver le siége de Rhodes plutôt que de mettre le feu à des maisons voisines du point d’altaque , et dans une desquelles était le tableau de ce grand artiste , je suis certain de soulever au fond de votre âme, au souvenir d’un autre siége où , sans sacrifier l'honneur des armes, nos soldats ont pu, au prix de leur sang , témoigner aussi d’un noble respect pour les monuments du génie, de soulever un juste sentiment d’orgueil national et de reconnaissance pour notre armée , digne héritière de ces braves qui, en Portugal , portaient les armes à l'aspect d’un site:grandiose; qui, en Egypte, baltaient des mains aux Pyramides, et qui, dans une autre guerre d'Italie, accablés par les fatigues et les privations, comprenaient noblerment aussi la belle réponse que fit leur général aux commissaires du duc de Parme, qui lui offraient un million pour pouvoir reprèndre un lableau , fruit de nos victoires. « Ce million, disait Bonaparte, nous » l’aurous bientôt dépensé, et nous en trouverons bien d' autres à con- > quérir : un chef-d'œuvre est élernel ; ; il parera notre patrie. » Je pourrais , retournant à l'antiquité, vous dire quels prix énormes donnèrent Attale , roi de Pergame , en échange d’un tableau d’Aristide } et Candaule, roi de Lydie, pour une peinture de Bularque ; puis montrer avec quelle passion d’illustres Romains, Jules César, Cicéron et plu- Sieurs autres dont Pline, bon appréciateur lui-mème, nous a conservé les noms , colleclaient des objets d’art; mais j'aime mieux arrêter un instant votre altention sur quelques faits se rapportant à des époques 84 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. plus rapprochées de nous, el qui renferment de précieux enseignements. Florence fut une des premières villes d'Italie où, après un long oubli, reparut, à la fin du moyen-âge, le goût des arts, qui, presque tout de suite, y prit une grande faveur , tellement que, dans la se- conde moitie du XHI- siècle, ses habitants, désireux de fêter la pré sence de l’un des plus grands princes de la chrétienté , de Charles d’An- jou, frère de saint Louis, qui passait par Florence pour aller prendre possession du royaume de Naples, ne crurent pouvoir l’honorer davan- tage qu’en le conduisant, à travers les jardins qui s'étendaient hors de la porte Saint-Pierre, dans l'atelier où Cimabué peignait ce tableau de la Vierge qui, lorsqu'il fut achevé, fut porté en grande pompe, au son des fanfares et accompagné d’un grand corlége, à Sainte-Marie-Nouvelle, qu'il orne encore aujourd'hui ; et on voit dans l'histoire de Florence que la joie fut si grande le jour de la visite que Charles d'Anjou, accompagné de tout le peuple , fil dans l'atelier du peintre, que dès lors les environs prirent le nom de Borgo-Allegri. Environ un siècle plus lard, en 1401, les prieurs de la confrérie des marchands, dans la même ville, décidèrent de faire executer une porte en bronze au baplistère de Saint-Jean. Nous ne verrions pas là aujourd’hui une grosse affaire, rien où l’on düt se passionner beaucoup ; mais enquérons-nous de ce qui eut lieu à Florence dans celte occasion : uu concours fut ouvert; tous les artistes d'Italie furent invités à y prendre part. Il en vin! de beaucoup de villes, et, après un examen préalable, sept d’entre eux furent choisis pour le concours définitif. Brunelleschi, Donatello, artistes déjà célèbres, et un jeune homme inconnu encore, nommé Ghiberli, étaient au nombre de ces sept concurrents, dont chacun reçut une indemnité pour ses dépenses et pour le travail d’une année. Ils s’engagèrent à présenter, à ce terme d'un‘an, un panneau en bronze doré où serait sculplé en bas-relief le sacrifice d'Abraham. A l’expiralion du délai, on nomma trente-quatre experts parmi les sculpteurs, les peintres et les orfèvres, soit de Florence, soit des villes voisines, appelés, par une nouvelle procla- mation , à la solennité préparée à l’occasion de l'examen des ouvrages. I fut réglé que ces experts prononceraient leurs jugements en public, - devant les modèles soumis à l'opinion générale, et que chacun d'eux donnerait à haute voix les molifs de sa détermination. Les ouvrages de Brunelleschi, de Donatello et de Ghiberli, ayant attiré. lous les regards, sont mis-d’abord au-dessus des autres ; mais grand est l'embarras pour décider-entre ces trois œuvres remarquables. Les experts incerlains,, partagés , hésitent ; le peuple assemblé allend avec impalience une dé- cision sur un concours qui l'avait vivement intéressé; mais voici que Donatello et Brunelleschi se relirent à l'écart ; ils s'interrogent récipro- - quement , et reviennent déclarer que pour eux ils reconnaissent la.su- périorilé de leur jeune rival, et ce jugement fut confirmé au. milieu de SEIZIÈME SESSION. 35 l'enthousiasme de l’assemblée, qui n’applaudissait pas moins aux talents du vainqueur qu’à la noblesse d'âme de ses concurrents. Les prieurs des marchands , en donnant la palme à Ghiberti, l’invitèrent à n’épargner ni le temps ni la dépense, non seulement pour surpasser André de Pise, qui, vers 1339, avait déjà sculpté une autre porte du baptistère, mais pour faire une œuvre qui, en même lemps qu’elle assurcrait la gloire de l'artiste, honorerait aussi la ville qui l'avait commandée. L’altente des Florentins ne fut pas frompée ; leurs efforts furent récompensés ; ils demandèrent à l'artiste un second ouvrage semblable , et le génie de la sculpture enfanla pour eux ces belles portes que Michel Ange disait être dignes d’orner 7 entrée du Paradis. Il serait trop pénible de rester sous l’impression qui pourrait résul- ter de la comparaison entre le soin attentif, je devrais dire le respect, que l’on accordait aux choses de l'art en Italie, au XV“ siècle, et la ma- nière dont le plus souvent on les considère à notre époque , pour que je ne me hâte pas de citer un fait tout récent qui prouve qu’au XIX’ siècle les arts on! inspiré encore de nobles enthousiasmes. Il y eut en 1838 un jour dont le souvenir se conservera long-temps à Copenhague. L'étendard danois , hissé au plus heut de la tour Saint- Nicolas, venait d'annoncer l’approche d’une frégate long-temps attendue. Les canons tonnent , les vaisseaux se pavoisent, la joie est universelle ; tout le monde se précipite vers le port. Ici apparaissent les étudiants, précédés de bannières emblématiques ; là, des groupes de jeunes filles portant des fleurs. Cependant une barque se détache de la frégate ; elle aborde. Un homme paraît sur le quai : la méditation a courbé sa tête , la pensée a sillonné son front, mais l’éclair du génie brille dans son regard. Des cris d’admiration, des vivats, des hurrats, retentissent au loin. Le peuple détache les chevaux atlc'és à la voiture dans laquelle il est monté , et le conduil en triomphe au palais de Christianburg , où ses appartements sont tout ornés de guirlandes el de couronnes. Le soir, les artistes et les étudiants viennent chanter sous ses fenêtres, el une brillante illumination fait resplendir toutes les maisons de la ville. Mais pourquoi ces cris, ces applaudissements ; (out cet enthousiasme, et quel est donc cet homme ? Les anciens marins , qui, poussant à la mer leur barque parée comme aux jours de fête, l’ont salué les premiers, l'ont bien reconnu. Ils se rappellent l'avoir vu souvent, alors qu’il était jeune homme, se suspendre sur ne frêle planche aux flancs des navires, pour gagner le pain de chaque jour, en aidant son père à sculpter de grossiers ornements. Cel homme, qui, à dix-sept ans, ne savait pas lire, esl devenu l’un des plus célèbres sculpleurs des lemps modernes , et le nom de Thorvaldsen passera à la postérité, avec celui des grands ar- listes. Pendant son long céjour à Rome, il avait conservé les modèles en plâtre de lous ses ouvrages, et il désirait transporter celte collection, en même temps que ses stalues et ses tableaux, en Danemarck, où une 36 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. souscription fut ouverte dans toutes les provinces pour fonder un musée qui porterait son nom, et où toutes ces richesses d'art seraient déposées. Une somme de 300,000 fr. fut bienlôt réunie ; les servantes même, les paysans y avaient apporté leur denier ; le roi donna le terrain ; l'édifice fat construit, et il est aujourd'hui l’un des ornements, l’une des gloires de Copenhague. Si j'ai arrêté long-temps, trop long-temps peut-être, votrealtention par de simples récits, c’est que, plus confiant dans les exemples que dans les raisonnements, je voulais pouvoir m'y appuyer pour appeler votre bienveillant intérêt sur une exposition de peinture, sculpture et dessin, à laquelle beaucoup d'arlistes, recommandables par leur ca- ractère , par leur talent et par la position que les circonstances leur ont faite, ont envoyé leurs ouvrages, et que vous allez inaugurer par une yisite solennelle. Cette exposition régionale, formant, sous le patronage de l’Institut des provinces , une annexe à la seizième session du Congrès scientifique de France, réclame d’ailleurs votre sympathie comme étant une pre- mière manifestation du désir qu'éprouvent beaucoup de bons esprits d’entraîner dans un mouvement de décentralisation intellectuelle plus général les artistes et tous les amis des arts. Il ne conviendrait pas que je m'occupasse ici de cette grande ques- tion de décentralisation, autrement qu’au point de vue des beaux-arts ; mais pour se convaincre que chaque province, que presque chaque ville de France, en secouant son indifférence et en appelant tous ses en- fants à travailler avec énergie , ensemble et dévoûment, à la conquête de l'indépendance intellectuelle, pourrait procurer aux artisles des moyens suffisants d’émulation , de renommée et d’aisance, ne suffirait- il pas de se rappeler qu’au XV/° siècle, il y avait en Italie plus d'écoles illustres que de pelits Elats, et qu’au XVIT', chaque ville des Flandres ‘ était une capitale pour les arts; en se rappelant en même temps que c’est en province que presque tous les grands artistes de l’école fran- çaise sont nés et ont eu la révélation de leur génie? Il serait facile, d'au- tre part, de montrer que le rétablissement de l’équilibre de vie, dans les différentes parties du territoire français, importerait, sous plusieurs rapports, aux progrès des beaux arts eux-mêmes , non seulement parce qu’en province, la vie plus calme , plus recueillie, dispose davantage à la méditation, mais surtout parce que les arts, ayant besvin, pour se développer, que l’éducation de l’âme et de l’esprit se fasse par les sens, Jes aspects variés de la'terre, du ciel, de la lumière, de la mer, dans les différentes régions , feraient naître des inspirations plus naïves, plus sublimes, plus personnelles. Ce discours est très-favorablement accueilli par l’assem- blée. : SEIZIÈME SESSION. 37 M. le Président, après avoir remercié de leur bienveil- lant concours les hauts fonctionnaires qui se trouvent au bureau, annonce la suspension de la séance pendant une heure. Les membres du Congrès doivent se rendre dans un local voisin pour inaugurer l'exposition de sculpture et de peinture. Vers deux heures, la séance est reprise. Lecture est faite du réglement arrêté pour la tenue de la xvie Session. Il est ensuite procédé, par la voie du scrutin , à la nomination du Président et des quatre vice-présidents du Congrès. A trois heures et demie, l'opération se trouve terminée. Une grande majorité appelle : A la présidence, M. Richelet, membre de l'Institut des provinces , secrétaire général de la vue Session du Congrès scientifique de France ; Auæ vice-présidences, MM. P.-M. Roux, docteur en mé- decine, délégué des sociétés savantes de Marseille ; De Cau- mont, directeur de l’Institut des provinces ; De la Porte, membre du même Institut et de plusieurs sociétés savantes : De la Chouquais, président de chambre à la Cour d'appel de Caen. M. Richelet, proclamé Président de la xvi° Session du Congrès, monte au bureau et prend possession du fauteuil. Près de lui se placent MM. P.-M. Roux, De Caumont et De la Porte. Le quatrième vice-président ne se trouve pas à Rennes. M. le Président prononce l’allocution suivante : MESSIEURS, J'étais loin de m’attendre à l’honneur que vous voulez bien me faire en m’appelant à la présidence générale de la xvi* Session du Congrès, car , je ne me le dissimule pas, je n’ai ni les droits, ni les talents né- cessaires pour obtenir un tel honneur. J'avais même exprimé d’une ma- nière formelle, à plusieurs de mes collègues, combien je me croyais in- digne d'occuper un fauteuil qui me paraissait devoir être réservé à beau- coup d’entre vous qui ont des titres antérieurs que je n’ai pas acquis. Mais il ne n’est plus permis, à présent, de décliner l'honneur qui se rattache à la majorité de vos suffrages : je dois me soumettre à votre TI, 6 38 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE volonté et me borner à réclamer l’indulgence dont j'aurai nécessaire- ment besoin pour diriger l’ensemble de vos travaux. Les Congrès, Messieurs, importés en France par l’honorable M. de Caumont, dont tant d’autres créations utiles ont placé le nom hors de ligne, ont aujourd’hui traversé les temps les plus difficiles de leur exis- tence. On n'en est plus à se demander quel bien ils peuvent produire , quels résultats on doit en attendre. Je ne crains pas de le dire, ils n’ont pas pour but de faire progresser immédiatement la science , d'éclairer les points difficiles de notre histoire , de redresser les erreurs du passé ; mais ils ont une mission qu'ils remplissent avec bonheur : c’est de faire naître le goût de l'étude ; c’est de mettre en contact une foule d'hommes qui vivent sur des points éloignés ; c’est d'ouvrir une arène facile aux jeunes talents ; c’est de stimuler le zèle des hommes instruits qui vivent isolés ; c’est souvent de leur dérober le fruit de longs et pénibles travaux, que leur modestie leur aurait fait laisser dans l'oubli. Nous nous trouvons, cette année , Messieurs , au milieu d’une contrée riche en souvenirs de tous genres, d’une contrée à laquelle se rattachent les noms les plus illustres de notre histoire, soit dans les sciences , soit dans les armes, soit dans les lettres ; d’un pays dont on appréciera tou- jours la loyauté du caractère , d’une ville que, pour notre part, nous _n'oublierons jamais, après y avoir reçu de si honorables marques de sympathie, Cette allocution est accueillie par de vifs applaudisse- ments. M. de Caumont, obtenant la parole, rend compte des démarches qu'il a faites au ministère de l’intérieur, afin d’obtenir quelques fonds pour l'exposition régionale de pein- ture et de sculpture. Sa demande , qui parut d'abord très- admissible, a fini par être rejetée. Le budget, lui a-t-on dit, ne comprend pas de fonds spécialement attribués aux expositions régionales. L'un de ses chapitres est pourtant intitulé encouragements aux beaux-arts; or, les beaux-arts méritent sans doute d’être encouragés en province, comme ils le sont dans la capitale. « Nous aimons à croire, dit » M. de Caumont, que le privilége accordé à Paris touche » à son terme. Si les Conseils généraux, appelés à donner » leur avis sur les questions de décentralisation, nous » viennent en aide ; s’ils défendent avec fermeté les. princi- » pes de justice que le Congrès proclame depuis dix-sept SEIZIÈME SESSION. 39 » ans, nous verrons revivre en province l’émulation, l'élan .» que la centralisation parisienne absorbe en entier à son » profit. En attendant cette réforme , que la France appelle » de tous ses vœux, remercions les villes qui, répondant » à notre appel, ont voté des fonds pour le transport des » tableaux de leurs artistes à l’exposition régionale de » Rennes: elles ont bien mérité du pays. » Plusieurs lettres sont lues. MM. Auber, de Comarmont, de Cussy , Digot, Drouet, Gaspard-Bellin, Girardin, Gué- ranger, Hucher, Lacurie, Millet, des Moulins, de Tris- tan, expriment leur regret de ne pouvoir serendre à Rennes. Des devoirs à remplir ou des indispositions les retiennent chez eux. M. le docteur Bertini, de Turin, fait connaitre qu'il est membre de la Chambre des députés du royaume de Sardaigne, et qu’il ne peut, pour le moment, songer à s’absenter. Il est donné lecture d’un écrit adressé au Congrès par MM. les Secrétaires-généraux chargés de préparer la réu- nion qui devait avoir lieu à Nancy, en septembre 1848. Dans cet écrit, M. Digot, en faisant connaître que le pro- gramme était prêt dès le mois de février , mentionne les diverses circonstances qui n’ont pas permis d'exécuter plei- nement la mission acceptée. Les explications données par MM. les Secrétaires-généraux de Nancy ont été parfaite- ment accueillies. L'Assemblée a compris que l'interruption des Congrès scientifiques en 1848 était presque commandée par les événements politiques qui se succédaient. M. Lambron de Lignim , un des Secrétaires-généraux de la xv° Session du Congrès scientifique, Session tenue à Tours en 1847, est appelé à la tribune. Il présente le compte-rendu par le Trésorier-général de la Session dont il s’agit, compte examiné el approuvé par les trois Secrétai- res-généraux le 23 août 1849. Il dépose sur le bureau les pièces à l’appui. De cette communication , il résulte que neuf cent qua- ire-vingl-une personnes avaient adhéré au Congrès de Tours et que les recettes offrent un total de . 41,310 fr. 40 CONGRÉS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Les dépenses faites sont : 4° Impression des programmes, lettres d'avis, ete........ SA MS credits c.. A,098fr. »»c. 2° Affranchissements et fournitures, .... 465. »» 3° Appariteurs ei éclairage............. 652 75 4° Frais de bureau et de commis....... 192 50 5° Bal de l'Hôtel-de-Ville............. 2,120. 45 6° Concert et fêtes publiques... ........ 1,900 »» 7e Au bureau de bienfaisance. ......... 500 »» 8° Exposition d'objets d’art........... LR HE 9° Exposition d’horticulture ........... 279 .. 70 40° Impression du Compte-rendu des acies du Congrès, 2 vol. in-8°, tirés à 1,200 exemplaires. .................... 3,064 74 fi Cotisations non payées, adhésion de MM. les étrangers à la France non acceptée ......,. ....: Kbovienont 297 »» 12° Emballage et frais divers. .:......., 84 86 SOMME ÉGALE .....e 144,310: »» L'Assemblée vote des lremerciments à M. le Trésorier- général et à MM. les Secrétaires généraux de la xv° Session. Un membre fait la proposition/d’enyoyer une députation à Monseigneur} Evèque de Rennes pour le prier decélébrer. demain dimanche , une messe à laquelle assisieraient les membres du Congrès. Cette proposition, fondée sur des précédents , est de suite accueillie. En conséquence, M. le président Richelet déclare qu’il se rendra dans la soirée à l'Evêché, accompagné des autres membres du bureau, pour exprimer à Monseigneur Saint-Marc le désir que vient de manifester l'Assemblée (1). \ (4) Le dimanche 2 seplembre, à huit heures et demie du malin, les membres du Congrès se sont réunis à l'Hôlel-de-Ville, et de là se,sont rendus à la Cathédrale. Après la messe , une députation, reçue à la sa- cristie, a présenté à Monseigneur l'Évêque les hommages et les remer- ‘ciments du Congrès. SEIZIÈME SESSION. 41 MM. Le Gall et Tarot, en faisant connaître que leur col- lègue au secrétariat, M. de Blois, devenu membre de l’Assemblée nationale, ne pourra se rendre à Rennes que vers la fin de la Session du Congrès, demandent l’autorisa- tion de s’adjoindre M. Marteville, qui consent à les se- conder. L'autorisation esf accordée, et M. Marteville de- vient Secrétaire-général adjoint. M. Lambron de Lignim offre au Congrès.un exemplaire du compte-rendu de la xv® Session, tenue à Tours. — M. P.-M. Roux, un exemplaire du compte-rendu de la xive Session, tenue à Marseille , et aussi une des médailles d'argent frappées en l’honueur de cette Session. — M. de Caumont, un exemplaire du compte-rendu de la xn° Ses- sion, tenue à Nimes, et un exemplaire du compte-rendu de la x Session, tenue à Angers.— Un exemplaire du compte- rendu de la 1rx° Session, tenue à Lyon, est offert, avec une médaille, au nom de M. de Comarmont. Le Secrétaire-général, M. Le Gall, annonce que les inscriptions pour les sections se trouvent faites, et que la réunion de la première section à la sixième est générale- ment demandée. Il ajoute que cette réunion, permise par le réglement , lui semble très -convenable, et même indis- pensable pour la Session actuelle. Il est décidé que les deux sections dont il s’agit, sciences naturelles, sciences phy- siques el mathématiques, seront réunies. M. le Président mentionne l’adhésion de plusieurs So- ciétés savantes et donne lecture des lettres de délégation. 11 lit ensuite quelques autres lettres, savoir : une lettre de M. le Maire de Rennes, annonçant qu’une loge a été ré- servée pour les membres du Congrès dans la salle de spec- tacle, où la Société philharmonique donne un grand concert; une lettre de M. Amaury Dréo, Président de la Société des Courses , faisant connaître aux membres du Congrès que des places leur sont destinées dans l’enceinte réservée de l’hippodrome ; une lettre de M. le Président du Cercle breton, priant MM. les membres étrangers du Congrès de faire usage de leurs salons, pendant le cours de la Session ; 42 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. enfin, une lettre de M. le Président de la Société des Sciences et Arts, contenant une semblable invitation. Des remerciments seront adressés à M. le Maire de Rennes et à MM. les Présidents de la Société des Courses, du Cercle breton, de la Société des Sciences et Arts. M. le Président annonce que deux salles de l'Hôtel-de- Ville ont été mises à la disposition du Congrès pour les séances des sections, et que les heures des séances viennent d’être fixées comme suit : Pour la première et sixième sections réunies, sept heures du matin à neuf heures ; Pour la deuxième section, neuf heures à onze heures ; Pour la troisième section, une heure de l'après-midi à trois heures ; Pour la quatrième section, onze heures à une heure; Pour la cinquième section, une heure de l'après-midi à trois heurès. La’ séance générale aura lieu de trois heures à cinq. Comme l’ordre du jour se trouve épuisé, la séance est levée. Il est cinq heures. : Le Secrétaire-général , TAROT. SEIZIÈME SESSION. 43 SECTIONS. PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES. ——_——>>—— PREMIÈRE SECTION. Soences naturelles. SIKIÈME SECTION (réunie à la première }» Sciences physiques et malhémaliques. Séance du 2? Septembre 1849. A sept heures du matin, M. de Caumont, vice-président du Congrès, assisté de M. Malaguti, secrétaire, ouvre la séance et fait procéder à la formation du bureau. Les mem- bres inscrits dans les deux sections réunies sont succes- sivement appelés, et déposent leurs bulletins. Vers huit heures, les scrutins sont dépouillés. Une forte majorité ap- pelle à la présidence M. l'abbé Noget, et aux vice-prési- dences, MM. Duval, Morrière, H. Pontallié et Feuillet. M. le Président et MM. les vice-présidents élus se pla- cent au bureau. Sur l'invitation adressée à l’Assemblée , plusieurs mem- bres font connaître les questions qu'ils se proposent de dis- cuter dans la prochaine séance ou dans les séances suivan- tes. A cet égard, un tableau est dressé par le secrétaire. Il est ensuite donné lecture d’une note envoyée par M. Millet, d'Angers, membre de l’Institut des provinces 44 __ CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. et de plusieurs autres Sociétés savantes. Cette note se rap- porte à la question suivante : « La Bretagne fournit-elle à l'entomologie française quelques espèces rares? » M. Millet dit : C'est toujours une bonne fortune pour un naturaliste de rencontrer des espèces rares ; mais ce bonheur s'agrandit bien autrement lorsqu'il vient à reconnaître des espèces nouvelles. Dans l’espoir que la science entomologique voudra s’enrichir de la découverte que j'ai faite, ilya déjà plusieurs années , de deux insectes nouveaux, je profite de la cir- constance qui s'offre aujourd'hui, en adressant au Congrès scientifique de France, qui va tenir sa xvr° Session à Rennes, la description abrégée de deux nouveaux insectes inédits , que j'ai rencontrés dans le départe- ment d'Ille-et-Vilaine, Tous deux sont des HÉMIPTÈRES. APHROPHORA BIPUNCTATA, Millet. D'un roux fauve un peu pâle, uniforme , avec un gros point blanc ou blanchâtre sur chaque homély- tre ; 11 à 12 millimètres. Cet insecte remarquable a quelques rapports de forme et de couleur avec l’'APHROPHORA RUSTICA , Fabr.; mais sa taille plus grande et le gros point blanc sur chaque homélytre suffiront pour l’en distinguer. — Tout l'été, sur les roseaux et les carex des marais de Ricordelle , situés près du château de la Rigaudière , commune du Theil (Ille-el-Vilaine). DELPHAX VARIEGATA , Millet. Une ligne longitudinale blanchâtre sur le prothorax, la tête, et prolongée sur le bec. A partir du dessus de la tête jusqu’à l'extrémité du bec, cette ligne blanchâtre est bordée, de chaque côlé ; d’une ligne noire. Homélytres crislallines, opaques, d'un noir. brillant, bordées de jaunâtre sur les bords internes et externes. Cette bordure ne s'étend pas sur le dernier liers de l’aile. Pattes anté- rieures et intermédiaires annelées de noir et de blanc jaunâtre ; les pos- térieures de cette dernière couleur, avec les cuisses marquées de noir. — Tout l'été, sur les mêmes plantes et dans les mêmes lieux que l'in- . secte précédent. | J'ai rencontré dans les mêmes marais de Ricordelle, pendant l’élé : CHRYSOMELA POLITA, Latr. ( coléoptère ). DECTICUS BREVIPENNIS , Touss. Charp. ( orthoptère ). Et sur le bord de l’étang de la Rigaudière : LIBELLULA FLAVEOLA , L. ( nevroptère ). ÆSCHNA MIXTA, Latr. (Id.) ÆSCENA AFFINIS , Vand. Lind. (Id. ) Le BOMBIX TAU, Fabr., est abondant , au premier printemps, dans la forêt de Rennes. Une note a été aussi envoyée par M. Daniel, professeur SEIZIÈME SESSION. F 45 à Quimperlé, département du Finistère. Elle est ainsi conçue : L’arrondissement de Guimperlé fournit quelques coléoptères qui n’ont pas été encore trouvés dans les autres parties de la France, notamment un CLEONUS voisin du Cleonus glaucus et du Cleonus nubilosus, et ce- pendant bien distinct de l’un et de l’autre ; c’est le Cleonus guttulatus de Schœner , Gen. et spec. Curculionum , 1834, t. 2, pars 1, gen. 115, sp. 14. Le savant Suédois en ignorait l'habitation. J'ai eu occasion d'observer que la faune entomologique méridionale, en Bretagne, est séparée de la faune ertomologique septentrionale par une ligne passant, vers 47° 50’, par Janzé, Malestroit et Quimperlé. Dans le centre de la France, la ligne Séparative avance davantage vers le nord et passe à Paris. Au sud de la ligne, on trouve les coléoptères suivants, qu’on ne rencontre pas du côté nord : Oyctes nasicornis , Dorcadion fuli- ginator, Seperda asphodeli, Minyops variolosus, Malacoderma lusitanica. Il est à remarquer aussi que les mêmes insectes ne suivent pas la même ligne de latitude. Ainsi, deux coléoptéres d’une grande taille, le Capricorne héros, Hammaticherus heros, Dej., la Lamie textor, Pachystola textor, Dej., et quatre lépidoptères très-remarquables, le papillon Ma- chaon, le papillon Podalyre ou le flambè, la Vanesse Morio ou Antilope, la Nymphale Camille ou Sylvain azuré, qui se (rouvent dans le départe- ment d'Ille-et-Vilaine, manquent dans les départements du Finistère et du Morbihan. La séance est levée à huit heures et demie. Séance du 3 Septembre 1849. Présidence de M. l'abbé NOGET. — fi. MALAGUTI, Secrétaire. | La séance s'ouvre à sept heures du matin. Le procès- verbal de la séance précédente est lu et adopté. Ilest fait hommage à à la section des Sciences naturelles, par M. P.-M. Roux, de l’Æloge historique. de Polydore Bou, Conservateur du cabinet d'Histoire naturelle de Mar- seille ; par MF° Philippe Lemaïître , de son ouvrage intitulé FER à Julie sur la Botanique la Physiologie végétale. TE, 7 46 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DÉ FRANCE. M. de Caumont dépose sur le bureau le fruit d’une plante cucurbitacée originaire de l’île de Corfou. Ce fruit, connu sous le nom de pain du pauvre, a été soumis à l'analyse par M. Girardin, de Rouen, qui le reconnaît très-riche en principes alimentaires. La chair, qui peut se conserver pen- dant une année, est d’un goût fort agréable. L’introduc- tion de cette courge dans les jardins sera certainement une chose très-avantageuse. Comme personne ne demande à parler sur la première question de la première section, M. le Président met en discussion la deuxième, celle-ci : L’evhaussement du lit de la rivière la Vilaine a-t-il eu lieu dans des proportions ap- préciables depuis l'occupation romaine et pendant le moyen- âge? Doit-on lui attribuer l’inondation assez fréquente des terrains qui bordent la rivière ? M. Le Gall, obtenant la parole, dit : « La Vilaine, aux environs de Rennes, coule dans une large vallée qui jadis était probablement le fond d’un grand lac. A dix-huit ou vingt kilomètres en aval, la rivière rencontre une colline schisteuse à schiste fort dur. Elle a vaincu cet obstacle : mais elle coule alors resserrée entre des rochérs élevés. Ce fait semble suffisant pour expliquer les inondations fré- quentes de la plaine de Rennes. L’exhaussement du lit de ja rivière , exhaussement bien certain et qui offre des cou- ches assez distinctes, n’a point dû s’opérer sans un exhaus- sement proportionnel des bords, que couvre une riche vé- gétation. » M. de Caumont présente les considérations suivantes : « La vitesse des eaux étant en raison des pentes , il ar- rive que telle rivière qui n’exhaussera pas son lit lorsqu'elle roulera avec une certaine rapidité, ou- qui le creusera même sur un point où elle sera resserrée par des rives es- -.carpées , abandonnera les parties terreuses qu’elle tenait en suspens quand elle parviendra dans un pays de plaine “où dans une large vallée , qui permettront aux eaux de couler lentement : là le précipité se fera d'autant plus fa- cilément qu’il sera plus ou moins favorisé par la configu- SEIZIÈME SESSION. 47 rafion du sol, et l’exhaussement du lit aura lieu. C’est ainsi que , dans le cours d’un fleuve , quand il a une cer- taine longueur , il peut se présenter alternativement des cantons où la lésion des terrains est visible, et des cantons où l’accroissement des couches terreuses est incontestable. Ilen est de même probablement pour la Vilaine. — Rela- tivement à l’endiguement des rivières dans les pays plats, il faut reconnaitre que, par suite de ces lois qui sont con- statées par une multitude de faits bien connus des géolo- gues , établissement des digues le long des fleuves peut créer des marais. Les digues conservant dans le lit du fleuve. tout le limon qu'il eût rejeté sur ses bords, et ce dépôt se formant dans une direction resserrée par les di- gues, les atterrissements doivent décupler de puissance. Ils font bientôt remous sur le cours du fleuve : la pente de celui-ci diminue, son lit se comble, les atterrissements s'élèvent et s’accroissent dans une rapide progression. Le lit des cours d’eau, par une suile nécessaire, finit par s’é- lever au-dessus du sol de la contrée, el cesse d’étre le moyen d'assainissement et d'écoulement que la nature avait assi- gné à son bassin. Les bords deviennent marécageux, parce qu'ils n’ont pas de moyens d’évacuer leurs eaux; on ne peut pas les faire couler par des lits latéraux ; car, pour rendre efficace l’endiguement du fleuve , il est nécessaire de diguer à la même hauteur le lit des affluenis: alors, des marais pestilentiels se forment à la place des terres fécondes. L'Italie (bords du Pô, marais pontins) ; la France (bords du Rhône, vers son embouchure, de Beaucaire à la mer). Ainsi, des milliers d'hectares. de terrain sont pres- que perdus pour l’agriculture , comme le fait remarquer M. Puvis (t. 1% de l’Institut des Provinces), par les pré- cautions même qu'on a prises pour les préserver. Ce qui se passe dans le bassin du Rhône se produit dans beau- coup d’auires bassins : les atterrissements y suivent une progression plus ou moins rapide, suivant les circon- stances. » M. Bourassin pense aussi que l’exhaussement du lit des 48 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. rivières ést un fait général , indiqué par la théorie et con- _firmé par observation. La Vilaine est bien loin de se trou- ver dans un cas exceptionnel. Plusieurs causes ; au con- traire ; doivent produire l’exhaussement continuel de son lit, et cet exhaussement doit avoir pour conséquence l’inon- dation plus fréquente des terres riveraines. Quant à la dis- tinction des couches formées à diverses époques , on peut croire qu’elle se réduit à une différence entre les dépôts qui se sont effectués lorsque la rivière élait libre ou à peu près, et ceux qui ont eu lieu après l'établissement des écluses, au XVF° siècle. A l'opinion émise par MM. de Caumont et Bourassin , M. Bernède oppose les faits suivants : Le cours de la Vi- laine , dans sa partie moyenne , est entravé par de nom- breuses écluses , et l’eau s’y trouve dans un état de sta- gnation très-favorable à la formation de nouvelles couches terreuses , à l’exhaussement du lit. Cependant , les inon- dations ne sont devenues ni plus fréquentes ni plus con- sidérables, etdes observations, suivies depuis plus de vingt- cinq ans, constatent l’amélioration des terres riveraines. Ces terres restent moins long-temps très-humides , car les plantes marécageuses cèdent peu à peu leur place aux plantes prairiales. — Au-dessous du dernier obstacle que l’art oppos: au cours de la Vilaine , le lit de cette rivière ne tend aucunement à s’exhausser. Si, dans la partie qui subit l'influence de la marée, des amas de vase se forment, c’est seulement pendant les mois d’août et de septembre, époque où le volume de l’eau diminue, où le courant est très-faible ; dès les premières crues, le courant devient fort, et le déblai du lit s’opère d’une manière complète. Lelimon, porté par l’inondation sur les prairies riveraines, contribue à l’exhaussement de leur sol. M. le Président fait connaître que M. le docteur Toul- mouche , qui s’est inscrit pour parler sur la question, n’a pu, à cause d’un service public, se rendre à la séance. — Il est bien entendu que la discussion pourra être mr à la séance prochaine. SEIZIÈME SESSION. 49 La troisième question est à l’ordre du jour. Il s’agit des rapports et différences que présentent les dépôts tertiaires qui existent en Brelayne et dans la Normandie occiden- tale. M. Bourassin, prenant en considération les renseigne- ments qui lui ont été fournis sur les dépôts tertiaires de la Normandie occidentale , estime qu’il y a une grande ana- logie entre ces dépôts et les dépôts tertiaires qui se trou - vent en Brelagne. Ceux-ci ont généralement peu d’éten- due, et leur direction est souvent de l’est à l’ouest. Ils sont caractérisés , soit par des argiles, des cailloux roulés, des poudingues et des sables ferrugineux très-cohérents, soit par des calcaires de diverses sortes ou par des masses de coquilles plus ou moins brisées, plus ou moins reconnaïs- sables. On doit à des sondages exécutés par M. Durocher, dans le département d'Ille-et-Vilaine , la connaissance de plusieurs dépôts tertiaires calcaires recouverts par des dé- pôts d’une autre nature. Des fonds ont été alloués par le Conseil général pour opérer ces utiles recherches. Il est à désirer que cet exemple soit imité par les autres départe- ments bretons, surtout par ceux qui ont peu de dépôts cal- caires apparenis. M..de Caumont voudrait une fixation plus précise des limites de l’analogie entre les dépôts tertiaires de la Bre- . tagne et ceux de la Normandie occidentale. Il voit avec peine que l’âge des dépôts en question n’a pas été soigneu- sement examiné. Il invite les géologues bretons à fixer leur attention sur ce point irès-important. M. Bizeul fait connaître que le département de la Loire- Inférieure l'emporte sur les autres départements de la Bre- tagne par lénombre des dépôts calcaires très-apparents qui s’y trouvent. Il pense qu’une exploitation bien entendue de ces dépôts serait d’un grand intérêt pour l’agriculture. A cette occasion, il provoque une discussion sur la diffé- rence qui pourrait exister dans le mode d’action de la chaux proprement dite et de la chaux hydraulique, employées l’une et l’autre comme engrais ou amendement. Plusieurs 50 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. membres prennent part à cette discussion , et finissent par s’accorder sur les points suivants : 4° Rien n’est plus difficile que de rendre de ton les expériences agricoles. 2° Le principe calcaire introduit dans un sol qui en est pauvre ou dépourvu doit toujours produire un bon effet. Cependant l’effet sera subordonné aux influences exercées par le climat, par la nature des cultures et par la quantité absolue du principe actif employé. 3° La chaux hydraulique agira en définitive.comme toute autre espèce de chaux; mais, pour apprécier son action , il faut tenir compte de l'argile qu’elle renferme, de sa moin- dre division, en un mot, de toutes les circonstances physi- ques et chimiques qui la distinguent de la chaux ordi- naire. On passe à la neuvième question, ainsi conçue : À quoi peut-on attribuer les différences que l’on remarque dans la forme des œufs chez la plupart des familles d'oiseaux. Suivant M. Feuillet, ces différences sont dues à ce que la nature se plaît à varier ses œuvres. Les œufs-des in- sectes et les graines des végétaux offrent des différences encore plus grandes. La force et la quantité du mélange matériel constituant l'œuf déterminent sans doute la forme qu'il présente ; le germe de vie existe dans le mélange; mais les substances qui entourent ce germe peuvent s’u- nir et se disposer très-diversement. Des causes particuliè- res peuvent aussi se joindre aux causes générales. Avant le développement complet de l’œuf, une émotion éprouvée par l'oiseau producteur peut en altérer la forme; lors de la ponte, une émotion, en rétrécissant le passage, peut en- core opérer une modification, diminuer l’épaissèur de l’œuf en augmentant sa longueur. M. Le Gall craint que la question, trop concise peut-être, n’ait pas été bien comprise. Il semble qu’elle n’est poini rela- tive aux différences de forme que présentent en général les œufs des oiseaux, mais aux différences qui existent souvent entre les œufs des oiseaux, de famille à famille ou dans SEIZIÈME SESSION. 51 certaines familles. L’œuf complet est toujours revêtu d’une coque calcaire non extensible. Cette coque finira par ren- fermer un jeune oiseau. La forme de l’œuf doit done, dès la ponte , être en rapport avec la forme générale du jeune oiseau que la coque renfermera pendant quelque temps. Si le corps du jeune oiseau, ou plutôt sa masse, doit avoir bien plus de longueur que de largeur, l'œuf est presque el- lipsoïde; si la longueur de l'oiseau ne doit excéder que fai- blement sa largeur, l'œuf est presque globuleux; si l’excé- dant en longueur chez l'oiseau doit être médiocre, l’œuf se fait remarquer par une forme moyenne entre les deux for- mes qui viennent d’être mentionnées. L'état du corps ne méritait pas d’être pris en considération dans la classifica- tion des oiseaux ; aussi telle famille contient à la fois des oiseaux plus ou moins sveltes et des oiseaux plus ou moins trapus , lorsque telle autre ne contient que des oiseaux svelies, et telle autre encore que des oiseaux trapus. Dans la première de ces familles, les œufs diffèrent entre eux d’une manière plus ou moins marquée; dans la seconde, ils sont conformes, et diffèrent notablement des œufs de la troisième. En se livrant à des observations pour apprécier le fait avancé d’un rapport entre la forme de l’œuf et celle du corps de l'oiseau, il faudra examiner l'oiseau sortant de l'œuf, ou du moins lorsqu'il est encore très-jeune; car un changement sensible dans la forme du corps peut s'o- pérer pendant la croissance. — M. Le Gall dit aussi quel- ques mots sur les causes accidentelles qui altèrent la forme des œufs. Ces causes lui semblent rares chez les oiseaux qui vivent en liberté; il n’a même remarqué dans les œufs de ces oiseaux que de faibles déformations. Les œufs des oiseaux domestiques conservent moins leur forme nor- male; quelquefois même ils présentent des altérations fort graves. La séance est levée à neuf heures. 52 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Séance du 4 Septembre 1849. Présidence de M. l'abbé NOGET. — M. MALAGUTT, Secrétaire. La séance s’ouvre à sept heures du matin. Le procès- verbal de la séance précédente se lit. Il est adopté. M. Morrière, vice-président de la section , fait hommage de deux publications dont il est l’auteur. L'une est intitu- lée : Industrie potière dans le département du Calvados ; l’autre a pour titre : Notes sur quelques phénomènes géolo- giques et minéralogiques observés dans le Calvados. _Le même membre dépose sur le bureau des échantillons de schiste provenant de l’ardoisière de Chattemone, dépar- tement de la Mayenne. Invité à donner quelques explica- tions à ce sujet, il dit que l'exploitation de Chattemone, qui oceupe actuellement cent trente ouvriers, pourrait en occuper sept cents, si on lui donnait toute l'extension dont elle est susceptible. Elle fournirait alors trente millions d’ardoises par an. Les produits sont remarquables, non seulement par leur homogénéité et par leur grain , mais en- core par leur dimension. Rien n’est plus facile que d’en tirer des tables de dix mètres de longueur. Les artistes, comme les industriels, doivent s'intéresser à l’exploitation de cette carrière. Le schiste qui en est extrait porte, dans le commerce , le nom d’ardoise de Jacron. Lorsqu'il a été poli et enduit d’une huile siccative, sa couleur devient brune et rappelle le bronze ou le marbre noir. On en fait des cheminées sculptées d’une grande beauté. On pourrait remplacer par des tables de ce schiste les tables de nos billards, qui sont de bois et qui perdent tôt ou tard leur “horizontalité, par suite des influences hygrométriques tou- jours variables de l’atmosphère. — En terminant, M. Mor- rière demande s’il existe en Bretagne des carrières d’ar- _ SEIZIÈME SESSION. 53 doise d’où l’on pourrait extraire des blocs d’une bonne qua- lité et d’un volume considérable. M. Bourassin répond que, parmi les ardoisières assez nombreuses ouvertes en Bre- tagne , il en est quelques-unes qui fournissent des blocs d’un fort volume, peu susceptibles de se diviser en feuil- lets, et pourtant d’un grain assez fin. Il cite notamment une ardoisière près de Châteaulin, département du Finis- tère. Par suite de la réserve faite à la séance précédente, M. Toulmouche a la parole sur la deuxième question re- lative à l'exhaussement du lit de la Vilaine. « Cette rivière, dit-il, prend sa source à l’est du département, sur la limite du département de la Mayenne. Elle parcourt le premier dans une large vallée, en se dirigeant vers l'ouest pour at- leindre Rennes. Là , elle change de direction, se porte vers le sud pour se frayer une issue au dessous de Pont- Réan, entre des collines schisteuses assez élevées. Au- delà, elle continue à suivre la même direction méridionale pendant trente kilomètres. Un peu au-dessous du bourg de Langon, elle incline au sud-ouest jusqu'à Redon, et da- vantage encore en approchani de la Roche-Bernard {Mor- bihan) , où elle commence de nouveau à couler entre des collines. De ce point jusqu’à son embouchure dans la mer, elle change de direction et prend celle du nord-est à l’ouest. Elle s’élargit alors de plus en plus. — La vallée dans la- quelle coule la Vilaine est pratiquée dans le terrain de transition qui s'étend vers le nord jusqu'aux environs de Fougères, et, par quelques issues, atteint presque le littoral. Ce terrain est formé de schistes, de quartzites, d'une grauwake lerreuse grise ou verdàtre, de phyllades tendres et fossiles. IL est stralifié dans une direction ouest- nord-ouest, les couches plongeant au nord. La Vilaine, dans sa traverse de Rennes, se trouve à 24 m. 11 au des- sus du niveau de la mer. Dans cette traverse, le fond du lit repose immédiatement sur une roche schisteuse, dort j'ai reconnu les feuillets obliques à la base du coteau répondant àla ligne du côté droit des quais, près la rue de la Baudrairie. LION E 5 “8 54 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. En cet endroit, les schistes devaient former à une époque re- culée une espèce de colline dont la pente devenait plus rapide à l’approche de la rivière, dans laquelle la roche plongeait assez brusquement au dessous des sables agglomérés sous. un angle de vingt-cinq à trente degrés, en se dirigeant du nord au sud. Le lit de la Vilaine se trouvait, à l’époque de l'occupation de la Bretagne ou Armorique par les Ro- mains , de deux mètres et demi à trois mètres plus pro- fond qu'il ne l’est de nos jours. Il était aussi bien plus large. Les travaux nécessités par la rectification du cours de cette rivière ont permis de vérifier ce double fait. Dans la période qui vient d’être indiquée, le fond de la rivière était formé de sable grossier, aggloméré et très-dur, puisqu'on a pu bâtir sur ce sable les culées du pont de Berlin, et placer sur lui les assises en pierre des murs de soutènement des quais. Le peu de terre qui s’y trouvait mélangée prouve que le cours de la rivière, à cette époque , était libre depuis sa partie supérieure jusqu’à son embouchure; qu'aucun bar- rage n'empêchait la terre d’être entrainée à mesure qu’elle était déposée par les ruisseaux ou par les cours d’eau plus considérables, qui, de chaque versant des collines voi- sines, venaient se jeter dans le fleuve. Celui-ci occupait alors une partie bien plus grande de la vallée dans laquelle il coule. Les prairies qui le bordent depuis Pont-Réan jus- qu’à Rennes, et celles qui se voient au dessus de cette ville, en ont graduellement rétréci le lit par leurs alluvions successives, se faisant d’abord d’une manière lente et en quelque sorte séculaire , et plus tard avec assez de promp- titude, lorsque les diverses écluses établies au XVI° siècle vinrent favoriser les dépôts. Plusieurs sondages , qui ont été faits dans ces terrains de transport, ont offert la suc- cession des mêmes couchés, et l'on a pu suivre , durant les travaux exéculés dans la Vilaine , les diverses phases du comblement graduel du lit de cette rivière par les-dé- pôts, en examinant avec soin les couches qui s'étaient formées depuis l’occupation romaine jusqu’à l’époque ac- tuelle. Durant l'occupation , les sables se déposèrent dans SEIZIÈME SESSION. 55 une épaisseur de plusieurs pieds, ce qu’indiquait une ligne brunâtre plus foncée , colorée par l'oxide de fer, qui sem- blait avoir été, pendant ce temps , le dernier dépôt d’ex- - haussement du fond de la rivière . puisqu'il ne s’en trou- vait pas de semblable en dessous. La masse, remarquable par sa dureté, était composée de graine de quartz liés par un ciment argilo-terreux , plus ou moins coloré par le fer hydraté ; son aspect rappelait assez celui d’un poudingue grossier. Dans toute l'épaisseur on trouva des pièces ro- maines par milliers. Dans une seconde période , qui suc- céda à la précédente , il se déposa un sable plus fin encore et peu mélangé de terre. Ce dépôt, bien moins dur que l’autre, et d’une épaisseur de vingt-quatre à trente déci- mètres, avait dù se former depuis l’époque où les conqué- rants de la Gaule furent forcés de l’abandonner jusqu’à celle où le ralentissement du cours de la rivière, par suite de l’exhaussement progressif de son lit, permit à plus de terre entrainée de se. mêler au sable. Il dénotait que la Vi- laine avait encore un cours assez rapide. Dans une iroi- sième période, des couches argileuses commencèrent à se former au-dessus du dépôt qui vient d'être mentionné. Elles.se formèrent d’abord lentement, puis promptement , lorsque la rivière fut rendue navigable au moyen de bar- rages et d’écluses. C’est dans ces argiles plastiques gris- bleuâtres , assez denses, que l’on rencontra des troncs d'arbres énormes , des graines parfaitement conservées et de nombreux pilotis employés pour assurer les fondations de l’ancien couvent des Ursulines et celles d’autres édi- fices, soit de la même époque (4615), soit d’une époque antérieure. On découvrit surtout, à quinze mètres environ du pont de Berlin, touchant presque les sables gris , et presque couché en travers. du fleuve, un chêne d’une di- mension prodigieuse , dont les branches s'étaient évidem- meni-brisées dans la chüte. Sa racine était colossale et son bois d’un noir d’ébène excessivement dur. Cet antique dé- bris végétal indiquait que sur le bord du fleuve, en cet endroit, un bois séculaire, et peut-être sacré, avait existé. 56 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE Une quatrième et dernière période était marquée par une couche de térre noirâtre, plus ou moins boueuse, mélée à uñe multitude de pierres de grosseur variable. On y trouva * uñ grand nombre de monnaies et d’objets du moyen-âge “ét des siècles plus rapprochés du nôtre; ce qui dénotait les derniers exhaussements survenus. La diminution progressive de la largeur du fleuve dut accompagner l’élévation graduelle du fond de son lit. C’est, en effet, ce qui eut lieu et se fit par l'érosion continue de ses bords, amenant des éboulements qui comblaïent peu à peu la portion du lit dans laquelle ils s’opéraient; tandis que les terres entrainées se déposaient sur les masses ébou- lées, en remplissaient les dépressions , et que de nouveaux. dépôts, en les recouvrant, atteignaient la surface de l’eau. Alors , des plantes s’y développaient , y inséraient leurs ra- cines et fixaient ainsi ces terres mobiles, qui s’accumu- laient d'autant plus, que le cours du fleuve diminuait de vitesse ; ou bien le limon s'épanchaïit sur les terrains voi- sins , lors des crues ou par suite des barrages établis. Ce qui le prouve parfaitement , c'est qu’en creusant sur divers points, dans les prairies qui bordent la rivière, on re- trouve, après la couche de terre végétale, la succession : des couches que présente le fond exhaussé du lit. Dans des fouilles faites au-dessus et au-dessous de l’ancien pont de PIlle, on a trouvé un terrain noirâtre, évidemment produit par des alluvions successives. Le dépôt, plus ou moins long-temps recouvert par l’eau, finit enfin par passer à l’état de marécage. Il reposait sur les sables gris ; mais on vit plus bas un dépôt semblable reposer immédiatement sur les schistes. Au pont des Murs, on découvrit deux arches énfouies dans le sable. En résumé, lexsol de la vallée de Rennes , au dessus de la roche schisteuse, offre la constitution suivante , à partir de la surface : 4° Une couche plus ou moins épaisse de térre végétale; 2° une d'argile et de terre végétale; 3° une de bourbe, recélant des débris végétaux; 4° une de sable gris , un peu mêlée avec la suivante; 8° une de sable quart- SEIZIÈME SESSION. 57 zeux , plus grossier et bien plus dur. Ces couches ont fait en quelque sôrte connaître, par siècles, la profondeur et l'étiage du fleuve ; elles ont aussi indiqué que l’exhausse- ment s'était fait d’une manière continue depuis l’époque romaine, à travers les époques carlo-mérovingiennes, id moyen-âge et le siècle dernier, mais qu’il ne s’était pas toujours opéré d’une manière uniforme. Ainsi, dans l’inter- valle du dernier siècle avant J.-C jusqu'au V® ou VE siè- cle, un dépôt considérable de sables quartzo-ferrugineux et gris, subdivisé en deux portions, se forma au fond du fleuve, sur les schistes. Du VE siècle au XII ou XIIÉ, ‘peut-être au XIV®, ce dépôt fut couvert par une couche de tourbe et de débris végétaux, ayant une épaisseur de trente à quaranie centimètres. Le XV® siècle, éporue où commencèrent, sur le fleuve, des travaux d'art, tels que ponts, cales, barrages, vit se former un dépôt d'argile et de terre végétale, épais d'un à deux mètres. Dans le siè- cle suivant, après l'établissement des écluses, un dépôt de glaise et de remblais exhaussa encore de deux à trois mè tres le lit du fleuve. La masse d’eau a dû varier, et la diminution toujours croissante de la profondeur du lit a dû produire ancienne- ment dés inondations. Ce fait est bien constaté par le ré- sultat des fouilles et sondages exécutés loin des bords ac- tuels de la rivière, soit au dessus de la ville, soit au des- sous , soit même assez près de Redon. Enfin, de nos jours, c’est encore à l’état du lit qu'il faut attribuer les inonda- tions assez fréquentes dans toute la vallée de la Vilaine. Rétrécir le lit d’une rivière , c'est créer une cause d’inon- dation. À cet égard, une expérience s’est faite à Rennes, lors de la confection des quais. Pour faciliter certains tra- vaux , les conducteurs, peu prévoyants, diminuèrent par des barrages la largeur du lit de la rivière. Il fallut bientôt détruire ces obstacles au libre écoulement de l'eau. Les terrains supérieurs se trouvaient inondés. Eh bien! ce que l'art mal dirigé occasionna assez brusquement, la nature . le fait d'une manière lente, mais continue! Si l’exhausse- 58 CONGRÈS SCIENTIFIQUE. DE. FRANCE. ment toujours croissant du lit des rivières et le rapproche- ment graduel des bords ne leur permettent plus de contenir le volume d’eau qui survient après les grandes pluies, ou après la fonte des neiges, les inondations deviennent très- fréquentes, et les rivières s’en trouvent fort mal; elles fi- nissent quelquefois par être réduites à de simples ruisseaux; quelquefois aussi elles se fraient de nouvelles issues... Il est probable que certaines vallées, qui n’offrent plus que des cours d’eau très-faibles, ou seulement quelques traces de cours d’eau, étaient naguère parcourues par des rivières plus ou moins importantes. :M.Toulmouche, en terminant sa dissertation, mentionne un mémoire intitulé : Des Inondations , et du Régime des Eaux en France, dans lequel M. Duchâtellier, qui connais- sait les faits observés à Rennes, indique les voies nou- velles dans-lesquelles devraient entrer les ingénieurs pour prévenir les inondations désastreuses de beaucoup de ri- vières. L'auteur résume ainsi ses idées : is «Les fleuves et les rivières ne:sont pas. seulement des voies de navigation; ils sont aussi, jusque daus leurs plus petits ruisseaux , des moyens de richesse et de fécondation pour la terre, par le secours des inondations. N'avoir songé qu’à l'endiguement. et à la navigalion , c’est n'avoir, yu qu'une des faces de la question. Le résultat de. cette: er- reur a été l'obstruction de nos voies fluviales, l'exhausse- ment de leur lit , la mobilité de leur fond et des bancs qui les forment , l’imminente probabilité des inondations. 11 faut à la fois régulariser les cours d’eau navigables, et.sys- tématiser l’inondation pour la faire profiter au sol, au lieu de la tenir en quelque sorte suspendue sur la tête des tra- vailleurs qui se sont.établis derrière des chaussées trop multipliées ou çonstruiles sans. discernement. » Comme M. Toulmouche, en parlant dela largeur de la Vilaine à une époque reculée, la faisait battre la base de la primitive enceinte de la ville, M. Marteville s’est cru.en droit de présenter quelques considérations archéologiques qui-contrarient le fait avancé. Une discussion s’est enga- SEIZIÈME SESSION. 59 gée, mais en dehors de la question. M. Toulmouche a paru y rentrer, en disant : « Lorsqu'on a creusé les fondations de la maison placée à l'angle ouest de la rue de la Poisson- nerie, j'ai pu m’assurer, en retrouvant la muraille gallo- romaine assise sur les schistes, que la Vilaine venait la battre dans ce point, et qu’elle s'était éloignée de ce lieu en y laissant un dépôt assez considérable. » L'examen de la quatrième question se trouve à l’ordre du'jour, et la parole, selon le rang des inscriptions, appar- tient à M. Le Gall. Il s’agit, dit ce dernier, d’indiquer quels sont , en Brelagne , les faits qui prouvent l’influence de la nature géologique du sol sur la distribution géogra- phique des plantes. Avant tout, il est bon de s’entendre sur quelques mots de la question. Pour nous , /a nature géologique du sol consiste dans la composition des roches ou couches superficielles, qui, par leurs débris ou par leurs éléments, se mêlent à l’humus ou terreau ; nous faisons ab- straction de leur âge relatif et du mode de leur formation. En Bretagne , la distribution des végétaux , à raison de la nature géologique du sol, n’est bien marquée que de sol calcaire à sol non calcaire , et de sol imprégné de sel à celui qui en est dépourvu. Nous voyons bien, dans nos plaines à sol schisteux ou granitique , quelques plantes robustes s'arrêter brusquement , cesser de se reproduire au-delà d’une certaine ligne, quoique l’humidité ou la sé - cheresse du sol, comme sa division, n'offre aucune diffé- rence sensible d'un côté de la ligne à l’autre: mais, avec cela, nous ne pouvons que soupçonner un changement dans la nature du sol, et nous devons altendre des ana- lyses comparatives. La végétation très-spéciale de nos sa- bles maritimes ou dunes ne doit pas être attribuée, en gé- néral, à la nature géologique du sol. & Le dépôt calcaire de Saint-Jacques, près de Rennes , quoique médiocrement élendu , offre vingt-deux plantes qui ne se montrent pas sur les terrains schisteux ou grani- tiques dont il est entouré. Quinze d’entre elles peuvent _être regardées comme absolument calcicoles, au moins en 60 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE Bretagne, savoir : Ranunculus ophioglossifolius , Nill. ; Ranunculus capillaceus , Thuill.; Linum ‘augustifolium , Huds.; Astragalus glycyphyllos, L.; Filago Jussiœæi, Coss. et Germ.; Cérsiwm eriophorum , L.; Centaurea scabiosa , L. ; Chlora perfoliata, L.; Lithospermum officinale, L. : Orchis pyramidalis, L.; Orchis odoratissima, L.: Orchis hircina, Crantz.; Ophris apifera, Huds.; Epipactis pa- lustris, Crantz.; Bromus erectus, Huds. Si quelques-unes se font voir sur certains points de nos côtes , c'est sans doute parce que le sol n’y est pas purement schisteux ou granitique , mais recèle , avec des particules salines , des débris de coquilles et de madrépores. Les sept autres plan- tes paraissent un peu moins attachées à la chaux , ear on les a retrouvées dans la partie méridionale de la Bretagne, sur des terrains schisteux ou granitiques assez éloignés de la mer. Ces plantes sont: Papaver argemone, L.: Dianthus prolifer, L.; Poterium sanguisorba , L.; Torilis nodosa , Gœrtn.; Tragopogon pratense, L.; Carex paludosa, Good. ; Equisetum palustre, L. f Le même dépôt calcaire réunit, en outre, plusieurs plan- tes qui sont dispersées sur les autres sols, et ne se retrou- vent que par localités; telles sont les plantes suivantes : Ra- nunculus tripartitus, DC; Aquilegia vulgaris, L.: Nas- turlium pyrenaicum, R. Br., Brassica cheiranthus, Vill.; Viola odorala, L.; Spergula subulata, Swartz; Trifolium marilimum , Huds.; Trifolium ochroleucum , L.; Trifolium patens, Schreb.; Epilobium hirsutum, L.; Epilobium molle, Lam.; Herniaria hirsuta, L.; Silaüs pratensis, Bess.; Eryngium campestre, L.; Erigeron acre, L.; Cichorium intybus, L.; Lycopsis arvensis, L.; Cynoglossum officinale, L.; Linaria spuria, Mill.; Veronica anagallis, L.; Oroban- che cœrulea, Vill.; Origanum vulgare, L.; Galeopsis lada- num, L.: Calamintha officinalis, Mœnch; Mercurialis pe- rennis, L.; Juniperus communis , L.; Triglochin palustre, L.; Orchis coriophora, L.; Colchicum aulumnale, L.; Ca- lamagrostis epigeios, Roth.; Gaudinia fragilis, P.B.; Chara hispida, L.; Ophioglossum vulgalum, L. SEIZIÈME SESSION. 61 La plupart de nos autres dépôts calcaires ne sont pas aussi riches en plantes; mais, dans tous, l'influence de la chaux sur la végétation se fait bien sentir. Deux ou trois dépôts , situés dans le département de la Loire-Inférieure , et peu éloignés du Poitou ou de l’Anjou , sont mieux dotés que le dépôt de Saint-Jacques. Parmi les plantes calcicoles qu'ils produisent, on remarque les suivantes : Fumaria parviflora, Lam.; Fumaria Vaillantii, Lois.; Diplotaxis muralis, DC.; Arabis sagittata, DC.; Alyssum calyci- num, L.; Lepidium campestre, R. Br.; Thlaspi perfoliatum, L.; Bunias erucago, L.; Helianthemum vulgare, Gœærtn.; Dianthus carthusianorum, L.: Cerastium brachypelalum, Desp.; Alfhœa hirsuta, L.; Ononis natrix, Lam.; Lupi- nus linifolius , Roth.; Hippocrepis comosa, L.; Trifolium medium, L.; Viburnum lantana, L.; Galium tricorne, With. Valerianella Morisonii, DC.; Srabiosa columbaria, L.; Hel minthia echioïdes, Gærtn.; Chondrilla juncea, L.; Anchusa ilalica, Retz; Linaria supina, Desf.; Melampyrum cris- tatum, L.; Salvia sclarea, L.; Calamintha acynos, Gaud.; Stachys germanica, L.; Stachys annua, L.; Ajuga chamæ- pilys, Screb.; Polycnemum arvense, L,; Euphorbia gerar- diana, Jacq.; Carex nitida, Host; Phleum bœhmeri, Wib. — 11 est à noter que six plantes calcicoles de la famille des crucifères se trouvent sur le sol calcaire dans le dé- partement de la Loire-Inférieure , tandis qu'aucune plante calcicole de cette famille ne se montre dans le départe- ment d'Ille-et-Vilaine. En Bretagne, les terrains non calcaires et non salés se font plutôt remarquer par l’absence que par la présence de - certains végétaux. Peu de nos plantes peuvent être consi- dérées comme absolument silicicoles ou aluminicoles, et des observaticns suivies ne manqueront pas d’en diminuer le nombre. On voit sur le sol de Saint-Jacques, en belle venue, plusieurs plantes qui passent pour fuir le calcaire. Mentionnons seulement la Digitale pourprée, le Genêt an- glais, le Passerage de Smith (Lepidium Smithii Hook). Les différences que présente la végétation sur les terrains schis- FE 9 62 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. teux ou granitiques semblent provenir du fait que telle partie du sol est très divisée ou sablonneuse, telle autre compacte, mais assez molle, telle autre très-dure. Ce qui est dû à ces divers états du sol se trouve en dehors de la question posée. Il n’y a là rien de relatif à sa nature géolo- gique. M. l’abbé Noget, Président de la section, fait observer que les analyses comparées des sols et des plantes pour- raient être fort utiles pour conduire à la solution de la ques- tion qui se discute , l'influence de la nature géologique du - sel sur la distribution des végétaux. Ceux-ci, en effet, ne doivent se développer qu’autant qu’ils trouvent dans le sol les éléments qui entrent dans leur constitution. M. de Caumont, en faisant connaître que, dès l’année 1828 , il a examiné sommairement l'influence de la nature géologique du sol sur la végétation, exprime combien il regrette l’absence de M. Ch. Des Moulins, savant bota- _ niste de Bordeaux, qui a fait tout récemment des recher- ches intéressantes sur le sujet dont la section vient de s’oc- cuper. Il y a eu pour M. Ch. Des Moulins impossibilité de se rendre à Rennes. Ce savant croit que le mot géologique , qui se trouve dans la question, serait convenablement rem- placé par le mot minéralogique. Il faut, ajoute M. de Cau- mont, se pénétrer d’abord de ce fait, que la nature miné- ralogique des terrains, et non leur âge, influe sur la distri- bution des plantes. Ainsi, un grès tertiaire peut produire celles qui caractérisent le grès intermédiaire ; des silex ac- cumulés à la surface du sol, sur un terrain calcaire, peu- vent déterminer, sur ce point, la croissance des plantes exclusivement caractéristiques des terrains siliceux. Ce sont ces oasis, ces enchevêtrements de terrains, si fré- quents dans la nature, par suite des transports opérés par les eaux, qui contribuent puissamment à la variété bota- nique de nos campagnes, et qui rendent plus difficile la so- lution absolue de la question qui nous occupe. _ La séance est levée à neuf heures. arts SEIZIÈME SESSION. 63 . Séance du 5 Septembre 1849. Présidence de M. l’abhé NOGET. — M. MALAGUTY, Secrétaire. Lecture est donnée du procès-verbal de la séance précé- dente. Une demande en rectification, faite par M. Le Gall, est accueillie. Le procès-verbal est ensuite adopté. La discussion de la quatrième question se continue. M. Malaguii, qui obtient la parole, dit que la présence de certaines plantes calcicoles sur un sol non calcaire bor- dant la mer, s'explique très-facilement , par le fait que des principes calcaires et magnésiens se trouvent dans les lieux où il y a du sel provenant de l’évaporation de l’eau de mer. Cette eau, en effet, contient, non seulement du muriate de soude, mais encore des muriates, sulfates et carbona- tes de chaux et de magnésie. On ne doit pas d’ailleurs ou- blier que la substitution parüelle, sinon complète, d’un principe terreux par un autre, dans l’économie végétale, est un fait désormais acquis à la science. Ainsi, l’appari- tion de quelques plantes calcicoles dans des localités sali- fères n'est une chose anormale qu’en apparence. Il n’en faut pas conclure que ces plantes peuvent vivre et se pro- pager indépendamment de l’élément calcaire. - M. Durocher croit qu’il faut, en s’occupant des plantes particulières au littoral, faire une distinction entre celles qui ont véritablement besoin d’un terrain salé, et celles qui vivent sur un terrain que n’atteignent pas les hautes ma- rées. Le sel ne parait pas être pour ces dernières une chose nécessaire, une condition de leur existence. C’est sans doute au milieu d’elles que se montrent certaines plantes calcicoles, et non à côté des Salicornes, des Soudes, de l’Anserine maritime, des Arroches pourpier et à rosette, de la Renouée maritime, du Caquillier maritime, de l’Aster 64 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. tripolium. Les terrains un peu élevés du littoral, s'ils ne sont pas salés, renferment au moins des débris calcaires marins et offrent des propriétés physiques analogues à cel- les des terrains calcifères. On doit mettre au nombre des plantes qui appartiennent aux terrains salés celles qui croissent dans les fissures des rochers battus par les flots, par exemple, le Crithme maritime, si connu sous le nom de Casse-Pierre, la Sabline marine, la Doradille marine. Il ne faut plus peut-être associer à ces trois plantes le Si- léné maritime, qui, passant à l’intérieur, se montre sur les crêtes centrales de la Bretagne, où n'arrivent certaine- ment pas les émanalions de la mer. S M. Le Gall est porté à croire que la planie dont il s’agit n’est point le Siléné maritime, mais une variété saxicole du Siléné enflé, variété caractérisée par des feuilles plus pe- tites et par des tiges uniflores ou pauciflores. Le Siléné maritime ne se distingue bien nettement du Siléné enflé . ( Cucubalus Behen, L. ), que par sa racine rampante. Au resle, l'abandon par une plante de sa station naturelle n’est pas un fait inobservé. On trouve près de Josselin, à à cinq myriamètres de la mer, l’Erodium maritime , et la présence de cette plante dans cette localité ne peut s'expliquer, comme s’explique la présence de la Casse-Pierre ou Perce- Pierre au Guémené, par la circonstance que le sol présente un poini salifère. Les botanistes, ajoute M. Le Gall, nom- -ment plantes salines les plantes maritimes qui croissent, à l'intérieur du pays, dans les terrains saumâtres ou salés. T1 faudrait, en admettant la distinction faite par M. Durocher, appeler maritimes-salines les plantes qui sont de temps en temps couverles ou arrosées par la mer, et marilimes-lit- torales , celles qui croissent près de la mer, mais sur un terrain qu’elle n’atteint pas. La division se fera difficile- ment, car plusieurs plantes maritimes se font voir , et bien en-deçà de la ligne des grandes marées, el bien au-delà. Les parties élevées du rivage, les dunes, ne restent pas privées d’eau de mer; elles en reçoivent, soit par infiltra- tion, soit par les brouillards dits marins, SOÏt par l'écume SEIZIÈME SESSION. 65 que produit le mouvement des vagues , et que le vent porte plus ou moins loin. Les plantes calcicoles qui apparaissent sur le littoral n’y sont pas disposées de la même manière. La Renoncule à feuilles d’ophioglosse a été découverte dans une prairie hu- mide et très-voisine de la mer, en la presqu’ile de Sarzeau (Morbihan).— La Renoncule capillacée, plante aquatique , se trouve dans les étangs saumâtres des dunes et dans les douves des terrains enlevés à la mer. — Le Lin à feuilles étroites se voit dans les terrains rocailleux quelquefois at- teints par la vague, dans les fissures des rochers et dans les dunes. Il est assez commun.—Le Filage de Jussieu croit dans les champs sablonneux voisins de la mer. Rare.— La Chlore perfoliée se montre dans quelques dunes et sur les coleaux sablonneux de quelques îles.—L'Ophrys-abeille a été cueillie à Belle-Isle-en-Mer, dans le lieu dit les Grands- Sables. — L'Épipactis des marais vit dans les marécages saumatres, ou dans les parties humides et herbeuses des dunes.—L'Orchis pyramidal a été trouvé dans les sables, à l'île des Ebihens (Côtes-du-Nord). — Le Brome droit n’a été vu que dans un pré, en la commune d’Arradon (Mor- bihan), et le pré dont il s’agit est un peu distant de la mer. M. Ducoudray, sans nier l'influence du sol calcaire sur la végétation , rapporte un fait qui contrarie l’ensemble des données obtenues en Bretagne sur la distribution des vé- gétaux. Il a trouvé dans la commune d’Orvault, près de Nantes, sur un sol granitique, trois plantes qui passent pour appartenir exclusivement aux sols calcaires , Ononis matrix, Lam ; Coronilla varia, L.; Plantago media, L. Le fait rapporté paraît d'autant plus étrange à M. Le Gall que la Bugrane nairix, avant la découverte en question , s'était seulement montrée sur deux dépôts calcaires au midi du département; que la Coronille bigarrée avait été à peine vue sur les sables maritimes d’une seule localité, et que le Plantain moyen passait pour étranger au départe- ment de la Loire-Inférieure , comme au reste de la Breta- gne. Est-il bien certain que le territoire d’Orvault soit pu 66 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. de calcaire-en toutes ses parties ? La très-grande fertilité de sa vallée, aurea vallis, est due peut-être à une petite quan- tité de chaux apportée par les-eaux, et bien mêlée à la si- lice et à l’humus. M. Durocher pense que le fait très-ex- ceptionnel dont il s’agit ne saurait infirmer une règle gé- nérale , fondée sur des faits très - nombreux et soigneuse- ment observés. Le même membre, répondant à une question qui. lui est adressée , dit que les calcaires-marbres-du département de la Mayenne et du département de la Sarthe offrent moins de plantes spéciales que les calcaires tertiaires. Il comprend la cause de cette différence, et donne à cet égard une expli- cation fort détaillée. M. de Président, regardant comme épuisée la discussion sur la quatrième question , autorise M. de Caumont à re- venir sur la troisième, à s'occuper de nouveau des rapports et différences que présentent les dépôts tertiaires de la Bre- tagne et de la Normandie occidentale. M. de Caumont, après quelques observations générales, prie M. Durocher de dire s’il regarde comme tertiaires ou quartenaires les for- mations géologiques modernes de la Bretagne, et ce qu'il pense de leur rapport avec les formations analogues du Co-- tentin. M. Durocher expose les motifs qui l’autorisent à considérer comme tertiaires les formations géologiques mo- dernes de la Bretagne. L'heure avancée ne lui permet pas de s’expliquer sur la seconde partie de la demande. La séance est levée à neuf heures. À = — Séance du 6 Septembre 1849. | Présidence de M. l'abbé NOGET. — M. MALAGUTI, Secrétaire, ; :: Après la lecture du procès-verbal de la séance précédente, MM. Durocher et Malaguti échangent quelques observa- SEIZIÈME SESSION. 67 tions sur la distribution des plantes. Ils s'accordent pour conseiller aux personnes qui s'occupent de cette matière un examen plus attentif de la nature chimique des sols et des principes fixes des végétaux. Le procès-verbal est adopté. La discussion de la douzième question esi à l'ordre du jour. Cette question est ainsi conçue : « Las pins et les sa- » pins semés dans les iles qui n’en possédaient pas sont at- » taqués, au bout de quelques années, par des insectes qui » leur sont particuliers, insectes qui ne volent pas ou qui ne » peuvent voler qu'à de petites distances , ou qui même ne » se trouvent pas dans la région continentale dont l'ile dé- » pend. Un pareil fait peut-il recevoir une explication sa- » tisfaisante? » LA M. Bernède croit qu’il importe, avant tout, de bien con- naitre les insectes qui, sur Le littoral de la Bretagne , en- dommagent les plantations d'arbres résineux, et d’avoir quelques notions sur le mal déjà causé. Pour payer son tribut à cet égard, il cite divers faits qu’il a récemment observés. Ces faits, fort intéressants , se trouvent dévelôp- pés dans la note suivante, laissée sur le bureau : Depuis quatre ou cinq ans, le propriétaire d’une terre considérable, située dans la commune d’Herbignac, près de l'embouchure de la Vi- laine, remarquait que ses semis de pins maritimes éprouvaient un dé- périssement progressif dont il ne pouvait expliquer la cause. Ceux qui atteisnaient l’âge de dix ou douze ans, et qui s’elevaient à trois ou quatre mètres, paraissaien£ exclusivement attaqués. Le mal acquit bien- tôtune telle intensité, que les arbres périrent successivement et que le propriétaire se trouva dans la triste nécessité d'abattre un bois de quinze hectares, dont la végétation, d’abord très-vigoureuse, s'était pour ainsi dire subitement arrêtée. Informé de cet événement , qui semblait mettre en question l’exis- tence des vastes bois de pins maritimes qui se trouvent dans la com- mune d'Herbignac , je vou'us en apprécier moi-même toute la gravilé , et je me rendis sur les lieux. Là , je parcourus , avec le propriétaire de la terre de Kerdavy, les jeunes bois de pins maritimes les plus maltrai- tés, et nous pûmes saisir, ré leur tige même, LE insectes qui les rava- geaient. Voici le résullat de mes investigations et observations particulières : Les bois de pins maritimes de Kerdavy, âgés de dix à quatorze ans , , 68 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. sont attaqués par les insectes depuis quatre ou cinq ans. — Les semis de trois.et quatre ans sont envahis depuis un an seulement; mais un œil exercé peut seul apprécier Île mal , car il ne se manifeste encore que par un développement résineux, qui annonce, ainsi que je l’aï constaté, le séjour de l’insecte dans la tige; du reste, aucun signe de dépérisse- meni. — Les bois de vingt, trente ét quarante ans sont parfaitement intacts. — Les conifères pyramidaux et les pins de Riga n’ont subi au- cune altéralion. Le lendemain, je visitai la propriété de Kerobert, éloignée de trois lieues, en avançant dans l’intérieur des terres. Je reconnus dans les bois maritimes , âgés de dix à quatorze ans , les mêmes dommages et les mêmes insectes qu’à Kerdavy ; mais je m'aperçus que les pins la- ricio et les jeunes sapins , épargnés à Kerdavy, se trouvent attaqués a Kerobert ; l'extrémité de leur tige, comme bn des raineaux voi- sins , était perforée. Entre autres insectes, je notai l'Hylobius pini et abietis, de la famille des Rynchophores, et un Hylurgus où Hylesinus, de la famille des Xilo- phages. Ces deux insectes se rencontrent sur les pins el sur les sapins : toutefois , l'Hylobius attaque principalement ces derniers arbres. Il est moins commun et semble moins redoutable que l'Hylurgus. J'ai remarqué que les larves, peu apparentes en aulomne, se déve- loppent pendant tout l'hiver. On les trouvera dans les tiges en même temps que les insectes. Le travail de l'Hylobius et de l'Hylurgus esl toujours PURE Ve: dans le pia comme dans le sapin ; ils attaquent le canal médullaire , et lors- qu’ils abandonnenñt la tige, c’est toujours par un point terminal. J'ai trouvé simultanément dans la tige d’un jeune pin ces deux in- sectes , la larve du plus pelil et la larve assez grosse d'une phalène ; cette dernière larve s’était probablement sn HÉEUEte par l'ouverture déjà pratiquée au sommet de la tige. Le fléau que je signale s’arrête dans le département de la Loire-Infé- rieure (en partant de Guérande) à la grande route de Nantes à Vannes. Les jeunes pins maritimes, qui bordent dans cetle partie la forêt de la Bretèche , sont encore intacts. — Les semis assez considérables de3, 6,15 et 20 ans que je posséde près de Redon (Ille-et-Vilaine), sur une colline très-élevée, ainsi que les pins de Riga, semés depuis dix:ans, n'ont subi aucune atteinte. Il en est de même des bois considérables de tout âge situés dans la commune d'Avessac, à six kilomètres de Redon, et de ceux qui se voient de Redon à Rennes. En constatant la destruction progressive causée par les insectes ci- dessus mentionnés , j'ai essayé de remonter à l'époque où les ravages ont commencé, et j'ai reconnu d’une manière certaine que les pinset surtout les sapins ne sont alteints que depuis peu d'années 'Eneffet, les vieux bois ne sont aucunement endommagés, tandis que des obser- SEIZIÈME SESSION. 69 valions scrupuleuses sur plus de 300 hectares , dans des localités diffé- rentes, m’ont appris que les arbres de 10 à 14 ans , s’ils sont attaqués, meurent assez promptement où présentent à leur cime une bifurcation et une absence de vigueur qui doivent leur enlever toute valeur future comme boïs de construction. J'ajoute que le mal ne s’est produit que récemment dans les semis de {rois à quatre ans. Jai cru d’abord que les semis placés dans les bas-fonds humides, et à l’abri des vents de mer, devaient être surtoul attaqués par les insectes; mais, à présent, je suis convaincu que les semis faits sûT des plateaux élevés sont les plus maltraités. On peut sans doute ne rien craindre pour les pins et sapins qui arri- vent à leur entier développement ou sont déjà bien âgés. Leurs ennemis, voltigeant à peine , ne peuvent s'élever à une grande hauteur. La lige assez-basse et plus Lendre des jeunes arbres leur offre un accès plus fa- cileet une pâture plus'attrayante. L'avenir des jeunes semis ou des se- mis nouveaux est seul gravement menacé. Que convient-il de faire pour parer à cet inconvénient, pour l’atténuer autant que possible ? On a essayé d’anéantir ou d’écarter les insectes dont il s’agit au moyen de fumigations énergiques , produites par le brülis en grande masse de végélaux verts. On a cru remarquer qu'un plus grand nombre d’insectes se montraient après cet essai, comme si la chaleur avait favorisé l’éclo- sion. 11 me semble qu’il faut surtout s’attacher à bien connaître Jes cir- constances qui peuvent contribuer à l’aggravalion du mal. J'ai remar- qué, au milieu des bois attaqués par les insecles , Lantôt des arbres ex- ploités et mis depuis long-temps er corde , tantôt des berges de vieux fagots.: Les jeunes pins et sapins les plus voisins de ces dépôls étaient généralement les plus mallraités. Les propriélaires m'ont dit, à la vérilé, que le mal existait avant ces dépôts ; mais je n'en ai pas moins conclu qu'ils avaient été trés-nuisibles, puisqu'ils procuraient aux insectes des points de refuge pendant les périodes les plus rigoureuses de l'hiver. En attendant que la science trouve les moyens de combaltre un en- nemi contre lequel jusqu’à présent on a usé d'armes jimpuissantes , je crois convenable. de recommander. l’enlèvément immédiat des arbres aballus par suile d’une exploitation partielle, el aussi l'enlèvement des tiges ou branches provenant des abaltis pour éclaircir, ou de l’élagage qui se pralique ordinairement dans les bois de huit à dix ans. Je crois aussi rendre service, en conseillant de semer , avec la graine de pin, des glands et des châtaignes, lorsque le terrain le permet. L’ex- périence a prouvé que, dans nos cantons voisins de la mer, le chêne et le châtaignier végètent merveilleusement pendant les premières années, lorsqu'ils croissent avec les pins, dont le développement plus prompt leur procure un abri contre la violence des vents, et de l’ombre pendant les chaleurs quelquefois excessives de l'été. Si les arbres résineux du semis ne sont pas , après quelques années , envahis parles insectes, le Hope 9 ’ L > 70 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. propriélaire peut croire utile de les conserver ; il se détermine d'aprés les chances diverses. Si ces arbres sont attaqués , le propriétaire coupe le semis, et.les chênes et châtaigniers ne tardent pas à repousser avee vigueur. Ces derniers arbres n'ont point à craindre les alleintes des in- sectes qui vivaient sur les pins et sapins. J'ai pensé que ces détails pourraient offrir quelque intérêt, Nous avons conçu l'espoir de rendre nos déserts productifs. N'abandonnons pas le moyen qui peut réaliser cet espoir. Uccupons-nous sérieusement de trouver un remède au mal qui atteint nos: semis d'arbres résineux. Un membre de la section dit que le fait désastreux men- tionné par M. Bernède n’est malheureusement pas nou- veau pour l’ouestde la France. Le département de la Sarthe a de nombreux bois de pins , et, depuis plusieurs années , les-insectes y font des dégâts considérables. La partie ter- minale dés arbres est surtout attaquée. El est possible, au reste, que les insectes qui désolent les pinières de la Sarthe diffèrent des insectes reconnus dans la commune d’Herbi- gpac (Loire-Inférieure). : - M. Le Gall fait connaître que les dégâts dont il s’agit ont été remarqués, il y a plus de vingt ans, sur un point du Morbihan, à Belle-Isle-en-Mer. M. Trochu, s’occupant de créer dans cette ile la ferme de Bruié, y sema, en 4844, des pins maritimes. Comme cet essai fut très-heureux , il fit, à partir de 1817, plusieurs semis du même pin, et aussi des semis d’auires conifères résineux. Après quelques an- nées, les jeunes arbres, quoique pleins de vigueur, furent attaqués et endommagés par diversinsectes, jadis inconnus dans l'île. Le mal ne put être atténué que par Farrache- ment et le transport au loin des arbres les plus maltraités. Dans le livre intitulé Création de la ferme et des bois de Bruté, M. Frochu mentionne comme très-nuisibles à ses conifères résineux deux coléoptères de la famille des Xilo- phages, savoir : le Scolyte piniperde, qui se multiplie d'une manière prodigieuse, et le Bostriche typographe, qui atta- que les arbres, non seulement dans leurs bourgeons, mais encore en s’introduisant dans leur écorce. Il mentionne aussi la Tenthrède du pin (hyménoptère), les chenilles de la Phalène du pin et de la Noctuelle piniperde , la Psylle SEIZIÈME SESSION. 74 du sapin ; sorte de puceron , enfin un très-petit insecte, dit Za Grise, attaquant en dessous les feuilles des divers sapins. Dans les envois d'insectes que M. Trochu fit à Paris, son correspondant vil avec étonnement un coléoptère que les éntomologistes tiraient pour leurs-collections des forêts dunord et de l’est de l'Allemagne. On ne l’avait pas encore découvert en France. L'apparition à Bruté de tant d’insecies particuliers aux conifères résineux parut à M. Trochu un fait inexplicable. Belle-fsle, avant la création de la ferme de Bruté, ne pos- sédait point d’arbres résineux. Un bras de mer, large d’en- viron 48 kilomètres, sépare l’ile du continent, et une dis- tance présque double existe entre elle et les premières plantations de pins et sapins que le continent présente. Ces plantations n'étaient aucunement endommagées à l’époque où le propriétaire de Bruté prenait des mesures pour arré- ter la multiplication des divers insectes qui apparaissaient dans ses boïs, et y causaient de grands dégâts. D'où pro- venaïent ces insectes? £ Ici, M. le Président, sur une observation qui lui est faite, interrompt la discussion, en renvoie la stite à de- main, et donne la parole à M. Duval, qui a bien voulu pren- dre dés renseignements sur les produits des ardoisières de Vitré (Hle-et-Vilaine). M: Duval, après avoir rappelé les indications fournies par M. Morière sur les ardoisières de Chattemone,, dans la séance du 4 septembre, et les observations de M. de Cau- mont sur l'emploi que faisaient les Romains des schistes compactes, qui s’aHient assez bien avec les marbres, donne des détails sur les carrières d’ardoisc situées dans la parlie orientale du département d’Ille-et-Vilaine. H dit : «La plus grande partie de la ville de Vitré {côté nord) est bâtie sur un coteau entièrement formé de schistes noirs ardoisiers, dont on aperçoit les couches en plusieurs points sous les fondations de l’ancien château- fort et sous les restes des remparts de l’ancienne ville. On retrouve les mêmes schis- tes dans le lit de la rivière de Vilaine, qui coule au nord. = 72 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Enfin, à l'extrémité du faubourg de Fougères, rue du Ra- chat, onen exploite plusieurs carrières dont on retire des tables longues quelquefois de 3 mètres 50 centimètres, avec une épaisseur de 4 décimètre et plus; elles sont dres- sées au rabot, et elles sont susceptibles d’un très-beau poli. On s’en sert pour dallage, pour pierres tombales , pour tablettes de cheminée, pour tables de lavoir, etc: On em- ploie ce même schiste dans les constructions; les grands blocs forment d'excellents parements de mur. Le prix de ee schiste exploité en tables est de 75 e. à 4 fr. le pied carré, lorsque ces tables sont d’une grande dimension.— D'autres carrières voisines de Vitré offrent un schiste ar- doisier véritablement très-fissile, et d’une teinte verdâtre ; les ardoises qui en proviennent sont de bonne qualité. Ces schistes forment une série de collines s'étendant à l’ouest vers Rennes. On remarque près de Châteaubourg, au bord de la route de Rennes à Vitré, une carrière assez considé- rable dont les ardoises sont estimées. Il existait autrefois de semblables exploitations très-rapprochées de Rennes, ainsi que le prouvent les excavations nombreuses et les monticules de débris d’ardoises que l’on rencontre dans la commune de Cesson, qui borde celle de Rennes. — Le schiste en question touche à Vitré le grès blanc, sur le- quel le sud de la ville est construit ; il offre des fossiles im- portanis,, notamment des trilobites, des orihocératites. À la suite de cette communication, M. Durocher donne quelques détails sur les différents dépôts de schistes ardoi- siers qui existent dans l’ouest de la France. Ces dépôts sont disposés-en bandes allongées de 10 à 20 myriamètres. On ne peut.en extraire que rarement des-tables d’une certaine dimension, parce que la roche, en général, n’a point assez de ténacité; elle offre d’ailleurs des fissures fort irréguliè- res.et.des plans de fissilité qui secroisent; elle eontient des. noyaux_de. pyrites de fer. Dans les produits des carrières. d'Angers, le caractère de fissilité est très-développé; lesar- doises. sont excellentes; mais la roche qui les fournit.ne. semble.pas propre, par cela même qu’elle est très-fissile , : SEIZIÈME SESSION. 75 à fournir des tables pareilles à celles qui s’extraient des car: rières de Chattemone. M. Morière fait observer que ces dernières carrières four- nissent non seulement des tables d’une très-grande dimen- sion, mais encore des ardoises d’une bonne qualité. Le prix de ces ardoises lui a paru modique. En effet, celles de pre- mière qualité, qui ont 0" 305 de longueur sur 0" 220 de largeur, ne coûtent que 24:fr. le mille, quantité suffisante pour couvrir 24° carrés. Ainsi , le mètre carré de couver- ture n’est que d’un franc pour la matière employée. Un cent de ces belles ardoises forme une épaisseur de 30 à 35 c. Les ardoises de qualité inférieure ne se vendent que 9 fr. le mille, ce qui suffit pour couvrir 41 mètres carrés, M. Morière ajoute que les propriétaires, de l’ardoisière de Chaitemone ont envoyé, dès 4839, à l'exposition des pro- duits de l’industrie dans la Capitale , des tables de billard qui ont été bien appréciées et admirées par les connais- seurs. Il a vu, dans le cabinet du conire-maïtre de l’exploi- tation, une magnifique cheminée de schiste, et un encrier d’une forme très-élégante en même matière. On confec- tionne , dans les ateliers de Chattemone, des tombeaux et diverses pièces d'ornement. M. le Président lève la séance à neuf heures. Séance du 7 Septembre 1849. Présidence de M. l'abbé NOGET, — M. MALAGUTI, Secrétaire. Le, procès-verbal de la précédente séance est lu , puis adopté sans aucune modification. M. le Président annonce que les ouvrages suivants ont été déposés sur le bureau, au nom de M. Ch. des Moulins : Catalogue raisonné des Phanérogames de la Dordogne , 74 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. 1849; Documents relatifs à la naturalisation en France du Panicum Digitaria Laterr. ; Documents relatifs à la faculté germinative conservée pr quelques graines anti- ques. TT “IL trouve aussi sur le bureau une note adréssée par M. Regnaud , pour faire sentir toute l'importance des ou- vrages élémentaires en histoire naturelle. Cette note sera lue à l’une des prochaines séances. La suite de la discussion sur la douzième question du programme est à l’ordre du jour. La parole est donnée à M. Le Gall. Il dit : « L'apparition soudaine, dans une île, -d’insectes nouveaux pour elle s'explique d’une manière sa- tisfaisante; si l’on veut admettre que la nature, pour favo- riser la dispersion des insectes, leur a donné , outre la fa- culié de se reproduire par des germes entourés d’un dépôt de nourriture (œufs), celle de se reproduire par des germes simples destinés à prendre leur première nourriture dans certains milieux. Ces derniers germes ou embryons nus seraient, à raison de leur extrême ténuité, transportés au loin comme les séminules des plantes eryptogames , et se trouveraient fixés çà et là dans des conditions favorables pour leur développement. Les insectes qui en provien- draient ne manqueraient pas de se multiplier, s'ils trou- vaient à leur portée une nourriture abondante. Mais aucun fait scrupuleusement observé n'autorise à croire que les in- sectes peuvent se reproduire par de simples germes, ei leur organisation assez élevée semble exclure, même sous le rapport de la reproduction, toute idée d’analogie entre eux ei les êtres qui occupent les degrés très - inférieurs de l’é- - chelle animale. Il convient aussi de regarder comme une pure hypothèse l'opinion que les insectes trouvent partout, dans une même contrée et sous une température à peu près semblable, les matières propres à leur nutrition; qu'ils ne sont étrangers à aucune des localités , maïs seulement très- rares et souvent inconnus dans celles où la dose de leurs aliments ‘est irès-faible; qu’ils se multiplient outre mesure etsemblent des envahisseurs lorsque l’homme, parsesitra- SEIZIÈME SESSION. 75 vaux, vieni mettre à leur disposition de grands moyens d’a- limentation. Dans l’état actuel de nos connaissances, l’ap- parition dans une ile des insectes dont il s’agit n’est guère explicable que par le transport de leurs œufs. Les feuilles, les brindilles sur lesquelles ces œufs sont placés, ou les bourgeons perforés qui les renferment, peuvent se détacher de l'arbre par diverses causes, et l’action des vents peut ensuite leur faire franchir une grande étendue. Les bois ex- pédiés par le commerce peuyent aussi recéler dans leurs fentes ces œufs, fort petits , qui se trouvent ainsi importés. —Si la douzième question reste non résolue, sa discussion n’a pas été sans intérêt, puisqu'elle a appelé notre atten- tion sur les divers insectes qui se révèlent dans les semis de conifères, et nous a fait songer aux moyens d’en arrê- ter la multiplication. » Après ces considérations, M. Le Gall dépose sur le bu- reau un petit flacon renfermant plusieurs individus d’un insecte presque microscopique , récemment découvert à Belle-Isle-en-Mer par M. Trochu, qui le regarde comme un redoutable ennemi des sapins. Daus une lettre annon- çant l'envoi du flacon, M. Trochu fournit les renseigne- ments suivants : « Depuis l’automne dernier, quelques pieds de sapin blanc (abies pectinata DC.), très-vigoureux et hauis de huit à dix mètres, perdaient leurs feuilles sur certaines branches, puis sur les autres; dépouillés entiè- rement, au bout de huit ou dix mois, ils finissaient par périr. Le tronc de ces arbres se trouvait parsemé de petits flocons cotonneux, blanes, assez semblables à ceux que produit sur les pommiers le puceron lanigère. Les bran- ches avaient leur écorce sillonnée par des galeries, et pré- sentaient des tumeurs peu saillantes, recouvertes d’une malière noirâtre, analogue au noir de fumée. Ces tumeurs étaient entremèlées de petits flocons blancs, semblables à ceux quise montraient sur la tige. Le mal se faisait d’a- bord sentir à l’extrémité des rameaux. Il semblait dû à la larve d’un insecte , car les flocons écrasés rendaient un li- quide rougeâtre. Au mois de juin, des individus en nom- 76 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. bre infini de l’insecte communiqué remplissaient les ger- çurés , les sillons de l’écorce des arbres morts. Cet insecte, très-vif et très-agile, semble appartenir à l’ordre des co- léoptères; mais il n’a été observé qu’à la loupe, et, par conséquent, d’une manière imparfaite. Sa larve est sans doute l’auteur des dégâts qui viennent d’être indiqués: » M. Le Gall dit qu’il a vu, presque au centre de la Bre- tagne, dans le parc du Fresne, en la commune de Néant, plusieurs beaux sapins attaqués comme ceux de Belle-Isle. Il ne croit pas, au reste, que le mal ait été causé par la larve de l'insecte dont M. Trochu a fait l'envoi. À la prière de M. le Président de la section , M. H. Pon- tallié veut bien se charger d'examiner , à l’aide du micros- cope, l'insecte communiqué. Il fera connaitre, au com- mencement de la prochaine séance , le résultat de son examen. La septième question se trouve à l’ordre du jour. Elle est ainsi conçue ::« Existe-t-il unedifférence bien:sensible » entre la végétation du littoral nord de la Bretagne et celle » du littoral sud? Si la différence existe; quelle en est la » Cause ? » M: Bourassin dit qu'il a exploré le littoral nord du Finis- tére ; depuis Morlaix jusqu’à la pointe du Conquet, et la partie du littoral sud, entre Quimper et la pointe dé la Chèvre, sans apercevoir une différence notable dans la vé- gétation. Parmi les plantes remarquables qui vivent sur l’un et sur l’autre littoral , se trouvent les suivantes : As- plenium marinum , Aira canescens, Trilicum junceum , Carex extensa, Juncus acutus , Ixia bulbocodium, Euphor- _bia peplis, Statice occidentalis, Convolvulus soldanella, Helichrysum stæchas, Inula crithmoides, Galium arena- rium, Daucus hispidus, Anthyllis vulneraria, Raphanus maritimus, Mathiola sinuata, Spergula nodosa, Geranium sanguineuwm. Si deux ou trois plantes n'ont été vues que sur la côte sud, quelques plantes aussi semblent particulières à la côte nord , par exemple, le Lagurus ovatus, | Epipactis SEIZIÈME SESSION. 71 palustris, V'Ophioglossum lusitanicum. Une espèce très- rare, et même contestée, Linaria saxatilis DC., à Cté in- diquée comme appartenant à l’une et à l'autre côte. A l’appui de l'opinion qu'il a émise, M. Bourassin in- voque celle de M. Pogam, directeur du jardin botanique de Brest, et auteur d’un catalogue des plantes du Finis- ière. M. Pogam, sauf un três-petit nombre d’exccptions, a vu et recueilli les mêmes plantes sur les deux côtes du département. Seulement leur végétation était, en général, plus vigoureuse sur la côte sud que sur la côte nord. M. Durocher, examinant la question dans toute son étendue , reconnaît que la végétation des deux littoraux de la Bretagne n’est point identique; mais il pense que la dif- férence n’est pas très-grande. La plupart des plantes qu’il a observées sont communes aux deux côtes ; elles s’y trou- vent seulement plus ou moins répandues. Les plantes spé- ciales à l’une ou à l’autre sont peu nombreuses. La côte nord en offre moins que la côte sud. M. Le Gall croit qu’il existe une différence très-sensible entre les deux littoraux de la Bretagne, sous le rapport de la végétation , et que la flore de la côte méridionale est bien supérieure à celle de l’autre côte. Pour établir ce fait, il mentionne plusieurs plantes qui n’ont été trouvées qu’au midi de la péninsule bretonne, et dépose sur le bureau la nole suivante : Plantes vues sur le littoral sud de la Bretagne, inconnues sur le littoral nord. Myosurus minimus. L. Rare. Ranunculus ololeucos. Lloyd. R. Fumaria parviflora. Lam. R. Arabis sagittata. DC. R. Camelina dentata. Pers. Commune. Cochlearia anglica. L. C. Alyssum campestre. L RRR. TL - - 410 78 Lepidium latifolium. L. RR. Dianthus gallicus. Pers. CC. Silene portensis. L. RR. Sagina maritima. Don. C. Spergula pentandra. L. R. Arenaria montana. L. R. Cerastium arvense. L. RR. Malva nicæensis. Cav. R. Althæa hirsuta. L. RR. Tribulus terrestris. L. RR. Ulex provincialis. Lois. (Var.) C. Genista pitosa. L. RRR. Ononis reclinata. L. RRR. Medicago striata. Bast. C. marina. L. C. Trigonella ornithopodioides. DC. C. Trifolium strictum. Wadst. R. michelianum. Savi. RR. angustifolium. L. C. bocconi. Savi. R. ——— resupinatum. L. C. Ornithopus compressus. L. RRR. Vicia lathyroides. L. R. Lathyrus sphœricus. Retz. R. ———— angulatus. L. R. ——— hirsutus. L. R. Spiræa filipendula. L. RR. Potentilla Vaillantii. Nestl. R. Saxifraga granulata. L. R. Eryngium pusillum. L. RR. Buplevrum aristatum. Bart. C. Daucus maritimus. Lam. RR. Petroselinum segetum. Koch. R Œnanthe Lachenalii. Gmel. €. Galium neglectum. N. R. Chrysocoma linosyris. L. RRR. Artemisia maritima. L. RR. CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. SEIZIÈME SESSION. 79 Ofthanthus maritimus. Link. C. Anthemis mitta. L. C. Scolymus hispanicus. L. R. Helminthia echioides. Gœrtn. R. Chondrilla juncea. L. R. Tolpis umbellata. Pers. RRR. Barkhausia tarazacifolia. DC. R. Suffreniana. DC. RR. — Setosa. DC. RR. Crepis bulbosa. Tausch. RR. Erica vagans. L. R. Cynanchum vincetoxzicum. RBr. C. Omphalodes littoralis. Mut. C. Linaria radicans. N. RRR. minor. Desf. RR. Veronica acinifolia. L. R. Bartsia trixago. L. RR. bicolor. DC. RRR. Nepeta cataria. L. R. Stachys annua. L. RR. Teucrium scordium. L. R. Lysimachia linum-stellatum. L. R. Statice hybrida. Mont. R. — Jychnidifolia. De Gir. R. Plantago subulata. L. R. arenaria. W. et Kit. R. Polycnemum arvense. L. RRR. Chenopodium opulifolium. Schrad. RR. Rumex palustris. Sm. RR. Aristolochia clematitis. L. R. Euphorbia esula. L. C. cyparissias. L. RR. Ephedra distachya. L. CC. Sparganium natans. L. RR. Serapias cordigera. L. R. |: triloba. Viv. RR. Gladiolus illyricus. Koch. RRR. 80 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE. FRANCE. Narcissus calathinus. L. RRR. Pancratium maritimum. L. RR: Scilla bifolia. L. RR. Allium ericelorum. Thore. RRR. Muscari comosum. Mil. RR. Scirpus Savii. Sebast. CC. translucens. N. CC. Carex punctata. Gaud. RRR. nitida. Host. RR. ampullacea. Good, RR. y filiformis. L. R. Phalaris minor. Retz. C. Crypsis aculeata. Ait. RRR. Phieum Bæhmeri. Wib. RR. Polypogon littoralis. Sm. R. Calamagrostis epigeios. Roth. C. Festuca myuros. L. (F. cilial& DC. ) C. Bromus divaricatus. Rohde. R. Adianthum capillus-veneris. L. RRR. OBSERVATION. — Quelques plantes particulières au midi de la Bretagne, mais qui restent éloignées de la mer, et plusieurs plantes réputées absolument te n’ont pas été comprises dans la liste ci-dessus. __ En supposant, ajoute M. Le Gall, que les deux tiers des plantes inscriies dans la note déposée appartiennent aussi au littoral nord, la flore du littoral sud se trouverait en- core caractérisée par trente et quelques plantes spéciales , ce qui la distinguerait assez bien de l’autre flore. Mais‘l y a tou lieu de croire , d’après les investigations déjà faites, qu'un cinquième , au plus, des plantes énumérées pourra se retrouver sur la côte septentrionale. On peut donc sou- tenir que les deux flores sont très-différentes. Il s’agit main- tenant d’expliquer la cause de cet état de choses. Cette - cause serait mal expliquée par la différence qui .existe.en- tre le degré de latitude de la côte nord et celui de la côte sud, car, en certains points, la distance de l’une des côtes SEIZIÈME SESSION. 84 à l’autre est assez peu considérable. Le litioral nord pos- sède d’ailleurs quelques plantes assez délicates sous le rap- port de la température; beaucoup d’autres pourraient cer- tainement y vivre. Il semble plus rationnel d’attribuer la grande richesse végétale de la côte sud à des circonstances géographiques et géologiques propres à faciliter l’introduc- tion et la-fixation de nombreuses plantes. Cette côte fait partie du beau golfe de Gascogne, et le termine à l’est; un grand fleuve , la Loire, vient’ y jeter dans la mer; des dunes fort étendues s’y sont formées , et la plupart ont ac- quis une consistance qui les rend très-favorables à la végé- tation. On est conduit par l’observation à regarder comme introduites , à une époque plus ou moins reculée, la moitié à peu près des plantes rares qui se voient sur notre côte méridionale. M. Durocher obtient la parole pour répondre, et dit : « Plusieurs des plantes qui viennent d’être citées sont très- rares ; quelques-unes même ne se montrent que dans une seule localité, et leur indigénat peut être contesté; quel- ques-unes aussi ne semblent pas étrangères au littoral nord, qu’il faudrait encore explorer. En reconnaissant, au reste, que le littoral sud est plus riche en plantes spéciales, en admettant une différence plus ou moins marquée entre les deux flores , il semble naturel de tenir compte du degré de latitude de chaque littoral, pour expliquer-la cause de la différence en question. Une distance moyenne de 44 my- riamètres au moins se trouve entre les deux côtes: or, cette distance, qui est du sud au-nord, autorise certainement à croire .que le climat de l’une des côtes n’est pas tout-à-fait celui de l’autre..Il faut.songer aussi que les deux côtes sont séparées.par une chaîne de montagnes qui abrite le littoral sud des vents du nord, et amoindrit sur le littoral nord l’in- fluence des vents du midi. De ce fait, qu’on peut joindre au fait précédent, il résulte. une différence de.température assez. sensible entre les deux littoraux. Ainsi, certaines planies un peu méridionales peuvent trouver les conditions de chaleur dont elles ont besoin sur la côte sud ,-et.ne pas 82 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. trouver ces mêmes conditions sur la côte opposée. La cause cherchée n'est donc très- probablement qu’une différence de température. » Il est plus de neuf heures. La séance se lève. s. Séance du S Septembre 1849. — Présidence de M. l'abbé NOGET. — M. BOURASSIN, Secrétaire. Après la lecture et l'adoption du procès-verbal de la pré- cédente séance , M. Malaguti fait connaître qu'il est obligé de s’absenter, pour remplir une mission que vient de lui confier M. le ministre de l’intérieur. Il demande à être rem- placé dans les fonctions de secrétaire de la Section. M. le secrétaire-général , après s’être entendu avec M. le Prési- dent de la Section, confère le titre de secrétaire à MM. Du- rocher et Bourassin. Le premier se trouve absent; le se- cond prend place au bureau. M. le Président, au nom de la section, adresse des re- merciments à M. Malaguti, pour le zèle qu’il a montré dans l’exercice de ses fonctions. M. H. Pontallié fait un court rapport sur l'insecte en- voyé de Belle-Isle par M. Trochu. Ce très-petit animal n’est point un coléoptère. Il appartient au genre Oribate, famille des Acardes, classe des Arachnides. Quelques es- pèces d’Oribates se voient sur nos végétaux ligneux. On trouve un Oribate sur le groseiller. | M. Paris fait observer que l’insecte envoyé de Belle-Isle ne passe pas, suivant M. Trochu, du sapin au pin. L’é- corce crevassée et sèche de ce dernier arbre ne lui convient pas sans doute. Il paraît certain, au reste, que les pins et les sapins ne sont pas attaqués par les mêmes insectes. SEIZIÈME SESSION. 83 Note de M. Regnaud sur les livres élémentaires propres à faciliter l'étude de l'histoire naturelle. L'étude de la nature, dit M. Chenu , ne peut qu’élever la pensée de l’homme vers l’auteur de toutes les merveilles de la création, merveilles qu’il appréciera d’autant plus qu’il les connaîtra mieux. En étudiant l'histoire naturelle, l'habitude qu’on prend de classer dans son esprit un très-sgrand nombre d'idées est un résultat immense, malheureuse- ment trop méconnu, et qui devrait pourtant faire considérer cette science comme le complément de toute bonné éducation. Du moment que nous possédons l’habitude de la méthode, nous l’appliquons natu- rellement à tout ce qui nous occupe. Ce genre d'étude, dont les élé- ments se rencontrent partout et à chaque pas, a l’avantage de procurer des jouissances qui ne laissent aucun regret, et d'ajouter de l'intérêt aux promenades et des charmes aux voyages. L’étude de certaines parties des sciences naturelles a rencontré des détracteurs, parce qu’il est d’usage de faire peu de cas de ce que l’on ignore. Mais, si l’on veut prendre la peine de jeter un coup-d’æil sur l'ensemble de la création , et sur la quantité d’êtres organisés qui cou- vrent le globe, -on sera bientôt convaincu que ceux qui échappent à notre vue, comme ceux qui nous étonnent par leur taille gigantesque, sont destinés à jouer un rôle d’une égale importance ; les uns ne sau- raïent exister sans les autres, et chacun d’eux est indispensable à l'harmonie de lunivers. Dieu n’a rien fait d’inulile; rien n’est assez grand pour se soustraire à sa puissance, rien n’est assez humble pour n’être pas l’objet de ses soins protecteurs. Si dans bien des cas nous ne pouvons comprendre les intentions de sa sublime sagesse, c’est qu’il a su aussi tracer des bornes à notre intelligence. - Quoi qu'il en soit, l’histoire naturelle, même dans ce qu’elle a de plus frivole en apparence, réunit les plus heureuses conditions pour développer l'esprit d’observation et de méthode. Comment se fait-il cependant qu'avec ces avantages il se trouve tant de personnes, ayant reçu d’ailleurs une éducation brillante, qui n’ont pas les plus simples notions de cette science? Cela tient à l'absence d'ouvrages réellement élémentaires, écrits dans le but de répandre le goût de cette étude. Les savants supposent trop souvent à leurs lec- teurs les connaissances indispensables pour l'intelligence de leurs tra- vaux; aussi une jeune dame, nous dit M. Chenu, tenait-elle ce langage : La nature est si riche et si belle, on a tant de plaisir à l’admirer! Il semble que dans l'étude de tant de merveilles on va trouver ce qu’il y a de plus agréable pour l'esprit. On ouvre un livre, et l’on n’y rencontre qu’un assemblage de mots barbares qu’on dit formés du grec ou du 84 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. latin; quelques-uns même, ajoute-t-on, ont une origine fort équivoque, étl’on ne sait trop à quel idiome sauvagè ils appartiennent. Suis-je grecque, romaine ou sauvage pour les comprendre, ou faut-il que je le devienne pour savoir ce que c’est qu’un insecte, un coquillage ou uñ éiseau ? Comment se fait-il que tant'de gens d'esprit n'aient pas pu trouver dans notre langue un mot qui valût autant qu’un mot grec, et que nous aurions compris sans peine ? Les traités d'histoire naturelle me semblent donc généralement trop sérieux : le choix et la multiplicité des mots techniques les rendent inabordables pour ceux qui débutent. La plupart des auteurs ne pren- nent pas la peine de donner l'explication des termes inusités qu’ils em- ploient : c’est ce qui dégoûte de l’étude de l’histoire naturelle. Sans vouloir devenir savant naturaliste , ce qui exige des études sé- rieuses et constantes, on peut vouloir former une petite collection; sans prétendre porter ses recherches au-delà de la France, où même de son département, on peut désirer classer méthodiquement ses re- cherches ; or, dans l’état actuel des choses, cela me parait, difticile, parce qu'il n'existe pas un seul ouvrage qui puisse remplir ce but. On est obligé, en général , d’avoir recours à-un certain nombre de livres fort chers, avec lesquels on ne détermine pas encore toute sa collection. Ïl me semblerait utile d'appeler l'attention des auteurs sur ce point, et de les engager à faire des ouvrages tout à la fois moins étendus et plus complets. L'étude des coquilles et l’histoire des animaux qui les habitent fixent généralement laltention des amateurs ; l'importance de l’étude de la conhyliologie n’a pu être reconnue tant qu'on ne s'est occupé que des coquilles, sans faire attention aux animaux dont elles ne sont qu'une partie, et tant que la géologie n'a pas trouvé dans les débris fossiles contemporains des divers âges du globe les témoins irrécusables des changements qu’a éprouvés sa surface. Maintenant qu’il est réconnu que les coquilles sont les médailles caractéristiques des:terrains dans lesquels elles se trouvent , leur utilité pour la science n'a besoin d’au- cun autre développement. Beaucoup de personnes se contentent de rassembler des camillés - et d’en faire des collections plus ou moins nombreuses, parce que leurs formes, les couleurs dont elles sont ornées, leur facile conservation, et la rareté de quelques espèces, suffisent pour exciter la curiosité des collecteurs, et souvent même pour flalter leur amour-propre. Cen’est pas cependant à ce point de vue qu’il faut borner l’intérêt qui s'attache à leur étude ; la connaissance des animaux qui les habitent est d’une importance telle, qu’on oublierait peut-être, si cela se pouvait, la co- quille, pour ne s'occuper que du mollusque. 7 J'ai souvent rencontré des personnes qui, n’ayant pas le temps em. SEIZIÈME SESSION. 85 brasser l’ensemble de la conchyliologie, auraient cependant bien désiré connaître les coquilles de France ; il semble, en effet, très-rationnel de s'occuper d’abord des productions de son pays; malheureusement cette manière de voir n’a pas prévalu chez nous. Vous trouvez un grand nombre d'ouvrages sur la conchyliologie en général, et sur les coquilles exotiques, tandis qu’il n’en existe pas un sur les coquilles de notre LENER comme si les espèces que nous pouvons nous procurer plus faci- . lement ne présentaient pas autant d'intérêt que les coquilles exotiques. En Angleterre on ne partage pas cette manière de voir ; aussi, dès * 4813, les ouvrages de Pennant, de Donovan, de Maton et Racket, et celui du docteur Pulteney sur les coquilles du Dorsetshire, faisaient con- naître aux Anglais les coquilles de leur pays. N’est-il pas honteux pour la France d’être, sous ce rapport, d'un demi-siècle en arrière sur l’Angleterre ? Pour combler cette lacune, ne faudrait-il pas chercher dans chaque département, el même dans chaque arrondissement , s’il était possible, quelqu’un qui voulüt bien faire des recherches consciencieuses, et communiquer le résultat de ses travaux à un savant de Paris, dans le cas où des occupations, ou même le défaut d’études suffisantes de la matière, l’'empêcheraient lui-même de faire la description des coquilles de soh pays? Ce travail terminé, M. Recluz, qui a depuis long-temps le projet de décrire les coquilles de France, ne serait plus retenu par la crainte de ne pas faire un ouvrage assez compiet. Pour réaliser cette pensée et donner l'exemple, je me propose de décrire les coquilles du département d’Ille-et-Vilaine. Je serais injuste si je m’attribuais le mérite de cetle pensée ; je dois dire, dans l’inté- rêt de la vérité, que j'y ai été engagé d’abord, il y a quatre ans, par M. Recluz, et l’année dernière, d’une manière toute particulière, par M. Deshayes. Encouragé par ces Messieurs, j'ai commencé mon travail ; j'ai terminé la descriplion des coquilles des mollusques acéphalés, je m'occupe maintenant des cephalés. Quand j'aurai fini ce travail, j'ai l'intention de faire un appel aux collecteurs du département, et de les prier de vouloir bien me communiquer les espèces que j'aurais pu omettre. - l'our les mettre à même de m'éclairer de leurs lumières, je pourrais faire imprimer, dans un des journaux de Rennes, la nomenclature des espèces décrites. Je dois ici remercier M. le docteur Duval des services qu'il m’a déjà rendus, en m’envoyant nn certain nombre d’espèces fluvialiles des envi- rons de Rennes. J'espère qu’avec le concours des amateurs du dépar- ment, et les conseils que M. Deshayes a eu l’obligeance de m'offrir, je parviendrai à rendre quelques services à la science. Si mon travail n’a pas un grand mérite, on me saura gré, je l'espère du moins, de ma bonne volonté. T. IL a 86 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. M. Malaguti donne communication. d’un procédé de M. Bernard pour la fabrication des sucrés, procédé qui pourrait avoir quelque analogie avec celui de M. Mellens. Sur la demande de plusieurs membres de la section, M. Ber- nard est appelé au bureau ; et prié d'expliquer avec détail le plan remis à M. Malaguti, et présenté par ce dernier. M. Bernard veut bien donner l’explication désirée , et fait comprendre facilement qu'une grande économie résultera de l’application de son procédé. Le noir-animal ne doit plus être employé pour clarifier le sucre. L'ordre du jour appelle la douzième question de la sixième section. Cette question est relative à la nutrition des plan- tes, et surtout à l'emploi qui pourrait être fait, à cet égard, de quelques produits chimiques nouveaux dont les proprié- tés se confondent avec celles de l'ammoniaque. M. Malaguti indique les expériences qu’il a faites tout récemment sur la nutrition des plantes. Il sent le besoin de les continuer, avant d'émettre une opinion sur le point prin- cipal de la question. Il fait hommage à la section de son li- vre intitulé Leçons de Chimie agricole professées en 1841. Comme aucun autre membre ne demande la parole, M. le Président lit la huitième question , qui se trouve à l’ordre du jour : « Présenter les catalogues des plantes qui crois- » sent dans les prairies des diverses contrées , en tenant » compie des proportions relatives de chaque espèce dans ».la composition des fourrages. » M. de Caumont présente une analyse du travail de M. Du- rand sur les prairies du Calvados et sur les plantes propres à l’engraissement des bestiaux. Quelques observations qui lui sont adressées le conduisent à parler d’une méthode qui consiste à nourrir les bestiaux au piquet : il pense qu’elle est, dans certains cas, bien préférable à celle ad- optée de laisser toute liberté aux animaux, qui alors font. un choix de certaines plantes à leur convenance, et négli-. gent les autres. L ‘l'indique ensuite les plantes fourragèr es communes dans : VW AIO ré - SEIZIÈME SESSION. 87 les prairies les plus fertiles du Calvados. Elles s’y trouvent dans les proportions suivantes : Ivraie vivace. . . . . . Lolium perenne.. . . . 20 Paturin des prés. . . . Poa pratensis… . DRE jnnuel - 2 =": AMMUG. » . . . .) , 30 2 trivial, . . . . — trivialis.. . Cynosure à crête. . . . Cynosurus cristatus.. - 5 Agrostis vulgaire. . . . Agrostis vulgaris. . .) 3 ——— stolonifère, . . ——— siolonifera.. Fléole des prés. . . . . Phleum pratense.. 5 Vulpin des prés.. . . . Alopecurus pratensis. . 5 Trèfle des prés. . . . . Trifolium prafense. ? 90 —— rampant. . . . . ———— repens.. Quelques graminées et légumineuses rares , réu- nies aux plantes non fourragères, plantains ; renon- cules , chardons, etc., peuvent former le dixième des bonnes'prairies: 7, ..1. . .. ... .. 40 100 M. Le Gall obtient la parole, et dit : « Les prairies natu- relles doivent leur existence indéfinie à l'association de nom- breuses plantes fourragères et non fourragères soumises à la loi d’aliternance, c’est-à-dire se succédant, se rempla- çani. Le mouvement qui s’opère semble surtout déterminé par l’épuisement plus ou moins grand du sol, relativement à certaines espèces, et par la richesse nouvelle de ce même sol pour quelques autres. Ce mouvement est par conséquent très-variable. Tantôt une espèce qui est rare dans la prairie, qui a même presque disparu, devient brusquement domi- nante; tanlôt elle ne se multiplie qu'avec une certaine len- teur. La place qu’elle laissera ensuite sera très-diversement occupée. Cette alternance, très-compliquée, rend difficile l'indication des proportions relatives de chaque espèce dans la composition des fourrages. D'une année à l’autre, la prai- rie étudiée peut offrir des changements considérables. Il faut dire, au reste, que le mouvement des plantes, assez vif dans les prairies négligées ou peu soignées, se fait moins sentir dans les prairies convenablement entretenues. 88 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Après avoir examiné avec soin, pendant plusieurs an- nées , les belles prairies des environs de Rennes, et avoir dressé la liste des plantes qui entrent dans leur composi- tion , j'ai porté mon attention sur la constitution des prai- ries en diverses parties de la Bretagne. Aucune différence notable n'existe entre ces prairies et les prairies de Rennes. Il ne s’agit, au reste, que des prairies à sol schisteux ou granitique. Celles. des bassins calcaires ont une végétation fort différente. J’ai aussi laissé de côté les see très-voi- sines de là mer. Dans la liste des plantes prairiales bretonnes que je. dé- pose sur le bureau, j’ai cru devoir omettre les plantes par- ticulières aux prairies, ou portions de prairies qui sont ma- récageuses ou trop sèches. Les espèces sont dites frès-com- munes (CC.), communes (C.), rares (R..), selon qu’elles se montrent dans toutes les prairies ou dans la plupart, ou seu- lement dans quelques-unes. Elles sont dites dominantes, lorsqu’elles présentent de temps à autre une masse consi- dérable d'individus , lorsqu'elles entrent dans la composi- tion de la prairie pour une moilié, pour un tiers, pour un quart au moins. » 4° TABLEAU. — Plantes fourragères. 1. Agrostis vulgaire, Agrostis vulgaris. With. CC., quel- quefois dominante dans les prairies un peu sèches. 2. Agrostis rouge, Agrstis rubra. L. R. 5. Agrostis des chiens, Agrostis canina. L. CC., souvent dominante dans les prairies humides. k. Fléole des prés, Phleum pratense. L. C. 5. Vulpin des près, Alopecurus pratensis. L. C. 6. Flouve odorante, Anthoxanthum odoratum. L. CC., ©: souvent dominante. 7. Avoine laineuse, Avena co Mu Kœl. CC., souvent dominanie. | 8. Avoine élevée, Avena elatior. L. R. 7 9. Avoine jaunâtre, Avena flavescens. L. C. 40. 44. 12. 43. 44. 15. 416. 47. 18. 49 20. 21. 22. 23. 24. 26. 97. 28. 29. 30. 31. 32. 33. 34. - SEIZIÈME SESSION. 89 Avoine fragile, Avena fragilis. L. R. Brome mollet, Bromus mollis. L. CC., quelquefois dominant. Brome des prés, Bromus pratensis. Ehr. C. Fétuque brome, Festuea bromoides. DC. CC. Fétuque dure, Festuca duriuscula. L. CC. , quelque- fois dominante dans les prairies un peu sèches. Fétuque des prés, Festuca pratensis. Huds. C. , sou- vent dominante dans les prairies humides. Fétuque élevée, Festuca elatior. L. R. Dactyle pelotonné, Daclylis glomerata. L. CC. Paturin trivial, Poa trivialis. L. CC., souvent domi- nant dans les prairies humides. Paturin des prés, Poa pralensis. L. CC., quelquefois dominant dans les prairies un peu sèches. Brize moyenne, Briza media. L. C. Cynosure à crète, Cynosurus cristatus. L. CC., quel- quefois dominant. Ivraie vivace, Lolium perenne. L. CC., quelquefois dominant. Orge séglin, Zordeum secalinum. Schreb. R. Trèfle des prés, Trifolium pratense. L. CC., quelque- fois dominant. Trèfle jaunâtre, Trifolium ochroleucum. L. R. Trèfle maritime, Tréfolium maritimum. Huds. R. Trèfle rampant, Trifolium repens. L. C. Trèfle filiforme. Trifolium filiforme. L. CC., souvent dominant. Trèfle parisien, Trifolium parisiense. DC. T. palens. Schreb. R. Lotier corniculé, Lotus corniculatus. L. C. Luzerne tachée, Medicago maculata. Wild. R. Vesce cultivée, Vicia sativa. L. R. -Gesse des prés, Lathyrus pratensis. L. R. Polygala commun, Polygala.vulgaris. L. R. Nora. Plusieurs botanistes regardent l’Agrostis rouge comme une variété aristée de l’Agrostis vulgaire, et réu- 90 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. nissent la Fétuque des prés et la Fétuque élevée. — Cinq plantes , qui passent souvent pour prairiales , l’Agrostis blanche ou Stolonifère, le Vulpin genouillé, la Canche gazonnante , la Fétuque ou Glycérie flottante, la Fétuque ou Molinie bleuâtre , ne sont en Bretagne que des plantes plus ou moins marécageuses.—La Canche caryophyllée, le Paturin annuel, le Trèfle strié, le Trèfle couché, la Luzerne houblon , l'Ers vélu et la Vesce à épi se mêlent quelque- fois aux plantes de nos prairies, mais pour un espace de temps assez court; la nature leur à assigné d'autres sta- tions. QO 3 Où Or O0 RO 2° TABLEAU. — Plantes non fourragères. . Carex ovale, Carex ovalis. Good. R. . Luzule champêtre, Luzula campestris. DC. C. Scille penchée, Scilla nutans. Smith. R. L . Orchis verdâtre, Orchis viridis. AIL. R. . Orchis moucheron, Orchis conopsea. L. R. . Orchis maculé, Orchis maculata. L. CC. . Orchis à fleurs lâches, Orchix laxiflora. L. R. . Orchis bouffon, Orchis morio. L. CC. . Orchis punaise, Orchis coriophora. L. R. . Orchis brûlé, Orchis ustulata. L. R. . Rumex à feuilles obtuses, Rumex obtusifolius. TL. R. . Rumex crépu , Rumex crispus. L. R: . + Rumex oseille, Rumex Acetosa. L. C. . Rumex petite oseille, Rumex Acetosella. L. C. . Plantain lancéolé, Plantago lanceolata. L. CC. . Primevère officinale , Primula officinalis. Jacq. C. . Bugle rampante, Ajugareptans. L.R. . Bétoine officinale, Belonica officinalis. L. R. . Brunelle commune, Brunella vulgaris. Moœnch. C. . Pédiculaire des bois, Pedicularis sylvatica. L. R. . Rhinanthe glabre, Rhinanthus glabra. Lam. CC. Euphraise officinale , Euphrasia officinalis. L: R! Véronique petit-chêne, Veronica chamædrys. L. R. 24. 25. 26. 21. 28. 29. 30. 31. 32. 33. 34. 35. 36. 37. 38. 39. 40. 41. 42. 43. SEIZIÈME SESSION. 94 Myosotis gazonnant, Myosolis cespitosa. Schuliz. C. Campanule raiponce, Campanula rapunculus. L.R. Lobélie brûlante, Lobelia urens. L. R. Crépide verdâtre, Crepis virens. Vill. R. Pissenlit dent-de-lion, Taraxæacum dens leonis. Desf. C. Epervière piloselle, Hieracium pilosella. L. C. Epervière auricule, Hieracium auricula. DC. R. Porcelle à longue racine, Hypochæris radicata. L. CC. Scorzonère humble, Scorzonera humilis. L. C. Cirse d’Angleterre, Cirsium anglicum. Lob. R. Centaurée jacée, Centaurea jacea. L. R. Centaurée noire, Cenlaurea nigra. L. CC. Seneçon jacobée , Senecio jacobæa. L. C. Paquerette vivace, Bellis perennis. L. CC. Chrysanthème marguerite, Chrysanthemum leucan- themum. L. CC. Achillée millefeuille, Achillea millefolium. L. R. Scabieuse succise, Scabiosa succisa. L. C. Scabieuse des champs, Scabiosaarvensis. L. R. Gaïllet vrai, Galium verum. L. CC. OEnanthe peucédane , Ænanthe peucedanifolia. Poll. C. i kk. Berle verticillée, Sium verticillatum L. C. 45. 46. 47. 48. 49. "0 51. 52. 53. 54. Berce branc-ursine, Æeracleum sphondylium. L. CC. é À Conopode sans involucre , Conopodium denudatum. Koch. CC. Carotte commune, Daucus carota. L. R. Tormentille droite, Tormentilla erecta. L. R. Lin purgatif, Linum catharticum. L. C. Lychnide fleur-de-coucou, Lychnis flos-cuculi. L. C. Céraiste trivial, Cerastium triviale. Linck. R. Céraisteaggloméré, Cerastium glomeratum.Thuil. C. Stellaire graminée, Stellaria graminea. L. R. Cardamine des prés, Cardamine pratensis. L. CC. 92 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. 55. Anémone sylvie, Anemone nemorosa. L. R. 86. Renonci le flammette, Ranunculus flammula. L. R. 57. Renoncule âcre, Ranunculus acris. L. CC. 58. Renoncule rampante, Ranunculus repens. L. R. 59. Renoncule bulbeuse, Ranunculus bulbosus. L. CC. 60. Ficairerenoncule, Ficaria ranunculoides. Mœnch. C. Nora. Dix à douze autres plantes non fourragères, échap- pées des champs, bois ou marais voisins, se montrent par- fois dans nos prairies, mais s’y développent mal et ne s'y fixent pas. M. Bourassin parle de quelques plantes qu'il a remar- quées dans les prairies du Finistère, surtout dans celles qui sont voisines de la mer. Une conversation s'engage à cet égard entre lui, M. Pontallié et M. Le Gall. Ce dernier appelle l'attention sur un fait qu’il a souvent observé dans les pâturages : lorsque toutes les autres plantes s’y trou- vent broutées, le cynosure à crête se montre encore ; il a été respecté ou plutôt dédaigné par les animaux; il a pu parvenir à la maturité. M. Pontallié dit qu'il a aussi ob- servé ce fait; mais il croit que les animaux mangent très- bien le cynosure lorsqu'il est mêlé à d’autres plantes four- ragères , lorsqu'il fait partie d’un fourrage sec. M. de Lustrac pense qu'il faudrait, en étudiant les plan- tes prairiales , s’attacher surtout à bien distinguer celles qui sont propres à l’engraissement des bestiaux , el celles qui favorisent la sécrétion du lait, la production du beurre. M. Le Gall, sans entendre s’expliquer sur ce point, dit que la bonne qualité du beurre, en Bretagne , est attribuée par quelques personnes à la Flouve odoranie, qui est très-com- mune , et parfais abondante dans les prairies bretonnes. M. l'abbé Noget croit que l’on obtient de bon beurre quand on emploie un procédé convenable pour le fabriquer. Il dé- sire que les divers modes de fabrication soient mieux étu- diés, et blâme le procédé bas-breton, qui consiste à faire aigrir le lait. A neuf heures , la séance est levée. SEIZIÈME SESSION. 93 Séance du 9 Septembre 1849. Présidence de M. l'abbé NOGET.— M. l'abbé DE LA LANDE, Secrétaire. Après la lecture et l’adoption du procès-verbal, M. le se- - crétaire général désigne M. l'abbé De la Lande pour rem- placer, comme secrétaire de la section, M. Bourassin, qui se trouve dans la nécessité de s’absenter. L'ordre du jour appelle la sixième question, ainsi con- çue : « La position de la Bretagne à l’ouest de la France » donne-t-elle à la flore de cetlie province un caractère par- ». ticulier? En d’autres termes, la Bretagne produit-elle un » nombre notable de plantes exclusivement occidentales? » La parole est à M. Le Gall : « La péninsule bretonne, dit-il, longue d’environ 28 myriamèlres, se trouve, avec ” les iles assez nombreuses qui en dépendent, entre le 47° et le 49° parallèle. Elle a de vastes baies, de très-belles ra- des, une mer intérieure, des marais salans, un lac et de très-nombreux étangs. Elle est coupée par trois canaux, ar- rosée par plusieurs rivières, et le plus beau fleuve de France y vient terminer son cours. Le sol est généralement très- ondulé : il offre, avec quelques plaines basses souvent ma- récageuses . et quelques plateaux plus ou moins étendus, un nombre infini de vallons et de coteaux. Parmi les col- lines prononcées, on distingue les Monts-Noirs et les Monts- d'Arrès, dont les points culminants sont à 321—384 mètres au-dessus du niveau de la mer. Quelques belles forêts se voient en Bretagne; les prés y forment un dixième de la superficie , et les landes un peu plus que le quart; des du- nes ou falaises occupent une assez grande partie du lit- toral. j Cet aperçu géographique est propre à faire penser que la Bretagne possède une végétation très-variée. Sa flore, LEE 13 94 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. pourtant, est inférieure aux flores de plusieurs provinces, non seulement du midi de la France, mais encore de l’est et du nord. La cause de ceiie infériorité semble due, tant à la constitution presque toute schisteuse ou granilique du sol, qu’à l’abondance des pluies, qui rend quelquefois la terre trop humide, et qui abaisse souvent la température de l'été, Treize familles de la flore française, petites familles, à la vérité, n’ont aucun représentant en Bretagne. Les deux tiers à peu près des genres de cette flore se retrouvent dans la flore bretonne ; mais les espèces s’y montrent en bien plus faible proportion. Le rapport moyen des genres aux espèces y est comme 4 à 3. Quelques auteurs divisent la France en quatre régions bo- taniques’répondant aux quatre points cardinaux. Si cette di- vision avait de la valeur, la Bretagne, à raison de sa position, offrirait, répandues sur son territoire, beaucoup de plantes qui lui séraient propres, ou qui du moins ne croîtraient pas hors des provinces de l’ouest. Tel n’est pas l’état dés cho- ses. Sur les 1,270 espèces vasculaires ou cotylédonées que comprend ou paraît comprendre la flore bretonne, 967 sont triviales, c’est-à-dire communes à toute où à presque toute la France; 255 se retrouvent dans quelques provinces de l’est, du nord et surtout du midi; 48 seulement pour- raient être regardées comme occidentales. De ces dernières quatre sont largement répandues sur le sol breton, Hype- ricum linearifolium Wahl., Erica ciliaris L., Pingui- cula lusitanica L., Agrostis setacea Curt., Hhais lés au- tres vivent, soit dans les îles, soit sur le rivage, où près du rivage de la (mer, soit dans des localités très-bornées ét or- dinairement rapprochées de la côte; quelques-unes même ne s’y font voir qu’en fort petit nombre. Quant aux vé- gétaux cellulaires ou acotylédonés, ceux de la péninsule bretonne sont à peu près ceux d’une grande partie de la France. “Depuis long-temps, on compare la Bretagne à une es— tampe Commune renfermée dans un cadre bien doré. La TT SE EN PO NE rene SEIZIÈME SESSION. 95 comparaison est assez bonne sous le rapport de la végéta- tion : en effet, le nombre des plantes non triviales diminue considérablement à l’intérieur. Les landes, malheureuse - ment trop vastes, se composent principalement de l’Ajonc d'Europe, de l’Ajonc nain , des Bruyères cendrée et ciliée, de la Callune commune et de quelques Gramens. Dans les parties humides, le Genèêt d'Angleterre remplace souvent les Ajoncs; la Bruyère quaternée, les deux autres Bruyè- res ; la Fétuque bleue et la Canche des fanges, les Agrostis commune et sétacée. Ces plantes, plus ou moins maréca- geuses, ont ordinairement pour compagnes la Gentiane preumonanthe et la Scabieuse succise. Les terres, dont la culture est momentanément délaissée, sont promptement couvertes par le Ptéris aigle impérial et par le Genêt à balais, qui prend quelquefois un développement extraor- dinaire. On trouve en abondance, dans les terres culti- vées, la Fumeterre grimpante; dans les prés et au bord des champs, le Conopode sans involuere ; sur les coteaux et les talus, la Digitale pourprée; sur les pelouses fraiches, la Camomille romaine; dans les lieux arides et sur les ro- chers, le Sedum d’Angleierre. Des faits ci-dessus énoncés, il résulte que la position très- occidentale de la Brelagne n’exerce pas une grande influen- ce.sur sa flore, qui, au reste, est assez intéressante. Pour mettre les botanisies étrangers à lieu de l’apprécier, nous ajouterons aux plantes indiquées dans les séances des 4, 5 et 7 septembre, les quarante-huit espèces suivantes : Ra- aunculus Lenormandi Schuliz, Isopyrum thalictroides L., Meconopsis cambrica Nig., Sisymbrium austriacum J acq., Crambe maritima L., Lepidium Smithii Hook., Cistus hir - Sulus Lam., Viola palustris L., Stellaria viscida Bieb. . Ceraslium brachypetalum Desp., Lavatera arborea L., Adenocarpus parvifolius DC., Melilotus parviflora Desf. , Lotus hispidus Desf., Astragalus Bayonensis Lois., Rosa Siylosa Desv,, Myriophyllum alterniflorum DC., Bulliarda Vaillantii DC., Cicuta virosa L., Peucedamum palustre Moœnch, Doronicum plantagineum L., Aster Amellus L., 96 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Vaccenium oxycoccos L., Erythræa maritima Pers. , Erithræa diffusa Wood, Anchusa sempervirens L., Scro- . phularia peregrina L., Orobanche hederæ Vauch., La- thrœæa clandestina L., Euphrasia latifolia L., Scutellaria hastifolia L., Rumex rupestris N., Quercus Toza Bosc, Potamogeton aculifolium Link, Zostera pumila N., Fri- lillaria meleagris L., Phalangium bicolor DC., Arum italicum Mil., Acorus calamus L., Scirgus Michelianus L., Eriophorum gracile Roth. , Carcx teretiuscula Good., Carex ligerina Boreau, Carex strigosa Good. , Airopsis agrostidea DC.', Trachynotia stricta DC., Grammitis leplophylla Sw., Hymenophyllum tumbridgense Smith. — Plusieurs autres plantes n'auraient pas été mal placées dans ce bouquet breton. S: M. l'abbé Delalande présente les observations suivantes : Dans la liste des plantes particulières au littoral sud de la Bretagne figure un ajonc rapporté comme variété à l’U- lex provincialis, Lois. Cet ajonc, découvert et décrit par M. Le Gall, a été élevé au rang d’espèce, sous le nom d’U- lex Gallii, par M. Planchon, l’un des auteurs de la Flore des Serres et des Jardins de l'Europe. Il existe en Angle- terre, comté de Dorsetshire, ainsi que le constate un échan- tillon conservé dans lherbier de sir W. Hooker, sous le nom d’Ulex nanus, var ? 1] paraît avoir été remarqué par M. Ch. Desmoulins sur le littoral du département de fa Gi- ronde. — La Linaire indiquée dans la même liste, et trou- vée depuis fort long-temps à Belle-Isle, Linaria radicans, LG., vient d’être aussi trouvée à Oléron. Nous viendrait- elle d'Espagne comme le soupçonne M. Le Gall?— Le Pa- nicaut, désigné comme étant l’Eryngium pusillum, L., est, suivant M. Gay, une espèce nouvelle, caractérisée surtout par la manière dont Ja plante se propage. Si l'opinion de M. Gay est admise, le Panicaut en question sera l'£ryn- gum viviparum. — Le Scirpe transparent, Scirpus trans- lucens,LG., rentre dans le Scirpus parvulus, Ræm. bu Sch., ‘trouvé au fond du golfe de Gascogne. d SEIZIÈME SESSION. 97 M. Le Gall dit qu’il se propose de déposer, à la prochaine séance, une note relative aux plantes peu connues dont il a fait mention. M. le Président fait connaître qu’une question de la cin- quième section a été renvoyée à la sixième, comme lui ap- partenant à plus juste titre; que cette question se trouve à l’ordre du jour, et qu’elle est ainsi conçue : « L’attraction » est-elle un attribut de la matière, ou est-elle une force » appliquée à la matière? Indiquer les conséquences de la » solution qui sera donnée. » M. Feuillet, inscrit pour parler sur cette question, dit qu’il convient, avant tout, d'examiner si la matière a des attributs. Pour lui, ce point n’est pas douteux. Il soutient que non seulement la matière a des attributs, mais qu’elle a encore des propriétés dont ces attributs dépendent. Parmi les principales propriétés de la matière, il reconnaît l’ani- mation , la mobilité, la divisibilité, la pesanteur. Les at- tributs qui en découlent sont la lumière, la chaleur, la cou- leur, la figure et la forme. Faut-il aussi, dit M. Feuillet, re- garder l'attraction comme un autre attribut de la matière ? Ne faut-il la regarder que comme une forcequi s’y applique ? L’attraction existe: c’est un fait certain. Les anciens philosophes l'avaient reconnue; elle était, selon eux, une espèce de qualité inhérente à certains corps, et qui résultait de la forme spécifique et particulière de chacun d’eux. Bacon, dit Voltaire, avait soupçonné l'attraction. Suivant cet homme célèbre , il fallait, ou que les corps graves fus- sent poussés vers le centre de la terre, ou qu’ils fussent attirés les uns vers les autres. En ce dernier cas, il est évident que plus les corps, en tombant, s’approchent de la terre, plus ils sont attirés. Long-temps avant Newton, Roberval et Pascal, d’après Maupertuis, avaient cru que la pesanteur était une vertu aitractive inhérente aux corps. Hoock ,-suivant d’Alembert , avait eu la même idée et avait prédit qu’on expliquerait un jour très-heureusement, par ce principe, les mouvements des planètes. Mais, jusque là, l’attraction n’était pas parfaitement connue. On igno- 98 CONGRÈS SCIENMPIQUE DE FRANCE. rait les grands effets qu’elle produit. C’est à l'illustre New- ton qu’appartient l'honneur de l’avoir bien fait connaître. Avant ce grand astronome, l'attraction , connue seulement par les effets qu’elle produisait sur latterre , n’avait qu'une importance secondaire et n’occupait guère les hommes; mais, quand Newton eut prouvé que c'était à l'attraction que l’on devait l’ordre admirable qui règne dans les cieux, la gravitation des planètes vers le soleil, les rapports qui existent entre elles, leur marche fixe dans leurs orbites, alors elle sortit de son obscurité , acquit le plus grandéclat, et la science astronomique fut investie d’une découverte qui lui permit de calculer très-exactement la marche des astres et les lois que Dieu a fixées à l’ensemble des choses. Voulant faire connaître, d’après ces faits , si l’attraction est un attribut dela matière, ou si elle .est une force ap- pliquée à la matière , M. Feuillet divise l'attraction en deux parties , qui dérivent cependant toutes deux du même prin- cipe. Il appelle l’une attraction générale et l’autre attrac- tion particulière. Quand on voit, dit-il, les grands corps planétaires graviter les uns vers les autres , et rester dans les:orbites que la pesanteur de leur-masse a fixés; quand on voit les projectiles lancés dans l’espace parcourir une ligne courbe et se rapprocher d’un centre, les corps durs tombant d’une certaine hauteur descendre avec plus de pré- cipitation , lorsqu'ils approchent de la terre; quand on voit la lune peser sur la terre, qui l’attire, et cependant rester dans son orbite, retenue par l'attraction solaire, peut-on dire que tout cela n’est qu’une force qui leur est appliquée, que l’attraction n'est point en eux , qu’elle ne leur est pas inhérente? Ces corps perdent-ils jamais les propriétés qui les font agir? Cessent-ils un instant de graviter, de se mouvoir? Comment donc supposer que cette force qui les attire n’est qu’une force apparente, et qu ‘elle n’a qu’un rapport d'application avec eux ? Maintenant, si de l’attraction générale des corps on passe à l'attraction particulière des-particules de la matière et des compositions simples qui existent sur le globe, on verra SEIZIÈME SESSION. 99 que chacune de ces particules et compositions s’attirent les unes les autres par l’effet des centres qui sont en elles ; centres qui leur donnent la vertu attractive qu’on leur a de- püis long-temps reconnue. La chimie en a fait connaître un grand nombre; mais il suffit de signaler l’attraction des gouttes d’eau , des molécules d’air ou de feu, qui s’unis- sent, au simple contact, avec une grande vivacité; Pai- mant, qui attire le fer; deux glaces polies, qui adhèrent l’une à l’autre avec une grande force ; la plante, qui atüre à elle les sues nourriciers qui lui sont nécessaires, et doni les racines vont admirablement se placer au lieuouces sucs peuvent lui arriver. Mais c’est surtout dans les animaux que l'attraction se fait le mieux reconnaître : c’est elle qui établit les rapports qu’ils ont entre eux, qui les maintient en famille par l'influence électrique des.sexes , qui établit les classes, les genres , les espèces loujours à peu près les mêmes. Cette attraction, purement matérielle, existe dans l'espèce humaine comme dans les autres animaux; mais elle est double dans les êtres de cette espèce , parce qu’elle dérive de deux genres de forces qui sont en eux. Tout prouve donc que l’atiraction, soit dans ses effets généraux , soit dans ses effets particuliers, est un attribut de la matière, attribut primordial et essentiel. On la trouve partout, même dans les rapports que les hommes ont entre eux; car, lorsqu'il y a un centre quelque part, tel que celui, par exemple, de la littérature, des sciences et des arts, on amènerait une décentralisation, en créant de nouveaux centres, qui, bien certainement, auraient une vertu attractive. ) M. Feuillet croit cependant que l’atiraction n’est pas une force par elle-même, mais qu’elle est l'accessoire, l’atiribut de la force agissante de la nature, force générale que Dieu a donnée à la matière. Il croit aussi qu’elle n’est que l’exer- cice, la mise en action de cette force qui embrasse le globe terrestre, qui se divise et établit des centres de force dans toutes les productions qui s’y trouvent. Ces centres, par conséquent, ont chacun un attribut attractif. 100 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Passant à la troisième partie de la question , M. Feuillet dit que les conséquences de la solution donnée sont celles- ci: L'auteur de touteschoses, en qui toutes forces résident, a concédé à la matière les propriétés qu’on lui connaît; parmi ces propriétés se trouve l’attraction, qu’on ne lui connaissait pas où que l’on connaissait mal; la puissance divine, en donnant des forces à la matière, n’a porté au- cune atteinte à celles qui sont en elle ; Dieu a établi des lois pour consolider les créations qu’il a faites, laissant ces lois suivre la marche qu’il leur a tracée. Il faut cependant distinguer les forces de la matière et les forces divines. Celles-ci sont intelligentes , infinies , sublimes , tandis que les autres agissent toujours de la même manière, sont bornées et n’ont qu’une durée relative. L'espèce humaine qui, comme toutes les autres espèces animales et toutes les productions de la lerre, prend part aux forces attribuées à la matière, a, de plus que les autres espèces, une force particulière supérieure aux forces matérielles. Cette force spirituelle a son attraction, comme les autres forces, attraction qui se manifeste chez l’homme par son penchant pour les choses grandes, nobles, pures, et plus spécialement encore par son amour pour le créa- teur, par sa tendance à se rapprocher de Dieu. En résumé, M. Feuillet admet dans l'homme deux es- pèces d'attraction , l’une corporelle , l’autre spirituelle. La cause suprême, Dieu, en créant les êtres matériels, leur a donné toutes les propriétés dont ils jouissent ; il a donné de plus à l’homme une âme intelligente, force attractive, mais bien distincte de la force matérielle. C’est l'apanage exclusif de l'espèce humaine. M. l'abbé Noget, président, inscrit au second rang pour traiter la question d'attraction, lit le mémoire suivant : MESSIEURS , ? 3 "Vous venez d'entendre l’un des honorables membres de cette section, M. Feuillet, discuter devant vous celte question ardue et nous faire preuve de la variété de ses connaissances, Comme lui, je pense qu'il SEIZIÈME SESSION. 401 importé, avant de tenter de la résoudre, de se faire une idée juste et précise.de la constitution intime des corps. Ne faut-il pas, en effet, se demander qu'est-ce que la matière, avant de cherchèr quels sont ses attributs ? S'il ne s'agissail que de l’une de ces propriétés des corps qui affectent nos sens d'une manière évidente et irrécusable, nous n’aurions pas besoin, je l’avoue , de sonder plus avant, de pénétrer jusque dans leurs parlies les plus intimes, pour constater l'existence de cette pro- priélé : l'expérience suffirait pour nous l’attester d'une manière cer- taine. C'est ainsi qu’il m’estinutile de chercher comment sont disposées les particules des corps pour savoir qu’ils sont pesants. Et même, si je veux connaître leur constitution intime et la nature de l'être matériel, il est logique, il est nécessaire que je m’éclaire auparavant de loutes les lumières que l'expérience peut me fournir : câr je ne puis aitribuer à priori à la matière telle ou telle propriélé comme lui étant essentielle et formant sa nature ; ce serait m’exposer à de graves erreurs. Mais ici on me demande si lattraction est un attribut de la matière ou bien une force appliquée à la matière? Si j'avais simplement à conslater l'existence de l’attraction , je n’aurais besoin que de faire appel à l’ex- périence. Mais la question proposée est bien différente : Il ne s’agit pas d'établir le fait de l'attraction , fait incontestable, mais bien d'en re- chercher la cause. Or, si les faits sont accessibles à nos sens, les causes leur échappent, et l'intelligence ne peut se passer du raisonnement dans l'investigation de ces dernières. Afin donc de parvenir à connaître si la cause des phénomènes d'attraction remarqués dans les corps réside dans ces corps eux-mêmes ou bien au dehors d’eux, il esl avantageux de bien nous rendre comple de la manière dont ils sont conslilués : notre jugement en deviendra plus facile. Nous imilerons donc l’exemple que nous a donné l’honorable membre que vous venez d'entendre, et nous diviserons, comme lui, notre travail en deux parlies. La première sera comme un préliminaire dans lequel nous tâcherons de nous rendre compte de la constitution mlime des corps, et, dans la seconde, nous étudierons la question même du programme. Mais, auparavant, qu'il me soit permis d'adresser ici mes félicitations au savant auteur de ce programme. Oui, il a bien compris l’état actuel de la science. Oui, il a bien aperçu toute importance de cette question. Si je l’envisage sous le point de vue de la connaissance de la nature, j'y vois un problème intéressant et sur lequel les savants de notre époque se sont plus d’une fois exercés. Au point de vue philosophique, j'y vois une question d’une haute gravité, quand il s'agit de déterminer la na- ture de l’âme humaine et d'établir la distinction qui existe entre elle et la matière. Aussi l’auteur du programme, auquel cette importance n’a pas échappé, nous demande:t-il d'indiquer les conséquences de la solution qui sera donnée. Ces conséquences, nous les montrerons dans le cours de notre travail. CNT A4 102 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Je sens aussi, Messieurs , le besoin de réclamer votre indulgence. Je me vois forcé, par la nalure même de la question que j’entreprends de traiter, d’entrer dans des considérations et des raisonnements quelque- fois très-abstraits. Pour remplir ma tâche , il m'est d’autant plus néces- ‘ saire de réclamer votre bienveillance, que mon sujet ne se prête à rien de ce qui pourrait présenter quelqu’attrait pour l'imagination ou pour le sentiment. Ce qui me rassure, Messieurs, c’est qu’amateurs éclairés de la science, vous savez préférer la recherche consciencieuse de la vérité aux ornements dont elle aime , en d’autres sujets, à être revêtue. PREMIÈRE PARTIE. Constitution intime des Corps. Tous les physiciens modernes paraissent être d’accord sur les points suivants, savoir : 1° que les corps se composent de particules d’une petilesse extrême et indivisibles juxtà-posées (1) les unes aux autres; 2> que ces parlicules sont placées et maintenues à distance les unes des autres et qu’elles ne se touchent par aucun endroit; que les intervalles qui les séparent sont comme infinis par rapport aux dimensions de ces molécules , de telle sorte qu’il y a infiniment plus de vide que de plein dans les corps; 3° que les éléments dont sont composés les corps exer- cent une action mutuelle les uns sur les autres, malgré leur éloignement, et qu’ils sont maintenus dans leurs distances respectives par deux forces reconnues sous le nom d'attraction et de répulsion moléculaires (2) ; -4° à l'aide de ces deux forces s'expliquent les différents élats des corps, leur solidité lorsque l'attraction l’emporte.sur la répulsion, leur liqui- — (1) Cette expression, consacrée par l’usage, peut offrir deux sens à l'esprit. Deux corps peuvent être juxtà-posés, c'est-à-dire placés côte à côte de deux manières, en se touchant ou sans se toucher. C’est dans le dernier de ces deux sens que nous employons cette ex- pression. (2) Si la cause attractive ne réside pas dans les corps, ils ‘sont alors poussés les uns vers les autres par une force extérieure , et il y a impulsion et non attraction. Ce “+ d'attraction deviendrait donc impropre en ce cas. L'est-il ou ne l'est-il pas ? Quoi qu en soit, nous continuerons à l’employer, parce que l'usage l’a consacré, mais SANS VOu- loir le faire servir à rien préjuger sur la question, qui sera discutée plus tard. SEIZIÈME SESSION. 103 dité quand, ces deux forces se font équilibre, et leur élat de fluidité aériforme, lorsque la répulsion surpasse l'attraction. Plusieurs corps tels que l’eau. peuvent se trouver successivement et d’une manière toute naturelle à ces trois différents états : à l’élat de glace elle est solide, elle se liquéfie à la chaleur, et une température plus élevée la change en vapeur. « En réfléchissant à ces changements d'état, dit Pouillet » (Éléments de physique expérimentale, t. 1, p.8, 3° édit.), on habitue » l'esprit à pénétrer dans l’intérieur des corps et à bien faire comprendre » qu’ils ne sont que des assemblages ou des agglomérations d’alômes ; » que ces alômes sont séparés les uns des autres et maintenus à des » distances plus ou moins grandes , et qu’enfn il est possible que, sans >» se toucher, ils agissent de concert et se communiquent des pressions »et des mouvements. » Pinault est plus explicite encore : « D'après » l’ensemble des phénomènes, dit cet auteur, on est conduit à admettre, » et on admet généralement aujourd'hui en physique, que la malière » n’est pas divisible à l'infini, mais que, arrivé à un certain terme, on » n'aurait plus que des particules indivisibles que l’on appelle des » atômes ; de sorte que, pour nous, un corps est un composé d’atômes »juxtà-posés les uns aux autres. (Traité de physique, t. 1, p. 62, » 3° édit.) La petitesse des molécules excède infiniment tout ce que »nous pouvons connaître par nos sens, et même nos sens aidés des » secours de l’art. (P. 64.) Les molécules d’un corps ne se touchent pas, » et les distances qui les séparent sont comme infinies par rapport à » leurs dimensions. (P. 67.) Il y a infiniment plus de vide que de plein » dans les corps. Dans un pied d’une substance quelconque, par exem- » ple dans un pied cube de fer, les molécules juxtà-posées les unes aux »autres, sans laisser de vide entre elles, s’il était possible , ne feraient » peut-être pas une fraction de pouce cube ! (P. 70.) Les atômes, el par conséquent les molécules, exercent une attraction mutuelle plus ou » moins grande, qui diminue rapidement à mesure que les distances » qui les séparent augmentent. (P. 64.) Les molécules des corps exercent » les unes sur les autres une certaine répulsion qui diminue si rapide- » ment, à mesure que la distance de ces molécules augmente, qu’elle » devient insensible dès que cette distance devient sensible. (P. 73.) » Mais que sont les atômes dont se composent les corps? Les physiciens reconnaissent leur petitesse extrême et leur indivisibilité; tous sont d'accord sur ces deux points, mais ces atômes ont-ils encore de l’é- tendue? Deux opinions » pium intellectivum sit quo primo intelligit homo, sive vocetur intellectus,, sive anima » intellectiva, necesse est ipsum uniri corpori humano ut forma.» (Ibid., quæst. LXXVI, art. 1, conclusio.) Or, il n’est jamais entré dans l'intention de saint Thomas de dire que l'âme, qu’il déclare être une substance incorporelle , ait une figure corporelle, et qu'elle soit même la figure du corps. Il est donc évident que le mot forme n’a pas la même signification que celui de figure, dans le langage de saint Thomas et de l'école. Nous faisons cette remarque, parce que , dans le langage usuel , il nous arrivé souvent d'employer le mot forme comme synonyme de figure. Si done nous lisions saint Thomas avec cette persuasion que ces deux mots ont la mème signification, nous croirions aper- cevoir, dans le passage de ce théologien que: nous avons cité, les paroles d'un adver- saire , plutôt que l'appui d’une autorité favorable. Il dit, en effet (ibid., quæst. LXVI; art. 1, ad tertium) : « Magis repugnat materiæ esse in actu sine formâ, quäm aeci- » denti sine subjecto.» Oui, nous en convenons, il y aurait contradiction à dire que Ja matière est en acte, sans avoir de forme , car ce serait dire qu’elle est en acte, sans être en acte; mais il n’y a pas de contradiction à dire que la matière peut exister sans figure et sans'étenduel: du moins aurait-on tort de le conclure de cette phrase et d’au- res semblables ; ce ne serail pas comprendre le langage du docteur scholastiqueswwn SEIZIÈME SESSION. ati connait-il pas ce point, lorsqu'il nous présente son système comme un moyen nouveau de démontrer la distinclion de l’esprit et de la matière ? Ilnous semble donc hors de tout doute que, depuis saint Augustin jusqu’à Descartes, tous les théologiens ont enseigné que la matière n’esl pas essentiellement étendue, ét on sait que, pendant tout ce temps, la philosophie s’abrita dans les écoles théologiques. Descartes parait. Une grande révolulion s'opère. A dater de celte époque , il se trouve des philosophes et des théologiens , des savants de toutes les classes qui adoptent l’opinion de ce grand homme. Ses idées sur l'essence de l'esprit et de la matière se propagent , et cette proposition : la matière est essentiellement étendue, devient un axiôme pour plusieurs. L'opinion contraire compte néanmoins encore de nombreux et d’il- lustres représentants. Leibnitz oppose son monadisme au système de Descartes, et beaucoun d’autres après Jui continuent la lulte, sans partager toujours ses idées sur les propriétés des monades. Il en est qui attestent que plus de la moitié des savants de l’Europe se rangèé- rent du côté du philosophe allemand. Monseigneur de Pressy, dans son Instruction pastorale sur l’Eucharislie, affirme qu’une nuée de théo- logiens et de philosophes de son temps pensent encore que l'étendue n’est point essentielle à la matière ({nstruction pastorale sur l’Eucha- ristie, p. 375), et il se range lui-même de leur côté. Pascal, quoi qu’on en ait dit, n’adopta point le nouveau principe cartésien. Nicole l’atteste. « Vous pouvez y ajouter, dit cet auteur, que feu M. Pascal, qu'il cite » comme approbateur de ces principes philosophiques à l’égard de » l'étendue, en élait si étrangement éloigné, que, quand il voulait don- » ner l'exemple d’une rêverie qui pouvait être approuvée par entête- » ment, il proposait d'ordinaire l’opinion de Descartes sur la matière et -> sur l’espace ;etil y a bien des gens de très-bon esprit qui sont encore » dans ce même sentiment... » (Essais de morale, lettre 83.) - La lutte continue, et elle demeure long-temps alimentée par des con- sidérations de l’ordre métaphysique. Des arguments tirés des sciences physiques et mathématiques lui feront faire un grand pas, et ce sera à l'avantage de l’opinion que nous avons embrassée. Le célèbre Bosco- wich, dans son ouvrage intitulé : Theoria philosophiæ naturalis reducta ad unicam legem virium in naturû existentium , ouvrage fort estimé des physieiens modernes, enseigne que les derniers éléments dont se compo- sent les êtres matériels, sent sans étendue aucune, et semblables, sous ce rapport, aux points mathématiques. Puis il élablit solidement ces trois propositions : 1° que l’hypothèse des molécules étendues donne lieu à des objections très-fortes, pour ne pas dire insolubles ; 2° que cette hy- pothèse ne peut être prouvée direclement par aucun fail; 3° qu'il existe, au contraire, des arguments invincibles en faveur de la simpli- cilé des éléments matériels. 112 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. A une époque plus récente , MM. Poisson et Cauchy sont parvenus, quoique par des voies différentes , à des résultats mathématiques qui montrent qu'aucun corps n’est composé de parties continues. Celte conséquence est en opposition directe avec l’opinion des physiciens qui, admettant les atômes, les supposent encore élendus. C’ést pour- quoi M. de Saint-Venant concluait, dans un mémoire publié il y a peu d’années, que les éléments matériels sont absolument simples, simples comme les points mathématiques. Il atteste en outre que M. Ampère inclinait vers ce sentiment, et que M. Cauchy l’avait formellement en- seigné à Turin, dans son cours de physique, année 1831—32, Ce même savant ajoute encore qu’il ne lui avait été adressé aucune objection tirée des mathématiques ou de la physique, mais uniquement de la métaphysique. (Société philomatique de Paris, séance du 20 junvier 1844. Mémoire sur la question de savoir s’il existe des masses continues, et sur la nature ‘probable des dernières particules des corps, par M. de Saint- Venant, ingénieur en chef des ponts-et-chaussées, membre de la Société.) Pesons , puisqu'il en est ainsi, les arguments et les objections que la métaphysique peut nous fournir. Trois hypothèses se présentent touchant la divisibilité des corps. Ou bien celte divisibilité reconnaît un terme, et alors on arrive à un dernier élément PR et conséquemment sans étendue. En effet , d'instruments ; bientôt les molécules échappent par leur pelitesse à nos sens et à nos moyens de division, même à ceux qué fournit la chimie. Les atômes, auxquels on parvient, à l’aide des réactifs, sont donc encore étendus, j'en conviens. Mais la pensée pénètre plus profondément dans ces atômes eux-mêmes , et, tant qu'ils sont étendus, l’esprit y recon- naît des parties. Par suite , il conçoit une division portée plus loin en- core , et qui ne s'arrêtera que si l’on parvient enfin à ur élément maté- riel dépourvu d’étendue et de parties, simple enfin comme le point ma- thématique. Alors, mais alors seulement , la division effectuée par la pensée s’arrêle. L'hypothèse qui admet ce terme ne diffère done pas de l'opinion que nous soulenons louchant la simplicité des éléments ma- tériels. ; ‘Une autre hypothèse suppose que la pensée même n’alleindra j jamais le dernier terme de la division. Les corps, dit-on, sont indivisibles à l'infini. Mais si les corps sont infiniment divisibles, ils contiennent donc une infinilé de parties ; car là où les parties viendraient à manquer, la division s’arréterait nécessairement. ILest difficile, dans celte hypothèse, de répondre aux objections que l'on oppose à ce nombre infini de parties. Pour éviter ces objections, d’autres ont imaginé une troisième hypothèse, et ils ont dit que la ma- tière était indivisible indéfiniment. SEIZIÈME SESSION. 413 De-ces trois hypothèses, les deux dernières paraissent très-dificiles à soutenir, et leur réfutation sert de preuve à la première. -Tâchons d’abord de mentrer que l'hypothèse de la divisibilité infinie n’est pas soutenable. Si un corps contenait une infinité (1) de parties, de deux choses l’une: ou ces parties seraient simples, ou bien elles seraient encore étendues. Dans le premier cas , on est obligé d'admettre ce que nous soutenons nous-mêmes, savoir : la simplicité des derniers éléments ma- tériels: Mais aulieu d'admettre, comme nous, un nombre fini de parties dans un corps, on en admet, sans cause , une infinité, et on se crée ‘ainsi des difficultés inutiles. Si ,; au contraire , on suppose que ces par- ties, infinies en nombre, ont encore de l'étendue, voici comme nous pouvons raisonner: C’est: une vérité incontestable , qu’une quantité, quelque petite qu’elle soit, répétée un nombre suffisant de fois, peut égaler et même surpasser toute quantité donnée. Ici, une certaine étendue , très-petite,, il est vrai, se trouve répétée une infinité de fois : elle doit donc finalement constituer une immense étendue ; je devrais dire une étendue intinie , puisque l’étendue primitive, quoique très- petite, a été répétée une infinité de fois. Or, cetle conséquence, à la- quelle nous parvenons , n’est pas soutenable ; autrement ,. il faudrait dire qu’ua petit grain de sable est infiniment étendu, puisqu'il contien- drait une infinité de parties étendues. : Mais, dira-t-on, dans l’hypothèse de la division prenant un terme, ou bien ce dernier élément, auquel vous parvenez par la pensée, est encore matière, ou il ne l’est pas. S'il n’est plus malière, que devient-il, et comment s'opère la métamorphose ? S'il est encore matière , il est donc étendu, et conséquemment encore divisible. A cette objection, empruntée aux Éléates, nous répondons que les derniers éléments des corps sont encore matière , quoique dépourvus d’étendue ; car nous admettons, nous, qu'il peut exister de la matière sans étendue. L’ob- jection qu’on nous adresse affirme le contraire ; mais nous en deman- dons et nous en attendons la preuve. Ajoutons qu’à notre avis, l'infinité proprement dite, l’infinité véri- table ne: convient qu’à Dieu, et nullement aux créatures. Comment ad- mettre l'infini dans le fini, une infinité de parties étendues dans un atôme de poussière? Ne serait-ce pas faire le contenu plus grand que le con- tenant? —— "|" |" Î ÎUÎUÎUO——— — ——— 4 (1) L'infinité que nous combattons ici est une infinité absolue : nous ne voulons point parler de l'infini des’ géomètres, qui n’est pas, à proprement dire, un infini absolu. 114 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Ce serait confondre des idées clairement distinctes, transporter à . l'infini ce qui ñe convient qu’au fini. On peut concevoir la moitié, le üers, le quart, etc., d’une quanlité finie ; mais on ne peut pas en dire autant de l'infini. L’infini ne peut pas se mesurer :il ne peut doncpas non plus se diviser en parties. Cependant nous divisons tous les jours les corps par la moitié, nous les subdivisons en d'autres parties pluspe- tites : les parties dont ils se composent ne sont donc pas infinies en nombre , car, en partageant les corps , nous aurions divisé l'infini. Dire que les corps contiennent un nombresnfini de parties, n'est-ce pas associer deux idées qui s’exeluent ? Le nombre et l'infini se repous- sent. Tout nombre a une première et une dernière unité ; l'infini ,au ‘contraire , ne reconnait ni commencement ni fin : on ne peut donc pas dire qu’il existe un nombre infini de parties matérielles dans les corps. Quand on y réfléchit un peu, on abandonne aisément cette hypothèse; mais souvent aussi on l’abandonne pour passer à celle qui admet dans les corps un nombre indéfini de parties. Cette seconde hypothèse est pourtant moins satisfaisante encore, car elle ne présente à l'esprit au- cun sens bien déterminé. | Que veut-on dire , en effet, en soutenant que les corps sont divisibles indéfiniment? Veut-on dire que la divisibilité des corps-est si grande que l’esprit’s’y perd en quelque sorte , sans pouvoir fixer les limites où elle s'arrête ? Mais qui ne voit que celte réponse n’est pas une solulion ? C’est tout simplement avouer l'impuissance de l'esprit humain à résou- dre la question de la divisibilité matérielle. Veut-on dire que le nombre de parties dont se composent les corps tient le milieu entre l'infini et le fini? Mais quel est donc ce vague mi- lieu que l'esprit ne saurait concevoir? J'ai une idée claire de l'infini ; j'en ai une également claire du fini; mais, en dehors de l’un et de l'autre, je ne saurais reconnaître un intermédiaire que l’on appellerait indéfini, et qui serait, comme je l’ai quelquefois entendu soutenir, infini par un bout et fini par l'autre ; un nombre, par exemple, qui aurait une pre- mière unite ‘sans en avoir une dernière. : un pareil indéfini est un non- sens pour l'esprit, du moins pour le mien. _ * : Mais adinellons pour un instant cette interprétation ; admettons que le mot indéfini, au lieu d'exprimer une quantilé indéterminée, une grandeur dont on fait abstraction, ou une chose dont on ne se rend pas compte, désigne un milieu entre l'infini et le fini, et que, dans le cas présent , on veuille dire que la divisibililé matérielle est indéfinie, en ce sens qu'elle commence et qu’elle ne finit pas. En ce cas, dirai-je, vous trouvez donc le premier élément d’un cerps sans pouvoir assigner le dernier? Mais le premier élément d'un corps doit être simple, sans quoi il ne serait pas le premier. En effet, s’il est divisible encore, vous ne séparez pas du corps le premier des éléments dont il se compose ;, SEIZIÈME SESSION. 415 vous en retranchez tout un système d'éléments. Si donc vous admettez que la division commence par le retranchement du premier élément, vous admettez par-là même la simplicité de cette première partie ; vous nous accordez ce que nous demandons. l’ourquoi refusez-vous alors de reconnaître l’existence de la dernière partie de matière, comme vous avez admis l'existence d’une première ? Si vous persistez à dire que la première partie est composée, alors convenez que vous n’atteignez ni la première ni la dernière unité de la division, et abandonnez votre hy- pothèse de la divisibilité indéfinie, entendue dans le sens où nous la combattons. $ D'ailleurs, on peut répéter contre la divisibilité indéfinie un argument que nous avons opposé plus haut à la divisibilité infinie. Sans être ab- solument infini , le nombre des parties dont un corps se compose sera si grand, dans l'hypothèse de la divisibilité indéfinie, que l’esprit ne pourra ni l’atteindre ni l’exprimer, et ces parties auront chacune une certaine quantité d’étendue. Or, je demande comment on peut soutenir une pa- reille assertion? Comment peut-on prétendre que, dans un grain de pous- sière à peine visible, 1l se trouve un nombre de parties étendues si grand, qu’il approche de l'infini, et qu'il est impossible à l’esprit de concevoir qu'il ait un terme? Mais une étendue quelconque, si petite qu’on la sup- pose, répétée un nombre si prodigieux de fois, donnerait à ce grain de poussière une grosseur qui devrait surpasser celle du globe que nous habitons. Que serait-ce de ce globe lui-même ? Revenons-en plutôt à la simplicité de l'élément matériel. Cette opinion n° “entraine pas de sembla- bles difficultés. Nous croyons même avoir résolu les principales d’une manière salisfaisante. Terminons par quelques observations propres à confirmer celte même opinion. De même que tout nombre donné suppose l'unité, de même aussi tout composé suppose le simple. Un corps est composé : il suppose donc des parlies simples. S’il en était autrement, il faudrait admettre un progrès à l'infini, et le progrès à l’infini répugne à la nature de l'esprit humain. - Tout composé peut être concu divisé en autant de parties qu’il en contient. Mais si les parties que l'esprit conçoit n'étaient pas simples, l'esprit n’aurait donc pas concu le, sujet divisé en-toutes ses parties, puisqu'il resterait encore des composés. Un corps est un système de parties matérielles liées entre elles par la cohésion. Otons par la pensée le lien qui les unit; que restera-t-il? Les parties seulement qui composent ce corps. Mais si ces parties n’élaient pas simples, si elles contenaient elles-mêmes des parties jointes les unes aux autres, nous n'aurions donc point retranché par la pensée loute la force de cohésion; ce qui est contraire à l’hypothèse. Nous résumerons cette première partie de notre travail par. ces trois 4116 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. propositions, que nous croyons avoir prouvées : L'hypothèse de la sim- plicité de l'élément matériel répond avec facilité aux objeclions ; elle a pour elle de graves et nombreuses autorités ; elle se démontre par des preuves négatives et positives; elle est doné au moins fort ES ( pour ne pas dire certaine. DEUXIÈME PARTIE. . Discussion des principaux systèmes sur la nature de la force attractive. La constitution intime des corps nous élant actuellement connue, nous allons chercher si l'attraction est une propriélé de l'élément ma- tériel. Je me demande d’abord ro sont les sources où nous devons aller puiser nos renseignements, et il me semble que nous devons regarder comme précieux en cette matière lous ceux que les sciences physiques et mathématiques peuvent nous fournir. Or, je trouve que, suivant quel- ques physiciens distingués des temps modernes, la force attractive n’est point un atribut de l'être matériel. Au témoignage de M. de Saïnt-Ve- nant, dans le mémoire cité plus.haut , Ampère (Biblioth. univ. de Genève, | 1832 ,t. 49, p.235 ), pense que l'inégalité des répulsions produites par l’éther sur les corps pondérables donne naissance à la force appelée attraction , noi qui ne lui conviendrait plus, puisqu’au lieu de s’attirer les unes les autres, les molécules des corps seraient au contraire pous- sées par une force extrinsèque, comme deux corps flottants, lorsqu'ils arrivent à une distance capillaire , sont poussés les uns vers leS ‘autres par suite des courbures de la surface du liquide. M. de Saïnt-Vénant ajoute que cette opinion tire son origine d’une observation cônsignée dans les écrits de Newton , et que M. de Tessän a développée il y a peu d'années. * Celte manière d'expliquer la téndance qu'ont les molécules des corps - à se porter les unes vers les autres nous semble être encore à l’état d'hy- pothèse, Est-elle, même comme hypothèse ; du moins quant à présent, en élat de rendre raison de toutes les données de l'expérience? C'est ‘aux hommes spéciaux à nous prêter à ce sujel le secours de leurs lu- mières. Nous nous bornerons , face de la terre est attiré vers cette surface par la force de la pesan- » teur; mais cette pesanteur est si peu esssentielle au corps qu’elle s’af- »faiblira et s’éteindra de plus en plus, si le corps, s’éloignant de la sur- » face de notre globe , est transporté d’abord à la distance qni nous » sépare de la lune, puis à des distances de plus en plus grandes. » La force physique serait-elle un être spirituel , ou du moins un at- » tribut essentiel d’un tel être (1)? ….. Adopter cette idée, ce serait > vouloir, sans aucune nécessité , sans y être autorisé, ni par l’observa- »tion, ni par la science, ni par une saine philosophie, multiplier les » êtres à l'infini. D'ailleurs , est-il possible de considérer comme un être > véritable ce qui, suivant nos désirs, suivant nos caprices , naît ou s’é- > vanouit, reparaît ou rentre dans le néant? » Il importe d'ajouter qu'outre ces dernières, certaines forces physi- » ques nous sont départies pour notre conservation, pour nos besoins, » Sans que nous puissions disposer d’elles. Ainsi, par exemple, les forces » physiques appliquées à la digestion, à l’assimilalion , à la nutrition, » sont évidemment des forces qui , étant indépendantes de nous, aussi > bien que la pesanteur et les aclions moléculaires, ne sont pas mises » en œuvre par notre volonté. D’ailleurs , ces forces peuvent nous être » enlevées, tout comme celles dont notre volonté dispose ; par consé- - » quent, elles ne sont pas un attribut essentiel de nos organes ou de > notre intelligence ; elles ne viennent pas de nous. (P. 5,6, 7 et 8.) M. Cauchy conelut ainsi : « On ne saurait considérer la force phy- (1) L'auteur que nous citons fait remarquer, dans le passage remplacé ici par des points, pour plus de brièveté, qu'il existe deux sortes de forces physiques, les unes en dehors de nous, et dont nous ne disposons pas à notre gré; les’autres au dedans de nous-même, et obéissant aux ordres de notre volonté. 122 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. » sique, ni comme un être matériel ou spirituel, ni comme un attribut » essentiel de la matière ou d'aucune intelligence créée. Le seul être » dont elle émane nécessairement est l'être nécessaire. Elle est une ex- » pression de sa volonté. Lorsque des corps de même nature , ou de > natures diverses, sont placés en présence les uns des autres, lorsque » ces corps se meuvent ou restent en repos, certains rapports s'établis- »sent entre eux, certains phénomènes se reproduisent constamment » suivant des lois invariables , et l'équilibre se constitue ou le mouve- > ment s'exécute, comme si ces lois créaient des causés pérmanentes de » repos ou de mouvement. Les forces physiques sont précisément ces » Causes fictives auxquelles nous attribuons l'équilibre ou le mouve- » ment des corps, sans avoir jamais à craindre de voir nos prévisions » contredites par l’expérience ; ces causes secondaires qui existent » bien, si l’on veut, mais à la manière des lois, et pas autrement; ces » causés, qui tirent toute leur puissance, toute leur vertu des lois même » dont elles sont l'expression la plus simple, ou-plutôt de la er gps du > législateur. » (P.5,6,7e18.) Nous répondrons que l'opinion des savants que nous venons s de ciler, et les raisonnements si lucides de M. Cauchy en particulier, ne différent pas autant qu’il le semble au, premier coup-d'œil de l'assertion que nous ayons émise, En effet, M. Cauchy a pour but d'établir que la force attractive. n’est pas un attribut essentiel de l'être matériel , vérité. in- contestable dans le sens où il la soutient. La. matière, être contingent, ne peut avoir des propriétés indépendantes de la volonté du Créateur, et essenlielles dans ce sens. Or,.tel est bien celui que combat M. Cau- chy. « Si l'être, dit-il (p. 7), auquel obéit une force physique , ou celui » dont elle noussemble émaner, est, non pas l'être souverain et indépen- » dant , le seul être qui existe par lui-même, mais, au contraire , un » être dépendant qui n’existe que par la volonté du Créateur, on ne » saurait dire que celle force soit un attribut essenliel de cet être. Elle » est seulement un don .qu “il a recu, mais qui pourrait cesser de lui » appartenir, etc. » Ces raisonnements de M. Cauchy ne prouvent donc pas précisément que la force attractive ne puisse pas a un attribut dont Dieu aurail doué l ‘être malériel. M. Cauchy, il est vrai, ne se forme pas celle idée des forces. physi- ques. Il les regarde comme l’expression de la volonté du Créateur, comme des lois élablies par sa volonté suprême , auxquelles les corps obéissent, tout comme s’ils possédaient en eux des causes permanentes de repos et de mouvement. Mais ces causes, suivant lui, ne sont que ficlives ; ce sont des causes secondaires qui existent, si l’on veut, mais à la manière des lois » et qui tirent toute leur puissance de la volonté du législateur. {P. 8, au passage cité plus haut.) Ici, comme précé- demment, M. Cauchy combat toujours l'opinion qui attribuerait à.la ma- _SEIZIÈME SESSION. 193 tière une force indépendante de la volonté créatrice. Ses réfutations s'adressent aux athées qui nient l'existence de l’Étre divin et veulent reconnaître dans la nature un ordre éternel et nécessaire, ou bien à cette espèce-de dualistes qui admettraient Dieu d'un côté, et de l’autre une matière éternelle et indépendante de sa volonté. Son argumentation réfute-t-elle également ceux qui, regardant la matière comme une subs- tance créée par Dieu et toujours dépendante de son pouvoir suprême, reconnaissent qu'elle a tout reçu de lui, lexistence aussi bien que les attributs-dont elle jouil, et croient en même temps que la force attrac- tive est l’un de ses attributs? Au fond, il y a peu de différence entre les deux opinions. M. Cauchy ne voit que les lois du Créateur ; mais elles agissent comme si elles avaient produit dans les corps des causes permanentes de repos et de mouvement, causes que ce savant déclare fictives. L'opinion opposée regarde ces causes comme réelles, tout en leur donnant pour causes premières ces mêmes lois de la création, ‘invoquées par M. Cauchy : telle est, à notre avis, toute la différence. Nous avons montré jusqu'ici qu’il y avait lieu de douter que la force attractive fût le résultat de l'impulsion immédiate de quelque substance matérielle, ou de l’action immédiate de Dieu lui-même. Mais, s’il en est ainsi, ne faudrait-il pas dire que cette force réside dans les molécules matérielles , et qu’elle.en est un attribut? Il nous semble, en effet, que cette conséquence serait légitime (1), s’il ne régnait encore une aussi grande incertitude sur les prémisses. En effet , bien que, d’après notre manière personnelle d'envisager les choses , nous ne croyions point pouvoir déclarer certaine l'opinion qui fait intervenir l’action divine comme cause immédiate des mouvements attribués à la force attractive, nous ne pouvons pourtant point dire non plus que celte opinion soit insoutenable. Nous avons rejeté l’opinion qui, anéantissant la matière, verrait partout Dieuet rien que Dieu agissant sur-notre âme pour y produire nos sensalions ; nous avons fait-appel au bon sens et nous avons maintenu l’existence de la nature corporelle. Mais l’autre opinion est loin d’entrainer de semblables conséquences. Quant aux systèmes: qui altribuent les.effets de la force attractive à l'impulsion de quelques autres substances matérielles , si nous avons rejelé ceux de Descartes et de Leibnitz, nous n’en avons pas fait autant (1) Cependant, nous n'avons pas épuisé toutes les hypothèses. Outre Dieu et les êtres matériels, ne pourrait-on pas supposer des créatures intelligentes , des anges, des génies, qui produiraient, par la puissance dont ils seraient doués, tous les mouvements que nous remarquons dans les corps? Platon ne rend-il pas compte des mouvements si harmonieux des sphères célestes par cette poétique hypothèse ? 424 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE, de célui de M. Ampère. Sans l’adopter, parce qu’il nous parait encore douteux, nous nous sommes abstenu, appelant à ce sujet le secours des savants plus propres que nous à le juger. De ces considérations; voici, à mon avis, ce qui résulte : om ne-peut affirmer avec certitude que la force attractive soit un attribut de la ma- tière. Il y a d’autres hypothèses qui ne sont pas dénuées de toute proba- bilité. Si la science est encore impuissante à résoudre la question pro- posée dans le programme, peut-être les savants sont-ils sur la voie qui les conduira à une solution satisfaisante. Cette solution , je l'appelle de tous mes vœux, et peut-être pourra-t-elle compter un jour au nombre des résultats produits par les congrès scientifiques. Le programme nous impose encore le devoir d'exposer les consé- quences de ces opinions. Et, en effet, la question proposée étant une proposition mixte à laquelle la métaphysique n’est pas moins intéressée que les sciences physiques , si quelqu'un des grands principes de la pre- mière de ces sciences se trouvail compromis , ce serait une raison à 6p- poser à l'opinion qui les contredirait. Or, deux vérités métaphysiques principalement, l'existence de Dieu et la distinction de lesprit et de la matière, (touchent de près aux opinions dont nous avons fait l'exposé. Leucippe et Démocrite, philosophes atomistes, furent jadis les précur- seurs d’Epicure , et eux-mêmes ils élaient matérialistes , théistes pour la forme , athées en réalité. Laissant à chacun la liberté de ses convic- tions , je n’ai pas besoin de déclarer ici que je ne suis personnellement ni matérialiste, ni athée, et c’est pourquoi je crois devoir montrer , dans l'intérêt des opinions dont nous avons précédemment fait voir la probabilité, qu’elles ne compromettent ni l'existence de Dieu , ni la spi- ritualité de l’âme humaine. D'abord , l'opinion qui, à la force attractive dont serait douéé la ma- tière, substitue l’action de Dieu mettant en mouvement l'être matériel dont la réalité est reconnue, cette x sa loin de nier |’ ‘existence de Dieu , la suppose au contraire. Restent l’opinion de M. Ampère, qui attribue aux dvi répulsions de l’éther les phénomènés de l'attraction , et l'opinion qui doue-la ma- tière elle-même de la force attractive. Mais, ici encore, où serait le dan- ger de l’athéisme? Les attributs de la matière, comme son exislence même, restent loujours des effets de la volonté du Créateur. La philo- sophie païenne n'avait pas une idée assez pure de l'Etre divin, et voilà pourquoi elle chercha si souvent l'explication du monde matériel hors de la cause créatrice ; mais, éclairés comme nous le sommes aujour- d’hui par des principes philosophiques puisés dans le Christianisme, une pareille méprise:ne se rencontre guère, et les temps de Leucippe, Dé- * mocrite et Epicure ne sont plus. D'ailleurs, ces philosophes faisaient leurs atômes étendus , et M. Ampère admet la simplicité des éléments matériels. SEIZIÈME SESSION. s 495 Avons-nous à craindre la confusion de esprit et de la matière? Pas davantage. Dans l’opinion qui invoque l’intervention immédiate de Dieu, et dans l'opinion de M. Ampère , l'élément matériel demeure une sub- stance inerte, et ilse DES facilement de l'esprit, substance active de sa nature. Je vais plus loin , et je dis que, même en admettant la simplicité des éléments matériels, et en les dotant de la force attractive, la distinc- tion entre l'esprit et la matière est suffisamment maintenue. Nous avons montré, dans la première partie de notre travail, que les éléments ma- tériels, quoique simples, conservaient néanmoins toutes les propriétés des corps, hormis l'étendue ; or, l’âme humaine a des propriétés tout opposées , car elle ne peut affecter les sens ; elle jouit d’une activité li- bre ; elle pense, elle sent ; elle a conscience d’elle-rmême. Mais si la force attractive apparlient en propre à l'élément matériel, celui-ci ne devient-il pas aclif? Soit, dirons-nous. Mais, quand cette pro- priété serait aussi certaine qu’elle est encore douteuse, l’élément ma- tériel n'aurait pas acquis pour cela les autres facultés de l'âme humaine; il n’atteindrait même pas à l’activité dont jouit l’esprit. Nous remar- quons, en effet, que la force attractive agit toujours de la même ma- nière ; elle est régie par des lois constantes , uniformes et nécessaires. Quelle différence entre cette activité et celle de l'esprit, qui est maitre d’agir ou de ne pas agir, d'augmenter, de diminuer, d'arrêter la force avec laquelle il communique le mouvement, libre de le diriger dans le sens qui lui plait, et de changer quand il veut cette direction ! Une sub- stance douée d’une telle activité ne pourra jamais être confondue avec celle qui demeurerait soumise aux lois immuables qui régissent la force attractive. Et la pensée, et le sentiment, il faudrait montrer qu’ils se rencontrent dans l’élément matériel ; le montrer, dis: -Je, avec une cer- titude aussi grande, aussi évidente que celle qui nous.alteste notre pen- sée,, notre sensibilité et celle de nos semblables. Or, cette démonstra- tion est impossible , car elle démontrerait l’existence de ce qui n'existe pas. En définitive, nous croyons qu'il résulte dé considérations exposées dans notre travail que la spiritualité de l'âme est une queslion indépen. dante de l’opinion que l’on se formera , soit sur la nature des éléments matériels, soit sur lattribution qui leur sera accordée ou refusée de la force attractive, et que l'existence de Dieu ne sera point compromise du moment où l’on reconnaitra, avec M. Cauchy , et dans le même sens que lui, que les forces physiques n’appartiennent pas essentiellement aux êtres de ce monde. Qu'il me soit permis, Messieurs, de le diré en finissant : Les dogmes enseignés par le Christianisme , même ceux qui se rapportent à la phi- losophie, n’ont rien à redouter des progrès de la science. Loin de là. Ce que le savant Cuvier eut occasion de dire un jour à un apologiste T. I. 17 126 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. chrétien : La Géologie et l'Écriture sainte se donnent la main comme deux sœurs, on peut l’étendre à toutes les branches de la science humaine et à toutes les parties du dogme catholique. Ce que la religion redoute, c’est ce que la science redoute elle-même : je veux dire le demi-savoir, les observations incomplètes , les hypothèses hasardées , les opinions préconçues , les conclusions prématurées. Aussi voyons-nous le temps et le progrès faire bientôt justice de ces systèmes souvent dictés par une sorte d'opposition au Christianisme. Le matérialisme du xvm' siè- cle, par exemple, est maintenant une opiniou reléguée dans les pages surannées de l’histoire ; et le triomphe du spiritualisme n’est pas seu- lement dû aux apologies des théologiens , il est dû aussi aux efforts du chef de l’école universitaire secondé en cela par ses disciples. Et si vous me permettez, Messieurs, de citer encore unautre exemple, quels savants plus dignes de ce nom que les membres illustres de l’Institut d'Egypte ? Mais cédant trop à l'esprit qui dominait encore leur époque, quelle arme puissante n’ont-ils pas cru trouver dans ces fameux zodiaques égyptiens pour anéantir la chronologie du Pentateuque! Et voilà que les Champollion,, soulevant le voile mystérieux dont le temps avait recou- vert les hiéroglyphes, lisent sur la pierre l’âge récent de ces monuments. On les faisait antérieurs peut-être à l’époque des fossiles , et il en est qui datent de l’empire des successeurs d’Augusle ! Que ces égarements d’une science passionnée ne nous ébranlent ja- mais. Si, pour éprouver notre foi, la Providence divine laisse quelque- fois l'obscurité planer sur nos dogmes, prenons palience: un rayon de lumière percera bientôt le nuage, et le progrès du savoir viendra justi- fier enseignement révélé. Non, il n’y a point d’antagonisme entre la religion et la science. Une origine commune les unit par d’étroits liens. Filles du ciel l’une et l’autre , et essentiellement amies, elles se donne- ront toujours la main comme deux sœurs. Cet accord , Messieurs , ne ressort-il pas de tout ce qui s'est passé pendant la durée de ce Congrès? Les membres des deux sections réunies témoignent à M. le président Noget la satisfaction que leur a fait éprou- ver la lecture de son intéressant mémoire. La séance est levée à neuf heures. \ SEIZIÈME SESSION. 497 Séance du 10 Septembre 1849. Présidence de M. l’abbé NOGET.— M. l'abbé DE LA LANDE, Secrétaire. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. M. l'abbé De la Lande fait hommage aux sections réunies des deux opuscules suivants : Une première Excursion bo- tanique dans la Charente-Inférieure en septembre 1847; — Une seconde Excursion botanique dans la Charente-Infé- rieure en août et septembre 1848. M. le Président lit la cinquième question de la première section, ainsi conçue : « Quelques-unes des plantes appar- » tenant spécialement aux terrains calcaires se montrent- » elles sur les terrains schisteux ou granitiques depuis » long-temps amendés par la chaux? » M. de Caumont dit que la Société linnéenne s’occupe de recueillir les faits propres à constaler l'immigration des plantes par suite de l’emploi de la chaux à l'amendement des terres. Quelques observations à cet égard se font en Normandie, et il paraît certain que le sainfoin, après avoir passé du terrain calcaire sur le terrain schisteux contigu qui a reçu de la chaux, sait se maintenir et se propager sur ce dernier terrain. M. Le Gall n’a vu aucune plante calcicole sur les terres amendées par la chaux qu'il a pu visiter. Il ést vrai que ces terres ne recevaient de chaux que depuis dix à quinze ans , et se trouvaient éloignées des dépôts calcaires. Nous pouvons, dit-il, connaître en peu d’années si le sol schis- teux ou granitique amendé par la chaux vaui le sol calcaire pour certaines plantes. Semons-y des graines de plantes cal- cicoles ; examinons ensuite si les individus qui en provien- _ nent se développent bien, puis se propagent, en fournis- sant au sol de nouvelles et bonnes graines. 128 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Quelques agriculieurs, ajoute M. Le Gall, semblent craindre que la chaux employée comme amendement ne soit nuisible aux châtaigniers qui bordent les terres labou- _rées. Ces arbres ne se plaisent pas sur un sol calcaire; mais un peu de chaux mêlée au sol schisteux ou granitique sur lequel ils se trouvent ne saurait leur être nuisible. Pourvus de longues et fortes racines , ils continueront à puiser dans le sous-sol les éléments propres à leur nutrition. Le noyer, à la différence du châtaignier, aime le sol. calcaire ; il pros- pérerait peut-être au bord des champs depuis long-temps ‘amendés par la chaux. M. de Caumont, après quelques notions sur la distribu- tion en Normandie des grandes espèces végétales, présente des tableaux faits par M. Dubreuil , professeur à Rouen. Ces tableaux indiquent l'accroissement des arbres sur les divers terrains, et constatent une différence bien sen- sible entre l’accroissement des conifères sur le sol calcaire, et l'accroissement de.ces mêmes arbres sur le sol schis- teux. . En parlant des arbres exotiques qui se sont bien accom- modés du sol normand , M. de Caumont cite un Vernis du Japon, planté, il y a quarante ans, dans son parc de Vaux, et qui vient d’être coupé. Le diamètre du tronc de cet ar- bre est de 81 centimètres. Le bois ressemble à celui du frêne; il est pourtant plus compacte. Quelques autres membres de la section prennent la pa- role; mais la discussion cesse de se rapporter à la question posée. Il ne s’agit plus que d’un fait agricole, la manière d’employer la chaux comme amendement. M. le Président dit que si plusieurs questions de la sixième seclion n’ont pas été mises en discussion , c’est qu'aucun membre ne s’est inserit pour les traiter. Il es- père que ces questions , aussi délicates qu’importantes , passeront dans les programmes des prochains Congrès ; qu'elles seront étudiées avec soin, et qu’elles. seront un jour résolues. SEIZIÈME SESSION. 129 M. Eudes Deslongchamps a bien voulu adresser au Congrès le mémoire suivant, qui se rapporte à la douzième question examinée dans les séances du 5 et du 7 sep- tembre. Note sur un petit coléoptère qui dévaste les pins et qui parait nouvellement importé dans le nord-ouest de la France. M. de Caumont m’a remis récemment la note suivante : « Au mois de juin dernier (1849), j'avais remarqué, dans mon parc » de Vaux-sur-Laison, que plusieurs jeunes pins Laricio (pinus Laricio) » avaient leurs flèches fanées et rompues ; ce que j’attribuai d’abord aux » gros oiseaux, tels que les pies, qui vont souvent se percher sur la » partie la plus élevée des conifères, ou à des enfants qui avaient pu se » promener chez moi. Cependant, je ne tardai pas à constater le même » fait sur un Laricio âgé de trente ans, et dont un grand nombre de » pousses étaient fanées et coupées comme les précédentes. Le mal > augmenta progressivement, et, chaque jour’, je voyais tomber de nou- . » velles pousses. Je ne doutai plus, dès lors, que ces ravages ne fus- » sent produits par un insecte; mais je quittai Vaux pour quelque temps, » et je ne pus continuer mes observations. » Au mois de septembre , on annonça au Congrès scientifique de Ren- » nes que des insectes inconnus avaient, depuis peu, fait des dégâts » considérables dans les bois de la terre de Bruté, créée à Belle-Isle - (Morbihan) par M. Trochu, membre du Conseil général de l’agricul- » ture, et que les mêmes insectes venaient de paraitre sur le continent. » J’eus lieu de croire alors que cet insecte pourrait être celui dont j'avais ». constaté la présence chez moi. » À mon retour, je trouvai le mal trés-aggravé : un groupe de pins » d’Ecosse (pinus rubra, Wild.), peu eloigné de mon grand Laricio, » était attaqué, et je pus remarquer, sur plus de trois cents pousses » tombées à terre, que l’insecte est un petit coléoptère d’une ligne et » demie de longueur, ayant sous l’abdomen une touffe de poils blanchâ- » tres ou grisâtres ; que les pousses avaient toutes élé attaquées latéra- » lement, à une certaine distance de l'extrémité; qu’une fois introduit > au centre de la pousse, l'animal avait cheminé vers l’extrémité , lais- > sant après lui un canal cylindrique assez régulier. La même pousse » était souvent attaquée sur deux ou trois points de sa longueur, et la » marche des insectes m'a paru avoir été poussée dans le même sens, » c’est-à-dire vers l'extrémité de la pousse et en suivant la moëlle cen- > trale. » On conçoit aisément que, sur une pousse annuelle ou bisannuelle » privée de sa partie médullaire , la végétation doit languir et s’arrêler 130 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. » bientôt, et que cette pousse ne tardera pas à jaunir et à se dessécher. * L'insecte la quitte et passe à d’autres. Il arrive nécessairement aussi > que le trou latéral par lequel l'insecte s’est introduit rend les pousses » plus fragiles. Le vent les rompt aisément ; elles tombent vertes ou sè- » ches. Ce sont les pousses encore vertes qui m’ont permis de prendre » l'animal sur le fait, car il continue son œuvre de destruction sur une » branche rompue et tombée à terre, jusqu'à ce qu’il soit parvenu à » l'extrémité. » Les vents de novembre m'ont prouvé que, chez moi, le coléoptère » commence à attaquer des épicéas (abies picea , Desf. ) assez rappro- » chés du groupe d'arbres verts infesté. De belles flèches ont été rom- » pues par le vent, parce qu’elles avaient été rongées à vingt, trenteet » quarante centimètres de l'extrémité. Elles m'ont présenté les mêmes » phénomènes que les tiges de pin. » On comprend combien le fléau que je viens de signaler est mena- » cant pour les plantations d'arbres verts, déjà nombreuses dans nos - » contrées, et combien il portera préjudice à la croissance des coni- » fères. Nous ne pouvons qu'engager vivement les entomologistes à » étudier les mœurs de cet insecte , afin d'enseigner , si cela est pos- » sible, les moyens de le détruire ou de s’en préserver. » Avec cette note, M. de Caumont me remit quelques pousses ‘atta- quées du pin Laricio; je ne trouvai l’insecte que dans l’une d'elles. Depuis, M. de Caumont m’a communiqué un petit nombre de speci- mens de l’insecte, en m’engageant à faire quelques recherches dans les livres , afin de signaler son nom, ses mœurs , et ce qui a été con- seillé pour arrêter sa propagation. | La tâche n'était pas aussi simple que M. de Caumont semblait le croire; je ne sérais parvenu, trés-probablement, qu’au très-minime résullat, dans ce cas, de faire connaître le nom que cet insecte a recu des entomologistes , si je n’eusse pu consulter un excellent ouvrage pratique de M. Ratzebourg, forestier prussien, sur les insectes destruc- teurs des arbres et ‘sur leurs ennemis, ouvrage traduit en français par M. le comte de Corberon, qui fit hommage, il y a quelques années, d’un exemplaire de sa traduction à l’Académie des sciences, arts et belles-lettres de Caen, Ce livre , d’une haute utilité, paraît être à peine connu en France ; du moins, je-ne le vois annoncé nulle part dans les catalogues de livres de science que je recois tous les jours (1). {1) Je donne in extenso le titre de cet ouvrage. Les Hylophthies et leurs ennemis, ou Description et Iconographie des insectes les plus nuisibles aux forêts; ainsi que des autres animaux causant des dégâts dans les’boïs, SEIZIÈME SESSION. 131 C’est en vain qu’on chercherait dans les ouvrages d’entomologie pro- prement dite des renseignements pratiques contre les ravages des in- sectes destructeurs. Les entomologistes ont bien assez de classer, nommer, débrouiller la synonymie et décrire près de cent mille insec- tes : ils ne peuvent que se borner aux indications les plus générales de mœurs des familles et des grands genres ; il est impossible qu'ils entrent dans les détails de mœurs des espèces, et surtout qu'ils indi- quent les moyens que l’expérience enseigne pour s'opposer aux ravages des insectes. La note que j'ai l'honneur de soumettre au Congrès n’est donc, à peu de chose près , qu’un extrait de l'ouvrage de M. Ralzebourg , tou- chant l’insecte que m’a remis M. de Caumont. Je fais cette déclaration autant pour rendre justice à qui de droit que pour que l’on sache bien que les moyers que je conseille, d’après M. Ratzebourg , sont le fruit d’une longue et consciencieuse expérience. Nom et synonymie. Les anciens entomologistes français , j'entends ceux antérieurs à La- treille, ne parlent pas de cet insecte ; du moins, il n’en est point fait mention dans l'ouvrage de Geoffroy sur les insectes des environs de Pa- ris, ni dans le petit ouvrage de Fourcroy sur le même sujet, ni dans la Faune parisienne de Walkenaër. Le catalogue des coléoptères de feu M. de Brébisson , fruit de plus de quarante années de recherches con- sciencieuses sur les insectes de nos contrées , travail beaucoup plus ré- cent que ceux que je viens de citer, puisqu'il est inséré dans les mé- moires de la Société linnéenne de Normandie, VI° volume, publié en 18..., ne parle pas non plus de l’insecte dont il est question dans cette note. Il existe sans doute des catalogues ou autres ouvrages sur les in- avec une Méthode pour apprendre à les détruire et à ménager ceux qui leur font la guerre. Manuel à l'usage des forestiers, des économes, des jardiniers et de fous ceux qui s'occupent de sylveulture. ù Par M. Ratzebouré, docteur en médecine de la Faculté de Berlin, professeur d'histoire naturelle à l’Institut forestier royal de Prusse, membre ordinaire et extraordinaire de plusieurs Académies et Sociétés savantes, nationales et étrangères, chevalier de l’ordre de l’Aigle rouge, etc. etc. Traduit de l'allemand par le comte de Corberon. Avec six planches gravées sur acier, coloriées avec le plus grand soin, deux planches lithographiées noires, deux gravures sur bois, quatre calendriers entomologiques, une explication des planches et un vocabulaire des mots techniques et peu usités qui se trouvent dans cet ouvrage. Un vol. in-8 de 246 pages. À Nordhausen et à Leipzig, chez B. G. H. Schmidt, libraire éditeur. 1842. 132 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. sectes de localités rapprochées de nous ; mais je ne les connais pas, et je ne puis, par conséquent, affirmer que notre insecte n’y soit pas men- tionné ou décrit, quoique cela me paraisse probable. Ïl en résulterait que l’insecte signalé par M. de Caumont serait nou- veau pour nos contrées. Comment y est-il arrivé ? Y a-t-il été transporté sur de jeunes arbres ou sur des bois résineux venus du Nord et ayant conservé leur écorce? C’est ce que je ne puis dire, et ce qui, dureste, me semble peu important à savoir, puisqu'il y est. Ce qu’il y a-de cer- tain, c’est qu’il est connu en Allemagne et dans le nord de l’Europe-de- puis un temps immémorial. N'ayant pas à ma disposition d'ouvrage gé- néral concernant les insectes de la Grande-Bretagne, j'ignore s’il existe dans ce pays. Linnée l’avait rangé parmi les Dermestes , sous le nom de Dermestes piniperda, Syst. nat. Fabricius plaça d’abord le D. piniperda de Linnée dans son genre Bos- trichus , sous le nom de B. piniperda. Spect. insect., p. 68, n° 7; Man- tiss. insect., 1, p. 37, n° 13. Il fut suivi dans cette détermination générique par Gmelin et quel- ques autres entomologistes. Olivier et ensuite Lalreille en firent un Scolytus, le Sc. piniperda. Il est désigné sous ce nom . le Manuel Sn 2 D de Boitard, tom. 2, p.4. | Dans son Systema eleuteratorum, Fabricius le fit entrer dans un nou- veau genre qu’il nomme Hylesinus , genre dans lequel il transporta les Scolytes d'Olivier, tandis qu’il employa le nom générique de Scolytus pour un groupe de l’ordre des carabiques que Latreille avait déjà dis- tingué sous le nom générique d’Omophron. D'où il résulle que dans le Syst. eleuter. de Fabricius, notre insecte figure sous le nom de Hylesi- nus piniperda , tom. 11, p. 392, n° 9. Fabricius décrit encore dans Ce dernier ouvrage, comme espèce par- ticulière, une simple variété de Hyl. piniperda sous le nom de Aylesinus testaceus , id. ib., p. 393, n° 9. C’est pareillement sous le nom d’Hylesinus piniperda que notre in- secte est décrit et figuré dans l’ouvrage cilé de M. Ratzebourg, p. 65, S IX, et p.76, S LL, pl. I, fig. 10, et pl. VIIL, fig. 2. Enfin Latreille, qui s’est cru en droit de conserver le genre Scolytus tel que l'avait établi Olivier, sans tenir compte des changements opérés par Fabricius, a pourtant reliré de ce même genre Scolytus un certain nombre d’espèces qui ne lui paraissaient pas convenablement placées, pour en former un genre à part sous le nom d’Hylurgus; et précisément notre petit insecte se trouve faire partie de ce nouveau genre, sous le nom d’Hylurqus piniperda. Gen. crust. et insect., IL; Cuvier, règne ani- mal, tom. V, p. 90 ; Iconogr.-du règne animal de Cuv.; Guérin, insect., à 40, fig. 2,2 d. (antenne et palle). di are SEIZIÈME SESSION. 133 C’est aussi sous le nom de Hylurgus piniperda , el var. festaceus , qu'il se trouve mentionné dans le catalogue des coléoptères du baron Dejean, 3° édit., p. 331. Ainsi, de compte fait, ce malheureux petit insecte a passé par cinq genres. Fort heureusement que, dans tous ces déménagements , il a conservé le nom spécifique que lui avait donné Linné. Enfin, Fabricius en avait fait deux espèces, prenant sa variété jaunâtre pour une espèce particulière. Mais cette erreur est signalée dans le catalogue du baron Dejean , et aussi, par le fait, dans l’ouvrage de M, Ratzebourg, quoi- que Panteur n'indique point explicitement cette méprise ; mais cela ressort évidemment du texte et de l'explication de la figure 10 de la planche II. La Maison rustique du xix° siècle, tom. IV (publié en 1849), article Animaux nuisibles aux forêts, mentionne et figure l’insecte dont il est question dans celle note ; elle le désigne sous le nom de Scolyte pini- perde ; la figure est grossière et n’en donne que très-imparfaitement l’idée. On y trouve une description succincte de l’insecte , une indica- tion également trés-succincte de ses habitudes et des moyens de s’oppo- ser à ses dégâts ; mais on ne parle point des localités où il se trouve. Les indicalions données par la Maison rustique pourraient suffire à le faire reconnaître et à le combaltre ; mais il s’est glissé dans cet article quelques inexactitudes sur ses habitudes, comme on pourra le voir plus loin, et qu'il importe de rectifier (1). Description. L'insecte à l’état parfait est long de trois à quatre millimètres; sa lar- geurest d'environ un millimètre et demi; sa forme esi à peu prês celle (1) Cet article étant peu étendu, je le transcrits en-entier. « Scolyte piniperde. Scolytus piniperda. Oliv. Latr. dermeste piniperde de Linné. » Noir, légèrement vélu, avec.des stries crenelées sur ses élytres; antennes et pattes » rouges; long de deux lignes. On le. trouve sous l'écorce des hoïs résineux (A) de qua- » ranfe à soixante-dix ans, auxquels il cause souvent de très-grands dommages ; il perce » aussi les jeunes pousses des pins sauvages, et dépose ses œufs (B) dans leur canal » médullaire ; la larve qui éclôt bientôt après ronge la moëlle et occasionne ainsi le > desséchement et la chûte des pousses. On emploie pour sa destruction les mêmes » moyens que pour le Bostriche typographe. » (A) La larve seulement vit sous l'écorce des pins âgés. (B) IL ne dépose pas d'œufs dans le canal médullaire des jeunes pousses ; c’est l'in- secte parfait qui perce et se nourrit de leur moëlle, LHOLES ' 18 134 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. d’an cylindre, un peu atténué.en avant ; la têle est comme tronquée antérieurement; le corcelet est un peu allénué en avant et très-légè- rement rétréci en arrière ; la surface de celui-ci et celle de la tête ont marquées d’une infinité de points enfoncés, disposés sans ordre , et couverts de poils courts très-fins, espacés , que lon ne peut aper- eevoir qu’à l’aide d’une très-forte loupe. La tête et le corcetet sont noirs et subluisants. Derrière le corcelet, entre les élytres, est un petit écusson noir en forme de bande transverse. Les élytres présen- tent en avant quelques plis longitudinaux , qui deviennent moins sen- sibles en arrière; elles sont couvertes de points enfoncés , disposés presque régulièrement sur plusieurs lignes longitudinales’, ce qui fait paraître les élytres comme siriées dans le sens de la longueur; on voit sur leur partie postérieure quelques points saillants , irrégulière- ment espacés; de très-pelits poils très-fins et assez rares, visibles à la loupe seulement , couvrent les élytres, qui sont subluisantes et ordi- nairement d’un brun marron, quelquefois presque noires ou jauni- tres : je n’en ai vu que de la première nuance. Les antennes sont de couleur fauve ; elles ont la forme d’une pelile massue arrondie, et sont formées d’articles courts et serrés ; elles sont garnies de quelques poils rares. Les pattes sont noires ; les arses n'ont que quatre articles à tous les pieds ; leur couleur est fauve. La larve de notre coléoptère est apode, et.d'un blanc sale. Mœurs et habiludes. Dans le courant du mois d'avril, l'insecte sort de la demeure où il a passé la mauvaise saison, et vollige autour des arbres; bienlôl il s'aparie; le mâle et la femelle percent, de concert, l'écorce du tronc des pins âgés, ordinairement vers les parties supérieures, là où de grosses branches se séparent du tronc; ils y creusent, aux dépens de la partie interne de l'écorce et de l'externe de l’aubier, une cavité assez grande, que les fo- -resliers allemands nomment chambre nuptiale, à partir de laquelle les insectes creusent, en ligne ascendante et descendante, plusieurs gale- ries principales, un peu torlueuses à leur origine, et de cinq à six pouces de long. Outre le trou d'entrée, ils eff pratiquent deux ou trois autres pour que l'air puisse pénélrer dans la galerie. La femelle se creuse, à droite et à gauche, le lohg de cette galerie, de petites re dans chacune desquelles elle dépose un œuf. Les œufs éclosent dans le courant du mois de mai; les larves rongent le liber, et se creusent latéralement des canaux ondoyants, dont le dia- mètre augmente à mesure qu’elles croissent et s’éloignent davantage du point d'où elles sont parties. Vers la fin de juin ou au commencement de juillet, les larves Et acquis tout leur accroissement ; elles quittent alors leurs galeries pratiquées SEIZIÈME SESSION. 435 entre le boiset l'écorce, et se retirent chacune dans une cavité qu’elles se creusent aux dépens de cette dernière seulement ; elles s’y transfor- ment en chrysalide , et, vers la fin de juillet, elles y revêtent leur der- nière forme. Devenues insecte parfait, elles sortent en perçant direc- tement l'écorce , où elles laissent de petits trous semblables à ceux que l'on pourrait faire avec un fusil chargé à petit plomb. Notre insecte se distingue principalement de plusieurs autres espèces du même genre, ou genres voisins, qui, comme lui, passent les pre- miers Lemps de leur existence sous l'écorce des pins, des sapins et au- tres essences d’arbres , où elles se creusent des galeries, par les parti- cularités suivantes :—1° Après sa dernière métamorphose, il ne fait pas de-ponte pendant le reste de la belle saison, quoique sa vie se pro- longe jusqu’à l’année suivante ; 2° il n'attaque plus l'écorce des troncs et des grosses branches; mais il perce les jeunes pousses, et se loge dans leur intérieur, dont il dévore la maëlle jusqu’au bourgeon; il en sort pour altaquer de nouvelles pousses , et continue ce manège jus- qu’aux premiers froids de l'hiver. Les pousses attaquées se fanent et se dessèchent bientôt; lorsque les vents viennent à se fairesenlir, les jeunes pousses, affaiblies par les trous. pratiqués par l’insecte, se brisent et jonchent le sol. Les arbres allagués, vieux et jeunes, ont alors un as- pect étrange et diserâcieux; ils semblent avoir été £aillés : d’où est venu le nom vulgaire de Waldgartner (jardinier de la forêt), que donnent à notre petit coléoptère les forestiers allemands. Ce nom de Jardinier de la forêt. me semble préférable-dans la pratique, pour éviter de faire un choix, d’ailleurs assez difficile à INR, parmi ceux que les entomo- logistes lui ont imposés. Auxpremiers froids , il quitte les jeunes pousses et cherche un refuge au pied des pins; il parvient à l’origine des racines; il s’y creuse un trou qui pénètre jusque dans l’aubier, où il démeure engourdi pendant les rigueurs de l’hiver. Lorsqu’au contraire celte saison est douce, on voit souvent le Jardinier de la forét quitter sa retraite et percer de nou- veawles jeunes pousses. Dès que le froid reprend, ilrevient au pied des arbres. + é Aux premières chaleurs du printemps, l’insecte quitte définitivement sa retraite. C’est alors qu’il attaque l'écorce des troncs, comme il a été dit plus haut, et qu’il y prépare le local où il déposera sa progéniture. D’après ce qui vient d’être rapporté des habitudes du Jardinier de le forét, il est évident que M. de Caumont n’a connu qu’une partie des ra- vages de l’ennermi dont il vient de signaler la présence dans nos con- trées. En cherchant sur le tronc de ses pins, M. de Caumont trouvera les traces du séjour des larves dont il n’a connu que l’insecte parfait. En comparant ce qui est rapporté précédemment des habitudes de notre pelit coléoptère, à l'article cité de la Maison rustigue du XIX° siè- 136 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. cle, on peut voir que l’auteur de cet article a-été mal renseigné, lors- qu’il annonce que le Scotyle piniperde dépose ses œufs dans le canal médullaire des jeunes pousses. Au reste ; je conviens très-volontiers que , sous le rapport pratique des moyens de détruire l'insecle, l'erreur est. de peu dspartance, GE Insectes que l’on peut confondre avec le Jardinier de la forét. Ses caractères génériques et spécifiques suffisent sans doute pour le faire distinguer, mais encore faut-il une assez grande habitude de l’en- tomologie ; d'autant plus qu’il existe un certain nombre d'espèces voi- sines ou de genres voisins, ayant à peu près la même taille’, ét qui se creusent aussi, à l’état de larve, des galeries sous l’écerce des arbres. - Maïs, seul, le Jardinier de la forêt , à l’état d’insecte parfait, perce tes jeunes pousses des pins, dont il ronge la moëlle, et les rend ve: pesé à tel point, qu'elles tombent uu moindre vent. En voici la liste : 1° Lé Rongeur double dent (Bostrichus bidens). Fabr. 2° Le Rongeur du mélèze (Bostrichus laricis). Fabr. 3° Le Rongeur noir (Hylesinus ater). Fabr. Qui attaquent particulièrement les pépinières des arbres résineux. 4° Le grand Rongeur du sapin rouge (Bostrichus typographus). Fabr. 5° Le petit Rongeur du sapin rouge (Bostrichus calcographus). Fabr. 6° Le Rongeur du sapin blanc (Bostrichus curvidens). Ratzeboug.' 7° Le grand Rongeur du pin (Bostrichus stenographus). Creutzer. 8° Le Rongeur strié (Bostrichus lineatus). Gyllendal. 9° Le-Gâte-Bois (Hylurgus ligniperda). L. » “ Et quelques autres qui attaquent l’écorce des troncs des arbres ré- sineux. On ne doit pas confondre non plus le Jardinier de la forét avec deux ‘autres insectes qui vivent , l’un sous l'écorce de l'orme, l'autre sous - celle du chêne; le premier , le Scolytus destructor, Oliv.; le deuxième, VEccoptogaster intricatus (Ratzebourg }, qui est le Scolytus pygmæus des entomologistes français. Ces deux espèces n’attaquent point lesarbres résineux. ILest deux autres insectes qui vivent aussi sous l’écorce dé arbres résineux et qui leur font beaucoup de tort, surtout dans les pépinières ; ce-sont le grand charencon brun (curculio pini.) Fabr., elle petit cha- rençon brun (eurculio notatus), Fabr. Mais la forme de ces insectes est si différente de celle des précédentes, qu’il n’est pas besoin d’être.en- tomologiste pour les distinguer au premier aspect, , Moyens à employer contre le Jardinier de la. Forêt. SCO très-nuisible aux arbres résineux, cet inéocté mt ete SEIZIÈME SESSION. 437. moins. à redouter que le grand rongeur du sapin rouge , la None (Bombyæ monaca) et quelques autres, qui parfois dévastent de grandes surfaces de forêts; en général, il se contente d’arbres malades ou déjà endommagés par les chenilles, ou rompus par le vent, et même abatlus pour l’usage et mis en bûches; il n’attaque ordinairement les jeunes pousses que sur les arbres qui bordent les forêts et sur les broussailles des pins mal venus. Les moyens à employer contre le Jardinier de la forêt seront diffé- rents, suivant que l’on n’aurait à défendre de ses attaques que les ar- bres peu nombreux d’un pare, d’un bois, d’une avenue, elc., ou qu'il s'agira de grandes plantations, pépinières ou forêts. Dans le premier cas, c’est une affairé de patience. Au commence- ment de l'hiver, il faut dégarnir le pied des arbres de la mousse ou des feuilles sèches qui l'entourent ordinairement, et le visiter avec soin pour reconnaître les trous où l’insecle s’est misen quartier d’hiver. Il serait difficile et peut-être impraticable de l’en retirer ; mais on dit avoir obtenu de bons effets de l’emploi d’un lait de chaux très-épais que l’on applique sur les trous au moyen d’un pinceau rude ; la ma- lière, en pénétrant dans les trous, ferait mourir l’insecte. Au mois de mai, il faudrait visiter exactement le tronc des arbres pour reconnaître l'ouverture de la chambre nuptiale et les ventilateurs des galeries ; on se servirait du lait de chaux employé comme pour le collet de la racine. Quand les jeunes couvées seront sorties et commenceront d'allaquer les pousses , le seul moyen praticable est de ramasser les rameaux à mesure que le vent les casse, et de les brüler aussitôt. Mais le secours le plus efficace est celui que procurent les oiseaux inseclivores qui viennent chercher les larves sous l’écorce, ou qui pren- nent les insectes volligeant autour des branches. Il est fâcheux qu’on ne puisse user à volonté de cette ressource ; maïs ce que l’on doit faire, c’est d'empêcher que les oiseaux insectivores, qui fréquentent les ar- bres attaqués, soient inquiétés ou effarouchés ; il faut surtout respecter leurs nids, lorsqu'ils sont placés dans le voisinage des arbres allaqués, ou sur ces arbres mêmes. Ces moyens, et autres analogues, seraient impraticables. lorsqu'il s’agit de forêts, de bois ou de plantations d’une grande étendue, excepté l'enlèvement rapide de pousses percées que le vent fait tomber. Les oiseaux sont encore ici des auxiliaires fort utiles. Le moyen principal ou plutôt le seul sur lequel on puisse compter, est l'emploi des arbres d’appât. On appelle ainsi des arbres récemment abattus, soit par le vent, soit à cette fin, lorsqu'ils étaient déjà malades ou mal conformés , ou, si l'on manque de tels sujels, on peut les remplacer par de grosses branches. Pendant le mois d'avril , aussitôt que le Jurdinier de la forét, sorli de sa retraite hivernale, commence à voltiger, on place les aïbres 138 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. d’appât, encore garnis de leurs feuilles, dans les endroits qui paraissent le plus menacés ; on les élaye sur des bâtons ou sur des pierres , afin que l'insecle puisse choisir sa place autour du tronc. Celle méthode est fondée sur ce fait d'observation que les insectes en général , ét no- tamment celui qui nous occupe, attaquent de préférence les arbres déjà malades ou d’une végétation languissante , et même les arbres morts. Dans le mois de juin, lorsque les larves, écloses daris les arbres d’appât , ont acquis à peu près la moilié de leur développement, on enlève ces arbres, ou bien on les écorce sur place, en ayant soin de recueillir sur des toiles les parties Phones enlevées que l'on brûle en lieu convenable. Outre les oiseaux inseclivores qui détruisent le Jardinier de la forét , tels que les hirondelles, les engoulevents, les pies, les sitelles, les grim- peraux, les mésanges, les roitelets, les troglodytes , etc., un petit in- secte, le Clairon des fourmillières (Clerus formicarius), lui fait aussi la guerre. Le Clairon, à l'état d’insecte parfait (fig. 7), poursuit le Jardi- #ier de la forét lorsqu'il a atteint sa dernière forme. La larve du Clairon (fig. 8) est encore plus utile ; elle détruit la larve du Jardinier de la forét, qu’elle poursuit dans ses galeries tortueuses. Le Clairon des fourmil- lières et sa larve sont très-faciles à reconnaitre par leurs formes et leurs vives couleurs. L’insecte parfait a la tête noire, le corcelel et la partie antérieure des élytres d’un jaune orangé ; le reste des élytres est noir et coupé par deux bandes blanches ; la larve est allongée, munie de pattes et de couleur rosâtre. Le Clairon et sa larve étant carnassiers, loin de faire tort aux arbres , font leur proie des insectes phytophages : il faut donc bien se. garder.de les détruire. Explication de la planche. Fig. 1. Le Jardinier de la forêt, var. à élytres marron (c’est la plus commune). (Grandeur naturelle). — ldem. Var. noire. (Grand. nat.) à . — Idem. Var. jaune paille. (Hylesinus testaceus Fabr.) . Le Jardinier de la forêt, grossi à la loupe. . Antenne du même, très-grossie. . Patle du même, très-grossie, . Le Ciairon des fourmillières. (Grand. nat.) + Larve du Clairon des fourmillières. (Grand. nat. (1) Æ HIT D 1 SE O1 ND. “(1 C'est par erreur que ce mémoire, envoyé long-temps après la clôture de la Session du Congrès, setrouve compris dans le procès-verbal de la séance du 10. Sa place était à la suie de cette séance. Lith. Landais & Oberthur , Rennes SEIZIÈME SESSION. 139 M. de Caumont demande la permission d'ajouter quel- que chose à l'observation qu'il a faite, dans la séance du 4 septembre, relativement à l'emploi des schistes diverse- ment colorés. Tout porte à croire, dit-il, que les architectes romains savaient tirer un excellent parti des matériaux qu'ils avaient sous la main. En effet, dans les ruines gallo- romaines de Lisieux, de Vieux et du Vieil-Evreux, les schistes rougeâtres submicacés des terrains intermédiaires du Calvados se trouvent débités et employés en pavés et en placages pour lambris , avec des marbres de différente pature. On pourrait sans doute exploiter utilement, comme à Javron , les couches de phyllade noir que possèdent les départements du Calvados et de la Manche. Ces schistes , polis et travaillés , feraient d'excellents pavés pour les ap- partements, et peut-être des tables de cheminées. Une telle industrie mérite donc d'être recommandée dans les conirées où l’on n’a pas encore songé à l'exercer. Mais il faut, avant tout, calculer les chances de succès, et n’ex- ploiter qu’avec l'assurance d’un bénéfice. M. Le Gall dépose sur le bureau la note suivante , con- tenant des indications sur quelques plantes rares du litto- ral sud de la Bretagne : Dans une excursion botanique sur la côle du Morbihan, au commence- ment deseptembre 1823, jeremarquai, en diverses localités et sur d'assez grands espaces, un ajonc qui se rapprochait, par son port, de l’Ajonc d'Europe, Ulex Europæus, L., et par ses fleurs, de l'Ajonc nain, Ulex nanus, Smith. Je l’étudiai avec soin, et, plus tard, après en avoir exa- miné les fruits , je crus pouvoir le noter dans mon journal d’herborisa. tion sous le nom d'Ulex intermedius, en le caractérisant par cette phrase : U. caule mediocri erecto, ramis robustis pubescentibus, ramulis spinisve approximatis ; foläs acerosis., floralibus pedunculos subæquantibus : flo- ribus minoribus, bracteis calycinis minutis adpressis, calyce pubescente labis perspicuè dentatis ; corollæ vexillo calycem paululum -excedente , alis carinam æquantibus aut vix superantibus; legumine subrhomboidali, villoso, incluso, seminibus nigris. Lorsque, vers 1840, j’entrepris de composer la Flore du Morbihan, je fis une nouvelle étude de l’ajonc dont il s’agit, et je trouvai que ses varactères étaient à peu près ceux que les descriptions alors connues de l’Ajonc de Provence , Ulex provincialis Lois. , altribuaient à ce der- 440 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. nier ajone. Je jugeai à propos de l'y rapporter, afin de ne pas créer une-espèce incertaine. La plante bretonne était, comme disaient MM. Loiseleur et de Candolle , en parlant de la plante de Provence, intermédiaire, pour sa grandeur et sa consistance, entre l'Ajonc d'Europe et V’Ajonc nain. J'eus pourtant soin de noter que, suivant M. Loiseleur, les rameaux de l’Ajonc de Provence sont presque glabres, tandis qu'ils sont pubescents ou même vélus dans notre ajonc. J’ajoutai , de plus, qu'il y avait une différénce dans l’époque de la floraison -des deux plantes ; que l’une, au dire des deux bolanistes cilés, fleurissait d'avril à juin ; que l’autre fleurissait en automne , à peu près en même temps que l’Ajonc nain. Il paraît que l'Ulex provincialis Lois., U. australis Clem., maintenant mieux connu ou mieux caractérisé , s'éloigne beau- coup de notre plante, et peut se dire particulier à la région méditerra- néenne. En conséquence de ce fait, il y avait lieu de créer une nouvelle espèce. M. Planchon,; en la créant, a bien voulu lui cétisblres d’Ulex Gallii. Si la figure que M. Loiseleur Deslongchamps a donnée de l' Ulex pro- vincialis est bonne dans ses détails, une différence nolable existe entre les gousses dé la plante du Midi et celles de la plante de l'Ouest. Dans la première, elles dépasseraient le calice et seraient oblongues-pointues ou comme lancéolées ; dans la seconde, elles n’excèdent pas le calice, au moins d’une manière sensible, et présentent .une forme presque rhomboïdale. La suture ou ligne dorsale se courbe assez brusquement près de la base, et la suture ventrale se courbe de la même manière près du sommet. La longueur moyenne de la gousse de notre ajonc’est d’un centimètre et sa largeur moyenne de quatre millimètres. La malu- ration s’opère lentement. Je.n’ai jamais trouvé de gousses bien müres avant le mois de mars. Les bractées ou bractéoles calicinales sont, tantôt PA ‘tantôt ova- les-oblongues , rarement lancéolées. Elles prennent cette dernière forme lorsqu'elles naissent un peu au dessous du calice; elles ne cessent pas pour cela d’être nettement appliquées. J'ai vainement cherché l’ajonc en question dans l'intérieur de la Bre- tagne, où de vasles terrains sont couverts par l'Ajonc d'Europe et par l'Ajonc nain. Je.ne l’ai pas vu sur le liloral nord; mais on peut ESbprer del y trouver, puisqu'il se montre en Angleterre. ‘Le Morbihan fournit un Panicaut à la Flore française. Ce Panicautärélé découvert en 1839, dans une lande de la commune d'Erdeven, par M. Hémont, docteur-médecin à Auray. Il a-élé retrouvé, quelques an- nées après, dans une lande de la commune de Séné , près de Vannes, par MM. Pontarlier et Taslé. Il veut un terrain inondé pendant l'hiver, et croît avec l’Isnarde , la Péplide, la Littorelle et les Exacum nain et filiforme. M: Hémont voulut bien soumeltre-à mon apprécialion la plante SEIZIÈME SESSION. 441 qu’il venait de découvrir. Comme elle avait un peu l’apparence d’une plante rubiacée, d’un Gaillet, je la rapportai d’abord au Panicaut ga- lioide , Eryngium galioïdes, de Lamarck. La descriplion donnée par ce célèbre naturaliste s’yappliquait assez bien, mais.elle ne me parut point différer de la description du Panicaut nain, Eryngium pusillum , L., qui se trouve-aussi à la p. 757 du t. 4, Encyclopédie, partie botanique. Je compris alors la réunion de ces deux Panicauts opérée par M. De La- -roche, dans sa Monographie des Eryngium ; réunion que M. Poiret, dans le supplément de l'Encyclopédie , semble approuver, et que M. De Can- dolle admet-formellement dans le Prodrome du règne végétal. Ma ré- ponse à M. Hémont fut que la plante dont il avait fait la découverte. était V'Eryngium pusillum de Linné : E. foliis radicalibus oblongis incisis , caule dichotomo, capitulis sessilibus. Je lui dis, en outre, que, parmi les échantillons qu’il m'avait envoyés, quelques-uns semblaient appartenir à la variété odoratum Laroche, et quelques autres à la variété galioëdes du même auteur ; variété formée avec l’Eryngium galioïdes de Lamarck. Assez récemment, un de nos premiers botanistes, M. Gay, a vu une espèce nouvelle dans le Panicaut que possède le Morbihan. Je n’ai, pour le moment, aucun moyen de contredire cette opinion, qui n’a élé émise qu'après une longue et sérieuse observation de la plante. Je me borne à présenter la description que j'ai faite de cette même plante, après l’a- voir étudiée avant toute dessiccation. Panicaut pelit ou assez pelit (5-15 centimètres ), glabre, d'un vert bleuâtre. Racine fibreuse, à fibres simples ou peu rameuses , noirâtres en dehors. Tiges plus ou moins couchées , enfin radicantes , grêles, ra- meuses-dichotomes, anguleuses-striées. Feuilles radicales, nombreuses, assez molles, plus ou moins pétiolées , ordinairement oblongues-lan- céolées, presque entières ou neltement dentées , quelquefois incisées ou pinnalipartites, spinescentes ; les caulinaires opposées, sessiles, dures, irrégulièrement palmatipartites, à divisions élroites, plus ou moins dentées , un peu épineuses. Capitules sessiles, assez déprimés, lâches, pauciflores, bien plus courts que l’involucre; celui-ci formé de folioles lancéolées-linéaires , subulées , denlées-épineuses à la base ; paillettes en petit nombre , semblables aux folioles de l’involucre , mais généralement entières. Fleurs petites , faiblement odorantes ; calice à lobes ovales , scarieux, mucronés-épineux ; corolle bleuâtre. Fruit glo- buleux , blanchâtre, seulement écailleux au sommet ; graines arrondies, .semi-lenticulaires , brunâtres. — Vers la fin de l’été ou en automne , des racines et feuilles radicales naissent au dessous des capitules et se dé- veloppent sans nuire à la maturation des fruits. Les jeunes rosettes de feuilles se trouvent rapprochées et forment un gazon assez remarquable. . Quelques botanistes indiquent encore , sous le nom de Linaria com- * mutata, Bernh., une Linaire que j'ai découverte à Belle-Isle en 1827, qui depuis y a été souvent recueillie, et que j'ai nommée Linaria ra- ON 0 49 149 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. ‘dicans dans la Flore du Morbihan. Je n’ai pu me procurer une descrip- tion de la Linaire que M. Bernhardi a spécifiée ; j'ai seulement trouvé, dans le Synopsis Floræ germanicæ de Koch, :a phrase caractéristique suivante : Folis sparsis hastatis, infimis obovatis, caulibus prostratis, Calcare subuncinato, pedunculis glabris. L'auteur indique la plante comme annuëlle , et ajoute que la corolle est deux fois plus grande que celle de la Linäire élatine. Ces caractères ont paru peu satisfaisants, car la plante en question ne figure dans le Prodrome , continvé par M. Alphonse de- Candolle, que comme synonyme de la Linaire élatine , comme rentrant dans cette espèce linnéenne. Mais la planté de’Belle-Isle n’a véritable- ment de l'Elatine que les feuilles et les péduncules. Elle s’en ‘éloigne par sa tige dure et radicante à la base, par ses fleurs beaucoup plus grandes , à divisions calicinales plus étroites et plus scarieuses , à co- rolle offrant des couleurs moins tranchées et un éperon très-courbé; en- fin par sa capsule plus dure , et surtout par ses graines chargées de pointes épaisses , très-rapprochées , au lieu d’être protesre ‘ou creu- sées en sillons tortueux. M. Taslé, de Vannes, m’a fait connaître que M. Gay, après avoir exa- miné les graines de la Linaire trouvée à Belle-Isle , a été conduit à pen- ser que celle plante pourrait être la Linaire grecque, rs græca de Chavannes. Pour mettre les botanistes à lieu de se prononcer, je donne la de- scriplion de la Linaire radicante : Plante assez petite (15-25 centimètres), vivace, estivale. Tige couchée ou ascendante, radicante à la base, rameuse, assez dure, poilue ; quel- quefois plusieurs tiges; rameaux allongés, grèles. Feuilles inférieures opposées ou presque opposées , ovales-arrondies ou seulement ovales À entières ou très-peu dentées ; les supérieures alternes, hastées et quel- ques-unes. ovales-cordiformes. Fleurs axillaires, solitaires, assez peliles, à pédoncules longs, capillaires, presque entièrement glabres, > Poi us à à la base et au sommet ; calice poilu-hispide , à divisions lancéolée bulées , bien. scarieuses sur les bords ; corolle blanchätre ci Heu: à lèvre supérieure d’un, bleu clair, à palais souvent laché de} pourpre , # à éperon | long, aigu, très-recourbé. Capsules globuleuses, dépassées par le calice, sr ce brunes ; graines ovoïdes, rugueuses-uri- quées, d’un brun assez clair, — Coteaux sablonneux et dunes. # Gaillet négligé, Galium neglectum., N. F1. Morb, — Cette plante pour- rait bien ne pas mériter son nom, avoir été depuis long-temps observée etréunie, comme variélé, à.une espèce bien connue. J’ai voulu la faire rentrer, comme’ variété relativement géante, dans le Gaillet des sables, Galium erenarium , Lois.; mais j'ai vainement cherché un passage de l’une de ces plantes à l’autre. Le Gaillet négligé se montre dans Les ter- rains sablonneux voisins de la mer, et parait surtoutse plaire au bas des SEIZIÈME SESSION. 143 talus. Il fleurit de juin à septembre. Voici la description que j'en ai faite : Plante moyenne (3-5 décimètres }, vivace, à racine longuement ram- pante, rougeâtre. Tiges ascendantes, rameuses, tétragones, pubes- centes, au moins vers.le haut, sans aspérités; nœuds bien distants. Feuilles verticillées par 6-10, oblongues ou lancéolées-linéaires, mu- cronées, ordinairement glabres, quelquefois poilues , à bords très-sca- bres, seroulant en dessous. Rameaux florifères longs, à corymbes nom- breux et assez courts; fleurs petites, d’un jaune pâle ; divisions de la corolleovales-oblongues, avec une petite pointe infléchie. Fruits pres- que secs, lisses et glabres. La Carotte marilime, Daucus marilimus, Lam., est peu connue dans l'ouest de la France. Elle ne croit pas, comme la Carolte hérissée , dans les fissures des rochers maritimes ou sur les pelouses qui se-forment entre ces rochers. Elle vit dans les sables maritimes ou sur les terrains rocailleux-sablonneux, très-voisins de la mer et produisant quelques petits arbrisseaux. Lorsqu'elle vient dans les sables, elle forme une touffe haute seulement de cinq à huit centimètres , et les principaux ra- meaux semblent des tiges. Lorsqu'elle vient à l’abri d’autres plantes ou à l’abri d’un talus, elle cesse d'être en touffe et s’élève à deux , trois dé- cimètres, offrant une tige rameuse , à rameaux plus ou moins ouverts, un peu scabres. Les caractères suivants sont communs : racine pivo- tante simple où peu divisée ; feuilles glabres ou presque glabres, assez luisantes ; les radicales et les caulinaires inférieures bipennées, à fo- lioles découpées, à découpures oblongues ou oblongues-linéaires, fai- blement mucronées ; les autres feuilles seulement pennées , à folioles ou découpures souvent allongées-spatulées. Involucre à quatre ou cinq folioles, quelquefois simples , mais ordinairement tripartites, à divisions lancéolées-linéaires ou linéaires, acuminées ; involucelles à folioles assez membraneuses, linéaires, accuminées , un peu ciliées. Ombelle très- longuement pédonculée, légèrement convexe, à rayons assez nombreux, rapprochés après la floraison, sans être serrés, les extérieurs un peu plus longs que les autres, mais ne dépassant pas linvolucre. Fleurs trés-petites , blanches ou rougeâtres. Fruits ovoides, à aiguillons géné- ralement assez courts, rapprochés, ascendants. — J'ai serné et ressemé cette plante en.bonne terre, et toujours les individus obtenus se sont montrés bien distincts de la carotte commune. Les premières feuilles surtout sont très-remarquables. Rumex des rochers, Rumex rupestris, N. Ce Rumex mériterait mieux le nom spécifique de maritime que le Rumex à qui ce nom est imposé. -Je ne l’ai vu que dans les fissures de-rochers plus ou moins battus:par les flots, à Quibéron, à Saint-Gildas-de-Ruys , à Belle-Isle. Je lai seme et conservé long-temps, en l’arrosant quelquefois avec de l’eau salée. . La culture ne l'a point changé. 144 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Voici la description de ce nouveau Ramex : Plante moyenne, vivace, glabre. Racine perpendiculaire , rameuse, d’un brun clair en dehors, d’un blanc jaunâtre ou rougeâtre intérieurement. Tige droite, anguleuse- cannelée, rameuse dans sa partie supérieure, à rameaux peu distants, peu longs, dressés, formant une panicule étroite et pointue. Feuilles pé- tiolées, un peu épaisses , faiblement ondulées et d’un yert pâle ; les ra- dicales allongées- -oblongues , à base tantôt arrondie , tantôt inégalement atténuée ; les caulinaires lancéolées, et quelques-unes ovales-oblon- gués. Faux verticilles floraux médiocremñent fournis , assez compactes, un peu écartés , les inférieurs seuls munis d’une feuille. Calice fructifère à divisions intérieures , oblongues , très-obtusés, entières , munies cha- cuné d’un grain ovoide. Fruit presque aussi large que long. — Epoque de la floraison, juin-août. — Les feuilles radicales sont trois à quatre fois plus longues que larges, et leur sommet est souvent très-obtus, même arrondi. La plupart des faux verticilles sont nus. Le Rumex des rochers a sa place près du Rumex aggloméré, R. conglo- meratus, Murray. Dans ces deux Rumex, le calice fruclifère est à peu près semblable : maïs le fruit dans le nôtre est constamment plus grand. Le port des deux plantes est, au reste, si différent qu’on ne peut son- ger à les réunir. Dans l’une , la tige se ramifie seulement vers le haut, el présente des rameaux assez Courts , dressés et formant une panicule; dans l’autre, la tige, très-ramifiée , a des rameaux allongés, ouverts et même étalés. 1 ÿ a aussi un manque de ressemblance dans les feuilles. Les Flores françaises ne menlionnent encore qu’ une Zostère sur “le ri- vage de l'Océan. Depuis plusieurs années cependant , je communique aux botanistes une seconde Zostère, très-commune sur les côtes de la Bretagne, et trés-distincte de la Zostère marine, Zostera marina, L., par son port et par sa fruclification. J'en ai placé des échantillons d dans un herbier des plantes endogènes ou monocolylédonées du Morbihan, herbier déposé € en 1837 ou 1838 à la bibliothèque de Vannes... Dans le ca- talogue raisonné des plantes de cel herbier, catalogue inédit , je nomme provisoirement la plante Zostera pumila, et je la caractérise comme suit : Z. foliis angustis truncato-emarginatis; spadice subplano acuminoso , relinaculis ligulatis margini adnexis prædito; semine lævi fuscescente. — Plante. de petite dimension (5-8 pouces). Tige rampante, cylindrique, à rameaux un peu comprimés: Feuilles linéaires , à peine larges d’une li- gne , uninervées , tronquées et même échancrées au sommet, d’un vert foncé devenant assez noir après la dessiccation. Spadix linéaire, à peu près plane, se prolongeant en pointe, et muni vers les bords de quel- ques petites bandelettes qui se recourbent, et semblent destinées à maintenir les fleurs dans une position convenable. Fleurs nues , sessiles ou presque sessiles, contiguës et alternativement mâles et femelles (une étamine, un pistil}. Graine oblongue-allongée, tout-à-fait lisse, et. d’un SEIZIÈME SESSION. 145 brun tirant sur le vert; amande bleuâtre. — Floraison, juillet-août. Station , plages ordinairement découvertes à marée basse. Pour mieux faire comprendre la différence qui existe entre cette Zos- tère et la Zostère marine, j’ajoutais que celle-ci est une planie de deux à trois pieds au moins; que ses feuilles sont larges de deux—quatre li- gnes, marquées de plusieurs nervures, arrondies au sommet et souvent munies d’une petite pointe mousse ; que le spadix, privé de bandelettes, a ses bords pliés en dessus et retient ainsi les fleurs dans leur position; que le sommet du spadix est arrondi ; que la graine est presque cylin- drique , striée, blanchâtre , et que l’amande est de la même couleur. — Je notais, au reste, une variété de celle dernière Zostère, à feuilles n'ayant au plus qu’une ligne et demie de largeur, avec une à trois ner- vureset un sommet presque tronqué. Z. marina angustifolia. Cette va- riélé se trouve dans les réservoirs des salines ou dans les étangs marins peu profonds. Le type croît dans les parties peu profondes de la mer, mais que le reflux laisse très-rarement à sec. J'ai lieu de croire que la Zostère de nos rivages, provisoirement non- méé Zostera pumila, rentre dans l'espèce nommée par Roth Zostera nana» espèce caractérisée dans le Synopsis de Koch, par cette phrase : Foliis uni- nervès, spathæ pedunculo æqualis latitudinis, nucibus maturis lævibus. On a aussi parlé dernièrement d’une Zostère trouvée, je crois, dans la Bal- tique, Z. minor. Est-ce la plante de Roth et la mienne sous un nouveau nom ? — Dans le mémoire publié en 1792 par Cavolini, Phucagrostidum Theophrasti anthesis, se lrouve à la p. 19 une description qui s’applique presque en tout à notre Zostère naïne. Elle est indiquée comme plante nonnageante : Planta aquis non innatat. Le Spadix est dit linéaire , plane inférieurement , à bords peu relevés et munis de bandelettes servant ou paraissant servir à maintenir les fleurs dans leur position : Spadix li- nearis.…., lateribus parüm assurgentibus, infernè planus..…, ad margiînes autem supernè quatuor habet retinacula, ad cohibenda fortasse genitalia argana: La graine est dite oblongue ou ovoïde, et d’un noir de goudron : Semen oblongum seu ovatum..…., totum autem piceo colore est. Ici, l’au- teur ajoute que si Mæhring attribue la couleur blanche à la graine, c’est certainement parce qu'il a examiné celle graine avant sa maturité. On voit que Cavolini croyait que la plante dont il venait de donner la de- Scription était la plante que le botaniste anglais Mœhring avait observée ; mais ce dérnier n'avait étudié que la Zostère marine , dont la graine est effectivement blanche. L'auteur napolitain dit que la graine de sa plante eststriée, per longum striatum. Si cela était, la plante de Cavolini ne serait pas la Zostère naine; mais cette indication peut bien n’être qu’un emprunt fait à la description de Mæhring: — Au mémoire de Cavolini se trouvent jointes des tables ou planches. Les figures de la deuxième ta- ble se rapportent à notre Zoslère. Les bords du spadix sont seulement pliés vers le bas, le sommet est un peu mucroné; les bandelettes qui 146 ., CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. retiennentles fleurs sur le spadix sont mg ie ee à “elles gp sur les étamines. Dans l'étude que j'ai faite de la Zostêre naine, il m’a toujours semblé que les bandelettes étaient destinées à retenir !es pistils et les fruits qui en proviennent. La figure donnée par Cavolini ne m’a pas satisfait sous un autre rapport : les fleurs mâles s’y montrent en nombre double des fleurs femelles ; or, j'ai toujours vu les étamines et les pistils alterner sur chaque côté du spadix. Il est vrai que je prenais en considération les avortements, que je mettais en compte les pistils mal développés. La disposition alterne des fleurs mâles et femelles n'est point particu- lière à la Zostère naine, elle existe aussi dans la Zoslère marine, et je crois mauvaise , sous ce rapport comme sous celui de la direction des fleurs, la figure de cette dernière Zostère donnée par Smith dans son grand ouvrage sur la Flore anglaise. La figure de notre Encyclopédie, planche 737, est bien préférable ; chaque moitié du spadix offre des fleurs obliquement placées , et alternativement mâles et femelles. , Le Scirpe trouvé sur le rivage sud de la Bretagne, Scirpus translu- cens, rentre-t-il dans le Scirpe décrit et publié par M. Rœmer et Schultes, sous lenom de Scirpus parvulus? Je ne suis pas à lieu « de, .me prononcer sur celte queslion ; car je ne possède aucun échanti on du Scirpus parvulus , et je n'en connais pas la description. Je ne puis que présenter un élément qui rendra la décision de la question plus facile : c'est la descriplion assez précise du Scirpus translucens. Je l'extrais du catalogue inédit dont j'ai déjà parlé. S. radice perenni, tenuissim@ , bulbillos uncinatos passèim emiltente : culmis latè cespitosis , pumilis, terelibus, ob medullam lacunosam valdè translucentibus, ad basin vaginä truncatà strictissim@ parüm conspicud, vestitis ; spicû terminali, ovaté , paucifloré., juniore. pellucid@ ; stigmate caduco , tripartito ; fructu triquetro, setis longioribus cincto, —.Ce Scirpe, qui ne croit qu’au bord de la mer, sur les plages couvertes à : chaque marée , ne paraît pas avoir été décrit, On l’a:peut-être confondu avec le Scirpe épingle , dontil se distinguepourtant par des caractères bien tranchés. La racine, vivace et très-déliée, offre çà et là des.bulbille ou bourgeons crochus, destinés à reproduire la plante. Les tiges sont nombreuses, rapprochées en gazon, hautes d’un pouce et demi à deux - pouces, molles, cylindriques, bien transparentes , seulement garnies à la base d’une gaîne tronquée, très-mince, très-serrée, et par: consé- _ quent peu apparente. L’épi, terminal et ovoide, se compose de quatre à cinq fleurs; les écailles sont obtuses, entièrement transparentes , blanchâtres ou verdâtres ; et souvent marquées de taches brunes. L’o- vaire est muni à la base de trois ou quatre soies assez longues ; le stigmate {rifide tombe à la maturité du fruit ; celui-ci est trigone et d’un jaune sale. — Le Scirpe transparent fleurit vers lafin de Péte. :: SEIZIÈME SESSION. 447 Au moment de lever la séance, M. le président Noget fait l’allocution suivante : MESssŒuRrs, Qu'il me soit permis, avant de nous séparer, de vous adresser d’abord l’expression de ma reconnaissance per- sonnelle, pour l'honneur insigne que vous avez bien voulu me faire en m’appelant à la présidence de la première et de la sixième section réunies. J'avais accepté cette hono- rable distinction avec un sentiment bien juste de défiance de moi-même; votre indulgente bienveillance, Messieurs, m'a rendu la tâche facile. Je suis venu m'instruire dans vos doctes entretiens, et je me retire confirmé dans la haute idée que j'avais conçue à l’avance des talents, de l’amour des études sérieuses et du savoir profond qui vous distin- guent. Honneur à la noble et religieuse Bretagne, qui nous a donné, pendant la durée de ce Congrès , des preuves ré- pétées de son zèle pour la science et les beaux arts et des sentiments élevés et.généreux qui sont héréditaires chez ses enfants ! Honneur à la ville de Rennes. cité hospita- lière du Congrès, digne par ses illustrations scientifiques d’en devenir le siége ! Honneur et reconnaissance à ses magistrats , à ses administrateurs, aux directeurs de ses sociétés savantes, pour l'accueil bienveillant et empressé qu'ils ont fait aux étrangers attirés dans leurs murs ! Hon- neur à MM. les Secrétaires-généraux de la xvi° Session du Congrès, aux soins multipliés desquels surtout nous sommes redevables de la reprise et de la continuation de ces réu- nions scientifiques! Qu'ils daignent agréer l'expression sin- cère de notre vive reconnaissance, comme un faible dédom- magemenl! des peines-qu als se sont données dans l'intérêt de la science! Je demande à MM. les membres de la première et de la sixième section réunies de vouloir bien s’associer à nous, et de faire consigner au procès-verbal les remerciments solennels que nous leur adressons. La séance est levée vers neuf heures. 148 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. DEUXIÈME SECTION. Agnaullure, Indüsire, Convmerce. Séance du 2 Septembre 1849... ‘ +490 M. Richelet, réside dy Congrès, occupe le fauteuil. Il est assisté de M. de Caumont , Vice-Président, de MM. Le Gall et Tarot, Secrétaires-généraux, et de M. Har- doüin , Secrétaire de la section. | Les membres de la section sont nombreux. ui scrutin s’ouvre pour la nomination du Président ; le dépoüillement s’en fait; M. Duchatellier obtient la majorité des voix. | . Un second scrutin a lieu, et MM. Amaury Dréo, De Moncuit, De Genouillac et De Vincelles sont nom 1més vice- présidents. id ; M. Duchatellier , es Président de la deuxième section, s'exprime comme suit au moment de spa natal tion : JE CMPPRE à FR: RÉ ri Ménitaisièe: | H'stdprots Fier et très-flatté des suffrages que vous avez bien voulu m’accorder, je vous remercie de l'honneur que vous m'avez fait. Mais la plus grande partie de cet honneur revient né- cessairement à l'Association agricole de la Bretagne , dont je suis l'un des représentants au sein du Congrès. J’en pro- fiterai,, Messieurs, pour apporter une atténtion soutenue aux discussions que vous me chargez de diriger. Le fruit de vos recherches et de vos savantes observations dévien- dra pour moi, et pour l’Association bretonne-elle-même , SEIZIÈME SESSION. 449 une heureuse bonne fortune dont nous aurons prochaine- ment à faire le meilleur usage au Congrès de Saint-Malo. Permettez-moi de vous renouveler mes plus empressés remerciments pour l’occasion que vous me fournissez ainsi de transmettre avec quelque détail à mes amis de l'Association bretonne les précieux enseignements que je retirerai moi-même des discussions qui vont s'ouvrir. » Lecture est ensuite donnée des questions comprises au programme pour la deuxième section, et M. le Président invite les membres de la section à faire connaître celles qu’ils se proposent de traiter. Les déclarations à cet égard sont reçues par le secrétaire, qui dresse un tableau des membres inscrits sur chaque question du programme. Ce tableau est lu. Des questions nouvelles sont déposées sur le bureau par MM. Marteville et de Lustrac. Elles seront soumises à la commission permanente du Congrès, conformément à l'ar- ticle 15 du réglement. Sur la proposition de M. le Président, une commission , prise dans le sein de la section, est chargée de régulariser et surveiller l'exposition des produits de l’industrie, qui s’improvise à Rennes, à la demande d’un grand nombre de personnes. La commission est composée de MM. Mar- teville, Vergniaud, Bourassin , Morière, Langlois, de Beauvoys et Bernède. Comme la nomination de M. Amaury Dréo à la vice-pré- sidence laisse vacante une des places de secrétaire de la section, M. de Lustrac est désigné pour le remplacer. Il veut bien accepter l'emploi qui lui est conféré. La séance, commencée à neuf heures et demie, a été levée vers midi. 150 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Séance du 3 Septembre 1849. Présidence de M. DUCHATELLIER. — M. HARDOUIN, Secrétaire. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. M. de Caumont dépose sur le bureau deux mémoires de M. Guéranger , l’un relatif à l'emploi du sel à l’amende- dement des terres, l’autre relatif à l'amélioration des prai- ries par l’irrigation-— Ces deux mémoires ont été adressés au Congrès par la Société d’ agriculture, sciences et arts de la Sarthe, pour concourir à la solution des questions posées dans le programme, sous les n°* 4 et 6, deuxième section. Ils seront lus lorsque les questions auxquelles ils se Tap- portent seront mises en discussion. M: le Président pose la première questicn du programme, celle-ci : « Quelles améliorations l’agriculture de l'Ouest at-elle réalisées depuis trente ans? » Inscrit au premier rang sur cette question, M. Duchatel- lier y répond d’une manière détaillée. Il divise les améliora- tions obtenues en améliorations agricoles proprement dites, et en améliorations des races d'animaux domestiques. Au nombre des premières se trouvent les semis de pin maritime, qui, prospérant sur les terres même fort arides, ont donné d'excellents résultats, surtout au midi de la Bretagne. Ces semis, d’ailleurs, forment des abris contre les vents, et les terres voisines deviennent souvent plus productives. Parmi les secondes améliorations , on peut noter le croise- ment du cheval breton et du cheval percheron, l’introduc- tion de quelques moutons de race anglaise. On a opéré sans succès, ou avec peu de succès, des croisements entre les animaux de la race bovine bretonne et ceux de la race Durham. Les haras en Bretagne sont loin de répondre au SEIZIÈME SESSION. 454 but qu'on se proposait en les établissant ; le cultivateur breton ne peut que perdre, en s’attachant à produire des chevaux propres à la cavalerie. Les indications fournies par M. Duchatellier sur les se- mis d’arbres résineux amènent une discussion relative au reboisement, dans laquelle plusieurs membres prennent la parole. M. de Caumont pense que les pins Laricio et d’É- cosse devraient être surtout l’objet des semis et des plan- tations. M. Duchatellier dit que ces deux espèces, quoique d’une qualité supérieure, le Laricio du moins, n’ont point en Bretagne une croissance aussi rapide que le Pin mari- time, et n’y peuvent pas produire aussi promptement des résultats avantageux. M. Bernède cite des faits qui parais- sent établir que le Laricio vient vite et se développe parfai- tement sur le littoral sud de la Bretagne. M. Le Gall dit que lepin maritime a du moins l’avantage sur le pin Laricio de résister à l’action des vents de mer. C’est seulement avec le pin Maritime que M. Trochu, de Belle-Isle, a pu créer des abris pour sa terre de Bruté; il essaya vainement d’en obtenir avec les autres espèces de pin. S’il possède aujourd’hui de beaux Laricio, c’est que ces arbres se trouvent abrités par un cordon de pins Maritimes. Aux di- verses observations qui précèdent, M"° Philippe Lemaitre ajoute que, dans le département de l'Eure, la culture des conifères a lieu pour restituer au sol l’humus dont il se trouve privé, et pour préparer les terres pauvres et incultes à recevoir des assolements convenables. En faisant connaître l'avantage que procurent déjà à la Bretagne les plantations d’arbres résineux, M. Duchatel- lier a déploré l'importation toujours croissante des bois du Nord et proposé d'émettre le vœu qu’une mesure fiscale vienne la modérer. M. de Caumont appuie cette motion, parce qu’il pense, avec M. Thouret, que l'établissement de droits plus élevés sur les bois du Nord, en favorisant en France la production du bois , augmenterait d’une manière notable notre richesse forestière, sans nuire aux intérêts gé- néraux du pays. 152 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Des perfectionnements agricoles opérés en divérses par- ties de la Bretagne sont successivement mentionnés. M. de Genouillac signale les résultats obtenus par l’em- ploi des faluns ou coquilles fossiles dont on trouve un banc considérable à peu de distance de Dinan, et presque sur les bords du canal d’Ille-et-Rance. Cet amendement, connu sous le nom de sablon du Quiou ou de Saint-Juvat, a opéré une véritable révolution en agriculture dans les cantons voisins. C’est à M. de Lorgeril que l’on doit l'usage de ce sablon , usage malheureusement borné à un cerele trop restreint. Cet habile agriculteur a ainsi doté son pays d’une source incalculable de richesses. Les faits suivants, com- muniqués par M. de Lorgeril lui-même , en donneront une juste idée. Le sablon , employé à doses considérables dans les com- munes de Saint-Pierre, etc. etc., a complètement changé la nature du sol. Ces terres, qui ne produisaientavec peine que du seigle et du sarrasin , donnent depuis leur marnage des récoltes de froment, de trèfle et de navets aussi abondantes que les meilleures terres des environs de Rennes. Le prix de vente a varié dans les mêmes proportions : l’hectare de terre , dont la valeur vénale ne s'élevait pas à plus de 5 ou 600 fr., se vend aujourd’hui jusqu’à 46 ou 1,800 fr.; enfin, sur la même ferme, oùson père ne trouvait qu'une existence de misère et de privations , en payant 3 ou 400 fr., le fer- mier actuel vit dans l’aisance et l'abondance, bien que le prix se soit successivement élevé jusqu’à 8 ou 900 fr. Telles sont les améliorations obtenues dans cette partie de la Bretagne ; et, depuis plus de trente ans qu'ont eu lieu ces premiers marnages, la fertilité du sol amendé ne s’est pas ralentie. Aujourd’hui l'usage du sablon se propage, : mais pas encore dans les proportions désirables ; les moyens de transport et les voies de communication manquent. En présence de pareils résultats , il serait d'un haut in- térêt de répandre au loin cet amendement. Depuis Jong- temps , le comice agricole de Dinan sollicite la confection d’un canal qui relierait les communes du Quiou, de Saint- SEIZIÈME SESSION. 153 Juvat et de Treffumel au canal d’Ille-et-Rance : des che- mins rayonnant de ce point central et ouvrant des commu- nications avec Pleumaudan, Caulne, Médréac, Bécherel, etc., ne seraient pas moins utiles. De nouveaux gisements viennent d’être découverts dans le département d’Ille-et-Vilaine, à peu de distance du pre- mier banc, situé dans le département des Côtes-du-Nord. Cette découverte a été l’objet d’un vif intérêt de la part du Conseil général; des travaux seront probablement faits pour en rendre l'exploitation facile. Ne serait-ce pas le cas de combiner ces travaux avec ceux qui sont demandés dans les Côtes-du-Nord, et de les diriger dans un but d'utilité générale, pour étendre le plus possible le cercle où l’on pourra ainsi améliorer le sol ? M. de Genouillac ajoute que l'introduction des instru- ments agricoles perfectionnés marche rapidement dans les mêmes cantons, et entre pour beaucoup dans les améliora- tions réalisées depuis quelques années. M. de Léon regarde comme un avantage précieux en “agriculture l’éducation donnée aux jeunes gens dans les fermes-modèles. Il cite notamment la ferme-modèle de Rennes, dirigée par M. Bodin, qui fait tous ses efforts pour propager les bonnes méthodes et rendre populaires les moyens de bien cultiver. Un atelier, joint à la ferme, fournit des instruments aratoires perfectionnés et diverses machines, que les cultivateurs savent maintenant bien apprécier. M. Neveu-Derotrie, qui, à son grand regret, n’a pu se rendre à Rennes, a fait hommage au Congrès d’un mé- moire, en date du 12 août 1849, concernant la situation agricole de la Bretagne. Ce mémoire, qui se rapporte en grande partie à la première question du programme pour la deuxième section, complète très-heureusement les rensei- gnements qui viennent d'être donnés. 154 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. MÉMOIRE _ SUR L'AGRICULTURE EN BRETAGNE, Par M. E. NEVEU-DEROTRIE, Inspecteur d'agriculture dans le département de la Loire-Inférieure et professeur d'économie rurale à Nantes. Avant-Propos. Nous n'avons nullement la prétention d'écrire l'histoire de l’agricul- ture dans la Bretagne. Le temps nous manque pour entreprendre cette tâche. Mais nous ne pouvons laisser passer l’occasion, précieuse pour nous, de présenter sous son véritable jour , à l'élite du monde savant réuni à Rennes, la situation agricole d’une partie trop peu connue , trop peu appréciée du territoire français. Pour être aussi clair et aussi précis-que possible, nous diviserons ce travail en plusieurs chapitres, dans chacun desquels nous nous effor- cerons de grouper les faits qui se rattachent aux diverses branches de l'industrie agricole. Cette méthode nous a paru la plus convenable pour répondre avec ordre aux questions posées dans le programme du Con- grès. Puissions-nous être assez heureux pour que ces courtes réflexions jettent quelque j jour sur les besoins, comme sur les ressources de notre agriculture bretonne. CHAPITRE [. Aspect général de la Bretagne au point de vue agricole. — Considérations économiques : Améliorations dans la culture réalisées depuis trente ans ; — Améliorations désirées ; — Améliorations possibles. — Causes des re- tards et des progrès de l'agriculture én Bretagne. * Tous les géographes ont donné des descriptions topographiques de la Bretagne. Sauf quelques inexactitudes sans importance , on peut les adopter, et cela nous dispense d'entrer dans celte voie. Au point de vue agricole , la plupart des mêmes auteurs sont tombés dans de graves er- reurs. Ils ont généralement représenté la Brelagne comme possédant un sol peu fertile et peu propre à la culture. Avec un peu plus d’attention, ils auraient reconnu que la majeure parlie du sol de la Bretagne est pla- . SEIZIÈME SESSION. 158 cée dans des conditions favorables à la végétation, telles qu'il est diffi- cile d’en rencontrer de meilleures : constitution géologique réunissant les combinaisons les plus variées d’argile, de silice, de chaux; acci- dents de terrain qui défendent les moissons contre lés ravages des vents, les abritent contre les gelées, les protègent contre les orages; qui ren- dent l’écoulement des eaux facile et les irrigations possibles presque partout; côteaux où les rayons bienfaisants du soleil portent la fécon- dité; vallées formées en grande partie de terres d’alluvion, d'autant plus riches, qu’aux débris des roches se trouvent joints des détritus végé- taux abondants ; climat tempéré , exempt de ces brusques transitions qui désolent d’autres contrées ; cours d’eau nombreux, d'autant plus utiles, qu'il$ n'atteignent presque jamais les proportions de torrents. Si, dans quelques parties, le sol est trop compacte ou trop divisé, le re- mède est presque toujours à côté du mal : ne voit-on pas auprès des sa- bles mobiles de nos côtes des gisements d’argile, et dans l’intérieur, où l'argile domine, des dépôts de sablon calcaire , de calcaire coquiller ou carbonaté? Existe-t-il une province où les éléments de fertilisation soient plus abondants ? Quelle localité offrira comme la Bretagne la tangue iné- puisable dans la baie du Mont-Saint-Michel , le marl que l’on exploite avec tant de succès dans la baie de Morlaix, les warechs et le goëmon dont l'Océan couvre journellement nos rivages, les madrépores et les poly- piers, qu'une découverte récente vient d'utiliser pour l’agriculture ; le sel, enfin, si précieux quand on sait l’employer dans des proportions convenables ? Hätons-nous donc de le dire, le sol breton a été méconnu, et c’est à cela sans doute qu’il faut attribuer l’espèce de défaveur qui a si long- temps pesé sur la Bretagne , défaveur dont on a fait souvent rejaillir les effets sur ses habitants. L'esprit public, les mœurs et jusqu’à l'aptitude aux travaux agricoles ont été l’objet de railleries calomnieuses. Le Con- grès scientifique de France nous rendra plus de justice! Quelques agronomes, habitués à ne voir l’agriculture que dans les vastes plaines du centre ou de l’est de la France, ne tenant aucun compte des nécessités de position, reprochent à la Bretagne ses champs coupés de haies garnies d'arbres. Sans doute, et nous le reconnaissons nous-même, la division des champs est poussée à l'excès ; mais suppri- mer les haies en Bretagne serait porter un coup mortel à notre agricul- ture. Placés que nous sommes entre l'Océan et la Manche, nos récoltes ont indispensablement besoin d’être abritées. A ce sujet, qu’il nous soit permis de citer un fail remarquable : les arbres placés sur le bord de la mersonttous chélifs et rabougris ; mais, derrière eux, d'autres arbres s’élèvent un peu plus haut, de telle sorte que, jusqu’à une certaine di- stance du littoral, la végétation semble avoir été disposée de manière à s’échelonner en amphithéâtre. 456 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Après cet aperçu, bien sommaire, sur l’aspect général, entrons dans quelques questions de détail. On cultive en Bretagne les céréales , qui font la base principale de la culture, les plantes fourragères et à racines alimentaires , les plantes textiles , quelques plantes oléagineuses , le tabac, la vigne, les pommiers et les poiriers à cidre , et, sur une très- -pelite échelle, les müriers. . . Culture céréale. — Le froment, le seigle, l'orge, l’avoine et le sar- rasin ou blé-noir forment l’ensemble de la culture-céréale, mais dans des proportions bien inégales. Le seigle prédomine encore dans | la plus -&rande partie du territoire , soit pur , soit mélangé avec une certaine quantité de froment, mélange connu sous le nom de méleil ou méléard. Bientôt nous allons voir quelles améliorations ont été introduiles dans cette culture. Le sarrasin , qui entre pour une si grande pit dans l'ali- mentation de la population rurale, est une culture presque spéciale à la Bretagne, et son importance pèse d’un grand poids dans les ressources du pays. La cullure de l'orge est peu répandue ; mais en revanche, Ja Bretagne fournit au reste de la France ses meilleures avoines. - Le rendement moyen est, par hectare : Pour le froment , de douze bectolitres ; pour le seigle, de quinze hectolitres ; pour l'orge, de dix hectolitres ; pour le sarrasin, de vingt heclolitres ; pour l'avoine, de vingt-deux hectolitres. Quelques auteurs ont publié que les grains de la Bretagne élaient de qualilé inférieure , et ils en ont conclu que le sol était peu propre à ce genre de cullure.: c’est une grave erreur qu’il importe de détruire. Le défaut de qualité de nos grains tient à deux causes principales : l’une est la trop grande quantité de pommiers qui existent dans l'intérieur des champs, et sous lesquels les céréales, privées de l’air nécessaire, _ne peuvent se développer convenablement ; l’autre se rencontre dans l'absence de quelques soins de culture , tels que des sarclages et des binages faits en temps opportun, et dans le mode de battage, sur lequel nous aurons à nous expliquer. Mais que l’on supprime ces circonstances accidentelles, et l'on reconnaîtra que le sol, comme le climat-de la Bre- tagne, est éminemment propre à la production céréale. Il-ne suffit que de savoir la diriger par l'adoption d’un bon système d’assolement. Nous avons omis de citer parmi les plantes qui entrent dans la cul- ture céréale, le millet, qui remplace le sarrasin dans une partie du dé- partement de la Loire-Inférieure. Tout le monde agricole connait en France la bonne qualilé des millets blancs‘ de Machecoul. i 0% _Cultüre fourragère. — L'importance de la culture fourragère ne sau- -rait être méconnue, puisqu'elle est le point de-départ des plus grandes ‘améliorations. Long-temps elle a-élé limitée en Bretagne à l’exploitation des prairies naturelles, qui, nous devons le dire , sont encore loin de Ja-perfection désirable. A ce sujet, on nous permettra une.pelite di- gression concernant les irri gations. Nous avons dit en commençant que SEIZIÈME SESSION. 457 la Bretagneest arrosée par de nombreux cours d’eau dont l’industrie agricole pourrait, concurremment avec l’industrie manufacturiére, tirer un bon parti. Les irrigations utiles ne consistent pas seulement dans l'emploi des eaux vives, mais aussi dans Yapplication intelligente des eaux mortes et des eaux pluviales. Nous reviendrons sur cet objet en parlant des améliorations. À peu d'exception près, les irrigations sont mal entendues el mal exécutées en Bretagne. On peut alléguer comme excuse que les vastes prairies arrosées par les principales rivières sem- blent avoir peu besoin d’une pratique d'irrigation , qui augmente la main-d'œuvre. A cela nous répondrons que ces prairies ne constituent pas la dixième partie de celles indispensables à l'exploitation des terres labourables ; que, conséquemment, les neuf dixièmes au moins récla- ment les soins du cultivateur , et que dés lors il y a urgence de s’en occuper. C'est pour cela que nous considérerions comme étant d’une haute utilité, l'établissement d’une ferme-école spéciale pour l’étude de cette partie intéressante de |’ agriculture. Ce sujet est trop grave pour ne pas mériter de fixer l’attention du Congrès scientifique, et nous ne balançons pas à lui signaler les travaux théoriques-et pratiques de M. Quentin-Davesne, à Gorges, près Clisson, dans la Loire-[nférieure. Nous joignons au présent mémoire une note spéciale, en ce qui les con- cerne. ‘ Nous ne savons pas si beaucoup de cultivateurs se rendent bien comple de l'étendue relative que doivent avoir les prairies pour la mar- che régulière d'une exploitation rurale, que nous supposons devoir être dans les meilleures conditions de culture et d’assolement. Nous ne vou- lons pas faire ici de la science agronomique ; mais nous croyons pou- voir affirmer qu’il faut avoir en moyenne environ quatre ares de prairie par cent kilogramines de poids vivant de bélail, dans toute exploitation livrée à un bon assolement, Cette quantité serait insuffisante avec un assolement qui n'aurait pas la culture alterne pour base. Les prairies naturelles, dans la Bretagne, peuvent se diviser en trois catégories : 1° Les prairies sur les bords des fleuves et des rivières, ou prés de rives : celte première classe est ordinairement trés-produc- live, mais le foin n’en est pas loujours de bonne qualité. Elle comprend les prés-marais qui, dans la Loire-Inférieure et vers l'embouchure de la Vilaine, ont une grande importance. Ils servent presque exclusive- ment à l'engraissement des bestiaux par le pâturage. 2° Les prairies de vallées, non arrosées par les rivières, mais rece- vant l’égout des eaux des Lerrains élevés dont elles sont enlourées. Ce sont, en général , les plus riches, et celles qui fournissent les foins de la meilleure qualité. 3° Les prés Lels qu'on les rencontre dans presque toutes les exploi- tations rurales , grandes où petites , et que l’on nomme prés champaux. C’est vers ceux-là surtout qu’il est nécessaire de diriger les études et la FE 21 158 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. pratique des irrigations : le rendement, qui ne dépassepas, en moyenne, 4,900 kilogrammes de foin par hectare, pourrait être plus que triplé, ce qui serait pour le pays un immense avantage. Je ne parle point ici des prairies temporaires, dont il sera question à propos des need + la culture. ‘Deux questions intéressantes concernant les prairies de la: Srctigne sont posées dans le programme sous les n°* 11 et 12 ; nous allons y ré- pondre. La première est ainsi conçue : « Quelle influence la nature géo- » logique du sol, et par suite la composition de la flore prairiale , nn. » elle exercer sur la qualité du beurre en Bretagne ? » La Bretagne, et spécialement le département d’Ille-et-Vilaine , s’est acquis pour ses beurres une grande réputation ; la propriété de la Pré- valais surtout est très-renommée. Nous avons voulu remonter à l'ori- gine , ét nous avons acquis la certitude que la nature du sol et des her- bages entre pour beaucoup moins qu’on ne le pense dans l'influence “exercée sur la qualité du beurre de cette localité. La constitution géo- logique et la flore n’ont aucun caractère qui la distingue de beaucoup d'autrés parties de la Bretagne : tout repose principalement sur le mode de fabrication du beurre, et sur les soins de propreté donnés aux vases dans lesquels le lait est recuelili. Nous ne craignons pas d'affirmer ce fait, parce que nous avons rencontré les mêmes résultats et la même qualité de beurre sur presque tous les points de la Bretagne où le même modus faciendi existe. Ce n’est pas à dire que l’on puisse obtenir du beurre de qualité identique avec tous les pâturages ; non, sans doute : nous voulons seulement dire que partout où le régime alimentaire des vaches sera lé même, on pourra, avec les mêmes soins, obtenir les mêmes résultats. _ Par la deuxième question, on demande si si « les prairies voisines de la » mer, et soumises à l’action des brouillards salins, sont plus favorables » que les autres à l'engraissement des animaux? » Nous répondrons sans hésitation : non; elles ne sont pas plus favorables à l’engraissement, et notre opinion à cet égard s’appuie sur de nombreux faits. Prenons pour exemple ce qui se passe dans le département de la Loire-Inférieure. Les cantons les plus rapprochés de la mer sont ceux de Saint-Nazaire, Lec Croizic, Guérande sur l’Océan, Bourgneuf, Paimbœæuf, Pornic sur la “baie de Bourgneuf, Ces six cantons possèdent une surface de 13,739 hec- tares de prairies et de pâturages, et cependant le nombre des bestiaux si est proportionnellement plus faible que dans les autres parties du dé- partement : ‘il n’en serait pas ainsi, évidemment, si ces prairies étaient, à raison des émanalions salines dont elles sont saturées, plus favorables à l’engraissement que celles qui sont plus éloignées de la mer, et que Îles € engraisseurs adoptent de préférence. Du reste, sauf quelques ex- ? ceptions, l'industrie de l’engraissement est peu développée en Brêtagne. SEIZIÈME SESSION. 459 Si les prés salés n’ont pas, comme nous le croyons, le privilége de favoriser l’engraissement, ils offrent du moins l'avantage de communi- quer à la chair de quelques animaux, et notamment de l’espèce ovine, une saveur agréable. Les agneaux de pré salé des environs de Dol sont très-estimés. La Culture fourragère artificielle se divise en deux parties : 1° celle qui a pour objet principal la nourriture des bestiaux pendant la saison d'été, soit pendant cent cinquante et un jours, du 1° avril au 1‘ sep- tembre ; 2° celle qui est destinée à fournir l’alimentalion pendant la sai. son d'hiver, ou pendant cent vingt-deux jours, du 1* décembre au 4" avril. Le pâturage, dans les regains, est habituellement suffisant pour nourrir les bestiaux pendant le temps intermédiaire entre la fin de la saison d’été et le commencement de la saison d’hiver. Les plantes cultivées pour la nourriture d’été constituent ce que l’on nomme, proprement dit, les prairies artificielles. On remarque généra- lement, comme s’appropriant le mieux au climat et au sol de la Bre- tagne, le trèfle de Hollande, le trèfle incarnat ; le Lolium perenne ou ray-grass ; les Lathyrus ou gesse, gesselte , jarosse ; la luzerne. Comme plantes mixtes, servant partie dans la saison d'été, partie dans la sai- son d'hiver, nous avons la navette et les choux : cette dernière espèce mérite, par la spécialité de sa culture en grand dans quelques-uns des départements de l’Ouest, une mention particulière; nous en reparlerons. Nous devons signaler dès ici l'immense développement de la culture du trèfle de Hollande ou trèfle commun; c’est une des plus belles con- quêtes de notre agriculture : le sol de la Bretagne , enrichi par les amen- dements calcaires, se prète merveilleusement à sa végétation, qui est, pour l'avenir de notre pays, un gage assuré de fertilité. Nous ne mentionnons que pour mémoire quelques essais isolés dans la culture du sainfoin, -de la moutarde blanche, du colza pour fourrage, et quelques autres espèces peu répandues. La deuxième classe des plantes fourragères, dont plusieurs sont dési- gnées sous le terme générique de racines alimentaires, servant parlicu- fièrement dans la saison d’hiver, comprend les pommes de terre, les betteraves, dites disettes, les rutabagas et diverses variétés de navets, et, dans quelques parties de la Bretagne, le panais. Une plante quirend de grands services comme fourrage d’hiver, et qui semble ne recevoir cette destination qu’en Bretagne, est l’ajonc, et spécialement une variété dont nous ne connaissons pas le nom technique, mais qui, moins li- gneuse que l’Ulex europeus, donne des lises nombreuses et tendres que les bestiaux mangent avec avidité, lorsqu’elles ont été broyées par le pilon. Culture industrielle, — La culture industrielle de la Bretagne ne compte que trois genres de végétaux : les plantes textiles, quelques plantes 160 CONGRÈS SCIENTIFIQUE: DE FRANCE. oléagineuses et letabac, mais sur quelque points seulement. Le chanvre et lelin sont, en Bretagne , l’objet d'un commerce considérable , quoi- que cependant l’industrie linière y ail beaucoup perdu de son ancienne splendeur. Un homme auquel la Bretagne devra conserver une éternelle reconnaissance , M. Baron du Taya, cherche, au prix des plus nobles efforts, à Ja faire revivre dans le département des Côtes-du-Nord ; hon- peur à son zèle et à sa persévérance! Dans la Loire Inférieure, M. A. Chérot,a, le premier, importé les procédés mécaniques pour le broyage el, la filature des chanvres. À quelques rares exceptions près, les chan- vres-ebles lins de la Bretagne sont mis en œuvre.et converlis en. toiles parle producteur lui-même. C’est lemoment d'examiner une des ques- tions du programme, inscrite sous le n° 22. Cette question est plutôt in- dustrielle qu'agricole; loutefois, elle est trop intimement liée aux intérêls de l'agricullure, pour que nous puissions nous dispenser € en dire quel- ques mols.. : On demande quel est, en Fu l'état de la fabrication des. Loiles, dites rurales ?Si cette fabrication est bien importante pour les populations quis’y livrent? Sielle présente des produits remarquables ?Enfins’il con- viendrait de provoquer certaines mesures en faveur.de cette industrie ? La fabrication des toiles rurales est une des principales industries . pour. ne.pas dire la seule, du cultivateur breton, dans toute la partie, de la presqu'ile armoricaine située à in est el vers le nord. Que l’on a porcoure le. département d’llle-el-Vilaine, et spécialement les arrondissements de Vitré et de Fougères, on rencontrera à peine une ferme, même dans les plus pelites exploilalions , qui n'ait pas uu et souvent plusieurs 1 mé- liers à fabriquer la toile. Dans l'hiver, presque toutes les femmes sont occupées à broyer le chanvre, d’autres le filent ; les enfants et les vieil- lards dévident le fil, el fournissent , sous le nom de volues , la trame né- cessaire au tisserand. Le pays offre, dans celle saison, l'aspect d'une immense fabrique dans laquelle tout le monde travaille, tout le monde vit, quoique au milieu des privations et souvent de la misère, par suite du peu de valeur des produils fabriqués. Mais on n'y voit pas l'oisivelé ; on n’y voit pas cel étiolement de la population, si commun dans les a ag- -gloméralions manufaclurières. La fabrication des toiles rurales a donc une grande importance pour les populations qui s'y livrent, Sans aucun doute, ilarrive fréquemment que le produit net estnul ou à peu près, et queles toiles rurales coûtent plus qu’elles ne rapportent au producteur- fabricant ; cependant, il faut en accuser peut-être le degré peu avancé de. l’industrie agricole : c'est assez généralement avec le produit de la fabrication des loiles rurales que les cultivateurs soldent leurs fermages. Les produits sont-ils remarquables? Non, pour les localités dont nous venons de parler. Les toiles sont ordinairement grossières et employées à la confection des sacs ; quelques-unes servent à la voilure des-petits nävires : les toiles de lin entrent dans la:consommation des ménages. SEIZIÈME SESSION. 161 Dans le département des Côtes-du-Nord, on fabrique des toiles fines re- nommées : tout le monde connaît la réputation des jolies Loiles de Quin- tin, qui rivalisent parfois avec celles de la Mayenne et même de la Flandre. Conviendrait-il de provoquer certaines mesures en faveur de cette industrie? Oh! oui, sans doute, et il n’est pas un Breton qui n’ap- pelle ces mesures de tous ses vœux. Dire ce qu’elles doivent être, .… je laisse ce soin aux hommes plus versés que moi dans la connaissance des besoins commerciaux ; mais il est une mesure dont l’urgence est pal- pable pour tout le monde : c'est l'établissement d’un droit prolec- teur qui, sans nuire aux importations utiles, soit suffisant pour aider les cultivateurs bretons à se relever un peu de l’état de souffrance dans lequel ils languissent depuis si long-temps; qui leur rende l’énergie avec la confiance dans leurs forces ; qui leur permette de faire une con- currence légilime aux produits étrangers oblenus à plus bas prix, parce que le sol est grevé de charges moins pesantes. Il ne m’est pas possible, sans m’éloigner du cadre que je me suis tracé, de donner à cette pensée les développements eonvenables ; d’autres y suppléeront, j'en ai l’espérance , et attention du Congrès se trouvera fixée sur une des questions les plus graves de l’économie rurale et politique qui se soient élevées de nos jours. Le hbre échange est jugé , et à Dieu ne plaise que je veuille troubler son repos, en remuant ses cendres ; mais notre siluation agricole et manufacturière n’a pas encore obtenu la sa- tisfaction que réclament impérieusement ses besoins et la pénurie de ses moyens d’action. Il serait digne de la haute assemblée à laquelle s’a- dressent ces lignes de prendre à cel égard une généreuse et puissante initiative. Le rouissage offre des difficultés qui modifient les qualités du chan- vreet du lin d’une façon bien remarquable. Sans nous préoccuper de la question de savoir s’il-est plus utile de rouir dans l’eau.dormante que dans l’eau courante, ou vice versé, nous dirons que celle opération s'exécute dans quelques parties de la Bretagne d’une manière bien im- parfaite, et peut-être bien préjudiciable aux produits de la culture comme à la salubrité publique. Quant aux produits de la culture, il n’est pas douteux que la nature des eaux exerce une grande influence sur la valeur intrinsèque et vénale de nos plantes textiles. Pour n’en citer qu'un exemple : Les chanvres et les lins rouis dans l’eau de la Loire, au dessus de Nantes et hors de la portée des marées, sont infini- ment plus-forts et d’une couleur plus belle que ceux rouis au dessous, même à une trés-petite distance. Espérons que, dans notre siècle si fécond en précieuses découvertes industrielles, on trouvera un procédé à la portée de tout le monde, pour remplacer avantageusement le rouis- sage. Nous disons à dessein : à la portée de tout le monde, parce que = quelques inventeurs croient avoir trouvé cet important secret ; mais ils 162 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE, entendent avant.tout l’exploiter à leur profit, et prefèrent l’argént.au glorieux litre de bienfaiteurs de l'humanité ! : Quelques essais ont été tentés, sans succès durables, dans la = nié du Phormium tenaz. . , Comme plantes oléagineuses , l’œillette et le colza sont les deux seules dont la culture ait quelque importance, encore ne voit-on la première que dans les sols d’une excessive richesse. Le colza commence à prendre une certaine extension. Si nos souvenirs sont fidèles , on doit à M. de Lorgeril, ancien maire de Rennes et fondateur du Comice de Plesder, l'introduction de la culture du colza en Bretagne. Le lin et le chanvre , que l’on peut aussi considérer comme plantes oléagineuses , ne reçoivent cette deslination qu’accidentellement. La Madia sativa a élé abandonnée dès les premiers essais. . Il nous reste à parler du tabac : cette culture n’est pratiquée que dans un rayon assez peu étendu. Elle sert à alimenter en partie la fa- brique de Morlaix. Les réglements sévères auxquels cette culture est assujélie ne permettent pas de lui donner une grande extension, ni même de la perfectionner. : On peut encore considérer comme cultures industrielles celle des pommes de terre pour la fabrication de la fécule et celle de la betterave à sucre. Il existe en Bretagne plusieurs féculeries importantes ; mais la fabrication du sucre de betterave n’a eu qu’une existence éphémère. Nous devons signaler aussi l'existence de plusieurs plantations de müriers pour l’industrie séricicole. On a demandé, par la dix-septième question du programme, si la cullure du mûrier prenait de l'extension en Bretagne, et si l’éducation du ver à soie, entreprise sur quelques points du littoral, promettait un résultat avantageux ? Jusqu'à ce moment, les plantations de müriers n’occupent qu’une très-petite surface, et cepen- dant la végétation de ces arbres réussit bien sur le sol bréton. La qualité de la soie produite par les éducations que nous avons vues ne laisserien à désirer. Mais à côlé de ces avantages se présente un grave inconvénient qui sera , long-temps encore peut-être, un obstacle au développement de l’industrie séricicole en Bretagne: c’est l'absence d’une précocité suffisante dans la pousse des premières feuilles du mürier, année com- mune. Nous avonsplusieurs fois constaté que l’éclosion avait lieu avant Fapparition d’une quantité de feuilles assez abondantes pour la nourri- ture des vers. Les brouillards , très- fréquents en Bretagne, viennent encore s’opposer à la-réussite constante de l'éducation des vers à soie, en déterminant des maladies auxquelles ces débiles animaux résistent rarement. On doit,toutefois, savoir gré aux honorables citoyens:dontles soins'assidus , les éludes consciencieuses, et la, persévérance tendent à enrichir notre pays d’une industrie qui fait la fortune de plusieurs des départements du Midi. Nous citerons en particulier MM..de Franche- SEIZIÈME SESSION. 163 ville dans le Morbihan , et Reliquet aîné, A Machecoal} dans la Loire- Inférieure. Une culture industrielle qui ne manque pas encore d’importance, est celle des Osiers. On cite particulièrement ceux de Dourdain, dans l’Ille-et-Vilaine. M. le colonel Le Lieure de Laubépin a fait aussi des essais dans les marais de l’Erdre, dans la Loire-Inférieure. Ils ont par- failement réussi. Culture de la vigne, des pommiers et des poiriers à cidre. — Le dé- partement de la Loire-Inférieure est le seul de la Bretagne où la culture de la vigné ait quelque importance. Elle couvre une surface d’environ trente mille hectares, et produit en moyenne plus d’un million d‘hecto- litres de vin. Ce chiffre, qui paraît considérable , est cependant loin de donner au producteur un bénéfice net aussi avantageux qu’on pourrait le supposer. Le vin de la Loire-Inférieure est de qualité médiocre et d’un prix peu élevé. On rencontre quatre variétés principales de vignes, qui portent dans la localité les dénominations suivantes : Gros-Plant, vigne très-ruslique donnant un vin rude, assez alcoolique, mais peu agréable; Muscadet, plus sensible aux gelées, produisant moins que le Gros-Plant, mais plus agréable ; Pineau, spécialement cullivé dans l’est du départe- ment , et se rapprochant, pour le goût, des vignes de l’Anjou ; Bertigou, vigne donnant un vin rouge très-léger, ayant un goût particulier, assez agréable. Ce nom vient du domaine où ont été plantés les deux premiers ceps donnés par le duc de Bourgogne à François Il. Nous devons à M. Hectot , ancien botaniste très-distingné , l'introduc- tion dans le département de la vigne de Malvoisie, variété appelée à mo- difier l'espèce et la qualité de nos vins. La culture de la vigne a donné naissance, dans la Loire-Inférieure , à deux industries qui ne manquent pas d'importance : l'une est la fabrica- tion des eaux-de-vie, mais elles sont généralement de mauvaise qualité: J'autre est la fabrication des vinaigres, dont il se fait un commerce con- sidérable. Le cidre est la boisson favorile et habituelle dans la Bretagne. Aussi ne faut-il pas s'étonner de l’immense quantité de pommiers plantés dans les champs et donnant au pays l’aspect d’un vaste verger. Le cidre de Bretagne, plus léger que celui de Normandie, avec lequel il peut riva- liser pour la qualité, se détériore par le transport el ne supporte pas la mer. Il en résulte qu’il est presque entièrement consommé sur le lieu de production. Cette circonstance favorise beaucoup les habitudes d’ivro- gnerie auxquelles s’adonne trop souvent une partie de la population ru- rale, au grand détriment des travaux de l’agriculture. M. A. Duchâtellier, de Quimper, a donné une notice fort curieuse, concernant l'influence des boissons alcooliques sur la population dans le Finislère. Nous avons dit, en parlant des céréales, le préjudice qu’elles éprou- 164 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. vaient de l’abondance des pommiers dans lés champs, et nous regarde- rions comme une grande amélioration un changement dans le mode ac- _tuel de la culture des pommiers. Nous voudrions les voir , soit disposés en bordures autour des champs, soil réunis en vergers, en prenantes précautions convenables pour que là végétation n’en souffrit pas. L’arrondissement de Fougères, dans le département d'’Ille-et-Vilaine, semble avoir le monopole de la culture des poiriers à cidre. Sous le nom de Poire de Crapaud, on cultive, notamment dans les environs de la commune de Billé, une espèce renommée par la bonne qualité du dun 7 elle fournit: * Aprés avoir jeté un coup-d’œil rapide sur la situalion des principales cultures qui couvrent aujourd’hui le sol breton, nous sommes conduits naturellement vers l'examen de la première question du programme : « Quelles améliorations l’agriculture de l’Ouest a-t-elle réalisées depuis » trente äns? » 11 y a trente ans, à part quelques-unes des cultures in- dustrielles dont nous avons parlé , tout l’art de l’agriculteur consistait à ensemencer du blé-noir, du seigle , peu de froment , de l’avoine, puis à laisser en jachères-mortes les terres, qui bientôt se couvraient degenêts, plante qui croît spontanément sur’notre sol. C'était l’assolement triennal dans toute sa pureté primitive. Le laboureur breton n’en connaissait pas d'autre. Ses meilleurs engrais étaient exclusivement employés à la cul- ture du chanvre, ét le peu qui lui restait servait à obtenir quelques mai- gres récolles de grains. C’est en cet état qu’ont vu la Brétagne ceux qui ont accusé son sol d’infertilité , et nous comprenons celle opinion, fon- dée sur des apparences que l’on pouvait aisément prendre pour la réalité. Alors , point de défrichements, point de cultures fourragères. Les bes- tiaux, chétifs et peu nombreux , vivaient au pâturage sans presque ja- _mais recevoir de nourrilure à la crèche pendant les trois quarts de l’an- née. L’herbe des prés, plus ou moins abondante, selon que la nature se montrait plus ou moins avare de ses dons, fournissait la nourriture pour l'hiver , et n'avait pour auxiliaire que la paille des chaumes. Ce täbleau fidèle d’une situation dont on trouve encore malheureusement des exem- p'es sur plusieurs points de la Brelagne, à subi, depuis trente ans, d'heureuses modifications. Les premières améliorations, celles qui ont Servi de point de départ à à beaucoup d’autres, ont été introduction de la culture du trèfle et le développement de la,culture des pommes de terre. Partout où ces plantes sont entrées dans l’assolement , elles ont apporté à l’agriculture des ressources inconnues jusque là, et au culti- vateur un bien-être auquel il n’était pas habitué. Sous l'influence de la culture du trèfle et des pommes de terre , le sol est tout d’abord devenu plus productif. Le nombre et lc produit des besliaux se sont accrus pro- portionnellement à l'augmentation du fourrage : la somme des fumiers est devenue plus considérable. A partir de celte époque , un notable SÉIZIÈME SESSION. 465 changement s’est opéré dans les dispositions d'esprit d’un grand nombre de cultivateurs , chez lesquels la résistance systématique aux innova- tions a fait place au désir d'instruction et à la conviction de la nécessité d'améliorer la culture. À la suite de la culture du trèfle en Bretagne, nous avons vu surgir l'application des amendements calcaires, à laquelle M. de Lorgeril, que nous avons déjà cilé, a puissamment contribué. Puis , on a commencé à comprendre l'utilité des soins donnés aux pra. ries. Les instruments perfeclionnés pour les travaux agricoles, objets d’une répulsion dédaigneuse , n’ont pas tardé à êlre appréciés par les cultivateurs les plus intelligents. Si leur adoption n'a pas élé la conse- quence nécessaire de la culture des plantes sarclées , elle a commencé cependant à s'impatroniser avec celte cullure. La croyance d’une impos- sibilité de substilution du froment au seigle, dans beaucoup de terres, a disparu devant les résultats oblenus par quelques expériences. La dé- couverte de quelques nouveaux procédés de fertilisation à fait ouvrir le sol vierge d’un grand nombre de landes. Enfin, plus les modifications apportées à la culture triennale se multiplient, plus on voit disparaître les jachères-pâtures sorties d’une coutume que l’on appelle à tort routi- nière., car elle était une nécessité à une autre époque. Nous avons dit que, sur plusieurs points de la Bretagne, des prairies temporaires ont remplacé les jachères-pâlures. C’est encore une amélioralion dont il faut tenir comple. Les premières, dont la réussite a été complète, ont été faites dans la commune.de Guémené Pen-Faô (Loire- Prieuré) sous la direction de M. de la Haye-Jousselin, aîné. Telle est l'analyse sommaire des principales améliorations réalisées en Bretagne depuis {rente ans. Sans doute, elles ne l'ont pas élé d’une manière générale et absolue ; mais n'est-ce pas beaucoup déjà qu'avoir fait pénétrer sur presque tous les points les germes d’un progrès contre lequel la masse de la population-rurale opposail une force d’inerlie dé- plorable? Nous pouvons espérer désormais une marche plus rapide dans la voie des améliorations , parce que les centres d’âction et d'influence se mulliplient. De nouveaux foyers d'inslruction vont être incessam- ment créés pour répandre la lumière ; mais qu’on y prenne garde! le sentier est parsemé d’écueils ; les plus dangereux sont le plus souvent de brillantes utopies , dont l'impossibilité de réalisation est plus préju- diciable à l’agriculture qu'on ne saurait le dire : la population rurale, en Bretagne surtout, pousse la méfiance j jusqu’à douter parfois de l’évi- dence des faits, et c'est âvec une exlrême réserve, avec une cerlitude presque absolue des résultats , qu'il faut lui proposer les améliorations, encore faut-il attendre que le temps amène la conviction. Qu'il me soit permis de compléter ici toule ma pensée. Les fermes- écoles sont destinées à rendre à notre agriculture d'immenses services; il n’est pas un homme judicieux qui puisse en douler : mais il yaun préliminaire indispensable dont on ne semble pas assez se préoccuper, TOUT 22 466 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. c’est l'instruction primaire dirigée vers l’agriculture. Les jeunes gens ne seront admis qu’à seize ans dans les fermes-écoles : si à cet âge ils ne sont pas déjà familiarisés avec les idées d'amélioration, s’ils n’ont pas “puisé dans l'instruction primaire les notions élémentaires dontils seront “appelés à faire l’application dans les fermes-écoles , nous le disons avec conviction, le but ne sera atteint qu’en partie. Cette question est grave, et je la crois digne de fixer l'attention du Congrès scientifique. Revenons à notre sujet. Toutes les améliorations sont désirables; mais toutes ne sont pas possibles : il faut donc faire un choix, et chercher celles qui s’harmonisent le mieux avec les besoins, les ressources , le climat et la nature du sol. Nous croyons que les améliorations les plus réalisables dans l'intérêt de l’agriculture bretonne peuvent se résumer ainsi : + Substitution de la culture alterne à tout autre système ; 2" Irrigation des prairies par des procédés applicables aux eaux de toute espèce ; 3° Substitution de la culture du froment à celle du seigle dans tous Jes terrains où la constitution géologique le permet; 4° Adoption des instruments araloires, ou servant à l’économie rurale, propres à simplifier les travaux, à diminuer les fatigues et les dépenses; 5° Suppression complète des jachères-pâtures ; 6° Créalion des prairies temporaires ; 7° Ouverture ou entretien, selon les besoins, des voies de commu- nication nécessaires au transport des engrais et des produits du sol. Nots terminerons ce chapitre en cherchant la solution de la eslion suivante : « Quelles sont les causes des relards ou des progrès fo e l’agri- » culture en Bretagne ? » » Deux causes principales ont contribué à rear- der en Brelagne les progrès de l'agriculturé : ce sont le défaut d’instruc- tion et la misère des cultivateurs. L'ignorance , il faut bien le recon- naître, fait surair les préventions contre tout ce qu’on ne connaît | pas. Nous avons dit que la population rurale est méfiante ; mais n’ est-ce pas dans Vignorance que celte méfiance prend sa source ? Parler d'amélio- rations à un homme qui ne sait de l’agriculture que la pratique à Ja- quelle il a été habitué dès son enfance, c’est lui tenir un langage qu'il ne comprend pas il ne faut pas s'étonner alors du mauvais vouloir © qu'il nanifeste ; cette manière d'agir tient à l'essence de la nature ‘humaine. Développez son instruction ; enseignez-lui, démontrez-lui surtout qu’on peut faire mieux que ce qu "il a fait jusqu'à ge moment ; qu'en agissant autrement il y va de son intérêt : Je yoiR qui COUVEAI son intelligence sé à à lincrédulité el à l'esprit d'opposition. Mais |” instruction | serail insuff- sante, la bonne volonté même serait stérile, si les moyens d'aclion con- tinuaient à faire défaut. Pourquoi le paysan brelon est-il, en général, si SEIZIÈME SESSION. 167 pauvre? C’est parce que le sol ne rembourse pas avec un bénéfice suf- fisant les intérêts du capitalqu’on lui applique ; c'est parce que la pro- priété foncière est, entre les mains du simple cultivateur, grevée de charges qui absorbent la totalité du produit net, dont il ne lui reste rien , pas même un salaire convenable pour le temps qu’il consacre à la culture. 11 ne faut pas chercher ‘ailleurs le motif des émigrations, si nombreuses en Bretagne , qui rendent les champs déserts, et peuplent les villes de tant de bras trop souvent oisifs. Améliorer la culture, et faire participer le producteur au produit net, voilxtout le secret d’une augmentation incalculable dans la puissance territoriale de la France, dans la prospérité générale. Il y a là, pour les économistes, matière aux plus profondes méditations. Les causes qui ont amené les progrès aujourd’hui existants sont ai- sées à constater : ce sont, en première ligne, les voies de communica- tion, plus nombreuses et plus faciles, qui ont donné naissance à des re- lations plus fréquentes entre les hommes , ont agrandi la sphère d’acti- vité dans la circulation des produits et des capitaux, rendu facile la pro | pagation des meilleures méthodes; c’est l’extension donnée à l’instruc tion, qui a commencé à pénétrer jusque dans les plus petits hameaux; ce sont les exemples offerts par quelques cultivateurs intelligents et pru- «dents, les avis , les conseils , les encouragements répandus par les so- ciétés d'agriculture , par les comices agricoles, par le Gouvernement lui-même; ce sont les concours qui ont excité l’émulalion, stimulé Pa- mour-propre, récompensé les efforts; ce sont enfin les découvertes faites depuis trente années, soit de matières fertilisantes dont la puissance était ignorée , soit de procédés mécaniques pour simplifier les travaux el diminuer les fatigues , et, à cet égard, la Bretagne n’est pas restée en arrière des autres parlies de la France. ‘On a demandé si les fermes-écoles ont, quoique sous un autre nom, puissamment contribué aux progrès de l’agriculture bretonne. Les faits seuls répondent affirmativement à cette question. C’est dans ces éta- blissements que la plupart des expériences ont été faites, et, n'envisa- geàt-on leur utilité et leur influence que sous ce rapport , elles seraient incontestables. Mais n’ont-ils pas, en outre, forié un grand nombre de jeunes hommes à la pratique des instruments perfectionnés ? Ne les on!- ils pas initiés aux secrets des assolements les mieux combinés, aux con- naissancesdes diversesbranches de l'économierurale, aux calculsraison- - nés d’une bonne comptabilité agricole ? Combien de bons contre-maitres, de bons chefs d'exploitation , de bons instituteurs primaires; ne sont-ils pas sortis de Grand-Jouan , des Trois- Croix, de la Basse-Forêt , de l'éta- blissement de M. Félix à Morlaix, etc. etc. etc.?.…. Plus récèmment, la colonie agricole de Saint:Han est venue. joindre ses efforts aux autres fermes pour moraliser et insiruire, sous une direction intelligente et dé- 168 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. vouée. Si nous avons dit que nous considérions les bases actuelles du système d'éducation agricole comme incomplètes, ce n’est pas un motif “pourne pas exprimer hautement notre opinion sur l'influence, très-favo- rable à l’agriculture, qui a été exercée par les établissements anciens , et qui devra l'être à un plus haut degré encore par les nouvelles fer- mes-écoles. Nous ne cesserons de le répéter : Propager l'instruction par tous les moyens , sous toutes les formes, soit en parlant aux yeux, soit en s'adressant seulement à l'intelligence, sera toujours une chose ulile pour le présent et pour l’avenir. CHAPITRE IL. Des éléments de production en Bretagne : — Amendements, — Engrais, — Bestiaux. ” La richesse agricole d’un pays et le degré d'accroissement qu’elle peut atteindre se mesurent sur les éléments de production que Jon y ren- contre. La constitution géologique, base de la fertilité, doit être telle qu’elle puisse recevoir, par les amendements , les modifications que là végétation exige, et puiser, dans sa combinaison avec les engrais, une fécondité qui se développe par une bonne culture. Nous avons dit pré- cédemment que la Bretagne offre la réunion de ces conditions. Si nous y voyons quelques parlies stériles, elles sont en petite quantité. La portion du sol breton la moins favorisée à cet égard est le certre du dé- partement du Morbihan : dans quelques endroits, le sol a si peu d’épais- seur, qu’il y a peu d’espérance de l'améliorer d'ici long-temps. En se rap- prochant de la côte, on trouve une argile compacte , improductive tant qu’elle n’est pas amendée avec le sable; les dunes, entre Saint-Nazairo et Guérande, dans la Loire-Inférieure , ont le défaut contraire formées d’un sable fin, que le plus léger vent soulève et transporte, la végétalion n’y ést possible qu’en dominant celte dangereuse mobilité. Sur la plus grande surface de la Bretagne, le sol arable est dépourvu presque en- tiérement de l'élément calcaire ; mais, par un bienfait inappréciable de la Providence , on rencontre des gisements calcaires à des distances as- sez rapprochées el d’une exploitation facile. Aussi, depuis quelques an- nées , le nombre des fours à chaux s’est considérablement accru. Il ne faut pas croire, cependant, que la chaux ait partout la même valeur pour Pagriculture : il existe plusieurs bassins, tels que ceux de Saffré et de Camp»Bon, dans la Loire-Inférieure, où la chaux est tellement hydrau- lique, qu ‘elle n’a pour ainsi dire aucune action sur la végétation, tan- dis qu'on en possède quelques-autres dont la propriété fertilisante est extraordinaire : ce sont ceux où, par une bizarrerie peu commune dans SEIZIÈME SESSION. 165$ la nature, le carbonate se trouve allié à une quantilé assez considé- rable de phosphate. Un gisement de cette espèce existe sur les confins de la Loire-Inférieure et de la Vendée, dans la commune de la Garna- _che. Les sablons calcaires, soit terrestres , soit marins, sont abondants en Bretagne, et leur exploitation est une source de richesses pour notre agriculture. Nous avions donc raison de dire que la Bretagne est peut- être la contrée de la France où la production territoriale a le plus d’a- venir. Nous le dernandons aux détracteurs de notre pays, où trouve- ront-ils un sol plus fertile et plus riche tout à la fois que les environs de Dol , dans l’Ille-et-Vilaine ; les bords de la Rance et la campagne qui entoure Saint-Brieuc, dans les Côtes-du-Nord ; Roscoff, Plougastel, dans le Finistère ; le pays de Retz et de Bourgneuf, dans la Loire-Inférieure ? Ce sont des exceptions, dira-t-on peut-être ! Sans doute, toute la Bre- tagne ne peut pas être assimilée à ces localités, mais il y'en a un grand nombre que nous ne citons pas et qui s’en rapprochent beaucoup pour la fertilité. -La question n° 3 du programme demande quel avantage a produit . application de la chaux ou de la marne aux terres qui n’en contenaient pas? Nous n’avons point de marnes calcaires, proprement diles, dont l’exploitation en Bretagne ait, jusqu’à ce moment, rendu de grands services à l’agriculture. On trouve bien çà et là quelques dépôts de terre blanchâtre, douce, savonneuse, mais elle ne fait pas effervescence parles acides. Toutefois, on croit avoir récemment trouvé un banc de marne à Saint-Gildas et un autre près de Machecoul, dans la Loire- Inférieure. ; Quant à la chaux à l’élat de carbonate, son principal avantage, et ilest immense, a été de rendre la majeure partie des terrains propres à la production du trèfle. Nous ne voulons point examiner ici quelles sont les qualités chimiques de la chaux, quel est son mode d’action sur. le sol ou sur les végétaux; nous nous bornerons à dire qu’elle a été-partout d’autant plus favorable à la végétation, qu’elle renfermait - une moins grande quantité d’alumine et de magnésie. Dans presque toute la Bretagne, on l’emploie mélangée avec les terres des chintres, dénomination locale sous laquelle on désigne la partie des champs qui joint les haies et les fossés. Les proportions sont très-variées, mais elles sont rarement au dessous de neuf hectolitres ou au dessus de quatorze hectolitres par hectare. L’un des premiers arrondissements où l'on ait commencé à faire usage de la chaux sur une assez grande échelle, c’est celui de Vitré, dans l’Ille-et-Vilaine, à limitation des cullivateurs de la Mayenne, qui déjà en avaient obtenu des résullats merveilleux. De L'emploi du plâtre ou chaux sulfatée est peu répandu en Bretagne; cela tient peut-être à ce que sa propr'été hygrométrique, si précieuse 170 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. sous les climats d’une température plus élevée, est moins nécessaire en Bretagne: Ce qu’il y à de certain, c’est que les nornbreuses expé- riences faites sur différents points n’ont pas réussi partout aussi complè- tement que le faisaient espérer les renseignements fournis paf la théorié: Les sablons calcaires, tels que celui de Saint-Juvat, dans les Côtes: dü-Nord, employés dans la proportion de cinq à six métres cubes-par hectare, produisent, dans les terres fortes , les effets les plus avanta- geux. Mais, de tous les amendements calcaires, le plis énergique est le murl que l’on pêche dans la baie de Morlaix. Saturé d’eau de mer, contenant des détritus animaux et végétaux abondants, il agit sur le so presque autant comme engrais que comme amendement, et, à ce double titre, il se recommande à toute l'attention des cullivateurs placés äpor- tée de pouvoir en profiter. Nous en dirons autant de la fangüe recueillie dans la baie du Mont-Saint-Michel, que nous considérons plutôt comme engrais que comme amendement. On prend aussi de la tangué dans la Rance, mais on a remarqué une bien moins grande énergie dans cétté dernière ; nous allons en expliquer les motifs en parlant du sel. Tels sont les principaux amendements en usage dans la Bretagne. Nous ne voulons pas ranger dans cette catégorie les terres tourbeuses de la Loire-Inférieure, extraites des marais de Donges et dé Montoir. L'abus déplorable qu’on en a fait comme moyen de sophistication du noir animal résidu de raffinerie, est une honte pour les spéculateurs, qui n’ont pas craint et ne craignent pas encore de tromper par cés més langes frauduleux la bonne foi des agriculteurs. w Si nous passons maintenant à l’examen des substances fertilisäntes , plus particulièrement désignées sous le nom d'engrais, il nous Séra facile de constater qu'aucune autre contrée de la France n’en possède de plus variées, nous dirions presque de plus àbondantes. Les fumiers produits par les bestiaux sont, incontestablement, les plus précieux de tous les engrais et ceux à l'emploi desquels il faut toujours revenir après des intervalles plus ou moins éloignés , selon les perfectionnements de la culture. Suivant les calculs les plus exacts, le rapport de la quantité de fumier normal à la production du froment est de 22 kilogr. de fumiér pour { kilogr. 870 gr. de froment; or, pour obtenir 20 hectol. de fro- ment par hectare, il faudra. l'application de 17,900 kilogr. de fumier environ. Il est parfaitement démontré aujourd’hui qu'avec le meilleur | assolement, un animal du poids vivant de 100 kilogr. produit, en . moyenne, une quantité de fumier égale à 2,859 kilogr. Il suit de là que, pour avoir le fumier nécessaire à la production de 20 hectol. de fro- ment, ou l’équivalent en autres grains, par hectare, il faut un poids vivant de bétail égal à 626 kilogr., c’est-à-dire, suivant le poids moyen des. besliaux de la Bretagne, trois vaches ou deux bœufs. * Ilnous a semblé utile de poser ces chiffres comme termes de compa- SEIZIÈME SESSION. 474 raison : la culture céréale proprement dile occupe, en Bretagne, environ le tiers des terres labourables ; pour avoir la somme d’engrais néces- saire à celte cullure, il faudrait donc supposer l’existence d’une tête de bétail du poids d’environ 200 kilogr. par hectare de terre labourable. Nous sommes encore loin de cette proportion : la moyenne générale atteint à peine une tête par deux hectares ;’c’est ce qui explique pour- quoi la moyenne de production, qui devrait être de 20 hectol. par hec- tare, n’est que de 12 hectol. Comme engrais accessoires, la Bretagne recueille sur le httoral une très-srande quantité de warechs et de goëmons. Ces végétaux marins, imprégnés d’eau de mer, renferment en outre des petits animaux qui, par leur décomposition, contribuent à donner une grande puissance à ces engrais. On les emploie surtout avec un succès remarquable dans les départements des Côtes-du-Nord et du Morbihan. Nous renvoyons, pour les détails de la pêche du goëmon, à l’excellente et pittoresque description donnée dans la Maison rustique du XIX° siècle, par V'un des honcrables secrétaires du Congrès , M. Aymar de Blois. Nous avons déjà parlé de la tongue et du marl; l'influence qu’ils exer- cent sur la végétation est prodigieuse : aussi les cultivateurs ne crai- gnent-ils pas de venir de plus de 60 kilom. pour les recueillir. Sans tenir compte de plusieurs matières qui sont communes à tous les pays où l’on fait de l’agriculture, telles que la poudretle et les cen- dres, nous nous altacherons à l’examen de deux substances qui, au “point de vue agricole et commercial, ont une grande importance, le sel et le noir de raffinerie. Maïs auparavant, nous devons mentionner, à propos des cendres, que l'usage de l’écobuage est très-général en Bre- tagne : on emploie l’écobuage sans distinction de la nature du sol, et, nous devons le dire, dans notre opinion, ce défaut de disternement est un abus très-préjudiciable aux intérêts de l’agriculture bretonne. Par la question n° 4 du programme , on demande « quels sont les ré- sultats incontestables de l'emploi du sel à l'amendement des terres? » La réponse à celte question, pour être complète, demande des dévelop- pements que ne comporte pas ce mémoire. Nous-allons essayer cepen- dant de la donner aussi claire que possible, en nous appuyant sur les faits. Toute la France agricole connaît la longue et intéressante polé- mique soulevée par la question du degrèvement du sel. L'efficacité de cet agent, soutenue par des hommes d’un haut mérile, a été combattue par des savants du talent le plus éminent. On serait tenté de douter, quand on rencontre parmi les adversaires Dombasle et Gay-Lussac ; mais , peut-on résister à l'évidence des faits ? Il faut le reconnaître, il y a eu de part et d’autre, dans la lutte, de l’exagération. Le sel a sur la végétation une grande puissance relative, mais celte puissance n’est ni absolue , ni indéfinie. Cependant, il y a quelques effets dont on a peine “ 472 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. à se rendre un compte bien exact : ainsi, nous voyons quelques terrains abandonnés par la mer qui, depuis quelques siècles peut-être, sont très- productifs, sans que l’on ait besoin de leur appliquer ni engrais, ni stimulants (les marais de Dol); d’autres dans lesquels l’action végétative doit être excitée à des intervalles rapprochés par la présence du sel en dissolution ; tels sont les marais de Bourgneuf, dans la A Rd Coupés par zônes de vingt mètres de largeur, des rigoles reçoivent l’e de mer par infiltration ; un dépôt salin se forme, et ce dépôt, san sur les terres tous les deux ans, est le seul engrais qui, de temps immémo- rial, féconde le sol et lui fait produire le plus beau froment que l'on re- cueille dans la Loire-Inférieure. Entre deux ensemencements de fro- ment, on fait une récolte de fèves, et cet assolement, défectueux par tout ailleurs, continue de donner des résultats très-salisfaisants. Ce fait, dont nous garantissons l'authenticité , est la démonstration la plus probante des résultats incontestables de l'emploi du sel. Citons d’autres exemples : L'action fertilisante de la tangue ché en grande partie à la quantité de sel qu’elle renferme, quantité que - l’on trouve dans la proportion de 8 à 10 0/0. Un mélange de sel et de terre, dans les mêmes proporlions , employé dans des circonstances identiques, a donné les mêmes résultats. Cette expérience a élé répétée plusieurs fois à diverses époques ; la dernière dont nous ayons eu con- naissance a eu lieu dans la Vendée , à Boistisando, près les Herbiers, en 1847. Vers la même époque, un agronome distingué du département d’Ille-et-Vilaine conslatait l’aclion fertilisante du sel dans le canton de Guichen. En 1845, au Jardin des Plantes de Nantes, deux quantilés égales de pommes de terre ont été cultivézs comparativement, les unes avec les chiffons de laine sans préparation , les autres avec une addition d'un kilogramme de sel pour un décalitre de tubercules. A la récolte, les tubercules étaient de grosseurs variées dans le premier cas; ils étaient presque tous d’une grosseur uniforme dans le second , et ont donné un excédant de poids ét de volume d’environ 25 0/0. Enfin, s’il nous est permis de citer notre propre expérience, voici les faits que nous avons analysés après plusieurs années d'essais : 4° Emploi du sel dans un sol naturellement humide : Résultat ra vd nul ; 2 Emploi du sel dans un SF naturellement s sec, mais sous l'influence d’une lempéralure habituellement ou accidentellement humide : gs incomplet et proportionné à l'état de l’atmosphère ; 3° Emploi du sel dans une terre argileuse sur un sous-sol séritili, conservant peu d'humidité avec une température sèche : résultat per 6 plet, développement admirable des végétaux ; + 4° Emploi du sel dans une lerre calcaire ou siliceuse tres-pertiifs, sur un sous-sol argileux ou imperméable , température humide : résul- SEIZIÈME SESSION. 173 tatincomplet. — Dans le même sol, avec un sous-sol perméable , tem- pérature sèche : résultat très-salisfaisant. 5° Emploi du sel dans une terre appauvrie et dépourvue d'humus végétal et animal : résultat incomplet. — Dans les mêmes circonstances, mais avec l’adjonction d’une demi-fumure ordinaire : résullal très-satis- faisant. Nous livrons avec une entière confiance ces observations au Congrès scientifique. Peut-être seront-elles de nature à jeter quelque jour sur la question de l’application du sel à l’agriculture. Est-on fixé sur la quantité déterminée de sel qu’il convient d'em- ployer ? Non, et l’on comprend que celte quantité est paturellement variable. Cependant on peut regarder comme les plus convenables les proportions indiquées par M. Le Coq, de Clermont-Ferrand, à savoir : 300 kilogrammes par hectare employé pur ; 150 à 300 kilogrammes employé mélangé à d’autres substances, selon leur richesse. Nous avons fait un rapprochement qui nous a paru ne pas manquer d'intérêt. Un auteur du siècle passé désigne comme la plus favorable la quantité de 46 Doisseaux par acre où 40 ares : si chaque boëisseau est , comme nous sommes porlé à le croire, l'équivalent du décalitre, il y a identité par- faite entré les observations faites il y a cent ans et celles de M. Le Coq. Ce faitest assez curieux pour être signalé. C’est à Nantes, vers 1815, que les propriétés fertilisantes du noir résidu de raffinerie ont été découvertes, et nous devons cetle connais- sance, qui a rendu de si grands services à l’agriculture, à l’un des hom- mes les plus honorables de la Loire-Inférieure, M. Ferdinand Favre, ancien maire de Nantes. Nous ne retracerons pas l’historique de ce pré- cieux agent de la végétation, trop promptement dénaluré par les fraudes les plus impudentes , derrière lesquelles se sont élevées des fortunes scandaleuses sur la ruine d’un grand nombre de cultivateurs. Nous ne voulons pas citer les noms des premiers auteurs de la fraude, car ils brillent d’un certain éclat dans la science, et nous ne voulons pas l’obscurcir par un reproche trop fondé. Nous croyons même qu’ils n’ont pas connu.la portée du mal qu’ils faisaient à l'industrie agricole. Nous n’avons Certes pas la pensée de prétendre imposer des limites à la science , ni de dire que le noir de raffinerie est le seul engrais pulvé- rulent qui doit être livré à l’agriculture. Nous appelons, au contraire, de tous nos vœux les efforts de l'intelligence pour la-découverte des combinaisons chimiques qui pourront venir en aide aux substances dont l'efficacité est connue ; plus elles seront nombreuses, plus grand sera l’essor de notre agricullure Ce que nous blâmons, ce que nous ne cesserons de flétrir, ce que nous poursuivons sans relâche par tous les moyens mis à notre disposilion, c’est la coupable industrie qui con- siste à subslituer des matiëéres inertes, quand elles ne sont pas nuisi- (A 3 93 L 474 | CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. bles , aux matières fertilisantes du noir de raffinerie, et à tromperla crédulité des cullivateurs. Se fiant à la couleur, ils croient employer V’engrais qui leur à donné de bonnes récoltes , et ne mettent.le plus souvent dans leurs terres que des substances sans énergie el sans va- leur. uit æ Des mesures ont élé prises par l'administration denitatisà Loire-Inférieure pour arrêler la fraude; nous avons vu avec chagrin qu'elles n'ont pas été comprises dans les autres départements de la Bre- tagne ; aussi n’avons-nous pas été surpris des criliques lrop peu raison- nées dont elles ont été l’objet. Le but de l'arrêté deM. Chaper, du 19mai gi, a élé de laisser au commerce el à la fabrication des engrais une juste liberté, d’en réglementer l'exercice de telle sorte que le cultivateur qui aura élé salisfait des résultats d’une fabrication quelconque puisse toujours relrouver sous la même dénomination la même nature de mar: chandise , le même degré de principes fertilisants. Le nom de Noir.est, spécialement réservé pour les résidus de raffinerie qui n’ontsubi au- cune altération : il fallait qu’il en fût ainsi pour éviter les erreurs oules: équivoques que la mauvaise foi se plaisait à multiplier sous la qualifi- cation générique de Noir engrais, que l'on appliquait à tous les mélanges. Aujourd'hui, nul ne peut vendre une matière quelconque pour engrais, quelle que soit sà couleur , que. sous une dénomination acceptée ou donnée, par l’administration après analyse, et garantie par un écriteau placé au dessus de chaque espèce. Sans doute, malgré ces précautions, il se lisse encore quelques abus; mais, nous le disons avec sincérité, ils diminuent de j jour.en jour. Plût à Dieu qu’il y eût uniformilé dans la marche adoptée. dans chacun < des départements qui nous avoisinent! Nous ,Axons l'espérance qu'elle. ne se fera pas long-temps attendre. dé- ZONE Sur de nombreuses. réclamations. » M. le ministre de l’agricul- ture a emandé | l’avis du conseil général de la Loire-Inférieure et un. projet, fruit de mûres délibérations, est en.cemoment.soumis à l'appro- bation d du Gouvernement... Pour. clore la série des observations que nous avions à présenter sur es principaux engrais employés en Bretagne , il nous reste à dire quel- ques-mots du Huané ou Guanô. Le huanô ou guanô a été importé du Pérou-en Europe- par une compagnie anglaise. Les premiers échan- tillons.parvenus en France ont été envoyés de Swensea à Nantes, où ont eu.lieu les premières expériences. Quelque temps plus tard, des spécu- lateursont découvert, sur les côtes d’Afrique , des déjections d'oiseaux auxquelles on a donné le même nom de huanô. Malgré une analogie apparente, il.y a entre les deux huanôs une grande différence, quant à.la composition chimique. Nous devons à M. Moride, jeune chimiste, qui.s'est, déjà distingué par des travaux remarquables , la constatation dame quiintéresse l'agriculture, Le-huanô du Pérou renferme une SEIZIÈME SESSION. 175 assez/grande quantité d'acide urique , très-favorable à la végétation : cet acide"est remplacé par l’acide oralique dans le huanô des côtes d’Afri- que, avec un désavantage marqué. Nous ne pouvions nous dispenser de signaler cetle bizarrerie au Congrès scientifique ; elle provient, selon toute apparence, du changement qui existe dans le système alimentaire des oiseaux producteurs du huano. - Nous devons encore à la Bretagne une découverte précieuse pour l'agriculture , la fabrication d’un engrais qui, sous lenom de Zoofime, estappelé à jouer un grand rôle dans les procédés de. fécondation du sol. Encore trop nouveau pour êlre suffisamment apprécié, nous devons. nous borner en ce moment à mentionner l’apparition du zoofime; plus tard, nous aurons à constater son degré de puissance, et les résultats généraux qui seront obtenus de son application. Bestiaux. — Dans un pays éminemment agricole, les bestiaux sont une des principales sources de la fortune publique. Déjà nous avons dit quelle est la situation de la Bretagne, quant au nombre des besliaux considérés comme producteurs d'engrais; nous avons à voir ce qu’elle est, quant aux opérations agricoles et à la qualité des animaux relative- ment aux produits journaliers et à l’engraissement. - Les travaux de la culture se font, en Bretagne, soit avec des chevaux, soit avec des bœufs, et dans le plus grand nombre des localités, avec les deux espèces simullanément. Au point de vue de l’économie rurale, nous n’approuvons pas ces attelages mixles: mais ce n’est point ici que nous devons déduire les molifs de notre opinion. Dans les parties de la Bretagne où l’élevage des chevaux est une spéculation accessoire à l'agriculture , où l'espèce bovine a peu de taille, nous comprenons par- faitement l'opportunité d'employer de préférence les chevaux aux tra- vaux du labourage : c’est aussi ce que l’on voit dans les Côtes-du Nord etle Finistère. Ailleurs , les bœufs sont plus généralement adoptés; et nous {rouvons même , dans un grand nombre de petites exploitations , les vaches appliquées à des travaux pour LEP la nature ne semble pas les‘ avoir destinées. Il y a une remarque assez curieuse : la majeure partie des te de trait employés dans la Brelagne n'appartiennent pas à l'espèce bretonne, et ne sont pas nés sur le sol breton proprement dit. Ils proviennent de la rive gauche de la Loire, et, après avoir fourni leur carrière de travail, ils reviennent dans les pâturages qui les ont vus naître, où on les en- gra aisse pour les livrer à la boucherie. Ce n’est pas à dire que la race bre- toine soit impropre au travail; mais, en raison de sa taille, elle est in- suffisante pour les grands travaux de culture. Nous n’ avons donc point à nous en occuper sous ce rapport, puisque son utilité à cet égard n'est que secondaire ; mais nous trouvons dans le programme, sous le n° 44, la question suivante , à laquelle nous allons répondre : < La Bretagne 176 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. » doit-elle conserver avec soin sa race bovine, ou songer à la modifier » par l'introduction dans le pays des races suisses, anglaises ou autres?» Avant de répondre à celte question, qui doit être envisagée sous plu- sieurs faces, il importe de bien connaître les qualités et les défauts de la race bretonne. ‘Ses qualités sont nombreuses : elle est sobre, facile à nourrir, peu sujelte aux maladies , s’acclimatant aisément partout, même sous les températures les plus élevées, quoique née sous un climat tempéré ; elle supporte les privations et les fatigues sans éprouver d’altération sen- sible ; son caractère est doux et docile ; enfin, son produit journalier est, relativement à la somme de nourriture qu’elle consomme, dans une pri portion souvent plus forte que les races de haute laille. Quels sont ses défauts ? Le premier, nous l’avons dit, est d’être d'une taille au dessous de la moyenne ; ce qui la rend peu propre au travail. Pour la boucherie , elle a, par le même motif, une valeur peu consi- dérable , et si elle convient à la consommation eu égard à la saveur de sa chair , elle est peu avantageuse pour le commerce; ce qui le plus or- dinairement l’éloigne des grands centres de consommation. Comparant la somme des défauts à celle des qualités , il est facile de reconnaitre que celle-ci l'emporte de beaucoup. Est-ce donc à dire qu’il ne faut pas chercher les moyens d'amélioration ? A Dieu ne plaise que nous prononcions une semblable hérésie ! Mais est-ce améliorer une race que changer ses caractères?.…... On parle de croisements avec les races suisses ou anglaises. Sans doute , il y a des croisements judicieu- sement opérés, qui, après quelques générations , fournissent des types nouveaux, quelquefois préférables aux premiers. Mais en est-il de même de ces croisements adoptés d’une manière générale, et pour ainsi dire absolue, sans affinité sérieusement étudiée et calculée 2... Non certai- nement, et le résultat infaillible est de détruire une bonne chose pour r’arriver qu’ à la reconstruction d’une chose médiocre. Ce ne sont paslà , croyons-nous, les moyens qu’il convient d'employer pour améliorer notre race bretonne. Deux causes ont puissamment con- tribué à la maintenir dans sa petite taille : la première est le défaut d’une nourriture assez substantielle. Habituée au pâturage permanent , fré- . quemment dans les landes ou dans les jachères, sans recevoir rien ou presque rien à l'étable , il était impossible que la constitution physique se développât convenablement. Améliorez le régime alimentaire, et la race s’élèvera d’elle-même, surtout en détruisant en même temps la deuxième cause. Cette deuxième cause consiste à faire saillir les génis- ses trop jeunes, et par des taureaux qui souvent n’ont pas atteint eux- mêmes un âge suffisant. La conception, chez une génisse qui n’a quel- quefois pas dix mois, arrête tout-à-coup sa croissance, et le produit d’un taureau, pourvu à peine es facultés procréatrices , ne saurait avoir les SEIZIÈME SESSION. 477 éléments d’une constitution robuste. Que l’on obtienne du cultivateur bre- ton que ses génisses ne soient pas saillies avant qu’elles aient atteint dix- huit mois ; que ses vaches ne soient saillies que par des taureaux d’une bonne conformation, pris dans la race même, et ayant au moins deux ans ; que tous ces animaux mâles comme femelles recoivent une meil- leure nourriture que par le passé, et bientôt la race bretonne, en con- servant les précieuses qualités qui la distinguent, obtiendra un dévelop pement que tous les croisements possibles ne lui donneraient qu’au prix de la perte de quelques-unes de ses qualités. Ce procédé, que nous recommandons à toute l'attention des culliva- teurs, n’est pas cependant exclusif des améliorations qui pourraient être obtenues par des croisements en harmonie avec la constitution des ani- maux qui devraient y être soumis. Puisque l’on a parlé des races suisses et anglaises, nous dirons notre pensée.en ce quiles concerne. Ilya, en Suisse, deux espèces principales parfaitement distinctes : l’uue grande, fortement membrée, née et élevée dans la plaine, habituée à vivre au sein de l'abondance, dans les gras pâturages arrosés par le lac de Genève ; l’autre moins grande, mais plus robuste, vivant sur les montagnes, subissant les contrastes d’une lempérature lrès-variable. Vouloir accoupler la première avec la race bretonne serait une faute grave, et nous en pourrions citer qui ont laissé aux expérimentateurs de fâcheux souvenirs. C’est à la deuxième espèce qu’appartiennent sans doute les étalons placés à la ferme des Trois-Croix , dirigée avec autant d’habileté que de zèle par M. Bodin. Mais croit-on que ces animaux au- raient donné de beaux produits avec toutes les vaches bretonnes ? Je m’en rapporte pour cela à M. Bodin lui-même. Parmi les espèces qui constituent la race anglaise, et que l’intelli- gence de l’immortel Backwel a variées à l'infini, celle qui obtient en France le plus de faveur en ce moment est l’espèce Durham, dite à courtes cornes. Pour ceux qui cherchent avant tout un grand dévelop- pement musculaire, une grande aptitude à l’engraissement, une pré- cocité remarquable pour l’envoi à la boucherie, l’espèce Durham est évidemmént une bonne fortune, et les croisements qu’ils obtiendront leur donneront des produits satisfaisants pendant deux, peut-être trois générations. Après ce temps, le sang anglais disparait presque toujours, et l’ancien type reprend ses qualités comme ses défauts originaires. Ceux qui, au contraire, ont besoin d’animaux remboursant, pendant les premières années, les avances faites, par leur travail, et devant plus tard accroître la somme des bénéfices par une bonne disposition à l’engraissement, ceux-là préféreront encore notre race indigène à la race Durham. Un temps viendra où les progrès de notre agriculture permettront d'élever simultanément , et des animaux de travail, et des animaux de boucherie; mais, en Bretagne, nous ne sommes pas arrivés 178 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. - ce degré de perfection, et, forcés que nous sommes de faire un choix, il nous parait plus rationel d ‘améliorer notré race bovine par elle-même. . * La race ovine est tombée , en Bretagne, dans un état d'aviiéetient déplorable, et c’est encore le résultat du régime alimentaire auquel elle est assujétie. Nos moutons ne connaissent pas d’autre nourriture que le maïgre pâturage de nos landes. Faut-il s’étonner alors de Jeur pétitesse et de la mauvaise qualité, ainsi que du faible rendement de leur toison ? Une remarque dont nous avons été, plus qu'aucun autre peut-être , à portée de vérifier l'exactitude, est que le nombre des mou- tons qui peuplent en ce moment la Brelagne diminue propoftionnelle- ment à l'importance des défrichements de landes. Mais, d’un autre côté, nous voyons peu à peu la qualité se substituer à la quantité. Nous ne dirons pas ici comme pour la race bovine, que la somme des défauts est-plus faible que celle des qualités, et nous croyons, au contraire , qu’il'y'a' lieu-de rechercher les moyens d’arriver à une régénération complète. Cette opinion nous conduit à examiner la quinzième question du programme : « Quelle est pour la Bretagne la meilleure râce oviné? » Déjà de nombreux essais d’acclimatation de diverses races ont eu lieu avec des succés variés. Nous le dirons encore , l'absence d’un ré- gime alimentaire convenable a été l’une des principales causes du défaut de réussile, que quelques influences climalériques ont accru. Ainsi nous avons vu s’écrouler les espérances fondées sur l'établisse- ment d'une bergerie royale à Clermont (Loire-Inférieure), parce que les conditions au milieu desquelles a été placé le troupeau dé mérinos n'étaient pas de nature à en assurer le succès. Un essai fait par M. Be- noît, au Pouliguen, sur le bord même de la mer, a été plus heureux. La santé des mérinos s'y est maintenue, et, aujourd’hui encore, le troupeau est dans un état satisfaisant. A l'établissement agronomique de,Grand-Jouan, aujourd’hui école régionale de l'Ouest, le troupean- a-éprouvé des-alternatives de succès et de pertes, selon les espèces dont :on a tenté successivement la multiplication : les Dishley-et les New-Kent-ont. été, malgré-les soins les plus intelligents, atteints de. maladies qui.en ont fait abandonner l'élevage ; il n’en est pas ainsi des ! Southdown (je ne garantis pas l’orthographe du mot) + cette espèce a donné: les'plus beaux’ résultats, et l’on peut dire que son introduction a Grand-Jouan a métamorphosé entièrement -la race dont cet établisse- ment «est environné. On a surtout remarqué que les croisements les : plus heureux provenaient de l’accouplement d’un bélier southdown-et d’une brebis de la race dite de Mortagne. Nous considérerions comme “un immense avantage pour la Bretagne la substitution de ces deux es- pèces, qui semblent s’accommoder merveilleusement de notre-climat. Mais, avant tout , il faut renoncer au détestable pâturage des landes, SEIZIÈME SESSION. 179 avec lequel il n’y a aucune amélioration possible dans la race ovine. Pour être vrai, nous dirons que, sur quelques points du littoral de _ l'Océan , On possède une espèce à laine noire demi-fine, d’une taille moyenne, qui ne manque pas de distinction. - Nous ne terminerons pas cet examen sommaire des bestiaux de la Bretagne sans parler de la race porcine, si nécessaire pour l’alimenta- tion de la population rurale. Le porc breton diffère peu du porc craon- nais, dont il n’est, à proprement parler, qu'un dérivé. Sa taille, sans être très-élevée, est cependant plutôt grande que petite; une chair ferme et d’un goût agréable, un engraissement facile et peu dispendieux sont ses principales qualités. Quelques essais d'introduction de porcs anglais el chinois ont eu lieu , mais ils ont obtenu peu de faveur dans la population. - Nous avons négligé de parler du cheval breton ; non pas que nous ne sachions l’apprécier, mais parce que, certainement, les questions qui: le concernent seront traitées par des hommes spéciaux beaucoup plu compétents que nous. £ CHAPITRE HE. Landes : — Défrichements, — Partages. — Biens communaux. — Législation rurale. — Usages locaux. — Conclusion. La question n° 5 du programme demande « quelles sont les causes qui s'opposent en Bretagne à la mise en valeur des terres vaines et vagues. » Pour répondre à cette question, il faut bien connaître quelle est la si- luation faite en Bretagne à ces sortes de terrains. Nous avons publié dans l'Agriculture de l'Ouest , première livraison de 1844, une notice sur ce sujet, et nous y renvoyons pour les détails. Nous nous bornerons à dire. ici-que.le principal obstacle actuel à la mise en valeur des terres vaines et vagues est l'incertitude qui règne constamment-concernant leur propriété. Avant 1789, la maxime Point de terres sans seigneur, qui était une des bases fondamentales du droit breton, établissait une présomption de propriété au profit d’une classe privilégiée de la société. Les seigneurs concédaient à leurs vassaux le. droit d’user des landes ; mais ils conservaient le droit de propriété. Quelquefois ils en aliénaient une partie en faveur de, certaines agglomérations d'habitants, pour les- quels le général de la paroisse traitait avec les seigneurs. Mais, aujour- d’hui.que les droits féodaux ont été abolis,, l'incertitude 5 NON pas, peut être sur le droit de propriélé en lui-même, mais sur le mode d’exer- cice de ce droit, subsiste toujours. Dans quelques parties de la Bre- tagne, il est difficile de retrouver les traces des afféagements fcits aux 480 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. vassaux, tout aussi bien que les Litres de concession accordés aux com- munes. Ici, une certaine circonscription , sous les noms de fief, de fré: rie, de tènement , est demeurée en possession du droit exclusif de me- ner les bestiaux pâturer sur une lande dont l'étendue ou les limites sont très-incertaines ; là , l'afféagement a été accordé à tous les habitants d’une commune , sans l'intervention du général de la paroisse, c'esl-à- dire de l'autorité, qui, dans la nouvelle organisation , a été remplacée par le maire assisté de son conseil municipal. Chacun alors est, suivant la législation existante, propriétaire indivis de la totalité ou de la por- tion déterminée des landes, et tant que dure l’état d'indivisiou, il n’y a pas de mise en valeur possible, puisque la portion que l’un voudra livrer à la culture céréale, l’autre, qui a sur cette portion le même droit (totum in toto et totum in quêlibet parte), voudra la mettre en bois ou la conserver comme pâturage. Il faut donc procéder au partage ; mais que d'obstacles, que de difficultés, que d’entraves, que de frais énormes, qui souvent absorbent la valeur et plus que la valeur des landes! Oui, des mesures législatives sont désirables pour rendre les partages plus faciles. Nous ne comprenons pas comment , depuis tant d'années, on ne s’est pas occupé sérieusement de les préparer. Est-il donc impossible de concilier les intérêts de l'agriculture avec le respect dû à la propriété ? Mais tous les jours le droit de propriété est modifié, sous le prétexte de l'utilité publique, pour des causes beaucoup moins importantes. Ici, nous ne craignons pas de le dire, le droit de propriété peut être con- servé dans toute son intégrité , et cependant les formes pour opérer les partages peuvent être simplifiées de telle sorte que les défrichements se. succéderont avec rapidité, que la fortune territoriale s’accroitra con- sidérablement, et avec elle le revenu public, düt-on exempter d'impôts les terres vaines et vagues mises en culture, comme on l’a fait pour les terrains convertis en bois. Nous regrettons que les limites de ce mémoire , déjà trop étendu, ne nôus permettent pas d'entrer dans des développements à cet égard ; mais , puisque nous avons parlé des défrichements, nous devons tout au moins dire quelle est leur situation dans la Bretagne. Les défrichements se font de deux manières , soit à la suite des par- tages, et par parcelles, soit en grand, et sur de vastes élendues. Les premiers réussissent toujours ; les deuxièmes ont souvent élé l'objet de terribles mécomptes. Les motifs de cette différence sont faciles : à saisir. Dans les défrichements faits sur une petite échelle, l'exploitant peut ap- pliquer au sol un très-fort capital, sans en éprouver ni gêne, ni embar- ras. Ce capital peut être considéré comme un excédant de ses ressources, ou, dans les cas les moins favorables , comme un simple déplacement. - Dans les grands défrichements , il faut créer un capital nouveau, et en agriculture surtout , c'est une opération dont malhieutenbetteab pet d'hommes savén? apprécier la gravité, parce que peu d'hommes com- SEIZIÈME SESSION. 181 prennent ou connaissent la science de l’économie rurale. Nous avons vu de très-habiles agriculteurs échouer dans de semblables entreprises, parce qu'ils n’avaient étudié que la pratique de l’agriculture, et qu'ils étaient totalement étrangers à l'administration agronomique. Dans le dernier paragraphe de la question n° 5, on demande quel se- rait le meilleur parti à tirer des terres vaines et vagues appartenant aux communes. Cette question ne saurait être résolue d’une manière géné- räle sans s’exposer à de graves erreurs. Dans telle circonstance , et c'est le cas qui se présente le plus fréquemment, la vente par lots est le seul procédé convenable pour tirer de ces terrains un parti qui soit avantageux à la commune, à l’agriculture et aux particuliers, consé- quemment à tout le monde ; dans telle autre circonstance, ce sera le bail à ferme avec certaines condilions de mise en valeur, soit par dé- frichement , soit par conversion en bois ; mais dans aucun cas la jouis- sance commune n’est avantageuse : si le pauvre en profite, le riche en abuse, et tout le monde y perd. Qui ne connait le proverbe trivial, dont on nous pardonnera la citation en faveur de l’application directe qu’il reçoit : « L’âne du public est toujours le plus mal bâlé? > Il y a dans la Loire-Inférieure des terrains d’une richesse extraordinaire (la vallée de Saint- Julien-de-Concelles) ; abandonnés qu'ils sont au public, ils ne sont, par le fait, profitables à personne. Ce serait peut-être le moment d’examiner la AUTRE n° 25 du pro- gramme, relative à l'utilité des colonies agricoles. Pour notre part, nous ne croyons pas à celle utilité nj même à la possiblité d’une réalisalion en Bretagne. Les colonies agricoles ne pourraient être établies que par voie de concession ; l'Etat seul pourrait faire ces concessions, et l’Etat n’est pas propriétaire ; il ne pourrait le devenir qu’au moyen d’une spo- ljation qui n’est pas possible dans nos mœurs, ou d’une expropriation pour cause d’utilité publique, qui serait tres-contestée el très-contesta- ble. Si, par colonies agricoles, on entend l’exploilalion par association, nous dirons que les idées phalanstériennes sympathisent peu avec le ca- raclère breton. Nous ne voulons, sur ce sujet, qu’émeltre notre pensée sans commentaire, parce que nous serions eénlrainés trop loin, en {rai- tant celle matière délicate avec quelques développements. Enfin, pour terminer cette csquisse de la silualion de la Bretagne au point de vue agricole, il nous reste à parler de l'influence de quelques usages locaux : les principaux sont ceux qui ont pour objet le mode de jouissance des propriétés rurales et la durée des baux à ferme. Il existe en Bretagne trois modes particuliers de location des biens ruraux : 4° le bail à convenant, ou domaine congéable, spécialement usilé dans les départements des Côtes-du-Nord , du Finistère et du Morbihan. On n’en retrouve aucune trace dans l’Ille-et- Vilaine et dans la Loire- Inférieure. Dans celle dernière localité, cependant, il y a pour les T: L TPS TA 182 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. vignes ; sous le titre de Complant , un usage qui a beaucoup d’analogie avec le domaine congéable ; 2° le bail à prix d’argent.; 3° le bail à colo- nage. Les remarques les plus positives attestent que ee dernier mode a été constamment le plus favorable au développement des progrès agri- coles. Quant à la durée des’ baux à ferme, elle varie-entre six et neuf années. Ce délai, même celui de neufans, trop court pour que le fer- mier entreprenne de grands travaux agricoles d'amélioration avec l’es- poir fondé d’en être remboursé par la production, estun des plus grands obstacles à la marche progressive de l’agriculture. Si les propriétaires fonciers comprenaient bien leurs véritables intérêts, ils adopteraient , comme moyenne de la durée des baux à ferme, le terme de douze an- nées , ef renonceraient à cette redevance qu'ils perçoivent au commen. cement ou au renouvellement de chaque bail, sous le nom de denier à Dieu ou pot de vin. Nous voudrions pouvoir dire que ce pot de vin n’est pas une considéralion qui influe sur la brièvelé des baux ; nous sommes malheureusement forcés de reconnaître qu’il n’en est pas ainsi, etnous le déplorons. Dans la deuxième question du programme , on demande si - le bail à convenant est un obstacle au progrès de l’agriculture ? » En répondant affirmativement , on pourrait voir une contradiction avec l'opinion que nous venons d'émettre. Cependant il n’y en a aucune : le domaine con- géable est moins un bail qu'une aliénalion avec certaines restrictions. Cela résulle de la définition donnée par le commentateur dela Coutume de Brelagne , Sauvageau : « Le domaine congéable est un droit, litre ou > contrat par lequel le convenancier ou domanier devient mébmiéiiré à > perpétuilé des maisons et superfices en sa tenue, elc., elc. » Mais cette proprié!è est limilée à certaines choses et soumise au paiement d'une rente dite convenancière , qui représente le prix de localion. Nous avons développé la question légale dans notre Commentaire sur les lois rura- les. Quant à la question purement agricole, il est évident pour nous que les charges dont est grevé le bail à convenant, les circonstances dont il est environné ne permettent pas d'espérer que sa conservation soit favorable à l’ industrie agricole. 445 Que de choses nous aurions encore à dire sur l’agriculture de la Bre- tagne , el nous comprenons que ce travail est bien incomplet! Mais quel a été notre but? Gelui de dissiper, au moins en partie, les préventions qui pèsent sur notre pays. Quelques gens ont désigné la Bretagne sous la dénomination de Sibérie de la France 1... C’est une calomnie que nous renvoyons à ses auleurs, qui ne l'ont prononcée, nous voulons le croire, que par ignorance. En présence du monde savant, il était de notre de- voir de faire connaître la Bretagne sous son véritable jour ; d'appeler sur sa richesse, sur la fertilité de son sol, sur la variété de ses produits, sur sa tendance vers les progrès, l’attention du Cong grès scientifique de SEIZIÈME SESSION. 4183 France. Dans le sein de cette brillante assemblée, il s’élèvera, nous n’en doutons pas, quelque voix éloquente qui revendiquera pour notre Bre- tagne la part de justice qui/lui est due ; qui rappellera sa splendeur pas- sée; sa dignité présente, ses espérances d'avenir. Nous sommes fiers d’être Breton, et le cri qui s'échappe de notre poitrine trouvera de l’é- cho dans le Congrès scientifique de France : Vive la Bretagne !!! M. le Président met en discussion la cinquième question, qui est ainsi conçue : « Quelles sont les causes qui s’op- » posent, en Bretagne, à la mise en valeur des terres vai- » nes et vagues? Des mesures législatives sont-elles dési- » rables pour faciliter le partage de ces terres, lorsqu'elles » sont possédées indivisément par des particuliers ? — Quel » serait le meilleur parti à tirer des terres vaines et vagues ».appartenant aux communes ? » M. de Pindré obtient la parole et lit le mémoire suivant : MESSIEURS, Quand le voyageur parcourt la Bretagne, et que, quittant cette portion du pays si boisée, où l’on rencontre de si fraîches, de si riantes, de si fertiles vallées, il se trouve jeté au milieu de ces déserts immenses, de ces steppes incultes, couvertes de bruyères rabougries, où paissent quel- ques rares troupeaux de moulons nains et rachiliques , il s’adresse na- turellement ces-questions : Ces terres sont-elles fertiles? Ont-elles été cultivées? Peuvent-elles, de nouveau, être rendues à l’agriculture ? L'analyse lui ayant démontré qu’elles sont partout productives ; que jadis elles ont élé labourées, ainsi que l’attestent les traces incontesta- bles de sillons qu’elles conservent, il se demande pourquoi on n'en tire pas partis et, se reportant à ces villes manufacturières, où surabonde la population, où tant de bras restent oisifs, où tant de bouches sont sans pain, des sentiments de philanthropie éclairée lui font chercher les moyens de ramener à leur destination première, de rappeler à cette vie si calme et siheureuse des champs, ces malheureux égarés par une folle ambition, un désir insatiable de bonheur , une soif de bien-être qui les fuit et les jette affamés sur les pavés de notre capitale, et, plus tard, dans les rangs parricides de l’émeute. ; Voilà, Messieurs , quels sont les sentiments qui m ’ont dirigé dans l'é- tude superficielle de la cinquième question de votre programme , que je traiterai le plus succinctement possible, laissant à des plumes plus exer- cées,, à des hommes plus savants, et qui, mieux que moi, connaissent les besoins et les ressources de ce noble et poétique pays qu'on appelle 484 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. la Bretagne, le soin d'appliquer, si elles sont susceptibles d'être appli- quées , les idées que j'ai l'honneur de vous soumettre. à La cause qui s’oppose à la mise en valeur des terres vaines et vagues, non seulement en Bretagne, mais encore dans toute la France, est le morcellement incessant de la propriété, qui, en divisant indéfiniment les fortunes , entraine nécessairement la pénurie dé capitaux, la misère et tous les maux qui en dérivent. C’est ici , je crois, Messieurs, le lieu de combattre cette fausse et fu- neste idée, que la philosophie du xvnr siècle à fait éclore, ét que le Code civil'a sanctionnée d’une manière si déplorable. La culture par parcelles est, dit-on, la plus productive. Défricher les forêts, dépecer les grands domaines, donner à chacun son petit coin de terre, est le moyen le plus sûr de faire rendre à la propriété foncière lout ce qu'elle est susceptible de produire, de détruire à jamais la famine, d’attacher les cullivateurs au sol. | Ces idées, qui, au premier abord, ont quelque chose de très-spécieux, sont cependant , en économie politique, essentiellement fausses, et tel- lement fausses , que l’homme dont le génie administralif s’est plié à toules les observations judicieuses, Napoléon, comprenant la portée désastreuse du morcellement de la propriété, chercha à y porter re- mède, et ce fut dans ce but qu’il créa les majorats, non pas tant pour entourer le trône impérial d’une riche et puissante aristocratie, comme on j'a généralement cru, que pour obtenir ces mnéctaue résultats agricoles qu’il enviait à l'Angleterre. -En effet, un riche propriétaire peut faire d’utiles et coûteuses expé- riences ; les capitaux ne lui font point défaut ; il peut créer de vastes prairies artificielles, élever les bœufs, les chevaux et les moutons , croiser, améliorer les races, obtenir enfin tous les produits du sol. Com- ment un pelit propriétaire pourrait-il soutenir la concurrence ? Peut-il faire les sacrifices qu’entraîne l'éducation de ces magnifiques étalons anglais que l’Europe entière recherche et achète à des prix fabuleux? Peul-il nourrir ces bœufs aux formés colossales, ces mérinos qui, sous nos climats, demandent tant de soins, ces troupeaux nombreux de porcs, la vraie richesse de la ferme? Non. Il ne peut donner à la terre que ses labeurs ; il ne peut l’engraisser que de ses sueurs de tous les jours ; il ne peut ni emplover les instruments qui centuplent les forces, ni créer les pâturages où s'élèvent les bestiaux, produisant les engrais , base fondamendale de toute culture intelligente. Et comment parera-t-il aux malheurs d’une mauvaise année? Comment remplacera:t-il, et la récolte que l’orage lui aura enlevée, et les animaux domestiques que l'épizootie aura tués? Comment, enfin, paiera-t-il l’impôt? Combien de familles de petits propriétaires-agriculteurs ont été ruinées par Fimpôt extraordinaire que décréta le Gouvernement provisoire ! Combien de SEIZIÈME SESSION. 485 malheureux se sont vus contraints à déserter la chaumière qu’ils avaient acquise par tant de sacrifices, à vendre , non seulement les instruments aratoires qui faisaient leur fortune , mais encore les plus indispensables de leurs meubles! Et cette observation est tellement vraie, que les dé- partements qui ont le plus souffert de l'impôt des 45 cent., où la percep- tion en a été le plus difficile et entourée de plus de marques de répro- “bation et de haine , sont les départements de la Charente et. de la Creuse, ces départements où le paysan, dans son langage énergique, stigmati- sait les socialistes de l’époque de l'épithète de partageux ; non pas que les habitants ne soient pas tous d’excellents patriotes : la Charente, aux idées si avancées, que la population peut se dire, avec vérité, répu- blicaine de la veille ; la Creuse, dont les habitants nomades vont, comme les abeiïlles , butiner dans toutes les parties de la France, et, du fruit de leurs travaux, achètent un champ, où ils bâtissent leur maison. C’est, Messieurs , que, dans ces contrées, la propriété est tellement divisée, la terre tellement morcelée, qu'à peine y rencontre-t-on un champ d’un hectare. . Tous les économistes ont été frappés de la migration incessante des habitants de la campagne vers les grands centres de population. Beau- coup d'idées extrêmement judicieuses ; pleines d’appréciations élevées, ont été émises pour arrêter ce fléau, qui enlève à l’agriculture ses bras, à la terre ses travailleurs. Vous-mêmes, Messieurs, en avez fait le su- jet d’une des questions qui doivent être traitées au Congrès. Il suffit de vivre quelque lemps au sein des campagnes pour découvrir cette cause dans l’applicalion funeste des principes du Code civil. Partant donc de cette idée première, qu’on ne peut, en agriculture, obtenir de bons résultats que dans de grands domaines, que le défri- chement ne peut être fait avec fruit que par de riches propriétaires, j'aurai l'honneur de vous soumettre un plan qui, selon moi, s’il n’obvie pas au morcellement de la propriété, que nous sommes obligés d’ac- cepter, a au moins l’immense avantage d’arrêler la migralion des culli- vateurs en les rattachant au sol, de leur faire aimer leurs travaux par le bien-être qu’ils en doivent retirer, et de nourrir en eux le sentiment qu’ils peuvent, avec de la conduite, avec de l’économie, arriver for- cément à la possession pleine et enlière du sol qu'ils ont engraissé de leurs sueurs : cette juste espérance , quoi qu’en disent nos socialistes modernes , est la seule base du progrès, l’unique base de læcivilisation, et enfin la vraie base de la morale. c Deux projels se présentaient à moi: d’abord le défrichement par l'Etat, à des conditions et sur des plans donnés. Mais l'Etat n’a-t-il donc pas assez à faire? Les rouages administratifs ne sont-ils pas assez compli- qués? Faut-il donc que la têle crée seule , et que les membres restent inactifs? La France se résume-t-elle dans une cité corrompue ? La Patrie 186 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. si noble et si grande se résume-t-elle dans l’enceïnte fortifiée d’une nou- velle Babylone? Non, Messieurs : les idées de centralisation, comme beaucoup d’erreurs , ont fait leur temps. Car, en définitive, le Gouver- nement a-t-il, pendant dix - huit ans , obtenu de si brillants-résultats dans ses conceptions agricoles, dans ses haras; dans ses fermes-mo- dèles? Avec ses immenses moyens d’action, qu’a-t-il fait? On a beau- coup parlé, beaucoup écrit. Pour des résultats posilifs, rien, rien {1 A:t-on même su choisir les hommes qui cullivaient bien? Ah! Messieurs, qu’il y a loin de l'application aux théories! qu’il y a loin du savant au laboureur ! Non pas que l’un et l’autre ne se doivent un mutuel appui; mais je suis convaincu que l’expérience d’un fermier intelligent connais- sant la culture propre à la terre, les temps, les époques qui convien- nent à l’ensemencement , donnera de meilleurs résultats que l'ouvrage le plus profond, le livre le plus érudit, écrit le plus souvent sur des don- nées générales, sur des appréciations fausses. Le second projet était le défrichement par les compagnies, et c'est à celui-là que je me suis arrêté, non pas que j'en croie l'application pos- sible dans les temps d'incertitude et de trouble où nous vivons, dans ces temps malheureux où tout est mis en question, où la vraie philan- thropie, loin de faire du progrès, ne fait que reculer ; dans ces temps d’orgueil, d'égoisme et d’utopie où des hommes, se disant envoyés pour la régénération de la société décrépite, pour l'application des principes vrais du Christianisme, qui jusqu’à présent auraient été faussés, ne craignent pas de mettre en question et la famille et la propriété : mo- dernes Erostrates, ils veulent brûler le temple, renverser l'édifice ou- vrage de quarante siècles. Les grands propriétaires n’existant plus, ou presque plus, tant le nombre en est restreint , et le défrichement ne pouvant se faire fruc- tueusement qu'avec de puissants moyens, qu'avec des capitaux qui permettent de construire des habitations de colons, d’attendre plusieurs années les résultats des premiers travaux, il fallait demander ces res- Sources à l'association, non pas à ces compagnies qui s'organisent à Paris, et qui, le plus souvent, abusent des noms les plus illustres pour faire des dupes, mais bien dans le sein des départements, où se trouve une grande quantité de terres à défricher ; car ces sociétés doivent être composées, non de spéculateurs , mais d'hommes aux idées géné- reuses, d’hemmes qui utilisent leur intelligence et leurs capitaux en aidant les classes pauvres , en secourant les cultivateurs malheureux: ; en soulageant l’infortune. C’est dans la création de ces sociétés que l'administration supérieure doit intervenir , dans les statuts qui les régiront, dans les obligations qui leur seront imposées ; puis, après les avoir formées, elle doit leur donhér lousles moyens d'action dont elle dispose, leur abandonner les SEIZIÈME SESSION. 487 terres incultes appartenant à l'Etat, exiger la vente des terres vaines et vagues dont les communes sont propriétaires, arrêter, proscrire le par- tage des landes possédées indivisément par les particuliers, exiger que la vente en soit faite par lots d’au moins vingt-cinq hectares. Les compagnies ayant bâti les maisons d’exploitation, mis les terres en culture, on procédera au relevé des frais qu’auront entraînés, soit l'exécutiondes travaux, soill’acquisition de ces terrains. Chaque domaine sera remis à un colon du pays, moyennant un fermage annuel , calculé sur les déboursés faits, et ce fermage ne pourra jamais dépasser l’in- térèt à 5 0/0 des capitaux employés par la compagnie. Le fermier pourra, tous les cinq ans, demander l'estimation de la propriété dont la direc- tion lui aura été confiée. La plus-value qu’il aura obtenue , tant par son intelligence que par son travail, lui demeurera acquise ; de sorte qu’au bout de quinze ou vingt ans il sera forcément propriétaire du domaine qu'il aura cultivé avec zèle ; car il pourra toujours, en remboursant à la compagnie les frais d'acquisition, de bâtisse et de mise en culture des terres, en faire l’acquisilion. Ce sera un moyen sûr et juste d’exciter le zèle du cultivateur, de lui faire entreprendre toutes les améliora- lions réalisables, de lui faire faire les plantations qui doublent la valeur de la terre, sans en augmenter de suite le revenu. Ne serait-il pas bon aussi , Messieurs, d'engager les propriétaires à exciler l’émulation de leurs fermiers, en leur assurant une part raison- nable dans la plus-value qu’ils donnent aux terres par eux cultivées ; de faire disparaître cette triste habitude qu’on a d'augmenter les fermages à mesure que le cultivateur augmente la valeur de la propriété ? On en- trave ainsi le zèle des cultivateurs qui, craignant la concurrence ou une surenchère à l'expiration de leur bail, ne cherchent à obtenir de la erre que les fruits nécessaires au paiement de leur fermage. J'ai l’hon- neur de soumettre cette observation, sans autre commentaire, à l’appré- ciation éclairée de messieurs les membres du Congrès. ‘Je ne développerai point devant vous, Messieurs , les bases sur les- “quelles serait établie la compagnie dont je viens de parler; quels se- räient ses statuts, ses obligations, ses ressources et ses moyens d’ac- tion : c'est un travail long et aride, qui n’aurait aucun intérêt pour vous ; je me contenterai de résumer ainsi ma pensée : Créer une compagnie par département , pour la mise en valeur des terres vaines et vagues; compagnie ne spéculant pas sur ses travaux, composée d'hommes spéciaux et non salariés , désignés dans les arron- dissements par les conseils municipaux, seuls juges compétents en fait d’amélioralions agricoles. Récompenser le fermier de ses travaux, en le rendant possesseur des augmentations de valeur qu’il aura données au domaine confié à ses soins, et enfin le rendre lui-même propriétaire au bout d'un certain temps. “ 188 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Plusieurs objections viennent combattre le système que j'ai briève- ment exposé; je ne répondrai qu’à la première : d Trouvera-t-on des hommes assez désintéressés pour donner leur temps , leurs lumières, sans espoir de rétribution? Trouvera-t-on des capitalistes qui se contenteront de retirer de leur argent un modique intérêt ? N’en doutez pas, Messieurs, les cœurs nobles, les âmes généreuses ne manquent point en Bretagne. Quand il s’agira de faire le bien, quand la confiance rétablie permettra de donner l'essor aux sentiments phi- lanthropiques qui animent tous les Bretons, quand enfin il nous sera per- mis de suivre les élans généreux de nos cœurs, chacun portera son obole ; on se disputera l'honneur, le bonheur même , dirai-je , de contri- buer à une bonne action. Une société, créée dans un but vraiment hu- manitaire, dépouillée de cesidées de spéculation qui ont ruiné, et lacom- pagnie agricole du bassin d'Arcachon etla compagnie d’assolement dela Camargue, dépouillée de ces calculs erronnés, qui on! fait tant de dupes, dont les administrateurs serontnos connaissances, ou nos parents, ounos amis, une telle société ne manquera pas d'appui; nous nous empresse- rons tous, non seulement de lui venir en aide, mais encore nous vou- drons partager ses travaux. Qu'on ne vienne pas dire que c’est une illu- sion ; non Messieurs, ce n’est point une illusion , ce n’est point le rêve creux d’une imagination exallée. Sans parler de ces époques éloignées déjà de nous, où les sentiments religieux ont produit de si belles, de si sublimes choses , n‘avons-nous pas vu naguère s'élever à nos portes la colonie agricole de Mettray ? L’assistance a-t-elle donc fait défaut à MM. de Metz et de Brétignières? Non pas qu’ils n’aient eu à combaltre la calomnie, car, contre cès hommés si dignes, si généreux, des voix nombreuses se sont élevées ; mais ils avaient l'intention ferme, la volonté arrêtée de faire le bien, et ils ont réussi. En vain les jalousies, en vain les haines puériles font-elles entendre leurs glapissements : l’homme mu par de nobles sentiments resle insensible, comme le rocher muet que la vagre couvre en vain de son écume. C’est que, quoi qu’on fasse, quoi qu'on dise, quoique quelques hommes cherchent à déverser leur bile sur certaines classes de la sociélé, leur prodiguant leurs injures , elles se contenteront, pour repousser la calomnie , de traiter leurs dé- tracteurs en frères, de soulager leurs souffrances, d’essuyer leurs pleurs. M. le Présidént remercie M. de Pindré des éléments qu'il vient de fournir pour la solution de la chaguième question. M. de Genouillac, en approuvant, pour son objet prin- cipal.. l'intéressant mémoire de M. de Pindré, croit devoir appeler l'attention de l'assemblée sur le danger de toute SEIZIÈME SESSION. 189 mesure qui ébranlerait le droit de propriété, si attaqué de nos jours. S’il y avait lieu, dit-il, de toucher à la législation concernant les terres vaines et vagues en Bretagne, il fau- drait au moins régler, d’une manière aussi satisfaisante que les circonstances le permettraient, les droits des tiers, droits souvent méconnus et usurpés par les communes. Toute atteinte portée au principe de l’inviolabilité de la propriété est funeste et produit dans l'avenir, comme dans le présent, les plus désastreuses conséquences. Ne doit-on pas, en effet, attribuer aux tristes exemples du passé les tendances malheureuses qui se manifestent aujourd’hui, relativement au droit de propriété? Il importe donc d’exa- miner avec un soin extrême les mesures qui sont proposées pour mettre en valeur les terres vaines et vagues. Le Con- grès repoussera sans doute celles qui, directement ou in- directement, feraient entrer dans la voie déplorable des atteintes à la propriété. M. de la Villethassetz partage l’opinion de M. de Genouil- lac. Il voudrait d’abord une classification des terres vaines et vagues, indiquant le moyen de les utiliser, puis la lo- cation de ces terres, en connaissance de leur véritable va- leur. On rendrait ainsi à l’agriculture les terres qui restent incultes, tout en sauvegardant le droit de propriété jusque dans sa dernière limite, ia communauté. Quelques autres membres prennent la parole. Un grand obstacle à la mise en valeur des terres vaines et vagues de la Bretagne, c’est l'incertitude qui existe souvent sur leur propriété. Telles landes appartiennent-elles aux communes ou à certaines sections de commune ? Apparliennent-elles aux anciens vassaux qui possédaient en 1792 le droit d’y motoyer, d'y mener leurs bestiaux, ou qui avaient d’autres droits équivalents ? Pour metire fin à l'incertitude sur la propriété des terres en question, la Société d'agriculture d’Ille-et-Vilaine proposait, il y a quinze ans, d'établir une prescription courte en faveur des communes , faute aux anciens vassaux de présenter leurs titres. Lés contestations entre ces anciens vassaux et les communes sont devenues Hans 95 190 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. . nombreuses, et souvent, tandis que quelques-uns des ha- bitants se présentent comme propriétaires des landes, les autres, bien qu’ils aient aussi des titres, s’abstiennent de prendre part au procès, soutiennent même les droits de la commune. Ils préfèrent jouir des landes en qualité d’ha- bitants, mais ils n’en voudraient ni la vente, ni la location. Les demandeurs, lorsqu'ils ont réussi, n’osent guère en- tamer un partage, toujours fort coûteux , ni mettre en va- leur les terres qui leur ont été attribuées. Ils craignent , avec raison, la représentation d’autres titres, la survenance de nouveaux copropriétaires. Pour parer à ce dernier in- convénient, on a proposé d'établir une forclusion contre les les anciens vassaux quin’exhiberaient pas leurs titres ou ne feraient pas valoir leurs prétentions, avant le partage publi- quement annoncé. C'est un moyen extrême et qui pourrait être regardé comme une atteinte à la propriété. Il faudrait au moins accorder aux anciens vassaux en retard une in- demnité, calculée sur la valeur moyenne du terrain qu’ils au- raient obtenu, s’ils s'étaient présentés en temps convenable. La propriété des landes n’est pas aussi incertaine en Basse-Bretagne, mais une autre circonstance s’y oppose à leur mise en valeur : c’est la fâcheuse idée qu’une exploi- tation rurale ne peut se passer d’une étendue de landes au moins égale à l’étendue des terres labourées. On demande à ces landes de l’engrais, et, pour l’obtenir, on enlève à la houe, avec les plants de bruyère et d’ajonc, le gazon qui s'y est formé. Dans nos immenses landes , dit la Société d'agriculture de Vannes, la plus grande portion, divisée par des bornes en une multitude de parcelles de toutes formes , est la propriété privée des habitants riverains. Cette société voudrait que les propriétaires détenteurs de ces landes, dans une proportion supérieure à la moitié de leurs terrains cultivés, fussent mis en demeure de faire fructi- fier cet excédant, soit par eux-mêmes, soit par des conces- sions, et cela sous peine de s’en voir exproprier. Ce serait étendre bien loin la faculté d’exproprier pour cause d’uti- lité publique. SEIZIÈME SESSION. 191 Jusqu'à présent les communes ont paru peu disposées à bailler à ferme les landes qu’elles possèdent. Le preneur, obligé de clore et de mettre en valeur, demanderait un irès-long terme et ne voudrait payer qu’une très-faible re- devance. La vente offre certainement un plus grand avan- lage. M. le Président résume la discussion : Il met au nombre des causes qui s'opposent à la mise en valeur des landes, en Bretagne , le manque d’argent, les charges qui pèsent sur la propriété et les vices de notre régime hypothécaire. Il pense que des mesures législatives, facilitant le partage des landes privées indivises, ne sauraient manquer d’être bien accueillies; mais que toute attaque des droits de la propriété irait à l’encontre du but que l’on veut atteindre, car ces droits sont la sauve-garde des améliorations agri- coles, la base de l’agriculture. La concession à bail des terres vaines et vagues apparte- nant aux communes ne sera peut-être pas loin de s’exécu- ter, lorsqu'une bonne classification de ces terres aura été faite, elque les moyens de lesutiliser seront mieux connus. _ Les communes réserveront seulement les portions néces- saires pour les établissements publics, tels qu'ateliers, écoles, fermes expérimentales. La séance est levée à onze heures. Séance du 4 Septermhre 1849. Présidence de M: DUCHATELLIER. — M. DE LUSTRAC, Secrétaire. Après quelques légères rectifications, de procès-verbal de la séance précédente est adopté, Deux questions placées à 192 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. l'ordre du jour, l’une relative au bail à convenant, l'autre au sel-engrais, sont renvoyées aux séances suivantes , :sur la demande motivée de quelques membres de la section. La sixième question est retenue et mise en discussion. La voici : « A-t on appliqué, partout où elle était praticable, » l'irrigation à l'amélioration des prairies? — Quels sont » les travaux récents les plus remarquables en ce genre ? » Sur la première partie de la question, la réponse a été : S'il ne s’agit que de la Bretagne, tout y est encore à faire en matière d'irrigation , car on n’y connaît qu'un petit nombre d'essais à cet égard. — Dés lors une discussion s’est établie sur les moyens les plus sûrs de propager dans cette province les nouveaux procédés adoptés pour l'irri- gation des prairies. M. de Caumont pense que la configu- ration géologique du sol, en Bretagne, et la distribution des ruisseaux, présentent les plus grandes facilités pour fonder un bon système d'irrigation. Il serait à désirer que des rigoles d'écoulement soutinssent les eaux à la nais- sance des coteaux et des vallées, pour qu’elles pussent se distribuer le long de leurs parties intermédiaires : c’est ainsi que des coteaux improductifs ont été, dans d’autres pays, rendus fertiles ; que le fond des vallées , très-maré- cageuses auparavant, s’est trouvé assaini. On pourrait, en tirant parti des ruisseaux qui parcourent les petites vallées granitiques et schisteuses, donner de la vie à des terrains étendus, couverts aujourd’hui de bruyères improductives. L'intervention de l'administration des ponts-et-chaus- sées dans les opérations d'irrigation en rend souvent l’exé- cution impossible; elle entraine, en effet, une perte de temps considérable et impose des dépenses onéreuses. IL faut, pour les très-petits ruisseaux , comme pour les cours d’eau notables, obtenir un réglement précédé de nom- breuses formalités. & * M. Duchatellier s'étonne que la matière des irrigations ne soit pas encore attribuée au ministre de l’agriculture, qui saurait, sans doute, renoncer aux formalités dont SEIZIÈME SESSION. 193 l'importance ne serait pas bien établie. Quelques membres parlent des difficultés qu'ils ont entrevues lorsqu'ils son- geaient à faire des irrigations. L'administration devrait faciliter le dégagement des eaux vicinales, au profit des particuliers ; elle devrait laisser aux comices agricoles plus de latitude pour les distributions d'encouragement ; elle devrait songer à rendre applicable aux irrigations la loi d’expropriation relative aux desséchements. M. de la Villethassetz mentionne quelques travaux re- marquables exécutés dans les prairies du canton de Fou- gères (Ille-et-Vilaine), travaux qui peuvent être assimilés a des irrigations, puisqu'ils ont procuré aux prairies, nive- lées avec un soin tout particulier, une égale répartition des eaux. M. de Genouillac cite des travaux pareils exécutés, avec succès, dans les prairies que possède M. d’Andigné de la Châsse, membre de l’Assemblée nationale, aux envi- rons de Montfort-sur-Meu. M. le Président fait connaître que des irrigations proprement dites, opérées avec méthode, existent dans le département du Finistère , et que des irri- gations semblables se font remarquer dans certaines par- ties du département de la Loire-Inférieure. L'exemple est donné ; on peut espérer qu'il sera suivi. Sur une observation de M. Marteville, relative à l’opi- nion émise par le Conseil général du département d’Ille-et- Vilaine, au sujet de l'irrigation, M. Hardoüin fait observer que ce genre d'amélioration semble être de peu d’impor- tance, ou d’une importance secondaire pour ce département, et que le Conseil général pouvait craindre, en votant autre- ment qu’il n’a fait, de préjuger incidemment la question très-grave de centralisation. Aucune idée de mauvais vou- loir ne saurait lui être attribuée. La note suivante, adressée au Congrès par M. Neveu Derotrie , fait connaître un beau travail d'irrigation, exé- cuté ee peu d’années dans le département de la Loire- Inférieure. ” 194 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. FERME-ÉCOLE D'IRRIGATION. Exploitation de M. Davesnes, à Gorges, pres Clisson { Loire-Inférieure ). “Parmi les travaux qui tendent à élever notre agriculture au degré de prospérité auquel elle peut aspirer,, les irrigations tiernent un des pre- miers rangs, en raison de leur influence sur la production fourragère. Cependant , nous le disons à regret, celte pratique est peu répandue, ou, pour mieux dire, elle est exécutée , dans la plupart de nos fermes, avec une négligence qui atteste combien nos cultivateurs ont besoin d’être éclairés, par une instruction spéciale, sur les faits les plus inté- ressants dé l’industrie agricole. Frappé de cette pensée, un agronome distingué du département de la Loïre-Inférieure s’est livré, depuis quelques années, à une élude ap- profondie dés divers systèmes d'irrigation , et les succès qu’il a obtenus : ont dépassé toutes ses espérances. De vastes et riches prairies ont rem- placé des terrains stériles, que, dans leur ignorance, les cultivateurs voisins regardaient comme devant resler éternellement improductifs. Il n’a fallu pour cela que de l'intelligence et une main-d'œuvre bien diri- gée. La production est aujourd’hui si extraordinaire, qu’elle semble tenir du prodige ; et, cependant, il n’y a pas une ferme qui ne puisse obtenir des résultats analogues à peu dé frais. M. Quentin Davesnes a donc rendu déjà un immense service au pays ; mais là ne doivent pas se borner ses efforts. Nous avons l’espérance que M. le ministre de l'agri- culture, prenant en considération la nécessité de donner un grand dé-. veloppement à l’instruclion pratique des irrigalions, érigera l’exploita- tion de M. Davesnes en ferme-école , et ce ne sera certainement pas une des moins utiles. M. Davesnes a compris que les irrigations devaient être , au point de vue d'étude, envisagées sous plusieurs faces , correspondant aux res- sources dont le cullivateur peut disposer. Il a compris que si l'on n’a pas dans toutes les localités la possibilité d’user des cours d’eaux vives, des ruisseaux, des rivières, on a tout au moins celle de tirer un. ex- cellent parti des eaux mortes, des eaux pluviales, des eaux qui sur- abondent dans les champs ensemencés , de celles qui dérivent des vil- lages , et, se répandant sur les chemins, les rendent de véritables cloa- ques. Sa propriété est placée dans des conditions telles, qu'il a pu ex: périmenter les irrigations sous tous ces rapports, et, partout, les faits _ justifient ses théories. Quoiqu' il soit difficile d’en faire concevoir une juste idée au moyen d’une Simple description, nous allons essayer de faire connaître com- ment il a procédé dans les différents cas. On comprend tout d'abordique la base fondamentale d’un système quelconque d'irrigation repose sur SEIZIÈME SESSION. 195 une appréciation exacte du NS MOTTE C se là le point dé départ in- dispensable. M. Davesnes a divisé ses TL en trois parties distinctes: 4° Irri- gations des prés inférieurs par les eaux vives d’un ruisseau ou d’une ri- vière ; 2° irrigation des prés. intermédiaires par les eaux pluviales, les eaux mortes des mares, abreuvoirs, lavoirs ou routoirs ; 5° irrigation par les eaux provenant des champs cultivés, desquels elles entraînent toujours des matières animales où des sels minéraux d’une grande ri- chesse. Ce dernier mode-est applicable aux prés les plus élevés. $ 1°. — Irrigation par les eaux vives d'un ruisseau. Lorsqu'il s’est agi d'employer à l'irrigation les eaux d’un ruisseau, des barrages aussi simples qu'ingénieux les ont fait refluer vers des ca- naux à ciel ouvert, disposés de manière à les porter à la plus grande di- slance possible, en ménageant les moyens de les faire déverser, selon les besoins, soit par nappes, soit par filets. Mais des difficultés de ter- rain se présentent : tantôt c’est un bas-fonds de l’autre côté duquel l’eau ne saurait parvenir par les moyens naturels; tantôt c’est un chemin plus élevé qu’il faut traverser, tantôt une colline, etc. M. Davesnes a paré à tous ces inconvénients : dans le premier cas, des aqueducs en planches de sapin recoivent les eaux au sortir du canal et les portent à l’autre côté du bas-fonds, où la distribution s'opère dans de nouvelles rigoles pourvues également de barrages à clapet, que l’on ouvre ou que l'on ferme à volonté. Ici, il fait usage du drainage, pour rendre l'infiltration facile ; là, il contourne les collines et semble céder aux exigences d’une pente naturelle ; mais bientôt, par un brusque retour, il force l’eau à franchir l'obstacle et la maitrise à son gré. C’est ainsi que plus de qua- rante hectares, qui, depuis des siècles, ne produisaient rien, ont été convertis en prairies d’une fécondité remarquable. S 2. — Irrigation par les eaux mortes et les eaux pluviales. Si les travaux faits par M. Davesnes, pour tirer tout le parti conve- nable des eaux courantes, sont de nature à démontrer les immenses avantages de ce système, ceux opérés pour l'irrigalion par les eaux mor- tes, par les eaux pluviales et les égoûts des cours, sont plus intéres- sants encore, peut-être en raison de la généralité de leur application. Tout est coordonné pour arriver à un résultat complet : disposition inté- rieure des étables pour donner la plus grande quantité de purin , sans qu’il en soit perdu aucune partie ; direction donnée aux eaux des toits et aux eaux ménagères ; réservoirs alimentaires pour les répartir dans les rigoles d’arrosement; dimensions des canaux appropriées à la masse 196 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. disponible des eaux; contours pris pour les conduire sur les points les plus élevés ; barrages pour le maintien ou l’exhaussement de leur niveau, rien n’est oublié dans ses combinaisons. M. Davesnes a souvent pris la nature pour guide. Les emprunts qu'il lui fait sont loujours calculés de telle sorte, que l’art semble n'avoir qu’une faible part dans ces tra- vaux, et cependant l’art ou plutôt le raisonnement a tout fait. Dans les sols légers et perméables, il sait retenir l'humidité aussi long-lemps que peut le perfnettre la facilité d'évaporation. Dans les sols compactes et naturellement humides, il favorise l'écoulement des eaux, qui n’y de- meurent que le temps strictement nécessaire pour déposer le limon et les parties fertilisantes qu’elles tiennent en suspension. $ 3. — frrigation par les eaux qui surabondent dans les champs ensemencés. « Donnez-moi cinq hectares de terres labourables , nous disait un jour M. Davesnes , et, avec les eaux de quatre, je convertirai le cinquième en excellente prairie ! » Nous l’avouerons, nous doutions nous-même de l’exactilude de ce fait, tant il nous paraissait extraordinaire ; aujourd’hui, nous sommes forcé de nous rendre à l'évidence : nous avons vu des prai- ries élevées sur unsol aride, pourvues d'une fraicheur et d’une abondance de végétation vraiment surprenantes, et nous avons acquis la preuve que l’assertion de M. Davesnes, loin d’être exagérée , est au contraire au dessous de la vérité. C'est la même méthode que dans le cas pré- cédent , à laquelle M. Davesnes ajoute parfois la réunion des eaux dans un réservoir spécial où elles achèvent d'acquérir le plus haut degré de puissance fertilisante. Sans doute, dans ces deux derniers modes, les eaux sont beaucoup moins abondantes que dans le premier; mas la quantité est compensée par une plus grande richesse, et, en fin de compte, les résullals sont les mêmes. . Tout le monde sait que la meilleure agriculture est celle qui donne le produit net le plus élevé et le plus durable : pour obtenir ce résultat, le premier moyen à employer est de diminuer, autant que possible , le chiffre des dépenses. Au point de vue des irrigations, ce problème est complètement résolu par la méthode de M. Davesnes : nous avons parlé de ses aqueducs en planches ; il n’est pas possible d'exécuter de grands travaux avec moins de frais, et si leur durée n’est pas illimilée, nous pouvons affirmer qu’elle est plus que suffisante pour donner de beaux bénéfices. Nous avons vu des aqueducs qui existent depuis plusieurs années, et sont encore aujourd'hui dans un parfait état de conserva- tion, sans avoir eu besoin d'aucune réparation. Ke Ce que nous venons de dire est plus qüe suffisant, sans doule, pour démontrer l'importance de l'instruction pratique dirigée vers les SEIZIÈME SESSION. 197 irrigations, non pas Seulement celles que l'on peut opérer avec les-cours d'eaux vives, mais aussi celles qui sont à la portée de tous les cultiva- teurs, dontils ont les éléments sous la main, et dont ils ne savent généra- lement pas faire usage. Que l'on juge de l’accroissement des ressources qui sera la conséquence nécessaire dû développement de cette instruc- tion par les résultats obtenus par M. Davesnes : dans presque tous ses prés, quelle que soit leur position, quel que soit le mode d'irrigation qu’il leur ait appliqué , il coupe l’herbe depuis deux fois jusqu’à six fois dans l’année ; il yena même où la coupe n’a été interrompue que “M dant quatre jours dans l'hiver de 1848 à 1849. Nous le répétons avec conviction : nous regardons comme d’un haut intérêl pour l'avenir de notre agriculture, l'établissement d’une ferme- école dans laquelle l'étude spéciale des irrigations serait l’une des par- ties prédominantes de l’instruclion, et pour cela nous né connaissons pas d'exploitation située dans des conditions plus convenables ni d'homme plus capable de la diriger. Au langage des faits, il n’y a aucune objec- tion possible. Il est donné lecture du mémoire adressé au Congrès par la Société d'agriculture, sciences et arts de la Sarthe , pour concourir à la solution de la sixième question. DES IRRIGATIONS DANS LE DÉPARTEMENT DE LA SARTHE. (M. de Hennezel, ingénieur ordinaire du service hydraulique de Es Sarthe, rapporteur, 20 août 1849.) Parmi les questions proposées par le programme de la XVII‘ Session du Congrès scientifique de France se trouvent les suivantes : y A-t-on appliqué, partout où elle était praticable, l'irrigation à l’a- >» mélioration des prairies? Quels sont les travaux récents les plus re- » marquables en ce genre? » “L'objet de ce rapport est de présenter quelques renseignements sur ces questions , en ce qui concerne le département de la Sarthe. Il se compose de deux parties : la première est relative à l’état actuel des irrigalions dans chacun des quatre arrondissements du département; la seconde, aux mesures prises par l'administration pour {favoriser l'exten- sion de tous les travaux hydrauliques d'utilité agricole. 1 — Etat actuel des irrigations. 1. — Arrondissement du Mans. Les irrigalions les plus importantes et les plus remarquables de tout le département sont celles qui ont élé créées par. M. Charles Thoré dans T. Le 26 198 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. sa propriété de l'Epau, communes de Pontlieue et d'Yvré-lEvêque, Elles ont été commencées en 1835 et en 1836. Deux chutes motrices , ali- meñtées par un bras de la rivière de l'Huisne, ont été consacrées à éle- ver des eaux d'arrosage, au moyen de roues de côté portant des godets sur l'une des joues de la couronne. Ces deux roues, de même force, élevaient ensemble 36 litres par seconde , et n’étaient mama dans l'origine, qu'à l'irrigation de 13 hectares de lerrain. 14 Avant l'irrigation , la moyenne de la production de cinq années (851 : 1835) a été de 2,850 kilogrammes de foin par an et par hectare; d’a- près la moyenne de treize années (1836-1848), l'irrigation a porté le pro- duit (en première coupe) des mêmes terrains à 4,927 kilogrammes par an et par hectare. 11 y a donc eu une augmentation de plus de 4,000 ki- logrammes , ou de.73 pour 0/0, et cela indépendamment des regains , qui étaient nuls avant l'irrigation, et qui, pour une parlie de ce terrain, donnent presque autant que la première coupe. Encouragé par les premiers résultats, M. Thoré a étendu peu à peu l'irrigation à une plus grande surface. Le volume des eaux élevées de- venant alors insuffisant, il y a joint des eaux de sources, recueillies et dirigées avec une entente remarquable de l'aménagement des eaux. En- fin, en 1848, les godels de l’une des roues ont été remplacés par une roue latérale à palettes droites (flash-wheel des-Anglais), du mème genre que celle de la gare de Saint-Ouën; elle est montée sur l'arbre de la roue motrice, et fournit à elle seule 60 à 70 litres d’eau par seconde. Au moyen de loutes ces eaux, l'irrigation est maintenant établie sur 54 hectares, et s'étendra bientôt sur 64 hectares de prés naturels et de ‘champs. peu productifs convertis en bonnes prairies. Pour donner une idée de l'importance des travaux d'aménagement des eaux, il suffira de dire que les rigoles principales , ou rigoles du premier ordre, forment déjà une longueur de 5,500 mètres, sans compter les rigoles alimen- taires et les’rigoles de déversement (ou rigoles du deuxième et du troi- sième ordre), dont la longueur est encore beaucoup plus grande. né ” Tels qu’ils existent, les travaux de M. Thoré peuvent être cités comme un modèle d’irrigalion, et l’on ne saurait trop engager les personnes qui voudraient faire de semblables entreprises à les visiter. Elles y trou- veront des enseignements uliies sur les difficultés que l’on peut avoir à combattre, et qui étaient grandes dans une localité où l’art des irriga- tions élait inconnu, où l’on a eu à construire des machines nouvelles pour le pays, à établir de grandes rigoles à travers des terrains sablon- neux éminemment perméables , et à former des ouvriers à la conduite pratique des arrosages. Les visiteurs y trouveront en même temps la plus bienveillante obligeance pour acquérir des données précieuses sur tout ce que l'expérience a fait reconnaître d’ulile ou de dangereuxdans les travaux d'irrigation. C’est sous la direction de M. Thoré qu'a été SEIZIÈME SESSION, 199 initié à ce genre d'opérations l’agent qui est aujourd'hui chargé dans la Sarthe de l’emploi-d'irrigateur départemental. Sur le territoire même de la ville da Mans, M. Rocher a entrepris, en 1842 , dans sa propriété des Courbes, une irrigation qui, bien que faite sur une petite échelle, est cependant très-digne d'intérêt. N'ayant à sa disposition ni force motrice, ni cours d’eau proprement dit, M. Rocher est cependant parvenu, en dirigeant convenablement les eaux qui alimentent de simples fossés après les pluies, à pratiquer des arrosages de printemps, el à apporter de notables amélioral:ons à sa propriété. Il a pu convertir ainsi en prairie 11 hectares de champs d'un faible rapport, et en y. réunissant un pré de 5 hectares, il a formé une belle prairie irriguée de 16 hectares d’élendue, qui vient encore de produire (1849) près de 5,000 kilogrammes de foin par hectare ,-en première coupe. La dépense première pour l'établissement du réser- voir, des rigoles et des levées, et pour la préparation et l’ensemence- ment, a été de 42,000 fr. environ. Le produit net de l’ensemble du ter- rain, qui n’était que de 800 fr. à 1,000 fr., est maintenant de 2,400 fr. à 3,000 fr. ; mais une telle augmentalion , avec la faible quantité d’eau dont M. Rocher dispose, ne doit peut-être pas être attribuée à l’irriga- tion seule , et parait être due en partie au fait même de la conversion des champs en prairie. M. Mousseron a établi, en 4843, une irrigation sur des prairies situées dans les communes de Fillé et de Moncé-en-Belin , en faisant une prise d'eau sur le ruisseau du Rhône. Les arrosages:sont appliqués à 25 hec- {ares de terrains appartenant à M. Mousseron ,.el ils sont encore éten- dus au-delà de sa propriélé à 15 hectares appartenant à d’autres pro- priélaires. Les résultats en sont extrêmement avantageux ; le produit, quiétait de 3,000 kilogrammes de foin par hectare, s’élève maintenant à 7,000 kilogrammes , du moins dans la partie du terrain où les effets de l’arrosement ont été le plus sensibles. A la ferme de la Pellerinière , appartenant à M. Royer, dans la com- mune de Brains , M. Chanteau , fermier, ayant fait percer à une faible profondeur, pour le creusement d’un puits domestique, un banc dur de 40, centimètres environ , l’eau à jailli avec assez de force pour venir couler à la surface. M. Chanteau a dirigé cette eau le long d’un chemin sur une prairie de 250 ares environ. Cette prairie, qui produisait à peine 3,000 kilogrammes de foin avant l’irrigalion , donne moyennement au- jourd’hui plus de 8,000 kilogrammes en première coupe. L’arrondissement du Mans présente encore quelques autres exemples d'irrigations : ce sont notamment celles de M. Ozou, à Neuvillette, effec- luées au moyen d’eaux de sources et d’eaux pluviales-aménagées avec beaucoup d’habileté ; celles de.M. Girard , à Coulaines, pour-lesquelles on a profité d’une prise d’eau faite sur le ruisseau de la Gironde , et 200 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. celles qui ont été établies; depuis très-long-temps, au moyen.de saignées et de rigoles, par M. Gebert, fermier. de M: Masson-Bauceron., au Grand-Coup-de-Pied , commune de la Chapelle-Saint-Aubin, « Nousne possédons pas encore de renseignements. résin sur l’impor- tance el le succès de ces entreprises. HE 2, — ÉEONAER de Mamers. © L'rrigation la plus ancienne de cet arrondissement , parmi “celles où Von fait usage d’un moteur, se trouve chez M. de Perrochel, à Carrouge, commune de Saint-Aubin-de-Locquenay. L’arrosage d'un pré de 16: à 17 héclares est obtenu à l’aide d’une roue à godets mue par les eaux de la Sarthe. Suivant là déclaration du fermier de cette prairie, Virriga- tion a donné lieu à une augmentation de produit qui est au moins de 1,500 fr., ou de 90 fr. par hectare. Une irrigation très-belle a été créée par M. d'Angely, dans sa terre de la Bussonnière, commune de Maresché. Une roue à janie creuse , établie sur le même arbre qu’une roue de côté , et mue par une dériva- tion de la Sarthe, peut élever jusqu’à 40 litres par seconde. Les rigoles d'arrosage permettent déjà d’irriguer 18 hectares de prairies ‘de créa- tion récente et deux champs d’une surface réunie de 7 héclares. L'on doit les prolonger encore pour conduire les eaux sur 9 hectares de prés, ce qui formera un ensemble de terrains irrigués de 34 hectares. Les dépenses de premier établissement ont élé assez élevées, à cause des soins, et même d’un certain luxe, apportés tant dans les constructions que dans la confection de canaux et rigoles, qui sont un embellisse- ment réel pour le parc de la Bussonnière. Mais, d'après la récolte de la première année, M. d’Angely évalue à plus de 100 fr. par hectare l’aug- mentation de produi! qu'il devra à l'irrigation des prés qu'il. a formés, Les arrosages ont aussi très-bien réussi sur des chanvres, des haricots, des pois., etc. Des essais faits sur des pommes de terre ont donné des résultats très-variables, avantageux sur quelques points, nuls et même tout à fait contraires sur d’autres. En général, les effets des irrigations: ontété moins bons en 1849 qu’en 1848, ce que M. d’Angely attribue à ce que l’été n’a pas été aussi sec, et aussi à ce que la végétation aclive, provoquée en 1848 par les arrosages, eût exigé que le {crrain sp en- suite une certaine dose d’engrais. Les près de M. d’Angely méritent d'être cités pour r l'excellent che: des graines qui ont servi à l'ensemencement. Une partie des champs irrigués l’année dernièré ont été cultivés cette année en bre et ontdonné une très-belle récolte. à RAS! Dans la commune d’Oisseau, M. Emery, fermier à puinisiegenine sur'uneprairie de 6 hectares environ, des-eaux dérivées des ruisseaux SEIZIÈME SESSION. 264 de la Fontaine et de Raudoin; il utilise également avec beaucoup d'in- telligence les eaux pluviales qui coulent le long des chemins et celles qui traversent ses cours. Enfin, il a commencé des desséchements qui ne sont pas moins intéressants. Ces travaux sont encore trop récents pour que les résultats puissent en être indiqués ; mais'ils font d’au- tant plus d'honneur à celui quiles a entrepris, que, simple fermier, il n’a eu pour se guider ni les enseignements de la science, ni le secours d'instruments précis, et que les sacrifices que ces travaux exigent de sa part dénotent chez lui une entente remarquable des progrès de l’a- griculture. à É L’on citera encore, inais sans avoir de détails à présenter , des irri- gations assez anciennes qui se trouvent chez M. Cohin, à Sceaux, où les eaux sont prises dans le bief supérieur du moulin de la Rochette, sur l’Huisne ; chez M. de Bonnières, à Brelleau, commune de Beillé, où l’on fait également usage des eaux de l'Huisne ; chez M. Leprince, à Saint-Thibauld , commune dé Saint-Germain-de-la-Coudre , et chez M. Bérard de Louviers, à la Barbière, commune de Piacé. Ces deux dernières irrigations sont alimentées par des retenues établies sur le Rosai-Nord. Enfin , l’on prépare en ce moment l'irrigation d’une prairie de 3 hectares environ , dans une propriété de M. de la Pommeraye, commune d'Assè-le-Riboul : l’eau est prise dans le ruisseau de Souscy, un peu en amont du moulin du Bas-Possé , et dirigée sur le terrain à irriguer par un syphon renversé qui passe sous un chemin. 3. — Arrondissement de la Flèche. “Vers la fin de l’année 1848, M: Destriché a commencé une belle entre- prise d'irrigation dans sa terre de Civase, commune du Lude. Les eaux sont fournies à la fois par une dérivation du Loir et par le ruisseau de Riz-Qui. Elles sont élevées à une hauteur convenable par une roue à jante creuse, du même genre que celle de M. d’Angely. L’irrigation S'étendra sur 50 hectares, dont 40 hectares de prairies. Quoique le pro- jet’ne soit encore qu’en partie exécuté, M. Destriché obtient déjà de bons résultats. C’est ainsi qu’un sol de graviers, ne produisant jusqu’à présent que de mauvais seigle, présente aujourd’hui une luzerne qui est, en quelques endroits, à sa quatrième coupe, des carottes cham- pêlres qui promettent beaucoup , ainsi què des choux, de Forge et de l’avoine. Près de là un terrain sablonneux et sec, qui était presque sté- rile, suffit depuis quelques mois à nourrir quinze têtes de bétail. Dans une propriété appartenant à M°° de la Girouardière, commune d’Avoise , il existe une irrigation alimentée par une roue à godets ana- logue aux anciennes roues de M. Thoré. L'on n’a pas encore pu re- cueillir de renseignements exacts sur ces travaux d'irrigation. 202 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. 4, — Arrondissement de Saint-Calais. ns n’a aélé sienolés jusqu'à présent, aucune entreprise d'irrigation dans cet arrondissement. Les renseignements qui précèdent sont loin de présenter. l'énuméra- tion complète des irrigations existantes dans la Sarthe. Ce n'est encore qu’un essai de statistique, dans lequel on s’est borné à comprendre les travaux les plus importants ou les plus remarquables. Il existe, en outre, un grand nombre de petites entreprises d'irrigations, principa= lement dans toute la région occidentale du départèment qui longe le dé- partement de la Mayenne. Le sol plus accidenté de celte région, située à la limite des terrains primordiaux et des formations secondaires, se prête plus facilement à ces opérations , et on les exécute généralement avec habileté et avec succès. Une mention particulière doit être faite ici des environs de Sillé-le-Guiaume, où les cultivateurs mettent beaucoup de soins à recueillir les moindres filets d’eau, et à les diriger sur.leurs terrains. On ne saurait trop recommander de semblables travaux, parce que, exigeant peu d’avances, ils sont à la portée du plus grand nombre, et qu'ils ont d’ailleurs le double avantage d'augmenter les productions agricoles, et d’exercer une influence utile sur le régime des cours d’eau. IT. — Mesures prises par l’administration pour favoriser l'extension des travaux hydraulignes d'utilité agricole. Des l’année 1845, le Conseil général du département a arrêté, sur la proposilion du Préfet, la création d’une agence spéciale des cours:d’eau non navigables. L'objet de cette institution était, 1° d’empêcher, autant: que possible, les débordements et la stagnation nuisible des eaux; 2° de diriger de la manière la plus utile l'emploi des eaux , considérées soit comme force motrice, soit comme agents fertilisants: La première partie de ce programme est la seule dont on se. si 0c- cupé au début. Il devaiten être ainsi. Depuis douze à quinze ans:sur- tout, des inondations de plus en plus fréquentes souillaient les:récoltes: en foin d’un grand nombre de vallées de la Sarthe, el occasionnaient des pertes qui ont été évaluées moyennement à plus d’un million de francs par an pour Kensemble du département. Il convenait donc, avant tout, de chercher les moyens d'empêcher les eaux de nuire; suivante devoir i srl aux séinieelions départementales par la loi da 20août 1790... ea , L | LES AGE Dans ce but, cie départementale s’est appliquée d'abord à pro- curer le. libre écoulement des eaux. Des usages locaux ; CONSacrés par Un arrêté. du Conseil général de la Sarthe en date du 30 janvier 1793,.et. SEIZIÈME SESSION. 9293 par la loi du 14 floréal an XI, déterminaient les obligations des riverains, en ce qui concerne les cours d’eau. L'institution d'agents spéciaux a permis d'accroître, d'année en année, l'importance de ces travaux, et d’en assurer la bonne exécution. Mais de simples curages étaient insuf- fisants pour remédier au mal que l’on avait à combattre ; en sorte que l'on était conduit en même temps à préparer des réglements spéciaux pour la police des eaux, à entreprendre des études d'ensemble pour la réglementation des usines établies dans une même vallée , à proposer Pinstitution de garde-rivières , à provoquer l’organisation de syndicats chargés de représenter les riverains et les usiniers vis-à-vis de l’admi- nistration, et de répartir entre eux toutes les dépenses qui seraient faites dans un intérêt commun ; enfin à étudier des projets de travaux d’amé- lioration , consistant en redressements , élargissements et creusements de lits. Ces divers objels exigent des opérations minutieuses et de longue ha- leine. De grands résultats ne sauraient donc être immédiats ; mais, du moins , ‘impulsion est donnée, et le service fonctionne avec régularité, et aussi activement que le permet le petit nombre des agents dontil se compose. Il restait à organiser le service de l'agence, de manière à utiliser con- venablement les eaux des cours d’eau, et, suivant les termes mêmes de la loi de 1790, à les diriger autant que possible vers un but d’intérét général, d’après les principes de l'irrigation. Cette partie importante et trop négligée de la tâche imposée par la loi auxadministrations départementales, a fixé toute l’atlention du Conseil général de la Sarthe , et il y a pourvu, dans sa session de 1848, en vo- tant une allocation spéciale pour qu’un irrigateur praticien fût adjoint aupersonnel de l’agence départementale des cours d’eau. Enfin, par un arrêté du16 février 1849, le préfet de la Sarthe a complété cette utilein- stitution en créant une commission hydraulique départementale, à l’instar de la commission hydraulique centrale établie par le ministre des tra- vaux publics. La commission départementale a pour mission de consta- terl'état actuel desirrigations dans le département ; de signaler les étu- des qu’il conviendrait de faire; de provoquer et d'encourager les travaux d'irrigations et de desséchements; d’aider les propriétaires de ses conseils et de l'expérience déjà acquise par ses membres ; d'enregistrer les ré- sultats qui seront successivement cbtenus, en se rendant compte des circonstances favorables ou désavantageuses qui y auront contribué , et d'éclairer l'administration sur toutes les questions relatives à l’aména- gement des eaux, en vue des intérêts agricoles du pays. Des membres correspondants, qu’elle-a désignés dans tous les cantons, lui facilileront l’accomplissement de ces diverses tâches. Grâce à ces différentes mesures, dont l'initiative libérale appartient 904 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. au Conseil général et aux administrateurs de la Sarthe , de grandes fa- ‘cilités sont maintenant données à lous les propriétaires qui.veulent en- ‘reprendre des travaux hydrauliques d'utilité agricole. Sur leur simple demande, et sans aucune dépense de leur part, des agents exercés sont chargés de faire la visite de leurs terrains , ei de préparer, s’il y'a lieu, “des projets d'irrigations ou de. desséchements. Ces projets sont souris ‘à la commission départementale , qui donne son avis sur les conditions de réussite ou d’insuccès qu'ils présentent, de peur que l'avenir des ir- “rigations ne soit compromis par des essais imprudents ou mal dirigés. Lorsque les projets sont jugés avantageux , les propriétaires intéressés peuvent encore, s’ils le réclament , obtenir le concours gratuit des agents départementaux, pour la direction des travaux et la conduite pratique ‘des premiers arrosagés. L'on arrivera cerlainement ainsi à propager l'art desirrigations. Beaucoup de propriétaires, qui étaient disposés à exécuter de semblables travaux , se trouvaient arrêtés par les incérti- tudes qu’ils éprouvaient sur la convenance, pour leurs terrains , d'un système d'arrosage , autant que sur la manière d’opérer et: sur les dé- penses qu'ils auraient à faire. Ces difficullés n'existent plus pour eux, au moyen des avantages dont l'administration est aujourd'hui enmesure de les faire profiter. Déjà l'agence des cours d’eau a contribué pour une certaine-part à l’étude et à l’exécution des lravaux ; cités plus haut, de MM. d’Angely, Destriché, Girard et de la Pommeraye. Elle prépare de nouveaux projets, et son concours prendra plus d'extension, à mesure que la nouvelle institution sera plus connue daris le département. ” L'ensemble des dispositions qui ont été prises dans le département de la Sarthe à obtenu une éclatante approbation de là parttde ladmi- nistralion supérieure. Une circulaire du ministre des travaux publics, du 17 novembre 1848 ; a en effet décidé la création, dans chaque dépar- - tement, d’un service hydraulique spécial, el les termes mêmes de - celte circulaire établissent que , sous plusieurs rapports, le Conseil gé- néral de la Sarthe était allé au delà des vues de l'administration cen- trale. Par suite de la décision du 17 novembre dernier, l’a agence dépar- tementale des cours d'eau de la Sarthe est maintenant érigée en service public, et, aussitôt que l’organisation en aura été complétée, avec le concours de l'Etat et du département , ce service avancéra plus sûre- ment encore dans la voie de progrès qui lui est ouverte, el sera appelé ‘à rendre de plus grands services, LUC la haute direction qui ‘émanera ‘du ministère des travaux publics. NS Les mesures les plus récentes , adoptées dans la Sarthe’, bis. ment été appréciées avec faveur par les hommes les plus éohipéents. Dans la dernière session du Congrès central d’ agriculture (juin 4849), M. d’Esterno , rapporteur de la commission des eaux, hs __—— à ce Sujet, dans les termes suivants : SEIZIÈME SESSION. 905 «Nous ne lerminerons pas sans appeler votre attention sur les sages »dispositions prises en faveur de l'irrigation par le préfet de la Sarthe. » Il'a institué un irrigateur départemental, assisté d’une commission > départementale , composée de membres de la Société d'agriculture, » de conseillers généraux , d'ingénieurs et de propriétaires de terrains > irrigués. Cette commission donnera son avis sur-Lout ce qui peut inté- » resser l'irrigation et en favoriserle développement public ou privé ; elle » élucidera les questionsobseures ,éclairerales cultivateurs quiauraient » plus de bonne volonté que d'expérience , et signalera les fautes qui, » jusqu'ici, sônt restées couvertes d’un voile. De semblables institutions » ne sauraient être trop multipliées; honneur à M. Pance, préfet de la » Sarthe, qui, le premier, en a donné l'exemple. » Nous devons rendre hommage aussi au conseil général éclairé, qui, au lieu d'exprimer des vœux stériles en faveur de l’agriculture, donne un appui efficace aux moyens praliques, propres à en favoriser les pro-- grès. Enfin, c’est pour nous un devoir de rappeler que le mérite de la première organisalion d’un service hydraulique spécial appartient à M. Mancel, alors préfet du département, et de reconnaitre ici que, s’il nous a été donné à nous-même de contribuer un peu à l'impulsion qu’a recue dans la Sarthe la question de l’aménagement utile des eaux, nous le devons à la marche tracée dès le principe par cet.éminent-:adminis- trateur et aux vues qu’il nous avait confiées. La première condition, pour que les moyens adoptés portent leurs fruits, c’est qu'ils soient connus et mis en œuvre dans tout le départe- ment. Nous réclamons , à ce sujet, le concours obligeant de tous nos collègues de la Société d’agriculture , sciences et arts de la Sarthe. Le développement de la richesse agricole importe essentiellement à Ja prospérilé du pays ; tout lé monde le reconnaît. Il n’est pas moins in- contestable que, pour atteindre ce but, il faut surtout augmenter la production des fourrages, afin de nourrir plus de bestiaux, d'obtenir plus d'engrais , et d’accroitre la. fertilité des lerres arables. L'irrigation des terrains secs , le colmatage des sols maigres el l'assainissement des terrains marécageux concourront à Ja fois à ces résullats. Mais là nese bornent pas les avantages que le département doit reti- _rer de la voie dans laquelle il est entré. À mesure que les exemples de travaux d'irrigation se mulliplieront, l’utilité en sera plus généralement appréciée ; après les entreprises isolées ; l’on arrivera à former des as- Sociations de propriétaires, pour opérer sur une plus grande échelle, et créer des irrigations que l'ignorance ou l'incurie de quelques-uns et la division des propriétés rendent aujourd’hui impossibles. L'on s’appli- quera en même temps à retenir, par des rigoles horizontales , les eaux T, I, ; 27 206 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. pluviales qui descendent sur le flanc des collines (1); à diriger utile- ment celles qui coulent le long des chemins , et à reueillir dans des re- servoirs arlificiels les eaux des petites vallées latérales de nos cours d’eau. La conséquence du développement qui sera imprimé à ces tra- vaux-sera qu’au moment des grandes pluies , les eaux pluviales n’afflue- ront ni aussi promptement, ni aussi abondamment dans les vallées principales: En appliquant les eaux aux besoins de l’agriculture, l'on aura donc travaillé ; de la manière la she efficace, à: dimipunts les inon- Asions (2). 2. + Ce n’est pas tout encore : les eaux nusibles étant sur nat de - doit ralenties dans leur cours , s’infiltreront en plus forte proportion dans le sol, et, comme c’est cette infiltration qui alimente les sources , lon tendra à la fois à diminuer le produit des ruisseaux pendant les crues , et à l’augmenter pendant les sécheresses ; en sorte que l’indus- trie retirera aussi sa part d'avantages de cet ensemble d'améliorations. . Telles sont, en peu de mots, les principales considérations qui jus- tifient les mesures prises dans notre département, et qui appellent sur la question du bon aménagement des eaux l'intérêt et la coopération de fous les hommes sincèrement dévoués au bien du DAYS M: le Président lit la septième question , ainsi conçue : « Quelles sont les qualités fertilisantes comparées des rüis- » seaux qui sortent des couches granitiques ou du grès » quartzeux; qui coulent sur les schistes ou phyllades, ou » sur d’autres terrains ? — La longueur du parcours des » rivières est-elle en rapport avec la qualité fertilisante des » eaux ? » ; M. de Caumont, s appuyant sur un een nombre d’ob- servations, croit que les eaux qui coulent sur le granit et sur le schiste contiennent plus de principes fertilisants que celles qui coulent sur le grès. Du granit au schiste , il peut même y avoir quelque avantage pour le granit. Mais la seconde partie de la question ne paraît pas encore suscep- tible d’être résolue; les éléments acquis ont besoin d’être +1» ns À F . : \ Œ \ (1, Mémoire sur la dérivation des eaux pluviales, qui entraînent les terres des sols en pente et qui inondent les vallées, par M. Barré de Saïint-Venant, Annales désreenitis “vicinaux, 1° partie, t. 4, p. 161. (Octobre 1848.) (2) Note sur les débordements des fleuves et des rivières, par M. Polonceau, p. 25. (1847.) SEIZIÈME SESSION. 207 fortifiés par des analyses chimiques soigneusement faites. S'il est naturel de penser que plus le cours d’une rivière est long, plus l’eau se trouve chargée de principes anima- lisés , le doute survient à cet égard en vue du fait que l’eau d’une rivière s’épure quelquefois par des précipités , dans telle ou telle partie de son cours. Aussi certaines ri- vières offrent-elles presque autant de principes fertilisants près de leur source que vers leur embouchure. M. de Cau- mont ajoute qu'il a donné des détails sur ce sujet dans un mémoire imprimé offert au Congrès. M. de Genouillac fait observer que l’eau d’un ruisseau coulant sur le granit ou sur le schiste est quelquefois sans qualité fertilisante ; elle peut, en sortant de terre, entrai- ner des substances nuisibles, et ne s'en débarrasser que lentement. LL"! En Bretagne, dit M. de la Villethassetz, un ruisseau, une rivière passe dans son cours sur des terrains assez divers. Les terrains parcourus fournissent des molécules d’une nature minéralogique différente , ét ces molécules , en se déposant successivement sur les terres riveraines, influent diversement sur la végétation. Ainsi s’expliquent les effets différents produits par un même cours d’eau. M. Le Gall, en suivant sur un terrain schisteux des ruisseaux qui venaient de traverser un terrain calcaire , a remarqué sur les bords une belle végétation, mais n’y a trouvé aucune des plantes spéciales au terrain supérieur , aucune plante calcicole. Il cite ce fait, sans y voir, au reste, rien de contraire à l'opinion émise par M. de la Villethas: seiz. : En déclarant la discussion terminée, M. le Président mentionne comme un modèle pour l'étude des eaux cou- rantes, le Mémoire de MM. Bobière et Moride, sur les eaux du département de la Loire-Inférieure, mémoire in- séré au tome: V de l’Agriculture de l’Ouest. La huitième question est lue : «Quels sont les grands tra- » vaux de reboisement à entreprendre en Bretagne? Indi- » quer les essences à préférer pour les différents terrains.» 20& CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. M: le Président dit que cette question a été effleurée dans la séance du 3 septembre, et qu’il existe un mémoire fort remarquable de M. Nordlinger, professeur à l’Institut agri- cole de Grand-Jouan, sur les essences forestières de la Bretagne. Le travail de ce professeur fut couronné au Con- grès de l’Association bretonne, tenu à Rennes en 18484. + M. Le Gall croit que les deux tiers au moins des landes _ bretonnes ne deviendront susceptibles de culture qu'après avoir été soumises, au reboisement. La plupart , en effet, se trouvent, par suite de la vaine pâture et de l’étrepageouen- lèvement des mottes, presque réduites au sous-sol; ibfaut les mettre à lieu d’offrir un jour au laboureur une couche suffi- sante de terre végétale. L'envahissement par le Pin Mari- time de quelques landes du littoral sud faisait comprendre que les semis d’arbres verts résineux convenaient assez bien à nos landes. On en fit sur divers points , et le résul- tat obienu recommande aujourd’hui ce moyen d’améliora- tion. Mais le choix entre les espèces ou essences , suivant la situation des lieux et la nature du terrain à boiser, n’est pas encore une chose arrêtée , et des mécomptes sont à craindre. Le Pin Maritime est un arbre du sud et du sud- ouest de la France. S'il a passé sur notre côte méridionale, et s’il peut sembler indigène à raison de la facilité avec la- quelle il se reproduüit, n'en tirons pas la conséquence qu’on peut le semer avec succès dans toute la Bretagne. Il pourra se mal développer dans l’intérieur et sur la côte septentrio- nale, car déjà, sur notre littoral sud, il n’a pas toute la wi- gueur qui le caractérise dans les pays dont il est provenu. Il ne faut pas, chez nous, lui demander des produits rési- neux. Les semis de Pin Laricio ne conviennent probable- ment qu'aux localités dont la température est douce, et qui se trouvent passablement abritées. C’est surtout aux nom- breuses variétés du Pin Sylvestre, originaire des pays froids, que nous devons recourir pour donner de la valeur à la plu- part de-nos landes. Il sera bon d’y joindre le sapin et di- vers épicéas peu sensibles au froid. Hors du littoral sud, Je Pin Maritime, sans prendre un développement satisfai- SEIZIÈME SESSION. 230$ sant, pourra être utile, en servant d’abri contre les vents d'ouest. M. Bernède indique des semis d'arbres vers faits dans les départements de la Loire-Inférieure et d’Ille-et-Vilaine, sur des landes assez étendues. Ils se composent de Pins Maritimes, de Pins Laricio, de Pins Sylvestres (Riga) , de sapins , d’épicéas , et ne paraissent avoir à craindre que l'invasion des insectes. Si les semis d'arbres verts ne ré- pondaient pas aux espérances conçues , il serait bon d’es- sayer les semis mélés. Les chênes et les châtaigniers vien- nent très-bien avec les Pins Maritimes, et s’accommodent beaucoup de l'abri que ceux-ci leur donnent pendant les premières année. Les sapins ne peuvent, comme les pins, entrer dans ces sortes de semis ; ils empêchent le dévelop- pement des essences feuillues. - MM. de la Villethassetz et de Léon disent qu'il ne faut pas oublier le robinier ou acacia , lorsqu'il s’agit d'utiliser nos landes. Cet arbre, en effet, peut être introduit avec avan- tage sur des terrains qui conviendraient peu aux arbres résineux. S’il n’acquiert pas de très-fortes dimensions , il croit avec promptitude, et son bois peut être employé pour le charronnage , pour le chevillage des navires et pour la confection des clôtures. A la différence des semis de coni- fères , les semis d’arbres feuillus exigent une préparation bien soignée.du terrain. La préparation qui semble la plus économique consiste dans l'ouverture de rigoles alterna- tives. ’ M. de Caumont parle de l'application qu'il a faite de l'a- cacia à divers usages; mais il insiste sur l'emploi des coni- fères pour reboiser les landes bretonnes. Le Pin Sylvestre, dit-il, le Laricio et quelques autres essences ne peuvent manquer de réussir, comme le Pin Maritime, dans la Basse-Bretage, cette contrée si nue, d’un aspect si àpre, et parfois si triste et_si sauvage. Par les semis d'arbres verts, le pays prendra un aspect tout nouveau et obtiendra en même temps des abris, qui seront très-avantageux pour l'agriculture. 240 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. _Neuvième question. « Serait-il important pour la Breta- » gne de substituer au battage des grains pendant l'été le » battage ‘des grains pendant l'hiver? » Plusieurs membres de la section s ’expliquent * sur le changement proposé. Le baitage des grains pendant l’ hi- ver leur semblerait préférable au battage actuel , silescül- tivateurs bretons savaient composer ces meules qui assu- rentla conservation des grains, et si les granges qu'il ils pos- sèdent étaient plus spacieuses ; mais la Bretagne n° a point assez de ressources pour songer, dès à présent, à l’agran- dissementdes bâtiments ruraux. À ces observations, M. Du- chatellier répond que les meules de grains se confection- nent parfaitement dans le Finistère, et que l'exemple donné par les cultivateurs de ce département peut très-bien être suivi; que le peu d’étendue des granges n’est pointr réelle- ment un obstacle à l'admission du battage pendant Tbi- ver, car il n’est pas nécessaire d’avoir à la fois un grand nombre de batieurs, et dès lors l'espace pour le bat age peut être assez restreint. Un membre fait observer ( qué le cultivateur dont la grange est petite peut se servir d'une machine à batire. A ce propos, l'utilité des batteurs m méca- niques est discutée. Il est reconnu que la machine mue à bras est avantageuse pécuniairement, même lorsqu” hs est prise à Jouage ; mais il est aussi reconnu qu’elle est nuisib e à la santé des personnes qui la font marcher. La machine mue par des chevaux est bien préférable. Pourra-t-on en vulgariser l'emploi, en la rendant facilement transportable, sans nuire à la perfection de son travail ? Cela est bien à désirer. Le battage pendant l'été cesserait. M. de Genouillac présente un échantillon du blé Fe Sainte- Hélène , nouvellement introduit dans le pays. La culture de ce blé paraït avantageuse. Il convient de la continuer comme essai; plus tard , elle pourra être repormanée aux Culti- vateurs: WrE + LUS éco daté ro k SEIZIÈME SESSION. 941 Séance du 3 Septembre 1849. Présidence de M. DUCHATELLIER. — M, DE LUSTRAG, Secrétaire. Le procès-verbal de la séance précédente estlu et adopté. Les quesüons n° 11 et 12, qui se trouvent à l’ordre du jour, sont renvoyées à la prochaine séance. La treizième question est mise en discussion. Elle est ainsi conçue : «Faire connaître les meilleurs moyens à em- » ployer pour améliorer le cheval breton. — Que peut-on » attendre des efforts que fait le Gouvernement, pour ob- » tenir en Bretagne des chevaux propres à la cavalerie? » -M Duchatellier, ayant pris la parole sur la question, a rappelé un rapport fait par M. Bonnefin devant l’Associa- tion bretonne , à sa session de 1846, à Saint-Brieuc, et qui se terminait par ces VŒuX : « Us Conservation des bonnes races bretonnes ; Re; ge Amélioration du régime, surtout dans le j jeune âge, et suppression du système d’empâtement, qui ne fait que relâcher les fibres musculaires ; _ » 8° Soins judicieux à done aux accouplements, qu’il ne faut pas abandonner au hasard ou à l'inexpérience , quand d’utiles agents De sans sp servir à es guider ; * » 4° Mesures ispensabres à à prendre contre les étalons rouleurs et les propriétaires d’étalons approuvés , qui don- nent à la monte d’autres chevaux que ceux nier ils reçoivent une prime; » 5° Augmentation du prix de remonte , si le ministre de la guerre veut que les producteurs de la Bretagne élèvent pour la cavalerie des chevaux plus distingués, et jusqu’à 242 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. l’âge de quatre ans; — autrement, la commission irouvera qu’au lieu d'avantages, il y a perte pour l’éleveur; » 6° Augmentation du nombre des.étalons , afin de pou- voir créer de nouvelles stations, l'éloignement étant une des causes qui empêchent beaucoup de propriétaires de bonnes jumenits d’aller les présenter aux étalons qui leur conviendraient. » M. Duchatellier ajoute que le Gouvernement, pour avoir de bons chevaux, devrait les bien payer, les payer au moins 700 fr. Les éleveurs ne reçoivent guère que 400 ou 500 fr., par suite du hénéfice que prélèvent les intermé- diaires. fé AUS M. de Léon regrette qu'il n’y ait pas de dépôt d’étalons à Vitré, arrondissement où se trouve cependant une bonne race de chevaux , très-susceptible d’être améliorée. Il vou- drait que les étalons fussent conduits successivement dans les divers cantons, afin de faciliter les montes , et qu'il y eût des primes départementales pour l'élève des chevaux. M. Hardoüin dit que le Conseil général alloue , depuis plusieurs années, une somme de 1,200 fr. pour r objet dont il s’agit, et que la partie de cette somme affectée à l'arrondissement de Rennes sera distribuée le 6 du présent mois, pendant la fête agricole annoncée par la Société d'a- griculture d’Ille-et-Vilaine. Il fait, en outre, observer qu’une somme de 200 fr. est allouée annuellement à cha- que canton, pour primes à l’agriculture, et que chaque canton est libre d’en faire l’application, soit en tout » Soit en partie, à l'élève des chevaux. M. de Genouillac rapporte qu'aucune jument n’a-été pré sentée au dernier concours de l’arrondissement de AMont- fort comme pouvant prétendre à la prime. M. Richelet indique les inconvénients qui récap les jeunes chevaux d’un travail trop hâtif. M. Amaury Dréo dit que ce travail trop hâtif auquel on les soumetestunecon- séquence du besoin qu’éprouvent la plupart des éleveurs SEIZIÈME SESSION. 243 d’en tirer quelque profit avant de les mettre en vente. La réponse de M. Richelet est que le produit du fumier, si l’a- nimal est retenu à l'écurie, et l’avantage de la vente, à rai- son du meilleur développement acquis dans le répos, doivent compenser au moins le peu de “ip qui ste se retirer de son travail. M. de Clinchamp pense qu’une grande faute a ae géné- ralement commise par les personnes qui se sont livrées à l'élève du cheval. Elles ont laissé de côté le principe qu'il existe dans chaque contrée une race d’animaux en quelque sorte primitive, appropriée à la nature du sol, à sa disposi- tion, à la qualité des pâturages, aux influences atmosphé- riques dominantes. La Bretagne a, comme toutes Îles au- tres on ne la France, ses terrains bons, ses terrains fort aussi des chevaux différents , at uns de selle, les au- tres de voiture. Les premiers n'étant pas comme les se- conds obligés de déployer une grande force, on doit s'atta- cher à leur restituer la forme, la structure et les excellentes qualités qu'ils avaient reçues, dès leur origine, dans les parties montueuses de la Basse-Bretagne. Comme ils for- ment une race én rapport de conformation avec le chevai arabe, le croisement qui leur appartient est celui de ce der- niér cheval. Les individus de l’autre race, destinés au ser- vice de la voiture, se rapprochent du cheval percheron , animal bien conformé, très-fort et très-puissant: c’est donc aveé celui-ci que doit être croisé le cheval de trait. En opé- rant aveé persistance les croisements qui viennent d’être mentionnés, on n'aura plus ces racès abâtardies, sans va- eur, et qui demandent autant de soins que les bonnes races. C’est au croisement du cheval arabe avec la jument bre- tonne de petite ou de moyenne taille qu’est due cette ex- eellente race de chevaux portant le nom de Ponef ou Po- ney-race qu'on à fait dégénérer en voulant la grandir à l’aide du cheval normand comme producteur. L'étalon de la race percheronne a la taille et la force de Ja grosse ju- ment bretonne; il Jui ést préférable par la précision et la Fate 28 244 CONGRÉS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. _ beauté de ses aplombs. par la forme de ses hanches ; par l'élévation de son garrot et par sa profondeur. de poitrine : il peut donc rendre meilleure la race des chevaux bretons destinés aux divers attelages. is 4h then Le. soin des poulainsest de la plus. grande importance, Un an après le sevrage, il faut habituer le poulain,au tra- vail, mais avec un extrême ménagement, jusqu'au moment où la force lui vient. Celui qui.est destiné à la.selle.ne.doit, à son début dans le service , être promené qu'au pas. Celui qu'on élève pour le labour ne doit, pendant la première an- née, rester que très-peu de temps dans les traits. La, nour- riture qu’on donne à ces jeunes animaux doit-être beaucoup plus en qualité qu'en quantité. Il est men bien connue, très-bien appréciée en pays étranger, et mal en France; c’est que la constitution bonne ou mauvaise du cheval, pendant touie sa vie » dépend principalement du traitement, qu’ il a reçu. dans son premier âge. fée af esrri La manière de nourrir les chevaux.n'est pas i Le commencement du mois de mai est le temps lepiuspro pre pour leur donner du fourrage vert. Avec,celte.nourri- ture, lorsqu'elle est bien administrée, ils peuvent, fournir un très-bon travail. Un usage qu'on ne peut trop, pecom- mander aux cultivateurs est celui de donner aux chevaux qui. sont nourris au vert une ration de grain, soil d'avoine , soit de vesce, mêlée avec de la paille hachée; et cela le matin, deux heures avant de les atteler, puis le soir, lors- qu'ils reviennent du travail. Cette méthode a un-double _avanlage : elle donne aux chevaux de la vigueur, etab- sorbe |’ humidité produite dans leur estomac par l’usage du fourrage vert. Ce fourrage peut être donné dans l'écurie ou dans le champ, mais ce dernien mode -est préférable . parce que le grand air convient beaucoup au cheval -Hne s’agit pas ici du cheval de maître, qui est nourri ausec toute l’année. On sait qu'il lui fant du foin raisonnable- ment, de la paille à discrétion, et des raiions. d'avoineidis- tribuées avec beaucoup de régularité. 1 Après ces.observations; M. de Clinchamp dit édiques SEIZIÈME SESSION. M5 mois sur les haras. Il croit que l’Angleterre a tiré un grand avantage de leur établissement; qu'elle n’est parvenue à produire tant et d'aussi beaux chevaux que grâce aux soins bien entendus des officiers de haras , qui déterminent les rapports , les convenances des étalons à employer pour chaque monte. En France, le choix de l’étalon est livré au caprice du maître de la jument. De là des produits très- fâcheux. M. Richelet va plus loin, relativement aux haras fran- çais : il ne les croit propres qu’à encourager des produc- tions peu désirables, pour ne pas dire monstrueuses. Aux départements seuls appartient le droit d'apprécier quels sont les étalons en rapport avec la race chévaline locale. Les dé- partements comprendraient sans doute l'importance du re- tour aux races primitives, pour l’amélioration des races qu'ils possèdent. MM. Amaury Dréo, de Clinchamp et de cotée ape quelques observations à celles qui ont été faites. Le choix des pâturages, pour les jeunes chevaux, paraît une chose importante. On attend peut-être un âge relative- ment trop avancé pour les affranchir. On les vend trop tôt. La “ri des poulains gear sont élevés hors du > natal. M. le Président après avoir résumé la discussion, lit la quatorzième question : « La Bretagne doit-elle conserver » avec soin sa race bovine , ou songer à la modifier par l'in- » troduction dans le pays des races suisse” anglaise 0 ou au- » tres?» M: Bernède, obtenant la parole, expose les différences qui existent entre les trois races bovines bretonne, nor- mande et vendéenne. Il croit, d’après les résultats de ses divers essais, que le croisement des deux dernières races avec la race bretonne n’offre aucune espèce d'avantage ; mais le croisement entre la race bretonne et la race de Jer- sey lui a paru avantageux. Les vaches de cette île sont d’une taille plus élevée que celles de Bretagne. Leur robe est à peu près la même. Elles-portent les signes qui, sui- “M6 :_ CONGRÉS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. vant. M. Guenon, caractérisent les bonnes vaches laitié- res; elles fournissent, de fait, beaucoup de lait ; et du lait de très-bonne qualité. A Jersey, une vache donne, par se- maine, un produit en beurre de 6 à 8 kilog. Du 4% mai jus- qu'à la fin d'octobre , les vaches de jersey restent à la pà- ture. jour. et nuit, sauf les trop mauvais temps: Elles:sont attachées au piquet. On va les traire. Loin-que le régime dont il s’agit leur soit nuisible, on remarque qu'elles don- nent, pendant sa durée, 4 rent paques maine. , 5 a: 0%0- a SE ft; an: Dans ma here he M. Davidef uriiaapArei beurre-cbienu par semaine , de chaque vache de Jersey, a été de 4 à 5 kilogrammes , et ce beurre était d’une très- bonne qualité. Le voisinage d’une forêt ne me permettait pas de laisser, la nuit comme le jour, les vaches au pâtu- rage, et, sous ce rapport, l’essai est à compléter: Pour avoir là race pure de Jersey, j'avais fait venir des génisses pleines. Quelques cultivateurs bretons ont usé des tau- reaux que j'élevais , mais il ne m’a pas été possible d’en vendre. Il ne faut, au reste, garder que les mâles néces- saires pour la reproduction ; les bœufs seraient très-proba- blemenit inférieurs aux nôtres sous le rapport du travail. M. de Genouillac a pu étudier, dans l'arrondissement de Saint-Malo, la race bovine de Jersey. Elle y avait été in- troduite par M. Frédéric de Châteaubriand , dont la perte récente es bien regrettable, car personne plus que lui.ne faisait d'efforts pour. l'amélioration et le perfectionnement de l’agriculture. Dans sa propriété, les vaches de Jersey paissaient au piquet , et la quantité de beurre obtenue de chacune d'elles, par semaine, était de 6 à 7 kilogrammes, quelquefois même de 7 kilogrammes 1/2. La consomma- tion faite par ces vaches n'avait rien d'exiraordinaire , elle était assez médiocre. Leur habitation sur le littoral walait peut-être mieux pour elles que l'habitation dans l’arron- dissement de Redon, où se trouve la perpncil de wi et néfler sui 26 gi _ M.de Clincharop S explique sur le croisement pre à SEIZIÈME SESSION. 217 bovine bretonne avec larace Durham. Ce croisement, sui- vant.lui, offre un résultat fâcheux relativement à la pro- duction du lait. Les bœufs sont moins propres au travail ; ils ont seulement plus de chair. L'amélioration de la race bovine bretonne par un choix bien entendu des individus chargés de la reproduction, semble plus facile que l’amélio- ration par la voie du croisement. Il convient done de renon- cerà ce dernier moyen, et de conserver pure la race que la Bretagne a l’avantage de posséder. Une race croisée ne se trouverait peut-être pas en rapport avec les ressources-ali- mentaires du pays. Le bœuf, dit M. de Clinchamp, doit être choisi, pour sa taille et pour son volume , en raison de la qualité et de la quantité des fourrages que produit la ferme. Sa tête doit être proportionnée à la force de son col, et offrir des cor- nes régulièrement placées, un front large et de grands yeux. Il doit avoir le corps long , l’épine dorsale droite et les hanches espacées de telle sorte que la partie supérieure du train de derrière soit large et plate. La force de l’animal sera annoncée par de grosses cuisses et par de courtes jointures. — On peut faire travailler le bœuf breton depuis trois ans jusqu’à huit ou dix ans. On l’engraisse ensuite pour le livrer au.boucher. Préférer pour le labour le cheval au bœuf , lorsque la naturé ou la disposition du terrain ne le commande pas , est une grande faute: car il est certain que la nourriture et l’entretien d’un cheval s’élève au même prix que celui de deux bœufs: de plus, le cheval est ex- posé à plusieurs maladies , tandis que le bœuf en craint fort peu. Comme le bœuf n’aime point le fourrage sur le- quel son haleine a porté , il ne faut lui en donner que peu à la fois. Cet animal n’est tenu en bon état qu’autant qu'il est mollement et chaudement couché. La vache est un des animaux les plus utiles et les plus productifs dans la ferme. Il est donc essentiel de choisir avec le plus grand soin les vaches qu’on veut y entretenir. Le profit qu’elles donnent est toujours en raison de la qualité de la race. Une bonne vache se reconnaît aux Ca- 218 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. ractères suivants : Devant de la tête large et ouvert, yeux grands , cornes fines et franches, régulièrement placées, col long et mince , corps profond , avec les côtes arrondies, cuisses grosses, jambes rondes et pieds larges, mamelle forte et blanche, les quatre trayons bien formés ; Ies"eon- duits lactifères fortement prononcés. 11 n’y à pas lieu de s'arrêter à la couleur du poil, car, pour la vache comme pour lé bœuf, chaque pays à ses préférences à ce sujet. — La vache demande une nourriture constamment bonne et toujours proportionnée à sa grandeur et à son poids. Elle doit être tenue bien propre , et doit êtretraitée 4 S beaucoup de douceur. HORS tab : M. Amaury Dréo pense que le croisement delar + nd vine bretonne avec une autre race, même en dl ele ; ne doit pas être absolument repoussé. Il faut seul ent bien étudier les ressources nutritives de la localité où l on veut introduire des animaux plus forts que ceux qui s'y trouvent. La race suisse a offert en Bretagne del xs ré- sultats, et par le beurre et par les veaux, lorsqu'elle e aété placée. dans des lieux qui PEAR, une nourriture | à sa convenance. | ES M: Charpillet présente dés Aviéeé statistiques sur la consommation comparative de la viande de veau à Rennes et à Paris. Il déduit de ces données que la production des veaux. est très-remarquable en Bretagne , et que, sous ce rapport, comme sous le rapport de la certes beurre, la race bovine bretonne mérite d’ê être bien notée. | M. le Président, en résumant la schaie en faisant sentir combien elle est favorable à la conservation de lar race bovine bretonne, dit que les expositions de bestiaux lui oni appris que les sujets provenus du croisement de la race bretonne avec la race Durham, nt abord très-bien. déve- IOppés, finissent par s ’amoindrir. - La note suivante, qui se rapporle aux ue léenères questions discutées , a été trouvée sur le bureau : SEIZIÈME SESSION. 219 QUELQUES RÉFLEXIONS SUR LE CROISEMENT DES RACES. Malgré tous les efforts de la théorie; malgré quarante onnées de per- sistance du Gouvernement ; malgré le sacrifice de 150;millions employés à l'entretien de nos haras, il n’a pas été possible de créer une race française ; ni chevaline ni bovine. Pourquoi ? 4° C'est que toutes les théories , tous les systèmes possi- bles, ne détruiront pas ce fait nalurel , qu’il faut sympathie de carac- tère, accord de conformation, rapport d’éducation, pour la propaga- tion des types. 2° C’est qu’on prend le contre-pied de ce qu’il faudrait faire , en ache- tant des étalons. C’est la jument el non l’étalon qui forme, qui nourrit le produit, qui lui transmet ses qualités ou ses vices, sa santé ou ses maladies, sa vigueur ou sa lâcheté. — Si l'Angleterre possède une race bien caractérisée, elle l’a obtenue par les soins apportés au perfectionne- ment de ses juments et au choix des étalons. Partout où les races sont bien déterminées, il en est ainsi. Nos paysans bas-bretons vendront facilement l’étalon de leur choix, qu’ils trouvent toujours le moyen de remplacer ; ; mais ils ne se déferont que trés-difficilement de la jument qui leur aura donné de bons produits ; ils n ’admettent. point de mésal- liances. ë D'où vient donc cet engouement pour ce qui nous vient de l'étranger ? Perfectionnons nos races , et nous n’aurons plus besoin de nous appro- visionner au dehors, et nous économiserons chaque année 30 millions que nous coûtent nos haras et la remonte de notre cavalerie, En perfectionnant nos races chevalines el bovines sans essayer aucun croisement , pas même celui d'animaux de provinces voisines , bientôt l'étranger nous portera envie à son tour. Où trouver un meilleur che- val de‘trait que le cheval breton ? Un cheval plus hardi, plus propre à la guerre quelle normand, que le percheron ? Un cheval plus grâcieux , plus fringant que le limousin ? Un meilleur coureur. que: notre africain ; car il est à nous maintenant, ce pétulant arabe, et nos anglomanes peuvent, avec lui, satisfaire leur fantaisie de courir sur un bippodrome beaucoup plus. vite qu'avec cet animal anglais si têtu, si roide, si im- bécile. L'homme, aidé de son intelligence, ne peut. qu'avec beaucoup de peine se naturaliser sur une terre étrangère , et nous voulons que des. animaux changent de nature, qu'ils produisent d’autres animaux différents d'eux, sur un sol qui n’est pas le leur ! Aussi, à quelques rares. exceptions prés, c'est détruire et non améliorer. Nous avons tort de ne pas faire pour nos animaux ce que les Lacédémoniens faisaient pour leurs propres enfants; 290 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. mais en perfeclionnant chacune de nos races, sans nous éloigner jamais de leurs spécialités , il y aurait avantage pour l'éleveur, éronemie pour l'Etat et conservalion de nos capitaux. Ce qui existe pour la race chevaline doit s’appliquer à lar race bovine : que la Bretagne produise des vaches laitières, la taille n’y contribue pas, et le beurre est une des principales branches de notre commerce ; que de, Manceau hâte la croissance de-ses bœufs si tendres:et si, frais; que la Normandie engraisse de plus en plus ses bœufs poitevins, ps les bords du Rhône fournissent les plus gros bœufs de l’Europe! .… Chaque province doit avoir ses priviléges.. C’est de parsnhsede re de produits, spécialisés par localités, que dépend la spécultdan commer- ciale et le progrès de toule industrie. gt 2 Ù -Sachons donc jouir de ce que nous avons sous la main ; sachons lirer parti du sol et de ses produits suivant les lois de la nature, et ne nous embarrassons pas dans de vaines recherches, dans des désirs immodé- rés. d'obtenir ce qui n’est donné qu’à nos voisins de pouvoir se procurer. : Quinzième question : « Quelle est pour la Bretagne la meilleure race ovine? », ,; -misinfaslt M: Charpillet présente dci oboerhtictebferie er de valeur des moutons de race bretonne. Leur laine est mauvaise et léur éhaïr est de qualité très-inférieure. À s sa connaissance , -un troupeau de quatre-vingts têtes n'a. été vendu. qu’une summe. de 50 fr. Comme ces moulons vivent presque tous sur nos landes, leur nombre diminuera à mesure que les sea pape fs mises « _ n-valeur: Enae est- ne de Bone nourriture ? rs dire de RCA per: nes augmentation de taille chez nos moutons. pl influence sur la qualité de la laine et de la chair; eelle-ci même deviendrait moins bonne , lorsque la taille «devient plus grande. C’est un fait à vérifier. Une augmentation de taillé doit être la conséquence d'une meilleure nourriture. M. Le Gail fait observer que la Bretagne possède au moins deux races ovines. Il dit qu’un mouton bien distinct du mouton ordinaire, bien supérieur à ce dérnier , est si- gialé par | M. Neveu-Deroirie , dans le mémoire sur l’agri- FR bretonne qu'il a Ace: au Congrès. | pe M: de Genouillac mentionne , comme recherchés pour la SEIZIÈME SESSION. 994 qualité de leur chair, les moutons de Locminé ( départe- ment du Morbihan ), et ceux du littoral de l’Ille-et-Vilaine, dits moutons de pré-salé. Les uns et lés autres appartien- nent à la Bretagne depuis un temps immémorial. Ils con- stituent deux races primitives. M. Hardoüin fait connaître que des moutons étrangers ont élé introduits dans le département d’Ille-et-Vilaine par M. le marquis Duplessix d’Argentré , qui, livré aux grands travaux agricoles, a donné, pendant plus de trente ans, d’excellents exemples à ses concitoyens, dans toutes les parties de l’économie rurale. Sa perte a été vivement res- sentie par eux, el sa mémoire leur sera toujours chère. Une notice faite par son fils, M. Edmond d’Argentré, indique tout ce qui a été fait pour les moutons sur la belle terre d'Argentré, arrondissement de Vitré. _ Les moutons anglais à longue laine, race Dishley, y fu- rent introduits en 4827. Ils ne purent réussir en troupeau. C’est en formant des groupes et au moyen de soins tout par- ticuliers, que l’on est parvenu à les conserver. Ils ne crai- gnent cependant ni le climat, ni les terrains humides. Iso- lés ou réunis en petit nombre, leur développement est énorme ; ils engraissent facilement et atteignent un poids excessif. Leur laine est lustrée , longue de 15-18 centim., et de 25. ou même plus chez quelques sujets. Le poids - moyen des toisons varie de 2 1/2 kilog. à 3 1/2. Les premiè- res.toisons pèsent ordinairement 4 à 5 kilog. La quantité de laine que donne le mouton de race anglaise n’a rien d’extraordinaire ; mais cette laine , d’une belle qualité, ne subit au lavage qu’un déchet insignifiant , lorsque les autres laines perdent plus d’un tiers de leur poids. On la recherche pour les filatures et on l’emploie au tissage des belles flanelles. Dès l’arrivée en sa terre des moutons de Dishley , M. le marquis d’Argentré s’occupa d’en opérer le croisement avec le mouton mérinos et le grand mouton du pays. Après -cinq ou six croisements, dont les sujets avaient été choisis nous 29 222 - CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. avec soin, on obtint deux races nouvelles. La race obtenue par le mouton du pays a élevé l’espèce, sans l’avoir sensi- blement améliorée ; elle l’a rendue pourtant moins délicate ou plus propre à la localité; elle a mieux réussi que la race pure. Le croisement par le mérinos avait pour but d'augmenter la finesse de la laine, tout en conservant sa longueur. L'essai a été heureux ; ear, si la laine n'a pas . conservé toute la longueur de la race pure, elle est encore longue de dix à douze centimètres, ce qui la fait classer au nombre des laines longues propres aux filatures. La toison est infiniment plus tassée et son poids dépasse tou- jours celui de la toison des autres races. Si l'avantage ob- tenu par le croisement dont il s’agit.est grand par rapport à la laine, il est encore plus grand sous le rapport de la taille du métis et de ses dispositions à l’engraissement. Cette nouvelle race paraît préférable à la race pure. Elle commence à être très-répandue dans le département de la Mayenne, surtout dans les arrondissements de Laval et de Châteaugontier. Ce n’est point, au reste, pour le produit en laine, mais pour la vente à la boucherie, que les mou- tons sont élevés sur la terre d’Argentré. Le premier produit est faible depuis l’abaissement de prix des laines-mérinos, tandis que le second produit, le prix de vente pour la bou- cherie, est fort bon. Les brebis isolées donnent en moyenne deux agneaux chaque année , et ceux-ci se vendent com- munément de 36 à 40 fr. les deux, à l'âge de six mois; la brebis elle-même se vend de 45 à 50 fr. , et le bélier jus- qu’à 70 fr. Les moutons réunis en troupeau ne se vendent guère plus de 30 fr. pièce, et la valeur de chaque toison n’est que de 4 à 5 fr. — Le meilleur croisement est celui du bélier mérinos avec la brebis anglaise. M. Bernède:fait connaître que M. Lemasne, dans le Morbihan, a renoncé au croisement du mérinos avec le mouton du pays. M. de Clinchamp, inscrit aussi pour parler sur la ques- tion, s’exprime comme suit : Le mouton est un animal qu’on nourrit facilement et qui apporte un profit très-réel SEIZIÈME SESSION. 293 au propriétaire , lorsque celui-ci a su choisir une race en rapport avec le climat dans lequel il se trouve et la nature du terrain qu’il occupe. Il faut de plus que les bons soins ne manquent pas. Les logements du troupeau doivent être spacieux, avec des jours au nord. La plus grande pro- preté doit y régner. Le mouton préfère les hauteurs et l'herbe fine aux lieux bas et à l'herbe trop molle. Cet ani- mal doit avoir, en général, le front large, arrondi et sail- lant, les yeux grands et tendres, les narines droites et courtes. Une tête très-forte ne convient pas à la brebis; mais les caractères suivants sont à priser : col droit, large ct élevé, dos large , queue grosse, fesses rondes et jambes menues. Deux belles races ovines existent chez nos voisins d’ou- tre-mer, la race Dishley et celle de New-Kent. La première est recommandable par son entretien facile, par son en- graissement prompt et sûr, par la finesse et la longueur des brins de sa laine ; la seconde, en cédant quelque chose sur les avantages de l'entretien et de la boucherie, est au moins égale pour ce qui touche la toison. Ces deux races, formées au milieu des brouillards et sous le climat humide de l'Angleterre, réussiront beaucoup mieux dans nos dé- partements de l’Ouest que ne le feront jamais ces mérinos qu’on à éié chercher sous un ciel qui n’est pas le nôtre. Dans le département de l’Orne. ajoute M. de Clinchamp, le mouton, race Dishley, est élevé avec beaucoup de profit. Des toisons ont été vendues jusqu’à 40 fr. La laine, tou- jours très-belle, atteint quelquefois une longueur de 35 centimètres. Ce mouton s'accommode de nos conditions climatériques et ne craint point l'humidité. Sachons le mul- tiplier dans l'Ouest, soit de race pure, soit en admettant le croisement. Ce sera une excellente acquisition pour le pays. Quelques mots sont échangés sur les moyens d'arrêter les maladies qui attaquent les troupeaux de moutons. M. de Champagny croit que des mesures administratives seraient nécessaires pour empêcher.la propagation de Ja gale dans 924 CONGRÈS SCIENTIFIQUE ‘DE FRANCE. la race ovine. Cette maladie, quoique ect est sou- vent négligée. ” La discussion sur la quinzième question , dit M. le Pré- Sidént, fait comprendre que la race Dishley convient fort bien à la Bretagne, et que le croisement de cette race'avec une des races bretgnnes peut procurer aussi un op avantage. Avant de lever la séance, M. le Président rappelle que les membres du Congrès sont invités à la fête agricole que donne, à la ferme-modèle des Trois- Croix , la Société d’a- griculture d’Ille- et-Vilaine. H La séance est levée à onze heures. Séance du 7 Septembre 1849. Présidence de M. DUCHATELLIER. — M. DE LUSTRAC, Secrétaire. Le procès-verbal de la précédente séance est lu, puis adopté. L'ordre du jour appelle la troisième question... qui est ainsi conçue : « Quel avantage à produit l'application de » la chaux ou de la marne aux terres qui n’en contenaient » pas? Quelles sont les qualités fertilisantes comparées des » différentes espèces de chaux ou de marnes calcaires em- » ployées, en Bretagne, pour l'amendement des terres? A »quelle dose et de quelle manière les amendements cal- » caires y sont-ils employés ? » M. Durocher, inscrit le premier s sur cetle question, prend la parole : Je vais exposer succinetement, dit-il, des observations SEIZIÈME SESSION. 295 que j'ai faites sur lemploi des amendements minéraux, et sur les conditions dans lesquelles doit être effectué le dé- frichement des landes de la Bretagne. Depuis le commen- cement du x1x° siècle, le chaulage des terres a lieu sur une . grande échelle dans le Maine, l’Anjou, la Vendée, une partie de la Normandie et de la Bretagne. Cette méthode, qui a pris un développement si considérable dans les der- nières années , a porté au double , et souvent même à près du triple, la production du sol en froment. Maintenant, dans la région nord et est du départe- ment de la Mayenne, et dans la partie occidentale de la Sarthe, on fabrique annuellement 300,000 mètres cubes de chaux (4), dont les cinq sixièmes environ sont consacrés à l'amendement des terres. Cette fabrication ne s'élève pas à moins de 130,000 mètres cubes dans la partie de la Basse- Loire qui est comprise entre Chalonne et Ancenis. La chau- fournerie est presque l'unique débouché des mines de com- bustible fossile de ces contrées. En général, on n’ajoute pas de chaux surles sols recou- vrant les calcaires secondaires ou tertiaires, à moins que ces roches ne se trouvent à une profondeur notable au des- sous de la surface; mais on chaule généralement les terres situées au dessus des calcaires palæozoïques, ou calcaires marbres , qui, à raison de leur solidité, ont fourni peu de détritus au sol végétal. Tout le long de la zône littorale des départements de la Manche et de la Bretagne, où la chaux manque générale- ment, on y supplée par l'emploi de certains sables du bord de la mer, qui consistent en un mélange à proportions va- riables de matières argileuses, de détritus granitiques , (1) J'ai déterminé ces nombres et les suivants en m'appuyant sur la production des mines d’anthracite, combustible employé exclusivement à la cuisson de la chaux, et sur la quantité d’anthracite que l’on con- somme pour cuire un mèlre cube de chaux. 296 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. principalement de grains de quartz et de feuillets de mica; avec des débris de coquilles et de crustacés , des os de pois- sons, des incrustations calcaires. Quelquefois on y remar- que des détritus roulés qui paraissent se rapporter à des corps madréporiques ; on y distingue même des débris de flasires et d’eschares. La richesse de ces sables en carbo- nate de chaux est extrêmement variable d’un point à un autre du rivage : ils en renferment depuis 20 jusqu’à 70 0/0: Ils contiennent aussi de petites quantités de phosphate de chaux, un peu de chlorure de sodium et d’autres sels al- calins, qui contribuent à activer la végétation , et dont la proportion totale est ordinairement comprise pu 4 Me sd et6 0/0. 7 Dans les régions avoisinant des formations de calcaire secondaire ou tertiaire, qui sont ordinairement friables, ces roches, réduites en fragments ou en grains sableux , sont employées, comme les sables du bord de la mer, sans avoir subi de calcination préalable , et sont désignées sous les noms de marne, sablon, castine, etc. (4). Leur in- fluence fertilisante se fait sentir avec plus de lenteur; mais elle paraît se prolonger pendant une douzaine d'années, tandis que la fécondation produite par le chaulage est re- gardée comme devenant peu sensible cinq ou six ans après qu’on a cessé d'ajouter de la chaux. On conçoit que cette base agisse avec plus d’énergie quand elle est libre ou hy- dratée que quand elle est combinée avec de l'acide carboni- que, et il y a même certains effets qui lui sont propres (2). (1) Dans l’est de la Bretagne, j'ai découvert un assez grand nombre de gites calcaires qui pourront être exploités pour l'amendement des terres. Ils font partie des dépôts tertiaires qui n’avaient point encore élé observés, et qui ne figurent point sur les carles géologiques. (2) On sait que la chaux peut réagir sur les matières argileuses con- tenues dans le sol, et les amener à un élat de décomposition qui permet aux plantes de s’en assimiler les éléments avec plus de facilité. I est ainsi évident que le calcaire doit agir avec plus d’énergie quand ila été calciné préalablement. SEIZIÈME SESSION. 297 Peu de temps après qu’elle a été répandue sur le sol, la chaux repasse à l’état de carbonate ; mais alors elle est en- core dans un état de division beaucoup plus grand que celui qu'on produit en écrasant de la pierre calcaire, ou en la faisant déliter à l’air , si elle est argileuse. Par suite, l’ac- tion qu’elle exerce est nécessairement plus efficace; mais, par la même raison , l'élément calcaire doit disparaître plus rapidement, soit en se dissolvant dans les eaux d’infiltra- tion, soit en s’incorporant dans les plantes. Le chaulage, ou plus généralement l'introduction de principes calcaires dans la terre végétale, tend à l’assimiler aux sols naturel- lement calcarifères, qui, par bien des causes, jouissent d’une fertilité plus grande que les autres sols. Le carbonate de chaux, ouire qu'il est indispensable à beaucoup de plantes, peut agir comme véhicule des éléments de l’air, en le condensant et en le combinant avec l’acide carboni- que. Il peut réagir sur les produits de la décomposition des corps organiques , sur les sels ammoniacaux qui font partie de la terre végétale. D'ailleurs, sa présence rend les sols plus meubles, plus faciles à traverser par les fibres radicu- laires des plantes, plus perméables à l'air, à l’eau, à la chaleur, plus secs, et, par suite, plus chauds, car l’éva- poration est une source de froid. Cette augmentation de fertilité, cette modification des propriétés du sol, produite par le carbonate de chaux, montrent pourquoi certaines cultures réussissent seulement sur les sols calcarifères, pourquoi beaucoup de plantes y croissent exclusivement et en sont vraiment caractéristiques, sur une zône plus ou moins étendue ; tandis que, sous des climats plus chauds, les mêmes plantes peuveni prospérer sur des terrains pau- vres en carbonate de chaux, et ne montrent plus alors de préférence exclusive pour les terrains calcaires. Parmi les roches pyrogènes existant dans l’ouest de la France, il en est doni on peut aussi tirer parti pour l’amen- dement des terres, quoiqu’elles soient un peu moins ferti- lisanies que le carbonate de chaux. Je citerai d’abord les diorites ou roches amphiboliques , dont la croûte extérieure 298 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. est ordinairement friable , par suite de l’altération qu’elles ont éprouvée : l’amphibole, en voie de décomposition, peut fournir de la chaux à la terre, et le feldspath qui l’ac- compagne cédera des alcalis. En quelques localités, on s’en est servi avec succès, et certains zônes, les environs de Saint-Brieuc, par exemple, possèdent une fertilité à la- quelle peuvent contribuer les détritus des roches amphibo- liques que l’on y voit affluer. Le granit, qui ordinairement est aussi désagrégé à la surface, peut être employé avan- tageusement dans quelques cas, lorsque sa décomposition n’est pas trop avancée (1) ; ses éléments essentiels sont al- califères , et, comme ils renferment peu de chaux, ils n’a- gissent pas sur les sols argileux aussi avantageusement que la pierre calcaire; mais , comme je l’ai reconnu précé- demment , le granit , de même que la plupart des roches pyrogènes , renferme habituellement un peu de carbonate ou chaux en particules invisibles à l’œil ; les roches aré- nacées , qui proviennent de la dénudation du granit ou des masses plutoniques , en général , en contiennent aussi , et c'est là, sans doute, une des sources principales de la chaux que renferment les principes minéraux des arbres de nos forêts. D'ailleurs , les sables granitiques en décompo- _sition , indépendamment des alcalis qu’ils apportent, dimi- nuent la consistance de la terre, et c’est un effet très-im- portant en agriculture. : Le défrichement des landes, qui occupent une si grande étendue en Bretagne , est une opération beaucoup plus dif- ficile qu'on ne le croit généralement; plusieurs compagnies anglaises ont fait sur une grande échelle des essais infruc- tueux, quoiqu’elles employassent les procédés de culture regardés comme les meilleurs. Il y a des difficultés locales dont on n’a pas tenu compte, el qui proviennent surtout (1) L'emploi des roches feldspathiques comme amendement DAT les terres a déjà élé indiqué par M. Néré-Boubée. SEIZIÈME SESSION. 229 de la position péninsulaire de la Bretagne; cette contrée forme un sillon étroit et bordé par deux mers, dont l’une (la Manche ) est très-étendue en cette partie, et dont l’au- tre est complètement ouverie; il y règne des vents d’une extrême violence qui arrêtent le développement de la végé- tation; de plus, le rayonnement nocturne produit quelque- fois, même au milieu de l'été, des gelées funestes pour les récoltes de sarrasin sur les plateaux élevés et dépourvus de bois. Or, cette culture, qui est appropriée au sol et au climat de la Bretagne. est très-sensible aux influences at- mosphériques; les gelées lui sont funestes, de même que les ardeurs d’un soleil brülant. On serait tenté d’attribuer à l'état arriéré de l’agriculture le morcellement des terres en Bretagne, morcellementquia lieu même sur les grandes pro- priétésseigreuriales ; mais il s'explique très-bien comme une conséquence de la nécessité où l’on a été de créer des abris très-rapprochés à l’aide des haies vives et des arbres dont elles sont garnies. Sur les terrains de calcaires secondaires, qui sont plus chauds, moins exposés aux vents de la mer, et où la végétation est plus active, on a pu établir des champs très-vastes , qui n’avaient pas besoin d’être abrités. On comprend que le défrichement des landes , qui couvrent une grande partie des plateaux élevés de la Bretagne , ne peut avoir lieu tout d’un coup, mais d’une manière gra- duelle : quand on aura formé de grands massifs de bois et _desrideaux d'arbres très-rapprochés, il faudra procéder, non en créant des champs très-étendus, comme il y en a dans la Normandie septentrionale et dans le nord de la France, mais en divisant le sol en une multitude de petites parcelles. Sur les points où le terrain est argileux et très-humide, ce qui est assez général en Bretagne, il convient de creuser des rigoles profondes pour le dessécher, ou d'établir des canaux souterrains, comme on le fait avec succès en An- gleterre. De plus, les landes de Bretagne se trouvant, comme je l’ai déjà démontré, sur deux formations particu- lières où le sol offre les conditions les moins favorables à la végétation, il est nécessaire d'employer dans les défriche- HO 30 230 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. ments la plus grande quantité possible d’amendements mi- néraux, surtout de chaux ou de pierre calcaire, afin de modifier les propriétés chimiques et physiques du sol. Autrefois, les landes de la Bretagne étaient en grande partie couvertes de forêts, tandis que maintenant leur sur- face.est presque complètement nue; à la faveur de ces mas- sifs servant d’abris , beaucoup de portions actuellement en friche étaient livrées à la culture, comme le prouvent les sillons qu’y a tracés le soc de la charrue , et qui n’ont pas été entièrement effacés par le temps. L'abattage des forêts, sur de grandes étendues à la fois, a eu des effets désas- treux ; carlesarbresonteux-mêmes besoin d’abris, surtout dans la première période de leur croissance, etl’on est arrivé ainsi-à un déboisement général des montagnes de l’intérieur dela Bretagne. Destentatives de reboisementontété faites à l’aide de semis et de plantations, mais beaucoup ontéchoué, là où la violence des vents oppose un obstacle presque.in- surmontable au développement de la végétatiorr arbores- cente. De même que le défrichement , le reboisement de la zône montagneuse ne peut avoir lieu que d’une manière graduelle ; les massifs d'arbres, que l’on formera d’abord dans les parties les moins mauvaises elles moins exposées au vent, serviront d'abris à ceux que l’on établira plus tard ailleurs : il faudra employer principalement le pin mari- time, qui résiste le mieux aux vents En résumé, parmi les landes de l'Ouest, beaucoup de celles.-qui se trouvent dans des parties basses, sur des dé- pôts tertiaires argilograveleux et caillouteux , ou dans des régions abritées, peuvent être défrichées immédiatement , lorsqu'il y a possibilité de se procurer des engrais et des amendements minéraux ; mais les landes de la région mon- tagneuse et desplateaux élevés ne disparaîtront que suc- cessivement, sous un laps de temps fort long et à la faveur d’un réboisement graduel. Il est évident pour moi que les entreprises de défrichement immédiat et sur une grande échelle, exécutées , soit par des compagnies, soit par l'E- tat, comme on l'avait proposé dans les derniers temps, SEIZIÈME SESSION. 231 seraient ruineuses et n’aboutiraient qu’à un insuccès. Des - exemples récents nous en fournissent la preuve. MM. Bernède et Bourassin citent quelques faits en ac- cord avec les considérations importantes qui viennent d’être présentées. Le dernier insiste pour l'emploi de la chaux maigre ou hydraulique pulvérisée, éteinte, à l'amendement des terres. é M. de Caumont exprime tout l'intérêt que lui a fait éprou- ver la réponse de M. Durocher aux diverses parties de la troisième question , réponse contenant un excellent exposé des moyens d'améliorer le sol breton. Il désire que cet ha- bile observateur se détermine à publier de suite une carte fort simple, indiquant les gisements des divers amendeé- ments recommandés, et facilitant ainsi les recherches des agriculteurs. Plus tard , M. Durocher voudra certainement rendre à son pays un service encore plus grand, celui de publier une carte agronomique, sur les bases proposées à l’Institut des provinces, bases qu’il paraît d’ailleurs avoir adoptées. | M. Durocher dit que le mémoire de M. de Caumont, sur l'utilité des cartes agronomiques et sur la manière de les composer, ne pouvait manquer d'’éveiller l'attention dans toute la France. Bien des observations ont déjà élé faites en Bretagne sur l’état du sol et sur ses produits. Une carte agronomique de cette province pourra bientôt être dressée etpubliée, si les conseils généraux des cinq départements bretons ou le ministre de l’agriculture veulent allouer quel- ques fonds pour cet objet important. La théorie des calcaires, développée par M. Durocher, procure l’occasion à M. de Genouillac d'adresser deux queslions à ce savant géologue. Il lui demande d’abord jusqu’à quel point l'emploi des chaux magnésiennes pour- rait nuire à la végétation ; il demande ensuite si, dans les chaux généralement employées en Bretagne ou dans les départements limitrophes , il y.en aurait où la magnésie serait en trop grande proportion, eu égard à la quantité de chaux nécessaire pour amender le sol. 232 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. La réponse de M. Durocher est que les terres fortement magnésiennes sont infertiles ; que 2 à 3 0/0 est la limite au- delà de laquelle la magnésie est nuisible; qu’il ne faut donc émployer les chaux magnésiennes qu'avec prudence ; qu’il a tout lieu de croire que les chaux généralement em- ployées, en Bretagne et dans les départements voisins , ne contiennent pas de magnésie dans des sen fà- cheuses. A cette demande, faite par M. de Mauduit : Quels sont les moyens de diviser l’argile qui constitue le sous-sol de certaines landes ? M. Durocher répond qu’un fort bon moyen d’opérer la division dont il s’agit est l'emploi de la chaux, et, à défaut de chaux, l’emploi des diorites ou pierres de fer. La crête des roches amphiboliques est-p que toujours friable, par suite de a ss à sé- culaire. M. Durocher attribue la disparition de certaines pééden nuisibles, après l'application de la chaux, à leur antipathie pour cet amendement. L'oseille sauvage et la digitale, par exemple, cessent, après le chaulage , de disputer la place aux plantes cultivées. Dans celles-ci, le principe vital de- vient plus actif, tandis qu'il s’affaiblit dans les premières. Quelques observations sont encore échangées entre les membres de la section, qui s'accordent pour donner la pré- férence aux chaux grasses pour l'amélioration prompte des terres. Mais, à défaut de chaux grasses , il faut recourir avec confiance aux chaux maigres L’utilité de la chaux hydraulique peut seulement être l'objet d’un doute; son emploi pourrait bien ne pas répondre à l'attente du cultiva- teur; la prudence commande d’abord un essai. M. le Président annonce que M. le docteur Roux offre à la section, au nom de M. Hippolyte Topin, la Notice sta- tislique sur les serres et les orangeries du terriloire de Marseille. 1 annonce aussi le dépôt fait par M. l'abbé De la Lande d’un opuscule intitulé : Deuvième excursion bo- tanique dans la Charente-Inférieure. à La séance est levée à l’heure ordinaire ; onze heures. SEIZIÈME SESSION. 233 Séanee du S Septembre 1849. Présidence de M, DUCHATELLIER. — M. DE LUSTRAG, Secrétaire. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. M. de Caumont, obtenant la parole, rappelle que la sec- tion a nommé des commissaires pour organiser une eXpo- sition des objets d'industrie ; il croit que l'ouverture de cette exposition ne doit pas être retardée. Un des commissaires, M, Bourassin, est prié par le Président d’agir avec toute la diligence possible. M. Amaury Dréo, Vice-Président, chargé d'examiner un mémoire adressé au Congrès, section d'agriculture, fait un rapport sur ce mémoire anonyme, terminé par cette indi- cation en forme de signature : Un paysan de Saint-Sym - phorien. Le mémoire , dit le rapporteur, peut se diviser en trois parties. Dans la première, l’auteur note quelques faits relatifs à l’histoire de l’agriculture, et indique les causes du développement qu'elle a pris depuis un demi-siècle : dans la seconde, il s'occupe de l'influence que les divers systèmes de gouvernement ont sur l’art agricole; dans la troisième , il signale certains faits qu’il considère comme des obstacles à la prospérité de l’agriculture. Une idée pa- raît le dominer : il présente en quelque sorte comme adver- saires l’agriculture , le commerce et l’industrie. Il n’y faut pourtant voir que trois sœurs solidaires les unes des autres, nées le même jour, liées par les mêmes intérêts, et dont la vie s’éteindra au même instant. — Un seul passage du mémoire semble se rapporter à notre programme; le voici : J’entre dans des considérations malheurensement peu appréciées par nos cultivateurs bretons : je veux parler de l'emploi et de la multiplica- tion des bœufs, de leur utilité, et surtout de l'immense bénéfice qui 934 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. peut résulter de l'intelligence avec laquelle sera dirigée celte partie de l’agriculture. Nous le dirons donc avec regret, la Bretagne est fort ar- riérée à cet égard. Dans cette contrée, les cultivateurs, en général, se servent de chevaux pour labourer leurs champs. C’est, à notre avis, une erreur profonde de préférer le cheval au bœuf, car l'avantage de ce dernier est émineminent supérieur. Supposons deux cullivateurs, l'un pourvu de huit bœufs et l’autre d’un attelage de quatre chevaux. Ce dernier, outre le danger d’être trompé dans l’acquisition-de ses che- vaux, se trouvera dans la nécessité de subir les dépenses que ces ani- . maux exigent: ainsi , les frais de ferrage, de harnais, d’entretien conli- nue}; l’obligation de prendre sur ses récoltes ou d'acquérirà prix d’ar- gent une grande quantité d’avoine et de foin, sans pour cela obtenir beaucoup de fumier. Le cheval devenu vieux offre-l:il quelques res- sources? À peu près aucune. On le vend presque toujours beaucoup au dessous de ce qu’il a coûté. L'autre cultivateur, au conlraire,avecses huit bœufs, est rarement trompé dans l'acquisition. Il évite en outre tous les frais que je viens de relater, car, le bœuf préférant le vert pour sa nourriture , l’avoine et le foin deviennent en quelque sorte inutiles. Dés la première année, il lui sera facile de faire des élèves, de manière qu'il peut au bout de quatre ans, et sans débourser, remplacer deux de ses vieux bœufs, qui, mis. à la crèche et nourris, au printemps avec le trèfle , et l'hiver avec les choux du Poitou, engraissent très-facilement. Ainsi, par ce moyen fort simple, ces deux animaux, qui lui coûtaient peut-être quatre cents francs, vieux el après avoir fait un bon ser- vice, lui rapportent une grande quantité de fumier, et se vendent huit -cents francs , quelquefois mille francs et plus, suivant la taille qu'ils ont et l'état où ils se trouvent. Il est impossible de nier l'avantage du bœuf sur.le cheval, non seulement par rapport au bénéfice qu’on retire du premier, mais encore pour l’amélioration du sol qui recoit le furaier que le bœuf produit en abondance. . La seizième question est à l’ordre du jour. « Quelle est en Bretagne l'importance de la production » du miel? L'éducatiun des abeilles s’y tonnes ‘en » progrès ? » M: de Beauvoys, inscrit sur la question, obtient la pa- role. Après quelques observations générales sur les abeilles et surles produits qu’ellesnous donnent, il lit la notice sui- vante : 116 MESSIEURS, à La nature des cullures de la Bretagne est lelle, que ce pays cdi SEIZIÈME SESSION. 235 rait du miel et de la cire dans des proportions vraiment fabuleuses, si les abeïlles y étaient en plus grand nombre et un peu cultivées. Il y a près de cent ans, Messieurs, que les Etats de Bretagne, vive- ment impressionnés par les travaux de Réaumur, prièrent ce savant en- tomologiste de leur envoyer des ruches qui permettraient de multiplier les abeilles et de faire une récolte plus abondante de cire et dé miel. M. de Réaumur envoya la ruche de Gélieu père, qui est à système ho- rizontal comme celle de Palteau, mais beaucoup plus à la portée des vé- ritables producteurs, par la modicité de son prix. L’attention des Etats se soutint sur ce sujet de 1752 à 1760. Dans le corps d'observations de la Société du commerce, de l’agri- culture et de l'industrie, établie par les Etats de Bretagne, on trouve les molifs qui poussaient les hommes les plus recommandables de cette Sociélé à engager leurs concitoyens à multiplier leurs ruches, et sur- tout à faire leurs récoltes sans luer les abeilles... Ils regardaient avec raison le-sgouvernement des abeilles comme une branche fort importante et très-considérable de l’économie rustique, puisque, dans les premiè- res'années du xvim” siècle, on blanchissait, en Bretagne, six cent cin- quante milliers de cire par an, et cette quantité de cire avait dû être accompagnée , suivant les calculs de M. du Couëdic, de deux cent treize mille cing cents quintaux de miel. En mettant la cire à 2 fr. le kilog..et le miel à 24 fr. les cinquante kilos, on trouve que c'était un objet de six. millions cent mille francs. Ces chiffres, Messieurs , cesseront de vous paraître fabuleux lorsque vous saurez que la Corse, 175 ans avant J.-C., payait un tribut annuel de 100,000 livres de cire aux Romains, et que les habitants de cette île, révoltés douze ans après, furent imposés au double, et acquittèrent ce nouvel impôt. Rien n'indique la quantité de cire produite en Bretagne de 1750 à 1760 ; toujours est-il que les Etats pensaient que le nombre des ruches pourrait être plus que triplé. Mais, pour déraciner les abus qui poussent les cultivateurs à détruire les abeilles , les Etats voulaient offrir les moyens les plus simples et les moins dispendieux de prendre la cire sans les tuer. “M. de la Bourdonnaye , procureur-général- syndic, se chargea de la correspondance avec M. de Réaumur ; mais on ne put confectionner les ruches sur la descriplion envoyée. Alors M. de Nevet, associé au bu- reau de Rennes , en fit venir une qu’il donna à la Société. Le prix en était fort élevé, et l'on fut forcé de revenir aux ruches de Gélieu, que touLl le monde peut confectionner. Ce fut M. de la Bourdonnaye qui les expérimenta lui-même à sa cam pagne, et, Sur sa recommandation, la Société en fit construire sur le modèle fourni. L’essai en fut fait dans les faubourgs de Rennes. Elles parurent bien marcher, quoique le temps fût un peu contrariant. 236 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. - Les Etats donnèrent une instruction contre les accidents qu'on vou- drait prévenir en changeant la forme des ruches, et sur la manière de s’y prendre pour s’en servir. La Société voulait, de plus, qu'on publiât une instruction générale qui ne contint que le nécessaire, et qui füt d'une simplicité telle que les hommes les plus ordinaires pussent-la comprendre. Les ruches de Gélieu étaient en bois; mais M. de la Bourdonnaye, toujours poussé par sa philanthropique bienveillance, conçut l’idée de les faire en paille. Il eut même la prévoyance de garnir chaque hausse d’un rebord , pour éviter les accidents de re et rendre les ru- ches plus solides. : M. de Moniluc, à sa terre de Laillé, fut un des premiers à tés mettre en usage. M. de Grénédan , associé du bureau de Dol , rassembla, dans un mé- moire, lesrecherches qu’il avait faites sur le gouvernement des abeilles. M. de la Chalotais fit placer cinquante ruches à sa Lerre de la Chalo- tais. M. Abeille-Fontaine en rase un pareil nombre dans les faubourgs de Rennes. Ainsi les nobles bretons shéndiieit leur patriotisme sur tout ce qui pouvait être utile au pays, el donnaient, les premiers, l'exemple de l’em- ploi des améliorations qui étaient si désirables. Ils poussèrent leurs soins jusqu'à proposer la éitaibatton de certaines taxes pour ceux qui éleveraient des abeilles, et ils avaient calculé que cette décharge, sur cent mille ruches, n’aurait enlevé au trésor que 10,000 fr., quand cent mille ruches produisaient 100,000 écus. Mais tous ces généreux efforts n’eurent pas les résultats désirés ; les ruches transversales présentent de nombreux et graves inconvénients , et elles furent abandonnées. M. de la Bourdonnaye, qui connaissait la ruche écossaise, pour l’avoir étudiée dans son pays , chercha à la mettre en usage ; et, comme celte ruche ne diffère en rien de la ruche commune, l'éducalion des abeilles resta ce qu’elle était auparavant. Sous l’Empire, M. du Couëdic, de Maure, entreprit soul la tâche que les États s'étaient imposée ; il donna une ruche à hausses, que l'on peut regarder comme une des meilleures de ce système. Lans un livre plein d'entrainement et d’un style ardent, il rappela vivement ses com- patriotes vers celte industrie. Dans de courtes pages, il a parfaitement bien donné la manière de se servir de la ruche pyramidale; il indique la manière de récolter avec prudence et de conserver ainsi le plus grand nombre possible d’abeilles, lout en faisant d’abondantes récolles. M. du Couëdic eut le malheur de s'opposer avec une opiniâtreté in- concevable aux précieuses et savantes découvertes des Duchet:et des SEIZIÈME SESSION. 2387 Hüber, publiées et soutenues par des hommes fort compétents, tels que Bosc, Feburier, Lombard. Il s’élablit entre lui et ces derniers une polémique des plus déplorables , dans laquelle furent, oubliées toutes les convenances. Rien n’était plus propre à entraver ses généreux ef- forts. Il publia. et soutint d’ailleurs des, opinions tellement. excentri- ques, si inconcevables, que l’on dut se mettre en garde, même contre sa-ruche, qui est cependant fort bonne. L'importance. de la production du miel en Bretagne est donc immense. Si l'éducation des abeilles y est restée stationnaire à la suite des essais malheureux qui ont eu lieu ; si le miel et la cire y sont à vil prix et peu recherchés, cetle éducation, néanmoins, procurerait à ses pauvres ha- bitants des ressources alimentaires qu'ils n’iront point chercher dans les procédés de M. Melsent, qui nous promet le sucre à 40 c. le kilo- gramme. Ils pourraient d’ailleurs, avec le miel, se procurer une boisson tout. aussi facile à faire que le cidre, plus saine et plus agréable. Quoique la cire soit peu recherchée, elle se vendrait et leur donne- rait un peu d’argent, avec lequel ils pourraïent se mieux vêtir. Sans avoir la prétention de bouleverser les méthodes ordinaires par une meilleure, maïs aspirant seulement à ranimer une industrie agri- cole décroissante , j'ai apporté parmi vous. ma ruche à compartiments ou cadres verticaux, qui restera comme modèie aux Trois-Croix. J'en ai fait confectionner une commune à laquelle j'ai adapté des cadres pa- reils, dont l’usage permettra de jouir de la plus grande partie des avan- tagés qui résultent de ce système. Les avantages que présentent les cadres verticaux sont incontestables et inconleslés ;, mais ils n’ont été faits que pour les ruches en menui- serie , et ces ruches sont trop coûteuses pour le commun des éduca- teurs d’abeilles. Il fallait donc, dans l'intérêt de ces derniers, employer les cadres sans augmenter en rien le prix des ruches ordinaires ; il fallait trouver un moyen de les appliquer à ces dernières ruches. Voici ce que j'ai fait : J'ai {ronqué la parlie supérieure d’une ruche, je l’ai renversée pour qu'elle fût plus large en haut qu’en bas, puis je lui aï fait un cou- vercle composé d’autant de parties qu’elle avait de fois quatorze lignes de large. Ces parties sont des plancheltes d'un bon pouce d'épaisseur, dépassant la ruche d'autant de chaque côté.el s’adaptant parfaitement les unes aux autres. A chacune d'elles je fais deux trous pour recevoir un osier gros comme le petit doigt, à qui je fais faire l’arcon en bas. Ces arçons peuvent se placer dans toutes les ruches, qu'elles soient rondes'ou carrées, horizontales ou obliques en haut, qu’elles soienten paille ou en bois, ou en bourdaine. Les abeilles fixent leurs édifices sur ces baguelles, et cela permet de les enlever les uns après les autres, indépendamment les uns des autres, et de pouvoir, par conséquent, entretenir la proprelé, enlever les provisions de trop, faire les essaims, etc. TRUE 31 238 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Mais, les inconvénients des rayons d'une seule pièce se reproduisent ici. Ainsi, les abeilles bâliront peu ou mal en haut : pour y remédier, il faut recourir à la menuiserie et briser le cadre en deux parties faciles à fixer ensemble et à maintenir en haut au moyen de simples targetles. Le modèle que j'ai l'honneur de vous présenter a des cadres de ces deux façons, ce qui ne rend pas les ruches beaucoup plus coûteuses. M. Petit, ébéniste à Rennes, peut livrer les cadres à 1 fr. 50 c. Per- sonne ne reculera contre une aussi minime dépense, qui procure des avantages inconnus dans tout autre système. L’excellent rapport fait à Tours par M, le docteur Herpin me dispense de les exposer de nouveau; il suffit de renvoyer à ce rapport bienveil- lant, qui a parfaitement fait ressortir toutes les commodités que pré- sente ce système de ruche. M. le Président remercie M. le docteur de Beauvoys de la communication qu’il vient de faire, et dit que la ruche exposée à la ferme-modèle des Trois-Croix a été étudiée avec beaucoup d'intérêt. Il est permis d'espérer que l’exem- ple donné aura quelque puissance, et que l'éducation des abeilles , ressource précieuse pour le fermier pauvre, ces- sera enfin d’être stationnaire en Bretagne. M. de Léon entre dans quelques détails sur le commerce actuel de la cire et du miel dans le département d’Ille-et- Vilaine; il pense que le produit de ces deux objets est, au plus, de 630,000 fr. Ce chiffre semble à M. Bernède très- inférieur à l’ancien produit. Il voudrait des encourage- ments pour cette branche de l’économie rurale, et même un droit protecteur, car déjà la Nouvelle-Yorck nous fait une forte concurrence. Etudions, dit-il, le système doua- nier d’un peuple voisin, et tâchons d’aviser. La bonne in- telligence des trois sœurs, l’agriculture, l’industrie et le commerce, doit aussi nous aider à résoudre la question douanière. M. de Beauvoys, sur l'invitation faite par M. le Prési- dent, met sous les yeux des membres de la seetion plu- sieurs abeilles à antennes fleuries, et fournit quelques ex- plications à cet égard. Il dépose, au reste, sur le bureau, une note contenant des explications plus étendues. PT SEIZIÈME SESSION. 239 Note sur une prétendue maladie attaquant les antennes des abeilles. Par M. de Beeuvoys. La première description de cette maladie se trouve dans le Curé Francomtois, que M. Lapoutre publia en 1760. On lui avait signalé des abeilles portant fleurs en tête; il en vit; on lui en conta tous les pronostics possibles. Ce bon et distingué agricul- leur examina ces fleurs avec beaucoup de soin, les décrivit avec exac- titude, et pensa que c’élaient des excroissances fibreuses qui sortaient du dessus de la tête des abeilles, Ce sont, dit-il, de petites fibres termi- nées par une sorte de massue de couleurs diverses. Si on les prend avec de petites pinceltes, elles s’alongent beaucoup; si on les lâche, elles retournent sur elles-mêmes à la manière des nerfs ; quelquefois ces petits corps sont isolés, d’autrefois ils sont réunis plusieurs ensemble ; ils tombent d'eux-mêmes ou les autres abeilles les arrachent. M. Lapoutre était trop bon observateur pour dire que c'était là une maladie véritable des antennes, car il avait parfaitement vu que c'était . entre elles que les petits cops étaient placés. Aucun auteur depuis lui ne s’est donné la peine d'examiner ces petits corps ; ils les ont vu, maisils y ont, pour la plupart, fait si peu d’atten- tion, qu'ils n’ont plus dit fleurs en téte, mais bien maladie des antennes. M. du Couëdic dit que c’est seulement le pollen des fleurs de genêt qui s’est attaché sur les antennes. Je n’avais point vu ces petits corps lorsque je publiai la deuxième édition du Guide de l’Apiculteur. Ce fut seulement en 1848, à Fouras, près Rochefort, qu’en faisant un transvasement je trouvai une abeille chargée d’une gentille couronne. J’opérai en présence de messieurs les membres des Sociétés d'agriculture de Rochefort et de La Rochelle, parmi lesquels se trouvait le célèbre naturaliste Lesson. Je n’ai rien du lout à ajouter à la description qu’en a donnée M. La- poutre. Mais je dois dire que ces corps ne sont point de nature fibreuse animale ; qu’ils ne sont point des végétaux parasites tels que les botrytis qui s’établissent sur les vers à soie. Ils sont purement et simplement des élamines d’orchidées. Si vous détachez une des deux élamines de ces plantes, dont la fécondation est rare et difficile ; si vous la saisissez par sa pelile-massue et par son filet, vous lui faites prendre une longueur considérable. Lâchez l’anthère, et le filet se raccourcit comme le ferait un morceau de gomme élastique. Voici commen il se fait que la tête de l’abeille se trouve chargée de ces fleurs : La corolle des orchidées est très-resserrée, et, pour pénétrer aux nectaires, les abeilles sont obligées d'introduire leur tête entre les deux parlies qui la composent; alors les étamines comprimées se déta- 240 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. . chent, un mucus Wésgluant se fixe à la tête des abeilles et y retient les étamines. Déjà le savant entomologiste M. Duméril avait fait une observation semblable sur divers insectes qui , comme les bibrions, fréquentent les orchidées, et il a bien voulu me confirmer la réalité de celle qui est l'objet de celte note. Quant aux pronostics fâcheux que tiraient des fleurs en tête ee. sins du curé Lapoutre, ils s'expliquent parfaitement et font voir qu’ ne faut pas dédaigner les dictons populaires. Si le peuple n’est” M savant , il observe quelquefois parfaitement bien. Ainsi, ces voisins di- saïent Luë les fleurs sur la tête des abeilles annonçaïent qu’il n’y aurait pas d’essaims. Eh bien! cela est vrai pour les années dont le printemps est froid et pluvieux, car alors les opbris et les orchis sont pre$que les seules Plantes qui réussissent et sur lesquelles les abeilles puissent butiner. Aussi, dans ces circonstances, la disette est très-grande, et le sort des ruches n’est rien moins qu’assuré. La prévoyante reïne-mère se garde bien de pondre des peuplades dont le sort serait des plus tristes. M. le Président pose de nouveau la huitième question, relative au reboisement de la Bretagne, en faisant observer que la discussion de cetie question, dans la séance du 4 sepiembre, n’a point paru assez complète. M. Durocher obtient la parole , et dit que l’étude du sol breton et des productions de ce sol est propre à faciliter la grande opération du reboisement, la mise en valeur des landes. Il fait part des nombreuses observations qu'il a faites sur les parties du sol encore couvertes par de grands végétaux, sur celles qui sont soumises à la culture, et sur celles qui n’offrent qu’une végétation tout-à-fait misérable. 1l explique les avantages et les inconvénients que peuvent présenter lés divers terrains, suivant leur nature et leur position. Il indique les amendements qui leur sont appli- cables et les produits qu’on peut raisonnablement leur demander. En terminant sa dissertation, très-attentivement écoutée, M. Durocher dépose sur le bureau, comme une sorte de résumé, le mémoire suivant : Osersaions. sur les rapports qui existent entre la nature minérale des divers” terrains el leurs productions agricoles. Envisagés sous le rapport agronomique , les terrains. phtrnes le SEIZIÈME SESSION. DA sous-sol:de la Bretagne et.des régions limitrophes peuvent être parta- gées ,sabstraclion faite de leur âge géologique , en cinq classes : 1°-Granite et schistes cristallins (à éléments granitiques) ; 2° Schiste -argileux et grauvacke ; 3° Grès quartzite et schistes quartzeux ; 4 Dépôts tertiaires argilo-graveleux et caillouteux ; ‘5° Terrains calcaires. Établissons d'abord trois grandes divisions agronomiques :. 1° Les cultures et les prairies ; 2° Les forêts ; 3° Les landes ou friches. | Par.mes études géologiques , j'ai-déterminé la répartition des landes et forêts. à la surface des divers terrains ; j'ai reconnu qu'en Bretagne, et dans les contrées environnantes, ellesse trouvent pour la:plupart sur deux: sortes.de formations , sur les dépôts-tertiaires argilo-caillouteux, et plus encore sur le quartzite etles schistes quartzeux. Cette dernière sorte de terrains, bien qu’elle n’occupe pas, comparativement, une sur- face:très-vaste , offre dans beaucoup de départements'une plus-grande étendue de lanñdés'et de forêts que lesautresterrainsprisensemble. Citons d’abord le département d'Ille-et-Vilaine : La forêt de Paimpont, la plus grande.du département, dont da superficie:est d’environ:6 000 hectares, se trouve-sür le quartzite ; il en est de mème des forêts de La Guerche et du Theil, de celle de Sévaille et de la forêt de Haute-Sève ; où l'on voit la,plus belle futaie de chênes de la Bretagne. La forêt de Rennes, le bois de Tanouarn et le bois du Roi, sont Sur le dépôt lertiaire.-La forêt du Pertre esten partie sur le dépôt tertiaire, en partie sur le.gra- nite ; deux autres forêts, celle de Fougères et de Villecarlier, sont en majeure partie sur le granile. Les principales forêts de la Mayenne, celles des environs de La Gravelle, celle de la Grande-Charnie, près de Sainte-Suzanne , et celle de Mayenne, sont sur le quartzite ; ilen est de même.de la vaste forèt de Sillé, dans la Sarthe. En Normandie je puis citer les forêts des environs de Cherbourg, de Mortain, celles d’Andaisne, près de Domfront, d'Ecouves, près d'Alençon, et beaucoup d’autres qui se trouvent surle quarlzile; et les forêts de la Normandie et de la Sarthe qui ne sont passur ce-lerrain recouvrent presque toutes des-dépôts tertiaires argilo-sraveleux et caillouteux. Mais revenons sur l’Ouest : nous trouverons dans ledépartement-de Maine-et-Loire les forêts des en- virons de Pouancé ; dans le :département de la Loire-Inférieure , les forêts des environs de Châteaubriant, telles que la forêt de Teillé, la forêt Pavée, celle des environs de la Meilleraye et d’Ancenis. La plupart des forêts du nord de ce département sont situées au dessus du quartzite ou du schiste quartzeux ; quelques-unes, telles quelagrande forêtduGâvre, près de Blain, s'étendent en partie à la surface de terrains tertiaires. 949 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Si nous nous avancons dans les départements de la Basse-Bretagne, dans le Morbihan, les Côles-du-Nord et le Finistère, où il ya proportion nellement moins de terres cultivées que dans lesautres régions de la France occidentale, on rencontre des forêts et des landes, principale- ment sur du quartzite et des schistes quartzeux, quelquefois aussi sur le granite, mais presque jamais sur le schiste argileux accompagné de grauvacke; ainsi, les forêts de Lanouée et de Loudéac sont en grande partie sur des schistes quartzeux ; celle des Salles , près de Pontivy, celle de Coatannos, prés de Belle-Isle-en-Terre , sont sur le quartzite ; celles des environs d’Elven , et plusieurs petits bois du littoral du Mor- bihan et du Finistère, sont sur le granite ou sur des schistes graniti- ques; les bois des environs de Poullaouen et du Huelgoet sont partie sur le granite, partie sur des grès et des schistes modifiés pseudo- maclifères; les bois de Landévenec, près de la rade de Brest, recouvrent des quartzites. La loi de distribution que je viens d’énoncer pourles fo- rêts est donc générale ; les landes sont réparties de la même manière. Il serait fastidieux d'énumérer les landes de l’Ouest, en montrant les terrains où elles se trouvent ; je me bornerai à une indication spéciale pour les landes des départements d'Ille-et-Vilaine et de la Loire-Infé- rieure. Les landes immenses qui s'étendent de Saint-Aubin-d’Aubigné vers la Croixille dans la Mayenne, en passant par Saint-Aubin-du-Cor- mier et Saint-Christophe, se trouvent en presque totalité sur le quartzite. De même , ces landes si nombreuses et si étendues que l'on traverse lorsqu'on se rend de Rennes à Redon et de Rennes à Nantes, soit par Derval, soit par Châteaubriant, sont la plupartsur le quartzite, ou quel- quefois sur des schistes quartzeux, surtout sur un schiste rougeâtre qui est fort employé dans les constructions de Rennes, et qui est d’une sté- rilité assez générale. Dans le nord du département d’Ille-et-Vilaine, au pied de l’arête granitique de Feins, Hédé et Bécherel, se trouve une dépression très-vaste, où l’on remarque plusieurs landes sur des dé- pôts tertiaires argileux et caillouteux. Au midi de la Loire, il n’existe guère de landes que sur des dépôts de cette sorte, car le pays ne ren- ferme plus de roches quartzeuses. ’ La presqu'ile de Bretagne, considérée dans son ensemble, offre quatré zônes bien distinctes par leurs caractères géognostiques et agronomi- ques : une zône litloxale , comprenant les deux côtes nord et sud, for- mée principalement de granite et de schistes cristallins ; une zône cen- trale, composée de schiste argileux et de grauvacke, parsemée de quel- ques dépôts tertiaires ; les deux zônes qui séparent cette bande cen- trale des côtes sont composées de roches quarlzeuses entremélées de schistes et de quelques masses granitiques. La région littorale est la plus féconde en froment et la plus peuplée; tant à cause de sa fertilité qu’à raison du commerce maritime-et de: la pêche; ensuite vient la zône centrale, qui possède la plus grande éten- SEIZIÈME SESSION. 243 due-de prairies, et qui produit le plus de beurre. Les deux zônes inter- médiaires , celles formées de roches quartzeuses, sont les moins peu- plées et les moins fertiles; ce sont les régions des landes et forêts, celles où se trouvent groupées les usines à fer. Les landes produisent des ajoncs , Ulex europæus, Ulex nanus , et des bruyères, principalement l’Erica cinerea et la Calluna vulgaris. On y trouve encore les Erica ciliaris et tetralix , des fougères, surtout la Ple- ris aquilina et le Blechnum spicant. |] est à noter que la fougère (Pteris aguilina) et l’Ulex europœus ne se développent avec une certaine abon- dance que sur les landes passables , mais non sur les plus mauvaises. Les arbres qui composent principalement les forêts de l'Ouest sont le Chêne (Quercus robur ou Pedunculata), le Bouleau (Betula alba), le Hêtre (Fagus sylvatita) et le Pin maritime : cette dernière essence se ren- contre aujourd’hui dans preque loutes les forêts, et, à voir combien elle est répandue , il serait impossible de reconnaître qu’elle est exo- tique ; elle prospère même dans les forêts qui couvrent des éminences assez élevées en Bretagne ; elle n’y gèle pas, parce que le climat de Ouest est un climat maritime. Le.Pin sylvestre est très-peu commun. On trouve encore en quantité variable, dans les forêts, le Tremble, le Châtai- gnier, le Coudrier, le Houx, la Bourdaine, et, dans les parties basses, le Saule et l'Aulne. Le Sorbier des oiseaux (Sorbus aucuparia) est peu fréquent ; le Frêne et l’Ormeau sont très-rares dans les forêts, et sont cultivés seulement comme arbres champêtres. Jai montre que les cultures, les landes et forêts ne sont réparties ni uniformément, ni régulièrement sur tous les terrains, mais qu’elles sont distribuées d'après certaines lois. Cependant il ne faut pas atlacher à ces lois un sens trop absolu , et il est indispensable de lenir comple des variations que peut offrir un même terrain, qui est incontestablement plus fertile sur certains points que sur d’autres. D'abord, si la terre vé- gélale emprunte au terrain sous-jacent une partie de ses éléments, elle renferme en outre des principes indépendants du sous-sol, qui lui ont été apportés, soit par les courants aériens, soit par les inondations, ou qui sont le résultat des changements hydrographiques qu’a éprouvés la répartition des eaux stagnantes ou courantes à la surface du globe, pen- dant les diverses périodes géologiques. En outre, le terrain solide, situé au dessous du sol arable, offre lui- même, d'un point à un autre, des variations dans sa composition chi- mique, dans-sa texture, sa dureté et sa ténacité; et ces changements exercent une influence notable sur les différences de fertilité que présente la terre arable sur deux points appartenant à la même formation géo- logique. Examinons d’abord les grès anciens nommés quartzites par les géolo- gues : ils sont ordinairement très-durs, peu friables, souvent presque 24% CONGRÈS SCIENTIFIQUE: DE. FRANCE. compactes et composés presque exclusivementide quartz. Toutefois; si onles-examine avec soin, on y reconnaît de petits grains feldspathiques; blanchâtres, dans un état de décomposition plus ou moins avancé; et souvent ces roches, après avoir été long-temps exposées àrl'ain, s'allè- rent et deviennent. friables, par suite de la décomposition. qu'éprouve le feldspath. La facilité très-inégale avec laquelle les grès quartzites peu- vent se réduire en sable nous explique pourquoi, sur certains coteaux dont: le fonds en est formé , la couche superficielle est tantôt composée principalement de détritus quarlzeux arénacés, et setrouve tantôtpres- que dépourvue de. ces détritus. Il faut aussi avoir égard aux causes ex- térieures qui ont agi plus ou moins puissamment.pour désagréger la su- perficie des. rochers. D'ailleurs, les couches de. quartzite alternent: fré- quemment avec des couches schisteuses , et la nature de la terre végé= tale dépendra des propriétés relatives au quarzite et de celles relatives au. schiste qui lui est associé , car les couches sont presque toujours in- clinées , et souvent même verticales, Or, il arrive fréquemment que le schiste décomposé.et remanié a produit une matière argileuse qui forme à la surface du terrain un sol très-consistant, mélangé de gros cailloux de quartzite, Les roches schisteuses ont donné lieu , par leurs dénudations , à deux sols de composition et de propriétés variables, suivant que ces schistes. sont de nature argileuse , suivant que les détritus feldspathiques, mi- cacés et chloritiques , qui en font parlie, se trouvent sous une forme plus ou moins ténue, dans un état de décomposition plus ou moins avancé. Parfois les schistes sont très-quartzeux ou passent à des grès schisteux , ainsi que nous en offrent en exemple les schistes rouges de l’Ille-et-Vi- laine et certains schistes d’un gris foncé , verdätres ou bleuâtres, durs et résistants, que l’on rencontre en beaucoup d'endroits de la Bretagne. Mais, dans la partie centrale de cette presqu'ile, les schistes sont géné- ralement argileux, mélangés de grauvackes friables, et produisent des terres arables passables, un peu fortes, mais douées d’une faible acti- vité végétative, et exigeant des jachères de longue durée , lorsqu'on n’a pas d’amendements calcaires qu’on puisse leur ajouter comme stimulant, Les terrains granitiques offrent des terres arables de qualités diver- ses, en raison de l’état de décomposition de la roche : lorsqu’elle est quartzeuse et que les détritus feldspathiques sont peu altérés, on a des terres sableuses, sèches et légères : c’est ce qui a lieu, par exemple, sur une grande partie de la côte sud de Bretagne , el sur beaucoup de points de la côte nord; mais, lorsque la roche est peu quarlzeuse-et que le feldspath, presque tout-à-fait décomposé, a passé à l'état de kaolin, ou bien lorsque la surface du granite esl recouverte d’une couche argi- leuse superficielle, déposée par les courants de l’époque tertiaire, on a alors des terres fortes, humides , mais de qualité assez bonne, re qu'ordinairement le sous-sol n’en est pas imperméable. SEIZIÈME SESSION. 948 Les schistes cristallins, analogues au gneiïss, qui renferment les élé- ments du granite, offrent des propriétés analogues sous le rapport agri- cole. Autour de beaucoup de masses granitiques, on rencontre des ban- des deschiste modifié, contenant des noyaux macleux. La terre végélale qui les recouvre est ordinairement d’assez bonne qualité, mais presque toujours un peu trop forte, et l'addition de détritus graniliques en voie de décomposition y produirait un bon effet. Les terrains tertiaires, qui sont , dans l’ouest de la France, des dépôls de transport, offrent de grandes variations sous le rapport de la fertilité des sols arables. Comme ces terrains sont les plus modernes, abstrac- tion faite des alluvions récentes, il est clair que la terre végétale qui re- couvre les terrains tertiaires doit offrir, dans sa composition et ses pro- priétés physiques, plus d’analogie avec ces terrains, qu'il n’en existe entre les terrains anciens et les sols situés au dessus. Or, les dépôts tertiaires offrent près de la surface, tantôt une couche argileuse, pres- que pure, plastique, susceptible d’être employée pour poteries gros- sières , sans mélange des parties arénacées, ou ne renfermant que des cailloux parsemés çà et là. Dans ce cas , la terre végétale est trop con- sistante ,'et l'existence d’un sous-sol imperméable y retient les eaux, et l'on a alors des friches marécageuses , comme on en voit beaucoup dans YIlle-et-Vilaine, dans l’espace compris eutre Antrain , Feins, Bécherel et Evran, Lorsque le dépôt tertiaire consiste en sables et graviers quartzeux, mélangés d’un peu d’argile , et souvent agslutinés par un ciment ferru- gineux, le sol est de qualité passable et d’une fertilité moyenne. Cepen- dant, il a besoin d’engrais, et la chaux lui convient très-bien. La pré- sence de l'hydronide de fer ne nuit pas à la ferlililé de la terre, el sem- ble même plutôt lui être favorable, lorsque cette substance n’est pas trop abondante. Quant aux sols situés sur les terrains calcaires, les meilleurs sont ceux qui recouvrent des calcaires secondaires ou tertiaires, situés à une pelite profondeur, parce qu’ils renferment une quantité notable de car- bonate de chaux intimement mélangé avec les autres éléments de la terre arable: le sous-sol en est perméable, et ce sont en général les terres les plus fertiles. Ordinairement, ceux situés sur les calcaires an- ciens ne sont pas dans le même cas, ce qui tient à la compacité et à la solidité de ces calcaires ; ou bien la roche affleure directement à la sur- face, et alors elle est presque stérile : je pourrais en citer beaucoup d'exemples, et notamment la série de collines calcaires qui bordent la rive droite de la Sarthe en amont de Sablé, et sur lesquelles on trouve, en certaines parties, des vignes, mais, ailleurs, aucune autre végétalion que celle des Eryngium campestre. Lorsque les calcaires anciens n’af- fleurent pas, ils sont , dans le Maine , habituellement recouverts d’une couche argilo-sraveleuse tertiaire, qui est dépourvue de carbonate de Tours 32 946 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. chaux, et qui doit être chaulée de la même manière que les sols au dessous desquels il n’y a pas de couches calcaires. Si beauaoup de landes et de forêts se trouvent sur des dépôts ler- tiaires , cela tient en général à la nature trop argileuse de ces terrains, qui, très-consistants, exigent un labourage pénible ; se laissent traver- ser difficilement par les eaux, et quelquefois même sont tout-à-fait im- pérméables. La même influence a lieu pour beaucoup de sols qui recou- vrent les grès quartzites et sont aussi argileux, parce que les causes de dénudation qui ont détruit les affleurements de ces terrains de grès ont laissé au dessus d'eux un dépôt argileux provenant , soit des cou- ches de nature argileuse que l’on trouve souvent interposées entre les grès, soit du limon apporté par les courants qui ont érodé les plateaux de la Bretagne pendant l’époque tertiaire. Néanmoins , le sol recouvrant les grès et les schistes quartzeux est souvent laissé en friche par une cause directement opposée, parce qu'il est composé presque entière- ment de cétritus siliceux, qu’il est trop maigre et trop sec : c’est aussi ce qui a lieu quelquefois sur les lieux élevés formés de granite. Les dé- pôts tertiaires du nord de la Loire-Inférieure ont donné lieu assez fré- quemment à ces sols presque stériles, parce que, à la surface, se trou- vent des couches composées de cailloux quartzeux imparfaitement ar- rondis, et juxtà-posés. Cependant, je ferai observer d’une manière gé- nérale que , sous un climat humide et pluvieux comme celui de la Bre- tagne , les terres trés-légères, très-sableuses, sont ordinairement moins défavorables à la culture que les terres trop argileuses, qu’il est sou- vent difficile d’assécher , lorsque le terrain est uni. Les landes que l’on observe à la surface des formations quartzeuses ou granitiques se trouvent constamment sur des hauteurs ; mais, celles qui existent au dessus des dépôls Lertiaires occupent fréquemment des parties basses. Les différences les plus saillantes que présentent les variations de cul- ture-qui ont lieu d’un terrain à un autre , se produisent non seulement sous l’influence de la nature argileuse ou sableuse des terres, mais aussi enraison des principes calcaires préexistants dans le sol ou introduits artificiellement, et enfin sous l’influence complexe du voisinage de la mer. C'est sur les terrains schisteux et sur les dépôts tertiaires de na- . ture argileuse que l'on trouve le plus de pâturages et les belles prairies qui charment l’œil par leur verdure perpétuelle , grâce à l'humidité du sol ; maïis-elles sont moins propres à l’engraissement des bêtes à cornes que les pâturages des sols argilo-calcaires, où le fourrage se reproduit plus rapidement, et où croît une plus grande variété de plantes , sur- tout de plantes dicotylédones. Aussi les bestiaux maigres de la Bretagne n’arrivent-ils sur les marchés des environs de Parls qu’après avoir été engraissés dans les herbages du Calvados. SEIZIÈME SESSION. 247 La culture du sarrazin est presque universellement répandue dans toute la région de la France occidentale , qui èst composée de terrains anciens , c’est-à-dire qui offre des sols graniliques , argileux et siliceux. Cette culture semble bien appropriée au climat humide, au ciel nua- geux et aux terres froides de la Bretagne, qui sont presque dépourvues de principe calcaire et douées seulement d’une faible activité végéla- tive: c’est aussi dans de telles circonstances que l'emploi des noirs de raffinerie est regardé comme le plus avantageux. On produit beaucoup moins de sarrazin, et l’on cultive davantage le froment et les autres plantes regardées comme épuisantes, dans les régions où l’on peut acti- ver la végétation en ajoutant au sol des amendements calcaires, de la chaux , de la marne , des sables coquilliers ou calcarifères : ainsi, dans le zône maritime ou dans le voisinage des formations calcaires. Si, quiltant la Bretagne, on atteint les plaines ou les plateaux de la Normandie, où affleure le calcaire secondaire , on voit tout-à-fait dispa- raître la culture du sarrazin , et en même temps la physionomie du pays éprouve un changement complet. Le sol à surface ondulée de la Bre- tagne est divisé en une infinité de petites parcelles que séparent des haïes vives tellement couvertes d'arbres, que la contrée fait à l’œil l’effet d’une immense forêl. Mais les terrains de calcaire secondaire constituent des plateaux très-unis, à surface plate et fort peu boisée. En outre , la nature des arbres n’est plus la même : le chêne et le châtaignier, qui abondent comme arbres champêtres sur les terrains anciens, sont rem- placés par l’ormeau. Il en est ainsi sur de petits bassins calcaires qui existent en Bretagne et sur une grande partie du littoral. De méme que l'Ormeau , l’Erable ( Acer campestre ) et le Noyer (Juglans regia ) sont plus développés sur les terrains calcaires ; le Bouleau , le Tremble, le Chêne et le Châtaignier conviennent mieux aux terrains argileux et sili- ceux ; le Pin marilime est cultivé avec succès sur ces mêmes terrains et dans les parties les plus médiocres : c’est une des essences qui ré- sistent le mieuxaux vents; aussi est-elle très-répandue sur le littoral, principalement sur la côte sud de Bretagne , et on doit l’employer pour arriver à un reboisement graduel des terrains montagneux. L’Ajonc (Ulex europæus) et le Genêèt à balai (Sarofhamnus scoparius) croissent spontanément et sont cultivés comme plantes de jachères sur les terrains anciens , mais non sur les sols calcaires ; l’Ajonc n’est pas seulement employé pour le chauffage, mais c'est encore un fourrage très-estimé et qui donne de très-bons produits. Le Colza et le Tabac prospèrent dans certaines parties de la région littorale, principalement aux environs de Saint-Malo ; la Luzerne y réussit aussi de même que sur les sols calcaires à l’ intérieur des terres. La culture du Sainfoin est in- connue en Bretagne. — Enfin j je terminerai en disant que les tourbières de l’Ouest se trouvent principalement dans des bas-fonds granitiques. 248 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. M. de Caumont voit dans les observations que M. Du- rocher vient de présenter, et dans celles qui ont été présen- tées à la séance du 7, tous les éléments d’une bonne carte agronomique. Il engage de nouveau M. Durocher à ne pas perdre de vue cet objet important. Ce dernier répète qu’il est très-disposé à publier une carte agronomique de la pé- ninsule bretonne. A cette carte serait joint un texte, dans lequel M. Malaguti l’aiderait à établir la composition chi- mique des diverses plantes généralement cultivées dans le pays. La comparaison des résultats donnés par la même plante en différentes localités, rapportée à un type modèle, pourra instruire l’agriculteur de ce qu’il doit faire pour at- teindre ce modèle, soit par la culture, soit par les amen- dements. M. Durocher ajoute qu'il existe déjà des cartes minéralogiques pour un grand nombre de départements ; mais que ces cartes, toujours fort utiles , ont été faites par des ingénieurs différents, et qu’elles n’ont pas l'unité de vues que peuvent désirer les agriculteurs. Un travail plus homogène, offrant la cote des hauteurs indiquée par la carte de l’état-major, mérite certainement d’être entrepris ; mais il faudrait, pour le conduire à bonne fin, le concours du Gouvernement, une allocation spéciale de fonds. Partageant cette opinion, M. le Président propose aux membres de la section d'émettre le vœu suivant : Considérant qu’il existe une connexion intime entre la géologie et l’agronomie; considérant que des travaux déjà existants sur cette matière, mais exécutés sans unité de vues, exigent une corrélation dans l'intérêt de l’agriculture, . pour bien faire connaître les causes de fertilité des terres et pour enseigner les moyens de les rendre fertiles, le Con- grès scientifique, xvi° Session, supplie M. le ministre de l’agriculture et du commerce , ainsi que M. le ministre des travaux publics, de procurer, soit directement, soit par l'intermédiaire des Conseils généraux des cinq départe- ments bretons, les moyens d'exécuter et de publier une carte agronomique pour toute la région péninsulaire de la Bretagne, d’après les travaux de M. Durocher, ingénieur SEIZIÈME SESSION. 249 des mines. — Il espère, en outre, que le Conseil général du département d’Ille-et-Vilaine voudra bien appuyer de toute son influence ce projet de travail, dont l'utilité est in- contestable. La proposition est adoptée à l’unanimité. Comme il est près de onze heures et que l’ordre du jour n’est pas épuisé, plusieurs membres demandent une séance de relevée. Une délibération a lieu à cet égard, et la de- mande est accueillie. La séance est levée. Séance extraordinaire du $S Septembre 1849. Présidence de M. DE GENOUILLAC.— M. DE LUSTRAC, Secrétaire. La séance s'ouvre à trois heures et quart. Un membre, en rappelant le vœu émis à la fin de la dernière séance, dit que la carie agronomique du Calvados, par M. de Cau- mont, a été publiée, et que dix cartes semblables se pré- parent en France sous la direction de l’Institut des pro- _vinces. M. Durocher obtient la parole pour donner quelques ex- plications sur le mode d'irrigation qu’il paraît convenable de suivre en Bretagne. Il rappelle les détails intéressants que contient le mémoire sur les irrigations, adressé au Congrès par la Société d’agriculture, sciences et arts de la Sarthe; mais il croit que les travaux exécutés dans ce dé- partement n’auraient pas en Bretagne un résultat aussi avantageux. Les irrigations de la Sarthe, dit-il, ont été faites princi- 250 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. palement sur des terrains secondaires. En opérant sur les sols généralement argileux qui recouvrent, en Bretagne, les terrains anciens , on convertirait certainement en prai- ries des terres médiocres, mais on n’obtiendrait pas cette augmentation considérable de produits que mentionne le mémoire. Nos terres sont moins perméables à l’eau, et no- ire climat est plus humide que celui du Maine. Chez nous, l'irrigation ne paraît guère applicable qu’aux prairies et à certains terrains destinés à la culture des légumes, hari- cots, fèves, choux, navets. On ne doit pas songer à l’ap- pliquer aux terres cultivées en céréales, terres qui sont plutôt humides que sèches, ni à celles où l’on cultive des pommes de terre. Le trop grand état de division des terres, en Bretagne, rend difficile l’exécution de grands travaux d'irrigation par des particuliers; mais il est facile d'utiliser, pour.établir des prairies sur les terrains inclinés, les eaux qui s’écou- lent sur le penchant du coteau et celles qui descendent des montagnes de l’intérieur de la Bretagne. Les eaux, en la- vant la surface du sol, entraînent des détritus de-toutes sortes de minéraux, végétaux et animaux, et privent ainsi le sol. de beaucoup de principes fertilisants. IL serait facile de les retenir au moyen de rigoles placées transversalement à la, pente du sol, d’où on les répandrait sur les prairies que l’on aurait créées au moyen de rigoles disposées trans- versalement. Comme l’a déjà indiqué M. Palonceau, et . comme le rappelle M. de Hennezel, cette retenue tempo- raire des eaux, outre qu’elle profitérait beaucoup à l’agri- culture, rendrait les inondations plus rares, moins désas- treuses, et il-serait fort utile d’en faire usage pour la mise en culture des terres vagues et presque stériles qui cou- vreni les pentes d’une partie des montagnes de l’ intérieur de la Bretagne. La question n° 4 est posée : « Quels sont les résultatsin- » contestables de l'emploi du sel à l'amendement des. ter- ».res? »> SEIZIÈMÉ SESSION. 9251 M. de Léon, chargé d'examiner le mémoire sur ce sujet, adressé au Congrès par la Société d’agriculture, sciences et aris de la Sarthe, en rend un compte très-avantageux, et annonce en même temps que les expériences faites avec beaucoup de soin ont offert des résultats assez différents. Le travail dont il s’agit est lu. Le voici : RAPPORT Fait à la Sociélé d'agriculture , sciences et arts de la Sarthe, sur l'emploi du sel comme amendement des terres, par la commission d’agricullure. { Séance du 28 juillet 1849, M. GUÉRANGER, rapporleur.) l MESSIEURS , Depuis longues années, l'utilité du sel en agriculture est le sujet de controverses dont le résultat n’a pas toujours été de faire disparaître les difficultés de la question. Suivant moi, l’on a trop cherché la lu- mière dans des discussions savantes, je le veux bien, mais qui sont ordinairement peu fécondes, quand elles ont rapport aux phénomènes naturels , si elles ne sont pas la déduction rigoureuse de faits sévère- ment observés. L'homme a un penchant naturel à la comparaison. L’analogie, en effet, quand le premier terme est complètement apprécié, peut diriger quelquefois dans certaines recherches ; mais la prudence conseille toujours de ne proclamer un résultat que quand l’expérience l’a mis hors de toute contestation. Est-ce ainsi qu’on a procédé dans la question du sel ? Nous pourrons en juger, Messieurs, puisque les raisonnements sur lesquels se sont appuyés les premiers partisans de cette doctrine sont les mêmes que ceux qu’on invoque aujourd’hui. Voici les principaux arguments : Sur les côtes de la Bretagne et de la Normandie , on vient chercher de trés-loin le limon que la mer a laissé sur ses bords , ou les varecs que la vague a jetés sur le rivage; on les répand sur les champs, et la terre, fertilisée par ce seul engrais, produit de belles moissons : donc le sel favorise la végétation. Si le limon ou les varecs ne contenaient que du sel , le raisonnement serait sans réplique; mais il n’en est pas ainsi, et pour quiconque a vu ces matières , la question devient plus compliquée. Le sel, en effet, ne forme qu’une bien faible fraction de cette masse , puisque l’eau de mer n’en renferme que quelques centièmes , et que cet engrais ne re- tient d’eau de mer que ce qu'il en faut pour le mouiller. La proportion 252 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. du sel se réduit donc à bien peu de chose ; mais ce qui existe en quan- tité, ce sont les plantes nombreuses qui constituent la flore sous-marine, les mollusques, les crustacés , les polypes , les radiaires , les débris de poissons ; en un mot, toutes les matières orgauiques vivantes et mortes que vomit chaque flot de la mer. Je m’étonne vraiment qu'ayant sous les yeux tant de substances pro- pres à se transformer en engrais parfait, on ait attribué au sel, qu’on ne voit pas, une vertu merveilleuse qui ne se comprend guère. Le sel, nous dit-on encore, n’est pas une nourriture pour les plantes, mais c’est un condiment qui stimule la végétation. Ce mot se répète et obtient faveur , et pourtant que veut-il dire? On comprend bien que l'estomac des animaux éprouve une excitation favorable à la digestion des aliments ; le système nerveux dont il est doué l’explique d’une ma- nière suffisante ; mais dans la plante, cet être chez lequel la vie est quelquefois si rudimentaire , que plusieurs de ses fonctions pourraient presque s'expliquer par la loi de la capillarité, qui peut dire la fibre ou l'organe qui reçoit celte excitation ? , Je ne vous soumets ces objections , Messieurs, que parce que l'opi- nion qu’elles combattent se trouve encore très-répandue. Cependant, depuis quelques années , des hommes accoutumés aux expériences délicates ont pensé qu’il leur appartenait d’écarter les nuages qui obscurcissent cette question. Le sel a été essayé par eux directement et sans mélange. C'était là sans doute le seul moyen d’ar- river à un résultat définitif ; et cependant, il faut le dire, la lumière ne s’est pas encore faite, malgré des efforts savamment dirigés ; car, tandis que les uns obtenaient des avantages marqués , les autres n’obtenaient n’observaient aucune amélioration sensible. Votre commission a marché à la suite de ces expérimentateurs dans la voie qu'ils ont tracée ; mais, avant de vous exposer ses résultats, vous me permettrez, Messieurs, de vous raconter en quelques mots l’histoire des premières tentatives. Cette courte analyse , dans laquelle nous ne trouverons que des noms honorablement connus dans la science, mettra au courant de la question ceux ne nos collègues pour lesquels ‘ elle est moins familière. Ce fut M. Lecoq, savant professeur à Clermont et naturaliste distin- . gué, qui, le premier , entra dans la voie de l’expérimentation directé. Il répandit le sel en nature sur des céréales, sur des.prairies artificielles, sur des cullures de racines, et même sur du lin. Ses doses, sur chaque parcelle de terrain contenant chacune un are , furent progressivement augmentées depuis 1,500 grammes jusqu’à 6,000. Toutes ces doses furent profitables , mais à des degrés différents. Ces expériences, habi- lement conçues et patiemment dirigées , valurent à leur auteur un prix qui lui fut décerné par l’Académie du Gard. in SEIZIÈME SESSION. 9253 M. de Dombasle écrivit au professeur de Clermont pour le féliciter de ses heureux résultats, et pour l’encourager à continuer ses recherches. Il lui signalait en même temps le$ difficultés que sa longue et laborieuse pratique le mettait à même d'indiquer dans ce genre d'expériences. Il ajoulait que depuis la publication de M. Lecoq, il avait encore fait avec le sel une trentaine d’essais qui tous avaient été complètement négatifs. Depuis cette époque, M. Lecoq n’a plus rien publié sur l'utilité du sel en agriculture ; et nous n’avons pas appris que l'emploi de cet amende- ment se soit répandu dans l’Auvergne. M: Becquerel, qui s’est livré il y a deux ans au même genre d'expé- rimentation , a aussi obtenu des avantages, mais dans des conditions de terrains toutes spéciales, et avec des soins rarement applicables dans la grande culture. Enfin, MM. Dubreuil, Fauchet et Girardin, de Rouen, ont publié l’an dernier, dans les comptes-rendus de l'Académie des sciences, des ex: périences faites avec le sel marin sur le blé en 1846. Il résulte de ces essais, « 1° que le sel employé dans la proportion de 2 à 5 kilogrammes par are a augmenté le produit de la récolte; » 2° Que la dose la plus productive du sel répandu à l’état solide a été de 4 kilogrammes par are; » 3° Que la dose la plus favorable à la production de la paille a été de 4 à 5 kilogrammes par are; » 4° Que la dose la plus favorable à la production du grain a été de 3 à 4 kilogrammes par are; 5 » 5° Que l'influence du sel s’est exercée à peu près également sur la paille et sur le grain; mais en outrepassant la quantité de 4 kilogrammes par are, on développe proporlionnellement plus de paille que de grain, et l’on détermine le versement des récoltes sur les terres déjà fumées. De 0 0 © © + + © © + + + + + + 0e © + es +5 8 Que le sel employé sous forme d’arrosement, au printemps, a produit une augmentalion de récolte, tant en paille qu’en grain, et la dose la plus productive a été de 5 kilogrammes par are. » Je dois nécessairement passer sous silence, quoique à regret, loules les autres publications ne renfermant que des vues théoriques d'appli- cation, puisqu'il ne s’agit ici que d'expériences précises. Je puis donc dire que la question pratique en élait là quand, le prix du sel se trouvant réduit à un taux qui en permettait l’usage en grand, vous avez pensé qu'il appartenait à notre Sociélé d’éclairer l’agriculture de la localité sur l'efficacité de ce nouvel agent de fertilisation employé sur notre sol manceau. Les fonds que vous avez mis à notre disposition ont été employés par votre commission à faire de nombreuses expé- riences, dont il me resle à vous entretenir, T. I. : 33 254 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. 1. — Expériences de M. Bourdon-Durocher, Le Commentées en mars dernier, à raison de 4 à 5 kil. par are sur les terrains suivants : 4° Sur deux planches d’asperges : sur l’une, le sel a élé employé en grain, et sur l’autre à l’état de dissolution dans l'eau. 2° Engrais sur un vieux gazon; 3° Idem sur une prairie de sainfoin ; ‘4° Idem sur une plantalion de pommes de terre: sur ces dernières, le sel a été semé sur les tubercules recouverts d’une légère couche de terreau, chaussumé , puis enterré convenablement. : D'après l'opinion de M. Bourdon-Durocher et celle des journaliers em- ployés à sa cullure, aucun signe d'influence sur la végétation due à l'ac- tion du sel ne s’est fait remarquer d'une manière appréciable, soit contre ou en faveur de son emploi. IT. — Expériences de M. Menard-Bournichon. L'emploi du sel comme engrais , dans le canton d'Ecommoy, n’a pro- duit dans les récoltes ni amélioration ni détérioration. Le 26 mars dernier, la nuit précédente, il avait tombé de la neïge assez abondamment, le soleil la fit fondre, et vers midi j'ai semé 12 kilogr. de sel marin, à raison de 40 grammes par mètre carré, 1° sur deux carrés d’asperges dont la terre peut être qualifiée de légère; 2° sur deux sillons de froment qui avait déjà 15 centimètres de hauteur : le terrrain est considéré comme terre forte ; le sous-sol est de l'argile vive; 3° sur un are de bon pré haut en terre forte. Dans la térre légère , ainsi que dans la terre forte, le sel a été environ deux jours avant d’être entièrement fondu ; mais vers la fin de mars, on remarquait à la surface du sol une substance blanchâtre telle qu’elle se voit sur les bords des marais salans. Le froment ne présentait aucune modification. Des examens et confrontalions faits en avril et j juin , il ne résultait aU- cune différence dans la végélalion des plantes, et la récolle du foin a eu lieu sans augmentation ni diminution. Le froment est encore sur pied, mais la paille et les épis sont les mêmes sur les deux sillons couverts de sel comme sur ceux de droite et de gauche, Si le sel a produit quelques bons effets dans quelques contrées , il pa- raît devoir être peu profitable au canton d'Ecommoy. HL. = Expériences de NI. François Vallée. M. François Val'ée n’ayant expérimenté l'action du sel marin que SEIZIÈME SESSION. 255 sur les pommes de terre, au double point de vue de la préservation de la maladie et de l’augmentalion du produit , ne pourra rendre compte de ses expériencescomparalives qu'après la récolte des tubercules. Tout ce qu'il peut dire jusqu’à présent , c’est qu’il n’a remarqué aucune dif- férence appréciable dans la végélation des plantes soumises à ses essais. IV. — Expériences de M. Letrône. Cés expériences ont été faites sur plusieurs cultures dans l’enclos des aliénés de la ville du Mans. Le 4 mars dernier, M. Letrône a fait répandre 2 kil. de sel marin sur 1 are ‘d'un piquage récent de pommes de terre, choisi à l’angle sud- ouest du champ. Le sel a été répandu uniformément sur les pommes de terre ;, recouvertes dans la partie de la rigole où les tubercules devaicnt se développer. Le 5 mars, 2 kil. de sel ont élé semés sur 1 are de trèfle incarnat : cette plante commençait à pousser. . Le même jour, on a pratiqué, autour d’un poirier nouvellement planté, une rigole de 15 centimètres de profondeur et d’un diamètre de 50 cen- timètres , dans laquelle on a fait étendre, le plus également possible, 125 grammes de sel. = Le même jour, on a semé, dans la partie la plus froide d'un petit pré dépendant de l'asile, 4 kil. de sel sur une étendue de 50 centiares. Le 12 avril, on a étendu 2 kil. de sel sur 1 are ensemencé d’orge, avant la germination du grain. Le 4 mai, on a répandu la même quantité de sel sur une même élen- due d’orge en pleine végétation. Le 7 avril, on a semé 12 kil. 500 gr. sur 2 ares de pré de nature froide et ne produisant guère que des plantes aqualiques. Une première visile, faite le 4 mai à toutes ces cultures, n'a fait. connaitre aucun caractère qui püt-faire juger de l'efficacité du sel. Le trèfle incarnat , qui commençait à fleurir, avait atteint le même déve-_ loppement parlout ; on remarquait seulement, dans la portion salée, une couleur plus claire ; le vert en était moins foncé. Le 24 mai , au mo- ment de la pleine floraison , le trèfle salé semblait moins robuste, l’autre avait reçu de la cendre de bois. Le même jour, 24 mai, l'herbe salée du pré de l’asile n’avait pas changé de nature , et son aspect, comparé au reste du pré, n’offrait rien de re- marquable. L’orge et les pommes de terre ne présentaient aucune diffé- rence dans les endroits salés ou non salés. Le 3 juillet, même observation sur toutes les cultures. Le 24 juillet, les pommes de terre sont arrachées ; elles ne sont ni plus grosses, ni plus nombreuses, ni plus préservées de la maladie que celles 256 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. qui n’ont pas reçu de sel. L’orge est en état de maturité très-prochaine; rien dans son aspect ne dénote le moindre changement en bien : la paille ét les épis sont en tout semblables. Le poirier végète comme ses voi- sins. En somme, M. Letrône n’a trouvé aucun avantage à faire usage du sel comme amendement des terres , quoiqu'il ait employé les doses re- commandées , et qu'il ait. mis à ses expéricnces tous les soins qu’elles exigeaient. . Le terrain mis en expérience est sablonneux et assez substantiel. 1 V. — Expériences de M. Ed. Guéranger. à Le rapporteur de voire commission a aussi fait quelques essais, dont l'énoncé terminera cette lecture déjà un peu longue. Le 3 mars 1849, 4 kil. de sel ont été répandus sur 1 are de De emblavée en froment, commune deSainte-Croix. 2 kil. sur 50 centiares de trèfle, même commune. Le 3 mars 1849, 1 kil. de sel a été répandu sur 25 centiares d’asper- ges, commune de Sainte-Croix. 1 kil. sur 25 centiares de pois ronds , même lieu. Le 8 mars . 2 kil. sur 50 centiares de froment, commune de Spay, terrain sableux. 2 kil, sur 50 centiares de trèfle, même localité. 2 kil. sur 50 centiares de prairie naturelle fumée. 2 kil. sur 50 centiares de prairie naturelle non fu- mée. Le 8 mai 4 kil. sur 25 centiares d'oignons de semis. 1 kil. sur 25 centiares d'oignons dits de Niort. 2 kil. sur 50 cenliares de pommes de terre. Ces onze expériences, suivies avec soin, ne m'ont offert, pendant tout le temps de la végétation, aucun avantage appréciable à l’œil. Les pois -ronds et les oignons ont d'abord souffert, mais, après des pluies qui sont survenues , et qui ont lavé les lerrains, ces légumes ont repris l'ap- parence de leurs vaisins. Les pommes de terre ne sont pas assez avancées (4) pour apprécier l'effet du sel sur les tubercules ; mais les liges n’accusent pas une végé- tation plus vigoureuse. Le blé n’a pas versé, quoique l’année ail élé très-favorable pour pro- (1) Voyez à.la fin les additions. deux j à SEIZIÈME SESSION. 951 duire-cet.accident. On n’a pu encore en mesurer comparativement la quantité (2). Néanmoins, désirant avoir quelques bases de comparaison, j'ai coupé dix épis pris au hasard sur le blé salé et le même nombre sur le blé non salé. Les épis du blé salé ont rendu plus en nombre que les autres. Celte expérience, répétée trois fois, a toujours été favo- rable au blé salé; mais la qualité de ce dernier a été trouvée inférieure par plusieurs cullivateurs non prévenus de mes expériences. Les grains en sont généralement moins bien nourris, et quelques-uns se sont par- tiellement desséchés avant d’avoir acquis tout leur développement. Cent grains de blé salé pèsent moins que cent grains de blé non salé. En somme, en supposant qu'après le batlage, le rendement du blé salé Soit plus considérable , ce qui n’est pas encore établi, le défaut de qua- lité compenserait la légère augmentation de produit. Quant à la paille, elle n’a jamais été plus longue dans un cas que dans l’autre. CONCLUSION. Je crois pouvoir conclure des essais nombreux quecinq des membres de votre commission ont faits chacun en particulier , sur des terres éloi- gnées et de qualité différente, de même que sur des récoltes de nature très-diverses , que l’agriculture de notre contrée ne profitera pas beau- coup del’usage du sel, considéré comme amendement des terres. Mais _je-crois que ,:dans ce genre de recherches, il ne faut pas toujours s’en rapporter au coup-d'œil, et qu'il est indispensable, avant de se pro- noncer pour ou contre, d'employer rigoureusement la mesure et la ba- lance, quand ce ne serait qu’au point de vue purement scienlifique ; ce qui, je crois , est le séul qui ail chez nous quelque chose à gagner à ces sortes d'essai. ADDITIONS: Depuis la lecture de ce rapport, les pommes de terre et le froment ayant élé récoltés, j'ai pu compléter les observalions pour ce qui les concerne. < * Les pommes de terre salées n'ont été ni plus grosses ni plus nom- breuses, et s’il y avait quelque différence relalivement à l'invasion de la maladie, ce serait certainement à leur désavantage. (2) Voyez à la fin les additions. Sr MERE datée DE FRANCE. marquer : - L’are de terre salé, commune de Sainte-Croix, a fort sept gerbes pesant ensemble, avant parfaite dessiccation........... 81 kil. 500 Ælles ont donné en grain brut sortant de l'aire. . 14. 8 500 Ce blé, récolté le 4 août, nettoyé et CS pts avjoriés | d'hui, le double décalitre ...:.. ROME AS EMA E NES 072 Un are non salé a produit huit Li dé poids total, avant dessiccalion parfaite , de.. aug de JHREÉ PME 750 Qui ont fourni en grain....... à SR RAA FHÉSNC, MES 30 000 ” Ce blé, récollé le 4 août, pèse aujourd'hui, après avoir , été nettoyé et criblé, le double décalitre................ 145 700 C'est-à-dire 628 grammes en plus que le blé salé. La qualité supérieure du blé non salé est très-appréciable à la simple vue, ainsi qu’on en pourra juger par les échantillons qui sont joints à ce rapport. ’ Le sol qui a nourri l’un et l’autre appartient à la partie du terrain cré- lacé, connu des géologues sous le nom de grès vert; elle est fort peu calcaire. M. Bourassin mentionne les expériences qu'il a faites en Basse-Bretagne , aux environs de Quimper, pour appré- cier l'emploi du sel à l'amendement des terres. Le résultat obtenu est avantageux et même remarquable. Des terres, qui ne produisaient que 8 ou 9 hectolitres de blé, pour 4 hectolitre de semence, en ont produit 44 et 15, lorsque 120 kilogrammes de sel par hectare ont été ajoutés à la quantité de fumier habituellement employée. L'opération se fait, soit en mélangeant le sel par couches avec le fu- mier, au moment de la trituration, soit en répandant le sel, par un temps humide, sur les céréales parvenues à la hauteur de cinq centimètres. Il est rappelé que la question de l'emploi du sel en agri- culture a été agitée à Paris entre MM. Payen et Becquerel, mais que leurs observations, tout en formant une série d'éléments pour la solution cherchée, n ont point abouti à des conclusions formelles et complètes. M. Durocher dit que, pour résoudre la question posée, il estnécessaire de Connaitre le mode d'emploi du sel, deplus, toutes les circonstances qui l’accompagnent,, telles.que la SEIZIÈME SESSION. . . 259 nature du terrain où on l’applique, la composition de la plante que l’oncherche à favoriser dans son développement. En effet, l'emploi des engrais azotés, même en quantité surabondante , n’a qu’un effet, une plus grande végétation foliacée, et sa quantité surabondante reste sans nuire. Il n’en est pas de même des engrais minéraux : la chaux, la potasse, la soude, à certaines doses, sont utiles; à des doses plus élevées, nuisibles. Mais, pour ne parler que du sel marin, ce sel contient surtout du chlorure de sodium ; or, la potasse et la soude entrent pour beaucoup dans les cendres de plantes, et peuvent, jusqu’à un certain point, se suppléer l’une l’autre dans le développement des plan-- tes; mais leur excès est nuisible. Or, si le terrain sur le- quel on opère contient déjà soit de la potasse , soit de la soude , il est évident qu’une nouvelle addition de soude par le sel marin est contre-indiquée. Si la plante que l’on veut cultiver contient peu de ces bases, il lui serait contraire d’en ajouter. Enfin, la température et la nature du climat sont deux points essentiels à faire entrer en ligne de compte, car on sait que les engrais tels que le noir animal, fort utiles dans les pays humides , le sont au contraire fort peu dans le Midi de la France. Ainsi, pour des expériences con- venables, il faudra partager son terrain en parcelles égales, faire connaître la nature du terrain et du climat, les doses différentes appliquées aux parcelles, et enfin la nature des plantes sur lesquelles on opère. Il sait que les expériences mentionnées par M. Bourassin ont été faites avec tout le soin désirable. Aucun autre membre ne demandant la parole, M. le Pré- sident exprime ses regrets de l’absence de M. de Béru. Comme cet habile agriculteur a fait de nombreuses expé- riences sur l'emploi du sel et presque toujours avec succès, ses communications n'auraient pu manquer de jeter beau- coup de jour sur la question qui vient d’être discutée. M. le Président résume ensuite rapidement la discussion, ei con- clut, des diverses expériences soumises à sa section, que si, dans plusieurs circonstances, l'emploi du sel a été de 260 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. nul effet et même quelquefois nuisible, dans d’autres’, au contraire , il a produit les résultats les plus avantageux: 11 fait observer que.ces faits sont, au reste, parfaitement conformes à la théorie de M. Durocher, d’après laquelle on ne doit faire usage de cet amendement que suivant la na- ture du sol et celle des plantes cultivées. ” En conséquence, il propose à la section de reconnaître que, dans l’état de la question, il est d’un haut intérêt, pour l’agriculture, de multiplier les expériences et les étu- des des géologues, pour arriver à préciser, d’une manière positive , les circonstances dans lesquelles l'emploi du' sel peut être avantageux ; de déclarer que, pour le moment, la section est d’avis qu’on ne doit faire usage de cet amen- dement qu'avec une extrême prudence. Ces conclusions sont adoptées par la section. Elle entend ensuite avec intérêt la lecture d’une lettre adressée par M. Coilland , ancien agriculteur, aux membres du Congrès. Il y s’agit d’un nouvel engrais, le sang chaulé, Rennes, pont Saint-Martin, 6 septembre 1849. & Messieurs , TRS En France, une grande diversilé d’engrais est livrée au commerce, afin de parer à la disette de fumier, principal obstacle du progrès agri- cole. Le guano, le résidu des raffineries, la poudrette et bien d’autres encore, fournissent à la terre le moyen de produire, dans la saison convenable , les plantes d’une croissance rapide , comme les sarrasins, les chanvres, lins, etc.; la marne, la langue, la chaux, le sel, viennent en leur lieu réparer l'absence des parties nécessaires à la terre pour une féconde végétation. Mais, jusqu’ à présent , il n’avait pas été détiné au cultivateur de pou- voir se procurer un engrais artificiel puissant et d’assez longue durée pour remplacer le fumier, et propre à l'accroissement des céréales, aux ensemencements d'hiver. L’inventeur du sang châulé ne prétend pas avoir trouvé la pierre phi- losophale; mais il croit avoir rendu un véritable service à l’agriculture en mettant à profit l'immense quantité du sang des boucheries de France, le plus ordinairement perdu pour elle. Le sang chaulé se compose de 65 parties de sang, 25 parties de chaux, SEIZIÈME SESSION. 261 #9 parties de sel : il peut donc procurer à la fois nourriture, division et excitation ; et si chacune de ces parties est employée avantageusement, il est indubitable que réunies elles produisent un meilleur effet. La critique, tout en admettant la puissance du sang chaulé, a prétendu qu'il serait meilleur, si la chaux ne faisait pas perdre au sang une parlie de l’azole qu'il contient. À cela l’inventeur répond qu’il n’y a pas la dé- perdition d'azote qu’on suppose (le sang est cuit ; mais il n’est pas des- séché); que l'analyse faite par notre savant chimiste M. Malaguti, por- tant à 6 1/2 pour 100 la quantité d'azote contenue dans cet engrais, prouve qu'il n’y a presque pas de déperdition ; car, si l’on sépare les matières étrangères au sang, ce ne sera plus 6 1/2 pour 100, mais bien 6 1/2 pour 65, ce qui cadre, à peu de chose près, avec l’état normal du sang. Ainsi , nonobstant la critique, qui du reste ne fait que préjuger, sans s'assurer de rien, les faits viennent constater que la France possède maintenant un engrais puissant, d’une trés-longue décomposilion, d’un très-bas prix, et d’une si facile composition, que la simplicité du procédé, qui fait tout le mérite de l’invention, ne peul fixer que le raisonnement ; aussi ceux qui ne sont frappés que par la vue des appa- reils,, des établissements, ne le regardent-ils qu’en pitié, jusqu’à l'essai, Ne vous semble-t-il pas, Messieurs, qu’il serait avantageux pour l’a- griculture de faire connaître l'existence de cet engrais, dont l'échantil- lon a été admis à l'exposition sous le n° 1007? Une mention de votre part serail un encouragement pour l’auteur de celte découverte , et il la considérerait comme la récompense la plus hunorable qu’il puisse obtenir. J'ai l’honneur d’être, elc. La séance est levée à quatre heures et demie. Séance du S Sepiembre 1849 (1). Présidence de M. DUCHATELLIER. — M. DE LUSTRAC, Secrétaire. Le procès-verbal de la séance ordinaire d’hier et celui de la séancé extraordinaire sont lus et adoptés. 1 (1) Celte séance est réellement celle du 8 septembre, et non celle du 9 indiquée par le bulletin du Congrès. Quelques-unes des précé- dentes séances se trouvent mal datées. LE 34 262 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. M. le Président lit une lettre par laquelle M. Hardoüin fait connaître que ses occupations comme membre du Conseil général d’Ille-et-Vilaine et comme bibliothécaire-archiviste du Congrès, charge qui lui a été dernièrement conférée , ne lui permettent plus de conserver les functions de secré - taire de la section ; il prie en conséquence de le remplacer, afin que M. de Lustrac ne reste pas seul chargé du ser- vice. La section, en acceptant la démission offerte, démis- sion fondée sur de trés-justes motifs, vote des remerci- ments à M. Hardoüin. Elle nommera plus tard, s’il est besoin, un second secrétaire. L'ordre du jour appelle la onzième question , celle-ci : « Quelle influence la nature géologique du sol, et par suite » la composition de la flore prairiale , parait-elle exercer » sur la qualité du beurre en Bretagne ? » M. de Genouillac, inscrit le premier sur cette question, prend la parole. Il pense que la composition de la flore prairiale est sans influence , ou du moins sans influence marquée sur la qualité du beurre. A l’appui de cette asser- tion , il cite plusieurs localités où , malgré la constitution géologique fort différente du sol, le beurre se trouve égale- ment bon. Il reconnaît que certaines plantes âcres, qui s’in- troduisent quelquefois dans les prairies, peuvent donner au beurre un très-mauvais goût; mais ces plantes ne sont pas véritablement prairiales, et le cultivateur soigneux ne leur permet pas de se multiplier, sait les détruire. Ce qui influe le plus sur la qualité du beurre , c’est le soin apporté à sa préparation. Il faut, au reste, s'attacher à bien choisir ses vaches laitières, et s'occuper sér ieusement de eux nourri- ture, en la variant avec intelligence. Pour mieux faire comprendre sa pensée, et pour ER plus de développement à la discussion , M. de Genouillac lit le mémoire suivant : MESSIEURS , L'importance. de la production du lait De notre pays, el surtout ri importance de son emploi, n’a point échappé à volre commission. SEIZIÈME SESSION. 263 Deux questions soumises à vos invesligations sont la preuve de Pintérêt qu'elle attache à tout ce qui peut éclairer celte source de la prospérité de l’agriculture de la Bretagne, et plus particulièrement des campagnes voisines de cette cité. Qui aujourd'hui pourrait nier celte importance en présence des faits que nous avons sous les yeux ? Deux mots seu- lement, Messieurs, sur ce sujet. Rennes , notre vieille ville parlementaire, autrefois si riche des for- tunes particulières de ses habitants et de la réunion fréquente dans ses murs des Etats de la province, avait vu décroitre son importance. Après une époque désastreuse, vainement devint-elle le siége d’une Cour d’appel , le chef-lieu d'une division militaire ayant une nombreuse garnison , vainement oblint-elle des écoles de droit, de médecine, rien ne put lui rendre son ancienne splendeur; l'herbe croissait dans ses rues et sur les places publiques. Dans cette triste posilion, un produit de nos campagnes, jusqu'alors restreint dans des limites trés-rétrécies, lui fit retrouver les sources taries de sa prospriété. C’est au beurre de la Prévalaye que Rennes dut cet heureux changement: c'est celte pro- duction de notre agriculture qui fit naître ce commerce immense que nous avons avec Paris. Vous dirai-je , Messieurs , quels furent les résul- tats de celte industrie, pour fa ville et ses environs? L’augmentation suc- cessive du prix des terres, l'amélioration de l’agriculture, l’aisance et le bien-être répandu dans une foule de familles employées par ce com- merce. Vous parlerai-je de ces maisons nombreuses qui y ont fait des bénéfices presque toujours certains, de ces roulages réguliers avec Paris, entretenus par des envois journaliers ? Mais il faudrait encore vous citer ces campagnes éloignées, et même au-delà des limites du département, qui partagent les bénéfices de la ville, et dans lesquelles va aussise répandre l'argent de la Capitale. Dans le principe , le beurre dela Prévalaye , fabriqué dans un petit nombre de fermes dépendantes de ce manoir, ne pouvait être l’objet d’un commerce considérable. Le voisinage fit aussi du beurre de la Pré- valaye, et bientôt tout le beurre de Rennes, et même de Bretagne, fut connu à Paris sous ce nom, et Dieu sait s’il méritait la réputation, si bien acquise, de ce produit des prairies situées sur les bords de la Vi- laine. La supériorité du beurre de la Prévalaye était donc évidente, el il serait d’un baut intérêt d'examiner jusqu’à quel point les autres localités pourraient produire un beurre ayant les mêmes qualités, si la chose est possible , en un mot. :« Quelle influence la nature géologique du sol, et, par suite, la com- » posilion de la flore prairiale, paraît-elle exercer sur la qualité du » beurre en Bretagne? » Celte question, qui vous est soumise, et dont nous essayons de jus- tifier l'importance, ‘a déjà occupé nos devanciers. Dés le siècle dernier, 264 CONGRÉS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. elle était l'objet des recherches de cette Société d'agriculture qui s'était formée à Rennes, et dont les travaux furent souvent appréciés par les Etats. Mais, à cette époque, pouvait-on résoudre la question, lorsque le beurre de la Prévalaye était le seul qu’on pût soumettre aux observa- tions? L'opinion de la Société fut que le goût particulier du beurre de la Prévalaye était dû à la Flouve odorante, qui vient en abondance dans les prés de cette grande lerre ; que, hors de ces pâturages, les vaches ne trouvaient plus des plantes aussi bonnes pour leur nourriture, ou que du moins ces plantes n’avaient plus la saveur qui donne plus tard au lait et au beurre cette qualité impossible dans toute autre condition. Depuis, cette théorie, sans avoir été combattue.par des raisonne- ments, l’a été d’une manière plus sérieuse par des faits. Les voisins de la Prévalaye, sans s'inquiéter des discussions de la science et dans un pur intérêt pécuniaire, ont tenté de fabriquer du beurre de la Prévalaye, et, serait-ce devancer la discussion, de vous dire que le plus souvent le succès a suivi ces efforts ? Aujourd’hui, Messieurs, j'oserai devant vous combattre cette erreur, sans nier cependant l'influence de la flore prai- riale dans certaines circonstances; du moins, je crois pouvoir justifier celte opinion : que dans d’autres localités , très-différentes par la nature géologique du sol et aussi par la flore prairiale, on réussira, par les soins et les procédés de la fabrication, avec la nourrilure du pays donnée avec intelligence, à produire un beurre qui, dans le commerce, rivalisera avec celui de la Prévalaye. Laissant la sixième section procéder par l'a- nalyse du lait et déterminer ses parties intégrantes, nous ne recher- cherons ici que ce qui est du véritable intérêt de l’agriculture, le goût de la denrée, de manière à satisfaire celui des consommateurs. Ainsi ; lorsque nous serons arrivés à ce résultat, que, dans des conditions dif- férentes de sol et de plantes, nous aurons obtenu un beurre qui ait le goût, et, par suile, ait sur le marché la même faveur que le beurre de la Prévalaye, nous croirons avoir atteint notre but, bien qu’à l'analyse du lait la chimie pût trouver quelque différence. Une comparaison raisonnée de la nature du sol et des plantes semble- rait le moyen le plus propre à résoudre la question. Ce serail, sans doute, le cas d'utiliser celte carte agronomique dont nous demandons exécution. Vous sentez, Messieurs, que tel ne peut être le plan que je me suis tracé. Je me bornerai donc à vous faire connaitre une série d'observations qu’une expérience de plusieurs années m’a mis à même de faire , et je crois qu’il en résultera la preuve de ma proposilion. Et d’abord, ainsi que je vous le disais lout à l’heure, les fermiers voisins sont arrivés à faire d’aussi bon beurre qu’à la Prévalaye. Autre- fois celui-ci avait seul de la réputation : aujourd’hui ceux de Bréquigny, de Villejan, ceux de Saint-Laurent, des fermes des routes de Brest, de Lorient.et de Saint-Malo rivalisent, soit pour la consommation journa- lière de Rennes, soit pour les envois à Paris. Cette concurrence se sou- SEIZIÈME SESSION. 265 tient assez bien dans un même rayon autour de la ville, mais, lorsque le cercle s'agrandit, lorsqu'il s’éloigne du centre, le marché, alors, malgré une qualité encore.très-bonne , on remarque une légère infério- rité. Cette infériorité, doit-on l’attribuer à une autre nature du sol ou de Ja flore prairiale? Je ne le crois pas; et, en effet, ce n’est pas suivant le changement de nature du sol qu’elle se fait remarquer. Ainsi, il y a, sans doute, plus de rapport entre les prairies situées à deux ou trois lieues sur les bords de la Vilaine el celles de la Prévalaye qu'entre celles-ci et celles, par exemple, des portes de la ville sur la route de Bresl ; et, cependant, c’est en raison de la distance que s’observe l’in- fériorilé. 11 me semble qu’elle provient beauçoup plus réellement de la fabrication et des moyens qu’on emploie. Ainsi, à une pelite distance de la ville, tous les jours la fermière apporte son beurre au marché ; tous les jours on fait le beurre ; le lait ne se conserve plus pour être batlu avec un lait plus récemment tiré. Cette circonstance ne peut-elle pas influer sur la qualité du beurre? Pour ne pas admettre celte explication, il ne faudrait pas connaître les soins qu’exige celle préparalion, et surtout la conservation du lait. Au reste, ce raisonnement n’est que l’énonciation d’un fait : Prenons une zône aux portes 4 Rennes et suivons jusqu’à six”ou huit lieues de rayon : nous avons, à la porte de Rennes , les fermes de la route de Brest ; le beurre y est excellent, semblable au meilleur beurre de la Prévalaye. En continuant cette route, et à peu de distance, le beurre ne change pas; lorsque nous arrivons à Pacé, ce pays si connu des ménages de Rennes, d’où nous viennent nos beurres de garde, la cffé- rence est sensible ; mais aussi, à cette distance de Ja ville, on ne vient plus qu’une fois par semaine au marché, on ne bat plus le beurre chaque jour, le lait liré pendant plusieurs jours est mélangé, et de là, malgré tous les autres soins , une perte de qualité. Plus nous avancons, et plus la différence augménte ; nous traversons ainsi les communes de Saint-Gilles, Bédée, Romillé, etc., etc., où le beurre est encore bon, pour arriver à Irodouer, Saint-Pern, Bécherel, etc., où il est sans qua- lité, et tellement mauvais, si on le compare à ceux des autres com- munes , que souvent les habitants de Bécherel font venir leur beurre de table de Rennes. Mais, dira-t-on, rien ne prouve que celte différence n'est pas due au sol ou aux herbages qu'il produit. Sans doute cette détérioration progressive a d’autres causes que celles dont je parlais d’abord. Il faut ajouter encore la diminution de soins-qui va toujours croissant , en raison de la moindre importance du produit. Quant à la terre, à ses herbages, il faut reconnaître leur innocence si, au milieu de ces commünes, dans des circonstances absolument identiques avec leurs voisins, vous trouvez quelques fermiers qui fassent exception, et qui vous donnent du beurre d’une qualité supérieure. A cet égard, j'ai pris des informations auprès de ces marchands qui, toutelasemaine, 266 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. courent les marchés voisins pour apporter à Rennes ce qu'ils ont ainsi acheté. Ces gens, que l'intérêt a rendus habiles dégustateurs, vous diront que telle fermière de Bécherel fait du beurre aussi bon que celui de Romillé, bien qu'entre ces deux marchés il y aït une différence énorme de qualité. Et cependant les prairies de Bécherel, de Saint- Pern , Miniac, Cardroc , et les herbes qu’elles produisent, sont, certes, dans les meilleures conditions, et pourraient être comparées avec celles des bords de la Vilaine. ds : / Messieurs , en repoussant. celle opinion qu’à l'influence de la flore prairiale est due la qualité du beurre , je n’en suis pas moins disposé à reconnaître que certaines plantes changent lotalement le goût du lait, et, par suite, celui du beurre. Je cite pour exemple l'ail sauvage. Le beurre des vaches nourries dans les prairies où croit cet ail prend . un goût insupportable, qu'aucun soin ne peut enlever. — Il est donc évident que la nourriture des vaches a une grande influence sur la qualité du beurre; aussi, dans les soins de la fabrication, mettrai-je en première ligne le choix et la nalure des aliments. ’ Ainsi donc , dans toute localité , ne nourrissez point vos vaches laitiè- res avec des fourrages secs ; point de foin et peu de paille. Donnez-leur en été du trèfle, de la luzerne, du ray-grass, de l'herbe des prairies, pourvu qu’il ne s’y trouve pas de ces plantes dont je parlais tout à l'heure; ajoutez-y du son pour abreuver à l’étable. Une telle nourriture, quelle que soit la nature du sol, ne nuira point au lait. Pendant l’hiver, les ra- cines , les pommes de terre, les disettes , les navets , les carottes, rem- placent les verts du printemps. Les choux, les colzas, les feuilles de di- selte, toutes ces nourrilures aqueuses sont également propres à pro- duire de. bon lait. C’est à ce régime que j’ai mis les vaches de mon éla- ble, et je pourrais, au besoin, invoquer le témoignage de mon voisi- nage ; été et hiver , le beurre qu’elles donnent est également bon et ne présente pas de différence. Je ne dois cependant pas omettre une obser- vation : c’est que, surtout à l'étable, il faut mélanger les fourrages. Je donne impunément des colzas , des navets, des choux en fleur, mélés aux racines. Si un seul de ces fourrages constituait la nourriture des vaches, nul doute que le lait n’en fût alléré. De ces faits, dont j'ai une expérience de plusieurs années, ne peut-on pas conclure que la flore prairiale, et plus particulièrement celle de la Prévalaye , n’est pas d'une indispensable nécessité pour obtenir le beurre qu’on y fait? Et d’ailleurs, que deviendraient les vaches et le beurre de la Prévalaye, lorsque la neige couvre la:terre, si toute autre nourriture ne pouvait en remplacer le pacage? Le foin sec de ces prairies ne produirait point ce beurre, dont cependant la qualité se conserve, lorsque les vaches ns forcé- ment à l’étable. | Mais le choix de la hétrtatés sa distribution et toutes les peines que: SEIZIÈME SESSION. 267 l'on aura prises, deviendront inutiles, si la fabrication se fait avec né- glgence, Je n'ai pas la prétention, Messieurs, de vous dire ici tous les soins minutieux qu’exige celte fabrication, la propreté de l’étable, le renou- vellement fréquent des lilières , la manière dont on trait les vaches, en- suite l’établissement convenable de la laiterie et la propreté des vases que l’on y emploie : tout, depuis le moment où le lait tombe dans le vase jusqu’à celui où l’on vous présente la motte de beurre, peut con- tribuer à altérer le beurre de la vache la mieux nourrie et dans les meil- leures conditions. Mille faits pourraient venir à l'appui de cette asser- tion. Permettez que je me borne à vous en citer un seul exemple par mon propre troupeau : : Depuis un certain nombre d'années, je m'occupe d’agricullure , dans la commune de la Chapelle-Chaussée. Mes soins les plus attentifs se sont portés sur l’étable et la fabrication du beurre. Celui que l’on fait dans la paroisse est généralement bon, mais inférieur à celui des envi- rons de Rennes. Vous dirai-je, Messieurs , les tribulations si bien con- nues des cultivaleurs à raison des gens de service? Comme tout le monde, j'en ai eu ma part, et j’ai dû passer en revue nombre de ser- vantes de basse-cour. J'en ai eu de détesltables, de médiocres et de _ bonnes, et chacune, suivant ses qualités et le pays d’ou elle venait, me faisait un beurre bon, médiocre, ou tout-à-fait mauvais. C’est ainsi que j'ai eu, à la Chapelle-Chaussée, du beurre du pays, puis du beurre de Mordelles très-bon, pour, l’année suivante, n’obtenir de la laiterie qu’une graisse félide dont il ne fut rien consommé dans ma maison. Je vendais ce beurre 35 à 40 centimes , lorsque j’achetais celui de mes voisins 90 centimes et 1 franc. Enfin j’ai eu la bonne fortune de pren-. dre à Rennes une servante qui a passé plusieurs années dans une ferme de la Prévalaye. Voilà plus de quatre ans qu’elle gouverne mon étable , el, du jour de son arrivée, le beurre estredevenu bon. Ce n’est plus du beurre de la Chapelle, je crois pouvoir dire que c’est du beurre de la Prévalaye. Au reste, je n’ajoute que ce fait : L'hiver je vends du beurre sorti chaque semaine de la laiterie , et quel que soit le prix du pays, le marchand qui l'expédie pour Paris le paie le prix du beurre de Rennes. Cependant ces produits si différents venaient des mêmes vaches, nourries dans les mêmes pâturages et des mêmes fourrages. Dira-t-on qu'il résulle de ces faits que, dans de bons herbages , on pourra tou- jours, par l’insouciance et l’incurie, arriver à faire de mauvais beurre? Celle conclusion n’aurait pas eu sans doute besoin de tant de dévelop- pements, mais il ne faut pas oublier que si, dans un pays de bon beurre, la négligencé a fait moins bien, d’autre part il y a eu peut-être encore plus de différence lorsque des personnes étrangères ont apporté d’autres procédés et une plus grande perfection dans la confection du beurre. Je crois donc que, dans la plus grande partie de notre Bretagne, l’on pour- 268 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. rait, malgre la différence des herbages, et dans des circonstances don- nées, améliorer la nature du beurre, et accroître ainsi la valeur des- produits de l’étable, résullal le plus à rechercher dans- l'examen de la question qui vous est soumise. Quant à la réponse à la question , elle me semble peu RE L'in- fluence du sol et de la flore prairiale , sauf les plantés signalées , est généralement très-légère quant à la qualité du beurre, et peut, dans ses mauvais effets, être le plus souvent combattue avec avantage par une distribution bien entendue de nourriture, èt surtout par les soins de fa- brication du beurre. Du reste, Messieurs , je viens de vous exposer les faits et les observations que ma pralique m’a mis à même de recueil- lir, et dont j'aurais pu mulliplier les citations. Je les livre à votre appré- ciation, À défaut de tout autre mérite, ils ont du moins pour eux une grande exactitude. M. Amaury Dréo reconnait que les soins de confection sont indispensables pour obtenir de bon beurre ; mais il pense que la flore prairiale n’est pas sans influence sur la qualité de ce produit. En admettant que certaines plantes broutées par les vaches donnent au lait, et par suite au beurre , un goût désagréable , il paraît naturel d'admetire que quelques autres peuvent donner à ces produits une saveur très-délicate. Ce n’est pas sans doute à tort que les pâturages de la Prévalaye conservent leur renommée , .qu’ils passent pour contenir, au moins en plus grand nom- bre, des plantes très-bonnes pour les bestiaux. La race de la vache ne doit pas aussi être regardée comme indifférente, relativement à la qualité du beurre. Les vaches de race bre- tonne donnent évidemment plus de beurre que celles de race vendéenne ou de race suisse. Quelques faits. portent à croire qu’il y a non seulement différence pour la quan- tilé, mais encore pour la qualité. ; M. de Genouillac persiste dans l'opinion qu'il a émise , et cite de nouveaux faits à l’appui de son opinion. Sortant de la Bretagne, il signale dans les provinces voisines , et même en Armagnac , des propriétaires qui , avec les soins recommandés, ont obtenu de bon beurre , lorsque tous les “voisins n'avaient que de détestables produits. Il rappelle de nouveau le fait que le beurre de la Prévalaye ne perd SEIZIÈME SESSION. 269 pas sa qualité, lorsque la neige retient les vaches à l’étable, lorsque leur nourriture n’est plus l'herbe de la prairie, mais consiste en racines. Il devrait pourtant être alors moins bon, si sa qualité, sa finesse ordinaire , étaient un effet de la flore prairiale. M. de Genouillac prie de ne pas regarder son insistance comme un vain désir de discussion. S’il diseute, c’est qu’il lui semble très-important de répan- dre, d’accréditer une opinion qui, bien accueillie, amènera une notable amélioration dans l’économie rurale, sera une source de profits pour un grand nombre de localités. M. Le Gall est disposé à croire qu’une vache de race bretonne , bien conformée et convenablement traitée, pro- duira partout de bon lait, et que ce lait, reçu et gardé avec précaution, travaillé ensuite avec soin, donnera un beurre délicat. En Bretagne, les prairies des vallées fournissent aux bestiaux une nourriture plus substantielle que les prairies des plateaux , mais celles-ci offrent généralement les mêmes plantes que les premières; il n'y a pas de diffé- rence sensible dans la composition de ces prairies, dans leur flore. En 1759, la Société d'agriculture, établie par les Etats de Bretagne, fit analyser les prairies des environs de Rennes. Ses commissaires reconnurent dans la principale prairie de la Prévalaye vingt-sept plantes, savoir : dix Gra- minées, Agroslis vulgaire ou des chiens, Fléole des prés, Flouve odorante, Avoine laineuse, Dactyle pelotonné, Pa- turin des prés, Paturin trivial, Brize moyenne, Cynosure à crêle, Ivraie vivace (Ray-grass) : cinq légumineuses, Trèfle des prés, Lotier corniculé, Vesce cultivée, Gesse des prés, Ononis des champs: deux autres plantes passant pour fourragères, Polygala commun, Carotte commune ; enfin, dix non fourragères , indiquées comme inutiles ou mauvaises. Les mêmes commissaires, en s’occupant des autres prairies, hautes, moyennes et basses , notèrent en plus deux légumineuses, Trèfle filiforme, Vesce à feuilles étroites, et treize plantes inutiles. A part l’Ononis des champs (Bugrane, arrêle-bœuf), qui n’est point véritable- ment une plante prairiale, toutes celles qui viennent d’être A7 16 35 970 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. nommées se retrouvent dans les prairies de nos cinq dé- partements. Elles y sont accompagnées d’autres espèces fourragères, qui ont été omises dans le dénombrement des plantes composant les prairies des environs de Rennes. Nous comptons dans les prairies bretonnes à solschisteux ou granitiques, trente-quatre plantes fourragères et soi-. xante plantes non fourragères. { Voir deux tableaux remis à la première section.) Mais, par suite de l’assolement na- turel ou alternance qui existe dans les prairies et qui les conserve , loutes ces plantes ne se trouvent pas à la fois -dans la même prairie, à moins qu’elle ne soit très-vaste. Eu terrain calcaire, comme au bord de la mer, quelques plantes spéciales se joignent dans les prairies aux plantes communes. Rien n'indique que cet état de la flore ait de l'influence sur la qualité du beurre. Il serait facile de faire à Rennes une expérience à cet égard, puisque la Prévalaye est assez voisine du dépôt calcaire de Saint-Jacques. M. le Président résume ainsi la discussion : Le traite- ment des animaux et les soins apportés à la confection du beurre semblent les deux éléments essentiels de sa bonté. L'influence des herbages doit être assez faible. M. de Caumont témoigne le désir de connaitre les pro- cédés usités en Bretagne pour la fabrication du beurre , et surlout le procédé employé dans les fermes de la Préva- laye. M. Amaury Dréo, sur l'invitation du Président, donne les explications désirées, et compare, en terminant, le pro- cédé de fabrication employé aux environs de Rennes et celui quiest en usage aux environs de Bayeux, départe- ment du Calvados. Ici, pour obtenir du beurre fin, on bat le lait avec la crême et le délaitage se fait sans eau ; à Bayeux, la crème seule est baratlée et le beurre est soumis au lavage. M. de Pindray oblient la parole pour une proposition. Il demande que le Congrès, s'adressant au Conseil gé- néral d’Ille-et-Vilaine , actuellement réuni, émette le vœu qu’une commission de chimistes soit nommée pour l’ana- SEIZIÈME SESSION. 271 lyse du noir animal livré aux cultivateurs. M. Amaury Dréo fait connaître que la Société d'agriculture d’Ille-et- Vilaine appelle depuis long-temps l'attention de l’adminis- tration départementale sur les fraudes déplorables qui se commettent dans le commerce du noir animal. Les moyens d'arrêter ces fraudes ont été indiqués, un projet de régle- ment a même été présenté. L'administration semble croire qu'il n’est pas en sa puissance d’empècher le mal qui lui a été dénoncé. Cette observation étonne plusieurs membres de la section, qui connaissent les bons résultats obtenus dans le département de la Loire-Inférieure par suite du ré- glement préfectoral sur la vente de l’engrais dont il s’agit. Un membre dit qu'il y a dans ce dernier département un inspecteur d'agriculture qui veille à l'application du régle- ment; que le département d'Ille-et-Vilaine n’a point un pareil fonctionnaire, et qu’il ne peut guère en ce moment augmenter les charges de son budget. M. le Président, au nom de la section, prie M. Amaury Dréo, président de la Société d'agriculture d’Ille-et-Vilaine, de persévérer dans ses démarches auprès de l’administration départementale. La deuxième question du programme se trouve à l’ordre du jour. Elle est ainsi conçue : « Le bail à convenant, » presque général en Basse-Bretagne, est-il un obstacle » aux progrès de l’agriculture? » M. Duchatellier, inscrit sur la question, prend la parole. Il est loin de voir dans le bail à convenant un obstacle aux progrès de l'agriculture. Ce genre de ban, dit-il, est un contrat par iequel le propriétaire, en concédant la jouis- sance du fonds moyennant une redevance, transporte au preneur la superficie, sous la réserve de pouvoir reprendre celle-ciaprès l'expiration du bail, en remboursant sa vérita- ble valeur. Lorsque l’immeuble baillé à convenant est déjà en exploitation, le domanier peut songer à l'améliorer, bien certain que les améliorations lui seront de quelque profit, même à sa sortie. Si le terrain aconvenancé est vague, le domanier, en consiruisant des bâtiments, en élevant des 97à CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. talus, en plantänt des arbres et arbrisseaux, en labourant, se crée une propriété, dont il ne peut être dépossédé que moyennant une jusie et préalable indemnité. Il est facile de conclure de là combien ce mode de bail est avantageux au cultivateur ; outre que le remboursement de ses avances lui est toujours assuré, la coutume qui empêche les doma- niers de se faire concurrence , au bout de l'expiration des baux, le rend, pour ainsi dire, propriétaire incommutable. L’hérédité venant s'ajouter à tous ces avantages, ainsi que la facilité d'une sous-location, souvent source d'énormes bénéfices, il n’est pas étonnant que certains domaniers réa- lisent promptement des fortunes considérables pour nos campagnes. C’est, au reste, ce qu’établit la cote des con- tributions foncières d’une manière péremptoire. On peut donc juger combien sont fausses certaines idées émises en 1848 sur le vernis de féodalité qu’on attribuait à ce genre de baux. C’est, au contraire, un contrat avantageux à l’a- griculture , en ce qu’il substitue un long bail à des-baux fort courts ; qu’il rend même quelquefois incommutable la propriété de la superficie entre les mains du domanier; en- fin, qu'en introduisant le principe d’hérédité, même colla- térale, entre ses mains, il intéresse l’esprit de famille à des améliorations dont les avances sont toujours placées avec sûreté. Suivant M. Le Gall, à côté des avantages que présente le bail à convenant, se trouvent des inconvénients divers. L'intérêt agricole n’est guère ménagé dans les partages qui se font entre les héritiers des domaniers ; un beau domaine se change quelquefois en plusieurs pauvres tenues. Le cul- tivateur qui possède un capital médiocre, mais avec lequel il pourrait garnir convenablement une ferme, songe trop souvent à devenir domanier; il emploie son capital à la- chat d’une superficie, et ne peut avoir que long-temps après un troupeau en rapport avec les terres qu’il possède. Le domanier aisé applique surtout aux édifices la somme dont il peut disposer pour améliorations ; il néglige un peu lé sol. En reconstruisant ou réparant sa maison, il em- SEIZIÈME SESSION. 973 ploiera quelques pierres de taille, lorsque partout le moel- lon aurait suffi ; il relevera un bâtiment ruiné, inutile pour l'exploitation de la tenue : au lieu de détruire les talus qui nuisent à la culture , il les entretiendra comme les autres, et rétablira même ceux qui commençaient à disparaître. Les ierres arables des tenues sont souvent trop chargées de pommiers. Sur les talus, les arbres sont cruellement étêtés ; une belle venue ne les protège pas. Après quelques autres observations , l'opinion de la sec- tion paraît formée. Elle estime que le bail à convenant a élé, dans son principe, très-favorable à l’agriculture : qu'il fournit encore aujourd’hui au domanier le moyen de deve- nir propriétaire, de s’élever par son travail et par les amé- liorations réalisées. Elle pense aussi que ce genre de bail facilitera la mise en valeur des biens communaux, des terres vaines et vagues. Elle voit enfin avec satisfaction qu’il est recommandé ,-pour ces terres, par le Conseil gé- néral du département d’Ille-et-Vilaine et par la Société d’a- griculture de Vannes. Déjà la commune de Plæmeur (Mor- bihan) a fait de ses landes des domaines congéables, et touche maintenant de bonnes rentes convenancières. M. le Président passe à la dix-huitième question, ainsi conçue : « Quel produit tire-t-on des étangs de l'Ouest de » la France ? Sont-ils suffisamment peuplés de poissons ? » A-t-on essayé dans le pays la multiplication du poisson » par la fécondation artificielle? — La nature des sols sur » lesquels coulent les rivières exerce-t-elle une influence »sur la multiplication de certaines espèces de poissons » d’eau douce? » Il résulte des explications données par quelques membres de la section que les étangs de l'Ouest, surtout ceux de la Bretagne, sont fort négligés et ne sont pas, en général, d’un grand produit. Aucun essai notable pour la multipli-- cation du poisson par la fécondation artificielle n'a été en- core fait dans le pays , mais on peut espérer que ce moyen d'améliorer les étangs sera favorablement accueilli par quelques grands propriétaires. 274 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. M. de Lustrac dit que l’opération dont il s’agit est aussi facile que peu coûteuse. Il la décrit, et engage les personnes qui voudraient la pratiquer à se munir d’un ouvrage sur celte matière, publié par M. Quatrefrages , ichthyologiste très-distingué. | Aucun membre ne demandant la parole sur la dernière partie de la dix-huitième question, M. le Président met en discussion la question suivante, celle-ci : « Jusqu’à quel » point, dans un intérêt industriel, doit-on autoriser lé - » coulement dans un cours d’eau public des eaux d’une » usine qui seraient de nature à détruire le poisson, à nuire » à la végétation des terrains traversés? » Les membres qui prennent la parole ne tardent pas à se meitre d'accord, et la question se trouve résolue comme suit : L'écoulement des eaux nuisibles dans un cours d’eau public doit être interdit autant que possible, Si cet écoule- - ment est nécessaire, le propriétairé de l’usine où les eaux prennent une qualité délétère doit, avant qu’elles ne tom- bent dans le cours d’eau public, leur enlever cette fâcheuse qualité ou les épurer au moins en partie, moyennant cer- tains travaux et certains procédés chimiques actuellement bien connus. Les particuliers qui éprouvent un dommage par l'écoulement de telles eaux ont la ressource de deman- der une indemnité; elle ne peut leur être refusée. La séance est levée à onze heures. Séance du 9 Septembre 18419. Présidence de M, DUCHATELLIER. — M. DE LUSTRAC, Secrétaire. Le procès-verbal de la séance précédente est Ju et adopté. M. le Président annonce que la vingt-et-unième question SEIZIÈME SESSION. 975 est à l’ordre du jour : « Le moyen d’arrêter l’émigration » des populations rurales ne consisterait-il pas dans une » alliance de certains travaux industriels avec les travaux » agricoles? » M. le docteur P.-M. Roux, obtenant la parole, fait con- naïtre qu’il a présenté au Congrès un mémoire de son con- citoyen, M. Dufaur de Montfort, répondant à la question qui vient d’être lue; qu’il a été chargé hier par M. le Pré- sident de la deuxième section de rendre compte de ce mé- moire, et qu’il vient remplir cettte tâche. L'auteur, dit-il, parle d’abord des difficultés, des incon- vénients même qu'offre l’alliance de l’agriculture avec les grandes industries. Toutefois , il regarde eomme très-utiles eerlains procédés qui se rattachent à l’industrie agricole, et passe en revue quelques industries dont les populations rurales peuvent retirer des avantages, mais qui sont im- puissantes pour empêcher l’émigration de ces populations. On y parviendra plutôt en s’attachant à améliorer leur sort, à pourvoir à leurs besoins, à les protéger contre les cruelles atieintes du chômage, des infirmités et de la vieillesse. Or, l’auteur trace l'exposé des dépenses annuelles d’un ménage des champs composé du père, de la mère et de trois en- fants. En comparant ces dépenses avec les ressources, on a pour excédant de la recette une douzaine de francs. Mal- heureusement , il est à craindre que de mauvais jours, des maladies, le chômage, etc., ne viennent détruire l'har- monie de ce budget, déjà bien minime. Il faut donc recou- rir à un bon système de prévoyance. Ici, l’auteur discute savamment les avantages et les inconvénients des caisses. de secours et de retraites. Puis, il fait remarquer que le salaire ne doïi pas seulement suffire aux besoins du tra- vailleur, mais permettre aussi une légère économie pour les dernières années de son existence. C’est l'intérêt de ce capital que l’on doit retrouver quand viendront les mauvais jours. Ainsi dune, l’ouvrier doit compter sur ses propres ressources. On voit, en effet, que le maître qui l'emploie 276 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. satisfait à l’aide du salaire aux obligations contractées en- vers lui, et il est évident que la société n’a à prendre d’au- tres engagements que ceux qu’inspire une intelligente phi- lanthropie, comme aussi l'Etat n’a point à agir légalèment et directement sur le salaire de l’ouvrier, bien qu'il s’at- tache à distribuer des secours, à soulager les infortunes. Au sujet de cette distribution, des abus n'ont que trop sou- - vent lieu, suivant l’auteur, qui prétend , avec un savant économiste, qu’il y a deux institutions qui doivent changer la face de la société : l'instruction primaire et les caisses d'épargnes, grandes et généreuses associations destinées à décupler les forces productives des peuples. Raisonnant d’après cette manière de voir, M. de Montfort désire que l’on associe à l'instruction primaire l’enseignement uti- litaire ou instruction professionnelle appliquée aux arts usuels ; c’est-à-dire l'enseignement populaire, pratique, que les enfants, en sortant de l’école, pourraient reeevoir , selon leur aptitude , dans l'atelier de tel ou tel industriel. Si les caisses d’épargnes. dont les ouvriers nomades ne . sauraient bien profiter, conviennent aux travailleurs sé - dentaires des villes et des campagnes, ce sont surtout les sociétés distinctes de prévoyance et de secours qui exer- cent une heureuse influence sur eux. On en compte aujour- d'hui, à Marseille, quatre-vingt-quinze, qui forment un total de dix mille ouvriers. Presque toutes sont fondées sur le principe du secours quotidien, que M. de Montfort pré- fère au principe de la retraite, pour l'ouvrier laborieux, honnête ct pauvre. Des idées lumineuses tendent à corro- borer celte façon de penser. Telle est l’ analyse de ce travail: mais en voici un résumé succinct qui vous donnera mieux , j'espère , une idée des vues de l’auteur : Il pense que le moyen le plus efficace de prévenir le dé- peuplement des campagnes, sans nuire à l’industrie des villes, consiste à y accroître autant que possible la somme du bien-être : 4° en joignant à l'instruction primaire l’en- seignement pratique des arts les plus usuels; SEIZIÈME SESSION. 277 2° En éncourageant, dans l’intérêt de l’agriculture, Ja création des comices agricoles cantonnaux, moins dispen- dieux que le système des fermes-modèles, Ce 3° En établissant dans de justes limites des ateliers de travail, qui auraient pour objet l’entretien ou le perfection- nement des routes, l'assainissement des marais , l’aména- gement des eaux, l’endiguementi des rivières ; 4° En fondant dans chaque chef-lieu de justice de paix, à l’aide de subventions des Conseils généraux et, au besoin, de l’Etat, un hospice civil desservi par les sœurs de Saint- Vincent-de-Paule, où les indigents trouveraient un refuge sûr, et les jeunes filles des pauvres une éducation pieuse ; 5° Ea organisant dans chaque commune, en dehors de toute intervention directe de l'Etat, une société de pré- voyance et de secours mutuels, et en formant entre ces divers établissements un lien commun, sous forme de grand conseil, siégeant au chef-lieu de la justice de paix. Au sujet de l’organisalion des sociétés de prévoyance, l’auteur fail connaître un réglement qui pourrait servir de modèle. Vous avez dû remarquer que M. Dufaur de Montfort ne s’est pas borné à envisager la question au point de vue agricole; qu’il en a fait encore l'application à tous les genres d'industrie. Il n’est donc pas surprenant que son mé- moire soit assez étendu, et vous comprendrez, Messieurs , combien, par cela même, ce travail doit perdre à l'analyse. — C’est dire qu’il y a lieu de proposer son insertion en en- tier dans les actes du Congrès. La proposition faite par M. P.-M. Roux est très-favora- blement accueillie, DES SOCIÉTÉS DE PRÉVOYANCE ET DE SECOURS MUTUELS, . PAR M. DUFAUR DE MONTEORT,, Président de la Société de statistique de Marseille, membre de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de la même ‘ville. Le Congrès scientifique de France , qui va tenir sa xvi° Session à TL 36 278 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Rennes , le 1‘ septembre 1849, a posé cette question. (Programme ; 2* section, S 21 ) : « Le moyen d’arrêter l’émigration des Soudi hrs à dans les villes ne consisterait-i] pas dans une alliance de certains travaux. indus- triels avec les travaux agricoles ? » Ce serait là peut-être un mariage de raison; mais ces sortes d'al- liances où préside une entente médiocrement cordiale ne sont pas tou- ‘jours heureuses. Depuis longues années, on s'accorde à dire que l’indus- trie tue l'agriculture, et qu’il imporle, pour sauver celle-ci d’une ruine imminente , sinon d’entraver , du moins de ne plus encourager le trop rapide essor de sa rivale. A ce point de vue, n’a-t-on pas à craindre que la solution de la question n'aboutisse à autre chose qu'à rappro- cher les deux camps, que dis-je ? à introduire l’ennemi dans la place ? D'un autre côté, l’inäustrie n’établira jamais son siége que là où elle sera certaine de rencontrer de bonnes conditions, et ce sont en général les centres populeux qui peuvent les lui offrir. Ce n’est pas tout de pro- duire , il faut encore consommer , et la consommation ne se fait que sur le marché intérieur ou au dehors. Dans l’un et l’autre cas , les dé- bouchés sont nécessaires , et ils impliquent des voies courtes, prali- cables, faciles, ou le voisinage des ports de mer. Le but que se propose le Congrès ne manque pas d'intérêt ; mais s’il n'est pas imprudent de le poursuivre , peut-être sera-t-il au moins difficile de l’atteindre. On comprend tout ce qu’il y aurait d’utile à fabriquer avec les produits du sol sur le sol lui-même, à rendre le cullivateur manufacturier , ou à oblenir que ces deux membres distincts de la grande famille sociale ne fussent séparés que par une imperceptible distance ; mais ce n’est pas sur les terres où croît le lin que se fabriquent les belles loiles de Cre- tonne. Les draps de Sédan ou d’Elbeuf sont faits avec des laines re- cueillies en divers lieux, el la malière première qui conslilue les riches soieries de Lyon n’a pas son origine dans le département du Rhône. J’admets toutefois qu’une industrie puissante s'élablisse au milieu des populations rurales, je dis plus , dans un désert ; qu'arrivera-t-il ? Elle absorbera x son profil tout ce qui l’entoure. A l'appel de ses lourds marteaux, le laboureur quitte sa charrue, le berger son bétail ; chacun s'incline devant son influence envahissante ; elle règne en souveraine. Faut-il des exemples? Voyez d'où sont venus, comment ont grandi Sainl-Élienne, Roubaix, Tarare el Decazeville, cet humble hameau qui, à peine érigé en commune , tend , par une agglomération progressive , à envelopper les campagnes voisines dans les larges réseaux de son in- dustrie mélallurgique. | C'esl là le sort des vaincus que leur mauvaise fortune force d'appeler chez eux d’habiles el puissants auxiliaires ; ils entrent en amis et s’in- SEIZIÈME SESSION. 279 stallent ‘en conquérants. Le bon Lafontaine le savait bien, lui qui a dit dans son langage naï : Lassez-leur prendre un pied chez vous, Ils en auront bientôt pris quatre. Vous voulez introduire l’industrie dans les champs ; mais n'y existe- t-elle pas déjà , restreinte , il est vrai, à d’étroites limites ? Je la vois partout : le propriétaire a recours aux procédés de la science pour faire ses vins ou les convertir en eaux-de-vie ; il calcine lui-même le calcaire ou le gypse qui se trouvent sur son domaine, et dont le produit sert à féconder, sous forme de chaux ou de plâtre, ses terres arables ou ses prairies ; en quelques lieux, il confectionne jusqu'aux tuiles ou briques destinées à ses constructions. Les moulins à blé, à tan, à huile, sont communs dans les campagnes ; les scieries, les forges simples, se montrent aussi là où ces usines peuvent fonctionner sous la-scule im- pulsion des moteurs naturels. Je ne parle pas de cette mullitude de fabriques dont l’existence est commandée par les besoins les plus vulgaires , telles que la coutellerie, Ja taïllanderie et tant d’autres encore qui se révèlent dans les plus pau- vres localités. Ces industries, presque domestiques , ne nuisentl en rien aux habitudes agricoles. Loin de là, elles les soutiennent, les prolè- gent. On peut même les étendre, mais toujours avec celte réserve ex- -presse qu’elles s’appliqueront à la consommation locale ou environ- nante. De ce nombre serait, je crois, la boulangerie en grand. Il résulle de nombreuses expériences que les populations rurales auraient incompa- rablement plus de profit à acheter le pain du boulanger que de le faire elles-mêmes, el cela se conçoit : en effet, le boulanger, sans se livrer à aucune fraude , et par la seule influence du perfectionnement de son art, obtiendra plus de pain d’un poids donné de farine que n'en oblientla fabrication domestique. En évaluant cet excédant à 5 0/0 sur 45,000,000 de quintaux métriques, qui, suivant M. Fawtier, de Nancy, forment à peu près la masse du pain confeclionné dans les ménages, le boulanger accroilrait la consommation générale de la France de 2,250,000 quintaux métriques, c’est-à-dire , comme l’observe très-bien le Journal d’agricul- ture pratique, de la quantilé nécessaire à toule la population réellement mdigente de la France. On s’est beaucoup raillé, dans le temps, des omnibus-cuisines du vi- comte de Botherel, peut-être parce que ces laboratoires ambulants, dont lessaïhn’a même pas été fait, rappelaient un peu trop la communauté -phalanstérienne. Toutefois , c'était là une idée originale ; et qui sait si, plus tard, son application ne s’élendra pas aux besoins de la vie agri- cole ? En allendant la venue possible de celle vaste industrie culinaire, je 280 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. ne vois pas pourquoi nous ne suivrions point, dans nos campagnes, Vexemple du village de Malancourt, en Lorraine, qui doit.son aisance à ses fabriques de moules de boutons en bois. Les ateliers sont très-sim- ples, pas dispendieux , et la fabrication, qui, en se combinant trés-bien avec les travaux de l’agriculture , ne s’exécute qu’à temps perdu , est si rapide, qu’on peut livrer jusqu’à dix-huit cents boutons pour 10 cent. Est-ce que la fabricalion des sabots, dont nos cultivateurs font géné- ralement usage, ne pourrail pas se développer à l’instar de ce qui se passe en Russie , où des bourgades entières confectionnent a sandales tressées en écorce ? Voilà des industries populaires dont la présence ne sera jamais à charge ; mais, croyons-le bien, le vrai moyen de répandre la fécondité, la richesse, dans un pays pauvre, c’est de lui ouvrir des communica- tions faciles. Qu’une grande route le traverse, et :e miracle s’opérera instantanément, Dotez donc nos villes, nos villages, de voies pralicables, de canaux, de canaux d'irrigation surtout. L'entretien des chemins vi- cinaux et la facililé des arrosages se lient d’une manière intime au bien- être général, L’assainissement, la salubrité des campagnes, appellent partout la sollicitude des magistrats. Que des agents choisis parmi les membres du conseil municipal se chargent donc de ce soin, comme les édiles de l’ancienne Rome. La reconnaissance publique FÉRAPPSRTREA leur désintéressement et leurs efforts. J'exprime particulièrement ici le désir qu’il soil créé dans chaque chef- lieu de canton rural un hospice civil desservi par les admirables sœurs de Saint-Vincent-de-Paul, Un médecin aux appointements de 300 fr. y sera attaché, avec mission de soigner graluilement les malades pauvres inscrits sur les listes de la mairie, non seulement à l'hospice, mais en- core au dehors, et de fournir à l’autorilé Supérieure tous les documents qui peuvent se rallacher à la statistique médicale. Ce sera, en adoptant le système de trailement des instituteurs communaux, une charge d'un million à répartir d'après le mode ordinaire , et, certes, personne ne se : plaindra que celle dépense soit exorbitante. On ent prévenir l'émigration des populations rurales. Eh ! ya: re il un plus sûr moyen que d'améliorer leur sort, de pourvoir à leurs besoins € aux mauvais jours, de les protéger contre les cruelles atteintes du chô- mage, des infirmités ou de la vieillesse ? Voyons, avant tout, quels sont les frais annuels. din: ménage - champs, composé du père, de la mère et de trois enfants en bas âge : re tre Die dr BL MC PDAs. AU de ang ai sa 1420rfr: 6 hect. de maïs ou de seigle, blé-noir, etc. ......:..:.4. sr e485:lq 90 kilog. de viande de boucherie.......:....... PLU AT. C 1h OL a do A0 Mens JDA AP RNENNENS A c 10. L SEIZIÈME. SESSION. - 28À Huile pour la préparation des aliments..................., 24 Morue OÙ POISSONS: ......s..s.s.essese ses sessone 124 Zhect:de vins 8 ÂT fe. desole avé DEEE EE CEE EEE 1056 Résine pour l'éclairage. ...... SERRE LS ANR EE RUN Vêtements..... SR ÉCoethpcines CAT STE ARE . 60 Chaussures, souliers et sabots. .,......,.....4.......... 15 Linge, draps, chemises, etc. ........... PETHANERE DLL q0 Bois de chauffage... ....,,..:......, de 0 CD EE cle 10. Entretien des outils... .. ee « ses. oo ovoie sf ee re iageteieiie 10 Inpaleiess acc el: dan user ondes ML ut actus e AE 5 Abonnement au chirurgien, ...... ........,.,.. ..:.... 9 POTAR er een he D CHOC 518 fr Pour faire face à ces dépenses ordinaires, voici les ressources du ménage : ‘ Travail du père à la 80 journées d'été, à 1 €. 60. el HOURMÉE. aa yo dope 350 60 idem . à 95. 75 120 idem à1 >». 21) MAN A FIRTEHEUR. ete te Re PRE 27 ; 530 fr. Travail de la fen.me à Fa gere A'éléo à si ge > la journée... . .. ser L à 180 90 idem à 60 SAR: Travail intérieur, filage de la laine ou du lin. .. 50 Excédant de recelles. . . . . . . 1211 Cette appréciation approximative des dépenses d’un ménage de cam- pagne me paraît se renfermer dans des conditions normales. J'ai distrait de l’ensemble de l’ännée les dimanches , fêtes, marchés, et les jours de saison morte ou de maladie. Le salaire du travail a été ramené à la jour- née sèche. On conçoit que , lorsque l’ouvrier est nourri chez le maître, le chiffre de la consommation intérieure s’amoindrit d’autant. Si quel- ques charges, telles que l’obligation d'envoyer les enfants à l'école de la paroisse , ont été négligées , il faut dire aussi que le travail du père et de la mère a été seul évalué, alors qu’on sait que les enfants eux-mé- mes, à un âge forttendre , sont utilisés à la garde d’un porc, d’une va- che , d’une chèvre, de quelques oies. Nous n’avons pas tenu compte des produits de ces animaux domestiques, qui, généralement, s’engrais- sent sur les propriétés communales ou le long des haies, non plus que du glanage et de la ressource du bois mort. Le jardin potager fournit aussi des légume et du beau fruit. Cette petite cullure est d'autant mieux soignée, que l’espace cullivable est plus circonscrit. En définilive, s’il n’y avait ni maladie, ni morle.saison, ni chômage, 982 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. le paysan vivrait, non pas de cette vie luxueuse et trop souvent turbu- lente de l'ouvrier des villes manufacturières, mais d'uneexistence mo- -deste , frugale , heureuse peut-être, autant qu’il est permis de le dire de l’homme condamné à un rude labeur. $ Malheureusement, les mauvais jours concourent avec les glaces de la vieillésse à détruire toute l'harmonie de ce budget du pauvre ; Suppulé sou par sou. L'essentiel, c'est donc de maintenir, quoi qu’il arrive, dans le ménage , le salaire du mari et de la femme, 350 fr. pour lun, 180 fr. pour l’autre. Je n'ai encore envisagé la question qu’au point de vue agricolés mais il me paraît utile d’en faire l’objet d’un examen général, et de la rendre ainsi applicable à toute industrie quelconque. Ce sera, d’ailleurs , en- trer dans les vues du ministre du commerce el de l’agriculture, qui re- commande aux méditalions des Sociétés savantes ces deux grands su- jets d'étude, les caisses de secours mutuels et les caisses de relraile pour les classes laborieuses. L'Assemblée constituante s’est livrée-elle- - même, dans les derniers mois de son existence politique, à quelques éludes à cet égard; mais ces élucubrations fugilives sont restées à l’élat de germe, comme presque lout ce qu'a fait le corps législatif de celte malheureuse époque. Personne ne conteste les bons effets des caisses de secours mutuels. Partout où elles ont été établies, lé bien-être des ouvriers s’est accru, elil ya eu beaucoup à gagner à l’endroit de leur moralisation. Toutefois , les inconvénients n’ont pas lardé à se révéler , et, le plus grave de tous, c’est que ces caisses, si éminemment-utiles, ont élé souvent dans l'impossibilité de secourir ceux qui les alimentaient. Quelles sont donc les causes réelles de cette insuffisance fâcheuse? Et d’abord ilse peut qu’une gestion inintelligente affaiblisse en.pure perte la masse des retenues; d’un autre côté, le chiffre modique de la colisa- lion sera toujours, quoi qu'on fasse, disproportionné avec les besoins, etil est matériellement impossible de la soumettre à des tarifs variables, suivant la nature des industries, les chances des infirmités ou l’âge des associés: car, s’il en était ainsi, les hommes d’une santé débile, les vieillards , sont ceux qu’atteindrait une plus forte relenue, ce qui n’est ni juste ni moral; et n’y a-t-il pas enfin divers degrés de salaires dans toutes les industries ? Quel sera le terme dela proportion? Vous vous demandez sices sociétés ne sont pas constiluées sur des bases trop étroites, si-le principe de la mutualité , pour être fécond , ne doit pas s'appliquer au plus grand nombre possible ; en d’autres {er- mes; s’ilne convient pas de provoquer l'institution des caisses de secours mutuels pour chaque département? | Bien des personnes croient que les caisses de l'espèce doivent'se res- treindre , d'une manière dislincte, aux industties similaires ; je ne vais - SEIZIÈME SESSION. 983 pas jusque là, mais ce qui importe , à mon avis, c'est qu’elles fonction- nent dans un cercle peu considérable , la commune, ou tout au plus le canton. Les étendre à l’ensemble d’un département, c’est accroître les difficultés de gestion et nécessiter peut-être le concours de l'Etat. Quant aux caisses de retraite , la question est autrement complexe. D’après le projet de l’Assemblée constituante , les versements à faire à la caisse des retraites seront entièrement facullatifs. Le seul capital versé sera rendu aux héritiers du déposant; el la pen- _sion de retraite sera formée , 4° par l'intérêt simple de ce capital, puis- qu’il sera restitué ultérieurement ; 2° par l'intérêt viager de tous les intérêts accumulés et qui auront élé produits, soit par le capital versé, soit par les chances de la mutualité, cet intérêt viager élant calculé d'a- près des tables de mortalité qui seront dressées avec soin. Si les versements sont facultatifs, on verra peu d’ouvriers faire des dépôts; les jeunes n’y songeront pas , les vieux croiront qu'il n’esl plus temps. Rendre ces versements obligatoires n'est pas chose possible. En vain exciperait-on de ceque l’ouvrier manque de prévoyance, qu’il vitau jour le jour; imposer une retenue sur son salaire, ce serait un acle injuste el peu compalible avec le droit de propriélé. On aura beau me vanter les avantages de la caisse d'épargnes : si je me refuse à en profiler, per- sonne ne m'y contraindra. De ce que, à côté du droit à l’assistance se trouve le droit à la prévoyance, il n’est pas permis de m'imposer une tutelle que je repousse, un sacrifice contre lequel se prononce ma vo- lonté. Libre à l’Elat de ne pas m'assister ; quant à la question de pré- voyance , l'initialive ne lui en appartient pas : moi seul j’en suis juge. En effet, il est des ouvriers qui n’ont, ou plutôt qui croient n’avoir qu'un faible intérêt à l'association : ce sont ceux qui possèdent une ai- sance suffisante, ou dont le sort est assuré. D'autres s’y regardent comme moins intéressés encore, tels que ceux en grand nombre qui, travailleurs nomades, population flottante de l’industrie, courent d’une fabrique à l’autre et recoivent partout le fruit de leurs œuvres. Comment exiger d'eux une particule de leur salaire, qui ne leur proftera pas ? Est-il possible qu'ils opèrent des dépôts dans leurs halles diverses, el s'il es! avéré qu'ils ne recueilleront aucun bénéfice de cetle laxe sur leur revenu, ne serait-ce pas là les rançonner d'une façon toute arbitraire? Dans un autre ordre d'idées, on se demande s’il serail convenable que le patron versät à la caisse des retraites une somme égale à la rele- nue opérée sur le salaire de l'ouvrier, de telle sorte que celte caisse fût ainsi alimentée à frais communs ? La questicn posée en ces termes ne peut s'appliquer qu’aux vastes élablissements occupant un personnel nombreux, fixe, ou du moins peu variable, dans lesquels les rapports de mailre à ouvrier sont établis sur 284 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. des bases solides , fondés non moins sur des liens d’estimé et d’attache- mént réciproques , que sur la puissance de l'intérêt individuel. “Nul doute que ces conditions, en réservant aux un un profil cérlain, aux autres une garantie d'ordre, né fissent cesser l’antagonisme qui à eu pour tous, à des époqués récentes, de si déplorables résullats ; mais il en est du maître comme de l’ouvrier : nul n’a le droit de le con- traindre à un sacrifice quelconque , et si une transaction est indispen- sable entre des besoins à salisfaire et des devoirs à accomplir , qui donc peut en être meilleur juge que lui? Admettons que, par un aveugle arbitraire , l'industriel soit frappé d'une retenue ; sans doute il la précomptera sur le prix de la produc- tion, sauf à élever d’autant le prix de l’objet vendu. Or, la conséquence normale du renchérissement des denrées, c'est de restreindre le cours - de la consommalion intérieure et de nuire au progrès des exportations. En favorisant un intérêt privé, la mesure aurait pour résultat de blesser l'intérêt général. Entre ces alternatives, le choix n'est pas douteux. Quant à la disposition légale , ne donnant le droit d'exercer une re- tenue pour la caisse des retraites sur le salaire de l’ouvrier qu’au seul patron, lequel s’engagerait librement et volontairement à verser une somme égale à l'importance de la retenue exercée, elle serait, je crois, illusoire. Dès qu'il faudrait s'engager , l'industriel ne s'engagerail pas, et y eût-il consenti, que le droit à lui attribué par la loi sur le salaire du travailleur suffirait à raviver cet antagonisme qu'on s'efforce de combaltre. Par un senliment généreux , par craïnte peut-être , él sans échapper aux conséquences d’un conflit probable , quelques patrons pourront adhérer à ces clauses ; maïs la majeure partie s'y refusera , ét VÉtat n'aura fait que créer contre une bonne œuvre une concurrence funeste. | Cés inconvénients seront plus sensibles encore , si la caisse des re- traites est alimentée par lés seuls chefs de fabrique. Ce sera toujours un acle inique , arbitraire à l'égard des maîtres , et , loin d’atteiridre le but principal de moralisation qu’on se propose, et de répandre parmi les ouvriers des leçons d'ordre, de prévoyance, on ne fera qu'allouer, aux dépens de la justice, une prime à la paresse. Il ne suffit pas , d'ailleurs , que le patron ne soit pas lié pour l'ave- nir, et que ses engagements ne durent qu’autant qu’il aura à compter un salaire. Le patron ne peut être enchaîné, non plus que l'ouvrier, ni dans le présent, ni pour l’ävenir : tout ce qui se passe entre eux doit résuller d’un contrat amiable, et une influence étrangère quelconque n'y serait qu’un abus de pouvoir. , ; “Après avoir dit combien les réglemen:s de la loi, en Parque maliére, blésseraient le principe de la liberté individuelle, examinons l'inter- vention de l'État au point de vue fiscal. Que le Gouvernement retraile SEIZIÈME SESSION. 285 ses agents, cela se conçoit, puisque la caisse générale des pensions est, dans l’ordre normal des choses, suffisamment nourrie , 1° par le premier mois des appointements ; 2° par le premier mois des aygmen- tations de traitement ; 3° par la retenue de 5 0/0 sur le traitement men- suel ; 4° par les retenues résultant de congés. D'autre part, ces retenues étant versées pendant #renle ans au moins , les fonctionnaires admis à la retraite onl, en général, un pied dans la tombe lorsqu'ils résignent leurs fonctions , et combien d'eux disparaissent avant d’avoir pu invoquer le bénéfice des droits acquis ! Ainsi se crée, se forme le fonds de retraite ; les retenues ne sont jamais reslituées, quel que soit leur chiffre ; c’est parce qu'elles profitent aux survivants que l'Etat peut accepter cetle charge : à ces seules condi- tions, toute compagnie d'assurance l’accepterait comme lui. Dès qu’il faut rendre le capital versé, les chances deviennent bien différentes, ou plutôt il n’y en a plus que d’onéreuses , de très-oné- reuses pour le trésor. Arrêtez-vous à telles combinaisons que vous voudrez, dressez des tables de mortalité avec tout le soin possible, faites les plus ingénieux calculs : lors que l'État doit restituer à la succession du pensionnaire le chiffre des sommes retenues, il ne reste qu'un gouffre de dépenses dont il est impossible de:mesurer la profon- deur. Ce sera là une de ces belles et trop coûteuses conceptions du Luxembourg : des sacrifices publics, des sacrifices consentis sans dis- cernement comme sans mesure. En principe, il faut que lé salaire puisse non seulement suffire aux besvins du travailleur, mais encore permeltre une légère économie pour les dernières années de son existence ; et c’est ce capital qu’il convient de placer, afin d’en retrouver l'intérêt quand viendront les mauvais jours. L'économie constitue l’esprit de prévoyance de l'ouvrier : il faut, il est juste et moral qu'il compte d’abord sur ses propres ressources avant de frapper à une autre porte. Le patron qui l’emploie a satisfait, à l’aide du salaire, aux obligations contractées envers lui; et quant à la société, peut-elle prendre des engagements autres que ceux que lui inspirent, dans de justes limites, une intelligente philanthropie? Qui, il convient de pratiquer largement les saints devoirs de l’assis- tance publique; oui, il est juste de venir en aide à ceux qui manquer. de travail et de pain; mais, ne loublions pas, les charges de l'Etat re- tombent en définitive sur le peuple. Ce que l’Assemblée constituante a proposé engage l'avenir : c’est un holocauste perpétuel, un impôt à joindre à des impôts déjà fort lourds, et dont le poids ne s'allégera pas dans la suile des siècles. é La prévoyance est chose bonne et utile, surtout à cette époque de scepticisme où chacun, entrainé par le torrent des préoccupations po- litiques, songe si*pêu aux chances nombreuses d'infirmités précoces ou Fi TA 37 286 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. de revers inattendus ; mais les caisses d’épargnes, les assurances sur la vie n’offrent-elles pas déjà de précieuses ressources ? N°y a-t-il pas là un moyenssür de prévenir les éventualités fatales, et de rendre en quelque sorte l’aisance héréditaire dans les familles? Les assurances sur la vie sont des institutions deslinées à pourvoir, avec de hautes garanties de moralité , auxenécessités sociales : très-communes en Angleterre, elles y sont pour ainsi dire passées.dans les mœurs ; et l’on ne voit pas ce qui s’opposerait à ce qu’elles obtinssent le même succès économique en France, où le système d’association est encore si peu compris. L'assistance publique, fondée sur’de telles bases , n’a rien d’incom« patible avec l'esprit républicain; mais, ne l’oublions pas, lorsqu'il s’a- git de toucher au salaire acquis par le travail, ce n’est point au Gouver- nement à intervenir. Le ferait-il d’une manière générale, uniforme , comme à l'égard des adjudications publiques ou des marchés adminis- tratifs? Non sans doute, puisque les caisses de secours mutuels consti- tuent une propriété privée dont les clauses ne sont jamais absolument obligatoires. Dés lors, quel serait le rôle de l’Etal? Celui de médiateur ? On n’en a nul besoin. Que l’Elat évite donc de s'immiscer dans ces questions délicates ; qu'il n'intervienne que par voie de conseils, d'appui, de protection mo- rale : son rôle à lui , c’est celui de la rosée bienfaisante, c’est de ferti- liser les terres arides, c’est de procurer du travail, de distribuer des secours , de soulager les infortunes. Au surplus, une action légale et directe sur le salaire des ouvriers, en compromettant les intérêts du trésor, c’est-à-dire la richesse natio- nale, exigerait sons contredit des formalités considérables , des agents spéciaux, receveurs, contrôleurs, vérificateurs, toute une nouvelle ad- ministralion, avec le cortége obligé d'un budget onéreux. Est-ce donc le moment de centraliser, lorsque les idées de décentralisation germent de toutes parts, et qu'elles n'attendent pour porter des fruits que la vo- lonté ferme et sagement prévoyante des Conseils généraux ? Resserrons donc nos entraînements philanthropiques dans le cercle communal, can- tonal au plus. La commune a conquis ses franchises au temps de Louis- le-Gros , et elle ne les a à peu près perdues que sous l'influencé cer- tralisante de la bureaucratie parisienne. C’étail bien quand les rouages de l'Etat, asservis à un moteur unique.et puissant, fonctionnaient à la fois d'un bout de la France à l’autre; mais les traditions de l'Empire, à part sa gloire impérissable, et au seul point de vue administratif, ne sont plus dans nos mœurs : il ne convient pas que l'initiative même des bonnes œuvres converge d’une manière trop exclusive sur un seul point, en ce sens que, presque loujours, là où se centralisent les bienfaits comme toutes choses, on est sûr de rencontrer au moins un abus dans leur répartition. Les établissements de bienfaisanct les hôpitaux, les SEIZIÈME SESSION. 287 salles d’asile, les maisons de refuge, restreints aux chefs-lieux de pré- fecture, et subvenlionnés avec luxe sur les fonds départementaux , en fournissent de perpétuels exemples ; les communes concourent à leur splendeur, et n’y envoient presque jamais leurs pauvres, leurs infirmes, leurs malades ; non, certes, qu’elles ne puissent invoquer le bénéfice de la loi, qui nous rend, dit on, jusque dans la misère, tous égaux devant elle; mais c’est que les formalités d'admission sont tellement désespérantes que le malheureux a le temps d’expirer et de clore ainsi le debat avant qu'il ait élé slatué sur son sort. Que la répression de la mendicité reste une œuvre départementale, on le comprend : elle con- slitue un délit qui rentre dans les attributions de l’autorité judiciaire ; mais les secours aux infirmes , aux vieillards sont essentiellement, par applicalion du principe de la fraternité, du domaine de la commune, et je ne pense pas qu’elle doive renoncer à ce beau privilége fondé sur l’axiôme chrétien : « Aide-toi, Dieu l’aidera. » Ce n’est pas de nos jours que se produit la question des institutions philanthropiques ; il y a long-temps, bien que l’antiquité n’en ait ja- mais fait l’objet de ses études, qu’elle court de par le monde. Malheu- reusement, si l’on ébauche beaucoup, en revanche on achève peu, et telle idée qui a élé accueillie avec une sorte d’engouement tombe et meurt sans avoir été soumise au creuset de l'épreuve: Les intentions gé- néreuses ne manquent pas, non plus que l’entrainement vers ce qui est bon et utile. Certes, le bien, sous quelque aspect qu’il se présente, n’est ni dédaigné ni incompris ; mais le moindre obstacle devient un écueil réel, et c’est ainsi qu'avortent trop souvent des FREpRSE d’une _ incontestable valeur. Le savant économiste M. Rossi a dit : « Il y a deux institutions qui doivent changer la face de la socièté, l'instruction primaire et les caisses d’épargnes, grandes et généreuses associalions destinées à décupler les forces productives des peuples. » Il y aurail beaucoup à dire sur l'instruction primaire, à laquelle je souhaite qu'on puisse adjoindre , et c’est chose facile, l’enseignement utilitaire, ou instruction professionnelle appliquée aux arts usuels; mais ce sujet nous conduirait trop loin. Bornons-nous à reconnaître que la loi de 1833, qui s’est montrée sage et prévoyante en plaçant l'institu- teur sous la double surveillance du maire et du comité communal , n’a peut-être pas assez compté sur le zèle, le dévoûment des citoyens appe- lés à faire partie de ce conseil. Au reste, lorsque je parle de l’instruction professionnelle , j'entends l’enseignement populaire, pratique , que les enfan's, en sortant de l’école, pourraient recevoir, selon leur aptitude, dans l'atelier d’un maitre ouvrier de chaque état, menuisier, charpen- lier, charron, forgeron, serrurier, sellier, bottier, tailleur désigné à cet effet, et indemnisé par un faible salaire à la charge des apprentis. Inu- -288 | CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. tile de dire qu’une telle organisation ne peut devenir féconde en bons résullats qu’au chef-lieu même de la justice de paix. Les caisses d’épargnes sont de diverses sortes. On peut, par analogie, rapporter à cette institution les retenues qui concourent à établir une masse commune , un fonds de secours mutuel. Ce régime ne convien- drait pas, sans doute, aux ouvriers nomades, dont la vie industrielle est un perpétuel tour de France, pour ne rien dire de plus; mais il est facile d'en faire une heureuse application aux travailleurs sédentaires des villes et des campagnes. | Marseille , où l'esprit de charité est proverbial, fournit , sous ce rap- port, de remarquables exemples. Quatre-vingt-quinze sociétés distinctes de prévoyance et de secours mutuels , formant un total de dix mille ou- vriers , fonctionnent depuis long-temps dans cette grande cité, el tout s’y passe avec lant d’ordre et de réserve qu'il n’est pas permis, même entre frères ou proches parents, de se tutoyer en séance. Deux associalions, l’une pour les officiers mariniers , matelots et ou- vriers des professions maritimes ; l’autre, plus générale , sous l’invoca- tion de saint Joseph, existent aussi à Saint-Tropez, département du Var, et l’on a pu juger de l'influence salutaire qu’elles exercent sur le peuple. La première est fondée sur le principe de la retraile; la seconde, comme toutes celles de Marseille, sur celui du secours quotidien. C’est à ce dernier système que je donne la préférence , et en voici le motif : La pension de retraile emporte avec elle le caractère d'une propriélé sacrée, inviolable, et cependant il peut se faire que des causes majeures, telles que l'insuffisance des ressources, la dissolution même de la sc- ciélé, viennent en affaiblir le chiffre ou le supprimer entièrement. Le secours quotidien atteint le même but de bienfaisance , mais il n'a pas l'inconvénient d'engager l'avenir , et sa durée est subordonnée à celle de l’association elle-même. Le pensionnaire touche en tous lieux, el quoi qu’il fasse , le produit de sa retraile. L’ouvrier admis au secours ne profite du bénéfice de sa posilion qu’autant qu'il réside dans la commune, et c’esl justice, car institution est toute locale. Enfin , les avantages de la retraile sont absolus, que's que soient, ou les penchants, ou la fortune de l'ayant-droit. Le secours ne s’adresse qu’à l'ouvrier laboïeux , honnête et pauvre. Le système de la retraite convient mieux peut-être aux corporations distinctes, comme ces rudes marins de Saint-Tropez, qui, après de longs labeurs et d’incessants périls, sont heureux de trouver dans leurs familles la rente de 150 fr. qui leur est allouée par la communauté ; mais l’autre régime s’harmonise beaucoup mieux avec les divers états de la grande échelle sociale, et principalement avec les habitudes agricoles. ‘En résumé , le moyen le plus efficace de prévenir le dépeuplement des SEIZIÈME SESSION. 289 campagnes , sans nuire à l’industrie des villes, consiste, non pas à ren- dre le travail attrayant, comme parlent les disciples de Fourier, magni- fique et puérile utopie démenlie par l'expérience, mais à y accroitre, autant que possible, la somme du bien-être. Il faut donc : 1° Joindre à l'instruction primaire l’enseignement pratique des arts les plus usuels ; 2* Encourager, dans l'intérêt de l’agriculture, la création des comices agricoles cantonaux, qui peuvent suppléer à peu de frais aux dispen- dieux systèmes des fermes-modèles ou des écoles régionales ; 3° Etablir dans de justes limites des ateliers de travail, qui auront pour objet l’entretien ou le perfectionnement des routes, l’assainisse- ment des marais, l'aménagement des eaux, l’endiguement des rivières ; 4° Fonder, dans chaque chef-lieu de justice de paix, à l'aide de sub- ventions des conseils généraux, et, au besoin, de l'Etat, un hospice civil desservi par les sœurs de Saint-Vincent-de-Paul, où les indigents puissent trouver un refuge sûr et les jeunes filles des pauvres une édu- cation pieuse ; 5° Organiser dans chaque commune , en dehors de toute intervention directe de l'Etat, une Société de prévoyance et de secours mutuels, et former entre ces divers établissements un lien commun sous forme de grand conseil siégeant au chef-lieu de justice de paix. À ce dernier égard , j'ai compulsé divers statuts, et il m’a paru que, légèrement modifiés , ils seraient partout d’une application facile. On ne trouvera peut-être pas inutile que je les fasse connaïtre ici : RÉGLEMENT de LA SOCIÉTÉ DE PRÉVOYANCE ET DE SECOURS MUTUELS de la commune de ..……. . ART. 1°. La Société de prévoyance el de secours mutuels se place sous le pa- tronage direct de l’autorité locale. Son but est de protéger et de secourir les membres qui la composent dans les cas et aux conditions détermi- nées par les statuts. ART, 2. Elle sera administrée par un président , un vice-président, un sécré- taire, un trésorier ou un secrétaire-trésorier , deux ou quatre auditeurs de comptes et huit visiteurs, Ces fonctionnaires composent le conseil 290 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. d’administralion. Leurs fonctions durent une année ; mais ils sont rééli- gibles. Il pourra y avoir un vice-secrétaire. L BAT: C0, Les fonctions de président consistent à ordonner les convocations, à maintenir l’ordre dans les assemblées, et à s’apposer à ce qu'on y traite des questions étrangères à la Société; à surveiller les opéralions du.con- seil d'administration , poser les questions diverses, faire connaitre le résultat des délibérations, hâter les recouvrements et signer tous ex- traits, mandats et exeat. à ‘ Le vice-président le remplace en cas d'absence, et, à défaut de l’un et de l’autre, la présidence temporaire revient de droit au plus ancien inscrit, présent à l’assemblée. ART. 4. Le secrétaire est chargé de faire les billets de convocation, sur l'ordre du président; de rédiger les délibérations, d'enregistrer les mandats sur un registre spécial, de tenir les archives. Le vice-secrétaire l’aide dans ses fonclions el le remplace en cas d’ab- sence. ART. 5. Le trésorier s’oblige , 1° de tenir le registre d'inscription des membres de la Société ; 2° d'inscrire et de certifier les dépenses de toute nature sur un grand-livre dont les feuillets sont paraplés par le président; 3° d’avoir la comptabilité toujours en règle ; 4° de poursuivre la rentrée des fonds. Le trésorier est responsable des sommes qu’il reçoit, et donne quit- tance des quotités sur le livret qui a été fourni, au prix de 50 centimes, par le conseil d'administration. Il ne paie que les mandats signés par le président et le secrétaire , et revêtus du pour acquit de la parlie prenante ou de toute autre en son nom. Son livre de caisse sera constamment à jour ; il en donnera le ré- sultat au conseil d'administration, tous les premiers dimanches de cha- que mois, et fera connaitre les sociélaires en retard , afin qu’il puisse êlre statué contre eux. A la fin de l’année, les comptes seront vérifiés el arrêlés par les au- diteurs de comptes ; le solde en sera porté à compte nouveau, et la décharge , signée par les auditeurs , le secrétaire et le président , sera mise au bas du livre de caisse. ART. 6. Dans le cas où le même membre sera secrétaire et trésorier, il devra salisfaire aux devoirs de cette double fonction. SEIZIÈME SESSION. 291 ART, 7. Les auditeurs de comptes assisteront à toutes les redditions de comp- tes , et les signeront avec le président et le secrétaire : ils auront à si- gnaler, exposer et censurer tout ce qui leur paraitra contraire aux règles de la comptabilité et nuisible aux intérêts de l’association. ART. 8. Les fonctions des visiteurs consistent à se rendre sans délai chez les sociétaires malades , sur le premier avis qu’ils auront de leur maladie, pour s'assurer de leur état.et en informer le président ; à leur faire ac. corder, le plus tôt possible , le secours qui est dû dans ce cas, à le leur remellre eux-mêmes, ou, tout au moins, à veiller à ce qu'ils le touchent exactement par une autre voie, ART. 9. Les fonclions des administrateurs seront toutes graluites, autant que possible; dans tous les cas, le secrétaire et le trésorier pourront seuls recevoir une rétribution. 2 < ART. 10. Il y aura une assemblée générale chaque année, le premier dimanche du mois de décembre, et des assemblées d'urgence, dans les cas extra- ordinaires : elles n'auront lieu que sur l'autorisation du maire ou en pré- sence de son délégué , et seront considérées comme complèles dès que les deux tiers des membres y assisteront. L'assemblée générale ne se tiendra qu'après que le conseil d’admi. nistration aura rendu ses comptes et justifié de leur parfaite exactitude. Le président , après avoir fait l'ouverture de l’assemblée générale an- nuelle, proclamera à haute voix les nouveaux membres reçus dans le couranl de l’année. Le secrétaire fera ensuite le rapport des travaux de la sociélé, dans lequel il sera fait mention des malades, des morts, des démissionnaires ou exclus, ainsi que des recetles effectuées. Immédiatement après, on procédera aux élections, conformément aux usages élablis en pareil cas ; les nouveaux administrateurs seront proclamés, mais ils n’entreront en fonctions que le premier dimanche de janvier suivant. K ART. 11. Un crédit sera ouvert chaque année, en assemblée générale , pour les dépenses ordinaires , et le conseil d’administralion ne pourra le dépasser, sauf à provoquer, dans les cas imprévus, des allocations d'urgence. ART. 12. Le conseil d'administration s’assemblera tous les premiers dimanches 292 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. de chaque mois, afin d'arrêter les comptes et d’aviser aux moyens d'amélioration ; il arrêtera les dépenses, sans sortir de la limite des cré- dits accordés , et s’assurera que le trésorier a toujours au moins 100 fr. en caisse. Lorsque les fonds de la société excèderont celte somme , il prendra une délibération en vertu de laquelle tout ou partie de l’encaisse sera versé, soit au trésor public , soit à la caisse d'épargnes la plus voisine , soit enfin en placement avantageux et sûr. ART. 13. Il y aura une fois par an, à un jour déterminé , au chef-lieu de can- ton, un grand conseil, composé du président en exercice et du prési- dent sortant, ou, à défaut de ce dernier, du vice-président de chacune des sociélés communales; il formera annuellement son bureau. ART. 14. Toutes les difficultés qui pourront s'élever entre les sociétaires et le conseil d'administration , ou entre les administrateurs eux-mêmes des diverses sociétés communales, seront portées au grand conseil, qui dé- libérera sur l’objet ; ses décisions seront en dernier ressort. ART. 15. Le délit de concussion exceplé, les affaires de la sociélé ne pour- ront, dans aucun cas, être déférées aux tribunaux. Toules seront dis- cutées et jugées par les membres présents, réunis en assemblée ; cha- eun sera tenu de s’y conformer, sauf appel au grand conseil. ART. 16. Toute délibération devra être prise en assemblée de quinze membres au moins, et à la majorité absolue ; toute convocation devra faire con - naître l’objet de la réunion. L'assemblée pourra, dans l'assemblée gé- nérale et annuelle, modifier, réformer ou révoquer les décisions prises dans l’année au préjudice d’un de ses membres. ART. 17. Aucune reclification ni addition ne pourra être proposée au réglement qu’en assemblée générale , convoquée à cel effet au nombre de cin- quante membres au moins , et elle n’aura lieu qu'après avoir été dis- cutée et adoplée au grand conseil, sauf l’approbalion du Gouverne- ment. ART. 18. Toule discussion politique ou religieuse est interdite. - ja ART. 49. Nul ne sera admis comme sociélaire s’il n’a vingt-un ans révolus, ou SEIZIÈME SESSION. 293 s’il dépasse quaranle-cinq ans. Les étrangers peuvent faire partie de la société : il suffit d’habiter la commune ou d’y avoir, sans y résider, son domicile politique. j à ART, 20. Pour être sociétaire, il faut justifier de sa bonne constitulion par un certificat-du médecin, fournir des preuves de bonne conduite , n’avoir jamais été condamné pour délit, présenter son extrait d’acle de nais- sance, ne pas être attaché à un établissement insalubre ni à aucun service militaire , n’avoir pas été exclu d’une société de-prévoyance et de secours, s’obliger à payer exaclement toutes les quotités portées dans les statuts, et renoncer à la mise de fonds, s’il sort de la société, de quelque manière que ce soit. ART. 21. Le nombre des sociétaires sera de cent au moins, mais il n’est pas limité ; deux ou trois communes peu importantes pourront être réunies. ART. 22. Tous les sociétaires s’obligent à acquitter : 1° Une quotité de réception de 6 fr., payable au moment où ils seront admis ; 2° Une quotité mensuelle de 1 fr. 50 c. , exigible d'avance, le premier dimanche de chaque mois. ART. 23. Tout sociétaire habitant la commune qui laissera écouler quatre mois sans acquiller sa quotité, sera mis en demeure , par le président, de faire honneur à ses obligations; et, un mois après, il sera pris une délibération motivée, en assemblée de quinze membres au moins, pour prononcer sa radiation des registres de la.société. Le sociétaire en cours de voyage qui passera six mois sans payer ses quotités , encourra la même peine ; toutefois , il pourra être réin- tégré, s’il prouve qu’il n’a pu donner de ses nouvelles avant l’expira- tion d’une année, et s’il a réclamé aussitôt qu'il l'a pu. Le sociétaire absent ne sera tenu d’acquitter ses cotisations que pour les trois premiers mois de son absence. ART. 24. Sera exclu de la sociélé, sans pouvoir , sous aucun prétexte, relirer sa mise de fonds, tout membre contre qui aura été prononcée une peine , une condamnation afflictive ou infamante , ou même une peine correclionnelle pour vol, escroquerie, abus de confiance ou attentat aux mœurs. Seront également exclus ceux qui feindraient une maladie pour jouir LOALE 38 294 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. du secours , ou qui, au moment de leur admission, auraient dissimulé une infirmité grave. F ‘La radialion, comme la réintégration , n’aura lieu qu’ en vertu d’une délibération molivée prise en assemblée générale et à la majorité ab- solue. . ART. 25. Le sociétaire est libre de se retirer de la Société; mais il perd, comme dans tous les cas quelconques, sa mise de ue ART, 26. Tout membre de la sociélé qui tombera malade aura droit à un se- cours de 80 c. par jour, qui lui sera continué pendant sa convalescence, dont la durée variera suivant la gravité de la maladie’et l’avis du méde- cin : les médicaments lui seront fournis sur les fonds de la société. Si Ja maladie se prolonge au-delà d’un an, le malade sera considéré comme incurable, et admis seulement au secours de celle classe. Les incurables hors d'état de travailler recevront un secours de 60 c. par jour. Les vieillards hors d'état de travailler recevront également un secours de 60 c. par jour. ai y Toutefois, ce secours quotidien de 60 c. ne sera accordé qu’ aux vieil- lards ou incurables hors d’élat de travailler qui auront acquilté pendant dix ans au moins leurs quolités mensuelles. ART, 97, Aucun secours ne sera accordé aux sociétaires qui ne seraient pas münis d'un certificat du médecin constatant qu’ils sont réellement ma- lades, ou dont la maladie ne durerait que trois jours: Les maladies syphilitiques, ou toutes autres provenant de rixes ou de débauche , ne donnent pas droit à des secours. ë ART. 28. à Les D. et les vieillards admis comme invalides au secours quotidien de 60 c. auront droit, comme tous les autres sociétaires, au secours de maladie ou de convalescence de 80 c., lorsqu'ils seront, ma- lades ; mais ni les uns ni les autres ne pourront avoir ces deux secours . à Ja fois. ; ART. 29. “Tout sociétaire admis au secours quotidien de 60 ou de-80 c. n’en est pas moins tenu de payer sa quotité mensuelle, qui sera toujours pré- levée sur le premier mandat. ‘Le sociétaire absent de la commune n’a droit à aucun secours, bien qu'il doive sa colisation pendant les lrois premiers mois de son absence, SEIZIÈME SESSION. 295 ART. 30. Un médecin et un pharmacien sont nommés à la majorité des voix pour soigner les sociétaires. Les familles des sociétaires habitant sous le même toit pourront con- tracter avec la société un abonnement qui leur donnera droit aux visites du médecin et aux médicaments. ART. 31. : En cas de mort d’un sociétaire, la société entre pour 40 fr. dans les frais de funérailles ; mais, sous aucun prétexte, les hoirs du défunl ne pourront réclamer ni sa mise, ni sa part de fonds. ART, 32. Dans les cas, fort rares sans doute, où le nombre des malades serait hors de proportion avec les ressources ordinaires de la société , les se- cours seront proportionnellement réduits. ART. 33. Si, au contraire, les ressources de la société le permettent, le con- seil d'administration pourra accorder un secours proportionnel à tout sociétaire avancé en âge qui, pouvant travailler, et n'ayant, par con- séquent, droit ni au secours de malade, ni à celui d’incurable, ni à ce- lui de vieillard , serait néamoins impropre à travailler assez pour sub- venir à ses besoins. ART. 34. Nul sociétaire ne peut refuser le secours qui lui est accordé ; mais il a le droit d’en faire don à la société : celle circonstance est mentionnée au procès-verbal. ART: 35. Pourront recevoir, en assemblée générale et sur la proposition écrile de trois sociétaires, le titre de membre honoraire tous bienfaiteurs ou donateurs: qui, sans condition d’âge, de pays, de résidence, viennent en aide d’une manière queleonque à l’œuvre de la société. ART, 36. La société regarde comme un devoir pour ses membres, pour les vi- siteurs surtout, de visiter, autant que possible, les sociétaires malades, de leur apporer eux-mêmes les secours qui leur sont dus, et d’assis- ter, s'ils succombent, à leur convoi. ART. 37. ? Chaque année, sur le rapport du président des sociétés communales, le grand conseil, dans sa séance publique, décernera des médailles de 296 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. bronze et des mentions honorables aux sociétaires dont la conduite cha- ritable auprès des membres malades aura élé jugée digne de cette ré- compense honorifique. ART. 38. c ; on qe frais occasionés par le grand conseil seront prélevés sur les fonds des sociétés communales , aü prorata du nombre de leurs membres So- ciétaires ; le grand conseil en fixera le montant , chaque année. ART. 39. La dissolution de la société pourra être prononcée par l'assemblée générale, à une majorilé composée des deux tiers de sesmembres inscrits au tableau. Si elle a lieu, le conseil d'administration sera obligé d’en donner connaissance au grand conseil et à l’autorilé locale; six mois après, il distribuera le net des fonds en caisse, au cenlime le franc et au prorata des versements opérés par chaque sociétaire actuel, déduc- tion faite d'un quart de la somme disponible au profit d’un hospice, ou, à défaut , de tout autre établissement de bienfaisance existant, dans l'intérêt des communes, au chef-lieu du canton. Tous les registres seront déposés dans les archives de la mairie. ART. 40. à FAURE Chaque sociétaire recevra, à ses frais, un exemplaire imprimé du réglement, signé par le AT et le secrétaire, et revêtu du sceau de la société. x Ces statuts règlent les droits et les devoirs de tous les membres de la société, qui s’engagent, par le seul fait de leur admission, à les sui- vre littéralement, et à ne jamais déroger à leurs dispositifs, sous quel- que prétexte que ce soit. | à M. le docteur Roux croit que l'émigration des habitants de la campagne s’arrêterait, et que l’agriculture conserve- rait les bras dont elle a besoin, si le Gouvernement s’alta- chait à relever la condition des cultivateurs, en créant en leur faveur un ordre particulier , l’ofdre du mérite agricole, tandis qu’il leur assurerait, d’un autre côté, certains avan- tages ; qu’il accorderait, par exemple, à titre de prime, l’exemption du service militaire. Puisque l’agriculture est plus favorable que l’industrie à la moralité des individus qui la pratiquent , il convient de la mettre au dessus de l'industrie, en la protégeant d'une manière très-spéciale. M. Amaury Dréo pense que les moyens proposés ne se- ’ SEIZIÈME SESSION. 297 ront pas d’une grande efficacité. Les mœurs ont bien changé dans les campagnes; le désir d’un fort salaire y a pénétré, avec l’esprit de dissipation , et certaines douceurs qu’offrent les villes y sont malheureusement trop connues. On ralentira le mouvement d’émigration, en cessant de donner autant d'extension aux travaux publics. Mais il ne faut pas essayer de fournir aux campagnes les bras qui leur manquent, en y rappelant par certains moyens les individus qui les ont abandonnées ; le remède serait pire que le mal. M. Duchatellier ne balance pas à résoudre affirmative- ment la question posée. L'alliance de certains travaux in- dustriels avec les travaux agricoles lui semble très-pro- pre à faire cesser l’émigration vers les villes, ou du moins à la réduire d’une manière notable. Il cite comme bons travaux industriels pour les campagnes ceux qui s’opèrent au moyen des productions agricoles du pays, par exemple, . la fabrication de la toile, celle des draps, celle du fer, etc. Avec ces travaux, on utilisera par la suite les bras que certaines circonstances, notamment le perfectionne- ment des instruments ou machines agricoles, rendront in- occupés. L'alliance dont il s’agit, en procurant au culiiva- teur une amélioration dans son sort, éloignera de lui l’idée d’aller chercher le bien-être dans les villes, où il ne trouve parfois que la misère. Il importe, au reste, d'accueillir . avec faveur les moyens proposés par M. Dufaur de Mont- fort. Ces moyens , convenablement appliqués , contribue- ront à rendre meilleur le sort des cultivateurs , et, par con- séquent , à les attacher au travail des champs, à les fixer sur le sol qu'ils ont rendu fertile. Relativement aux gran- des récompenses qui pourraient être accordées par l’État, M: Duchatellier pense qu’elles ne doivent pas être diffé- rentes de celles qui sont depuis long-temps accordées aux hommes qui se distinguent dans les autres carrières. M. de Léon craint que la condition des fermiers ne de- vienne de plus en plus fâcheuse. Le laux des fermages s’est 298 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. “k beaucoup élevé depuis quelques années, et le prix du grain reste maintenant très-bas. Une diminution sensible existe aussi sur le prix des autres denrées. Il faudra bientôt di- - minuér les dépenses de l'exploitation, et plusieurs ouvriérs agricoles manqueront de travail. Le temps est done vera dé songer sérieusement à l'organisation de secours dans la commune et dans le canton, de recourir aux ‘principaux Moyens indiqués par M. Dufaur de Montfort. La vénté dé quelques terrains vagues mettrait les communes à lieu de construire un hospice, que la charité particulière saurait certainement entretenir. On ne peut guères compter pour le moment sur l’aide du département ou de l'Etat. Quelques autres membres prennent la parole. Ils pén- sent aussi que le seul moyen d'arrêter l’émigration des cul tivateurs est d’ augmenter leurs ressources, de leur assu- rer des secours à domicile, en cas de maladie ou de chô- mage, et une retraite convenable dans leur vieillesse. ui L'ordre du jour appelle la vingt-quatrième question, ainsi conçue : « Quelles ont été les premières canalisations en » France? Quels sont les résultats des canalisations 6pé- » rées en Bretagne? » M. Le Gall cite la diniies comme une des premières. ri- vières françaises qui aient reçu des écluses. Sa canalisation remonte; au xvi° siècle; le travail s’est fait de 1538 à 4575. L'avantage obtenu a été très-grand pour la ville de Rennes et pour ses environs. Beaucoup d’autres localités se sont bien trouvées de l'établissement du canal, lorsque les An- glais, maîtres de la Manche; bloquaient les ports du nord- ouest de la France, Rennes alors était un entrepôt. Le Gou- vernement, pour rendre plus facile le transport des marchan:- dises, entreprit la construction du canal d’Ille-et-Rance. Ce dernier canal, terminé seulement après la paix, n est pas d’un grand service; mais il deviendrait très-utile, CEE moyen de communication entre l'Océan et la Manche, si nous avions une guerre maritime. durrsins SEIZIÈME SESSION. 299 M. Amaury Dréo fait observer que les droits énormes de navigation enlèvent aux canaux les bons résultats qu'ils semblaient promettre. Il voudrait que l'Etat, traitant avec les compagnies, prit possession des canaux, en renonçant aux droits établis. La perte que cette opération ferait éprou- ver n’égalerait pas la dépense que nécessite l’entretien des routes, écrasées par des transports qui deyraient se faire par eau. Les autres membres de la section pensent que le Gou- vernement, dans les circonstances actuelles, ne peut son- ger. à se mettre en possession des canaux , au moyen d’un traité avec les compagnies adjudicataires , mais qu’il peut se déterminer, dans l'intérêt de l’agriculture, à faire un arrangement qui exemptera des droits les engrais de toute espèce. Des vœux, à cet égard , ont été émis par plusieurs conseils généraux ; rien de mieux que de s’y associer. M. Bernède obtient la parole pour une communication relative à à la plante nommée Spergule géante. Cette plante, dit M. Bernède, que j'ai introduite dans le département, se recommande à l'attention des cultivateurs. Elle peut être employée comme engrais vert et comme fourrage. Elle nous est venue d'Allemagne, et n’est proba- blement qu’une variété de la Spergule commune ou des champs, variété produite par la culture. Les Allemands la cultivent avec succès. C’est une plante annuelle qui vient également bien sur nos terres argileuses et sur nos terres sablonneuses fraiches. Comme elle s’élève à un mèire et qu’elle s’affaisse facilement, on la sème, pour la soutenir, avec de l’ayoine ou du sarrasin. Il faut aussi semer dru et peu.recouvrir la semence. Deux mois suffisent à la plante pour obtenir tout son développement; elle peut être, par conséquent, semée jusqu’à trois fois de suite dans l’année. Le dernier produit est attribué à la pâture, car la plante cesse de s’allonger lorsque les premiers froids surviennent. Comme les graines mûrissent avec beaucoup de prompti- tude , il faut faire les coupes bien à temps; autrement les 300 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. graines se répandent, restent sur le sol et salissent les cul- tures suivantes. Si l’on avait omis de couper avant la ma- turité des graines, on aurait la ressource de l’écobuage. L'inconvénient mentionné est donc très-faible. On sème la Spergule géante en février ou mars, en mai et au mois d’août ; on fait brouter le dernier produit en novembre, puis on retourne la plante à la charrue, l’enterrant ainsi comme engrais. Elle est lactifère , et les vaches en sont très-avides. La petite Spergule, qui croît spontanément dans nos champs , était jadis appelée herbe à beurre. Elle est loin d'offrir les avantages que présente la Spergule géante. En terminant, M. Bernède dit qu'il se fera un plaisir de remettre des graines aux agriculteurs qui se proposeront d'essayer la culture dont il s’agit. > : M. le Président, au nom de la section, remercie M. Ber- nède de la communication qu’il vient de faire, et aussi de son offre obligeante, qui ne peut manquer d’être acceptée. La séance est levée à onze heures. Séance du 10 Septembre 1849. —— Présidence de M. DUCHATELLIER. — M. DE LUSTRAC, Secrétaire. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. M. le Président lit la vingt-sixième question , ainsi con- çue : « Quelle organisation paraît préférable pour les fer- mes-écoles à établir dans Ouest de la France ? Quel de- vrait être pour la Bretagne le nombre de ces fermes? Celles ‘ qui existent dans cetle ancienne province ont-elles puis- samment contribué au progrès de l’agriculture? » SEIZIÈME SESSION. 301 M. de Léon pense qu'il faut désirer pour l’ouestde la France des fermes-écoles moyennes. Il signale avec éloge, et com- me modèle, la ferme-école des Trois-Croix , commune de Rennes. Cette ferme, de 30 hectares, est exploitée par M. Bodin , ancien élève de Grignon. Un atelier d’instru- ments aratoires perfectionnés s’y trouve annexé. Comme directeur de l’école , M. Bodin reçoit du département une subvention annuelle de 2,000 fr. Les élèves, boursiers de l'État ou du département, sont au nombre de douze à quinze. La pension est de 300 fr. Les élèves, fils de culti- vateurs, après avoir reçu dans l'établissement une instruc- tion agricole à la fois théorique et pratique , s’établissent comme fermiers dans diverses parties du département, et contribuent puissamment, par les exemples qu’ils donnent, à l'amélioration de l’agriculture. La ferme des Trois-Croix offre d’ailleurs de très-beaux produits , et sa proximité de Rennes lui procure un grand nombre de visiteurs. Les procédés heureusement employés sont bien vite connus. Suivant M. de Léon, l'établissement fort étendu de Grand-Jouan, dans la Loire-Inférieure , est loin de pré- senter un résultat aussi satisfaisant. Un autre grand éta- blissement agricole, fondé, il y a plusieurs années, dans le Morbihan, l'établissement de Coëtbo, n’a pu se soutenir, malgrès les ressources qu’il possédait. Il semble que le progrès de l’agriculture serait surtout assuré par la créa- tion dans chaque arrondissement d’une ferme-école, des- tinée à recevoir six ou sept élèves. M. Philippe Kerarmel croit aussi que les fermes-écoles d'uneétendue médiocre sont celles qui conviennent au pays breton, parce que ces fermes se trouvent mieux en rapport avec notre état agricole pris dans sa généralité. Il expose les bons résultats produits par la ferme peu subventionnée de Kervignac, arrondissement de Lorient (Morbihan). Les travaux qui s’y exécutent ont mérité l'attention des culti- vateurs du voisinage , et l'emploi des bons procédés agri- coles qu’elle a fait connaître s’élend d’une manière assez LAC 39 ”-302 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. remarquable. Il s’y fait chaque année une distribution de graines. L'amélioration de la race bovine bretonne y est l’objet d’un soin tout particulier. Enfin, un atelier modeste, joint à la ferme, fournit le moyen de propager les instru - menls aratoires perfectionnés ; ils sont concédés à très-bas prix. M. de Caumont, quia tr à la rédaction du projet, de décret sur les établissements agricoles, dit que le Gou- vernement, en réduisant à cinq les écoles régionales , en- tendait, par cela même, multiplier les fermes-écoles à rai- son des besoins réels de l’agriculture, qui veut surtout des hommes habiles dans la pratique. Ces établissements, qui. coûtent peu , ont généralement offert d’heureux. résuliats. Multipliés, ils assureront le progrès rapide de l’agriculture. M. Hardoüin, rappelant l'observation faite par M. de Léon sur la ferme des Trois-Croix, commune de Rennes, dit que le Conseil général d’Ille-et-Vilaine, qui apprécie toute l’importance de cet établissement, a mis le directeur à lieu de renouveler le bail et de joindre à la ferme une certaine quantité de terres moins bonnes, afin qu’il puisse varier davantage le travail et l’expérimentation. M. Duchatellier aime à croire que le désir de voir multi- plier les simples fermes-écoles n'empêche pas de reconnaître la grande utilité des fermes régionales, destinées au déve- loppement de la science agricole et à l'étude des rapports qui existent entre l’agriculture et l’industrie. Il est persuadé que l'établissement agricole de Grand-Jouan a produit quel- que bien en Bretagne, et qu’il méritait à juste titre de de- venir éeole régivnale. Si quelques résultats espérés n’ont pas été obtenus , il faut l’atiribuer à des circonstances qu'il était difficile d’ apprécier. La perte éprouvée est un n exemple | tie refuser au directeur de ce re aa un. hommage pour son profond savoir et pour son dévoüment. aux intérêts de l agriculture. + SEIZIÈME SESSION. 303 M. de Blois fait observer que, dans les fermes -écoles, un peu de théorie est toujours enseignée en même temps que la pratique. Il pense que cela suffit pour la Bretagne, et que la haute science agricole n’y trouverait pas occasion de s'appliquer. Pourquoi, dès lors, ne pas se borner à aug- menter le nombre des petits établissements agricoles, qui jusqu'iei ont rendu les meilleurs services ? . M. Duchatellier répond que, si l’état de petite culture du pays peut être invoqué dans la discussion entamée, il faut cependant prévoir un changement. En effet, les résultats obtenus par la grande eulture dans d’autres départements, et la concurrence qui en serait la suite, peuvent nous for- cer à modifier notre système agricole actuel, ef même à l’abandonner. M. de Blois reconnait que la question de la grande et de la petite culture est assez grave: mais il croit que la petite culture ne peut manquer d’être persistante dans les dépar- tements bretons, à raison de la disposition particulière du sol et de la grande division des populations. On ne voit même pas de quel intérêt serait pour l’agriculture le chan- gement qui vient d’être mentionné. J1 n'y a donc pas lieu de le prévoir. M. Hardoüin voit dans la question de transformation de la petite culture une question de moralité et même d’exis- tence pour les populations rurales de la Bretagne. A cet égard , il est bon de prévoir et peut-être de prévenir. Quel- que chose d’analogue se passe en ce moment : certaines industries dites rurales, parce qu’elles s’alliaient heureu- sement aux travaux de la campagne, tendent à se concen- trer dans les villes, et pourront bien n’être un jour que des industries urbaines. Cette concentration donnera aux villes, au détriment des campagnes, un surcroit de population. On comprend très-bien que l’énugration des habitants de la campagne vers les villes est une chose fâcheuse, mais on ne s'accorde guère sur les mesures à prendre pour ar- rêter le mal, La disparition ou la diminution de la petite 304 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. culture l’aggraverait très-probablement. La question de grande et de petite culture est donc d’une haute impor- tance. On ne saurait trop l’étudier. M. Duchaiellier dit qu’il est certainement bien à désirer que les populations restent fixées au sol, mais que le mou- vement est inévitable et-doit être prévu. Il faut bien ad- mettre, en effet, que la petite culture ne pourra plus con- courir avec la grande, lorsque les moyens mécaniques, uniquement applicables à celle-ci, auront reçu tout leur dé- veloppement. lorsqu'ils auront produit une économie ma- jeure dans le travail. Les petits fermiers se trouveront alors dans l'impossibilité de payer le prix de leurs fermages, et les petits propriétaires sentiront le besoin de s'entendre pour tirer un profit convenable de leurs biens. M. Philippe-Kerarmel croit qu'il ne faut pas trop songer à un avenir qui, pour la Bretagne, paraît fort éloigné. At- tachons-nous, dit-il, à l'amélioration de nos petits domai- _nes; créons des institutions en rapport avec l’état actuel des choses. La discussion est résumée comme suit par M. le Prési- dent: L'organisalion qui paraît préférable pour les fermes- écoles à établir dans les départements de l’ouest de la France, est celle qui mettra l’enseignement agricole pra- tique à la portée des fils de fermiers ou de simples labou- reurs. Une ferme-école par arrondissement semble une chose utile. L'expérience’, dans le pays breton, est en faveur des éta- blissements agricoles peu considérables. La vingt-deuxième question est mise en discussion : .« Quel est, en Bretagne, l’état de la fabrication des » toiles dites rurales ? Cette fabrication est-elle bien impor- » tante pour les populations qui s’y livrent? Présente-t-elle SEIZIÈME SESSION. 305 » des produits remarquables? Convient-il de provoquer cer- » taines mesures en faveur de cette industrie ? » M. Hardoüin obtient la parole. Il rappelle l’importance que cette industrie ayait prise dans le département des Cô- tes-du-Nord, et peint l’état de souffrance dans lequel se trouvent plusieurs populationsrurales de ce département, par la ruine d’une fabrication que rien ne peut remplacer, et que des efforts généreux, long-temps continués, n’ont pu rétablir. Il dit ensuite qu’un pareil malheur est fort à craindre pour le département d’Ille-et-Vilaine. La fabrica- tion des toiles était naguère une source de prospérité pour les populations rurales des arrondissements de Rennes, Vitré et Fougères: elle est encore une industrie très-im- porlante pour ces populations, car la valeur annuelle de ses produits atteint presque quatre millions; mais elle est menacée par des concurrences nouvelles et par l'emploi des moyens mécaniques. En ce moment, les fileuses gagnent à peine 25 cent. par jour, et le cultivateur, père de famille, n'obtient pas toujours un prix de vente égal aux frais de culture , de préparation et de fabrication. L'industrie dont il s’agit intéresse plus de soixante communes du départe- ment. Elle fournit des toiles de ménage, des toiles à sacs, à hamacs, et surtout des toiles à voile fort estimées pour leur bonne qualité et recherchées jusqu'ici par la marine, même par la marine de l'Etat. Ces toiles sont fabriquées par les habitants de la campagne avec du chanvre produit par le sol, préparé et filé dans les fermes ou autres habi- tations rurales. Tous les membres de la famille, depuis le plus bas âge, sont utilisés par cette industrie, qui supplée d’ailleurs au défaut de travaux agricoles. Une certaine as- sociation entre l'industrie et l’agriculture, désirée par de très-bons esprits, se trouve ainsi réalisée. Par suite de la division extrême des propriétés dans le département, la plupart des cultivateurs ne peuvent avoir de céréales que pour la nourriture de leur famille. C’est dans le produit de leur chanvre, dans la façon d’une pièce 306 - CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. de toile, qu'ils trouvent le prix de leur fermage. L'aide- cultivateur , qui ne peut rapporter à sa famille que 30 cent., gain net de sa journée de travail , s’estime heureux de pou- voir cultiver une quantité de chanvre, que filera sa femme, en se livrant aux soins du ménage. Avec le produit obtenu, il subviendra à bien des nécessités. Si la fabrication des toiles ne pouvait se soutenir, le département perdrait un de ses principaux produits, et cette perte entraïnerait une dépréciation de valeur pour les propriétés sur lesquelles le chanvre est aujourd’hui cultivé. En vue de la détresse qui peut survenir, une vive solli- citude est certainement bien naturelle. Le Conseil général et l’autorité départementale se sont appliqués et s’appli- quent à soutenir la fabrication des toiles rurales. Sur leur demande, M. le Ministre de la marine a mis nos toiles au nombre de celles qui peuvent être employées dans les ports militaires. L'industrie dont il s’agit a ressenti malheureu- sement, comme les autres industries, les contre-coups de la Révolution de Février, et certaines circonstances l'ont éncore entravée. Une commission, nommée par M. le Pré- fet du département, s'occupe avec zèle de rechercher les mesurés qui peuvent en assurer la conservation. Mais la concurrence des nouvelles fabrications est une épreuve qu’il faudra subir. Ne sera-t-elle pas fatale? M. Hardoüin termine sa dissertation en faisant sentit que l’industrie en question, qui est d’un si grand intérêt pour les populations rurales d'Ille-et-Vilaine , est aussi de quelque intérêt pour l'Etat, puisqu'elle ést au nombre des industries qui, par leur alliance avec les travaux agricoles, peuvent arrêter, en se maintenant, l’émigration des habi- tants de la campagne, empêcher leur établissement dans les villes. Les observations de M. Hardoüin sont complétées par celles que présentent successivement MM. Amaury Dréo, de Léon et Duchatellier. M. le Président soumet à l'adoption de la section les con- SEIZIÈME SESSION. 307 clusions suivantes, qui semblent résulter de la discussion : 1° Exprimer le désir qu’une commission soit formée dans chaque département de la Bretagne, par l'autorité dépar- tementale, pour apprécier sous tous les rapports la situa- tion de l’industrie rurale des toiles, et rechercher les me- sures propres à la bien protéger. 2° Prier M. le Ministre de la marine et M. le Ministre de la guerre de favoriser, par continuation , l'écoulement des toiles fabriquées par les cultivateurs bretons. Les conclusions présentées sont admises. M. le Président, après avoir fait connaître que le mo- ment de se séparer est arrivé, prie M. Amaury Dréo, pré- sident de la Société des courses de Rennes et président de la Société d'agriculture d'Ille-et-Vilaine, de transmettre aux, deux Sociétés qu’il représente les félicitations de la deuxième section du Congrès, à raison des fêtes qu’elles ont récemment données. Les membres de la section y ont assisté avec le plus grand intérêt. Aux adieux que fait ensuite M. le Président, les mem- bres de la section répondent par de sincères remerciments. La, séance est levée à onze heures. 308 : CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. TROISIÈME SECTION. Soenctes médicules. Séance du ? Septembre 1849. La troisième section, sous la présidence provisoire de M. Richelet, Président du Congrès, s’est réunie à une heure de l'après-midi pour constituer son bureau. M. Toul- mouche, Secrétaire de la section, tient la plume. Deux scrutins sont successivement ouverts, l'un pour la nomination du Président de la section, l’autre pour la no- . mination de deux Vice-Présidents. Le dépouillement s’en fait. M. le docteur Bally est élu Président; MM. les docteurs Priou , de Nantes, et Baudoin, de Rennes, sont élus Vice- Présidents. M. le Président du Congrès les invite à prendre les places qu’ils doivent occupet. M. Bally prononce l’allocution sui- “vante : \ « MESSIEURS, » » Daignez permettre qu’ en applaudissant au zèle des sa- - vants qui composent la section des sciences médicales, j'exprime, au nom du Congrès et au mien, toute l'amer- .tume de nos regrets sur le petit nombre d’ Lo” de l’art qui nous honorent de leur présence, » La ville importante de Rennes, de tout temps distin - SEIZIÈME SESSION. À 309 guée par la culture des sciences et des lettres, compte dans son sein cinquante-sept personnes livrées, à divers titres, au saint ministère de l’art médical , trente-sept docteurs, trois officiers de santé et dix-sept pharmaciens dont on fait Péloge , et notre réunion ne voit encore inscrits que six adhérents de la cité! » Les séances des sections médicales de RE Ai de Tours, se: sont distinguées par la présence d’au moins quarante membres; il y en avait soixante à Marseille. Les questions les plus graves ; les plus ardues y furent traitées avec suc- cès, avec éclat, et pleinement étudiées ; il m’est permis d'ajouter que les médecins en reçurent cette illustration qui ressort nécessairement des discussions publiques, où le savoir le dispute à la profondeur, ainsi que de nos publi- cations, qui comptent déjà vingt volumes recherchés. » Eh! dans quel temps la plupart de nos doctes confrères exerçant dans la capitale de l’ancienne Bretagne nous re- fusent-ils leur précieux appui? A une époque où un fléau, de nature nouvelle pour nous, décime les populations et couvre le monde de deuil ; à une époque où l’art balbutie ; où la thérapeutique incertaine, étonnée, ne trouve d’autre refuge que dans l’appel à quelques lois de l’hygiène ; à une époque où ce que sait de mieux la science, c’est qu’elle ne sait rien ; enfin , à une époque où plus que jamais l’huma- nité a le droit de réclamer de notre part et le tribut de toutes nos connaissances, et le concours de tous nos efforts. » Est-il nécessaire, Messieurs, de redire, pour l’édifica- ton des tièdes , que les Congrès soni spécialement destinés à répandre les connaissances utiles ; à faire ressortir le gé- nie qui se cache sous le manteau de la timide modestie, et à produire au grand jour les capacités, les intelligences que le colosse de la Capitale étonne, effraie, repousse ? » Enfin, Messieurs, les Congrès scientifiques sont des arènes de paix, de conciliation, de bienveillance, et des réunions où les liens de l'amitié et l’estime réciproques se fortifient chaque jour et consolent des tribulations de la vie. » T. L 40 310 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. M. Toulmouche comprend le regret qu’éprouvent les membres étrangers en ne voyant à cette réunion qu’un petit nombre de bretons. Il se trouve obligé de dire que l’a- yantage des associations esi malheureusement contesté en Bretagne. L'esprit d'isolement y domine, au ssl détri- ment de la science. M. le Président lit les questions du programme qui sont soumises à l'examen de la troisième section. Il émet le dé- sir que la section metie à l’étude la question importante de lPinfluence que peut exercer la constitution géologique du sol sur les causes productives du choléra. Il est décidé que l’admission de celte question sera de- mandée à la commission permanente du Congrès, confor- mément à l’art. 15 du réglement. Sur l'invitation faite par M. le Président, les membres de la section font connaître au Secrétaire les questions sur lesquelles ils se proposent de prendre la parole. Une liste d’ inscriptions est dressée. La séance est ensuite levée. _ Séance du 3 Septembre 1849. Présidence de M. BALLY. — M. TOULMOUCHE, Secrétaire. Le procès-verbal de la précédente séance est lu, puis adopté. M. le docteur P.-M. Roux, Vice-Président du Congrès, fait hommage à la section des ouvrages suivants : Notice biographique sur J.-B. Textoris ; Notice sur le docteur Gi. rard; De la Statistique appliquée à l'étude de l’hgytiène pu- SEIZIÈME SESSION. 311 blique en général, et de l'hygiène marseillaise en particulier; Relation médicale de la commission envoyée à Paris, par lintendance sanitaire et par la chambre de commerce de Marseille, pour observer le choléra-morbus. M. le docteur Priou fait aussi hommage à la section de son livre intitulé : Guide médical des mères de famille, ou Indication des premiers secours à administrer dans les ma- ladies graves des enfants. . Deux auires ouvrages sont déposés sur le bureau, l’un au nom de M. le docteur Fouilhoux, Zecherches sur la na- ture el le traitement de la danse de Saint-Guy, l'autre au nom de M. le docteur Feraud, Le Choléra devant l’hu- manité. La cinquième question du programme a été mise à l’or- du jour : « Faire connaître et ressortir l'importance des » études physiologiques pour les progrès de la philosophie » et de la sociologie. » ; Après quelques considérations générales sur la matière à traiter et sur les difficultés qu’elle présente, M. le doc- teur Belhomme, de Paris, lit le mémoire suivant, qui est écouté avec beaucoup d'intérêt : MESSIEURS, - L’élude de la physiologie est celle de la vie et des causes organiques de nos fonctions. Son importance est grande pour approfondir les ar- guments philosophiques qui en découlent, et qui doivent nous conduire tout naturellement à l'examen de la sociologie. Cette dernière science est la désignation des progrès sociaux en rapport avec les besoins de l'homme. La physiologie esl l'étude de la vie et de ses causes organiques. Jetons un coup-d'œil rapide sur nos diverses fonctions. D'abord dé- finissons la vie. Suivant Bichat, la vie est l’ensemble des fonctions qui résistent à la mort. Richerand l’a définie : l’ensemble de’ phénomènes qui se succèdent pendant un certain temps dans les corps organisés. La vie suppose la sensibilité, car qui ne sent pas ne vit pas. Bichat a distingué deux sensibilités, la sensibilité animale et la sensibilité organique ou végétalive. À la première, se rapportent nos sensations , nos relations extérieures et volontaires ; à la seconde, la sensibilité obscure, qui pré- ‘ 312 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. side à nos fonclions intérieures instinctives et involontaires. Celle dis- tinction est exacte, car nous n’avons pas d’influence volontaire sur nos. mouvements vitaux, et nous ne pouvons arrêter les battements du cœur, qui continue à fonctionner, même pendant le sommeil. Les premières bases physiologiques posées, examinons rapidement nos principales fonctions. Deux classes de fonctions existent : La première comprend celles qui servent à la conservation de Fin dividu , telles que les fonctions digestives et assimilatrices , respiraloi- res, circulaloires et sécrétoires ; enfin, les fonctions protectrices de re- lation ( sensations , mouvements, voix et parole ). La deuxième classe de fonctions est composée de celles qui servent à la conservation de l'espèce, à sa reproduclion, auxquelles serapportent la conception, la génération, l’accouchement et la lactation. Chez l’homme, les fonctions de relation ont une étendue plus consi- dérable que chez les animaux, et les facultés intellectuelles sont com- plexes. Nous aurons l’occasion de revenir plusieurs fois sur ce sujet. Les fonctions de conservation de l'individu sont D re la res- piration, la circulation et la nutrition. Quelques mots sur ces fonctions : Chez les animaux mammifères, il y a dans. la poitrine des poumons qui sont perméables à l’air. Cet air vient vivifer le sang par l’abandon. qu’il fait de l'oxigène. Il se fait alors une sorte de combustion. La com- binaison de l'air avec le sang le rend rouge. La circulation s'exécute par un appareil complet, composé du cœur, organe central, qui a. un double ventricule pour pousser le sang, d’une part, dans les poumons, et, d'autre part, dans tous nos organes, qui retirent du sang l'élément de nutrition et des sécrétions. Le sang est rouge dans les artères, el noir dans les veines, Les unes portent aux organes les matériaux de leur composition ; les veines rap- portent au cœur un sang dépourvu de qualités nutrilives. La nutrition a lieu également par un appareil complet, composé du ‘tube digestif, des vaisseaux absorbanis ou chylifères, des cordons tho- rachiques ; il s’abouche dans la veine - cave, qui se termine au cœur. Le tube digestif varie de longueur, suivant les animaux : simple d’a- bord dans les espèces inférieures, il devient très-compliqué dans les es- pèces supérieures. Les aliments introduits dans le tube digestif y subissent successive- ment diverses transformations , et la digestion est favorisée par la bile et le suc pancréatique. La partie nutritive des aliments est: absorbée par les conduits chylifères; le chyle est versé dans le sang . qui bisniit recoit. l influence de l'air dans les poumons. Les. fonctions de conservalion de l’espèce s’opèrent par les organes SEIZIÈME SESSION. 313 génitaux ; des rapprochements sexuels résulte la conception d'un nou- vel être : tout le monde sait le mécanisme de l’enfantement. L'enfant nouveau-né a besoin d’une nourriture que lui donne sa mère : le lait est sécrété par les mamelles. Je finis à dessein par les fonctions extérieures, ou de relation, pour arriver aux fonctions les plus nobles de l'humanité , les fonctions de l’entendement. . C’est ici surtout que nous avons besoin des idées philosophiques, et que la philosophie a besoin de la physiologie. En effet, peut-on dire ex- clusivement que l'intelligence vient du cerveau ? ou bien PME ce est-elle toute divine , et en dehors de la matière ? Vous connaissez tous les discussions interminables des spiritualistes et des matérialistes : ne les renouvelons pas; mais suivons la philoso- phie du progrès, la philosophie de Galilée, le père de la philosophie positive et expérimentale. Au point de vue physiologique, le cerveau est l'organe de la pensée; car sans cerveau point de vie, et, par conséquent, point de pensée. Si l’on blesse le cerveau, la pensée est altérée ; s’il est percé d’une balle, la pensée cesse avec la vie ; ainsi, plus de doute que l'intelligence n’est pas complètement en dehors de:la matière. Les maladies mentales, dont je fais, comme vous le savez, une étude spéciale , nous prouvent également que la folie, ou l’aberration des fa- cultés. intellectuelles , à lieu principalement chez des individus vicieu- sement organisés. Ce n’est pas ici l’occasion de discuter cette opinion. Un dernier argument, qui me paraît le plus concluant, c’est que l’âme ne peut devenir malade ni mourir : donc l’altération de l'intelligence, dans, la folie, doit dépendre du cerveau, qui peut seul être malade. Les animaux et l’homme ont des relations avec le monde extérieur par les sensations; ces sensations donnent des idées , et les idées, réunies et comparées, forment le raisonnement : c’est de là que naissent les fonc- tions de l’entendement. Les animaux et l’homme sont doués du mouvement et se rapprochent des objets de sensation, La voix est le moyen de transmission des êtres; la parole et le lan- gage sont le propre de l’homme surtout; caril n’est pas prouvé que les animaux n’aient pas entre-eux une sorte de langage. L'homme commu- nique avec ses semblables ; il a même inventé l’écriture et l’imprime- rie, ce qui fait se les générations se transmettent des documents de touie nature. La science est née de ce concours d'efforts intellectuels , et nous con- naissons mieux les lois et les principes qui nous régissent. La philosophie est la science de la sagesse, de la justice, de l'équité, et l'on voit par quel enchaînement l’homme s’est placé à une distance 314 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. immense des animaux, qui sont gouvernés surtout par leurs instincts. La civilisation est le résultat des progrès philosophiques, et dépend des améliorations successivement introduites pour le bonheur de tous. ‘Pendant des siècies, les philosophes ont erré dans la métaphysique ; aujourd’hui, la vraie philosophie est la philosophie positive, celle qui teppse sur des faits et sur des vérités scientifiques. ‘ Voyons maintenant le fond de la*question posée par le Corsisis car toute question a un but extrème, la connaissance de la vérité sur un sujet. * Personne ne conteste l'importance des études philusophiques; elles nous font connaître le mécanisme de nos fonctions et des relations des êtres animés entre eux ; nos fonctions s’enchainent comme le mécanisme d’une horloge ; elles sont solidaires les unes des autres, et l’une d’elles ne peut être dérangée sans que les autres s’en ressentent. Bichat est le physiologiste qui a le mieux compris et expliqué cette vérité; son livre sur la vie et sur la mort nous en donne un tableau fidèle. Le grand mobile de la vie est le système nerveux; ce vaste réseau lient sous sa puissance toutes les relations organiques ; mais il y a un point central, une unité à laquelle viennent aboutir toutes nos sensa tions et d’où partent toutes nos volitions : c’est le cerveau, organe sy- métrique et parfaitement harmonisé pour que les phénomènes se passent régulièrement. Les spiritualistes ont admis que tout était le résultat d’une puissance divine ; le physiologiste n’y voit pas l’action complète de la matière, mais étudie le mécanisme des organes de manifestation de l’âme. À He Les nérfs respirateurs font mouvoir le thorax, et l'air peut se précipi- ter dans les poumons , dans l'inspiration , et en être chassé par l’expi- ration. 1 Les nerfs du cœur donnent à cet organe leur opte contractile, qui devient la cause de la circulation et du transport du sang dans nos organes. Les nerfs pneumo-gastriques président à la diséétinig et le grand sympathique à la nutrition. La digestion et la nutrition viennent répa- rer les pertes que nous faisons continuellement, avec d’autant plus d’ac- tivité que nos mouvements vitaux sont accélérés. Les nerfs sensilifs nous transmettent les sensations dont nous avons besoin pour nos relations volontaires. Les nérfs moteurs donnent aux muscles la puissance de nos mou- vements. + Chacun de vous comprendra l'importance des études physiologiques et me dira , je l’espère , que j'ai fait ressortir ce qu ’il y a de saillant sur ce premier point. Les progrès de la philosophie datent de jpeg où (aies “sciences SEIZIÈME SESSION. 315 sont devenues positives. Galilée, Descartes, Condillac, enfin Gall, ce puissant philosophe , ont révélé aux hommes la vraie philosophie ; MM. Cousin, Auguste Comte et tant d’autres savants de notre époque, ont dévoilé ce que la pneumatologie et la métaphysique maintenaient sous le boisseau. Pendant des siècles, des hommes privilégiés entretenaient l'ignorance des hommes sous le poids de certaines idées ; le mysticisme a joué un rôle important dans les fastes de l'humanité. Tout ce qui arrivait alors était le résultat d’une actualité de volonté supérieure et divine. Le Créa- teur n’entre pas dans autant de détails ; il a posé certains principes, certaines lois, certains mobiles qui sont immuables ; l'attraction est toujours de l'attraction , et les corps célestes suspendus dans l’espace se heurteraient, s’il n’y avait une loi d'équilibre qui ne peut varier. La physique est la base de certaines idées philosophiques , et le monde n’existerait pas, si les astres n’opéraient pas régulièrement leurs périodes. Le soleil est le centre et la cause du mouvement céleste ; il échauffe la terre , parce que la terre-tourne régulièrement par deux mouvements, l’un circulaire autour du soleil, l’autre rolatoire par rap- port à cet astre. La lune , ce satellite de la terre, ne peut ni s'éloigner, ni se rappro- cher de notre planète ; il y a une loi qui la fixe à sa-place et qui nous protège contre elle. Bien loin de nous nuire , elle est la cause de plu- sieurs phénomènes importants, des mouvements de la mer, des nua- ges, des courants atmosphériques et électriques ; enfin elle nous éclaire pendant que lesoleil éclaire lui-même el échauffe l’autre parlie du globe. La chimie a aussi dévoilé bien des mystères qui ont des consé- quences énormes sur la philosophie; la composition des corps etleurs combinaisons ne sont plus un mystère. Certains phénomènes que les alchimistes employaient autrefois pour en imposer aux ignorants, sont aujourd'hui devenus vulgaires et n’en imposent à personne. Toutes les découvertes modernes ont pour but de faire cesser l'ignorance et de rendre la philosophie posilive. La géologie a éclairé aussi les hommes sur l’âge de la terre et sur les-cataclysmes qui sont cause de ses diverses transformations. Que de notions anciennes ont été renversées par l'examen des fos- siles, qui prouvent que les animaux primilifs de notre globe ont eu des formes gigantesques ; quel horizon pour le philosophe, qui nereste plus terre à terre avec les connaissances anciennes! L'étude de la physiologie a aussi ses conséquences sur la philosophie. L'homme , le plus parfail des animaux, a des fonctions complexes , qui dépendent de son organisation complexe aussi. La mulliplicité des fonc- lions dépend de la complexité de l'organisation. L'homme est le pre- mier des animaux, et doit commander aux êtres moins parfaits que lui. 36 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Sa position de-bipëde, sur la: terre, fait que son: front s'élève majes- tueusement vers le Ciel, et qu'il contemple: fièrement: sis beaulés de la nature. L'homme est.donc le maitre de la terre. Il:élève: duiovr de luides édi- fices, des habitations somptueuses ; il commande des. armées; il civi- lise:ceux de: ses frères qui sont: encore sauvages ; ibs’associe pour fa- voriser l’industrie, le commerce , les.arts, les sciences; il: fait aussi des lois pour régulariser les rapports: des hommes:entré eux, et pour: que-la justice soit égale pour tous; enfin, il fait des efforts pour que:la liberté, l'égalité, la fraternité soient observées dans les: bornes dela sagesse. Pour le bonheur du: pcs grand nombre:, la sociologie a êté appliquée aux besoins physiques et moraux de l’homme. La science est: encoré venue s’interposer dans les applications des hautes: questions: de:socia- bilité. La: physiologie: démontre l’organisme du corps; mais, pour que ses-fonctions s’exécutent-avec une.sorte de perfection:, il-faut: des con- ditions: particulières que la sociologie peut seule désigner. Pour: vivre, l'homme a besoin d’air salubre et d'aliments: de bonne qualité. Le sauvage se nourrit de racines et de fruits ; l’'hommercivilisé senourrit d'aliments préparés avec toule-la perfection inventée:parl'in- telligence. Le.corps a besoin de vêtements: appropriés: aux saisons et à la constitution des individus. 1 fallait des vêtements de laineel-de co- ton : le: génie. de l'homme sait tisser la laine: et le coton; il sait‘ donner aux vêtements la forme du corps. Ces: vêtements favorisent cette douce transpiration: si nécessaire: à l'entretien dela: fraicheur dé la peau;'ils maintiennent une chaleur douce; très-favorable à la: circulation capil- laire, qui donne à la surface du: corps cet aspect rose , indice» d’une bonne: santé. : Toutes les:conditions-d'hygiène, sur lesquelles nous pourrionstnous appesantir davantage , sont le fait de l'intelligence de dédie et’font partie des: règles de la biologie et de la sociologie. Les mouvements du corps sont aussi très-nécessaires à la santé de l'homme: Il fallait, pour: favoriser la circulation générale des’ mouve- ments, des-promenades à l'air pur et embaumé par l'odeur dés fleurs et des arbres; il fallait aussi faire usage, dans l’éducalion des-enfants, de, la gymnastique, qui- développe tout à la fois la forme-des membres et leur agilité, ) Si nous jetons un coup-d’œil sur les potreti bi ‘qui’servent à la conser- vation et à l’amélioration des:espèces, nous voyons que l’homme s’oc- cupe attentivement à conserver les races; les éleveurs de bestiaux ont bien soin de les perfectionner : ils croisent les espèces, afin deles améliorer. Avec quelle: attention les Anglais, qui sont si réfléchis dans leurssaetions ;. unissent les sexes des chevaux, des bœufs , des mou- SEIZIÈME SESSION. 3417 tons’, pour obtenir des produits de belle nature. Le cheval anglais est élevé avec le plus grand soin, pour favoriser le développement de ses forces physiques et même de son intelligence ; les taureaux anglais sont d'un sang pur, afin que leurs produits soient distingués ; les moutons anglais sont grands , ils arrivent à un développement.considérable, et produisent de belles laines. La chair de ces animaux est-belle et d’une qualité supérieure. Toutes ces précautions, appliquées à la conservation des races et à leur amélioration , font également honneur aux éleveursfrançais, qui, chaque année, concourent aux prix institués par le Gouvernement. Quelle conséquence devons-nous tirer de ces exemples de perfection- nement des espèces animales? C’est que la race humaine.n’est pas as- sez surveillée dans ses rapprochements sexuels. La science vient en- core s’interposer dans cette haute question. Ne devrait-on pas porter une grande attention à l’égard des mariages ? Les gorges des montagnes du Valais, des Pyrénées , nous offrent une espèce humainé dégradée, parce qu’on ne fait pas assez altention au rapprochement des crétins et des demi-crétins, qui produisent des cré- tins comme eux. Si l'on a soin de croiser ces races abjectes , si l’on assainit les habi- tations , et si l’on transporte en haut des montagnes les habitants des vallées, on voit un changement favorable s’opérer dans ces races si peu privilégiées de la nature. Il faut donc que les gouvernants étudient les conditions génératrices -et fassent en sorte que les alliances soient soumises au contrôle des hommes de science, aux physiologistes et aux médecins. - Descartes l’a dit : S’il esf possible de perfectionner l'espèce humaine, c'est dans la médecine qu’il faut en chercher les moyens. La physiologie peut seule indiquer aux hommes les moyens de perfectionner les races humaines, et, en cela, nous suivons le programme du Congrès de Rennes, qui demande qu’on fasse ressortir l'importance des études phy- siologiques pour le progrès de la sociologie. .La race humaine s’amé- liorerait sans aucun doute, si l’on apportait dans l’union matrimoniale des restrictions importantes ; il faudrait surlout croiser les races, il faudrait tenir compte de la constitution des sujets à marier ; il faudrait empêcher que les gens de la même caste, comme les juifs, s’unissent entre eux. Il faudrait que certaines familles, qui se croient privilégiées, tinssent moins à s’allier entre elles, et que l’on püt admettre comme époux un vigoureux campagnard qui donnerait à sa compagne de la ville , faible et délicate, de vigoureux enfants : alors seulement vous embellirez l'espèce humaine, vous aurez des hommes de belle nature , des soldats infaligables. Maisique de difficultés à vaincre, je le sais, - que de préjugés à surmonter ! Aussine pensai-je pas à une réforme TL. al 318 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. immédiate ; il faut seulement vulgariser ces idées , afin de les rendre praticables,-et que les pères de famille fassent attention.aux conditions physiques et morales de leurs enfants. Je viensde dire conditions morales ; oui certes, car il est bien i impor- tant d’unir-des caractères qui peuvent sympathiser. Ne faut-il pas aussi faire attention à l’hérédité des maladies, qui se transmettent de géné- _ rations à généralions ? Ne faut-il pas, en un mot, soumettre les indi- vidus à marier à une sorte de contrôle? Pouf étudier une pareille question et parer aux isconénisnte ra ma- riage, le physiologiste ne devrait-il pas être consulté, et le médecin ne devrait-il pas juger de l'opportunité des alliances? Je soumets ces réflexions à mes auditeurs. -Abordons maintenant la haute question de sociologie pär “PQ aux fonctions intellectuelles. La philosophie positive ne dédaigne pas la comparaison que l’on peut et que l’on doit faire des animaux à l’homme. Aussi, m’avez-vous vu constamment remonter des uns à l’autre. Les animaux mammifères ont tous un cerveau qui se rapproche de celui de l’homme. Aussi ont-ils une intelligence d’aulant plus développée, qu'ils se rapprochent le plus de ce dernier. L’orang-outang , le plus intelligent des singes, fait et com- bine des actions comme l’homme. Cependant, il y a une différence si grande en faveur de ce dernier, que certains philosophes modernes ont dit qu’il y avait entre l’homme et les animaux un espace infranchissable. Leur opinion est conforme à nos croyances religieuses ; mais, tout en admettant celte opinion, prenons des exemples chez les animaux pour : arriver insensiblement à l’homme. Une intelligence étant donnée, à quel degré d'éducation pourra-t-on élever l’individu ? Tel est le problème à résoudre. " Vous savez lous qu’il n’y a vraiment d'intelligence chez les mammi- fères qu’autant qu’ils sont éducables. L'éducabilité est, pour ainsi dire, le thermomètre de l'intelligence. Prenons le chien, qui est l’animal le plus docile et le moins méchant. Tout le monde sait que, par une édu- _cation appropriée à la nature de cet animal, on en fail un instrument obéissant el même réfléchi. Le chien de chasse fait exactement ce que lui dit son maitre. J’ai vu un chien de celte race qui, indépendamment de son lalent pour chasser, ouvrait et fermait une porte au commande- ment qui lui était fait, pourvu, toutefois, quela serrure ne füt pas fermée. Si elle l’élait, il exprimait par un cri particulier qu'il ne pouvait exécuter ce qu’on lui demandait. | J'ai connu l’histoire d’un chat qui se pendait au cordon d'une Pl pour se faire ouvrir la porte. Ces actions sont donc combinées, et.à ceux qui me contesteraient que ce ne sont pas là des actes d'intelligence, je répondrais : Observez vous-mêmes attentivement, et voyez! xèg SEIZIÈME SESSION. 319 L'homme a pour lui une réflexion plus étendue, et surtout la puis- sance de se replier sur lui-même, de conserver le souvenir de tous les actes antérieurs ; d’où résulte une intelligence éclairée par le passé, “pouvant le guider dans Favenir. Voilà l’espace infranchissable : l’homme se meuble la pensée de toute l'expérience des autres et de la sienne ; l’homme est essentiellement édu- cable : son intelligence va jusqu’à la conception, jusqu’au génie ; il peut créer, inventer, perfectionner. Maintenant que nous connaissons ce qu’on appelle intelligence et le degré d’éducabilité, demandons à l'étude de nos facultés ce qu'il faut faire pour la sociologie. La société est d'autaut plus éclairée et civilisée qu’il y a plus d’hom- mes instruits. Il faut donc instruire les hommes ; il faut que la civilisa- tion ämène l’homme au raisonnement, et il ne raisonnera juste qu’au- tant qu’il sera éclairé ; il faut qu’il apprenne à dominer ses inslincts et à élever ses sentiments. L'éducation est le moyen civilisateur : tous les efforts de l’humanité doivent se réunir pour suivre cette roule, que d'autres ont lracée avant nous. L'éducation forme l'esprit et le cœur. Le cœur, j'appelle ainsi les sen- timents élevés ; tels sont : les sentiments de haute justice, la vénéra- tion , le respect aux lois et aux coutumes établies , la fierté bien enten- due, l’'amour-propre bien dirigé par le jugement. Avec ces conditions, vous ferez des hommes meilleurs. C’est alors seulement que vous dé- sarmerez les méchants, qui veulent le renversement de l’ordre pour s'élever sur ses débris. ÿ La République, dit-on, est la puissance du peuple; mais ce peuple n’est puissant qu’autant qu’il est raisonnable et instruit. En sommes- nous là? Non! I faut que’la sociologie, cette science qui à pour but la civilisation , nous rende dignes de la République. - Le vrai républicain doit être un homme juste par excellence, doit respecter la loi; il doit être dévoué à son pays, désintéressé, charita- ble , et bon chrétien. : “Maïs revenons au programme posé par le Congrès, et rentrons dans le domaine physiologique. Je vous ai déjà exposé que l’homme a une organisation complexe qui le rend supérieur aux animaux; mais, pour arriver à ce degré de perfection qui le caractérise, il faut qu'il soit sou- mis dès le jeune âge à une éducation qui favorise tout à la fois le phy- sique et le moral. On sait l'influence qu’exerce le physique sur ls mo- ral, mens sana in corpore sano! Tous les efforts des hommes civilisés doivent se réunir pour le développement régulier des forces physiques qui disposent si bien l'esprit à recevoir l'éducation. L'enfant, dès sa naissance, a besoin de soins alentifs : il doit être 320 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. nourri de bon lait; il faut donc que les institutions soient favorables à cette éducation matérielle des nouveaux nés, il faut qu’on puisse se procurer de bonnes nourrices, et qu’on exerce sur elles une surveil- Jance nécessaire. Lorsque l'enfant marche seul, il faut qu’il soit soutenu, afin que les membres ne se courbent point sous le poids du corps. Enfin arrive l’äge où de bons aliments deviennent nécessaires; il. faut favoriser les digeslions par des promenades en plein air. Les vêtements . doivent être chauds, et l'habitude qu’on a adoptée de découvrir les en- fants doit être supprimée. L’enfance est exposée à beaucoup de mala- dies : il faut donc que les soins hygiéniques tendent à l’en préserver. L'intelligence des enfants est très-active, il faut la NÉROEREs en l’in- g'ruisant avec discernement. Il faut lui donner les premiers principes moraux et sie plus tard les écoles, les pensions, les colléges , lui offriront un degré d’édu- cation‘en rapport avec la profession qu'il doit embrasser. Les doctrines religieuses apprennent à la jeunesse à faire le bien, à éviter le mal; mais la meilleure éducation morale est le bon exemple, qu’il faut s’efforcer constamment de mettre sous leurs yeux. Si la société exigeait ces premiers soins, l’homme serait sur terre l'image de la vertu ; mais malheureusement les parents ne comprennent pas assez le besoin de moralité, ils laissent à leurs enfants un champ trop libre à leur volonté; certains d’entre eux contractent des habitudes qui influent plus tard, d’une manière défavorable, sur leurs détermina- tions et sur leur avenir.” . Il y a aussi la catégorie des enfants vicieusement organisés , qui: de- viennent de mauvais sujets ou des aliénés. Que de fois n’ai-je pas vu des enfants appartenant à cette dernière espèce ! Esquiros, Georget et d’autres médecins ont aussi signalé les enfants gâtés comme prédisposés à l’aliénation mentale. Voicice qu’on lit dans l'ouvrage de Georget : « Tantôt on fatigue de bonne heure l’esprit des > enfants par des études disproportionnées à leur âge, tantôt par un » excès de tendresse on satisfait leurs désirs , et on laisse leur espritse » meubler de connaissances superficielles ;on caresse, on excite, on > exalte leur amour-propre, et ces enfants gâtés sont, à dix-huit ou à - »wingt ans, capricieux, hautains, exigeants, impertinents, ignorants » et insupportables ; ils entrent dans le monde, où ils ne trouvent plus » personne qui se plie à leur volonté; repoussés de tous côtés, souvent » ils se jettent dans la débauche et finissent par se tuer ou pRrd la > raison, elc. » L éducation des filles doit différer de celle des garcons, en ce sens ‘qu’elles ont une destination spéciale dans la société , et kmer ea voirs sont d'un autre genre. SEIZIÈME SESSION. . 324 Les hommes-devant se livrer à des travaux manuels ouintellectuels, . suivant leur profession, on doit développer en même temps le physi- que et former le jugement. Toute civilisation a donc pour base la bonne éducation physique et morale. L’instruction doit en être la conséquence, et les hommes; éclai- rés sur leurs véritables intérêts, devraient éviter les perturbations révo- lutionnaires, qui arrêtent les progrès et souvent font rétrograder les in- slitutions humaines. La civilisation se développe aussi par les bonnes institutions et les lois équitables. Ces institutions et ces lois doivent être faites par la por- tion intelligente et instruite de la nation. Il faudrait donc que les popu- lations fussent assez éclairées pour ne nommer comme législateurs que des hommes d’une capacité reconnue. Dans-ces derniers temps, de prétendus sauveurs de l’humanité ont émis des théories qu’il n’est pas de notre devoir d'examiner, mais seulement d'indiquer. On a parlé d’anéantir la propriété et la famille, en disant, si je ne me trompe , que c'était pour le bonheur de tous. On n’a rien détruit jusqu’à présent, parce qu’il se trouve assez de bon sens dans la nation française pour combattre ces utopies. Le respect à la propriété fait partie des conditions de la civilisation : tout bien acquis par le travail ou transmis par la légitimité des succes- sions doit être regardé comme inviolable. Que deviendrait l’éducation dont je parlais tout à l'heure, si les en- fants ne pouvaient reconnaître leur famille, ce lien social si important qui est cause de tant de vertus ? La nation française est grande et généreuse ; mais elle est susceptible de se laisser emporter par un premier mouvement qui nuit à sa stabi- lité et à sa nationalité. . Il faut que le peuple apprenne à obéir aux lois; qu’il ne croie pas que l'insurrection est un saint devoir, et que le bouleversement des gou- vernements lui est profitable. Il est temps enfin que notre pays, que Von dit le plus civilisé du monde, ne soit plus à la merci d'hommes qui, sans intelligence et sans frein , s’imaginent qu’ils sont puissants parce qu’ils savent faire dés barricades. Que des institutions fortes soient préparèes et votées par nos repré- sentants , afin-d’éviter de nouvelles révolutions, etque, tout en amé- liorant le sort de la classe populaire , nous puissions dire avec Montes- quieu : Il faut tout faire pour le peuple, mais rien par Jui, M. le docteur P. M. Roux fait observer que la définition de la vie, donnée par M. Bichat et adoptée par M. Bel- homme, lui paraît, comme au professeur Buisson, inexacte 329 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. en ce sens que la vie n’est pas l’ensemble des fonctions qui résistent à la mort, mais le résultat de cet ensemble. Pour justifier cette critique, M. Roux entre dans des développe- ments physiologiques fort intéressants. M. Feuillet discute quelques-unes des propositions con- tenues dans la dissertation de M. Belhomme, et traite la cinquième question au point de vue psychologique. Exami- \ nant les divers systèmes philosophiques qui-ont existé , ik tâche d’en apprécier la valeur, et finit par adopter l’éclec- tisme de M. Cousin. Au reste, tout en insistant sur lava- leur de la métaphysique, il reconnaît que la psychologie et la physiologie doivent se prêter un mutuel appui pour asseoir les véritables bases de la philosophie. Les points principalement discutés se trouvent, avec quelques développements , dans le mémoire suivant, AUME M: Feuillet a bien voulu faire le dépôt. x MESSIEURS , Je ne suis ni.médecin ni philosophe, mais un simple observateur qui a fait quelques remarques sur l’homme et sur ses facultés, et qui vient vous les soumettre. Je ne traiterai que la première partie de la ques- tion. La deuxième l'a été avec talent et vérité. Ce que l’on a dit, je l'ap- prouve, et il serait inutile d’y revenir. La philosophie, cette science qui a pour objet l'étude de l’homme, n’a malheureusement de nos jours qu’un petit nombre d’adhérents. En voici la raison : c’est que la philosophie, qui tend, dans l’une de ses parties, à rechercher et à faire connaître l’existence de l'âme , n’a offert jusqu'ici que doutes et incertitudes , et que Kant lui-même, ce profond penseur dont toute l'Allemagne s’honore, Kant, qui a pénétré si avant dans la connaissance du moi et analysé avec tant de justesse les facultés humaines , a dit que l’existence de l’âme était un X dont aucune équa-. tion mathématique ne pourrait jamais donner la solution. Dans celte po- sition, la philosophie ne pouvait guère trouver des partisans , etil n’est pas élonnant que cette science ne soit cullivée aujourd'hui que par un petit nombre de personnes. Aussi, traiter une question qui lend à faire faire des progrès à la philosophie et à rarnener à elle les bons esprils , c’est, je le crois , faire un travail utile, et nous devons savoir gré à l'au- teur de Ja question qui nous occupe de l’avoir posée. ne Depuis que les hommes se sont civilisés , et cela remonte à ‘des temps fort reculés , ils ont cherché à se connaître et à découvrir la causedés SEIZIEME SESSION. 323 choses qui existent, et au milieu desquélles ils se trouvent, ils ont res- senti un vif désir de tout voir et.de tout savoir. Mais ce désir, qu’ils ont continuellement cherché à satisfaire , n’a jamais pu l’être parfaitement. Pourquoi n’ont-ils pas réussi ? C’est, je crois, parce qu’ils ont suivi une fausse méthode : on a voulu expliquer l’homme par la connaissance de Dieu, par celle des astres, au lieu de chercher à le connaître par la phy- siologie. * 5 De beaux géñies, des philosophes profonds ont porté leurs pensées sur l’ensemble des choses, et cherché à comprendre ce qui s'y passe. L'histoire nous signale avec orgueil , dans l'antiquité, les noms de Py- thagore, Thalès, Démocrite, Anaxagore, Platon, Aristote, Epicure ; mais tous ces philosophes, Platon et Aristote seuls exceplés, ont plutôt porté leurs regards sur les objets matériels qui les entouraient que sur les facultés de l’homme. Les philosophes qui les ont suivis, et qui sont plusrapprochés de nous, Descartes, Leibnitz, Newton, Clarke, Spinosa, ont adopté aussi la même méthode. C’est à cela qu'il faut attribuer la cause du peu de progrès qu'ont fait les connaissances philosophiques et l’obscurité qui règne sur l’existence de l’âme humaine. Si Descartes, Leibnitz, Spinosa, qui ont établi des systèmes ontologiques sur lori- gine des choses, Dieu et la création, avaient commencé leurs travaux par l'étude de l’homme, leurs systèmes, plus vrais et plus conformes au progrès.des connaissances humaines, n’auraient pas offert les anoma- lies qu’ils présentent, et ne se seraient pas éteints avec le temps. En effet, les idées de Leibnitz sur les âmes et sur la manière dont elles pé- nètrent dans les corps humains , ont été trouvées fausses et invraisem- blables. Personne n’a voulu croire à l’existence de ces monades créés dès l’origine des choses, et qui, portées dans le sein de la première femme , arrivent successivement des unes aux autres jusqu’à nous. - Spinosa., avec son.panthéisme audacieux, faisant de la nature et de la nécessilé la cause de tout ce qui existe, et confondant Dieu dans ses ouvrages, dont il. le fait l’esclave, a trouvé partout des incrédules et vu:son Système repoussé avec effroi.: Descartes n’a pu non plus, avec ses tourbillons , attirer à lui des ad- hérents. Ce philosophe a eu cependant une pensée vraie et profonde ; cestlui quile premier, se repliant sur lui-même, et examinant avec soin:les faits de conscience , a reconnu et fondé l'existence de l’âme , et déterminé sa. nature. Cet examen , que Descartes faisait sur lui-même, a-tracé la vraie route à suivre. Sans doute Descartes , en disant : « Je » pense : donc je suis » ( Gogito : ergo sum , pour me servir des expres- sions qu'’ila employées), avait une belle pensée qui pouvait avoir d’heu- reux résultats ; mais celle pensée ne fut ni assez sentie , ni assez déve- loppée. Absorbé par la science ontologique , il négligea la psychologie, etsa pensée, malgré le succès qu’elle oblint dès l’origine, ne fut regar- 324 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. déé que comme un éclair de raison, et dut être bientôt oubliée. Deux philosophes modernes, Loke et Condillac, en établissant le sensualisme, contribuëérent encore à sa chute. Ces deux philosophes, en disant que les sensations sont tout, qu’il n’y a aucune idée, aucune faculté dans l’homme qui ne lui vienne des sens; que l’âme ne pense pas toujours, et qu’il ÿ a Lable rase d'idées dans le cerveau de l’homme quand les:sens n’agissent pas, renversèrent tous les systèmes philosophiques quiles avaient précédés, et arrétérent l’élan psychologique dont Descartes avait donné l'impulsion. Le sensualisme s’empara de tous les esprits , et le matérialisme , qui en est la conséquence , appuyé par Hume “Hobbes, Larnéthérie et d'Holbach, se montra plus audacieux que jamais, etnous ne verrions plus régner aujourd’hui que lui , si l’école écossaise n’était ‘venue réveiller la pensée de Descartes, et fonder la psychologie sur des données plus süres. Honneur donc à l’école écossaise, à Hutchinson-Reiïd, Déeisateeeit et Royer-Collard , fondateurs de cette école ; honneur à M. Cousin, qui, én fondant l’éclectisme français, a ajouté une nouvelle force à l’école écos- ‘saise. Ce sont ces philosophes qui , s’emparant de la pensée de Descar- tes , ont étendu et développé la connaissance du moi, du sensintime, établi les faits de conscience , et démontré que si les sensations ‘sont quelque chose , elles ne sont pas tout , et que si celles que le corps éprouve excitent les mouvements qui sont dans l'âme , ces sensations ne la constituent pas, et ne lui donnent pas les facultés qui sont en elle; qu’elle n’est ni le résultat de l'harmonie du corps , ni celui des sensa- tions diverses qui lui arrivent et qu’elle reçoit par les sens ; qu’enfin elle est elle, qu’elle se sent, se connait, et qu’elle a une vie qui lui est propre. 7 La science de l’âme, développée par l’école écossaise et soutenue par l’éclectisme français, a repris de nos jours une grande force ; elle mar- che le front levé, et sa consistance est si grande qu’elle se voit en butte à de vives attaques et à de continuelles objections. Ces attaques et ces objections partent de deux côtés différents : de l’un, ce sont les ontolo- gistes et les'spiritualistes purs qui lui reprochent de rester terre-à-terre, et de ne pas arriver aux hautes questions de métaphysique, à savoir,la ‘connaissance de Dieu et l’immortalité de l'âme ; de l’autre, cesont:les ‘sensualistes et les matérialistes, qui la nient comme n’ayant riende:vrai ni de solide et offrant de nombreuses contradictions. La science de l’âme ne peut pas rester sous le poids de ces attaques : il faut qu’elle résiste, qu’elle se défende; mais comment le fera-t-elle?Fau- dra-t-il qu'elle établisse de nouvelles théories ? qu’elle fasse voir la futi- lité des objections qu’on lui oppose et qu’on üre principalement de laphy. siologie ? Non : seulement élle doit aborder franchement le sensualisme, et démontrer que, s’il peut séduire au premier aperçu, il n’a rien dé vrai SEIZIÈME SESSION. 325 au fond,,-et que la physiologie des sens et:même des organes , bien étudiée dans. ses rapports avec l'âme, ne peut que servir à en établir la réalité, en faisant connaître d’une manière claire la différence qui existe entre les sens et les organes d’un côté, et l'âme de l’autre. La psycholo- gie, science de l’âme, et la physiologie , science du corps, sont sœurs : elles doivent se prêter un mutuel appui, et par là assurer leur triomphe commun, sans les confondre et leur ôter le pouvoir qu’elles ont sépa- rément. C’est donc ici qu’il convient de faire connaître et ressortir l’im- portance des.éludes physiologiques pour les progrès de la philosophie et de la science de l’âme. > 1 L’on ne.peut se dissimuler que l’âme ne soit intimement liée à la ma- tière. Placée au rilieu de toutes les substances matérielles qui forment le corps, elle en reçoit toutes les impressions. C’est par les sens que les impressions lui arrivent, et qu'elle peut les connaitre, les juger et avoir des idées.sur elles ; c’est par eux qu’elle voit, qu’elle sent, qu’elle en- tend, qu’elle touche et qu'elle apprécie les objets qui s'offrent à elle; mais si les sens agissent sur elle , elle aussi, à son tour, agit sur eux, elsi lesisens ; les organes et les substances matérielles ont chacun une force et des propriétés , elle aussi a les siennes , et la force et les pro- priétés qu’elle a commandent et dominent souvent celles du corps : es- sence pure et parfaite , elle est intelligente , tandis que la force et les propriétés de la matière ne le sont pas. En étudiant profondément la physiologie , on fera cesser la confusion que l’on fait.entre la force des sens , des organes et celle de l'âme : on reconnaîtra l’erreur que les sensualistes commellent en attribuant à l'organisme et aux sensations toutes les facultés de l'âme ; l’on recon- naîtra que si lés sens et les organes, par l'impression des objels qui agissent sur eux , donnent des idées à l’âme, la font réfléchir el la diri- gent, l'âme, à son tour, a le pouvoir de repousser ces impressions, d'é- loigner d’elle les idées qu’elles lui donnent , de choisir entre elles , et même d’en imaginer d’autres ; en un mot, l’on verra que si l’âme subit l'influence des sensations , elle n’est cependant point leur esclave, ainsi que les sensualistes veulent le faire croire en disant que toutes les idées viennent.des sens, et que l’âme ne pense pas loujours ; assimilant ainsi l'espèce humaine aux autres êtres organisés qui sont sur la terre, et qui, parJeurs actions , semblent établir qu’ils ne seraient rien sans les sens. Ce pouvoir que l'âme a sur elle-même, l’homme ne peut en avoir la con- naissance que par la réflexion, et la preuve, qu'en étudiant avec soin la physiologie. Si la connaissance de l’homme vivant en état de santé ne peut s'oble- nir que par l'étude de la physiologie, celle des sens et des organes qui le composent , des sensations qu’il éprouve et des facultés intelligentes qui sont en lui ne s’obliendra non plus que par celle étude : ce serait TT. 42 326 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. donc un grand avantage pour la philosophie d’étudier celte science, et on lui verrait faire de grands progrès, si la psychologie ape intime- ment avec elle. - Les sensualistes attribuent td les phénomènes de Vintlligence de l'homme à ses sens. Conditlac n’a-t-il pas fait d’abord de l'homme une statue, avant de lui donner des facultés ? D'un autre côté , les physiolo- gistes qui partagent l'opinion des défenseurs du sensualisme attribuent tout aux organes ; pour:les uns , ce sont les nerfs qui donnent des fa- cultés à l’homme ; pour les autres, ce sont les viscères, le principe vital; enfin, pour le-plus grand nombre, c’est le cerveau. Une étude plus par- faite de la physiologie rendrait à chaque organe les propriétés qu'il a naturellement, et empécherait les erreurs que lon fait à cet égard : on verrait que les organes n’ont que des pouvoirs spéciaux et limités ; qu’ils aident le développement des facultés de l’âme, mais qu’ils ne les lui donnent pas. L’on verrait que les substances matérielles, et princi- palement l’une d’entre elles, donnent la vie ; que les nerfs, les viscères, l'estomac , les poumons, l’entretiennent ; que le cœur est le centre de la circulation du sang, qui donne la force et le mouvement à l'être; que c'est à lui, par les sens etles nerfs, que les sensations arrivent ; que l'estomac n’a d’autres fonctions que celles de digérer les aliments qu'il recoit ; les nerfs que la faculté d'éprouver les sensations et de les trans- mettre à chaque partie du corps ; les poumons que celles d’aspirer l’air et le repousser au dehors, et, par ce moyen, d’entretenir le mouvement dans les organes ; le foie, que de sécréter.la -bile et d'élaborer le sang nécessaire à l’aclion vitale ; les viscères. abdominaux que celles aussi d’aider l'estomac dans la dissolution desalimentset leur transformation ; enfin, le cerveau, le plus fort el le plus important de tous-les orga- nes, à cause de sa communication immédiate avec les sens , que celles de réunir toutes les impressions ou sensations que l’être éprouve, et de permettre à l’âme de s’y fixer etd'y exercer toutes les facultés qui sont en el!e ; facultés qui s’y exercent plus ou moins facilement,selon que cet organe a plus ou moins été exercé , et-qu’il est plus ou moins fort ou plus ou moins parfait, cet organe n'étant, qu’un instrument dont l'âme se sert pour recueillir ses pensées, les combiner, les reteniret les émettre. Nà 9 Tous les organes ainsi étudiés , au moyen de la physiologie , repren- draient naturellement la place qu’ils ont ; ils seraient ce qu'ils sont, des objets matériels purement passifs ayant une activité particulière , mais tout à fait dépourvue de conscience et d'intelligence ; l'âme alors se montrerait dans toute sa force ; elle serait, comme:le dit sibien la psy- chologie, le sujet, le.sens.intime, la conscience, la raison, le moi, Venten- tendement, car elle est-tout cela ; tandis que les choses qui sont avec “elle, qui l'enveloppent extérieurement, ne seraient, elles, que des objets SEIZIÈME SESSION. 327 matériels que l’on pourrait appeler, commele fait-la philosophie-éclec- tique, l'objectif, le non moi. Après l'examen que les Fe auraient fait de la force et des propriétés des sens et des organes, on ne pourrait plus leur dire qu'ils mettent de côté , mal à propos, dans leur appréciation des facultés de l'âme, les objets extérieurs et les choses matérielles avec lesquels elle vit, et qu’ils se font des illusions sur les facultés de l’homme; que l'âme n’est rien sans les organes ; que la conscience qu’elle a d'elle-même n’est qu'un produit trompeur du jeu de ces organes, et que, quand ces mêmes organes viennent à s’affaiblir et à s’éteindre , elle fait comme eux: ce serait done un avantage immense pour la philosophie en géné- ral,-etla psychologie en particulier, si ceux qui se livrent à cette science étudiaient-avec soin la physiologie: les connaissances qu’elle leur pro- eurerait sur les propriétés des sens, sur le jeu des organes fortifieraient leurs idées, léveraient tous les doutes, et montreraient à tous les yeux l'âme fixe, pure et brillante ; alors plus d’objeclions sur le pouvoir des sens et celui des organes, tout serait vu et-examiné. Quelles psychologistes ne craignent donc pas de se livrer à l'étude de la physiologie ; elle ne peut que leur être favorable. N'ont-ils pas la cer- titude de l'existence de l'âme , ne la sentent-ils pas toujours la même en eux, certaine etinaltérable depuis sa formation jusqu’à sa fin, ne changeant point et ne se modifiant point continuellement comme le font les sens et les organes? Changements et modifications qu'elle sent et dont elle souffre quand ils s’altèrent , et dont elle se réjouit quand ils se perfectionnent. Que peuvent-ils redouter de l'examen qu'ils feraient de la science phy- siologique? Est-ce le cœur par lequel lessensations arrivent à l’âme, et qui est le centre de l’action vitale, qu'on pourrait considérer comme l’âme? Maïs qu’ils examinent allentivement cet organe, ils verront que s’il est sensible, ilest cependant sans conscience de lui-même, qu’il a une spé- cialité , et que si l’âme est en rapport avec lui, ce n’est que par les im- pressions qu'il éprouve et qu'il transmet. Est-ce le cerveau ? xiais ils verront que cet organe a comme le cœur une destination, celle de recueillir toutes les sensations qu'éprouve l’être, et que, si l’âmeest en rapport avec lui, c’est parce que d’abord elle est dans cet organe, au moyen des sens , en contact direct avec les objets extérieurs, et.ensuite * «parce qu’elle trouve dans la force vitale qui est en lui uneiforce nouvelle -pour sa capacité, force qui l’aide et la favorise dans les travaux qu’elle ui fait faire pour son expansion.et l'exercice des facultés qui sont en “lle. Ce serait donc une. grande erreur de croire, parce que l'âme “na de rapports directs qu'avec ces deux organes , que ce sont l’un td ou tous les deux ensemble, qui la constituent. * L'étude de la physiologie ferait voir encore que c’est par le cœur que - 828 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. l'âme arrive au cerveau ; que c’est le cœur qui la possède à son origine ; que c’est par lui, quand elle est dans cet organe , qu’elle trouve, comme le corps, une force matérielle qui aide et assiste sa force propre. Elle ferait voir aussi que c’est par le cerveau qu’elle sent, connaît et juge toutes les sensalions qui y arrivent; que c’est aussi par le cœur, les nerfs-et toutes les autres parties du corps avec lesquelles le cerveau ne cesse pas un seul instant, dans l’état de santé, d’êtreenrapport, que J’âme sent et juge tout ce.quise passe dans son corps. Le cerveau n’est donc, comme le cœur, qu’un organe purement matériel, recevant toutes les sensations des organes du corps, et déterminant l'âme, par l’impres- sion que ces sensations font sur elle, à des actions particulières , et le corps à des mouvements cachés que l’âmei ignore quandellene cherche point à les connaître ; mais le cerveau ne connait , ne juge et ne com- pare jamais les sensalions du corps ; celte faculté pe LE qu’à âme, Comme le cerveau est l’objet principal sur toguel” s'appuient les sen- sualistes pour établir leur système, je crois devoir revenir sur ce sujet et faire valoir encore quelques raisons qui démontreront ns le cerveau n'est pas l’âme. J'ai dit que le cerveau , et cela est certain, servait à l’âme de rési- dence, el que c'était là qu’elle pouvait déployer toutes les forces qui sont en elle; que c’est là qu’elle perçoit les sensations ; qu’elle les connaît et les juge. Je dirai encore que c'est là aussi qu’elle lutte avec elles, lorsqu'elles tendent à la dominer , à la faire agir dans un sens , tandis qu'elle, éclairée par la raison, voudrait agir dans un autre; là elle a sa liberté, liberté restreinte à la vérité, et soumise, comme-je viens de le dire, aux atteintes que lui portent les sensations. Les sensualistes nient celte liberté de l'âme ; mais qu’ils expliquent donc, par la physiologie, s'ils le peuvent , la cause des luttes que l’âme soutient contre les sens et le pouvoir qu'on lui connait à cet égard ; ils ne le peuvent pas, et tous leurs travaux et leurs observations sur -ce sujet n’ont jamais pu l'expliquer et n’ont abouti à rien : aussi, dans l'ignorance où ils sont de “celte cause, aiment-ils mieux dire que c’est le travail du cerveau, sans pouvoir le prouver, qui donne à l'homme la liberté el ES qui ‘sonten lui. J , Ce serait un grand el beau travail, qui ferait faire de get progrès à R philosophie , celui qui , suivant les mouvements de l'âme depuis ‘son introduction au corps jusqu'à sa séparation d'avec lui, la mon- Ærerail dans les diverses modifications du Corps, dans les sensations qu’il “éprouve ét les positions où l’êtré peut se trouver dans le cours d’une vie agitée et malheureuse. Il la montrerait toujours la même’ etferait voir que les combats qu’elle soutient , soit pour résisler aux#pässions que l'organisation matérielle de son corps peut faire naître en elle , soit pour SEIZIÈME SESSION. 329 faire face aux maux qui lui arrivent, soit pour repousser les mauvaises idées que ces passions lui inspirent, sont un produit propre à l’âme ef non un produit du cerveau ; mais ce travail ne pourrait s’accomplir qu’à l’aide de la physiologie. Ce serait donc encore à elle qu’il faudrait avoir - recours. Elle seule pourrait déterminer la part que le cœur et le cerveau prennent à ces lultes intérieures, et ferait distinguer nettement ce qui appartient à ces organes et ce qui appartient à l’âme. La physiologie dé- montrerait encore que ce ne sont pas toujours les cerveaux les plus forts et les plus développés qui possèdent la plus grande intelligence. On re- connaïtrait , par cette science, que l’âme ne lient son existence d'aucun organe ; que sa force, sa vie existent en elle-même; que les senti- ments bons, nobles.et généreux qu’elle éprouve tiennent à sa nature, et que les sentiments et les passions mauvaises qui viennent l’assaillir sont le produit de la détérioration des substances malérielles , de l’im- perfection des sens et des organes deson corps, de leur dégénérescence, ou encore des fausses idées qu’on lui suggère. Locke, malgré son penchant à attribuer tout aux sens, dit, dans son bel ouvrage intitulé Essai sur l’Entendement , que l’âme ne pense pas toujours; cela pour moi est une erreur, car si l’âme cesse de penser, elle ne cesse pas cependant de se sentir, ce qui est la même chose que penser. Locke reconnaît, dans ce même ouvrage, que l’âme agit et se meut dans le cerveau, quand les sensations lui arrivent. Il y “examine de quelle manière la pensée s’y élabore, comment les idées y naissent, s’y suivent, s’y enchaïînent et amènent un résultat. Rien de plus juste et de plus vrai que ce qu’il dit sur ce sujet: On voit que Locke, par'un procédé lout psychologique, se repliant sur lui-même, observe dans son cerveau la marche que les idées venues à son esprit y suivent. C’est un beau et bon travail que celui que Locke a fait sur ce point. Il établit mieux que tout ce que je pourrais dire l’existence dans le cer- veau d’une force différente de cet organe, qui le contraint à agir , à re- cevoir les idées, à les placer en lui et à les retenir. Cuvier avait un cer- veau vaste et divisé en petites parties destinées , a-t-on dit, à recevoir les nombreuses idées qui lui arrivaient. Or, ce n’étaient pas les compar- timents de cet organe qui jugeaient les idées et qui les faisaient arriver en lui. ; - Locke aussi avait un cerveau bien organisé; mais ce n’était pas cet organe lui-même , quand Locke conslatait la formation de ses idées, leur suite, leur enchaînement dans ce même organe , qui faisait ce travail , qui le comprenait, le jugeait et le connaissait ; c'était lui, âme, esprit, substance pure et intelligente , lui qui sentait ( ce qui arrive à tous ceux qui occupent le cerveau } que souvent cet organe fatigué lui refusait son concours, et qu'il élait obligé de suspendre le travail qu'il lui faisait faire. N’arrive:t-il pas aussi très-souvent que l’âme la plus intelligente, 330 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. faute d’un organe cérébral assez développé ou assez exercé, laisse échapper les plus belles idées? Ne reconnaissons-nous pas aussi que notre cerveau ne répond pas toujours à nos besoins , et nous laisse avec le regret de ne pouvoir exprimer nos pensées? Il faut donc reconnaitre _ que le cerveau et l’âme sont deux choses différentes. La physiologie bien étudiée le démontrerait encore d’une manière plus claire et ve positive. : Un avantage encore plus grand que la philosophie obtiendrait en étu- : diant profondément la physiologie, ce serait de parvenir peu à peu à connaître la nature de l’âme; ce que l’on n’a pu faire jusqu’à ce jour, malgré toutes les recherches qu'on a faites, car les médecins qui ont étudié le principe qui amène la vie dans les êtres, qui leur donnela force , le mouvement qui est en eux , n'ont pu encore réussir à le faire connäître et à dire ce qu’il est; de même qu'il n’est possible de dire ce que c’est que cet esprit qui est dans l’homme et que l'on appelle son âme. Si l’on parvient jamais à découvrir ce que c’est que le principe vital, et quelle est la nature de l’âme, ce ne sera que par la physiologie. L'étude approfondie de cette science pourra seule amener cette décou- verte et établir d’une manière claire la différence qu’il y a entre Kosprint la matière, l’âme et le corps. La connaissance que l’on aurait encore , au moyen de la Res à des diverses propriétés de chacun des organes, ainsi que de celles des substances moléculaires organiques qui forment le corps, conduirait en-* core à celte découverte. Ces substances bien appréciées feraient connai- tre les rapports qu’elles ont avec l’âme et feraient découvrir quelles sont celles d’entre elles qui peuvent s’assimiler avec elle et l’amener dans le cœur. La nature de l'âme bien élablie, tout s’expliquerait à nous ; l’on re- monterait des effets à la cause, et le grand auteur de toutes choses, qui s'est déjà gravé si profondément dans l’âme humaine, rapproché de nous par l'enseignement physiologique et par l’écarlement des nuages qui le cachent à nos yeux, s'y montrerait dans tout son éclat et dans toute sa gloire; la création de l’univers serait connue, et l’homme, consolé des maux qu'il éprouve sur là terre , certain de son avenir, attendrait avec _patience , dans la pratique des vertus que Dieu a mises en lui, la fin de ses jours sur la terre, et une res qu'il redoute comme le plus cruel de ses maux. Ces grands avantages peuvent être obtenus par l’étude de la physio- logie , par l’observation des faits qu’elle constate. Que les philosophes, les médecins, les naturalistes, et tous ceux qui sont désireux de con- naître les grandes choses du monde et l'avenir qui leur est réservé, se livrent donc avec ardeur à l'étude de cette science ; qu'ils ne bornent pas leurs recherches à la seule connaissance des faits pathologiques SEIZIÈME SESSION. 331 comme le font le plus grand nombre des médecins. Cette recherche, bonne en elle-même , ne les conduirait à rien , les laisserait sous le joug des sensualistes et des matérialistes, et les empêcherail d’arriver aux grandes découvertes que la physiologie seule peut leur faire faire. En finissant, je dirai que je crois avoir démontré que la philosophie ne peut que tirer de grands avantages de l’étude approfondie de la physio- logie ; qu’elle peut parvenir à repousser les attaques que lui livrent les matérialistes et les sensualistes, en établissant : 4° Que les sens ne sont pas tout pour l’âme ; 2° que les sensations et les organes ne la constituent pas ; 3° que si les substances matérielles et les organes qui constituent le corps de l’homme peuvent agir sur elle, elle, à son tour, peut agir sur eux ; qu’elle n’est pas leur esclave et qu’elle y a sa liberté ; 4° que les organes, en général faits pour le corps, lui sont indispensables pour sa vie et son action ; mais qu’excepté le cœur et le cerveau , ils n’ont aucun - rapport direct avec l’âme, et encore que ces deux organes, quoique en rapport continuel avec elle, et lui prêtant aide et secours , ne la consti- tuent pas et ne sont pour elle que des instruments dont l’un, le cœur, contribue à la retenir au corps et à lui causér des sensations , et l’autre, le cerveau, à lui permettre d’user des facultés qui sont en elle ; 5° et enfin que l'étude de la physiologie, pouvant amener la philosophie à mieux constater l’existence de l’âme et à découvrir sa nature, il y a une grande importance pour tous ceux qui s'occupent de philosophie à s’oc- . cuper sans relâche , et avec le plus grand soin, de l'étude de la physio- logie. La discussion de la cinquième question se termine par une réponse satisfaisante de M. Belhomme aux diverses objections qui lui ont été adressées. Il croit pouvoir persis- ter dans les opinions que comprend son mémoire. M. le Président, répondant à une demande faite par M. P.-M. Roux, dit qu’il regrette de ne pouvoir pas ordon- ner un rapport sur l'ouvrage de M. le docteur Feraud. Les manuscrits seuls peuvent devenir l’objet d’un rapport, aux termes du réglement. La séance est levée à trois heures. 332 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Séance du 4 Septembre 1849. Présidence de M. BALLY, — M. TOULMOUCHE, Secrétaire. -Le procès-verbal de la séance du 3 est lu et adopté. La deuxième question du programme est à l’ordre du jour. Elle est ainsi conçue : « La canalisation des rivières » dans l’intérieur des villes , et l'ouverture de rues plus » spacieuses, ont-elles une influence marquée sur la santé » et sur le chiffre de mortalité des habitants ? » M. Toulmouche, inscrit sur la question, prend la parole. Je viens, dit-il, présenter, comme éléments pour la solu- tion de la question posée, des observations sur la situation de Rennes, sur l'hygiène de cette ville avant les grands travaux qui s’y sont faits et depuis l’exécution de ces tra- vaux, sur les maladies qui y règnent habituellement, en- fin, sur le nombre des décès , relativement à sa population. Ces observations sont consignées dans le mémoire dont je vais donner lecture. - PREMIÈRE PARTIE. Topographie de la ville. —La ville de Rennes, placée au confluent.des deux rivières d’Ille et de la Vilaine, mais en majeure partie sur la rive droite de la dernière, offre une partie basse, souvent inondée l’hiver, lors des crues de l’un et de l’autre de ces cours d’eau, lorsque les pluies ont été prolongées et abondantes, et une partie plus élevée, à surface inégale, formée par de petiles collines de schistes argileux, et compre- nant les plus beaux quartiers de la cité. La première partie, qui longe la Vilaine et un peu l'Ille vers son con- fluent, repose sur des couches argileuses, véritables attérissements an- ciens, car leurs rives sont bornées par des prairies qui s’élèvent à peine au dessus de leur niveau, en sorte que, pour peu qu’il soit dépassé par SEIZIÈME SESSION. 333 Faugmentation de leurs eaux , elle ne tarde pas à être inondée dans plu- sieurs points. Elle se trouve donc déjà, par cela seul, dans des condi- tions topographiques bien plus défavorables que l’autre partie. Celle-ci, mieux aérée, est bâtie sur un terrain à pente progressivement crois- sante, et composé de grauwakes terreuses , de phyllades tendres et fis- siles, recouvertes presque partout de bancs de glaise ou de sables mé- langés de cailloux de quartz, souvent colorés par l'oxide de fer. Elle comprend les quartiers de la place du Palais et de son pourlour, ceux de la rue de la Monnaie, de la place Sainte-Anne, des Lices, le fau- bourg de Fougères, une parlie de celui de Saint-Hellier, le Thabor, etc. Les nombreux détours que faisail la Vilaine en traversant la cité, avant les travaux de canalisation accomplis pour en rectifier le cours dans la traverse de Rennes, joints au barrage établi pour l’ancien mou- lin de la Poissonnerie, ne permettaient pas un écoulement suffisant-à ses eaux , en sorte qu’aux moindres crues, elles refluaient au dessus de la ville, inondaient tout le pays en amont de celle-ci, et, dans son inté- rieur, tous les quartiers qui la bordaïent. L'élargissement du lit de cette rivière, la rectitude qu’on lui a don- née, la destruction de ponts à arches trop étroites et de l’écluse de la Poissonnerie, ont fait disparaîlre presque complètement ces graves in- convénients pour la basse ville, en majeure partie habitée par des per- sonnes peu aisées. Si lé même résultat n’a pas été obtenu pour le faubourg l'Evèque, on doit l’attribuer à ce que, dans les crues subites de la rivière d’flle, l'ou- verture de l’écluse du Mail, le canal beaucoup trop étroit ménagé au trop-plein de ses eaux , et la largeur insuffisante des arches du pont joint à l’écluse , ne leur permettent pas un écoulement assez prompt, en sorte qu’elles refluent , s'accumulent et inondent , non seulement les terrains au dessus du faubourg, mais encore ce dernier lui-même. Eaux. — Les habitants de la ville boivent et emploient à la prépara- tion de leurs aliments les eaux de plusieurs fontaines, lesquelles, en gé- néral, sont d’une bonne qualité , dissolvent bien le.savon,, cuisent par- faitement les légumes, sont d’un goût assez pur, el ne donnent aucuns précipités par les réaclifs, au moins pour celles du Champ-de-Mars, de Quinneleu : tandis que celles de la plupart des autres puils creusés dans l'intérieur de la ville contiennent abondamment du sulfate de chaux et d’autres sels en moindres proportions, el ne sont nullement potables. Mais elles ne suffisent pas aux besoins de la population en élé, car ces sources ne s'élèvent guère alors qu’à 33 ou 67 centimètres au dessus de leur fond plus ou moins vaseux, et sont troublées par l'agitation qu'y causent les sceaux lancés de haut par. les porteurs d’eau. Le peuple, n'ayant pas le moyen de la payer, en emploie souvent de moins-salubre ;, provenant souvent des puits des rues ou autres. En ef- Tate 43 L 334 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. fet, cette dépense ne peut être méprisée par lui, car l’eau se vend à Rennes à raison de 5 centimes le sixième d’hectolitre. . Quant aux eaux des deux rivières, l’Ille et la Vilaine , elles-ont un cours trop lent; elles sont peut-être trop peu aérées , trop facilement troublées aux moindres crues, pour qu’on puisse les employer autre- ment qu'aux usages extérieurs. En effet, éludiées par M. Malaguli, pro- fesseur à la Faculté des sciences, sous le rapport de leur potabilité, elles n’ont offert qu’une proportion excessivement faible de sels en dis- solution, 0,075 par litre, landis qu’elles ont donné une forte propor- tion de matières animales : elles pourraient donc soulever des preoc- cupalions graves, s’il s'agissait de les appliquer exclusivement à la con- sommalion publique, car, pour que les eaux soient bonnes, el qu’ell:s conviennent à l'économie animale, il faut qu’elles contiennent en disso- lution une certaine proportion de bicarbonate de chaux , de chlorure, d’oxide de sodium , etc. Hi faut croire qu’une expérience séculaire avait appris aux habi: tanis, mais empiriquement , que ces eaux manquaient de ces qualités, ce que décelait leur goût douceâtre, tandis que celles de leurs fontaines étaient sapides et meilleures, puisque de temps immémorial ils mi avaient pré- férées. L'administration aura donc à tenir compte des faits précédents avant de s'engager dans des frais considérables , si elle veut doter la ville d'eaux potables, courantes, à l’aide de bornes-fontaines, car, si elle se décidait à amener les eaux, soil de l’Ille, soit de la Vilaine, dans un ré- servoir, et à les distribuer ensuite, ce ne pourrait être que pour cer- lains usages domestiques. La nature des eaux à livrer à la classe laborieuse est d’une haute im- portance, au point de vue hygiénique , de même que l’assainissement des quartiers populeux et l'alimentation : ce sont malheureusement les trois points les plus négligés, comme on le verra par les délails qui vont suivre. c Rues. — Il n’y a guère que celles du centre de la ville qui soient aé- rées , larges , bien entrelenues et d’une inclinaison convenable. Dans la plupart des autres parties, elles sont trop étroites, mal pavéeset sou- vent inondées temporairement dans le voisinage des égoûts, dont les orifices trop étroits s’engorgent, lorsque les averses sont abondantes, ou à travers lesquels, dans la basse ville, l’eau ‘des rivières remonte lors des crues, comme on l’observe dans les rues Vasselot, de la Par- . cheminerie, de la Boucherie, de Saint-Germain, du faubourg de-Brest. | J'ajouterai que, pour celle dite Boucherie, il.se joint à son vice de ni- veau, beaucoup trop bas par rapport à celui des eaux @e la Vilaine, les inconvénients résullant du séjour d'une partie du sang des animaux qu'on y tue, de leurs excréments et des eaux qui ont servi à laver leurs SEIZIÈME SESSION. 333 intestins, dans les interstices d’un pavé en très-mauvais élat. Ces mas tières s’y putréfient en partie, surlout pendant l'été, et répandent dans l'air une odeur infecte. Il faut aussi noter l'existence, dans celle rue et dans celle de la Parcheminerie, qui en est trés-voisine, d'un assez grand nombre d’amidonneries, de tanneries, de porcheries et de boyau- deries. Cependant , je dois dire que cet état de choses, si fâcheux dans un quartier aussi populeux, s’est beaucoup amélioré, par suite du nou- veau percé pratiqué à travers celui-ci, lequel y a établi un vaste cou- rant d’air propre à en balayer les miasmes , a fait disparaitre une foule de masures ou maisons étroites, élevées et profondes , et a permis aux rayons du soleil d’y pénétrer. En même temps, la nouvelle ligne des quais est venue couper une partie de la rue de Lille, en remplacer les habitations défeclueuses par de nouveaux bâtiments qu’on y construit, et en diminuer l’étroilesse, en faisant reculer les façades des maisons plus anciennes qui avaient besoin d'être réparées. Mais c’est surtout la suppression des canaux de Brecé et de Joculé, par suite de la canalisation de la Vilaine, qui est venue assainir ce même quartier , et surtout la rue de la Boucherie. Néanmoins, il faudra, pour obtenir un résultat complet, qu’il soit construit un canal souterrain pour l’écoulement de ce qui reste de leurs eaux infectes et celui des au- tres liquides versés sur le pavé ; ou plutôt il serait à désirer que l’ad- ministration songeât à faire disparaître la boucherie de ce quartier in- salubre. Il est, en effet, fâcheux de voir une ville-de quarante mille âmes dépourvue d’un abattoir. L’utilité et l'urgence d’un semblable établis- sement ne peuvent être mises en question, et les discuter serai faire in- jure à mes auditeurs. Quant à la rue Saint-Malo, l'une des plus populeuses, bien que sa pente soit rapide et sa position élevée, la construction vicieuse des mai- sons anciennes qui la bordent, leur malpropreté, l'humidité et la pro- fondeur des caves, l'accumulation des immondices qu’on y remarque, la misère et les fréquents excès du peuple qui y est enlassé, y rendent la mortalité considérable. Une police mieux faite pourrait obvier à une grande partie de ces causes d’insalubrité , et rendrait plus efficace l’amélioration qui est ré- sultée, pour ce quartier, du pavage récent qui vient d'y être exécuté par les soins de l’administration pour en adoucir la pente. J'ai encore à signaler l’abaissement trop grand du sol d’une partie de la rue de Brest, par rapport au bras de la rivière de l’Ille qui la côtoie au nord et qui l’inonde lors de ses crues ; et, comme autres causes d’insalubrité , l'existence d’un assez grand nombre de lanneries, de mégisseries, de corroieries, de plusieurs fabriques de chapeaux, d’une 336 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. de colle-forte, de dépôts de-chiffons dans le même quartier , le défaut de pente du pavé, l'humidité des boutiques, la construclion défec- tueuse des habitations. En signalant de la sorte ces causes d’insalu- brité, «c'est en indiquer les remèdes, ou mettre au moins sur la voie, sinon pour les faire disparaître entièrement, au moins pour les amoin- drir. Ce que je viens de dire est en parlie applicable à la rue Saint-Ger- main, dont la plupart des boutiques se trouvent de plus de 50 centi- ‘mètres au dessous du niveau du sol, à peine éclairées, humides, à plan- cher carrelé, ou parfois en terre battue , qui reste imprégné de bois- sons ou autres liquides répandus par les débitants qui en occupent le plus grand nombre. En outre , elles sont souvent inondées , l’hiver , dans les débordements de la Vilaine ; souvent aussi elles sont occupées par une famille entière. . Le faubourg Saint-Hellier, trés-élevé et bien aéré dat son extrémité est, tandis que les deux liers rapprochés de la ville sont plats et à peine un peu plus élevés que le niveau de la Vilaine, qui, lors de ses crues , en inonde celle partie , était autrefois beaucoup plus malsain qu'il ne l’est aujourd’hui. Il y régnait, en effet, des fiévres intermiltentes nombreuses qui semblaient être entretenues par des flaques d'eau rem- plissant d'anciennes carrières ou excavations qu’on a comblées , en sorte qu’elles ont de beaucoup diminué. Cependant, l'existence de plu- sieurs fossés boueux , dans lesquels restent en stagnation les'eaux pro- venant des terrains voisins, ou celles de quelques flaques, laissent encore beaucoup à désirer, y rendent encore ces fièvres peu rares, y entrelien- nent des affections catarrhales , des phlegmasies latentes des viscères abdominaux, et, dans sa parlie sud-ouest, chez les enfants, les maladies scrofuleuses. Pour remédier à cet état de choses , il faudrait régler les pentes des douves infectes qui s'étendent sur un développement d'environ 600 mètres , depuis l’extrémité est de la prairie des Carmes jusqu’au cloa- que du Faux-Pont, en paver le fond et procurer l'écoulement des'immon- dices et eaux qu’elles reçoivent par le conduit du Champ-de-Mars:Car ce conduit , élevé de plus d’un mètre au dessus de l’étiage ordinaire-des eaux de la Vilaine, n’en admet que l'hiver seulement le trop-plein, et de- meure au dessus dans la saison où leur stagnation est la plus dange- reuse. Ce qui le prouve, c’est la mortalité des petites-rues de la Grippe el du Faux-Pont qui le longe, laquelle en 4835, sur une population de 123; élait de 7 décès, ce qui répondrait à 57 pour 1,000 habitants, proportion presque double de celie trouvée pour Ja rue et le faubourg Saint-Hellier, et plus forte des deux cinquièmes que celle de la Fer De de Rennes tout entière. . Feu Robiquet, qui habitait la sonia rurale dumême Pom 24 SEIZIÈME SESSION. : 337 signalé dans celle-ci, de même que dans les environs de la ville, les flaques d’eau des chemins , quelques marécages servant d’abreuvoirs $ la malpropreté des cours de la plupart des fermes, des mares dans le voisinage de ces dernières en recevant ordinairement les égoûts, de même que ceux des étables et des écuries, :mares dans lesquelles les bestiaux s’abreuvent et dont ils semblent même préférer les eaux impures à celles qui sont plus claires. Cependant elles ne parais- sent pas leur être nuisibles, probablement parce qu’étant toujours ombragées, leur fond fangeux reste rarement à découvert : outre que les eaux de quelques-unes d’entre elles proviennent de filtra- tions souterraines, sources imperceptibles qui ne tarissent que dans les sécheresses. Le faubourg de Paris, fort étendu , est longé , dans tout son côté sud, par des jardins, des prairies de beaucoup au dessous de son niveau et en majeure partie inondés l’hiver.par les débordements de la Vilaine; enfin par des chemins étroits , profonds, très-boueux , entrecoupés en toute saison de mares ou de marécages, dont les exhalaisons, au prin- temps et pendant l'été, donnent lieu à des fièvres intermittentes assez nombreuses. Il faut ajouter, comme cause d’insalubrité pour les quartiers les plus populeux, l’habitude des répurgateurs de répandre dans leurs rues des débris de plantes qu'ils laissent macérer dans la boue pendant -unou deux jours, qu’ils réunissent ensuite en petits tas, qui ne sont enlevés Souvent que le lendemain. Il résulte de cet état de choses une odeur très-désagréable et le dégagement de gaz nuisibles fournis par la dé- composilion de ces matières végétales. L'administration devrait S’Oppo- ser, par des mesures convenables, à cette méthode défectueuse d’o- pérer. Maisons ou habitations. — L'importance, en hygiène, de la bonne dis- Position des habitations pour la santé du peuple, fait assez sentir la valeur de l'étude à laquelle je vais me livrer. : Il n’y a guère que les parties centrales de la ville qui soient bien bâties, et encore les entrées et les cours des maisons laissent-elles beaucoup à désirer sous le rapport de la propreté. Quant à celles des quartiers habités par la classe ouvrière, .elles-sont loin-d’offrir.des conditions aussi favorables ;: car, dans leurs.rues étroi- tes, humides, rarement baignées des rayons du soleil, elles ont été construites d’une, manière bien plus vicieuse. Ainsi , leurs allées sont longues, obscures, trop basses, boueuses, étroites. Les boutiques sont , le plus souvent, au niveau ou beaucoup au dessous du pavé, pro- fondes, mal aérées, sombres, ayant fréquemment un sol carrelé ou en argile baltue, L’arrière boutique, où logela famille, n'offre fréquemment, 338 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. pour toute ouverture, qu’une porte qu’il faut laisser ouverte pour obte- nir un peu de lumière, et qui expose au froid et à des courants d’air dangereux, parce que celle qui donne entrée au public dans le magasin ‘est continuellement ouverte et laissée telle le plus souvent Spoaér+* sonnes qui se présentent. Lee, Les escaliers sont, la plupart, nullement où she mnt éclairés, dégradés, rarement neltoyés, bien que leurs marches soient parfois récouvertes d’une boue grasse y formant croute. Les étages sont divisés én Chambres, avec où sans cabinets, dans lesquelles loge toute une faille. Les meubles qu’on y remarque sont souvent en mauvais état, verinoulus de vétusté. Une vaste cheminée enfume cet intérieur; elle manque souvent dans les étages supérieurs, et les malheureux qui les habitent sont réduits, au risque de s’asphyxier, à réchauffer leurs membres engourdis par le froid , à l'aide d’un peu de charbon allumé dans une terrine. BA Les cours sont d’une malpropreté ispousstaté } aénérslementétrotties longués, irrégulières, se succédant par l’intermêéde de bouts de ruelles. Quelques locataires y accumulent des fumiers, sur lesquels d'autres jettent leurs ordures, ou, s ’il y existe des latrines, elles sont sans ferme- tures-et leurs entrées si encombrées d’immondices , qu’elles deviennent plutôt des foyers d'infection. ü Cependant, je dois le dire, à mesure que les maisons les sie vieilles sont remplacéés par de plus modernes, ces dernières n’offrent: plus le mêmes dispositions défavorables dans leurs distribution, ou side telles dispositions s’y font remarquer encore, c’est à un bien moindre degré; et; en même temps, les nouveaux alignements qu'on leur impose élar- gissent insensiblement ces rues. 11 est vrai que ces modifications ne se font que d’une manière très-lente et très-irrégulière ; mais enfin elles se font peu à peu, et, dans un temps plus ou moins éloigné, de meilleures conditions hygiéniques seront à la fin obtenues. Ce qui manque à Rennes, c’est une police mieux faite, sous le rap- port de la salubrité. L'administration, même en l'absence d’une loi spé- cialé sur la matière, aurait le droit , puisque sans son autorisation on ne peut établir de garni, d’exiger des logeurs qu’ils se conformassent aux prescriptions sanitaires , sous peine de fermeture de leurs maisons, comme cela se pratique pour celles de tolérance. Dans ce cas, par une ordonnance , elle leur ferait connaître les conditions que devraient réu- nir leurs établissements , le nombre de personnes qui pourraient être placées dans chaque pièce ; elle prescrirait le blanchiment fréquent des *muraillés, une aération et une ventilation convenables des chambres a coucher, l'entretien dans celles ci d’une certaine quantité de chlorure d’oxide de sodium , la remise d’un essuie-main à chaque ouvrier, le léssivage où le passage au chlore, à certaines-époques, des couvertures SEIZIÈME SESSION. 339 et des objets de couchage, le renouvellement mensuel des draps de lit, etc. (1) ; C'est ici le lieu de chercher à apprécier l'influence qu’a pu avoir sur la salubrité de la basse-ville la construction de la ligne'de quais qui la traverse de l’ést à l'ouest. Elle a élé considérable. En effet, elle a rem- placé le lit tortueux et élroit de la Vilaine. Les eaux, qui n’y trouvaient pas un écoulement suffisant et assez prompt, inondaient chaque hiver les terrains et quartiers voisins ; elles coulent maintenant par un canal bien plus large , parfaitement droit, contenu par des quais élevés. Cette ligne a substitué à des ponts étroits de plus larges; elle a fait dispa- raître une multitude de très-vieilles maisons élevées sur les bords de la rivière ou dans des rues tortueuses qui l’avoisinaient , et les a rempla- cées déjà par un certain nombre de nouvelles, réunissant de très-bonnes conditions hygiéniques. Elle a, comme une grande artère, permis à l'air de circuler librement, et d'être incessamment renouvelé par un grand courant dirigé de l’ouest à l’est, lequel est dû aux vents d'ouest, qui règnent la plus grande partie de l'année. Enfin, elle a considéra- blement embelli la ville, en y formant une promenade très-fréquentée, laquelle sera plus tard terminée par les édifices qui s’élèveront de chaque côté du canal. Déjà ces bons effets se sont traduits par des résultats. Ainsi, j'ai pu constater que la scrofule, qui était si fréquente jadis parmi les en- fants de toute la partie de la ville qui avoisinait la Vilaine, a diminué, et qu'il en a été de même de la leucorrhée chez les jeunes filles et les femmes. (1) Nest-il pas regrettable aussi qu’on ne veuille pas permettre sur la Vilaine l’éta- blissement de quelques bateaux à laver couverts, et dans le genre de ceux qu’on re- marque en.si grand nombre à Nantes, sur la Loire, tout le long des quais du port? On éviterait de la sorte les fréquentes chutes des laveuses dans la rivière lorsque, par suite de la baisse des eaux, elles sont obligées de se pencher au dessus pour en atteindre le niveau ; venant à perdre l'équilibre, elles tombent et se noient quelquefois. … 11 faut espérer que l'administration réalisera promptement le projet d'empêcher l’écou- lement des urines sur certaines rues, qu’elle établira sur divers points des urinoirs pu- blics ; en réprimant la malpropreté, elle fera respecter les règles de la décence. Elle pourrait, à cet égard, s’éclairer, en consultant, dans le numéro d'octobre des Annales d'hygiène publique de l’année 1849, un excellent travail de M. A. Chevalier, intitulé : Notice historique sur le Nettoiement de la ville de Paris depuis 1184 jus- qu’à: l'époque actuelle, pour servir à l'histoire de la salubrité et de l'hygiène pu- bliques des grandes villes. On trouve, à la page 306, des moyens trés-simples et peu dispendieux pour établir des.urinoirs publics, commodes et inodores. 340 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Dans les campagnes qui avoisinent la ville et qui constituent sa ban- lieue, les maisons, à l’exceplior de quelques pieds de fondation en pierres , ne’ sont formées-jusqu’au toit que de terre battue. Au dessous du rez-de-chaussée , il n’y a point de cave ; au dessus est un grenier planchéié où le fermier conserve sa moisson. Une porte conduit à-la basse-cour, une seconde au cellier et-la troisième à l’étable.. Au devant est, généralement, une cour dans laquelle se vautrent quelques-porcs, des canards et des poules. La cheminée est ordinairement très-élevée et très-large, afin que maîtres et domestiques puissent s’y grouper au- tour du feu qu’on y allume. À La disposilion vicieuse des ouverlures de ces efossières habitations manquant de jour et de fenêtres , le sol toujours en terre battue plus ou moins humide, l'élévation exagérée des lils, leur clôture par d’épais ri- deaux ou leur établissement dans de véritables armoires, les rendent très-incommodes et très-malsaines. Lorsqu'on leur compare la proprelé exquise el le confortable des fermes anglaises, on s’étonne à bon droit de la barbarie qui règne encore dans notre pays à cet égard. On gémit encore bien davantage de voir régner dans les cours des mares d'eaux, rendues infectes par l’écoulement des liquides animaux qui sortent des.étables ou des fumiers, ou enfin des couches de plantes . étendues et putréfiées qui vicient l’air, non seulement au dehors. mais encore à l’intérieur des habitations, car la porte de celles-ci donnant sur : ces cours est la seule qui reste-constamment ouverte et donne accès à ce dernier. ù ttéa Nourriture. — La nourriture du peuple ou de la classe ouvrière, dans la ville, se compose habituellement de laitages, de beurre, de fromage, de lard, de pain, de sardines, de harengs pressés, de soupe à la graisse ou au beurre, de galelte, et, le dimanche, de viande. Sa boisson est le cidre. ‘ É La nourriture du paysan consiste en pain de seigle, d'avoine et d’orge, souvent cuit depuis quinze jours à-un mois, mais surtout en galette, mangée, soit dans le lait, soit avec le porc salé, le beurre, le mieloule lohon, qui est une narmelade de mérises écrasées et cuites, et _. quefois en châtaignes. Il y ajoule du cidre. ds L'alimentation est uxe chose si importante au point de vue de Vhy- giène, qu’on me permeltra de m’arrêter quelques instants sur l'influence qu’elle exerce sur la population rennaise. La nourriture étant trop ex- clusivement végétale, elle ne répare pas suffisamment la perte ou la dé- pense de force exigée par des travaux rudes, en sorte que, dans un temps donné , il est fait moins de travail que par un ouvrier mieux nourri. Chez l'habitant de Rennes les mouvements sont plus lents , les formes plus empâtées, la constitution plus lymphatique; le cerveau, moins excité, ne produit que des conceptions plus lentes. Ici, il faut SEIZIÈME SESSION. 341 remarquer que beaucoup de pauvres gens, lorsque le cidre est cher, sont réduits à boire de l’eau. Il résulte , en outre, de cet état de choses, peu d’aptitude industrielle, ce qui vient confirmer la remarque faite dès long-temps, que presque toujours les départements où le peuple se nourrit le mieux sont ceux où il y a le plus d'industrie et d'instruction. Cette nourriture trop végétale exerce une influence encore plus fà- cheuse sur les enfants. En effet, les mères, qui même souvent ne l’ont qu'insuffisante , donnent un lait pauvre, auquel elles suppléent par des bouillies grossières, auxquelles plus tard, lorsque le sévrage a lieu, succède la même nature d’aliments. Il en résulte une sorte de bouffis- sure ou de constitution lymphatique, qui, jointe au défaut de mouve ment êt d’insolation, les prédispose et les conduit fatalement à la scro- fule ou à la tendance tuberculeuse et au rachitisme. Il faudrait, pendant ce premier âge de la vie humaine, une alimen- tation particulière appropriée et destinée à introduire dans le sang les éléments dont les organes sont naturellement composés. Or, il est dil- ficile au peuple*de se la procurer. Il ne faut pas croire que l'hygiène bien entendue ne soit destinée qu'à protéger la santé et prévenir les maladies, ce qui est déjà assez impor- tant, elle doit encore tendre à développer , améliorer et perfectionner en même temps tous les organes ou instruments de la vie, à mettre en plein exercice toules les facultés de l'être humain ; en un mot, à le per- fectionner au physique comme au moral. Il faut donc que l’alimenta- lion donne aux muscles tout ce qui leur est nécessaire en sang et en fibrine, de même qu’elle doit tendre à diminuer la Mae chez les individus disposés à cet état. Ignore-t-on l'influence de la nourriture sur le bœuf, le mouton, le porc, le cheval, les oiseaux de basse-cour , elc. , lorsque l’homme im- prime à ces animaux lelle ou telle modification! Les Anglais, par ua régime systématique, ne sont-ils pas parvenus à modifier profondément l'organisme chez lee boxeurs, les coureurs, les jockeys, les plongeurs, etc.? Ils ont appelé cette méthode entraînement et en ont tracé les règles. L'hygiène, qui devrait être partout, n’est nulle part au milieu de nous. Elle n'a pas d'écoles pratiques. Aussi quelle ienorance, et surtout quelle négligence des choses les plus essentielles ! Entrez dans les salles de nos hôpitaux , vous vous convaincrez de la vérilé. On n'y voil pas un thermomètre, un hygromètre ; il y a encombrement, insuffisance d'ai., altération de ce dernier. Si l'on construit de nouveaux hôpitaux, qu’y cherche-t-on ? A concilier, s’il se peut, les améliorations inévitables que le bon sens impose avec le besoin bien autrement impérieux de l’éco- nomie, mais rien de plus. En France, dans ce pays de la démocratie , le public n'a ni le droit ni Phabitude d'intervenir dans ses affaires les plus sérieuses, tout est LA 1 > 342 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. dans la main de l'autorité, par trop de défiance du bon sens plébéien : auquel il n’est que bien rarement fait appel. Robiquet avait vérifié, par des calculs exacts, que la nourriture des ouvriers agricoles, dans les fermes, coûte environ 3 centimes de plus par jour que celle du soldat, dont la dépense à Rennes, pour son ordi- naire, sans boisson et non compris le pain de munition, est de 32 cen- times, la ration de ce dernier coûtant dans la même ville au Gouver- nement 17 centimes : le total est donc de 49 centimes. 11 avait reconnu aussi que la situation des ouvriers industriels de la ville était encore plus triste que celle de Ja plupart des ouvriers et ou- vrières des campagnes. En effet, les fileuses à domicile obtiennent un cértain poids de filasse, rendent le fil à jour fixe, sont payées tous les quinze jours, et gagnent de 25 à 50 centimes par jour. Les ouvriers tisserands gagnent, de.......... 1 fr. 00 c. à 2 fr. 50 c. Les filassiers, de.........,,..,..,.. . 1 00 à1 40 ” Les dévideuses, de. ..........essse 0 + 40 Les ouvriers jardiniers, de............,.... 1, 00 40. 29 Les ouvrières jardinières, de........ ..,.,... 0 60 àa0 75 Les laveuses...... st solar des 0 60 - * La condition de la plupart des ouvrières est donc bien plus précaire dans la ville qu’à la campagne, puisqu'elles ne gagnent que de 0 25 à 0 75 c., et qu’elles ne sont pas nourries. Elles sont malheureuses dès leurs jeunes années. En effet, si leurs parents les envoient, pendantquel- que temps, dans des écoles gratuites, apprendre à lire, à écrire et un peu à compler, le besoin pressant est là qui force à les meltre prompte- ment en apprentissage chez une maîtresse, qu’elles paient de plusieurs années de leur travail gratuit ou d'une rélribution pécuniaire, Lorsque l’apprentissage est terminé , elles sont lancées sans guide et sans expé- rience dans la société, qui exige d’elles, moyennant un salaire de 50, 60 , rarement 75 c., qu’elles aient une mise propre et puissent rester honnêtes. Eh bien! même pour celles, en petit nombre, ayant le plus haut salaire, en supposant qu’elles ne manquent jamais d'ouvrage et qu’elles ne soient jamais malades, ce ne serait par an que 251 fr. 75 c., et en assimilant leur dépense à celle des ouvrières des fermes , qui est évaluée à 257 fr. 9 c., on trouverait, malgré les suppositions précéden- tes trop favorables , un déficit annuel de 15 fr. 50 c. Quant à celles, en assez grand nombre, qui sont tailleuses et qui vont travailler, les unes, dans les fermes ou chez des ouvriers, les autres, dans les maisons bourgeoises , les premières, à raison de 35 c. et nour- ries, les secondes, à raison de 60 à 75 c., elles gagneraient par an, en les supposant constamment employées, 154 fr. 50 c. Mais, leur dépense s ’élevant à à 178 fr. 45 c., on voit qu’elle Surpasserait encore leur gain de 23 fr. 93 c. : SEIZIÈME SESSION. 343 Si c'est la pauvre laveuse de ville, c’est encore pis, car eile ob- tient le même salaire de 60 c. pour lutter contre le froid, la pluie et l'épuisement de ses forces, qu’une nourriture grossière, et le plus souvent insuffisante, ne peut réparer; elle n’a pas, comme les pré- cédentes, l'avantage de recevoir chez les bourgeois une nourriture substantielle. Qu'est-ce encore , lorsque l’ouvrière laveuse est une mère de famille? Si l’on s'occupe du gain que font les fileuses , condamnées à un tra- vail si monotone et si fatigant, puisqu'il dure depuis cinq à six heures du matin jusqu’à la nuit, et qu’il se prolonge même souvent pendant une partie de celle-ci, on voit qu'un peu de filasse leur est parfois lais- : sée, et-que leur salaire se borne à 30 ou 50 c. Quant à celui des tricoteuses de bas, il est de 40 à 45 c., car la plus forte ouvrière, en travaillant quinze à dix-huit heures, ne peut faire qu'une chausselte, et.on ne lui donne pour une paire que 90 c. ou 1 fr. Pour ce qui regarde les dévideuses, le salaire est à peu près aussi in- fime, puisqu'elles ne gagnent que 35 à 55 c. par jour. Si maintenant on vient à l’oppréciation du gain des travaux d’aiguille ou de broderie, on y constate la même insuffisance. Ainsi, les ouvrières qui en vivent n’obtiennent, pour broder un mètre de feston, et encore en fournissant le coton, que 20 à 25 c., et elles ne peuvent faire que deux à trois mètres par jour. Les brodeuses de tapisserie, en travaillant de- puis six heures du matin jusqu’à la nuit, ne peuvent gagner plus de 50 à 60 G et les tricoteuses plus de 30 à 40 c. Ajoutez à ces salaires si infimes, encore obtenus précairement, ou d'une manière incerlaine, parce que les commandes manquent fré- quemment , la redoutable concurrence que leur font les communautés relisieuses pour tous ces travaux, qu’elles peuvent livrer à un prix in- férieur, et desquels elles retirent par cela seul des bénéfices considé- _rables, et vous pourrez vous faire une idée des conditions fâcheuses qui pèsent sur toute celle classe d’ouvrières. Si l’on a défendu dans les maisons centrales les industries analogues à celles usitées dans le pays où se trouvent ces maisons , parce qu’elles faisaient concurrence aux classes ouvrières qui les exerçaient , la même mesure ne devrail-elle pas, logiquement, être appliquée aux maisons religieuses fabricantes ? L’équité et le bon sens sont d'accord pour ré- pondre par l’affirmative, car partout où il y a plus de bien-être il y a plus de moralité, et où il y a moralité il y a moins de vices. La société doit protection et aide à la moindre de ses créatures. Elle doit.donc chercher à améliorer la condilion si malheureuse du sexe le plus faible , si elle veut resserrer les liens de la famille, que le besoin ou la misère tencent Loujours à relâcher. C’est entre ses mains un puis sant moyen de moralisation et d'ordre. 3 344 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. L’atlachement aux us et coutumes , si vivace dans notre pays, a été un obstacle à ce qu’il fût rien changé aux salaires, malgré l’accroisse- ment des dépenses , qui ont au moins doublé pour tout ce qui est indis- pensable à la vie. Ilest, en effet, telles professions dont les gains sont encore ce qu'ils étaient il y a soixante ans, ou, s’il y a été apporté quel- ques modifications , ce n’est que pied à pied , et en défendant le {errain, que l’esprit de routine ou d’exploilation a laissé faire. Le désir de s’en- richir a trop souvent spéculé sur la misère ou le besoin. Il est résullé de cet élat de choses que, dans un grand nombre d’in- dustries, les salaires sont devenus insuffisants pour se procurer le vivre, c’est-à-dire l'abri, le vêtement, le blanchissage , la nourriture, le chauf- fage, surtout si l’ouvrier est marié et qu’il ait de la famille. En effet, pour en citer quelques exemples, comment veut-on que les ouvriers tanneurs, qui gagnent de 1 fr. à 2 fr. 50 c.; les tisserands, de Î tr. à 4 fr. 40 ; les filassiers , de 1 fr. 30 à 1 fr. 80, et les jardiniers de 1 fr. à 4 fr. 25 c., puissent se Lirer d'affaire, puisque célibataires ils ne le peu- vent qu’en l’absence de cnômage ou de maladies? Que sera-ce donc, s’il leur survient un ou plusieurs enfants? Le plus simple calcul prouvera jusqu’à l'évidence qu'il y aura pour eux impossibilité matérielle de les élever sans recourir à la charité de la paroisse, à la charité publique, ou que, s'ils ne le font pas, cet état de choses deviendra très-préjudiciab'e pour leur famille, ce qui est prouvé par la mortalité, qui pèse bien plus fortement sur les enfants des pauvres que sur ceux de la classe moyenne et des riches. . Les premiers tombant de la sorte à la charge du bureau de bienfai- sance ou à la charge des particuliers charitables, il en résulle pour la société une véritable immoralité, el pour les travailleurs pères de fa- mille une condition blessante pour leur amour-propre ou leur Us d'homme. Que peuvent les caisses d’ épargne contre un pareil dénument ? Elles n’y sont point un remède , Car elles ne sont profitables qu’à ceux qui peuvent y mettre, et qui ont au moins une sorte d’aisance relative. Il est vrai que les salles d’asile, en se chargeant des soins à donner à la première enfance, soulagent beaucoup les méres, et leur permet- tent de vaquer aux occupations de leur ménage on à des travaux payés, ce qui rend un peu meilleure la silualion de la famille. C’est un grand bienfail ; mais les femmes trouvent si peu de travaux à faire dans un pays qui est aussi dépourvu d'industrie que le nôtre, el les salaires en sont si minimes, que les avantages que devraient leur offrir ces élablis- sements de bienfaisance sont par cela même en grande partie paralysés. Que serait-ce, si l’on mettait à nu d’autres plaies encore plus vives ? car il y à dans la ville de Rennes des professions dans lesquelles LE tra- vaux sont encore moins payés ? 7 SEIZIÈME SESSION. | 345 Si maintenant on se livre au même examen que le précédent, relati- vement aux ouvriers de certaines industries, on verra que leur position est tout aussi triste. Ainsi, un ouvrier tisserand, gagnant 1 fr. 20 c. à 4 fr. 40 c., pourrait, s’il était célibataire et s’il ne perdait aucune journée , faire la dépense annuelle de 363 fr. 45 c. En le supposant marié à une ouvrière tailleuse ou lingère travaillant chez elle et gagnant 1 fr. par jour, il pourrait économiser chaque année 59 fr. 29 c., tant qu'il n’aurait pas d’enfant. De même une ouvrier tanneur, gagnant 2 fr. 50 c. par jour, pourrait , dans la même position , meltre de côté chaque an- née 446 fr. 99 c. , s’il n'avait pas d’enfant. Il pourrait en élever trois , s’il avait élé assez sage pour ne se marier que dix ans après ; car il aurait pu amasser pendant ce temps une somme d’environ 3 à 4,000 fr., en ne comptant que 270 journées par an. Il vivrait alors dans l'aisance, et aurait le moyen de donner de l’éducation à sa famille. Mais, pour qu'un ouvrier et sa femme puissent faire la dépense de °194 fr. 68 c. pour élever un enfant, en comptant 270 journées de tra- vail par an, il faudrait qu’ils gagnassent : S'ils ont un enfant............................... ne NTIC: deux tennsne. se AE à RSR AE BEI" DA ÉPOIS AE CR AIO SRE EE MT HR ANS TSRS 70 quatre....... 2 JREVPEUR DLADRER Pt Be 2 ETS CAT OR LE RE © 4 16 . CHE nn RE reset Atos 68 SX. . DR RL EDS 8 et lors même qu’on réduirail à 173 fr. 92 c. mé dépense annuelle moyenne d’un enfant (prix de l’hôpital général, où l’on fabrique le vêtement , le pain en grand , avantage que n’a pas l'habitant de la ville), il Pol encore qu’ils gagnasseut, à 270 journées par an, S'ils ont un enfant................................: 2 fr. 59c. eus APR RCI ARS, Su) 86 AB Sn RE 2 PES CARE ASE DA ARS EUR GE à © 3 13 ÿ quatre. ........ BUS MORE PO SANTE 4 a Ai (Gi DÉDOROOE DS EE CCR EE HN RO 18ES 68 SR AE EU NL RS Ar Sa: Aie a5: #4 8 96 On voit, d’après ces calculs , faits par l’habile stalisticien Robiquet, que ces ouvriers, par suite de l'insuffisance des salaires , eu égard à l'accroissement des dépenses qui a plus que doublé depuis une soïxan- taine d’années, tandis que les premiers n’ont pas suivi une progression corrélative ,.ne peuvent élever leur famille, qui tombe de la sorte à la charge de la société, au moius en partie, ou est moisonnée par la ma- ladie. j Il résulte de cet état de choses que la classe ouvrière, à raison de la cherté actuelle des vivres à Rennes , surtout de la viande, ne peut se procurer, pour lutter contre l'épuisement ou la dépense de force 346 CONGRÈS SCIENTIFIQUE: DE FRANCE. qu’exige tout travail prolongé et fatigant, une-nourriture suffisamment réparatrice. Les droits d’entrée, qui pèsent principalement.sur les ob- jets de consommation , l’atteignent même dans les plus petites choses : Ainsi, Ja galette, dont elle fait en grande partie sa nourriture, y revient à Ofr.157m.lekilogramme, puisque les marchandes la lui vendent à raison deÿ c. chacune, tandis que dans les fermes le kilogramme ne coûte que - 0.fr. 435 m. Il serait donc à désirer que les administrations, dans les villes, s’efforcassent d’adoucir le plus possible les droits pesant .spécia- lement sur les objets de première nécessité pour le peuple. Avant de songer au luxe et aux embellissements de celles-ci, il faudrait aviser à rendre meilleure la condition des classes ouvrières. Serait-il plus diffi- cile, également, de construire pour elles, en vue d’une bonne hygiène, des habitations ou quartiers plus salubres? Ces bâtiments, loués à un prix raisonnable , ne seraientils pas, pour le moins, aussi utiles. que le * percement d’un chemin ou d’une rue dans l'intérêt d’un faubourg, ou que lédification d'un monument de luxe? On bâtit pour la classe aisée et jamais pour la classe ouvrière, qui cependant aurait besoin d'être convenablement logée. Vétements. — Le peuple de la ville est, en général, mieux vêlu et plus chaudement que celui de la campagne. Mais il y a beaucoup à dire sous le rapport de la malpropreté du linge de corps et de lit, de même que pour la chaussure. Son costume consiste en une veste pardessus la- quelle il passe, les jours de travail, une sorte de blouse.en toile gros- sière. La coiffure est une casquette ou un chapeau , soit.en fesanep en paille ou en toile cirée. Les femmes n'offrent de particularités dans leur habillement qu! une coiffe , tantôt longue , à barbes relevées ou tombantes, tantôt ronde.el.à garniture tuyautée. Le costume des laboureurs est composé, pendant toute la semaine, de vêtements de loile forte'ou de laine, souvent déchirés, el recouverts d’une peau de chèvre qui les abrite du froid et de la pluie. Ils ont des guêtres , de gros souliers et un chapeau de paille. Ils réservent pour le ‘dimanche le raz et le cadis. Le-serre-tête fait, la base de presque toutes les coiffures des En . Sôuventil ne sert qu’à retenir les cheveux ; mais quelquefois il com- prime circulairement la tête de manière à y imprimer sa trace. La coiffe vient fréquemment s’attacher sous le menton, comme cela se voit le Jong:du littoral. Par sa.pression,, elle développe les masses charnues du bas du visage aux dépens des oreilles et des régions postérieures des joues. Ces coiffes varient de forme suivant les cantons, comme on Je re- «marque près de Saint-Malo et sur le reste du littoral. A cinq ou six lieues de Rennes, elles changent également de, forme.et prennent, le nom de «poupettess.. à'É ét js ot tuer SEIZIÈME SESSION, 347 Climat. — La ville de Rennes se trouvant située à peu près à [a base d’une presqu'ile placée entre deux mers , est exposée à des pluies con- tinuelles ; en sorte que l’humidité y est l’état le plus habituel. Il tombe, en effet, chaque année, de 89 à 94 centimètres et demi d’eau. Des brouillards plus ou moins épais attristent souvent le printemps et l’automne ; le ciel est presque toujours couvert. Cependant l’été est, en général , assez sec ; les grands froids, comme les plus fortes chaleurs, y sont rares; peu d’orages éclatent au dessus ou dans les environs de la ville. 4 Température. — La température moyenne, pour toule l’année, à huit heures et demi du matin, est de 10° 24 centigr., le plus grand maximum 27,70 (juillet), le plus petit ; 8,50 (décembre). Les mois de décembre el de mai sont ceux où la différence entre les températures extrêmes, à l'heure indiquée, est la plus grande. Pour celle de midi, la température moyenne est de 12° 77, le plus grand maxi- mum de 30°, 60, et le plus petit de 4°. | Pesanteur de l'air. — À midi, la hauteur moyenne du mercure est de 0 m. 75,800 ; celle du mois de janvier, la plus forte, est de 0 m. 76,185; celle de mars, la plus faible , de 0 m. 75,269. Le maximum pour toute l’année est de 0 m. 77,785 (janvier), et le maximum de 0 m. 72,676 (février). Ces hauteurs du baromètre ont élé réduites à zéro de tempé- rature. Etat du ciel. — Les observations de midi ont donné : Beau temps. RE 0 PA ed LONQUEIS MO Temps plus ou moins Run ou nuageux. se. 249 59,8. Pluie plus ou moins forte, giboulées, Étuge neige... 72 19,7. Brouillard.......... Jos RO COLE MAeS C0 RUE 1,4. 366 100 Le mois de mai est celui où il y a le plus de beaux jours (14,6b.j., ou 45,2 sur 100). Les mois d’avril ou de septembre sont ceux où il y en a le moins (2,6 b. j. 6,7 sur 100 pour chacun d'eux). Vents.— Classés, d’après le nombre de jours où ils ont soufflé à midi, ils viennent dans l’ordre suivant : Sud-ouesl...:..::......:....... 88 jours 24 rotor A DSP AUS Nord :......... M anne etes .… 58 * 15,8 Nord-ouest.... ,...... M hd RES CA 14,8 Snoop disons ob 45 12,3 SU ES se eue PT. MU, BRAUN 36 9,8 Nord-est.........,... aol diner hetee E. 4,4 a ani ons ant irao re dcicls CCE à! 3 348 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Le mois d'avril est celui où le vent du nord souffle le plus souvent (43-jours sur 30. — 43,3 sur 100). Le mois de janvier, celui où le vent du sud règne le plus fréquemment (10 jours sur 31. — 32,3 sur 100). C’est le vent sud-est qui amène le plus de beaux jours, 18 sur 70. Le nord en compte 13 ; le sud, 11 ; le nord-est, 8; le sud-ouest, 7 ; le nord-ouest, 5, et l’ouest, 2. Le sud-ouest et l’ouest sont les vents que la pluie accompagne le plus souvent , puisque sur 71 jours de pluie, le premier en compte 21 et el second 19. Le vent à midi a été très-faible. ...,,.,.,,....,..: _39 jours 10,6 faihleses Ent Jos bare. 1890 32,8 de force moyenne. ...... ... 118 32,2 fort...... 1 éaps ds ds brecslté 20,2 très-fort..….... tb LE ess 6748 4,1 Le mois de mars est celui qui compte le plus grand nombre de jours où le vent a été fort ou très-fort ( 44 jours sur 31 , ou 38,8 sur 100); mai vient ensuite (12 jours sur 51, ou 38,8 sur 100); puis avril (10 jours sur 30, ou 33,3 sur 100). La direction sud-est est celle qui répond au plus grand nombre de jours de calme ou de vent très-faible (13 jours sur 39, ou 33,3 sur 100.) La direction ouest est celle qui correspond au plus grand nombre de vents très-forts ( 5 jours sur 15, ou 33,6 sur 100.) Les observations météorologiques auxquelles je me suis livré avec constance depuis 1830 jusqu’à l’époque actuelle inclusivement, m'ont également fait connaitre que les vents de nord-ouest et de sud sont fréquemment accompagnés de pluie, tandis que les autres rhumbs de vents coincident presque toujours avec du beau temps, si l’on excepte toutefois ceux d’ouest et de sud-ouest. On peut évaluer annuellement le nombre de : Beaux jours à......... Épade's so biéa da - 75 Depluies -Hahrgdane ls ditash : . 105, Re ui à 80 M Detemps.couvert..:.........0..0..1.0. 40007 De PIS Om cac -urerele sue sise snee HU Deanéle. em... cum eee NE Les environs de Rennes -sont généralement inégaux , enlrecoupés de collines, de côteaux , de landes, de bruyères, de forêts, ou plantés d'arbres nombreux ; on y remarque une foule de points marécageux. La basé du sol est granitique, mais recouverte de couches épaisses de schistes, au dessus desquels la terre végétale n’a presque partout que quelques pouces d'épaisseur, de manière que la terre est médiocre, et que la vébéfation ne s'y soutient qu'à la faveur de l'humidité de l’at- SEIZIÈME SESSION. 349 imosphère. Une couche d'argile assez profonde domine dans quelques cantons. ; Le territoire est presque partout consacré à la petite culture. Il ren- ferme plusieurs petits bassins calcaires trés-circonscrits. Je ne peux du reste, pour achever de bien faire connaître la conslitu- tion géologique du sol, non seulement pour les environs de Rennes, mais encore pour le reste du département, que renvoyer à l’Essai que J'ai publié dans le tome 8 des Annales des Mines, année 1835, sur la géologie et là minéralogie du département d'’Ille-et-Vilaine. Je renvoie aussi à la carte géologique et minéralogique de ce même département, gravée par Tardieu, et coloriée. Cette carte a élé publiée par la Société géologique de France, à qui je l’avais envoyée. Maladies régnantes. — J'ai remarqué que les chances de santé n’é- taient pas, à beaucoup près, toutes choses égales d’ailleurs, les mêmes pour louvrier qui gagne de bons salaires et pour celui qui ne peut ja- mais prétendre qu'à de faibles journées; pour celui dont le métier se fait en plein air et celui qui travaille dans des chambres ou des ateliers sonnel, et par la nature des maladies dont ils sont atteints. En effet, ce ‘sont En majorité des vieillards et des adulles ou des enfants affectés la plupart de scrofules, de dartres, de Cancers ou d'a utrés maux incu- SEIZIÈME SESSION. 367 rables qui ne sont pointtraités , surtout à l’hospice des Incurables, qui est-une annexe de l’Hospice général , et qui, situé loin de celui-ci, se ” trouve dans une position topographique des plus insalubres. La morta- lité y est d’environ 1 sur 5 pour les hommes, et de 1 sur 8 pour les femmes. Cependant le nombre de ces dernières y est presque le double: elles vivent donc plus vieilles que les premiers. Le nombre des lits est de 580 , et le coût de chaque malade, par jour, de 45 c. seulement. 3° A l'hôpital Saint-Yves, la mortalité est de 7 1/2, celle de la ville étant de 5 sur 100 habitants. Il est mal situé, trop vieux, malpropre, trop petit de moitié, car il faudrait qu’il püût contenir au moins 360 à 400 lits, c'est-à-dire un peu plus du centième de la population. En ou- tre il manque de salles pour les convalescents, de cours, de prome- noirs, de jardins où les malades puissent prendre l'air, de lingerie, de séchoirs, de matelasserie, de magasins, de salles pour. les femmes en couches. Il est donc urgent de le remplacer ; c’est aussi ce que l’admi- nistration va exécuter ; mais il est indispensable qu’elle appelle, pour choisir le meilleur emplacement, le mode de construction et d’aména- gement le plus convénable, des hommes compétents , c’est-à-dire une commission composée de médecins hygiénistes et d'architectes : par là elle évitera les fautes qui sont ordinairement commises lorsqu'on pro- cède autrement. . Le mouvement des malades y est ordinairement de deux mille et quelques cents par année. Dans l'hiver , on est obligé de monter vingt et quelques coucheltes supplémentaires, ce qui porte l’encombrement à l'extrême , vicie l’air des salles, ou les lits sont tellement rapprochés que. les malades son! loin d’avoir les six toises et demie cubes d'air à respirer, qui sont indiquées comme nécessaires. 4° A l’hospice Saint-Méen, qui renferme 285 lits, qui offre un mouve- ment. annuel d'environ 450 à 500 malades, outre sa population.fixe, la mortalité est de 0,50 en moyenne. Les teigneux et les galeux y tigu- rent pour la forte partie. Quant aux aliénés , leur nombre est de 228, ou plus ou moins variable. Le local est vaste, bien aéré, hors de la ville ou à l'extrémité d’un faubourg, sur l’un des points les plus élevés. Le prix moyen de la journée est d'environ 93 centimes. i «Ainsi , il.existe donc à Rennes cinq hôpitaux civils , contenant 1,650 lits et où il se fait chaque année un mouvement de 3,000 malades. - Ces divers hospices sont, 1° l'Hôtel-Dieu, dit Saint-Yves, destiné aux fiévreux, aux blessés et aux vénériennes ; 2° l’Hospice Général, aux vieillards et aux infirmes des deux sexes ; 3° les Incurables, aux dar- treux, aux scrofuleux et aux cancéreux ; 4° l’hospice des ‘Orphelins, aux enfants trouvés et abandonnés ; 5° enfin, celui de Saint-Méen, aux aliénés, aux épileptiques, aux leigneux et aux galeux. 368 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Ces établissements, liés par une même administration, se prêtent un secours mutuel. Ainsi, Saint-Méen fabrique du cidre et en livre à l’H6- pital Général. Celui-ci manutentionne tout le pain et le fournit aux au- tres. De son côté, l’Hôtel-Dieu a la pharmacie centrale , et tous les mé- dicaments y sont pris. Il me reste à parler de la Maison centrale de détention , qui reçoit les condamnés des départements d’Ille-et-Vilaine, du Morbihan, du Finistère, des Côtes-du-Nord, et qui contient 570 à 580 prisonniers. Sa- mortalité se balance annuellement entre 26'et 32, ou est d’un peu plus - du vingt-quatrième par rapport au chiffre des malades, qui varie de 6 à 700. ‘La population est composée d’un tiers de vieillards et de deux tiers d'individus jeunes ou dans la force de l’âge. Elle est ou était soumise à un travail quotidien ; elle est assez bien vêtue, mais son régime alimen- taire est peut-être un peu trop végétal. Le chiffre des décès y est donc moindre que dans les autres maisons centrales , où il meurt un homme Sur 46 , et une femme sur 26. La mortalité y est aussi moins grande que dans les bagnes, car, dans celui de Rochefort, elle est de 1 sur 11,51 , et dans celui de Brest, de 1 sur 27,00 : d'où la conclusion que, dans les unes et les autres , elle est de beaucoup supérieure à celle de la population libre, puisqu'en France, d’après l'Annuaire du bureau des longitudes , on ne comple qu’un décès sur 39,7 habitants. Les chances de mort , dans l’état de captivité, sont donc quatre fois rm per que dans celui de liberté. A l'Hôpital militaire., qui est composé d’un corps de logis principal pouvant contenir 320 lits, et d’un vieux bâliment attenant qu’on à ré- paré, ce qui a donné 150 lits de plus, et en élève le chiffre total à 470, et où le nombre habituel des malades varie de 100 à 450, la morta- lité est ,en moyenne, de 0,030 , ou minime sur un mouverent annuel de 2,000 quelques cents malades à prés de 3,000, fournis id partie par les jeunes recrues. En cherchant à s'expliquer pourquoi la mortalité est, en génétiti bien ” moins considérable dans les deux derniers établissements placés à Ren- nes, dont je viens de parler , que dans ceux purement civils, il faudra, outre l'avantage dont est pour le second une population d'hommes jeu- nes, choisis, et de promenoirs spacieux, tenir compte de l'interven- tion decisive des médecins militaires dans l'opération de la réception des denrées alimentaires, de l’efficacité de celle-ci sur la préparation des régimes ; en un mot, de leur important contrôle en tout ce h& we le-bien-être des malades. > li Pour le second, il faudra ‘également peser le bénéfice dela méatsites tion médicale s'imposant à tout ce qui regarde le vêtement , la literie, le chauffage , et'de la rigoureuse exécution des prescriplions médica- SEIZIÈME SESSION. 369 menteuses : car, ici, l'énergie et la vigueur de la population ne peuvent être invoquées , puisque le personnel de la Maison centrale de détention se compose d'hommes en majeure partie épuisés par la misère et sur- tout la débauche, ou par un séjour prolongé dans les prisons. Il offre d’ailleurs des hommes très-âgés, dans la proportion d’un tiers. Dans les hospices civils, au contraire, la part faite par les adminis- trations à l'intervention médicale est trop restreinte. Elles oublient com- bien l’habitude de l'observation imprime aux idées des médecins, même en dehors des choses de leur art, un cachet de justesse et de positi- visme, et rêgle la portée de leur coup-d’æil ; que leurs soins sont pres- que gratuits, leur contrôle désintéressé et leur dévoûment continuel. L'influence administrative déprime trop les deux éléments essentiels d'un hôpital, les malades et les médecins. Pour rendre ce travail, si difficile par l'insuffisance des sources aux- quelles j'ai été réduit à puiser, plus fructueux et plus complet, j'aurais voulu pouvoir suivre, à travers une longue suite d'années, les phases pathologiques d’une population circonscrite dans une même enceinte et subordonnée à l’action persévérante des mêmes agents extérieurs, no- ter les oscillations de la santé publique, décomposer les éléments de l'hérédité morbide , pouvoir étudier les transformations des maladies à travers les saisons , marquer sur chaque échelon de la société le mode et le niveau du travail pathogénique, et compter avec la mort pour faire sortir en chiffres funéraires les plus impérieux enseignements de l’hy- giène ; mais cette tâche, si utile et si vaste, m’a élé interdite par l’ab- sence de documents propres à la rendre possible. Ici se termine la lâche que je m'étais imposée. Elle a servi à enregis- trer une foule de faits dont se compose l'observalion, et qui , aidés de recherches statistiques ultérieures, deviendront de véritables instru- ments de progrès, fourniront un plus grand nombre de vérités, et amèëneront l’hygiène à l’état de science positive. La statistique, dont on a parfois abusé et dont les résultats ont pu être alors infidèles ou mensongers , en réglant mieux ses allures, jouera in- dubitablement un rôle important dans l'avenir, et prévaudra sur les es- prits sérieux pour se faire accepter comme une œuvre de travail pénible et difficile. Elle est encore, en effet, le meilleur instrument pour mesurer l'influence des localités, du régime, des professions, des âges , de la misère ou de l’aisance sur la durée de la vie humaine, et pour acquérir les notions les plus exactes. De nos jours, on s’est efforcé de donner une précision plus sévère à celle science, comme méthode; mais on n’a jamais prétendu en éloigner l'induction philosophique. Le point le plus difficile, c’est de sé procurer des faits bien observés, bien catégorisés, pour lui servir de base, ce qui ne laisse pas 1e de constituer une rude tâche. 310 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. H,ne faut pas s'étonner que l'utilité des recherches statistiques ait pu êlre mise en doute ; car, à toutes les époques , il y a toujours.eu lutte contre: les conquêtes nouvelles de l'esprit de progrès ; mais.-un.temps arriveoù ceux qui ont combattu avec le plus de violence sont obligés de se rendre. Les attaques ne sont donc que l’accomplissement des dures lois morales qui président à toutes les tentatives-de l’esprit hu- main. Il ne faut pas se décourager, mais continuer à s’avancer avec fer- meté dans la voie qui conduit à la vérité, M. le docteur Perrier demande à l’auteur du mémoire comment il explique la grande résistance chez les domes- tiques aux causes de mort. M. Toulmouche répond à cette demande en rappelant quelques déductions contenues dans son mémoire. Il répond aussi à une demande de M: Duchatellier, relative à la grande consommation de viande qui se fait à Rennes, d’après un relevé des droits perçus par l’administration des octrois. M. Duchatellier craint que l'augmentation de la popula- tion à Rennes ne soit factice, c’est-à-dire sans rapport avec l'augmentation des naissances; il pense qu'il serait bon de la comparer à celle du département. Dans le Finistère, dit- ‘il, l'accroissement a été de 62 à 63 pour 100 dans les villes, depuis le commencement du siècle jusqu’à 1844, et seu- lement de 17 à 49 dans les communes rurales. La vie moyenne n'y est que de 29 ans, tandis qu’elle est de 45 ans dans le département des Basses-Pyrénées. M. Ducha- tellier ajoute que le nombre des enfants.trouvés. s’est con- sidérablement élevé dans le Finisère; que la stérilité chez les femmes y est plus commune dans les campagnes.que dans les villes ; que la plus grande mortalité a lieu au mois de février. : M. Morrière demande si l'on se préoccupe plus à Rennes de l’lrygiène suivie dans les pensionnats qu’on ne le fait dans le département du Calvados , où les locaux consacrés aux écoles laissent tant à désirer sous le rapport de la so- lidité et. de la salubrité. T1 voudrait que les inspecteurs des écoles primaires fussent invités à user d’une grande, sur- veillance à cet égard. M. Duchatellier répond que, sous le SEIZIÈME SESSION. 371 rapport de l'hygiène, les établissements brétons ne méri- tent pas, en général, d’être distingués; ils ne sont guère appropriés au but qu’ils sont destinés à remplir. Des amé- liorations sont très-désirablés, et pour la santé des enfants, et pour le succès des études. La séance est levée à l'heure ordinaire. SHKE Sénnce du 6 Septembre 1549. L Présidence de M. BALLY. — M. TOULMOUCHE, Secrétaire, “Après la lecture et l'adoption du procès-verbal de la séance précédente, M. le Président communique une lettre de M. le docteur Priou, par laquelle ce dernier fait:con- naître les causes qui le rappellent à Nantes, qui l’obligent de renoncer aux séances du Congrès. Il prie ses collègues de l’excuser. A sa lettre se trouve jointe une note relative aux questions n° 11 et 43 du programme. : M. P. M. Roux fait hommage à la section des ouvrages suivanis : Dix volumes de l’Observateur des sciences médi- cales, qu'il a rédigés et publiés; Recueil des travaux de la Faculté de médecine de Marseille, dont il était secrétaire- général ; Bulletin de la même Faculté, 1re, %, 3 et 4° an- nées; Rapport sur les travaux du comité médical des Bou- ches-du-Rhône ; Circulaire de la commission permanente de la section des sciences médicales de la xiv° Session aux mé- decins français. M. Toulmouche fait aussi php 2 à la section des quatre mémoires qui ont été mentionnés dans le procès- verbal de la dernière séance générale du Congrès. 372 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. M. P. M. Roux obtient la parole pour une proposition. I fait connaître l’association des médecins du département des Bouches-du-Rhône, et lit la circulaire qu'ils ont adres- sée aux. médecins de la France. L'association a constitué trois commissions permanentes : la première, chargée de s'occuper de la réorganisation médicale ; là seconde, de la police médicale et de l'hygiène publique ; la troisième , de la distribulion de secours. Moyennant une cotisation de 50 c. par mois, l'association a recueilli une somme de 40,000 fr., qui produit 5 à 600 fr. d'intérêts, et permet ainsi d’adoucir la position de quelques médecins âgés ou malheureux. M. Roux propose à la section de nommer une commission permanente qui sera chargée de continuer l’œuvre commencée. La proposition est favorablement ac- cueillie, et la section désigne comme membres de la com- mission MM. les docteurs Toulmouche, Duval, Baudouin, Godefroy et M. Dilion, médecin vétérinaire. La suite de la discussion sur la maladie NN à l’ordre du jour. is : M. le docteur Bally, Président, développe quelques-uns des aphorismes compris dans le travail dont il a nt ‘ture dans la précédente séance. Ha on M. Lauger, capitaine de navire, demande si les médi - caments ne sont pas inutiles dans le choléra, et s’ils ne deviennent pas dangereux dans la période algide. M. Bally répond qu'ils peuvent devenir dangereux dans la période de réaction, bien qu’ils ne l’aient pas été auparavant. Il donne à cet égard une explication satisfaisante. M. Duval creit à l'utilité de l'introduction des médica- ments par exhalation, dans la maladie dont il s'agit; il cite un cas dans lequel l’'éther, inspiré très- fréquemment, sans discontinuation de l'emploi des moyens de réchauffe- ment, amena une réaction franche, suivie de guérison. M. Toulmouche dit que les idées qu'il s’élait faites , en 1832, sur Ja cause du choléra et sur la tes, à pré- SEIZIÈME SESSION. 373 férer, rentrent tout-à-fait dans celles qui ont été émises par M. Bally. La médication chloreuse par une triple voie, et surtout par celle du poumon, lui parut bonne, et il l’em- ploya trois fois avec succès. M. P. M. Roux fait observer que s’il a blâmé, dans la séance précédente, le mode de traitement adopté à Mar- seille, c’est à cause de l’abus qu’on y fit des stimulants de tous genres dans la période algide ou première de la mala- die, dans laquelle, au reste, lorsqu'il y avait absence du pouls et froid glacial, l’art était à peu près impuissant pour sauver le malade. L'emploi des potions éthérées et opiacées était trop généralisé. L'emploi du punch surtout aurait dû étre restreint, car le choléra, au premier degré, n’est pro- bablement qu’une phlegmasie qui s'étend dans tout le tube digestif. Quant à l’emploi du chlorure de sodium, M. Roux le regarde comme favorable , et il a eu lui-même recours à l’acide chlorydrique , à la dose de 8 grammes sur 250 grammes d’eau; il le faisait prendre par cuillerées dans des tisanes tempérantes, c'était ainsi un antiphlogistique, un antiseptique. (1) Sur l’observation faite par le même membre, que les mé- decins homéopathes ont prescrit l'inhalation, non seule- ment dans le choléra, mais encore dans des maladies très- différentes, M. Bally croit pouvoir assurer que les homéo- pathes ont à peine perdu la moitié des cholériques qu'ils traitaient , tandis que ce chiffre a été dépassé pour les mé- decins qui ont eu recours aux médications ordinaires. A (1) M. le docteur P. M. Roux, retourné à Marseille après la clôture du Congrès, a pu y étudier l’épidémie du choléra qui s’y est fait sentir vers la fin de 1849, et constater que les résultats des médications excitantes n’ont pas élé plus heureux que dans l’ancienne épidémie. Il se croit, par conséquent, bien fondé à persister dans l’opinion qu’il a émise au Congres de Rennes. LE A 48 374 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. cette occasion , M. Piard , de La Guerche, dit qu'il y au- rait une sorte de danger à mettre le public dans la confi- dence d’aveux aussi tristes. M. Baudouin déclare que la phlegmasie de tout le tube digestif, admise par M. P. M. Roux, est loin de lui être démontrée ; il n’en voit pas une preuve dans le fait avancé que les antiphlogistiques ont presque loujours réussi. M. Toulmouche, de son côté, conteste la phlegmasie en question ; il prend ses arguments dans les résultats négatifs que Jui ont fournis la symptomatologie et l'anatomie pa- thologique. M. Roux répond qu'il n'a entendu parler que du ré vrit à la première période; que les objections seraient fondées s’il avait parlé de la période suivante, car alors ea altéra- tions sont bien différentes. M. Bally. dit que les ouvertures de cadavres de choléri- ques, faites par lui à l” Hôtel-Dieu de Paris en 4832, l'ont mis à lieu de démontrer que jamais, dans la maladie dont il s’agit , il n’y a de phlegmasie ; qu’il y a seulement une simple rougeur par stase sanguine , due à l’inertie de l'or- gane. Il ajoute que, dans la cholérine, il a guéri presque tous ses malades de la ville, lorsqu'il avait été appelé dans les premières heures de l’irruption du mal ou dès qu’une indisposition légère, comme douleur à l'épigastre, faible diarrhée, s'était déclarée ; et, pour cela, il se bornait à des boissons abondantes, chaudes, et à la mise au lit pour trois jours. Chargé par l’Académie nationale de médecine d’une mission dans le Nord, pour y constater la présence du cho- _léra, il vit à Dünkerque un praticien distingué employer les vomitifs de manière à entretenirles vomissements pen- dant une journée entière, et le faire avec un succès tel, qu'il empêchait chez le plus grand nombre de ses maladès le.-développement de la période algide. M. Bally termine ses-observations en disant que, dans tous les lieux.oùla suette s’est fait voir en même temps que le-choléraseeux SEIZIÈME SESSION. , 315 qui éprouvaient la première maladie avaient une véritable immunité relativement à la seconde. La séance est levée à trois heures. Séance du % Septembre 1849. Présidence de M. BALLY. — M. TOULMOUCHE, Secrétaire. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. L'ordre du jour appelle la onzième question du program- me, qui est ainsi conçue : « Que faudrait-il instituer pour » mettre à exécution, au moins d’une manière équivalente, » l’art. 77 du Code civil, qui prescrit à l'officier de l’état » civil de ne délivrer l'autorisation d’inhumer qu'après s’ê- > tre transporté auprès de la personne décédée ? » M. Toulmouche, après avoir lu une note sur la question, note due à M. le docteur Priou, de Nantes, émet l’opinion suivante : Tout le monde reconnait que le mode prescrit par la loi pour la vérification des décès est inexécutable, au moins dans la plupart des localités. Il est constant aussi que la déclaration de chaque décès par deux témoins, parents ou voisins, est une simple formalité qui ne saurait prévenir une méprise. Il importe donc que l'administration puisse déléguer le soin de vérifier les décès à une personne ca- pable de les constater. Il devrait être défendu d’inhumer avant la présentation d’un certificat de médecin, constatant le. décès et en indiquant l'époque. La disposition réglemen- taire qui suit pourrait être formulée pour l'administration des villes, et serait utilement adoptée à Rennes : 376 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. «On ne délivrera de permis d’inhumation que sur un certificat de décès rédigé, après visite du cadavre faite en présence ou non de l'officier civil, par un médecin désigné par la famille du décédé ou institué pour cette fonction par l’administration municipale. » M. Baudouin dit qu’une telle mesure est d’autant plus désirable, que les personnes admises à faire la déclaration de décès ne sont pas toujours des parents ou des voisins. Il ajoute que la déclaration est souvent faite deux ou trois heures après la mort, et que la mort ne devrait pas être aussi promptement constatée. M. Dillon pense que la mesure demandée pour les villes doit aussi être demandée pour les communes rurales. M. Baily fait ressortir le danger de la coutume qui porte à couvrir promptement la figure de la personne que l’on . croit morte et qui peut ne pas l’être. Cette manière.d’ agir peut produire l’asphyxie. Il faudrait, au moins, n'employer qu'un voile de gaze. M. Feuillet demande que la section émette un vœu rela- tivement à la constatation des décès. En Allemagne et en Angleterre, dit-il, les décès sont constatés par la déclara- tion d’un homme de F'art. La section émet le vœu qu’on établisse à Rennes des mé- decins chargés de constater les décès, comme cela existe dans quelques villes de France, notamment à Marseille. M. le Président met en discussion la treizième question, celle-ci : « L'art vétérinaire commence-t-il à triompher, en » Bretagne, des préjugés et des erreurs? Quelles mesures » législatives pourraient être prises contre l’empirisme ? » M. Dillon, ancien médecin vétérinaire au 43° régiment d'artillerie, obtient la parole. Après avoir présenté quelques observations générales sur la pratique de l’ art vétérinaire et fait des remarques très-curieuses sur les moyens de char- latanisme employés dans les campagnes, il lit le mémoire suivant, qui est écouté avec un intérêt très-marqué : | SEIZIÈME SESSION. 377 Veuillez, Messieurs, m’accorder pendant quelques minutes votre bien- veillante attention et toute votre indulgence, en considération de l’in- térêt si grand attaché à la solution de la question proposée. Pour en résoudre la première partie, il me parait utile de jeter un coup-d’œil rapide sur les causes qui, relativement à la médecine vété- rinaire, ont permis aux préjugés et aux erreurs de naître, de se déve- lopper et de persister pour la plupart jusqu’à ce jour. Les préjugés et les erreurs qui s’opposent encore à ce que la médecine vétérinaire rende en Bretagne tous les services que l’on a le droit d’en attendre, sont à peu prés les mêmes que ceux que l’on remarque dans les autres contrées de France. Infiniment plus nombreux autrefois, leur origine remonte à une haute antiquilé. A l’époque éloignée et incertaine de la riche et glorieuse conquête de l’homme sur les animaux, la médecine vétérinaire fut long-temps confondue avec la médecine humaine. Hippocrate ne dédaignait pas d'appliquer lui-même les secours de l’art de guérir aux animaux domestiques ; la main qui donnait des soins à l’homme malade , était aussi appelée à remplir le même office à l'égard des animaux. L’art de guérir, à cette époque, était 4»; il n’y avait de différence que dans l’application. Mais bientôt le champ des connaissances s’agrandit, et les hommes qui cultivaient la médecine ne tardèrent pas aussi à s’occuper plus spé- cialenent de la médecine humaine , et enfin à abandonner la médecine vétérinaire. Délaissée par les médecins , cette branche si importante de l'art de guérir tomba dans l'isolement le plus complet, resta station- naire pendant une longue suite de siècles ; tandis que la médecine hu- maine , tour à tour exercée par les hommes les plus savants ou les plus révérés, comme prêtres voués au culte de la divinité, faisait des pro- grès plus ou moins rapides, l’art vétérinaire tombait insensiblement dans une sorte de torpeur et même d’avilissement. Il devenait la proie des méges , sorciers , devins et charlatans de toute espèce qui , sous le nom de guérisseurs , joignaient à une ignorance grossière le plus effronté cynisme. Des secrets nombreux, des amulettes fameuses, quelques rares pratiques altérées et devenues méconnaissables, transmises soit par une tradition erronée, soit par une fausse imitation, composaient tout leur bagage prétendu scientifique. Grâce à ces hommes, la médecine vétérinaire demeura en quelque sorte si bien ensevelie, pendant quelques périodes d’années, au milieu de cet amas informe de préjugés et d’erreurs, que son existence même püût être mise en doute. Pendant ce temps, des épizoolies meurtrières décimaient où plutôt détruisaient les plus vigoureux soutiens de Fagricullure, et, privant d’un autre côté les armées de leur précieuse cavalerie, rappelaient quel- 3178. CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. quefois aux chefs des peuples de ces temps de barbarie qu'il pouvait et qu'il devait même exister une médecine pour les animaux, AUS il y en avait une pour les hommes. Enfin, vers le moyen-âge, des artisans qui pe des fers sous les pieds des chevaux s'érigèrent insensiblement en médecins de ces précieux quadrupèdes ; mais celle espèce d’immixtion des maré- chaux dans l’exercice de la médecine vétérinaire fut loin d’être avanta- geuse à l’art, sous le rapport de la théorie et de la pratique. Les méges, les devins, les sorciers, les charlatans de toutes les couleurs disaient des paroles , faisaient des invocations, administraient mystérieusement des substances inertes, exploitaient enfin de mille manières la crédulité humaine. Mais, s'ils n'opposaient pas aux maladies des moyensefficaces, au moins ils ne les aggravaient pas, et la nature, quelquefois si puis- sante , libre de ses actions, procurait souvent,la guérison des malades; tandis que les maréchaux-ferrantis , par des opérations aussi inutiles que barbares, par des traitements aussi absurdes que dangereux , an- nihilaient les efforts dela nature , et rendaient le plus souvent les mala- dies graves ou incurables ; de sorte que le malade, pour obtenir sa gué- rison, avait plus à lutter quelquefois contre son prétendu médecin que contre sa maladie. Pour s’être institués médecins des chevaux et bientôt de tous lesau- tres animaux domestiques , les maréchaux, sous le rapport de l’igno- rance et des préjugés, ne le cédaient en rien aux hommes qui les avaient précédés ; seulement , plus bardis et plus imprudents , ils soumettaient impitoyablement , ainsi que je viens de le dire , les malheureux, euimaux à-des opérations plus cruelles et à de violents traitements. Vous le voyez, Messieurs , à dater du moment où la médecine vétéri- naire se trouva séparée de la médecine humaine, elle cessa en quelque sorte d'exister, non sans préjudice même pour la médecine humaine. Plus tard , vers'le moyen-âge et depuis cette époque , les maréchaux, en-cherchant à exercer la profession vétérinaire , n’ont fait, le plus sou- vent, que substituer à des secrets, à des amulettes , à des invocalions, à des pratiques ridicules et superstitieuses , mais insignifiantes-et.inof- fensives , de prétendus médicaments énergiques, qui ne produisaient le plus souvent que des empoisonnements , et des opérations opus qui entraînaient presque toujours la perte des malades. : " De temps en temps, quelques hommes d’un ordre plus élevé tenté rent, il est vrai, de soustraire la médecine vétérinaire à l’empire.de celte profonde et cruelle ignorance ; mais les uns, étrangers à la pra- tique de l’art de guérir , les autres, versés dans l’exercice de la méde- cine humaine, mais dépourvus de connaissances suffisantes d'anatomie comparée, de physiologie et d'anatomie pathologique, se copièrent ser- vilement les uns les autres, et continuërent de transmettre celte foule SEIZIÈME SESSION. 379 d'erreurs et de préjugés, d'autant plus difficiles à vaincre et à déraciner dans les campagnes, et même dans les villes, qu’ils paraissaient éma- ner d'hommes dont le nom faisait autorité dans les sciences. C’est dans cet état de misère et d’appauvrissement, sous le rapport scientifique ; qu'était tombée la médecine vétérinaire , lorsque tout-à-coup , vers le milieu du siècle dernier, un écuyer célèbre, l’illustre Bourgelat, en pré- sence des épizooties de plus en plus cruelles qui détruisaient périodi- quement et en grande partie les animaux domestiques, non seulement de la France, mais du reste de l'Europe, entrainé par le plus ardent pa- triotisme , vint jeter les fondements des Ecoles vétérinaires de Lyon et d’Alfort. La médecine des animaux, sous la vigoureuse impulsion que lui im- prima cet homme si remarquable, brisa les chaînes de l’empirisme , sorlit de lornière de J'aveugle et grossière routine, et eut même assez de force, dès le premier instant, pour secouer les préjugés empruntés à la vieille médecine humaine; puis, en dépit d’une folle jalousie de haut et de bas étage, elle vint prendre, enfin, sinon dans le monde , aù moins au milieu des sciences, la place qui lui appartenait. Depuis ce moment, les préjugés et les erreurs de toute espèce, vi- goureusement poursuivis par les disciples de Bourgelat, sont. devenus chaque jour moins nombreux. Tout fait espérer que instruction, en pé- nétrant insensiblement dans les masses, en rendra tôl ou tard la de- struction aussi facile que complète. , D'un autre côté, les bienfaits que la médecine vétérinaire ne cesse de répandre n’ont. pas peu contribué, jusqu'à ce jour, à diminuer le nom- bre’et la force des erreurs et. des préjugés , en propageant, en Bretagne, commedans d’autres contrées, les connaissances médicales vétérinaires. On observe aujourd’hui que quelques-uns de ces hommes, qui, sans avoir reçu dans les écoles une instruction spéciale, cherchent à se livrer à l’exercice de cette profession, sont loin d’être aussi complètement igno- rants que leurs devanciers. Ils possèdent maintenant quelques notions . sur l'hygiène, quelques bonnes méthodes de traitements pour les mala- dies les plus ordinaires et les plus faciles à saisir ; ils ont même appris à connaitre quelques procédés opératoires simples et raisonnés. Mais, s’il en est ainsi pour quelques-uns des empiriques , il n’en est pas moins vrai que l’on trouve encore dans ce moment en Bretagne, et même sous les murs de Rennes, des hommes qui lèvent des-sortsioulles déjouent ; qui prétendent guérir les maladies par des paroles magiques oupar des conjurations; d’autres , et ce sont principalement les maré- chaux-ferrants, dans le cas de colique, meurtrissent encore les glandes parotidiennes , en. les saisissant avec des:tricoises et. en: les frappant avec le manche d’un brochoir ou avec tout autre instrument. C’est ce qu'ils appellent dans leur langage presque inintelligible : Battre les 380 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. avives! Ceux-ci, pour faire cesser l’inappétence, brülent la buccale près des incisives de la mâchoire supérieure, ou s’exposent à ouvrir l'artère palatine, en voulant faire une saignée locale ; ceux-là torturent un malheureux cheval boiteux en le contraignant, dans sa marche, à ne prendre son point d'appui que sur le membre malade, et ils disent qu'ils l'ont fait nager à sec; d’autres, pour soulager le cheval pous- sif ,affichent la plus profonde ignorance , en pratiquant l’opération si ridicule du rossignol. I] serait sans doute beaucoup trop long, quoique peut-être trés-utile, de consigner ici toutes les erreurs , tous les préju- gés, toutes les prétendues médications et opérations ridicules et sou- vent funestes de certains maréchaux et guérisseurs ; mais il suffit de constater que ces hommes, principalement tous les maréchaux-ferrants, n'hésitent presque jamais à pratiquer les opérations les plus graves et lesplus difficiles, dans le seul but de cacher leur ignorance et de se faire passer pour habiles dans eur art. L'exercice de la médecine vétérinaire n’est pour eux qu’un moyen facile de se procurer de l'argent et de satisfaire leur amour-propre. L'intérêt de la science et le désir d’être utile ne leur servent point de mobile. * On trouve donc aujourd’hui, comme il y 3 un demi-siècle, dans Rennes et dans tout le reste de la Bretagne, à peu près les mêmes préjugés, les mêmes pratiques vicieuses répandues parmi le plus grand nombre de maréchaux et de ces prétendus guérisseurs qui exercent la médecine vélérinaire dans les campagnes. Cependant, en soumettant à un examen sévère, mais impartial, les procédés opératoires et les traitements dont quelques-uns d’entre eux font usage pour combattre certaines maladies, on reconnait qu'il serait possible d'amener promptement et assez faci- lement ces hommes à rendre de très-grands services, tout en les met- tant dans l'impossibilité de faire autant de mal qu'ils en font aujourd'hui. On pourrait ainsi, dans un bref délai, faire disparaitre insensiblement tous les préjugés et les erreurs qui existent. Il su:fit, pour obtenir ce résultat, de jeler, pour ainsi dire, au milieu des empiriques des bran- . dons d’une discorde incessante , en intéressant une partie d’entre eux à la destruction de l’autre. Les éléments de l’empirisme n’ont pas assez de cohésion pour qu'ils ne puissent pas s'entrechoquer et se détruireles unspar les auires.\ k - Parmi les empiriques qui exploitent celte contrée, ceux que je viens d'indiquer plus haut sont seuls susceptibles d’être ulilisés en l'absence des vétérinaires; les autres n'ont aucune connaissance, même superf- cielle , en médecine : ce ne sont que des charlatans ou devins, cent fois plus redoutables pour les malades que les maladies elles-mêmes , ét qui devraient être mis dans l'impossibilité de se jouer aussi indignement de la crédulité publique, dût-on leur faire sentir les effets d'une juste SEIZIÈME SESSION. 381 sévérité. N'est-il pas temps que les intérêts de la société toute entière ne soient plus abandonnés à leur te ignorance et à leur insaliable ra- pacité ? - En accordant aux premiers, après un examen préalable subi devant un jury médical, une autorisation d'exercer la médecine vétérinaire, sous le contrôle et la direction même de ce jury, d’une part, on stimu- lerait au plus haut degré leur amour-propre, en les élevant bien au des- sus de ceux avec lesquels ils étaient naguère confondus, et, de l’autre, ils éprouveraient le besoin de s’instruire de plus en plus près des vété- rmaires, afin de pouvoir parvenir à commettre le moins de fautes pos- sible dans le traitement des animaux qui leur seraient confiés, et surtout afin de ne pas se voir retirer une autorisation pour l'obtention de la- quelle ils auraient été obligés de subir un éxamen. Pleins de zèle et de reconnaissance, ils propageraient bientôt dans les campagnes de véritables principes d'hygiène, et feraient eux-mêmes bon marché des préjugés et des erreurs qu’on leur signalerait comme devant disparaitre. . A dater de ce moment, l’empirisme ne serait pas encore enlièrement détruit, mais, sapé par sa base, il perdrait considérablement de sa force et ne tarderait pas à s’écrouler, car les hommes qui sont dans ce moment ses plus fermes soutiens seraient les premiers, dans leur i in- intérêt, à provoquer sa chute. Tous ces dangereux empiriques, au contraire , qui, par leur igno: rance grossière et leur inaptitude à pratiquer les plus simples opéra- tions chirurgicales , n'auraient pas été jugés dignes d'obtenir célte pré- cieuse autorisation, se trouveraient: dé; à , par le fait même de cette exclusion, signalés comme complètement incapables. Ils: perdraient promptement tout leur prestige aux. yeux des populations, et disparai- traient pour toujours devant le mépris public. D'un autre côté, les vélérinaires reconnaissent eux-mêmes qu ils ne sont pas encore assez nombreux pour pouvoir prescrire et diriger seuls aujourd’hui les traitements de tous les animaux malades. Dans l'intérêt général, il devient donc rigoureusement indispensable de choisir, parmi les empiriques , les hommes qui pourraient donner sans danger les pre. - miers soins aux malades, de manière cependant à ne jamais en aggraver les affections, soit par des traitements trop difficiles à établir et à exé. cuter, soit par des opérations majeures, dont la: réussite , entre des mains inhabiles , ne pourrait être due qu ’au hasard. : Ces hommes, ainsi constitués aides, ou en quelque sorte devenus demi-vétérinaires , ne manqueraient pas de chercher à s’instruire de plus en plus, au lieu dé s’abandonner à des sentiments de haine et de jalou- sie envers les vétérinaires. Ceux-ci, de leur côté, mériteraient chaque Jour de plus en plus leur reconnaissance , puisqu'ils leur enseigneraient TE. 49 382 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. à chaque instant les meilleurs moyens de conserver des: animaux dont - Ja’santé est d’autant-plus précieuse qu’ils sont souvent la seule richesse du cultivateur. Cette espèce de lriage, appliqué avec précaution et dibéeréhont à la classe sivariée et si nombreuse des empiriques; cette grande, mais justedislinction faite parmi eux, ne serait-pas sans exercer la plustheu- reuse influence, même sur les vétérinaires, puisqu'elle les-obligerait , si c'était nécessaire , à devenir de plus en plus instruits. L’abandon dans lequel on les laisse végéter n’existerait plus ; il ne leur ferait plus perdre de vue qu’en médecine l’homme qui sait le plus a encore beaucoup à apprendre, et qu’il n'est-pas permis à celui qui cullive une. science de faire un temps d'arrêt, sans s'exposer peut-être. à FAURE ou ‘ au moins à être dépassé. Les vétérinaires, convaincus qu’on a enfin cessé de les atstaiis avec des hommes dont trop souvent la moralité est aussi nulle que l'igno- rance est grande , feraient tous de nouveaux efforts pour que l’instruc- tion , qu’ils ont si chèrement achetée dans les écoles, tournât complè* tement au profit des contrées qu’ils habitent. Mais aujourd’hui, regar- dés comme de simples guérisseurs, ne sont-ils pas réduits-awrôle aussi borné que modeste de médecins et chirurgiens des animaux domesti- ques , sans jamais être chargés de prescrire et de diriger l'hygiène de ‘ces animaux ? Le bien qu'ils font est-il en rapport avec l'importance des services qu'ils pourraient rendre? Privés de toute espèce d’encou- ragement, et, disons-le, presque de considération, si ce n’est aux yeux des hommes qui cultivent les sciences, peut-on supposer que les vété- rinaires , perdus au milieu de celte cohüe d'empiriques de toutes les couleurs, ne se laisseront pas enfin aller insensiblement à un découra- gement funeste, et qu’ils ne se dégoüteront pas toul-à-fail de l'exercice même de leur belle et si utile profession? Il devient difficile de le croire. Tôt ou tard le courage fait défaut à qui combat, s'il n’a l'espoir de vaincre. Quelque grand que soit l'amour de la science, on finit souvent par se repentir un jour d’avoir sacrifié, pour acquérir un diplôme de. vétérinaire, une partie de son patrimoine et les plus belles années de, sa vie, sans profit pour soi et sans avantage pour ses concitoyens. En ordonnant, au contraire , par une loi, ou même par un arrêté de préfecture, l’exéculion des mesures que je vais indiquer, on réguülarise- rait, d'une part, au profit de tout le monde, la posilion des empiriques les moins ignorants , on les forcerait à devenir moins dangereux , et, de . l’autre, on rallumerait chez les vétérinaires le zèle qui commence à dis- paraitre ; enfin, leur profession, délivrée ainsi des étreintes funestes de. l'empirisme, serait recherchée avant peu par celte foule de: jeunes gens si désireux, mais si peu sûrs de devenir d’utiles citoyens. ga" Par lout ce qui précède, on doit voir maintenant que cet élat de SEIZIÈME SESSION. 383 choses ne peut exister plus long-temps, si l’on ne veut que les dépenses nécessaires pour agrandir.etentrétenir chaque année les établissements vétérinaires ne soient tout-à-fait perdues ; si lon ne veut qu'’il:en soit ainsi de l’argent employé par l'Etat et parles parents pour l'instruction et l'entretien des élèves ; si l’on ne veut, enfin, que le diplôme de vé- térinaire cesse d’être:une cause conlinuelle et incessante d’amères dé- ceptions-et de dégoûts pour celui qui l'a-obtenu-par son.travail et payé de son argent. ; Les dépenses considérables failes par l’Etatpour l’instruction des vé- térinaires , les sacrifices souvent très-grands que s'imposent leurs fa- ‘milles, les peines, les privalions et.les travaux auxquels ils se sou- mettent pendant quatre années d’élude, pour obtenir leur diplôme ; des services nombreux et-importants qu’ils.peuvent rendre.à l’agriculture, sonten, .effet,.des considérations trop puissantes pour laisser subsister l'état actuel des choses; disons plus, il y aurait ici-tout à la fois incurie et déni de justice. Il est donc temps, et plus sérieusement indispensable qu’on ne le -pense, d'organiser l'exercice de la médecine vétérinaire , en utilisant «enfin, par un.classement judicieux , leshommes qui-possèdent les con- naissances. médicales vétérinaires plus ou moins étendues. F Dans ce-but, il devient rigoureusement nécessaire : 1° De défendre à qui que ce soit d'exercer la profession vétérinaire, s’il n’est.muni d’un.diplôme ou d'une aulorisation délivrée par un-jury médical, ê 2° D’établir. dans chaque département une commission , nommée par ‘M: le préfet et composée d’un docteur en médecine, d’un agriculteur et de trois vétérinaires, chargée de faire subir un examen, plutôt pratique que théorique, à tous les hommes qui exercent.illégalement la -méde- cine vétérinaire, dans le but de constater leurs capacités et leurs con- naissances pratiques, el de leur délivrer ou non l'autorisation d'exercer Jlamédecine vétérinaire, sous la surveillance des vétérinaires domiciliés dans le département et sous le contrôle spécial de la commission d’exa- men. 5° Les décisions prises par cette commission seraient soumises à l'ap- probalion du conseil de préfecture, et maintenues comme des arrêtés pris par M. le préfet. -4° Cette commission staluerait sur (outes les contestations qui pour- raient surgir entre les hommes qui exerceraient la médecine vélérinaire, relativement aux prix des visites, voyages et traitements , et sur toutes les réclamations qui pourraient s'élever entre les vétérinaires et les hommes récemment aulorisés, par celle même commission, à exercer la médecine vétérinaire. 5" Celle commission se ferait rendre un compte exact de toutes tes 384 | CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. maladies qui, dans chaque localité , alteindraient, dans un bref délai, un plus ou moins grand nombre d'animaux. Elle seraïl-instruite des moyens employés pour combattre ces affectiens, et, sielle lejugeait né- cessaire au bien du service, elle prescrirait elle-même lestraitementset les mesures prophylactiques qu’elle croirait convenables. ». « 6° Enfin, elle serait chargée de tout ce qui aurait rapport aux épi- zoolies et maladies contagieuses qui pourraient sé développer ou être importées dans le département ; elle rédigerait, en outre des’instruc- tions sur l’hygiène de nos animaux domestiques et l'amélioration de leurs races. : . l #1 - Tels sont les moyens, aussi simples que certains, de détruire peu à peu l'empirisme, et de faire tourner au profit de la société l’instruc- tion des vélérinaires et les connaissances que possèdent quelques hom- mes parmi les empiriques. A dater de ce moment , l’exercice de la mé- decine vétérinaire serait organisé, et le règne des devins, sorciers, charlatans et ignorants de loutes espèces serait terminé ou bien près de finir. Pour oblenir ce résultat siimportant sera-t-il besoin d'attendre peut- être encore pendant un demi-siècle, pour voir décréler comme loi, par une Assemblée législative, une partie ou la totalité des mesures que je viens d'indiquer ? Heureusement cela ne parait pas indispensable: Disons ici toute la vérité : au milieu de l'immense tourbillon politique qui, de- puis si long-temps, emporte avec une rapidilé presque effrayante les hommes chargés de veiller aux plus pressants besoins de l’époque, les intérêts agricoles disparaissent, ainsi que tout ce qui s’y rattache. Les hommes d'Etat n’oublient pas sans doute l'agriculture, ils’savent trop bien que la force, la richesse et le bien-être général de la nalion ne peu- vent exister que par elle ; mais les graves et si importantes affaires qui, chaque jour et à chaque instant, absorbent toute leur attention, ne leur permettront peut-être bientôt plus de s’occuper de l’agriculture et de ce qui y a rapport que juste au moment où la crainte de la famine me- nacera de déterminer , encore une fois, une sorte de fermentation parmi le peuple des villes, ou bien lorsque les travaux agricoles seront sur le point d’être forcément interrompus par suite des ravages d’une-ma- ladie épizoolique ? \ à ÊT dur Dans l’une ou dans l’autre de ces deux graves circonstances, ‘on pen- sera peul-êlre sérieusement à faire quelque chose pour l’agriculture; et, nous devons l’espérer , le.grand Sully aura probablement alors de nom- breux #mitateurs; mais, aujourd’hui, les maux que l’agriculture éprouve ne peuvent être soulagés el guéris que par les hommes qui peuvent euz- mêmes les voir de près et en apprécier loute l'étendue et la gravité: Du resle, à part les malheurs occasionés par les épizooties ,:si lesiperles ordinaires. des animaux domestiques tendent à abaisser.plus ousmoins SEIZIÈME SESSION. 385 lerchiffre de la fortunepublique, on conviendra sans peine que ces per- tes seront toujours bien plus sensibles pour le pays où elles auront eu lieu que pour l'Elat. Il n’est pas indifférent, sans doute, pour le Gou- vernement, que quelques centaines d'animaux disparaissent dans une contrée, par suile de maladies sporadiques, ou même euzooliques ;. mais il est loin d’y avoir le même intérêt que les localités dans lesquelles les sinistres se sont fait remarquer. ‘ La ruine ou la gêne qu’éprouvent tout-à-coup plusieurs habitants d’une commune ou d’un canton cause toujours , de proche en proche, un préjudice très-considérable à un grand nombre de personnes , sans que pour cela le Gouvernement ait lieu de s’en apercevoir. Mais , parce que ces malheurs n’existent que dans quelques localités peu étendues, parce qu’ils n’entraînent la ruine que de quelques familles, et par suite la gène chez beaucoup d’autres, cessent -ils pour ces motifs d’être graves ? et parce qu’il est impossible aux hommes qui tiennent en main les rênes du Gouvernement de connaître et d'apprécier toutes les cala- mités qui, partiellement , affligent et désolent les habitants des campa- gnes, les administrations départementales, témoins oculaires des pertes en bestiaux que les cultivateurs éprouvent chaque jour, par suite de prétendus traitements d’une foule de charlatans et de médicastres, doi- vent-elles ne pas saisir les moyens d’y portér remède? S Ne serait-ce pas, au milieu du xx° siècle, délivrer tacitement à l'em- pirisme un nouveau brevet de longue vie, et nier, avec autant d’obsti- nation que d’aveuglement, les progrès et les bienfaits de la science ? Les administrations départementales ne sont-elles pas naturellement, et pour le plus grand bien de l'Etat lui-même, spécialement chargées de la belle et importante mission de surveiller et de protéger les intérêts de leurs administrés, sans qu’elles puissent se rendre coupables d'un : petit péché d’offense envers la centralisation administrative? - Aussi , à défaut et dans l’élernelle attente des lois spéciales, nous es- pérons encore que les administralions supérieures des déparlements donneront de nouvelles preuves de leur sollicitude pour tout ce qui tient à l’agriculture, en approuvant et en rendant enfin exéculoires des mesures propres à détruire l’empirisme , surtout-si ces mesures , Mes. sieurs, sont favorablement accueillies par vous, et recoivent l’appro- bation si éclairée et si précieuse du Congrès scientifique. Une note de M. Priou , lue par M. Toulmouche, Secré- taire, et les observations présentées par ce dernier, par M. Feuillet et par quelques autres membres, viennent con- firmer l’opinion émise et développée par M. Dillon. L'em- pirisme est encore très-puissant, et des mesures législa- tives sont nécessaires pour en arrêter les fâcheux effets. 386 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Des moyens assez simples de détruire l’empirisme sont énoncés dans un écrit non signé adressé à la section. L’au- teur paraît appartenir à l'arrondissement de Vitré, Ille-et- Vilaine. e L’empirisme ne disparaîtra dans nos campagnes ‘que le jour où la force des choses et l’encouragement donné par l'Etat êt le département auront doté chaque canton d’un médecin-vélérinaire, comme ils en ont déjà doté chaque arrondissement. Alors le vétérinaire établi au chef-lieu du canton, n’étant éloigné que de quelques heures de l’épidémie ou de l’animal malade , sera de suite - appelé, de préférence à l’empirique. Ce dérnier, utile, nécessaire même dans l’état actuel des choses , serait amené nécessairement à n’être que le manœuvre du vétérinaire, el remplirait dans cette partie l’office du garde-malade dans la médecine humaine ; il aurait, comme ce dérnier, des opérations à faire sous la direction du médecin; il resterail hon- greur, maréchal, etc. Ce jour-là, l'art vétérinaire aura triomphé en Bretagne des préjugés et des erreurs. | : | Les mesures législatives à prendre pour arriver à ce but doivent com- prendre, entre autres,,un encouragement donné au vétérinaire qui,s’é- tablira au chef-lieu d’un canton. Cet encouragement serait créé au moyen d’une allocation communale, cantonale, départementale et nationale. Gette allocation existe déjà en partie: une subvention:est accordée aux comices agricoles cantonaux; il ne s'agit que d'en étendre l’applica- tion et d’en augmenter les. fonds , en y appelant les communeset, les comices , afin que le vétérinaire ait sa part dans les primes accordées. ‘à l'amélioration de l’agriculture. La décision de M. le ministre de l’agriculture et du commerce, en date du 7 avril 1841, concernant les certificats à délivrer pour perte de-bes- liaux par suite d’épizoolie, dispense de |’ altestation d’un vétérinaire.bre- velé , lorsqu'il n’en existe pas dans un rayon de 8 kilomètres autour.de l'habitation où l’épizootie aura régné : il convient donc d'encourager l'établissement d'un vétérinaire breveté dans un rayon de 8 kilomètres, Le vétérinaire de l'arrondissement de Vitré avait proposé à l’adminis- ration dés chefs-lieux de canton de l'arrondissement de setransporter deux fois par mois, à jour fixe, à ce chef-lieu, et de n’exiger de frais de déplacement qu’à partir de ce chef-lieu; mais les conseils munici- paux devaient lui assurer une prime très-minime , par exemple 100 fr. par an. Celle demande fut appuyée par plusieurs membres; mais l'in- convénient de l'éloignement et du jour fixé, que n’attend pas la‘maladie, fit avorler le projet. L’inconvénient se trouve levé par l'établissement SEIZIÈME : SESSION. 387 d’ün vétérinaire au chef-lieu de canton:,-et:la bonne volonté. des con- seils municipaux reste. La séance est levée à trois heures. Séance du S Septembre 1549: + Présidence de M. BALLY. — M. TOULMOUCHE, Secrétaire. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. M. le Président lit une lettre de M. le docteur Chrestien, professeur agrégé à la Faculié de médecine de Montpellier, qui fait hommage à la section d’une brochure intitulée : Etude du choléra-morbus à l'usage des gens du monde, el de dix numéros de la Gazette médicale de Monipellier, fondée par lui, afin de ne pas laisser dans l'obscurité les travaux exécutés par les médecins des départements. Dans sa letire, M. Chrestien dit quelques mots sur la onzième question. Il pense que chaque médecin doit être chargé de constater le décès de ses malades ; il pense même qu'il doit être autorisé à faire les autopsies qui lui semblent utiles dans l’intérêt de la science. Il se prévaut de ce qui se passe à cet égard dans la ville de Toulon , et se félicite d’avoir contribué à l'adoption d’une telle mesure par une publication qu'il fit en janvier 4842. M. Chrestien ajoute que la mesure dont il s’agit peut seule mettre à lieu de dresser des tables de mortalité suivant le genre des ma- ladies, et aussi d'établir une siatistique relative aux ma- ladies héréditaires. Quelques autres ouvrages, mentionnés à la séance gé- 388 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. nérale précédente, sont aussi déposés sur le bureau de la section. Veste M. le Président fait ensuite connaître que des circon- stances particulières n’ont pas permis aux membres inscrits sur quelques-unes des questions de venir les traiter, et que les devoirs de la profession ont rappelé chez eux plusieurs confrères pleins de bonne volonté pour l’œuvre des Con- grès. Il croit, en conséquence, qu'il n'y a pas lieu de se réunir de nouveau. La section , consultée à cet égard, dé- * cide qu’il n’y aura pas d’auire séance. M. le Président, en se levant, adresse des remerciments aux membres de la section pour leur bienveillant concours. SEIZIÈME SESSION, 389 TABLE DU PREMIER VOLUME. Notice préliminaire. — La Session, qui devait être la xvie, se trouve la xvie. — Diminution remarquable du nombre des adhésions. — Causes de ce fait. ........,....... ; Arrêté pris au Congrès de Tours, le 11 séptembre 1847, pour Hvtenne:de:la:Xvié SES SR PA AUX PEX., M2 4 Circulaire des Secrétaires-généraux. . . .............. Indications diverses. — Expositions, fête agricole, ete... . .. Dispositions réglementaires arrêtées par la commission d’orga- NISAAOMANE SAOURILPAL SSI TES AU HORCEZ NH UT RAIN Administration. — Tableau des membres du bureau central. — DEGTÉRAITES des SECTIONS. : 22 +2 « 2ONOUER AM TAOU ARE. RO Questions proposées : Pour la première section (sciences naturelles)... . . .... Pour la deuxième section (agriculture, industrie, com- Pour la troisième section (sciences médicales)... ..... Pour la quatrième section (histoire et archéologie)... . . Pour la cinquième section (Philosophie, littérature, beaux- ATÉS).e 12e CR EURE. FRA PPT EE à Pour la sixième section (sciences physiques et mathéma- RE Aa en at De ee à à SÉANCE D'OUVERTURE, 1€ SEPTEMBRE 1849 Discours de M. Le Gall, doyen des Secrétaires-généraux, Pré- OR Rens OR Our 0. On SERRE ee Discours de M. J. Aussant, Président de la commission d'ex- position de sculpture et de peinture. .............. Lecture du réglement et scrutins pour la nomination du Prési- dent et des Vice-Présidents du Congrès. . TL 50 Pages. 390 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Pages Allocution de M. Richelet, proclamé Président. ......... 31 Exposé par M. de Caumont des démarches faites près des mi- nistres dans l'intérêt des expositions régionales. . . . . .... 38 Correspondance. — Plusieurs adhérents au Congrès se trouvent dans l'impossibilité de se rendre à Rennes. ... . ....... 39 Lecture d'un écrit adressé par MM. les Secrétaires-généraux chargés de préparer la Session qui devait avoir lieu à Nancy en 1848. — Admission de l’excuse présentée. . . . . . . . .. 39 Communication par M. Lambron de Lignim du compte que rend M. le Trésorier-général de la xve pgrierites Réception Dee col eee CORRE ARRET 2 ele Res 39 Des remerciments sont votés à M. le Trésorier et à MM. les Se- crétaires-généraux de la xve Session. . . ............ 40 Envoi d’une députation à Mer l’Evèque de Rennes. . . . dl ets 40 M. Marteville est nommé Secrétaire-général adjoint. . . . . . . . A Dépôt sur le bureau de deux médailles et des procès-verbaux des 1x, xI°, XIIe et xve Sessions du Congrès. . . . ...... : 41 Réunion de la première section et de la sixième. . . . ..... M Lecture des lettres adressées au Congrès par plusieurs sociétés savantesé. tas miam als schelie tele stoibienqeit Remerciments votés à raison de diverses invitations faites.aux membres du Congrès. . ...........:.... hoéterdnis 42 Heures fixées pour les séances. . ............... smo2 42 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES PARTICULIÈRES. 4re ET 6° SECTIONS RÉUNIES. SCIENCES NATURELLES, PHYSIQUES ET MATHÉMATIQUES. SÉANCE DU 2 SEPTEMBRE. Election du Président et des Vice-Présidents.:.. . . ..... sahés 45 Inscription des membres qui se proposent de traiter les ques- 2 Hons soumises à Jd'SEEHOR. .. .. . . : Note de M. Millet sur la onzième question : La Bretagne Fournit… du à l'entomologie française quelques espèces TOTES 2x «ue an tots 4 SEIZIÈME SESSION. Note de M. Daniel sur la même question. . ............ SÉANCE DU 3 SEPTEMBRE. Hommage de deux ouvrages. ......:............. M. de Caumont dépose sur le bureau le fruit d’une plante cu- curbitacée dit pain du pauvre. . ..... 4408 2. a La deuxième question, relative à l’exhaussement du lit de la Vilaine et à l’inondation des terrains voisins, est mise en CISCHSSIONA AE MT ns le Leiallenel eau cul niet te Courte observation de M. Le Gall à cet égard. . ......... Considérations par M. de Caumont sur l’exhaussement du lit des rivières et sur l’endiguement de celles qui coulent dans les AN SR DIS SEE REN MEME MEN ANNE LE PRESS CCE ASE OR PSC “Opinion de M. Bourassin relativement à la Vilaine. . . . . . .. Opinion différente de M. Bernède. ................: Examen de la troisième question : Rapports et différences que présentent les dépôts tertiaires qui existent en Bretagne et dans PNotmandle CCE." DNS PASSE RAT Indications fournies par M. Bourassin et regardées comme peu satisfaisantes par M. de Caumont. ................ Discussion en dehors de la question. — Effet de la chaux hy- RUE COMME ENT AIS ls sale aie ee ame ee ie eo se Examen de la neuvième question : À quoi peut-on attribuer les différences que l’on remarque dans la forme des œufs chez la plupart des familles d'oiseaux? MM. Feuillet et Le Gall n’en- tendent pas la question de la même manière, et les explica- tions qu’ils donnent sont loin de s’accorder. . . ........ SÉANCE DU 4 SEPTEMBRE. Hommage de deux ouvrages par M. Morrière, et communi- cation par le même de quelques échantillons de schiste pro- venant de la carrière de Chattemone (Mayenne). — Consi- dérations sur les produits de cette carrière. . . . ....... Reprise de la discussion sur la question 2, exhaussement du lit .de la Vilaine et inondations produites par cette rivière. — Dis- sertation sur ce double point par M. Toulmouche. . ..... Discussion entre ce dernier et M. Marteville sur un fait archéo- logique en dehors dédarquesfions Dis 3 ef ur Examen par M. Le Gall de la quatrième question, ainsi conçue : Quels sont, en Bretagne, les faits qui prouvent l'inflüence de la 49 50 90 52 53 58 392 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. . ? Pages, nature géologique du sol sur la distribution géographique des DIRES. Ne el Dee de oe et pee PO 59 Observations par MM. Noget et de Caumont. — Ce dernier re- grette l'absence de M. Ch. Des Moulins, qui s’est livré à de grandes recherches sur le sujet qui vient d’être traité... .. 62 SÉANCE DU © SEPTEMBRE. La discussion sur la quatrième question se continue. MM. Ma- laguti, Durocher, Le Gall et Ducoudray prennent successi- vement-la parole: 2: #2 RES ES 63 La troisième question est reprise. — M. Durocher, à la de: mande de M. de Caumont , exprime son opinion sur %a nature des formations géologiques modernes de la Bretagne. . . : . * 66 SÉANCE DU 6 SEPTEMBRE. MM. Malaguti et Durocher, en échangeant quelques observa- tions sur la distribution des plantes, recommandent l’examen de la nature chimique des sols et celui des principes fixes des végétaux. . . . .. : 66 La douzième question est dde — Note de M. Fes sur les insectes qui dévastent les pinières du littoral sud de la Brétagnes Li. 4. ANR ds . e éiaele af ét DER 67 Mention des dommages causés par les insectes dans les pinières du département de la Sarthe... ................. 70 Détails par M. Le Gall sur l'apparition à Belle-Ile-en-Mer de plusieurs insectes nuisibles aux arbres résineux. . . . . . .. 70 Rapport de M. le docteur Duval sur les produits des ardoisières de Vitré (Ille-et-Vilaine). . .................... 71 Considérations par M. Durocher sur les dépôts de schistes ar- doisiers dans l’ouest de la France... .............. 72 Indication par M. Morrière des produits que fournissent les car- rières de Chattemone. .......:............... 15 SÉANCE DU 7 SEPTÈMBRE. Ouvrages offerts à la section au nom de M. Ch. Des Moulins. . 73 Suite de la discussion sur la douzième question. — Réponse de M. MEtGal. 252700 Se. MASON AAIRERERNS, SAR 74 Dépôt sur le bureau d’un flacon contenant de très-petits in= sectes recueillis à Belle-Île sur l'Abies pectinata. — Rensei- - gnements donnés à cet égard par M. Trochu. . ........ - 75 Sapins attaqués par une sorte de puceron lanigère, même au centre de la Bretagne... ..................... 16 SEIZIÈME SESSION. 393 - Pages. M. H. Pontallié est chargé d’examiner les insectes envoyés par M. Trochu.: > "0m. 7 D sets LR ME OAI LE A NÉ PRET Et LEE 76 La septième question est mise en discussion : Existe-t-il une différence bien sensible entre la végétation du littoral nord de la Bretagne et celle du littoral. sud? Si la différence existe, quelle CESR CUS EE NE eee ee ee lee Tee L date ue 16 Opinion de M. Bourassin. Il n’a point vu une différence notable entre la végétation de l’un et l’autre littoral, mais il ne s’est attaché qu'aux plantes du Finistère... . ............ 76 Opinion de M. Durocher. Il reconnaît que la végétation des deux littoraux n’est point identique , mais la différence ne lui Poratipas frés-prande. .. . |... 11 Opinion de M. Le Gall. Il regarde la flore de la côte méridio- nale comme bien supérieure à celle de la côte septentrionale, et remet la note d’une centaine de plantes vues sur le littoral sud et inconnues sur le littoral nord. . ............. 17 Réplique de M. Durocher.— La différence très-sensible qui pour- rait exister s’expliquerait par une différence de température. 81 SÉANCE DU 8 SEPTEMBRE. M. Malaguti, Secrétaire de la section, fait connaître qu’un ser- vice public l’oblige de s’absenter. Sur cet exposé, le titre de Secrétaire est conféré à MM. Durocher et Bourassin. Le Pré- sident adresse des remercîments à M. Malaguti. . . . . . . .. 82 Rapport de M. H. Pontallié sur la communication faite par M. Trochu, de Belle-Ile . .............. gs ae, us 82 Note de M. Regnaud sur les livres élémentaires propres à faci- liter l’étude de l’histoire naturelle. . . . . .. RSR NR ASE 83 Communication par M. Bernard d’un procédé nouveau pour la fabatahion dursucrentnie se PAT he ms Nantes 86 La douzième question de la sixième section , relative à la nutri- tion des plantes, se trouve à l’ordre du jour. — M. Malaguti dit qu’il n’a point terminé les expériences qui peuvent le mettre à lieu de résoudre la question. Il fait hommage à la section de son livre intitulé Leçons de chimie agricole profes- SCESNENN TO TENNE EPA EUR SEE FERRER ARR. 86 M. de Caumont présente une analyse du travail de M. Durand sur les plantes prairiales du département du Calvados. . . .. 86 Observations par M. Le Gall sur le mouvement de’plantes qui S'opèredins les BÉMMES A. uen, e AU 87 Liste des plantes qui composent les bonnes prairies bretonnes. 88 394 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Pages. Discussion à ce sujet ou échange de quelques observations.entre MM. Bourassin , H. Pontallié, de Lustrac, Noget et Le Gall 92 - SÉANCE DU 9 SEPTEMBRE. M. l'abbé de La Lande est désigné pour remplir les fonctions HEPCLTEAITE: : à ous e lente te lo ee 93 Examen de la sixième question : La position de la Bretagne à l’ouest de la France donne-t-elle à la flore de cette province un caractère purticulier 2e. 13, HR ONE E ERIC TEE OP" 95 Dissertation de M. Le Gall. Il ne croit pas que la position vas occidentale de la Bretagne ait une grande influence sur la Apredercette Province... 1075 . sou 0 Qu. 2 ES 93 Observations de M. l’abbé de La Lande sur quelques plantes mentannees qu Ml. Le Gall, 0.0... 02-000 96 Dissertation de M. Feuillet sur une question renvoyée par la cinquième section à la sixième : L'attraction est-elle un attri- but de la matière ou est-elle une force appliquée à la matière? 97 M. l’abbé Noget, Président de la section, lit un mémoire très- étendu sur la même question. ................. . 4100 Des félicitations sont adressées à l’auteur du mémoire. . .... 426 SÉANCE DU 10 SEPTEMBRE. Hommage de deux brochures par M. l’abbé de La Lande. . . .. 427 Observation de M. de Caumont sur la cinquième question : Quel- » ques-unes des plantes appartenant spécialement aux terrains calcaires se montrent-elles sur les. terrains schisteux ou grani- tiques depuis long-temps amendés par la chaux?. . ....... 127 Opinionsdé M::Le' Gall... tte as SR re 427 Présentation par M. de Caumont des tableaux dressés par un * professeur de Rouen, pour indiquer l’accroissement des arbres sur les divers terrains. —- Crue très-remarquable d’un vernis du Me 3: 0 un 0 socle oi 46e 128 Explication donnée par le Président relativement aux questions de ht dixième:sectiont . Acirasn. d achèodte sl Wifi +. 128 Mémoire, par M. Eudes Deslongchamps , sur un petit coléoptère qui dévaste les pins et qui paraît nouvellement importé dans le nord de la France, Hylurgus piniperda Latr., Jardinier de la Forêt À éljtrés malrenssistat 5h vols ia vs sf. 11429 Considérations par M. de Caumont sur r l'emploi de certains ace dose NS due el sin onde #39 Note de M. Le Gall contenant des FRE RNAEES sur quelques SEIZIÈME SESSION. 395 Pages. plantes rares du littoral sud de la Bretagne, Ulex Gal Plan- - chon, Eryngium pusillum L., Linaria radicans LG., Galium neglectum LG., Daucus maritimus Lam., Rumex rupestris LG., Zostera nana Roth, Scirpus translucens LG. . . ........ 139 Clôture des travaux. — Allocution de M. le Président Noget.. 147 2e SECTION. -AGRICULTURE, INDUSTRIE, ‘COMMERCE. SÉANCE DU 2 SEPTEMBRE. Election du Président de la section et de quatre Vice-Présidents. , 148 Allocution de M. Duchatellier, élu Président. . . ........ 148 Lecture des questions. Inscriptions pour les traiter. . . . ... 149 Renvoi à la. commission permanente des trois questions nou- elles déposéesisur léburéan. 4. 4... meurt ci …. 449 Nomination d’une commission pour régulariser et surveiller une exposition des produits de l’industrie... ........,.... 149 Désignation de M. de Lustrac comme Secrétaire, en remplace- ment de M. Amaury Dréo, nommé Vice-Président... . . .. 149 SÉANCE DU 3 SEPTEMBRE. Dépôt sur le bureau de deux mémoires adressés au Congrès par la Société d'agriculture , sciences et arts de la Sarthe. . . .. 150 Réponse de M. Duchatellier à la première question : Quelles améliorations l'agriculture de l'Ouest a-t-elle réalisées depuis OO IE MEN ONE RENE RO PS PES MTS MEET 150 Choix entre les arbres résineux pour le reboisement de la Bre- tagne. — Opinions de MM. de Caumont, Bernède, Le Gall de NE PHMppe Lemaire tien CUS PTE. 0e 151 Indication par M. de Genouillac des résultats obtenus par l’em- ploi du sablon calcaire et par l’usage des instruments aratoires DEMÉORONRÉS, SLR DUT LES R diroa, ROME MOQUE. Be 152 M. de Léon signale comme un grand avantage l’éducation donnée aux jeunes-bretons dans les fermes-modèles.. . . ....... 153 Mémoire de M. Neveu-Derotrie sur l'agriculture en Bretagne: . 154 — Aspect général de la Bretagne au point de vue agricole. 154 -tAmékiorationstpossihless : Heu) Mes oo 166 — Amendements, engrais. — Emploi du sel... . ..... 168 396 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Pages. mpPécfiasNs.. etant. oh bits denciil ces 4 micsA75 — Landes. — Biens communaux. . -....4.......4 179 — Usages locaux. . . . . .. ous ste RE etai 181 La cinquième question, relative aux terres vaines et vagues, estnise:en discuselonse. .k 26 sou mesdlA 2. tapintei ae 183 Lecture d'un mémoire à ce sujet par M. de Pindré. . . ..... 183 Discussion sur les mesures législatives désirables pour faciliter la mise en valeur des landes. — MM. de Genouillac, de la Villethassetz et quelques autres membres prennent la parole. 188 Résumé de la discussion par le Président. . . . . ......... 191 SÉANCE DU À SEPTEMBRE. Renvoi de deux questions à une autre séance. . . ....... 19 Examen de la sixième question : A-f-on appliqué partout où elle était applicable l'irrigation à l'amélioration des prairies? Quels Discussion sur js moyens de propager en Davagiss les nouveaux procédés d'irrigation. — MM. de Caumont, Duchatellier. . . 192 Mention par M. de la Villethassetz de quelques travaux qui peu- vent être assimilés aux irrigalions.. . . . . PURE RD HOHPOS 195 Explication donnée par M. Hardoüin sur un vote du Conseil gé- néral d’Ille-et-Vilaine concernant l'irrigation. . . . . .. J. 20495 Note de M. Neveu-Derotrie sur un beau travail dos exécuté à Gorges, près de Clisson, département de la Loire- OR D eme ee a es mas De c'e ee ST US Mémoire sur les irrigations dans le département de la Sarthe, adressé au Congrès par la Société d'agriculture, sciences et arts de ce département. . . . : .........%.....,. - 197 La septième question, relative aux qualités fertilisantes des Caux. est MISE EI ISCUSSIONS-.. -.- sms -.-c © + 2 = ere 206 Béponse-par M. de Caen. . © . . ... 206 Observations par MM. de Genouillac, de la Villethassetz, Le GallketDuchateller es: . es tr ere 207 Huitième question : Quels sont les grands travaux de reboisement à entreprendre en Bretagne? Indiquer les essences à préférer pour les divers terrains. — En posant cette question, le Pré-. . sident mentionne un mémoire remarquable de M. Nordlinger . sur les essences forestières de la Bretagne... ......... 208 Discussion. MM. Le Gall, Bernède, de la Villethassetz, de Léon, de Caumont, y prennent part. . .............. :…— 208 SEIZIÈME SESSION, 397 Pages. Neuvième question : Serait-il important pour. la Bretagne de substituer au battage des grains pendant l'été le battage des grains pendant l'hiver? Plusieurs membres pensent qu’il ne faut pas songer à cette substitution. . : . . . ... ET Tuer 210 Opinion contraire émise par M. Duchatellier. . . ......... 210 M. de Genouillac présente un échantillon du blé de Sainte-Hé- lène, nouvellement infroduit en Bretagne. . ......... 210 SÉANCE DU 5 SEPTEMBRE. M. Duchatellier répond à la treizième question, ainsi conçue : Faire connaître les meilleurs moyens à employer pour améliorer le cheval breton. Que peut-on attendre des efforts que fait le Gouvernement pour obtenir en Bretagne des chevaux propres à (D GTR ee el LE SO SE RE ee LEE ru on 214 Observations échangées à ce sujet entre MM. de Léon, Har- doüin , de Genouillac et Richelet. ................ 212 Opinion de M. de Clinchamp sur l’élève du cheval en Bretagne. On n’y prend pas pour améliorer les races tout le soin con- LATTES PE ann na ares cn et Mr mc Observations sur les haras. MM. de Clinchamp, Richelet, Amaury LR SAONE LE Ce pipe ya ot Map the Be dE 214 Réponse de M. Bernède à la quatorzième question : La Bretagne doit-elle conserver avec soin sa race ovine ou songer à la modi- fier par l'introduction dans le pays des races suisse, anglaise BILNUNT ES ST Pc ele eue © 2 aie Arès share 215 Opinion de M. Bernède. Il regarde comme avantageux le croi- . sement entre la race bovine bretonne et la race bovine de APSÉR ER ee eue he Rnb een an nus Eur LE) Notion sur cette dernière race par M. de Genouillac. . . .... 216 M. de Clinchamp pense qu’il est difficile d'améliorer la race bo- vine bretonne par la voie du croisement... .......... 216 Il appelle l'attention sur les caractères qui dénotent un bon bœuf, une bonne vache, et sur les soins que demandent ces AUX. Le de Lou ut Lou ne True Sam homo} Opinion de M. Amaury Dréo sur la question. Le croisement de la race bovine bretonne avec une autre race ne doit pas être repoussé d’une manière absolue. .:..,............. 218 Observation par M. Charpillet.. . ......... GS RES 218 Résumé de la discussion par le Président... ........... 218 Note déposée sur le bureau : Réflexions sur le croisement des races. 219 T. I. 91 398 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Opinion de M. Charpillet sur la quinzième question : Quelle est Observation par M. Le Gall sur la même question. . . ... Observation par M. de Genouillac. . ........ er tn . 220 Notice par M. Hardoüin sur les moutons de race étrangère pure ou de race croisée qui se trouvent sur la = terre du Ples- sis, arrondissement de Vitré... . ....:...........: 221 OU vafion de M Bernèdé. 229 2... UE nv 222 Opinion de M. de Clinchamp, favorable à la multiplication dans l’Ouest des moutons race Dishley. . . .............. 222 Quelques mots sur les maladies des moutons par M. de Cham- pagny. 0°) M4 210 EE at ne ec de nc us ec à .. 223 Résumé de la discussion par le Président. . . .. ........ 224 SÉANCE DU 6 SEPTEMBRE. ” Dissertation de M. Durocher sur la troisième question, concer- . nant l'emploi de la chaux ou de la marne pour l’amendement du so breton ot ORNE RS ne se DA 224 Observations par MM. Bcrnède et Bourassin. . ........ ,+ 291 M. de Caumont désire, dans l'intérêt de l’agriculture en Breta- gne, que M. Durocher publie de suite une carte indiquant les gisements des minéraux recommandés, et qu’il songe, après de nouvelles recherches, à dresser une carte agrono- wuique de L'pronnce. «4, 20 2 Le es 251 M. de Genouillac demande à M. Durocher quelques renseigne- ments sur l’emploi de la chaux contenant de la magnésie.. . 251 * Réponse de M. Durocher. . ...,.... SE ni 232 Réponse du même à cette demande de M. de Mauduit : « Quels » sont les moyens de diviser l’argile qui constitue le sous-sol » de certaines landes? ».....:..,4....,.... st. 232 Opinion résultant des observations échangées entre plusieurs membres , relativement à l'emploi des diverses espèces de chaux comme amendement. ........,..,.... mers Yo 182 Hommage d'ouvrages. : ..4.-:..%. +... Léa 1 282 SÉANCE DU 7 SEPTEMBRE. Avertissement donné par M. de Caumont relativement à l'expo- sition des objets d'industrie. . . ........ rdc CE . 233 Rapport de M. Amaury Dréo sur un mémoire anonyme adressé au Congrès. . .........................: 233 * La seizième question est posée : « Quelle est en Bretagne l'im- SEIZIÈME SESSION. 399 _ Pages. » portance de la production du miel? L'éducation des abeilles » s'y trouve-t-elle en progrès? ». . ........,....... 234 Mémoire à ce sujet par M. de Beauvoys, et présentation d’un modèle de ruche à cadres verticaux. .............. 234 Remercîments adressés à M. de Beauvoys par le Président de RRSECRAR APE ns jee PERIPE P'epe ct dr ap CRRNSUONEE PT 238 Indications par MM. de Léon et Bernède sur le commerce de la cire et du miel dans le département d’Ille-et-Vilaine.. . . 238 Note de M. de Beauvoys sur une prétendue maladie attaquant les antennes des abeilles. "2 MTS. 2e. 073) La huitième question, relative au reboisement de la Bretagne, est mise de nouveau en discussion. . ..,.,.......... 240 Réponse à cette question par M. Durocher, qui dépose en outre un mémoire intitulé Observations sur les rapports qui existent entre la nature minérale des divers terrains et leurs productions no EE US nd ne Cd toto OUEN) M. de Caumont rappelle l'importance pour la Bretagne d’une partiel ABrOnOmIQUE:; à VIE RAT MES RE NES UT. RENE 248 M. Durocher explique comment il entend faire cette carte, mais il fait sentir le besoin d’une allocation de fonds par le Gouvernement pour mettre le plan à exécution. . . ..... 248 Sur la proposition du Président, un vœu est émis à l'égard de Paacation- dont: HeSane pe ne cr IC etre 248 Une séance de relevée est demandée par plusieurs membres. pardemande;est accueillie: .….. ..., 4 Une 2: 249 SÉANCE EXTRAORDINAIRE DU 7 SEPTEMBRE, à 5 h. 1/4. Mention des cartes agronomiques qui ont été publiées. . . ... 249 Observation par M. Durocher sur le mode d'irrigation à suivre CREER anal age ds: anse tata 249 Question quatrième : Résultats obtenus par l'emploi du sel à l'a- mendement des tenresssé. in asian eds À dus ai à 250 Rapport à ce sujet fait par M. Guéranger à la Société d’agri- culture, sciences et arts de la Sarthe, et adressé au Congrès neeseSohtésnsd int unit, HIS AGE ne: 251 M. Bourassin mentionne les expériences qu’il a faites sur l'em- ploi du sel aux environs de Quimper... ............ 258 Opinion de M. Durocher sur les mesures à prendre pour ap- précier le mérite du sel comme engrais. . ,.......... 258 Résumé de la discussion par le Président. . . :.......... 259 400 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Pages. La section désire la multiplication des essais. L’utilité du sel pour l’amélioration des terres n’est pas encore bien constatée. 260 Lettre de M. Coiïlland sur l’engrais dit sang chaule. . . . . . .. 260 SÉANCE DU 8 SEPTEMBRE. M. Hardoüin fait connaître que ses occupations comme membre du Conseil général d’Ille-et-Vilaine et comme Bibliothécaire- Archiviste du Congrès ne lui permettent plus de conserver ‘ les fonctions de Secrétaire de la section. Sa démission est ac- ceptée, et des remercîments lui sont adressés à raison de ses RANCE Me ee ne ele o «me ee 0 D ENS Réponse de M. de Genouillac à la onzième question : Quelle in- fluence la nature géologique du sol, et, par suite, la composition de la flore prairiale, paraît-elle exercer sur la qualité du beurrre en Bretagne? — Cette influence paraît nulle ou du moins très- | EU N FRERES er eee Le eee nella ete 262 Opinion contraire émise par M. Amaury Dréo. .......... 268 Réplique par M. de Genonilac: : ...:.:.. tee 268 Opinion de M. Le Gall. La composition des prairies est à peu près la même dans toute la Bretagne... ............ 269 Résumé de la discussion par le Président. . ........... 270 Fabrication du beurre aux environs de Rennes. Explications données à cet égard par M. Amaury Dréo, sur une demande de M. de Caumont. ........... HE 2 à à c 270 Proposition de M. de Pindré relative au noir animal. . . . ... 270 Indication par M. Amaury Dréo des démarches faites près de l’administration départementale pour obtenir des mesures contre la fraude qui s’exerce dans le commerce de cet engrais. 271 Examen par M. Duchatellier de la deuxième question : Le bail à convenant, presque général en Basse-Bretagne, est-il un ob- stacle aux progrès de l'agriculture? — Solution négative. . .. 271 M. Lé Gall voit à côté des avantages que présente ce bail un assez grand nombre d’inconvénients. . ............. 272 Résultat de la discussion. . .......... DRE. PORTER SEE 273 Examen de la dix-huitième question. Les étangs dé VOuest, surtout ceux de la Bretagne , sont en général fort négligés. “La multiplication du poisson par la fécondation artificielle est à peu près inconnue dans le pays. . ............ ” 275 M. de Lustrac recommande cette opération. . .......::.. 274 Solution de la dix-neuvième question, relative à l'écoulement SEIZIÈME SESSION. dans un cours d’eau public des eaux d’une usine, lorsqu'elles peuvent être nuisibles, soit aux poissons, soit aux plantes. . SÉANCE DU 9 SEPTEMBRE. Mise en discussion de la vingt-et-unième question : Le moyen d'arrêter l'émigration des populations rurales ne consisterait-il pas dans une alliance de certains travaux industriels avec les RO CEE TI ANR dorsiantidte Socio Rapport de M. P.-M. Roux sur un mémoire de M. Dufaur de Montfort, président de la Société de statistique de Marseille. Mémoire de M. Dufaur de Montfort ayant pour titre Des sociétés de prévoyance et de secours mufuels.. . . . ............ Projet de réglement à cet égard. .................. - Opinion de M. P.-M. Roux sur la question posée. . . . . . . .. Opinion de. M Amaury Dréo.. +... Opinion de M. Duchatellier… .................... Observation par M: de Léon. ............7....... Réponse de M. Le Gall à la vingt-quatrième question : Quelles ont été les premières canalisations en France? Quels sont les résultats des canalisations opérées en Bretagne? . . . . .. .. Opinion émise par M. Amaury Dréo sur la seconde partie de la ES fon: DT CU AMONT ARR EU os 22. Plusieurs membres désirent qu’un traité entre le Gouvernement et les compagnies des canaux vienne rendre moins dispendieux Jle’transport des'engrais.-..1-. 1.1..." . .. . Communication relative À la plante fourragère nommée Sper- gule géante, par M. Bérnède. . ... SSETEE ere Des remerciments lui sont adressés. . . . ............. SÉANCE DU 10 SEPTEMBRE. Vingt-sixième question, relative aux fermes-écoles établies ou à établir dans l’ouest de la France. . . . .. RFI PEN M. de Léon pense que les fermes-écoles moyennes conviennent surtout dans les départements de l'Ouest ; il mentionne avec éloge la ferme-école des Trois-Croix, commune de Rennes. Notions par M. Philippe Kerarmel sur la ferme-modèle de Ker- vignac, arrondissement de Lorient, Morbihan. . ,...... M. de Caumont fait connaître que le Gouvernement, en s’oc- -cupant des établissements agricoles, a surtout songé à la multiplication des fermes-écoles.. . . .............. 401 Pages, 274 275 275 277 289 296 297 297 297 298 299 -299 299 300 300 301 402 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Pages. Observation de M. Hardoüin sur l'augmentation que doit rece- voir la ferme-école des Trois-Croix.. . ..4......... . 302 Quelques mots de M. Duchatellier sur l’utilité des fermes ré- DABMAIBRS à - - = « dec mie e sapelnlais NN D M PE 302 Discussion à cet égard, relativement à la Bretagne, entre Mes- sieurs Aymar de Blois, Duchatellier, Hardoüin et Philippe Denrqel Ce RS Fe NN. A SR 303 Résumé par le Président... . ...... ph me Her EU 304 Réponse de M. Hardoüin à la vingt-deuxième question : Quel est en Bretagne l'état de la fabrication des toiles dites rurales? Cette fabrication est-elle bien importante pour les populations qui s’y livrent? Présente-t-elle des produits remarquables ? Con- vient-il de provoquer certaines mesures en faveur de cette in- A AS ON ANRT PARA LS TE do QU NA 305 Observations par MM. Amaury Dréo, de Léon et Duchatellier. 306 Vœux de la section relativement à l’industrie dont il s’agit. . . 307 Clôture des travaux de la section. .....:.....,...... 307 3° SECTION. SCIENCES MÉDICALES. SÉANCE DU 2 SEPTEMBRE. Election du Président de la section et de deux Vice-Présidents. 308 Allocution de M. le docteur Bally, élu Président. . ....... 308 Explication d’un fait par M. Toulmouche.. ............ 310 Lecture des questions. Demande pour l’admission d’une ques- tion relative à l’épidémie régnante. Inscriptions. . . . . . .. 310 SÉANCE DU 3 SEPTEMBRE. s Ouvrages offerts à la section par MM. les docteurs P.-M. Roux ; Priou, Fouilhoux et Féraud. . . ...... À éré afctecs RO À < 310 La cinquième question est mise à l’ordre du jour : Faire con- naître et ressortir l'importance des études physiologiques pour les progrès de la philosophie et de la sociologie. . . . . : .... ‘3M Lecture par M. le docteur Belhomme d’un mémoire contenant une réponse à la question posée. . ............... 341 Observation par M. P.-M. Roux sur une défeHion adoptée par A PElameE.. , , 4, . «ot emo. st YE 321 SEIZIÈME SESSION. M. Feuillet discute quelques-unes des propositions établies par M. Belhomme et dépose un mémoire. Il y traite la question au point de vue psychologique. ......:.:......,.. M. Belhomme soutient les propositions contenues dans son mé- UT A PO Er rer er EE 2 At ep (El SÉANCE DU À SEPTEMBRE. La deuxième question est à l’ordre du jour : La canalisation des rivières dans l'intérieur des villes et l'ouverture de rues plus spa- cieuses ont-elles une influence marquée sur la santé et sur le chiffre de mortalité des habitants?. .. , :.. 4.4... 22. M. le docteur Toulmouche présente comme éléments pour la solution de la question les observations qu’il a faites sur l’état de Rennes avant et après les grands travaux exécutés dans cette ville. Il lit la première partie d’un mémoire dans lequel il a consigné ses observations. . ................. Le Président, en remerciant M. Toulmouche, dit quelques mots sur vAneshiis sufbreno-n de-dabl . ob ejog sihes M. P.-M. Roux rapproche des faits observés à Rennes quelques faitsobsenrés AMaraeillé, . 47% tbe status dite SÉANCE DU 5 SEPTEMBRE. Dépôt sur le bureau d’un travail de M. le docteur Baron sur la curabilité de la phthisie pulmonaire . .............. M. le docteur Bally, Président de la section, inscrit pour traiter une question relative au choléra, lit un mémoire sur Ja na- ture et d'origine de cette maladie. . ... . . . . ........, Appréciation par M. Toulmouche de quelques faits énoncés dans Rare er A CU | PACE AS. Observations sur la maladie dont il s’agit par MM. les docteurs Baudouin, Perrier, P.-M. Roux et par quelques autres mem- Eres de h:Séchbn. 5.7 LR ne RES ARE M. Duchatellier pose deux questions qu’il désire voir insérer dans le programme de l’une des prochaines Sessions du Dans nl Le CR ne So Det PAC EI 2 Le Ces questions seront recommandées... .............. M. Toulmouche, obtenant la parole, continue la lecture de son mémoire sur la ville de Rennes... ...... SAR à Observation de M. Duchatellier sur l'augmentation de la popu- Hinon ie MONTES Rite en lle Ge ne en 403 Pages. 322 331 552 404 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. ; Pages. Réponse du même membre à une question de M. Morrière sur l'hygiène suivie dans les pensionnats.. . ............ 3170 SÉANCE DU 6 SEPTEMBRE. Lettre de M. le docteur Priou, rappelé à Nantes. . . . ... .. 371 Hommage de divers ouvrages par MM. P.-M. Roux et Toul- MORE Le 2 1550020 cle le D EN CE CEE 371 Proposition de M. P.-M. Roux relative à une association entre = médecins. La section nomme une commission. . ....... 3172 Reprise de la discussion sur le choléra. Moyens curatifs. — MM. Bally, Lauger, Duval, Toulmouche, P.-M. Roux, Piard, prennent successivement la parole. . .............. 312 La phlesmasie du tube digestif chez les cholériques, admise par quelques médecins, est contestée par MM. Baudouin, Toulmouche et Bally. . .... tros ego sil I. 248 «. 374 SÉANCE DU 7 SEPTEMBRE. Lecture d’une note de M. Priou sur la onzième question, ainsi conçue : Que faudrait-il instituer pour mettre à exécution, au moins d'une manière équivalente, l'art. 77 du Code civil, qui prescrit à l'officier de l'état civil de ne délivrer l'autorisation d'inhumer qu'après s'être transporté me de la personne dé- DUUEB PRES Ven ed ee) a Malade eue Lane ed e Lee 2e (ci UE ‘…. 019 Réponse de M. Toulmouche à la question. . ........... 315 Observations sur la question par MM. Baudouin, Dillon, Bally CITRBIUNBE Re ce ebelele let ele teste ue Cha eV gro ee ENS 376 La section émet le vœu qu’il y ait à Rennes des médecins char- gés de constater les décès. . ................... 376 Mémoire de M. Dillon sur la treizième question : L'art vétéri- D En * . ,. , naire commence-t-il à triompher en Bretagne des préjugés et des erreurs? Quelles mesures législatives pourraient être prises contre PE RO RS RE es Eu € 317 Observations à ce sujet par divers membres de la section. . .. 385 Note déposée, contenant une réponse à la seconde partie de la D SR D ee ete Dee co ‘386 SÉANCE DU 8 SEPTEMBRE. Dépôt sur le bureau d'ouvrages offerts à la section. . ...... 387 Lecture d’une lettre de M. Chrestien, professeur agrégé à la Faculté de médecine de Montpellier , lettre contenant des SEIZIÈME SESSION. 405 : Pages. indications qui se rattachent à la onzième question du pro- gramme. . . . . .. RO ne dan ee . 987 Clôture motivée des travaux. Remercîments adressés aux mem- bres de la section par le Président. : . . . ........... 388 FIN DE LA TABLE. Les dore Nr re 7 Feb ue pre TRES Sr, | ERRATA DU PREMIER VOLUME. Page 55, ligne 6, au lieu de graine, lisez grains. — 62, ligne 11, au lieu de se/, lisez sol. —. 65, dernière ligne, au lieu de pu, lisez pur. — 66, ligne 20, au lieu de quartenaires, lisez quaternaires. — 78, ligne 12, au lieu de pitosa, lisez pilosa. — 135, à la note, ligne 3, et page 140, ligne 7, au lieu de vélu, lisez velu. — 150, ligne 6, supprimez ces mots de M. Guéranger. — 224, au titre indiquant le jour de la séance, au lieu de 7, lisez 6. — 233 et 249, au titre indiquant le jour de la séance, au lieu de 8, lisez 7. — 245, ligne 7, au lieu de Pleris, lisez Pteris. — 243, ligne 13, au lieu de syluatita, lisez sylvatica. — 259, avant-dernière ligne, au lieu de sa, lisez la. — 210, ligne 53, au lieu de Pindray, lisez Pindre. — 289, ligne 15, au lieu de Saint-Vincent-de-Paul, lisez Suint- Vincent-de-Paule. — 309, avant-dernière ligne, au lieu de réciproques, lisez réciproque. 10 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Rennes. — Typographie de A. Marteville et Lefas, rue Royale, 8. CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. IHCHC SEIZIÈME SESSION. TENUE A RENNES EN SEPTEMBRE 1849. RÈNE Ab RENNES, AU SECRÉTARIAT-GÉNÉRAL. PARIS, CHEZ DERACHE, LIBRAIRE, RUE DU BOULOY, 7. Septembre 1850. san à ae CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. XVIe SESSION. SRCTIONS. PROCÈS - VERBAUX DES SÉANCES. HCXKC QUATRIÈME SECTION. Histour et Archéologie. —405— Sénnee du ? Septembre 1849. À onze heures et quart, M. de Caumont, Vice-Président du Cungrès, ouvre la séance comme Président provisoire de la section. En l’absence des Secrétaires, M. de Beaure- paire tient la plume. 2 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. M. de Caumont fait connaître que la section doit s’occu- per de la formation du bureau, et l’invite à procéder par la voie du scrutin à la nomination du Président et de quatre Vice-Présidents. Deux urnes reçoivent les votes des membres de la sec- tion. Le dépouillement se fait et donne le résultat suivant : M. Lambron de Lignim est appelé à la présidence par la presque unanimité des suffrages. MM. Bourdon, comte de Mellet, Bizeul , d’Izarn , sont appelés aux vice-présidences par une majorité plus ou moins forte. En conséquence , M. de Caumont proclame M. Lambron de Lignim Président de la quatrième section, et MM. Bour- don, comte de Mellei, Bizeul et d’Izarn Vice-Présidents : il les invite à prendre place au bureau. M. Lambron de Lignim, en s’y plaçant, adresse aux membres de la section quelques paroles chaleureuses de remerciment. Deux Secrétaires-adjoints sont nommés, MM. de Soul- trait et de Beaurepaire. Les questions du programme concernant l’histoire et l’archéologie sont lues par M. le Président, qui prie les membres de la section de faire connaître celles qu'ils se - proposent de traiter. Quatorze membres se font inscrire, savoir : Sur la 4" question et sur la 2, M. Duchatellier ; Sur la 3°, M. de la Borderie; Sur la 5°, MM. Bizeul et rhimetiéle : Sur la 6°, M. de Wismes; Sur la 7, MM. de Wismes et de la Borderie; Sur les 8°, 9e, 10°, 44e, 19° 43° et 14° questions, MM. A. de Blois, Ramé, de la Borderie : Sur la 15° question, les mêmes et M. de Wismes;. Sur la 46°, MM. de Wismes, Duchatellier et de ai mont ; © Sur la 47, M. Bizeul ; s SÉIZIÈME SESSION. 3 - Sur la 18, MM. Bourdon, de Soultrait et de Caumont; Sur la 49°, MM. de Mellei et Bourdon; Sur la 20°, M. de la Sicotière; Sur la 94°, M. Parker; Sur les 22e, 23e et 24° questions, M. Lambron de Lignim. M. de Mellet propose d’annexer à la 22° question les deux questions suivantes, qui semblent de nature, par leur but pratique , à intéresser vivement les membres du Congrès : 1. — Quelles sont les conditions de fabrication dans les- quelles doivent être établis les vitraux modernes, quant à leur durée, à leur but et à leur effet? 2. — Quelles sont les conditions archéologiques dans lesquelles doivent être traités les vitraux modernes, eu égard au style de l'édifice religieux (moyen-âge ou xix° siè- cle) qu’ils sont destinés à meubler ? Ces deux questions seront soumises à l'examen de la commission permanente du Congrès, conformément à l’ar- ticle 15 du Réglement. La séance est levée vers une heure. Séance du 3 Septembre 1849. . Présid. de M. LAMBRON DE LIGNIM, — M. DE BEAUREPAIRE, Secrét. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. L'ordre du jour appelle la discussion de la première ques- tion du programme, question ainsi conçue : « L’établisse- » ment des castes dans l’antiquité a-t-il éié nuisible ou fa- » vorable au développement de la civilisation? » M. Duchatellier, inscrit pour traiter la question, obtient 4 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. - la parole. Il se livre d’abord à des considérations générales sur les grands peuples de l’Orient, chez lesquels l'institu- tion des castes paraït avoir eu, dans l’antiquité , l’organi- sation la plus forte et la plus persistante ; puis, s’arrêtant à l’histoire particulière de l’ancienne Egypte, il dit: La constitution politique d’un peuple nous a toujours paru dépendre beaucoup plus de la condition réelle de la famille, des droits du citoyen et de l’assimilation de ses facultés à l’œuvre générale de l'association, que de la charte proprement dite des pouvoirs organisés qui se trou- vent préposés au mouvement gouvernemental. C’est à ce titre que la constitution propre des classes de citoyens entre elles , histoire des castes pour l'Egypte nous paraît une des. études les plus utiles à faire pour bien comprendre, chez ce peuple, et l’action de sa puissance, et la loi de son développement. Ce que nous dirons de l'Egypte peut, au reste, se rap- porter presque complètement aux Indous, aux Hyrcaniens, aux Mèdes, à tous les grands peuples qui, avant lavéne- ment d’un nouveau principe de travail et de liberté en Grèce, formèrent cette longue histoire du monde qu’au ve sièele avant l’ère chrétienne, Hérodote disait déjà pres- que effacée. Mais, on sait que les anciens sont restés divisés sur l’his- toire et les subdivisions de ces castes; toutefois, on peut dire que, dès que l’autorité souveraine des Pharaons fut, en quelque sorte, constituée sous la sanction sacrée de la divinité, dès que cette autorité fut posée au faîte de l’édi- fice comme une pensée de la volonté des dieux, on peut affirmer que les autres éléments de la société égyptienne furent aussi délimités d'une manière complète, revêtus d’un même caractère d’inaltérabilité et de sainteté. L'hérédité et le maintien des faits établis fut, en effet, pour toutes les classes de citoyens, la première condition de leur existence : c’est ce qui ne peut être mis en ques- tion ; et quant au caractère religieux que l'institution com- porte d'elle-même, on ne peut en douter non plus. Les élus SEIZIÈME. SESSION. 5 du système, les prêtres voient leur caste environnée de toute espèce de priviléges.—La caste des infimes citoyens, celle des porchers, est à tout jamais frappée d’un caractère de réprobation qui pèse sur elle comme le sceau des victimes dont les prêtres marquaient les animaux destinés au ser- vice des autels. — Le porcher était immonde comme les animaux dont il-avait la garde, et son toucher demandait, de par la loi, les mêmes ablutions qüe le toucher du porc ou de tout autre animal réputé impur. C’est ainsi que la re- ligion avait, au même titre, prononcé l’inviolable caractère du prince et des classes supérieures, l’infériorité et l’exclu- sion de quelques autres hommes, qui se trouvaient à la fois séquestrés de la société, repoussés du temple même (1). On ne peut pas douter, d’après ces premiers faits, que la société égyptienne, pour se constituer ainsi à l’aide d’ex- ceptions prononcées, ne se soit d’abord formée d'éléments fort divers, et tels que le droit des uns sur les autres ait dû procéder de la conquête et de la force, de la différence des races surtout, et aussi de celle des titres qu’eurent dans le principe les hommes qui s’établirent sur le sol, soit comme conquérants , soil comme alliés ou comme vaincus, comme exploitants ou comme exploités (2).—Les longs dé- bats engagés sur les races d'hommes qui formèrent le fond de la population égyptienne prêtent une grande autorité à notre dire, et il n’est guère permis de douter que tant de dis- tances enire les classes de la société égyptienne ne furent (1) Hérodote, lib.2, c. 47. (2) Suivant Belzoni, les momies de la Thébaïde seraient préparées d’a- près des méthodes différentes, et calculées suivant les diverses castes auxquelles auraient appartenu les personnes dont on retrouve les restes. Les prêtres , suivant lui, auraient toujours été embaumés les bras croi- sés, ainsi que les montrent les figures sculptées qui les rappellent. Les restes des castes guerrières et privilégiées seraient toujours pourvus de cercueils en bois et ceux des hommes du peuple en seraient au con- - traire privés. Il établit, d’ailleurs, le rapport de ceux-ci à ceux des classes élevées comme 10 est à 1. (Belzoni, vol. 1, page 263.) 6 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. elles-mêmes que la conséquence de celles qui existaient entre les races qui formaient cette même société, Ce que les anciens nous ont dit des hommes bruns ou noirs, qui for- maient la population du pays , est une nouvelle indication de cé que nous avançons. — D'ailleurs, si l’histoire nous montre dans quelques pays des sociétés politiques dont les éléments, séparés entre eux, jouissent de priviléges plus où moins grands, je‘ne sache pas qu’elle nous en montre où la division par castes ait eu lieu sans que la distinction du sang et de la race n’y soit entrée pour quelque chose. Sachons donc quels furent les droits et les distinctions de ces castes entre elles, car elles comprennent tout le pro- blême de la civilisation égyptienne. — Trois auteurs sur- tout peuvent nous fixer sur la division même de ces castes : Hérodote , qui en dénonce sept, les prêtres , les gens de guerre, les laboureurs, les porchers, les marchands, les in- terprètles, les pilotes ou gens de mer; Diodore de Sicile, qui en désigne six , si l’on comprend pour une caste la dynas- tie des princes régnants, à savoir, les prétres, les roïs, les guerriers, les laboureurs, les bergers et les artisans, et Strabon, qui n’en nomme que trois, les soldats, les labou- reurs et les prêtres. N Il n’est pas facile de concilier ces versions entre elles, ét, si l’on ne savait par deux des auteurs précités, par Hérodote et Diodore, que les rois, les prêtres et les guerriers se parta- gèrent la direction des affaires publiques et les revenus ter- ritoriaux, nous n’aurions peut-être jamais aperçu la corré- lation qui peut exister entre les éléments opposés de la so- ciété égyptienne, évidemment partagée en castes de con- ditions très-différentes. Si nous nous en rapportons toute- fois à Diodore, nous dirons que la caste des prêtres, tenant le premier rang dans l'Etat, jouissait du tiers des revenus publics ; qu’elle était, à ce titre, chargée des détails du culte, et qu’elle devait au roi ses conseils et ses avis sur toutes les affaires de quelque importance, à raison de la connaissance que ses membres avaient de l'avenir, soit par l'observation des astres, soit par les sacrificesqu'ils offraient SEIZIÈME SESSION. 4 aux dieux, ou par les enseignements qu'ils tiraient des livres sacrés. — Réunis en colléges, leurs enfants héritaient de leurs droits et de leur science. — Ils étaient aussi chargés de l’enseignement public (1). La deuxième partie des revenus était attribuée aux rois, qui devaient s’en servir pour la dépense de leur maison, pour les frais de la guerre et les récompenses à décerner pour cause d'utilité publique. Quant à la troisième partie, elle était acquise à la caste des guerriers, pour le fait d'arme et de guerre qui leur in- combait de père en fils. Suivant le même auteur, les laboureurs, les bergers et les artisans formaient sous ces castes dominantes d’autres classes ou casies, dont la première, moyennant un léger salaire, vaquait, de père en fils, à tous les travaux d’agri- culture sur les terres qu’ils tenaient des castes privilégiées possédant le sol. — Il en était de même des pasteurs ou bergers, qui s’occupaient exclusivement de tout ce qui con- cernait l'élève des animaux domestiques , soit bœufs , va- ches, chevaux, porcs, oies, poulets, etc., et toutes les deux, ces classes étaient arrivées, à l’aide de la tradition et de l'expérience. à des procédés si perfectionnés, qu’a- bandonnant.sur plusieurs points, comme pour la volaille, les pratiques ordinaires de la nature, ils obtenaient par l’incubation artificielle des produits d’une abondance com- plètement exceptionnelle. Mais ce qui concernait les artisans et l’art proprement dit était encore plus étonnant; et comme le signalait Dio- dore au moment où il écrivait (environ soixante ans avant J.-C.), cette notable supériorité qui se remarquait dans les monuments de l'Egypte ne peut évidemment procéder (1) On trouve dans le palais de Karnac une inscription relative au grand-prêtre d’Ammon Osorchou, où il dit de sa personne : Moi qui (par mon père) suis fils des grands prophètes d'Ammon et fils de prêtre du côté de ma mère. 8 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. que de celte continuité non interrompue de moyens, de méihodes ét de perfectionnements que la pratique, dans un temps où l’art n’avait point encore d’histoiré, tirait incessamment des générations , qui se transmettaient de l’uné à l’autre ce que l'expérience et la science venaient à confirmer. Je sais que l’on a souvent opposé à ce système les graves inconvénients de la possession exclusive des arts ou de la “science , qui, ainsi exploités par privilége, auraient man- qué, dit-on, de cette vive excitation que la concurrence et l’ambition savent leur donner. Il y aurait une longue dissertation à faire sur cette matière; mais, pour ne nous arrêter ici qu'aux faits capitaux et décisifs de l’argumen- tation que nous pourrions emprunter, ne pourrait-on pas dire qu’à nulle autre époque l’art et la science ne s’élevè- rent d’une manière plus constante et plus rapide vers les grands résultats qu’il leur est donné d'atteindre ? Et quelles sociétés, en effêt, pour l'astronomie, pour les arts d’ap- plication, pour la philosophie même, pourraient le disputer à ceux dont les grandeurs en ruine depuis vingt siècles nous laissent encore dans l’étonnement et quelquefois dans l'impuissance de les imiter ? L’art et la science ont incon- testablement multiplié leurs moyens dans nos sociétés mo- dernes; mais ont-ils, en définitive, produit de plus grandes choses? On peut au moins en douter, en considérant les prodigieux et gigantesques résultats de la civilisation égyp- tienne. Nous né connäitrons jamais parfaitement la vie publique et privée de ce peuple ; mais, encore une fois, à voir ses œuvres, à Voir ce qui nous a été appris de ses procédés, si ingénieux et si étonnants jusque dans les plus pétits dé- tails de la vie, est-il à croire et serait-il possible que ces grandes classifications du travail et de la vie publique n’eussent été conçues et exercées que pour tuer le génie ou le comprimer? Et à quoi donc aurait servi ce deuxième tiers des revenus publics qui devait, par les mains des Pharaons , se répartir en récompenses nationales? Puis, SEIZIÈME SESSION. 9 quand les castes privilégiées remettaient leurs domaines aux deux classes des laboureurs et des pasteurs que nous voyons obtenir des produits si heureux et si abondants, croyez-vous que le mérite individuel de ces industriels fût chose indifférente et sans prix aux yeux de ceux qui leur confiaient leurs domaines? Le puissant véhicule du progrès et de l’amélioration n’avait point été éteint là plus qu’ail- leurs; seulement, à ce qu’il paraît, cette concurrence sans contrepoids , qui trouble si souvent notre industrie, avait été contenue dans le principe pour ne s'exercer que dans des limites sagement réglées. Les choses ne se sont pas passées autrement dans l'Inde , et les lois de Manou arri- vées jusqu’à nous abondent de détails à cet égard. Ne nous dissimulons pas cependant que ces explications ne soient très-loin de compléter les notions que nous vou- drions avoir sur le rang et les relations des castes entre elles, sur leur organisation personnelle, sur leurs forces relatives et sur l’application de leurs ressources physiques ou intellectuelles au grand œuvre de la civilisation égyp- tienne. Mais où aller puiser aujourd’hui les renseignements qui pourraient compléter nos idées sur cette organisation ? Les monuments écrits sont muets, el les restes imparfaits que quelques pierres sculptées nous ont transmis ne nous apprennent même pas si les diverses castes de la société égyptienne avaient un signe extérieur et apparent du rang qu’elles pouvaient avoir. On peutdistinguer dans beaucoup de cas un prêtre d’un guerrier, un marinier d’un cultiva- teur, un ouvrier en terre d’un faber, mais rien, au moins de connu, qui dise à quelle caste les uns ou les autres appartiennent. La possession du sol telle que nous pouvons l’étudier encore sous la domination arabe et musulmane, nous paraît seule capable de fournir Ce vap# indications sur l’objet de nos recherches. Ce qu'il y a de fort remarquable , en effet, c’est que cet état de choses n’a pas, à bien dire, changé en Egypte de- puis les Pharaons ; et que la puissance des Arabes, celle des Musulmans comme celle du Pacha qui règne aujour- T. 1. 2 A0 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. d’hui sur ce pays. se sont en quelque sorte fondées , dans notre âge comme dans les temps anciens , sur la complète disposition de la propriété territoriale , sorte ar de la puissance souveraine (4). Quant aux temps anciens, Hérodote et Diodore s’en ex- pliquent catégoriquement; et, en mêmequecedernier nous apprend qu'’Isis, en fondant le culte de son époux, attribua aux prêtres , auxquels elle remit ce soin , da tierce partie de toutes les terres et revenus du pays , nous voyons, par un autre passage de cet auteur et par plusieurs fragments de l’histoire d'Hérodote , que la caste des gens de guerre jouissait d’un tiers des revenus de l’État ou d’une certaine portion du sol de l’Égypte (2). — Un passage de la Genèse, relatif au ministère de Joseph, sous la domination des Hyck-Sehos, est toutefois plus explicatif encore ; et, d’a- près le texte hébreu, toutes les terres, à l'exception de celles des prêtres, étant devenues la propriété des Pharaons, auraient été régies depuis cette époque en vertu des arran- gements que Joseph prescrivit lui-même pour leur culture, à savoir, que les détenteurs du sol recevraient des semen- ces des greniers publics, ensemenceraient leurs ferres , donneraient le cinquième de leur produit au roi, et con- (1) :Un descaractères spéciaux.de la propriélé et du travail en.Orient a toujours. été l’agglomération et la mise en commun des efforts de l'homme. C’est à ce litre que, dans presque tous les pays de l'Asie, la possession du sol est regardée comme un des attributs de Ja souverai- neté. De nos jours, Runjet-Sing, dans le Penjab, et Mohamed-Aly, en Egypte, n'ont donné une si puissante force à leurs gouvernements une siutile direction à leur pays, qu’en s'appuyant sur ce principe. Moha- met le grand prophète, dont la pensée imprima aux peuples orientaux une direction si-sûre, n’avait eu gardelui-mème d'oublier ou de néeli- ger ce principe, et l’on trouve dans sa loi que la terre appartient à Dieu et au souveruin qui en est le représentant. Les Kalifes , ses successeurs, en firent l’application et créèrent l'institution-du Mékémeh, qui veille, au nomdusouverain, à la juste transmission des propriétés. ‘@) Diodore, lib. 1, cap.2 et 8. —Hérodole, lib. 2, cap. 168. - SEIZIÈME SESSION. 41 serveraient les quatre autres parties , afin de pourvoir à leur entretien et à celui de leur famille (4). Mais cet état de choses ne peut être considéré comme ayant été l’état immuable de la propriété territoriale en Égypte : plusieurs passages d'Hérodote le prouvent. Il en est un d’abord qui nous apprend que, sous Sésostris , douze aroures de terre exemptes de toutes charges et de toutes redevances furent données à chaque homme de guerre (2). — Il en est un autre qui nous apprend qu’à l’avénement du prêtre Sethos au trône (713 avant J.-C.), les douze aroures de terre qui avaient été donnéesa ux gens de guerre leur furent retirées (3). Enfin, un passage du même historien nous apprend que Sésostris , rentrant de ses conquêtes , fit Le partage des terres , assignant à cha- que Égyptien une portion égale qu’on tirait au sorb, à la charge de payer tous les ans au prince une redevance qui composait son revenu (4). Il est dit en outre que si le fleuve enlevait à quelqu'un une partie de sa portion, il ailait trouver le roi et lui exposait ce qui était arrivé. Le roi envoyait des arpenteurs sur les lieux, et la redevance ne se-payait qu’à proportion du fonds qui restait. Ce dernier passage se rapproche beaucoup, sans contre- dit, de celui de la Genèse, et si on lés prend Fun et l’autre comme l'expression la plus étendue de l’état de la propriété foncière en Égypte, il faudrait s’arrêter à l’idée que la pos- sessoin du sol fut en quelque sorte un des apanages de la royaulé, et que celle-ci en disposa complètement. Du reste, comme nous l’avons dit, les choses n’ont point changé en Égypte, mème de nos jours, et les /ellahs du Pacha ne sont pas dans une position fort différente de celle où Joseph et Hérodote nous montrent les laboureurs de leurtemps, culti- vant, au nom de leur maitre, les terres qu’on leur concé- (1) Genèse, ch. 47. — V. 23 et 24. (2) Hérodote, lib. 2, cap. 168. (3) Hérodote, lib. 2, cap. 141. (4) Hérodote, lib. 2, cap. 109. 42 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. dait, moyennant une redevance qu'Hérodote ne détermine pas, que Joseph fixe au cinquième. La possession du sol fut donc un des droits de Ja souve- raineté pharaonique; mais ce droit était-il complet et ab: solu; ou, s’il ne l'était point, comment se trouvait-il limité ? c’est ce qu'il est difficile de dire. Et, en effet, comment Diodore, qui visite l'Egypte quatre siècles après Hérodote , aurait-il dit que les terres et les revenus publics étaient partagés en trois portions égales , dont l’une au clergé, l’autre au roi , et la troisième aux gens de guerre, s’il n’avait trouvé les choses en cet état au moment de sa visite ? Il n’est pas, au reste, du tout invraisemblable que les choses aient pu se disposer ainsi, à la suite des nombreuses révolutions qu’amenèrent les invasions de l'étranger , et il peut très-bien se faire que les conquêtes successives des Perses et des Grecs aient naturellement conduit le pouvoir royal à se départir en faveur du clergé et des gens de guerre du droit de disposer du sol et de ses ressources, comme un moyen d'appuyer sur les deux castes prépondérantes du pays l'autorité qu'il partageait avec elles. — Mais-cela étant pour le temps de Diodore comme pour celui d’Héro- dote, pour le temps de Sésostris comme pour celui de Jo- seph, et les conditions de cette remise aux castes privilé- giées ayant pu seules changer ou s'étendre , qu’en était-il au fond de cette remise ? qu’en était-il du contrat de louage ou de possession du prince aux castes privilégiées, et de celles-ci aux ouvriers exploitants ? car je ne suppose pas que le prêtre , non plus'que le guerrier, aient jamais tra- vaillé leurs terres de leurs propres mains. Un passage de Diodore s’en explique : il dit positivement que les labou- reurs prenaient un petit salaire des prêtres, du Pha- raon et des gens de guerre, pour cultiver leurs terres. (4) La position élevée du sacerdoce dans l'Etat et dans les (4) Diodore de Sicile ; lib. 2, cap. 8. À À, SEIZIÈME SESSION. 43 sciences en faisait, en effet, une nécessité, et le temps -que les prêtres devaient au culte, au commerce des lettres, à l’enseignement public , à la gestion de certaines affaires dans les conseils du prince ou ailleurs, ne leur eût pas permis de s'occuper de la mise en valeur de leurs terres. Quant aux gens de guerre, les exigences de leur position étaient évidemment les mêmes, puisqu'ils devaient inces- samment se livrer à la pratique des armes, y entretenir leurs enfants et tenir garnison sur les marches du pays, sans en pouvoir sortir quelquefois pendant trois ans, comme cela arriva sous Psameticus. -- Comment , dans ces con- ditions , l’homme de guerre eût-il été en même temps le laboureur attaché au sol qui lui avait été concédé ? Cela ne se pouvait. La répartition des gens de guerre dans certaines provinces, par préférence à certaines autres, comme cela avait lieu au temps d'Hérodote, quand il trouva les Æer- motybies et les Calasiries réparties entre le Delta etles no- mes des environs de Thèbes, prouve d’une autre part que les hommes de guerre s’établissaient dans les lieux mêmes où leur présence était nécessaire; mais que c’était là aussi qu’ils recevaient avec les terres qui leur étaient dévolues les revenus et les droits dont les tenanciers faisaient retour au prince ou à ses ayant-cause. Quelques passages d'Hé- rodote sur la solde et les rations de vivres en nature que recevaient les deux mille soldats qui avaient la garde du Pharaon ne permettent pas d’en douter, et nous ne pou- vons comprendre autrement que comme une concession faite par le prince, la remise des terres, ou plutôt des droits et des revenus que ces terres, données ou retirées suivant le besoin de la politique, pouvaient offrir. — Constitués autrement, attachés au sol d’une manière inaltérable , les: gens de guerre auraient été trop à redouter, auraient été “un obstacle au lieu d’être une ressource, quand la poli- tique ou la défense du pays exigeait qu’on les portât sur un point plutôt que sur l'autre, suivant que les intérêts asia- tiques ou ceux de l’Afrique centrale dominaient ou mena- çaient le pays. A4 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Si nous avions donc une dernière opinion à donner sur cés matières, nous dirions que, très-probablement, la cin- quième partie des revenus, sur laquelle Hérodote et Joseph sefblent d'accord, fut le taux de la redevance à laquelle la classe des laboureurs se trouvait obligée envers le prince, possesseur nominal du sol , et qué cette redevance fut ser: vie par les laboureurs aux gens de guerre toutes les fois que des concessions furent faites à ceux-ci par le prince. Quant à la redevance, nous pénserions que, payée au £uerrier ou au prince, elle le fut toujours en nature, comme le donnent à croire les explications d'Hérodote sur les rations de viande, de pain et de vin remises aux soldats préposés à la garde du prince. Cette opinion est, d’ailleurs, conforme à l’état général des peuples primitifs, et, s’il a été mis en doute que les Egyptiens aient eu un système monétaire, il fallait bien que les échanges et les revenus se réglassent en nature. L'établissement des greniers pu- blics , dont parle Joseph, ét plusieurs comptes de recettes qu’on retrouve dans les grottes d’Elcthia, le donnent éga- lement à penser , le prouvent en quelque sorte. Mais une manière encore plus sûre d'éclairer la question est de rechercher, comme les Champollion et les Zoëga l'ont fait pour la littérature et la langue, ce que la consti- tution actuelle de la propriété ét du travail en Egypte peu- vent nous offrir d'indications sur le passé; car, dans notre pensée, la propriété, son mode de constitution, ses éléments aussi se retrouvent presque complets dans la constitution de la propriété égyptienne , telle qu’on l’apérçoit sous les Mamelouks ou sous Mohamed-Aly, l’heureux pacha de l’ancien empire des Pharaons. Sous les Mamelouks, en effet, comme sous les Pharaons, deux grandes classes de propriétés territoriales : la propriété seigneuriale et la pro- priété religieuse, qui se subdivisaient, pour les terres sei- gneuriales , en ard-el-fellah, terres de paysans, et ard=el- oussyeh, terres exclusivement domanialès ; toutes deux ap- “ pärlénant aux moultésims où successeurs des éonquéränts turcs. — L'ard-el-fellah était une sorte de fermage infécdé SEIZIÈME SESSION. 45 et se transmettant de père en fils. — Le moultézim était propriétaire nominal et pouvait expulser le fellah qui lais- sait sa terre sans Culture; mais, de son côté, le fellah jouis- sait de la plus complète liberté quant à l’exploitation de sa terre, et il lui était loisible de la vendre, de la donner, de la transmetire à ses enfants, mais sans qu'il pût la dégrever de la redevance seigneuriale dont elle était frappée à per- pétuité. Le mouliézim , de son côté, pouvait augmenter la redevance à prélever sur sa terre, et, si le fellah mourait sans enfants, la terre entière revenait au moultézim. Quant à la redevance, le moultézim ou ses intendanis l’exigeaient avec soin, et une première prélévation faite sur la- tolalité servait à acquitter le æiri, taxe territoriale au profit du souverain. Que l’on applique cette nature de propriété et ses divi- sions aux passages d’'Hérodote et de Diodore que nous avonscités, et l’on comprendra comment les gens de guerre, qu'ils fussent en possession d'une partie du sol ou qu'ils reeussent des terres de Sésostris ou de tout autre, se trou- vèrent jouir de certaines marques de distinction avec des terres exemptes de toutes charges ou redevances. Une fois en possession d’une terre comme l’ard-el-fellah, ne conçoit- on pas très-bien comment ils purent se livrer sans disconti- nuation au fait des armes, aller tenir garnison pendant des années entières, et se transplanter , ainsi que nous l'avons dit, d’un point à l’autre, sans que leurs domaines ou leurs revenus en souffrissent ? On concevra aussi comment il se fait que dans cet état de la propriété territoriale, l’archéo- logie moderne ait retrouvé quelques contrats de vente se rap- portant à des terres vendues : au temps des Ptolémées (1). Le fellah était aussi en possession de ce droit. Mais l’ard-el-fellah n'était pas la seule nature de pro- priété territoriale usitée au temps de la domination turque ; lPard-el-ousyeh était aussi un-mode de possession usité et (1) Journal des savants : 1822;, mois de septembre. 16 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. qui profitait au moultézim d'une manière beaucoup plus large. Cette terre était travaillée par contrat de louage proprement dit, et le fellah, qui la fructifiait, n’étaît qu’un manœuvre gagisie. — Toutefois, le moultézim ne pouvait disposer de sa terre, même envers ses enfants, qu’à l’aide d’un rachat ou droit de succession qui servait à en obtenir l'investiture du Pacha. — S'il mourrait sans enfants, ou sans avoir fait de dispositions testamentaires, ses terres retombaient dans le domaine public. D'ailleurs, il n’y avait ni droit, ni succession collatérale, ni succession par ascen- dant.—Comme on le voit, c’est toujours l’État pour premier possesseur du sol, pour seul titulaire ayant droit de trans- mettre, même aux classes privilégiées , l’usage de la pro- priété territoriale. — Voilà pour les gens de guerre et les laboureurs-tenanciers ou fellahs. Voyons à présent pour la propriété sacerdotale propre- ment dite , que les Turcs appellent ouakf. — Voici ce que nous lisons dans le curieux travail de M. Colin sur la con- slitution actuelle de la propriété en Egypte : « On compre- nait sous la dénomination générale d’ouak/f les biens affec- tés aux fondations pieuses. Quand ces biens consistaient en terres, elles prenaient le nom de rizkah. La plupart de ces donations ayant une origine antérieure à la conquête des Tures, leur caractère religieux les plaça en dehors du droit commun , et elles ne furent pas soumises au miri établi par Sélim. — Les constitutions d’ouakf avaient primitivement pour objet la fondation de collèges ou médressés, la dota- tion de mosquées , l'établissement de bornes- fontaines : l'entretien de lampes de nuit, etc. , etc. » On le voit, l’ouakf, ou la chérie pieuse du régime actuel, était, comme celle de l’ancienne Egypte, exempte de toute charge publique et tout-à-fait en dehors du droit commun. Mais c’est aussi ce que nous disaient Hérodoteet Diodore des terres affectées à l'entretien du sacerdoce,, et il y a ceci de tout-à-fait spécial, que les terres anciennement affectées au sacerdoce durent souvent, comme les riskah modernes , être affectées à l'établissement des colléges de SEIZIÈME SESSION. 47 prêtres, à la dotation des temples (plusieurs inscriptions lues par Champollion en font foi), et probablement aussi à l'entretien des lampes de nuit, qui étaient répandues dans l’ancienne Egypte comme dans la moderne. Quant à la mise en valeur de ces biens, les terres d’ouakf; comme celles d’oussyeh , étaient exploitées par le moyen de la corvée ou du salaire. N’est-ce pas aussi ce que. les historiens grecs nous disent des terres sacerdota- les, que la caste des laboureurs travaillait moyennant un nouveau salaire? Ici, comme dans les terres tenues par les moultézims, ou gens de guerre, nous retrouvons d’une autre part l’usage presque général des oukil ou procureurs- gérants. Ce que les grottes d’Elcthya et tant d’autres scènes de la vie agricole des anciens Egyptiens nous ont appris sur leur emploi, ne nous permet pas de douter que, très- ordinairement , les entreprises agricoles de l’ancienne Egypte ne fussent dirigées . comme les modernes, par des intendants que l’on retrouve incessamment occupés à compter les troupeaux, à recevoir les grains de la récolte, à diriger ou à distribuer les travaux mêmes de la culture. On sait que Mohamet-Aly, en brûlant un jour tous les ti- tres des #noultézims, s’est mis à leur lieu et place, et s’est ainsi adjugé la propriété complète du sol. Peut-être n’est- ce là qu’un acte de souveraineté légale pour ce pays, et s’il était permis de lui chercher un précédent, nous ne se- rions pas éloigné de penser que quand Sefhos retira aux gens de guerre, les moultézims de son temps, les douze _aroures de terre que Sésosiris leur avait données, il ne fit pas autre chose que son arrière-successeur Mohamel-Aly (1). Toutefois , arrêtons-nous un instant à considérer les faits dont nous venons d’apprécier l'existence. D'abord consti- tué sacerdotalement, le gouvernement de l'Egypte paraît (1) Voir la Revue des Deux Mondes, année 1840 : Lettres de M. Colin sur l'Egypte ; — et le Times, — novembre 1840 : — M. Kinnear’s Cairo, Petra et Damascus. UE 51 18 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. avoir resté long-temps déposé entre les mains des prêtres, et c’est à cette époque sans doute que les chefs du pays furent désignés par le nom des dieux qu’ils servaient, sous le double titre de grands-prêtres et de chefs nominaux de PEgypte. — Suivant quelques écrivains, une deuxième époque serait venue où la puissance du pays se serait dé- veloppée et fixée à l’aide des formes électives. Ce que nous en disent les historiens grecs prouverait au reste que, pour cette fois encore , le pouvoir n’échappa point aux prêtres. =— Rangés sur une montagne voisine de Thèbes, les pré- tres et les guerriers, dans l’ordre de leur hiérarchie, dé- cidaient entre eux, et à l'exclusion du peuple, des choix à faire. — À mesure qu’un candidat paraissait on recueillait les voix :— celle des prêtres principaux valait cent voix; — celle des prêtres de deuxième ordre, vingt; — celle des prè- tres du troisième ordre , dix, — celle des guerriers seule- ment une. Enfin serait venue une troisième époque, militaire et politique, dans laquelle le souverain, se consolidant de lui-même par l’hérédité et la sanction en quelque sorte sa- crée que’ nous lui avons reconnue, se serait appliqué avec la disposition complète de toutes les facultés du pays, soit à l'expulsion des étrangers, soit à l’affermissement et au développement d’une nationalité dont la première pensée fut empruntée aux Dieux ou à la religion. Ce serait à cette époque que tous les pouvoirs de l'Etat, émanés en quelque sorte de cette source sacrée, auraient été appliqués au plus grand développement du génie des habitants et des ressources du pays, non pas en laissant à Phomme la complète responsabilité de ses actes person- nels, mais en dirigeant au contraire ses instincts et l’usage de ses facultés vers l’agrandissement d’une splendeur na- tionale où l’individualité du citoyen fut sacrifiée à la plus grande élévation de la nation elle-même. 54 © Sans bornes et sans autres limites que les lois elles-mé- mes, l’autorité royale , dans un tel système, fut une sorte de délégation de la divinité. Mais, subordonné à.son tour SEIZIÈME SESSION. 19 à la loi commune de la glorification nationale, le déposi- taire de cette autorité irresponsable, tant qu’elle était vi- vante et exercée, venait lui-même subir à la porte du tom- beau l’épreuve redoutable du jugement populaire. — Les cendres du roi étaient jeiées au vent, quand il avait failli à sa mission. D'une autre part , la société entière, constis tuée sur le même principe, après s’être divisée sous cette même autorité en castes chargées, comme en passant, de l’usufruit de toutes les ressources du sol et de la nationa- lité égyptienne, ne s’attachant jamais ni à la terre, ni aux arts, ni aux sciences, autrement que pour appliquer ses forces personnelles à leur développement, semblait rece- voir comme un dépôt les richesses de ses devanciers , à charge de les transmettre avec le nouvel acquis d’une ex- périence fondée sur la pratique que chaque génération de- vait éclairer , étendre ou rectifier. Grand et dévoué à la fois, soumis à une volonté supé- rieure et surhumaine, ainsi s’avançail au milieu des siècles et des autres nations, naissant à peine à la civilisation, le peuple égyptien, plus attaché à la grandeur de son nom qu'à des jouissances matérielles, plus préoccupé de l’illus- tration nationale que des intérêts de l'individu. C'est en général ce qu'ont fait aussi les Indous, les Per- ses-el tous les peuples de l'Orient, qui, en passant par le régime des castes, ont semblé tout donner à l'élévation po- litique de la race par l’œuvre combinée de ses membres. — C'est qu’au premier moment de la formation des socié- tés humaines, sans doute l'homme dut s’effacer aussi com- - plètement que possible devant l’association pour lui donner le loisir de se constituer. — On ne peut se défendre d’ai- mer une pareille idée de grandeur; et il faut bien recon- naîlre que, dans ces lemps primitifs et d’impulsion sponta- née, cetie seule méthode dut être capable de donner nais- sance à ces actes puissants et forts de sociabilité, qui nous font encore aujourd’hui nous tourner vers l'Orient, quand nous voulons remonter à la source féconde des doctrines philosophiques , des essais Les plus hardis de l’art ou de la 20 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. science , toutes choses qui se rattachent par l’ idéalisme à la véritable pensée de la divinité. A tous ces titres , nous n’hésitons donc pas à regarder le régime des castes, dans l'antiquité, comme la cause la plus active du rapide développement de la civilisation. — Ce n'est pas à dire que le régime dût se perpétuer jusqu'à notre âge; que toutesles imitations qui en ontété faites aient été aussi heureuses, aussi légitimement motivées. — Mais pourquoi, en nous résumant en très-peu de mots , ne di- rions-nous pas que Dieu, en rechauffant dans le sein des peuples les premiers éléments de la science qu’il leur avait promise, crut lui-même qu’il était nécessaire au dévelop- pement de celte science que son germe s’abritât, en quel- que sorte, sous l'autorité concentrée que la possession du sol, la tradition sacrée et l’immutabilité de la puissance politique pouvaient trouver dans l'institution des castes ? Si, plus libre et d’une allure plus personnelle , la science de nos jours continue ses développements sous le régime du libre examen, ne serait-ce pas tout simplement que le temps serait venu pour elle d'accomplir une autre phase de la loi de son expansion , sans que rien, pour cela, dans son passé , doive être condamné ou répudié. M. Hamon, qui demande et obtient la parole, croit que la division par caste a été utile dans certaines circonstances et nuisible dans d’autres. Les castes, dit-il, ont servi avantageusement à former la transition entre l'unité limitée de la famille et l’unité de la cité. La famille, en Orient , est une unité exagérée, re- présentée par le père en tout et pour tout. Familles et tribu, tout cela obéit à des dieux exclusifs et jaloux : de là une morale exclusive, un esprit hostile et l'impuissance de l'art et du commerce. Au contraire, dans le régime par caste, fondé, soit par l’agrégation volontaire des races, soit, ce qui arrive beaucoup plus souvent, par la conquête, trois ou quatre races obéissent à des dieux particuliers à chacune d'elles, mais aussi à un dieu général auquel ces dieux spéciaux et inférieurs se subordonnent. SÉIZIÈME SESSION. 94 Ïl y a là progrès, ascension évidente vers l’unité de Dieu, révélée aux hommes par le Christianisme. Ce pro- grès religieux, résultat de la division par castes, influe à la fois sur la morale, sur l’art et sur le commerce : sur la morale, car les castes agrégées, si elles ont des droits et des devoirs spéciaux , reconnaissent entre elles des droits et des devoirs qui leur sont communs; sur le commerce, car, avec cet état politique, il y a concours de plusieurs volontés vers un but commun, et les grandes agrégations d'hommes présentent un lien commun qui permet entre elles l’échange, tandis que l’isolement hostile des tribus le rendait antérieurement à peu près impossible; sur l’art, parce que, dans le second étai de choses, l’art reproduit une idée plus parfaite. Il y a, sur ce point comme sur les autres, marche ascensionnelle vers le Christianisme , qui a formé l’art le plus beau, par cela même que cet art repré- sente l’idée parfaite au point de vue intellectuel et moral. A l’avènement du Christianisme, les castes qui le pré- paraient devaient tomber. Si partout ce résultat s’était pro- duit, le rôle des castes dans le monde eût été un rôle ex- clusivement utile. Malheureusement, les castes se sont perpétuées dans le monde oriental, et c’est cette perpé- tuation intempestive de la caste, en face de l’idée parfaite dont elle devait préparer seulement l’éclosion, qui est nui- sible et dangereuse pour la civilisation. M. Hamon recherche ensuite pourquoi les castes sont tombées en Occident, tandis que le résultat contraire se produisait en Orient. Il attribue cette différence à l’anthro- pomorphisme , déification de l'humanité et de la mobilité qui formait le fond des religions occidentales, et au sys- ième panthéistique, qui, détruisant le libre arbitre, décré- tant l’immobilité et l’extase , viciait profondément les doc- trines religieuses de l’Inde et de l'Egypte. M. Duchatellier répond à M. Hamon qu'il n’a jamais pré- tendu que la perpétuité des castes füt un bien : il croit avoir dit comme lui que, dans l’antiquité, les castes furent 92 GONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. un progrès ; qu’elles portèrenti les sociétés indiennes etégyp- tiennes au plus haut degré de splendeur ; que l'art, moins gêné dans ses inspirations, arriva à réaliser des concep- tions-sublimes ; que le commerce lui-même atteignit un haut degré de prospérité , ce qui se prouve par la perfec- tion singulière des lois qui le régissaient : ainsi. pour ne citer que des exemples partiels, la bonne foi des marchés était réglementée d’une manière admirable , et les lois sur la vicinalité étaient aussi parfaites que celles qui nous régis- sent aujourd’hui. La discussion étant épuisée sur ce point, M. le Président passe à la seconde question : « Quelle part eurent l’indus- trie et le commerce dans le développement de la liberté chez les Grecs ? » M. Duchatellier, inscrit pour traiter cette question, s’ex- prime à peu près comme suit: En parlant de la Grèce et en examinant les conditions prédominantes du développement de son génie et de la ci- vilisation qu’elle fonda dans l'Occident, il ne faut pas per- dre-de vue l’état primitif de ce pays, et les circonstances qui vinrent successivement le modifier. — Nomades, — pasteurs ; — chefs de tribus et héros successivement, les Grecs des premiers temps, dont les noms sont venus.jus- qu’à nous, passèrent par les conditions naturelles du genre de vie auquel les circonstances les astreignirent. Dans le principe, évidemment, les Grecs ne furent ni industriels, ni commerçants. Ce ne furent d’abord que de pauvres che- vriers, tout au plus des éleveurs de bestiaux, de très-pau- vres agriculteurs, demandant ici et là un produit à l’oli- vier, qui croissait spontanément dans les enfractures de leurs rochers, ou aux céréales que Triptolème leur apprit à cultiver dans les plaines d’Eleusis et dans les vallées d’où les eaux s'étaient retirées. Mais, dans ces conditions, la vie civile proprement dite n’était point encore née, etles mythes si nombreux d'Hercule, bouvier et défricheur de terre, d’Actéon , d’Aréthuse , de Diane, illustres chasseurs SEIZIÈME SESSION, 923 pris dans les deux sexes, prouvent que la vie des tribus grecques , dans l’âge auquel appartiennent ces personna- ges , fut d’abord agresite et presque sauvage. Ce n’est que vers les xvi° et xv° siècles avant l’ère chré- tienne qu’on trouve le mythe des Argonautes, chronique essentiellement commerciale, et qui est d’une date voisine de celles qui relatent l’arrivée sur les continents européens des nombreuses migrations que les troubles de l'Egypte et de la Syrie, lors de la domination des Æyck-Schos, et au moment de la plus grande puissance des Phéniciens , jetè- rent en nombreuses colonies dans le Péloponèse et l’Eubée, soit des rives du Nil et du littoral de l’Asie mineure, soit des bords plus éloignés de la Phrygie et de la Cappadoce , comme cela eut lieu pour la famille de Pelops et de Tan- tale. C’est donc évidemment avec l’étranger que les idées com- merciales s’introduisirent pour la première fois en Grèce ; et tout porte à croire que, là comme ailleurs, le commerce des esclaves, du bois et des pelleteries fut le premier qui dut se faire. Les poèmes les plus anciens de la Grèce le prouvent. Mais les populations autocthones restèrent long-temps encore ce qu’elles étaient, et ce fut dans la résistance na- _ turelle qu’elles opposèrent aux invasions de l’étranger que se développa, comme d’elle-même, cette vie brillante d’hé- roïsme:et de merveilles qui, en se colorant de la magie des mythes religieux de l’Orient, a défrayé toute l’antiquité en fables et en croyances si riantes, si suaves, si animées de cetle première fleur d'existence civile et politique, que nous étudions encore de nos jours avec une si juste curiosité. Cet âge, plein de faits et de gloire, eut pour historiens les généalogistes, dont Pindare avec tant de raison déplo- rait la perte, etles poètes , dont Homère n’est probablement qu’un des illustres enfants. Encore une fois, ce n'est pas au tempsde cette première gloire des tribuset des familles de la Grèce que dut naître le commerce; etilsuffit de s’ar- rêter un instant aux préparatifs du grand siége de Troie, 24 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. aux expédients parfois très-simples et très-grossiers aux- quels l’armée envahissante des confédérés eut recours, pour reconnaître que l’industrie était à peine née sur le sol de la Grèce, et que la production des objets d'échange y était au moins très-limitée. Ce n’est qu’à partir d'Hésiode et du poème des Travaux et des Jours, c’est-à-dire vers le 1x° siècle avant l'ère chré- tienne , qu'on retrouve dans l’histoire des tribus grecques la trace d’une existence définitivement soumise au cours régulier des travaux agricoles et commerciaux. On sait que le poème d’Hésiode mérita le prix aux funé- railles de je ne sais quel prince de l’Eubée. C'était bien à un pays commerçant comme cette île qu’il appartenait d’être le premier en Europe à glorifier la loi nouvelle du travail qui se fondait en Occident, avec le double principe de la liberté et de la responsabilité personnelle ; loi toute émancipatrice, qui ouvrit pour le monde entier des-horizons nouveaux quela loi absolue et jalouse des castes n’avait pu ni apercevoir ni deviner. A ce point de vue la prise de Troie. qu'on a si souvent célébrée comme un triomphe et qu’on peut regarder aussi - comme un des grands désastres de la Grèce, fut au moins réparée par l’avènement nouveau de tout un système de besoins et de travaux que la dureté des premiers changeurs dela côte avait en quelque sorte retardé de plusieurs siècles. L'histoire des colonies grecques confirme ces détails de la manière la plus complète; et c'est, en effet, dans le vire et le vu: siècle avant l’ère chrétienne que nous voyons les Grecs de l’Eubée, de l’Ionie , d'Egyne et du Péloponèse lui- même se rendre simultanément sur tous les points acces- sibles de la Méditerranée, de l’Asie-Mineure , de la Grande- Grèce, de la Sicile, de l'Ibérie, du Pont-Euxin, et y fon- der partout des colonies et des établissements que nous avons peine à compter. Le commerce et l’industrie existèrent donc chez les Grecs. avant leurs grandes sous de l’indépendance, e 'est-ä-dire avant le v° siècle. SEIZIÈME SESSION. 25 Ces habitudes de commerce favorisèrent-elles la con- quête de cette indépendance? Je crois qu'il n’est guère permis d’en douter; mais je ne vois pas aussi bien que celle conquête elle-même, c’est-à-dire que le refoulement de l’élément asiatique par les grands succès militaires de Marathon, de Platée, de Salamine et de Mycale, ait don- né à l’industrie de la Grèce et à son commerce un déve- loppement plus étendu que celui qu’ils avaient atteint au moment de l’invasion médique. Ces faits pourraient faire penser , et la série chronologi- que des établissements coloniaux de la Grèce vient à l’ap- pui de notre opinion ; ces faits, dis-je, pourraient faire pen- ser que si la Grèce des Thémislocle et des Pausanias trouva, dans les grandes victoires de ces hommes illustres, le dernier mot de son indépendance politique, et avec elle l'agrandissement isolé de quelques-unes de ses plus célè- bres républiques, il n’est pas aussi sûr que la Grèce entière et l'Occident y aient trouvé la condition assurée d’une grandeur qui pût vivre un instant à Sparte ou à Athènes, sans jamais avoir brillé pour tout un grand pays, capable à la fois d’en soutenir l’éclat et d’en faire prévaloir le prin- cipe. Athènes el Sparte, après Mycale et Salamine, ne furent | que deux rivales jalouses l’une de l’autre, qui mirent une couple de siècles à se contre-miner,en léguant à Alexandre, chef ardent et jeune, la mission, funeste pour tous, de dé- truire sans retour le juste prestige qu'exercèrent si long- temps sur le monde entier les inénarrables merveilles de la puissance orientale, que, plus tard, le despotisme farouche de Rome ne trouva même plus pour contre-poids. En remontant, par ces considérations , jusqu'aux temps les plus prospères du commerce grec, que nous croyons fixés entre les vru£ et v® siècles avant l’èré chrétienne, nous restons toujours embarrassé de dire si une transaction ho- norable entre l'Orient et l'Occident, au temps des Darius et des Xercès, n’aurait pas été au moins aussi profitable au développement de la civilisation que les éblouissantes vic- T. ll. ; 4 26 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. toires de Platée et de Marathon, car, en dernière analyse, les lauriers de ces journées n’appartinrent certainement pas à celle des deux populations qui était à ce moment là plus ayancée dan: les sciences et dans les arts. En terminant, M. Duchatellier dit: « Je crains bien, Mes- sieurs , de professer une opinion qui ne sera peut-être pas accueillie favorablement, et qui pourrait bien même être traitée d’hérésie, si ce n’est d’obscurantisme.—Je saïs, en effet, moi-même ce qu’elle peut paraître avoir d'étrange et de paradoxal ; mais ce n’est pas légèrement cependant que je la professe , et j'espère bien, un jour, pouvoir la justifier avec sûreté et d’une manière plus complète. » M. Hamon, répondant à M. Duchatellier, dit qu’il con - sidère la liberté comme la cause génératrice du commerce grec, et non comme son résultat. Pour lui, les Grecs de- vinrent commerçants, parce qu'ils se trouvèrent libres. En maintenant, au reste, que le commerce n’a point eu d’in- fluence sur la liberté du peuple grec , il accorde à l’esprit commercial une certaine influence sur les conséquences de la liberté, c’est-à-dire sur l'égalité. Les Grécs, par rap- port aux Perses, constituaient véritablement le parti de la civilisation ; ils représentaient, comme anthropomorphistes, la mobilité ou le progrès, tandis que les Perses, dans leur panthéisme , représentaient la cause de l’immobilité et de la barbarie, M. de Wismes demande et obtient la parole. Il mani- feste sa défiance pour les larges formules qui mènent sou- vent à de grandes exagéralions. Étonné d’une appréciation qui se trouve dans la dissertation de M. Hamon , au reste pleine d’ingénieux aperçus, il se mêle à la discussion, bien qu'il ne se trouve guère préparé sur la question agitée. Ilne peut croire que l’anthropomorphisme seul ait conduit les Grecs à la liberté, et de la liberté au commerce et au culte des arts. Trois causes plus importantes, dit-il, semblent dé- terminer avant tout la vocation commerciale d’une nation: ces causes sont la position territoriale , les besoins maté- “riels, les instincts de race. SEIZIÈME SESSION. 97 N'’est-il pas naturel qu’un peuple habitant au bord de la mer s’habitue vite aux périls de ce perfide élément? Ne doit-il pas concevoir de bonne heure l’idée d’y transporter sa fortune et ses pénates? Son territoire est souvent res- ireint; mais la mer est immense : elle appartient au plus audacieux. Parfois tout lui manque, son sol est aride, le sable le couvre ou le granit perce partout, les moindres plantes n’y viennent qu’à regret, et l’aquilon courbe les arbres presque dès leur naissance. Devant lui, au contraire, sont des ports, des entrepôts où tout se trouve en abon- dance, le lin dont il tissera sa tunique, le bois dont il con- struira sa maison, le blé dont il nourrira ses enfants. Un _peu de courage, et toutes ces choses seront à lui ! L'argent, il est vrai, lüi manque d’abord pour les payer; mais, outre que son industrie sait mettre en œuvre ces matériaux, en augmenter la valeur, et qu’il peut reporter un pour dix, souvent aussi derrière lui ne se trouve-t-il pas des peuples qui regorgenÿ de tout et qui, pour écouler le trop plein de leurs productions, pour se procurer d’ailleurs sur d’autres rives ce qui peut leur manquer, sont obligés de s’adresser à lui et d’implorer à prix d’argent la faveur de son cour - ‘tage et de ses hardis navigateurs? Voyez les Phéniciens, Athènes, Carthage, Venise, Gênes, l’Angleterre, la Bre- tagne, les Etats-Unis, les Hollandais, les peuples de la Baltique, etc. N'est-ce pas là, à bien peu près, l’histoire _de leur commerce, de ses causes, de ses progrès? Ne sont- _ce point également des circonstances indépendantes du panthéisme ou de l’anthropomorphisme qui, chez plu- sieurs, en ont amené la décadence ou la chute ? L'instinct propre à chaque race ne doit pas non plus être oublié. — Ainsi, chez les Grecs, la race ionique semble _avoir été bien mieux douée que la race dorique pour les arts et le commerce: ainsi les Romains ne furent pas, sous ce double point de vue, plus favorablement organisés que cette dernière race, et cependant ils étaient anthropomorphistes. Un si illustre et si frappant exemple ne suffit-il pas pour détruire par sa base l'échafaudage le mieux organisé à son 28 . _ CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. sommet? De nos jours, se pourrait-il nier quéMles ! Anglais ne soient la race la plus commerçante du globe? — Voyez, sous Ce rapport, quelle différence avec les Français, dont le sol, plus fertile, fournirait à de plus vastes exportations, etc dont la position territoriale maritime est supérieure à celle del Angleterre. Ces deux peuples ne sont-ils pas à peu près soumis au même système religieux ? Si je ne craignais de m’engager dans une trop vaste ques- tion, je ferais voir combien plus fortement encore péche le système dont il s’agit, relativement aux progrès età là dé- cadence des arts chez les diverses nations. Hélas ! c’est une vérité triste à dire, mais l’art a fleuri également, souvent même avec plus de succès sous les épo- ques de despotisme que sous celles de liberté ; ;— et la reli- gion des Grecs, cette religion plus corrompue peut- être qu'aucune de celles de l’Asie, a produit en Grèce et à Rome des monuments d’art supérieurs à tous ceux des autres peuples de l'antiquité, et supérieurs aussi #quoi qu'on en dise, à tous ceux des modernes. Mais quoi ! les systèmes religieux en question séraient- ils donc si nets et si tranchés qu’on veut bien nous le dire? La religion phénicienne n’était-elle pas un mélange de pan- théisme et d'anthropomorphisme? Trop proche de Ja Perse et de Babylone pour ne pas avoir, en partie notable , les mêmes croyances panthéistiques , nous la voyons tendre visiblement à à l anthropomorphisme dans le mythe d'Her- ‘cule-Melkarth, emblème du génie A g de cette na- tion. N'est ce pas ce peuple, mi - partie panthéiste (ce‘qui ‘ne P? empêcha pas d’être le plus commerçant de l'antiquité), mi-partie anthropomorphiste, qui fut l'instituteur religieux de la Grèce ? Cette Grèce elle- même, si anthropomorphiste, n ‘emprunta-t-elle pas beaucoup aussi à l’ Egypte, et la plu part de ses philosophes , Pythagore en tête, ne ‘firent - “ils :pas ( de larges emprunts au grand foyer du FRE à l'Inde LAN ‘Ainsi encore, la religion romaine n’était-elle pas un ne SEIZIÈME SESSION. . 39 Tinge de la religion des Grecs et de celle des peuples du nord de l'Italie ? La religion des Etrusqués n’avait-elletpas, les vases peints en font foi, retenu en partie les traditions importées de l’Asie par les Pélasges; et, d’un autre côté, avait-elle su complètement se soustraire à l'influence des dogmes des Celtes ses voisins ? Une réflexion me vient à propos des Celtes , je vous la souméts, Messieurs; mais le sujet que nous traitons est vaste , il faut excuser ce que l'improvisation peut avoir d’insuffisant ét d’incomplet. M. Hamon a réduit à deux iermes la question ÉRE* n’en aurait-il pas oublié un troisième ? Lepanthéisme, quelles que soient d’ailleurs ses variétés, répond à l'idée d’adoration de la nature. Dieune s'y sépare pas nettement de la matière: pour mieux dire , il ne fait qu'un avec elle. L'anthropomorphisme est, au contraire, l’adoration du génie humain. Dans le panthéisme, l’homme est soumis à la nature ; dans l’anthropomorphisme , la nature est sou- mise à l'homme. Mais ne fut-il pas, chez les anciens, des peuples où l’idée dominante fut celle d'un Dieu éternel , invisible , infini, incorporel , immatériel , et complètement distinct de l’homme et de la nature? Si je ne me trompe, cette idée fondamentale de la religion chrétienne régna dans les anciens temps, non seulement chez les Juifs, mais aussi, et jusqu’à un certain point, chez les populations cel- tiques. Leurs dogmes, tout obscurs qu'ils nous semblent en- core, différaient bien essentiellement de ceux de l’Inde et de la Grèce. Un peu panthéistes, un peu anthropomorphistes, ils étaient surtout pénétrés de cette idée d’un Dieu suprême, créateur et rémunérateur , s’exprimant par la bouche des druides et des druidesses. Aussi un fait est à noter, et c’est par là que nous finis- sons. Venu de l'Orient, et n’ayant pu pénétrer qu’assez tard dans une grande partie de l'Occident, c’est là, chez les Barbares, que le Christianisme trouva le terrain le “mieux préparé pour le recevoir. Le panthéisme et l’an- 30 GONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. thropomorphisme avaient également corrompu l’homme d'Orient, l’un en niant sa personnalité. l’autre en la déi- fiant; l’un en lui disant : Tu es libre, car tu n’es rien, et l’autre, tu es libre car tu es tout. Mais ici, chez le Celte, chez le Gall, chez le Germain, le prêtre avait dit : Tu es homme, c’est-à-dire ton corps vient de la terre, et ton es- prit de Dieu; tu es libre, c’est-à-dire l'Univers est à toi ;- mais Dieu te regarde, il te jugera, tremble ! Le Christ n’eut -qu’à changer le dernier mot; — il dit : Aime! Il y a bien long-temps que Clovis, le fier Sicambre, courba son front sous l’eau sainte du baptême, et cependant aujourd’hui encore la France, notre bien-aimée patrie, est la fille aînée de l'Eglise, tandis que, malgré tous les efforts de nos hé- roïques missionnaires, tout l'Orient dort encore son hon- eux sommeil au sein des dogmes les plus absurdes et de la morale la plus corrompue. M. Jouausi présente quelques observations sur le rôle du commerce dans l'empire romain. En faisant passer succes- sivement l’esclave à la position d’affranchi, et l’affranchi à, celle de citoyen, il a facilité la destruction des castes à Rome et dans une grande partie de l'empire; puis, en rui- nant la société romaine, il a servi la cause des sociétés fu- tures. ; Après quelques mots de M. Hamon et de M. l’abbé Tor- quat, la séance est levée. \ Séance du 4 Septembre 1849. — Présid, de M. LAMBRON DE LIGNIM. — M. DE BEAUREPAIRE, Secrét. Le procès-verbal de la séance du 3 est lu et adopté. La seizième question est mise à l’ordre du jour : ,« En SEIZIÈME SESSION. 31 » combien de classes peuvent se partager les monuments » celtiques? Quelle destination peut-on attribuer à chacune » d’elles ? » M. de la Villethassetz obtient la parole. Il regarde comme satisfaisanie la nomenclature actuelle des monuments cel- tiques , et se borne à quelques observations sur le dolmen, le menhir, le cromlech. Arrivant au monument renommé de Carnac (Morbihan), il rend compte des fotilles qu'il a exécutées sous les pierres qui le composent. Les cendres qu'il y a découvertes l’autorisent à croire que cé monu- ment n’est qu'un ensemble de tombeaux. Mais, à quel peuple appartiennent les individus dont les restes se trou- vent sous ces pierres? Ces individus étaient-ils Celtes? étaient-ils Romains? Faut-il voir des tombeaux celtiques ou des tombeaux romains dans ces pierres funéraires très- rapprochées ? M. de la Villethassetz penche pour la dernière opinion , qu’il développe avec beaucoup de soin, en s’ap- puyant sur .certains noms très-significaüfs, sur divers objets romains trouvés dans la localité, et enfin sur des traditions locales qui paraissent mériter quelque confiance, M. de Wismes prend ensuite la parole. Après un préambule général sur l'obscurité dans laquelle sont restées pendant de longs siècles les antiquités druidi- ques, M. de Wismes résume les différents systèmes mo- dernes sur ces monuments, et, s'appuyant sur les résultats produits par des fouilles récentes, sur des analogies histo- riques et sur le bon sens, il donne une explication, qui lui semble probable, de leur origine et de leur usage, Tout d’abord, il repousse le système qui consiste à y voir des constellations terrestres , à l’imitation des constel- lations du ciel ; il repousse également le système qui y re- connaît des traces de camps romains, et enfin celui qui, s'appuyant sur des données théogoniques assez obscures, prétend y voir un temple symbolisant Épn sa forme le dra- gon ou le serpent antique. Mais, à côté de ces idées Disarsais grâce aux lueurs 32 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. jetées sur l’histoire par MM. Guizot et Thierry, grâce. aux recherches exécutées dans l’Inde par les explorateurs as asi tiques, des systèmes plus rationnels se sont établis. M. “À Wismes partage entièrement l’idee de ceux qui, comme M. de la Villethassetz, ÿ voient des sépultures. 4° Le nom est un puissant indice L Carnac veut dire charnier. Le nom de quelques HU des environs signifie en breton, selon M. de la Villemarqué , l'un villagé dés la- mentations , l’autre hameau de la mort, un autre terre du deuil, etc. 2° Plusieurs textes viennent à l'appui de cette pensée : « Élève des tombeaux, dit Ossian {poëme de Tamora, chant 3), à tous ceux qui ont péri dans la bataille; si tous n'étaient pas comptés parmi les chefs, tous étaient braves: Carill n'oublie aucun guerrier. » Taliesin, barde, qui vécut quelques années avec Saint- Gildas à l’île de Rhuis, dit dans un de ses chants, en parlant d’un menhir : « C’estla pierre dressée pour le hé- ros fils du guerrier Benli. Pour qui, dit-il ailleurs, à été bâti ce monument carré.…?» Et Merlin répond : « Un guer- HA s’en réveillera, en sortira et chassera nos emneinis de l'île de Bretagne. » : M. de la Villemarqué, auquel nous devons ces textes curieux, nous en donne un autre non moins digne de re- marque dans le chant intitulé : Les Séries, ou le druide et l'enfant. L'ENFANT. « Chante- moi la série du nombre cinq, te à ce que jel appr enne aujourd’hui. Dre LE DRUIDE. «Il y a cinq zones autour de la terre : cinq âges dans la durée du temps : un dolmen sur notre sœur. » < Je n’ai pu, dit M. de la Villemarqué , trouver de quoi peut être le symbole cette sœur emprisonnée s sous les cinq pierres du dolmen. » | ï SEIZIÈME SESSION. he - Nous demanderons à M. de la Villemarqué pourquoi celte sœur n’aurait-elle pas tout simplement été enterrée sous ce dolmen? — Reste à expliquer ce nombre cinq. — Or, si certains dolmens se composent de cinq pierres, beau- coup en ont plus, beaucoup en ont moins; peut-être , et cette idée est tout-à-fait conforme au génie religieux des anciens peuples , le chant même dont il s’agit en fait foi, peut-être le nombre des pierres pour chäque dolmen était- il fixé selon la qualité des personnes. Qui un druide peut- il appeler sa sœur , si ce n’est une druidesse? Ne serait-ce pas qu’on élevait sur les cendres des druides et des drui- desses un dolmen composé de cinq pierres? — Nous n’af- firmons rien du reste; nous posons un peut-être. En mà- tière celtique, l'affirmation ne sera de long-temps permise. _ De ce texte on peut aussi conclure qu'on élevait. des pierres sur la tombe des femmes comme sur celle des guer- riers; mais peut-être cet honneur n'était-il réservé qu'aux femmes d’un rang supérieur et aux druidesses. * 8° Sous la plupart des dolmens, on a trouvé des haches et autres instruments de meurtre. Malheureusement, beau- coup de fouilles ne se font pas avec assez de soin; mais nous tenons à en signaler deux très-bien faites, et qui ne laissent pour ainsi dire aueun doute que les monuments fouillés n’aient été des tombeaux. Les Mémoires de la Société des Antiquaires de l'Ouest, tome V, 1838. page 198, rap- portent qu'en 1827, on découvrit dans les jardins de la ma- nufacture de Biard, près Poitiers, cinq haches de bronze, alignées , el distantes entre elles de 146 centimètres. Elles étaient enfouies à 50 centimètres de profondeur. On peut affirmer qu’un dolmen a dû autrefois recouvrir ces haches, si Pon rapproche la position régulière de ces instruments de celle tout-à-fait identique de haches semblables, ou matars , au nombre de neuf , qui furent trouvées sous un dolmen près de Kerhor, commune de Quévén , route de Quimper. Entre ces haches se trouvaient, fait curieux tout- à-fait confirmatif de notre opinion, deux petits lacrymatoires en terre. M. Lebeau, directeur des travaux maritimes, fut T. I, 5 34 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. obligé de détruire ce dolmen; mais il eut le bon.esprit, beau- coup trop rare, d’en lever le plan, de noter la position des baches et.des lacrymatoires. Ce plan et ces derniers objets sont conservés à l’Arsenal de Lorient, où M. Lehgau a bien voulu me les communiquer. Il est plus que probable que cette tombe fut celle d’un guerrier, et que près de lui avaient été enterrées ses armes. — M. Michelet nous rappelle un passage d'Aristote, poli- tique VIT, 2—6, portant que, sur la tombe du guerrier ibé- rien, on plantait autant de lames qu’il avait tué d’ennemis. &° Les anciens n’avaient pas, sur l’éternité des peines et sur le sort de l’âme après la mort, des idées aussi nettes que les nôtres; la croyance à la métempsycose dut, à de certains degrés, être fort répandue. — Développer ici cette idée, nous mènerait infiniment trop loin; mais on doit y trouver le germe du soin excessif apporté par les anciens pour préserver le corps de la corruption, et préserver ce corps lui-même momifié ou réduit en cendre des injures de la température, des accidents des révolutions. De là ces grottes funèbres, ces pyramides, ces tumulus que l’on rencontre chez tous les peuples; de là ce respect général pour ces monuments. Temples et palais ont disparu en bien des lieux , où les tombes inviolées se retrouvent encore. — Il en fut ainsi chez les Celtes. Qu’on veuille voir des autels dans les dolmens, cela est possible, cela fut peut-être pour quelques-uns; mais, à coup sr, il ne reste aucun doute. pour les tumulus. Beaucoup ont été ouverts, et dans tous, qu'ils renfermassent des groties, ou qu'ils fussent divisés: en diverses cellules séparées par des murs le plus souvent en pierre sèche, on a trouvé des cendres et des ossements: calcinés. Une similitude frappante et non suffisamment re- marquée subsiste entre-les pyramides d'Egypte et les tu- mulus, surtout ceux qui renferment des grottes comme celle de Gaw'rinis, et qu’on peut , d’une façon plus cer- taine que pour les autres , considérer comme d’origine évi- demment celtique. Très-large à sa base, le tumulus va comme la pyramide, se rétrécissant sans interruption jus- SEIZIÈME SESSION. 35 qu’à son sommet ; comme elle, il devait , par ses dimen- sions , exiger pour sa confection un temps et des dépen- ses considérables ; comme elle, il ne renferme en général, sous cet immense amas de matériaux, qu’un étroit cor- ridor et une ou deux chambres mortuaires; comme elle, il semble n'avoir eu pour but, outre l'honneur à rendre au défunt, que de complètement dérober à tous les outrages les restes qu’on y enfouissait., Dans l’un comme dans l’au- tre, l'entrée du couloir qui conduisait au caveau était ca- chée avec le plus grand soin; on a même retrouvé dans quelques tumulus cette disposition constante dans les py- ramides égyptiennes d’un corridor formant plusieurs dé- tours et aboutissant à quelque point imprévu du monument, comme pour dérouter toute tentative de fouille sacrilége. Le tumulus enfin, comme la pyramide, semble avoir été réservé aux personnages de marque. Sa rareté en fait foi ; quelques-uns ont dù être démolis, mais cependant de pa- reilles buttes disparaissent difficilement sans laisser de tra- ces. J'ai, du reste, la conviction intime que plusieurs dol- mens et grottes aux fées ont dû primitivement être renfer- mées dans des tumulus. 5° On a eu tort, à Carnac, et c’est là, je crois, ce qui a toujours embrouillé la question , de s'occuper presque ex- elusivement des grands alignements qui se trouvent près du bourg de ce nom. — Ces alignements ne doivent pas être isolés de ious les monuments qui les entourent. Or. que voyons-nous dans une longueur de plusieurs lieues depuis Kerserho jusqu'à Lomariaker, et sur une largeur d’une lieue environ? Partout des tumulus, des menhirs , des dolmens, des grottes aux fées, des cromlecks et deux alignements ; car, à moins de vouloir, comme le docteur John Bathurts, dans son Dracontium, plier faussement les faits à un fauxsystème , il est impossible de confondre l'alignement de Kerserho avec celui de Carnac. L'aspect général de cette contrée est celui d’une vaste plaine funèbre, comme celle de Thèbes en Egypte. La mort évidemment a régné sur cette plage, la mori, et peut- 36 CONGRÈS menphase DE FRANCE. effet , que ces ts bi comme . le _ déisiies le long de la mer dans un espace de plusieurs lieues, et que bien peu s’en écartent au-delà ge faible distance; si l’on une Jongue suite des générations, ne peuton pas en ‘conclure que quelque tradition relative à la migration des âmes a. dû exister chez les Armoriçains ? Presque partout se retrouve la croyance de la barque. à Caron. Une croyance semblable a sans doute existé chez la nation qui nous occupe. 6° La formation du mont Saint-Michel , tout contre les alignements de Carnac, est un fait sur lequel on ne s'est jamais suffisamment appuyé, et auquel j’attache cependant une grande importance dans la question. Ce tumulus très- élevé est entièrement formé de petites pierres dont aucune ne pèse plus de quelques livres; aucun ciment ne les lie, aucune terre n’y est mêlée. N’est-il pas infiniment probable que ces pierres ont été ainsi jetées une à une, selon.un usage religieux qui se retrouve chez bien des peuples, par ceux qui venaient aux funérailles ? Il n’est aucune de ces pierres qu’un homme n’ait dù porter très-facilement. D’autres tumulus de construction identique ont été trouvés, et ce qui vient d’être dit s’y applique. Je puis notamment citer, comme l'ayant vu au moment où il venait d’être fouillé, celui de Fontenay-le-Marmion, près de Vieuæ, sur la rivière de l'Orne. M. Nicollas de Magné, dans une notice sur les cérémo- ci6é FM antiquaires de L Ouest, 1838, p. 129), pr" 4 qu'il alla voir dans une ferme le feu de la Saint-Jean. sel de. d’ eux va à ve main droite un. rameau. a de noyer recueilli. dès. le matin, avant le lever du soleil , et à la gauche une petite pierre qu’ils appellent leur tombe. La procession commença. Ils firent trois fois le tour du bü- cher dans un silence religieux.…, puis ils posèrent che leur petite pierre le plus près du feu, etc. SEIZIÈME SESSION. 37 Ce fait m'a paru intéressant à rappeler. Rapproché de plusieurs autres et corroboré par eux, il confirmerait notre pensée sur l’idée religieuse et funéraire qui à dû présider à l'érection du mont Saint-Michel. 7° Pour conclure enfin, ne peut-on pas admettre que les alignements de Carnac et de Kerserho furent élevés en l’honneur de guerriers morts en quelques grands eombats? Mais si l’on observe que ces alignements, surtout celui de Carnac, terminé en fer-à-cheval, ont été élevés d’après un plan fort régulier, et que même, avec des matériaux bruts pris dans des carrières très-voisines, il a fallu, vu l’immen- sité du travail, un temps fort long pour le terminer; si l’on considère aussi que des dolmens ayant pu servir d'autels se trouvent au sommet culminant de ces alignements, comme pour être en vue de tout un peuple, et enfin que ces alignements rappellent, tout barbares qu'ils soient, les co- lonnades d’un temple, et se prêtaient aux déveluppements des processions religieuses, il est permis , jusqu’à preuve contraire, d'y voir des temples consacrés au dieu Bélen. ou à quelque auire divinité armoricaine. D'ailleurs, est-il probable que les funérailles se passas- sent sans appareil religieux ? Chez bien des peuples, les ci- metières ne sont-ils pas près des temples? N’étaient-ils pas autrefois, chez nous, proche de nos églises ? et quand ils étaient hors de la ville, n’y joignait-on pas toujours une chapelle ? Pour nous donc, la plaine de Carnac était le grand cime- tière des Venètes. Les alignements faisaient partie d’un temple, destiné tant à honorer les dieux qu'aux cérémonies mortuaires. — La distance qui sépare Carnac de Kerserho avait seule , sans doute , déterminé à faire deux temples presque identiques sur cette côte de plusieurs lieues d’é- tendue. Toutefois, nous le répétons, nous n’affirmons rien; loin d'imposer notre opinion à personne, nous conseillons le doute, mais un doute qui, loin de paralyser les forces, les double, les stimule, et conduise à de nouvelles recherches. Mr Philippe Lemaître, M. Lambron de Lignim et 38 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE, M. Jouaust prennent part à la discussion et présentent des observations propres à faire penser que les monuments celtiques de la même classe n’ont pas tous eu la même destination. Le menhir, par exemple, est souvent un mo- nument funéraire ; mais il est aussi quelquefois un monu- ment religieux, un monumeni historique. Les traditions locales et certaines circonstances peuvent être fort utiles pour apprécier la destination du monument dont on fait l'examen. Le reste de la séance est consacré à l'audition de di- verses propositions. M. de Mellet demande que le Congrès émette un vœu pour la conservation de la chapelle Sainte-Catherine, dé- pendant de l’ancien couvent des Ursulines , place du Pré- Botté, à Rennes. Cet ancien couvent, après avoir été long- temps une propriété départementale, est devenu une pro- priété privée. MM. Galles, Jouaust et Pelfrêne, qui appuient la proposition , entrent dans quelques détails sur le monu- ment dont il s’agit. M. Paul de la Bigne-Villeneuve, en adhérant au vœu exprimé par M. de Mellet, propose de recommander à la bienveillante protection de l'administration municipale de Rennes les chapelles Saint-Yves et Sainte-Anne ; une cha- pelle du xv° siècle située dans le jardin intérieur du couvent de Saint-Yves ; la porte occidentale et tout le côté nord ‘de l’église Saint-Germain ‘y compris la petite porte latérale défigurée par un ignoble tambour en bois ; un portail élé- gant de la fin du x1v° siècle ou des premières années du xv°, dépendant du couvent ruiné des Jacobins; la vieille porte Mordelaise; enfin une petite maison du xvi siècle située dans la rue Saint-Guillaume. Il croit cette recommanda- tion d'autant plus urgente, que plusieurs de ces monu- ments se trouvent actuellement , pour divers motifs , très- sérieusement menacés. MM. Bizeul et de la Villethassetz désirent un vœu du SEIZIÈME SESSION. 39 Congrès relativement à l'inscription de Corseuls, qu’il im- porte de bien conserver. M. de la Sicotière propose de recommander l'étude de la question suivante : « Rechercher s’il existe en France . et particulièrement en Bretagne, des fortifications vitrifiées , analogues à celles de l’Ecosse ? Indiquer les modes de vi- trification employés. » Après quelques observations de M. de Mellet, les propo- sitions faites sont favorablement accueillies par la section. La séance est levée à une heure. . Séance du $ Septembre 1849. Présid. de M. LAMBRON DE LIGNIM. — M. DE BEAUREPAIRE , Secrét. Le procès-verbal de la séance précédente estlu et adopté. M. de Caumont , vice-président du Congrès, dépose sur le bureau deux mémoires , l’un de M. Hucher, l’autre de M. l’abbé Lacurie. Il annonce que M. Barthélemy a bien voulu se charger de rendre compte du premier mémoire , et que M. Bizeul rendra compte du second. M. le Président déclare que la présence de M. Parker a déterminé la mise à l’ordre du jour de la dix-huitième question, ainsi conçue : « Quelle a été réellement linflu- “ ence exercée par l'Orient pour le développement de l’art » occidental aux x1° et x siècles? Y a-t-il eu en France » une classe de monuments auxquels il GORE d’appli- » quer le nom de byzantins? » M. de Caumont, inscrit sur la question, expose qu’il ne s’est jamais bien rendu compte de la nomenclature archéo- 40 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. logique qui donne la dénomination de byzantins aux mo- numents du xn° siècle, quoique leur architecture soit radicalement différente de l’architecture de l'Orient. On pourrait tout au plus conserver ce nom aux églises à cou. pole: qui. se trouvent dans le midi de la France. M. de Méllet partage l'opinion de M. de Caumont. Suüi- vant lui, dans le Midi, on a long-téemps imité l’antique. On retrouve quelquefois l’ogive bien avant le système ogi- val, comme à Saint-Front de Périgueux; mais alors ce n’est qu'une mesure prise pour donner de la solidité à l’é- difice. On ne peut reconnaitre l'influence byzantine que dans les églises à coupole, construites en forme de croix latine, et dans les peintures et les sculptures. Le nimbe, par exemple, peut offrir quelques bonnes indications. Dans l'Orient, on en ornait non seulement les personnes divines et les saints, mais encore les personnages illustres, les vices, le diable même, et entre ses branches on mettait, soit A et ©, soit o wv, quand il couronnait une personne di- vine. En Occident, cet ornement est donné seulement aux personnes divines et aux saints. M. de Mellet termine en rappelant que M. de Verneilh a prouvé que Saint-Front de Périgueux était calqué sur Saint-Marc de Venise, et avait servi de type à beaucoup d’églises à coupole du Périgord, sur lesquelles il prépare, du reste, un travail général. M. Parker, d'Oxford, qui s’occupe activement de com- parer les progrès de l’architecture en France et en Angle- terre, appelle l'attention des archéologues français sur les questions suivantes : 1° Trouve-t-on en France des clo- chers semblables à ceux qu’on nomme anglo-saxons en Angleterre? Ces clochers , qui ressemblent à des tours for- tifiées, sont construits avec des assises de pierre qui simu- lent une charpente. 9 A-t-on fixé positivement, en France, les caractères qui distinguent le style roman du xr° siècle de celui duxn£ ? 3° La transition du roman au gothique a-t-elle commencé avant.le milieu du xn° siècle? Ainsi, est-il bien établi que … SEIZIÈME SESSION. AA les voûtes de la cathédrale de Sens sont antérieures ou pos- térieures à l'incendie de 4184? Ce renseignement est d’au- tant plus important que ce monument à une grande ana- logie avec la cathédrale de Cantorbéry, qui fut construite par un Guillaume, de Sens. M. de Soultrait, répondant à la première question posée par M. Parker, dit qu'il a vu en Piémont des clochers qui se rapprochaient des clochers dits anglo-saxons; mais il n’a rien vu de pareil e1 France. Sur la troisième question, M. de Caumont dit que, le plus souvent, les voûtes sont postérieures au xn° siêcle ; que les églises étaient construites de manière à en rece- voir: mais que, fréquemment, elles ne furent pas achevées. Du reste, la transition paraît avoir eu lieu dans le xnr° siè- cle, mais avant le milieu. Des monuments, cependant, semblent faire exception, comme l’église de Saint-Germer, dans l'Eure, qui offre tous les caractères de la transition, bien que des textes précis établissent qu’elle a été con- struite avant 1100. M. de la Sicotière cite un fait semblable pour l’église de Séez. M. le Président fait observer que la troisième question posée par M. Parker rentre dans la dix-neuvième question du programme, qui se trouve, au reste, à l’ordre du jour. La voici : « Quelles ont été les limites extrêmes et la durée » de l’architecture de transition dans les diverses provinces » de la France? Dans quelle région se sont produits les » premiers édifices de ce style? Faut-il y voir, comme on » l’a prétendu, l'expression d’une lutte entre l’esprit sacer- » dotal, gardien des anciennes traditions, et l’esprit nova- » teur ou laïque ? » M. de Mellet, qui obtient la parole, s'exprime comme suit : : MEsstEurs, En me présentant pour parler sur la dix-neuvième ques- T. II. 6 EX, CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE-FRANCE. tion du programme , je dois me hâter de vous dire d’abord qe je n’étais nullement préparé à la traiter , lorsque je me suis trouvé incidemment amené à m’en occuper; en second lieu , je deis proclamer ici bien haut mon incapacité à traiter dans son étendue, dans toute l’ampleur assignée par lepro- gramme, une question qui se ratiache à l'architecture de toute la France au moyen-âge , et qui serait susceptible des considérations les plus diverses et les plus approfondies. Permettez-moi donc, je vous prie, de me borner ici à quel- ques mots, à quelques réflexions toules improvisées , et telles que l’ insuffisance de mon propre fonds peut me les suggérer, au moins quant à la partie scientifique de la ques- tion. Quant à la partie morale, au contraire , mon opinion est bien précise, bien définie, et je ne doute pas qu'il ne me suflise de vous présenter deux ou trois pensées pour vous faire partager mes convictions. Renonçant donc à parler ici de la difficulté du style de la transition, de ses limites et de sa durée dans les diverses provinces de France, je vous dirai seulement que, dans la province de Champagne et dans le département de la Marne, ce pays éminemment classique pour l'architecture du moyen-âge, le style de transition me paraît celui de tous qui a pris l'extension la plus grande. Un très-grand nom- bre d’édifices religieux ont débuté par le style mixte du xn° siècle , ou sont devenus, sous l'inspiration de-ce style, les objets d’une rénovation presque complète. Plus tard , à une époque que je ne saurais préciser , le xmr siècle s'an- nonce et finit enfin par se personnifier en Champagne dans la cathédrale de Reims, type complet, admirable, sur le- quel viennent se mouler successivement bien des édifices secondaires, en Champagne et ailleurs. Notre-Dame-de- Reims surgit de terre dans la première moitié du xm° siè- cle ::mais-nous savons que déjà , sur bien d’autres points de la France, le xim° siècle régnait par anticipation dès la seconde moitié du xn° siècle; nous savons que, presque partout, au moins pour les pays situés au nord de la Loire, le plein:cintre, dans une foule d'édifices, avait disparu pour SEIZIÈME SESSION. 43 faire place à l’ogive. Raisonnant maintenant par analogie et d’une.manière peu rigoureuse , il est vrai, sur la ques- tion d’origine du style de transition, je dirai, Messieurs, que, partant du principe de l'extension du style du xu° siè- cle dans les provinces du nord et dans la Champagne, spé- cialement dès l’époque la plus éloignée de nous de l’appa- rition de l’ogive , je ne doute pas que le xu° siècle n’ait éga- lement et précédemment jeté ses premiers rayons dans la Champagne, la Picardie, l'Ile-de-France , lorsque les au- tres provinces de France, les plus méridionales surtout, persévérèrent encore long -temps dans les traditions pures du roman primitif. Je ne raisonne, du reste, ainsi que je vous l’aidit, Messieurs , que par des inductions qui me pa- raissent plausibles; mais j’ai le regret de ne pouvoir ici vous donner ni une série de dates, ni des limites tranchées pour les diverses régions architectoniques de la France. Et maintenant, Messieurs, j'aborde la dernière partie de la dix-neuvième question du programme, qui se formule ainsi : Faut-il voir, comme on l’a prétendu, dans le style transitoire du xn° siècle , l'expression d’une lutte entre l’es- prit sacerdotal, gardien des anciennes traditions, et l’esprit novateur ou laïque? Je me demande si cette question mérite un sérieux examen , et s’il ne faut pas la reléguer bien vile parmi ces spéculations systématiques enfantées à froid dans les rêves du cabinet, et qu'aucune considération sérieuse ne peut tendre à prouver. Vous ne l’ignorez point, Messieurs, de l'accord de tous, de la vue des œuvres matérielles elles-mêmes et des té- moignages apportés par l’histoire, résulte un fait incontes- table, que jamais l'essor chrétien, jamais le zèle religieux n’enfantèrent plus de miracles dans l’ordre des monuments, que dans la seconde moitié du x siècle et dans tout le xIn°; jamais les conceptions artistiques ne tendirent plus à s’épurer que pendant cette série d'années; jamais l’inspira- tion ne fut plus heureusement féconde ; jamais le symbo- lisme ne se formula d’une manière plus orthodoxe et plus complète; jamais l’action collective des masses ne tendit 4h CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. d’une manière plus énergique à pousser vers le Ciel de gi- gantesques actes de foi; jamais la Mère de Dieu nefut ho- norée d’un culte plus profond , plus filial, plus touchant. Eh bien, Messieurs, ce serait dans ce moment d’enfante- ment religieux et artistique, si général et si glorieux , que le clergé, rompant avec ses tendances, avec ses vœux; avec ses devoirs, et se préoccupant de je ne sais quelle nécessité de conceptions traditionnelles appliquées à des formes ar- chitecturales, se serait mis en opposition avec des faits qui faisaient et devaient faire, au contraire , sa consolation et sa joie? Non , non, Messieurs ; nous n’en pourrions rien croire ; nous ne pourrions admettre un instant une suppo- sition si contraire au bon sens, à la nature des choses, à la vérité, aux faits eux-mêmes. Toujours et en toute cir- constance, le clergé s'associa au progrès, là où le progrès fut réel, évident, immense, dans l’ordre matériel et dans l’ordre intellectuel, comme il le fut aux xne et x siècles. Et, du reste, n’avons-nous pas les mains pleines de do- cuments historiques qui nous montrent des évêques , des prêtres , des abbés de ces époques, fondateurs de monu- ments capitaux , d’édifices que nous admirons encore, et construisant d'immenses basiliques dans les conditions nouvelles de l’art qui se modifiait, sollicitant la coopéra- tion des fidèles par des indulgences, provoquant des au- mônes par desdispenses accordées en échange? Nous pour- rions nous étendre bien long-temps sur un sujet qui me paraît défini et au-delà par le peu que je vous en ai dit. Je reviens donc à mon point de départ , et je termine par ces simples considérations, qu'il ne serait pas difficile de prou- ver : c’est que la transition qui s’opéra dans l’architeeture au xn° siècle résulta, d’une manière générale , du besoin de changement, de modification, d'innovation, qui est dans la nature de l’homme; mais quelle résulta surtout de l’im- mense avantage que l'architecture ogivale offrit aux con- structeurs sur l’architecture à cintre plein, sous le rapport de la solidité, de la légèreté, de la beauté, de la pureté et de l’élancement des lignes, et du désir que, dans des temps SEIZIÈME SESSION. 45 de ferveur devenus trop rares depuis, les populations et leurs chefs éprouvèrent de profiter d’un style admirable pour offrir à Dieu et à Marie des témoignages éclatanis, indestructibles, perpétuels de leur fidélité et de leur amour. -M. de la Sicotière dit que l’ogive , en Basse-Normandie, ne se montre guère comme style avant la moitié du xur° siè- cle. A peine se glisse-t-elle comme fantaisie de décor, comme jeu d'imagination, dans quelques monuments an- térieurs. Les annalistes qui ont voulu faire remonter au x1° siecle certains monuments d’un style ogival bien carac- térisé , ont vu s’élever contre eux l’unanimité des artistes, des archéologues. Comment comprendre, en effet, qu’une forme architecturale destinée à exprimer les idées, la croyance , les besoins d’une époque, et qui ne peut arriver à son apogée qu’à la suite d’essais et de tâtonnements di- vers, se produise tout d’un coup complète, magnifique, radieuse , en présence d’une forme différente , consacrée en quelque sorte par le temps, exclusivement triomphante ? Comment admettre que ses premiers succès, qui devaient ravir d'enthousiasme les populations chrétiennes, n’eussent pas immédiatement détrôné le style roman, qui cependant préside , dans la première moitié du xu° siècle, à la con- struction de tant d’édificesimportants ? Les dates de toutes les grandes œuvres d’art sont écrites dans les développe- ments successifs et nécessaires de l’art qui les produit. L'opinion des chronologistes, qui, sur la foi de dates plus ou moins certaines , d’hypothèses plus ou moins ingénieu- ses. faisaient remonter au xr° siècle la construction des belles cathédrales de Chartres et de Coutances, a été soli- dement réfutée par M. de Caumont et par beaucoup d’au- tres archéologues. Celle de M. de Gerville, assignant la même date à la nef de l’église de Mortain , d’après un car- tulaire, tombe devant l'examen de l'édifice lui-même, ou se révèle la succession de l’ogive et du style roman mal sou- dés ensemble. Les élégantes ogives dela cathédrale de Séez, dont Orderic Vital plaçait la dédicace en 1124, sont du xn° siècle, comme nous l’avons toujours soutenu. On vient 46 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. de retrouver dans un vieux manuscrit, à Argentan , l'épi- taphe d’un évêque de Séez, mort en 4199, épitaphe jadis placée dans la cathédrale ; le défunt y est qualifié construc- teur-de la basilique : Hujusce basilicæ œdificator. On peut espérer que de pareilles découvertes seront faites pour les édifices dont la date est encore aujourd’hui contestée. On reconnaîtra que beaucoup d’églises ont été dédiées avant leur entier achèvement; que beaucoup d’autres ont été dé- truites et rebâties pendant les guerres du xu°siècle. Après de nouvelles investigations , l'opinion des artistes et des ar- chéologues prévaudra contre celle des annalistes. Les pre- miers ont pour eux l'étude et la-comparaison , qui. troni- peni peu ; les lois de la marche etdu développement de l’es- prit humain, qui ne trompent jamais. ‘M. Parker, répondant à une demande qui lui est adres- sée, dit que l'ogive, en Angleterre, commence à la même époque qu’en France. A l'appui de son assertion; il cite l'église de Cantorbéry et celle de Lincoln, de la fin du xne siècle. Il fait remarquer que cette dernière église , construite par un architecte de Blois, ressemble à l’église Saint-Nicolas en cette ville; il voudrait savoir la date pré- cise de la construction de l’église Saint-Nicolas. — Cette date ne peut lui être donnée; mais quelques membres an- noncent qu’ils feront des recherches à cet égard. M. Richelet revient sur ce qu’a dit M. de la Sicotière, et cite l’église du Mans, dont l’extérieur offre tous les ca- ractères du xi° siècle , tandis que l’on trouve à l’intérieur des arcades ogiVales refaites. M. de Caumont dit que cette cathédrale du Mans est l’un des monuments les plus utiles pour la comparaison de l’ornementation du xI° siècle avec celle du xnr°. M. de Wismes voudrait que l’on déterminât l’époque à laquelle le plein-cintre a complètement disparu des monu- ments. 268 -M:de Mellet dit que, d’après les communications. de M. Parker, il paraît certain que, lors de la transition, nos SEIZIÈME SESSION. T7 M artistes ont apporté en Angleterre les formes ogivales , comme principe général d’ornementation. . M. de Caumont annonce que des notes et des dates cer- taines sur divers monuments de la Bretagne ont été re- cueillies par M. de la Monneraie, qui se trouve retenu à Vannes comme membre du Conseil général du Morbihan. Il pense que M. de la Borderie , en l’absence de son. com- patriote, pourrait indiquer quelques-unes de ces dates. M. de la Borderie indique l’âge attribué à certains monu- ments et parle surtout de l’église de Beauport , qui, con- struite au x siècle, offre le plein-cintre en divers endroits. Il en conclut que la transition a été relardée en Bretagne. M. de Caumont cite quelques monuments du Calvados où le plen-cintre se trouve avec l’ornementation ogivale. Il ajoute que , sur les bords du Rhin, dans le Midi et dans le Poitou, l’ornementation romane _a été conservée avec les formes ogivales jusqu’à la fin du x siècle. Le même fait a été remarqué dans le Lyonnais. M. de Soultrait présente quelques observations au sujet de cetie dernière province : il cite l’église Notre-Dame de Montbrison qui, construite au milieu du xrur° siècle , offre tous les caractères de l'architecture ogivale de l'Ouest et du Nord, toutefois avec moins d’élancement dans les formes. ; M. de Mellet demande si l’architecture du Midi a pris les formes ogivales à la fin du xmf siècle, au point où elles élaient arrivées dans les autres provinces, à cette époque? M. de Caumont répond affirmativement, mais il déclare en même temps que les édifices à style ogival que présente le Midi sont moins élancés que ceux des autres parties de la France. M. de Mellet fait connaître que M. Parker désire savoir à quelle époque , en France, les fenêtres ont commencé à être divisées par des meneaux. M. de Caumont répond que c’est dans le premier quart du xm° siècle. La section passe à l'examen de la vingtième question, 48 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. ainsi conçue : « Quelle est, dans le style dit de la Renais- » sance, la part qu’il faut attribuer à l’élément national » et celle qu’il faut rapporter à l'influence italienne ? » M. de Mellet dit qu'il est maintenant bien prouvé que beaucoup de monuments de la Renaissance sont dus à des artistes français , et que la part des artistes italiens est à peu près faite. M. de Wismes regrette que l'envoi tardif des programmes n’ait pas permis de bien étudier la question posée, qu'il re- garde comme très-importante. Il ne l'entend pas, au reste, comme paraît l'entendre M. de Mellet. Suivant M. de la Sicotière, la question, telle qu’elle est posée, est insoluble, au moins pour le moment. Il faut d’abord songer à l’étude comparative des monuments de la Renaissance dans chaque province, car, évidemment, l’in- fluence italienne a dû se faire sentir bien plus dans le midi que dans le nord de la France. A ce sujet, une discussion s'élève entre MM. de Cau- mont, Richelet et de Wismes. Bientôt M. Duchatellier y prend part, en présentant quelques faits propres à établir que l'influence de la Renaissance s’est fait sentir, en Bre- tagne , plus tard que dans les autres parties de la France. M. de Wismes mentionne comme due cerlainement à des - artistes italiens la jolie chapelle de la Bourgonnière, située en Anjou, mais près de la frontière bretonne, vis-à-vis An- cenis. On y remarque un christ en croix vêtu d’une longue tunique ei portant une couronne de comte. Il ressemble ainsi à des christs de la même époque que l’on trouve ne le nord de l'Italie (1). (1) La chapelle de la Bourgonnière, propriété de M. le comte de Saint- Pern , se trouve sur la rive gauche de la Loire, en la commune de Bou- zillé , département de Maine-et-Loire. M. de Wismes l’a décrite dans son ouvrage sur la Vendée. Celte chapelle, dit-il, est une des œuvres les plus exquises laissées dans nos contrées par l'architecture de la-Renais- SEIZIÈME SESSION. 49 M. de Mellet dit quelques mots sur les diverses formes du vêtement du Christ en croix. Il fait observer que ce vé- tement a diminué de longueur depuis le xi° siècle jusqu’à la Renaissance. M. Bouet parle de certains christs alle- mands représentés sur la croix comme sur un trône, vêtus de pourpre et portant des couronnes souveraines, comme quelques christs romans. M. de Caumont donne le conseil d’être en garde contre les traditions qui attribuent tels et tels monuments de la Renaissance aux artistes italiens, car ces traditions sont souvent fautives. Il rappelle, à cette occasion , que M. de Lambron a très-bien prouvé que la plupart des monumenis de la Renaissance qui se voient en Touraine sont dus à des artistes français. M. de la Sicotière croit, comme M. de Caumont, que les tradilions sur le point dont il s’agit méritent peu de con- fiance. Il pense, en outre, qu'il faut, pour parvenir à ré- LA sance... Elle renferme deux autels. Le principal est dédié à la Vierge, dont la statue, d’une admirable expression , s'élève au dessus du taber- nacle, entre celles de saint Sébastien et de saint Antoine. Sur l’autre autelon remarque un christ singulier : Le corps est revêtu d'une robe d’or serrée au milieu par une ceinture bouclée. Le visage est peint d’un ton de chair frappant de vérité. Les mains et les pieds sont également coloriés ; mais, au lieu d’être percés de clous, ils sont attachés à la croix par des liens de pourpre. Une couronne de comte remplace sur le front de cette image la couronne d’épines habituelle. Aux deux côtés Son! peints, sur la muraille, Charlemagne et saint Louis... Le christ de la Bourgonnière nous parait être une imitation des fameux chrisls de Vérone, de Lucques et autres villes du nord de l’Ialie. Il est probable que pendant les guerres de ce pays, sous Charles VIII ou Louis XII , Un seigneur de la Bourgonnière aura eu recours d’une manière efficace, en un grave danger, à la protection d'une de ces images vénérées, et que des artistes emmenés ou allirés par lui auront, d’après sa pieuse inten- tion, reproduit dans sa chapelle la statue, palladium de leur ville natale. Quant aux figures de Charlemagne et de saint Louis, elles représentent les patrons des fondateurs de €e charmant édifice, Charles du Plessis et Louise de Montfaucon. T. II, 7 50 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. soudre la question posée, étudier l'influence qu'a dù exer- cer sur les artistes italiens le milieu dans lequel ils vivaient, La question, dit-il, est neuve; elle a besoin d’être très-sé- rieusement étudiée, et, plus qu'aucune autre, elle demande des rapports accompagnés de dessins. IL serait bon de Ja comprendre dans le programme du prochain Congrès, en. la développant davantage, en la changeant même en une série de questions. M. de Caumont fait observer que la différence des maté- riaux a dû être pour beaucoup dans le style des œuvres de la Renaissance, surtout quand elles sont dues aux artistes italiens, habitués à travailler le marbre dans leur pays. MM. de Wismes, Richelet, de Caumont et de Soultrait échangent encore quelques paroles à ce sujet. La discussion se trouvant lerminée , M. de Caumont ap- pelle l'attention de la section sur des calques de vitraux exécutés au Mans par M. de la Rue, architecte. Il dit que des échantillons de ces beaux calques font partie de l’ex- position de peinture; que la méthode de M. de la Rue est excellente pour conserver les sujels des vitraux , et que son application générale semble désirable. Ce dernier point est, de la part de MM. de Mellet, Richelet et de Wismes, l’objet de quelques réflexions. Ils craignent qu'une application générale de la méthode en question ne devienne fàcheuse ; ils voudraient au moins une mesure qui ne permettrait le calque des vitraux qu'aux gens très-habiles et moyennant cerlaines précautions. : Is se réunissent à M. de Caumont pour proposer à la section de voter à M. de la Rue des remerciments sur la méthode qu'il a inventée et si heureusement employée. Les remerciments sont votés. ; tue M. le Président annonce qu’une séance de la société française pour la conservation des monuments aura lieu à sept heures du soir. nue La séance est ensuite levée. SEIZIÈME SESSION. 51 Séance du @ Septembre 1849. Présid. de M. LAMBRON DE LIGNIM, — M. DE BEAUREPAIRE, Secrét. Le procès-verbal de la précédente séance est lu et adopté. M. de-la Borderie dépose sur le bureau dix exemplaires ’ du Bulletin archéologique de l’association bretonne. Il dé- pose aussi plusieurs exemplaires du programme de la Ses- sion qui s'ouvrira à Saint-Malo le 42 septembre, en témoi- gnant aux membres de la section que leur présence au Congrès provincial est unanimement désirée, en exprimant l'espoir que l'invitation d’assister à ce Congrès sera favora- blement accueillie. . M. de Caumont annonce que M. Lambert fait hommage au Congrès scientifique d’un exemplaire de sa Numisma- tique gauloise; qu’il offre de plus les deux opuscules sui- vants : Réponse à la disserlalion de M. Deville, sur un symbole gaulois figuré sur des médailles de l’'Armorique ; Observations sur une note relative aux phalères et aux en- seignes militaires des romains. — Dans sa lettre d'envoi, M. Lambert se plaint de la manière étrange dont les nu- mismates parisiens et les directeurs de revues agissent pour étouffer tout ce qui peut contrarier les systèmes qu’ils propagent. La vingt-et-unième question, qui se trouve à l’ordre du jour, est renvoyée à une autre séance et remplacée par la dix-septième , ainsi conçue : « La carle ancienne de la pé- » ninsule armoricaine a-t-elle été terminée? Présenter cette » carte au Congrès, avec l'indication des localités où il a » élé découvert des débris antiques et des lignes formant le » réseau des voies destiné à relier les établissements ro- 52 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. » mains. Ces voies se distinguent-elles de celles qui exis- » tent dans le reste de la France par quelques particula- » rités? » M. Bizeul, inscrit sur la question, obtient la parole et dit qu'il croit avoir réuni dans le mémoire dont M. Barthé- lemy veut bien faire la lecture les divers Se de la carte demandée. Sparsa et neglecta coegi. En réponse à la dix-septième question du Congrès, section d’hisloire et d'archéologie, j’ai l'honneur de lui présenter un essai de la carte de la péninsule armoricaine, à l’époque où elle fut conquise par les Romains et pendant les quatre siècles qu’elle fut occupée par eux. Je crois devoir y joindre quelques courtes explications. Je n’ai pas besoin de faire ressortir l’utilité de ce travail * Tout le monde comprendra que, pour bien étudier l’histoire d'un pays, il faut tout d’abord le connaître sous le rapport géographique, à chacune des grandes époques qui en ont changé la conslilution politique ; et il est une de ces époques que j’appellerai l’époque romaine, pour laquelle il est de toute nécessité de recourir à la géographie, quand l’histoire garde sur notre pays breton un silence presque absolu. C’est en me livrant à quelques études sur celte époque romaine que, tout désappointé de ce défaut de documents historiques, j’ai été amené aux recherches géographiques, espérant y trouver quelque chose de ce que je cherchais vainement partout ailleurs. Qu’on me permette de citer à ce sujet un exemple qui m’est en quelque sorte devenu personnel, mais qui peut trouver son application à plusieurs localités de la Brelagne. J'habite, au centre de l’ancien pays des Nannèles, une bourgade nommée Blain, Un vieux château fort dont Alain Fergent a bâli quelques parties, et qui a successivement appartenu aux illustres maisons de Clisson et de Rohan, prouve qu’au moyen-âge cette place n’a pas élé sans impor- tance. J'ai naturellement désiré en connaitre l’histoire. Mais, au-delà des premières années du xur siècle , je n’ai rien trouvé autre chose que -Ja mention faile par quelques chroniques d'une bataille livrée à Blain, en 843, par Lambert, comte de Nantes, à Rainauld, comte de Poitou, qui y fut vaincu et tué. Et cependant, j'étais journellement témoin des découvertes de FER romains que produisaient les moindres affouillements, tant dans l'en. ceinte du bourg que dans les jardins , les prairies, les champs qui l’en- vironnent. Briques de toutes dimensions, tuiles à rebords, faitières, poids pyramidaux, poterie rouge et fine ornée de moulures , poterie de toule autre sorte, rougeâtre, noire, grise; pieds et fragments d’am- phores, briques semi-circulaires provenant des colonneltes d'un hypo- SEIZIÈME SESSION. 53 cavuste , fondations d'édifices dont le caractère de la maçonnerie n’est pas équivoque ; quelques médailles en or, en argent, en bronze, parfai- tement conservées, un plus grand nombre en bronze rongées par l’oxide: partout, et sur une surface d’au moins cinquante hectares, un sol évi- demment formé de décombres à une profondeur moyenne d’un mètre et demi, et dans lequel on remarque de nombreuses traces d’incendie ; un camp ayanlencore en quelques parties des fossés d’une grande profondeur et placé au joignant du lerrain anciennement habité, et sur le bord de la rivière d’Isar, comme une sorte d’oppidum : Tout cela me portait à croire que je foulais les ruines d’un important établissement romain. La recon- naissance que je fis bientôt de sept voies antiques qui venaient y aboutir m'en apporta la conviction. Ainsi, sans le secours des livres, j'ai pu dire : Blain, ce misérable bourg dont le nom originaire s’est peut-être perdu, a été, sous l’occupa- tion romaine, un grand centre de population, une ville considérable pour l’époque. Placée entre la Loire et la Vilaine, à distance presque égale de l’une et de l’autre de ces rivières, elle occupait le centre du pays nantais, et-était probablement l’ancienne capitale des Nannèles, dont Nantes était le port : portus Nannetum, suivant l'expression de la Table de Peutinger. Devenue ville romaine après la conquête, elle eut pendant trois siècles assez d'importance pour nécessiter la construction des sept grandes routes qui, dans toutes les directions, en facilitaient les communications avec les capitales des peuples voisins. Elle a peut- être été le premier siége de l’évêché dans la cévitas Nannetum , et elle n’a dû perdre sa prospérilé et sa splendeur que par la dévastalion amenée par les guerres du +: siècle, sur lesquelles nous n’avons aucun détail, et surtout par l’accroissement de Nantes, dû au grand commerce et à heureuse position sur la Loire de celle ville, qui délaissa alors son nom de Portus pour ne conserver que celui de Nannètes. Voici donc une page historique sortie de ces ruines de Blain, enfouies et oubliées depuis quinze siècles. Bien d’autres surgiront de l’étude soi- gneusement faite de la géographie ancienne de notre pays, de la recon- naissance exacle de tous les points où les Romains ont fondé des établis- sements plus ou moins considérables, des maisons de campagne dont ils embellissaient nos coteaux pittoresques, des camps si nombreux par lesquels ils assuraient leur conquêle , des voies enfin qui reliaient entre eux tous ces établissements, ces villæ, ces camps, dont l’ensemble em- brasse toute la province et prouve manifestement, comme nous l'avons déjà dit ailleurs, que, sous la dominalion-romaine, notre pays n’a pas été sans prospérité; qu'il a fleuri par le commerce et l’agriculture, sources nourricières d’une grande population ; que c’est donc par suite d’une lourde erreur que nos légendaires, nos chroniqueurs et les écri- vains modernes qui les ont pris pour guides, ont donné la péninsule armoricaine comme une sorte de désert, aux époques des iv, v* et même 54 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. vi siècles , quand il s’est agi de placer sur notre sol ces prétendusémi- grants d’outre-Manche, dont on a voulu faire les premiers fondateurs du royaume breton, à grands renforts de fables etdedéraison, commesitous ces débris, tous ces anciens vestiges que nous retrouvons aujourd'hui, n'étaient pas l'annonce la plus incontestable d’une longue habitation d’une population nombreuse ; comme si tous ces peuples qui, au temps de la conquête, occupaient la péninsule, avaient subitement disparu ; comme si enfin les Romains, dont nous reconnaissons parlout l'ouvrage, avaient fondé ces établissements et tracé ces routes daps-un pays dé- pourvu d'habitants. Les recherches géographiques dont nous nous occupons tendent à détruire une aussi déplorable erreur, et à asseoir enfin sur leurs véri- tables bases les premières époques de notre histoire bretonne, en.écar- tant toutes les traditions fabuleuses que n’ont pas dédaignées les histo: riens les plus sérieux, et sur lesquelles chacun d'eux a bâti son système. 164 Nous sommes encore peu avancés et bien des lacunes restent à rem- plir. Mais, si l’on compare le résultat de nos travaux avecles cartes de Sanson , de Guillaume De L'Isle, de Dom Bouquet et de Dom Morice, nous espérons qu’on apercevra un progrès réel. Nous croyons avoir reclifié quelques erreurs échappées au savant d’Anville et à M. Walcke- naer. ” La carte de D. Morice, placée en tête de son histoire de Bretagne, a été tracée spécialement pour la province, suivant les tables de M. Sanson ét les observations de quelques savants. Elle admet dans la péninsule six peuples, savoir : Les Ossismii, Les Veneli, Les Curiosolitæ, Les Redones, Les Nannèles. à ‘Et, tout en placant les Diablintes dans le-Maine, elle leur accorde, en Bretagne, à peu près lout l'évêché de Dol. Nous avons combattu cette concession dans un (ravail particulier, mais ce n’esl pas {ci/le lieu d’en déduire-les motifs. sé Quant aux voies romaines, la même carte n’a reproduit.que les lignes indiquées dans la Table de Peutinger et l'Itinéraire d’Antonin. Mais il est facile de voir qu'on a placé pour ainsi dire au hasard les noms mention- nés: dans ces deux anciens et précieux documents : Quelques-uns se trouvent répétés plusieurs fois et posés dans des lieux différents. Ainsi, Reginea est tout à la fois mis à Rohan, au centre de la Bretagne, et à Ernée, dans le Maine, deux localités fort éloignées de la mer, tandis que la Table-de Peutinger semble en rapprocher Reginea, comme l'a pensé d’Anville, qui a cru le reconnaître dans Erquy, pelit port des SEIZIÈME SESSION. Ha) Côtes-du-Nord , entre Dinanet Saint-Brieuc. Fanum Martis est pris pour Merdrignac, Vitré: ou Broons; il n’était pas encore question, comme on l'a fait depuis , de le placer à Corseul. Un autre Fanum Martis, marqué par l’Itinéraire d’Antonin sur la voie de Condate à Alaunium (de Rennes à Valognes), se trouve en même temps à Mortain et à Mont-Martin. Vorga- ñium est à Carhaix et à Guingamp. Tout prouve enfin que cette carte n’est qu’un essai. | Il ne pouvait guère en être autrement avec la méthode qu'on suivait alors. On semblait poser en principe qu’il n'existait dans un pays d’au- tres voies antiques que celles indiquées dans les deux itinéraires ro- mains qui sont parveñus jusqu’à nous, et on s’évertuait à placer les noms lracés sur ces lignes routières en s’aidant, tantôt des distances qui marquaient les intervalles, et d@nt on corrigeait les chiffres à plaisir et suivant le besoin, tantôt en cherchant dans les noms locaux et mo- dernes une analogie souvent trompeuse. On sent que cette manière d’agir ne pouvait mener à rien de certain, et qu’elle devait, tout au con- traire, donner lieu à beaucoup d’erreurs el à une inex{ricable confusion. La carte dont je viens de parler en est un exemple frappant. J'ai cru devoir suivre une toule autre méthode. J'ai voulu aller du connu à l’inconnu ; et, pour atteindre mon but, j'ai cheminé autant que je l’ai pu sur les voies elles-mêmes, dont je me suis appliqué à bien reconnaître les vestiges. J'ai pensé que, quand toutes les lignes antiques qui sillonnent notre sol auront élé suivies avec exactitude et qu'on en aura tracé la direction sur une bonne carle, on pourra en étudier avec fruit le réseau très-compliqué et essayer d’appli- quer les documents que nous fournissent les ilinéraires romains. Le travail matériel auquel on se sera livré sur le terrain aura ce pre- mier avantage qu'on ne sera pas exposé, comme par le passé, à tracer une voie romaine dans des lieux où il n’en a jamais existé, Il nous conduira aussi, et je pourrais même dire il nous a déja conduits à d’intéressantes découvertes , en nous faisant reconnailre d’une manière presque cerlaine les établissements les plus importants qui existaient à l'époque romaine dans ces localités, autour desquelles rayonvent un grand nombre de voies antiques. C’est ainsi que nous avons été amenés à affirmer que Carhaix, Vannes, Corseul, Rennes, Blain et Nantes ont été les principales villes romaines de la péninsule. Ce sont encore les mêmes voies qui nous ont fait rencontrer d’autres éta- blissements romains d’une moindre importance peul-êlre, mais qui mé- rilent d’être remarqués : Landerneau, Kerilien, Locquiree, Douarnenez, Troguer-is, Quimper , dans le Finistère ; Loc-Maria-Ker, Coz-Ilis, Bour- gerel, Caslennec, Nostang, dans Je Morbihan; Coz-Guéodet, Erquy, dans les Côtes du-Nord; Lohéac, dans l'Ille-et-Vilaine; Rezay, Saint- Père-en-Re{z, dans la Loire-Inférieure. C’est dans leur voisinage qu'on a trouvé un grand nombre d’emplacements devi//æ, dont quelques-unes 56 ___ CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. paraissent avoir eu un grand développement, telles que celles du Pe- rennou , près de Quimper, et de Saint-Christophe, en Elven. Des camps de toutes grandeurs et de Loutes formes ont été observés près ou à de faibles distances des mêmes voies, et, au lieu de se borner à des obser- vations stériles ou isolées sur ces monuments de la conquêle, comme on: le faisait avant l'invesligation des voies romaines, on a pu y recon- naître tout un syslème stratégique. On a reconnu aussi qu’un grand : nombre de châteaux forls du moyen-âge avait été bâti sur d’anciens camps, et cela ne doit pas étonner, car une position militaire du temps des Romains n'avait pas cessé de l'être quelques siècles plus tard. Enfin, une remarque qui ne sera peut-être pas sans intérêt, c’esl que loules nos abbayes antérieures au x1v° siècle ont élé placées près des routes antiques, qui présentaient seules, #ors, de faciles communications. Je ne sais si je me trompe , mais j'ai l’intime conviction que cette mé- thode d’étudier nos monuments de l’époque romaine, en dehors de tout esprit de système, doit amener des résullats satisfaisants. Je sais bien qu’on pourra m'objecter que, ne faisant, dans ces premières recherches, : aucun usage des itinéraires romains, je ne présente pour ainsi dire que des objets purement matériels , auxquels aucun nom anlique n’est at- taché, el que cette géographie presque anonyme est loin de satisfaire la curiosilé de ceux qui croient que la science archéologique ne doit sien laisser sans explication. Mais, à mon tour, je demanderai si, de- puis plus de deux cents ans qu’on discule sur nolre ancienne géogra- phie , à l’aide des ilinéraires , on en est beaucoup plus avancé. Prenons pour exemple le Vorganium, donné par Plolémée comme capitale des Ossismii. Orlelius le place à Guingamp ou à Tréguier, el Marliani à Lan- Origuier , Fauchel à Lantriguier ou à Yesmes, en Normandie , Cluvier à Guingamp, Sanson à Coz-Gueodel, le père Briel à Triguier ou à Coz- Gueodet, Valois à Lantriguet ou à Saint-Pol-de-Léon , et esl suivi, dans cette opinion incertaine, par le savant géographe allemand Cellarius ; Guillaume Delisle à Tréguier , la carle de D. Morice à Guingamp ou à Carhaix, Robert de Vaugondy à Tréguier, Robien à Coz-Guécdet , d'An- ville à Carhaix, et a élé suivi par les abbés Ruffelei et Deric. Corret de Kerbauffret a nié celte opinion , parce qu’elle détruisait celle qu'il émet- lait sur la fondation de Carhaix (Ker-aès), au v° siècle, par Aetéus, et il n'en a proposé aucune autre. M. de Caumont, dans la seconde partie de son Cours d’anliquités , a adopté le sentiment de Danville. Enfin, M. Walcknaer a récemment, dans sa Géographie de l’ancienne Gaule, choisi Concarneau pour l'emplacement de l’antique Vorganium, et notre honorable confrère, M. de Courson, veut le placer à Morlaix. Au milieu de ce conflit d'opinions, de ce {ot capita, tot sensus, les partisans de l’ancienne méthode pourraient-ils me dire qui, de tous ces savants, dont les noms sont loin d'être obscurs, a définitivement tran- ché la difficulté? Depuis Marliani et Ortelius, au xvr' siècle, aperçoit-on SEIZIÈME SESSION. z 57 quelque régularisalion .. quelque critique intelligente dans la manière de traiter Ja question ? D’Anville seul s'est aidé des distances à chiffres douteux , données par la table de Peulinger, pour la grande voie qui parait.prolonger la péninsule armoricaine, depuis le Portus- Nannetum jusqu’à Gesocribate.Ge moyen aurait pu être plausible, si on était assuré de-bien connaître et Sulis , station antérieure, el Gesocribate , station postérieure; mais malheureusement nous sommes loin d’en être là. Et pourtant j'a vouerai que je penche fortement pour l’opinion de d’An- ville. Je;crois qu'il est très-probable, sinon certain, que Carhaix a élé le Vorganium, capitale des Osismii , el voici comme j’essaierais. de l’é- tablir, d’après ce que nous ont appris les récentes investigations des voies romaines de la Bretagne : qu’on jelte les yeux sur la carte que j'ai essayé de tracer; on voit Carhaix placé pour ainsi dire au- centre du pays des :0sismi, car on peut douter que les Vénètes aient dépassé la imite naturelle et très-marquée que leur. offrait la rivière de Blavet, de- puis’ Pontivy jusqu’au Port-Louis. En second lieu, la grande voie de Portus-Nannetum à Gesocribute parait aujourd’hui retrouvée, ou du moins une voie romaine a été reconnue, suivie et décrite, à de courtes lacunes près, dans une direclion analogue, celle du nord-ouest , depuis Nantes jusqu’à Plou-Guerneau , à l’extrémilé de la Péninsule, passant par les: établissements romains de Blain, Rieux, Vannes, Coz-Ilis, Cas. tennec, Carhaix et Kerilien. On peut donc, sans trop outrer la conjec- ture, placer à Carhaix le Vorgarium de la Table de Peutinger. Mais ce qui, pour-moi, résout à peu près affirmativement la queslion , c’est cet en- semble de voies quirayonnent autour.de la vieille capitale , et la mel- taient.en communication avec Quimper, Troguer-Is, Crozon, Brest, Plou-Guerneau, Saint-Pol-de-Léon, Morlaix, Loc-Quirec, Lannion, Tré- guier , c'est-à-dire avec Lout ke litloral des Osismii. Trois autres voies, etpeut-être davantage, débouchaient chez les Curiosolites et les Vénètes et se-prolongeaient dans la partie orienlale de la presqu’ile. Cerles, le point central où tant de routes venaient aboutir devait avoir une grande importance, et comme aucun autre, dans le pays des Osismii, nepeut, Sous cerapport , rivaliser , à beaucoup près, avec Carhaix , il faut bien en conclare que cette bourgade fut le-principal élablissement romain fondé chez les Osismii, leur ville capitale , el enfin le Vargas de Ptolémée. “On a,:il est vrai, voulu élever. des doules sur le caractère véritable- ment romain attribué à ce grand nombre de roules,; mais celte objec- tionn'apu être faite que par ceux.qui ne sont jamais. sortis de leur .ca- binet, qui-n’ont jamais étudié le genre des constructions des voies que nousappelons romaines , et n'ont pu conséquemment. comparer ces voies avec celles qui ,-dans-les autres provinces, ont toujours, et sans diifi- cullé, élé considérées comme romaines. 11 né-faut donc:pas s'y arréler. Quelque nombreuses quesoient.déjà les lignes antiques reconnues T. H, 8 * 58 CONGRÈS SCIENTNFIQUE DE FRANCE, et décrites , il en est beaucoup encore dont on ne connail que quelques fragments suffisants pour en indiquer la direction générale, mais qui laissent entre eux de longues lacunes. D’autres restent entièrement ignorées. Le zèle de quelques hommes isolés, qui se livrent à cettere- cherche ; ne saurait suffire à une si rude tâche , pour laquelle il faut de toute nécessilé des déplacements quelquefois faligants et toujours coûteux. J'ai suppléé, dans les notices que j'ai écrites sur quelques- unes des voies de la Bretagne , aux déplacements que je n’ai pu faire, par des renseignements certains que j'ai recueillis çà etlà ,et qui m'ont été, en grand nombre, fournis par quelques-uns des membres de l’As- sociation bretonne , auxquels je dois ici témoigner toute ma gralitude. Mais, je dois le dire, ce travail ne sera véritablement complété que lors- que le Gouvernement viendra en aide aux invesligateurs , en leur al- Jouant des indemnités pécuniaires. Ces indemnités seront pour le moins aussibien placées que celles que le minisire accorde pour telle ou telle mission scientifique ; qui ne sont autre chose bien souvent qu’une tour- née de santé ordonnée à un savant de Paris par ses médecins. $ On avait eu un instant l'espoir de voir se réaliser pour toute la France le projet d’une carte antique de la Gaule. Lorsqu'on commença l'exécu- tion de la nouvelle carte de France , M. le général Pelet écrivit à l’Ins- litut historique de Paris une longue el savante lettre, dans laquelle à annonçait qu’it allait charger les officiers d'état-major de faire le relevé exact des voies romaines dans chaque département. J’ignore ce qui est advenu de celle recommandation dans les autres provinces ; mais loul ce que j'en puis dire c'est qu'ayant queslionné l’un de ces officiers, qui opérait. dans la Loire-Inférieure , il me fut répondu que leurs instruc- tions-élaient muelles à cet égard , et que, lui personnellement, n’en avait jamais entendu parler. J'ai reconnu là celte bureaucratie pari- sienne et ces circulaires ministérielles recommandant, avecune chaleur ‘qui trompe les pauvres provinciaux , la recherche des antiquités, el auxquelles la moindre suite n’esl jamais donnée. Ces circulaires ne sont, en effet, que le remplissage du loisir des bureaux, et on s’en avise quand'on n’a rien de mieux à faire , après la lecture du journal et la causerie du matin. On nous-laisse, et nous resterons long-temps livrés à nos propres forces ; mais ce n'est pas une raison de se décourager. Rassemblons, metions bout à bout loules nos observations;-consi- gnons-les dans nos recueils : peut-être que nos neveux nous en sauront ‘quelque gré et pourront s’en servir pour achever la tâche. Le Président de Robien s’est le premier occupé de la recherche des voies romaines en Bretagne. Il a consigné ses observations dans ce ‘manuscrit précieux, conservé à la bibliothèque publique de Rennes, et -qui contient tant de choses ‘curieuses et intéressantes. sur. notre pro- vince. Il n’a fait, pour ainsi dire, qu'indiquer la direction dé 1 er ge voies. de Carhaix , il none : D au 0 SEIZIÈME SESSION. 59 1° Celle qui va à Poul-Davy, et de Poul-Davy à la baie des Trépassés:; 2° Une autre allant à Pen-Marc’h ; 3° Une troisième se dirigeant au levant de Carhaix : c’est celle allant à Corseul ; 4° Une quatrième, qu’il nomme de Carhaix à Nantes. Dans le comté nantais, il n'indique que la portion de la veie de Blain à Noyalo, depuis les environs de Pontchasteau jusqu’au bourg de Noyalo. Dans le Morbihan, il a observé, mais seulement dans les environs de Rieux, la voie de Blain à Vannes. Dans les Côtes-du-Nord , celle qui arrivait de Vannes à Corseul, et le chemin ferré allant du village nommé le Chemin-Chaussée , à Corseul , par Plancoët. ‘ Enfin, dans l’Ille-et-Vilaine , il indique seulement un tronçon de la voie de Rennes à Avranches , près de Romazy. Toutes ces lignes ont élé reconnues , et on les trouvera sur notre carte, à l'exception de la voie de Carhaix à Pen-Marc’h, sur laquelle je n'ai pu obtenir aucun renseignement, et dont l'existence est restée probléma- tique. ; Le savant magistrat breton était en relation avec l’un des hommes qui ont le mieux servi la science des anliquités, le comte de Caylus.. Il lui adressa ses notes sur les voies dont nous venons de parler , et elles fu- rent insérées par extrait dans le t. 6* du Recueil d'Antiquités, que publiait, en 1752 et années suivantes, l’illustre académicien , qui, en donnant ces premiers documents archéologiques sur la Bretagne , ajoute ces paroles remarquables : . < Leplaisir de parler des premiers sur les antiquités d’un pays si con- > sidérable , aussi intéressant et aussi inconnu que l’Armorique, ne m'é- » blouit point assez pour ne pas sentir que les indications de ces anciens » chemins sont très-vagues. On ne peut en parler convenablement qu’u- » près avoir parcouru un pays la toise à la main, el levé des cartes sur le » terrain. » Je n'ai point malheureusement, et à beaucoup près, accompli la sage prescriplion de M. de Caylus; mais je me suis efforcé d'y sup- pléer en parcourant plus de deux cents lieues sur nos voies bretonnes, la carte de Cassini et le crayon à la main, et en m’entourant de tous les renseignements que j’ai pu rassembler. ) J'ai tracé sur celte carte, le plus exactement qu'il m’a été possible, nos lignes antiques , et c'est ainsi que j’ai pu les reporter sur une carte générale de la Brelagne, dont M. de Caumont a bien voulu publier une réduction dans le Bulletin monumental , à la suite de la réimpression d'un premier travail sur les voies romaines , que j'avais publié en 1841, dans l'Annuaire du Morbihan. L'année suivante, le même Annuaire contenait un supplément dans lequel je corrigeais quelques erreurs et consignais tous les détails nouveaux qui m'avaient été fournis en grande partie par M. l’abbé Marot, alors recteur de Sérent, et aujourd'hui curé de Roche- 60 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. S fort. Jaime à ciler lé nom de ce vénérable ecclésiastique ; c’est un des plus zélés et des plus persévérants investigateurs des monuments de l'époque rômäine dans notre pays. Dans ces premiers travaux, j’avais eu pour objet spécial la description des voies sortant de Vannes ou parcourant en quelque partié le dépar- tement du Morbihan ; mais j'y annoncçais aussi le système général d'étude que j'avais conçu de toutes les voies antiques de la Bretagne, afin de parvenir à en dresser la carte, qui devait contenir toutes les lignes rou- tières, tous les établissements romains , même les simples villæ , tous Jes camps , tous les monuments , enfin, qui se rapportent aux cinqSiè- clés écoulés depuis la conquête de Jules César. J'étais fort éloigné, en 4841, de pouvoir remplir ce programme ; je le suis de même à présent. Maïs si l’on veut bien se donner la peine de comparer à ma première carte celle que j'ai l’honneur de présenter aujourd’hui au Congrès , on verra que les recherches faites depuis huit ans n’ont pas élé sans résul- läts nouveaux, el on commencera à acquérir la conviction que l’œuvre entreprise pourrait être menée à bonne fin, si elle était favorisée par Y’approbation du ministre de l'instruction publique , donnant les moyens de réunir toutes les observations faites dans nos cinq départements, d’en faciliter la vérification sur quelques points , et de confier à une commis- sion l’exéeution du travail, qui ne peut guère être fait par un seul homme. On sent qu’il faut pour cela plusieurs choses qu’on trouve rarement réu+ nies dans une même personne. Outre le travail graphique et géométrique nécessaire à la perfection d’une carte, il faut un œil exercé à distinguer et apprécier les monuments ; un dessinateur pour reproduire ceux qui présentent de l'intérêt ; une connaissance assez étendue de l’histoire lo- cale pour en lier quelquefois les plus vieilles époques avec l'époque ro- maine; enfin, une plume capable de rendre un compte clair et fidèle de toutes les recherches auxquelles on s’est livré. Ma nouvelle carte est bien loin de la perfection que je conçois. Ce n'est encore, et ce ne pouvait être qu’un essai. Tout son mérile ne peut consisler qu'en ce qu’elle pourra mettre sur la voie pour faire mieux. Voici le plan que j'ai suivi pour son exécution. Je n’admels que cinq peuples dans la péninsule armorique 9 Les Osismii, : Les Curiosolites, Les Redones, Les Venèles,. ) Les Nannètes. à is sont tous nommés par César, et je les retrouve au commencement du +° siècle, dans la Notice des Provinces, sous les noms de Civitas Osismiorum, IE Civilas Coriosopitam, É bd (Avec la variante de Corisolilum), hi SEIZIÈME SESSION. ï 6i Civilas Redonum, Civitas Venetum, Civitas Nannetum. Toutes ces cités (civitates) sont devenues des évêchés à une époque inconnue, mais qu’on peut placer dans. ces premiers temps fort obscurs où le Christianisme pénétra pour la première fois dans la troisième Lyonnaise , à la suile du rude apostolat de saint Martin, métropohtain de Tours. J'ai cherché, pour les tracer sur ma carle, les limites du territoire de chacun de ces peuples, et je mé suis aidé pour cela des divisions ecclé- siastiques. Beaucoup de savants ont pensé que la plupart des évêchés représentaient les anciennes peuplades de la Gaule, et qu'on avait suivi pour leur établissement la division politique des provinces. Partant de ce point, j'ai considéré la Cévitas Osismiorum comme ayant formé dans l'origine un seul évêché, dont le siége primitif ne nous est pas connu , et dans lequel ont élé érigés trois évêchés , Quimper el Saint:Pol-de-Léon, dont on ignore l’époque de fondation , et Tréguier, qui fut érigé au 1x" siècle, par Noininoé. J'ai pensé que la limite orien- tale des évêchés de Quimper et de Tréguier pouvait représenter la ligne séparalive entre les Osismäi el les Venètes et les Curiosolites. J'ai renfermé les Fenètes dans les limites exactes de l’ancien évêché de Vannes. J'ai réduit le territoire des Nannètes à la portion de l'évêché de Näntes placée au nord de la Loire ; mâis j'en ai reporté la limite sep- tentrionale-jusqu’à la rivière de Semenon, d’après une charte du Cartu* laire de Redon. ( J'ai maintenu les Redones dans le surplus de l'évêché de Rennes. Quant aux Curiosolites , je leur ai assigné pour territoire les évêchés de Dol, de Saint-Malo et de S.-Brieuc. Je crois avoir démontré, dans une disserlation sur Alet, en réponse à une question du Congrès breton , que Corseul et les Curiosoliles représentaient la Civitas Coriosopitum , ou Corisolitum, de la Notice des Provinces. ai ensuile recherché quelles pouvaient être les capitales de ces cinq peuples , et j’ai cru pouvoir les placer à Carhaïx , pour les Osismii ; à Corseul, pour les Curiosolites ; à Rennes, pour les Redones ; à Vannes, pour les Venètes ; à Blain, pour les Nannètes. J'ai élé amené à ce ré- ‘Süllat par la considération du grand nombre de voies antiques conver- geant sur chacun de ces cinq points principaux. Jose penser que cette manière , sinon de résoudre entièrement la question, au moins d'en approximer la solution, a quelque chose de moins vague , de moins conjectural que ce qui a élé fait jusqu'ici. Je terminerai cette sorte de-commentaire de ma carte par une indi- cation très succincte des voies sortant de chacune ‘des cinq localités principales que je viens de désigner. 62 . _ CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. CARHAIX. Treize voies au moins sortaient de Carhaix : 1° Celle allant à Castennec sur le Blavet, puis de là à Coz-Ilis ou la Vieille-Eglise, village à cinq lieues au nord de Vannes, et qu’on a re- connue depuis ce point jusqu’au pont de Marsac, sur la rivière d'Aff, près du camp très-remarquable du Mür. On croit qu’elle se dirigeait sür-Rennes . soit par Maure, soit par Lohéac; mais celle vérification n’a pas encure élé faite. J'ai donné une nolice détaillée de tout le par- cours connu de cette voie. 9° Celle allant à Corseul par Iffiniac, le Chemin-Chaussée et Plancoët. J'ai lu au Congrès breton de Saint-Brieuc la description de celte voie et de deux de ses embranchements présumés , l’un sur Alet, l’autre sur Erquy. : 3° Celle de Carhaix à Tréguier. Je l'ai décrite, sauf quelques lacunes. 4° Celle allant à Lannion, ayant un embranchement certain sur Coz- Guéodet , et une prolongation présumée sur l'erros-Quirec. 5° Celle allant à Locquirec par le Pont-Hou. : 6° Celle allant-à Morlaix, Et 7° l'embranchement se dirigeant sur Saint-Pol-de-Léon. 8° Celle allant à Plou-Guerneau par la Feuillée, Com-Anna , Kerilien , le Folgoët. Je l’ai décrite, sauf une. assez longue lacune à sa sortie de Carhaix. . 9° Embranchement de la précédente, partant-des environs de Com- ’ Arna , passant à Landerneau, et paraissant se diriger vers Brest. 40° Celle allant vers Crozon ou quelque autre point de cette presque- ile, riche en débris romains. Mais on ne connait encore d’une manière certaine aucun tronçon de celte voie. .41° Celle allant à la pointe du Raz, où existent des restes considéra- blé de murailles romaines. Je n’ai aucun renseignement précis de Car- haix à Douarnenez. Au-delà et jusqu’à la pointe, elle a été parfaitement reconnue dès la fin du xvi° siècle par le chanoine Moreau, qui en parle dans son Histoire de la Ligue ,.et par M. de Robien, il y a une centaine d'années. Récemment, M. Pol de Courcy l’a parcourue, et. en a décrit quelques parties. 42° Celle allant à Quimper. Notre honorable directeur de la Société archéologique de : M. Aymar de Blois, en a reconnu de grandes RASE 43° On présume qu'une voie se rendait de Carhaix à Rennes par du trenen, Gouarec , le Mür, Loudéac, Merdrignac, Saint-Méen ,. Montfort etl’Hermitage, c’est-à-dire dans la direclion même qu’on suil aujour- d'hui pourle tracé d'une route de Rennes à Brest, beaucoup plus courte et moins vallonnée que celle par Saint-Brieuc .et Morlaix; mais je n'ai SEIZIÈME SESSION. 63 encore d’autres renseignements sur celte ligne que d’assez nombreux gisements de débris romains. 14° M. de Robien parle d’une voie de Carhaïx à Pen-Marc’h. Il est pos- sible que ce soit la même que celle allant à Quimper; mais j'ai vaine- ment demandé si on en connaissait les traces de Quimper à Pen-Marc’h. CORSEUL. Cinq voies au moins sortaient de Corseul : : {° Celle allant à Carhaix. C’est la même que le u° 2, sortant de cette dernière localité. 2° Celle allant à Rennes. J'en ai vu quelques parlies. Elle n’est pas encore décrite. 3° Celle allant à Vannes. Elle a été parcourue dans toute sa longueur; j'en ai publié la description en 1841, en parlant des voies du Morbihan. 4° L'abbé Ruffelel, dans ses Annales briochines, et l'abbé Déric, dans son Introduction à l’Histoire ecclésiastique de Bretagne , ont parlé d’une voie allant de Corseul à Alet par Dinard. Elle n’est encore ni reconnue ni étudiée ; mais elle porte dans le pays le nom de Chemin-de-l'Estrat. 5° Plusieurs personnes ont pensé que de Corseul une voie, pareille- ment nommée Chemin-de-l’Estrut, allail traverser la Rance sous le bourg de Taden , au lieu même où l'on remarque, sur la rive gauche de cette rivière , une muraille romaine el d'autres vestiges de constructions an- tiques ; qu'après avoir traversé la rivière, cetle voie formait un em- branchement dont une parlie se dirigeait sur Avranches par les Haies- de-Dol, où l’abbé Manet l’a reconnue , et par Pontorson : l’autre partie paraît Lendre vers le Bas-Maine, par Combourg et Saint-Jean-sur-Coues- non, où elle semblerait se joindre au Chemin-Chasle, parfaitement re- connu comme voie romaine par M. Léon Maupillé, dans une partie de l'arrondissement de Fougères, depuis Vendel jusqu’à la Pélerine , sur la frontière du Maine. M. De la Fosse a soupçonné l'existence de celle voie. Il est à désirer qu’un observateur aussi distingué poursuive son inves- tigalion. RENNES. _ On ne connait pas encore loutes les voies sortant de Rennes. Voici celles sur lesquelles ont porté les observations : 1° La voie allant à Corseul. Nous venons d’en parler, 2° Celle allant au mont Saint-Michel par Pontorson. 3° Celle allant à Avranches. J'ai décrit le parcours de ces deux voies d’après des renseignements qui paraissent certains pour quelques parties; mais je ne dois pas dis- simuler que mon travail contient beaucoup de lacunes, el probablement des erreurs, malgré l’obligeant concours. qu'a -bien voulu me fournir 64 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. M.DelaFosse.Car ‘deux chapitres ont:élé publiés dans les:Annales dela Société académique de Nantes. 4° On a soupçonné une voie sur Fougères. Elle n Parent 5" 1] énesbainsi d’unevoie de Rennes à Vitré. 6° La voieide Rennes à Angers existe , ou a incontestablement existé. La Table de Peutinger la fait passer par les stations de Combaristum et de Sipia ; mais , à l'exception de quelques fragments reconnus dans les environs de Châteaugiron par MM. Corbe et de Kerdrel, et depuis le Lyon ‘d’Angers jusqu’au bourg romain de Chastelais, par M. Godard-Faultrier, celte voie si intéressante reste tout entière à étudier. On beta qu'elle passail à Vic-Seiche el à La Guerche. 7° On a quelques soupçons qu’une voie allait de Rennes vers Pouancé ou Châteaubriant ; mais ce n’est encore qu’une conjecture. 8° La voie de Rennes à Blain n’a plus qu’une courte lacune entre Laillé et Rennes. Je l’ai suivie, observée et décrite depuis Blain jusqu'au-delà de Bourg-des-Comptes ; mon travail a été publié dans les Annales de la Société académique de Nantes. 9° Une yoie de Rennes à Lohéac reste à étudier, malgré quelques ex- cellentes observations de M. Langlois. 10° On n'a rien encore de certain sur la continuation sur Rennes de la voie venant de Carhaix au pont de Marsac, sur la rivière d’Aff. (Voy. Carhaix, n° 1,) -41° On a quelques molifs de croire qu'une voie se rendail de Rennes vers Plélan. Nous attendons depuis long-temps des renseignements sur celte partie inexplorée de la Bretagne. Ange 12° Enfin, on croit de même à l'existence d’une voie de Rennes à Montfort, Saint-Méen, etc., se dirigeant vers Carhaix. (Voy. Carhaix, n° 13.) ; VANNES. On imprima dans l'Annuaire du Morbihan, en 1841, un travail qu'on m'avait demandé sur les voies romaines sortant de Vannes ou parcou- rant le département. J’ai donc décrit, mais avec beaucoup de lacunes, celles que je vais rappeler. Je pourrais mieux aujourd’hui, en m’aidant des nouvelles observations que j'ai faites sur le Lerrain-;.et des nom- breux renseignements qu'ont bien voulu me fournir MM. l'abbé Marot, de La Monneraye , Croizer, Housset. Six voies me paraïssent sorlir de Vannes : 4° Celle allant à Loc-Maria-Ker. ; 12° Celle-de Vannes à Hennebont, se dirigeant sur Quimper. Ellétest reconnue de la manière la plus exacle depuis Vannes jusqu’à une petite dieue’avant d'arriver à Hennebont. M. Croizer l'a suivie, en lastraçant géométriquement sur les calques du cadastre. De là jusqu'a Quimperlé, SEIZIÈME SESSION. 65 elle est encore à retrouver ; mais de Quimperlé à Quimper, plusieurs de ses parties ont élé reconnues par M. de Blois, et on doit espérer que l’entier développement de cette voie sera incessamment observé par ce savant investigateur. 3° La voie de Vannes à Corseul. Elle est décrite. (Voy. Corseul, n° 3.) 4° Celle de Vannes à Rennes. Je lai suivie pendant trois lieues avec MM. Croizer, de Blois et de Keridec. Nous avons pensé qu’elle allait se réunir à la grande voie Ahès, venant de Carhaix el se dirigeant vers Rennes par le pont de Marsac, sur la rivière d’Aff, ainsi que nous l’avons dit précédemment. 5° La voie de Vannes à Blain par Rieux , où elle tan la Vilaine. J'ai parcouru bien des fois toutes les parties de cette voie, et l’ai décrite avec de grands détails dans mon essai de 1841. M. de Robien l’avait observée dans les environs de Rieux, ainsi que D. Lobineau. 6° Une autre voie de Vannes à Blain, traversant la Vilaine au dessous du-bourg d’Arzal. Je l'ai aussi parcourue et observée bien souvent et l'ai décrite en même temps que la précédente. Celte voie a deux embranchements : le premier partant du bourg de Noyalo, et allant par Sarzeau au Port-Navalo ; l’autre se dérivant à læ hauteur d’Herbignac et se dirigeant sur Guérande, que des débris assez nombreux foni reconnaitre pour un établissemeat romain. BLAIN. Sept voies sortent de Blain, cinq directement el deux par embranche- ment. 1° La voie de Blain à Saint-Nazaire ; s 2° La voie de Blain à Vannes , traversant la Vilaine à Arzal. Je viens d'en parler. (Voy. Vannes, n° 6.) d 3° La voie de Blain à Vannes par Rieux. (Voy. Vannes, n° 5.) 4° La voie de Blain à Rennes. (Voy. Rennes, n° 8.) 5° La voie de Blain à Châteaubriand , partant de la précédente à Pont-Veixz , sur le Don, à trois lieues de Blain. Elle se prolonge dans le Maine pour aller , soit à Jublains , soil au Mans. Je l'ai poussée jusqu’à la limile de la Loire-Inférieure. C’est aux antiquaires manceaux à trou- ver et à décrire sa prolongation. 6° La voie de Blain vers Angers. Je l’ai suivie jusqu'auprès de l’abbaye de Meilleray. 7° La voie de Blain à Nantes. Je l'ai décrite après lavoir bien des fois: parcourue. Elle formait à Nantes plusieurs embranchements, après avoir traversé la Loire sur celte longue ligne de ponts et d'iles qui of- fraient, à l’époque romaine, le seul passage du fleuve qui existât de l'Océan aux Ponts-de-Cé. L'un de ces embranchements se rendait, par la Chapelle-Heulin, à:un T, H, 9 66 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. lieu du territoire angevin nommé la Segourie, el très-remarquable par une immense quantité de débris romains répandus sur une-grande sur- face ; il a été reconnu dans tout son développement. Le second, enliérement conjectural dans la Loire-Inférieure, à défaut d'observations, parait aller se joindre à la voie-de Nantes à Poitiers , dont quelques fragments ont été reconnus dansle Poilou, sur une ligne passant par Clisson, Tiffauges, Mortagne, Mauléon, Châtillon, Bressuire el:Gourgé , et surtout depuis ce dernier bourg jusqu’à Poitiers. + Le troisième semble aller se réunir , au-delà de Montaigu, à un long fragment de voie traversant les départements de la Vendée.et des Deux- Sèvres par les Herbiers, Pouzauges, Saint-Pierre-du-Chemin, l’Absie et Exireuil , et paraissant former, dans cette dernière localité, un embran- chement qui se porte au sud-est et va probablement à Limoges , tandis que la première direction sud-sud-est se continue vers Angoulème. Enfin, deux autres lignes routières partant de Nantes sont présumées avoir-exislé du temps des Romains, l'une se portant dans le bas Poilou par Saint-Philibert-de-Grand-Lieu et Touvois, l’autre destinée à lier avec Nantes les nombreux établissements romains du’ pays de Relz, et entre autres le plus important , qui a pris, au moyen-âge, les noms de Saint- Père-en-Retz et Sainte-Opportune. RÉSUMÉ. . L’utilité d’une carte de la Bretagne à l'époque romaine n’a pas besoin d’êlre prouvée , et je crois avoir démontré comment les recherches. géo- graphiques failes sur le sol lui-même suppléent au silence de l’histoire, et servent au redressement de beaucoup d’erreurs sur nos origines bre- tonnes en particulier. J'ai rappelé les travaux antérieurs fails sur la géographie ancienne de la Bretagne. J'ai fail voir leur peu de concordance et le vice de la mé: thode employée jusqu'ici pour ces travaux. J'ai exposé celle dont je me suis servi, et qui ne consiste en rien autre chose que d’aller du connu àl'inconnu, c’est-à-dire.d’explorer avec soin tout ce qui reste des Romains dans notre pays brelon : établissements prouvés par de grandes surfaces remplies de nombreux débris, camps et autres travaux militaires dont les vestiges sont encore fort apparents, voiesqui liaient entre eux ces établissements et ces enceintes forlifiées , constamment jetées çà el là pour favoriser la sûreté des communica- tions sur ces lignes routières ,.el maintenir la conquête du pays. -J'aïfait sentir que, quelque application que j'aie apportée à cetra- vail, il ne m'a pas été possible de remplir toutes les lacunes, à. défaut d’observalions faites sur le terrain, et que, pour achever la (âche, un SEIZIÈME SESSION. 67 secours du Gouvernement serait nécessaire, et qu’il pourraitêtre plus mal employé. Enfin, pour donner une. idée de ma carte et des soins qu’elle m'a coûtés , j'ai rappelé, d’un côté, les travaux analogues antérieurs au mien ; de l’autre, j’ai donné l’indicalion fort succincte des voies anliques sortant de Carhaix, de Corseul, de Rennes, de Vannes et de Blain, que je considère comme les anciennes capitales des Ossismii, des Curiosolites, des Rhedones, des Venètes et des Nannëtes. J'ai dit quelles étaient les voies que j'avais décrites, celles que je pourrais décrire encore, et enfin celles sur lesquelles je n’avais que quelques renseignements, mais dont l'existence me parait certaine, d’après les attestations qui m'en ont été données par des gens très-compétents dans ces sortes de recherches, et sur lesquelles des documents postérieurs viendront un jour confirmer ces premières indications ,.que nous devons admeltre, provisoirement au moins, comme des jalons précieux qui nous guideront sur les lignes encore inexplorées. Blain, 9-août 1849. Après celle lecture, qui a été écoutée avec le plus vif in- térêt, M. Bizeul donne, sur quelques faits compris dans son travail, des détails qui paraissent désirés. M. de la Borderie discute quelques assertions relatives aux voies romaines de la Bretagne. La plupart des recher- ches faites à cet égard lui semblent peu satisfaisantes. 11 déclare ensuite qu’il regarde comme bien constant le fait qu'une émigration d'habitants de la Grande-Bretagne, vers le vi° siècle, repeupla la péninsule armoricaine. Par suite, il combat vivement l’opinion contraire émise par M. Bizeul. Ce ne sont pas seulement les légendaires, dit-il, qui men- tionnent le fait en question, ce fait est encore attesté par Procope, Grégoire de Tours, Gildas et l'abbé Guignolé, tous hommes dont les œuvres sont empreintes d’un haut caractère de crédibilité. Comment d’ailleurs, si l'émigra- tion n’est pas admise, expliquer d’une manière convenable le changement de nom de l’ancienne Armorique et les rap- ports de mœurs, de langue, d’usages, qui unissent les Bretons du pays de Galles et les Bretons armoricains ? Enfin, il faut se rappeler que le culte très-populaire de quelques saints d'origine bretonne nous vient évidemment de la Cambrie. Repousser, dans cet état de choses, le fait 68 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. de l’émigration des Bretons insulaires , leur établissement en Armorique , à l’époque indiquée, c’est se jeter en: 2 que sorle dans un système anti-historique. M. Bizeul, après quelques explications, croit pouvoir persister dans l'opinion qu'il a émise. ; Comme aucune autre question ne se trouve à l’ordre du jour, M. Barthélemy offre de lire son rapport sur le mé- moire adressé au Congrès par M. Hucher, du Mans. La parole lui est donnée à cet effet. M. Hucher, dit-il, s’est proposé, dans le travail envoyé, d'étudier le symbolisme des plus anciennes monnaies gauloises , et spécialement de celles qui ont été émises par les Aulerces-Cénomans, antérieurement au syslème épigraphique. L’auteur partage ces médailles en deux grandes séries, qui parais- sent avoir eu cours simultanément chez les Cénomans depuis les temps les plus reculés, c’est-à-dire l'an 250 environ avant 3.-C., jusqu'à une époque que la science n’a pu encore préciser, mais qui doit être anlé- rieure à la conquêle. Pendant celte période , le type de ces deux séries est resté sensible» ment le même , sauf une tendance continue et progressive vers un abä- tärdissement qui rend les derniers échantillons impropres à l'élude. On reconnait à cet indice l'influence hiéralique, qui.chez tous.les peu- ples se révèle par le même caractère. Divers types de la première série sont reproduits par M. Lambert, dans sa Numismatique du Nord-Ouest de la France , sous les n°* 1“ à 13, 29 et 25 de la planche II, d'après l'indication d'attribution qui en avait déjà été donnée par M. Drouet au Congrès du Mans. M. Hucher, à l’aide d'éléments nouveaux, entreprend de classer ces monnaies , et de déterminer leur véritable {ype, dont tous les exem- plaires publiés jusqu'i ici n'avaient offert que des représentations dégé nérées. La seconde sérié se compose de médailles jusqu'ici assez peu con- nues ét imparfaitement étudiées. Pour la première fois, M. Hucher pro- pose de les attribuer aux Aulerces-Cénomans : ce sont les statères, et les quarts de-stalères beaucoup plus nombreux, qui présentent, d’un côté , la tête d’un dieu surmontée d’un byppocampe, et entourée de quatre chaînes perlées terminées par de pelites têtes humaines, et de l'autre côté, le type commun aux deux séries, le cheval androcéphale trai- nant les vestiges d’un char dans lequel est un personnage, féminin selon toute apparence , qui tient d'une main un rameau garni de germes à trois pétales, à l'extrémité duquel s’enroule une bandelette terminée par SEIZIÈME SESSION. 69 une-espèce de voile carré; de vexillum si l’on veut, orné de franges , tandis que l’autre main du personnage tient les rênes et peut-être une serpe, à moins qu’on ne veuille voir dans l’érection du pouce un indice phallique. On sait que, dans d'autres localités armoricaines, la même tête du droit se retrouve surmontée soit d’un porc, soit d’une lyre, of- ‘frant par devant, et dans le voisinage de la bouche, les vestiges des chaines. De toutes ces monnaies, le type des Aulerces-Cénomans est le plus complet et sans doute le plus ancien; il se prête dès lors avec plus de chances de succès à l'examen et à l’élude. Profitant de la découverte de deux monnaies primitives , au bige pur, qui présentait en sur-frappe l'effigie de l’hyppocampe et du pore, M. Hu: cher, guidé par les précédents des monnaies grecques, arrive à con- clure que ces deux animaux représentent, sur les monnaies gauloises, plus que des différents monétaires, et qu’ils sont en même temps les attributs de la divinité dont ils surmontent la lêle, absolument comme il arrive pour lès dieux égyptiens, et notamment Jupiter-Sérapis. Or, d’après M. Hucher, celte divinité est la même dans les deux séries de médailles qu’il décrit ; c’est un descendant de la grande famille des Baal, des Moloch, des Melkarth orientaux ; c'est toujours le même dieu- lumière qu’on voit poindre à l'origine de toutes les théogonies ; seule- ment il lui paraît revêtir, dans celle double série, deux caractères dif- férents, qui rappellent encore les traditions orientales. Dans la première, c'est bien réellement Hélios , le soleil d’été, à la tête jeune, couronnée d’une chevelure radieuse ; dans la seconde, ge serait un composé mixte, participant du Melkarth tyrien et du Mercure grec, un rejeton de cetle famille de dieux enchainés qui personnifiaient surlout le soleil au sol- stice d'hiver dans les mythes asiatiques. L’auteur, pressant encore davantage son argumentation, rappelle que Lucien a décrit dans son traité intitulé Hpæxhns un Dieu gau- lois, qui présente la plus grande analogie avec celui qu’offrent nos mé- dailles. Après avoir indiqué les accessoires de ce Dieu qu'ilnomme Ogmios, et qui consistent, comme ceux de l'Hércule grec, en une massue , un arc et un carquois, Lucien ajoute : « Cependant je n’ai pas encore dit > ce qu'il y a de plus extraordinaire dans cette peinture; car cet Hercule »-(ridé et hâlé comme le sont les vieux marins) traîne une multitude » d'hommes aftachés par les oreilles. Les liens sont dés chaînes flexibles » d'or et d'électrum, semblables à d’élégants colliers, et bien que re- » tenus par d’aussi faibles chaines, ces hommes ne cherchent pas à » fuir... Mais ils suivent joyeux et contents, louant etpressant, de con- »cert , leur conducteur , et, comme ils s’étudient à le devancer, 70 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. » maintiennent leurs chaînes lâches , comme s’ils devaient redouter de » les voir se rompre... we M. Hucher fail remarquer que celte descriplion s'applique en {ous points à ces médailles ; la tête du Dieu n’est pas jeune comme celle de la prèmiére série ; ici le front est osseux, sillonné, el les cheveux se ré- pandent en mèches diffuses et ordinairement limilées à trois, Ces ca- ractères sont constants sur tous les exemplaires; d’un autre côté, il'est certain que les chaines se terminent à l'oreille des quatre pelites lèles dont l'expression est gaie , et non triste ou abattue comme le seraient, par exemple, celles de victimes ; enfin, M. Hucher fait observer que si ces lêtes étaient celles d’ennemis-vaincus , elles n’affecteraient la posi- tion verticale que dans le cas où elles seraient pendues par leur som- met, ce qui n'arrive jamais. Ainsi , pour nous résumer, l’auleur voit dans cette représentation curieuse , essentiellement nationale, et dont aucun autre exemple ne se rencontre ailleurs, un Dieu de la famille des Dieux-Soleil , participant du Mercure grec, du Melkarth tyrien , et surtout de l’Ogmios gaulois, si ce n’est pas lui-même qu'il faut voir ici. Du reste, M: Hucher se garde bien de le caractériser plus nettement, et surtout de le’ nommer ; les Grecs et les Romains eux-mêmes ne savaient pas les noms des Dieux gaulois. x L'auteur démontre que l’hyppocampe , le püve et la lyre, convien- nent-comme attributs à celle divinité panthée. ‘Des médailles plus anciennes ou plus complètes que toutes celles qui avaient été publiées jusqu’à ce jour, lui permeltent de regarder come constant que l'appendice trifarqué, et quelquefois feuillu , placé sous la tête, est la représentation de ces troncs ou branches d'arbres destinés à supporter les têtes des divinités dans les bois sacrés. L’au- teur, s'aidant ensuite des figures’ qui décorent cerlains vases gallo- romains, pense que l'usage, chez les Gaulois, de placer des masquesou des symboles de divinités sur des pieux ou des stèles, est un fail hié- ratique dont il est permis de s'auloriser pour l'explication de ces mé- dailles. IL va plus loin dans ce système d’assimilation : il retrouve sur ces poteries, dans des conditions frappanties, la figure d'un ‘des élé- ments trifides du rameau sacré qui est placé dans les mains de l'Aurige, etil reproduit pour la premièrefois un curieux petit bas-relief repré- sentant une prêtresse sacrifiant un animal à pieds cornés, une biche ou un bouquin, devant une stèle sur laquelle est placée la plante sacrée, qu’on a prise pour le lotus ou la fleur de lys, et que l’auteur regarde comme la personnificalion du germe, et, par suile , dela puissance fe- “os créatrice par excellence. Vaide de divers autres rapprochements puisés dans listtnéstaitibs d eu arrive à démontrer que le rameau placé entre SEIZIÈME SESSION. 71 les mains de l’Aurige, et qui paraît sur toutes les médailles non dégé- nérées , est un emblème héliaque , tandis que la bandelelte qui pend à son extrémité n’esl qu’un accessoire bien connu et souvent signalé dans les représentalions des pompes mystiques de l’antiquité. Seulement, dans nos médailles, la bandelette est terminée par une espèce de voile ou de tableau carré, orné de franges; mais M. Hucher reproduit de nombreuses figures , el entre autres une médaille de Brogi- tar, roi des Galates, qui prouve que les bandelettes se terminaient tou- jours par des franges , et quelquefois par une surface carrée chargée du signe X, comme nos médailles, ou d'une aire triangulaire À. Il fait remarquer, du reste, que les vexilla d'honneur qui décorent les en- seignes romaines, restiluées à Auguste par le roi des Parthes, offrent la plus grande analogie avec les quadrilalères de nos médailles , et que si, comme il est lrès-vraisemblable, le signe X de celle-ci à une valeur symbolique, une affinilé directe avec un accessoire du trépied del- phique , on ne doit plus hésiter à voir dans ces quadrilatères un objet du genre de ces vexilla, mais procédant, comme tous les accessoires figurés dans nos médailles , d'une origine essentiellement hiératique. M. Hucher développe les motifs qui ne lui permetlent pas de parta- ger le sentiment des savants distingués qui ont vu, dans ces objets, l'appareil militaire auquel les anciens donnaient le nom de Phalères. Comme on le voit, les principaux sont puisés dans celte considération essentielle que les monnaies gauloises anciennes ne présentent rien de militaire, que tout y est religieux , hiératique même; de plus, M. Hu- cher, abordant la technique même des graveurs de l'antiquilé, fait re- marquer que l'importance des points angulaires , sur laquelle on avait cru pouvoir s’appuyer, est un fait de dégénérescence qui ne saurait être d'aucune valeur dans la circonstance, parce que les médailles les plus anciennes ne présentent pas de points à l'extrémité ou à l’intersection des lignes. » Arrivant à l’explication de la tête humaine entée sur le corps d’un cheval, l’auteur signale un grand nombre de représentations antiques qui établissent que, dans les pompes dionysiaques et héliaques, les animaux allelés aux chars des divinités sont toujours des monstres, et l'on sait , par de nombreuses médailles de Nole, de Naples,-etc., et par un petit bronze de Gallien', que le taureau à face humaine el sans doute le centaure étaient consacrés à Apollon. é ; Il n’y a donc rien d’extraordinaire à ce que l’on voie figurer un che- val androcéphale dans une représentation qui est une véritable pompe héliaque. Dans la première série, à la lète jeune d'Apollon-Belenus, le cheval est toujours pourvu d’ailes sur tous les échantillons qui se découvrent dans la circonscriplion des Avlerces-Cénomans ; dans la seconde, qui 72 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. présente la tête d’Ogmius surmontée de l’hyppocampe, les ailes n'exis- tent pas; elles sont remplacées par les rênes, qui manquent aux mé- daïlles du premier type ; mais à distance, l’effet produit est absolument le même. Sous le cheval androcéphale, et dans l’une et l’auire série, l’on voit un génie , ailé à l’origine du type; plus tard, dans la première série, les ailes se disloquent et font place à deux bras, dont les extrémités sont pourvues d'objets que l’on peut prendre pour une flèche et, un-car- quois ou un diota. La dégénérescence affectant encore plus vivement ce type , le génie se change.en une espèce d'homme de guerre portant une hasle et un sabre recourbé.; mais, ajoute l’auteur , toutes: ces.transfor- mations successives ne prouvent qu’une chose, c’est que nous avons sous les yeux une représentalion biératique dont on ne peut saisir le sens qu’à l’origine, pareille en cela à ces marques monélaires du moyen- âge, qu’on n’explique jamais d'une manière satisfaisante, tant qu'on n’en à pas trouvé le prololype. On doit à M. Hucher d’avoir signalé une particularité curieuse. dans la personne de ce génie. A l’aide d'un exemplaire complet, el.qui permet de voir ce personnage en entier, l’auteur établit que ce dernier est pourvu au jarret d'un aileron recourbé , dans le. mode archaïque. Or, l'on, sait, par diverses représentations, que c'est là l'attribut particulier aux bé- rauts d’Apollon ou aux vents. C'est doncencore un fait qui raltache notre représentation aux mythes héliaques. En résumé, le revers de ces médailles offrirait un personnage féminin, une espèce de Velleda accomplissant une cérémonie religieuse en l'hon- neur du Dieu-Lumière ; plus spécialement, une pompe mystique ayant pour but de glorifier le principe générateur. Le rameau , la bandelelle, la tablette flottante , le cheval androcéphale , enfin , le héraut accompa- gnant le char, lous ces accessoires sacrés qui. Se retrouvent dans la plupart des pompes de l'antiquité, auraient, comme on a pu le voir, une affinité directe avec l'objet même de la représentalion. M. Hucher a joint à son mémoire la description de plusieurs petites monnaies d'argent, qu'il propose, pour la première fois, d'attribuer aux Aulerces-Cénomans,.sur le terriloire desquels elles se sont assez souvent rencontrées. Ces jolies médailles présentent, d'un côté la têle de Mi- nerve-Belisana, de l’autre un cheval libre, à çollier, entre deux Kini- tiales de KENOMANQN. On connaissait, par un dessin publié à l'appui de la descriplion des médailles du camp d'Amboise , due à M. Cartier, une médaille qui était une contrefaçon de celles-ci, mais tellement dé- gènérée, qu'on n'avait pu reconnaitre l'iniliale K dans les sigles, d’ail- leurs renversés , dont elle était chargée. La médaille publiée par M. Hu- cher est donc très- -précieuse pour notre suile gauloise, puisqu'en four- nissant une attribution entièrement nouvelle, elle permet de fixer celle d'une autre médaille j jusqu'ici incertaine. ET x "ET 7 SEIZIÈME SESSION, 13 Ce rapport , en faisant comprendre l'importance du tra- vail de M. Hucher, a vivement intéressé les membres de Ja section. M. Barthélemy leur avait communiqué les em- preintes des médailles principalement signalées. M. de Mellet obtient la parole pour présenter une obser- vation. Il a entendu dire, dans une des précédentes séan- ces, que l'architecture ogivale s’opposait à tout système d'ameublement et d'ornementation. Si cette assertion ne se trouve pas mentionnée dans le procès-verbal, c’est sans doute parce qu’elle a paru peu importante, eu égard-à la question discutée. Mais il ne faut pas qu’elle paraisse ad- mise; une protestation est nécessaire. Les églises du x siècle comprenaient un système d’ornementation que les églises construites dans le genre grec, comme la Made- laine, ne peuvent accueillir. Les confessionnaux, les stalles, les verrières, les fresques, lés pavés histortés, les tombes, les fonts baptismaux, les chaires épiscopales, les autels avec leurs anges portant un des instruments de la Passion, formaient un heureux ensemble qui mérite d’être regretté. L'ornementation actuelle est bien peu de chose, quand on la compare à l’ancienne ornementation. - Sur ce point, quelques mots sont échangés entre MM. Du Vautenet, Pelfresne et de Mellet. Il est plus d’une heure. —— La séance est levée. Séance du % Septembre 1849. Présid. de M. LAMBRON DE LIGNIM. — M. DE SOULTRAIT , Secrét. Le procès-verbal de la séance du 6 est lu et adopté. M le Président dépose sur le bureau les prospectus de Till. 10 74 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. deux ouvrages qu’il croit pouvoir recommander aux mem- bres de la section. Ces ouvrages sont : Les Verrières du chœur de l’église métropolitaine de Tours, dessinées et pu- bliées par M. J. Marchand, avec un texte par MM. Bou- rassé et Manceau, chanoines ; l'Histoire et la Description du mont Saint-Michel, par MM. Le Héricher et Bouet, publiée par M. Bourdon. | Il annonce qu'une lettre de M. de Sourdeval lui apprend que M. le comte de Niewerkerke s’est rendu à Tours pour examiner l’endroit destiné à la statue de Descartes: * Il prévient ensuite les membres de la section que Mgr de Saint-Marc veut bien, ce jour même , à trois heures, leur ouvrir son palais épiscopal, qui renferme différents objets d’art et quelques antiquités. 2h < Demain, à la même heure, la section, acceptant l'offre faite par M. l’abbé Brune, visitera, sous sa conduite, les divers monuments de la ville de Rennes. La séance générale, ajoute M. le Président, ne sera point un obstacle. Elle est, à compter d'aujourd'hui, remise à sept heures et demie du soir. 00 8 M. de Beaurepäire, l'un des Secrétaires de la section, communique une lettre de M. Loyer, Secrétaire de la So- ciété archéologique d’Avranches. Elle est relative à une dé- couverte de médailles gauloises fort intéressantes. L’au- teur de la lettre dit : « Le 20 juillet 1846, un vieux vase de grès se brisa sous » la bêche du jardinier de M. de Pirch, dans son jardin du » Bourg-PEvêqüe, à égale distance dela ville d’Avranches » proprement dite et du faubourg appelé le Font-Gilbert. Des » médailles gauloises, au nombre de cinq cent soixante » deux,.se répandirent en partie dans la terre environnante. » L’attention de savants numismates de Normandie, de Bre- » tagne et du Poitou fut appelée sur cette découverte; des » exemplaires en furent envoyés à chacun d'eux. M. Lam- » bert y reconnut la monnaie circulante des Abrincalini , UT : F \ SEIZIÈME SESSION. 75 » depuis l'an 278 avant J.-C. jusqu'à l’arrivée des armées » de César. Elles appartiennent toutes à la deuxième pé- » riode de la classification de M. Lambert. Le souvenir de » cette découverte est conservé au musée d’Avranches, par » un bon nombre d’exemplaires offrant des spécimen de » tout ce qu’elles présentent d'intéressant. Quelques-unes ».ontconservé l’oxidation qui les recouvrait toutes au mo- » ment où elles furent recueillies ou extraites du vase, lors- » que celui-ci fut exhumé. Elles étaient engagées dans une » épaisse poussière de vert-de-gris. La Revue numismatique » de MM. de la Saussaye et E. Cartier a relaté cette décou- » verte dans son numéro de novembre 1846. Les fragments » du vase sont aussi conservés au musée d’Avranches, avec » un dessin qui le reproduit complet. Sa forme n'offre rien » de bien remarquable ; l'extérieur est parfaitement uni. » M. Loyer se proposait de joindre à sa lettre l'empreinte de quelques-unes des médailles trouvées; il regrette de n’a- voir pu le faire. M. de Beaurepaire appelle l'attention de la section sur l’autel en bronze de l’église de Vire, œuvre de M. Vimont. Il indique un beau dessin de cel autel par M. Bouet, des- sin que l’on peut voir dans le Bulletin monumental, publié par M. de Caumont. Le même membre dépose sur le bureau un travail de M. Geslin de Bourgogne, relatif aux verrières des Côtes- du-Nord, xv® et xvi° siècles. Ce travail sera soumis à l'examen d’une commission. La vingt etunième question est à l’ordre du jour : «Quelles » Sont les différentes périodes de l'architecture religieuse et » civile en Bretagne ? Leur durée et leurs caractères peu- » vent- ils donner lieu à quelques observations particu- » lières ? » M. l'abbé Brune a la parole pour répondre à cette ques- tion. Il dit : L'histoire de l’architeciure, en Bretagne, ne commence 76 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. proprement qu’au xi° siècle; encore est-il bien difficile de suivre exactement sa marche, à raison du défaut de-ren- seignements positifs, de dates certaines et aussi d’édifices de grande importance. D’ailleurs, la nature de nos maté- riaux se refusant au développement de la partie décorative, il-s’ensuit une absence souvent complète des caractères, appréciables seulement par cei endroit. - J'essaierai cependant de déterminer, autant que possible, les phases diverses de l'architecture religieuse en Breta- gne, en suivant sa marche de siècle en siècle, aussi bien que me le permet le peu de Llemps qui m'a été donné y) répondre à cette question. Au xr° siècle, nos églises les plus petites conservent la forme des basiliques : une nef plus ou moins longue, ter- minée par une abside en hémicyele. Quand elles sont plus grandes, un ou deux bas-côtés s’y adjoignent, et l’abside se sépare de la nef par un transept , dans les murs orien- taux duquel s’ouvrent deux autres absides. Les piliers sou-. tenant les arcades de Fl'intertransept sont carrés et sans colonnes. Les voûtes , excepté celles de l'abside, sont en bois. La porte principale est à double arceau soutenu par de simples pieds-droits. Au xn*, même forme générale ; de plus, on remarque des colonnes accolées aux piliers car- rés, dans le sens longitudinal et à l’entrée de l’abside. Les chapitaux sont plus ou moins grossiers, selon leur âge. L'édifice prend plus d’élévation, et une tour carrée, s’éle- vant au centre, est ornée d’un ou de plusieurs rangs d’ar- cades, selon son importance. L'époque de transition n’ar- rive que dans'le dernier quart du xu' siècle, et, dans . quelques lieux, s’étend peut-être dans les premières an- nées du x11K°. Jusqu'i ici, je crois que nous sommes en retard d’un quart de siècle. Mais, dès le xm®, il me semble que nous mar- chons avec le reste de la France. Au xin° siècle, nos ca- thédrales ne sont pas moins ornées, eu égard à la pénurie de nos ressources et à la nature de notre granit, que celles .des autres provinces. SEIZIÈME SESSION. dirt Dans une grande: partie du xiv° et du xv°, nos construc- tions sont rares, et cela s’explique par l’état de guerres continuelles où se trouve notre province. Cependant, plu- sieurs constructions de cette époque attestent que nous suivons le mouvement architectural avec assez de succès. Toutes ces constructions, du style ogival, présentent les caractères essentiels observés ailleurs. Je crois cependant que l'influence normande s’est plus fait sentir chez nous que toute autre, et cela à l’époque romane. Au xvr° siècle, l'architecture de la renaissance a quelque peine à s'implanter. L’ogive conserve son empire dans les édifices religieux , et ce n’est que vers la fin de ce siècle, et dans des édifices peu importants, qu’elle cède au plein- cintre et au caractère de l’époque. Ce n’est que dans l’a- meublement et les décorations intérieures que le style re- naissance se développe, à l’imitation des autres pays. M. l’abbé Brune cite comme les plus remarquables spé- cimen de l'architecture religieuse , en Bretagne, sous le x1® siècle : Saint-Melaine, d’Elbènes, les églises de Quim- perlé, de Hédé et de Livré. Pour le xu° : les abbayes de Redon, de Daoulas et de Beauport ;. Pour le xur° : l’église de Dol , les Jacobins de Morlaix , la cathédrale de Saint-Pol et une partie de celle de Quim- per ; s Pour le xrv° : l’église de Creskaer, l'abbaye de Montfort, l’église de Saint-Méen ; . Pour le xv° : les églises de Saint-Yves et de Notre-Dame de Bonne-Nouvelle, ainsi que la plus grande partie des églises de la Haute et de la Basse-Bretagne. Après cetintéressant exposé, MM. Paul de la Bigne Ville- neuve et Lambron de Lignim parlent de certains ouvrages de défense que l’on remarque à l’extérieur de quelques églises. M. Duchatellier dit aussi quelques mots sur ce point, et cite des tours d'église, en Bretagne, qui ont sou- tenu des siéges pendant les guerres de religion.—M. Lam- 78 __ GCONGRÉS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. bron de Lignim voudrait savoir si l’on ne rencontre-pas de ces espèces de fortifications antérieures à l’époque des guerres dont il s’agit : il a vu en Tourraine une petite cha- pelle romane qui était fortifiée. M. de Soultrait mentionne , dans le département de la Loire, l’église du prieuré de Chaudieu, qui présente sur un - de ses flancs un système de défense analogue à celui des 1 papes, à Avignon. M. Bourdon est admis à lire une notice sur les ruines romaines de Jublains (Mayenne). En nous rendantau Congrès de Rennes, M. Bouet, M. Pelfresne et moi, nous avons été voir le camp de Jublains. J'avais souvent entendu parler de ces magnifiques ruines, et quoique j’eusse déjà visilé les principales antiquités romaines de la France , il me tardait de voir ce fameux camp romain, qui est cité comme le plus complet et le mieux conservé. Et, en effet, ce. camp , qui est une espèce de castellum ou forteresse desli- née à protéger la domination romaine dans ces contrées , est dans un état de conservation tel qu’il permet de concevoir une idée assez exacle des moyens de défense de ce peuple conquérant, et de ses procédés de construction dans l'architecture militaire. Mais ce que l’on ne devait guère s’attendre à trouver là, dans un espace aussi étroitement limité , c'est un modèle de thermes romains, en minialure, il estsvrai, puis- qu’il ne devait servir qu’à l'usage du commandant de place , mais aussi complet qu’il était possible de le désirer après tant de siècles écoulés. Vous savez, Messieurs, que nous ne connaissons les thermes des an- ciens que par Jes descriptions que nous en ont laissées les écrivains du temps, trop vagues pour être bien comprises, quand les monuments ne sont plus. Les thermes qui sont encore debout, et qui ont été décrits, ont été tellement dévastés à l’inlérieur , qu’il n’est plus possible de les recomposer. On a, il est vrai, bien souvent reproduit par la gravure de di. tendues fresques romaines, qui représentent , at-on dit, l’intérieur des bains romain ; mais l’authenlicité , l'antiquité de ces avc a élé révoquée en doule par les plus savants archéologues de nos jours ; et bien mieux, même à l’aide de ces peintures, qu’il est facile de recon- naîtrepour une fantaisie du xvr' siècle, on ne peut encore, je dirai plus, on peut. bien moins comprendre les descriptions anciennes. A Jublains, par un merveilleux hasard, les bains ont été jusqu’ à ces dernières années , ensevelis, comme la ville d'Herculanum , sous un immense amas de décombres qui les a mis à l'abri de l’injure du temps et des dévastations ni Des fouilles récentes ont mis à découvert SEIZIÈME SESSION. 79 deux petits bâtiments isolés, pour ainsi dire , assez éloignés l’un de Pautré, situés dans la seconde enceinte, l’un dans un angle, l’autre dans l’angle opposé, en suivant la diagonale du carré. Le bâtiment affecté aux bains, et situé au nord-est, comprend seulement un rez-de-chaussée peu élevé au dessus du sol, et se compose de six pe- tites chambres , dont deux seulement occuperont notre attention parti- culière, parce qu’elles portent encore le caractère de leur destination spéciale. La chambre où se trouvait le foyer où hypocauste est au dessous du niveau des autres chambres, et on en comprend la nécessilé : cette position rendait plus commode le service des bains. Le foyer se prolonge sous la chambre voisine, dont le plancher en mortier , d’une épaisseur considérable, repose sur des piliers formés de briques plates sans voûte. L'entrée du foyer seule est voütée sur une longueur d’un mètre environ. Dans la voûte et à l’entour sont placés des luyaux carrés en terre cuite, qui vont distribuer la chaleur dans les autres chambres. Une autre petite chambre, à l’extrémilé opposée du bâtiment, contient une baignoire revêtue de plaques d'un beau schiste gris clair semé de points noirs et imitant le marbre. Les autres chambres ont pu, les unes contenir une baignoire , les autres servir de salles derepos ; elles sont toutes fort petites, et le sol parait également avoir été recouvert de beau schiste marbré. Ce bâtiment a donc servi à. des bains d’eau chaude. Les bains placés dans l’autre pelit bâtiment étaient probablement des bains d’air chaud.-On y remarque une partie en hémicycle où devait être le foyer, et une chambre dont deux parois sont complètement cou- vertes par une rangée de tuyaux carrés en lerre cuite, placés verticale- mel et serrés les uns contre les autres. j Je ne m'étendrai pas davantage, pour le moment, sur les disposilions parliculières de ces constructions, ni sur la forme, pourtant curieuse, de la baignoire, ayant l'intention de le faire plus tard. Il est bon de remarquer que ces bains sont bien loin de pouvoir ê:re comparés aux Grands Thermes des Romains ; ils sont fort petits, et ne devaient servir qu’à l'usage des chefs ou des principaux officiers de la garnison. 4e Je reviens au camp de Jublains , qui est l’objet principal de celle note, etje le décrirai en peu de mots. Il se compose de-deux enceintes carrées . fortifiées, et d’une espèce de donjon au centre. La première enceinte extérieure est formée par un mur d’une épaisseur de 3 mètres 90 cen- timèires, revêlu d'assises alternativement de briques plates et de pier- resschisteuses liées par un ciment rouge, sur ïequel-on a figuré un appareil.au moyen de lignes tracées peu profondément. L'intérieur du mur est en blocage. Celle enceinte est flanquée à chaque angle d’une grosse tour ronde, et au milieu de chaque côté, est et'ouest, d’une tour carrée. Les faces , au nord et au sud, sont flanquées d'une tour ronde. 80 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. On nous a assuré qu’autrefois on voyait aussi une tour carrée sur ces deux faces. Les portes qui donnaient entrée dans celte enceinte sont au- jourd’hui peu distinctes. La seconde enceinteest plusisimple;tet formée par-un mur tellement couvert de terre de tous les côtés, qu'ilestimpos- siblede voir comment il était construit, Une seule porte y donne accès. On arrive ensuite à la construction centrale, qui est la partie la-plus intéressante du camp. Le corps principal de ce bâtiment, qui tient lieu ide donjon , est carré. Je ne m’altacherai pas à décrire minutieusement diverses constructions qui viennent s’y appuyer, mais j'appellerai votre ‘attention sur l’ensemble de l'édifice. La puissance du peuple qui l’a élevé apparaîtici dans toute sa grandeur. Des blocs énormes de granite taillés régulièrement , forment un appareil gigantesque et donnent à ces mu- Tailles une apparence de force vraiment extraordinaire. Plusieurs portes basses, percées dans leur épaisseur, ont un caractère particulier de solidité en harmonie avec tout ce qui les entoure. Quand on a pénétré dans l'intérieur, on aperçoit une cour centrale,qui, par sa disposition, la pente de son sol parée de briques , les rigoles qui viennent y abou- tir, a toutes les apparences d’un ämpluvium. Cet espace central devait donc être découvert ; il était entouré d'un mur épais: de 85 centimé- tres, percé de quatre portes. Autour de ‘cet émpluvium régnaitsans doute une galerie couverte, dont la voûte s’appuyait sur des colonnes ou piliers. Des bases carrées, en granite , posées régulièrement, et quelques fûts de colonnes, paraissaient en marquer la place. Je ne pousserai pas plus loin cette description ; pour en comprendre les dé- tails , il faudrait avoir sous les yeux le plan à vol d'oiseau qui a été des- siné par M. Bouet, et le plan géométral levé par M. Pelfresne , archi- tecle. Les mesures ont élé prises avec toute l’exaclitude possible, M. Bouet communique le dessin que M. Bourdon vient de mentionner, et M. Pelfresne, satisfaisant à une demande de M. Bizeul, dit que le terrain couvert de ruines romaines, à Jublains, présente une longueur d'environ cinq cents mètres sur une largeur d’environ deux cents. — M. de Caumont fait observer que plusieurs parties curieuses de ces ruines se voient dans le bois autour de l'enceinte du camp. Il faudrait, pour en faire une étude approfondie, posséder un plan du cadastre. La vingt-troisième question remplace à l’ordre du jour la vingt-deuxième, renvoyée à une autre séance. Elle est ainsi Conçue : « Quelles sont les œuvres les plus remar- * »quables .que la peinture sur verre ait laissées.en.Bre- SEIZIÈME" SESSION. el » tagne ? Quels seraient les moyens propres à assurer la » conservation des vitraux ? » ° M. l'abbé Brune veut bien répondre à celte question, mais en se bornant à l'examen des vitraux remarquables qui se trouvent dans le département d'Ille-et-Vilaine. Il lit un travail d’abord destiné au Congrès de l’association bre- tonné à Saint-Malo. ÉTUDE Des Vitraux peints existant dans le département d'Ille-et-Vilaine. Il exisle encore des fragments de vitraux peints dans un si grand nombre de nos églises que l'on peut dire, sans crainte d’exagération, qu’elles en étaient généralement pourvues. On sait du reste que , pendant le moyen-âge, les architectes de nos monuments religieux ne regardaient pas les verrières coloriées comme un accessoire de pure décoration que l’on pouvait négliger sans nuire à l'effet principal de leur œuvre, mais bien comme un complément né- cessaire et indispensable à la réalisation de l’idée qu'iis avaient d’une église. Tout y devait concourir à calmer les sens, à recuei!lir l'âme, à faire oublier les choses extérieures , à occuper l'imagination de -repré- sentations saintes et pures , et à faciliter l'élan du cœur vers Dieu par la prière. C’est dans ce but qu'ils donnèrent tant d’élévation à leurs co- lonnes , à leurs arcades, à leurs voûtes ; qu’ils ouvrirert à la lumière des passages mystérieux , et à une grande hauteur, pour la faire des- cendre du Ciel sur le sancluaire et sur l'assemblée des fidèles, adoucie et comme purifiée en passant à travers ces légions d’anges , de saints el de symboliques images remplissant les immenses fenèlres de nos ba- siliques. = Aussi, rien de plus saisissant que l’aspect sombre, religieux et pai- , Sible que présente l’une de ces vieilles cathédrales qui ont conservé leur intégrité primitive, malgré les outrages du temps et des hommes. En y entrant, on croit être transporté dans un autre monde, y respirer un autre air, y vivre d'une autre vie. Un saint respect s’empare de l’âme: elle adore, elle prie comme naturellement. Or, tout cela est dû en grande partie à l'effet de ces transparents si riches de couleurs, si va- riés de dessin, et concourant pourtant d’une mänière si uniforme à l’har- monie de l'ensemble. Enlevez ces magiques peintures , et laissez péné- trer à flots la lumière du Ciel : le charme est levé, le recueillemernit de- Hate 11 . 82 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. vient comme impossible, la prière ne s'échappe plus spontanément de vos lèvres, et vous avez besoin de rappeler à vous les pensées de la foi pour fléchir le genou et vous reconnaitre en présence de Dieu. Cette décoration, reconnue nécessaire dans les grandes basiliques, ne l’élait pas moins dans les plus modestes églises. Moins importantes par leurs proportions plus restreintes et par une plus grande simplicité architecturale , elles ont plus besoin encore de ce jour mystérieux et de cette imagerie instructive qui servit de livre à la foule des fidèles long- temps même après l'invention de l'imprimerie. De là vient que, dans nos plus chélives églises de campagne, comme dans nos somptueuses cathédrales , nous trouvons des restes précieux de ces verrières qui attestent qu’on ne croyait pas pouvoir se passer de cette ornementalion. Dans les localités les plus pauvres, on trouvait assez d’or pour les payer. Les grands seigneurs, les riches abbayes, les corporations, en faisaient souvent les frais, comme le prouvent leurs armoiries et leurs emblêmes, reproduits sur les vitres mêmes. Et qu’on ne dise pas que le prix de ces tableaux fût moins élevé qu’au- jourd’hui. Nous avons de curieux renseignements, consignés dans quel- ques anciens registres de fabriques, sur la valeur des objets dece genre, à différentes époques du moyen âge. Ils nous révèlent les sacrifices que l’on était obligé de faire alors, comme maintenant ; pour se procurer ces objets. Ainsi, nous lisons dans un registre de la fabrique de Bäzouges- la-Pérouse que la seule verrière qui existe aujourd'hui coûta , en 1574, la somme , alors très-considérable, de 552 livres Mais alors on ne croyait pas devoir épargner, quand il s’agissait de décorer la maison de Dieu ; on ne se plaignait pas d'y voir régner trop de luxe. Malheureusement, il ne nous reste plus rien d’entier dans la plupart de nos églises , et celles qui ont le mieux conservé leurs vitraux n’offrent tout au plus qu’une ou deux fenêtres dont la décoration soit intacte. Ce ne sont donc, en général, que des lambeaux, loujours précieux sans doute et dignes du plus grand intérêt, mais plus propres encore à ex- citer nos regrets que notre admiration. Au moins, on semble aujourd'hui en comprendre la valeur mieux qu’on ne faisait il y a quelques années. Nous ne sommes plus exposés à voir détruire ces ‘chefs-d'œuvre, sous les plus légers el les plus ab- surdes prétextes. Ce qui serait encore à craindre, c'est que, dans cer- taines localités, trop pauvres pour les faire restaurer convenablement, on ne les laissâl tomber pièce à pièce, ou qu’on ne confit le soin de les restaurer à des mains inhabiles et ignorantes , landis que ce travail devrait toujours être dirigé par un homme instruit et assez versé dans la science iconographique pour ne pas laisser commettre les fautes grossières que l’on reproche avec raison à des œuvres de ce genre, très-importantes cependant et très-dispendieuses. Mais, pour en venir à l'examen particulier des vitraux de notre dépar- SEIZIÈME SESSION. 83 tement, je dois avouer tout d’abord qu’ils sont presque tous de date assez récente. Il paraît certain qu’une fabrique de verres peints existait à Redon au x siècle. Bien probablement elle fut fondée sous les auspices de l'ab- baye de celte ville, et il n’est pas douteux que son église n’en füt dé- corée. Eh bien! aujourd’hui c’est en vain qu’on y cherche quelques vestiges de cette décoration. La cathédrale de Saint-Malo en esl égale- ment dénuée. Saint-Melaine, de Rennes, n’en possède plus que de mo- dernes, et nous pourrions dire la même chose de nos autres églises de Ja même date. Ce n’est qu’à Saint-Méen et à Dol que nous relrouvons, sous ce rapport, quelques beaux fragments de l’art du x siècle; encore n’en reste-t-il à Saint-Méen que dans le lympan d’une seule fenêtre, et dans un tel état de délabrement, qu'il a fallu toute l’habileté de notre collègue, M. A. Ramé, pour en retrouver le sujet. Il a cru y voir une peinture du jugement dernier, et, en effel, plusieurs scènes semblent l'indiquer ; mais quelques autres, et en particulier celle dont:il nous a donné le dessin, ne paraissent guère s'y rapporter. Ce qui est plus positif, c’est la date de cette verrière, qui est à peu près délerminée par la présence de l’écu de Bretagne écartelé des armes de Dreux, qui, comme le dit M. Ramé, n’a pu figurer ici posté- rieurement au premier quart du xiv° siècle. De plus, le dessin même de ce vitrail, l'assemblage des différentes pièces de verre, et la couleur du verre lui-même, ne laissent pas de doute sur son antiquité. A Dol, la destruction a été moins complete. Une grande et belle fenêtre, qui s'ouvre au chevet de l’église, a conservé toule sa verrière primi- tive. La forme des médaillons qui s'échelonnent entre les meneaux, les bordures et les mosaïques de fond , le ton général des verres , le dessin des personnages et des draperies, tout annonce la manière des artistes du x siècle. En examinant en détail ces vitraux , on remarque qu’ils sont d’une épaisseur double de nos verres modernes , souvent bosselés el irisés par la seconde cuisson ; mais aussi creusés et rongés cruellement, soit par l’action de l'air, soit par un chancre végétal. Quelquefois une sorte de mousse ou de lichen très-dur et lrès-aplati recouvre ces excavalions et produit des taches très-nuisibles à la transparence ; mais, plus sou- vent encore , il n'y a aucune {race de mousse, et le verre n’en est pas moins troué jusqu’à la moilié de son épaisseur. Ces verres sonl en ap- parence Leints complètement dans la masse ; cependant j'en ai recueilli des morceaux qui sont blancs dans la moitié de leur épaisseur et colo- rés dans l’autre. Ce sont particulièrement les verres rouge purpurin. Je n'ai pas vu néanmoins qu’on ait nulle part enlevé la par!ie colorée pour y insérer un émail d’une autre couleur, comme cela s’est pratiqué fréquemment à une époque moins reculée. Chaque pièce de verre est de très-pelile dimension , d’ou il résulte un assemblage en plomb si 84 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. considérable et.si serré, que chaque panneau, soutenu en outre par des vergelles en fer, présente une solidité à l'épreuve de toutes les intem- péries, et je dirais presque de tous les projectiles. Cependant le temps, qui use lout, est parvenu à détacher quelques morceaux de verre, et malheureusement on les a quelquefois remplacés bien indignement. Je ne sais si on voudra me.croire, lorsque je dirai qu’on a.mis à com- bler ces vides déplorables des morceaux d’ardoises assurément (rès- peu translucides, et qu’on les a collés au moyen d’un ciment de chaux. et de sable Celui-ci est si peu épargné, qu’il s’étend à cinq ou six cen- timêtres autour de cet étrange emplâtre. A coup sûr , on peut dire que le remède est pire que le mal. La hauleur de cette belle verrière est de 9 mètres 50 centimètres ; Ja largeur de 6 mètres 50 centimètres. Sept meneaux la divisent d’a- bo:d en huil compartiments verticaux, dont chacun est bordé d’une guirlande de feuillages tantôt verts sur fond rouge, tantôt jaunes ou bleus, alternativement sur fonds également différents. Les mosaïques sur lesquelles se détachent les médaillons sont très-variées : quelque- fois ce sont des lozanges formés de bandes rouges, dont l’intérieur bleu contient, un dessin en quatre-feuilles ; quelquefois des cercles fond bleu coupés par des croix fleuronnées d’un rouge éclatant ; ou bien encore de larges quatre-feuilles bleus ou verts, bordés de jaune ou de rose. Les médaillons sont de deux formes : un quadrilatère dont les angles se délachent entre deux lobes arrondis, et deux quadrilatères se croi- sant l'un sur l’autre. Ils sont bordés d’un filet blanc et d’un autre rouge pluslarge que le premier. Dans les sujels contenus dans ces rhédatts les chairs sont toutes d’une teinte très-colorée ; les ombres sont plutôt un glacis ou un poin- tillé très-ferme que de simples hachures. Quelques lêles sont d’un des- sin bien passable ; celle du Christ est loujours mieux que la plupart des autres. 1] porte, partout la barbe, et son nimbe est crucifére. Dans les huit séries de médaillons que contient celle verrière, on reconnait : à gauche, des sujets de l’Ancien-Testament, tels que le Sacri- fice d'Abraham, l'incendie de Sodome, elc.; plus au centre, c’est l’An- noncialion, la Visilation, la Naissance du Sauveur, puis ün grand nom- bre de scènes de la Passion; vers la droite, se déroule la légende de saint Samson, patron el fondaleur de l'évêché de Dol. Six fois ilest représenté au miliew d’autres évêques, présidant leur assemblée ou concile. Toujours il tienl sa croix archiépiscopale, tandis que les évé-. ques qui l'entourent n’ont que leurs crosses. Enfin , des scènes de mar- tyre et l'enlèvement d’une âme au ciel par les anges. Dans le tympan se déroule la scène du Jugement dernier : le Christ apparailau milieu-de la grande rosace ; les anges , embouchant la trom- pelle, sont répandus autour de lui. La Vierge, à ses pieds, imploresa miséricorde. A sa gauche , les damnés sont précipilés dans l'enfer, el SEIZIÈME SESSION. 85 à droite les élus, portant leurs couronnes et leurs palmes, s’avancent vers la cité céleste. : Plus bas, on voit les morts sortant de leurs cercueils. Voilà pour la grande fenêtre absidale , dont l’effei est encore si riche et si brillant, malgré le jour trop abondant et trop clair qu’elle reçoit de l'intérieur. C’est, à proprement parler, le seul type qui se soit conservé dans le département, et peut-être en Bretagne, de l’art de peindre le verre au xn° siècle. Dans les fenêtres du clerestory et les deux baies ouvertes à l’extré- milé orientale du friforium, on trouve épars quelques fragments assez considérables de grisailles ornées de bordures fleurdelysées et de pelils fleurons de couleurs rouge, jaune et bleue. Les dessins qui composent ces grisailles sont très-variés, et tracés en noir avec une extrême déli- catesse. Dans les transepts , il régnait, selon l’usage de ce temps, une suile de figures de grandes dimensions, représentant des évêques la mitre en têle et la crosse à la main. Trois ont seules résisté aux efforts du temps, encore sont-elles mutilées et couvertes de taches qui leur ôtent presque toute transparence. La grande fenêtre du pignon sud a conservé quel- ques lambeaux de mosaïques et de petites figures de prophètes tenant des banderolles. Entre les meneaux subsistent aussi quatre panneaux , dont un a été replacé avec si peu d'intelligence que les personnages sont vus la tête en bas. Un autre se compose de pièces incohérentes ; un troisième laisse voir un saint présentant un personnage agenouillé à l'Enfant Jésus dans les bras de sa Mère : peut-être est-ce le donateur de la vitre. Le quatrième contient deux personnages élevant en haut des vases allongés et surmontés de disques de couleur rosée. Dans un pelit compartiment réservé entre les deux grandes ogives sont deux léopards d'argent passant sur un champ de gueules. La chapelle absidale , que je crois ajoutée à l'édifice principal vers la fin du xv° siècle, a conservé dans la principale fenêtre une partie de sa verrière , dont le caractère annonce bien cette époque. Trois figures de grandeur presque naturelle, parfaitement drapées, s’enlèvent sur des fonds de draperie d’une grande richesse. Le dessin est évidemment plus savant que dans les peintures que nous venons d'examiner ; mais le coloris est plus pâle et le verre plus mince. Deux de ces figures représentent le mystère de l’Annonciation. L'ange Gabriel tient en main une bande où on lit : Ave, Maria... Dominus lecum. La Vierge, dont la tête a malheureusement disparu , mais dont la pose et l'agencement des draperies sont très-remarquables, répond : Fiat mihi secundnm Verbum tuum. Le troisième personnage est trop mutilé pour qu’on puisse lui attribuer un nom. Dans une rosace du tympan brille l’écu de Bretagne, d’hermines plein, et dans les lobes de l'étoile centrale je crois reconnaitre les quatre figures symboliques des Evangé- 86 CONGRÉS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. listes, au milieu desquels se trouvait (rès-probablement une image du Christ. C’est peut-être la seule verrière du xiv° siècle que l’on puisse citer dans notre pays, si ce n’est quelques fragments que l’on voit encore dans les fenêtres des chapelles situées au sud du chœur de la même église de Dol. Cependant, je les reporterais assez volontiers au xv° siè- cle. Dans l’une, on apercoil au tympan une autre représentalion du ju- gement dernier. Celle peinture est pâle et terne , mais d’un dessin assez correct. Des restes de grisailles ornées de petits anges , d'oiseaux et de fleurs, sont d’un fini et d’une délicatesse bien superflus à la distance où on les voit. Il semble vraiment que les artistes de ce temps s’amu- saient à multiplier leur travail et ne faisaient pas moins pour leur plaisir que pour l'avantage de ceux qui les employaient. Une autre fenêtre présente aussi, dans les petits compartiments du réseau superieur , où les verres, mieux protégés, se sont partout trou- vés plus à l’abri du vandalisme, des anges jouant des instruments de musique ou tenant des phylaclères où se trouvent inscrits des cris de louanges : Aleluia, laudate Dominum , elc., une lêle barbue couronnée et nimbée; le tout d'un dessin pur, mais d’une couleur claire et peu pri- milive, qui annonce, comme dans la verrière précédente, une dégé- nérescence déjà très-avancée de la peinture sur verre. On me pardonnera d’avoir insisté minutieusement sur les vitraux de notre belle cathédrale de Dol, si l’on pense, comme je crois d'avoir fait observer, que c’est là qu’avec le plus beau type de notre architecture ogivale nous trouvons aussi celui de la peinture sur verre dans sa plus splendide période. j Une grande lacune rompt ici l’histoire de l’art en Bretagne. Comme la plupart de nos édifices religieux sont anlérieurs ou postérieurs au xiv° siècle, de même les vitraux peints que nous y relrouvons sont, à l'exception de ceux de Dol, de la fin du xv: siècle et du xvr°. C’est alors que nos églises se relèvent de leurs ruines, se parent de lous les orne- ments de l'époque, aulant toutefois que le permet la nature de nos ma- tériaux , el c'est alors aussi que de riches verrières viennent supplèer à la simplicité de notre architecture. Mais l’art du peintre-verrier n’était plus ce qu’il avait été primitive- ment; el, en Bretagne comme ailleurs, il ne vient plus seulement, sous la direction de l’arthitecte, concourir à la perfection générale de son œuvie, il travaille à sa part et Lend à une fin qui lui est propre. Désormais, plus de ces mosaïques d’un ‘coloris si puissant et d’une harmonie à la fois si douceet si sévère. Ce sont des panneaux sans bor- dures ; encadrés simplement par les meneaux et les barres de fer qui divisent régulièrement Ja fenêtre. Chacun d’eux est un tableau conte- nant une scène ou quelquefois une parlie seulement d’une scène qui se continue dans le panneau voisin. Bien rarement les sujets sont surmon- SEIZIÈME SESSION. 87 tés de pinacles , de dais et de détails d'architecture, si ordinaires aù xiv° et au xv° siècle. Ce n’est que dans les plus récents que nous trou- vons des encadrements , des fonds en draperies, des arabesques , des portiques dans le goût de la Renaissance. Alors les verres sont de plus en plus minces, les plombs plus rares, le coloris moins ferme ; les chaires sont presque toujours peintes sur verre blanc, modelées au moyen de glacis en émail qui s'étendent en se déprimant vers les parties en lutnière , ou qu’on a enlevées au burin en forme de hachures ou de traits ondulés, pour donner aux ombres plus de transparence , ou bien aux cheveux et à la barbe plus de sou- plesse ; mais souvent ce travail délicat et peu solide n’a pas résisté à l'action de l'air, et beaucoup de figures sont aujourd’hui presque effa- cées. Les plus anciens de ces vitraux ne remontent pas, je crois, au-delà des dernières années du xv° siècle. Ils conservent encore de la simpli- cité dans l’agencement des draperies, dans les poses des différents personnages, dans la disposition des sujets. La couleur ne manque pas de puissance; les tons jaune clair, vert pâle ou rose, les demi-teintes, employées pour obtenir des effets de perspective aérienne , sont encore très-rares. Je citerai, comme exemples de ce genre, les belles verrières du maïitre-aulel des églises de Saint-Gondran, des Iffs, de la Baussaine, où se trouve l’histoire complète de la Passion. Il y a trop de rapport pour le coloris, le dessin et l'invention des scènes, entre ces trois ver- rières pour qu’elles ne soient pas sorties de la même fabrique, et elles ont en même temps un cachet particulier qui me fait croire qu'elles ap- partiennent à une école différente de celles qui ont produit la plupart des autres peintures qui nous restent à examiner. Malheureusement, je n'ai aucun renseignement qui puisse m'éclairer sur l'existence d'une école particulière d’où seraient sorties ces produclions, ainsi que quel- ques autres moins bien conservées, mais du même genre , que l’on re- trouve dans deux ou trois autres églises voisines de celles-ci. Ce sujet de la Passion est celui qui se reproduit le plus souvent au chevet de nos églises. Outre les trois que je viens de nommer, je pour- rais en citer beaucoup d’autres où il se voit exéculé de la même manière ou bien plus en abrégé. Ainsi, à Champeaux et à Iffendic, c'est la scène qui clôt la série des humiliations et des douleurs de l'Homme-Dieu. Suspendu à la croix , entre les deux larrons, 1l est en- touré des saintes femmes, des disciples, des soldats ; et au dessus de sa tête, dans les divisions eupérieurés de la fenêtre, on voit le Père- Eternel entouré des neuf chœurs des anges, formant comme autant de couronnes chacune de couleur différente. Il s’incline vers la sainte vic- time, pour recevoir son âme ; ou bien c’est le Christ lui-mème apparais- Sant comme juge souverain après s'être offert comme hostie de miséri- 88 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. corde. Le sujet, ainsi simplifié, est traité en plus grande dimension et produit plus l'effet d’un tableau véritable, tandis que , dans le cas pré- cédent , il rappelle davantage les anciennes mosaïques. Quelquefois on a peint à la même place la légende du patron de l'é- glise. Ainsi, à Saint-Laurent, près de Rennes, la seule verrière exis- tante , et datée de 1556, présente différents traits de la vie et du mar- tyre du saint diacre ; à Romillé, c’est l'histoire de saint Marlin, titulaire de l'église ; à Lanouaye , celle de saint Etienne. Très-souvent les dona- teuré'sont peints au bas de la vitre, présentés par leur saint patron à Jésus-Christ, à la Vierge, ou au patron même de la paroisse , en l'hon- neur duquel la verrière a été exécutée. Ils sont agenouillés, les mains jointes, tandis que le saint est debout à côté d’eux. Une représentalion assez fréquente aussi à cette époque, c’est celle de la Trinité, sous la forme si usitée alors : le Père-Eternel , vêtu en pape et portant la couronne impériale sur la tête, porte le Saint-Esprit sur sa poitrine , et son fils en croix entre ses genoux. Dans le tableau du Crucifiement, on voit les âmes du bon et du mau- vais larron s’échappant de leurs têtes sous la forme d’une petite figure nue ,et reçues , l’une par un ange, l’autre par un démon. Des anges recueillent dans des coupes d’or le sang qui coule abondamment des plaies du Sauveur. La généalogie de Jésus-Christ, ou l’arbre de Jessé, si souvent repré- senté ailleurs , ne se trouve que deux ou trois fois dans notre départe- ment. Le plus beau est à l'église de Moulins, près La Guerche. Les vitraux appartenant à une époque plus avancée du xw° siècle se reconnaissent à l'abandon plus complet de l’école traditionnelle, tou- jours grave, simple, naïve ; à l’usage plus fréquent des verres peints à piusieurs teintes , et creusés pour recevoir des émaux d’une couleur va- riée et vive ; aux dimensions plus grandes des figures et, par suite, des pièces de verre ; à l’oubli des règles iconographiques (ainsi , les Per- sonnes divines portent souvent le nimbe uni des saints, et quelquefois les sainls en sont dépourvus); souvent aussi à la beauté des formes, à la richesse des draperies, à l’imitation quelquefois trés-heureuse des chefs-d’œuvre des maitres de cette époque. On sent, en présence de plusieurs de ces belles pages, l'influence du génie des Raphaël, des Léo- nard de Vinci, des Pinaïgrier, des Leprince et des Jean Cousin, dont les travaux semblent s'être reproduits comme à l'infini dans ce siècle d’ac- tivité et d'enthousiasme artistique ; ce qui fait dire avec raison à M. J. Sabbalier (Revue scientifique et industrielle , août 1840 ) « qu'il ne faut > pas s’étonner qu'avec une telle direction donnée aux esprits, les pein- > tures les plus sublimes aient élé prodiguées , non seulement dans les » églises des capitales, mais dans celles des provinces et des plus hum- » bles villages.» ja En effet, ce que nous avons de plus merveilleux à citer ici se trouve SEIZIÈME SESSION. 89 dans nos églises rurales, et en particulier dans ceite modeste église des Ifs , l'une de nos plus petites communes. Qui ne reconnaitrait dans ces charmantes verrières de la chapelle nord , par exemple, le crayon sûr, la palette riche et variée, l’étude approfondie de la nature, l'emploi heureux des lumières et des ombres de nos plus habiles peintres de la Renaissance ? Peut-on voir rien de plus gracieux que le tableau de lA- doration des Mages ? rien de plus magnifique que leurs costumes ? de plus digne , de plus respectueux et de plus naturel que leurs poses et celle de la Mère? Laquelle des Vierges de Raphaël est plus modeste, plus pure et plus digne Mère du Christ que celle Vierge en adoration de- vant le Verbe fait chair ? Où trouver plus de noblesse, de dignité et d’in- spiration que dans celle têle du vieux prêtre qui va circoncire le Fils de Marie ? Toutes ces figures ne sont pas modelées, sans doute, avec le poli et la finesse de brosse qu'on remarque dans nos peintures modernes; mais comme la touche est ferme, hardie et d’un effet saisissant! comme tous ces trails, enlevés au poinçon pour obtenir la transparence et la lu- mière , son! tracés sûrement ! On reconnait au premier coup-d'œil l'ori- ginalité et la facilité savantes d’ur artiste de premier mérite. Je n’entreprendrai pas de décrire tous les vitraux de cette église, dont j'ai parlé plus au long dans une notice particulière, mais je profite de l’occasion pour donner l’explicalion d’un sujet qui a embarrassé tous les visiteurs. Il s’agit d’une vitre de la chapelle située au sud du chœur, où l’on a cru voir un cardinal-en soutane rouge et rochet couvert d’her- mines. Une médaille que lui présente un des personnages qui l'entourent portant pour exergue les mots Cales de Valo, on y avait lu Charles X de Valois, roi de France et de Navarre, pensant que ce devait être le car- dinal de Bourbon, proclamé roi par les ligueurs. Mais la date de cette médaille, 1587, ne cadrait pas exactement avec la royauté momentanée de ce prince, et, de plus, on ne s’expliquait pas pourquoi son rochet était couvert d’hermines et sa têle entourée du nimbe des saints. Or, voici que le mystère se trouve éclairci par la répélilion exacte du même sujet dans l’église de Moncontour, où la légende de saint Yves se déroule sur une de ses verrières. Là, chaque scène est accompagnée de légendes qui ne laissent aucun doute et qui nous obligent à reconnaitre dans notre tableau des Iffs le saint official de Rennes et de Tréguier, dans le costume de sa dignité, rendant la justice aux grands et aux pelits, et résistant également à l’or que les riches lui présentent pour le corrom- pre, comme aux clameurs que la populace fait entendre pour l'inti- mider. var Cette composition, quoique bien remarquable comme lype de la pein- lure sur verre de la fin du xvr siècle, ne mérite pas autant d'éloges peut-être que celles dont je viens de parler, Elle est généralement d'un coloris plus terne , d'un dessin moins pur êk d'un arrangement moins heureux. TOUS 12 90 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. On est plus satisfait de Ja fenêtre qui lui est opposée, dans la même chapelle , et dont le sujet paraît être un des faits d'armes du ‘vaillant connétable Du Guesclin. La troisième verrière, représentant l’histoire de Suzanne, est d’une couleur à part, où le jaune domine comme teinte générale. Rien de plus délicat ni de plus gracieux que ces pelits ta- blesux où se déroule toute l’épisode biblique de cette vertueuse épouse. En vérité, nous n’aurions dans le département que les vitraux des Iffs, que nous pourrions encore être fiers et rivaliser avec plusieurs autres. Pourquoi faut-il que ces chefs-d'œuvre soient abandonnés sans soin à une dégradalion sans cesse croissante , et qui bientôt se consom- mera en une ruine complète ? Permeltez-moi, Messieurs, de réclamer ici l'intervention du Congrès en faveur de ces précieuses reliques du passé , et de provoquer de votre part une démarche auprès de l’aulorité départemeutale, lrop éclairée et trop amie des arts pour ne pas lenir compte de vos vœux. Une simple remise en plomb, faile avec soin, serait peu dispendieuse et vaudrait mieux peut-être qu’une restauration, toujours difficile, et qui serait trop dispendieuse. En général, on préfère aujourd’hui con- server que restaurer, el je crois que l’on a raison. Aussi, la commission préparaloire du Congrès de Rennes a-t-elle demandé, non pas quels procédés sont préférables pour la restauration des vitraux, mais quels sont les meilleurs moyens de les conserver. Pour moi, je ne vois rien de mieux que de les protéger contre les in- tempéries atmosphériques, en veillant soigneusement à la solidité des armatures en fer, des vergettes et des plombs ; de les abriter contre les projectiles extérieurs, lancés par mégarde ou par malveïllance, au moyen d’un grillage en fil de fer; enfin, d'empêcher l’envahissement des lichens , en brossant de temps en temps les murs voisins, d’ou ils s’é- tendent d'une manière déplorable jusque sur les vitres, de manière à leur ôter toute transparence et toute harmonie. Permeltez-moi de vous signaler encore Ja double verrière de l'église de Bâzouges-la-Pérouse , que j'ai déjà indiquée en commençant. Nous y retrouvons les défectuosilés des procédés modernes ; mais, au point de vue de l’esthélique , elle est encore fortremarquable. Ces verrièrés, da- tées de 1573 et 1574, représentent, d’une part, les Mystères de la Vierge, et, de l’autre, les souffrances et la mort de son fils. Dans le iympan, Dieu le père. revêtu, comme à Champeaux, des insignes des plus hautes dignités de la terre, la papauté et l'empire, recoit dans la gloire Marie , le type de l'innocence, et en regard Eve, la femme cou- pable, mais régénérée par le sang de son descendant. L'ange l’accom- pagne avec le mêine glaive dont il la menaça autrefois, en la chassant du Paradis terrestre, mais qu’il vient déposer devant le trône de la Mi- séricorde. SEIZIÈME SESSION. 91 Je termine par une liste indicative des paroisses du diocèse de Rennes où il reste des fragments un peu importants de vitraux peints. Saint-Méen, xn° siècle. Dol, xmi°, xiv° el xv° siècles. Les Hs, xv° el xvi’ siècles. Saint-Brieuc-des-1ffs, ide. Sainl-Gondran , dem. La Baussaine, idem. Saint-Symphorien, den. La Mézière, idem. Champeaux, idem. Vitré ( Notre-Dame), idem. Fougères Ÿ Saint-Léonard ) , sde. Romillé, idem. ; Izé, idem. Saint-Aubin-du-Cormier, éde. za Guerche, idem. Bais, idem. Louvigné-de-Bais , dem. Moulins , idem. La Chapelle-Janson, idem. Bâzouges-la-Pérouse , édem. Antrain, xv° siècle. Saint-Laurent, xvi' siècie. Belton, idem. Iffendic , idem. Lanouaye , xv° siècle. Vignoc, xvr° siècle. Rennes ( Saint-Germain , Saint-Yves ), idem. M. le Président, en remerciant M. l’abbé Brune de l’im- portante communication qu’il vient de faire , lui demande s’il a trouvé, dans le cours de ses recherches , quelques noms d’arlistes verriers. M. l'abbé Brune répond qu’il n’a rien découvert à cet égard. M. de Beaurepaire n’admet pas la valeur artistique at- iribuée par l’auteur du mémoire à la verrière de Bâzouges- la-Pérouse. Il regarde comme fort médiocres le dessin et la perspective de cette verrière ; les chairs lui ont paru rou- geâtres et mal traitées. Elle peut être curieuse pour les iconographes et remarquable pour la Bretagne, mais elle 92 CONGRÉS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. est bien loin d’égaler les verrières que présente la Norman- die. M. l'abbé Brune soutient l'opinion qu'il a émise; mais il convient que la verrière de Bâzouges n’a pas droit au premier rang parmi les verrières bretonnes. Après cette courte discussion , il soumet à l’appréciation de la section quelques calques de vitraux faits par lui en diverses par- ties de la Bretagne. À M. le Président annonce que M. Geslin de Bourgogne, inspecteur des monuments historiques dans le département des Côtes-du-Nord , a fait pour ce département, relative- ment aux vitraux, l'étude que M. l'abbé Brune a faite dans le département d’Ille-et-Vilaine. Son travail est pour le Congrès un document très-précieux. MÉMOIRE Sur les principales Verrières des Côtes-du-Nord, PAR M. GESLIN DE BOURGOGNE, MESSIEURS, La question sur les vitraux, posée dans le prograrnme du Congrés scientifique, xvi° Session, est trop vaste pour moi ; je m’occuperai seu- lement des vitraux que présente le département des Côtes-du-Nord. En réduisant ainsi la question, j’éprouve encore un embarras : Le dépar- tement possède de riches spécimens de toutes les périodes de la pein- ture sur verre, depuis les éblouissants médaillons du xin° siècle jus- qu'aux délicieuses miniatures du xvu‘. Dois-je me borner à un inven- taire, qui serait d’un mince intérêt et peut-être insignifiant? Dois-je me laisser aller à un mémoire dont la longueur effraierait tout d’abord le Congrès? Pour éviter ces deux inconvénients, je me permets de scinder encore la question , afin d’y pénétrer plus avant et peut-être plus utile- ment. ul si L'époque la plus curieuse de la vitrerie en ce pays est, sans contredit, de la première moitié du xv° siècle au xvi‘. Pendant ce temps où la Bre- tagne respira, entre les guerres de succession et les guerres de religion, la piété des ducs et des seigneurs appela du dehors des artistes, qui se fixérent dans les évêchés de Tréguier et de Saint-Brieuc et y fondèrent SEIZIÈME SESSION. 92 une école nombreuse, dont les principaux centres semblent avoir été Tréguier el Lannion. Elle se manifesta d’abord par des peintures sur bois, dont il nous reste plusieurs beaux lambris : j'y reviendrait tout-à- l'heure. Elle atleignit son apogée dans la peinture sur verre, où elle produisit des œuvres qui peuvent, aujourd’hui encore, être comparées sans désavantage avec les meilleures productions de l'Allemagne et de la France à la même époque. Elle finit par la menuiserie, qui, des jolis meubles du xvr siècle, s’éleva aux relables et aux buffets d’orgues si finement sculptés dans le xvn°, et qui finit avec notre bon Corlay de Chatelaudren. Je ne parle ici que des arts de décoration proprement dits; et, à vrai dire, c’est ce qui domine dans ce temps : les dernières pensées d'ensemble, l’art dans son expression la plus haute disparait avec l'architecture du xv° siècle; les tailleurs de pierres ne visent plus qu’à orner des portails, des tombeaux, des fontaines , des reliquaires, des calvaires. En Bretagne, comme partout, l’art s'éteint dans les détails. Les produits authentiques de notre école indigène (et remarquons que le nombre s’en accroit chaque jour) peuvent jusqu'ici se classer en deux calégories : d’abord ce sont les grisailles , à la splendide ornemen- tation ogivale couronnée de flèches et de pinacles fleuronnés, le tout relevé par un petit nombre de teintes où domine surtout le jaune du do- minicain Jacques Lallemand (oxide d’argent); ensuite viennent les ta- bleaux encadrés dans les dômes, les frises et les colonnades de la Re- naissance , tableaux où le dessin, la perspective, le coloris, et surtout le luxe des habits, forment un tout qui laisse rarement à désirer. La première se signale par un caractère naïf, fervent, qui charme tout d'a- bord. La simplicité des moyens employés ajoute encore à l’effet produit : tout l’artifice du peintre consiste à détacher des têtes dont le trait, assez mal dessiné, n’est relevé que par un léger lavis, sur des fonds d’ordi- . naire formés par une tenture en éloffe écarlale ; mais les longues lé- gendes qui se déroulent ainsi respirent un parfum de bonhomie et de piété, qui semblent avoir inspiré Albert-le-Grand. L'autre époque, au contraire, n’a plus ce cachet en quelque sorte virginal ; mais ce qu’elle a perdu du côté du cœur est remplacé par ce qu’elle a acquis sous le rapport des moyens plastiques-L’art y déploie tout son luxe, toute son habileté ; chaque lête, chaque broderie, chaque rinceau est étudié avec une conscience , une sagacité, une finesse inouïes. Il cherche les diffi- cultés pour les vaincre , et la principale de toutes dans ce genre de pein- ture , les fonds de paysage, y sont lraités avec un bonheur tel, que l'effet général de la verrière n’en est pas sensiblement altéré. Il y a plus : dans le vitrail de Saint-Yves, à Moncontour, chaque tableau, outre la scène des premiers plans, en représente une seconde, qui s’aperçoit, non moins distincte, dans le lointain, sans qu’elles se nuisent l’une à Pautre. $ 2 94 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Mais, pour faire mieux saisir les caractères propres à chacune, LE nons un exemple dans l’une et dans l’autre. Légende de la Vierge, à Notre-Dame-de-la-Cour. La mailresse-vitre de Notre-Dame-de-la-Cour, en Lantic, est la plus grande et la plus belle page qui nous reste du xv° siècle. Bien que la date n’y soit point écrite, elle n’est pas douteuse par les écussons qui ornent le vitrail et par la signature. Cette signature, dont une partie a été bien malheureusement brisée , conserve encore les noms de Olivier Lecog et de Jehan Lenevan , vitriers de Lantreguier, qui ont, en 1468, fait la maïîtresse-vitre de la cathédrale de Tréguier, aujourd’hui détruite. ‘ La baie n’a pas moins de 7 mètres 50 centimètres de hauteur sur 4 mètres 20 centimètres de largeur. Presque un tiers entre dans l’amor- tissement , et un autre tiers est occupé par un couronnement architec- tural d’une grande élégance : ce sont les flèches gracieuses el élancées, les pinacles à crochets du xv° siècle, grisailles qu’éclairent seulement quelques teintes qui laissent aux personnages situés au dessous tout leur relief. La rosace, flamboyante, est semée d’anges à la chevelure dorée, jouant de la harpe ou brülant des parfums dans des encensoirs d’or. Entre eux se trouvent, rangés dans l’ordre hiérarchique, les bla- sons des divers personnages aux oblations et aumônes desquels est dû le vitrail, ainsi que l’atteste une inscription placée au bas. Les verres sont de petiles dimensions. / Au premier rang, on reconnait François 1, duc de Brétägrié ; non seulement aux hermines pleines, mais encore à la devise : À ma vie, de Pordre de l'Epi, dont il élait fondateur. Donc, le vitrail est antérieur à 1450, époque de la mort de François 1°. Au second rang sont deux princes du sang, son frère et son neveu (ce qui semble indiquer que la vitre est postérieure à 4446, où Gilles fut emprisonné); c’est lecomte de Guingamp (parti de Bretagne et d’Am- boise-Thouars), qui avait épousé Françoise d’Amboise, et qui reçut plus tard la couronne ducale, sous le nom de Pierre Il; et le comte d’Etampes et de Vertus ( parti de Bretagne et de Bretagne), qui aväit épousé Mar- guerite de Bretagne, et qui fut plus tard notre dernier duc, sous le nom de François II. ? Au troisième rang sont : 4° les Geslin en alliance avec les Lalande. de Calan , écussson moderne qui a dû remplacer les Le Porc de lu Porte de Vezins, alors baron de Lantic ; 2° Les Rosmadec-Goarlot , plus tard vi- comte de Meneuf (d’or à trois gemelles de gueules) ; sieurs de Bulien, dont la juridiction était à Notre-Dame même. Au quatrième rang sont six écussons, dont deux d’évêque, deux d’abbés et deux en alliance. Le premier est d'azur (lisez d’argent), à SEIZIÈME SESSION. 93 trois bandes de gueules, chargées de sept vannets ou coquilles d'argent, qui est Pierre Huet, abbé de Beauport. ( Les armes de l’abbaye, placées dans la volute de la crosse, ne laissent pas de doute.) Le deuxième est : d’azur au cerf passant et chevillé d'or, qui est Vincent de Kerleau, de la noble maison de Lille, en Goëlo , alors abbé de Bégard,, et plus tard chancelier de Bretagne. Les troisième et quatrième sont des alliances des Coetmen. : À Le cinquième est d’argent au sautoir de gueules accompagné d’un annelet d'or en chef et de trois roses d’or, qui est Jean de Coatkis, suc- cessivement évêque de Rennes et de Tréguier. Le sixième est d’azur à Ja fasce d’or accompagné de trois moleltes de même, qui est Jean Pré- geant , évêque de Saint-Brieuc. Au dessous de ceux-là , il s’en trouve trois autres qui, bien qu’an- ciens , me semblent postérieurs à la fenêtre.; ce sont les suivants : d'ar- gent à l’arbre portant le huchet ou oliphaut de sable, qui est Rouyeart de Loguéran ; de gueules à la croix vidée , clechée et pommetée d'or, qui est Botterel; et d’or aux trois merlettes , qui est Geslin. Ainsi, tout in- dique que le vitrail a du être exécuté de 1448 , où Jean Coatkis fut pro- mu à l’évêché de Rennes , à 1450, où mourut le duc François. Le troisième tiers de la vilre est occupé par dix-huit tableaux de 4 mètre de hauteur, représentant la légende de la Sainte-Vierge ; les per- sonnages ont 60 centimètres. Ces tableaux sont divisés en trois rangs de six tableaux chacun ; au dernier rang seulement , le premier et der- nier tableaux manquent. Ils se lisent de gauche à droite et du haut en bas ; ils ne portent pas d’inscriplion indicative du sujet. Le premier lableau nous montre saint Joachim et sainte Anne , père et mère de Marie , repoussés de l’autel par le prêtre Isaac, à cause de leur stérilité , Landis que les autres fidèles, et sans doute des étran- gers , sous l’habit de pélerin , sont admis à présenter leurs offrandes. Le saint et la sainte paraissent ressentir douloureusement l’affront qui leur est fait. ; 9° et 4° Tableaux. — Après cette humiliation , sainte Anne prie devant Voratoire élevé au bas de son jardin , et saint Joachim sur la montagne où il s’est retiré et où paissent quelques troupeaux. Un ange apparait à chacun d’eux , pour leur annoncer que leur prière est exaucée el qu'il leur sera envoyé une fille, qui sera riche en mérites aux yeux de Dieu. 3: Tableau. — Tous deux reviennent chacun de son côté, emortuum corpus , dil la légende, et ils se donnent le chaste baiser‘indiquant que la Vierge a été conçue moins parles sens que par-la foi; car, dit saint Jean Crysologue , éransiverat tempus carnis. 5° Tableau. — Naissance de la sainte Vierge. Sainte Anne , encore couchée, la recoit d’une autre femme avec transport. Saint Joachim contemple avec bonheur cet inestimable don de Dieu. 96 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. 6° Tableau. — La sainte Vierge, enfant, monte pieusement, mais joyeusement au temple, les mains jointes. Son père, du bas des degrés, la regarde avec admiration , tandis que sa mère la suit du regard avec une expression de tendresse qui n’est pas exempte d’amertume; du geste elle semble lui adresser une dernière recommandation où un dernier adieu. Un prêtre se lient prêt à la recevoir à la porte inté- rieure. 7° Tableau. — Marie, toute jeune fille, est agenouillée devant un pré- tre en habit monacal, lequel lui apprend à lire ; d’autres petites filles, suivant dans leurs livres , sont assises à l’entour. Le maitre tient dans la main une forte verge ; l’artiste, en nous montrant la loi du travail et la sanction dans toute sa rigueur , semble vouloir indiquer que la mère même de Dieu n’a point élé exemple de cette loi générale. 8° et 9° Tableaux. —Plus avancée en âge, la. Vierge, dans le riche Cos- tume du temps, prie sous une sorte de lente ou pavillon d’hermine; puis elle file en lisant. Des anges, se pressant autour d’elle, présentent respectueusement les fuseaux et la servent à l’envi. Ses vêtements, les tentures qui l’environnent sont d’une richesse loute royale. C’est bien ici regina Angelorum. 40° Tableau. — Le mariage de la Vierge. Joseph et Marie sont age- ” nouillés devant le grand-prêtre, qui unit leurs mains, Le premier porte la branche de lys, emblème de la virginité, dont il se constitue le gar- dien. s 41° Tableau. — Annonciation. L’ange , entièrement vêtu de blanc, se prosterne devant le prie-dieu sur lequel la Vierge est agenouillée. C’est dans d’attitude du plus profond respect que l’un remplit son message en indiquant du doigt le philactère qui porte la salutation angélique, et que l’autre reçoit l’ordre du Très-Haut. La figure de Marie s’illumine d’une joie douce et modeste. 12° Tableau. — Nativilé. L’Enfant-Jésus vient de naïtre et est étendu sur un peu de paille, réchauffé par l'haleine des deux animaux. Marie, la première entre toutes les créatures, est avant toute autre admise à l’adorer ; elle est prosternée devant son divin fils ; son visage el sa pose indiquent tout ensemble le recueillement et le bonheur, la foi et la ten- dresse. Saint Joseph, dehout dans le fond, une main sur le cœur et l'autre sur son bâlon de voyage, proteste dans ce respectueux éloigne- ment de son dévoument sans bornes. 13° Tableau manque. 14° Tableau. — Deux mages se dirigent vers le tableau précédent, qui contenait sans doute le troisième mage prosterné devant l'Enfant-Dieu. 15° Tableau. — Présentation au temple. Au milieu d’un groupe, saint SEIZIÈME SESSION. 97 Siméon saisit l’enfant avec un enthousiasme mêlé de respect, et, les yeux au ciel, il s’écrie : « Nunc dimättis….. » 16° Tableau. — Crucifiement. Marie et saint Jean, tout en pleurs, sont seuls au pied de la croix, du haut de laquelle Jésus, au moment de quitter cette vie, semble dire au monde : « Voilà votre mère! » A7: Tableau. — Résurrection. Le Christ s'élève triomphant hors du sé- pulcre ; de la main gauche il tient la croix de triomphe, et de la droite il bénit. Les soldats , terrassés , regardent en silence. 18° Tableau. — Manque. C’élait sans doute l’Assomplion de la Vierge, conclusion nécessaire des joies et des souffrances de Marie. Dans tout le cours de la légende , le nimbe n’est donné qu’à Jésus, à sa mère el à sainte Anne ; il est partout d’or. Sainte Anne esl âgée, en- veloppée du voile et du blanc costume de matrone. La sainte Vierge ne porle de voile qu’au pied de la croix; partout ailleurs elle est jeune, en cheveux, élégamment vêlue du grâcieux corsage du xv° siècle, sur lequel est posé un ravissant manteau bleu ou pourpre, garni d’une bor- dure en or, sur laquelle se répètent les monogrammes de Jésus et de Marie. Non moins Breton que chrétien, l’arliste a semé les hermines au- tour de la Vierge, comme pour les mettre sous la protection de la mère de Dieu. Saint Joachim et saint Joseph portent de larges robes blanches et serrées autour des reins. Tous deux sont nu-tête et âgés. A la ceinture du premier pend toujours un large couteau dans sa gaine ; l’autre est caractérisé par son bâton tutélaire. Le grand-prêtre porte partout les ornements de l’évêque au xv° siècle, et les prêtres de Pancienne loi le costume des moines. Si je ne craignais de lrop m’élendre, celle verrière prêterait encore à bien des observations iconographiques. Mais passons à l’école du xvr° siècle. Je prendrai pour type la verrière de Saint-Yves de Moncontour. Elle porte la date de 1537, mais l’auteur n’en est pas encore connu. Toutefois, je ne crains pas de la ranger parmi les œuvres du pays, parce que ce sujet tout breton est traité d’une façon vraiment brelonne. Les fonds sont formés par nos paysages, où s'élèvent nos dolmens et nos menhirs. Dans l’un d’eux on croit même reconnaitre la rivière voisine de la pelite ville de Tréguier , où naquit et vécut le saint. I ya, dureste, une différence frappante entre celte verrière et les deux voisines, qui sont de la même époque (1538), mais qui se relrouvent fréquemment en France. Ce sont Sainl-Jean-Baplisle et Sainte-Barbe (1). {1) La légende de saint Jéhan s'arrête à l’avant-dernier panneau. Le dernier est occupé par les donateurs, mari et femme. Cette partie est d’une autre main que la verrière. La couleur locale y est manifeste. Ici reviennent les paysages bretons. Nos verriers travail- laient donc quelquefois sur des cartons français, en ne.se réservant que la signature, T. IH, 1 13 98 . CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Saint-Yves de Moncontour. De 1450 à 1537, la Bretagne avait bien changé : de souveraine elle était devenue vassale ; ses richesses, au lieu de se centraliser dans son sein, à la cour de ses ducs, prenaient la route de Paris, dont elle n’é- “tait déjà plus qu’une province éloignée ; sa couronne ducale n’était plus qu’un hochet à l'usage des enfants de la maison de France. Sa noblesse , sa vieille noblesse , si profondément catholique quelques an- nées auparavant , commençait à se laisser entamer par les nouveautés de la réforme , et son art ogival , consacré par quatre siècles de gloire et par tant de chefs-d’œuvre, cet arl si aimé, si nalional, qu’il avait pénétré jusque dans les chaumières, était chassé par le retour aux formes païennes : l'ogive, si fervente el si recueillie, faisait place au froid linteau, aux amours et aux médaillons coquets de la Renaissance. Mais Albert Durer, Raphaël, J. Cousin, Le Roux, Le Primatice, avaient fait subir à la peinture en général, el particulièrement à la peinture sur verre, une (ransfiguralion merveilleuse. Sous l'influence de ces grands maîtres , les verrières s'étaient de nouveau illuminées des cou- leurs les-plus éclatantes du xu° siècle, auxquelles étaient venues se joindre la pureté du dessin et de la perspective, la vérilé des tons et la finesse des nuances. Seulement l’arliste est désormais plus occupé de sa gloire que de l'édification du prochain; nous débulons,, sinon dans la théorie, du moins dans la pralique de l’art pour l’art. Ne demandons, par conséquent, à la vitre de Saint-Yves, que ce qu'elle peut nous don- ner, qualités et défauts de son temps ; c’est un chef-d'œuvre de la plus belle époque de la Renaïssance , et c’est bien quelque chose. Ici, plus de ces immenses verrières dues aux oblations de nos ducs, de nos princes, de nos barons, de nos évêques, de nos abbés, de nos simples gentilshommes, tous unis dans une sainte offrande ; plus de ces vastes roses où s’enchâssent comme autant de joyaux précieux les titres de leur noble origine. C’est le généreux sacrifice de quelque châtelain inconnu ; qui n'atpas même voulu y figurer à genoux avec sa pieuse dame. La reconnaissance publique lui a tenu comple de cette modestie; et tandis que tant de donataires de. ce Lemps étalent orgueilleusemen! aux yeux de fous leurs blasons oubliés; la tradilion populaire conserve le souvenir du sire de Vauxclerc, auquel cetle offrande est attribuée. La verrière n’a que 6 mètres sur 2 mètres. L’amortissement est occupé par une sorte de fleur de lys, où se dis- tinguent encore deux anges avec des livres, et les débris d'un purga- toire : la loi et sa sanction, la juslice et l’espérance. / © Lereste de la fenêtre est parlagé.en deux rangs de trois: x chacun; plus, en bas, un seplième panneau occupe nus tiers de la SEIZIÈME SESSION. 99 baie. Chacun des six tableaux supérieurs est, comme nous l'avons dit, composé de deux scènes, dont l’une en grand sur les premiers plans, et l’autre, au fond, fuyant en perspective. Tous, peints sur d’assez larges feuilles de verre ajustées ensemble , sont enfermés dans un encadre- ment de la Renaissance : socles et montants à fond brun, sur lesquelsse détachent en or des enroulements, des füls en balustre, des médaillons, des amours se jouant dans les rinceaux ; le tout couronné par de larges coquilles que domine un dôme. Quoique riche, ce cadre n’ôte rien de leur éclat aux tableaux qu’il renferme. 1" Tableau. — C'est d’abord l’enfauce et la jeunesse + saint : au fond, tout petit, il sert dévotement la messe ; tandis que, sur les preniers plans , il assiste, avec un nombreux auditoire, à un cours public; il est assis au pied de la chaire du maïtre , et suit altentivement; d’autres, au contraire, causent ou dorment. Déjà il porle le costume qu’il ne quittera plus : la robe écarlate fourrée d’hermines et le berrel de même couleur avec le nimbe d’or. 9: Tableau. — Bien jeune encore, il est official et rend la justice : fl vient d’entendre la veuve de Tours , qui lient en main une sacoche que de prélendus marchands soutenaient lui avoir confiée pleine d'argent, tandis qu’elle la rendait remplie de pierres. Les deux filoux jouissent de l'embarras de la pauvre veuve, embarras qui ne sera pas long, car le saint a déjà , avec une merveilleuse sagacité , découvert leur fourberie, el il commence à dicter la sentence , qu’un scribe écrit à ses pieds. 3° Tableau. — Le saint célèbre la messe ; au moment de la consécra- tion , il aperçoit , ainsi que toute l'assistance, le Saint-Esprit en forme de colombe, qui vient planer au dessus de l’autel. Sa chasuble bleue, dans la forme des nôtres, porte uze croix en or historiée ; dans l’une des branches de la croix, on aperçoit l’écusson de Bretagne, semé d'hermines. Au fond, le saint distribue son blé, à pleir boisseau, comme dit Albert le Grand. Ainsi, supériorité dans la prière, supériorité se le travail, voilà la moilié de cette vie, tant vénérée des Bretons ; voyons l’autre moitié, la supériorilé dans la cherité. 4° Tableau. — Le saint lave les mains d'un mendiant infirme , qu’il trouve à sa porte. Au fond , on voit sa table entourée de pauvres, et lui assis au milieu d'eux les sert. Presque tous abusent de tant de bonté ; les uns lapostrophent avec ironie , les autres avec colère; celui qui est à ses côtés arrache un plat des mains du saint et y crache. A cette gros- sière et suprême insulte, un serviteur qui apporte un mets s'arrête stu- péfait; mais la figure du saint n'exprime qu’une inaltérable douceur, mêlée d’un peu d’étonnement et de pilié. Pouvait-on plus énergique- ment exprimer tout ce que le service des pauvres exige de résignalion et de patience ? 100 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. -5° Tableau. — Saint Yves, dans un hôpital, soigne les malades et as- siste les mourants ; au fond, il ensevelit un mort; le cimetière se voit dans le lointain. 6° Tableuu. — Assislé à son tour, mais par les anges, le saint s’en- dort du plus doux, du plus calme sommeil : c’est une de ces fins bien- heureuses qui donnent envie de mourir. Au fond, deux anges empor- tent son âme radieuse, pelite créature nimbée et sans sexe. Enfin le grand panneau du bas couronne et résume toute cette vie, dans la forme où la Bretagne se plait toujours à honorer notre grand saint. Au milieu d’une vaste campagne semée de rochers el de pierres debout , saint Yves est entre le BoNHomwr , le pauvre peuple représenté par un vieillard en haïllons, et la richesse réprésentée par un seigneur splendidement vêtu et dans la force de l’âge. Le pauvre est à la droite, le riche à fa gauche : celui-ci attend la sentence arbitrale avec un air de supériorité quelque peu hautaine, l’autre avec respect et anxiété. C’est vers le pauvre que le saint s’incline avec une ineffable bonté; encore une fois, le droit lout seul a triomphé de la force, Je l’ai déjà dit, toutes ces lêtes sont étudiées avec un soin et une vé- rité merveilleuse, celle du saint surtout. Elle est partout la même quant aux traits ; mais elle reflèle successivement chacun des sentiments que l'artiste a voulu lui donner, de manière à ne pas laisser un seul moment de doute sur sa pensée. Somme toute, c’est une délicieuse composition qu’on ne se lasse pas de savourer, el que nos artistes modernes de- vraient beaucoup étudier. Conservation. Le préfet et le Conseil général, comprenant l'importance de ces ri- chesses, ont alloué un petit fonds pour la conservation de nos verrières, et m'ont chargé d’en surveiller l'emploi. J'ai commencé par les deux que je viens de décrire ; elles étaient dans l’état le plus déplorable ; n'étant protégées par rien ; une partie avait élé brisée à coups de pierres dans ces dernières années surtout. Par ailleurs, les soins d'entretien et.de ré- paration élaient confiés... Devinez à qui? — Aux couvreurs!! oui, aux couvreurs , qui une fois par an les époussetaient à grands coups de ba- lais, dont le moindre inconvénient était de rayer les verres. Quand ils lrouvaient une vitre ébranlée, ils la consolidaient à l’aide d’une truellée de ‘chaux ; chaque trou nouveau était impitoyablement bouché par le premier morceau de verre venu , ou, à défaut, par un fond de bouteille ou une ardoise. | + Mon premier soin a été de débarrasser les deux verrières de ces em- bellissements, qui produisaient souvent les plus grolesques cog-à-l’âne. SEIZIÈME SESSION. 104 J'ai ensuite consolidé les meneaux, les armatures et les vergettes. Les résilles étaient bonnes, sauf de rares exceptions où l’on a procédé à la ‘remise en plomb sur place, et avec toutes les précautions nécessaires pour éviter les accidents. Le plus souvent, il a suffi de souder des queues nouvelles, les attaches anciennes étant presque toutes usées. Des lavages légers à l’eau pure, à l’aide de pinceaux ou d’éponges fines , sans grat- tage ni acides, ont fini par nous débarrasser des mousses et des cou- ches épaisses de crasse qui s’élaient entassées sur ces vitraux de ma- nière à les rendre complètement illisibles. Les vides ont élé remplis par des verres blancs très-épais et dépolis, qui adoucissent du moins le jour et ne détruisent pas l'harmonie générale. J’ai cru qu’il valait mieux ac- cuser ainsi franchement chaque lacune, en attendant qu’on les puisse combler, plutôt que de chercher à les dissimuler sous un barbouillage menteur dont on aurait enduit les verres modernes. De la sorte, nos verrières onft retrouvé leur premier éclat, sauf quelques panneaux du XV: siècle, en verre de Bohême, je crois, qu’une: petite mousse avait rongés jusqu’à moitié ou aux deux tiers de leur épaisseur. Enfin, je les ai garantis au dehors à l’aide de treillages en fer galvanisé, dont les traverses sont établies de manière à ne pas porter ombre d’une facon choquante sur la vitre. Tels sont les petits moyens auxquels jai eu recours, après avoir plu- sieurs fois et en vain demandé des conseils au comité des arts et monu- ments. Je désirerais vivement que le Congrès voulût bien m'accorder les conseils qui m'ont fait jusqu'ici défaut, afin d'en pouvoir profiter dans la consolidation et le nettoiement des verrières dont je vais encore m'occuper. : Peinture sur Bois. Je désire aussi le consulter sur le moyen de conserver nos peintures sur bois, sœurs de nos verrières. Ces peintures.sont solidement fixées sur des planchettes de chêne, d’ordinaire assez sain; mais le mauvais entretien des toitures a disjoint les lambris dont elles font partie, et il en tombe chaque jour quelques morceaux. Comment consolider ces planchettes sans y introduire de clous, qui achèveraient de les briser ? Pour quele Congrès comprenne l’importance de cette question, qu’il me laisse lui décrire brièvement une partie du lambris de la chapelle de Notre-Dame - du -Terlre de Châteleaudren. Cette grande page de la peinture au commencement du XV° siècle se compose de cent {rente- deux tableaux, dont chacun comprend en moyenne lrois figures de 70 à 80 centimètres de hauteur, ou environ quatre cents personnages en tout. Les attributs des personnes divines, des anges et des saints, les costumes civils et militaires , les paysages, les détails d'architecture, 102 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. offrent à l’iconographie et à l’art les observations les plus intéressantes, mais trop nombreuses pour être rapportées ici. C’est à peine si j'ose me permettre le narré rapide des trente-six scènes ; qui forment deux lé- . gendes-distincles , posées des deux côlés du lambris d'une chapelle la- térale. Voici ce que j'ai pu distinguer, malgré le passage des eaux, un large retable d’autel et des réparations tellement intelligentes qu’on voit, entre autres, un bateau chargé de moines qui naviguent la tête enbas. A droite, en regardant le maître-autel , c’est la légende d’une wierge martyre; à gauche, c’est celle d’un pieux cénobite. Commençons par le martyre du corps, pour finir par la seconde histoire, qui est le mar- tyre de l’âme. L'ordre des tableaux est de gauche à droite et de haut en bas. D'abord, la sainte est enfant. Une femme, sa mère sans doute, la montre avec orgueil à un homme âgé qui n’en semble pas moins fier. Jeune fille, jolie et gracieuse, elle file en gardant son troupeau. Un jeune seigneur vient à passer à cheval avec sa suite; il est frappé d’admira- tion à la vue de la jolie bergère. Il s’en va les yeux fixés sur elle, et s’entretenant avec ses compagnons , qui ne semblent pas moins animés que lui. Il revient seul ; il a sauté en bas de son cheval, et, un genou en terre, la main sur son cœur, il fait à la jeune fille une déclaration respectueuse autant que passionnée. La sainte l'écoute avec une mo- destie vraie et bien rendue ; elle lui parle à son tour avec calme et di- gnité. Le jeune homme apparaît de nouveau prosterné , son cheval tou- jours derrière lui; mais cette fois celui qu’il implore est un seigneur âgé, sans doute son père, qui se détourne avec courroux. Je crois qu’au tableau suivant, une femme s’efforce de l’adoucir et de le rapprocher de son fils. Tel est l’ensemble du premier rang. Là finit la vie paisible de la sainte, et ses épreuves vont commencer. Elle est amenée garrottée devant un homme qui la recoit avec hauteur: Est-ce le père, est-ce un juge ? Peut-être l’un et l’autre. Toujours est-il que la jeune fille, nue jusqu’à la ceinture, est déchirée de coups de fouets par deux bourreaux. Puis un homme la conduit vers wne sorte de maison forte où une lemme à mine suspecte s'aperçoit par une fené- tre et semble s’apprêter à recevoir la sainte. Serait-ce un de ces lieux où les persécuteurs jetaient trop souvent les jeunes vierges, lorsque ï avec la plus atroce malice, ils espéraient vaincre leur foi.par leur hon- neur ? Ce qui semblerait justifier cette hypothèse , c’est que la sainte, priant dans ce lieu, a devant elle une gueule ardente et ouverte, telle: qu’on représente l’enfer, sans doute pour montrer les dangers qui l’en+ tourent. Maïs la sainte échappe encore à celte terrible épreuve , et nous la retrouvons attachée nue à une croix, tandis que deux bourreaux, armés de torches, lui brülent les seins. La femme hideuse de la maison! semble les encourager, Après ce cruel supplice , la sainteest dans une, | SEIZIÈME SESSION. 103 cuve sous laquelle un bourreau attise le feu , tandis qu’un autre lui déchire la poitrine. Enfin la sainte, brisée par tant de souffrances , est affaissée dans sa prison, quand un ange s’approche d'elle et lui pré- sente un philactère où sont ces mots : Audëta est oratio tua. Il reste encore quatre tableaux, mais cachés ou illisibles ; seulement, au der- nier, ilme semble voir trois personnages assis et nimbés, qui ont quel- que rapport avec la Sainte-Trinité. Est-ce le couronnement de la saints au Ciel? t Passons à la légende qui occupe l’autre moitié de la voute. Nous venons de voir une vie riante et paisible, une vie de poésie et d’amour, faire place tout à coup au plus effroyable des combats, aux plus hor- ribles épreuves, et l’héroïsme d’une jeune fille triompher de tout. Voici maintenant le courage sur le champ de bataille, dans les épreuves du cœur et dans le travail du cloître : foi, amour et gloire, n’esl-ce pas tout le moyen-âge 7... 4 < Une troupe de cavaliers, en habits de ville, cheminent en devisant joyeusement ; celui qui chevauche à leur tête seul est pensif; il regarde par derrière et semble s'éloigner à regret. C’est que derrière lui esl un château sur les crenaux duquel apparaît une jeune femme couronnée qui regarde avidement dans la direclion du chemin suivi par la troupe; près d’elle est une femme en hennin et un homme de suite. Tont à coup le cavalier rêveur revient bride abattue, une main serrée sur son cœur qu’il semble avoir peine à retenir. Il est prêt à s’élancer vers la jeune femme, qui, de son côté, se penche précipilamment el parait oublier la distance qui les sépare encore. Plus loin, c’est lui sans doute qui, armé de toutes pièces, court en champ clos contre un chevalier et le transperce, de part en part. Plus loin, c’est une mêlée furieuse, où se poussent et se frappent archers et picquiers, écuyers et hommes d'armes. Des blessés et des morts jonchent le sol. Voilà le premier rang. Au deuxième, c'est la douce vie d'intérieur : La jeune femme des cre- neaux s’appuie sur le bras du cavalier ; un*autre couple les suit. Ils s’avancent vers la porte d'une maison que leur ouvre une vieille femme. Bientôt c’est la jeune femme seule qui, accompagnée de sa fidèle sui- vante, va consulter un vieil astrologue vêtu d’un domino vert et pesam- ment appuyé sur une béquille. Sur cette figure à barbe el encapuchon- née brille d'un éclat sombre un sourire méphislophélique ; les deux femmes sont consternées. En effet, à partir de Ce moment tout s’assom- brit : amour, bonheur el gloire, Lout disparait sans retour. Qu’importe les noms, c’est l’élernel roman de la viel.…..: Voici, en effet, la jeune femme étendue sur sa riche couche :elle est morte ; mais son âme, petite créature nimbée, s’est approchée de l'oreille du jeune homme alterré et loi murmure un bon conseil avant de le quilter pour toujours. Bientôt, en effet , il ageçu la lonsure et l’habit monacal ; il embrasse son vieux 10% CONGRÈS SCIENMFIQUE DE FRANCE. père et sa mère avant de quitter ce monde , désormais vide pour lui. Sa famille pleure à l’entour. Le désespoir de sa mère surtout est énergique- ment exprimé, Bientôt on le voit (travaillant de ses mains, lisanttet priant; puis il vogue avec d’autres religieux vers une terre étrangère; pour lui il n’y a plus de patrie! Au dernier rang , le saint, désormais nimbé , est prosterné aux pieds d’un évêque en habits pontificaux, et qui lui remet une bèche, son con- stant attribut à partir de ce moment. Le saint défriche le sol, et une femme à genoux lui demande son appui. Une femme âgée et filant parle sans aucune marque de respect à un évêque; et bientôt l'évêque vient tomber lui-même aux pieds du pauvre moine, implorant un pardon ou une grâce. Celui-ci, qui semble chercher dans les fatigues du corps le repos du cœur, suspend un instant avec bonté son travail pour l'en- tendre. La fin de l’histoire a disparu. Malgré leur mauvais état de conservation, ces peintures respirent je ne sais quel parfum de douce mélancolie et de suave piété qui laisse long-temps l'âme réveuse. À coup sùr, l'artiste inconnu à qui on doit celte œuvre charmante a beaucoup souffert. Je ne négligerai rien pour arriver à enrichir de son nom la lisle des artistes bretons du moyen-âge, qui se complète peu à peu. Cette chapelle fut consacrée au Saint Rosaire le 15 août 1631 ; aupa- ravant elle était dédiée à sainte Marguerite ; c’élait la chapelle des ba- rons d’Avaugour. Les lainbris furent peints par ordre de Marguerite de Clisson, peu de Lemps avant la confiscation; c’est donc le martyre de sainte Marguerite et, sans doute, celui de saint Olivier, ce noble Bra- bançon dont la légende est si peu connue, qui y ont été représentés. Si le Congrès scientifique et la Société française poür la conservation des monuments jugeaient ces précieuses peintures dignes d'intérêt et allouaient quelques fonds pour leur conservation, ce haut appui éveil- lerait sans doute la sollicitude du Conseil général des Côtes-du-Nord, qui ne refuserait pas alors quelques sacrifices. Je confie, Messieurs, celte considération à votre dévoument éclairé pour les œuvres d’art du moyen-âge et nos richesses archéologiques. M. de Mellet, en se déclarant fort étranger à l’art de fa- briquer les vitraux, croit pouvoir émettre quelques idées sur les conditions à désirer pour le progrès de cet art. En ce moment, dit-il, le nombre des peintres verriers est assez grand, mais la plupart de leurs œuvres sont médiocres. La science leur manque ; ils n’étudient pas assez les anciens vitraux et les livres saints. Un peintre verrier devrait con- naître parfaitement la Bible, la Légende dorée et les détails . SEIZIÈME SESSION. 405 sur la vie des saints spécialement invoqués en France. Sous le rapport de l'exécution matérielle , nos artistes méritent le reproche de ne point donner assez d'épaisseur au verre. Les vitraux qui sont en ce moment exposés à Rennes sont beaucoup trop minces. Quelques verres des fenêtres de la cathédrale de Chartres présentent une épaisseur égale à celle d’une pièce de 5 fr. Un autre reproche peut être fait : les couleurs employées dans la fabrication des vitraux mo- dernes semblent, en général, d'une nature trop transpa- rente. Les verrières anciennes tamisent la lumière ; les plus ardents rayons de soleil s’adoucissent en les traversant. Il faut ajouter que l’on abuse maintenant du jaune, qui fait trou dans les verrières. Nos artistes, continue M. de Mellet, sont appelés à exé- cuter deux genres bien différents de vitraux : les uns, des- tinés à orner les anciennes églises ou celles qui sont con- struites dans un des styles du moyen-âge, doivent être peints dans le style que l’on a adopté ; les autres peuvent être faits en dehors de toutes conditions archéologiques. Les deux genres sont cultivés par des artistes de talent : pour les vitraux en style ancien, l’un de ceux qui étaient arrivés à faire le mieux, M. Henri Gérente, vient d’être enlevé.aux arts par le choléra. Cet artiste, jeune encore, s'était tellement inspiré des monuments du moyen-âge, qu'il s’était approprié leur style, et que ses dessins origi- naux avaient toute la beauté et la pureté des œuvres des an- ciens peintres verriers. Les travaux de M. Gérente étaient connus el appréciés, non seulement en France, mais encore dans toute l’Angleterre, où s’élèvent de si beaux édifices en style ogival. M. Luçon, du Mans, a exposé aussi à Pa- ris de beaux vitraux ; pour les verrières en style moderne, M. Maréchal , de Metz, a parfaitement réussi dans l’église de Saint-Vincent-de-Paule , à Paris, M. de Caumont parle de M. Thibaut, de Clermont, dont les vitraux, en style ancien , méritent aussi d’être honora- blement mentionnés. Il lit ensuite une letire de M. Drouet, T. I, 4 44 106 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. du Mans, relative à la demande faite par M. de La Rue au Conseil général de continuer les calques des vitraux de la cathédrale. On peut espérer que la demande sera admise, car le Conseil général de la Sarthe paraît plein de Er lance pour M. de La Rue. M. le Président annonce que M. de Wismes propose de présenter au Gouvernement un vœu tendant à l’introduc- tion de l’enseignement de l’histoire provinciale dans les divers établissements d'instruction publique. La proposi- tion sera envoyée aux Secrétaires-généraux, qui autorise- ront sans doute M. de Wismes à la développer en séance générale. La séance s’est prolongée. Elle n’est levée que vers deux - heures. Séanee du S Septembre 1849. Présid. de M. le comte DE MELLET, y. DE SOULTRAIT ; Secrét. Le procès-verbal de la séance du 7 est lu et adopté. M. le Président annonce que M. l’abbé Brune fait hom- mage à la section de ‘son Résumé du cours d'archéologie au séminaire de Rennes. Le Secrétaire dépose sur le bureau trois manuscrits, que les auteurs soumettent à l’appréciation de la section d’ar- chéologie. Ces manuscrits sont : ” Pouillés du diocèse de Saintes, recueillis par M. Lacurie, chanoine honoraire de La Rochelle, membre de l’Institut des provinces , inspecteur divisionnaire de la Société fran- çaise pour la conservation des monuments. SEIZIÈME SESSION. 407 Etudes sur l'histoire ecclésiastique et civile de la ville de Do, par M. Toussaint Gaultier. Notices sur les ecclésiastiques du diocèse de Dol qui sont mor ts ou ont été déportés pour la cause de la foi op la révolution de 1793, par le même. La section vote des remercimenis à raison de l’envoi de ces ouvrages. Leur importance est bien comprise; ils se- ront examinés avec le plus grand soin. La troisième question du programme est à l’ordre du jour : « Examen et appréciation des travaux historiques de » M. Lehuërou, et, en particulier, de sa théorie des ori- » gines féodales. » M. de la Borderie , inscrit sur cette question, prend la parole et dit : ; Les deux ouvrages de M. Lehuërou (Institutions méro- vingiennes, Instilutions carolingiennes) comprennent l’his- toire politique des cinq siècles compris entre la dissolution de l'empire romain et celle de l'empire de Charlemagne. Deux éléments sont en présence durant cette période : le génie indisciplinable des nations barbares, si décidément porté à l'individualisme, si réfractaire aux idées de société générale, d’autorité publique, de soumission à une telle autorité, et d’aulre part, au contraire, les principes d’au- torité, d'ordre, de discipline sociale et politique légués par l'Empire expirant aux chefs des nations barbares campées parmi ses ruines. — Deux tentatives furent faites pour sou- mettre la barbarie à ces principes , l’une par les Mérovin- giens , l’autre par Charlemagne : toutes deux échouèrent. Les ouvrages de M. Lehuërou nous révèlent la véritable cause de ce double échec; on y trouve une théorie toute nouvelle des origines du système féodal, et de cette théorie même découle une explication originale de la chute des Mérovingiens et de l'empire de Charlemagne, explication plus profonde et plus complète que toutes celles qui ont été données jusqu'ici par les historiens, sans excepter MM. Gui- zot et Augustin Thierry. 108 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Le premier ouvrage de Lehuëérou s’ouvre par la lutte de l’Empire contre les barbares : Jes causes intérieures de la dissolution de l’Empire y sont indiquées ayec une profon- deur sayante et judicieuse, surtout en ce qui concerne l’é- tablissement des patrocinia. dans les provinces et l'in- fluence du Christianisme sur la chute de la domination ro- maine, Ce dernier point, en particulier, y est traité d’une manière complètement neuve. Lehuërou a aussi repris (avant M. de Petigny ), mais en la modifiant, la théorie de Dubos sur l'établissement des Franks dans la Gaule : la question de l'impôt, sous la pre- mière race de nos rois , a reçu dans son ouvrage une solu- tion qui peut passer pour définitive. Mais, c’est surtout dans le second volume que se révèle l'originalité des opinions de l’auteur : Montesquieu et, après lui, M. Guizot, avaient rapporté l’origine des insti- tutions féodales au système militaire des Germains d’outre- Rhin : ils n'avaient vu dans la recommandation et dans le compagnonnage qu'une institution purement militaire, et qui, dans l’origine, ne fonctionnait qu’en temps de guerre. Lehuëérou a démontré que le vasselage, même au-delà du Rhin, et dès le premier siècle de la conquête, créait entre le vassal et le seigneur (comes et princeps dans Tacite) des relations qui ne se restreignaient pas au service militaire , mais subsistaient dans la paix et embrassaient toute la vie, la vie civile et la vie de famille, non moins que l’existence guerrière ; en un mot, que le vasselage dès l’origine, en Germanie, était une institution domestique et fondamen- tale, la plus vivante de toutes celles dont Tacite nous a re- tracé le tableau. — Lehuérou a prouvé que dans le système féodal, tel qu’il s’épanouit en Europe au x° siècle, il n’était pas un détail de quelque valeur dont on ne retrouve le germe déjà très-développé (et quelquefois l'application com- plète) dès les v° et vr° siècles de notre ère. — Le prineipe, du système féodal était de lier l'individu à un autre individu qu’il reconnaissait seul pour chef et guide en quelque ma-, tière que ce fût, à qui il vouait, en un mot, un dévoûment SEIZIÈME SESSION. 109 absolu. Ce principe allait donc directement à dissoudre la société publique et générale entre les hommes d’une même nation ,- à anéantir toute autorité politique et centrale; en un mot, à supprimer ce que nous nommons aujourd’hui l'Etat. Les Méroyingiens et Charlemagne tentèrent de combattre ce principe de désagrégation politique : les pre- miers s’efforcèrent d’employer à cette œuvre les institu- tions que leur avait léguées la puissance romaine. Charle- magne (et c’est là son originalité dans l’histoire) se borna aux moyens qu'il trouvait dans quelques institutions d’o- rigine germanique et surtout dans l’église. Les Mérovin- giens et Charlemagne échouèrent. M. Thierry n’a voulu voir le secret de cet échec que dans les antipathies des races; mais M. Guérard (Bulletin de la Société de l'Histoire de France) et M. Varin (Thèse pour le doctorat) ont démontré que cette cause, au-delà d'une certaine mesure, était tout-à-fait insuffisante. M. Guizot, de son côté, a rapporté la dissolution de l’empire carolin- gien. à l’absence d'idées générales chez les hommes du 1x° siècle; mais cette dernière explication a besoin d’être ex- pliquée elle-même, car, d’où provient cette absence d’idées générales ? Lehuërou a répondu : L'institution du vasselage enfermait l’homme social dans des rapports purement in- dividuels , et ne lui laissait arriver par aucun poini l’idée d’une société politique générale entre tous les membres de la nation. La cause produite et développée pour la première fois par M. Lehuërou est donc la seule qui soit assez pro- fonde et intime pour tout expliquer. Quelques considérations sont présentées par divers mem- bres de la section; elles viennent à l’appui de l'opinion émise par M. de la Borderie. M. Duchatellier, chargé d'examiner un travail adressé au Congrès par M. Tailliart, conseiller à la Cour de Douai, dit que ce travail fournit quélques éléments pour la solu - tion des questions 7 et 15 du programme de la section, el soumet des faits intéressants à l'appréciation des archéolo- 110 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. " . * , “1: gues bretons; il pense, en conséquence, qu’il importe d’en faire la lecture. * Quelles sont les ressemblances qui existent en- tre Iles anciens Kimris Bretons établis à l'ouest de la Gaule et les Kimris Belges cantonnés au nord de cette contrée? : | Dans celte simple note, qui n’est qu’une sorte de programme, nous nous bornons à poser les questions suivantes, sur lesquelles nous appe- lons l’attention des érudits de l’Armorique : I. — Les Galls et les Cimbres ne forment-ils pas deux branches de la grande race celtique ? IL. — N'est-ce pas à la seconde branche, celle des Cimbres ou Kimris ; qu'appartiennent les Bretons de l’Armorique et les Belges du nord de la Gaule ? III. — Quelles sont les ressemblances entre les Bretons et les Belges sous les divers points de vue de la conformation physique, du caractère , des usages et des institutions ? IV. — Des ressemblances frappantes ne résultent-elles pas encore de la- religion ? V. — Enfin, l’ancien idiome des deux peuples n’offre-t-il pas des ana- logies remarquables ? \ Les Galls et les Cimbres ne forment-ils pas deux branches de la grande race celtique ? Cette division de la race celtique en deux branches sorties d’un même tronc est attestée par les plus anciens documents. Quant aux Galls, premiers habitants de la Gaule après les Ibères, qu’ils repoussent vers le Midi, les historiens en font mention dans les temps les plus-reculés. Ils les distinguent des Cimmériens ou Cimbres, quin apparaissent que plus fard, quoique les uns et les autres aient la même origine. Dans le grand mouvement des races qui s'opère de l' Asie SEIZIÈME SESSION. 411 sur l'Europe, les Galls, en effet, viennent immédiatement après les Tbères : ils descendent de l’Orient vers l'Occident, et des traces de leurs invasions se retrouvent à la fois : 4° Dans l’Helvétie, dont ils occupent les hautes montagnes et les lieux qui s’étendent du lac Léman au Jura (1); 9° Dans la Gaule, dont les populations, prodigieusement accrues, fournissent plus tard ces migrations formidables qui vont envahir la Pannonie, l'Italie septentrionale et le nord de l'Espagne (2); 3° Dans la Grande-Bretagne, où les historiens nous montrent les vieilles tribus galliques avec cette rudesse et cette âpreté de mœurs inhérentes à l’état sauvage (3) ; 4° En Italie, où les Ombriens de race gallique sont considérés comme une des plus anciennes populations (4). N'est-ce pas à la seconde branche, celle des Cimbres ou Kimris, qu’appar- tiennent les Bretons et les Belges ? Les Cimbres ou Kimris, qui, dans la grande race celtique, composent une seconde et populeuse lignée, ne se montrent que beaucoup plus lard sur la scène du monde. C'est plus particulièrement à dater du vi siècle avant J.-C. que les Cimbres, à la suite d’un choc violent avec les Scythes, se répandent sur plusieurs points de l’Asie et de l'Europe. Ils occupent les rives du Bosphore cimmérien, auquel ils donnent leur nom , et s'étendent jusqu’à la Chersonèse taurique (5). Plus tard ils passent dans la péninsule connue des anciens sous le nom de Cherso- nèse cimbrique, et qu’on a appelée au moyen-âge presqu'ile Scandinave. C’est là que descendirent ces fameux Cimbres défaits par Marius. (1) Ce que disent Jules César et les autres historiens, de ce peuple de Ia race des Galls, permet d'apprécier son antiquité et son importance. (V. César, Comm, I et sui.) (2) C’est de la Gaule que sont parties, au vr° siècle avant J.-C., ces bandes redoutables de Boïens. de Senonais et d’autres Galls, qui firent maintes fois trembler Rome. (V. Po- LYBE.) { (31 V. J. César, Comment. V, 12, 14. (4) Y. Denxs-n'Harrcarnasse, I, 19; —Pune, 111, 14; — Fronus, 111, 17. — Voir, au surplus, l'histoire des Gaulois de M. Amédée Tarerrr et le Cours d’antiquités monu- mentales de M. de Caumont, t. I. (5) Dans la région qui porte aujourd’hui le nom de Ærim ou Crimée, dont le nom pa- raît dérivé de Cimmérien , et dans un canton près du mont Cimmérien , où se trouve une ancienne place nommée Eski-Krim ou Vieuæ-Grim. (V. D'ANVILLE. ) 112 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. N'est-il pas certain également que c’est à la même race celto-cimbre qu’appartiennent les Bretons et les Belges, qui, à des intervalles éloi- gnés, envahissent d'abord l'ouest et le nord de la Gaule, puis les côtes de l’Angleterre (1)? Ces deux nations, dont l'origine est la même, quoi. qu’elles se soient séparées de bonne heure et qu'elles aient eu des des- {nées diverses , ne doivent pas être confondues avec les Galls. Si elles sont fréquemment comprises parmi ces derniers dans les récits des his- toriens, cetle sorte de confusion tient à une cause particulière. Entre les peuples de race celtique qui avaient combaltu les Romains en Italie, les Galls, renommés par leurs exploits , étaient les plus dangereux et les plus redoutés. De là le nom de Galls (Galli) donné généralement aux divers peuples qui habitaient la Gaule. Mais cette dénomination généri- que ne peut faire disparaîlre le caractère spécial des deux familles bre- tonne et belge, toutes deux assez distinctes pour être facilement recon- nues : la première établie sur la côte maritime (à or marilimd), c’est-à- dire‘en Armorique (2), la seconde depuis la Seine et la Marne jusqu’au : Rhin (3). Que les Bretons fixés à l'ouest de la Gaule et dans une partie de l'Angleterre soient réellement une nation celto-cimbre différente de celle des Galls, c’est ce qui nous semble ne pouvoir être révoqué en doute. Des traditions loujours vivantes, de nombreux documents re- cueillis de l’autre côté du détroit en fournissent des preuves irrécusa- bles (4). Or, les Belges, quoiqu’ils aient mené depuis long-temps uné existence à part et qu'ils soient venus bien postérieurement s'établir au nord de la Gaule, sont de même un peuple cello-cimbre. Les tribus bretonnes et belges sont sœurs d'origine, bien qu’elles aient quelques traits différents. .... .... Facies non omnibus una, . Sed diversa tamen, quales decet esse sorores. Indépendamment des données fournies par l'histoire, celte identité de race ‘celte communauté d’extraction sont altestées par les ressem- blances dont nous avons maintenant à parler. \ (1) Ce fait tire surtout sa preuve de ce que dit Tacrre (Vie d’Agricola, chap. XI), et de cette considération que les noms de plusieurs de nos peuples se retrouvent dans la Grande-Bretagne. (2) V. Cæsaris, Comment. I, 1; III, 7 et suiv.:; VIII, 31. (3) GæsaR., ibid., 1,1; II, 3,4, ete. .(4 Y. notamment les lois d'Howél. SEIZIÈME SESSION. 415 Quelles sont les ressemblances entre les Bretons et les Belges sous les divers points de vue de la conformation physique, du caractère, des usages et des institutions ? ‘Les ressemblances entre les deux nations bretonne et belge qu’il est impossible de méconnaître peuvent être envisagées sous les rapports divers de la conformation physique, du caractère moral, des usages et des institutions. I. Conformation. — Chez les Bretons comme chez les Belges on remar- que une taille élevée, une constitution vigoureuse dans les deux sexes, une corpulence assez forte et qui tend à devenir épaisse, une blonde chevelure, des yeus bleus remplis d'une expression fière et sauvage, une peau blanche, un teint frais, une carnalion parfois molle ; — chez .Jes vieillards, un état de conservation qui les rend encore alertes et dispos aux combats. IL. Caractère moral. — Les caractères , les bonnes et les mauvaises qualités présentent de même de saisissantes analogies. Dans l’Armo- rique ou sur les bords de la Somme, les vertus les plus recommandables sont l’intrépidité et la franchise ,da loyauté , l'esprit d’hospitalité ; les côtés faibles sont la férocité, la brutalité, l'intempérance. Les mœurs portent à la fois l'empreinte d’un génie guerrier et d’une simplicité tout agreste. Les intelligences encore dans l'enfance se montrent disposées à accueillir tout ce qui les frappe. Portées à voir du merveilleux dans tout ce qu’elles ne comprennent pas, elles sont accessibles aux plus étranges préjugés. Dans leur naïve crédulilé, les deux peuples reconnaissent la puissance de la divination, des charmes , des sortiléges , des herbes ou poils portant des maléfices ; ils croient aux fantômes, aux apparitions, aux courses nocturnes d'êtres surnalurels. HI. Usages. — En ce qui concerne l'alimentation, les vêtements, les habitations , les similitudes ne sont pas moins frappantes. La nourriture ordinaire comprend des légumes et de la viande, sur- ‘tout du porc, que le gland, si commun, permet d’engraisser aisément. Dans les festins, des quartiers énormes sont servis aux convives, qui les dévorent avec avidité. La boisson se compose de cidre et de cervoise, dont les buveurs intempérants aiment à se gorger. Le vêtement le plus ordinaire est une sorle de sagum ou de sayon formé, soit d’une peau d'animal sauvage ou domestique, soit d’un tissu grossier. Les cuisses et les jambes sont garnies de brayes ou de larges hauts-de-chausses. La T. HI, 15 416 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. tête est couverte d’une espèce de bonnet ou de toque d’un tissu fort épais en poil ou en laine. Chez l’un comme chez l’autre peuple, les habi- tations , loin de briller par le luxe , sont d’une extrême simplicité. Leurs bourgades, d’un aspect rustique, entrecoupées de jardins et d'espaces vides, ressemblent à des villages plus qu’à des villes. Les maisons des plus riches ont seules quelque apparence, encore sont-elles en général construiles en bois, bien qu’en certaines localités on emploie aussi la pierre, la brique et la tuile. Les habitations des plus pauvres ne sont guère que des huttes arrondies en forme de ruches. Les parois de ces chaumières se composent d’une terre mélangée de roseaux ou de paille, et la toiture est un simple chaume. Dans la vie intérieure, les coutumes, les solennités offrent de même beaucoup de points de ressemblances. Les grandes époques de la vie, les naissances, les mariages, les funérailles, sont célébrées avec solen- nité au milieu de pratiques plus ou moins bizarres et de vives démon- stralions de joie ou de tristesse. En temps de guerre, les armes les plus usitées sont l'arc, le casse- tête en silex, l'épée de fer ou de bronze, l’épieu ou la lance en bois, le bouclier en osier garni de peau. La manière de combattre est aussi la même. 5 IV. Institutions. — Enfin, les institutions sont complètement. iden- tiques. Les peuplades, ayant chacune son organisation à part, se réu- nissent dans une sorte de confédération. Chaque cité indépendante a son gouvernement distinct, dont la forme présente un mélange de théocra- tie, de royauté et d’aristocratie. IV. Des ressemblances frappantes ne résultent-elles pas encore de la religion ? Séparées depuis plusieurs siècles avant leur établissement dans la Gaule, les deux nations kimri-bretonne et kimri-belge présentent, à la vérité ,.sous le rapport de la religion, quelques différences notables. Ainsi, à en juger par divers monuments, et plus encore par de nom- breuses médailles , le culte de Belenus ( ou d’Apollon) paraît avoir pré- valu en Armorique. C’est probablement dans le cours de leurs pérégri- nations, et par suite de leur contact avec l'Orient, que les Kimris-Bre- tons ont adopté ce culte de Belenus. Chez les Belges, au contraire, c’est le culle d’Hesus-le-Fort qui semble avoir été prédominant. Suivant une ancienne tradition, ce dieu, dontle nom signifie horrible ou effroyable, aurait élé jadis un chef puissant qui aurait conduit ses bandes victorieuses à travers de nouvelles régions, SEIZIÈME SESSION. 4147 et qui, par ses brillants exploits, aurait mérité d’être élevé au rang des dieux. Mais, à part ces différences dans les divinités prépondérantes, le fond de la religion paraît avoir été le même chez les deux peuples. Ce sont, de part et d’autre, des doctrines semblables, enseignées par les Druides: ce sont des croyances, des préjugés du même genre ; c’est une organi- sation sacerdotale et religieuse pareille ; ce sont encore les mêmes su- perslitions secondaires , la même vénération pour le chêne séculaire, emblème de la force et de la durée, pour le gui, au feuillage toujours vert, honoré comme l’emblême de la perpétuité , pour les fontaines, ré- vérées comme se rattachant à l’un des deux grands principes vivifiants qui animent toute la nature ( l’eau et le feu ). Les monuments composés de pierres énormes et presqüe brutes se ressemblent également dans les deux contrées. Chez les Kimris-Belges comme chez les Kimris-Brelons on retrouve, en effet, des dolmen ou autels de pierres, les uns'isolés, les autres multipliés à peu de distance et symétriquement disposés dans une enceinte sacrée ; des menhir ou pierres levées , les unes plantées seules, les autres, qu'on nomme péer- res jumelles , réunies au nombre de deux; des cromlechs ou cercles druidiques ; des fumuli ou gals-gals, les uns en terre, les autres en pierres amoncelées (1). (1) Ainsi, ilexiste encore dans nos régions du Nord : 1 Des dolmen ou autels de pierres à Vaurezis, arrondissement de Soissons { Aisne); — à Béalcourt, arrondissement de Doullens ‘Somme) ; — à Hamel, arrondissement.de Douai (Nord); — à Bellignies, arrondissement d’Avesnes (Nord); 2 Un grand monument composé jadis de quatre dolmen, disposés dans une enceinte en forme de lozangecouchée, avec un double gal-gal à peu de distance, à Fresnicourt, arrondissement de Béthune (Pas-de-Calais); 3° Des menhir ou pierres levées à Oblicamp, arrondissement d'Amiens (Somme); à Fayerolles, arrondissement de Montdidier;, à Doingt, arrondissement de Péronne; à lEcluse , arrondissement de Douai (Nord): à Hollain, proyince de Tournay (Belgique); à Pr isches, arrondissement d’Avesnes (Nord); æ Des pierres jumelles dressées à côté l’une de l’autre à Acques, arrondissement d'Arras (Pas-de-Calais): dans la banlieue de Cambray (Nord); à Solre- -le-Château, ar- rondissement de Cambray; 5° Un cromlech ou cercle es près de Sailly en Ostrevent, arrondissement d'Arras; 6° Des fumuli ou tombelles, sur divers points des départements de la Somme, du Pas-de-Calais et du Nord. - 118 . CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. L'O Enfin, l'idiome des deux peuples ne fournit-il pas des analogies remarquables ? Entre les Bretons et les Belges, la similitude dans les idiomes résulte au plus haut degré d’analogies qui se retrouvent : 4° Dans un certain nombre d’anciens mots que renferme encore au- jourd’hui le patois wallon ; 2° Dans les noms de communes et de localités ; 3° Dans des noms de famille. FE. — Termes communs à l’idiome celto-breton et au patois wallon. Patois wallon. Celto-breton. Achu, essieu, Abel. Baquet, batelet, bateau, Bagich. Bedouille, boue, Bouilhem. Benne, charrette ou voit. garnie d'osier Benn. Bonne, borne, Busn. Car, chariot, Qar. Carque ox querque, charge, fardeau, Carg. Coulon, Pigeon, , Coulm. Couquer, coucher, Cousget (dormir). Cuïgnole, petit gâteau, miche, Cuign. Dache, petit clou, Taich. Ernu, orage, tempête, Arneu. Gasio, gosier, Gouzouk, Gate, chèvre, Gavr. Gaugue, VROÎZ, Ganau. Gayole, cage, Kaël (grille). Guelui, paille de seigle, Golo (paille). Gringue, Prune ou cerise sauvage, Gregou. Ker, chéri (1), Qer. Kien, chien, Qi. Lincheu, drap, Us Lincel. (1) Nos paysans disent m’as-tu ker pour m'aimes-tu? SEIZIÈME SESSION. 119 Maguet, allaité, nourrisson (chevreau ou agneau), Maguet. Meulin, moulin, Melin. Nichette, petite niche, Neiziq. Planke, planche, Plancqen. Pluquin, épluchure, Plusqen (cosse de Touiller, méler, remuer, Tatouilhet. [pois). II. — Noms de communes ou de localités tirés de l’ancien cello-belge. Agniez, Agni, Annezin, Annequin, Anzin, ainsi nommés de agn ou an, ri- vière, cours d’eau. Argoul, Arguelles, dont les noms dérivent de arg, élévation (en latin arx ). Boileu, boyau, espace étroit (en breton boëleu). Bomi, lieu de plaisance. Bove, hauteur, profondeur. Breuil, buisson, lieu couvert de broussailles ou de petits arbres (A). Brone, fontaine, d’où sont dérivés belle brune, ou claire fontaine, Cam- brone, fontaine sinueuse. Bryas, Briastre, enclos. Bray, Brayelle, Bruay, marais. Bucq, Bucquois, Bucquière, Buissy, Bussière, bois, lieuplantéd’arbres (2). Buc, Bus, habitation, demeure, d’où Bouchain (Buccinium et le château de Buc, à Lille). Busne, Busnette, limite, terre bornée (3). Lon, profond. Douay, Dourges, Douriez, Dourlers, Dury, source, eau vive. Carenchy, chemin pour les chariots (en breton qarr-inchou). Chocques, tronc d'arbre. Crezecques, lieu planté de cerisier (en breton qerezeg). Ecoust, licourt, Eecque, Ecquedecque, chéne. Gamache, Gamance (arida Gamantia) , courbure, demi-cercle, zône (en breton cam et gam). Gaverelle, Tresgault, Goy, Gouy, bois, plantation. 5 Le (1) Il existe dans toutes les parties de la France environ soixante-quinze communes ou hameaux dont le nom est dérivé du mot Breuil. Les noms de Bruille et du Brulle ont la même étymologie. (2) Ce radical se retrouve dans les mots bûche, bosquet, embüche, embusquer, dé- busquer, buisson. (3) Le radical busn, buesn, borne, se retrouve dans bonnier, mesure de terre. 4120 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Gorre , élévation. Gosnai, Gognies, Gueugnies, marais. Guines, Guinecourt, blanc, maison blanche. Guise, bourg (en breton guyc). Henin, Henu, vieux. Houdain, forét. Houlle, cachette souterraine, creux, trou. Inchi, Hinges, direction, chemin. Ize], bas, profond. Lezenne, borne, limite. Licques, plaisant, veluptueux. Locon, Loches, vallon, lieu bas. Nant, Namp, vallée, endroit humide. Pernes, épine, buisson. x Prad, Pradelles, prairie. Plouich, campagne habitée, etc. (en breton plouë). Querenaing, champ d'avoine de Qerhem. . Rache, Rasque, mare, amas d’eau, endroit bourbeux (1). Sars, Essarts, Le Sars, broussailles, petit bois (2). Trehou, passage (en breton treou). Trelon, barre, barrière (en breton treilh). Trit, passage (en breton treiz). IT. — Noms de famille. Nu Bus, c’est-à-dire de Maison. De Guern, c’est-à-dire des Landes. Du Sevel, c’est-à-dire du Mont. De Warenne, c’est-à-dire de Garenne. Du Brulle, c’est-à-dire du Bois. Barratte, dérivé de barath, finesse, astuce. Fry, ingénieux, de fry, nez. Gosse, vieux (en breton goz). (3) Le rapporteur fait ressortir la justesse des principales considérations comprises dans le mémoire ; mais il ne croit pas, comme l’auteur paraît le croire, que des similitudes (1) On dit encore aujourd’hui dans nos campagnes etre en raque pour étre embourbe. (2) D'où vient essarter. pea (3) Gosseide Gorre, Vieux dela Montagne. SEIZIÈME SESSION. 421 faciles à saisir existent dans la constitution physique des kimris de la Bretagne et de la Belgique. Il indique les lois d'Howeldda comme une source pré- cieuse de rapprochements à faire entre les coutumes et les traditions des différentes branches de la souche kimrique, en quelque lieu que l’étude se fasse, dans la péninsule bre- tonne , dans le pays de Galles, dans les provinces belges. Cette curieuse législation de l’une des familles de la souche hindo-germanique donnera peut-être un jour l’explication du premier avènement dans l’ouest de l’Europe d’un cer- tain nombre d'institutions sur lesquelles se sont fondées plusieurs des franchises qui constituent le régime repré- sentatif. M. Duchatellier ajoute qu’il n’a pu vérifier tous les mots indiqués par M. Taïilliar comme étant communs au wallon et au celto-breton. Ceux de ces mots qu'il a pu apprécier sont de nature à établir la commune origine des deux peuples. M. le Président fait connaître que la section entendra vo- lontiers la lecture du mémoire présenté par M. Bizeul sur les retranchements vitrifiés. M. de la Bigne-Villeneuve lit ce mémoire, qui contient des faits fort intéressants. RECHERCHES Sur les encaintes à murailles où retranchements itrifiés, à L'occasion du comp de Perron, paroisse de Pledran, près de Saint-Bruuc (Côtes-dus-Nord \. MESSIEURS ; C’est au Congrès scientifique de France, c’est à cette réunion d'hommes distingués qui, dans les diverses branches du savoir, s'efforcent de por- ter de nouvelles lumières, c’est surtout à la section archéologique de ce Congrès qu'il convient de faire part d’une découverte sans analogues jusqu'ici en Bretagne et peut-être en France, afin que chacun puisse nous apprendre s’il est à sa connaissance qu’on ait fait une pareille ob- servation, ou chercher dans un nouvel examen s’il ne rencontrerait pas 1922 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. quelque chose d’approchant. C’est ainsi que la science importante de la recherche des antiquités pourra recevoir un notable accroissement, et c’est là l’un des meilleurs résultats de nos assemblées provinciales. La session de l'Association bretonne se tenait, au mois d'octobre 1846, dans la ville de Saint-Brieuc. La section archéologique de la même pro- vince y avait aussi ses séances ; car il faut vous dire, Messieurs, que l'Association, créée, dans les intérêts de l’agriculture , sur lemodèle de - l'Association normande , s’est adjoint une seclion archéologique qui, divisée en sous-sections dans les cinq départements de la Bretagne, se réunit annuellement dans les chefs-lieux de ces départements. La main, Ja main bienfaisante de M. de Caumont a passé par-la, Messieurs : c’est à l'honorable directeur de la Société française que la Bretagne doit l'im- mense bienfait d’avoir su tout à la fois réunir les recherches agricoles aux recherches archéologiques, dans un pays qui était en friche sous ces deux rapports; et je me trouve bien honoré et bien heureux-de pou- voir être ici le trop faible interprèle de la reconnaissance de mon pays vers M. de Caumont. Dans nos sessions, nous avons l'habitude de visiter les monuments qui présentent de l'intérêt. Vous savez par vous-mêmes, Messieurs, com- bien est grand celui qui s’attache à ces visites collectives, et vous n'êtes pas sans avoir oui dire combien sont nombreux sur le sol breton lés objets et les lieux dignes d'observations. C'est sur une visite de ce genre que je veux principalement appeler votre attention. Ke ‘ A une lieue et demie au sud de Saint-Brieuc, sur le terriloire de la commune de Plédran, il existe une enceinte elliplique formée par deux fossés et deux remparts concentriques. La voie romaine de Carhaix à Corseul, qui en passe à 300 mètres au nord, ferait croire , au premier aperçu, que cette enceinte est un camp romain ; mais les explications dans lesquelles je vais entrer semblent modifier celte première donnée, qui se présente naturellement à l'esprit. Je crois devoir les faire précé- der de l'historique de la découverte, ou, plus exactement, de lobsér- valion scientifiquede ce monument très-remarquable. Il y a plus de vingt ans que M. Rioust de l’Argentaye, riche collecteur des antiquités trouvées à Corseul , M. de Penhouët , auquel la Bretagne * doit tant sous le rapport des recherches archéologiques ,.etM. Le Court de la Villethassetz, se livrèrent à une première exploration du camp de Perran : c’est ainsi qu'on nomme, dans le pays, l'enceinte que je vous signale; mais il ne fut rendu aucun compte public de cet examen, et, en traitant de la description de la voie romaine de Carhaix à Corseul, j'ai dû omettre celte importante fortification, puisque aucun document donné par les antiquaires des Côtes-du-Nord n’était venu m’en révéler l'exis- ls tence. | En 1845, M. Ch. Lenormant fit un voyage en Bretagne. On le conduisit SEIZIÈME SESSION, 193 à Perran, et aussitôt un journal publia que M. Ch. Lenormant avait dé- couvert le camp en question. Cette assertion a été vivement combattue, dans la Société archéologique de Saint-Brieuc , par MM. Rioust de l’Ar- gentaye et Le Court de la Villethassetz, qui ont fait observer avec rai- son combien il était singulier d’attribuer à des étrangers à la province l'honneur de la découverte de nos monuments, quand ces étrangers s'é- taient bornés à les examiner. Cette visite de M. Lenormant eut pourtant cela de bon que, sur le compte qu'il en rendit au profit des Côtes-du-Nord, ce magistrat char- gea M. Geslin de Bourgogne de faire faire des fouilles à Perran, et, dans la séance du 3 décembre 1845, ce savant membre de la Sociélé archéo- logique de Saint-Brieuc lut un mémoire sur l’enceinte de Perran, dans lequel il rendit compte des étonnants résultats des fouilles qu’on y avait praliquées. * M. Geslin de Bourgogne, qui, comme lous les vrais savants, se garde d'adopler des systèmes exclusifs et ne se contente pas d’une seule exploration, a revu depuis plusieurs fois le monument qu'il a lincon- teslable honneur d’avoir décrit le premier, et, dans l’une des séances du Congrès, il a eu la noble bonne foi de nous signaler certaines modi- fications qu’il croit devoir apporter à quelques points de son premier travail. Les détails qu'il nous donna élevèrent une intéressanie discus- sion dans laquelle plusieurs questions restèrent indécises, et il fut una- pimement convenu que, pour leur plus parfaite solution, il élait néçes- saire dé visiter la curieuse enceinte, et-cette visite fut fixée au vendredi 30 octobre. MM. de la Monneraye, ancien capilaine d'état-major, et Bourassin, naturaliste, furent chargés du rapport, elils furent accom- pagnés de M. le comte de Kergariou, dont nous déplorons la perte récente, MM. Saulay de l'Aistre, Geslin de Bourgogne , l'abbé Pru- dhomme, chanoine honoraire, Galles fils, de Vannes, le vicomte de Kergariou. J’eus moi-même l’honneur de prendre part à cette excursion, et c’est d’après le mémoire et les explications orales de M. Geslin de Bourgogne, et la visite du monument lui-même, que je vais m’efforcer de vous en donner une idée. - : «Cette enceinte, dit M. Geslin, forme une ellipse assez régulière dont Jegrandaxeest de 134 mètres et le petit de 110 mètres. Elle se compose de deux enceintes concentriques et contiguës , formées chacune d’un parapet et d’un fossé. Une moitié de ce monument est encore à peu près intacte ; l’autre moitié, plus ou moins dégradée, est encore néanmoins visible sur le sol, sauf une portion de l’enceinte extérieure, au midi , qui a disparu pour donner passage à un chemin. Plusieurs ouvertures coupent aujourd'hui l’enceinte.…. Celle qui se trouve au midi paraît seule primitive... » M. Geslin ajoute qu’une tradition de trésors cachés, d’une tonne d’or, par exemple, est allachée au camp de Perran; qu'un château y a, dit-on, existé au moyen-âge, el qu’il a appartenu T, IL. 16 124 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. s aux moines rouges où Templiers, Enfin on y a trouvé, assure-t-on , des boules d'argent et {toute une batterie de cuisine pareillemént € en ar- gent. Toules ces {raditions, tous ces prétendus trésors, cette double cir- convallalion, et même cette forme elliptique, se retrouvent dans beau- coup de camps romains que j'ai observés en Bretagne. Celui de Perran pourrait donc êlre rangé dans celte classe, et ; comme je l'ai déjà fait remarquer, le voisinage très-rapproché de la voie romaine de Carhaix à Corseul viendrait fortement appuyer celte conjecture. Mais il existe dans la construction du remparl ou parapet de la cir- convallation intérieure une particu:arité qui n’a encore jamais été ob- servée en Bretagne dans ces sorles d'ouvrages mililaires, el qui vient singulièrement atténuer l’idée d’une origine romaine. C’est un mur en pierre formant le noyau du rempart, et ce mur n’est point cimenté par un mortier ordinaire, mais bien par une sorte de lave ou matière vitreuse, résultat d’un feu de Ja plus grande intensité, qui a mis en fusion les pierres les plus réfractaires el constilué ainsi une muraille dont la masse est parfaitement solide. « Tous les granits, dit M. Geslin de Bourgogne, sont à l’état de pierre ponce, très-poreux et fort légers. « L'action du feu semble avoir élé plus violente vers le centre, et ce- pendant les vitrificalions ont coulé des parties supérieures et couru le long des pierres, qu ’elles enveloppent souvent, en pendant _ les in- terstices en forme de stalôclites. » « Les matériaux, ajoute-t-il, sans être disposés d’une façon leteié, ne sont point non plus entassés pêle-mêle..…. Il est manifeste que par- tout où la lave ne joint pas les pierres elles sont disposées de manière à conserver le plus d’écartement possible entre elles, comme si lon avait voulu faire pénétrer partout Paction du calorique. » Ce mur extraordinaire a environ 4 mètres d'épaisseur sur 3 d'éléva. tion. Il m’a paru avoir une assez forte inclinaison à l’intérieur du camp, et cette inclinaison est recouverte d’une couche d'argile et de débris ct détritus de différents genres. A l'extérieur, la façade paraît perpen- diculaire ; mais elle est fortement appuyée par un accotlement d'argile, ayant près de 6 mètres de base, et, comme la muraille, environ 3 mètres d’elévation. Cet accoltément descend en talus jusqu’au fond du fossé. Enfin, bien qu’en quelques endroits le mur vitrifié disparaisse sous une couche de terre, j'ai pu le suivre aisément dans tout le sax Lour du camp, qui n’a guère moins de 500 mètres. IL faut avoir vu ces pierres pour se faire une idée de l'état où l'ac- tion du feu les a réduites. M, Geslin de Bourgogne a voulu juger ‘de son degré d'intensité , et, pour cela , il a soumis à un feu de four à chaux des roches de même nalure que les pierres du camp de Perran, et ces roches’ ont donné des scories à peu près semblables. Je dois dire pour- SEIZIÈME SESSION. 195 tant que les échantillons qu'il nous en a présentés ne m'ont pas paru aussi dénaturés, aussi tordus, si je puis m’exprimer ainsi, que les pierres du camp de Perran. A la vue de cette étonnante muraille , les questions naissent en foule. Comment, pourquoi, à quelle époque celte bizarre construction a-t- elle eu lieu? Nous nous sommes lous ee sur un point : c’est que la muraille a été brûlée sur place et dans le but d’une cimentation bien extraordi- naire, mais que l’adhérence des pierres et la masse qu’elles forment ne permet pas de mettre en doute. Pour opérer une calcination aussi complète, il a fallu une quantité considérable de bois ou de charbon, qui ait enveloppé la muraille en son entier : et, si l’on admet ce moyen, on en conclura que l’accottement extérieur en argile n’a pu être posé en talus contre le mur qu’après sa calcination; car, si l'argile avait été conjointe aux pierres en fusion, il est évident que la grande intensité du feu eüt réduit cette argile à l’état de, brique, tandis que nous avons lous remarqué que la partie du talus d'argile qui touche à la muraille a élé à peine rougie par l’action du feu. D'où nous avons conclu que ce talus a dû être accolté au mur pres- que aussitôt après la calcination et quand les pierres n'étaient pas en- core refroidies. Quant au motif et à l'époque de cette construction, il y a eu diver- gence d'opinion : quelques-uns ont pensé qu'ici le feu avait été employé comme cause de. destruction ; d’autres, au nombre desquels je suis, ontcru, au contraire, qu’on ayait cherché dans la fusion des pierres un moyen de cimentation. M. Geslin de Bourgogne est parti de là pour faire remonter ce monu- ment à une époque où, ni la chaux, ni les ciments n'étaient connus. C’est peut-être aller un peu loin; mais, comme les monuments romains ne.nous offrent rien d’analogue, on est porté naturellement à reculer jusqu’à cette époque cellique, que nous connaissons si peu , un ouvrage aussi extraordinaire que le camp de Perran, qui serait alors un oppi- dum: gaulois. On se rappelle que César nous dit que les murs de ces oppida. étaient formés de poutres placées entre des couches successives de pierres; et avant d’avoir visité le camp de Perran, l'un de nos sa- vants collègues, de Saint-Brieuc, inclinail à croire que la calcination de la muraille venait. du feu mis à ces poutres murales; mais l'examen du monument et la masse compacte que forment les pierres brülées lui a démontré clairement que l’incinéralion des poutres n’eût pas permis à la muraille, même empâtée dans le gluten pierreux, de se maintenir perpendiculaire comme elle l’est encore aujourd'hui. Ons’est.enfin demandé si on connaissait quelque chose de semblable à la muraille. de Perran, et chacun de nous a avoué que.ses observations etmème ses lectures ne lui avaient rien présenté d’analogue. On a seu- 126 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. lement parlé des murailles de verre observées en Ecosse, et beaucoup plus près de nous, dans le Maine, à Sainte-Suzanne , et en Normandie , au Château-Gontier, près d’Argentan. Mais il faut avouer que le compte- rendu de ces découvertes curieuses est fort incomplet et peut-être peu exact. On y portera sans doute une plus grande attention quand notre monument sera connu des compagnies savantes et beaucoup plus visité qu il ne l’a élé jusqu'ici. ost-Seriptum. Depuis que j'ai écrit cetle notice, que j'avais destinée au Congrés _ Scientifique rassemblé à Tours en 1847, j'ai eu l’occasion, à Paris, de recueillir dans l’Archeologia britannica et dans les mémoires de la Société des antiquaires d’Ecosse, quelques renseignements sur les forts vitrifiés de ce dernier pays. Cette expression de forts vitrifiés, vitrified forts, est celle dont se servent les savants d’outre-Manche pour désigner cette sorte de monuments. Le docteur Hibbert publia, en 1895, des observations sur les théories proposées pour leur explication. Il rappelle que, dans le xvm Siècle, on a cru que ces forts avaient une origine volcanique. Ce fut l’opinion de Pennant, de Th. West et de Daines-Barrington. En 1777, John Williams, ingénieur des mines, soutint que la vitrifica- tion était artificielle, et qu’elle servait de cimentation des pierres du rempart. Celle opinion parut tellement extraordinaire, qu'aucun libraire ne voulut publier la notice où Williams la développait. H pensait que, pour parvenir à la vitrification, on formait deux sillons de terre, pro- portionnés à la hauteur qu’on voulait donner à la muraille, et qu’on rem- plissait l'intervalle des matériaux destinés à être vilrifiés, et sur lesquels on plagait le combustible; qu’un feu d’une grande force devait opérer Ja fusion de ces pierres, surtoul si elles étaient d’une nature mélangée (plumpudding kind) et point trop grosses. Il suppose qu’on plaçait alter- nativement les couches de matériaux et de combustible, et ajoute que cette idée lui est venue à l’aspect des ruines de ce genre de monuments qu’il a observées. 1l ajoute encore qu’il n’a vu aucune pierre grosse ou petite qui n’ait été atteinte par le feu, qui, par sa force, a vitrifié et’ rendu compactes les murailles, et cela si complèlement, que la plus grande partie des pierres est fondue , et que celles qui ont pu résister à la fusion sont au moins entièrement enveloppées d’une matière vitreuse. Williams a aussi rencontré d'énormes masses de scories. nef Le docteur Hibbert élève des doutes sur l’entière vitrification des mu- railles et sur la manière de l’opérer. Il croit même l’opinion de Williams tout-àä-fait insoutenable. Nous aurions pu partager cette incrédulité avant . . d’avoir-vu le camp de Perran ; mais nous retrouvons dans ce camp une SEIZIÈME SÉSSION. 127 telle analogie avec les monuments décrits par l'ingénieur anglais, que nous devons croire à la vérité et à l'exactitude de ses observations. Dans la même ‘année 1777, mais après la publication faite par John Williams, M. James Anderson fit paraître, dans l’Archeologia brit., NV, 241-266, une lettre dans laquelle, en parlant des anciens monuments des hautes terres d’Ecosse , il traitait des forts vitrifiés. « Ces murailles, dit-il, sont formées de pierres entassées sans ordre les unes surles autres, et fortement liées entre elles par une matière qui a élé vitrifiée au moyen du feu ; ce qui forme une sorte de roche artifi- cielle qui résiste à toutes les intempéries, peut être mieux qu'aucun au- tre ciment. $ . » Toutes les murailles de ce genre ont bien évidemment été élevées comme place de sûreté. La plupart entourent une petite aire (wrea), oc- cupant le sommet d’un monticule de difficile accès. » L’auteur cite comme objet de sa première observation le fort de Knock- Ferrel ,'ou Farril, à deux milles ouest de Ding-Wall, dans le Ros-Shire. « Ce fort consiste, dit-il, en une longue aire elliptique. La fortification de muraille vitrifiée entoure entièrement cette aire. » Cette forme ellip- tique est encore une parfaite analogie avec le camp de Perran. Quant à la vitrification, Anderson la conçoit à peu près comme Williams, ajoutant qu’on avait soin d'employer le plus possible de pierres vitrescibles pour faciliter une fusion et une cimentation plus promptes. Dans une seconde lettre de l’année 1780 (Archeol. brit., NI, 87-99), il croit que la muraille du camp de Knock-Ferrel n’était vitrifiée qu’à l’intérieur , excepté en un seul endroit, où elle Pest des deux côtés. Mais il avoue lui-même que” celte observation n’est peut-être pas d’une parfaite exactitude, « attendu, dit-il, que le temps a pu détacher l’incrustation et en faire rouler les par- ties détachées au bas de la colline, où il a rencontré des masses vitri- fiées. » Ici, il y a une différence absolue entre ces murailles à simple croûte vitrifiée et celles du camp de Perran, dont la masse compacte et laccotlement en terre n’ont jamais permis que la moindre parlie s’en détachât, Au reste, l’ensemble du travail de M. Anderson permet de n’avoir pas une entière confiance ni dans ses observations, ni dans sa critique. Ainsi, quand il dit qu’il est très-disposé à croire que ces mu- railles vitrifiées sont entièrement une invention bretonne (entirely à British invention); que cel art n’est point sorti du pays, et que nolam- ment les Danois et les autres nations du Nord n’ont point usé de cette méthode, il s’est évidemment trompé, el le camp de Perran vient in- contestablement démentir ceile opinion trop exclusive. John Williams, le premier, et peut-être le meilleur observateur de ces étonnants ouvrages, avait exploré les camps de Knok-Ferrel, de Craig- Phadrick, de Dun-Evan, de Castle-Finlay et de Castle-Fin-Avon. Rob-Rid- dell publia dans l’Archeologia, en 1790, des observations sur deux forts vitrifiés du Galloway, l’un nommé la Motte de la Marque (fhe Moat of the 128 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Mark), dans la paroisse de Colvend, et l’autre, Castle-Gower, dans da paroisse de Baittle, voisine de Colvend , dans la baronnie de Barcley. L'auteur avait pensé d’abord , avec quelques autres ,-que ces vitrifica- tions étaient des produits volcaniques ; mais , dans ce dernier travail , ül abandonne entièrement cette opinion pour les reconnaitre comme des ouvrages de la main de l’homme. Beaucoup d’autres savants anglais se sont occupés de ces camps; mais la:difficulté que nous avons, surtout en province, à.nous procurer.leurs ouvrages, nous met dans l'impossibilité de continuer ces rapproche- ments, qui éclairent si vivement des questions de ce genre. Ce que nous venons de dire suffira, je pense, pour faire croire qu'il existe une grande analogie entre les forts vitrifiés de la Grande-Brelagneset le camp de Perran. . Je crois devoir, en terminant, dire quelque chose-des .portions.de murailles vitrifiées qui ont été remarquées à Sainte-Suzanne, dans le Maine, et au Château-Gontier, dans l’arrondissement, d’Argentan , en Normandie : c’étaient, avant l’observation du camp de Perran, les seuls monuments de ce genre qui eussent été signalés en France. L'abbé Renouard, dans ses Essais historiques sur le Maine , t. 4, p.28, publiés en 1811, a été le premier qui ait parlé des murs vitrifiés de Sainte-Suzanne : .e Enarrivant du Mans à Sainte-Suzanne , dit-il, à cinquante pas de Ja porte de la ville qui est au sud, une petite portion des murs de celte ancienne forteresse présente une vitrification de pierres, de chaux et “de sable qui, pour le phySicien et pour l’antiquaire , est un phénomène presque inexplicable. Ces murs vitrifiés ont 20 mètres 14 centimètres de longueur, 0,97 centimètres de hauteur, et 4 mètres 55 centimètres d'épaisseur. On trouve au bas du monticule sur lequel Sainle-Suzanne est bâtie des morceaux détachés de.cette singulière vitrification. Un. des Mémoires de l'Académie celtique, celui de M. Rallier, fait mention d’une pareille vitrification en Ecosse. » : M. Bachelot de la Pylaie a été le second à mentionner les murailles vitrifiées de Sainte-Suzanne ; mais on peut dire qu’il a été le prémier quiles ait signalées à l’attention des archéologues par un mémoire déve- loppé qui a étéinséré pari ceux de la Société des antiquaires deFrance, t. VIII de la première série. Dans divers endroils, dit-il, les murs avaient élé reconstruits sur de plus anciens, et même sur des.débris de murailles vitrifiées.….. On découvre encore, ajoute-l-il, un bloc de - ces vitrifications enlier sur une longueur.de 10 mètres, et haut de2 mè- tres environ à son extrémité occidentale. » Enfin, il a trouvé beaucoup de fragments de ces vitrifications, soit parmi les pierres ébouléessau pied de la montagne, soit dans le reste des murs quientourent lawille. On voit que M. de la Pilaye n’a plus retrouvé à Sainte-Suzanne.les 20 mètres. de murs vitrifiés que l'abbé Renouard avait mesurésiavec SEIZIÈME SESSION. 129 une scrupuleuse exactitude, et à un centimètre près. Il n’en a trouvé que 10 mètres , et cependant il est taxé d’exagération par un nouvel explo- rateur, M. de la Sicotière , qui, dans un charmant récit de deux excur- sions dans le Maine, faites en 1839 et 1840, a consacré aux murailles vitrifées de Sainte-Suzanne un arlicle fort intéressant. M. de la Sicolière affirme n’en avoir vu qu’un bloc de dix pieds de long sur deux pieds de hauteur. Au reste, l'examen de ce bloc a suffiau savant observateur pour lui démontrer que ces vitrificalions se composent d’une agglomération de pierres irrégulières, liées par une pâte vitreuse tantôt noire comme le jayet, tantôt grise ou blanchâtre ; que cette pâte a une cassure brillante, anguleuse , lisse et assez unie ; qu’elle est celluleuse, et que les cavités qu'elle présente sont colorées en violet assez Lerne ; que le grès domine parmi les pierres qu’elle assemble , et que, comme il ne s’est pas vi- trifié, il se détache en sablon blanc Quand la roche a peu de finesse ; qu’on y remarque également l’oolithe à petits grains ; enfin, que l’ana- se chimique de cette pâle n'y a fait découvrir que la présence de la silice combinée à la chaux et du fer protoxidé et deutoxidé en pelite quantité. ; M. de la Sicotière ajoute que, en creusant le bloc, on trouve à l’inté- rieur la vitrification aussi complète qu’à l'extérieur ; que M. de la Pilaye a cru même qu’elle était plus complète. 1l termine celte description, qui paraît fort exacte , en disant que ces vitrifications , exposées aux in- jures du lemps , deviennent ternes, et prennent exactement l’aspect et la couleur des produits volcaniques. M. de la Sicolière s'occupe ensuite des ruines du Château-Gontier, situées au centre de la presqu’ile de la Courbe, arrondissement d’Ar- gentan, qui offrent le même système de défense : « Les remparts exté- rieurs et une partie du donjon étaient composés de pierres passées au feu. Ces pierres , prises sur les lieux mêmes, sont des psammites phil- ladifères. Elles sont extrêmement réfractaires. Au lieu d'être vitrifiées comme à Sainte-Suzanne et à Knok-Ferril, elles sont seulement cohé- rentes entre e:les. La pâte vitreuse qui-leur sert de ciment est noirâtre, opaque, légèrement poreuse. À l'analyse chimique, elle offre un silicate alumineux de fer el de chaux, où le fer se trouve dans une plus forte proportion qu’à Sainte-Suzanne.Pour obtenir un pareil résultat, un feu de forge des plus violents et des mieux soutenus était nécessaire, et le con- act de la matière en fusion avec les pierres qu’elle devait unir a été as. sez prolongé pour les pénétrer, en quelque sorte, de manière à leur com- muniquer ou faire prendre la même couleur. Les pierres sont si solide- ment liées entre elles, qu’elles sont devenues aussi compactes que le - rocher, ef que la mine seule pourrait les disjoindre. » -Achevons la collection des renseignements sérieux sur ces singuliers etrares monuments, en‘citant un extrait de la lettre adressée, en 1845, parun habitant de Sainte-Suzanne , au rédacteur du Magasin pittoresque 430 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. etinséré dans ce recueil 1845, p. 83. « En examinant avec attention , dit le savant correspondant, les débris des murailles (du château de Sainte-Suzanné } , on reconnait sans peine qu’elles avaient été bâties sur des murailles plus anciennes ; el, en étudiant la contexture de celles- ci, on s'aperçoit que ce sont des murailles vitrifiées toutes semblables à celles des châteaux d’Ecosse, et par conséquent appartenant, selon toute apparence, à la même époque et à la même race... Outre une in- finité de débris qui s’en rencontrent çà et là sous les constructions'plus récentes et jusque dans le fond de la vallée, où ils ont-roulé dans leur chute , on en trouve un pan tout éntier de plus de 10 mètres de longueur sur environ 2 mètres de hauteur ; et, comme il finit par s’enfoncer dans les décombres, on peut conjecturer que son étendue est encore plus grande... Les débris de vitgification qui se rencontrent dans le mur d’enceinte de la ville semblent même auloriser à penser qu ’ily avait, comme en Ecosse, au devant du château proprement dit, silué à l’ex- trémité de la plate-forme; une première che destinée aux trou- peaux. » : J'ajouterai enfin à toutes ces s citations une courte note de M. Mérimée, sur les murailles de Sainte-Suzanne , publiée dans le t. 8, Nouv. série des Mé- moires de la Société des antiquaires de Frunce, 1846. « Du côté de l’ouest, dit l’auteur, en venant de Château-Gontier, on remarque que les pier- res, à la base d’une courtine, sont soudées les unes aux autres par une matière vitreuse sur une étendue de 10 mètres de long et de 4 mé- tre de hauteur, à peu près. C’est un opus éncertum noyé dans du verre. Le verre a pénétré dans les plus petites fissures ; d’où l’on peut con- clure que toute la masse a été soumise à l’action d'un feu très-violent, pendant un temps assez considérable. Lorsqu’on détache un fragment, on reconnait que les pierres ont été fortement altérées et qu’elles sont devenues blanches et friables. Je crois qu'elles sont calcaires (1). La matière vitreuse est noirâtre, tirant Lantôt sur le rouge , tantôt sur le vert foncé. Son épaisseur varie de.0. 05 à 0.001, et quelquefois elle estencore plus mince. Ces veines de verres sont très-irrégulièrement. répandues dans la masse. Quelquefois elles sont extrêmement mullipliées ; ailleurs, c’est à peine sion en rencontre. Une cavilé moderne permet d'observer l’intérieur de la muraille à une profondeur de. 70. La structure de ce pan de muraille est la-même à l’intérieur qu’à l’extérieur, à celle pro- fondeur du moins... On n’a jamais fait de fouilles autour des remparts (1) Si ces pierres étaient calcaires, l’action du feu leur eût fait perdre toute leur con- sistance , en les convertissant en chaux. Ce sont, au contraire, des grès qui, comme l'a fort bien observé M. de la Sicotière, ne se sont De vitrifiés par leur nature réfrac- _faire,etse détachent en sablon blanc. SEIZIÈME SESSION. 129 . de Saïinte-Suzanne , afin d'examiner si, en d’autres parlies de l’enceinte, le même appareil se reproduit... La tradition du pays est que la plus - grande partie des murailles de Sainte-Suzanne élait autrefois maçconnée de la sorte. J'ai fait le tour des remparts avec beaucoup d’altention, et je n’ai trouvé nulle part de traces qui confirment celle tradition. Il faut remarquer que les remparts, au dessus de la partie vitrifiée, n’ont nul- lement souffert l’action du feu. Il est évident que l’on a bâti au dessus du pan du mur vitrifié comme sur une substruction ancienne. » De tous les détails généralement concordants consignés dans les ci- tations que je viens de faire, sur les murailles vitrifiées de Sainte- Suzanne et du Château-Gonlier , il me semble qu'il ressort deux points très-frappants d’analogie avec le camp de Perran. D'abord, il ne me paraît pas douteux que les murailles de ces deux premières localités ne forment, comme dans celte dernière, une masse compacle de vitri- fication due au même procédé de cuisson et ayant dû, dans l’origine, présenter le même aspect et avoir élé construite dans le même but de défense. La seule différence, c’est que les murs vitrifiés de Sainte-Su- zanne et du Château-Gonlier ont reçu, au moyen-âge, de graves dégra- dations par la construction de fortifications modernes posées en grande partie sur les vieilles murailles gauloises ; ce qui n’a pas eu lieu pour le camp de Perran, qui a bien pu servir de poste relranché aux légions romaines, mais qui est reslé jusqu'à nos jours dans son élat presque primitif, sans qu'aucun seigneur du moyen-âge y soit venu bâlir une forteresse. En second lieu, tout me porte à croire que Sainte-Suzanne et le Chä- teau-Gontier ont été dans le principe deux enceintes complètes à murs vitrifiés comme le camp de Perran; qu'ils ont pu, comme lui, devenir des camps romains pendant la conquête et l’occupation; qu'ils n’ont changé d'aspect que depuis les fortifications modernes, et que, si des fouilles pouvaient être failes sous ces fortifications , on retrouverait les fondations vitrifiées sur lesquelles elles ont été élevées. Ainsi, nous croyons que non seulement les forts vitrifiés d’Ecosse, mais encore les enceintes de Sainte-Suzanne.et du Château-Gontier , sont, ou au moins ont été, en parfaite analogie de construction et d’é- poque avec le camp de Perran. Si M. Geslin de Bourgogne a émis dans sa notice une opinion contraire, c’est qu’il avait cru qu'il ne s'agissait ailleurs que « de murailles recouvertes seulement d'une vitrification », et qu'il n’avait pris qu'une connaissance insuffisante des descriptions que nous avons rapportées ci-dessus, et desquelles il résulte que la masse des murailles a été, comme à Perran, vitrifiée en son entier. M. de Caumont, en faisant l'éloge du remarquable tra- vail de M. Bizeul, présente quelques considérations sur le rempart du Château-Gontier, Ce rempart a beaucoup de Matiie 17 430 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. rapport avec celui de Perran , il n’en diffère même que par une vitrification moins parfaite. La pierre dont il se com- pose est peu vitrifiable, c’est du grès schisteux. La séance est levée à l’heure ordinaire. Séance du 9 Septembre 1849. Présid. de M. LAMBRON DE LIGNIM. — M. DE SOULTRAIT , Secret. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. M. de Caumont annonce que le second volume de la Sta- tistique monumentale du Calvados est prêt à paraître ;.il ne manque plus que la table. Il soumet à la section quelques feuilles de ce volume, ainsi que des gravures sur bois des- tinées aux tomes 3 et 4 du même ouvrage. L'assemblée admire ces beaux dessins, œuvrés de MM. Victor Petit et Bouet, et félicite Le savant fondateur de la Société française du beau travail qu'il a entrepris et qu’il continue avec tant de succès. Sur l'invitation du Président, M. Bézier-Lafosse, qui a fait hommage au Congrès de sa belle Monographie de l'é- glise Saint-Sauveur de Dinan, donne quelques explications désirées. L'église Saint-Sauveur, dit-il, présente des. con- structions du xrr° siècle, notamment son portail, qui est fort curieux, et d’autres de la fin du xv°. On y remarque des fonts romains dont la cuve ronde est supportée par des personnages bizarrement vêtus. Ces fonts servent mainle- nant de bénitier. Dans une èhapelle se trouve le cœur de Dugueselin , placé dans un petit monument moderne d’as- sez mauvais goût, portant, gravée sur marbre noir, l'in- scriplion suivante, qui est du temps, el que nous reprodui- sons ici : SÉIZIÈME SESSION. 431 CY : GIST : LE : CUEUR : DE MESSIRE : BERTRAN : DU : GUEAQUIN EN : SON : VIUANT : CONESTABLE : DE FRANCE : QUI : TRESPASSA : LE : XIIL° JOUR : DE : IULLET LAN : MIL HI° 1ILI** DONT : SON CORPS : REPOS OUECQUES : CEULX : DES : ROYS A SAINCT : DENIS : EN FRANCE Au dessous se irouve un écusson aux armes du conné- table. M. Bézier-Lafosse voudrait placer cette dalle de mar- bre noir sur un petit monument dans le style du xv® siècle. La seclion s’associe à ce œu. Le portail de l’église est orné de lions. À ce sujet, M. Lambron parle de la formule inter leones , qui se trouve en tête de beaucoup de juge- ments rendus au moyen-âge par des évêques et des abhbés. Il pense que la partie du seuil de l'église comprise entre les lions était pour le fief ecclésiastique ce qu'était la motte féodale pour le fief militaire. M. le Président, au nom de la section, remercie M. Bé- zier-Lafosse de sa communication et de son bel ouvrage. M. l'abbé Brune demande à M. Bézier quelle est la pierre employée dans l’ornementation de l’église de Dinan. Ce dernier répond que cette pierre est du quérinan, que l’on a choisi plus ou moins tendre, selon que l’ornementation devait être plus ou moins fine. M. Brune parle d'une sorte de vernis noir adhérent à la pierre, qu’il æ remarqué sur quelques colonnes dans la ca- thédrale de Dol; MM. de Caumont et de Soultrait citent la façade de Saint-Trophyme, d’Arles, dont les colonnes sont enduiles de cette espèce de vernis , qui leur donne l’appa- rence de marbre noir. Il serait bien que l’on fit des recher- ches sur la nature de cet enduit , et sur ke époques aux- quelles il a été employé. M. Bizeul, chargé d'étudier le travail de M. l'abbé La- curie sur les monuments celtiques, en rend un compte très-avantageux. L'impression du mémoire est votée. 132 CONGRÉS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. RECHERCEES sur lOrigine et la Destination des Monuments attribués aux Celtes, PAR M. L'ABBÉ LACURIE. Les monuments celtiques, si dignes de fixer l'attention des hommes qui se livrent à l'étude de l’archéologie, ne me semblent pas avoir été sérieusement éludiés. Beaucoup en ont parlé; mais on s’est à peu près borné à constater leur existence : rien de positif sur leur nature, leur objet, leur deslination; obscurité gofonde sur leur origine, car la dénomination de monument cellique n’est qu’un terme de convention. Aujourd’hui que les recherches archéologiques ont pris un grand développement, celte lacune doit être comblée. Sans doute l'insuffi- sance des documents transmis sur l’histoire de la Gaule par les anciens écrivains, l’obscurilé qui règne sur la filiation des races primitives , le vague et l’incertilude que présentent les premiers temps de notre histoire, ont pu imprimer à plusieurs la crainte de se laisser entrainer dans le domaine des hypothèses , et de là la réserve de ceux qui, par leur vaste érudition, leur science profonde ; pouvaient mettre sur la voie. Mais ces hommes zélés et habiles qui se livrent à des recherches de tout genre, pour porter la lumière sur les différentes branches de la science, pourraient-ils nous refuser leur concours? Et n’avons-ngus pas tout lieu d’espérer que nos efforts, aussi bien dirigés, finiront par amener des résultats satisfaisants ? - Pour nous, nous vous apportons notre grain de sable ; nous pouvons peu de chose, mais nous avons bonne volonté. Il va sans dire que nous n'avons pas la prélention d’offrir un travail complet sur cette matière difficile : il est réservé à des mains plus habiles et plus exercées que les nôtres. Nous avons voulu présenter un canevas sur lequel sont ébau- chés les premiers traits, poser quelques jalons qui mettront sur la voie ceux qui voudraient, par la suite, traiter à fond la question des monu- ments celtiques. Confiants en votre indulgence , nous oserons aborder cette question et vous proposer nos pensées : peut-être pourront-elles sérvir à ceux qui nous suivront dans la carrière. Il-est un livre qui ne ressemble à rien; c’est un monument détaché des autres, a dit l’une des gloires de notre époque : pas une-posilion dans la vie pour laquelle on ne puisse y rencontrer un verset qui semble dicté tout exprès ; tous les événements possibles, heureux ou malheu- reux, y sont prévus avec loules leurs conséquences ; l’origine du monde et l'annonce de sa fin ; la base des sciences humaines ; les préceples SEIZIÈME SESSION. 433 _politiques depuis le gouvernement du père de famille jusqu'au despo- tisme ; depuis l’âge pastoral jusqu’au siècle de corruplion.. Tout s’y trouve clairement exprimé. Ce livre, Messieurs, vous l’avez nommé, c’est la Bible. Ouvrons donc la Bible : peut-être y trouverons-nous une solution à la question qui nous occupe. F A part les raisons prises de la nature de l’homme, à part les idées de révélation, l’idée de faire des offrandes à la Divinité a dû venir natu- rellement à l'esprit de tous les peuples; car, dès que les hommes ont cru en Dieu, ils l’ont envisagé comme l’auteur et le distributeur des biens de ce monde, et, par ce motif, ils lui ont offert des dons comme un témoignage de respect pour son souverain domaine, de reconnais- sance pour ses bienfaits, et comme un moyen d’en obtenir de nouveaux. Il y a plus : l’homme a compris la nécessité des expiations et d’un re- ‘mède pour détourner les châtiments de la justice divine. Aussi, dans toutes les religions du monde, les offrandes et les sacrifices font partie essentielle du culte divin. Adam avait inspiré à ses fils les sentiments de respect et de reconnais- sance envers le Seigneur, et les avait accoutumés à lui offrir de temps en temps une partie des biens qu’ils tenaient de lui. Ils l'avaient prati- qué ainsi tant qu’ils étaient demeurés auprès de leur père ; ils conli- nuërent de même après qu’ils eurent leur maison et leur famille ë à part. On concoit qu’un père prévenu de ces idées dut les transmettre à ses enfants; et quand il ne les aurait pas enseignées positivement , ses enfants , en lui voyant pratiquer un culte , faire des offrandes , des liba- tions, ont été portés à limiter. Le culle se sera donc transmis par lra- dition comme l’histoire des origines du monde. La mémoire des faits principaux ne pouvait s’éteindre parmi des témoins auxquels Dieu ac- cordait plusieurs siècles de vie. Dans les premiers âges du monde, lorsque les familles élaient encore nomades, le chef ou l’ainé faisait les fonctions du culle divin; mais elles ne lui appartenaient pas exclusivement : Caïn, Abel, Abraham, Isaac, Jacob, ont offert des sacrifices du vivant de leurs pères. Mais le culte, ainsi livré à la discrétion des particuliers , ne pouvait être uniforme , ni se conserver long-temps dans sa pureté; c’est une des raisons qui ont dû contribuer à l’altérer sensiblement chez tous les peuplés. En effet, après la dispersion des familles, plusieurs ont oublié les leçons qu’elles avaient reçues et le culte qu’elles avaient vu pratiquer à leurs pères; elles se sont forgé à elles-mêmes une fausse religion, et l'ont transmise à leurs descendants. = Nous faisons ici, Messieurs, l’histoire de toutes les nations à leur ber- ceau. Ce que nous disons des enfants des patriarches, nous le disons également de toutes les peuplades réunies en corps politique, et dont les livres saints semblent ne pas s’occuper. Les monuments de l'his- 134 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. toire profane s'accordent avec les écrivains sacrés pour nous apprendre qu’originairement le chef de la société était le prêtre de satribu : les rois d'Egypte, de Sparte ; de Rome étaient souverains pontifes. Dans Ja suite, les empereurs romains voulurent être revêtus de cette dignité. L'union du sacerdoce à la royauté, chez tous les anciens peuples, est un fait hors de doute. Il est prouvé que les Esyptiens , les Ethiopiens, les Chaldéens , les Perses, les peuples de l’Asie mineure, les Grecs, les Romains, les Gaulois, les Germains, les Indiens, ont été dans cet usage, que l’on a trouvé même parmi les peuples de l'Amérique. À la Chine, le plus solennel des sacrifices ne peut être offert que par l’empereur. Ici encore, nous ferons observer que les fonctions du sacerdote n’é- taient pas l’apanage. du chef de la République; les sacrifices solennels pouvaient lui être réservés ; mais il était libre à tous d’honorer la Di- vinité par des offrandes et l'immolation des victimes. Cet usage, que nous voyons constamment suivi chez les Juifs , même après la construction du Temple, et malgré la défense de faire des of- frandes ou des sacrifices, et d’immoler des victimes ailleurs que devant le Tabernacle ou dans le Temple , dut se perpétuer plus facilement en- core chez les peuples idolâtres, où chaque particulier pouvait avoir son dieu, un temple, un autel, se flaltant d’en obtenir des bienfaits à propor- tion des honneurs qu'il lui rendait et dela dépense qu’il faisait pour lui. De tout ceci on peut conclure que, dès les premiers temps, les hommes - ont eu un Dieu, un autel, un appareil de culte ; en second lieu, que chaque individu était primilivement ministre de ce culte, emprunté aux patriarches, et que mille causes ont contribué à. vicier à mesure qu’il s’est éloigné de sa source. Partant de ce fait, qui nous paraît incontestable , à moins qu’on ne veuille rejeter les témoignages les plus précis dé l’histoire des peuples, ‘ilne nous sera peut-être pas impossible de retrouver chez les Hébreux le lype de la plupart des monuments attribués aux Celtes. Nous ne transcrirons pas ici tous les passages des livres sains qui constatent l'érection d’une quantité prodigieuse d’autels élevés à la: gloire du Très-Haut par ce peuplé choisi, ou consacrés à un culte men- songer par les nalions ; nous nous bornerons à un petit nombre deci- tations relatives à’ certains faits dont l'application ne nous semble pas douteuse. Jacob part de Bersabée pour se rendre à Haram, et, étant venuen un certain lieu, comme il voulait s’y reposer après le coucher du soleil, il prit des pierres qui élaient là, les arrangea autour de sa tête, et s’en- dormit au même lieu. Durant son sommeil , il aperçut auprès de lun l'E: ternel, qui lui dit : « Je suis l'Eternel, le Dieu de ton père Abraham et ce- lui d'Isaac. Le pays où tu es couché, je Le le donnerai en possession à toi età ta postérité..….Toutesles nations de la terre seront bénies par toret par ta postérité... Je veillerai sur toi partout où tu iras; je te raménerai x SEIZIÈME SESSION. 135 dans cette terre , et je ne t’abandonnerai pas avant que j'aie accompli ce que je te promets ici. » Jacob s'étant éveillé s’écria : «+ L'Eternel.est dans ce lieu !.... Ce-ne peut être que la maison de l'Eternel ; et c’est ici qu'est la porte des Cieux. » Se levant, il prit les pierres qu’it avait ar- rangées autour de sa tête, et en éleva un monument ; il versa del’huile sur le sommet : voilà d’où vient qu’on nomma Béthel ce lieu, qui s’ap- pelait autrefois Laza. « Si Dieu me protège, poursuivit Jacob , le monu- ment que je viens d’ériger avec ces pierres sera pour moi une maison consacrée à Dieu... >» (1) : Que vous semble, Messieurs, du monument érigé par Jacob ? La nuit le surprend en rase campagne, dans un pays qu'il ne connait pas ; il est fatigué de la route el veutse reposer. En homme prudent, il songe à protéger son sommeil contre toute surprise, et, pour cela , il prend des pierres et se fait un retranchement , un abri. L'Eternel lui apparaît et lui renouvelle la grande promesse, déjà faite à Abraham et à Isaac, d’un Réparateur futur. Transporté d'admiration, de respect et de joie, Ja- cobwveut éterniser la mémoire de ces promesses magnifiques. Il prend de l'huile et la répand sur la pierre qui couronne l'édifice qui lui a servi d’abri, la dalle qui recouvre le toit, et lui donne le nom de Befhel, maison de Dieu. Sericns-nous trop téméraires de voir dans ce monument quelque chose d’approchant du Dolhmen , une sorte de Sacellum où Jacob et ses fils venaient remercier Dieu de ses bienfaits et bénir son nom, dans l'attente du libérateur futur ? Plusieurs d’entre vous, Messieurs, ont pu remarquer que notre tra- duction diffère de celle de la Vulgate. La Vulgate ne parle que d’une pierre, etnous, nous en supposons plusieurs. L'hébreu a cela de par- ticulier qu’il emploie d’autant mieux le singulier que le nom exprime un plus grand nombre d'objets, tandis qu’il met toujours le pluriel, quand le nom n’en exprime que quelques-uns ; c’est pour cela qu’au verset 11 l’écrivain sacré présente, sous la forme plugglle , le motrendu par pierre, Jacob n'ayant pris que quelques-unes des pierres de ce lieu; mais, au verset 18, il emploie le singulier, parce que Jacob prend toutes les pierres qui étaient autour de sa tête. Cette particularité paraît avoir une raison logique qui s'explique assez clairement, ce nous sem- ble, si on considère que, plus ilse trouve d'objets d’une même espèce réunis ensemble , moins on peut les distinguer facilement , et par con- séquents moins ils nous paraissent différents; ils ne s'offrent au con- traire à nous que sous la forme d’un seul tout. Or, comme ce n’est que la différence des objets qui forme pour nous le pluriel, il est palurel (1) Gen., xxvnr et suiv. i36 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. d’employer dans ce cas le singulier ; par la même raison, l'emploi du pluriel n’est pas moins rationnel quand on s’en sert pour n’exprimer qu’un petit nombre d'objets, puisqu'on en distingue au premier coup- d’œil la diversité , et qu’on voit, par conséquent, qu’il y en a plusieurs. Suivons la Vulgate, si vous le voulez, Messieurs ; Jacob n’aura pris qu’une seule pierre, sur laquelle il se sera reposé. À son réveil, il dresse cette pierre comme un monument, en répandant de l'huile des- sus. Cette pierre devait être assez volumineuse , puisqu’elle devait ser- vir à perpétuer la mémoire d’une promesse qui intéressait souveraine- ment Jacob et sa famille ; nous y verrions ce qu’on est convenu d’appe- ler une pierre posée. Mais poursuivons. Au chapitre 24 du livre de Josué, nous trouvons un nouvel exemple de pierre posée , et vaici à quelle occasion : Sentant sa fin approcher, Josué assemble autour de lui tout Israël. Il rappelle tous les bienfaits divins gratuitement répandus de siècle en siècle de- puis Abraham sur leurs pères et sur eux, et il les exhorte à observer constamment la loi du Seigneur, afin d’être toujours libres et heureux. Tout Israël répond, en s'engageant par serment, à observer fidèlement la loi donnée par Moïse ; l'alliance avec le Seigneur est renouvelée. Pour en perpétuer le souvenir, Josué prend une très-grande pierre, la met sous un chêne devant le tabernacle, et dit à tout le peuple : Celle pierre que vous voyez vous servira de témoignage qu’elle a entendu toutes les paroles que le Seigneur vous a dites, de peur que vous ne vouliez le ‘-nier et mentir au Seigneur votre Dieu. C’était dire au peuple assemblé : Celte pierre sera pour vous un monument de l’alliance que vous venez de jurer ; elle servira de témoignage contre vous, si vous reniez votre Dieu. 1 Tout Israël était assemblé à Masphath par ordre de Samuel. Les Phi- listins, croyant surprendre avec avantage une assemblée plus religieuse que guerrière, pgennent les armes et s’avancent pour combattre. Le prophète offre un sacrifice et invoque l’assistance divine. Aussitôt le ciel se couvre de Quages ; un orage se forme sur la (ête des Philistins ; la terre tremble sous leurs pieds ; le tonnerre éclate avec un bruit épou- vantable ; la terreur saisit les ennemis , qui jetlent bas leurs armes, et une fuite précipitée ne leur offre que le dangereux moyen d’un salut in- certain. Israël, au contraire, plein d’un courage inspiré par l’évidente protection divine, sort de Masphath, tombe sur les Philislins, restés sans force, poursuit les fuyards et les taille en pièces jusque sur leurs terres ; et Samuel prend une pierre qu’il met entre Masphath et Sen, et il appelle ce lieu la Pierre du Secours, en disant : Le Seigneur est venu ici à notre secours. Les Philistins s'étaient rendus maitres de l’Arche Sainte ; mais Dieu voulait que l’Arche de son testament fût rendue aux Israélites. Il appe- santit donc sa main sur les satrapies des Philistins. Une maladie cruelle SEIZIÈME SESSION. 137 déchire les entrailles des hommes; les villes et les villages se remplissent de morts et de mourants; une multitude de rats inonde la campagne, souillant et détruisant tous les objets nécessaires à la vie. Au bout de sept mois, les magistrats s’assemblent en conseil général, afin d’aviser aux moyens de délivrer le pays d’un fléau si funeste. On convient du renvoi de l’Arche aux Israélites et d’une offrande à leur Dieu pour l’ex- piation du péché. Le tout est placé sur un charriot neuf et attelé de deux vaches auxquelles on n’avait pas encore imposé le joug. Les vaches pren- nent le chemin qui conduisait dans la terre d'Israël. Cinq satrapes les suivent de loin. Arrivées sur les terres de Bethsamée, ville lévitique de Juda, elles s’arrêlent dans le champ de Josué, près d’une grande pierre. On descend l’arche, on la place sur cette grande pierre, avec le coffret qui renfermait l’offrande des Philistins ; après cela on coupe en pièces le char; on met les vaches dessus et on les offre en sacrifice au Sei- gneur (1). Nous vous prions de remarquer, Messieurs, que la pierre dont nous venons de parler était sur les limites des térres d'Israël et de Philistie. Au livre de Josué il est parlé d’une autre pierre, Aben bœn, servant de limite aux enfants de Benjamin (2). David se cache près de la pierre appelée Ezel (3). Joab rencontre Amaza et le lue près de la grande pierre de Gabaon (4). Adoaias , se faisant un parti pour monter sur lé trône, immole des victimes auprès de la pierre de Zoheleth (5). Il est un autre genre de monuments que nous ne saurions passer sous silence, et qui nous paraît également avoir servi à fixer chez les Hébreux le souvenir des faits accomplis dans l'intérêt public ou particulier : nous voulons parler des galgals, qui, parfois aussi, ont servi de sépulture. Jacob, par l’ordre de Dieu, laisse la Syrie, à l'insu de son beau-père, avec sa nombreuse famille, pour aller rejoindre Isaac dans la terre de Chanaan. Instruit de l'évasion de son gendre trois jours après son dé- part, Laban, n’écoutant que la voix de la violence, assemble ses pa- rents , les engage à le suivre, et, sur le soir de la septième journée, ils arrivent à la vue de Jacob, qui avait dressé ses tentes sur le mont Galaad. Le Seigneur , s’élant fait voir en songe à Laban, lui défendit de rien dire d’offensant à Jacob. Il s'approche donc de son gendre, et, après lui avoir | reproché doucement sa fuite précipitée : Venez, lui dit-il, faisons une alliance qui soit pour jamais témoin entre vous el moi, Jacob alors prit des pierres et en éleva un monument; il dit à ses gens : Ramassez des (1) 1. Reg., vr. (4) 2. Reg., xx. (2) Jos., xvr. (5) 3. Reg., 1. (3) 1. Reg., xx. MCE 18 138 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. pierres, el ils en ramassèrent ; ils en firent un grand tas et mangèrent dessus. À ce monceau de pierres, Laban donna le nom de Monceau du Témoignage, et Jacob, celui de Monceau Témoin, chacun selon la pro- priélé de sa langue. Après s’être juré une amitié sincère, Laban ajouta : Quand nous serons séparés, que le Seigneur interroge ce témoin de nos serments, et qu’il nous juge. Si, dans la suite, vous contristez mes filles; si vous leur donnez des rivales en vous unissant à d’autres femmes , que le Seigneur, seul témoin de vos engagements, soit votre juge; qu'il nous punisse l’un et l’autre, à la vue de ce monument érigé en té- moienage de nos traités, si nous passons cet amas de pierres, moi pour vous poursuivre en ennemi, vous pour m’inquiéler dans ma re- traite ; et il jura par le Dieu d'Abraham et de Nachor ; Jacob jura par le Dieu d’Isaac. Les serments furent scellés par le sang des victimes, et, le jour suivant , Laban se mit en marche pour relourner en Syrie (1). Accoutumé dès sa jeunesse aux prodiges que Dieu opérait en faveur de son peuple , Josué s’engage dans les eaux du Jourdain, qui ouvrent en un instant aux [sraélites un passage de plusieurs lieues. Les sacrifi- cateurs se tiennent debout, avec l’arche, au milieu du lit du Jourdain, jusqu’à ce que le peuple ait gagné la rive occidentale. Pendant que le passage s’effectuait, Josué ordonne à douze Israélites, choisis dans cha- cune des douze tribus, de prendre, à l'endroit même où les sacrifica- teurs se sont arrêtés , douze pierres dures, et de les emporter pour en former un monument dans la lerre promise. Le peuple étant passé, le fleuve reprend son cours , et Israël , plein de reconnaissance et de joie, se porte en avant de Jéricho. Il arrive sans obstacle à Galgala , où Josué fait dresser ses tentes et préside à l'érection du monument dont nous venons de parler, et dont le but est de perpétuer le souvenir de celle grande œuvre de la puissance et de la bonté du Seigneur envers son peuple. Ce but n’est pas douteux, Messieurs ; l'historien sacré s’en ex- plique clairement : «.…. A l'avenir, quand vos enfants vous demande- > ront : Que veulent dire ces pierres? vous leur répondrez : Les eaux du >» Jourdain se sont séchées devant l'Arche d'alliance du Seigneur, lors- 2 qu’elle passait au {ravers de ce fleuve. C’est pourquoi ces pierres ont > été mises en ce lieu pour servir aux enfants d'Israël d’un monument » éternel... (2) » ÿ 1 Lors de la prise de Jéricho , il.avait été défendu solennellement de distraire aucun objet, tout devant être détruit, excepté l'or, l'argent, l'airain et le fer, réservés pour le service du culte. Ces ordres intimés n'étaient ignorés de personne ; cependant une partie des dépouilles se trouve détournée , et le coupable avoue son crime. Josué prononce con- (1) Gen, xxxr, {2) Jos., nr et seq. SEIZIÈME SESSION. 139 tre Achan la peine des sacriléges. Or, « Josué ct tout Israël qui était » avec lui ayant pris Achan, fils de Zaré, el l'argent, le manteau et la > règle d’or, avec ses fils et ses filles, ses bœufs , ses ânes ei ses brebis, : et sa tente même, et tout ce qui était à lui, les menèrent dans la val- : lée d’Achar.…. Et tout Israël le lapida ; et tout ce qui avait élé à lui fut ; consumé par le feu ; et ils amassérent sur lui un grand monceau de » pierres, qui est demeuré jusqa” aujourd’hui (4). » Châtiment terrible, sans doute, et quin’est pas dans nos mœurs ; mais reportons-nous dans ces temps anciens , et rappelons-nous qu ‘aujourd’hui même, dans une grande partie des Indes, en Chine et dans l'Amérique du Sud , la peine capitale s’étend ordinairement sur toute la famille du coupable. - Les Israélites brulent la ville de Haï; le roi lui-même est pris el amené à Josué, qui le fait attacher à une potence. Sur le soir , on descend le corps du gibet, et on le jette à l'entrée de la ville, et on met sur lui un grand monceau de pierres, qui y est demeuré jusqu’aujourd’hui, dit le texte (2). Dévoré d’ambilion, Absalon veut envahir le trône et supplanter son père. Proclamé roi par une faction puissante, il organise une armée pour marcher contre Jérusalem. David fait tête à l'orage. Bientôt les deux partis sont en présence ; bientôt Lout retentit au loin des cris des combat- tants. L'armée d’Absalon, culbutée de toutes parts, laisse le champ de ba- taille jonché de morts et s’engage dans l’épaisseur de la forêt d'Ephraim. Absalon, poursuivi par quelques guerriers de David, précipite aveu- glément sa fuite à travers les bois, et vous savez, Messieurs , quelle fut Ja fin de ce fils dénaturé. Or, -« on emporta Absalon, et on le jeta dans > une grande fosse qui élait dans le bois, sur laquelle on éleva un grand > monceau de pierres (3). » Dans ce que nous avons dit touchant les galgals, vous avez pu re- marquer, Messieurs, que les uns étaient des monuments co mmémoralfs, les autres, sortes de fombelles , servaient de sépulture. Passons à un autre genre de monuments. Les Juifs avaient un pen- chant marqué pour lidolâtrie : leur séjour en Esypte, l’exemple des nations qui les avoisinaient, tout les y portait. Plusieurs fois déjà le bras - de la justice divine s’était appesanti sur eux à cause de leurs prévarica- tions ; tout nouvellément encore, une peste horrible avait sévi contre ceux qui s'étaient abandonnés au culte sacrilége et impudique de Bel- phégor. l était à craindre que l’exemple des peuples de Chanaan ne vintles attirer en de nouvelles abominations. L'idolâtrie la plus absurde, les .superstitions de toute espèce, les sacrifices de victimes humaines et de leurs propres enfants, l’impudicité la plus grossière, des cruaulés {1) Jos’, vi. . (2) Jos., wir. (3) 2. Reg., xvut, 140 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. inouies, telles sont les raisons pour lesquelles Dieu ordonne d’exter- miner ces peuples, auxquels il avait accordé quatre cents ans pour se corriger. Voulant précautionner les Israélites contre la contagion de V’exemple , il leur promet les plus grands biens s'ils lui demeurent fidèles, et les menace de les détruire à leur tour s’il leur arrive d’imiter Chanaan. « Je suis le Seigneur votre Dieu, leur dit-il; vous ne ferez point d’i- » doles ni d'image taillée ; vous ne dresserez point de colonnes ri de * monuments, et vous n’érigerez point dans votre lerre de pierre re- » marquable pour l’adorer.….. » Dans l’ordre d’exterminer entièrement les Chananéens , Dieu parla à Moïse et lui dit : «< Ordonnez ceci aux enfants d'Israël, et dites-leur : « Quand vous aurez passé le Jourdain et que vous serez entré dans le > pays de Chanaan, exterminez tous les habitants de ce pays-là; brisez » les pierres érigées, rompez leurs statues et renversez tous leurs hauts- > lieux, pour purifier ainsi la terre... » Nous serions tentés de voir dans ces pierres érigées, ces colonnes, des pierres filles, des peulvans, servant dans le principe à fixer les bornes de divers territoires, el auxquelles, par la suite , les hommes les plus grossiers ont rendu un culte, par le penchant qu’ils ont tous à sup- poser des esprits, des génies, des démons intelligents et puissants dans toutes les parlies de la nature. De là celle pensée de préposer un dieu à chaque objet, aux moissons, à la vendange, aux troupeaux, aux limites des héritages, aux confins des territoires. Chacun sait avec quelle sollicitude les Romains, attaquant une ville, en invoquaient les dieux, leur promeltant des temples, des autels, des honneurs, le droit de bourgeoisie à Rome, sous la condition qu'ils cesseraient de protéger le peuple qu’il s’agissait de vaincre. Nous arrivons à un autre ordre de monuments, désignés dans les Livres Saints sous le nom de Laufs-lieux. Ici, Messieurs, nous vous prierons de remarquer que par hauts-lieux nous entendons, avec l'écrivain sacré, non pas un lieu élevé, tel que la croupe d’une colline ou d’une montagne, mais un sacellum, un bethel, érigé sur une colline ou sur le penchant d’un coleau dans un but reli- gieux. Telle est, croyons-nous, la véritable acception du mot BAMÔT; ainsi nous la donnent les lexiques hébraïques : Delabrum, sacellum in collibus vel clivis erectum , cultûs causû, vel liciti, vel sæpiüs illiciti. Nous ferons remarquer, en second lieu, qu’il faut établir une distinc- tion entre les hauts-lieux et les autels qu’on élevait souvent auprès. Cette distinction est clairement exprimée dans les Livres Saints. Enfin, nous vous rappellerons, Messieurs, que le Dieu des Hébreux réprouvait les autels faits de pierres taillées, et qu’il ne voulait pas qu’on y montàt par des degrés, mais bien par un plan incliné : e .... Si -» vous me faites un autel de pierre, vous ne le bâtirez point de pierres SEIZIÈME SESSION. 441 ‘ taillées, car il sera souillé si vous y employez le ciseau. Vous ne mon- > terez pas par des degrés à mon autel (4).> Fidèle observateur des ordres de son Dieu, Moïse, donnant ses instruclions aux enfants d'Israël, leur dit : « Lorsque, ayant passé le Jourdain, vous serez entrés dans le pays » que le Seigneur votre Dieu vous donnera, vous éleverez de grandes » pierres que vous enduirez de chaux, pour y pouvoir écrire toutes les > paroles de la loi que je vous donne... Vous éleveréz ces pierres sur le >» mont Hébal..….. Vous dresserez, là aussi, au Seigneur votre Dieu , un > autel de pierres où le fer n’aura point touché, de pierres brutes et non > polies..…. (2) » Ceci posé, voyons ce que l’antiquilé nous fournit touchant les hauls- lieux. Plusieurs ont pensé que le culte de Dieu surles hauteurs était une idée folle des polythéistes, qui croyaient que les honneurs rendus à la Divinité sur le haut des montagnes lni étaient plus agréables, parce que l’on y était plus près du Ciel. De là ces montagnes célèbres chez les poètes comme séjour de prédilection de telle ou telle divinité ; de là les sacrifices sur les hauteurs. Nous avoueronssans peine que les idées primilivessur Dieu etson culte, . que les dogmes de la morale qui convenaientle mieux au genre humain encore enfant, ont dû singulièrement s’altérer à mesure que le genre hu- main s’éloignait de son berceau. La conservation de ce dépôt dépendait du zèle et de la piété des pères, de la docilité des enfants, dela réunion des familles ou sociétés religieuses, surtout de la pureté des mœurs : toute altération dans la religion venant toujours de près ou de loin dela corruption du cœur. Une humeur farouche, l'esprit d’indépen- dance, l'intérêt sordide et mille autres causes portèrent plusieurs à se séparer des centres de civilisation , et contribuèrent à leur faire perdre de vue les lecons publiques de religion. Ils oublièrent les traditions primitives, et tombèrent peu à peu dans l'ignorance et la barbarie; leurs enfants furent élevés de même. Ainsi, les peuplades écartées se trouvèrent bientôt engagées dans le polythéisme et. dans tous les dé- sordres qu’il traine à sa suite. F Veuillez remarquer , Messieurs, que l’écrivain sacré semble avoir at- tribué à cette cause la différence qu’il y avait entre les familles fidèles à Dieu ,.et celles qui se pervertirent avant le déluge, entre les enfants de Dieu etles enfants des hommes. Il représente Caïn fuyant la présence du Seigneur, ou les lieux sanctifiés par son culte, pour se retirer dans une terre éloignée et déserte. En parlant, au contraire, de la piélé et des vertus de Noé , il fait remarquer qu’elles étaient en lui un héritage de famille ; que Noé marcha ou vécut avec Dieu, c’est-à-dire dans l'exer- {1) Exod., xx, 24. (2) Deut., xxvu, 142 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. cice habituel et journalier de son culle. Après le déluge, et surlout après la dispersion de Babel, les mêmes causes durent produire les mêmes effets : il est si aisé de passer de la vérité à l’erreur, lorsque les passions y trouvent leur avantage ! L'idée confuse d’un seul Dieu , créa- teur du monde, les pratiques d’un culte qu’on tenait des vieillards et dont on ne se rendait guère raison, se conservèrent chez toules ces peu- . plades séparées ; l'ignorance, la superstition, y ajoutèrent beaucoup ; mais les idées primitives étaient trop universellement conservées, pour n’avoir pas été produites par une cause unique et commune. Cette cause il faut la chercher en dehors de l’idolâtrie. Si Dieu , éprouvant la foi d'Abraham, exige de lui le sacrifice d'Isaac, ce fils unique en-qui toutes les nations devaient être bénies, c’est sûr la montagne de Moriah qu’un si grand exemple de l’obéissance que nous devons à Dieu doit être donné aux hommes. C’est sur la montagne de Sion , au lieu même où, dans la suite, fut bâti le temple de Jérusalem , que Jacob dresse un bethel, et qu’un peu plus tard il s’acquitte de son ancien vœu en élevant un autel au Sei- gneur, qui lui apparut pour lui réitérer les promesses déjà er à son départ de Bersabée. C’est sur le mont Galaad que Jacob et Laban érigent un galgal et dres- sent un autel pour cimenter, par le sang des victimes, l’alliance qu'ils venaient de jurer. 6 C’est sur le mont Horeb que Dieu se communique à Moïse dans le buisson ardent. Plus tard, lorsqu'il veut donner sa loi aux Israélites, Bien appelle Moïse sur le sommet du Sinaï. Sous Salomon , le peuple immolait dans les hauls-lieux, parce que, jusqu'alors, on n’avait point encore bâti de temple au Seigeur. Salomon lui-même se rend à Gabaon pour y sacrifier, parce Fe c'était là le plus considérable de tous les hauts-lieux. Le fils de l'Homme se manifeste sur le Thabor, et il prie sur la mon- tagne des Oliviers. Nous ne saurions donc admettre l’origine que l’on assigne générale- went à la coutume d’adorer la Divinité et de lui offrir des sacrifices sur les hauts-lieux ; et il est de toute évidence qu’elle ne vient pas des peu- ples idolâtres. Après l’avoir formellement autorisée, Dieu, il est vrai, la défendit aux Hébreux, parce que les idolâtres en abusaient , et que les Hébreux n’étaient que trop portés à les imiter. 1 y avait sur toute la terre d'Israël une quantité considérable de hauts-lieux et d’autels. C’é- tait une coutume ordinaire de planter des arbres autour : leur ombre, très-commode dans un climat fort chaud, servait souvent de voile à des désordres honteux ; l'exemple des peuples voisins était devenu conta- gieux, et Israël s'abandonnait aux pratiques superslilieuses et idolà- triques qui amenèrent enfin la ruine des deux royaumes. SEIZIÈME SESSION. Â43 Il nous importait de rétablir les faits, parce que nous croyons voir dans les hauts-lieux, tels que les définissent les hébraïsants, et dans les autels, souvent groupés en nombre, qui les accompagnaient ordi- nairement, quelques rapports avec les dolmens. Les béthels sont plus ou moins considérables, selon qu’ils ont été élevés par de simples par- liculiers ou pour un intérêt public : ils ne paraissent pas avoir été des- tinés à l’immolation des victimes, car on ne comprendrait pas pour- quoi, lorsqu'il s'agissait d’un holocauste, on élevait auprès un ou plu- sieurs autels , ainsi qu'on le voit en vingt endroits des Livres Saints , et notamment au livre des Nombres (1). Les hauts-lieux seraient pour nous des dolmens complets, sortes de sanctuaires que remplissait la Divinité. Les autels destinés aux sacrifices devaient être de pierres brules et non polies , vides et creux en dedans; on y monlait par un plan incliné. Ces autels , dont la table était appuyée d’un côté sur un ou deux sup- ports, tandis que de l’autre cile reposait immédiatement sur la terre, laissant un vide à l’intérieur, ressemblent fort, à notre avis, aux dof- mens imparfaits ou demi-dolmens. On a dit et l’on répète que la rusticité des monuments celtiques dé- note un peuple dans l'enfance de l’art. En recueillant, dans les saintes Ecrityres et dans les antiquités judaïques, les faits qui se rattachent à | l’état social des Juifs sous David et ses successeurs, on trouve dans Is- raël tous les avantages d’une civilisation avancée. De tous les peuples anciens, le peuple hébreu a le moins à envier aux autres, au point de vue industriel, littéraire et scienlifique. On est saisi d’étonnement lors- qu’on lit l'énumération de tous les objets d’art qui servaient au culte et qui décoraient le Temple, les palais royaux, la salle du trône et les jar- dins de plaisance au temps de Salomon, et que l’on considère qu'ils étaient tous travaillés avec une rare perfection. Cependant dans ce Tem- ple, l’une des merveilles du monde, chez ce peuple où les arts avaient pris le plus rapide essort, l’autel du Très-Haut devait être de pierres brutes et non taillées ! Les nombreux autels répandus dans la campagne étaient de même : car telle était la volonté du Dieu d'Israël. Nous avons cru reconnaitre dans les origines bibliques une série de monuments dont l'identité avec les monuments attribués aux Celtes nous paraît évidente, pierres posées, pierres fitles, galgals, tombelles ou chi- rons, dolmens, et nous en concluons que les caractères de ressemblance entre les usages religieux des Hébreux et ce que les autres peuples en ont conservé ne permet pas de douter qu'ils ne viennent les uns et les {1} Nom. xxiv. Ai CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. autres d’un même principe, conservé pur et sans tache chez les uns, altéré, dégradé, corrompu chez les autres. D’après Jésèphe, un bien plus grand nombre d’années que celui. qu'on obtient selon la Vulgate a dû s'écouler depuis le déluge jusqu’à la dis- persion des descendants de Noé, et le genre humain ne parlait alors qu'une seule langue. Dieu rompit à Babel ce lien qui unissait si étroile- ment les hommes, en mettant dans leur langage une confusion telle que, ne s'entendant plus les uns les autres, ils se séparèrent et se répandi- rent par toute la terre, chacun, selon sa famille et sa langue , empor- tant et les usages et les traditions des anciens. C’est de ces familles que, - à pas lents et comme par degrés, les hommes s’éloignant du centre de leur dispersion, se sont formées toutes les nations qui depuis lors se succèdent sur la surface du globe. A mesure que la population s’accrut, les familles, se pressant les unes les autres, reculèrent leurs limites pour se mettre à l’aise, et s’avancèrent de proche en proche jusque vers les extrémités de la terre, chacun occupant ainsi la place que la divine Providence lui avait assignée. Il est vraisemblable que dans leurs migralions subséquentes, quelles qu’en aient été les causes, les peuples conservèrent, plus où moins al- térés, les dogmes religieux qu'ils tenaient de leurs pères ; ils durent consacrer à leur Dieu national les lieux où ils s’arrétèrent, et marquer chaque station par une enceinte, un temple, un nom, une pierre sétrée. Ainsi l’Inde, la Perse, l'Ethiopie, la Scythie, les Gaules, la Scandinavie, avaient leurs cavernes, leurs montagnes saintes, leurs chênes sacrés, où le brachmane, le mage, le gymnosophisle, le druide prononcaient l'oracle inexplicable des immortels. Nous ne suivrons pas la filiation des peuples, leur descendance, leur degré de parenté et leur itinéraire, pour trouver la raison de l’analogie frappante que nous remarquons entre les monuments des Celtes et ceux des anciens Hébreux. D’autres vous diront:. Comment les Pélasges « furent les prédécesseurs des Grecs ; les Etrusques, des Romains ; les » Celtes, des Germains et des Francs; comment, devant les peuples qui » descendaient du, nord de la Thrace, avaient fui les Pélasges pour » s'établir en Toscane, grevant à leur tour les Ombriens de race celti- » que qui s'était insinués en silence dans l'Europe, au nord des Pyré-- » nées et par les deux extrémilés des Alpes ; comment des migrations , » parties de l'Orient, des frontières de la Médie, avaient parcouru les. » bords de la Mer Noire, la vallée du Volga, avant de se réfugier dans » les îles de la Scandinavie ; comment les races germaniques montrent » leur origine asiatique dans la construction même de leur langue, qui » semble puisée immédiatement aux sources de la parole orientale, » dans l’ancienne langue des Mèdes dont elle a conservé, plus qu'aucune » autre, l'empreinte et les aspirations, et vous pourrez facilement recon- » naître les traces du dogme primitif caché dans les dieux informes!que - SEIZIÈME SESSION. 445 » ces peuples laissent derrière eux, au hasard, pierres brutes qu’ils sè- » ment confusément à la surface du globe (1). » Pour nous, nous bornant à ce qui touche les Gaulois, nous vous fe- rons remarquer que l’histoire des Patriarches n’a pu être ignorée des Phéniciens, qui établirent partout, en Grèce et sur les côtes de l’Asie- Mineure, de l'Espagne et des Gaules, de nombreuses colonies qui con- servèrent et communiquèrent aux habitants de leur voisinage quantité d’usages primitifs et de traditions de leur métropole. Or, suivant Stra- bon (2), dès lestemps les plus reculés, il existait un commerce très-aclif entre les Gaulois et les Phéniciens, qui en retiraient quantité d’étain apporté d’Ictis par les vaisseaux des Venètes. Cette nation nous suffit pour nous faire soupçonner des relations suivies entre les anciens habi- tants des Gaules et les premiers Hébreux, et nous donner la raison de la ressemblance frappante que l’on a remarquée dans le dogme relizieux des deux peuples. En effet, Messieurs, dès les premiers âges de leur empire, les Gaulois adoraient un seul Dieu, maître souverain du monde ,-et ils honoraient des êtres spirituels intermédiaires entre l'homme et la Divinité. Ils ne divinisaient ni leurs passions, ni aucune partie de la matière. S'ils vé- néraient les fontaines, les eaux, les arbres, les éléments, c’est qu’ils les considéraient comme l’enveloppe, l’écorce, pour ainsi dire, des intelli- gences chargées par Dieu d’y présider pour l'usage de l'homme, et pour conduire ces objets aux fins que la sagesse divine se proposait. Le Créateur était pour eux larbitre Souverain de la paix et de la guerre, de la justice, des sciences et des arts, et ils donnaient à leurs sanc- tuaires des noms en rapport avec ces divers attributs de Dieu, ce qui a pu faire croire à de prétendus dieux topiques (3). Du reste, chacun sait que les Gaulois avaient en horreur les mœurs corrompues, les usages licencieux du paganisme, et qu’ils se sont tou- jours fait remarquer par la décence de leurs simulacres. L'immortalité et la spiritualité de l’âme, les peines et les récompenses futures faisaient partie de l’enseignement religieux. Leur culte était simple, et cette simplicité même dépose en faveur de son antiquité. Point d'images de la divinité, paint de statues, point de temples ; c'eût été outrager la Divinité que de croire possible d’en figurer une ressem- blance, que d’imaginer pouvoir la renfermer entre des murailles : l’Uni- vers était le seul temple digne de son auteur. Un rocher, quelques pier- res énormes , brutes et telles qu’elles sortaient des mains de la nalure, élevées au sein des forêts et sur les collines, formaient un autel. Un culte aussi simple se rattache évidemment à ce que nous avons (1) Guinet. (3) S. Aug. de Civit. dei, lib. 8. — Peloutier, (2) Lib. 1v, C. ]. | : Hist. des Celtes. TU 49 146 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. vu chez les premiers Hébreux. Nous retrouvons , en effet, dans l’une et l’autre religion , les mêmes opinions sur l’unité de Dieu , sur l’âme, sur les peines et lesrécompenses’'à venir , sur l'existence d’êtresrinter- médiaires entre l’homme et la Divinité ; même défense de former aucune image de Dieu. Ajoutons à ces trails de ressemblance que les autels druidiques, érigés en pierres brutes, à ciel découvert,sur des montagnes et des collines , au milieu des forêts silencieuses, offrent une analogie frappante avec ces pierres sacrées dont il est si souvent parlé dans les Livres Saints, avec les autels simples et agrestes que les premiers pa- triarches consacraient à Dieu sur le sommet solitaire des montagnes. * Faut-il s’en étonner , lorsque l’on considère que la civilisation des Gaules date des siècles les plus reculés ? Socion, d’après Aristote (1), dit que la philosophie fut plus tôt connue des Gaulois que des autres peu- ples. — Aristole, d’après Diogène de Laerte, assure que les Druides furent les premiers philosophes, et qu’ils ont été les précepteurs des Grecs.— Saint Clément d’Alexandrie (2) prouve, par les anciens auteurs, que les Druides existaient avant Mnésiphile, Solon , Xénophon, Thalès et Pythagore.— Strabon (3) convient aussi que Pythagore tenai des Drui- des les principales opinions philosophiques sur l’immortalité de l’âme et surles révolutions du monde.— César lui-même (4) donne à la philoso- phie des Gaulois une origine fort antérieure à la fondation de Marseille. Si donc on tire de ces autorités les conséquences qui semblent de- voir en découler naturellement, on pourra peut-être en conclure que la civilisation des Goules date des siècles les plus reculés, et qu’elle paraît avoir précédé les temps fabuleux des autres peuples. De la religion pri- mitive des Druides, fondée sur l’unité de Dieu, sur l’immortalité de l’âme, sur des peines et des récompenses futures, et sur l’existence d'êtres in- termédiaires entre Dieu et l’homme, ne pourrait-on pas tirer cette autre conséquence , « que les anciens Gaulois n’étaient point païens, et qu’ils restèrent long-temps attachés à la véritable religion, celle de Joseph et des patriarches? » À vous, Messieurs , de prononcer et de décider si nous avons eu tort de voir dans les monuments des Hébreux les types des monuments attribués aux Celtes. . ‘ $ La question que nous avons soulevée est d’un intérêt majeur au point de vue historique ; mais nous avons de trop justes sujets de craindre que les moyens manquent pour l’éclaircir. Il reste, Messieurs,-une ques- tion capitale dans le sujet spécial qui nous occupe, et que nous avons écartée à dessein, car illui faudrait un livre tout entier. Nous nous sommes élevés contre cette attribution exclusive de cerlains monuments dont on s’obstine à aller chercher l’origine chez les Celles; nous nous {1) Lib.33. — (2) Strom. 1. v. — (3) Lib. 1v. — (4) De bell, gall., L. vr. SEIZIÈME SESSION. 147 sommes attachés à grouper les preuves qui établissent irrécusablement l'origine de l’usage et l'identité des effets de cet usage, que nous avons sous les yeux, avec ceux dont nous avons recueilli les souvenirs et la description dans les Livres Sainls ; nous avons, pour ainsi dire, posé la pierre fondamentale de l’étude de ces monuments. L’usage si naturel des pierres commémoratives s’est établi dans les premiers âges du monde, etil s’est universellement conservé avec plus oumoins de modifications. Que sont en effet, aujourd’hui, la colonne Trajane, la colonne de la place Vendôme? que sont ces bornes monumentales érigées par la société fran- çaise, si ce n’est des peulvens modifiés? Et que sont le Temple de Salo- mon, Saint-Pierre de Rome, Sainte-Sophie de Constantinople, et, par ex- tension , la plus modeste et la plus neuve de nos églises rurales, si ce n’est la répétition, très-modifiée sans doute, du sacellum de Béthel? Re- marquons que ce n’est que depuis trois siècles seulement que, chez nous catholiques , le peulven et le béthel ont été indissolublement réunis, c’est-à-dire l’édicule sacré , et la pierre isolée sanctifiée par la libation d’huile ou le sacrifice : jusque là, l’usage s’était conservé d’avoir en- core des aulels en plein air, tout-à-fait isolés , sur les ponts par exem- ple, au pied des croix et des fanaux des cimetières. L'origine de la pratique est hors de doule : c’est pour nous un fait acquis. Sa diffusion sous des formes plus ou moins modifiées est une conséquence nécessaire, inévitable de l'unité de la race humaine, unité que quelques incrédules systématiques nient encore, et qui a une de ses preuves dans l’unité de l’esprit humain, que personne n’ose nier. Mais pourrons-nous aller plus loin ? Nous avions quelque chose sur quoi nous appuyer, les Livres Saints ; maintenant où trouver des documents conservés, déchiffrables, pour élever le premier étage sur ce rez-de- chaussée que nous avons étab'i? Les monuments sont là, mais sont in- variablement muets. Nous avons indiqué somimnairement comment les monuments identiques des Gaules, de la Grande-Bretagne, de la Scan- dinavie sont expliqués par l'identité d’origine des peuples qui vinrent habiter ces contrées, et qui partaient tous de cet Orient que tout le monde, croyant ou non, est obligé de saluer comme père des peuples, depuis les tempshistoriques du moins ; nous avons fait un pas de plus en émettant l'opinion que les Gaulois, monothéistes et moins matérialisés dans leur culte, pouvaient avoir conservé pour religion une émanation plus pure de la religion primilive , de la loi naturelle , et de là, avons- nous dit, viendrait la ressemblance plus frappante, plus exacte entre nos monuments et-ceux mentionnés par les Livres Saints; maistout ceci n’est pas proprement de l’histoire, et c’est ce travail historique qui reste à faire, c’est ce travail historique pour lequel les malériaux manquent peut-être ; car voici la question telle que, amenée à ce point, elle reste à résoudre : « L'origine unique des peuples étant démontrée, par quelles » phases historiques ont passé ceux qui ont conservé un reflet tellement 148 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. » pur de la religion primitive que leurs monuments sont restés identi- » ques à ceux de cette religion primitive ? » Hic labor, hic opus est. Nous avions cru pouvoir tirer quelque lumière de l'agencement, de la position respective des monuments celtiques, et des différences qu'offrent leurs outils en silex; mais, ici, nouvelles difficultés. Il y a long-temps qu'on a parlé de positions respectives qui paraissent-être calculées ; mais c’est une idée qui se doit présenter pour touslesmonu- ments susceptibles de se correspondre par la vue ; et c’est dans la na- ture des choses, puisque, encore actuellement, nous enchaînons des batteries de manière à ce que leurs feux se croisent, des sentinelles de sorte qu’elles puissent s'entendre, des télégraphes de manière qu'ils puissent transcrire mutuellement leurs gestes. Cette position dépen- dante sera donc trop incontestable pour offrir, de soi, des caractères exceptionnels. On remarque d’assez fréquentes correspondances de ce genre dans les ouvrages en terre, tumulus, redoutes, etc,; mais, comme il y en a qui appartiennent aux Gaulois, d’autres aux Romains, d’autres peut-être à des époques postérieures, il faudrait avoir fait une autopsie concluante de chacun de ces monuments pour les classer sûrement, et raisonner d’après ce classement. On a également remarqué, en général, soit pour les tombelles, soit pour les dolmens, le choix d’une position élevée, visible de loin, et le plus souvent, pour les dolmens surtout, le choix d’une croupe ou promontoire faisant face à un coteau en am- phithéâtre semi-circulaire ; mais il y a aussi des tombelles et des dolmens dans les lieux bas, au bord des eaux, et il faudrait pour ceux-ci une autre interprétation. Quant aux outils en silex, il y a encore plus de difficultés. Ces outils de main étaient en usage chez tous les peuples qui nous sont venus du Nord , et les Celles ne sont qu’un de ces peuples. Dans cette partie du travail auquel nombre de bons esprits se livrent , il y a obscurité com- plèle ; toute la science se réduit encore à faire des classifications. Mais les monuments qu’on nomme vulgairement haches polies ou non polies , coins ou matars, faute de pouvoir nommer catégoriquement ces oulils d’une civilisation inconnue , ne sont pas les seuls que ces vieux peuples nous ont laissés en ce genre. Ce sont les plus apparents; il est vrai, parce que ce sont les plus gros; mais, de ce qu’ils sont à peu près les seuls, avec quelques pointes de flèches, et quelques autres instruments fort rares qu’on voit, en général, dans les collections particulières ou publiques, il ne faudrait pas conclure , comme on le fait, qu’il n’y a que cela à cltercher, que cela à trouver. Lorsque le savant M. de Mourcin parla des centaines, et même des deux ou trois milliers d'instruments de formes diverses , comme il les appelait, trouvés par lui dans le Périgord, on l’accueillit avec le sou- riré de lincrédulité ; mais lorsque:des hommes non prévenus Ont con“ sidéré ces instruments taillés, et que leurs yeux, rompus à reconnaitre SEIZIÈME SESSION. 449 toutes les formes possibles de la cassure naturelle des divers silex , ont vu des formes naturellement impossibles, il a bien fallu se rendre à l'évidence. Nous avons vu dans le-Périgord des champs où la fabri- cation de ces outils s’opérait avec une forme spéciale, avec des maté- riaux d’üne couleur particulière. On peut y ramasser par centaines des débris ou des instruments entiers ; les instruments mal faits, les rebuts, s’y trouvent par milliers. On nous a fait distinguer les noyeaux, des masses d’où la percussion les détachait, masses analogues à celles figu- rées dans les mémoires de la Société des antiquaires de Copenhague, que nous avions sous les yeux pour les comparer. Il y a donc des formes . trés-diverses, des matériaux très-divers employés dans ces fabrications, et le champ d’études est d’une immensité effrayante pour qui voudra en embrasser l’ensemble. On ne peut le faire säns embrasser en même temps les armes de cer- tains sauvages actuels de l'Amérique et de l'Océanie. On remarque en- tre ces armes et les instruments des Celtes une analogie frappante. El en est qu’on ne peut distinguer des antiques que par la matière ou par la figure humaine grossièrement gravée sur une des faces ; d’autres ne présentent, comparées à l'antique, que de simples et légères modi- fications de formes. Or, il y a dans l’antiquité de semblables modifica- tions de formes, et de là nait l'intéressante étude des écoles locales ; si je puis m’exprimer ainsi. L'école poitevine diffère essentiellement de l'école périgourdine par plusieurs points. Les couteaux ou poignards poitevins sont minces et longs ; ceux du Périgord sont courts et épais ; même différence se remarque dans leur matière. Dans le Poitou, c’est un silex marin ; dans le Périgord, c’est toujours un silex d’eau douce. Les haches non polies n'existent pas, ou ne sont pas connues dans le Poitou ; elles-abondent dans le Périgord, et il ne paraît pas qu’on en ait trouvé ailleurs de parfaitement semblables. Les haches polies de l’école poitevine n’ont jamais de méplat à la tranche, ceux de l’école périgourdine en ont toujours ; et cette forme si caractéristique de l’école périgourdine se retrouve en Scandinavie, ainsi que nous avons pu nous en convaincre par la lecture des mémoires de la Société des anti- quaires de Copenhague ! Quel abîime d’études et de difficultés ! Et puis, est-il bien prouvé que ces instruments en silex soient, com- me on va le répétant sans cesse, « les premiers moyens d’agression d’un » peuple encore dans l’enfance de l’art ? » Est-il bien sûr que ce soient là des armes? Il ne peut y avoir de doute pour les pointes de flèches ou de javelots; mais rien ne parait avoir été décidé sur la destination de ce qu'on est convenu d’appeler haches, poignards du couteaux. Il est de ces hâches de très-petites dimensions dont l'effet eût été pres- que nul pour la défense. D'un autre côté, convient-il de conclure, com- me on le fait, que les Celtes n’avaient pas d’armes de métal, parce qu’ils en avaient en pierres? Les Juifs, dès les lemps les plus reculés, avaient 450 CONGRÉS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. des armes de fer et d’airain, et ils se servaient de couteaux de pierres pour la circoncision. Les Celtes ont pu également fabriquer des armes de métal et se servir en même temps d'outils en pierres ; et il n’est pas rare de trouver réunis dans la même sépulture la hache de’ silex et les armes de bronze. Tous conviennent que de très-bonne heure les Gaulois découvrirent et exploitèrent des mines sur leur territoire ; les rapports commerciaux qu'ils entretinrent avec les Phéniciens leur avaient appris à en tirer parti ; leurs grandes fabriques de fer, appe- lées Ferrariæ par César, devaient trouver l’emploi de leurs produits. Il faudrait donc s’entendre d’abord sur la destination de ces divers instruments, pour conclure ensuite et raisonner sûrement d’après cette connaissance. Or, on est loin d’être rendu à ce point. Ainsi donc, ici encore, obscurité profonde. Loin de trouver quelque lumière dans la position respective des monuments celtiques, et dans l’étude des divers instruments en silex que nous ont laissés les Celtes, nous ne voyons que ténèbres désespérantes. Les hommes sages et instruits que nous avons consultés dans le Périgord, où nous savions des lieux de fabrication de ces instruments, n’osent arriver à une solution raisonnable. Il faudrait trop de désintéressement personnel , trop d’abnégation de ses propres idées, trop-de dévoüment à la science pour suivre cette étude d’une ma- nière convenable. Pour notre propre compte, nous avouerons sans honte notre insuffisance en présence d’un tel abime d’étudeset de diffi- cultés. La vingt-deuxième question du programme est à l’ordre du jour : « Quelles ont été les différentes phases de l’ar-- » chitecture militaire en Bretagne? A quels siècles se rap- » portent les principaux ouvrages élevés pour la défense des » châteaux et des villes? » M. de Soultrait dit quelques mots des châteaux-forts construits aux xrr°, xIne et xive siècles dans le centre de la France, et partitulièrement en Nivernais ; il demande si les mêmes caractères se retrouvent en Bretagne et dans d’autres provinces. M. de Caumont voudrait savoir si les donjons carrés sont plus anciens en Bretagne que les donjons cylindri- ques ; il pose en principe que la première forme a été em- ployée plus tard dans les pays qui ont conservé plus long- temps les formes et l’ornementation romane. : M. Bizeul n'a pas étudié beaucoup de châteaux du SEIZIÈME SESSION. 451 moyen-âge en Bretagne. Toutefois, il croit que les donjons carrés sont rares dans cette province. M. de Wismes ne connaît de constructions militaires un peu importantes du même genre, dans le département de la Loire-Inférieure, que la ruine de Clisson; en revanche, ce département offre un grand nombre de beaux châteaux du xv® siècle. M. de Soultrait demande si l’on trouve en Bretagne des châteaux-forts construits aux xvi° et xvn° siècles, à l’imi- tation des anciennes forteresses féodales. Il cite deux pas- tiches de ce genre qu’il a observées en Nivernais. A propos des murailles de Guérande (Loire-Inférieure), on parle des signes lapidaires, et une discussion s’élève à ce sujet entre MM. de Caumont, de Soultrait et de Wismes. Ce dernier résume son opinion en disant : La grande porte de Guérande est couverte en entier, tant à l’extérieur qu’à l'intérieur, de signes lapidaires taillés en creux. La tour d’Elven (Morbihan) est également couverte de signes, mais ces signes ne sont pas les mêmes qu’à Guérande. — On a voulu voir dans ces diverses marques des lignes de repaire pour l’appareil de construction. C’est une opinion peu ad- missible. L'appareil de construction est le même à Gué- rande , tant pour les quatre portes que pour les murs et les tours qui environnent et fortifient cette ville. Or, la grande porte est seule couverte de ces signes, placés, d’ailleurs, dans un grand désordre, et sans qu’il soit possible d’y trouver une pensée suivie. — Il reste à savoir si cette sorte d’ornemeniation, de fort mauvais goût, eut pour but d’ho- . norer l’œuvre ou l’ouvrier. Voulait-on ainsi décorer l’entrée principale de la ville? Voulait-on, à la suite d’un travail ‘tel que celui des murailles de Guérande , récompenser les principaux tailleurs de pierre en les laissant inscrire sur la façade, d’une manière ineffaçable, si ce n’est leur nom, du moins le signe distinctif adopté par chacun d’eux? Je ne saurais le dire, et je suis seulement porté à croire que les deux motifs concouraient à la fois à faire graver ces 152 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. signes, dont le nombre, à Guérande, s’élève au moins à deux mille, bien qu’ils offrent à peine une trentaine de va- riantes. M. le Président pose la quatrième question, ainsi conçue : « Quela été en France le rôle du Tiers-Etat dans les guerres » civiles et religieuses du xvi° siècle? » M. de Wismes exprime le désir que celte question très- importante, et qui parait avoir été peu étudiée, soit ren- voyée à un autre Congrès. Quelques membres disent qu’ils n’ont pas recueillis as- sez de faits pour traiter convenablement la question. M. Lambron de Lignim dit qu’il possède beaucoup de documents pour la province de Touraine, bien que les re- gistres de l’hôtel-de-ville de Tours, année 4572 , aient été perdus. Mais, comme l’heure est avancée, il se borne à expliquer la part assez grande que prit la magistrature de Touraine aux guerres de religion, pour la religion réfor- mée, et le revirement qui eut lieu dans l’esprit du peuple en faveur des catholiques hanté. ces derniers furent les moins forts. Après cette explication, M. le Président, qui se trouve dans la nécessité de quitter Rennes sans retard, prononce les paroles suivantes : | MESSIEURS, Avant de lever la séance et de cesser les fonctions que voire bienveillance nous avait imposées, qu’il nous soit permis de vous exprimer notre gratitude insigne pour le sympathique concours dont les membres du bureau et de l'assemblée nous ont sans cesse honoré. Votre indulgence, Messieurs, a soutenu notre faiblesse. Veuillez en agréer tous nos remerciments. Grâce au zèle toujours soutenu dont Messieurs les Se- crétaires de la section nous ont donné tant de preuves, le compte-rendu des actes du Congrès de Rennes conservera le souvenir de nos intéressantes discussions ; les mémoires SEIZIÈME SESSION. 153 savamment traités, les communications pleines d'intérêt qui nous ont été faites, augmenieront, nous en sommes persuadés , les regrets de nos collègues qui, par l’effet de diverses circonstances, ont été privés de prendre une part plus active à nos scientifiques travaux. MESSIEURS ET DIGNES COLLÈGUES, Puisseni les vœux ardents que nous formons pour la prospérité de l’utile institution des Congrès être exaucés , car l’espérance de revoir dans ces réunions fraternelles de _si hautes et de si nobles intelligences peut seule adoucir, en ce moment, tuute l’amertume qu'éprouve notre cœur en vous adressant ces adieux. De nombreux applaudissements répondent à ces paroles. Le Secrétaire annonce que, à son grand regret, il est aussi obligé de quitter Rennes le lendemain matn. La séance est levée à une heure et demie. ADDITIONS. Extraits du {ravail adressé au Congrès par M. Toussaint Gautier. ÉTUDES SUR L'HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE ET CIVILE DE L'ANCIEN DIOCÈSE DE DOL. La plupart des historiens regardent Childebert , roi de France , comme le fondateur de l’évêché de Dol. L'abbé Déric, cependant , indique comme T. H, 20 154 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. fondateur de cet évêché, Conan Mériadec, duc de Bretagne, el lui donne pour premier Le saint Sénior ou Sénieur, qui, prélend- il, + #i au temps de saint Paterne , évêque de Vannes. « Saint Sénior; premier évêque de Dol et ami de saint Paterne de Van- nes, confirma dans leur croyance les insulaires bretons qui étaient pas- sés dans nos contrées, et gagna à la connaissance du vrai,Dieu.les.in- digènes du pays, encore paiens. Il ordonna prêtre saint Patrice, qui, plus lard, devint lapôtre de l'Irlande. Son successeur fut saint Libéral , qui assisla au concile tenu à Vannes, en 465, pour la consécralion de l’évèque. Saint Samson I‘ lui succéda. Beaucoup d’écrivains bretons assurent l'existence de deux Samson (1). Nous suivrons leur sentiment, comme celuitqui est soutenu par le plus grand nombre d’écrivains qui onttrailé ce sujet. Saint Samson I‘ naquit, en 460, dans la Grande-Bretagne. Confié, dès ses tendres années, aux soins du saint homme Dubrice ,.il fit de rapides progrès dans la piélé et aussi dans les sciences. La pureté de $es mœurs el les autres grandes qualités dont il était rempli l’élevè- rent de bonne heure à l’archevêché d’Yorck, pour lequelil fut présenté par-son ancien maitre Dübrice, en 490. Les peuples commis à sa vigilance et à sa garde eurent sous les yeux les exemples les plus propres à les édifier et à les instruire. Mais la persécution qui lui fut suscitée de la part des Saxons l’obligea à prendre la fuite et à venir rejoindre ses com- patrio‘es. Le siége de Dol était alors vacant. Samson y fut promu unani- mement par l’élection qu’en firent les habitants du pays. Tant qu'il gou- verna ce diocèse , il usa du pallium, el se conduisit comme le mélropo- litain de toute la Bretagne. Il mourut l’an 546. (Nous franchirons ici quelques siècles, et-nous passerons à celui des -successeurs de Samson qui vit commencer, dit l’auteur, la dispute au sujet de la métropole. ) Festinien fut élu en 851. Cette année, il sacra le roi Nominoë dans la cathédrale de Dol, en présence de tous les évêques que ce nouveau roi venait de nommer et d’un grand concours de peuple. Le successeur de Nominoë, Salomon , auprès duquel Festinien était en grande faveur, écrivit au pape Nicolas I‘, pour le prier d'accorder le pallium à l’évêque (1) Jacques Gallet, auteur des notes-sur l’histoire de Bretagne, à consacré une lon- gue dissertation à la prouver. MM. Déric, John Lingard, l'ont suivi, et le premier a fait prévaloir ce sentiment dans le propre de Dol.de 1769. M. Tresvaux , AU CON- traire, s'emploie de toutes ses forces à détrüire ce système, et prétend qu'il ny a jamais eu qu'un saint Samson. Le lecteur, désireux de juger par lui-même cette question épi- neuse, pourra lire avec plaisir et en même temps avec fruit le mémoire de Gallet, ’histoire de l'abbé Déric, ct les remarques de M. Tresyaux, dans les, Vies des, Saints Bretagne. seio! SEIZIÈME SESSION. 155 de Dol. Wenbrit, épouse de Salomon, joignit ses prières à celles de son mari; et Festinien, qui écrivit en même temps au pape, lui représenta que ses prédécesseurs avaient joui de cet honneur. Comme, dans sa ré- poñse à Salomon et à la reine Wenbrit, le pape disait qu'avant qu'il püt accorder à Feslinien ce qu'il demandait , il fallait qu'il envoyât sa profession de foi, Salomon s’imagina que la seule difficulté qui arrétait le pape c'était que l'évêque de Dol avait oublié d'envoyer sa profession de foi , il pressa Feslinien de satisfaire le pape sur cet article, et Fesli- nien pensa que rien ne s’opposerait plus à ce que le pape lui accor- dät le pallium; mais le pape, comprenant que Salomon prenait le change, lui expliqua l'affaire avec plus d'étendue, et lui écrivit que, d’après ses recherches, Dol devait être suffragant de Tours. D'ailleurs Nicolas avait précédemment adressé une leltre à l’évêque Festinien, et il Jui mandait que tous les hvres et mémoires qu'il avait consultés lui avaient appris que Tours devait êlre la métropole “le Dol. Ainsi com- menca ce conflit, qui ne devait se lerminer qu'après {rois cents ans de querelles. Néanmoins ce pallium, que le pape n'avait pas cru pouvoir accorder à Festinien, ce dernier l’oblint du pape Adrien I, après la mort de Salomon. ! (En traçant la biographie des évêques de Bol, l'auteur trouve sur son chemin des faits historiques importants, qu'il notetrop rapidement peut- être; ainsi, à propos de la translation du corps de saint Samson à Or- léans, ildit:) Depuis 874 jusqu’à 951, les Normands profitérent dé la division qui agitait les princes bretons, et firent de fréquentes incursions dans le pays de Dol. Tant que le duc Rollon vécut, les Bretons n’osérent les re- pousser ; mais, Son successeur n'imprimant plus la même terreur, deux comtes réunis les altaquèrent et les chassèrent de Bretagne. Le duc nor- mand se vengea el défit les comtes bretons, dont l’un fut obligé de se réfugier en Angleterre. Les pirales normands ne cessèrent de dominer dans le pays de Dol, jusqu’à ce que le comte Alain Barbe-Torte, ayant rassemblé tous les Bretons qui s'étaient relirés en Angleterre, aborda sur les côtes de Dol, vainquit ces brigands et les chassa. C'était en 958. » De nouvelles troupes de Normands parurent sur les côles de la France ; mais, ayant élé repoussés et battus par les Français, ils se je- tèrent sur la Bretagne, et surprirent Dol en 944. La grande église était le lieu le plus fort de la ville : tous les habitants voulurent s’y renfer- mer; mais plusieurs furent étouffés, et entre autres l'évêque Olgan, etc. (Revenons à la question de la métropole.) Dans une autre leltre que le même pape écrivit en 1076 aux évêques de Brelagne, il leur fait part des motifs qui l’ont déterminé à ordonner Even, et leur déclare qu’il lui a accordé l’usage et l'honneur du pallium par amitié pour sa personne. Toutes ces marques de protection et de fa- veur auraient dû engager son turbulent prédécesseur (Juhel) à le laisser 156 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. en repos ; mais cet homme, insoucieux de son salut, et contempteur ef- fronté des règles de l'Eglise, sut gagner la protection de Guillaume, roi d'Angleterre, et demanda au pape que son affaire fût examinée. Cette démarche obligea Even à faire un nouveau voyage à Rome en 1077 pour répondre à sa partie. Hugues, évêque de Die et sous-diacre de l'Eglise romaine, et le moine Leuzion , furent envoyés par le Pape sur les lieux pour examiner les choses avec plus de facilité, et rendre justice aux deux contendants. Le roi d'Angleterre reçut aussi de sa part une lettre . qui le détournait de prêter main-forte à un scélérat qui, dit le Pontife, _ ferait beaucoup mieux de pleurer sur les.désordres qu'il a commis dans son diocèse que de chercher à en recouvrer le gouvernement. Depuis cette époque, l’histoire ne fait plus mention de Juhel. Tout en semblant donner un appui à cet ancien archevêque de Dol, Guillaume-le-Conquérant n’en fournissail pas moins des troupes au duc de Bretagne pour assiéger les habitants de cette ville. En effet, quel- ques seigneurs bretons ayant formé une ligue contre leur duc (Hoël V), celui-ci, fortifié par les secours que lui envoya le roi d'Angleterre, vint assiéger Dol en 1079. Le siége en était au quarantième jour lorsque Phi- lippe [”, roi de France, appelé par les assiégés , marcha contre les ducs de Bretagne et de Normandie, et les forca à le lever. . s Even, à peine débarrassé de son premier adversaire, en trouva un second, mais beaucoup plus redoutable, savoir l’archevêque de Tours. Après de longues procédures , les deux prélats se rendirent à Rome pour défendre leurs droits. Tout considéré, le pape soumit les Bretons à la métropole de Tours , et accorda néanmoins l’usage du pallium à l'é- vêque de Dol. Un nouveau Concile tenu à Soissons ne fit que confirmer ce qui déjà avait élé fait, et les pères du Concile ordonnèrent que tous les évèques de Bretagne reconnaitraient l'archevêque de Tours pour leur métropolitain. Even, fatigué de toutes ces tracasseries, mourut quelques mois après ce jugement, le 17 novembre 1081; son corps fut inhumé à Saint-Melaine de Rennes, dont il s'était réservé le gouver- nement, en montant sur le siége de Dol. L’évêque Jean , que D. Morice fait succéder à Even , ne se trouve point dans le calalogue d’Ogée, ni dans celui d’Albert-le-Grand. Il place son sacre en 1082, Avant d’êlre élu évêque, il avait été engagé dans les liens du mariage , et peut-être l’était-il encore, car Rivallon, seigneur de Dol, est nommé fils.de Jean l’archevêque dans une charte de Marmouliers , datée de 1095. 4 Rolland I, religieux du Mont-Saint-Michel, gouverna ensuite l'Eglise de Dol. L'année de sa nomination (1093), il fit un voyage à Rome, et obtint la permission de porter le pallium; mais, à cette nouvelle, l'arche- vêque de Tours se rendit vite à Rome, et plaida si bien sa cause que le pape jugea en sa faveur, et revint sur le titre d’archevêque qu'il avait donné à Rolland. Cependant, comme il était en possession du pallium, SEIZIÈME SESSION. 157 le pape lui permit d’en user le reste de ses jours. Après avoir assisté au Concile de Saintes en 1096, et à celui de Bordeaux en 1098, il mourut lan 1107. Après sa mort, le chapitre élut en 1108 Jean de Dol, Il° du nom et frère de saint Gilduin. H fit le voyage de Rome pour demander le pal- lium au pape ; mais.il mourut avant que d’être sacré. L'affaire de la métropole fut de nouveau agitée sous son successeur Baldric, et le pape Innocent II donna ordre à Geoffroi, évêque de Char tres, de la terminer. L’évêque de Dol , après plusieurs voyages inutiles à Saumur, à Vannes, au Mans, à Poitiers et à Paris pour ce sujet, pria le pape de la terminer par lui-même, et, pour le satisfaire , le pape fit mander l’archevêque de Tours ; mais Innocent IT mourut sans avoir pu terminer cette querelle, non plus que son successeur Célestin IT. Enfin le pape Luce IE fit venir les deux prélats à Rome, écouta leurs raisons, . confirma la sentence portée par le pape Urbain II, son prédécesseur, par laquelle les évêques de Bretagne. étaient soumis à l’archevêque de Tours. Pour marque du pouvoir qu'il donnait à ce dernier sur toutes les églises de Bretagne , il lui remit un bâton (1) qui se coaservait encore à la fin du XVII siècle. - Le pape donna avis de tout ce qu'il venait de faire à Geoffroi Botherel, comte de Lamballe, et à Henri, son frère, comte de Tréguier et de Saint- Brieuc. Il les priait de ne pas trouver mauvais qu'il eût rendu justice à qui de droit, et de permettre que les évêques de Dol, de Tréguier et de Saint-Brieuc reconnussent l'archevêque de Tours pour leur métropoli- tain. Des lettres furent aussi envoyées aux deux évêques de Tréguier et de Saint-Brieuc pour leur faire connaître le jugement qui avait été rendu en faveur de l'Eglise de Tours, et les absoudre du serment de fidélité qu’ils avaient fait à l’archevèque ancien de Dol. Celui-ci conserva encore, par permission du pape , l’usage du pallium pour le reste de sa vie. Mais comme Geoffroi-le-Roux désirait parvenir à l’archevèché de Capoue, on le soupconna d’avoir trahi les droits de l'Eglise de Dol , et plusieurs cru- rent qu'il y avait eu de la connivence entre lui el l'archevêque de Tours. Les établissements que tous les clercs de sa suite prirent dans la Pouille ne firent que confirmer ces soupçons. Geoffroi revint en Bretagne et ap- prouva, en 1157, la fondation de la Vieuxville. 11 ne paraît avoir quitté sa patrie qu’en 1146... Après lui, Olivier fut élu pour remplir sa place. Nonobstant la sentence DL AE LR DE ARR M A de. LU) ON RINNNNS (1) Sur ce bâton on lisait ces mots : « Annô Ine. Dmce M. C. XL. IV., Lucius Pap. II investivit Rome judicio aplec sedis. > Cubaculo isto ligneo + Turonse, Echa , de subjeccione. Dolesis sotre et Tregoren- » sis /. et Briocensis, p, manum Dni Hugonis Turonensis archiepiscopi. » 158 CONGRÈS SGIENTITIQUE DE: FRANCE. du pape Luce-H}ilconserva ses suffragants; qui lui prétèrent serment, avant mêméqiibfütsacré. Celte conduite obligea le papéÆugène IH à charger saint Bernard du soin de terminer ce différend. En conséquence; labbé-de!Clairvaux dressa, avéc Nivard, son frère, les conditions d’un accord qui, croit-on, élait favorable à l'Eglise de Dol, mais dont on ignore le délail, Olivier mourut vers 1154. Les menées de l'archevêque de Tours ayant té inutile l'élection faite par le chapitre de Guillaume , religiéux de l’ordre de Citeaux , les chanoines élurent-pour leur archevêque, en 1154, Hugues-le-Roux ou Rubens , prieur de Sainte-Croix de Nantes. Comme il était peu versé dans les belles-lettres , il n’osa se présenter devant le pape (1). Mais ayant pris avec lui Robert ; chantre de son église, Guillaume de Dinan ,.Geof- froi, Guy de Melesse et Olivier, quatre de.ses chanoines, il alla à Angers trouver Engelbaud , archevêque Fe Tours , dans le dessein de s’accom- moder avec lui. Le chantre et un des Dés s’opposèrent à l’accommodément, qui fut conclu. Les trois autres chanoines, gagnés par les bénéfices qu'on leur donna, suivirent Hugues à Tours, et s’engagèrent par/serment à observer tout ce que contenait l’écrit qu’on leur avait présenté à signer. En conséquence , Hugues fut sacré par l'archevêque de Tours-et lui fit sa profession. Les lettres dressées dans celte occasion furent déclarées nulles et abusives , attendu qu'on y avait mis le doyen à la tête des cha noines, honneur dù au seul chantre , qui était le premier dignitaire du chapitre dé Dol: Hugues voulut ensuite rentrer dans son église; mais les chanoines lui firent dire qu’il n’eût point à se présenter devant eux, et ilse vit forcé de se retirer au Mont-Saint-Michel. Après avoir demeuré quelque Lemps en cet'endroit, il fit prier les chanoines de l’aller trouver, et leur dit qu'il reconnaissait avoir fait une faute en se soumettant a l'archevêque de Tours, et qu’il voulait aller trouver le pape pour lui en demander l’absolution. Rendu à Rome, il exposa ses raisons au pape Adrien IV, qui l’absout de l'obéissance qu'il avait promise à l’archevêque de Tours. Content de cetie démarche de son prélat,; le clergé de Dol de- manda au pape le ballium pour son archevêque, en vertu , tant deac- cord qu'ils avaient fait avec Engelbaud, que de la coutume de toute an- {1) Nous ne savons où D. Morice et son continuateur, M. Tresvaux, onf trouvé ce fait; il est évidemment opposé aux dépositions des témoins dans le procès de la métro- pole , qui ont été conservées par D. Martène. On lit dans la déposition de Guillaume, prêtre-chanoine de Dol, ct doyen de quelques églises du diocèse, qu'après avoir prêté le serment, il dit : « qu’il a appris que Hugues Rubens, chanoïne de l'église de Dol, fut élu archevêque de celte église; qu'après son élection, il alla trouver le pape Adrien, qui confirma son élection; que, lorsqu'il fut arrivé, il dit à ses chanoines qu'ils n'avaient qu'à se préparer à aller à Tours pour consommer son sacre, ete, » SEIZIÈME SESSION. 159 tiquité ; mais les députés de l’église de Tours demandèrent aussi au pape qu’il confirmât un traité fait entre les deux églises par l'abbé Des Fontaines , et dans lequel, disaient-ils, celle de Dol avait renoncé à ses Suffragants. Le pape Adrien annula et cassa entièrement cet accord, permit à Hugues l’usage du pallium et ordonna à Engelbaud , ou de con- venir avec Hugues du nombre de leurs suffragants, ou de se trouver à Rome pour la fête de Saint-Michel, mais que cependant il se donnät bien garde d'excommunier personne. Engelbaud ne se soumit probablement point à ces injonctions du pape, car on voit dans la bulle d’Innocent Il qu'après son retour de Rome, Hugues se soumit à l'archevêque de Tours , et qu’il assista à ses conciles, mais qu’enfin ayant manqué à son serment, Joscius, successeur d'Engelbaud, l’excommunia ; qu'étant de- venu aveugle , il se repentit, s’avoua coupable et recut l’absolution de ce même Joscius, à qui il donna Son anneau. Hugues se démit de sen évêéché en 1160 et fit celte démission au Mans, en présence d'Henri HI, roi d’Angleterre , et de deux légats de l'Eglise romaine , Henri de Pise et Guillaume de Pavie. -Jean dela Mouche, chanoine de Dol, nommé dans des actes de 1190- 1197, alla à Rome pour recevoir la consécration des mains du pape Innocent III ; mais ce pontife profita de l’occasion pour mettre fin au procès de la métropole, qui durait depuis plus de trois cents ans. Arrivé à Rome, Jean de la Mouche demande la consécration au pape. É Barthelémy, archevêque de Tours , s’y oppose et poursuit l'affaire dela métropole avec vigueur. Innocent HT évoque alors les contendants à son tribunal. Vingt-sept témoins déposent pour l'église de Tours contre celle de Dol (1), et quinze en faveur de celle-ci contre l’église de Tours. De plus, l’église de Dol présenta une requête au pape, qui'en reçut aussi une de celle de Tours, dans laquelle elle prétendait répondre aux objections de sa rivale. Après tous ces débats, le pape proposa à d'ar- chevêque de Dol deux suffragants seulement , à condition qu'il reconnai- (1) Les témoins dont les dépositions favorisèrent l’église de Tours furent : Brice, abbé de Saint-Georges; Geoffroy, archidiacre de Tours; Huguës, doyen de Tours; Gar- nier, prêtre el grand-chanoïine ; Yves , archiprêtre; Amaury, chanoine: Geoflroi, rcli- gieux de Vendème; Robert, prieur de Saint-Aubin, Gauthier, prieur de Saint-Venance ; Gedlroi, prêtre de Dinan ; Payen, prêtre; David, cuisinier de Parchevèque ; Clarembaud; prêtre ; Salomon, prêtre; Hugues, prêtre; Bonhomme, moine;-Guillaume, prêtre; Ro- bert, prêtre; Barbotin, prêtre; Robert Mauvoisin; Hardouin , moine de Preuilly ; Re- naud, prêtre; Guillaume, évêque du Mans; Guillaume , doyen d'Aubigné ; Jean de Saint-Leuduger, prêtre, et Cotaud , laïc. Les témoins pour Dol furent: Guillaume, chanoine; Hauband de l'Ile, moine; Raoul, religieux de la Vieuville, Guillaume de Dinan, chanoine; Dodoin, chapelain de Dol; Geoffroi Hoël, Robert , fils de Landry, Mège d’Ilifas,: Geoffroi Pica, Hervé de Mi- miac, Pierre de Bourgneuf, Guillaume Poterate, : D.‘Morice. ) 160 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. trait l'archevêque de Tours pour son primat. Malheureusement Jean de la Mouche, trop difficile à contenter, en voulut davantage, ou du moins avoir les deux à son choix, au lieu de s’en rapporter à celui du pape ; et ainsi, nous dit dom Lobineau , il perdit tout, pour avoir plus donné . au caprice qu’à la raison. Après avoir refusé les propositions fsb du pape , Jean de la Mouche, se défiant avec raison du succès de son affaire , voulut se dé- meltre de son élection entre les mains du pape; mais celui-ci, connais- sant son dessein , lui répondit : « Vous êtes époux , et votre épouse exige que vous lui soyiez fidèle. Vous ne pouvez vous démettre sans notre * permission, et, dès là que nous nous y opposons, vous ne le pouvez. » Le pape examina encore l’affaire en particulier, et voyant le droit et la possession incontestablement prouvés pour l’église de Tours, il or- donna, par une sentence définitive , l’église de Dol suffragante de celle de Tours. < : La sentence est du 1‘* juin 1199. Le pape en écrivit à l’archevêque de Tours, au roi de France, à la duchesse Constance, à son fils Arthur, au clergé et au peuple de Dol, au chapitre de la même église et à l’ar- chevêque de Rouen. Le 16 octobre 1201, Robert de Vitré, chantre de l’église de Paris, et Robert d’Apigné, envoyés par le duc, Se rendirent à Tours, et, en présence de cinq évêques de la province, assurérent à l’archevéque Barthelémy que le duc de Bretagne acquiesçait à la sen- tence du pape. Ainsi se {ermina cette longue querelle que tant de siècles avaient vu .se prolonger, et dans laquelle l'église de Dol succomba; église, dit un auteur, dont les droits furent peut-être trop légèrement examinés. L’infortuné Jean de la Mouche ne survécut pas long-temps au malheur de son église. Il mourut quelques mois après, et ne parait pas avoir été jamais sacré. (Si Dol a perdu sa métropole, il a conservé sa belle cathédrale , le monument le plus pur de l'architecture ogivale en Bretagne. L'auteur ne pouvait se dispenser d’en parler.) , C’est, dit-il, sous l’épiscopat de Jean de Lizannet que, suivant quel- ques écrivains, furent jetés les fondements de notreancienne cathédrale. Le farouche Jean-sans-Terre avait ravagé la Bretagne, à la fin du xu' siè- cle , et s’élait emparé de Dol en 1203. Les rouliers qu’il menait après lui avaient mis la cathédrale de Dol daus un état tel qu’il avait fallu songer a la rebâtir. M. Manet rapporte à l’année 1204 la construction de ce mo- nument magnifique , faute de titre, dit-il, que nous avons inutilement cherché partout. MM. de Caumont et Mérimée y ont reconnu le caractère architectonique du xm° siècle, et il n’est personne, dit M. l’abbé Brune, qui ne se range volontiers à leur avis, pourvu qu'il ait eu occasion de comparer cet élégant édifice avec les constructions élevées à cette même èpoque en Normandie et dans l’Ouest de la France. SEIZIÈME SESSION. 161 Après tout, cependant, toutes ces époques ne sont fixées que par ap- proximation. Point de litres certains qui nous disent que tel jour, telle an- née fut placée la première pierre de cet édifice sacré. Il est cependant hors de doute que le chapitre de Dol, si soigneux de marquer sur son livre rouge lous les événements remarquables de la province, ne manqua pas de consiener les détails relatifs à cette grande entreprise. Toutes les ar- chives du chapitre et de la cathédrale furent, il est vrai, ou détruites ou transférées à Paris en 1487, par Gilbert de Bourbon, comte de Montpen- sier ; mais le même chapitre recueillit après le désastre tout ce qu'il put retrouver de ses litres, et les fit copier sur son registre Alanus (1). D'ail- leurs , l'abbé Déric dit qu'il avait consulté un livre rouge qui existait en- core de son temps (1776) aux archives de Ja cathédrale de Dol. Peut- être , si D. Morice eût examiné plus attentivement les litres du chapitre de notre ville , il nous eût fait connaître l’époque précisé de la fondation de l'église cathédrale de Dol. Les diverses histoires de Brelagne n'ayant rien conservé quieût un rapport direct à l’époque précise de la fondation de la cathédrale de .-Dol, les écrivains qui s’en sont occupés s'élayent assez généralement, pour fixer sa construction au XIIT° siècle, sur une pièce publiée par D. Morice, qui l’avait tirée du registre Alanus. C'est une leltre (2) de Thibaud d'Amiens, archevêque de Rouen, dans laquelle il annonce au chapitre de Dol qu’il lui renvoie des reliques de ses premiers évé- ques, qui avaient élé enlevées pendant le sac et l'incendie de l’église; ce qui suppose que l'ancienne cathédrale fut complètement detruite à celle époque , et que, dès les premièrès années du XII siècle, on s’oc- (1) Gros registre.en vélin dit Alanus, du premier mot par où il commence. (T. de la Vieux-Ville)- (2) Omnibus Christi fidelibus præsentes litteras inspecturis Th. D. G. Rhothomager- sis Archiepiscopus salutem in Domino. Ad universitatis vestræ notitiam pervenire volu- mus quod, eùm nos tempore felicis recordationis Walterii nostri predecessoris in eccle- sià nostri Rhothomagensi, officio pœnitentiarii fungeremur, dilectus et familiaris noster bonæ memoriæ nobilis vir Philippus de Columbiis nobis humiliter est confessus quod ipse habebat quasdam rehquias Dolensis Ecclesiæ, quas ipse tempore guerræ inter, piæ quan- düm memoriæ, Johannem regem Angliæ et Britones habitæ, de manibus Ruptariorum subripuerat, violenter qui eas in subversione et combustione Dolensis Ecclesiæ cum vio- lentià, asportaverant ab eîdem, videlicet de ossibus ac corpore B: Samsonis, de pallio ejusdem , et de ossibus B. Maglorii et quasdam alias reliquias quas prædictus Philippus de consilio nostro in manibus prædicti archiepiscopiresignavit, qui eas sub signo et si- gillo prædicti Philippi per manum meam in thesauro Rhothom. Fideli custodià deputavit. Postea verû à venerabili fratre Johanne episcopo et capitulo Dolensi humiliter requisiti ut sibi et ecclesiæ suæ præfatas reliquias redderemus, eas ipsi ad voluntatem suam red- didimus fideliter et benignè. In cujus rei testimonium , sisillum nostrum præsentibus lit- teris duximus apponendum. Datum anno gratiæ M. CC: XXII, mense jaunarii. AMIE 21 162 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. cupa de la rebâtir, puisque l’évêque et son chapitre demandent les re- liques qu’ils désirent apparemment y placer. Assez d'autres ont entrepris d'en faire la description; nous nous contenterons d’ajouter à ce qu’ils ont dit quelques détails peu connus. Au petit portail de la cathédrale ( côté sud ) se rattache une tradition qui n’est appuyée sur aucune certitude, mais que cependant nous rap: porterons ici. Suivant un des statuts du chapitre de Dol, dit-on, si un évêque mou- rait dans l'exercice de ses fonctions , son successeur devait être le plus ancien des enfants de chœur. Ce cas s'étant rencontré, le plus ancien choriste, qui avait connaissance du statut, en réclama l’exécution. Force fut aux chanoines d’y consentir ; mais, pour lui faire connaître qu'ils ne l'avaient recu qu'involontairement pour leur évêque , ils lui intimèrent l’ordre de ne point entrer par la porte principale de leur église. En con- séquence , ledit évêque aurait fait faire le porche en question, el ne se- rait entré que par celle porte dans son église pendant loute la durée de son épiscopat. Avant la démolilion de l’ancien palais épiscopal en 1753, une gale- rie couverte conduisait directement du palais à cette entrée de la cathé- drale. A la place du grillage en fer qui sépare aujourd’huile chœur de la nef se trouvait jadis un jubé ou chanceau. En dehors étaient deux pe- tits autels, dont l’un était dédié à saint Nicolas , et l’autre à la Sainte Vierge. Aux quatre coins de ce jubé étaient placées les statues des évan- gélistes accompagnées de leurs emblèmes. Francois de Laval l'avait fait recouvrir, au commencement du XVI* siècle , de boiseries magnifiques. En vertu d’une délibération du général de la paroisse de Dol, du 17 juin 1792, confirmée par un arrêté du département, du 20 juillet suivant, on procéda , le 17 septembre de la même année , à l’adjudication au rabais de la démolition du jubé et de l'établissement d’un grillage en fer pro- venant de l’église conventuelle de la Vieux-Ville.—Après divers débats, la démolition du jubé et l'établissement du grillage en fer resta à la charge de Joseph Erembourg, pour la somme de 200 livres. ’ (Nous ne suivrons pas l’auteur plus loin ; son ouvrage sera imprimé , et Dol aura sa monographie, que méritait son ancienne importance.) Compte-Rendu des Découvertes faites dans la Vilaine DE 1841 A 1847, Par M. TOULMOUCHE, docteur médecin à Rennes. MESSIEURS , Appelé à vous faire connaître les antiquités trouvées dans la Vilaine, SEIZIÈME SESSION. 163 lors des travaux qui ont été exécutés pour sa canalisation dans Ja tra- verse de Rennes, pendant les années 1841—42—43—44—45—46 et47, je le ferai sommairement. Je laisserai à ceux qui me font l'honneur de m’entendre la tâche assez rude d’en apprécier l’origine ; je me bornerai au rôle de simple narrateur : chacun alors pourra discourir à son gré et formuler ses idées à ce sujet. En creusant le lit de la rivière, on commença à rencontrer des mon- naies à 30 mètres à peu près en amont du pont neuf de Berlin. Au-delà, elles devinrent très-rares, puisqu'on en rencontra à peine quelques-unes auprès du vieux pont Saint-Germain, et dans l’espace s'étendant en aval : du premier jusqu’à celui des Murs, quoique comparalivement elles yaient été un peu plus nombreuses, principalement vers l'ancien pont de l'Ile et au dessous du marché de la Poissonnerie, vers lesquels elles avaient probablement été entraînées par le courant, comme l'indiquait leur état fruste et leur diminution progressive, à mesure qu’on se rapprochait de l'hôpital Saint-Yves et qu’on le dépassait. IL fut aussi trouvé un certain nombre d’objets romains, appar tenant presque tous à la Loilelte. Puis, dans des couches supérieures , apparurent quelques pièces de l’époque carlovingienne , de la moitié du 1x", du x°siècle et des sui- vants ; un assez grand nombre de pièces des ducs de Bretagne; plu- sieurs du moyen-âge, accompagnées de beaucoup d’objets divers ; enfin, a mesure qu'on se rapprochait du fond moderne du lit de la Vilaine, des objets el monnaies des xvn° et xvm° siècles. Les monnaies romaines ont compris une assez longue période, puis- qu’on en a noté un grand nombre de consulaires, frappées vers la fin de la République, et surtout sous Jules César, qui, comme chacun le sait, avait obtenu le premier de faire représenter son effigie sur les monnaies, avec le nom d’un décemvir monétaire au revers, et qui, pour se faire pardonner celte innovalion ambitieuse, avait permis en même temps à plusieurs familles patriciennes de faire Se des types rela- tifs aux grandes actions de leurs ancêtres. En outre, on a vu-suivre celles du Haut-Empire, et enfin, celles de plus de la moilié du Bas-Empire, puisque les dernières monnaies trou- vées furent celles de Valentinien IL, qui mouruten 392, ou vers la fin du 1° siècle. Ces pièces comprendraiént donc à peu près tout l'Empire romain. Elles ont donc une bien grande importance, non seulement sous le rapport de la variété de leurs types, de leurs modules, de leurs revers, de leur rareté relative, de leur valeur artistique, etde la matière employée à leur fabrication, mais encore sous le rapport historique. Ces pièces ont été trouvées à une profondeur de 2:mètres 10 centimé. tres au dessous du fond actuel du lit de la rivière, dans un sablé d'une dureté assez prononcée, composé de grains de quartz liés par un ciment argilo-quartzeux plus ou moins coloré par le fer hydraté, dont l'aspect 164 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. rappelait en quelque sorte celui d’un poudingue grossier, et dans une couche supérieure de sable gris bien plus fin, de 45 à 80 centimètres d'épaisseur. 1° Les pièces consulaires ou des familles romaines furent trouvées au nombre de soixante et quelques. Elles étaient toutes en argent, recou- vertes d'une couche noirâtre de sulfure d’argent assez mince, de pelit module, constituant des deniers , des quinaires, des sesterces, et frap- _pées depuis la République. Les plus anciennes étaient celles portant , d’un côlé, la tête ailée de Pallas, et au revers les Dioscures. Celles qui l'étaient le moins offraient le nom de quelques familles devenues illus- tres. Parmi ces pièces, on découvrit quelques as, première monnaie de la République. On les rencontra principalement un peu au dessus du pont de Berlin, et même près des fondations de ses culées ; quelques-unes reposaient sur les feuillets obliques du schiste argileux qui, à cetle époque, bor- nait au nord l’ancien lit de la Vilaine, Les pièces ont élé celles des familles Accoleia, Acilia, Æmilia (je les ai décrites dans l’ouvrage sur l'archéologie de l'époque gallo-romaine de la ville de Rennes, que j'ai publié en 1847), Ancia, Antonia, Calpur- nia, Carisia, Cassia, Ceslia, Claudia, Cœlia, Cloulia, Considia, Goponia, Cordia, Cornelia, PDomilia, Egnalia, Egnatuleia, Fabia, Flominia, Fonleia, Furia, Herenuja, Ilia, Julia, Junia , Licinia, Livineia, Lucilia, Lucrelia, Mamilia, Manlia, Marcia, Memmia, Mescinia, Minicia , Naevia, Nasidia , Nonia , Ossidia, Plancia , Plaetôria , Plautia , Plotia , Porcia , Poslumia, Procilia, Quinclia, Renia , Rubria, Rustia, Scribonia, Sentia, Servilia, Sicinia , Sulpicia, Terentia, Thoria, Tilia, Tiluria, Vibia ; enfin, un certain nombre d’autres classées dans les consulaires, incertaines ou peut-être inédites, au moins pour quelques-unes d’entre elles. 2° Les monnaies du Haul-Empire avaient élé rencontrées dès 1858, en cerlaine quantité, sur la rive. gauche de la Vilaine, lorsqu'on en creusail le lit pour fonder les culées de l'extrémité du pont de Berlin, Mais ce fut surlouken 1841 , et dans les années quisuivirent, qu’on en découvrit par milliers, un peu au dessus du pont et vers la rive droite , dans un espace limilé à une trentaine de mètres tout au plus. _ Cespièces étaienten majeure partie de moyen bronze, en bien moindre de grand module, etenfin, une assez grande quantilé en très-pelit. Beaucoup élaient très-usées et devaient avoir considérablement cir- culé ; mais un très-grand nombre étaient à fleur de coin, et n’avaient même subi aucune allération dans leur éclat métallique et la pureté de leur type. En général, ilne s'était point formé de paline à leur sur- face ; elles étaient seulement enduites de terre, qui s’enlevait par le frottement et le lavage, ou y adhérait fortement dans quelques ças, lorsque de très-petits grains de quartz avaient contracté une adhérence intime par l’intermède d’un sel cuivreux ou ferrugineux; ou bien, elles SEIZIÈME SESSION. 165 avaient acquis une coloration brune, ou enfin elles s'étaient recouvertes d’une sorte de cristallisation brillante qui rappelait celle du fer oligiste. Ces pièces en bronze élaient le plus fréquemment en cuivre rouge, mais parfois jauni, ce qu’on remarquait dans une parlie de celles d’Au- guste, de la colonie de Nismes, d’Antonia, de Néron, de Vespasien , de Tyajan, d’Antonin, de Faustine, de Marc-Aurèle , de Lucille, de Com- mode. On trouva aussi une assez grande quantité de pièces de moyen bronze, d’Augusle et de Tibère, fourrées avec du fer. Ce dernier mélal avait presque complètement disparu , parce qu’il avait formé, par suite de son contact avec le cuivre, une sorte de pile qui avait favorisé la fixa- tion de l’oxigène, ces monnaies ayant élé long-temps sous l’eau. Ces pièces offrirent un trés-grand intérêt, 1° sous le rapport de la va- riélé de contremarques, qu'il fut possible de noter sur un {rès-srand nombre de celles d'Auguste, d’Agrippa , de Tibère, de Claude, de Ger- manicus , de Néron, d’Hadrien ; 2° sous celui du grand nombre d'empe- reurs et d’impératrices dont elles représentaient les effigies, puisque pour les premiers il fut de cinquante-un , et pour les secondes de dix- sept, outre seize à dix-huit monétaires d’Auguste, qu’on put noter; 5° en- fin sous celui de la variété extraordinaire des revers. On rencontra des monnaies en argent de Cnæus Pompée, de Jules César, de Marc-Antoine, d’Auguste. Celles en moyen bronze de ce dernier furent trouvées en quanlité prodigieuse ; les petits modules se montrèrent ensuite, et les grands devinrent rares. Parmi les monétaires, on nota Lurius Agrippa, Caninius, Cassius Celer, C. Asinius Gallus, L. Canihius et Gallus, C. Gal- lius Lupercus, Licinius Nerva, Salvius Otho, CN Piso, Mescinius Rufus, C. Plolius Rufus, L. Surdinus , M. Maecillius Tullus, L. Vicinius. On nota aussi des pièces de Livia, de M. Agrippa, en très-grand nombre et d’une très-belle conservation: de Tibére, presque aussi nombreuses que celles d’Auguste, quelques-unes en grand bronze, la plupart en moyen et d’autres en argent. Viennent ensuite des pièces de Drusus jeune, d’Antonia, de Ger- manicus, d’Agrippine senior, de Néron et Drusus, de Caligula, en moyen brouze , avec trois médaillons de Claude. Parmi les pièces très- nombreuses de Claude, une seule est d’or, peu sont d'argent; celles en grand bronze sont rares; presque toutes sont en moyen ou pelit bronze. Si les pièces de: Néron sont nombreuses, celles. de Galba sont assez rares. Il n’y en a que cinq à six de Vitellius. On a trouvé une mé- daille de Domitilla. Les pièces de Vespasien, très-abondantes, sont d’une admirable conservation ; celles de Titus sont en nombre consi- dérable, et en général à fleur de coin, ainsi que celles de Domilien, qui offrent des revers trés-variés. Parmi ces dernières, on nota plusieurs médaillons. Les monnaies de Nerva sont en assez petit nombre : celles de Trajan, 166 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. d'Hadrien, d’Aelius, d’Antonin-le-Pieux sont moins rares. Les pièces sui- vantes se trouvèrent en nombre plus ou moins grand : Marc-Aurèle, Faustine senior , Faugline jeune, Lucille , Commode , Crispine, Seplime- Sévère, Caracalla, Gallien, Postume (PB), Victorinus senior, Tetricus senior, Claude-le-Gothique (PB), Dioclélien. On recueillit aussi quelques pièces de Lucius Verus , de Clodius Albinus , de Julia Domna, d’Elaga- bale, de Julia Maesa, de Sévère-Alexandre, de Maximin I, de Maxime, de Gordien IL, de Philippe I, de Trajan-Dèce, d'Etruscille, de Cornelia Supera , de Valérien, de Salonine (A), de Tetricus jeune, de Macrien- le-Jeune , de Quintillus , d’Aurélien, de Tacite, de Probus , de Carus, de Carinus, de Dioclètien, de Maximien-Hercule, de Theodora, de Gal.- Maximien, de Maximinus d’Aza, de Maxence, de Licinius senior. On trouva un denier en argent de l’empereur Geta. Les monnaies du Bas-Empire furent bien moins nombreuses , puis- qu’elles ne comprirent que les règnes de dix-neuf empereurs, et encore avec de nombreuses interruptions , depuis Constantin-le-Grand jusqu’à Valentinien II. Parmi les pièces notées se trouvent des pièces de Constantin1, de Crispus , de Constance IH, de Decence , de Valentinien I , et de Valenti- nien I. On conçoit qu’il dûten être ainsi : les empereurs, dés la fin du Haut- Empire , s’étaient succédés rapidement depuis Gordien , et dès lors peu de monnaies de règnes aussi courts avaient pu parvenir dans l’Armo- rique, si éloignée du centre de l'Empire. La même observations’applique aux monnaies de Philippe, de Victorin, de Tetricus, de Probus, de Maximien, de Constance Chlore, de Constantin (303), de Gratien, et enfin de Valentinien II (371). Dès celte époque, l’Empire commença à chanceler, et la Gaule armo- ricaine , secouant un peu plus tard le joug, el rompant toute communi- cation avec Rome , cessa d’en recevoir des monnaies. C'est, en effet, ce quest venu confirmer leur interruption dans les fouilles de la Vilaine. Le pays conserva encore pendant quelque temps les pièces romaines antérieures ayant cours jusqu'à leur remplacement par une monnaie nationale, ce qui arriva dans les temps qui suivirent, mais bien plus tard pour les rois et les ducs de Bretagne, dont on trouva, en effet, les plus anciennes au dessus des sables de l’époque gallo- romaine, dans des couches’ appartenant à des siècles postérieurs. Il ne fut rencontré, comme monnaies de colonies romaines, qu’un très-petit nombre de pièces frappées dans les colonies fondées en Es- pagne ; mais lés pièces de la colonie de Nismes furent d’une abondance extrême. $ Les premières provenaient la plupart de Cæsarea-Augusta (Sarragosse) de Valentia , du Municipium de Bilbilis, de Celsa, de Turasio (Tarragon), SEIZIÈME SESSION. 167 de Romula ou de l'Espagne tarragonaise et de la Bélique ullérieure. Avec elles se trouvèrent quelques pièces de la colonie Caris, sur les côtes d’Italie, dans le golfe de Tarente. : Quant aux pièces de la colonie de Nismes , dont le nombre fut si pré- pondérant, leur présence dans la Vilaine peut s'expliquer par leur pro- venance de la métropole de Lyon, grand entrepôt ou hôtel des monnaies de l’Empire. On expliquera de mêmela quantité si extraordinaire de tant d’autres pièces représentant l'autel de la même ville entre deux vic- loires. ; Le resle des pièces serait provenu d’envois faits de l'Italie même. Il fut aussi trouvé, avec les pièces romaines, un certain nombre d'objets en bronze de même origine, presque. lous relatifs à la loilelte, tels que nombreuses fibules de forme, de grandeur et d’ornementation variées, plusieurs bagues, un crochet, un pelit hamecon, quelques instruments très-pelits ayant la forme d’une hache, un certain nombre de petits flacons en verre élégants et ornés ; une clef en bronze, une les- sère en plomb, des stylets, un instrument en forme de faucille, des anses de vases, une agrafe, de longues épingles, une chevalière, un poids en porphyre vert, etc. Dans le gisement des médailles romaines, on découvrit un cerlain nombre de pièces gallo-romaines de la grandeur des consulaires , plus épaisses, à bas litre, en cuivre ou en potain, à types altérés, à traits in- cohérents, coulées et de fabrication barbare, véritables contrefaçons de pièces impériales et fréquemment fourrées. Elles se trouvaient mêlées avec d’autres pièces très-variées et provenant de cités diverses ; ces dernières pénétraient sans doute en Bretagne par suite des rapports commerciaux. Celles qui furent notées étaient de Tournay (Durnacos), en Belgique ; d’autres sont représentées fig.15, 19 et 14 dela pl. IV de mon ouvrage. Une autre porte le nom d'indutillus, deux , le nom de Tixtilo ; une est Celtibérienne, une autre porte l’inscriplion Conovios, plusieurs autres trés-rares ( voy. fig. 20 ), enfin une inéaile ( fig. 18, pl. IV). A la période romaine, on vit succéder, dans les couches du lit de la Vilaine, mais supérieurement à celles qui caractérisèrent la première, des monnaies françaises et bretonnes. Ce fut au dessus des dépôts argileux épais, formés après la cessation de l'occupation du pays par les Romains, dépôts formés d’abord lrès- lentement et ensuile assez rapidement, c’est-à-dire au commencement du moyen-âge, lorsque Francois [°" eut fait élablir des écluses pour ren- dre la rivière navigable, et dans la couche de sable terreux, noirâtre , assez solide, produit de plusieurs siècles, qu’on rencontra ces pièces, principalement au voisinage des anciens ponts de Saint-Germain, de Berlin, de la rue d'Orléans, de-même qu’au pied des vieilles tours et dans les fossés des murs de forlification de la seconde enceinte de la 168 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. ville, au dessous de l’ancienne tour d'Apigné, et aussi dans loute la portion de la Vilaine s'étendant du pont de l'Ile à celte tour et au des- sous. On nola, en outre, une quantité assez considérable de monnaies étrangères et bretonnes. Il y eut encore cela de particulier qu’on trouva au milieu de celles-ci une pièce de Constantin, une autre gallo-romaine, une hache de cette dernière origine. Plusieurs monnaies baronnales offrirent un grand in- térêt, sous le rapport de leur rareté ou de leurs revers. Parmi les /fran- caises, on en compta quatre en or, savoir : un Jean, un Franc à pied de Charles V, un Charles VIII et un Louis XI, ét, parmi les étrangères, un Philippe IV d’Espagne. Il fut en outre rencontré plus de deux cents jetons, tant en cuivre qu’en plomb, portant presque tous des légendes pieusés ou des inscrip- tions facétieuses, en l'honneur de rois, de princes, de seigneurs ou de communautés et monastères. Les pièces françaises les plus anciennes élaient du 1x° siècle ou de l’é- poque carlovingienne, et de Charles-le-Chauve (840).'On n’en découvrit que cinq, dont une très-rare. Celles de l'époque capétienne , ou de la troisième race, furent les plus nombreuses. Les voici dans l’ordre de leur ancienneté : xu siècle. — Plusieurs de l'hilippe-Auguste. x siècle. — Quelqués-unes de Louis IX, dit Saint-Louis; plusieurs: de Philippe-le-Hardi ; une de Philippe IV, dit le Bel. xiv° siècle. — Une en or de Jean, dit le Bon; une idem de Charles Y; un grand nombre en argent de Charles VI. xv° siècle, — Beaucoup de monnaies de Charles VIT, de Louis XL, dont une en or, de Charles VIII; deux de Louis XI. xvi' siècle. — Plusieurs de Francois 1°"; un grand nombre d'Henri Il, d'Henri IL, d'Henri IV. xvu° siècle. — Une grande quantité de Louis XHI, de Louis XIV, de Louis XV, de Louis XVI; un assez grand nombre de de la Répu- blique. xix siècle. — Il ne ful trouvé que fort peu de monnaies de Napoléon , de Louis XVIIT, de Charles X. - : Il faut joindre aux précédentes une foule de pièces modernes de la fa- mille des Bourbons, telles que tournois de Gaston d'Orléans, de Maximi- lien de Béthune , de François de Bourbon , prince de Conti, des ducs de Bouillon et de Sédan, de Frédéric CEE de Charles I et de Charles II de Nevers , ducs de Mantoue. ; Les monnaies baronnales particulières à la Bretagne qui furent ren- . contrées ne remontaient pas au-delà du x° Siècle. Ainsi : x" siècle. — On en trouva deux en argent de Conan. x siècle, — Une d'Alain VI; quelques-unes d’Etienne 1, comte de Guingamp. SEIZIÈME SESSION. 469 xu* siècle. — Une de Conan IV; une ou deux de Geoffroy II. xm° siècle. — Quelques deniers de Pierre Mauclerc ; cinq à six pièces de Jean; deux à trois d’Arthur II ; un très-pelit nombre de Jean III, j xv° siècle. — Celles de Charles de Blois furent rares ; celles de Jean V assez nombreuses ; celles de Jean VI peu communes. xv° siècle. — Une seule de François [°° ; quatre de Pierre I; MOIS d'Arthur UT ; une grande quantité de François IL. xvi‘ siècle. — Trois pièces d'Anne. Les autres monnaies baronnales étrangères à la Bretagne furent : Pour la Bourgogne, une pièce de Philippe-le-Hardi (1342—1404) ; un cerlain nombre de deniers et billon de Jean-sans-Peur; plusieurs d£ Pbi- lippe-le-Bon et davantage de Charles-le-Téméraire (1433—1477). Pour la Lorraine , deux deniers et quatre pièces en argent de Robert, duc de Bar (1351—1414); quelques autres appartenant au rêgne de Charles II (1548 —1618). Pour Toulouse , une d'Alphonse (1249—1271).. Pour l’Anjou, plusieurs de Foulques (1109 à 1142); une de Geoffroy (1113—1115) ; une obole de Charles III (1290 —1395). Pour le Hainaut , des pièces de Guillaume IV (1404—14417). Pour le Maine, des pièces de Herbert, comte du Mans (1015—1036). Pour Namur, des monnaies appartenant au comte de Namur. Pour l’abbaye de Sauvigny, une monnaie. Pour Evreux, une pièce de l’un de ses comtes. Pour le Dauphiné, une de Louis XI (1423—1483). Pour le Poitou, une obole et un denier d’Alphonse, comte de Poitiers et de Toulouse (1220—1271). Pour Dombes, plusieurs monnaies de Louis de Bourbon, duc de Mont- pensier (1513 —1582). Plusieurs tournois de Marie, princesse de Dombes, et trois de Gaston, duc d'Orléans et prince de Dombes. Pour Nevers, deux de Charles II (1580—1631). On rencontra, en outre, beaucoup de pièces des ducs de Bouillon. | Monnaies étrangères. Il fut aussi découvert, dans le lit de la Vilaine, un assez grand nombre de monnaies étrangères. Ainsi : Pour l'Espagne, plusieurs de Ferdinand Y, dit le Catholique, et d’Isa- belle (1452—1536) ; une de Philippe IL (1527—1598) ; une en or, plu- sieurs autres en argent, billon de Philippe IV (1605—1663), et , en outre, des coins, des matrices et des contrepoincons de monnaies du même règne. Pour la Castille, une pièce de Jean V. (1406— 1458). Pour la Navarre, une de Charles III (1361 —1495), une en argent d'Hen- ri IL (1503—1555), une en billon d'Antoine de Bourbon (1518—15692), et plusieurs d'Henri IV. (1553—1610). TU 22 470 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Pour le Portugal, des pièces de Jean HI (1502—1557), un très-grand nombre d'Henri I‘. (1578—1580). ê Pour l’Angleterre, un sterling d'Edouard III (1312—1377), une pièce d'Henri V (1388—1422), et plusieurs obsidionales de Jacques IE. (1633 —1701). Peur l’Ecosse , une monnaie de Jean. (1265—1314). On nota encore une très-grande quantité de pièces en billon des villes anséatiques , et principalement de Nuremberg. On voit combien le nombre des monnaies élrangères fut minime pour la Vilaine ; on en devine facilement la cause, en consultant l’histoire. En effet , la présence de celles d’Edouard HI et d'Henri V, qui probable- ment avaient élé perdues ou laissées pendant les xiv° et xv° siècles, s'explique parfaitement par le séjour des Anglais en Bretagne, lorsqu'ils l'envahirent, en 1446, après avoir ravagé la Normandie, et par celui du duc de Lancastre, envoyé en 1442 par Edouard pour investir Rennes, qui tenait pour Charles de Blois ; et leur petit nombre dans la rivière se justifie également par la considération que les Anglais n'avaient pu re- monter la Vilaine au-delà de la poterne Saint-Yves , qui la barrait et la défendait. Quant aux monnaies espagnoles, leur présence dans la Vilaine est due probablement à ce que, lors des guerres de la Ligue en Bretagne par le duc de Mercœur, sous Henri II, un parti détaché des quatre mille Espagnols qui, en 1590 , étaient débarqués au Croisic et à Piriac, pour contenir ces deux villes dans l’obéissance du duc, aurait rejoint ce der- nier lorsque , avec ses troupes, il inveslit et occupa même temporaire- ment la ville de Rennes, Ce même parti aura aussi apporté, avec des monnaies espagnoles, un certain nombre de pièces de Portugal, que Phi- lippe If avait, dix ans avant , en 1580, réuni à sa couronne. Enfin, relativement aux pièces en billon des villes anséatiques, et principalement de Nuremberg, qui furent trouvées en-si grande abon- dance dans la Vilaine , on s’en explique la présence, en se rappelant les nombreuses bandes de soudards ou reistres qui parcouraient les pro- vinces du centre de la France et la Bretagne pendant les guerres de la Ligue, et qui, après avoir élé à la solde des chefs, finirent par piller et rançonner le pays pour leur propre compte, lorsque les chefs, n’ayant plus besoin d’elles, cessèrent de les payer. Objets d'arts. — Quant aux objets d’arts, si nombreux, qui furent trou- vés dans les fouilles de la Vilaine, et qu’il serait fastidieux de décrire ou d’inventorier sans les présenter, je ne peux que renvoyer aux planches de mon ouvrage pour les bien connaître et en apprécier la valeur artis- tique. ‘Sealement , je dirai que les plus anciens ne remontaient pas au-deià du xiv° siècle ; que les plus nombreux appartenaient aux xv°, xvi et xvu', et les moins abondants au xvinr°. ont SEIZIÈME SESSION. 171 Les principaux étaient des épées entières ou brisées, des fers de che- vaux, des clefs, des sceaux , des éperons, des fers de flèches ou d’ar- balètes ou de piques, des agraffes en plomb, un casque, des moules de sujets religieux, un fermoir de bourse en fer ouvragé, des fragments de cottes de mailles, des bagues en cuivre, en plomb, en élain, en ar- gent, avec ou sans pierres fausses , ou affectant la forme de chevalière, des paires de ciseaux, des épingles à cheveux de formes variées, des lames de poignards, des cure-oreilles, des mors, des étriers, des chaines en plomb et en cuivre, des couleaux variés, des cuillers or- nementées, des plaques en cuivre avec sujels religieux , des poignards entiers, de longues lames d’épées, des boulets en pierre ou en terre cuite, un instrument tranchant ayant la forme d’une lancetle, des haches , des épinglettes , des Lire-bouchons, des plaques ornementées et en cuivre ayant appartenu à des harnais, des balances, des robi- nels, un réchaud en bronze; enfin un grand nombre de médaillons représentant des saints, avec inscriptions , soit latines, soit portu- gaises, en cuivre, en étain ou en plomb, et en outre beaucoup de cha- pelets. Telles ont été les richesses rencontrées en si grande abondance dans la partie indiquée du lit de la Vilaine. Elles sont venues dérouler à nos yeux une longue succession de siècles , servir de contrôle aux enseigne- ments de l'histoire, et nous faire connaître ou apprécier l’état des arts en Bretagne, pour un certain nombre d'objets à l’usage du peuple. La nature du métal employé pour une foule d’entre eux, tels que bagues, colliers, agraffes, vases, médaillons, prouve que l'or et l’ar- gent étaient rares dans notre pays, etque la plupart des habitants élaient obligés de remplacer ces métaux, pour les objets de loilette, par le cuivre, létain et le plomb. DE LA VILLE GALLO-ROMAINE CONDATE, Par M. le docteur TOULMOUCHE. L'ancienne ville gallo-romaine sur laquelle s’est élevée, au moyen- âge et plus lard, une parlie de la ville actuelle de Rennes, qui, à di- verses époques, s'agrandit considérablement , porta le nom de Condate, 472 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. et fut encore désignée par Ptolémée sous le nom Oppidum Rhedonum, et par la plupart des historiens bretons sous celui d'Urbs rubra (1). Elle occupait une étendue très-circonscrite vers l'extrémité d’un trian- gle formé au sud par la Vilaine, et au nord par la rivière d’Ille. Ces ri- viéres lui servaient de défense , ainsi que les marécages impraticables qu’elles formaient au-delà vers leur point de jonction , ce qui rendait sa position stratégique excellente. Cette ville avait un périmètre peu étendu, puisque, après avoir acquis la certitude , comme je le démontrerai plus bas, que la première en- ceinle de Rennes a été élevée sur la muraille gallo-romaine elle-même, laquelle lui a servi de base ; j'ai pu mesurer que, du nord au sud , elle wavait que 276 à 280 mêtres de longueur, de l’est à l’ouest 304, et du nord-ouest au sud-est 250. 1 Des travaux exécutés depuis un certain nombre d’années dans quel- ques points de la ville de Rennes, el qui ont entamé profondément des fragments de la muraille de sa première enceinte, ont permis de re- construire tout l’ancien circuit de la ville gallo-romaine, et d'en recon- naître parfaitement et la grandeur et la forme. En effet, dans la coupure faite au bas de la rue du Cartage, dans un fragment de mur, on a trouvé profondément la base bien caractérisée du mur gallo-romain , et immé- diatement sur celui-ci des restes de construction de la première en- ceinte. Cette construction avait été faite sur la muraille antique , après que celle-ci eût été rasée par Nominoë, en 850. : Au bas de la rue de la Poissonnerie, où a encore retrouvé la pre- mière, enceinte, ainsi que dans une fouille faite dans les Chantiers de la ville, derrière la Croix de la Mission, où on l’a découverte dans toule sa hauteur, jusqu'à sa première assise reposant sur le roc schisteux (2). (1) Suivant M. Vatar, la différence du nombre des briques rouges dans la muraille de Rennes, où elles ne sont pas bornées à quelquers rangs ou cordons, mais forment une épaisseur ou hauteur qui atteint plusieurs metrès, et au dessus de laquelle existaient encore trois rangs de briques, ou plus, et de pierres alternantes, et iéés par un ciment à peu près de la même couleur, devait lui donner un aspect rouge qui expliquerait parfai- tement la dénomination d'Urbs rubra. (2) A ce sujet, qu il me soit permis de répondre à une critique qui-m'a été adressée dans un opuscule destiné à faire connaître les résultats d’une fouille exécutée dans les Chantiers de la ville, et publié en 1847 par M. Vatar, bibliothécaire. Cet antiquaire m’a reproché d’avoir confondu dans le fragment de mur trouvé au bas de la rue du Cartage, une construction de la fin du rx° siècle avec le mur gallo-romain. Toute son argumenta- tion se fonde uniquement sur la disposition en feuilles de fougère qui s’y fait remarquer et sur ce qu’on ne la rencontre que dans ce point, tandis que partout ailleurs ce sont des constructions du xrve et du xv° siècles. Voyons si ces deux assertions sont fondées ou si elles sont contestables. La première peut être combattue par les considérations suivantes : 1° On voit dans la planché XX du Cours d'antiquités de M .de Caumont qu'un mur SEIZIÈME SESSION. 173 A l’est de la rue des Trois-Journées, on en voit encore un fragment élevé sur l'ancien mur gallo-romain , comme M. de Penhouët avait pu a ————— gallo-romain de l'enceinte du Mans présente à sa base les grands. blocs de granite sur- montés d'un rang de briques, puis le petit appareil avec assises minces de briques, au dessus l’opus spicatum , et ensuite le petit appareil reprenant le dessus. Si cette disposition en feuilles de fougère se reproduisit au 1x° siècle et dans les pre- miers temps du moyen-âge, ce fut par imitation, et parce qu’il était fréquemment em- ployé par les conquérants romains. Leur influence se fit long-temps sentir, non seulement dans les arts, les mœurs et les institutions, mais encore dans la manière de bâtir, puisque les rois mérovingiens disposaient et construisaient leurs ouvrages militaires suivant le système romain. 9 Si-M. Vatar eût continué à lire dans mon ouvrage le passage qui suit immédiate- ment celui qu’il a critiqué , il aurait vu que j'y relate qu'on pouvait facilement reconnai- tre, immédiatement au dessus. de l’assise des gros blocs, un premier rang de briques posées à plat ou en cordon, un second plus haut, à 2 mètres 50 centimètres, concordant exactement pour la hauteur avec le second cordon de briques qu il a mesuré dans le frag- © ment de muraille du Chantier de la ville, depuis les blocs de schiste. Seulement, dans toute la portion de celui du bas de la rue du Cartage située au dessus du même cor- don, le petit appareil et le revêtement de grandes briques, épais de 2 mètres, avaient été détruits lorsqu'on avait excavé le mur gallo-romain de haut en bas, dans le but d’agranx dir les caves de la maison Fablet, qui y étaient contiguës. e 3e Si le même observateur, en étudiant la portion de muraille mise à nu dans le Chan- tier de la ville, n’a pas pu apprécier la disposition du blocage en feuilles de fougère, c’est que ce dernier était encore recouvert, et, par conséquent, masqué par le petit ap- pareil et les rangs de briques, parfaitementintacts dans ce fragment. J'ai dit à la page 209 de mon ouvrage « que, lorsqu'on eut enlevé les blocs supérieurs de granit, je remarquai, » derrière eux et au dessous de la première couche de briques posées à plat, trois autres > superposées , formées de briques noyées dans le ciment et disposées en arêtes de pois- > son, et que je n'ai pu représenter dans la planche XIII, cachées qu'elles étaient par » Ceux-ci.» Si M. Vatar eût voulu tenir compte de ce que j'avais observé, il n’eût pas nié la nature gallo-romaine de ce mode de const uction , assertion du reste infirmée depuis, puisqu'en creusant, les fondations de la maison de M. Lemintier, au bas de la rue de la Poissonnerie, on a retrouvé le même appareil derrière les rangs de briques et les blocs constituant là, comme dans la rue du Cartage, l'épaisseur de la muraille gallo-romaine - 4 Enfin, les preuves admises par M. Vatar, que la première enceinte fut construite sur l'ancien mur gallo-romain, et la nature de ce dernier rendue incontestable par la découverte des gros blocs de granite et de calcaire et les rangs de briques situés immé- diatement au dessus dans le fragment de celui mis au jour, au bas de la rue du Cartagc, achèvent d'en démontrer la nature gallo-romaine telle que je l'ai assignée. Seulement, cette portion de mur ayant été plus fortement endommagée, les caractères en ont élé bien plus difflciles à déterminer que dans la portion restée au Chantier de la ville. Quant à sa seconde assertion, qu’on n’a rencontré la disposition en feuilles de fougère qu’au bas de la rue du Cartage, tandis que partout ailleurs ce sont.des constructions des xive et xv’ siècles, elle n’est pas plus fondée, car on l’a retrouvée dans les portions de la même muraille situées au bas de la rue de la Poissonnerie, dans celles auprès de l'hô- pital Saint-Yves et au-delà de celui-ci, et il est très-probable que plus tard, en fouillant d’autres points, on la découvrira de nouveau, si l’on vient à entamer le revêtement ex- térieur. — Ce sera une chose à vérifier« 174 CONGRÈS SCIENTIFIQUE. DE FRANCE. s’en assurer lorsqu'on l’eut entamé profondément. On y reconnait en- core, dans les portions cachées par des échoppes, des assises régu- lières de grandes briques liées par un ciment rougeâtre; seulement, l'appareil régulier y a été détruit, le haut a été reconstruit. Le mur qui constituait l’enceinte gallo-romaine partait de la porte Mordelaise, se dirigeait vers le sud , le long du côlé est de la rue ac- tuelle dite Nantaise. On peut l’éludier parfaitement encore dans Ja por- tion qu’on en äâperçoit dans l’écurie de M. Chapedelaine , dans laquelle on voil les gros blocs de granit, le‘massif de briques , et au dessus les trois rangs alternants de pierres et de briques, tandis que dans la cour de MM. Petit, le mur romain a été abat{u et reconstruit. Ensuite il se portait obliquement vers l'Ecole d'artillerie, élevée en partie Sur lui, comme on peut le vérifier à son angle sud-ouest , puis à travers la -rue de la Croix de la Mission, qui le coupait diagonalement ; de là, le long des jardins du petit hôtel de Coniac, disposés sur lui en terrasse. Dans toute cette longueur , l’ancienne enceinte gallo-romaine devait être défendue par la petite rivière d’Ille qui, probablement, baignait la base du rocher sur lequel fut assise la muraille depuis la porte Mor- delaise jusqu’un peu au-delà el au pied de la Croix de la Mission. A ce point, elle se jetait dans la Vilaine , comme une vieille carte de Samson intitulée, Galliæ antiquæ descriptio geographica ,m’en a donné la cer- titude. Le mur continuait ensuite à se diriger vers le sud , au fond du Chan- tier de la ville, où on l’a mis à découvert dans Loute sa hauteur ; puis il passait derrière la tour du Furgon, qu’on y voit également, se portait à l’est par une courbe ou angle arrondi, remplacé dans le vieux-plan d'Hévin par un mur droit, dirigé jusqu’à l'angle du prieuré de Saint- Denis, qu’on voit encore au fond du jardin de M. Moreau. Il courait ensuite parallèlement à la Vilaine dans la longueur du port Saint-Yves , où, en effct, sur un espace de près @e 100 mètres, on le retrouve avec ses cordons. Il passait ainsi à travers les anciens bâtiments de l'octroi, qui ont été abattus\lors de la fondalion des nouveaux quais. De là, il s’avançait à travers la pelite rue Sainl-Yves , puis dans les terrains occupés par l'hôpital du même nom, dans la directioh d’une. ligne coupant la seconde chéminée de l’aile correspondante de ce bäti- ment. Il passail ensuite au dessous de celle dernière et de la cour qui y fait suite, coupait l'aile opposée regardant l’est, continuait le lons du côté nord de la cour de l’ancienne division des enfants, dans laquelle on le voit à découvert , auprès et au dessous de la pelite CR go- thique élevée sur lui. Æ De ce point, il se dirigeait sous les anciennes salles des ae ma- lades , le long du côté sud du roulage Aubry, établi au dessus, puis à travers les maisons de M. Fablet, construites.en parlie sur lui ; ensuite SEIZIÈME SESSION. 475 il passait au bas de la rue du Cartage , où l’on a pu l’entamer jusqu’au dessus de sa base, et reconnaitre sa structure évidemment gallo-ro- maine. I continuait à se porter à l'est parallèlement à la Vilaine, qui en baignait immédiatement la base, comme le prouvail le terrain maréca- geux épais qu’on y remarquait, terrain formé postérieurement à l’épo- que romaine. A l'endroit correspondant au côté nord-ouest de la maison Lemintier, qui s’élève à l'extrémité sud de la rue de la Poissonnerie, le mur chan- geait de direction pour se porter au nord; là, en creusant ses fonda- Lions, on l’a mis à nu et reconnu sa construction en arêle de poisson, avec revélement en blocs de pierre, allernant avec des filets ou rangs de briques. On découvrit aussi dans ce point la base d’une énorme tour, probablement construite au moyen-âge , et qu’on ne trouve indiquée dans aucun plan, pas même dans celui d'Hévin. Le mur, arrivé à la maison de M. de Lorgeril, la traversait du sud au nord, et s’élendait dans l'intervalle compris entre l’extrémilé nord-ouest de la rue de Yolvire et l’entrée est de la rue de Beaumanoir , endroit où devait se trouver la porte Baudraëre, tandis que la tour qui la flanquait devait répondre à peu près à l'angle de l’Hôtel-de-Ville formant l’encoi- gnure des rues de Volvire et de l’'Horloge. De là, la muraille se portait à travers une partie de la façade nord- ouest de l'Hôtel-de-Ville, qui borne le côté est de la rue de l'Horloge dans une direction presque parallèle, coupait une partie du Présidial; ensuite elle se dirigeait vers le nord, en passant à travers le pâté de mai- sons formant le côlé est de la rue Châteaurenaud, pour gagner la chapelle Saint-James, en dehors de laquelle elle passait. Puis elle changeait de direction, s’avançant obliquement vers le nord-ouest à travers le bas de la rue du Champ-Jacquet , le pâté de maisons formant l'angle de celle-ci et de la rue de Toulouse, laissant en dehors tout le Champ-Jacquet et la petite rue du même nom; ensuite elle traversait la prison Saint-Michel, pour aboutir à la porte Chastehère. Tout ce côté de l'enceinte devait être protégé par un vaste et profond fossé rempli d’eau, provenant des pluies ou fournie par des ruisseaux, et retenue par des moineaux, ou bien provenant de la Vilaine elle-même ; ce qui n’est probable que pour les points voisins du bas de la rue de la Poissonnerie , dans une partie de la longueur de laquelle la rivière s’a- vançait, comme je l'ai constaté. Depuis la porte Chastelière, le mur d’enceinte se portait au nord-ouest, comme on peut encore le vérifier parfaitement au côlé nord de la cour de l'hôtel de la Rivière, puis il dé- crivait une courbe, changeait de direction, descendait le long du côlé sud des Lices, en se dirigeant vers le sud-ouest, à peu près derrière les Messageries nationales actuelles, où l’on avait élevé, au moyen- -âge, la tour Saint-Morand., 176 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. De là, il continuait, en suivant la même ligne, jusqu’à la porte Mor- delaise, d’où nous l'avons fait partir. Dans toul ce côlé de l’enceinte, un large et profond fossé , faisant Suite à celui dont j'ai parlé il n’y a qu’un instant, entourait la porte Mordelaïse et venait rejoindre la petite rivière d’Ille, qui défendait, comme l'on sait , toute la partie de l’oppi- dum regardant le couchant. L’eau qui le remplissait était peul-être en partie empruntée à celte rivière. ou devail provenir de sources des ter- rains supérieurs que l’on retenait à l’aide de certains barrages. De celte sorle , la ville gallo-romaine devait se trouver défendue de tous côtés, savoir : d’une part, par les rivières d'Ille et de Vilaine, et, de l’autre, par des fossés infranchissables , qu’ils continssent de l’eau ou qu’ils ne tirassent leur efficacité protectrice que de leur profondeur el de leur largeur. La muraille était construite en pierres, avec des cordons de briques par assises, au nombre de cinq à sept. Sa base était formée de schistes non appareillés, unis par du béton; au dessus et dans d’autres endroils se voyaient de grosses pierres taillées, posées sans ciment, offrant des mortaises qui avaient servi à les lier les unes aux autres, ou ayant ap- partenu à des édifices, caractères qu’on a retrouvés dans les enceintes gallo-romaines d'Orléans, de Beauvais, de Saintes, de Tours, d’Auxerre, de Sens, du Mans et de Noyon. Ajoutons des rangs ou cordons de briques nombreux alternant avec des assises de schiste, de grès et de calcaire, noyés dans le ciment et recouvrant l'opus spicatum. L'épaisseur du mur, au bas de la rue du Cartage, dans le point mis à découvert, était de quatre mètres el demi, et, dans ce point, on élait encore bien au dessus du niveau de la première assise, en sorte que plus profondément, elle devait être encore plus considérable, d’autant plus que le mur faisait des saillies en gradins, à mesure qu’on l’examinait plus bas. Elle devait donc se rapprocher de celle des murailles de Noyon, mesurées exacte- ment par M. Moet de la Forte-Maison , et ayant sept à huit mètres, et sur- tout de celle de Beauvais, dont l'épaisseur était de six mètres soixante- sept centimètres. 1 Seulement , dans la muraille gallo-romaine de Rennes, la portion im- médiatement derrière la partie supérieure de ces blocs, le revêtement en pierre et les cordons en brique qui la cachaient, le mode defonstruc- tien affeclail la disposilion en feuilles de fougère ou celle de l’opus spi- catum , et élait composée de.grandes briques alternant ou mélangées . avec des schisles noyés dans un ciment évidemment romain. L'exécu- , tion, très-Soignée jusqu'à la sixième assise, empêchait qu’on ne püt la confondre avec limitation bien plus grossière du même travail de con- struction, repris plus tard dans les siècles qui suivirent; disposition qu’on retrouve encore , suivant la remarque de M. de Caumont, dans le xr siècle, et en Bretagne dans des églises remontant aux xmr° et xiv°, de même que dans le fond des cheminées de manoirs du xv:. Si l’on con- SEIZIÈME SESSION. 177 sidère, en oulre, qu’au temps de l’occupation romaîne, le fond du lit de Ja Vilaine était à deux mètres dix centimètres ou à trois mètres au des- sous du fond actuel, et que déjà la portion de la muraille gallo-romaine à découvert était, à partir de la sixième assise, de cinq mètres vingt- quatre centimètres plus haute que le niveau des sables romains, on sera convaincu que les blocs carrés de granit en étaient une partie encore élevée de deux mètres dix centimètres ou plus au dessus de la première assise de fondation. ; A l’époque où j'écrivais ces lignes, la fouille exécutée dans le Chantier de la ville n’avait pas été faite, et cette dernière est venue confirmer la justesse de mon appréciation, puisque M. Vatar mesura celte hauteur, depuis la roche schisteuse sur laquelle la première pierre de fondation était posée, jusqu’à ces blocs, et la trouva de deux mètres quarante centimètres. Il constata également que la base ou fondation se trouvait à environ deux mètres au dessus de l’étiage de la Vilaine, et que le mur gallo-ro- main était enfoncé dans le sol à six mètres de profondeur, en sorle que, suivant lui, le mur aurait eu dans ce point onze mètres de hauteur ; que, du côté de Saint-Yves , il aurait été plus élevé , et que son altilude aurait varié entre onze et quatorze mèlres. C’est donc à l’aide des fouilles pratiquées et d’une foule de documents qu’il a été facile de reconstruire l’ancienne enceinte, d’en retrouver la configuration et l'étendue. Par cela seul qu’on ne peut conserver le moindre doute à cet égard, Vopinion du président de Robien, qui la plaçait le long de l’un des bords de l’Ille, sur le coteau qui le borne au nord, et qui admetlait que le mur de clôture s’étendait entre les points extrèmes du pont Saint-Martin et du Bourg-Lévêque, n’est plus soutenable et doit être regardée comme une erreur. Les villes romaines ne présentaient ordinairement que quatre portes et mème parfois deux, quoiqu’on en ait vu six dans des cités très-con- sidérables. Celle de Condate était probablement dans le cas des pre- mières. On peut , à cet égard, s’appuyer sur les quatre portes conser- vées de la première enceinte, portes connues sous les noms d’Aivière, (Aquaria), de Mordelaise, de Chastelière , depuis Saint Michel, et de Baudraëre. La manière dont elles Son! disposées ou dénommées les rap- proche, au-reste, de quelques portes observées à Reims, à Noyon, etc. Il est indubitable qu’elles auront été élevées sur l'emplacement des portes romaines ; car, long-temps encore après l'éloignement des Romains , on suivit et on imita tous leurs moyens stratégiques. On voyait dans ces conquérants les maîtres de la science. Les documents historiques prouvent que toutes ces enceintes gallo- romaines furent élevées dans les m* et1v° siècles. Ici devrait se terminer la tâche que je me suis imposée, celle de RES 23 178 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. faire connaître auf archéologues qui ont bien voulu honorer notre ville de leur présence, la muraille antique sur laquelle s’éleva celle de la première enceinte au 1x° siècle , mais j'ai pensé qu'il pouvait être de quelque intérêt pour eux de rappeler les dates auxquelles les diverses reconstructions se firent, et celles des accroissements postérieurs. Je . me bornerai donc à une simple énonciation des principaux faits histo- riques qui y donnèrent lieu, : Les anciennes murailles gallo-romaines de Condate furent des et rasées en 824, par Louis-le-Débonaire, relevées par Nominoe (1), son lieutenant, qui se révolla contre Charles-le-Chauve, fils du précédent. Charles-le Chauve marcha contre lui une première fois en 842, fut re- poussé et vaincu. Il marcha de nouveau en 845, et livra la fameuse ba- taille de Ballon, au confluent de l’Oust et de la Vilaine , près de Redon, suivant M. de la Borderie , qui a fait de grands efforts pour le démontrer, et dans le Maine, suivant M. Marteville , éditeur du Nouveau Dictionnaire d’Ogée. Le vainqueur entra, en 849, dans Rennes , et en rasa les murs en 850. Geoffroy-le-Bâtard , comte de cette ville, les releva et les augmenta un peu; mais elle (tomba de nouveau au pouvoir d’Alain Fergent. Ce dernier reconstruisit de rechef en partie ses remparts, et forma, en 1084, une nouvelle enceinte à l’est de la première ; mais commencée seulement par lui, elle ne put empêcher Henri II d’Angleterre de pren- dre Rennes en 1183, et de mettre la ville à feu et à sang. En 1237, Pierre de Dreux fit conslruire autour de celle-ci de nouveaux fossés dits Gohur. Cette seconde enceinte ne fut exécutée qu’au xiv° sié- cle par Jean V, et n'était pas encore tout à fait terminée en 1442. Sept ans après, en 1449, une troisième enceinte d’accroissement fut ajoutée à la précédente , et terminée, en 1458, sous François II. On peut en étudier le périmètre et la disposilion de ses moyens de défense dans les anciens plans ou cartes de la ville de Rennes, reproduits dans l’ou- vrage de. MM. Maillet et Ducrest de Villeneuve, et dans celui que j'ai publié sur l'époque gallo-romaine de la même cité. Enfin, ce dernier duc avait ordonné la construction d’une quatrième muraille d'enceinte ; mais sa mort, jointe aux guerres que sa fille, la duchesse Anne, eut à soutenir contre la France, s’y opposèrent. Henri IV-avait repris ce projet. Sa mort aussi vint en arrêter l’exécution , etla communauté en obtint décharge en 1610. (1) On lit dans la Chronique d'Aquitaine, sous l'année 850 : « Nomenocus Redonas capiens partem murorum portasque distramit .» (Dom Bouquet, t. 7.) Le même fait est cité dans la Chronique d'Angoulême et dans celle d’Adhémar : telière), la muraille continuait en descendant le long du côté sud des » Lices, en se dirigeant vers le sud-ouest jusqu’à la porte Mordelaise. » Dans tout.ce côté de la muraille, un large et profond fossé faisait suite » à celui dont je viens de parler, entourait ladite porte et venait rejoin- ».dre la petite rivière d'Ille. L’eau qui le remplissait lui était peut-être » empruntée , ou provenait de sources. des terrains supérieurs, relenue » à l’aide de certains barrages. » Qo= SEIZIÈME SESSION. 183 CINQUIÈME SECTION. Lulévalure, — Plülosoplie. — Beaux - Arts. Séance du ? Septembre 1849. A une heure de l'après-midi, M. Richelet, Président du Congrès, assisté de MM. Le Gall et Tarot, Secrétaires- Généraux, et de M. Taslé, Secrétaire de la section, ouvre la séance et fait procéder par la voie du scrutin à la for- mation du bureau. Le nombre des votants est de 27. M. Jules Aussant obtient, pour la présidence, 22 voix. Pour la vice-présidence, M. Pelletier des Landes obtient 26 voix; M. de Castellan, 95; M. Turquety, 22, et M. Ange de Léon , 18. En conséquence, M. Aussant est proclamé Président de la section, et MM. Pelletier des Landes, de Castellan, Turquety et de Léon sont proclamés Vice-Présidents. Sur l'invitation de M. Richelet, ils se placent au bureau. M. Dupray, d’Avranches, est nommé Secrétaire-Adjoint. M. le Président donne lecture des questions soumises à la cinquième section, et invite les membres de la 184 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. section à faire connaitre celles qu’ils se proposent de traiter. Une liste d'inscription est dressée par les soins des Secrétaires. L'ordre du jour etant épuisé, la séance est levée à deux heures. Séance du 3 Septembre 1849. Présidence de M. AUSSANT. — M. DUPRAY, Secrétaire. -Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. Sur la demande de quelques membres , la diseussion des deux premières questions est renvoyée à la séance du &. La troisième question, réclamée par la sixième section, est ajournée sur la demande de M. Feuillet, qui se propose de la traiter. La discussion est ouverte sur la quatrième question, ainsi conçue : « Quelle a été au xvr° siècle l’influence de » la réforme de Luther sur les beaux-arts? » ù M. le comte de Mellet, inscrit le premier pour traiter la question, obtient la parole et lit le mémoire suivant : MESSIEURS, Pour répondre d’une manière positive à la quatrième question, il faut, je crois, envisager les nouveaux principes que la réforme de Luther est venue apporter à la sociélé, 11 en est deux plus particulière- SEIZIÈME SESSION. 185 ment qui.me paraissent avoir eu sur les beaux arts une fâcheuse in- fluence ; l’un de ces principes, qui a agi sur le xvi° siécle et sur les suivants, est ce reproche d’idolâtrie qu’elle a adressé à l’église ro- maine 3 à l’église catholique, au sujet du culte des saints, de la vénéra: tion des reliques , des images, et le retranchement qu’elle a prétendu “opérer dans tout ce qui tend à rehausser par les moyens extérieurs la pompe du culle, ou à exalter la dévotion des fidèles ; l’autre principe de la réforme , qui a agi dans un autre sens. que le premier sur les beaux-arts ; est celui du libre examen, ce principe fécond en ruines, et qui, dans l’ordremoral, a conduit petit à petit le.protestantisme à la négation la plus absolue de toute croyance. #3) Vous le savez, Messieurs, le protestantisme, en se formulant, déclara que le culte des saints, que celui des reliques, des images, était essen- tiellement idolâtrique et superstitieux; il déclara, dans un sens repoussé par la religion catholique, que Dieu devant être adoré en esprit eten vé- rité, toutes les représentations des trois personnes divines, de la sainte Vierge et dessaints,conduisaient à l’idolâtrie, et en étaient une des formes. Ainsi, non seulementil n’était plus loisible de se livrer à la confection de tous les objets d’art exécutés jusque là, en vertu de motifs que la nou- velle secte condamnait; mais, de plus, il était d’un zèle louable et mé- riloire de détruire ceux qui existaient déjà, partout où on pouvait les rencontrer. Or, dans quel état le protestantisme trouvait-il la question dans son application immédiate ? Depuis quinze siècles les générations catholiques, en se succédant, avaient payé, par la création d’un nombre incalculable d’objets d’arts, leur tribut à leurs croyances et à leurs affec- tions religieuses. Les catacombes avaient vu, pendant trois siècles et plus, les disciples persécutés du Christ confier aux entrailles de la terre les symboles de leur foi, les espérances de leur avenir , les fitres glo- rieux de leurs frères baptisés dans le sang. Sous celte inspiration s’é- taïent succédé ces peintures, ces inscriplions, ces richesses, que les âges modernes ont admirées dans les cryptes sacrées. Plus lard, à la conversion de Conslantin, l'Eglise secoua ses entraves : ses enfants purent, sans crainte du bourreau , confesser leurs croyances à la face du monde , et traduire la ferveur de leurs sentiments , sous toues les formes extérieures possibles. Aussi avons-nous vu, pendant une longue suile de siècles, des églises s’élever, des peintures , des sculptures se créer, pour la glorification des croyances catholiques. Nous admirons encore les chefs-d’œuvre du moyen-âge, ces basiliques à l’architecture grandiose, ces stalues innombrables, ces vitraux, ces tombes, ces en- luminures de manuscrits charmants encore de fraîcheur et de naïveté : et de nos jours, malgré la diminution successive de la foi, les sujets sacrés continuent à alimenter nos expositions, à défrayer le talent de nos arlisles, à stimuler le zèle de nos ouvriers dans la fabrication de MAL 24 186 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. tous les objets nécessaires à la célébralion du culle et à la pompe de ses cérémonies. D’après cet exposé, Messieurs , nous voyons que , depuis l'origine du Christianisme jusqu’à nos jours, à partquelques temps d'arrêt dus à des agitations'politiques et sociales momentanées, les beaux-arts ontreçu du souffle catholique une impulsion féconde‘et généreuse. Mais quand, au xvr siècle, la réforme se fit jour, quand son prosélylisme-eut conquis de nombreux ennemis à la souveraine qu’elle rêvait de détrôner, laréfor- me, dis-je, en vertu de ce principe d'idolâtrie qu’elle se prétendit appelée à détruire, proscrivit tous les objets d’art sacrés, non seulement pour l’aveñir, mais pour le passé; non seulement elle défendit-de créer ämou- veau, mais elle ordonna d’annihiler systématiquement, dans l’ordre des idées qu’elle répudiait, tout ce que les âges précédents avaient yu naître ; et quand elle ne l’eût pas fait en (héorie, qui ne sait avec quelle rage, pendant les guerres de religion, les protestants ont brülé nos églises , brisé nos croix, jeté au vent les reliques de nos saints, détruit nos châsses , nos tableaux , el tout ce qui faisait la vénération des catho- liques ? Nous pouvons donc regarder la question comme jugée, et lirer de tout ce que nous venons de dire celle conséquence, qu’au xvi' siècle la réforme a immensément détruit d’objets d'art, et que la froideur.et le rigorisme de son culte, en défendant de créer pour l'avenir, ont tari, dans lous les pays où elle a pris racine, une source immense d’ins- piration pour le génie de l'homme dans l’ordre d'application dont nous nous occupons. Je pourrais m’arrêter.ici, Messieurs, et me rte dans les limites rigoureuses de la question du programme, qui ne parle que du xvi° siè- cle , regarder celle question comme surabondamment résolue. Permelt- tez-moi, néanmoins, de poursuivre encore un moment, el de vous faire envisager l'influence matérielle qu’a eue, dans les siècles successifs, la réforme , en vertu du second principe dont je vous parlais au commen- cement de-ce travail, celui du libre examen. ’ La religion catholique, a dit M. Guizot, et on l'a déjà répélé après lui, est une grande école de respect. Ceci est vrai; mais ce n’est point tout. Lareligion catholique ayant des symboles définis, et dont l'appré- ciation n’est point laissée à l'interprétation de chacun, elle doit, en con- séquence de la foi absolue imposée à ses membres, exiger que, dans les applications matérielles que ceux-ci peuvent faire des objets de leur croyance et de leur culle, ils ne s'écartent point des règles et des con- venances avec lesquelles ces objets vénérables doivent être traités. Ainsi, tout en favorisant l’essor donné aux beaux-arts sous loutes les formes , tout en encourageant ses enfants à dévouer leurs compas, leurs pinceaux , leurs burins à la glorification de leur-culte, l'Eglise a tou- jours veillé à ce que l’art n’oubliât point la pureté de sa source, et ne s’inscrivit, ni pour le fond , ni pour la forme, contre les dogmes et les SEIZIÈME SESSION. 187 préceptes qu’elle proclame. Plus on remonte vers les siècles de foi et de ferveur religieuse, plus on retrouve ces conditions remplies; plus l'art est croyant, plus il est chaste et contenu. Mais si l’on redescend au- delà des temps où la réforme a proclamé l’émancipation de la raison hu- maine et la théorie du libre examen, on voit bientôt l’affranchissement des croyances dogmatiques passer à la liberté absolue de lout ce qui, dans l’ordre matériel comme dans l’ordre intellectuel, peut rentrer dans le domaine des facultés humaines. De mème que le protestantisme, dans ses conséquences rigoureuses , conduisait par une pente insensible à la négation absolue par rapport au dogme, de même il a habilué l’homme à secouer le frein dans tous les genres, et à ne se plus laisser diriger que par ses inclinations et ses impulsions personnelles. Bientôt on en est venu à n’être plus catholique ou protestant que de naissance ; on a contesté les dogmes, de quelque côté qu'ils vinssent ; on a nié l’ulilité des pré- ceptes , la convenance de leur morale, la nécessité de leur frein, et les beaux-arts, qui ne sont que la traduction des pensées de l’homme sur tous ces grands sujets, n’ont plus connu de règle ;'les caprices d'une imagination abandonnée se sont fait jour sans scrupule ; tout juge, tout modérateur catholique ou autre a été récusé comme incompétent; et ces funestes théories ont enfanté dans tous les genres, daus les arts comme dans la littérature , une licence qui n’a que trop débordé de nos jours, et dont nous avons tant de peine à conjurer les funestes consé- quences. Ainsi, Messsieurs. et pour me résumer, barrière imposée à l’esprit hu- main dans la création des objets d’art, destruction d’un grand nombre d'œuvres de ce genre produites depuis les temps les plus reculés, aban- donnement et affranchissement absolus de l'imagination dans les appli- calions matérielles de la pensée, tels sont les effets déplorables de l’ap- parition de la réforme de Luther au xvi° siècle. M. de la Sicotière prendela parole pour répondre à M. de Mellet. Il avoue bien la stérilité du principe protestant ; il est loin de contester les ravages des guerres de religion ; mais il croit que c’est exagérer l'influence de la réforme de Lu- ther que de lui attribuer la décadence de l’art catholique, et voici ses raisons : Déjà, long-temps avant Luther, les églises présentaient autant de sujets profanes que de sujets chrétiens, autant de tableaux déshonnêtes que de tableaux chastes; elles avaient offert asile aux dieux et aux déesses de l'antiquité. En-un mot, on rencontrait parfois dans le temple chrétien 188 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. tout, excepté Dieu. Il ne faudrait donc pas attribuer:à la réforme une décadence = nettement formulée avant son apparition. M: Dupray fait remarquer que le mélange des traditions antiques et des traditions chrétiennes n’existait pas seule- ment alors dans les beaux-arts, mais encore dans la litté- rature. Il rappelle à cet égard que la cour de Rome presque entière parlait latin. M. Taslé, ramenant la question dans les térmes où élle a été posée, pense que la réforme de Luther a été un mal- heur immense pour l’art. Sous l’influence des idées çatho- liques ; dit-il, un art catholique s’est fondé, qui en a été la vive expression ; il couvre encore notre sol de ses ‘mo- numenls. Si la réforme est aussi féconde que le cäatholi- cisme , sans doute elle aura les siens appropriés à ses nou- velles croyances. Eh bien ! il n’y a pas d’art protestant, pas de monumenis protestanis. La réforme n’a rien édifié, elle n’a fait que des ruines. M. de Léon ne pense pas que la réforme de Luther ait été le signal de la décadence de l’art catholique , mais il l'attribue tout entière au mouvement païen de la Renaïs- sance. M. Aussant , résumant la discussion , rappelle quel était l’état des beaux-arts quelques,années avant Luther. Il constate déjà des symplômes non équivoques de décompo- sition. Aussi n’est-cé pas à la réforme qu'il faut attribuer la transformation , mais à la découverte des statues: anti- ques , à l’étude des belles-lettres antiques et à la chute de Constantinople, qui introduisit en ltialie, avec les Grecs fugitifs, la civilisation antique qu’ils avaient conservée. Il pense, du reste, que si la réforme a tué l’art catholique partout où elle a pris racine et contrarié son mouvement ailleurs , elle a peut-être donné naissance à la peinture se- condaire anglaise , flamande et hollandaise. . L'ordre du jour appelle la cinquième question : « La-dé- * SEIZIÈME SESSION. 189 centralisation sciéntifique, littéraire et artistique est-elle » possible sans la décentralisation administrative ? Com- » menti? Dans quelle proportion? » M. Dupray prend la parole. Après avoir tracé l’état des beaux-arts au x siècle, au xIv°, pendant la Renaissance, il cherche la cause de la stérilité de notre époque. Chaque siècle: a ses monuments, qui ne sont que la matérialisation de’sa pensée : le xix° n’en peut présenter aucun. Si l’on re- marque que les pays les plus féconds en productions artisti- ques sont aussi les pays les plus déceniralisés, n’est-on pas tenté de. croire que la France du x1x° siècle n’a pas la fécon- dité-de l'Italie du xv°, parce que toute activité intellectuelle estabsorbée au-cenire; au grand détriment des extrémités ? C’est suriout dans l’architecture de notre époque qu'est écrite la condamnation de la centralisation. A la place des monuments si variés de forme et de détails que le moyen- âge offrait à la vue , n'est-il pas affligeant de voir .substi- tuer tous les jours les édifices carrés du Midi, tous sem- blables, et tels enfin qu'il suffira bientôt d’avoir vu une ville ainsi embellie pour les connaître toutes? Si les com- munes n'étaient päs dans l'obligation de se plier aux exi- gences d’une administration qui leur impose des plans en désaccord complet avec la place que les monumentisdoivent occuper, sans harmonie avec ce qui les entoure, qui peut douter que l’architecture ne fût plus en honneur et ne lais- sât dans sès œuvres l’empréinte du vigoureux génie de la province qu'ils doivent orner ? Aussi la décentralisation des beaux-arts est-elle une nécessité de notre époque. M. Vert répond à la question posée en lisant un mémoire qui est très -favorablement accueilli. DÉCENTRALISATION INTEELLECTUELLE. Quand on considère l’élat des sciences, des arts ‘et de la littérature en province, il est impossible dé ne pas reconnaitre qu’il y a dans la 490 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. constitution de la société française un vice organique qui-énerve d’une manière déplorable la virtualité nationale. Ce vice, c’est la centralisa- tion , qui, en attirant dans le tourbillon de Paris tout ce qui , sur les di- vers points de la France, pense, étudie ou compose, éteint presque par- tout ailleurs la vie intellectuelle, esthétique et sociale. Ce n’est point ici le lieu de faire la critique du système centralisa- teur au point de vue de l’administration et de la liberté publique : qu'il nous suffise de constater que l'attitude nouvelle de la France vis-à-vis de Paris semble annoncer, dans un avenir prochain, une de ces révolu- tions pacifiques et heureuses qui s’accomplissent sans commotions et sans ruines pour le salut du pays et le développement d’une.vraie civi- lisalion. F De toutes parts, en province , se manifeste un vaste mouvement pour l'affranchissement de la commune et du département. Au nord, au midi, à l'ouest il éclate; il se formule partout. Il semble que toute cetté France se soit donné comme un signal électrique pour protester à la fois contre le despotisme parisien. Cette réclamation simultanée, universelle, sur tous les points d’un immense territoire, à Lyon comme à Lille, à Bor- deaux comme à Amiens, à Marseille comme à Rennes, est un symptôme grave et d’une évidence merveilleuse ; elle atteste un besoin d’émanci- pation et un sentiment de force, de dignité et d'indépendance qui com- mence à remuer les populations françaises. Tous les amis des sciences et des arts, ceux-là même qui vivent en dehors des agitations politiques, doivent applaudir à ce travail intime qui se fait-au sein de la France ; ils doivent s’associer à ce mouvement provincial, parce que seconder l’œuvre de l'affranchissement de la com- mune et du département, en matière administrative, c’est hâter l'heure où la province pourra recouvrer la faculté de penser elle-même, et sor- tira de cet humiliant abaissement où l’a placée la supériorité intellec- tuelle de Paris. Depuis deux siècles, c’est un principe établi que de Paris seul peut émaner l'esprit et le savoir, le bon goût et la grâce du langage. En de- hors de Paris, personne n’a le droit de penser, d'écrire, de composer, de remuer même un problème d’algèbre , une difficulté de philologie, d’éclaircir un point d'histoire, de découvrir une inscription effacée, d’ex- pliquer une langue en ruines, de produire enfin sur la toile ou sur la pierre une œuvre digne de quelque mention honorable. Paris accable tout de ses impitoyables dédains. Chez les autres nations, il s’en faut qu’une telle servitude pèse sur la pensée locale. En Allemagne, outre les siéges des universités, on compte plus de dix villes , Leipsick, Berlin, Stuttgard , Francfort, Mu- nich, Halle, Breslau, Vienne, qui, par une noble émulation, concou- rent à multiplier les richesses de la littérature nationale. Au-delà de la Manche , Edimbourg n'est-il pas aussi leftré que Londres ? N'est-ce pas SEIZIÈME SESSION. 491 aux montagnes de l’Ecosse que Walter-Scolt doit les plus belles fleurs de sa couronne poétique ? Un simple laboureur écossais, Burns , n’a-t-il pas composé des poésies délicieuses qui portent le cachet de sa pro- vince? « Le génie poétique de mon pays, dit-il, m’a trouvé où le prophète Elie trouva Elisée, à la charrue , et il a jeté sur moi son manteau ins- pirateur; chante , m’a-t-il dit, dans le dialecte de ta terre natale, ses amours , Ses plaisirs et ses scènes champêtres. » Docile à cet ordre de la muse, Burns a consacré ses chants à l’Ecosse, et ses poésies sont comme un fruit agreste et vigoureux de ses montagnes. En France, pourquoi les provinces abdiqueraïient-elles la faculté de penser, de créer dans les arts et les lettres? Sont-elles privées de ma- tières premières ? Ne sont-elles pas riches en nobles souvenirs , en faits glorieux? N’ont-elles pas vécu autrefois d’une vie indépendante et forte ? N'ont-elles plus de vieux monuments debout ? Leurs magnifiques archives ont-elles péri? Cette fière Normandie , ces redoutables enfants du Nord, ces superbes rois de la mer, qui, des forêts de la Germanie, étaient venus fondre sur les bords effrayésde la Seine, de la Loire, du Rhin, du Danube, jusque Sur les rivages de l’Angletrere, de l'Espagne, de la Grèce, etmême jusque sur les côtes d'Afrique ; qui, par leurs exploits, parvinrent à fonder plu- sieurs états en Europe, et qui, grâce à leur bravoure et à celle de Rol- lon, leur chef, réussirent à se fixer et à se ‘orlifier dans l’ancien royaume . de Neustrie, est-ce que celte vieïlleel poétique province voudrait demeu- rer maintenant la froide et slérile héritière d’une si longue et si illustre mémoire? L'ombre de Robert n’en frémirail-elle pas d’indignation ? * Et cette héroïque Bretagne, dont l’histoire est remplie de luttes gi- gantesques, qui, durant onze cents ans, combattit pour ses droils, et dont nul vainqueur n'enchaëna la douce et blanche hermine ; où chaque ruisseau murmure un nom illustre, chaque colline porte une empreinte ineffacable , où chaque bois a ombragé des balaillons de héros, où chaque vallée a caché dans ses vertes profondeurs des mystères de fidélité, est- ce que cette belle province, celte terre encore si vierge, voudrait se con- soler pour jamais de sa souveraineté perdue ? Si le rêve antique d’une indépendance territoriale est dès long-temps passé pour elle, n’a-t-elle pas droit de reconquérir sa part de souveraineté intellectuelle ; SOUve- raineté nouvelle qui gouvernera à son tour le monde et l’avenir? Sont-ce les talents qui manqueraient en province pour y réveiller la vie intellectuelle et y faire fleurir les lettres et les arts? Mais c’est au contraire de la provincé que Paris attire toutes les intelligences dont il fait des savants , des artistes , des liltérateurs; parmi les nomsillustres, cherchez les parisiens ; en trouvez-vous? Les uns sont éclos sous les rayons du soleil du Midi, les autres dans les brumes de la Flandre, ceux-ci au milieu des vergers ou des falaises de la Normandie , ceux-là au milieu des landes et à l'ombre des menhirs de la Bretagne. 192 CONGRÈS SCIENTIFIQUE. DE. FRANCE. Tous ces écrivains, ces peintres, ces sculpteurs, ces:savanis,, c’est sous;:le ciel natal.qu'ils ont.senti la première étincelle.du génie, S’'ils.sont partis, s'ils ont privé la province de l'illustration de leurs œuvres, c’est qu’ils n’ont rencontré autour d’eux ui aide, ni encouragement, niali, ment:à.leur activité, ni, certitude;pour leur avenir: Ceux-ci sont devenus célèbres; mais combien d’autres jeunes gens, qui sont partis à leur exemple, ont couru.après cetle: même gloire dont l'espérance les enivrait ? Combien , une fois arrivés à Paris, dans.ce dé- dale, dans cette foule, dans.ce bruit, n’ont-pu trouver, à.la place du bon- heur et.de la renommée, que les.inexprimables angoisses d’une yie:s0- litaire.et malheureuse? On raconte que jadis, dans la Grèce, une.loi fatale.enlevait tous les ans la fleur de la jeunesse athénienne, qui, trans- portée dans le labyrinthe de, la Crète:, allait y expirer sous-la dent, de Fimpitoyable Minotaure : la centralisation a fait en France des ravages plus terribles. . Serait-il possible d’arrêter cette effrayante attraction parisienne ? Se- rait-il possible, sans la décentralisation administrative, de retenir et.de fixer en province la circulation de la vie intellectuelle? Quant à nous , nous croyons qu'il ne sera permis, à l’esprit provincial de prendre un essor complet que le jour où les administrations locales, maîtresses de leurs mouvements , et rentrant dans une plus libre-dis- position de leurs ressources, pourront assurer aux savants. et.aux ar- tistes un protectorat officiel et vraiment. efficace. Jusque.là, nous ne pourrions promettre aucune viabilité aux diverses tentatives d’émanci- pation. Le premier vœu de qui souhaite la décentralisatton intellectuelle doit donc être pour la décentralisation administrative, pour l’affermissement et l'élargissement du pouvoir des Conseils généraux. Ceux-ci, une fois pourvus d’attributions plus élevées et plus efficaces , ne manqueraient pas, nous,en.sommes:convaincus, de comprendre. la nouvelle-et noble mission qu'ils auraient à remplir. La division départementale, pour offrir un centre aux sciences, aux lettres et aux arts, aurait sans doute des limites-trop bornées; mais:il y a dans les différentes provinces, ou , si on aime:mieux, dans les diffé- rentes zônes de la France, certains centres que le:hasard ; les nobles loisirs des habitants, l'originalité des mœurs, l'indifférence pour des spéculationscommerciales et industrielles, ont désignés déjà comme des foyers naturels pour les sciences , les lettres:et les arts. Eh bien, c’est dans.ces foyers qu'il s'agirait de convier toutes les branches de l’'intelli- gence à venir, sous le-protectorat des administrations Jocales, de se grouper pour s’aider et.se féconder. - Le Conseil général dans. le département duquel se inioneutit la cité privilégiée, c'est-à-dire le centre littéraire, scientifique et artistique , devrail se charger du patronage malériel.et intellectuel. Les charges qui SÉIZIÈME SESSION. 193 incomberaïent à ses administrés seraient compensées par l'éclat ét la richesse que la ville et le département en relireraient ; les autres Con- seils généraux de la même province ou de la même zône ne manque- raient pas de venir en aide, afin de faire profiter les savants et les ar- tistes de leur département de la protection ét des avantages de l’instilu- tion. ; Maïs c’est ici qu’on sent vivement la nécessilé de restiluer aux admi- uistrations locales celte partie considérable de leurs ressources, qui va s’engouftrer dans le trésor de la centralisalion pour embellir Paris, pour faire fleurir son commerce, encourager ses savants, ses ar- tistes , ses liltérateurs , soulager ses pauvres , et même enfretenir ses émeutiers. Le budget de la France atleint presque 2 milliards , c’est-à- dire une moyenne d'environ 23 millions par département ; calculez ce qu'il recoit en retour. Combien ne recoivent que le quart de ce qu'ils donnent ! £ Une fois qu’on aura rendu aux départements les moyens d'entretenir des centres.intellectuels, il faudra organiser une institulion assez puis- sante pour développer en dehors de Paris le progrès des lettres et des arts. Or, ce qui nous parait le plus propre pour atteindre ce but, c’est la reconstilution des anciennes académies provinciales. Châteaubriand , dans son Génie du Christianisme , a jugé sévèrement ces Académies ; Voltaire a dit, au contraire, qu'elles avaient rendu des services signalés : l'un et l'autre ont dit la verité, car elles ont produit le bien, elles ont produit le mal. Presque toutes nées au xvur siècle, elles en ont refleté l'esprit. Mais il n’est pas moins certain que les Aca- démies de Lyon, d'Amiens, de Dijon, de Toulouse, de Nancy , et les autres, qui comptaient dans leurs rangs Soufflot, Chaptal, l’abbé Rozier, Dupuis, Le Carpentier , Descamps , Pigal, Greuze, contribuërent puis- samment à l’activité intellectuelle de celte époque, et c’est sous leur in- fluence, fortifiée par celle du Parlement et des Assemblées d'Étals, que les provinces purent conserver quelque chose de leurs mœurs, de leurs idées, de leurs vertus et de leur indépendance. Un modèle qu'on pourrait proposer aux Académies qui voudraient aujourd’hui s'organiser dans nos provinces, c’esl celui de l’Académie de Toulouse. Cette illustre Compagnie avait su intéresser toute la pro- vince à sa gloire el à ses progrès. Tout ce qui avait de la grandeur ou de la. célébrité dans la magistrature et dans l’armée avait voulu en devenir les Mécènes ; de leur côlé, les arlistes répondirent à ce haut patronage par la plus noble émulation. — Mais, puisqu'il s’agit d'offrir un modèle, laissons parler l’historien de l’Académie de Toulouse ; il va nous raconter lui-même comment celte précieuse institution était orga- nisée. Nous empruntons les extraits que nous allons donner à un pelit livre plein de curieux détails, imprimé à Paris en 1777, et qui a pour me IT. - 25 194 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. litre : Almanach raisonné des architectes , peintres , sculpteurs, graveurs et ciseleurs, dédié aux amateurs des arts. « L'origine de l'Académie de Toulouse, dit l'auteur , ressemble assez a celle de tous les corps littéraires. Ce fut un petit nombre d’amaleurs el d'artistes de celte ville qui’, animés de l'amour du bien public, y in- spira l'amour des arts et échauffa le génie de ses habitants... _» Celte Académie est la première qui ait été établie en France, à l’in- slar -de l’Académie de peinture et de sculpture de Paris, mais avec des conslitutions différentes , et un régime analogue aux circonstances par- . ticulières et à l’objet qu’on se proposait dans cet établissement. ue” » Cette Académie est devenue un collége public où, durant l’année académique, on professe les arts comme dans les auires colléges on professe les humanités. On y enseigne publiquement et gratuitement les différentes parties du dessin, la peinture, la sculpture, l'architecture, la géométrie pratique, la perspective et l’anatomie. On y reçoit indis- tinctement des élèves de tout état et de toute condilion. Les classes sont nombreuses , el fréquentées par environ deux cents élèves. > On donne tous les ans douze prix d'encouragement et dasMIUerUis davantage ; ils sont de différentes valeurs. :.…. » L'Académie est dans l’usage de former chaque année un salon de peinture dans lequel elle expose au public, non seulement les produc- tions nouvelles de ses membres, mais encore les meilleurs morceaux de toutes les écoles. Les amateurs de Toulouse, qui ont d'excellents cabi- nets, se font un plaisir de prêter ces chefs-d’œuvre. On a l'attention de les ménager sagement, et de les combiner avec les ouvrages produits - par l’Académie. Par celte disposition, il en est peu qui, depuis vingt-cinq ans, aient paru deux fois au salon, parce que, dans l'intervalle, les ama- teurs renouvellent leurs richesses. On conçoit combien la réunion d’un certain nombre de bons tableaux mêlés avec d’autres moins précieux, les ouvrages des artistes de l’Académie, ceux des amateurs, les essais des élèves, combien tout cet ensemble exposé dans un salon public in- téresse ét présente, à travers une foule d’avantages, l’aiguillon puissant de l’'émulation. . ‘ » Félicitons un pays où les liaisons et l'égalité qui naissent du sincère amour des arts, où les connaissances dés artistes et des amateurs se réunissent comme dans un foyer d’où se répand la lumière la plussvive. » L'Académie royale des beaux-arts de Toulouse est composée d'ama- teurs et d'artistes formant quatre classes différentes. » La première est composée des magistrats municipaux qui représen- tent le corps de la ville, fondateur de l’Académie , et qui, à ce titre, lui a donné et entretient un bel hôtel où sont différentes classes, plusieurs cabinets pour les concours , des salles pour les assemblées et commis- _ sions. La ville paie, en outre, 3,000 livres qui, avec ce que la province donne, forment le revenu fixe de cette compagnie. SEÏZIÈME SESSION. 495 ”, La seconde classe est composée de douze associés honoraires, gens de considération qui, par leur crédit et leurs places, peuvent favoriser utilement les arts. > La troisième classe est formée de vingt associés ordinaires, ama- teurs, parmi lesquels on choisit le modérateur, le secrétaire perpétuel et le trésorier : c’est à eux à faire tous les discours et les analyses dans les séances publiques et particulières de l'Académie. : » La quatrième classe est composée d'associés artistes honoraires étrangers et de vingt-cinq artistes habitant la ville de Toulouse, qui éli- sent parmi eux le directeur des écoles. ‘ > L'Académie choisit parmi ces vingt-cinq artistes les seize profes- seurs dont chacun enseigne chaque jour la partie qui lui est affectée. » Depuis l'établissement de cette Académie, le bon goût a fait de grands progrès dans celte vaste province, et elle a le bonheur de jouir des fruits de ses soins et des dépenses qu'elle a faites pour cet objet. » Telle était l’organisation de l’Académie de Toulouse; nous l'avons exposée avec quelques détails, parce que, si nous ne sommes pas de ceux qui voudraient faire intervenir le passé comme régulateur supré- me ou comme lype absolu dans le mouvement réorganisateur de la sociélé, nous croyons pourtant que le plus souvent l histoire de l’avenir est écrite dans lestraditions est dans les institutions des siècles écoulés. La plupart des autres Académies de province n'’élaient ni moins vi- goureuses, ni moins fécondes que celle de Toulouse ; plusieurs embras- saient les belles-lettres, les sciences et les arts. La révolution de 1789 a porté un coup fatal à toutes ces créations du dernier siècle; quelques-unes survivent encore, mais elles vont mou- rir , si la décentralisation ne rappelle aux extrémités du corps social cette-exubérance de sève qui étouffe la Capitale. * C’est à ceux qui aiment sincèrement leur pays et qui désirent l'éle- ver à la splendeur dont il est digne, c'est à eux de prêter leur concours à loutes les tentatives de la province pour sa résurrection intellectuelle. Sans doute de tels desseins soulèvent des difficultés, mais sachons les accepter sans peur : la foi dans le succès les résoudra. C'est avec fierté que je ferai remarquer que l’iniliative des es que je viens de développer ne m’appartient pas ; je les ai puisées dans l’his- toire de l’autre siècle, et je ne suis que le faible écho d’une thèse élo- quemment soutenue dans la Revue provinciale, dans les derniers jours de son existence. + Pour résumer ce travail, je crois donc que la fondation d’une Aca- démie dans chaque province , sur le modèle et avec les seclions du Congrès qui nous réunit en ce moment, imprimerait aux arts, aux let- tres et aux sciences un heureux mouvement.de régénération. Il y a déjà autour de nous tous les germes de l’institution que nous appelons de nos vœux. Cette association bretonne, qui compte dans 496 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. son sein tant d’hommes laborieux et éclairés, toutes ces sociétés sa- vantes dont les travaux restent cachés dans l’ombre, toules ces chaires du haut enseignement dont certains centres de population sont déjà enrichis, ne voilà-til pas les premiers éléments pour consliluer une Académie ? Puis dans la magistrature, dans Ps HO dans le barreau, dans les lettres, dans tous les rangs de la société , dans les emplois publics, que d'hommes peu connus, doués d’un goût exquis ; que d'écrivains re- marquables et modestes, que de femmes même pour qui les délicatesses littéraires et les aspérités de la science n’ont point de secret: puis celte jeunesse aclive, intelligente, qui sort de nos écoles, qui cache plus d’une capacité ignorée, n’attendant pour éclore que l’encouragement , l’ému- lation et le grand jour. Ne serait-ce pas lui rendre un service éminent -.que de lui offrir un centre, une lice, où les jeunes talents pourraient ébaucher leurs renommées, sans l'acheter au prix de ce qui vaut mieux que la gloire , la candeur de l’âme et la douceur de la vie domestique? Les Académies devraient s’ouvrir à lontes les études, à toutes les compositions , aux travaux d'histoire, de philosophie , de jurisprudence, de médecine , de physique , de poésie, comme aux créations de la pein- ture, de la sculpture et de l’industrie. Ce serait un asile, un sanctuaire pour toutes les manifestations de la pensée provinciale, si chaste, si morale ,.si élevée el si riche, | Yoilà comment nous.entendons la décentralisation intellectuelle. Peut- être nous resterait-il à formuler d’une manière plus nette et plus posi- tive les conditions nécessaires pour assurer l’existence.et la prospérité des Académies dont nous proposons la restauration; mais en exposant plus haut les statuts de l’Académie de Toulouse , qui nous semble résu- mér assez exactement les conslitutions des autres Compagnies du siècle dernier, c’est un modèle, avons-nous dit, que nous voulions proposer ; modèle qui devrait nécessairement subir toutes les variétés de formes exigées par le temps et les tempéraments particuliers des diverses loca- lités. Tous les germes des nouvelles institutions existent déjà dans cer- taines provinces : on y trouve des écoles publiques de beaux-arts, des chaires de haut enseignement, des compagnies savantes. Il ne s'agirait plus que de donner à ces fondations une organisation plus large et plus puissante , en intéressant la province entière à leur gloire et à leur in- fluence, en assurant à leurs travaux une publicité éclatante , et en at- tachant les savants, les artistes et les écrivains par un protectorat digne, solennel , efficace. Avons-nous tort d'espérer la réalisation d’un projet que nous croyons utile à notre pays ? Est-ce un rêve brillant, comme je P’ai-entendu mur- murer à mes oreilles ? Non. Aujourd’hui la province est réveillée; elle a fait triompher sa politique ; elle se souviendra qu’elle a aussi Er ses mains l'avenir de la science , des lettres et.des arts. | SEIZIÈME SESSION. 197 Faut-il mesurer maintenañt dans quelle proportion doit s’opérer cette- décentralisation? Hélas ! il n'en est pas besoin. Le danger du moment n’est pas dans des excès. La puissance centralisatrice est encore trop vigoureuse et compte des amis trop nombreux. D'ailleurs, quand nous réclamons pour la liberté, pour le salut et pour la dignité des provinces, nous conservons toute notre admiration, tout notre attachement pour l’unité française, issue de notre vieille et grande monarchie. Ce n’est pas nous qui, aux Loris d’une centralisation oppressive, voudrions substituer les torts non moins dangereux. d’une réaction téméraire. Paris, il ne faut pas l'oublier , a plus de titres qu’au- cune cité de la France à conserver la suprématie sur le pays. Quoi qu'on fasse , il exercera toujours une grande influence d'entrainement et de fäscination. Ce sera toujours la ville des arts, la ville des sciences, le centre qui aura le privilége d'attirer les regards de l’Europe intelligente. Des siècles lui ont légué cel héritage de gloire. Quelle province oserait le lui disputer? La section, comprenant tout l'intérêt que présente la cinquième question, manifeste le désir qu’elle soit portée à l’une des séances générales du Congrès. M. le Président fera part de ce désir à la commission permanenie. La séance est levée à trois heures. Séanee du 4 Septembre 1849. Présidence de M. AUSSANT, — M. DUPRAY, Secrétaire. Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. M. Aussani, pour rectifier une citation faite par lui dans la séance précédente , lit un fragment de letire de l’Arétin , qu'il avait attribué à Machiavel. Un membre propose d’ajouter au programme de la sec- tion la question suivante : « Le projet sur les expositions 198 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. » régionales, soumis à l’Institut des provinces par M. de » Caumont, doit-il être accepté sans modification ? La » France, pour cet objet, sera-t-elle seulement divisée en » cinq grandes régions? Le système de rotation proposé » pour chaque région est-il satisfaisant, bien combiné? » La proposition est renvoyée à l'examen de la commis- sion permanente. | Sur l'invitation de M. le Président, M. Suc, statuaire à . Nantes, lit un mémoire sur l’art des proportions, qui éle- vait si haut les sculpteurs et les peintres de l’antiquité, qui les conduisait à produire des chefs-d’œuvre. MESSIEURS, C’est en présence d'hommes savants et éclairés comme ceux devant lesquels j'ai l'honneur de me trouver aujourd’hui que j'ose faire entendre humble voix d’un statuaire breton, et soumettre à celte illustre Assem- blée des pensées qui ont l'art pour objet. Ceux qu’un instinct irrésistible pousse vers les arts y sont entraînés, soit par l’altrait qui séduit le cœur et le passionne à la tue des merveilles de cette nature si riche, si poétique, si variée, qui tantôt nous réjouit l’âme par la parure et la beauté, et qui tantôt semble prendre part à nos peines par sa mélancolie et sa tris- tesse, soit par l’exaltation qu'ils éprouvent devant les chefs-d’œuvre faits par la main des hommes : aussi le nouvel adepte, le cœur tout plein de ces beautés qu’il sent, se met au travail avec ardeur, pétrit la terre ou manie le pinceau. Mais, après des labeurs non interrompus, des veilles fatigantes, bien qu’il ait dépensé en amour pour son œuvre toutes les facultés de son âme, il lui arrive parfois d’être cruellement déçu ; celte œuvre, qu’il croyait devoir être si belle, et qui promettait d’illus- trer Son nom, cette œuvre, hélas ! est médiocre, peut-être même mau- vaise; et pourquoi....? [l n’y manque ni la pensée, ni le sentiment , ni la couleur. Que lui faut-il donc encore ?.. Ce qui lui manque, Messieurs, ce sont les règles même de l’art; ce sont ces proportions si admirable- ment saisies par les Grecs, si merveilleusement observées dans leurs œuvres immortelles ; et c’est à ce sujet que je vais prendre la liberté de vous adresser quelques réflexions que l'expérience m’a suggérées. Si l'art n'avait pour but que de représenter d'une manière plus ou moins exacle les objets qui, dans la nature, frappent nos regards, soit par leur côlé poétique ou pittoresque , soit par le galbe de leurs formes, Dieu, ayant doué certains hommes du feu sacré qui doit animer l’ar- liste, aurait seul tout fait : et les hommes doués d’une imagination vive SEIZIÈME SESSION. à 499 ct ardente, les hommes enthousiastes et chaleureux , seraient les plus grands écrivains, les plus grands poètes, les plus grands artistes. Aussi, pendant les premières années passées dans les ateliers, l'élève qui met le plus de-feu.et d’ardeur. à faire une esquisse, un croquis, altire sur lui l'attention, et semble promettre d’être un jour un grand peintre , un statuaire de renom. Mais plus tard l'élève quitte les bancs, il devient homme, il produit , il expose. S'il compare alors ses œuvres à celles des . anciens , il cherche vainement dans son travail cette science profonde qui existe dans les beaux marbres antiques , science qui empêche pas moins la vie de s’y faire bien sentir, sans que l'imagination et la pensée y aient perdu quelque chose. Seulement il y a plus que de l'imagination, plus que de l’enthousiasme, dans la création de ces chefs-d’œuvre : la science est venue en aide à ces artistes si féconds, et cela, je le répèle, sans refroidir la vie qui anime leurs beaux marbres. On sent la vérité de ce que j’avance en présence de la Vénus de Milo, si noblement belle, et qui nous laisse muets d'étonnement devant ses formes si vraies , si voisines de la nature, devant ces sculptures qui or- naient autrefois le temple de Minerve à Athènes, œuvres sorlies de la main du divin Phidias. Ce sont là, en effet, des chefs-d’œuvre sur les- quels la critique la plus sévère n’a pas de prise , et que l’admiration de tous a proclamés immortels; el cela parce que la science exacte des pro: portions mathématiques a guidé la Main habile de l’ouvrier, et a servi d’auxiliaire au sentiment et à la pensée qu'il imprimait à son marbre : aussi les Grecs ont-ils atteint à un degré de perfection qu’il n’est pas donné à l’homme de dépasser dans cet art sublime de la forme. Si, de ces statues irréprochables, nous passons aux sculptures et aux peintures de nos temps, nous aurons souvent l’œil blessé par le manque de proportions. Dans les ateliers où les jeunes- artistes reçoivent les principes de l’art, et ou ils travaillent d’après la bosse el le modèle vi- vant, le maître vient de temps à autre regarder leur dessin, et, s’il y a matière à correction, il leur dira : « Ce bras est court, celte jambe trop longue, cette épaule pas assez élevée. » Mais sur quel principe se fonde-t-il pour s'exprimer ainsi? Pourquoi cetle épaule, cette jambe, ce bras ne sont-ils pas corrects ? Voilà ce que la plupart des maitres ne disent pas, ce qu'ils ignorent peut-être. L’œil seul les guide ; mais l’œ1l esl un mauvais juge ; le compas lui-même induirail en erreur. Il est des cas où la règle de l’art oblige l’artiste, quand bien même il voudrait ob- tenir une ressemblance parfaite, à ne pas toujours copier servilement son modèle. L’œil n’est donc pas le principal guide de l'artiste. Si, plus tard, le jeune homme éprouve le besoin d'étudier serieuse- ment son art, que trouve:t-il dans les livres? Quelques règles de celte sorte : Le corps a huit longueurs de tête, et la tête quatre longueurs de nez. Sur ces indications, le sculpteur se met à l’œuvre, travaillant d’après ces principes, qu’il croit immuables ; mais, si sa statue inclise, 200 ÇONGRÉES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. de combien perd-elle en hauteur ? Si la tête se renverse en arrière, que doit-elle gagner afin de paraître aux yeux du spectateur, qui la regarde d’en bas, ce qu’elle est en réalité? Il y a dans ces diversés poses un effet d’ ‘optique qu’il faut obtenir. La tête si belle de la Niobé, qui paraît tant renversée, ne l’est presque pas. L'artiste a obtenu cet effet par un mouve- ment imperceplible du cou, qui penche plus sur un côté que sur l’autre, et par l’arrangement de sa coiffure, qui tombe sur l'épaule. Parminos sta- tuaires modernes , quelques-uns ont suivi et suivent encore avec gloire et succès le chemin tracé par nos devanciers ; les expositions de Paris le prouvent , et je pourrais citer ici le nom de Cartat (ne parlons que des morts), qui, dans un grand nombre de statues, et particuliérement dans son soldat de Marathon, s’est montré le digne émule des statuaires antiques. Nous savons tous , et il nous est prouvé que les Grecs avaient sur l’art des proportions certaines règles dont ils ne s’écartaient jamais ; il est visible, aux yeux les moins éclairés , que le calme , la simplicité dans le mouvement était une des principales, comme plus conforme à la beauté; aussi voyons-nous peu de statues antiques qui, comme le Gladiateur et le Laocoon , expriment l’action par un mouvement violent. Mais les autres, qui nous les dira, qui nous rendra le canon de Philoc- tèle, dont les règles manuscrites ont été perdues pour les arts lors de l'incendie de la bibliothèque d’Alexandrie ? Il est donc un vœu que je forme, Messieurs, en mon nom et en celui de tous les artistes, c'est que des savants se livrent à des récherches qui auraieñt pour but de nous donner les moyens mathématiques de conserver ces belles proportions. Il ne suffit pas de regarder , de me- surer les œuvres antiques pôur découvrir ce secret ; non, c’est le moyen perdu, le moyen mécanique qu’il nous faudrait retrouver , ces règles si savantes qui existaient pour tous les mouvements du corps, pour toutes les attitudes , pour tous les gestes, car il y avait de cès mouvements, de ces attitudes , de ces gestes qui n’étaient point permis comme lran- chant le calme et la simplicité qui doivent exister dans la statuaire. Après avoir vainement cherché dans les livres à retrouver quelques- unes des proportions grecques , je me suis livré à l'étude des antiques, et, depuis plusieurs années, je me suis principalement occupé de faire des recherches, el, à force d’avoir puisé dans des ouvrages spéciaux tout ce qui élait relatif à l’art ancien , je suis parvenu, mais par des pro-. cédés qu’il me serait impossible de communiquer, puisqu'ils ne sont fondés ni sur les mathématiques , ni sur la géométrie, et qu’ils ne re- posent que sur un instinct particulier à l’homme , je suis parvenu, dis- je, à trouver quelques proportions qui m'ont salisfait et que j'ai appli- quées à l’exéculion de mon Moïse et à ma statue de l'Innocence. Mes- sieurs, vous êtes appelés à me juger ; mais, je le répèle, il me seraït impossible de donner des explications intelligibles sur ces proportions, et, si je m'en servais moi-même pour une nouvelle œuvre, je serais SEIZIÈME SESSION. 204 obligé de chercher d’autres moyens pour arriver au même but, n’ayant . rien de classé, rien de trés-précis à ce sujet. Mon plus grand désir serait donc de voir quelques-uns de ces hom- mes savants, comme ceux au milieu desquels j’ai l'honneur de me trou- ver aujourd’hui, pour qui l'étude est une jouissance, que les difficultés ne font qu’exciter à la recherche de ce qu’ils poursuivent, s’adonner à ce travail intéressant et nous rendre ces puissants moyens de créer de belles œuvres, avec le concours de l'imagination, de la pensée et du cœur. : La lecture de ce mémoire a été écoutée avec un très-vif intérêt. M. le Président annonce la réception de quelques com- positions musicales, soumises à l’appréciation de la sec- tion. M. de Casiellan veut bien se charger de les étudier. L'ordre du jour appelle la discussion de la sixième ques- tion , ainsi conçue : « Dans quelle mesure convient-il au » xiIx° siècle de ressusciter, pour la sculpture, la peinture » l'architecture, les formes et les procédés usités au moyen- » âge? » M. Du Vautenet, inscrit sur la question, obtient la pa- role et lit le savant mémoire qui suit : SE EX STREBNEETE comme principe primordial de toute théorie architectonique appliquée à l’origine et à l'établissement du style ogival. INTRODUCTION. .La reproduction ou la renaissance du style ogival au xrx° siècle ? Telle est la grande question sur laquelle on pourra discuter long-temps sans s'entendre , si les contempteurs du gothique et ses admirateurs par sentiment ne consentent pas à la poser autrement qu’elle ne l’a été T. I, - 26 202 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. jusqu'ici ; en un mot, si, pour les contendants, la reproduction ne doit être qu’une imitation servile des arts du moyen-äge. , Le style. ogival n’est-il qu’une création capricieuse de la civilisation du xmu° siècle , destinée à l’oubli comme les causes fantastiques qui ont présidé à son origine ? Ou bien, fondé sur un principe de stabilité commune à toute architecture, doit-il, à ce titre, être considéré comme une forme applicable et transformable, suivant les besoins et les mœurs progressives des âges, aussi bien que toutes celles dites classiques ? Tel eût dû être, selon nous, le véritable problème proposé à résoudre ; problème dont la solution mathématique ne fait plus un doute pour nous, et nous laisse seulement dans l’étonnement qu’elle ait pu être aussi tardive après les travaux de la science, dont réellement il ne res- tait plus qu’à tirer la déduction applicable à l'espèce ; déduction à la- quelle on w’arrive pas par l’étude archéologique des monuments du moyen-âge. Néanmoins, si l’archéologie n’a pu encore soulever un coin du voile qui nous cachait l’origine de l'architecture ogivale et des prin- cipes théoriques qui lui sont applicables , elle a du moins contribué à en généraliser le goût, à faire apprécier les sympathies du sentiment chrétien pour cette forme et en stimuler la reproduction. Bientôt les efforts de l'archéologie, et cette reproduction préconisée par elle, don- nèrent lieu à un débat passionné dans lequel, en y prenant part, l’Aca- démie des beaux-arts, 4° classe de l’Institut, formula des conclusions négatives dont la logique incontestable n'a cependant convaincu aucun des partisans de l’art gothique, qui n’avaient à lui opposer que des ar- guments de sentiment : si peu convaincu même, que l’autorilé, en par- tageant la prédilection de ces derniers , crut devoir ordonner l’érection d'une église du style ogival, au sein de la Capitale, en commettant wre faute, suivant l'expression de la docte Académie. D’autre part, celle reproduction , même aux yeux des admirateurs, ne laissait pas que d'offrir des doutes, du moment où il s'agissait d’une forme à laquelle, de part et d'autre, on ne pouvait assigner une théorie positive, seule base acceptable de toute reproduction artielle. L’art , en effet, n’exisle qu’avec la condition de répondre aux besoins et aux mœurs de la civi- lisation,, dont à chaque siècle il atteste l’actualité par ses transforma- tions successives ; mais celte flexibilité exigée de lui ne peut être que la conséquence d’un principe fondamental, sans lequel l’art n'est plus qu’une fantaisie propre à satisfaire au caprice du ni fantaisie que le retour aux lois éternelles du goût ne tarde pas à condamner à l'oubli. L'architecture ogivale, regardée par ses détracteurs seulement com- me-lexpression d’une civilisation qui a fait son temps et n’est plus du nôtre, n’a pu, à leurs yeux , s’élever à la hauteur d’une forme régu- lière, et appuyée sur des principes que l'argumentation loute de sen- rs SEIZIÈME SESSION. 203 timent de ses admirateurs ne pouvait être qu'impuissante à lui resli- tuer, devant la logique de ceux invoqués par leurs adversaires. C’est cette base théorique déniée à l'art gothique que l’art grec pos- sède à un degré si éminent, qu'après avoir résisté à toutes les épreuves de la dégradation et survécu à l'invasion de la barbarie, il a été possi- ble de retrouver dans les moindres débris de l'antiquité la théorie tout entière qui, dès l’origine, a présidé à ses créations. Cependant, et mal- gré l'autorité de cet argument, le doute persistait encore, et la raison, appuyée sur le sentiment profond de la valeur d’un système architecto- nique qui avait produit d’aussi grands résultats, ne pouvait se résou- _dre à l’accepter comme le produit fantastique d’une imagination sur- excitée. M Bar Le système de l'art ogival avait-il pour base un principe rationnel ? Telle , en définitive, eût dû être la véritable question à examiner; ques- tion sur laquelle les travaux archéologiques , au lieu d'apporter la lu- mière, n’ont répandu jusqu'ici qu’une obscurité plus grande, peut-être même contribué à augmenter des préventions que les progrès du goût et de la raison , invoqués par eux, sont impuissants à combattre, parce qu’elles sont fondées sur la logique des principes dérivés de la néces$ilé statique. Ces préventions, cetteidolâtrie des œuvres de l'antiquité, comme l'appelle le savant auteur de l'Histoire de l'architecture religieuse au moyen-âge (1), ont peut-être agi, aussi fortement d’ailleurs, sur les partisans du style ogival que sur ses détracteurs. La raison en est sim- ple : c’est qu'il leur était impossible de découvrir, dans les monuments objets de leur admiration, le moindre rapport de proportion avec cet ensemble de membres qu’on appelle un ordre, principe fondamental de tous les styles classiques, bases théoriques que le symbolisme mys- tique ne pouvait pas suppléer dans l'établissement du style ogival. Etranger, en effet, à la formation des ordres et débarrassé de la science qui y préside, le style ogival, véritable kaléidoscope, semble ne con- naître d’autres règles que la symétrie des formes , d'autre obstacle que l'instabilité contre laquelle tous les moyens lui sont bons pour lutter, quand il lui est possible de les dissimuler aux yeux. L'opposition de la lamière et des ombres, la variété des formes et des couleurs , ainsi que les mille combinaisons que le hasard fait naître, ne semblent- ellespas, au premier abord , constituer tout le génie de l’art gothique ; art, par cela même, du ressort des peintres bien plus que des archi- tectes ? Envisagée de cetle manière, considérée encore comme l’expres- sion de la pensée chrélienne, appelée même par ses admirateurs l’art chrétien par excellence, l'architecture gothique ne peut pas soulenir une : (1) De Caumont, ibid., chap. 1°, p. 4. 204 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. discussion sérieuse , et l’Académie des beaux-arts a pu et dû même con- clure à la négative; prétendre aussi, avec l’apparence de la logique < que » cette architecture , née dans les siècles du moyen-äge, par des causes » qui ont dû produire alors leur effet , et qui plus tard ont cessé d’agir, »n ’est, en réalité, ni une forme ancienne ni un type exclusivement » propre à l’art chrétien, si tant est que le Christianisme ait besoin d’une » forme d’art particulière pour exprimer son culte (4). » Dans cette polé- mique il serait difficile, en effet, de soutenir la prééminence de telle cathédrale gothique que ce soit, sur le chef-d'œuvre de Bramante et de Michel-Ange. Ë Tel est, en peu de mots, l’état de la controverse qui s’est établie, à laquelle aussi le Congrès scientifique de France , dans sa xvr° ses- - sion, a voulu prendre part, avec d’autant plus de raison que la ques- tion jusqu'ici reste parfaitement entière , et que les arguments apportés de part et d’autre ne paraissent avoir convaincu personne et ne lui avoir pasfait faire un pas. De cet état de choses est résultée pour nous la con- viction qu’une erreur fondamentale a dû être la cause du malentendu évident qui à présidé à la position même de le question controversée , et n’a conduit, des deux côlés, qu’à des négations sans valeur pour éclairer la discussion , ramener les convictions de sentiment et la dé- duction logique dans la voie d’une solution qui devra nécessairement , pour être vraie, avoir satisfait aux unes comme aux autres. CHAPITRE I. L'architecture enfantée par le besoin ne connaît, en réalité, qu’une seule condition d'existence , la stabilité, Quelle que soit la forme adop- tée, la plate-forme , Parc à pleïn-cintre ou ogival , le problème à ré- soudre-a loujours été d'isoler, de clore un espace vide, à quelque usage qu’il fût destiné, palais, temple ou chaumièére. L'homme , abrité d’abord dans des cavernes et sous des ombrages, dut chercher à reproduire par son industrie les circonstances fortuites offertes par la nafure (2). Deux rochers précipités l’un vers l’autre, et arrêtés dans leur course par un troisième, interposé à leur sommet, offri- rent sans doute le premier exemple d'une voûte d'appareil; il ne s’a- gissait plus que d’en faire l’applicalion pour clore une enceinte donnée plus considérable que celles qu'il avait été possible de couvrir en pier- 2 ——_—_—_—_—_—_—_—_—__—_—_—_——— ob Opinion de la quatrième elasse de l’Institut, Académie des beaux-arts, sur l'oppor- tunité de la reproduction du style ogival au xrx: siècle. (2) Motifs de l'opinion de Vitruve, qui fait de la cabane Poe le type de l’or- donnance architecturale. SEIZIÈME SESSION. 205 res plates. Ainsi, la plate-forme et la voûte ont été la condition première de toute architecture, et les molifs de stabilité qui ont dirigé, dans le choix des moyens de construction, la véritable base de toute théorie ar- chitectonique. Indubitablement la première voûte, la première arcade em- ployée, celle dont l’accident naturel avait donné l'exemple, fut l’arcade brisée , la voûte ovoïde ,.et les restes de l'antiquité la plus reculée vien- nent confirmer cetle opinion que les Grecs connaissaient l'arc ogival avant d’être arrivés à l'invention du plein-cintre, véritable perfection- nement, sous le rapport de la pureté des lignes, qualité à laquelle ils élaient si sensibles. Le tombeau ou le trésor d’Atrée à Mycènes, une porle à Arpino , une chambre sépulcrale à Tarquinie , présentent l'em- ploi de l’arcade ogivale et de la voûte ovoide (1). Bien plus: les anti- quités mexicaines ont présenté les mêmes dispositions ; et dans ces exemples, tirés de l'art antique, on remarque que l’arcade ou la voûte ne sont pas Loujours appareillées, mais quelquefois formées par assises horizontales, disposées avec déviation dela perpendiculaire, pour arriver à fermer l’espace vide de la voûte-et de l’arcade. Loug-temps sans doute avant que la géométrie eût enseigné la coupe régulière des voussoirs , suivant la courbe adoptée, l'expérience y suppléa. Il est notable cepen- dant que la plate-forme fut alors , pendant une période assez longue, presque exclusivement pratiquée. N’était-ce pas en raison de l'absence des ressources que développèrent plus tard les sciences mathématiques dans leurs progrès ? Quoi qu’il en soit de l'insuffisance expérimentale et de l'avancement de la géométrie dans l'antiquité, et même dans les temps modernes, les questions de stabilité dans l'établissement des ar- cades n’ont été soumises à l’analyse mathématique qu’à une époque assez rapprochée de nous, vers la fin du xvn' siècle et le milieu du dernier. Rondelet, dans son savant Trailé de l'art de bâtir, a résumé les tra- vaux des savants qui l'ont précéde sur celle matière. En y ajoutant les résultats de ses propres-expériences et de ses calculs, il en a déduit «-que la stabilité de toute espèce de voûte réside dans le-rapport de la > puissance donnée au point d'appui ou pied-droit , en raison de la lar- > geur du vide et de la nature de la courbe affectée par la voûte ou l’ar- « cade. » Dans le tableau comparatif qu’il a dressé des résultats de l’ana- lyse et de l'expérience , l’arcade brisée ou ogivale, qu'il regarde aussi lui comme l’arcade primitive, est celle qui exige le moins de puissance dans ses appuis, celle dans laquelle la poussée horizontale parait neu- tralisée le plus complètement (2). Que si, d'autre part, on considère, dans la théorie des ordres adoptés par les anciens, les rapports qui doivent exister entre les colonnes-support, l’architrave-fardeau et l’es- ms #4 (1) Voyez Hitofet Zanth, Architecture de la Sicile, fol. 4, pl. 73 et 74. (2) Rondelet, 4rt de bâtir, vol. 3, pag. 250 à 300. ° 206 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. pacement des premiers ou entrecolonnement , il est impossible de ne pas reconnaître que cette nécessité stalique , reconnue par le Savant auteur de la Théorie des voûtes , réside au même degré dans l’établis- sement de l'architrave : que cette loi commune, enfin, ne doit être autre que l'équilibre entre les supports et les fardeaux , principe for- mulé dans la Statique de Monge (n° 97, corol. 11); que les ordres alors ne seraient plus le principe originaire, mais seulement une consé- quence de celte loi des corps pesanls , qui, en présidant à l'établisse- ment de la plate-forme, aussi bien qu’à celui de l’arcade,, resteraiten définitive la base primordiale et unique de toute théorie architecto- nique. Dans cet ordre d'idées, on aperçoit sur-le-champ le motif pour lequel la colonne est une forme de support particulièrement destinée à la pla- te-forme ou architrave , avec laquelle ses rapports de proportions doi- vent être parfaitement statiques , tandis qu’employée à soutenir les ar- cades, elle ne paraît plus qu'un hors-d’œuvre, souvent même un non: sens de stabilité d’autant plus frappant, qu’elle aura conservé des pro- portions qui caractérisent un ordre (1). Nous ferons voir, plus tard, que cetle loi statique , révélée par l'expérience aux premiers construc- teurs (2), a élé la raison incontestable de toute leur esthétique ; que c’est bien à tort qu’on a considéré la formation des ordres comme la condi- ———————————————_—_——————— (1) L'accident arrivé au Pantaéon ( église Sainte-Géneviève }etles circonstances qui ont déterminé la réfaction des piliers d'angle du transept, originairement composés de colonnes isolées, doivent être cités à l'appui de cette observation. Ces colonnes , dans leur établissement statique, n’auraient dû supporter que l’ordre; en leur faisant encore sup- porter la surcharge énorme de la coupole inférieure, dont les arcs pendentifs reposent sur ces piliers , l’écrasement des supports, trop faibles de masse , devenait d'autant plus inévitable, que la matière peu résistante de ces colonnes et quelques imprévoyances de construction en avaient encore aggravé les conséquences destructives. (2) Est-ce bien le flambeau de l'expérience qui a éclairé les premiers pas de l’ar- chitecture? Les facultés instinctives de l'homme ne.se montrent-elles pas ici comme celles de certains animaux ? Qui donc apprit l’art de construire des digues et des habitations régulières aux castors, à l’hirondelle, à l'abeille, etc.? Quand on réfléchit à l'étendue des connaissances qui 'eussent dû présider à l'érection des masses gigantesques remuées par les peuples les plus anciens, l'intelligence humaine est confondue, et la raison des chôses devient une énigme inexplicable dans l’état actuel de perfectibilité des connaissances humaines , comparé au berceau de la civilisation. Sans doute, ce n'était pas seulement avec de la patience et du temps que les Egyptiens sont parvenus à tailler, refouilleret.ciseler, avec une finesse de travail qui nous étonne après quarante siècles, la - matière la plus réfractaire qui existe sur la surface du globe, ces granites bazaltiques de la Haute-Egypte, dans lesquels sont taillés les colosses de la famille d'Osimandyas , etc, ete. Nous ayons été témoin d'une opération qui peut en donner la mesure : ilexiste au British Muséum le fragment de l’un de ces colosses monolithes ; il s'agissait de le dresser, et, pourile maintenir, de creuser à la base un trou carré propre à y introduire un gougeon de fer de 7 à 8 centimètres carrés sur 15 environ de longueur, L'ouvrier chargé SEIZIÈME SESSION. 207 tion constitutive de l’art, lorsqu'il n’en était que la conséquence der- nière , théorie ou euthémie, comme Vitruve appelle la science des pro- portions, dont le motif le plus logique ainsi que le résultat le plus positif étaient de démontrer aux yeux, comme à l'intelligence, la stabilité réelle de l’élablissement architectural ; préceptes d'autant plus effica- ces, que leur observation rigoureuse entraînait nécessairement les con- ditions mêmes de la stabilité. Comme onle voit, cette origine des ordres n’a rien de commun avec les fables racontées par Vitruve, au sujet de leur invention ; origine qu’il ne s’agit point de discuter ici. - Quoi qu'il en soit du rapport des formes avec la nécessité statique qu’elles décélent, les ordres n’en sont pas moins regardés en eux-mêmes comme la condition primitive de l’art architectural des anciens : c’est là le préjugé dont n’ont pas même su se défendre les partisans du style ogival, dont toutes les conceptions tendent, elles, à masquer les ordon- de ce travail y passa trois mois; il y usait ou ébréchait journellement cent cinquante à deux cents poinçons du meilleur acier anglais le mieux trempé. Quelle était donc la ma- tière des outils avec lesquels primitivement il fut possible de pratiquer sur la même sub- stance le travail dont la finesse et la pureté des arètes autant que la souplesse de l’épi- derme nous étonnent? Eh quoi! la somme des connaissances acquises à notre époque serait-elle inférieure en réalité à celle de ces temps primitifs ? L'intelligence humaine, au plus haut degré de puissance dans les races originaires, a-t-elle dû, suivant cette pensée de De Maistre , s’abaisser et se perdre jusqu’à la barbarie, en raison des circonstances et de l’éloignement de la céleste origine? L'observation sur les plus anciens monuments sem- ble, en effet, concourir, avee les récits de la Bible, à présenter cette assertion comme une probabilité, quant à l'architecture et aux arts plastiques. Et la remarque de Bossuet sur les commencements de l’histoire écrite leur est tout aussi applicable; car, de même que le père de l’histoire grecque, Hérodote, ne commença à écrire qu’à une époque où l'histoire du peuple de Dieu terminait des chroniques comprenant quinze siècles anté- rieurs, indépendamment de la tradition des premiers événements du monde, de même les restes de Thèbes et de Ninive furent ensevelis dans une destruction qui précéda de bien des siècles l'érection et la perfection des types de l’art grec. Que si l’on compare ceux-ci aux premiers, la grandeur ‘de la conception aussi bien que l'impression du su- blime causée par la pureté ct la simplicité des lignes de ces masses gigantesques , laissent bien loin les perfections de l’art grec, apparaissant comme un camée précieux près d’un colosse imposant , Comme une miniature à côté du tableau d'histoire grandiose. Quelle impression artielle sera jamais comparable à celle produite par les restes de Thèhes ap- paraissant au lever du jour à l'horizon, et provoquant à l'instant même les applaudisse- ments d'une armée toute entière! Qu'il ya loin de là à l'impression causée par les restes du Parthénon sur les Vénitiens, dont les boulets barbares achèveront avec indifé- rence la destruetion du chef-d'œuvre! Non. entre ces monuments, la distance des temps écoulés vient expliquer celle des génies qui les conçurent..… Cette tradition d’une race de géants, pour expliquer les monuments cyclopéens , pourrait bien n’être que l’aveu de l’impuissance’et de la faiblesse de l'intelligence humaine dégénérée, réduite à inventer les sciences qui furent apparemment l’attribut de la créature sortant des mains de la su- prême intelligence. - 208 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. nées statiques, si parfaitement apparentes dans l’art grec; prévention même poussée si loin parmi les archéologues que , forcés de reconnaitre un système numérique et des proportions suivies dans un monument célèbre du xru° siècle, ils se sont bornés à en chercher le motif dans un symbolisme religieux véritablement fantastique. De ce principe sta- tique de l'établissement des ordres ressort un aperçu important : c’est que la dégradation dela forme est en raison directe des déviations subies dans le système des ordonnées statiques. C’est par cette pente que l’art grec parvient de la décadence (1) romaine à la barbarie du Bas-Empire: et, chose remarquable, l’art se relève et rayonne de nouveau du mo- ment où le principe-statique vient de rechef réglementer la forme telle qu'elle puisse être au xiu° siècle. Mais comme, dans cette application nouvelle, la théorie architectonique ne parait avoir été déduite que sous la forme d’un dogmatisme réservé dans le sein des sociétés secrètes de: constructeurs , l’école fondée n’a pas tardé à s’altérer , l’art ogival s’est dégradé rapidement, et la vive lumière qui avait brillé à son origine s’est éteinte dans l’imitation inintelligente des siècles suivants. Bientôt même la forme revient au p'ein-cintre, et la Renaissance achève d’a- néanlir une architecture dont on a cessé de comprendre les formes et le: principe. Cette conséquence , nous ne tarderions pas à la voir se repro- duire , si limitation de l’art gothique restait dans les mêmes conditions, (1) Le palais des Thermes de Dioclétien à Rome , et celui de Spalatro entre autres, présentent les premiers exemples de cette dégradation , qui consiste dans la transmission d’un style à un autre des règles propres à chacun d’eux. L'introduction de l’are à plein cintre et la substitution de la voûte à l’architrave des Grecs avaient agrandi le domaine de la construction, en permettant d'élever des coupoles, de renfermer de grands espaces avec l'emploi de matériaux légers et de petite dimension. Certainement, l'accord des ordres architravés et de l’arcade était l'œuvre du génie romain se trouvant à l’étroit dans les con- ceptions grecques. Ce fut. une ère nouvelle , une conquête que nul n'avait encore.tentée; l'art, pour ainsi dire ; fut délivré du joug de la matière, les moindres moellons sufisant désormais à ériger la plus vaste enceinte, les plus somptueux édifices. La voûte se courba sous les plus lourds fardeaux; Inaïs la théorie, issue du principe.de stabilité de la forme nouvelle, n’ayant aucun rapport avec celle des ordres.qui en tiennent lieu dans l’art grec, fut bientôt corrompue. L'archivolte prit la place de l'architrave, et la colonne, sans au- cun rapport deproportion statique avec l'arcade, en devint le support , après avoir com- mencé par Jui servir de cadre. Tela été le principe de la dégradation du Bas-Empire, d'où surgit un-style nouveau , dit roman, dans lequel la théorie de J’arcade domine seule, où la colonne devient un ornement de placage, sans proportions, dont le rôle n’est plus de ser- vir de supports en conservant encore:certaines formes de bases et de chapiteaux, qui dis- paraîtront tout-à-fait dans le style ogival , dernière transformation de l’arcade. (Voyez planche 3, fig. 1, 2,3, 4 et 5, et leur explication.) . SEIZIÈME SESSION. 209 CHAPITRE I. La théorie des voûtes est de la science toute moderne; bien des siècles en ont vu élever avant que l’on ait eu la pensée d'y appliquer les cal- culs de l’aralyse. MM. Parent et de Lahire, de l’Académie des sciences, passent pour les premiers. mathématiciens qui s’en soient occupés (1695). En considérant les voûtes comme un assemblage de voussoirs taillés en forme de coins, susceptibles de glisser les uns sur les autres comme des corps dont les surfaces seraient infiniment polies, ces sa- vants démontrèrent que, dans cette hypothèse, la voûte à plein-cintre _ne peut se scutenir que dans les condilions suivantes : que le poids des voussoirs soit entre eux comme la différence des tangentes des angles formés par leurs joints. (Voyez Rondelet, vol. 3, p. 136.) Ce dernier observe que, dans la construction sur le principe de la voûte gothique, la réduction des voussoirs est notable , et qu'il résulte encore de cette règle que le rayon constructeur de l’extrados serait de moitié plus long que celui de l’intrados. (Idem, p. 159.) Dans cet ordre d'idées, non seu- lement la voûte à plein-cintre serait impossible, mais toutes celles sur- haussées ou surbaissées dont les cintres se raccorderaient avec les pieds- droits d’aplomb et parallèles ; de sorte qu'il n'y aurait de possibles que les voûtes dont le cintre serait formé par des courbes ouvertes formant angle avec les pieds-droils d’aplomb, telles que les paraboles, les hy- perboles et la chaïnelte. On remarquerait à ce sujet que, dans les voûtes paraboliques et hyperboliques, c’est le voussoir qui forme la clé, qui doit être le plus pesant, avoir le plus de hauteur, et que le poids des autres doit aller en diminuant, depuis la clé jusqu'aux nais- sances ; enfin, que la chaïnette est la seule courbe qui puisse donner des voûtes extradossées parallèlement, c'est-à-dire ayant partout une épaisseur égale, parce que c'est la seule dont les voussoirs divisés éga- lement donnent des différences de langentes égales. Rondelet, après avoir donné la nomenclature des savants et des architectes qui se sont occupés de la stabilité des voütes (vol. 3, page 237), entreprend de mettre d’accord la théorie résultant des calculs analytiques et l’expé- rience, en comparant les résultats sur des modèles de diverses natures de courbes construites en voussoirs polis, afin de faire abstraction de l’adhésion des mortiers. Ces résultats sont consignés dans le tableau suivant, dressé par lui à cet effet. (T. 3, page 284.) 210 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. LE DIAMËTRE DU VIDE, EPAISSEUR DES PIEDS-DROITS y selon LE CINTRE OU L'OUVERTURE DE LA COURBE | — étant de 9 pouces, soit 108 lignes. JLA FORMULE EXPÉRIENCE. ANALYTIQUE. Avec l’arc brisé ou ce EL 12 lig. 44 A4 lig. » Ba:chäinettés.° 16. 2212570. € 14 61 15 » La cycloïde . . . .. sen At 44 66 15 » Parabolique. "PR ner 15 80 16 50 EGP EE Nos . 1 16 77 17 , Cassinomes, : 5. 11100emetre 19 62 21 » ne Le DIÉMEOIHITE. ee n- i 21 50 22%" /1à On voit, ajoute Rondelet, « que la forme du cintre la plus avanta- > geuse, celle dont la construction la plus facile , peut-être la plus sta- » ble, est celle des voütes gnthiques composées de deux ares de cercle, > formant angle au sommet, ce qui n’est pas agréable. » La même analyse , appliquée aux voûtes d’arèles, donne , pour le pied-droit des- tiné à supporter l’un des côtés, le double de puissance , ou quatre fois la surface de celui destiné à supporter l’arcade de même diamètre; et la courbure du cintre la plus favorable pour les voütes d’arêles sera encore celle des arcs gothiques, parce que la parlie qui pousse le plus s'y trouvant supprimée, on-trouve que l'effet de leur poussée n’est que les trois septièmes de celui des voûtes à plein-cintre de même di- mension, épaisseur de voüles , hauteur des pieds-droits et forme d’ex- trados; enfin, qu’il suffit de donner à leur point d’appui les trois quarts de l'épaisseur des pieds-droits des voütes en plein-ceintre de mêmes ouverture et dimension. (Vol. 3, pag. 328.) Rondelet remarque encore que, dans le mode de construction des voûtes gothiques, les maçonne- ries légères qui remplissent les intersections des nervures-arcades ap- pareillées , leur donnent encore un avantage notable de stabilité sur les votes à voussoirs réguliers, A ce sujet, il crilique la superfluité des arcs-boutants demontrée par la théorie et même par l'exemple de plu- sieurs édifices où l’on a évité leur emploi, quoique leurs voûtes fussent beaucoup plus élevées que la plupart des grandes nefs au dessus des bas-côtés des églises qui en présentent l’usage. Entre autres, il cite à Paris la Sainte-Chapelle et la petite église de Cluny, près la Sorbonne. (Vol. 3, p. 330.) ll résulte du tableau ci-dessus que le rapport du vide au pied-droit, en prenant les chiffres de la colonne expérimentale, se trouvé être, pour l’arcade gothique, comme 7 3/4 est à 1, et pour l’arcade à plein: cintre, comme 4 4/5 est à 4; c’est-à-dire que la résistance du pied-droit à la poussée des voüles à plein-ceintre doit être une fois et demie plus grande que celle appliquée à l’arcade ogivale de même diamètre SEIZIÈME SESSION. 244 du vide. En acceptant ces résultats de la théorie analytique posés par Rondelet, nous avons dressé les élémentsde l’arcade ogivale et de lar- cade à plein-ceintre , ainsi que leurs voûtes d’arête, pour lesquelles , suivant Rondelet, les pieds-droits doivent présenter une puissance qua- druple de celle de l’arcade simple. (Voy. pl. 1°, fig. 5 el 6.) Puis, pre- nant l’ensemble des voussoirs dont se composent l’arcade et la voûte comme un système stable, puisque les conditions de la neutralisalion de leur poussée ont été remplies, nous l'avons considéré comme un fardeau comparable à l’entablement des ordres architravés, soumis comme eux à la même loi de stabililé des corps pesants : L'équilibre entre la masse des fardeaux et celle des supports. ! Faisant donc la masse du pied-droit égale à celle de l’arcade ou dela voûte supportée , il en est résulté que, dans l’arcade ogivale, la masse du pied-droit, calculée sur la surface proportionnelle à la largeur du vide sus-énoncée, a donné, pour la hauteur de ce vide, trois diamètres, comme dans l’arcade à plein-ceintre à peu près deux. Or, cette der- nière proportion est précisément celle que les anciens avaient adoplée pour l’arcade à plein-ceintre, comme la première semble avoir été adoptée par les constructeurs gothiques, guidés, probablement aussi eux, par l’expérience ou le sentiment inslinclif de la stabilité. (Voy. l'explication de la pl. 1.) Ce triple diamètre donné à la hauteur de larcade de Cologne nous avail frappé par son rapport avec celui du vide de l’entrecolonnement dorique grec, et nous en cherchions la cause. Il reste actuellement bien démonté pour nous qu’elle est toute statique, quoique en réalité elle n’ail dû être, de part et d’autre, que la déduction des faits et de l'expérience ; que les Germains, en adoptant pour l’arcade ogivale le principe de la pyramide parfaite , ou le triangle équilatéral , ainsi que nous le verrons plus loin, ont obéi, sans s’en douter aussi eux, à la même loi qui domine la forme à plein-ceintre comme la plate-forme. J : Avant de passer outre à l’applicalion de la théorie de l’art ogival, fondée sur le principe statique, telle qu’elle nous a apparu dans la théorie des voûtes que nous venons d'examiner, et dans l’exploration d’un monument célèbre du xmu' siècle , nous croyons indispensable de démontrer le rôle que le théorème statique de l’équilibre entre les SUP- ports et les fardeaux paraît remplir dans la thorie des ordres architra- vés que l’anliquité nous a légués. Après s'être étendu sur l’origine des connaissances humaines, des commencements de l'architecture née des besoins des premiers hom- mes, et rappelé les fables de la tradition sur l'invention des ordres : Vitruve ne parait pas avoir admis d’autre cause des formes affectées que l’imitation des premières condilions dans lesquelles furent construits les premiers abris; et la stabilité n’est jamais invoquée sérieusement par lui comme condition de l’art dont il entreprend de tracer les pré- ‘ 942 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. ceptes (1) , frappé, dit-il, de leur nécessité pour atteindre à la perfec- tion de l'architecture, ainsi qu’il s'exprime. Depuis, le savant architecte du siècle d’Auguste , le Barrozzio, a cru devoir écrire, à l'époque de la renaissance des arts, pour faciliter, comme il le dit, la connaissance et la mise en pratique des proportions de l'architecture antique aux ar- tistes de son lemps. Son écrit n’est pas le seul qui füt alors publié dans ce but ; mais les autres ont à peine vu le jour, tandis que ce pelit traité, traduit aussitôt dans quatre langues vivantes , est resté classique pour tous les peuples civilisés. Des cinq ordres pour lesquels Vignole a tracé sa théorie , deux sont étrangers aux Grecs , et leur conceplion laisse plus ou moins prise à la critique : l’ionique et le corinthien sont irréprochables, et le composite imité de ces deux ordres avec les proportions attribuées au corinthien est aussi parfaitement logique. N'est-il pas remarquable que cette anomalie et-celte imperfection reprochée aux ordres toscan et dorique de Vignole coïncide précisément avec l’inobservation du principe statique d’équili- bre des masses $i parfaitement observé dans les autres. En admettant, pour l'ordre toscan et pour le dorique, la même division de l’espace que. pour l’ionique et le corinthien, Vignole a véritablement substitué à la con- dition normale de leur établissement une régle parfaitement arbitraire, que la critique la plus saine a pu dés lors lui dénier. Telle est, au moins, la déduction qui nous a frappé à notre point de vue. Ainsi il nous a été facile, en appliquant le système de l’équilibrestalique à ces deux ordres, de reconnaître que , dans le Loscan , la masse des colonnes est presque double de celle de l’entablement, et dans l’ordre dorique imité du théâtre de Marcellus, d’un liers à peu près. Ce fait, rapproché de l'équilibre que présentent les masses des supports et des fardeaux, adopté par les Grecs dans leur ordfe du Parthenon, confirmé par l’assertion de Vitruve, rap- portée dans la note ci-dessus , n’a laissé aucun doute dans notre esprit, en nous convainquant , plus que jamais, de la nécessité d’adopter une base théorique expérimentale, indépendante de la fantaisie que semble accuser la variété des proportions adoptées par les anciens eux-mêmes ; ——————————— \ (1) Cependant, au chap. 1‘ du quatrième livre, Vitruve observe que, lorsque les co- lonies grecques de l’Ionic élevèrent un temple dédié à Apollon Pannoniens, à la manière de ceux qu’ils avaient vus en Achaïe, ne sachant pas bien quelle proportion il fallait don- ner aux eolonnes doriques, ils cherchèrent les moyens de les faire assez fortes pour sou- - tenir le faix de l'édifice, et, pour cela, ils prirent le pied de l'homme, qui est la sixième partie de sa hauteur, sur laquelle mesure ils formèrent leurs colonnes; :en sorte que le fût, en y comprenant le chapiteau, eut de hauteur six diamètres du bas de la colonne, lui donnant ainsi les proportions, la forme et la beauté du corps de l’homme. Ne ré- sulte-t-il pas de là que le but proposé était de faire équilibre entre le support et le fardeau ? Et dans ces conditions il fut parfaitement atteint, en effet. SEIZIÈME SESSION. 213 fantaisie dont se plaignait le savant traducteur de Vitruve, qui tend, en effet, à la négative de toute théorie sous la considération spécieuse de la variété observée dans les proportions du même ordre, que présente quelquefois le même monument dans les exemples antiques (1) ; ano- malie d’où l’on a cru pouvoir-inférer qüe le système des proportions de- vrait être subordonné aux convenances, de même que les proportions grecques du corps humain à la vérité d’imitation. Cette opinion, plau- sible à certains égards, conduit cependant à la dégradation de l'art plastique aussi bien qu’architectural ; car la science des proportions n’est, en réalité, qu’un instrument flexible entre les mains du génie, qui peut bien, à son gré, accourcir ou allonger les branches de ce compas, lequel, tombé dans les mains de l'ignorance, déforme alors et dénature peu à peu, jusqu’à la barbarie, l’art privé de l’appui tutélaire des théo- ries positives. Dans notre système, les ordres toscan et dorique de Vignole sont des créations auxquelles la théorie statique est parfaite- ment étrangère , tandis qu’elle se retrouve avec toutes ses déductions dans l’ionique et le corinthien, adoptés par lui de la même manière que dans l’ordre dorique grec du Parthenon. La perfection de ces derniers est donc l’évidente condamnation des premiers. Cette conclusion, tirée de l’exemple même des proportions données ———————…—…—…—_—…—…—…——_—…——…—…_—_— —…—…—…—.—…—_———…—…—…—…—…—…—…—…………—………—…_. …————.…_———…_—.—_——…—_—…—.—_…—…——. {1) Stuart observe , avec toute apparence de raison , que la différence des proportions que présentente le portique intérieur et celui extérieur du Parthenon provient d’une nécessité optique dont l'observation est, au reste, recommandée à chaque instant par Vitruve. Les colonnes du périptère étant amoindries par l'air ambiant dans un espace vide considérable, devaient avoir des dimensions plus fortes en épaisseur, pour ne rien perdre à l’œil de leurs rapports proportionnel; aussi ont-elles de ha uteur 5 diamètres 1/2 au lieu de 6 propor- tions de celles du portique intérieur , et cependant l’entablement conserve ses propor- tions normales à 2 diamètres, en sorte qu’il paraît bien que cette anomalie devait être rachetée par L'effet amoïindrissant de l'air et de la lumière sur le diamètre des colonnes, suivant encore le précepte de Vitruve, qui prétend que l'art doit remédier aux erreurs optiques (ch. 3, liv. 2 et ailleurs). D'après Stuartet Leroy, bien des études nouvelles ont été faites sur les monuments de l’Acropale d'Athènes; on ya constaté d’autres ano- malies- ‘expliquées seulement par des prévisions de stabilité; entre autres “cette disposition particulière des colonnes d’angles et des ailes du Parthenon, dans lesquelles la diminu- tion a lieu en dehors de l’aplomb de l'axe, de telle sorte que la ligne du profil intérieur, celle quiregarde lemur de la Cela, au lieu d'avoir une inclinaison égale à celle extérieure, se trouve parallèle à l’axe et d’aplomb. Les architectes qui ont fait cette observation avaient oublié probablement la recommandation de Vitruve (chap. 3, liv. 3). Cette dis- position, dit-il, est un moyen de rendre l'aspect et la figure de l'édifice plus agréables aux yeux. On voit, par cette citation, que les raisons de stabilité n'avaient pas été ap- portées par lui à l'appui de cette forme particulière observée par lés architectes qui l'ont invoquée de nos jours. C’est aussi par des raisons d'optique seulement qu’on peut expliquer les courbes insensibles qu'affectent les lignes droites de l'architrave et des profils de fût des colonnes. 9 4 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. par Vignole et de celui de l’ordre dorique grec, suffif à justifier le sys- tème que nous avons émis, système d’ailleurs uniquement théorique , dont nous n’avons pas la prétention de réclamer l'invention, s’il peut y avoir invention dans une déduction logique tirée de faits à tant de siècles de date. Notre but n’étant, en réalité, que de restituer à l’art ogival la base théorique qu’on lui a donnée jusqu'ici, nous espérons qu’il aura suffi d'établir la communauté d’origine et l’application du même principe de Stabilité à l'architecture architravée pour affirmer notre proposition. Afin de rendre la démonstration sensible, nous avons cru devoir réunir sur la même planche, et en parallèle, 4° les entrecolonnements des trois ordres grecs et les deux arcades à plein-cintre et ogival élémentaire (V. pl.1"*); 2° une application du principe statique au fronton hexostile des mêmes ordres , également en parallèle. (Voyez planche 2.) Dans le premier pa- rallèle , les éléments de l’arcade à plein-cintre et ogivale sont établis sur le rapport du vide au pied-droit, indiqués dans le tableau de Rondelet, colonne expérimentale, et la hauteur de ces arcades déterminée par l’é- quilibre des masses entre les supports et les fardeaux. (Voyez l'expli- cation de la planche 1°.) Des trois ordres grecs , ceux ionique et co- rinthien sont établis d’après Vignole. (Traduction de Charles Normand, 4827.) L'ordre dorique.l’est à l’imitation de celui du Parthenon, avec une figure élémentaire servant à démontrer l'application du système de léquilibre des masses entre la colonne - support et l’entablement-far- * deau. (Voyez l'explication de la planche 1".) L’échelle commune de ce parallèle et de celui des frontons est le diamètre de la colonne pris pour l'unité métrique, le demi-diamètre module étant divisé en douze parlies pour l’ordre dorique et en dix-huit pour les ordres ionique et corinthien, pour donner au lecteur la facilité de vérifier l’exactilude de nos asser- tions et des chiffres que nous avons posés. L'équilibre des masses entre les supports et les fardeaux, dans les portiques que nous avons mis en parallèle planche 2, se trouvant la con- séquence absolue du même rapport dans les entrecolonnements simples, iLa dû résulter de la différence des fardeaux une différence dans les en- trecolonnements, d’autant moins large que le fardeau est devenu plus considérable. Dans l’ordre original du Parthenon, les intervalles entre chaque colonne des portiques sont disposés de manière que les deux, à . chaque extrémité, sont plus rapprochées que celles du centre; il ré- sulle de cette disposilion que les triglyphes partant de l’extrémité de la frise sont espacées inégalement, de telle façon que la première est en dehors de l’aplomb de l'axe de la première colonne, la troisième se trouvant dans l’axe de la seconde, et, par ce moyen, les deux premières méthopes, plus étroites que celles qui suivent, sont néanmoins aussi larges que hautes. On observera que, dans le portique, imité mis en pa- rallèle, el que nous appelons dorique normal, la donnée statique a pro- duit la division exacte des trygliphes et des méthopes, de même que, SEIZIÈME SESSION. 215 dans le portique corinthien, la division régulière des modillons s’est aussi trouvée être la conséquence du même établissement (1). Cette co- rélalion remarquable n’a point été cherchée par nous, et s’est présentée : même comme une conséquence inattendue de l’espacement statique des supports, aussi bien dans les entrecolonnements simples que dans les portiques à frontons. (Voyez planches 1 et 2.) (2) De ces deux parallèles nous avons tiré deux tableaux synoptiques, afin d’en résumer les résultats, et de présenter aux yeux le rapproche- ment des chiffres qui en sont l'expression. (1) Les proportions des-entrecolonnements soumis à la théorie statique sont celles ad- optées par Vignoles, et dites de l’eustyle, inventées par Hermogène. (2) Vitruve,, chap. 2, liv. 3, distingue cinq espèces de constructions caractérisées par - leplus ou moins grand écartement des colonnes, qu'il appelle pycnostyles lorsqu'elles sont serrées, systyles un peu moins pressées, diasiyles plus éloignées, aérostyles quand elles le sont trop, et eustyles lorsque l'intervalle ou entrecolonnement'est raisonnable : d'où l’on doit conclure que l’espacement des colonnes n'était déterminé chez les anciens par aucun principe constant, puisque la seule raison que cet auteur en donne est la con- venance, qu'il reconnaît en signalant les inconvénients, soit esthétiques, soit de cons- truction , résultant d’entrecolonnements trop larges qui compromettent ou Yendent in- exécutables en pierres les architraves, rendent la face des édifices (l’ordre apparem- ment) écartée, pesante, basse et large.—L’eustyle, ajoute-t-il, surpasse tous les autres en convenance, beauté et fermeté. 11 l'établit en donnant à l’entrecolonnement deux diamètres un quaït; en sorte, toutefois, que celui du milieu, tant au devant qu'au derrière du temple, ait trois diamètres. Ces proportions, ajoute-t-il encore, sont dues à Hermogène. Il est donc évident que le principe statique du rapport de l’entrecolonne- ment à l’entablement n’était pour les anciens que de sentiment. C’est à ce chapitre de Vi- truve, traduit par Perrault, que se trouve, en note, sa défense de la colonnade du Louvre, attaquée par Blondel dans son Gours d'Architecture : sa principale argumentation porte sur la necessité de donner de l’air et du jour, par des entrecolonnements suffisants, à cette donnée comme à celle de la portée des architraves. Accusé d’avoir dérogé aux préceptes des anciens, il s’en défend par l'exemple d'Hermogène; il trouve sa justification défini- tive dans l'approbation des grands hommes de son temps, les Mansard, les Delorme, Bramante, Michel-Ange, Scamozzi, Polladio, ete. Il n’est pas douteux pour nous que la nécessité statique eût beaucoup mieux rendu compte de l'impression favorable produite par cette colonnade que tous les arguments apportés par Perrault; et, si l'@h en fait le rapprochement avec l'effet défectueux produit par les portiques aérostyles du Garde-Meuble, on se convaincra de la réalité logique de notre observation, l'accouplement des colonnes produisant aux yeux l'effet d’un seul support satisfaisant alors aux conditions statiques de leur écartement, en rapport avec la portée de l’architrave, ou entablement surmonté de l’attique qui le couronne : c’est-à-dire que la masse du fardean supporté par chaque couple est en équilibre avec celle des deux colonnes-supports, de la même manière que dans l’écartement proportionnel des supports simples d’une colonnade dite eustyle. (Voyez l'explication de la planche 11.) e x CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. 216 PREMIER TABLEAU. Résultat du parallèle des trois ordres et des arcades ( Planche 1°), en posant d’abord les chiffres de l'établis- sement statique des arcades ogivales et à plein-cintre déduits de l’analyse de Rondelet, obtenus en équili- brant la masse du pied-droit en rapport avec le vide et la faisant égale à celle de l’arcade extradossée. ARCADES. Elément ogival. . . Idem plein-cintre. “01J9UEIP U9 AGIA AG YAALAYFH 2 "AQIA Na UNI -UVT VA V LIOUG-GHIX fa Li0ddVu4 44/5: = = PI. L. — L'unité métrique égale au diamètre dé la colonne. A Du RER + NE FF o eo \ < te LARGEUR] HAUTEUR | MASSE | MASSE ei : = _ du vide. [DU SUPPORT.| py SUPPORT | DU FARDEAU [ei] oo >| > == a = FE © ORDRES. ENTRECOLON-| | LE “5 Œ = | nement | cozonne |Surface mé-|surface mé- & = en module, lendiamètre.| (rique. trique, -Dorique normal. .| 4 6 6 Ce 3 80 3 80 Ionique.. +..." .| - 4 179 9 9 8 94 3 50 3 50 9 50 û Corinthien. . . . .| 4 2/3 10 10 - SEIZLÈME SESSION. 947 L’explication de la planche 1°° rendra raison de l’équilibre entre la masse des supports et des fardeaux dans les arcades comme dans les ordres. Nous y renvoyons pour ne pas interrompre la discussion. Nous devons dire seulement que le calcul des masses cubiques auquel nous nous sommes livré, en terant compte, de part et d'autre, des déduc- tions occasionées par les formes diverses , a abouti à des résultats iden- tiques à ceux obtenus par les surfaces, quant à l'égalité des masses équilibrées. Nous n’avons pas cru nécessaire, par cela même, de pous- ser la rigueur du calcul à ce point, pour démontrer une vérité, dans notre opinion, bien plus de sentiment que de calcul, dans l'application qu’on en peul faire aux trois ordres grecs, tels que les modernes les ont admis, à limitation des anciens. Cette théorie, nous devons l’ajou- ter ici, n’est pas nouvelle. Un architecte, ancien élève de l'Ecole poly- technique , frappé de la vive lumière que l’application du théorème sta- tique répandait sur la formalion des ordres, s’est laissé entrainer dans les conséquences les plus absolues, au lieu de rechercher la corréla- tion qui devait exister entre ce principe fondamental et la théorie archi- tectonique, admise et reconnue depuis vingt siècles par le sentiment épuré de tant de générations. M. Lebrun avait eu raison au fond : ses déductions seules ont fait oublier la pensée première en conlrariant trop d'opinions admises. Quant à nous, c'est en cherchant la raison théori- que de la forme ogivale et en nous appuyant sur les savants travaux de Rondelet , que, frappé du rapport qui exislait entre la puissance néces- saire à donner au pied-droit des voüles et arcades, et la nécessité sta- tique de celte puissance, considérée comme support d’un fardeau, nous avons été conduit à faire l’application du même principe statique à l’é- tablissement des ordres architravés ; et alors celte loi des corps pesants nous est apparue comme le principe primordial de toule architecture. Que ce soit l’expérience ou le sentiment inslinelif qui aient primitive- ment enseigné les conditions de la stabilité, toujours est-il que ces con- ditions de nécessité absolue se sont traduites par les proportions théo- riques suivies dans la formation des ordres -architravés, de même qu’elles se retrouvent dans l'établissement des arcades, dans les pre- mières, par le rapport d'équilibre entre la colonne-support et l’entable- ment-fardeau ; dans les dernières, par l'équilibre des masses entre le pied-droit en rapport avec l'ouverture de l’arcade ou de la voüte-fardeau élevée à une hauteur qui se trouve déterminée par l'équilibre même des masses, la hauteur des pieds-droils ayant ici les mêmes fonctions à remplir que celle des colonnes dans l'établissement des ordres archi- través. ( Voyez l'explication des planches pour la démonstration géomé- trique). ! Le second tableau suivant est le résultat du parallèle des portiques à fronton ( planche If, fig. 4, 2 et 3 ), en adoptant toujours l’ordre dori- que normal imité du Parthenon, et en faisant la masse des fardeaux TI: 28 , 918 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. égale à celle des supports, toujours appréciés par leurs surfaces, sans autre détail des calculs auxquels nous nous sommes livré’ pour déter- miner rigoureusement les masses cubiques , en tenant compte des re- traites et des saillies, qui devaient influer nécessairement sans apporter de modifications importantes au résultat statique; modifications, d’ail- leurs, peu appréciables à l'œil de l'observateur, pour lequel la masse ést réellement circonscrite dans la silhouette des formes. Nous observe- rons même que, par suite des proportions attribuées par Vignole aux en- trecolonnements ionique et corinthien , la masse des fardeaux, calculée, rigoureusement, se trouve un peu au dessous de celle des supports ; mais les différences sont réellement si peu importantes , qu’elles n’in- firment en rien le système, et que la rigueur du calcul pourrait être obtenue par une modification très-légère dans l’entrecolonnement {1). , (1) Si la stabilité eût été avouée dans l'antiquité, comme la cause des règles et des proportions observées dans l'établissement des ordres, il n’y aurait plus à s'étonner de es trouver si peu absolues, si variables, en un mot, à raison de circonstances qu’il de- viendrait alors facile d'apprécier. On conçoit, par exemple, que, dans les contrées bou- leversées par les volcans, ou exposées à de fréquents tremblements de terre, on ait cherché des conditions de stabilité diverses : ainsi dans la Grande-Grèce et la Sicile, les supports prennent une puissance plus grande; la base des colonnes s’élargit en proportion de la hauteur moins grande, et le fardeau prédomine , afin de résister avec plus d'énergie à l’action des soulèvements et des oscillations; et pourtant la-masse commune des co- lonnes et de l’entablement de l'octostyle est la même à Selineute qu'au Parthenon, d’a- près l'observation d’Hittorf et Zanth ( Sicile ancienne ); d’autre part, et quand les cir- constances du sol sont identiques, celles qui dépendent de la résistance des matériaux réagissent non-moins impérieusement et viennent modifier les rapports de stabilité dans des ordonnées dont il faut absolument tenir compte, si l’on ne veut pas y suppléer naïve- ment, comme les constructions du moyen-âge en offrent tant d'exemples. De même aussi l'augmentation du diamètre des colonnes, conseillée par Vitruve, dans certaines circon- stances, eût trouvé sa cause avant celle que Perraut en donne fort judicieusement, et beaucoup d'anomalies apparentes, approuvées par le goût, n’eussent pasété chercher leur raison d’être dans des nécessités optiques fort contestables, suivant les remarques mêmes du commentateur. ( Vitruve, liv. 14 et 15, note 21, liv. 6 et 11, note 3 1. z DEUXIÈME TABLEAU. L PORTIQUES À FRONTONS HEXASTYLES. — (PI. 21. — Voyez l'explication.) EE _ LL 5 HAUTEUR Ë E E U DES SUPPORTS su > = MASSE : en . E = Z D'INGLINAISON = = 2 ORDRES. diamètres ÉPAUES des OBSERVATIONS. Fe pris des É = : potr l'unité mé! . ë £ En Ne É tue, rontons. - 2 a Dorique normal. . . . 2mod.4 part.| 32m.400 32:m.400 L'angle d'inelinaison de 14°est celui du Parthenon modifié par 48 G00 l'hexastyle, car dans l'original CnttLÉ il paraît n'avoir été que e 18°. 5 Jonique. .. : . « +. Corinthien.. . . . . . La masse des supports est calculée sur le diamètre moyen et la saïllie.des corniches d’entablement, estimée dans la masse du far- deau-fronton. La vérification par le cube métrique a donné des résultats identiquement analogues. 220 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Ce tableau présente un élément dont la corrélation avec les rapports staliques est constante : c’est le degré d’inclinaison ou louverture de l'angle du fronton qui, en déterminant sa hauteur, devient un des éléments constitutifs du fardeau. La progression suivie et indiquée dans le tableau est le résultat du calcul qui a donné l’équilibre des masses et en est la conséquence absolue. Il suit de là que la méthode géométrique, par laquelle on détermine usuellement la hauteur des fron- tons, est tout à fait arbitraire ; en outre, elle tend à modifier le fardeau en surcharge et à s’éloigner, sans motif raisonnable, des exemples an- tiques. Ici encore la raison-slatique vient à l'appui des motifs de la prédilection des Grecs pour les frontons surbaissés ; l’allègement des fardeaux en est le résultat. (1) Dans la donnée statique de l’établissement des portiques à frontons, il faut remarquer que l’angle d’inclinaison varie encore suivant l’éten- due du fronton, si les entrecolonnements restent les mêmes. Ainsi, dans chaque ordre, il se ferme d’un-degré par chaque couple de co- lonnes ajouté : c’est-à-dire que de 14 degrés pour l'hexastyle dorique, il devient de 13 pour l’octostyle; il serait de 15 pour le tétrastyle. L'application de la théorie statique l’élude des débris de l'antiquité aurait pu nous conduire à des déductions d'un intérêt toujours crois- sant. Nous pensons que le but de nos explorations, dans le domaine de l’architravée, est suffisamment atteint (2) ; en un mot, nous avons pu considérer le principe statique comme primordial de toute architec- ture ; en conclure qu’indépendamment de la forme, quelle qu’elle puisse être, partout où l’équilibre statique entre les supports et les fardeaux existe, nous devons reconnaître dans celte construction le produit d’une théorie architectonique incontestable , et subir sans préjugé toutes les impressions que l’art, plus ou moins élégant ou grandiose, peut seul produire; de même encore, remontant des impressions éprouvées, on arrive infailliblement à constater, de l'observation plus ou moins altérée du principe statique, le degré de perfection ou de dégradation des formes, suivant qu’elles s’y rangent ou s’en écartent davantage. Enfin, ce principe défini par la science loute moderne n’étant qu'une loi des corps pe- sans, il devait être instructif d'examiner son rôle et son aclion dans les théories que l’art antique nous a léguées, et le fait subséquent de *< (1) Quelie qu’ait été l'influence du climat et sans en tenir compte, ne pourrait-on pas considérer la prédilection des Germains pour les frontons suraigus comme étant de même nature esthétique que celle des Grecs? Cette forme, en effet, n'est-elle pas la conséquence de l’exhaussement de l’arcade dont elle fait, comme le fronton surbaissé des Grecs sur l’architrave, la toiture la mieux ajustée pour l’arc ogival? {2) Voy. l'explication de la pl. 11 pour compléter cette discussion. SEIZIÈME SESSION. 291 latdéduction qu’en ont tirée, très-certainement à leur insu, les construc- teurs de l’arcade ogivale de Cologne, n’est pas le moins curieux que nous ait offert cette exploration. Et c’est quand les derniers vestiges de la théorie antique ont disparu, emportés par la dégradation et la bar- barie du Bas-Empire, que ce fait a lieu ! Certainement l'arc brisé ou ogival a pu être adopté à son origine par impuissance , à une époque qui peut bien précéder de deux siècles celle où apparait l'application théorique de son établissement stalique au xmr siècle ; alors que l’art dégradé ne pouvait plus répondre aux besoins et à l'inspiration reli- gieuse des Chrétiens, sous l'influence d’une foi qui précipitait l'Occident sur l'Orient, et ne s’arrêtait devant aucun obstacle. La facilité d'exécution et la stabilité constitutive de la voüle ogivale, permettant de fermer des espaces considérables et d'élever à de grandes hauteurs des arceaux d’une grande hardiesse apparente, tels ont dû être les véritables motifs de la faveur avec laquelle fut accueillie alors cette architecture originale. De cette forme adoptée, les constructeurs gothi- ques ont élé évidemment conduits par l'expérience, aussi eux, à en déduire une théorie sur l’établissement de l’arcade brisée. Là ; comme antécédemment , la même cause devait inévitablement produire les mé- mes effets. C’est au moins ce qu'il est impossible de ne pas admettre, après un examen sérieux des systèmes suivis avec tant de similitude dans toutes les constructions célèbres du x siècle. Ce qu’il est impos- sible aussi de ne pas constater , c’est que l'expérience , en leur donnant la mesure de la stabilité de l’arcade ogivale, ne leur en avait pas fait déduire toutes les conséquences. Certainement, suivant la remarque judicieuse de Rondelet, ils ignoraient que cette forme de voûte jouissait le plus éminemment de la propriété de ramener la poussée dans la per- pendiculaire de ses appuis ; autrement ils se seraient abstenus constam- ment, comme ils l’ont fait dans quelques circonstances, de ces arcs- boutants accessoires, dispendieux et destructibles, dont le temps a souvent fait justice, sans que la solidité de la voûte étayée en ait été compramise (1). Cette ignorance, au reste, et la peur qui en était la (1) Les constructeurs du moyen-âge, évidemment plus ignorants que les Grecs dans la statique, incapables de résoudre aucun problème de construction par le calcul , paraissent avoir été conduits par l'expérience à adopter successivement divers moyens de consolida- tion ou d’étaiement, ainsi qu'une observation récente est venue le constater. Dans les travaux de restauration et de nettoiement pratiqués sur la face intérieure des murs pieds- droits du chœur de la cathédrale de Cologne, le grattage au vif, à la naissance des voûtes, y a découvert les extrémités de poutres-entraits, primitivement employés à maintenir l’écartement sous la poussée présumable de l’arcade ; entraits qui furent supprimés plus tard, à raison de leur aspect choquant, et suppléés alors par des ares-boutants, dont l'usage, au reste, ne paraît pas remonter au-delà du xire siècle, et dont les dispositions arbitraires attestent l'ignorance autant que l'incertitude des effets qu’on en attendait. e 222 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. conséquence, ne se manifestent pas seulement dans ce système d'étaie: ment inutile, mais encore dans l’exagération de la puissance des sup- ports et des’ points d’appui multipliés, bien différents en cela des an- ciens, dans la théorie desquels le support se trouve toujours en rap- port de puissance avec le fardeau supporté , les moyens d’appareil et.de construction toujours réglés sur la nécessilé statique avec une économie qui fait encore un argument contre l'emploi du style ogival, en faveur de l'exactitude avec laquelle peut être appréciée la dépense des con- structions dans les styles classiques. Au reste, celte question d’écono- mie, il faut le dire, ne faisait point obstacle à des constructeurs qui ne connaissaient pas l’appréciation préalable, et dont le budget élastique n’avait d’autres limites que l'inépuisable ressource de la foi et du dé- voûment des populations chrétiennes unies dans un seul faisceau, que la réforme n’avait point encore brisé. L’imagination et le sentiment re- ligieux satisfaits, on ne demandait pas alors à l'artiste la dépense pré- sumée de son projet, pas plus que le temps nécessaire à l’œuvre que les générations se léguaient avec une confiance absolue , parce qu’elle était fondée sur la foi des pêres comme sur celle des enfants , immuable à leurs yeux comme l'éternité. Si nous avons atteint le but.que nous nous sommes proposé dans cet écrit, en restituant à l’art ogival, par le principe même de la stabilité , une théorie architectonique commune au plein-cintre, et comparable à celle qui régit la plate-forme; l’économie de construction lui deviendra applicable aussi bien que l'appréciation préalable , et l'argument opposé sur ce point sera réfuté complètement, parce qu’il n'était fondé que sur l’absence de toute théorie, et qu’en effet, la fantaisie qui en lientlieu alors déconcerte toutes les prévisions et rend impossible toute appréciation de temps et de dépense présu- mable, ù ain CHAPITRE III. Origine du style gothique considéré comme arrivé à sa perfection dans le xnr: siècle. La prédilection pour tout ce qui se dirige vers le Ciel, fondée sur la pensée chrétienne, nourrie peut-être par l'imagination fantastique des Germains, telle paraît avoir été incontestablement la source de l’esthé- tique architecturale, que le xrn° siècle vit naître en Allemagne et se pro- pager rapidement par l’association. Pendant long-temps, en effet, les principes qui président à la forme ogivale semblent avoir-été la matière d’une imitation et d’un secret religieusement gardé dans les loges.ma- conniques, dont la première où la plus influente paraît avoir-été-celle SEIZIÈME SESSION. 293 de l'Œuvre de Cologne, dont maitre Gérard eut la grande-maïitrise. Ce quiparaît certain sur l’influence exercée par ces sociétés secrètes pen- dant le xm° siècle , c’est qu’on trouve l’élablissement de ces loges, affi- liées entre elles, partout où de grands travaux d’architecture religieuse ont élé entrepris. Norry-Brewer, auteur d’un ouvrage sur les antiquités d’Angleterre, Sulpice Boisserée de Stuttgard et M. de Caumont, déjà ci- tés, s’accordent sur ce point pour attribuer à ce fait la communauté d’o- rigine et de pensée qui a présidé à l'érection du plus grand nombre des monuments de cette époque. Et, en effet, le même symbolisme s’y re- trouve partout, écrit avec la même forme, les mêmes proportions de Varcade et des pointes basées sur un système numérique uniforme ; en- fin les mêmes principes de stabilité y paraissent invariablement appli- qués à la construction, quelle que soit la nature des matériaux employés. Par exemple, le rapport d’équilibre entre les supports et les fardeaux est le plus souvent exagéré dans la puissance des supports, et toujours alténué dans celle des fardeaux : toutes les voûtes d’arêtes s'établissent uniformément au moyen de nervures, arcades appareillées entre les- quelles se juxtà-posent des moellons parallélipipèdes disposés à la ma- nière des briques , et noyés dans une couche plus ou moins épaisse de ciment; toujours aussi ces voûtes sont construites avec les matériaux les plus légers, des calcaires par exemple, lorsque les pieds-droils et les nervures d’arcades sont en granit. C’est à la même époque que se re- marque le premier usage des arcs-boulants, accessoires inutiles con- damnés par la science, qui approuve au contraire le système de con- struction des voûtes, sous le rapport de la stabilité (1). Il est à remarquer que cet esprit d'école n’apparaît qu’à la fin du xnf siècle et dans le xm°, et que son origine la mieux constatée appar- tient à ces congrégations ou corporations de constructeurs qui s’intitu- laient loyeurs du bon Dieu. N'est-il pas curieux de remarquer que le sys- tème numérique , suivi si régulièrement dans la construction originale et classique de cette époque, soit précisément celui qui préside au dog- malisme de la société secrèle qui s’est perpétuée sous le nom de francs- maçons ? Et quand on observe que le but de cette association n’était réellement que la fraternité et la mutualité des secours entre les ouvriers d’un même alelier el de ceux qui lui étaient affiliés, ne peut-on pas en inférer que le véritable berceau de cette inslitulion est dans les congré- -gationside constructeurs sus-énoncées ? (Voyez la note A, à la suite de ce mémoire.) D Ainsi donc, la pensée chrétienne, le principe statique de l’arcade ogi- Se ES (1; Rondelet remarque que ce système de construction présente un notable avantage de stabilité sur les voütes régulièrement appareillées. 224 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. vale, et la forme pyramidale qui en est la conséquence, Lelle est la vé- ritable origine du gothique. En l’acceptant ainsi, nous faisons abstrac- tion de l'introduction de l’arc pointu dans les constructions gallo-ro- maines, à la suile de l'occupation sarrazine. Dés le x‘ siècle, en effet, un style de transition, d’abord amalgamé de gallo-romain et de mauresque, se remarque dans les monuments religieux : pendant deux siècles, l’arc pointu affecte loutes Jes courbures, et n’atleint une forme et des pro- portions positivement dèduites qu’au x‘. (Voyez planche HI et son ex- plication.) Nous n’hésitons donc pas à regarder l'apparition de arc ogi- val dans les constructions gallo-romaines comme une imitation mau- resque. Le système des interseclions de l'arc plein-cintre, imaginé par quelques archéologues pour expliquer la formation de l’arc brisé, in- venté selon eux du xi° au x siècle, nous parait sans autorité devant le fait de l'existence de l’arcade brisée dans les restes de monuments an- tiques d’une part, et dans les constructions mauresques de la Sicile à des époques fort antérieures (1). En nous livrant à l'examen du système affecté aux constructions ogi- vales du xn° siècle, nous allons d’ailleurs compléter l’étude des ques- tions d'origine du style ogival, en lui assignant sa véritable date, celle au moins où la perfection de la forme a élé la mieux constatée. De toutes les constructions de celte époque, la cathédrale de Cologne est celle qui présente le plus d’unilé dans le système architeclonique, d'ordonnance dans le plan et de grâce dans les formes. Cet ensemble parait être le résultat d’un certain choix dans les proportions adoptées et suivies avec régularité dans toutes les parties achevées de l'édifice. De plus, celte unité de principes se présente comme une vérilable exception, comme le premier exemple de ces conditions originales que nulle autre construction antérieure n’avait offertes jusqu’alors d’une ma- nière aussi absolue. - Ces faits, reconnus et avoués sans contestation, nous ont paru dignes de faire du monument dont il s’agit un sujet d’étude et d'exploration profitable à la question qui nous occupe. S’ilest démontré d’ailleurs que le plan adopté pour son érection aurait servi de type au plus grand nombre des cathédrales du même siècle et des temps subséquents (2), sur lesquels il conserve une supériorité d’exéculion incontestée, … celte dernière considération seule suffirait pour justifier l'utilité de l'explo- ralion à laquelle nous allons nous livrer, afin de constater ce qu’il y a de réel dans le système de construction qui parait y-avoir présidé, et si véritablement enfin ce système est une théorie architectonique. (1) Voy. Hittorf et Zanth, Sicile, ouvrage précité, et l'explication de la pl. 111. (2; Voy. Sulpice Boisserct, Description de la cathédrale de Cologne. SEIZIÈME SESSION. 225 CHAPITRE IV. Historique de la cathedrale de Gologne. L'histoire et la description de la cathédrale de Cologne forment la ma- tiére de l’une des plus splendides publications artistiques qui ait encore vu le jour. (Stuttgard et Paris, Firmin Didot, 1823.) Son auteur, M. Sul- pice Boisserée, savant archéologue et dessinateur, en réunissant la co- opération des artistes les plus habiles, architectes et graveurs, fran- çais et allemands, a élevé un monument dans lequel les recherches de l’érudition sont à la hauteur d’une perfection sans exemple dans Pexécution artielle. C’est ce savant travail qui va nous servir de guide. L’exactitude des dessins et des mesures ne laissant rien à désirer, nous ne pouvions mieux faire que de suivre des indications aussi précises, et notre devoir était d'indiquer, tout d’abord, la source abondante où nous avons puisé des déductions qui devaient différer essentiellement de celles du savant archéologue, parce que le point de vue où il s'est placé n’a pas de rapport avec le nôtre. Les reliques des Trois Rois Mages, pieux trophées des Croisades, À: venues la possession de Frédéric II (Barbe-Rousse), de la maison de Souabe, furent déposées par lui dans la métropole de Cologne, vers l’an 1160. Ces reliques célèbres, visitées régulièrement parses succes- seurs à l'Empire, après la cérémonie du sacre, quiravait lieu à Aix-la- Chapelle, devinrent pour l’église de Cologne le prernier degré de la splen- deur qui lui était réservée. Les empereurs et les princes rivalisèrent entre eux à qui la comblerait de riches offrandes, et bientôt fut émise la pensée d’un nouvel édifice mieux approprié à l'importance de sa deslina- tion. Gette grande entreprise, conçue par l’archevêque Angelbert, comte d’Alton et de Berg, vers l’an 1220, fut ajournée, par la mort de ce prélat, jusqu’à l’an 1248, qu’un incendie réduisit en cendres la vieille basilique, dédiée en 873. Conrad, comte d’Hoscheden, archevêque siégeant, fit alors dresser les plans de la nouvelle cathédrale, qui devait surpasser de beaucoup en grandeur et en éclat toutes les églises existantes. L'en- semble de l'édifice devait avoir 500 pieds allemands de longueur sur une largeur de 180 pour la nef et le chœur, et de 290 pour le transept ou transversale ; les combles devaient s'élever à 200 pieds, et les tours, avec leurs flèches, à 500, sur une base de 100 pieds pour chacune. Les plans originaux, dessinés avec soin sur plusieurs feuilles de vélin, dé- posés dans les archives de la loge etenfouis plus tard dans celles du chapitre, furent dispersés avec celles-ci lors de l’invasion.par les: ar- T. II. 29 226 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. mées françaises. M. Boisserée, instruit, par une circonstance fortuile , de la conservation de ces précieux documents, tombés entre les mains de notre illustre Fourcroy, n’épargna rien pour les recouvrer. C’est à l'aide de ces dessins, combinés avec ceux publiés antérieurement par Cromback, eten relevant sur place les parties de l'édifice existant à divers degrés d'avancement, qu’il est parvenu à compléter la restau- ration de l’ensemble, et à terminer un travail du plus grand prix, de la dernière nécessité même pour la continuation des travaux dont il était l'étude indispensable. ‘Une charte, en datè de 1257 , retrouvée dans-les archives duschapi- tre, a’fait connaitre le nom.de l’architecte présumé du monument. Par cét acte, le chapitre concédait à maître Gérard, tailleur de pierres ; un terrain propre à construire , pour le récompenser des peines et soins ap- portés par lui à la construction de la cathédrale qu'il dirigeait. L'histoire et la tradition n’ayant pas conservé le mémoire d’aucun autre, l’auto- rité de cette charte établit, sans contestation, les titres de cetarchi- tecte. Les plans, d’ailleurs, décelant une pensée génératrice uniforme ét suivie dans tous les détails, il est raisonnable de penser qu’une seule intélligence y a présidé. Les matériaux employés dans les travaux de macônnerie decette-con- struction gigantesque, sont un grès porphirique verdâtre , tiré d’un ro- cher nommé le Draschenfeld (1), situé à ‘six lieues au dessus de Cologne, sur lés bords du Rhin, dans la colline des Sept-Montagnes ; et pourles fondations on y'a ajouté des prismes de bazalte dans l’état de cristalli- sation , superposés alternativement avec des blocs de grès fortement ci- mentés , offrant une liaison indestructible à une profondeur de plus de 40 piéds. 11 fallait une substruction aussi résistante pour ‘élever avec sécurité des masses aussi imposantes ; mais rien n’indique le rapport de nécessité statique et l’étude préalable qui eût dû être faile pour s’as- surér de la nature'et dé la résistance du fond , aussi bien que des maté- riaux. Il parait que, grâce à l’activité de maître Gérard, les travaux de ces'‘immenses fondations furent poussés en neuf années jusqu’à l'ar- rasément supérieur du soubasement , et c’est à celte dale que serap- porte la charte dont nous avons parlé. Toujours entravée par les guerres civiles et les dissensions dans lesquelles se dissipaient vainement les ‘ressources de l’archevèque et des pririces fondateurs, l'érection ‘de ce monument n’avançait pas. Gérard mourut avant d’en avoir vu aucune partie terminée. Ce ne fut qu’en 1322, soixante-quatorze ‘ans après-la ALLÉE à se PSE 7 É S ls wi {1 Le Draschenfeld (montagne du Dragon) est célèbre dans les poésies allemandes, Pcomme te lieu'auquel se rattaché la tradition des faits prisée a ah de héros favori “@e leurs ballades. © ; SEIZIÈME. SESSION. 297 pose de la première pierre, que le chœur fut consacré, après l'avoir clos par un mur transversal provisoire, afin de l’isoler du transept et de la nef, dont les constructions étaient peu avancées. Cent cinquante ans plus tard, elles n'étaient point achevées, et suspendues alors pour n'être plus reprises jusqu’à nos jours, pendant quatre siècles ce mc- nument imparfait a attesté tout à la fois la puissance du génie qui l’a- vait concu et celle des discordes civiles et religieuses qui en on! entravé l’exécution. Le plan de la cathédrale de Cologne, œuvre de maître-Gérard , paraît avoir servi de type et de modèle même pour l'érection d'autres édifices religieux de la même époque et des temps subséquents. La collégiale d’Altembourg, à trois lieues de Cologne , en est limitation, sur une échelle plus petite. On pense que la construction en fut dirigée par maïi- tre Gérard lui-même. La cathédrale de Slrasbourg, élevée dix-neuf ans plus tard, présente. les caractères d’une analogie d’autant moins sur- prenante que la loge, fondée à l’occasion de cette dernière œuvre, affi- liée à celle de Cologne, n’en était qu’une.émanation,, et le maître qui la dirigeait un élève de Gérard, imbu de ses doctrines, adepte, en un mot, et religieux observateur des principes révélés sous le sceau du secret. L'église du Than, peu éloignée de Strashourg (1), Sainte-Catherine, à Oppeinheim, Saint-Warner, à Baccarat, la. cathédrale d’Utrecht portent le même cachet; mais surtout le clocher de la cathédrale deFribourg, en Brisgaw, dont la flèche , travaillée à jour, a été évidemment élevée sur les plans mêmes de celle projetée pour la cathédrale. de Cologne, res- tée inachevée. ( Voyez Sulpice Boisserée, ouvrage précilé. ) L Beaucoup d’autres monuments , en France et en Angleterre, élevés à lamême-époque, présentenlt-les mêmes caractères typiques, et l’ordre chronologique de leur construction démontre avec la dernière évidence que l'originalité primitive appartient à l’œuvre.de Cologne. Après avoir signalé l'influence de ce spécimen sur les constructions ogivales , à par- tir du xm siècle , et en avoir déterminé , selon nous, la véritable cause dans l’association des constructeurs, il nous reste à rechercher la na- ture des principes qui ont présidé à son érection, aux formes et à l’or- nementalion symbolique , adoptées si invariablement dans un grand nombre de constructions du même style qui lui sont postérieures. (1) Cette église est une imitation de celle de Strasbourg, construite à la même époque, et, à ce qu'il paraît, par la même loge. 998. CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. CHAPITRE V. Système observé dans la construction de la cathédrale de Cologne. Trois arcs de cercle inscrits dans un triangle équilatéral, tel paraît avoir été le principe adopté pour la formation de l’arcade ogivale de Cologne (voyez planche 1", fig. 5), principe mystique probablement, où la religion chrétienne tout entière se décèle. Le triangle équilatéral est tout à la fois l’embléme de la stabilité et celui de l'Eternel (grand Archi- tecte de l’univers), dont il exprima la trinilé dès l’antiquité-la plus re- culée. Rien donc de plus naturel que l’adoption de cette figure de géo- métrie et des nombres qui lui correspondent, pour servir de base à la théorie des constructions destinées à la glorification de l’Eternel. Tou- jours est-il que l’examen attentif des plans et des détails du monument qui nous occupe met cette proposition dans le dernier degré d’évidence, et M. Sulpice Boisserée, en l'adoptant, a pu croire qu’elle était la seule plausible. Toutes les arcades sont construites sur le principe de trois dia- mètres du vide pour la hauteur totale, dont deux pour les pieds-droits, un pour l’arcade brisée , arcade dont le rayon est invariablement égal à la base du triangle au diamètre de l’ouverture. Ainsi, le chœur a 50 pieds allemands de diamètre d’un pilier à l’autre ; la‘ hauteur de la voûle, sous la clé , est de 150 pieds, celle des pieds-droits de 100 pieds; toutes les croisées sont établies dans les mêmes rapports ; et il est à remarquer que, dans cette division, l’arcade, se trouvant prolongée aux dépens des pieds-droits , paraît plus élancée, et semble en acquérir plus d’élé- gance. (Voyez planche 1, fig. 5.) Que si l’on demandait la cause de ces proportions particulières à l’arcade de Cologne , et le motif de cette dif- férence d’un diamètre en plus dans sa hauteur comparée à celle de l’ar- cade classique à plein-cintre , en l’absence de la théorie statique que nous avons développée , il serait difficile d’en apporter une autre que la raison esthétique, dont nous avons parlé plus haut, et, dans cette com- paraison des slyles, on observerait que dans le gothique, l’élancement des formes étant le caractère constant et le triangle équilatéral le prin- cipe générateur unique, le rapport du diamètre avec la hauteur du vide serait comme celui de la base avec les côtés, ou de 1 à 3; que c’est précisément celui de l’entrecolonnement dorique, ainsi que nous l’a- vons remarqué (voyez planche 1°, fig. 4 et 5); que l’allongement de l’o- give n’est point une construction arbitraire ; qu’elle se trouve détermi- née par l’abaissement du niveau inférieur donné par l'arc de cercle cir- conscrit à la base du triangle, lequel vient couper l’axe perpendiculaire SEIZIÈME SESSION. 2929 aux deux tiers de la hauteur, et-déterminer ainsi la hauteur du pied- droit (voyez planche 1, fig. 5) ; établissement très-caractéristique qui n’appartient réellement qu’à l’arcade de Cologne, dont il fait un type original parfaitement étranger à tous les autres , et de plus aussi parfai- tement statique, puisqu’il n’est que la conséquence de l’équilibre entre la masse des supports et celle des fardeaux, ainsi que nous l'avons dé- montré plus haut. ( Voyez l’explication de la planche I"*. ) Dans cette esthétique particulière , on remarquerait encore que toutes les lignes principales sont ascendantes, et que, si la nécessité entraîne à quelques “horizontales ; celles-ci sont atténuées et interrompues le plus fréquem- ment possible par-des pénétrations et des saillies de toutes espèces, contrairement aux principes suivis dans les styles classiques grecs ou romains. La proportion arithmétique de 1 à 3, 5, 7, 9, s’observe dans la divi- sion des espaces de toutes les parties terminées de l'édifice, et Lous les détails y-sont subordonnés dans les plans originaux destinés à l’achève- ment. Celle progression, regardée par M. Boisserée comme mystique, el déterminée par le symbolisme religieux , qui a fait adopter pour base le triangle équilatéral , peut bien, en effet, en être regardée comme la subséquence; mais ces nombres sont précisément ceux qui président à la distinction des grades dans l'institution maçonnique. Alors, de deux choses l’une : ou le dogmatisme social les a empruntés à la théorie ar- chitectonique, ou celle-ci a adopté le symbole social, afin de le perpé- tuer plus sûrementen l’inscrivant sur ses monuments. Bans tous les cas, cette corrélation atteste évidemment pour nous le symbolisme et l’ini- tialion secrète des constructeurs associés. (V. note A à la fin du mémoire.) La forme pyramidale des frontons et des pointes présente, aussi elle, un système uniformément suivi dans leurs gradations les plus mulli- pliées. Prenant pour base le triangle équilatéral, la forme pyramidale s’allonge et s’élance graduellement, en passant des frontons aux pointes, aiguilles et flèches terminales. L'angle le plus ouvert sous lequel s’in- clinent ces lignes ascendantes à leur sommet, celui de l’arcade, est in- variablement de 60 degrés. C’est celui du triangle équilatéral. ( Voyez planche 3, fig. 5. ) Les chevrons brisés, frontons qui couronnent les ar- cades fénestrales, portent 45 degrés; celui qui-couronne la grande ou- verture entre les lours , 47 degrés, au dessus duquel se trouve le fron- ton du grand toit, sous un angle de 51 degrés 4/2. Tous les frontons se terminent par un fleuron pyramidal, à trois rangs de feuilles, dont les dégradations, dans le même rapport, suivent une ligne inclinée paral- lèle à celle du fronton. Ce fleuron diffère en cela de ceux qui terminent les aiguilles, flèches et pointes: ceux-ci présentent une autre disposition : les deux rangs de feuilles dont ils sont composés, invariablement in- scrits dans un triangle équilatéral, ont pour hauteur, de la base à la pointe, le tiers de la hauteur de la pyramide. ( Voyez planche I, fig. 6 230 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. et 7. } La pyramide des tours, flèche principale, aiguilles: multipliées des clochetons’; sont établis, quel que soit ;e nombre:des pans, .sar le rapport de un ätrois , le diamètre de la base ayant toujours pourme- sure le tiers de la hauteur à la base du fleuron , soit le.quart de la hau- teur totale. (Planche IT, fig. 6). - Dans la division des meneaux, l’arcade ogivale est. constamment tri- lobée: les roses formées dans les intérsections sont des cercles sousdi- visés en cinq ou sept parties, ou bien encore des trèfles. composés de troïs lobes soustrilobés encore. Dans les tympans des frontons.qui,cou- ronnent les croisées se remarque une têle mascaron, symbole: de.lalu- mière, peut-être, entourée de trois faisceaux de rayons.en forme,de.me- neaux , dirigés vers ses trois angles. ( Voyez planche HE, fig. 7.) Chaque faisceau , subdivisé lui-même en trois par deux vides , terminé parune ogivé trilobée, et, dans les intervalles des faisceaux , des trèfles sont ajustés suivant la grandeur de l’espace à remplir. Enfin, le nombre {rois se retrouvant partout, commande à toutes les proportions, à tous les rapports de division des espaces. Avions-nous raison de considérer ce fait comme un système architectural ,.et d’en inférer une théorie d’au- tant plus régulière, qu’elle se justifie d’ailleurs par le principe statique qui en apparaît comme la-base? La répétition régulière d’une forme fondamentale, en passant par tous les degrés de l'échelle, semble aussi avoir été érigée en principe dans la formation de tous les membres, tant à l’intérieur qu’à l'extérieur de l'édifice. Partout le type de l’ensemble.se reproduit dans les détails ; celui des tours, dans les innombrables piliers, clochetons des arcs-bou- tants; celui de la nef, dans les ouvertures fénestrales , dont les-meneaux se répéètent et s’impriment en arcature sur toutes les surfaces pleines des piliers-butants. C’est la symétrie conservée par le retour des mé- mes proportions toujours suivies ; cette direction vers le haut qu’affecte l'édifice dans son ensemble, dans ses parties et jusque dans ses moin- äres détails, répétition continuelle de la même forme, qui, dès le pre- mier abord produisent sur l’âme du spectateur une impression de gran- deur et d'unité que l'art, dirigé par un principe et.des théoriés.posilives, a seul Je pouvoir deproduire ; résultat que des formes capricieusement agencées et des imitations plus ou moins intelligentes n’atteindront jamais. H est bien remarquable que cette impression, avouée par. les archéologues comme par les artistes, n’ait pas fait naître chez les uns et les autres la réflexion qui nous a frappé ,.et qui logiquement les eût conduits aux mêmes déductions que nous. La décoration végétale de la cathédrale de. Cologne, dns son pans suivi, donne lieu aux observations suivantes : 4 Certaines espèces, comme un type commun, Semblent pur invariablement dans les mêmes circonstances. La-berce {blanc ursine des Allemands }, heracleum ( Linnée ), avec une inflexion particulière SEIZIÈME SESSION. 234 des’feuilles, est employée dans les fleurons qui terminent les pointes et couronnent les frontons aux petites feuilles. C'est toujours celle du chou crépu ( brascica olcrascica crispa, Linnée), qui s'applique aux grandes feuilles et au bouton terminal. La même espèce rampe sur les arètes des pyramides ; les feuillages grimpant sur les fronlons , et les arètes des arcs-boutants présentent un autre genre appartenant au trèfle ( trifolium repens , Linnée), infléchi sur son long pédoncule. Un autre typeise retrouve encore dans les boutons et là crète du grand toit; il est emprunté au glayeul (iris gladiola , Linnée }). Tout le reste des feuil- lages, courant dans les corniches , et les scoties des arcades.et des fron- tons , ceux qui décorent les milliers de chapiteaux de toutes dimensions qui terminent les baguettes, colonneltes el remplissages des piliers butants, des contreforts.et des clochetons ,:est de la plus grande va- riété et d’une vérité d'imitation telle, que les espèces diverses se recon- naissent à la première inspection. “Cette imitation consciencieuse et la perfection d’exécution se remar- quént particulièrement sur la partie de l'édifice construite au xu° siècle ; l’ornementation des parties, d’une exécution postérieure, n’est déjà plus comparable sous ces deux rapports; on sent même que ce n’est plus qu’un pousif suivi par des manœuvres inintelligents. La perfection d'imitation végétale suffit: aux archéologues, pour assi- gner une époque primitive-aux constructions ogivales ; mais , vérilable- ment , aux yeux des artistes-et de tout observateur initié à la pratique et à l'exécution manuelle, la perfection plastique peut bien varier.et ca- ractériser cerlaines époques se perdant et.se retrouvant de nouveau, suivant l'influence exercée par l'autorité directrice ou même par l’exem- ple d’une main plus adroite et plus consciencieuse. CHAPITRE: VL. Deduction Des systèmes dont nous venons. de constater l'existence dans celie ‘construction ogivale , quelques-uns sont une-applicalion systématique ‘de nombres regardés , à:tort ou à raison ,. comme mystiques ou sym- boliques ; un seul apparait comme fondamental et. véritablement sta- tique, c’est l'établissement de l’arcade , la détermination de sa hauteur par le triple diamètre, et la formation de l’arc brisé par un rayon égal au diamètre du vide. De même que, dans les styles architravés, le rap- port du diamètre à la hauteur de la colonne est la base de l’élablisse- ment des ordres’et la raison du caractère particulier affecté par chacun 232 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. d’eux, le style ogival doit au principe de la formation de son arcade le caractère élancé qui lui est propre : c’est l’application rigoureuse de ce principe, suivi dans l’ensemble de la construction de la cathédrale de Cologne, qui nous l’a fait considérer comme le spécimen le plus pur et, pär conséquent, le plus classique. Cette rigueur de principe.est loin, d’ailleurs, de se retrouver dans les autres constructions ogivales; celles qui lui sont antérieures n’en présentent presque aucune trace, et, dans celles qui l’ont suivie, l'esprit d’école que nous avons signalé fini par s’affaiblir et se perdre. La comparaison qu’on en peut faire conduit à démontrer que les proportions de l’arcade de Cologne réunissent à elles seules les véritables conditions de stabilité et d'élégance, en-deçà el au- delà desquelles toutes les qualilés caractéristiques du style ogival sont plus ou moins altérées. En effet, l’arc brisé ou ogival sous l’angle de 60 degrés , que nous considérons comme le véritable type du style, a subi bien des transformations avant d'arriver à ce dernier établisse- ment. À sa première apparition, il est évidemment d’origine mauresque; son rayon diffère de celui de l’arc à plein-cintre d’une longueur suffi- sante à déterminer la brisure. (Voyez planche II, fig. 4, 2, 3, 4 et5.) Se trainant sur les traces du style mauresque et du roman pendant les sié- cles de transition , le style gothique n’a pris une allure caractérisée que dans le xm°. Pendant le cours des siècles antérieurs, l’arcade ogivale est souvent fort loin des proportions élancées de trois diamètres; le plus ordinairement , elle descend au-dessous de deux. La ligne horizontale s’y couronne bien de capricieuses dentelles, mais n'est guère interrom- pue; les tours, terminées par des plates-formes, n’élancent pas dans les airs leurs pyramides découpées et à jours, et les contreforts ne s’a- mortissent point en légers clochetons multipliés à toutes les saillies. (Le portail de la cathédrale de Paris , à la date de 1160, vient à l’appui de cette observation.) Enfin, jusqu’à l’œuvre de maître Gérard, il est im- possible de signaler un système uniforme et suivi dans ces créations ca- pricieuses dues à une imilation déridée, sans originalité, du roman et du mauresque : c’est donc à l’œuvre de la cathédrale de Cologne qu'il faut attribuer l’origine du véritable style gothique, fondé sur ce principe de stabilité primordiale qui lui donne une origine commune et parallèle à celle des styles grecs, que ce soit le sentiment ou l’expérience qui en ‘ait déterminé l’emploi. Quelle que soit aussi l’origine du système numé- rique, suivi avec tant de persistance dans toutes les parlies de la même construction, il est impossible de ne pas reconnaitre que ce système est véritablement la condition même de l’unité de ensemble et de l'harmo- nie qu’on observe dans tous les membres de cette architectureoriginale. Ces derniers fails, reconnus avant nous par M. Sulpice Boisserée, quelles que soient les explicalions qu’il en a données, ne pouvaient.dénoter qu’une véritable (héorie génératrice de la forme, et, si nous en avons ad- mis les conséquences, c’est qu’elles nous ont paru concorder avec les ré- SEIZIÈME SESSION. 233 sultats de l’analyse mathématique et de la théorie dés voütes, résumées dans le savant traité de l’art de bâlir. Que si nous écartons de la dis- cussion le symbolisme de la forme et des nombres générateurs comme un argument inutile, c’est qu'après l'affirmation des calculs , il nous réste parfaitement démontré que la théorie arithmétique de l’établisse- ment ogival ne doit plus avoir d’autre base que la nécessité statique ex- primée dans l’arcade par le rapport de 3 à 4 du vide ou de l’éspace clos ou isolé par elle, et la conséquence de ce rapport tirée de la formule même de l’ouverture de l’arcade brisée, determinée par le rayon constructeur égal au diamètre du vide. Or, dans cette condition, le rayon devient, en dernière analyse, la base caractéristique de la construction ogivale , en raison de Son rapport avec la dimension normale, ou diamètre du vide. De ce fait théorique est résulté pour nous la conviction que les di- verses formes de l’arc brisé, adopté à différentes époques , se caraclé- visent uniquement par la longueur du rayon proportionnellement à la largeur du vide , et que les dénominations d’arcades en tiers-point, lan- celte, étc., ne rendant pas suffisamment raison de leur forme, étaient purement arbitraires ; il en résulle encore que la forme ogivale, quelle que soit la longueur du rayon, présente des condilions de stabililé plus complètes que toutes les arcades à courbe continue, la chaïnelte ex- ceptée (1), conditions dont la plus grande somme possible se rencontre dans l’arcade de Cologne, engendrée par le rayon égal au diamètre du vide : d'ou il suit que celle-ci doit être considérée comme le type le plus parfait, et qu’en adoptant la progression arithmétique observée dans la construction de ce monument pour la division des espaces, comme la conséquence des propriétes du triangle équilatéral, il en résulte une théorie architectonique confirmée par l’expérience même de cette con- struction célèbre , qui peut et doitrésoudre toutes les questions de re- . production agilées jusau’ici dans le vide, entre les affirmations fondées sur la grandeur des résultats et l'importance des monuments élevés, et les négations des détracteurs d’un style considéré par eux seulement comme le produit de la fantaisie d’une imagination surexcitée. Actuel- lement donc, si les reproducteurs du style ogival veulent ne pas se con- sumer en recherches vaines el en efforts infructueux , c’est à la science et à l’observation , à l’élude de la théorie des voûtes ét dela stabilité , qu'ils devront recourir, ét non plus à limilation inintelligente d’une forme que la mise en œuvre de leurs devanciers a trop souvent com- promise, au point de faire oublier les propriétés'statiques, plus émi- nentes en elle que dans la plate-forme et le plein-cintre. A celle der- (2) Cetie forme de courbe est engendrée par le poids des/anñeaux d'une chaîne de fer suspendue, aftachée par les deux extrémités ; d'où’lui vient son nom de chainette. T, IL, 30 234 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. nière condition, la reproduction de l’art et des formes du x siècle est praticable et peut, en répondant aux besoins et à la civilisation du xx, donner le jour à des créalions originales et irréprochables sous le rap- port de la construction, de la stabilité et de l’esthétique. Espérons aussi que, plus habiles que ceux du moyen-âge, les constructeurs modernes sauront faire la part du temps dans tous les ouvrages, en calculant avec sagacilé la résistance des matériaux, dont la dégradation prématurée doit être mise au nombre des causes qui ont précipité la décadence et l'oubli de l’art gothique, et justifié à certains égards le préjugé de ses détracteurs. s Et maintenant la question qui nous a fait prendre la plume nous paraît réellement résolue : les transformations du style ogival et sa re- production ne seront plus regardées comme des caprices injustifiables , comme une imitalion irralionnelle. Appuyés désormais sur une théorie positive les constructeurs pourront ajouter avec liberté une forme aussi applicable que toutes les autres , lorsque l'intelligence et le discerne- ment auront présidé au programme ; en un mot, il ne s’agira plus de rétrograder de quatre siècles, suivant l’opinion de l’Académie, et d’i- miter d’ignorants constructeurs ; mais de traduire , dans un style adapté aux besoins de la civilisation actuelle, une esthétique architecturale avec laquelle la pensée chrétienne a tant de sympathie. Que si, dans les es- sais tentés jusqu'ici, le but n’a pas été atteint d’une manière satisfai- sante, c’est bien moins au style ogival qu’il faudrait en attribuer la cause qu'aux entraves de l’imilalion timide et puérile d’une forme évi- demment mal comprise, et surtout mal définie, en dehors d’une théorie génératrice dont personne n'avait soupçonrié l'existence avant M, Sulpice Boisserée. CHAPITRE VIE. Des transformations du style ogival, conséquence de la reproduction. V L'architecture, destinée avant lout à satisfaire aux besoins de l'homme, doit se transformer avec eux en suivant les progrès de la civilisation. Artet science à la fois, l’argument le plus fort en faveur de l'excellence des règles et des principes qui nous ont été légués par l’antiquilé est la facilité de leur application à loutes les ordonnées. Le plus habile ar- chilecte, comme le plus ingénieux, sera toujours celui qui sadra le mieux mettre à la portée des besoins et des mœurs de son siècle le premier des arts comme le plus magnifique. C’est donc à l’art seul, c’est-à-dire à la forme et aux préceptes qui le constituent, à répondre aux exigences d’une civilisation nouvelle : hors de celle voie, le gout | SEIZIÈME SESSION. 935 S'égare, et la barbarie, conséquence de la dégradation, ne tarde pas à naître. Cependant cette voie, comme tous les sillons tracés par l'esprit humain, n’est point sans écueil; souvent les prédilections de larchéologue’sont venues émousser le premier sentiment des con- venances, les recherches du savant prendre la place des applica- tions usuelles, et les imitations du style d'une autre époque, à la facon d’un habit trop largeou trop étroit, gêner les mouvements de la civilisation actuelle. Tel est, en particulier, le spectacle que nous a donné la recrudescence du style gothique, et chose bien re- -marquable que n’avait point donnée la Renaissance. Celle époque, en effet, vit naître un style original, application heureuse des inspirations et de l’étude de l’art antique aux mœurs et-aux habitudes du xvr° sié- cle. Que, dans la restauralion de nos vieux monuments gothiques, archéologie ait eu une large part d'autorité, cela était tout simple : c'était une ordonnée même dont le bon goût défendait de se départir. Mais, par exemple, de ce que les games de couleurs reconnues primi- tives dont l'architecture était recouverte, ainsi que le peu de transluci- dité des anciennes verrières, tendaient à assombrir l’in‘érieur de l'édifice au point d’y rendre la lecture impossible, fallait-il en conclure que, dans un siècle où tous les fidèles suivent l'office dans leur livre de prières , un syslème d’ornementation analogue pouvait être admis? Certainement celte déduction était absurde, et pour s’en convaincre, il suffit de re- marquer que cette barbarie du badigeon blanc, tant reprochée au clergé des derniers siècles, n’a été que la conséquence du progrès, que la né- cessité de faire droit aux exigences d’une piété plus éclairée. Ainsi donc, reproduire les mêmes inconvénients dans la restauralion de nos . édifices religieux, c’est inévitablement préparer la réaction, qui ne tar- dera pas à se faire sentir. L'église de Saint-Germain-l’Auxerrois, entre autres , n'est-elle pas menacée de devenir une crypte obscure, si l’on continue à peindre les murailles ainsi qu’on l’a fait, et si le système des verrières n’en est pas modifié? De semblables résultats devraient ouvrir les yeux, en démontrant, avec la dernière évidence, que l’archéologie doit borner son importance aux renseignements dans lés questions à ré- soudre pour la restauration des anciens monuments, et nous ajouterons qu’elle doit être parfaitement écartée dans la construction des nouveaux édifices, afin de satisfaire aux besoins et aux mœurs de notre époque (1). {1) La restauration du portail de Notre-Dame de Paris vient d'en offrir un exemple : un pilier central existait originairement sous l’arcade principale; ce pilier, dégradé et d’ailleurs parfaitement hors d'œuvre, fut supprimé dans les derniers siècles, et Souffot refit et ajusta la grande laie d'ouverture, dans un style sans doute peu d'accord avec celui de l'édifice, mais en obéissant au besoin d’une cireulation facile que les grandes cé- rémonies, et surtout les processions du Saint-Sacrement . d'une institution postérieure à 236 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Dans l’état actuel.de civilisation, et depuis plusieurs siècles, les géné- rations veulent jouir de la lumière dans le sanctuaire où nos pères se recueillaient d’autant plus pieusement qu’aucun rayon du soleil n’y ve- nait les distraire : si donc la polycromie peut encore s'exercer dans nos temples , ce ne Sera plus qu’à la condition d'adopter des teintes moins absorbantes , surtout pour les grandes surfaces ; elle proscrira particu- ‘Jièrement celle de la nuit étoilée élendue sur les voûtes ; les verrières coloriées pourront encore concourir à l’effet de l’ensemble, pourvu que leurs compositions, mieux entendues, permettent la plus grande trans- lucidité possible; et, quant à 1 ‘imitation de celles du xiv° siècle, elle sera proscrite par le bon goût autant que par le véritable sentiment.de l'art. Ces réflexions sur la polycromie s'appliquent au même litre à la sculp- ture. Imaginer que l'architecture ie ne peut conserver son Lee une ré rd inévitable du style gothique, peut bien être un argu- ment en faveur de ses détracteurs; mais il suffit, pour l’anéantir, de renyoyer ceux-ci à la cathédrale de Milan: ils verront là comment l’art ogival, en pénétrant sur la terre classique , a trouvé des constructeurs intelligents ; comment, en répudiant l’exemple des Allemands, les Ila- liens ont trouvé le moyen d’orner leurs piliers butants et les sommets des pyramides de statues qui ne laissent rien à désirer sous tous les rapports. Enfin , la forme ogivale doit, aussi bien que toutes les autres, se transformer et se prêter aux exigences de nos mœurs: et, de même qu'il serait absurde de bâtir une maison d’habitation au xx° siècle sur l'imilation exacte et l'échelle de celles de Pompeï, reproduire les ma- noirs féodaux du xv° siècle, si étrangers à nos habitudes, serait un non sens, une excentricité digne de cet architecte anglais, dont la de- meure, enseigne de son talent, reproduit, dit-on, celle époque avec une fidélité désespérante pour les visiteurs , menacés de se briser la têle sous la petite porte-arcade Tudor; puis ce premier obstacle franchi, à être exposés à se casser le cou sur les marches de pierres humides d’un es- calier en colimacoh, pour pénétrer dans des pièces où Ja lumière S’in- troduit à peine à travers les vitraux peints de croisées longues et étroi- tes, obstruées par de lourds meneaux et renfoncées dans les embrasures de murailles pour le moins à l’épreuve du boulet. NE — l'érection du monument, ordonnaïent tout spécialement. Comment , de nos jours, le res- pect archéologique a-t-il pu être poussé à ce point déraisonnable de restituer ce pilier, accessoire très-incommode que le bon sens, aussi bien que le goût le plus pur, eussent dû condamner? . SEIZIÈME SESSION. 237 APPLICATION. Chargé de la décoration intérieure d’un édifice gothique , nous avons eu l’occasion d'appliquer quelques-unes des théories que nous venons de formuler, et nous croyons ne pouvoir mieux terminer cet opuscule que par le compte-rendu d’un travail qui n’a d’autre importance que l'exemple de leur application. L'église dont il s’agit, réparée et recon- struite presqu’entièrement sur le principe du respect le plus absolu pour le caractère des constructions consacrées ( gothique du xiv° ou xy: siècle ), exigeait la même direction scrupuleuse dans l’ornementa- tion. L’ameublement consistait en un sanctuaire avec son maître-autel , deux autels dans le transept et une chaire. Le plan de ce petit édifice et une vue perspective du chœur en donneront l'intelligence. ( Voyez plan: ches 4 et 5.) Ce travail a été exécuté de 1844 à 4846. Le programme adopté, un maître-autel à la romaine, d'accord d’ailleurs avec les dis- posilions du chœur, n’avait pas de précédent connu dans le style gothi- que , et celte réflexion ne nous arrêta pas un instant. La forme du bal- daquin fut changée, voilà tout. Nous supposâmes qu’une pointe élancée jusqu’au sommet de la voûte, symbole des aspirations de la prière, traduirait même cette pensée avec plus de lucidité que tous les couron- nements romains imaginés jusqu'ici. Cette pyramide, à cinq pans et découpée à jours, suspendue sur quatre groupes de colonneltes et sur le vide par devant, présente à l'œil un effet d’équilibre qui contribue à cette poésie mystérieuse que le style gothique semble posséder à un plus haut degré que tous les autres. Nous ayons élé compris, et nous espérons que la planche mise sous les. yeux de nos lecteurs pourra leur faire juger du degré d’originalité d’une application de la forme ogi- vale, sans exemple au moins connu pour nous. Ce pelit sanctuaire est éclairé par deux croisées ogivales à meneaux du xv° siècle ; celle du chevet, fort grande et d’une assez belle proportion, a reçu une décora- tion en verre de couleur mosaïque dans la division de l’imposte, et en verre dépoli de deux feintes en damier pour les panneaux encadrés de guirlandes en chapelels bleu et or. Celle du midi, d’une proportion beau- coup moindre et divisée en trois panneaux, est deslinée à recevoir Lrois verrières à figures d'évangélistes, sur fonds verdâtre et clair. Les circonstances et la pauvreté des ressources d’une fabrique de vil- lage n’ont pas encore permis de mettre la dernière main à ces tra- vaux. La décoration en peinture et dorure reste à exécuter ; elle le sera d’après les principes que nous avons émis, sans altérer le caractère du siyle, c’est-à-dire en conservant l’usage du camayeux , les détails et 238 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. même l’imitation de l’orfévrerie bizantine pour certaines parties, telles que l'autel, le tabernacle et les reliquaires, et sans s’écarter des condi- tions du programme de la civilisation au xrx' siècle. La voûte , par exem- ple, recevra la teinte bleu-clair , à l’exclusion de celle usitée au x1v° siè- cle , et cette grande surface réfléchira toute la lumière diffuse, au lieu de l’absorber complètement. Les murailles, peintes à l’imitation de ten- turesdamassées , avec motifs sur fonds camayeux, s’harmoniseront avec les boiseries des stales, vieux chêne rehaussé d’arabesques niellés-ou- tre-mer et de fonds brun-rouge dans les découpures ; les colonnettes, clochetons et découpures du baldaquin , rehaussés de filets dorés sur fonds divers , el calculés pour obtenir l’effet d'ensemble , grouper la lu- mière et faire prédom:ner le maître-autel. Nous croirions abuser de nos lecteurs en décrivant les autels du transept et la chaire. Si nous avons attaché de l'importance à la citation de ces travaux, c'était seulement comme exemple apporté dans la discussion de nos opinions sur la lrans- formation nécessaire à faire subir dans l’application du style ogival en de cerlaines circonstances. : En insistant sur la nécessilé d’écarter toutes les considéralions ar- chéologiques , persuadé qu’elles ne tendent qu’à entraver, sans profit pour l’art, les combinaisons qui lui sont propres , nous croyons donner un conseil utile aux artistes. Nous voudrions seulement que,iout en re- connaissant l’utilité de l'emploi aux monuments religieux, un engouement irréfléchi pour le gothique ne détournât pas les élèves de nos écoles des études classiques, qui seules, en définitive, peuvent créer d’habiles ar- chitectes, des génies flexibles, et l'aptitude à tirer parti de loules les ressources de l’art et des formes qu'il peut mettre en œuvre. Nous ajou- terons même qu’aux yeux de l’artiste nourri de ces études, le gothique paraîlra pauvre et aride, malgré les nombreuses combinaisons de son ornementalion capricieuse ; aussi recommanderons-nous d'y associer l'étude du style romano-byzantin, comme un moyen d'ajouter à ses res- sources une plus grande variété de motifs, qui s’y ajustent merveilleu- sement, comme on peut voir dans la célèbre châsse-reliquaire d’Aix-la- Chapelle. Ce sera même spécialement à ce dernier style qu'il faudra avoir recours pour l’ornementation des vases sacrés et des étoffes brochées. Tout ce qui est relatif à l’orfévrerie nommément ne présente d'exemples, aux époques correspondantes , que dans le style byzantin : en adoptant donc l’accord de ces deux styles à l’ornementation mobilière des églises, les formes sont à créer pour le plus grand nombre des vases sacrés, notamment pour l’ostensoir, d’une invention trop récente pour qu’il soit possible d’en constater avec fruit la forme primitive. Tout ce qui a rap- port à l'éclairage de nos églises est dans le même cas; l'introduction des lustres à lampes, résultat d’un progrès, exigerait même une transfor- mation complèle , si on veut les mettre en harmonie avec tout le mobi- lier gothique. Dans ce travail de l’application combinée des styles go- SEIZIÈME SESSION. 239 thique et romano-byzantin, la première condition est la convenance, le seul écueil à éviter est l'affectation à une imitalion tyranniquement exclusive des conditions qui correspondent à l’état actuel des besoins et de l’usage du sanctuaire. Multiplier, par exemple, les pointes et les aspérités de la forme sur des ciboires et des calices destinés à un usage journalier et manuel, serait certainement un contre-sens dont l’incom- mode maniement aurait bientôt fait justice, ce qui ne veut pas dire que le style Louis XV ou Renaissance doit êlre respecté , et que le prob ème soit insoluble en ce qui touche à cette partie du mobilier. La reproduction du style ogival est fort arriérée en France, si nous comparons les efforts tentés de ce côté de la Manche au mouvement im- primé depuis vingt ans dans celle direction en Angleterre. Non seule- ment le style ogival ( celui du xiv° siècle) a été exclusivement adopté pour les nombreuses constructions religieuses qu’on y a élevées; mais le monument le plus important, on pourrait même dire le plus national, le palais destiné au Parlement, a été érigé dans ce style. Le clergé ca- ” tholique, animé du même zèle, a voulu contribuer à cette régénéres- cence, en mettant les ornements et les vases sacrés en harmonie avec cette forme, si bien appropriée à la pensée chrétienne. Un architecte , le premier et sûrement le plus célèbre des artistes industriels , Pugin, connu par son enthousiasme pour l’art ogival, a secondé ce mouvement de toute son influence , ce qui n’est pas peu dire; car cel heureux ar- tiste, possesseur de fonderies et de fabriques de bronzes, d’orfévreries et d’étoffes brochées, a pu imprimer le mouvement par l'exemple, et créer, avec une rapidité inconnue chez nous, des monuments sortis de ses mains, on peut le dire, depuis la mosaïque du pavé à la pointe du clocher où vibrent les cloches qu’il a fait fondre; églises où officie un clergé revêtu des ornements sortis de ses fabriques, ainsi que l’orfé- vrerie des vases sacrés. Quelques architectes en France ont exploile aussi la mine féconde de la renaissance du style gothique appliqué à Pornementation mobilière des- églises : MM. Delassus et Violet-Leduc ont composé des luslres, des lampes et des candélabres exécutés par M. Willemsens ; nous avons nous-même donné à cet habile fabricant un dessin-projet d’ostensoir enrichi de pierres précieuses et de fonds émaillés. dans le style byzantin , combiné avec le style gothique. M. Amé- dée:Coudère a publié un travail important sur l’ornementation :mobi- lière de Notre-Dame : on peut donc espérer que la question accessoire sera lraitée et résolue avec la question principale, dans un siècle ap- pelé peut-être à voir terminer le chef-d'œuvre du style ogival, la cathédrale.de Cologne, surgir de tous côtés des constructions nouvelles dans notre pays, et restaurer avec une respectueuse intelligence toutes nos vieilles basiliques gothiques. PAU CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. NOTE A. La sociélé secrèle connue sous lé nom de francs-maçens me parait pas remonter au-delà du xmr° siècle , quels qu’aient été les efforts deses adeptes pour en cacher l’origine dans la nuit de l'antiquité la plus re- culée. De ces efforts même el de la fable imaginée par eux, il résulle bien clairement que cette origine ést toute arlistique, comme son but est émiriemment religieux, civilisateur et moral. Cette fable ingénieuse dé l'association des ouvriers constructeurs du temple de Jérusalem ; de la catastrophe d'Hyram , maître architecte de celte œuvre, sacrifié à la jalousie de quelques-uns de ses compagnons ou manœuvres, qui, plus tard, vont à la recherche de son lombeau mystérieux; celte fable, disons-nous, dont les circonstances se traduisent en epreuves pour la réceplion des adeples à divers degrés, ést une invention poslérieure à l’mslitation, dont elle retrace toutefois l’origine historique. C'était bien de la construction d'un temple qu’il s’agissail; l’association des construc- leurs est bien le berceau de la société fondée ; mais cette merveille des temps antiques n’est qu’une figure de celles du moyen-âge, dont la ca- thédrale de Cologne, entre autres, présente dans son ensemble comme dans les détails un système numérique d’une conformité frappante avec celui adopté par l'institution maçonnique elle-même. La figure géométrique qui sert de base à la construction de l’arcade ‘est en mêine temps l'emblème fondamental de la société, qui semble avoir écrit son dogmatisme sur l’œuvre d’art par le symbolisme des formes, quand elle n’y a pas employé l’imitation même de ses attributs particuliers, comme. on l’a observé dans quelques monuments religieux. Si l'institution s’est agrandie successivement, si même, oubliant le but originaire , elle a pris des proportions auxquelles la politique , à diverses époques, n’est pas restée étrangère , il n’en est pas moins re- connu dans son sein ,‘encore aujourd'hui , que le véritable esprit dans lequel elle fut originairement fondée est contenu tout entier dans les trois prèmiers grades ; le lroisième , celui de mailré, restant encore l& plüs parfait, nonobstant ceux ‘plus élevés qui furent institués progressi: vement, el dont le symbolisme a cessé d’être artistique pour ben purement religieux, historique, moral ou polilique. Certainement le dogmatisme architectural, qui fit école au xm* sièdlé, ainsi que nous l’avons observé , a disparu dans le sein même de là s6- ciété, sans y laisser de trace à une époque ancienne , qui doit dater de celle où les congrégalions d'ouvriers cessèrent de présider à l'érection des cathédrales, effacé probablement par la direction purement morale et SEIZIÈME SESSION. è ox politique qui seule a perpélué l’association secrèle, parce qu’on n’é- lève pas tous les jours un monument religieux , tandis que la fraternité et la mutualité de l’assistance répondent aux incessants besoins de toutes les époques. Hl'est difficile d'expliquer autrement l’oubli profond d’une lhéorie architectonique aussi généralement appliquée pendant une période assez courte, puisqu’elle comprend à peine deux siècles, après lesquels la forme ogivale , réduite à une imitation inintelligente, ne tarde pas à se dégrader; peut-être par la raison que, liés par le sen- timent de limitation, les adeptes, en cessant les travaux de l’associa- tion , ne purent ou ne voulurent pas transmettre leurs préceptes dog- matiques ; et puis encore , ainsi qu’il arrive toujours de toutes institu- tions humaines , même de celles fondées sur le niveau égalitaire où les distinctions les plus vaines ne tardent guère à être recherchées, bientôt la congrégation primitive ne fut plus qu’une introduction à une ma- connerie plus élevée. Les insignes du tailleur de pierre et ses modestes outils se recouvrirent de cordons richement brodés et d'ordres en pierres précieuses ; le manteau des Chevaliers du Temple et l'aigle de la Sou- verainelé, achevèrent ces transformations, dans lesquelles l’esprit ori- ginaire, et surtout la direction artistique, disparurent si complètement que le souvenir symbolique en est reslé la partie dogmatique la plus obscure dans l'institution même. On concoit, en effet, que. de nobles chevaliers, que ceux qui s’intitulaient princes souverains d’Orient, se préoccupaient de toute autre chose que des origines modesles d'une association d’ouvriers. Ce qui est positif, c’est que la maçonnerie sub- séquente recrula ses adeptes dans les rangs les plus élevés de la société en Allémagne ; c’est qu’en France, par exemple, avant la première ré- volution , les princes du Sang eux-mêmes y étaient affiliés; que, sous l'Empire, tous les grands dignitaires en faisaient partie; et, quant à l'in- fluence-politique exercée, on peut en juger par les dispositions d’un degré élevé qui meltait à la disposition de l'Empereur , corps et biens, l'adepte qui en était revêtu. Dans cel ordre d'idées, on conçoit aussi que l'esprit qui surgissait à certaines époques ne pouvait pas êlre celui dé certaines autres ; que celui des Templiers, pour le dire eh passant , pül être celui de la féodalité et de la conservation de leur ordre. Mais il reste évident aux yeux de l'observateur que la haute maçonnerie eût emporté avec elle l'institution même, si la basé originaire n’eût pré- valu , si le dogme moral de la fraternité et de Passislancé n’avait pas dans la société humaine des racines bien autrement puissantes que célles des idées Sociales ou politiques, si spécieuses qu’elles puissent paraitre ; c’est, en un mot, que l'association, qui réunit, assiste et pro- tège les faibles, répond aux besoins du grand nombre ; et que l’ambi- tion n’est'pas la passion de la multitude. T. IL 31 242 CONGRÉS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE Î. Parallèle des trois ordres grecques et des deux arcades ogivales et à Plein-cintre. (Premier tableau.) Fig. 1,9, 5. Éntrecolonnements établis dans les conditions statiques des trois or- dres grecs , l’ordre dorique imilé de celui du Parthenon à 6 diamé- tres ; l’architrave-entablement ayant une étendue en rapport avec sa masse, équilibrée par celle des colonnes-supports, et considéré comme monolithe de centre en centre de chacune des colonnes. Fig. 4. Élément de la stabilité dans les ordres architravés , l’ordre dorique pris pour terme commun de comparaison, la surface des masses prise pour leur solidité, sans avoir égard aux saillies et aux retraites. Le sup- port LM, considéré comme un parallélogramme rectangle, a 6 diamètres de hauteur, soit, EG H F — C G H°. Le fardeau A BC D a 2 diamètres de hauteur sur 3; c’est-à-dire que AB CD=— 6GH;, et queles surfaces de ces deux parallélogrammes sont égales. D'autre part, la masse du supportet celle du fardeau étant le résultat du mullipliateur commun G H>, seront en équilibre ou de poids égaux, stables par conséquent. (Statique de Monge, n° 97, coroll. 11.) Les centres de gravité étant les mêmes dans la verticale L M, la résistance du support vertical neutralise par son poids égal la force ou le poids du fardeau dont le -centre-de gravilé lui est commun. Ainsi donc, dans une:colonnade, cha- que: colonne supporte une partie de l’entablement de masse égale et en équilibre avec celle du support, à la condition que l’entrecolonnement. n ’excèdera pas 2 diamètres dans l’ordre dont il s’agit ; 2 diamètres 1/4 dans l’ordre ionique et 2 2/3 dans l’ordre corinthien ; entrecolonnements. Eustiles, inventés par Hermogène, et suivis par Vignole dans les deüx derniers ordres. (Voy. tableau n° 1.) SEIZIÈME SESSION. 243 Dans ce même tableau, nous avons spécifié aussi qu’en prenant le terme général des surfaces pour l'appréciation des masses en équilibre, nous avions néanmoins poussé la rigueur des calculs à leur dernière expression; c'est-à-dire alors que la masse de la colonne doit être cal- culée sur le diamètre moyen, comme celle de l’entablement sur le dia- mètre diminué , ou celui du haut de la colonne à l’aplomb duquel il s’é- tablit, et en y ajoutant la masse saillante de la corniche. Or, dans les calculs auxquels nous nous sommes livré aussi bien pour l’ordre dori- que que pour les ordres ionique et corinthien, les résullais ont été équivalents à ceux trouvés par les surfaces élémeataires; les rapports sont restés les mêmes et le principe constant. Néanmoins, il est une observalion à faire, quant à la condition des centres de gravité, réunis dans la verticale LM , passant par la base des supports : on conçoit que, dans la colonne d’angle en retour d’un périptère, il y a déviation de celte verticale ; celle-ci, alors, ne se trouvera plus au centre du support, et s’en trouvera d'autant moins éloisnée , que l’entrecolonnement sera plus “serré. Dans l'espèce de la colonnade dorique , à deux diamètres d’inter- valle, la verlicale des centres de gravité se trouvant à Vaplomb du dia- mètre supérieur, il y a équilibre encore entre les centres de gravilé: c’est-à-dire que tout le poids du support reporté en dehors fait équilibre à celui de l’entablement en retour. Les Grecs avaient-ils eu le pressenti- ment de cette conséquence statique en resserrant les deux colonnes aux extrémités de leurs portiques ? Il est certain qu’on n’a pas pu expliquer autrement cette anomalie apparente pratiquée aussi bien dans les tem- ples de la Grande-Grèce et de la Sicile qu’au Parthenon ; disposition qui devient encore plus caractéristique par la forme particulière observée au Parthenon, pour cette colonne d’angle , dont le grand diamètre est rejeté en dehors par la base. La diminution ayant lieu seulement en de- hors, et la ligne du profil intérieur se trouvant à l’aplomb du petit dia- mètre supérieur, il est évident que ce n’a pu être qu’afin de contre-ba- lancer la masse du fardeau dont le centre de gravité ne se trouvait plus au centre du support. Chose singulière! Vitruve avait recommandé celte construction , mais sans en donner le motif. Il est probable cependant que ce motif ne lui eût point échappé, si les anciens eussent appareillé en voussoirs leurs architraves; alors la poussée horizontale de ces voûtes plates, en sollicitant sur leurs bases les colonnes d'angle, eût motivé leur disposilion en contre-fort, ainsi que leur rapprochement du sup- port suivant pour y résister; mais tel n’était point leur mode de con- Struction : leurs architraves étaient monolithes d’abord de centre en centre, et rendues telles ensuite pour toute l'étendue de la colonnade ou du portique, par des agrafes en bronze, intérieuremeat pratiquées. Fig. 5. Elévation et plan de l’arcade ogivale et son élément théorique construit 244 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. avec le rayon égal au diamètre du vide sur le principe du triangle équi- latéral de l’arcade de Cologne. Dans l'établissement de l'élément, le diamètre À Bdupied-droit support | est-au diamètre A K de l’arcade, ou à l'ouverture du vide, comme est à a 72, TARPAEÉ délerminé par analyse mathématique et be et de ce mémoire. ) Le lecteur n ’oubliera pas que, suivant # serre du savant constructeur, ces éléments sont la condition dans laquelle.les arcades des diverses courbures peuvent se soutenir , et qu’il ne faudrait pas en juger par l’effet produit aux yeux ; effet qui devient cependant satisfaisant aussitôt qu'il s’agit du rapport de la voûte d’arèle ayec son Support théorique », double de surface du premier @, et quadruple de masse, ainsi que les fig. 5 et 6 peuvent en faire juger. L’arc brisé A C K étant donc l’élément de l’arcade ogival A B, le dia- mèlre du support élémentaire de celte arcade , rendue stable dans la condition du rapport sus-exprimé , on doit considérer l'arc A € comme un fardeau composé de. voussoirs, lesquels, suivant l’analyse,, ramè- nent la poussée dans la verticale, passant par le centre du supporLA B. Ea déterminalion des centres de gravité. de chacun de ces voussoirs dé- montre cette propriété reconnue à l’arcade ogivale, à. l’exclusion de toutes les courbes continues , la chainelte étant considérée eomme celle qui s’en rapproche davantage. ( Voy. la théorie des voütes de Rondelel, Art de bâtir, vol, HI, p. 250 à 300. ) Prenant donc la surface À C DE B comme celle du système de voussoirs, il faut, pour que la stabilité existe, qu'il y ait équilibre entre la masse de ce fardeau et celle de son support A B, de la même manière qu'entre l’entablement et la colonne des ordres, ainsi que nous l'avons démontré (tig. 4.) A BG F est donc un pied-droit dont la hauteur sera déterminée, aussi elle , par la nécessilé d’équilibrer la masse supportée. Le résullat de ce calcul donne A G pour la hauteur de ce pied-droit ; c’est-à-dire que la surface du parallélogramme A GF B sera égale à celle A DE B, ainsi que dans la fig. 4 A BCDetGEF H sont deux parallélogrammes de même surface , et il résulte de cette construction que A G— 2 A C +1/7, ou 0 L que la verticule C.M qui détermine la hauteur totale du vide de l’ar- cade est égale à 3 C À, à 3 diamètres du vide; résultat parfaitement iden- tique avec celui-que présente l'établissement statique de l’entrecolonne- ment dorique normal ( fig. 1 ). N’avons-nous donc pas dû considérer les fonclions du pied-droit, dans l’arcade , comme analogues à celles de la colonne dans l’architrave, comme la conséquence logique du principe même de la stabilité dont la forme architecturale, quelle qu’elle soit, découle avec tant de lucidité ? Nous allons voir la même conséquence se reproduire dans l’élablissement de l’arcade à plein-cintre.. SÉIZIÈME. SESSION. 245 Fig. 6. Plan et élévation de l’arcade à plein-cintre et son élément théorique établi sur le rapport du diamètre de l'ouverture à celui du pied-droit tiré du tablean de Rondelet, colonne expérimentale; c’est-à-dire que € D, diamètre du pied-droit, est à C K, diamètre de l'ouverture de l'ar- cade , comme 4 est à 4,80. De la même manière que dans l’arcade ogi- vale, nous déduirons que l’élément E D F H présente une surface qui doit être égale à celle de l'élément du pied-droit € A B D, et que la hau- teur A C, déterminée par le calcul de la surface égale , est telle que A C = 1 1/2 CK — 1/29 , ou que la verticale IJ H , hauteur du vide de Varcade , est égale à 2 diamètres C K, moins un vingt-neuvième. D'où l'an voit que les proportions de l’arcade antique, au dessous de 2 diamè- tres , étaient d’accord avec le principe de stabilité plus rigoureusement que celles indiquées par Vignole. Dans le plan indiqué , la masse du pilier élémentaire de l’arcade simple est celle du pilier de la voûte d’a- rèle, ainsi que dans le plan de l’arcade ogivale, fig. 5. Dans l’arcade à plein-cintre comme dans l’arcade ogivale , le rapport de la dimension du pied-droit à l'ouverture de l’arcade est constant , et équilibre des masses entre l’arcade et le pied-droit détermine la bauteur du vide. Enfin cetle hauteur imprime le caractère particulier au style à plein-cintre comme au slyle ogival, de la même manière qu’aux styles des trois or- dres architravés : le rapport de la hauteur de la colonne-support à celle . de J’entablement-fardeau. PLANCHE IT. Parallèle des portiques hexastyles des trois ordres établis sur le principe statique. L'ordre dorique, imité de celui du Parthenon, en diffère par ses entrecolonnements égaux. (Deuxième tableau.) L'échelle commune aux deux parallèles, planches 1 el 2, est établie sur le diamètre des colonnes, pris pour l’unité métrique divisée dans l'échelle des modules en 2, subdivisée en 6 parties pour 12 et 18 (1), suivant qu’elle sera appliquée à l’ordre dorique et aux ordres ionique et corinthien. L'entrecolonnement dans les portiques n’est plus le même (1) J'ai cru devoir adopter l'échelle des modules, ou d’un diamètre, de Vignole, plus usuelle que celle de Vitruve. 246 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. en rapport statique avec l’entablement ; la raison en est dans la sur- charge du fronton, qui détermine une masse plus forte que doit équi- librer celle des colonnes. De là l'introduction d’un élément nouveau, le degré d’inclinaison des frontons variables, ainsi que nous l’avons remar- qué, en rapport inverse avec l’etendue du fronton déterminée par le nombre des colonnes, l’intervalle ou entrecolonnement restant le même. Comme nous l’avons vu, l'égalité des intervalles n’était pas, chezles anciens, un principe absolu dans l’établissement des portiques: Vitruve détermine certaines circonstances qui doivent en déterminer l'inégalité. Quant aux colonnades , les divers écartements sont exprimés par une locution propre à chaque espèce, et quand l'extrême écartement'de l’a- erostyle menace la stabilité des architraves, il va même jusqu’à conseil- ler une augmentation de volume , un plus grand diamètre, pour corri- ger, dit-il, l’amoindrissement causé par la masse d’air ambiant ; ce à quoi Perrault remarque que ce n’est pas seulement l’effet amoindris- sant de l'air et de la lumière, mais bien par le motif que la masse plus grande de l’entablement supporté exige réellement plus de force dans la colonne-support. Celle remarque est toute statique : quelle que soit, en effet, la grandeur des intervalles, égaux ou inégaux même, du mo- ment où la masse de l’entablement est en équilibre avec celle des co- lonnes, le principe de la stabilité existe, et l'application que nous en avons faite à la célèbre colonnade du Louvre en est la démonstration, comme la raison la plus logique de l’effet satisfaisant, ou , pour parler plus juste, du sentiment d'admiralion causé par ce chef-d'œuvre. Les portiques des temples de Minerve Poliade et d’Erecthée, ainsi que beau- coup d’autres monuments chez les anciens et les modernes, pourraient donner lieu à la même observation. Quant aux monuments de l’Acropo- lis d’Athènes, que nous venons de citer, et dont rien n’égale la perfec- tion , tant pour la pureté des lignes que pour l’exécution, l'exemple des proportions statiques s’y rencontre avec une lelle précision que la diffé- rence assez nolable dans l’écartement des colonnes du portique tétras- tyle de Minerve Poliade et de Pandrose, et celui de l’hexastyle du temple d’Erecthée, aussi bien qu’une différence de près d’un demi-diamètre dans la hauteur des colonnes de ces deux portiques (1), ne paraît in- fluer en rien sur le rapport des masses en équilibre des supports et des fardeaux. De plus encore, l'harmonie parfaite observée par tous les ad- (1)! L’entrecolonnement de l’hexastile est à 2 diamètres, et la hauteur des colonnes est de 9'diamètres. L'entrecolonnement du tétractile est de plus de 2 diamètres et demi , et la hauteur des colonnes a moins de 8 diamètres et demi, ordre ionique. L'’entablement du “paudrosium est évidemment composé pour être en harmonie avec la dimension: des ca- riatides. Ë + SEIZIÈME SESSION. 247 iirateurs de ces chefs-d’œuvre dans le rapport des masses de l’enta- blement et des cariatides supportés du Pandrosium semble n’être que le résultat du même principe. Soumises au calcul des surfaces, ces masses ont donné l’équilibre à très-peu près, celle de l’entablement pré- dominant cependant un peu sur celui des cariatides. De tous ces faits, nous avons pu conclure que ce qu’on nomme le génie de l’architecture peut bien n’être que le sentiment de la stabilité, dont la beauté et la régularité des proportions et des formes est la manifestation la plus po- silive, comme, dans un autre ordre d'idées, la beauté des formes dans les animaux atteste la pureté des races, en même temps que l’existence des qualités qui les distinguent. PLANCHE HT. Formes prünitives et architectoniques des arcades, types des styles adoptés à diverses époques. Fig. 1. Arcade à plein-cintre concentrique romane des premiers siècles. Elle a été pratiquée pendant toute la durée de l’époque romano-bizantine. Fig. 2. . Arcade romane en fer-a-cheval original de l’arcade mauresque. Fig. 5. Arcade brisée mauresque du vin* au x" siècle. Fig. 4. Arcade ogivale à court rayon du style de transition, probablernent imitée du mauresque , pratiquée anciennement , notamment à l’acque- duc de Bourgas, près de Constantinople, monument du vr' siècle ; au château mauresque de la Ziska, en Sicile, près de Palerme, vu‘ siècle. Fig. 5. Arcade dite en tiers-point, dont le rayon générateur est égal-au dia- - mètre du vide, dont la hauteur est normale à 3 diamètres. 248 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Cette forme caractéristique du style ogival du x siécle, dont la ca- thédrale de Cologne présente le type le plus pur, a cependant'été pra- tiquée anciennement. Un acqueduc, prés de Spolette, attribuée à Thréo- dorié, roi des Goths, au vn‘ siècle, présente son emploi de Ja façon la plus remarquable dans ce monument, composé de dix arcades ap planissant une gorge au soinrnet d’une montagne, et d’un deuxième rang supérposé. Celles du premier rang ont chacune 66 pieds d'ouverture sur 308 pieds de hauteur du vide. Les pieds-droiïls piles n’ont que 10 pieds d'épaisseur sur 40 de large. Sur le pont foriné par ces arcades sé: tablit‘un second rang d’arcades ogivalés du même type, et parfaitement normal dans ces rapports de hauteur à la largeur du vidé. Ces dernières arcades ont encore 51 pieds de hauteur, et sont couronnées par le canal de l’acqueduc ; les pieds-droits de ces arcades sont calculés de manière à donner la superposition régulière des axes de trois en trois, avec ceux des grandes arcades. Ce monument gigantesque étonne par sa hardiesse et sa conservation parfaite après onze siècles. Cel exemple de stabilité, donné par l’emploi de l’arcade ogivale sur une grande échelle, aurait dû appeler l'attention et l’étude particulière de nos ingénieurs. (Voy. Pad- dition au Commentaire de Frontin, et la planche qui y est jointe par Rondelet.) Fig. 6. Pointe gothique, détail tracé de la cathédrale de Cologne, établie dans le rapport de 1 à 3, sur une base loujours le liers de la hauteur, quel que soit le nombré des pans de là pyramide. Le fleuron terminal, dis- posé dans un triangle équilatéral ,.a pour hauteur la largeur de cette ” même base, soit le Liers de la hauteur de la flèche. (S. Boisserée, ca- thédrale de Cologne.) Fig. 7. Chevrons brisé servant de couverture aux ouvertures fénestrales in- clinées sous un angle de 45° au sommet, dans le tympan duquel se trouve un molif d’ornementation répété constamment à toutes ces ou- vertures. Le fleuron terminal est construit sur un triangle dont les grands côtés sont parallèles à l’inclinaison des chervons. (S. Boïsserée, cathédrale de Cologne.) PLANCHE IV. Plan de l'église et du chœur de Meillac. PLANCHE V.' Vue perspective au trait du chœur de l'église de Meillac: D Ut 6 ro 5 Hoi are ee épern al onde de arener prit pe à mA Le ES TABLEAS N° 2 . TOO a LCR AT20) SANTE LS NT LU ll Al RE — , = | | | | | | | { | | | | | | | [L Il Il Î 1 | 1 Il | l | | | | | ll | | Il ——— ! LA ARCADES SUCCESSIVES ET DETAIL TN TTC ETC IE T. ND E 2 = > | A orme — NZ NA VOD TOUOO0 0 (il (8 DS mn | 1 | | IL EECELEREEEE CT À) Soc Era messes = AD él a x CE Lguel SC, CHŒUR DE L'ÉGLISE DE, MEILLAC. SEIZIÈME SESSION. 249 M. de Wismes, en reconnaissant l’importance du mé- moiïre qui vient d’être lu, en acceptant toui le côté mathé- matique de ce mémoire, déclare que certaines propositions établies par l’auteur lui paraissent très-conteslables. Il se propose de les discuter, en émettant son opinion sur la sixième question , dont le renvoi à une séance générale est démandé et semble fort convenable. M. le Président fait connaître qu'il insistera pour que le renvoi demandé soit ordonné. M. de Mellet pense que l’art ogival a produit des monu- ments aussi solides que l’art antique. Il croit que ce qu'il y a de mieux à faire à notre époque pour les monuments religieux , est d’en reproduire les proportions. Mais les péintures et les statues devraient profiter des progrès faïts én chimie et en anatomie depuis le xmi° siècle : pourtant il faudrait se garder de reproduire le calme presque indiffé- rent des statues antiques. M. de Wismes répond au reproche fait à l’art grec, en nommant la tête de Niobé, le Laocoon, la Vénus de Mé- dicis et la tête de Méduse. M. de Mellet s'explique et dit qu'il n’a jamais voulu faire à la statuaire grecque le reproche immérité de manquer de sentiment ; qu’elle lui a semblé seulement manquer de mouvement ; que les statues antiques ne paraissent prendre aucune part à l’action qui se passe autour d’elles ; qu’elles se distinguent en cela des statues modernes. * M. Aussant pense que les beaux-arts chez les peuples sont toujours le reflet de leurs croyances. Aussi, la pein- ture, à son origine, n’est-elle que symbolique. Jésus-Christ et sa mère, voilà tout un tableau. Plus tard, des figures de saintes femmes ou d’apôtres ont l’air de marcher vers la croix qui occupe invariablement le milieu du tableau. Dans la pose des personnages, tous sur le même plan, et jamais disposés en groupes, règne encore la plus grande naïveté. Voilà quelle était l’école de Giolto, ressuscitée de nos jours T. I, 32 250 CONGRÉS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. par Cornélius. Serait-il convenable de l’importer.en France? A-t-elle quelques chances de succès? M. Aussant ne le pense pas, et voici pourquoi : Sans doute , la simplicité, l'ignorance même des formes anatomiques n’ont pas em- pêché les peintres antérieurs à la Renaissance d’être de grands artistes, el cela parce qu'ils faisaient rayonner dans leurs œuvres la foi vive de leur conscience et de leur épo- que. Il n’y a rien d’humain dans leurs tableaux. Ce que cherchaient Fra Angelico de Fiesole, Fra Bartholomeo, c'était moins leur gloire propre que la gloire de Dieu. Si le sentiment qui les animait pouvait revivre de nos jours, il produirait sans doute les mêmes chefs-d’œuvre, et de plus grands peut-être, car il n’est aucun peintre qui ne s’empressât de profiter des découvertes anatomiques du dernier siècle. Et d’ailleurs, rechercher l'erreur pour l’er- reur, faire remonter l’art à sa source, n'est-ce pas imiter ces sectaires du moyen-âge, qui, dans l’âge mûr, et même dans la vieillesse , se livraient aux jeux de l’enfance pour conserver leur innocence ? Il est, du reste, un peintre qui a su allier la science de la forme au sentiment chrétien, c’est Le Sueur. Peut-être est-ce là le meilleur modèle à étudier. Quelques observations sur l’imitation des procédés et des formes du moyen-âge sont aussi présentées par MM. Taslé et Pelfresne. La séance est levée à trois heures. Séance du 5 Septembre 1849. Présidence de M. AUSSANT. — M. DUPRAY, Secrétaire. Le procès-verbal de la séance du 4 est lu, puis adopté. SEIZIÈME SESSION. . 251 La discussion ouverte sur la sixième question se con- ünue. M. de Monthuchon obtient la parole. Il croit utile de transformer l’art gothique, pour le plier à nos habitudes et à nos besoins. Il attribue aux dimensions des niches la forme allongée des statues, ei cite à cet égard celles de la cathédrale de Strasbourg. Il se demande si l’art chrétien ne pourrait pas être dégagé du mysticisme dans lequel le moyen-àge l’enfermait, et n’en doute pas, puisque cet art a produit le Baptistère de Florence et la cathédrale de Mi- lan. Pour représenter dans nos églises le dévouement de saint Vincent-de-Paule, la mort de l'archevêque de Paris, en donnant au costume et à l’action tout le développement convenable, ne faut-il pas renoncer aux habitudes de l’art ogival ? M. Turquety ne voudrait pas que le silence qu'il a gardé dans la dernière séance fût pris pour un aveu de la vérité des doctrines artistiques qui ont été professées, et il fait ses réserves à cet égard. M. de Mellet pense que toutes les parties d'un monu- ment, tous ses ornements, tableaux, staiues, doivent être en parfaite harmonie; que dans les restaurations il faut donc donner aux personnages le costume de leur épo- que ; autrement ce serait altérer la vérité historique. M. du Vautenei croit bien que, pour plier l’art gothique à nos besoins , à nos usages, à nos mœurs, la transforma- üon est indispensable: mais est-elle possible dans l’état actuel de la question? Est-elle possible , si l’on s’obstine à dénier à l’art ogival une théorie architectonique qui per- melle de faire pour cette forme ce qu’elle a pu faire pour larchitrave et le plein-cintre , afin de répondre aux besoins de la civilisation, aux grandes époques du siècle d’Auguste et de la Renaissance? Ainsi, par exemple, comment don- ner aux églises gothiques modernes toute la lumière qu’on exige aujourd’hui, en se renfermant dans limitation ser- 252 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. vile d’une accumulation de verrières et de peintures mura- les, que les progrès de l’instruction et des mœurs ont fait recouvrir de badigeon dans les derniers siècles. M. Dupray dit que ce n’est pas à ce point de vue que la question lui semble devoir être traitée , mais au point de vue du sentiment chrétien. Il rappelle que les monuments gothiques furent la plus vive et la plus durable expression du Christianisme; qu’ils portent en eux le cachet de ses plus chaleureuses inspirations , et que dès lors , si le génie moderne est trop pauvre pour créer quelque chose de son fond, ce qu’il y a de mieux à faire c’est d’imiter le xIU° siè- cle. M. du Vautenet prend pour type architectural la cathé- drale de Cologne, et pense que l'étude de ses proportions pourrait être utile pour résoudre la question de la transfor- mation de l’art gothique. M. Duchatellier revendique pour la France l’honneur d’avoir inspiré la cathédrale de Cologne , en élevant la ça- thédrale d'Amiens. Les rapporis les plus frappants existent entre ces deux édifices. i M. du Vautenet n'admet pas l'antécédence invoquée par M. Duchatellier. La cathédrale d'Amiens est seulementdu même siècle et de la même école que la cathédrale de Co- logne; toutes deux ont été probablement élevées par les mêmes congrégations d'ouvriers constructeurs. Les séries de chiffres qui ont présidé au plan de la cathédrale de Co- logne , et qu’on retrouve plus ou moins correctes dans les monuments de la même époque, sont justement celles qui président au dogmatisme de la franc-maçonnerie et en dis- tinguent les grades. (Voir le Mémoire qui vient d’ être lu. ) L'ordre du jour appelle la seconde question, ainsi con- çue : « Dans ce siècle, l’opinion publique ne se montre-t- » elle pas trop favorable pour le coupable atteint par la loi? » À quelles influences faut-il attribuer cet état de l’opi- » nion? » SEIZIÈME SESSION. 253 M. Feuillet obtient la parole. Il reconnaît la tendance très-manifestie de notre siècle à l’indulgence , mais ne croit pas qu’il y ait lieu de s’en effrayer. Des peines trop sévères engendrent la pitié en faveur des condamnés; la pitié est moindre, ou plutôt elle est ce qu’elle doit être, quand les peines se trouvent, comme à présent, en rapport de gravité avec les délits et les crimes. Ce qui est fâcheux parmi nous, e’est l'admission trop facile des circonstances atiénuantes ; il en résulte souvent une sorte d’impunité. L'application de ces cirgonstances devrait être enlevée au jury. M. Taslé dit que l’indulgence de l'opinion se produit le plus souvent en acquittements scandaleux ; qu’il est un certain nombre de crimes, tels que l’infanticide, les aiten- tats à la pudeur, qu'il est très-difficile d'atteindre. Il rap- pelle que souvent, à la porte de la prison, l’ouvrier honnête manque de tout, et que lorsqu'il y est entré, non seulement il est à l'abri du besoin, mais il jouit même de quelques agréments qu’il n'aurait pas en liberté. — Du reste, la loi est bien pour quelque chose dans l’état de l’opinion. La dif- férence entre le crime et le délit n’est pas assez tranchée. L'opinion ne ratifie pas le jugement qui renvoie en police cor- rectionnelle celui qui, par escroquerie, s’attribue 2,000 fr., et traduit aux assises le pauvre qui, mourant de faim, brise une porte pour prendre du pain. Dans cette position , que fera le jury? Il mentira à sa conscience, et refusera de croire à l'évidence et aux aveux mêmes de l'accusé. M. de la Sicotière, ramenant la question dans ses termes, pense qu’on ne saurait nier l’indulgence, et, en quelque sorte, la faveur qui s’attache aujourd’hui à l'individu atteint par la loi. Pour s’en convaincre, il n’y aurait qu’à compter le nombre des établissements destinés aux enfants déjà frappés par la justice, et à le comparer.avec le nombre des maisons destinées à recueillir ceux qui ne sont que malheureux. — Ce fâcheux état de l'opinion dérive de trois causes, qui sont : l’affaiblissement du sens moral, les imperfections de la loi et l’attention appelée par une trop grande publicité 25% CONGRÉS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. sur le criminel. L’affaiblissement du sens moral au.xix° siècle est évident. Il n’est plus guère de vérité qui ne soit contestée. Les attaques contre la propriété remontent même jusqu’à Brissot, cet élève égaré de Rousseau. Le bruit fait au xviu° siècle par le procès des Calas a bien encore son re- tentissement au xix° siècle, et la société ne se défend plus de peu, craignant de se défendre trop. Mais la cause la plus frappante de l’indulgence excessive de l'opinion est celle-ci : Dans ces derniers temps, le criminel, pourvu qu'il ne fût pas vulgaire, a été élevé sur un piédegtal. La publicité des cours d'assises, aidée de la publicité de la presse, a répandu, jusque dans les moindres hameaux, le récit de ses méfaits ; et, comme si le récit ne suffisait pas, on a peint le tableau. Le théâtre s’est emparé du crime et du criminel. L'empoisonnement, l’assassinat par le fer ont été traduits sur la scène, et, après le spectacle de tant de crimes réels ou fictifs, l'opinion n’a guère pu montrer sa répulsion pour les méfaits vulgaires et leurs auteurs, elle qui applaudissait au théâtre les grands coupables. Un membre du Congrès pense que l'intérêt manifesté pour les condamnés est un sentiment tout chrétien, un rayonnement de charité; que c’est à ce même sentiment qu'il faut rapporter la création des établissements en faveur des enfants abandonnés. Il est trois heures. M. le Président fixe l’ordre du jour pour demain , et lève la séance. * Séance du & Septembre 1519. Présidence de M. AUSSANT. — M. PERRIO, Secrétaire. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopte. SEIZIÈME SESSION. 955 M. le Président annonce que M. Dupray, qui a si bien rempli les fonctions de Secrétaire, se voit forcé de quitter Rennes dès-à-présent. Il invite la section à pourvoir au remplacement. M. Perrio, désigné pour remplir les fonctions de Secré- taire, accepte et prend place au bureau M. de Beaurepaire, sur l'invitation qui lui est faite par le Président au nom de la section, lit un travail intitulé : Histoire de deux sonnets. Etude littéraire sur le xvrr° siècle. Il est un genre de poésie dont l’histoire présente une foule de cu- riosités piquantes , de détails ignorés ou peu connus. Ce petit genre frivole, autrefois élevé si haut, même par de graves jurisconsultes, aujourd'hui si peu en faveur , malgré de nombreuses tentatives de res- lauration, n’est rien autre chose que le sonnet. Son histoire a été doc- tement exposée par Vauquelin de la Fresnaye, et, après lui, par Colletet l’ancien. Plus tard, Boileau s’est efforcé, dans son Art poétique, d’en exposer les règles et d’en démontrer l'excellence (1). C’est qu’à l’époque de Louis XIV, si le sonnet ne se soutenait plus, sa gloire pas- sée jetait encore à l'horizon de lumineux reflets... Sans doute, ce genre de poésie, jeu puéril des époques galantes et affectées , était bien mort, quoiqu'il conservât les apparences extérieures de la vie; mais l’époque de sa splendeur élait si rapprochée de celle de son dé- clin, que Despréaux se vit forcé de. consacrer à ce mort illustre quel- ques vers qui sont, à vrai dire, son épilaphe. C’est à ce respect pour les-morts, et peut-être aussi aux souvenirs de sa jeunesse et à ses pre- mières admirations, qu'il faut attribuer l'opinion favorable du grave législateur du Parnasse sur cette chose fantasque , légère et quelque peu prétentieuse qu’on appelle le sonnet. Il en élait autrement sous Louis XIII et pendant la régence orageuse de son successeur. Dans celte période, qui était tout à la fois le crépuscule du xvi' siècle et l’au- rore du xvu‘, le sonnet étant en pleine vigueur, il rayonnait d'une splendeur juvénile, et, favori de la mode, il régnait d’une manière exclusive dans les boudoirs et les salons. Les plus grands poëtes, les hommes les plus considérables, ministres, princes, magistrals, évêques et généraux, s’exercaient dans ce genre, et l’approbalion des ruelles aristocratiques ne leur faisait jamais défaut. - (1) Voir les Arts poétiques de Vauquelin, de Colletet, de Boïeau, et l'excellent article du 24 janvier sur le second de ces poètes grotesques, t. 1, _ 256 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Depuis l’époque des troubadours jusqu’à celle de Ronsard , lé sonnet p’avait pas encore joui en France d’une faveur aussi remarquable. Les poésies de Fouques, les chants amoureux de Rembaud et les vers de Pétrarque à Laure, ces sonnets mignons dont il emprunta l’idée et le fond aux Provençaux (1), n’eurent certainement pas une vogue com- parable à celle qui s’attacha, sous Louis XIH, aux plus misérablespro- ductions de ce genre. = Thiard, Scève, Saint-Gélais du Bellay, Ronsard, Vauquelin, Desportes et Bertaut, tous ces auteurs, aussi bien que leurs héroïnes Olive, Cassandre , Francine et Marie, sont aujourd’hui bien oubliés ; et comme sonnettisles, ces poètes n'excilérent. parmi leurs contemporains qu’un assez médiocre enthousiasme. Il en fut bien autre- ment des sonnets de Job et d'Uranie. La querelle qu'ils suscitèrent a laissé sa trace dans l'histoire de la littérature , et l’éclat qu'ils jetèrent sur Voiture et Benserade fut lel qu'ils les rendirent , comme l’exprime le vieux Postel , les parangons des esprits de leur âge (2). Certes, il est peu d'œuvres échappées à la pensée humaine autour desquelles il se soit fait autant de bruit, et il en est peu qui fussent pourtant plus indignes d’une semblable manifestation. Du reste , ce contraste entre la valeur réelle de l’œuvre et son éphémère réputation est précisément ce qui constitue le piquant de ce singulier épisode de l'histoire: du sonnet..… Ce fut dans les. premiers jours de l'hiver 1649 qu’apparurent presque simultanément les deux sonnets de Job et d'Uranie. Le premier était l’œuvre d’un gentilhomme normand, Isaac de Benserade , dont la-no- blesse était plus que problématique, mais dont, en revanche, l'esprit, la gaielé , le parfait savoir-vivre, étaient incontestables. Saint-Evremond disait de lui : « Benserade a un caractère si particulier, une manière de > dire les choses si agréable, qu'il fait souffrir les pointes et les allusions » aux plus délicates. » (3) Le second avait pour auteur le fils d’un mar- chand de vin, Voiture (4), qui, par les qualités exquises de son esprit, avait fait si bien son chemin dans le monde, qu'il était devenu tout à la fois le roi des liltérateurs et le roi des dandys. Chose étrange, cet hom- \ (1) Vauquelin, Art poétique : « A leur exemple prist le bien, disait Pétrarque, » De leurs graves sonnets l’antique remarque. » Et ce qui fait priser Pétrarque le mignon, >» C’est la grâce des vers qu'il prist en Avignon. » (2) Postel, les très-merveilleuses Victoires des femmes, p. 1. (3) Evremond, Œuvres complètes, t. 5, p. 49, Lettre à madame de Mazarin. (4) Id.+ On ne saurait disputer à Voiture le premier rang dans toute matière ingé- nieuse et galante. » SEIZIÈME SESSION. 257 me, qui n'avait pour lui ni la naissance , ni la fortune , ni la beauté, -avait réussi par l'atticisme parfait de ses manières, par la recherche distinguée de son style, par le charme de sa conversation, à renverser si bien les barrières aristocratiques, qu’il marchait de pair avec les princes , et que les plus nobles dames se disputaient ses lettres et son amitié. À l’époque où nous sommes arrivés, Benserade commençait à ba- jancer la vogue de Voiture ; il lui disputa même le premier rang, el l’on put croire quelque temps que l’astre du vieux maitre allait s’éclipser devant celui du gentilhomme de Lions. Cette crise dans la réputation de Voiture eut lieu à l’apparition des deux sonnels. A cet instant cri- tiquê , toute la cour se divisa d'opinion, les uns tenaient pour Job, les autres pour -Uranie : c’est alors que prirent cours ces noms d’Uranins et de Jobelins, qualificatifs singuliers qui servaient à désigner les par- tisans de l’un et l’autre. L’agitation poétique, favorisée par d’heureuses circonstances, ne s'arrêta pas là + nouvelle fronde, elle gagna peu à peu Paris et les provinces ; si bien qu’il n’y eut pas de cercle tant soit peu littéraire qui ne vit ses habitués se partager en deux camps hostiles et profondément séparés. C’est ce qu’exprime d’une manière assez vive le dizain suivant, emprunté à la rare collection publiée par de Sercy : {1 n’en faut ma foi plus parler, La paix d’entre nous est bannie. Il faut partout se quereller Ou pour Job ou pour Uranie. On voit en divers sentiments Les maîtresses et les amants, Les cousins et Îes cousines , Et les astres sont si malins, Que les femmes sont uranines Et tous les maris jobelins (1). Ce n’est pas tout : les poèles jugèrent à propos d'intervenir dans le débat, et alors s’engagea une mêlée épouvantable de sonnets, de ma- drigaux, de rondeaux et d'épigrammes pour et contre. C'était une vé- ritable fureur. Dans une déclaration d'amour, on trouvait le moyen de glisser , entre deux vers cavaliers , son opinion sur la querelle pendante devant le public. Dans une chanson, au milieu de l’enthousiasme ba- chique , le poète se ravisait et vous lançait une allusion aux deux fa- meux sonnets. On alla même jusqu’à faire sur ce sujet une comédie dont les personnages se nommaient Job, Uranie , la Critique, la Com- paraison , Quinola et Rabajoie (2). El il ne faut pas croire que les poètes médiocres seuls exerçassent leur verve sur celle rivalité, ridicule aujour- a ————— {1) Poésies choisies de Sercy, 4: édition, p. 441. {2) Poésies choisies de Sercy, 4° édition, p. 450 , le Jugement de Job et d'Urarie. T. NH. 33 958 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE, d’hui, mais alors palpilante d'intérêt. Le grand Corneille se rendit cou- pable, à cette occasion, de deux sonnets et d’une épigramme que nous ne-citerons pas par respect pour son génie. Le grave Chapelain figura dans celte querelle, à côté de Laye, de Chevreau, du visionnaire Des Marets, de M. et de M''* de Scudéry, de Vignier, de La Mesnardière et de l’austère de Montausier (1). Sarrazin , le spirituel Sarrazin adressa à M. Esprit, de l’Oratoire, une glose bouffonne beaucoup plus réjouissante que lun et l’autre sonnet. Cetle pièce curieuse , critique dévergondée dusonnet de Benserade , jeu d’un esprit souple et délié, véritable tour de force poélique, se termine par les deux strophes suivantes : Mais, à propos, hier, au Parnasse, Des sonnets Phébus se mêla, 4 Et l’on dit que , de bonne grâce, J1 s’en plaignit , il en parla. J'ayme les vers des uranins, - Dit-il, mais je me donne aux diables Si, pour les vers des jobelins, J'en connais de plus misérables (2). Benserade et Voilure eux-mêmes, qui d’abord s'élaient tenus pru- demment à l’écart, rentrerent bientôt en lice, et firent mutuellement assaut de politesse et de courtoisie. — Malheureusement , lous ces efforts furent dépensés en pure perte. — La querelle restait encore indécise, malgré tant d’atlaques et de ripostes ingénieuses. Rien n’annonçait quel (1) Poésies choisies de Sercy, 4° édition, p. 416-450.— Voici comme spécimen curieux quelques vers de Madame de Scudéry et de M. de Montausier . A vous dire la vérité, Le destin de Job est étrange D'être toujours persécuté, Tantôt par un démon, Et tantôt par un ange. « DE Scupény, p. 425. Par quelle bizarre aventure Job est-il assez insolent ‘ Pour vous disputer , cher Voiture, ; 4 La qualité de plus galant? © Madame de Saintat en gronde Et.se plaint de voir qu’à la cour On nous préfère, en cas d'amour , Le plus galeux galant du monde. De M., p. 445. (à) Sarrazin , t. 2, p. 214. Le dernier vers de chaque strophe est un vers du sonnet de Job, : £ 3 "A SEIZIÈME SESSION. 259 parti remporterait la victoire : jobelins et uranins se partageaient d’une manière égale les suffrages du public. Cependant, un observateur attentif eût pu, dès le début, présager l'issue définitive de la lutte. En effet, si lé prince de Conti, M°° de Bregy et la princesse palatine tenaient pour Job ; on voyait à la lète du parti opposé, avec M"° de Saintat et M'* Rambouillet, la duchesse de Lon- gueville , si célèbre pour sa beauté et pour son esprit. Cette dame, sœur du prince de Conti, était alors arrivée à l'apogée de sa réputation. Elle exerçait, au profit de sa coterie, cette omnipotence littéraire qu’exer- çait avant elle la célèbre Julie d’Angennes , et qu’exerca plus tard, d’une manière moins prépondérante, M"* de Sévigné. M"* la duchesse de Lon- gueville influençait non seulement les décisions de la cour, mais aussi, ce qui est beaucoup plus difficile, les jugements de l'opinion publique. Un sourire de sa lèvre dédaïgneuse faisait le succès d’un madrigal ; un mot de sa bouche posait un poète; une de ses paroles ironiques et po- liés, comme il convient à nne femme d'esprit et à une duchesse, ter- rassait à tout jamais un débutant dans le monde élégant ou poélique, à moins qu’il n’eût au cœur les ressources du génie comme Corneille, ou cette fatuité persévérante qui distinguait John Brumell ou le maréchal de Richelieu. — Pour toutes ces raisons, M‘° de Longueville était un formidable appoint dans la partie engagée devant le public littéraire par Voiture et Benserade. — Ils le savaient tous deux à merveille. — Voiture, lorsqu'il connut l’opinion de la duchesse, s’endormit dans une béate tranquillité, et Benserade lui-même ne s’illusionna pas un instant sur sa portée (1). Il regarda son succès comme singulièrement compromis. Et pourtant, quoique ces sonnets, galants jusqu’à l'afféterie , soient tous deux très-médiocres, Job était incontestablement, n’en déplaise à M. Méry (2), je ne dirai pas le meilleur, mais le plus ee ets somme toute , le moins mauvais. Mais le goût si sûr de M"° de Longueville était influencé par des mo- tifs tellement prépondérants, qu'il ne lui laissait pas sa délicatesse ac- coutumée. Avant de connaître les deux sonnets , elle se fût décidée pour Voiture, son hôte habituel, son aimable épistolier, et, jusqu’à un cer- lain point, son ami de cœur. Lorsqu'elle connut ces deux compositions, les motifs de préférence devinrent encore plus impérieux. En effet, et personne à:la cour ne s’y trompa, celte Uranie au pied de laquelle se précipitait Voiture, en lui apportant le tribut discret de ses respectueuses adorations , n’était-ce pas la duchesse? En semblable occurrence, l'im- partialité n’était guère possible. Ce serait trop de sévérité de vouloir RE ———— (1) Poésies choisies, p. 424. (2) Méry, Introduction aux Confessions de Marion Delorme. 260 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. exiger d’une femme qu’elle trouvât mauvais les vers que lui adresse un amant, surlout quand cet amant se nomme Voiture. D'ailleurs, la sym- pathie , cette grande charmeresse, jetait ses poétiques ornements sur la nudité de cemauvais sonnet ; elle le métamorphosait en chef-d’œuvre.et communiquait aux moindres détails un charme de personnalité, dont nous sommes mauvais juges, et que M°° de Longueville pouvait seule parfaitement apprécier. ‘ Quoi qu’il en soit, pour un motif ou pour un autre, la duchesse se prononça énergiquement en faveur d’Uranie. Dès cet instant, tous les familiers de l'hôtel, poètes, beaux esprits, savants, abbés de cour et mousquetaires, se le tinrent pour dit, et combattirent vigoureusement, qui par des vers, qui par l'épée, qui par des gloses ou dissertations, pour assurer définitivement le succès de Voiture. M”° de Longueville elle- même se multipliait ; elle répandait partout les séductions de son re- gard ; elle semait dans tous les groupes des paroles bienveillantes, et, par ses habiles démarches, elle provoquait de nombreuses défections dans le camp opposé : elle alla même jusqu’à forcer Benserade à con- venir, en vers charmants, de sa défaite (1), et le prince de Conti à modi- fier, légèrement il est vrai, mais enfin à modifier sa première opinion (2). Ce succès ne lui suffit pas. La guerre poétique continuait, grâce à des jo- belins intraitables qui, sourds aux avances gracieuses de la duchesse, persistaient intrépidement dans leur appréciation primitive. Les amener à un dédit était chose impossible; les laisser sans réponse, c'élait avouer lindécision de la victoire. M”‘ de Longueville, qui ne pouvait paS pren- dre le premier parti, n’élait pas femme à se contenter du second; elle {1) Poésies choisies , p. 424. Vous m'avez donc mis le dernier : Un autre a sur moi l'avantage. Kavais pour moi de grands suffrages ! Mais à quoi bon ces avantages, Puisque je n’ai point votre voix ? Sur elle seule je me fonde : Et si je vous mens , que je sois Le plus méchant sonnet du monde? (2) Idem , p. AIS. Ces deux sonnets n’ont rien de comparable. Pour en parler bien nettement, Le grand est le plus admirable, Le petit est le plus galant. à Prince DE CONTz. SEIZIÈME SESSION. 26 imagina de faire condamner l'opinion des récalcitrants par une décision dela Sorbonne ou de l’Académie française. Richelieu avait bien fait con- damner par cette compagnie le Cid de Pierre Corneille : la duchesse, s’autorisant de ce précédent , ne voyait pas pourquoi elle n’obliendrait pas le même résultat que le cardinal. : Malheureusement pour elle, l'Académie, instruite par l'expérience, se montra plus sage que la première fois ; elle renvoya les parties devant leur juge naturel, le public (1). La Sorbonne, imitant l’Académie, ne se reconnut pas compétente. Restait la cour, juge suprême, à cette époque, en matière de bon goût; mais l'influence de Benserade y était encore telle que, « la cause ayant été agitée en présence du Roi, de la Reine > et des princes (2), » on se convainquit rapidement de l'impossibilité d’arriver par ce moyen à une solution quelconque. Ainsi, malgré sa pro- digieuse influence , la duchesse se trouvait battue sur ces trois points. Une autre femme se serait arrêtée là : elle, au contraire , puisant dans ce triple échec une nouvelle énergie , résolut de tenter un dernier ef- fort. A celte époque , la jeune Académie de Caen jouissait d’un renom con- sidérable ; elle renfermait dans son sein des hommes d’une science in- contestée ; l'administration en était parfaitement entendue , et ses pro- fesseurs s’efforçaient, par leurs travaux, de propager sans cesse sa ré- putation. D'ailleurs, la ville abondait en hommes au commerce agréable, à l'esprit poli, aux mœurs élégantes. M”*° de Sévigné leur décerne un magnifique éloge dans ses lettres , et le poète Jean de Rosset (3, ne ren- contre jamais le nom de Caen sans entrer dans un enthousiasme sin- cère, mais dont les transports nous paraissent aujourd’hui légèrement exagérés. Ces quelques mots suffisent’à expliquer pourquoi M** de Lon- (1) « L'Académie française en a voulu connaître; mais, au lieu d’un arrêt, elle n’a >» qu’appointé les parties à écrire.» (Lettre de M- Aubert; (2) Anton S.-Allœi opusculus, p. 487—496. (3) O Caen, fertile en beaux esprits ! Qui, dans un si petit pourpris Dont ta muraïle t’'environne, Surpasse le renom vivant Dont se vont sans cesse élevant Venouse , Mantoue et Vérone, Parmi tant de belles cités Qui vantent leurs félicités, Oh! que tu dois être superbe, Produisant trois soleils nouveaux, Mon Berlant et Desiveteaux. Et l’incomparable Malherbe! 262. CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. gueville, qui d’ailléurs avait été parfaitement reçue à Caen en 1648 (1), songea naturellement à cette ville lorsque la cour, la Sorbonne et l’Aca- démie lui eurent fait défaut. Mais , avant de s’arrêter définitivement à cette idée, en femme prudente, elle sonda d’abord le terrain ; puis, lors- qu’elle se fut assurée qu’elle aurait la majorité dans le conseil acadé- mique de Caen, elle remua tant et si bien qu’elle fit naître l’idée de ce recours chez ses propres adversaires ; en sorte que , grâce à cette intri- gue machiavélique , ce furent les partisans de Benserade qui proposè- rént l’arbitrage souverain de l'Académie caenaise,, et ce fut M"° de Lon- gueville qui parut souscrire avec le plus de peine à un expédient qui assurait son triomphe. M. Aubert, aumônier de son altesse, fut chargé de saisir officiellement l’Académie normande de ce procès d’un nouveau genre. Il échangea, à cette occasion, avec le docteur HaHay, des lettres et des notes qui accusent chez les deux correspondants un mérite diplo- matique prononcé (2). Enfin, après plusieurs combats d’avant-garde, dans lesquels se distinguèrent principalement Augustin Le Haguais, Pierre Le Picard et le savant Hallay, les cinq Facultés se rendirent pro- cessionnellement, à l’occasion de la semaine palinodiale, dans la grande salle du conseil, et là , après avoir appelé dans leur sein A. Le Haguais et Nicolas Du Moustier (3), elles décidèrent d'abord que les deux son- nets étaient parfaits, et que la prélation de l’un ne pouvait pas nuire à l'excellence de l’autre (4). Ceci était une précaution oraloire destinée à niérpgér Ja ccmbé lité du vaincu, quel qu’il fût. Puis, après ce préambule légèrement nor- mand, l'assemblée, à une forte majorité, proclama la supériorité du Sonnet d’'Uranie. La duchesse recueillait enfin le fruit de sa laborieuse persévérance : elle avait triomphé. Malheureusement, Voiture était:mort avant de connaître ce succès décisif. Le jugement de l’Académie de Caen et les vers bouffons de Sarrazin (5) furent pour lui ce que fut pour le Tasse le couronnement au Capitole. (1) 4.S.-Allæi opuscula, p.204.— Dessein des tableaux élevés surles portes à lasolen- nelle entrée de Madame la duchesse de Longuevilleen,la ville de Caen, le 26 mai 1648. (2) Idem, p. 287—502. {3 Idem, p. 296. :4) Idem , p. 298. (5) Sarrazin, t.2, p 214.—Voir aussi la pompe funèbre + Voiture, idem, t 9, p. 4 : Voiture (ce pauvre mortel. +. Ne doit plus être-appelé tel), . Voiture est mort, aussi Mesnage; Voiture qui si galamment Avait fait, je ne sais comment, Les Muses à sonhadinage ; Voiture est mont... C'est grandydommage !!! SEIZIÈME SESSION. 263 Voici, du reste, quelques passages de la lettre dans laquelle Saint- Alloy communique, au nom de l’Académie, ce résultat à M. l’abbé Aubert : « Je n’ai pas manqué , en proposant les deux sonnets à la Compagnie, » de lui faire lecture de votre belle letire , qui à été reçue comme une > évocation au grand sceau pour départager un procès sur lequel MM. de » l'Académie française s’étaient trouvés partis... Notre jury n’a pas » hésité long-temps à donner son jugement; mais, parmi ceux de la » ville, il s’est trouvé d’abord quelque contrariété.... Il y a en effet des » goûts qui approuvent l’aigre et le doux, et d’autres qui aiment les >» douceurs pleines et consommées. Quelques-uns préfèrent l'odeur pé- > nétrante de l’œillet à celle de la rose, et tel dans la musique ne prend » pas grand plaisir à un concert qui témoigne des exlases à une voix » singulière... » Enfin, ces ouvrages ayant souffert toutes les épreuves de l’art, l’on » a reconnu que l’auteur de Job est un esprit sublime en ses poinctes, > subtil éveillé, aigu , qui a mieux réussi à faire admirer son inven- > tion que son ouvrage... * » Le sonnet d’Uranie est coulant , majestueux, égal, resserré dans > toutesles règles de l’art, sans contraincte, qui n’a pas tant de sel, mais » bien plus de douceur, et ressent autant l’excellent poète que fait > l’autre l'excellent esprit. L'on a bien su que l’auteur de l’Uranie n’é- > tait plus vivant; mais, comme les poètes disputent de l’immortalité > avec les dieux, il a été juste de couronner sa statue et de le rendre > victorieux après sa mort (1). >» Ainsi se termina celte rivalité de sonnets, qui fut une intrigue de sa- lon autant qu’un combat poétique. Le prince de Conti y fut plutôt dé- fait que Benserade, et l’arrêt de l’Académie bas-normande donna la victoire beaucoup moins à Voilure qu'a M"* de Longueville. En résumé, l'explication du triomphe de l’Uranie est très-simple : le sonnet était dé- testable, c’est vrai, mais là femme qui le protégeait était charmante, et... la femme fit passer le sonnet!!! (2). (1) S--Allæi, Opuscula, p' 296, 297, 298: (2) Poésies choisies , 446% # Pour moi, qui ne fais point l'habile, Je serai toujours du parti De madame de Longueville Contre le prince de Conti. Eu 264 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. - SONNET DE BENSERADE. - ob, de mille tourments atteint, Vous rendra sa douleur connue, Et raisonnablement il craint Que vous n’en soyez point émue. Vous verrez sa misère nue ; Il s’est lui-même ici dépeint. Accoutumez-vous à la vue D’un homme qui souffre et se plaint. Bien qu’il eût d’extrèmes souffrances , On vit aller des paliences . Plus loin que la sienne n’alla. S'il souffrit des maux incroyables, Il s’en plaignit, il en parla : J'en connais de plus misérables. SONNET DE VOITURE. H faut finir nos jours en l’amour d’Uranie : L'absence ni le temps ne m’en sauraient guérir, Et je ne vois plus rien qui püt me secourir, Ni qui sût rappeler ma liberté bannie. Dès long-temps je connais sa rigueur infinie ; Mais, pensant aux beautés pour qui je dois périr, Je bénis mon martyre, et, content de mourir, Je n’ose murmurer contre sa lyrannie. Quelquefois ma raison , par de faibles discours, M'invite à la révolte et me promet secours; Mais lorsqu’à mon besoin je veux me servir d’elle, Après beaucoup de peines et d’efforts impuissanis, Elle dit qu'Uranie est seule aimable et belle, Et m’y rengage plus que ne font tous mes sens. Sur la proposition de M. le Président, la section vote la lecture en séance générale du travail de M. de Beaure- paire, travail plein de détails historiques intéressants et d’aperçus ingénieux. A l’ordre du jour se trouve la discussion de la première question, ainsi conçue : « Quelle est l'importance relative SEIZIÈME SESSION: 265 » des divers points de vue qui doivent guider le législateur » dans l'établissement des lois pénales ? » M. Hamon, inscrit pour traiter cette question, obtient la parole et dit : _Les points de vue dont il s’agit sont nombreux. Pour les coordonner et pour éviter les classifications arbitraires, il faut s’élever au principe de la pénalité, qui doit être re- cherché, comme tous les principes sociaux, dans le droit naturel. Comme il n’y a que deux principes d'action, deux mo- _ biles pour l’homme, il ne peut y avoir que deux principes de gouvernement pour les sociétés. — Le premier, qui ca- ractérise d'ordinaire la constitution primitive des Etats, aboutit, dans son expression la plus pure, à la théorie de la défense sociale. — Le second procède du sentiment de la fraternité humaine. Dans ce système, les lois positives ne sont que la loi morale de l’assistance mutuelle appliquée aux besoïns de la vie nationale. Ces deux théories présentent évidemment des résultats contraires. Après quelques développements à cet égard, M. Hamon adopte la seconde théorie et en déduit logiquement les co- rollaires relatifs aux délits, à la peine et à l'instruction, qui forment les trois objets des lois criminelles. 4° Du délit ou de l’acte punissable, définition et classi- fication. : | Dans le système adopté, le délit ne peut consister que dans la violation d’un devoir. On peut le considérer sous trois points de vue : 4. Par rapport au devoir qu'il viole; 2. Par rapport au lieu où il est commis; 3. Par rapport à la personne du délinquant. Sous le premier rapport, il faut : 4° que l’acte soit immo- ral, c’est-à-dire contraire à la loi d'amour et d’assistance mutuelle ; 2° qu'il mette en péril l’existence de la société. T. IL. $ 34 266 GONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. : Sous le second:point de vue, on demande isi des lois pé- nales sont du statut personnel ou du statuit-territorial.s. Les partisans, du statut territorial veulent que Jes délits commis à l étranger par un Français ne puissent être pour- suivis en France, parce que ni la loi ni la juridiction ne s’ étendent hors du territoire, et qu'au contraire les lois périalés obligent tous fes étrangers vivant sur le territoire, c’éstà-dire dans la sphère de la souveraineté nationale. “Les partisans du statut personnel veulent que les lois pénales suivent les Français en tous lieux , et l'étranger sur le territoire. Il y a lieu de rejeter ces deux systèmes ; leur fausseté vient de ce qu’ils séparent la sanction du précepte. Le dé- lit est la violation d'un devoir : or, il y a des devoirs qui dérivent de la qualité d'habitants, d’autres qui dérivent de la qualité de Français. Les peines qui sanclionnent ces de- voirs en suivent la nature. Il faut donc dire : “Les lois pénales sont personnelles quand elles sanction- nent des devoirs attachés à la qualité de Français; Les lois pénales sont territoriales , lorsqu'elles sanction- nent des devoirs attachés à la qualité d’habitant. Quant au troisième point de vue, il est évident qu'il n’y a point de. devoir sans liberté, et. pris men se mesure sur le libre-arbitre. : , aotflet D'où il suit : ti : où is 4° Que là où il n’y a pas de tr iln y a pas de délit; 2° Que la gravité du.délit est BEBArLEnpÉe à Ja perver- sion du libre-arbitre. Le législateur aura donc à définir les causes. dE justifi- cation et les causes d’ atténuation ou d’aggravation. Les délits une fois définis il y a lieu de les classer. Les règles de cette classification se trouvent : 1° Dans l’imporlance du devoir violé ; 2° Dans le degré de perversité de l’agent ; 3° Dans la gravité .du mal fait à la société. M. Hamon examine à ce triple point de vue la asie: SEIZIÈME SESSION, 267 tion du délit et de la tentative; il la trouve contraire aux principes. Bt as La division générale des crimes, des délits et dés contra- ventionsne méritepas, quoique réellement imparfaite, tous les'reproches qu’on lui a faits. 9° Définition et classification des peines. La peine, dans la théorie acceptée, est l’expiation d’une: faute, ce qui comprend le paiement dumalet le retour au bien par la pénitence. Elle peut être considérée par rapport au délinquant et: par rapport à la société. 4° Par rapport au délinquant, elle doit être personnëlle, proportionnée, moralisatrice : Personnelle, puisqu'elle est le paiement d’une faute per- sonnelle. C'est à ce titre que la confiscation générale, qui frappait la famille du coupable, à été abolie et qu "elle de- vait l'être. La peine doit être taste non seulement à la gra- vité du délit, mais encore à la force du coupable. Le principe de la proportionnalité recevait son applica- tion dans l’ancien droit par l’indéfinition des peines, qui consacrait le despotisme judiciaire. Les abus énormes'que ce système engendra le firent remplacer en 1791 par un sys: ième tout contraire. Le législateur enleva aux juges la fa- culté de modifier les peines établies pour chaque espèce de délits. Le remède ne valait pas mieux que le mal. Les lois de1810 et de 1832 ont rétabli les vrais principes par l’éta- blissement du maximum et du minimum , et: des: circon= stances atténuantes. 1OŸ La loi aura encore à mesurer les moyens de pre sb, abstraction faite de la proportionnalité morale, à la vigueur - de l’âge, du sexe et de l'individu. La peine doit être moralisatrice, puisqu’ st ‘est un moyen de pénitence.: s Or, elle ne l’esi pas, si vélle a pour effet soie de per: vertir ou d’endurcir le condamné : si elle ne tend pas à le convertir et à l'améliorer. A ce pointde vue; les peines irré- 268 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. parables , comme la peine de mort , sont condamnées en pure théorie; mais la théorie doit s’accommoder aux néces- sités des temps et des lieux. Dans son rapport avec la société, le but de la peine est, 4° d’arrêter par la crainte ceux qui seraient tentés d’imiter le coupable; 2 de raffermir les bons, de convertir les mé- chants par l'exemple du coupable repentant et réconcilié. Elle doit donc être appréciable pour l’ so publique , intimidatrice et réformatrice. ; Vient ensuite la classification des peines , Pre leur mé- rite respectif. Elles frappent le corps, “a liberté , la fortune ou l’hon- neur ; de là leur division en peine wap afflictive , pécuniaire et infamante. Les peines corporelles n’ont aucune des quahités exigées au point de vue du coupable ni au point de vue de: : so-. ciété. Elles doivent être supprimées. VE dés L'orateur termine sa discussion par de courtes observa- tions sur l'instruction criminelle. Les principes de l instraction criminelle se déduisent de la nature des délits et’ des peines. Cependant, comme ee sujet n’est pas explicitement indiqué dans la question , ik n’y a lieu de s’en occuper que pour montrer, par la com- paraison du système ancien etdu système actuel, l'influence des deux principes sociaux signalés en commençant. Ici le prévenu est placé sur un pied d'égalité avec l’accu- sation, parce qu’en le poursuivant la société accomplit un devoir, et non pas une vengeance. Là le prévenu était sacrifié au besoin de répression, c'est- à-dire à la défense de la constitution politique. Comme cette constitution était en grandepartie basée sur l’ inéga- lité et le privilége , il s’ensuivait que la répression prenait le caractère de la vengeance, et qu’elle se préoccupait beau- coup plus de son effet que de sa justice. : 515 ,20 Peines atroces, inégales, disproportionnées, imperson- nelles , abrutissantes ; voilà l’ancien Code pénal; : +2. SEIZIÈME SESSION. 369 Recherche unique des preuves de la culpabilité et non de l'innocence , guerre de la société contre l’accusé; voilà le cadre de l’ancienne instruction criminelle. Le secret, la privation de défenseur, l'ignorance des charges , l’interrogatoire sous serment et la torture carac- térisaient la procédure. L’indécision caractérisait le juin la condamnation était toujours définitive; mais l’absolution n’était souvent que conditionnelle et temporaire ; et très-souvent encore il n'y avait ni absolution, ni condamnation, mais plus ample informé à temps ou indéfini, c’est-à-dire déclaration de doute, et rétention arbitraire de l’accusé jusqu’à nouvelle preuve. Maintenant, au contraire, l'instruction est faite tant à charge qu’à décharge, la défense est libre, le jugement public est toujours définilif. La société sauvegarde l'intérêt de l’accusé comme le sien propre , parce que ce n'est pas un ennemi qu’elle poursuit, mais un fils qu’elle juge. M. Taslé est d'accord avec M. Hamon sur le grand nombre des idées générales que celui-ci vient d'émettre et de développer. 11 n'entend pas. surtout à l'heure avancée dela séance , engager une discussion sur quelques points de détails qu’il n’admettrait pas peut-être sans contesta- tion. Il veut seulement soumettre à la section quelques chiffres qui lui démontreront , pense-t-il, d’une part, que nos lois pénales manquent de la puissance d’intimidation nécessaire, qu’elles ne répriment pas suffisamment ; de l’autre, que l’application qu’elles reçoivent dans nos di- verses maisons de détention, loin de servir à la correction des coupables, les corrompt et achève de les pervertir. Ainsi, pendant la double période de dix années qui s’est écoulée de 1826 à 1846, le nombre des individus accusés de crimes s’est progressivement et régulièrement accru, de même que celui des prévenus de délits correctionnels. De 1826 à 1836,, les tribunaux de répression ont eu à juger 717,086 personnes ; de 1836 à 1846 , 1,084,090 ; aug- 970- CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. mentation de la,seconde période sur lorient de crimes, plus de 42,000 ; prévenusde. délits, 354,000. Et cependant.le.nombre.des pausuiless pour aintnliest tions fiscales a diminué. ta el; torsoe et La, proportion du nombre des rétidinistognai celui des, accusés et des prévenus a suivi une progression-ascen- dante,semblable: En 1826 , elle était de-14-0/0;-en 4846 , de 25. ‘0/0. "4 tuovot He) Le rapport du chiffre des. sd au. chiffre.des. di: bérés.des bagnes et.des-maisons centrales est plus instruc-. tif encore. Il était, en. 4844, de 27 0/0, plus: d’un.quart: pour les, libérés. de bagnes; de 30 0/0 pour les libérés.des, maisons centrales. una Enfin, pendant. que, de-1826 à 1846, la. population s’ac- croissait de 1/20, le nombre des accusés de crimes s'ac- croissait de 4/20, c’est-à-dire trois fois plus. +. Ces-chiffres ont plus d’ éloquence que de longs mesh et démontrent que, sous-l'influence:du système répressif: qui nous régit, le flot des,crimes monte sans Cesse et finira par submerger la société, si elle n’y prend garde. sde M. Feuillet trouve le tableau chargé. Il ne croit pas! que l'augmentation du nombre des crimes, tienneà aine perversité croissante .du cœur humain. De nouvellés:caté-t gories de.contraventions sont venues successivement pren- dre place dans nos lois pénalesiet ont augmenté le nombre des poursuites: Quant à l'accroissement du chiffre: des/ré-: _cidives;il.est dû principalement à læposition:dans- laquelle: la loi place les condamnés libérés ;::età l'impossibilité qui : en résulte pour eux de vivre honnêtement. Le véritable” remède serait laicréation d’un lieu de déportation, fondé! sur le modèle de Botany-Bay.. 5, 1h mod M: Hamon est convaincu, comme M, Taslé, que nôtre système pénal ne corrige pas: Tréconnait que là loi 'est” trop indülgente pour: certaines espèces de crimese mais malheureusement les mœurs sont-plus indulgentesiencoré, et.ce.sontelles qui font violence-au législateur: C’estidans: SEIZIÈME SESSION. 27 le développement de la morale publique qu’il faut chercher %e remède. Il est nécessaire, d’ailleurs , de tenir grand compte de l'accroissement du paupérisme, qui ne peut grandir sans que les infractions de toute espèce à la loine se.multiplient. M. Mabhias appuie l’idée émise par M. Feuillet, de re- courir à la déportation des malfaiteurs, comme le plus sûr moyen de mettre un terme à l’effrayante progression des crimes, qui ne saurait être contestée. A trois heutes, M. le Président déclare la séance close. Séance du 7 Septembre 1849. Présidence de M. AUSSANT. — M. PERRIO, Secrétaire. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. M. de Castellan fils, chargé d’examiner les morceaux de musique adressés au Congrès par M. Le Tourneur, fait le rapport suivant, qui est.écouté avec beaucoup d'intérêt : MESSIEURS , Chargé hier par M. Aussant, Président de votre bureau, d'examiner un recueil musical adressé par M. Tourneur à la xvi' Session du Con- grès scientifique, nous vous demandons un moment d'attention au milieu des soins plus graves qui vous occupent, et nous réclamons sur- tout toute votre indulgence pour notre travail. Les scènes el romances dramatiques de M. Tourneur nous ont paru d’une conception de mélodie facile et d’un beau style. Il y a de la cha- leur et de la vérité de sentiment dans la phrase musicale , et nous pen- sons que M. Tourneur pourrait faire mieux que des romances ou que -ces petites scènes musicales où l'intention est toujonrs à l’étroit, 27 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. et où la pensée manque de développements. — Nous, le.verrions avec regret se trainer toujours dans les limites des accords parfaits, quintes diminuées, sixtes et quartes dont se composent à peu près invariable- ment toutes les romances nouvelles ou renouvelées des Grecs. Nous nous permeltrons donc de dire à M. Tourneur que, si la mélodie est innée chez lui, il ne tardera-pas à sentir que l’harmonie qu'illem- ploie manque un peu d’effet ; que ses moyens rentrent par trop dans la série des RARE ordinaires des romances , et qu’il peut faire mieux: 4 Ainsi , dans la scène dramatique intitulée Je suis maudit, ce ton de fa mineur, que suit un majeur du même ton, jette un peu de monotonie et de longueur dans toute cette première partie, qui $e résout un peu naturellement peut-être dans un ton de si b. — Le dessin de l'accom- pagnement du 6/8 relève la marche de la mélodie , qui jusqu’alors était un peu pesante. Dans les deux mélodies intitulées Bonheur jaloux et l'Amoureux de la Reine , nous pourrions signaler les mêmes défauts, défauts qui appar- , tiennent au reste aux qualités de M. Tourneur. Il y a de la mélancolie, du vague dans ses conceplions ; il en naît parfois un.peu de langueur dans le style, parfois aussi peu d’originalité dans la phrase. Sa rêverie intitulée Fille des Mers a le défaut de tomber dans ces éter- nels 6/8, qui sont le type de toutes les gondoles, barcarolles, etc., du golfe de Venise. Dans le grand air d'Hélène , plus étudié que ses autres produclions, M. Tourneur a, ce nous semble, un peu trop sacrifié au mauvais goût actuel dans la terminaison peu variée de’ses cadences ; mauvais goût qui donne, même aux bonnes spa une tournure de musique de point d'orgue. æ R Nous l’engagerons enfin, comme avertissement, à revoir la coupe prosodique des vers suivants , dans l'agencement desquels il lui est ar- rivé une erreur involontaire, nous en sommes certains : ‘ Le vent murmure à la feuille attentive, $ L. - Pour l'endormir, une note plaintive. Long-temps, etc. Malgré ces quelques défauts, bien compensés,, du reste, par, d’émi- nentes qualités, nous le répélons , nous verrions avec plaisir M. Tour- neur se livrer à un genre de composition musicale plus en rapport avec sa bonne organisation, et abandonner ce genre de scènes el romances dramaliques, pour tourner ses, facullés intelligentes vers un but plus digne, d' elles. Qu ri nous soit permis, en terminant, este de vous faire part d'un regrel que doivent partager Lous les amis de l’art musical : — c'est de voir l'abandon dans leqrel tombe de.nos jours la musique. religieuse. Pressé par Je temps, nous n'avons pas eu la prétention de faire à ce SEIZIÈME SESSION. 973 sujet un travail qui fût à la hauteur de cette intéressante el importante question. Nous vous demandons seulement la permission de vous sou- mettre quelques réflexions générales, en regrettant vivement qu’elles ne vous soient pas présentées par une plume plus habile, par une intelli- gence plus éclairée. Cet abandon a sa cause dans la frivolité des intelligences actuelles, qui sont plus séduites par les œuvres purement d'imagination profane, et qui se sentent mal à l’aise en face de cette sévérité grandiose, véri- table cachet de la composition religieuse. — Peut-être en trouverait-on aussi une cause toute matérielle dans la difficulté ou du moins les em- barras de l'exécution. Les œuvres écrites à trois voix et au-delà peuvent rarement trouver des interprètes dans nos villes de province surtout, où l’on est obligé de former des enfants de chœur pour la partie aiguë, partie que l’on confiait autrefois, à Rome, à ces malheureux que vous connaissez lous. Voici maintenant l'effet de cet abandon : c’est que, depuis quelques années, en France, l’art musical, loin de gagner dans la nouvelle école;, s’est éloigné, à force d'imagination et d’excentricités, de son véritable foyer d'inspiration. En effet, le sentiment religieux nous paraît seul propre à modérer les écarts de la pensée ; et l’imagination, aussi à l’aise dans les œuvres re- ligieuses, y sera toujours contenue dans des bornes sévères el respec- tueuses. — Pourquoi donc nos jeunes compositeurs, et, en général, nos compositeurs actuels français ne suivent-ils pas les traces illustres de leurs prédécesseurs ? — Etaient-ils ou froids ou mal inspirés, ces mai- tres de l'École italienne, Allegri, Palestrina, Pergolèse, Zingarelli; ces lumières des Écoles allemandes et françaises, Gluck, Hændel, Mozart, Beethowen, Cherubini ! Aujourd’hui, toute l'ambilion des lauréats de l'École est d'arriver à ce qu’on appelle un lever de rideau, c’est-à-dire à faire recevoir. à l’Opéra-Comique une partition en un acte, qui se joue souvent pour les ouvreuses de loges et les banqueltes vides ! Mais encore le plus char- mant opéra-comique, le Chalet, si vous voulez, sera-t-il bien une œuvre respectable pour l’avenir, et peut-on comparer ses chétives proportions aux dimensions immenses de nos œuvres religieuses? — Qui de vous, Messieurs, ne se rappelle les plaintes Louchantes des Filles de Solyme, l’agonie sanglante du Christ aux Oliviers, ces Hosanna de Cherubini, dont il semblait avoir dérobé l'inspiration aux anges du ciel, ce sombre et déchirant Requiem enfin, dont Mozart écrivait les derniers accords au bruit de la pioche du fossoyeur? — Et n'est-il pas à regretter que des noms comme ceux de Meyerbeer et de Rossini se soient éloignés de cette branche féconde de l’art, pour satisfaire sans doute aux goûts peu sérieux de leur époque ? — Mais Rossini, nous dira-t-on, n’a-t-il pas écrit le Stabat? — Touten rendant hommage, plus: que qui que ce soit, à la T. il. 35 274 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. beauté de cette œuvre, nous pensons , Messieurs, qu'il. serait peu, dési- rable pour la science que l'École religieuse marchât dans cette nouvelle voie. — Cette sublime création manque, en effet , ce nous semble, du caractère qu’elle aurait dû affecter par dessus tout ; et, s’il n’élait.pas au moins ridicule de critiquer un si grand maître, nousoserions dire que le style en est généralement plus théâtral et plus mondain que religieux. — Il nous a été donné d’entendre à Saint-Pierre de Rome l'œuvre de Palestrina, exécutée par trente choristes sans accompagne- ment, et nous avons toujours pensé que la partition du vieux Maestro italien était plus vraie et plus sérieuse que celle de Rossini. — Vous n’y trouverez pas sans doute celte fécondité d’inspiration et ces heu- reux effets d’orchestration qui n’appartiennent qu’à l’auteur de Guil- laume Tell. — Mais ausssi la pensée y a plus d'unité, plus de largeur de style, et le cœur du chrétien y trouvera certainement plus-de vé- ritable recueillement, par cela même qu'il sera moins dissipé, moins emporté sur les ailes de A 3 plus éloigné enfin de tout souvenir extérieur. Mais que serait-ce, Méséieures si la critique, qui trouve aa à s’exer- cer sur nos œuvres religieuses actuelles, s'emparait de nos innovations profanes , œuvres toute d'imagination, et qui sont la cause de mille excès? — Nous ne cilerons qu’un nom, parce qu’il est à la lête decette nouvelle École, qui prend les excentricités pour du génie, route fatale et déplorable, car elle est nécessairemment suivie , quand on ya pour guide une organisation comme celle de M. Berlioz ! 2 ae Sans parler ici des symphonies de ce Maestro, je rappellerai à ceux de vous qui l'ont entendue cette ouverture des Francs-Juges, où l'orchestre exécute à la fois une mesure à deux temps et une à trois temps, que M. Berlioz a enchevêtrées l’une dans l’autre avec beaucoup de-talent peut-être, mais à coup sûr avec bien peu de respect pour le rythme et pour lé$ oreilles de ses auditeurs. — C’est une innovation. — Est-ce bon, est-ce bien? — L'avenir jugera et comprendra mieux que nous peut-être! — Quant à nous, jamais on ne nous persuadera que.deux et trois font quatre !! La musique, nous le savons, a été souvent mise au rang des arts peu sérieux, et, de nos jours , les artistes même en ont souvent fait plutôt un mélier qu’une science. ve En terminant, Messieurs, je me sens le besoin de dire’ ins cote cri- tique est loin d’être applicable aux œuvres-de M. Tourneur, mais nous croyons être l'interprète de vos sentiments à tous, Messieurs, en disant que, de quelque part que se présentent à vous les efforts de l'intelli- gence , ils recevront toujours de vous un accueil ne d' PANEE et VERRE M. de Caulaincourt. communique à la section une fresque SEIZIÈME SESSION. 945 exécutée par M. Hussenot, de Metz, et d’après un procédé particulier auquel cet artiste donne le nom de peinture en feuilles. Ce procédé , soumis à l’Académie de Metz, y aélé l'objet d'un rapport très-favorable. M. du Vautenet fait observer que la Sociélé des beaux- arts s’est aussi occupée des fresques de M. Hussenot. L’exé- cution de ces peintures a paru très-satisfaisante; mais les expériences faites pour en apprécier la durée n’ont pas été ‘bien concluantes. L'ordre du jour appelle la discussion de la septième ques- tion, relative à l’état des études esthétiques en France. M. du Vautenét croit que cette question, très importante, mérite d’être traitée en séance générale. Son opinion est partagée par la section. La huitième question est posée : « Faire l’histoire de la » peinture au pastel depuis son origine; signaler les avan- » tages et les inconvénients de ce genre. » Dans une dissertation fort intéressante, M. Aussant rappelle que le genre de peinture dont il s’agit a été parti- culièrément en honneur sous le règne de Louis XV; qu’il tomba ensuite dans un discrédit presque complet; mais que, dans ces derniers-temps, des artistes fort distingués, morts prématurément, Bonnington, Prudhon, Antonin Moine, ont fait des efforts pour le réhabiliter, et ont obtenu des teintes à la fois douces et brillantes. Le grand inconvénient du pastel est le manque de fixité. On finira peut-être par trouver un moyen de parer à cet inconvénient. Personne ne demandant la parole sur la neuvième et la dixième question, qui concernent les artistes bretons, M. le Président pose la onzième question, ainsi conçue : « Quelle »est l’origine des aires chevaleresques de la Table- » Ronde?” M. de la Borderie, en dant quelques explicalions pleines d'intérêt, indique comme répondant assez nette- 216 CONGRÈS. SCIENTIFIQUE DE FRANCE. ment à la question un ouvrage publié par M. de la Ville- marqué. C’est un recueil de contes gallois; mais il y a une introduction dans laquelle se trouvent des détails très-cir- conslanciés sur les principaux Paserpagen de la Table- Ronde. La Minué question vient à l’ordre du jour; elle est ainsi conçue : « Quelle part le celto-breton peut-il récla- * mer dans la formation de la langue française? Quel peut » en êlre l’usage dans l’étymologie des noms de lieux des » diverses régions de la France ? Quelle valeur peut-on at- » tacher aux opinions étymologiques de l’abbé Bullet? » Une notice sur celte question a été envoyée par M. Da- niel ; c’est l'extrait d’un travail qu’il se proposait de lire au Congrès scientifique, s’il avait pu arriver à Rennes pendant la Session :. EF Le celtique at-il été la première langue de l’Europe? Cette langue est- elle éteinte ou peut-on la reconnaitre encore dans le bas-breton ? L'objet de notre travail est d'apporter quelques lumières sur ces questions ar- chéologiques, qui ne sont pas seulement des curiosités historiques, mais qui sont aussi un document important pour l'étude des langues. Depuis le premier des historiens, Hésiode, jusqu’au dernier, César Cantu , lous sont d’accord pour assurer que les Celtes furent la première peuplade qui passa d’Asie en Europe, et qu’ils furent suivis par les Ger- mains, par les Slaves ; par les Latins , et enfin par les Grecs. (C. CANTu, Introduction, p. 69. ) L’élude comparative des langues de ces peuples confirme le témoignage des historiens, qui, ne sachant point la langue celtique, manquent d'une des meilleures-preuves de leur opinion. Platon dit, dans son Cratyle, que la langue grecque de son temps dif- férait beaucoup de l’ancien grec, lequel différait peu de la langue des Barbares ; et il ajoute que toul mot grec dont on ne connaît pas l'étymo- logie doit étre rapporté au barbare, tels que meis, mois, wdor, eau, kalon, beau , bon , honnête. Or, ces mots qu’il rapporte au barbare sont des mots assez reconnaissables de la langue qu’on parle dans la Basse- Brelagne , qui ne peut être que le celtique, puisqu’elle n’est pas-celle des Germains ni des Slaves. Dans le celtique, on dit més, mois, dour, eau, kalon, cœur, courage, la meilleure partie. Il faut remarquer que ei en grec se prononce À; par conséquent, meës et mis sont identiques. Dans wdor, il y a une transposition du signe #, qui devait être sur lo. Diogène Laërce traite d’absurde l'opinion de ceux qui prétendaient SEIZIÈME SESSION. 271 que les Barbares avaient emprunté beaucoup de mots à la langue la- ‘tine ; c’est le contraire, dit-il, puisque ces peuples sont plus anciens ‘que nous. Les Barbares dont parlent Platon et Laërce avaient donc dans leur langue beaucoup de mots communs au grec et au latin ; nous pouvons en dire autant de la langue de notre Armorique : nous trouvons même dans celle-ci certains accidents grammaticaux communs à ces deux lan- ‘gues classiques. Ainsi, par exemple , dans le dialecte de Cornouaille, on retranche le z entre deux voyelles, et l’on dit bea , être, ca, cacher, tandis qu’en Léon on dit beze, cuza; de même les Grecs font braô, klaô, kleiô, de brazô, klaz, kleizô. Les Bas-Bretons suppriment ou ‘conservent le v entre deux voyelles, et disent indifféremment avel et ael , vent, klévout et kléout , entendre, lavaret et laret , dites ; de même les latins disent indifféremment audivi et audii, audiverunt et audieruné, bovum et boum. Quand Platon et Laërce n’eussent point parlé de l’antériorité du celtique sur le grec et le latin, nous serions toujours portés à l’ad- mettre par les raisons philologiques que nous allons déduire : 1° Par les modifications que les mots celliques ont subies en passant dans le grec et le latin, et résultant de la difficulté pour les autres peuples de produire exaclementles changements des articulations initiales des mots de la langue primilive. Par exemple, gloan , laine, guér, vrai, vérilé, après certains prépositifs, se prononcent c’Aloan, c’huér ; embarrassés par la variabilité de cette articulation , les autres peuples Pont relran- chée ou remplacée par une autre. Ainsi les Grecs disent /anos, en lain lane, laine , et c’hlaina ou c’hlanis, habit de laine. Les Latins, en re- tranchant le g de guér en ont fait uérum, qu’on écrit aujourd’hui verum. Si, comme le croient quelques personnes peu instruiles , ces mots étaient venus du grec et du latin au celtique, ils. commenceraient dans cette laïñgue par les mêmes lettres que dans les deux autres idiômes. Mais l'articulation initiale du celtique y est tellement nécessaire, qu’en la supprimant on fait d’autres mots d’un sens différent , loan, animal cou- vert de laine ou de poil , qui est évidemment le primilif de gloan, laine. d% Par les radicaux, qui en cellique sont tous monosyllabiques et autant d’onomatopées. S’il y en a de polysyllabiques , c’est que la fidé- lité de l’onomatopée l’exige , comme dans guindilic, hirondelle, koukau, coucou, £okkux en grec, tarrassa, barbouiller, en grec, tarrassein. Ainsi, ro, tour, mouvement de rolation,, est l’expression imitalive d’un corps tournant. Il a fourni une famille de mots grecs, tropé, tour, tropos, tournure, fronos, fuseau , trepé, je tourne, elc. Les Français en ont fait ‘or et four, par les mêmes changements que dans pro, devenu pôr et pour. Mur, muet, est le son imitatif du seul bruit sourd que le muet fait entendre. Devant un autre mot commençant par une voyelle, 278 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. mut devient mud; de là la double expression grecque mutès ou-muttos et mudos, en latin mutus. BrAu, pet, bruissement, onomatopée assez juste; d’où le verbe grec brémein, bruire, frémir. KRé, fort, onomatopée assez sensible, d’où lé grec kréôn, roi, kréein, commander, et le latin creare, créer. Kan, son, chant, d’où le latin canere , chanter, et le grec kanac'hein, résonner, relentir. Pesx, poisson, semble indiquer quelque chose de glissant; de là le latin piskis ou piscis. PRÉK, parole, imitatif du mouvement simultané des lèvres et de la langue, a donné le verbe latin precari , prier , et preces, prières. PEx, saisie, action de prendre, . —Poix, glu, radical de péga, saisir, a donné le latin pi, poix, et le verbe grec pegein , figer , coaguler. FoEx , foin, imitatif du bruit des gra- minées agitées , a.donné le mot latin fænum, et non pas fenum, comme l’écrivent les dictionnaires, en détruisant l’onomatopée. loc’, che- vreuil, son imitatif du grognement de l’animal , en grec iorkos. 3° Par des polysyllabes grecs et latins, évidemment compusés de ra- dicaux celtiques , et que les grammairiens donnent comme des racines, faute de savoir la langue celtique. Tels sont pour le grec : KEPHALÉ, tête, _rac. kéf, souche, et l'adjectif grec phalos, phalé, élevé ; d’où le français falaise, rochers élevés. KamELOS, chameau, rac. #am, courbe ou con- cave, el le mot grec elos, loupe, verrue. RÉLEIN, ordonner, conseiller, formé du verbe celtique kélen , conseiller , rac. kél, dont le pluriel, plus usité, kélou, signifie avis, nouvelles. KLINEIN , courber, pencher, en la- tin énclinare , rac. le celtique glin et klin, genou. Pison, pois, en latin pisum, du celtique pis ou pés , pois, ainsi nommé de bis ou dés, doigt, parce qu’une gousse ou silique ressemble un peu à un doigt. KmApré et Kianos, renard, composés du celtique 4, chien, et d’adjectifs déter- minalifs grecs, devenus méconnaissables par l’allération, soit daptés, mordant, nanos , nain, Ponè, peine, en latin pæna, du celtique poan, même signification, qu’on prononce en une seule syllabe. C'HLoros , vert, rac. c’Alor, brout, enveloppe verte du fruit. MARRHON , marre ou houe, rac. celtique mar, même signification. Mamma, mère, racine cel- tique mam , même signification. KENTRON , éperon , rac. celtique kentr, même sisnification , qui parait composé de kant et tro, tour de cercle ou cercle tournant. PLÉKEN, courber, plier, enlacer, rac. celtique plék, pli. SPADÔN, castral, rac. cellique spas , même Signification. Srdrë , étoupe, rac. celtique sfoup, même signification. Aisios , aise, räc. celli- que ès et éas, même significalion. Ce mot, qui a une nombreuse famille dans le celtique, est isolé dans les autres langues. KanrHos , en latin canthus , Vorbite de l'œil , et non le coin , comme l’indiquent les diction- naires, rac. cellique kant, cercle ; d’où les mots francais canton , cir- conscription , mettre sur cant , poser un corps plat sur un des côlés de son périmètre (et non pas poser de champ , comme le dit l’Académie }, jante d'une roue , fait de chante el celui-ci de kant ou-cant. MéLe, miel, en latin mel, rac, celtique mél, mème signification. De mél les Celtes ont SEIZIÈME SESSION. 979 fait mélan, jaune, couleur de miel; elle même mot mélun en grec si gnifie noër. — Ce changement de sens des mots servant à exprimer les couleurs vient des nombreuses extensions qu'on est obligé de leur donner , faute d’avoir autant de mots qu’il y a de nuances différentes d’une même couleur. Ainsi , les nègres , qui nous entendent appeler les blancs, pourraient croire que blanc signifie couleur de chair. —MARAINEIN, se faner, se flétrir , en latin marcessere, rac. celtique marv, mort, etle mot grec ainos, violence , force. Tels sont aussi, pour le latin, MANUS, main, MANDARE, mander, ordonner, MANES, mânes, ombres, HUMANUS, humain, du cellique #an, signe, image; PENDERE, pendre, pour pendure, rac. cell. pen, lèle; PEnIS, pelit bout, petit membre, pour pennic, diminutif de pen; capur, lête, rac. celt. cap, bout, tête, qui est passé dans le français avec les mêmes si- gnifications. Frus, fin, rac. celt. fin, qu’on prononce fine; Linuw, lin, rac. celt. Zin, qu’on prononce line ; GREDERE, croire, du celtique kredé, même significalion , rac. 4rét ou kréd, croyance, foi. Cazus, durillon, CALESCERE, Cuire, CALCULUS, Caillou, rac. celt. kal, durillon , moins usité que ses dérivés kalet, dur, kaledi, durcir; d’où le français cal, galet, ga- lette. Scaza, échelle, rac. celt. skenl. seu, joug, rac. cell. jouk et par corruption chouk , le haut du corps, le haut d’une montagne ; dans l’origine synonyme de collis , colline , et de collum , cou. CENTum, cent, rac. celt. kant, cercle : c'était le grand cercle; le petit cercle numéral était de dix, ou 4—0, un rond , d’où sont venus les mols français qua- rante (quatre kant), cinquante (cinq kant), soixante (six kant). ARGEN- Tum, argent, expression cellique composée de Fosliele ar, le, el c'hant, cercle, pierre ronde. 11 faut encore reconnaître des mots celtiques nie le grec leibein, ar- roser, en celtique glba, mouiller ; dans sakkos, en latin saccus, sac, en celtique sac’h ; dans kernès, pauvre, en celtique même mot, signifiant famine ; dans meirein, avoir en*parlage, en propriélé, en cellique mira, conserver (ei grec se prononce À); dans kristos, oint, en celtique kris- tén, crème , le dessus du lait ; dans kerasos , cerise, en cellique kérès, même sign.; dans Xorikos, qui tient à la danse, en cellique £orrék, au pluriel korriket, danseurs de nuit, lutins qui dansent la nuit dans les carrefours ; dans le latin fener, tendre, en celtique même mot et même signification, en grec féren, par une transposilion ordinaire que nous avons remarquée dans fro et pro, devenus four et pour, et que nous trouvons dans le français rebours, bernique, originairement rebrous et brenique. Par la nécessité de réduire ici notre travail, nous ne cilons que ce petit nombre d'exemples, que nous pouvions facilement: doubler et tripler, Nous ferons remarquer ici que Latour d'Auvergne, ainsi que les au- tres philologues qui se sont occupés de comparer le celtique aux autres langues, n’a pas recueilli la moitié des mots de celte langue primitive 280 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. qui sont passés dans le grec et dans le latin. Ce savant ne se servait, pour faire son travail, que de nos dictionnaires, qui ne comprennent que la moitié desmots. Dom Lepelletier et Le Gonidec ont exclu de leurs dictionnaires.les mots celtiques devenus français ou latins, les regar- dant comme des termes empruntés à ces langues, qui les ont au con- traire tirés du celtique; tels sont, par exemple, cri, fin, sot, place, piller, elc. 4 A l’exception des termes scientifiques nouvellement tirés du grecet du latin, le français vulgaire est en grande partie formé du celtique; car, outre.les mots français directement tirés de cette langue mère, il faut encore rapporter à la même source ceux qui en viennent par l’intermé- diaire du latin, comme prendre, apprendre, formés du latin prehendere, apprehendere, qui viennent dû celtique préna, acquérir, acheter , prén, acquisition ; bras , du latin brachium, qui vient du cellique .braéchou, brech; premier (pour prémier), primer, primitif, du lalin primus, et celui-ci du celtique prim, qui signifie le plus petit, le germe, l’unité, la molécule!, l'origine, la première partie ; voix de vox, et celui-ci du celtique maés et voés, elc. Un membre fait connaître qu'un mémoire adressé au Congrès par M. Talliard, de Douai, et soumis à la qua- trième section, contient des indications qui peuvent être utiles pour la solution de la douzième question. La statistique des sociétés littéraires, en Bretagne, est l’objet de la treizième question, qui se trouve aussi placée à l’ordre du jour. M. Duchatellier dit qu’il existe deux sociétés littéraires, ou du moins scientifiques , dans’ le département du Finis- tère, savoir : La Société d’émulation de Brest et la Société archéologique départementale, siégeant à Quimper. La première s'occupe spécialement de répandre l'instruction parmi les jeunes gens qui travaillent dans le port. Elle s'est formée il y a dix-sept ou dix-huit ans, et peut se flat- ter d’avoir obtenu d’heureux résultats. La seconde Société se rattache à l'Association bretonne; ses travaux sontacti- vement dirigés par M. de Blois, un des Secrétaires-géné- raux de ce Congrès. sas 41e M. de la Borderie rappelle les services rendus par l’As- sociation bretonne, fondée en 1843. Ses premiers effôrts SEIZIÈME SESSION. 281 ont eu pour objet l'avancement de l’art agricole en Breta- gne. Chaque année, l'Association distribue en primes 7 à 8,000 fr. A côté de la classe d'agriculture se trouve main- tenant une classe d’archéologie, qui a pris quelque impor- tance et a su former des Sociétés archéologiques dans trois départements, l’Ille-et-Vilaine , le Finistère, la Loire-Infé- rieure. Il existe, dans le département des Côtes-du-Nord, une Société archéologique particulière, qui publie un bul- letin annuel, dans lequel se trouvent des travaux fort in- téressants, notamment un mémoire très-complet sur le camp vitrifié de Péran. M. de la Borderie ajoute que la Société archéologique d’Ille-et-Vilaine est en relation avec une Société d'archéologie fondée dans le pays de Galles, et que*les deux institutions se font part de leurs décou- vertes de la manière la plus fraternelle. Le même membre et M. Duchatellier mentionnent, comme se trouvant au premier rang des Sociétés liltéraires et scientifiques bretonnes, la Société académique de Nan- tes, divisée en quatre sections : littérature, science, méde- cine et sciences naturelles. Cette Société publie, chaque année, un volume demémoires. r La section reçoit avec intérêt la communication qui vient de lui être faite. M. Aussant rapporte qu’une Société des sciences et arts, formée depuis long-temps à Rennes, existe encore, mais qu’elle a cessé de faire des publications. Les Sociétés libres se soutiennent difficilement. Personne ne.se présente pour traiter la quinzième et la seizième questions. M. de Léon revient sur la question de législation qui a été discutée dans la séance d'hier, et il signale la mort ci- vile comme une peine immorale, inutile et odieuse dans - ses conséquences. La section partage l'opinion de l’honorable membre et HAT 36 282 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DÉ FRANCE. demande que celte question: soit trailée à la réunion géné- rale, dans l'espoir qu’un vœu exprimé par le Congrès tout - entier pourra hâter l’abolition de cette loi trop dure. M. Marteville lit deux fables, qui sont écoutées avec beaucoup de plaisir. La section désire qu’une nouvelle lec- ture de ces fables soit faite en séance générale. M. de la Sicotière mentionne favorablement, sur la re- commandation de la Société d'agriculture, sciences etarts du Mans, un nouveau système de moulage, découvert par M. Dominique Gaumet. Cet inventeur s'en réserve le secret. À trois heures la séance est levée. Séance du 8 Septembre 1849. Présidence de M. AUSSANT. — M. PERRIO , Secrétaire. . Le procès-verbal de la séance précédente est lu. Une rectification y est faite sur la demande de M. Duchatellier. M. du Vautenet est invité à lire et lit un travail qu’il a fait, de concert avec M. Bézier-Lafosse, architecte de la ville de:Saint-Servan. C’est une-noltice bacraabieu sur la cathédrale de Dol. acide D CRE 2 MESSIEURS, C’est en appendice au mémoire sur la stabilité considérée ‘comme principe primordial de toute théorie architectonique, dont le Congrès a entendu la lecture, que nous communiquons un travail auquel le temps ne nous à pas permis d'apporter les compléments qui en feront plus tard l'objet d’une publication particulière, Notre but, en ce moment, est SEIZIÈME SESSION. 283 de vous faire apprécier une des déductions que nous a offertes l'étude critique de constructions appartenant à la période de transition du style romano-bizantin dans le style ogival, en nous appuyant sur la théorie architectonique démontrée dans le mémoire précité. Il était intéressant, en-effet , de constater les traces de cette théorie à la première appari- tion de la forme substituée au plein-cintre, forme et système qui allaient prévaloir définitivement, et dont loutes les conséquences lhéoriques se trouvent successivement appliquées dans les constructions subséquentes du xui° siècle, notamment dans celle de la cathédrale de Cologne plus éminemment qu’en aucune autre. L'adoption d’une arcade, dont les con- ditions de stabilité n’ont été révélées aux constructeurs que par l’expé- rience, dut les conduire pas à pas, enles affranchissant graduellement de cet esprit d'imitation qui rattachait encore la forme au plein-cintre pendant la période de transition ; et les transformations successives de la forme ogivale, introduite d’abord par limitation du mauresque, favo- risée par une plus grande facilité d'exécution, accusaient Loul à la fois les tâtonnements de l’inexpérience et la puissance théorique du principe de stabilité, contenu dans une forme. qui permettait d'agrandir l’espace et d’élever les voûtes à des hauteurs impralicables avec l’arcade à plein- cintre. Pendant toute la période de transilion , le rayon constructeur de l'ar- cade ogivale varie dans les proportions plus ou moins éloignées du demi- diamètre., et n’atteint sa longueur normale qu’au xur siècle. Ce fait, ainsi que nous l’avons remarqué dans le mémoire précilé (page 235 de ce volume), constitue une observation critique dont l'imporlance nous avait frappé. Le rayon est bien la base constitulive de la forme : élu- dier les variations qu'il a subies , c’est étudier la forme elle-même, d’a- bord incertaine et limidement essayée dans les styles de transilion se substituant graduellement au plein-cinlre, el arrivant à l’apogée de la splendeur, quand la longueur du rayon atteint le diamètre du vide (1). Telle a été, Messieurs, la direction dans laquelle la démonstration préa- lable de la théorie ogivale a pu nous permettre de nous engager, en lrai- tant l’étude d’un monument du style ogival par les méthodes de reslitu- tions usitées quand il s'agit des débris de l’art grec et romain. Certainement, en dépit des préventions , et quoi qu’en aient pu dire les détracteurs de l’art ogival, la forme est ancienne (2), primitive même, et la science a reconnu en elle la plus grande somme possible des élé- - (1) Voyez dans le Mémoire précité la planc’e 3 et l'explication des planches 5 ct 6, notamment ce qui a rapport à l'acqueduc de Spolette, exemple si remarquable de l’arcade ogivale à rayon normal, quoique du ve siècle. (2) Voyez page 205 de ce volume, Rondelet, 4r£ de bâtir, t. JUL, pages 250 à 300. 284 CONGRÉS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. ments de la stabilité. Comment alors pouvait-on lui déniér V'originé d’un style aussi logique que tous les autres, surtout après avoir constaté que la base élémentaire et statique en est la même que celle de l’architrave et du plein-cintre? Cetle conclusion , tirée du mémoire précité (4), nous autorise donc à dire que la théorie architectonique applicable au style ogival réside dans la stabilité même de l'arcade, exprimée par le rapport de la puissance du pied-droit support au diamètre de l'ouverture, dans lù Proportion de 1 à 3 de ce diamètre à la hauteur du vide’; enfin, dans la ÿro- gression arithmétique de À à 3, 5, 7, 9, observée dans l'établissement et la division des espaces, dont M. Sulpice Boisserée' a constaté versa pans dans la construction célèbre de Cologne. En faisant l’application de cette théorie à l’élude et à la ‘dbédéyaèn de la cathédrale de Dol , nous avons cru devoir procéder, à l'égard dé cette construction, comme s’il se füt agi d’un monument des styles à plein- .cintre ou archilravés. Nous en avons relevé le plan avec exaclitude, mesuré tous les membres, et dessiné avec précision les détails les plus importants dans les coupes-élévations intérieures mises sous les yeux du Congrès, et qui ne conslituent qu’une partie minime des études que nous avons projetées. Nous aurions voulu y joindre des vues'extérieures avec des détails d’ornementation, la restauration des parties dégradées avec la restitution de celles projetées primilivement, et qui n’ont pas'été achevées ; faire enfin pour ce vieux spécimen ce que l’on pratique à l'é- gard des restes de l’art grec ou romain; en exéculer la reslauration’afin de rentrer matériellement ainsi, par une étude scholastique, dans la ques- tion de reproduction, qui jusqu'ici n’a produit au Congrès que des hypo- thèses spéculatives plus spirituelles que concluantes, dont les construc- teurs et les artistes ne pouvaient pas tenir la lumière nécessaire à = Lis} tique et surtout à la reproduction. 8 4. Epoque de la construction. La cathédrale de Dol parait avoir élé conStruile au plus tard dans les premières années du xm siècle. Le savant directeur du séminaire de Ren- nes, M. Brune, dans son Archéologie religieuse, p.246, signale un docu- ment liistorique qui paraïit ne laisser aucun doute à cet égard : c'est une lettre de Thibaud, d'Amiens , archevêque de Rouen, adressée au chapitre deDol , en lui faisant le renvoi des reliques de saint Samson el de saint ns Voyez page 217 et 234 du Mémoire précité. _SEIZIÈMÉ SESSION. 285 Magloire, enlevées à l’ancienne cathédrale de Dol lors de sa destrue- tion à la fin du siècle précédent. (In subversione et combustione Dolensis ecclesiæ.) Cette lettre, écrite à la date de 1222, est lirée des Preuves de dom Morice; et la discussion parfaitement éclaircie de ce document dans l’ouvrage précité nous dispense de-toute autre recherche , avec d'autant plus de raison et d'autorité à nos yeux que les résultats de nos observations critiques sur les constructions elles-mêmes sont en conformité avec les inductions lirées de ce document. Pe la câthédrale de Dol , incendiée et détruite dans les dernières an- nées du xn° siècle, pendant la minorité d’Arthur et les guerres dévas- tatrices des Anglais dans cette partie de la Bretagne, il ne parait avoir élé conservé que le mur de clôture de l’ouest, dans lequel se trouve | percée la grande porte à voûte plate ou architravée, qui contraste avec le style des reconstructions, dans lequel il est difficile de supposer qu’un porche n’eût:pas été projeté, dont l'exécution aura pu alors être d'au- tant plus facilement différée, que la clôture ancienne avec sa porte avait probablement échappé au désastre. L'époque de cette construction conservée, visiblement romane, ne peut être assignée avec précision, et nous n'avons pas cru nécessaire de nous arrêter à des recherches sans intérêt au point de vue où nous nous étions placés. M. Brune, déjà cité, semble croire que les piliers de la nef auraient bien pu aussi avoir. élé conservés avec addition des co- lonnettes cantonnées dans le plan actuel, et celte opinion nous a,paru mériter discussion. Si, en effet, le mur de clôture ouest etla grande baie d'ouverture ont été conservés, il én résulle que le plan de la cathédrale romane devait présenter, quant à lanef du moins, la disposition ac- tuelle , et que les piliers elliptiques restés intacts après l’imcendie ont dû subir l'augmentation de volume, au moyen des colonnelles canton- nées et isolées qui semblent en effet yavoir élé-juxtaposées plutôt qu’ap- pareillées , comme elles eussent dû l'être dans une construction régu- lière. Alors encore s’expliquerait cette singulière anomalie observée dans les bas côtés, où la colonnette isolée reste sans objet.et sans amor- tissement, Si le plan de la basilique primitive n’a pas en effet subi de changement dans la division des espaces, la nécessilé statique à dû . exiger l’augmentation de puissance des piliers à raison de leur destina- tion nouvelle, l’arceau ogival à 3 diamètres du vide de hauteur. La colonnette isolée symétrique à la face intérieure des collatéraux s’est trouvée, alors, en dehors de la division de l’espace où la retombée de l'arceau reportée sur le pilier la laissait sans amortissement. Il parait bien , à cette inadvertance de construction, que le plan de la basilique n'avait point été étudié, pour la transformation qu’on allait lui faire su- bir, avec la précision des méthodes graphiques , peut.être inconnues au maître de œuvre, bien qu’elles aient été pratiquées dans le même siè- cle ; témoin, les dessins originaux et plans de la cathédrale de Cologne, 286 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. conservés jusqu’à nos jours. ( Voyez mémoire précité , p. 296 de ce vol.) Aux imitations nombreuses du style romano-byzantin que la nef pré- sente plus parlicuüliérement, et surtout à la simplicité de l'ordonnance et des lignes, on peut présumer que cette partie de l'édifice: a été Ja pre- mière reconstrüile à une époque très-rapprochée de la destruction, probablement dans la dernière année du x1r° siècle et les premières du xin° (1). La transition n’y est pour ainsi dire que la tfansformation de l'arc à plein-cintre dans l'arc ogival, avec un rayon si peu différent du demi-diamètre , que le caractère ogival y est quelquefois fort peu pro- noncé. Ce style de transition très-Caractérisé distingue au reste la nef du chœur de la facon la plus heureuse. Cette dernière partie, plus riche de détails, n’a plus la simplicité des lignes romanes; la formeogivale , avec ses combinaisons variées, y étale toutes ses ressources; limitation végétale se substitue, sur les tambours des chapiteaux, à la crossette romane de ceux de la nef; les ouvertures fénestrales se subdivisent en meneaux, en {rèfles, en rosaces, que celle de la nef ne présente pas. Enfin il y a, entre la nef et le chœur, une opposition des effetsde la forme, véritable inspiration qu'aucun autre monument du style ogival ne pré- sente peut-être aussi nettement contrastée. Dans l'étude complète que nous avons l'intention ullérieure de püblier, nous rechercherons avec soin les traces du plan primitif, que tout nous porle à conjecturer avoir été puisé dans les membres principaux de la construction du xmr siècle, et nous en présenterons une restitution parallèle, afin d'éclairer celte discussion. ( e Plusieurs parties de l'édifice ont été successivement ajoutées au plan primitif : quelques-unes à l’époque même de l'érection, mais subsé- quemment ; d’autres appartiennent évidemment au xv° siècle et en por- tent les caractères ; de plus récentes encore sont du dernier siècle: telle la sacristie et la reprise faite à la tour du sud avec le campanile Louis XV qui termine l’escalier octogonal. Nous avons indiqué sur le plan ces âges divers par la dégradation des teintes : à partir du noir pour l’é- poque romane; à l'absence de teinte pour les constructions les plus ré- centes. Néanmoins, nous avons laissé le plan de la tour sud sous la teinte du xru° siècle, quoiqu'’elle ait été reprise avec des revêtements pour lesquels on n° a pas respecté la forme des contreforts primitifs, dans un temps où l’on professait le mépris le plus complet pour le gothique. Nous avons indiqué sur le plan par des lignes ponctuées Je développe- D * VA à (1) La reconstruction n'aurait eu lieu qu'après l'issue du procès célèbre entre l’arche- vêque de Tours et celui de Dol, définitivement jugé par Innocent III, au mois de juin ‘1199; décision qui anéantit pour jamais la prétention au siége métropolitain etvarchi- épiscopal, soutenue pendant plusieurs siècles par les évêques de Dol.. SEIZIÈME SESSION. 287 ment primitif de ces contreforts angulaires tronqués à l’époque, de la reprise. (Voyez le plan.) En résumé, l’observalion qui nous a frappés, comme tous les explorateurs de ce monument, est le défaut de parallé- lisme et les irrégularités qui s’y rencontrent, sans pour cela que la masse générale manque à la symétrie des lignes , à défaut de laquelle il n’y a pas d'effet monumental. Et, en y réfléchissant, il nous a semblé que la transformation du plan primitif roman dans les ordonnées ogi- vales subséquentes pouvait présenter l'explication la plus raisgnnable de ces irrégularités d’appareil et de construction que l’incurie présumée des constructeurs ne suffit point à expliquer. $ 2. Etablissement des divers membres de l'édifice. “Le plan primitif de la basilique romane pourrait bien n’avoir subi à la reconstruction que des additions peu nombreuses d’abord et plus éten- dues ensuite, comme nous aurons l’occasion de le remarquer dans son appropriation aux nouvelles ordonnées. Une nef avec ses collatéraux, deux transepts, et un chœur un peu moins long que la nef, dont les col- latéraux ont été élargis de chapelles en addition probable au plan de la basilique romane, se terminant par une abside carrée dont la disposition fut usitée dans les églises du style ogival, viennent à l’appui de nos conjectures sur la similitude du plan de reconstruction avec celui anlé- rieur. Cette disposition du chevet, avec ses deux arcades supportées par un léger pilier et déchargées par une grande arcade à plein-cintre qui supporte le grand vitrail et le pignon, porte encore un caractère de transition remarquable. Il nous parait évident que celte disposition a pu faire naître la pensée de l’addition d’une chapelle absidiale, conjec- ture que paraît confirmer l'agencement embarrassé et hors de l’axe de la chapelle de saint Samson (Voyez le plan), ajoutée dans le but de pro- longer l’espace et la perspective à travers ces deux arcades, dont l'effet eut été perdu si la muraille de clôture collatérale eût été fermée comme l'indique le plan primitif. Le raccordement des piliers angulaires et des arceaux de la chapelle avec ceux du bas-côté démontre à tous les yeux la difficulté mal étudiée et l'embarras des constructeurs dans cette addition imprévue. Nous avons trouvé cette opinion établie, et, dans le fait, nous n'hésitons pas à croire que la construction de cette chapelle a dû suivre immédiale- ment. L’ornementation des chapitaux de colonnettes, restée à l’état fruste ou seulement galbée, nous paraît venir à l’appui de cette con- jecture. Le temps ou les moyens d'exécution auront manqué à ce der- nier complément des travaux , évidemment. 288 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Une tour centrale à flèche devait probablement prendre la place du - dôme roman, et ses quatre piliers d'angle des transepts ont dû recevoir l'augmentation de puissance jugée nécessaire pour supporler le fardeau d’une flèche élancée au moins à 20 m. au dessus des combles, si l’on en juge-par-la dimension.de la base restée à l’état de sous-bassement qua- drangulaire couronné par une galerie en pierre, et surmonté d’une charpente provisoire à l'érection de la flèche. Notre intention est de restituer cette partie de l'édifice , lorsque nous en aurons complété l'étude. - ÿe Le plan de la cathédrale de Dol, comme ceux de toutes les autres du même temps, offre l'oubli le plus complet des dépendances ou or- données, accessoires dont les besoins n’ont pas tardé à se faire sentir. Deux, salles capitulaires et une trésorerie ou sacrislie ont été ajoutées subséquemment à la nef.et au chœur, de chaque côté de la branche du transept sud, dont:-les ouvertures latérales ont été obstruées ou con- - servéessans vitrage, afin d'éclairer l’intérieur de la sacristie notamment, pour laquelle on n’avait pas osé percer le contrefort latéral. du transept. Ces deux additions doivent être du xiv' siècle, de la méme époque que le grand porche sud, el antérieures au petit porche latéral, ainsi qu’à l'é- rection de la tour nord de l'entrée principale. $ 3, Dimensions de l'édifice et de ses parties respectives. La longueur tolale du monument, en dehors de la plus grande saillie de ses contreforts, est de cent mètres, répartis comme suit : Tours et veslibu'e, incomplet dans l’état actuel. Long. 11m. 95c, Nef Ha 60 REIN Tee AUHIDLS D'n0P Id... 33:15 PPANSÉMIS Ts Lee 8 AUOT noce Late 0807 817 CHEUTE 06 COL IRL dit Le de MPahalen) cle) 2 LOUES 129 50 Bas-côté de l’abside. . . . ... ...... .. Larg. 3 63 Chapelle et joe co EDR USA EE TA EU JO. LRO ie Tee Long: 14 10 Total. 400 »» La largeur intérieure de la nef, entre les colonnettes isolées des pi- _liers, est de 6 m. 73; celle de ses collatéraux, également prise entre les colonneltes saillantes des piliers, est de 3 m. 73 ; la transversale a de longueur totale dans œuvre 28 m. 50, et de largeur des APE entre leurs murs latéraux, 7 m, 50, Le chœur a de-longueur, entre les saillies des piliers, 71 m. 50, ce qui établit une différence de largeur de 0 m:87, différence. ès-apparente. Le chœur semble beaucoup moins étroit que la nef, par un effet d'op- SÉIZIÈME SESSION: 289 tique facile à comprendre , quand le spectateur est placé au bas de la nef, et celle-ci plus longue, vue de la chapelle de saint Samson, au tra- vers des deux arcades de l’abside. Les collatéraux du chœur ont 3 m. 70 de largeur ; les chapelles correspondantes aux travées du chœur ont, de la tête des piliers au dedans des murs intérieurs, 4 m. 25 de profon- deur; la chapelle de la Vierge, qui comprend la largeur de la dernière travée et de son bas-côlé postérieur, a 8 m. 60 sur,8 m. 30; elle est divisée en quatre arceaux voûtes d’arêtes ogivales, dont les retombées se font sur le pilier d’angle de la chapelle de saint Samson, sur le gros pilier postérieur du chœur et celui de la dernière travée ; les autres ont _ lieu sur les colonnettes engagées, placées symétriquement au pourtour des murs. f La chapelle absidiale de saint Samson est terminée à son chevet par trois pans coupés , aux angles desquels existent des contreforts. Cette chapelle a 7 m. 15 de largeur, est plus étroite que le chœur, el son axe, reporté au nord, de 0 m. 25. Une sacristie moderne a été édifiée au sud de cette chapelle et aux dépens d’une base d'ouverture latérale retran- chée à cet effet; elle a 8 m. 10 sur 7 m. 40. La vieille sacristie, dite trésorerie , avait été obtenue au moyen d’un mur édifié postérieure- ment entre le contrefort nord du portail méridional et l’angle sud-ouest des collatéraux sud du chœur. C’est l'exiguité de cette pièce, n’ayant que & m. sur 4 m. 75, qui aura sans doute déterminé la construction récente de la sacristie actuelle. Le grand porche, dit porte épiscopale, addition du xiv° siècle, probablement contemporaine de celle des salles capitu- laires et de la trésorerie, comme nous l’avons remarqué , est construit en avant du portail méridional, avec terrasse au dessous de la croisée sud du transept : il a dans œuvre 9 m. 40 de longueur sur 7 m. 35 de largeur. : Les deux salles capitulaïires, occupant deux travées du collatéral sud de la nef, ont ensemble 10 mètres 75 centimètres de longueur sur 4 mè- tres 10 centimètres de largeur. Leur érection a nécessilé le rebouche- ment de deux croisées du collatéral et d’unelatérale du transept. Le petit porche , addition postérieure à celles ci-dessus, est du slyle fleuri du xv° siècle ; sa largeur est de 4 mètres sur 3 mètres 75 centimè- ires de longueur. La tour du sud a de longueur extérieure ou de face sud 11 mètres 50 centimètres, et sur saface antérieure, à l’ouest, 9 mètres 20 centimètres. La tour du nord parait avoir été la dernière construction ; elle est du style ogival du xwr° siècle, et sa masse, y compris la saillie angulaire des contreforts, est de 11 mètres 20 centimètres sur 15 mêtres. Supé- rieure en dimension à celle du sud , elle était probablement destinée à s’amortir eu une flèche en pierre dont nous nous proposons de faire la reslitution, avec celle du porche ou grande porte entre les deux tours, telle qu'eile eût du être primitivement projetée. T. HI. 37 290 ._ CONGRÉS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Le vestibule entre les deux tours porte les traces d’un provisoire évi- dent et de l’attente du porche principal, avec lequel il devait se. rajuster. AY époque où l’orgue fut placé, on y a pratiqué les constructions néces- saires À S son établissement et réédifié, en la rebouchant, la grande ou- verture fenestrale de l’ouest, dans laquelle furent pratiquées trois pe-- titeé baies à plein-cintre, surmontées d’une lunette elliptique du plus mauvais goût. : 8 4. De la nef. L’ordonnance de la nef et celle du chœur présentent de notables diffé- rences, une opposition même que nous avons signalée pour son heureux effet. L’imitation très-marquée du style roman dans cette première par- lie de l'édifice nous porte à croire que sa construction a dü précéder celle du chœur, contrairement à l’usage constant, qui a toujours fait précéder l'érection du sanctuaire , usage démontré du reste par toutes les interruptions survenues dans ces travaux, dont toutes les parties inachevées sont toujours celles de la nef et des tours, regardées comme des accessoires. L’arcade de cette nef, élevée sur le principe normal de trois diamêtrés du vide, antérieure de près d’un demi-siècle à celle de Cologne, vient à J’appui de l'opinion exprimée dans notre mémoire précité sur les.con- séquences de l’application du principe statique à l'établissement de l’ar: - cade ogivale, en démontrant que cette application est bien plutôt le ré- sultat de l'expérience que d’un système décale. Du moment où l'arc ogival commenca à prévaloir dans les constructions du moyen- âge, la pensée chrétienne, traduite par l’élancement des formes, put atleindre des résultats auxquels l'architecture à plein- cintre s’était refusée jus- qu’alors. Le symbolisme du triangle équilatéral et de la proportion de 1 à 3 a-t-il été la cause ou la conséquence de l'adoption de la forme ? Celte question, traitée avec développement dans le mémoire précité, nous dispense d’insisier! en constatant toutefois que le principe et les propor- tions qui en découlent sont véritablement engendrés par la stabilité elle-même. La largeur de la nef entre chaque pilier étant de 6 mètres 73 centimètres, et sa hauteur sous la clef de 21 mètres, suivant les me- sures prises par nous, il en résulte que la hauteur excède un peu la proportion normale. Est-ce là la raison de l'impression généralement produite de son défaut de largeur proportionnelle à sa hauteur ? Nous remarquerons que cette impression a toujours lieu dans les nefs gothi- ques ‘construites sur une petite échelle. La Sainte-Chapelle de Paris est dans le même cas; il y a là un effet d'optique : le speclaleur trop rap- SEIZIÈME SESSION. 294 Proché des murs latéraux ne peut pas en saisir les rapports de propor- tion; il y a ce qu’on appelle en perspective anamorphose, effet qui n’est plus aussi sensible quand l’échelle plus grande donne une base plus large au triangle optique. Ainsi, l’aspect de Notre-Dame de Paris, et plus encore celui de la cathédrale d'Amiens, ne produisent plus le même effet. On ne se doute même pas de l’élévation considérable de cette dernière avant d’avoir pénétré dans ses combles. Et cependant, les pro- portions de ces divers monuments sont normales et les mêmes, à trois diamètres pour la hauteur du vide. Ainsi que le démontre le plan, la division des travées de la nef de Dol n’est pas régulière : les deux premières travées et la dernière sont plus étroites dans chaque côté que les trois autres; la première du nord plus étroite que la parallèle du sud, eu égard à la saillie du pilier angulaire de la tour du nord, dont la masse est plus considérable que celle de la tour du sud; les deux dernières travées du haut de la nef deviennent plus étroïtes à raison de la dimension des piliers des transepts, plus forts dans le plan de reconstruction qu’ils n’étaient dans le plan pri- mitif peut-être. L’axe des ouvertures fenestrales n’est pas toujours celui des travées , et les axes supérieurs ne se superposent pas toujours ; ef néanmoins, Comme nous l'avons remarqué, ces irrégularités, qui at- testent le défaut d'étude du plan de reconstruction, ne sont pas sensibles dans l'effet général, à la symétrie duquel ils ne paraissent point nuire. Nous avons déjà cru pouvoir rendre compte d'anomalies remarquées dans la construction des colonnettes cantonnées et juxta-posées aux piliers. Il est présumable que l’étude raisonnée du plan primitif, com- paré à celui de reconstruction, rendra compte de la plus grande partie de ces irrégularités. La forme élliptique du moyen des piliers qui sépa- rent les travées de la nef est bien celle du pilier roman flanqué de quatre colonnettes cantonnées , deux engagées dans la parallèle à l'axe, et les deux autres isolées. Sauf cet isolement, qu’on ne rencontre pas dans le pilier roman , la transitiongdu pilier gothique est marquée. Le rapport de la masse de ces piliers à l’ouverture de J’arcade supportée par eux est de 21/7. C’est à peu près la proportion d’un pilier-support de l’ar- cade à plein-cintre, voûte d’arète. Les colonnettes, cantonnées et égales, leur donnent une apparence de légèreté qui n’existe pas par le fait, puisqu'ils ont une dimension bien supérieure à celle de leur rapport statique avec l’arcade de la travée qu'ils soutiennent. Le rayon construc- teur de cette arcade est de 5/6 du diamètre au rayon normal, et la hau- teur du vide, de 2/3 de celle normale, est celle de l’arcade à plein- cintre, probablement celle des arcades romanes primitives. Par consé- quent, la hauteur des pieds-droits de la grande arcade, déterminée par Ja hauteur des tabliers des colonnettes isolées sur lesquels se fait la re- tombée des arceaux principaux, étant de 15 mètres, et la largeur du vide étant 6 mètres 73 centimètres entre les piliers, le rapport entre ces 299 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. deux dimensions n’est:pas normal : c’est-à-dire que la hauteur du pied- droit, comparée à ce qu’elle eût dû être dans l’observation du principe statique, est trop grande de 1 mètre 54, Mais comme le rayon construc- teurest moindre que la largeur du vide, cette différence ne fait que confirmer l’opinion que nous avons émise, que le système , avant d’être appliqué rigoureusement, a dû subir des modifications que le sentiment instinclif de la stabilité indiquait, et celle que nous signalons s’y range complètement. Les bornes de celte notice ne nous permettent pas d’en- trer dans une démonstration théorique, pour laquelle un certain nombre de planches eussent été nécessaires , ainsi qu’une étude plus complète du monument, à laquelle nous renvoyons pour le moment ces détails. Les murs latéraux de la nef sont divisés en trois parties, conformé- ment au système numérique, adoplé comme la conséquence de l'élé- ment normal de Ja forme, le triangle équilatéral; et comme celte dis- position est une ordonnée commune à toutes les basiliques de l’époque ogivale , quelle que soit l'explication plus ou moins mystique ou symbo- lique qu’on lui ait donnée, nous n’en sommes pas moins fondés à con- sidérer ce fait comme une manifestation de la théorie architectonique , dans laquelle il prend sa place sans aucune difficullé, La première partie des travées a donné lieu aux observations d'irré- gularité signalées sur le plan, et sur lesquelles l'étude du plan antérieur que nous nous proposons de faire pourra jeter la lumière. Les ouver- tures fenestrales, dans chacune des travées , n’ont pas de meneaux , et sont divisées par un large montant en deux ogives , en laissant une lu- netle ronde ou pelit espace au centre du tympan ogival. Cette: disposi- tion est remplie d'élégance , et porte un caractère d’originalité très-pro- noncée. Est-elle due à limitation romane? On pourrait le croire. Bien certainement, elle est antérieure à l’adoption des meneaux du style ogi- val, et parait en être la transition. Ces ouvertures seront étudiées avec l'intérêt qu’elles méritent dans notre grand travail. Le triforium se compose, dans chaque trayée, de deux arcades ogi- vales reposant sur des colonnetles uniques et isolées dont les dimen- sions se rapprochent de celles usitées dans le style romano-byzanlin. Les arcades sont établies dans les proportions de l’arcade à.plein-cintre, a près de deux diamèlres du vide ; elles donnent passage à un prome- noir, galerie épargnée dans l'épaisseur du mur, sur le coin duquel des arcatures grillées , et supportées par des consoles ; s'inscrivent dans le tympan du fond de l’arcade. Sous ces arcatures et derrière les colon- nettes règnent des concavités régulières destinées à faciliter le passage, et dont les lignes symétriques contribuent. à l'élégance décorative de la muraille. Le Congrès en a pu juger.par le dessin-élévation intérieur mis sous ses yeux. Les portes pour pénétrer sur ces promenoirs ouvrent de chaque coté dans l’une de ces concavités. Enfin, le sentiment de l’imita- tion romane, du meilleur slyle, règne au plus haut point dans la division jeu Tour du sud . Entrée dessous des or£ues Echelle de 02002 pour metre. Tour du nord Nef RRsEs Bas-coté de la nef. Petit porche 7 v°Transseptis 8, Monumentrenaissance, levé a un évêque de Dol. alle capitülaire Grand” porche. Trésorerie Bas: coté, du. chœur . Chœur. Chapelle du Sacre-Cœur. St Gilles . =, $t Gilleduen « S'Méen de la SVierse. 18 Bas-Cote postérieur du chœur. 19 Chapelle St Samson. 205nSacristie nouvelle . 24180: Chapelles sans emploi. Chapelle StAntoine. TT TELE SOURCE DENTS . 26 Escalier des combles et des éaleries, du sud. id. du hop or Æ= Gi © — u Sc 28,,Ksc dela tour du nord. 29 des cloches. DOM MÈTTES OP£UES . Feintes indiquant l'antecedance des constructions : M romane dela cath-incendiée sm reconstruction primitive. additions .subséquentes au plan, de reconstruction = additions postérieures au XIV* siècle Œmconstructons modernes, (XVI: siècle) du Vautench&e FaPécirLePosse ArdE bis 28h Dobiaiéé 19 (An CAE as 6Ù 9811 î Base sum si PADOS SD: JE pangir ve sb Mo 2 uso 68 giuiovus Bliss ent cennisuelg db-olies 6b 4 si engh: Pitdste ee sléuiesnet sied on sirrtasn bre 1:08 ou es sauter ie Ségo tierée rinbbe onto à} qe “404 sbev 20"! ob nousiitedue ci . utuil 150 6 899184 09, sivfe din 18b.985 $ esiyoiyenodiacgeib esb avitolett sem ce. sugBE up Sélqmos éuiq sl ds sldsypisme euic 61 noïisné F2. 8618007 81 Jneninèiéerrs avgob nirlé sBinveënq sta oupog 5. +'Bpe@uol.sein lan sl ER siueirèdni noisvélb-oquon ei ve sa ETTOLOT TT {00 anoév no, toid: abuté' anorsiéiqinos no su boot ol Ace Erbhéqsr à Bnwog abusrolq ko sljg9 eup vivons 51 8h elféa$ séu sasmeminfte. OT TE 5b moregr 5 énonili dios alla sp eilaup , syboriqor sin 8k 8b spi À. #8 Slimi agmebioit , Isviso lromunom ay'b'esnetenosm sh6 86 à suÿyoob-si remis sion # int, engmor smeitatne Aotta té Fécoob 06 nofléoup + Léon 6 5806 : hiproliidee.ob etsiluebi a ledue enviol $l où a “9-80 bib &rbr0 do ensb afoavi ue 7p6Q 80h -#OnaupÈe 1109: 0947 2 gras mon dur eq] + ; 28h esupiisobn Eiguer nr es ep ; 9 eiuoi JE sifeupel bc 8b ane à a st liver aié a qu eu0"1 .noils «LB ÉCGE "TT eob1s4. eb:o6p teais jé Bb #8 ; sp eleug se 30108469 1 39€ lauroeyif"à rbienos Ba em 2 brodosi lie vent ou'fes enaieeste « 3978)T0qms euov sp 14e eaupitoësli elnomtäleé lb aégéuoine'a ehole soins si é us ehäi SEIZIÈME SESSION. 293 régulière de l’espace et l’ajustement des lignes décoratives du triforium, quoique la symétrie prise de travée à travée n’y soit pas toujours com- plète , ainsi que nous l'avons fait remarquer pour la superposition des axes. Le clerestory présente une autre disposition : trois arcades divisent l’espace dans chacune des travées. L’arcade centrale, prédominant en largeur et en hauteur, offre une analogie parfaite avec celle des Thermes de Dioclétien. C’est du roman le plus pur, sauf la forme ogivale, et comme le rayon de ces arcades est fort court, la forme se rapproche singulièrement de celle du plein-cintre. Une seule ouverture se trouve ensuile dans l’arcade centrale. Cette baie fenestrale est établie dans le rapport normal de 1 à 3 et le rayon de l’ogive égal au diamêtre du vide. L’élégance de cette disposition serait complète, si chacune des trois ar- cades eût été percée à jour. Enfin, la substitution de l'ogive au plein- cintre , avec limitation des dispositions propres à ce dernier style, con- slitue la transition la plus remarquable et la plus complète qu'aucun édifice de l’époque n’a présentée à un degré aussi éminent. Le Congrès en a pu juger par la coupe-élévation intérieure de la nef mise sous ses yeux, et nous en compléterons l'étude, bien convaincus de l'importance et de la lumière que cette exploration pourra répandre sur le fond même de la question de reproduction , si intimement liée à celle de la théorie architectonique de la forme à reproduire, quelle qu’elle soit. Il nous a paru que celte inconstance d’un monument ogival , timidement imité de la construction antérieure romane , était de nature à affirmer la doctrine statique sur laquelle repose, à nos yeux, toute la question, en démon- trant l'influence de la forme substituée et les résultats de stabilité qui en étaient la conséquence. Nous poursuivrons dans cet ordre d'idées cri- tiques l'étude que le temps ne nous a pas permis de compléter, en con- statant, partout où nous les rencontrerons , les rapports mécaniques des parties et les traces de Ja formation géométrique qui décélent la théorie architectonique dans laquelle réside toute entière la solution des ques- tions de reproduction. Nous renvoyons à ce travail ultérieur la descrip- tion du transept et du chœur, ainsi que des parties diverses de la nef, dont nous n’avons pu considérer l’ensemble.et le caractère. Quelle que soit l'opinion que vous emporterez, Messieurs, d’un travail inachevé, dont nous n’avons pu seulement que poser les éléments théoriques et les jalons d’une voie nouvelle d’exploration, nos efforts n'auront pas été infructueux , si nous avons apporté un argument de plus à la conviction que la reproduction du style ogival n’est point dans l’imitation inintelli- gente d’une forme mal comprise, et surtout mal définie jusqu'ici; si nous avons indiqué la part équitable à faire entre les recherches pure- ment archéologiques et les études artistiques plus spéciales à la solu- tion des questions posées par le Congres. 294 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. * M. Bézier-Lafosse veut bien joindre à la notice qui vient . d’être lue un plan géométral de l’édifice. M. le Président adresse à MM. du Vautenet et Bézier- Lafosse des félicitations et des remerciments pour le tra- vail qu’ils viennent de communiquer, travail dont la cin-" quième section du Congrès a bien compris la haute impor- tance. M. de la Sicotière, obtenant la parole, communique une observation qu’il à faite en visitant la cathédrale de Séez, édifice du xur° siècle. Toutes les fenêtres de cette église sont bien du même style; elles sont divisées par des.me- néaux qui présentent le même caractère et les mêmes mou- lures; seulement elles ont des largeurs différentes. Cette dimension va en diminuant pour chacune d'elles d’une manière progressive et régulière depuis le transept jusqu’à l'entrée. Il en résulte un charmant effet de perspective. M. de la Sicotière demande si cette combinaison très-heu- reuse existe dans quelques-uns des monuments religieux de la Bretagne qui datent de la même époque. Un membre répond que la combinaison dont il s’agit ne paraît pas avoir été remarquée en Bretagne, mais qu’elle se retrouve dans le département du Calvados, qu'elle a été appliquée aux fenêtres de la cathédrale de Bayeux. A cette occasion, une discussion s’engage sur les fautes de construction que présentent ou semblent présenter quel- ques édifices religieux du moyen-âge. Doit-on, par exemple, attribuer à l’ignorance . à l’incurie des.architectes de cette époque l’irrégularité qui se remarque dans la cathédrale de Quimper (Finistère), ou doit-on l’expliquer, avec di- vers archéologues, par des raisons de symbolisme? Une telle explication semble peu fondée, et l’existence d’une. faute est bien plus vraisemblable. La section adopte, cette opinion. M. le Président. fait connaître que l’ordre du jôur se trouve entièrement épuisé. Il lève la séance, en exprimant que les réunions de la section ont été pour lui pleines d'in- térêt. SEIZIÈME SESSION. 295 PROCEÈS-VERBAUX DES SÉANCES GÉNÉRALES. DACKS Séance générale du 3 Septembre. Présidence &e M, RICHELET. M. TAROT, Secrétaire. MM. P.-M. Roux, de Caumont, de la Porte, Vice-Pré- sidents ; Le Gall et Tarot, Secrétaires-généraux ; M. Mar- teville, Secrétaire-général adjoint, sont au bureau. A trois heures, la séance est ouverte. — Le procès-ver: bal de la séance solennelle d'ouverture, 4% septembre , est lu et adopté. 296 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. . M. de Caumont annonce la perte de deux membres qui, par leurs travaux, ont honoré les précédentes Sessions : M. du Pasquier, membre de l’Institut des provinces, Se- crétaire-général du Congrès de Lyon; M. Tailland, officier de la Légion-d'Honneur, Vice-Président général du Congrès de Clermont. L'un des Secrétaires de ce dernier Congrès, M. Gonod, est aussi décédé. Une liste de plusieurs ouvrages offerts à la xvi° Session du Congrès est communiquée par le Secrétaire-général ,- M. Le Gall, et les ouvrages sont déposés sur le bureau (1). M. P.-M. Roux, l’un des Secrétaires-généraux de la Session tenue à Marseille, en 1846, croit pouvoir exprimer l’étonnement qu’il éprouve en ne voyant pas mentionné, dans le compte-rendu de la Session de Tours, le don de la médaille d’argent frappée à l’occasion du Congrès de Mar- seille. Il désire que cetté omission soit réparée par une mention à cet égard dans le compte-rendu de la présente Session. M. le Président-général invite MM. les Secrétaires des sections à lire les procès-verbaux des séances. ‘M. de Wismes , obtenant la parole, fait observer que la lecture de ces procès-verbaux, qui ne lui semble pas bien nécessaire, dérobe un temps précieux, qui devrait être en- tièrement consacré aux matières soumises à l’examen de l’assemblée générale. M. le Président répond qu'il ne lui appartient pas d’é- carter de l’ordre du jour une lecture formellement prescrite par l’art. 9 du réglement adopté pour la xn: Session. (1) Les ouvrages compris dans cette liste se {trouvent indiqués dans une liste générale placee à la suite du procès-verbal des séances: SEIZIÈME SESSION, 297 Les procès-verbaux dés séances particulières du 2 et du 3 septembre sont successivement lus par MM. les Secré- taires de section Malaguti, Hardoüin, Toulmouche NE Beaurepaire et Dupray. Une communication relative aux colonies agricoles se trouve à l’ordre du jour. M. Duclésieux, fondateur de la colonie de Saint-Ilan, département des Côtes-du-Nord , prend la parole et dit : L'œuvre de Saint-Ilan, fondée en 1843, a commencé par une colonie agricole de jeunes détenus, à côté de laquelle sont venus successivement se grouper une maison d’orphe- lins et d'enfants abandonnés ; une école de moniteurs, des- tinée à donner une éducation plus avancée aux jeunes co- lons. que leur conduite et leur supériorité intellectuelles appellent à diriger les autres; une école de contre-maitres ou institut religieux , dont le but est d’assurer dans l’ave- nir une direction intelligente et dévouée aux colonies; une école de patrons, qui offre aux jeunes gens de 16 à 30 ans un cours de haut enseignement agricole et d'économie cha- ritable et socialé; une maison d’aumôniers, destinée à l’é- ducation d’un clergé appliqué aux besoins des colonies. De cette ruche sont partis, en 1847, deux essaims : L'un est établi dans les landes de Kerjestin, à 12 kilomètres de Saint-Brieuc; l’autre s’est posé dans les landes de Loudéac, sous la direction d’un des aumôniers de Saint-Ilan , pro- priétaire de ce domaine. L'œuvre résume et resserre toutes les forces vives de la société : Le travail dans le colon; le travail et l'intelligence dans le moniteur; le travail, l'intelligence et le dévouement dans le contre-maître: la science sociale et la charité dans le prêtre et le grand propriétaire. Au point de vue matériel, elle augmente la richesse ter- ritoriale: elle soulage le budget des prisons de cette foule de vagabonds et de détenus qui coûtent à l’Etat des som- mes énormes : elle sauve d’un déplacement fatal cette po- pulation qui afflue des campagnes vers les villes ; elle résout TH 38 298 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. la question si pressante de l’éducation professionnelle ; elle fait tête enfin ; par l'amour du devoir, l’exemple du travail et le respect des lois, aux doctrines subversives qui me- naceni la société tout entière. $ Cet exposé de l’œuvre de Saint-Ilan a excité les Synpa- thies générales de l’assemblée. MM. Lecourt de la ViHethassetz et Duchatellier appellent tout l’intérêt du Congrès sur un établissement aussi utile, et demandent que le Gouvernement soit sollicité de venir en aide à M. Duclésieux , par une subvention qui le secon- dérait puissamment dans ses charitables efforts. ut commission, composée de MM. Lecourt de la Ville- thassetz, Duchatellier et Duclésieux, est chargée de for- muler, dans la séance générale de demain, une proposition ayant pour objet de réclamer l'appui du Gouvernement en faveur des établissements fondés à Saint-Ilan, près de Saint-Brieuc. , M. le Président-général, donnant suite à l’ordre duj jour, invite M. le docteur Priou, de Nantes, à exposer le plan qu’il a conçu d’une biographie bretonne. M. Priou s’ex- prime comme suit : Je n’ai jamais rêvé la gloire autrement que dans le bon- heur et la prospérité de mon pays, et j'ai toujours pensé qu’en le célébrant c’était le servir honorablement. J'ai donc tracé la vie des grandes notabilités de la Bretagne. D’un autre côté, dans l'espoir de recueillir de nouveaux docu- ments, j'ai saisi avec un vif empressement l’occasion qui s’offrait à moi de me trouver au milieu de vous. Je verrais, d’ailleurs, et ceci je le dis dans toute la sincérité de mon âme, je verrais avec un plaisir inexprimable que nos en- tretiens pussent, en quelque sorte, resserrer les liens in- destructibles de confraternité, profondément sentie, qui existent à jamais entre les Rennais et les Nantais, qui, aux époques de nos mauvais jours; se sont prêtés de mu- tuels et utiles secours. SÉIZIÈME SESSION. 299 Je vous demande aujourd’hui la permission de vous faire connaitre l’idée qui m'a guidé dans la composition du grand travail historique que j’intitule : [ustrations bretonnes, ou Biographie des Hommes célèbres de l’'Armorique, et dont j'ai eru devoir offrir en ces termes la dédicace à la Bretagne : « À la Bretagne. » Noble Bretagne, terre privilégiée et féconde en héros! je te dédie ce résultat d’une partie de mes veilles : acceptes- en l’hommage; il est un gage sincère de l’amour que je nourris pour toi. Je savais que la valeur, unie à la pru- dence, a brillé et brille encore dans la plupart de tes grands hommes, et j’ai entrepris le récit de leurs mémorables ac- tions. » L'énergie du caractère de tes enfants, l’austérité de leurs mœurs , la sagesse de leurs institutions et de leurs lois, ont été déjà couronnées par l’admiration des peuples. Je me sens fier de l’appartenir..…. » Puisse-tu grandir encore dans l'opinion des hommes! Puisses-tu toujours être heureuse!! C’est le vœu de mon cœur.—Si le premier sourire de l’homme est pour sa mère, son dernier souhait appartient à la patrie... » Après la lecture de ce morceau, qui est vivement ap- plaudi, M. le docteur Priou lit l’introduction et l’épilogue des Illustrations bretonnes. L'assemblée écoute avec plai- sir ce travail très-remarquable , et manifeste de nouveau, par des applaudissements, la satisfaction qu’elle éprouve. L'ordre du jour est épuisé. La séance est levée à cinq heures. _300 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. ke Séance générale du 4 Septembre. Présidence de M. RICHELET. M. Le Col, Sites Présents au bureau MM. P.-M. Roux, de Caumont, de la Porte, Vice-Présidents : Le Gall, Tarot, Secrétaires- généraux; Marteville, Secrétaire-général. adjoint... Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. Divers ouvrages récemment offerts au Congrès sont dé- posés sur le bureau. M. Le Gall lit les titres de ces ou- vrages , et indique les personnes qui en ont fait don. ll soumet ensuite au bureau la question suivante : Les mémoires envoyés par des personnes qui n adhèrent pas au Congrès doivent-ils être remis à Ja commission permanente, ou renvoyés comme inadmissibles, en vertu de l’art. 45 du réglement, qui semble n’accorder qu'aux membres du Con- grès la faculté de communiquer des travaux? M. le Pré- sideni-général, après avoir pris l’avis du bureau, répond que les mémoires doivent être préalablement remis à la com- mission permanente. M. Le Gall, se conformant à cette décision , remet à M. le Président un certain nombre de mémoires. | M. Lambron de Lignim, un des Secrétaires-généraux de la xv° Session , absent hier, lorsque M. Roux s'est plaint Là SEIZIÈME SESSION. 304 d’une omission dans le compte-rendu de la Session tenue à Tours, dit quelques mots sur cette omission très-involon- taire, et qu’il a beaucoup regrettée. M. Roux remercie M. de Lignim de l’explication fort simple qu’il vient de donner. Trois lettres sont lues : MM. Geslin de Bourgogne et Planchenault annoncent qu'il ne leur est pas possible de venir prendre part aux travaux du Congrès; M. Morren, Secrétaire de la première et sixième Section, fait connaître que son absence de Rennes doit, à son grand regret, se pro- longer de quelques jours. MM. Malaguti, de Lustrac, Toulmouche, de Beaure- paire et Dupray obtiennent successivement la parole, et chacun d’eux lit le procès-verbal de la dernière séance te- nue par la section dont il est Secrétaire. Le rapport suivant est fait par M. Duchatellier, au nom de la commission chargée d’apprécier l’importance de l’é- tablissement de Saint-Ilan : MESSIEURS, Je suis chargé de soumettre à votre appréciation le vœu que votre commission croit utile de présenter au nom du Congrès, en faveur de l’établissement de Saint-Ilan, fondé par M. Duclésieux pour la colonisation des orphelins de la Bretagne. _ Vous avez entendu hier, Messieurs, cette parole naïve et vibrante de l’homme de cœur qui, soutenu par la plus louable charité, a entrepris de son propre mouvement l’é- ducation et la moralisation des orphelins, qui ont tant de peine, dans le milieu où ils se trouvent, à arriver à la con- dition d'homme et de citoyen. Je n’ajouterai rien à ces pa- roles, qui vous ont émus comme nous, et j'arrive sans autre préambule à la question que j'ai soulevée moi-même, celle de l’encouragement à donner à l'œuvre si sage et si intelligente de Saint-Ilan. Un honorable membre de la ti de r Ille-et- 302 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Vilaine, que vous connaissez tous par un dévouement égal à celui du fondateur de Saint-Ilan , M. de Melun , a bien voulu se joindre,à.la commission que vous aviez désignée, et nous aider à nous fixer sur les encouragements qui peu- vent être demandés avec espoir de les obtenir. - Nous avons cru, en abordant la question dans tout ce qu’elle a de grave et d’important pour notre ayenir, devoir examiner dans plusieurs de ses détails Ja condition actuelle des jeunes enfants de nos hospices confiés aujourd’hui aux soins de l’assistance publique , en vertu du décret de 1814, qui régit la matière. Une chose nous a tous frappés , c’est que la plus impor- tante des obligations de cette assistance, celle de la tutelle de l’Etat et des commissions administratives, à l'égard des enfants trouvés et abandonnés qui vivent dans nos hos- pices, est exercée presque sans exception de la manière la plus déplorable, non qu’un certain nombre de maires et de membres des commissions administratives ne fassent les plus louables efforts pour préserver des dangers qui les en- vironnent les enfants confiés à la charité publique, mais parce que les moyens mis à wep PR sont bay; et insuffisants. Ainsi, nous avons reconnu que la pensée du décret de 1811, qui fait l'obligation aux commissions administratives de placer à la campagne les jeunes enfants provenant de l’abandon ou de l'exposition, était on ne peut plus heu- reuse, et qu'il fallait s’y rattacher plus que jamais, dans le double but d'initier l’orphelin à la vie domestique de la famille et au travan des champs, tout en lui faisant oublier, s’il était possible, son origine et sa condition. Nous avons cru, en‘un mot, que rien ne saurait être substitué à ce pas- sage dans une famille de l’enfant abandonné, et qu’au point de vue de la morale comme de l’économie, l’ rs ne saurait rien trouver de mieux. | Mais, en nous interrogeant:sur les conditions de ces pla- cements, sur ses avantages ou ses dangers , nous avons unanimement pensé que l'enfant sur lequel les droits de la SEIZIÈME SESSION. 303 tutelle ne s’exercent que d’une manière illusoire ou nomi- native courait les plus grands dangers, ct en ferait courir à la société dans laquelle il doit rentrer; qu’il appartenait par conséquent au Congrès, en s’occupant des bienfaits in- contestables que peut produire l’œuvre charitable de Saint. Ilan, de dire d’abord en quoi l'assistance publique devra s'occuper plus activement qu’elle ne l’a fait de la surveil- lance et de l’éducation des jeunes enfants que la loi lui confie, et en quoi, de son côté, l'œuvre de Saint-Ilan pa- raitrait propre à Seconder cette pensée et ces améliorations. Ainsi, pour le dire nettement, nous avons pensé que jus- qu’à ce jour, à de très-honorables exceptions près, l’exer- cice de la tutelle prescrite par le décret de 4841 aÿait été illusoire ou complètement nul ; que, pour qu'il devint eff - cace , il faudrait que les droits attribués aux commissions . ioujours éloignées des enfants, fussent transportés en tout ou partie à des délégués locaux assez près placés de ces enfants pour exercer, avec fruit et sans intervalle, une ac- tion utile sur tous les actes de leur jeunesse: et qu'ils fus- sent en même temps saisis de pouvoirs suffisants pour as- surer toujours leur condition aux divers points de vue de la moralisation, de l’apprentissage, de l’éducation et de la famille elle-même; enfin, qu’à tous ces titres des pouvoirs irès-larges devraient être accordés à ces délégués, pris dans le sein des conseils municipaux ou ailleurs, pour que toui le bien réalisable se fit autant dans l'intérêt de la so- ciété que dans celui des enfants dont la charge lui incombe. * Dans cette ligne d’observations, nous avons donc pensé que l'institut de Saint-Ilan se présentait comme la plus heu- reuse conception de charité privée qui pût venir à l’aide du système général d’assistance que nous essayons d’esquis- ser, et qu’il importe de le recommander à l'attention du Gouvernement, pour les départements que nous représen- tons plus particulièrement dans cette enceinte. Voici, suivant nous, quel serait le rôle et l’action de Saint-Ilan dans l’œuvre en question : L'assistance publique, en restant saisie et dépositaire , 30% CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. comme c’est son devoir et son droit, de l'éducation des jeunes enfants qui n’ont plus de famille, s’aïderait de la généreuse pensée de M. Duclézieux pour compléter son ac- tion toutes les fois qu’il en serait besoin. Cette assistance s’adresserait toujours au concours si utile et:si moral de la famille des cultivateurs, qui veulent bien accepter le titre de nourriciers, et, avec des moyens et des pouvoirs qu’elle n’a pas elle-même, elle s’efforcerait d’aviser à des placements intelligents qui uniraïent de plus près le pupille à son nourricier, etménageraient àtous deux certains avantages de condition que nous ne pouvons qu’in- diquer, mais qui sont faciles à comprendre. Aprè$ ces maisons et ces familles de nourriciers, offertes pour premier et plus sûr asile, viendrait Saint-Ilan, avec toutes les pensées d'amour et de zèle de son digne fonda- teur, comme une sorte d’institut de l'assistance publique offert par la charité privée, qui sait aussi s'imposer des sa- crifices. … L'œuvre de Saint-Ilan , développée pour tous nos dépar- tements dans l'esprit où elle a été conçue , serait à la fois un asile pour les jeunes enfants de l'assistance publique , qui, soit dans un intérêt d'instruction plus complète ou re- prise au point de vue de la morale, soit de replacement au point de vue de la condition physique, auraient à passer par les épreuves nouvelles d’un établissement colonial, où tous les avantages d’une forte pensée d'instruction, de pa- tronage et de moralisation pourraient être trouvés. A ce double point de vue d’une assistance reconstituée dans l'esprit du.décret de 4841, et d’un nouvel effort tenté dans l'esprit de la colonisation, le Congrès pense que l’œuvre et l'exemple de Saint-Ilan ne sauraient être trop vivement recommandés à la bienveillance du Gouvernement, et qu'à tous ces titres, de fortes et puissantes allocations devraient être accordées aux jeunes colonies que les départements de la Bretagne voient déjà élever en faveur des au : dont l'instruction appartient à l'Etat. Le Congrès Renseraù sans doute, comme nous, qu en sol- du SEIZIÈME SESSION. 305 licitant des fonds pour cette œuvre, il convient de rappe- ler au Gouvernement qu’outre la somme énorme, plus de 400,000 fr. par département, que le pays dépense pour l’en- tretien des enfants trouvés et abandonnés, il doit faire face, par les communes ou par son propre budget, aux dépenses d'entretien qu’exigent les jeunes enfants qui rentrent à douze ans dans le sein des hospices, et aussi aux dépenses désastreuses et complètement improductives qu’exigent les frais de justice auxquels donnent lieu les poursuites si souvent répétées contre les enfants que le défaut d’éduca- tion et de moralisation amènent en si grand nombre sur les bancs de la Cour d'assises et des tribunaux correctionnels. Nous le répétons, les maux sont grands et déplorables ; le remède doit être efficace et puissant; le pays l'attend avec impatience, et ne reculera pas sans doute devant les sacrifices qui lui seront demandés. M. le Président met aux voix les conclusions de ce rap- port, c’est-à-dire le vœu exprimé par la commission de re- commander très-vivement à la bienveillance du Gouverne- ment l'œuvre de Saint-Ilan , et de solliciter pour les jeunes colonies une allocation de fonds assez forte pour assurer leur prospérité. Les conclusions de la commission sont admises à l’una- nimité. M. le Président lit la question mise à l'ordre du jour : La décentralisation scientifique, littéraire et artistique est- elle possible sans la décentralisation administrative? — Il donne ensuite la parole à à M. Vert, qui lit un mémoire sur la décentralisation intellectuelle. . Ce mémoire est très-favorablement accueilli par l’as- semblée (4 je M. de Caumont, prenant la parole, croit qu'il ne sufli- La - {1) 1 se trouve compris au procés-verbal de la séance du 3 sep- tembre, cinquième section. (V. p. 189 de ce volume.) T. IH, 39 306 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. rait pas de fonder dans chaque province une société acadé- mique, se divisant en cinq ou six sections. Il pense que les académies ne peuvent plus rendre les grands services qu’elles ont jadis rendus; que leur influence diminue in- sensiblement; que les associations à larges bases sont très- probablement destinées à les remplacer, et qu’il faut s’at- tacher à leur donner tout l'appui possible. M. Feuillet fait observer que les associations en question ne seront pas favorisées par le Gouvernement; qu'il importe dès lors d’agir sur l’opinion publique , en créant un journal qui ferait connaître toute l’imporlance de la décentralisa- tion littéraire; qu’une commission avait été nommée à Reims pour s'occuper de cet objet, et qu’un rapport est depuis long-temps attendu. Il est répondu par M. Richelet que la fondation de di- verses revues scientifiques a été essayée, et que l’impossi- bilité de les soutenir est maintenant à peu près reconnue. M. Charles Malo n’a pu faire comprendre l’ importance du - grand projet qu'il avait formé. M. Duchatellier parle dans le même sens que M. de Cau- mont. Il craint que l’Etat ne veuille rien faire pour donner quelque force aux nouvelles institutions littéraires et artis- tiques des départements; il espère, toutefois, que cette difficulté pourra s’aplanir elle-même. RAR M. de Wismes ne croit même pas que la province rit disposée à faire quelque chose de grand en faveur des sciences et des arts. Ne sachant pas, sans doute, que la ville de Rennesta été jadis privée subitement du beau local qui contenait son double Musée, il exprime l’étonnement qu'il a éprouvé en voyant d'excellents tableaux placés dans une salle humide et sans ornement , ou dispersés dans quelques pièces de l'Hôtel-de-Ville. dd + M. Tarot, Secrétaire-général, répond à l'espèce de re- proche fait à la ville de Rennes par M. de Wismes; il in- dique les grands sacrifices que n’a cessé de faire la com- muue dans l'intérêt des sciences et. des beaux-arts. Par SEIZIEME SESSION. 307 l'obtention des deux Facultés , lettres et sciences, elle a mis les jeunes Bretons à lieu de compléter leurs études sans quitter leur province. Sous très-peu d'années, les nombreux objets d’art qu’elle possède cesseront d’être disséminés ou placés d’une manière peu convenable. Le Musée des beaux- arts et le Musée d'histoire naturelle seront rétablis; ils au- ront une place bien appropriée dans le vaste édifice en con- struction sur l’un des quais, édifice qui sera un one monument. L'improvisation pure, vive, animée de M. Tarot a été écoutée avec une attention remarquable, et unanimement applaudie. M. de Wismes regrette de n'avoir pas connu plus tôt les faits qui viennent d’être énoncés. Les assises du monu- ment qui s'élève sont apparemment, dit-il, encore trop peu nombreuses pour qu’un étranger à peine débarqué dans cetle belle cité ne soit pas excusable d’y avoir fait peu d'attention. Je me félicite, du reste, que mon reproche mal fondé ait fourni à l'honorable M. Tarot l’occasion de sa chaleureuse improvisation. Je suis heureux aussi d’ap- prendre de l’éloquent conseiller la bonne nouvelle de cette magnifique fondation. Mieux classés, mieux éclairés et dans un local plus digne d’eux, les tableaux et les dessins réunis du dépôt principal, de l'Hôtel-de-Ville et de la Bi- bliothèque, formeroni non seulement une de nos plus belles collections provinciales , mais encore la première peut-être sous le rapport des écoles flamande et hollandaise. Je me plais aussi à beaucoup espérer, d’après ce qui existe, de la Faculté des lettres et de la Faculté des sciences. Nul doute que, confiés à d'aussi éminents professeurs, les cours ne soient de plus en plus fréquentés ; et quand mes fils seront grands, je les enverrai, j’en-ai l'espoir, compléter, en les suivant avec assiduité, la rétractation de leur père. M. le Président, après avoir renvoyé à la séance du 5 la continuation de la discussion sur la décentralisation lité - raire, annonce que la commission permanente vient d'ad- 308 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. mettre lés deux questions suivanles au nombre de > celles à discuter dans la | présente Session du Congrès : -« Que penser de la querelle suscitée jadis dans le monde » littéraire par l’apparition des deux sonnets de Job et d U- » ranie ?. » Quelles sont les proportions du corps humain? Recher- »: chensartont quelles sont les proportions craie » La séance est levée a cinq heures et demie. Séance générale du 5 seplembre. ; qu Presidence de M. RICHELET. [SET | 1e M. TAROT, Seritaare. Présenis au bureau, M. P.-M. Roux, de Caumont, de la Porte, Vice-Présidents ; Le Gall et Tarot, Secrétaires- généraux; Marteville, Secrétaire-général adjoint. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. Lecture est faite d’une lettre adressée au Congrès par MM. E. Moride et A. Bobierre, de Nantes. Elle conticnt une sorie de monographie des engrais dus aux raffineries de sucre. Suivant les auteurs de la lettre, la gomme de phosphate, qui se trouve dans les résidus, est pour le sol généralement siliceux de la Bretagne un adjuvant très-ef- ficace. Depuis l'emploi de ce nouvel engrais, la production des céréales s’est beaucoup augmentée. SEIZIÈME SESSION. - | 309 Les Secrétaires de section, MM. Malaguti , de Lustrac,. Toulmouche, de Soulirait et Dupray, se présentent sueces- sivement au bureau, et lisent les procès-verbaux des séan- ces tenues dans la matinée ou avani l’heure de la séance générale. - Sur l'invitation de M. le Président, M. Jouaust, secré- taire de la Société archéologique d’Ille-et-Vilaine et son dé- légué au Congrès, lit. un rapport sur la création et les tra- vaux de cette Société : MESSIEURS, La Société archéologique d’Ille-et-Vilaine m'a fait l’hon- neur de me déléguer au milieu de vous pour rendre compte de ses travaux. C’est aux fonctions de secrétaire que j’exer- çais dans son sein que j'ai dû la distinction flatieuse qui m’appelle à retracer les phases principales de notre exis— tence devant l'élite des archéologues de l'Ouest. Fondée en 1845, notre Société présentait dès l’origine une double force vitale. Dans sa sphère. départementale, elle fonctionnait, indépendante du reste de la Bretagne; comme annexe de la classe d'archéologie de l’ Association bretonne ;-elle se rattachait aux sociétés existantes déjà dans les quatre autres départements et aux réunions qui devaient s'organiser plus tard, sous l’impulsion RSR ane du Congrès de l'Association bretonne. Aux premières séances, plus de quarante membres s’em- pressèrent de nous donner leur adhésion, et leur nombre s’est successivement accru jusqu’à plus de soixante. Nous pumes dès lors songer à une organisation sérieusement élaborée, et, à la suite de plusieurs essais, de plusieurs variations sur l’époque des réunions périodiques, un régle- ment définitif arrêta que les séances auraient lieu chaque mois. Ainsi, à partir de cette époque, une marche régulière: fut imprimée à nos travaux. Cependant, quel que fût notre zèle, nous ne pûmes, non. . plus que toutes les autres Sociétés savantes, éviter le con- 310 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. tre-coup des événements politiqu es, et une interruption forcée dans la suite de nos réunions fut le résultat immé- dial de la révolution de 1848. Enfin, après un an d'attente, nous nous hasardâmes à faire partager aux études du passé les soucis du présent et de l’avenir, et nous reprimés avec bonheur le cours de nos paisibles travaux. Mais, dans cet intervalle , la politique nous avait privés de plus d'un ad- hérent précieux. Je n’en citerai qu’un seul : M. de Kerdrel, que nous pouvions regarder comme l’un de nos fondateurs et de nos soutiens, nous avait quittés pour aller siéger à l’Assemblée nationale. Je termine, Messieurs, ce rapide résumé de notre existence chronologique , si je puis m’ex- primer ainsi, et j'arrive à de plus intéressantes considéra- tions. La statistique monumentale du PTT d'Ille-et- Vilaine a fait et fait encore l’objet des plus importants et des plus intéressants travaux de la Société. Tous les jours, chaque membre vient apporter à cette œuvre commune le tribut de ses observations; et cette continuité de recherches nous fait espérer que nous sauverons de l'oubli tous les monuments, hélas trop rares! que la main de l’homme ou les ravages du temps ont épargnés dans l’Ille-et- Vilaine. Au nombre des travaux qui ont le plus avancé nosétudes statistiques , nous devons mentionner, en première ligne , l'ouvrage de notre vice-président, M. l'abbé Brune, di- recteur du séminaire, et y remplissant en outre les fonc- tions de professeur d'archéologie. F En effet, la seconde partie de son Cours d'archéologie c con- tient des notices très-curieuses sur toutes les ES he dans le département, présentent quelque intérêt. ë Ün article important qui doit paraître daus notre sh archéologique trimestrielle, et qui est intitulé : Sfafistique monumentale du département d’Ille-et-Vilaine, est un autre travail déjà connu des Bretons par sa lecture au Congrès de Saint-Brieuc; il est dû à une commission choisie au sein de notre Sücisrée | | En M. le docteur Toulmouche a éclairé aussi la statistique SEIZIÈME SESSION. 311 de l'époque romaine dans son ouvrage sur les Antiquités de Rennes, qui lui a valu une distinction flatteuse de la part de l’Institut, et M. H. Vatar, bibliothécaire de la ville, n’a pas moins fait pour l’histoire locale, en mettant au jour d'importants fragments des forlifications romaines qui, formées de briques et de béton rouges, avaient valu à Ren- nes, dans le moyen-âge, le nom d’urbs rubra. Les études d'architecture ont dû se ressentir de la pau- vreté du département dans lequel nous vivons; cependant nous vous citerons quelques mémoires de M. Ramé, où l’auteur a appliqué avec sagacité à notre architecture les connaissances qu'il avait acquises dans ses voyages sur di- vers points de la France; nous citerons également le cours d'archéologie de M. l'abbé Brune, qui emprunte un grand intérêt d’un enseignement dont nos monuments ont fourni l'exemple, et d’un album correct et consciencieux repro- -duisant cès mêmes monuments. La numismatique, cette branche si curieuse des études archéologiques, s’est ressentie au contraire de l’importance que devait lui donner, aux yeux des Bretons, la brillante série des monnaies royales et ducales de la Bretagne. M. A. Ramé s’est déjà placé en tête des numismates bretons par quelques articles de critique insérés dans la Revue numis- matique de Blois, et par la publication dans cette même Revue de types bretons inédits et très-curieux. La collection de monnaies bretonnes rassemblée par ce jeune archéologue, celle de M. le docteur Aussant, celle de M. d'Anjou, de Fougères, et enfin celle de M. le comte de Kergariou, fournissent la suite la plus complète et la plus nombreuse que l’on puisse rencontrer, même en Brec- tagne. k ; ; : Ajoutons encore que nous devrons bientôt à M. Ramé un ouvrage sur l'histoire monétaire de notre province , et enfin mentionnons en passant les découvertes de plus de trois cents monnaies antiques de différentes époques, sau- vées de l'oubli et mentionnées avec détails dans les comp- tes-rendus des procès-verbaux de notre Société. 312 __ CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. L'histoire des arts, en Bretagne, est encore un sujet d’é- tudes qui n’a pas été négligé dans la série de nos travaux. Des noms d’artisies bretons, musiciens, peintres-verriers et sculpteurs , ont été recueillis avec soin, ét des œuvres d'art émanées d’artistes indigènes nous ont été fréquem- ment présentées par un riche et savant collectionneur, M. le docteur Aussant, dont le riche cabinet, grâce à la parfaite complaisance de son possesseur, est devenu comme un se- cond musée pour la ville de Rennes. | L'histoire de Bretagne a trouvé parmi nos membres un jeune et savant auteur dont le nom est déjà connu des ar- chéologues bretons : tous se rappellent ces mémoires et ces notices de M. de la Borderie, empreints d’une critique si ingénieuse, et nourris d’une érudition puisée aux meilleures sources. Les articles sur Conan-Mériadec, Conan-le-Tort et Conobert, insérés dans la Biographie bretonne ; le Mé- moire sur. la Vie de saint Gwénolé, ètc., sont des œuvres non seulement remarquables en elles-mêmes; elles sont, de plus, la première pierre d’un ouvrage qui fera probable- ment époque dans les publications d'histoires provinciales. La Société peut encore revendiquer sa part d’un travail consciencieux reçu avec faveur par le public breton, l’His- toire de la ville el baronnie de Fougères, par deux de nos sociétaires, MM. Bertin et Maupillé. Enfin le Nouveau Dictionnaire d’'Ogée, entrepris st sous la direction de M. Varin, avec. la collaboration de notre col- lègue, M. Marteville, et continué bientot après les premières livraisons sous la direction de ce dernier membre, a em- prunté une partie de ses longues et intéressantes notices à des recherches communiquées par différents membres de: notre Société. L'article Vifré , non encore publié, est dû à la plume de M.-A. de la Borderie : l’article Rennes, sous presse en ce moment, est une histoire locale du plus grand intérêt, où l’auteur, M. Marteville, a consigné le résultat de longues et pénibles recherches exécutées dans le pêle- mêle encore indigeste de nos archives. déesse Tel est, Messieurs, l'exposé bien aride de nos travaux. SEIZIÈME SESSION. . 313 Bien des Sociétés archéologiques l’emportent sur la nôtre par l’ancienneté de l’origine et l'importance des publica- tions; mais j'ose dire qu'aucune ne peut prétendre à plus d'efforts et de zèle pour exploiter une mine aussi féconde que l’ancienne Bretagne en richesses archéologiques. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion sur la décentralisation scientifique, littéraire et artistique. M. Jouaust, qui obtient la parole, traite seulement la question au point de vue des beaux-arts. La décentralisa- tion artistique ne lui semble pas possible. Les écoles pro- vinciales que l’on parviendrait à créer n’auraient pas une longue existence; la plupart des ressources que présenté la capitale leur manqueraient entièrement; elles tombe- raient , faute de puissants secours, de vives lumières. Il exisie à Paris, on le dit du moins, des cabales très-préju- diciables aux artistes de mérite qui vivent en province; mais , par suite de la décentralisation, des cabales se for- meraient aussi dans nos grandes villes , et seraient peut- être plus fâcheuses pour les arts que celles dont on se plaint actuellement. Ne craignons pas tant Paris : c’est là que notre célèbre sculpteur Barré a pu faire les profondes études dont nous recueillons le fruit. Les écoles commu- pales de peinture et de sculpture fondées en province sont, comme nos facultés des lettres, très-peu fréquentées. Presque tous les jeunes gens. studieux trouvent et trou- veront toujours de l’avantage à résider dans la capitale, Là. tous les secrets du savoir leur sont dévoilés; des maîtres très-habiles secondent leur application: de riches collections éveilleni le génie et font naître les plus nobles inspirations. M. de la Borderie croit qu’il y a un peu d’exagération dans ce qui a été dit hier et dans ce qui vient d’être dit, re- lativement à la décentralisation intellectuelle. J1 faut, à cet égard, prendre un juste milieu, ct, dans ce cas, c’est en- core de la sagesse. T. H. : 40 314 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Avant 1789, la centralisation n'existait pas. La science était répandue dans toutes les provinces. Nos grandes cor- porations religieuses, poliliques et judiciaires encoura- geaient les lettres et les beaux-arts. Ducange était un ma- gistrat d'Amiens. Est-ce à Paris qu'ont été élevés, en l’hon- neur de la science, ces gigantesques monuments de la pa- lience et des fortes études des Bénédictins ? Qui a conçu le plan des canaux de Bretagne ? Les États de cette pro- vince. La capitale seule peut, dit-on, comprendre le génie ! C’est ce privilége que nous voulons combattre. Nous trouvons déplorable que, pour devenir intellectuellement quelque chose, il faille que nous allions demander à Paris la permission d’exister. Qui donc empêche de faire pour les arts ce que l’Institut des Provinces a fait pour l’his- toire ? Que Paris soit toujours un soleil bienfaisant , dont les rayons échauffent et éclairent le génie de tous les en- fants de la France; mais que celte ville ne soit jamais la machine pneumatique qui, faisant le vide autour d'elle, atire tout et absorbe tout. M. Mahias, prenant à son tour la parole, ait: Conser- vons à Paris toute sa splendeur, mais songeons aussi à la province. Que l’État, que les conseils des départements et des communes viennent à son secours. Que les biblio- thèques soient ouvertes aux heures favorables à l'étude ; que les Musées exposent chaque jour leurs richesses. La vue du beau fera toujours naître l’idée du beau. Pourquoi la peinture ne reproduirait-elle pas sur les murailles de nos grands monuments les faits glorieux de nos brillantes ‘annales et les portraits des grands hommes ? Pourquoi sur les points principaux de la France ne créerait-on pas de grandes académies ? A Londres, pas une école ; à Oxford et à Cambridge sont les universités. FF 4 $ A ès le dire de M. Mahias, M. de PPRNPR EE la parol pour présenter quelques observations sur la matière en discussion. Je l’avoue, dit-il, je ne saisis point encore parfaitement le sens ou plutôt le bon sens de cette expres- SEIZIÈME SESSION. 315 ‘sion : Décentralisation artistique et littéraire. Ou ce qu’on demande n’est rien, et, en ce cas, nous perdons, comme je le crois, notre temps en vains discours , ou c’est beau- coup, et, en ce cas, c’est impossible. Quoi ? Que veut-on ? Forcer, de par nos jalouses clameurs, les grands écrivains à venir habiter la province ? Mais, sont-ils donc si communs “ces hommes d’un mérite assez haut, pour que leur pré- sence habituelle pût honorer une ville ? Combien le dernier siècle en a-t-il produit? Quatre, si je ne me trompe : Voltaire, Rousseau, Buffon, Montesquieu. Réunis n’im- porte où dans. la province, leur présence n'aurait point eu pour effet de décentraliser, mais de créer un nouveau centre. Eùût-il donc fallu qu'ils allassent successivement habiter les trente et quelques provinces dela France ? Vous le sentez vous-mêmes, e’eût été leur demander l'absurde. A leur défaut, eût-il donc fallu réclamer dans la province la troupe innombrable des poètes musqués , des drama- turges larmoyants, des historiens sophistiques, des ro- manciers graveleux et des philosophes matérialistes ? Rennes eût-il infiniment gagné à posséder dans ses murs le poète Dorat ou l’auteur du Sopha et de Tanzaï? — Les leçons d'Helvétius ou du baron d'Holbach eussent-elles beaucoup moralisé son excellente population ? Les grands écrivains seraient-ils plus communs aujourd’hui que par le passé ? Non, plutôt moins, et ceux qu’il me serait permis de citer, comme ayant honoré le génie de la langue fran- çaise, Thiers, Guizot, Berryer , Lamartine , n’est-ce pas la province elle-même qui fixe leur séjour à Paris, en les choisissant comme organes de ses intérêts dans les assem- blées politiques ? M" Sand et Alexandre Dumas sont en- core libres , il est vrai. Rennes serait-il bien désireux de leur présence, et s’en trouverait-il très-honoré ? Ces il- lustres professeurs ne manqueraient pas de disciples , il est vrai, peut-être même leurs cours seraient-ils plus fré- quentés que ceux des doctes professeurs des facultés de droit et des sciences. — Mais, à la fin de l’année, je don- nerais les prix aux mauvais élèves plutôt qu'aux bons. 316 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. On dira : Nous ne réclamons rien de Paris; qu’il garde ses écrivains , mais qu’il ne confisque pas les nôtres. — Quels nôtres, demanderai-je ? Si vous en possédez un seul, digne de ce nom, c’est beaucoup. Est-ce sa présence en vos murs qui crée un foyer bien lumineux ? Paris, - d’ailleurs, at-il donc des alguazils, des huissiers qui viennent prendre le grand homme au collet.pour l’en- traîner dans ses murs ? Que, si l’on veut parler des litté- rateurs de troisième et de quatrième ordre , qui pullulent en province non moins qu'à Paris, croyez-vous que la ça- pitale vous les envie? Pour vous les ravir, d’ailleurs , il faudrait les connaître , et vous les ignorez yous-mêmes. — Je ne suis plus tenté de faire une excursion sur le ter- ritoire des Rennais , mais je puis parler de Nantes perti- nemment. Nous n’en sommes ici qu’à trente lieues,.et ce- pendant quelqu'un, parmi cette honorable assemblée, sait- il que cette reine de la Loire possède jusqu’à cent soixante académiciens ? Quoi d’élonnant, au reste, que vous l'i- gnoriez ? A Nantes, personne ne le sait; nous publions tous les ans un gros volume , rempli de prose, rempli de vers, d'histoire, d’art et de toutes sortes de belles choses; per- sonne ne nous lit... si ce n’est le prote de notre impri- meur. Bien mieux : aucun de nous ne se croit même tenu à feuilleter l’œuvre de ses confrères. Ainsi donc, pour me résumer sur ce point, les littéra- teurs médiocres ne manquent nulle part, pas plus en pro- vince qu'à Paris; les littérateurs distingués sont rares, irès-rares, même à Paris. Louis XIV disait : Je puis nommer un duc et pair, je ne saurais créer un gentilhomme. Il en est de même des gentilshommes de l’art et de la littéra- ture : tous les trésors, tous les encouragements, toutes les bibliothèques et même les plus beaux discours sur la dé- centralisation n’en sauraient créer. Que si de la littéra- ture nous passons à la science, la question se modifie un peu. Les Descartes et les Newton seront toujours rares; mais il se rencontre cependant beaucoup de savants très- distingués, etqu’on peut même qualifier du titre d’illustres. SEIZIÈME SESSION. 317 Pourquoi ? C’est que le don de l’observation et la mémoire des faits suffisent le plus souvent à former un savant. Mais, quoi qu’on fasse, à Paris seulement la science trou- vera toujours les éléments de ses progrès. Nulle part ail- leurs, à moins de ressources pécuniaires dont aucune pro- vince ne saurait disposer, nulle part les expériences ne sont possibles sur une grande échelle et à tous les degrés né- cessaires;- nulle part ailleurs la plupart des instruments ne HÉuent se rencontrer; nulle part ailleurs on ne trouve le vingtième des livres nécessaires à la moindre branche des études. À Paris mêmé , beaucoup de ces livres , beau- coup de ces instruments manquent encore. Nulle part ail- leurs, enfin, le savant ne peut se tenir au courant des progrès journaliers, des essais heureux, des expériences variées de ses confrères. S'il se trouve un remède à cette situation , qu'on veuille donc l'indiquer, mais sans ces vaines phrases, sans ces vagues déclamations qui ne valent pas le quart d’une proposition pratique , tant soit peu rai- sonnable. Arrivons à la décentralisation artistique ! Est-ellé pos- sible davantage, et, parmi ceux qui feignent de la de- mander, quelqu'un y croit-il sérieusement ? Quoi ! par un amour-propre mal entendu pour le terroir , vous voudriez empêcher ce jeune artiste d’aller perfectionner son talent à Paris ? Quoi ! si Paris intelligent lui commande quelque ouvrage, vous voulez qu'il refuse ? Quoi ! vous reprochez à Paris sa générosité ? Mais, n'est-il pas plus jusie de reprocher à la province sa ridicule parcimonie ? Savez-vous, Messieurs, combien, dans un chef-lieu de département, à Vannes, les conseils généraux et municipaux réunis accordent pour la biblio- thèque et les musées ? Six cents francs, sur lesquels il faut payer un bibliothécaire ! C’est désolant, direz-vous. Eh ! bien, je puis l’affirmer, si une pareille parcimonie est assez rare , il n’en est pas moins que, dans la plupart des dépar- tements, les sommes allouées pour ces établissements ne 818 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. dépassent pas, j’excépte toujours Rennes, deux à trois mille francs. Or, ignorez-vous donc qu’un artiste, s’il est doué d’un véritable talent, se fait, à Paris, en commandes de la ville, dû Gouvernement , des riches amateurs et des étrangers, jusqu’à cent mille francs par an ? — Voulez- vous le forcer à venir végéter dans sa ville natale ? Là, de- vra-t-il s’estimer bien heureux si, se faisant petit, il se fait oublier de l'envie et de la jalousie ? Quant aux com- mañdes, il n’y saurait compter. Quelques portraits et quelques leçons l’empêcheront seuls de mourir de faim. Ce fait, au reste, de la centralisation artistique et littéraire est-il donc si nouveau ? Ces centres lumineux , où toute belle intelligence doit aller s’éclairer, ces ardents foyers où toute noble imagination doit aller s’enflammer , ces grands fleuves de vive science où toute âme d'élite doit aller s’abreuver, mais, n’ont-ils pas toujours existé ? Et, pour n’en citer qu’un seul exemple, pour ne pas abuser ‘de vos moments, Athènes était, politiquement parlant, ruinée depuis plusieurs siècles, que les Romains, au faîte de la puissance, faisaient traverser la mer à leurs fils pour aller dans la ville de Périclès perfectionner leur éducation. Bien avant la Révolution, Paris était devenu le centre des lettres et des arts. Sous Henri IV , le poète Bertaut disait en parlant de la capitale ; Cette ville sans pair , cet abrégé de France. Il avait raison. Paris, mais pourquoi en serions-nous ja- loux ? Voudrions-nous qu’on nous appliquât la fable des membres et de l'estomac ? Paris, c’est l’abrégé de France. Il n’y a pas de parisiens; Paris, c’est loule la province réunie. M. Richelet répond qu'il suffit de jeter un regard sur le passé pour rester convaincu que la décentralisation litté- raire et artistique est une chose possible, et que la centra- lisation est ennemie du progrès. En lialie, lorsque la pein- ture y florissait avec tant d'éclat, il y avait presque autant due ne. SEIZIÈME SESSION. 319 d'écoles que de villes principales, et chaque école avait son caractère à part. Alors chaque élève devenait un maître. Il en était ainsi en Hollande, en Allemagne. Chez nous, à Paris, chacun suit son peintre et reste imitateur. — Lyon avait autrefois une école , et Paris l’a détruite. La centralisation administrative entraîne la centralisation des arts. Si les conseils des départements avaient des attribu- tions plus larges et des moyens d’encouragements , les progrès désirés deviendraient bientôt rapides. Les amis des beaux-arts doivent donc réunir tous leurs efforts pour ob- tenir ces précieux avantages. Ils se rappelleront que si l’on étudie aujourd’hui, avec zèle et succès , l’archéologie en France, on le doit aux efforts généreux de M. de Cau- . mont, efforts continués avec une noble persévérance. M. Duchatellier adopte l’opinion émise par M. Richelet. Paris, dit-il, a grandi considérablement; les provinces lui ont été sacrifiées. Elles ont perdu ces moyens d’action qui encourageaient autrefois, d’une manière puissante, les sciences, les lettres et les arts. Il faut donc que les insti- tutions locales reçoivent des développements propres à fa- voriser le progrès. — L'industrie et l’agriculture marchent vers un avenir meilleur. Que les beaux-arts ne soient plus oubliés. Paris est couvert de statues; à chaque pas on heurte un bloc de marbre. Qu'un artiste de province en demande un simple fragment ; trop souvent un refus vien- dra porter dans son cœur le découragement et la tristesse. M. Morrière lit une pièce de vers offerte au Congrès par l’auteur, M. Alphonse Le Flaguais, de Caen. APOSTORAT. I. Oui , si vous voulez rendre à mon âme brisée Ce qu'aux fleurs de juillet rend la fraîche rosée, 320 -_ CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Annoncez-moi des jours par le Seigneur bénis, È Et que ma parole renvoie Des échos d'amour et dej joie Aux accents des peuples unis! Je cesse désormais cette plainte cruelle ‘Où mon cœur ulcéré trop long-temps se révèle : Une douce pensée a besoin d’en sortir. De mon passé rêveur les annalessont closes, … Et je place à mon front la couronne de roses Sur la couronne de martyr. Oui, je veux être heureux du bonheur de mes frères; Je n’allumerai point les flambeaux funéraires Autour du lit de mort que cherchait mon regard. Relevant dignement la tête, Je saurai dire à la tempête : « Pour m’abattre tu viens trop tard!» Oh! je n'ai pas perdu cette puissante flamme Qui donne au cœur un chant et des ailes à l’âme! Malgré de longs malheurs je m’appartiens encor. A la langue des dieux je suis resté fidèle, Et, pour lirer des sons de la viole immortelle, Je tiens toujours mon archet d’or. Quand l’art fut profané par de vils mercenaires, Il demande un refuge à des mains tutélaires ; Il veut une réponse au blasphême.odieux ; Il veut qu’armé de poésie. Contre une aveugle frénésie, Orphée en soit victorieux! Quand sa jehne saison, hélas ! est terminée, L'homme peut se refaire une autre destinée, En réchauffant son âme au feu d’un autre amour : L'ardente charité vivifie et féconde Le cœur endolori des naufragés du monde, Qu'il n’a pas brisés sans retour, À Venez donc proclamer le triomphe et le règne Des principes écrits sur la divine enseigne! Convertissons les cœurs rebelles si Jong-temps. SEIZIÈME SESSION. 391 Faisons aux clarlés du génie, Pour l'humanité rajeunie, Verdoyer un nouveau printemps! Je ne suis pas de ceux qui pâlissent , qui tremblent, Et comme des chevreaux se cherchent, se rassemblent, Quand un éclair subit déchire le ciel noir. | Je sais qu’on n’obtient rien sans quelque sacrifice : Debout et confiant au bord du précipice, J'aurais encore un chant d’espoir. Dieu quelquefois permet ces commotions fortes, Ces fièvres, ces fureurs qui laissent demi-mortes Les grandes nations en mal d’enfantement : C’est qu’alors une jeune idée, D’angoisse et de deuil précédée, Signale son avénement ! Alors , alors malheur à tous ceux qui soutiennent Les monuments vieillis dont les murs appartiennent Au bélier populaire , au puritain marteau! Alors, mages et rois, hautes cariatides, Tombent avec fracas sous les bras homicides Qu’arment la hache et le couteau. Mais dans ces brisements tout n’est pas haine et crime : Souvent, des deux côtés plus d’un acte sublime Honore le combat que l’on déshonorait. Avec ces actes-là sans doute Se fait de la base à la voûte L'œuvre que le temps préparait! If. Aux jours des sanglantes tempêtes, Quand la mort promena sa faux, S’il est tombé de nobles têtes Sur le billot des échafauds, $ L’héroïsme illustra cette époque terrible: La vérité lultant dans ce chaos horrible T. I. ; 4 322 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. À brillé de plus beaux rayons; Puis, pour calmer le siècle et répondre à sa plainte, David a pris la harpe sainte Et Daniel est sorti de la fosse aux lions! Dans tous les lieux , dans tous les âges, Les mortels eurent à souffrir. Un homme meurt sous les outrages, L’humanité ne peut mourir. Il faut sur son chemin des autels et des tombes : Que rasent en passant les divines colombes Qui la guident vers Chanaan. Doit-elle s’élonner, si parmi les montagnes , Surgissant aux vasles campagnes, Sé trouve quelquefois la bouche d’un volcan ? Frères qui passez en ce monde Un rameau d’olivier au front, N'ayez souci du vent qui gronde, Vos jours d’épreuve finiront. Si votre âme parfois, à des langueurs livrée, Sur des maux incessants gémit désespérée, Croyez au bonheur à venir, Et ne pensez jamais que la terre promise Sans longues peines soit acquise Aux fervents pélerins dignes de l’obtenir ! L’humanité n'est pointe exempte De fanatismes ni d’erreurs : Un beau fantôme se présente, - Elle s’y livre sans terreurs. C’est en vain que Newton, Descartes, Mallebranche A sa main rassurée offrirent une branche Riche de fruits müris au Ciel; Voyez-vous éclater le rire de Voltaire, Et tout à coup la foi se taire. Le rire audacieux devient universel. Toujours la mordante ironie Avec son langage infernal Altaque l’austère génie Qui planait au dessus du mal. Dans toule noble arène et dans tout élyzée, SEIZIÈME SESSION. 323 Elle est là pour lancer quelque flèche aiguisée Sur un autel, sur un tombeau! Heureuse si, prouvant sa nouvelle victoire, D'une croyance et d’une gloire - Elle emporte avec elle un douloureux lambeau ! Mais les erreurs sont passagères, Leur diversité fait leur mort. Le Ciel a d’autres messagères Qui savent les secrets du sort. Aux révélations d’une philosophie Que l’étude agrandit, que la foi sanctifie, L'humanité revient toujours. Des poètes sacrés les pages consolantes = Calmentses crises violentes.…:. Les aigles radieux sont vainqueurs des vaulours. HT. Nous ne sommes pas une race Humiliée à tout jamais. Il faut que la route se fasse - Pour remonter aux bleus sommets. Nous ne sommes pas sur la terre Pour amuser de doux loisirs ; C’est un labeur souvent austère Qui doit faire nos seuls plaisirs. Non, la basilique des sages, Le temple de paix et d'amour, Comme une hutte de Sauvages Ne se bâtit pas en un jour. Nous devons nos sueurs consiantes Aux assises des fondateurs, Et nos poitrines palpitantes Aux accents des révélateurs. f Nous devons nos cœurs et nos âmes A tous les généreuxefforts, 324 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Et peut-être aux büchers en flammes Les os et la chair de nos corps! Il faut qu’aux peuples on apprenne | Leurs devoirs ainsi que leurs droits. Avec la force souveraine Sont-ils plus sages que les rois? Il faut, au jour des grandes chutes, Harmonieux générateurs , Jeter une pensée aux luttes Des pontifes et des docteurs, Sans permettre que l’on dépouille Nos vieux tombeaux , nos vieux autels, Otons la poussière et la rouille De leurs insignes immortels. Sachons qu’effacer et détruire Ne fut jamais le droit d’un seul! C’est pour féconder et produire Que Jésus quitta son linceul. Mais faut-il un si grand courage Pour confesser la vérité, Pur trésor qui toujours surnage Sur les mers de l’adversité ! Qu'importe la haine acharnée Contre le sage, le chrélien! La force qui lui fut donnée Répand la crainte et ne craint rien. Les exacteurs sous leur couronne Tremblent devant l’infortuné, Qui les bénit et leur pardonne, Par un lâche arrêt.condamné! Ah! dans l’antiquité païenne, Socrate est heureux de souffrir ; Et, commençant l'ère chrétienne, Jésus nous apprend à mourir. SEIZIÈME SESSION. Jésus, la vie et la parole, La paix, le baume et la douceur, Jésus, l’adorable symbole, Ne trouva pas un défenseur ! Frères, faut-il un autre exemple A ceux qui douteraient encor ? Faut-il, sur le fronton du temple, Un autre nom en lettres d’or? Celui qui mourut comme un sage Avait fait pressentir le Dieu Qui, d’un mot, brisa l’esclavage Au moment du dernier adieu. Oui, toute souffrance est féconde, Puis viennent les longs repentirs! Toutes les conquêtes du monde Sont les œuvres de ses martyrs. Mais, par une loi progressive, Le genre humain fait son devoir, Jusqu’à la crise décisive Qu'il appelle et qu'il sait prévoir. . Voyez : il travaille, il espère Les jours fertiles qui luiront, Et laboure le champ prospère Où les blés dorés ondoiront Mais qu’il épèle ou balbutie Le mot sublime : Égalité, La plus belle démocratie Découle de la charité. O mon Dieu ! quand viendra ton heure, Fais mürir le sacré froment, Pour que le lazare qui pleure S’en nourrisse éternellement ! O mon Dieu! choisis sur la terre Quelqu'un qui nous en fasse à tous 325 326 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Le doux partage sans mystère, Afin que nul ne soit jaloux ! Car le blé pur se multiplie Lorsqu'il tombe en de saintes mains, Et la maison vide est remplie Quand ton prêtre en sait les chemins. Mais ta parole est la richesse Semée au sillon de l'esprit; C’est le levain de la sagesse Le pain dont l’âme se nourrit! Elle donne force et prudence ; Elle apprend à se souvenir ; Elle est l’aclive providence Des pélerins de l'avenir. IV. Oh! celui qui nirait Les brillantes conquêtes, Laborieuse humanité , : Toi qui marches toujours et jamais ne L’arrètes Dans la gloire et l’adversité, Toi qui portes au front ces empreintes divines, Ces larges étoiles de sang, Parure qu'y laissa la couronne d’épines ,: Héritage de l’innocent, : Oh! celui qui nirait tes efforts secourables, Tes défrichements du passé, Tes labeurs , Les combats, tes succès admirables, Celui-là serait insensé ! Les tyrans orgueilleux, les bourreaux populaires, Tu leur résistas constamment ; Et ces monstres n’ont pu, dans leurs rudes colères T'avilir, te vaincre un moment. Tu pliais quelquefoissta! tête de victime Quand passait le fatal niveau, Mais pour la relever plus belle, plus sublime, Et ceinte d'un laurier nouveau. -: SEIZIÈME SESSION, 27, Fière, tu suis da loi que le ciel l’a donnée, Loi de paix et de liberté, Car tu sais que tu vas vers une destinée D'amour et de félicité ! Tes apôtres pieux supportent les tortures © Sans attrister l'air de leurs cris, Tandis que les bourreaux, avec leurs mains impures, Brülent leurs lumineux écrits. Mais, hier, aujourd’hui, la parole étouffée, Plus forte parlera demain; Demain, comme un guerrier, relevant ton trophée, Tu reprendras le grand chemin. Pour arrêter-la marche il n’est pas de puissance, Car elle a des pas de géant; Et tout penser fécond qui te doit la naissance Ne retourne pas au néant. Ainsi, dans les vallons que sa course traverse, Un fleuve répandant ses eaux, Rencontre en bondissant des arbres qu’il renverse Avec leurs nids d'œufs et d’oiseaux. Parfois, comme un sauveur, la vague intelligente Soulève ces berceaux floltants, ù Les porte et les conduit, propice et diligente , Sur des bords aimés du printemps. Alors, parmi les fleurs, les heureuses couvées Ne songent plus à leurs revers : Le torrent les frappa, le flot les a sauvées….. Les cieux ont de nouveaux concerts : Mais pour que d’un pas rapide L’humanité marche au but, Qu'elle suive son vrai guide, Dieu, qui couvre de l'égide, Et veut l’amour pour tribut Ne renonçons jamais, quel que soit sur la terre Le destin rigoureux où nous soyons soumis, 328 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Que le vent enflammé nous’plie ou nous altère, Ne renonçons jamais à l'espoir salutaire : Dieu Re en bonheur bien plus qu’il n’a promiss Il a des sources d’eau vive Où la soif peut s’êtancher; Il entend la voix plaintive, Il soutient la fleur craintive Sur la pointe d’un rocher. Ses bienfaits attendus souvent se manifestent Au moment où le cœur se sentait défaillir. Contre lui follement d’ingrats enfants protestent. Il est sage, il est bon... Nos malheurs nous attestent Qu'il peut nous éprouver, mais non pas nous trahir. - - 1l met dans chaque amertume Un tutélaire pouvoir. Son feu jamais ne consume ; L'âme pure s’y rallume Comme un brillant encensoir. Sa grandeur nous apprend, ses bienfaits nous enseignent Nos destins à venir, nos devoirs ici-bas. Ce n’est point par le fer que ses apôtres règnent. Il à donné pour gage aux mortels qui le craignent Son royal étendard , vainqueur dans cent combats. Ce gage de délivrance Offert à l’humanité, La Croix, ce IIt de souffrance, C’est l'amour, c’est l'espérance, La paix et la liberté! SAVE: Qu'elle soit sans cesse L’honneur, la richesse De l’homme en exil! Sur l'éternel temple SEIZIÈME SESSION. 329 Que l’œil la contemple Au jour du péril! Jésus est l’apôtre De tous les progrès; En est-il un autre À venir après? Non, et d'âge en âge Son œuvre surnage, Sublime héritage, Trésor de vertu; Malgré l’imposture, La folle nature Et l’audace impure Qui Pont combattu. Des divins poètes Ecoutons les chants : Ce sont ses prophèles, Oracles touchants Qui rendent muettes Les voix des méchants! L’Esprit-Saint lui-même, Lumière suprême , Se révèle en eux; e Sa puissance active De l’âme captive Détache les nœuds. Que toujours fidèle, Chaste et fraternelle, La lyre immortelle Chante désormais, Sans prendre une corde Qui la désaccorde, L’hymne de concorde Bénie à jamais! Que sur tout rivage Sauvé de l’orage Chacun se partage La manne et le miel, Bonheur et délice Dans un jour propice Tombés du calice Des roses du ciel! L'assemblée applaudit. T. HI. 42 330 CONGRÉS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. M. le Président, rappelant l'invitation faite aux membres du Congrès par la Société d’agriculture d'assister à la fête qu’elle donne demain à la ferme-école des Trois-Croix , propose de changer l’heure de la séance générale du 6, de n'ouvrir cette séance qu'à sept heures et demie du soir. Cette proposition est adoptée. Il est même arrêté, sur la demande faite par un grand nombre de membres , que les séances générales suivantes auront lieu aussi dans la soirée , à l'heure qui vient d’être indiquée. La séance est levée à cinq heures. Séance générale du 6 septembre. = Présidence de M, RICHELET., , M. TAROT, Secrilaure: Présents au bureau, MM. P.-M. Roux, de Caumont, de la Porte, Vice-Présidents; Le Gall, Tarot, Secrétaires- généraux ; Ch. Langlois, Trésorier. La séance s'ouvre à sept heures et demie du soir. Le procès-verbal de la séance précédente est lu, puis adopté. 1) SEIZIÈME SESSION. 331 Plusieurs ouvrages, offerts au Congrès, sont déposés sur le bureau. : Les procès-verbaux des séances particulières tenues dans la journée sont successivement lus par les Secrétaires qui les ont dressés, MM. Malaguti, de Lustrac, Toulmou- che, de Soultrait et Dupray. M. Duchatellier, chargé, par la commission permanente du Congrès, de faire un rapport sur la question de dé- centralisation discutée dans les séances précédentes, rap- proche , autant qu'il le peut, les diverses opinions émises, et présente en forme de conclusions un ensemble de vœux. Comme plusieurs membres combattent les conclusions pré- sentées, et que les objections faites méritent d’être exa- - minées avec beaucoup d’attention, l'assemblée se décide à nommer une commission, qui lui soumettra, dans une des prochaines séances, un projet ou formule de vœu concer- nant la décentralisation intellectuelle. Cette commission est-composée de MM. Duchatellier, de Caumont, Vert, de Wismes et de la Borderie. M. Duchatellier en sera le pré- sident. La sixième question de la section des beaux-arts se trouve à l’ordre du jour. Elle est ainsi conçue : « Dans » quelle mesure convient-il, au xix° siècle, de ressusciler, » pour la sculpture, la peinture et l’architecture, Les formes » et les procédés usités au moyen-âge ? » M. de Wismes obtient la parole. Craignant que la lecture de la première partie de son travail ne prenne trop de temps, il en fait l'analyse, esquisse l’histoire de l’art en Grèce, en Italie, en France, note les rapports qui existent entre les monuments et les mœurs de chaque époque. Après celte analyse faite avec beaucoup de facilité, entendue avec plaisir, M. de Wismes est invité par M. le Président à dé- poser son manuscrit. 332 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. MEMOIRE SUR LA RÉSURRECTION DE L'ARCHITECTURE GOTHIQUE, PRÉCÉDÉ DE Quelques considérations touchant l'influence des mœurs sur l'Architecture, Par M. le baron de WISMES. Jusqu'à nouvel ordre on fera du byzantin , du gothique, des ba- siiques romanes, et, tant que Dieu ne soufllera passur toutes ces cendres , il sera bien qu’il en soit ainsi, car ce sont de saints dé- bris. Par là, du moins, on retourne aux types qui deviennent de plus en plus populaires, en attendant que le génie des masses sache de ces types morts tirer une vie nouvelle. Oui, le Christia- nisme reconquerra le monde; surtout si l'enthousiasme aveugle pour le moyen-âge ne vient pas rabattre l’élan et créer un nouveau symbolisme académique, car le symbolisme, c’est l’art momie. C. RoBerr. {Essai d’une philosophie de l’art.) Un homme d’infiniment d'esprit, dont le livre, aujourd’hui presque oublié , fit dans le temps une certaine sensation, M. Joubert , a dit : « Les questions prouvent l’élendue de l'esprit, et les réponses sa finesse.» La première de ces qualités est, croyons-nous, plus rare que la se- conde ; et si, dans le monde de l'art, dans celui de la science , comme aussi dans ceux de la philosophie.et de la politique, tant de ques- tions demeurent sans réponse ou n’en reçoivent que de déplorables, c’est presque toujours au non-sens des questions elles-mêmes qu’il faut s'en prendre. Aussi me plais-je à rendre hommage aux rédacteurs de notre prozramme de l’intelligente variété dont ils on! fait preuve dans la posilion de toutes ces demandes qu'ils nous ont adressées, dans l’heureux choix de tous ces jeux savants proposés à notre esprit. — _ Plusieurs de ces queslions dépasseraient cependant, si leur solution était bien réussie, l'expression que je viens d'employer ; car indiquer, par exemple, comme il s’agit de le faire en ce moment, aux maires, aux conseillers municipaux , aux curés, aux fabriciens, voire même SEIZIÈME SESSION. 333 peut-être aux architectes de ce département, la meilleure voie où ils puissent s’engager lorsqu'il s’agit de réparer ou de reconstruire leurs églises, serait sans nul doute un service éminent à leur rendre. à Mais est-il aisé de toujours dépasser le point où cessentle jeu et la lutte académique ? J’en doute, et surtout relativement à cetle question de la rénovation de l'architecture ogivale au milieu du xx" siècle. Plusieurs fois je l’ai entendu discuter par gens très-capables, et toujours quand chacun d’eux avait fini de parler, il me semblait que c’était celui-là même qui avait raison. Aussi, architecte chargé de bâtir une église, eussè-je été tenté alors, pour mettre tout le monde d’accord, de bâtir mon chœur en style grec, ma nef en style ogival des plus purs, et mon portail en gothique de fantaisie , c’est-à-dire réformé par nos Jean de Chelles contemporains, et approprié, comme on dit, aux besoins et aux idées de notre époque. Je me permets cependant, pour leur honneur, de douter qu’un édifice ainsi conçu fût du goût de beaucoup d'habitants d’Ille-et-Vilaine. Cherchons donc, parmi plusieurs excellentes solutions du problème, quelle est, s’il se peut, la moins mauvaise. Démontrer'qu’en dehors de tout système d'esthétique, l'architecture fut de tout temps l'expression sculptée en pierre, pour la postérité, des mœurs et des idées de chaque nalion ; —prouver que, née de ces idées et dé ces mœurs, si elle peut à son tour en prolonger le règne, c’est pour peu de jours, tant on la voit, servante fidèle, se transporter fré- quemment pour suivre pas à pas les générations là où celles-ci veulent se diriger ; — puis, analyser les tendances de notre époque pour en conclure la réponse à la question posée au programme : — tel est mon plan. J'ai dit chaque peuple: Ne vous effrayez pas, Messieurs; c’est assez que j'aie la prétention d’usurper une heure de vos loisirs intelligents, sans avoir celle d’absorber par une faconde infertile toutes les séances du Congrès; je serai tres-sobre sur l'antiquité, et, parmi les nations modernes, je ne parlerai que de la France. Mais, si je vous force à re- connaître pour notre pays, qui, grâce à la providence, comple déjà de si longs fastes , la vérité de mon système, ne serez-vous pas forcément conduits à le proclamer une des grandes lois de toute civilisation hu- maine ? J GRECE. Quelle fut chez le peuple grec l’origine de l’architecture ? Question oiseuse, très-oiseuse, parce qu’elle est insoluble. Fûl-ce, comme on l'a dit, Callimaque qui, frappé de la grâce d’une tige d’acanthe dont les feuilles s’étaient enroulées autour d’une corbeille, inventa le chapiteau 334 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. corinthien ? Les cornes des viclimes placées aux deux côtés de l'autel donnèrent-elles l’idée du chapiteau ionique ? Ce sont.là de très-char- mantes inventions; mais nous les tenons tout à fait pour fables grec- ques. Sait-on davantage quelle est l’origine. dela peinture? Cette. os. qui, voyant partir son amant et l'ombre de son profil se détacher sur la muraille, s'avisa d'en esquisser le contour ; c’est encore ingénieux, mais c’estencore bien grec. Quoi d'étonnant, au reste, que nous ignorions la plupart de ces antiques origines? Voyez le style. ogival sirécent, si près de nous ; où a-t-il commencé ? Tenons donc les trois ordres grecs pour tout inventés,, tout.perfec- lionnés , et transportons-nous à Athènes, où se paire l’art hellénique dans son plus complet épanouissement, Supposons, comme le fit un jour Descartes , que nous ignorons tout , ou du moins tout ce qui fut de la ville de Minerve. Murs, ville et port, Tout dort. Tout dort, mais c’est à l’époque de Périclès ; mais nous, nous veil- lons, nous sommes dans la cité, et éclairés par une de ces lunes d’orient plus brillantes que nos soleils occidentaux, à ce que disent les voyageurs. Le premier aspect de celte ville la montre occupée par un peuple riche et florissant ; partout à nos regards enchantés se présentent des (emples, des portiques, des édifices publics. Que l'effet de ces colonnes et de ces frontons est noble et majestueux ! { Quelle sage sobriété dans l’emploi des ressources ! Quelle verve d’élan aussitôt contenue par le goût ! Produire d’aussi beaux résullats avec si peu de moyens, avec quelques colonnes, quelques cariatides, deux ou trois formes de chapitaux, et toujours des lignes droites! N'est-ce pas le sujet d’une admiration sans bornes ? Ne sommes-nous pas encore fondés à dire qu’un peuple qui se joue ainsi du marbre ou de la pierre pour les combiner en chefs-d’œuvre, est le plus avancé qui se soit rencontré dans les arls ? Les magnifiques reliefs qui couvrent tous ces édifices, les peintures qui les décorent ne peuvent que nous confirmèr dans celle idée. — Peut-être, si l'on en juge par plusieurs de ces effigies , sa religion , noble dans son ensemble com- me les temples qui lui sont consacrés, simple comme le plan de leur construction , ne doil-elle pas être à l'abri du reproche de corruption et de sensualisme ? — Ne remarquons-nous pas aussi dans cette religion et cette architecture de profondes différences avec celles de l’Asie et de l'Egypte ? Nous ne trouvons ici ni l'aspect audacieux el gigantesque des monuments de Persépolis, des Pagodes de l'Inde et. des tours de Bélus à Babylone. Nous ne rencontrons ni les avenues sâns nombre de Thèbes et de Memphis, ni les sombres dédales des lemples de ces cités fameu- SEIZIÈME., SESSION. 335 ses, ni les sujets cabalistiques qui en revêtent loutes les parois, ni ces sphÿnx immobiles au mutisme si éloquent, ni ces grands pylônes, ni ces gracieux obélisques élancés vers le ciel. Tout dans l'architecture de ces peuples antiques avait pour but de frapper la raison par l'ima- eination , et de lui imprimer par la voie des sens une sorte de terreur superstitieuse ; tout, dans leurs mythes religieux, était énigme el mys- tère pour le vulgaire. Ici, au contraire, la raison marche en avant de art et va droit à l’imagination au nom du goût, de la logique, du sentiment, de la mesure de l’ordre et des proporlions, on pourrait pres- que dire des lois mathémaliques. Tout dans les croyances sert une jeune nation qui, chez les vieilles voisines, a pillé à gauche et à droïte, a surpris quelques principes clairs de métaphysique et de morale, les a revêtus du voile gracieux et transparent d’une allésorie de bon goût, et s’en est fait une religion à la portée de toutes les intelligences. Tout ici s’explique à l'instant. Celle auguste déesse à la physionomie calme et sereine, qui porte la lance et le bouclier, ce doit être la Sagesse qui s'appuie sur la Fermeté. On la nomme Minerve, nous apprend une inscription placée sur le piédestal. — Cetle autre femme, aux formes admirables, qui vous sourit et feint, dépouillée qu’elle est de tout vête- ment, de vouloir faire de ses mains un dernier abri à sa pudeur, n’est- ce pas la déesse de la beauté, la mère du dieu Amour ? Cet austère et majestueux personnage qui tient le sceptre, la foudre, et près de qui est un aigle, c’est, on n’en peut douter, le dieu tout-puissant, le père des dieux el des hommes. Ici donc point de mystères, donc point de gouvernement lhéocratique. Ces Statues que nous venons d'examiner, Por, l’argent, l’ivoire, les émaux, et jusqu'aux pierres précieuses, en forment les éléments maté- riels, et cependant ces statues sont colossales. Le commerce ne serait-il pas la source naturelle des immenses richesses dont ce peuple semble disposer? En effet, voici un port rempli de bâtiments de toutes les na- tions , des comptoirs, des entrepôts. Des forts protègent l’enceinte de ce port et de magnifiques murailles le relient à la cité. Riche et com- merçant, il se pourrait que ce peuple, appuyant ses institutions sur la richesse , base essentiellement mobile, tendit de préférence à l’état dé- mocratique. Mais voici un monument qui ne saurait nous laisser aucun doute à ce sujet : c’est une tribune qui s’élève sur une immense place publique et d’où l’on doit nécessairement haranguer le peuple. Un jour il doit écouter ses amis, et le lendemain ses adulateurs. De la liberté, de la licence parfois , il doit passer sans peine au despolisme. Heureux peuple pourtant, que doit sauver le goût des arts et du bien-être, et qui n’acceple jamais que des maîlres magnifiques ! Heureux peuple qui, dans ses jours de liberté, a pour chefs Solon, Cimon, Méltiade, Aristide, Thé- mistocle, qui pour tyrans se donne Püsistrate, Périclès, Aleæandre-le- Grand! — C’est peut-être Fhistoire en main que nous avons découvert 336 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. ces derniers noms; mais, en poursuivant ainsi plus long-temps notre métaphore, nous pourrions prendre l’a posteriori pour l’a priori, et d’ailleurs voici notre guide , Phœæbé la blonde , dont le flambeau s’efface et pâlit. Elle nous salue encore, nous quille comme à regrèt, descend, . voudrait en vain s’arrêter, et disparaïit derrière l’Acropole, tandis que s'élève glorieux du sein des mers le brillant Apollon. Les portes des maisons ne peuvent tarder à s'ouvrir, les prêtres vont se rendre aux temples, les sophistes à l'académie, les orateurs à la tribune publique. Etrangers que nous sommes, vêtus de nos affreux fracs noirs , ne nous exposons pas à être pour le moins la risée des gamins athéniens , et quittons à Lemps, non sans lui jeler un dernier regard, la plus belle chose que les hommes aient jamais faite, Athènes! ROMAINS « Je désire ne pas prolonger notre séjour chez les anciens et arriver à la France; le puis-je cependant sans dire un mot des Romains? Ce serait agir un peu sans façon avec ce grand peuple. Il avait, on le sait, la va- nité de se donner une origine grecque. Ne discutons pas ici cette prélen- tion ; contentons-nous d'observer que s’il dut aux Toscans Ja science des augures et des aruspices, l'ensemble de ses dogmes fut, depuis Tarquin- Ancien surtout , essentiellement emprunté à la patrie d'Ho- mère et d’Hésiode. Il adora Jupiter, Vénus, Mars, Junon et tous les dieux de l’Olympe. Pouvait-il, pour leur élever des temples , trouver de plus beaux modèles que ceux de la Grèce elle-même ? Toutefois, et c’est un fait frappant qui vient à l’appui de ma (héorie, concurremment avec les ordres grecs, les Romains en employèrent deux nouveaux, le foscan et le composite. Simple-et sévère, le premier convenait parfaitement à cette nation, surtout dans les premiers temps de la République ; il aurait pu également naître à Sparte. Le second, riche variété de l’ordre, corin- thien, dont il a toutes les allures, naquit du goût déjà perverti des pre- miers bas-temps de l'Empire, époque où, pour plaire à César, blasé, les pauvres architectes ne savaient qu ‘imaginer pour embellir Rome. Ces deux ordres correspondent aux deux extrémités opposées. de l’his- toire du peuple romain ; elle s’encadre entre eux pour ainsi dire. Ce qui plus que les temples caractérise le génie suivi et sérieux des Romains, c’est la création des monuments avant tou utiles, tels que les aquedues, les ponts, les routes. Peuple essentiellement conquérant et dominateur; il dut tracer sur le globe un réseau de grands chemins aboutissant tous au Capitole, et par où ses lésions, comme des avalanches, ou plutôt comme des fleuves dé- vastaleurs et fécondants, pouvaient se répandre partout où il était né- SEIZIÈME SESSION. 337 cessaire. Profond politique, ce peuple avait compris que, par ces che- mins, la civilisation descendrait vite à la suite de ses soldals jusqu'aux extrémités de l’Empire, et que, pour dompter les barbares , elle serait, en assouplissant leurs mœurs, le meilleur auxiliaire de sa forte épée. De cette pensée encore vient le caractère de grandeur et de beauté donné par les Romains aux cirques et aux ampbhithéâtres. Altirant ainsi dans leur capitale , par l’amorce des plaisirs, les jeunes gens des pre- mières familles des nations domptées, ils les renvoyaient ensuite comme ” des instruments de corruplion au milieu de leurs rudes compatriotes. Aussi n’hésitèrent -ils pas à favoriser chez les peuples vaincus eux- mêmes ce genre de monuments, et chez ceux-là surtout qu'ils avaient eu le plus de peine à soumettre, lels que les Gaulois, les Germains et les.Tbères. Rome fut grande par ses armes ; elle le fut plus encore par sa politique. ‘ FRANCE, Un jour vint cependant, Gibon et Montesquieu nous l'ont raconté, où cet immense serpent qui, dans ses vastes replis, embrassait l'Univers, fut tranché ici par l’épée des Huns, là par celle des Goths, plus loin par celle des Francs, des Bulgares et des Vandales. Mais telle était sa puis- * sance de vie, qu’il survécut long-temps encore dans chacun de ses tron- çons ; l’un d’eux, qui bientôt recut le nom de France, va désormais nous occuper. Architecture du Ve au VIE siècle. - La dissolution de la société et des mœurs gallo-romaines £’opère et se complète. Il y a dissolution parallèle de l'architecture introduite dans les Gaules par les Romains. Le style de cette époque, surnommé le Bas-Empire , est un mélange de barbarie el de restes d’élégance. Les règles, les principes se perdent, le type subsisie; et, quand il se ren- contre un architecte de génie, son œuvre peut encore FANS enter un caractère assez marqué d'originalilé. IX° au XIVe siècle. Mais de plus en plus l’idée chrétienne se fait place, les formes archi- tecturales du culte tombé en désuétude doivent, pour se plier au nou- ne: Tail: ; 43 338 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. veau, subir une profonde modification. Au milieu de ce chaos, qui suit l'invasion des Francs , les expéditions des Normands et les guerres ci- viles des divers chefs qui se disputent le pays, au sein de la tristesse qui, comme un voile lugubre, couvre alors l'humanité, la religion ca- tholique, religion d’espérance dans le malheur, du faible contre le fort, et pardessus tout religion de foi, ce qui, à des siècles d'ignorance, con- vient merveilleusement (et je ne dis pas ceci en mauvaise part, je pose un fait), la religion dut jouer de plus en plus un rôle immense. De là, perfectionnement inévitable de l'architecture, dontie style devient assez marqué pour s’appeler le roman, le byzantin, le saxon , selon les pays. Je n’en fais pas l’histoife ; je ne reclierche pas l’origine de chacune de ses moulures, ce n’est pas ce dont il est question. Dans un autre ordre d'idées , Le système féodal, et la nécessité de se défendre contre les in- vasions, aménent /a création de forteresses, de citadelles tout à fait én- connues aux anciens, qui s’étaient contentés de fortifier des villes ou des camps. — C’est là un des beaux côtés architecturaux de celte période ; c’est une de ses créations, et certes , la nécessité, les idées dominantes l'ont seules produite. . * Ce double système religieux et guerrier, dont les croisades sont la plus sublime expression historique, arrive au xin° siècle à son apogée. N'est-ce pas aussi l’époque de nos plus beaux édifices religieux et guer- tiers? La foi a pris un vol de plus en plus élevé, et avec elle se sont haussées les voütes des cathédrales. Tout dans l'univers, dans le monde moral comme dans le monde physique, a pris un sens chrétien, et le temple du Seigneur va devenir comme le résumé de loutes ces croyan- -ces. Chaque pierre aura sa significalion, hélas! qui nous échappe au- jourd’hui. Celte époque s'offre donc à nous sous deux aspects bien distincts : Partout il y a vie, mouvement, aclion, progression; partout foi et en- thousiasme. Mais ici, celte vie, ce mouvement, celle foi, se combinent trop-souvent avec la violence, la dureté et lè sentiment exagéré de la personnalilé humaine. Là, au contraire, ils s’allient avéc l’amour de la paix, une merveilleuse douceur, une ardente charité, et s'appuient avant tout sur Dieu et les droits, nen de l'individu, mais de la société. Ici c’est la chevalerie, là l'Eglise. La citadelle féodale et la cathédrale ré- sument ces deux faces de l'époque. Soyons justes en ajoutant que, si ce chevalier est rude, c'est qu’il se baltait hier, qu'il se bat aujourd'hui, qu'il se baltra demain. Ne doit-il pas barrer le passage à l'ennemi, qui rôde sans cesse à nos portes? Les combals sont sa vie, ses jeux eux- mêmes en offrent encore l'image. Où prendrait-il du temps pour lire, écrire, se former aux doux propos et aux belles connaissances ? Quand l'Anglais vient au Nord, il y. vole; si le Germain rugit a l'Est ,.il se préci- , pite vers lui, et n’a souvent que le temps, après la victoire, de remonler ‘à cheval pour descendre au Midi et courir sus au Sarrazin, qui voudrait * SEIZIÈME SESSION. 339 arracher du sol l'élendard de la Croix.:A des hommes qui sauvent leur pays on peut bien pardonner de signer leur nom de (ravers, d’avoir le sang un peu vif et la main toujours gantée d'acier. XIVe siècle. Avec le xv° siècle commence la ruine de la féodalité, ruine lente à -s’accomplir, et qui souvent se dissimule sous sa grandeur. Peu de chan- gements nous apparaissent dans la vie sociale, peu aussi dans l’architec- ture. La lutte n’est pas finie, le chevalier se bat encore; la foi non plus n’est pas vivement ébranlée, l'Eglise console toujours. Toutefois, l’épée du chevalier devient d’une trempe moins rude, son oreille s’ouvre mieux à la langue des trouvères, il se plait davantage aux douceurs de la vie intérieure. L'Eglise à son tour perd de cetle simplicité sublime mais un peu austère qu’elle n’atteindra plus désormais. La chevalerie a moins de foi, d'enthousiasme, de désintéressement, l'Eglise moins d’ascétisme et de mysticisme. Sans rien perdre donc ou bien peu de la beauté de leurs proporlions , les édifices religieux et militaires revêtent plus de richesse et d'élégance dans les profils et les détails, leur mobilier de- vient plus gracieux et quelque peu confortable, les vitraux absorbent moins la lumière du soleil, On priail sans lire , on commence à lire sans prier. Tel est, autant que nous pouvons le peindre en peu de mots, ce siècle, dont la fin cependant accuse une décadence bien marquée. XVe siècle. . Elle se complète bientôt. Au xv: siècle, comme l’a dit un spirituel écrivain, M. Michelet, le moyen-âge achève de ruiner ses ruines. Il en est ainsi dans la sociélé, il en est ainsi dans l’architectue. Non seule- ment les:proportions des édifices religieux diminuent avec la foi, mais la science des proportions disparaît elle-même; on déguise sous le luxe des fleurs el de l’ornementalion ce qui manque sous le rapport de la grandeur, de la science , de la noblesse, de la beauté chaste, de la cor- rection. e La mollesse des mœurs, leur paganisme commencent à se faire sen- tir. — Une nouvelle ère arrive; mais, avant de la saluer, il nous faut, dans ces quatre siècles qui viennent de s’écouler, faire la part d’un élé- ment que nous avons négligé, l'élément municipal. ILest inutile de rappeler longuement que l’affranchissement des com- munes date , en général, du xu° siècle. — Faligués de n’avoir ni paix ni trève, de ne pouvoir. continuer deux jours de suite:sans alerte leurs pai- sibles travaux sans être requis, de par leur seigneur, de le suivre pour 340 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. aller combattre le châtelain voisin; mécontents de ses jugements ,.dans lesquels l’impartialité ne régnait pas toujours, lesmarchandset.artisans des villes, les bourgeoïs, en un mot, se soulevèrent et oblinrent pres- que partout pour leurs cités des chartes d’affranchissement. Beaucoup de seigneurs s’y refusèrent d’abord ; mais bientôt, pour sauver du moins quelques droits, ils préférèrent s’arranger et accorder parlie de ce qu’on leur demandait. Les rois de France, loin de s’y opposer , et char- més.de diminuer ainsi l'autorité de seigneurs , presque tous sans cesse portésià s’unir contre le pouvoir central, encouragèrent ce mouvement, du moins dans les villes seigneuriales , — mais dès qu’il fut fait. ils le confisquèrent à leur profit.sLa plupart des villes s’étaient ruinées ,.soit pour soutenir ces rois de France dans leurs guerres , en reconnaissance de l’appui obtenu, soit dans d’interminables procès.avec leurs anciens seigneurs laïques ou ecclésiastiques. Toujours à l'affût des mauvaises positions, les rois de France intervenaient alors , faisaient sonner haut leurs bons écus au soleil; — et, moyennant le paiement des,deltes de la ville qu’ils prenaient à leur charge , ils achetaient seslibertés commu- nales. Désormais , plus de magistrats choisis par elles plus de sceau, plus de bannière, plus le droit de s'imposer ou non, de marcher à la guerre ou de se reposer. On devenait la ville du roi, la chose du roi. — Peu à peu, presque toutes les villes perdirent leur indépendance. La chüte de leurs libertés étaità peu près complète à la fin du xv° siècle.— De celte création des communes sorlirent trois sortes de monuments. 1° Les murs d'enceinte des cités. — Plusieurs villes étaient déjà forti- fiées ; mais la plupart l’avaient été à la hâte, grossièrement , sous l’em- pire d’une nécessité impérieuse et de la crainte de quelque attaque su- bile. Alors, au contraire, on apporla le soin le plus extrême dans l’ap- pareil et les matériaux de construction des murailles et des tours qui les reliaient entre elles ; on voulut que l’aspect imposant et formidable de ces fortifications inspirât le respect de la cité émancipée, et donnât la plus haute idée de sa richesse et de sa puissance. ‘2° Les beffrois, haules tours où l’on suspendait les cloches destinées soit à convoquer les citoyens aux assemblées, soit à les avertir d’un dan- ger pressant.—Très-élevées , pour que le son des cloches püt s’entendre de toute la ville, et‘que le gardien püt apercevoir la moindre lueur d’in- cendie ou l'ennemi s’avançant au loin , perpéluellement ébranlées d’ail- leurs par les grandes voix du bronze retentissant, ces tours, dernier refuge des vaillants quand la cité succombait, étaient primitivement iso- lées de toutes parts; aussi la plupart se distinguent-ellés surtout par la solidité de leur construclion, solidité qui, chez plusieurs, n’exclutce- pendant ni l'élégance des formes , ni la splendeur de l’ornementation. Avant de dire un mot des hôtels-de-ville, notons les clocheselles- mêmes, comme ayant constitué de véritables monuments. Chaque cité rivalisait pour avoir les plus belles ; tous y coniribuaient à l’envi l’un SEIZ:ÈME SESSION. 34 de l’autre. Le fondeur était considéré comme un véritable artiste, et la cloche comme la fille adoptive de chaque citoyen. On la baptisait en grande cérémonie, puis on la mariait, pour ainsi dire, avec la ville dont elle allait être l'ange protecteur. Rien enfin n’était épargné pour lui don- ner grandeur de dimension, correction de forme, richesse de moulures et d’ornentents, perfection de ciselure, et surtout une voix à la fois har- monieuse et formidable. 3° Les hôtels-de-ville. — Dans les provinces du nord, la plupart de ces édifices datent du xv° siècle, époque où, sous la puissance des ducs de Bourgogne , ces contrées s’étaient extrèmement enrichies par la guerre etsurtout par le commerce; dans le reste‘de la France, les hôtels-de- ville apparaissent plus nombreux depuis la fin du xvi° siècle , alors que, ruinées par deux siècles de guerres désastreuses avec l’élranger et de discordes civiles, les cités reprirent, sous la forte égide de l’autorité royale, le cours interrompu de leur prospérité. Ce fut assez tard qu’on réunit les beffrois aux hôtels-de-ville ; aussi, à priori, peut - on‘affirmer que presque partont où se rencontre une grande tourisolée connue sous le nom de beffroi , les libertés commu- nales ont été florissantes très-anciennement: tels Amiens, Valenciennes, Tournay, Cambrai. Paris, qui ne fut jamais érigée en commune, n’eul ja- mais de beffroi ; il bâtit au contraire, à la fin du xvi° siècle, un bel hô- tel-de=ville. — Ces édifices, emblèêmes et lieux choisis des libertés com- munales, qu’elles fussent considérables-ou restreintes , furent pour les cités une dépense de prédilection ; aussi nous offrent-ils généralement des types très-remarquables. LL) XVIe siècle. _mJ'arrive au xvr° siècle. On a reproché à la Renaissance d’avoir usurpé la place du style gothique ; c’est à tort. La Renaissance trouva la place nette, ou plutôt encombrée de ruines ; — ruines politiques , ruines re- ligieuses, ruines littéraires , ruines artistiques, — et elle eut tout à re- -construire ; elle prit quelques-uns de ces vieux matériaux, les retailla, recisela, repolit, puis elle en ajouta beaucoup de neufs. Quand je dis neufs , il faut s'entendre : je veux dire négligés depuis long-temps. Elle renoua donc la tradition païenne, interrompue depuis longs siècles, de- puis Cloviset ses Francs, et cela fut inévitable. —L’ascétisme religieux avait fait son temps ; le règne de la foi pure et sans limites était passé. Luther avait paru; de ses fortes mains il avait ébranlé les colonnes du Vatican. Bref, le protestantisme s'était établi. En Allemagne, il produi- sit des hommes sombres et fanatiques: on le prit au sérieux ; en An- gleterre également. Mais s’il est au monde un peuple logique, c’est le peuple français; aussi chez nous le protestantisme ne produisit jamais le 342 . CONGRÈS SCIENT!FIQUE DE FRANCE. L puritanisme , mais bien plutôt un certain et fatal commencement de la philosophie athée, païenne et sensualiste. — Aussi, voyez comme les grandes dames se hâtent de l’accueillir ! La duchesse d'Elampes se fait huguenote; Diane de Poitiers Vest à demi : pour mieux dire, ces illustres “courtisanes ne croient plus à rien, ni à Dieu ni au diable. Les grands “seigneurs n’y croient pas davantage ; pour des libertins c’est plus com- mode. — Tel est cependant le cœur humain, qu’il lui faut une foi quel- conqué. On ne croit plus à Dieu, on ne l’adure plus;. on croit à la femme, on croità l’art. Mais la femme ne s'appelle plus Clotilde, Blanche de Cas- tille-oueanne d'Arc; l’art qu’on apprécie n’a plus mission d’élever et de moraliser la pensée : on adôre la femme qui séduit les sens, on aime l'art qui reproduit la déité charnelle de l’époque avec toute la perfection plastique de ses formes, avec toute la morbidesse de ses chairs. Mème foi, même adoration régnaient chez cette antiquité cujus préncipium et finis fœminæ , ainsi que l’a dit un saint Père : on lui emprunte donc, et légitimement , partie de ses traditions et de ses procédés artistiques. De ce mélange avec les débris du gothique naït un troisième art, un troisième style admirable, et que l’on nomme la Renaissance. 1] nait donc encore des idées du temps. Ce n’est plus le style élevé, sévère et grave du catholicisme ; c’est un style élégantet charmant, plein de mol- lesse, et néanmoins pur et correct; car au xv° siècle on chantait lan- -guissamment les grandeurs effacées du moyen-âge ; awxvi', on avail foi et enthousiasme dans quelque chose de nouveau; un avenir brillant s'ouvrait aux veux. Ce n’est plus Dieu qui règne, j'ai dit; c’est la. femme. Aussi voyez les églises, sauf Saint-Eustache, effort assez heureux, mais sans portée, sauf quelques autres et bien rares exceptions, ce siècle (je ne parle point de l'Italie : là la rârche des idées n’est point tout-à-fait parallèle à la nôtre, je ne traite que de la France), cesiècle, dis-je, ne produit rien, — Voyez, au contraire, comme sous l’empire de la ga- lanterie s'élèvent des palais par une sorte d’enchantement! C’est Fon- tainebleau, où la duchesse d’Etampes dirige les travaux ( qu’on lise les mémoires de Cellini ); c’est Chambord , où François I‘ trace ses galan- tes devises ; c’est Anet, que Henri II fait élever pour sa Diane de Poitiers; c’est la cour du Louvre, où le chiffre et:le croissant de la eayan: concu- bine se voient encore à chaque fenétre. La littérature est à l'avenant. Marot, Du Bellay, Desportes, Est, Bertaud , Louise Labbé, Ronsard , Lous poètes charmants, consacrent la meilleure partie de leurs œuvres à chanter la femme sur tous les tons, -et lon s'étonne vraiment du degré de corruplion où pouvait être tom- bée une époque, pour que des premières dames de la cour de France -se laissassent adresser bien des adorations si libres et si peu gazées que nous rougirions de les citer. aies, : #3 SEIZIÈME SESSION. 343 XVIE siècle. Ce mouvement si brillant, et qui nous a laissé tant de chefs-d’œuvre d'art et de style, s’opérait trop en dehors de l'idée chrétienne pour durer bien long-temps. La réaction se fit; réaction, du reste, et c’est un fait trop peu remarqué dans l’histoire de l’arten France, éminemment catho- lique , fort exaltée , ayant tous les caraclères de la sombre réaction du puritanisme d’Angleterre , et, s’il faut le dire , trop souvent fanatique et'intolérante. Mais, sans excuser lès crimes qu’elle: dut produire , ne pouvons-nous aussi trouver à celle gxaltation un honorable mobile dans le sentiment profond de dangers encourus par l'unité de la monarchie française , encore si peu consolidée. ‘ Je n’ai fait voir, en effet, qu’un côté du mouvement calviniste. Pour bien s'expliquer cependant le caractère du style architectural auquel nous arrivons , il faut envisagerle protestantisme à un autre point de vue. — Toul grand système, s’il a régné de longs siècles, ne tombe point sans laisser après lui bien des cœurs regrettants ; les uns par foi, ce sont les hommes de principes ; les autres par amour, ce sont les hommes de sentiment ; les autres enfin par intérêt; — et ces regrels se manifestent surtout loin du centre, où, sous la pression plus forte et plus sentie du nouveau système dominant, disparait bientôt jusqu’au souvenir de l'opposition. La féodalité n’avait donc pu disparaître sans se survivre à elle-même dans plus d’un cœur froissé. Bien d'’illustres gentilshommes, jadis les petils rois du pays , avaient vu passer les meil- leures de leurs prérogatives dans les mains de l'autorité royale ; bien des hobereaux, qui, à l’osf de leur duc ou de leur comte, auraient euleur petite importance, n'étaient plus que fort minces gentilshomnes de campagne , ruinés, gueux et perdus dans l'immense armée des rois de France. — Aussi, lorsque vint le protestantisme, cet excellent prétexte de Soulèvement et de guerre civile, avec quelle joie ne fut-il pas ac- accueilli! Je ne nie pas que la nouvelle foi n'ait convaincu quelques âmes, mais ce fut l’exceplion, à son origine surtout. — Si le calvinisme eût vaincu, nul doute que l’œuvre depuis si long-temp commencée des vois de France n'’eûl élé dissoule et à recommencer. — Voyez!ce qu'est devenue, sous son empire, la pauvre Allemagne ! — Comme au con- traire ileut le dessous, avec lui durent disparaitre tous ces-débris de la féodalilé dont il s’élait servi comme d’appui-pour se se et-attemdre à la hauteur d’une puissance formidable. Sur l'échafaud de Richelieu disparait le dernier homme du fort, be la citadelle féodale ; tout est maintenant au roi de France; la guerre avec lui n’est plus possible, et sauf l’'échauffourée de la Fronde , on n'enten- dra plus jusqu’à la Révolution parler de guerre civile, miracle qui ne 344 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. s'était pas souvent vu en France. Désormais, sauf sur nos frontières, les murs de douze pieds d'épaisseur, les citadelles , les tours crenelées deviennent inutiles. Les chevaliers ne sont plus que des propriétaires terriers : s’ils ont perdu le côté honorifique de leur dignité, ce qui créait si souventen eux de fortes individualités , ils ont gardé la partie malé- rielle, solide, palpable de l'héritage paternel.-Le château donc, tel-qu'il a été compris jusqu’à la Révolution, tel qu’il existe même encore en diminulif dans notre manière de vivre plus bourgeoise , va jouer dans l'architecture un rôle très-important. | * De celte réaction catholique très-sérieuse et très-convaincue naquit naturellement , au sortir d’une époque de galanterie, une architecture sévère et presque-monacale , empreinte, d'autant plus que la monar- chie donnait désormais le ton, d’un caractère noble et distingué, Il y a davs ce style je ne sais quoi de grave et de mélancolique qui plait aux esprits réfléchis, quelque chose qu’on ne sent guère à dix-huit ans, mais qu'on aime à quarante. Le jansénisme vient de commencer : jeune, plein d'ardeur , presque vrai alors, il imprime dans.les idées et dans les mo- numents quelque chose de sa touche austère. Déjà , depuis on siècle, on raisonne la religion ; on croit, mais sur preuves. Il a bien fallu ré- pondre à Luther et Calvin; aussi n’y a-t-il plus cet élan primesaulier de la foi qui a élevé les cathédrales. La croyance est plus éclairée peut-être, mais plus contenue dans de certaines bornes. L’enthousiasme n’existe plus. Si donc les églises se dépouillent alors des-ornements parasites, admirables, mais-païens, du xvi° siècle, elles n'’offrent pas non plus l'aspect majestueux et sublime de nos vieilles basiliques ; et, sans man- quer d’un certain caractère d’élévation et de noble simplicité, elles res- tent en deçà du sentiment chrétien qu'elles devraient exprimer. Plus fait, au contraire, pour des philosophes ou des hommes d’étude, ce style convient admirablement aux abbayes et aux bibliothèques. Beau- coup restent de celle époque et sont de fort beaux édifices. — Comme bibliothèque , je me plais, souvenir d’écolier en droit, à rappeler cette bibliothèque si pleine d’un charme mystérieux et indéfinissable dont M. Michelet fit un jour la si belle oraison funébré, la bibliothèque Sainte- Géneviève, que l’on a prétendu n'être plus solide, pour avoir le plaisir d’en bâtir une autre. — Comme palais et comme châteaux, ce style a produit de nobles et beaux édifices. Le pre et Saint-Germain en sont deux types. Quant aux châteaux parliculiers, il faudrait en citer cent. Peu de tours, sinon parfois encore comme ornement, mais d’épais pavillons carrés, de bautes cheminées, de grands toits d’ardoises, un aspect assez imposant, des formes qui ne manquent pas d’un certain pittoresque d'ensemble, bien que dénuées d’ornements ; — de la lourdeur, peu de grâce, peu de laisser-aller; — des distributions qui tendent à devenir plus commodes, à créer de plus en plus la vie de familie dans les châteaux ; des galeries » SEIZIÈME SESSION. 345 de portraits et de tableaux, des bibliothèques, parfois des salles de spectacle, tels sont les traits les plus caractéristiques des demeures de cette époque. En mieux définir le style: serait long et difficile, et inu- tile d’ailleurs. Il en sera de même pour le style Louis XIV, qui s’y rat- _ tache visiblement ; pour le style Louis XV, qui ne s’en éloigne pas beau- coup. - “Nous ne saurions mieux définir cette architecture, où les éléments grecs, dénaturés pour se plier aux mille exigences d'idées nouvelles, jouent un grand rôle, qu’en l'appelant le séyle moderne , ou bourbonien. Il dure environ deux cents ans ; commence avec Henri IV, etse termine avec Louis XVI. L'aspect général des édifices compris dans ce laps de temps est presque toujours le même. Il y a des nuances cepend:nt, fon- dées aussi sur les diverses nuances de l’état social ; je dois, pour com- pléter mon système, les faire observer. Style Louis XEV. J'ai dit qu'avec Richelieu la féodalité s’étail éteinte ;-Paris « cefle ville , sans pair, cet abrégé de France, » comme disait le poèle Bertaut, de vient le centre unique du royaume ; la cour, le centre de Paris, le roi, le centre de la cour : il n’y a plus en province de ces puissants ducs, les ducs de Bourgogne , de Brelagne , etc., qui atliraient à leur cour, souvent plus brillante que celle du roi de France, toute la noblesse du pays ; il n’y a plus qu’une cour, et toute la noblesse de France y afflue. — Il faut donc que le palais du roi se fasse à l’avenant ; — le Fonlaine- bleau de Francois I°°, ie Louvre de Henri Il, les Tuileries de Catherine de Médicis, le Saint-Germain de Louis XI, le Luxembourg de Marie de Médicis ne suffisent plus. — On double, on triple les Tuileries; et, comme d'une part le terrain ne saurait se prêler à de plus larges déve- loppements ; que, de l’autre, instruit par les dangers de son enfance, le monarque veut désormais soustraire le despotisme royal au despo- tisme de l’émeule, on construit Versailles ! Versailles , le palais el qu’il n’en a jamais existé, ni à Babylone, ni à Persépolis, ni à Thèbes aux cent portes! — Mais ful-il jamais un roi qui porla la couronne comme Louis XIV, et comme lui put dire aussi justement : « L'État, c’est moi! » — C'est le siècle royal, le siècle monarchique par excellence ; presque tous les édifices de celte époque sont nobles, splendides, imposants, riches et majestueux. Se modelani toutefois sur la monarchie, qui désor- mais marche à pas comptés, et n’a ni l'allure hardie de la che“alerie, ni la démarche élégante et efféminée des Valois, l’architeclure a quelque chose d’un peu empesé. Le roi est tout alors; Dieu ne marche qu’en se- conde liene, ‘ou plutôt c'est Louis XIV qui est Dieu ; aussi les édifices religieux sont-ils généralement peu dignes de remarque. La chapelle de Te - : 44 346 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Versailles est peut-être en ce genre le seul monument hors ligne ; c’est que là encore le vrai Dieu, le Dieu dela cour, est, s’il est permis de s’exprimer ainsi , non à l'autel, mais à la tribune du roi. — Par contre, voyez les palais! Et sur ce fastueux édifice élevé pour de pauvres infir- mes, pour les Invalides, est-il difficile , au fronton , tout haut qu’il soit, de lire : « A Louis-le-Grand, au Dieu des armées ! » : Un nouveau genre de monument appartient à cette époque : sous l'im- pulsion de Colbert, ils s'édifient, les uns en faveur du commerce et de l'industrie , les autres à l’honneur des sciences, L'Observatoire s'élève : mais il est à peine achevé que de sa plateforme les astronomes peuvent apercevoir l’astre de Louis X1V décliner et descendre à l'horizon. Siyle Louis XV. La grande monarchie s’est usée à l'œuvre. Louis XIV a trop vécu ; il a lui-même mené le deuil de son règne. Je voudrais tracer le tableau de cette décadence. A quoi bon? Vous le connaissez Lous, et ce serait triste à revoir, car jamais la France ne s’est relevée à ce degré de splendeur. — Cette décadence eut cependant sa beauté. — C'était le soleil couchant, mais c'était toujours le soleil. Il n’y avait plus. de chaleur; la nuit s’ap- - prochait, mais de vifs rayons de lumière donnaient encore au ciel un éclat magnifique. Cette heure avait, comme dans la nature, quelque chose de solennel en France et dans l’Europe entière. — La journée élait finie ; une autre allait recommencer : que donnerait-elle à l'homme de joie ou de douleur? — Serait-ce un jour dé beau temps? Serait-ce un temps d'orage ? Nul ne le savait. — La nuit se fit donc pleine et entière, et vint le réveil. — Relracer comment l’auslérilé outrée des dernières années de Louis XIV, comment le règne de M"° de Mainlenon et des Jé- suites dut, par contre, amener une réaclion irreligieuse et immorale, serait, vraiment abuser du lieu commun. Je cherche des nuances dans les choses el non des couleurs, — C’est ce passage d’une couleur à une autre qu’il est souvent difficile de saisir , el qu’il m'est utile, au sisque de nous tromper parfois, de rechercher avec vous. Il y avait cependant dans la grande œuvre de Louis XL Lrop de force et de vitalité pour qu’elle vint à périr tout d’un coup, et, sauf une cor- ruplion de mœurs qui dépassa tout ce qu’? on avait.oui jusqu ‘alors, l'en- semble des institutions el des habitudes demeura long-temps debout. — L’architeclure ne subit donc point de changement remarquable, Puis, l’on avait tant bäli, sous Louis XIV, de palais, de châleaux, d'hôtels, d’abbayes, qu’il ne reslait guère qu'à approprier (ous ces vastes, beaux . et commodes édifices aux modifications des mœurs ; — çar il ne se peut que cet état d’engourdissement moral, ce sommeil de toutes les hautes facultés, cette ivresse et.celte.exaltalion de tout.ce qui tient aux, sens À SEIZIÈME SESSION, 347 n’ait laissé quelques trâces. Quiconque a visité un château encore bien conservé de cette époque voluptueuse peut dire combien la poétique des sens, les exigences de la chair excitée et corrompue avaient été com- prises. — Nulle demeure n'eût alors été complète sans sa salle de bains, son théâtre, sa salle de concert, son petit cabinet de musique, sa pelite. bibliothèque , où se prélassaient , sous le maroquin, Candide , Angola et les Bijoux indiscrets ; sans son boudoir surtout! Le boudoir, ce fut là que S’épuisa Lout le goût, tout le luxe, toute la science des architectes ; le boudoir ! ce siècle n'a produit que cela! Et c’est tout simple, il y passa sa vie. Aussi, comme il le comprit bien ! comme ces boiseries, ces ten- tures de soie, ces bergeries de Watteau , ces nymphes de Boucher, ces glaces qui répètent les objets, ces meubles dorés, soyeux, vastes et commodes, s’harmonisent dans un heureux ensemble! — Les jardins aussi, les kiosques, les charmilles, les cabinets de verdure, les îles en- chantées, les retraites propices aux larcins amoureux, forment un des côtés, je pourrais presque dire archilecturaux de celte époque, qui fut le mieux compris , et ne doit pas être passé sous silence. En parcourant aujourd’hui ces bosquets abandonnés, je ne sais quel charme voluptueux vient d’abord vous saisir; mais bientôt cette im- pression s’efface, un sentiment plus mélancolique s'empare de vous, et si le soleil vient à descendre sur l'horizon et à réveiller dans notre âme une de ces similitudes que la nature physique nous offre à chaque instant, souvent à notre insu, on songe aux derniers jours de ce siècle, à la fin de tous ces galants marquis, à celle de toutes ces belles volup- tueuses qui, pour dernier baiser, recurent celui de la guillotine. — On se dit avec Delavigne : « Tout est mort, c’est la mort qu'ici vous enten- dez, » — ou plutôt, pour me servir d'un vers heureux d’un autre grand poète, Barthélemy : « On dirait que la vie à la mort s’y mélange! » — On entend encore le frôlement des robes, mais elles ne couvrent que des squelettes, et des squeleltes qui liennent à la main leur tête au re- gard ricaneur. — Et l’on se hâte de quitter ces lieux, pleins de tristesse et presque d’une terreur secrète, J'arrive à la Révolution; mais avanton peut m'’arrêter et me dire: « Le Panthéon ne fait-il pas un immense éofa dans votre théorie, et com- - ment conciliez-vous la magnificence de cette église avec l’irréligion des temps auxquels revient la gloire de sa construction ? Oui certes ! le premier aspect de cet édifice est imposant ; il frappe _d’étonnement et d’une cerlaine admiration. Dans un siècle aussi plat, on s’étonne que les hommes aient pu faire quelque chose d’aussi élevé. Cependant, ce premier moment passé, ne vient-on pas à penser, et cela sans nous arrêter à critiquer les nombreux défauts de cet édifice, qu’après tout ce n’est pas là Ja vraie grandeur ? Ce n’en est que l'ombre, l’image , le fac-simile , le plagial ; ce n’est pas grand, ou plutôt c'est du grand tel qu’on le comprend au théâtre ; c’est une décoration en pierre, 348 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. un rêve d'architecture réalisé. — Mais que le siècle, que l'architecte qui ont construit. cet édifice aient compris le Dieu des chrétiens, des catholiques surtout , nous le nions absolument. Non! divine Géneviève, humble vierge de Nanterre, ce temple n’est pas fait pour toi ! Ces voûtes froides et nues comme la philosophie qui les a élevées ne te convien- nent pas. Oh! combien je t'aime mieux dans La modeste chapelle de Saint-Etienne-du-Mont ; là, près de ta châsse dentelée, sous l’impres- sion dece demi-jour où luttent la lumière du soleil tamisée par les vi- traux et l'éclat des bougies que la dévotion des fidèles ne laisse jamais s’éteindre , je tombe agenouillé, et recueilli et priant. — Maïs sous les colonnades du Panthéon, j'entre le front haut, et comme un simplécu- rieux qui visiterait le Parthénon, Thèbes , ou Palmyre au désert. — Je sens là , dans cet édifice, le pompeux , mais aussi le vide ; c’est vide de Dieu ,'et ce le sera toujours. — Aussi voyez comme larévolution,se hâte de.l’adopler! Seulement elle se trompe, selon nous , en établissant la déesse Raison à Notre-Dame. Le Panthéon, c’était là son siége naturel ; c’est le vrai temple de l’idéologue , du prétendu adorateur de l’Être- Suprême , du théophilantrope au cœur sec, qui ne prie pas, mais qui sent le besoin d’un dieu politique , d’un dieu agent de police. On a parlé de rendre au culte le Panthéon. Je ne sais, mais il y a dans celte solilude, dans ce silence , dans cet abandon , un exemple si frap- pant de l’impuissance et de la folie des hommes , quand ils se drapent de leur propre orgueil et s’adorent eux-mêmes , au lieu d’adorer Dieu, que je le trouve ainsi vide , et sous son nom de Panthéon un: plus bel hommage à la divinité, que si, rebaptisé de nouveau et décoré de quel- que autel à la grecque , il conviait, mais en vain, les fidèles à venir adorer l'Eternel dans un lieu où ont reposé les cendres de Voltaire. Révolution. — 1789. Oui, un jour vint que les restes de cet homme qui avait dit : « Détrui-. » sons l’infâmel » reçurent dans ce lieu la consécration de l’apothéose ; et cela était juste ; c'était bien lui qui en avait proscrit la divinité. — Ce jour fameux entre les jours s’appelle la Révolution. Elle eut aussi son architecture, et même d’un goût singulier et original : les trônes, les sceptres, les croix, les palais, les églises , les parlements, les antiques institutions dela France, le bon, le mauvais , le.juste, l’injuste, Ja beauté, la vertu, le génie, comme la laideur, le vice et la stupidité, -elle s’attaqua à tout sans mesure ni sans frein, détruisit tout, et quand elle.eut fait table rase , de cet.amas de ruines amoncelées autour d’elle elle éleva un immense édifice, au sommet duquel, comme on. l'aurait couronné autrefois d’un globe ailé, d'une croix ; d'une flèche dentelée ou d’un dôme, elle posa son sinistre emblême, le triangle, SEIZIÈME SESSION. 349 Comme la première, fruit. de l’orgueil , la nouvelle Babel croula bien- tôt, ébranlée dans ses fondements par les mains de ses propres archi- tectes. Les malheureux ! la plupart périrent sous les décombres, dé- sespérés , les yeux remplis de haine et la bouche d’injures..…. Que faire alors? Où s’abriter ? Quel style choisir? Il fallait avant tout se hâter. — Avouons-le ici, la France vit tomber avec joie ces hideux tribuns de 1793, qu’on veut en vain réhabiliter. — Mais 1789 et l’éclat de ses nobles et pacifiques conquêtes ne flamboyèrent que mieux à ses yeux. Ce mot magique d'égalité, pour la première fois depuis longs siècles reprononcé et applaudi, gardait toujours son empire. On ne con- naissait l’histoire ancienne que par les citations apocryphes de Mirabeau; on se figurait que Saturne et l’âge d’or avaient toujours-régné dans les républiques de Rome et de la Grèce. Quoi d'étonnant alors que, tout étourdie de sa chule, n'ayant pas le temps d'inventer, cette société, pour rompre d’un coup avec les souvenirs de la vieille monarchie, soit, presque sans transition, revenue du style rococo aux plus purs sOUVEe- nirs de l'art des Ictinus et des Vitruve? Je dis sans transition ; j'exagère cependant , car déjà, vers la fin de la monarchie, s’était, concurrem- ment avec les derniers efforts du style encore à la mode, élevée l’école de Soufflot, de l’auteur du Panthéon. En disant tout à l'heure que cet édifice avait été un rêve d’architecte réalisé, j'aurais dû ajouter que ce fut un rêve prophétique. Il semble que ce grand homme avait, par une puissante intuition , pénétré l’avenir et découvert le style qui lui con- viendrait. On fit donc du grec ; on fit du romain, L'intérieur même des apparte- ments se laissa envahir par le nouveau système. Que dis-je? Les femmes voulurent se vêtir à l'antique , et consultèrent les érudils touchant les plis de la tunique de Sapho, et sur la coupe du peplus d’Aspasie : pour s’assimiler plus complètement à leurs galants modèles, ce ne furent point les érudits auxquels elles s’adressèrent. Des modes d’Athènes passant à celles de Rome, le chaste et simple costume des Lucrèce, des Porcie et de la mère des Gracques se trouva peu de leur goût ; elles se drapaient plus à l'aise dans celui des impéra- trices. On eût dit une mascarade ; et toutefois, ce faisant, une de ces femmes devançait seulement l'heure propice à cette impériale toilelte, car Napoléon survint, qui la prit à son bras, et la conduisit à Notre-Dame recevoir avec lui, de la main du Grand-Pontife romain , la couronne des ‘ Césars. … Ilen était digne ,et près de lui , illuminée de son auréole, Joséphine nese trouva point déplacée. — Les idées, du reste, étaient à peine modifiées, Napoléon, c'était la République faite homme et s'imposant à l'Europe, le Code d’une main, l’épée de l’autre. Pourquoi l’archilecture eût-elle dévié de sa route? Aussi s’en garda-t-elle. Loin de là : de plus en plus sous la discipline de Vart grec et romain, elle transporta, pour 350 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. ainsi dire , dans la capitale du nouvel Auguste, en’ les copiant presque servilement, les colonnes et les arcs de triomphe des empereurs, ses prédécesseurs , non cependant immédiats. Restauration. Napoléon tomba ; les Bourbons le remplacèrent. — Les idées, cette fois , étaient-elles donc changées? Non. Le hasard des combats en avait seul décidé. Comme le disait le comte d’Artois , il n’y eut qu’un Français de plus. Je ne dirai point que tout, dans la réforme de 1789, fut du goût du roi. Qu'importe , el qui sait au juste dans son for intime jusqu’à quel point il s’y rallacha ? — Mais il senlit fortement qu’il y avait nécessité de les subir, et qu’à ce prix était désormais attachée la couronne de France. Les colonnades grecques et romaines durent donc continuer à s’aligner de plus belle, et tout Paris alla s’extasier devant la Bourse. Il est dix heures. La séance est levée. Séance générale du 7 septembre. = Présidence de M. RICHELET. M. Le Gall, Seritair. Présents au bureau, MM. P.-M. Roux, de Caumont, de Ja Porte, Vice-Présidenis;, Le Gall, Tarot, Secrétaires-gé- néraux; Marteville, Secrétaire-général adiits Langlois, Trésorier. La séance s'ouvre, à sept heures et demie du soir, par SEIZIÈME SESSION. 351 la lecture du procès-verbal de la séance précédente. Ce procès-verbal est adopté. M. de Wismes, au nom de la quatrième section, de- mande qu’un vœu soit présenté au Gouvernement de la pari du Congrès, à cette fin que l’enseignement de l’histoire pro- vinciale soit introduit dans les divers établissements d’in- struction publique. Ce vœu, mis aux voix, est adopté par l'assemblée. | M. Duchatellier prend la parole et fait le rapport suivant, au nom de la commission nommée à la séance précédente pour formuler un vœu au sujet de la décentralisation scien- tifique , littéraire et artistique : MESSIEURS, La commission que vous avez nommée hier, pour exa- miner les conclusions présentées relativement à la décen- tralisation intellectuelle, s’est réunie ce matin, s’est occu- pée du travail qui lui était demandé, et m’a chargé de vous soumeltre l'opinion qu’elle a adoptée. L'importance des Congrès scientifiques ne peut plus être l’objet du moindre doute ; le mouvement qu’ils communi- quent aux provinces devient chaque année plus puissant. Divisés en six sections, sciences naturelles, sciences phy- _siques et mathématiques, sciences médicales, agriculture, industrie et commerce, histoire et archéologie, littérature et beaux-arts, les Congrès peuvent examiner toutes les questions qui offrent de l'intérêt et les examiner dans les régions où se trouvent de bons éléments pour les résoudre. Les discussions qui ont déjà eu lieu dans la présente Ses- sion mettent ce fait en grande évidence. . La plus notable partie du mouvement général de l’agri- culture en France est due aux Congrès scientifiques ; on peut justement dire que la naissance et l’action des Con- grès régionaux agricoles s’y rattachent de la manière la plus intime. Une heureuse impulsion a été donnée aux So- 292 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. ciétés savantes des départements ; partout maintenant l’his- toire du pays et la statistique locale sont mieux étudiées. Nous devons aux Congrès la connaissance des ressources et aptitudes régionales , au point de vue de l’agriculture et de l’industrie. Nous leur devons, en médecine, des obser- vations depuis long-temps désirées sur l’état médical des villes, sur les diverses classes de la société et des travail- leurs de tous rangs, à raison du climat, du sol, de J’in- siruction , des industries exercées , et même des traditions. L'institution des Congrès est donc une véritable conquête du présent sur le passé. Après seize ans d’utiles travaux, elle doit être considérée, même dans la Capitale, comme l'élément indispensable d’une nouvelle émancipation des aptitudes les plus viriles des départements, en agriculture, en industrie, dans PE sciences , dans les lettres’et dans les beaux-arts. A ce titre, elle doit passer pour une institution nationale, devenue par elle-même et par ses propres moyens l’organe des départements , en s’appropriant dans une juste mesure les travaux entrepris d’un bout à l’autre de la France. A ce ütre, nous le répétons , elle est nécessaire, aussi bien pour Paris que pour les départements. Nos réunions, en continuant leur œuvre, décentraliseront beaucoup moins le travail de l'intelligence en France qu’elles ne le complè- teront. Aussi, n’est-ce pas une bannière hostile que nous avons entendu élever; c'est une bannière amie, portée par des mains amies qui, de lieux les plus éloignés de la pro- vince, veulent travailler à l'œuvre commune é glorieuse de la grande nationalité française. Depuis seize àns, nous faisons de nobles efforts pour as- surer, pour améliorer l’institution des Congrès. Les dépar- tements nous comprennent, nous aiment, nous encoura- gent. Que le Gouvernement, que l'Etat veuille aussi nous seconder ; qu’il rende no$ efforts plus puissants, sans tou- cher à notre libre action. Nous croyons mériter : son appui ; nous serons heureux de l'obtenir. Près des Congrès se trouvent aussi placés l’Institut des SEIZIÈME SESSION. 353 provinces et la Société pour la conservation des monuments français. Deux volumes de mémoires, publiés par la pre- mière association, la récompense nationale que l’Institut de France lui a conférée, et la création des expositions ré- gionales, sont des titres dont elle peut se prévaloir pour demander la protection de l'Etat. On peut dire, à l’avan- tage de la seconde association, qu’il n’y aura bientôt plus dans nos départements un ancien monument, digne d’in- térêt, qui ne lui doive une restauration ou l'indication des moyens propres à le conserver, à le réhabiliter. En conséquence, le Congrès scientifique de France, xvi< Session , a l'honneur de demander au Gouvernement qu'il lui plaise : ne « 4° De décider qu’une autorité assez étendue et une li- berté assez large seront attribuées aux administrations lo- cales, dans la disposition de leurs ressources, pour leur permettre d’exercer, au sein de leurs populations , sur les sciences, les lettres et les arts, un protectorat efficace, digne et constant; » 2° De classer le Congrès scientifique de France et l’In- stitut des provinces au rang des institutions nationales ; » 3° D’accorder sur le budget de l'Etat, comme un juste encouragement dù aux efforts déjà prolongés des Congrès et de l’Institut, des allocations annuelles égales au moins à celles provenant de la souscription des adhérents el des allocations départementales; » 4° De prononcer qu’un fonds égal au fonds provenant de la cotisation des membres de la Société pour la conser-- vation des monuments français sera accordé à cette même Société, et mis à sa disposition; à » 5° D’allouer un fonds spécial sur le budget, pour la création des bibliothèques populaires cantonnales, en char- geant d'en faire l'emploi l’Institut des provinces, organe naturel des Congrès et des Sociétés savantes des départe- ments ; » 6° D'atiribuer désormais, sur les fonds des ministères de l’intérieur et de l'instruction publique, une plus large Tout 45 354 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. part à l’encouragement des productions artistiques, lité raires et scientifiques des dépariements. » - Chacun des paragraphes de ce vœu esi mis aux voix et adopté. L'assemblée adopte ensuite le vœu dans son en- semble. Les procès-verbaux des séances particulières sont lus, dans l’ordre des sections, par MM. Malaguti, de Lustrac, Toulmouche , de Soultrait et Perrio. M. Le Gall fait connaître que les Secrétaires-généraux ont nommé M. Hardoüin Bibliothécaire-Archiviste du Con- grès, et que ce dernier a bien voulu accepter cette charge, vacante par la démission de M. E. de Labigne-Villeneuve. M. de Wismes, obtenani la parole, lit la seconde partie de son mémoire, traitant de l'influence des mœurs sur l'architecture. Dernière Epoque. I s’agit maintenant d'expliquer comment la république architecturale (car, dans le domaine des arts et des leltres, on-n'a de tout temps re- connu que le système républicain, — le talent seul y donne les places ), comment, dis-je, la république architecturale vint à se diviser en trois camps dont les armées luttent encore à l'heure qu’il est : le camp grec, Je camp de l’ogive, le câmp de la Renaissance. — N'est-ce pas, au pre- mier abord, un phénomène bien singulier de voir, après trois grands siècles qu’on la croyait bien morte, l'architecture dite gothique sortir de la tombe et faire son apparition parmi nous avec sa jeunesse surannée et tous ses charmes replâtrés? Est-ce un fantôme ? Est-elle bien de chair et d’os? La question, à l’heure qu'il est, est encore insoluble, jé crois. — Plusieurs causes amenèrent ce résultat. D'abord , et c’est un fait con- stant, les hommes se fatiguent de tout , les Français surtout. On se lassa donc du grec; on se lassa de Voltaire. Une nouvelle génération avait grandi sous la tutelle d’un homme de génie , d’un grand homme que ré- vendique ce département, de Châteaubriand, long-temps chef sans ar- mée. De vaillants capitaines s'étaient formés à son école :. l’un se nom- mait Lamartine , l’autre Hugo, un troisième Vigny, un quatrième Ba-. rante. El y en avait encore d’autres trop longs à rappeler. Sous leur ban- SEIZIÈME SESSION. 355 nière se rangea ce qu’on a récemment nommé , et à juste litre, l’armée des croisés. Leurs bataillons n'étaient pas nombreux, mais ils étaient braves, et ils entrèrent résolument en campagne. Sur son drapeau, le xvm siècle avait écrit : Mort au Christ, mort à la foi, mort à l'espérance, mort à l'enthousiasme, mort aux souvenirs, mort à notre vieille gloire, mort à nos vieilles annales, à nos vieux combats, à nos vieux rois, à nos vieux pères, à nos vieilles cités, à nos vieilles cathédrales. Traver- sons le Léthé , et, oublieux de toutes ces choses, abordons de nouvelles régions. — Mais eux, les vaillants, les croisés, émus d’un sentiment de pitié et de piété pour la mémoire négligée de leurs pères, voulurent re- traverser le fleuve d’oubli pour aller visiter leurs tombes, y prier et les parer de nouvelles couronnes. L'armée grecque, l’armée voltairienne était sur le rivage et chercha à les effrayer de la voix et du geste ; mais, malgré l’avantage marqué du nombre, elle s’effraya de l’air résolu de ses adversaires et n’osa engager un combat sérieux. Nos jeunes hommes passèrent donc ! Gloire à eux ! Et qu’ils furent bien récompensés! Devant eux s’étendaient les vastes champs du passé. Le soleil n’éclairait pas cette région; ses dernières limites seules se per- daient dans les ombres de la nuit. Sur le reste régnait une lueur douce et mystérieuse, un demi-jour incertain, semblable au crépuscule, et qui, -pour des poètes, des artistes, avait son charme. Kimagination y trouvait son profit. Flattées , après un si long oubli, de la visite de ces étrangers ou plulôt de ces descendants, qu'elles ne connaissaient point, les ombres qui peuplent ce mystérieux empire de la mort, s’échappant de leur froid caveau, s’empressaient autour d’eux, à cette juste distance que ne peuvent dépasser des ombres, lorsqu’elles s’approchent des vi- vants, mais demeurant ainsi à ce point difficile à saisir que l'art sait ap- précier, — Elles ne laissaient entrevoir la plupart de leurs formes que dans la demi-teinte. Toutefois, elles soulevaient un instant leurs voiles pour donner à nos peintres , à nos poètes, à nos historiens, à nos ro- manciers, à nos musiciens , le temps de saisir de leurs trails les princi- paux , chacun à sa manière et dans le but de son œuvre à venir. Ce fut là que furent revus ces grands évêques qui avaient civilisé la France ; ces moines qui avaient concurremment défriché le sol de nos landes et de nos forêts, celui de l’art et de la science; ces chefs francs aux cheveux rattachés sur le sommet de la tête et pendants sur le cou en aigreltes, ces prétendus rois demi-nus, armés de la francisque à deux tranchants, et long-temps, trop long-temps affublés dans nos his- toires de la perruque à la Louis XIV et du manteau fleurdelysé; ces princes , ces chevaliers, ces barons qui, pendant trois siècles, avaient fait résonner l’Europe et l’Orient du bruit de leurs armures; ces nones aux mystiques et pâles figures, dont les prières avaient peut-être sauvé l’Europe des invasions des Normands et de celles des Sarrasins ; ces reines, dont les unes avaient épouvanté leurs contemporains de leurs 356 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. forfaits et de leur impudicité, dont les autres avaient fait resplendir le trône du double éclat de la beauté et de la vertu ; ces grandes dames, ces châtelaines, patronnes des cours d’amours, revêtues de soieetd’her- mine ; ces pages enfin, ces varlets, ces fous, ces nains, ces sorciers , cortége bariolé et bizarre d'époques où, comme dans les productions de certaines écoles de peinture, la grande ligne et la composition font souvent défaut, mais qui resplendissent de couleur. Leurs croquis terminés, nos vaillants revinrent parmi nous. Réunis- sant ses plus épaisses phalanges, l’armée grecque voulut de nouveau s'opposer à leur passage, mais en vain. Et quoi d'étonnant ? C'était Ther- site qui la commandait ! De grands cris dont l’accent n’avait cependant rien d’ionique , des injures, dont le vocabulaire n’était point emprunté à la langue d’Homère, furent encore sa dernière ressource. Mais eux, nos hardis exploraleurs , sans daigner même la regarder, ne répondirent qu’en livrant à l’admiration de la France et de l’Europe, l’un de sublimes méditations, un aulre des odes dont l'éclat doit vibrer long-temps aux oreilles des siècles; celui-ci des romans plus instructifs que des his- toires, celui-là des histoires où se rencontrèrent tous les charmes du roman ; d’autres encore le récit rajeuni des poétiques légendes de nos pères, l’histoire de leur vieille littérature , de leurs coutumes, de leurs droits et de leurs antiques libertés. — Côle à côte de nos jeunes hommes, et arrivés au même but, mais par un chemin différent , dans une inten- tion tout autre, dans celle hautement avouée de chercher dans les fails antérieurs au xvn° siècle les matériaux d'un plaidoyer en faveur du Tiers-Etat, avaient marché de remarquables historiens , les Guizot, les Thierry, les Michelet, dont les travaux ramenèrent, à leur insu et peut- être contre leur intention , au culte des vieilles traditions et surtout des vieilles croyances. Ajoutons à ces noms celui d’un illustre étranger, de Waller-Scott, dont les romans , traduits dans notre langue aussitôt que parus en Angleterre, et dévorés avec avidité, contribuèrent plus à eux seuls peut-être à mettre le moyen-âge à la mode que toutes les œuvres, tant remarquables fussent-elles, de nos érudits, de nos historiens et de . nos poètes. ! La brèche était donc ouverte. Pour beaucoup de ceux qui la gravi- rent les premiers, ç’était peut-être affaire d’art plutôt que de conviction, passion de tête plutôt que de cœur; je le crois même :’quelques œuvres postérieures de plusieurs d’entre eux m’y autorisent. Qu’ importe? ils ont bien mérité de la patrie. , 1850. Sur ces entrefaites survint la Révolution de 1830.— Un accident? Une révolution de palais? Une vraie révolution ? La reprise de l’ancienne ?— SEIZIÈME SESSION. SO Je ne sais ; mais elle influa peu-en elle-même et par sa force d'action sur les mœurs et sur les idées. Cependant, par suite de causes incidentes, le nouveau mouvement y gagna, et n’en devint que plus ferme et plus franc dans ses allurès jusque là encore incerlaines, el qui, dès lors, ten- dirent de plus en plus au catholicisme. D’une part, vaincus du jour, dé- couragés de la politique, dépités contre la patrie terrestre, les partisans dela branche exilée retournèrent leurs regards vers la patrie célesle; de l’autre, bon nombre parmi les plus honnêtes adeptes du nouveau régime, qui, par esprit de parti et lactique d'opposition , S'étaient éloignés de la religion sous l’ancien gouvernement , furent heureux d’y revenir; et comme celte réaction catholique s’opéra au moment où le moyen-âge devenait aussi de mode, l'architecture ogivale, déjà réhabilitée dans les livres, reconquit sa place sur le sol tout naturellement et sans s’en étonner. Quatre hommes, dans celte seconde période, me paraissent surtout avoir déterminé le mouvement des esprits , et la postérilé accueillera avec honneur les noms de Lacordaire, Montalembert, Dusommerard et de Caumont. Vous rappeler , même brièvement, les services que les uns par leurs prédications, les autres par leurs discours, leurs livres ou leurs collections d'objets d’art, le dernier enfin par son zèle, son activilé, ses belles publications, et surtout la fondation des Congrès, ont rendus à la religion , aux lettres et aux arts, serait faire une injure à vos mémoi- res. Vos cœurs, je n’en doute pas, devancent tous les éloges que j'en pourrais faire. Un mot encore avant de passer définitivement à la solulion de la ques- tion posée par le Congrès. — J'ai parlé tout-à-l’heure d’un troisième camp, le camp de la Renaissance. Postérieur au camp de l’ogive, il se forma de transfuges de ce camp et de celui des Grecs. Beaucoup parmi ceux qui s'étaient dégoûtés de la cynique incrédulité du xvm° siècle avaient hésité devant cette foi ardente et forte, âme du moyen-âge, qui avait soulevé les pierres pour les élancer vers le ciel en faisceau d’ai- guilles, de colonnettes, de clochetons , de flèches et de pyramides, comme un immense kosannah. Un élégant scepticisme leur convenait assez. Dans les domaines du passé, ils avaient rencontré le xvi° siècle, et, par ses mœurs, ses croyances , ses systèmes d’art et de littérature, ibs’était bientôt trouvé leur maître et leur modèle. Parmi les Grecs eux-mêmes, plusieurs se décidèrent à composer avee l'ennemi, et ce xvi° siècle encore, qui s’interpose si brillamment entre le moyen-âge et l'avènement des Bourbons, fut assez bien leur fait ; ils étaient heureux dans.leur infortune de retrouver leurs chères colonnes , leurs chapiteaux presque corinthiéns , leurs frontons , leurs . trygliphes et leurs métopes. D'ailleurs, il y a place pour les trois écoles. Si le style ogival convient pour les églises, si le style grec, avec la magnificence de ses aspects, s 358 © CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. peut encore trouver son emploi pour des palais, des bourses, des h6- tels-de-ville, des palais de justice , nulle architecture ne se prête mieux que celle de la Renaissance à nos maisons de simples particuliers." — Gracieuse et svelte avant tout, elle n’exclut point le confortable:;elle se plie à toutes les distribulions , et peut, en se simplifiant, s’adapter aux restrictions de toutes les fortunes. Toutes les proportions lui plaisent. Elle se développe à son aise dans la cour du Louvre et au palais des Beaux-Arts. Elle brille d’un même éclat sur le petit pavillon de ne de Moret et sur maint hôtel des boulevards de Paris. J'ajoute qu'avec la souplesse de ses allures et la facilité de ses trans- formations, elle semble avoir été inventée pour se conformer aux di- verses nécessités des débarcadères et des grands établissements indus- triels etcommerciaux. Toutefois, comme elle n’a pu , sans subir de pro- fondes modifications, convenir à des monuments nés d'idées assez étrangères au xvi° siècle, on peut, avec juste raison, regarder le style de ces édifices comme un style presque nouveau, et qui, sinon comme principes, du moins dans ses productions, reslera peut-êtrele titre le plus sérieux de notre époque, pour marquer sa place dans l’histoire de l'art architectural. + Solution du problème. Au moment d'entrer dans le vif de la question, permettez-moi, Mes- sieurs , de couvrir ma responsabilité derrière celle d’un architecte ano- nyme. Il est là ; le voici. Un placide et béat délégué d’un conseil de:fa- brique l'aborde et le prie de-lui soumettre un plan pour la reconstruc- tion de l’église. — Telle est, du moins, après les premières formalités de sa modestie , la réponse que je vous propose au nom de l'honorable anonyme : Votre confiance me flatte, Monsieur ; puissé-je m’en montrer digne ! Architecte des plus éclectiques, je connais tous les styles ,.les enseigne tous, les aime tous , n’en préfère aucun. Chacun a sa beauté et peut, pour d’excellentes raisons, prétendre à la prééminence. Loin donc de vous imposer mon opinion, je suis prêt à me conformer à-la vôtre, et veux seulement, avant de vous en PP, vous soumettre quelques pensées. La liberté de l’art est aujourd’hui sans limites. Cette liberté, c’est sa force etc’est aussi sa faiblesse. C’est son progrès et c’est sa décadence. Quand un seul style est permis, sous peine, si l’on s’en affranchit, d’exciter les risées, nul embarras pour l'artiste. La régle-est.donnée ,1le type admis, il n’a qu'à s’y conformer. Les proportions seules varient. Mais maintenant, sceptiques que nous sommes , sans nulle doctrine que SEIZIÈME SESSION. 359 celle de n’en point avoir, que de doutes savants, que d’honnèêtes scru- - pules avant de.nous décider ! . L'invention et l’imitation se présentent tour à tour devant nous pour fixer notre choix. L’une , noble vierge, à la démarche fière, à la tour- nure libre et dégagée, le visage entièrement voilé, nous attire par le charme du nupière. Elle nous provoque au combat, fait un appel à notre audace et met en jeu toutes les puissances de notre amour-propre, ex- cité par l’espoir d’une si belle conquête. — L’autre, faut-il en convenir, courlisane parée des faveurs de la vogue, nous séduit plus aisément par la grâce de son sourire , la mobilité piquante de sa physionomie, les molles inflexions et les caresses de sa voix, ses gonueltes préve- nances et la facilité du triomphe. Que de ressources elle met à notre disposition! Elle nous offre de suite les colonnes et les frontons de la Grèce, les ogives du moyen-âge, les élégantes fantaisies du xvr' siècle, et tous ces styles divers qui se sont succédé depuis l’avénement d'Henri IV jusqu’à la Révolution; que, si nous faisions les difficiles, elle nous réserve encore les pagodes de l'Inde, les palais féeriques de l’Allhambra, les minarets du Caire, les coupoles de Moscou et de Constantinople. Mais, sans recourir à ces ressources extrêmes, ne saurions-nous, dans les styles divers qui s'emploient concurremment aujourd'hui, trouver celui qui nous convient? Correcte et majestueuse, l’architecture anlique s’est récemment essayée dans la magnifique église de la Made- laine. Admirons ensemble les riches colonnades de ce monument, et, toutefois, avouons que les efforls des plus habiles gens n'ont pu faire concorder l’intérieur avec l’extérieur. Créé pour un autre ciel, pour d’autres rites religieux surtout, franc dans ses allurés , ferme et inva- riable dans ses aspects, inflexible dans ses règles, le style grec semble se refuser jusqu'ici aux exigences du culte catholique. Née, au contraire, des mœurs.et des croyances chrétiennes, déve- loppée parallèlement avec elle jusqu’ au plus haut point de sa perfec- tion, l'architecture ogivale se présente à nous avec d’ autant plus de confiance qu’elle est fort de mode. — Mais, à son sujet, surgil une grave question : Trois grands siècles nous séparent des temps où elle cessa d'offrir à l'admiration des hommes ses arcs élégants, ses colon- nettes , ses pignons, ses dentelures et ses rosaces coloriées. Faut-il, si nous y recourons encore, en suivre tous les errements et tous les vou- loirs? Doit-elle se transformer au gré de nos nouvelles mœurs, de nos nouvelles tendances religieuses ? Mon opinion personnelle est très-nelte : Nous devons, sauf quelques changements de détail, être de purs et simples copistes. Que, fort de longues études, l'élève invente à son tour, c’est bien ; ainsi fit le x siècle à l'égard du xiv°, et le xv° à l'é- gard de ce dernier. — Nous, sommes-nous des élèves ? Cette gloire, à l'égard de ces nobles temps, ne nous est-elle pas refusée ? Le maître est 360 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. mort, son secret est avec lui dans la tombe. Aimons ses œuvres, admi- rons-les , copions-les. Mais à nous, fils d’une autre époque, nous qui, malgré notre ferveur d’enthousiasme, nous {rompons sans doute à chaque instant sur les principes en vertu desquels il agissait, qu’elle outrecuidance nous serait-ce de modifier ses productions sublimes au gré d’un amour-propre mal placé! Quelques-uns, cependant, se sont crus de grands novateurs, soit pour avoir fait un déplorable mélange de styles ogivaux, d’époques et de régions très-distinctes, soit pour y avoir introduit des proportions ou des ornements plus conformes aux tradi- “tions helléniques ou de la Renaissance. Voyez el jugez vous-même, Mon- sieur, ces essais malheureux, et ne demandez pas le nom de leurs au- teurs. Je ne saurais, du reste, déterminer votre choix entre le style des xui°, xiy° ou xv° siècles. Le premier, plus simple, plus austère, moins coûteux, a la vogue chez les archéologues ; le second, plus orné, non plus savant, peut vous plaire davantage ; le troisième est le plus riche, son goût est moins sûr; cependant, plus libre de la règle, plus capri- cieux, il a sa grâce et ses séductions. Quel que soil celui auquel vous vous arrêterez , nous nous réglerons, parmi les édifices de l’époque dé- terminée, sur un des plus parfails et lé copierons fidèlement, convaincus que , sous peine d'errer, on ne saurait juxta-poser dans le même édifice des proportions de monuments différents , lors même qu’ils sont con- temporains. J'ai parlé de quelques changements de détail. Ainsi, j'aimerais à voir disparaitre les horribles Lêtes des gargouilles. Ces monstres hideux figu- raient, on le croit, soit les vices, qui ne devraient jamais entrer dans le sanctuaire du Dieu trois fois saint, soit plutôt les démons, qui rôdent sans cesse à l’entour el se tordent de désespoir de n’y pouvoir pénétrer. Nées d'idées qui ne sont plus de notre époque, ces abominables figures ne servent qu'à effrayer nos femmes et nos enfants. Les remplacer par des têtes gracieuses serait un non-sens. Supprimer tout-à-fait, malgré leur inulilité , les goullières extérieures, qui leur servent de prétexle, nuirait à l'aspect pittoresque de l'édifice. On pourrait les remplacer par quelques ornements de bon goût dans le style du temps. “Ainsi encore, \'admets que peintres et sculpteurs se conforment, comme aspect d'ensemble, aux types contemporains de l'édifice; mais des proportions mieux observées, plus de correction dans la forme et dans le jeu des muscles, des composilions plus naturelles, plus de va- riété et de mesure dans les expressions, moins d’anachronismes dans les costumes, loin de nous poser à l'égard du moyen-âge en élat de suspicion académique et païenne, ne seraient qu’un hommage de plus à lui rendre. Lui-mêmie a recherché ces qualités avec une sainte ardeur au nom de l'art et de la religion. Parfois même, surtout dans les statues isolées ou dans les groupes peu compliqués, il les a rencontrées. Les va- riétés qu’on observe dans les productions ‘artistiques de celte longue Sn de de à SPIZIÈME SESSION. 361 période démontrent , et au-delà, des efforts constants pour arriver au ” but: Cessons donc d'attribuer à des idées hiératiques et préconçues ce que les œuvres de cet âge peuvent avoir d'incomplet. Ne confondons pas l'impuissance ‘et l'ignorance avec la volonté. Ne nous forgeons pas des fers sans nécessité. L'art chrétien n’esttpas, comme celui de l'antique Egypte, lié à des formes éternellement les mêmes, éternellement et forcément incomplètes. Il est libre, sinon serait-il chrélien ? - Plus de détails à ce sujet ne pourrait, Monsieur, qu’épuiser en ce mo- ment votre altention. Certes , il serail inléressant d'éludier les mronu- ments decla peinture el de la sculplure chrétienne pendant les trois siècles de la période ogivale, Le parallèle de ces monuments chez les divers peuples serait aussi neuf qu'instruclif. L’art français nous appa- raîtrait de (ous le plus indigène ; il-demeure tel jusqu'au xvi° siècle. L'art italien, dès le xn°, procède de l’antique. L'art germanique s’ins- pire de ces deux arls, rivaux sans se connaître. Mais ceile curieuse élude-serail inulile si vous préférez le style de la Renaissance. Elégant et coquet, né danslunsiècle sceptique , il ne convientspécia- lement à auéun culte, mais il seplie à tous. Il peut rencontrer sa place sur une paroisse peuplée de ces heureux de la terre dont la piété n'ose aborder Dieu qu’en robe de velours et en mantelet de dentelles. — Si ces heureux, ces riches ont leur habit doublé de vieux et d’ailleurs ho- norables quartiers de noblesse, le style d’avant la Révolution serait d'un‘heureux emploi. Il n’est pas sans quelque valeur : c’est de tous - Je plus aristocratique. Il est contemporain des grands seigneurs. Nul ne se prête mieux aux sompluosités de la décoration, des marbres, des bronzes et des dorures. Mainténant, Monsieur, vous me direz peut-être : Ne sauriez-vous donc inventer un nouveau système d'’archilecture ? N'est-il pas honteux de tou- jours imiter? N'est-ce pasune marque de stérilité? — Je lecrois, en effet, art subira une enlière métamorphose, maistelle ne peut survenir avant l'heure ‘où sera presque accompli ce grand travail politique et social qui date de la fin du dernier siècle. Celle heure serait-elle près de son- ner? Il est permis d’en douter. L'arbre qui doit us jour abriter l'huma- nité à son ombre est jeune encore, et son feuillage est peu touffu. S'il porte déjà des fruits de vie, les fruits de mort naissent nombreux à côlé, etl’œuvre sera longue avant de les avoir abaltus.—Toutefois, Mon- sieur, si tel est votre désir, je tentérai quelque hardie innovation , mais avant de vous soumettre un plan conçu dans cet ordre d'idées, permet- tez-moi de vous rappeler une pelile anecdote. Un jour Louis XIV se demandait : Que peul-il manquer à l'heure de mon règne ? Quel rayon se saurait ajouter aux rayons si pressés de ma gloire? La France m’adore comme une divinité, l'Europe me redoute, le bruit demon nom es{ parvenu aux extrémités de la terre. Turenne et Condé comimandent mes ‘armées , Vauban fortifie mes places, Bossuet 16210 40 362 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. et Massillon moralisent ma cour, Corneille, Racine, Molière, Quinauit, Lully se chargent deses plaisirs. Celle cour, aucune lui fut-elle jamais comparable ? Que d'esprit, de grâce, de jeunesse , de beauté ? Mes pa- lais ne se sauraient nombrer, et leur magnificence ne sera point égalée. Perrault, Mansart , Lebrun , Mignard sont de fort habiles gens. Comme Louis XIV disait ces mots et allait poursuivre ce vaniteux mo- nologue , il leva les yeux vers le nouveau plafond de la pièce ou il se trouvait, et qui n’étail autre qu’un des grands salons de Versailles. J'y songe, s’écria-t-il Lout à coup, et faisant appeler son ministre : M. Col- bert, lui dit-il, à quoi pensent nos architectes de se rouler dans l’éter- pelle ornière des chapiteaux ioniques et corinthiens ? Quoi ! aux ordres inventés par les Grecs et les Romains , ne sauraïent-ils en ajouter pour le moins un sixième ? celte invention comblerait l'honneur de mon siè- cle. Faites partout publier qu’un million est destiné à celui qui saura trouver ce nouvel ordre , auquel sera donné le nom d'ordre gaulois. — Quand je dis un million, mon cher Monsieur, ajouta ici l'architecte entre parenthèses , je ne vous certifie pas le chiffre ; 400,000 francs.de plus ou de moins ne changent rien à la morale de cette anecdote. — Vos ordres, Sire , répondit Colbert , qui n’osa dire qu'il trouvait la dé- pense assez inutile , seront exéculés. — Et ils le furent; je veux dire que l’avis du prix proposé à l’heureux inventeur fut partout publié. 1 eût fallu voir alors l'expression d'ébahissement et de satisfaction qui se répandit sur le visage de lous ceux qui praliquaient alers en Europe le noble art auquel je me suis adonné. Un million! répélait chacun en se frottant les mains, et il faisail part à sa femme, à ses en- fants, à ses amis, aux indifférents même, de la bonne fortune qui venait de lui tomber. Aucun n’en dormit de huit jours ; chacun se croyait sûr du prix. Puis {ous se mirent à l'œuvre. Que dis-je? I] n’y eut pas un rapin qui ne se crût dès lors permis de quitler l’atelier de son maître et se raillant de sa vieille rouline, qui n’inventât aussi son pelit projet. Pour l'honneur de beaucoup, Monsieur, il vaut mieux passer sous si- lence les biscornues élucubrations de leur cerveau. Ce qui se fit alors de colonnes plus on moins déteslables de module, de chapiteaux plus ou moins ridicules, de corniches plus ou moins en dehors de tout prin- cipe d'esthétique, suffirait à remplir plusieurs in-folio. Toutes les pro- porlions y passèrent, ainsi que lous les produits de la nature, tous les fruits, toutes les fleurs, loutes-les feuilles, et bon nombre d'animaux. Les aslres aussi furent de-la partie ; le soleil surtout y joua un rôle con- sidérable. On savait que Louis XIV en avait fait son emblème; la flat- terie était délicale, et chacun, sans se l'être confié, comptait beau- coup sur le résultat de celle heureuse idée. — Quand tous les projets se furent amoncelés dans le cabinet. de Colbert, celui-ci en parla à Louis XIV, qui daigna jeter un régard sur celte montagne de papier gri- bouillé. Mais le roi était un homme de beaucoup trop d'esprit pour n’a- SEIZIÈME SESSION. 363 voir‘pas, dès le soir du jour où il avait-fait son monologue, reconnu, après un quart-d’heure de conversation avec Mansart, le ridicule et l’absurdité de son prétendu ordre gaulois. Seulement, il avait oublié de retirer son ordonnance. D'où je conclus... Mais vous, Monsieur, que concluez-vous ? — J'ignore , au cas où depuis plus d’une heure il ne s'était pas endormi, ce que répondit le marguillier; mais je conclus , moi, deux choses : VPune, que les prix d’un million ne coûtent jamais rien à ceux qui les proposent, vu qu’on ne les gagne jamais ; l’autre , qu’il est plus difficile d'inventer un nouveau système d’architecture que dix conslitutions. Des .applaudissements font connaître la satisfaction de l'assemblée. Comme l’ordré, du jour se trouve épuisé et qu'aucun membre ne demande la parole, M. le Président lève la séance à neuf heures. S Séance générale du 8 Septembre. = Présidence de M, RICHELETN. M, LE GALL, Secrtiarre. Présents au bureau, MM. P.-M. Roux, de Caumont, de la Porte, Vice-Présidents: Le Gall, Tarot, Secrétaires- généraux ; Marteville , Secrétaire-général adjoint ; Far- doüin, Archiviste-Bibliothécaire. À l'ouverture de la séance, sept heures-et demie du soir; - le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. 364 CONGRÈS SCIENMIFIQUE DE FRANCE. MM. les Secrétaires Bourassin, de Lustrac ; Foulmou- che, de Soultraït et Perrio viennent lire successivement les procès-verbaux des séances particulières tenues dans la journée. MM: de Caumont et de Mellet, au nom de la quatrième section, proposent, dans l’intérêt des architectes de la pro- vince, un vœu ainsi conçu : « Le Congrès regretle que, dans la nouvelle organisation des architectes chargés de la réparation des édifices diocésains, la préférence aît été pour les architectes parisiens, malgré les preuves de capacité et de goût données par des architectes qui habitent la pro- vince. Il croit voir dans ce fait un abus de la centralisation, et désire que le vrai mérite, en quelque lieu qu'il se montre, ait part aux faveurs de l'Etat. » Un vœu pour l'abolition de la peine accessoire dite mort civile est proposé par la cinquième section. Cette vieille fic- ton, dont l'utilité ne se comprend pas, se trouve en dis- cordance avec nos mœurs. Deux membres prennent la parole pour appuyer le vœu proposé, qui est ensuite mis aux voix et adopté. M. de la Sicotière rend compte des collections artistiques qui existent dans la ville de Rennes. Son improvisation , facile et pleine d'élégance, captive l'attention de l’assem- ‘blée, qui témoigne sa satisfaction par des applaudisse- ments. M. Tarot lit une pièce de vers adressée au Congrès par l’auteur, M. Alph. Le Flaguais , de Caen : LA TOURMENTE. Entendez-vous la mer du monde Pousser d’affreux gémissements ? i Livrée à d’horribles tourments, SEIZIÈME SESSION. 365 Elle creuse elle-même une fosse profonde, Comme pour s’engloutir au bruit des éléments. Riche de force et de lumière, Oh! combien il est douloureux De voir le siècle aventureux Marcher sans rien semer, hélas! que la poussière Des vieux remparts-tombés sous ses pas désastreux ! Les plus beaux monuments s’écroulent, Les temples sont froids et déserts, Un fléau pèse sur les airs, Et les noirs océans mugissent et déroulent Mille antiques débris à l’avenir offerts. L'’humanité pâle et craintive Voit errer ses chefs insensés, Puis faillir, tremblanis et lassés ; Et, comme un long soupir, sa grande voix plaintive Redemande aux destins ses enfants dispersés. Il n’est plus de paix sur la terre, Car les mortels sont désunis; Dieu les a-t-il en vain bénis ? Et, reprenant déjà la chaîne héréditaire, Contre le devoir seul se sont-ils prémunis ? Ils ont couru vers un abîme, Croyant parvenir au bonheur, . Et dans des luttes sans honneur, Confondant à la fois la folie et le crime, Ïs se sont enivrés d’un philtre empoisonneur. Maintenant tout est défiance : : Le doute seul est écouté. Le genre humain épouvanté - Cherche au fond de son âme un reste de croyance, Et n’y trouve qu’ennui, deuil et stérilité. Pourtant quelques mortels encore 366 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Conservent l’amour et l'espoir; Quand lhorizon devient plus noir, Quelques vierges sans tache, en attendant l'aurore, Ajoutent un peu d’huile à la lampe du soir. Mais au milieu de la tempête -_ Des orgueilleux se sont levés. Les systèmes qu’ils ont rêvés - Du monde rajeuni préparent la conquête ; Ecoutons leur parole et nous sommes sauvés. 0 honte! 6 folie! ô mensonge! Un tel chaos finira-t-11 ? La vérité reste en exil, Et l’aride désert où notre erreur la plonge Des peuples palpitants augmente le péril. O mon Dieu! déchire la nue, Et redescends comme autrefois, Pour nous parler avec ta voix Cette langue du cœur, aujourd’hui méconnue, Que ton Christ fit entendre en mourant sur la Croix. Mon Dieu! sauve-nous de nous-mêmes, Eclaire enfin notre horizon, Sans toi notre frêle raison De plus en plus s’égare et s’épuise en blasphèmes; A nos corps expirants donne un contre-poison. Puisqu’il faut toujours des naufrages 4 Avänt de parvenir au port, Puisqu’il faut l’ombre de la mort Avant que le soleil redore nos rivages, Tends-nous la main, Seigneur, nous ferons un effort. Si ton peuple, ô Dieu tutélaire! N'est pas égaré sans retour, Viens le sauver, voici ton jour! Ote-lui son orgueil, sa haine et sa colère, Et donne-lui la foi, l’espérance et l'amour. SEIZIÈME SESSION. 367 Souviens-toi des saintes promesses Que tu semas dans le passé. Quand la tourmente aura cessé, Honteux, nous rougirons de toutes nos faiblesses, Et nous rebâtirons ton temple renversé! Le siècle annonçait des merveilles, Et nous avons ouvert les yeux. Hélas! il a refait des dieux, Images sans puissance, à ses rêves pareilles .…. Voudra-t-il te chasser pour en peupler les cieux? Pardonne, à Dieu clément! pardonne, Un autre âge sera meilleur. Des fléaux calme la-rigueur, Sinon le genre humain fléchit et s’abandonne A l'éternel sommeil de l'esprit et du cœur. Ce n’est plus le temps des prophètes; L'étoile d’or manque à tout front. Demain les vivants dormiront. Les corps sont assoupis, les âmes sont muettes; Mais, si tu dis un mot, les morts s’éveilleront. ” Encore un éclair de ta face! Encore un regard de bonté! . Encore un mot de vérité, Seigneur, et notre globe, égaré dans l'espace, Roule plus lumineux dans ton immensité ! Arrête une de tes pensées Sur le chaos de nos erreurs; Fais cesser de sombres terreurs, Relie en un faisceau nos armes insensées, Et dis à la vertu d’apaiser nos fureurs! Si tu dormais, dans ton silence, Satan, riant de tes élus, Inscrirait ses droits absolus Sur les célestes poids tombés de ta balance, Et l’oracle du Christ ne s’accomplirait plus. 368 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Mais tun’es pas un Dieu de haines. Aux jours de son adversité, Quand l’homme te voit irrité, : Ï n’a qu'à t’implorer : tu verses à mains pleines Et la vie et l’amour, et la félicité! Après cette lecture, qui est suivie d’applaudissements, M. Tarot lit une autre pièce de vers que l'assemblée écoute aussi avec intérêt. L'auteur ne s’est point fait connaître. IL ne se flatte pas d’appartenir à l’école romantique. M. de Soultrait lit un mémoire très-gai, très-spirituel , sur Ja querelle que les sonnets de Job et d'Uranie firent naître au xvrr° siècle. Ce mémoire, dû à la plume de M. de Beaurepaire, avait été recommandé par la cinquième sec- tion comme méritant d’être lu en séance générale. L'opi- nion favorable émise par la cinquième section a été pleinc- ment confirmée par l’assemblée (1). : | M. de Wismes, autorisé par la commission permanente du Congrès, lit un fragment de son ouvrage intitulé Zntro- duction à l’histoire de la Vendée. Ce fragment, éerit avec beaucoup de verve et d’un style très remarquable, a été fort applaudi. La séance est levée à neuf heures et demie. \ (1) Le mémoire de M. de Beaurepaire fait partie du procès-verbal im- - primé de la séance du 6 septembre, cinquième section. SEIZIÈME SESSION. 369 INSTITUT DES PROVINCES. =: SEANCE NOLENNELLE, Tenue à Rennes, le 9 septembre 4849, à trois heures de l'après-midi, dans la grande salle de l’Hôlel-de-Ville. Presidence de PE, RICHEEET, Membre de l’Institut des provinces. Prennent place au bureau : M. de Caumont, directeur de l’Institut des provinces; M. le général de division Du- vivier, commandant la 45° division militaire; M. le Préfet du département d’Ille-et-Vilaine; Monseigneur l’Evêque de Rennes; M. le Maire de la ville et MM. les Adjoints; MM. les officiers supérieurs de la garde nationale : MM. du chapitre et du clergé; plusieurs membres de la représenta- tion nationale; MM. les membres du bureau général du xvi® Congrès scientifique de France, et M. Duchatellier, membre de l’Institut des provinces, tenant la plume. M. Richelet, Président, prenant la parole, s'exprime ainsi qu'il suit : CSS 47 370 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. MESSIEURS , La réunion à laquelle vous voulez bien assister a été convoquée par l’Institut des provinces, et dès lors ce fau- leuil devrait être occupé par notre directeur, M. de Cau- mont; mais ce dernier, de concert avec le bureau de l’ad- ministration , a bien voulu me fairé l'honneur de me dé- léguer. L'Institut des provinces, Messieurs, sorti du sein des Congrès et plusieurs fois consacré par eux, compte déjà un certain nombre d’années d'existence. Mais jusqu'ici, long- temps entravé dans sa marche par des rivalités jalouses et puissantes, il n’a pu réaliser les intentions mi ER de ses fondateurs. L'Institut des provinces est un lien fraternel destiné à mettre en contact toutes les Sociétés savantes, à resserrer entre eux tous les hommes épars sur le sol de notre beau pays, amis du progrès et du développement des études. L'Institut des provinces a pour mission d'encourager les talents partout où ils se rencontrent, de provoquer des tra- vaux uliles , de révéler toutes les gloires. Aujourd’hui qu’il s’honore de compter parmi ses mem- bres le prince Louis-Napoléon et trois ministres, MM. de Falloux, Lacrosse ei de Tocqueville, nous avons tout lieu d'espérer qu’il ne rencontrera plus d'obstacles à sa marche progressive. Aussi son honorable directeur, au milieu de ses nom- breuses préoccupations scientifiques, a-t-il eu la généreuse pensée de fonder, en faveur de l’art et de l’industrie, des expositions régionales qui ne peuvent manquer d’exciter le zèle et d'amener le progrès. La France , coupée en cinq grandes zônes, soumises à votre appréciation, pourra donc chaque année ouvrir aux ar- üistes, dans de grandes luttes toutes pacifiques, les moyens de se produire et de se faire justement apprécier. L'art, pour se développer et pour progresser, a sans doute besoin des encouragements pécuniaires, mais ce que le vé- en nc SEIZIÈME SESSION. ; 371 ritable artiste, au cœur haut et fier, apprécie avant tout, c’est l'honneur qui s’attache à son nom. Nous ne sommes plus au temps où Albrecht Durer et le Giotto éteient de simples imagiers, où maître Jean Goujon était un pauvre tailleur de pierres! Nous témoignons done, au nom de l’Institut des provinces, toute notre reconnais- sance à M. le lieutenant-général commandant la division, à M. le Préfet de ce département, à Monseigneur l’Evèque de ce diocèse, aux membres du Conseil général et du Con- seil municipal , et à toutes les autorités civiles et militaires qui ont bien voulu, par leur présence, venir donner à cette réunion la plus grande solennité possible. Mais, Messieurs, nous ne voulons pas plus long-temps suspendre l’impatience des lauréats; nous nous empressons done de céder la parole à MM. les rapporteurs des commis- sions chargées de décerner les récompenses. Après cetie allocution, que l’assemblée applaudit vive- ment, M. Marteville, rapporteur du jury chargé de l’exa- men et du classement des objets qui forment l'exposition des produits de l’industrie, envoyés des quatorze départe- ments de l'Ouest à l’exhibition ouverte à Rennes par les soins de l’Institut des provinces, reçoit la parole et fait ressortir, dans un énoncé succinct, le mérite des objets présentés par les exposants. De nombreux articles d’ébé- nisterie, plusieurs produits chimiques, des reliures de luxe et du plus beau travail, des armes d’un fini exquis, des objets de bimblotterie, des cires, des cuirs, des toiles et des tissus de plusieurs genres sont successivement recom- . mandés à la plus vive aitention du public. M. Marteville ajoute que vers la fin de l'exposition, dans quelques jours, un rapport détaillé sera fait par la commis- sion à l’Institut des provinces, qui fera remettre des mé- dailles aux exposants qui seront jugés dignes de cette dis- lnction. M. de Monthuchon , rapporteur du jury chargé d’appré- - 372 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. cier le mérite des objets d'art, prend la para à son tour et s'exprime ainsi qu'il suit : MESSIEURS, Les premiers, nous avons été appelés à réaliser la grande pensée que M. de Caumont avait soumise à l’Institut des provinces, pensée d’émancipation, pensée fécondante , quand elle sera bien comprise. | En effet, combien d’âmes d'artistes qui, comprimées dans un étroit milieu , trouvant un libre espace , un facile moyen d'expansion, donneront l’essor à leur intelligence , sentiront le besoin d’études fortes et sérieuses pour sortir d’une médiocrité que le manque de comparaison les empé- chait de sentir, et, par une noble émulation, se jette- ront dans la lice avec un nouveau courage, une nouvelle vigueur ! De plus, Messieurs, les départements, qui jus- qu’à préseni s’élaient habitués à ne pas avoir foi dans leurs propres ressources, ignorants qu'ils étaient de leur richesse, n’iront plus demander ailleurs ce qu'ils ont sous la.main , et que leurs enfants sont tout prêts à leur donner. Un grand nombre d'amateurs et d'artistes, ainsi que vous avez pu le voir, ont répondu à votre appel ; tous ont voulu concourir par l’exhibition de leurs œuvres à la so- lennité que vous avez indiquée à Rennes. Le peu de temps qu’ils ont eu, entre l’appel qui leur a été fait et l’ou- verture de l’exposition, n’a permis qu’à un petit nombre de travailler spécialement pour cette époque; aussi, beau- coup d'œuvres, d’art ont-elles déjà reçu la consécration d’autres expositions. Notre espoir est que, maintenant pré- venus, les exposants réserveront ou composeront pour une occasion semblable quelque œuvre sp pi destinée à être offerte dans toute sa primeur. La commission, Messieurs, avait une tâche difficile à remplir. Elle a été heureuse de rencontrer parmi les mem- bres du Congrès des hommes de bonne volonté qui ont bien voulu lui prêter leur concours, et aux lumières desquels NE CONTI SEIZIÈME SESSION. 313 elle devra en grande partie l’appréciation exaete.et impar - tiale des œuvres d’art qui lui ont été soumises. Comme nous, Messieurs, vous avez été frappés du bel ensemble que nous a offert l'exposition de sculpture. Sta- tues et bustes rivalisent, tant pour le sentiment que pour l'exécution. Signalons aussi des sculptures en bois d’un travail prodigieux , ainsi qu’un moulage en plâtre exécuté sur les dessins de M. Pelfresne; et, comme œuvre de ci- selure sur acier et incrustations en or, le beau fusil de M. Jourjon père, artiste que nous connaissons déjà par des œuvres antérieures. Vous vous êtes arrêtés devant ces charmants groupes, ces bas-reliefs en terre cuite, et avez admiré le sentiment profond avec lequel ils sont exécutés. Dans les mêmes salles, des vitraux peints et des calques méritent une attention sérieuse, comme moyen de répara- tion et conservation des vitraux antiques, Si maintenant nous passons à la peiniure, le salon ren- ferme des toiles très-estimables, notamment les portraits. Les paysages, peu nombreux, nous semblent généralement demander des études plus sérieuses de la nature, et-sur- tout de la perspective, partie de l’art qui est beaucoup trop négligée, et qui cependant est une des plus indispensables. Faut-il nous en prendre aux artistes, ou à une mauvaise direction dans les écoles? Les dessins , en grand nombre, ont un véritable mérite. . Le paysage y est généralement mieux entendu qu’en pein- ture. Des plumes d’une énergie remarquable, tant en fi- gures qu’en paysages et marines, ont sollicité vivement notre attention, et nous font espérer qu’il surgira un jour quelque graveur qui voudra approcher de M. Godard d’A- lençon, dans l’admirable gravure sur bois qu’il nous a en- voyée. J'aurais dû parler plus tôt des miniatures, qui nous _ent généralement paru moins satisfaisantes, et qu'un tra- vail soutenu pourrait faire arriver à une plus grande perfec- tion. Un émail peint par Mie Dujardin est d’un bon dessin et d’une bonne couleur; l'artiste mérite d’être encouragée. ‘374 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Les lavis et aquarelles , celle de M. Doussault exceptée , nous ont paru trop négligés. Je veux parler de l’aquarelle et du lavis pittoresque, ear le lavis architectural est digne- ment représenté par une longue suite de dessins dont l'effet est cependant un peu exagéré. J'en excepte le dessin si re- marquable de l’arc-de-triomphe de Bénévent. Maintenant, Messieurs, que nous venons de passer une bien rapide revue de l’exposition, votre commission sent le besoin d'exprimer toute sa reconnaissance aux personnes dont les portraits ont été exposés, et sans la bonne volonté desquelles l'exposition eût été privée d’une de ses parties les plus intéressantes. Que messieurs les amateurs'et ar- tistes reçoivent aussi tous nos remerciments pour l’empres- sement avec lequel ils ont répondu à notre appel. Mais, il en est parmi eux que nous devons spécialement mentionner, car ils ont droit à la reconnaissance de toute la cité, M. du Vautenet, qui se tient en dehors du concours, a fait don à la ville de son tableau représentant la reine Blanche délivrant des prisonniers. Tous ont remarqué le soin particulier avec lequel ce tableau est peint et la con- science avec laquelle toutes les parties en sont éludiées. Félicitons-nous donc, Messieurs, de la bonne rie a M. du Vautenet. M. Suc aussi, en lui faisant homsage des bustes de John Herschell, de Dubuisson et de Poisson, dont le marbre est Commandé pour l’Institut, a voulu laisser à la ville de Rennes un souvenir palpable de son beau talent. Je dis palpable, Messieurs , car il n’est aucun de ceux qui ont visité l’ exposition qui ne conserve long-temps le souvenir de tant de belles choses, dont M. Suc a bien voulu l'orner. Mentionnons également M. Barré, qui, lui aussi, a voulu doter sa ville. Remercions-le tous du beau portique dont il a orné nos quais, Cxposition permanente, en plein soleil, qui permet à tous et toujours d'apprécier son beau et pa- triotique talent. virh Un mot encore, Messieurs : Ce rapport était écrit quand, hier, nous a été présentée une statuette en granit de Ker- SEIZIÈME SESSION. | 375 santon; l'artiste, M. Hernot, de Plouaret, simple maçon bas-breton, inspiré par ce peuple de granit qui orne les croix et les églises de son pays, a voulu présenter à votre appréciation un de ses essais. Encourageons-les, Mes- sieurs, nous ferons ainsi revivre ces tailleurs d'images qui ont fait de notre Bretagne un pays exceptionnel, et nous pourrons, avec leur ciseau, transmettre intactes à la pos- térité les œuvres déjà bien dégradées qui nous ont été lé- guées. M..J. Aussant, Président de la commission d'exposition des objets d’arts et Président du jury des récompenses, chargé à ce double titre de proclamer les noms des lau- réats, prend la parole et rappelle que Dieu, en formant l’u- nivers, y mit non seulement ce qui devait servir à satisfaire les besoins matériels de l’homme, mais encore ce qui de-. vait être un spectacie agréable à ses yeux, une source de jouissance pour son âme, en même temps qu’il plaçait au cœur de la créature , outre le sentiment de ce qui est bon, une noble aspiration pour ce qui est beau. Puis, il recherche si nous faisons bien tout ce qui conviendrait pour reconnai- tre ces bienfaits de Dieu, en développant par l'éducation toutes les aptitudes qu’il a mises en nous; il établit que la jouissance qui accompagne l'exercice de la pensée est à la fois la plus vive et la plus noble que nous puissions éprou- ver, et fait remarquer que, sous ce rapport, il serait bien important, dans l'éducation, au lieu d’enseigner toujours aux enfants la pensée des aulres, de leur apprendre à voir et à penser par eux-mêmes, en se Contentant de mettre sous leurs regards les modèles du beau dans tous les genres, et de diriger avec discrétion leur goùt, de manière à donner la nourriture aux instincts les plus intimes et les plus nobles de leur âme. Il cherche à démonirer ensuile que les études esthétiques, qui maintiennent l'esprit dans un ordre d'idées élevées et qui doivent avoir leur place dans l'éducation, ont leur but dans la vie de l'homme, qui sans elles reste incomplète. 376 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Après avoir plaint ceux dont l'existence se réduit aux moments successifs d’un présent qui s'écoule sans cesse, parce que leur esprit, sans souvenirs pour le passé, sans aspirations pour l'avenir, ne se détache pas un instant des prosaïques réalités de la vie, il montre combien les hommes qui charment leurs loisirs en s’abandonnant au sentiment profond des magnificences de la création et en se plaisant à les voir réflétées dans l’art, se ménagent de jouissances, de consolations pour les jours douloureux , et même de se- cours pour leur amélioration morale. Les études, dit-il, finissent par se transformer en mœurs; et 1l conviendrait que les études esthétiques fissent partie de la vie des peu- ples , non pas seulement parce que les beaux arts peuvent faire la gloire d’une nation ou d’une époque, mais parce que leur culture peut être pour les sociétés un moyen de conservation. Le peuple, ajoute-i-il, a dans sa simplicité énergique des enthousiasmes qui sont refusés à ceux dont l'éducation a été plus cultivée ; il est plus près de la nature, et il serait facile de prouver que le plus grand nombre des artistes éminents sont sortis des classes laborieuses. Les beaux arts, en raison de leurs rapports avec l’industrie , ont d’ailleurs une utilité plus pratique pour les ouvriers. Il serait donc bien important, à notre époque où se fait l’avé- nement du peuple à la vie intellectuelle, par l'extension de l'éducation , par le goût plus répandu de la musique, de l'appeler, et par l'ouverture de musées et de collections d'art et par des conférences artistiques, à de nouvelles jouissances intellectuelles; car si l'ignorance sépare et di- vise les hommes, dont le grand intérêt est l'union, il est certain qu'après une honnête jouissance goûtée en commun on se Comprend mieux, On s’aime et on s’estime davantage. M. Aussant termine en disant qu’à l’époque où nous vi- -vons, lorsque chacun, s’abandonnant à d’immodérés dé- sirs, épuise son aclivité pour arriver à un bien-être égoïste, il est plus besoin que jamais de cé qui soutient l’âme au dessus de la matière, de ce qui peut lui conserver sa séré- nité; et que c’est alors que menace l'orage qu'il faut s’at- SEIZIEME SESSION. 311 tacher d'une volonté ferme et d’un cœur sincère à la re- cherche de ce qui est bien, tenant haut la bannière de l’idée au milieu du tumulte des événements, et restant fidèles, quoi qu'il arrive, aux éternels principes du vrai et du beau. Avant de proclamer les noms des exposants qui obiien- nent des médailles ou des mentions honorables, M. Aussant fait observer que le jury des récompenses n’a entendu éta- bliraueune distinction entre les personnes quireçoivent des récompenses du même genre Les noms ont été placés dans l’ordre alphabétique. SCULPTURE: Médailles d'argent. À M. Barré, à Rennes, pour ses belles expositions, et spécialement pour sa statue de la Madeleine, n° 292 du livret, son portique, n°306, sa statue de Saini-Jean, n° 293, et le buste de M. Turquety, n° 296. M. Suc, à Nantes, pour sa statue de la Mélancolie, n° 331 , celle en marbre de l’Innocence , n° 330 , le buste de sir John Herschell, n° 338, celui du docteur Guépin, n° 3492, et celui de la fille de l’artiste, n° 349. Médailles de sers + A MM. Blotière et Reboursier frères, au Mans, sculp- tures en.boïs, n° 3417. M. Graillon, à Dieppe, pour ses bas- reliefs el son groupe en terre cuite, n° 349 et 320. M. Groiaers (Guillaume), à Nantes, pour le buste du général de Bréa , n° 321. M. Jourjon père, pour des ciselures sur acier, des sculp- tures:sur bois et des inerustations en or pour un fusil. DUT 48 378 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Mentions honorables. A M. de Botterel, à Rennes, pour les objèts exposés sous les n° 308, 309, 340 et 341. M. Cocar, à Plélan, pour sa statue de Sainte-Cécile, n° 318. M. Gourdel, à Rennes, buste en terre, n° 395. M. Rouaux, à Rennes, pour un Christ en bois, n° 329. Le jury désire que les trois dernières mentions procla- mées le soient à titre surtout d'encouragement, et comme marque de l’intérêtqu’inspirent les œuvres auxquelles elles se rapportent , et il en est de même pour les mentions > il accorde A M. De la Rue, pour des calques de vitraux anciens ; A M. Thierry, à Angers, pour ses vitraux peints. PEINTURES A L’AUILE. Médailles d'argent. A M. Bouet, à Caen, pour sa vue d’Argentan, n° 30. M. Briand, à Rennes, pour son tableau de Saint-Melaine, n° 17, et le portrait de sa mère, n° 23. M. Doutreleau, à Rennes, pour son portrait de M. La- loue, n° 46. : M'e Faucon, à Caen, pour ses deux portraits, n° 49 et 50. af 7 M. Jourjon fils, à Rennes, pour le portrait de son père, n° 64, celui de M" Hardy, n° 69, et pour un portrait de jeune fille au pastel. _ M. Le Biez, à Angers, pour son tableau Me ru une mère jouant avec son enfant , n° 80. | M. Monanteuil , à Alençon , pour son tableau intitulé un Titi du boulevard du Temple, n° 1404, pour son esquisse SÉIZIÈME SESSION. 379 représentant une femme romaine près d’une fontaine, n°99, et pour un dessin représentant des enfants égarés, n° 250. Médailles de bronze. A M. Amsinck Doutreleau , à Rennes , pour son épisode de l’envahissement des sables d'Escoublac, n° 2, et pour le tableau de la mort du Pilawer, n°1. M. Beslay-Daubez . à Plancoët, pour son tableau repré- sentant un étalage de gibier et de légumes, n° 9. M. Blin fils, à Rennes, pour son tableau intitulé après la Tempête, n° 41. M. Guillard , à Caen, jeune Fille faisant de la dentelle. M. Mussard, à Rennes, pour son tableau représentant une scène de l’enfance du Giotto, n° 107, ei pour ses por- traits, n°% 105 et 106. M. Paillard, à Rennes, pour son paysage, Effet de brouillard, n° 118. M. Planchet, à Rennes, pour son portrait d’Enfant, n° 498 , et le portrait de M. Desgenette, curé de Notre- Dame-des-Victoires à Paris, n° 129. M. Quesnel, à Coutances, pour un portrait de femme, n°441, etson tableau du meurtre de Thomas Becket, n°138. Mentions très-honorables. A M. Dulauvez, à Rennes, pour un portrait d'homme. M. Laloue , à Saint-Malo, pour ses tableaux de genre, n° de 71 à 75 et ses pastels. M. Ménier, à Lisieux, pour ses tableaux de genre, n° 96, 97, 98. | Mentions honorables. A M. Amiel, pour un portrait, n°5 et une Amazone à cheval, n° 4. 380 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. M. Barret, à Quimper, — son matelot vesvaus son retour, n° 6. M. Dujardin, à Rennes, Fleurs et Fruits, n° 2. M. Henry, à Brest, pour ses Vues de Mer, n°% 60, 64. M.le Bihan, pour sa vue de la Rade deSaint-Malo, n°90. M. Rousseau-Lagrave , pour l’esquisse d’une: Vue de Vitré, n° 352. DESSINS, MIMATURES, PASTELS, AQUARÉLLES, PLANS Ev DEBSINS D'ARCHITECTURE, GRAVURE, LITHOGRAPHIE. Médailles d'argent. A M. Godard , à Alençon, pour une Gravure et rm: Vi- gnettes en bois , n° 210. M. Pelfresne, à Caen, Plan et Elévation de Eglise pour la colonie agricole de Saint-Ilan , n° 255, 256, M. Puyo, Dessins à la plume, n° 258 à 274. Mes ue rh A M. Blondel, à Nantes, pour son étude d’après Nature (Pastels), n° 154. M. Bourgerel, à Nantes, pour ses Dessins EC des Monuments anciens , n° 158 à 190. M. Charpentier, à Nantes, pour son exposition de Litho- graphie, n°° 494, 495, 196, 197, d’après les dessins de M. Benoist. M. Doussault, à Rennes, pour ses aquarelles, n°s 203 et 204. Mie Dujardin, à Rennes, comme | ns pour son exposition de Miniatures, n° 205. E à M. Juliard, à Nantes, pour ses portraits, n°5 223, 224. SEIZIÈME SESSION. 381 M. Lancelot (Dieudonné), à Laigle, pour son dessin de la Chapelle de Langui. M. Thérond, prieuré de Sainte-Gauburge. Mentions honorables. A M. Bézier-Lafosse, à Saint-Servan, pour sa mono- graphie de l’Eglise de Dinan. M. Bibard, à Angers, Maison d’artiste, n°° 454, 159, 153. M. Dupuis, à Laigle, pour ses Lithographies d’après les dessins de MM. D. Lancelot et Thérond. M. Ledoux, à Bruz, près Rennes, pour son étude de Cheval. - M. Richard (Auguste), à Alénçon, Etudes de Plantes. M. Tourneux, grandes Etudes d’Architecture, n°° 280, 281, 282, 283. A l'appel de leurs noms, MM. Barré, Suc et Jourjon s’approchent du bureau et reçoivent de la main du Prési- dent , au milieu des applaudissements de l’assemblée , les médailles qui leur ont été accordées. D’autres lauréats pré- sents n’ont pas pu probablément se rendre au bureau. Il y avait foule et beaucoup de personnes qui n’avaiént pu se placer dans la salle remplissaient les pièces voisines. M. de Caumont, directeur de l’Institut, prend là parole et fait ressortir, dans un exposé rapide et plein de faits, l’objet que l’Institut s’est proposé en créant des expositions régionales, qui, en divisant la France en cinq grandes zônes composées chacune de douze à dix-huit départe- menis , lui permettront, chaque année, de s’essayer à ces grandes luttes de la science, dont le travail sait tirer un si grand fruit par la double voie de la comparaison et du succès. Cinq à six villes principales désignées par région, pour recevoir successivement les expositions précitées, dérouleront ainsi sur tous les points à la fois l’histoire des travaux entrepris pour la plus grande gloire du pays. Voici, 382 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. dit M. de Caumont, le tableau des penses désignés pour les expositions Nrpionales. RÉGION DU NORD. Quinze départements, savoir : Nord , Pas-de-Calais, Ardennes, Somme , Aisne, Marne, Meuse, Moselle, Meurthe, Haute-Marne, Aube, Vosges, Haut-Rhin, Bas-Rhin. Villes dans lesquelles pourraient avoir lieu les expositions. Lille, Amiens, Reims ou Châlons, Nancy, Metz, Stras- bourg, Troyes. RÉGION DU NORD-OUEST. Quatorze départements : Seine-Inférieure, Eure, Calvados, Orne, Manche, Ille- et-Vilaine, Côtes-du-Nord , Morbihan, Finistère, Loire- Inférieure, Mayenne, Sarthe, Maine-et-Loire. Villes dans lesquelles auraient lieu les expositions. Rouen, Caen, Rennes, Nantes, Angers , Le Mans. « RÉGION DU CENTRE. | Dix-huit départements : Loiret , Cher, Yonne , Indre , Allier, Hidrobi eee Nièvre, Vienne, Haute-Vienne, Deux-Sèvres , Saône-et- Loire, Côte-d'Or, Doubs, Jura, Haute-Loire, Cantal, Creuse , Puy-de-Dôme. SEIZIÈME SESSION. 383 Villes où auraient lieu les expositions. Orléans, Bourges, Moulins, Dijon, Clermont, Limoges, Poiliers, Tours. RÉGION DU SUD-OUEST. Quatorze départements : Charente, Dordogne, Gironde, Lot-et-Garonne, Tarn-et- Garonne, Tarn, Aveyron, Aude, Pyrénées-Orientales, Haute-Garonne, Gers, Landes, Hautes-Pyrénées, Ar- riège. k - Villes où auraient lieu les expositions. Bordeaux, Toulouse, Cahors, Carcassonne, Bayonne. RÉGION DU SUD-EST. Treize départements : Ain, Rhône, Ardèche, Loire, Isère, Drôme, Vaucluse, ‘ Basses-Alples, Hautes-Alpes, Var, Bouches-du-Rhône, Gard, Hérault. Villes dans lesquelles auraient lieu les exposilions. Lyon, Saint-Etienne, Grenoble, Avignon, Marseille, Nismes, Montpellier. M. de Caumont, applaudi par l’assemblée, qui témoigne à plusieurs reprises de ses plus vives sympathies pour le directeur de l'Institut des provinces, remercie les autorités 384 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. et les habitants de la ville de Rennes du noble et dévoué concours qu’ils.se sont plus à accorder aux efforts de l’Ins- titut créé dans l'intérêt des départements. M. Turquety recoit à son tour la parole et s'exprime comme suit, au milieu du silence le plus absolu : MESSIEURS, La pièce de vers que je vais avoir l’honneur de vous lire est un hommage à mon compatriote et ami M. Barré, dont -vous avez été à même, plus que jamais, d'apprécier le rare talent. pour.la statuaire. Je l’ai composée à l’occasion, de ce beau fronton, qui. a été dévoilé avec solennité. devant vous et où il a représenté, sous des formes si gracieuses , la sculpture et l’architecture , couple charmant , dont son ciseau semble avoir fait deux fleurs jumelles écloses tout-à- coup d’une même tige. Mais je m'arrête : c’est à la poésie seule qu’il appartient d'essayer de les décrire. Je lui ai donc adressé des vers inspirés par une belle œuvre. Mais ces stances ne regardent pas seulement le sculpteur rennais ; c’est encore un hommage aux artistes, une dette que je paie à ceux d’entre vous, Messieurs, qui cultivent avec tant de talent les arts ei la littérature. Et, Messieurs, entre autres noms qui se pressent sous ma plume, comment oublierais-je son digne rival le célèbre statuaire de Nantes, l’auteur de la petite Mendiante et de ces ravissantes figures de l’Innocence et de la Mélancolie, que vous avez tous admirées et que vous retournerez admirer encore? Comment ne parlerais-je pas de.cet éminentartiste qui compte tant de travaux et de palmes? C’est donc aux poètes que je m'’a- dresse, car ici par poètes je n’entends pas seulement les hommes nés pour faire des vers. A Dieu ne plaise que. je restreigne à ce point une appellation glorieuse : je m'adresse à tous ceux dont l'imagination inventrice cherche et dé- couvre, soit qu'ils manient la plume ou le pinceau, soit que, sur les pas d'Herschel, ils sondent les espaces semés de soleils, soit qu'avec Cuvier, ils fouillent la terre pour en SEIZIÈME SESSION. 385 exhumer les races disparues. Tous ces hommes, quel que soit leur genre d’études, quand ils ont trouvé, quand ils ont créé, ceux-là sont poètes et, comme lels, ils méritent tous les hommages. Veuillez donc, Messieurs , accueillir ce qui vous revenait de droit. Nos sympathies pour les arts sont égales. Je me recommande à votre indulgence. BÉRRÉE:à SUIVRE. Laissez-les resplendir sans voile ni barrière ; Laissez-les voir enfin, ces deux brillantes sœurs Que le ciseau du statuaire Vient de sculpter comme deux fleurs! La multitude est là, qui réclame leur vue; Elle espère ; elle attend : tombez, rideau jaloux! Laissez la merveille inconnue Etinceler aux yeux de tous! Les voilà! les voilà! Dieu! comme elles sont belles! Que d’attraits sur leurs fronts! que d'éclairs dans leurs yeux! Et quelles grâces fraternelles Sur ces visages radieux ! Oh! ne dirait-on pas, en voyant leur sourire, En voyant leur beau sein prêt à se dévoiler, Que ce bloc fragile respire, Et que la pierre va parler ? Et puis, avec quel art leur chaste front s’abaisse Près de ces bras si purs mollement repliés; Tandis que leur regard caresse La foule attentive à leurs pieds! Quel est donc ce pouvoir insurmontable , étrange, Ce pouvoir merveilleux qu’on ne peut définir, Et qui donne à ces beaux fronts d’ange Tant de charme pour nous ravir ? Ce pouvoir, c’est le tien ; cette magie austére, NF C’est la tienne , à sculpteur! c’est toi dont le ciseau AN ITS 49 386 CONGRÉS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Assouplit l'ingrate matière, Et lui-prête un éclat si beau. - Gloire à toi! car ton âme a tout fait jaillir d'elle ; Car tu n’as triomphé qu'après plus d’un assaut ; Et c’est par un travail fidèle - Que tu sus t’élever si haut ! Ainsi, dans les beaux jours de la noble Hellénie, Terre à jamais sacrée où régnèrent les arts ; Ainsi les pompes du génie Etincelaient de toutes parts. L'artiste dévoilait quelque image ignorée, Et la foule ravie, à la face des cieux, Tombait devant l’œuvre inspirée , Comme on tombe devant les dieux ! Tu la créas d’abord l'antique pécheresse, Tu la ressuscitas cette femme au grand cœur, Qui courut avec tant d’ivresse Arroser les pieds du Sauveur. Comme elle est belle encor! Elle souffre, elle rêve ; Mais on lit dans ses yeux demi-fermés au jour Que c’est l'amour seul qui relève Celle qui tomba par amour. Et puis ce fut le Christ, le divin Christ lui-même, Qui de son grand tombeau rayonnant de clarté Surgit à son appel suprême Dans sa puissante majesté. Le voilà! c’est bien là cette tête affaissée Qui s’offre en holocauste au céleste abandon ; Et cette immortelle pensée, Inépuisable de pardon. Voyez l'ardent sculpteur, l'artiste au cœur de flamme, Le jour où sa pensée a pris tout son essor, | Voyez-le couvrir de son âme La pierre qui sommeille encor! Long-temps, lonÿ-temps penché sur son œuvre adorée, 11 donne un dernier coup au bloc qu’il sent frémir, “Et la pierre transfigurée S’éveille pour ne plus mourir! SEIZIÈME SESSION. 387 Telle fut la victoire éclatante, unanime; Mais ce triomphe, à maitre! il faudra le payer : Toute gloire, hélas! est un crime Que le monde fait expier. Ah! ne t’en blesse pas, car notre amour te venge; Dédaigne les clameurs du vulgaire envieux, * Laisse-le ramper dans sa fange, Et suis ta route vers les cieux! Et d’ailleurs, que t’importe ? Artistes ou poètes, Vous tous, enfants du ciel, vous bravez la douleur, Car vous savez ce que vous êtes , Vous connaissez votre grandeur. Vous volez droit au but sur vos ailes rapides. _ Ainsi, loin de la terre, à l’occident vermeil, L'oiseau roi des plaines torrides Plonge en regardant le soleil! Après cette lecture, accueillie par une triple salve d’ap- plaudissements, M. le Président lève la séance à cinq heures et demie. EXPOSITION DE L'INDUSTRIE. Décision rendue par la Commission chargée d'apprécier les produits exposés. _ Une médaille de bronze est décernée à chacun des ex- posants dont les noms suivent : 388 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Mr Vaumort, fabricant de poteries, à Rennes. M. Crespel, fabricant de ferblanteries, à Rennes. M. Chasse-Bœuf, fabricant armurier, à Rennes. M. Bourbet, pour sa vis de sondage, à Rennes. M. Jean, fabricant de jouets d’enfants, à Rennes. M. Le Sourd , fabricant de vin mousseux , à Angers. Un rappel de médaille a lieu en faveur de M. Popino- Rabier, fabricant de soufflets. | Mentions honorables. . de Caumont, pour arboriculture , à Croixanville. - . Fayon, pour fabrication de vermicelle , à Rennes. Le Quint, pour café torréfié, à Rennes. . Madiot-Dru, pour confection d'ornements, à Rennes. . Alain, pour ébénisterie, à Rennes. € . Quantin, pour toiles imperméables , à Rennes. . Depincé, pour voitures, à Rennes. . Hauvespre, pour reliures , à Rennes. MM. Lancezeur, pour culture florale, à Rennes. M. Lecomte, pour culture florale, à Rennes. M. de la Rivière, pour ouvrage en marheiese avec bois injectés , à Rennes. DRRARRRES SEIZIÈME SESSION. , 389 Séance générale du 9 septembre. Présidence de M. RICHELET. M. Tarot, Secrétoure, Présents au bureau, MM. P.-M. Roux, de Caumont, de la Porte, Vice-Présidents; Le Gall, de Blois, Tarot, Secrétaires-généraux; Marteville, Secrétaire-général ad- joint; Hardoüin, Archiviste-Bibliothécaire ; Langlois, Tré- sorier. La séance s'ouvre à sept heures et demie du soir. Le procès-verbal de la séance du 8 est lu et adopté. Plusieurs ouvrages offerts au Congrès sont déposés sur le bureau. Les procès-verbaux des séances particulières tenues dans la journée sont lus par MM. les Secrétaires de la Lande, de Lustrac et de Soultrait. M. le Président donne la parole à M. Duchatellier , qui rend compte des objets antiques qui se trouvent dans le ca- binet de M. J. Aussant. Une statuette indoue découverte en Corse le conduit à parler de l'influence exercée jadis par la civilisation de l'Inde sur plusieurs peuples riverains de la Méditerranée. Maintenant ce sont les peuples de l'Eu- rope qui portent le flambeau d’une civilisation nouvelle 390 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. dans les parties les plus reculées de l'Asie. Le progrès im- mense des sciences et des arts se fera partout sentir. Après cette dissertation improvisée, écoutée avec intérêt, M. de la Borderie obtient la parole pour traiter la question du programme relative au rôle de la race bretonne dans l’histoire ancienne et moderne. Il aborde franchement le sujet, met en évidence quelques faits remarquables et sait en tirer d’heureuses conséquences. La race bretonne lui semble le type de la résistance à l'invasion étrangère. Chez elle la liberté ne dégénérait pas en licence ; l'autorité con- . servait toute sa force; les devoirs envers la patrie étaieni fidèlement remplis. L'opinion émise par M. de la Borderie est favorablement accueillie par l'assemblée, qui témoigne sa sata Patton par des applaudissements. M. de Caumont fait connaître que les fonctionnaires du Congrès se sont réunis en comité dans la matinée et se sont occupés de la Session prochaine. La ville de Nancy a été choisie pour être le siége de la xvn° Session, qui devra s'ouvrir dans la première quinzaine de septembre 1830. Le choix fait par le comité est unanimement approuyé. M. de Caumont fait aussi connaître que la réunion-de l’Institut des provinces aura lieu à Bourges, le 4* octobre prochain : M. le Président général se lève et dit : MESSIEURS, Ÿ Le temps donné aux travaux du Congrès est:sur le point d’expirer ; nous sommes arrivés au moment où nous allons être obligés à regret d'interrompre des relations qui pour nous ont été pleines de charmes. Du reste, le Congrès, ici comme dans tous les lieux où il s’est présenté, aura mous avons lieu de le croire, rempli la mission qui lui est con- fiée: Il aura ; suivant les intentions de son fondateur, ré- SEIZIÈME SESSION. 391 veillé le goùt des études sérieuses, mis en rapport des hommes qui s’ignoraient et qui pourtant étaient bien dignes de se connaitre, encouragé les travaux des savants isolés, établi des communications dont on peut attendre les plus heureux résultats. La vie, la valeur, l'intérêt réel des Congrès ne sont pas. encore justement appréciés en France, où la centralisation a tout absorbé. En Angleterre, en Allemagne, en ftalie il. n’en est pas ainsi, parce que chaque ville a sa valeur per- sonnelle, parce qu’il est permis d’être savant à Oxford , à Dublin, à Edimbourg comme à Londres, à Gênes comme à Turin. à Vérone comme à Milan , à Bologne, à Ferrare ‘comme à Rome. S'il existe une rivalité amie du progrès entire les universités de Leipsick, d'Heidelberg, d’Upsal et de plusieurs autres villes, aucune d’elles n’a jamais cher- ché à absorber les autres à son profit. Les Congrès, je ne saurais trop le répéter, ont un but qu'ils atteignent chaque année dans leurs Sessions nomades, et qui grandira de plus en plus, à mesure que l'esprit public se développera davantage. Toutefois, Messieurs, la réunion tenue à Rennes en 4849 n’aura pas été stérile sous le rapport de l'étude; les procès- verbaux de vos savantes discussions -et les mémoires im- primés dans le compte-rendu viendront bientôt, sous l’ex- cellente direction de la commission permanente, prouver ” le fait que je me plais à consigner ici. Avant de nous séparer, Messieurs, le bureau général éprouve le besoin de rendre grâces à M. le Préfet de ce département, à Monseigneur l'Evêque, dont l’obligeance s’est révélée en plus d’une occasion, à M. le Maire, à qui nous devons l'hospitalité, au Conseil municipal et à toutes. les autorités qui se sont empressées de venir nous donner une preuve évidente de sympathie en assistant à l'ouver- ture de cette Session. . Nous avons à remercier, au nom du Congrès, Messieurs les Secrétaires-généraux du dévoûment et du zèle avec le- quel ils ont préparé cette réunion scientifique ; nous avons 392 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. à remercier Messieurs les Présidents, Vice-Présidents et Secrétaires des sections de leurs soins empressés à s’ac- quitter dignement des honorables mais laborieuses fonc- tions dont vous les aviez chargés. Qu'il nous soit permis aussi de témoigner aux dames de Rennes notre vive recon- naissance de ce qu’elles n’ont pas reculé devant les ennuis d’études parfois trop sérieuses, pour venir chaque jour embellir de leur présence nos réunions générales. Nous avons enfin, mes collègues et moi, à vous expri- mer toute notre gratitude pour la confiance dont vous avez daigné nous honorer. Pour moi, Messieurs, j'éprouve le besoin de vous dire encore une fois combien j'étais loin de m'’attendre à la haute marque d'estime dont vous avez bien voulu m’entourer ; aussi, ne pourrez-vous pas mettre en doute l'engagement solennel que je prends aujourd’hui, sur celte terre de la fidélité et au moment où je me vois contraint de vous faire mes adieux, de placer au nombre de mes plus précieux souvenirs le souvenir de voire bien- veillance. j Après cette allocution, qui ne pouvait pas manquer d’être parfaitement accueillie, M. le Président prononce la clô- ture de la xvi° Session du Congrès scientifique de France et lève immédiatement la séance. Com. SEIZIÈME SESSION. 393 Rapport, par M. Léon de la Sicotière, sur quelques collections de tableaux et d'objets d'art, à Rennes (1). Messieurs , En arrivant à Rennes, dans cette capitale des anciens Etats de Bre- fagne, dans cette ville si justement fière de ses souvenirs historiques, si riche encore en hommes éminents dans les lettres, les sciences et les arts, l’espoir naturel de l'étranger est d’y trouver, réunis et conservés avec un soin religieux, les trésors, les reliques du passé. L’incendie, il est vrai, a dépouillé Rennes, il y a déjà plus d’un siècle, de la plu- part des églises, des tourelles, des hôtels, dont l’antiquité, le carac- tère architectural ou l'originalité pittoresque exciteraient aujourd’hui un si vifintérêt; mais qui oserait les regrelter, tout haul du moins, en présence de ces beaux quartiers qui les ont remplacés, de ces nom- breuses constructions appropriées à tous les besoins de la cité, de tous ces lravaux si largement conçus, si activement poursuivis, et qui, dans peu d’années , auront entièrement renouvelé la physionomie si nouvelle pourtant de Rennes ? Une voix éloquente et patriotique nous annoncaif, il y a quelques jours, que, dans les constructions nouvelles que Rennes va consacrer à son Académie, une place, une large place, Messieurs, serait réservée aux collections d'objets d'art et d’anliquité. Que cette parole soil entendue, et que l’appel qu’elle fait à ous les amis de l’art breton, de (1) Le manuscrit de ce rapport n’était pot au secrétariat, lorsque s’imprimait le procès-verbal de la huitième séance générale. M. de la Sicotière l’avait repris pour four- air une copie plus facile à lire que l'original. L'absence de ce trayail dans le comptc- rendu des séances du Congrès eût été fort regrettable. , TSI 50 394 GONCRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. l'honneur breton ne soit pas tardif! Que de trésors la Bretagne s’est vu ravir depuis quelques années, et quels trésors ! Les spéculateurs l’ont-ils assez rançonnée , assez dépouillée , pièce à pièce, de ses plus précieux ornemènts? L'ignorance , complice de ces perles, n’a-t-elle pas laissé périr une foule d'objets intéressants, faute de musées où elle pût les déposer? Chose triste à penser, triste à dire ! ce n’est plus en Bretagne qu’il faut chercher les plus précieux monuments de l'art breton, de l'histoire artistique bretonne. La plupart de ces monuments font au jour- d’hui la gloire des musées du reste de la France ou même de l'etranger. Qu’elle apprenne donc à conserver ceux qui lui restent; qu’elle sache défendre contre les invasions des Anglais touristes, et dés commis- voyageurs en bric-à-brac, les derniers restes de son art, de son génie, de son passé national, comme elle sut défendre contre d’aulres enne- mis sa liberté long-temps et son honneur toujours !!...… Les promenades que nous avons faites dans cette ville, sous la conduite de quelques-uns de ses habitants les plus aimables et les plus instruits, promenades dont je dois vous rendre compte, ont eu moins pour objet de visiter des monuments proprement dits, que de noter les objets d’art. De ces monuments, Messieurs, je .n’ai rien à vous dire. Vous lirez dans tous les Itinéraires , dans tous les guides du voyageur, que l’exécution intérieure de la cathédrale rap- pelle en petit celle du Panthéon de Paris ; que l’église Saint-Melaine remonte à la plus haute antiquité ; que l'Hôtel-de-Ville est du style le plus pur et le plus gracieux. — Je ne vous le répéterai pas... pour plu- sieurs raisons. C'est donc des collections d'objets d’art que rénferme Rennes que je voudrais vous entretenir ; de ces collections que vous avez visitées avant moi, avec moi, mieux que moi. Mon embarras est grand, je Vavoue. Les connaissances spéciales nécessaires pour en parler conve- nablement me manquent. Le temps ne me permeltra pas de relire ces pages rapides avant de vous les livrer. Je n’ai d’autre titre, pour vous parler de nos impressions communes, que la sincérité des miennes ; mais , vous le savez, ce qu’on aime le plus est rarement ce dont on parle le mieux. |, 5 Je dois vous dire encore que les noms de grands maîtres qui se suc- céderont sous ma plume vous seront donnés comme je les ai reçus; que je ne réclame pas de brevet d'invention, et que si j'en obtenais un, ce serait assurément sans garantie du Gouvernement ni du Congrès. Les collections de la ville méritent le premier rang... officiel. Vous avez vu sa riche-Bibliothèque de 40,000 volumes, si pauvrement logée, ses incunables, ses manuscrits à miniatures. Vous avez, quelques-uns de vous du moins, parcouru ses collections d'histoire naturelle. Au Palais de Jüstice, tout plein des grands souvenirs du Parlement SEIZIÈME SESSION. 395 de Bretagne , nous avons admiré cette immense salle des Pas-Perdus d’un si imposant caractère: ces salles d'audience d’une splendeur si éblouissante, où brillent les tentures de soie, les sculptures dorées, et, bien plus que l'or lui-même, les peintures de Gosse, de Coypel, et sur- tout de Jouvenet. N’élaient les austères figures, chères à l’histoire de Bretagne et à la science du droit, qu’on y rencontre à chaque pas, on pourrailse croire transporté à Versailles, dans les salons du Grand Siècle et du Grand Roi. Quelques-uns de nous ont parcouru les archives si bien classées et remplies de documents si précieux pour l’histoire, non seulement de la Bretagne, mais des provinces voisines. Au premier rang de ces documents se placent les registres des États de Bretagne depuis 1567. F Vous avez visité le Musée, les Musées de peinture. Je n’ajouterai rien à la description trop vraie que vous en traçait M. de Wismes il y a quelques jours. Il est déplorable de voir ainsi épars les chef-d’œuvres que la ville possède ; déplorable de penser que l'humidité gâte et dé- truit des trésors qu’il serait si facile de conserver. En vain vous a-t-on montré, à l’ancienne chapelle de l’École de droit, deux beaux bas-reliefs en bronze provenant de l’ancienne statue de Louis XIV; en vain ce Christ en croix de Jordaens avec la Madeleine abimée de douleur à ses pieds, ce Christ digne de Rubens, de ce Rubens qui peignit la Madeleine d'Anvers; en vain ce martyre de Saint-Laurent, — un vrai Ribera celui- là; — cette madone, attribuée à Vandick; — celte Descente de croix de Lebrun : — cette Femme adultère ; — ce Christ servi par les anges, attri- bué à Lesueur; — ces plâtres et ces marbres de sculpteurs bretons, auxquels Suc, l'artiste inspiré , l’auteur de la divine Mélancolie , vient d’ajouter quelques-unes de ses belles œuvres ; en vain, dans la salle, ou plutôt dans la cave voisine, ces dessins de Raphaël, de Michel- Ange , de Rubens, de tant et tant d’autres , et même ces énormes lor- lues qui paraissent jouir du spectacle des dessins qui les entourent, comme l’armure du chevalier — allemand, non breton, — Guillaume de Clèves , de la conversation des livres de la Bibliothèque; — en vain, revenant à l'Hôtel-de-Ville, vous êtes égarés dans une foule de salles, au milieu des noms du Guide, de Rembrandt, de Wynan{z, de Ribera, de Rubens, de Gérard-Dow, de Philippe-de-Champagne, de Pelerneefs, de Téniers, du bon roi René... — Les regrets, j'ose le dire, ont presque dépassé vos jouissances. j A l'hôpital Saint-Melaine , tout à côté d’un cloitre du xvn° siècle , si remarquable par l'originalité de certaines scuiptures représentant des saints, les uns placés en cariatides, les autres terminés en gaines, et de ces autres sculptures formant plafond, vous avez retrouvé, dans un an- cien réfectoire de bénédictins, toute sa physionomie; loute sa décora- tion anciennes : de mauvais tableaux, de beaux vieux laques de Chine servant d’entredeux, el les tables à pieds de biche des bons pères. 396 CONGRÉS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Non loin de là, dans la cour du séminaire, une collection de scuip- tures anciennes , dans le nombre desquelles s’en trouvent d’assez inté- ressantes, appelle toutes les sympathies des amis de l’art chrétien. Quelles ressources n’offrirait pas une semblable collection Lt l'étude et l’enseignement de l’archéologie ? Parmi les collections particulières, celle que nous avons visilée la première et avec le plus de détail, est la précieuse et riche collection de M. Aussant, notre excellent collègue. Nous ne dirons pas, nous ne pourrions dire tout ce qu’elle TOUS à présenté de remarquable : nous n’avons pu (out noter ; qu’on nous par- donne de fréquentes mais inévitables omissions. Nous avons donc principalement admiré, chez M. Aussant, dans l'é- cole ou plutôtles écoles d'Italie, un dypliquereprésentantl’Annonciation, peint à la détrempe par Cimabué, ou peut-être par Guido de Sienne , dont il.rappelle le pinceau à touches régulières, comme celle du crayon; — un David tenant la tête de Goliath, attribué au Guide, belle têle où l'étonnement, et je dirai presque l'effroi de la victoire remplacent heu- reusement la joie fanfaronne qui illumine d'ordinaire le visage du jeune berger, sauveur d'Israël ; — une tête par le même peintre, dans le sen- timent de Caravage, couleur puissante; — une Bataille, un Paysage : des Pêcheurs , attribués à Salvator Rosa ; — Le Brelan de la Mort, par Valentin, composition bizarre et d’une grande force de coloris; — un Sylla-de-Messine, rarelé digne d’être notée ; — Jésus chez Marthe et Marie, par le Tintoret; — Jésus-Christ au Jardin des Oliviers, suppliant son père de détourner de ses lèvres le calice d’amertume, esquisse at- tribuée à Annibal Carrache, et digne de ce maître ; — un Ecce Homo de Carlo Dolci, beau d'expression et de sentiment; — deux tableaux de Rosa de Tivoli probablement, représentant deux Troupeaux, l’un de grande dimension, l’autre petit. On marche à l'aise dans ce cadre de quelques pouces de largeur ; on se coucherait à l’ombre de ces hêtres hauts de quelques lignes ; — deux très-beaux Solirnène pleins de mou- vement et d’entrain, représentant, l'un un Episode de la Vie de sainle Catherine de Sienne, l’autre le Miracle des épis de saint Louis des Do- miniçains ; — un.krès-bon Portrait attribué au Tilien; — unefffierge à l'expression si-douce de Sasso-Ferrato; pur Dans l’école d'Espagne , au coloris chaleureux, aux effets de lumière et d'ombre si puissants , des Fleurs et des Fruits attribués à Velasquez; — une Sainte en prière, d’une ferveur d'expression et d’une pureté de lignes remarquables; — deux Pères du désert, aussi en prière, tableau inégal, mais dont quelques parties sont supérieurement fralées ;. — une Vierge enlourée d’anges , ravissante figure ; — et surtout un Saint invoquant la Vierge et l'Enfant-Jésus , qui lui sourient du Ciel, altribué, par les uns, à Murillo, par d’autres, au Titien, mais digne assurément SEIZIÈME SESSION. 397 de l’un et de l’autre de ces maîtres par la vigueur du coloris et de l’ex- - pression. Dans l’école allemande, un Triptyque remarquable, mais que la beauté de certaines têtes ne suffit pas peut-être pour faire attribuer à Albert Durer ; —-une Tête d’Homme par Holbein; — un joli Portrait dans la manière de Denner. Dans les écoles des Flandres et de Hollande, plusieurs Compositions leines de ce sentiment exquis de l’art, de cette merveilleuse finesse de touche qui fait l'admiration des connaisseurs et l'envie des artistes ; — un Troupeau surpris par un orage, d’Isaac Van-Oslade; — un joli petit Tableau de Jean Steen;— un charmant Paysage de Both, d'Italie; — une Dormeuse, de Skalchen ; — une Sainte en prière , de Corneille Poelem- burg, qui s’est montré rarement aussi chaste,, aussi fin, aussi gracieux; — plusieurs Toiles rembranesques, dont l’une surtout, représentant la Guérison du Possédë , est de la touche la plus fière et la plus hardie; — un Portrait d’Homme, enlevé à la manière de Rembrandt lui-même, par Ferdinand Boll; — un autre Portrait de grandeur naturelle, par Ter- burg ; — deux Fumeurs, qu’à la franchise de l’exéculion on peut don- per à Brawer;—dans un style plus relevé, une Résurrection de Lazarre, attribuée à Otho Venius;—les Vierges folles, de Jordaens tout au moins ; 2 un fort beau Portrait par Van-Dyck; — un Christ à l'Ecole, et déjà, tout petit enfant, dépassant par son amour de l'étude tous les autres enfants, composition fort curieuse, fort originale , et l’une des plus re- marquäbles œuvres , assurément, d’une collection qui renferme tant d'œuvres remarquables. Dans l'école française enfin , la plus riche relativement, plusieurs Ma- rines et un joli Paysage, de Joseph Vernet ;—une Vue d'Italie, altribuée à Claude Lorrain; — une grâcieuse composition de Bon Boullogne, re- présentant l’Enfant Jésus et le petit saint Jean enchaïnant un mouton avec des fleurs; — une Esquisse de Vien ; — deux Scènes de la Comé- die ilalienne, par Watteau ; — deux Chardin, d’une finesse et d’une co- ‘quetterie singulière; — l’Esquisse d’un Plafond représentant le Sacrifice d'Iphigénie, par Lebrun ; — des Fleurs, de Baptiste; — un beau Saint Pierre et une autre petite Tête délachée d’un tableau, et plus cerlaine- ment authentique, par Lesueur ; — un Paysage de Fragonard, qui n’en a laissé qu’un petit nombre; — une Jeune Fille en prière, d’une grâce et d’une suavité remarquables, par M'° Ledoux, avec des retouches bien caractérisées de Greuze, sonillustre maître ; —deux superbes Pas- tels , l’un de Latour, Tête de Vieillard d’un grand caractère ; l’autre de Vivien, tèle de jeune Femme aux trails fins et charmants; — une-jolie Composition d’Oudry, un Chien défendant sa chasse contre une Famille de Chats : la rage de la mère, qui lui déchire la tête, l’effroi de quel- ques-uns des pelits, la satisfaction narquoise d’un autre qui continue à plumer à belles-dents une perdrix tombée dans son lot, sont exprimés -398 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. avec une vérilé et un esprit frappants ; — plusieurs Portraits enfin d’un grand intérêt : Molière, par Lebrun, belle couleur, ordonnance savante, physionomie pensive et presque triste de celui qui devait tant exciter le rire ; Villars, par Rigaud, avec un petit coin de cette bataille de Denain qui sauva la France; Colbert, par Largilière, figure d’une ardeur d’ex- pression incroyable ; M*° de Sévigné, par Mignard ; Hoche, par David, deux noms/dignes l’un de l’autre; Largilière et Simon Vouet, peints par eux-mêmes.’ Quelques autres tableaux sont à signaler, moins à cause du nom dé leurs auteurs ou du mérite de l’exéculion , que de la bizarrerie de cer- tains détails ou des particularités qu'offre leur histoire. Ici, par exem- ple, c’est un saint Jérôme se servant pour travailler d’un lorgnon d’une réparation difficile, au fond du désert ; là, le chaste Scipion, vêtu d’un costume à brandebourgs magnifiques, rendant au prince Allucius sa jeune fiancée, dont le père, sans doute pour paraitre plus respectable, est affublé d’une chappe ; ailleurs, M" de Lavalière et ses enfants, fi- gurant une sainte famille , flatterie bien profane dont eût rougi la piélé de l’humble sœur Louise de la Miséricorde; — un Portrait de sainte Chantal, ayant appartenu à M** de Sévigné , sa nièce; — plus loin, une jolie Peinture sur porcelaine , d’une grande douceur d’exéculion, pro- venant, croit-on, de la galerie de Joséphine, et dont le cadre serait en coquillages ramassés par sa blanche main; souvenir peut-être de ses jeux d’enfance ; — ou bien encore ces deux Portraits de Louis XV et de Marie Leckzinska, portraits qui rappellent un royal hommage rendu à M. et M= de La Garaye, bienfaiteurs de la ville de Rennes; — ces deux petits tableaux peints sur des fonds de plateaux par Hubert-Robert, pen- dant sa détention à la Conciergerie ; ce fragment de tableau à la détrempe et ces miniatures détachées d’un Suétone illustré, que l’on attribue au bon roi René. | Le nombre des séances que nous avons pu consacrer à l'étude des collections du docteur Aussant a été trop restreint pour qu’il nous ait été possible d'examiner convenablement la grande quantité de tableaux qu’elles renferment. Il en est un bien grand nombre sur lesquels nous r’avons pu jeter qu’un rapide coup-d’œil. Nous nous bornerons à indi- quer dans une simple nomenclature les maîtres principaux auxquels ces peintures sont attribuées : Bane les écoles d'Italie : Vasari, Primatice, Garofolo, Perino-Del- Vaga, Bassan, Alexandre Véronèze, Laufranc, Guerchin, Bolognèse , Benedelte-Castiglione , Vanni de Sienne, Civoli, Calabrèse, Rondani, Le Guaspre, Piètre-de-Cortone, Carlo-Maratli, Luca Giordano , Cerquozzi, Romanelli, Tempesta , Pannini, Piazetta, Bibiena , Terantoli..…. Dans l'école espagnole : Herrera-le-Vieux , Ribera , -Alonzo-Cano, Zurbaran.… * Dans l’école allemande : Rottenhamer , Dietrick, Hergenroder.….. SEIZIÈME SESSION. 399 Dans les écoles flamande et hollandaise : Marguerite Van-Eyck, Lucas- de-Leyde, Sébastien et François Franck, Philippe de-Champaisne, Breughel père et ses deux fils, Breughel de Velours et Breughel d’En- fer, Paul-Brill, Van-Kaessel , Honsthorst, Gonzalès Coques , les trois Ten'ers, Rickaert, Van-Baalen, Swanevelt, Gerard Lairesse, Bloemaert, Van:-Artois, Fouquièras, Genoels, Francisque Millé, Pierre Van-Bloemen, Cornille Schut, de Witte, Mirevelt, Daniel et Gerard Seghers, Breenberg, Michaud, Momers, Van-Helmont, Monper, Pierre de Casquel, Van- Breda, Michel Carré, Albert Kuyp, Adrien Van-Ostade, Bramer, Netscher, Salomon Ruysdaël, Metzu , Van-Eeckhout, Vander-Wine , les deux Van- derneer, Vander-Lind, Pierre Wouwermans, Elzheimer, Peters, Steen- vick-père, Begyn, Vander-Kabel, Rachel Ruych, Baut et Boudewyns, Withoos , David-de-Heem, Palamède, Vander-Werf..…. Dans l’école française : Poussin, Sébastien Bourdon, Jouvenet, Ca- lot, les frères Lenain, Santerre, Bourguignon, Jacques Stella, Noël Coypel, Perrier, Lahire, Leclerc des Gobelins, Boucher, Lancret , Pa- ter, Trémolière, Théaulon, Patel, Wille fils, Casanova, Mauperché, Lacroix, Lantara , Valenciennes, Régnault, Demarne, Bertin, Sauvage, Sweback, Sarazin, Bruandet, Valin, Bergeret, Crespin, Michel, Dro- ling père, Mallet... Enfin, dans l’école anglaise : Hogarth, Burnet, Leslie... Nous n’omettrons pas de signaler, à côté des tableaux possédés par M. Aussant, la très-curieuse collection de cadres de toutes les époques, de toutes les formes -qui les accompagnent : ç’a été, assurément, une heureuse tentative de conserver ainsi, autant que possible, à chaque æuvre, le vêtement sous lequel elle avait dû se produire dans le Gr et qui relève l’originalité de sa physionomie; D’une collection de plusieurs milliers de gravures, d’une autre collection de miniatures et de dessins de maitres, où se rencontrent pourtant les noms de Raphaël, de Rubens, du Titien et d’une foule d’autres grands maîtres nous ne dirons rien, dans la crainte de paraître trop long, tout en n’en disant pas assez... Le cabinet de M. Aussant renferme encore un grand nombre d'objets intéressants de toute époque, la plupart trouvés en Bretagne ; des coins gaulois de formes peu communes ; — une hache gauloise en pierre, qui semble avoir élé destinée à enlever et à préparer les peaux des animaux ; — de belles médailles romaines en or, en argent ; — d’au- tres en bronze, plusieurs poinconnées et contremarquées, et dont l’é- tude à ce point de vue serait des plus intéressantes ; — des séries de monnaies assyriennes, grecques, françaises, baronnales, bretonnes surtout, dont plusieurs inédiles ; — des statuettes romaines en terre ; — des fragments de poterie et même en verre teint en diverses cou- leurs au moyen d’oxides introduits dans la pâte, de la même épo- que ; — une collection curieuse d’ustensiles el bijoux romains de toute 400 CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. forme, peigne en bronze, agrafes, jolie lampe, figurée par.un-pied que mord une chimère ; dé à jouer, cornaline gravée à l’image de.César et trouvée à Corseul ;-enfin, anneau auquel pend tout un arsenal d’instru- ments de toilettesen miniature, cure-dent, cure-oreille, pince épilatoire, à l’usage sans-doute de quelque belle dame romaine , découvert dans la Vilaine ;— séries d’antiquités romaines venant les unes de Rennes, les autresde Corseul; — puis les christs byzantins aux formes bizarres; — les émaux de Limoges et d'Allemagne ; — les bahutsetles dressoirs de Bretagne ; — les porcelaines de Saxe, de Sèvres; — des diptyques en ivoire et en cuivre; — des albâtres aux formes traditionnellement bar- bares; — un bouton peint par Watteau ; —un fragment de coffre ciselé parBenvenuto Celini; — des armes ; des éventails et un miroir donnés en cadeau par le schah de Perse, et couverts des plus fines et des plus jolies peintures : la Vierge et l’Enfant-Jésus pour sujet, des paysages à Ja manière de Breughel pour fonds, des femmes avec de grands yeux noirs-qui leur mangent tout le visage, et des pieds impossibles pour personnages , le plus singulier mélange de l’art européen et de l’art asiatique ; —-puis des statuettes indiennes, dont l’une, fort curieuse, a été trouvée en Corse ; — puis encore des Ghinoiseries ; — des monstres exhumés des ruines de Palanque’, et, comme pour en mieux faire res- sortir la laideur, une figure presque correcte venant du, même lieu ; — des livres ; — des manuscrits, parmi lesquels un recueil médical du xiv° siècle ; — une série d’assignats révolutionnaires, et même d’alma- nachs pacifiques ; — puis enfin, des coquillages, des objets d'histoire naturelle ; — tous les genres , toutes les formes, tous les siècles, tous les pays, non pas assurément méthodiquement et classiquementrangés, mais entassés dans un pêle-mêle que les devoirs nombreux de l’heureux possesseurn’expliquent que trop, et dont les véritables amateurs au- raient mauvaise grâce à se plaindre, car il leur épargne des humiliations -et des regrets. | Nous ne saurions omettre dans l’'énumération des objets qui ont frappé nos yeux, de nombreuses chartes, précieuses pour l’histoire de Bre- tagne , et quelques autographes, parmi lesquels nous avons distingué près de la plumes— authentique celle-là ! — qui servit peut-être à les écrire, plusieurs pages des Mémoires d'Outre-Tombe : feuilles immor- telles ramenées par tes vents aux lieux dont elles ont retracé l’image ! Dernières reliques de l’homme qui garda le plus fidélement dans son cœur de Breton le triple culte de la Bretagne, Dieu, le malheur et la liberté, et dont elle-même gardera le plus fidèlement le souvenir !! Le but de M. Aussant a été de conserver à la Bretagne les objets d'art et de curiosité qu’elle renfermait en si grand nombre. A force de pa- tience, de zèle et de sacrifices, il a su se créer un cabinet d’une grande richesse, que ses compatriotes et les étrangers doivent visiler avec une égale reconnaissance, un égal intérêt, Qu'il nous soit permis d'ajouter SETZIÈME SESSION. 401 que l’obligeance avec laquelle il recoit tous les amateurs désireux d’é- tudier ces collections, qu’il augmente chaque jour, peut seule empé- cher de regretter que la ville de Rennes n’ait pas, dans l'intérêt public, entrepris la tâche à laquelle s’est dévoué cet ami des arts. Je voudrais pouvoir donner des détails aussi circonstanciés sur les autres collections particulières que nous avons visitées ; mais c’est à peine si, dans les courts intervalles que nous ont laissés les séances du Congrès et les travaux du Jury d’exposilion, nous avons pu les par- courir. Nous avons contemplé avec un vif intérêt chez M. Davon, parmi quel- ques jolis tableaux, une belle peinture représentant une Sainte-Famille, attribuée au Barroche : Chez M. Perrio, un très-joli choix de tableaux, de l'école flamande pour la plupart, parmi lesquels des Baiïgneuses, de Corneille Poelem- burg ; un Salomon adorant les faux dieux, de Franck; deux belles Toiles rembranesques de Guelder; un charmant Enfant-Jésus entouré d’Anges, et attribué à Rotther-Hamer ; deux petits Tableaux ovales, attribués à lassociation des grands maîtres; une Esquisse de la plus grande ma- nière , Madeleine au Désert, attribuée par des connaisseurs éminents à Van-Dick; un Chardon entouré d'Animaux et d’Insectes, morceau capi- pital d’Otto-Marcellis ; un Fumeur, de Brawer ; une Orgie , altribuée à Franck ; un bizarre Trophée d’Armes et d'Objets divers , signé Van-Kes- sel : une Scène villageoise , signée Gaël, et qu'eut signée Wouvermans, son maître; — et à côté de ces peintures, soutenant dignement l'honneur de notre école française , deux charmants Dessins de Gavarni ; un Ta- bleau d'Emile Wattier, d’une touche légère et spirituelle, et une belle Étude de Femme romaine, par Schnetz ; Chez M. Baron du Taya, de jolies Gravures, des Terres cuites et quelques Tableaux de prix ; Enfin, chez M. Barré, l’éminent sculpteur, les Débris des Statues tom- bales, mutilées pendant la Révolution, d'Olivier de Clisson et de sa Femme, débris moins remarquables sous le rapport de l’art que sous celui de leur origine et de la ressemblance. Le type breton vit encore dans toute son énergie sur cette tête déshonorée ; et le jour où la Bre- tagne voudra relever sur une de ses places l’image de l’un de ses plus grands capitaines , ou lui rendre un tombeau digne de sa mémoire, ce jour-là elle n’aura qu’à s’agenouiller, et à ramasser dans la fange ou elle l’oublie la tête d’un de ses héros, que le dernier siècle honorait encore en profanant sa statue. A l’évêché, dont les portes se sont ouvertes pour nous avec la plus grâcieuse obligeance , nous avons admiré de riches et précieuses col- lections d'histoire naturelle : minéralogie, insectes, coquilles, oiseaux. Une précieuse collection de lableaux a dû aussi vivement fixer notre in- Tete 51 402 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. térêt, Comment oublier dans le nombre celte Halte de Bohémiens d’une couleur et d’un dessin si rembranesques ? La Mère peignant son enfant aux longs cheveux blonds ; la moue de celui-ci, l'insouciance de l’autre -enfant; le Père enlevant de la fourche qui la supportait la marmite.où cuit Jeur diner; le Cheval efflanqué regardant d’un air mélancolique ? Puis cet Enfant-Jésus au milieu d’une guirlande de fleurs et de fruits, de Daniel Seghers ? Cet autre entouré de fleurs peintes pour ainsi dire au pointillé ? — Ces deux charmants pelits Breughel de velours , sur les fonds verts desquels se détachenttous ces personnages microscopiques? — Ce portrait d’un prince d'Orange ? — Cette esquisse de l’Adoration des Mages ? — Cette belle Madone aux traits si purs, d’André-del-Sarte ? — Celle vigoureuse et chaude Mélée, de François Franck ? — Cet Inté- rieur d’une finesse et d’une franchise qui le signerait du nom de Teniers? — Ce Christ auJardin des Olives ? — Cette Mère de Pitié pressant contre sa poitrine la tête deson fils mort; mort si affreusement vraie !'angoiss € et douleur si tristement maternelles ! — Ce Vieux Triptyque italien d’un sentiment si naïf? — Cette Sainte Famille , de l'Ecole française , d’un sentiment plus moderne, mais délicat et touchant? — Cette statue de Barré , si admirablement éclairée par le jour d'en haut? — Puis cette Madone aux vêtements bizarres formés d'une mosaique de nacre de perles ?.... Tout dans cette magnifique demeure , dans la richesse et le choix des collections qui la décorent, atteste la distinction des goûts du prélat éminent qui l’habite. Il'est cependant un seul objet, un superbe retable provenant de l’an- cienne cathédrale de Rennes , qui n’est pas encore à sa place, et qui, nous l'espérons , descendra bientôt du grenier où il est renfermé. Ce retable est orné d’une quantité de figures et galeries à jour travaillées avec une finesse singulière. Quelques-uns des personnages sont aussi du ciseau le plus hardi et le plus magistral. Le caractère de ce précieux monument est tout-à-fait allemand et rappelle le Saint Paul au tombeau de Saint-Sébald. Cette nomenclature est bien sèche, bien longue , bien. incomplète pourtant. Pardonnez-moi , Messieurs , de n’avoir pas su mieux traduire votre admiration ,\pour ces objets que nous avons visités ensemble ; et laissez-moi remercier, en votre nom comme au mien , Ceux qui les ont rassemblés avec tant de peines et de goût , et qui nous ont accueillis avec tant de grâce et d’empressement. SEIZIÈME SESSION. 403 VŒUX adopiés dans les Séances générales par le Congrès scientifique de France, 4 6° Session. Séance du 4 septembre. — Le Congrès recommande très- vivement à la bienveillance du Gouvernement l’établisse- ment fondé par M. Duclésieux à Saint-Ilan, Côtes-du-Nord, pour la colonisation des orphelins de la Bretagne, et solli- cite en faveur des jeunes colonies une allocation de fonds assez forte pour assurer leur prospérité. Séance du 7 septembre. —Le Congrès, sur la proposition faite par la quatrième section, émet le vœu que l’enseigne- ment de l’histoire provinciale soit introduit dans les divers établissements d’instruction publique. Même séance. — Le Congrès scientifique Héende qu'il plaise au Gouvernement : 4° De décider qu’une autorité assez étendue et une liberté assez large seront attribuées aux administrations locales, dans la disposition de leurs ressources, pour leur permettre d'exercer au sein de leurs populations, sur les sciences, les lettres et les arts, un protectorat efficace, digne et consiant ; 2° De classer le Congrès scientifique de France et l’In- stitut des provinces au rang des institutions nationales ; 3° D'accorder sur le budget de l’Etat, comme un juste encouragement dû aux efforts prolongés de l’une et de l’autre insütution, des allocations annuelles égales au 40% CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. moins aux valeurs qui proviennent de la souscription des adhérents et des allocations départementales ; 4° De prononcer qu’un fonds, égal au fonds provenant de la cotisation des membres de la Société pour la conser- vation des monuments français, sera accordé à cette même Société el mis à sa disposition ; 5° D’allouer un fonds spécial sur le budget pour la créa- tion des bibliothèques populaires cantonnales, «en char- geant d’en faire l'emploi l’Institut des provinces, organe naturel des Congrès et des Sociétés savantes des départe- ments ; if 6° D’attribuer désormais, sur les fonds des ministères de l’intérieur et de l'instruction publique, une plus large part à l’encouragement des productions artistiques, littéraires et scientifiques des départements. | Séance du 8 septembre. — L'assemblée générale, parta- geant l'opinion de la quatrième section, regrette que, dans la nouvelle organisation des architectes chargés de la ré- paration des édifices diocésains, la préférence ait été pour les architectes parisiens, malgré les preuves de capacité et de goût données par les architectes qui habitent la pro- vince. Elle croit voir dans ce fait un abus de la centralisa- tion , et désire que le vrai mérite, en quelque lieu qu’il se trouve , ait part aux faveurs de l'Etat. $ Même séance. — Sur la proposition faite par la cinquième section, le Congrès émet le vœu que la peine accessoire dite mort civile soit abolie, comme inutile et comme con- traire à nos mœurs. Nora. Deux vœux accueillis par la deuxième section et un vœu accueilli par la troisième n’ont pas été soumis à l’assemblée générale du Congrès. Le premier de ces vœux est relatif à la confection des cartes agronomiques; le se- cond, à l’industrie rurale des toiles : le troisième, à la con- statation des décès. { Voir t, I”, p. 248, 307 et 376.) SEIZIÈME SESSION. 405 Pendant l'impression de ce volume , les Secrétaires-gé- néraux ont appris le décès de M. Richelet. Le sentiment douloureux produit chez eux par cette nouvelle ne peut manquer d’être partagé par ioutes les personnes qui ont pris part aux travaux de la xvi° Session du Congrès. Nous nous félicitions tous , à la clôture de la Session, d’avoir eu un Président chez qui le talent et la dignité s’unissaient à l’urbanité, à la bonté. Nous savions qu’il était plein de zèle pour la noble institution des Congrès, et tout en lui nous permettait de croire que les Congrès auraient long- temps encore son puissant appui. L'Institut des provinces, qui le compte au nombre de ses fondateurs, fera certaine- ment connaître les services qu'il a rendus à la science, les travaux qui ont honoré sa vie; nous ne pouvons que con- signer ici l’expression des regrets bien vifs que nous a causés sa perte, et en même temps s l’assurance d’un fidèle souvenir. _ -(0- hi} ef SEIZIÈME SESSION. 407 CATALOGUE DES OUVRAGES OFFERTE à la XVI Session du Congrès scientifique. —«408— 4° QUYRAGES PUBLIÉS PAR DES INSTITUTIONS. Actes du Congrès de yignerons français. im° Session, tenue à Marseille en août 4844. 1 vol. in-8°. Déposé par M. P.-M. Roux. Annales de la Société d’agriculture, des sciences, arts et belles-lettres du département d’Indre-et-Loire. Livraison de 14846, contenant l’histoire du chevalier de Nouain- ville. In-8&. Envoi par M. Sourdeval. Annales de la Société d'agriculture et d'industrie du dé- partement d'Ille-et-Vilaine , 1840-1846. [n-8°. Rennes. Déposé par M. Amaury Dréo. ; Annuaire de l’Institut des provinces et des Congrès scien- tifiques. 4 vol. in-12. Paris, 4846. Déposé par M. de Caumont. i 408 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Annuaire des cinq départements de l’ancienne Normandie , publié par l'Association normande. 4 vol. in-8°. Caen, 1849. Déposé par M. de Caumont. Association normande. Janvier 1833. In-8° de 27 pages. Déposé par M. de Caumont. Bulletin archéologique de l'Association brelonne. 4" li- vraison. In-8°. Rennes, 1849. Catalogue de l'exposition de sculpture et de peinture. In- 12. Rennes, 1849. Comité médical des Bouches-du-Rhône. Rapport sur ses travaux pendant l’année 1843-1844, par M. P.-M. Roux. In-8° de 400 pages. Marseille. Congrès scientifique de France , rx° Session, tenue à Lyon en septembre 1841. 2 vol. in-8°. Envoyés par M. Co- marmond, avec la médaille de bronze frappée en l’hon- neur de la Session. Id. x1° Session, tenue à Angers en septembre 4843: 2 vol. in-8°. Déposés par M. de Caumont. Ps Id. xn° Session , tenue à Nimes en septembre 1844. 4 vol. in-8°. Déposé a M. de Caumont. Id. xiv° Session, tenue à Marseille en septembre 1845. 2 vol in-8°. Déposés par M. P.-M. Roux, avec la médaille d'argent frappée en l’honneur de la Session. Id. xv° Session, tenue à Tours en septémbre 1847. 2 vol. in-8°. Déposés par M. Lambron de Lignim. Congrès archéologique de France. Séances généralestenues à Sens, à Tours, à Angoulême et à Limoges, en 1847, SEIZIÈME SESSION. 409 par la Société française pour la conservation des monu- ments historiques. 4 vol. in-8°. Caen. Institut des provinces de France. Mémoires, 2° série, L. Le, in-fo. Paris 4845. — Ce volume, remis par M. de Cau- mont, contient la géographie ancienne du diocèse du Mans, par M. Th. Cauvin, et un essai sur les monnaies du maine , par M. E. Hucher. Instruction et amélioration du peuple. (Extrait de l’An- nuaire des cinq départements de l’ancienne Normandie.) In-8° de 59 pages. Caen. Déposé par M. de Caumont. Recueil de la Société royale de médecine de Marseille, 1826-1829. 4 vol. in-8°. Déposés par M. P.-M. Roux. Relation médicale de la commission envoyée à Paris par l’intendance sanitaire et par la chambre de commerce de Marseille, pour observer le choléra-morbus. In-8° de 154 pages. Marseille, 1832. Déposé par M. P.-M. Roux. Répertoire des travaux de la Société de statistique de Mar- seille, 4837 à 1846. 10 vol. in-8°. Déposés par M. P.-M. Roux. Revue normande, rédigée par une Société de savants et de littérateurs de Rouen, de Caen et des principales villes de la Normandie , sous la direction de M. de Caumont. 1833. 1 vol. in-8°. Société de statistique de Marseille. Procès-verbaux des séances publiques tenues en 1836 , 1840, 1844 et 1846. 4 cahiers formant 1 vol. in-8°. Dépôt par M. P.-M. Roux. Système et méthode de recherches statistiques, adopté par la Société de statistique de Marseille, sur la proposition de M. Miège et le rapport fait par M. de Matheron. 1843. In-8° de 78 pages. Déposé par M. P.-M. Roux. FAITS 52 410 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. 2° OUVRAGES PUBLIÉS PAR DES PARTICULIERS. A: R. La Bataille électorale, ou les Marionnettes politi- ques; comédie en 5 acies et en vers. In- 8° de 414 pages. Paris, 1842. Anonyme. Le château de Coupes: Io- 12 Br 21 pages. Angers, 1844. BaLzy (le docteur Victor). Recherches sur les maladies - épidémiques et endémiques des bords de la Méditerra- née, et notamment de la choladrée ages in par- tie. In-4° de 66 pages. Paris, 1849. —Voyage d'Horace à travers les marais Pontins, consi- déré spécialement sous les points de vue médicaux. In- 8° de 15 pages. Paris, be BELHoMvE (le docteur). Nouvelles recherches d'anatomie pathologique sur le cerveau des aliénés affectés de pa- ralysie générale. In-8° de 81 pages. Paris, 1845. —Quatrième et cinquième mémoire sur la localisation des fonctions cérébrales et de la folie. à vol. in-8°. Paris, 1845 et 1848. —Influence des événements et des commotions politiques sur le développement de la folie. In-8° de 32 pes Pa- ris, 1849. —Essai sur l’idiotie. Propositions sur l'éducation des idiots, mise en rapport avec leur degré d’ intelligence. In-8° de 12 pages. Paris, 1843. BELLIN (Ant.-Gasp.). Exposition des idées de Platon et d’Aristote sur la nature et l’origine du titi In-8° de 32 pages. Strasbourg, 4842. —Exposition critique des principes de l'Ecole par de Fourrier. In-8° de 55 pages. Lyon, 1841. SEIZIÈME SESSION. A __Des avantages du concours appliqué au recrutement du personnel administratif et judiciaire. In-8° de 61 pages. Lyon, 1846. Bézr-Larosse. Monographie de l'église de Saint-Sauveur de Dinan. In-f, avec planches. Rennes , 4 847. Bonner (Simon). De l’enseignement de l’agriculiure dans le dépariement du Doubs, pendant l’année 1843. In-8° de 78 pages. Besançon, 1843. =Discours sur les avantages de l’enseignement de l’agri- culture. In-8° de 46 pages. Besançon, 1841. Brune (l'abbé). Résumé du cours d'archéologie professé _ au séminaire de Rennes, suivi de notices historiques et descriptive$ sur les principaux monuments du diocèse. 4 vol. in-8. Rennes, 1846. £ —Ailas de ce cours ? contenant un grand nombre de vues et de fragments d'édifices religieux, des autels, fonts baptismaux , bénitiers, tombeaux , etc., tous dessinés d’après nature et tirés du seul diocèse de Rennes. In-4°. . Rennes. Bureaup-Riorrrey (le docteur A.-M.). Curabilité de la phthisie et des scrofules, appuyée sur des preuves au- __thentiques. In-8° de 216 pages. Paris, 1847. —Du choléra. Moyens préservatifs et curatifs, ou philoso- . phie des grandes épidémies. In-8° de 116 pages. Paris, 1847. | Caumonr (A. de). Des cartes agronomiques en France. In- 4° de 32 pages, avec cartes. Caen, 1847. —Coup-d’œil sur l’état des études archéologiques dans l'ouest de la France. In-8° de 44 pages. —Promenades archéologiques dans les communes du lit- toral de l’arrondissement de Caen. In-8° de 80 pages. Caen. = 412 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. —Statistique routière de la Normandie. Routes de Caen à Cherbourg et de Caen à à Rouen. In-8° de 59 pion Caen. 1842. —De la réforme académique en France. In-8° de 12p péges. Caen. —Rapport verbal sur les antiquités de Trèves et de Mayen- ce, fait à la Société française pour la conservation des monuments. (Extrait du Bulletin monumental.) In-8° de 8 pages. Caen, 1843. abs —S$tatistique monumentale du ét 4 vol. in-8°, Caen. —Définition élémentaire de quelques termes d’architec- ture. In-8° de 168 pages. Paris, 4846. —Travaux de la Société française pour la conservation des monuments, en septembre 1847. (Extrait du Bulletin monumental.) In-8° de 47 pages. Caen. —Voyage archéologique fait en Normandie > en 1834, par M. Gally-Knight. Traduction de l’anglais, communiquée à la Société pour la conservation des monuments. (Ex- trait du Bulletin monumental.) In-8° de 453 pages. Caen, 1838. CHRESTIEN (le docteur). Etude du choléra-morbus, à l’u- sage des gens du monde. In-8° de 132 pages. Montpel- lier, 1849. - ComarMonD (A). Description de l’écrin d’une dame romaine, trouvé à Lyon en 1841. In-4° de 19 pages, avec plan- ches. Lyon, 1844. —Description du sarcophage découvert à Saint-Irénée et des tables de Claude. In-4° de 24 pages, avec pa Lyon, 1847. Deseauvoys. Guide de l’apiculteur. 4 vol. in-42. angers, "1847. 1 DE LA LANDE (l’abbé J.-M.). Une première excursion bota- nique dans la Charente-Inférieure, en septembre. 1847. In-8° de 27 pages. Nantes, 1848. “fr SEIZIÈME SESSION. 413 —Une seconde excursion botanique dans la Charente-In- férieure, en août et septembre 1848. In-8° de 61 pages. Nantes, 1849. DougLer DE BoisraiBAuLT (J.). Notice historique sur la vie et les ouvrages de Fr. Doublet, docteur-médecin, régent de l’ancienne Faculté de médecine de Paris ei professeur de la Faculté actuelle. In-8° de 34 pages. Paris, 1826. —Du régime cellulaire. In-8° de 16 pages. Chartres, 1842. —De l’état actuel de la presse en France. In-8° de 8 pages. Blois, 1837. —Notice historique de Hérisson, conservateur de la biblio- thèque de Chartres. In-8° de 12 pages. —Plaidoyer pour M. le comte d’Hinnisdal, prévenu d’a- voir dégradé un objet destiné à l’utilité publique. Juin 1834. In-8° de 45 pages. FeraAup {le docteur Edouard). Le choléra devant l’huma- nité. In-8° de 68 pages. Marseille , 1849. FLaAGuaIs (Alph. Le). Aux antiquaires, après le manifeste de l’Académie des beaux-arts au sujet du style ogival. In-8° de 11 pages. Caen, 1846. FourzHoux (le docteur). Recherches sur la nature et sur le traitement de la danse de Saint-Guy. In-8° de 224 pages. Lyon, 1847. FRÉJAGQUE (le docteur Gustave). Quelques considérations hygiéniques relatives à la ville de Carcassonne, à propos du choléra, et recherche des causes de la fièvre ty- phoïde. In-8° de 16 pages. Carcassonne, 1849. —Appareil nouveau à sellette, pour les fractures du col du fémur et les fractures obliques du corps de cet os. In-8° de 45 pages. Toulouse, 1847. GizLesert D’Hercourr (le docteur). Du traitement hydria- tique des affections scrofuleuses. In-8° de 24 pages. 4EN% CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. GiRARDIN (M.-J.). Courte instruction sur l’emploi du sel en agriculture. 2 édition. In-12 de 64 pages. pere GuyNEMER (A). Dictionnaire du bon TORRBUEERE, 1 vdi: in- 18. pie 1849. : HERPIN l J. -Ch. ). Sur les canaux et les PROTS fer. In- 8° de 15 pages. Paris, 1830, —Mémoire sur divers insectes nuisibles à l’agriculture, et plus particulièrement au froment , au seigle, à l’orge’et au trèfle. In-8° de 50 pages, avec planches. Paris: —Recherches sur la destruction de l’alucite ou teigne des grains. In-8° de 30 pages. Paris, 1838. —De la graisse des vins. In-8° de 40 pages. Châlons-sur- Marne , 4819. —Recherches économiques sur lé son ou l'écorce du fro- ment et des autres graines céréales. In-12 un 36 pages. Paris, 1833. x —Considérations agricoles sur l'importation des bestiaux étrangers en France et sur les droits d’entrée à Paris. In-8° de 20 pages. Paris, 1841. - —Sur l'emploi du plâtre et du poussier de charbon pour désinfecier instantanément les matières fécales. In-4° de 15 pages. Paris. —Quelques mots sur le crédit agricole et la réforme hypo- thécaire. In-8° de 12 pages. Paris. —Sur le déplacement et l’échange des enfants trouvés et la suppression des tours d'arrondissement. In-8° de 24 pages. Paris. —JInsiruction sur les moyens d'établir facilement ne à peu de frais des écoles primaires dans les campagnes. In-12 de 23 pages. Paris , 4834. —Sur l’enseignement mutuel, les écoles orties cam- __ pagne et les salles d'éducation de l'enfance. In-12.de 24 pages. Paris, 1835. LAcuRIE (l’abbé). Dissertation sur l'entretien de Phikippe- SEIZIÈME SESSION. 415 le-Bel et Bertrand de Got. In-8° de 62 pages. Saintes, 4849. LamserT (Ed.). Observations sur une note relative aux phalères et aux enseignes militaires des Romains, à l’oc- casion d’un symbole gaulois des médailles de l’Armo- rique. In-4° de 6 pages. Bayeux, 1849. Réponse à la dissertation de M. Deville sur un symbole gaulois figuré sur les médailles de l’Armorique, désigné sous le nom de Peplum..In-4° de 16 pages, avec une planche , Caen, 1848: ï —Essai sur la numismatique gauloise du nord-ouest de la France. In-4° de 463 pages, avec planches. Paris, 1844. LameroN DE Luicnim. Recherches historiques sur l'origine et les ouvrages de Michel Colombe, tailleur d’ymaiges du roi. In-8° de 24 pages. Tours, 1848. —Souvenirs du Congrès scientifique de France, xv° Ses- sion, tenue à Tours. In-8° de 55 pages. Mazaçurr. Cours de chimie agricole professé en 1847 à la _ Faculté des sciences de Rennes. 1 vol. in-12. Rennes. Maznerse (Alfred). Catalogue raisonné des oiseaux de l'Algérie, contenant la description de plusieurs espèces nouvelles. In-8° de 31 pages. Metz, 1847. —Note sur quelques nouvelles espèces de pics. In-8° de 19 pages. Metz, 1849. —Discours à la séance de l’Académie nationale de Metz, 44 mai 1848. In-8° de 17 pages. More et Bonigrre. Technologie des engrais de l’ouest de la France. 4 vol. in-8°. Nantes, 1848. Morière. Notes sur quelques phénomènes géologiques et minéralogiques observés dans le Calvados. In-4° de 19 pages. Caen. 416 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. —Industrie potière dans le département du Calvados. In-é° de 13 pages. Caen, 1848. Mouuns (Charles des). Catalogue raisonné des phanéro- games de la Dordogne. In-8° de 178 pages. Bordeaux, 1849. —Documents relatifs à la faculté germinative conservée par quelques graines antiques. In-8° de 31 pages. Bor- deaux. —Documents relatifs à la naturalisation en France “ Pa- nicum digitaria Laterr., graminée fourragère de l’Amé- rique septentrionale. In-8° de 22 pages. Bordeaux, 4848. —Rapports sur les églises de Saint-Eutrope de Saintes et de Saint-Junien. In-8° de 56 pages. Caen, 1848. —Quelques faits à ajouter à la description de la ville mo- numentale de Bazas (Gironde). In-8° de 64 pages, avec dessins par M. Léo Drouyn. Caen, 1846. PARAVEY ( Cher de). Réfutation de Popiaio émise par M. Iomard, que les peuples de l’Amérique n’ont jamais eu aucun rapport avec ceux de l’Asie. In-8° de 7 pages. Paris. PuiLippe-LEMAITRE (M). Lettres à Julie sur la botanique et la physiologie végétale. In-8° de 72 pages. Rouen, 1839. | # Priou (le docteur J.-B.-T.). Guide médical des mères de famille, ou indications des premiers secours à adminis- trer dans les maladies graves des enfants, précédées de quelques réflexions sur l'éducation physique, sur l’hy- giène et surles moyens de prévenir les difformités de la taille. In-8° de 107 pages. Nantes, 1846. Querret (H.). Cathéchisme agricole à l’usage de la jeu- nesse bretonne, suivi d’une comptabilité agricole. 4 petit vol. in-12. Guingamp, 1846. SEIZIÈME SESSION. 417 _ RICHELET. Explication des termes les plus usités dans le langage de la peinture. In-8° à 2 col., 64 pages. Paris, 1846. —Actualité politique. Lettre à M**. In-12 de 15 pages. Le Mans, 1849. RosTAING DE Raivas (le docteur de). Des établissements pu- blics destinés à la première enfance, à Nantes. In-8° de 56 pages. Nantes, 1849. Roux (le docteur P.-M.). Eloge historique de Polydore Roux, conservateur du cabinet d'histoire naturelle de Marseille. In-8° de 44 pages. Marseille, 1834. —Notice biographique sur J.-B. Textoris, docteur-méde- cin. In-8° de 24 pages. Marseille, 1829. —Eloge historique de François-Emmanuel Fodéré, l’un des fondateurs de la Société de médecine à Marseille. In-8° de 30 pages. Marseille. —Notice historique sur le docteur L. Gerard , botaniste de Cotignac. In-8° de 8 pages. Marseille. —Discours de réception prononcé dans la séance publique de la Société de médecine de Marseille, le 23 juin 1844, précédé d’un mémoire de physiologie que le récipien- daire avait présenté à l’appui de sa candidature. In-8° de ‘40 pages. Marseille, 1844. —De la statistique appliquée à l’étude de l'hygiène publi- que, en général, et de l'hygiène des Marseillais, en par- ticulier. In-8° de 18 pages. Marseille, 1842. —L'’observateur des sciences médicales. 40 vol. in-8°. Mar- seille. —Rapport sur les Congrès de Nimes et de Milan, fait à la Société de statistique et à l’Académie des sciences, belles- lettres et arts de Marseille. In-8° de 278 pages. Mar- seille, 4846. T, IL. 53 418 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. SICOTIÈRE (de la). Un atelicr de fausse monnaie au xvre sië- cle. In-8° de 18 pages. Blois. —La Cour de la reine de Navarre à pré an In-4° de 36 pages. Caen, 1844. Tori (Hippolyte). Notice statistique sur les serres et oran- geries du territoire de Marseille, précédée d’un aperçu sur l’mtroduction de l’oranger dans le midi de la France. In-8° de 16 pages. Marseille, 1848. —-Lecture, compte-rendu et extrait d’un rapport à la So- ciété d’horticulture de Marseille. 1847-1848. 27 pages in-8°. Touzmoucxe (le docteur A.). Histoire archéologique de l’é- poque gallo-romaine de la ville de Rennes, comprenant l'étude des voies qui partaient de cette cité et celle de leur parcours, précédée de recherches sur les monnaies et antiquités trouvées dans les fouilles de la Vilaine pendant les années 1841, 42, 43, 44, 45, 46, et ornée de 3 cartes et de 20 planches lithographiées. 4 vol. in- 4°, . Rennes, 1847. —Mémoire sur les maladies occasionées par le chanvre, et sur une affection morbide nouvelle de la bouche pro- duite par le contact prolongé de cette substance sur cette partie. In-8° de 34 pages. Paris. —Des perforations intestinales dues à une cause patholo- gique , et des péritonites , soit générales, soit partielles, auxquelles elles donnent lieu. In-8° de 50 pages. Paris. —Mémoire surles modifications que peuvent prendre les matières fécales dans le gros intestin, et des phéno- mènes auxquels elles peuvent donner lieu par leur accu- . mulation dans un ou plusieurs points de ce dernier. In- 8° de 35 pages. Paris. —Maladies des articulations costo-chondrales et costo- vertébrales, avec ou sans ramollissement tuberculeux et nécrose des os du rachis. In-8° de 52 pages. Paris. SEIZIÈME SESSION. ë 419 NOTA. — M. H. Querret, de Morlaix, en offrant au Congrès son livre intilulé Caféchisme agricole à l'usage de la jeunesse bretonne, a fait remettre quinze exemplaires. Quatorze ont été distribués par le bureau de la section d’a- griculture. Quelques autres personnes ont aussi adressé au Congrès plus d’un exemplaire de leur ouvrage. Les exemplaires en sus ont été convenablement placés. Divers journaux ont été envoyés pendant la Session , notamment dix numéros fort intéressants de la Gazelle médicale de Montpellier. M. Guillory aîné, président de la Société industrielle d'Angers, se proposait d'adresser au Congrès sa notice sur le marquis de Turbilly, agronome angevin du xvunr siècle. Un retard dans l’impression ne lui a pas permis de réaliser son dessein. Mais, quelque temps après la Session du Con- grès, il a fait parvenir la notice dont il s’agit à la Société d’agriculture du département d'Ille-et-Vilaine, qui la com- muniquera très-volontiers aux membres de la xvi* Session demeurant à Rennes qui désireront en faire la lecture. M. Guillory, dans sa lettre aux Secrétaires-généraux, ex- prime l’espoir que des éléments nouveaux propres àcomplé- ter la notice se trouveront dans l’ancienne capitale de la Bretagne. sa AGE . Ets gt nt A à 4. 1" na mr Fuji sipon | | - SEIZIÈME :SESSION. 491 LISTE SOCIÉTÉS SAVANTES, LITTÉRAIRES ET ARTISTIQUES, qui ont adhéré ow ont été représentées äla XVE Session du Congrès scientifique de France. Ançers (Maine-et-Loire). Société nationale d’agriculture, sciences, arts et belles-lettres d'Angers, repré- _ sentée par M. Hunault de la Pelleterie. Borneaux (Gironde). Société philomatique de Bordeaux. Société linnéenne de Bordeaux. CAEN (Calvados). Association normande, représentée par MM. Morière et Durand. Société des antiquaires de Normandie, représentée par M. Bouet. Société linnéenne de Normandie, représentée par : MM. Perrier et Renou. . Société d’horticulture de Caen, représentée par , M. Roger de la Chouquais (Ernest). à 422 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Société française pour la conservation des monu- ments, représentée par M. Bordeaux. Mans (Le) (Sarthe). Société d'agriculture, sciences et arts du Mans, représentée par MM. Bourdon-Duro- cher et Le Pelletier des Landes. Marseille (Bouches-du-Rhône). Académie nationale des sciences, belles-lettres et arts de Marseille , re- présentée par M. P.-M. Roux. Société nationale de médecine de Marseille , repré- sentée par M. P.-M. Roux, un de ses anciens présidents. Société de statistique de Marseille, représentée par M. P.-M. Roux, son secrétaire perpétuel. -ORLÉANS (Loiret). Société archéologique de l’Orléanais, représentée par M. de Torquat. Paris (Seine). Société libre des bédés arte de Paris, repré- sentée pe M. du Vautenet. RENNES (Ille-et-Vilaine). Société des sciences et arts de Rennes, AE par M. Charpillet, son pré- sident. Société archéologique d’Ille-et-Vilaine, ares par M«Jouaust, son secrétaire. IM).) Mia Société d'agriculture et d'industrie du département d’Ille-et-Vilaine, représentée par M. Amaury Dréo, son président. Rouen (Seine-Inférieure). Société centrale d'agriculture de la Seine-Inférieure , représentée par M. Lucien : _Houdeville. nd SEIZIÈME SESSION. 193 SENS (Yonne). Société archéologique de Sens. Tours (Indre-et-Loire). Société d'agriculture, sciences, arts et belles-lettres du département d’Indre-et- Loire, représentée par M. Lambron de Lignim. Société archéologique de Touraine, représentée par M. Lambror de Lignim. Société médicale de Tours, représentée par M. An- glada. VERSAILLES (Seine-et-Oise). Société des sciences morales, des lettres et des arts du département de Seine- _et-Oise, représentée par M. Duchatellier. S———<— RE # ras > aétérsi : Pen | le 2 M + à PEresr ad bite M. sa Lu = ro (er SEIZIÈME SESSION. LISTE æ PERSONNES QUI ONT ADHÉRÉ A LA XVI SESSION DU CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. MESSIEURS ANDROUIN #, conseilier à la Cour d'appel de Rennes. ANGLADA , docteur-médecin, secrétaire de la Société mé- dicale de Tours. ANJOU (D’}), membre de la Société archéologique d'Ille- et-Vilaine. Fougères. ARTIGUES , médecin de l'hôpital militaire de Rennes. AUBER (/ abbé), chanoine , membre de l’Institut des pro- vinces, président de la Société des ANRRAIRES de l'Ouest. Poitiers. = L T. 1. 24 496 CONGRÉS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. AUBERT DE VINCELLES, O. #, colonel d’ arlillerie, Fa recteur de l’arsenal de Rennes. us “ AUSSANT (Jules), docteur-médecin, membre de plusieurs Sociétés savantes. Rennes. AZAIS, président de la Société archéologique de Beziers. BALLY, O.#, docteur-médecin, ancien président de l’A- cadémie de médecine de Paris, président-général de la xv° Session du Congrès Yi: de France. Villeneuve-sur-Yonne. BARBIER aîné, négociant, membre du Conseil général d’Ille-et-Vilaine. Rennes. BARON DU TAYA, ancien magistrat, membre de plu- sieurs sociétés savantes. Rennes. BARON DU TAYA, propriétaire à Saint-Brieuc. BARRÉ, statuaire à Rennes. BARTHÉLEMY (Anatole), secrélaire-général de la préfec- ture des Côtes-du-Nord. BAUDOUIN, docteur en médecine à Rennes. BEAUVOYS {De}, membre titulaire de la rar indus- trielle d’ Angers. BELHOMME, Fee EN en médecine à Paris. BÉLINAYE (De la), membre du Conseil général d’ Ille-et- ” Vilaine. Rennes. BELLIN ( Gaspard), avocat, juge suppléant au tribunal civil de Lyon, membre de plusieurs sociétés sa- vanies. SÉIZIÈME SESSION. 427 BERNÈDE (Auguste), ancien magistrat, vice-président du comité agricole de Redon, Ille-et-Vilaine. BERTINI (Bernardin), chevalier de l’ordre de Saint-Mau- rice , docteur-médeecin, conseiller de la Faculté de médecine de Turin, membre de la chambre des dé- putés du royaume de Sardaigne. BERTRAND, doyen de la Faculté des leltres de Caen et maire de cette ville. BÉZIER-LAFOSSE (Hippolyte), membre de la Société libre des beaux-arts de Paris, architecte de la ville de Saint-Servan. BIDARD (Léopold), avocat, docteur en droit, membre de la Société archéologique du département d’Ille-et- Vilaine. Rennes. BIZEUL, membre de l’Institut des provinces. Blain, Loire- Inférieure. BLOIS (Aymar de), membre de Assemblée nationale, président de la elasse d’archéologie de l'Association bretonne et de la Société archéologique du Finistère, ancien magistrat. PAR BLOIS (Louis de), membre de plusieurs Sociétés savantes. Morlaix. BODIN #, directeur de l'Ecole d'agriculture de Rennes. BOISRIOULT (Auguste de), inspecteur de l'Association normande, à Heudreville, Eure. BONNET, membre de l’Institut des provinces et de plu- sieurs Académies. Besançon. BORDEAUX {Raymond}, docteur en droit, membre de la Société française pour la conservation des monu- ments. Evreux. BORDERIE (de la), avocat, membre de la Société archéo- logique d’Ille-et-Vilaine. 498 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. BOUET (Georges), membre de la Société des dires de Normandie. Caen. BOUILLET (J.-B.), membre de plusieurs Académies , ancien secrétaire-général du Congrès. Clermont- Ferranl. BOULANGER { Alexandre), propriétaire à Rennes. BOULLÉ (J.-P. ) #, maire de la ville de Saint-Brieuc. BOULLÉ, architecte de la ville de Rennes. BOURASSIN , membre de la Société géologique de France. Quimper. BOURDON (Charles) membre de la Société des anti- quaires de la Normandie. Caen. BOURDON-DUROCHER , membre de la Société d’agri- culture, sciences et arts du Mans. BOUSQUET (| Casimir), négociant, membre actif de la Société de statistique de Marseille. BRIAND, peintre d'histoire et de portraits à Rennes. BRUNE (l'abbé), directeur du Grand-Séminaire de Ren- nes et professeur d'archéologie religieuse. € CALENGE, inspecteur de la Société archéologique du Cat- vados. Ecoville. CASTELLAN (de) père , propriétaire à Rennes. CASTELLAN (de) fils, propriétaire à Rennes. CAULAINCOURT (Anatole de) propriétaire à Lille. = CAUMONT (A. de) #, membre du Conseil général de l’a- SEIZIÈME SESSION. 429 griculture, correspondant de l’Institut de France, directeur de l’Institut des provinces et de l’Associa- tion normande. Caen. CHAMPAGNY (de), propriétaire à Loyat, département du Morbihan. _ CHARPILLET, préposé en chef de l'octroi de Rennes, président de la Société des sciences et arts de cette ville. CHATEAUBRIANT (de), membre du Conseil général d’Ille- et-Vilaine. Combourg. CLARET, conseiller à la Cour d’appel de Rennes. CLINCHAMPS (de), président de la Société archéologique d’Avranches. COMARMOND | Ambroise), docteur en médecine, mem- bre de l’Institut des provinces , inspecteur des mo- numents historiques du Rhône et de l’Ardèche, conservateur des musées archéologiques de Lyon, - secrétaire-général de la ix° Session du Congrès scientifique de France. Lyon. COURCELLES {le comte de) #, propriétaire, membre de plusieurs Académies. Lille. COURTE (de), propriétaire , inspecteur de l'Association bretonne dans l'arrondissement de Vitré. Saint- M'hervé. CUSSY (le vicomte de), O. #, ancien officier supérieur, membre de l’Institut des provinces et de plusieurs Académies, vice-président-général de la xiv° Ses- sion du Congrès. Saint-Mandé. LI) DAMAR, * ingénieur en chef des ponts-et-chaussées à Rennes. 430 | GONCRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. DANIEL (J.-F.), professeur au collége de Quimperlé. DAUFRESNE, notaire, membre de J’Association nor- mande. Caen. DELALANDE (l'abbé), professeur d’histoire naturelle au Petit-Séminaire de Nantes. DELARUE, architecte à Saint-Servan. DELESTRE, pharmacien-major de l'hôpital militaire de Rennes. DENIS , avocat, membre du Conseil général d’Ille-et- Vilaine. Rennes. DENIS ({ Claude-François) #, membre de la Société des antiquaires de France et de plusieurs Sociétés ,sa- vantes. Commercy. DIGOT { Auguste), avocat, secrétaire de la Société des sciences, lettres et arts de Nancy, membre de la Société d'archéologie lorraine. Nancy. DILLON , ex-médecin vétérinaire en premier au 13° régi- ment d'artillerie. Rennes. DOUBLET DE BOISTHIBAULT, membre de la Société historique , à Chartres. DRÉO !{ Amaury ), négociant, président de la Société d’a- grieulture et d'industrie du département d'’Ille-et- Vilaine. Rennes. À DROUET {Charles}, membre de l’Insiitut des provinces, inspecteur divisionnaire de la Société française pour ja conservation des monuments. Le Mans. DUBODAN, O. #, procureur-général à Ja Cour d’appel de Renns. DUBREIL LE BRETON, AL à Rennes. DUBREIL , propriétaire à Landal, près de Dol. SEIZIÈME SESSION. 431 DUCHATELLIER, membre de l’Institut des provinces et de plusieurs Sociétés savantes. Versailles. DUCOUDRAY-BOURGAULT , propriétaire à Nantes. DUCREST DE VILLENEUVE, membre de plusieurs So- ciétés savantes. Rennes. DUFAUR DE MONTFORT *, directeur des contributions indirectes des Bouches-du-Rhône, président de la Société de statistique de Marseille, membre de l’A- cadémie des sciences de la même ville. DUFEU , membre du Conseil général d’Ille-et-Vilaine. La Guerche. DU PLESSIS D'ARGENTRÉ (le marquis}, membre du Conseil général d’Ille-et-Vilaine. DUPRAY, avocat, membre de la Société française pour la conservation des monuments. Avranches: DUQUESNOIS , membre de l’Association normande. A- vranches. DURAND, professeur de chimie médicale, membre de l'Association normande. Caen. DURÉCU ( Armand) , propriétaire au Thuit-Simer, Eure. DUROCHER , ingénieur des mines, professeur de miné- ralogie et de géologie à la Faculté des sciences de Rennes. DUVAL *#, directeur de l'Ecole préparatoire de médecine et de pharmacie de Rennes. EF FEUILLET (Joseph), juge de paix à Lyon, homme de lettres et l’un des vice-présidents de la cinquième section à la x1v° Session du Congrès scientifique. 432 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. FONTETTE (de), membre de l'Association normande. Caen. LES GARNIER-KERUAULT, membre du Conseil général d’Ille-et-Vilaine , ancien membre de l’Assemblée nationale constituante. GAUGAIN, membre de l’Institut des provinces et de la Société française pour la conservation des monu- ments. Caen. GAUTIER (Toussaint), propriétaire à Dol. - GENOUILLAC (de), propriétaire à la Chapelle-Chaussée membre de la Société archéologique du département d’Ille-et-Vilaine. GESLIN DE BOURGOGNE, inspecteur des monuments historiques dans le département des Côtes-du-Nord. Saint-Brieuc. GIVELET (Charles), propriétaire à Reims. GODARD-FAULTRIER, directeur du musée d’antiquités d'Angers. | GODEFROY, docteur-médecin, professeur titulaire à l’E- cole préparatoire de médecine, membre de la Société des sciences et arts de Rennes ét de la Société ar- chéologique d’Ille-et-Vilaine. Rennes. : GONIDEC ! Le), propriétaire à Rennes. GUÉRANGER, président de la Société d'agriculture , sciences et arts du Mans. GUILLORY ainé #, président de la Société industrielle d'Angers et du département de Maine-et-Loire, membre de plusieurs Académies. SEIZIÈME SESSION, 433 GUITON DE LA VILLEBERGE, propriétaire à Monta- nel, près Pontorson. GUYOT (Aristide), docteur-médecin, professeur titulaire à l'Ecole de médecine de Rennes, membre du Con- seil général d’Ille-ei-Vilaine. HAMON, docteur en droit, avocat à Rennes, ancien pré- fet d’Ille-et-Vilaine. HARDOUIN , membre du Conseil général d'Ille-et-Vilaine, maire de Noyal-sur-Vilaine, membre de la Société des sciences et arts de Rennes. HODOUIN aïné, ancien magistrat. Rennes. HOUDEVILLE (Lucien), membre de la Société centrale d'agriculture de la Seime-Inférieure. Rouen. HUCHER., propriétaire au Mans. HUCHET DE CINTRÉ *, membre du Conseil général d’Ille-et-Vilaine , ancien préfet. Rennes. HUE, professeur à la Faculté de droit de Rennes. HUNAULT DE LA PELLETERIE, membre de la Société nationale d'agriculture, sciences et arts d'Angers. É IZARN (Armand d’), membre de la Société française pour la conservation des monuments et de l’Association bretonne. Nantes. ct ot T. H. 434 CONGRÈS SCIENTIFIQUE. DE FRANCE. J JOLY-LETERME, architecte, membre de plusieurs So- ciétés savantes. Saumur. _. JOUAUST, docteur en droit, avocat à Rennes, secrétaire de la Société archéologique d’Ille-et-Vilaine. JOURJON, peintre à Rennes. JOURNÉE %#. conseiller à la Cour d'appel de Rennes. LUS KERNIER (de), propriétaire au château de Bois-Cornillé, près de Vitré. L LABIGNE-VILLENEUVE (Paul de), membre de la So- ciété archéologique d’Ille-et-Vilaine. Rennes. LACOUR (de), président de la Société d'agriculture de Caen et membre du Conseil général du Calvados. LACURIE (l'abbé). chanoine, membre de l’Institut des provinces, de la Société française pour la conserva- tion des monuments, secrétaire de la Société ar- chéologique de Saintes. LAFOSSE (de), membre de l’Assemblée nationale. Bâzou- ges-la-Pérouse. LAIR (P. A.), conseiller de préfecture , secrétaire perpé- tuc de la Société d’agriculiure de Caen. SEIZIÈME SESSION. 433 - LALANDE (Ferdinand de), propriétaire à Vitré. LAMARRE (de), docteur médecin, professeur à l’Ecole préparatoire de médecine de Nantes. LAMBRON DE LIGNIM (Henri), capitaine de cavalerie, _secrétaire-général de la xv° Session du Congrès scientifique, membre de plusieurs Sociétés savantes. Tours. LANDAIS, graveur, lithographe à Rennes. LANGLE (Augustin de),-propriétaire à Vitré. LANGLE (Ferdinand de), propriétaire à Vitré. LANGLOIS , architecte à Rennes , inspecteur de la Société française pour le département d’Ille-et-Vilaine , membre de la Société archéologique du même dé- . partement. LAPORTE (le marquis de), propriétaire à Meslay, près de Vendôme, membre de plusieurs Sociétés savan- tes. LARIBOISIÈRE {le comie de }, C. #, membre du Conseil général d’Ille-et-Vilaine. Fougères. LA RIVIÈRE (Alexandre de), ancien secrétaire-général de préfecture. Rennes. LA SICOTIÈRE (Léon de), avocat, membre de l’Institut des provinces, ancien directeur de la Société des antiquaires de la Normandie. Alençon. LATIMIER DU CLÉSIEUX (Achille) #, directeur de l’É- tablissement agricole de Saint-Ilan, Côtes-du-Nord. LE BESCHU DE CHAMPSAVIN (Louis), membre du Conseil général d’Ille-et-Vilaine , maire de la com mune de Mézières. LE BESCHU DE CHAMPSAVIN, conseiller à la Cour d’appel de Rennes. 436 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. LECOMTE,, peintre à Rennes. } 407 LECOQ, propriétaire à Rennes. LECOURT DE LA VILLETHASSETZ , ancien magistrat, à Dinan. LEFAS, avocat à Rennes, membre du Conseil général d’Ille-et-Vilaine. LE GALL, conseiller à la Cour d'appel de Rennes, mem- bre de plusieurs Sociétés savantes, ancien député. LEGEARD DE LA DIRIAYS %#, président de chambre à la Cour d’appel de Rennes. - LÉON {Ange de) propriétaire, membre de la Société d’a- griculture d’Ille-et-Vilaine. Rennes. LEPELLETIER DES LANDES, membre de la Société d'agriculture, sciences et arts du Mans. LESBEAUPIN, avocat à Rennes, membre du Conseil géné- ral d’Ille-et-Vilaine , membre de la Société archéo- logique du même département. LESBAUPIN (| Ambroise) #, officier supérieur d'artillerie en retraite. LESIRE, notaire à La Guerche. LÉTOT, inspecteur de l'Association normande. Caen. LORGERIL (de), propriétaire, membre du Conseil muni- . cipal de Rennes. LUCAS-BOURGEREL , banquier à Rennes, membre du Conseil municipal. LUSTRAC (de), propriétaire à Rennes. MAHITAS , avocat à la Cour d’appel de Rennes: SEIZIÈME SESSION. 437 MALAGUTI #, professeur de chimie à la Faculté des sciences de Rennes. MALHERBE (Alfred), propriétaire à Metz. MARESCAILLES DE COURCELLES, propriétaire à Lille. MARTEVILLE (A.), imprimeur, membre de la Société ar- chéologique d’Ille-ei-Vilaine. Rennes. MATTY DE LA TOUR (de) #, ingénieur en chef du dépar- tement de la Vienne. Poitiers. MAUDUIT DU PLESSIX (de), propriétaire à Nantes. MECFLET (de), directeur de la Ferme-Ecole de Quesnay. Calvados. MELLET (le comte de), membre de l’Académie catholique de Rome et de plusieurs Sociétés savantes. Chal- trait près Montmort (Marne). MELUN (de), membre de l'Assemblée nationale. Ille-et- Vilaine. MÉRODE {le comte Félix de) #, membre de la Société française pour la conservation des monuments. Bruxelles. * MILLET (de), président du Comité d’agriculture de Maine- et-Loire. Angers. MONCUIT (de), propriétaire, membre du Conseil munici- pal de Rennes. MONNERAYE (de la), membre du Conseil général du Morbihan. Vannes. MONTHUCHON (de), propriétaire à Rennes. MORIÈRE,, secrétaire-général de l’Association normande, directeur des cours spéciaux au lycée de Caen. MORREN #, doyen de la Faculté des sciences de Rennes. 438 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE MOULINS {Charles des), membre de l’Institut des pro- vinces, président de la Société linnéenne de Bor- deaux et membre de neue Sociétés savantes. Bordeaux. N NEVEU-DEROTRIE, inspecteur d'agriculture de la Loire- Inférieure, professeur titulaire d'économie rurale, membre de plusieurs Sociétés savantes. Nantes. NOGET LE COUDRE (l’abbé), supérieur du séminaire de Sommervieu (Calvados). à Oo OBERTHUR, lithographe à Rennes: ODORICI (Luigi), conservateur de la bibliothèque et mu- sée de Dinan. ORESVE, curé de L’ Hermitage, membre de la Société archéologique d’Ille- et-Vilaine. P PAILLARD (Aristide), peintre, conservateur du musée des tableaux. Rennes. PARIS, propriétaire, membre de l'Association AA EUTCR à à Villers-sur-Mer. PARKER, membre de plusieurs Sociétés savantes. Oxfort. PELFRESNE, architecte, membre de la Société française pour la conservation des monuments. Caen. PERRIER, docteur en médecine, membre de la Société linnéenne de la Normandie. Caen. SEIZIÈME SESSION. 439 PERRIO , capitaine du génie. Rennes. PHILIPPE-KERARMEL *#, trésorier de l'Association bre- tonne. PHILIPPE-LEMAITRE (M), membre de plusieurs So- ciétés savantes. Illeville, près Pont-Audemer. * PIARD, docteur-médecin à La Guerche. PINCZON DU SEL, avocat à Rennes, membre de la So- ciété archéologique d’Ille-et-Vilaine. PINDRÉ (de), propriétaire à la Cheverie, près de Montau- ban en Bretagne. ; PINAULT, docteur-médecin, professeur titulaire à l'Ecole préparatoire de médecine de Rennes, membre du Conseil général d’Ille-et-Vilaine. PINEL %#, capitaine à l'état-major général de la 15° divi- sion. Rennes. POINÇON DE LA BLANCHARDIÈRE, capitaine d’artil- lerie à Rennes. POMMEREU (le vicomte de}, propriétaire au château de: Neron, près Croisy (Seine-Inférieure). PONTALLIÉ (Hyacinthe), conservateur du Musée d'his- toire naturelle et du Jardin des Plantes de Rennes, membre de la Société d'agriculture d’Ille-et-Vilaine. POSTEL, avocat, membre de l'Assemblée nationale. Vitré. PRIOU, docteur en médecine à Nantes. LL QUERRET (H.), propriétaire-agriculteur, inspecteur de l'Association bretonne pour l’arrondissement de Morlaix, 410 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. RAMÉ (Alfred), avocat, correspondant du Comité des arts et monuments et membre de la Société archéo- logique d’Ille-et-Vilaine. Rennes. RENOU, membre de plusieurs Sociétés savantes. Caen. RICHELET (Ch.), membre de l’Institut des provinces et de plusieurs Sociétés savantes, vice-président-gé- néral de la xv® Session du Congrès scientifique. Le Mans. RIEFFEL (Jules) #, directeur de l'Ecole régionale de Grand-Jouan, commune de Nozay , Loire-Infé- rieure , et directeur de l’Association bretonne. ROBILLARD DE BEAUREPAIRE, membre de la Société È d'archéologie d'Avranches. ROGER DE LA CHOUQUAIS, président de chambre à la Cour d'appel de Caen. ROGER DE LA CHOUQUAIS fils, avocat, membre de la Société d’horticulture de Caen. | ROISSY (de) #, chef de bataillon, inspecteur de l’Asso- ciation normande. Caen. ROLIN (Arthur), propriétaire à Reims. ROUAULT, géologue à Rennes. ROUX (Pierre-Martin), docteur-médecin, secrétaire per- pétuel de la Société de statistique de Marseille , membre de la Société nationale de médecine de la même ville et d’un grand nombre de Sociétés sa- . Vantes._ SEIZIÈME SESSION. AE! S SARGET (A.), propriétaire à Bordeaux. SAUCET, juge au tribunal civil de Rennes, membre du Conseil général d’Ille-et-Vilaine. SERAINCOURT (de), propriétaire à Paris. SERÉ (de), membre de l’Assemblée nationale. SOULTRAIT (de), propriétaire à Toury (Nièvre). SUC, statuaire à Nantes. “A TAROT *#, conseiller à la Cour d'appel , membre du Con- seil d'arrondissement et du Conseil municipal de Rennes. TASLÉ *#, conseiller à la Cour d’appel de Rennes. THIERRY, peintre sur vitraux. Angers. TOPIN , membre de la Société de statistique de Marseille et d’autres Sociétés savantes. Marseille. TORQUAT (de), membre de la Société archéologique de l’Orléanais. Orléans. TOULMOUCHE, docteur-médecin, professeur à l'Ecole préparatoire de médecine de Rennes,- membre de plusieurs Sociétés savantes. TRISTAN (le comte de) #, propriétaire, membre de plu- sieurs Sociétés savantes. Orléans. TURQUETY ! Édouard), homme de lettres. Rennes. ‘ TI. 56 LI 442 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. v VANIER,, substitut près le tribunal de Rennes. VATAR (H.), avocat, bibliothécaire à la bibliothèque pu- blique de Rennes. VAUTENET (du) #, membre de la Société libre des beaux- arts de Paris et de la Société archéologique d’Ille- et-Vilaine. Combourg. VERDIER, membre de la Société d’agriculture, sciences et arts du Mans. VERGNAUD, 0. #, lieutenant-colonel d’artillerie. Ren- nes. VERT, propriétaire à Rennes. ww WISMES (le baron de), propriétaire , membre de plusieurs Sociétés savantes. Nantes. LED OR nn SEIZIÈME SESSION. 443 TABLE DU DEUXIÈME VOLUME. \ PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES PARTICULIÈRES. (Suite. ) 4 SECTION. HISTOIRE ET ARCHÉOLOGIE. , Pages. SÉANCE DU 2 SEPTEMBRE. Formation du bureau. Election du Président et des Vice-Prési- Nomination de deux Secrétaires-adjoints. caen ie de UE SES 2 Sur l'invitation de M. Lambron de Lignim, nommé Président, les membres de la section indiquent les questions du pro- gramme qu’ils entendent traiter. . . .........2...... D: Deux questions proposées par M. de Mellet sont renvoyées à la commission permanente. . ... ++... 3 SÉANCE DU 3 SEPTEMBRE. La première question est mise en discussion : L'établissement 4£kk CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Pages. des castes, dans l'antiquité, a-t-1il été nuisible ou favorable au développement de la civilisation?. .............. ST Dissertation de M. Duchatellier à cet égard. ........... 4 OP RE 7. A an ee dog ee ne DD) Observation par M. Duchatellier. . ................ 21 La seconde question est posée : Quelle part eurent l PS RP et le commerce dans le développement de la liber té chez les Grecs?. 92 Réponsé de) Dachatellier,”, . . =... 2. 2). 22 Op Hamon RP ET, Lust 26 Opinion die Wishés ss à tag sou... pile . 26 Observation de M. Jouaust.. . ................. À 30 SÉANCE DU 4 SEPTEMBRE. Examen de la seizième question, relative aux monuments cel- ti, Sn ai late TN EU ME 30 Opinion de M. de la Villethassetz. . ...........,..... 31 Dissertation par M. de Wismes. . .. ..........,4.x 84 Observations par Mme Philippe-Lemaitre, MM. Lambron de Li. sairo- etilouaust, . .::.:0 Mi... - 0 0 87 Vœux exprimés par MM. de Mellet, Paul Delabigne-Villeneuve , Bizeul et de la Villethassetz, pour la conservation de divers . monuments bretons. à 6 ect Strates nuit ES 38 Ces vœux sont favorablement accueillis par la section. . . . . .. 39 M. de la Sicotière propose une question sur les fortifications vi- NÉE > TEST DS D A 39 SÉANCE DU 5 SEPTEMBRE. Dépôt de deux mémoires, l’un de M. Hucher, l’autre de M. l'abbé Laèurie. Il en sera rendu compte. ........,....... 39 La dix-huitième question est mise à l’ordre du jour : Quelle & été réellement l'influence exercée par l'Orient pour le développe- ment de l'art occideñtal aux xie et Xe siècles? Y a-t-il eu en France une classe de monuments auxquels il convienne d'appli- quer le nom de Byzantins?. . ...... 1... ..... 39 Réponse par MM. de Caumont et de Mellet. ............ 40 M. Parker, d'Oxford, demande si l’on retrouve en France les clochers dits Rain -saxons, Îl demande, en outre, si le style roman du xI° siècle s’y distingue bien de celui du xue, et si la transition du roman au gothique y a commencé avant le milieu de ce dernier siècle. . ......... clip: cuire A SEIZIÈME SESSION. 445 Pages. En réponse à ces demandes, quelques renseignements sont fournis par MM. de Soultrait, de Caumont et de la Sicotière. 41 Le Président fait observer que l’un des points en discussion rentre dans la dix-neuvième question du programme, qui se trouve, au reste, à l’ordre du jour : Quelles ont été les limites extrêmes et la durée de l'architecture de transition dans les di- verses provinces de la France? Dans quelle région se sont pro- duits les premiers édifices de ce style? Faut-il y voir, comme on l'a prétendu, l'expression d'une lutle entre l'esprit sacerdotal, gardien des anciennes traditions, et l'esprit novateur ou laïque? A Dissertation de M. de Mellet en réponse à cette question. . . .. 42 Examen d’une partie de la question par M. de la Sicotière. . . . 45 Observations par MM. Parker, Richelet, de Caumont, de Wismes, deep RTE RU RSS eheentics eV oheile she ce 46 Indications fournies par M. de la Borderie sur la demande de | METde Caumont... 1.510270 Ne ST 47 Observations par M. de Soultrait. ..........:....... 47 Réponse de M. de Caumont à deux demandes faites par M. de ONE Le ph. Nr 47 La vingtième question est posée : Quel est, dans le style dit de la Renaissance, la part qu'il faut attribuer à l'élément national et celle qu'il faut rapporter à l'influence italienne? ... . . .... 48 M. de Mellet regarde la question comme déjà résolue ou à peu DÉS AE A SNS En Se SALONS OR STREnR RE PEUR 48 Opinion contraire émise par M. de Wismes et partagée par M. de la Sicotière.. . . .. ST nu Cie FU Se 48 Discussion à ce sujet entre MM. de Caumont, Richelet, de Wismes, Duchatellier, de la Sicotière et de Soultrait.. . . .. 48 M. de Caumont appelle l'attention des membres de la section . sur les calques de vitraux exécutés au Mans par M. Delarue.. 50 Après quelques considérations présentées par MM. de Mellet, Richelet et de Wismes, la section vote des remerciments à MA Delage eee Page A 90 SÉANCE DU 6 SEPTEMBRE. Divers ouvrages offerts à la section sont déposés sur le bureau. 51 La dix-septième question, relative à la carte ancienne de la pé- ninsule armoricaine, est mise à l’ordre du jour. . . . .. Lit DA M. Bizeul, inscrit sur la question, présente un mémoire qui est lu ‘par M: Barthélémy... NEO Ter cost lus 52 446 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Pages. Après cette lecture, écoutée avec ss. à d'intérêt, une dis- cussion s'engage entre MM. Bizeul et de la Borderie relative- ment à quelques faits compris dans le mémoire. . :. 2 br dre Rapport de M. Barthélemy sur le mémoire adressé au Congrès par M. Hucher, du Mans, mémoire concernant le symbolisme des plus anciennes monnaies gauloises, et spécialement de celles qui ont éte émises par les Aulerces-Cénomans antérieu- rement au système épigraphique.. . ...........4.... Protestation de M. de Mellet contre l'opinion que l'architecture ogivale s’oppose à MeEntANORMEE ES OUEN, À Mo (06 Le He 58. Je 0 Re AS SÉANCE DU 7 SEPTEMBRE. Mention de deux ouvrages importants qui viennent de paraître : Les Verrières du chœur de l'église métropolitaine de Tours ; l'His- loire et la description du Mont-Suint-Michel. . . . ... 2... Avis aux membres de Ja section qui se proposent d'examiner les objets d’art qui se trouvent dans la ville de Rennes. , .. Communication d’une lettre mentionnant une découverte de médailles gauloises près d’Avranches. . ..:........... Mention de l’autel en bronze que possède l’église de Vire. . Dépôt d’un mémoire adressé par M. Geslin de Bourgogne. . . Examen par M. l'abbé Brune de la vingt-et-unième question, ainsi conçue : Quelles sont les différentes périodes de l'architec- ture religieuse en Bretagne? Leur durée et leurs caractères peu- vent-ils donner lieu à quelques observations particulières? . . . MM. de Labigne-Villeneuve, Lambron de Lignim, Duchatellier et de Soultrait indiquent quelques églises pourvues à l’exté- TIEUP LOUNEABES de HÉIENSR. - . … . suscs e Ven ee 0 M. Bourdon lit une notice sur les ruines romaines de Jublains (Mayenne)... AR Sdatrs NC Dinde" Ds 1e CIO Un plan de ces ruines est présenté par M. Bouët.", 1 MR Des indications sont données par MM. Pelfresne et de Caumont. La vingt-troisième question est posée : Quelles sont les œuvres les plus remarquables que la peinture sur verre ait laissées en RE à 5e seraient les moyens PRpReE à assurer la con- M. l’abbé Brune répond à cette question, au moins en partie, en lisant un travail intitulé Etude des vitraux peints existant dans le département d'Ile-et-Vilaine. . . 7... 2. Nue 67 68- tout système d'ameublement et d’orne- 73 73 74 74 74 74 74 a 18 80 80 80 81 SEIZIÈME SESSION. 447 à Pages. Le Président remercie M. l’abbé Brune de la communication qunlhuent de urernSel DRASS. SE NU LSDRAME Se .91 L'opinion émise sur une des verrières mentionnées est-critiquée DA NE He IBEaurepare. Le. RE : 1. - v. 91 Explication présentée à cet égard par M. l'abbé Brune. . . . .. 92 Mémoires sur les principales verrières du département des Côtes- du-Nord, par M. Geslin de Bourgogne. ............. 92 Considérations par M. de Mellet sur les verrières nouvelles. Con- ditions à désirer chez les peintres verriers. . . . . .... ... 104 Lecture par M. de Caumont d’une lettre de M. Drouet, du Mans. Une demande pour la continuation du calque des vi- traux de la cathédrale a été faite par M. Delarue au Conseil général de la Sarthe. On ‘peut espérer qu’elle sera bien ac- EURE LES SU à o 0 0 à DT OO RMS MOT. 105 Recommandation par la section d’un vœu proposé par M. de Wismes sur l’enseignement de l’histoire provinciale. . . . .. 106 SÉANCE DU 8 SEPTEMBRE. M. l'abbé Brune fait hommage à la section d’un ouvrage sur Vanehéologie ut osent M la 2 je Guen 106 Trois manuscrits soumis à l’appréciation de la section sont dé- passer leburéan. Dieu Mrasralagse sufbcet où. comics 106 M. de la Borderie, inscrit sur la troisième question mise à l'ordre du jour, présente quelques considérations sur les tra- vaux historiques de M. Lehuërou. : ............... 107 L'opinion qu'il émet est partagée par plusieurs membres de la SERRE USA ea de à Le dertelo loue) te 109 M. Duchatelier rend compte d’un travail adressé au Congrès par M. Taïliärt de Douai. . . . . . .. .. ............ 109 Lecture de ce travail, offrant le titre suivant : Quelles sont les ressemblances qui existent entre les anciens Kimris bretons établis à l’ouest de la Gaule et les Kimris belges cantonnés Au aomidelcetie conrée. 2. ..:.< 110 Observations par M. Duchatellier. . . . . . . ... . .. Pi 120 Lecture d’un mémoire de M. Bizeul sur les enceintes à murailles ou retranchements VITHIES. 27.5. RM Un. 191 Appréciation des faits par M. de Caumont... ........... 129 418 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE Pages. SÉANCE DU 9 SEPTEMBRE. c : M. de Caumont annonce que le second volume de la Statistique monumentale du Calvados ne tardera pas à paraître. . . . .. 130 Sur l'invitation faite par le Président de la section, M. Bézier- Lafosse donne quelques explications désirées sur l’église de Saint-Sauveur de Dinan, dont il a remis la monographie au Cnmenés : . . . 2. : NOM O2 ORNE te) 130 Observations par MM. Brune, de Caumont et de Soultrait. . . . 131 Mémoire de M. l’abbé Lacurie sur l’origine et la destination des monuments attribués aux Celtes. . ., .............. 132 La vingt-deuxième question est mise en discussion : Quelles ont été les différentes phases de l'architecture militaire en Bretagne? A quels siècles se rapportent les principaux ouvrages élevés pour la défense des châteaux et des villes?. . . : ..... FN 150 Des indications sont données par MM. sx Soultrait, de Caumont, Bizeul et de. Wismes.. sisi 6 ones tt its Re 150 Opinion de ce dernier sur les signes lapidaires. . . . . . .. + EM | La quatrième question est posée : Quel a été en France le rôle du tiers-état dans les guerres civiles et religieuses du xvie siècle? 152 Quelques membres, qui se proposaient de traiter cette question, expriment le désir qu’elle soit renvoyée à un autre Congrès : Ïs n’ont pas recueilli assez de faits pour la traiter d’une ma- nière convenable, M 2% 26, 40e dej 20 Hire 44 402 M. Lambron de Lignim explique la ‘conduite tenue par la ma- gistrature de Touraine dans les troubles civils dont il s’agit.. 152 Clôture des travaux de la section. Allocution du Président. . . . 152 ADDITIONS. Extraits du travail adressé au Congrès par M. Toussaint Gautier : Etudes, sur l'histoire ecclésiastique et civile de l'ancien diocèse ALT OR T HOER P E PO EME 153 Compte-rendu des découvertes faites dans la Vilaine de 1841 à 1847, par M. le docteur Toulmouche. .........,..... 162 Dissertation sur la ville gallo-romaine Condate, par le même . . 171 Note de M. Marteville sur un point du mémoire de M. Toul- mouche relatif à l’exhaussement du lit de la Vilaine. . .... 179 Réponse de M. Toulmouche à cette note. . ............ 180: SEIZIÈME SESSION. 449 5° SECTION. LITTÉRATURE ; PHILOSOPHIE, BEAUX -ARTS. SÉANCE DU 2 SEPTEMBRE. Pages Nomination du Président de la section, de quatre Vice-Prési- dents et d’un Secrétaire-adjoint. . . . . .. STE RME 183 Inscriptions pour traiter les questions. .. ............. 184 SÉANCE DU 3 SEPTEMBRE. Renvoi des deux premières questions à la séance du 4. Ajour- nernenD'deMAMEOISIeME AL Pen-Motele elaere eleranalieie 2 lise 184 Examen de la quatrième par M. de Mellet : Quelle a été au xvi® siècle l'influence de la réforme de Luther sur les beaux-arts? . . 184 Opmion-de Mde la: Sicotière.l. "ten RE TMEN RE 187 MM. Dupray, Taslé, de Léon et J. Aussant prennent part à la dis- cuSSionE ess der enter Age er cha AS fente a 188 La cinquième question est posée : La décentralisation scientifique , littéraire et artistique est-elle possible sans la décentralisation administrative? Comment ? Dans quelle proportion?. . . : .... 188 Opinion de M. Dupray. La décentralisation des beaux-arts ne ; peut être qu’une conséquence de la décentralisation admi- misfrafive. us 2421 é usa let cn rpg rs ACTE UE dé 189 Mémoire sur la décentralisation intellectuelle, lu par son auteur, ent diet décent er the "4 ce DE chuis des 480 La section, en accueillant très-favorablement ce mémoire, ma- nifeste le désir que la cinquième question soit portée à l’une des séances générales du Congrès. ... . .. ..,....:.. 197 SÉANCE DU 4 SEPTEMBRE. Rectification d’un fait par M* Aussant. . .... Gi: Mere FOOT Une proposition relative aux expositions régionales est renvoyée à l'examen de la commission permanente... . . ......... 198 Lecture par M. Suc d’un mémoire sur l’art des proportions, art très-connu des sculpteurs et peintres de l’antiquité . . . . 198 Des compositions musicales adressées à la section sont remises à M. de Castellan fils, qui veut bien se charger de les étudier. 201 T.'ITe 57 Faÿcs. La sixième question est à l’ordre du jour : Dans quelle mesure . convient-il, au XIXe siècle, de ressusciter, pour la sculpture, la peinture, l'architecture, les formes et les procédés usités au M. du Vautenet traite la question sous le rapport de l'architec- ture, en lisant un très-savant mémoire intitulé : De la Stabi- lité comme principe primordial de toute théorie architectonique appliquée à l'origine et à l'établissement du style ogival. . . .”. . 201 Explication des planches qui accompagnent le mémoire. . . . .. 242 M. de Wismes demande que la question soit examinée en séance DÉROAle Se nel: nie: 10h Ne AE SR 249 Discussion entre MM. de Mellet et de Wismes sur certains ca- racières des satues antiques, Sd 249 Opinion de M. Aussant relativement aux anciennes peintures , . 249 Observations par MM. Taslé.et Pelfresne.. . . . ..,....... 250 SÉANCE DU 5 SEPTEMBRE. Continuation de la discussion sur la sixième question. Opinion DOME GE MONET 251 OPIn TOR QE M" UE MENEE ee ce ete sers DIU Fe 01 Réponse de M. du Vautenet. . . ..... pe A Mara ec 251 DDSET TAHOE. DA M DER. Me eo ete tare mue 0 08 6e 252 Un fait relatif à la cathédrale de Cologne, avancé par M. Ducha- tellier, est contesté par M. du Vautenet. ...... SE dde at 252 La seconde question est posée : Dans ce siècle, l'opinion publique ne se montre-t-elle pas trop favorable pour le coupable atteint par la loi? À quelles influences faut-il attribuer cet état de l'o- AIM EN ee Tare a le he pue aie ste ae ones eee So US 253 La question est diversement résolue par MM. Feuillet, Taslé et DATE RTE RE Te nie ls pepe 253 Un membre de la section ne voit qu’un sentiment tout chrétien, la charité, dans l'intérêt qui se manifeste pour les condamnés. 254 SÉANCE DU 6 SEPTEMBRE. M. Perrio est désigné pour remplir les fonctions de Secrétaire en place de M. Dupray, qui se voit forcé de quitter Rennes . 255 Lecture par M. de Beaurepaire d’un travail intitulé Histoire de deux sonnets, Etude littéraire sur le xvue siècle. I s’y agit des sonnets de Benserade et de Voiture, Job et Uranie. . . . . .. 255 ‘ SEIZIÈME SESSION. 451 La section vote la lecture en séance générale de ce travail, plein de détails intéressants et d’aperçus ingénieux. . . . ... 264 © A l’ordre du jour se trouve la discussion de la première ques- tion : Quelle est l'importance relative des divers points de vue qui doivent quider le législateur dans l'établissement des lois pé- DER SUN dl Ne US CN +... ... 264 Missertanon de M. HAMON- + . - - . =. eee - + » - 265 Opinion de M. Taslé. ......... res «55 Membres 269 Opinion de M. Feuillet. . ....................... 270 Réponse de M. Hamon. .............. 270 Observation par M. Mahias. . .. ................... 271 SEANCE DU 7 SEPTEMBRE. Rapport de M. de Castellan fils sur des morceaux de musique adressés au Congrès par M. Le Tourneur. . . .......... 271 M. de Caulaincourt communique à la section une fresque dite peinture en feuilles, exécutée par M. Hussenot de Metz. . . . 274 Observation à cet égard par M. du Vautenet. ........... 275 La septième question, relative à l’état des études esthétiques en France, est renvoyée à l’assemblée générale. La huitième est mise en discussion : Faire l’histoire de la peinture au pastel depuis son origine; signaler les avantages et les inconvénients de cededne. ns sr el ARS Hé LS RES Réponse à la question par M. Aussant. . .............. 275 Examen de la onzième question par M. de la Borderie : Quelle est l'origine des épopées chevaleresques de la Table-Ronde? . . .-275 Notice par M. Daniel, en réponse à la douzième question : Quelle er le celto- breton peut-il réclamer dans la formation de la langue La treizième question est relative aux Sociétés littéraires de la Bretagne. MM. Duchatellier, de la Borderie et Aussant don- , nent quelques renseignements à cet égard. . ...::..... 280 M. de Léon signale comme méritant d’être supprimée la peine connue sous le.nom de mort civile. La section renvoie l’appré- ciation de ce point à la séance générale... ..:....... : 282 Deux fables lues par M. Marteville sont écoutées avec plaisir. . 282 Un nouveau système de moulage, trouvé par M. Gaumet, est fivorablement mentionné par M. de la Sicotière. . . . . - ... 282 LS .Qù LOI CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. SÉANCE DU 8 SEPTEMBRE: Pages. Lobtiifé par M. du Vautenet d’une notice monographique sur l’ancienne cathédrale de Dol, travail fait de concert avec M. Bézier-Lafosse, qui communique un plan géométral de LEGICE "MERS EE DR PER OPPMO RE PER 282 Des félicitations et des remerciments sont adressés par le Prési- dent de la section aux auteurs de la notice. . . ........ 294 M. de la Sicotière communique une observation qu’il a faite en visitant la cathédrale de Séez : les fenêtres de cet édifice ont des largeurs différentes, mais heureusement combinées. — On remarque la même chose dans la cathédrale de Bayeux. . 294 Discussion sur les fautes de construction que présentent ou sem- blent présenter quelques édifices religieux du moyen-âge. . . 294 Clôture des travaux dé la section. . . ........,.:..... 294 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES GÉNÉRALES. SÉANCE GÉNÉRALE DU 3 SEPTEMPRRE.. - Après la lecture du procés-verbal de la séance solennelle d’ou- verture, M. de Caumont fait connaître une triple perte que vient d’éprouver Finstitution des Congrès. . . ......... 296 Plusieurs ouvrages offerts au Congrès sont déposés sur le bureau par le Secrétaire-général qui en a dressé la liste. . ...... 296 Mention par M. le docteur P.-M. Roux d’une omission dans le compte-rendu de la xve Session. ............... 3296 Observation de M\de Wismes sur la lecture en séance générale des procès-verbaux dressés dans chaque section. — Réponse CH RTESIMERE ES 9 RARE: RL OÙ à a mg D cu té | Ca Les procès-verbaux des séances particulières sont lus. : . : : .. 297 Une communication relative aux colonies agricoles est à l’ordre du jour. M. Duclésieux, fondateur de la colonie de Saint-Ilan, indique les développements que reçoit cette institution. : . 4 297 MM. de la Villethassetz et Duchatellier la recommandent vive- ment au Congrès. Une commission est nommée pour formuler * une proposition à ce sujet... .. né nr A HA s 100298 SÉIZIÈME SESSION. #55 Pages: Sur l'invitation du Président, M. le docteur Priou expose le hi qu’il a conçu d’une biographie bretonne. . ...... - 298 11 lit quelques morceaux qui doivent être placés en tête fé tou vrage. L'assemblée témoigne sa satisfaction. . . ........ 299 SÉANCE GÉNÉRALE DU 4 SEPTEMBRE. Ouvrages offerts au Congrès. . . . :... 41%... 300 Question adressée au bureau relativement aux mémoires envoyés au Congrès par des personnes qui n’y ont pas adhéré. Solution. 300 Explication par M. Lambron de Lignim de l’omission qui existe dans le compte-rendu de la xve Session du Congrès. . . . .. 300 Lecture de quelques lettres et des procès-verbaux dressés dans LAS EU RL tre a M res here nt eretoi eue 301 Rapport de M. Duchatellier au nom de la commission chargée d'apprécier l'institution de Saint-Ilan. .............. 301 Admission par l'assemblée des conclusions de ce rapport. L'œuvre de Saint-Ïlan est recommandée à la bienveillance du Gouver- DANSE SE 6 ee ne PM 305 Question mise à l’ordre du jour : La décentralisation scientifique, littéraire et artistique est-elle possible sans la décentralisation administrative? M. Vert lit un mémoire qui est très-favorable- mentaccnells 4 re rt. 305 Opinion de M. de Caumont sur les Sociétés académiques. . . . . 306 Discussion sur le moyen d’opérer la décentralisation intellec- tuelle. MM. Feuillet, Richelet, Duchatellier et de Wismes prennent successivement la parole... .............. 306 M. Tarot, répondant à une espèce de reproche fait à la ville de Rennes par M. de Wismes, indique les sacrifices faits par cette ville dans intérêt des sciences et des beaux-arts. . 306 M. de Wismes regrette de n’avoir pas connu plus tôt les faits si bien établis par le Secrétaire-général . . . . : ........ 507 Annonce par le Président que deux questions nouvelles, recom- = mandées par la cinquième section, ont été admises par la commission permanente. . . . . . - . . ... PE ACER Er 508 : SÉANCE GÉNÉRALE DU 5 SEPTEMBRE. Lecture d’une lettre de MM. Moride et Bobière sur les engrais dus aux raffinaries de sucre... ......-. tb «Agde 308 454 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Pages. Les procès-verbaux des séances particulières sont lus par les Secrétaires qui les ont dressés. . ...,.....4........ 309 Rapport de M. Jouaust sur la création et les travaux de la Société archéologique’ du département d’Ille-et-Vilaine. . . . ..... 309 Suite de la discussion sur la décentralisation scientifique , litté- raire et artistique. M. Jouaust pense que la décentralisation, pour les beaux-arts au moins n’est pas une chose possible. . 313 Opinion contraire émise par M. de la Borderie et partagée par NME. de nitrate LS bios 314 Considérations présentées par M. de Wismes. Il croit que la dé- centralisation littéraire et scientifique est, comme la décen- tralisation artistique, un fait qui ne peut s’accomplir.. . . . . 514 M. Richelet combat cette opinion. . . ................ 318 M. Duchatellier appuie le dire de M. Richelet.. . . .. PRE 519 Lecture par M. Morière d’une pièce de vers (’Apostolat), offerte au Congrès par M. Le Flaguais, de Caen. .. .......... 319 Sur une proposition faite par le Président et par plusieurs mem- bres du Congrès, il est décidé que les séances générales s’ou- vriront à sept heures et demie du soir. ............. 390 SÉANCE GÉNÉRALE DU 6 SEPTEMBRE. Ouvrages offerts au Congrès. . . . ..........: Tr 331 Lecture des procès-verbaux des séances particulières. . . . . :. 351 Nomination d’une commission qui soumettra à l'assemblée, dans une des prochaines séances, un projet de vœu concer- nant la décentralisation intellectuelle. . ............. 331 La sixième question de la section des beaux-arts est mise en discussion : Dans quelle mesure convient-il, au XIXe siècle, de ressusciter, pour la sculpture, la peinture et l'architecture, les Mémoire de M. de Wismes sur la résurrection de l'architecture gothique, précédé de quelques réflexions touchant l'influence des mœurs sur l’architecture. Première partie. . . . . . : . .. 992 SÉANCE GÉNÉRALE DU 7 SEPTEMBRE. Sur une demande faite par M. de Wismes, au nom de la qua- trième section, l'assemblée émet le vœu que l’enseignement de l’histoire provinciale soit introduit dans les établissements dustruction gublique..: : ! 02. ou sente ae 5o1 SBIZIÈME SESsivn. 455 Pages. “apport de M. Duchatellier, au nom de la commission chargée de formuler un vœu relativement à la décentralisation scien- « tifique, littéraire et artistique. . . ......... DR 351 Adoption du vœu formulé par la commission. . .......... 394 Lecture des procès-verbaux dressés dans les sections, et mention que M. Hardoüin a bien voulu accepter la charge vacante de Bibliothécaire-Archiviste du Congrès. . ............. 904 M. de Wismes lit la seconde partie de son mémoire sur la ré- Surrection de l’art gothique. . 2: +2: 0. à... 554 SÉANCE GÉNÉRALE DU 8 SEPTEMPRE. La Lecture des procès-verbaux. . . ................... 365 Proposition d’un vœu en faveur des architectes de province et d'un vœu pour la suppression de la mort civile. L'assemblée DES AADDIES 0e SN een lele le. ete PNEU En none 364 M. de la Sicotière rend compte des collections artistiques qui existent dans la ville de Rennes. :................ 364 M. Tarot lit une pièce de vers (la Tourmente) adressée au Con- grès par. M. Le Flaguais. . ..... .....:.........,.. 364 J lit aussi une autre pièce de vers sans nom d’auteur . . .... 368 Un mémoire de M. de Beaurepaire, sur la querelle que firent naître, au xvyre siècle, les sonnets de Job et d’Uranie, est lu par M..de:Soultrait.….piun. tout ee she oncuehenepens fe 368 M. de Wismes, spécialement autorisé par la commission per- manente, lit un fragment de son ouvrage Jniroduction à l'his- loireadedlga Vendée an pti. MEN NES Ne sg Er ER 368 SÉANCE SOLENNELLE DE L'INSTITUT DES PROVINCES. (9 Septembre, à trois heures de l'après-midi.) La séance est présidée par Î M. Richelet. Près de lui siégent, avec M. de Caumont, directeur de l’Institut des provinces, les principaux fonctionnaires publics du pays. M. Jos remplit les fonctions de Secrétaire. . . ............:.. 369 Allocution. du, Présidents 35,4. 02450 ansiaieue ones 310 Rapport par M. Marteville , au nom du jury chargé de l'examen et du classement des objets d'industrie envoyés à l’exposition ri desRennes:s 20 ee) SN ANNE SN EMA Ene 311 456 CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Pages. Rapport de M. de Monthuchon, au nom du jury chargé d’appré- cier le mérite des objets d'art présentés à l’exposition ouverte à Rennes par les soins de l'Institut des provinces. . .. . . . . 312 Allocution de M. Aussant, Président de la commission d’expo- sition des objets d’art et Président du jury des récompenses . 37 Distribution des médailles et mentions honorables.. . . . .... 31 M. de Caumont explique l’objet que l’Institut des proyinces s’est . proposé en créant des expositions régionales, et fait connaître lessmeaunes arrétées...t. 22020.) pare Re TETE 581 Ï remercie les autorités et les habitants de la ville de Rennes de leur bon concours … - .. . : cammeyentt.f te OA 383 Allseution-de M, Turqueiy..... . . ..:...' 41,1. 384 DianersiatresséesaiM: Barr... . . "0. en lee 385 Exposition de l’industrie. Décision rendue par la commission . . 387 Médailles et mentions honorables. . . : . :......:...... 388 SÉANCE GÉNÉRALE DU 9 SEPTEMBRE. Dépôt sur le bureau d'ouvrages offerts au Congrès... . . ..... 389 Les procès-verbaux des séances particulières sont lus par les Secrétaires Qui Es 'Onf dressés. : : .. 2e 0 LU CN. 389 Indication par M. Duchatellier de quelques objets antiques qui se trouvent dans le cabinet de M. Aussant, et dissertation sur l'influence qu’eut jadis en Europe la civilisation de l'Inde. . . 389 Considérations par M. de la Borderie sur le rôle de la race bre- tonne dans l’histoire ancienne et moderne. . . . ........ 390 La ville de Nancy est désignée pour être le siége du xve Con- gréstscientifique de Rrance!.t.106e RENNAIS 990 Allocution du Président-général : Appréciation des travaux faits; remerciments ..... - 5... ...4. 4... +. eee 390 Clôture de la xvie Session du Congrès. ... ............. 392 1 SUPPLÉMENT A LA SÉANCE GÉNÉRALE DU 8 SÉPTEMBRE. Rapport, par M. Léon de la Sicotière, sur quelques collections de tableaux et d'objets d'art à Rennes. . .............. 395 VŒUX adoptés dans les séances générales par le Congrès scien- tifique de France, xvIe Session... . . . 2 pod houle r FO OAUS NOTE ME CTOIOMIMMER Er ee lobe in «ele die cuc 8 el es ES 405 SEIZIÈME SESSION, 457 - : Pages. Catalogue des ouvrages offerts:à la xvi Session du Congrès scientifique de France. — Ouvrages publiés par des institu- NOMME OC EE 2200 COTE PTS 407 Ouvrages publiés par des particuliers . . . . .........:.:. 410 Liste des Sociétés savantes, littéraires et artistiques qui ont adhéré ou ont été représentées à la xvie Session du Congrès. 421 Liste des personnes qui ont adhéré à la même Session. . . . .. 425 FIN DE LA TABLE DU SECOND VOLUME. ke, Be sas Era Mi 1 Et ne ouh à bg ner ur 14. à ne m* «3 tait La k É usé E ri des an : a tr me % map LS Ware x ADDITION AUX ERRATA DU PREMIER VOLUME. Page 35, ligne 27, au lieu de hurrats, lisez hourras. — 45, ligne 14, au lieu d’Oyctes, lisez Oryctes. — 96, ligne 1, au lieu de vaccenium, lisez vacciniurx. — 96, ligne 2, au lieu d'Erithræa, lisez Erythræa. ERRATA DU SECOND VOLUME. Page 10, ligne 6, après méme, ajoutez temps. — 10, à la note, au lieu de Mohamet, lisez Mohammed. — 11, ligne 26, au lieu de possessoin , lisez possession. — 52, ligne 15, au lieu de Tamora, lisez Temora. — 39, première ligne , au lieu de Corseuls, lisez Corseul. — 81, ligne 6, au lieu de chaires, lisez chairs. — 195, ligne 9, au lieu de profit, lisez Préfet. — 194, ligne 19, au lieu d’Angletrere, lisez Angleterre. . — 210, ligne 24, au lieu de plein-ceintre, lisez plein:cintre. — 211, ligne 16, même correction. — 212, ligne 2 de la note, au lieu de Pannoniens, hsez Pannonien. + ; pe 230, avant-dernière ligne, au lieu de blanc ursine, ee branc- ursine. — 951, ligne 3, au lieu de brascica olerascica, lisez Brassica ole- race«. — 235, ligne 7, au lieu de largeou, lisez large ou. —- 238, ligne 1, au lieu de bixantine, lisez byzantine. .— 242, au titre de la première planche, au lieu de grecques, lisez grecs. — 946, ligne 2 de la note, au lieu de fétractile, lisez tetrastyle. — 246, ligne 4 de la note, au lieu de paudrausium, lisez pan- drosium. : ï — 247, ligne 17, au lieu de romano-bixantine, lisez romano- byzantine. — 306, dernière ligne , au lieu de commuue, lisez commune. — 361. ligne 40, au lieu de l'heure, lisez l'heur. _— 364, à la fin du second alinéa , ajoutez — Adopté. — 388, ligne 10, au lieu de Croixanville, lisez Croissanville. — A01, ligne 17, au lieu de Rofther-Hamer , lisez Rothenamer. — 401, ligne 18, au lieu de grands, lisez trois. Au titre du deuxième volume, au lieu de juin, lisez novembre. Pt H ea =È222525:22 22527 Disstsists ils CRDI TENTE er re Eshsioase == AN PRE Er HE CE irsmasces SÉRRESEEEEH 5 222; ilsc HHPTEIEErREES METETITE! L 25:52 COMME PENSE “) ss féisse mhsacs is 2G-isinstie “inisist MER eRmissessse RES Er: mines MÉRLITITTET res ÉTÉ EEE EE EEE ETHEME PETER EH CNE ECTS EEE RÉSEUESEES SITE TE ARE FRERE LÉ ErEN LCR LIT #23; e225 2 Lstacèse “ivisre mn ! GORE S=sstitses MÉTÉCEETETEN CETTE ETES EEE ER sn "late DOIETENEEN ist de RECETTE ETF TEN HR ETENeE ER CEE CRETE Zénstess te itinhe Peieiéheir PIE sh: sianaiet anihshsias etes liste shataiese LT isssidil CIM MINE RRESEENET ÉCRIT ET EEE CET HE TE dsesopssise DINEErSS LES SI LE PTE PSN IN E ErErEn Prtésners rs" COTE PE EEE CEE ES Sec ucsæsr EEE S-sm-s == ppm pee rence jet