EVUULVU EU UV LU LULU LU UUVEUVUUUA VU VUVUULUUV UE CONSIDÉPRATIONS SUR L'ÉTAT ACTUEL DE QUELQUES PARTIES DES SCIENCES à DES LETTRES ET DES ARTS, LUES À LA SÉANCE PUBLIQUE DE LA SOCIÉTÉ LIBRE D'ÉMULATION DE ROUEN, LE 9 JUIN 1825, Pra M. A.-L. MARQUIS, D. M. P., Prof. de Botan. au Jard, des plant. de Rouen, de l’'Acad. roy. et 2 Soc. d'Ém., d'Agric. de Méd. de cette ville, corresp. de la Soc. de Méd. de Paris, etc. LARMRANAANAA AA LA VS LU VU VUE VU AAA UV IAE LULU Îliacos intra muros peccatur et extrà. Hor., epist. 11, hb. : RAA RAR AAA RAA MANU MAN RRARARATU RAY URA NAN RAA REA AANARUVA Aux différentes époques où le génie de l’homme a brillé du plus vif éclat, nous en voyons les productions de tout genre porter un caractère particulier, marquées pour ainsi dire du sceau du siècle qui les vit naître. La diversité des langues et des mœurs, l’éloignement des lieux, mettent entre les nations , quant à la litiérature, des différences analogues à celles que le temps met entre les siècles. D’un côté à l’autre À (2) d’un bras de mer, ou seulement d’un fieuve, d’une mon- tagne, règne souvent un goût opposé. Dans la même con- irée , quelques années suffisent pour y apporter une différence prononcée. Mais c’est surtout dans les âges tels que le nôtre où la civilisation est parvenue au plus haut point, a peut- être même , à quelque égards, dépassé le terme le plus fa- vorable à la perfection; où le développement de l'esprit , excité , facilité par mille moyens divers, est devenu plus général ; où la presse et la gravure multiplient , répandent avec tant de profusion, tantde rapidité, jusqu'aux moindres productions: c’est dans un pareil siècle que les nuances du goût se succèdent le plus rapidement l’une à l’autre. Pres qu'aussi variées , presqu'aussi passagères que les caprices de la mode, ce mot devient même alors celui qui les désigne le mieux. Les siècles les plus civilisés, les siècles de perfection- nement sont ceux qui présentent ordinairement le caractère le moins déterminé, Ils les offrent tous , c’est presque n’en avoir aucun. SI L'esprit humaïn ne s’avance dans la carrière des sciences qu'avec une extrême lenteur. Ce n’est ordinairement qu’a- près mille tâtonnements, mille divagations qu'il y fait un pas vers la vérité. Ceux qui les prerniers se livrent à l’éiude de la nature, mettent sans cesse l'imagination à la place des observations qui leur manquent. Des erreurs séduisantes , des hypothèses hasardées, de vains systèmes qui se combattent et se suc- cèdent sans offrir plus de solidité l’un que l’autre , à peine quelques vérités isolées, entrevues plutôt que démontrées , dues au hasard ‘plutôt qu’à des recherches bien dirigées ; voilà ce qu'offre partout le premier âge des sciences. Telle (3) fut la physique des plus anciens philosophes grecs, qui em- pruntait le langage de la poësie, et ressemblait en effet plus aux mythes des poëtes qu’à la véritable science. Les sciences ne peuvent faire de véritables progrès , des progrès rapides que quand les bonnes méthodes ont été reconnues et sont devenues d’un usage commun. Et que temps s'écoule avant d’arriver à ce point! L'exemple de la seule marche qui puisse avancer les sciences naturelles , l'observation comparée , avait été donné par Hippocrate et par Âristoie dans son admirable histoire des animaux. Presqu’aussitôt abandonnée cependant, cette méthode ne fut reprise que bien des siècles après quand Bacon en fit sentir toute la supériorité , et fonda la philo- sophie expérimentale , véritable origine de l’état actuel des sciences. Deux siècles écoulés depuis cette époque nous ont révélé plus de secrets de la nature que tous les siècles qui avaient précédé. | Tous les corps, doni la multitude infinie compose la nature , recueillis sur tous les points de notre globe par Vinfatigable ardeur des naturalistes, des voyageurs , ont été soigneusement observés, décrits , classés, soit'dans d’ingé- nieux systèmes destinés à en faciliter l’étude , soit dans de savantes méthodes qui rappellent les principales relations qu'ils ont entr’eux. La physique nous a fait connaître les phénomènes singuliers de leur action les uns sur les autres. Elie s’est élevée avec succès jusqu'aux lois générales qui régissent l'univers. L'art du chimiste à réduit la plupart des corps à leurs éléments. Ceux même qui semblables à l’air échappent à nos sens ont été soumis comme les autres à la plus sévère analyse , au calcul le plus rigoureux. æ Débarrassée des fragiles hypothèses , la médecine ne mar- : chant plus qu'au flambeau de l'expérience , est devenue À 2 C3 à la fois plus simple et plus solide, s’est enrichie d’une foule de moyens nouveaux. Des recherches cadavériques opiniâtres ont fait connaître le véritable siége , les causes matérielles de la plupart de nos maladies , et plus d’une fois ont révélé le secret de les guérir. Non content de connaître la structure des animaux qui couvrent le globe , l’homme est descendu dans les entrailles de la terre pour y recueillir les ossements des animaux du monde primitif, que les grands désastres de la nature y ont ensevelis depuis tant de siècles, et que l’art de Cuvier a fait revivre en quelque sorte en rassemblant leurs débris épars. Nous transportant hors du monde visible, le microscope nous a découvert un autre monde peuplé de myriades d'êtres plus singuliers, plus étonnants les uns que les autres, dont l'existence n’était pas même soupçonnée ; et la patience inépuisable des savanis modernes les a décrits, figurés , classés avec le même soin que les êtres visibles, En admirant tant de découvertes en tout genre , en con- iemplant cet immense assemblage de faits, les uns encore isolés , les autres déjà liés par d'heureux rapprochements , :4l est difficile de se refuser à croire que l’esprit humain , s’il n’a pas encore atteint dans les sciences la limite du pos- sible, s’en est au moins beaucoup approché. La perfectibilité indéfinie peut-elle être considérée autre- ment que comme une brillante chimère ? Si cette opinion a pu contribuer à l’avancement des sciences en excitant toujours à de nouvelles recherches, à de nouveaux efforts, ne peut-elle pas aussi , en fomentant une inquiète activité, entraîner souvent hors du vrai déjà trouvé, pour se jeter de nouveau dans le dédale sans bornes de l'erreur? Je ne crois pas qu'il me fût difficile d’en offrir plus d’un exemple. il me semble que nous en sommes à ce point où il ne faut pas moins craindre de rétrograder que s’efforcer d’avancer. Cia.) Heureux si l’amour de la vérité animaït seul les savants) Mais sous son masque se cache trop souvent l’amour- propre. On veut se faire un nom dans la science, même aux dépens de la science. On semble chercher le vrai, on ne cherche réellement que le neuf, ou ce qui paraît tel- On ne peut donner de nouveaux faits , on change du moins les formes, on surcharge les parties instrumentales, ce qui est si facile! De vaines distinctions, de nouveaux termes descriptifs , de nouveaux noms tiennent lieu de choses nouvelles ; et ceux qui les font, séduits par l’usage , pensent quelquefois eux-mêmes de bonne foi avoir ajouté quelque chose à nos connaissances réelles. Les méthodes de classification, après avoir puissamment contribué au progrès de l’histoire naturelle , donnèrent , par l’abus qu’on en fit, naissance au méthodisme , qui nuisit autant qu'elles avaient servi. La classification , qui n'est qu’un moyen de faciliter l’étude , devient tout aux yeux du naturaliste. Il ne s’occupe plus que de classer ; ne cherchant pariout que des différences , les plus légères lui suffisent pour créer indéfiniment de nouveaux genres, de nouvel- les espèces , et il s’efforçe , par l’appareil des dénominations et des caractères formels, de donner une sorte de réalité à des êtres le plus souvent nominaux. Il semble qu’on n’ait pour but que de grossir les catalogues. À Le chimiste fait pour le règne inorganique ce que le botaniste et le zoologiste font pour les corps organisés Dans chaque nouvelle analyse il veut trouver quelque substance nouvelle, et la moindre différence lui suffit de même pour établir une espèce , c’est-à-dire un nom, qu'un autre chimiste rayera peut-être quelques jours après du tableau des êtres. Les matériaux immédiats des végétaux se- ront peut-être bientôt aussi nombreux que les végétaux eux-mêmes, A 5 (6) La médecine n'échappe pas à la contagion, et l’histoire naturelle qu’elle domina si long-temps la domine à son tour par l'introduction de ses méthodes. Le nosologiste semble ne plus étudier les maladies que pour les classer par genres, par éspèces. On en fait jusqu'à des familles. L’ana- tomiste fait de son côté des genres, des espèces d’alté- rations pathologiques , et cherche à donner par des noms grecs de l'importance aux distinctions les plus inutiles. En s’efforçant de matérialiser l’intelligence , de détruire l’idée de son unité, ainsi que celle du cerveau qui ne pa- raît pas moins évidente ; en cherchant pour ainsi dire sous le scalpel l'esprit et le sentiment , le lien du physique au moral ; quelques physiologistes tombent dans un travers non moins blämable. N'est-ce pas en effet sortir des limites de la science humaine, au-delà desquelles tout ne peut être qu'erreur et ténèbres ? La première règle qui doit diriger les recherches du savant, n’est-elle pas de ne chercher que ce qu'il peut raisonnablement espérer de trouver ? Mais comme la médecine est une science essentiellement pratique , l'abus, quoique moindre que dans l’histoire na- turelle , y a été plutôt, ou du moins plus généralement senti. La réforme medicale est commencée, celle de l’his- toire naturelle ne peut tarder. En tout genre là réforme naît d'elle-même de l’abus , dès qu'il est porté jusqu’à certain point. Au milieu des acquisitions immenses qu'ont faites de nos jours les diverses branches du savoir , il n’est point d'esprit juste qui se dissimule les abus que je viens de signaler en peu de mois , et qui tendent évidemment à retarder la marche de l’esprit humain dans la carrière où déjà il s’est avancé si loin. Le fonds des $ci nces est riche et meilleur en gé- néral que leur forme ; mais des excroissances parasites. menacent chaque jour davantage de l’étouffer. (74) Üne importance exagérée, accordée aux classifications , aux nomenclatures , aux terminologies, me semble , par rapport aux sciences , le trait le plus caractéristique de notre siècle. Si Putilité des classifications est incontestable, l’incon- vénient de leur abus ne l’est pas moins. On manque le but en le dépassant comme en restant en-deçà. L’immense étendue qu'ont acquise les sciences natu- relles , impose la nécessité des resserrements. La vraie science ne peut être aujourd’hui que la science choisie, Le seul principe qui puisse ramener ces-sciences dans leurs véritables limites, c’est celui de l'utilité. Il ne s’agit plus de demander si telle distinction nouvelle est possible , mais s’il est utile de la faire (x). En médecine , par exemple , toute distinction noso- graphique qui n’est pas d’un usage pratique, doit être sévèrement rejetée. Les seules affections qui méritent é’être considérées comme espèces sont celles qui exigent des dif- férences marquées dans le traitement. Le tableau de nos maux ainsi réduit n’est encore que trop effrayant! Observer des phénomènes encore inaperçus , et vraiment dignes d'attention; soumettre sévèrement loute nouveauté à la pierre de touche de l'expérience, s’il s’agit d’un fait, de la raison et du goût, s’il s’agit de forme ; lier entre eux des faits jusqu'alors isolés , reconnaître entre les êtres des rapports nouveaux ; considérer les grandes parties de la science sous quelque face neuve et féconde en résultats iñtéressants ; perfectionner les bonnes méthodes de manière à rendre la science plus facile ; appliquer heureusement à (1) V. Fragments de philosophie botanique, etc., par À. L. Marquis , où se trouvent développées la plupart des idées indiquées dans la première partie de ces considérations. À 4 (8) quelqu’usage utile, quelqu’espèce , soit nouvelle, soit déjà connue, mais népgligée..... c’est par de semblables ira- vaux, et non par l’augmentation illusoire et sans limites des genres et des espèces, par des distinctions la plupart purement nominales, qu’on sert véritablement les sciences, qu'on en recule les limites, qu’on mérite bien des amis de la nature et des hommes en général. Étendre, s’il se peut par des observations neuves et d’un intérêt réel, les parties utiles de la science ; restreindre au contraire les parties instrumentales et stériles : telle doit être la maxime de celui qui veut sincèrement concourir à leurs progrès. Mais le savant , pénétré du principe de l'utilité, ne doit pas non plus négliger les lois du goût, qu’on s’est trop habitué à regarder comme étrangères aux sciences. Elles ne lui sont pas moins nécessaires pour observer, pour inter- préter la nature , qu’au littérateur et à l'artiste pour limiter. L'esprit d'observation s’égare facilement, se perd dans les vains détails , s’il n’est dirigé par le goût. L'application du principe de l’utilité pour le choix des faits dont se compose le corps de la science , réclame sonintervention. Seul guide de l’artüste qui a le beau pour objet, le goût éclaire aussi le savant qui cherche l’utile. Dans les sciences même, dès qu’on s’écarte du bon goût, on s’écarte presque iou- jours du vrai, de la nature elle-même. C’est d’après l'observation des beautés, des lois con- stantes de la nature, qu'ont été recueillies les règles du goût. Si dans le tableau, de ses productions , de ses phé- nomènes que irace le savant, ces règles. sont sans cesse violées ; si ce tableau n’est pas à la fois grand et simple ; si l'intérêt , le charme attachant qu'offre partout la naiure, ne s'y retrouvent pas : à coup sûr le tableau n’est pas fidèle. Le goût est encore bien moins étranger à ce qu’on peut (9) appeler les formes de la science, comme les classifications , les terminologies , les nomenclatures , qu’à ce qui en con- stitue le fond. Ces parties sont même entièrement de son domaine. Elles appartiennent essentiellement à Part ; et la barbarie , l’obscurité , le pédantisme , n’y sont pas de moindres défauts que dans ses autres productions. Les ouvrages qui portent l'empreinte du bon goût et du talent sont seuls , dans les sciences comme dans les lettres, assurés de parvenir à la postérité. La multitude des ou- vrages descriptifs qui n’offrent qu'une masse effrayante de distinctions minutieuses et souvent vaines et imutiles, revêtues d’un langage doctement barbare , sera dévorée par le temps; l’histoire des animaux sera plus admirée de siècle en siècle. On ne peut guères aujourd’hui servir mieux les sciences qu'en les rendant , par des travaux que dirige un goûtépuré, plus simples , plus aimables et plus substancielles en même temps. S. 2. Du domaine trop souvent hérissé de la science, por- ions maintenant nos regards sur les champs fleuris de la litiérature et des arts. Nous allons y voir les mêmes causes produire des effets analogues. Dans cette carrière variée, inépuisable , où règne le goût , où nous avons pour but le plaisir , comme l'utilité doit être celui des sciences , le génie , qui dans ces dernières ne s’avance que si lentement, s’élève souvent de son premier vol jusqu'aux sommets de l’art. La Grèce sortait à peine de la barbarie quand Homère montra l'épopée naissante dans toute sa majesté. Eschyle fit éprouver des toute leur force les émotions tragiques. Ainsi , les modèles sont toujours créés avant les préceptes ; Vart existe avant les théories ; mais le goût ne se forme, (ro) ne s'étend , ne devient général, que par un progrès lent, qu’on peut comparer à celui des sciences. - | Les premières productions du génie deviennent le iype des genres auxquels elles appartiennent. C’est d’après elles que se forme le goût. Il en prend, il en conserve toujours le caractère. Les ouvrages de l'esprit en se multi- pliant se polissent , deviennent moins inégaux en mérite ; mais les anciens chefs-d'œuvres ne sont point surpassés. Virgile et le Tasse ne viennent se placer qu'à côté du chanire d'Achille et d'Ulysse. Ainsi que le perfectionnement des sciences, celui du goût a ses limites. Après être arrivé à peu près au point qu'il lui est donné d'atteindre , les mêmes efforts qui l'y avaient conduit , égarés par l’amour de la variété , tendent à l’en écarter de nouveau, et la corruption naît de la sa- tiété et de l’inconstance. L'esprit humain ayant en quelque sorte montré tout ce qu’il peut , désespérant de faire mieux, se tourmente pour faire autrement , et presque toujours il arrive qu’il fait moins bien. Telles sont les causes qui , après les époques les plus brillantes des lettres et des arts, en amènent ordinairement la dégradation. La situation que je viens d'indiquer ne serait-elle pas à peu près celle où nous nous irouvons ? Les principes essentiels sont fixés depuis longtemps , les moyens d’exécution sont multipliés et rendus plus faciles ; en tout genre , le nombre des ouvrages est immense. Les fautes grossières, qui jadis échappaient souvent au géme même , sont aujourd’hui évitées sans peine par la mé- diocrité ; mais si elles sont rares, les beautés supérièures le sont de même. Un degré de goût remarquable s’est propagé jusqu'à une foule d'objets de l'usage Le plus commun, jadis tout-à-fait étrangers à l’art proprement dit ; mais ce goût, qui.se Car) montre même dans les petites choses , n’en est pas plus sûr dans les grandes. Il s’est moins perfectionné que répandu. Aujourd’hui dans les arts d'imitation directe, tels que la peiniure , toutes les parties se trouvent ordinairement à un degré à peu près égal dans les ouvrages dignes de quelqu’estime. Les peintres de l’école romaine ne s’oc- cupaient presque que du dessin ; le coloris avait la même préférence dans l’école vénitienne, La plupart de nos artistes ne possèdent ni l’une ni l’autre de ces parties de Part dans un degré aussi éminent ; mais ils les réunissent dans un degré médiocre ; leurs ouvrages, avec moins de per- fection sous chaque point de vue particulier , offrent en général plus d’accord , un ensemble plus satisfaisant. La plupart des sujets semblent épuisés. IL devient chaque jour plus difficile de se tirer de la foule. C’est dans l'espoir &’y parvenir qu'on tente des voies nouvelles , qu’on s’efforce de créer des genres, qu’on hasarde tout , préférant encore la critique à l’oubli. Des écarts du goût naissent tout natu- rellement les fausses doctrines , ‘qui n’ont pour but que de les justifier. | Dans un pareil état de choses, ceux qui restent, fidèles au goût antique, ou qui y reviennent, sont presque tou- jours portés à l’outrer. Ainsi, dans la peimiure, à un style où iout se rapportait à l’effet, qui n’offrait presque ‘que de larges ébauches , nous avons vu succéder le goût et même l’abug du fini ; à un dessin peu choisi, heurté, limitation de l’antique portée quelquefois jusqu’à la ma- nière, jusqu’à rappeler toujours plus ou moins le marbre dans les figures même les plus animées. Il me semble que c’est un des caractères les plus distinctifs de l’art moderne, que le soin qu’on apporte à peindre avec une exacte fidélité les mœurs , les costumes , les particu- Cu) larités diverses des temps ou des lieux auxquels se rap- - portent les sujets traités, Nos poëtes, nos peintres , nos acteurs ont à cet égard une supériorité marquée sur ceux des siècles précédents. C’est là sans doute un perfectionne- ment réel; mais ce soin n’a-t-il pas quelquefois dégénéré en affectation ? En peignant des scènes du moyen âge, l'artiste doit - il emprunter aux vignettes des manuscrits gothiques jusqu'aux défauts qui ne tiennent qu’à l’imper- fection de l’art de ces temps ? Le désir d'offrir l’image fidèle des lieux ou des mœurs, n’autorise point les détails superflus , insipides, bien moins encore ceux qui sont ri- dicules ou repoussants. Pénétré de l’esprit du siècle ou de la contrée qu’il peint , l'artiste ou le poëte n’en doit pren- dre que ce qui se rattache vraiment à son sujet et qui ne blesse en rien un goût délicat. Il doit se souvenir que le but de l’art n’est pas seulement le vrai , mais aussi le beau. Les anciens ne perdirent jamais de vue ce principe. Les auteurs du Laocoon, de la Niobé ont su accorder l’expres- sion des passions les plus violentes, avec la beauté la plus sublime. Cette règle, qu’à leur exemple Raphael n’oublia jamais , ne s’applique pas seulement aux passions , mais aux mœurs en général , aux usages ,; aux costumes , à tout ce qui peut faire l’objet de limitation; et ne doit pas être moins sévèrement observée par le poëte que par l'artiste. C’est aux époques telles que celles dont je viens de rappeler les traits les plus frappants, où les modèles bons et mauvais abondent également , où des théories diverses , quelquefois opposées, sont professées par des hommes d’un talent supérieur, qu'il est plus essentiel de tracer avec précision les limites que le goût prescrit au génie, mais sans les trop resserrer , ni les irop étendre, comme on le fait presque ioujours de part et d'autre. (13) Le goût perfeciionné ne doit, ne peut être exclusif. En montrant à l’art la nature choisie pour objet de son imi- tation, il lui permet d’être varié comme elle. Il admet la diversité des genres , il ne repousse que ce qui choque ia raison ou la délicatesse. C’est surtout par la comparaison des divers genres entr’eux que le goût se forme ; il n’en est aucun dont il ne puisse tirer quelque parti. L'homme de lettres ne peut que gagner à étudier touies les littératures, comme l’artiste à étudier toutes les écoles, C’est en empruntant de chacune ce qu'un goût épuré peut y approuver, qu'ils parviendront à se former eux-mêmes une manière. qui leur soit propre et qui approche autant qu'il se peut de la perfection. Aïnsi, pour peindre son Hélène, Zeuxis empruntait un charme à chacune des beautés de Crotone , fières de lui servir de modèles. En admirant les Sophocle, les Euripide , les Corneille, les Racine , osons rendre justice aux Shakespeare , aux Caldéron , aux Schiller. En évitant avec soin leurs fautes , leurs écaris quelquefois monstrueux, ne dédaignons pas de leur emprunter quelques moyens d’effet quene désavouera pas lc goût raisonné , d’approprier leurs beautés à notre scène: Des tableaux, des mœurs inconnus à l’antiquité, des cou- leurs locales plus vraies , des effets piquanis, une manière particulière de traiter les sujets mystérieux et mélancoliques , voilà principalement ce que l’art moderne offre de plus que l'art antique. Mais de cet accroissement des ressources de l’art, quelques modernes ( ceux qu’on désigne sous le nom de romantiques ) ont voulu faire l’art tout entier. Leurs ouvrages irréguliers , surchargés de descriptions où les mêmes images, les mêmes formes , les mêmes couleurs , les mêmes effeis reviennent sans cesse , ont presque tous une teinte monotone qui fatigue bientôt. C’est l'impression que finis- C4) sent par faire éprouver , malgré le talent incontestable qui y brille, les ouvrages du lord Byron , de Moore, de Southey , de Walter Scoit lui-même. Un des plus justes reproches qu’on puisse faire aux poëtes de l’école romantique, c’est leur prédilection trop marquée pour les sujets et les tableaux sombres, terribles, souvent mêmes révoltants ; on dirait qu'ils ne veulent qu’ef- frayer limagination , que froiïsser le cœur. Il semble que conformément à la dénomination d'Esthétrique sous la- quelle quelques allemands comprennent la théorie des arts, ils n’ayent pour but dans leurs ouvrages que de nous pro- curer des sensations fortes, et ils ne paraissent pas croire qu’elles puissent jamais l’être trop. Oublient-ils donc que ce ne sont pas seulement des sensations vives que Îles produc- tions de l’art doivent porier à notre ame, mais surtout des sensations satisfaisantes , épurées et propres à la perfec- tionner ? Ce perfectionnement de lame par l'effet des arts, qu'Aristote appelait la purgation des passions , ne consiste sûrement pas dans une exaltation pénible de la sensibilité, toujours vicieuse dès qu’elle à passé certaines bornes. Les poëmes les plus célèbres des romantiques anglais, et particulièrement du lord Byron , le talent le plus brillant de cette école , n’appartiennent au reste qu’à un genre essentiel- lement subalterne et ne sont vraiment la plupart que de sombres nouvelles en vers , où le goût est souvent choqué, même en ne les considérant que comme des romans versifiés. C’est toujours une prétention illusoire que celle de ‘s’af- franchir de toutes règles. Les plus hardis romantiques pro- clament en vain ce principe. Îls n’eussent jamais eu le moindre succès s'ils l’eussent rigoureusement suivi. On peut les comparer à ces fiers républicains qui obéissent sans cesse tout en affectant l'indépendance. ss Ce genre n'offre qu'une de ces nuances locales , comme .(a5) on peut toujours en remarquer entre les littératures des divers siècles, des diverses contrées. Elle est plus mar- quée, parce qu’elle oppose des temps et des’lieux plus éloi- gnés ; le moyen âge à l'antiquité , les mœurs, les traditions du nord à celles du midi. C’est par rapport au drame, né et formé chez les peuples modernes d’une manière tout autre que chez les anciens, que la littérature romantique offre un caractère plus diffé- rent ; c’est là qu’à d’autres sujets et des couleurs différentes se joignent un autre système , d’autres formes dérivant d’une auire origine , et qui peuventavec les modifications convena- bles être combinées à celles adoptées par les Grecs. Assez d'exemples plausibles ont prouvé que les unités de temps et de lieu peuvent , sans nuire à la vraisemblance, être plus éténdues que ne se permettent les rigoureux imitateurs de l’antiquité. On sait assez que la sévérité des Grecs à ce sujet, n'était fondée que sur la nécessité imposée par un système de représentation où la scène ne pouvait changer , où le chœur ne quittait jamais le théâtre , où par consé- quert le drame ne pouvait être , comme chez nous , coupé en plusieurs actes distincts. Les dramatiques espagnols , en divisant leurs pièces en journées, nous offrent peut-être le modèle de lextension que la raison peut admetire quant à la durée de l’action. Mais le poëte n’oubliera pas que si l’intérêt de l’art peut permetire cette étendue , il gagnera toujours à resserrer, son sujet dans un temps plus court quand il le pourra , sans sacrifier les beautés, les effets dont il est susceptible. En est-il de même de l'unité de lieu, et sa diversité d’un acte à l’autre , dans les limites convenables , ne pourrait-elle pas , d’après l'expérience , être considérée comme un agrément réel des représentations théâtrales ? En restant attachés au genre classique , dont la supé, (26) , riorité ne peut ëtre sérieusement contestée , ne négli- geons pas de l’enrichir de toutes les ressources qui peuvent s’accorder avec les règles de l’art, puisées dans la nature même; mais distinguons soigneusement ces règles éternelles de quelques autres qu'on peut appeler locales , et que limitation des anciens et l’usage ont introduites, plutôt que le raisonnement. Ne donnons au génie que les entraves nécessaires; ne resserrons pas trop/le cercle de nos plaisirs. Ne nous hâtons pas de condamner tout ce qui n’est pas stricte- ment conforme aux modèles de l’antiquité. T'ant de siècles écoulés, tant de générations qui ont passé depuis, tant de contrées ou mieux connues , ou découvertes, ont offert d’autres tableaux de toute espèce , qui demandaient des couleurs , des touches , des manières. différentes. Il ne con- vient pas de rejeter sans distinction ; mais de régler ces formes nouvelles et de les rattacher à l’art antique. Rien de plus facile à concilier avec les principes incon- testables de la littérature classique que ce qu'il y a de bon , de conforme à la raison , dans les meilleures produc- tions de l’école romantique. L'art ne peut que gagner à cette réunion qui, au reste, ne saurait manquer de s’opérer in- cessamment par la nature même des choses. Les classi- ques exclusifs ne sont tels aujourd’hui que par préjugé ; les romantiques exclusifs que par défaut de goût. La manière avec laquelle le Tasse a su ramener aux formes classiques les sujets chevaleresques et magiques , traités si différemment par tous ceux qui l’avaient précédé , me semble offrir en ce genre le plus admirable exemple qu’on puisse proposer. Avec bien moins de goût, mais non moins de talent, Milton nous a appris que nos croyances religieuses n'of- frent pas à l'épopée am merveilleux moïns riche , moins intéressant que la mythologie des anciens. Are Üne manière neuve de traiter les sujets religieux, propre surtout à séduire les ames aimantes et profondément sen- sibles ,a été révélée par Klopstock. Mais sans cesse perdu dans le vague du mysticisme, son poëme , trop dénué d'action et de cet intérêt humain qui seul attache fortement , tombe bientôt des mains du lecteur. D'autres sources fécondes de poësie n’atiendent sans doute pour être consacrées que des talents éminents dirigés par une saine raison. Le choix vicieux , souvent dépravé et la fatigante uniformité des sujets et des images , sont un défaut radical des ouvrages modernes les plus vantés du genre romantique . dont la vogue ne peut être que pas- sagère ; et jamais à coup sûr ils ne prendront place parmi les modèles de l’art, qui pourra seulement s'approprier pour un usage plus sage quelques-uns des moyens poëti- ques, des couleurs qui les caractérisent. Ce n’est pas , au reste, de tenter des voies nouvelles qu’on peut être blamable, c’est de n’y pas prendre le goût pour guide. Ii me semble que sa tâche la plus im- portante , mais aussi la plus délicate, est aujourd’hui de régulariser ces excursions devenues si fréquentes et peut- être nécessaires. Dans cet aperçu bien incomplet, dans ces réflexions presque éparses , j'ai tâché de montrer les sciences , les letires et les arts arrivés par l'effet des mêmes causes, à peu près au même point; à ce haut degré d'avancement qui, dans les choses humaines où tout est fini, doit in- spirer la crainte de rétrograder , plus qu’il ne laisse l'espoir d’ailer beaucoup plus ioin. L'application raisonnée et dirigée par le goût du principe de l'utilité dans les sciences , celle des règles du goût justement étendues dans la littérature et dans les arts, offrent les seuls B (18) moyens de rester en tout genre sur la voie du perfectionne- ment ; d'ajouter à nos connaissances réelles , sans nous perdre dans la vague des hypothèses ou dans le dédale des mi- nuties ; d'étendre la sphère de nos jouissances littéraires , sans qu’elles deviennent moins pures, sans que la raison elle-même puisse en réprouver l’origine. RAA AAA RAA AAA AURA AAA RAA AAA RAA AAA AAA AAA AAA AAA AAA AAA AAA AAA AA EE Rouen. F. BAUDRY, Imprimeur du Roi, rue des Carmes, n°, 20. 1823, NOTICE NÉCROLOGIQUE Sur M. Cu. LECARPENTIER , PEINTRE, PROFESSEUR A L'ÉCOLE DE DESSIN ET DE PEINTURE DE LA VILLE DE ROUEN, Lue à la seance publique de la societé libre d’emulation de cette ville , leg Juin 1825 , par À. L. MARQUIS , docteur en médecine , professeur de botanique au jardin des plantes de Rouen. Messeors ; Dans l'artiste distingué dont je vais vous entrenir , je regrette non seulement , comme ceux qui m’environneni , un excellent confrère , mais un ami. Si le tribut que je paye aujourd’hui à sa mémoire me fait sentir plus péni- blement cette perte , je trouverai du moins quelque douceur à rappeler ses titres à l’estime de ses concitoyens , à l'attachement de ious ceux qui ont eu des relations fré- quentes avec lui. ; Né à Poni-Audemer , mais amené à Rouen , par ses parents, dès l’âge de trois ans, M. Zecarpentier regarda toujours cette dernière ville comme sa véritable patrie. Après avoir parcouru avec distinction au collége des jésuites le cercle ordinaire des humanités , son père , phar- macien , le desiinait à la médecine. Un goût invincible pour le dessin, qui se manifesta dès son enfance, changea 52 A (C2) destination. Ce fui à l’école publique de Rouen, par les leçons d’un artiste estimé , M. Descamps père , pour lequel il conserva toute sa vie une sincère vénération , que ses dispositions naturelles pour la pemiure commen- cèrent à se développer. Plusieurs années laborieusement employées à Paris dans l'atelier de Doyen, achevèrent son éducation pittoresqué. Rappelé à Rouen, par quelques iravaux considérables qui fui furent confiés , il n’a plus depuis quitté cette ville. Le passage de Louis XVI à Rouen, en 1786, l’un des derniers beaux jours du plus vertueux et du plus infortuné des Rois, offrit à M. Lecarpeniier une occasion favorable dese faire connaître.Chargé conjointement avec M. Gueroule, architecte, des décorations de cette fête et particulièrement des dessins de l’arc de triomphe élevé en cetle circonstance, il fit preuve d’une fécondité d’idées, d’une facilité d’exé: cution, qui lui méritérent les félicitations de l’autorité qui l'avait employé. Nommé en 1791 professeur à l’école de dessin de Rouen, supprimée quelques années après ; appelé à remplir -la même place à l’école centrale du département lors de sa for- mation ; cette dernière étant de même supprimée en 1804 , M. Lecarpentier fut réintégré dans ses fonctions à l’école de la ville, alors rétablie sous le titre d'académie de dessin et de peinture. La mort seule est venue l’interrompre dans cette fonction , dont il s’est acquitté pendant une si longue suite d'années , avec une exactitude, un zèle, que son grand âge n’avait ralentis en rien. Au milieu de la tourmente révolutionnaire, lors de la suppression des églises et des monastères, M. Lecarpentier recut la mission délicate de parcourir le département , pour recueillir dansious les établissemenis de ce genre ;, les morceaux de peinture qui méritaient d’être conservés. C3) Son amour ardent pour les arts fut la mesure du dévoue- ment avec lequel il s’acquitia de cette tâche , qui lui fit courir plus d’un danger. La satisfaction d’avoir dérobé au vandalisme un nombre considérable d’ouvrages précieux, à la conservation desquels il veilla pendant dix-sept ans, fut la plus douce récompense de ses soins, et ce souvenir l’un de ceux qui contribuaient encore au charme de sa vieillesse. De ces tableaux rassemblés successivement, mais pour les artistes et les amateurs seulement, dans les églises de Saint-Ouen et du Collége, il proposa dès l’an 179b, de former un musée public; mais cet établissement dont il avait conçu l’idée et recueilli avec tant de peine les ma- tériaux , ne put être fondé qu’en 1807. Membre de la société d’émulation depuis sa fondation , diverses autres sociétés savantes , telles que l’académie de Rouen, celle de Caen , l’athénée des arts et la société philotechnique de Paris, s’applaudissaient de le compter également parmi leurs associés. Le titre de correspondant de Pacadémie des arts de l'institut royal, qu'il obtint en 1822 , fut pour lui une dernière jouissance vivement sentie. M. Zecarpentier s’est exercé dans presque tous les genres de peinture, Plusieurs tableaux placés dans la salle du conseil de l’hospice général de Rouen, représentant les œuvres de charité et la parabole du samaritain, donnent une idée favorable de ce qu'il pouvait faire dans le genre historique , s’il eût continué de s’y livrer. Il a peint plusieurs plafonds et un grand nombre de portraits d’une vérité remarquable. Mais le paysage est le genre qu'il affectionna toujours particulièrement , et dans lequel il s’est montré le plus avantageusement ; laborieux et doué d’une grande facilité d'exécution , le nombre des tableaux de ce genre qu'il à peints est très-considérable. (4) La plupart des paysages de M. Lecarpentier rappellent les rives de la Seine et les fertiles prairies au milieu desquelles elle se promène majestueusement ; des animaux et surtout des vaches, d’un dessin exact, et peints d’une iouche spirituelle , peuplent et vivifient ces campagnes. Souvent aussi c’est sur les côtes de Normandie, au bord d’une mer calme ou agitée , que le peintre nous transporte. Une vérité naïve fait le caractère de ces tableaux, dont la. composition est ordinairement simple et tranquille. On voit qu'il n’a jamais travaillé sans consulter la nature , et qu'il savait l’observer. Elle se montre dans la couleur comme dans le sujet , sans aucun mélange de manière. Les ciels sont légers et transparents ; la saisor, l'heure du jour , les effets de brouillard ou de pluie sont souvent rendus avec une justesse remarquable et avec une heureuse facilité. Plusieurs de ces tableaux ont été vus avec plaisir aux expo- sitions publiques. Les études et les dessins d’après nature qu'a laissés M. Zecarpentier | sont presque sans nombre. Il n’est presque aucun site, aucun monument pittoresque de la partie de la Normandie que nous habitons , qui ne se trouve dans ses porte-feuilles. Il à gravé à l’eau-forte et lithographié plusieurs morceaux. Parmi ses gravures, une adoration des mages d’après Doyen , son maître , auquel il la dédia , etun portrait de Fragonard , exécuté d’une pointe facile ct, spirituelle , dans une manière qui rappelle celles de Rembrandt et du Benedette, méritent Vattention des amateurs. Écrire sur son art était pour lui le délassement de sa pratique. Un grand nombre de notices sur différents peintres et autres artistes, un éloge du Poussin, un discours sur les causes de la chute et de la renaissance des arts, un autre sur les trois siècles de la peinture en France, ont C5) été entendus avec intérêt dans plusieurs de nos séances publiques. L’essai sur le paysage publié par M. Zecarpentier en 1815, prouve , ainsi queses tableaux , avec quel soin il avait observé la nature dans les effets si variés qu’elle offre partout à nos yeux. Son itinéraire de Rouen, imprimé deux fois, offre aux étrangers qui parcourent cette ville et ses environs, des notions précises, des faits curieux sur les objets dignes d’aitention , qui s’y trouvent en grand nombre. Dans la galerie des peintres célèbres , le plus considé- rable de ses ouvrages littéraires , notre confrère montre une grande connaissance de l’histoire de l’art, et un goût sûr pour apprécier et caractériser le talent des artistes de toutes les écoles qu’il passe en revue. Les talents et les qualités sociales de M. Zecarpentier lui avaient mérité depuis longtemps une juste considération parmi ses concitoyens ; un caractère aimant et doux , une rare égalité d'humeur , lui valurent Pavantage plus précieux encore d’être constamment chéri de tout ce qui l’entourait. On ne pouvait le voir souvent sans s'attacher sincèrement à lui. A la vivacité d'imagination d’un artiste , il joignait une aimable candeur qui attirait la confiance et l'affection ; il était père au milieu de ses élèves, comme au sein de sa famille. | En traçant la vie de l’homme de bien, on n’a pas toujours. la satisfaction d'y voir un bonheur tranquille et durable être le prix. de ses vertus: j'éprouve du moins ce sentiment consolant en payant un dernier tribut à la mémoire de l'excellent ami qui manquera long-temps à mon cœur. _ Deux fois marié , deux fois M. Lecarpentier a trouvé dans ce lien toute la félicité qu'il peut: promettre. Paisi- blement et sans cesse occupé de l’art qui faisait ses délices, ) CU ses jours ont coulé doucement, comme une eau limpide sur un sable uni. Parmi les chances si multipliées d’unelongue vie, aucun choc violent n’a troublé la sienne. Environné d'objets dignes de son amour , qui le chérissaient de même , il s’est éteint sans effort entre leurs bras, au milieu de touies les consolations qui peuvent rendre ces derniers moments moins pénibles. Les approches de sa fin, en affaiblissant tous ses organes , n'avaient pu éteindre son amour pour les objets d'arts: presque expirant, il sentit vivement la perte faite par la ville de Rouen, de son plus bel ornement, par l'incendie de la cathédrale. À ses regrets pour le superbe monument que les flammes consumaïient , vint aussitôt se mêler l’idée du beau tableau de Philippe de Champagne, qui décore la chapelle de la vierge , l’un des plus précieux qu’il eut autrefois dérobés à la destruction. Il’ donna , malgré sa faiblesse extrême , tous les signes d’une vive satisfaction en apprenant que ce chef-d'œuvre pour lequel il avait une affection DATE , était encore une foïs sauvé. , S'il est une réflexion qui puisse adoucir la juste douleur dé'la famille qui a clos ses yeux après Jui avoir prodigué es soins les plus tendres, des amis, des confrères qui le règretient, c’est que pour lui la vie fut vraïment un présent de la nature un bien dont il a joui aussi Jongtétips qu'il est permis à: l’homme de Pespérer. Pur et doux comme Pétait son ame , le souvenir qu’il laisse aprés lui nest inété: aucune ‘amériume, ét tous ceux qui l'ont connu se Nes à u HHPHERS souvent. LA fs, nc BAUDRY , Imprimeur du Roi, rue ‘des Cannes’; ne 26. ( Août 1823. ) ‘7 | $ ; New York ‘Botanical Garden Library | QK93 .M3 gen | | nil (] il 5185 00091 6955