il. 4iL ^ ^*» ^*^ft', DUKE UNIVERSITY LIBRARY ^^*^ ÈP:''^U Treasure "R^m Szt- . fn* '^€ Digitized by the Internet Archive in 2011 with funding from Duke University Libraries http://www.archive.org/details/considrationssur02bonn CONSIDERATIONS SUR LES CORPS ORGANISES- Tome Second. CONSIDERATIONS V I s U R L E s CORPS ORGANISÉS p Où l'on traite de leur Origine, de leur Développement, de leur Réproduction , &c. & où l'on a raflemblé en abré^gé tout ce que. l'Hiftoire Naturelle offre de pluç certain & de plus intérefîant fur ce lujet. Par C. bonnet, des Académies d^J»gleUrrc , de Suède , de Vlaftitut " de Bologne^ Correfpondant de VAcad. Royale NC des Sciences , ^V. TOME, SECOND. /! J\.^r J./.tTJl. À AMSTERDAM, Chez MARC -MICHEL REY^ MDCCLXIl, TABLE ^leiogy Ubraiy CHAPITRES ET ARTICLES CONTENUS DANS CE Second Tome. CHAPITRE I. Rxpofîùon abrégée de divers Faits concer- nants les Boutures &f les Greffes anp maies. Ohfervations fur la RéproduBion des Vers de terre , fur celle des Fers d^eau dou- ce , & fur la Régénération des Pattes de PEcreviffe, Effai d'explication de ces Faits, Pag. I 242. Introduction, Î43. Invitation à faire de nouvelles Expé- riences fur les Vers de terre , pour perfec-' tioner la Théorie des Reproductions anima- les & celle de la Génération, *3 VI Table des Chapitres 244. Expériences de l'Auteur fur la RéprO' duction des Vers de terre. 245. Conféquences de ces Expériences. Pa* rallèle des Réproducîions des Vers de terre avec celles des Végétaux, Conformités des unes & des autres. 246. Expériences de f Auteur fur la Répro- ducHon d'ime efpece de Vers d'eau douce. 247. Manière dont fe fait la Réproduction. Cir confiances qui la précèdent & qui la fui- vent, 248. Tubercules que pouffent les Portions de cette Efpece de Vers, Conjectures fur leur nature. 249. Continuation du même fujet. Fer à deux Têtes & à deux volontés. 250. Très -petits Vers fortis de r intérieur de quelques Portions du grand Ver. 251. Expériences de ï" Auteur fur une autre Efpece de Ver d'eau douce. Combien cet- te Efpece efi remarquable par la fin^ularitê defes Réproductions , & en quoi confifle cet' te fingularité. QjPelle poujje aujfi des Tu- hercules. 252. Phénomènes de- la Reproduction des Pat' tes de /'Ecrevifle. 253. Efai d'explication des Faits expnfés dans ce Chapitre, Principes importuns tirés des Eéprodu&ions végétales. ^ApUcation de ces ET DES Articles^ v« Principes aux Reproductions atiîmaïss dont il eft ici quefîion, 254,. Conféquence. 255. Examen de la queflion ^ fi les mêmes Germes fervent ^ à la multiplication na- turelle de VEfpèce & à la Réproduélion des parties coupées ? Comparai/on tirée de la différence ejfentielle qui eft entre la Plan- tule logée dans la Graine , ^ celle qui eft logée dans le Bouton à Bois. 256. Indifférence de la que ft ion au but de V Au- teur, Raifons de la laiffor indécife, 257. Réftexions fur la préexiftence des Par- ties ou des Touts qui paroijjcnt réproduits ou engendrés. 258. De r union de la Partie réproduite avec le Tronçon : comment elle s'opère, 259. Régularité parfaite des Réproductions ' dans les Vers d'eau douce de là V^, Ef- pèce. 260. Recherches fur les caufes qui déterminent ici le développement d'un Germe préféra- hlement à celui d'un autre dans un lieu donné, 261. Conje&ures fur cette Efpèce de Fers d*eau douce ^ qui , dans de certaines cir confian- ces , poujfent une Qtieuë au lieu d'une Tête. 262. Tentatives pour expliquer la Réproduc- tion des Pattes de l'Ecreviffe-, *4 ▼ur Table'des Chapitres CHAPITREII. Contmuaùon de VHtfto'ire des Boutures &f des Greffes animales. Ejpii d* explication des Polypes. Pag. 45 263. hîrodu&kn à la Théorie des RéproduC' lions du Tolype. Vues de V.iateur, 264. Comment s'opère' la Réprodu&ion du Po- lype paita^é tranfverfalemenî. Energie de ' la Force reproductrice. ^6^, Comment on peut concevoir que s^opere la Reproduction du Polype partagé par le milieu fuivant fa longueur, 266. Explication des Hydres &' de la manière dont fe forme un nouvel Ejîomach dans de très ' petits fragmens du Polype, 2.6j, Grande fmgularïté qu'ojfrent les frag- mens du Polype devenus eux - mêmes de vé- ritables Polypes, Conféquence relative à la ftru&ure de rinfedte éf à fon retourne- ment. 268. Comment des Portions du Polype par^ viennent à fe greffer les unes aux autres, 2^9. Comment on peut concevoir que s'' opère TUmon nu la Gre,fe de deux Polypes mis Pun dans t autre. 270. Jpréciation des merveilles du Polype, ET DES Article s. ix Que la Régénération des playes des grands Animaux nous offre des Faits aujji merveil- leux. Belle expérience de Mr, Duhamel fitr ce fujet. z'pi. Explication de la Greffe de l* Ergot du Coq fur fa Crête. 272. Tentatives pour rendre raifn des divers phénomènes que pré [entent les Polypes dé- retOLirnés en partie. 273. Explication du Polype coupé ^ retourné^ recoupé , ^c. Réflexions fur nos Idées d'A- nimalité. 274. Explication de la multiplication du Po- lype par Rejetcons. Argument en faveur de rÈmboitemenc. 275. Comment de fîmples Portions du Polype font par eUes-:nêm':s de nouvelles productions. Effets des dérivations. 276. Nouvelles conRdérations fur la queflion^ fi la multiplication naturelle par Rejettons , (S? celle de Bouture , s'opèrent par des Ger- mes identiques. 277. Monftruofirés. Qjielle Idée on peut fe faire de la muUiplicaiion naturelle de Bou- ture. 378. Conclusion. Rai fin de la grande févon* ■dite du Polype. 279. Comment on peut rendre raifon de la *5 X Table des Chapitres multiplication naturelle pat' Bouture d'une Efpèce de Mille -pié. 280. Analogie entre la multiplication du Po- lype en Entonnoir cf celte du Mille -pié à Dard. 281. Difficultés d'expliquer la midtiplication par divifon naturelle du Polype à Bulbe. Motif du fiknce que r Auteur s'impofe à cet égard, 2 8'2. Pourquoi les InfeBes qui fuhijfient des trans- formations , ne paroifjent pas propres à être multipliés de Bouture, FJfiexion fur cefu- jet. CHAPITRE III. Idées fur le métaphyfique des InfeSles qui peuvent être multipliés de Coutu- re ^ ^c, Pag. 76 283. Q^ue le Polype n'eft pas plus favorable au Maîérialifte quau Cartéfien, Faufjh idées quon s'eft faites fur ce pujet pour ne V avoir pas af[ez médité. Bih de r Au- teur, 284. Siège de l'Ame. Senfations. Moi du Polype. 285. Où refîde le Moi dans V Infecte quon vient de partager en deux tranfverfalement V Des mouvemens qui paroiffent fpontanés ^ qui ET DE s Articles. xi fie font que machinaux. Principes propres à les expliquer tirés de la Dothine de l'Irri- tabilité. 286. Nouveau Moi qui eft produit & corn- ment, 287. Que les Hydres /o/;/ des Terfonnes com- pofées. Explication du Ver à deux Tètes S à deux Volontés, Remarque fur le phè* mmene métaph^pque que préfentent les Hy- dres. 288. Du Moi d^ns les Polypes greffes. *2,'^<^, Du Moi dm^is les Rejettons, î2yo. Du Moi dans les Infect es qui fe meta- morpbofent, CHAPITRE IV. De la Fécondation & de la Génération des Ammaux, I Variétés qu^on y ohferve. Ohfervathns fur quelques endroits de l'iniïoitQ Naturelle de Mr, DE BuFFON. Pag. 88. s^gi. De (fin de ce Chapitre, 292. Bornes étroites de nos conjjoi/fances fur le Syjîème général, Conféquence pratique. 293. Manière dont s'opère la Fécondation dans la plupart des Animaux, »ii Table des Chapitres 294. Manière fmgulihre dont s^ opère la Fécon- dation dans l&s Poijfons à Ecailles. 595. Exception remarquable à la règle de Vin- tromiffim. Mouche des apartetnens, *ig6. Autre exception remarquable dans la fï' tuation des Organes de la Génération, A- inonrs des Demoifelles ^ ceux des Araig- nées. 297. Fécondation & Ponte de la Reine -A- beille. 298. Continuation du même fujet. Individus privés de Sexe. Principe de la Police des A- beilles. Idées fur leur Jnftin&, Obfervations fur le fentiment de Mr. de Buffon tou* chant la conflrudtion des Alvéoles. 299 . Différences frappantes entre le Mâle &' la Femelle dam quelques efpèces. Les Papillons dépourvus ^' Ailes. Le Ver-luifant. Autre Scarabé fînguUer. Les GaU'Infecles. 300. Amours du Crapaud l'Artère de nos Vers de terre fuffiroit pour nous convaincre de fon imité ; chaque fyftole & cha- que dyaftole n'ctoient point renfermées dans 1^ longueur d'-un anneau ; elles paroillbient mani- feftement en embrafler plufieurs* La circula- tion du fang fe failbit dans cette nouvelle Pro- duction, comme dans le refte du Corps , de l'extrémité pollérieure vers l'antérieure. Le ilmg de la plupart des Infecles efb une liqueur transparente , prefque lans couleur , & qui fans être fpiritueufe peut dans quelques efpèces re- fifber à un froid fapériear à celui de 1709. ( l'A- nimal ne dpnnoit encore aucune marque deRé- prpdudion. La playe étoit circonfcripte par un rebord affés faillant que formoient les an- ciennes chairs , & Faire de la coupe paroiffoiç creuféè en manière de baflinet. Au bout de plufieurs jours j'aperçus au centre de cet enfon- cement un point blanc , qui en groffifiîant peu à peu , prir la forme d'un petit Bouton. C'étoit lane nouvelle Partie antérieure qui commençoit à fe développer. Le vingtième de Septembre GoRPS Organise' s; 5 fte Bouton s'étoit allongé & il fe terminoit en pointe mouiTe. Le 2. d'Odobre rallongement étoit bien plus (enfible ; la nouvelle Production le moniroit alors Ibus l'apparence d'un petie Ver 5 qui naiiToic du milieu delà cicatrice. Dans les mois de Novembre & de Décembre , la nou- velle Partie antérieure continua à fe prolonger ; eile groHît nroportionnellement , & l'enfonce- ment de la cicatrice s'efïaça infenfiblement. La mort de rinfecl:e vint interrompre ces obferva- tions. Si l'on veut acquérir une idée plus nette 4e5^ p/ogrès de ce développement , il fiuc con- fulter les Figures I. IL IIL IV. de la Planche 3 me. de la 2^6. Partie de mon Traité ^Infèdtolo' gie. Quoique ces Figures ne foient que des efquiQes aifés groffières, je puis dire que les proportions en font exaéles. J'Observai les mêmes phénomènes fur des Vers de terre partagés en 3, 4, ou 5. portions. Je vis des iX)r£ions intermédiaires poufler à la fois une Partie antérieure & une Partie porté- rieure ; mais les progrès de celle - ci furent con- ftamment plus grands , en temps égal , que les progrès de celle - là. Lorfque la Partie pofté- rieure avoit déjà trois lignes de longueur , la Partie antérieure ne fe montroit encore que fous k forme d'un petit Bouton; & lorfque ceti:e dernière avoit acquis une longueur de deux à tiôis lignes , f autre en avoit au moins fix. Tous ces Vers périrent avant qu'il me fut 4 5 t lo Considérations Sur Les permis de voir la Réproduclion complecte d'u- ne Partie antérieure- J'écois au moins parve- nu à me fatisfaire fur les premiers progrès de la Régénération ; & je ;prie mon Leàleur dé fe rendre attentif aux conféquençes qui en dé- coulent, . 45. Conféquençes âe ces Expériences, Pa* rallèle des ^éprodu&ions des Vers de terre avec celles des Végétaux, Conformités des. unes & des autres. Lorsqu'on étête un Arbre , ou qu'on coupe une de fes maîtrefles Branches à quelque diltan- ce de Ton origine , le Tronçon ne fe prolonge pas ; mais il fe forme fur les bords de faire de la coupe un Bourlet , d'où fortent de petits Bou- tons qui donnent naiflance à de nouveaux Bour- geons. Ces Bourgeons ne font pas proprement des prolongements du Tronçon : ils ont une Organifation particulière ; ils offrent des Parties qui les diilinguent , & que l'on voit renfermées très en petit dans le Bouton. En un mot ils font eux-mêmes des Arbres très complets, & qui ne diffèrent de celui fur lequel ils ont crû , que par leur délicateffe & leur petitelfe extrê* mes. Mon Leéleur n'a pas oublié ce qu'il a vu là - deffus dans le Chapitre précédent & dans plufieurs endroits de cet Ouvrage. Je le ren- voyé furtQut à ce que j'ai die ^ dans; l'Article 238. J'Ai rappelle à deffein ce qui fe paffe dans la G O R P s O R G A N I s e' s. II Eégénération des Végétaux ; fi on le compare avec ce qui fe pafle dans la Régénération des Vers de terre, l'on fera frappé, je m'alîlire, ,de l'analogie qu'on remarquera à cet égard en- tre le Végétal & l'Animal. Dans les Vers de terre qu'on a partagés , le tronçon ne fe prolon- ge point non plus , il demeure' tel qvi'il étoit a- yant l'opération ; mais du centre de la cicatrice fort un petit Bouton qui groffit & s'allonge de jour en jour, & fe montre enfin fous l'apparen- ce d'un Ver naiffant greffé en quelque forte fur le tronçon. On reconnoit évidemment que ce ne font point les anciennes Chairs du tronçon qui en fe prolongeant ont fourni à cette Produ6lion. Qn ne peut fe diffimuler que ce ne foit ici un nouveau Tout organique qui fe développe , un Tout dont les Parties conftituantes, renfermées d'abord très en petit dans un Bouton , s'éten- flent en tout fens & fe montrent peu à peu fous la forme d'un petit Ver enté fur le grand. On ne peut s'empêcher de comparer ce Bouton a» vïmal au Bouton légétal^ & le petit Ver au Bourgeon, La nouvelle Produélion dans l'Ani- mal comme dans le Végétal , eft à fa naiflance d'un tiifu fort délicat; tout y eft mol ou her- bacé, & fa couleur d'abord très claire fe ren- force par dégrés. Je n'indique que les trajts les plus frappants de cette analogie : ils fuilifent , ce me femble , pour en faire fentir la vérité. Ils me ferviront bientôt à expliquer des cas plus difficiles. ï2 GoNsinERATioNs Sur Les 246. Expériences de routeur fur la Rêpro- du&ion d'une efpèce de Vers d'eau douce. ]La Réprodu6lion des Vers d'eau douce que j'ai multipliés de Bouture , offre les mêmes par- ticularités efîentielles que celle des Vers de ter- re ; mais , tout s'opère bien plus promptemeiit dans ceux - là que dans ceux • ci. Il ne faut ordinairement que peu de jours en été pour que des Portions de nos Vers d'eau douce devien- nent des AniiTiaux complets , & auxquels il ne relie plus qu'à prendre plus d^accroiffement, JLes Parties antérieures & poflérieures , que ces Vers réproduifent, fe montrent de même fucceffivement fous les formes de Bouton , de Jointe mouffe , de Ver naifîant. L'ancien tron- çon comme je l'ai dit dans f Article 167. ne fe prolonge point. Je l'ai mefuré bien des fois; immédiatement après l'opération, & au bout de deux ans jp lui V- trouvé les mêmes dimen- iions. Pendant tout ce long intervalle de temps il m'a toujours été facile de le diflinguer par fa couleur , des Parties réproduites. Il efl: d'un rouge brun ; les Parties qui repouffent à fes extrémités, font d'abord blanchâtres ou jaunâ- tres , & ce n'efl: que fort à la longue qu'elles fe rembruniffenc. 247. Blanière do?tt fe fait la RéproduStîon, Circonftances qui la précèdent & qui la fuivent. Avant que des Portions de ces Vers comi Corps O Pv g a n î s e' s. 13 mençafTent à fe completter , j'ai fouvént aper- çu aux extrémités du tronçon un petit renfle- ment , une efpèce de Boiirlet qui me paroif- foit analogue à celui que nous avons vu fe former fur les playes des Arbres. 11 étoit plus apparent à l'extrémité antérieure qu'à l'extré- mité oppofée. Du centre de ce Bourlet for- toit bientôt un petit Bouton , qui en fe déve- loppant devenoit une nouvelle Partie antérieure ou poltérieure. Il y avoit cette différence remarquable entre l'accroilfement de la Partie antérieure & celui de la poltérieure , que la première ceiToit He croître dès qu'elle avoit atteint la longueur d'u- ne ligne à une ligne & demi ; l'autre au con« traire continuoic à fe prolonger, & acquéroit quelquefois une longueur de plofieurs pouces. La Partie antérieure de ces Vers contient la Tête & un aflemblage d'anneaux qui fe déve- loppent à fa fuite. J'ai décrit dans mon Traité la figure de cette Tête & les diiférentes formes fous lefquelles fe montre la Bouche : j'ai décrit aufli celles de XAmis Qay Lors que j'ai féparé la Partîe antérieure du refte du Corps , elle eft morte au bout d'un jour ou deux fans faire aucune produftion. Je n'ai jamais vu d'exception à cette Loi , & mes Expériences fur ce point font en grand nomr bre. 11 en a été de même de la Partie polté- rieure : je donne ici cette dénomination à l'ex^ («) Obf. I. pagç 7 ,• tj 9. de U féconde Fartic» 14 Considérations Sur Les trèmité du Corps où tient l'Anus & une fuite d'anneaux de la longueur d'une ligne à une li- gne & demi. On ne doit pas chercher la rai- fon de ce Fait dans le peu de longueur des Parties , car des Portions beaucoup plus cour- tes 5 mais prifes fur le milieu dit tronc , par- viennent fort bien h réproduire une Tcte & une Queue (/t). Nous verrons bientôt ce que l'on peut penfer de plus probable fur ce fujet. 248. Tubercules ^ue poUjJent les Pûrtions de cette Efpèce de F'ers. Conjectures fur leur nature. Tandis que j'étoîs occupé à fuivre la végéta- tion des différentes Portions de mes Vers a- quatiques , j'aperçus fur le dos de plufieurs ,- près du bout antérieur ou à l'origine de la Par- tie nouvellement réproduite , une efpèce de Bouton ou de Tubercule , de couleur blanchâ- tre, & qui formoit avec le Corps, un Angle plu? ou moins ouvert,- J'obfervai encore de ces Tu- bercules aux deux côtés de la Tête & à peu de dilîance de l'Anus. Ils me rappcllèrent là multiplication des Polypes par rejettons. Je ne pus m'empêcher de foupçonner qu'ils étoient des Vers nailTants , des Vers qui venoient au jour à la manière des Polypes. Je m'attendois donc à les voir croître & le féparer enfuite de feur Mère : mais je fus trompé dans mon at- tente , & tous ces Boutons ou Tubercules dif- («; Obferv, XIIÎ. Corps Organise' So 15 parurent au bout d^environ trois femaines , fans avoir rien produit (rtî). Je communiquai mon obfervation & ma conjedure à Mr. de Reau- MUR 3 qui me fit cette réponfe en datte du iieme, pbre, 17^2. Mes Fer S affèz fembkhles aux vôtres , que jai trouvés en quantité aux en- virons de Reaumur , 6* qti^on trouve aujfi iti , vfont fait voir de ces Tubercules^ qiiil et oit ajjèz naturel de foupçonrKr être des Fetits qui com* mençoient à pouffer. Mais fur mes Vers com- me fur les vôtres^ ces Tubercules n^ont rien don^ né. 24.^. Continuation du même fujet. Ver à deux Têtes ^ & à deux volontés. Je ne déciderai pas cependant fi ces Tuber- cules ne font point des Parties antérieures ou poftérieures furnuméraires qui commencent à fe développer. Ils fe montrent au moins fous la forme qu'elles aifedtent en naiffant. Ce qui fembleroit le confirmer c'efi: une Expérience que j'ai rapportée afiez en détail à la page 113. & fuivantes de la 2^^. partie de monTraitéd'In' Jfectologie, J'y ai fait mention d'un de ces Vers aquatiques à qui j'étois parvenu à donner deux Têtes , en coupant l'extrémité d'un Tubercule qui s'étoit élevé près de la Partie antérieure nouvellement régénérée. La Partie que je noin- Sx^ti2xfurnumêraire formoit un angle à peu près droit avec le tronc. Elle paroiflToit au Micros- (ff) Obfeïy. XIX, XX, pag. iiï, 120, iji, a ^, fortes de Vers. Et pour achever de met* 5., tre la obofe hors de toute conteUaÉion ; c«6* B 12 >5 59 ^o Considérations Sur Lè^ te Partie qui avoit pouffé à la place de la Tête , n'étoit capable d'aucun des mouve- n^ens qu'on voit faire à celle-ci : elle ne fe raccGurciffoit ni ne s'allongeoit , elle ne fe contraéloit ni ne fe dilatoit^ Le Ver n'en faifoit aucun ufage ni pour fe nourrir , ni pour s'aider à ramper ; on le voyoit feule- j, ment agiter de tems en tems fa Partie anté- „ rieure , la porter à droite & à gauche , mais 5, fans faire la moindre tentative pour changer ^, de place. On auroit dit qu'il fentoit fon é- 5.5 tat : il avoit l'air , pour ainfi dire , embarraf- „ fé. Au refte , & c'eft ce que je ne dois pas ,5 négliger de faire remarquer j le cours du ^, Sang n'avoit point changé de direction. Il .5, continuoit à fe faire du bout poftérieur au 5, bout antérieur ". Enfin , pour ne laiffer rien à défirer , je dirai- encore , que les Portions de ces Vers à qui il étoit arrivé de pouffer une Queue au lieu d'une Tête , n'ont pris aucune nourriture ; leur Eftomach & leurs Inteftins font toujours demeurés fort tranfparents , & ce qui eft affés r-ema-rquable , j'en ai eu qui ont vé- cu environ fept mois dans cet état. Ce cas re- vient à celui de cette moitié de Ver de terre" dont j'ai parlé , & qui avoit foutenu un jeûné encore plus long. Au relie, cette Efpèce de Vers d'eau dou- ce pouffe auffi de ces Tubercules qui paroiffent analogues aux Réjettons des Polypes à Bras : j'en ai compté jufqu'à huit fur la même Por- jtion y quatre de chaque côté ; mais , ils ont Corps O r e a n i s e' s; ii difparû peu à peu fans rien produire , commô je l'ai raconté de ceux des Vers d'eau douce de la première Efpè.ce. 252. Phénomènes de la Reproduction des Pattes de /'EcrevilTe. Je n-ai placé ici mes Obfervations fur les Vers d'eau douce à la fuite de celles fur les Vers de terre , que par la raifon des rapports qu'on obferve dans la manière dont les uns & les autres fe régénèrent. Car mon but avoit d'abord été de chercher dans des Animaux plus grands que les Polypes , des faits , qui puflent m'aider à expliquer la reproduction de ces der- niers : mais , les Vers aquatiques que j'ai le plus fuivis , ne font pas plus gros que les Poly- pes. Je reviens donc maintenant à mon pre- mier but ; & je vais dire quelque chofe d'une Régénération fmgulière que nous offre un Ani- mal d'une grandeur monftureufe en comparaifon des Polypes \ j'ai en vue XEcreviffe d'eau dou- ce. LoNG-TEMs avant qu'on connut la Répro- duélion du Polype , les Phyficiens admiroient celle des Pattes de l'Ecreviffe : mais , perfon- ne ne l'avoit fuivie avec plus d'exaélitude Sç de fagacité que Mr. de Reaumur (^). Les Pattes de l'EcreviiTe ont cinq articul'A- (•) Mémmsi ie l'Acad, Royale des Scîencss : An. I7ii. B3 ft Considérations Sur Les tions : fi l'on compte du bout de la Pince , c'eft ^ à la quatrième que la Patte fe caffe le plus fré- qviemmenî: & qu'elle fe réproduit le plus façL- iement. Lors que la Patte a été calTée à cet endroit pu près de cet endroit , par accident ou ^ defîein , la Partie qui refte attachée au Corps & qui contient deux articulations , montre à fon bout antérieur une ouverture ronde , qu'on peut comparer à celle d'un Etui d'écaillé. Une fubftance charnue occupe tout l'intérieur de cet Etui. Au bout d'un jour ou deux , fi c'eft en été, une Meinbrane rougeâtre vient fermer Touverture , en s'étendant defTus comme un morceau d'étoffe. Elle eft d'abord plane ; qua- tre à cinq jours après , elle prend de la con* vexité. Cette convexité augmente. Le milieu ou le Gpntre, s'élève plus que le relie ; il s'élè- ve de plus en plus : un petit cône paroît ; & ce cône n'a guères qu'une ligne de hauteur. Il s'allonge fans que la baze s'élargiffe , & au bout d'environ dix jours , il a quelquefois plus de trois lignes de hauteur. Il n'efl pas creux ; des Chairs le rempliffent ; & ces Chairs font les éléments d'une nouvelle Patte. La Membra- ne qui les enveloppe fait à l'égard de la Patte nailTante l'office des Membranes du Fœtus. El^ le s'étend à mefure que l'Embryon croît. Com- me elle eft affés épaiffe , elle ne laiffe voir qu'un cône allongé. Quinze jours s'étant é- coulés ce cône s'incline vers la Tête de l'Ani- mal. Il fe recourbe de plus en plus les jours Corps Organise**; aj fuivants. Il commence ^ prendre la figure d'u- ne Patte d'Ecreviire morte. Cette Patte enco- re incapable d'aélion, acquiert jufqu'à fix à fept lignes de longueur dans un mois ou cinq fe- maines. La Membrane qui la renferme deve- nant plus mince à niefure qu'elle s'étend , per- met d'apercevoir les Parties propres à la Patte , & l'on reconnoic alors que cette mafle conique n'efl pas une fimple carnofité. Le moment efl: venu où la Patte va éclorre. A force de s'a- mincir la Membrane fe déchire , & laifle à dé- couvert la nouvelle Patte encore molle , & qui au bout de peu de jours fe trouve recouverte d'une Ecaille aufli dure que celle de l'ancienne Patte. Elle n'a guères que la moitié de fa lon- gueur , & elle efl: fort déliée ; déjà nçanmoius elle ^'acquitte de toutes fes fonctions. Si au lieu de caiTer la Patte à la 4^6. jointu- re 5 on la calTe ailleurs , ou fi on ne feit fim« plen^ent qu'emporter la Pince , ou une partie de la Pince , l'Animal fecouvrera précifçment ce qu'il aura perdu, La même Reproduction s'opère dans les Jam- bes & dans les Cornes ; mais la Queue ne le régénère point, & l'Ecrevifle à qui on l'a cou- pée 5 ne furvit que peu de jours à l'opération, 253. EJJai d'explication des Faits expofèi dans ce Chapitre, principes imporîam H* tés des Réprodu&ions végMç.s* B 4 «4 Considérations Sur Les Aplî cation de ces Principes aux Réprù; ductiom animales dont il eft ici quejîion. Avant que d'elFayer d'appliquer ces Obfer- vations à la multiplicaripii des Polypes , re- venons fur pos pas & tâchons à déduire des faits , les conféquencés naturelles qui peuvent nous conduire à une explication philofophi- que des Réproductions que je yiens de dé- crire. J'ai fait voir dans ce Chapitre combien la Reproduction des Vers de terre eft analogue à celle des Végétaux : j'ai montré enfuite qu'il n'y a pas moins d'analogie entre la Répro- duélion des Vers d'eau douce & celle des Vers de terre. Une nouvelle Ecorce , un nou- veau Bois, doivent leur nailTance à des efpè- ces de filaments cachés dans l'ancienne Ecorce ou dans l'ancien Bois , qui s'étendent , s'é^ painTifTent & forment peu à peu des lames min- ces concentriques les unes au^ autres. Une nouvelle Branche tire fon origine d'un Bou- ton qui renferme un Bourgeon , & ce Bour- geon efl une Branche en raccourci, ou dont toutes les Parties déjà préformées coexiftent cnfemble. Je nomme ce Bourgeon un Tout organique^ parce qu'il repréfente l'Efpèce en petit. Il eft aifé de voir qu'une Branche efl un petit Arbre qui croît fur un grand Arbre de même efpèce. Je ne regarde pas comme de vrais Touts organiques les filaments , ou les lamelles dont l'Ecqrcç & ie Bois tirent leur Corps O r g a k i s e' s. 25 origine. L'Ecorpe ou le Bois ne font à pro- prement parler que des Parties conftituantes d'un Tout organique. Ils ne le repréfentenc point en petit , parce que cette repréientatioii tient à des formes y à des proportions , à un arrangement , à une organifation qui ne fe trouvent point dans de fimples feuillets cortir eaux ou ligneux. Mais , ces feuillets font re- préfentés en petit par les filaments gélatineux qui les produifent, & qui fe développent de la manière que j'ai décrite dans le Chapitre précédent. Ainsi dans l'Animal la Régénération d'une nouvelle Peau tient comme celle d'une nou- velle Ecorce à des filaments gélatineux, qu'- une dérivation accidentelle des fucs nourri- ciers met en état de fe développer. C'efl ce que l'on reconnoit en obfervant tout ce qui fe pafle dans la confolidation des Playes. Oa voit affez que ces filaments étoient des Par- ties infiniment petites de l'ancienne Peau , qui ne fe feroient peut-être jamais développées lans fintervention d'une circonflance acciden- telle , & qui avoient été mifes en referve pour cette circonft^nce ou pour d'autres circonllan- ces analogues. Je renvoyé fur cela à l'Ar- ticle 23(5. Mais , quand il s'agit de produire dans l'Animal un nouveau Tout organique , ou une nouvelle Partie intégrante , qui eft elle même B 5 2j^ Considérations Sur Le« à quelques égards un petit Tout organique, la Nature paroît s'y prendre de la même ma- nière que pour produire dans le Végétal une nouvelle Branche, tlle a préformé cette Bran- che , elle l'a renfermée en petit dans un Bou- ton , & fa produftion eft moins une vraye Génération que le fimple développement de ce qui étoit déjà tout formé. La Nature paroît a- voir de même renfermé en petit dans une efpé- ce de Bouton les Parties que les Infedles répro- duifent à la place de celles qu'ils ont perdues. C'eil ce que l'on voit pour ainfi dire à l'œil dans la Multiplication des Vers de Bouture & dans la Réproduélion des Pattes de l'Ecre- vifle. La nouvelle Partie pafle par tous les dégrés d'accroiffement par lesquels l'Animal lui même a paiTé pour parvenir à l'état de perfeélion. On lui retrouve dans les premiers tems la mçme forme efTentielle , les mêmes Organes qu'elle offrira dans la fuite plus en grand. La circulation du Sang eft très via- ble dans cet appendice vermiforme fi délié, qui pouffe au bout poftérieur d'un Ver de Ter- re , & qui doit devenir une nouvelle Partie poftérieure. Des Artères fuppofent des Vei- nes ; les unes & les autres fuppofent des Nerfs & bien d'autres Organes, Tout cela coëxifte donc à la fois , car comment concevoir que différentes Parties dellinées à former un même Tout , à concourir enfemble au même but , & dont par conféquent toutes les aélions font gonfpirantes ou relatives , foient produites les Corps O r g a n i s e' s. 27 unes après les autres p^r appofition^ ou par une méchanique fecrette ? Comment pourroit - on admettre une telle formation, quand on eft par- venu à s'afliirer que toutes les Parties du Pour let coëxiftent enfemble long-tems avant qu'elf les tombent fous nos fens (^) ? Pourquoi la Partie qu} fe réproduit eft- elle fi difpropor- tionnée à celle qu'elle va remplacer ? pourquoi eft -elle fi molle, fi délicate, fi déliée ? pour- quoi fes articulations font - elles fi ferrées , fi rapprochées les unes des autres? Ceft que ce n'eft pas Fancien Tout , ou le Tronçon qui croît & forme cette nouvelle produélion ; c'eft un nouveau Tout qui fe développe dans l'an- cien & à l'aide des fucs que celui-ci lui four- nit. Je ne crois pas qu'il foit poffible de fe refufer à cette conféquence lors qu'on a fuivi avec foin la Régénération des Vers qui mul- tiplient de Bouture , & qu'on a vu & revu cent fois par fes propres yeux cette Régéné- ration merveilleufe. Mais les Phyficiens qui ont combattu le fentiment que j'adopte, paroif- fent avoir été plus touchés de • la gloire d'en- fanter un nouveau Syftème , que du plaifir plus philofophique & moins bruyant d'étudier la Nature dans un Infeéle. Je ne fais point ici de Syftème ; car je n'entreprens point d'ex- pliquer comment l'Animal fe forme : je le fup. pôle préformé dès le commencement, & ma fuppofition repofe fiir de§ Faits qui ont été bien 5'élever fur le Gorps des Vers d'eau douce, comme étant analogues aux Rejettons des Po- lypes à Bras ^ ce feront de petits Vers dont les Germes cachés dans l'intérieur de la Mère fe développeront fuivant certaines îoix. Ces Gernies doivent repréfenter en petit uii Animal entier , puisqu'ils font préparés pour la multiplication naturelle de l'Infeéte- Mais , eii eft-il de même des Germes deftinés à repa- rer la perte de Tune ou de l'autre des Extré- mités ? Ces Germes contiennent -ils auffi les Eléments de toutes les Parties propres à l'In- feéle? Sont -ils l'Infeéle lui-même très en pe- tit? N'y - a- 1- il que la Partie antérieure qui fe développe dans le Germe deftiné à reparer la perte de la Tête? ôce^ J'ai paru l'admet- tre dans le Chapitre IV, Articles 50, 51, & 52. & j'ai indiqué quelques Caufes qui peu- Vent empêcher l'accroiflement de la Partie du Germe qui ne doit point fe développer. Au- jourd'hui que j'y réfléchis davantage , je ne vois aucun inconvénient à fuppofer dans ces fortes de Vers, des Germes de Parties anté- rieures & des Germes de Parties poftérieures. Cette hypothèfe me paroît fujette à moins de difficultés que celle de l'oblitération d'une par- tie du Germe. Si l'on admet des Germes par- ticuliers pour la produd"ion des Dents , pour- quoi refnfercit - on d'en admettre pour la pro- dudion des Parties beaucoup plus compofées , & dont la fonr>ation répugne encore davan-; ,èage aux explications méchaniques? go Considérations Sur Les Une obrervation prife des Végétaux ipà" roît confirmer cette diverfité des Germes dan^ le même Individu. La Graine qui opère la( multiplication la plus naturelle du Végétal, ren- ferme une Plante en entier^ Une difleftion groflière fuffit pour inettréf en évidence les principales Parties de cette petite Plante , je veux dire la Pîumuîe & la Radicule. On fçait que le développement de la première produit la Tige & fes Branches , & que le dévelop- pement de la féconde produit la maîtrefTe Ra- cine & fes Ramifications. Le Germe contenu originairement dans la Oraîne efl: donc une Plante entière en raccourcie Un Bouton à Bois ne renferme au contraire que la Flumule; j'en ai dit ailleurs la raifon. Les Racines qui partent des Bourlets, tirent leur origine de Ma- melons ^ & ces Mamelons femblent faire à leur égard l'office de Boutons. Un femblable Bou- ton ne contient non plus que la Radicule, I! efl donc dans le Végétal des Germes de Plu- mules & des Germes de Radicules , comme iî en efl qui contiennent à U fois & la Plumule & la Radicule. Dans les Vers qu^oa fnultiplie de Bouture, les Germes qui ne contiennent que des Parties antérieures ou poltérieures, peuvent être com- parés aux Germes végétaux qui ne contien- nent que des Plumules ou des Radicules. Les Germes deftinés à opérer la multiplication na- turelle de rinfeéte , peuvent être comparés de même aux Germes contenus dans les Craîûe&,. CdR?s Organise' Si 31 On peut être curieux de favoir ce que Mr. DE Reaumur penlbit fur la queftion dont il s'agit : on le verra dans l'extrait fuivant d'une Lettre qu'il m'écrivit le 2i"'e. Décembre 1742. La fuite de vos Obfervations fur les Boutures des Vers aquatiques ^ contient un grand nombre défaits extrêmement curieux ^ ce ne fera qu'a- près quHly en aura beaucoup de rajjemblés , de tels que ceux que vous avez raportés dans vôtre Lettre , que nous pourrons raifonner fur une réprodudiion fi étrange. Ces obfirvations , de Queues qui font nées où des Têtes dévoient naî- tre ^ font extrêmement fîngulières ^ & je ne dé- fefpère pas qu'il ne vous arrive de les refaire plus d^une fois.* Le fait étant bien confiâtes rembaras ne fera pas de trouver le Germe de la Partie pofîérieure qui a été produite , car il faut qu'il y ait partout dans ces animaux des Germes de Parties antérieures & de Parties pojîérieures qui Je touchent , ^ les unes ne Jonî déterminées à fe développer préférablement aux autres^ que lors que le bout où elles fe trouvent efl le plus favorable à leur développement ; ref tera à fçavoir ce qui peut en quelques circon^ fiances faciliter le développement d'une Partie poftérieure fur un bout antérieur y f appelle ainfi^ le plus proche de la Tête. 256. Indifférence de la queflim au but de routeur: Raifons de la laijfer indécife. Quoi qu'il en foit de la fimilarité ou de la ^iffimilarité organique des Germes dans le mê^ 2[2 Considérations Sur Les nie Individu , je dirai que cette queflion efi: très indifférente à mon but , & nous ne fômmes pas à portée de la décider. Si la flfuéturè inti- me des Parties les plus groffières nous échap- pe 5 comment pourrions - nous îftteindre à la connoifTance de Parties d'une finefle & d'une petitefle extrêmes? La matière' à été prodigieU- îement divifée , & les Germes font en quelque forte les dernières divifions de la* matière orga- nifée. Je n'ai ici d'autre objet que de chercher à établir que , ce que nous nommons Produdtiort ou Réproduâion dans nos éfpèces de Zoophy» tes y n'eft que le développement de petits Touts organiques qui préexiftoient dans le grand Tout dont ils réparent les pertes. Ainfi , foit que cet- te réparation dépende de Germes qlii ne con- tiennent précifément que ce qu'il s'agit de ré- parer ; foit qu'elle dépende de Germes qui con- tiennent un Animal entier & dont il ne fe dé- veloppe qu'une Partie , précifément femblablé à celle qui a été enlevée , tout revient au mê- me dans Tune & l'autre fuppôfition : ce n'ell jamais une Génération proprement ditte ; c'eft toujours là fimple Evolution de ce qui étoit dé- jà engerîdré. Tant de Faits très certains que j'ai raflemblés dans cet Ouvrage ^concourrent fi évidemment à établir ce grand Principe , qu'il n'y a que îa plus forte, prédilediion pour de nouvelles idées , qui puiiîe engager à le combat- tre. Je rappellerai encore ici ce que j'ai dit dans le Chapitre X.' duTome I. fur la préexiftence dit Pa- CôRips Organise' #. 33^ pillon dans la Chenille. Un Ver qui fe nour* rit de l'intérieur de celle - ci, fait n'attaquer que les Parties propres au Papillon : la Chenille con- tinue à s'acquiter de toutes fes manœuvres; el- le vit & fait vivre forî ennemi , m^is elle ne donne point de Papillon. 257. Réflexions fur la préexiflénce des Far' * ties ou des Touts qui paroijjent reproduits pu engendrés^ Tout nous indique que la Nature a préparé de loin dans les Corps organifés, les diverfes Pro- du6lions qu'elle y doit mettre au jour. Tandis qu'elles commencent déjà à fe développer, nous ne nous doutons point de leur exiltence , & nous difons qu'elles naijjent lors qu'elles fe font alTés développées pour tomber fous nos fens* Une Intelligence qui auroit des yeux plus per- çants que les nôtres, reculeroit bien loin le mo- ment de cette prétendue nailTance. Il peut nous être permis de raifonner fur les Fins de l'Au- teur de laNature , quand ces Fins font éviden- tes. 11 paroît qu'iL a voulu que des hifeéles dont le Corps efl très cafTant , ou dont l'une & l'autre des Extrémités étoient expofées à fervir de pâture à différents Animaux voraces p puffent réparer les pertes que ces accidents dé- voient leur occafionner. Sa Sagesse a donc ménagé dans ces Infeéles des fources fécondes de réparation. Elle a conflruit leur Corps fur un modèle particulier : Elle y a femé 4^1 ToM. IL C ^4 Considérations Sur les Germes dont le développement opère ces Ré- produélions que nous ne nous laffons point d'ad- mirer. Le retranchement d'une Partie antéri- eure ou poftérieure détourne au profit du Ger- me placé au bout correfpondant du Tronçon , les fucs nourriciers qui auroient été employés à l'entretien de cette Partie. Ce Germe com- mence donc à fe développer ; il fe montre d'a- bord fous rafpeél d'un petit Bouton arrondi , qui décèle en quelque forte fon premier état de Corps oviforme, 258. Be l'union de la Partie reproduite a* vec le Tronçon: comment elle s^ opère, L*uNioN que la nouvelle Partie contrafte a- vec le Tronçon, n'a rien de plus embaraflanc que celle du Bourgeon avec l'Arbre , ou de la Greffe avec le Sujet, On voit affés qu'à me- fure que les Vaifteaux du Germe fe dévelop- pent, ils peuvent s'aboucher par différents points à ceux du Tronçon , & de cet abouchement doit réfulter une circulation commune. Mais la petitefTe & la tranfparence des Vaiffeaux ne permettent pas d'oblerver ici ces anaftomofes comme on les obferve dans les Greffes végéta- les.- La réunion qui s'opère quelquefois dans les Chairs des grands Animaux., répand encore du jour fur celle dont il s'agit: j'en parlerai ail- leurs. 259. Régularité parfaite des Rêprodu^km I Corps Organise' s. 35 ^ans les Fers d'eau douce , de k i'«. Efpèce. Ce font apparemment des loix très fimples que celles qui préfident aux Réprodudions de mes Vers aquatiques de la première Elpèce, ou de ceux que j'ai gommés rougeàîres (^a^ : il eft remarquable qus parmi un grand nombre d'expériences que j'ai tentées fur cette Efpèce , il n'y en ait eu aucune qui ait été fuivie de produ6lion monftrueufe. J'ai vu conftamment une nouvelle Partie antérieure fe développer au bout antérieur de l'ancien Tronçon , & une nouvelle Partie poftérieure pouffer au bout cor- refpondant de ce même Tronçon. La Partie réproduite a toujours été précifément femblable à celle que j'avois retranchée , & capable des mêmes fonélions ; nulle irrégularité apparente , nulle différence fenfible dans l'Organifation ; i- dentité parfaite dans la forme , dans la pofiti- on, dans les mouvements foit extérieurs, foie intérieurs. 260. Recherches fur les caufes qui àétermW nent ici le développement d'un Germe pré» fèrahlement à celui d'un autre dam un lieu donné. , Mais quelle efl: la caufe qui détermine une Partie antérieure à fe développer préférablemeûl (a) Ty%\xi ^hfeQolosie, Seconde Partie, Obf. I. G a ^6 Considérations Sur Lks à une Partie poflérieure ? Pourquoi une Tête fe développe -t- elle fur le bouc antérieur , une' Queue fur le poftérieur ? Il efl très manifef- te que le bout qui eft l'antérieur dans un Tron- çon quelconque , anroit pu devenir le poftéri* eur fi la fe6lion avoit été faite dans un autre point ; le hazard feul en a décidé. Il y a donc à chaque bout un Germe de Tête & un Ger- me de Queue : d'où vient que ces deux Ger- mes ne fe développent pas à la fois fur le mê- me bout? pourquoi le Tronçon ne pôufTe-t-iî pas à la fois h fes deux extrémités une Tête & une Queue ? J'efTayerai de répondre à cette queftion par une conjeélure qui ne me paroîc pas dépourvue de vraifemblance & que je tire d'un Fait très certain. J'ai dit que la circulation du Sang s'exécute dans ces Vefs de la Queue vers la Tête, du bout poilérieur vers l'antérieur. J'ai fait admi- rer ailleurs, la rés^iîaricé confiante de ce mou- vement que les feétions les plus multipliées ne troublent jamais Qa^, H y a donc dans cette Efpèce de Vers un fuc afcenddnt ; je nomme ainfi ce fuc dont la dkeélion conftante ell: de la Queue vers la Tête. Seroit-ce abufer de la permifTion de conjecturer que de fuppofer qu'il y a aufli un fuc defcendant , ou dont la direc- tion eft en fens oppofé? car il faut bien que la Partie poflérieure de Tlnfeéle reçoive la nour^ îiture qui lui eft nécefîaire : il eft donc pro- 4<î) Voyez le Tome I. page x8s» GoRPS Organise' s. 37 babîe qu'elle la reçoit par des Artères qu'on peut nommer defcendantes & qui tirent leur 0- tigine de la principale Artère. J'ai fait remar- quer dans mes obrervations fur ces Vers , que la Tête eft à rordifiaire la Partie qui fe développe kl première (^^}. Le développement eft tou- jours l'effet de la nutrition : le Germe de la Tête reçoit donc à f ordinaire le premier les fucs appropriés au développement. Il paroit qu'il les recevra le premier , s'il les reçoit par ce Vaiiîeau qui poulTe continuellement le Sang vers le bout antérieur. Le Germe de la Tête a donc probablement avec ce Vaifleau des îiai- fons directes & immédiates que n'a pas le Germe deftiné à produire une Queue. Celui-ci nour- ri probablement par des Vaiifeaux defcendants, ne fe développe qu'au bout où ces VailTeaux ten- dent. Ceci a quelque analogie avec ce qu'on obferve dans les Arbres : on a vu dans le Cha- pitre précédent, que les Branches font nourries par un fuc afcendant , les Racines par un fuc defcendant. Mais les Branches peuvent fe dé- velopper fur les Racines , \^.?> Racines fur les Branches ; il ne faut donc pas trop prefler cet- te comparaifon. 25i. Conjectures fur cette Efpèce de Fers à^eau douce qui , dans certaines clrconilan~ ces , pouffent une Qtieuë au lieu d'une Tête, ..Mes Vers aquatiques de la féconde Efpèce ,' {«) Traité d'InfeSlolcgie , aiîe. Part, page 24» c 3 jJL Considérations Sur Le 8 ou dont la couleur efl blanchâtre ( ^ ) , ne fô réproduifent pas avec la même régularité. Si Ton ne fait que retrancher à un de ces Vers la Partie antérieure , il en réproduit une nou- velle. Mais fi on le partage transverfaleraent en deux ou plufieurs Portions , toutes répro* duilent une Queue à la place où elles auroient dû réproduire une Tête. L'éfpèce de con- fiance du phénomène ne permet pas de le mettre au rang de ces productions fortuites & monftrueufes que l'on voit quelquefois dans le Règne animal Les Polypes à Bras oiFrent de femblabies produftions : on voit s'élever fur leur Corps des Queues furnuraéraires , dont ils fe fervent comme de leur bout, poltérieur pour fe cramponner. Mais Mr. Trembley fait allez fentir que c'eft-là un cas extraordinaire en difant , qu'on ne l'ob/erve que quelquefois ; ce fonç fes termes (^). Je ne chercherai point à de^ viner pourquoi les Portions de nos Vers blan^ châtres pouffent une Queue à la place où el» les auroient dû poufîer une Tête ; je ne con- nois aucun Fait qui puilîe m'éclairer là-delTus; je ferai feulement remarquer que cette Qtieuô furnuméraire étant aiilTi bien conformée que. celle qui croît au bout poflérieur , il efl vrai- femhlable qu'elle a la même origine. Elle pro- vient d'un Germe qui s'eft développé à la pla- cé où une Partie antérieure auroic dû naître, îl^femble qu'on puilTe inférer de mesExpcrien- C<) ibid. obr. xxfi, xxui. (i) Mém. fur les Fol, à ^fA^i ia Svo, Toa, 2. pag. m. i ' C 0 R P s O R G A N I s fi'ff. "39 ces que cette Efpèce de Ver a été conîlmite de manière qu'il ne fe trouve des Germes de Tête que vers la Partie antérieure de TlnfeC'- te 5 & que par - tout ailleurs il n'y ait que des Germes de Queue. Nous ignorons pourquoi l'AuTEUR de la Nature 3 rellerré ici la Ré- produflion dans de telles limites , & pourquoi IL les a fi fort étendues dans d'autres Infeftes; mais nous voyons au moins, qu'iL a mis nos Vers blanchâtres en état de reparer la perte qu'ils étoient le plus fouvent expofés à faire, je veux dire celle de leur Partie ppllérieure. Ils la tiennent ordinairement hors du limon dans lequel ils font leur demeure : elle eft donc plus expofée à être mangée par des Infeéles vpraces que ne l'eft le relie du Corps. A' l'égard du développement de la Queue furnuméraire , il peut dépendre en partie de l'abfence d'un Germe de Tête. Le Germe de Queue placé au bout antérieur reçoit feul les fucs nourriciers qui vont à ce bout pour la nourriture des Parties qu'il renferme. Mais tout ceci n'efl que conjecture, & je n'y in- fifterai pas davantage: la Itruélure de ces Vers m'efl trop peu connue, 262. Tentatives pour expliquer la Répro-^ du&ïon des Pattes de l'EcreviJJe. Ce que la Réprodu6lion d'une Tête & d'u- ne Queue eft aux Vers que j'ai multipliés de Bouture , la Képroduélion des Jambes & des C 4 4J> Considérations Sur Les Cornes Tefl: à l'Ecrevifle. Nous avons vu que la Patte nailFante fe montre d'abord fous la forme d'un Mamelon conique qui s'allonge de jour en jour. Une Membrane affez épaifle qui recouvre les Chairs, & l'extrême délicateife de celles-ci, ne perpiettent pas dans ces pre- miers tems à l'Obfervateur , de diflinguer les Par- ties propres h la Patte. Mais lors qu'elles fa font un peu fortifiées, elles deviennent lènfibles, & en perçant alors l'enveloppe , on met à dé- couvert des articulations très reconnoiffables, Nous fommes donc fondés à regarder la nou-? velle Patte comme un nouveau Tout organiT que , dont le Germe exifloit dans le Tronçon de l'ancienne Patte, La rupture de celle - ci a donné lieu au développement de ce Germe , eii détournant à fon profit dés fucs qui fe feroienc portés à d'autres Parties. Il fe préfente ici une difficulté qui mérite que je m'y arrête. J'ai dit ci-delfus, qu'en quel- qu'endroit qu'on coupe la Patte , ce qui fe ré? produit ell toujours précifément femblable à ce qu'on a r-etranché. M^. de Reaumur a beau- coup infiftéfur cette difficulté, ^ il convient de l'entendre lui-même. 5, Devons -NOUS entreprendre, dit-il(^^), 3, d'expliquer commerw:" fe font ces Réproduc- ^5 tions ! Nous ne pourrions tout au plus que 3, bazarder quelques coiijcftures ; & quelle foi j, ajoûteroit - on à des conjeiitures ^ lors qu'il (#) Mém. 4e l'Jcnd, Roy ait d:s Sciences, Aa. 17 iz, ": Corps Organise' s, 4v ^, s'agit de rendre raifon de Faits , dont les rai- „ fonnemens clairs ferabloient prouver l'impof- 55 35 55 5» 55 55 55 55 55 55 55 55 55 55 59 >5 55 55 ?5 55 55 55 fibilité ! Nous dirions bien que vers la Partie coupce il fe porte beaucoup de fac nourri- cier, & alTezpour former de nouvelles Chairs. 55 55 5, Mais où trouver la caufe qui divife ces Chairs par diveries articulations, qui en forme des Nerfs, des Mufcles,des Tendons diffcrents. Tout ce que nous pourrions avancer & de plus commode , & peut - être de plus raiibn- nable ; ce feroit de fuppofer que ces petites Jambes que nous voyons naître , étoient clia- cune renfermées dans de petits Oeufs , & qu'ayant coupé une Partie de la Jambe , les mêmes fucs qui fervoient à nourrir & faire croître cette Partie , font employés â faire dé- ^5 velopper & naître l'efpèce de petit Germe de Jambe renfermé dans cet Oeuf. Quelque commode après tout que foi t cette fuppofi- tion , peu de gens fe refoudront à l'admettre. Elle engagerait à fuppofer encore, qu'il n'eft point d'endroit de la Jambe d'une Ecrevalfe, où il n'y ait un Oeuf qui renferme une autre Jambe ; ou ce qui eft plus merveilleux , une Partie de Jambe femblable à celle qui eil de- puis l'endroit où cet Oeuf eft placé jusqu'au bout de la Jambe : de forte que queîque en- droit de la Jambe que Ton ailignât , il s'y trouveroitun de ces Oeufs, qui contiendroit une autre Partie de Jambe, que l'Oeuf qui eft un peu aa - deflùs , ou que celui qui eft ■ Ç 5 ■ ^2 Considérations Sur Les 5, un peu au - deflbus. Les Oeufe qui feroient 5, à l'origine de chaque Pince, par exemple, „ ne contiendroient qu'une Pince ; près du 5, bout des Pinces iJ en fàudroic placer d'autres „ qui ne continuent que des bouts de Pinces. „ Peut-être airaeroit-on mieux croire que cha- 5, cun de ces Oeufs contient une Jambe entiè- 5, re : mais ne feroit - on pas encore plus em- 5 5 barralTé 5 lors qu'il faudroit rendre raifon pour- 55 quoi de chacune de ces petites Jambes, il ,, n'en renaîtroit qu'une Partie femblable à celle 5, que l'on a retranchée à l'EcrevilTe ? Ce ne fe- 55 roit pas même allez de fuppofer qu'il y a un 5, Oeuf à chaque endroit de la Jambe d'une E- 5j creviiTç , il faudroit y en imaginer plufieurs , ,, & nous ne faurions déterminer combien. Si 5, l'on coupe la nouvelle Jambe , il en renaît une 5, autre dans la même place. Enfin il faudroit 5, encore admettre que chaque nouvelle Jambe „ eft comme l'ancienne , remplie d'une infinité 5, d'Oeufs , qui chacun peuvent fervir à renou- ;, veiler la Partie de la Jambe qui pourroit lui 5, être enlevée. 5, Peut-être pourtant, que dans chaque Jambe ,5 l'Ecrevifle il n'y a qu'une certaine provifion ,, de Jambes nouvelles , ou de Parties de Jam- j, bes. Comme la plupart des jeunes Animaux ,5 ont une petite Dent cachée au - deflbus de 5, chacune des leurs : de là il arrive que fi on 5, leur arrache une Dent, il en revient une au- 55 tre dans la place; mais fi on arraciie cette ,5 dernière, la pince demeure vuide, la Nature Corps Organise'?. 43 ,, n'en a pas mis d'autres en referve fous cel- „ le -ci. 11 feroit curieux de favoir fi de mê- j, me les Ecreviffes ont en chaque endroit de ,, leurs Jambes, une provifion de Parties de Jam- „ bes qui puiiTe s'épuifer. C'eft fur quoi je „ ne faurois encore rien décider ". On ne peut aflurément fe dilTimuler que la Régénération des Pattes de l'EcreviiTc ne pré- fente comme toutes les autres Reproductions de même genre des côtés obfcurs ; mais ces ombres n'éteignent pas la lumière que réilèchif- fent divers Faits 5 & c'eft à la clarté de cette lumière que le Philofophe doit marcher. J'ai établi les fondemens de la préexiftence des Ger- mes , & j'ai fait fentir l'infuiîifance des exph'- cations purement méchaniques. Mr. de PvE- AUMUR étoit bien éloigné de recourir à de femblables explications , comme on le voit par le paiiage que je viens de citer , & mieux en- core par l'extrait de la Lettre qu'il m'écrivit le 21. de Décembre 1742. que j'ai rapporté ci-defTus. Toute la difficulté fe réduit donc à expliquer fuivant l'hypothèfe des Germes , la Régénération d'une Partie déterminée de Pat- te, d'une moitié , d'un quart &c. Si la Ré- produftion de la Patte entière ne peut être le produit d'une méchanique fecrette , la Régé" nération d'une Partie de cette Patte ne fauroit l'être non plus. Il faut donc que ce qui fe ré- génère préexiftât originairement en petit ,'car nous ne concevons pas mieux la production méchanique d'une Partie de Patte , que celle d'u- 44- Considérations Sur Les ne Patte entière, & l'une & l'autre font égaîe-î. jnent oppofées aux Faits qui prouvent la prér exiftence des Germes. Je ne vois d'ailleurs au- cun inconvénient à admettre qu'il y a dans cha- que Patte de l'EcreviiTe-upe iliite de Germes qui renferment en petit des Parties femblable^ à celles que la Nature a intention de remplacer* Je conçois donc que le Germe placé à forigine ^e l'ancienne Patte , contient une Patte entiè- re 5OU cinq articulations ; que celui qui le fuit immédiatement contient une Patte qui n'a que quatre articulations , & ainfi des autres. Si Mr. DE Reaumur nous eut dit tout ce qui fe paf-^ fe dans la Régénération d'une fimple Pince , nous ferions plus en état d'analyfer ceci. Je me pro- pofe de tenter quelques expériences pour m'en mflruire , & j'invite les Phyficiens à remanier ce fujet intéreffant & qui a tant d'analogie avec fimportante matière de la Génération. La nou- velle Patte femblable en tout à l'ancienne , con- tient aulfi des Germes deftinés aux mêmes fins, & femboitement de ces Germes les uns dans ies autres, n'effraye que l'Imagination comme je fai dit ailleurs. Le Philofophe ne mettra pas ici les Sens à la place de l'Entendement pur ; raifonner n'ell pas imaginer. Corps- Organise' s» 45 CHAPITRE II. Continuation de l'Hifio'tre des Boutures ^ des Greffes animales. Effai d'explkathn des Polypes. 1263. Inîrodudtion à la Théorie des Réproàuc^ lions du Polype. Vues de l^ Auteur. ÎL efl tems enfin que je revienne aux Poly- pes : on ne me reprochera pas d'avoir différé jufqu'ici à elTayer d'expliquer \^^ Faits qu'ils nous offrent , & dont j'ai crayoné le tableau dans le Ch. XL du Tome ï. Je voulois me faciliter à moi- même cette entreprife en puifant dans l'examen de Faits analogues, des principes de folution, dont jepuffe faire une application heureufe aux î'olypes. Tel a été le but de mon travail dans les deux Chapitres qui ont précédé immédiate- ment celui-ci: j'ai comparé entre eux les Faits que me fourniJToient les Végétaux ; j'ai étendu les comparaifons aux Faits que j'ai obfervés dans différentes efpèces de Vers qui peuvent être multipliés de Bouture , & de cet examen réfléchi j'ai vu naître une conféquence générale en faveur de VEvoluîion. Cette conféquence ne paroîtra pas précipitée à ceux de mes Lec- teurs qui fe donneront la peine de fuivre ma marche , & de méditer mes idées. Ils juge- 4<5 Considérations Sur Les ront , comme moi , que les Faits concourent h établir le grand principe de la Préexillence des Germes. Ils ne croiront pas devoir l'abandon- ner à la vue des prodiges que THiftoire des Po- lypes nous préfente ; mais ils préféreront de chercher avec moi comment ces Faits étranges fe concilient avec la loi de l'Evolution. Je ne forcerai point ces Faits a venir fe ranger fous cette loi ; je me bornerai h les comparer aux Faits analogues qui lui font évidemment fou- rnis , & là où je n'entreverrai point de folution fatisfaifante , j'en avertirai ; je tâcherai à ne ja- mais confondre le douteux avec le probable , & l'aveu de mon ignorance ne me coûtera point d'effort. Nous ne fommes encore qu'à la naif- fance des chofes ; pourquoi un Philofophe rou- girait-il de ne pas expliquer toutP il y a mille cas où un je nenfçais rien vaut mieux qu'une tentative préfompcueufe. 264. Comment s* opère la Reproduction du Polype partagé transverfàlement» Energie de la Force réproduélrice. Il n'y a pas de difficulté à l'égard de la Ré^» production du Polype coupé transverfalement^ on voit nfTez que ce Fait revient à celui des Vers que j'ai coupés de cette manière , & avoir expliqué l'un c'eft avoir expliqué l'autre. Seu- lement tout paroît s'opérer plus proraptement & plus facilement dans le Polype. La force ré- produMce y eft douée d'une plus grande éner- gie , & elle ,y exerce fon activité jusques dans Corps O r g a n i s e' s. 47 les moindres Parties. En qaelqu'endroit qu'on coupe le Polype , & quelque petite que foit la Partie qu'on retranche , la Rcproduâion a lieu ordinairement & dans cette Partie & dans le Tronc. Un Polype haché fe réproduit pareille- ment , & donne autant de Polypes que la divi- fion a fait de portioncules. Enfin, Mr. Roe- ZEL 5 bon Oblervateur , affure qu'il a vu les Bras du Polype divifés , devenir des Polypes complets. Mr. Trembley avoit cherché à voir ce Fait , il n'y avoit pas reûlTi ; mais il a averti qu'il ne le jugeoit pas irapofîible Qa^, Le Polype eft donc un Tout organique dcmt chaque Partie, Chaque molécule, chaque ato- me tend continuellement à produire. Il eft, pour ainfi dire , tout Ovaire , tout Germes. En mettant un Polype en pièces , on détourne au profit des Germes cachés dans chaque portion- cule 5 le fuc nourricier , qui auroit été employé â raccroiffement du Tout ou à d'autres ufages. Ceci n'a pas befoin d'explication après ce qu'on a lu dans les Chapitres précédents fur les Réprodudions des Végétaux , & fur celles des Vers que j'ai multipliés en les coupant transver- falement , je paffe donc à d'autres Faits. 26$, Comment on peut concevoir que s*Qpère la RèproàuElion du Polype partagé par k milieu fuivant fa longueur. C'est une chofe indifférente à la Réproduc*- («) Mitn, fur Im Pilypts à Bras in go, T. 3. p. 171, 48 CoNâlDÈRATlONS SUR LeS tion du Polype, qu'il foit coupé fuivant fa lon- gueur ou fuivant fa largeur: dans un Polypd partagé par le milieu fuivant fa longueur , cha- que moitié repréfente d'abord un demi tuyau ; les bords oppofés de ce demi- tuyau fe rapro- chent bientôt, & en moins d'une heure il devient un tuyau parfaite La réunion des bords efl fi exaéle qu'elle ne laifle fuir le Corps aucune fnarque de cicatrice. Tout cela va fi vite , qu'il n'a pas été poffible à Mr. Trembley de fuivre les progrès de cette régénération : au bout de trois heures il a vu le Polype régénéré prendre de la noiUTiture ; la Tête s*étoit refaite ; mais elle n'avoit que la moitié des Bras qui avoient ap- partenus à l'ancien Polype. De nouveaux Bras ne tardèrent pas à pouffer à l'oppofite des an- ciens , & rien ne manqua plus à la perfeélion del'Infeae(^). QuoiQiTE des yeux perçants & éclairés n'ayenc pu découvrir tout ce qui le paffe dans la réu- nion des bords d'une moitié de Polype partagé fuivant fa longueur , on peut fans préfomption , chercher à fé faire une idée de la manière dont cette réunion s'opère. Au fond, elle n'a dé furprenant que fon extrême promptitude , & elle revient d'ailleurs pour felfentiel, à celle de deux Ecorces ou de deux Peaux qui végètent encore. Un certain degré de contraction , ou certains mouvements de l'Infeéte, peuvent fufti- xe pour raprocher l'un de l'autre les bords op- pofé-3 , (ff) nfd. p. IC8. &G, Corps O r g a n i s e's. 4^ pofés, & même pour en procurer le contaél. Dès que les bords de la playe fe touchent , les VailFeaux correfpondants s'abouchent ; de nou- veaux VailFeaux fe développent , comme dans les Greffes, & multiplient les points de liaifon ou d'abouchement; le cours des Liqueurs eft rétabli & avec lui l'œconomie vitale. Dans un Infe6te,qui n'eft presque qu'une gelée épaifiie, les Fibres ont tant de fouplelTe, tant de duc- tilité 5 qu'il n'eft pas étonnant que des playes énormes s'y confolident lans cicatrice apparente. Il ne l'efl pas davantage que la confolidation y foit très prompte : les tems du développement répondent à la délicatefle des Organes ; plus ils font délicats ou extenfibles , & plus le déve- loppement efl prompt (^/). L'Elément que le Polype habite , contribue encore à la rapidité de l'accroîffement en confervant aux Fibres leur extrême fouplelTe. 2(5(5. Explication «r/i^j- Hydres , & de la maniè- re dont fe forme un nouvel Eflomach dans de très petits fragmens du Polype, Ce que je viens de dire s'applique facilement aux Hydres dont j'ai parlé Article 190. Si une Portion de Polype coupé en partie fuivant fa longueur , conferve alTez de largeur , pour que les bords oppofés puiffent fe raprocher jusqu'à fe toucher , cette Portion prendra bientôt la forme d'un tuyau, & ce tuyau deviendra ua Ca) Voyez l'Anicle 167. ? ToM. IL D ^ô GoNSiDERATioKs Sur Les Polype. Mais il n'en va pas de même de Por- tions fort étroites ou de très petits fragments: j'ai dit d'après Mr. Trembley , que ces Por- tions ou fragments fe renflent , & que l'intérieur du renflement efl: le nouvel EfliomaG^i Qa^, f CI l'on ne peut pas tout voir ; il fluit fou- vent fe contenter d'entrevoir. J'ai afTez prouvé que la Nature ne crée rien; elle ne crée donc .pas ce nouvel Eliomach : mais l'on comprend que la Peau du Polype peut n'être pas fimple , qu'elle peut être compofée de deux Membra* nés principales dont la duplicature fournit au. nouvel Efl:omach, Je ne fçais pas précifément pourquoi ces, deux Membranes fe fcparent dans de très petites Portions , & pourquoi elles ne fè féparenc pas dans des Portions plus larges : j'entrevois feulement que dans celles-ci, les bords oppofés fe raprochant promptement , ces Membranes peuvent n'avoir ni le tems ni les moyens de fe fcparer. Dans le premier cas , les Chairs ont des points d'appui qui leur per- mettent les mouvements nécelîaires à la réunion des bords; dans le fécond, elles en font dé- pourvues , & la caufe qui opère la féparation peut agir. J'ignore quelle efl: cette caufe & je ne cherche point à la pénétrer ; il me fuffit que ce petit Fait ne choque point mes principes. 267. Grande fingularité qù* offrent les frag- mens du Polype devenus eux-mêmes de vé- ritables Polypes. («) Menu fur les Po/jf« 4 £ras in 8«. Tom. i, page 20(S. &c« Corps Organise' s. 51 Confèquence relative à la ftructure de rin- fe&e S à fin retournement. Ces fragments de Polype, devenus eux-mê- mes des Polypes , nous offrent une grande lin- gularité ; ce qui formoit J'intérieur de Tancien Éftomach , compofe à prêtent une partie de l'ex- térieur de l'Infecle : car un des côtés de cha- que fragment appartenoit à l'intérieur de l'an- cien Polype. Le dedans du Polype ed donc fi femblable au dehors , qu'ils peuvent être fub- ftitués l'un à l'autre , fans que les fonctions vi- tales en fouffrent. II régne donc beaucoup de fimplicité & d'uniformité dans les Organes. L'obfervation , comme l'expérience , conduit à ce réfultat: je l'ai déjà remarqué; à l'aide des meilleurs Microfcopes on ne voit dans le Po- lype qu'un amas de petits grains répandus par- tout. Sans doute qu'il yen a encore dans tou- te l'épaifleur de la Peau, & dans cette duplica- ture qu'on peut yfoupçonner. Quand on con- noit cette flrudure, & qu'on fçait ce qui arri- ve aux fragments du Polype , l'on n'ell plus furpris du fuccès de ce retournement que j'ai décrit dans l'Article 205. ; mais on ne celle point d'admirer le Génie qui a concCi & exécuté le premier une opération fi neuve & fi délicate. Le Polype n'étoit pas appelle par la Nature à être retourné & déreîoirnê^ mais il éroit Fait de manière qu'il pouvoit l'être. Son Organifa- tionétoiten rapport avec différents cas poiîibles, dont plulieurs fuppofoient la main de l'Homme. D 2 §a Considérations Sur Les 268. Comment des Portions du Polype par ^ viennent à fe greffer les unes aux autres. Nous avons vu combien les Vaifleaux du Polype ont de difpofition à s'aboucher & à s\i- nir : ils ne la doivent peut - être qu'à leur con- fiftence prefque gélatineufe. Des Parties foli- des de l'Embrion , des Doigts , par exemple , s'uniflent dans la Matrice : des Fruits , des Feuilles encore tendres , s'unifient pareillement. Il eil donc très naturel que. les Portions du mê- me Polype 5 & que des Portions de Polypes différents , raprochées & mifes bout à bout , fe greffent les unes aux autres par aproche. Un Polype ne diffère apparemment pas plus d'un autre Polype , que le Prunier ne diffère de l'A- mandier. J'ai prouvé que l'union de la Gref- fe avec le Sujet ^ s'opère par le développement de petits Vaiffeaux , d'abord gélatineux , puis herbacés , enfuite corticaux , qui paffent réci- proquement de l'un à fautre. Il y a lieu de préfumer qu'il fe fait quelque chofe d'analogue dans les Portions d'un ou de plufieurs Polypes , qu'on force à fe toucher. Elles ne s'unifient d'abord que par un fil délié , mais f union de- vient plus intime & plus parfaite à mefure qu'il fe développe de nouveaux Vaiffeaux , & que les points de communication fe multiplient. Le Fait n'eft pas plus merveilleux dans fAnimal que dans le Végétal ; car le Polype effc presque une Plante par la fimplicité de fa flru6i:ure. El- le eft d'ailleurs telle , que des Portions de Po- lype prifes à volonté, contiennent, comme un Corps Organise' s. 53 Rameau , ou une Feuille , tous les Organes eflenciels à la Vie végétative. Elles peuvent donc végéter à part êc faire de nouvelles pro- dudions. Ifoléag , elles pouiïeroient une Tê- te 5 des Bras , une Queue ; mifes bout à bout , elles ne font que s'unir. La mollefle de Tln- fecte rend môme cette Greffe moins fingulière que celle du Végétal : mais on étoit familiari- fé avec les Greffes végétales , & on ne l'étoit pas encore avec les Greffes animales. 269. Comment on peut concevoir que s'opère r Union ou la Greffe de deux Tolypes mis l'un dans l'autre. En avallant une proye, le Polype avalle fou- vent fes propres Bras ; quelquefois deux Po- lypes fe difputent la môme proye & l'un aval- le les Bras de Tautre : on s'attend qu'ils vont être digérés avec la proye ; point du tout , il3 reflbrtent de l'Eftomach fans altération appa- rente. Ce qui opère la digeftion dans le Po- lype , n'a donc pas de prife fur les Parties pro- pres à rinfeéle. Mr. Trembley a vu un Po- lype demeurer quatre jours dans l'Eftomach d'un autre Polype & en rellbrtir plein de vie Qa^, L'Obfervateur , toujours fécond en vues fines, Tavoit introduit dans le Corps de l'autre pour tenter par ce moyen ingénieux une nouvelle forte de Greffe. 11 femble donc qu'un Polype («) Ihid. page 274. D 3 54 Considérations Sur les ne puifîc en dillbiidre un autre ; mais une por- tion de Polype peut s'unir extérieurement à u- ne autre , & l'intérieur de quelque portion que ce foit ne diffère point de Ion extérieur : en- fin , il n'eil aucun point de l'extérieur ou de l'intérieur d'un Polype qui ne puifTe faire des productions. Si donc ou parvenoit à retenir un Polype dans un autre Polype , il efl probable qu'il s'y grefforoit , & qu'il doubleroit , en quel- que forte , le Polype extérieur. Mr. T r e m- BLEY a fçû l'exécuter , comme j'e l'ai raconté Article 202.: les deux Polypes fe font exaéle- ment confondus , & les deux Têtes n'en ont formé lurement qu'une feule ; mais la fage dé- fiance de l'Auteur ne lui a pas permis de pro- noncer fur la réalité de funion des deux Corps : je nefatiroh dire^ remarque-t-il (jî)^ ce qu'eft devenu le Corps du Polype intérieur , s'il a été diJ]ous dans VEjîomach du Polype extérieur ou s'il sejl incorporé avec ce dernier Polype : mais je puis ajjiirer que j'ai vu ce Corps de Polype intérieur dans le Polype extérieur plu/leurs jours après qu*il y a été introduit. Par rapport à la Téîe du Polype intérieur , je fuis ajjuré quelle s'e[i réunie avec celle du Polype extérieur. Je ne raifonne ici que fur les Faits que nôtre ex- cellent Obfervateur me fournit , & je ne dois pas tirer de ces Faits des conféquences que Kii même n'a pas ofé tirer. Ainfi, je me bornerai \ faire obferver , qu'en admettant la réalité de («) Viii. page 283, Corps Organis e's. J5 îunion dont il s'agit , elle s'expliqueroit heureu- fement par les principes que nous offrent di- vers Faits analogues. Cette efpèce de Greffe en fliite ne diffère pas extremeraent de celle qu'on exécute fur le Végétal ; & s'il étoit une fois prouvé que le Polype qu'on retient dans l'intérieur d'un autre , ne s'y diffout pas , on comprendroit que les deux Polypes devroient s'unir plus facilement que deux Ecorces ; car les deux côtés d'une Ecorc^ , ne fe reflémblent pas autant que les deux côtés d'un Polype , & une Ecorce n'a ni la molelfe ni la dudilité de la Peau de cet Infecte. Je prie qu'on fe rap- pelle ici ce que j'ai dit dans le Chapitre XII., du Volume précédent, fur la nécefCté à^ïAna» logie entre la Greffe & le SuJeL 270. Jpréciûtion des merveilles du Polype, Oiie la régénération des playes des grands A-- nimaux nous offre des Faits aujjï merveiU leiix. Belle Expérience de Mr. Duhamel fur et fujet. Lors qu'on entend dire qu'un Phyficien a greffe la Tête d'un Arûmal fur le Tronc d'un autre , qu'il a introduit un Animal dans l'inté- rieur d'un autre Animal , & que les deux Ani- maux n'en ont fîiit qu'un , qui a vécu & mul- tiplié , le merveilleux s'empare de l'efprit au point qu'il n'y refte pas de place pour des ex- plications fimples & caiurelles. Cependant dès D 4 55 GoNStDERATIONS SUR Les qu'un Philofophe examine de fens froid les Faits, qu'il les compare entre eux , qu'il les compare aux Faits relatifs , & furtout , dès qu'il réflé- chit fur la nature du Polype , le merveilleux dif- paroit, & il ne refte plus que l'impreffion pafla- gère de la nouveauté. Je ne dis point ceci pour afFoiblir la jufte admiration que les Poly- pes doivent nous infpirer , non pour eux - mê- mes , mais pour l'étonnante fagacité de celui qui nous les a fait connoitre. Les grands Animaux nous offrent des particularités , qu'un Anato- mifte inflruit jugeroit plus remarquables encore que celles que renferment les Polypes. Je di- fois il y a 13. ans, dans ce Parallèle des Plan- tes & des Animaux , que je publierai peut - ê- tre un jour , que fi l'on poujjoit les recherches fur les places , on y découvriroit plus de mer- veilles que dans le Polype, Je fondois ma ré- flexion fur la compofition & fur la variété des Parties qui peuvent fe régénérer & s'unir. J'i- gnorois alors une belle Expérience de Mr. Du- HAMPL Ç<^) , qui met cette réflexion dans un grand jour , & la juftifie. Après avoir rompu f Os de la Jambe d'tm Poulet , & avoir donné au Cal le tems de fe former , il a coupé les Chairs vis-à-vis dans un tiers de la circonfé- rence de la Jambe, en pénétrant jufqu'à l'Os, qu'il a même ratifl*é. La confolidation s'étant faite , il a coupé de même, les Chairs du fécond tiers 5 en anticipant un peu fur l'ancienne playe. ■(«} Mim, de l'Aead, Afi. I74^« Corps Organise' s. 57 11 eu a fait autant dans l'autre tiers. Par là , toutes les Parties folides ont foufîert une folu- tion de continuité , & pourtant la Nature a ré- paré ce grand défordre : toutes ces Parties fe font régénérées , réunies , greffées ; de nou- velles Fibres , de nouveaux VaiiTeaux fe font développés au-delfus & au-deilbus de fincifi- on; ils fe font abouchés ; la circulation a été rétablie , & Xinjedîion a palle librement d'un bout à l'autre de la Jambe. Qu'on médite un peu cette Expérience , qu'on réflêchiile fur le nombre de Veines , d'Artères , de Vailleaux lymphatiques , de Fibres charnues , tendineu* fes , mufcLilaires , qui ont dû fe réproduire , croître , fe réunir , & l'on conviendra , je m'af- fure 5 que la régénération de tant de Parties àijfimïlaires eft plus remarquable encore que celle du Polype dont toutes les Parties font "ç^xqÇc^xxq fimilaires. J'ai indiqué en plufieurs en- droits de ce Livre, ce qu'on peut penfer de plus raifonnable fur la manière dont ces forces de réproduélions s'opèrent : confultez en particulier l'Article 236. 271. Explication âe la Greffe de l'Ergot du Coq fur fa Crète, Il ne faut pas aller dans le cabinet d'un Ob- fervateur de Polypes pour voir un exemple frappant de Greffes animales ; il en eft une que les Gens de la campagne exécutent dans les , baJGTes- cours, & qui a dequoi épuifer la fagacité D 5 $5 Considérations Sur Les du plus habile Phyficien. Mon Leèleur com- prend que j'ai en vue cette Greffe de l'Ergot du Coq fur fa Crête , dont j'ai parlé dans le Ch. XI. du Tome l. ; j'ai réfervé pour celui-ci ce qu'elle offre de plus fingulier & de plus emba- raflant. Cet Ergot qui n'eft pas plus gros qu'un grain de Chenevis quand on l'infère dans la du- plicature de la Crête coupée , y prend racine , & croît en fix mois de demi pouce. Au bout de quatre ans , il devient une Corne de trois à quatre pouces de longueur. L'expreflion effc exafle ,* c'eft une véritable Corne , femblable à celle du Bœuf5& qui a comme elle, un noy- au ofîeux. Elle parvient à s'articuler avec la Tête par un ligament capfulaire & par diverfes bandes ligamenteufes. Mais , ce ligament & ces bandes n'exifbent point dans l'Ergot ni dans la Crête : la plus fine Anatomie ne peut les y retrouver. En conclurons -nous que la Natu- re crée ces nouveaux Organes ? je ne le pei> fe pas ; elle ne crée ni le B ourlet des Greffes , ni le Cal , ni la Patte de l'Ecrevifîe , ni la Tê- te du Polype, &c. Nous adm.ettrons plus vo- lontiers que ces Organes préexiftoient invifibles dans l'Ergot & dans la Crête , mais avec des déterminations différentes de celles qu'ils ont reçues de la Greffe. La Tête eit pour l'Er- got , un terrein bien différent de celui où il é- toit appelle h croître. L'on n'ignore pas com- bien la qualité des fucs, leur abondance ou leur difette modifient les productions. On fait en- core qu'une légère altération qui furvient à des Corps O r g a n i s e' s. 519 Fibres tendres , porte fur toute la durée de Tac- croillement , & fuffit pour changer les formes , les proportions , la confiflence. La fubilance cornée de l'Ergot , fe mêlant à la fubdance charnue de la Crête , peut donner naiiiance .à de nouvelles variétés. Le tilTu d'un Ergot imi- te aflés celui d'une Corne , & fi la Crête ell charnue , combien de Parties molles qui s'olli- fient par accident ? Combien de monitruofités qui fcéleroient leur origine , fi un exam.en at- tentif ne la dévoiloit ? C'ell: ici une monliruo- fité par art. Rappellerai -je les Exoflûfes'^ Par- lerai-je de Cornes qui ont poulfé fur différents endroits du Corps humain ? Je dois éviter ces détails 5 qui m'éloigneroient de mon objet prin- cipal. Si des Parties aufli peu analogues qu'un Ergot & une Crête , fe greffent , y a - 1 - il lieu de s'étonner que cela arrive à des Portions, du Polype ? L'AuïEUR de la Nature n'a pas plus Mt l'Ergot pour être greffé , que le Poly- pe pour être retourné ; mais il leur a donné une Structure qui répond a divers cas polTibles. Il a pourvu aux circonfcances les plus rares, comme aux plus communes ; & les conditions relatives aux premières, embraiibient des cir- conftances plus rares encore. 272. Tentatives pour rendre raifon des di- vers phénomènes que préfentent les Poly- pes déretournés en partie. Un Polype déretourné (jf) en partie fe gref- (a) Voyez l'Arcicle 205 > 6o Considérations Sur Les fe fur lui-même en partie; au moins les deux Peaux s'appliquent -elles immédiatement l'une h l'autre & paroiflent-elles s'unir. Ce Fait ren- tre donc dans la théorie des Greffes , & il n'eft pas plus fmgulier que deux Peaux s'uniffent, qu'il ne l'efl: que deux Têtes fe greffent. Mais pourquoi le bout antérieur fe ferme-t-il? pour- quoi une ou plufieurs Bouches fe forment -elles fur le milieu du Corps , près des anciennes Lè- vres? pourquoi ces formes bizarres que les Po- lypes déretournés en partie revêtent fuccelfive- ment? pourquoi car il n'y a point ici de fin aux pourquoi. Je pourrois répondre à toutes ces queftions & à beaucoup d'autres, que je n'en Jais rien. Combien de connoifîan- ces qui nous manquent encore fur le Polype! combien de circonftances particulières , com- bien de petits Faits inftruftifs qui ont échapé à la pénétration de Mr. Tremble y, & qui échaperont par conféquent à bien d'autres ! Ce que je vois clairement & que Texpérience m'ap- prend 5 c'eft qu'il n'eft aucun point dans le Po- lype, qui ne puilTe faire des productions ; qu'il n'eft aucun point où il ne puiffe fe former une Tête , une Bouche , des Bras. Une multitude d'autres Faits m'apprend qu'il n'eft point de Génération proprement dite ; mais que tout ce qui paroît engendré , étoit auparavant préfor- mé. Les nouvelles Têtes , les nouvelles Bou- ches qui paroiifent fur le Polype déretourné en partie , prée^illoient donc à cette apparition. 11 lelle à aiïigner les caufes de leur développe- Corps Organise' s. 6t ment ; je ne chercherai point à les deviner : je me contenterai de rappeller deux Faits ; l'un , que la moindre déchirure fuffit pour faire déve- lopper une loouvelle Tôte (^) ; l'autre, que dans le Polype déretourné en partie , l'extrèmi- té antérieure forme une efpèce de Bourlet Q') ; les anciennes Lèvres font donc diftenduës; il peut s'y faire des déchirures invifibles à l'Obfer- vateur, & nous avons vu combien les Bourlet s favorifent l'éruption des Germes. Qu'une Bou- che foit formée en partie par les anciennes Lè- vres , & en partie par de nouvelles Lèvres qui fe développent; que cette Bouch,e foit garnie d'une partie des anciens Bras , & qu'il s'en dé- veloppe de nouveaux i\ l'oppofite ; c'eft un Fait qui fuppofe qu'un développement qui fe feroit fait en entier dans un Polype coupé transverfa- lement , ne fe fait qu'à moitié dans le Polype déretourné en partie. La nouvelle Bouche , ou les nouvelles Bouches prennent de la nourritu- re; cette nourriture fe répand de tous cotés; le bout antérieur fe prolonge donc , & voik\ une Queue furnuméraire. Je ne fçais pas pour- quoi le bout antérieur fe ferme; je ne fçais pas non plus , pourquoi l'Infeéle fe coude ; j'entre- vois feulement que les mouvements de la nou- velle Partie antérieure peuvent contribuer à cet- te inflexion. Mais il m'importe fort peu de fa- voir la raifon de toutes les bizarreries du Poly- pe; probablement elles ne font qu'appai*entes, (fl) Mém.fur les Polyp, à Bras, T. 2. Pag, 224 & 235. in 8» • (fc^ lbi4, page 236. 62 Considérations Sur jes & un Etre qui connoîtroit la nature intime de rinfedle, les rameneroit, peut-être, à des loix confiantes. 273. Explication du Polype coupé , retour- né , recoupé , Çs'c Réflexions fur nos Idées d'Animalité. Je ne reprends ici que les Faits efTentiels , & relatifs au plan que je me fuis propofé dans cec Ouvrage : je fuppofe toujours que mon Ledenr n'a pas oublié l'Abrégé que j'ai donné de l'His- toire des Polypes dans le Ch. Xi. du Tome I. Un Polype coupé , retourné , recoupé , retourné encore , ne préfente qu'une répétition de la mô- me merveille , fi h préfent c'en eft une . au fens du vulgaire. Ce n'efc jamais qu'une efpèce de Boyau qu'on retourne & qu'on recoupe : il eft vrai que ce Boyau a une Tête , une Bouche , des Bras ; qu'il eft un véritable Animal ; mais l'intérieur de cet Animal eft comme fon exté- rieur, fes Vifcéres font logés dans fépaiffeurde fa Peau , & il répare facilement ce qu'il a per- du. Il eft donc après l'opération ce qu'il étoit auparavant. Tout cela fuit naturellement de fon Organifation/fadreire de fObfervateur fait le refte. Le plus fingulier pour nous5éft donc qu'il exifte un Animal fait de cette manière : nous n'avions pas foupçonné le moins du mon- de fon exiftence, & quand il a paru, il n'a trou- vé dans nôtre Cerveau aucune idée analogue du Régne animal. Nous ne jugeons des chofes les bords de l'ouverture y, font un peu renverfés en dehors. Ils fe re- 5, plient enfuite en dedans ; & le replis qu'ils „ forment , fert à boucher l'ouverture dont je ;, viens de parler. Le bout antérieur paroit a- ,-, lors fimplement renflé; & il l'eft ordinaire- „ ment plus ou moins , jufqu'à ce que la ré- „ produ6lion qui doit s'y faire , foit achevée . . • „ Les Bras qui pouffent à l'extrémité antérieu- re de la féconde Partie , croilTent précifémeat ^9 (a) un, page 164, 165, 99 99 35 5? 55 55 Corps O r g a n i s e's. 67 comme ceux des jeunes Polypes. On voit d'abord les pointes de trois ou quatre qui fortent des bords de cette extrémité ^ & pen- dant que ces premiers croifTent , il en pa- „ roit d'autres dans les intervalles qu'ils laifîent 35 entr'eux ". Voici maintenant comment TAuteur s'expri- me fur la multiplication par Rejeîtons (a), „ Lors qu'un jeune Polype commence à pouffer 5 on ne voit d'abord qu'une petite excrefcence , qui ordinairement fe termine ^^ en pointe. Elle a à peu près la figure d'un 5, cône , mais d'un cône dont la bafe efl gran- de à proportion de fa hauteur. La couleur de cette excrefcence , de ce petit Bouton, eft: d'ordinaire plus foncée que celle du Corps de la Mère. Peu à peu ce Bouton s'clève da- vantage , & à mefure qu'il s'allonge, il forme un cône dont la bafe devient plus petite , à mefure qu'il augmente en hauteur. Ce cô- ne eft fouvent mal formé , fa pointe eft ar- rondie , ou bien il paroit tronqué. Quel- ,, ques dégrés d'accroiffement de plus , font en- ,5 fin perdre au jeune Polype la forme conique: ,5 il devient à peu près cylindrique ; & c'eft „ alors, ou environ ce tem<î-là, que les Bras „ commencent à pouffer à fon extrémité anté- „ rieure. Ce jeune Polype ne conferve pas „ long-tems la figure d'un cylindre , fon bout 5, poftérieur par lequel il tient à fa Mère , s'é* («) Uid. pages 9, & 10. l E 3 35 3? 58 .Considérations Sur Les trefllt peu à peu , il s'étrangle , & enfin iî ne paroit la toucher que par un point. Le jeune Polype qui dans Tes commencemens étoit beaucoup plus large à Ton bout poflé- rieur , n'efl: nulle part fi mince après qu'il efl formé ". Les Chairs du bout antérieur d'une féconde Partie fe replient donc en dehors , puis en de- dans 5 & ferment l'ouverture. Ce bout fe ren- fle ; nous l'avons vu fe renfler dans mes Vers. Une nouvelle Bouche fe forme ; des Bras pouf- fent autour, & voilà le Polype en état de man- ger. Il femble donc qu'il en foit de ces Bras comme des Pattes de l'Ecrevifle ; qu'il y ait aulfi des Germes appropriés à leur produftion. Au moins voit - on quelquefois un Bras pouffer feul hors de la place naturelle , & ce Bras efl un Corps très organifé. Ainsi la nouvelle Tête de la Bouture , ne fe montre pas fous la forme d'un Mamelon ; car le renflement n'en efb point un. Le Rejet- ton , au contraire , paroit d'abord fous cette forme ; Ton voit un petit Bouton conique s'é- lever fur la Mère ; ce Bouton s'allonge ; fa Éafe diminue ; il devient cylindrique ; fon ex- trémité groiïit un peu , de petits Bras en for- tenc , & voilà les progrès d'un jeune Polype. La. différence de ces deux produétions efl lènfibh. D'un autre côté , on obferve des Hy- dres dont les Têtes & les Queues fe détachent d'elles-mêmes de leur Tronc & deviennent de^ Corps Organise' s. 69 Polypes parfaits (^^). On a vu deux Têtes fe former à la fois fur un jeune Polype , s'al- longer infenfiblement , & Je trouver enfuiîe au bout d'une Branche, Chaque Branche Je rèu- nijfoit au refte du Corps qui étoit commun Qb^, Je cite les termes mêmes de Mr. T r e m b l e y. Jl ajoute que fi ces Têtes étoient deux jeunes Polypes qui commençoient à pouffer , ils au- roient dû fe féparer enfin l'un de l'autre , & que c'eft ce qui neft point -arrivé à rés,ard de plu fleurs Qc^, On voit encore la Tête d'un jeune Polype prendre la place de celle qui au- roit dû venir à la Bouture Qd^. Enfin , j'ai parlé Article 205. d'un Rejetton de Polype déretourné en partie , qui fe grelFa avec celui- ci & ne compofa plus qu'un même Tout. Ces Faits ne paroiffent - ils pas indiquer que les Tètes ont la même origine que les Rejet- tons 5 puisqu'en certains cas , elles affectenc, toutes les apparences de Rejettons, & que ceux- ci femblent quelquefois prendre la place de cel- les-là ? Je lailfe donc cette queflion indécife, & je fufpendrai fans peine mon jugement , juf^ ques à ce que la Nature elle-même veuille bien prononcer par la bouche d'un autre Trembley; mais elle ne prodigue pas de tels Hommes. (a) Ibid. page 197. (b) Ibid. page 108. (c) ïbid. page 109. (<{) Voyez i'ArùcIe 190. £ 3 70 Considérations Sur Les 377. Monlîruofttês. Qjjelie Idée on peut fe faire de la multiplication naturelle de Bou- ture, pOMETS quelques monflruofîîés du Polype : les monftruofités ne combattent point les Ger- mes ; elles font des écarts de la Nature , qui ont eux - mêmes leurs loix à nous inconnues. La multiplication naturelle par Boutures pour- roit n'être que l'eiFet d'une maladie , qui occa- fionne de profonds étranglements (<^). Je nomme cette raultiplicrUion naturelle , , par op- pofition à celle que la feélion produit. Mais il y a lieu de préfumer , que k première efl: auffi accidentelle 'j Mr. Trembley femble l'infmuer, lors qu'il remarque (Z') , que cela eft arrivé trop rarement , pour quon puijje dire que cette manière de fe multiplier foit ordinaire & natu- relle aux Polies, Ce qui paroitroit confinner que cette forte de multiplication efl l'effet de quelque maladie ou de quelque dérangement extraordinaire , qui furvient dans fintérieur du Polype, c'eft ce qu'ajoute l'Auteur (r) , que la reproduction qui devoit fe faire dans des Por- tions qui s'ètoienî partagées d'elles - mêmes , n'a eu lieu , même en été , quau bout de quinze jours ou trois femaines. 278. Conclufton, Raifon de la grande fé- cmdiîé du Polype, Voila ce que j'avois à expofcr pour effayer C«) Voyez TArticle 197. (ô) Mm. fur lu Felypes i Bras Tom. 2. page 147. & 148. (t) Ibid. page 95. CorpsOrganise's. 71 de rendre raifon des principaux Phénomènes des Polypes à Bras» Si nous ne voulons pas recourir à des explications purement méchani- ques, que l'Expérience ne juftifie point & que la bonne Philofophie reprouve , nous penferons , que le Polype eft , pour ainfi dire , formé de la répétition d'une infinité de petits Polypes, qui n'attendent, pour venir au jour, que des circonilances favorables. Cet Infecle eft très vorace : des Parties ani- males fourniflent plus de fucs nourriciers que toutes autres ; elles font plus analogues à l'Ani- mal , & s'ajfimïlent mieux. Le Polype fe régé- nère donc très promptement & multiplie prodi- gieufement. 11 multiplie d'autant plus , qu'il confume davantage. Mes Vers aquatiques qui fe nourriffent fur- tout de terre , ne font pas fi féconds : je n'ai vu ordinairement qu'un feu! Rejetton fur leur Corps. 279. Comment on peut rendre raifon de la multiplication naturelle par Bouture dune Efpèce de Mille- pi é. Comme il fe développe une Tête au bout an- térieur d'un Vers ou d'un Polype , il s'en déve- loppe une près du bout poftérieur du Mille-pié à Dard; mais au lieu que dans les premiers , ce développement eft occafionné par la feclion ou par quelqu'accident analogue j dans le fe- E 4 7a Considérations Sur Les cond au contraire 5 ce développement efl d'in- ilitution de la Nature, qui s'eft plu à varier les moyens de multiplication , comme les carac- tères 5 les formes & les couleurs. 11 fe forme donc une nouvelle Tête vers le bout pollérieur de ce Mille-pié : on voit un nouveau Dard s'é- lever peu à peu fur le Dos de l'Infede. Des Organes qui ne paroiiToient point exilter , com- mencent à devenir fenfibles. A' mefure qu'ils fe développent , les Vailleaux qui uniffoient le bout pollérieur au refle de l'Animal , s'effacent ou s'oblitèrent : la nouvelle Tête les prelfe ap- paremment 5 & intercepte les fucs nourriciers ; c'eft au moins ce qu'on peut conjedurer de plus vraifemblable. Dès que toute liaifon efl rompue , le bout pollérieur , pourvu de la nou- velle Tête, fe fépare du Mille-pié, & déjà il efl lui-même un petit Mille-pié qui n'a plus qu'à croître. Cet Infede fmgulier ne nous efl pas bien connu encore : le peu que j'en ai rap- porté C^), d'après Mr. Trembley (^), ne fufïït point pour nous fatisfaire fur la manière dont s'opère cette multiplication naturelle par Bouture. Mr. Trembley fe propofe d'apro- fondir davantage tout ce qui concerne ce fujet intéreffant , & que ne pouvons - nous pas nous promettre de l'habileté de l'Auteur des Polypes ! 280. Analogie entre la multiplication du Po' (a) Article 158. (fc) Mém./itr iss Fok/pes à Brqs i Toir.. 2. pa^es 152, 153; 2n 8», Corps O r g a n i s e's. 73 lype en Entonnoir âf celle du MilU-pié k Dard. Il y a une forte d*an:ilogie entre la multipli- cation des Polypes en Entonnoir ^ &z celle du Mille - pié à Dard, On peut dire que le Poly- pe en Entonnoir multiplie naturellemeni/>i7r Bou- ture. 11 fe partage de lui-même Le d'un feul Polype il s'en forme deux. Une nouvelle Tê- te, de nouvelles Lèvres fe développent far le milieu du Corps de l'ancien Polype , & ce dé- veloppement qui eft très rapide , prépare la fé- paration des deux moitiés de flnfede : bientôt ce ne font plus deux moitiés , mais deux Tout s très complets & plus petits que le premier. Si l'accroifTement eft prompt dans les Polypes à Bras 5 il doit l'être bien davantage dans les Po- lypes en Entonnoir , plus délicats & plus géla- tineux encore. Les progrès du Fœtus font tout autrement rapides que ceux de l'Enfant ou de l'Adulte. Ainfi dans ces Atomes organifés , qui ne font presque qu'une goutte de Liqueur é- paiffie 5 V Evolution eft fi rapide , qu'on croiroit voir une création , fi le raifonnement n'éclairoit la marche de la Nature. 281. Difficultés d'expliquer la n7ultipli cation par divifîon naturelle du Polype à Bulbe. Motif du fdence que V Auteur s'impofe à cet égard. Les Polvpes en Cloche^e partagent auifi d'eux- Es 74 Considérations Sur Les mêmes ; mais différemment des Polypes en En- tonnoir , comme je l'ai expliqué dans un autre endroit Çd). Les Polypes en Cloche , qui doi- vent leur naiiïance à des Boutons en fonne de Galles (Z») , multiplient d'une façon encore plus extraordinaire. Ici commence un nouvel ordre de chofes ; l'Analogie nous abandonne , & rObfervateur n'a pas même des termes pro- pres pour repréfenter ce qu'il aperçoit. Je me tairai donc fur ce Polype ; car il eft plus raifon- nable de fe taire , que de bazarder des conjec- tures vagues , fur des objets qu'on entrevoit à peine, & qui s'éloignent de tous les objets con- nus. Les Partifans les plus zélés de rEpigéné- fe ne fe prévaudront pas contre moi du filence que je m'impofe ; l'ignorance fur un objet , ne peut devenir un titre en faveur de quelque Syf- tème que ce foit ; & fi je voulois eflayer de ti- rer des découvertes en queftion , les conféquen- ces qui en découlent le plus naturellement, je ferois affez fentir, qu'elles ne font point con- traires à r Evolution, S82. Pourquoi les Infe&es qui fuhijjent des transformations ne par oijjent pas propres à être multipliés de Bouture, Réflexion fur ce fujet. Au relie , tous les Infeéles , connus jusqu'ici , qui peuvent être multipliés de Bouture , appar- tiennent à la clalfe de ceux qui ne fe métamor- (0) Article 199. (i) Article 201. Corps O r* g a n i s e' s. 75 phofent point. J'ai donné dans le Ch. X. du Tom. 1. les Principes généraux de ces Métamorphofes, . on pourroit en inférer , que les Infedes appel- lés à les iubir, ne font pas propres à être mul- tipliés de Bouture. Us ont plus de Parties diffi- mlaires , & celles dont ils font pourvus ^ ont pour dernière fin le développement d'un nutre Tout organique logé dans un lieu particulier : c'eO: ce Tout qui conftitue proprement rEfpèce , & qui eft deltiné à la conferver. Mais comme tous les Infe6les qui ne fe transforment point , ne mul- tiplient pas de Bouture ; de même auffi , parmi ceux qui fe transforment , iJ pourroit s'en trou- ver qui multiplieroient par cette voye. Ne nous preflbns pas de faire des Règles généra- les ; les Pucerons & les Polypes nous ont appris à nous en défier. 76 Considérations Sur Les CHAPITRE III. Idées fur le métaphyfique des InfeBes qui peuvent être multipliés de Bouture y &c, Û83. Qtie le Polype n'eft pas plus favorable au Maîénalijîe qu'au Cartéfien. FauJJes idées qu\n s^efi fait-es fur ce fujet pour ne f avoir pas ajfez médité. But de r Auteur, Descartes auroit triomphé à la vue du Po- lype : un Animal qu'on multiplie en le coupant par morceaux , fournilToit un bel argument en laveur du Syftème ingénieux de ce Philofophe. Te ne foutiendrai pourtant pas ici ce Syftème; quoiqu'il nous débarafle de bien des difficultés ; il eft , , d'un autre côté , trop contraire à l'ana- iogie que nous obfervons entre nôtre Organifa- tion & celle des grands Animaux ; & s'il ell au moins probable que ces Animaux ont une Ame , il Tefl que tout ce qui efl Animal^ en a une suffi. Je re regarde donc l'exiftence de l'Ame des Bêtes que comme probable , puis qu'elle ne repofe que fur l'analogie: le Peuple, conduit par le fentiment , va plus loin ; il décide fur la réalité de cette- exiftence , & le Philofophe mê- me , a bien de la peine à ne pas le fuivre. Mais , en accordant une Ame au Polype, mon Lee- Corps Organise' s. 7^ teur craint apparemment que je ne me prépare des tortures. Prefque tous les Hommes ont dans l'Efprit , certaines idées métaphyfiques fur lefquelles ils raifonnent : prefque tous fçavent , à peu près, que l'Ame efl un ^txQ /Impie ^ d'oii ils concluent facilement qu'elle ne peut être di- vifée. Comment donc , par un coup de fcal- pel , d'un feul Ver ou d'un feul Polype , fait-on plufieurs Animaux ? Ce qui m'étonne le plus ici 5 eft que les Philofophes , comme le Vulgai- re , fe foient , en quelque forte , bornés à fen- tir la difficulté, & qu'ils n'ayent pas fait d'heu- reux efforts pour la refoudre. II me paroît qu'- en général , on l'a regardée comme irréfoluble. Aulfi n'eft-il rien fur quoi on ait plus infillé dès que la découverte du Polype a été répandue. On s'en eft tenu à admirer , & à déclamer fur l'incertitude de nos connoilTances en Métaphy- fique. On auroit mieux fait d'employer à mé- diter , le tems qu'on a perdu à difcourir. Je ne finirois point, fi je voulois réfuter tous les mau- vais raiibnnemens dont le Polype a été le fujet ou foccafion : peu de gens fçavent fe faire des idées nettes fur cette matière abftraite ; il en efl: même qui traiteroient volontiers de téméraire quiconque oferoit en promettre de telles. Je ne promets rien ; m^ais je vais expofer fimplement les principes que mes IMéditations m'ont fournis, 284. Siège de V Ame, Senfatîons, Moi du Polype, La découverte de rorîgim des Nerfs a doii^ 78 Considérations Sur les né lieu de placer l'Ame dans le Cerveau. II n'eft pas befoin que je dife qu'elle n'y refide pas i\ la manière d'un Corps ; elle n'ell pas Corps : mais elle y eft préfente à la manière d'une fubftance fimple. Qu'on ne me demande pas ce que c'efl: que cette préfence; je fais profeiTion d'ignorer profondément la Nature intime de l'Ame , & je ne la connois un peu elle-même que par quel- ques-un es de fes Facultés. Je fuppofe donc une Ame dans la Tête du Polype. Cette Ame a des fenfations , que lui procurent les Organes dont l'Infeéle eft doué. Elle a un fentiment de la préfence de fes fenfa- tions; car une Ame ne peut avoir une fenfa- tion, qu'elle v\& fente ^ en même tems qu'elle l!à. Je ne puis dire ce que c'eft que ce fenti^ ment ; mon Ame n'eft pas faite pour fentir à la manière de celle du Polype : mais , je vois afTez qu'il n'eft pas précifément ce que nous nom- mons en nous Confcience ou Aperception, La Confcience fuppofe toujours un peu de Ré- flexion;^ l'on n'accordera pas la Réflexion à un Infecle. Tout ce qu'on peut raifonnablemenc lui accorder , c'eft une forte de Réinimfcence. Le Polype fent qu'il faifit une proye , qu'il Ta- vale , il fent encore qu'il a du plaifir à la faifir & à l'avaler : il en conferve un certain Jouve- nir , qui lie les fenfations qui furviennent à cel- les qui ont précédé. Ce fouvenir conftitue l'efpèce de Perfonnalité de l'Infefte. Il ne peut dire Moi; mais il poffède un Moi à fi manière. Ce Moi s'approprie toutes les fenfations ; il Corps Organise' s. 7p s'identifie avec toutes. Il eft le Moi qui faifit un Puceron , qui l'avale , qui l'a faifi , qui Ta avalé. 285. Où réfîde 'le Moi dans Vlnfe&e qu'on vient de partager en deux tranfuerfale- ment ? Des mouvemens qui paroijjent fpon- tanés â? qui 71e font que machinaux. Principes propres à les expliquer tirés de In Bo&rine de /'Irritabilité. Je partage l'Infeéle par le milieu fuivant fa largeur ; il eft bien évident que la Portion oii tient la Tête , eft la feule qui conferve le Moi ou la Perfonnalîté, Il n'y a donc plus de I\loi dans l'autre Por- tion ; car nous avons admis que l'Ame réfide dans la Tête ; mais , cette Portion paroit pour- tant y^/?//r ,* elle fe donne divers mouvemens, & j'ai vu une moitié de Ver de terre (ji) , & des tronçons de m.esVers aquatiques, ramper com- me i'auroit fait un Ver complet ; il y a plus , ils fembloient conferver encore toutes les in- clinations propres à leur Efpèce. Je ne veux rien diiTimuler ; je vais donc augmenter la dif- ficulté en tranfcrivant ici un pallage très remar- quable de mon Traité d'Infe&ologie , Partie 2. pages 93. & 94. Qby Dans le compte que j'ai rendu (^Obf. II.) de ma première Expérience fur ces Vers 95 5> (a) Voyez l'Article 244. O) Obferv. XIV. go "^^ Considérations SurLes 55 je me fuis arrêté quelque tems à décrire les 5, mouvements de chaque moitié pendant les 5, premiers jours après l'opération. J'ai fait re- 5, marquer que la féconde , celle qui n'avoit 55 point de Tête , alloit en avant à peu près 5, comme fi elle en avoit eu une ; qu'elle fem- 55 bloic chercher à fe cacher , qu'elle favoit fe 55 détourner à la rencontre de quelque obfta- 5, clc , &c. Tout cela , quoique fort remar- 5 5 quable , ne l'eft pas néanmoins autant que 55 ce que j'ai obfervé fur de femblables Vers , 55 peu de tems après leur avoir coupé la Tête. 55 Je les ai vus , à mon grand étonnement , 5 5 s'e: foncer dans la boue en fe fervant de leur 55 bout antérieur comme d'une Tête , pour s'y 55 frayer un chemin. J'ai vu le Ver N°. Il- ^ de la Tab. II. ramper le long des parois du 5,, vafe de verre 5 où je le tenois renfermé, & 55 faire effort pour en fortir5 quoiqu'il n'eut ni 55 Tête ni Queue ". Ceux de mes Ledeurs qui ont lu les beaux M-moires de Mr. de Haller fur V Irritabilité^ entrevoyent déjà ce qu'on peut dire pour tâ- cher à réfoudre la difficulté dont il s'agit ici. On fût que V Irritabilité eft cette • propriété de la Fibre mufcu'aire en vertu de laquelle elle fe contracte d'elle - miême 5 à l'attouchement de tout Corps , foit folide , foit fluïde. C'elt par elle , que le Cœur , détaché de la Poitrine , Continue quelque tems à battre. C'eft par el- le 5 que les Intellins, féparés du Bas -Ventre, & Corps Organise'». 8ï i& partagés en plufieurs portions , comme nos Vers , continuent pendant un tems , à exercer leur mouvement périfîaltique. C'eft par elle enfin , que les Membres de quantité d'Animaux, continuent à fe mouvoir après avoir été fépa- rés de leur Tronc. Dira - 1 - on que ces porti- ons d'inteftins, qu'on voit ramper lur une Ta- ble comme de$ Vers , font mifes en mouve- ment par une Ame qui réfide dans leurs Mem- branes ? Admettra - 1 - on auffi une Ame dans la Queue du Lézard, pour rendre raifon des mouvements fi vifs & fi durables qu'on y ob- ferve après qu'on l'a coupée ? Voudra -t- on encore que ce foit une Ame logée dans l'Ai- guillon de la Guêpe , qui le darde au dehors , affés long- tems après que le Ventre a été féparé du Corcelet?Alfurément ces Faits font bien auiîi fmguliers & auffi embarrafTants , que ceux que j'ai raportés dans le paflage cité ci deiTus: qui ne voit pourtant que les uns & les autres ne font que les réfultats d'une raéchanique fecret- te ? Mr. DE Haller a prouvé , que le Cœur, féparé de la Poitrine , cefle de battre, dès qu'on purge les Ventricules du peu de Sang qu'ils renfermoient encore : X Irritabilité^ cette Force dont la nature nous eft inconnue , n'agit plus alors ; rien ne l'excite. C'eft donc par les contrarions que l'attouchement d'an Corps étranger , produit dans les Fibres mufcu- laires de nos Vers , dans celles des portions d'inteftins , dans celles de la Queue du Lé- ToM. il. F ^J2 Considérations Sur Les zard, &c. que s'opèrenc ces mouvements qui nous paroiffent volontaires , & qui ne font pourtant que purement machinaux. La Ma- chine ell montée pour les exécuter , & elle les exécute dès qu'elle el1: mife en jeu. 28(5. Nouveau Moi qui eft produit 6f com- ment. Cette Portion du Polype qui n'a voit ni Tête ni Bras , ne tarde pas à en pouller de nouveaux, & déjà elle eifl un Polype parfait, qui faifit des proyes & les avale. S'il n'eft point de nouvelle création dans les Corps , pourquoi en fuppoferions- nous dans les Ames ? Si TAu- TEUR de la Nature a jugé convenable de ren- fermer d'abord tous les Corps organifés dans des Germes , n'eft-il pas probable qu'iL y a ren- fermé auffi 5 dès le commencement , les Ames qui y deviendront un jour le principe du fen- timent & des mouvements volontaires ? Ima- ginera-t- on qu'à chaque, nouveau coup de fcalpel , DIEU crée une Ame pour le Germe > qui va fe développer ? Cela feroit certes bien peu philofophique ; furtout fi l'on admettoit des Volontés fuccejfives dans la Raison suprême. Comment fuppofer une fuccelTion d'aéles dans cette Volonté' qui a pu créer tout par un feul acte ? Le Polype qui vient de fe développer fous nos yeux , efl donc une nouvelle Perfonne ; qu'on me permette ces expreflions : il n'a pu Corps Organise' s. 83 conferver aucun fouvenir des fenflitions qui a- voient affedé le Polype dont il faifoit aupara- vant partie. Ce fouvenir efi: demeuré attaché au Cerveau de l'ancien Polype : un nouveau Cerveau s eft développé dans le Polype 'que nous confidérons; & les premières impreffions qui affectent le Polype nailTajit , font le fonde- ment d'une nouvelle Perfonalité, Il en elt pré- cifément de ce Polype comme du Fœtus de quelque Animal que ce foit : l'Ame de la Mè- re ne fe partage pas entr'elle & le Fœtus ; mais celui - ci polTcdoit déjà dans fon état de Ger- me , une Ame qui lui étoit propre , & qui commence à f^ntir dès que les Organes fe font développés à un certain point. 287. Qjie les Hyàres/o^iS des Perfonnes zom^ pofées. Explication du Ver à deux Têtes ^ à deux Volontés. Remarque fur le phénomène métaphyfiquê que préfentent les Hydres. Une H^âre eft un compofé de plufieurs P^r- fonnes réunies fur un Tronc commun: Quand on partage un Polype fuivant fa longueur , en commençant par la Tête , on ne divife pas l'A- me ; mais elle demeure dans celle des deux moitiés où fon fîéiJe continue à rénder. L'O' pération peut néanmoins occafionner un tel dé- rangement dans cet Organe , que la Perfoaa- F 2 84 Considérations Sur Les lité en foit entièrement détruite. 11 s'en for- mera donc une nouvelle , dès que l'Organe au- ra acquis ce qui lui manquoit pour tranfmettre à l'Ame de nouvelles fenfations. Il feroit inutile que je m'arrêtalTe ici à prou- ver que le fouvenir tient , non à l'Ame , mais au Corps : ceux de mes Leéleurs qui auront médité les Principes que j'ai expofés dans mon ElJaï Analytique C^) 5 n'auront pas de peine à en convenir. C E Ver à deux Têtes & h deux Volon- tés , dont il a été beaucoup parlé cy devant (Z?), renfermoit en effet, deux Perfonalités. i)eux Têtes s'étoient développées fur le même Tronc, & chaque Tête ayant fon Ame propre, il n'eft pas étonnant que ce Ver ait paru avoir deux Volontés. S'il en faut croire Mr. Roezel , cette miil' îîpUcné de Volontés eft bien plus frappante dans les Hydres* Je n'ai pas lu cet Auteur ; tnais voici ce que m'en écrivoit Mr. de Hal- L E R. // a vu des Têtes de Polypes fendues , c5* devenus Hydres , fe faire la guerre , ^ une Tê' te du même Animal dévorer une autre Tête , qui avoit fait -partie à^ elle- même quelques jours auparavant. Ce Phénomène fait de la peine : fendre des Volontés ? en faire deux d'une feule {a") Ejjai Jnalpîque fur les Facultés de l'Jme : à Copenha- gue & à Genève, chez les Frères Philibert , 1760. in 40, Ciiap. VII. paragr. 5«7. &c. Chap. XXII. paragr. 626. & fuU yants. (fc j Artide 245, Corps Organise' s. S5 avec des cîzeaux ! La manière funple dont j'explique ce phénomène , lève la difficulté qui fiiifoit de la peine à Mr. de Halllr. On ne fend pas des Volontés ; mais d'une feule Tête Ton en fait deux 5 & dans le Germe de chaque Tcte réfidoit originairement une Ame. 288. Du Moi dans les Polypes grejfés. Quand on greffe la Tête d'un Polype fur le Tronçon d'un autre Polype , il efi: bien clair que la Perfonalité ne change pas , puifque cette opération n'intérefTe point le Cerveau. Quand on met bout à bout plufieurs Por- tions de Polypes , elles fe greffent les unes aux autres , & ne forment enf liite qu'un feul Ani- mal. La Tête qui fe développe dans la pre- mière Portion , devient le fiége d'une nouvel- le Perfonalité. Je ne fais pas ce qui arrive au Cerveau de deux Polypes que Ton infère l'un dans l'autre , & dont les Têtes fe greffent. Mais je conçois qu'il peut y furvenir l'une ou l'autre de ces trois chofes : i". ou les deux Cerveaux fubfiilent fans al- tération , & alors il y a deux Perfonalités dis- tindes : 2**. ou fun des Cerveaux s'oblitère par la prelfion de fautre , & alors il n'y a qu'une feu- le Perfonalité : F 3 26 Considérations Sur Les 3^ ou les deux Cerveaux font détruits , & alors il fe forme une nouvelle Perfonalité par le développement d'un autre Cerveau. IL' pourroit y avoir un quatrième cas plus rare & plus embaraiîant ; ce feroit celui où les deux Cerveaux fe confondroient l'un dans l'au- tre fms périr. Alors il y auroit deux Moi dans le même Cerveau. Mais il n'y a pas d'appa- rence que les deux Moi. puffent avoir la même fenfation au même iniTiant indivifible ; parce qu'il n'y a pas d'apparence que la confufion pût être affés parfaite , pour que toutes les Fi- bres des deux Cerveaux allaffent fe réunir dans un point commun , & ne formalTent ainfi qu'un feul Senforium, 289. Du Moi dans les Rejeîtons, Si la production d'une nouvelle Tête fuppo- fe la préexiftence d'un Germe , la produélion d'un Rejetton la fuppofe auiTi. J'ai écabli les fondemens de l'une & de l'autre fuppolition. Dans le Germe du Rejetton e(t donc logée une i\me , oui commence à fentir des que le Ger- me a pris un certain accroiffement. Une Mère Poîype , chargée de fa nombreu- fe Poftérité , compofe bien avec elle un feul Tout phypqtie , ir.ais non une feule Verfonne. Chaque Rejetton a fon Mol , puifqu'il a fon Cerveau propre , & l'on obfervc qu'il pour- voit par lui-même à fa fubfiftance , en fii- filTant de petites proyes, & en les avalant , com- Corps O r g a n i s e' s, B/ me le feroit tout autre Polype. L'Union étroite de la Mère & de Tes Pe- tits & des Petits entr'eux , établit dans ce Tout fingulier, une forte de communauté de fenti- mens & de befoins. L'état de la Mère influe fur celui des Petits , & l'état des Petits fur ce- lui de la Mère , &c. 290. Du Moi dans les Infectes qui fe mê* îamorphofent, L'Insecte qui eft d'abord Chenille ^ puis ChryfrJide , & enfin Papillon , ne revêt pas au- tafit de Pèrfunalilés différentes qu'il revêt de formes-^ ou pour m'exprimer plus correctement, il n'y a pas trois Moi dans la Chenille. On a vu dans le Ch. X. du Tome L à quoi fe réduifent ces Métamorphojes. Les lumières que nous avons acquifes fur \q phyftque du phénomène, nous é- clairent fur le p/ychologique. La Chenille n'efl que le masque du Papillon : c'ell donc toujours la même Individualité ^ le même Moi , mais qui eil: appelle à fentir & à agir par différents Organes en différents périodes de fa vie. Je renvoyé là-defTus à mon Ejfai analytique fur les Facultés de VAme Qay (a) Chap. XXIV. Paragr. 714. & fuivans. F 4 83 Considérations Sur Les CHAPITRE IV. De la Fécondation & de la Généra- tion de% Animaux, Variétés qu^on )/ obferve. Ohfervaùons fur quelques endroits de l'Hiis- toire Naturelle de Mr. de Buffon. 291. Dejfein de ce Chapitre, Je ne veux que parcourir rapidement les particularités les plus remarquables que renfer- me ce fujet. J'indiquerai les analogies & les exceptions: j'infillerai un peu plus fur celles- ci ; elles font de bons préfervatifs contre les conféquences trop générales. Si je voulois dé- crire tout , je ferois une Hilloire Naturelle , & j'oublierois que je compofe un Ecrit fur la Gé» néraîion* 292. Bornes étroites de nos connoîjjances /ur le Syftème général. Conséquence pratique. Nous ignorons pourquoi L'Auteur de la Nature a établi que la plupart des Animaux fe perpétueroient par le concours de deux Indivi- dus. J'ai bazardé là delTus quelques réflexions à la fin du Chapitre V. du Tome 1, j'étois jeune encore quand je faifois ces réflexions : aujour- Corps Organise' s. 89 dhui que ma Raifon a meuri , je n'en bazarde- rai aucune. Pour avoir fur ce point , comme fur une infinité d'autres , plus que des conjeélu- res & des foupçons , il fiiudroic que nous puf- fions embralîer d'une feule vue , la totalité des Etres. C'elt de leur enchaînement que réfulte le Syftème général^ & dans le Syftème général ell ia raifon des Syftèmes particuliers. Nous n'entrevoyons encore que quelques-uns de ces Syftèmes, & leur Uaifon avec le grand Tout nous échappe. Nous appercevons bien aflez de Rûports & de Fi?7S pour juger que la Cause Première eft Intelligente , mais nous n'en dé- couvrons point alfez pour juger de fon Flan, Pourquoi tel ou tel Animal ne peut-il perpétuer fon efpèce, qu'en fe joignant à fon femblable? pourquoi un autre Animal eft -il Hermaphrodi- te fans pouvoir néanmoins fe féconder lui-mê- me? pourquoi en eft -il une autre efpèce chez qui on obferve une diftindion de Sexes & un accouplement , & qui multiplie pourtant fans le concours des Sexes? Ce font là autant d'énig- mes , dont nous n'aurons le mot , que lors que nous aurons acquis d'autres yeux, & une In- telligence fupérieure à celle de nôtre état pré- fent. En attendant, obfervons avec foin tout ce qui eft à nôtre portée. Plus les obfervations fe multiplieront , & plus nos connoiffances s'é- tendront & fe perfectionneront. S'il ne nous ell pas permis encore de lire d'un bout à l'autre le Livre de la Nature , tâchons au moins ù tirer F < po Considérations Sur les le meilleur parti poffible du petit nombre de pa- ges qu'elle offre à nôtre examen. Le feul moyen d'y parvenir , eft de fe fou venir que nous n'a- vons point l'Index de ce Livre , & que nous fommes réduits, pour ne pas nous égarer, à confidérer chaque objet en lui-même, & dans fes rapports aux objets les plus voilins, La lu- mière qui fe réfléchit de proche en proche, augmente la clarté de la lumière directe. 293. Manière dont s'opère la Fécondation dans la plupart des Animaux. Dans l'Homme , dans les Quadrupèdes , dans les grands Poiifons , connus fous le nom géné- ral de Cétacées , dans différentes Efpèces d'Oi- feaux 5 de Teftacées , de Reptiles , d'Infeéles , &c. le Mâle eft pourvu d'une Partie , qu'il in- troduit dans celle de la Femelle , deftinée à la recevoir , & qui opère la Fécondation, Dans beaucoup d'Efpèces d'Oifeaux, par exemple , dans la Poule , le Moineau , le Pi- geon , l'intromiffion eft équivoque. Le Coq , pourvu d'un double Membre , femble ne faire que comprimer fortement la Femelle (^), & cet accouplement toujours inftantané,fufïït pour mettre la Poule en état de pondre des Oeufs féconds 5 au moins pendant piufieurs femai- nes (^). ^ (a) Bîfl. Nat. Gen. &:c. Tom. 2. pag. 311. in 4.0. (&) ^rt. de faire éclorre les Fêukts, &,c, 2de Edit. 1751. Pa- ris, Tom, 2. pag. 328. Corps Organise' s. 91 294. Mûmère JînguUère dont s'opère la Fé- condation dans les Poijfins à Ecailles. Les Poiflbns paroiiTent encore plus chafles dans leurs -amours. Il n'elt gu jres douteux qu'ils ne s'accoupleiu point, puiique le Mdle cil dé- pourvu de la Partie nécefiaire à la Copulation. Quelquefois il fe retourne iur le dos afin de rencontrer le ventre de la Femelle , & ce n'elt pomtant que pour répandre les Laites fur les Oeufs qu'elle va pondre. Eux feuls l'excitent; il les arrofe, lors même qu'ils flottent au gré des eaux, & qu'il ne peut découvrir la Femelle qui les a pondus Qa^. 295. Exception remarquable à la régie de rintromifjmu Mouche des appartemens. Chez les Efpèces où l'on obferve une vérita- ble inîrcmjjîon , c'eft le ÎVlâle qui întrodint. L'Efpèce àz Mouches la plus commune dans nos appartemens , forme une exception très remar- quable à cette règle efliraée générale. Ici c'cll la Femelle qui introduit , & le Mâle qui reçoit. Pour cet effet ; le Mâle eft pourvu d'une Par- tie analogue à celle des Femelles , & la Femelle d'une Partie analogue à celle des Mâles (/'): tant il a plû à L'Auteur de la Nature de va- rier les moyens qui conduifoient à la mêiiie lin. (fl) Ui^. Nat. Gen. &c. T. 2. p. 311., &c. ( h ) Mém. pour fervir à l'HiJî. des InfeSies : Tom. 4. pag. 384, 385 > in Q}iarto, 92 Considérations Sur Les 296. j4utre exception remarquable dans la jîtuation des Organes de la Génération, Amours des Demoifelles S ceux des Araignées. C'est encore une règle qu'on juge généra- le , que dans les Efpèces dont les Individus font diilingués de Sexes , la Partie qui caraélè- rife le Sexe , foit placée à l'extrémité du Corps. Les Mouches nommées Demoifelles , nous of- frent une exception à cette règle. La Partie propre à la Femelle , y efl: bien placée comme à l'ordinaire ; mais , celle qui efl propre au Mâ- le , efl: placée aflez près de fon Corcelet & à une grande diftance de l'extrémité du Corps. Cette fituation femble peu favorable à la Copu- lation; aufîi le Mâle a -t- il été inftruit à forcer la Femelle à venir loger le bout de fon derrière où il doit l'être pour qu'elle foit fécondée, h- vec deux crochets dont l'extrémité de fon Corp? efl: armée, il faifit le Col de la Femelle, & l'emporte dans les Airs. Gagnée par fes caref- fes , vaincue par fa longue confl:ance , animée enfin du même defir , elle ceffe de refifter & devient féconde (^). L'araignée nous offre une exception plus fmgulière encore , & qu'un bon Obfervateur (/;) ajjure avoir vue plus d'une fois. On connoit en général les Antennes des Infeéles : on fçait que ce font ces deux petites Cornes mobiles (0) Ibid. Tora. 6. pag. 426, &c. (&) Mr. Lyonet, Théol. des InfeB. de Lesser, T. i. pag. 184. T- 2- pag* 48. à la Haye 1742. in 8^. Corps O r g a n i s e' s. 93 qu'ils portent fur le devant de ia Tête , & dont on ignore l'ufage. Souvent elles font formées d'une fuite de Vertèbres ou de Nœuds: telles font en particulier celles de l'Araignée. Mais ce qui effc fort étrange , c'eft que les Parties de la Génération du Maie font dans fes Antennes; tandis que celles de la Femelle font placées fous le Ventre , affez près du Corcelet. Le Mâle & la Femelle femblent craindre de s'aprocher : les Araignées fe dévorent les unes les autres , & leur naturel féroce & cruel n'efl adouci que par l'Amour. Après s'être données réciproquement bien des marques de défiance , les deux Araij^- nées s'aprochent peu à peu jusqu'à fe toucher, & comme fi une frayeur fubite les faififToic , el- les fe îaiffent tomber , & demeurent quelque tems furpendiies à leurs fils : elles remontent en- fuite fur la toile , fe tâtent encore , fe rapro- chent de nouveau & fe joignent enfin. Un des Nœuds des Antennes du Mâle s'ouvre tout d'un coup y & comme par r effort; il hilTe paroître un corps blanc ^ P Antenne fe plie par un mouve" ment tortueux , ce Corps fe joint au Ventre de la Femelle , & c'elt ainfî que s'opère l'accouple- ment. 2p7. Fécondation & Ponte de la Reine- Abeille. Il femble qu'il ait été généralement établi, que le Mâle feroit les avances: dans la Répu- blique des Abeilles , cette République fi célè- bre, c'élt la Femelle qui oblige le Mâle à coi> 94 Considérations Sur Les defcendre à fes défirs. On fçait que peiidant presque toute l'année , il n'y a dans chaque Ru- che, qu'une feule Femelle : c'efh cette Mou- che , fi chère aux autres Abeilles , que l'on nom- me ia Reine , & que les Anciens peu inilruirs , avoient nommée le Roi. J'ai été témoin mille fois de l'attachement fmgulier des Abeilles pour leur Reine, & je puis aifurer que tout ce que Mr. DE Reaumur en a raconté, n'eft point exaggéré (a). Mais cette Reine , l'objet con- tinuel des attentions , des prévenances & des carelfes des autres Abeilles, prodigue les fiennes au Maie qu'elle veut exciter, & qui y demeure long tems infenfible. Placce vis à vis de lui , elle le lëche avec fa Trompe, elle lui préfente du Miel, elle le liatte avec fes Pattes, elle tour- ne autour de lui , & toujours en redoublant fes agaceries; enfin, réduite à prendre la pofture qu'il dcvroit prendre, elle monte fur fon Dos, & tâche à appliquer le bout de fon derrière con- tre celui du Mâle , & elle l'y applique. Cet ac- couplement, fi c'en efi: un, ne dure comme celui du Coq , qu'un initant , & fe réitère plu- fieurs fois. On a vu des Mâles, qui l'a voient fouffert , périr immédiatement après , & la Rei- ne redoubler fes careiïes pour les rappeller à la vie ; elle paroifîbit même indifférente pour les Mâles vivants qu'on lui fubftituoit (/;). Mr. deReaumur n'a pu s'alTurer , s'il y a ici une vé- 1 ritable Copulation. L'appareil prodigieux des ( a ;) Mém. pour fervir à l' Uifl. des InfçStes, Mém. 5*dii Tome 5, (i) il/id. pag. 503. & fuivantes. Corps Organis e's. 95 Parties propres au Mâle , leur retournement fur- prenant , leur apparition au dehors fous la for- me de deux Cornes allez longues & charnues , au milieu desquelles fe trouve placé un petit Corps recourbé en enhaut , une Liqueur blan- che & un peu vifqueufe qui fe rend à ces Par- ties {a) ; tout , en un mot, femble indiquer que l'accouplement des Abeilles ne fe réduit point à ce que je vienfi d'en rapporter d'après nôtre llluilre Auteur. D'ailleurs les Bourdons s'ac- couplent réellement , & les Bourdons appartien- nent au Genre des Abeilles , avec lefquelles ib ont de grands rapports (F). Quoiqu'il en foit, & c'ell une autre fmgularité que nous offre la Reine-Abeille, dès qu'une fois elle a été fécon- dée, je fuppofe que ce foit au printemps , elle ne ceffe point de pondre des Oei-fs féconds, au moins jusqu'au printemps fuivant. UnQ expé- rience décifive prouve qu'il eft des Ruches où il n'y a pas un feul Mâle pendant tout ce long intervalle de tems C^), & la Reine ne fort point de la Ruche. Sa fécondicé fjrpalfe en- core fon incontinence; au bout d'un an la Ré« publique peut compter 20 , 30 ou 40. mille Ci- toyens qui lui doivent la naiifance. Elle eft à la lettre , la Mère , la feule Mère de tout ce grand Peuple. 298. Continuation du même fujet, (a") Ihii, pag. 486. & fuîvantee. (fc) IhU. ïom. 6. pag. 20, 21. (c; llt\i. Mém. 10. du Tom. 5, , ç6 Considérations Sur le9 Individus privés de Sexe, Principe de la Police des Abeilles. Idées fur leur Inftincl. Ohfervation fur le pentimenî de Mr, de Buf- FON 5 touchant la conjiruction des Alvéo* les, La République , ou fi Ton aime mieux , la Monarchie des Abeilles , me donne lieu de par- ler d'une exception très remarquable. Dans prefque toutes les efpèces d'Animaux , les In- dividus font tous Mâles ou Femelles , ou bien ils pofledent les deux Sexes à la fois. Chez les Abeilles , les Guêpes , &c. le plus grand nombre des Individus eft abfolument dépourvu de Sexe. Ils n'ont aucune des Parties relati- ves à la Génération ; mais ils font pourvus d'Organes & d'Inllruments relatifs à la con- llrudion des gâteaux, & à pi ufieurs autres fonc- tions auxquelles la Nature les a dellinés. On les a nommés Mulets , & improprement ; car le Mulet a un Sexe : ils ont été mieux défig- nés par l'épithète de Neutres, Les Ovaires de la Mère Abeille contiennent donc trois fortes d'Oeufs , d'où éclorront trois fortes iS: Individus \ àe^ Reines ^ des A4 aies ou faux Bourdons, & des Neutres. Les Mâles fonc ordinairement au nombre de 5 à 600 , affés fouvent de mille. La Reine a donc un Serrail de Mâles : leur grand nombre nous apprend pourquoi la Nature les a fiits fi froids ; s'ils eulTent été aulTi ardents que ceux de la plupart des Corps Organise' s. 97 des Animaux, la Reine n'eut pas eu le tems de pondre. Le nombre des Reines qui éclofent dans cha- que Ruche, efl toujours très petit; ce font ces jeunes Reines qui coniervent l'elpèce , & qui fondent, pour ainfi dire ^ de nouvelles colonies. ■ Peu de tems après être éclofes & avoir été fé- condées , elles Ibrtent de la Ruehe , accompa- gnées de plufieurs milliers de Neutres, quicom- pofent ce qu'on nomme un Ejjàim, Chaque EiTaim a fa Reine , & ce n'efl Iju'autant qu'il en pofledc une , que les Neu- tres fe mettent à l'ouvrage. L'Effaim le plus laborieux qu'on prive de fa Reine , cefTe tout travail , & ne le reprend que lors qu'elle lui eft rendue. Il femble même qu'il proportionne le travail à la fécondité de celle - ci : plus elle eft féconde , & plus les Neutres conftnùfent de cel- lules ou de gâteaux. C'est dans ces Cellules que la Mère va de- pofer fes Oeufs, & elles fervent de berceaux aux Petits qui en éclofent. Mais comme la Mère met au jour de trois fortes d'Individus, dont les tailles diffèrent , les Neutres conflrui- fent de trois fortes de cellules , dont les dimen- fions diffèrent dans un raport déteiminé & con- ftant à la diverfité de taille des trois fortes d'In- dividus. Inflruite par la Nature , la Mère fait précifément quelle forte d'Oeuf elle va pondre 3 ToM. IL G pB Considérations Sur Les & elle ne fe méprend point dans le choix de la cellule. Non -feulement les Neutres font chargés de recueillir le Miel & la Cire, & de la mettre en couvre; ce font eux encore qui élèvent les Pe-' tits & qui pourvoyent h leur nécelîaire , ainfi qu'à celui de toute la Communauté. Rien ne furpafle l'attachement des Neutres pour ces Pe-- tits qu'ils n'ont point faits , & qu'ils n'ont pil faire. La Reine n'étoit point appellée à par- tager ces foins , la ponte devoir l'occuper af- fés; & les fervices que rendent les FauxBour-? dons, fe bornent à la fécondation. Il n'y a donc qu'un tems où ils foient utiles , & ce tems ell;; affés court: dès qu'ils cellent de l'être, les Neutres les mettent à mort , & en peu de jours il ne refle pas un feul IndividtiIVJâledans, la Ruche. Toutes les jeunes Reines ne parvienneiic pas à fortir à la tête d'un Eifaim ; pkifieurs de- meurent dans la Ruche & y périlfent. De. quelque manière que la chofe fe pafle , il eit fur que toutes les Reines furnuméraires font fa- crifiées , & qu'il ne refte jamais dans la Ruche qu'une feule Reine (^). Ne cherchons pas dans les Abeilles un mer- veilleux qui n'y ell: point ; on s'elt plu h l'y prodiguer; mais on s'eft plu auffi à y réduire tout à la pure Méchanique. Gardons un mi- lieu : nous avons accordé une Âme au Polype (•) Jbid. Mém. 5. Corps O r g a n i s e' s. g^ prefquc Plante ; nous n'en refuferons pas une à rindalirieufe Abeille. Nous lui accorderons du Sentiment , mais non de l'Intelligence , en- core moins de la Géométrie. La Reine afFe6le , peut-être , l'Odorat ou quelque autre Sens des Neutres , d'une ma- nière analogue à celle dont le Rû( affecle les Mâles de la plupart des Animaux : je veux di- re, que' l'impreilion que la Reine fait fur les Neutres, efl purement pbyfique, & telle qu'elle les excite au travail. Les Pe.tits font apparemment fur eux quel- que impreflion femblable & qui les détermine h dégorger dans leurs cellules l'efpèce de boullie qui eft la nourriture appropriée à cet âge ten- dre. Les Oeufs diffèrent en groffeur , la Mère peut fentir quel efl: celui qui efl: prêt à fortir de ion Ventre , & ce fentiment peut être alîbciô à quelqu'autre fentiment qui détermine l'efpèce de choix de la cellule. Si les Mâles font facrifiés , c'efl: qu'il vient peut-être un tems où ils exhalent une odeur infuportable aux Neutres ; ou c'efl: que les Mâles font fur eux quelqu'autre impreflion qui les irrite & les provoque. Les Reines peuvent fe livrer des combats fmguliers ; elles font armées d'un fort Aiguil- lon, & celle qui- furvit peut refl;er mâîtrelTe de la Ruche. G 2 ïoo Considérations Sur Les Enfin, l'on conçoit que h conflruclion fi fçavante & fi géométrique des cellules , peut n'être que le fimple réfulfat de l'organifiition de l'Abeille , & du plaifir attaché h certain exer- cice de fes Organes. Je fais gré à l'éloquent Auteur de VHifioire Naturelle , de s'être tenu en garde contre l'ad- miration que les Abeilles infpirent , & d'avoir cherché h le faire des idées philofophiques de leur travail. Mais s'il l'eût plus étudié, il ne Teût pas comparé à ce qui le palfe dans des Pois qu'on fait bouillir dans un vafe fermé ex- aélement , & qui prennent naturellement une forme exagone Qay Cette comparaifon , & toute autre du même genre , ne répondent point h toutes les conditions du Problême. Les fix pans des cellules ne font pas égaux ; il y en a deux oppofés qui font conftamment plus petits que les autres (/>). Les dimen- fions des cellules varient dans un raport détermi- né à la taille des Vers qui doivent y croitrc : ce font pourtant les mêmes Mouches- qui con- flruifent les unes & les autres ; comment donc pourroif-on dire avec Mr. de Buffon, ^t/e chaque Abeille cherchant , comme les Pois , à occuper le plus â'efpace poffible dans un efpace • donné , il eft nécejj'aire aufji , piViSque le Corps des Abeilles eft cylindrique , que leurs cellules foienî exagones , par la même raifon des ohfla» des réciproques? (a) Hift, Nat. Gen. &c. Tom. 4. pag. 99. (^b) Mém, pourfervir à VHiJl, des Injec. Tom. 5. pag. 398, Corps O r g a n i s e' s. ioi m Tl y a plus ; le fond de chaque cellule eil pyramidal ; il efl: formé de trois rhombes é- gaux & femblables*. les Neutres commencent par façonner ces rhombes , & fur ces rhombes ils élèvent peu à peu les pans Qa"). Cet ou- vrage eil fouvent interrompu, & ils le repren- nent ; les uns fébauchent , les autres le dé- grodiÔent , d'autres le finilTent. Qu£ dirai -je encore ! les cellules qui fervent- de berceau aux Reines, ont une forme, une j poficion & une grandeur très différentes de cel- les des autres cellules C^}- Tout cela démontre fuffifamment que la conftruclion des gâteaux des Abeilles , n'eft point le ûmple réfultat d'une Méchanique auffi groffière que l'a penfé Mr. de Buffon, & que ces Mouches Mais je m'aper- çois que le plaifir de parler des Abeilles m'a dé- jà trop écarté de mon fujet, je me hâte d'y revenir. 299. Différences frapantes entre le Mâle & la Femelle dans quelques efpeces. Les Papillons dépourvus ^" Ailes. Le Ver - luifmt. Autre Scarabé fiugidier» Les Gair Infectes. O.^DiNx\iREMENT il n'y a pas une difpropor- (a") Ihid. p.i^e 305. Ib) mi. Mém. 9. 102 Considérations Sur Les tion marquée de taille & de forme entre le Md- le & la Femelle : chez les grands Animaux , une des différences les plus frappantes , eil celle que préfentent les Cornes , les Défences , le Bols , la Crête , &c. dont la Tête des Mâles eft garnie , & qui manquent en tout ou en par- tie à celle des Femelles. Chez les Infedes , au contraire , il n'eft pas rare de voir des Malcs qui diffèrent autant de leurs Femelles-, que peuvent dilférer des Ani- maux de genres , ou même de claifes éloi- gnées. Je ne parle pas des Papillons dont les Fe- melles font dépourvues d'Aîles , tandis que les Maies en ont de très amples C ^ ) : c'ell déjà néanmoins une différence qu'on jugeroit bien eifentielle , que celle d'être aîlé , ou non - aîlé. Mais auroit - on foupçonné qu'un Ver con- damné à ramper toute fa vie , dût être fécon- dé par un Animal aîlé du genre des Scarahés ? On comprend qu'il s'agit ici du Ver-hiifant : l'efpèce de Phofphore qui brille à fon derrière , attire le Mâle ; il accourt en volant & s'unit à cette étrange Femelle par une vraye copula- tion. Je viens de nommer les Scarahés : on défi- gne par ce mot tous les Infecles qui ont quatre Ailes, dont deux fervent d'étui aux^ntrcs; cet étui eft toujours écailleux. 11 en eft une efpè- (a) Ihià. Tom. I. Mém. 7. Corps Organise' s. 103 ce dont la Femelle , toute charnue , n'a pas le moindre vellige d'Aîles , & cette Femelle a pour Mâle un vrai Scarabé qui eft fi petit par rapport à elle , que leur accouplement doit pa- roitre nuOTi fingulier, que le paroitroit celui d'un Bélier ou d'un Lièvre avec la plus grande Va- che (^'^). Voici pourtant un aflbrtiment plus bizarre encore. On voit au Printemps fur les Branches de quantité d'Arbres & d'Arbuftes, & principa- lement fur celles du Pefcber ^ des efpèces de Galles^ qui reflemblent à celles qui croiflent communément fur les Plantes. Leur extérieur cil. liiTe , & imite parfaitement celui de la plu- part des Galles. Quelquefois même , il eft lé- gèrement poudré d'une fleur femblable i\ celle des Prunes , & qui donne ^ la Galle fair d'un Fruit. Les unes font fphèriques , les autres hé- mifphèriques, d'autres cll^^ptiques &c. Il y eii a dont la grolleur égale celle d'une petite Ceri- fe , d'autres n'ont que la grolTeur d'un Pois , ou même d'un grain de Poivre. Plufieurs paroif- iQrx tenir à la Branche par un court Pédicule , comme y tiennent tant d'autres Galles. Mon Leclcur foupçonne- t-il que je viens d'ébau- cher la defcription d'un véritable Animal ? C'en eft un pourtant , mais fi bien déguife , qu'il a ké' méconnu par d'habiles Naturaliftes. Mr. de ReaumuRj qui a feu fobferver dans tous fes (a) Ibid. Tom. 4. pag. 30. G 4 c 104 CoNSiDERATioisfs Sur L'ES' états , lui îi donné le nom de GalUnCeBe , & ce nom eft très propre à dcfigner fa forme & fa nature (^). CROHioiT-on à préfent , que cet Animal , qui fe confond avec les Galles par f\ forme & par fon immobilité , eft fécondé par un très petit & très joli Moucheron à deux Ailes blanches , bordées d'un beau rouge de carmin , & qui fe promène fur fa Femelle comme fur un terrein fpacieux ? Sa vivacité '& fon agilité extrêmes contraftenc fi prodigieufement avec l'immobilité & finfenfi- bilité apparente de la Femelle , qu'on feroit ten- té de le prendre pour une khneumon qui cher- che à dépofer fes Oeufs dans la Galle. Un pe- tit Aiguillon qu'il porte au derrière , & qu'il in- cline continuellement vers la Galle, fortifie en- core le foupçon. Mais ce prétendu Aiguillon eft la Partie qui caraé\érife le Mâle ; il ne veut que l'introduire dans une petite fente placée au bout poftérieur de la Femelle , & après de lon- gues promenades fur le Dos de celle-ci, il par- vient i\ l'y introduire & à s'unir à cette lourde maife, de l'union la plus intime (Z^). La ponte fuit de près l'accouplement , car la Galîinfe6le eft ovipare , & tandis qu'elle ref- femble le moins à un Animal, c'eft alors pré- cif^ment qu'elle s'acquitte des fondions les plus effentielles à l'Animal , qu'elle s'accouple & qu'elle donne naiîTance à une nombreufe pof- térité. (/») Mim. pour fervir à VHiJi, des TnJ. Tom. 4. Mém. r. (i) Ihid. pag. 3/. & fniv. Corps O r g a n i s e' s. 105 On ne peut pas dire que les Oeufs de la Gallinfeéle vieniienc au jour; à peine ont -ils commencé à fortir par cette fente dont j'ai par- lé , qu'ils paifent fous le ventre , où ils fe fuc- cèdent à la file. A mefure que la Gallinfede fe vuide , la Peau de fon Ventre s'approche de celle du Dos , & quand la ponte eil finie , les deux Peaux réunies ne compofent plus qu'u- ne efpèce de Coque , qui renferme 2 à 3 mille Oeufs (^). Déjà la Gallinlede ne vit plus, & quoi que morte , on la prendroit pour une Gallinfede vivante , tant il y a peu d'apparen- ce de vie dans cet étrange Animal. Lps Petits ne tardent pas à éclorre, & à for- tir par la même fente qui avoit donné pafiTage aux Oeufs. Ce ne font pas de petites Galles que fon aperçoit alors ; ce font de petites Mem- branes ovales , légèrement cannelées , garnies de deux Antennes, portées fur fix Jambes , & qui courent avec une grande viteiTe (Z?). I L s fe répandent d'abord fur les' Feuilles , plus fuccuhntes que TEcorce des Branches ; mais fur la fin de fAutomne , ils fe retirent fur celle-ci Çc'). Ils s'y fixent, & perdent la faculté de marcher. Ils s'arrondifiTent peu à peu , & revêtent enfin la forme d'une Galle. Le court Pédicule par lequel cette Galle pa- (a) Ibid. pag. 14. & 15. (b } Ibid. pag. 16. & 17. (c) Ibid. pag. 19, îo, 24. G s io(5 Considérations Sur Les roit tenir à l'Ecorce , efl la Trompe qui met rJnfecte en état de pomper le fuc de l'Arbre. Parmi les petites Membranes ovales, il en ■ eft qui ne parviennent point à acquérir la grof- feur des autres , & à s'arrondir. Elles n'y é- toient point appellées: ce font elles qui doivent donner les Maies. Ils s'y transforment en Nym- phes , & en fortent au Printemps fous la forme de Mouche («^). Cette Mouche n'a ni Bou- che 5 ni Dents , ni Trompe ; deux yeux fem- blcnt occuper la place de la Bouche. Elle ne prend donc aucune nourriture (^) , & toute lii vie eO: confacrée à l'amour. Ainsi le Mâle des Gallinfeftes ne diffère pas feulement par fa forme & par fon agilité de la Femelle ; il en diffère encore par fes Mé- tamo'rphofes , mais c'eft peut - être une auffi grande Métamorphofe , que celle qui change un Infede plat & agile , en une ma fie ronde fans mouvement & prefque fans vie. Pour achever de faire connoitre les Gallin- fectes à mes Lefteurs , j'ajouterai que cet In- fefte fi redoutable à l Oranger , & que l'on nomme improprement Piinaife , efl une vraye Gaïïmfecîe, Le Kermès , que la Médecine & les Arts fçavent employer utilement , eft enco- re une Gallinfecle , qui naît fur un petit Chê- ne verd commun en Provence (^i;}* («^. Ibià. pag. 33. • ( è) Ihii. pag. 40. . (c) Ihii. pag. 4(5. & fuir. Corps Organise' s, 107 300. Amours du Crapaud & Ponte de la Femelle, Fécondation ^ Tonte des Grenouilles. Découvertes de Svvammerdam & de M, M De Mours cP Roesel. Passerai. JE fous filence les Amours du Cra- paud , cet Animal hideux , & qui peut néan- moins nous intérelîer par la conitance , par fa patience , & par fa dextérité à fervir à\iC' coucheur à fa Femelle ? i^Ue e(t ovipare : les Oeufs , formés d'une Coque membraneufe très ferme , font liés les uns aux autres par un fort cordon , comme les grains d'un chapelet. Le ' réfervoir qui les contient , s'ouvre dans le Rec- tum ou le gros Boyau : ils fortent donc par TAnus, au lieu que dans les Femelles de pref- que tous les Animaux , il y a une ouverture appropriée à la fortie des Oeufs ou des Petits. C'eft un grand travail pour la Femelle du Cra- paud , que de mettre dehors le premier Oeuf; mais cela une fois exécuté , c'efl: au Mâle à fai- re le relie , & il commence aufTi - tôt fes fonc- tions d'Accoucheur. Monté fur le Dos de fa Femelle , il fembralTe avec les Pattes de de- vant , qu'il tient appliquées fur fa Poitrine fi fortement , qu'il s'y forme quelquefois une " in- flammation. Avec une de les Pattes de derriè- re il fiifit le premier Oeuf & le bout du cor- don ; il les fut palier entre fes Doigts ; car il a , comme nous , des Doigts articulés. Il al- longe la Patte & fait effort poux extraire le fe- io8 Considérations Sur Les cond Oeuf. Il y parvient ; & bientôt il peut fhifir de l'autre Patte une portion plus élevée du cordon, & amène un troifième Oeuf. On comprend affés qu'en répétant ce petit manè- ge , il réuffit à extraire enfin tout le chapelet. Pendant l'opération , la Femelle eft immobile ; fans doute qu'il fe pafle dans fon intérieur des mouvements qui aident aufîi à la ponte. La préfence de rObfervateur les trouble & les in- quiette un peu ; le Mâle jette fur lui des re- gards qui prouvent fon embarras & fa crainte. 11 interrompt de tems en tems fes manœuvres , & les reprend enfuite avec une nouvelle ar- deiu*. 11 eft fi attaché à fon travail , que l'Ob- fervateur peut bazarder de mettre les deux A- mans fur fa main : il en fuiVra mieux tous leurs procédés , & l'opération ne fera inter- rompue que pour quelques moments. Mr. de Mours (^), à qui nous fommes redevable? de cette hiftoire intérelîante , n'a rien néglige pour s'aiTurer , fi le Maie arrofoit les Oeufs de fon Sperme , tandis qu'il les ex- traiibit : mais aucune de fes obervations n'a confirmé l'idée de Swammerdam. Ce grand Obfervateur penfoit que la Fécon- dation s'opèroit chez les Grenouilles de la mê- me manière que chez les PoiJJons. Selon lui , (/;) les V^\i\e'mx déférents fe rendent au Rec- tum , & c'eft par XJms que le Mâle fait for- (/i") Hi/î. àe l' Acad. Roy. dis Sciences, An. 1741. (I?) Jiiblia iVaJwr« ," pag. 789. &c. Corps Organise' s. 109 vir ia Liqueur qu il répand fur les Oeufs , & qui les féconde. Les Oeufs fe décachent de XOvaire , placé fur la Matrice ; ils fe répan- dent dans le Bas - Ventre ; ils entrent enfuite dans les Trompes , qui font comme pelottonées , & dont la longueur eft d'environ deux pieds. Ils parcourent tout cet efpace , & arrivent en- fin dans la Matrice. , Celle-ci s'ouvre dans le gj-os Boyau , & les Oeufs fortent par TAnus. Le Mâle aide à la ponte foit en coinprimant for- tement le Ventre de la Femelle , foit en recou- rant à d'autres manœuvres. Mais . il montre bien moins de dextérité que le Crapaud. A la vérité, une plus grande dextérité feroit ici très fuperlluë; car la Grenouille parvient fort promp- tement à fe délivrer de tous fes Oeufs. Pen- dant qu'ils fortent , le Mâle cramponé fur le Dos de la Femelle , les arrofe de la Liqueur ; & ce n'^eft que lorfqae la ponte eft finie , qu'il abandonne la Femelle , après l'avoir tenue em- bralfée 40 jours confécutifs. Voila' un léger précis des obfervations de SwAMMERDAM : Mr. RoESRL , qui a donné des preuves de fa fagacité & de fes rares ta- lents dans fa magnifique Hiftoire ô.qs, Grenouil- les (a) , a poulfé fes recherches beaucoup plus loin que l'Obfervateur LIollandois. Ce dernier avoit découvert dans le Mâle des Tellicules fi- tués près des Reins , des Véficules féminales ^ («) IlîftoTîa Natiiralîs Ranurvm , &'c. Norîinhcrfa, 1758., enrichie de très belles Hgures eniuminées , in fclio. iio Considérations Sur les & des Vaifîeaax défé'-ents^ qu'il croyoit, com- me je l'ai dit , s'ouvrir dans le Reclum ; mais il n'avoit point découvert de Partie extérieure de la Génération. Cette découverte étoit ré- fervée à Mr. Roesel (^) : en portant fon attention fur les Véûcules fémïnaks , il fut fur- pris de ne leur point trouver d'ifllië , & venant à les confidérer de plus près , il remarqua qu'el- les communiquoient avec un petit Corps lon- guet & charnu, placé au bas & au dehors du Redum , & fait en manière de Papille, Ayant cnluite introduit de l'Air dans les Véficules , il vit cette Papille s'élever , & alors il lui fut fa- cile d'inférer dans fon extrémité une foye de Porc , qui en pénétrant dans la Véficule , lui démontra la communication qu'il cherchoit. Il faut confulter là-deffus la Figure v^. de la Planche VI., qui met tout cela dans un grand jour. Mr. Roesel ne doute donc pas que la Pa- pille dont il s'agit , ne foit la Partie qui carac- térife le Maie. Je puis confirmer le témoigna- ge de cet Auteur , par celui de mon Illurtre Confrère Mr de Haller , qui a beaucoup é- tudié les Grenouilles , & avec ces mêmes yeux auxquels nous devons tant de chofes intéref- fantes fur le Poulet : il m'écrivoit qi/e le Mâle de la Grenouille a un Pénis très marqué^ & qum avoit fouvent vu. Il feroit à défirer que Mr. Roesel eut vu cette Partie en fonélion ; (a) liid. pag, 2(5. Ranafufca terre/trit. Corps Organise' s. iir mais il avoue lui-même quil n'a pu y parve- nir. Il rapporte d'ailleurs plufieurs obfervatidns qui vont à l'appui de l'Idée de Swammerdam , fur la Fécondation. En traitant de Ja Grenouil- le verte aquatique , Mr. Roesel ^it expreiTé- ment (i^), que le Mâle monté fur le Dos de la Femelle^ répand fa Liqueur fur les Oeufs ^ & il ajoute quil a ohfervé ce Fait plus d'une fois, 11 l'a admirablement exprimé dans la Figure 2. de la Planche XIII. Les Oeufs du Crapaud font fécondés de la môme manière. Le Crapaud aquatique (Z') cramponé fur le Dos de fa Femelle, retient les Oeufs entre fes Pattes de derrière , jufques h ce qu'il les ait arrofés de la Liqueur fémi- nale , & tandis qu'il Iqs en arrofc, il fe don- ne les mêmes mouvements que le Chien dans le coït. Les Oeufs forment un chapelet d'en- viron deux pieds de longueur : après que le Mâle a fécondé les Oeufs compris dans l'éten- due d'un pouce , il lâche cette portion du cha- pelet , & en faifit une autre avec fes Pattes , qu'il arrofe pareillement. Confultez les Figures I. & 2. de la Planche XVil. Le Crapaud terreftre (r) fe donne dans le coït les mômes mouvements que le Crapaud a- quatique. Il femble vouloir extraire de force (rt) Ihîd. page 56, 57. Rana vîridis aquatîca, (fc) Ibid. pag, 75. Biifo aquatîeus , allinm redoUns. (c) Ibid. pag. 90. Bufo terrejiris , dorjo tuberculis exa/per^i tOf «cuiis rubris. 112 Considérations Sur Les les Oeufs hors du Corps de la Fenielle : il ne le fait pas pourtant, mais il les ramalle & les niej; en monceau , comme fi fon but étoit de les arrofer tous plus faciienient & plus promp- tement. L'Auteur a vu l'Anus s'ouvrir trans- verfilement & laiifer fortir une goutte de Li- queur trouble qui fe répandoit fur les Oeufs. Il arrive fouvent que tous les Oeufs ne font pas arrofés de la Liqueur que le Mâle fournit , & ceux qui ne le font pas demeurent ftériles ; 'Ûs coulent ^ comme s'exprime Mr.RoESEL Qa)y & fe corrompent , fans produire autre choie qu'une fermentation , qui nuit aux Fœtus ren- fermés dans les Oeufs féconds. 30 î. Les AnimauxVïevm^)\\ïoà\tQ^. LeVex. de Terre. La Limace. Qj-ielques efpèces de Coquillages. Découvertes de Mr. Adanson. Les Vers de terre , les Limaces , les Lima- çons, plufieurs efpèces de Coquillages ont les deux Sexes à la fois , & ce* qui confond tous nos raifonnemens , c'eil que Tlndividu ne peut pourtant fe féconder lui ^ même. 11 i^iut que deux Individus, qui font, à la fois Mâle & Fe- melle , s'unillent pour produire d'autres Indivi- dus de leur efpèce. C'EST à la Tête, ou dans la Partie antérieu- re de l'Animal , que font les Organes de la Gé- né- ra) Ihii. pag. SV3, Corps Organise' s. JI3 nération. Chez le Limaçon terrellre , il faut les chercher entre les deux Cornes , du côté droit. Lors que les deux Individus veulent s'u- nir , ils s'aprochent l'un de l'autre en élevant la Tête & le Col ; & s'entrelacent bientôt par de longs Cordons charnus, qu'ils font fortir de leur intérieur. Je lailfe à l'Auteur voluptueux de la Vénus phyfî'qns à peindre leurs amours , & à en tirer des conféquences afîbrties à ces pein- tures Qa'). Personne avant Mr. Adanson , de l'Aca- démie Royale des Sciences , n'avoit étudié les Coquillages comme ils demandoient à l'être. Nous fommes redevables à fon courage pres- que héroïque , à fa fagacité & à les talents, d'une excellente Hilloirc Naturelle du Sénégal, Q?) qu'il publia en 1757, & dans laquelle l'on trouve une Defcription détaillée d'un très grand nombre de Coquillages dcfTmés avec exaditude & avec goût , & diltribués fuivant une Mé- thode nouvelle , fruit des obfervations multi- ■ pliées d'un Efprit vraiment philofophique. En confidérant les Coquillages relativement au Sexe , Mr. Adanson les diftribuë en quatre claifes Qc), Il place dans la première ceux (fl) Vin. phyf. Chao. XI pag. 78. & fuiv. ( & ) Hiftoire Naturelle du Sénégal, Coquillages. Avec la relation abrégée d'un Voyage fait en ce pays , pendant les années 1749^ 50, 51, 52, ^ 53. Ouvrage orné de Figures, à Parti cb^i Claude Jean Baptifte Bauche , Quai des yiug. 17 57. in 40» (c) Ibid. pag. 57. de la Dé^nitton des Parties, ToM. II. H 114 Considérations SurLes dont le Sexe efl: partagé , ou chez lefquels on trouve des Individus Mâles & des Individus Femelles : la Pourpre en eil un exemple. Le Mâle laifTe fortir de tems en tems , du coté droit , une Languette triangulaire & applatie , qui conflituë le Sexe Qa\ La féconde clafle renferme les Coquillages que l'Auteur croit fe fiiffire à eux-mêmes , ou dans lefquels on ri aperçoit^ dit -il , aucune des Parties de la Génération ni aucun accouple ment (J?), Telles font les Conques , dont Inui' ire elt une efpèce. Je ferai cependant remar- quer que l'Auteur n'a point d'expérience di- recte fur ce fujet : c'eft uniquement par la voye du raifonnement qu'il infère que les Huî- tres fe fuffifent à elles-mêmes. Il importe que je cite fes propres termes. „ Quelques Au- „ teurs modernes, dit- il, ont afluré que l'on 5, avoit diftingué les Huitres Mâles d'avec les „ Femelles : cependant il eft certain que la 5, plupart de ces Animaux qui vivent éloignés 5, les uns des autres , & dans l'impuiflance de „ fe joindre par la Copulation , engendrent 3, leurs femblables ; d'où l'on peut conclurre „ qu'ils n'ont befoin d'aucun Sexe pour fe ré- „ produire , ou que chaque Individu les réunit' 5, tous deux (f) ". La troifième claiTe comprend les Coquilla- (a) Ibîd. pag. 103. de la Defcription des Coquillages* (t) Ibid. pag. 57. de la Déf. des Part. (ff) Ibid. pag. ip^ ieUk i^ejcri^t, 4e f Co^uilla^es^ Corps Organise' s. 115 ges qui ont les deux Sexes à la fois , mais qui ne peuvent le féconder eux-mêmes. Le Z/- maçon commun en eft un exemple ([^). La quatrième claiTe nous offre un trait nou- veau*& bien fi-apant,de la diverfité des moyens que la Sagesse Divine a chgifis pour la pro- pagation des elpèces. Les Coquillages qui ap- partiennent à cette claffe , polledent bien les deux Sexes à la fois ; mais deux Individus ne peuvent fe féconder réciproquement & en même tems , comme les Limaçons. La fi- tiuition défavorable des Parties fexuelles s*y oppofe. Chaque Partie a fon ouverture pro- pre ; l'une eft placée à l'origine des Cornes , Tautre Teft beaucoup au - dellous Çh^* Mais ce Fait eft fi nouveau & fi particulier , que dans la crainte de ne le rendre pas avec afles d'exactitude , je tranfcrirai ici le paffage en en- tier : le voici (c). „ La quatrième clalTe 5, efl de ceux qui poffédant les deux Sexes à „ la fois , ont befoin de monter les uns fur les 5, autres pendant l'accouplement , à caufe de 5, la fituation défavantageufe de leurs Organes. 5, Tel efl l'Hermaphrodisme du Bvlin & du 5, Qoret : fi un Individu fait à l'égard de Tau- „ tre la fonélion de Mâle , ce Mâle ne peuc 5, être fécondé en même cems par fa Femelle, „ quoi qu'Hermaphrodite ; il ne le peut être (fl") VoM, pag. 57. àt laDéf, des Part, (i) Ibid. pag. 58. dfUDéf, des Fart,, (i) Ibid, pag. 57, 0 * ii6 Considérations Sur Les „ que par un troifième Individu qui fe met fur j, lui vers" le côté , en qualité de Maie. C'cll j, pour cette railon que Ton voit ibuvent un „ grand nombre de ces Animaux accouplés en 5, chapelet les uns à la Queue des autres. Le j, feul avantage que cette efpèce d'Hermaphro- 5, dite ait fur les Limaçons , dont le Sexe eft 5, partagé , c'eft de pouvoir féconder comme ' Mà!e un fécond Individu , & d'être fécondé j, en même tems comme Femelle par un troi- ^, fième Individu '*. Ainsi , comme le remarque Qa") fort bien nôtre fçavant Naturalifte , „ il ne manque- 3, roit plus aux Coquillages , pour réunir tou- 55 tes les efpèces d'Hermaphrodisme , que de 5, pouvoir s'accoupler à eux-mêmes , & être en même tems le Père & la Mère du même Anim.al. La chofe , ajoute - 1 • il , n'eft pas impoflible, puis que piufieurs l^nt pourvus dès deux Organes nécellaires : & peut-être quelque Observateur y découvrira -t - il un jour cette forte de Génération ". 302. Qî/e les Hermaphrodites qui ne peu- vent fe fujfire à eux - mêmes , r en dotent rexifîence des vrais Androgynes plus dou- teufe encore. JNottvelle raifon d'en douter. Problême phyflque. L A découverte de divers Animaux , pour- (a) Mi. pag. 57. ^ 58, 55 33 Corps O r g a n i s e' s. 117 vus à la fois des deux Sexes , & qui néanmoins ne peuvent fe féconder eux-mêmes , éroic bien propre à perfuader de plus en plus la nécelTité du concours de deux Individus pour opérer la Génération. L'univerfilité de cette loi a dû paroitre démontrée , dès qu'on a pu s'aflurer que de vrais Hermaphrodites lui étoient fournis. En un mot , dit Mr. de Reaumur (^} , // n'a pas été accordé à ces fortes d* Hermaphrodi- tes de fe féconder eux - mêmes : des Faits fans nombre ont donc confirmé une régie qui jnfqu'à nos jours n'avoit paru démentie pm^ aucun Fait ûjjés pofîtif II étoit donc naturel que les Phy- ficiens fe rendiffent très difficiles fur les preu- ves par lefquelles on tenteroit d'établir , qu'il ell des Animaux qui fe fuififenc à eux mêmes. Des Obfervateurs célèbres avoient admis l'exis- tence de femblables Animaux fur des préfompi tions allez plaufibles , mais parmi les efpèces qu'ils avoient mifes au rang de ces Hermaphro- dites fmguliers , il s'en étoit trouvé dans les- quelles un Obfervateur plus exacl avoit décou- vert depuis des Mâles & des Femelles, qu'il av^oit vu s'accoupler. Les GalUnfecîes , dont j'ai beaucoup parlé dans ce Chnpitre , en étoient un exemple remarquable. Des Infeéles qui ne peuvent changer de place , & qui femblent fai- re corps avec la Plante où ils font fixés, étoient dans un cas qui les raprochoit bien des Huîtres^ (a) JWen». pour fervir à l'Hift.desInJeUes, Tome 6. page 515, H 3 xi8 Considérations Sur Le»' qu'on juge fe multiplier fans accouplement. Cé- toit donc encore une nouvelle raifon pour dou- ter de l'exiftence des Animaux qui fe fuffifent à eux-mêmes, & c'étoit un nouveau motif pour ne fe rendre que fur les expériences les plus dire6tes & les plus démonftratives. Ce fu- rent de femblables confidérations qui portèrent en 1733, un habile Naturalifte , Mr. Brey- N I u s , à propofer aux Phyficiens le Problême fuivant Qa^. PROBLEMA PHYSICUM. 5, An indubitate demonfhari poflît ,' in rerum „ Natura , genus aliquod Animalium vere An- „ drogynum , id eft , quod fine adminiculo Ma- ,, ris fui generis , ova in & a fe ipfo fœcundata 5, parère , adeoque folum ex & a fe ipfo genus ,5 fuum propagare poflit?" Genus AmmaUiim ejusmoâi Anàrog^- f;^//;? 5 ajoute Mr. Breynius, Ucet a multis iisque prîmi orainis Natura Confidtis patuatur , a ne- mine tamen quod eqiiidem jciam , ita dèinonjlra- , tum fuit ^ ut non multa^ eaque haudlevia^ et pojjînt objîci dubia. 303. Découvertes de routeur fur les Puce- rons. Solution du Problême phyftque. (ë") Jdks ies Curieux de lu JKatnre, pour Tan 1733, pag. if, 4t rAppendicc. Corps Organise' s. 119 Suites de Générations élevées en foïiîude S leurs réfultats. Tel étoit l'état de l'Hiftoire Naturelle relati- vement à la queftion fi fouvent agitée des An» drogynes ; & telle étoit en général la difpofition des ËfpritSjlors que j'entrepris il y a 21 ans, en May 1740, ma première Expérience fur les Pu» cerons. Ces Infectes fi féconds , & dont les efpèces font fi nombreufes, étoient depuis long- tems au rang de ces Animaux , qu'on s'étoic hâté de mettre dans la clafie des vrais Andro» gynes dont parle Mr. Breynius; & cette con- clufion précipitée ne prouvoit autre chofe finon que de bons Obfervateurs peuvent quelquefois manquer de Logique : parce qu'ils n'étoient ja- mais parvenus à furp rendre des Pucerons accou- plés , ils s'étoient preiTés d'en conclurre , que les Pucerons multiplioient fms accouplement. Ce n'étoit pourtant là qu'un doute ou au plus qu'un fimple foupçon ; mais ce foupçon , Mr. de Reaumur l'avoit accrédité en l'adoptant , & en rétayant de quelques obfervations qui lui étoient propres , & qui laiifoient toujours la queftion indécife Qa'). Ma première Expérience la décida, & elle m'apprit que les Pucerons étoient de vrais An- drogynes. On a vu dans le Tome VI. des Mé" C«) Mém. pour fervir à VHill. dis InJ. Tom. III. Mém. 3. iorn. Vi. pages 523. & fuivantes. H4 120 Considérations Sur Les moires àe Mr. de Reaumur (^), & dans la lere. Partie de mon Traité d Inje&ologie (^5, quels furent les foins & les précautions avec lef- quels je tentai cette Expérience importante Un Puceron pris au moment de fa nailîance & ren- fermé à l'inftant dans la plus parfiite folitude , y mit au jour , fous mes yeux , 95 Petits. Je me hâtai de faire part des détails de cette Expérience h feu mon lUuftre Ami Mr. de Reaumur, qui la jugea digne d'être communi- quée à la fçavante Compagnie dont il étoit un des principaux ornements. „ vSûr, dit- il (r). „ du plaifir que les obfervationa de Mr. Bonnet j, feroient à l'Académie, je tardai peu à lui lire 39 fa Lettre du 13e Juillet, dans laquelle elles écoient détaillées. Il parût à l'Académie en- '^ tière que Mr. Bonnet avoit porté les pré- cautions & les foins même au de - là de ce qu'on eut ofé le fouhaiter : quelque couvain- , eue qu'elle fût qu'il n'avoit rien négligé pour éclairer toutes les démarches de fon Puce- ron , qu'il avoit été pour lui un Argus plus difficile à tromper que celui de la fable , elle jugea néanmoins qu'une feule Expérience, quoique très bien faite , ne fuffifoit pas pour ôter tout doute par rapport à un Fait con- traire à une loi dont la généralité avoit fem- blé établie par le concours unanime de tous les Faits vus jusqu'alors. On n'a que trop 39 (0) Pages 530. & fuivantes. (fe) Pases 26. & fuivantes. (c) im. Tom. VI. pag. 537* Corps Organis e's. 121 „ d'exemples de circonftances qui ont échappé „ à des yeux clairvoyants & attentifs. L'Aca- „ demie ne pût donc s'empêcher de défirer que 5, la même Expérience fût répétée 'par Mr. „ Bonnet, autant de fois, & fur le plus de ,, Pucerons de différentes efpèces qu'il lui fe- 5, roit pofTible ; je fus chargé de l'en prier de 5, fa part, & je le fis." Je ne pouvois manquer de répondre au defir de l'Académie ; je répétai donc ma première Ex- périence fur la même efpèce de Pucerons , & je rétendis, en même tems, à plufieurs autres efpèces C^)* ^^ ^^^^ toujours le même fuc- cès ; tous les Pucerons élevés en folitude depuis l'inftant de leur nailîance, devinrent Mères, & mirent au jour, fous mes yeux, une nombreu- fe poftérité. Je portai même l'exailitude au point de drelTer des Tables des jours & heures des accouchements de chaque Solitaire^ & je me ferois difpenfé de publier ces Tables , fi le fujet que je traitois eut été moins neuf, & û je n'a- vois pas eu des raifons de préfumer qu'elles poiir- roient fervir à des comparaifons utiles. Ces nou- velles Expériences , faites avec un foin vraiment fcrupuleux, latisfirent pleinement f Académie Royale des Sciences & Mr. de Reaumur,- & l'aprobation dont ils les honorèrent , ne laifibic pas lieu de douter, que le Problême de Mr. Breynius n'eut été bien refola (#) Traité d'InJtMogie &c. prem Part. Obferr. II. III. H5 122 Considérations Sur Les Je fongeois donc à lailTer repofer mes yeux, fatigués par l'attention foutenuë quejlwois don- née à de fi petits Infeétes , lorfqu'un foupçon imprévu & fort étrange que me communiqua Mr. Trembley , vint m'engager dans une fuite de recherches plus pénibles encore que les pré- cédentes. Dans une Lettre que ce célèbre Obfervateur m'écrivit de la Haye , le 27. Jan- vier 1741 5 il s'exprimoit ainfi. J'ai formé de- puis le mois de Novembre le dejfein d'élever phi- fleurs Générations de fuite de Pucerons Jblitai' res 5 pour voir s'ils feroient toujours également des Petits. Dans des cas fi éloignés des circon^ fiances ordinaires ^ il eft permis de tout tenter. Je me difois^ qui fçait fîim accouplement ne fert poifit à plu fleurs Générations ? Il faut avouer que ce qui fçait étoit bien gratuit ; mais il partoit de Mr. Trembley , & c'en fût alfezpour me perfuader que je n'avois pas pouifé la dé- monftration affez loin. L'aprobation d'une Com- pagnie refpeétable m'avoit rendu jaloux de mes premières Expériences, & fort jeune encore je ne pouvois fouifrir qu'elles fufTent , en quelque forte , infirmées par un foupçon même très lé- ger* Ce foupçon excitant mon amour-propre , je me mis à élever en folitude plufieurs Généra- tions confécutives de Pucerons de différentes efpèces. J'élevai ainfi quatre Générations d'une efpèce, cinq d'une autre, fix d'une troifième (â). Il écoit donc rigoureufement démontré par ces nouvelles Expériences , que fi la fécon* (a) Tmti d'InjèSltl i. Part. Obf.III, IV, V. Corps OrcAnise's. 123 dation des Pucerons étoit due à l'accouplement fecret dont me paiioit Mr. Trembley, cet ac- couplement fervoit au moins à cinq Générations coniecutives. C'étoit déjà un grand prodige à digérer 3 que des Arrières petit-fils fulTent rendus féconds par leur Quinqu'ayeul ou feulem.ent par leur Trilàyeul , & je vois que mon Ledeur n'héfite pas à préférer d'admettre que les Puce- rons fe propagent ians aucune forte de Copula- tion. Je ne crûs pas néanmoins en avoir fait affez pour détruire un fimple foupçon : il eue été à defirer pour mes yeux, que je ne luieuiïe pas donné autant de poids ; je n'aurois pas au- jourd'hui à regretter de les avoir trop fatigués , & la tendre amitié de Mr. Trembley n'aurolt pas à partager avec moi ces juftes regrets.J'élevai donc encore jusqu'à la dixième Génération de Puce- rons folitaires, & j'eus la patience, je devrois dire la folie , de drefler des Tables des jours & heures des accouchements de chaque Géné- ration C^). Pendant que j'écris ceci , j'ai fous les yeux l'Obfervation VI. de la i^re. Partie de mon Traité^ & j'avoue que je ne puis y lire fansétonnement ce qui fuit Qb^. „ Si malgré des 5, Expériences pouffées auffiloin que celles dont 5, je rends compte aétuellement, on n'eftimoit „ pas que j'eulfe encore démontré la fauffeté 55 du foupçon indiqué dans l'Obfervation III. ; on ,5 feroit toujours forcé de convenir qu'admettre „ avec moi que les Pucerons perpétuent leur (tf) Ibid. Obf. VI. (i) Ibid. pag. io«, lo». 124 Considérations Sur Les j, efpèce abfolument fans accouplement , ou „ admettre qu'un accouplement fert au moins à 5, neuf Générations confécutives , ce feroit ad- „ mettre une chofe également éloignée des rè- „ gles ordinaires , fi même la dernière ne l'étoit 5, beaucoup plus. Qu'on ne croye pas cepen- „ dant, que je dife ceci pour me difpenfer de 5, reprendre ces Expériences , & de les étendre ,5 à un plus grand nombre de Générations : on 5, fe tromperoiti mon delTein eft au contraire „ de mettre à profit les connoilfances que j'ai „ acquifes fur cette matière, & d'y répandre 5, plus de jour; je ne défefpère pas même de 5, parvenir au moins à élever en folitude jus- „ qu'à la trentième Génération de ces petits In- ,5 fedes. " C'efl ainfi que je raifonnois il y a i8 ans, & qu'animé de cette forte d'enthou- fiafme , que fuppofe ordinairement toute entre- prife longue & pénible, je me préparois à en- Laller preuves fur preuves. Il me fembloit que je n'avois encore que préludé, & je comptois presque pour rien tout ce que j'avois fait. Je rirois aujourd'hui de cet enthoufiafme , fi les fui- tes en avoient été moins fâcheufes ; mais , je leur ai dû les Recherches fur les Feuilles des. Plantes 5 & /'^«^/)[/^ des Facultés de nôtre Ame. 304. Diftin&ion réelle de Sexe chez les Puce- rons & leurs accouplemeris. Ohfervatim fur un paj[age de Mr. de Buffon relatif à ce fujet. Apres avoir établi , fur tant d'Expérience:5 Corps O.rganis e's. 155 répétées plufieurs fois avec le plus grand foin , que les Pucerons multiplient fans aucun commer- ce avec leurs femblables , je n'avois pas lieu de m'attendre que je découvrirois chez ces Infec- tes , des Mâles & des Femelles , & que je les verrois s'accoupler. La nouveauté & la fingu- larité de ce Fait exigeoient néceffairement que j'entraile dans des détails que j'aurois fouhaité d'épargner à mes Lecteurs. J'ai donc été obli- gé de m'étendre fur les amours d'une efpèce de Pucerons (<^). J'ai décrit les Parties fexuelles; j'ai raconté les différentes manoeuvres du Mâle & de la Femelle. J'ai prouvé par nombre d'ob- fervations, que le Mâle eft peut-être un des plus ardents qu'il y ait dans la Nature. Enfin , j'ai démontré que la même efpèce où j'avois obfervé une diftinction réelle de Sexe & un vé- ritable accouplement , multiplioit pourtant fans accouplement (Z'). La manière dont Mr. de Buffon indique tous ces Faits , efl fi obfcure & fi équivoque , qu'elle laiiïeroit douter à ceux qui n'ont pas lu mon Livre , fi ces Faits ont été bien oblervés. ,, D'autres Animaux /' dit-il (c), „ comme „ les Pucerons , n'ont point de Sexe , font éga- 3, lement Père ou Mère , & engendrent d'eux- ,, mômes & fans Copulation , quoi qu'ils s'ac- „ couplent aiilii quand il leur plait , fans qu'on „ puille fuvoir trop pourquoi, ou, pour mieux («) IViL Obf. VIL (fc) IbiL Obf. XIII, XIV. \ç) Hiji, Natur, àc. Tom. 2. pag. 312, ^13, 126 Considérations Sur les ^5 dire, fans qu'on puifle (avoir fi cet accou- „ plement eft une conjon6lion de Sexes , puis 55 qu'ils en paroiflent tous également privés ou 5, également pourvus ; à moins qu'on ne veuille 5, fuppofer que la Nature a voulu renfermer 5, dans l'Individu de cette petite Bête , plus de ,5 facultés pour la Génération que dans aucune „ efpèce d'Animal , & qu'elle lui aura accordé „ non - feulement la puilfance de fe réproduire 3, tout feul, mais encore le moyen de pouvoir „ aufli fe multiplier par la communication d'un 55 autre Individu." Si cet habile Homme avoit bien voulu donner quelque attention à mon Ou- vrage , il fe feroit exprimé avec plus de clarté & d'exaclitude. 11 dit d'abord , que les Pucerons n'ont point de Sexes , & qu'ils engendrent fans Copulation, Il dit en fuite, qu'ils s'accouplent^ fans qu'on puife favoir fi cet accouplement eft une conjon&on de Sexes ^ puisqu'ils en paroijfent tous également privés , ou également pourvus. Enfin , il ajoute , qu'ils s'accouplent quand il leur plait ; ce qui donneroit à entendre qu'ils peuvent le faire en tout tems , & je ferai bien- tôt remarquer , qu'il n'y a qu'un tems dans l'an- née où l'on puiile obferver de ces accouplemens. Les fçavants Auteurs du Journal de Trévoux , en faifant l'extrait Qa') de mon Traité d'Infeclo- logie 5 m'ont fait un reproche auquel je ne m'é- tois pas attendu ; il s'agiflbit des amours des Pu- cerons : le détail , ont - ils dit , où il entre fur cela , eft d'un homme inftruiî. On pourrait même (a) Mars, 174^. pag. 413. Corps Organise* s. 127 fe plaindre qu'à cet égard ^ il n'a pas ajfez mé- nagé la fage délicatejje de bien des Ledteurs. Ces Meflieurs n'a voient pas foupçonné que malgré ce détail d'un homme inftruit , on mettroit un jour en queftion , fi les Pucerons ont un Sexe , ou n'en ont point ; & moi je n'avois pas foup- çonné le moins du monde qu'en décrivant en Naturalifte les amours de fi petits Infeéles , je choquerois la fage délicatejje de bien des Lec- teurs, Les Ecrivains d'Anatomie & de Phyfio- logie la choquent donc bien davantage. 305. Différences remarquables entre les In* dividus de la même efpèce chez les Puce- rons. J'ai fait mention dans ce Chapitre de quel- ques efpèces d'infeftes , dont le Maie efl ailé , tandis que la Femelle eft toute fa vie dépour- vue d'Ailes. Les Pucerons ont plus à nous of- frir en ce genre. Il y a aulTi parmi eux des Mâles ailés & des Femelles non- ailées ; mais il s'y trouve encore des Mîîles non -ailés & des Femelles ailées. Pour lever toute équivoque , je dois ajouter, que les Mdies & les Femelles non -ailés dont je parle , font effentiellement tels , & qu'ils ne font jamais appelles à prendre des Ailes. Jufqu'ici ces Mâles non -ailés n'ont été obfervés que chez nos Pucerons , & je n'en ai découvert que dans une feule efpèce de ces Infedes (^). C'eft encore une chofe remar- (a) Truiiti i'IiifsM, Obf. XV. 128 Considérations Sur les quable , que la fgrande difproportion de taille qui eil entre les Mâles & les Femelles : les pre- miers , & fur tout les m^! - aîlés , font fî petits, qu'ils fe promènent fur le Dos de la Femelle , comme je l'ai raconté des Maies des Gallinfec- tes. Souvent pendant ces promenades , qui durent un tems, la Femelle eft presqu'aufli im- mobile qu'une Gallinfecle. Autant elle mon- tre d'infenfibilité & de pefanteur , autant le Md- le montre d'ardeur & d'agilité. Il pafle des journées entières fans prendre de nourriture ; tout elt chez lui en aflion , & toujours occu- pé de fa Femelle , il ne fait que fe promener autour d'elle Kion-, (fl) Jfîjt. Natur. Tom. 2. pag. 168. (6) Voyez le Chap. X. du Tome I. (c) Voyez le Chap. IX. du Tome I. Corps Organise' s. 13^ trent afles qu'il ne fe fait point de produ&ion nouvelle ; mais , ce qui nous paroit produit , rétoit déjà & n'a fait que fe développer. Tout ce Livre eit plein de Faits qui concourent à établir cette vérité. La Chenille devient Papillon ^ parce que n^ay^ anî aucun Organe , aucun Vifcere capable dt contenir h fuperflu de la nourriture , ^ ne pou* vant par conféquent produire de petits Etres or- gamfés femhlables au grand , cette nourriture organique toujours a&ive , prend une autre for-^ me en fe joignant en total filon les comhinaifons qui rêfuhent de la figure de la Chenille , ^ elle forme un Papillon dont la figure répond en par- tie , & même pour la conjUtution ejjentielle , à celle de la Chenille. Notre Auteur admet donc exprelTément, que les Molécules organiques de la Chenille , en fe combinant fous certains ra- ports , forment le Papillon, Mais , félon les principes de cet Auteur , les Molécules organi- ques ne forment un Tout organifé, que lors qu'elles ont été moulées dans le Corps où ce Tout doit fe former & croitre. Je ne cherche point ici à combattre l'exiftence , plus que dou- teufe , des Moules intérieurs ; je fuppofe qu'ils exiitent. Le Corps de la Chenille elt donc le Moule où fe façonnent les différentes Parties propres au Papillon. Maintenant je demande , quelles font les Parties de la Chenille qui peu- vent mouler les quatre Aîles du Papillon , fes milliers de Yeux , fa Trompe , & fur - tout les Organes de la «Génération ? 11 eft bien recon- 140 Considérations Sur Les nu que la Chenille eft abfolument privée de la plupart de ces Organes , & que fes fix Yeux ne reflemblent point du tout h ceux du Papil- lon. Mr. DE BuFFON femble vouloir aller au devant de cette objection , lors qu'il ajoute , que la figure du Papillon répond en partie , 6? même pour la conflitution tjjlntielle , à celle de la Chenille ; c'efl: ramener de force les Faits à un Syflème chéri. Si Ton compare la ftruélu- re de la Chenille -h celle du Papillon , j'ofe af- furer qu'on y trouvera plus de diflemblances que de refîemblances. Mais , quand il n'y au- roit dans le Papillon qu'un feul Organe qui n'exiftât pas dans la Chenille, c'en feroit ailes pour détruire le Syftème mal lié de l'Auteur. On feroit toujours en droit de demander , où réfideroit le Moule de cet Organe?- Les Individus qui proviennent du Papillon^ ne doivent pas être des Papillons , mais des Che- nilles , parce qti'en effet c'eft la Chenille qui a pris- la nourriture , ér* que les Parties organi' ques de cette nourriture fe font affimilées à la forme de la Chenille ^ non pas à celle du Pa- pillon, Il n'y a qu'un moment que l'Auteur a- voit befoin d'admettre , que la forme de la Che- nille ne diifère presque pas de celle du Papil- lon ; à préfent , qu'il s'agit d'expliquer pour- quoi le Papillon ne fait pas des Papillons , il en donne pour raifon , que c'efl la Chenille qui a pris la nourriture , ^ que les Parties organi- ques de cette nourriture Je font affimilées à la ■forme de la Chenille & non pas à -celle du Fa* Corps Organise' s. 141 pUlon. Ici l'Auteur efl d'accord avec Tes prin- cipes ; c'eit la Chenille qui moule ; elle ne peut donc mouler que des Chenilles : cependant il venoit de lui faire mouler un Papillon. Je di- rai quelque chofe de plus : il elt des efpèces de Papillons qui prennent de la nourriture ; el- les pompent le fuc des Fleurs ; cette nourritu- re abonde , fuivant Mr. de Buffon , en Mo- lécules organiques : le Corps du Papillon fe Taflimile , & le fuperflu efl: renvoyé aux Orga- nes de la Génération , réfervoir commun de toutes ces Molécules. Comment donc arrive- t - il , qu'elles y repréfentent en petit des Che- nilles & non pas des Papillons ? Le Papillon fie[i qihme prodiiBion acciden- telle de cette même nourriture fur - abondante , qui précède la production réelle des Animaux de cette efpece^ & qui neft qu^un moyen que la Na- ture employé pour y arriver, La chofe du monde la plus confiante , la plus invariab/le, eft- elle une chofe accidentelle ? Toujours T^^tat de Papillon fuccédera à celui de Chenille. Le pre- mier eft le terme .... mais , je m'aperçois que l'Auteur diftingue ici deux fortes de pro- ductions ; une production accidentelle qui efl celle du Papillon 'daiiè la Chenille , & une pro- du6lion réelle , qui efl: celle qui s'opère par les Oeufs que pond le Papillon. Je laifl^e au Lec- teur à juger fi cette difl:inâ:ion efl bien philo- fophique. Je prie qu'on relife ce que j'ai dit fur les Méîamorphofes dans le Chapitre X. du Tome I. , & l'on préférera d'admettre , que la t^2 Considérations Sur Les Chenille & le Papillon ne font au fond que îé même Animal , appelle à revêrir difF:rentes for- mes. La Chenille ell , en quelque forte , au Papillon, ce que l'Oeuf eit au Poulet. Le Pa- pillon pond des Oeufs , & chaque Oeuf renfer- me une petite Chenille , qui renferme elle - mê- me tous les Organes propres au Papillon , & dont elle procurera un jour le développem:^nt. Voi- là ce qu'un examen attentifs impartial des Faits, nous découvre, & ce qu'il auroit dkouvert à Mr. DE BuFFON, s'il avoit plus confulté la Na- ture que fon Imagination. Elle e(t belle & ri- che , mais la Nature vaut mieux encore. 310. Réfutation de r opinion du même Auteur fur la Génération des Vers dans Us En*' fans y & fut les Générations équivoques^ Au refte , je n'ai rien dit de l'obfcurité & de l'embarras qui régnent dans tout ce paifage : je me fuis borné à l'examiner & à tâcher de l'en- tendre. Ce palfage n'elt pas le feul où l'Auteur ait choqué la bonne Phyfique ; en voici un au- tre fur la Génération des Vers dans les Enfuits , que je n'ai pu lire fans farprife. ,, Le Lait, 5, dit -il C^), eil: une efpèce de Chyle, une j, nourriture dépurée qm contient par confé- j, quent plus de nourriture réelle , plus de cet- j, te matière organique & produclive , dont 3, nous avons parlé , & qui lors qu'elle n'eft j, pas digérée par l'Eflomach de l'Enfant pouF (a) Hijit iJaU Toa. z> pag. 46P, & 47^rjj & les Polypes à Pennache , qu'on ne peut guè- res douter que les exerefcences dont je viens de parler, ne foient des efpèces d'Oeufs^ & que les premiers comme les derniers ne foient à la fois vivipares & ovipares. 11 eft des tems & des circonftances où l'elpèce peut fe conferver par le moyen des Rejetions , & il en effc d'autres où elle ne fauroit apparemment fe perpétuer que par le moyen des Oeufs, Les Pucerons nous en ont déjà donné un exemple : les Petits qui naîtroient en automne nepourroientfubfifterfur , les Arbres pendant l'hiver ; ils font alors cachés dans des Oeufs, & n'éclofent qu'au retour du printemps. Nous avons vu , il n'y a qu'un mo- ment , que Mr. Trembley a confervé 4 à 5 mois au fcc , les Oeufs d'une efpèce de Polypes à Pennache^ qu'il les a enfuite femés fur l'eau com- me des Graines de Plantes aquatiques , & que ces Graines animales ont donné des Polypes de la même efpèce. Ainfi une mare qui auroic été très peuplée de ces Polypes & qui demeu* (a) Mèm.Jur les Ptlyp. ^c. Tom. 2. page 97 & 98, Corps Organise' s. 159 reroit à fec pendant quelques mois , pourroit en- core s'en trouver très peuplée au retour des pluyes : les Oeufs qui fe feroient confervés dans la vafe donneroienc naiiî^mce à de nouvelles Gé- nérations de Polypes. C'eft ce que Texpérience a confirmé à Mr. Trembley, foit à l'égard des Polypes à Penmche , foit à l'égard des Polypes à Bras en forme de Cornes: il a vu des Polypes de cette féconde efpèce , reparoître dans des lieux qui avoient été quelque tems à fec. On pourroit conjecturer avec vraifemblance , que les Oeufs des PoifTons fe confervent de la même manière au fond des étangs deiTéchés , qu'ils re- peuplent quand ces étangs fe reraplifîent de nou- veau. C'eft au moins ce qu'on a obfervé avec furprife dans un étang mis à fec & repeuplé en- . fuite des mêmes PoifTons dont on ne pouvoic découvrir l'origine. L'on imaginoit que des Ci- gognes ayant porté dans leur Bec de ces Poif- fons , les avoient lailfé tomber par hazard dans rétang rempli de nouveau , & que c'étoit à ces PoifTons qu'étoit due la nouvelle peuplade. El- le rétoit peut - être aux Oeufs demeurés dans la vafe & qui avoient pu s'y conlerver fains. Ce feroit une expérience curieufe à tenter , que cel- le de garder ^/^y^r les Oeufs de diverfes efpèces de PoifTons , & de les répandre enfuite dans des lieux convenables & apropriés. On s'alTureroit , par ce 'moyen très fimple s'ils peuvent fervir ain- fi à perpétuer l'efpèce. La Nature n'a pas été alTuiettie à une précifion extrême ; il eft dans fa manière d'opérer , une certaine latitude que le i6o C;ONsiDERATroNs Sur Les Phyficien doit étudier , & que rExpérience lui découvre. On n'a pas oublié ce que j'ai rappor- té dans le Chapitre X. du Tome I. fur la maniè- re d'abréger & de prolonger a volonté la durée de la vie de divers Animaux. En confervantau fec, pendant 4^5 mois, des Oeufs de Poly- pes, on prolonge réellement d'autant la durée de la vie des Germes logés dans ces Oeufs. Com- bien de Générations de Polypes fc feroient fuc- cédées durant cet intervalle de tems , 11 les Oeufs avoienc été laiiTés dans leur élément naturel ? 319. EJpèces qui ne font proprement ni vivi' pares ni ovipares. Les Polypes qui multiplient par divifions ^ fiihdivifions naturelles. Manière dont on peut concevoir la Génération des Polypes à Bulbes. Réflexions fur la flru^ure des Polypes & fur l'Animalité. Lrs Petits des Ovipares fortent du V^entre de leur Mère renfermés fous une Enveloppe molle ou crultacée. Nous nommons cette Envelop- pe, un Oeuf^ & nous difons que les Petits éclo- fent quand ils fortent de l'Oeuf. Les décou- vertes de Mr. Trkmbley , fur différentes efpè- ces de Polypes d'eau douce, nous ont appris qu'il e(t des Animaux qui femblent n'appartenir proprement ni à la claffe des Vivipares ni à celle des Ovipares , & qui demandent à être rangés dans une claiTe particulière , pour laquelle nous n'a- Corps Organise* s. i5i n'avons point encore de nom. J'ai donné dans le Chapitre XI. du Tome 1. un précis de l'I^iftoi- re des Polypes à Bouquet : j'y ai raportc d'après Mr. Trembley , la manière fingulière dont ils multiplient. J'ai dit qu'il en a obfervé deux efpè- ees , dont j'ai indiqué les caradères : les Poly- pes de l'une & de l'autre ont la forme d'une Clo- che renverfée. On a vu que lorsque les Poly- pes de la première efpèce font fur le point de multiplier , ils perdent leur forme de Cloche , & prennent celle d'un Corps arrondi , qui fe parta- ge fuivant fa longueur en deux Corps arrondis plus petits, qui ne tardent pas à prendre la for- me de Cloche. Ce font deux Polypes parfaits attachés à la même Tige par un Pédicule propre. Ils s'arrondilfent enfuite bientôt , & fe partagent comme le premier en deux , fuivant leur longueur. Le Bouquet efl: alors compofé de quatre Clo- ches. Il continue à s'accroître par de femblables divifions & fubdivifions. Toutes les Cloches tiennent , comme autant de Fleurs , à une Tige commune , & compofent ainfi un Bouquet qu'on ne fe lalfe point d'admirer au Microfcope , & qu'on prendroit à la vue fimple pour une tache de moifijfure. Les Polypes à Bouquet de la féconde ef- pèce, ne doivent pas leur première origine à la divifion d'une Cloche ; mais , nous avons vu qu'il naît çà & là fur les Branches du Bou- quet de petits Boutons , de petites Bulbes, femblables, en quelque forte, aux Galles des ToM. II. L î6a Considérations Sur les Plantes , & qui grofTiflent peu à peu. Parvenus enfin à leur dernier terme d'accroilTeinent , ces Corps ronds , ces efpeces de Bulbes fe déta- chent du Bouquet , & vont en nageant fe fixer fur quelque appui. lis s'y attachent par un court Pédicule qui s'allonge en peu de tems. Chaque Bulbe perd fa forme fphérique & de- vient ellyptique. Cette efpèce de Bulbe eft mcomparablement plus grolTe qu'un Polype en Cloche. Elle fe partage par le milieu longitu- dinalement , & les divifions & fubdivifions con- tinuent de la même manière dans tous les Bou- tons , jufques à ce qu'ils foient tous parvenus à n'avoir que la grofiTeur propre aux Cloches. Alors ils s'épanouïfiTent & fe montrent fous la forme de Cloches. Toutes ces Cloches font de véritables Polypes, & toutes font attachées aune Tige commune par un Pédicule particulier. Le Bouquet 5 qui réiiilte de leur afiémblage , acquiert enfuite de nouvelles Branches & de nouveaux Rameaux par la divifion même des Cloches. Cette courte récapitulation de l'Hiftoire des Polypes àBouqtiet^ fait allés connoitre , que leur façon de multiplier n'a rien de commun avec celle des Vivipares , ni avec celle des Ovi- pares. \\ faudroit inventer des termes pour exprimer la Génération de ces Polypes , & nommer , fi l'on veut , ceux de la première ef- pèce GemmiMres , & ceux de la féconde Bul- hipares. Mais les mots n'augmentent pas nos connciflances fur les chofes qu'ils repréfentent. Quand on aura trouvé des termes propres à Corps Organise' s. 163 fixer nos idées fur cette nouvelle clafle de Corps organifés , nous n'en pénétrerons pas mieux le fecret de leur multiplication. Ils font fi petits , que le Microfcope ne peut nous découvrir que leur forme extérieure , & tout ce qui fe pafTe dans leur intérieur avant , pendant & après la divifion, nous demeure caché. Combien de Faits intéreiïants s'offriroient ici à nôtre examen , fi la méchanique de ces petits Corps étoit ex- pofée à nos yeux ! Leur organifation eft fans doute très fimple ; nous en pouvons juger par celle du Polype à Bras. J'ai comparé la Che- nille à un Oeuf (^); elle en fait au moins les fondtions à l'égard du Papillon ; mais cet Oeuf mange , croît , rampe , &;c. La Bulbe , qui efl le principe d'un Polype à Bouquet de la fé- conde efpècQ , feroit-elle une forte à'Ovaire animé , qui renfermeroit actuellement tous les Polypes , toutes les petites Cloches qui naîtront de fa divifion ou de fa décompofition graduelle & fucceffive ? Imaginer cela & cent chofes pa- reilles, c'eft vouloir deviner la Nature , & ja- mais l'on ne court plus de rifque de fe tromper en tentant de la deviner , que lors qu'on ne peut pas même s'aider de Xanalogie, L'extrê- me fimplicité de la ftruéture des Polypes qui nous font les plus connus , indique fuflifam- ment que tous les Animaux de cette clalTe ne font prefque formés que de Parties fimilaires, («) Voyez le Chap. X. du Tome I, L 2 1^4 COÎÏSIDERATIONS SUR LeS C'efl ainfi que dans le Polype à Bras , chaque fragment , & pour dire plus , chaque molécule peut repréfenter un Polype en petit. Or , les réfultats naturels d'une femblable ftruélure doi- vent différer beaucoup de ceux d'une ilrufture fort compofée & où il entre un grand nombre de Parties diffimilaîres. Les Polypes femblent occuper les plus bas échellons de l'Echelle de V Animalité: places à une fi prodigieule dillan- ce de l'Homme & des grands Animaux, il fe- roit peu philofophique de fe croire toujours en droit de tirer des induélions des uns aux autres. Mais , nous avons puifé chez les grands Ani- maux des idées d'Oeufs, d'Ovaire, de Matri- ce, de Ponte, d'Accouchement, &c. & nous tranfportons ces idées , fans y réfléchir , à tout ce qui a le caradère d'Animal. Nous ne fouî- mes pourtant pas encore parvenus à fixer nos i- dées fur X Animalité , & les Polypes nous ont appris, que des caractères o^^xi avoir jugés pro- pres au Végétal , conviennent aulTi à l'Animal. Les Polypes nous apreni:ent donc à ufer fo- brement de VinduBioîi. Je fais que nos con- noiffances s'étendent par la voye des compa- raifons ; mais je n'ignore pas non plus , que VArt de comparer a fes règles fur lefquelles les Logi- ques ordinaires n'infiltent pas afles. Ne com- parons donc les Polypes qu'à eux-mêmes ou aux Etres dont ils paroifTent fe raprocher le plus. C'efl ce que j'ai effayé de faire dans les deux premiers Chapitres de ce Volume , lor^ que j'ai tenté de rendre raifon des Boutures & Corps Organise 's. 165 des Greffes animales. Cependant comme il n'efl pas toujours facile d'inventer des termes qui re- préfentent parfaitement des objets dont on n'a- voit point encore les idées , il arrive quelque- fois qu'on fe fert , pour cet effet , de termes déjà confaerés à fignifîer des objets très connus , & cet ufage ne fauroit être vicieux dès qu'on a foin de montrer la différence des objets repré- fentés par les mêmes termes. Ainfi , lors que je me fuis fervi de ces expreffions , que le Po- lype eft tout Ovaire , je n'ai point prétendu don- ner à entendre, que le Polype entier fût un Ovaire femblable à ceux que nous connoiffons, ni qu'il renferm-it des Oeufs femblables à ceux des autres Infeéles \ mais , j'ai voulu fimple- ment faire entendre en peu de mots , qu'au lieu que chez la plupart des Animaux , les Embrions font raifemblés dans un lieu particulier , ils font répandus chez le Polype dans toute l'étendue de fon Corps. 3 20. Mouvemens remarquables que fe donnent la Tige & les Branches des Pflypes à Bou- quet. Principe de ces mouvemens ^ & C6 que font les Branches, Je ne l'ai pas dit encore , & je dois le dire à préfent , pour faire mieux fentir la difficulté d'expliquer la Génération des Polypes à Bow quet , & pour juftifîer le filence que j'ai gardé fur ce fujet à la fin du Chapitre IL de ce Vo- lume : la Tige & les Branches ne compofenÈ L 3 t66 Considérations Sur Li$ avec les Cloches qu'un feul Tout organique , & le même principe de vie paroit animer les unes & les autres. La Tige^ & les Branches font fufceptibles de mouvemens très remarquables , & qiti fe diverfifient beaucoup. Dans une ef- pèce de ces Polypes à Bouquet , qu'on pour- roit nommer Polypes en Houppe , à caufe de la forme du Bouquet, la Tige & les Branches fe retirent fur elles - mêmes avec une promptitu- pe extrême , pour peu qu'on agite l'eau. Elles exécutent ce mouvement en fe difpofant en fpirales, dont les tours fe touchent tous ou à peu près. Chaque Branche peut fe retirer indépen- damment d'une autre Branche. Mais lors que la Tige fe retire , toutes les Branches fe retirent aulTi. Dès que le calme eft rendu aux Poly- pes 5 la Tige & les Branches s'étendent ou fe déployent de nouveau. Lors que le Bouquet eft déjà fort avancé , la Tige ne fe retire plus ; on diroit qu'elle s'eft endurcie. Les Cloches , comme je l'ai dit , fe détachent enfin du Bou- quet : quand il en eft fort dégarni , les Bran- ches ne fe retirent plus avec la même prompti- tude ; & lors que le Bouquet efl encore plus dégarni de Cloches, il n'y a plus que les Bran- ches qui en font pourvues , qui fe retirent en- core. Enfin , lors que le Bouquet a perdu tou- tes fes Cloches , les Branches ne jouent plus. On peut inférer de ces Faits , que le principe de ces mouvemens eft dans les Cloches. Ce font elles aufll qui fourniffent à l'accroifiTement de la Tige & des Branches. Jl ne faut pour- Corps Orcanîs e's. î6^ tant pas comparer ces Branches à celles des i\rbres ; elles font plutôt des efpèces de Raci- neâ que pouffent les Cloches, & qui fe dévelop- pent peu à peu. Quand un de ces très petits Polypes fe détache d'un Bouquet , il va en na- geant fe fixer contre quelque appui. Il fort de fa Partie inférieure un court Pédicule qui l'at- tache à cet appui. Ce Pédicule s'allonge de plus en plus, Se bientôt il devient la Tige d*un nouveau Bouquet. Le Polype placé à l'extrémité de la Tige fe partage en deux inégalement. Le plus gros Polype demeure attaché au bout de cette Tige ; l'autre fe trouve placé un peu plus bas. Il poulie auffi un Pédicule par lequel il tient à la Tige. Ce Pédicule s'allonge & c'eft une Branche. Le Polype placé au bout de cette Branche , fe partage bientôt comme le premier, & poulfe , comme lui , un Pédicule , & voilà une nouvelle Branche qui s'implante fur la pre- mière , &c. AinCi ce ne font pas les Bran- ches qui produifent les Cloches , comme une Branche végétale produit un Bouton ou une Fleur ; mais ce font les Cloches qui produifent les Branches , & celles - ci celTent de croître dès que celles - là s'en féparent naturellement ou par accident. Les Polypes à Bulbes font , comme Ton a vu, au nombre des Polypes à Bouquet. D'une x Tige commune partent huit à neuf Branches principales , qui font avec la Tige un angle un peu plus grand qu'un droit. De toutes ces L 4 i68 Considérations Sur Les Branches fortent des Branches latérales plus pe- tites ; & à l'extrémité des unes & des autres efl une Cloche ou un Polype. Quand on touche légèrement le Bouquet, & fouv^ent fans qu'on le touche , les Branches fe replient fubitement de dehors en dedans , & en le raprochant elles fe difpofent de façon à former une petite maffe ronde. La Tige fe retire en même tems , & fe plie de la même manière que l'on plie une me- fure qui a des charnières , en deux ou trois en- droits. 321. Nouvelle découverte de Mr. Trembley fur les Polypes en Nafîes. Corps oviformes auxquels ils doivent leur ori" gine. Singularité de leur manière de naître, Remar- ques fur ce fujet. Il femble que les Polypes foient faits pour déranger toutes nos idées d'œconomie animale. Je l'ai dit , & je ne crains point de le répéter ici , ils ont été conltruits fur des modèles qui diffè- rent fi prodigieufement de tous ceux qui nous étoient connus , que nous fommes mêmes em- baraifés à nommer ce qu'ils nous montrent. Nous entendons par un Oeuf un corps rond ou oblon^, dont l'Enveloppe , foit molle , foit cruftacée renferme avec différentes fubflances, un Embrion appelle à y prendre fes premiers accroillemens. ; Il efl: une efpèce très fmgulière de Polypes qui paroilfent d'abord fous la forme d'un très petit Corps oblong & blanchâtre, qu'on jugeroit être Corps Organise'*. i5^ un Oeiif^ & qui pourtant n'en efb point un. li efl: l'Animal lui-même déguifé Ibus cette appa- rence trompeufe. C'ell: encore une découverte de Mr. Trembley, qu'il n'avoit point rendue publique , & dont il m'a fait part. Je la produis ici dans les propres termes de l'Auteur. Voici m'écriv^oit - il , de quelle manière multi- plie rEfpèce de petit Infe&e aquatique que fat appellée Polypes en Naffes , â? que je nai décrite encore nulle part. On les trouve rajjemhlés en grou- pes , & fixés fur tous les Corps qui fe rencontrent dans les eaux. Comme T Animal efttranfparent y on voit qu'' il fe forme au dedans de lui ^tm corps oblong é' blanchâtre. Ce corps , lors qu'il efl formé , de/cendenfuite peu à peu , fort du Polype par un endroit marqué ^ & rejïe fixé perpendicu- lairement fur le Polype. Chaque jour ils'enpro' duit un nouveau , ^ le groupe qui fe forme fur le corps du Polype , augmente. Ces petits corps oblongs font des efpèces d'Oeufs, ils n'ont point de Peau ou de Coque. Sept ou huit jours après quils font fortis du corps du Polype , ils fe dévelop- pent. Ce développement efl l'affaire de peu de minutes \i après lequel ils font tels que leur Mère. Je connois d'autres efpèces de petits Polypes d'eau douce , qui pour le fond multiplient de la même manière, Je puis ajouter qu'ils font tous Mère. Les petits Boutons qui s'élèvent çà & là fur I- 5 170 Considérations Sur Les le Corps des Polypes h Bras ( ^ ) , & qui folit autant de Polypes naiilans , paroiirent d'une na- ture fort analogue à celle de ces petits Corps ovi- formes qui deviennent des Polypes en Nû/Jes. Les uns & les autres font de petits Toi/ (s orga- nifés, qui prennent leurs premiers accroilTemens à découvert , au lieu que les Petits des Ovipares prennent les leurs dans une efpèce de boëte ou de fac. Repréfentez- vous un Oifeau qui naî- troit fans enveloppe, replié fur lui-même en forme de boule, & qui fe déployeroit enfuitepeu à peu 5 & vous aurez une image , à la vérité très 'imparfute , de la manière dont naiflent les Polypes en NaJJes. L'on peut conjeéturer avec vraifemblance , que tandis que le Polype eil dans fon premier état de Corps ovifhrme , toutes fes Parties foit extérieures , foit intérieures , ont des formes , des proportions , des fituations qui dif- fèrent beaucoup de celles qu'elles auront dans l'Animal développé. L'on n'a. pas oublié les changemens que le Poulet fubit dans l'Oeuf (Z^) : nous n'admirerions fins doute pas moins ceux que le Polype en Nûjjes fubit hors du Corps de la Mère , fi nos Microfcopes pouvoient atteindre à cet ordre d'infinimens petits. 11 fe fait aulTi une forte de Génération à découv^ert dans les Parties que réproduifcnt les divers Infedes qu'on multiplie en les coupant par morceaux. C'eft fur tout chez les Vers de terre qu'on peut fuivre à l'oeil les progrès d'un développement fi remar- (û) Article 185. (i>) Article 146. Corps Organise' s. 171 quable & qu'on ne fe lafle point de revoir. Je m'en luis beaucoup occupé dans le Chapitre I. de ce Volume : nous ne préfumerons pas que ces différentes Parties qui naiflent fous nos yeux, fuirent renfermées originairement dans de véri- tables Oeufs, Nous foupçonnerons plus volon- tiers, qu'elles ont pour principe de petits Corps analogues à ceux qui font le principe des Poly- pes en Naljes. 322. Efpèce dont les Petits ndijfenî aujjî grands que leur Mère. La Mouche - Araignée. Principes fur les Métamorphofes des Infediès ' en général. De la Métamorphofe en boule -allongée en particulier, JSouvelle preuve de la fauffeîê de l'Epigénéfe. S'il eft une loi de la Nature , qui paroifle ne devoir fouifrir aucune exception , c'efl afluré- ment celle qui veut que tout Animal ait à croî- tre après fa naiffance. Une Mouche qui fe tient fur les Chevaux , que Ton trouve auili dans les Nids des Hirondelles , & que la forme a- platie de fon Corps a fait nommer par Mr. de Reaumur Mouche- Araignée^ nous offre en ce genre un prodige que fllluflre Obfervateur nous décrit , à fon ordinaire , d'une manière bien propre à intéreffer nôtre curiofité. „ Si quelqu'un, dit -il (^), au retour d'un 5, voyage en des Pais très -éloignés & peu fré^ («) Tom, 6. des Mémoires fur Us Infe&es, Préface page 4I4 172 Considérations Sur Les ,, quentés, ofoit nous raconter qu'il a vu un grand „ Oifeau , une Poule , par exemple , d'une cer- ,5 taine efpèce , qui pond un Oeuf d'une grof. 55 feur déméfurée , duquel fort un Poulet , qui ,, dès l'inflant qu'il eft hors de la Coque, n'a 5, plus à croître , parce qu'il égale fa Mère en 5, grandeur , ou même le Coq par qui elle a été „ fécondée; fi quelqu'un , dis -je, ofoit nous „ rapporter un pareil Fait, croirions - nous qu'il „ méritât d'être écouté ? Quand il fattribuëroit „ à rOifeau de la plus petite efpèce , à un Co- „ libri, ou à un Oifeau - Mouche , fon récit ne „ nous en fembleroit pas moins fabuleux. L'i- „ magination ne fauroit fe prêter à concevoir un „ Animal qui dès le moment de fa naiflance , a „ toute la grandeur de fon Père ou de fa Mè- „ re : qu'on veuille nous le faire croire d'un „ Eléphant, d'un Colibri, ou d'une Mouche, j, la difficulté fera par -tout la même. Il efl: 5, pourtant très vrai , & je n'oferois l'alfurer , fi „ pour le revoir il falloit aller aux Indes , qu'il jj y a une Mouche, c'eft nôtre Mouche- Araig- j, née , qui pond un Oeuf fi gros , qu'on a peine 3, à concevoir qu'il ait pu être contenu dans fon j, Corps. Sa Coque eft noire , luifante , dure „ & hicapable d'extenfion; auffi TOeuf conferve- j, t-il la forme & le volume qu'il avoit lorfqu'il 3, a été pondu. Il vient cependant un tems où 35 il en fort une Mouche qui , dans l'inftant de „ fa naiflance , eft dans le cas du Poulet qui ,, naîtroit Poule parfaite , ou Coq parfait. " Mon Lecteur a déjà pris l'idée d'un Oeuf j. Corps O r g a n i s e' s. 173 d'un véritable Oeuf, d'un Oeuf femblable en petit à celui d'une Poule , & d'où fort un Vola- til qui a , en naiflant , toute la grandeur de fa Mère. • Cette idée d'Oeuf n'eft pourtant pas ex- aéte , & Mr. de Reaumur l'a expofée ailleurs ( ^ ) avec plus de précifion : en la rendant d'a- près fes obfervations & d'après les miennes pro- pres , je ne ferai presque que changer le mot , & la merveille fubfiilera toute entière. Mais , a- vant que de donner à mon Leéleur le véritable mot de cette énigme , je l'entretiendrai d'une Métamorphofe très fmgulière, que fubiifent des Vers qui deviennent des Mouches de la claffe de ceile dont il s agit. On connoit en général les Métamorphofes du Ver 'à-Soye: elles reviennent précifément à cel- les que toutes les Chenilles & quantité d'autres Infeéles ont à fubir pour arriver à l'état de per- feélion , à cet état dans lequel feul ils peuvent propager leur efpèce (/'). L'on fçait que i'In- fede fe dépouille de la Peau de Ver , lors qu'il revêt la forme de Chryfalide ou celle de Nym- phe. Il fe dépouille pareillement de l'enveloppe de Chryndide ou de celle de Nymphe , lors qu'il paroit fous fa véritable forme de Papillon , de Mouche ou de S carabe. J'ajouterai qu'il y a cet- te différence effentielle entre l'état de Chryfalidc & celui de Nymphe , que dans le premier , tou- tes les Parties extérieures de l'Infede font revê- tues d'une enveloppe membraneufe &très fine^ (4) Ibid. Mém. 14. page 586, & fuivantes. (*) Voyez Article 309. 174 Considérations Sur Les propre à chacune , & que de plus elles font re- couvertes d'une enveloppe générale & crultacée qui les affujettit toutes au Corps. Cette enve- loppe cruftacée manque aux Nymphes propre- ment dites ;auiîi toutes les Parties extérieures de TAnimal y font-elles beaucoup plus vifibles que dans les Cbryfalides, Toutes les Chenilles que nous connoiffbns , palTent par l'état moyen de Chryfalîde avant que de parvenir à celui de Pa- pillon. Beaucoup d'efpèces de Fers palfent par l'état 77ioyen de Nymphe , avant que de parvenir à celui de Mouche, Je traiterai ce fujet plus en détail , lorsque j'aprofondirai dans la fuite de cet Ouvrage la manière dont s'opère raccroifTement des différens Animaux. Je donnerai en même teras une méthode de diftribuer les Infectes en claffes 5 que leurs Métamorphofes m'ont fournie. Les Vers C^) , que je veux faire connoitre à préfent , vivent dans les Chairs corrompues , & dans les matières les plus abjedles. Ils n'ont point de Jambes ; ils refpirent par des efpèces de Bouches placées à leur derrière. Ils font blan- châtres , mois , presque tranfparens : leur Tête , armée de deux Crochets, ne reflemble point k celle des autres Animaux : elle change de forme à chaque inllant: elle fe dilate, fe contracte, s'allonge , fe raccourcit de mille manières : fln- fecle peut la faire rentrer dans fon Ventre , & l'en faire fortir à fon gré. (a) Mémoires pour fervir à l'HiJîoire des Infères , Tome 4, Mém. 7. Pag. 289. & fuivantes. Corps O r g a n i s e' s. 175 Lorsque ces Vers font prêts à fe métan^or- phofer, ils prennent la forme d'un Oeuf. Sous cette forme , ils font abfolument incapables de mouvement : leur Peau devient caflante & fria- ble, & leur couleur fe change en un brun mar- ron. En un mot , ils ne retiennent plus de leur première forme que quelques vertiges d'anneaux. En fe métamorphofant , l'Infecle ne fe dé- pouille point , comme tant d'autres , de la Peau de Ver; mais toutes fes Parties extérieures s'en retirent peu à peu , & s'en détachent enfin en- tièrement. Elles fe trouvent alors renfermées dans une Coque bien clofe , & cette Coque ei\ formée de la Peau même du Ver. Ainfi la Na- ture qui a refufé à nôtre Infeéle ce fil brillant , qu'elle a accordé au V^er-à-Soye & à un grand nombre d'autres Chenilles, l'en a dédommagé en lui enfeignantafe faire une Coque de fa pro- pre Peau, dont fufage répond exadement à ce- lui de la Coque du Ver- à-Soye. Elle a mê- me tout difpofé de loin pour que cette Coque fingulière , eût le degré de confiftence néceilai- re aux befoins du petit Animal. On fçait que les Chenilles changent planeurs fois de Peau dans le cours de leur vie : Ton connoit les mi/è's ou les maladies du Ver - à - Soye. Mais , on ne fçait pas aufïi bien tout ce que ces mues ont de remarquable : l'on n'imagine pas qu'à chaque mue , rinfefte fe dépouille de fon Crâne , de fes Yeux , de fes Dents , de fes ïambes ; en un mot de toutes fes Parties extérieures. On les retrouve très complettes dans la dé- 176 Considérations Sur Les pouille, & fi complettes, que celle-ci ne diffère point extérieurement de l'Animal lui-même. Paré de fa nouvelle Peau , il offre pourtant les mêmes Parties , & Ton reconnoit qu'elles étoient logées avec un grand art , dans celles de la dé- pouille, comme dans autant de fourreaux. Nos Vers qui ont ^ fe faire une Coque de leur pro- pre Peau , n'ont point de mues à fubir : ils prennent donc tout leuraccroiffement fans chan- ger de Peau. Celle jqui les recouvroit en nail^ font , a donc tout le tems de fe fortifier , de s'é- paiffir & d'acquérir le degré de confiffence qui la mettra en état de fervir iin jour de Coque à rinfede. J'ai eu bien des occafions dans le cours de cet Ouvrage , d'infifter fur la fagefle avec la- quelle l'on doit ufer de V Analogie : fi nous jugions de nôtre Infeéte par cette voye , nous penferions , qu'immédiatement, après que tous fes Membres fe font détachés de la Peau de Ver, il revêt la forme de Nymphe, C'eft au moins ce qui arrive à tant d'autres Infeéles qui paflent par cet état moyen : dès qu'ils ont aban- donné leur première enveloppe , ils paroifTent de véritables Nymphes , & nous lai lient voir diflinétement fous cette nouvelle forme , toutes les Parties propres à la Mouche, Mr. de Reau- MUR nous a apris , que ce n'eft point ainfi que la Nature procède à l'égard de l'Infeéle dont nous parlons : elle fait varier au befoin fes pro- cédés, & parvenir au même but par des rou- tes Corps Organise' s. 17^ tes très diirérentes. Ne cherchons donc point à la devmer ; mais interrogeons - la comme elle veut l'être. L'Hifloire naturelle efl la meilleu- re Logique , parce qu elle efl celle qui nous inllruic par des exemples plus frappans. Ouvrons avec précaution refpèce de Coque dans laquelle Tlnfede s'efl; renfermé. Au lieu d'une véritable Nymphe que nous nous atten- dions à y trouver , nous n'y trouverons qu'une petite maffe de Chair oblongue , blanchâtre , & îlir laquelle nous n'apercevrons pas , même à la Loupe , le moindre vertige de Membres ou d'Organes. Loin donc de fe métamorphofer en Nymphe , l'hifeéle s'elt métamorphofé en Boule- allongez , & c'efl le nom que Mr. de Reaumur a donné à cette efpèce fingulière de transformation. Mais, au moins l'Infeéle fe produira - 1 - il en Nymphe au moment qu'il fe dépouillera de ce fac, qui lui donne la forme d'une Boule -al- longée f La plupart des Infeétes qui partent par un état moyen , le ré vêtent tout entier au mo- ment qu'ils fe dépouillent de leur première en- veloppe. Ici il faut encore abandonner l'analogie, & nous en avions déjà été avertis par ce qui avoic précédé. Ce n'eft que par dé grés aflez mar- qués , que l'Infecte parte de fétat de Boule - al" longée à celui de Nymphe proprement dite. Si l'on ouvre de jour en jour plufieurs de ces Co- ToM. II. M X7S GoNsiDiRATioKs Sur Les ques, voici ce qu'on y découvrira. Au bout de deux ou trois jours , on verra des Jambes très -courtes qui ibrtiront de la Par- tie antérieure de la Boule. Le jomTuivant, les Ailes commenceront à fe montrer , & les Jam- bes en s'étendant davantage, fe raprocheront de la Partie poftérieure de la Boule. Un autre jour, on apercevra le bout de la Trompe de la Mou- che ; la Trompe entière paroitra enfuite , & la Tête la fuivra de près. Enfin , on ouvrira des Coques où l'on trouvera une Nymphe dont toutes les Parties auront la grandeur & la fitua- tion propres à cet état moyen. Un Partifan de XEpigénêfe croiroit voir ici une Nymphe qui fe façonne peu à peu , qui croît par appofition , comme Ton a imaginé que croilTent le Fœtus de la Biche , le Poulet , & depuis peu le Fœtus humain . Mais , il demeu- re toujours fi vrai que ïEpigéîTéfe n'eft point du tout une loi de la Nature , que dans ce cas même qui lui paroit fi favorable , nous avons des preuves direéles de VEvolunon , & des preuves auxquelles on ne s'attendroit pas. Tan- dis que l'Jnfecle efl fous la forme de Boule-aU longée & qu'il ne montre pas le moindre vefti- ge des Parties d'une Nymphe , l'on peut obli- ger ces Parties à fe produire au grand jour; on peut faire naître à volonté une Nymphe qui ne paroilToit pas exifter encore. Il ne faut pour cet effet , que prefTer avec précaution le bout poftérieur de la Boule , au même inftant , on yerra fortir d'un enfoncement qui eft à fon bout Corps Organise' s. 17g antérieur , toutes les Parties d'une Nymphe , qui fe prolongeront de plus en plus à mefure qu'on augmentera la preifion. Elles préexiftoient donc à leur apparition naturelle ou forcée ; elles é- toient donc renferméee & repliées dans Tinté- rieur de la Boule , à peu près comme une Fleur dans Ton Bouton. En un mot, il en eft de ces Pardes , pour me fervir de la comparaifon de Mr. de Reaumur , comme des doigts d'un gand , qu'on auroit fait rentrer dans la main du gand , & qu'on en retireroit enfuite. S*il nous étoit poffible d'en ufer de même à l'égard des petits Boutons & des Corps ovifjrmes donc naiflTent diffcrens Polypes , il y a lieu de pr6- fumer que nous en ferions fortir pareillement toutes les Parties propres à ces Infectes , & que nous hâterions ainfi le moment de leur préten» due naiflance. Je rapporterai bientôt une ex- périence fur les Boules-allongées , qui mettra cet* te vérité dans le jour le plus lumineux. 323. Explication de la Mouche- Araignée. Nou* vel argument en faveur de /'Evoludon. Je reviens maintenant à la produâ:ion ovî- forme de la Mouche - Araignée , à cette efpèce d'Oeuf d'une gro fleur diméfurée, d'où fort une Mouche auiTi grande que Père & Mère. J'ai averri que cette production n'efl point un véri- table Oeuf : quelle eft donc fa nature ? Nous ne pouvons l'aprendre que de l'obfervation ôc de l'expérience. M % ïlo Considérations Sur Les Dans un de ces Corps oviformes ouvert qua- tre jours avant celui où la Mouche en auroit dû fortir naturellement, Mr. de Rlaumur Qî) a trouvé une Nymphe dont toutes les Parties étoient très-diflinctes , & auxquelles il manquoit peu du côté de la confiftence. L'efpèce d'Oeuf dont je parle, a un de fes bouts plus arrondi que Tautre : le bout le plus arrondi eft l'antérieur ; le bout poltérieur fe termine par deux Cornes moufles. La Nymphe , très - ailée à reconnoitre pour une Nymphe de Mouche- Araignée ^ étoit placée de manière que fa Tête répondoit au bout antérieur de la Coque , & que Ton derrière étoit apuïé fur le bout oppofé. Au bout antérieur eft une efpèce de calotte qui s'enlève facilement, & qui a été ménagée pour la fortie de la Mou- che. Nous fommes donc afTurés , qu'il eft un tems cil le Corps oviforme dont nous recherchons la nature , renferme une véritable Nymphe, Cette Nymphe a fans doute été un rer : ce Ver fe feroit-il transformé en Boule- allongée? Le Corps oviforme feroit-il cette Boule- allongée , ou pour parler plus exa6lement,renfermeroit-il flnfeéle fous cette forme? Pour tâcher de le découvrir, Mr. DE Reaumur a ouvert des Coques un jour ou deux après la ponte. Il n'a vu dans leur in- térieur qu'une bouillie blanchâtre , presque flui- de , & dans laquelle il n'a pu démêler aucune forte d'organilation. Lorsqu'il a ouvert de ces («) Mèm. pr. fervir à l'Hift, des InfeQ. Tom. 6, Uém. 14, pag. s 8 7. & fui vastes. Corps O r g a n i s e' s. i8i Coques plus tard , il a remarqué que la bouillie étoic moins fluide, & qu'elle avoit même quelque confiftence ; mais toujours fans aucune apparen- ce d'organifation. Enfin, dans quelque tems qu'il ait ouvert de pareilles Coques ,11 n'eft jamais parvenu k y découvrir un Fer, Ainsi , l'on ne trouve dans nos Coques nou- vellement pondues , qu'une bouillie plus ou moins fluïde, & où l'on n'aperçoit aucune trace des Parties propres à un Ver ou à une Mouche. Quelle lumière pouvons -nous efpèrer de tirer d'une femblable bouillie? Comment la Nature débrouille-t-elle ce petit cahos , & en fait - elle fortir un Tout très organifé? Nous venons de voir une véritable Nymphe occuper la place de cette bouillie : peu de jours ont fuffi pour que cette Nymphe ait achevé de fe former & pour qu'elle ait acquis un certain degré de confiften- ce. Immédiatement auparavant elle n'étoit qu'u- ne fubflance laiteufe ou caféeufe: eft-ce donc que la Nature fait un Infeéle comme nous fai- fons un fromage ? ou pour recourir à une Phy- fique moins grofîière, eft-ce que des Molécu- les organiques éparfes dans la bouillie, venant à fe réunir en vertu de certaines forces de ra- port , produifent une Tête , des Yeux , une Trompe, des Jambes, &c.? Il n'y a qu'un mo- ment, qu'en prefTant le bout poftérieur d'une Boule-allongée , nous en faifions fortir toutes les Parties extérieures d'une Nymphe , qui ne fem- bloient pas exilter. Lors qu'on ouvre une de M 3 lîa Considérations Sur Les ces Boules immédiatement après que Tlnfeéle a achevé de fe détacher de la Peau de Ver, on n*y trouve qu'une bouillie précif^mentfemblable à celle que nous venons d'ob.erver dans les Co- cfues des Moucb^'s- Araignées, 11 femble que rinfeéte fe foit liqu£lié en entier, qu'il fe foit réfolu en une fubitance purement laiteufe; au moins eft-il certain que la Loupe même ne peut faire découvrir dans cette bouillie aucun indice d'organifation. Elle eft pourtant très organifée; que dis- je ! Elle ell une véritable Nymphe dé- guifée fous l'apparence trorapeufe d'un Fluïde. Un moyen très fimple va mettre fous nos yeux toutes les Parties de cette Nymphe , & la ridi- cule Epîgéièfe fuira pour toujours dans les té- pèbres de l'Ecole , d'où un Auteur moderne a- voit entrepris de la tirer à force de génie & d'invention. J'ai parlé dans l'Article 1 67 , de la tranfpiration infenfible qui doit fe faire dans la Chryfalide pour que le Papillon foit en état de paroître au jour. J'ai montré , comment en ac- célérant ou en retardant cette tranfpiration , on abrège ou l'on prolonge à volonté la vie de fln- feèle, tandis qu'il eil encore renfermé fous l'en- veloppe de Chryf-ilide. Effayons de hâter beau- coup plus la tranfpiration qui doit fe faire aulQ dans nos Boules allongées '.ïû^oxuA^i cuire quel- ques minutes dans l'eau chaude & ouvrons - les cnfuite. Qu'y voyons- nous? toute la bouillie adifparu, & une véritable Afy/;;^^f a pris fa place. Cette Nymphe ne s'ell pas formée dans quelques minutes ; mais fes Parties auparavant trop mol- i Corps Organise* s. 185 les , trop abreuvées & comme dilToutes , échap- poient à nos yeux & à nos inftrumens. Don- nons une femblable préparation à nos Coques de Mouches- Ar ai gnéei>^ & nous aurons prccifémenc les mêmes réfultats La bouillie s'épailîîra , & nous verrons paroître auffi - tôt une Nytîrphe a- vec toutes les Parties qui la caradérifent. Cette Coque déméfurément grolTe relative- ment à la Mouche qui la met au jour, n'eft donc point proprement un Oeuf, Elle eft Tlnfeéle lui- même qui a révêtu la forme de Bouk- allongée & qui s'eft fliit cette Coque de fa propre Peau. Mais il a fubi cette métamorphofe dans le ven* tre même de fa Mère , il y a pris tout fon ac- croiflement , & voilà le vrai de la merveille que j'avois à décrire. Lors qu'on a divifé les Animaux en Vivipa* res & en Ovipares ^ on a crû que ces deux claf- fes générales épuifoient le Règne animal. Les Pucerons nous ont démontré les premiers l'infuf- fifance d'une divifion fi facile & fi commode. Les Polypes ont paru enfuite , & nous avons été invités à former une clafle de Ramipares , & une autre de Bulbipares. Nôtre Mouche - Araignée exige que nous falTions une cinquième clafTe, que nous nommerons , avec Mr. de Reaumur , la clafle des Nymphipares. Trop de Faits nous ont apris qu'il n'eft point d'exception unique dans la Nature, pour que je ne fois pas fondé à pré- dire qu'on découvrira un jour bien d'autres In*^ fectes qui viendront fe ranger fous la clajGTe défi M 4 184- Considérations Sur Les Nymphipïircs. Il faudra bien encore créer de nouvelles claffes; car l'Hilloire Naturelle ne fait que de naître. C'eft un Païs dont nous con- noiffons à peine les frontières, & dont néan- moins on fe prefTe de drefler la carre. Les Coques de Mouches -Araignées pondues depuis quelques heures , ont déjà une figure auiTi confiante que l'efl celle des Oeufs ordinaires. Elles ne laifTent pas foupçonner le moins du inonde qu'elles foyent elles-mêmes de véritables Animaux. Mais quand on les examine immé- diatement après qu'elles ont été pondues , on y aperçoit des mouvemens qui décèlent leur natu- re. Leur bout le plus arrondi s'allonge de tems à autre , & prend la forme d'un Mamelon conique. Il fe racourcit enfuite pour s'allonger de nouveau. L'on obferve des mouvemens analogues fur les côtés de la Coque : mais peu à peu cette Coque s'endurcit & tout mouvement celTe, Ces mou- vemens paroiffent tendre à détacher l'Infedle de fa première Peau , de celle de Fer, Nous ne connoifTons encore aucun Tnfedle qui ait à croître lorsqu'il a révêtu une fois l'état de Nymphe ou de Chryfalide proprement dites. Tous les Infeéles qui fe métamorphofent , pren- nent leur dernier accroiffement fous leur premiè- re forme de Fer ou de Chenille. Avant que de devenir Boule-allongée , avant que de révêtir l'é- tat de ISiymphe , nôtre Mouche-Araignée a donc paffé probablement par l'état de Fer, J'ai dit qu'il n'eft aucun tems où Ton puiffe parvenir à découvrir un Ver dans la Coque pondue à ter- Corps Organise' s. 185 me. Mr. de Reaumur a donc pris le parti de le chercher dans le Ventre de la Mère, il a ou- vert des Mouches à différens termes , & il a vi- fité avec foin leur intcrieur. „ Dans quelques- ,, unes, dit-il(^0> J'^^ trouvé un Corps en- „ tièrement blanc qui avoit déjà la figure qu'a 5, la Coque qui vient d'être pondue , quoi qu'il „ n'eût pas la moitié du volume de cette demie- ,5 re. Ce Corps ne rellembloit donc en rien par 5, fa forme aux Vers les plus connus , & ne m'a „ paru capable d'aucun mouvement progreffif : „ le nom de Ver ne lui en étoit peut - être pas ,5 moins dû. La Nature qui s'eft fi fort plû à „ varier les figures des Infeéles, peut avoir don- 5, né à un Ver celle d'un Oeuf; elle en a pro- ,, duit qui font incapables de changer de place; „ & il n'y en a point à qui il fût plus inutile de „ fe mouvoir , qu'à ceux qui doivent ceiler „ d'être Vers , avant que d'être hors du Corps „ de la Mère." Les Corps oviformes de différentes grofleurs, que Mr. de Reaumur a trouvés dans l'intérieur des Mouches-Araignées , étoient contenus dans un Canal membraneux , très dilatable , & qu'on peut regarder comme rOvidu&iis , & qui n'a à fon origine , que le diamètre d'un fil dclié. A cette Partie déliée du Canal , vont aboutir deux autres Canaux , dans chacun defquels , nôtre II- luflre Obfervateur a découvert un petit Corps blanc , de forme cylindrique , & dont les deux (») Ibid. pag. 595. M 5 f85 Considérations Sur les bouts étoient arrondis. 11 conjeélure avec vraî- femblance qu'ils étoient appelles à venir prendre la place de la Coque que la Mouche auroit pon- due à terme , & qu'ils auroient fourni ainfi à de nouvelles pontes fucceiTives. Leur figure indi- quoit alFez qu'ils étoient de jeunes Vers qui dé- voient prendre leur dernier accroifîement & fe lîiétamorpholer dans l'OviduBus. Il eft vrai qu'on ne leur voyoit ni Tête ni Bouche : mais par com- bien de moyens différens la Nature ne peut- elle pas nourrir un Etre organifé ? Elle nourrit peut- être ces Vers fmguliers , comme elle nourrit les Oeufs des Oifeaux dans leurs Ovaires. Tel eft le précis des Découvertes de Mr. de Reaumur fur la Mouche- Araignée. Aucomp^ te détaillé qu'il en a lui-même rendu dans fes Mémoires , il a joint un court expofé de quel- ques-unes de mes obfervations (^;}. Comme le Fait eft jufques ici unique ,'& qu'il n'eft point encore fuffifamment éclairci , je crois devoir ex- traire de mes Journaux tout ce qu'ils renferment ds plus elfentiel fur ce fujet , & le placer ici fous les yeux de mes Leéleurs. 324. Ohfervations de l'Auteur fur /^Mou- che - Araignée. Sur la fin d'Aouft 1741 , obfervant attentive- ment à la Loupe une Coque qu'une Mouche- Araignée venoit de pondre en ma préfence , j'ai vu très diftinélement le bout le plus arrondi de (a) Tome 6 pag. 593 * S9i« F Corps Organise'». 187 k Coque , s*enfoncer & s'élever alternativement , devenir tantôt très -concave & tantôt trôs-con« vexe à diverfes repriies. Ce bouc a voie une efpèce de court appendice qui participoit à ces mouvemens , & que je iuupçonnerois ècre i'ex- trêmité des VaiiTeaux quiapportoient la nourri- ture à l'Embrion , tandis qu'il ctoit encore ren- fermé dans le Ventre de Hi Mère. En continuant d'obferver , j'ai remarqué des mouvemens analogues fur les côtes de la Coque. De grandes portions s'enfonçoient & fe rele- voient de même alternativement. On fçait que la plupart des Infefles refpirent par de petites ouvertures placées fur les côtés de leur Corps , & que Ton nomme des Stigma- tes, Le Ver-à-Soye & toutes les Chenilles ont dix -huit de ces Bouches ou Stigmates. Quand on les ferme avec des enduits graiifeux , rinfe6le périt fur le champ : cela ell très-connu. Tandis que la Coque de nôtre Mouche fe donnoit les mouvemens dont je viens de parler , & pendant que fès côtés étoient le plus enfonçais ) j'y ai apperçu très nettement, de petits creux, de pe- tites foffettes , efpacées régulièrement comme le font des Stigmates. Dès que les côtés de la Co- que fe relevoienc , ces foifettes difparoiflbient en- tièrement. A' chaque Stigmate d'une Chenille , aboutit un paquet de VaiiTeaux , d'un blanc argenté, formés d'une lame mince roulée en fpirale à la manière d'un reflbrt à bQudin : ce font les Tror i88 Considérations Sur, Les chées. Un longVaiiïeaude même nature règne d'un bout à l'autre de rAnimal, & c'efl le prin- cipal Tronc des Trachées. Il y a de chaque cô- té un pareil Tronc, & toutes ces Trachées fe divifent & fe fubdivifent de mille manières poiir fe diftribuer à toutes les Parties ; enforte que rinfede femble être tout Poumon. En regar- dant obliquement nôtre Coque. & toujours à la Loupe , j'ai découvert fur les côtés & vis-à-vis ces folfettes que je prends pour des Stigmates , un Vaifleau qu'il m'a été aifé de reconnoitre à fa couleur & à fon luftre , pour un Tronc de Tra- chées. Il fe divifoit ça & là en une infinité d'au- tres Vaiifeaux , beaucoup plus petits , & qui fe divifoient eux-mêmes en d'autres plus petits en- core. Le principal Tronc de ces Trachées al- loic aboutir à une des petites Cornes placées au bout poflérieur de la Coque. 11 avoit là plus de diamètre que par tout ailleurs , & il diminuoit infenfiblement à mefure qu'il s'approchoit du bout oppofé. Ces particularités , & fur-tout les mouvemens que j'ai décrits , prouvent aflez que cette Coque eft vraiement ^«/>;;^/(? , & qu'elle ne reffemble point du tout à celles que fe conftruifent tant d'efpèces de Chenilles & en particulier les Vers- à-Soye, à l'approche de leur Métamorphofe. Mais je puis dire plus; j'ai vu cette Coque fe donner des mouvemens femblables à ceux que fe donneroit un Ver rond & fans Jambes qui fe- roit effort pour changer de place. Je l'ai vue ie renverfer fur un de fes côtés , reprendre enfuite Corps Organise' s. 1S9 fa première fituation & répéter ces balancemens plufieuiS fois. En obfervant cette Coque à la Loupe avec la plus grande attention , j'ai aperçu dans fon in- térieur des lignes circulaires , efpacées comme le feroient celles qui marqueroient la jonction des Anneaux d'un Infeéle. Ces lignes avoient leur- concavité tournée vers le bout poflérieur de la Coque. Et ce qui ne permettoit guères de dou- ter , qu'elles ne fulfent les incifions annulaires d'un Infeéle logé dans la Coque , c'eft que , lors que les côtés de celle - ci s'enfonçoient , ils de- venoient tranfparens. En fe contraélant alors , finfeéle laiflbit apparemment unpaflage plus li- bre à la lumière à travers les parois de l'enve- loppe. Dans l'intérieur de quelques Mouches à deux ailes, dont le Corps elt demi - tranfparent , on voit un fpeélacle qui fixe agréablement fatten- tion. Ce font des couches de nuages minces, qui marchent parallèlement les unes aux autres , & qui vont conitamment du bout antérieur du Corps au bout oppofé. Mr. de Reaumur (a) a beaucoup aprofondi ce petit phénomène , & il a prouvé qu'il tient à une illufion d'optique , occafionnée par le jeu de deux grands facs poul- monaires logés dans la Partie antérieure du Corps de la Mouche. L'intérieur des Coques que nos Mouches - Araignées pondent à terme , m'a of- fert le même phénomène , & qui dépendoit pro* (a) Mé».Jur Us In/e^, Tora, 4. pag. 167. & fuivantei. ipo Considérations Sur les bablement de la même caufe. Les couches né- buleufes m'ont toujours paru fe porter d'un mou- vement uniforme du bout poflé rieur au bout an- térieur. On n'a pas oublié que le bout anté- rieur eit celui auquel répond la 1 été de l'infeéle. Les Coques pondues récemment font blan- ches ; bientôt elles prennent une teinte de jau- ne , à laquelle fuccède une teinte d'un rouge marron ; ce rouge fe rembrunit peu à peu & fait place enfin à un afTez beau noir. Dès que les Coques commencent àperdre leur première cou« leur, elles acquièrent une opacité qui ne permet plus de voir dans leur intérieur. J'ai imaginé de retarder les progrès de l'opacité, ou ce qui revient au même, de rendurcliFement , en plongeant la Coque dans l'eau. Tout mouvement a bientôt celle, & je n'ai vu paroître aucune bulle d'air. Au bout d'une heure, j'ai retiré la Coque de l'eau ; le petit appendice n'a pas tardé à repren- dre fes mouvemens ordinaires, 6c les couches né- buleufes ont reparu. Tandis que la Coque étoit plongée fous l'eau , j'ai remarqué que les côtés demeuroient fort trans- parens. L'Infeéle , qui étoit alors dans un état de contra6tion,occupoic moins déplace dans cet- te efpèce de boëce , & la lumière en traverfoit plus librement les bords. I'ai replongé la Coque fous l'eau , je l'y ai lailTée environ trois heures , & l'en ayant enfuite retirée , j'ai vu reparoître les couches nébuleu- fes , dont la marche toujours régulière , s'elt Corps Organise' s. ipt faite , comme à Tordinaire , du bout poftérieur vers l'antérieur : mais le petit appendice ne s'efl donné aucun mouvement. Cette fois j'ai eu le plaifir de m'afTurer de Texiftence des Stigmates de la Coque. Je les ai défignés ci-defTus par le terme de fojjeîtes , & j'ai dit que ces follettes n'étoient vifibles que dans l'inftant où les côtés de la Coque s'enfon- çoient : je les voyois difparoitre lors que la Co- que reprenoit fa convexité naturelle. Il n'en a pas été de même dans le cas particulier dont je rends compte à piéfent. La Coque ne fe donnoit pas le plus léger mouvement , & fes côtés étoient par tout très arrondis : cependant on diftinguoit très- bien à la Loupe les foflettes. Leur fituation , leur arrangement fymétrique, leur figure ovale & leur grand diamètre pofé perpendiculairement à l'axe de la Coque, neper- mettoient pas de les méconnoitre pour de vrais Stigmates. Nous avons donc ici une preuve direcle , que l'enveloppe dont cette Coque fin- gulière elt formée , a appartenu à un Ver , qu'elle à été pendant un tems la Peau même de ce Ver , & cette preuve lève tous les doutes fur la nature de ce Corps oviforme. Dans une Coque pondue avant terme , & qui n'avoit pas la moitié de fa grolTeur naturel- le , j'ai vu diitinélement le jeu des couches né- buleufes ; mais , ce qui m'a paru extrêmement remarquable , c'eft qu'il fe faifoit ici en fens contraire , je veux dire du bout antérieur au poftérieur. J'ai obfervé la même chofe après I92 Considérations Sur Les avoir tenu la Coque fous Teau pendant trois heures. En racontant ce Fait fur mon témoi- gnage, Mr. DE Reaumur ajoute ce qui fuit Ça'), 5, Nous avons rapporté comme un fait fmgulier , que la circulation des Liqueurs nous avoit paru fe faire dans le Papillon en un fens contraire à celui où elle fe faifoic dans fon Corps , lors qu'il étoit Chenille. La circu- lation des lames nébuleufes , qui dans F Oeuf à terme a un cours oppofé i\ celui qu'elle a dans l'Oeuf qui n'y eft pas , paroit donc prouver que l'Oeuf à terme renferme un In- fed:^ qui a changé d'état ; & ce changement n'a pu être que celui de Ver en Boule - al- longée ". Lors que ce grand Obfervateur , dont la mé- moire me fera toujours chère , s'emprefla obli- geamment à m'annoncer fa découverte fur la Mouche - Araignée , dans une de fes Lettres en datte du 30^. Avril 1741.; il me parla de la Coque en queftion comme d'un véritable Oeuf. Il penfoit alors qu'elle en étoit un. Je ne tardai pas moi-même à l'obferver fur fon invitation. Je découvris les couches nébuleu- fes , & je lui écrivis le 28e. Juillet fuivant, le foupçon qu'elles m'avoient fait naître. Le Vo- lume de ces Mémoires que je viens de citer, ne parût que Tannée fuivante. Cel Oeuf, di- fois-je à mon lUultre Ami , feroit' il moins un Oeuf, (•) Tom. 6. pag. 594.' Corps Organise' s. 193 Oeuf ^ qiiune efpèce très ftnguUere de Ver ^ ou qu'une efpèce auffi fmgulière de Nymphe P Ces couches néhuleufes indiquer oicnî - elles une ■ Cir^ ' ciilaîïon ? ou n'efî • ce ici qu'une illufion d'opti- que analogue à celle que vous avez obferzée dans quelques Mmches ? Je crois avoir vu dans imt des articulations des Jambes de nôtre Mouche^ une véritable Circulation ; mais je n'ai garde de prononcer encore fur ce fujet. Je m'expliquois plus précifémeiit dans une autre Lettre en dat- te du 23e. Juin 1742, & j'y comparois nôtre Coque à une Boule -allongée. Mr. de Reau- MUR adopta lui- même cette idée & la vérifia par quantité d'obfervations très curieufes , dont j'ai donné ci - delliis le précis. J'invite les Na- turalises à aprofondir davantage un fujet qui touche de fi près à la Théorie de la Généra- tion. 325. Oeufs qui croiflent après avoir été- pon- dus, Galles des Plantes : manière dont elles font produites. Oeufs des Mouches à Scie. Apres qu'un Oeuf fécond a été pondu , l'Embrion y prend un accrcifTement relatif à celui que le Fœtus acquiert dans la Matrice : mais , la capacité de l'Oeuf n'augmente pas comme cçlle de la Matrice. Nous ne fommes pas encore f^miiliarifés avec l'idée d'un Oeuf qui croît : il en eil; pourtant qui foijt appelle» TûM. IL N ip4 Considérations Sur Les à croître & à croître beaucoup. On penfe bien que leur enveloppe n'efl: pas cruftacée comme Tell celle des Oeufs des Oi féaux , des Papil- lons , & de plufieurs autres Infeéles. Les Oeufs, dont je veux parler , font purement membra- neux; on ne fe prelfera pas d'en inférer que tous les Oeufs membraneux croilfent ; ceux de beaucoup d'autres efpèces font tels , & ne croif- fent point : c'eft donc ici une exception remar- quable à une règle qu'on juge générale. Tout le monde connoit les Galles qui s'élè- vent fur différentes Parties des Plantes. Leur forme , leur ftrudure , leur confiilence , leur texture , leurs proportions , leur couleur , va- rient prefque ^ l'infini , & offrent aux yeux de rObfervateur mille particularités intérellantes. Quand Malpighi n'auroit ïmt que Ion Traiié des Galles^ il n'en feroit pas moins l'immortel Malpighi. Mr. de R eau mur fon égal , qui a fait tant de. découvertes , & qui en a perfec- tionné tant d'autres , a confidérnblcment ajou- té à celles du Naturalifte de Bologne fur ces Excroiffances des Végétaux. On peut conful- ter là - defliis le beau Mémoire qui termine le ^me. Volume de fon Hiftoire des infedes. Les Galles dont il s'agit, doivent toutes leur origine h la picquure d'un Jnfeéle , qui appar- tient pour fordinaire à la clalfe des Mouches. A l'aide d'une efpèce de Tarrière , il fait une incifîon dans quelque Partie de la Plante ; il y dépofe un Oeuf qui fe trouve bientôt renfermé dans une Galle naiflante. Corps 0 r g a n i s e's* 195 Au lortir du Ventre de la Mouche , cet Oeuf eft d'une petitelTe extrême. Au bout d'un cer- tain teras , il acquiert une grolfeur confidérable, & la Galle a déjà pris tout Ton accroiflement avant que le Ver éclofe. L'on peut donc comparer cet Oeuf aux Membranes qui enveloppent le Fœtus, & qui fonc capables de céder & de s'étendre en tout fens pendant que le Fœtus croît. Nôtre Oeuf croît auiîi : il a fans doute à fon extérieur des Vaiffeaux , des efpèces de Radicules qui pom- pent les fucs qui afluent dans la caviré de la Galle. Cette Galle eft à TOeuf, ce que la Matrice eft au Fœtus. Malpighi penfoit que la produflion de la Galle étoit due principalement à une Liqueur corrofive que la Mouche introduifoit dans la playe. Mr. de P.kaumur a prouvé qu'il n'ell pas néceffaire de recourir à l'intervention d'une femblable Liqueur pour rendre raifon de l'ac- croillement de la Galle. Il l'attribue à la fur-a- bondance des fucs nourriciers qu'occafionne l'ac- tion continuelle des V^aifTeaux abforbans dô rOeuf. Ils déterminent ainfi la Sève à fe por- ter en plus grande quantité vers la Galle , & en faut -il davantage pour que celle-ci croifTe plus que les Parties voifmes ? Joignez , fi vous vou- lez, à cette caufe méchanique, la chaleur mê- me de l'Oeuf, & comparez -le h un petit foyer placé nu centre de la Tumeur (^ ). (a; Mém. pouf fervir à fHiji. des Inf.Tom, 3. pag. 504» N a 196 Considérations Sur Lbs Il naît des Galles fur toutes les Parties des Plantes , & principalement fur les Feuilles. Le Chêne feul en montre de toutes les efpèces. Mais , il efl une Mouche qui ne confie fes Oeufs qu'aux Branches , & c'efl: dans celles du Rozier qu'elle fait les dépofer. Vallisnieri l'a rendue célèbre par l'Hiftoire qu'il en a pu- bliée (^), & que Mr. de REAUMURa de même enrichie d'obfervations nouvelles Qb'^, Les Branches où la Mouche a dépofé fes Oeufs, fe diftinguent par de petites élévations oblongues qu'on voit fur l'Ecorce. C'efl: dans le Bois même que les Oeufs font introduits, L'Inftrument qui a été donné à la Mouche pour y pratiquer des entailles , efl d'une ftruc- ture qu'on ne fe lafle point d'admirer : il réu- nit à la fois le? conditions de trois Jnftrumens différens , d'une double Scie , d'une Râpe , d'u- ne Tarrière. J'ai regret que mon plan ne me conduife point à le décrire, & à indiquer la manière dont la Mouche le met en jeu. Avec un Inflrument fi compofé , & pour- tant très fimple dans fli compoîition , elle pra- tique quelquefois jufques à 24. entailles ou îogettes dans la même Branche. Elle les dif- tribue fymécriquement , & pond dans chacune un Oeuf. Si l'on compare les Oeufs qui ont été dé- (a") Gillerie as Minerve. <&; Mm. Sur les InJ. Tom. 5. pag. 114. & fuivante». Corps Organise' s. 197 pofés depuis quelque tems , avec ceux qui viennent de l'être, l'on trouvera les premiers beaucoup plus gros que les autres. C'eft que ces Oeufs croiiïent réellement dans les entailles , comme ceux des Galles croifient au centre de celles-ci. A mefure que les Oeufs de la Mouche à Scie prennent plus d'accroifîement , ils forcent les parois des logettes à s'élever ; leur capacité augmente en tout fens, & voilà l'origine de ces petites élévations qu'on remarque fur la Branche. Je parle ici d'après Mr. de Reau- MUR Qa^: il me paroitroit cependant plus na- turel d'attribuer ces petites élévations à la mê- me caufe qui fait naître les Galles. On ne comprend pas trop comment un Oeuf purement membraneux peut forcer des Parties ligneufes & afles roides à s'élever , & à prendre une convexité auifi fenfible. Une autre Mouche , de même genre , dé- pofe Amplement fes Oeufs fur une Feuille d'O- zier. Ils croilTent auiTi, & leur accroiffement efl: fi confidérable , que l'Auteur ayant corapa-, ré de ces Oeufs dont le Ver étoit fur le point d'éclorre , avec d'autres Oeufs alTés nouvelle- ment pondus, il a trouvé que les premiers a-, voient au moins le double de la groifeur des autres Qby (*) Totn. 5- pag. 12t. (h) ibi4, pag. 127. N 3 ip8 Considérations Sur Les Ces Oeufs font demi- tranfparens ; quelque tems avant que le Ver éclofe , on le découvre dans Tintérieur de la Coque , où il paroît plié en deux. Mr. de Reaumur conjedure , que l'accroifTe- ment des Oeufs eft dû ici aux lues qui tranfudent de la Feuille , & qui en pénétrant dans TOeuf comme dans une efpèce de petit Placenta^ augmentent fes diraenfions en tout fens. Peut- être encore que l'Oeuf a des VaiiTeaux afpirans qui s'adaptent en quelque forte aux pores excré- toires de la Feuille. Si l'on détache celle-ci de l'Arbre , & qu'on la lailTe fécher , les Oeufs fe rident & les Embrions périfient , ce qui n'arri- veroit point en pareil cas aux Oeufs des autres Infeéles. Cette expérience prouve la vérité de la conjedlure que je viens d'mdiquer. 326. Oeufs qui renferment plufieurs Emhrîons, Chaque Oeuf, dans l'ordre naturel, ne ren- ferme qu'un feul Erabrion, & cola ell vrai des Oeufs de tous les Ovipares qui nous font con- nus. Il faut pourtant en excepter des Oeufs très- finguliers que riliuftre Mr. Folkes, Préfident de la Société Royale, a découvert, & dont il a com- muniqué l'oblervation à Mr. Bakek, qui la ra- porte dans fon Hifîoire dit Polype, pages 99 & 100, de la tradu6lion Françoife. Mr. Folkes les a trouvés en grand nombre dans le limon des ruilleaux. Ils égalent en grofTeur la tête d'une épingle moyenne. Ils font de couleur brune & Corps Organise' s. ipp revêtus d'une enveloppe cruftacée , au travers de laquelle l'Obfervateur apercevoit diflindemenc au Microfcope de petits Vers vivans. Il les obli- gea à venir au jour , en brifanc adroitement la Coquille , & il compta alors avec furprife jus- qu'à huit ou neuf petits Vers qui fortoient du même Oeuf, ils étoient tous très-bien confor- més & fe mouvoient avec une agilité merveil- leufe. Chacun d'eux avoit une enveloppe pro- pre extrêmement mince & tranfparente , qu'il déchira dès que la Coquille fut brifée. On voyoit de ces enveloppes qui flottoient fur feau , & d'autres qui demeuroient attachées à rimèfle qui avoit de la peine à s'en débaraiîer. 327. Le Pipa ou Crapaud de Surinam, On avoit cru longtems que le Pipa ou Crapaud de Surinam multiplioit d'une façon fort extraor- dinaire. L'on avoit dit & répété, que fes Petits for- toient de fon Dos , fous lequel étoit un grand nombre de petites Matrices, où ils prenoienc leurs premiers accroifTemens. Le célèbre Ruisch avoit décrit tout cela , & l'avoit accrédité par fon témoignage. MM. Folkes & Baker avoient paru le confirmer. Ces diverfes obfervations ne repofoient pourtant que fur des apparences irom- peufes 5 & je n'en fais mention ici que pour mon- trer combien il faut être fcrupuleux dans l'exa- men des Faits d'Hiltoire naturelle. N 4 soo Considérations Sur Les L'on s'étoit abufé fur la Génération du Pipa. Il pond Çq'^ Oeufs comme les autres Animaux de fon efpèce, & quand il les a pondus, il fe roule delTus. Ils s'attachent ainfi à fon Dos, & il fe forme autour un£ croûte glaireufe, que l'on a- voic prife pour le Corps même de f Animal. La lotion la fait difparoitrç , & alors les Oeufs tom- bent. 328. Fécondité des Animaux, Les grands Animaux font, en général, bien moins féconds que les petits. Les premiers ne portent qu'un ou deux Fœtus; les autres en portent plufieurs , & fouvent des milliers. Les Ovipares font ordinairement plus petits & plus féconds que les Vivipares, Les Fœtus de ceux - ci dévoient croître dans la Matrice ; les Fœtus de ceux - là au dehors. La fécondité de quelques PoifTons à Ecailles eft merveilleufe. Une Carpe ^\y.\\^ Purcbe ^t^on- dent 9 à 10. mille Oeufs C^), un FvJerlus 20 mille. La Mon/è' & le flarang ne font pas moins féconds. On peut juger de la fécondité de la Morue par le grand nombre de VaifTcc^ux em- ployés annuellement à la pêche de ce PoiiTon. Jl pond deux fois l'année , & dépofe fes Oeufs fous le fable. Ils éclofent ainfi plus fûrement , parce que la Mer ne les difperfe point (Z'). D'é^ paiifes & nombreufes nuées de Harangs tranfmi- (a) Mr. ScHEFFER Pîfcion Bavarcio Ratisbonjîoji» Pentas, Ra- tisbor;^ 1 7(^.1 in 4^. pa^. "p,^. (*) Foyagt de D. ULWJ, Tom. î. Corps Organise' s. 201 grent de l'Océan Polaire fur les côtes d'EcofTe & de Hollande , pourfuivis par les grands Poif- fons qui habitent les profondeurs de cet Océan. Ce petit Poilfon femble être une Manne prépa- rée par la Providence pour la nourriture des Monftres marins & pour celle de quantité d'au- tres Poiffons & d'Oifeaux de Mer, Kntin l'Hom- me lui fait la plus cruelle guerre : plufieurs mil- liers d'Hollandois font occupés annuellement à la pêche de ce Poiffon (^). La fécondité de chaque efpèce a été proportionnée aux dangers qui menaçoient les Individus , & aux moyens qu'ils avoient de s'y foultraire. Les Araignées, les Papillons, différentes ef- pèces de Mouches &c. pondent des centaines d'Oeufs; les Gall' Infectes, des milliers, j'ai parlé d'une Mouche vivipare , dont la Matrice eft une vraye merveille & qui renferme vingt mille Petits (/;). Les Ovaires de la Reine- A- heîlle ne font pas moins admirables. Ils font dis- tribués en deux paquets, qui ne reiîemblent pas mal à iln écheveau ou à un pinceau ; mais les nls de ces écheveaux font aulfi déliés que des fils de Vers - à- Soye , s'ils ne les furpaifent mê- me en iineffe. Chaque fil eft néanmoins une forte d'inteflin, qui contient une fuite déter- minée d'Oeufs, dont la groffeur diminue gra- duellement depuis le bout inférieur de fOvaire (a) Avantages {5* Défavantages de la France ^ de l'Jngkter* its &c. (,b) Anklê 31Ç, à la fin, N,5 SOI Considérations Sur les JufqLies vers fon bout fupérieur. Ici les Oeufs font d'une telle petiteffe qu'on a peine à les apercevoir avec le fecours des V^erres. Ces Oeufs fi petits , reffemblent pourtant plus aux Oeufs ordinaires que ceux qui font les plus a- vancés , dont la forme allongée pnroit imiter celle d'un Ver nailTant. L'infatigable S w a m- MERDAM a ofé entreprendre de nombrer les fils de chaque écheveau , & il croit en avoir compté au moins 150, dans chacun defquels il diftinguoit 17 Oeufs. Il feroit donc parvenu à voir 5 1 00 Oeufs dans les Ovaires de la Rei- ne-Abeille (^). Combien étoit plus grand encore le nombre de ceux qui lui ont échapés , puis qu'il effc prouvé qu'une Mère-Abeille don- ne naiifance à 30 , 40 ou 50 mille Mouches En calculant d'après mes Expériences la fé- condité des Pucerons , Mr. de Reaumur s'ex- prime ainfi Qc^'f o Si on fait un calcul grof- 5, fier de tous les Pucerons qui peuvent venir 5, d'un feul dans le cours d'une année , il fem- 55 blera que quand il ne s'en fauveroit qu'un „ chaque hyver dans un jardin , toutes les 5, Feuilles des Arbres de ce jardin ne fliffiroient ,,. pas pour donner des places à ceux qui en 55 naîtroient; la terre même fembleroit devoir j, en être couverte. Car fi on fuppofe à cha- (a) Bihlîa Natura. (b) Voyez les Articles 297. & 298. (c) Mém.Jurleé Inf. Tom. 6. pag. 565. & S<î(5. Corps Organise' s. Î203 „ cun de ces Pucerons du Sureau une fécoii- 3, dicé égale à ceile des Pucerons du Fufain, 5, que chacun mette de même au jour 90 à j, 95 Petits, la première Génération d'un Pu- „ ceron fera au moins de 90 Petits. Si cha- ^ cun de ceux-ci en donne à fon tour 90, 5, la féconde fera de 8100 Pucerons. La troi- fième fera de 8100 multiplié par 90 ou de 729000 Pucerons. Ce dernier nombre doit encore être multiplié par 90 , pour avoir celui des Pucerons de la quatrième Généra- ,, tion , qui fera 65610C00 Pucerons , & en „ multipliant encore ce nom^bre par 90 pour 5, avoir les Pucerons de la cinquième , celle- ci „ fera trouvée de 5904900000. Nous ne fom- „ mes encore qu'à la cinquième Génération, „ fi nous prenions toutes celles qui peuvent 5, venir d'un Puceron qui a commencé à accou- 35 cher dès le mois d'Avril , & qui ne finit „ qu'en Novembre, combien pourroit-il don- ^. ncr de Générations dans le cours de l'année, ,, ou feulement en fix mois ? A les mettre au „ rabais il y en auroit plus de 20. Or fi cinq ,, Générations ont produit 5904900000 Puce- ,, rons , quelle innombrable quantité de ces „ petits Infecles doit venir de 20 Générations? j, Mais on efl: bientôt raifuré contre les in- 5, quiétudes qu'une fi grande fécondité pour- ,, roit donner, quand on fait combien d'autres 5, Infeéles font occupés journellement h les dé- j, truire pour s'en nourrir ". La fécondité de quelques efpèces de Polypes ^ 204 Considérations Sur Les & fur -tout des Polypes à Bulbes ^ eft plus fur- prenante encore que celle des Pucerons. Nous avons vu (<^), que d'une feule Bulbe ^ il naît en 24 heures , par des divifions & fubdivifions fucceffives & graduelles au moins iio Polypes, qui tous peuvent donner naiffance dans le mê- me intervalle de tems à une fuite pareille de Polypes. Mr. de Buffon remarque Ç^) , que les Animaux qui ne produifent qu'un petit nombre de Fœtus , prennent la plus grande -partie de leur accroilfement avant que d'être en état d'en- gendrer. Les Animaux qui multiplient au contraire , beaucoup , engendrent avant même que leur Corps ait pris la moitié ou même le quart de fon accroilfement. L'HoMîyiE , le Cheval , le Taureau font des exemples des premiers , ainfi que les Pigeons & les autres Oifeaux qui ne pondent qu'un pe- tit nombre d'Oeufs. Les Poiflbns , les Poules font des exemples des derniers. («) Article 201. (6) mji, Ikt. Gin, tf Part. Tom. 2. pag. 30S. Corps Orcanise's. 205 CHAPITRE VI. Découvertes Mkro/copique$ de Mî\ N E E D H A M. Remarques fur ces Découvertes. 325^. Progrès de rHifloire Naturelle depuis P année 1740. Réflexions fur ce fujet. Il n'y a que 22 ans que nous ignorions la manière étrange dont multiplient les Pucerons , les Polypes, différentes efpèces de Vers -d'eau douce , les Vers de terre , les Etoiles & les Orties de mer, les Mouches- Araignées, &c. En moins de quatre ans , nous avons acquis plus d'idées abfolument neuves fur le Règne animal, qu'on n'en avoit acquis pendant une longue fuite de Siècles. A peine les Reaumur, les ^Trembley , les JussiEU , les Lyonnet ont paru , que la Nature s'eit empreflee à leur éta- ler fes tréfors , & à leur découvrir fes fecrets les plus cachés. Aujourd'hui que grâces à fes- excellens Obfervateurs , nous fommes plus in- ftruits 5 nous ne préfumerons pas , que nous connoilTions toutes les manières dont l'Animal multiplie. Nous penferons plutôt que la Na- ture ne fait que commencer à parler ; parce qu'il n'y a pour ainfî dire, qu'un jour qu'elle eft interrogée comme elle demandoit à l'être. fo5 Considérations Sur Les Les Siècles fatUrS auront fans doute leurs RëaU- MUR & leurs Trembley, auxquels elle fe plai- ra a révéler de nouveaux prodiges & de plus, grands encore. Tant de vérités inconnues aux Anciens & réf-^rvées à nos Modernes , peuvent nous aider k juger de celles que découvrij'ont d'autres Modernes , pour lefquels ceux - là fe- ront des Anciens très ignorans. Il y a apure- ment bien loin de la manière dont fe propa- gent les Polypes à Bouquet , à celle dont fe propagent les Animaux qui nous font les plus connus. Il exifle peut -être des Animalcules qui diffèrent beaucoup plus h cet égird des Po- lypes à Bouquet , que ceux - ci ne diffèrent d'un Quadrupède, d'un Oifeau, ou d'un Poif- fon. Combien de merveilles que nôtre Langue ne fuffiroit point à décrire , ne nous ofFriroient pas en ce genre , les Animalcules /ies L/fuftons, û leur effroyable petiteile ne les mettoit trop hors de la portée de nos meilleurs Microfco- pes ! Ici commence un autre Univers dont nos CoLOMBS & nos Viispucts n'ont entrevu que les bords , & dont ils nous font des def- criptions qui ne reffemblent pas mal à celles que les premiers Voyageurs publièrent de l'A- mérique. Ceci me conduit aux découvertes microfco- piques Qa') de Mr. Neediiam , un de ces (a) Sommaire des Expériences faites dernièrement fur la Géné- ration^ la Compefition ^ la Décompofuion des Sublîances des jini' maux S des Végéîahles.^ Traduction de i'Anglois. Ce M^ moire a été inféré dans les TrarifaSions Pbiloffpbiques, . Corps Organise' s. 207 Colombs modernes qui auront la gloire d'avoir les premiers côtoyé cette Région des infini- mens petits. La nouveauté de ces découver- tes , la fingularité des objets qu'elles préfen- tent , la réputation bien méritée de leur Au- teur , & le but que je me fuis propofé dans cet Ouvrage , m'engagent à en donner un ex- trait. |e me fuis peut-être trop arrêté dans le Chapitre VII. du Tome I. fur les obferva* dons que Mr. de Buffon a publiées dans le même genre. Celles de Mf-Needham leur font fort analogues ; mais elles renferment des par- ticularités qui les diftinguent , & que j'ai d'au- tant plus de plaifir à rapporter , que je fais plus de cas de la fagacité & des talens du célèbre Obfervateur. Nous devons regretter que fes Yeux ayent fouffert de Tatrention qu'il a don- née à de fi petits objets : Il auroit repris fes curieufes recherches & les auroit portées à une plus grande perfection. 330. Découvertes deMi\ 'Nekdhau fur les Anmalcules des InfuHons. Première Expérience. Nôtre Phyficien a rempli une phiole de jus de Mouton fore chaud. Il l'a fcellée avec autant d'exa-ilitude , que fi elle l'avoit été hermétiquemet , & il l'a tenue dans des cendres chaudes. Par cette manière de procéder , il penfè s'être affuré , qu'il n'y avoit ni Oeufs ni Infec- tes vivans , foit dans la Liqueur qu'il vouloic 2o8 Considérations Sur Le5 obferver , foit dans l'Air qui occupoit le vuide de la phiole. Il nous apprend néanmoins que cette phiole fourmilla enfuite d'Animalcules de différentes di- menfions. La première goûte de Liqueur qu'il obferva immédiatement après l'avoir tirée de la bouteille, en renfermoit une multitude. Ils étoienc parf^iitement formés , & tous leurs mouvemens indiquoient de la fpontanéïté & de la vie. Seconde Expérience. Mr. Needham a ré- pété la même Expérience , avec le même fuccès lur d'autres fubltances animales , comme le Sang , l'Urine, &c. Troisième Expérience. 11 a comparé les Animalcules de toutes ces Infufions avec ceux qui étoient nés dans des Infufions de même ef- pèce, qui n'avoient été 'ni échaufées, ni ren- fermées , & il s'eft convaincu que les uns & les autres étoient précifément femblables. Quatrième Expérience. Dans des Infufions de Germes d'Amandes & de différentes Graines,, il a remarqué au bout de huit jours de légers mou- vemens. Un Atome diilincl fe détachoit fou- vent d'un amas de pareils Atomes , & s'en éloignoic un peu. Quinze jours après que les Germes & les Graines avoient commencé à infufer , la Liqueur étoit peuplée d'une infinité d'Atomes mouvans excelîivement petits. Les Corps Organis e^s. 2op Les Infufions du Bled pilé, lui ont offert d'in- nombrables filamens , qui étoient , félon lui , de parfaits Zoophytes , prêts à produire , & qui fe mouvoient par eux-mêmes. Plufieurs relfem- bloient à des coliers de Perles ou à des chape- lets. Ils n'étoient pas eux mêmes des Animal- cules microfcopiques.; mais ils en étoient le principe. Toute la fubftance , dit - il , après une certaine féparaîion des fels & des parties volatiles , s'efl partagée en filaments , qui ont produit tou- tes les différentes fortes d'Animaux microfiopi- ■ ques. Notre habile Obfervateur ajoute une chofe bien extraordinaire , & qui mérite la plus grande attention. Je la raporterai encore dans fes pro- pres termes. Ces mêmes Animaux microfcopi» ques 5 après s"* être rajjemblés au fond du verre & avoir perdu tout mouvement ^_ fe font réduits de nouveau en une fuhfîance filamenteufe , fi? ont donné aes Zoophytes ^ des Animaux d*une plus petite ejpèce. On voit cette opération fe réïcé- rer, jusques à ce que les filamens &. les Animal- cules, en le dégradant continuellement, ayent atteint à une telle petitefle , qu'ils ne foient plus perceptibles au iVficrofcope. CINQUIEME Expérience. L'Ingénieux Phy- iicien a feu varier fes procédés. Au lieu de fai- re infufer' les Grains , il leur a retranché les ex- trémités pour les empêcher de germer ; il les a fichés perpendiculairement par \x^ bout dans un Liège fort ijiuce qui flottoit fur feau. ToM. II. O 210 Considérations Sur Les Ces Grains , ainfi hume6lés , ont bientôt pouf- fé par leur bout inférieur de longs & nombreux filamens , qui s'étendoient dans l'eau , & qui étoient très vifibles à la vue Ample. Il a coupé de ces filamens ; il en a mis les fragmens dans de petits verres concaves , qu'il a remplis d'eau ; c'étoient des verres de Lunet- tes qui lui fournilToient ces baflins commodes , & fi bien apropriés à la petitefle & à la nature des objets qu'il fe propofoit de fuivre. Les fragmens qui flottoient fur l'eau de ces petits baffins , font devenus pour lui des Illes mïH crofcopiques & enchantées , qui fe font peu " plées fous fes yeux d'un nombre innombrable d'habitans. En un mot, & pour m'exprimer en termes moins figurés , il a vu reparoitre ici tous les phénomènes des infufions. Il a vu les fila- mens prendre de nouvelles formes, s'animer, & produire des Animalcules femblables en touc à ceux des Infufions ordinaires. ASSUREMENT il n'eft perfonne qui n'eut pris ces filamens de Grains humectés, pour une vé- ritable Moifîjjure , & conféquemment pour une produdion purement végétale. Mr. Needham en fait , comme l'on voit , de vrais Zoopbytes , & il penfe que toutes les Moifilfûres font pré- cifément de la même nature. Sixième Expérience. Avant que d'avoir été acheminé à tenter ces Expériences , l'Auteur avoit aperçu de pareils filamens dans la farine du Bled niellé! Il avoit obfervé cette farine corrom- Corps Organise' s. 211 puë s'animer , toutes les fois qu'il rhumeéloit, & quand il la laiiToit fe deflecher pendant des femaines & des mois , il lui fufRfoit d'y répan- dre une goutte d'eau nour la ranimer , & pour contempler de nouveau le fpeélacle incéreflaut qu'elle lui avoit préfenté tandis qu'elle étoit en- core fraiche. 11 compara alors les filamens de ce Bled aux Anguilles de l'eau douce. Ces An- guilles microfcopiques ne fe mouvoient pas d'un mouvement progrelTif ; mais elles fe contournoient fur elles-mêmes en manière de Vis. Elles fe balançoient ainfi à diverfes reprifes , & cette forte de mouvement ofcillatoire ne ceflbit que lors que toute fhumidité avoit achevé de s'é- vaporer. Du Bled niellé , gardé au fec pen* dant deux ans, lui avoit offert les mêmes phé- nomènes , dès qu'il étoit venu à l'humecLer QÇ), Eclaire' depuis par les Expériences que j'ai raportées, Mr. Needham a penfé que les fila- mens du Bled niellé , n'ctoient point de vérita- bles Anguilles ; mais il a crû devoir les ranger parmi les Zoophytes des Infufions & leur aflig- ner la même origine. Septième Expérience. Il a obfervé les mê- mes iilamens naître , s'animer & produire dans le fuc laiteux des Graines n & da is un fngmenc de l'Allé d'un Papillon cache encore fous l'en- veloppe de Chrylalide. ('a) Nouvelles Défouvertes faîtes au Mkrofcope , traduites éê J*An^lois à Lèide 1747. page 99 & fuivantcs. O 2 fti2 Considérations Sur Les Huitième Expérience. Enfin , il a retroi> vé de ces filamens jusques dans les Liqueurs fé- minales. Il a fuivi leur formation , leurs déve- loppeméns & leurs efpèces de Métamorphofes^ & de Génération , & il a reconnu que tout fe pafle incomparablement plus vite dans ces Li- queurs que dans les Infufions. 11 penfe que les Anim?\cu\Qs Jpermaiiques font produits par les filamens. 331. Cofiféquences de Mr. Needham, ^ Obfervations fur ces conféquences. Lettre de routeur à ce NaPuralifte^& Riponfe, | Plus on réfléchit fur ces diverfes Expérien- ces, & plus on fent combien il efb difficile de s'alTurer ici du vrai, &de dilTiper tous les doutes qu'elles font naître. J'ai indiqué dans la premiè- re Expérience, les précautions que Mr. Need- HAM avoit prifes pour interdire l'entrée de ces phioles aux Infe6les du ddiors ou à leurs Semen- ces. Fondé fur ces précautions , il fe croit en droit d'en conclurre , que les Animalcules qu'il a découverts s'étoient formes dans les Liqueurs mêmes , en vertu d'une Force prodti&rice ou ^végétative répandue dans toutes les Parties de la Nature. Mais , eft-il bien fur que ces phioles enflent été fcellées aufli exaélement que fi elles l'avoient été hermétiquement? N'y refloit-il point des •ouvertures invifibles qui pouvoient être des por- tes cochères pour des Animalcules d'une aufli prodigieufe petitelTe que ceux dont il efl; quef- CoRfs Organise' S. 213 tion ? Eft - il bien fur qu'il n'y ait point d'Ani- maux ou d'Oeufs qui puiiïent foutenir une cha- leur égale à celle des cendres chaudes , fans pé- rir ou fans perdre leur qualité prolifique ? Eft- il bien fur , que tandis que l'Obfervateur préfen- toit la goutte de Liqueur au Microfcope & qu'il ajuftoit rinftrument, des Animalcules qui volti- geoient dans l'air, ou fimplement leurs Semen- ces, ne fe foient point précipités dans cette goutte? Eft- il bien fur enfin, qu'il n'exifte pas des Animaux dont l'accroiflement foit fi rapide , qu'il ne leur faille que quelques minutes pour pa- roître tout formés? Des Animaux qui ne font, pour ainfi dire , qu'une gelée épailîie , les Po- lypes à Bouquet , nous ont fournis des exemples d'un accroifleraent très - accéléré : des Animalcu- les d'une confiftence incomparablement plus dé- licate ou plus rare fe développeroient bien plus rapidement, car les tems des développemens doivent être relatifs aux dégrés de réfiftance des Solides. Tandis que l'on ignoroit la véritable origine des Vers de la Viande , & qu'une faine Philofo- phie n'éclairoit point encore les Efprits , on pen- foit bonnement , que les molécules de la Vian- de , mifes en aclion par une fermentation con- venable , s'arrangeoient & s'organifoient de ma- nière à produire des Infeftes. On n'imaginoit pas que la Nature dût fe mettre en plus grands frâix pour former des Etres fi vils & qui méri- toicnt à peine le nom d'Animaux. Comme l'oa 03 ÎI4 Considérations Su» Les ne foupçonnoit pas le moins du monde qu'ils eufTent un Cerveau , un Cœur , des Artères , des Veines , un Eftomach , des Trachées innom- brables , des milliers de Yeux , &c. , on jugeoit facilement que leur Génération ne devoit pas être aufli régulière que celle des grands Animaux, dont l'admirable organifacion ne pouvoit être mé- connue. Ri.Di parût: il couvrit la Viande d'un rézeau ; il en interdit ainfi l'aproche aux Mou- ches ; la Viande fe corrompit & ne produifit pas un feul Ver. Les mailles des rézeaux de Mr. Needham étoient- elles aflez ferrées? Quand pour expliquer l'apparition de certains Animalcules dans une Liqueur, on recourt à des Forces producîrîces ^ à des Vertus végétatives ^ ne met - on pas des mots à la place des chofes ? Quelle idée a-t-on de ces Forces? Comment conçoit-on qu'elles organifent la matière , qu'el- les transforment des molécules inanimées en E- •très vivans, le Végétal en Animal? Cette mer- veilleufe opération s'exécute - 1 - elle tout d'un coup ou par dégrés ? Ce n'eft pas tout d'un coup , puis que l'on nous en décrit les progrès : ce n'eft pas non plus par dégrés , ou par une forte ^E- voluîion , puisque le développement fuppofe l'ac- tion combinée de tous les Organes. Pourra -t- on fe réibudre à admettre que le Cerveau foit formé après le Cœur , lors qu'on fongera aux ra- ports fi nombreux, fi variés, fi compliqués qui lient le Cœur au Cerveau? Croira -t -on que le Cœur puiffe agir avant le Cerveau , dès que l'on fçaura que l'aàion du premier fuppofe néceifai- Corps Organise' s. 215 rement celle da fécond ? Plus on aprofondit la nature de l'Animal , plus on s'aide des lumières de l'Anatomie, & plus on fe perfuade qu'un Tout û harmonique n'a pu être formé pièces après pièces. Et fi l'on fe retranchoit à dire que la Force génératrice produit fon effet d'un feul coup , je demanderois quel grand avantage Ton trouve à mettre une telle P'orce à la place du Créateur qui fûrement agit ainfi , & dont nô- tre eilimable Auteur eft très-éloigné de combat- tre fexiftence ? Nous avons ri d'EPicuRE qui formoit un Monde avec des* Atomes : faire un Animal avec du jus de Mouton, feroit- ce moins choquer la bonne Philofophie ? La Nature entière dépofe contre les Généra- tions équivoques, V^oyez les variétés de la Fé- ^condation & de la Génération ; j'en ai tracé le tableau dans ce Chapitre & dans le précédent: cependant tous les Animaux fi diiîèmblables en- tr'eux par la manière dont ils font fécondés & dont ils engendrent , fe relîémblent tous en ce- ci, qu'ils tirent leur origine d'un i\nimal de mê- me efpcce. Les Polypes , fi différens de tous les autres Animaux par les propriétés fmgulières qui les cara6lérifent , n'en ont pas une Généra* tion moins régulière , moins tmivoque. Je fcais que nous devons nous tenir en garde contre les règles générales ; je Pai, ce me femble, aflez prouve : mais , je fçais auifi , que les exceptions doivent être rigoureufement démontrées pour, être admifes, fur -tout lors qu'elles choquent la O4 ai(5 Considérations Sur les loi la plus iiniverfelle , la plus conftante , la plus invariable de toutes celles que nous connoif- fons. Or, je demande à Mr. Neildham , s'il eft aufli rigoureufement démontré que les Ani- malcules des Infufions n'ont point une origine femblable à celle des autres Animaux , qu'il l'eft que les Pucerons multiplient fans accouplement? Ces filamens , que Mr. N e e d h a m tranf- forme en parfaits ILooph^tes , en font - ils réel- lement? ou plutôt, avons -nous des preuves qu'il exifle de vrais Zoophytes ; je veux dire , des Etres qui foient à la fois & dans le fens propre , Végétaux & Animaux ? Pour juger de cette quellidn, il faudroit connoitre le ca- radtère qui différentie l'Animal de la Plante , & ceux qui ont le plus médité ce fujet , avouent de bonne foi leur ignorance. Quand on abftrait de l'Animal, tout ce qu'il a de commun avec la Plante , on eft furpris de voir , qu'il ne refte aucun caraélère qu'on puifTe regarder comme diftin&if. Boerhaave difoit que la Plante fe nourrit par des Racines exiérieures , & l'Ani- mal par des Racines intérieures. Il compa- roit les Veines lactées à des Racines ? Mais n'y a - il pas un tems où l'Homme , le plus par- fait des Animaux , fe nourrit par des Racines extérieures V L'Embrion ne pouiîe-t-il pas dans la Matrice des efpèces de Racines P Et les Oeufs qui croijjent au centre des Galles , ne font -ils pas des efpèces fui^^ulières d'Animaux, qui fe nourriffent à la manière des Plantes (a)l (tf) Voyez l'Artkle 315. Corps Organisi^s. £17 V Ir-ntahiliîé , cette propriété fi remarquable de la Fibre mufculaire , paroitroit nous fournir un caraftère plus diftindif : mais , efl: - il certain qu'aucune Partie du Végétal ne foit irritable ? Des Animaux qu'on multiplie de Bouture & que l'on greffe, des Animaux qui multiplient naturellement par Rejeltons , ne font pas plus de vrais Zoophyîes que la Chenille ou le Chien. Ce font feulement des Animaux qui ont plus de propriétés commîmes avec les Plantes , que n'en ont la Chenille ou le Chien. Un AnimaU fiante ne feroit à proprement parler ni Animal, ni Plante ; il formeroit une claiGTe à part , une nouvelle nuance , un nouvel échellon dans l'E- chelle de la Nature. Mais, les fîlamens de Mr. Neediiam ont du mouvement & une forte de vie. Des Ato- mes s'en détachent & s'en éloignent un peu. La Tige & les Branches de quelques Polypes à Bouquet , fe donnent auffi des mouvemens : des Atomes s'en détachent & s'en éloignent. Si ces Polypes étoient auîTi petits que les Animal- cules des Infufions , ne nous méprendrions- nous pas fur leur véritable nature ? Démêle- rions-nous la forme de flnfeéle ? Apercevri- ons-nous diftinélement cet afîemblage admira- ble de Branches , de Rameaux & de Cloches ? Devinerions -nous la divifion naturelle de celles- ci 5 & tout ce qui concerne une multiplication dont le Règne animal ne nous offre point d'au- tre exemple ? Je ne veux point inflnuer par -là 2i8 Considérations Sur les que les Animalcules des Infufions appartiennent au genre des Polypes ; j'ignore profondément la Itruclure de ces Animalcules , leur origine & leur manière de multiplier : mais je veux donner à entendre que leur exceUive petitefle ne nous permet pas de juger de ce qu'ils font. Mr. Needham conclud encore de fes ob- fervations , que les Animalcules, qui fe déta- chent des filamens , font produits par les fila- mens. Je n'en vois aucune preuve. Des Ani- ■ malcules aë riens ou aquatiques , d'une petiteffe extrême , qui s'introduiroient en grand nombre dans la fubftance filamenteufe du Grain , qui s'en nourriroient , qui s'y développeroient & s'y multiplieroient , & qui l'abandonneroient en- fuite les uns après les autres , ne produiroient- ils pas des apparences qui fe rapprocheroient beaucoup de tout ce que nôtre Auteur nous raconte? J'en dis autant de femblables Animal- cules qui fe logeroient dans une Moififlure & qui y multiplieroient , comme quantité d'Infec- tes le logent & multiplient dans différentes Par- ties des Plantes. Les filamens qu'on découve dans la Liqueur féminale peuvent être d'une toute autre natu- re que ceux des Infufions, & je ne trouve pas qu'il foit mieux prouvé que les Animalcules fper- matïques nailTent de ces filamens , qu'il l'efl que les Atomes des Infufions nailTent de cette for- te de Moififfure dont j'ai parlé. Nous ne con- noiflbns point l'origine des Vers fpermatiques ; Corps Orcanise's. 219 c'eft beaucoup que nous fâchions feulement qu'ils exiftent. Sommes - nous plus au fait de l'origine des autres Vers du Corps humain , qui font d'énormes Colofles en comparaifon ? En conclurons - nous qu'ils la doivent à une Force produdrice , ou au concours de certaines mo- lécules organiques communes au Végétal & à l'Animal ? Mais , pourrions -nous oublier ces Mouches Ichneumons qui vont dépofer leurs Oeufs dans le Corps des Infeétes vivans , & d'autres Mouches plus hardies qui vont pondre dans le Nez du Mouton, dans le Reclum du Cheval , dans le Gozier du Cerf ? Combien d'Infeéles invifibles qui , femblables en ce point à ces Mouches , donnent naiffance à des mil- liers d'Animalcules , fur l'origine desquels on s'é- puife en vains fyftêmes ! J'ai dit que Mr. Needham avoit reconnu , que les prétendues Anguilles qu'il croyoit avoir vues dans le Bled niellé , étoient des filamens ou des Zoophytes pareils à ceux des Infufions. Son excellent Traducteur , dont le Gàiie phi- lofophique & lumineux éclairciroit des matiè- res plus difficiles & plus obfcures encore que celle-ci, fait fur ces prétendues Anguilles une remarque importante , qui , fi elle étoit plus a- profondie , pourroit nous donner la clef de ces Découvertes. Voici cette remarque. „ Il ar- 5, rive 5 dit - il ( ^ ) , afles fouvent , à ces An- («) Nouvelles Découvertes faites avec le Microfcope, &c. page 103. 39 59 59 59 220 Considérations Sur Les „ guilles de fe rompre , & alors on voit fortîr „ de leur Corps plufieurs petits globules , noi- „ râtres ; enveloppés dans une fine Membrane; 5, or j'ai obfervé plufieurs fois que de ces pa- 5, quets de globules , il fortoit de petits Corps „ qui nageoient dans l'eau avec beaucoup de „ vicefle. Ces globules qu*on peut même dé- couvrir dans le Corps de TAnguille à caufe de fa tranfparence , font -ils donc de petits Animaux , renfermés dans l'Anguille comme dans un étui ? Pour être en état de réfoudre 5, la queftion , il faut obferver de fuite une „ Anguille jufqu'à-ce qu'on ait vu tous les glo- 5, bules en fortir ; examiner ce qu elle devient 5, alors, & fuivre les progrès de ces derniers". Telle eft , en effet , la meilleure route à fuivre pour s'inrtruire de l'hiftoire fecrette de ces pe- tits Corps , & fi Mr. Neediîam l'avoit fuivie , nous ne ferions peut-être pas réduits aujour- d'hui à de pures conjeélures. Remarquez , je vous prie , que le Tradu6leur n'infinue point , que les Anguilles ou filamens foient des Zoo- phyîes , qui produifent des Animalcules. L'ob- fervation n'a point fait naître cette idée dans fon Efprit : il fe borne fagement au fimple ré- cit de ce qu'il a vu, & il fait très -bien voir. Il dit qu'il arrive fouvenî aux Anguilles de fe rompre , ^ qii alors on en voit fortir des glo' luks noi^'ùtres. Il ajoute , quHl a obfervé plu- fieurs fois ^ qu'il fortoit de ces paquets de globu- les de petits C^rps qui nageoient avec viteffe. Il E'ofe pas même décider que ces petits Corps Corps Organise' s. 221 fuient des Animalcules. Admettons néanmoins avecMr.NEEDHAM, que c-en font réellement: puifqu'ils paroilfent renfermés dans le filament comme dam un étui , ne feroit - ce pas une rai- fon de foupçonner que cet étui eil leur ouvra- ge ? Les mouvemens très fenfibles des étuis, dépendaient ainfi de ceux des Animalcules, s'ils ne tenoient encore au relFort naturel des Parties du Grain ou à Tadlion de l'eau fur ces Parties. Quoi qu'il en foit , cette curieufe obferva- tion eft 5 à mon avis , une preuve ailes direéle, que les filamens du Bled niellé ^ dont parle Mr. Needham , ne font point de vrais Zoophytes , qui engendrent des Animalcules. Et comme il penfe , que ces filamens font de même nature que ceux des Infufions ; nous pouvons en in- férer , que ces derniers ne font pas non plus des Zoophytes ; mais qu'ils font probablement des efpèces de fourreaux habités par des Animalcu- les, ou pleins de Globules mouvans. Je ne cherche point à deviner quelle eft To- rigine de ces fourreaux , quelle en eft la natu- re , comment ils font formés , pourquoi ils fe rompent , &c. , je ne cherche qu'à prémui.ir mes Leéleurs contre des conféquences qui re relfortent pas immédiatement des Faits , & qii font contraires à tout ce que nous connoilTons de plus certain de l'Hiftoire des Animaux. Je fuis donc fort difpenfé d'examiner d'où provient cette dégradation continuelle des fila- jnens & des Animalcules , ou pour fuivre l'idée 122 Considérations Sur Les de nôtre Auteur , cette converfion graduelle des Zoophytes en Animalcules , & des Animal- cules en Zoophytes toujours décroiflans. Ce ne font là que de pures apparences , & Mr. Needham l'auroit fans doute reconnu , fi fes Yeux qui nous ont découvert tant de chofes , lui avoient permis de reprendre des obferva- tions qui auroient exigé de leur part de nou- veaux efforts. Mr. de Reaumur n'avoit point été trompé par. ces apparences. On peut fe rappeller ce qu'il en écrivoit à Mr. Trembley, & qu'il m'avoit confirmé à moi-même dans fes Lettres (jf). Il eft très -faux , difoit ce grand Obfervateur , qui ne voyoit dans la Nature que ce qui y étoit; il eft très -faux que les Gé fiera- lions de ces Animalcules foyent d'Animaux de plus en plus petits , comme Vont avancé M. M. JnJeedham & de Buffon ; tout va ici comme à l'ordinaire , les petits deviennent grands à leur tour. Au refte , fi l'on foupçonnoit le moins du monde , que j'euife trop preffé les idées de Mr. Needham, fur la manière dont il penfe que les Animalcules des Infufions font formés , je n'aurois , pour diifiper ce foupçon , qu'à ci- ter le paffage fuivant de l'Auteur lui-même. Les Animalcules microfcopiques , dit - il , ne font pas engendrés & n engendrent pas de la manié' re ordinaire ; mais , ils fervent cependant corn- 'me de clef pour conduire à la Génération des (a) Voyez l'Article 135. Corps Organise 's. Î223 mitres Animaux. Ces expreïïlons , il eft vrai , ne rcveillent pas des idies bien claires : TAu- teiir les développe un peu plus en parlant des Anguilles de la Colle, W nous aprend qu'elles font vivipares. Il dit qu'elles peuvent conti- nuer à multiplier ainfi tandis qu'elles font dans l'élément qui leur convient. Mais , il ajoute , autant qu'il en peut juger par fes obfervations ^ que leur première origine eft telle que celle de tous les Animalcules microfcopiques- ^ Jl fait entendre , qu'avant que d'arriver à l'état c^An- giiilks 5 elles pafîent par plus de changemens , que n'en éprouvent les Animalcules des Infu- fions , & qu'enfin elles parviennent à l'état à'Oeiifou. de Chryfalide , qui les conduit immé- diatement à celui d'Anguilles. On voit par ce court expofé , que Mr. Need- HAAi penfe fur ces Anguilles comme Mr. de BuFFON (d) , & ni l'un ni l'autre ne nous don- nent aucune preuve démonftrative de la vérité d'une opinion fi étrange. J'aimerois , je l'a- voue , à me perfuader à moi- même , qu^an aulTi bon Efprit que l'eft Mr. Needham , & pour lequel j'ai une eftime fi fmcère , n'a point adopté de tels paradoxes. Je le prie de réflé- chir de nouveau fur les Faits & fur leurs réful- tats les plus immédiats, & j'attends de la jus- telTe de fon Efprit , de fa candeur & de fon amour pour le vrai , qu'il reconnoitra que fes confequences vont beaucoup plus loin que les (») Voyez rArliele 31», 224 Considérations Sur Les obfervadons ne le comportoient. Il voudra bien me pardonner la liberté avec laquelle je me fuis exprimé fur fes fentimens : je ne confondrai ja- mais avec eux les Faits précieux dont il a enri- chi l'Hiftoire Naturelle. Je le difois ailleurs ; les Etres fentans ont été variés & multipliés autant que le plan de la Créa- tion le permettoit. La Matière brute a pour dernière fin la Matière organique, & celle -ci les Ames ou les fubfhances fmiples qui lui font unies , & qui en reçoivent différentes modifica- tions. Une portioncule de Matière morte ou vivante fert de retraite ou de pâture à des Ani- malcules qui lui font alfortis. Ce qui fe pafle très en grand dans un morceau de Chair qui fe corrompt à l'air libre , fe pafle très en petit dans mie goutte d'Infuuon ou dans une Graine. In- dépendamment des Animalcules du dehors, con- tre les aproches defquels on ne fçauroit multiplier trop fcrupuleufement les précautions dans ces forces d'Expériences , leurs Oeufs ou leurs Se- mences peuvent fe conferver au fec bien plus longtems peut-être que les Oeufs de certains Polypes (^), & donner ainfi naiflance à de nou- velles Générations dont on cherche ailleurs l'o- rioine. Ne feroit»ce point ici une des principa- les fources des phénomènes que préfente le Bled niellé^ & que j'ai indiqués dans la fixième Ex- périence de fArticle précédent? Apres (a) Article 317. ,,. ^.^ '. Corps Organise' s. iî^ Apres avoir comporéce Chapitre, j'ai cru de- voir écrire à Mr. NeedHx^m , pour le prier de m'aprendre s'il étoic toujours dans les mêraes idées fur l'origine des Animalcules ; car j'aimois à penfer qu'il les avoit abandonnées. Voici l'ex- trait de ma Lettre en date du 31. de Décembre lyôi. N'avez' vous rien découvert de nouveau fur les Animalcules micro fcopiques depuis les oh^ fervaîions que vous avez publiées dans les Trans- actions Philofophiques ? Eus-vous toujours dans les mêmes idées fur l'origine de ces Animalcules'^ PenfeZ'Vous quils la doivent toujours à ces fila" mens que vous avez regardés comme des Zoophy- tes ? Admettez-vous encore cette dégradation con- tinuelle des filamens & des Animalcules , &' cetts converfion des filamens en Animalcules , & des Animalcules en filamens qui décroijfent graduel' lement jusques à ce quils foyenî devenus invifïbles au Micro fcope? Avez -vous répété de nouveau vos curieufes Expériences fur le Bled 7nellé , jô veux dire fur ces filamens animés que pré fente la poudre corrompue qu'il renferme ? Mr. Needham m'a répondu en ces termes. Je n'ai pas trouvé encore aucune raifon de chan» ger mes fentimens fur l'origine des Animalcules en queflion. J'ai fouvent répété depuis les mê* mes Expériences , avec^ le même fuccïs , 6* ^«- core depuis peu un Projejfuir de Reggio vient de m' écrire^ qu'il a fait précifé ment les mêmes ob* fervations , auxquelles il en a ajouté plujîeur s au" très pour confirmer mes fentimens là-dejfus. M ToM. IL J» da6 Considérations Sur Les va les publier en forme de Lettres , & vous les verrez bientôt. En attendant la publication de ces nouvelles obfervations , j'oferois bien prédire qu'elles ne démontreront pas que les Animalcules dont il s'a- git 5 ayent une origine auiïi étrange que l'a penfé & que le penfe encore mon célèbre Confrère. Je m'en tiens donc , fans balancer , aux réflexions que je viens de foumettre au jugement du Lec- teur éclairé & impartial. Corps Orsanise's. «127 CHAPITRE VII. Idées fur la manière dont la Féconda- tion s'opère chez les Animaux. 332. But de V Auteur» Tant de Faits divers que j'ai raflemblés dan« cet Ouvrage en fiweurde/'jEi;o/////o«, prouvent aflez que les Corps Organifés ne font point pro- prement engendrée ;m'\\^ qu'ils préexiftoient oru ginairement en petit. Jl s'agit donc pour expli- quer le grand myitère de la Génération , d'afli- gner les caufes phyfiques qui opèrent les pre- miers développemens de ces Corps : car fi rien n'eft produit, tout fe développe , & il n'eft pas plus de vrayes Générations que de vrayes Mé- tamorphofes. Les belles obfervations de Mr. de Haller fur le Poulet, nous ont démontré ce que Ton n'avoit que foupçonné , que l'Embrion préexifle dans l'Oeuf à la Fécondation {a). On a vu ci- defllis Ç^), que plufieurs années avant cette importante découverte , j'étois parti de ce prin- cipe fondamental , que la Liqueur féminale n'é- toit qu'un Fluïde llimulant & alimentaire , qui en pénétrant dans l'Oeuf, y devenoit la fource de l'Evolution du Germe {c). J'ai bazardé là-dei- (a) Voyez Ici Articles 14,1, 143*. & fuivans. C>) Art. 25» a6, ajj al, 29> 38» &c. Att. I4»i Ce) Art. 43. P a ta8 Considérations Sur Les fus quelques conjectures que je n'ai données que pour ce qu'elles valoient t ^ )• Mon delTein n'efl pns aduellement de déve- lopper beaucoup ces conjeélures, & d'en faire une aplication fuivie aux divers cas que préfente mon fujet. Je reierve ces détails pour un troi- fième Volume que je publierai peut - être. Je me bornerai ici à des confidérations aflez géné- rales qui me paroiflent refuker naturellement des Faits. 333. Principes généraux fur la Fécondation, Un Oeuf infécond n'efl donc pas privé de Germe ; mais , le Germe invifible qu'il renferme ne fe développera jamais , parce qu'il a manqué d'une condition néceiTaire au développement , il n'a pas été fécondé. La Fécondation n'introduit donc pas dans rOeuf ou dans la Véficule un Germe qui exiftoit auparavant chez le Màle; elle ne fournit pas des Molécules organiques , qui en s'uniiiant en vertu de certaines Forces de raporî à celles de la Femelle, produifent le Fœtus: mais le Germe logé dès le commencement dans l'Oeuf ou dans la Véficule , reçoit de la Liqueur que fournit le Mâle , le principe d'une nouvelle vie. Elle le met en état de fe développer , & de franchir les bornes étroites qui le renfermoient. A mefure que le Germe fe développe , il aug- mente.en même tems de volume éc de majp^ Corps O r g à N i s i' s. stj Une Force impulfive ou expanfive agit donc en lui , & des Molécules étrangères viennent sHn^ corporer h. fes Parties élémentaires. Cette incorporation fuppofe la Nutrition^ & celle-ci la Circulation, Il faut que les fucs nour- riciers foient portés à toutes les Parties pour qu'ils s'incorporent avec elles j & c'efl: là un des principaux ulages de la Circulation. Comme la Liqueur féminale ne forme point le Tout entier , elle ne forme point non plus une Partie intégrante de ce Tout. Elle n'ajoute point à l'Embrion un Cœur qu'il n'avoir pas: mais, elle donne au Cœm préfbrwé de l'Embrion une aélivité , Hins laquelle il ne parviendroit point à furmonter la refillance des Solides, La caufe phy/lque des mouvemens du Cœur eft dans Ton Irritabilité : des Expériences réité- rées le prouvent (ji). La Liqueur férainale eft donc une forte de jlimulant , qui en irritant le Cœur de l'Embrion lui imprime un dégréde For- ce qu'il ne pouvoir recevoir que de cette feule Liqueur. Le mouvement une fois imprimé au Mobile , s'y conferv^e par r Irritabilité , toujours fubfif- tante , toujours inhérente au Miifcle, Voilà donc la petite Machine montée; mais fon jeu n'eft pas Amplement celui d'une Montre. Le RefTort, les Pignons 3 les Roues de nôtre petite î (a) Confukez l'Article 285, & la DilTertation de Mr. DR . Haller far l' Irritabilité ^ &, celle fur les Mouv^imensdU Cœur, P 3 t.%o Considérations Sur Les Machine animale , doivent revêtir peu à peu de nouvelles formes & de nouvelles fituations ref- pedives: enfin, ils doivent croître , fe dévelop- per, & les changemens de formes & de fitua- tions dépendent du développement ( a ). Le développement fuppofe faction d'un Flui- de. Un Fluide eft donc chaffé par le Cœur de l'Embrion dans fes Artères qui le tranfmettent à toutes les Parties , d'où il eft raporté au Cœur par les Veines. Ce Fluide doit être proportioné à la prodi- gieufe finefle desVailfeaux du Germe. Un Sang tel que le nôtre , n'y feroit pas admis. Le Sang de fEmbrion elt d'abord une Liqueur tranfpa- rente & prefque fans couleur. 11 devient bien- tôt jaunâtre , puis rougeâtre, & enfin rouge. Je prie que l'on veuille bien relire l'Article 163. Le Fluïde qui circule dans l'Embrion acquiert donc par dégrés des Molécules de plus en plus grofTières , & qui changent de plus en-plus fa couleur primitive. Il étoit donc d'abord très dé- lié , très atténué , & probablement moins hété- rogène. L'impulfion continuelle du Cœur agran- dit le calibre des Vaiifeaux dont la foupleife eft encore extrême. Ils admettent des particules plus groffières. Le fang s'épailfit , fe colore & devient toujours plus hétérogène. La reffemblânce plus ou moins marquée des En fans au Père & à la Mère , & fur- tout la ref- fembla^ice plus décidée du 3Iukt à l'Ane & à la («) Confultez le Chapitre XX. Tom, z^^. Corps Organise' s. 13! Jument , doivent avoir une raifon primitive , qu'on ne peut trouver que dans la Fécondation, Le Sperme du M^le a donc fur les folides de l'Em- brion une influence qui porte fur toute la vie de l'Enfant oa du Mulet ; car les traits qu'il leur imprime 5 ne s'cifacent jamais. Cette refTemblance n'afFeéle pas feulement l^ extérieur de l'Embrion , elle affede encore fon intérieur. Le Mulet a une Voix qui imite fore la Voix de l'Ane , & qui ne reffemble point du tout à celle du Cheval. L'Organe de la Voix de l'Ane eft un Inftrument plus compofé qu'on ne l'imagineroit, & qu'un habile Anatomifte a fçu nous faire admirer (a). Un Tambour d'une conftrudion très fingulière , placé dans le La- rynx , eft la Partie principale de cet Inftrument. Or , ce Tambour , qui a été accordé à l'Ane , fe retrouve dans le Mulet , & le Cheval en eft privé. Le Sperme pénètre donc le Germe, & fon influence ne fe borne pas à animer le Co&ur. Le Cheval , defliné en miniature dans l'Ovaire de la Jument , reçoit de l'impreiTion du Sperme un Organe qu'il n'avoit pas originairement. La Li- queur de l'Ane paroît donc le transformer en Mulet, Pour que le Sperme opère de tels changemens dans l'Embrion, il faut, ce me femble, qu'il ar- rive de deux chofes l'une ; ou qu'il foit porté (4) Mr. Herrissant,M»w. de VAcaà. 1753. pag. i%j. in4o, P4 t3* Considérations Sur Les lui-même par les Artères de l'Embrion à toutes les Parties , ou qu'il détermine les Fluides de l'Embrion à fe porter avec plus ou moins d'a- bondance à certaines Parties. La furabondance des fucs fufFit feule pour changer une Partie à nos yeux. Quelques Fi- bres d'une Feuille deviennent une grolTe Galle , lors qu'elles font trop abreuvées : & combien de Tumeurs animales qui n'ont pas d'autre origine ! La difette des fucs , au contraire , apauvrit les VaifTeaux : ils s'oblitèrent enfin , & la Partie de- vient presque méconnoiifable , fi même elle ne s'efface entièrement. Les triftes effets de l'épuifement indiquent af- fez que la Liqueur féminale eft portée aux Nerfs du Sujet 5 & qu'elle efb très analogue aux Efprits animaux , dont elle elt peut - être toute imprég- née. La partie la plus fubrile d'une Liqueur fi élaborée , paroît très-propre à s'infinuer dans les Vaifleaux infiniment déliés du Germe. Les Faits prouvent qu'elle pénètre celui - ci. Elle pourroit encore y circuler, & produire par ion aélion immédiatte fur différentes Parties ces traits frap- pans de reffemblance , dont nous tâchons de dé- couvrir les caufes. C'eft ce que j'avois admis dans mes premières méditations , & que j'ai ex- pofé dans le Chapitre 111. du Tome i°^ de cet Ouvrage. Sx rien n'ell engendre^ les longues Oreilles du Mulet & le Tambour de fon Larynx ne le font pas. Le Ligament capfulaire & les Bandes liga* Corps Organise' s,' 233 menteufes qu'on obferve dans la Greffe de l'Er- got du Coq fur fa Crête , ne font certainement pas engendrés : la plus fine dilTeclion ne peut pourtant les démontrer ni dans l'Ergot ni dans la Crête. Ils y étoient néanmoins , mais fous une autre forme , & la Greffe les a rendus vifi- bles fous celle qu'elle leur a fait revêtir Qa), Le Cœur du Poulet ne fe montre d'abord que fous la forme d'un demi anneau : point de Fenîricu- les , point d'Oreillettes du moins apparentes; voyez dans les beaux Mémoires de Mr. de Hal- LER comment la fmiple Evolution amène au jour ces divers Organes auparavant invifibles ou trop déguifés QP). Si donc on ne voit point au La- rynx du Cheval , le Tambour qui eft fi vifible dans celui du Mulet, ilne s'enfuit point du tout, qu'il n'y ait dans le Larynx du premier au- cune Partie qui en recevant de l'imprefiion du Sperme , certaines modifications, ne puifie s'ac- quiter des fondions propres à cet In0;rument3& imiter ainfi celui de l'Ane. Q u E le Sperme agiflTe fur certaines Parties , qu'il les modifie, qu'il les faffe germer, croître, développer , meurir , c'eil ce qui eft évident par la mue de la Voix , par la végétation du Bois du Cerf, par celle des Défences , des Cornes de la Crête , de la Barbe , &:c. & par bien d'au- tres Faits du même genre , qu'on ne fçauroit ré- voquer en doute. (a) Confultez rArtîcIe 271. , (t; Art. J44 & 146. PS 534 Considérations Sur Les S I le Sperme modifie la Voix , ce ne peut être qu'en modifiant l'Organe même de la Voix, & puisqu'il eft capable de produire un tel effet dans l'Adulte , dont les Fibres déjà très dévelop- pées, ont acquis de la confidence, quels chan- gemens ne peut -il pas opérer fur l'Organe de la Voix du Germe , qui n'elt presque qu'une gout- te de mucofité organifée ? Dans ces premiers tems , où tout efl: d'une dé- licatelTe inconcevable , la plus petite quantité de matière , le plus léger mouvement , peuvent chan- ger l'œconomie d'une Partie , & la changer pour toujours. Car cette Partie fe nourrit & elle croît. Les Atomes alimentaires qu'elle reçoit , s'y ar- rangent conféquemment aux modifications fur- venuës. Ils fortifient ainfi l'imprelTion originelle du Sperme ; ils la rendent faiilante , durable , in- effaçable. Je renvoyé à l'Article 170. On a crû trop légèrement , que la Liqueur féminale fourniiïbit à l'Embrion des Parties intégrantes. On a pris pour telles des Parties même de l'Embrion , modifiées originairement par l'aétion de cette Liqueur. Un examen plus fcrupuleux de ces Parties l'auroit démon- tré ; mais on s'elt hâté de conclurre. Le Pou- let appartient à la Poule , le Mulet à la Jument ; les preuves en font direéles (^), tout le refte n'eft qu'indireél. Apuïons nos raifonnemens fur la baze la plus folide. Le Tambour du Mulet peut imiter le Tambour de l'Ane ; mais fûrement («) Article 242. Corps Orsakisi's. 135 il n'eft pas celui de TAne. J'invite Mr. Herris- SANT à faire de nouvelles recherches & à recou- rir à des diiredions plus délicates. J'ofeiois lui prédire qu'il trouvera au moins autant de diirem- blances que de refTemblances. MM. de Reau- MUR (tf ) & de BuFFON (F) avouent tous deux qu'ils ne font point parvenus à fe fatisfaire fur les Millets, Les réfultats des Expériences n'ont pas été invariables , & fouven^ les Expériences elles-mêmes n'ont rien produit : preuve évidente qu'il n'eft pas fi facile d'établir les raports au Mâle. Observons , difféquons , comparons. Le Taureau a quatre Eftomachs, l'AnelTe n'en a qu'un. De l'accouplement du Taureau avec TAnelTe il naît un Jumar. Nous n'avons point la diffeélion de ce Mulet , & elle feroit à défi- rer. Si les principes dont je pars font vrais , le Jumar ne doit point avoir les quatre Eftomachs de fon Père; mais 3 il ell: poiîible que TEflomach unique qu'il avoit dans l'Ovaire de fa Mère, éprouve de grands changemens de l'influence du Sperme , & que ces changemens aillent au point que TEftomach en paroîtra comme divifé ou mul« tiplié. L'on alFure , que de l'accouplement du Coq avec la Canne , il naît un Mulet qui a les Pieds du Coq : je fais fur ces Pieds le même rai- fonnement que fur leTambour du Mulet propre- ment dit. Je rétendrai encore à cette Famille de l'Ifle de Malthe dont Mr. de Reaumur nous (a) Art de faire éclerre les Poulets &c. Toin. 2, pag. 371. de Ja 2îent y atteindre. Je penfe donc qu'on ne doit pas affirmer avec Mr. HEBENSTseiT , quc Ics Organes de la Génération du Mulet font auffi bien condiiionés que ceux du Œevai ou de l'Hom- Corps Organise'». 24^ dans le Germe. Ces Vaifleaux peuvent avoir été conftruks ou calibrés de manière qu'il n'y ait que ceux de la même efpèce qui le correft pondent exaclement dans le grand & dans h petit. me. Il n'a vu de ces Orgnnes que les Parties les plus grofCè' res ou qui en conitituent la charpente. Et ces millions de Vais- Jeaux capillaines dont il parle, auroil-il jamais pu les démêler & les comparer à ceux du Chevnl ou de l'Honimc? NÔTRE fçivant Profelli-ur paiTe em'uice à la defcription des Organes de la Mule. Les Parties extérieures ne lui ont point paru différer de celles de la Jument Mais ce qu'il y a de fni' guliir dit il, ^ qu'aucun Auteur n'a décrit, c'ejt que la Mule a le conduit de l'urine place d'une manière di^erente de celle qui a lieu dans les autres Animaux ; il ne va point à la l'ulve en paffant entre le Citoris ^ l' orifice extérieur de la Matrice, tnais il eft ren- fermé dans l' Etui même de la Matrise , (^ c'ejt de là que l'urine coule L'Auteur de cecre découverte en infère avec fonde- ment, que cette feule confor;na:iom paroitr oit Juffijante pour faufer la ftérilité de la Mufe : elh doit emporter , ajoute ■ t - il , avec fou urine la Sémevce qu'elle a reçue. Joîç^nez à cela, que cet écoule» ment perpétuel d'urine, durcit l'Etui de li Ma' rie e en forte qu'on n'y trouve pas, mé.ne lorsque que la Muls ed i<:uni ^ les plis ^ les rides ordtnairei. Une féconde obrervation importante de Mr. Hebenstreit regarde l'Ov'aire. // a, dit-il , les VM(Jeaux ordinaires , Artères , Veines, Kerfs; ils procèaent tous ies lieux accoutumés , ^ Je par- tagent dans l'Ovah-e, comme on le voit diffinclement après les avoir préparés par l'injerdon du Mercure. Mais ca Ovaire ne contenoit aucune des Veficulfs transparentes qu'on a coutume de nommer Oeufs, à moins que ces Oeufs , qui dans leur origijie font presque imp^r- centihies , n'ayent été encore cachés dans la partie jaune de l'Ovaw re; cependant comme le fujet de la diffeÙion avoit d.jà l'âge requis pour l'accouplement , quelques Oeufs du moins auroient dû s'y ma- nifejier comme dans les autres F^^melles de cet âge, Ainfi l'on efi en droit de conclurre de l'abjence des Oeu^s la ftérilité. » ,. -^X Enfin, une troifième obfervstion très remarquable, eft celle par laquelle Mr. Hebenstreit termine la Lettre dont je donne l'extrait Elle roule fur la Marijce de la Mule. Je ne connais pafnt, dit- il , de Matrice dans aucune antre Femelle, qui sit la Peau aujji déliée , ^ dont la circonférence fois aujfijpacieufe Q 5 S50 GONSIDERATIONS SurLeS Il y aura eu plus de latitude à Tégard des au- tres Organes. Nous ignorons les limites de cet- te latitude. L'expérience feule peut nous les faire connoître : mais , il n'y a pas d'apparence qu'elle s'étende du Quadrupède à l'Oifeau. Un que dans la Mule. L'Utérus des Jnhnaux eji en général d'une fub ■ fiance fort compatle , celle de la Mule eji à peine égale enjolidité à la Fejjle de l'urine. Cela mêla fait croire inhabile à porter, ayaîit beaucoup trop de transparence ^ de rareté en comparai/on de celle des autres animaux , pour Joiitenir le poids du Foetus^ Il paroît donc que l'altération des Organes fexuels , qui ne fe manifefte chez le Mulet que par fes effets, je veux dire par l'état de la Liqueur féminale, fe manifefte chez la Mule dans les Organes eux - mômes. On n'attend pas de moi que je ren- de raifon du déplacement de l'Urètre, il faudroit d'ailleurs s'as- furer qu'il eft confiant. A l'égard de l'abfence vraye ou ap- parente des Oeufs & du peu d'épaifleur de la Matrice, ce font des Faits dont l'explication rentre dans lafphère de mes princi- pes & qui les confirment. Tout ceci nous démontre de plus en plus, combien les Ex- périences fur les Mulets peuvent répandre de jour fur le myf- tère de la Génération, & il eut été bien à défirer , qu'au- litu de differter fans tin fur cette matière, l'on fe fut adreffé direc- tement à la Nature, le fcaîpel & la lentille à la main. N'eft- 11 pas étonnant qu'on n'ait pas cherché plutôt par cutte voye, les caufes de l'impuiflance du Mulet? Dans la Partie (uivaate du même Journal eft une Lettre du célèbre Mr. Klein, relative à la précédente, mais bien moins inilruélive. L'Auteur y applaudit aux obfervations du Profts- fcur de Leipfig, & fait fur le myftère d la Génération des ré- flexions qui prouvent, qu'il n'avoit pas cherché à aprofondir ce fujet. 11 rejeite la préexiftence du Germe dans l'Oeuf, & fe déclare Pirrhonien à l'égard de tous les Syftèmcs connus. Mr. HEBENSTPETTdit- il, admet que l'Embrion exijîe toujours dans les Oeufs de la Mère. Mais n'ejUce pas un paradoxe ? L'Embrion du Mulet exifte toujours dans les Oeufs de la Jument^ [5' l'Ane l'anime. Four moi je trouve ici de la contradiciion. Ajoutez que le defjèin de l'Animal dans l'Oeuf^ ce qu'on n'a jamais pu objerver avec les meilleurs Microjcopes, a bien l'air d'être une Jupo/ition gja- tuïte, un être de raifon, on ne le trouve point dans les Atiimalcu- les fpermatiques. Je demanderai enfuite en quoi confifie ce dejjein ^ qu'efi'ce qui efi dejjiné ? cela rejjemble -t -il aux premiers coups I Corps Organise' s. 251 grand Obfervateur a rendus fameux les amours du Lapin & de la Poule Qh'), Probablement il en avoit trop efpèré. Mr. de Buffon l'a relevé avec rairon,en faifant remarquer que de l'union du Lièvre & de la Lapine, efpèces très voilî- nes, il n*a rien refulté (r). Je n'ai point de foi aux amours du Lapin ^ de la Poule , m'écri- voit Mr. DE Hallkr ; j.\n vérifié r expérience de Mr. de Reaumur , & fai des rai fou s fuffi- fautes de croire que ce né coi sut que des badi nages d'un Animal extrêmement vif c^ fé mi liant, Con- fultez l'Article 139. Mais, chez les Cifeaux, les Mulets propa- gent pourtant. Mr. de Haller m'écrivoit en- core ; les Oiftaux Mulets font des exemples évi- dens du concours des deux Sexes , avec une cer* taine prérogative du Mâle. Mr. Sprengel a étudié la multiplication des Bâtards qui nailjènt de t accouplement des Serins & des Chardonnerets» Le Bec plus épais de ceux-ci s'efi confervé dans de crayon d'un Peintre qui font encore bien éloignés de la perfeUion, mais qui préjentent poiirWit une image reconnotjjable ? çj'c. Si Mr. Klein avoit plus médité ce fujet difficile, il auroit compris, qu'il ne falloit pas chercher un Germe de Mulet dans les Ovaires de la Jument, & qu'il n'y avoit point de contradic- ; ion à admettre que le Sperme de l'Ane modifie le Germe du Cheval. J'ai montré comment on peut le concevoir. En parlant du déplacement de l'Urètre de la Mule, il aioû- te ; je vie rapelle une chofe , que j'ai remarquée dans mon Traite de V origine des Poijjons, page 5. c'ejl que les Oifeaux comme les Pois- Jons, rendent l'urine ^ les excrémens par un Jeul ^ même conduit , je n'ai aucune expérience qui m'indique fi le conduit de l'urine cjl aujji caché dans celui des Oeufs. {b) Mr. DE Reaumur, Art de faire éclorre les Poulets, Toui» a. pag. 340. & fuivantcs, 2-^-. Edition, (c; Hijl Nat. Tom. VI. pag. 303, & 304. ^$1 Considérations Sur Les plu/ieurs Géf^îérations, Car dans des O'ifeaux auffi femblables ^ les Bâtards ont multiplié &' en- tr^eux , 6? avec leurs races paternelles & mater- nelles, L A Semence du Chardonneret efl donc pro- pre à faire développer en entier les Organes de la Génération du Serin. Ces Organes font en raport avec les autres Parties ; ils les repréfentent en quelque forte. Le Chardonneret ne paroît pas différer beaucoup du Serin; au moins a-t-il avec lui de grands raports. Les Organes de la Génération du premier doivent donc être fore analogues à ceux du fécond , & les Semences font entr'elles comme les Organes qui les prépa- rent. Si le Bec du Chardonneret s'eft confervé dans plufieurs Générations , ce n'effc pas qu'il en- voyé des Molécules moulées aux Organes de la Génération: mais c'efl: que ceux-ci ont un ra- port avec le Bec , & que les Molécules corref- pondantes qu'ils féparent^ont pu agir fur la Par- tie de fOrgane de la Génération du Germe qui répond au Bec. Cet Organe aura donc filtré des Molécules propres à modifier le Bec du Se- rin. On n'exigera pas davantage de mes prin- cipes ; je ne fçaurois en pouffer plus loin la dé- du6tion. C'eft beaucoup qu'ils m'ayent conduit jufqu'ici. Une nouvelle modification qui fur vient à une Partie organique , affoiblit ou éteint une modi- fication antécédente. Le Bec de Chardonneret fe changera peu à peu en Bec de Serin , par l'ac- Corps Organise 's. 155 tion répétée de la Semence du Serin far plufieurs Générations. Mr. deBuffon regarde comme des Animaux de même ejpèce , tous ceux de l'union defquels refukent des Individus capables d'engendrer (ci). Suivant cette notion , l'Ane & le Cheval n'ap- partiennent pas à la même efpèce; le Mulet n'engendre point. Par la raifon des contraires , le Chardonneret & le Serin feroient de même efpèce. Je fuppofe toujours que Mr. Sprengel a bien obfervé. 337. Expériences à tenter pour âéciâer des Idées de r Auteur fur la Fécondation» Réflexions fur ces Expériences, Il eflune efpèce de Poule qui a cinq Doigts; les efpèces communes n'en ont que quatre. Mr. DE Reaumur propofe des mariages entre des Coqs i\ cinq Doigts & des Poules à quatre Doigts , & entre des Coqs à quatre Doigts & des Poules à cinq Doigts (Ji), Je ne prétends pas deviner les réfultats qu'auront des Expériences 0 propres à éclaircir le myllère de la Génération. Je di- rai feulement , que fi mes principes fur cette ma- tière font vrais , la Semence du Coq à cinq Doigcs , fera développer dans le Germe à quatre Doigts quelque chofé qui aura l'air d'un Doigt furnu- méraire. Peut-être encore qu'elle changera un peu la conformation ou les proportions des Doigts (a') Hîll. Nat. Tora. IV. pag. 384. (b ) Art de faire éçlorre les boulets, Tom. II. pag ^66. He» Edition. t54 Considérations Sur les naturels. La Semence du Coq à quatre Doigts , portée dans le Germe à cinq Doigts, devra, au contraire, laiffer le cinquième Doigt imparfait ou le rendre mal conformé , & altérer fes pro- portions. Ce vice de conformation ou de pro- portion pourra s'étendre encore aux autres Doigts, &c. Mr. DE Reaumur n'a pas anoncé de feVi- blables réfultats : il n'étoit pas parti des mêmes principes que moi. „ Si les Germes , dit-^il Qi) , „ font dans la Poule , celle qui a cinq Doigts , ,, a des Germes à cinq Doigts , & quoi qu'elle „ ait été fécondée par un Coq commun, elle don- „ nera des Poulets à cinq Doigts. Ceux qu'el- ,, le donnera n'en auront que quatre comme le „ Coq. avec qui elle a habité , fi les Germes font „ dans le Coq. De même la Poule commune 3, qui doit la Fécondation de fes Oeufs à un 5, Coq qui a cinq Doigts, produira des Poulets 3^ à quatre Doigts , fi les Germes des Poulets „ étoient en elle , & elle produira des Poulets „ à cinq Doigts, fi les Germes lui ont été ap- „ portés par le Coq. " AujoiiRDHui il eft démontré , que les Germes font dans la Foule ^ & nôtre Illuftre Académi- , cien rignoroit. Mais, de ce que les Germes font dans la Poule , il ne s'enfuit point du tout , qu'une Poule à quatre Doigts , fécondée par un Coq à cinq Doigts , produira des Poulets à qua- tre Doigts, ni qu'une Poule à cinq Doigts, fé- condée par un Coq à quatre Doigts , fera des Poulets à cinq Doigts. Cette conclufion relTem- (•) Ibid. pag. 367, Corps Organise' a. 255 bîe à celle que T Auteur tire des Oeufs qui au- roient été fécondés par un Lapin , lors qu'il a- vanee (^) quils mus vaucir oient des Poulets vêtus de poils ^ ou des Lapins couverts de plumes. Ce ne feroient proprement ni des Poulets ni des Lapins , ni des poils ni des plumes. Les Ger- mes qui exiflent dans la Poule font des Germes de Poulets qui renferment des Germes de plu- mes. La Semence du Lapin ne transformeroit pas les Poulets en Lapins , les plumes en poils. De pareilles transformations n'ont point lieu dans la Nature; je l'ai fuffifamment prouvé en divers endroits de ce Livre. Mais, la Semence du Lapin , portée dans les Germes des Poulets, y produiroit des modifications plus ou moins frap- pantes 5 qui changeroient plus ou moins la for- me extérieure & intérieure des individus. Tou- jours pourtant ce feroient au fond des Poulets , comme le Mulet eft au fond un Cheval modi- fié. L'aOion de la Liqueur féminale doit varier dans un raport déterminé au fujet fur lequel elle travaille. L'Auteur de la Vémts Phyflque propofe d'au- tres Expériences, qui feroient encore bien pro- pres à vériiier mes principes. „ Ce feroit af- „ furément , dit -il (Z?) , quelque chofe qui 5, mériteroit bien l'attention des Philofophes, „ que d'éprouver fi certaines fmgularités arti- „ ficielles des Animaux ne paiferoient pas après „ plufieurs Générations aux Animaux qui naî- (c) Ibid. pag. 351. (&) Venus Fbyf^que ikçoïïic Partie, pag. 159. Edit. deJ74Si ^^6 Considérations Sûr Les 5, troient de ceux • là. Si des Queues ou de-g 5, Oreilles coupées de Génération en Génériuion 5, ne diîViinueroient pas, ou même ne s'anéan- 3, tiroient pas à la fin ". On voie que luivanc mes idées, des Queues retranchées aux Maies de Générations en Générations , ne diminue- roient pas ou n'anéantiroient pas à la fin les Queues dont les Germes auroient été originai- rement pourvus. Cela arriveroit infailliblement, fi la Queue du Mâle fournifToit des iMolécules de la réunion defquelles fe formât celle des Ger- mes. Mais , en retranchant la Queue au Mâ- le, on ne lui retranche pas la Partie des Or- ganes de la Génération que je fuppofe corref- pondre au Coccix. 338. Sources de la rejjembîafice des En fa fis à leurs Farens^ &c. Des Envies des Mères. Il ne faut pas croire que le Germe ait très en petit tous les traits qui caraftérifent la Mè-* re comme Individu. Le Germe porte l'em- preinte originelle de 1': fpèce, & non celle de l'Individualité. Ceft très en petit un Homme, un Cheval 5 un Taureau, &c. mais, c^ n'ell pas un certain Homme , un certain Cheval , un certain Taureau , &c. Tous les Germes font contemporains dans le Synème de révo- lution. Ils ne fe font pas communiqués les uns aux autres leurs traits , leurs cara-flères diftinc- tifs. Je ne dis pas que tous ceux d'une même efpèce Corps Organise'», i^^ fefpèce foient parfaitement identiques. Je ne vois rien d'identique dans la Nature ; & fans recourir au principe des LuHfcernahles , il ell très clair , que tous les Germes d'une même ef^ pèce n'achèv^ent pas de fe développer dans la même Matrice , dans le même tems , dans le même lieu, dans le même climat, en un mot, dans les mêmes circonflances. Voilà bien des caufes de variétés. Il en ell d'autres plus efE- caces encore; ce font les Liqueurs féminales. Les raports que je conçois entre l'Organe de la Génération du Mâle & les différentes Parties de fon Corps , fe tranfmettent jufqu'à un cer- tain point au Germe par l'aclion de la Liqueur- féminale. Le tempéramment de la Mère, fes inclinations , fes palfions , les alimens dont elle fe nourrit , l'éducation qu'elle a reçue, fon gen- re de vie, le climat qu'elle habite , peuvent aufli modifier plus ou moins l'Erabrion. £t fi l'on admettoit avec divers Auteurs , que la Fe- melle fournit une Liqueur prolifique , cette Li- queur produiroit dans le Germe des modifica* tions analogues à celles qu'y produit le Sperme du Mâle. Mais cette Liqueur de la Femelle eft au moins douteufe. Des Femelles , qui conçoivent très bien , ne répandent aucune Li- queur dans fade de la Génération. RuiscH n'a trouvé que celle du Mâle dans la Matrice & dans la Trompe. Si les Femelles étoienc pourvues d'une telle Liqueur , elle devroit lea exciter à l'amour , comme elle y ej^cite les Ma*» TOM. II. R 158 Considérations Sur Les les. Pourquoi donc le Cerf , & le Chevreuil d'Angleterre ufent - ils de violence pour fe fou- mettre leurs Femelles? Les Qoï"^?, jaunes ^ qui fuivant Mr. de Buffon fourniflent la Liqueur fécondante de la Femelle , ne font point nécef- faires à la conception. Mr. de Haller ne les a point trouvés dans des centaines de Femmes & de Filles qu'il a ouvertes ; mais , il les a vus dans celles qui étoient enceintes ou accouchées depuis peu. Ils font donc plutôt l'effet que la caufe de la Fécondation Qa^, Ce feroit dans les fources que je viens d'in- diquer, que je puiferois les raifons de la ref- femblance des Enfans au Père & à la Mère , de l'air de famille , & encore de l'air national. L'Ane & le Cheval diffèrent beaucoup. Si la Semence du premier produit de fi grands ef- fets fur le Germe du fécond , pourquoi celle de l'Homme n'imprimeroit-elle pas à fes Enflms divers traits de fa reflemblance ? Des difformi- ■ tés purement accidentelles ne feront pas trans- mifes, fi les accidens n'ont pas porté fur les Organes de la Génération du Mâle, ou fi ces difformités ne font pas de nature à influer fur fes humeurs. Mais , les maladies héréditaires fe tranfmettront , parce qu'elles affeélent les humeurs , & par elles la Liqueur fécondante. Une violente commotion de la Mère pourra porter fur fon Fœtus; mais l'envie d'un Fruit (n^, Bîhliothêque raîfomée , Tom, 46. Extrait de {'Hiftoir$ S^aturelïe Générale ^ Fartkulièrc, ^ Corps Organise' s. sjf n'ira pas peindre fur lui la figure de ce Fruit ; parce que ce défir n'appartient qu'à l'Ame , & que l'Ame & les Sens de l'Embrion ne font pas l'Ame & les Sens de fa Mère. Les Envies font comme les nuées ; on y voit ce que l'on veut. L'Auteur de la Fénus Phypque l'a crès-bien re- marqué. 5, Cependant, dit -il (^), rienn'eft 55 fi fréquent que de rencontrer de ces Si,enes 5, qu'on prétend formés par les Envies desMè- 5, res. Tantôt c'eft une Cerife , tantôt c'efl: „ un Raifm, tantôt c'eft un PoifTon. J'en ai 5, obfervé un grand Hombre ; mais j'avoue que 55 je n'en ai jamais vu qui ne pût être facile- 5, ment réduic à quelque excroiifance ou quel- 5, que tache accidentelle. J'ai vu jufqu'à une 55 Souris fur le cou d'une Demoifelle dont la 35 Mère avoit été épouvantée par cet Animal; 55 une autre portoit au bras un PoifTon que fa 5, Mère avoit eu envie de manger. Ces Ani- 5, maux paroifToient à quelques-uns parfaite- 55 ment deffinés: mais pour moi fun fe rédui- 55 fit à une tache noire & velue de l'efpèce de 55 quelques autres qu'on voit quelquefois pla* 55 cées fur la joue , & auxquelles on ne donne j5 aucun nom , faute de trouver à quoi des 3, reffemblent. Le PoilTon ne fût qu'une ca- 55 che grife. Le rapport des Mères , le fou- 5, venir qu'elles ont d'avoir eu telles craintes 55 ou tels defi.s , ne doit pas beaucoup erabar- («) Vinm Fbyftq^ue, ire. Partie, page 83. &Q* i5o Considérations Sur Les j, rafîer ; elles ne fe fouvîeniaent d'avoir eu ces j, défirs ou ces craintes , qu'après qu'elles font „ accouchées d'un Enfant marqué ^ leur mé- ,, moire alors leur fournit tout ce qu'elles veu- 5, lent , & en efret il ell difficile que dans un . 3, efpace de neuf mois , une Femme n'ait ja- 5, mais eu peur d'aucun Animal, ni envie de „ manger d'aucun Fruit 'V Je le répète fouvent ; la Liqueur fcminale ne forme rien à parler philofophiquement ; elle ne fait que modifier ce qui étoit déjà préformé. Les divers traits de reflemblance que la Fécon- dation imprime nu Germe , ne fauroient repré- fenter avec précifion VOriginaL Ils n'en font pas proprement des Copies : ils n'y ont pas pris leur empreinte comme dans un Moule, Aufll les Enfans ni les iVlulets ne reffemblent-ils ja- mais parfaitement à leur Père. Si la Liqueur féminale modifie le Germe , celui-ci modifie à fon tour Taélion de cette Liqueur dans un raport à fa manière de la recevoir & de fe l'in- corporer. 339. De la Fécondation des Germes qui doi- vent donner des Femelles^ & de celle des Germes de Neutres. Mais , après qu'un Germe Femelle a été fé- condé, il fe développe chez lui des Parties qui n'exiltoient point dans le Mâle , des Ovaires, des Trompes , une Matrice , &:c. Si la Li- queur fcminale eft néceffaire pour procurer les premiers développemems de toutes les Partiel Corps Organise' s. a6i du Germe , comment peut - elle procurer celui de Parties que le Mâle n'a point , & dont par conféquent il ne fauroit fournir les Molécules correlpondantes ? Je ne diffimule point la difficulté. Elle fe- roit bientôt réfoluë , fi le concours des deux Semences étoit prouvé. Non - feulement il ne î'eft: point Qa^ ; mais on a vu ci-delfus les raifons qui indiquent que les Femelles ne font pas pourvues d'une Liqueur prolifique. J'ajou- te, que fi elles en étoient pourvues, on ne verroit pas trop pourquoi un Quadrupède , un Oifeau, ne muldplieroient pas fans accouple- ment , à la manière du Puceron. Je me renfermerai donc dans cette quellion ; s'il eft abfurde d'imaginer, que les Organes de la Génération du Mâle ont été aulTi conftruits fur des raports déterminés à différens Organes de la Femelle? Cette nouvelle fuppofition ne révoltera pas ceux de mes Leéleurs qui auront bien médité la fuite de mes principes , & qui regarderont avec moi la Liqueur fcminale com- me un Fluide nourricier^ & la Génération com- me un fimple Développement opéré par la JSlu-, îrition. Et combien de Faits nous ramènent à cette conclufion î J'ai fait remarquer dans l'Article 175. l'oppo- fition frappante qui efl: entre le Syftème de Mr. DJ£ BuFFON , & la Génération des Neutres chez («) Article 338. R 3 .-.^^ t6z Considérations Sur les les Abeilles (^). Ces Neutres, comme leur nom l'indique , font de parfaits Mulets» Non feu- lement ils n'engendrentpoint;ils font même ab- folument privés de Sexe, La plus fine diffeélion, aidée des meilleurs microfcopes ^ ne fçauroit y découvrir le moindre veflige des Organes exté- rieurs & intérieurs de la Génération; Ce font donc des Muleis que la Nature a faits tels dès le commencement. Elle les avoit deflinés unique- ment au travail , & elle leur a donné , dans cet- te vue , des inftramens , des efpèces d'outils & de laboratoires , qu'elle a rcfafé aux Mâles & aux Femelles. Ces inftrumens accordés aux Neutres , font relatifs à la récolte du Miel & de la Cire , à la préparation de celle - ci , à fon emploi, à la conftruction des CnUeaux, à l'édu- cation des Petits , &c. Si les Molécules devi- nées à la produélion de TEmbrion , fe moûloient dans les Parties du Mâle & de la Femelle , fi el- les étoient renvoyées enfuite par ces Parties aux Organes de la Génération , comme le penfe Mr. DE BuFFON , il feroit impoflible d'expliquer fui- vant cette hypothèfe, la formation des divers Organes propres aux Neutres: car où prendre les Moules de pareils Organes? Les Individus générateurs en font dépourvus. Mais, fi l'on admet, que les Organes de la Génération des î^âles ont été conltruits de manière , qu'ils fil- trent & préparent les Molécules relatives au dé* veloppement des trois fortes d'Individus, la diiR- culté difparoîtra , & on concevra comment s'o- (a) ConfukezicirArdcIezptk Corps OrgaKxs e's. 2^3 père l'Evolution des Neutres. Les trois fortes d'Individus ont été deflînés originairement en pe- tit dans les Ovaires de la Reine- Abeille : la Fé- condation ne procure pas aux Germes des Neu- tres de nouveaux Organes , elle n'y anéantit pas ceux de la Génération qu'ils n'ont jamais pofTédés; elle ne fait que les mettre en état de fe dévelop* per & de paroître au jour. 340. Remarques fur V Organe de la Voix du Mulet. Un Phyficien qui parviendroit à expliquer d'une manière fatisfaifante , cette modification fi remarquable , que la Liqueur féminale de fAne produit dans FOrgane de la Voix du Cheval, lors qu'elle le convertit , pour ainfi dire , en Mulet , expliqueroic par le même moyen tous les phé- nomènes de la Génération. Je difois dans l'Ar- ticle 136, que fi l'on poulToit les recherches fur le Mulet jufqu à fon intérieur , les difficultés fe multiplieroient à proportion que l'examen feroit plus aprofondi. La découverte de Mr. Héris- sant en ed une belle preuve , & elle aprend aux Anatomides combien ils peuvent fe promettre de ce genre de recherches. Après avoir compo- fé l'Article précédent , j'ai voulu rejire le Mé- moire intérefTant de ce fçavant Académicien fur les Organes de la Voix des Quadrupèdes ^ dt celle des Oi féaux (a) , & je vais mettre fous les («) Mm» di VAcad. An. 1753. pag. 279. in 4,, R 4 ^04 Considérations Sur Les yeux du Leéleur le paiTage qui concerne le MiU" leî, ,, Le Mulet, dit -il (a) ^ a une Voix qui fe 3^ rapproche beaucoup de celle de fon Père , & 5, ne reflemble nullement à celle d'un Cheval 55 qui hennit: auffi les Organes par lefquelsil en 3, forme les fons, font presque autant multipliés P5 que ceux de la Voix de l'Ane , & conftruits 5, à peu près de la même manière. Le Tambour 5, d'une compofition fi fingulière , qui fe trouve „ au Larynx de l'Ane , & qu'on ne voit point ,5 à celui du Cheval , a été accordé au Mulet. ,, Voilà donc un Animal qui doit fanaiffanceà 5, deux Animaux d'efpèce différente , qui a en „ partage une Partie d'une (Iruôture très fingu- 5, lière , propre au Mâle ; c'efl un Fait dont la 55 connoiifance ne fauroit être indifférente à ceax ,, qui cherchent à répandre du jourfurlemyftè- ,5 re de la Génération , & qui penfent comme „ Mr. deReaumur avec beaucoup de vraifem- „ blance , que les Mulets de diiférentes efpèces „ d'Animaux doivent nous fournir les Faits les 5, plus propres à décider laquelle des opinions 5, entre lelquelles on eft partagé , par raport à „ cette importante matière 5 eft vraye." J'OBSERVE d'abord, que Mr. Hérissant ne dit point que l'Organe de la Voix du Mulet foit préciféme'^t: fembtable à celui de l'Ane. Lacom- paraifon qu'il a faite entre les deux Organes, l'oblige à fe fervir des ^immiiï^presq^ue^àpeu («) nu, ftg i87. Corps Orcanïsi's. %ê^ près. Il a donc aperçu des dijjemblances , & il eut été à défirer qu'il les eut détaillées , & qu'il eut pouffé le parallèle fur ce point effentiel jufqu'à fes derniers termes. La queltion importante qu'il s'agiffoic de décider Texigeoit abrolument. Je fuis donc toujours très bien fonde à rappeller cet habile Anatomifte à un examen plus fcrupuleux. Il tenoit lui-même un fil qui pouvoit le condui- re à la découverte du myfière de la Génération. Il divife les Organes de la Voix en fimpks & en compofés. Les premiers n'ont proprement que la Glotte ; elle y conftituë feule la Partie effen- tielle de riaftrument. Les autres ont , outre la Glotte , une ou plufieurs Membranes tendineu- fes , difpofées avec art , ou des efpèces de facs plus ou moins amples, & plus ou moins épais, tantôt membraneux, tantôt offeax , ou enfin une efpèce de Caiffe ou de Tambour , & ce font ces différentes pièces ajoutées k la Glotte , qui produifent ici les principales modifications dd la Voix (^). C'eft à regret que je ne fais que nommer des chofes fi peu connues encore , & qui ont tant de droit à nôtre admiration ; mais , je fortirois de mon fujet en me laiffant entraîner par le plaifir de les décrire. Le Cheval & l'Ane ont tous deux des Orga- nes compofés; cette remarque me paroît mériter une grande attention. Il efl: vrai que l'Organe de la Voix du Cheval eft bien moins compofé («) IbiL pag. %lx & aSs. ■t66 Considérations Sur Les que celui de l'Ane. Il n'efl: formé que de la Glotte & d'une Membrane triangulaire & ten- dineufe , pofée à plat fur chaque extrémité des Lèvres de la Glotte. C'efl: au jeu de cette Mem- brane que font dûs les tons aigus du Z-?^;?;?///^^^;;/. Il y a plus d'appareil dans l'Organe de la Voix de l'Ane. Un profond enfoncement du Carti- lage thyroïde , forme une efpèce de Caiffe ou de Tambour. Ce Tambour effc recouvert d'une Membrane tendineufe & lâche , pofée verticale- ment , & à l'extrémité des Lèvres de la Glotte. Là eft une petite ouverture qui communique dans le Tambour. Au-delTus des Lèvres de la Glot- te, font deux facs , qui ont chacun un trou pres- que rond, taillé en bizeau, tourné du côté de l'ouverture du Tambour Qa^, Voila affurément un Organe bien compofè-î mais toute cette compofition ne palTe pas dans le MukL Mr. Hérissant l'infuiile aiïez , lors- qu'il dit , que les Organes de la Voix du Mulet , font presque autant multipliés que ceux de la Voix de rjne. Ceux-là ne le font donc pas autant que ceux-ci. Les premiers ne renferment donc pas toutes les pièces que nous offrent les féconds. Le mot presque m'autorife fuffifamment à tirer cette conféquence , fi conforme d'ailleurs à mes principes. On n'a pas encore examiné tous les recoins du Larynx du Cheval. On n'en connoit pas tou- tes les pièces qui , modifiées par le Sperme de (fl) Ibîd, pag. 285 & 28<5. Corps Organise' s. 2^7 TAne , peuvent faire paroître l'Organe de la Voix du Mulet plus compofé que celui du Cheval. Je ne veux pas me livrer aux conjectures qui me viennent aéluellement dans l'erpric. Elles n'auroient guères de fondement que dans mon ignorance. J'attendrai de nouvelles lumières des talens & de la dextérité de Mr. Hérissant , & je m'en tiendrai aux Faits qui prouvent incon- teftablement la préformation des Corps organi- fés. 341. Que le Germe croît avant la Féconda* tion : pourquoi il n'achève pas de fe déve- lopper fans elle? Les Oeufs croiflent dans les Poulets vierges: leurs Ovaires en contiennent de toute grandeur. Le Germe y croît donc auffi. Le Jawie eft une Partie effentielle du Poulet (^), & le Jaune exifte dans les Oeufs qui n'ont point été fécon- dés. Pourquoi les fucs de la Poule qui peuvent faire développer le Jaune , ne peuvent-ils opé- rer le développement des autres Parties du Ger- me? Pourquoi la Liqueur du Mâle eft -elle né- celfaire à ce développement? Certaines Parties réfîjîent plus que d'autres; les Os 5 plus que les Membranes. Le repliement ajoute à la réfiftance : l'Evolution eft plus diffi- cile dans des Parties contournées , repliées , & qui doivent s'étendre, fe redreifer, fe déployer. Si le Cœur du Germe bat avant la Féconda- ^•) Âxtkles 242, 151. ft6S Considérations Sur Les don , c'eft trop foiblement pour farraonter la ré- fiftance des Solides. La Liqueur féminale lui imprime un nouveau degré d'aélivité. Elle aug- mente la force impulfive. Elle le met en état d'ouvrir davantage les Vaifleaux &c. L'Incubation entretient cette adivité. Une chaleur de 30 à 32. dégrés du Thermomètre de Mr. DE Reaumur 5 eO: néceflaire pour faire éclor- re les Poulets. Les Oeufs qui n'ont pas été fécondés , fou- tiennent cette chaleur pendant 30, 40, ou mê- me 50. jours fans presque s'altérer. Gardés dans un lieu frais les Oeufs inféconds , font encore très mangeables au bout de cinq à fix mois (a). Les Oeufs inféconds n'ont donc pas le même principe de corruption qui réfide xlans les Oeufs féconds Ceux - ci fe corrompent bien vite fous "la Poule ou dans un four à Poulets lorfque l'Em- brion ne parvient pas à s'y développer. Ce principe de corruption efl donc du unique- ment à la Fécondation. Un mouvement inteltin hâte la corruption des humeurs. La Féconda- tion occafionne donc un mouvement inceftin dans les humeurs de l'Oeuf. Ce mouvement différeroit-il de ceiui de la Cir- culation , que la Fécondation augmente , & que des accidens interrompent? Si le Cœur du Germe battoitafîez fortement, («) Art de faire éclorre les Piulets, &c. par Mr. de R£AUUU&« Tooa.H, pag. zgo, ôc luivantes de la 2^^. Edition. Corps Organise' s. ^6^ avant la Fécondation, pour faire développer tou- tes les Parties , pourquoi le Germe entier ne fe développeroit-il point fans le fecours de la Li- queur que le Mâle fournit? 342. Faits qui indiquent l'Emboitement. Réponfe à un calcul contre cette Hypothèfe, Je n'ai pas rejette la Dijfémination des Ger- mes ; mais j'ai lailfé voir que je panchois vers V Emboîtement. J'ai indiqué divers Faits qui le favorifent. 11 en eft d'autres qui ne le favori- fent pas moins. Je ne parle pas de Fœtus trou- vés dans d'autres Fœtus : les hiftoires en font trop fufpedes. Mais on a trouvé plus d'une fois un Oeuf renfermé dans un autre Oeuf {a). On a vu encore des Parties olfeufes d'un Fœ- tus renfermées dans un autre Fœtus ([^), On oppofeà V Emhoitement d'éfrayans calculs.' Hartsoeker alTûroit que la première Graine fc* roit à la dernière & la plus petite qui paroîtroit la dernière année du foixanîième Siècle^ comms r unité fuivie de trente mille zéros eft à r unité ^ d'où il concluoit que l'Emboitement étoit ab- furde. Mr. Bourguet lui a très bien répondu , & en fa perfonne à tous les adverfaires de l'Emboi- tement. J'inférerai ici fa réponfe, quoique un peu longue. (a') Hîjîoire de l' ^cadêmîe , 1742. pag. 42. oïl MM. PKtl"i^ & WiNSLOW atteOent ce fait. (èjl Ibiit ^746, pag. 41. Jlr, Morand, tjo Considérations Sur Les „ Cet Auteur, dit- il Qa'), calcule la peti- tefle d'un Grain de Semence fur le rapport de groffeur qu'acquiert , par exemple , une Plante dans une année ; au lieu que ce calcul ne doit fe prendre , fi je ne me trompe , que du tems qu'il faut, pour faire paroîcre le Grain de Semence depuis la conception jufqu'à fa maturité. J'appelle conception , l'état dans le- quel eft une Graine dès que la précédente efl: fortie de fa Plante féminale ; parce que l'ex- périence a appris (F) que les Graines font déjà dans la petite Plante , où elles croifTent dans une certaine proportion , pendant que toutes les Parties de la Plante qui les porte, croiffent aulTi de leur côté. Cette proportion donc, doit être prife , du tems qui fe palfe entre cette efpèce de conception & l'entière per- fe6tion de la Semence. Ainfi le même tems qui eft employé à faire croître une Plante ou un Arbre , fert dans des efpaces égaux à per- fe6tionner une , ou plufieurs Générations de Graines. Il femble que l'origine de l'équivo- que vient de ce que Mr. Hartsoeker paroic fuppofer,que les Auteurs qui fuivent le Syftè- me des Développemens , croyent que toutes les Parties qui forment le volume d'une Plan- te dans fa parfaite grandeur, exiftoient aupara- vant dans la Semence. {a) Lettres Pbilofopbîques , &c. pag. 134. & fuivantes. (&) lln'yavoit point d'expérience qui démontrât cela avant ia découverte de Mr. de Haller fur la préexKtence du Poulet. Mr. BouRGURT fuppofe donc ce qui étoit en quellion quand il éciivgic. Voyez l'arc. 178. Corps Organise' s. 271 ?) On s'éloigneroit , fans doute, beaucoup de la vérité , fi l'on jugeoit de la 5, petitefle primitive de la Semence des Plan- „ tes , & de celle des Oeufs , dans l'hypothè- „ fe de Mr. Hartsoeker lui-même , en les 5, comparant avec la grofleur &la grandeur que 55 ces divers Corps organifés acquièrent après un certain tems plus ou moins confidérable. Car cette comparaifon mèneroit infaillible- ■ ment à l'équivoque , que l'on doit éviter; puis qu'il faudroit dire , en admettant le prin- cipe de Mr. Hartsoeker , que les Oeufs des Animaux d'une même efpèce auroient été infiniment différens en grofleur, & que ^^ les Semences d'une même efpèce de Plante , 5, feroient entièrement diflemblables. La gran- 5, de égalité que l'on remarque dans la Graine de la plupart des Plantes , dès qu'elle com- mence à paroitre , & celle qu'ont d'abord les Oeufs de toute forte d'Animaux , ou leurs prétendus Vers féminaux , ne détruit -elle pas le fondement du calcul de Mr. Hart- soeker ? 11 ne fmt pas même fonder telle- ment le calcul dont il s'agit, fur le tems, 5, que Ton oublie d'avoir égard à la différente ,5 contexture des Germes & à mille circonftan- 55 ces qui rendent le Développement plus prompt 5, ou plus tardif : autrement il faudroit dire , „ qu'un Géant de trente ans, auroit vécu au- „ tant de plus , que fa maife excède celle d*ua 5, Nain de même âge ". ,, Cependant , continue Mr. Bourguet j 3J 5? 55 ?? 55 55 55 55 55 55 35 55 55 35 33 273t Considérations Sur Les 3, fi Ton examine la que (lion de ce côté , il „ paroitra que le calcul ne fera pas fi épouvan^ table , & Ton verra que les proportions y fe- ront gardées , félon les mouvemens plus ou moins prompts de la progreiïion que font les Corps organifés dans leur accroiflement. ,5 Le moindre Jardin , & les Plantes les plus communes fourniffent plufieurs exemples de cette variété de progreffions, furquoi les Géo- mètres n'ont point encore exercé la fcience du calcul , fi je ne me trompe. Mais quelle qu'ait été la proportion de la petitelfe de la Graine de cette année avec celle de l'année précédente dont elle eft ilTuë ; elle ne peut être que comme le teras qu'il a fallu pour rendre la dernière parfaitement femblable à celle qui l'a précédé. Suppofons , par exem- )5 J5 99 35 35 99 99 99 >' 55 55 55 5, pie 5 que la Graine dont nous parlons ait été „ d'abord renfermée dans celle dont elle efl: 5, fortie , dans une raifon réciproque de fon „ volume à cinq minutes ou trois cens fécon- des 5 elle aura pu augmenter cent mille fois fon volume dans une année , puis que trois cens foixante- cinq jours , contiennent cinq cens vingt-cinq mille & ftx cens minutes, 11 5, me paroit qu'il s'enfuit de là , que la Graine „ qui parût la première année du Monde , au- „ roit été à celle qui doit paroitre la dernière 5, année du foi xantième Siècle, comme le nora- 5, bre des minutes que contiennent {ml mille anSj elt à cinq. Soixante Siècles n'ont que troii miU 5» 55 55 55 55 Corps Organise' s. 273 55 miiliars , cent cinquante -trois millions ^ â? 55 fix-cens mille minutes. Cefi-là un nombre 53 fort petit en comparaifon de ceux que Mr. 5, Hartsoeker employé ". Je prie qu'on relife l'Article 274, Hartsoe- ker & fes pareils mettent ici les Sens & l'Ima- gination à la place de l'Entendement pur. Ils voudroient , pour ainfi dire , voir & palper ce que la Raifon feule peut faifir. 343. Sentiment de Mr. BouRGUExy^r la Génération. Jugement fur cet Auteur* Mr. Bourguet fuivoit une bonne routé pour éclaircir la matière de la Génération. Mais, il manquoit d'une multitude de Faits intéref- fans , qui n'ont été découverts que bien des années après la publication de fon Livre en 1729. Son Génie vrayement philofophique fe feroit fûrement refufé aux nouvelles opinions qu'on a tenté depuis peu d'introduire dans la Phyfique des Corps Organifés. Il admettoit leur préformation dans les Oeufs, & il ne re- gardoit la Génération que comme un fimple Développement , qui s'opéroit par l'influence de la Liqueur féminale , qu'il confidéroit aufli en qualité de Fluïde nourricier, il la dçfînif- foit une Liqueur fpiritueufe , qui n\jî qu'un eX' trait des Parties de V Animal qui la communi- que Qay II admettoit encore le coiieours des (a) Ibîd. pag. 149. ToM. II. s ?5 99 99 ^74 Considérations Sur les deux Semences, & voici comment il concevoit la Génération. 5, La Liqueur extraite des deux Animaux , difoit il C^)? ^^ mêle, & agit fur l'Oeuf , enforte que les Parties les plus fubtiles de la Liqueur y entrent & s'uniflent avec le Fluï- 5, de qui environne la petite machine organifée, ^, y excitent un mouvement , qui met le petit ^5 Animal en état de fe développer, par la nour- ,, riture qu'elles lui fourniffent en s'infmuant dans fes Organes , qui font alors d'une telle délicatelfe , que toute autre nourriture ne fauroit lui convenir. La quintefTence , pour ainfi dire, du grand Animal, fert d'abord de nourriture à TEmbrion ". J'iGNORois les principes de cet habile Natu- ralifte , lors que je compofois les Chapitres III. V. & VI. du Tome I. de cet Ouvrage , & puis qu'il m'a prévenu fur un point eiîentiel , je me fuis fait un devoir de le reconnoitre, en tranfcrivant le paifage qu'on vient de lire. Il auroit été à délirer , que cet eflimable Auteur eût plus aprofondi fon idée fur la Liqueur fé- minale, & qu'il l'eût appliquée plus en détail, & avec plus de netteté aux divers cas qu'il s'é- toit propofé de réfoudre. Il n'explique nulle part comment fe forme cet E xîrait^ cette Quint- ejjence du grand Animal , & quel mouvement il imprime au Germe. Si Ton fe donne la peine de lire la manière dont il entreprend de rendre (a) Ibid, 59 35 5> »9 Corps Organise' s.' 2j'5 i-aifon de la reflembhnce des Enfans au Père & à la Mère, (^), des Mulets, desjumars (y)y &c. on trouvera , je m'alîlire , qu'il n'a pas ti- ré un aflez grand parti de fes principes , qu'il ne les a pas allez analyfés , & l'on regrettera avec moi , qu'il ait confumé à réfuter les Natures Plaftiques , un tems précieux, qu'il auroit pu employer plus utilement à creufer davantage fon fujet, & à décompofer les Faits qu'il avoit en main. Il dit d'excellentes choies llir le Mécha'* nifme Organique Çf) ; mais tout cela ne m'a pa- ru qu'ébauché , & j'aurois fouhaité par tout plus de clarté , de précifion & d'analyfe. Sa défi- nition du Méchûnifine Organique paroitra un peu obfcure : il vouioit concilier divers Syftè- mes. Le Méchanifine Orgainque ^ dit -il (^), n^ejl autre cbofe que la comhinaifon du mouve^ ment d'une infinité de Molécules éthériennes^ ûè'ri' ennes , aqueufes , olèa^ineufes , falines , terres* ires &€. accommodées à des Sy/iémes particuliers déterminés dès le commencement par la Sagef- fe fuprême , ^ unis chacun à une ABiviîé ou Monade fingulière & dominante , à laquelle cet* les qui entrent dans fon Syjième font fuboràon» nées. Il s'explique un peu plus clairement dans le paflage fuivant , qui forme avec le préccdenc la («) Ihii. pag. 154, & 155. (6) Ihii. pa^. 161. (c) Ma. pag. 142. & fuivantes, Crf) lb'%L pag. 164. & I6S. S % njé Considérations Sur Les concïufion de tous fes principes. „ On peut, continue -t- il (^) , en fui* ^, vant cette idée fur le Méchanifine Organi- „ que 5 concilier tous les Syftèraes , n'y en j, ayant aucun qui ne contienne quelque véri- ^5 té. Les Moules fe trouvent dans toutes les ^, Parties du Corps humain : la figure idéale ou 35 figil'^^ ^e trouve dans les Parties les plus fpi- 5, ritueufes du Sperme des Mâles & des Fe- .j, nielles , parce qu'elles renferment en petit -„ tout ce qu'il y a de différens mouvemens 5, dans les grands Corps Organifés. Et c'efb -j, l'opération de cette Liqueur , femblable à cel- 5, le des Elixirs & des Efprits de la fiçon des 5, Chymiftes , qui a donné lieu à tant de pen- ,5 fées bizarres , qu'on a débitées fur ce fujet ; ,, VEmhrion préformé , fe trouve enfin dans 5, l'Oeuf 5 au fens du Syfième des Développe- 'j, mens ^ qui contient les autres, fans en avoir 3, les difficultés. 11 y a beaucoup de confor- j, mité entre l'emploi de la grande quantité de 3, matière qui fert à TaccroilTement des Plan- -„ tes & des Animaux, & une infinité de dif- '3, férens matériaux que les Hommes employent j, dans les Arts raéchaniques. Il fe fait ici une c„ circulation merveilleufe : ce que l'indullrie :,, des Hommes & le Méchanifme organique 5, ôtent à la terre , lui efb rendu avec le tems „ d'une autre manière. Tous les divers ma- 33 tériaux dont les Hommes fe fervent , ne («) îh%L pag. 165. It 2^5. Corps Organise' s. 2^7 5, changent jamais de nature : ce n'efl que mê- 5, langes & arrangemens. De même les Molé- '5, CLiles qui entrent dans les Corps Organifés, ,, peuvent en s'uniffant & en fe fcparant , former ,5 tous les changemens ncceffaires, lans qu'il y ,5 ait de véritable transformation dans l'intérieur ,5 des chofes. Elles fuffifent à tout , en reliant ce 5, qu'elles font , par le Méchanifme que Dieu 5, a inftitué dès le commencement. Les Corps 5, donc des Plantes & des Animaux font à la let- 53 tre des Petits Motides ; des Séries infinies en 5, leur genre qui renferment une infinité d'au- 5, très Séries dans des expreffions moindres à 5, l'infini.'* Au refte , nôtre Auteur tiroit de la confidéra- tion des Mulets un argument en fiveur de la préexifience du Germe dans la Femelle. 11 faut encore que je le laiffe parler lui-même; le pafla- ge eft remarquable. Rien ne me paroît plus propre, dit il (/T) , à prouver la réalité de l'action de l'extrait fpi- 55 ritueux des corps du Mâle & de la Femelle 5, fur le Fœtus 5 que l'exemple des Petits qui ont 5, été engendrés par des Animaux de diverfe efpè- 3, ce. L'on voit en Qi) Piémont des Jumarres 5, qu'on divife en deux efpèces : la première qui 5, vient d'une AneiTe & d'un Taureau eft ap- 59 ?5 (a) Ibîd. pag. i6o. & fuivante. ib) Voyez l'Hilloire Générale des Eglifes Evangcliques des Vallées de Piémonc par Mr. Léger Chap. I. pag. 7 & 8. folio. Xciden 1669. s 3 fyg Considérations Sur Les pellée />//, & la féconde qui vient d'une Ju- ment & d'un Taureau eil appel] ée Baf. Ces Animaux qui font v^^^tableme^t des Anes & des Chevaux , parce que les Petits appartiens nent à fefpèce de la Femelle (^) , portent néan- moins des marques du Mâle jc'elt à-dire qu'ils ont le Front un peu bolTu aux endroits où les Taureaux ont des Cornes , leur Mâchoire eft un peu plus courte l'une que l'autre , & leur Queue tient quelque chofe de celle du Bœuf. Quant aux Mulets qui font communs en Pié- mont & dans tous les Pays méridionaux de l'Europe ; comme l'Ane ne diffère pas autant du Cheval que le Taureau , les efpèces font plus confondues dans les Petits: cependant les marques du Mâle y font fort fenfibles, bien que le Mulet foit un Cheval , & non un Ane vicie , comme l'on peut s'en convaincre en l'examinant avec attention. Cette double 5, efpèce deMonftres prouve évidemment, que 5, les Corpufcules organif«:s primitifs font dans j, les Oeufs des Femelles, & non dans le Sper- „ me des Mâles , & que cette Liqueur mêlée „ avec celle de la Femelle agit fur le corps pré- „ exiilant organile, pour fon développement „ & fa première nutrition. Les Enfms qui ,, naifTent d'un Père blanc & d'une Mère noire 3, ou d'une Mère blanche & d'un Père noir , (tf ) L'îrgument que Mr. Bourghet tire ici àz7>Mulets en fa- veur de ' préexiftence du Germe dnns la Femelle, n'étoit pas ^Kci «.oncluant pour fonder cette affertion, qu'il n'auroit dû donner en borne Logique que pour une fuppofition probible. Voyei l'article 333. fur iz fin. >; 3> 5J 3> 5> 35 >> 55 55 35 55 55 55 55 55 55 55 Corps Organise' s, 279 „ prouvent abfolument la même chofe par ra- ,5 port aux Hommes. '* QuAKD ceux qui ont écrit fur la Génération depuis Mr. Bourguet , n'auroient fait que re- manier fes principes , les perfeôlionner , les dé- velopper , les appliquer à de nouveaux cas , ils auroient , ce me lèmble , travaillé avec plus de fruit , que n'ont fait en particulier les Auteurs des nouvelles opinions. 344. Senîim&nt d'un Encyclopédifîe fur la Génération. Le fçavant Auteur de l'intérefTant Article Gé^ fiéraîlon dans l'Encyclopédie , a aufïï eflayéde pénétrer le myftère ; mais , je ne fçais fi fa fo- lution paroîcra lumineufe. Je la tranfcrirai néan- moins , parce que je dois faire mention des fen- tiraens des Phyficiens qui fe font le plus rapro- chés de mes principes. Si le Fœtus, dit cet Auteur (a) , eft pré- exiftant dans l'Oeuf de la Mère , comment fe peut-il que l'Enfant reiTemble à fon Père.? Cette objeclion pafle communément pour ê- 5, tre infurmontable ; mais ne pourroit - on pas la faire cefTer d'être telle , en répondant que 53 la difpofition des Organes de l'Embrion , a- vant & après la Fécondation , dépend beau- ,5 coup de l'activité plus ou moins grande , avec 55 39 59 99 99 99 93 99 (a) Ene^elop, Tom, VII. pag. 569. ide. Colonne vers lé «iîicB. S 4 48ô Considérations Sur Les 5, laquelle s'exerce , s'entretient la vie de la Mè- „ re , & de Tinfluence de cette aftivité , pour „ qu'il foit conformé de telle forte ou de telle 5, manière , analogue à celle dont cette même 5, aiSlion de la vie Qvîs vita^ dans la Mère a ,5 conformé fes propres Organes, & que cette 5, même difpoficion des Parties de l'Embrion ne „ peut que dépendre auiTi plus ou moins de la 35 force avec laquelle elles ont été mifes en jeu 5, par l'effet de l'efprit f. minai du Père , dont 5, elles ont été imprégnées : d'où il s'enfuit „ que la reifemblance tient plus ou moins du 5, Père ou de la Mère , félon que l'un ou ,3 l'autre a plus ou moins influé , par cela mê- ,5 me qu'il fournit dans la Génération & la for- 5, mation «Se le développement du Fœtus fur le 3, principe de vie & l'organifition de l'Embrion , 35 qui en reçoit à proportion une forme plus ou „ moins approchante de celle du Père ou de la 3, Mère ; ce qui peut rendre raifon , non feule- 3, ment de ce qu'on obferve par rapport à la 3, reffemblance quant à la figure , mais encore ,3 par rapport à celle du cnraâère. " 3^5. Sentiment de Mr. de HALLERy//r la Génération, Dans fes Corollaires mêlés fur le Poulet, pu- blics à Laufanne en 1758 , Mr. de Haller donne un léger précis de fes idées fur la Géné- ration. C'ert une efpèce de folution qu'il dé- duit de fes découvertes fur la Formation du Pou- let, & qu'il préfente comme un réfultat de l'ob- Corps Organise' s. 281 fervation. Je ne rendrois pas à cet Illiiftre Phy- ficien toute la juftice qui lui eft due , & que j'ai tant de plaifir à lui rendre , fi je ne plaçois ici les premières ébauches d'une théorie qu'il fçaura perfectionner & embellir dans fon grand Ouvrage de la Phyfiologie, Qu'on m'oppofe, dit -il (/z), l'exemple des iVIulets, & des Animaux hprides ^ qui 5, eifedivement reffemblent fouvent au Mâle par des marques diftinclives ; je croirois pou- voir répondre encore. Mes preuves font di- re6les : s'il n'y a pas quelque faute dans les Faits, il ne lauroit y en avoir dans les Con- 5, clufions. Il feroit peu philofophique de dire que l'Artère du Jaune efc née autrefois d'une Artère de la Mère , qu'elle s'en eft détachée , dans la" ponte, & qu'elle s'eft entée fur un bout d'Artère méfentérique du Fœtus préparé pour elle : que la Veine en a fait de même, & que le Jaune tout entier s'eft enté en mô- me tems par un petit canal dans un Inteitiii „ de l'Embrion. „ Mais comment expliquer dans mon Syflè- ,5 me les grandes Oreilles du Mulet: les Pieds „ de Poule de l'Oifeau né d'un Coq & d'une „ Canne: le gros Bec de l'Oifeau bâtard, que „ le Chardonneret a engendré avec' un Serin „ femelle? Je nefcaurois l'expliquer méchani- 5, quement , mais je vais faire voir que ces phé- (a) Mémoires fur la Formation du Poulet &.c. Mém II 'Seftion XIII , pag. 189 &. lyo. ' *' S5 95 95 9Î 99 39 99 99 99 99 99 99 99 39 99 99 282 GoNsiDiRATioNs Sur Les 5, nomènes ne font rien contre le Syflème des. .5 O variées. „ Le Sperme du Mâle a fans contredit le pou- „ voir de faire croître quelque Partie de TAni- „ mal plus que les autres: il fait croître les Poils j, de la Barbe dans l'Individu , dont il fait par- 35 53 33 55 33 33 55 53 35 33 33 33 53 35 33 33 53 35 53 tie , & il n'en fiit pas croître les Cheveux. Il poulie les Cornes des Animaux , depuis le Cerf jufqu'au Cerf volant, il prolonge les Dé- fences des Sangliers & de l'Eléphant. S'il a le pouvoir de faire germer de certaines Par- ties du Corps plus que les autres dans le Corps môme, qai le prépare, il peut l'avoir dans le Corps du Fœtus , qu'il anime. Il peut pouffer le Sang avec plus de force dans les Artères de l'Oreille, ou du Bec, & l'objec- tion efl réfoluë (^). „ Il eft bien vrai, que maréponfe n'explique pas le comment , ni le méchanifme , par le- quel le Sperme du Mâle réveille le Germe de rOreille , & en grandit le développement. Mais je ne dois pas être obligé à expliquer ce comment , pourvu que mes Faits foyent avérés. L'influence du Sperme fur l'accroif- fement de la Barbe & des Cornes, efl démon- trée , quoi que le comment en foit peut-être ignoré pour toûjor.rs." Avant & après la publication des Poulets de (fl) Il me femble q;ie cela ne fuffiroit pas pour rendre raifon des changeaiens furprenans qui s'opèrent dans l'Organe de la Voix du Mulet. Voyez ce que j'ai dit là- deflus dans les Ar- ticles 331. & 33Û. Corps Organise' s. 283 Mr. DE Haller 5 nous nous étions fouvent en- tretenus par Lettres fur \2iGénération^ & j'avois eu bien des occafions dem'airùrerquenoasp- a- fions de même fur le développement , & fur l'in- fluence de la Liqueur féminale. Cette confor- mité, dont je fais gloire , m'a donné un peu de confiance pour mes premières idées , & m'a en- gagé à les retoucher avec plus de foin, àlesapro- fondir davantage , & à les enchainer plus étroi- tement les unes aux autres. C'eft ce que j'ai tâ- ché d'exécuter dans ce Chapitre. Une des difficultés que j'ai le plus preffées a- vec Mr. de Haller , a été celle que préfente l'accroilTement des Oeufs dans les Poules vier- ges. Les Oeufs croijfent dans ces Poules , lui di- fois - je ; le Germe y croît donc aujfi. Tour quoi ne peut -il par le même moyen achever defe dé- velopper ? Tour quoi lui faut - // le fecours de la Fécondation ? Nous répondons que les fucs de la Mère peuvent bien faire développer le "Jaune ^ mais non les Parties offeufes du Germe, Cepen- dant les fucs de la Mère font développer ft s pro- pres Os beaucoup plus durs. Je dis là-dejjus que les Parties ojfeufes du Genne ne peuvent fe dé VC' lopper que par l'action de [on Cœur , ^ que s'' il bat avant la Fécondation , c'eft trop foiblQmenî, La réponfe de mon Illaftre Confrère a été telle que je l'avois prévue, y ai déjà parlé., m'écrivoit - il , delà faculté irritante du Sperme Mâle dans ma Thyfiologie, Je crois la chofe vraye. Car d'où vient queTEmbrion qui vivait m croijjbit point? c*ejl que fes Faiffeaux nétoient £84 Considérations Sur Les pas dilatés. Et pourquoi ne rétoient-ils pas'^ ceft que le Cœur ne battoit pas avec ajjez de for- ce. Et pourquoi cette force nouvelle après tac* coupkment ? il ne s'eft rien pajfé a'eff'entiel que Vaproche du Sperme du Mâle : la feule agitation de P accouplement ne réveille pas ffans elle , l'Em- hrion, 346. Nouvelle confiâération fur la Multi- plication fans accouplement. J'ai eflliyé dans l'Article 73 , de répondre à la queftion, comment fe fak la Multiplication fans accouplement ? J'ai préfentemenc une nou- velle confidération à offrir. Les Infeéles qui multiplient fans accouplement, & ceux qui mul- tiplient de Bouture , font tous très mois : la plû- ' part font même gélatineux. Leurs Enibrions doivent être bien plus mois, bien plus délicats encore. Les Parties de ces Embrions réfiltent donc infiniment peu.- Le Cœur ou l'Organe qui en tient lieu , pourroit donc avoir aifez de for - ce pour ouvrir par lui-même les Vaiffeaux, &. pour furmonterla réfiitance de Solides qui n'ont guères que la confiftence d'un Fluïde. Les In- fectes fournis à la loi de l'accouplement ont plus ou moins de Parties écailleufes & très -dures, qui originairement réfiftent davantage que celles qui doivent refter toujours molles ou même gé- ladneufes. Ainsi dans les Androg^nes , les fucs préparés que la Mère envoyé aux Embrions , fufïifent pour les faire développer. Les Mues des Oi- Corps Organise* s. 285 féaux , celles des Infectes nous offrent des exem- ples d'un développement analogue dans les Touts très-organifés. Les Germes des nouvelles Plu- mes , ceux des nouvelles Peaux fe développent fans autre fecours que celui des fucs qu'ils reçoi- vent de l'Individu. C'effc encore de la même manière ou à peu près, que la Chenille fait croî- tre le Papillon ( ^ ) , que l'Ecrevifle pouffe de nouvelles Pattes (Z')? le Polype une nouvelle Tête, &c. (^) Et comme je le difois dans l'Article 7 3, la Multiplication fans accouplement nous paroîtroit la plus naturelle, fi elle nous étoit plus familière. 11 eft bien plus furprenanc que pour produire un Individu , il faille le con- cours de deux autres Individus. Ca) Art. 160 & 161. (b) Art. 262. (c) Art. 264. ft86 Considérations Sur les CHAPITRE VIII. Confidératîons fur la Formation des Monftres. Conclufton, 347. Difpuîe célèbre fur les Monflres. Mon plan n'efl pas de traiter à fond des Monflres, Cette matière aulTi variée que diffi- cile 5 fourniroit feule à un gros volume. Je ne j'ai que très légèrement effleurée dans le Cha- pitre III. du Tome I. On connoit la longue & fameufe difpute de MM. Lemery & Wins- Low , qui ne finit que par la mort de l'un des combattans. On combattoit de part & d'au- tre avec des Monftres , & quand la viétoire ba- lançoit, on recouroit aux fubtilités de là Mé- taphyfique. Mr. Lemery foutenoit que la formation des Monftres étoit due uniquement à des caufes accidentelles , qu'il affignoit , & qu'il favoit employer avec beaucoup de fagaci- té & d'efprit. Mr. Winslow lailfoit là tout cet attirail d'explications phyfiques , & le fca- pel à la main , il prétendoit trouver dans cer- tains Monftres des preuves inconteftables que leur formation étoit due uniquement à des Oeufs originairement monftrueux. Un Hiflorien (a) digne de juger les deux célèbres Adverfaires, («) Mr. DB FONTENELLJE. / J \4,cHi>v /-» '-^ Corps Organise'*. 287 nous a donné la relation abrégée de leur com- bat. On la lira avec plaifir dans l'Hiftoire de FAcadémie Royale des Sciences pour l'année 1740. 348. Faits favorables à Vhypothèfe des eau- fes accidentelles. Ce n'eft point à moi à décider une queftion qui a partagé , & qui partage encore les plus grands Phyficiens -^ mais je dirai bien , que di- vers Faits me paroiflent confirmer le fentiment. de Mr. Lemery. J'en indiquerai quelques uns. Si l'on nomme Monflre une Produclion or- ganique 5 dont la conformation extérieure & in- térieure diffère de celle qui efb propre à l'ef- pèce , les Mulets feront de véritables B'Ionftres. Faudra -t- il pour expliquer de tels Monftres recourir à des Oeufs originairement monflrueux? Je m'alfure qu'on ne le penfe point. Et puis , comment un Germe de Mulet vicndroit-il fe préfenter à point nommé, au moment qu'un A- ne féconderoit une Jument ? Voil^ donc déjà une efpèce de Monilres qui doit fa formation à des caufes purement phyjjqucsj & l'on a vu dans le Chapitre précédent la manière naturel^ le dont j'ai tenté d'expliquer cette formation. Une Branche fe colle à une autre Branche , un Fruit à un autre Fruit , une Feuille à une autre Feuille , &c. & cette union acciàentelk devient fi intime , que les deux Touts n'en for- ment plus qu'un feul. Le quatrième Mémoif 288 Considérations Sur Les re de mes Recherches fur rufage des Feuilles dans les Plantes ^ préfence des exemples frap- pans & variés de cette forte de Greffe , & de» Moiiitruofités qui en réfultent. Les Greffés que l'Art exécute foit fur les Végétaux , foit fur les Animaux , donnent n?jf- fance à d'autres Genres de Monftres. Je m'en fuis beaucoup occupé dans cet Ouvrage , lors que j'ai entrepris de rendre raifon des Reproduc- tions végétales & animales. Ces Mondres ne réfidoient pas originairement dans des Germes qui les repréfentoient en petit. On pourroit les nommer artifickh , par oppofition aux Monftres purement naturels. Ce qui fe pafle au grand jour entre deux Branches qui fe collent l'une à l'autre , fe pafle dans fobfcurité d'un Ovaire ou d'une Matrice entre deux Oeufs qui viennent à fe toucher par quelque point de leur furface. Deux Fœtus humains qui ne font unis que par l'Epine , imi- tent fort bien deux Branches ou deux Fruits greffés />^r aproche. On voit quelquefois des Oeufs qui renfer- ment deux Jaunes. Ils renferment donc deux Germes. Si ces Germes parvenoient à s'y dé- velopper 5 il eft bien clair qu'ils pourroient fa- cilement s'unir ou fe greffer par différens points (ie leur extérieur. Telle étoit apparemment l'o- rigine de ce Poulet monftrueux à quatre Jam- bes & à quatre Pieds , que Mr. de Reaumur. trouva Corps Organise' s. sSp trouva dans un Oeuf couvé pendant dix -neuf jours ([^^). Cet excellent Phyficien recourt lui-nxênie à Texplication que je viens de don- ner, & il ne croit pas qu'on puifTe mettre la choie en queftion. „ il y avoit eu, dit il , 3, un Germe de plus dans cet Oeuf, que dans 3, le commun des Oeufs ; les deux Germes s'é- 3, toient réunis, & il n'étoit relié à l'extérieur „ que les deux Cuifles , & les deux Jambes 5, de l'Animal d'un de ces Germes. Tout ce- 5, la, ajoute -t-il 5 n'eft pas nécelfaire à prou- ,3 ver." J'ai infiflé bien des fois fur la délicatefîepro^ digieufe des Parties de l'Embrion. Je les ai re- préfentées comme prefque fluides: Elles font donc alors très - pénétrablcs. Dans cet état , il efl facile que deux Germes fe confondent en tout ou en partie. Une confufion entière en- traîneroit la deftruélion totale des Organes : mais , des Organes femhlaUes qui ne fe confon- droîent qu'à moitié, pourroient fe réunir par celles de leurs moitiés correfpondantes qui fub- fifteroient , & ne former ainfi qu'un feul Or- gane , un feul Tout individuel. C'ell de cette manière que Mr. Lemery rendoit raifon d'un Monftre humain à deux Têtes fur un feul Corps. La diflTeflion faifoit , pour ainfi dire, toucher au doigt la réunion des deux moitiés de deux Fœtus , qui é toient parvenus à n'en compofer (a) Mim. fur les hfsSieSi Toin. II. pag. 42, & 43. JOM. II. T î90 Considérations Sur Les plus qu'un feul. Il faut lire dans l'Hiftoire de l'Académie de 1740. le précis très clair & très ingénieux des obier vations du fçavant Anato- mifte. Suivant cette hypothèfe , les Monflres par excès , ou qui ont un ou plufieurs Membres furnuméraires , les tiennent d'un autre Germe dont tout le leile a péri. . 349. Monftres par accident , âoj7î la for- mation ne tient pas à P union de deux Ger- mes, Mais, il efl d'autres Monflres ^^r excès ^ dont l'origine eil très différente , & ceci méri- te qu'on y falle attention. Un Fœtus humain à 26 Côtes appartient bien à la clafle des Monftres par excès, Mr. Hunauld , qui pof- fédoit à un fi haut point l'art de voir & de dif- féquer, a démontré que ces Côtes furnumérai- res ne font dues qu'à un développement excef- fif d'une efpècc d'appendice olfeux des Apo- phyfes trmfverfes de la feptième Vertèbre. Je ne détaillerai pas ce Fait remarquable : je dois renvoyer mon Lecleur aux Mémoires de l'Aca- démie des Sciences de 1740. pages 377. & fuivantes de l'Edition in 4°. Les mêmes caufes , ou des caufes analo- gues , peuvent donner lieu à d'autres excès , & conféquemment à d'autres Bïonftruofîîés , donc il ne faUdroit pas chercher l'origine dans la con- fufion partiale des Germes ou dans leur réu- Corps O r g a n i s e' s. spr tiion par une forte de Greffe. Le Sperme de TA ne qui agrandie les Oreilles du Cheval & mo- dilie fon Larynx , agit à peu près comme les caufes dont nous parlons. Des caufes contraires produiront les Mons- tres/>^r définit ^ les plus faciles de tous à expli- quer. Une certaine prefilon fur des folides en- core gélatineux & qui fe touchent prefque , pourra auffi les réunir en une feule mafîe. Des Fœtus humains qui n'ont que 20 ou 22 Côtes font des efpèces de Monftres/'jr défaut, Mr. HuNAULD démontroit encore que ce défaut pro- venoit quelquefois de la réunion de deux Cô- tes en une feule (^). L'on a vu une fembla- ble réunion dans les Doigts , & dans quantité d'autres Parties foit molles , foit offeufes. Que dis -je! on a vu un Enfant de vingt-deux mois, privé d'Articulations , & dont toute la Char- pente 5 ne compofoit en quelque forte qu'un feul Os (/O- On imagine affés deî? caufes naturelles capa- bles d'ahérer dans le Germe divers Organes, d'en fuprimer l'Evolution en tout ou en partie, de changer leu: forme , leurs proportions , leur arrangement refpeccîf , &c. Ces changemens qui paroiiTent prodigieux dans le Fœtus à ter- me, & plus encore dans TEnfant, parce quç (fl") Mémoire de V Jcadé^ni.e 1 740. pa'/e 377. (fc) Mémoire de Mr. Lemery fur divers Monflres. Méoi.' d$ l'Acad. 1740, pag. 439. & fuivantes, T i 5^4 Considérations Sur Les l'Evolution groffit tout , peuvent ne tenir dans le Germe qu'à très -peu de chofe. Une Gelée cède facilement aux moindres impulfions , & revêt aifément de nouvelles formes. Au lieu de s'étonner des Montres , on devroit bien plu- tôt s'étonner qu'ils ne foyent pas plus communs encore. 350. Divers exemples de Monflres, Je ferois un Livre plus volumineux que ce- lui-ci , fi je voulois feulement indiquer tous les Monflres & toutes les Monftruofités de dif- férens genres , dont les Anciens Ihîd. Mr. Lemery 1724. (i) Jbid. Mr. du Verney 1706. le) Ibîd. Id) Ibid, Mr. Wimhow. T 3 294- Considérations Sur Les Parties d'an Germe s'uniiTent , s'ûtiaftomofent avec un autre Germe ; ou bien deux ou plu- lieurs Parties d'un même Germe fe réunifient pour n'en former qu'une feule. L'analogie en- tre le? Parties fivorife cette imion , comme elle favorife celle de la (Greffe avec fon Sujet, On diroit que toutes les combinaifons pofli- bles ayent été fûtes. Si deux Parties fe réunif- fent pour n'en former qu'une feule , une Partie tmique fe divife quelquefois pour en former deux cliilincles & femblables. Une Femme qui avoic eu plufieurs Enfms , & qui étoit morte à l'âge de 40. ans d'une maladie de Poitrine , avoit une double Matrice , très bien organifœ, & faite en Cœur. Le Vagin étoit fmiple , mais il y avoit au Col deux Orifices , qui répondoient à deux Cavités ou à deux Matrices diilinéles & fembla- bles. La lame interne du Péritoine les fépa- roit & fournilToit à chacune une enveloppe par- ticulière. L'infpeélion prouva que toutes deux avoient été occupées, (ans qu'on pût dire quel- le étoit celle qui l'a voit été le plus fouvent. Les autres Parties du Vifcère, lavoir les Ovaires, les Trompes , les Ligamens étoient comme dans l'état naturel (^). Une pareille Matrice ren- doit \q.% fuperfêtaîions Eiciles : elles font ordinai- res chez les Animaux dont les Femelles ont, comme celle du Lièvre , plufieurs Matrices. On voit bien qu'il ne faut pas chercher l'ori- gine de cette double Matrice dans l'union de (a) Hijloire de VAcadimie des Sciences, an. I7S2.pag, 75 & 7^. Corps Organise' s. 195 deux Germes. Elle avoit dépendu probablement de caufes qui avoient agi lur le V^ifcère même , & en particulier fur la lame interne du Péritoi- ne, qui l'avoient prolongée avec excès, & qui en avoient dirigé l'Evolution de manière à en fciire naître une duplicature monftrueufe. 351. Remarques importantes en faveur dei Monftres par accident. -Différences entre le Germe & le Fœtus , rêla" îivement à la forme & à r arrangement des Parties. l'négaUiés dans l^ Evolution, ]b ferai fur les Monftres une remarque impor- tante , & qui me paroît très favorable au Syltè- me des Caufes accidentelles. Tandis que le Pou- let efl encore dans fétat de Gerjne , toutes 'i.Q% Parties ont des formes , des proportions , des fituations qui diffèrent extrêmement de celles que l'Evolution leur fera revêtir. Cela va au point, que fi nous pouvions voir ce Germe en grand, tel qu'il eil en petit , il nous feroit impoffible de le reconnoître pour un Poulet. On n'a , pour s'en convaincre , qu'à relire l'i^rticle 146. Le Poulet étendu alors en ligne droite , ne préfen- te , comme le Ver fpermatique , qu'une grofle Tête & une Queue effilée , qui renferme les ébauches du Tronc & des Extrémités. Cette forme & cette fituation de la Charpente , qu'on n'auroit fûrement pas devinée , peuvent rendre faciles certaines unions entre deux Germes, qui T4 zg6 Considérations Sur Les cleviendroic;nt difficiles entre deu?: Erabrions un peu développés, & abfoluraent impoffibles en- tre deux Fœtus prefque à terme. Le Germe n'eft, pour ainfi dire, compofé que d'une fuite de points, qui formeront dans la fuite des lig- nes. Ces lignes le prolongeront, fe multiplie- ront & produiront des furfaces. L'Homme & les Quadrupèdes , dans l'état de Germe , ont fans doute auffi des formes & des fituations qui ne relfemblent nullement à celles qu'ils acquier- rent par le développement. De là des abouche- mens , des anaflomofes entre deux ou plufieurs Germes , qui donnent nailfance à différentes for- tes de Monftres , dont la formation exerce la fagacité du Phyficien. On remarque que les Monftres p^.r excès , font plus communs chez les Animaux qui produifent plufieurs petits à la fois , que chez ceux qui n'en produifent qu'un ou deux : c'eil qu'il doit arriver bien plus fré- quemment dans les premiers que deux Germes fe rencontrent que dans les derniers. La ftruc- ture particulière des Ovaires , des Trompes, des Matrices , & diverfes circonftances qui tien- nent à tout cela , peuvent encore influer beau- coup dans ces rencontres fortuites. Enfin , toutes les Parties du Germe ne fe dé- veloppent pas à la fois & uniformément: les obfervations fur l'Incubation des Oeufs le dé- montrent (^), & cette inégalité dan? l'Evolu- tion doit modifier les effets du contad, de la (ffl) Confultez Malpighi de Ovo încubato , & fur -tout le a^» Mémoire de Mr. de Haller fur la Formation du Poulet. Corps Organise' s.' ngj prefîlon, de l'adhérence, de la pénétration ré- ciproque , de la Greffe , &c. C'efb encore ici une remarque importante , & elle n'a pas échap- pé à Mr. LEMiiRY. Voici comment Mr. de FoNTENELLE Ta rcnduë d'après les réflexions de l'habile Phyficien. ,, 11 ne faut pas , dit-il (^a') , ,5 fe repréfenter les deux Embrions qui fe dé- 5, truifent à demi l'un l'autre , comme deux j^ni- „ maux qui ne diffèrent qu'en grandeur d'avec 5, des Animaux venus au jour. Ils en diffèrent 5, plus effentiellement , en ce qu'ils peuvent n'a- voir pas encore toutes leurs Parties dévelop- pées, ou en ce qu'ils les auront plus ou moins développées les unes que les autres ; car com- me on l'a vu dansl'Hiftoire de 1739. d'après 35 3* 5, Mr. Lemery même, j& dans_celle de 1701 , 33 le développement du Fœtus eft non feulement 3, fucceffif ainfi qu'il doit l'être naturellement, ,-^ mais inégalement diftribiié entre fes différen- „ tes Parties; cela dépend de fon âge. Parla 3, on conçoit aifément que telle Partie qui aura ,, été détruite par la preffion naturelle de deux 3, Fœtus, ne l'aura pas été par une preffion par- „ faiteraent égale de deux autres , parce qu'elle „ n'exiiloit pas encore dans ces deux derniers, ,5 qu'on fupofera plus jeunes." Il fe peut aulîi 5, que deux Embrions de différent âge, fe cho- 5, quent ou fe preffent, de fiiçon que ce qui 3, aura été détruit dans l'un , ne le foit pas dans 5, l'autre. Il fuffiroit même de la feule différen- ce) Hijî. àeVAcad. 1740. T5 apS Considérations Sur Les 5, ce de force avec un âge égal. Il doit naître 5, encore de ces principes généraux beaucoup 2, de variétés." 352. Autre remarque en faveur des Monjîres par accident. Différence entre le Germe ^ le Fœtus relati- vement à la conftjlence. Le Germe de l'Homme , celui d'un Quadru- pède ou d'un Oifeau, ont après la fécondation , une confidence , qui probablement ne diffère pas beaucoup de celle d'un Polype. Or , rien ne fa- vorife plus f union entre des Touts organiques , que la dudt'dité des Parties , & la quantité ainfi que la qualité des fucs dont elles font continuel- lement abreuvées. Des gouttes de la même Ge- lée ou d'une Gelée analogue n'ont pas de peine à s'unir. Beaucoup moins d'analogie encore ., & plus de confidence n'empêcheroient pas même que deux Touts organiques ne puflent fe greffer. Combien l'Ergot du Coq diffère-t-il de fa Crê- te C^)^ L'Art, & affez fouvent lehazard, réu- iiiffent des portions de Polype ou diffirens Po- lypes, d'où naiffent cent fortes de Mondres. J'ai raconté bien des merveilles en ce genre (^Z;). Si Mr. Lemkry les avoit connues , avec quel plaifir & avec quelle dextérité ne les auroit - il pas fiit fervir à étayer fon hypothèfe ! Et qu'on ne dife pas que la fimplicité de l'or- (û) Article 271. (6) Chap. XI, Tom. I. Corps Ouganise's. sp^ ganifation du Polype, ne permet pas que je le compare ici à l'Homme & aux .i:;rands Animaux. Combien de Parties fimïlaires dans ces derniers ! Combien encore de Parties diffimilaircs que l'Ex- périence démontre pouvoir le réunir pour ne for- mer qu'un feul Corps ! J'en ai raporté un bel exemple dans l'Article 270 , que mon Lcéleur voudra bien confulter. Si toutes les Parties qui entrent dans la compofition d'une Cuifle , peu- vent fe refaire & fe réunir, après avoir été cou- pées & féparées entièrement , pourquoi deux CuiiTes, deux Bras, deux Epines, &c. encore gélatineux , ne pourroient-ils ié grelTer par apro- che'l II efl d'ailleurs des Monltres dont la feule infpeclion fuffit pour établir que leur formation eit due à une pareille Greffe. Mr. Lemery en produit des exemples décifits , & ceux que ]\îr. WiNSLOW lui objecle, ne me femblent prouver autre chofe , fmon qu'on ne fçauroit concevoir dans certains Fœtus monfcrucux comment telle ou telle union a pu s'opérer entre deux Germes. Mais cet ïlluftre Anatomilteneferappelloitpas, fans doute , les obfervations de Malpigiii fur le Poulet , qui prouvent , comme celles de Mr. DE Halleii , que la forme & la fituation des . Parties du Germe, ne relfemblent point à celles des Parties du Fcstus. Si nous pouvions fuivre les progrès de la Greffe entre deux Germes , ob^ ferver les effets divers qu'elle y produit, & les comparer enfuice aux changemens que l'Evolu- tion amène infenfiblement , l'explication de ces Monitres ne nous embarafieroit plus , & nous 300 Considérations Sur les aurions le mot de l'énigme. Il en feroit de mê- me encore , s'il nous écoit poffible d'opérer fur deux Germes comme nous opérons fur deux Polypes: nous produirions à volonté différentes efpèces de Monllres humains. 353. Monftre qu'on cite en preuve de rexiften- ce des Germes monftrueux. Réflexions fur ce fujet. Manière dont on peut concevoir que s' opèrent certaines divifions accidentelles. Comme il efl des unions dont on ne fçauroit concevoir la manière , lors qu'on vient à les con- fidérer dans l'Animal développé, il efl; auiïï des divifions de Parties dont on ne fçauroit non plus affigner la véritable caufe , fans que néanmoins ni les unes ni les autres puiflent être regardées , en bonne Logique , comme des preuves incon* tefliables de l'exiftence des Germes originaire- ment momtrueux. On allègue cependant com- me une démonfl:ration rigoureufe de l'exiflience de pareils Germes , deux Cerveaux dans une feu- le Tête ^ lefquels ^ dit Mr. Winslow (^), on juger oit ajjèz facilement avoir été formés par la confufion de deux Corps unis enfemhle; mais ^ ajoute - 1 - il , de ces deux Cerveaux fort oient des Nerfs qui s'* accompagnaient deux à deux dans le même Corps, Il demande là - deffus fi ces Nerfs particuliers étoient de l'autre Corps qui aurait été anéanti , excepté le Cerveau feul dont ils par- (fl) Mémoires de l'Académie, an. 1741^ Vallisnieri a cité ce cas. Corps Organise' s. 301 îQÏent ? Il demande encore , comment ces Nerfs avùient pu être tirés [euh du Corps anéanti , & comment ils avoïent pu être ft artiflemefit ajfo- ciés avec les Nerfs pareils du Corps confervé? Aflurément , le fimple énoncé du Fait prouve que ce Monflre ne devoit pas Ton origine à la confufion de deux Germes , & à cet égard je penfe comme Mr. Winslow ; je défirerois à la vérité plus de détails. Mais , ce fçavant A- cadémicien ne commet- il point ici le Sophifme qu'on nomme émimération imparfaite P parce que le Monllre dont il s'agit , ne devoit pas fbn origine à la confufion de deux Germes, s'en- fuit - il néceffairement qu'il la devoit h un Ger- me originairement monftrueux ? Ne feroit - il pas pofîible qu'il y eût des caufes accidentelles , i\ nous inconnues , capables de divifer dans le Germe le Cerveau & les Nerfs ? Le cas en queftion ne feroit - il point analogue à celui de cette double Matrice dont j'ai parlé Ç*^)? Encore une fois ; ce que nous ne jugeons ^2iS poljîble 5 quand nous le confidérons après l'Evolution 5 & qui en effet ne l'eil plus alors , pourroit en certaines circonflances , que nous ne fommes pas encore en état d'aiïïgner , s'o- pérer facilement dans le Germe , fi dilférent en tout du Fœtus à terme. Quelle conféquence tirer de la forme , des proportions & de la il- tuation relatives des Parties du Fœtus , à cel- les des Parties du Germe , qu'on ne prendrojc («) Art. 350, 302 Considérations Sur Les pas pour le même Animal ? Que (lavons- nous môme ; car il doit être permis de haza^-der ici des conjedures , quand on a foin d'avertir qu'on ne les donne que pour celles ; que favons-nous , dis-je, il quelques-uns de ces Monilres h vmgc- quatre Doigts, ou au moins à 21 ou 22 Doigts, dont les exemples ne font pas bien rares, ne tenoient point leurs Doigts furnuméraires d'une diviuon accidentelle , opérée fur le Doigt voi- fm , tandis que le Germe n'étoit prefque qu'u- ne goutte de Fluïde épaiiîi ? Dans cet état de mollefle extrême les Doigts du Germe , les Tendons & les Vaiffeaux qui y aboutiifent , peu- vent être comparés , en quelque forte , au Corps du Polype , qu'on divife fuivant fi longueuif & qui le réproduit enfuite. Comme I'Auteur DE LA Nature a mis en réferve chez lesVé^é- taux & chez les Animaux das Germes pour la réproduélion & pour la multiplication des Touts organiques C^), il a auiTi mis en réferve dans chaque Partie d'un Tout organique, des Fibres & des Fibrilles relatives aux divers cas fortuits qui en exigeroient TEvolution, & qui pourroient eux-mêmes la faire naître (^'^'). Ces Fibres & ces Fibrilles n'ctoienc donc appellées à le déve- lopper que lors que de tels cas furviendroient , & la divifion accidentelle en fuprimant f Evolu- tion de beaucoup d'autresFibres,détourne au pro- fit des Fibres mifes en réferve , les fucs nourri- ciers qui auroient été employés à raccroiile- (a) Art. 238. 153. & 257, (b) Art. 236. Corps Organis e's. 303 ment des autres. Ces Fibres fubfidiaires fe prolongent donc en tout fens , & conféquem- ment à la détermination fortuite qu'elles ont reçue 5 & la Partie à qui elles appartiennent fe répare & fe façonne, C'eft ainfi que je con- cevrois qu'un Doigt encore gélatineux , divifé par accident , pourroit fournir dans certains cas, un Doigt de plus à la main ou au Pied. Des VailTeaux , des Tendons , des Os déchirés , cou- pés, frvicturés, rompus de mille manières dans l'Adulte, fe réparent très -bien ; il s'y fût donc de nouvelles Evolutions , qui fuppofent la pré- exiilencc des Parties à développer. Combien de playes énormes qui fe font parfiitement ci- catrifées ! Quelles reifources n'ont pas été mé- nagées dans le Règne végétnl & dans le Règne animal par TIntelligencs adorable qui a tout prévu & qui connoit seule le fond de fes Oeuvres ! Je ne puis m'empêcher de rappeller encore à mon Lecleur la Greffe fmgulière de l'Ergot du Coq fur fa Crête , les Bandes liga- raenteufes qui en naiifent & qui ne paroiffoienc point exiller auparavant Ça^ , & la belle Ex- périence que Mr. Duhamel a fi heureufemenc exécutée far la CuifTe d'un Poulet (Z'). Quel- le fource d'explications ces deux Expériences ne nous ouvrent • elles point ! quelles idées ne nous donnent- elles pas de l'œconomie organi- que & des richefles de la Nature ! S'il fe fait dans l'Adulte des réparations & des produélions (o) Art. 271. (&) Aît. 270» 3Ô4 CONSÎDERATIONS SûR LeS qu'on n'eCic ofé prédire , quelles ne doivent pas être celles qui peuvent s'opérer dans le Germe , dont toutes les Fibres font fi diicliles , & où tout eil encore à développer ! Si les Doigts de chaque Main & de chaque Pied fe touchoienc dans le Germe , il arriveroit trop fouvent qu'ils fe colleroient enlemble ; car dans des Farcies aufli pénécrables , l'adhérence feroit facile ; je conçois donc qu'il eft une caufe qui tend à les tenir féparées & à prévenir leur union. Si cet- te caufe , quelle qu'elle foit , aidée du concours de circonftances particulières , agiifoit trop for- tement, il feroit poffible qu'elle tendit alors à divifer les Os du Métacarpe & du Métatarfe , & avec eux les Doigts correfpondans. Les Os qui réfiileroient le moins , feroient ceux qui feroient les plus expofés à cette divifion acci- dentelle. 354. Influence que peut avoir la Liqueur fé' mlnale fur la formation des Monjîres. Il exifle peut-être une autre caufe à^Mons- truofités plus cachée , & dont il feroit pofiible que les eifets fe diverfifialfent beaucoup & mê- me fe propageaifent. Je veux parler des modi- fications fortuites qui peuvent furvenir aux Or- ganes de la Génération des Mâles , en vertu defquelles ils fépareroient plus ou moins des Molécules apropriées à telle ou telle Partie du Germe , ou des Molécules d'une activité & d*une qualité différentes de celles qui font pro- pres à l'efpècc. L'on Corps Organise' s. 305 L'on a pu juger par l'expofé de mes princi- pes fur la formation du Mulet , jufqu'oii peut aller l'influence de la Liqueur féminale fur les Solides du Germe. Il eft déjà démontré qu'el- le ne modifie pas feulement l'extérieur , mais qu'elle modifie encore l'intérieur ; & qu'elle change en particulier toute l'œconomie du La- rynx. Nous ne favons pas précifément com- ment cela s'opère ; mais nous fommes très-aflu- rés que le Fait exifle & qu'il n'exifte que par l'intervention du Sperme. Savons -nous mieux comment cette Liqueur f^iit croître un Bois de Cerf, une Défence, une Crète, &c.? Il y a donc dans les Organes de la Généra- tion de l'Ane quelque choie qui correfpond à fon Larynx , & qui fe communique à celui du Germe. La conféquence ell: légitime , puisque l'Organe de la Voix du Cheval imite conflam- ment celui de l'Ane , toutes les fois que le pre- mier a dû fon développement à l'adion de- la Liqueur féminale du dernier. Supposons maintenant que la Partie des Or- ■ ganes de la Génération de l'Ane , qui répond à fon Larynx , change par accident , & qu elle vienne à imiter celle de l'Organe de la Géné- ration du Cheval, qui correfpond aufll à fon La- rynx; il en réfulteroit , par la copulation , un Mulet dont l'extérieur feroit celui du Mulet or- dinaire , mais dont la Voix imiteroit celle du Cheval. ToM. IL Y 3o6 Considérations Sur Les Ainsi en fuppofant d'autres fortes de modi- fications dans les Organes de la Génération de l'Individu fécondateur, on auroit d'autres réful- tats dans le Germe fécondé. Le Mulet n''engendre point : les Organes de la Génération du Cheval Ibuffrent donc un chan- gement par la différence du Sperme qui fécon- de le Germe. Le Sperme de l'Ane ne peut donc les développer en entier comme le fait celui du Cheval. Le développement parfait de ces Organes dé{)end donc originairement du concours de la Liqueur fécondante propre à leur efpèce. Mais , fi la modification furvenuë dans le Germe à ces Organes , n'étoit pas de nature à entraîner la jîérïlité , l'Animal en contracleroit la capacité de produire des Monjîres ^ qui pour- roient eux-mêmes en produire d'autres , avec de nouvelles modifications que la fubféquence des Générations & diverfes circonftances fe- roient naître peu à peu , & qui changeroienc infenfiblement les effets de l'imprellion primi- tive. 355. Famille de Monjlres qui fe propagent. Ce feroit fur de femblables principes que je tenterois d'expliquer le plus embarafiant de tous les Faits, & fur la certitude duquel nous ne faurions former le moindre doute. Je ne l'ai encore qu'indiqué , & je redoutois d'avoir à en entreprendre l'explication. Il faut pourtant que Corps Organise' s. 307 je le tranfcrive, & que je tâche de ranalyfer. Si je l'omettois , on auroit droit de me l'objeder. Nous le devons à un excellent Obfervateur , Mr. GoDEHEu DE RiviLLE Commandeur de Malte & Correfpondantde l'Académie Royale des Scien- ces , qui en a communiqué la relation à Mr. de Reaûmur : la voici telle que cet Illuftre Acadé- micien l'a publiée dans Ton Jrî de faire èclorre les Poulets T.ome IL pages 377. «Se fuivantes de la féconde Edition. 5, G RATIO Kalleia , né d'un Père qui avoit 5, lept Enfans , eft venu au monde avec llx j, Doigts aux Mains & aux Pieds; les fix Doigts 3, des Mains font parfaitement bien formés , il 55 les remue tous avec une égale facilité; celui 5, qui eft de furplus , tient de l'index & du mé- 5, dius* Ceux des Pieds font difformes, & for- 5, ment une efpèce de couronne qui rend le Pied 55 d'une figure défagréable. Ce Gratio Kalleïa 5, s'étant marié à i'àge de vingt -deux ans, a eu ^, quatre Enfans , Salvator , George , André & 5, Marie. Salvator l'aîné de tous eft né avec „ fix Doigts aux Mains & aux Pieds ; les Mains „ ne font pas auiîi bien formées que celles du „ Père, mais les Doigts des Pieds font bien ar- „ rangés; le fixième Doigt eft un peu plus court 5, que les autres , mais cela n'empêche pas que „ îe Pied ne foit d'une belle forme. Ce Salva- „ tor s'eft marié à fàge de dix -neuf ans, & a ,, eu jufqu'à préfent deux Garçons & une Fille 5, avec fix Doigts aux Mains & aux Pieds , & V 2 3o8 Considérations Sur Les j3 un autre Garçon qui n'en a que cinq. ,, George fécond fils de Graîio^ eft né avec ^, cinq Doigts aux Mains & aux Pieds. On remar- j, que cependant une difformité dans les Mains ; lès deux Pouces font plus longs & plus gros 3*» qu ils ne devroient l'être , & en les maniant on fent dans le milieu une efpèce de répara- tion comme s'il y avoit deux Doigts renfer- més fous une même Peau. Les cinq Doigts des Pieds font à fordinaire , exceptés les deux premiers Doigts du Pied gauche , qui font col- lés enfemble. Ce George s'étant marié, a eu trois Filles & un Garçon ; les deux Filles 5? >3 aux Pieds , & la troifième qui a fix Doigts à chaque Main & au Pied droit , n'en a que cinq au Pied gauche qui eft très - bien formé. Le Garçon qui ei1; encore à la mamelle n'a que cinq Doigts aux Mains & aux Pieds. 5, André', troifième iîls de Graîio^ eft né avec cinq Doigts bien formés à chaque Mem- bre , & a fait plufieurs Enfans qui n'ont au- cune difformité. „ Marie fille de Gratîo , eft née avec cinq 5, Doigts aux Mains & aux Pieds, mais elle a 39 55 55 35 35 dans les deux Pouces la même difformité que George. Les cinq Doigts des Pieds font à l'ordinaire. Elle s'eft mariée à Page de dix- huit ans , & a eu deux Garçons & deux Filles ; un des Garçons a fix Doigts à un Pied , & les trois autres font formés à l'ordinaire- Corps Organise' s. 309 „ Il flmt remarquer que les Enfansde Geor- 5, ge qui ont fix Doigts, font, pour ainfi dire, 3, elbopiés; à peine peuvent -ils fe fervir de 5, leurs Mains pour fliire quelque travail; un de 5, ces Knfans a deux Doigts lans ongle, & un 5, autre en a deux crochus , & presque paraly- 5, tiques : la difformité des Mains de George 5, auroit-elle pafle dans fes Enfans? Les Fils 5, de Salvator ont les Mains & les Pieds mieux 55 formés, & ils peuvent travailler. Je m'inté- 9, relfe au mariage de fa Fille , qui a déjà qua- 5, torze ans, & dont les Pieds & les Mains ne 5, font aucunement difformes; je fuis curieux 3, de favoir fi elle aura des Enfans à fix Doigts , ,, quoi qu'elle époufe un Mari qui n'en ait que 5, cinq. Si cela arrive , voilà des exemples con- 5, traires , & alors il fera vrai de dire que le 5, principe de la Génération réfide dans l'un & 3, l'autre fexe. Nous avons déjà pour première 5, preuve, Marie Fille de Gratio ^ qui a eu un 5, Garçon avec fix Doigts au Pied gauche , mais 35 la Fille de ce Salvator pourra nous fournir 5, quelque chofe de plus inil:ru6lif. '' Ce Grntio qui avoit ûx Doigts aux Mains & aux Pieds, mais dont les Pieds étoient diffor- mes 3 a donc eu trois Fils & une Fille , Salva" tor ^ George y Andréa Marie. Salvator eft né , comme fon Père , avec fix Doigts aux Mains & aux Pieds; ceux-ci font bien formés , le fixième Doigt eft feulement un peu plus court que les autres \ mais les Mains V 3 310 Considérations Sur Les p^ font pas auffi bien faites que celles de Ton Père. Il a eu deux Fils & une Fille à vingt-quatre Doigts, & un autre Fils qui n'en a que vingt. Geokge , né avec cinq Doigts aux Mains & aux Pieds, a néanmoins une difformité dans les Mains; Tes deux Pouces font plus gros & plus longs qu'ils ne devroient fctre, & lors qu'on les manie , Ton fent dans le milieu une féparation qui indique qu'ils font doubles. Il a encore une efpèce de difformité au Pied gauche , les deux premiers Doigts font collés l'un à l'autre. Il a eu un Fils & trois Filles. Le Fils a les Mains & les Pieds conformés h l'ordinaire. Les deux Filles aînées ont fix Doigts aux Mains & aux Pieds; mais la Cadette qui a fix Doigts à chaque Main & au Pied droit, n'en a que cinq au Pied gauche. Remarquez que îesFnfans de George qui ont fix Doigts , font , en quelque forte , eftropiés , & qu'ils ne peuvent fe fervir de leurs Mains pour travailler. André', troifième Fils de Gratio , ell: venu au monde avec cinq Doigts bien formés aux Mains & aux Pieds, & il a fait plufieurs En- flms qui n'offrent aucune Monilruofité. Marie , Fille de Gratio , efl née avec cinq Doigts aux Mains & aux Pieds ; mais elle a dans les deux Pouces la même difformité que George îbn Frère. Corps Organise'». 311 Elle a mis au monde deux Fils & deux Fil- les ; un des Fils a fix Doigts à un Pied. Les trois autres Enfans ne renferment rien de mon- llrueux. 356. Ejpii d'explication des Blonfires qui fs propagent. Nouveaux éclair cijfemens desFrincipes de V Au- teur fur la Génération, pAi récapitulé les principales circonflances du Fait , afin que mon Leéieur les faifît mieux. Voilà donc une Famille de Monftres , qui fe pro- pagent , mais avec des variétés plus ou moins remarquables , & que l'ignorance des caufes por- teroit à regarder comme des bizarreries. La fréquence & la propagation du phénomène ne permettent pas , ce me femble , de recourir ici à l'hypothèfe des Germes originairemcBt mon- llrueux. G RATIO , Monftre à vingt -quatre Doigts, tranfmet donc fes Monftruofités , en tout ou en partie , à la plupart de fes Enfans. Comme il effc démontré que le Germe appar- tient à la Femelle, & qu'il préexiile à la Fécon* dation (<^), on ne fçauroit refufer d'admettre que les Enfans de Gratio ne fuifent originaire- ment bien conformés. Les Germes qui les re- préfentoient très en petit n'avoient que cinq Doigts aux Mains & aux Pieds. («) Art. 142, IS4» I5<5. V 4 512 Considérations Sur Les Ils ne font devenus des Mûnjîres que par l'ac- te de la Génération. Cet aéle n*envoye au Germe qu'une Liqueur. Cette Liqueur a donc renfermé quelque chofe qui a fait naître la Monltruonté. Pour que la Liqueur fécondante aye renfer- mé cette chofe, fource de la Mondruofité , il a fallu que les Organes de Gratio qui l'ont prépa- rée, renfennafTent une autre chofe, qui corref- pondiiTe à la conformation monftrueufe de fes Mains & de fes Pieds. Un accident, à nous inconnu , avoit donc modifié les Organes de la Génération de Gratio , dans un rapport plus ou moins déterminé à la difformité dont il s'agit. Cette difformité eft par excès , & cet excès fuppofe que les Molécules du vSperme apropriées à l'Evolution des Mains & des Pieds , étoient plus a6lives ou plus abondantes dans Gratio ^ qu'elles n'ont coutume d*être dans l'Homme. Puisque la Monftruofité s'eft propagés , le cas revient à celui du Mulet. Le Sperme de l'Ane agit par excès fur le Germe du Cheval: il y mo- difie fingulièrement l'Organe de la Voix. 11 y a donc dans le^ Organes de la Génération de l'Ane quelque chofe d'excédent^ qui ne fe trouve pas dans ceux du Cheval.. Tl y avoit donc dans les Organes de la Géné- ration de Gratio^ quelque chofe d'excédent^ qui ne fe rencontre pas communément dansl'efpèce humaine. Corps Organise' s. 313 Ces Organes renfermoicnt donc chez Gratio plus de Vailîeaux fécrétoires d'un certain genre , ou des Vaifleaux autrement conftitués que chez le commun des Hommes. Ainsi la Liqueur féminale de Gratio a pu a- gir fur les Germes de ^qs, Enfans dans un cer- tain rapport aux difformités de leur Père. Elle n'y aura pas engendré de nouvelles Par- ties , dont les ébauches n'exiltoient point aupa- ravant : il ell allez établi que rien n'eit engen- dré. Mais , elle y aura déterminé avec plus de force & fuivant des directions contraires à l'ordre naturel^ l'Evolution de différentes Parties ibic membraneuies , foit cartilagineufes ou oileufes du Métacarpe & du Métatarfe. Elle y aura oc- cafionné des divifions & un excès d'accroilfe- ment, qui auront donné naiffance à ces Monftruo- fités dont nous tâchons de découvrir les caufes. Les Solides font originairement formés de di- verfes lames , que fArt fçait démontrer en les féparant. Ces lames font les rudimens des Par- ties que le Germe offrira dans la fuite plus en grand. Ce que l'Art exécute fur de pareilles lames, 4es caufes naturelles ne pourroient- elles l'opérer aulfi ? Une trop forte im.pulfion d'une Liqueur très-aélive , ou une certaine manière d'a- gir de cette Liqueur , ne pourroient-elles fcparer quelques-unes de ces lames, qui deviendroient ainfi le principe de Parties furnuméraires? Il faut bien que la Liqueur féminale produife V 5 314 Considérations Sur Les cet effet ou un effet analogue , puis que la Mon- ftruoficé fe propage , & qu'il eft prouve: que cet- te Liqueur n'engendre rien. Il exilloit donc a- vaut fon îactiondes Parties qu'elle a multipliées, & qu elle n'a pu multiplier , qu'en les divilant & en les fiiifant croître avec excès. L'on juge facilement que cette Evolution con- tre nature doit être toujours plus ou moins irré- gulière. Les Parties excédentes ne fçauroient être conformées extérieurement & intérieurement d'une manière précifcment femblable à celle dont font conformées les Parties qui fe développent dans f ordre naturel. Celles - là doivent différer de celles-ci par des caractères plus ou moins marqués & plus ou moins nombreux. La dif- fection nous donneroit ces caractères, comme elle nous donne ceux du Mulet, Mais , nous n'avons point la dilfeélion des Mains & des Pieds de Gratio, ni celle des Mains & des Pieds de fes Enfans. La difformité qu'on remarquoit dans la conformation des Pieds du premier & dans celle des Mains de fes deux Fils aînés & de fa Fille, prouve fufîifamment que l'Evolution avoit été irrégulière. Mais , fi l'adtion d'un certain Sperme modifie extraordinairemenî différentes Parties d'un Ger- me , cette a6tion peut être modifiée , à fon tour, par la conftitution particulière & parla réfiftance de ces Parties dans d'autres Germes de la même efpèce : car on m'accordera fans peine que les Germes fpécifiqueiiient femblables , peu- vent ne fètre pas individuellement. Corps Organise' s. 315 Il arrivera de là, que la même Liqueur fé- n-iinale ne produira pas les mêmes effets eflen- tiels far tous les Germes qu'elle fécondera. El- le eft très-hécérogène , & les Solides des Ger- mes ne le font pas moins. Et combien de cir- conftances concomitantes & fubfcquentes qui peuvent faire naître de nouvelles irrégularités ! Si la conftitution originelle des Solides efl: telle qu'ils retiennent leur conformation primi- tive & qu'ils ne fe laiflent point xiivifer ou al- térer^ la Liqueur féminale du Moniire fe bor- nera à faire développer le Germe , & ce Ger- me ne fera point un Monftre. ; C'est ainfi (\\ji André , troifième Fils de Gra- tio, a pu venir au jour fans aucune difformité, au moins fenfible , & il n'eft pas furprenant qu'il ait £iit des Lnfans qui lui ayent relTemblé en ce point. ' "Mais, les Enfans monftrueux de Grailo ont fait au fil des Enfans 7nonfîrueux\ Comment la Mdhdruofité s'eft elle propagée ? C'elt ici, ce me femble , la partie la plus difficile du pro- blème. Je n'abandonnerai pas les principes que j'ai tâché d'établir dans le Chapitre précédent Ar- ticles 332 & 33(5. Puisque les Enfans mons- trueux de Grûtio ont engendré des Monfires , il faut, fuivant mes principes , que la Liqueur féminale du Père ait agi fur lesOr^.fanes de la Génération de fes Enfans , de manière à mo- difier ces Organes dans un raport à la Mons- 3i6 Considérations Sur les truofité en queition. On voudra bien conful- ter encore l'Article 354. J'ai admis cela pour les Organes de la Gé- nération de* l'Ayeul , & j'en ai dit la raifon. En même tems que la Liqueur férainale de celui- ci a agi fur les Mains & fur les Pieds de fes Enfans , elle aura agi encore fur la Partie des Organes de la Génération qui correfpondoit dans les Enfans , à leurs extrémités fupérieures & in- férieures. Elle aura imprimé ainfi à ces Orga- nes une difpofition à réproduire la Monftruo- fité. Je ne fais fi je me trompe ; mais il me pa- roit que la conféquence eil néceffaire. Poar qu'une certaine propagation s'opère , il faut que les Organes qui fervent à la propagation , ayent un certain raport avec la chofe à propagea Je ne puis dire précifément en quoi confifle ce raport^ parce que la itru6lure intime des Organes de la Génération ne m'eft pas con- nue. Je conçois feulement que comme leFoye, par exemple , eft conftruit de manière à fépa- rer & à préparer la Bile ; il y a de maême dans les Organes dé la Génération , des efpèces de très- petits Vifcères qui féparent & préparent les Mo- lécules relatives aux différentes Parties du Tout. Si la ftruélure du Foye changeoit , il eft bien évident qu'il ne fépareroit plus la Bile comme auparavant. De même aufli , quand les petits Vifcères que je fuppofe contenus dans les Or- ganes de la Génération , viennent à changer. Corps Organise' s. 317 ies fécrétions pafticuîières doivent changer pa- reillement , foit en plus ou en moins , Ibit re- lativement aux qualités des Molécules répa- rées. Le nombre prodigieux des différens Vaif- feaux, dont font compofés les Organes qui pré- parent la Liqueur féminale , leurs entrelacemens merveilleux , leurs plis & leurs replis , leurs circonvolutions , leur fineile extrême, nous don- nent les plus grandes idées de la ftrufture de ces Organes , & peuvent nous aider à conce- voir la poffibilité de la compofition que je leur fuppofe. Combien nôtre admiration ne s'ac- croitroit-elle point , s'il nous étoit permis de dé- mêler toute cette compofition , & d'obferver nettement la forme , le jeu & les opérations diverfes de cette multitude innombrable de Vaif- feaux fécrétoires ! Les belles découvertes de Mr. Ferrein (^) fur la flru6ture des Vifcè- res nommés glanduleux , rendent ceci plus frap- pant encore. Les Anatomiftes fa vent queMAL- piGHi avoit penfé que le Foye , la Rate , les Reins , &c. étoient compofés d'un nombre pres- que infini de petites Glandes. Ils favent enco- re que RuYscH s'étoit élevé contre ce fenti- ment, & qu'il prétendoit avoir découvert que ces Vifcères étoient formés uniquement de l'en- trelacement d'une multitude de petits ^'aii^eaux fanguins. Mr. Ferrein , qui a percé bien {a) Mémoire fur la Stru&ure de^ Vifcères rmnmés glanduîeuK, ^ particulièrement fur celle des Reins ^ du Foy. Mèm. de l'4ca>d. Ro'^ule des Sciences, an. 1749. pag. 489. & fuivantes. 3i8 Considérations Sur les plus avant que ces grands Phyficiens , dans ror- ganifation des Vifcères , a démontré la faufle- té de leurs opinions. Il a vCi & revu avec é- tonnement, que la fubftance propre du Foye & des Reins, étoit toute compofée d'une infinité de très-petits Tuïaux, blancs, cylindriques , re- pliés fur eux-mêmes de mille manières diffé- rentes , & dont l'admirable aflèmblage n*a rien de commun , ni avec les Glandules de M a l- piGHi , ni avec les Pelotons vafculeux de RuYscH. Une injeclion rouge , fort pénétran- te , n'a point paile dans ces petits Tuïaux , & la couleur blanche de la fubllance propre , n'en a pas été le moins du monde altérée. Mr. Fer- rein a retrouvé la même ftruélure dans d'autres Vifcères, & de Graaf avoit prouvé qu'elle efi: auffi celle de l'Organe qui prépare la Liqueur féminale. La découverte de ce Syllème merveilleux de Tuïaux, eft un des grands pas que l'Anato- mie ait fait de nos jours, & la fagacité de l'habi- le Académicien brille dansfon expofition. Mais, il y a bien loin , fans doute , du point où il ell parvenu à celui oii nous défirerions d'aller. Que de chofes intéreifa-ntes & qui nous feront long- tems inconnues ne renferment point ces pe- tits cylindres creux , fi artidement groupés , re- pliés, contournés ! Quelle diverfité ne peut- il pas y avoir dans leur forme intérieuie, dans leur tiffu, dans leur calibre, dans leurs fondions, &c. 1 fi l'on réfléchit fur tout cela , l'on trou- vera 5 je m'alFure , que moû hypothéfè n'eft pas Corps Organise' a. 319 dépourvue de fondement dans la Nature ; car ces petits Tuïaux, ou différentes portions d'un même Tuïau , peuvent fournir à l'Organe des Filtres de différens ordres. On ne revient point de fon étonnement , quand on fonge , que tous les Tuïaux blancs d'un Rein humain , mis bout à bout, formeroient une longueur de dix-mille toifes : Mr. Ferrein l'a prouvé. J'invite le Ledeur à confulter fon beau Mémoire ; j'ai regret de ne pouvoir que l'exquifler. Maintenant , je prie les vrais Phyficiens de mé dire , fi j'ai jufqu'ici bien raifonné, ii j'ai choqué les Faits , fi j'ai contredit mes prin- cipes ? Mais , une grande difficulté fe préfente. Ma- rie 5 Fille unique de Gratio , née avec cinq Doigts aux Mains & aux Pieds , a eu deux Fils & deux Filles , & un des Fils a fix Doigts à un Pied. Mr. de PaviLLE en conclud , que le prin- cipe de la Génération r épi de dans Tun & r autre Sexe C ^ ) , & Mr. de Reaumur paroit adop- ter cette conclufion , lors qu'il dit Qh^ ^ que ces Faits ne paroijjent pas favorables à la pré- exiftence des Germes. Cependant il efl certain que le Germe réfide originairement dans la Fe- melle (r) 5 & ces deux habiles Naturaliftes (a) Voyez l'Article précédent. (&) Art défaire éclorre &c. Tom. IL pag. 37^. féconde £• dition. (c) Article 14 j. 320 GoNsiDEHATioNs Sur Les l'ignoroient. Il n^eft guères moins certain que le Germe n'eft point engendré dans la Femelle , & qu'il a exiffcd de tout tems. Comment con- cilier avec ces principes le Fait fingulier qui s'of- fre à notre examen ? Quoique cette Marie , Fille de Graîio , eue le nombre ordinaire de Doigts , l'Obfervateur attentif nous fait remarquer , qu'elle avoit aux deux Pouces la même difformité que George fon Frère. Si les Femelles étoient douées d'u- ne Liqueur prolifique, il feroit bien facile d'ap- pliquer aux Organes de la Génération de Ma- 7'ie , ce que j'ai dit de ceux de fon Père & de fes Frères. Mais nous avons vu dans l'Article 338 , les raifons qui fembient prouver que les Femelles n'ont point une femblable Liqueur. Js ne recourrai pas à l'imagination de la Mè- re ; refuge familier à divers Auteurs qui n'a- voient pas alTés médité fur la Méchanique de nôtre Etre. J'avouerai que je ne conçois point comment l'Imagination pourroit multiplier & façonner les Doigts du Germe, & je deman- de à mon Leéleur s'il le conçoit. Je ne dirai pas non plus , que la Liqueur fé- minale de Qraîio avoit agi fur un des Germes de la féconde Génération , en vertu de /'£/;;- boitement. Si cela étoit , Marie auroit pu ac- coucher de ce Fils à vingt -un Doigts fans avoir eu commerce avec aucun homme ; car le Ger- me de ce Fils auroit été ainli fécondé par l'AyeuL Mais CôR?s Organise' S. 321 Mais , quelles raifons nous forcent d'admet- tre que ce Fils de Maris tenoit fon Doigt fur- numcraire de fa Mère ou de fon Ayeul ? Je prie mon Leéleur de remarquer, que les trois autres Enfans de la Fille de Gratio n'avoîent rien du tout de monltrueux. Ne me feroit - il pas permis d'en infcrer , que le Doigt en ques- tion ne tenoit pas à la Fccoi.dation) & qu'il é- toit l'effet d'une caufe acàclentelle , concomi-^ tante ou fubféquente , qui avoit divife un des Doigts du Pied , &c. conformément à ce que j'ai expofé dans f Article 353? N'a-t-on pas vu des Enfans naître avec un qu plufieurs Doigts furnuméraires , fans que ni le Père ni la Mère , ni aucun des Ancêtres renfermaffent rien de monftrueux au moins extérieurement. Si Ma-' rie n'étoit pas née dans une Famille de Mons- tres qui fe propagent de Pore en Fils, l'on n'au- roit pas attribué à la Fécondation l'origine du Doigt excédent d'un de fes Enfans. Je ne fais ce que Mr. Lemery auroit penfc de nôtre Famille de Malte , ni comment il au- roit expliqué ces Monllres qui fe perpétuent. Je foupçonnerois fort néanmoins , qu'il auroit cherché la raifon de ce Doigt furnuméraire du Fils de M^r/Vdans l'union de deux Germes, en fup- pofant^ comme il favoit fut pour d'autres Mons- tres femblables ou analogues, que l'un des deux Germes avoit été détruit , & qu'il n'étoit relié de fes débris que le feul Doigt dont nous par- lons. ToM. II. X .'3^2 CoNlIDKRATIONf SurLes Mais , en recourant ici à cette hypothèfe, Ton s*expofe aux objeélions tirées de la Do&ru ne des Probabilités que Mr. de M air an lui a •oppofées dans THilloire de TAcadémie Royale des Sciences pour Tannée I7^f3., pages 58 & fuivantes , auxquelles je renvoyé le Ledeur» Je prendrai cependant la liberté de faire ob- ferver , que les objections de cet Illuflre Acadé- micien perdroient , fans doute , de leur force , fî nous connoiffions toutes les circonflances qui peuvent procurer l'union partiale de deux Ger- mes, & produire la deftrudion presque totale de l'un des deux. Le nombre des connues efl bien petit dans ce Problême. Les Monftruofités qui fe propagent , doivent , fuivant mes principes , aller toujours en décroil^ fant de Génération en Génération. L'effet de la première caufe,qui devient caufe à fon tour, ne fçauroit produire un effet qui lui foit précifé- ment égal & femblable : les Germes n'étant pas originairement monflrueux, tendent toujours à retenir leur conformation naturelle & primitive. Ils modifient donc l'aclion des Liqueurs fémina- îes, qui s'aifoiblit ainfi de plus en plus. C'ell ce qui fe confirmeroit apparemment , fi nous avions ]a fuite de l'Hifcoire des Defcendans de Gratio ■Kalkïa ^ & j'invite Mr. le Commandeur de Ri- 'VILLE à nous la donner. Ce fujet efl: peut-être le plus difficile & le plus intéreflant de tous ceux qui peuvent s'offrir à la méditation d'un Phyfi- cien. Je fouhaiterois d'y avoir répandu plus de jour: j'ai au moins tâché d'aller aufli loin que Corps Oroanisï's. 35g mes principes pouvoient me conduire. Je laifle aux Phyfiologiftes à juger de l'application que j'ai tenté d'en faire, & j'attends de nouvelles inftruélions de leur fagacité & de leurs recher- ches. 357. Qu'il ferait poffihle que les caufes tcccI" dentelles agijftnt avant la Fécondation. J'aperçois une autre fource àeMonftruofîîés', raccroiffement des Oeufs dans les Poules vier* ges , ne nous permet pas de douter que le Ger- me ne croifîe avant la Fécondation (^). II pourroit donc contra6ler avaat la Fécondation , des difpofitions à certaines Monftruofités ; & il feroit mcme poiTible que ces difpofitions ne de- vinfTent fenfibles qu'après la naiffance. Pour- quoi en effet n'exifteroit - il pas des caufes acci- dentelles^ qui agiroient fur le Germe avant la conception , & qui modifieroient la conforma- tion originelle de quelques-unes de fes Parties? Il y a peut-être des modifications monftrueufes y qu'on attribue à la Fécondation ou à des caufes concomitantes 5 & qui leur font de beaucoup an- térieures. 358. Individus dont les Vifchres font tranlpo fés. Remarques fur cette tranfpofition. Il exifte une forte d'Hommes , que Mr. LjS; (a) Voyez rAilidc 341. 324 Considérations Sur Les MERY ne vouloit pas , avec raifon , que l'on qualifiât de Monftres , & que les Adveriaires des c au/es acadentelles lui oppofoient avec confian- ce. Ici la conformation extérieure & intérieure eft précifén-ient la même que chez les autres Hommes , & ces prétendus Monftres s'acquitent de toutes les fonèlions propres à Tefpèce. Mais, leurs Vifcères femblent avoir été tranfpofés ; le Cœur & la Rate font à droite , le Foye à gau- che , &c. „ Qu'on imagine , dit Mr. de 5, FoNTENELLE Ç^a^ ^ deux Maifons parfaite- ,, ment fèmblables en tout , hormis que l'une eft 5, tournée de fiiçon que l'efcalier eft à droite de 35 ceux qui entrent , & dans l'autre à la gauche ; 3, la mode fera, fi Ton veut, pour l'efcalier à ,, droite. Mais fautre Maifon ne laiflera pas „ d'être abfolument aulfi régulière , aufli com- 5, mode, auifi bien entendue." Ainsi une pareille tranfpofition ne change rien du tout à Vejjence de l'oeconomie organique , ni par conféquent aux fondions vitales. Elle ne fçauroit donc être envifigée comme une vraye Monfiruofiîé. AuîTi le Sujet , où elle a été dé- montrée pour la première fois, avoit vécu 72. ans , fans qu'il fe fut jamais douté de la fmgula- îité que fon Corps renfermoit. Il n'avoit pas été marié, & l'Hiftorien de Xhr cadémie ajoute à cette occafion , qu'il auroît été euy'ieux de fçavoir fi fes Enfans aur oient eu les T viriles intérieures tratifpofées comme lui ^ ou du (,§} Hijleire de l'Académie, 1740. Corps O r c a n i s i' s. 325 moins fî [es Parens les avoient eues. On voit bien , que fuivant mes idées , une femblable tranfpofition n*efl: pas de nature à pafTer du Pè- re dans fes Enfans. La Liqueur féminale ne peut pas plus opérer de tels changemens , qu'elle ne peut produire un Cœur ou un Foye. Cet exemple de tranfpofition générale n'efl point unique ([ ^ ) , & fans doute que ces fortes de cas fe multiplieroient plus qu'on ne penfe, fi le nombre des Cadavres qu'on diflèque , n'é- toit pas fi difproportionjié à celui des Cadavres qu'on ne diffèque point. Mr. Sue , qui donne le détail & la figure d'une femblable tranfpofi- tion , ell fi convaincu de la fréquence du cas > qu'il exhorte les Médecins & les Chirurgiens à s'en afilirer avant que d'agir ,& il leur indique les moyens de la reconnoître. „ Ileil, ajoute- „ t-il (Z»), des maladies internes , & il fe ren- 5, contre à faire des opérations Chirurgicales, „ où le Médecin & le Chirurgien s'expofent i „ des méprifes , s'ils ne font, avant de traiter les „ maladies, ou de faire les opérations, la re- ■5, cherche & l'examen d'un pareil changement." Comme les Germes, dont toutes les Parties ont été originairement tranfpofées , n'en don- nent pas des Touts organiques moins parfaits , ia) Voyez rHiftoLre de l'Académie avant 1699, en Fran- çois, Tome II. page 44. année 1688, * & le Recueil des Mé- moires avant 1699, Totae X. page 731. ( h ) Mémoires des Sçavans Etrangers publiés par l'Académie 4les Sciences de Paris, Tom. I. page 294, 17SO. X3 226 Considérations Sur Le* moins réguliers , moins fains , Mr. Lemery ad- metLoit volontiers dans les Oeufs cette tranfpo- lltion originelle , & elle lui paroiflbit , ainfi qu'à Mr. DE FoNTENELLE , une preuve inconteftable de la Liberté' Divine. 359. Maladies organiques ; dernière raifon en faveur des Monftres par accident. Enfin , s'il efl: , dans Tadolefcence & même dans l'âge viril , des Maladies qui peuvent ren- dre difformes ou monflrueufes différentes Par- ties du Corps humain , c'eft une dernière raifon «n faveur des Monftres par accident^ & Mr. Lemery n*a pas manqué de la faire valoir. 11 dtte fur ce fujet des exemples de Cerveaux , de Membranes, d*Epiploons,&c. pétrifiés, en tout ou en partie , de courbures extraordinaires de FEpine, de Cornes qui ont pouffé en différens endroits du Corps (/?). Ce dernier cas n'efl pas le moins remarquable : Ton en lit un détail dans les Transa6lions Philo fopjoiques Q') qui pal^ feroit pour fabuleux s'il n'étoit attefté par des témoins irréprochables. On nous affure , qu'à l'âge de trois ans , une Fille commença à pouf- ler des Cornes de divers endroits de fon Corps, & en particulier des jointures & des articulations. Ces Cornes fe multiplièrent d'année en année , & à l'âge de treize ans elle en étoit toute hérif- fée. Les Mamelles n'en étoient pas même exemp* (0) Mirmhes de P académie 1740. , (b ) Année 168$. Obfervations curieuftS JtW tmtes Iss PartilS de h Fbyfiia» Tom. I. page a 20. Corps Organise' s. 32^ tes. Elles relTembloient par leur baze à deâ Verrues , & par leur extrémité à de véritables Cornes. Quelques-unes étoient contournées à la manière de celles du Bélier. Il y en avoit une à l'extrémité de tous les Doigts des Mains & des Pieds, & fa longueur étoit de deux à trois Pouces. P^nfin , quand quelques unes de ces Cornes venoient à tomber , il en renailToit d'au- très à leur place C^)» Mr. Lemery tire de ces Faits extraordinaires cette conféquence légitime 5 que fi de pareilles Maladies organiques s'étoient manifeflées dans un Fœtus , on Tauroit nommé un Monftre, 360. Des raifo7is métaphyfiques. Je ne toucherai point aux raifons méî1 Ik^O -VÎSl': '^^m %ë ^* ■^*^ '"% -^ ▼ly j