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De ? Académie po Dérppldine , € de celle de Saint-Pétersbourg ; des Académies | Roy ) 2le8 des Sciences de Londres , de Montpellier , dé Lyon s de Gottingue, de Stochkoln, de Copenhague ; Honovaire de celle des Beaux-Arts de la mème Ville ; des Académies de l'Infitut de Bologne ; de Harlem , de Munich, de Sienne , de Caffel ; des Curieux de la Nature de Berlin ; Corre[pon dant de V Académie Royale des Sciences de Paris,
NMOUMVE LLE., ÉDITION;
Corrigée €S confidérablement augmentée.
TOME: PREMIER.
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Ghez J.G. Vircaux &Compaghie, Libraires Françoié, er
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La Contemplation de la Nature étoit de _tous les Écrits celui qui demandoit le plus à être corrigé & perfeionné. Lorfaue je la publiai pour la premiere fois en 1764, je ne difimulai point dans la Préface les im- perfections de divers genres que j'y décou- . vrois; & ce que je difois à ce fujet, je le fen- _ tois fortement. J’étois donc alors bien éloigné de prévoir l’accucil dont le Public honore- _ toit ce petit Ouvrage, & je prévoyois bien moins encore les Éditions aflez nombreufes & les Tradu“ions en diverfes langues, qu'on en publieroit dans un aflez court efpace de _ temps. Je n’avois pas non plus foupçonrné que des Hommes célebres feroient à mon Livré l'honneur de le commenter, & qu'en joignant à leurs excellentes Traductions des Notes inftructives, ils me donneroient la a 3
yI AVERTISSEMENT.
preuve la moins équivoque du cas qu’ils vou- loient bien faire de mon travail ( 7 ),
APPELLÉ moi-même au commencement de 1779, à n'occuper de nouveau de cette Produétion , je n’ai pas cru que les fuffrages qu’elle avoit obtenus, fuffent un titre fuffi- fant pour me difpenfer d'y faire les amélio- zations qu’elle me paroifloit exiger: je n’en ai été, au contraire, que plus excité à la rendre plus digne de l’approbation'des Con-
(x) En 176$ Mr. Tirius, Profefleur de Phyfique à Wit- temberg, publia une Traduétion allemande de la Contemplation de la Nature , à laquelle il joignit quelques Notes. Cette Tra« duction fut réimprimée l’année fuivante. Le favant Traduc« teur y avoit ajouté quelques figures qui n’avoient pas été bien exéçutées par le Graveur. En 1769 Mr. l'Abbé SPALLAN- ZANI, Profeffleur d’'Hiftoire naturelle dans l'Univerfité de Pavie, voulut bien auf publier une Traduction italienne du même Ouvrage, qu’il orna d’une favante Préface & de Notes intéreÎfantes ; & cinq ans après, en 1774, il en parut une Traduction hollandoife, en trois Volumes, exécutée par Mr, CooPMAns, Profeffeur de Chymie dans l’Univerfité de Franc- ker, que fon digne Collegue, Mr. VAN SWINDEN , Profef- feur de Philofophie. dans la même Univerfité , enrichit d’un très - grand nombre de Notes très - propres à faciliter l’intellé. gence du Livre. J'omettois une Tradué&ion angloife , publiée par un Anonyme en 1766. |
"4VERTISSEMENT. vit
aoïffeurs. Je fouhaitois fur - tout de l’enrichir d’une multitude de découvertes intéreffantes qui avoient été faites depuis fa premiere pu- blication. Je voulois encore y développer un peu plus des faits & des principes que la trop grande briéveté de mon Texte ne mettoit pas affez à la portée de la plupart des Lec-
teurs. Je defirois enfin de fuppléer à quantité d’omiflions plus ou moins eflentielles que je remarquois dans plufieurs Parties.
Mais la maniere de remplir ces différentes vues me jettoit dans le plus grand embartas : je ne pouvois refondre mon Ouvrage en en- tier : une pareille tâche auroit été au-deflus de mes forces. Je ne pouvois non plus y faire çà & là des additions ou des interpolations un peu confidérables ; car je n’aurois pu les amalgamer fi bien avec le Texte, que l’har- monie de l’enfemble n’en eut fouffert. Il ne me reftoit donc à choifir qu'entre des Sup- plémens ou des Notes. J'ai préféré des Notes, parce que plus rapprochées du Texte, elles fe lient mieux avec lui, & qu'elles n’exigent
& 4
vx AVERTISSEMENT
ni avant-propos ni préambules. Mais, en donnant la préférence à cette voie de per- fectionnement , je n’imaginois pas que mes Notes accroitroient & fe multiplieroient au point de former un Volume plus gros que louvrage même. C’eft pourtant ce qui m’elt arrivé, & c’eft en grande partie ce qui a occafioné ces retards de la feconde livrai- fon de mes Oeuvres, dont les Soufcrivans & les Libraires Étrangers fe font plaints bien des fois à mes Éditeurs. J’efpere qu’ils me les pardonneront quand ils verront tout ce que jai tâché de faire pour rendre mon travail plus utile & plus agréable à eux-mêmes & au Public. Le genre de ce travail , la délica- tefle de ma fanté, & d’autres obftacles que je né détaillerai pas, ne me permettoient pas d’aller bien vite dans une carriere plus pénible pour moi qu’on ne le penfe, & que j'ai mis plus de deux ans à parcourir.
JE mai fait dans le Texte aucun chauge- ment effentiel ; car ce ne font pas des chan- gemens efllentiels que deux à trois lignes
AVERTISSEMENT. x
ajoutées en deux ou trois endroits, & quel- ques expreflions fubtituées çà & là à d'au tres exprefhons moins propres ou moins correctes. Je dois avertir néanmoins, que j'ai ajouté à l'Ouvrage douze nouveaux Cha- pitres dont les fujets ne peuvent manquer d'intéreffer Ja curiofité d’un Ami de la Na- ture, J'en aurois ajouté volontiers un plus grand nombre en transformant en Chapitres certaines Notes , fi j'avois trouvé des facilités à le faire. J'ai eu foin d'indiquer ces nou- veaux Chapitres, foit dans la Table des Ad- ditions , foit par le figne ff qui les précede.
Jar fait enforte que le ftyle des Notes pe contraftat pas trop avec celui du Texte : on juge bien qu'il ne devoit pas être par- tout auf concis, & qu’il fufhloit qu’il ne füt jamais ni lache ni aride.
Querques-uxes de mes Notes ont une ampleur que je craindrois qu’on ne me repro- chât , fi je n’avois lieu d’efpérer que la nou- veauté ou l'intérêt des fujets me la feront
x AVERTISSEMENT.
aifément pardonner. Je n’ai ‘pourtant pas dit dans ces Notes tout ce que jaurois pu dire; mais j'ai dit au moins ce que j'ai jugé le plus propre à fixer lattention d’un Lecteur curieux & intelligent.
Jar confulté fur chaque fujet les meilleu- res fources , & n’ai rien négligé pour rendre avec autant d’exactitude que de clarté tout ce que j'y puilois. Je n’ai rien eu à defirer à cet égard, lorfque jai traité de l’induftrie & des mœurs des Quadrupedes & des Oifeaux: limmortel Ouvrage de Mr. le Comte de BurroN na procuré en ce genre les plus grands fecours, & j'en ai profité avec re- connoiflance. Je ne pouvois ni le copier tou- jours ni peindre comme lui; mais je pouvois labréger : je me fuis donc réduit à de légeres efquifles de fes admirables tableaux, que j'ai appropriées de mon mieux au but & au genre de mon Ecrit, Je me fuis aidé encore des favantes Notes de MM. SPALLANZANI & VAN SWINDEN:
AVERTISSEMENT x
Je finis ce court Avertiflement en con. feillant au Lecteur de lire d’abord chaque Chapitre en entier. Il paflera enfuite aux Notes, en fe bornant à jetter un coup-d’œil fur les endroits correfpondans du Texte. Il en faifira mieux ainfi l’ordre & l’enchaine- ment des matieres.
Le 2$ Sepiembre 1785.
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A MES TLLUSTRES AMIS _ÆT CONFRERES,
M. le Baron DE HALLER d Gou- emoens , Confeiller au Confeil Souverain de la République de Berne, Préfident perpétuel de la Societé Royale de: Gottingue, de Académie Royale des Sciences , des Académies d'Alle- magne, d'Angleterre , de Pruffe, de Suede, de Baviere , de l Inflitut de Bologne , Eÿc.
M. DUHAMEL DU MONCEAU, de lAcademie Royale des Sciences, de la Sc- ciete Royale de Londres, de l’'Academie Im périale de Pétershbourg , des Académies, de Palerme €ÿ de Befançon, honoraire de la So- eiété d'Edimbours € de l'Académie de Marine, Tafpeteur-general de la Marine.
(x ) | M. TREMBLEVY, Confeiller au grand Confeil de la République de Geneve, de la Société Royale d'Angleterre , Correfpondant de l'Académie Royale des Sciences, |
M. ALLAMAND, Profeffeur de Phi-
lofophie dans lUniverfité de Leyde , des Aca- démies Angleterre € de Hollande.
Comme une foible marque des fentimens ; de la grande eftime, €ÿ du tendre & invio- Jable attachenwnt que leur & voué ,
Juin 1764.
L'AUTEUR.
V, cr cette Contemplation de la Nature’, dont je parlois dans la Préface de mes Cos- fidérations fur les Corps organifes (x), & qui étoit l’'Ouvrage de ma jeunefle. Je l’a- vois comme oubliée au fond de ma Biblio theque , lorfque je fus appellé à en déta- cher les huit Chapitres, qui font à la tête de mes Coujidérations. Je ne répéterai point ici comment ils avoient été compofés ; mais il faut bien que je dife , qu'ayant relu à cette occafion ma Contemplation de la Nature,
(1) Confiderations Sur les Corps organifés, où l'or traite de leur origine, de leur développement , de Leur reprodutlion, &c. £ÿ où l'on a raffemblé en abrégé tout ce que L'Hifloire naturelle offre de plus certain &ÿ de plus intéréfjant fur ce fujet. À Amfterdam , chez Marc-Michet Rey, 2 Vol. grand in-Oëavo. Seconde édition, 1768-
PRÉFACE. xŸ
& ne l'ayant pas trouvée tout-à-fait indigne de l'attention du Public, je fus d’abord tenté de la laiffer paroitre. Je careflai quelque tems cette idée ; je me difois, qu’on publioit tous les jours des Ouvrages qui n’étoient ni auf intéreflans ni aufli utiles, & qui pourtant étoient très - accueillis. Paflant enfuite à un examen plus févere, je trouvai tant d’im- perfections dans mon travail, tant de vuides à remplir , tant de chofes à rectifier & à dé- velopper, que je changeai tout-à-coup d'idée, & que je pris la réfolution de fupprimer mon Livre. Je n'affermis de plus en plus dans cette réfolution, en comparant ce Livre à mes derniers Ouvrages : il me parut leur être trop inférieur , & mon amour-propre choqué de cette différence , condamna au feu l'Ou- vrage infortuné. Je voulois me mettre pour toujours à l'abri de la tentation de le pu- blier , & je m’applaudiflois de cette forte de courage. J’allois exécuter la fentence, lorf- qu’un Ami (2) éclairé & judicieux entra dans
(2) M. BENNELLE, Pafteur à Geneve , dont la mo- deftie, je dirai mieux; l'humilité vraiment Chrétienne
*Xw PRÉFACE
mon Cabinet; j'eus la foibleffe de lui com muniquer mon dellein, peut-être par un refte d'amour paternel. Il en appella à un examen moins rigoureux, & me reprélenta, qu'après avoir écrit pour les Savans, je pouvois bien écrire pour ceux qui ne l’étoient. pas, & à qui je fouhaitois d’infpirer le defir de le devenir. Il avoit lu plufieurs fois mon Manufcrit avec plaïlir ; il exigea ma parole que je ne le brülerois point. Il obtint plus. encore ; Car que pouvois-je refufer à une amitié telle que la fienne ! il m’engagea à revoir cette Production, & à la perfection- ner. Je venois d'achever mes Cosfidérations Jur les Corps organifés; j'entrepris donc ce. nouveau travail. À mefure que j'avançois dans ma revifion, je me reprochois plus forte- ment d’avoir cédé. Chaque page, chaque pa- ragraphe noffroit des changemens ou des additions à faire, @& le Manufcrit me tom-
m'interdit jufqu’à l'apparence de l'éloge. Mon cœur fe tait donc à regret fur les vertus de cet excellent Ami ; mais le Public faura au moins que la tendre & ancienne amitié qui nous unit , fait une des douceurs de ma vie,
boit
LRÉEACEÉ .. xvTi
boit des mains. Je ne me fentois pas la force de tout refondre ; ma fanté ne me l’auroit pas permis; mes autres Ouvrages lavoient altérée, & l’état de mes yeux étoit encore un obftacle contre lequel je ne devois pas lutter. Il fallut donc me réfoudre à fouffrir dans mon travail mille défauts que je fentois vivement , & auxquels je ne pouvois re- médier à mon gré. Après avoir revu ainfi un tiers du Manufcrit, je foumis cet échan- tillon au jugement de deux Hommes illuftres, que je crus plus féveres que mon Ami. Leur avis fut néanmoins le même que le fien, & ils me preflerent fort d'achever ma tâche. C’en étoit une, en effet, & plus encore que je ne l’avois penfé : bientôt je fus entrainé à compofer à neuf de grands morceaux. Il sagifloit fur-tout de remplacer ces huit Chapitres que javois détachés & publiés. C’eft ce que j'ai exécuté dans la Partie VIL Je n’aipas fait de moindres Additions dans les Parties VII, IX, XI & XII; mais jai évité avec foin d’entrer dans des détails qui auroient trop contrafté avec le titre & le Tome IT, b
XVITI PRÉFACE.
but de lOuvrage. Je l’adrefle uniquement à ceux qui, fans avoir fait une étude parti- culiere de la Nature , ne font pas infenfibles aux beautés de tout genre qu’elle renferme. Je nveftimerois très-récompenfé de mon travail, fi je leur faifois naître le defir de voir de plus près ces Produ@ions admi- rables, que je n’ai qu’efquiflées. Je ferois beaucoup plus fatisfait encore, fi j'élevois leur efprit & leur cœur à cette SAGESSE ADO- RABLE dont nous ne faurions trop nous oc- cuper.
Tecce eft lhiftoire de cet Ouvrage, & telles ont été mes vues en le compofant. Puis-je me flatter que le Public éclairé vou- dra bien mefurer fon jugement fur ces vues, : & me pardonner des imperfettions que la foiblefle de ma fanté rend plus excufables ? Quand je voulois fupprimer ce Livre, ce métoit point ‘comme on la vu, par mo- deftie ; c’étoit par un pur effet de mon amour - propre : je facrifie aujourd’hui cet amour - propre à lefpérance d’être de quel-
PRÉFACE XI gW'utilité à un plus grand nombre de Lec- teurs. Je n’ai & ne puis avoir ici aucune autre prétention. Je ne publie que la foible ébauche d’un Ouvrage dont j'avois concu allez jeune le plan, & que des Ouvrages moins légers ne m'ont pas permis de rem- plir dans toute fon étendue. Jai fur-tout regret à la maigreur des quatre pre mieres Parties: elles demandoient à être plus nour- ries; mais , fi j'avois entrepris de les étoffer davantage, j'aurois fait un troifieme Vo: lume, & je ne fais même s'il auroit fuñ. En crayonnant lEchelle des Etres, je nai nullement prétendu fixer les gradations de la Nature; je lai dit aflez: ce n’eft qu'une maniere d’envifaget les Etres & de les par- courir. Il ÿ a fans doute des gradations dans la Nature: les Anciens lavoient remarqué ; nous en découvrons à l’œil quelques-unes, qui nous paroiflent fort caradérifées. Mais lefpece , l’ordre ou l’enchainement de ces gradations ne nous font connus que très: imparfaitement. On verra peut-être avec plai- fir dans la Partie VIII, ce que jai expofé
b 2
xx PRÉFACE.
fur ce fujet & fur quelques autres qui lui {ont relatifs & qui ne font pas moins inté. reffans. Les trois Chapitres qui terminent cette Partie, peuvent être regardés , fi l’on veut , comme un Eflai de Logique à l’ufage du Contemplateur de la Nature.
Jar repris dans les Parties VIT & IX mes principes fur la génération & fur la repro- dudion des Corps organifés. Jai fait enforte de les préfenter très en abrégé, & fous un point de vue un peu différent de celui fous lequel je les avois prélentés dans mes Cox- fidérations. Je devois éviter de me copier, j'ai donc retravaillé cette belle Matiere dans un autre goût, & je me fuis fort rellerré (3).
J'aurar peut-être trop exercé l'attention du Lecteur dans cette Contemplation de la
(3) tf Ici, l’Auteur a retranché dans cette nouvelle Edition , l’Analyfe iabregee, & le Tableau des Con- fidérations:, qui fe trouvoient dans la Preface des pre- mieres Editions, & qui fe retrouveront à la tête de la nouvelle Editiez àv :à1 Palingénéfie Philofophique.
PRÉFACE. xxI
Nature, que je me hafarde aujourd'hui à publier. Elle n’eft guere néanmoins qu’une {fuite de Tableaux, où jai préfenté très en raccourci quelques Parties de ce grand Tout, dont la plus petite abforberoit le Naturalifte qui voudroit en faire l'unique objet de fes recherches. Je n’ai donc confidéré que de Join & d’une vue rapide, cette foule d'objets intéreffans que nous offre notre demeure. Il en eft quelques-uns auxquels je me fuis arrêté par préférence ; mais, en les crayon- nant, j'ai dû encore me fouvenir que je n’étois que fimple Contemplateur. On ne me jugera donc pas ici en qualité de Na- turalifte, & l’on ne s’attendra pas à trouver dans cet Ouvrage les mêmes détails, le même enchainement , la mème analyfe que j'ai tâché de mettre dans mes derniers Ou- vrages. Jai plus cherché dans celui - ci à exciter la curiofité , qu'à la fatisfaire. On le regardera, fi lon veut, comme une ef pece d’abrégé de mes autres Ecrits, ou _comme une forte d'Introduction à leur lec- ture. Si je n'ai pas cité au bas des pages b 3
KxIT PRÉFAGEÉ
les divers Auteurs que j'ai extraits à mà maniere (4), on ne me foupçonnera pas d'avoir voulu me parer de leurs dépouilles : je les ai cités avec la plus grande exa@itude dans mes Coufidérations [fur les Corps orga- nifes, & ce font les mêmes dont j'ai fait un fréquent ufage dans cette Contemplation. Je déclare donc ici fans détour, que ce qu’il y a de plus intéreflant dans ce Livre, eft dû à ces Auteurs célebres. Je n’en ex- cepte pas léloquent Auteur de lHiftoire Naturelle (5), que j'ai critiqué à regret, & dont j'admire fincérement les rares talens & le génie fublime, Je n’ai pas eflayé d’imi- ter fon pinceau ; je n’y aurois pas réuffi; mais j'ai puifé dans fon bel Ouvrage divers traits qui entroient naturellement dans mon plan. Je n'ai pas cité non plus mes pro-
(4) Je veux dire, en rendant leurs Obfervations ou leurs idées dans mon propre ftyle, & non en les tranf. crivant çà & la mot à mot & fans guillemets , comme font trop fouvent les Compilateurs en tout genre, poux
fe difpenfer d’un travail plus pénible , & pourtant eflen. tiel à l'unité ou à l'harmonie du difçours.
(s) Mr. de BUFFoN.
PRÉFACE xx}
@res Ouvrages ; je dirai feulement que j'ai vu moi-même une aflez grande partie des faits que je rapporte, & ça été fouvent d’après mes obfervations que je les ai dé- CTICS.
A Tlionex , prés de Geneve, le 22 de Juin 1764
b 4
xxiy COURTE NOTICE
COURTE NOTICE
IDE L'OUVRAGE),
1102) D E Titre de Contemplation de la Nature annonce affezs que mon but dans ce Livre wa point èté d'approfondir les fecrets de la Nature. J'avois taché de le faire dans mes autres Ecrits. Celui-ci étoit principale- ment defiiné à élever le cœur € l'efprit à la SOURCE ADORABLE dont tout émane effentiel- lement, © qui devroit être toujours la pre- miere €S la derniere fin de toutes nos re- cherches. J'ai donc fur-tout contemple la Na- ture dans fes rapports fi nombreux , fi va-
(1 ) Cette Notice a été tirée d’une Lettre de L Au. teur à un Prélat de l'Eglje en Mc datée du 14 de ÂAlars 176.
(2) Ce figne tt indique, comme l'on fait, les Add. ions que l’Auteur a faites à la nouvelle Edition de cet Ouvrage.
DE: L° O UV-R’A°G +. XXY
vies , fi divers aux Perfections de fon Divin AUTEUR. Je lai cherche dans fes moindres Productions , comme dans celles où IL éclate avec le plus de majeflé, €ÿ par-tout jai en- tendu cette Parole fublime: ME voucr.
Comme javois à renfermer prefque toute da Nature dans lefpace étroit de deux affez petits Volumes, il a fallu me refferrer beau- coup ; mais fai fait enforte que cette extréme précifion ne nuifit point à la clarté. J'ai un pou plus orné mon fiyle, on [Nutôt la gran- deur des objets l’a ennobli €$ Yn'a infpire. Les ornemens ont fortis d'eux-meèmes du fond des fujets, € les vérités les plus philofophi-
gues fe font offertes, embellies par des com- paraifons on des ümages que je n'ai eu qu'à
efanifer.
Les quatre premieres Parties de l'Ouvroge Jont une forte de petite Cofrologie , d’abord un peu métaphyfique , enfuite prefaue tonte phyfique on morale. J'y parcours rapidement des grandes vérités que nous offre le raguni-
SXVYI COURTE NOTICE
fique Jpettacle de l'Univers. y traite de Jos unité, de fa bonté, de l'enchainement mer. veilleux de toutes fes Parties, de la Gra- dation admirable qui Sobferve entr'elles \ € je finis par crayonner le Tableau de l'Homme , de fon état préfent © de fon état futur, ce qui me conduit à contempler de loin les Hré- RARCHIES ééleffes au rang defquelles il doit un jour être élevé par cette SAGESSE Apo- RABLE qui a placé en lui le germe d'une immortalite glorieufe. Je préfente ici ma petite hypothefe [ur la réfurrection.
Dans la Partie V, je jette un coup-d'œil fur divers rapports qui lient les Etres ter- refires. Je contemple d'abord les effets qui re- fultent de l'union fecrete des deux Subfances dont l'Homme eft formé. J'indique en quoi confifte ‘le phyfique des fenfations, des paf- fions , du tempérament , de la mémoire, de l'imagination : je touche en paljant aux fon- ges. Tout cela compofe une forte de Pfychologie élémentaire, On comprend que je ne fais qwy efquiffer les principes que j'avois développés dans
D'ETIS OU V'RAIGLE. XXVIL
PEMai analytique. /e pafle enfrite à la mé. chanique de la vifion. Je dis un mot de la Lumiere €> des Couleurs. Le Feu ES l'Air, qui jouent un fi grand role dans notre Monde, ne pouvoieut smanquer de s'offrir dans le Ta- bleau. J'en trace à grands traits les princi. paux effets. Mon plan n'interdifoit les détails. C'eft donc fous le meme point de vue que je crayonne les liaifons que les Etres terrefires foutiennent entreux par leurs fervices mutuels, €ÿ ceci me donne lieu de faire admirer les utilités de divers genres, qui réfultent des décompo- fitions ou des transformations que fubiffent diverfes matieres par Me des achfnes Organiques.
C'eft aux Etres organifés que fe rapportent les Etres inorganifés. La matiere brute a pour fin la matiere orgunifée : celle-ci, Les [ubf. tances immaterielles qui lui font unies. C'eft Jur-tont dans l’économie des Végétaux & des Animaux que la SaGssse ORDONNATRICE brille avec plus d'éclat : je noccupe de l’économie
sxvu COURTE NOTICE
_ des Végetaux dans la Partie VI. J'y donne une légere idée de lhifloire de la végétation, où jinfere les faits les plus interefflans de mon Livre fur lUfage des Feuilles. Je ter- mine cette Partie par une ébauche de la théorie de la régénération des Végétaux.
Dans la Partie VII , je raffemble en abrege € Jous un nouveau point de vue, les faits €ÿ les principes relatifs à la Génération, que favois expofes en detail dans mon Livre des Corps organilés : jy fais fentir le peu de folidité de quelques opinions celebres qu'un Genie cloquent € fublime s'eft efforcé dans ces derniers tes d'étayer © d'embellir. |
Les Tnfettes font un petit Peuple où la SAGESSE SUPRÈME s’e/f pue à multiplier ces traits frappans par lefquels Elle seft mani- feflée à nous. Je préfente en raccourci ces differens traits dans les Parties VIII & IX. J'y fais paller en revue ces petits Animaux qui ont tant étonné le Monde, par la finguliere
D EzL’O U V.R A G:E XXIX
propriète de multiplier, comme les Plantes, par rejettons © par bouture , 3 de pouvoir ctre greffés comine elles. J'y produis d'autres Ani- maux de la meme clale, dont la multiplica- ion s'éloigne encore plus de tout ce que nous connoiflions en ce genre. Les trois Chapitres qui terminent la Partie VIII (3 ), font des Confidérations philofophiques au [ujet de ces Animaux finguliers, € une branche inte- reffante de cette Logique qui doit diriger le Naturalifle Philofophe. J'ai tente enfuite de donner des folutions fatisfaifantes de tous ces phenomenes de l Animalite, € de les ramener a la loi univerfelle de ln préordination des Etres €ÿ du développement. Les sméta-
(3) Dans les premieres Editions de la Contemplation de la Nature, ces confidérations philofophiques au fujet des Polypes terminoient, en effet, la Part. VIII; mais lAuteur ayant été appellé à s’occuper de la revifion de
a]
se Livre, à loccafon de lEdition complete de fes Oeuvres, il a ajouté à cette Partie VIII un nouveau Chapitre où il donne un précis de l’Hiftoire des Ani.
malcules des infufons.
HxX COURT EN ONDUIMCTE morphofes font venues auf fe ranger [os cette loi.
Les analogies fi nombreufes , fi diverfes, fi frappantes qui lient le Végétal à l Animal, font l'objet de la Partie X. Après avoir rap- proché toutes ces analogies dans u1 même Ta- bleau , j'examine s'il ef} un Caraëfere qui dif- tingue effentiellement le Végétal de l'Animal ; recherche aufi épineufe qw'intereffante , € qui exercera long-tems lEfprit philofophique.
Les Parties XI €ÿ XII font confacrées à Pinduftrie des Animaux , fujet le plus riche , Le plus varié €ÿ le plus agréable de tous. J'ai tache de faire d'heureux choix ; j'étois cw- barraffé de mon abondance mème ; mais jai eu foin fur-tout de ne rien avancer qui ne fut conftaté par les meilleurs Obfervateurs. Affez fouvent j'ai parlé ici d'après mes propres ob- fervations , € n'ai raconté que ce que j'ai vu € revu bien des fois. Mes récits en ont ac- quis plus de clarté & d'intérêt, © parmi les
DE L'OUVRAG E. XXXI
faits que j'ai décrits, il en ef? que je Wavois point encore publiés. Il ef} facile d’exciter lad- aniration , quand on raconte les procédés ingé= nieux des Animaux ; l'inagination s’'échauffe ai férnent fur ces agréables nouveautés : ce qui n’eft pas anffi facile, c’eff de faire enforte que l'ad- smiration foit toujours éclairée , € qu’elle ne faififle jamais fon objet que par le côte philo- Jophique. Des Ecrivains , d'ailleurs très-eftima- bles , fe font plus d'une fois laiffé feduire par l'amour du merveilleux , € il leur eff arrive dans plus d'une occafion de transformer la Brute en Homme, le Cafior en Ingénieur , l Abeille en Géometre. Je me fuis donc appliqué à pré. munir mes Leéteurs contre de telles feduifions , € je leur ai offert en ce genre des idées qui me paroifjent plus philofophiques que celles gz'o adopte trop légèrement. D'autres Auteurs avoient emmbraffe une opinion bien differente, € avoient tout réduit au pur méchanifine. J'ai Jait afjes fentir que cet autre extrème nef} pas moins vicieux que le premier. Il ef ici un ri- lien , @ c'eft ce milieu que j'ai fouhaité de fai-
XXXII | COURTE NOTICE DE L'OUVRAGE.
fir. Je nrétois expliqué ailleurs fur cette belle Matiere (4). J'entre ici un peu lus dans le détail , & j'applique mes principes à un plus grand nombre de cas. |
(4) L’Auteur l’avoit fait dans Le Chapitre XXV de PEffai analytique,
CONTEMPLATION
Us EL CURE E LAN SNA NS Do" PREMIERE PARTIE.
D'ECD IE UrË T: D E UNIVERS EN GÉNÉRAL.
LPNCT RAD VC THON.
JF m'éleve à la RaïsoN ÉTERNELLE, j'étudig
es Loix & je l'adore. Je contemple l'Univers
d'un œil philofophique. Je cherche les rapports
qui font de cette Chaine immente un feui Fout, Toine I, Â
2 CCNTEMPL'A TION
je m’arrète à en confidérer quelques Chaïînofts, & frappé des traits de puifince, de figede & de grandeur que jy découvre, j'eflaie de les crayonner fans les affoiblir.
CETAP ET ER ETP R'ENMFE LA CAUSE PREMIERE.
E TRE par foi, pouvoir tout, & vouloir avec une fagefle infinie, font les Perte&tions adorables de la CAUSE PREMIERE.
L'UNIvVERS émane effentiellement de cette Cause. En vain chercherions- nous ailleurs la raifon de ce qui eft: nous obferverons par-tout de l’ordre & des fins ; mais cet ordre & ces fins font un effet: quel en eît le principe ?
Faire l'Univers éternel, c’eft admettre une fucceflion infinie d’Etres finis.
RecouriR à l'éternité du mouvement, c’eft pofer un effet éternel.
Avancer que l'intelligence eft le produit de la matiere & du mouvement, c’eft avancer que
DE LA NATURE. Pœt.l 3j
PGprique de NEWTON elt l'ouvrage d’un Aveu« gle né.
Disoxs donc, que puifque l'Univers exifte, il eft hors de Univers une RAISON ÉTERNELLE de fon exiftence.
ve
CAPI T RE 4e
La Création.
UELLE Intelligence fondera les profondeurs de c2 Gouffre ? quelle penfée exprimera la Puis- SANCE qui appelle les chofes qui ne font point, comme fr elles étoient ? Dieu veut que l'Univers foit ; l'Univers eft.
CETTE Vertu divine, cette Force incompré- henfble peut-elle ètre communiquée ? Et fi elle
peut être communiquée , quelles font les Loix de cette communication ?
VERBE INCARNÉ , Premier né entre les Créa- tures , fi cette Force a pu fe tranfmettre, Tu l'as reçue , & les fiecles ont été faits par TOL
ps A2
4: CON FE M,P.L:A T\I.0.N CH A PE TR E "TN Unité € bonté de D Univers.
[4 | FL É du deflein nous conduit à l’unitê de lPIntelligence qui la conçu. L’harmonie de l'Univers, ou les rapports qu’ont entr’elles les diverfes Parties de ce valte Edifice, prouvent que fa Cause eft UNE. L’Effet de cette CAUSE eft zx auf : l'Univers eft cet Effet.
Iz eft tout ce qui eft, & tout ce qui pouvoit êtté. Le poflible n’elt pas ici ce qui l’eft en foi, où dans les idées qui le conitituent; mais ce qui left relativement à la collection des Attributs de la Caufe ordonnatrice. L'objet de la Puiffance étoit auf celui de la Sageffe.
‘ La VoLONTÉ EFFICACE a donc réalifé tout ce qui pouvoit lètre. Un feul acte de cette VoLONTÉ a produit l'Univers : le mème aûe Te conferve. Dieu eft ce qu’il a été, & ce qu'il fera : ce qu’il a voulu, il le veut encore.
L'INTELLIGENCE: qui faifit à.la fois toutes les combinaifons des Poflibles , a vu de toute éternité le Vrai Bon, & n’a jamais délibéré. Elle
DE LA NATURE. Pat ÿ
a agi; Elle a déployé fa fouveraine Liberté ; & l'Univers a reçu l'être.
Ainsi l'Univers a toute la perfeétion qu'il pouvoit obtenir d’une CAUSE dont un des pre- miers Attributs eft la SAGESSE, & en qui la BoNTÉ eit SAGESSE encore.
IL n’y a donc point dans l'Univers de mal abfolu , parce qu’il ne renferme rien qui ne puifle ètre l'effet ou la caufe de quelque bien, qui n’auroit pas exifté fans cette chofe que nous nommons #al. Si tout avoit été 1folé, il ny auroit point eu d'harmonie. Si quelque chofe avoit été fupprimée , il y auroit eu un vuide dans la Chaîne, & de l’enchaïnement univerfel rélultoit la fubordination des Étres, & leurs relations à Pefpace & au temps.
Le Pignon d’une Machine fe plaindra- t-il qu'il n’en foit pas la maîtrefle Roue ? Celle-ci, devenue Pignon , formeroit la mème plainte; & pour anéantir ces plaintes infenfées , il faudroit anéantir la Machine elle-mème. %
Vous dites : pourquoi l'Homme n'eft-il pas auf parfait que l’Ange ? Vous voulez dire fans doute , pourquoi l'Homme n’elt-il pas Ange ?
À 3
6 GO N ME M PF AMI N
Demandez donc aufli pourquoi le Cerf n’eft pas Homme ? Mais l’exiftence du Cerf fuppofoit celle des Herbes qui devoient le nourrir. Voudriez- vous donc encore que ces Herbes euflent été autant de petits Hommes ? Leur confervation & leur multiplication auroient dépendu de la terre, de l’eau, de l'air, du feu : oferiez - vous infifter & demander enfin, pourquoi les Parties conftituantes de ces Elémens ne font pas des Hoïroncules ?
AvOuEZz votre erreur, & reconnoiflez que chaque Etre a la perfection qui convenoit à fa fin. il cefferoit de la remplir, s’il cefloit. d’ètre ce qu’il eft. En changeant de nature, il chan- geroit de place, & celle qu’il auroit occupée dans l’'Hicrarchie univerfelle, devroit l’ètre en. core par un Étre femblable à lui, ou l'harmonie feroit détruite.
NE jugeons donc point des Étres confidérés en eux-mèmes; mais apprécions-les dans le rap- port à la place qu’ils devoient tenir dans le Syf tème. Certains rélultats de leur nature font des piaux : pour empècher que ces maux n’exiftaf- ent, il aurait fallu laider ces Êtres dans le néant, ou créer uu autre Univers. De laétion récipro- que des Solides & des Kluides, réfulte la Va;
DE LAïNATURE, Part.
& cette action mème continuée, eft la caufe naturelle de la #70r#. L’immortalité auroit donc fuppofé un autre plan; car notre Planete n’étoit pas en rapport avec des Étres immortels.
L'ENSEMBLE de tous les Ordres de perfec. tions relatives , compole la perfection abfolue de ee Tout, dont Dieu a dit qu’il étoit bon.
CE Syflème immenfe d'Êtres coexiftans , & d'Étres fuccefüifs, n’eft pas moins ##7 dans la fuccellion que dans la coordination , puifque le premier Chainon elt lié au dernier par les Chaï- nons intermédiaires. Les événemens actuels pré- parent les plus éloignés. Le Germe qui fe déve- loppa dans le fein de SARA, préparoit l’exiltence d'un grand Peuple, & le Salut des Nations.
À 4
& CONTEMPLATION
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CH APE TRE. NE
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L'Univers confidéré dans [es grandes Parties.
| PS la fombre nuit a étendu fon voile fur les plaines azurées , le Firmament etale à nos yeux fa grandeur. Les Points étincelans dont il eft femé, font les Soleils que le TouT-Puis- SANT a {ufpendus dans l’efpace , pour éclairer & échauffer les Mondes qui roulent autour d'eux.
Les Cieux racontent la Gloire du CRÉATEUR, €3 l'Étendue fait connoître Ouvrage de fes Mains. Le Génie fublime , qui s'énoncoit avec tant de noblefle , ignoroit cependant que les Aftres qu'il contemploit , fuflent des Soleils. Il devançoit les temps, & entonnoit le premier l'Hymne majef- tueufe , que les fiecles futurs , plus éclairés, de- voient chanter apres lui à la louange du MAiTRE des Mondes.
L'ASSEMBLAGE de ces grands Corps fe divife en différens Syfèmes, dont le nombre furpañle peut- ètre celui des grains de fable que la Mer jette fur fes bords.
CHAQUE Syflème a donc à fon centre ou à
ME LA NATURE PatI
fon foyer une Étoile ou un Soleil, qui brille d’une lumiere propre , & autour duquel circulent difie- rens ordres de Globes opaques, qui réfléchifent avec plus ou moins d'éclat, la lumiere qu'is empruntent de lui, & qui nous les rend vifbies.
Ces Globes, qui paroiflent errer dans l’armée des Cieux , font les Planetes, dont les princi- pales ont le Soleil pour centre commun de lcurs révolutions périodiques , & dont ies autres , qu'on nomme fecondaires, tournent autour d'une Pia- nete principale, qu'elles accompagnent, ccmme des Satellites , dans fa révolution annuelle.
VExus & la Terre ont chacune leur Satel- lite (1). Un jour, fans doute, l’on en décou-
(1) tf On a élevé bien des doutes fur l’exiftence dn Satel. lite de Vénus: on a foupçonné que ce qui en avoit été rapporté par diférens Obfervateurs , tenoit principalement à quelque illufion d'Optique. Mais fi l’on prend la peine de confülter l'article Z’érus du Supplément à L'Encyclopédie de Paris, Tome XVII, on ne doutera guere de l’exiftence du Sateilite dont il s’agit. On y verra l’obfervation du grand Cassinr de 1686, celles de Mr. SHorr de 1740, de Mr. MONTAIGNE de 1761, du P.la GRANGE de la même année, de Mr. de MONT- BARON de 1765. C'avoit été fous la forme d’un petit Croiflaut que le Satellite s’étoit montré aux trois premiers Obfervateurs que je viens de citer. Mr. SHORT avoit été fi touché de fa propre découverte, qu'il l’avoit fait graver fur fon Cachct avec cctte devife : Zendem apparuit. Le célebre LAMBERT, qui à
/
10 CO NTEMPEATE ON
couvrira à Mars. Jupiter en a quatre, Saturne cinq, & un Anneau ou Athmofphere lumi. veufe (23, qui femble faire la fonction d'un
comparé entr'elles toutes les obfervations de ce Satellite, a montré leur accoru. Effui d'une Théorie du Satellite de Vénus; Nouveaux Méioires de l'Académie de Berlin, année 1773. Sæivant les caiculs de cet Aftronome , la révolution de ce Sa- teîlite autour de Vénus, feroit à-peu-près de onze jours. H avoit cru qu'on pourroit l'appercevoir fur le difque du Soleil, le premier de Juin 1777, parce que Vénus devoit pañler alors très-près de cet Aïtre; mais on ne l'y a pas découvert. Mr. de MatRaN, qui ne paroilloit pas douter de l’exiftence de ce petit Aftre , avoit indiqué les canfes de la rareté de fes appa. ritions. Méin. de l’Acud. de Paris , 1762.
(2) +7 C'eft un grand fpeëlacle aux yeux de l’Aftronome, que celui de Saturne, environné de fes cinq Lunes & de fon Anneau. On connoit les phafes de cet Anneau merveilleux : mais il n’eft point une fimple Athmofphere , comme je Le difois ici avant que d’être mieux initruit. Il eft de bonnes raifons de penfer , qu'il ef un Corps folide & opaque. Lorfque le Soleil éclaire la furface de cet Anneau, qui nous eft oppofée, lAnneau difparoit à nos yeux. Si donc il n’étoit qu’une Ath- . mo’phere, nous devrions appercevoir alors quelque clarté, fir- tout fi nous réfléchiflons fur le peu d’épaifleur de l’Anneau; car les dernieres obfervations de fes difparitions & de fes reap- paritions femblent indiquer qu'il n'a pas trois lieues d’épaifleur. H y a plus; l’infatigable Mr. MEsstER a obfervé dans ka même circonfance des points lumineux femés fur les anfes de V’Anneau : la lumiere dont ces points brilloient étoit vive, blan. chatre , fcintillante & femblable à celle des plus petites Etoiles, vues aux meilleurs infrumens. Il a obfervé de ces points qui rendoient moins de lumiere, & d’autres qui paroïfloient féparés de ceux qui les avoifinoient. Tout cela: paroït prouver , que
DE LAN À PUR EE Port. I. ‘#»
amas de petites Lunes : placé à près de trois cents millions de lieues du Soleil , il en auroit recu une lumiere trop foible, fi fes Satellites & fon Anneau ne leuffent augmentée en la réfle- chifflant.
Nous connoiffons dix-fept Planetes qui en- trent dans la compofition de notre Syftème fo- laire 3 mais nous ne fommes pas afurés qu’il n’y en ait pas davantage. Leur nombre s’eft fort accru par l'invention des Télefcopes : des Inf trumens plus parfaits, des Obfervateurs plus afidus ou plus heureux, l’accroïtront peut-être encore. Ce Satellite de Vénus, entrevu dans le lernier fiecle, & revu depuis peu, préfage à lP'Aftronomie de nouvelles conquêtes.
NON-SEULEMENT il étoit réfervé à l’Aftrono- mie moderne d'enrichir notre Ciel de nouvelles Planetes ; il lui étoit encore donné de reculer les bornes de notre Syftème folaire. Les Cometes, que leurs apparences trompeules , leur queue, leur chevelure , leur direction quelquefois oppo- fée à celle des Planetes, & très - fouvent diflé- rente ; leurs apparitions & leurs difparitions ,
l'Anneau de Saturne eft un Corps opaque, dont la furface iné. gale, comme celle de la Lune , produit dans fes Quadratures les mêmes effets effentiels.
% :CONTEMPLATION
faifoient regarder comme des Météores allumés dans l'air par une puiffance irritée, font devenues des Corps planétaires, dont nos Aftronomes cal. culent les longues routes, prédifent les retours éloignés, & déterminent le lieu, les apparences & les écarts. Plus de trente (3) de ces Corps reconnoiflent aujourd’hui l'empire de notre So- leil, & les Orbites que quelques - uns tracent autour de cet Aftre, font fi alongées, qu’ils n'achevent de les parcourir qu’au bout d’une longue fuite d'années, ou même de plufeurs fiecles (4).
(3) + C'eft le nombre de Cometes qu’on avoit calculées quand j'écrivois ceci. Aujourd’hui l’on en a calculé foixante-trois.
(4) tt La Théorie des Cometes n’eft point encore aflez perfeétionnée , pour que l’Aftronome puiffe en ealculer les routes , à un grand nombre d'années près, lorfqw’il ne les a obfervées que pendant une feule apparition. Il n’y en à encore que trois dont les temps périodiques foient bien connus : celle de 1264 & 1566 , dont la révolution eft de deux cents quatre - vingt- douze ans : celle de 1532 & de 1667, dont la révolution eft de cent .quatre-vingt-douze ans ; & celle de 1456, 1531, 1607, 1682, 1759, dont la période eft de foixante - quinze ans. Le grand HALLEY croyoit, que la famenfe Comete de 1680, étoit la même qui avoit paru à la mort de CÉSAR, reparu en 532 & 1106, & que fa révolution étoit ainfi de cinq cents foixantes quatorze ans. Suivant les calculs de l’illuftre EULER , la période de la belle Comete qui parut en Août 1769, feroit entre quatre cents quarante-neuf & cinq cents dix-neuf ans, en ne fuppofant qu'une errcur d’une minute dans les obfervations,
DE LA NATURE. Part.I. 3
ENFIN, c’étoit encore l’Aftronomie moderne qui devoit apprendre aux Hommes , que les Étoiles font réellement innombrables , & que des Conftellations où l’Antiquité n’en comptoit qu’un petit nombre , en renferment des mil- liers. Le Ciel des THALÈS & des HIPARQUE étoit bien pauvre en comparaïfon de celui que les HuyGExs, les CassiNI, les HALLEY , nous ont dévoilé.
LE diametre du grand orbe que notre Pla- nete décrit autour du Soleil, eft de plus de foixante millions de lieues (5 ), & cette vafte circonférence s’évanouit & devient un point, lorfque PAftronome veut s’en fervir à . mefurer l'éloignement des Étoiles fixes.
QueLce eft donc la mafle réelle de ces Points lumineux, pour étre encore fenfbles à cette énorme diltance ? Le Soleil eft environ un mil- lion (6) de fois -plus grand que la Terre, &
(s) tt La-diftance moyenne du Soleil à la Terre ,.calcu£e d’après le dernier vaflage de Vénus fur le difque de cet Aftre, eit de trente-quatre millions fept cents foixante-un mille fix cents quatre - vingt lieues; ce qui donne pour le diametre du grand orbe foïxante-ncuf millions cinq cents vingt-trois mille trois cents foixante lieues.
(6) ff Le Soleil ef un miMion quatre cents trente - cinq
té JOON TEMPLE ME N
cent & dix fois plus grand que toutes les Pla- netes prifes enfemble. Si les Étoiles font des: Soleils , comme leur éclat le perfuade , beaucoup peuvent furpaler le nôtre en grandeur , ou du moins l’égaler.
MorTEL orguéilleux & ignorant! leve main tenant les: yeux au Ciel & réponds-moi: quand on retrancheroit quelques - uns de ces Lumi- naires qui pendent à la voûte étoilée, tes nuits en deviendroient- elles plus obfcures ? Ne dis donc pas, les Etoiles font faites pour moi, c’eft. pour. moi que le Firmament brille de cet éclat majeftueux. [nfenfé ! tu n’étois point le premier objet des libéralités du CRÉATEUR , lorfqu’iL
ordonnoit Syrius & qu'iL en compañoit les fpheres.
Tanpis que les Planetes exécutent autour du Soleil ces révolutions périodiques , qui re- glent le cours de leurs années , elles en exécu- tent une autre fur elles-mèmes , qui détermine
mille fois plus gros que la Terre, & cinq cents foixante & onze fois plus gros que toutes les Planetes prifes enfemble. Mais on ne doit pas confondre cette grandeur avec la maffe ou quan- tité de matiere. La mafle du Soleil eft cinq cents quatre
vingt fois plus grande que celle de toutes les Plænetes ei femble.
DEL AN. A RUGRE: : Part, I as
les alternatives de leurs jours & de leurs nuits (7 ).
Maïs comment ces grands Corps demeurent- ils fufpendus dans l'Efpace ? Quel pouvoir fe-
(7) tt On ignore fi Mercure & Saturne tournent fur eux- mêmes ; mais l’analogie porte à le préfimer. Vénus tourne fur fon axe en vingt-trois heures ou environ; la Terre en vingt- quatre ; Mars en vingt-cinq; Jupiter en dix ou environ.
À l'égard des révolutions périodiques on annuelles des Flane- tes, leur durée eft d'autant plus longue, qu’elles font plus éloi- gnées du centre on du foyer du Syftême. Mercure, la plus petite des Planetes principales, & qui n’eft qu’à environ treize millions de lieues du Soleil, frit fa révolution autour de cet Aftre en trois mois : fes années ne font donc que le quart des nôtres. Vénus , piacée à plus de vingt-cinq millions de lieues du Soleï, acheve fa révolution en huit mois. Mars, éloigné de cet Altre d'environ cinquante-trois millions de lieues, fait fa révolution en deux ans on environ. Jupiter , qui en eft diftant d’environ cent quatre-vingt millions de lieues, met à-peu-près douze ans à achever fa révolution. Enfin, Saturne, la plus reculée des Pla- netes principales , puifqu'elle eft à plus de trois cents millions de lieues du foyer commun de toutes les révolutions, n’acheve fon cours qu'au bout d'environ trente ans : une année de Saturne équivaut donc à-peu-près à trente des nôtres. Mais que font les années de cette grande Planete en comparaifon de celle de ces Cometes qui n’achevent leur révolution qu’au bout de plu- fieurs fiecles ! Ces révolutions périodiques des Planctes s'exé- cutent d’occident en orient, dans des orbites aui different peu du cercle, & qui font toutes à-peu-près dans le même pian. Les Satellites circulent de même d’occident en orient autour de la Planete principale; & cette uniformité de direction annonce allez au vrai Philofophe qu’elle n’eft pas l'effet du hafard,
16 CONTEMPLATION
cret les retient dans leurs orbites , & les faié circuler avec tant de régularité & d'harmonie ? La Pefanteur, cet agent puiflant , eft le prin- cipe univerfel de cet équilibre & de ces mouve- mens. Ellé pénetre intimément tous les Corps. En vertu de cette Force, ils tendent les uns vers les autres, dans une proportion relative à eur diftance & à leur mañle (8 ). Ainfi les Plas netes tendent vers le Centre commun du Syf tème, & elles s’y feroient enfin précipitées , 4 le CRÉATEUR, en les formant, ne leur eût im- primé un mouvement projectile ou centrifuge, qui tend continuellement à les éloigner du Cen- tre. Chaque Planete , obéiflant à la fois à ces deux Forces, décrit une courbe qui en eft le pro- duit. Cette courbe eft une ellypfe plus ou moins alongée , à un des foyers de laquelle eft placé le Soleil ou une Planete principale. C’eft ain que la mème Force qui détermine la chûte d’une pierre, devient le principe fécond des mou- vemens céleftes: méchanique admirable ; dont
(8) tt C'ef ici cette belle Loi, cette Loi divine qui exerce fon empire dans toute l'étendue de la création, & que le GRAND", ARCHITECTE de l'Univers a révélée aux mortels par le minif- tere de cet Homme incomparable, qui devoit étre le Fondateur de la Phyfique célefte. En vertu de cette Loi, tous les Globes pefent les uns fur les autres en raifon directe de leur male, & en raifon inverfe du quarré de leur diitance.
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DE LA NATURE. Pat. 17
la fimplicité & l'énergie nous inftruifent fans cefle de là PROFONDE SAGESSE de fon AUTEUR.
La Terre, fi valte aux yeux des Fourmis qui Phabitent, & dont la circonférence eft de neuf mille lieues , elt environ mille fois plus petite que Jupiter, qui ne paroit à l'œil nud que comme un Atôme brillant (9 ).
Deux troupes d’Académiciens, nouveaux Ar- gonautes, ont eu dans ces derniers temps, la gloire de déterminer la véritable figure de notre Planete , & de démontrer qu’elle eft un Sphéroïde applati aux Pôles ; & élevé à l’Equateur ( 10) ; mais NEWTON eut une plus grande gloire ( t1 ),
(9) tt Jupiter eft quatorze cents foixante & dix-neuf fois plus gros que la Terre : Saturne, mille trente fois: Mars, Les trois dixiemes: Vénus , les onze douziemes : Mercure , les fept centiemes. C’eft le dernier paflage de Vénus fur le difque du - Soleil, le $ de Juin 1769, qui a mis les Aftronomes en état de donner à ces mefures le degré d’exactitude ou de précilion qui leur manquoit.
(16) ff La figure de la Terre eft donc à-peu-près celle d’une orange. Le petit diametre eft au grand , comme 178 à 179.
Ç11) ft L'illuftre HUYGENS partage cette gloire avec le grand NEWTON. Il avoit déduit l'applatiffement de la Terre aux Pôles, de la Théorie des forces ceufrifuges.
Tome I, B.
38 C'ONTEMPLATION
celle de le découvrir du fond de fon cabinet} & par la {eule force de fon génie. Cette figure eft encore l’effet de la Pefanteur , combinée avec la Force centrifuge, & ces deux Forces agiffant fous différentes praportions dans diffé. .xens Âftres, varient leur figure, & les rendent des Sphéroïdes plus ou moins applatis, comme elles rendent leurs orbes plus ou moins alongés.
LE Globe de la Terre , divifé extérieurement en Terres & en Mers, prefqu’égales en furfa- ces, eft forme intérieurement, du moins jufqu’à une certaine profondeur, de Lits à-peu- près paralleles de matieres hétérogenes , plus ou moins denfes, & d’un grain plus ou moins
fin (12).
La furface des Terres préfente de grandes inégalités. Ici, ce font de vaftes plaines , entre- coupées de collines & de vallons. Là, ce font de longues chaînes de Montagnes , qui portent
(12) tt Les couches de la Terre font bien en général pa= talleles entr’elles : elles le font encore à l'horizon ou à - peu- près , comme on le reconnoît quand on jette les yeux fux la coupe des côteaux & des montagnes fubalternes. Mais il arrive
quelquefois que ces couches paralleles , au lieu d’affecter la direc- tion horizontale , fe ploient ou fe courbent en différens fens , comme fi de violentes impulfions avoient changé leur directiou primitive,
DE LA NATURE. Pat.I ïÿ
dans les unes leurs fommets glacés , & entre lefquelles regnent de profondes vallées ( 13 ).
»
(13) tt Les Cordilieres, les plus hautes montagnes de notre Globe , ont plus de trois mille toifes d’élévation au -defus de la Mer du Sud. Le Mont - Blanc en Savoie eft, après les Coxdilieres , une des plus hautes éminences de notre Planete : il a plus de deux mille quatre cents toifes au - deffus de Lx Méditerranée. Le Pic de Ténériffe , fi renommé par fa hau- teur, n’égale pas le Mont - Blanc : il n’a guere que ‘dix - neuf cents toiles.
Aujourd'hui on porte par-tout l'efprit de méthode ; c’'eft qu'il tient à l’efprit d’obfervation , auquel rien n'échappe. Nos Géologues modernes diftinguent trois ordres de Montagnes , les Montagnes premieres ou primitives, les feconduires & les ter= tiaires. Ce n’eft point uniquement du plus ou du moins d’élé« vation des Montagnes que cette divifion dérive; c’eft principa« lement de la nature des matériaux dont elles font compolées , & de l’arrangement qu'ils y affectent.
Ce font toujours des matieres witrifiables | & pour l'ordi naire des Granits, qui compofent les Montagnes primitives, Ces matieres n’y font pas difpofées par couches , femblables à celles des Montagnes fubalternes ; & ce qui n’eft pas moins cara(tériitique , on n’y rencontre point de dépôts marins. C’eft dans l'ordre des Montagnes primitives , que fe trouvent les plus hautes Montagnes de notre Planete : elles en font les filles ainées , & leur naiffance a fans doute précédé celle du regne organique. C'’eft fur l'antique & majeftueux fommet de ces Monts fourcilleux ; c’eft dans ces folies éternelles ..que le temps a gravé de fa main d'airain le Calendrier de la Nature, ce Calendrier où les, fiecles prennent la place des jours ; car la Nature, Fille de l'éternité , ne compte que par fiecies & par railliers de fiecles.
3 2
a
ze CON TEMPLATNION
Du fein des Montagnes naïflent les Fleuves, qui, après avoir arrofé diverfes Contrées , &
Bien différentes de ces Montagnes du premier ordre , les Montagnes du fecomt ordre font formées de matieres calcaires , difpofces par couches paralleles, & dont la diretion eft à- peu- près horizontale. Ce paraïlélifme & cette direction des couches dés montagnes fecondaires , décelent déja le fecret de leur origine, & annoncent affez qu'elles font l'ouvrage des eaux. Mais ce qui ne permet plus d’en douter, c’eft le grand nombre de dépôts marins qu'on y découvre. L'œil pénétrart & attentif du Géologue appercçoit dans ces dépouilles de la Mer, une poñtion aflez conftante, qui prouve qu’elles ne font point dues à un bouleverfement , ni à des inondations fubites. La plupart de ces dépouilles appartiennent à la claffe des coquillages , & les Coquilles foffiles , qu'on rencontre en fi grande quantité dans tes conches des Montagnes, y affectent la même pofition que leurs analognes vivans affectent au fond
des Mers.
Les Montagnes #ertioires ou du troifieme ordre, n’offrent pas la même régularité dans leur compofition : elles femblent n'être formées que d’un entaflement de fable, de grès, de cailloux roulés, &c. On n’y rencontre pas de ces amas im menfes de corps marins, difpofés par couches paralleles, que préfentent les Montagnes fecondaïres ; mais on y rencontre fré- quemment , avec différens corps marins épars çà & là, des dépouilles d’Animaux & de Végétaux terreftres. Ici font les Archives de ce Délnge décrit par le plus ancien & le plus refpeétable de tous les Hiftoriens , & qu’on retrouve dans les monumens de tant dè Nations.
Les Montagnes , dont les fervices font fi multipliés, & qui font une fi grande décoration de notre Planete , n’ont pas été répandus au hafard fur fa furface. Elles foutiennent entr’elles
DE LA NATURE. Part. I. sx,
produit çà & là par l’élargifement de leur lit, des Etangs & des Lacs, vont décharger leurs eaux dans la Mer, & lui rendre ce que l’éva- poration lui avoit enlevé (14). |
des rapports de fituation , que l'Obfervateur parvient à déméler, & à la lueur defquels il tente de découvrir les loix fecretes qui ont préfidé à leur formation. En général, les grandes Chaines des Montagnes vont rayonner vers un centre commun. Là ,eft un Mont principal, qui fend les Cieux de fa tête al- fiere, & devant lequel on voit toutes les Chaînes s’abaiffer de plus en plus. Des Chaînes principales naiffent des Chaînes fecon- daires, qui donnent à leur tour naiffance à des autres Chaînes
Yubordonnées,
Et que dirois- je des Montagnes volcaniques , de ces énor- mes bouches à feu, qui projettent dans Îles airs, des amas immenfes de pierres , de fcories & de cendres, & dont les larges flancs , entr'ouverts par la violence du feu, vomiffent des torrens de laves ou de verre fondu, qui s'étendent quel quefois en largeur fur un efpace de deux lieues, parcourent de grandes Contrées , détruifent les Villes , ravagent les Cam- pagnes , les ftérilifent pour une longue fuite de fiecles, @& xépandent par-tout la confternation & l’épouvante ! Tente rois-je de peindre le majeftueux & terrible Etna , enfantant de nouvelles Montagnes , & vomiflant avec elles des torrens. fi prodigieux de matieres enflammées, qu'ils forment de nou- veaux promontoires , & forcent la Mer à abandonner fon an. cien lit.
(14) tt En eourannant de glaces éternelles les fommets décharnés des hautes Montagnes, la Nature a préparé les réfer- voirs inépuifables qui doivent fournir fans cefle à l'entretien des grands fleuves, & leur faire braver les plus longues féçhe.
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8 CTONTEMPLATION
La Mer nous offre fes Isles , éparfes de tous côtés, es Bancs , fes Ecueils, fes Courans, fes Gouffres , {es tempêtes , & ce mouvement fi ré- gulier & fi admirable , qui éleve &'abaiffe fes eaux deux fois en vingt-quatre heures.
Par-TOUT, les Terres & les Mers font peu- plées de: Plantes & d’Animaux , dont les ef. peces infiniment variées aflortiflent à chaque lieu. Les Hommes, divifës en corps de Nations, en Peuplades, en Familles, couvrent la furface du Globe. Ils la modifient & l’enrichiffent par leurs travaux divers, & fe conftruifent de l'un à l'autre Pôle, des Habitations qui répondent
| ! refes. Sufpendus en quelque forte dans les couches fnpérieures de l’Athmofphere , ces immenfes glaciers y font hors de l’at- teinte des'caufes qui échauffent les couches inférienres, & qui précipiteroient la Fonte de leurs glaces pendant les ardeurs de la canicule. Ces glaces ne Fondent ainfi que lentement & par degrés: des millions Ge filets d’eau diftiflent peu-à-peu de léur furface extérieure > échanffée par le Soleil ;& ra ffemblés’en ruiffeaux , ils fe précipiterit de rochers en rochers pour aller nourrir les Fleuves & fertilifer les Campagnes. Dans les iours froids, au contraire , ce ne font plus les couchés extérieures des glacicres qui faurniffent le plus abondamment à l’entretier des Fleuves ; ce font les couches intérieures on fouterreines. La chaleur inhérente au Glôbe, qui agit en tout temps fur ces couches , en détache de toutes parts des filets d'eau, quife rendent par mille caraux fotterréns dans les {onrces des Fe” Ves, & préviennent lent épuifement. ” :
DE LA NATURE Pot.L 2$
à leurs mœurs, à leur génie, au terrein , au climat, &c.
UxEe fubftance rare, tranfparente , élaftique, environne la Terre de toutes parts juiqu’à une certaine hauteur : cette fubftance eft l’Athmof- phere , féjour des vents, réfervoir immenfe de vapeurs & d’exhalaifons , qui tantôt raffemblées en nuages, plus où moins épais, embelliffent notre Ciel par leurs figures & par leurs cou- leurs, ou nous étonnent par leurs feux & par leurs éclats; & qui tantôt fe réfolvant en ro- fees, en brouillards, en pluies, en neiges , en grele, &c. rendent à la Terre ce qui s’en étoit exhaié,
La. Lune, de toutes les Planetes la plus voifmekde la Terre (15 ) ,.eft aufli celle que nous connotlons le mieux. Son Globe environ quarante - cinq fois. plus petit (16) que le nôtre; nous prélente toujours la mème face, parce qu'iltourne {ur lui - mème! précifément - dans le: mème efpace de temps qu’il emploie à
(15):+f La Lune n’eft éloignée de la Terre que d’environ quatre-vingt-#x mille liewes.
(16) ft Cinquante fois ou environ,
B 4
t4 CO.N TE M REAMIEI: ON
tourner autour de la Terre, dont il eft le Saz tellite ( 17 ).
IL a fes phafes , ou fes accroiflemens & fes décroiflemens graduels & périodiques de lumiere, fuivant qu’il fe trouve placé relativement au Soleil qui éclaire, & à la Terre vers laquelle il réfléchit la lumiere de cet Aftre. |
Le Difque de la Lune fe divife extérieure- ment en parties lumineufes, & en parties obf- cures. Les premieres femblent analogues aux Terres de notre Globe ; les fecondes paroiflent répondre à nos Mers. :
ON obferve dans les parties lumineufes , des endroits plus éclairés que le refte, qui jettent de côté une ombre que l’on mefure, & dont on fuit la marche. Ces endroits font des Montagnes , plus hautes que les nôtres , proportionnellement à la grandeur de la Lune, & dont on voit le Soleil dorer les cimes lorfque la Planete eft en quartier : la lumiere defcendant peu-à-peu vers le pied de ces Montagnes, elles paroïffent enfin
(17) +f Ce n’eft qu'à-peu-près que la Lune nous préfente toujours la mème face : fon mouvement de balancement ou de Tibration exige cet à-peu-près que j'ajoute ici. La révolution de ge Satellite eft d'environ vingt-fept jours.
DE LA NATURE Patl 2?
enticrement éclairées. Les unes font ifolées, les autres compofent de très longues chaînes.
OX apperçoit encore çà & là, dans les parties lumineules, des efpeces de puits où regne une profonde obfcurite. Le fond de quelques-uns de ces puits paroït quelquefois traverfé de traits lumineux.
Les parties obfcures de la Lune paroiffent en général très-unies, & telles à-peu-près que paroi- troient nos Mers , vues de Ja Lune. On y remar- que cependant des efpeces d’inégalités , des en- droits moins obfcurs , qu'on foupconneroit des Isles ou des bas-fonds. Mais n’étendons pas trop ces rapports : fi l'AUTEUR de la Nature a varié ici-bas les moindres Individus, quelle ne doit pas être la variété des traits par lefquels IL a différencie un Monde d’un autre Monde ( 13 )2
(18) ?t On voit affez par cette réflexion , que je voulois empécher que mon Lecteur ne fe preflàt de croire aux Mers de la Lune; & cette réflexion s'étend à toutes les inductions que nous tirons trop légérement de notre Terre , relative. ment aux autres Mondes planétaires. La Logique de l’illuftre HUYGENS étoit bien peu févere fur ce point, comme on peut je voir dans fon Traité des Mondes. Il eft plus que doüteux qu'il y ait des Mers dans la Lune, puifqu'’il ne s’en éleve ja- mais de vapeurs. D'ailleurs on découvre quelquefois le fond de ces prétendues Mers, ce qui n’arriveroit pas, fi les taches dont
26 CO: NT EM BD ANT TO N
VÉNUS a, comme la Lune, fes phafes , fes taches , fes Montagnes : c’eft mème à ces Mon- tagnes , plus hautes & plus nombreufes encore que celles de Ja Lune, & très-propres à réflé- chir fortement la lumiere du Soleil, que Vénus. doit fon principal éelat. -
Le Télefcope nous découvre encore des taches dans Mars & dans Jupiter. Celles de Jupitez- compolent de larges Bandes qui ont de grands mouvemens, à- peu - près comme, fi l'Océan fe. répandoit fur les Terres , & les laiffoit enfuite à fec en fe retirant.
MeErcuRE & Saturne nous font peu connus; le premier , parce qu’il eft trop près du Soleil, le fecond, parce qu’il en eft trop éloigné.
ENFIN, le Soleil lui-même a fes taches qui paroiflent fe mouvoir réguliérement, & dont lé volume égale & furpañle mème affez fouvent celui des plus grandes Planetes (19).
il s’agit, étoient de vrais amas d’eau: Un, célebre Aftronome Auglois les croyoit des cavernes. Le perfeétionnement des Lu. neites.acromatiques fixera pent-étre: un jour les idées des Aftros nomes. fur cet objet, & fur bien d’autres particularités que nous. offrent les Corps céleftes.
(19) tt Les faches du Soleil font quelquefois en aflez grand
DENT A NATURE.Part.F 27
Cer Aftre eft encore pourvu d’une ÆAh:mof- phere , qui s'étend au moins jufqu’à notre Pla- nete, & qui-paroit, après fon coucher ( 20), comme un nuage blanchâtre & tranfparent, en forme de lance ; couchée obliquement fur le Zo-
diaque, & quiena pris le nom de Luiere 20- diacale.
LA matiere de cette Athmofphere, attirée for- tement par la Terre, & chañée vers les Pôles
nombre. Leurs apparences, leur lieu , leur durée varient beau- coup. Les plus permanentes ont appris aux Aftronomés. une vérité intéreflante; c'eft que le Soleil, cett£ mafle épouvantæ ble de lumiere & de feu, tourne fur fou axe dans Pefpace d’en- viron vingt-cinq jours.
On n’a pas formé moins de conjeétures fur les taches du Soleil que fur celles de la Lune, & les unes comme les autres font également hafardées: Les Aftronomes des Planetes péne- trent-ils mieux les“apparences. fous lefquelles notre Planete s'offre à leurs regards ? Soupçonnent-ils nos Mers, nos nuages notre neige, nos Aurores -boréales, &c.? Ils jugent des à 14 rences de notre Planete, comme nous jugeons des apparences des leurs. Un Savant Auglois, qui s’eit fort-occupé des taches du Soleil, les croit des excavations. Il a mème donné une méthode pour mefurer la profondeur de ces cavités ; & c’eft ainfi qu'il a jugé qu'une tache qui paroïfoit fur le difque du Solef en Décembre 1769, avoit au moins quinze cents lieues de profondeur.
(20) Sur la fin de l'Hiver & au commencement du Prin- temps , ou en Automne, avant l'aurore.
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28 COIN T'E MP A TDIT:O N
par la force centrifuge , {e ‘précipite dans les couches fupérieures de l’Air; & n’y donne-t-elle point naiflance aux Aurores boréales (21), dont les colonnes bizarrement groupées, les jets lu- mineux, les arcs diverfement colorés , éclairent & embelliflent les longues nuits de l’'Habitant du Pôle ?
(21) tf C’eft la belle hypothefe du fage & refpeétable MaAïRAN, qu'il a prouvé cadrer fi bien avec les obfervations afRronomiques qui lui fervent de bafe. On lui fubftitue aujour« d’hui une autre hypothefe , fondée fur la Doétrine de lÉleébris cité, & on veut que les Aurores boréales ne foient que, des phénomenes électriques. Nos Éleétrifeurs font plus encore; ils entreprennent d’imiter la Nature dans leur Cabinet, & de pro duire des Aurores boréales dans des balons purges d'air.
DE LA NATUREÆPali se 73
ES —— Ye CRAN PEUT NE LAVE
Pluralités des Mondes.
S I des Globes dont la grandeur égale où fur- pañle mème de beaucoup celle de notre Planete; fi des Globes qui tournent, comme la Terre, autour du Soleil & fur eux-mêmes ; Gi des Globes qui font le centre commun des révolutions d’une ou de plufeurs Lunes; fi des Globes où l’on appercoit diverfes chofes femblables où analo- gues à ce que l’on voit fur la Terre; fi ces Globes, dis-je , étoient fans Habitans, quelle feroit leur deftination , leur fin (r )?
(1) ft Je m'étonne qu'un Homme de génie ait répondu de nos jours à cette queftion par un 7e n'en Juis rien. Je ne fuis pas moins furpris des doutes qu'il éleve contre la pluralité des Mondes, & qui ne repofent que fur la difficulté de con- cevoir que les Habitans puiffent vivre dans des Planctes qui mont poiat d’Athmofphere , ou dans une Planete aufli chan- geante que Jupiter , ou dans des Planetes qui, comme les Cometes , font expofées aux degrés les plus extrémes du froid & du chaud ; comme fi l'AuTEuR des Mondes n’avoit pas eu dans fa Sageffe , mille moyens d'approprier des Habitans aux différentes Planetes , & même à celles qui, comme les Co- metes, nous paroiffent les plus difgraciées. La difficulté ne vient que de ce qu’on à toujours dans la tète des Hommes &
PL
êo ‘CONTEMPLAITI O0 M
QuE l'Univers paroîtroit chétif & peu digne de la MAJESTÉ ADORABLE du CRÉATEUR , s’il
les Animaux de notre Terre. Mais pourquoi vouloir à toute force placer les Hommes! & les Animaux de notre Terre dans les Planetes? Si nous n’euflions jamais vu d’Animaux aqua- tiques , concevrions - nous plus facilement, nous autres Ha bitans de l'air, comment les eaux auroient pu étre peuplées ? Jugeons donc par la prodigieufe variété qui regne entre les Habitans de notre Globe, de celle que la SOUVERAINE IN- TELLIGENCE a pu mettre entre les Habitans des différens Mondes planétaires. Que de degrés intermédiaires entre l'Hom- me & le Polype! Euflions-nous deviné l’exiftence de tant d'Etres animés, dont la forme & fa ftruéture font fi éloignées des modeles, qui nous étoient les plus connus ? Euflions-nous deviné encore ces Animalcules, fi délicats en apparence, qui réfiftent pourtant à la chaleur de l'eau bouillante , & ceux qui, non moins délicats, réfiftent à un froid fort fupérieur à celui de nos plus rudes hivers ? Euflions - nous deviné enfin, ces Animalcules beaucoup plus étranges, qui, enfevelis dans la poufiere pendant une longue fuite d'années , fans aucune apparence de vie ni de mouvement, peuvent être reMufcités à volonté, au moyen d’une goutte d'eau? Combien nos con- ceptions font - elles bornées ! Et nous voudrions juger par ces chétives conceptions , de l'immenfité & de la variété des Œuvres du Tour-PuISSANT !
Je me borne à ces confidérations générales, & je me crois très - difpenfé de montrer , comme Jupiter, malgré les grands mouÿemen de ces bandes ; @& les Cometes, malgré la grande excentrisité de leurs orbites, peuvent être habités. S'il eft des Obfervateurs dans la Lune, dans cette petite Planete où paroït rêguer un calme fi conftant, j'allois ajouter un repos éternel, & fi ces Obfervateurs jugent de notre Terre, comme Je Phiofophc dent je parlois, juge de Jupiter , ils n’ent
DE LA NATURE. Pat.I 3i
toit reflerré dans les bornes étroites de ce petit amas de boue fur lequel nous rampons ! Agran- difons notre Efprit en reculant les limites de PÜnivers. Les Etoiles , vues au Télefcope , font innombrables : leur fcientillement prouve qu’elles brillent d’une lumiere qui leur eft propre, & puifqu’elles font encore vifibles à des diflances incomparablement plus grandes que celle de Sa. turne, nous pouvons en inférer qu’elles font autant de Soleils (2). Notre Soleil , vu d’une Etoile, ne paroîtroit lui- mème qu’une Etoile. Ilexifte donc un nombre innombrable de So-
’
garde, fans doute, de foupçonner , qu'une Planete dont l’afpe& leur paroît auffi changeant, foit habitée; car nos nuages pour roient bien produire à leur égard des apparences analogues à celles des bandes de Jupiter.
Il faut admirer ces Anciens qui, fans avoir nos connoif- fances aftronomiques , ont eu aflez de génie pour croire à la pluralité des Mondes. On fait que l’école de PYTHAGORE & celle d'ÉPICURE profefloient cette opinion philofophique ; & on ne lit point fans furprife dans PLUTARQUE , ee mot fi remarquable d’un Pythagoricien que je me plais à oppofer à nos Détracteurs modernes de la population des Planetes : 4 feroit auf abfurde de ne mettre qu'un feul Monde dans le Vuide énfini, que de dire qu'il ne pouvoit croître qu'un feul épi de Bled dans une vafte Campagne.
(2) tt Les Aftronomes préfument, que la diftance de l'Etoile -fixe la plus voifine de notre Terre , eft cinq cents sille fois la diftance de cette derniere au Soleil.
‘
32 CONTEMP, LA TI O N
leils : & quelle feroit leur utilité, s’il n’y avois point d'Etres qui patticipafñlent aux avantages de leur lumiere & de leur chaleur ? N’eft il donc pas naturel de penfer qu’ils éclairent d’autres mondes , que leur prodigieux éloignement nous dérobe , & qui ont, comme le nôtre, leurs Pro- duétions & leurs Habitans ?
_ L'IMAGINATION fuccombe fur le poids de la Création. Elle cherche la Terre & ne la démèle plus : elle fe perd dans cet amas immenfe de Corps céleftes, comme un grain de pouflere dans une haute Montagne. Qui fait pourtant, fi au centre de chacun de ces Mondes, il n’y a pas encore un Syltème , qui a fon Soleil ; fes Planetes, fes Satellites , fes Habitans ? Qui fait, fi au centre de chacune de ces petites Planetes, 3l n’y a pas encore un Syftème proportionnel ? Qui fait enfin, le terme où cette dégradation expire ?
Mais élevons-nous plus haut, & portés {ur les aîles majeltueufes de la RÉVÉLATION , tra- verfons ces myriades de Mondes, & approchons- nous du Ciel où Dieu habite.
Parvis refplendiffans de la GLOIRE CÉLESTÉ ;, Demeures
DE LA NATURE Pal 33
Demeures éternelles des ESPRiTSBIENHEUREUX, Saint des Saints de la Création, Lumiere inac- cellible, Trône Augufte de C£eLUI QUE EST, un Vermideau pourroit -il vous décrire (3 )!
(3) +} Pour concevoir les plns hautes idées de l’étendue & de la population de l'Univers , il faut lire & méditer l’ad- iirable Syfféme du Monde, du profond LAMBERT ; Ouvrage qu'on 'croiroit plutôt celui d’une Intelligence célefte, que d’un Habitant de la Terre. J'invite mon Lecteur à contempler avec ce merveilleux Télefcope , l’étonnante magnificence de Ja Création univerfelle. Quel ne fera point fon raviflement à la vue de ces milliers, que dis-je! de ces millions de Co etes qui circulent autour de notre Soleil, dans des orbes de plus en plus excentriques, & fous toutes fortes de directions & d’inclinaifons ! Mais comhien fon étonnement &'fon admi- ration accroitront-ils quand il viendra à découvrir, que notre Soleil & ces milliers de Soleils que nous nommons des Étoiles, circulent eux-mêmes autour d’un Corps central & opaque, qui, par la fupériorité de fa mafle , domine fur tous ces Soleils, & fur leur immenfe cortege de Planetes & de Cometes ; tandis qu'il eft dominé à fon tour par un Corps central plus puiffant, dont il n’eft lui-même qu'un Satel- lite!...... Qu'un Satellite! ...... Ici l’Efprit perd la force d'admirer, & l’étonnement fe change en ftupeur : 6 comment un tel fpectacle s’eft -il offert aux yeux d’un fimple Mortel ! Ce Mortel étoit-il donc un Ange , déguifé fous une forme humaine, ou avoit-il été ravi au troifieme Ciel?.... Et ce Corps central, dont un antre Corps central n’eit, en quel. que forte, qu'un Satellite , eft de même régi par un autre Corps central plus puiflant; celui-ci, par un autre, plus puiffant encore ; & tous ces millions de Cometes, de Planetes, de Soleils , de Corps centraux, fubordonnés les uns aux au. tres, & enchaïnés par une Loi unique, Le font en dernier
Tome I. C
$4 CARNET ECM PIE CUT ON
xeMort au Corps central, le plus puiffant de tous, au Centre des Centres, au Centre univerfel de la Création.
Il nous a donc été révélé dans ces äerniers temps, que l'Univers eft réellement un Ouvrage immenfe de Méchanique, -compofé d’une multitude innumérable de Pieces , de grandeur & de denfités différentes, qui, engraînées les unes dans les autres , ou enchaînées les unes aux autres par une Loi géné- tale, le font par la même Loi à une maïtrefle Roue, à un premier Mobile, dont l’inconcevable a@ivité pénetre de Maffe en Maffe, du grand au petit, à travers des myriades de Sphe- xes , jufqu’aux extrémités Les plus reculées de l'Univers.
Et tous ces Corps planétaires, & tous ces Soleils, & tous &es Corps centraux, & le Centre des Centres, font peuplés d'une multitude infinie & infiniment variée d'Êtres fentans & d’Êtres Antelligens, qui font retentir dans toutes les Spheres le facré Nom de JEHova, célebrent à l’envi la grandeur de fes Œuvres , & les tréfors inépuifables de fa Puiflance & de fa
SagefTe.
AinG, ce que nous obfervons infiniment en petit dans notre Demeure , s’obferve infiniment en grand dans les Régions céleftes. Une goutte de liqueur fourmille de Globules mou- vans ; un fyftème folaire Fourmille de Cometes, & ces Co- etes ne font pas, fans doute, de vaïtes folitudes. En va- riant les orbites de ces Corps planétaires, en les alongeant plus où moins, en les inclinant en tout fens, & en les pros jettant entte les orbites prefque circulaires des Planetes , Ia SAGESSE ORDONNATRICE n’a laiflé déferte aucune Région äcs Syftèmes folaires, & la pupulation de l'Univers a été accrue autant que le Plan de la Création le permettoit. L'ar- rangement de ces grands Corps à été fi bien calculé fur l’ef pece, le temps & les gravitations refpectives , que tous les mouvemens céleftes s’exécutent dans l'ordre le plus parfait, ne les écarts y font les plus petits qu'il ef poffible , & qu'il S'y tronve par - tout des compenfations proportionnelles.
DE LA NA TURETPat. ÿs Ur ES CHHEABRPET RIBUPAIE Divifion g‘nérale des Etres.
L E $ Efprits purs , Subftances immatérielles & intelligentes xles Corps, Subftances étendues & folides ; les Etres mixtes , formés de l’union d'une Subftance immatérielle & d’une Subftance cor- porelle, font les trois Ciafles générales d’Etres,
que nous voyons ou que nous concevons dans TUnivers.
PAIN
M IGONTEMPILA TION CH APAT RE VUE
AE —
Enchatnementuniverfel ou P Harmonie de P Univer&
> UT eft {yftématique dans l'Univers ; tout, y cf combinaifon, rapport, liaifon, enchaïne- ment. Il n’eft rien qui ne foit l’effet immédiat de quelque chofe qui a précédé, & qui ne de- termine l’exiftence de quelque chofe qui fuivra.
UxeE idée entre dans la compofition du Monde intellectuel , comme un atôme dans celle du Monde phyfique. Si cette idée ou cet atôme avoient été fupprimés, il en auroit rélulté un autre Ordre de chofes, qui auroit donné naif- fance à d’autres combinaifons , & le Syftème actuel auroit fait place à un Syftème différent. Car cette idée ou cet atôme tiennent à d’autres idées ou d’autres atômes, & par ceux-ci à des parties plus confidérables du Tout. Si lon vou- loit qu'ils ne tinflent à rien , je demanderois quelle feroit la raifon de leur exiftence ?
Vous fouhaitez que je rende ceci plus fen- fible. Une idée n’eft préfente à votre ame , qu’en conféquence d’un mouvement qui s’eft fait dans
DE LA NATURE. Purt.I 37
votre Cerveau : vous n'ignorez pas que toutes nos idées tirent leur premiere origine des Sens : ce mouvement a dépendu lui-mème d’un autre mouvement , lié encore à d’autres qui l'ont pré- cédé , & la fuite de toutes ces impulfions , com- pofe la chaîne de votre Vie intelleuelle, qui n’eft ainfi que le réfultat de la place que vous deviez occuper dans l’Echelle des Etres penfans.
Quor donc! s'écrie PYRRHON, ce petit eaillou que j’appercois au bord de ce ruifleau qui fuit en murmurant, tient à la Nature entiere? Afurément : le ruiffleau l’a détaché d’un banc de cette Montagne voifine. L’exiitence du caillou étuit donc liée à lexiftence de la Montagne & à celle du ruiffleau. La formation de la Mon tagne , celle du banc, l'écoulement du: ruiffeau , fa direction, {a vitefle , ont été déterminées par mille circonftances particulieres , qui tiennent toutes à la Théorie générale de notre Globe.
Mais au moins, replique PYRRHON, l’exif tence du caillou eft- elle flérile, & je ne vois pas quels effets pourront en réfuiter? Réduit en chaux, il pañlera dans la fubftance d’une Plante , de-là dans celle d’un Animal, ou un jour peut-être il entrera dans le cabinet d’un Curieux, qui y découvrira la véritable origine
, C 3
3 CONTEMPLATION
des Pierres; & cette découverte le conduira à d’autres plus importantes, qui perfectionneront la Phyfque générale. Le premier morceau d’Am- bre où l’on découvrit la vertu électrique, n’é- toit-il pas le premier chaînon de cette belle chaîne d’expériences , à l’autre bout de laquelle pendoit la caule du tonnerre ? Quels rapports apparens entre ce morceau d’Ambre & le ton- nerre ? Les Sages de l’Antiquité euffent- ils de- viné les chaînons intermédiaires ? Combien de pareils chainons que nous ne devinons pas!
N’EN doutons point : l’'INTELLIGENCE Su- PRÈME a lié fi étroitement toutes les Parties de soN Ouvrage , qu'il n’en eft aucune qui n'ait des rapports avec tout le Syftème. Un Cham. pignon, une Mitte y entroient aufli effentielle. ment que le Cedre ou l’Éléphant.
AINSt ces petites produétions de la Nature, que les Hommes qui ne penfent point, jugent inutiles , ne font pas des grains de pouffere fur les Roues de la Machine du Monde; ce font de petites Roues, qui s’engrainent dans de plus grandes.
Les différens Etres propres à chaque Monde peuvent donc être envifagés comme autant de
DE LA NATURE Part.I 39
Syftèmes paiticuliers , liés à un Syflème prin- cipal par divers rapports ; & ce Syftème eft enchainé lui- mème à d’autres Syftèmes plus étendus , dont l’enfemble compofe le Syftème général.
IL n’eft donc rien d’ifolé. Chaque Étre a fon activité propre, dont la Sphere a été déterminée par le rang qu’il devoit tenir dans l'Univers. Une Mitte elt un très-petit Mobile, qui conf- pire avec des Mobiles dont ladivité s'étend à de plus grandes diftances. Les Spheres s’élar- giant ainfi de plus en plus, cette merveilleufe progrefhion s’éleve par degrés, du Tourbillon de PAmbre au Tourbillon folaire, de la Sphere de la Mitte à celle de j’Ange.
Les Elémens agiffent réciproquement les uns fur les autres fuivant certaines loix qui réfuitent de leurs rapports ; & ces rapports les lient aux Minéraux , aux Plantes , aux Animaux, à l'Hom- me. Celui-ci, comme le principal Tronc, étend fes Branches fur tout le Giobe.
Les efpeces & les individus ont du rapport à la grandeur & à la folidité de la Terre. La gran- deur & la folidité de la Terre ont du rapport à la place qu’elle occupe dans le Syfème planétaire, C 4
40 CONTEMPLATION
Le Soleil pefe fur les Planetes ; les Planetes pefent fur le Soleil, & les unes fur les autres. Tous pefent fur les Syftèmes voifins ; ceux-ci, fur des Syflemes plus éloignés , & la Balance de PÜnivers demeure en équilibre dans l&æ Main de lANCIEN DES JOURS.
Le Phyfque correfpond au Moral, le Moral au Phyfque. L'un & l’autre ont pour derniere fin le bonheur des Etres Entelligens.
La raifon méconnoîtra-t-elle les rapports de l'œil à la lumiere , de Poreille à Pair , de la langue aux fels ?
L’Ame humaine , unie à un Corps organifé , eft par ce Corps en commerce avec toute la Nature.
DE ces principes généraux découle Penchai- nement des caufes & des effets, des effets & des caufes.
DE-LA découle encore cette liaifon indiflolu- ble , qui fait du pañé. du préfent, de lavenir % de l'éternité une feule Exiftence , un f{eul Tout individuel.
Des rapports qui cxiftent entre toutes les
DE LA NATURE. Pat.I. ar
parties d’un Monde, & en vertu defquels elles confpirent à un but général , rélulte l’'Harmonie de ce Monde.
Les rapports qui lient entr’eux tous les Mon- des , conftituent l’'Harmonie de l'Univers.
La beauté d’un Monde a fon fondement dans la diverfité harmonique des Étres qui le com- pofent, dans le nombre , dans l'étendue, dans la qualité de leurs effets, & dans la fomme de bonheur qui réfulte de tout cela.
42 CONTEMPLATION LPS ESP SNS ; LP LIT IS IS ISBD
SECONDE PARTIE.
DE LA PERFECTION RELATIVE DES ETRES.
EE ——— — QT ————— T5 GHAPELTRE,PREMHERR Diffribution générale des Etres terreftres.
1 Etres terreftres viennent fe ranger natw- rellement fous quatre Claffes générales.
L Les Etres bruts ou inorganifes. IL. Les Etres organifés & inanimés. TI. Les Etres organifés & animés.
IV. Les Etres organifés , animés & raifonnables.
Le
DE LA NATURE. Pot.ll à3 ———ÿ73 CHAT LR EcSInE
ES
AE
De la Perfection en général, © de [es efpeces.
I] ous les Etres font parfaits, confidérés en
ñ LA \ L4 eux-mèmes : tous répondent à une fin. Les de- terminations ou les qualités propres à chaque Etre, font les moyens relatifs à cette fin. Si ces déterminations changeoient, elles ne feroient plus en rapporc avec la fin, & il n’y auroit plus de fageile.
Mais à une fn plus noble répondent des moyens plus relevés. L’Etre appellé à remplir cette fin, eft enrichi de Facultés qui lui font aflorties. :
CoxsIDÉRÉS fous ce point de vue, les Etres nous offrent différens degrés de Perfection re- lative. La mefure de cette Perfection eft dans les rapports que chaque Etre foutient avec le Tout.
L'ErTre , dont les rapports au Tout font plus variés, plus multipliés, plus féconds, poflede une perfection plus relevée.
fa COoNTEMPES TT Oo
Come il eft deux claffes générales de Subf- tances , les Corps & les Ames, il eft auf deux clafles générales de Perfections ; la Perfection corporelle ou celle qui eft propre aux Corps, la Perfection /pirituelle ou celle qui eft propre aux Ames.
CEs deux Perfeétions font réunies dans cha- que Etre orcaunilé - animé, & elles correfpondent Pune à l’autre.
DE leur réunion réfulte la Perfetion #ixte, qui répond au rang que l’Etre tient dans le Syltème.
EE —_—_—_ 5 ——————— 75 CFA PE TOR E CAR
De la Perfeition corporelle. .
D £ toutes les modifications de la Matiere, la plus excellente eft l’orzanifation.
L'ORGANISATION la plus parfaite eft celle qui opere le plus d'effets avec un nombre égal ow plus petit de parties diflimilaires. Tel eft, entre les Etres terreltres ,le Corps humain.
DELA NATURE. Pat.Il 4$
Ux organe elt un fyftème de fo/ides, dont la ftructure, l’arrangement & le jeu ont pour der- niere fin le mouvement, foit inteitin , {oit loco- motif , ou le fentiment.
L'ETRE qui n’eft formé que de la répétition de parties femblables ou fimilaires , ou mème dans lequel on ne peut concevoir des parties diftinctes que par une opération de lEfprit, ne poffede que le plus bas degré de Ja Perfec- tion corporelle. Tel eft probablement l’arôsre ou la particule élémentaire.
CE ————— "1
TS GA iBknloRe:EnbV De la Perfection fpirituelle.
1 SA Faculté de généralifer fes idées, ou d’abf- traire d’un fujet ce qu’il a de commun avec d’autres, & de l’exprimer par des fignes arbi- traires , conftitue le plus haut degré de la Per- fedtion fpirituelle, & ce degré différencie l’Ame humaine de lAme des Brutes.
L'AME qui n’eft douée que du fimple fenti- ment des fonctions vitales , occupe le plus has
46 CONTEMPLATION
degré de l’Echelle. Telle eft, peut-être , la Per- fection de PAme de la Moule.
a —
CE APÆETMRE :V.
(ea)
La Vie terreffre ES [es efpeces.
ER réciproque des folides & des fluides, eft le fondement de la Vie terreftre.
SE nourrir où changer dans fa propre fubf- tance des matieres étrangeres , croître par l’in- tus - fufception de ces matieres, engendrer des Individus de fon Efpece , font les principaux réfultats de la Vie térreftre.
Si la&ion des organes n’eft point accompa. gnée du fentiment de cette action, l’Etre orga- nifé ne poflede que la Vie végérative. Tel eft, au moins en apparence, le cas de la Plante.
S1 l’action des organes eft liée au fentiment de cette action , l’Etre organifé jouit de la Vie végétative & fenfitive. Telle eft la condition de la Brute.
DE LA NATURE. Pat.Il 4)
ENFIN, fi la réflexion eft jointe au fentiment, lEtre pollede à la fois la Vie végétative , fenfitive & réfléchie. L’Homme feul, fur la Terre , réunit en foi ces trois fortes de Vies.
CH LP 2 TRE UE Variétés des Mondes.
S IL nexilte pas deux feuilles précifément femblables , il n’exifte pas, à plus forte raifon, deux Choux , deux Chenilles, deux Hommes parfaitement femblables. Que fera - ce donc de deux Planetes, de deux Syftèmes planétaires, de deux Syftèmes folaires ? L’affortiment d’Etres, qui eft propre à notre Monde, ne fe rencontre vraifemblablement dans aucun autre. Chaque Globe a fon économie particuliere, fes loix, fes productions.
Iz eft peut-être des Mondes fi imparfuits, relativement au nôtre, qu’il ne s’y trouve que des Etres des claffes inférieures.
- D’AUTRES Mondes peuvent être au contraire fi parfaits , qu'il n’y ait que des Etres propres
48 C'O-NTE MPLATION
aux Clafles fupérieures. Dans ces derniers Mon- des , les Rochers font organilés , les Plantes fentent, les Animaux raifonnent, les Hommes {ont Anges.
QueLLe eft donc l’excellence de la JÉRUSA- LEM CÉLESTE, où PANGE eft le moindre des ÊTRES INTELLIGENS ?
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GE ASP T TR EE, VE TL
Idée de la Souveraine Perfettion mixte.
Es Facultés corporelles & intelle@tuelles peu- vent être portées à un fi haut point de perfec- tion dans l'Ordre le plus élevé des Etres sixtes, que nous ne faurions nous en faire que de foi- bles idées.
SE tranfporter d’un lieu dans un autre avec une vitefle évale, ou fupérieure à celle de la lumiere ; fe conferver par la feule force de fe nature, & fans le fecours d'aucun Etre créé; être abfolument exempte de toute efpece d’al- tération ; pofléder une puiffance capable de dé- placer les Corps céleftes , ou de changer le:
cours
DE LA NATURE Pat.Il 49
œours de la Nature ; ètre douée de fens les plus exquis & les plus étendus ; avoir des percep. tions diftinétes de tous les attributs de la Ma- tiere, & de toutes fes modifications, découvrit les effets dans leurs caufes; s'élever du vol le plus rapide aux principes les plus généraux ; voir
. d’un coup - d'œil toutes les conlé ;juences de ces
principes ; pofléder une puiffance & une intelli- gence capables d’organifer la Matiere, de former une Plante, un Animal, un Monde ; avoir à la fois & fans confufion , un nombre prefque infini d'idées ; voir le pañlé auffi diftinétement que lé préfenc, & percer dans l'avenir le plus reculé ; exercer toutes ces facultés fans fatigue , ce font les divers craits par lefquels une Main mortelle ofe crayonner le Tableau de la SOUVERAINE PERFECTION MIXTE.
ES
— NI Re CH APTTRE VAL Les Efprits - purs.
| Efprits - purs, dont nous concevons au moins la poffibilité , exiltent-ils ?
S’iLs exiftent, font-ils préfens à une Région
particuliere, ou font-ils répandus dans tous les
Mondes ? Tome I, D
30 CONTEM PL AT I ON
LEUR nature eft-elle fupérieure à celle des Etres sixtes, où y en a-t-1l parmi eux qui leur {oïent inférieurs dans la proportion de l’Ame de la Moule à celle de l'Homme ?
S1 les Efprits purs font fupérieurs aux Etres mixtes, cette fupériorité vient-elle en partie de ce qu'ils font privés de Corps?
QUuELLESs idées les Efprits purs ont-ils de la Matiere & de {es modifications, de l’efpace , de la durée, du mouvement ?
COMMENT fe communiquent-ils leurs penfées 2
ONT -1Ls quelque commerce avec les Ames unies à des Corps ?
Mais modérons une vaine curiofité ; l’Etre mixte, qui n’apperçoit qu’à l’aide d’un: Corps, & qu’une paille confond , atteindra-t-1l aux INTELLIGENCES PURES ?
DE LA NATURE PatIl $i
CHE T KR E LL Xe,"
linmenfité de la Chaine des Etres.
pou le degré le plus bas & le degré le plus élevé de la Perfection corporelle ou fpiritueile , il eft un nombre prefqu’infini de degrés inter- médiaires La fuite de ces degrés compofe Ia Chaine univerfelle. Elle unit tous les Etres, lie tous les Mondes , embraife toutes les Spheres. Un SEuLc ÊTRE eft hors de cette Chaine , & c'eft CELUI qui l'a faite,
UN nuage épais nous dérobe les plus belles parties de cette Chaîne immenfe, & ne nous en laifle entrevoir que quelques Chaïnons mal liés , interrompus, & dans un ordre très-diffé- rent , {ans doute, de l’ordre naturel.
Nous la voyons ferpenter fur la furface de notre Globe , percer dans fes entrailles, péné- trer dans les abymes de la Mer, s’élancèr dans PAthmofphere, & s’enfoncer dans les Efpaces céleftes , où nous ne la découvrons plus que par les traits de feu qu’elle jette çà & là.
Maïs, fi nos connoiflances fur la Chaîne des D 2
52 CONTEMPLATION
Etres font très - imparfaites, elles fuMifent au moins pour nous donner les plus hautes idées de cette magnifique progreflion , & de la variété qui regne dans l'Univers.
in CHA PIUT OR IE PUX
ae
#7
Efpeces moyennes.
LA n’eft point de fauts dans la Nature; tout y eft gradué , nuancé. Si entre deux Etres quelcon« ques il exiftoit un vuide, quelle feroit la raifon du paflage de l’un à l’autre? Il n’eft donc point d’Etre au-deflus ou au-deflous duquel il n’y en ait qui s’en rapprochent par quelques caracteres, & qui s’en éloignent par d’autres.
ENTRE ces caracteres qui diftinguent les Etres, nous en découvrons de plus ou de moins généraux. De-là nos diftributions en claffes, en genres , en elpeces.
Ces diftributions ne fauroient trancher. Il eft toujours entre deux clafles ou entre deux genres voifins , des Productions #oyennes , qui femblent nappartenir pas plus à lun qu’à l’au- tre, & les lier.
DE LA NATURE. Pat.Ih 53
LE Polype enchaîne le Végétal à l’Animal. L'Ecureil - volant unit l'Oifeau au Quadrupede. Le Singe touche au Quadrupede & à l'Homme.
E——— ne GH API TRE’ NXE
axe
Cou/équences.
M , fi rien ne tranche dans la Nature, il elt évident que nos diftributions ne font pas les fiennes. Celles que nous formons font purement nominales , & nous ne devons les regarder que comme des moyens relatifs à nos befoins & aux bornes de nos connoiffances. Des Intelligences qui nous font fupérieures , découvrent peut- ètre entre deux Individus que nous rangeons dans la mème efpece, plus de variétés que nous Wen découvrons entre deux Individus de genres éloignés.
AINs1 ces Intelligences voient dans l’Echelle de notre Monde autant d'Echelons qu'il y à d'Individus. Il en eft de mème de l’Echelle de chaque Monde , & toutes ne compofent qu’une feule fuite , qui a paur premier terme l’Atôme, & pour dernier terme le plus élevé des CHÉRUBINS.
C2 D 3
A CONTEMPEATION ER ————] À C HA PR TRE OCR Idée du nombre des degrés de l'Échelle.
Nu pouvons donc fuppofer dans PEchelle de notre Globe autant d’'Echelons que nous connoidons d'Efpeces. Les dix-huit à vingt mille Efpeces de Plantes qui compolent nos Herbters, font donc dix-huit à vingt mille Echelons de l'Echelle terreftre (1 ).
ET parmi ces Plantes , il n’en eft peut - être aucune qui ne nourrifle une ou plufieurs Efpe- ces d’Animaux. Ces Animaux en logent ou en nourriflent d’autres à leur tour. Ce font autant de petits Mondes, qui renferment d’autres Mon- des plus petits encore.
(x) tt L'infatigable & courageux COMMERSON., ce martyr de l'Hiftoire Naturelle, qui avoit Fait le tour du Monde pour nous inftruire, avoit à lui fenl vingt-cinq mille Efpeces de Plantes, & il étoit per‘uad: qu'il en exiftoit ay moins quatre. à cinq fois autant fur notre G'obe. Et combien d’autres Efpeces cachées dans les abymes des Eaux, & qui ne parviendront jamais à la connoiffance du Botanifte.
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D'ÆEMIN AN A TUE. "Pet. IT... %s
CHAPATDRE NEEE
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Principe fur la conffruttion de P Echelle.
| PE fimple produit le compofé : la molécule forme la fibre , la fibre le vaiffeau , le vaifleau l'organe , Porgane le Corps.
L’'EcHELLE de la Nature fe conftruit donc en paffant du comyofant au compofé, du moins parfait au plus parfait.
Mais, en l’envifageant ainfi, & d’une vue très - générale, n'oublions point que notre ma- niere de concevoir n’eft pas la regle des chofes.
Nous ne ferons que jetter un coup-d’œil fur Pextérieur des Etres : nous n’en parcourrons que la premiere furface : le Contemplateur de la Nature {e borne à contempler, & il n’entreprend pas de difléquer. Peut-ètre donnerons-nous un peu plus d'attention aux Elpeces moins connues ou plus négligées.
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26 CONTEMPLATION PS ÿ SF SF Nas XI RTS TRS CT
TROISIEME PARTIE.
VUE GÉNÉRALE DE LA PROGRESSION GRADUELLE DES ÊTRES.
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CHAPITRE PREMIER
Les Élémens.
D £ l’invariabilité des Efpeces au milieu du mouvement peroétuel qui regne dans l'Univers, fe déduit lPindivifibi:€ des premiers Principes des Corps ; & lindivifibilité de ces Principes démontreroit la fimplicité de leur nature, fi Driu n’avoit pu rendre indeftru@ibles des cor- pufcules très-compofés.
LA nature des Atômes élémentaires , leurs formes , leuts proportions relatives , la maniere dont ils operent la formation des Corps, font des connoiflances qui pañlent la portée actuelle de lEfprit humain.
DE LA NATURE. Phrt.lIll. 86
AINs1 nous ignorons s’il y a autant d’efpeces d'Élémens qu'il y a d’efpeces de Corps ; ou fi les mèmes particules élémentaires, combinées diverfement, ne donnent pas naifance à difié- rentes efpeces de compofés.
Nous ignorons encore ce qui diftingue effen- tiellement un Corps de tout autre: ce que nous nommons carméeres eflentiels, ne font que les derniers réfultats des premiers Prin- cipes (1).
(x) tt Les Chymiftes donnent le nom d'Élémens on de Principes à ces Subftances fimples , inaltérables, auxqueiles ils ne connoïfflent point de parties conftituantes. Le Feu, l'Air, l'Eau , la Terre, leur ont paru pofléder ces caraéteres. Ils les ont retrouvés conftamment dans toutes leurs Analyfes ; ils en ont toujours été les derniers réfuitats; & ils en ont conclu, que de la combinaifon de ces quatre Subitances élémentaires, de leurs proportions différentes, de leur arrangement particu« lier, réfultoient tous les compofés de la Nature.
Il eft, fans doute , une progreflion dans la formation des Compofés ; mais le Chymifte ne fait que l’entrevoir. Les Com pofés qu’il juge les plus fimples , font pour lui des Compofés du premier ordre ; les Compofés un peu moins fimples font des Compofés du fecond ordre; des Compofés moins fimples encore, font des Compofés du troifieme ordre, &c.
Le Chymifte Philofophe ne prononce pas néanmoins fur la fimplicité abfolue de ces Subftances auxquelles il donne le nom d'Élémens , parce qu'il les retrouve dans tous les Corps fufceptibles d’analyfe , & qu'elles font toujours les derniers
58 CONTEMPLATION
Q'! que le fpeétacle feroit intérefflant ; 6? que notre curiofité {zroit agréablement flattée, s’il nous étoit permis de pénétrer jufqu’a ces Principes. Un nouveau Monde fe dévoileroit à nos yeux ; la Nature, devenue tranfparente, ne céleroit plus fa marche: fes atteliers & fes laboratoires feroient ouverts. Ici nous la ver- rions aflembler les principes du Métal. La nous la verrions préparer l’incarnat de la Rofe. Plus loin nous fuivrions {on jeu dans les merveilles de la Lumiere ou de lElecricité. Ailleurs nous l’'obferverions tracer les premiers traits d’une Plante ou d'un Animal. Etonnés à la vue de cet admirable ouvrage, nous ne nous laflerions point de contempler la diverfité infinie de pré- parations , de combinaifons , & de mouvemens par lefquels il eft conduit infenfiblement à fa perfection.
Esprits CÉLESTES, qui avez affifté à la création de notre Monde, vous jouiffez de ces plailits ! Nous vous les envions ; vous ne nous euviez point les nôtres : plus favorifés que nous
réfultats de fes analyfes. L'étonnante décompofition de la Lu- miere, que l'art a {u opérer dans ces derniers temps, lui infpire fur ce fujet ténébreux une fage déflance, & lui fait concevoir la poffibilité que ces Subftances, fi fimples en apparence, faient clies-mêmes des Compofks.
1
DE LA NATURE. Part. III 59
du Maitre de la Nature, vous pénétrez ce qui nous échappe , & vous voyez les eflorts que nous faifons pour ramper d’une vérité à une autre, comme nous voyons ceux que fait un Singe pour imiter l'Homme.
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GHABATRE, EL
Trois Genres de compofition dans les Corps.
| LT trôis Genres principaux de com. pofition dans les Corps terreltres. Le premier eft celui des Fluides. Le fecond , celui des Solides bruts ou non organifés. Le troifieme . , celui des Solides organifés.
LE premier Genre, qui eft le plus fimple paroît confifter dans un fimple contaét de par- ticules homogenes, qui tendent à fe rapprocher les unes des autres ; mais que la moindre force
divife.
La
Le fecond Genre , plus compofé, eft formé
de laggrégat ou de la réurion de différentes particules dans une mañe folide.
60 CON TE MP'L'A TI O0 N
LE troifieme Genre , plus compofé encore
que le fecond, eft formé de l’entrelacement d’un nombre prefqu’infini de parties, les unes flui- des , les autres folides. Ce Genre porte le nom de Tiffu.
EE ——
Me 3 , CHAPITRE IIL
Des Fluides en général, €3 de quelques Fluides en particulier.
| peu de réfiftance que les Fluides appor- tent aux forces qui les divifent, leur difpoñition à garder le niveau, la promptitude & la facilité avec lefquelles ils fe meuvent , pénetrent & divifent les folides , indiquent qu’ils font de tous les Corps les plus fimples , les plus fubtils & les plus a&ifs (1 ).
(1) tt Un Phyficien célebre définit le Fluide, un Corps dont les parties ne font pas liées enfemble, qui cede aifément au toucher , qui réfifte peu à La divifon , & qui fe répand comme de Iui-même.
Il remarque que parmi les Fluides , les uns, comme l’Air, fe répandent par leur poids & par leur refort : d’autres, comme le Sable, par leur poids feulement, fans fe mettre de niveau; qu'il en ef d’ autres, comme l'Eau, qui fe répandent par leur
VTT SIDE Te, PRE
DE LA NATURE Port. IIL 61
A fes divers effets , le Feu paroît ètre un des Corps qui réuniflent ces qualités dans le degré le plus éminent.
IL réfulte de plufeurs expériences, & en particulier de celles fur l’'Eledricité (2), que le Feu eft un Fluide répandu dans tous les Corps, fuivant une proportion relative à leur nature.
TANTÔT il ne fait que remplir fimplement leurs pores. Tantôt il s’umit intimément à leurs païties conftituantes , & compofe alors les ma- tieres inflammables (3 ).
poids & par le mouvement inteftin de leurs molécules. Ceux- ci fe mettent de niveau, & on les nomme proprement des Liquides. Ainfi on peut dire d’un liquide, qu’il eft plus fuide qu'un autre Liquide.
Divers faits prouvent le mouvement inteftin des Liquides ; par exemple l’évaporation, les diflolutions, &c.
(2) tt Le moyen de douter de la nature ignée du Fluide éleétrique, quand on le voit fondre ea un inftant dans le cabi- net de nos Éleétrifeurs , celni de tous les métaux qui réfifte le plus à la fufion ! Et combien d’autres faits, qui femblent attefter la mème vérité ! Dira-t-on avec un Phyfcien Allemand, que ce Fluide n’eft point igné , & qu’il ne fait que mettre en mouve- ment le Feu répandu dans tous les Corps ?
(3) tt Le Feu poflede dans le degré le plus éminent la
62 CONTEMPLATION
L'Atr & l'Eau entrent aufli dans Ja compo- {tion d’un très - grand nombre de matieres de ditiérens genres.
fluidité ; car c’eft à lui que tous les Liquides doivent la leur. L'Eau, privée de fon Feu, devient folide : le Métal, pénétré de Feu, devient liquide : il fe volatilife fi la force du Feu augmente. Elle pourroit accroître au point de difliper les Corps les plus durs ou les plus fixes.
Puis donc que le Feu pénetre les Corps les plus denfes, il faut que fes particules intégrantes foient d’une petitefle prodigieufe ; & puifqu’il y produit de fi grands effets, il faut qu'il {oit fufceptible du mouvement le plus rapide. Il eft ainf le plus puiffant Agent de la Nature, & le diffolvant uni- verfel.
Mais cet Être étonnant , qui produit fous nos yeux tant & de fi grandes chofes, qui eft, en quelque forte , l Ame du Monde , le Principe de la Vie, eft de tous les Êtres phyfiques celui dont nous pénétrons le moins la nature. Tous les Liquides lui doivent leur fluidité, & nous ne favons pas même d’où lui vient la fienne.
De l'union du Feu élémentaire avec une certaine Subftance qui ne nous eft pas mieux connue, réfulte un Compofé célebre en Chymie, & connu fous le nom de Phlogiftigue. C'eft ce Phlogiftique qui eft devenu de nos jours l’objet des plus profondes recherches du Chymifte. Il le définit un Principe fecondaire , fec, volatil , très-fufceptible de contraëter le mou- vèment igné, qui peut fe combiner avec la Terre & l'Eau, entrer dans la compoñition d’une multitude de Corps, les rendre plus on moins inflammables, pafer fans altération d’un Com-
Fofé dans un autre, fans cefler d’être le même dans tous les Çompofés.
DE LA NATURE. Part. III 63
SOuvENT ils femblent changer de nature, & fubir différentes efpeces de transformations ; mais ces transformations ne {ont qu’apparentes. Ils reprennent leur état primitif, dès que les caufes qui les déguifoient ceflent d’agir (4).
Le Phlogiftique eft donc le Principe de l’inflammabilité des Corps combuftibles. Ils ne brülent & ne s’enflamment que par le Phlogiftique qui entre dans lenr compofition. Ils ne fe rédui- fent en cendres que par l’épuifement de ce Principe.
C'eft dans les Subftances organifées que réfide originairement le Principe inflammable on le Phlosiftique. Les organes infini ment déliés des Végétaux & des Animaux, font les laboratoires où la Nature combine fecrétement le Feu élémentaire avec cet autre Principe, à nous inconnu , pour en former le Phlogifti. que qu’elle diftribue enfuite fous différentes proportions , dans une infinité d’autres Corps.
(4) tt On connoît la belle Analyfe de l'Air, de l’illuftre Hazes. Ce grand Phyfcien avoit bien étonné le Monde en lui apprenant que quantité de Corps, même très-compactes, ne font en grande partie que de l’Air métamorphofé dans leur tiflu en fubftance folide.
L'Air peut donc devenir partie conftituante des Corps. Ses molécules s’ifolent alors, & il perd fon élafticité. Il ia recouvre par le dégagement de fes molécules. Il rentre alors dans l’état d'aggrégation.
Jufqw'ici les Chymiftes avoient regardé l’Air comme un véritable Élément , parce qu'ils n’étoient jamais parvenus à le décompofer. Des expériences très - modernes ont infpiré plus que des doutes fur cette opinion : on comprend que je parle des nouvelles découvertes fur l'Air, qui occupent tant aujour-
64, CONTEMPLATION EE —— —ÿÿ
CEA EAN TRE PT
ae
De quelques Solides bruts ou non organifés.
É; Terre pure eft la bafe ou le fond de la compofition des Solides. Le Chymifte la re- trouve dans tous les Corps dont il fait l’analyfe.
d'hui les plus habiles Chymiftes, & fur les réfultats defquelles ils ne font pas près de s’accorder.
L'Eau , que l’art n'eft point encore parvenu à décompofer, entre, comme l'Air, dans la compoñition d’une multitude de Corps. Elle concourt fur-tout à la formation des Subftances falines, des Subftances calcaires & des Subftances organifées ; mais on ne la retrouve point dans les Subftances vitrifiables ni dans les Subftances métalliques. Elle eft le diflolvant d’un grand nombre de Corps.
On peut juger par la folidité du mortier & de certains eimens , du degré de ténacité que l'Eau peut contracter par fon union intime avec certains Corps. Celle qu’elle contracte par fa converlion en glace, n’eft pas moins remarquable, quoi que d’un genre très- différent. Quand les molécules de l'Eau s’uniffent intimément aux parties conftituantes des différens Compofes , elles s’ifolent probablement , comme celles de J'Air. Mais dans la converfion de l'Eau en glace, elles ne s'ilolent pas proprement; elles ne font que revetir les unes à l'égard des autres , de nouvelles pofitions , en vertu defquelles elles s’arrangent en contaét, fuivant un certain ordre plus ou moins régulier. On pourroit foupçonner néan-
Fixe,
DE LA NATURE. Pat.Ill. 64
Fixe, inaltérable, elle réfifte au fu le plus violent ; & cette inaltérabilité de la Terre élé mentaire , en nous prouvant la fimiplicité de fa nature , nous indique quel eft le premier éche. lon de l'Echelle des Solides bruts (tr).
moins qu'il eft des cas très-diférens de celui de la conge- lation , où les molécules de l'Eau s’arrangent d’une maniere relative.
(1) H La Terre élémentaire, que les Chymiftes nomment aufü Terre primitive ou vitr ifiable , eft la plus fixe de toutes les fubftances folides, & leur dernier réfidu. Elle fe combine d’une infinité de manieres dansles fubftances organifées, comme les autres lémens, &:revét ainfi de nouvelles apparences qui la déguifent plus ou moins, mais qui n ’alterent point fa nâture primitive. Le Chymifte n'eft donc jamais für de pofléder la Terre élémentaire dans {à pureté originelle, & il en eft à cet égard de la Terre ,. comme de l'Air & de l'Eau. La Térre qui fait la bafe du Cryftal de roche, & fur-tout celle du Diamant, eft regardée comme une des plus pures, & qui ap- proche le plus de la Terre primitive.
“Nous ignôrons fi les Élémens peuvent fe combiner immé. diatement les uns avec les autres. Mais nous voyons sians les Corps organifés des infrumens aädmiräbles, à l’aide cefquels la Nature opere dans le plis profond fecret une muititude de ces combinaifons élémentaires, que l’art ne fauroit in:iter, & qui répandent une fi merveilleufe variété dans les trois regnes,
Au refte , la Chymie n’eft point encore affez perfettionnée pour que nous puiflions nous aflurer de la marche progefhive de la Nature dans fes paMlages d’un Mixte à un autre Mixte, Ses premieres combinaifons nous font inconnues , & parmi
Tume LI, E
6 CONTEMPLATION DE Punion .de Ja Terre pure aux Huiles; aux Soufres , aux Sels, &c., naillent différentes
efpeces de Terres plus ou moins compofées , qui font la nourriture propre d'une partie des
Corps organifés (2).
/.
celles que nous coiioiffèns un peu, nous ne déconvrons pas des caracteres qui fuffifent à déterminer l’ordre des échelons. Il refte toujours ici beaucoup d’arbitraire, qui diminuera peu à-peu, à mefure que nos connoiffances chymiques acquerront plus de précifion. Mais il me femble toujours, que l'Échelle de la Nature doit fe conftruire, comme je le difois, en paf- fant du fimple au compofé, des Subfkances moins altérables aux Subftances plus altérables ; & c’eft la raifoni pour laquelle’ javois placé ici les Métaux parfaits au-deflous des Métaux. imparfaits. L'Or, par fa fixité ou fon indeftruétibilité , paroïît fe rapprocher des natures élémentaires.
7e) +t La Terre pure ou élémentaire fe combine de mille manieres avec les autres élémens , dans l’intérieur des machines
organiques , & de ces combinaifons dérivent une multitude de!
fubftances plus ou moins compoftes. Elle fe combine fur-tout dans les Corps marins avec l'Air & l'Eau, & de cette combi-
naïfon particuliere naît la Terre calcaire , fi généralement ré- pandue dans les couches de notre Globe, & dont les Montagnes
fécondaires font principalement formées. Aïnfi, la production de ces Montagnes, dont les Chaînes font fouvent fi étendues , tient en dernier refloït à de très - petits Infectes , qui naiflent, croiflent & périflent au fond des Mers. On comprend que je parle de ces nombreufes Familles de Polypes, connus fous les noms de Coraux , de Corallines, de Madrépores , &c. On fait que l’euveloppe ou le fourreau de ces petits Êtres , qui fait corps avec eux, eft formé d’une matiere crétacée, que la nu- trition incorpore dans le tifu parenchymateux de l’Animal
DE LA NATURE. Pat.lll. 67
Les Bitumes & les Soufres, formés prin. cipalement (3) de Matiere inflammable & de
C'eft cette matiere crétacée qui conftitue le fond de la Terre calcaire des Montagnes fécondaires. Les Familles non moias nombreufes des Coquillages ajoutent beaucoup à ce fond. Des milliards de générations de ces Corps marins qui tapiffent le fond des Eaux, entaflées les unes fur les autres, par l’entaf. fement des fiecles, ont produit enfin ces mafles énormes que la Mer a laiflées à découvert en fe retirant. Il eft des Mon- tagnes qui femblent n'être compofées que de coquilles ou de fragmens de coquilles, & la loupe en fait découvrir dans des endroits où l’on n’en foupconnoit point. La Terre calcaire a donc une origine animale : elle fe combine à fon tour avec différens Sels, & donne ainfi naïflance à diverfes Productions Salino-terreufes , telles que les Sélénites, les Gyps , &c.
(3) ft La place que j'affignois ici aux Bitumes, ne leur convient point. J'adoptois l'opinion de quelques Naturaliftes qui les croient des Subftances vraiment minérales ; & cette opinion eft une erreur. Les Bitumes font des Subftances huileufes, qui appartiennent originairement au Regne orga- nique. Ce font fur-tout des Subftances végétales, enfouies dans la Terre , & pénétrées d'un Acide minéral , qui don- nent naiflance aux Bitumes; & ce qui acheve de le prou- ver, c'eft que l’Art peut former une forte de Bitume, par le mélange d'un acide minéral avec des Subitances végétales. D'ailleurs on ne connoît point de Subftance vraiment miné. rale , qui contienne de l’Huile. Le Jayet , le Succin, font des efpeces de Bitumes. Ces immenfes lits de Charbon fof file , qu’on trouve enfevelis fi profondément en terre, ne font autre chofe que des débris de Végétaux plus ou moins décompofés , ou minéralifés par l'acide qui en a pénétré la
fubftance. E 4
6 :CONTEMPLATION
Terre, Temblent nous conduire de la Terre pure aux Subftances métalliques, dans lefquelles o1 découvre les mèmes principes effentiels, mais différemment combinés ( 4).
A l'égard du Soufre, formé de la combinaifon d’un Acide minéral avec le Principe inflammable , il paroït avoir bien de l'affinité avec les Subftances métalliques , auxquelles il s’unit étroitement.
(4) tt De toutes les Subftances de notre Globe, les Mé- taux font à la fois les plus pefantes , les pius denfes, les plus fixes, les plus opaques, les plus brillantes, les plus duc- tiles. Mais tous ne poffedent pas ces propriétés au même degré. L’'Or & l’Argent les poffedent dans le degré le plus éminent, & c’eft ce qui leur a mérité la qualification de Métaux par- faits. Les autres Métaux ont été nommés smparfaits, parce qu’ils ne poffedent ces propriétés que dans un degré très-in- férieur. Les Subftances métalliques qui n’ont ni fixité ni duc- tilité, portent le nom général de demi- Métaux. Tels font lAntimoine , le Bifmuth, le Zinc, &c.
Il eft aujourd’hui bien démontré, que le Métal réfulte d’une combinaïifon fecrete de la Terre avec le Principe inflamma- ble, & cette démonftration eft une des plus belles de la Chymie moderne. Ce font fur-tout les Métaux swparfuits, qui mettent cette vérité dans le plus grand jour. Ils brü- lent à l’air libre & fe calcinent. Par cette calcination, le Mé- tal fe convertit en une véritable Terre, qui a reçu le nom de Chaux snétallique , & qui, pouflée au feu, fe fond &fe vitrifie.
Cette Chaux ne reflemble point du tout au Métal ; elle n'en a point les admirables propriétés: mais, fi on la traite avec une matiere inflammable quelconque , on verra un grand
DE LA NATURE. Part.Ill 69
L'INALTÉRABILITÉ de l’Or au feu le plus violent , fa malléabilité & fa duétilité prodi-
prodige : cette Terre redeviendra un vrai Métal , & ce qu’elle aura enlevé du Principe inflammable à la Matiere étrangere , égalera précifément ce que celle-ci en aura perdu.
Il eft donc vrai, que l'Art peut jufqu'à un certain point décompofer & recompofer le Métal; & il eft bien remarqua- ble qu’il ait déja pénétré fi avant dans le fecret de la forma- tion de cette Suhftance. Mais , que de chofes intéreffantes , qui reftent encore à découvrir dans ee beau fujet! que de merveilles , qui échappent ici aux ‘recherches du Chymifte, & qui excitent autant fon induftrie que celle de l’Alchymifte eft excitée par le defir infenfé de faire de l’Or ! Commentun Principe auf fubtil, auf léger , auM fugitif que l’eft le Principe inflammable , donne-t - il au Méta! fa denfité, fon opacité, fa couleur , fon éclat, & fur-tout fa duétilité mer- veillenfe ? Par quel Art profond la Nature unit-elle dans l'Or, les Parties intégrantes du Feu aux Parties intégrantes de la Terre, de maniere qu’elles forment une Maffe fi liée, que la continuité des Parties ne ceffe pas, lors mème que cette Maffe, fuppofée du poids d’une once, eft tirée en un fl de plnfeurs centaines de lieues de longueur ? On voit bien en général que cette merveille tient en dernier reflort à la forme & à l’arrangement des Parties; mais ce font pré- cifément cette forme & cet arrangement qui fe refufent à notre curiofité. On a peine à revenir de fa furprife , quand on fonge qu'un morceau d'Or n’eft en grande partie que du Feu combiné avec de la Terre. Et quelle foule de réflexions s'offrent à l'Efprit fur les rapports cachés qui lient les Êtres, lorfque remontant à la premiere origine du Principe inflam- mable , on vient à découvrir que c’eft par la végétation que la Nature prépare de loin les matériaux de la métallifa-
tion ! E 3
70 CONTEMPLATION
gieufe, prouvent également l’homogénéité de fes parties , leur extrème finefle , & leur étroite union ($ ).
Au-nessus de l’Or fe rangent les autres Mé- taux dans l’ordre de leur compofition , ou te- lativement à la combinaifon & à lunion plus ou moins forte de leurs principes.
L'ARGENT fuit l’Or immédiatement. Il rélifte comme lui à l’action du feu ; mais il eft moins malléable, moins dudtile , & difo!uble par un plus grand nombre de diflolvans C6 }.
($s ) ff Non-feulement l'Or pur en maffe réfifte au Feu de Verrerie le plus violent, fans y rien perdre de fon poids; mais il a patu réfifter encore à l’ation de ces puiflantes Len- tilles de nouvelle conftruction , qui fondent en demi - minute tous les métaux, & même le Fer forgé. Il ne cede point non plus à l’action des Acides fimples les plus canftiques, & n’eft point fufceptible de rouille. Qn fait qu’il eft le plus pcfant de tous les Corps que nous connoiffons : il ne perd dans l’eau qu'un dix - neuvieme ou un vingtieme de fon poids. Sa dudilité eft telle, qu’une feule once de ce Métal peut s’e- tendre au point de. fournir un fil de quatre cents quarante. quatre lieues de longueur.
(6) +t I femble qu'il faille placer aujourd'hui entre l’Or & l’Argent un Métal parfait, nouvellement decouvert, connu fous le nom de Platine ou d'Or - blanc, & qui a plus d’ana- logie avec l’Or qu'aucun autre Métal. Sa couleur blanchâtre
DE LA NATURE. Part.Ill. 7x
À la fuite de l’Argent paroït le Cuivre, qui a avec ce Métal une grande affinité. Il eft lui- mème fuivi de lPEtain , du Plomb , du
Fer. ( 7 ).
où grifâtre a peu d'éclat. Sa pefanteur égale prefque celle de l'Or, & fa dureté approche de’ celle du Fer. Il n'a, comme les Métaux parfaits , ni odeur, ni faveur. Il ne fe rouille point, réfifte au feu le plus violent & le plus long - temps continué , & n’eft Fufble que par le Miroir ardent. Il ré« fifte, comme l’'Or, à l’action des Diffolvans fimples les plus puiflans, & ne cede qu'à celle de certains Diflolvans come pofés.
L'Argent eft après l'Or & la Platine ,le Métal le plus fixe ou le plus indeftruétible par le Feu, & par l'action combinée de l'Air & de l'Eau ; mais il ne réfifte pas, comme eux, à la puiflance des Diffolvans fimples.
(7) tft Tous les Métaux 2mparfuits ont de l'odeur & de la faveur , & perdent plus où moins de leur principe inflam- mable par l’action combinée de l'Air & de l'Eau. Cette forte de décompofition des Métaux imparfaits eit ce qu'on nomme leur rouille. Dans ces fubitances métalliques , le principe in- flammable eft donc uni moins étroitement avec le principe terreux , qu'il ne l'eft dans les Métaux parfaits. Auli les Métaux imparfaits font-ils difloiubles par une multitude de menftrues. Ils font encore très-combuftibles & très - calci- nables.
Le Plomb eft, après l'Or, la Platine & 1e Mercure, le plus pefant des Métaux : il ne perd dans l'Eau qu'un douzieme de {on poids il eft donc plus pefant que l'Argent qui y perd un onzieme. L’Etain, qui eft le moins pefant des Métaux , perd dans l'Eau jufqu'à un feptieme de fon poids.
A: 4
2 CONTEMPLATION
Des Compofés qui ne different des Métaux qu'en ce qu'ils ne font pas malléables, s’en rapprochent beaucoup, & fe nomment aufl des demi- Métaux. Tels font l'Antimoine, le Bif- muth, le Zinc, &c. (8).
Si l’on penfoit que les Métaux les moins fixes font auf les moins tenaces , on fe tromperoit. Le Fer, le plus deftruc- tible des Métaux, poffede une ténacité qui fe rapproche beau- coup de celle de l'Or. Un fil de Fer, d’un dixieme de pouce de diametre, foutient fans fe rompre un poids de quatre cents cinquante livres. Un fil d'Or, de même diametre, en porte cinq cents ;: un fil de Plomb n’en porte que trente.
Le Mercure, cet Etre fi fingulier, à la fois fi denfe & fi volatil, femble former feul une claffe féparée dans l’ordre des fubftances métalliques, Sa couleur & fon éclat, qui imitent fi bien la couleur & l'éclat de l’Argent, & fur-tout fa pe- fanteur , qui furpalfe celle du Plomb , avoient déja porté les Chymiftes à le ranger parmi les Métaux: mais la fluidité qui fembioit lui ètre effentielle , les embarrafoit. Une expérience imprévue a diffipé les ténebres qui couvroient ce fujet, & démontré que le Mercure eft un vrai Métal. On eft parvenu à le fixer, en quelque forte , à l’aide d’un énorme froid ar- tificiel ; & dans cet état fi nouveau de congelation, on l'a vu avec étonnement s'étendre fous le marteau fans fe fendre ni fe gercer. Le Mercure eft donc un Métal habituellement en fañon, & qui n'a befoin pour perfévérer dans cet état, qua d’une très- petite quantité de Feu,
(8) tt Ce n'eft pas feulement par le défant de s#rolléabiliré que les desi- Métaux différent des Métaux; ils en different encore par le défaut de fxité; mais ils s’en rapprochent par leur pefanteur, par leur opacité, par leur éclat.
"DE LA NATUREPartIll 73
Les Vitriols, produits par l'union de par- ticules métalliques à un Acide coagulé fous une forme fixe & rhomboïdale, paroiflent être le pañlage des Subftances métalliques aux Sels (9).
Les Sels, affectant toujours des figures dé- terminées & conitantes, femblent nousinfinuer par-là, l’invariabilité & la fimplicité de leurs
(9) tt L'Arfenic paroït être le vrai paflage des Subftances métalliques aux Sels; & comme l’a fort bien remarqué un Chymiite célebre , cette Subftance mixte eft très-propre à conärmer la gradation que le Philofophe croit déconvrir entre toutes les productions de la Nature. L'Arfenic tient réelle- ment le milieu entre les Métaux & les Sels, puifqu’il eft à la fois métallique & falin. La Chymie démontre , qu’il eft pro- prement une Terre métallique, d’une nature très-particu- liere, très - différente des Chaux métalliques, unie fi intimé- ment à un principe falin & acide, que l'Art ne parvient point à l’en féparer.
À l'égard des Vitriols, il en eft de bien des efpeces; mais tous font formés de la combinaifon de l'acide vitriolique avec une fubftance métallique. Ainfi, de ia combinaifon de cet acide avec le Fer, réfulte le Z/zériol de Mars. De l'union du mème acide avec le Cuivre, naît le Y3ériol-blanc, &c. On voit donc que tous les Sels vitrioliques à bafe métallique , peuvent être nommés des Jériols. On dira donc le Wäériol- d'Or, le Vitriol - d'Argent , &c. ; car il eit des procédés par _lefquels l’Acide vitriolique peut fe combiner avec l'Or & l'Argent,
$4 CON TE MAL AIT OA
principes , dont le fond font l'Eau & la Terre ( 10 }. |
(10) tt Cette opinion fur les parties conftituantes des Sels, eft celle de la plupart des Chymiftes. Mais le célebre BAUMÉ a rendu très- probable , que les Sels réfultent de la combi naifon des quatre Élémens , & que les différentes efpeces de Sels dépendent originairement de la diverfité des combinai- fons des Élémens , ou de leurs proportions refpectives. Ses profondes réflexions fur cette ténébreufe matiere , font affez fentir, que c’eft principalement au Feu que les Sels doivent leurs faveurs , & que c’eft encote à cet Élément , le plus fubtil & le plus aétif de tous les Élémens , que certains Acides doivent leur caufticité & leurs propriétés les plus ca- ractériftiques. Comment , en effet, concevoir clairement la finguliere énergie de ces Sels, quand on admettra avec la plupart des Chymiftes, qu'ils ne font compofés que d'Eau & de Terre ? D'ailleurs , que de rapports ne découvre -t- on point entre les effets de ces Acides fur les fubftances qu’ils attaquent , & ceux que le Feu produit fur ces mêmes fubf- tances ! Mais le Feu peut fe combiner de bien des manieres différentes avec les autres Élémens , pour formes les Sels, & de cette diverfité de combinaifons réfulte la diverfité des Sels. Lorfque la Terre domine , ie Feu eft plus bridé dans fon ac- tion, & le Compofé eft moins falin. Le contraire a lieu lorf- que l'Eau domine dans la combinaifon : le Feu en eft moins bridé, & le Compofé falin en devient plus actif ou plus cor« rofif.
Cependant un excellent Chymifte (M. MacQUER) op- -poie à cette Doétrine des expériences qui ne lui femblent pas favorables, & qui paroiflent prouver que la caufticité des Sels , eft due uniquement à la puiffante attraction qu'ils exer- cent fur les divers Compofés des trois Regnes , ou fur les principes conitituans de ces {Compofés. On peut efpérer que
DE LA NATURE. Pat %s
Dussous par l'Eau , ou volatilifés par l’Air, ils deviennent le principe des faveurs , & une des principales caufes de l’accroiflement des Vé- gétaux , s’ils ne font encore le principe de leur folidité (11), & de celle de tous les Compo- és . comme ils le font des fermentations , dont les effets font fi variés & fi étendus.
La régularité & luniformité des différens genres de Cryftallifations , indiquent afez qu'ils
la vérité jaillira un jour du choc des opinions de ces deux célebres Chymiftes. \
Le nombre des Sels eft très -grand. On conno!t la divifion la plus générale des Sels en Acides & en Alkalis. Les premiers font plus inaltérables & plus a&ifs. Tous ont de commu, d’affeéter l'organe du goût, & d’être diffolubles par l'Eau. Mais il ne faut pas croire qu'il y ait réellement autant d’ef- peces de Sels, qu'il y a de fubftances qui nous offrent le ca- raétere falin : la plupart ne nous paroiffent falines que par leur union à des fubftances qui le font effentiellement ou par elles - mêmes ; & un grand Homme a penfé avec quelque fon- dement , qu’il n'y a qu'une feule efpece de Sel, qui, par fes combinaifons variées avec une multitude de Corps, pro- -duit toutes les efpeces de Sels que nous obfervons dans la Nature. Ce Sel univerfel eft, felon lui, l'Acide vitriolique.
(11) Hf Je ne me rappelle pas aujourd’hni ce qui m’avoit porté autrefois à attribuer aux Sels la folidité des Corps; mais on fait que la dureté ou la ténacité du mortier eft due principalement à l’union de la matiere {alino - terreufe de la Chaux, avec l'Eau & le Sable,
76 CONTEMPLATION
les doivent aux Sels, qui, diflous & charriés par un liquide, & unis à quelques matieres étrangeres , compofent ces mafles pyramida- les (12).
(12) tt Il n’eft point du tont néceffaire de recourir aux Sels, pour rendre raifon de ces différentes cryftallifations. Ii fuffit d'admettre, que les molécules intégrantes des fubftances qui fe cryftallifent, ont originairement des figures plus ou moins régulieres, en vertu defquelles elles font propres à for mer par leur réunion des Touts plus ou moins réguliers. On nomme Affnité cette force fecrete , qui tend à réunir les molécules de même genre ou des genres les plus voifins; & cette Force eft la même qui régit le Syftème des Cieux. La figure des molécules influe peut-être fur les effets de l’at- traction au contact. La cryftallifation des Sels eux-mêmes dé- pend de ces caufes.
Il femble que les grandes opérations de la Nature fe ré- duifent à deux principales, l’organifation & la cryftallifation. Par-tout où elle n’organife pas, elle cryftallife. Mais fouvent elle déguife également l’organifation & la cryftallifation : auf eft-il arrivé plus d’une fois qu’on a pris pour fimplement cryftallifés des Êtres réellement organifés , & pour organifés, des tres qui n’étoient que cryftallifés. On fait que ces deux claffes d'Étres different fur - tout par leur origine , & par la maniere dont ils croiflent. Les Étres organifés proviennent d'un germe où toutes leurs parties effentielles font concen- trées, & ils croiffent par snéus -fufception. Les Êtres cryftal- lifés croiflent par l'appofition fucceflive de certaines molécules de figure déterminée , qui fe réuniflent dans une mafle com- mune. Ainfi, les Étres cryftallifés ne croiffent pas propre- ment; mais ils accroiffent : ils ne font pas préforimés ; mais ils £e forment journellement. Cette belle Matiere a égaré des Na
turalites célebres : j'en traite ailleurs affez au long. \
DE LA NATURE. Part. IL. JY
Les Pierres, dont les efpeces font fi nom- breules , nous offrent des mafñles de toutes fortes de figures, de couleurs, de grandeurs , & de confiftance , fuivant la diverfité des li- quides , des Terres, des Soufres, des Parties métalliques, des Sels, des Lieux, & des au- tres circonftances qui ont concouru à leur for- mation.
Les unes font de la tranfparence la plus par: faite, & celles-là paroiffent être les plus fim- ples. Les autres font plus ou moins opaques, felon que leurs principes font plus ou moins hétérogencs , plus ou moins mélangés ( 13 ),
(13 ) ft Les Pierres ne font proprement que des Terres en mafe ; elles peuvent donc fe divifer, comme les Terres, en vitrifables , calcaires , argilleufes, &c. Les Pierres vitri- fiables font les plus dures & les plus pelantes , elles rendent de la lumiere par leur frottement réciproque’, & font feu avec l'Acier. Toutes font indiflolubles a les Acides' 5 & ne fe fondent pas fans addition,
Les Pierres qu'on nomme précieufes , occupent le premier rang parmi les Pierres’ vitrifiables, & leur eryftallifation eft très - apparente. Le Diamant , la plus précieufe de ces Pierres , eft la plus pure, la plus diaphane, la plus- dure de toutes, & n'eft pourtant pas celle qui réfifte le plus à l’aétion du Fen, On l’avoit cru apyre , & l’on s’étoit trompé. Des expériences très- modernes & bien faites, ont paru prouver que ke Dia. mant eft comtbuitible , qu’il s’enflamme & fe diffipe, & qu'it femble participer à la fois de la nature pierreufe & de la nee
239 CONTEMPLATUON
ture métallique. C'eft au moins le fentiment d’un Chymifts célebre, M. BAUMÉ.
Le Rubis, la Topaze, l'Hyacinthe , le Saphir , le Grenat ; &c. , font d’autres Pierres précieufes , différemment colorées, qui approchent plus ou moins du Diamant par leur dureté. Le Cryftal de Roche, dont on trouve des maffes du poids de plufieurs quintaux, eft la plus commune des Pierres précieu- fes, & la. moins dure de toutes. Il affecte ordinairement la figure d’une pyramide à fix côtés. Le vrai Diamant ou le Dia- mant Je plus dur préfente un oétaëdre.
. C'eft par le mélange de matietes métalliques ou minérales avec la fubftance cryftalline, que la Nature pare les Pierres précieufés des plus riches couleurs.
Parmi les Pierres vitrifiables ou ignefcentes , communes, on compte la Roche proprement dite , le Caillou, le Grès 2 le Jafpe , l'Agathe, le Quartz, le Porphyre, &c.
Le profond BERGMAN, qui à plus creufé qu'aucun Chy- mifte dans l’analyfe des Pierres précieufes & des Cryftaux, a trouvé.,.que leurs principes prochains étoient la Terre ar- gilleufe , la Terre vitrifiable , la Terre calcaire & le Fer. Les deux premiers principes font les plus abondans, & ceux qui varient le plus. Le Fer «ft le principe des couleurs, & c'eft par fon phlogiftique qu'il colore. Le Cryftal & les au- tres Pierres analogues , telles que le Grenat , le Quartz, &c. ne different des Pierres précieufes,, que par la propottion plus ou moins grande de la Terre vitrifiable. Mais le Diamant en differe par un caractere beaucoup plus frappant, & qu’on n’avoit pas foupçonné. Quoique le plus dur de tous Les Corps que nous connoiffons , il eit deftruétible à un feu médiocre, & fi on l'y pouffe, non-feulement il diminue de volume, mais il brüle & s’enflamme, & traité dans des vaifleaux elos, il donne une forte de fuie. Le Rubis ne fait que fe ramollir un peu au foyer du Miroir ardent,
DE LA NATUREPatIl #ÿ
Le Granit , cette Pierre en apparence aggrégée , fi généra« lement répandue en grandes mafles dans notre Globe , & dont les Montagnes primitives font principalement formées, ap« partient encore à la clafle des Pierres vitrifiables, & doit être placé au nombre des plus dures, ou de celles qui réfif tent le mieux à l’injure des temps. Cela eit vrai fur - tout du Granit oriental. La compofition de cette Pierre eft fingu- liere : elle eft formée d’une multitude de grains de Quartz, de Mica, &c. différemment colorés dans les différentes efpe. ces de Granits, qu'on diroit liés fertement les uns aux au< tres par une forte de pâte ou de ciment particulier , & c’eft cette compofition fi remarquable, qui a fait donner à cette Pierre le nom de Granit.
Les Pierres calcaires, moins dures & moins pefantes que les Pierres vitrifiables, fe laiflent pénétrer par l’eau & dif. foudre par les Acides, avec lefquels elles font efervefcence. Elles font fufceptibles de cryftallifation , comme les Pierres vitrifables; mais j'ai déja dit que la cryftallifation étend fon domaine dans tout le regne minéral , quoique nous ne parve- nions pas à la déméler par-tout.
Le beau Marbre blanc tient le premier rang entre les Pierres calcaires ; car il eft regardé comme la plus pure & la plus homogene de ces Plantes. La Pierre à Chaux proprement dite, certains Spaths, l’Albâtre , les Stalactites, &c. font dif. férens genres de Pierres calcaires.
Il eft encore des Pierres argrlleufes , telles que les Ardoïifes, les Schifkess , les Roches de corne , les Tales, @c.; & des Pierres gyp/eufes, telles que le Gyps, certaines Sélénites, la Pierre de Bologne, &c.
Toutes les Pierres font eflentiellement formées de Terre,
charriée par unliguide, qui, en s’évaporant peu-à-peu, donne lieu au rapprochement plus oÿ moins lent des molécules ter-
Se ©“ CONTEMPLATION
teufes, que leur attraction mutuelle tend à réunir dans nn6 même maffe. Le liquide qui charrie les molécules, n’en eft pas feulément le véhicule, il en eft encore jufqu’à un certain point le lien; oar elles en retiennent plus ou moins dans leur aggré=
gation.
En imitant ici la Nature, l’Att nous découvre le fecret de Ia Nature. Avec de l'Argille pulvérifée & un peu d'eau, il fait des Cailloux fi durs, qu'on a peine à les cafler avec le mar- tean. Il fait plus encore ; il fait imiter les Pierres précieufes, en mélant habilement par la fufion certaines Terres avec des
Maticres métalliques.
CHAPITRE
DE LA NATURE. Part. III gr
nd)
ER ——— ——— ——
CHAMBRE 0 SV:
Paflage des Solides bruts , ou non organifés , aux Solides organifés.
Les Pierres feuilletées, Les Pierres fibreufes.
LR apparente des Pierres feuil- letées, ou divifées par couches, telles que les Ardoifes, les Talcs, &c. ceiles des Pierres f-
breufes , ou compofées de filamens , telles que les Amianthes , femblent conftituer des points
de pañlage des Etres folides bruts, aux folides organifés (1).
(x) tf Le Tale, que les Méthodiftes rangent dans la claffe des Pierres argilleufes , eft compofé de lames ou de feuillets membraneux, courts, brillans & gras au toucher.
L'Amianthe fe range encore parmi les Pierres argilleufes. Elle eft compofée de filamens , affez fouvent foyeux , tantôt difpofés parallelement , tantôt entrelacés les uns dans les autres. L'Amianthe eft la plus légere de toutes les Pierres; car elle Aotte fur l’eau. On peut la filer & en faire de la toile; & fi elle eft bien pure, elle réfifte à l’action du feu ordinaire, qu ne fait que la blanchir.
Tome L F
2 CONTEMPLATION
Îz faut pourtant convenir , que cette tran- fition n’elt pas aufli heureufe que celle qui s’ob- ferve dans plufieurs autres clalies d’Etres terref- tres : la Nature femble faire ici un faut; mais ce faut difparoïitra, fans doute, loïfque nos con- noiffances auront acquis plus d’étendue & de
précilion (2).
(2) H Le Savant DoNATI, un des plus célebres martyrs de l'Hiftoire Naturelle, qui adinettoit, comme moi, une grada tion entre les Êtres naturels, penfoit avoir découvert un des liens qui uniflent le Minéral au Végétai. Il le tronvoit dans cette Produétion marine, de nature tartareute , qu'il nomme
More pierreufe.
I n’envifageoit pas la progreflion des Êtres fous l'image d'une Chaine : il croyoit qu’elle devoit étre cnvilagée plutôt fous l'image d’un Réfeau , dont tous 1:s fils s’uniflent les uns aux autres. C’eft dans l'excellent Æj'a Jur © Hifloire de la Mer Adriatique , qu’il faut voir les idées de cet habile Naturalifte fur la gradation des Êtres. La mature de mon Ouvrage m'incer-
dit toute difcuflion.
DE LA NATURE. Part. IT. 83
CH PR PEME NE RE TV
Deux clafes de Solides organifés. Dificultés de diflinouer ces deux clafes.
z.. Solides organifés fe divifent en deux clafles générales : celle des Végétaux, & celle des Animaux.
IL n’eft pas facile de dire précifément ce qui diftingue ces deux clafes. On ne voit pas net- tement où finit le Végétal, & où commence PAnimal. Et c’eft-là une fuite de la gradation que PAUTEUR de la Nature a obfervée dans fes Ouvrages.
Ni le plus ou le moins de fimplicité dans lorganifation 3 ni la maniere de naître, de fe nourrir , de croître & de multiplier 3 ni la fa- culté loco - snotive, ne fourniflent des caracteres
fuffifans pour différencier ces deux ordres d'Etres. Q
IL y a-des Animaux dont la firucture paroit auff fimple que celle des Plantes. F 2
a : ONC'ON TE MPLATI.O N
CE que la Graine & le Germe font à la Plante, l'Oeuf & lPEmbryon le font à Animal.
La Plante & l’Animal croiflent également par un développement infenfible ; que la nutri- tion opere.
Les matieres recues dans l’une & dans l'autre par intus - fufception , y fubiflent des préparations analogues. Une partie revêt la nature de la Plante ou de l’Animal , le refte eft évacué.
IL eft chez les Plantes comme chez les Ani- maux une diftin@ion de fexes ; & cette diftinc- tion y eft fuivie des mèmes effets efflenciels qui l'accompagnent dans ces derniers.
PLusreurs Efpeces d’Animaux multiplient de bouture & par rejettons.
ENFIN , onen connoît qui, comme les Plantes , paflent toute leur vie fixés à la mème place.
7
S'iL eft un caractere qui paroifle propre à
PAnimal , c’eft d’ètre pourvu de nerfs. Mais,
; | ;
DE LA NATURE. Part, III S$$
quelque diftindif que femble ce-caraétere, on ne, fauroit affirmer fans témérité, qu’il foit exempt d'exception (1 ).
C1) tt C'eft qu'il pourroit fe trouver dans la Plante de# parties qui, fans étre femblables aux nerfs des Animaux, feroient néanmoins capables de fonétions analogues. Je traite ailleurs plus à fond de la queftion , fi les Plantes font infen- fibles. J'ajoute , qu'on ne découvre pas des nerfs dans tous les Animaux : on n’en découvre point, par exemple, dans les nombreufes familles des Polypes, & pourtant les Polypes font de vrais Animaux. Mais fans doute qu’ils ont des organes analogues aux nerfs , & appropriés, comme ces derniers, au fentiment.
&é :CONTÉMPLATION 5 à CHAPITRE VIL
ae
De ovelijnes Efpeces dé Plantes, dônt ln forme Seloisue beaucoup de celle qui eff propre aux Plantes les pus connues.
1. Plante qui paroîït occuper l'échelon le plus bas des Végétaux, eft une petite mafle informe, ôù l'œil n’appercoïit qu'une forte de marbrure:, fans aucune partie diftincte. Cette Plante eft
la Truffe , dont le microfcope découvre les Graines (1).
(1) tt Le Byffus, dans lequel an ne découvre ni racines , ni feuilles, ni fleurs, ni graines , & qui ne fe montre que fous la forme de filets très-déliés, tantôt fimples , tantôt ramifés, & fouvent articulés, paroïit bien plus dégradé encore que la Truffe, & tenir de plus près aux Minéraux. Ce que fon inté- rieur offre de plus remarquable, coufifte dans un aflembiage de veficules qui fembient difyolées avec une forte de réguia- rité. On fait que cette Plante fi finguiere eft aquatique, & qu'elle fe reproduit par la féparation ou La divifion naturelle Ge fes filets ou aïticulations. On peut la multiglier par art, de la mème maniere. Ces filets, confervés au fec pendant des mois ou des années, ne perdent point la facilité de végéter, & l'efpece de réfurreétion de cette Plante a bien du rapport avec colle des Anguilies du Bled rachitique , & du Rotifere. Ce tapis verd qui recoxvre fouvent ie baflin des fontaines & le fond des marres & des étangs, n’eft qu'un amas immenfe de file- mens de Byfus, satrelacés de mille & mille mauieres , & qui
DE LA NATURE. Pœt.lIlI. 87
À peu de diftance eff la nombreufe famille des Champignons & des Agarics, qu'on prendroit pour différens genres : d’excroiflances , fi l'œil armé d’un verre ne découvroit fur leur exté. rieur , dans leurs lames , ou dans leurs cavités, des fleurs & des graines (2).
s’élevent enfnite à la furface de l'eau qu'ils recouvrent de même d'un tapis verd. On peut juger par -fà de la prodigieufe multiplication de cette Plante. La 7reselle appartient au genre des Byflus. Mais les mouvemens, en apparence fpontanés, que préfentent fes &lets rompus , donnent lieu de foupconner qu'elle appartient plus au Regne animal qu'au Regne végétal. Elle uniroit donc plutôt le Vegétal à l'Animal, que le Végétal au Minéral.
La Truffe, cette Plante fi bien déguifée, qui naît, croit & fruétiñie dans la terre fans jamais en fortir, ne préfente qu'une tète arrondie, où l’on ne découvre aucun des carac- teres par lefquels les Plantes nous font connues. Cet étrange Végétal, qui n'a ni racines, ni tige, ni feuilles, & qu’on pren- droit pour une petite motte de terre , eit recouvert d’une écorce érofere, raboteufe & comme mamelonnée. Il eft inté- rieurement charnu, marbré ou veiné, & garni de petites cap- fules véficulaires, qui renferment trois à quatre grains ovoïdes, qui font les graines de la Plante. Ces caplules des graines font difféminées dans la partie brune de la marbrure. L'intérieur de la Truffe ef d’abord entiérement blanc : la marbrure ne naît que par degré. GEOFROY foupconnoit que les veines blan- ches étoient des vaiffeaux.
(2) f Les graines des Champignons font bien prouvées : on en découvre dans prefque toutes les Efpeces de Champi- gaons. Elles font attachées à leurs feuillets ou aux mailles
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V4
88 C'OANA TE MNEUINANT T° ON
Les Lychens, non moins nombreux en efpe- ces que les Champignons , les touchent de fort près. Ils rampent fur la furface des pierres, des
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de leur réfean, ou logées dans leurs cavités tubulaires. Mais l'exiftence des fleurs n’eft point aufli certaine , malgré les affertions de Micxezt. De grands Botaniftes , tels que les Jussieu & les HALLER , ne croient point à ces fleurs re- préfentées & décrites avec complaifance par le Botanifte Ita- lien, & qui ont échappé à toutes leurs recherches. Cepen- dant , puifqu'il eft très - certain que les Champignons font pourvus de graines, il fembleroit probable qu'ils ne font pas entiérement dépourvus de fleurs, ou d'organes analogues aux feuts.
La Famille des Champignons eft fort nombreufe , & pré: fente une multitude de variétés que le Naturalifte Philofophe regrette de ne pouvoir approfondir autant qu’elles demande- roient à l'être. I en eft de très-jolis, qui ne reflemblent pas mal à de très- petits verres à boire, & qui font connus des Botaniftes fous le nom Latin de Pefrxe, qui multiplient pro- digieufement. Ce font eux qui ornent la terre dans les Automnes pluvienfes. Ils femblent naître de la deftruétion des feuilles & des fruits. ls parent la furface des terreins par la vivacité de leurs couleurs, & par la variété de leur ftruéture. Les couleurs dont ils brillent ne le cedent point à celles des véritables Fleurs,
& offrent des nuances qui leur font propres, & qui font Enrore à
relevées par le duvet velouté & très - agréable qui couvre la furface du Champignon.
D'autres Champignons , de la famille des Clavaires , offrent un petit fpeétacle très - amufant : ils lancent au loin des jets paraboliques d’une pouflicre très- fine, qui eft prebablement leur graine : ce font en queiqne forte de très - petits mortiers qui projettent à la fois une multitude de bombes aflorties à
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DE LA NATURE. Part.III. 89
bois fecs, des Arbres, &c. tantôt fous la forme de taches brunes, tantôt fous celle de plaques circulaires , de couleur grife ou jaune, compofées de petites écailles ou de petites galles, ou décou- pées en maniere de franges, de dentelles, &c. De petites capfules renferment les graines , in- vilibles à la vue fimple, ainfi que les fleurs ( 3 ).
Les Moifidures femblent placées entre les Champignons & les Lychens. Elles aiment l’om- bre & lhumidiré, & s’attachent à diHérentes efpeces de Corps. Les filamens , fouvent coton-
leur petiteffe. Il eft même des Champignons, qu'on a nommés Charpignons à mortier, parce que dans les temps humides ou pluvieux, leur tête s'ouvre & projette de petites balles avec un bruit pareil à celui d'une chiquenaude.
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(3) tt Les Zychens fe propagent encore par les lames on membranes , qu’ils pouffent de tous côtés, & qui, comme les rejettons du Polype, peuvent végéter à part, & donner autant de nouveaux Touts individuels. Un KNaturalifte moderne, qui S'eft beaucoup occupé de la multiplication des Lychens , a ob- fervé que leurs rejettons fe montrent d’abord fous l’afpeét d’uge
= pouflere, qui prenant peu -à - peu plus de confiftance, revèt la forme propre à l'Efpece. Le vent emporte cette poulliere, & la répand fur tous les Corps. De-là cette multiplication prodi- gieufe qu'on obferve dans les Lychens. Ces taches noires ou brunes qui faliffent fouvent la pierre de taille de nos Hdifices, ont de quoi intérefler le Naturalifte, puifqu'elles font au vrai des amas de Plantes microfcopiques , qui appartiennent à la Famille des Lychens , & dont une petite Chenilie induftrieufe fait fa nourriture.
90 CONTEMPKATION
neux, qu'elles pouflent , portent des fleurs & des graines (4 ).
C4) tt Les Aoi/ffures font nne des parties les plus intéa tes à de cette Botanique microfcopique , que nous devons à l’heureufe invention des verres. Ces Plantes en miniature femblent étre au Regne végétal, ce que les Animalcules des infufons font au Regne animal. On les regardoit autrefois comine des productions informes @& fortaites de la pourriture, & ce n’a point été fans une agréabte furprife qu'on les a vu prendre ieur place dans la grande Échelle des Êtres organifés , & nous offrir les caracteres les plus eflentiels de la nature végétale.
Les Moififlures les plus connues font en effet dé véritables Plantes, qui ont leurs racines, leur tige, leurs branches , leurs graines, Elles naiflent , croiffent & fruétifient fur toutes les fubflances organifées qui commencent à fe corrompre, on qui retiennent une certaine humidité. Leur vie eft courte, & il ne leur faut que quelques heures en Été , pour parvenir à leur parfait accroiffement & propager l’efpece. Elles ont d'abord la blancheur de la laine & du coton, auxquels elles reffemblent par leurs filamens : elles jauniffent peu-à-peu, noirciffent enfin, & cette noirceur annonce l’âge de maturité. Les unes font fim- ples ; les autres ramifiées. Au fommet de la tige & des rameaux eft une petite tête, tantôt fphérique ou ovoide, tantôt hémif- phérique & faconnée à la maniere de celle des Champignons. Il paroît même que les Moiñlures font de vrais Champignons , mais dont le pedicule ef exceflivement alongé. Les têtes font autant de capfules ou de boîtes pleines d’une multitude innom- brable de très- petits grains, de couleur noire, qui font les fe. mences de la Plante. Dès que les cap£ules viennent à être hu- meéées , elles s'ouvrent & laiffent échapper la pouflicre proli- fique. Il ne feroit plus raifonnable de douter fi cette poufliere eft bien une véritable femence : un des plus chers favoris de la Nature a appris d'elle-même, qu'on peut en enfemencer un
DE LA NATURE Part. II 6x
Les Produétions que nous venons de par- courir, n’ont que le degré de perfection nécef- faire pour les retenir dans la clañle des Végé. taux. Ce font des Plantes, en quelque forte imparfaites , comparées à celles qu’on connoit plus généralement. Celles - ci habitent propre- ment l’intérieur de la région des Plantes : cel. les - là n’en occupent, pour ainfi dite, que les frontieres , du côté des Foffiles.
morccau de pain humecté , ou une côte de Melon, comme on enfemence un champ; je veux dire, que fi l’on répand fur ces corps une certaine quantité de la poufliere noire des Mo:ff{u- res, ils fe couvriront beaucoup plus abondamment de ces Pian- tes microfcopiques, que de femblables corps qui s’auront point été enfemencés par art.
Rien de plus délicat en apparence que les Moififlures : un léger attouchement ies offenie, & un zéphi: eft pour ciles une tempête. Combien eft-il donc étonnant que leurs sraines fou tiennent la chaleur d’un brafier ardent, fans perdre la facuité germinatrice, & même fans que leur forme ni leursdimenfons en foient aîtérées ! Eiles font donc fufceptibles d’une très-longue confervation, peut-être de pificurs fiscies ; & comment s’é- tonner , après cela ,que ces petites Plantes fi fingulieres mul tiplient par-tout avec tant d'excès!
92 CON FE M PA TI O N
NE CHAPITRE :V PE Des Plantes en général.
Le Plantes compofent trois Peuples fort diftindts.
Les Sujets du premier, la plupart de fort petite taille, d’une conftitution délicate , lâche, & abondante en humeurs , ne vivent que peu de temps : une année eft ordinairement le terme de leur vie.
Les Sujets du fecond Peuple , la plupart de taille gigantefque , d’un tempérament robufte , durs & moins chargés d’humeurs, vivent plu- fieurs années & mème plufieurs fiecles.
Les Sujets du troifieme Peuple tiennent le milieu entre les Sujets du premier & ceux du fecond.
Les Herbes font ce premier Peuple; les Ar= bres le fecond ; les Arbriffeaux le troilieme.
CEs trois Peuples , répandus fur toute la fur:
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DE LA NATURE. Pat. III. 93
face de la Terre, y vivent confondus : mais il regne dans les différentes clafles de leurs Sujets, une diverfité prefqu'infinie de grandeur, de figures, de couleurs & d’inclinations.
Tous ont de commun de pañer leur vie dans la plus parfaite immobilité. Attachés à la terre par différens genres de liens , ils en tirent leur principale nourriture ; & chez eux vivre, c’eft fe développer.
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Vue de l'extérieur des Plantes.
. racines , la tige, les branches, les feuilles, les fleurs & les fruits , font ce que l'extérieur des Plantes offre de plus remarquable.
Les racines, à l’aide de leurs diverfes efpeces de pivots , de tubérofités & de ramifications, tiennent la Plante fixée à la terre, pendant que leurs pores fe gorgent du limon très-fin, que l’eau diflout & charrie avec elle.
DE la racine séleve la tige, à laquelle la
94 CON T E MEN TT'O N
Plante doit en partie fa force & fa beauté. Tantôt façonnée en maniere de tuyau, la tige eft fortifiée par des nœuds habilement ménagés.
antôt trop foible pour fe foutenir par elle- mème, elle fait s’entortiller autour de quelque ‘appui folide , ou s’y cramponner à l’aide de pe- tites mains. Ailleurs c’eft une forte colonne qui porte dans les airs une tête orgueilleufe , & brave l'effort des tempètes.
Les branches s’élancent, comme autant de bras, hors du tronc ou de la tige, fur laquelle elles font diftribuées avec ‘beaucoup de régu- larité. Elles fe divifent & fe fous - divifent en piufieurs rameaux, toujours plus petits, & les fous - divifions fuivent le mème ordre que les divifions principales.
Les feuilles, cette riante parure des Plantes, font arrangées autour de la tige & des branches avec la mème fymmétrie. Les unes font fim- ples , les autres font compolées, ou formées de plufeurs folioles ou feuillets. Les unes font tout unies, les autres font dentelées. Il en et de fort minces, de fermes, de molles, de char- nues , de lides, de raboteules , de velues , de rafes, &c.
DE LA NATURE. Part. Ill. 9s
Les fleurs, dont le brillant émail fait une des principales beautés de la Nature, ne fe diverffient pas moins que les feuilles. Les unes n'ont qu’une feule feuille ou pérale, les autres ont plufeurs pétales. Ici c’elt un vafe qui s’ou- vie avec grace. Là, c’eft une efpece de gro- tefque , qui imite la figure d’un mufeau, d’un cafque , ou d'un capuchon. Plus loin, c’eft un Papillon, une étoile, une couronne , un foleil rayonnant. Les unes font éparfes fans art fur la Plante, les autres ÿ compolent des bouquets, des globes, des aigrettes, des guirlandes, des pyramides , &c.
LA plupart font revètues d’un ou de plu- fieurs calices , tantôt fimp'es & unis, tantôt compolés de plufieurs pieces , ou découpés pro- prement.
Du centre de la fleur s’élevent une ou plu- fieurs petites colonnes unies ou cannelées, ar- rondies par le haut, ou terminées en pointe, nommées p/fils , qu’environnent ordinairement d’autres colonnes plus petites, nommées éfa- mines. Celles-ci portent à leur fommet des efpe. ces de véficules ou de caplules, pleines d’une pouffiere extrèmement fine, dont chaque grain, vu au microfcope, paroït avoir une figure très.
96 CUO"N T E'M'PL APTAI O NA
réguliere, mais qui varie fuivant l’efpece. Dans les unes ce font de petits globes tout unis: dans d'autres ils font hérifés de piquans, comme enveloppe d’un marron : ailleurs ve font de petits prifmes, ou quelqu’autre corps régulier.
Mais comment exprimer la finefle du tiffu, la vivacité , la délicatefle & la variété des nuan- ces, qu’accompagnent encore , dans beaucoup d’efpeces de fleurs , la douceur & l’agrément du parfum ?
AUX fleurs fuccedent les fru'ts & les graines : décoration magnifique ; précieufes richelles , qui réparent les pertes que l’intempérie des faifons & les befoins de l'Homme & des Animaux oc- cafionent aux Plantes.
Tous les fruits & toutes les graines ont ceci de commun, qu’ils renferment fous une ou pluficurs enveloppes , le Germe de la Plante future. Les uns n’ont que les enveloppes qui recouvrent immédiatement le Germe, dont l’ex- térieure elt la plus forte : & parmi ceux-ci, il y en a qui font pourvus d'ailes, d’aigrettes, de panaches , &c. au moyen defquels ils na- gent dans l'air .ou dans l’eau, qui les tranfpor-
tent
DE L'4 NATURE, Parf.lll. 97
tent & les fement ainfi cà &là. Les autres font mieux revètus.: les uns {ont placés dans des gaines ou filiques : d’autres font renfermés dans des efpeces de boîtes à une ou plufieurs loges : de troifiemes, fous une chair délicieufe, re levée encore par la beauté du coloris, cachent un noyau où un pepin : d’autres font renfer- més dans. des coques armées de piquants , ou abreuvées d'un fuc amer, ou garnies d’une bourre très-fine. |
Les formes extérieures des fruits & des graines n’offrent pas moins de variétés que celles des feuilles & des fleurs : il n’eft prefque aucun genre de figures, dont ils ne fourniflent des exemples.
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LE €] CRETE ETS LE TU
Vue de l’intérieur des Plantes.
UATRE ordres de vaifleaux compofent l'in: térieur des Plantes ; e s fibres ligneufes, les ütricules , les vafes propres, & les trachées (r).
(zx)+t Je ne voulois pas dire qu’il n'y a dans les Plantes que ces quatre ordres de vaifleaux, ou d'organes deftinés à
Tome I. G
o$ CONTEMPLATIOX#
Les fibres ligneules font des canaux très fins , couchés fuivant la longueur de la Plante, & compofés de petits tuyaux mis bout à bout. Tantôt ces vaifleaux marchent paralleles ; tan- tôt ils s’écartent , & laiflent entreux des in- tervalles ou aires oblongues (2 ).
CES aires font remplies par les utricules, æefpeces de véficules membraneufes , pofées ho- xizontalement , & qui communiquent entrelles.
Les vafes propres font un genre de fibres ligneufes, qui different principalement des au- tres par leur fuc, qui eft plus coloré ou plus épais (3 D. recevoir , à diftribuer & à préparer les fucs nourriciers. L’ine térieur de la Plante peut renfermer bien d’autres organes re- latifs à ces différentes fins, & que les Botaniftes ne font pas
encore parvenus à découvrir. L’Anatomie des Plantes n'a pas encore été aufli perfeétionnée que celle des Animaux.
(2) tt Lesfibres ligneufes ou vaiffeaux lymphatiques , qui s’obfervent à l’œil nud dans le corps de la Plante, font des faifcéaux de vaifleaux plus déliés, qu’on parvient à féparet. au microfcope.
(3) tt Les vaifleaux propres font ordinairement plus gros, & moins nombreux que les vaiffleaux lymphatiques , & ar tangés circulairement autour de l’axe de la tige & des bran- Chés. Le fuc coloré, odorant , favoureux, & plu ou moins
DE LA NATURE. Pæt.lll. 99
AU milieu ou autour d’un faifceau de fibres ligneufes, s’obfervent des vaiffleaux moins étroits, formés d’une lame argentée & élaftique, rou- lée en fpirale, à la maniere d’un reflort à bou din ; ce font les trachées. Elles ne contiennent pour l'ordinaire que de l'air.
En
CHAPITRE XI
73
Des couches concentriques des Plantes.
2 quatre ordres de vaifleaux répandus dans toutes les parties du Végétal, proportionnelle. ment à la nature ou aux fonétions de chacune, compofent , du moins dans les Arbres & les Atbrifleaux , trois couches principales & con centriques , l'écorce , le bois & la moëélle.
épais, qu’ils laifent épancher quand on les coupe, les fait aifément reconnoître, Ce fac, blanc dans le Figuier , rouge dans l’Artichaut, jaune dans l’Éciaire, gommeux dans le Ce: riler , réfineux dans le Pin , &c. eft plus abondant dans l'écorce que dans le bois : de -là les propriétés ou les vertus qui caraéérifent fouvent celle-là. IL eft mème bien proba-+ ble, que c’eft de la nature particuliere de ce /uc propre , ana logue au chyle ou au fang, que les qualités de chaque Plante dépendent originairement.
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Zoo -C.0:N TE MPLVA T I: ON:
L'Ecorce , enveloppe extérieure.des Plantes ; unie, rafe, luifante dans les unes , raboteufe'; cannelée, velue , ou épineufe dans les autres, elt formée des fibres les plus larges , les moins preflées, & qui laifent entr’elles de plus gran. des aires.
LE bois, placé au-defflous de l’écorce, a, au contraire, fes conduits plus étroits, plus rap- prochés, fes aires plus petites, fes utricules moins abondans, ou moins dilatés , & il a feul des trachées.
La moëlle , fituée au cœur de la Plante , n°eft prefque qu’un amas d'utricules , plus grands ou plus renflés que ceux de l'écorce & du bois. Ils diminuent , fe deffechent ou s’effacent à mefure que la Plante avance en âge.
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D EL A: NATURE: Part.IIl. xor EE—— Ye = CEA IR ER E XI
Effets qui réfultent de l'organifation des Plantes.
| ss fimplicité de l’organifation des végétaux elt apparemment la principale fource des phé- nomenes que nous offrent leurs diverfes ma- nieres de multiplier.
UXE Plante poufle de tous les points de fa furface, des bourgeons : ces bourgeons font eux-mêmes des Plantes : coupés & mis en terre, ils y prennent racine , & deviennent des Touts, tels que celui dont ils faifoient auparavant partie.
LE moindre rameau , la moindre feuille, peuvent donner naïffance à de pareñs Touts.
Des rejettons de différentes Piantes, inférés dans la tige où dans les branches d’une autre Plante , s’y incorporent, & ne forment plus avec elle qu'un mème Corps organique ( 1 ).
(x) tt Ce n’eft pas uniquement à la fimplicité de l’orga. uifation des Plantes, qu’il faut rapporter les effets que je.
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x02 CONTEMPLATION
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CHAËTERE A EEE
| Paffage des Végétaux aux Animaux. La Senfitive: le Polype a bras.
L: timide Senfitive fuit la main qui l'ap- proche; elle fe replie promptement fur elle. mème; & ce mouvement, fi reflemblant à ce qui fe paîñle alors chez les Animaux , paroït faire de cette Plante un des liens qui uniflent le Regne végétal au Regne animal ( 1 ).
viens d'indiquer : ils dépendent encore de la forte d’'nnifor- mité de cette organifation. Chez les Plantes , comme chez ces Animaux qui multiplient de bouture & par rejettons, les parties effentielles à la vie font répandues prefque uniformé- ment dans tous le fyftéme organique, & l’on retrouve en petit dans un rameau ou dans une fimple feuille , les mêmes vaifleaux , les mèmes enveloppes qu’on obferve dans la tige & dans les branches. Ce rameau, cette feuilie, peuvent donc faire par eux- mêmes de nouvelles produétions.
(1) tf Les feuilles de la Senfitive font compofées ou for mées de plufieurs folioles. Elles s'ouvrent pendant le jour, & fe ferment à l'approche de la nuit. La tige poûffe de menus rameaux, qui en pouflent eux-mêmes de plus petits.
Les mouvemens de contraétion s’obfervent dans les rameaux, comme dans les fcuilles. Un ramcau peut fe plier -indépen-
DE LA NATURE. Pal.lIll. 103
Ux peu au-deflus de la Senfitive, j’appercois dans une efpece de calice, au fond de l’eau,
“amment d’un autre, & une foliole indépendamment de {es voifines. Mais fi la commotion qu'on excite dans la Senfitive eft un peu forte, tous les rameaux & toutes les feuilles y participent, & fe contraétent aufli-tôt. Ceci rappelle à l’ef. prit les mouvemens analogues de la Mere-polype & de fes nombreux rejettons.
L'illuftre DUHAMEL a expérimenté , que les feuilles d’uæ Pied de Senfitive , renfermées dans une malle de cuir, re- eouverte d’épaiffes couvertures de laine , ne laifloient pas de s’ouvrir pendant le jour, & de fe fermer à l'approche de la nuit. Quelle n’eft donc pas la fenfbilité merveilleufe de cette Plante ?
L'Obfervateur a beaucoup varié fes expériences {ur ce Vé- gétal prefqu'Animal. En voici quelques réfultats.
Une fecouffe , une irritation produifent plus d’effets qu’une incifion , ou même qu'une feétion.
Une légere irritation n’agit que fur la partie qu’elle aFecte directement , & fur les parties les plus voifines. Une forte irritation porte plus loin fes influences, & d'autant plus loin qu'elle eft plus forte.
Tout ce qui peut produire quelqu’efet fur les organes des Animaux , agit {ur la Senfitive ; une fecouffe , une égratignure, la chaleur , ie froid , les odeurs pénétrantes, &c., toutes ces chofes agiffent fur la Senfitive.
La fubmerfion de cette Plante , ainfi que le vuide , ne font que diminuer fa vigueur ou rallentir fes mouvemens ; mais ils
G4
ici eONTEMPLATION
un petit corps tout fembiable à une fleur. Il fe retire, & difparoîit enticrement lorfque je
ne fufpendent pas entiérement fa fenfibilité, & l'on y obferve encore le jeu des rameaux & des feuilles.
Quand là Plante fe replie, ce n’eft point du tout par une forte de défaillance ; car elle eft alors dans un état de contrac- tion , aifé à reconnoitre: elle fe roidit mème de façon que fi
on tentoit de la remettre dans fon premier état en lui faifant
violence , on la romproit.
C'eft dans les articulations des rameaux, & dans celles des Feuilles & des folioles , que la fenfbilité paroïit avoir fon prin- cipal fiege. Elle Æ manifeite fur-tont dans un point blanc, qu'on apperçoit à l'endroit de l'articulation.
On trouve dans l'Amérique feptentrionale , une forte de Senfitive bien plus admirable éncore que celle de nos climats: car la Plante dont je veux parler fe faïfit des Infectes vivans, précifément comme le feroit un Animal qui vit de proie. L'Attrappe - mouche où la Dionaea- mufcipula , c'e le nom de cette Plante devenue célebre depuis quelques années, fe plaît dans les lieux frais & humides, & ne fruétifie que vers le trente-cinquieme degré de latitude nord. Ses feuilles, lon- gues de trois pouces, fur un & demi de largeur, diftribuées circulairement autour du collet, recourbées & charnues, font formées de deux picces principales , qui femblent articulées l'une avec l’autre. La piece inférieure eft une forte de pé- dicule applati, dont la forme imite celle d’un cœur fort alongé. A l'extrémité de ce pédicule eft la feconde piece ou la feuille proprement dite; & c’eft cette piece qui excite le plus l'attention de l'obfervateur. Elle eft formée de deux lobes flexibles , faconnés en maniere de palette ovale, & ‘bordés d’un rang d’épines roides, affez longues, & qui vont
DE LA NATURE. Part.IIT sos
veux le toucher. Il fort de fon calice, & s'é- nt lorfque j je le laille à lens: & que je m'en éloigne.
à la rencontre les unes des autres, quand les lobes ou les pa lettes fe rapprochent. Au centre de chacune font trois petits aiguillons , qui s’élevent perpendiculairement fur le plan de la palette. Enfin, celle-ci eft parfemée d’une multitude de petites glandes rouges, qui filtrent un fuc mielleux, très-pro- pre à attirer les Mouches.
* Je viens d’ébaucher la defcription des organes les plus re- marquables de la Dioncea : il faut maintenant les obferver en ation , & l’on croira voir un Animal qui chaffe aux Infeétes. A peine une Mouche s’eft- elle pofée fur une feuille , que les palettes fe rapprochent à l’inftant , faïififent le malheureux volatil , le ferrent de plus en plus , le tranfpercent de leurs épines , tandis que les aiguillons placés au centre des palettes, s’oppofent encore aux efforts qu'il{fait pour fe dégager. L’At- trape-mouche ne lâche point prife. La feuille, femblable à une bouche armée de longues dents pointues , demeure exactement fermée pendant que l’Infeéte y eft captif, & fi l’on vouloit la forcer à s'ouvrir pour rendre fa proie , elle fe romproit plutôt que de céder. Mais fi l'on parvient à la Iui enlever , fans lui faire trop de violence, les palettes s’écartei ront aufh-tot l’une de l’autre , & reprendront leur premiere Situation.
Je ne dois pas néanmoins le diffimuler : cette repréfenta- tion fi parfaite d’un Azimal carnivore, n’eit au vrai qu’une pure repréfentation. L’Attrape - mouche faifñit de Ir même ma- niere tous les petits Corps qui viennent à la toucher, & les retient aufli opiniatrement. On voit bien que les monvemens, en apparence fpontanés de cette Plante, ont, comme ceux de la Senfitive, quelqu’analogie fecrete avec les phénomenes de
te CONTEMPLATION
INCERTAIN fur ce que je dois penfer de Ja nature de cette production , je découvre à côté, un autre Corps de mème forme, mais
l'irritabilité ; mais c’eft à l'expérience à nous éclairer davan- tage fur un fujet qui tient de plus près qu'on ne penfe, aux parties les plus cffentielles de l’hiftoire de la végétation.
Quantité de Plantes herbacées & de Plantes ligneufes, font à quelques égards des efpeces de Senfitives. Leurs feuilles s'ouvrent pendant le jour, & fe ferment à l'approche de la nuit. On voit le même jeu ou un jeu analogue dans diffé- rentes Fleurs. Prefque toutes les Plantes femblent chercher la lumiere , languiffent , & fe déforment quand elles en font privées. Il en eft même qui fuivent le cours du Soleil. Les tiges &: les racines exécutent aufli des mouvemens qui ne femblent pas moins fpontanés que ceux des feuilles. Les unes & les autres affectent des directions conftantes , relatives à leurs fonétions particulieres, & lorfqu'un accident vient à changer cette direétion, elles favent la reprendre par un mou- vement qui leur eft propre, & qui a long -temps exercé la curiofité d'un Obfervateur. Les parties fexnelles de diverfes Plantes n’offrent pas en ce genre des particularités moins frap- pantes ; & parmi ces particularités, il en eft qui fe rappro- chent plus encore de ce qui fe pafle chez les Animaux.
Mais il eft un Être aquatique, que les Botaniftes rangent dans la claffe des Végétaux, & qui a des rapports beaucoup plus marqués avec l’Animal ; c'eft la 7>emelle, dont j'ai déja dit un mot. Ses filets, divifés en filets plus petits, fe plient & fe replient d'eux-mémes en divers fens, s’entortillent les uns dans les autres, fe féparent enfuite, pour fe rejoindre en« core; & ce qui eft moins équivoque, on les voit marcher ert avant ou en arriere, s'arrêter, reprendre leur courfe, ram-
er far le champ du microfcope, à la maniere de certains vers, & chercher la lumiere comme les Pclypes à bras.
DE LA NATURE. Paort.IIL 1xo7
plus grand , & qui n’eft point logé dans un fourreau Il eft porté fur une petite tige, dont l'extrémité inférieure tient à une Plante, & dont l'autre, inclinée vers le bas, fe divife en plu- fieurs petits rameaux.
JE me perfuade facilement que c’eft - là une lante parafite : & pour achever de m’en con- vaincre , je la taille à la moitié de fa longueur.
ELLE repoufle bientôt, & paroït telle qu’elle étoit auparavant. Je m’arrête à la confidérer. Je vois les petits rameaux s’agiter, & s’écendre au point d'atteindre à plufieurs pouces de dif tance. Ils font d’une finefle extrème , & s’écar- tent de tous côtés.
UX Vermifleau vient à pafler, & touche lé- gérement un de ces rameaux : aufli-tôt ce ra- meau s’entortille autour du Vermiffleau, & en fe raccourciflant il le conduit vers l'extrémité fupérieure de la tige. Là , je découvre une petite ouverture qui s'agrandit pour recevoir le Ver- mifleau. Il entre dans une longue cavité que renferme la tige: il y eft didous & digéré fous mes yeux, & je vois le réfidu refortir par la mème ouverture,
108$ CON ME AP L'ÆUTI O0 N
UN moment après, cette Production fingu… liere fe détache de la Plante, & fe met à mar- cher. Les rameaux, après avoir fait la fonction de bras, font encore celle de jambes.
À tous ces traits, je ne puis m'empècher de reconnoiître, que ce que je prenois pour une Plante parafite, eft un véritable Animal. Je vais obferver la portion que j'en ai retranchée, & je vois avec furprife, qu’elle a crû, & qu’elle eft devenue un Tout femblable à l’autre.
Maïs ma furprife augmente beaucoup, lorf- qu’au bout de quelques femaines , je trouve ces Animaux transformés en deux petits Arbres fort touffus.
Du tronc, que je reconnois pour le corps de lAnimal, font forties de part & d’autre plufieurs branches: ces branches en ont pouflé de plus petites; celles-ci, de plus petites en- core. Toutes s’agitent en divers fens, & alon- gent leurs rameaux, pendant que le tronc de- meure fixé à un appui. Cet affemblage furpre- nant ne forme qu’un feul corps ; & la nourri- ture que prend une des parties , fe communi- que fucceflivement à toutes les autres. Enfin,
DE LA NATURE. Pat.Ill. 109
cet aflemblage fe décompofe; chaque branche fe fépare , & va vivre en fon particulier.
PLEIN de ces merveilles, je partage un de ces Animaux felon fa longueur , jufques vers le milieu du corps. Bientôt, j'ai un Monftre à deux tètes.
JE réitere l’opération un grand nombre de fois , fur le mème fujet; & je donne ainfi naïf fance à une Hydre , plus étonnante encore que celle de Lerne.
Je partage plufieurs de ces Animaux tranf verfalement, & j'en mets les portions bout à bout. Elles fe greffent ou s’uniflent les unes aux autres, & ne compolfent plus qu’un feul Animal.
À ce prodige, j’en vois fuccéder un nouveau. Je tourne un de ces Infectes, comme on feroit un gant; je mets le dehors dedans, & le de- dans dehors. Il ne lui eft furvenu aucun chan- gement : il vit, croît & multiplie.
Ces Animaux qui multiplient de bouture & par rejettons; ces Animaux qu’on greffe &
tro CONTEMPEDATISO N
qu’on retourne , font les Polypes, s’il eft befoin de les nommer. ?
Les Efpeces en font fort diverffiées. Beaucoup ne changent jamais de place. Il en eft qui fe par- tagent d’elles - mêmes , felon leur longueur, & qui forment ainfi de fort jolis bouquets, dont les fleurs font en cloche. |
CE ———————_— ————— GA BITRIE XIV Réflexions [ur les Machines animales.
L regre une merveilleufe variété dans la conf truction des Machines animales.
ON en voit dans lefquelles le nombre des pieces eft fort petit : d’autres, au contraire, font fort compolfées.
ON ne trouve dans les unes que deux ou trois pieces femblables : d’autres en préfentent un plus grand nombre. F |
Ici , les pieces font travaillées fur un modele; là, ce font d’autres modeles, & d’autres pro- portions.
DE LA NATURE. Part.Ill. 12
Erin , les mêmes pieces font arrangées où combinées différemment en différentes Ma-
chines.
La perfection dans les Machines de la Na- ture, fe mefure, comme dans celles de l’Art, par le nombre des pieces, & par la diverfité des effets. Celle-là eft la plus parfaite, qui, avec
le moins de pieces , produit un plus grand nom- bre d’eftets.
Mai il eft, par rapport à nous, une diffé- rence confidérable entre les Machines naturelles & les Machines artificielles ; c’eft qu’au lieu que nous pouvons juger de celles-ci , par une com- paraifon exacte des forces & des produits, nous ne pouvons guere juger de celles-là que par les réfultats.
Ainsi nous jugeons plus de la perfection du Corps humain, par la diverfité & par l'étendue des opérations de l'Homme, que par infpec- tion des organes, que nous n’entrevoyons qu’en partie.
ET fi la perfedion corporelle répond à la perfection fpirituelle , comme il y a lieu de le penfer , l'Homme l’emportant fur tous les An&
.
txz MCONTEMPLATI ON
maux par lintelligence , l’emportera aufli par l’organifation.
D'ou lon peut conclure, que les Animaux dont la {truéture fe rapprochera le plus de celle de l'Homme, doivent ètre le plus élevés dans
l'échelle.
Le
CHAPITRE XV"
Réflexions fur le Polype.
D E tous les Animaux connus , le Polype eft celui dont la ftructure paroît devoir ètre la plus fimple, & fe rapprocher le plus de celle. des Plantes ; c’eft du moins ce qu’indiquent les pro- priétés qui lui font communes avec cette clafle d’Etres organifés. 14
CET Animal fingulier femble être tout efto- mac. Son corps & fes bras {ont formés d’un mème boyau, dont le tiflu eft par-tout d’une grande uniformité. Les meilleurs microfcopes n’y découvrent qu’une infnité de petits grains, qui {e teignent des matieres dont l’Animal 1e
nourrit. : CES
DAQLTAL N À TU RE \Part. TITI. 113
Ces grains feroiént-ils des efpeces d'ütricules 2 recevroient-ils les alimens par des conduits im- médiats ? les prépareroient- ils, & les tranfmet- troient-ils à d’autres vaiileaux ; qui les porte- roient dans les voies de la circulation ? y at-il. mème une circulation chez le Polype ?
Les divers genres de vaifleaux que la pre- miere conjecture fuppofe, & que leur finefle ou leur tranfparence peuvent nous rendre invifi- bles, doivent être logés dans l’épaifleur da tifu dont le Polype eft formé. Nous fommes conduits à le penfer par l'expérience du retournement, qui en faifant de l’intérieur de l’Animal , l’exté- rieur, n'apporte cependant aucun changement aux fonctions vitales.
Mais de quel avantage peut être au Polype une propriété dont il ne fauroit faire ufage fans le fecours de l'Homme ? Je veux parler de l’opé- ration du retourneent.
Je réponds que cette propriété fait partie des réfultats d’une organifation néceflaire à la place que le Polype devoit occuper. L AUTEUR de la Nature ne s’étoit pas propolé de faire un Animal qui pût être tourné comme un gant; mais IL s’étoit propoié de faire un Animal dont
Tome I. H
114 CON TE MP A PA 0 NN
les principaux vifceres fuffent logés dans lépaif- feur de la peau, & qui pût réfifter jufqu’à un certain point aux divers accidens auxquels {on genre de vie devoit l’expofer. Or , une fuite naturelle de cette organifation étoit de pouvoir être retourné fans cefler de vivre & de multiplier.
QE — #3 CH, APT PRET COURSE
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Des Vers qui peuvent être multipliés de bouture,
D. Animaux dont la ftructure paroït moins fimple que celle du Polype, multiplient comme lui de bouture.
CEs Animaux, du genre des Vers , nous offrent un eftomac, des inteltins, un cœur, des arteres, des veines, des poumons , des organes de la gé- nération. Nous y fuivons à l’œil la circulation du fang , & nous la voyons continuer avec la mème régularité dans toutes les parties qui ont été féparées par la feétion.
Ces Vers nous conduifent aux Jufecles.
C5
DE LA NATURE. Part. Ill
ir EE — nt:
Ve
CHAPITRE, ZXW EL
Des Infeites en général.
l eft l'entrée de l’Empire des Animaux, le
plus étendu , le plus riche & le plus diverffñé de ceux qui partagent notre Globe.
La Province de ce vafte Empire, qui s’offre la premiere au fortir de celui des Végétaux, peut intéreflèr la curiofité du Voyageur, foit par le nombre prodigieux de fes Habitans , foit par la fingularité & la diverfité de leurs figures.
CE font des Pygmées , la plupart fi petits, qu’on ne fauroit les voir diftinétement fans le fecours du microfcope.
ILs portent le nom général d’Infelles, & ce nom leur a été donné à caufe des incifions plus
ou moins profondes dont le corps de plufieurs eft comme partagé.
Le caractere qui paroit diftinguer eflentielle- ment les Infeétes des autres Animaux, eft qu’ils n’ont point d'os. Les parties analogues, dont quelques Li d’Infectes font pourvues , s’y
H 23
u6é CONTEMPLATION
trouvent placées à l’extérieur du corps , au lieu que dans les autres Animaux, les os occupent conftamment l’intérieur.
La Vie, chez les Infectes, ne réfulte pas d’une méchanique aufli compofée que chez les grands Animaux. Dans ceux - là , le nombre des différens genres d'organes eft plus petit: mais quelques-uns de ces organes fémblent y avoir été plus multipliés. *
. ConsiDÉRÉS dans leur forme extérieure, les {nfectes peuvent fe divifer en deux clafes.
La premiere comprend les Infectes ämpro- | prement ainf: nommés, ou dont le corps eft con- tinu, & ces Infe“es portent le nom général
de Vers.
La feconde clafle comprend les Infectes pro- prement dits, ou dont le corps eft partagé’ par des efpeces d’incifions ou d’étranglemens.
Daxs la plupart des Infe@es de cette clafle, les incifions divifent le corps en trois parties principales , la tête, le corcelet & le ventre; divilion qui a beaucoup de rapports avec celle Qui :s’obferve dans les grands Animaux.
DRE AN. À, TURF; Port. II.) 1x7
Parmi les Infectes de la premiere claffe, les uns mont point de jambes, les autres en font pourvus.
Tous les Infectes de la feconde claffe ont des jambes ; mais les uns font aîlés , les autres non aîlés.
IL regne dans les Infectes une telle varicté, qu’on peut douter s’ils ne raffemblent pas toutes celles qui font répandues dans toutes les autres parties du Monde animal.
ET ce qui rend cette variété encore plus fur- prenante , eft qu’elle ne s'étend pas feulement aux Elpeces , mais encore aux Individus. Le mème Infecte a dans un temps des organes qu’on ne lui trouve plus dans un autre. Le même Individu qui, dans fa jeunefle , appartenoïit à la premiere claffe, appartient à la feconde dans un âge plus avancé.
« De-La les difficultés d’une bonne diftribution de ces petits Animaux.
REP
18 CONTEMPLATION
CHÉPFITRE “XNERL
L’extérieur des Infeëtes.
L. corps de prefque tous les Infectes eft formé d’une fuite d’anneaux , emboïtés les uns dans les autres , qui en fe contractant ou fe dilatant, ou en s’alongeant & fe raccourcifant , ou en s’éloignant & fe rapprochant les uns des au- tres, concourent à tous les mouvemens de lAnimal.
La tète, dans beaucoup d’Efpeces , change de forme à chaque inftant. Elle fe contracte & fe dilate, elle s’alonge & fe raccourcit, elle paroit & difparoït au gré de l’Infecte. La fexi- bilité de fes enveloppes lui permet ces mou- vemens.
Daxs les autres Efpeces, la tète a une forme conftante ; elle fe rapproche encore de celle des grands Animaux par la dureté de fes envelop- pes , qui font écailleufes.
La bouche n’eft quelquefois qu’une fimple
D'BRLPAE ON A T'UCRMEM Part, III. vi9
œuverture circulaire , mais ordinairement elle eft garnie de crochets ou d’efpeces de pioches ; de dents , ou de deux écailles dentelées qui jouent horizontalement ; d’une trompe, inftrument fort compofé , qui fert à extraire , à liquéfier & à élever les fucs alim:ntaires ; ou d’un aiguillon, organe analogue à la trompe, & charge des mè. mes fonctions eflentielles ( x ).
PLusieurs Efpeces réuniffent deux de ces inftrumens , tantôt les deuts & la trompe , tantàt la trompe & laiguillon.
Diverses Efheces d’Infectes font privées de
(x) tt Je voulois donner ici une idée de la ftructure des trompes & des aiguillons chez les Infectes , pour faire juger de la complaifance avec laquelle la Nature a organifé ces petits Êtres, fi méprifés du commun des Hommes, & fi juf- tement admirés de l’Obfervateur qui fait penfer : ruais j'ai fenti que je ne ferois pas entendu fans recourir à des figures. J'invite done mon Leéteur à confulter celles que lilluitre REAUMUR nous a données de la trompe de la Mouche com- mune , de celle de l’Abeille, & de l’aigaion du Coufin. En pénétrant avec cet excellent Naturalifte dans les détails fi mul- tipliés de la conftruétion de ces beaux inftrumens , on s’éton- uera du nombre, de La variété, de la compoñtion & de l’ar+ rangement des différentes pieces , foit écailleufes, foit membra- neufes, qui entrent dans leur coxftruétion, & l’on y recon- noîtra par-tout l'empreinte indélebile de cette INTELLIGENCE ADORABLE qui crayonna de la mème Main l'Homme & la Mouche.
H 4
+20 CO NT EMYBIINA"T.I ON
Pufage de la vue. Chez elles le toucher ou quel- qu'autre fens fupplée au défaut des yeux.
Les yeux des Infectes font de deux genres, les lies , toujours peu nombreux, les chagri- nés , ordinairement au nombre de plufieurs mille, & réunis fur les côtés de la tète, fous la forme de deux maffes hémifphériques.
Les uns & les autres font abfolument im- mobiles , & apparemment que le nombre com- penfe en partie le défaut de mobilité : il eft donc moins un figne de perfection qu’un figne d’imperfection.
Beaucoup d’Efpeces ont à la fois des yeux lifes & des yeux chagrinés (2 ). s
(2) H Les yenx des Infeétes font de toutes les parties que préfente leur extérieur , celles qui s'emparent le plus forte. ment de notre admiration : les Efprits mêmes les moins faits pour admirer la Nature, ne demeurent point infenfbles à la vue de l'appareil merveilleux qui regne dans la ftruê@ure de ces organes. Les Infeétes réalifent les plus grands prodiges de la Fable; & ce que l’imagination féconde des Poëtes n’avoit pas même afé feindre, la Nature s’eft plue à l'exécuter chez ces petits Animaux. La Fable n’avoit donné que cent yeux à fon Argus ; la Nature en a réellement donné des milliers aux petits Argus de fon invention.
De chaque côté de la tête d’un Papillon , d’une {Mouche ,
DE LA NATURE. Part.Ill xot
d'un Scarabé , eft un eorps proéminent , arrondi en portion de fphere , qui , obfervé avec une loupe médiocre , paroît comme chagriné. Ce chagrin , extrémement fin, n’eft point ce qu’il paroït être : il eft tout autre chofe, & une très-belle chofe. Chaque corps arrondi eft une véritable cornée , formée elle-même de l’affemblage d’une multitude de très - petites cornées , encadrées dans les mailles à quatre ou à fix côtés, d’un réfeau de même maticre que la cornée, & tranfparent comme elle. Ce font les petites cornées qui donnent à l’amas entier l’air du chagrin.
Les cornées des Infeétes font toujours colorées , mais leurs couleurs varient en différentes Efpeces. Il en eft de noires, de brunes, de grifes, de cuivrées , &c. Les unes ont l'éclat de l’er, les autres brillent des riches couleurs de l'arc - en- ciel; & ce qui eft plus digne d’étre connu, il eft de grands Papillons dont les cornées fent de vrais phofphores, qui lui- fent comme des charbons dans l’obfcurité.
J'ai dit que chacune des grandes cornées eft formée d’une muititude de très- petites cornées, ou , fi l’on veut, de très- petites lentilles : je ne veux pas laiffer penfer à mon Lecteur que ce ne font ici que de fimples cornées, & que l’aflem- blage entier n’eft , en quelque forte , qu'un verre taillé à facettes. Je dois lui faire concevoir de plus grandes idées de la ftruéture de ces organes. Chacune des petites cornées eft un véritable œil, qui a fon nerf optique, & toutes les par- ties effentielles à la forte de vifion dont l’Infecte jouit. De bons Obfervateurs fe font avifés de dénomhrer ces petits yeux, & ils en ont comyté fix mille trois cents foixante-deux fur la tête d’un Scarabé , feize mille fur la tête d’une Mou- che, &trente- quatre mille fix cents cinquante fur celle d’un
Papillon.
Si après avoir vuidé une des grandes cornées , on l’adapte ‘au fover d’un microfcope, & qu’on pointe l’inftrument vers
és "VON TEMPEATED N
un Chêne ou un Soldat, on verra une forèt de Chène en miz niature, où une armée de Pygmées.
C’eft fur-tout dans SWAMMERDAM, qu’il faut contempler l’étonnante fabrique des yeux des Infectes. On connoît les mers veilles de fon Scalpel. Je ne parlerai que d’après lui.
La cornée des Infectes peut étre comparée à un réfeau: à chaque maille de ce réfeau répond pardeflous , une petite pyramide héxagone , qui va en s'élargiffant à mefure qu'’elte approche de la maille, & qui fe rétrécit, au contraire, de plus en plus, à mefure qu'eïle s'enfonce dans l’intérieur de la téte. La maille paroît s'adapter à tous les contours de ia - pyramide : elle a donc le méme nombre de côtés que celle-
‘ci; & il y a ainfi autant de petites pyramides, qu’il y a d’yeux ou de petites cornces dans le réfeau. Une multitude de tra- chées infiniment petites rampent le long des pyramides, & ces dernieres vont toutes aboutir à une membrane blanche, fibreufe, fine, tranfparente, parfemée, de mème , de trachées, & dont la forme convexe imite celle de la grande cornée. Au-deflous de cette membrane en eft une autre, plus fine & plus tranfparente, liée à la premiere par des trachées qui rampent de l’une à l’autre, & fur laquelle font couchées des fibres tranfverfes, moins nombreufes , moins déliées que les pyramides, & fur lefquelles appuie la pointe de celles - ci. Les fibres tranfverfes tirent leur origine du cerveau , & leur fubftance femble être la même que celle qu'on à nommé corticale.
C’eft fur les yeux de l’Abeiïlle, que SWAMMERDAM a fait ces belles obfervations, dont on ne fauroit prendre une idée bien exaéte fans confulter les admirables figures qu'il y a jointes. Les yeux de la Mouche nommée Desnoifelle, qui fout des plus apparens, different de ceux de l’Abéille & de bien d'autres Mouches , par diverfes particularités. Les facettes qui occupent la partie fupérieure de la cornée, font fenñ-
DE LA NAT URE.Part.III. 123
blement plus grandes que celles qui en occupent la partie in« férieure , & les pyramides qui appartiennent à ces facettes fupérieures, font auf proportionnellement plus grofles.
L'Obfervateur remarque, qu'il n’a point trouvé dans les yeux des Infeétes les trois humeurs qui entrent dans la com- pofition de ceux de l'Homme & des grands Animaux. Il en infere , que la vifion s'opere chez les Infectes fuivant des loix très- différentes de celles que l’Optique nous a fait con- noître. Il penfe que les rayons de lumiere qui traverfent les petites cornées, ébranlent les pyramides , & que l’ébranle- ment fe communique aux membranes placées au -deflous; de celles - ci aux fibres tranfverfes, & de ces dernieres au prin- cipe des nerfs. Il eft tenté de comparer cette forte de vifion à ce qui fe pafle chez ces Aveugles -nés, qui diftinguent les couleurs par le ta&. Mais combien eft-il ici de chofes inté- reffantes qui échappent aux recherches les plus profondes de l’Anatomifte ! C’eft déja beaucoup qu’il foit parvenu à démon trer les parties les plus effentielles de l’organe de la vifion dans des Animaux fi petits, & conftruits fur des modeles f différens de ceux qui nous font les plus familiers.
Outre les yeux chagrinés ou à réfeau, divers Infeétes, tels que les Sauterelles, les Mouches , quelques Papillons , &c., en ont encore de Zifles, placés fur le deflus de la tête, & beaucoup plus petits & incomparablement moins nombreux que les yeux chagrinés. Ces petits yeux liffes font des cor- nées fimples , ou qui ne font point formées de l'affemblage de cornées plus petites. Au refte, les deux fortes d’yeux ne fe voient chez l’Infeéte que lorfqu'il a pris fa derniere for- me, Le Papillon, qui a plufeurs milliers d’yeux, n’en avoit que fix de chaque côté de la tête, fous fa premiere forme de Chenille , & ces yeux étoient liffes. L’étonnant Anato- mifte de la Chenille du Saule, nous apprend que ces yeux lifles ont la forme d’un vafe ou d’une coupe, & que la cor.
124 CONTEMPLATION
L’ouiE paroït avoir été refufée aux Infectes : du moins l’exiftence de ce fens eft- elle chez eux très - équivoque ( 3 ).
IL n’en eft pas de mème de l’odorat. Divers Infedtes l'ont exquis, mais on en ignore le fiege.
née , qui eft comme le convercle du vafe, eft fort tranfpa- rente. Il a vu diftinétement un véritable nerf optique qui fe rend à chacun de ces petits, yeux, & qui n’eft que le pro- Jongement d’un tronc principal, divifé ainfi en fix branches. Une trachée accompagne ce tronc principal, & fe divife, comme lui, en fix branches qui aboutifent aux fix yeux. Le célebre Obfervateur n’a pas encore publié l’Anatomie de fon Papillon, & il eft fort à defirer qu’il la publie: mais en tou- chant par occafion aux yeux chagrinés de ces Infeétes, qui font, fuivant lui, au nombre de plus de vingt-deux mille, il avance que chaque œil eft probablement un Télefcope à trois lentilles pour le moins.
(3) ff Les Infeétes qui, commeles Cigales , les Grillons , certaines Sauterelles, ont été mis en état de rendre des fons, que nous préférerions qu’ils ne rendiffent point , fembleroient ne devoir pas être entiérement privés de l’ouie; mais ce fens peut être fi déguifé ou f finguliérement placé chez eux, que les Naturaliftes n’ont pu encore parvenir à l'y découvrir. Il ne faut cependant défefpérer de rien en matiere de recher- ches phyfologiques. On a bien découvert dans les Infeétes des: organes peut-être aufli-bien déguifés : auroit- on foupçonné, par exemple , qu’il fallüt chercher les parties fexuelles de l’Araignée dans fes antennes ?
DE LA NATURE. Part. III 126
SEROIT-IL dans ces deux petites cornes mo. biles , qui portent le nom d'antennes ; dont on ne connoiît point encore l’ufage, & dont les formes font fi diverfifiées ?
Les jambes des Infectes font écailleufes ou membraneufes. Celles - là jouent à l’aide de piu- fieurs articulations : celles - ci, plus flexibles en- core , fe ploient en tous fens.
SOUVENT ces deux fortes de jambes font réunies dans le mème Ver.
PLusiEuRSs ont des centaines de jambes , & n’en marchent pas plus vite que d’autres qui n’en ont que fix.
Au corcelet tiennent les aîles, au nombre de deux ou de quatre, tantôt formées d’une fimple gaze plus ou moins tranfparente , tantôt couvertes de petites écailles diverfement figu- rées , tantôt faites de plumes , comme celles des Oifeaux ; tantôt découvertes , tantôt logées dans des étuis (4).
C4) ft Les ailes des Mouches font formées d’une forte de gaze fine, tranfparente & fans couleurs. Les aïles des Papil- Jons , beancoup plus amples que celles des Mouches, & fi agréablement colorées , font opaques & recouvertes d’une
126 CONTEMPLATION
Daxs plufieurs efpeces, le Mäle eft aîlé, & la Femelle non aîlée.
pouffiere fine qui s'attache aux doigts. Avant l'invention des verres , on étoit bien éloigné de deviner ce qu’eft cette pouf- fiere, & tout ce qu’elle vaut aux yeux de la Raïfon. On la prenoit pour un amas de particules irrégulieres , raflem blées au hafard fur l’aile du Papillon. Mais on fait aujour- d'hui , que les grains de cette prétendue poufliere font de petits corps réguliers, des efpeces d’écailles, façonnées à la maniere de celles des Poiflons, & dont les formes extrême- ment variées fixent agréablement l'attention de l’'Obfervateur. T1 en eft de rondes , d’oblongues, de triangulaires , &c.: les unes font toutes planes, les autres cannelées. Les unes ont leurs bords tout unis ; les autres les ont ondés, échancrés ou dentelés. Les dentelures font plus ou moins nombreufes en différentes écailles ; elles font encore plus ou moins pro- Fondes, & il en ceft de fi profondes , qu’elles donnent à l’é- caille l'air d’une petite main. Enfin , il eft de ces jolies écailles , qui femblent imiter la forme des plumes des Oi- feaux ou celle des poils des Quadrupedes. Affez fouvent une feule aile de Papillon fournit des exemples de toutes ces variétés, & de bien d’autres encore. Ce n’eft pas tout: cha- que écaille a un court pédicule, tantôt fimple, tantôt dou- ble, ou multiple, qui s'implante dans la fubftance de l'aile, entre deux membranes cruftacées & tranfparentes , dont elle eft formée. |
C'eft aux milliers ou plutôt aux millions d'écailles dont les ailes des Papillons font recouvertes , qu’elles doivent leurs riches couleurs, & la diftribution fi variée , & fouvent fi bien entendue , de ces couleurs. Toutes les couleurs & toutes les nuances des couleurs qui brillent dans les fleurs ge nos Partertes, fe retrouvent dans nos petites écailles; &
DE LA NATURE. Port. II. 127
Sur les côtés ou aux extrémités du corps, Tont de petites ouvertures ovales, façonnées à la maniere de la prunelle, & fufceptibles des mêmes mouvemens. Ce-font autant de bouches qui fervent à la refpiration. Elles portent le nom de Jhigimates.
EE—— Ne — — 3
CHAPITRE XX,
L'intérieur des Infectes.
Pate des Infeétes renferme quatre vilceres principaux ; la moëlle fpinale , le fac inteftinal , le cœur & les trachées.
e*eft en les combinant & en les arrangeant de mille & mille manieres fur les aïles des Papillons , que la Nature leur donne cette agréable parure qui les fait rechercher des curieux. Lorf- qu'on dépouille entiérement l’aîle de ces écailles, on ne voit plus qu’une membrane tranfparente , parfemée de petits trous alignés réguliérement, & divifée dans fa longueur par des ner- vures qui imitent celles des feuilles des Plantes. Ces petits “trous qu’on appercoit fur la membrane, indiquent les endroits où les écailles étoient implantées. Au refte, toutes les écailles font placées en recouvrement les unes fur les autres, comme les tuiles de nos toits. Elles ne font donc pas jetées au hafard fur les aïles du Papillon.
128 CONTEMPLATION
UX cordon blanchâtre , couché le long du ventre, depuis la tète jufqu’au derriere, & noué de diftance en diftance , eft la moëlle fpinale des Infeétes, où le principal tronc des nerfs,
Les nœuds placés d’efpace en efpace, ont été regardés comme autant de cerveaux parti- culiers, chargés de diftribuer aux parties voifi- nes les filets nerveux , du jeu defquels réfultent le fentiment & le mouvement.
LE premier de ces nœuds conflitue ici le cerveau, proprement ainfi nommé.
Sur le cordon médullaire eft placé le fac in- teftinal, qu’il égale en longueur. Il eft, comme le défigne le nom qu’il porte , un long boyau, dans lequel font contenus l’œfophage , l’eftomac & les inteftins , diftingués feulement les uns des autres par le plus ou le moins de diametre du boyau en différens points.
LE long du dos, & parallélement au fac in- teftinal , court un long vaifleau , aflez délié, dans lequel on appercoit, à travers la peau de YInfeéte , des contractions & des dilatations al-
ternatives.
DE LA NATURE. Part. ll. 1249
ternatives. C’elt le cœur, ou la partie qui en fait les fonckons.
Les trachées des Infectes refflemblent parfai- tement à celles des Plantes. C’eft de vart & d'autre , mème ftructure , mème couleur, mème élafticité, mème deftination, mème difperfion dans tout le corps. Une telle analogie dans un point fi effentiel de l’organifation , fuppofe , fans doute , bien d’autres rapports.
IL n’eft aucune partie dans les Infeétes, qui nait fes trachées. On les retrouve jufques dans le cerveau , & mème dans les yeux.
DE petits rameaux fe réunifflent, & en for- ment de plus grands ; ceux - ci de plus grands encore ; & tous vont aboutir à plufieurs troncs ou paquets communs , qui font comme autant de poumons, à chaçun defquels répond un ftigmate ( 1 ).
(x) ff Les Écrits immortels d'un LEUWENH@CK , d’un MaLrpiGHi, & fur-tont d’un SWAMMERDAM, nous avoient déja donné de bien grandes idées de forganifation des In fetes ; & l'on n’imaginoit pas que l'art de difféquer ces pe tits Animaux püt être porté fort au-delà du point où SwWAM- MERDAM étoit parvenu. Sa Bible de la Nature montroit en ce genre des chefs - d'œuvres qui fembloient étre le dernier œrme de l'induftrie humaine. On fait qu'il difléquoit les Eur
Tome L I
tjo UCONTEMPLATION
fetes avec des inftrumens fi fins, qu’il falloit les aiguifes au microfcope. On fait encore, qu'il employa environ deux mois à difléquer les feuls inteltins de l’Abeille; & l’on a vu ci-deflus ie précis de fon admirable diffection des veux de cette Mouche laborieufe. Mais il avoit été réfervé à notre fiecle de preduire un Naturalifte autant fupérieur à SWAMMERDAM, dans l’art fi difficile de difféquer les plus petites parties des Infeites , que ce dernier l’étoit aux Anatomiftes de fon temps, & des temps qui l’avoient précédé. Mon Lecteur à déja nom- mé le célebre LVONNET , & fon fameux Traité anatomique de la Chenille du Saule. Je vais détacher de cet Ouvrage quelques particularités, qui feront fentir plus fortement en- core tout ce que l’organifation des Infeétes renferme de mer- veilleux, & combien elle eft digne d'occuper un Être pen- fant. Quoiqu'il ne s’agiffe ici que de celle de la Chenille, ce que j'en dirai conviendra jufqu'à un certain point à beaucoup d’autres Irfe:s , dont la itruéture fe rapproche plus ou moins de celle de la Chenille.
C'eft à l'aide des différens ordres de mufcles, dont les divers organes de la Chenille font richement pourvus, qu’ils exéeutent des mouvemens , foit volontaires, foit involontaires, qui leur font propres. Ces mufcles ne reffemblent point à ceux des grands Animaux. Ce font des paquets de fibres mol- les. flexibles , & d’une tranfparence qui imite celle d’une gelée. La plupart n’ont point de ventre on ne font point renflés dans le milieu de leur longueur. Ils ne fe montrent que fous l'afpeét de petites bandelcttes ou de petits rubans, dent l’épaiffleur & la longueur font par-tout affez égales. Chaque bandelette eft formée elle- méme d’une multitude de fibres paralleles les unes aux autres. Il eft même des obfer- vations qui femblent indiquer , que chaque fibre mufculaire eft compofée de deux fubftances, de confiftance inégale. La moins molle forme un fl tourné en fpirale , & qui donne à la fibre mufculaire l'air d’une cordelctte. C’eft par leurs extrémités que les mufeles s’attachent à la peau ou aux par<
DENT, A NA TU R EVPat.IIL. ‘ryx
Yies écailleufes ou membraneufes qu’ils font deftinés à mou- voir.
On cft étonné que la patience de l'Obfervateur ait fuff à Faire le dénombrement de la totalité de ces mufcles, & l’on n'apprend point fans furprife, qu'il en a compté deux cents vingt-huit dans la tête, feize cents quarante - fept dans le corps , deux mille cent foixante-fix dans le canal inteftinal : en tout quatre mille quarante-un , tandis que les Anatumiftes n'en comptent que quelques centaines dans l'Homme.
La moëlle fpinale de la Chenille differe par des caracteres bien faillans de celle de l'Homme & des grands Animaux. Dans ceux-ci , elle eft placée du côté du dos , & logée dans un tuyau ofeux. Dans la Chenille, qui n’a rien d’offeux, elle eft entiérement à nud, & couchée le long du ventre. Elle offre de diftance en diftance , des efpeces de nœuds d’où par- tent différens troncs de nerfs. On compte treize de ces nœuds. Le premier, qui eft le plus confidérable, conftitue le cerveau proprement ainfi nommé. On y diftingue deux parties con- vexes pardeflus , qui femblent être deux lobes, & qui don- nent naiflance à huit paires de nerfs, & à deux nerfs foli- taires. Ce cerveau eft fi petit, qu’il ne fait que la cinquan- tieme partie de la tête. Les douze autres nœuds pourroient être regardés comme autant de cerveaux fubordonnés. Le pre- mier de ces nœuds produit quatre paires de nerfs : les onze autres en produifent chacun deux paires. Il en part encore dix autres paires des nœuds & du cordon médullaire. Tous ces nerfs appropriés au fentiment & au mouvement, fe divifent & fe feus- divifent en un nombre prefqu’infini de branches & de rameaux, qui fe diftribuent à toutes les parties.
On découvre au microfcope, fur chaque nœud ou fur cha- que cerveau , un lacis admirable de trachées , d’une finefle extrème , qui leur donne une couleur de girafol ou d’un gris kleuâtre, & qui paroit leur former uns enveloppe analogue
I 2
132 CONTEMPLATION
2
à la dure-mere. Au-defous de celle-ci en eft une autre beaucoup plus fine , qu'on feroit tenté de comparer à la Pie- mere. L'étonnant Anatomifte de la Chenille a pénétré plus avant encore: il croit avoir apperçu dans les cerveaux & dans la moëlle épiniere, deux fubftances diftinétes , lune core ticale , l’autre méduliaire. Cette derniere paroifloit plus dé- licate & plus tranfparente que l'autre , & la mafle entiere fembloit compofée d'une multitude de petits grains opaques.
L'efpece de cordon que forme la moëlle fpinale, & qui s'étend d’un bout à l'autre du corps, fe divife çà & là en deux ou plufieurs cordons plus petits, qui laiffent entr’eux des intervalles fenfibles. On ne voit point fur le cordon médul« laire ce lacis de trachées , qui fe Fait tant admirer dans les
uœuds.
Ainfi le patient Obfervateur a compté dans fa Chenille qua- rante-cinq paires de nerfs & deux nerfs fans paire. La Che- nille a donc quatre-vingts - douze trones de nerfs, dont les ra- mifications font innombrables. Les mufcles font de toutes les parties celles où les nerfs abondent le plus.
Les trachées nc fe ramifient pas moins que les nerfs. Il en eft deux principales, par - tout à-peu- près cylindriques , éten- dues en ligne droite le long des côtés de la Chenille, & à la hautenr des ftigmates où des bouches deftinées à introdnire l'air dans l’intéricur de lInfeéte, Vis-à-vis dé chacune de ces bouches, qui font au nombre de neuf de chaque côté, la trachée principale fournit un paquet de trachées fubar- données, qui ont reçu le nom de bronches, & qui en fe divi- fant @ fe fous-divifant fans cefle, fourniffent des rameaux à toutes les parties, & mème aux plus petites. Le diametre de ces bronches diminue graduellement , à mefure qu'eilæé s'éloignent de leur origine ; elles font dont des tuyaux co-
niques. Es trachées ont un brillant argenté, qui les fait ailément
\
teeonnoitre, & qui ajoute beaucoup au grand fpeétacle qu’elles eHrent au microfcope. Leur ftruéture eft très - finguliere. Elles font formées d’une lame élaftique, très- fine, tournée en fi. rale à la maniere d’un refort à boudin, & dont les tours font plus ou moins ferrés. Deux membranes, dont une eft vafcu. leufe , recouvrent la lame élaftique, & en maintiennent en place les tours de fpirale. La confiftance cartilagineufe & le reflort de la lame défendent le tuyau contre les preflions, & le tien. nent toujours ouvert.
Nous ignorons quelle forte de refpiration s'opere dans Ha Chenille : nous favons feulement qu'elle ne fauroit refpirer à la maniere des grands Animaux, puifque les parties qui Font chez elle l'office de poumon, font répandues dans toute l'habitude du corps , & jufques dans le cerveau. Il eft au moins certain que l'air eft néceffaire à fa vie ; car lorfqu'en bouche les ftigmates avec un enduit graiffeux, l'Infette périt prefque fur-le-champ. Si l’on ne bouche qu'un ou deux ftigmates , les mufcles les plus voifins tomberont en paralyfie. Il femble donc qu'on pourroit en inférer que l'air influe dans la Chenille fur les mouvemens mufculaires. Mais combien nos connoiffances {ur l'économie vitale de cet Infeéte font-clles encore imparfaites , malgré l’étonnant travail de fon profond Hiftorien. Je voudrois l’extraire, & je fens que je l'eftropie: mon Lecteur confultera les Planches deflinées & gravées par lui- même, & à la vue de ces chefs - d'œuvres, vraiment uni- ques en leur genre , fon admiration fe portera tour -à- tour fur la Nature & fur fon Interprete.
Cet Homme extraordinaire, qui a décrit, defliné & dénom- bré les quatre mille mufcles, & les quatre-vingts-douze troncs de nerfs de la Chenille, & leurs principales ramifications , fa pas manqué d'exécuter fur les trachées le même travail; & il nous apprend que les deux maïitrefles trachées Fonrnif. fent deux cents trente-fix tiges, qui donnent elles -mêmes naiffance à treize cents trente - fix branches , auxquelles il faut ajouter deux cents t:ente-deux bronches. détachées.
13
354 ON MEMPE ATION
Le cœur de la Chenille differe plus encore de celui des grands Animaux, que fes trachées ne different de leurs pou- mons ; ou plutôt la Chenille n'a pas proprement un cœur. La partie qui paroït en faire chez elle les fonétions, eft un vaifleau couché le tong du dos, qui s'étend en ligne droite, de la tête à l'anus, & dont les battemens alternatifs s’obfer- vent facilement au travers de la peau, dans les efpeces qui l'ont un peu tranfparente. L'origine ou le principe des batte- mens eft près de l'anus. Là , ils font plus fenfibles que par- tout ailleurs, parce que c’eft à cet endroit que le vaïileau a te plus de diametre. Il fe rétrécit infenfiblement à mefure qu'il approche de la tête; & quand il y penetre, il n’eft plus qu'un fil extrêmement délié. De part & d’autre de ce long vaifeau s’obfervent de ‘diffance en diftance , des paquets de beaux mufcles , en forme d’aïlerons, qui préfident à ces mou- vemens. Ces aïlerons font beaucoup plus grands à la partie pofterieure du vaifleau, c’eft -à- dire, à celle où les battemens font pius forts. Il s’y trouve aufli un beaucoup plus grand nombre de trachées.
Ce vaiffeau , dont la belle ftrudture eft fi appropriée à fes fon&ons, poufle continuellement , du derriere vers la tête, unc liqueur limpide, un peu gommeufe, foiblement colorée en verd ou en orangé, & qu’on croit tenir lieu de fang à l’in- feéte. Examinée au microfcope, on la trouve pleine d’une multitude de globules tranfparens , trois millions de fois plus petits qu'un grain de fable.
Ce grand vaiffeau, le plus remarquable de tous par fes mou- vemens perpétuels de contraction & de dilatation , femble donc être plutôt une maïtrefle artere qu'un véritable cœur. Auf lui a-t-on donné le nom de grade artere , qui lui convient mieux que celui de cœur. Mais une maïîtreffe artere fuppofe des arteres fubordonnées : celles - ci fuppofent des rameanx de veines auxquelles elles aïllent aboutir, & ces rameaux fup- sofent pareillement un principal tronc ou une maitrefle veine.
D'EDL:A- N A T'OU RE: Part. NT. : 333
IL doit donc paroître bien étrange que notre grand Anatomifte n'ait rien apperçu de tout cela dans fa Chenille, lui qui y avoit
dénombré tant de centaines de nerfs & de bronches, beau- coup plus petits que ne devroient l’étre des vaifleaux fanguins,
toujours plus apparens que les nerfs dans l’Animal. C'a même
été très-inutilement qu'il a injecté la grande artere avec des liqueurs colorées : jamais il n'a pu parvenir à y découvrir
acune ramification. L'inutilité de toutes fes tentatives lui fait naître une conjecture finguliere, que:nous ne nous pref-
ferons pas d'adopter. Il foupçonne que la nutrition des parties ne s'opere point dans la Chenille par aucune forte de circuia- tion. Mais, comme toutes les parties communiquent par une
multitude de fibres & de fibrilles, avec un amas de graifle gé- néralement répandu dans l’intérieur , & qui a reçu le nom
de corps grailleux, il préfume que cette fubitance graffe eft à
toutes les parties , ce que Ia terre eft aux Plantes qui y
croiflent, & en tirent leur nourriture. Mais, puifau’il eft in. conteftable que la grande artere chaffe du derriere vers la tite
une liqueur analogue au fang, il faut bien, ce femble, que
cette liqueur lui foit apportée par des vaiffeaux analogues aux
veines, & que leur prodigieufe fneffe a dérobés aux recher-
ches de l'Obfervateur. Il eft mème de bonnes raifons de pré-
fumer qu'à l’oppofite de la grande artere , & le long du ventre , il y a une maitrefle veine, qu’on croit avoir appercu dans quelques Chenilles , & dans certains Inféétes qui leur
xeffemblent beaucoup. Ici, la Nature s'enfonce dans des pro: fondeurs impénétrables ; & tous les eorts de l’art humain
n'aboutiffent qu'à nous faire mieux fentir qu’elle eft dans le
petit comme dans le grand , l'expreffion fublime des PER+- FECTIONS ADORABLES de fon AUTEUR.
Fbgre
236, \C OUN TE M'POLIA TION CAPE CRE RE
|
Pafage des Infeëtes aux Coquillages.
Les Vers à tuyaux. Réflexions [ur ce palace.
L::. Vers dont le corps eft logé dans un tuyau cruftacé ou pierreux, femblent lier les Infectes avec les Coquillages.
IL eff cependant des Anirgux à coquilles ; dont la ftructure paroïît le difputer , pour la fim- plicité , à celle meme du Polype.
DE ce nombre eft la Moule des étangs, dans laquelle on ne découvre ni moëlle fpinale, ni arteres , ni veines , ni poumons.
LEcHELLE de la Nature fe ramifieroit - elle en s'élevant ?
Les Infetes & les Coquillages feroient -ils deux branches latérales & paralleles de ce grand Tronc?
DE LA NATURE. Part. III. 137
La Grenouille & le Lézard , fi voifins des Infectes, en feroient-ils une ramification € 1 } ?
L’Ecrevisse & le Crabe feroient-ils parcille- ment un rameau des Coquillages ?
Nous ne pouvons encore fatisfaire à ces queftions. Telle eft la nature de la gradation qui eft entre les Etres, qu’ils ne different fouvent les uns des autres que par de légeres nuances ; & telles font les bornes étroites de nos facultés, que nous ne parvenons à faifir que les teintes un peu fortes.
(1) ++ La Grenouille, le Lézard , la Salamandre femble. roient devoir être placés à la fuite des Reptiles, avec lefqnels ils ont divers rapports de conformation & de ftructure, en par- ticulier par les organes de la vue & de l’ouie, & par ceux de ia circulation. Il et même des Nomenclateurs qui les ont placés parmi les Quadrupedes , à caufe du nombre & de ia confor- mation de leurs pieds & de leurs doigts. Ils ont en conféquence rangé le terrible Crocodile parmi les Lézards, auxquels il ref- femble aflez par fa forme extérieure, & par fa maniere de multiplier. Le Seps leur a paru faire la nuance entre les Ser- pens & les Lézards. Ses jambes font fi courtes & fi petites, qu’il faut y regarder de près pour les appercevoir. Elles font de plus difnofées de maniere que les antérieures font très-éloignées des poitérieures.
LT
138$ C:O"N TE M'PML ARI.O N CE HAPANTR E NE
NE
Les Coquillages.
L figures agréablement diverfifiées des Co- quilles, nous aident à juger de la variété qui regne dans l’organifation des Animaux, qui en. font les habitans & les architectes.
Les unes font d’une feule piece : d’autres en ont deux ou davantage.
IL y en a qui imitent la forme d’une trom- pette, d’une vis, d’une tiare , d’un cadran. É T { D'autres reflemblent à un cafque , à une mafñlue, à une Araignée , à un peigne. Ici, veft une ef- pece d’étui à charniere; la, c’elt un navire dont le Matelot eft à la fois le gouvernail, le mât
& la voile.
Les Animaux à coquilles, & les Infectes à écailles , femblent fe rapprocher par un caractere commun : les uns & les autres ont leurs os placés à l'extérieur (1 ).
(1) tf La coquille croît avec l’Animal. Dans les Limagons,
DE LA NATURE. Part. III 39
ON pourroit, en effet, regarder la coquille comme l'os de l'Animal qui loccupe, puifqu'il Papporte en naifant, & qu’il y adhere par dif. férens mufcles.
Mais il eft très- für qu’il y a des coquil- les qui croiffent par juxtapofition ; elles fe for- ment des fucs pierreux qui tranfludent des
où elle eft tournée en hélice, les tonrs de fpirale font d'antant plus nombreux, que le Coquillage eft plus âgé. Il eft fingulier qu'il y ait un beaucoup plus grand nombre de coquilles, dont les tours de fpirale montent de droite à gauche , que de celles dont les tours montent en fens contraire.
Le Limaçon ne quitte point fa coquille. Il fait corps avec elle, & la coquille croît avec lui & par lui. Elle eft, en quel- que forte, au Limaçon ce que les os font aux Animaux qui en iont pourvus. Mais la Nature nous offre ici une fingularité qui n’a encore été obfervée que dans une feule efpece de Limaçon terreftre, du genre des Turbinites alongés. Quand ce Limaçon fort de l'œuf, fa coquille n’a que trois tours de fpi- rale. Parvenue à fon parfait accroiflement, elle devroit en avoir treize fur une longueur d’environ deux pouces : mais un inf tinét particulier porte | Animal à occalioner de temps en temps un retranchement à fa coquille ; peut-être parce qu’elle devien- droit pour lui un fardeau trop pefant. IL en cafe le fommet, & lui enleve ainfi un , deux ou trois tours de fpirale. Cette opération fe répete jufqu’à cinq fois pendant le cours de la vie du Limaçon, & la coquille fe trouve conftamment réduite à n'avoir que quatre fpires & demie , fur une longueur d’environ treize à quatorze lignes,
549 CONTEMPLATION
pores de l’Animal ; fon corps en eft réellement le moule (2).
LEs os, au contraire, ainfi que l’écaille des Infectes, croifient toujours par #14us-fufception , & font nourris par des vaifleaux qui traverfent leur fubftance.
Les Animaux à coquille font chatnus inté- rieurement : mais la Nature , toujours varice dans fes productions , nous montre un co-
(2) +} I n'eft point vrai qu'il y ait des coquilles qui croiflent comme les pierres, par fuxtapofition : c'eft une erreur qui a dù fon origine à des expériences trompeufes ou équivoques. La coquille eft bien réellement analogue aux 053 comme je le difois dans le paragraphe précédent. Un habile Anatomifte l’a démontré. Un appendice membraneux ou parer- chymateux du coquillage s’incrufte peu - à - peu , ainfi que les os, d’une matiere terreufe ou crétacée,, qui donne à la coquille fa dureté, fes couleurs & fon luitre. La coquille eft donc formée de deux Subftances très-différentes entr'elles , & l'on n'imagineroit pas que celle qui fait le fond ou la bafe des coquilles , même les plus dures , eft molle, délicate & toute charnue. L'organifation particnliere de la fubftance pa- renchymateufe dans chaque efpece, la difpofition de fes fibres, de fes vaifleaux , de fes bandelettes, de fes poils foyeux, &c. la maniere dont le tiffu primordial cft étendu ou pliffé , dé terminent l'arrangement des molécules crétacées & coloran- tes, @& influent plus jou moins fur les jeux variés de Îx lumiere.
DE LA NATURE. Part.Ill. 141
quillage dont tout le corps eft compolé exté- rieurement & intérieurement de petits cryf-
taux (3 ).
Les Coquillages compofent deux grandes familles ; celle des Conques, dont laf Coquille eft formée de deux ou de plufieurs pieces ; & celle des Limaçons , dont la Coquille eft
(3) tt Ce Coquillage, fi célébré par SWAMMERDAM, n’eft peut-être pas auf merveilleux qu’il lui avoit paru l'être, ou plutôt il n’en avoit pas connu le vrai merveilleux. Dans les autres Coquillages, il n’y ai que l’appendice membraneux ou parenchymateux des ligamens par lefquels l’Animal adhere à la coquille, qui s’incrufte de la matiere crétacée : mais, dans le Coquillage dont il s’agit, il fe fait une forte d’incruftation géngrale de toutes les parties de l’intérieur , & elle s'étend même jufqu'aux Petits qui ne font pas encore fortis du ventre de left Mere. Telle eft l’origine de ces petits cryftaux tranfparens & brilians , qui avoient tant excité l'admiration de l’Obferva- teur Hollandois, & qui ne font autre chofe que des molécules cryftallifées de eette même matiere crétacée, qui incruite la fubftance animale ou parenchymateufe de toutes les coquilles. On fait que cette matiere fait effervefcence avec les acides ; & sotre Obfervateur nous apprend qu'il en eït de même des petits cryftaux de fon Coquillage : preuve évidente qu'ils ont la même erigine que la fubftance terreufe de la coquiile. Ainf, ce qui fürvient accidentellement à une artere ou à nne membrane du corps humain , qui s’oflifie ou fe pétrifie, s’opere habituellement & fuivant des loix conftantes dans le Coquillage wivipare cryfialhin ge notre Auteur,
5142. CONTEMPLATION
d’une feule piece, tournée ordinairement en fpirale.
La ftruéture des premieres paroïît beaucoun plus fimple que celle des derniers. Les Con- ques n’ont ni tète, ni cornes, ni mâchoires : on ne leur voit que des trachées, des ouies, une bouche, un anus, & quelquefois une forte de pied.
La plupart des Limaçons , au contraire , ont une tête, des cornes, des yeux, une bouche, un anus, un pied.
La tête, ronde & charnue, fe préfente à la partie antérieure & fupérieure de lAnimal. Elle renferme un cerveau compofé de deux petits globes, dont tout l'appareil eft fi mobile, qW’il Te porte de devant en arriere, au gré du Li-
maçon (4).
(4) tt I faut voir dans les belles Planches de la Bible de la Nature , l'appareil merveilleux des mufcles, au moyen def: quels le Limacon porte fa tête en avant , déploie fes cornes, & retire le tout dans fon intérieur quand il lui plait. Le cer- veau de ce Coquillage offre une grande fingularité : il eft réel- lement mobile , & l’Animal peut, à volonté, le retirer tout entier dans fon ventre, &d’en faire reflortir. De cet étrange
cerveau part une moëlle épiniere, qui a de l’analogie avec celle
DE LA NATURE: Part. NT. 143
LEs cornes ,au nombre de deux ou de qua- tre , placées fur les côtés de la tète, font des efpeces de tuyaux, fufceptibles de mouvemens variés, & que l’Animal peut faire rentrer dans l'intérieur de fa tête, à l’aide d’un mufcle qu'un grand Obfervateur a chargé de s'acquitter en- core des fonctions de nerf optique, & dont il nous fait admirer le jeu.
C'EST à l'extrémité des cornes, comme au bout d’un tuyau de lunettes, que fe trouvent les yeux chez plufieurs Efpeces de Limacons. Dans d’autres, c’eft à la bafe ou vers le milieu. is font noirs &: brillans, & ont aflez la forme d’un très-petit oignon. Ou ne leur découvre que la tunique, qu’on nomme l’avée ; mais ils ont les trois humeurs de notre œil (5).
de la Chenille. Cette moëlle , ainfi que le cerveau , donne naïflance à différentes paires de nerfs qui fe diftribuent à tou- tes les parties, & leur communiquent le fentiment & le mou.
vement.
(5) tf Les yeux du Limaçon terreftre, connu fous le nom d’Efcargot , font placés au fommet de fes grandes cornes; les petites en font dépourvues. Ils fe mortrent fous l’afpet d’un point noir & brillant. Il eft faux que le nerf qui aboutit à ce point brillant , s’acquitte à la fois des fonctions de nerf opti- que , & de celles de mufcle. Nous avons là - defus le témoi- goage du plus grand Hiftorien du Limaçon : SWAMMERDAM,
144 CONTEMPLATION
_ La bouche, qui n’eft à l'ordinaire qu’une petite fente en maniere de fillon, eft garnie
qui avoit tant approfondi la ftructure fi remarquable de ce Coquiliage, a décrit & repréfente le nerf optique , & le mu£- cle principal qui prélide aux divers mouvemens de la corne, logés tous deux dans celle-ci, comme dans un tuyau creux. On vient de voir que le cerveau du Limaçon ef mobile, & qu'il peut le retirer tout entier dans fon ventre : les cornes l’y faivent, & fe retournent alors comme Les doïgts d’un gant. Dars cette circonftance , toutes les parties intérieures de la tête font fituées à l'envers, & préfentent un fpettacle intéreffant, qui ne peut être bien admiré que par un Anatomifte. Il faut le contempler dans les deflins fi habilement exécutés de l'Hifto- rien. Tout ce retournement fi admirable, s’opere avec beaucoup de promptitude à l'aide de plufieurs beaux mufcles ; & c’eft le principal mufcle des grandes cornes, fecondé par plufeurs mufcies aunulaires , qui exécute le retournement particulier de: cès organes. Le nerf optique , qui part immédiatement du cer oît alors contourné en fpirale à la maniere d’un tire-
veau ais il s'étend à mefure que la eorne fe déretourne ow
? OuUTre 3
fe déploie pour teparoître au-dehors.
Dd Ë ax
Les cornes, ainfi qu'une grande partie du corps du Lima font ee. Fra extéricuremcnt d'une multitude de petits res, qui ne font pas de fimples inégalités de’ Fe pourroit le croire: ce font de vraies glan- düies, deftinées à {éparer la matiere vifqueufe qui enduit fes: différentes parties, & qui eft d’un f grand ufage à l’Ani- ral. On appercoit les vaifleaux qui fe rendent à ces petites fous l'apparence de fillons bian-
glandes, & qui ie montrent châtres.
I} falloit tonte la dextérité de SWAMMERDAM pour décou- dans
DE LA NATURE. Part.III. :x4$ dans beaucoup d’Efpeces , de deux mâichoires cartilagineufes , pofées l’une fur l'autre , & dont les inégalités ou découpures font l'office de dents, fi mème quelques Efpeces n’ont de véxitables dents, femblables à celles du Chien de mer, & d’une petitefle extrème.
Les Coquillages privés de mâchoiïres ont un tuyau charnu & mufculeux, qui fait la fonc- tion de trompe (6 ).
Les Limacons n’ont pas des pieds, mais ils
vrir dans l'œil du Limaçon, qui n’eft qu'un #oint, les trois humeurs de l'œil humain. Le cryitallin eft wf globule un peu applati , fort tranfparent, & que l'Obfervateut a tronvé recou- vert, comme le nôtre, de cette membrane le fon extrème finefle a fait nommer arachuoïde. L’uvée, de couleur noire, communique cette couleur à la goutte d’eau dans laquelle on la fait macérer , & le microfcope fait appercevoir les fibres ou
les vaifleaux par lefquels cette tunique tient aux parties voifines.
(6) tt Les Limacons les plus généralement connus font Frugivores ou herbivores : tels font les Limaçons de nos Cam- pagnes. Mais il eft des Limaçons de mer, qui font carnivo- res, qui percent ou taraudent l'enveloppe cruftacée de diffé- rens Coquillages vivans, pour fe nourrir de leur fubftance. Ils y parviennent au moyen d’une trompe charnue, plus ou moins longue, percée à fon extrémité d’un trou rond, & bor. dée à cet endroit d’une membrane cartilagineufe & dentée. Le Coquillage carnacier retire cette trompe dans fon intérieur, & l'en fait fortir à volonté.
Tume I. K
146 CONTE MPIL“A TI0 N
ont un pied d’une forme particuliere , & qui net qu'un aflemblage d'un grand nombre de mufcles , dont les mouvemens imitent ceux des flots de la mer.
UNE membrane aflez mince tapiffe l'intérieur de la coquille, & quelquefois extérieur. C’elt une efpece de manteau garni de trachées, qui féparent l'air de l’eau, & à l’origine defquelles on appercoit de petites ouzes deltinées aux mèmes ufages,
À
Le ‘cœur , placé vers la furface du corps dans les Limacons , a un mouvement fenfible , par lequel il s'éleve & s’abaife alternative- ment (7). Il eft fous l’eltomac dans les Con-
(7) tt Lorfqu’en parcourant d’un œil rapide, comme je le fais ici, l’immenfe Échelle de la Nature , on arrive par degrés aux Coquillages, on commence à s’appercevoig d'un accroif- fement affez fenfible dans la perfeétion organique. L’organi- fation du Limaçon paroït déja fe rapprocher bien pius de lorganifation de l'Homme, que celle de l’Infeéte, dn Ver, & fur-tout de la Plante. Les yeux de l'Efcargot nous en ont fourni un exemple frappant : les organes de la circulation vont nous en fournir un autre, plus frappant encore.
Dans les Infeétes ni dans les Vers, on re trouve point de cœur proprement dit : ils n’ont qu’une grande artere, . qui pa- roit en faire les fonétions. Dans l'Efcargot, on trouve un vé-
ritable cœur, dont la forme cft aflez femblable à celle dw
DE'LA NATURE. Part.lIll. 47
ques. Celui-ci..... mais ne pénétrons pas plus avant dans l'intérieur des Coquillages ; notre marche en feroit trop retardée: nous n’avons pas mème contemplé tout leur extérieur , le corps contourné comme la coquille, les mufcies qui l'y tiennent afflujetci, l'anus qui, dans les Lima. cons , eft près du milieu du corps, &c.
cœur de l'Homme & des grands Animaux: c'eft une petite mafle charnue, pyramidale ou refflemblante à une poire, placée vers le milien d2 co:ps, affez près de fa furface, & dont les battemens fe font appercevoir au travers des mem branes demi-tranfparentes qui la recouvrent Ce cœur a, comme celui de l'Homme, un pér.carde qui renferme une li- queur féreufe. Mais il n’a qu'une orcillette & qu’un ventri- eule, & on découvre dans l'une & dans l’autre ces inéga- hités , ces amas de fibres mufculaires , & ces petites colonnes qui fe font remarquer dans le cœur des Animaux les plus parfaits. De la pointe de la petite pyramide paroit fortir une maitrefle artere , analogne à l'aorte ; de l'oreillette fort une maitrefle veine, analogue à la veine cave. Ces deux vaiffeaux principaux jettent de tous côtés des branches & des rameaux, qui fe diftribuent à toutes les parties de l’Animal. Une liqueur bleuâtre, un peu vifqueufe, circule perpétuellement dans ces vaifleaux. En fe contraétant , le cœur la chaffe dans l'aorte, qui la pouffe vers les extrémités, où elle enfile les dernieres ramifications de la veine cave, qui la portent dans le tronc, d'où elle paffe dans l'oreillette , pour rentrer dans le cœur qui fe dilate à l'inftant, & pour étre chaflée de nouveau dans l'aorte & continuer à circuler. Et afin qu'il ne manquât rien d’effentiel à cette ébauche de La circulation , il et à l'entrée du cœur, près de l'oreillette, deux valvules fémi -lunaires , qui s’acquittent des mêmes fonétions que celles du cœur des-granis Animaux.
K 3
«48 CONTEMPLATION
3
GE NE —— C HA CB, BIT RE. XXE Pafage des Coquillages aux Reptiles. La Limace.
L Es Coquillages touchent aux Poiffons.
ENTR'EUX ou à côté d'eux, femblent ètre placés les Reptiles , unis, en quelque forte , aux Coquillages par la Limace Cr), & aux Poif fons par le Serpent d’eau.
(x) +tf La ftruture de la Limace eft effenticllement la mème que celle de l'Efcargot : SWAMMERDAM l'a démontré: mais la Limace eft dépourvue de coquille, & ce caractere la diftingue aflez de l'Efcarsot.
DE ELA NATURE. Part. III. 149
EE——— ES
CHA RIRE EX UE Les Reptiles.
 u x Reptiles (1), la perfection animale com men ceà croître d’une maniere fenfible. Le nom- bre des organes, leur conformatioir & leur jeu , ont ici plus d’analogie avec la méchanique des Animaux que nous jugeons les plus partuits. Les organes de la vifion, ceux de l’ouie & de la circulation , en font des exemples, qu’il fuffe d'indiquer (2 }.
Qi) ff De grands Nomenclatenrs ont placé parmi les Répriles ja Grenouille , le Lézard, la Tortue, &c.; mais des Ani- maux qui ont des pieds & qui marchent avec ces pieds , ne font pas de vrais Reptiles. Les Vers proprgæit dits, ne doi- vent pas étre placés non plus dans cette claffe : ils appar- tiennent plus directement à celle des Zufeéfes. Je n’entends: donc ici par Reptiles, que les Viperes , les Serpens, & autres Animaux de ce genre, dont ies efpeces font très-nombreufes , qui fe tranfporteut d'un lieu dans un autre par un mouve- ment ondulatoire, & dont le corps eft couvert d’écailles, qui imitent celles des Poiffons. Cette clafle renferme de très-grands Animaux : l'Amérique nourrit des Serpens qui ont jufqu'à vingt-cinq ou trente pieds de longueur ; & d’une groffeur- proportionnée.
(2) tt Les yeux des Reptiles reMembleut affez pour l’efs £entiel à ceux des Animaux les plus élevés dans l'échelle. Mais ü n’en eft pas de même de l'organe de l’ouie. IL ne s'ans
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250 CON TEM P L 4 TI 10 N
CETTE analogie augmente dans les Poif fons.
nonce point à l'extérieur , & il eft fi bien caché dans linté- rieur de la tête, qu'il faut recourir à la diffe@tion pour par- venir à l'y découvrir. £a f:uétare varie plus on moins en différentes efpeces. Il en cft qui font pourvus à la fois du tympan, des offelcts, & probablement des canaux demi-cir- culaires. D'antres ne pufledent que cette partie intérieure de l'oreille, qu’on nomme le we/ffibuls , & dans laquelle on dé- couvre trois offelets où un feul offelet , divifé en trois parties. fais dans tous les Reptiles, la cavité de l'oreille cft tapiflée de filets nerveux, qui font des expanfñons du nerf auditif, dont le tronc fe rend au cerveau. L’organce de l’ouie eft donc moins compofé chez les Reptiles, que dans l'Homme & les Quadru- pedes. Ils pofedent encore les organes du goût & de l’odorat.
Il en eft des organes de la circuation comme de celui de l'ouie : ils font plus fimples dans les Reptiles, & pourtant plus perfeétionnés que dans le Limaçon ; car les Reptiles ont de vrais pormons; mais leur cœur , alongé & petit, n’a qu’un ventricule & qu'une oreillette.
.
Je dois ajouter , qu'on trouve dans les Reptiles une char- pente offeufe ou cartilagineufe, qui a bien du rapport avec celle des Animaux des otdres fupérieurs. Ta moëlle épiniere eft logée, comme chez ceux-ci, dans un tube offenx , formé d'une fuite de vertebres auxquelles s’attachent de véritables côt£s : mais ces vertebres & ces côtes font en beaucoup plus grand nombre que dans les Animaux plus parfaits.
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BEL A. NN A TU RE. Part. HI ss CHAPITRE XXI V.
Pallage des Reptiles aux Poiffons.
Le Serpent d'en, les Poiffons rumpans , l Anguille.
| 27 NGUILLE , par fa forme, les Poiffons ram- pans , par leur marche, paroiffent enchaîner les Poidons avec le Serpent d’eau (1 ).
(r)+tt On peut joindre ici à l’Anguille, la Lamproie & le Serpent marin, qui tous trois femblent fe rapprocher beau- coup des Reptiles par leur forme, mais dont le cerps n’eft pas recoüvert d’écailles , comme celui. de ces derniers.
162 CONTEMPLATION
EB=—— CH RM ISE"R EXO
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Les Poifflons.
| D les Reptiles, les Poiflons font la plu- pat couverts d’écailles , dont les figures & les riches couleurs aident à différencier les Efpeces.
CETTE claffe renferme les plus grands Ani- maux de notre Globe.
P£ENDANT que l'énorme Baleine repofe à la furface des eaux, le Marinier, féduit par une ap- parence trompeufe, débarque fur fon dos, & S'y prom2ne comme dans une Isle Cr ),
LA forme des Poiflons varie beaucoup. Les uns font longs & effilés. D’autres font larges
(x) +t La Baleine n'appartient point à la nombreufe claffe des Poiffons à écailles, ou des Poiffons proprement dits : elle appartient à la claffe beaucoup moins nombreufe des Cétacées, dont je dirai bientot un mot. On a vu des Baleines de deux cents pieds de long; & il y a lien de croire qu'il y en avoit autrefois de bien plus grandes. La guerre continuelle que leur font les Pécheurs, ne leur laiffe plus le temps de prendre tout leur accroiffement, & on fait que cet énorme Poiffon multi- plie fort peu.
DORE A: NA T'UR'E "PO, DIT. 169
& raccourcis. On en voit de plats, de cylindri- ques , de triangulaires , de quarrés , de ronds, &c.
Les uns font armés d’une grande corne (2). D’autres portent une forte épée ou une efpece de fcie. D'autres font pourvus de tuyaux, par lefquels ils font jaillir le réfidu de l’eau qu'ils ont avalée.
Ce que les aîles font aux Oifeaux, les na. geoires le font aux Poiflons.
LES uns n’en ont que deux à trois ; d’autres en ont un plus grand nombre.
La tête, chez les Poiflons comme chez les Reptiles, tient immédiatement au corps.
La bouche , ordinairement garnie d’un ou
(2) +f On comprend que je parle de la Licorne âe mer ou du Mariroal , efpece de Cétacée des Mers du Groënland. Ce que je nommois ici une corne, n'en eft point une : c’eft une énorme dent ou plutôt une défenfe, qui part de la mà- choire fupérieure , & fe porte en-avant dans la direétion du corps. Elle à quelquefois jufqu'à neuf à dix pieds de lon- gueur. Elle eft cannelée, & fes cannelures font tournées en fpirale : £a fubftance l'emporte en beauté fur l’ivoire.
1544 CONTEMPLATION
de plufieurs rangs de dents (3), eft quelquefois placée {ur le dos , ainfi que les yeux (4 ).
(3) ff Tantôt il n'y 4 des dents qu’à la mâchoire fupé- rieure, tantôt il n’y en a qu’à l'inférienre : d'autres fois les deux machoires en font garnies. Mais il eft encore des efpeces dont les dents font placées à l'entrée de l’eftomac. Dans la plupart des Poiffons à écailies , les dents fervent plus à retenir la proie qu'à la mâcher. Mais il en eft d’autres, appellés à vivre de Cosuillages , qui broient les coquilles avec leurs dents.
(4) fr E réfulte des profondes recherches de l'illuftre Haz- LER , fur les yeux des Poiffors proprement dits, que ceux de plufieurs Efpeces reffemblent par leur ftruéture aux yeux dc l'Homme & des Quadrupedes; & que dans d’autres Efpeces, 2 fruture des yeux fe rapprocue plus de celle des yeux des Oïfeaux. Le cryftallin eft plus grand dans les Poiflons, pro- portionnellement que dans les autres Animaux. Il eft auffi plus arrondi. il eft accompagné d’un mufcle en fer à Cheval, def tiné à l’approcher ou à l'éloigner de la rétine. Ce mufele ne fe trouve point dans les veux des Animaux terreftres. La pru- nelle n’eft point fufceptible de dilatation & de contraion. La cornée eft fort tranfparente, & ordinairement moins convexe que dans l'Homme & les Quadrupedes. L’humeur aqueufe & la vitrée font plus vifquenfes. Enfin , les yeux des Poiflons proprement dits n’ont}point de paupieres.
=" Je n'ai rien dit de l’ergane de l’ouie des Poiflons : je parle toujours des vrais Poiflons on des Poiffons proprement dits, que j'ai laifiés confondus dans ce Chapitre avec d'autres Ha- bitans des Eaux, qui ne font point de vrais Poiffons. On fait qu'on avoit cru jufqu'à nos jours, que les Poiffons étoient um peusle de fourds. On n’ignoroit pas néanmoins , que les Carpes, qui s'apprivoifent très-bien , accourent à la voix ou au fon d’une clochette pour recevoir la pâture. On favoit encore par des expériences directes que l’eau tranfmet fort bien les fons.
DOAD'AS N A T'AME Pol III. ss
Les poumons , formés de plufieurs ixmes ou feuillets vafculeux, font le plus fouvent placés à la furface du corps. Où les connoît fous le nom d'oxies (5 ).
Mis on n'appercevoit rien à l'extérieur des Poiffons, qui an- noicit chez eux l'organe de l'ouie, & on ne s’étoit pas avifé d'aller le chercher dans l'intérieur de la tête, & fous des té g'imens cartilagineux ou mufculsux. C’eft ce qui a été habi- lement exécuté par le célchre CaMPER , & qui l’avoit été dans la Kaïe par le favant GEOFROY.
Les Poiflons n'ont point, en effet, l'oreille extérieure ni les parties qui l'accompagnent immédiatement , le canal audi- tif & le tambour. Mais ils ont les canaux demi- circulaires & une forte de bourfe élaftique, qui renferme un ou deux offeiets, quelquefois dentelés, mobiles , flottans prefque librement dans une humeur plus où moins gélatinenfe, & qui communiquent leur ébranlement au nerf auditif, dout les ramifications ta- piffent l’intérieur de la bourfe.
Les nerfs auditifs, ainf que les nerfs optiques & les olfae- tifs partent du cerveau, quieft petit chez les Poifons , & divifé en deux , trois ou plufieurs lobes. Les nerfs olfaétifs en com- pofent une grande partie dans bien des efpeces. La moelle épi- niere, qui reflemble à celle des Animaux des oräres fupérieurs, eft renfermée ; comme chez eux, dans un tube offeux ou car- tilagineux. Les côtes, qui ne font proprement que des arêtes, s’attachent au tube vertébral, par une de leurs extrémités, & par l’autre fimplement aux chairs.
(5) #f Les ouies des Poiffons ne font pas de vrais poumons; mais elles en tiennent lieu. Elles font placées des deux côtée de latète, & recouvertes par les operczles, efpeces de lames ou de feuillets, tantôt offeux, tantôt mous, qui s'élevent & s'abaiffent alternativement. Au- deflous des opercules cft une
66 CONTEMPLATION
Les Poumons communiquent à une vefle placée dans l'intérieur, & qui, fuivant que le
belle membrane , nommée branchiale , garnie de nervures , à l'aide defquelles elle fe ploie & fe déploie, comme un éven- tail. Sous cette membrane eft une chambre qui communique. avec la bouche, & qui renferme les branchies , analogues aux. poumons. Ces branchies , courbées en arc de cercle, à la ma- uiere des côtes, font mobiles fur leurs extrémités, & nn grand. nombre de mufcles font employés à les mouvoir. Sur la partie convexe de l'arc offeux, regne un fillon dans lequel rampe une branche de l'aorte on de la: maîtreffe artere ; qui, en {e: divifant & fe fous - divifant prefque à l'infini, forme une forte de frange qui s'éleve au-deflus du fillon. Les fils innombra-. bles de cette frange font donc autant d’artérioles. Le fang ap. porté du cœur par l'acrte, fe répand dans ces artérioles. Il y eft proiigieufement divifé ou atténué, & l'eau infpirée par. la bouche, & qui fe répand dans les interftices des branchies, la rafraichit. Elle s'échappe enfuite par les opercules dans l'expiration. Il n’eft pas encorc bien certain qu'un. des. ufages, des branchies, foit de féparer l'air difléminé dans l’eau, & de Pintroduire dans le fang. Le fige DUHAMEL , à qui nous de. vons tant de connoiïflances fur les Poifons, n’ofe prononcer: N - deflus..
Quoi qu’il en foit, on jugera mieux de la grande compofition de ces beaux organes, quand on faura que le célebre DUVER- NEY ya compté plus de quatre mille trois cents pieces offeu- fes, à-peu- près antant de branches ou de rameaux d’arteres & de veines, fans y comprendre les fous-divifions de ces ra- meaux , qui- font réellement innumérables , ni ies nerfs non moins multipliés, qui les accompagnent par -tout. Mais la Che. nille de LYONET nous a déja trop familiarifés avec ces pro« diges anatomiques, & à force d'admirer , on vient à n'ads miret plus.
DE LA NATURE. Pet. III 257
Poiflon la dilate ou la contracte, lui aide à s'élever ou à s’enfoncer (6).
Les Poiflons rampans font DIE de cette vefie (7).
Mais évitons des détails anatomiques qui nous meneroient trop loin (8). Les Plantes &
(6)+tt On ne fait pas bien encore comment l’air s’intro- duit dans la vefie dont il s’agit. On croit feulement y avoir wbfervé un canal qui communique avec la bouche. Ce qu’on fait mieux, c’eft que le Paiflon peut à volonté en chañer l'air, en le comprimant au moyen de certains mufcles. Il dimi- nue ainfi le volume de fon corps, & defcend an fond de l’eau. Il remonte vers la furface en laiffant rentrer l'air dans la vefke. H.eft des Poïflons dont la veffie paroît double ou même multiple. Sa capacité eft confidérable : elle s'étend depuis le Diaphragme jufques près de l'anus. Elle cft formée de mem- branes plus ou moins épaifles, & plus où moins tranfparentes. Lorfqu'on la déchire ou qu'on la perce , le Poiffon ne peut plus quitter le fond de l’eau.
(7) tt Ces Poiflons font nommés rampans, parce qu’ils ne quittent point le Fond de l’eau. Ler uns font à arêtes ; tels font le Turbot, la Sole, la Plie, &c. : les autres font cartilagi. peux; tels font la Raie , la Torpille , l’Ange, &c.
(8) tt La perfection organique prend de grands accroifle- mens chez les PoiMons: le canal médullaire & fes accompagne- mens , les organes de la vue & de l’ouie, ceux de la refpira- tion, nous en ont déja fourni des preuves qui ne font pas équi- #oques. Ces preuves fe multiplient encore par l'infpection des vifceres. Les Poiflons ont un véritable cœur, mais qui n’a qu'un ventricule & qu'une oreillette, Il eft logé entre les brau-
158 CONTEMPLATION
les Infectes nous ont aflez occunés à cet égard. j Bornons-#ous déformais à quelques-unes des principales variétés, & aux {ources de rapports les plus faciles à faifir, les plus faillans & les plus extérieurs.
EE — — CHA RETIRE VE Paflage des Poiffons aux Oïfeaux.
LC)
Le\ Poiffon volant ; les Oifeaux aquatiques ; les Oifeaux amphibies.
D U fond des eaux, je vois s’élancer dans
Pair le Poiflon volant, dont les nageoires ref.
chies, comme celui des Animaux terreftres l’eft entre les pou- mons. Je puis ajouter, que les Poiffons ont prefque tous les autres vifceres qu'on rencontre dans les Animaux les plus par- faits. Ils ont un diaphragme , un eftomac , des inteitins, un péritoine , un foie, une véficule du fiel, une rate, des reins , des uréteres, une veflie urinaire , &c. Mais ces diférens vifceres préfentent chez les Poiflous bien des particularités anatomiques, qui ne fe rencontrent pas chez les Animanx des ordres fupérieurs. L’eftomac , par exemple, prend fa naiflance au font de la gorge, parce que le Poiffon n'ayant point de col, n'a point d’œfophage. Dans plufieurs Efpeces , fon ex- trémité inférieure eft garnie d’appendices vermiformes , plus ou moins nombreux en différens Poiflons. Les reins font un autre exemple des fingularités qu'offre l’Anatomie des Poif- fons. lis font logés en partie dans la poitrine, & percent le diaphragme pour fe rendre dans l’abdomen qu'ils parcourent prefqu'en entier. Je ne parle point des luites des Mâles, &
}
DE LA NATURE. Pat.Ill. 159
femblent aux aîles de la Chauve-fouris (1). Ici, je crois toucher aux Oileaux.
)
Mais je vois s’avancer fur le bord dela Mer, un grand Animal, dont la tète & la par: tie antérieure tiennent du Lion, & dont la par-
tie poftérieure eft femblable à celle des Poifons. Il n’a point d’écailles, & il eft porté fur deux fortes pattes qui ont des doigts garnis de na- geoires. On le nomme le Lion-marin (2).
des uves des Femelles, qui occupent une fi grande place dans e bas-ventre. Des détails relatifs à la génération n’appartien- ment pas à cette partie de l'Ouvrage.
(x) +t Pourfuivi par une multitude de Poiffons voraces, qui lui font une guerre continuelle , le Poiffon-voiant s’élance dans l’air d'un vol rapide, & s'y foutient quelque temps à laide des grandes nageoires épineufes dont il eft pourvu; mais ces fortes d'ailes fe deffechent bientôt par Le contat de l'air, & le malheureux Poïffon eft forcé de {e replonger dans l'eau, où il devient la proie de fes ennemis. Il eft pluñicurs Efpeces de ces Poiflons ; les unes n’habitent que les mers de la Torride : d’autres fe rencontrent dans nos mers. Ils volent par troupes , & on en voit fortir des eaux , de nombreux efca- drons, Le AZilas- murin & l' Hirondelle - de - mer font des Poi£- ons volans.
(2) ff Ce n’eft que bien imparfaitement que le Zior-snarig refemble au Lion par fa tête & par fa partie antérieure. Les Voyageurs, trop prempts à trouver des rapports , ont exagéré cette reflemblance. Le Lion-marin eft du genre des Phoques & il eft le plus grand des Phoques. IL 2 jnfquw’à dix - huit pieds
16 CONTEMPLATION
de long, fur environ onze pieds de circonférence. IL eft coui vert de poils courts ; mais ceux du col, qui s’alongent un peus ont paru aux Voyageurs imiter la criniere du Lion,
On fait que les Phoques font de vrais Amphibies, des Am phibies par excellence, qui peuvent vivre également dans l'air & dans l’eau. Ce font les plus admirables plongeurs. Ils peu- vent, quand il leur plait, refpirer on ne refpirer point. Auf paffent - ils ordinairement l'Hiver fur terre, & l’Kté dans la mer. Les organes de la circulation ont été appropriés chez eux à ce genre de vie. Le fang peut pafler immédiatement de la meîtrefle veine dans ki maitrefle aïtere, par un trou de communication, qui demeure toujours ouvert , & qui ne V'eft dans les Animaux terreîtres & vivipares, que pendant qu'ils font renfermés dans le fein de la Mere.
Les Phoques font des Efpeces fingulicres de manchots: ils femblent avoir que des mains & des pieds, & point de bras, d'avant-bras, de cuiffes ni de jambes. Leurs mains & leurs pieds font pourvus de cinq doigts terminés par des ongles, & liés par une membrane, Ce font donc plutôt des nageoires que des mains & des pieds. Le corps eft façonné comme ce- Jui des Poiffons, & garni à fon extrémité d'une forte de na- gooire; mais il eft plus renflé vers la poitrine. Il n’a point d'écailles, & il eft recouvert de poils. La peau eft épaifle , & au- deffous fe trouve une énorme couche de graifle. Ces Am- phibies, à la fois herbivores & carnivores, font vivipares & allaitent leurs Petits. Ils paroiffent faire la nuance entre les Cétacées & les Quadrupedes , mais fe rapprochent plus encore des Quadrupedes par leur forme & par leur ftruéture. Intel- ligens , dociles & d’un caractere focial , ils s’apprivoifent gomme divers Quadrupedes, & font fufceptibles d’une édu- cation analogue. Ils font donc bien élevés dans l' Échelle de l'animalité. Leurs fens font très-bons; & quoiqu'ils aient un air lourd & pefant, ils favent néanmoins fe fervir, avec beaucoup d'adrefle, des membres fi courts qui leur font échus en partage.
A
DE LA NATURE.Part. III rés
al
À fa fuite , paroiflent le Veau - de- mer (3 ), & l’Hippopotame ou Cheval-marin ( 4 ), & tous les Céracées {5 ).
(1) Le Vean-snarin eft encore du genre des Phoques ; mais il eft fort inférieur par fa taille au Lion-marin.
(4) tf L'AHippopotare reffemble bien moins encore au Cheval , que le Lion - marin ne reffembie au Lion. Mais l'Hip- popotaine a une voix qui imite fouvent le henniflement du Cheval, & il n'en a pas fallu davantage aux Voyageurs pour lui faire donner le mom de Cheval - inarin. I n'eft pourtant pas un habitant de la Mer :il n’habite proprement que les Fleuves & les Lacs. IL vit dans l’eau & fur terre, & peut être rangé parmi les Amphibies improprement dits. Il ne nage pas néanmoins : {es pieds, pourvus de quatre doigts, ne font point garnis de membranes où de nagcoires. C'eft un vrai Quadrupede , & un puiffant Quadrupede ; car {à taille égale celle du Rhinocéros , dont il fe rapproche un peu par fa forme. On a vu des Hippopotames de feize ou dix -fent pieds de longueur , fur fept de hauteur & quinze de circonférence. Sa gucule, qui a plus de deux pieds d'ouverture, eft armée d'’é- normes dents incifives , canines & molaires, du poids de plu- fieurs livres, & dont l'émail eft fi dur, qu’il fait feu avec l'acier, Sa peau et aufli d’une dureté extréme, & peut fervir à faire des boucliers. Un pareil Animal feroit bien :edoutable, s’il étoit aufli féroce qu'il cit puiflant ; mais heureufement qu'il a reçu de la Nature un caractere aflez doux. Il fe nourrit également d'herbes, de graines & de Poiffons.
C5) ft Les Naturaliftes ont donné le nem de Césocées à ces grands Animaux marins , qui fe rapprochent beaucoup des Quadrupedes par leur ftruéture , & dont la forme imite celle des Poïlons. Ils ont, comme ces derniers, de vraies na- gcoires; mais leur queue garnie auf de nageoires, au licu.
Teme L. L
162. UC, ON TE MPMETA TION
Le- Crocodile & la Toïtue s'offrent à leur tour, & je me trouve chez les Quedrupedes.
Sans ofer donc déte:m ner la marche de la Nature, plaçons cependant les Oïfeaux entre les Poiflons & lcs Animaux à quatre-pieds (6).
SOUVENONS- NOUS feu'ement que le grand & le petit n° entrert point ici en-confidération.
Daxs cet _ ordre, les Oifeaux aquatiques fe
de préfenter fon tranchant à la furface de l'eau) cemme celle des Poitlons, lui préfente , au contraire , fon cüt: applati. Tous les Cétacées ont de vrais poumons , & fe rendent à la furface de l’eau pour refpirer. Leur cœur a deux ventricules & deux orcillettes. ‘Tous ont fur la tète des tuyaux, au moyen defquels ils font jaillir l’eau qu’ils ont avalée. Les uns n’on
point de dents; les autres en font pourvus. Ils ont d:s parties fexuelles , s'accouplent, mettent bas & allaitent ieurs petits. La Baleine proprement dite, le Cachalot , le Narhwal, le Dau- phin, font au nombre des Céfac'es.
(6) tf Les Poiflons paroïlient , en effet ; fe lier très-bien avec les Quadrupedes par les Cétacées & par les Phoques : mais comment placer les Cifeaux au-deffns des Quadrupedes, unis fi étroitement à l'Homme par le Singe? Comment en- core placer les Oifeaux au-d2ffons des Poiflons, qui s’enchat- nent fi naturellement aux Reptiles ? Nons voyons par - tout des sradations entre les Êtres : mais l’ordre de ces gradations ne nous eft encore connu que très- imparfaitement. L'Échelle de la Nature pourroit, comme je le difois, n'être pas fimple, & jetter de côté & d'antre des Branches principales, qui pouf. feroient elles-mêmes des Branches fubordonnées.
:DÆNL, A NATURE. Part.lIll. 163
?
rangeront immédiatement au-deflus du Poifon- volant. |
Les Oifeaux amphibies , ou qui habitent ésa- lement l’eau & la terre, occuperont l'échelon qui fuit, & feront ainfi la communication des Contrées aquatiques aux Contrées terreftres & aériennes (7 ).
C7) H Les Oïfcanx agratiques w'habitent pas les eaux À fa maniere des Poiflons : leur organifacion eft bien différente de celle de ces dernicrs ; mais üis trouvent, comme ces déruicts, leur nourriture dans les eaux, Je nomme donc ici Oifeanx aquatiques , ces Oifenux plonvenrs qui, comme la Macreule, la Grébe, le Piongeon , &c. ne quittent guere l'eau, & dont les pieds femblent plus Faits pour nager que pour marcher; & je nomme Oifeaux amphibies , ces Oifeaux qui , comine Île Cygne , l’Oie, le Canard, fe tiemhent également fur l'eau & hors de l’eau. On voit donc que ces dénominations d'aquatiques & d’arphibies, ne doivent pas être prifes ici dans un fens rigoureux. Les Méthodiftes nous offrent fur ce fujet des dé. tails qui n’entrent pas dans mou plan. à
2 des
164 NCONTEMVPILA TI\0N =—— ps CHA PR ECRIRE XOOPS
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Les Oifeaux.
À ce nouveau féjour, répond une nouvelle décoration.
Aux écailles fuccedent des plumes , plus cem- poices & plus variées ; un bec prend la place des dents : des aîles & des pieds viennent rem- pizcer les nageoires: des poumons intérieurs & d’une autre ftruéture , font difparoître les ouies : un chant miélodieux fuccede à un filence
profond C1 ).
” sai
(rx) ff la vue parot étre le fens dominant dans les Oi- feaux ; ils l'ont exquiie. L’Oïifeau de proie voit de vingt fois plus loin qu'un Homme ou qu'un Quadrupedc. Le Milan, qui s’éleve à plus de deux mille toiles, découvre du haut des airs, le Lézard ou le Mulot qui rampent fur la terre, & dont il ne dédaigne pas de faire fa pâture. Les yeux font provorttonneilement plus grands chez les Oileaux , & ils offrent des parties qui femblent leur être propres : telle cft cette ef pece de paupicrce intérieure, tranfparente & très - mobile, def. tinée à nattover la cornée & à modérer l’excès de la lumiere : telle cft encore cette membrane particuliere, placée au ford de l'œil, qui, fournie par un épanouiflement du nerf opti- que , accroît merveilleufement la fenfbilité de l'organe. Doué de cette vue cxquife , l'Oifeau découvre des régions fnpé- rieures de l’athmofphere, une immenfe perfpective, & la ra.
DE LA NATURE Part. IIL 165
- Du Cormoran à l'Hirondelle; de la Perdrix au Vaucou: ; du Colibri à l’Autruche ; du Hi-
pidité de fon vol Ini donnant la facilité de fe tranfporter en peu de temps d'un climat dans un autre, la perfpettive change, fans ceffe, augmente proportionnellement le nombre des ima- ges qui fe tracent dans le cerveau , & conféquemment celui des perceptions vifuelles, dont la variété n'augmente pas moins.
L'ouie eft, après la vue, le fens le plus parfait chez les Oi- faaux. Ils forment un grand Peuple de muficiens, & leur voix , fi étonnamment diverfifiée dans les différentes Efpc-. ess, & qui left fi agréablement dans un grand nombre, in« dique affez que l'organe de l’ouie y eft très- perfectionné. On peut l'inférer encore de 1a faciüité & &e la précifion avec lef quelles divers Oifeaux apprennent & répetent différens airs; & combien eft-on plus frappé encore de ces Efpeces dont lé talent s’éleve jufqu'à imiter la parole ! Mais l’Anatomie nous donne fur ce fujet des notions plus précifes. Elle nous dé- montre dans l'organe de l'ouie des Oïfcaux, un conduit au- ditiF, un tambour, une caife , trois canaux demi -circulaires ; mais elle nous apprend eñ même temps que cet crgane n’a chez les Cifeaux , comme chez les Reptiles, qu'un feul offelet terminé en plaque , & qui manque abfolument de cette partie qu'on nomme le Zésason.
L'odorat, qui joue le premier réle, & un fi grand rôle chez beaucoup de Quadrupedes, tels que le Chien, le Renard, &c. neft qu'en fous- ordre dans Ja plupart &es Oifeaux. Il en eft mème qui n’ont point de narines, & qni ne recoivent l’im- preffion des odeurs que par l’intérieur de la bouche. On re- marque encore que les nerfs olfaéiis funt, en général, affez petits dans cette clafle d'Animaux.
Le goût paroït encore plus dégradé que l’odorat dans nn grand nombre d'Oifeaux, fur-tout chez les graniveres : leur s , ë
L 3
éé CONTEMPIATION
bou au Paon; du Corbeau an Rofienol ; quelle iurprenante variété de ffrudure , de vroportion ; de couleur & de chant!
Jaugne, prefque cartilagineufe , ne femble pas devoir étre biew fenfible. Ces Oifcaux avalent fans mâcher , & ne favourent rien. Mais chez les Oifeaux de proie, dont la langne eft molle & flexible, le goût efl, fans doute, mroïns obtus.
Enfin , le toucher cft peut-être moins obtus dans l’Oifeaur que le goût & l’odorat; car il fait un aflez grand ufage de fes doigts, & la peau qui les recouvre n’eft pas par-tout callenfe.
IL eft dans la Nature des fns que la Raïfon ne fauroit mé- connoître. Mais c'eft fur-tout dans la ftruéture des Animaux qu'on découvre le plus de fins particulieres & frappantes. La Fhyfologie eft, en quelque forte, la fcieuce des fins. Il ne faut, par exemple, que jetter un coup-d'œil fur la forme du corps & des nageoires des Foiflons , pour tre frappé de leur admirable appropriation à l'élément qu'habitent ces Animaux. , Le corps & les ailes des Oifeaux ne font pas moins en rapport avec cet élément léger qu'ils fendent d'un vol fi hardi, & où ils fe foutiennent à des hauteurs fi confidérables. Des Natu- raliftes vraiment Philofophes, qui fe font plis à recueillir ces traits précieux d'une SAGESSE ORDONNATRICE, nous font remarquer, que les mufcles peétoraux de l’Oifeau font beau- coup plus forts que ceux de tant autre Animal ; que le vo. lume des aîles eft plus grand, & leur maffe plus légere, pro- portionueïllement an volume & au poids du corps; que ce- lui-ci renferme deux grandes cavités pleines d’airs, qui di- ruinuent fa pefanteur fpécifique , & que les os qui en compo- fent la charpente , font minces , ereux , & pour Lorie peu revètus de chars,
Mais un autre Natutalifte, non moins Philofophe, & plus
DE LA NATURE. Part.IIT 167
Aworifé encore de la Nature, a pénétré bien plus avant dans la favante méchanique qui a préfiié à la formation de POi- fesu. Non- feulement il s'eft alur/ , par des obfervations exac- tes, que les os des Cifeaux qui s'élevent le plus dans les airs, font mincès, creux & dépourvus de moelle; mais des obfer- vations plus fines ni ont encore découvert dans ces os, des cavités particulieres, habilement ménayées , qui communiquent avec les poumons, & au moyen defqueiles les os reçoivent un air plus ou moins chaud, qui accroît leur légéreté. Telle eft l'admirable ftruéture des os de l’Aïgle, qui fe perd dans la nue; telle “ef celle des os de l’Alouette qui, tandis qu’elle s’éleve fi haut dans les airs, nous fait entendre une fi agréable :mé- lodie. Et ce qui acheve de démaontrer.ici la réalité de la fin, c'eit que dans les Oifeaux qui ne velent ni haut ni long-temps , comine le Dindon , la Poule, le Moineau, les os font plus remplis de moëlle, & n’ont point avec la poitrine ces commu- nva-ions fecretes que nous venons d'admirer.
Plus on étudie la fÆruétare de lOifean, & plus on reconnoît que la Natüre l'a fait pour étre hab'taut de l'air, & pour rendre des lens plus ou moins forts &/pius où moins variés. Ses poumons ue font pas Sp plus ampies que coux du Quadrnpede ; ils font encore garnis de fludic :rs appendiceseqtif font autant de: refervoirs d'air. La Fes >a:tcre a,quii plus de” coni face & d'étendne, & fa confofmation offre. des particularités intercl- fantes , qui font” propres à l'Oifeau. De. ce nombre eft une forte “4 larynx interne, plac à la raïtie inférieure de ia tra- chée, coinmvole de différentes membranes , dont la forme & ia poñition fervent à fortifier & à modificr la voix.
Les organcs de la diz2&ion font fort compoïs dans l'Oi. feau grasivore. Il a deux Pan 2. le premier, qu'on nomme le jaboi , eft parement membrancux : le fecond, nommé le géfier , eft tout mufcuieux, & doué c) une force fi DORE
qu'il triture des corps très-durs & raie profondément Île métal. L'Oifeau granivore a encore un double cœecum. Il n'y a pas
L4
168 E ON TE MP A TION
le même appareil dans l'Oifcau carnivore. Ses inteftins font bien moins étendus que ceux du granivore. Il n'a ni un dot. ble cœcum ni cette forte de meule deftinée à triturer , & dont il n'avoit aucun befoin ; mais fon eftomac eft pourvu d'organes fecrétoires particuliers , qui filtrent avec abondance un fue
très - diflolyant.
Je pañfe fous filence les autres vifceres de l'Oifeau : je ne dis rien de fon cœur à deux ventricules , de fes vaifleanx , de fon cerveau divifé en deux lobes, & des nerfs qu'il diftribue aux fens, de la moëlle épiniere & des nerfs qui en partËnt, des reins très-alongés & formés de plufeurs lobes , des or- ganes de la génération , qui different à tant d'égards de ceux du Quadrupede , & dont la ftruéture à la Fois fi compofée & fi fimple, excite l’admiration de l’Anatomifte : tous ces détails de Phvfologie me meneroient trop loin, & j'en ai dit affez pour faire juger de la perfection organique qui brille dans ect Ordre déja fi relevé d'Êtres vivans.
D EL 4 N A TU RE. Part. III. 169 © 10
CHAPITRE XXVIIL Pollige des Oifeaux aux Quadrupedes.
La Cheuve-fouris ; l'Écureuil-volant ; P Autrucbe.
D, s Oifeaux velus , dont les oreilles font uüillantes, la bouche garnie de dents, le corps porté fur quatre pattes armées de griffes s font- ils de véritables Oifeaux ?
DEs Quadrupedes qui volent à l’aide de gran- des aîles membraneufes , font-ils de vrais Qua- drupedes ?
La Chauve- fouris C1) & Ecureuil vo=-
{ x) +f La Chauve- fouris, dont les membres bizarrement découpés , font fi difproportionnés avec le corps, & forment avec lui un tout fi étrange & fi diforme, eft beaucoup plus Quadrupede qu'Oïfeau. Elle a tous les vifceres des Quadru- pedes , & leur ftruéture eft effentiellement la même que dans ceux-ci. Elle produit, comme eux , des petits vivans & les allaite. La partie fexuelle du mâle a même une reffemblance très-marquée avec celle de l'Homme & du Singe. Ce n'eft ” donc que par la faculté de voler, que 11 Chauve-fouris fe rap- proche de l’Oifeau : aufli a-t-elle, comme lui, les mufcles peétoraux beaucoup plus forts que ceux du Quadrupcde.
GUOUN: EME ND ANT IGN
last (2) font ces Animaux bizarres , fi propres a confirmer la gradation qui eft entre toutes les produdtions de la Nature.
L’AUTRUCHE , aux pieds de Chameau, qui court plutôt qu'elle ne vole, paroïit un autre chainon , qui unit les Oifeaux aux Quads
pedes ( 3).
C2) TF L'Écureuil -volant, qui a de grands rapports avec l'Ecureuil commun, fe rapproche beaucoup moins de l'Oifeau par fa faculté äe voler, que la Chauve - fouris. H n'a pas pro- prement des aïles membranenfes > Comme celle-ci; mais fa peau Riche & pliffée fur les côtés du corps, cft fufceptible d’unc affez grande extenfion , qui accroît le volume de l'A- nimal , le foutient en Pair, & ini donne une plus grande fa- cilité pour s’élancer d'un arbre à un autre.
(3) tt L'Autruche qui eft, en quelque forte, aux Oifcaux ce que PÉléphant cit aux Outre eft fi bien privée de la puiffance de voler, qu’elle wa point proprement d'adss, & que les efpeces d’aïlerons qui en tiennent la place , font platôt des bras que des aïlerons. Au lieu d'être garnis de plu- ries femblables à celles des Cifeaux, ils font revètus de longs flamens foyeux , détachés les uns des autres, @& qui n'étant point réunis dans une même mafle, ne penvent frapper l'ais avec avantage. La queue eft garnie de parcilles foies , dont la poñtion & l’arrangement ne font point du tout prepres à former une forte de gouvermail. L’'Auträche ef encore atta- chée à la terre par la pefanteur de fa maile, dont le poids moyen pourroit étre évalué à quatre-vingts Hivres.
Cet Oifeau coloffal eft un de ces Étres finguliers & mi-
DE LA NATUR E.Purt.Ill.” 17:
toyens , qui femblent Faits pour mettre en évidence la grada- tion qui elt entre toutes les produétions de la Nature. Ka plutôt des poils que des plumes, & fa tète & fes flancs font prefque nuds. Ses cnifles, très - groffes & très -mufculeufes , s'articulent à des jambes proportionnées, & fes grands picds nerveux & charaus, qui n'ont que deux doigts fitués en avant, reflemblent fort à ceux du Chaimeau. Ses veux, qui imitent ceux de l'Homme , peuvent fe diriger enfemble vers le même objet.
- Lntruche qui, par fon extérieur , foutient des rapports fi marqués avec le Quadrupede , s'en rapproche plus encore par fon intérieur. Son Squelette préfente une multitude d’analogies avec celui du Quadrupede, & les parties molles en préfen- nt de plus nombreufes & de plus frappantes encore. En un mot, on peut dire avec l'Hiftorien de la Nature, que l’Au- truche eft mi-parti Oifeau & Quadrupede.
17 CON TE MPELAMIDO N Mn ns dus —ÿS CHAPRPRE XLR Des Quodrupedes.
L A cafe des Quadrupedes ne le cede point en variété à celle des Oifeaux. Ce font deux perfpedives d’un goût différent, mais qui ont quelques points de vue analogues C1 ).
: à Les Quadrupedes carnaciers répondent aux Offeaux de prote.
Les Quadrupedes qui vivent d'herbes où de grains, répondent aux Oifeaux qui fe nourrif fent de femblables alimens.
Le Chat-huant eft aux Oiïfeaux, ce que le Chat eft aux Animaux à quatre pieds.
(x) ff Les Quadrupedes font hien moins nombreux cer Efpeces, que les Oifeaux. On ne connoït guere que deux cents Efpeces de Quadrupedes, dont plus du tiers appartien- nent à nos Contrées, & il exiffe environ douze ou quinze cents Efpeces d'Oifeaux. Il y a plus chez les Oifcaux, le Mâle & la Femelte different beaucoup plus par les propor- tions & les couieurs , que chez les Quadrupedes. La génera- tion accroit encore les variétés dans les Oïfeaux; car leurs Mulets où Métifs font Féconds, & s’accouplent, foit entr'eux, foit avec les races principales dont ils dérivent.
DE LA NATURE. Part.III. 173
La Loutre femble répondre au Canard (2).
Les Quadrupedes peuvent fe divifer en deux
elafes principales :
La premiere comprend les Quadrusedes, dont
le pied /o/ide eft formé d’une feule piece , où refendu en deux ou plufieurs pieces.
(2) tt Le grand Peintre de la Nature, fi habile à faifir
les analogies de ce genre, s’eft plu à les raîlembler dans un mème tableau, que je me fais un plaifir de p'acer ici fous les yeux de mon Lecteur. ,, Le naturel & les mœurs, dit-il, dé-
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pendent beaucoup des appétits : en comparant donc à cet égard les Oifcaux aux Quadrupedes, il me paroît que l’Aïgle, noble & généreux, eft le Lion; que ie Vautour , cruel, in- fatiable , eft le Tigre ; le Milan, la Bufe, le Corbeau qui ne cherchent que les vuidanges & les chairs corrainpues, font les Hyennes , les Loups & les Chacals ; les Faucons, les Eper- viers , les Autours & les autres Oifeaux chaffeurs, font les Chiens , les Renards, les Onces & les Lynx ; les Chouettes , qui ne voient & ne chaflent que la nuit, feront les Chats; les Hérons , les Cormorans qui vivent de Poiffons , feront les Caftors & És Loutres ; les Pics feront les Fourmülers, des qu'ils fe noutrifflent de méme en tirant également la lange
pour la charger de Fourmis. Les Paons, les Cogs, les Die dons, tous les Oifeaux à jabot , resréfentent les Bœufs, Les Chevres & les autres Aninaux- ruminans ; de maniere qu'en établiflant une échelle des appétits, & préfentant le tabicau des différentes facons de vivre , on retrouvera dans les Oifeaux les mêmes rapports & les mèmes différences que
" nous avons obfervées dans les Quadrupeies , & méme es
E2]
puances en ferent peut-être plus variées ?
&s4 MCIOUN TE M PM ÆI:ON
La feconde comprend les Quadrupedes , dont le pied eft pourvu de griffes ou de doigts.
Parmi les Quadrupedes de la premiere claffe, depuis le Cheval jufqu’au Porc; parmi ceux de la feconde , depuis le Lion jufqu’à la Souris, quelle diverfité de modeles, de grandeurs & de mouvemens (3)!
(3) tt Je partois ici de l’ancienne divifion , ou de la divi- fon commune des Quadrupedes, en Solipedes, en Péeds-fourchus & en Fifipedes ; mais je ne faifois qu'indiquer les feconds’, auxquels fe rapportent le Cerf, le Bœuf, le Bélier, &c. Il eft de moilleures divifions , quoique toutes foient néceffairement im- parfaites ; & ces divifions qui paroïflent préférables , font celles de nos modernes, dont les partitions font plus mültipliées & les caracteres plus particularifés : mais j'ai afez répété que la nomenclature proprement dite n'entre pas dans le plan de mon Livre. Il ne faut que parcourir les Planches de la belle Hiftoire des Quadrupedes de l’illuftre BUFFON, pour voir comment ia Nature pafle d’une claffe à une autre, ou d’un genre à un autre genre, par des degrés plus ou moins marqués, & quel: quefois par des iuances affez légeres ;. & ce font ces degrés on ces nuances qui fe refufent à ces ordres fyftématiques, auxquels on s'efforce de Les aflujettir.
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DÆÉCLA NATURE. Part.Ill 75
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Paffuse des Quadrupedes à l Homme. Le Singe.
P, R quel degré la Nature s'élevera-t-elle juf- qu’à l'Homme ? Comment applatira-t-elle ce mu- feau faillant, & lui imprimera-t-elle les traits de la face humaine ? Comment redreflera-t-elle cette tète inclinée vers la terre ? Comment changera-t- elle ces pattes en des bras flexibles ? Comment transformera-t-elle ces pieds crochus eïf des mains fouples & adroites ? Comment élargira-t-elle cette poitrine rétrécie? Comment y placera-t-elle des mamelles , & leur donnera-t-elle de la rondeur ?
Le Singe eft cette ébauche de l'Homme : ébau- che grofliere, portrait imparfait, mais pourtant refemblant, & qui acheve de mettre dans fon jour ladmirable progreflion des Oeuvres de
Dieu (1).
(x) tt Le grand intervalle qui fépare l'Homme des vrais Quadrupedes , eft rempli par les Singes & par les Animaux qui Le rapprochent le plus des Singes, dont les Efpeces affez nom- breufes font très-nnancées. En partant de celtes qui avoifinent Le plus les Quadrnpedes proprement dits, on monte comme par autant d’échelons, vers une Efpece fupérieure & principale,
176 CONTEMPLATION
qui touche de fi près à l'Homme, qu'elle en a reçu le nom d'Orang - outang on d’Homme Sauvage. C'eft fur-tout ici qu'on ne peut méconnoître la progreffion graduée des Étres, & que fe vérifie l’axiome fameux du PLATON de la Germanie, que læ Nature ne va point par Jauts. Quelie énorme diftance fépare l'Homme du Chien ! Et pourtant, entre l'Homme & le Chien, la chaîne eft prefque continue : & en remontant le long de cette chaîne, le contemplateur de la Nature arrive avec furprife à un Être fi reflemblant à l'Homme, que les caraéteres qui l'en diftinguent femblent moins des caraéteres fpécifiques , que de
Æimples variétés.
Que penfer, en effet, d’un Être qui n’eft point proprement un Homme, & qui a pourtant la taille, le port, les membres & la force de l'Homme ; qui marche toujours comme l'Homme, fur deux pieds, la tète élevée; qui, entiérement dépourvu de queue, s’afficd comme lui, fur fon derriere; qui a comme lui des mollets , des cheveux fur la tête, de la barbe au menton, un vrai vifage, des mains , des pieds , des ongles fembiables à ceux des l'Homme; qui faît s’armer de pierres & de bâtons, pour attaquer & pour fe défendre; qui eft auffi ardent pour les Femmes que pour les Femelles de fon Efpece; enfin, qui eft fufceptible d'éducation ,au point de s'acquitter des fervices d’un adroit valet-de- chambre, & de contracter des habitudes, des manieres, & même une forte de politefle qui fembleroit ne convenir qu’à l'Homme ?
Confidéré dans fon intérieur, cet Être fi fingulier ne paroit pas fe rapprocher moins de la Nature humaine que par fon extérieur; & fi l'on parcourt les principaux traits de reffem- blance & de diffemblance que l’Anatomie y découvre , on s’éton- nera que les diflemblances foient fi légeres & en fi petit nom- bre, & les reffemblances fi marquées & fi nombreufes. Qu’ajou- terois-je, enfin! le cerveau de l’Orang-outang a la forme & les proportions de celui de l'Homme ; & il n'y a pas jufqu'anx dents , à la langue & aux organes de la voix, qui ne foient fem-
blables encore à ceux de l'Honyne. QUATRIEME
DE LA NATURE. Part. IV. 177 YARIS ARS AN Tr, QUATRIEME PARTIE.
SUITE DE LA PROGRESSION GRADUELLE DES ETRES.
CHAPITRE PREMIER.
EN (=
Des Animaux confidérés comme Etres mixtes,
Supériorité que la faculté de [entir donne à l'An: mal [ur la Plante.
L: relations de la Plante avec les Etrec qui l'environnent , & dont elle tire fa fubältance, ont des relations purement corporelles ; ou ren fermées entiérement dans la fphere des pro: prietés des Corps.
L'ANIMAL, plus excellent; tient encore à 1a Nature par d’autres liens ; & par des liens d'un genre plus relevé.
Comme Îa Plante, il végete : conime elle ; il recoit du dehors l’aliment qui le fait croître comme elle , il multiplie. Mais à ces différentes
Tome I, M
igg EONTEMPLATIO N
actions, {e joint chez lui le fentiment ou la per- ception de ce qui fe pafle dans fon intérieur.
CE fentiment tient à plufeurs autres , qui naiflent par différentes voies ; & tous font accom- pagnés de plaifir ou de douleur.
Les fentimens agréables inftruifent l’Animal du rapport qu'ont certains Corps avec fa con- {ervation ou {on bien-ètre : les fentimens défa- gréables ou douloureux l’avertiflent des qualités contraires, qui fe trouvent dans d’autres Corps.
IL eft ainfi le centre où vont rayonner divers objets : il s'approche des uns, il s'éloigne des autres, fuivant la nature des relations qu’il fou- tient avec eux.
L'ORGANE immédiat du fentiment font les nerfs , ou ces aflemblages de petites fibres blan- châtres, qui du cerveau s'étendent, comme des
cordelettes ( I), à toutes les parties.
(1) tt I ne fandroit pas inférer de cette expreflion, que les nerfs font tendus comme les cordes d’un inftrument de mufique : ils ne le font point; & il eft prouvé par des obferva- tions directes, que la propagation des fenfations ne s’opere pas par des vibrations qui s’exécutent dans les parties folides des nerfs. Mais cette propagation paroît s'opérer par le miniftere d'un fluide très-fubtil, connu fous le nom de Aude nerveux, & qui remplit les cavités invifibles des nerfs.
DÆCL Æ °N AïTU RL: Part. IV: 179 EE CRAN ES ROE UE
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EE
Réflexion [ur linfenfibilité qu'on attribue aux Plantes.
; ee Plantes n’ont point de nerfs, ni aucune partie qui paroifle en faire les fonctions.
DE -LA, on conclud qu’elles font privées de fentiment ; & cette conclufion femble affez légitime,
Mais quel eft précifément l'échelon où -le fentiment commence à {e manifelter 2
Du Polype ou de la Moule à une Plante, ia diftance paroït bien petite.
La folution de cette queftion tient à des connoiffances , que nous ne fommes pas prêts d'acquérir ( 1 ).
ES
CONTENTONS- NOUS de pofer ce principe comme une vérité : c'eft que les Etres {entans
(1) ff Je traite ailleurs de la queftion , s’il eft pronvé que les Plantes foient abfolument infenfibles , & je montre combien nes jugemens fur cette queftion font précipités ou peu réfléchis,
M 2
ago CONFEMPLATIONK::
ont été multipliés, autant que le plan de fà Création a pu le permettre.
Faisons -Nous donc un plaifir de penfer, que fi ces Machines organifées , que nous nom- mons des Végétaux, ont pu ètre unies à des Subitances capables de fentiment, cette union a eu lieu.
Maïs fi les Plantes fentent , la Truffe fent, & de la Fruffe à PAmianthe ou au Tale, la dif tance me paroît pas grande.
ARRÉTONS - NOUS , & n’étendons point nos conféquences au - delà de leurs juftes bornes : nous dénaturerions les Subftances, & nous fe. rions un Monde imaginaire (2).
(2) H On verra dans le Chap. XVII de La Part. VIII, k& différence effentielle qui eft entre la cryftallifation & l’organi- fation:; chofes que des Hommes célebres'fe font plûs à confondre.
LR ES ss)
DE LA NATURE Part. IV. 198 CS.
Ne
EE: CHAR EIRE EE: ERE Dificulté fur la conflrucfion de l'Échelle animale. Réponfe a cette dificulte.
EL. perfection fpirituelle répond-elle toujours à la perfection corporelle dans les Animaux ?
S1 cela eft ainfi, comme la raifon nous le perfuade, d’où vient que l’Autruche imbécille paroït le céder en intelligence à l’induftrieux Fourmilion , place beaucoup plus bas qu’elle par fa ftruéture ?
NE nous méprenons point : les traits bril- lans d'intelligence que quelques Infeétes nous offrent, nous furprennent , parce que nous ne nous attendions pas à les trouver dans des Ani- maux , que nous jugions à peine capables de fentir. Notre imagination s’échauffe aifément fur ces agréables nouveautés, & nous donnons bientôt à ces Infectes plus de génie qu’ils n’en ont réellement.
Nous exigeons, au contraire , beaucoup des grands Animaux , apparemment parce que nous
M 3
. tés -CONTÉMPEATIBON
leur voyons une ftrüdute plus reffemblante à la nôtre: aufli fommes - nous fort portés à les dégrader , dès qu’ils ne rempliffenc pas notre attente. Il en eft cependant, dont lEfprit ne fe manifefte pas par des traits, pour ainfi dire, faillans, mais par un grand nombre de petits traits peu fenfibies, qui réunis, forment une fomme d'intelligence fupérieure à celle de lIn- fecte le plus induftrieux. Tel feroit, fans doute, le cas de l’Autruche, fi elle étoit mieux obfer- vée. On lui: a fort reproché , par exemple, fon indifférence pour fes œufs. On a dit qu’elle laifloit au Soleil le foin de les faire éclorre. Ce reproche s’eft changé en éloge pour les Autru- ches du Sénégal, depuis qu’un Obfervateur exact leur a donné lattention qu’elles demandoient. Dans ces contrées brülantes , le Soleil échauffe fufifimment pendant le jour les œufs de lAu- truche, cachés fous le fable. La chaleur de la Mere feroit pour - lors inutile, ou mème nuifi- ble : elle ne feroit que détourner celle du So- leil, plus active & plus efficace. Mais les nuits font fort fraîches dans le Sénégal : les œufs de PAutruche rifqueroient de fe refroidir, fi à la chaleur du Soleil il n’en fuccédoit point une autre. Cette chaleur eft celle que la Mere ne manque point de leur procurer en venant alors fe pofer deflus. |
DELA NATURE: Part. IV. 293
Au Cap de Bonne - Efpérance, moins chaud que le Sénégal, l’Autruche couve le jour & la nuit, comme les autres Oifeaux. Les Petits bec- quettent peu d'heures après être nés; mais ils ne marchent qu’au bout de quelques jours : l'Autruche a foin de mettre auprès d’eux des nourritures qui leur conviennent.
REMARQUONS enfin que nous lions une ef- pece de fociété avec les grands Animaux. Leur Mémoire retient fidélement un certain nombre de fignes ou de fons. Leur Ame eft affectée de plufeurs genres de perceptions : la vue & Vouie feules leur en fournifflent une abondante fource. |
Les Infectes ne nous offrent de tout cela que des images crès-imparfaites. Le Fourmilion ne connoit que fon piege , & la proie qui cherche à en fortir. Ses yeux immobiles & muets ne difent rien aux nôtres : il n’eft affecté d’aucun
fon (1).
(1) tf L'éloquent Hiftorien de la Nature nous repréfente les Sifges comme des étourdis, des extravagans, des efpeces de maniaques, & n’héfite pas à placer an-deflus d’eux le fage & grave Eléphant, dont l’énorme malle, lourde & informe , dif- fere fi prodigieufement des belles proportions du corps de
FHomme. Mais, fi l'on compare ce qu'il a vu lui-même d’ur
M 4
184 CON TE MPNLUA T I ON
ee SE ——————"î7 CA APETIRE LU
De la portée de l'Infin® des Animaux.
Maniere d'en juger.
pou font affurément des Animaux plus parfaits, dont la fphere d’intelligence s'étend à un plus grand nombre de cas. Ces Animaux,
Orang - outang qu'on montroit à Paris, avec ce qu'il raconte de V'Éléphant , je crois qu’on aura peine à refufer au Singe la premiere place , que fa grande reffemblance avec l'Homme femble réclamer. Nous n'avons pas l'anatomie la plus exaéte du cerveau des deux Animaux; mais fi toutes les parties, tant extérieures qu'intérieures d’un Animal , font en rapport, il y a lieu de préfumer que l’organifation du cerveau de l'Orang- outang , fe rapproche plus de l’organifation du cerveau de i’Homme , que celle du cerveau de tout autre Animal. Il faut pourtant que le cerveau de l’Orang-outang differe par quelque chofe de très - cffentiel de celui de l'Homme, puifque l’Orang- outang ne parle point, quoiqu'il ait tous les organes de la voix de l'Homme. Je n’entends pas ici par l’action de parler, la fimple capacité de proférer des fons articulés : le Perroquet, placé bien au-deffous du Singe, profere de tels fons , & n’en parle pas davantage : mais j'entends par la faculté de parler, celle de lier à des fons articulés les idées que ces fons repré- fentent. Combien feroit -il à defirer pour le perfe@tionnement de nos connoiffances pfychologiques , que l’Anatomifte & le Philofophe puffent travailler fur l'Orang-outang autant qu’ils - glt travaillé fur l'Homme ou {ur les Animaux domeftiques !
D'EPL A N'A TURF (Port. IV. Ss
contrariés dans leurs opérations , favent fe re- tourner , & parvenit à leurs fins par différen- tes voies.
Le Polype ne fait qu’alonger & raccourcir fes bras. L’Araignée tend un filet où brille une régularité géométrique. Le Faucon & le Chien pourfuivent teur proie avec intelligence. Le Singe ofe imiter l'Homme.
EVE ——— = °;7"}) GAL SA CRETE D RMENNV,
are
Queflion fur les Ames.
D a-t-il créé autant d’efpeces d’Ames, qu'il y a d’efpeces d’Animaux ? Ou n’y a-t-il parmi les Animaux qu’une feule efpece d'Ame, modifiée différemment par la diverfité de lor- ganifation ?
CETTE queftion eft pour nous un myftere abfolument impénétrable.
TowrT ce qu’on peut dire de fenfé la-deflus, fe réduit à ceci: c'eft que fi DIEU, qui agit toujours par les voies les plus fimples , a pu varier la perfection fpirituelle des Animaux , per
186 CONTEMPLATION
la féule organifation , il eft probable que fa SAGESSE l’a fait.
CETTE maniere de raifonner peut cependant “être pas exempte d'erreur. Nous difons, cela cft fage, donc Dieu la fait. Difons plutôt, Dieu l’a fait, donc cela eft fage. Mais ici , le fait nous eft entiérement inconnu ( 1).
(x) tf Si tout eft nuancé dans le Monde phyfique, il y a bien de l'apparence que tout eft nuancé aufli dans le Monde intelleétuel , & que les Ames ont été variées comme les Corps organifes auxquels elles font unies, & qui concourent au dé- veloppement de leurs facultés refpeétives. Un grand Homme alloit plus loin, & entreprenoit de démontrer qu’il n’eft pas dans l'Univers entier deux Étres parfaitement femblables. Sa . Métaphyfique toute tranfcendante refufoit même d'admettre la fimple poffibilité que deux. Etres fe reflemblent parfaitement. Ce n’eft pas ici le lieu de traiter une queftion qui appartient uniquement à la Philofophie fpéculative , & dont la difeuflion feroit très-déplacée dans un Tableau en raccourci des Merveilles de la Nature.
C2 PQ
DE LA NATURE. Port. IV. 187
GE
EN me brome UP COHAPAE RE TVR
L'Homme confidéré comme Etre corporel.
À la tète de l'échelle de notre Globe, eft
placé l'Homme, chef - d'œuvre de la Création terreftre.
CONTEMPLATEURS des Oeuvres du TouT- PuüIssANT , votre admiration S'épuile à la vue de ce merveilleux ouvrage. Pénétrés de la no- bleffe du fujet, vous vouüriez en exprimer for- tement toutes les beautés ; mais votre pinceau trop foilfle ue répond pas à la vivacite de vos conceptious.
ComMMEnT, en effet, réuflir à rendre avec énergie ces admirables proportions ; ce port noble & majeftueux ; ces traits pleins de force & de gratideur; cette tète ornée d’une agréa- ble chevelure ; ce front ouvert & élevé; ces yeux vifs & perçans , éloquens interpretes des fentimens de l’Ame ; cette bouche, fiege du ris, organe de la parole ; ces oreilles, dont la déli- catefle extrème faific juiqu’à une nuance de ton; ces mains , inftrumens précieux, fource
168 OMCON TEMPTLATIONS
intatifable de productions nouvelles ; cette poi- trine ouverte & relevée avec grace ; cette taille riche & dégagée ; ces jambes, élégantes colon- nes, & qui répondent {i bien à l'édifice qu’elles foutiennent ; ce pied enfin , bafe étroite & déli- cate, mais dont la folidité & les mouvemens n'en font que plus merveilleux 2?
Si nous entrons enfuite dans l’intérieur de ce bel édifice, le nombre prodigieux de fes pieces, leur furprenante diverfité , leur admira- ble conftruction ; leur harmonie merveilleufe, Part infini de leur diftribution , nous jeteront dens un ravifiement , dont nous ne fortirons que pour nous plaindre de ne pas fufre à admirer tant de merveilles. &
Ces os, par leur folidité & par leur affem- blage, forment le fondement ou la charpente de Pédifice : les ligamens font les liens qui unif- fent enfemble toutes les pieces. Les Mufcles, comme autant de reflorts , operent leur jeu. Les nerfs , en fe répandant dans toutes les parties, établiflent entr’elles une étroite communication. Les arteres & les veines, femblab'es à des ruif- feaux , portent par-tout le rafraichiffement & la vie. Le cœur, placé au centre, eft le réfer- voir ou la principale force, deftince à impri-
‘DEC A NA TU R'EVPat. IV. 69
mer le mouvement au fluide, & à l’entretenir. Les poumons font une autre puiflance, ména- gée pour porter dans l’intérieur un air frais, & pour en chañer les vapeurs nuifbles. L’ef- tomac & les vifceres de différens genres, font les magafins & les laboratoires où fe préparent les matieres qui fournifflent aux réparations n£- ceflaires. Le cerveau , appartement de l’Ame, elt, comme tel, fpacieux ( 1 ) & meublé d’une
(x) tt Je voulois infinuer par cette cxpreffion, que le cer- veau de l'Homme eft proportionnellement plus grand que celui de la plupart des Animaux. L’Anatomie comparée préfente D-deffus des réfultats curieux. Je n’en indiquerai que quelques exemples. Dans un Homme du poids de cent livres, le cer- veau pefe quatre livres ; tandis que dans un Bœuf du poids de huit à neuf cents livres, le cerveau ne pefe qu'une livre. Le cerveau eft donc dans l'Homme la vingt-cinquieme partie de fa mafle; tandis qu’il n’eft dans le Bœuf que la huit-centieme ou la neuf-centieme partie de la fienne. Un Chien du poids de treize livres, n’a qu’un peu plus de deux onces de cerveau. Dans le Lievre, le cerveau n'eft guere que la deux-centieme du poids de la maffe totale. |
Il y a pourtant ici des exceptions remarquables ; car le Dau- phin a paru avoir proportionnellement autant de cerveau que l'Homme ; & chez les Phoques , ce vifcere a paru plus grand que dans l'Homme , proportionnellement à la mafe enticre. Nous avons vu ci-deffus, que le cerveau de la Chenille n’eft pas la cinquantieme partie de fa tête.
Les fonctions intelle@uelles de l'Homme exigeoient appa« remment que fon cerveau eût plus de capacité pour filtrer une
399 CONTEMPLATION x
maniere afortie à la dignité du Maître qui l’ha- bite. Les fens, domeftiques prompts & fideles, lavertiflent de tout ce qu’il lui convient de {a- voir, & fervent également à fes plaifirs & à fes befoins.
CHA PETRE:NHE
L'Honime doué de Raiïfon , cultivant les Sciences € les Arts.
Ms hâtons - nous de confidérer l'Homme comme Etre intelligent.
L'Homme elt doué de Raifon. Il a des idées ; il compare ces idées entr’elles ; il juge de leurs rapports ou de leurs oppofitions , & il agit en conféquence de ce jugement.
SEUL, entre tous les Animaux, il jouit du don de la parole : il revèt fes idées de termes
plus grande quantité de ce fluide précieux , dont dépendent les opérations de l’Ame. On feroit tenté d'en inférer, que les Animaux qui fe rapprochent le plus de l'Homme par l'intel- ligence , doivent aufli s’en rapprocher davantage par la grandeut de leur cerveau. <
DELA NATURE. Part. IV. sex
ou de fignes arbitraires ; & par cette admirable prérogative , il met entr’elles une liaifon qui fait de fon Imagination & de fa Mémoire un tré- {or ineftimable de connoiflances. Par-là, l'Hom- me communique fes penfées, & perfectionne toutes fes facultés : par-là , il atteint à tous les Ârts & à toutes les Sciences: par-la , la Nature entiere lui eft foumife (1).
TaAnNTÔT d’une voix forte & harmonieufe, il chante , dans un poëme , les æertus d'un Héros. Tantôt, d’un eoup de pinceau, il change une toile ingrate en une perfpective enchan- tée. Tantôt, le cifeau ou le burin à la main, il anime le marbre, & fuit refpirer le bronze.
(x) tt Qzand la Pfychologie ne démontreroit pas, que e’eft uniquement à la faculté de parler que l'Homme doit fa prééminence fur tous les Animaux , les Sourds & Muets de naiflance , & es Enfans trouvés dans les Bois, ne permet- troient pas d’en douter. On connoït l’état de dégradation des premiers , & les relations qu'on lit des feconds , femblent plutôt appartenir à l'Hiftoire de l’'Orang -outang , ou dun véri- table Hominme des Bois, qu'à celle de l'Homme. On a même vu de ces Enfans élevés par la Nature dans les Forêts, qui étoient fi dégradés , je dirai prefque fi animalifés , qu'on ne pouvoit leur enfeigner à parler. Ces infortunés Individus de l'humanité étoient donc demeurés au niveau de l’Orang - oy« taug ; tant il eft vrai que l’éducation décide de tout dans la vie humaine,
i9s CONTEMPLATION
Tartôt, prenant le plomb & l’équerre , il {€ conftruit un palais magnifique. Tantôt, à l’aide d'un microfcope , qu'il a lui-mème inventé, il va découvrir de nouveaux Mondes dans des atomes invifbles, ou pénétrer le jeu fecret de quelque organe. Tantôt, faifant de ce microf- cope un télefcope, il perce jufques dans les Cieux, & va contempler Saturne & fes Lunes. Revenu dans fa demeure, il prefcrit des ioix aux Corps céleftes, marque leur route, mefure la Terre, pefe le Soleil. Dirigeant enfuite fon vol vers les régions les plus élevées de la Méta- phyfique, il recherche la Nature des Etres, exa- mine leurs rapports , & l’admirable harmonie qui en réfute; & balançant leurs différentes perfections , il voit fe former ane chaine immenfe qui les embrafe tous.
D’AUTRES FOIS ; moins fublime, mais not moins eftimable , l'Homme s'occupe des Arts qui peuvent pourvoir à fes beloins ,; où aug- menter fes commodités. Sa Raifon fe flechit à tout. La Terre, cultivée par fes foïns , enfante chaque jour de nouvelles produ@tions. Le Chan- vre & le Lin fe dépouillent de leur écorce pout jui fournir le vêtement. La Brebis lui abandonne fa riche toifon, & le Ver-à-foie file pour luf fa précieufe trame. Le Métal docile fe moule
dans
DE LA NATURE. Part. IV. 193
dans fes mains. La Pierre s’amollit fous fes doigts. Les Arbres les plus grands & les plus forts tombent à fes pieds, & prennent un nouvel Etre. Tous les Animaux font foumis à fes loix, & les plus féroces mème n’infultent point im- punément {à couronne. Il fait fervir les uns à fa nourriture : il attache les autres à fon char: il condamne les autres à fillonner fes guérets. Il fait des autres fes Porte- faix, fes Chafleurs, fes Gardes, fes Muficiens. Enfin , l'Homme fe fraie une route hardie à travers le vafte Océan, & unit par la Navigation les deux extrémités de la Terre.
EE =— CAC LEE VOLE EL
ME —
ne)
L'Homme en Societé,
CISRER de la Raiïfon humaine briile encore avec yn nouvel éclat, dans l’établides ment des Sociétés ou des Corps politiques.
La, la vertu, honneur, la crainte & l’in- La: , , ‘ 74 ss 4, térèt, différemment ménagés ou combinés , de- viennent la fource de la paix, du bonheur & de l’ordre, Tous les Individus, engrenés mu. tuellement , marchent d’un mouvement réglé & Tome L N
194 CONTEMPLATION
harmonique. À lombre des loix, le Roi, le Prince , le Magiftrat exerçant une autorité légi- time , excitent la vertu , répriment le vice, & répandent de tous côtés les heureufes influences de leur adminiftration. Dans la Société , comme dans un climat pur & fertile, germent & fe développent les talens de différens genres. Là, fleuriffent les Arts méchaniques & libéraux. Là, naiflent les Poëtes , les Orateurs, les Hiftoriens, les Médecins, les Philofophes , les Jurifconful- tes , les Théologiens. La, fe forment ces Ames généreufes, ces vaillans Soldats, ces grands Capitaines , le plus ferme appui de l'Etat. Là enfin, {e perfectionne lPAmitié, la compagne fidelle de la vie, la confolation de nos maux & laffaifonnement de nos plaifirs.
CHAPIRRE NN
LC
SN
L'Homme en commerce avec DIEU par le Religion.
CE dernier trait de la grandeur de Homme, & de fa fuprème élévation fur les Animaux, ef le commerce qu’il a avec {on CRÉATEUR par la Religion.
DE LA NATURE. Part.IV. 195
ENveLOPPÉSs des plus épaifles ténebres , les Animaux ignorent la Mar qui les a formés. Ils jouiffent de l’exiftence, & ne fauroient remonter à l'AuTeuR de la vie. L'Homme feul s'éleve à ce Divin PriNcIPE, & profterné aux pieds du Trône de Dieu, il adore dans les fentimens de la vénération la plus profonde & de la plus vive gratitude , la BONTÉ INEFFABLE qui l’a créé.
Par une fuite des éminentes facultés dont Homme eft enrichi, Dieu daigne fe révéler à lui, & le mener , comme par la main, dans les routes du bonheur. Les différentes loix qu’il a reçues de la SAGESSE SUPRÈME , font les grands flambeaux placés de diftance en diftance.fur le chemin qui le conduit du temps à l’éternité.
ECLAIRÉ par cette LUMIERE CÉLESTE, Homme avance dans la carriere de gloire qui “lui eft ouverte , & déja il faifit la couronne de vie, & en ceint {on front immortel.
KES
796 PROUN T E MP KE ATNI 0 N EE
E 4 |
AT E——— CHA PI IS TR SEA Gradations de | Huinanitée.
à ke L eft l'Homme dans le plus haut degré de fa perfection terreftre. Confidéré fous ce point de vue, il nous paroit fi élevé au- deffus de tous les Animaux, que Echelle de notre Globe femble fouffrir ici une interruption confidérable. Mais la marche de la Nature eft par - tout uni- forme , & l'Humanité a fes gradations comme toutes les productions de notre Globe. Entre l'Homme le plus parfait & le Singe, il eft un nombre prodigieux de chainons continus.
Parcourez toutes les Nations de la Terre (1);
(1) tt Il m'étoit d'abord venu en penfée de tracer ici une efquiile des variétés de l'Efpece humaine : mais elles font en fi grand nombre, qu’elles fourniroient feules la matiere d’un aflez
“gros volume. J'invite mon Leéteur à en parcourir l’intére{fant tabieau dans l'Ouvrage du Peintre de la Nature. Il n’y con, templera point fans étonnement les grands changements, je pour- rois dire, les étranges métamorphofes que la piflance toujours agiffante du climat, produit dans cette Efpece principale, la feule qni ne foit point afujettie à un climat particulier , qui vit, croit & multiplie depuis les climats glacés des Pôles, jufqu'aux climats brülans de la Torride, qui, diverfifiée & nuancée à l'infini, ne prefente par - tout,que la même unité, retient par-
DELA NATURE. Part. IV. 397
confidérez les Habitans d’un mème Royaume, d’une mème Province, d’une mème Ville, d'un mème Bourg ; que dis-je! regardez les Mem.- bres d’une mème Famille, & vors croirez voir autant d’efpeces d'Hommes , que vous difcer- nerez d’Individus. |
Au Nain de Lapponie (2) faites fuccéder le
tout les traits inefFaçables de {a premiere origine, & n’eft pas moins effentiellement la méme dans l'Habitant difforme du Groënland ou des bords de la Cafpienne , que dans l'Homme à queue de Formofe ou dans l'Homme nocturne de Darien.
(2) ff On avoit fort exagéré la petitelle des Lappons. Comme les Enfans, chez ce malheureux Peuple, fi dégradé par la rigueur du climat, font défigurés & tout ridés dès les premieres années, & qu'ils ont l'air de petits vieillards, des Voyageurs avides du merveilleux, n’avoient donné aux Lappons que deux à trois pieds de hauteur. Mais un Voyageur d'un autre ordre, & qu'une grande expédition aftronomique avoit conduit fous le cercle polaire, nous a appris que les Nains à groffe tête , au corps trapu , au vifage large & plat, au nez écrafé & à voix gréle, qui habitent cette Contrée glacée, ont la plupart environ quatre pieds de hauteur. Il eft néanmoins dans la même zone des Races plus rapetiflées ; telle eft celle des Borandiens.
‘
J'héfite à produire ici les Quimos des hautes Montagnes de Madagafcar , qui forment, dit-on, un Peuple de vrais Pygmées , Fort courageux , affez bien proportionnés dans leu petite taille, mais dont les bras font déméfurément longs; car tout ce qu'on en rapporte n'eit point afez conftaté. Si l'on en croit les récits de leurs voñfins, ils feroient bien pins petits que les Lappons, & n'auroient guere que, trois picés de hauteur.
0 , N 3
198 CON T'EXM PEN TN 0 A
Géant des Terres Magellaniques ( 3 ). Que l’A- fricain au vilage plat, au teint noir & aux cheveux de laine, fañe place à l’'Européen , dont les traits réguliers font encore relevés par la blancheur de fon teint, & par la beauté de fa chevelure. À la mal-propreté du Hottentot , oppo- fez la propreté du Hollandois (4). Du cruel
Ii eft un autre Peuple de Pygmées, plus petits encore que les Quimos, & dont l'exiftence n’eft pas mieux conftatée que celle de ces derniers : je parle des Naïns des Montagnes du Tucuman dans l'Amérique méridionale, auxquels les Efpagnols ne don- nent que treute-un pouces de ftature.
(3) Ft On comprend que je parle des Putagons, fur la haute ftature defquels les Voyageurs fant fi peu d'accord. On n'avoit pas moins exagéré leur grandeur que la petiteile des Lappons. Ii eft des relations où on leur donne jufqu'à douze ou treize pieds de hauteur ; mais les Voyageurs les plus modernes & les plus éclairés, ne portent pas leur ftature à plus de fix à fept pieds. Ils font gros à proportion, affez bien faits, & leur vifage, quoiqu'un peu plat, préfente des traits affez réguliers.
(4) tt L'Hottentot eft anfMi laid que dégontant. ,, La tête couverte de cheveux hériflés on d’une laine crépue; ia Face voïlée par une tongue barbe, farmontée de deux croiffans de poils encore plus groffers, qui par leur largeur & leur faillie raccourciflent le front , & lui font perdre fon caractere augufte, & non-feulement mettent les yeux dans l’ombre, mais les enfoncent & les arrondiffent comme ceux des Ani- maux ; les levres épaiffes & avancéés ; le nez applati; le regard ftupide on farouche ; les oreilles, le corps & les membres velus; la peau dure comme un cuir noir ou tanné; les ongles longs, épais & crochus; une femelle calleufe en forme de
DE LA NATURE. Part IV. 199
Antropophage palfez rapidement au François humain. Placez le ftupide Huron vis-à-vis le profond Anglois. Montez du Payfan d’'Ecofle au grand NEWTrON. Defcendez de l’harmonie de RamEAU aux chants ruftiques du Berger. Mettez dans la balance le Serrurier qui conftruit un tourne-broche, & VAUCANSON créant fes automates. Comptez combien il y a d’échelons du Forgeron qui fait gémir l’enclume, à REAUMUR anatomifant le fer.
TouTes ces variétés qui nous furprennent dans la perfection fpirituelle de l'Homme , dé- pendent-elles en partie d’une différence réelle, qui foit entre les Ames humaines , indépendam- ment de celle que peut produire l’organifation ?
Nous ne le penferons pas, fi nous faifons attention au pouvoir de [a fanté & de la ma- ladie , du tempérament, du genre de vie, du climat, de l'éducation , &c.
corne fous la plante des pieds; & pour attributs du fexe, des mamelles longues & molles, lazspeau du ventre pendante jufques fur les genoux, les Enfans fe vautrant dans l’ordure & fe traïnant à quatre; Le Pere & la Mere affis fur leurs talons, tous hideux , tous couverts d’une crafe empeftée. Et cette efquifle tirée d’après le Sauvage Hottentot, eft encore un portrait flatté ”. Mon Leéteur reconnoit le Peintre qui a crayonné ce portrait. N 4
200 CONTEMPLATION
Voyez quelle multitude de conféquences un: Mäthématicien tire d’un principe fort fimples mettez ce mème principe entre les mains d’un Homme du peuple , il y demeurera ftérile, & il n’en naïîtra pas la plus petite vérité. …
Le nombre des conféquences juftes que dif. férens Efprits tirent du mème principe, ne pourroit- il pas fervir de fondement à la conf. truction d’un ?/yéhometre ? & ne peut-on pas préfumer qu’un jour on mefurera les Efprits comme on mefure les Corps (5 )?
(5) H Si on lit avec attention les Ouvrages des Hom- 5 mes de génie, dit un Homme qui en a beaucoup, on y trouvera qu’ils ne font que l'application d'un ou deux prin« » cipes très-étendus, le développement d’une ou deux grandes s idées, que ces Hommes de génie ont trouvées, & dont ils » Ont fenti toute l'étendue, comme on a obfervé qu’en général » prefque toutes les machines d'un même Méchanicien, quel. s que variées qu’elles paroiffent, font fondées fur un même ss_principe ”.
D)
Fes
DE'LA NATURE. Part. IV. 2os
C:H er PART RE EE 1 Gradations des Mondes.
© FRET la Terre, & tranfportons - nous
dans ces Mondes qui roulent fur nos cètes. NOUVELLES gradations ! nouveaux aforti-
mens ! nouvelles décorations! nouvelles facultés!
Maïs un voile impénétrable nous cache cæ magnifique fpectacle , & tout ce que notre Raï- fon peut opérer, eft de nous convaincre de lexiftence de ces Mondes, & de nous faire en- vifager leurs diverfes Produdtions comme autant de chaînons d’une mème Chaîne.
EN fuivant le fil des gradations, nous fom- mes conduits à penfer qu’il eft dans l'Univers un Monde, dont les rapports à notre Terre, font comme ceux de l'Homme au Singe.
D’auTres Mondes peuvent être entr'eux en raïfon du Quadrupede à l'Oifeau , ou .de lu fee à la Plante,
202 CONTEMPLATION
ENFIN , il y a peut-être des Mondes, dont les rapports à la Terre font comme ceux de l'Homme à un globule Air ( r).
(z} ff Le Leéteur intelligent a pénétré ma peñfée. Je con- çois que Iles Mondes planétaires n’ent pas été moins diverfifiés, moins nuancés que les Productions de notre Globe. Nous avons vu la perfettion corporelle croitre par degrés , depuis l'Atome brut jufqu'à l'Étre le plus parfait de notre Planete: nons avons contemplé rayidement la progreflion toujours croiflante de la perfection organique, depuis la Truffe & le Champignon, juf- qu'à l'Orang - ontang & à l'Homme : je fuppofe donc qu’il eft un: progrefñon analogue dans les perfeétions refpeétives de cette férie prefqu'infinie de Mondes femés dans l’immenfité de l’efpace. Ainfi parmi ces Mondes innombrables , il peut & il doit même s’en trouver un dont l'économie fe rapproche autant de celle de notre Planete , que l’économie du Singe fe rappro- che de celle de l'Homme, &c. Une plus lengue explication feroit fuperflue. ( Confultez la premiere Nate du Chap. V de le Part. I.)
DE LA NATURE. Part. IV. 104
ME
LU CHAPITRE XL Les HRÉRARCHIES CÉLESTES.
Ms l'Echelle de la Création ne fe termine
. LA / LA . “ point au plus élevé des Mondes planétaires. Là commence un autre Univers, dont l'étendue elt-peut-ètre à celle de PUnivers des Fixes , ce qu’eft l’efpace du Syftème folaire à la capacité d'une noix (1).
(x) tt Je m'étois rencontré ici, fans le favoir, avec le grand LEIBNITZ : mon ‘Lecteur aimera que je le laiffe parler lui-même. ,, Il n’y a nulle raifon , dit-il, qui porte à croire » qu'il y a des Etoiles par-tont : ne fe peut-il point qu'il y ait » un grand efpace au-delà de la Région des Etoiles ? Que ce #» Loit'le Ciel empyrée ou non, toujours cet efpace immenfe » qui environne toute cette région , pourroit être rempli de » bonheur & de gloire. Il pourroit étre conçu comme l'Océan, » où fe rendent les fleuves de toutes les Créatures bicnheu- » reufes, quand elles feront venues à leur perfcétion dans le » Syftème des Etoiles ”.
Suivant l’admirable Syffére du Monde, du profond Penfeur de Mulhanfen , le Centre des Centres feroit le Chef-lien de la Création univerfelle ou la Capitale de l'Univers. Il feroit aufli le féjour fortuné des INTELLIGENCES SUPÉRIEURES, & le Lieu où le GRAND ÊTRE manifcfteroit fa PRÉSENCE ADO- RABLE par les fymboles les plus auguftes. (Confultez la Note qui eft à la fin du Chap. V de la Part. I.)
go4 COIN TE HMPLM RI ON
LA, comme des ASTRES refplendiffans , bril: lent les HIÉRARCHIES CEÉLESTES.
LÀ rayonnent de toutes parts les ANGES, les ARCHANGES, les SÉRAPHINS , les CHÉRUBINS, les TRÔNESs, les VERTUS, les PRINCIPAUTÉS > les DomiNATIONS , les PUISSANCES.
AU centre de ces AUGUSTES SPHERES éclate le SOLEIL DE JUSTICE, l'ORIENT d'EN HAUT, dont tous les autres AÂSTRES empruntent leur lumiere & leur fplendeur.
Monpes planétaires , CÉLESTES HIÉRAR- CHIES! vous vous anéantiffez en la préfence de PÉTERNEL: votre exiftence eft par Lui, l'É- TERNEL eft par SOI; IL EST CELUI QUI EST: IL poffede SEUL la plénitude de l’'ÊTRE, & vous n’en poflédez que l'ombre. Vos perfections font des Ruiffeaux ; L'ÊTRE INFINIMENT PARFAIT cit un Océan, un Abyme dans lequel le CHé- RUBIN n’ofe regarder.
Le 0)
DE LA NATURE. Part. IV. 20ç QUE core CO HAE IRE AUDRTE
EE
Keflexions.
S, nous goûtons un plaifir extrème à voir raf- femblées , dans un mème lieu, les principales Productions de la Nature, quel n’eft pas le ra- viflement des Esprits CÉLESTES, lorfqu’ils par- courent les Mondes que Dieu a femés dans létendue, & qu'ils y contemplent l’immenfité de {es Oeuvres!
O! la délicieufe occupation, que celle de ces INTELLIGENCES SUPÉRIEURES, quand elles com- parent les différentes économies de tous ces Mondes, & qu’elles pefent à la balance de la Railon , chacun de ces Globes! ;
Mais toutes les INTELLIGENCES CÉLESTES ne jouiffent pas, fans doute, de ces avantages au mème degré. Ïl en eft, peut-être, à qui ïl w’a été donné que de connoître un feul Monde : d'autres en connoiïfent plufieurs : d’autres en embraflent une plus grande fuite (1 ).
(1) tt Je me plais à envifager la muititude innombrable des Mondes , comme autant de Livres dont la collettion com- pole l'immenfe Bibliotheque de l'Univers, ou la vraie Ency-
2064 CONTEMPLATION
QUELLE INTELLIGENCE que celle qui em- brañle d’une feule vue la totalité des Etres, & qui fondant les Esprits de tous les Orbes, a préfente, à la fois & fans confufion , la fuite de toutes les idées qui les ont occupés, qui _. occupent & qui les occuperont!
HagiTANs de la Terre, qui avez reçu une Raïfon capable de vous perluader lexiftence de ces Mondes, n’y porterez-vous jamais vos pas ? L'ÊTRE INFINIMENT BON qui vous les montre de loin , vous en refuferoit-il à jamais l’entrée 2 Non ; appellés a prendre place un jour parmi les HiérarCHiEs CÉLESTES, vous volerez, comme elles, de Planetes en Planetes : vous irez éter- nellement de perfection en perfection , & chaque inftant de votre durée fera marqué par l’acqui-
clopédie miverfelle. Je concois que la gradation merveilleufe qui eft entre ces diérens Mondes, facilite aux INTELLI- GENCES SUPÉRIEURES à qui il a été donné de les sarcourir ou plutôt de les lire, l’acquifition des vérités de tout genre qu'ils renferment, & met dans leurs connoiffances , cet ordre & cet enchaînement qui en font la principale beauté, & fans lefquels il n’eft point de vraie fcience. Mais ces ENCYCLOPÉ- DISTES CÉLESTES ne pofledent pas tous au même degré l'Encyclopédie de l'Univers : les uns n’en poffedent que quel- ques Branches ; d’antrés en pofledent un plus grand nombre ; d'autres en faififfent davantage encore ; mais tous ont l'EÉternité pour accroître & perfectionner leurs eonnoiflances, & déve= lopper toutes lenrs Facultés.
DÆ€L'A NATURE Pat.IV. ef
fition de nouvelles connoiïffances. Tout ce qui a été refufé à votre perfection terreltre, vous l'obtiendrez fous cette économie de gloire : vous Connoitrez comme VOUS avez ÉLÉ COHHHS.
L'Homme eff femé corruptible, il reffrfcitera incorruptible € glorieux ; ce Tont encore les termes de l’'APôTRE Philofophe : enveloppe du grain périt, le Germte fubfifte, & affure à l’'Hom- me l’immortalité.
L'Homme n’eft donc point en foi ce qu’il nous paroit être. Ce que nous en découvrons ici-bas , n’eft que l’enveloppe grofliere fous la- quelle il rampe, & qu’il doit rejeter.
L'ANATOMIE infere de diverfes expériences, que cette partie du cerveau, nommée le corps calleux , eft l’inftrument immédiat des opérations de l'Ame. Des obfervations exactes paroïflent prouver que cette partie eft la feule qui ne puifle être altérée , fans que les fonctions fpirituelles en fouffrent plus ou moins (2).
(2) ff Quand on écarte l’un de l’autre les deux hémifpheres du cerveau, on met à découvert un petit corps blanc, oblong, un peu ferme, formé de la fubftance médullaire, & qui eft comme détaché de la maffe du vifcere ; c’eft le corps calleux.
Le célebre la PEYRONIE croyoit avoir prouvé par des expé. riences direétes & aflez nombreufes , que le corps calleux eft la £eule partie du cerveau, qui ne puiffe être ofenfée , fans que
20% EONTEMPLIATIONC
LE corps calleux eft donc une petite machine organique, deltinée à recevoir les impreflions qui partent de différens points du corps , & à les tranfmettre à l’Ame. C’eft aufli par elle que FÂme agit fur différens points de fon corps, & qu’elle tient à toute la Nature.
Les extrémités de tous les nerfs vont donc rayonner au fiege de l'Ame® il eft, en quelque forte, le centre de ce tiflu admirable, dont les fils {ont fi nombreux, fi délies, fi délicats, fi mobiles.
Mais les nerfs ne font pas tendus comme les cordes d’un inftrument de mufique. Des Ani- maux entièrement gélatineux font pourtant tres-
fenfibles (3 ).
les fon@ions de l’Ame en {ouffrent proportionnellement. Cette partie étoit donc, felon lui, le fege de L'Aine. Mais un autre Anatomifte François à combattu cette affertion par des expé- riences contraires, qui ne femblent pas moins directes, & qui pa- roifent concourir à établir que le fiege de l’Ame feroit plutôt dans la sroëile alongée , placée à la bafe du crâne, & formée de la réu- aion de {a fubftance médullaire du cerveau & de eclle du cervelet.
Quoi qu'il en foit, il importe peu à mon objet que le fiege de l'Ame foit dans le corps calleux, ou dans la moëlle alongée » ou dans toute autre partie du cerveau. Quelles que foient fur ce point les opinions des Phyfiologiftes, il faudra toujours admettre qu'il eft quelque part dans Le cerveau un organe qui et l’inftrument immédiat ou principal des opérations de l'Ame. Tout l’œil n’eft pas Le fiege de la vifion , toute l'oreille n’eft pas le fiese de l'ouie.
C3) tt Tels font les Polypes, & quantité de Vers d’eau-douce. Nous
DE LA NATURE. Part. IV. 209
Nous fommes donc conduits à admettre dans les nerfs un fluide, que fa fubtilité nous dé- robe , & qui fert & à la propagation des im- preffions fenfibles , & aux mouvemens mufcu- laires.
L'INSTANTANÉITÉ de cette propagation , & quelques autres phénomenes indiquent, qu’il eft une certaine analogie entre le fluide nerveux & la matiere du feu ou celle de la lumiere (4).
ON fait que tous les Corps font imprégnés de feu. Il abonde dans les alimens. Il en eft extrait par le cerveau , d’où il pañle dans les nerfs.
(4) tt On fait, par des obfervations directes, que la lu- miere n’emploie que fept à huit minutes à parcourir l’intervälle d'environ trente - quatre millions de lieues, qui nous fépäre dû Soleil. On connoît auf la prodigieufe rapidité du fluide élec trique, qui lui fait parcoutir en un inftant plufieurs milliers de pieds , le long d’un conduéteur métallique. Et combien de Faits qui concourent à prouver ia préfence du fluide électrique dans le corps animal ! Perfonne n'ignore aujourd'hui les Phé- nomenes électriques que préfentent la Torpille & l’Anguille de Surigam.
Au refte, je prie qu’on remarque que je ne dis point, que le fluide nerveux foit précifément de la méme nature que la lu miere ou le fluide électrique; je dis feulement que divers Phé« nomenes de l’animalité femblent indiquer , qw’il eît une certaine analogie entre le fluide nerveux ou les efprits animaux, & 1 matiere de la lumiere ou celle de l'électricité.
Tome I. O
Z10 EXOLUN T'EMT PI ANT OÙ N
LE fiege de l’AÂme, organe immédiat du fenz ‘timent & de la penfée, pourroit n’étre qu’un cbmpolé de ce feu vital. Le corps calleux , que nous voyons & que nous palpons , ne {eroit ainfi que l’étui ou l'enveloppe de la petite ma- chine éthérée qui conftitueroit le véritable fiege de PAme (5 ).
Eze feroit encore le germe de ce Corps /pi- rituel © glorieux, que la RÉVÉLATION oppole au Corps animal € abject.
Les impreflions plus ou moins durables, que les nerfs & les efprits produilent {ur la petite machine, & qui font l’origine des fenfations,
(5) tt H n’y a aMurément aucune impoflibilité à concevoir que le GRAND OUVRIER ait conftruit une petite machine organique, avec les élémens du feu , de la lumiere ou de l’éther; qu'il ait uni dès le commencement à cette machine une Âme capable de fentir & de penfer, & qu'il ait renfermé dans la mème machine les élémens de ce corps futur & glorieux que la Foi efpere, & qu’une Raïfon éclairée eit fi difpofée à admettre. Cette petite machine éthérée, placée originairement dans cette partie du cerveau qu'on regarde comme l'inftrument principal des opérations de l’Ame , & unie avee elle par différens liens que la mort détruit, feroit le véritable fiege de l’Ame. Et dès qu’on fuppoiera avec moi, qu’elle eft formée des élémens de la Jumiere ou de l’éther , on comprendra fans peine, que la mort qui détruit l'enveloppe, ne fauroit détruire la Machine éthérée eu Le Germe du corps futur. J'ai fort développe ailleurs cette petite Hypothefe,
DE LA NATURE. Part. IV. or
de la réminifcence & de la mémoire, devien: nent le fondement de la Perfonnalité, & lient l'état préfent à l'état futur (6).
. La réfurreëlion ne feroit donc que le déve:
loppement prodigieufement accéléré de ce germe, caché actuellement dans le corps calleux.
L’AuTEUR de la Nature, qui a préordiné dès le commencement tous les Etres , qui a ren- fermé originairement la Plante dans la graine, le Papillon dans la Chenille, les Générations futures dans les Générations actuelles , n’auroit-
il pu renfermer le corps /pirituel dans le corps animal ?
La RÉVELATION fous apprend qu’il l'a faits & la parabole du grain eft l’en.blème le plus
expreflif & le plus philofophique de cette mer- veilleufe préordination. ,
Le Corps animal n’eft en rapport qu'avec
(6) tt On fait que la Perfonnalité repole effentiellement fur la mémoire qu la réminifcence. Ce n’eft qu’en comparant le fentiment de fon état préfent avec le fouvenir de fes états paflés, que l'Être penfant juge qu’il eft la même Pe;/onne ou le même Moi : je veux dire que le Moi qui éprouve aétucllement une certaine perception , fent qu’il eft ie. méme qui avoit éprouvé autrefois cette même perception , & beaucoup d’autres percèps tions dont la mémoire retrace le fouvenir.
O 2
212 CONTEMPLATIUON
notre Terre. Le Germe du Corps fpirituel a des rapports avec notre Terre, & il en a de plus nombreux & de plus direds avec le Monde que nous habiterons un jour. Il en a peut-être encore avec différens Mondes planétaires.
Les fens font le fondement des rapports que le Corps animal foutient avec les Etres terreftres. Le fiege de Ame , ou la petite machine éthérée qui le conftitue , a des parties qui cotrefpondent aux fens grofliers , puifqu’elle en recoit les ébran- lemens & qu’elle les tranfmet à l’'Ame.
Ces parties acquérront par le développement du Germe, un degré de perfection, que ne comportoit point l’état préfent de l'Homme. Mais ce Germe peut renfermer encore de nouveaux feus, qui fe développeront en mème temps, & qui en multipliant prefqu’à l'infini les rapports de l'Homme à l'Univers , agrandiront fa fphere, & l’égaleront à celle des INTELLIGENCES Su- PÉRIEURES.
Ux Corps organifé , formé d’élémens analo- eues à ceux de la lumiere ou de l’éther , n’exige, fans doute , aucune réparation. Le Corps fpiri- tuel fe confervera donc par la feule énergie de fa méchanique.
DE LA NATURE. Put)IV.(283
Er fi la lumiere ou l’éther ne pefent point, l'Homme glorifié fe tranfportera au gré de fa volonté dans tous les points de Pefpace, & volera de Planetes en Planetes , de Syflèmes en Syftèmes , avec la rapidité de Péclair.
Exricui de facu'tés fpirituelles-& corporel- les, qui le rendront propre à habiter également différens Mondes , il pourra en contempler les diverfes productions, & meubler fon cerveau de toutes les connoïffances qui ornent celui des HagiTans du Ciel.
Les fens, foumis alors à l'empire de l’Ame, ne la maîtriferont plus. Séparée pour jamais de la chair €5 du fans , il ne lui reftera aucune des affeions terreftres dont ils étoient les principes. Tranfporté dans le féjour de la lumiere, l’en- tendement humain ne préfentera à la volonté que les idées du vrai bien. L’Ame n’aura plus que des defirs légitimes, & Dieu fera le terme conftant de fes defirs. Elle l’aimera par recon- noiffance ; elle le craindra par amour ; elle l’ado. rera comme l’'ÊTRE SOUVERAINEMENT AIMA- BLE, & comme la SOURCE ÉTERNELLE de la vie, de la perfection & du bonheur.
CHRÉTIENS qui favourez cette doctrine de 0 3
ma CONTEMPLATION
vie, redouteriez-vous la mort ? Votre Ame im= mortelle tient encore à l’immortalité par des liens phyfiques, & ces liens font indiflolubles. Unie dès à préfent à un Germe impériflable , elle ne voit dans la mort qu'une heureufe transforma- tion , qui, en débarraflant le grain de fon en- veloppe , donnera à la Plante un nouvel être, O mort, où eft ton aïguillon ! O fépulchre , où eff ta vicloire !
DE LA NATURE. Pt. P. 215
RO A SOIENT KT JA ESS Rx LL SCD CINQUIEME PARTIE.
DE DIVERS RAPPORTS DES ETRES TÉERRESTRES.
CHAPITRE PREMIER.
Réflexion préliminoire.
Nov Pavons vu, tout elt rapport dans l’'U- nivers : mais cette vérité fécon ie, nous ne l’a vons encore confidérée que dans éloignement. Nous pouvons maintenant nous en approcher, & donner notre attention aux détails les plus intéreifans.
NE portons point nos regards fur cette har: monie majeltueufe, qui, en balançant les Aftres par les Altres, anime les Cieux.
Larssoxs les jeux profonds de la pefanteur, tes loix du choc des Corps & les diflérentes forces répandues dans l'Univers.
OëservONS. des rapports , dont les effets O 4
18 CONTEMPLATION
foient liés à des idées plus connues ou moins compliquées.
EVE — A — 2 CH A PRE RE CEE
L'Union des Ames à des Corps orgauifés.
"ee union eft la fource de l'harmonie la plus féconde & la plus merveilleufe qui {oit dans la nature,
U*E fubftance fans étendue, fans folidité, fans figure, eft unie à une fubftance étendue, folide, figurée. Une fubftance qui penfe, & qui a en foi un principe d'action , eft unie à une fubftance qui ne penfe point , & qui eft indif- férente de fa nature au mouvement & au repos. De cette furprenante liaifon naît entre les deux fubftances un commerce réciproque , une forte d'action & de réaction, qui eft la vie des Etres organifés-animés.
Les nerfs, différemment ébranlés par les ob- jets , communiquent leurs ébranlemens au cer- veau, & à ces impulfions répondent dans l’Ame les perceptions & les fenfations , totalement dif- tinctes de la caufe qui paroît les occafioner.,
D EML'A* NA TÜURE Part. V. \g19
CHA RER ET LEE
Les perceptions €S les fenfations.
| 1 8 ont la mème origine, & ne different que par le degré de lébranlement. Les rayons qui partent d’un objet, frappent mon nerf opti- que ; j'ai une perception qui m'annonce la pré- fence de l’objet. Ils ébranlent trop fortement ce nerf; j'ai une fenfation , que j’exprime par les termes de douleur ou de déplaifir.
La diverfité des fens par lefquels l’Ame re- coit les impreflions des objets, produit dans fes perceptions & dans fes fenfations une diverfité relative.
Les fentimens occafionés par l’ébranlement des nerfs de la vue, different abfolument de ceux que produit l’ébranlement des nerfs de louie. Le fentiment du toucher n’a aucun rap- port à celui du goût. Ce font autant de diffé- rentes modifications de l’Ame , qui correfpondent à différentes qualités des objets.
L Mais comment les nerfs, qui ne paroiffent
#18 ICOUN TE MR BATI O M
fufceptibles que de plus ou de moins de grof eur, de plus ou de moins de longueur, de plus ou de moins de compofition , de plus ou de moins de fenfibilité , de vibrations plus ou moins promptes, peuvent ils cependant occafioner dans l'Ame une aufh prodigieufe variété de percep- tions , que celle que nous éprouvons ?
Y a-til un tel rapport entre l’Ame &@ la Ma- chine organique à laquelle elle eft unie, qu’à des nerfs d’une grofleur , d’une ftrudture & d’une fenfibilité déterminées , répondent conftamment certaines perceptions ?
Y a-t-il dans chaque fens des nerfs appro- priés aux différens corpufcules , à l’impreflion defquels différentes perceptions ont été atta- chées ? La forme pyramidale des papilles du goût & du toucher , les cavités tortueufes de loreille , la différente réfrangibilité des rayons de la lu- miere, feroient-elles autant de preuves de la vérité de cette conjecture ?
Quoi qu'il en foit, on comprend aflez que la mème fibre fenfible ne fauroit fe prèter, à la fois ,à une multitude d’impreffions diverfes. Mais cette fibre ivelt pas feulement deftinée à tranfmettre à l’Ame l’impreffion de l’objet;.elle
DE LA NATURE. Part. V. 219
doit encore lui en retracer le fouvenir ;. car mille faits prouvent que la Mémoire tient au cerveau : comment donc concevoir qué la mème fibre retienne à la fois une multitude de détermina- tions diverfes ?
NOTRE curiofité n'en demeure pas là : com- : ment deux fubftances auffi différentes que le font PAme & le Corps, peuvent - elles agir récipro- quement l’une fur l’autre ?
À cette queltion , baiflons humblement les yeux, & reconnoifons que c’eft ici un des plus grands mylteres de la Création, & qu’il ne nous a pas été donné de connoître. Les différentes tentatives que les plus profonds Philofophes ont faits en divers temps pour tacher de l'expliquer, {ont autant de monumens élevés à la force & à la foiblefle de lEfprit humain.
20 CONTEMPLATION — #3 CHAPITRE IV.
ME =
Les Pafjions.
| , différemment modifiée par des im- preflions plus ou moins fortes, réagit à fon tour fur le genre nerveux , y entretient les ébranle. mens , & les rend plus vifs ou plus durables.
DE-LA naiflent ces paflions , ces mouvemens impétueux, ces penchans aétifs , ces indications fecretes, ces appétits inquiets, ces defirs pref- fans , qui rompent l'équilibre de l’Ame, & le pouflent vers certains objets.
ADMIRABLES inftrumens, mis en œuvre paf le SAGE AUTEUR de la Nature, heureufes paf fions , qui , femblables à des vents bienfaifans, faites flotter les Machines animées fur l'Océan des objets fenfibles ! c’eft vous qui, en portant les deux Sexes à fe rapprocher, préfidez à la confervation des Efpeces : c’eft vous qui , par des nœuds fecrets , attachez les Peres. & les Meres à leurs Enfans , les Enfans à leurs Peres & à leurs Meres : c’eft vous qui excitez l’induftrie des Animaux, & celle de l'Homme mème : c’elt
DE LA NATURE Part. V. 321
vous, en un mot, qui êtes l’Ame du Monde fentant.
PAssIONS impétueufes , ouragans terribles & deftructeurs ! c’eft vous qui caufez les tempètes qui fubmergent les Ames : c’eft vous qui détrui- fez les Individus en voulant conferver les Efpe- ces : c’elt vous qui armez les Peres contre leurs Enfans, les Enfans contre leurs Peres : c’eft vous qui changez l’induftrie en rapine, en férocité, en brigandage : c’eft vous, en un mot, qui bou- leverfez le Monde fentant.
La réaction de l'Ame fur le genre nerveux; paroît être encore la principale fource de divers fentimens que nous éprouvons, & dont plu- fieurs reviennent à ce qu’on nomme /n/hintt ou Sens moral.
S1 certains plexus ou certains entrelacemens de nerfs fouffrent un ébranlement par l’impref. fion d'objets propres à exciter la pitié, la terreur ou quelqu’autre fentiment, ne feroit-il pas poñfi- ble que lAme, à la vue ou à la fimple pentée de ces objets, remuât précifément les mèmes plexus ou les mèmes paquets de nerfs, & qu’elle changeât ainfi la perception en fenfation, ou qu’elle rendit la fenfation plus forte & plus
822 CON TEMPEATUULN
durable ? Ceux qui en voyant fubir une opératiofi douloureufe, s’imaginent fentir quelque chofe d’analogue à ce que {ouffre le Patient, ne confir- ment ils pas ce foupçon ? Les fonges ne femblent- ils pas encore le fortifier ?
CHAT PIBORIRU EDIT
ZW (a
Le tempérament.
L objets ne frappent pas immédiatement fur J'Ame. Elle n’en recoit les impreflions que par des snilieux interpolés. Les fens font ces milieux. L'action des objets en eft donc modifiée dans un rapport déterminé à la nature , ou à la confti- tution de chaque milieu.
Er comme les milieux ne fauroient être pré- cifément femblables en différens Individus, îl s'enfuit que différens Individus ne fauroient éprouver précilément les mèmes chofes à la pré- fence des mèmes objets.
L'APTITUDE plus ou moins grande des fibres fenfibies à céder aux impreflions du dehors , à les tranfimettre à l'AÂme, & à lui en retracer le fouvenir ; la qualité & l’abondance des humeurs, conftitucat:en général le tempérament. :
D'E LA NATURE. Part. V. 223
CHez les Animaux, le tempérament regle tout. Chez l'Homme, la Raifon regle le tempé- rament, & le tempérament réglé, facilite, à fon tour , l'exercice de la Raïfon.
Pourquoi les paflions, qui ont leur fource dans le tempérament , font - elles fi difficiles à maitrifer ? Elles tiennent fortement à là Machine, & par la Machine à l'Âme.
Les paflions fe nourriflent donc, croiflent, fe fortifient comme les fibres qui en font le
fiege (1 ).
CoNNoissez donc votre tempérament : s’il eft vicieux, vous le corrigerez, non en vous eflorçant de le détruire; vous détruiriez la Ma-
(zx) tt Ce que je dis ici des paflions, ne paroïîtra pas exa- géré à ceux qui auront médité fur l’économie de notre Être. I eft affez prouvé par une multitude de faits, que les païlions ent dans le Corps un fiege phyfique, comme toutes nos afFec- tions & toutes nos idées. Ce fiege eft un affembiage de parties organiques, qui ont recu de la génération & de l'éducation, des difpofitions ou des déterminations particulieres , qu’elies retiens nent par une fuite de l’art merveilleux & fecret, qui a préfidé à leur conftruétion. C’eft en vertu de cet art impeénetrable à toutes nos recherches , que ces parties organiques s’aflimilent des fucs. alimentaires , dans un rapport déterminé aux détermi- nations reçues. Ainfi elles fe nourrifient, croiffent @& fe forti- fent, fans perdre les déterminations acquifes on la capacité de reproduire dans l’Ame certains fentimens.
224 CONTEMPLATION
chine elle- mème ; mais en détournant habile- ment fon cours, & en évitant avec foin tout ce qui pourroit lui prèter de nouvelles forces, & groflir les eaux d’un torrent fi dangereux.
CHAPITRE VI
Lo mémoire €S l'imagination.
La fens , deftinés à tranfmettre à l’Ame les impreflions du dehors , ont été conftruits fur des rapports directs à la maniere d'agir des divers objets auxquels ils ont été appropriés. L’œil a des rapports avec la lumiere, l’oreille avec le fon.
Maïs les différens objets qui peuvent affecter le mème fens, n’agiflent pas tous de la même maniere : il faut donc que lorgane qui recoit & tranfmet toutes ces impreflions, foit en rap- port avec toutes, Il eft entre les rayons colorés une diverfité fpécifique , que le prifme nous découvre, & qui paroït en fuppofer une ana- logue entre les fibres de la vue. Il eft pareille. ment une différence fpécifique entre les rayons Tonores , qui fuppofe quelque chofe d’analogue
dans l’organe de louie. : CHAQUE
DELA NATURE: Part. V. 224
CHAQUE fens renferme done probablement des fibres fpécifiquement différentes. Ce font autant de petits fens particuliers, qui ont leur maniere propre d'agir, & dont la fin eft d’ex- citer dans l’Ame des perceptions correfpondan- tes à leur jeu. °
Ces inftrumens fi délicats ne fervent pas feu. lement à exciter dans l’Ame des perceptions de tout genre, ils lui en retracent encore le fou- venir. Une perception préfente à la mémoire, ne differe point eflenciellement de celle que l'objet excite. Celui-ci ne produit la perception que par le miniftere des fibres fenfibles qui lui font appropriées ; & fur lefquelles fon action fe déploie. Le rappel de la perception dépend donc encore d’un mouvement qui s’opere dans ces mèmes fibres , indépendamment de l’objet. Car, foit que l’organe recoive fon mouvement des cau- fes inteltines , ou qu’il le recoive de l’objet, l’effet eft le même par rapport à l'Ame, & la perception lui eft aufli-tôt préfente.
L'EXPÉRIENCE prouve que fi une fuite quel. conque de perceptions affecte le cerveau pen- dant un certain temps , il en contracte l’habi. tude de la reproduire dans le mème ordre. L’ex- périence prouve encore, que cette habitude tiens
Tome I. P
226 CONTEMPLATION
au cerveau & non à Ame. Une fievre ardente, un coup de Soleil , une violente commotion peuvent la détruire, & de telles caufes mins fluent que fur la Machine (1).
Toutes les perceptions tirent leur origine des fens, & les fens portent au fiege de l’Ame les impreflions qu’ils reçoivent des objets.
Maïs les objets n’agifflent fur l’organe que par impulfion. Ils impriment donc certains mouve- mens aux fibres fenfbles.
ANS: une perception , ou une {uite quelcon- que de perceptions , tiennent à un ou plufieurs mouvemens qui s’operent fuccellivement dans différentes fibres. ;
Er puifque la réitération des mèmes mou-
(x) tt Les Annales de la Médecine font pleines de ces accidens purement phyfiques , qui ont affoibli ou même ertié. xement détruit la mémoire. Et ce qui n’eft pas moins propre à confirmer la vérité dont il s'agit, il eft des accidens de même genre , qui, loin d’afoiblir la mémoire, lui ont donné une nou- velle force. C’eft ainfi que les plus nobles facultés de notre Être ont été attachées à quelques pertionculés de Matiere; & cette réflexion nn peu humiliante ne porte point le vrai Philo- fophe à douter de l’immatérialité de l'Ame, parce qu’il fait que l'Homme eft effentiellement un tre mixte, & qu'il n’eft pas plus tout Matiere que tout Efprit.
{ DELA NATURE. Part. V. gaz".
vemens dans les mèmes fibres, y fait naître une difpofition habituelle à les reproduire dans un ordre conftant , nous pouvons en inférer que les fibres fenfibles ont été conftruites fur de tels rapports avec la maniere d’agir des objets, qu’ils y produifent des changemens ou des déterminu. tions plus ou moins durables , qui conftituent le précieux fond de la mémoire & de l'imagination.
Nous ignorons en quoi confiftent ces déter- minations , parce que la méchanique des fibres fenfibles nous eft inconnue. Mais nous favons au moins, que l’action des .objets ne tend pas à les cranfporter d’un lieu dans un autre : elle n’y excite que des mouvemens partiels. Nous favons encore que les fibres fenfibles ne peu- vent fe prèter à ces mouvemens , fans que les élémens, dont elles font compofées, ne fe dif_ pofent les uns à l'égard des autres dans un cer- tain r'apROgE à l'exécution du mouvement.
C'EST donc de la compofition , de la forme; des proportions & de l'arrangement refpectif des A / n Ê 1 clémens, que rélulre l'aptitude des fibres à rece- voir , à tranfinettre & à retenir telles ou telles déterminations , correfpondantes à telles ou telles impreflions , à telle où telle fuite ordonnée d’ébranlemens,
P 3
"228 CON TE MP L'AMMI.O
Mars les fibres fenfibles fe nourriffent comm toutes les autres parties du Corps : elles saffr- milent où s’incorporent les matieres alimentaires ; elles croiflent ; & tandis qu’elles fe nourriflent & qu’elles croiffent , elles continuent à s’acquitter de leurs fonctions propres ; elles demeurent effen- tiellement ce qu’elles font. Leur méchanique eft donc telle, qu’elles s’incorporent les matieres alimentaires dans un rapport direct à leur ftruc- ture & à leurs déterninations acquifes. Ainfi la nutrition tend à conferver aux fibres ces déter- minations & à les y enraciner ; car à mefure que les fibres croiffent , elles prennent plus de con- fitance, & je crois entrevoir ici origine de Pha- bitude , cette puiflante Reine du Monde fentant & intelligent.
LA mémoire ; en confervant & en rappellant à l’'Ame les /fgnes des perceptions, en l'afurant de lidentité des perceptions rappellées & de celles qui l'ont déja affe@ée , en liant les per- ceptions préfentes aux perceptions antécédentes , produit la Perfonmalité, & tait du cerveau un magafin de connoiflances, dont la richefle aug- mente chaque jour. |
L'IMAGINATION , infiniment fupérieure aux MICHEL ANGE, & aux RAPHAELS, retrace à
D E L À NATURE. Part. V. 229
l’Âme l’image fidelle des objets: & des divers tableaux qu’elle compofe , fe forme dans le cer- veau un cabinet de peintures , dont toutes les pieces fe meuvent & fe combinent avec une célérité & une variété inexprimables.
Les divers cerveaux peuvent donc être re- gardés comme autant de miroirs, où différentes portions de l'Univers vont fe peindre en rac- courci. Parmi ces miroirs, les uns ne rendent qu'un fort petit nombre d’objets. D’autres em- braflent un plus grand champ. D’autres repré- fentent prefque toute la Nature. Quel eff le rap port du miroir de la Taupe à celui d'un NEWTON ou d’un LEIBNITZ ? Quelles images que celles du cerveau d’un HOMERE , d’un ViRGILE ou d’un MILTON ! Quelle méchanique que celle qui exécute ces décorations mérveilleufes ! L’intelli- gence qui auroit lu dans le cerveau d'HOMERE, y auroit vu l’Iliade repréfentée par les jeux variés d’un million de fibres.
ESS
23e COÔRKTEMPLATION. EN CHABRAITRE ‘VAL
Les fonges.
Lui fibres fenfibles fur lefquelles les objets agiflent pendant la veille, en reçoivent une ten- dance aux mouvemens imprimés. Si quelqu’im- pulfion inteftine les ébranle pendant le fom- meil , elles fe mettront aufli-tôt en mouvement, & retraceront à l’Ame les idées de la veille. L'aflociation & la fucceflion de ces idées cor- refnondront à l’efpece des fibres ébranlées, aux liaifons qu’elles auront contradtées entr’elles , & à l’ordre fuivant lequel les mouvemens tendront à s’y propager. Il en naïîtra un fonge plus ou moins compolé , & dans lequel il y aura plus ou moins d’enchaîinement ou de fuite.
PourqQuor les perceptions qui affectent l’Ame pendant le fommeil, font-elles fi vives ? pour- quoi les fenfations font - elles rappellées alors fi fortement ? D'où viennent ces illufions qui fédui- fent l’Ame ?
N’EX cherchons point la caufe ailleurs que dans le filence des fens. Pendant la veille, les
”
nt EE de
DELLA NATURE, Part. V. 23x
fens fe mêlent, jufqu'à un certain point, à toutes les opérations de l’'Ame. C’eft la percep. tion plus ou moins diftinéte des objets envi- ronnans, & celle du rapport de leur état actuel avec leur état antécédent, qui perfuade à l’Ame qu’elle veille. Ces perceptions du dehors vien- nent-elles à s’affoiblir ? les perceptions du dedans en deviennent plus. vives ; l'attention en eft moins partagée. Enfin , les fens s’afloupiflent-ils entierement ? c’elt un fonge, une vifon , une extafe.
IL arrive néanmoins aflez fouvent, que Les perceptions du dehors , quoique foibles , fe lient , dans un fommeil peu profond, aux per. ceptions du dedans, beaucoup plus vives; ce qui produit dans les fonges des fingularités qui furprennent. u
Puisque les. fonges ne fout ordinairement que la repréfentation des objets qui nous ont occupé dans la veille, tâchons de régler fi bien notre imagination, que nous n’ayions que des fonges , pour ainfi dire, raifonnables. Ce feroit là une maniere de prolonger la durée de notre Etre penfant.
L'ETAT de l’Ame féparée du Corps groflier. NS ,
232 CONTEMPLATION
feroit - il celui d’un fonge perpétuel ; agréable pour les Bons , défagréable pour les Méchans ?
EX SC
EN
Cu ALP IUT RE «M LIME Réflexion.
Hess ici deux traits de la SAGESSE qui a prélide à la formation de l'Homme.
- Nous nous rappellons les fenfations beau- coup moins vivement que les perceptions. Sen- fibles , comme nous le fommes, quels progrès aurions- nous fait dans les perceptions , fource de nos connoiffances , fi les fenfations euflent été autant en notre pouvoir que les perceptions ? Des intelligences plus raifonnables que nous, difpofent peut - être à leur gré de leurs fen- fations.
Par un effort de méditation, nous pouvons fufpendre, en quelque forte , ’aétion des fens: mais nous ne faurions nous aliéner tellement de notre Corps, qu'il ne nous affecte toujours par quelqu’endroit. Comme euflions-nqus pourvu autrement à {a confervation ? |
DE LA NATURE. Part. V. 233
IL ef} peut-être des clafles d’Etres sixtes , où TAme fe fépare du Corps à volonté, & où elle revèt différentes efpeces de Corps pour différentes fins.
EE CHAPITRE EX
75
La vue.
D E tous les fens, la vue eft celui qui four- nit à l’Âme , des perceptions plus promptes , plus étendues, plus variées. Il eft la fource fé- conde des plus riches tréfors de l'imagination , & c’eft à lui principalement que Ame doit les idées du beau , de cette unité variée, qui la ravit,
AVEUGLES infortunés , qu’un fort trop ri- goureux a privés, dès la naifflance, de lufage de cet incomparable fens! je ne puis affez m’at- tendrir {ur votre malheur.
HéLas! le plus ‘beau jour ne differe point pour vous, de la nuit la plus fombre. La lu- miere ne porta jamais la Joie dans vos cœurs. Vous ne la voyez point fe jouer dans le bril- lant émail d’un parterre, dans le plumage varié
834 CONTEMPLATION,
d'un Oifeau, ou dans un arc-en-ciel majeftueux: Vous ne contemplez point du haut des Mon- tagnes les côteaux couronnés de pampres ver- doyans, les champs vêtus de moiflous dorées ;. les prairies couvertes d’une riante verdure,
arrofées de rivieres qui fuyent en ferpentant,
& les habitations des Hommes, difperfées çà.
& là dans ce grand tableau. Vous ne prome-
nez point vos regards fur limmenfe Océan 3. vous madmirez point les flots entañlés qu’il éleve: jufqu’aux nues, & qui vienneut expirer vers.
la ligne que le Doigt de Dieu leur a tracé fur le fable. Vous ne goùtez point la delicieufe fa-
tisfaction de découvrir chaque jour dans les.
Ouvrages du CRÉATEUR, de nouveaux fujets d’exalter {a Puissance & fa SaGesse. L’Op- tique ne prodigue point pour vous fes mira- cles. Le fpectacle intéreffant des Machines or- ganifées vous elt inconnu. Les Légions innom- brables de l'Armée des Cieux ne s'offrent point à votre imagination étonnée. Vous ne com- pañlez point leur marche dans des orbes tracés par vos mains. Les plus belles productions de la Méchanique & des Arts ne percent point fans s’altérer , l'épaiffe obfcurité qui vous environne: Enfin, vous ne pouvez Jouir de la contempla- tion de l'Homme, & confidérer en lui ce que
nca as
M
DE LA NATURE. Pat. V. 43<
la Nature a de plus grand ; ou ce que vous avez de plus cher.
Maïs la pitié mæe fait illufion : on ne defire point ce que l’on ne connoïît point; & l'on n’eft pas malheureux par la privation abfolue des biens qu'on ignore. Nous ne nous afi- geons point de n'avoir pas un fixieme fens, qui a été peut-être accordé à d’autres Etres. Si vous avez un fens de moins que nous, vous êtes , d’un autre côté, dans l’impoffibilité d’ap- précier cette privation; & cette imperfection de votre Etre eft compenfée d’ailleurs par divers avantages. La multitude &'la variété des per- ceptions que nous recevons à chaque inftant par le fens de la vue, nous rendent diftraits, & enlevent aux autres fens une partie de cette activité qu’ils confervent chez vous toute en- tiere. Le toucher, fi obtus, fi incertain pour le commun des Hommes , devient’ pour vous fi exquis, fi für, qu'il femble fuppléer, en quel- que forte , au défaut de la vue (1).
(x) tt Ceci rappelle à l’efprit ces Aveugles qui diftinguent les couleurs au toucher ; c'eft que les couleurs, comme nous le verrons bientôt, ne font dans les corps qu’un certain arrange- ment ou une certaine difpofition des particules qui compofent Jeur furface, en vertu de taqnelle ils réfléchiffent tels ou tels rayons particuliers.
236 .CONTEMPLATION
Mais de plus grands dédommagemens vous font réfervés dans l'avenir : un jour vos téne. bres feront changées en lumiere; & devenus Habitans du Ciel, vous porterez vos regards perçans dans toutes les parties de l'Univers.
JE m'adrefle auffi à vous , Hommes ftudieux , en qui une trop forte application ou quelqu’ac- cident ont affoibli le fens précieux dont je parle. Vous vous en affigez! Hélas! une trifte ex- périence ne m'a que trop appris, combien le fujet de votre affiction eft légitime : fongez cependant à ce que vous avez déja acquis, & confidérez que cette vue débile deviendra un jour fupérieure à celle de lAïgle.
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CHA PL TPRRERRE
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La méchauique de la vifion.
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La nuit a retiré peu-à-peu fon voile lugubre de deffus la face de la Terre ; la riante aurore nous annonce le lever de lAftre du jour: äl paroîït, & la Nature femble créé de nouveau. Quelle majefté ! quel éclat ! quelle lumiere ! quelles couleurs !
DE LA NATURE. Part V. 23%
Mais, par quelle fecrete méchanique mes yeux ont- ils été rendus capables de me commu. niquer des perceptions fi vives, fi variées , fi abondantes ? Comment découvre - je avec tant de facilité & de promptitude tout ce qui n’en- vironne ?
Tro1s humeurs de différente denfité, logées chacune dans une capfule tranfoarente , parta- gent l’intérieur du globe de l'œil en trois par- ties. Sur le fond eft tendue une efpece de toile, ou de membrane très-fine, qui n’eft que l’expan- fion d’un nerf, dont l'extrémité aboutit immé- diatement au cerveau. Une peau noire tapifle intérieurement tout le globe. À fa partie anté. rieure , eft une ouverture ronde, qui fe contracte ou fe dilate , fuivant que la lumiere elt plus ow moins forte. Six mufcles placés à l'extérieur du globe , le meuvent en divers fens, & la rapidité de ces mouvemens elt extrème.
Pourquor ces humeurs , cette toile , cette ta- piflerie, cette ouverture qui fe contracte & fe dilate 2
La lumiere vient en ligne droite des Aftres a nous : mais {es rayons fe courbent ou fe plient,
238 €CONTEMPLATIONN
lorfque la denfité des wilieux qu’ils traverfent augmente ou diminue.
Si le milieu eft plus denfe, les rayons fe cour- bent en s’approchant de la perpendiculaire qu’on
fuppofe abaiflée fur fa furface. Ils s’éloignent ;
au contraire , de cette perpendiculaire , fi le mi- lieu eft plus rare. Cela fe nomme la réfraction de la lumiere ( 1 ).
AINSI deux rayons qui tombent paralleles fur une lentille de verre, changent de direc- tion , & tendent à fe réunir en un point der- riere la lentille. Là , eft une image diftinéte du Soleil. De-là ou de-cà ce point , Pimage eft
, (1) tf On nomme wilieux en langage d'Optique, les Corps tranfparens , folides ou liquides, que là lumiere traverfe, & l'on dit, qu'un milicu cft plus denfe qu’un autre, lorfqu'il con- tient plus de matiere fous un même volume. -Ainfi le Cryftal eft plus denfe que l'Eau ; celle-ci, plus que l'air. La Jumiere f;uffre donc une plus grande réfraction en paffant de l'Air dans le Cryttai, qu'en paflant de l'Air dans l'Eau. Mais il ne fuffit pas ici d'avoir égard à la denüité des milieux ; il fant avoir égard encore à la direction du rayon. Un rayon qui tombé perpendiculairement d’un milieu plus rare dans un milieu plus denfe, ne s'y rompt point ou ne change point de direction. La réfraction n'a lieu que lorfque le rayon tombe gbliquement, & elle eft d'autant plus grande, que l'incidence eft plus oblique & le milieu plus denfe,
Taper
D'EUL' 4" N A T UR FE Part. V, 239
confufe. Elle le devient pareillement, fi l’on fubltitue à la lentille un verre plus ou moins convexe , ou un corps tranfparent, plus ou moins denfe que le verre.
A la propriété de fe réfraifer , la lumiere joint celle de fe réfléchir de deflus les corps qu’elle éclaire. Il part donc de tous les points des objets , des traits lumineux , qui poïtent l’image de ces points. Ces traits tendent à s’écarter les uns des autres, mais ils fe rapprochent dès qu'ils rencontrent des silieux plus denfes ou plus convexes ; & leur réunion fe fait d’autant plus promptement , que ces milieux ont plus de denfité ou de convexité,
PLacez une lentille de verre à l'ouverture ménagée dans le volet d’une chambre obfcure : préfentez un carton à cette lentille: vous aurez fur-le-champ un tableau, où tous les objets du dehors feront peints dans la plus grande pré- cifion, & fuivant toutes les regles de la perf. pective la plus exacte : ce fera mème un tableau mouvant , fi ces objets fe meuvent. Vous y verrez les ruifeaux fe précipiter du fommet des montagnes , & ferpenter dans les plaines ; les Oïfeaux planer dans les airs ; les Poiflons fe jouer à la furface de l’eau ; les Troupeaux
340 CONTEMPLATION
bondir dans les prairies. Tantôt vous y fuivrez la manœuvre d’une Flotte qui cingle à pleines voiles, ou qui fe prépare au combat. Fantôt vous y obferverez les différentes évolutions d’un Corps d’Armée. Tantôt vous y jouirez du fpectacle d’une foire , d’une courfe -de Chevaux eu d’une tempête.
SUBSTITUEZ à la lentille un œil de Bœuf naturel, dépouillé fraîchement de fes envelop- pes: vous verrez fur la toile qui en couvre le fond, un tableau femblable au précédent, mais dont toutes les figures feront peintes beaucoup plus en petit. Vous ne vous lafferez point d’ad- mirer la délicatefle extrème de cette miniature & vous ne pourrez revenir de votre étonne- ment de voir une Campagne de cinq ou fix lieues quarrées , exprimée en détail fur un velin de quelques lignes. ;
La ftructure de l’œil du Bœuf eft la mème pour l’effentiel, que celle de nos yeux: ainfi ; vous pénétrez déja la méchanique de la vi- fion. Les humeurs de l’œil font la lentille de la chambre obfcure; la toile ou la rétine en font le carton. La peau noire qui tapifle l’in- térieur du globe , fait l'office du volet qui écarte
le jour , elle éteint les rayons dont la réflexion rendroit
DE LA NATURE. Pat: Ÿ, at
fendroit l’image moins diftinéte ; la prunelle er fe contractant ou fe dilatant fuivant que la lu- miere elt plus ou moins forte , modere l’action des rayons fur la rétine ; le nerf placé derriere celle-ci communique au cerveau les divers ébran- lemens qu’elle reçoit, auxquels répondent diver: fes perceptions ( 2).
(2) Ft Je ne donnois ici qu'une idée bien imparfaite de l’ad mirable ftructure de l'œil humain , en le comparant à une cham- bre obfcure , à laquelle il eft fi fupérieur. On verra dans 1è Chapitre fuivant , que les rayons colorés qui entrent dans là compofition d’un rayon folaire , font inégalement réfrangibles. Lors done qu'ils font réfractés par une lentille de verre, ils ne fauroient fe rétinir précifément dans le même Foyer ou dans le même point. De plus, les rayons qui tombent {ur les bords de la lentille, ne fe réuniflent pas dans le même point que ceux qui paffent par le centre de cette lentille: fi donc notre œil n’eût renfermé qu’une fenle humeur, façonnée comme cette lentille, notre vifion qui eft fi diftinéte, auroit été très-con- fu£e; car la perfeétion de ia vifion dépend effentiellement de la réunion des raÿons dans un mème point de la rétine. Le grand EULER , légal de NEWTON en mathématiques, & auffi teligieux que lui, fait à ce fujet des réflexions que je tranf: crirai ici, d'autant plus volontiers qu'elles prouvent mieux qu’on eft plus religieux à proportion qu’on eft plus Philofophe, & L'œil, dit-il, que le CRÉATEUR a fait, n’a aucune des > imperfections de nos inftrumens d'Optique. En le compa- ÿ tant avec nos inftrumens , on comprend la véritable rai: 3 fon , pourquoi la SAGESSE DIVINE a employé différentes matieres tranfparentes à la formation de l'œil Humain ; c’eft : pour l’affranchir dé toutes les imperfeitions qui cara@té- rifent les ouvrages des Hommes. Quel beau fujet d'admi- a, ration; & que le Pfalmifte a bien raifon de nous condnirs
Tome L, Q:
242 C0 N°1) FE MP MOI TO NP
:, à cette importante demande ! CELUI qui à fait l'œil ne vër-
ss roit-il point ? L'œil humain eft un chef-d'œuvre qui fur-
>» pafle toutes nos conceptions; & quelle fublime idée ne de-
, vons-nous pas nous former de CELUI qui a pourvu non-
,, feulement les Hommes, mais aufli les Animaux , & même
, les plus vils Infeétes de ce merveilleux préfent , & cela au
» plus haut degré de perfettion! ..... L'œil de l'Homme | » furpaffe donc infiniment toutes les machines que l’adreife / humaine eft capable de produire. Les diverfes matieres tran£ parentes dont il eft compolé , ont non -feulement un de- gré de denfité capable de caufer des réfraétions différentes; mais leur figure eft aufli déterminée, enforte que tous les rayons fortis d’un point de l’objet, font exaétement réunis dans un même point, quoique l’objet foit plus ou moins $ » éloigné, fitué devant l'œil direétement ou obliquement , & que fes rayons fouffrent une différente réfraction. Aux ; moindres changemens qu’on feroit dans la nature & la s figure des matieres tranfparentes, l’œil perdroit d’abord « tous les avantages que nous venons d'admirer. Cependant les Athées ont la hardiefle de foutenir que les veux , auffi bien que le Monde tout entier, ne font que l'ouvrage d’un pur hafard..... Tant eft vrai, ce que dit encore le Pfal- » mifte,que ce ne Jont que les Infenfés, qui difent dans leur » Cœur, qu'il n'y a point de DIEU ...
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DE LA NATURE. Pat.V. 94% 3
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CHARS IER ETOUT
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Les couleurs.
Ls font les admirables rapports que la Sa. GESSE a mis entre nos yeux & la lumiere : ceux qu’elle a établis entre la lumiere & les furfaces des différens Corns , d’où naiffent les couleurs, ne méritent pas moins notre attention.
UN rayon qui tombe obliquement fur un prifme de verre, s’y rompt, & s'y divife en fept rayons principaux , qui portent chacun leur couleur propre. L'image oblongue que produit cette forte de réfraction , préfente donc fept bandes colorées , diftribuées dans un ordre conf. tant. La premiere bande, en comptant de la partie fupérieure de l’image, eft rouge; la fe. conde orangée ; la troifieme jaune; la quatrieme verte ; la cinquieme bleue ; la fixieme indigo; la feptieme violette; ces bandes ne tranchent point : mais l’œil pafle des unes aux autres par gradations ou par nuances.
Les rayons qui portent les couleurs les plus hautes, comme les rouge, lorangé , le jaune, font ceux qui fe rompent ou {e courbent le moins dans le prifme. Ils font auffi ceux qui fe
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sis CONTEMPLATION
réfléchiffent les derniers , lorfqu’on incline lin£ trument.
IL fuit de-là, que chaque rayon a fon ef fence ou fon degré de réfrangibilité. Faites paf fer en mème temps, par plufieurs prifmes, un de ces rayons : il ne vous donnera pas de nou- velles couleurs ; mais il confervera conftamment fa couleur primitive; preuve invincible de {on immutabilité.
Aux fept rayons divifés par le prifme, pré- fentez une lentille; vous les réunirez de nou- veau en un feul rayon, qui vous offrira une image ronde, d’un blanc éclatant. Ne prenez avec la lentille , que cinq à fix de ces rayons : vous n'aurez qu’un blanc fale.
RéÉuxnissEez feulement deux rayons : vous fe- rez une couleur qui tiendra de l’un & de Pautre.
Ux trait de lumiere eft donc un faifceau de fept rayons dont la réunion forme le blanc, & dont la divifion produit fept couleurs principa- les & immuables.
QUELLE elt maintenant la fource de cette diverfité infinie de couleurs , qui différencie les Corps , & qui embellit toutes les parties de notre Demeure £
DE LA NATURE. Part. V. »aç
Les lamelles ou les particules qui compofent la furface des Corps, font autant de petits prif- mes différemment inclinés qui rompent la lu- miere, & réfléchiflent différentes couleurs (1 ).
L'or , divifé en lames très- minces, paroïît bleu, oppofé au grand jour. Les matieres qui rongent & qui divifent le tiflu des parties, changent leurs teintes. Le plus ou le moins d’épaiffeur des lamelles contribue donc aufi à la diverfité des couleurs (2).
D'ou vient ce bel azur qui teint la Voûte célefte ? Le fond du Ciel eft noir ; ce fond, vu au travers de la couche d’air qui nons environne, doit nous paroître bleu par tranfmiflion (3).
(x) tf Le nombre, la grandeur, la direction & la confi- guration des pores dont tous les Corps font criblés, & la na- ture, plus ou moins réfringente, du fluide difféminé dans ces pores, peuvent encore influer fur ces modifications de la lu- miere , qui donnent naiflance aux couleurs.
(2) tt La teinture de rofe devient d’un rouge vif fi l'on y verfe quelques gouttes d’efprit- de-Vitriol : elle verdit f l’on y verfe enfuite de l’efprit-de-Sel ammoniac, & elle re- prend fa couleur rouge fi l’on y verfe de nouveau de l’efprit- de-Vitriol. On comprend que ces différentes combinaifons pro- duifent dans les particules réfléchiffantes , des modifications particulieres d’où naïiffent différentes couleurs.
(3) tt De grands Phyfciens affignent une autre caufe à
Q 3
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246 -CONTEMPLATION
D'ou procede cette riante verdure qui pare nos campagnes, & réjouit nos yeux ? Les la- melles de la furface des Plantes , ont été faites & difpolées de maniere qu’elles ne renvoyent que les rayons verds, tandis qu’elles donnent un libre paflage aux autres rayons. Si le verd réjouit notre vue, c’eft qu’il tient précifément le milieu entre les fept couleurs principales. Mais qui pourroit demeurer infenfble au foin que la NATURE a pris d’écarter ici Puniformité , en multipliant fi fort les nuances du verd?
Vous admirez cet arc-en-ciel fuperbe, qui vous retrace en grand les couleurs du prifme; la beaute & la vivacité de fes nuances vous raviflent : vous foupconunez que ia NATURE a dà faire une grande dépenfe pour compoler cette riche ceinture ; quelques gouttes d’eau, où la lumiere va fe rompre & fe réfléchir fous dif- férens angles, en font l’unique fond.
Vous êtes frappé de la dorure éclatante de quelques Infeétes : les riches écailles des Poiflons fixent vos regards : la NATURE , toujours ma-
Vazur du Ciel : ils penfent, que l’air à fa couleur propre, & que cette couleur eft l’azur. Le Ciel & tous les grands objets fitués dans le lointain , devront donc paroître d’autant plus azurés que la couche d’air interpafée {era plus confidérable.
DRE NA TU RE Part. V. “gan
gnifique dans le deflein & économe dans l’exé- cution, opere ces brillantes décorations à peu de fraix : elle ne fait qu'appliquer une peau brune aflez déliée fur une fubftance blanchâtre : cette peau fait l'office du vernis de nos cuirs dorés ; elle modifie les rayons qui partent de la fubftance qu’elle recouvre.
LE verd luftré des feuilles des Plantes tient au mème art, & de très-petits Infe@tes nous, aident à le découvrir. On les a nommés - neurs de feuilles , parce qu’ils minent une feuille, à-peu-près comme nos Mineurs minent la terre. Ils favent détacher adroitement l’épiderme du parenchyme qu’il recouvre, & fe loger en- tre deux. Si l’on enleve entiérement avec la pointe d’un cure - dent , cette portion de lépi- derme , qui fert de couverture à l’Infecte, l’on mettra à découvert le parenchyme, qui paroîtra d'un verd très-mat, mais plus foncé ou d’une toute autre teinte que celui du refte de la feuille. Si l’on replace enfuite l’épiderme fur le paren- chyme, & qu’on ly applique exactement , on rendra à cet endroit de la feuille {on luftre & fa teinte primitifs,
ON peut, fans le fecours des Mineurs, ré- péter cette petite expérience {ur les feuilles de
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248 CONTEMPLATION
quantité d'Efpeces de Plantes, foit herbacées ; foit ligneufes. Il ne faut pour cela qu’enlever de petits lambeaux de l’épiderme fans toucher au parenchyme qu'il recouvre immédiatement. On reconnoîtra par-tout que les feuilles doivent leur luftre & leurs nuances à une membrane fine , life, tranfparente, luftrée & blanchâtre ,. qui revèt une fubftance parenchymateufe, d’un verd toujours mat, & d’une teinte plus ou moins forte. C’eft ce verd, vu à travers l'épi- derme , & modifié par cette membrane , qui conftitue la couleur propre aux feuilies de cha- que Efpece.
IL en eft apparemment de mème de l’émail des fleurs, & peut-ètre encore du coloris des fruits. C’eft ici une nouvelle branche d’optique, qui, fielle étoit approfondie , cemme elle mé- riteroit de l’ètre, nous donneroit des réfultats intéreflans. En Phyfique, les plus petits faits deviennent féconds en grandes conféquences ; & il n’eft point ici de fujet qu'on puifle fe flatter d’épuifer,
La lumiere directe du Soleil , ou feulement celle du jour, calore le parenchyme des feuilles , comme elle colore celui des fruits. Les feuilles , rénfermées encore dans le bouton , font blan-
DEA N AT U KR FE Part VF. 249
châtres ou jaunâtres. Elles confervent cette cou- leur , fi on les force à croitre dans un tube de papier bleu , où l’air & la chaleur ont un libre accès. La Plante sériole alors , comme parlent les Jardiniers ; elle pouffe une tige exceflivement longue & menue, & les feuilles ne fe déve- loppeut qu’imparfaitement. La lumiere eft dans un mouvement continuel & très - rapide : elle agit fans cefle fur les furfaces des Corps, qu’elle pénetre plus ou moins. Par fes petits chocs réitérés fur le parenchyme des feuilles , elle en modifie peu-à-peu la furface, & la difpofe in- fenfiblement à réfléchir la couleur verte. Mais la lumiere tombe fur tous les Corps, & tous les Corps ne font pas verds: le parenchyme des feuilles a donc avec elle des rapports que n'ont pas les autres Corps , & de ces rapports réfultent, dans les lamelles du parenchyme, des changemens ou des modifications qui les rendent propres à réfléchir le verd (4).
(4) tt Toutes les expériences concourent bien à établir que l’éfiolement des Plantes dépend en dernier reflort de la privation de la lumiere; mais elles ne nous éclairent point aflez fur le comment de ce petit phénomene botanique, eonnu depuis fi long-temps, qui n’avoit point été étudié & qui méritoit tant de l'être. IL y auroit des raifons de douter de l’action immédiate de la lumiere fur les parties infenfibles des Plantes ; mais on entrevoit qu’elle pourroit fe combiner avec elles, & même encore avec quelqu’autre principe caché, £& changer ainfi la difpofition de ces parties, |
FAT) CONTE M:P:L-A T I. O Ne
L’arr colore de mème certains Corps. Je ne parle pas de cette coloration de, fang, qu’on croît s’opérer par le mèlange de l’air dans le poumon : j'ai dans l’efprit un fait plus avéré (4). Les Anciens ne connoifloient point de couleur plus riche que le pourpre: ils le tiroient d’un Coquillage qui ne nous eft pas bien connu. Mais nos Naturaliltes en ont découvert une
Quoi qu'il en foit de la mamicre d'agir de la lumiere , il eft aujourd'hui bien prouvé par les expériences les plus direc- tes, que ce ne font pas feulement les Plantes qu’elle colore, mais qu’elle colorée encore une multitude de corps de nature très - différente, ou qu’elle change les couleurs primitives de ces corps , & quelquefois dans un efpace de temps fort court. Des papiers bleus, par exemple, font convertis en peu d'heures par l’a@ion de la lumiere, & de la lumiere feule, en papiers d’un beau verd. Je dis de la lumiere feule, parce que l’ex- périence a démontré que l'air ni la chaleur n’influoient point {ur ce phénomene. Une pareille obfervation ne demeurera pas ftérile dans la main de nos Phyficiens, & ils fauront en tirer des conféquences relativement à la confervation des étoffes , des meubles, des peintures, &c.
(s) tT Si l'on fait deux ligatures, à quelque diftance l'une de l’autre, à une veine principale d'un Animal vivant ; qu’on évacue le fang contenu entre les deux ligatures; qu’on ui fubftitue de l’air, & qu'on enleve enfuite une des ligatures pour méler cet air avec le fang ; on verra celui-ci fe colorer fur -le-champ d’un rouge très - vif. Il eft donc bien avéré que l'ait peut colorer le fang; & on fait d’ailleurs que le fang de- vient d'un rouge plus vif par fon paflage à travers les pou- mons. Il feroit poflible néanmoins que l'air n'agit pas feul dans cette coloration.
DƮPL 4 NATURE Part. VV. 2654
Efpece , qui donne précifément la mème couleur. Tandis que la liqueur colorante eft encore coï- tenue dans les vaifleaux qui la préparent & qui la fournilent, elle n’eft qu’une forte de lymphe dun blanc jaunâtre. La toile blanche fur la- quelle on en répand, n’en eft d’abord que falie : mais l'air libre fait prendre bientôt à cette li- queur une nuance de pourpre très-vive & très- durable (6).
(6) tt C’étoit d’un Coquillage marin , du genre des Buc- eins ou Trompettes , que les Anciens tiroient leur beau pour- pre; & c’eft encore d’un Coquillage du même genre qu'on \ trouve fur les Côtes du Poitou, que l’illuftre REAUMUR avoit tiré le pourpre dont je parle ici. Il avoit retrouvé cette riche couleur dans de petits Corps ronds, qui paroïfloient être des œufs de Poiffons. La liqueur d’un blanc jaunâtre, extraite de ces œufs ou du réfervoir du Buccin, fe coloroit de mème en pourpre par l’action du Soleil & par celle du feu. Mais Mr. DUHAMEL ayant voulu répéter cette expérience, elle ne luia réufli qu’à la lumiere directe du Soleil.
252 CONTEMPLATION
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Conféquences.
Live couleurs ne font donc dans la lumiere & dans les objets qu'une certaine nature & un certain arrangement-de parties, totalement dif- tincts des perceptions qu'ils font naître dans notre Âme. C’elt donc par un jugement erroné que nous tran{portons à la lumiere & aux objets, les couleurs que nous voyons. Ces couleurs font en nous , elles font des modifications de notre Ame, & il en eft de mème de toutes nos per- ceptions & de toutes nos fenfations. Les fons, les odeurs, les faveurs, ne font pas plus dans les objets que les couleurs. Toutes ces {ources de rapports naïflent de la diverfité des inftru- mens par lefquels lÂme juge des objets. Ces inftrumens font les fens : en nous préfentant les Corps fous plufieurs faces , ils nous en ma- nifeftent deférentes qualités, & à ces qualités répondent dans l’Ame différentes idées.
ConNcLuons de là, que les mèmes objets iaffectent pas d’une égale maniere tous les Etres fentans, & qu’il eft mème douteux, que deux
DE LA NATURE.Part.V. 253
Individus de mème efpece aient précifément les mèmes perceptions , à la préfence des mèmes objets , comme je lai déja remarqué.
S’IL nous étoit permis de contempler le Monde par les organes de tous les Etres fentans qui l’habitent, nous verrions peut-être autant de Mondes , que nous employerions de lunettes. Quelle différence du Müûrier éprouvé par les organes du Ver-à-foie, à celui que nous con- noiflons! Quelle diverfité entre les éfaines vues par les yeux des Abeilles, & celle que le Bo- tanifte obferve! Quelle Science que celle de PEtre qui connoitroit toutes ces différentes im- preffions !
PuisQUE Les qualités des Corps ne font que de pures relations, eft-il bien fûr que la Afa- tiere {oic hors de nous, telle qu’elle nous pa- roit ètre ? Exilte-t-il réellement une fubftance étendue & folide?
Tour compofé eft formé d’Etres fimples. L’étendue réduite à fes plus petites parties n’en eft pas moins étendue : il eft peut-être des Ha- bitans de certains Mondes, aux yeux defquels ces particules font des mafles fenfibles. Si ces Etres railonnent, ils peuvent demander com.
254 CONTEMPEATION
ment ces mafles font produites ? Seroient - ils fatisfaits, fi on leur répondoit qu’elles font éten- dues de leur nature, fans ètre compofées? Se- roient-ils plus contens d'entendre dire, que l’é- tendue folide n’eft, comme les qualités fenfibles , qu’une fimple apparence ? que la Matiere eft formée d’ Unités ou d’Etres fimples & aëifs, qui, fans être étendus ni folides , ont cependant la propriété d’exciter en nous la perception de Pé- tendue & de la folidité, de la mème maniere a-peu-près , que les Corps éclairés nous donnent le fentiment des couleurs ? que ces Unités qui nous occafionent l’idée de la Matiere, excitent chez des Etres conftruits fur d’autres modeles que nous, des perceptions de genres tout dif- férens ? Enfin, ces Métaphyficiens des Régions éthérées fe plairoient-ils fur-tout à méditer fur le nombre infini de combinaifons , qui réfulte- roient de femblables Unités , contemplées par ‘les Intelligences de toutes les Spheres? (1)
(1) tt On voit bien que je parle des fameufes Monades au grand LEIBNITZ , fi combattues par plufieurs Philofophes, fi exaltées par d’autres , & qui n’ont dû leur origine qu’à l’im- puiffance où nous fommes de rendre raifon de l'étendue #u- térielle. Mais, ñ l’exiftence des Monades n’eft point auffi cer- taine que le penfoit LEIBNITZ , elles n’en feront pas moins un monument durable de l'originalité , & de la profonéeur de ce Génie immortel.
D BOE A N A TU RE Part. Y. 255$ EE —— ZI CHAPITRE S. XP
TC ——
Le Fes.
L E Feu, répandu dans toute la Nature, nous offre une infinité de rapports : bornons-nous à parcourir les plus intéreffans.
FLuipe fubtil, élaftique, abondant , fans ccfle agité, le Feu pénetre tous les Corps. Il les’ échauffe, les dilate , les brûle, les fond, les calcine , les vitrifie, les volatilife, les diffipe, Âuivant lefpece de leur compolé ou de leurs
principes (1 ).
(1) ff Confultez fur le Feu & fur le Phlogiftique la troi- Tieme Note du Chap. III de la Part. III. Les grands effets que le Feu produit dans les Corps, fe diverfifient dans un rapport déterminé à leur nature, & au degré d'adhérence de leurs parties intégrantes. On nomme volatiles les fubftances où cette adhérence eft fort petite, & fxes celles où elle eft très-grande. Une quantité de feu donnée élevera donc en vapeurs les premieres, tandis qu’elle ne fera qu'échaufter les dernieres. Et comme il eft dans tous les Mixtes des parties volatiles & des parties fixes , on comprend facilement que le feu eft un moyen d’analyfer les M xtes. Le feu qui pénetre les Mixtes, tend donc à défunir de plus en plus leurs parties intégrantes ; & le dernier terme de cette défunion eft la v+ Zatilifation,
256: AC.O' N TE MP LME T I 0 N
INvISBLE de fainature, cet Elément fubtil ne devient vifible qu’en empruntant un corps, Il s’unit fecrétement à une Subftance inflam- mable & inconnue , que le Chymifte nomme phlogiflique ; & pourvu de ce corps étranger, il s’allie à d’autres Corps, & entre dans leur com- poñition (2). C’eft encore par une femblable
(2) tt La Chymie moderne démontre par de belles expé- riences , que le Feu eft ainfi le principe de la couleur, de 4 denfité & de la duétilité étonnante des métaux. Les terres ou chaux métalliques n’ont point les admirables propriétés des métaux; mais elles les acquiérent par l’incorporation du phlo. giftique, & elles ne reprennent leur état de chaux que lorf- qu'on les dépouille de ce principe conftituant. Voy. la pre< miere Note du Chap. IV de la Part. III.
Il y a bien de l'apparence que c’eft encore au phlogiftique que font dues les belles couleurs des fleurs, & celles de quantité de corps, foit bruts, foit organifés. Nous avons vu dans la feptieme Note du Chapitre que je viens de citer, qu’il eft probable que le feu eft encore le principe des faveurs & con- féquemmént des odeurs.
Il n'eft pas moins probable que le Feu eft, avec l'air & l'eau, la principale partie conftituante des Végétaux, & qu’ils lui doivent , comme les métaux , leurs principales propriétés ; car il eft prouvé par des expériences directes, que ce qu'uné Plante tire de la terre pour fa nourriture eft très-peu de chofe , & qu’il n’entre que quelques onces de terre pour four- nir à l’accroiflement d’un Arbre du poids de cent cinquante ou deux cents livres.
Saurons-nous jamais comment lé Feu, cet Élément fi fubtil ‘ fi mobile, fi volatil, peut compofer des mañes aufli con unio®
D'EUL'A N A TUÜUR'E Part. V. 257
ùnion, qu’il fe rend fenfible dans les expérien- ces électriques , tantôt fous la forme d’aigrettes lumineufes, tantôt {ous celles de couronnes, d’éclairs , d’étincelles, &c. & qu’il détonne, éclate, frappe, perce, brûle, enflamme (3).
pates , aufi pefantes que les bois & les métaux ? C’eft bien ici que la Nature fe cache dans Pabime le plus profond. Tout ce qu'il nous eft permis d’entrevoir, c’elt que Les Végétaux en ifolant les Élé mens , les dépouillent des propriétés par lef. quelles ils nous font connus , & donnent lieu ainfi aux dif- Férentes combinaifons dont les divers compofés réfultent.
Au refte , ce phlogiftique, qui joue un fi grand role dans la Nature, paroït réfulter lui-même de la combinaifon du Feu pur ou élémentaire avec la terre vitrifiable ou primitive, C'eft au moins l'opinion du favant BAUMÉ.
(3) tf On fait que nos Phyfciens, au moyen de leurs machines électriques , enflamment l’efprit - de - vin , fondent en un inftant un fil de fer , fondent de même l’or en feuille, & lui donnent une couleur purpurine ; & ce qui eft plus re« marquable encore , réduifent les chaux métalliques , ou leur tendent les propriétés qui caraétérifent le métal. Le fluide électrique joue donc ici le rôle de phlogiftique , & rien ne dé. montre mieux que cette belle expérience , l’analogie qui eft entre l’un & l’autre.
Je ne parle point des phénomenes de lattraction & de La répulfion, ni de ces jenx éleétriques que nos Phyficiens combinent à leur gré, & qui préfentent des fcenes fi agréa- blement variées , ni de ces terribles commotions dont les effets font fi femblables à ceux de la foudre ; tous ces faits & mille autres de même genre, auxquels ils font enchaïinés, exiges
Tome I, R
268 CVOUN TE MP LE AÏT:I:0 N
Par une douce agitation, le feu vivifie tous: les Corps organidés , & les conduit par degrés à leur parfait accroiflement. Il fomente la bran- che dans le bouton, la Plante dans la graine, VEmbryon dans l'œuf. [l donne à nos alimens les préparations convenables. Il nous foumet les Métaux, à la formation defquels ils préfide. C'eft lui qui nous met en état de leur faire prendre, ainfi qu’à diverfesAnaticres , toutes les forines que nos befoins ou nos commodités exigent. C’elt de lui que nous tenons en par- ticulier cette matiere tranfparente, qui, éten- due en feuilles minces , ou façonnée en ma- niere de tuyaux, de vafes, de globes , de len- tilles , &c. nous fournit différentes fortes de meubles ou d’iuftrumens, & nous enrichit de nouveaux yeux, qui en fuppléant à la foiblefle des nôtres, nous aident à découvrir les plus petits objets, & rapprochent de nous les plus éloignés.
DE ladion du feu fur les Terres, fur les Soufres, fur les Huiles , fur les Sels, réfultent les diverfes efpeces de fermentations , d’effer-
roient un volume. L'éleéricité , qui n’étoit d'abord qu'un amuferent d'enfant , eft devenue de nos jours une vraie fcience, une fcience auffi profonde qu'étendue , & une des principales kranches de la Phyfique générale.
DE LA NATURE. Part. V. 259
véfcences , de mèlanges ; objets de recherches du Chymifte , & lame des trois Regnes.
CoxcENTRÉ par les lentilles ou par Îles mi- roirs de toute efpece, il acquiert une force bien fupérieure à celle de notre feu de réverbere le plus ardent , & dans un inftant , il réduit le bois
verd en charbon, calcine les pierres , fond & vitrifie les métaux, &c. (4).
(4) tf Nous n'avons pas une grande difpofition à croire aux inveñtions des Anciens; fans doute, parce que nous fom- mes trop pleins de la frpétiorité dé nos méthodes & de nos moyens. Un célebre Moderne qui voulut enfeignertà fon fies cle à douter, & qui fouvent ne donta pas affcz lui-même, avoit traité de fabuleux, les-miroirs avec lefquels divers Hi£s toriens aflurent qu'ÂRCHIMEDE brüla la flotte des Romains. Mais un autre Moderne, doué de tout Le génie du Pere de ja Dicptrique , a vengé la gloire d'ARCHIMEDE en la partageant. Comme lui, il eft parvenu à brûler à de grandes diftances, à l’aide d’un miroir , diffétentés matieres combuftibles. Ce mia roit étoit Fotmé de l’afemblage d’une multitude de petites glaces mobiles, de huit pouces de hauteur, [ur fix pouces de largeur, & dont les aétions convergeoient dans un mème Foyer. En augmentant ou en diminuant le nombre de ces petits miroirs plans , & en diminuant ou augmentant Îes dif. tances, on produiloit des effets plus ou moins confidérables, & plus ou moins prompts. Avec cent vingt-huit de ces
miroirs , on enflammoit fubitement une planche de Sapin
goudronnée , placée à cent cinquante pieds de diftance ; &
ce quin’eft pas moins remarquable , avec deux cents vingt«
quatre miroits , on fondoit à quarante- cinq pieds des afljettea d'argent,
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260 CON T'E M'P'L'AIFI ON
EXCITÉ , raflemblé, condenfé , modifié, ex. trait, dirigé, appliqué par les machines élec- triques , il devient la fource féconde de mille phénomenes que l'art multiplie & diverffie cha- que jour ($). Tantôt extrait d’un globe de
(5) 1t La Nature elle-même a conftruit des machines électriques, dont les effcts fe rapprochent beauconp de ceux que. produifent les machines que l’art a fu inventer. Tout ie monde connoïît la forte de commotion & d’engourdiffement que la Torpille fait éprouver à ceux qui la touchent : on difputoit depuis deux mille ans fur la caufe de ce phéno- mene animal. L'illuftre REAUMUR fe flattoit un peu de l’a- voir découverte, & n'avoit fait qu’une petite hypothefe qui n'étoit point le fecret de la Nature. C’étoit à M. Vaisx qu’elle vouloit le révéler. Cet ingénieux Phyficien , plus heu- teux que fes prédéceffeurs, nous a dévoilé en entier le myf- tere, & nous a appris par une fuite nombreufe d'expériences, que les phénomenes de la Torpille appartiennent effenticlle- ment à l’'Hiftoire, déja fi riche, de l’Éleétricité. Il a rigou- reufement démontré, que ce Poiflon fameux , du genre des Rayes , eft une vraie machine éleétrique , qui prépare & raf femble un fluide électrique , le tranfmet en un inftant à d'affez grandes diffances , par des conduéteurs métalliques, où par une chaîne de perfonnes , & fait éprouver à celles-ci des commotions pareilles à celle de la bouteille de Leyde, & qui n'en different que parce qu'elles font mains fortes.
On devroit étre très- curieux de connoître l'organe qui opé« toit de telles merveilles ; & il y avoit bien lien de-préfumer que cet orzane feroit lui-même une merveille. C’et auf ce qu'a démontré le fcalpel du célebre HUNTER, & que je ne
ne: rendre que très -imparfaitement.
L'organe électrique de la Torpille af"denble ; &: s'éter
DE LA NATURE. Part, V. 26:
verre par le frottement , il coule avec une ra- pidité inconcevable , le long d un fl de fer qu’on
depuis la tête jufqu’à l'extrémité de la poitrine. Un des or- ganes eft plicé du côte du dos ; l’autre , du côté du ventre, & tous deux fént recouverts de la peau, comme le refte du corps.
Ces organes finguliers qui font propres à la Torpille , pau roiffent compofés d'une multitude de petites colonnes à plu- fieurs côtés , le plus fouvent pentagones ou exagones , formés d’une membrane mince, prefque tranfparente , mais renforcée par une forte de réfeau qui unit eutr'elles les colonnes. Tout: cela forme extérieurement un affemblage , qui a quelqu’air d’un gâteau d’Abeilles.
Chaque colenne eft partagée tranfverfalement dans toute fa longueur , par de petits diaphragmes, qui laient entr'eux des intervalles qu’on peut nommer des cloifons. L'Anatomifte a compté jufqu'à cent cinquante de ces cloifons, dans une colonne qui n’avoit qu’un pouce de hauteur. Un grand nom- bre de vaiffleaux qui ne font que des ramifications des vaifleaux fanguins des ouies, vont fe rendre dans les cloifons des co- lonnes. On découvre dans ces beaux organes , bien d’autres particularités que je fupprime, pour. venir tout d’un coup à la plus importante.
Ce ne font proprement ni les colonnes , ni leurs membra- nes, ni leurs cloifons , ni leurs vaiflcaix , qui forment les parties les plus effentielles de l'organe éle&trique ; ce font les nerfs qui fe diftribuent dans cet orgine. On n'apprend point fans intérêt de l’habile Anatomiite de la Torpille, que fi l'on en excepte les organes des fens , il n’y a dans aucun Animai connu, même le plus parfait, aucune partie qui, proportion- pellement à fa grandeur, foit aufli pourvue de nerfs, & de
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262 CON T'ECM PE ANT ON
lui préfente, & va faire fentir fon imprefion à des corps légers, placés à une lieue du globe,
nerfs auffi confidérahles que fe font les organes électriques de la Torpille. Il en inferc avec fondement, que des nerfs fi confidérables & fi nombreux, font principalement deftinés à raflembler & à diriger le fluide éleétrique au gré de l'A nimal; car toutes les expériences prouvent que la Torpille peut à fon gré faire jouet fa machine électrique.
Mais une chofe bien effenticlle manquoit à ect électricité animale : les chocs réitérés qui opéroient autant de commo- tions analogues à celles de l'expérience de Leyde , ne produi- foient jamais d’étincelles ; & cect avoit fait naître des doutes fur l'analogie de ia vertu du Poiffon avec La vertu électrique. On avoit pourtant conftaté encore par une multitude d'expé- tiences, que les mêmes fubftances qui arrêtent les écoulemens électriques , opéroient la même chofe fur ceux de la Torpille. Mais on avoit toujours à defirer l’apparition de ces étincelles qui accnmpasnent les chocs qu'occafionnent les inftrumens élettriques. Mr. VALSH fouhaitoit trop vivement de difliper ces doutes, & de canftrmer pleinement les conféquences intéref- fantes qu'il avoit tirées de fes expériences fur la Terpille, pour ne pas faifir avec empreffement toutes les occafions qui s’ofriroient d'y parvenir. On trouve à Surinam une Anguille douée de la même propriété que a Torpille, & qui la pof. fede mème dans un degré plus éminent. Notte Phyficien qui le favoit, a réuffi à Faire pañler cette Anguille finguliere d’A-
nérigue en Angleterre : il Fa foumife aux mêmes expériences
que la Torpiile, & il a eu la fatisfaction de voir le premier ces étincclles fi defirées, & de compléter ainfi une démonf- tration bien importante pour le Phyfiologifte.
Ii n’eft donc plus douteux à préfent, que le fluide fubtil que les nerfs tran{metteut aux organes éleétriques de la Tor
DE LA NATURE.Part. V. 263
Tantôt app'iqué par le mème moyen à des membres paralytiques , il y rétablit la vie & le mouvement (6). Préfent à toute l’athmof_
pilie, & à ceux de l’Anguille de Surinam , ne foit bien ana logue à celui qui opere les divers phénomenes de l'électricité, s'il n’eft précifément ie même: & combien cette découverte paro‘t-elie favorifer l'opinion des Phyficiens, qui admettent une grande analogie entre le fluiie nerveux ou les efprits animaux, & le Huide électrique !
Les commotions que produit la Torpille, ne font jamais bien violentes : c'eft déja beaucoup qu’ellès approchent nn peu de celles que produit la bouteille de Leyde. Mais la Nature exécute , quand il lui plait, des appareils électriques auffi puifans que ies nôtres, & fait les placer dans ie corps d’un Animal. Quand on fe hafarde de ferrer entre deux doigts l'An. guille de Surinam, eïle Fait éprouver une commotion aufli violente que celle de l'expérience de Leyde: & ce qui eft très- digne de remarque, la commotion eft beaucoup plus forte dans l'air que dans l’eau; & l’Anguiile laiffée à fee au point d’en devenir ridée, ne perd point fa vertu électrique , qui ne ceffe de s’y manifefter que lorfque le cœur ceffe de battre.
Ce Poiffon fingulier peut faire éprouver fucceffivement bien des commotions dans un intervalle de temps aflez court ; mais elles vont toujours en s’afoibliffant. Le fluide fi aŒif qui les opere, s’épuile peu-àpeu, & demande à être réparé, comme toutes les autres humeurs du corps animal. Il en eft de même des commotions fucceflives que donne ia Torpille; les chocs s’affoibliffent aufli par degrés.
(6) tt Quand léle&ricité ne Fferoit qn'offrir cette foule de phénomenes furprenans, qui , à leur premiere apparition, ont
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264 CONTEMPLATION
phere, il s’accumule dans les nuées orageufes , d’où l’art fait encore l’extraite ; & un FRANCK-
tant excité l’étonnement & l'admiration du Speétateur, elle feroit déja une fource féconde de méditations pour le Phyf- cien; car it defireroit de pénétrer les caufes de ces phéno- menes, & ce defr qui lui fuggéreroit de nouvelles expérien- ces, produiroit ainfi de nouveaux phénomenes. Mais il n’eft rien dens la Nature, qui ne renferme quelqw’utilité cachée , & c'eft de ce côté - à, que le Phyfcien, Ami des Hommes, di- rige principalement fes recherches.
Les étonnans effets des commotions éleétriques fur le genre nerveux, conduifoient bien naturellement les Maîtres de l'Art à appliquer l’éleéricité à ces maladies dont la guérifon pa- roit exiger de fortes fecoufles dans les nerfs on dans les muf- cles, ou dans tous les deux enfemble. C’a été aufli ce qu’on n’a pas manqué de tenter fur différens genres d’obftruétions , fur la paralyfie, fur la goutte fereine, fur la furdité , fur les thumatifmes, &c. : les procédés ont été ingénieufement variés , fuivant les circonftances particulieres , le genre & les acci= dens de la maladie; & plus d’une fois des fuccès affez frap- pans ont couronné la conftance du Médecin électricien & celle du Malade : les membres privés depuis affez long-temps du fentiment & du mouvement, ont repris peu-à-peu l’un & l'autre. La vue a été rendue à des Aveugles , l’ouie à des Sourds. Mais le plus fouvent le fnccès n’a pas répondu aux premieres efpérances qu'on avoit conçues du traitement. Un Phyficien fage ne fe preflera pas néanmoins d’en inférer que l'électricité médicale fera toujours auf peu efficace dans les mêmes cas : elle n’eft encore qu’au berceau ; & que n’avons- nous pas droit d’efpérer, foit des recherches plus approfondies qu’on tentera dans la fuite, foit d’une multitude de combinai« fons nouvelles qu’on pourra imaginer, & de celles même que d’heureux hafards feront naître!
DE LA NATURE. Part. V. 36
LIN égalant de nos jours le JupiTEer de la fa- le, tient la foudre dans fa main & en dif. pole à fon gré (7).
Il eft an moins bicn prouvé aujourd’hui, que l'Électricité agit fur les nerfs & fur les mufcles avec autant de fuccès, & mème avec plus de farec encore, que les plus puiffans ftimu- lans méchaniques on chrmiques. On voit les fibres ofciller dans le mufele d'un Animal vivant, mis à nud & éleétrifé par la commotion : on voit les ofcillations s'étendre d’autant plus dans le mufcle que la commotion a été plus forte. On excite dans le mufcle de pareilles ofcillations , en dirigeant la com- motion éleétrique fur le nerf qui s’y plonge. Il y a plus, on obferve les mêmes effets effentiels dans un mufcle détaché du corps, & éleétrifé par un femblable procédé. On reproduit ainfi les battemens dans le cœur d’une Grenouille, trois jours après qu'il à été extrait de la poitrine.
On juge après cela, qu'un fluide doué d’une fi grande aéti- vité doit accroître le jeu des vaiffeaux , & conféqnemment le mouvement des liqueurs. C'’eft encore ce que l'expérience a confirmé. Elle a prouvé que l'électricité augmente la tranf- piration de l'Animal & du Végétal, & accélere l'accroifie- ment de celui-ci. Elle peut même fuppléer à la chaleur de la Poule, & faire développer le Poulet dans l'œuf.
C7) ff Il y a plus de deux mille ans que les enfans s’a- mufoient à attirer des pailles avec un morceau d’ambre : eût on deviné que d’un pareil amufement fortiroit cette foule de découvertes, qui ont tant enrichi la Phyfique moderne, & ofert à nos Sages tant de problèmes à réfoudre ? IL eft bien finga- lier que ce foit encore un jeu d’enfant, qui ait rendu nos Phyficiens maîtres du tonnerre. On comprend que je parle de ces Cerfs- volans ou chaflis de papier, à la queue defquels
eft attachée une longue corde, & qui s’élevent dans l’air au
66 OON TE MP DATI ON
C’EsT encore le feu qui communique à PAir & à l'Eau réduite en vapeurs, cette prodigieufe
gré des vents, tandis que l'enfant tient dans fa main le bout de la corde. Tel eft le chétif inftrument dont un Phyfcien moderne a imaginé de fe fervir, pour extraire La foudre du fein des nuées orageufes , & en difpofer à fon gré. Ce fut en 1752, que le fameux FRANCKLIN fit, à l’aide du Cerf-vos lant, cette grande découverte, qui eût {uff à rendre fon nom immortei, & qu’il mit le premier en évidence la parfaite analogie du tonnerre avec l'électricité. IL avoit d’abord atta- ché à fon Cerf-volant qu'une fimpie corde de chanvre , qi, dès qu’elle étoit mouillée par la pluie, devenoit un hon con- duéteur. Mais peu de temps après, un autre Phyficien, Mr. de RomaAS , qui ne favoit rien de la découverte du Phi- lofope de Bofton , imagina de rouler autour de la corde un fil de métal; & aufli-tôt les prodiges fe multiplierent, & le fpedacie qui s'offrit à fes yeux étonnés, devint bientôt auffi redoutable que magnifique. La foudre extraite de la nuée ora- geufe , & fortement condenfée autour de la corde, le long de laquelle elle couloit avec une prodigieufe rapidité, préfenta à l'Otfervateur un cylindre de lumiere , de trois à quatre pouces de diametre, & qui eût paru, fans doute, bien plus grand , l'expérience eût été Faite dans les ténebres de la nuit. L'impreffion de ce torrent de feu électrique fe faifoit fentir au vilage des fpe“tateurs comme une toile d’Araignée, à cinq eu fix pieds de diftante. Le Cerf - volant étoit alors élevé d'en viron fix cents pieds.
Tandis que l'électricité fe manifeftoit avec tant de Force au. tour du conduéteur , on entendoit à plufieurs centaines de pas, des craquemens femblables au claquement d’un fouet, on aux éclats d’un feu d'artifice. On entendoit encore un bruit conti- nuel qui imitoit celui d'un gros foufflet de forge, dirigé fur un feu bien allumé. On fentoit en même temps une odeur de
DE LA NATURE.Part.V. 267
force qui les rend capables d'ébranler la Terre, & de rompre les corps les plus durs.
r ofphore urineux , incomparablement plus fo foufre ou de phofphore t ‘ bi t plus forte que celle qui a coutume de fe faire fentir dans les expériences életriques.
Ces grands phénomenes diminuoient dès que les nuées com- mençGoient à s'éloigner du Cer£- volant, & ils cefloient entié« rement lorfqu'elles en étoient à une certaine diftance.
Dans une autre expérience faite avec un Cerf- volant , dont la corde avoit plus de quinze cents pieds de longueur, le fpec. tacle parut plus effrayant encore, quoique l'orage ne füt que médiocre. Des lames de feu, de neuf à dix pieds de lon- gueur fur un pouce de diametre, s’élançoient de la corde avec un bruit égal à celui d'une arme à feu. En-moins d’une heure on vit partir plus de trente de ces lames menaçantes, fans compter des centaines d’antres lames dont Ics dimenfions étoient inférieures , & qui s’élançoient de différens points du conduéteur. À l'aide d’un excitateur garni d'un tube de verre, le hardi PROMÉTHÉE changeoit à fon gré la direction de ces lames effrayantes, ou en tiroit de nouvelles du condnéteur.
La matiere électrique s’accumule donc dans les nnées, & elles en font ciles-mêmes des conduéteurs d'autant plus par- faits , qu'elles font plus épaifles & plns continues ; car l'eau eft un excellent conducteur du fluide électrique, & l'on fait que les nuées ne font que des amas de vapeurs plus ou moins denfes.
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Quand un nuage éleétrique va à la rencontre d’un autre qui ne l’eft pas, celui-ci tire du premier une étincelie, & cette étincelle eft un écéair. Les nuages font ainfi des efpeccs de grands apparcils éleriques , dont les jeux fe diverffient dans
268 CONTEMPLATION
C'EST le Feu enfin, qui en pénétrant les die, leur conferve leur fluidité. Exact lui-
un rapport déterminé à l’état des nuages & de l’air envi- ronnant. Le bruit qui accompagne l’explofon eft plus ow moins fort, fuivant la réfiftance que le tonnerre éprouve dans. fa courfe rapide. Sa direétion n’eft pas toujours de haut em bas : on le croyoit autrefois, & c’étoit une erreur qu'on re s’avifoit pas de foupçonner. Les Poëtes & les Peintres qui ont été à leur maniere , les premiers interprètes de la Nature, peignoient JUPITER lançant du haut des nues fes foudres: fur la Terre, & il ne leur étoit pas venu en penfée de met- tre aufli la foudre dans la main de PLUTON. Nous favons. pourtant aujourd’hui, que la foudre peut s’élancer du feim de la terre, comme elle s’élance du fein des nuées. La dé- couverte de l’analogie du tonnerre & de l’éleétricité préparoit aflez nos Phyliciens à voir cette double marche de la foudre, & ils s’en font afurés plus d’une fois. Le fluide éketrique tend toujours à fe mettre en équilibre : ainf, quand un nuage- orageux , dont l’électricité eft, comme l’on dit, poftive, fe porte fubitement vers la Terre, ou vers les Corps placés à fa furface, dont l’éledtricité eft régative , la foudre s’élance fur la Terre, & l’on dit que le Tonnerre fombe. Il s'éleve, a contraire, ou il s’élance de la Terre ou des Corps placés à fa furface, fi l'électricité de la Terre ou de ces Corps eft po- fitive, & fi celle des nuages eft ségative :-c'eft que le fluide électrique une fois dégagé , fe précipite des corps où il bonde le plus, dans ceux où il abonde le moins, & qui lui livrent un pafage plus libre.
De nombreufes expériences avoient appris que ce fluide ne fe meut nulle part avec plus de liberté que dans les fub£- tances aqueufes ou métalliques, & dès qu’on avoit reconnu læ parfaite analogie de Îa matiere du tonnerre & de celle de l'électricité , on étoit fur les voies de la plus heureufe & de
DE LA NATURE.Part.V. 269
mème à fe raettre par-tout en équilib: », il pañle des corps où il eft le plus abondant dans ceux où il left moins , & emportant avec lui les par. ticules les plus volatiles , il les dépofe à la {ur- face de ceux - ci, où elles fe montrent fous la forme de vapeurs, d'exhalaifons » de brouil-
lards , &c.
la plus importante application de cette découverte. Les Cerfs- volans venoient de démontrer qu’on pouvoit, en quelque forte foutirer des nuées orageufes toute la matiere électrique qu’elles renferment & qui les rend fi redoutables. On tonchoit donc à la fameufe invention des conducteurs deftinés à préfer- ver nos Édifices de la foudre; & cette invention eft une des plus belles & des plus utiles qui aient été faites depuis la re. naïffance des Lettres. Avec quelle fatisfaétion , le Philofophe n'y contempe-t-il point ce que peut la raifon humaine, lorf- qu’appliquée à la recherche des fecrets de la Nature, elle s'éleve des plus petits faits aux plus grandes vérités pratiques!
230, CONTEMPLATION
ER
NE
CH APCE T R'EMSC ME
E (gs à
L'Air.
L: IR, par fa fluidité, par fa ténuité, par fa pefanteur, & par fon reflort, elt, après le Feu, le plus vuiffant Agent de la Nature.
IL eft un des grands priricipes de la végétation des Plantes, & de la circuiation des liqueurs daus tous les Corps organifés. Il eft le véhicule & le réceptacle des particules qui s’exhialent des dif- féntes matieres; & fi nous avions les yeux affez perçans pour péuétrer dans fa fubftance, nous “y verrions l’abrégé de tous les corps qui exiftent fur la furface de notre Globe (1). Des vapeurs & des exhalaifons qu’il porte dans fon fein , & qu'il difperfe par-tout , naiflent les Météores aqueux & ignés, fi utiles , mais quelquefois fi redoutables,
(x) tft Le fage & profond BOERHAAVE, qui favoit fi bien étudier la Nature , & dans le petit & dans le grand, & remonter par elle à la SOURCE ÉTERNELLE de l'ordre univerfel; BOER- HAAVE, dis-je, regardoit l’Athmofphere comme le réceptacle ou l’abrégé des trois Regnes. Il démontreit dans fa Chymie , cet ouvrage fi original & fi plein de fon génie obfervateur , que cette mafle d'air qui enveloppe notre Planete, contient du feu, de l'eau, de la terre, des huiles, des fels, différens extraits des Végétaux & des Animaux , des graines @ des œufs féconds, & même des Minéraux & des Métaux,
DE LA NATURE.Part. V. 27:
Non - SEULEMENT l'air recoit les Corps, il entre encore dans leur compofition.. Dépouillé de fon élafticité, il s’'unit aux particules qui les compofent, & augmente leur maffe. Mais, plus inaltérable que l’Or, il reprend fa premiere na- ture, lorfque ces Corps s’alterent ou fe décom- pofent (2 ).
(2) tt Je revenois ici, comme l’on voit, à la favante Aiu- lyfe de l’Air de l'excellent HaLEs. Voyez la quatrieme note fur le Chap. III. de la Part. IL. Les Chymiftes qui lui ont fnccédé & qui ont travaillé d'après fes vues ou des vues analogues, ont vu naître de leurs recherches une foule de vérités auffi neuves qu'imprévues , & fur les conféquences defquelles ils ne font pas encore parvenus à s’accorder. Le Dr. PRIESTLEY eft un de eeux qui fe font le plus diftingués dans cette carricre : mais l’ex- pofition de fes déeouvertes n'appartient peint à un tableau de
la Nature. Je me bornerai à en donner un légere indication,
fans toucher aux hypothefes du célebre Auteur, qu'il eft trop facile de conteiter.
HALES avoit prouvé que l'Air commun ou athmofphérique entre dans la compofition d’un très - grand nombre de fubftançes de différens genres. Il eit , en particulier , un des principes conf. tituans des fubftances calcaires ou alkaliues. Mais ces fubf£- tances peuvent être diffoutes on décompofées par différens moyens ; & fur-tout par les acides. L’Air qui leur étoit incor- poré s’en dégage alors; & c'eft cet Air dégagé qui a reçu le nom impropre d'Air fixe , fous lequel il eft devenu fi fameux de nos jours; & qui eût été, fans doute , mieux nommé Air défixé.
Cet Air défixé ou dégagé des fubftances dont il faifoit au paravant partie, n’eft pourtant pas de l’Air commun. Il n'en poffede pas toutes les propriétés, & quoiqu’élaftique, il n’eft propre gi à La refpiration ni à la végétation; il préfente un ca
272 CONTEMPLATION
TrouBLÉ dans fon équilibre par l’action du Feu ou par quelqu’autre caufe , il enfle les
raétere acide que n'offre point l'Air commun, & qui fe mani- fefte à la nuance de rouge qu’il imprime à la teinture bleue de tourne-fol. L'Air fixe eft plus pefant que l'Air commun, & l'eau l’abforbe prefque en entier. Agité dans ce liquide, il laiffe un réfidu qui eft propre à la refpiration, & ce fait eft un des plus intéreMans de l’hiftoire de l'Air. Il nous découvre une grande vérité ; c’eft que la chûte des pluies & l'agitation des eaux, font un des moyens dont la Nature fe fert pour rétablir l'athmofphere trop imprégnée d’Air fixe, & Ia rendre ainft plus propre à fournir aux befoins des habitans de la Terre.
L'Air fixe, fi impropre à la refpiration, récele pourtant de grandes vertus, qui le rendent précieux à 1: Médecine. Il réfifte puiffamment à la putréfaétion, & peut être rangé parmi les meilleurs antifeptiques. C’eft cet Air que les Maïîtres de l’Art emploient aujourd’hui avec tant de fuccès dans la guérifon des maladies putrides, dans celle des ulceres malins, & à l’aide du- quel ils triomphe même des affections cancereufes, les plus re- belles & les plus redoutables de toutes. Il y a plus encore , l'Air fixe eft devenu entre leurs mains un excellent /ifhontriptique , qui communique à l’eau & aux urines la propriété de difloudre la pierre dans la veflie. Enfin, c’eft à l’Air fixe que certaines eaux minérales doivent leurs principales vertus.
Nous l'avons vu: l’Air commun on athmofphérique fe gharge des émanations de tous les corps, & entre ces éma- nations , il en eft qui le vicient plus où moins. Il l’eft fur- tout par ces émanations phlogiftiques que fourniffent la pu- tréfaétion , la refpiration, la combuftion des fubftances graf- fes, &c.; & c’eft à l'Air commun ainfi vicié, que les Chy- miftes donnent le nom d Air phlogzfliqué. |
Toutes ces émanations phlogiftiques diminuent l’Air com« mun, le rendent plus léger, & l’alterent au point qu'il em devient nuifble à la refpiration. Mais il reprend fa falubrité
voiles
NN DE LA NATURE. Paæt.V. 273
Voiles de nos vaifleaux , & poufle vers nos Contrées ces riches flottes deftinées à y faire
par une longue agitation dans l'eau que lébullition a purgéé d'Air.
Une malle d'Air commun , que la putréfaétion ou la ref: piration a très - phlôgiftiquée , peut encore recouvrer la falu- brité par un moyen naturel, qu’on n'avoit pas deviné & qu'ont äime à contioître. Les Plantes s'accommodent très-bien d’un Air phlogiftiqué de la forte : elles y végetent même avec plus de force, & c’eft précifément cette végétation qui purifie là maffe d'Air que les émanations phlogiftiques ävoient viciées.
Il s’exhale du fond des mines, des égohts, dés marais, &o une vapeur d’un genre particulier, qui a reçu le nom d’ Ai; 5:- Rammable, & qui femble n'être que l'Air commun , combiné Avec Le phlogiftique & un acide, de maniere qu'il fait exploñon lorfqw’il fe trouve en contact avec ui corps enflammé.
L’Air inflammable peut encore étre produit par une diffolution de zinc, de fer ou d’étain par l'acide vitriolique où marin.
Cet air ou cette vapeur aëriforme eft hzaucoup plus légere que l'air commun; puifqu'un volume donné d’air inflammable ne pefe que la dixieme d’un pareil volume d’air ordinaire.
Cet air inflammable tue les animaux, & ne peut être corrigé par l végétation; mais il fe mêle avec l’eau qui le dépouille de fon phlogiftique & de fon acide, & Ini rend fa falubrités
Quand on diffout des métaux dans l’efprit-de-nitre , il s’en éleve une vapeur qui, ên fé combinant avec Pair commun ; qui; 2
produit ce qu'on nomme ?’ Air nitreux.
Cette forte d’air fait une Forte effervefcence avec l'air come mun, & le mélange prend une couleur rouge.
Tome I. S
274 CON TE M PNA FION
regner l'abondance. Devenu impétueux , il caufè des tempêtes & des ouragans ; mais cette irñ-
L'Air nitreux abforbe l'Air commun, & en abforbe d'autant plus, que l'air commun eft plus pur; & c’eft ainfi qué Pin. génieux PRIESTLEY eft parvenu à mefurer le degré de £- lubrité de l'air de differens lieux. Il a trouvé , par exemple, que l'air d’une ville bien peuplée eft moins abforbé par l'air nitreux, que l'air de la campagne : celui-ci eft donc plus pur. : Se feroit-on attendu à voir fortir d’une diflolution métallique par l’acide nitrenx, une mefure certaine de la falubrité de l'air athmofpherique? Admirons les progrès de l’art, & n'ou- blions point que ce n’eft que depuis hier que nous avons coms« mencé à combiner les Étres.
C’eft encore par l’abiorption ou la diminution de l'air com- mun, opérée par l'air nitreux, qu’on a découvert uu fait qu'on étoit bien éloigné de foupconner : c'eft que l'air des hautes Montagnes eft moins pur ou plus chargé de particules inflam- mables ou de phlogiftique, que l’air des plaines. Mr. de SAUS- SURE , qui fait fi bien expérimenter s’en eft affuré par des expériences faites avec des précautions & des foïns vraiment fcrupuleux. L'air phlogiftiqué , beaucoup plus lérer que celui des plaines , doit gagner les hautes régions, & s'y aceumuler
«plus ou moins. De-là peuvent naître divers météores ignés, & différentes maladies propres aux habitans de ces régions.
L'air nitreux poffede dans un plus haut degré que l'air fixe, la propriété antifeptique; mais fa caufticité en rend l'applica- tion dangereufe en médecine.
.
Si l'on verfe de l’efprit-de-nitre fur des terres très-déphlos gifiquées, & qu'on les place au foyer d’une lentille dans un vale de verre, il s’en dégagera un air très-fingulier , trois fois meïlleur que l'air commun pour la refpiration. Cet air,
que l'air nitreux abforbe em beaucoup plus grande quantité
DÊ LA NATURE. Pari. V. 27
pétuofité mème a fon utilité : Vair fe désouille ainfi des vapeurs nuifibles, & les’ eaux agitées
que l'air commun, n'eft pas abforbé par l'eau; & fi on le méle avec parties égales d’äir phlogiftiqué, il devient un air entiérement femblable à l'air commun ou athmofphérique.
Il paroït donc que cet air qui a été nommé air déphlogi/- tiqué , n’eft proprement que l'air athmofphérique dépouiilé par Paétion de la chaleur & de l'acide nitrenx , du phlogif tique , & des diverfes impuretés qui le vicient plus ou moius.
Nous avons admiré comment la Nature fait corriger par la végétation des Plantes , l'air athmofphérique que certaines émanations ont trop phlogiftiqué. Le nouvel Analyfte de Pair, l'habile PRIESTLEY, vient de découvrir encore dans la vé- gétation une autre maniere dont la Nature épure l'athmol- phere. Non-feulement les Végétaux abforbent le phlogiftique qui y furabonde, ils convertillent encore l'Air commun en Air déphiogiftiqué : ce font les propres termes de l’Inventeur. La végétation lui a plus offert encore : ils’eft afluré qu’il eft des Plantes qui produifent fpontanément un air déphlogiftiqué, dont il a recueilli une quantité affez confidérable.
On peut juger par çes expériences, de la multitude & de la diverfité des combinaifons dont l'air commun eft fufcepti-' ble : ce font autant de nouvelles formes qu'il revêt, & qui, le déguifant plus où moins aux yeux du Chymifte, le por- teroient à préfumer qu'il y à autant d’efpeces d'air qu'il ap- perçoit de métamorphofes dans l'Air commun. Mais le Chy-- mifte Philofopne fait füipendre fon jugement, & attendre de l'expérience, des lumieres antquelles le raifonnement ne fau- roit fuppléer. Mr. BAUMÉ Va très- bien remarqué; il en eft de l'air comme de l’eau : en fe dégageant des fubftances dans lefquelles l'un & l'autre s’étoient incorporés, ils retiennent plus’ où moins des principes comftituans de ces fubftances. L'Art
S 2
2356 CONTEMPLATIONX
violemment par fon fouffe, font préfervées d’une corruption fatale. t
peut néanmoins les en dépouiller jufqu’à un certain point, & ceft ainf qu'il parvient à les puriñer de plus en plus, ou à les rapprocher de leur état primitif d’ Elément. Comme lea tient en diflolution bien des fubftances différentes , il peut en
étre de mème de Fair : il eft à fa maniere un mexffrue , qui dif.
fout pluñeurs fubftances de divers gonres, & contrae avec leurs particules conftituantes une union plus ou moins intime.
L'Air ne fe combine pas feulement avec les fubftances ter reufes ou falines, végétales on animales ; ä paroit fe combiner encore avec les fubftances métalliques. On connoïfloit depuis
long-temps l'augmentation de poids que les métaux acquierent
quand ils font calcinés dans des vaifleaux cles; maïs on ne favoit pas précifément à quoi on devoit attribuer cette ang- mentation de poids, & on avoit forme fur ce fujet plus d’une hypothele. Un Chymifte ( Mr. Lavoisier }), auf fage qu'habile ,& qui n'a point imaginé d'hypothele, mais qui a fu interroger la Nature comme elle demandoit à l'être, en = cbtenu une réponfe plus iaftruive. Elle lui a appris que l'ans- mentation de poids du métal ef toujours égale ou à-pen- près à 2 diminution de celui de l'air contenu dans le vaiflean., en- fsrte que fi le poids du métal augmente d'un vingtieme, le
poids de l'air diminne de là mème quantité. Une partie de
l'air du vaiffieæ pafle donc dans le métal pendant ft circula- tion, & s'incorpore avec lui. On ne peut mème douter que l'air ne contribue à la calcination ; puifqu'elle eft toujours pro- portionnelle à la capacité du vaïflean où à la mafle d'air qu'it contient : la portion de métal qui fe calcine, eft conftamment d'autant plus grande que le vaifiltas a plus de capacité.
Mais comme l'air eft un fluide très-melangé, il reftoit & déterminer , quelle eft parmi les fubftances qui £ottent.dans jathmofphere, ou, & l'on veut, qui entrent dans fa compe-
PO VOS NP
DE LA NATURE.Part. PV. 277
Enix, l'Air eft le véhicule du fon & des odeurs ; & fous ces nouvelles relations , il tient effentiellement à deux de nos fens.
Les vibrations partielles , que la commotion excite dans le Corps fonore, fe communiquent à tous les globules d'Air qui environnent im- médiatement ce Corps. Ces globules excitent de femblables vibrations dans ceux qui leur font contigus ; & ce jeu continue de la mème ma- niere jufques à des diftances qu'on ne fauroit déterminer. Une membrane fine & élaftique, tendue au fond de l'oreille, comme la peau d’un tambour, recoit ces ébranlemens , & les fait pañfer à trois offelets , mis bout à bout, qui les communiquent à leur tour , à des cavités offeu- fe & tortueufes ; tapiflées intérieurement de filets nerveux, qui aboutiflent par un tronc commun au cerveau (3). Le plus ou le moins
fition, celle qui fe combine avec les métaux lorfqu'ils fe cal. cinent, & c’eft ce que notre adepte a tâché de découvrir par de nouvelles recherches. Il en a réfulté que l’air qui eft abforbé pendant la calcination eft l'air déphlogiftiqué , ou, comme il l'appelle , un air éminemment pur.
(3) ff L'ouie, ce fens précieux qui nous met en com- merce avec le Monde moral, eft après le fens de la vue, ce- lui dont l’organifation préfente le plus de ces rapports frap- pans, qui annoncent à l'Être penfant une INTELLIGENCE POUVERAINE. L'oreille hymaine eff une machine acouftique,
S 3
278 CONTEMPRLATION
: de promptitude. dans les vibrations, produit fept tons principaux. , analogues aux couleurs
de la plus favante compofition, & dont l’Anatomie moderne démontre les différentes piéces dans un détail qui étonneroit le Philofophe, fi le Philofophe n’éteit toujours préparé à dé- couvrir des merveilles dès qu'il applique fa Raïfon à l’examen des moindres Productions du Su PRÊME ARTISTE. Je ne ferai ici qw'efauifler grofliérement l'oreille & fon dé hanf ets ; ais
je rappellerai à mon Leébeur , qu'elle a fourni feule à l'infati. on Du, VERNEY, ia matiere d'un Livie en forme.
Trois cavités principales partagent l'oreille : ce font autant de chambres qui ont reçu différentes d‘nominations,: celle ani fe préfente la premiere cft une forte de conque on d’entonnoir, dont l'ouverture eft à l'extérieur de l'oreille : la feconde ou la cavité sHoyenne , de forme tnbulaire , nomme ia caiffe: la t'oïfieme ou la plus intérieure porte Le nom de /obyriséhe:
Bu fond dela conque ef placée cette fine membrane, qu'on a nommée le fysmpan où le fombhour. Elle y eft difbôlée obli- quement pour etré moins en -butte aux fortes commotions de VAir: Un petit mufcle couché fur fa face poftérieure, la tend ou la relàche au befoin.
Dans fi cavité moyenne on la caiffe , font renfermés trois ofiet ts que leur figure a Fait nommer le AUrÉeUR l'enclume, l'éfrisr. Le manche du marteau tient à la membrane du tam- bour ‘par cé petit mufcile qui elt chargé de la tendre ou de la relachex ; la tète du marteau s'articule avec lenclume ; & celle. ci, qui a deux jambes inégales, appuie par la plus longue fur Ja tète de l’étrier, Un conduit on une forte de é#rompe, qui, d'un côté s'ouvre dans la bouche ,.& de l’ autre dans la caiffe , renouvelle fans ceffe l'Air de celle - ci.
, La troifieme cavité, qui, par fes routes tortueufes ne ref. i
DÈ La NATURE. Pat.V. 279
4 primitives. Du rapport combiné des différens
tons, naît l'harmonie.
femhle pas mal à un labvrinthe, préfente nne maniere de vef- éibule ,trois cancux demi-cireulaires , & une partie tournée en fpirale, nommée le Zimaçon, divifée en deux rampes, l’une fupérieure , l'autre inférieure. Toutes ces parties, de confif- tance dure, font tapiflées intérieurement de filets nerveux » qui partént d’un tronc commun , connu fous le nom de #erf- atuiéif.
Telles font les pieces principales qui comvofent l'oreille Enmaine : arrètons - nous un moment à contempler leur jeu.
L'Aîr, véhicule du fon, raffemblé par la conque ou l’en- tonnoit , frapye le-tambour & lui communique les ébranle. mens qu'ii a reçus lui-même du corps fonore. Ces ébranlemens font tranfmis par deux voies au labyrinthe : l'une eft fa por: tion d'Air contenu. dans la caiffe, qui, frappée par le tam- bour, communique fes propres ébranlemens à une fine mem- brane , appliquée à une pente ouverture qu'on nomme la fenêtre ronde , qui réponi à la rampe inférieure du Limaçon. Les filets nerveux dont ‘cette rampe eft garnie font paffer les ébranlemens jufqu'au nerf auditif. L'antre voie par laquelle les ébranlemens du tambour fe communiquent au labyrinthe, eft dans les offelets. Le marteau, mùû par le petit mufcle du tambour , frappe {ur l’enclume ; celle-ci far l’étrier. La bafe de c2 dernier communique l’ébranlement dans le veftibule, à l'aide d'une membrane {ur laquelle elle appuie, & qui’ bou- che une petite ouverture nommée la fenêtre ovale. Cette fe- nètre , qui s'ouvre dans le veftibule, forme la communication avec les canaux demi-cireuiaires & la rampe fupérieure du Limacon. Les filets nerveux dont cette rampe & ces canaux font tapifés, tranfmettent les impreflions fonores au tronc principal , & par lui jufqu'au fisge de l'Ame.
S 4
ise CONTEMPLATION
Les corpufcules infiniment déliés , qui fe dé- tachent continuellement de la furface des Corps
On n’a pu encore déterminer d’une maniere bien précife , le degré d'importance de chacune des pieces qui entrent dans la conftruction de l’oreille humaine : mais on ne fauroit dou- ter que, de la réunion de toutes ces pieces ne réfulte la plus grande perfetion de l’ergane. Si nous partons à cet égard de l'ingénieufe comparaifon qu'un habile Anatomifte, Mr. VICQ- D’AZYR , a initituée récemment entre l’oreille de l'Homme & celle d'Animaux de clafles très - différentes, nous en con- clurons avec lui , que fi les offelets ne font pas abfolument effentiels , ils font au moins d’une grande utilité pour la per- eeption des fons, puifqu’on les retrouve; fans aucune excep- tion, dans tous les Animaux , depuis le Reptile jufqu’à l'Homme. Mais l’obfervation prouve en même temps , qu'il n’eft pas né- geffaire qu’il y ait plufeurs offelets; car un feul fufft au Rep- tile & à l'Oifeau.
Il paroit réfulter encore du parallele de notre Anatomifte, que les canaux demi-circulaires font des parties effentielles à l'organe de l’ouie, puifqu’ils exiftent dans tous les Animaux où cet organe a été reconnu,
Un autre réfultat bien remarquable, c'eft que le Ziwaçon eft en particulier à l'Homme & aux Quadrupedes , & que kes Oifeaux qui entendent pourtant fi bien, en fon entiérement dépourvus.
Le célebre Phyfiologifte incline à penfer que le Limaçon compofe avec les canaux demi-circulaires, un double inftru- ment, formé de deux parties diftinctes, dans lefquelles lime preffion des fons fe fait féparément, mais fuivant des rap- ports déterminés ; ce qui ne contribue pas peu à aceroitre la ; fenfibilité ou la perfetion de l'organe.
On ne pent au moins méconnoître Les rapports fi direct
s
DE LA NATURE. Part. V. 281
odoriféans, nagent dans l'Air, qui les tranf- porte par-tout, & les applique aux membranes nerveufes répandues dans les cavités offeufes de l’intérieur du nez. Les ébranlemens que ces corpufcules y occafionent , paffent enfuite au cerveau par le prolongement des filets nerveux.
qui lient la lame fpirale du Limaçon aux tons & aux accords. Il falloit, en effet, que l’organe deftiné à tranfmettre à l’Ame tous les tons & tous les accords , füt exaétement approprié à la diverfité des vibrations d’où réfultent ces tons & ces ac- cords. De À, cette ftruŒure fi recherchée du Limaçon qu'on admire dès qu’on en connoît la fin. On voit affez, que par cette ftruéture , l’inftrument fe trouve fourni de fibres acouf- tiques , appropriées à tous les tons & à tous les degrés de tons ; car on conçoit facilement que le Limaçon qui va en s'élargiffant depuis fon fommet jufqu'à fa bafe, doit conte- nir des fibres & des fibrilles de toute groffeur & de toute lon- gueur. Les fibres qui tapiffent la bafe de la pyramide, font donc appropriées aux fons graves: celles qui en garniflent le
fommet , le font aux fons aigus, &c.
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ne CHAPITRE XV.
L'appropriation des Animaux à divers Climats , à divers Lieux , à diverfes Matieres.
ur les Climtas ont leurs productions, toutes les parties de la Terre ont leurs Habi- tans. Depuis les Révions glactes de POurfe, jufques aux Sables brülans de la Torride, tout eft animé. Depuis le fommet des montagnes , jufques au fond des vallées , tout végete. & refpires Les Eaux & Pâir font peuplés d'un nombre infini d'Habitans. Les Piantes & les Animaux font eux-mèmes de petits Mondes, qui nourriflent une multitude de Peuples ,-aufli différens les uns des autres par leur figure & par leuts inclinations ; que le fônt les grands Peuples répandus fur la furface de notre Globe. Que dis-je! la moindre molécule, la plus petite goutte de liqueur,.font habitées : harmonie merveilleufe , admirab’es rapports ,.qui, en af {ortiffant ainf différentes produétions à diflérens Heux , n’en laiffent aucun abfolument défert!
&
DE LA NATURE. Part. V. 3281 QU GEAR EURE À
Le Bnifon des Etres terreflres par leurs fervices mutuels.
Ur commerce réciproque lie tous les. Etres terreftres.
Les Êtres non-organifés {e rapportent aux Etres. organifés comme à leur centre. Ceux-ci font les uns pour les autres.
Les Plantes tiennent aux Plantes. Les Ani maux tiennent aux Animaux. Les Animaux & les Plantes s’enchainent par des fervices mutuels.
Voyez ce jeune Licrre s'unir étroitement avec ce Chène majeftueux. Il en tire fa fubfif- tance; & fa vie dépend de celle de {on bien- faiteur. Grands de la Terre, vous ètes ce Chènes ne refufez point votre appui aux foibles qui le recherchent ; fouffrez qu'ils vous apprachent , & qu'ils puifent chez vous de quoi fubvenir à leur foiblefle & à leurs néceflités.
CoxsiDEREZ cette Chenille hérifée de poils ;
és CON TEMPBA TION:
les Oifeaux n’oferoient y toucher : elle fert pout- tant à leur nourriture: comment cela ? Une Mouche pique la Chenille vivante : elle dépofe fes œufs dans fon corps : la Chenille continue de vivre: les œufs éclofent: les Petits croiffent aux dépens de la Chenille, & fe changent enfuite en Mouches, qui fervent de pâture aux Oifeaux.
IL eft entre les Animaux des guerres éter- gelles, mais les chofes ont été combinées fi fa- gement , que la deftruétion des uns fait la con- fervation des autres, & que la fécondité des Efpeces eft toujours proportionnelle aux dan- gers qui menacent les Individus.
L’oRGuEIL humain dit que tous les Etres terreltres font créés pour lui; mais le Tænia que nous nourriflons malgré nous, & le Monf- tre qui vit ignoré au fond de la Mer, s’éle- vent contre cette prétention & la détruifent. Voici donc le fait : l'Homme a recu la Raïfon, & par elle il jouit de toutes les Productions de la Terre,
ETS
DE LA NATURE. Part: V. 28 KR —— D
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CERN PR EORED 0 X'VRE
Les transformations que fubifflent diverfes Ma. tieres, [ur-tout par l'aëfion des Machines or- £ganiques.
, FRS n’eft que métamorphofe dans le Mon- de phyfique. Les formes changent fans cefñle ; la quantité de la Matiere eft feule invariable (1).
(1) tt Il regne par -tout dans la Nature un équilibre ad- mirable. Par-tout il eft des réparations qui compenfent les deftruétions. Ce qui eft détruit par une caufe eft reititué par une autre caufe. Ce qui fe confume d’un fluide pour la com poñtion de certain corps, eft rendu à la maffe de ce fluide, par la décompoñition de ces mêmes corps on par celle de corps analogues. C’eft ainfi, par exemple, que l’Air corpo- fifié dans les Subftances, s'en dégage pendant leur décoma poñtion pour rentrer dans la maffe athmofphérique. C’eit ainfi encore, que ces effroyables torrens de laves, que vomiflent les Volcans , & qui ont quelquefois plus de deux mille toifes de largeur fur cent cinquante ou deux cents pieds de pro- fondeur, fe convertiffent peu-à-peu en terre végétale, foit par l'intermede de l’eau, foit par les débris accumulés d’une multitude de générations de menus Végétaux qui y naiffent & s'y décompofent les premiers, & qui accroiflent infenfi- blement la fomme de la partie terrenie des laves, dont la converfon eft commencée. D’autres générations de Végétaux plus grands qui leur fuccedent , & périMlent à leur tour , aug-
5i8é \CONTEMPN A TI\0 NU
La mème fubitance pañle fucceffivement daris les trois Regnes : le même compofé devient tour- àtour Minéral, Plante ; Infecte, Reptile, Poif- {on , Oifeau , Quadrupede , Homme.
Les machines organifées font les principaux Agents de ces transformations. Elles changent ou décompofent toutes les Matieres qui entrent dans leur intérieur , & qui font expofées à lac- tion de leurs refforts. Elles convertifient les unes én leur propre fubftance ; elles évacuent les autres fous diverles formes, qui rendent ces matieres propres à entrer dans la compofition
de diférens Corps ( 2).
mentent de plus en plus la mafle terreufe, & c’eft par de femblables procédés que la Nature, toujours active & toujours induftrieufe , répare au bout d’un certain mombre de fiecles , les ravages des Volcans , & fertilife de nouveau ces Campagnes qu'ils avoient condamnées à une longue fférilite.
(2) +} Ce que je ne Faifois ici qu'entrevair, Mr. BAUMÉ a fu le voir, & le rendre bien plus intéreffant par fes Com- fidérations aufli originales que profondes , /4r l’organifation de notre Globe. I a raflemblé une multitude de réflexions in- génieufes , qui tendent toutes à prouver , que les Corps or- ganifes ont été chargés par la Nature de combiner immédiæ- tement entr'eux les quatre Fiémens, & de procurer ainfi la Formation des divers compofés répandus fur la furface , & dans l'intérieur du Globe, Il montre que c’eft , en particulier ;
DE LA NATURE. Part. V. 387
Ainsi les Animaux qui multiplient prodigieu- fement ; comme quelques Elbeces d’Infeétes ,
ux Corps organifés que font dues les matieres combuftibles, & que c’eft ainfi que l’exiftence des Volcans à été eñchaînée par des nœuds fecrèts à celle des nombréufes familles des Êtres vivans. Il fait voir encore, que c’eft principalement aux Êtres organifés que font dûs ces lits immenfes de terre calcaire , fi univerfellement répandus , & qui ne font la plu- part que les débris entaflts de cette foule de corps marins qui éctofent, croïflent , multiplient & £e décornpofent au fond des Eaux.
Les Vésétaux & les Animaux font donc les grands Com- binateurs des Subftances élémentaires; & l’on peut conjeéturer avec fondement , qu'il eit dans les combinaïfons de ces Subf- fañces, une progreéflion correfpondante à l'accroiffement du calibre des vaiileaux ou des mailles des tiflus. Les vaifleaux les plus ns, les mailles les plus ferrées opcrent apparem- ment les combinaifons dés élémens les plus fubtils. Ce feront, fi l'on veut, ‘des combinaifons du premier ordre, qui ne s'exécutcront qu'entre deux Élémens ou peut-être entre différentes molécules du même Élément ; car il eft permis de douter que les Subftances qu'on nomme élérentaires, foient auf fimples ou auffi homogenes qu’elles ont paru l’étre. Des vaifleaux moins fins, des tiffns moins ferrés combinent les produits des premieres combinaifons , foit entr'eux, foit avec les molécules des autres Élémens , d'où réfultent de nouveaux ordres de combinaifons , & HR de nouveaux Com- pofés. Ce font autant de matériaux différens , dont la Nature varie l'emploi prefqu'à l'infini dans l’économie des trois Regnes. J'ai eu occafon ailleurs de développer des idées très -analogues à celle-ci, en traitant de la ténébreule ma-
288 ÜCONTEMPLATION
ont peut-être, pour principale fin, de métänior: phofer une quantité confidérable de matiere à l'ufage de différens compoés.
C'EST par-la, que les Matieres les plus viles donnent naïiffance aux plus riches produétions ,
tiere de l’afimilation & dé l’accroiflemtent. Paling: Tom. I ; Part. XI.
Mais les Végétaux ne fant pas feulement les Combinateurs des Subftances qui ne peuvent fe combiner immédiatement entr’elles ; ils font encore les grands Dépurateurs de cette maffe d'Air qui environne notre Globe. Nous l'avons vu dans une des Notes précédentes. Une Plante faine qui végete dans un lieu renfermé , ne vicie point ou prefque point l'air de ce lieu ; & l’Animal qu'on y renferme ne fouffre point de cet air que la Plante a en quelque forte refpiré. Il y a plus , une Plante renfermée dans un lieu dont l’air a été cor- rompu par la combuftion d’une chandelle, par la refpiration d'un Animal, ou par d’autres émanations phlogiftiques ou pu- trides, y végete avec plus de vigueur, & purifie fi bien cet air infecté, qu’elle le rend aufli propre que tout autre à la refpiration de l’Animal. Nous avons vu encore, que les vé- gétaux purifient l’athmofphere par l'air déphlogiftiqué qu'ils y répandent.
C'eft ainfi que toutes lés pieces de la grande Machine de notre Monde, s’engfenant les unes dans les autres, operent par leurs jeux divers, ces effets merveilleux qui entretiennent fa vie & le mouvement dans toutes les parties du Syftème organique; car c’eit à ce Syftème , comme au plus important, que fe rapportent en dernier reffort tous les autres Syftèmes particuliers, dont l’enfemble Forme Le Syftême général.
ê&
DE &A NATURE. Paru V. 289
& que du fein de la pourriture fort la plus belle fleur ou le fruit le plus exquis. :
L'AUTEUR de la Nature n’a rien laiflé d'i- nutile. Ce qui fe confume de pouflieres des étamines dans la génération des Plantes, elt fort peu de chofe, comparé à ce que chaque fleur en fournit. La SAGESSE a donc créé l'in- duftrieufe Abeille, qui emploie le fuperflu de cette poufliere avec un art & une économie , qui ne fauroient être bien admirés que des plus habiles Géometres ( 3 )
La Terre nous enrichit chaque jour de nou- veaux biens; & elle s’épuiferoit enfin, fi ce qu'elle donne ne lui étoit rendu.
Par une loi à laquelle nous ne faifons pas affez attention, tous les Corps organifés fe dé. compofent, & fe changent infenfiblement en terre. Pendant qu’ils fubiflent cette efpece de diflolution , leurs parties les plus volatiles paf. fent dans l'Air, qui les tranfporte par - tout, Ainfi les Animaux font enfevelis dans l’Athmof-
(3) tt C’eft encore ainf , que les liqueurs féminales, defe tinées à procurer la confervation des Efpeces , ont été peux plées d’une mutitude innombrable de Vermilfeaux qui y trou- vent leur fubfiftance:
Tome I gi 4
gÿo CONTEMPLATION
phere, comme ils le font dans la Terre ou dans P Eau : on peut même douter fi la partie que
l'Air teçoit, n’eft pas la plus confidérable par fa mafle.
TourTes ces particules difperfées çà & là rentrent bientôt dans de nouveaux Touts of- ganiques , appellés aux mêmes révolutions que les premiers : & cette circulation qui continue depuis le commencement du Monde, ne finira qu'avec lui,
-D FA NATURE. Part. PI. 291 : Os PARTIE DE L'ÉCONOMIE LÉGÉTALE See re LE)
D'ÉAVDUI TRUE TE
Introduéfion.
I neft point de fource de rapports phyfi. ques, qui foit ae abondante que l'Economie des Corps organifés. Jettons un-coup - d'œil fur ce qu’elle nous offre de plus eflentiel ou de plus intéreflant. Notre plan ne nous con- duit point à creufer un fujet qui épuife la fa- gacité du Phyficien.
292 CONTE MPLAMION GX:
CHMPITRE/ME De l'Économie organique en général.
Lou organique , prile dans le fens le plus étendu, eft le fyftème des loix, fuivant lefquelles les fonctions vitales s’operent dans les Corps organifes.
CoNsiDÉRÉE fous un point de vue moins général, l'Economie organique préfente deux claffes d'objets. La premiere comprend la ftruc- ture, l’arrangement & le jeu des différentes parties du Corps organifé. La feconde embrafle les effets divers qui réfultent de l’organifation ; la nutrition, l’accroiffement , la propagation , @c.
Fu
Es LES
DE LA NATURE. Part. VI. 2094 GHAPPEERES: El
Nutrition des Plantes par les racines €ÿ par les feuilles.
L À Plante végete ; elle fe nourrit, croît & multiplie.
LE limon fubtil, ontueux & falin, que l’eau détache de la terre grofliere, & qu’elle tient en diflolution, eft la principale nourriture des Végétaux. Les différentes efpeces d'engrais ne contribuent à la fertilité des terres, qu’en y in-
troduifant beaucoup d’une poudre f{pongieufe ou d’un fel actif (1 ).
(x) tt Je faïfois ici ufage des principes contenus dans une Differtation Jur Les caufes de la fertilité des Terres, qui avoit été couronnée par l’Académie des Sciences de Bordeaux. L'Auteur entreprenoit d'y démontrer que les Terres doivent principalement leur fertilité à une partie grafle , fpongieufe ou limoneufe , mélée dans une certaine dofe à une partie faline ; & que des différentes proportions du mélange réfultoit le plus ou le moins de fertilité des Terres. Il en concluoit, que les terreins où la partie terreufe domine trop doivent être bonifiés par des engrais falins; & que les terreins où la partie faline furabonde doivent étre traités avec des engrais terreux.
Perfonne ne s’avife de douter de l'efficace des fumicrs & des engrais : tout le monde convient des bons cffets qui ré-
T2
294 CONTEMPLATION.
S1 le Phyficien réuflit à élever des Plantes, & à leur faire porter des fleurs & des fruits
fultent du mélange des terres. On fait combien les Cultiva- teurs fe font exercé en ce genre; & les Livres d'Agriculture, fi multiplies de nos jours, & qui ne font la plupart que des échos les uns des autres, regorgent de ces procédés relatifs à la fertilifation des Terres. On regarde gén-ralement comme une chofe démontrée, que la terre eft la principale nourriture des Plantes, qu’elle s’introduit par les racines dans leur inté- rieur, & s'incorpore avec elles. On croit communément que les engrais ne font fi favorables à la végétation, que parce qu'ils introduifent dans le corps de la Plante beaucoup de fubftance nourriciere. En un mot, on fe perfuade facilement que la terre & les engrais, diflous, attnués & charriés par l'eau, fourniflent abondamment de leur propre fubftance à la nutrition des Végétaux; & quand ceux-ci fe réduifent en terre par la pourriture , on s'imagine que cette terre n’eft que le réfidu de celle que la Plante avoit tirée du fol & qu’elle
s'étoit appropriée,
Tontes ces opinions qui femblent f plaufibles, n’en font pourtant pas plus vraies. La Nature fe cache ici fous des ap- parences qui trompent des Hommes peu inftruits, & qui ne refléchiffent guere. Le fimple Cultivateur n’eft pas fait pour fuolever un coin du voile qui dérohe à fes veux les my£ tercs de la végétation; & il fe mocqueroit d’un Phyficien qui lui diroit, que le principal ufage de la terre n’eft peut - être que de fervir de point d'appui aux Plantes qui y croiflent. Cependant nous avons l-deffus des expériences qui paroïflent. décifives, & tiont les réfultats font bien finguliers. BOYLE, ce grand fcrutateur de la Nature, ayant Fait fécher au four une certaine quantité de terre végétale, & l'ayant pefée après le deFechement , y fema de la graine de courge; & quoi- que ccte terre n'eut été arrofée que d’eau de pluie ou de fource, elle produifit dans une premiere expérience , une
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DE LA NATURE. Part. VI 298$
dans d’autres matieres que la terre , par exem- ple dans de la poufliere du bois pourri, dans
Plante de courge qui pefoit environ trois livres ; & dans une feconde expérience, une Plante qui en peloit quatorze. Le préfumeroïit-an néanmoins? La terre defléchée & pefée de nouvean n’avoit pas fonffert de diminution fenfñble. VANHEL- MONT, dont je n'oferois citer ici le témoignage , s’il n'étoit fortifié de celui de BOYLE , rapporte une expérience plus frappante encore. Il planta un Saule du poids de cinquaüte livres dans un vale qui contenait cent livres de terre. Il eut foin de n'arrofer cette terre qu'avec de l’eau diftillée on de l'eau de pluie; & il eut attention de Fermer le vafe avec un couvercle d’étain pour en interdire l'entrée aux matieres étran- geres. Cinq ans après, ayant pefé de nouveau fon Saule garni de toutes fes feuilles , il en trouva le poids angmenté de cent, dix-neuf livres trois onces, quoique la terre n’eùt perdu que. deux onces de fon premier poids.
La végétation des Plantes terreftres dans l'eau pure, va à l'appui de ces réfultats fi remarquables. Je ne m'arréterai pas néanmoins à ces Oignons de différentes efpeces, qu’on Fait végéter dans l’eau, & qui y font d’aufü belles productions que dans la meilleure terre : j'ai des faits plus finguliers, à offrir à mon Lecteur. L'illuftre Auteur de la Phyfque des Arbres avoit fait germer dans des Eponges humectées, des marrons, des amandes , des glands, & avoit élévé dans l’eau pure les petits ‘ Arbres provenus de ces femences. Tous y aveient fait pen- dant les premieres années d’aufli, grands progrès que s'ils cuf- fent été en pleine terre. Un jeune Chêne en particulier , fub- fifa ainfi pendant huit ans. ,, Il avoit alors quatre à cinq bran- ches, qui partoient d'une tige de dix-neuf à vingt lignes de circonférence, & de plus de dix-huit pouces de hau- » teur. Le bois & l’écorce en étoient bien formés, & chaque » année ce petit Arbre fe couvroit de belles feuilles, qui, » ajoute l’Auteur, ne pouvaient être formées que de La fub£..
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» »
96 CONTEMPLATION
de la fciure de Sapin, dans du fable très-pur; dans de la moufle, dans du coton, dans du
f. tance de l’eau la plus claire & la plus pure ; çar il n’avoit + employé dans cette expérience que de l’eau de la Seine, >» filtrée dans le fable, & confervée des mois entiers dans des cruches de grès, enforte qu'elle étoit aufli limpide qu’il eft poffible d’en avoir. ”
x
Il y a plus encore : tous ces petits Arbres élevés dans l'eau pure, donnerent par l’analyfe chymique les mêmes principes que d’autres petits Arbres, de même âge & de même Es qui avoient été élevés en pleine terre.
» >
Le plus habile Chymifte ne retireroit pas de l’eau pure pré- cifément les mêmes principes qu'il retire des Plantes qui y ont été élevées : mais, quand on fait que le corps de la Plante eft une forte de Hétataie où la Nature combine dans le plus profond fecret les divers Élémens , on n’eft plus étonné des réfultats des différentes expériences que je viens de rapporter, On conçoit aufli-tôt , que les organes de la Plante font des inf. trumens que nous ne faurions imiter, & qui exécutent des opé-: rations chymiques , infiniment fupérieures à toutes les forces de l’art humain. On tombe alors dans un étonnement plus pro- fond à la vue de ces Maffes organiques, d’une grandeur & d’un poids énormes, qui ne font pourtant que les réfultats de la com- binaifon , & de l’incorporation des fubftances les plus fubtiles , de la Lumicre, du Feu, de l'Air, &c. & l’on fe fent pénétré d’admiration & de refpe& pour la MAIN invifible qui opere de fi grandes chofes par des moyens en apparence fi difpro-
portiannés.
On croit encore que chaque Efpece de Plante tire de la terre des fucs appropriés à fon Efpece : cette opinion n’eft pas plus vraie que cent antres que le Peuple des Agricoles admet fans examen. Si chaque Efpece de Plante ne tirait de la terre que
DE LA NATURE. Pat. VI 297
papier, dans des éponges, &c. c'eft que plu- fieurs de ces matieres, ou fe changent infenfi- blement en terre , ou contiennent actuellement ‘des parties terreufes, ou que l’eau dont on les arrofe eft elle- mème chargée de ces particules ,
les fucs qui lui font propres, différentes Efpeces de Plantes , élevées dans le même terrein , ne s’affameroient pas les unes les autres; car chaque Efpece ne tirant que la nourriture qui lui eft appropriée , laifferoit aux autres celle qui leur conviendroit.
La greffe démontre plus rigoureufement encore la fauffeté de l'opinion dont je parle. Un très-petit Citron greffé fur un Oranger, y prend tont fon accroiffement, en confervant toujours les qualités propres au Citron, fans participer le moins dw monde à celles de l’Orange.
Voici donc le fecret de la Nature: ce ne font pas les nourri- tures qui ont été diverfifiées ; ce font les organes qui les pré- parent , les élaborent & les combinent dans chaque Efpece. Le Citronnier a une organifation qui n’eft pas précifément la même . que celle de l’Oranger : il travailke donc les fucs nourriciers & les combine autrement que l'Oranger. Peut-être ne faurons-nous jamais ici-bas en quoi confifte cette différence d’organifation, d’où réfultent des effets fi remarquables & fi conftans. IL doit nous fuffire d’entrevoir , qu’elle dépend en dernier reffort du nombre , de l’efpece & de la contexture des vaifleaux, des pro- portions fuivant lefquelles ils font calibrés, du repliement & de l'inclinaifon de leurs branches, & probablement encore de la nature des Elémens qui entrent dans leur compofition.
Les differentes fortes d’engrais ne fertilifent donc les terres qu’en y introduifant beaucoup de ces principes fubtils & actifs, que chaque Plante combine & aflimile dans un _ rapport direct à fon Efpece.
298 CON FE MP MRT TON
que les organes extraifent, préparent & s’affi- milent (2 ). F
(2) tt On vient de voir dans la Note précédente, ce qu’il faut penfer de ces préparations & de ces affimilations. Il eft bien für que l’eau la plus pure contient beaucoup de particules étrangeres, & principalement des particules terreufes, mais l’eau la plus pure ne contient pas actuellement l'aromate de la Menthe, le fucre de la Feve, la glu du Maronnier, le fuc âpre du Chêne, &c. : & pourtant tous ces Végétaux peuvent croître dans l’eau pure, & y acquérir les mêmes qualités qu’en pleine terre. Ce n’eft donc pas principalement dans le fluide nourri- cier qu’il faut chercher l’origine de ces qualités fi différentes entr’elles; c’eft dans les organes qui préparent & élaborent ce Auide, & l’affimilent à l'Efpece du Végétal. La terre, l’eau, l'air, le Feu , la lumiere , &c. ne nous offrent rien de femblable à ce que nos fens découvrent dans un arbre qui végete ; mais cet arbre qui végete, s’'approprie ces divers élémens, les com- bine & les arrange à fa maniere.
Ce que je viens de dire de l’origine des qualités des diffé- rentes Efpeces de Végétaux, s'applique facilement à celle des qualités de différentes parties du mème Végétal. Dans beaucoup de Végétaux, l'écorce a des qualités très-différentes de celles du bois , & celles des fleurs & des fruits different plus encore. Le même fuc qui nourrit le Pêcher , fournit l’amertume du noyau de la pêche, le jus délicieux qui abreuve fon parenchyme, & le parfum des Feuilles & des fleurs. La maniere dont les organes ont été diverfifiés dans les différentes parties du Végétal, pro- duit cette diverfité de qualités qu'on remarque dans chaque partie.
Comme les Plantes terreftres peuvent végéter dans l’eau pure, il eft bien naturel qu’elles végetent aufli dans des matieres propres à retenir l’eau, telles que les éponges , le coton, la moufe, &c. Mais il s’en faut de beaucoup que les Plantes ter-
reftres, & fur-tout Les Plantes ligneufes , réufliffent dans l’eau
DÆE LA NATURE. Part. VI. 299
" Apeès avoir été admis dans le corps de la racine par l'extrémité du chevelu 3), le fuc
pure comme dans la mouffe qu'on a foin de tenir humettée. On ma vu encore aucun arbre fleurir & fruétifier dans l’ean feule; & j'ai eu le plaifir d'élever dans la mouile pure un Poi- rier, un Prunier & un Cerifier, qui m'ont donné de très-bons
Fruits.
Les progrès que quantité de Plantes terreftres , foit herba cées , foit ligneufes , ont fait, fous mes yeux, dans la moule? ont été étonnans, & ont même furpallé ceux que de fembia- bles Plantes avoient fait en temps égal dans la terre. J'ai vu entr'autres une Tubereufe s'élever dans la mouüle à près de quatre pieds de hauteur, & s’y garnir de quarante cloches, d'une beauté & d’un parfum admirables. Je puis dire plus: j'ai vu une bouture de Vigne blanche , devenue dans la mouffe un vrai fep, poufler Mans l’efpace de quelques mois des jets de plus de dix pieds de longueur, chargés de fept à huit grofles grap- pes, d’un goût excellent; & ce qui n’ajoute pas peu à la mer- veille, c’eft que la caille qui renfermoit la moufle, w’avoit que quinze pouces en quarré.
Je ne m'étendrai pas ici fur ces expériences : je dois renvoyer à mes Mémoires fur ce fujet. Œuvres, Tome III. Mais je ne faurois paffer fous filençe des boutures de Grofeiller qui, plan- tées dans un Livre, y étoient devenues des Arbuftes fur lefquels je cueillis des fruits très-bien conditionnés.
Concluons de tont ceci, que la végétation eft un art très- profond dont nous n’entrevoyons que quelques fecrets, & dont nous ne tenons encore que quelques principes plus ou moins généraux, qui ne fufffent point pour fonder une vraie théorie.
(3) En faifant tirer à certaines Plantes herbacées des lianenrs eolorées, je mei fuis afluré que c’eft par l'extrémité des racines
300 CONTEMPLATI ON
nourricier s’éleve dans les fibres ligneufes (4) du tronc ou de la tige, & pañle dans les utri- cules qui leur font adhérentes. Il s’y prépare & s'y digere. Il entre enfuite dans les vales propres , fous la forme d’un fluide coloré, plus ou moins épaifli, qu’on peut foupconner ètre à la Plante, ce que le chyle ou le fang eft à PAnimal. Filtré par des tuyaux plus fins ou plus repliés , il eft enfin conduit à toutes les par- ties, auxquelles il s’unit & dont il augmente la
mañle (s).
ou par celle du chevelu, que le fuc nourricier s'introduit dans le corps de la Plante. C'eft là que fe trouvent les ouvertures des tubes capillaires on des vaifleaux féveux ; & cette extré- mité, la plus ténue des racines, eft conftamment la partie qui fe colore le plus.
(4) On voudra bien confulter le Chapitre X de la troi. fieme Partie.
(5) tt Ce que j'expofois ici fur la œoute du fuc nourricler. weft en partie que conjectural. Il eft feulement bien prouvé qu'il s'éleve par les vaifleaux ligneux de la racine & de la tige, qui le conduifent dans les boutons & dans les feuilles, d’où il pafle dans les vaifleaux de l’écorce pour defcendre vers la racine. Ce font les injeétions colorées qui nous ont appris ces vérités importantes ; mais il s’en faut bien que ce nouveau genre fi intéreflant d'expériences ait été ponffé affez loin pour nous manifefter teutes les routes par lefquelles la Nature fait paffer le fuc neurricier, avant que de l’introduire dans ces
DE LA NATURE. Part. VI joi
L'EXTRÈME fineffe des conduits féveux , qui les rend en quelque forte des tuyaux capillai_ res, l’action de lair fur la lame élaftique des trachées, & l’impreflion de celles - ci fur les £bres ligneufes qu’elles embraffent ou dont elles {ont embrafées , la chaleur qui raréfie la feve, & fur-tout celle qui agiffant fur la furface des feuiiles , y attire le fuperflu du fuc nourricier, & en occafionne l’évaporation, paroiflent être les principales caufes de l’afcenfion de ce fluide dans les Plantes (6).
erganes beaucoup plus cachés , deftinés à le modifier & à pré. parer de loin cette admirable affimilation qui eft la derniere & principale fin vers laquelle elle tend.
Le Juc propre , ce fuc toujours plus ou moins coloré & plus eu moins épais, ( Voyez la troifieme Note du Chap. X de la Partie Lil, ) eft fi différent de Ha feve crue, qu'on voit bien qu’il doit être le réfultat de quantité d'opérations préliminaires dont plufieurs s’exécutent apparemment dans les feuilles. Mais ce fuc doit fubir lui-même une multitude de préparatiens avant que d’être rendu propre à faire corps avec la Plante, & ces préparations nous font encore inconnues.
(6) tf Il eît fans doute dans la Plante , comme dans l’A. nimal , une puiffance vitale qui imprime le mouvement aux . folides & aux fluides, & qui conftitue la vie organique. Chez l'Animal, cette puiflance réfide dans le cerveau & dans le cœur ou dans les parties qui en tiennent lieu. Mais nous ne connoif. fons rien dans la Plante, qui reflemble le moins du monde au
36 'CONTEMPLATION
l La quantité de nourriture qu’une branche tire de la terre , cft proportionnelle an nombre
cerveau & au cœur. Cependant la feve fe meut dans la Plante avec une très - grande force, & elle s'éleve affez rapidement jufqu’au fommet des plus grands Arbres. L'illuftre HALES, qui avoit tant approfondi l’hiftoire de la végétation , regardoit les feuilles comme des puiffances ménagées par la Nature poux aider à l'afcenSon de la feve par cette tranfpiration fi abon- dante dont elles font l'organe. Mais, à l'approche du Prin temps, lortque les Arbres n’ont point encore de feuilles, la feve . ne faifle pas de s'y mouvoir avec la plus grande force, & c’eft même par cette Forte impulfon qu'elle ouvre les boutons, dé’ veloppe les premieres feuilles, & pare les Arbres de cette brillante verdure qui en Fait le principal ornement de nos Cam- : pagnes. Et qui ne connoît point les pleurs de la Vigne, ces pleurs fi abondantes, qui s’élevent avec tant de force , qu’elles foutiennent le mercure à une hauteur fort fupérieure à celle à laquelle il s’éleve dans le Barometre par la preffion de l’Ath- mofphere ? Les feuilles ne font donc que des puiffances fecon- daires , & point du tout la puiffance principale.
On ne peut douter néanmoins, que la £eve ne s'éleve dans les Plantes par un jeu fecret des vaileaux , que l’obfervation ne nous a point encore découvert. Des tiges & des feuilles feches n’admettent point des liqueurs colorées, qui s’introduifent fi facilement dans des tiges & des feuilles vertes. Ce n’eit point, comme on pourroit le foupconner , parce que le defféchement refferre les vaifleaux : des rofeaux fecs où l’on découvre à l'œil nu les ouvertures des vaiffeaux féveux , n’admettent point non plus les liqueurs colorées. Il y a donc lieu de préfumer que les vaiffeaux d’une Plante qui végete actuellement, exercent fur Les liqueurs qui s’y introduifent, une action fecrete qui les chafle
DE LA NATURE. Part. VI 30:
& à la grandeur de fes feuilles : elle en tire moins fi fes feuilles font plus petites, ou en plus petit nombre (7 ). |
de place en place, & conftitue ce qu'on peut nommer la wie dans le Végétal.
Ce n’eft pas même par fon propre pnids que la feve redef- cend vers la racine. On fait que fi l’on fait une incifion cireu- laire, ou fimplement une forte ligature à nne branche verticale qui végete, il fe formera au-deflus de la ligature ou de l'in. cifion, un bourlet très-apparent : or ce bourlet ne laiffera pas de fe former , fi l’on retient la branche inclinée verticalement en en-bas. La feve a donc un mouvement indépendant de l’ac- tion de la pefanteur, & qui peut s'exercer en fens contraire.
Les trachées font une autre puiffance qui influe probable. ment fur le jeu des vaiffeaux. L'air qu’elles contiennent, dilaté par la chaleur , preffe les vaifleaux & par eux les liqueurs qu’ils contiennent. Mais l'écorce n’a point de trachées, & la feve s’y meut en tout fens.
Ainfi nous fommes encore fort peu éclairés fur ce qui conf titue proprement la puifflange vitale dans le Végétal. Mais il eft une autre puiflance dont je parlerai ailleurs, qui joue un grand rôle dans l’Animal , & qu’on croit avoir apperçue dans le Végétal. Il eft peut-être ici un petit Fait que nous avons tous les jours fous les yeux, qui nous donneroit la folution du pro- blème , fi nous parvenions à l’analyfer. Ce fait feroit alors pour le Phyficien Potanifte, ce que la bulle de fayvon fut autrefois pour l’Analyite de la Lumiere.
(7) tt Il réfulte des ingénieufes expériences de HALESs : 1°, que la tranfpiration des Plantes eft en raifon des furfaces tranfpirantes, & que plus une Plante a de feuilles ou de grandes Feuilles, & plus elle tranfpire,
jo CONTEMPLATION
La nutrition des Végétaux s’opere encoté d’une maniere immédiate par leurs feuilles. Elles ne fervent pas feulement à élever la feve, à la préparer , & à la décharger de fon fuperfu; elles font de plus, des ef@eces de racines, qui pom- pent dans l'air des fucs qu’elles tranfmettent aux parties voifines (8 ).
se. Que la tranfpiration eft d’autant plus grande que l'air ambiant eft plus chaud , & d'autant moindre qu’il eft plus —. ou plus humide.
3°. Que plus une plante eft vigourenfe, & plus elle tranfs : * pire.
4°. Que la matiere de la tranfpiration eft une eau limpide, ordinairement inodore & infipide, & à-peu-près la même dans toutes les efpeces.
$°. Que les Arbres toujours verds tranfpirent moins en temps égal, que ceux qui fe dépouillent.
Le favant GUETTARD s’eft afluré, que dans les branches de différentes efpeces, la tranfpiration a égalé en vingt-quatre heures le poids de fes branches , & que dans certaines efpeces elle a été du double de ce poids.
Il s’eft affuré encore, que la tranfpiration des Plantes em Oétobre, eft à celle qui fe Fait en Août, comme 2 & demi à 9.
Les fleurs, fuivant ce célebre Naturalifte, tranfpirent moins, à volume égal , que les feuilles. -
(s) tf L’Anatomie des feuilles démontre qu’elles contieris nent en raccourci les mémes enveloppes & les mémes vaif-
La
DE LA NATURE.Part.VI 30$
La rofée, qui s’éleve de la terre , eft le prin. cipal fond de cette nourriture aërienne. Les
feaux qu'on obferve en grand dans la tige & dans les bran- ches. On a mème fort bien dit, que les feuilles nie font en quelques forte , que des branches très-applaties. Les feuilles font , en efFet, un prolongement des branches , & leur pé- dicule peut étre envifagé comme une branche en miniature : les différens paquets de fibres ou de vaiffeaux qui y font raflemblés en un corps , fe féparent à l'extrémité fupérieure, en différentes nervures principales qui fe ramifient, fe divi. fent & fe fous -divifent prefqu'à l'infini dans l’une & l’antre furface des feuilles. Ces divifions & fous - divifions , plus ou moins multipliées dans les différentes efpeces , & auxquelles les feuilles doivent leur figure , font toujours accompagnées d'une multitude d’asa/tomofes ou d’abouchemens , qui produi« fent fur la feuille ce beau travail qu'on démêle à l’œil nud , & qui fe fait fur-tout admirer lorfque certains procédés de l'Art ou qu’une longue macération dans l’eau, l’ont rendu plus appatent encore.
Cette feule infpection des feuilles fufhroit prefque pour faire juger d’une de leurs principales fonctions. Nous avons vu, que le fluide nourricier, après s'être introduit par l’ex- trémité du chevelu dans les vaiffeanx féveux de là racine, & s'étre élevé dans ceux de la tige ©: des branches, qui n’en font qu'une continuation , pafle immédiatement dans les Feuil Jés, qui le tranfmettent aux vaifleaux de l'écorce, des bran- ches & de fa tige, qui le ramenent vers la racine. I y 4 donc lieu de préfumer , que les divifions , les entrelacemens & les abouchemens fi multipliés des vaifletux des feuilles ont principalement pour but d'opérer Les premieres préparations du fluide nourricier. En le faifant pafler ainfi par une in- finité de couloirs dont les diametres diminuent graduellement, & dont les direétions ou les iuclinaïfons varient fans ceffe,
Torre LI V
3906 CONTEMPLATION
feuilles lui préfentent leur furface inférieure, garnie d’une infinité de petit tuyaux toujours
la Nature opere les différentes fécrétions d'où naïffent les premieres modifications du fluide. Les molécules d’mne cer. taine efpece , que des vaifleaux très - fins ont féparées, fe joignent aux molécules d’une autre efpece , extraites par des vaifleaux d’un autre ordre, qui s’anaftomofent ou s’abouchent avec les premiers, & de cette réunion de différentes molé- cules naît une premiere combinaifon , qui eft bientôt fuivie de pluñeurs autres, qu’operent des moyens femblables ou analogues.
Mais une anatomie plus délicate & plus réfléchie des feuilles, nous donne de bien plus grandes idées encore de leur ftruéture , & du rôle qu’elle jouent dans le fyftêème de la végétation. Cette forte d’épiderme ou cette fine membrane dont je parlois, Chap. XI, Part. V, & qui recouvre les deux furfaces des feuilles, n’eft point aufli fimple qu’elle avoit paru l'être. Un excellent Obfervateur , M. DE Saus- SURE, a découvert, que cette enveloppe fi mince n’eft point fimplement un épiderme : mais qu’elle ef une vraie écorce , qui a fon épiderme , fon tiflu réticulaire & fes glandes. Rien de plus digne de l'attention du Naturalifte que ces glandes. Elles font d'une grande petitefle , tantôt rondes, tantôt ovales, toujours tranfparentes dans les feuilles faines, & femées en fi grand nombre dans lé tiflu réticulaire , qu’elles en ont pris le nom de glandes #williaires. À un petit vaiffleau tranfparent, qui enceint leur bafe, vont s’aboucher d’autres vaiffeaux qui partent de différens points. Dans les Arbres & Arbuftes , ces glandules ne fe voyent qu’à la furface inférieure des feuilles , mais dans les Herbes on en voit à l’une & à l’autre furface ; un peu moins cependant à la furface fupérieure. Cette obfer- vation n’eft pas indifférente : on le fentira bientôt.
Le tiflu réticulaire , formé de vaifleaux extrêmement déliés,
DE LA NATÜRE Part. VI 301
prèts à l’abforber (9). Et afin que les feuilles ne fe nuififflent pas dans l'exercice de cette fonc-
& dont les mailles font très - ferrées , recouvre immédiatement un autre réfeau, nommé parenchymateux , & il eft recouvert lui-même d’un épiderme très-fin, auquel il adhere plus for- tement qu’au tiffu parenchymateux. Celui-ci eft formé de vaif: feaux moins déliés & plus droits que ceux du réfeau cortical, & fes mailles font moins ferrées.
Dans les réfeaux & dans le parenchyme s'obferve une mul titude innombrable de points briilans , qu'il ne faudroit pas prendre pour des glandules d’une prodigieufe petiteffe : ils n’en font point ; car des glandules ne réfifteroient pas à l’eau bouil- lante , à l’efprit-de-vin, à l’acide vitriolique ; & les points bril- lans dont je parle, y demeurent inaltérables. Ils réfiftent de même au plus grand defféchement. Que font donc ces fingu- liers corpufcules? Nous l’ignorons encore.
On peut juger par cette légere efquiffe de l'anatomie des feuilles, qu’elles font des organes d’une ftu@ure très : rechera chée : mais nous ne fommes point encore parvenus au temps où l’on pourra afligner avec précifion les ufage:s de chacune des pieces qui entrent dans là conftruétion de ces machines organiques. Nous voyons bien, ou plutôt nous entrevoyons aflez , que les feuilles ont été organifées de maniere à préparer le fluide nourricier , à le dépouiller des maticres étrangeres ou fuperflues, à pomper dans l'Air différentes fubftances , & à les introduire dans les corps du Végétal. Il eft méme des expériences dont je parlerai bientôt , qui prouvent direétement cette triple fonétion des feuilles. J'en ai déjz indiqué quels ques-unes dans la Note précédente.
(9) tt Je raifonnois ici d’après les curieufes expériences du célebre du Fay fur la rofée , qui avoient , en quelque
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tion , elles ont été arrangées fur la tige & fur les branches, avec un tel art, que celles qui précédent immédiatement ne recouvrent pas celles qui fuivent. Tantôt celles font- placées al- ternativement , fur deux lignes oppofées & pa- ralleles. Tantôt elles font diftribuées par paires, -qui fe croifent à angles droits. Tantôt elles font polces fur les angles de volygones circonf- crits aux branches , & arrangés de maniere que les angles du polygone inférieur répondent aux côtés du polygone fupérieur. D’autrefois elles montent le long de la tige ou des branches, fur une ou plufieurs fpirales paralleles (10 ).
forte, fervi de bafe à mon travail fur les Feuilles des Plantes. On fait qu'il avoit prouvé, qu’il cft au moins une efpece de rofée qui s’eleve lentement de la terre au coucher du Soleil, & qui s'attache fous la forme de gouttelettes à tous les corps qu’elle rencontre. Mais je ne dois pas laifler penfer, que cette efpece de rofée foit le feul fond de cette nourriture, plus où moins abondante, que les feuilles pompent dans l'Air. L'Athmofphere recele toujours dans fon fein une certaine quantité de particules aqueufes, qu'elle tient en diflolution, & qu’elle laiffe échapper dès qu'elle fe rafraichit. Elles tom- bent alors fur la terre où elle fe raffemblent en gouttes plus ou moins fenfibles. C’eft une autre forte de rofée qu'on peut nommer defcendante , par oppofition à la premiere qui eft afcendaute. L'une & l'autre ne font point du tout de l’eau pure : elles contiennent une multitude de particules hétéro- genes, qui accroiffent le fond de cette nourriture aïrienne que les feuilles abforbent, & qu’elles préparent.
Ç1o) tt J'efquiflois ici mes propres obfervations fur LR
DE LA NATURE.ParlVI 306
SCEPTIQUES , qui refufez de reconnoître des fins dans le Monde , me direz - vous pourquoi les feuilles des Plantes font arrangées avec tant d'art ? Vous objecterez peut - être, que c’eft gratuitement qu'on avance que les feuilles pom- pent la rofée par leur furface inférieure ? Mais que répondrez- vous , fi un Phylicien vous ap-
f
diftribution fymmétrique des feuilles autour de la tige & des branches, & fur la caufe finale de cct arrangement, fi digne de fixer les regards du vrai Philofophe. Dès qu'une des prin- cipales fonétions propres aux feuilles étoit de pomper la rofée, il eft bien manifefte qu’elles devoient être arrangées fur la tige & fur les branches, de facon à ne fe nuire les unes aux autres dans l'exercice de cette foñétion, que le moins qu'il feroit poflible. Il y avoit bien des manieres de Faire cette diftribution : j'en ai décrit cinq que l'AUTEUR de la Nature a réalifées dans les Végétanx de nos contrées, & qui tendent toutes à la meme fin. Ce font autant d'ordres dif- Ferens de diftributions très-bien caraétérifées , & plus ou moins faciles à reconnoître, Par ces divers ordres de diftri- butions des feuilles , joints à leurs efpacemens non moins variés , elles peuvent exercer librement leurs fonctions & les mouvemens, en quelque forte, fpontanés, que ces fonctions fuppofent.
J'ai indiqué dans le texte ces cinq ordres , en paflant du plus fimple au moins fimple. Le Noifettier fournit un exem- ple du premier; le Lilas, du fecond; le Grenadier, du troi- fieme ; le Prunier, du quatrieme ; le Pin, du cinquieme. Je pale fous filence diverfes particularités plus ou moins remar- aquables, qu'offrent les trois derniers ordres, & qui ont été expofces en détail dans le Livre fur les feuilles. Œuvres, T.IV.
V 3
3re CUONN TE MP EAN O0 N
prend , que parmi des feuilles égales & fem- blables, prifes fur le mème Arbre, celles qui avoient été appliquées par leur furface infé- rieure fur des vafes pleins d’eau, fe font con- fervées très - vertes , des femaines & mème des mois ; tandis que celles qui avoient été mifes en expérience par leur furface fupérieure, ont péri en peu de jours (11 )?
Les Herbes, toujours plongées dans les plus épaifles couches de la rofée, & dont l’accroif- fement fe fait avec plus de promptitude que celui des Arbres, ont leurs feuilles conftruites de maniere qu’elles pompent la rofée, à - peu- près également par l’une & l’autre furface , quel- quefois plus abondamment par la furface fu- périeure (12).
(xx) tt Le Mürier blane m'en a fourni un exemple bien frappant : de grandes feuilles de cet Arbre, appliquées fur l’eau par leur furface fupérieure , fe font fanées en cinq jours; tandis que des feuilles égales & femblables , appliquées fur l’eau par leur furface inférieure , fe font confervées très-vertes pen« dant près de fix mois. Des feuilles de plufieurs autres efpeces ligneufes m'ont offert des réfultats prefqu’aufli remarquables, J'en ai vu qui, appliquées fur l’eau par la furface fupérieure, périfloient en aufli peu de temps ou à-peu-près que des Feuilles égales & femblables, qui avoicnt été laiffées fans nour+ giture.
(229 Fr Ja parlé dans une des Notes précédentes de çes
D BOL" A4 NA TU R E Part. VI qrx
REMARQUEZ enfin, que la furface inférieure des feuilles des Arbres eft ordinairement moins
glandules certicales que M. DE SAUSSURE a obfervées dans les feuilles, & qui s'y trouvent en fi grand nombre qu’dles en ont reçu le nom.de williaires. C’eft une chofe bien digne d’être remarquée , que ces glandules ne s’obfervent qu’à la fur- face inférieure des feuilles dans les Arbres & Arbuites, & qu'elles fe voyent fur l’une & l'autre furface des feuilles dans les Herbes. Ceci ne fembleroit - il pas indiquer , comme le penfe notre ingénieux Obfervateur , que ces glandules font de petits organes abforbans ? Car leur pofition s'accorde à merveille avec les réfultats les plus généraux de mes expé- riences fur les feuilles des Arbres & des Herbes, appliquées fur l’eau par l’une ou l’autre de leurs furfaces. Mais il eft d’autres expériences qui pourroient donner lieu de conjeéturer , que ces glandules s’acquittent encore des fonctions d'organes excrétoires. Elles ferviroient donc à la fois à l’imhibition & à la tranfpiration. Il paroît au moins bien prouvé par ces ex- périences , que dans la plupart des Efpeces, la furface in- férieure des feuilles ne fert pas feulement à pomper les va- peurs & les exhalaifons qui nagent dans l’air ; mais qu’elle £ft encore l’organe principal de cette tranfpiration infenfible, fi abondante dans le Végétal. Les petits poils dont elle ef garnie dans bien des Efpeces, peuvent encore être envifagés comme autant d'organes abforbans & excrétoires ; & il ef des faits très - favorables à cette conjeturg.
Nous avons vu dans la feptieme Note de ce Chapitre, que les fleurs, à volume égal , tranfpirent moins que les feuilles ; auffi les fleurs font-elles entiérement dépourvues de ces glana dules qui ont été fi multipliées dans les feuilles,
Au refte, il eft une fi étroite communication entre toutes les parties d’une Plante, que la nourriture que prend une de
V4
312 CONTEMPLATION
diffe , moins luftrée, & d’une couleur plus pâle que la furface oppofée. Cette différence frap- pante entre les deux côtés de la feuille, indi- que aflez qu'ils ont des ufages différens.
ces parties , sy tranfmet bientôt aux parties les plus voi- fines, & de celles-ci aux parties plus éloignées. Ainfi lorf- qu'une feule feuille d’un rameau détaché de fon Sujet, eft tenue plongée dans l'eau, la nourriture qu’elle en tire pañle aux autres feuilles du rameau , & y entretient pendant un temps plus ou moins long la fraicheur & la vie.
En donnant beaucoup de furface aux feuilles, la Nature les a merveilienfement appropriées à l’imbibition & à la tranf- piration. Mais ce ne font pas feulement les vapeurs & les exhalaifons qui flottent dans l'Air , que les feuilles abforbent, & qu’elles font pafler dans l’intérieur de la Plante; elles ab- forbent encore l'Air lui-même, le Feu, la Lumiere, &c. : & l'on fait aujourd'hui quelle multitude de combinaifons & de formes ces Élémens fubtils peuvent revêtir dans le corps du Végétal. La tranfpiration infenfible qui diminue la mafle des liquides, donne lieu au rapprochement des molécules élé-
mentaires.
Il eft une autre forte de tranfpiration qui s'opere par les feuilles , & qu'on peut nommer Jez/ble , par oppoñition à celle dont j'ai parlé, quieft beaucoup plus abondante. On connoît la réfine , la gomme , la manne , le fuc mielleux, qui ex- fude des feuilles de plufeurs efpeces de Plantes. Des organes particuliers font appropriés à ces excrétions ; & on ne fauroit douter que ces organes ne foient des dépendances des vai£-
feaux propres. $ ae
DE LA NATURE. Pat.'VI. 313
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ke.
CHE AMPAMINR ET VE
Directions des feuilles, leur retournement , le Ten
eo une méchanique fans doute fort fimple, la racine s'enfonce en terre , la tige s’éleve dans l'air , les branches s’élancent de côte , les feuilles préfentent à l'air libre leur furface fu- périeure , & à la terre ou à l’intérieur de la
Plante , leur furface inférieure.
pliement de la tige.
SEMEZ une graine à contre - fens ; vous ob- ferverez la radicule & la petite tige fe recour- ber; celle-là, pour gagner la terre, celle- ci pour gagner l'air.
RETENEZ inclinée une jeune tige ; fon ex- trémité {e redreffera. |
CourBEZz les rameaux de toutes fortes de Plantes : faites que la furface inférieure de leurs feuilles foit tournée vers le ciel: vous verrez bientôt toutes ces feuilles {e retourner, & LC=
914 CONTEMPLATION
prendre leur premiere pofition , mouvement qui s’exécutera avec d'autant plus de promptitude, que le Soleil fera plus ardent, & que les feuilles auront plus de foupleffe.
SEMEZ différentes fortes de graines dans un cabinet ou dans une cave : portez- y de petites branches, dont l’extrémité foit plongée dans des vafes pleins d’eau Les feuilles des jeunes Plantes , & celles des branches préfenteront. leur furface fupérieure aux fenètres ou aux foupiraux.
CoxsiDËREZ les feuilles de diverfes efpeces de Plantes herbacées , de la Mauve, par exem- ple ; vous remarquerez qu’elles fuivent le cours du Soleil: le matin, vous les verrez préfenter leur furface fupérieure au levant : vers le mi- lieu du jour, cette furface regardera le midi 3 le foir , elle fera tournée au couchant. Pen- dant la nuit où en temps pluvieux, ces feuilles {eront horifontales ; leur furface inférieure re: gardera la terre. À
Suivez encore les feuilles de l'Acacia ; lorf- que le Soleil viendra à les échauffer, vous ob- ferverez que toutes leurs folioles tendront à fe
DE LA NATURE. Pat. VI 316
rapprocher par leur furface fupérieure. Elles for. meront alors une efpece de gopittiere tournée vers le Soleil. Pendant la nuit ou dans un temps humide, vous verrez les folioles fe renverfer en fens contraire, & fe rapprocher par leur fur- face inférieure. Elles formeront alors une gout- tiere qui regardera la terre ( I ).
Tous ces mouvemens, qu’on diroit fponta< nés , ont , fans doute , une caufe purement mé- chanique, mais qui nous eft encore inconnue. Pour eflayer de les expliquer , on pourroit re= courir à une conjecture quia RAF air de vrai- femblance.
SuPPOsEZz que les vaiffleaux de la furface fu- périeure des feuilles, ainfi que ceux de la tige, {ont analogues aux cordes de boyau , qui fe contractent à la chaleur. Suppofez , au contraire, que les vaifleaux de la furface inférieure , comme
(1) ff Le redreffement des tiges & le retournement des Feuilles s’exécutent dans l'eau comme dans l'Air, foit qu’elles tiennent à leur Sujet, foit qu’elles en f£oient détachées. Ces mouvemens s’operent avec la même facilité dans des vafes pleins d’eau, dont on interdit l'accès à l’Air extérieur par une épaifle couche d'huile. Quelquefois même on les voit opérer avec affez de promptitude dans des circonftances qu'on” jnges roit leur être très -peu favorables,
316 CD NT E MP T'ENET O'N
ceux de la radicule, font de la nature des corz des de chanvre , qui fe contractent à l’humi- dité ; & vous expliquerez aflez heureufement tous ces phénomenes qui vous furprennent (2).
Les trachées, dont la lame eft fi élaftique, paroiflent bien propres à produire l’effet des cordes de boyau. Les fibres ligneufes & les
(2) tt M. DE SAUSSURE a adopté cette conjeéturé qui lui a paru s’accorder avec les réfultats de fes expériences fur les feuilles. Il s'eft afuré que le réfeau cortical des deux fur- faces des feuilles eft doué d’une élafticité très-fenfible , & que ces deux furfaces tendent toujours à fe rouler en fens con- traire. Lors donc que le reffort de l’une l'emporte fur le ref. fort de l’autre , la feuille devient concave du côté le plus Foible.
Fr
En général, il réfulte de mes nombreufes expériences fur le redreffement des tiges, & fur le retournement des feuilles, que la chaleur, & fur-tout la chaleur directe du Soleil , font les principales caufes de ees phénomenes végétaux , qui n’ont point encore été approfondis autant qu'ils ee à l'ètre.
T C'eft par ces mouvemens , en apparence fi fpontanés, que les Plantes femblent fe rapprocher le plus des Animaux, & pourvoir comme eux à leurs diférens befoins. Prefque toutes font ainfi des efpeces de Seftives, dont la fenfbilité fe ma- nifefte par des traits plus ou moins variés & plus on moins “Frappans : mais nous nous occuperons ailleurs plus en détail de cette finguliere analogie de ia Plante avec l’Animal.
DE LA NATURE.Part. VI 313
utricules ne le paroiflent gueres moins à pro- duire celui des cordes de Chanvre,
EC)
EVE UE —
GH' A: PA TRE LV.
Efquiffe de la Théorie des imouvemens de le
Seve.
N E cherchez point de circulation dans les Plan- tes: plus fimples que les Animaux , tout s’exé- cute chez elles avec moins d'appareil (1 ).
(1) tt L'analogie eft une maniere de raifonner , fi commode; fi facile, qu'il eft tout naturel qu’on en abufe fouvent , & qu'on l'étende au-delà des limites qu’une faine Logique prefcrit. On a bientôt fait un petit rafonnement analogique; on n’a pas {i-tôt Faitles expériences qui peuvent le confirmer ou le détruire. Il eft entre la Plante & l’Animal, une mul- titude de rapports qui fautent aux yeux les moins exercés à voir : tels font ceux que préfentent leur maniere de croître & de multiplier , les maladies qui les attaquent , les accidens auxquels ils font fujets , &c. Il n’en falloit pas tant pour per- fuader que la Piante fe rapprochoit encore de l’Animal, par la maniere dont les fucs nourticiers étoient préparés dans fon intérieur. Ain, parce qu'on voyoit le fang circuler dans l’A- nimal, l’on en avoit inféré que la feve circuloit aufli dans la Plante. On avoit même prétendu le prouver par divers faits qu'on ne jngeoit point équivoques , parce qu'on étoit trop’ fortement prévenu en faveur de l'opinion dont il s’agit, Et
gg CONTEMPLATION PENDANT le Jour, l’action de la chaleur füf les feuilles y attire abondamment le fuc nourri:
il faut bien que je le dife, puifque les erreurs mêmes des {4 vans peuvent devenir inftruétives : des Hommes inftruits avoient été féduits par l’analogie au point de fuppofer dans la Plante un eftomac, des inteftins, des veines lactées , un cœur , des arteres, des veines , &c. Il eft pourtant très - für que-la plus fine anatomie de Ia Plante ne montre rien dans fon intérieur, qu’on puifle le moins du monde comparer à ce qui conftitue daus l’Animal le fyftéme de la circulation. La Plante ne poflede pas plus un cœur, des arteres & des vei- nes, qu'elles ne poffede un cerveau, une moëlle fpinale &
des nerfs.
Mais fi ces Hommes que l’analogie féduifoit, avoient lu qu'il eft de vrais Animaux dans lefquels , à l'aide des meil2 leurs microfcopes, on ne découvre rien du fout d’analogue aux organes de la cireulation ni à ceux du fentiment & du mouvemeut , ils auroient fenti aufli-tôt combien leur maniere de raifonner fur la Plante étoit déceptrice, & ils auroient: compris que la Nature peut , quand elle le, veut , préparer les. matieres alimentaires à bien moins de fraix qu’ils ne l’avoient
préfumé.
Un fait très- connu & très - conftaté fufffoit néanmoins pour renverfer toute cette théorie de la circulation dé la feve. Un Arbre planté à contre-fens , la racine en en-haut , li tète en en-bas , ne laifle pas de végéter, de croître & de multiplier. De la racine fortent des branches, des feuilles , des fleurs & des fruits ; de la tête fortent des racines , des radicules & un chevelu plus ou moins abondant. Penfe-t-on qu’un pareil fait püt fe concilier avec ce cœur , ces arteres, ces veines & ces valvules qu’on fuppoloit fi gratuitement dans la Plante ? Comment encore concilier cette fuppolition avec les boutures & les greffes de tout genre ? 4
DE LA NATURE Part. VI y
gier. Les petits organes excrétoires dont elles font garnies , & qui s’y montrent fous les dif. férentes formes de globules, de pyramides, de filamens ; &c. féparent les parties les plus aqueufes ou les plus groflieres du fuc qui s’é- leve de la racine. L’air renfermé dans les tra- chées de la tige & des branches fe dilatant de plus en plus, prefle les fibres ligneufes, & accélere ainfi la marche de la feve en mème temps qu’il la fait pénétrer dans les parties voi-
fines (2).
Mais, s’il n'y 4 point de vraie circulation de la feve, ou, ce qui revient au même, fi la feve ne circule point comme le fang, il ne s'enfuit point du tout qu’il n’y ait pas dans le corps de la Plante des vaiffeaux afcendans & des vaiffeaux defcendans, un {uc qui s’éleve par les premiers jufqu’aux feuilles, & qui defcend par les feconds jufqu’aux racines. Ce fera fi l'on veut, une forte de circulation aflortie à l’efpece de l'Étre organifé ; car il faut bien admettre dans la feve un mouvement qui l’élabore & la difpofe peu-à- peu à revêtir la mature propre du Végétal.
(2) tt Quoique l'expérience ait démontré aux Phyficiens« Botaniites, que toutes les parties d’un Arbre communiquent les unes avec les autres, puifqu’elles peuvent étre nourries les unes par les autres; il n’en eft pas moins certain que les unes peuvent végéter indépendamment des autres : c’eft qu’un ra- meau ou un fimple bouton peut étre envifagé comme un ar- bre en miniature, appellé à fe développer fur le grand Ar- bre. L’Arbre en miniature a tout ce qu’il faut pour tégéter
320 CONTEMPLATION
À lapproche de la nuit, la furface infériew: re des feuilles commence à s’acquitter d’une de fes principales fonctions. Les petites bouches dont elle eft pourvue, s'ouvrent & recoiverit avec avidité les vapeurs & les exhalaifons qui
par lui-même ; il a effentiellement en petit tous les orgânes , que l’Arbre qui le porte offre en grand. Si donc ce boutor recevoit feul au retour du Printemps l’action du Soleil, il fe développeroit feul , tandis que les autres parties de l’Arbre ne feroient aucun progrès. Il arriveroit la même chofe, fi l’on fubftituoit à l’action du Soleil celle d’une ferre chaude. L’ex- cellent Auteur dela Phyfque des Arbres s’en eft auré par une expérience décifive. Il avoit mis dans une parcille ferre, un vale où étoit planté un Sep de Vigne; ce Sep fe garnit de feuilles ; mais l'extrémité d’un farment qui fortoit hors de la ferre , ne végéta point. La faifon qui était froide encore, ne le permettoit pas. IL vit arriver précifément le contraire, quand il mit le vafe hors de la ferre & le bout du farment dans la ferre. Ce bout végéta & fe garnit de feuilles, & toute la partie du Sep qui étoit en plein Air, ne donna aucun
figne de végétation.
On fent bien, que le peu de feve qui pouvoit être dans {es boutons & dans les vaiffeaux les plus voifins des bou- tons, ne fufhfoit pas pour fournir à une telle végétation. Les boutons tiroient , fans doute. de la terre du vafe une nour- riture plus abondante : mais cela même prouve, que les vaif fcaux féveux établiflent une communication directe entre les boutons & les racines ; enforte que chaque bouton a fes propres vaifleaux, qui fe rendent direétement de la racine dans fon intérieur, en parcourant toute la longueur de la tige.
flottant
DE LA NATURE. Pat.VI 32
flottent dans l’Atmofphere. L'air des trachées fe reflerre : elles diminuent de diämetre: les fibres ligneufes, moins preflées , s’élargiflent & admettent les fucs que les feuilles leur envoyent. Ces fucs fe joignent au rélidu de celui qui étoit monté pendant le jour; & toute la male tend vers les racines,
VotLa précifément à quoi femble fe réduire la méchanique dessmouvemens de la feve. Vous voyez maintenant dans un plus grand jour, le but de la direction des feuilles & de leur ad- mirable retournement, La furfice inférieure étant principalement deftinée à pomper la rofée, devoit regarder la Terre, d’où cette vapeur s’é- Jeve lentement au coucher du foleil. Mais quand je dis que ia principale fonétion de cette fur- face, au moins dans les Arbres & Arbuftes, elt de pomper la rofée , je ne prétends pas que la furface oppofée en foit abfolument incapable ; elle abforbe peut-être des vapeurs plus déliées.
Des expériences bien faites paroiffent établir
. que la furface inférieure des feuilles des Arbres
fzrt encore à la tranfpiration infenfible. Des
feuilles dans lefquelles cette furface avoit été en.
duite d’une matiere impénétrable à l’eau, ont:
beaucoup moins tiré & tranfpiré, en temps égal Tome I, X
ÿ22 “CONTEMPLATIGNK
& à la mème température, que des feuilles éga2 les & femblables , dont la furface inférieure. n’avoit point été enduite d’un tel vernis. Il a paru réfulter des mèmes FM qu’il fe fait peu de tran{piration par la furface fupérieute. L'on peut en inférer qu’une de fes principales fonctions eft de fervir d’abri ou de défenfe à la furface inférieure ; & c’elt-là , fans doute, Pufage de ce vernis naturel & fi luftré , que lon reinarque {ur la furface fupérieure. Tout cela s'accorde admirablement bien avec la direction & les mouveniens prefque fpontanés des feuil- les , &'avec leur diftribution fymmétrique autour des tiges & des branches (3). |
: (3) tt Des: expériences direétes ont paru prouver, que la furface inférieure des feuilles des Arbres ne fauroit réfifter comme la furface fupéricure, à lation continuéé du Soleil : elle en eft altérée à Le longue; elle y prend un œil livide, & femble fe deffécher.,Il y a donc bien. de l'apparence que la furface fupérieure n’a été enduite d’un fi beau vernis , que pour la mettre plus en état de fervir' de défenfe à la furface qui lüi eft oppofée, & dans laquelle fe trouvent les principaux organes de la fuccion & de la tranfpiration.
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DE LA NATURE. Part. VI 3e7 —— G:H-.A PR, 1:T.R E V0
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La germination € lPaccroiffement.
L À Plante, renfermée très -en petit dans le fruit ou dans la graine , y eft environnée d’un amas de farine (1), qui délayée par l’eau qui a pénétré les enveloppes, fermente avec elles & fournit au germe fa premiere nourriture (2).
C1) ft L'analyfe du grain de Froment préfente deux fub£ tances très - caraétérifées : la premiere eft muquenfe, nutritive, Fermentefcible , & connue fous le nom d’axidon: la feconde .. qui eft très-finguliere , paroît tenir de la nature animale ; elle eft vifqueufe , alkaline & très - putrefcible. On peut la nommer la fubftance glutineufe.
En pouflant plus loin l'analyle, on déconvre que la fubf tance glutineufe recele une réfine & une gomme , & que l'a! midon renferme un fel efenti fucré, uni à un principe ter. reux, prefqu'aufli abondant que ce fel.
Ainfi , la farine eft en derniere analyfe un compofé de terre, d'eau, d'air , de différentes fortes d'huiles les unes ténues, les autres épaifles, & de différens fels, l’un effentiel, l’autre al« kali volatil, & d’une très-petite portion d'acide.
(2) tt Une feve de Haricot fe partage facilement par le milieu, fuivant fa longueur , en deux parties égales & fem biables : ce font des iobes. Il s'ouvrent ou fe féparent naturel. lement l’un de l’autre dans la germination , & demeurent ad-
X 2
324 CON TE MPLARITO NS
. ABREUVÉ de ce lait délicat, proportionné à fa foibiefle , il croît de jour en jour. Bientôt fes fan-
hérens à la jeune Plante pendant fes premiers accroillemens : mais ils fe defféchent peu -à-peu & tombent enfin.
Entre les lobes eft logée la Plantule, dont l'œil nud démèéle” facilement la petite tige, les prémieres feuilles & la‘radicule. Elle tient aux lobes par deux maîtres vaifleaux , qu’on a très- bien nommés vaifleaux #amsmaires , car les lobes peuvent être compatés à des mamelles. Tout leur intérieur eft plein d’une fubftance farineufe , dans laquelle les vaifleanx mammaires jet tent une multitude de ramiñcations. On s’aflure de l’exiftences de ces ramifications en faifant tirer à la radicule une teinture d'encre. Cette teinture pale bientôt dans le tronc des vaifleaux mammaires, & s'infinue peu-à - peu dans toutes leurs divifions. Si l'on coupe alors les lobes en différens fens , on appercevra ur l'air de la coupe, une infinité de petits traits noirs, qui ne font autre chofe que les ramifcations des vaifleeux mam- maires que l'injection rend plus apparens.
-L'humidité qui pénetre les tégumens de la graine, eft pom- pée par les dernieres ramifications des vaifleaux des lobes : La fubftance farineufe que cette humidité délaye & avec laquelle elle fermente, s’introdnit dans les rameaux capillaires des vaif- feaux, qui la portent dans le tronc où ils vont fe réunir; & c’eft ainfi que cette nourriture délicate, cette forte de lait, préparé des mains de la Nature, et verfé dans le corps de la - Plantule pour y opérer Les premiers développemens.
On a comparé les lobes à des mamelles , & cette comparai- fon eft bien jufte. Une expérience curieufe le démontre. Au moyen d'une petite préparat on & d’un peu d'adrefle dans la main, on parvient à détacher la Plantule d’entre les lobes fans l’effenfer. On enfonce aufli-tôt la radicule dans une terre légere
DE LA NAŸURE. Part;VI. 325
ges lui deviennentincommodes : il fait effort pour s’en débarrafler , & poulfe au - dehors une petite
&humeétée, & on met la jeune Plante à l'abri du Soleil. Elle languit quelque temps dans ce terrein fi peu aforti à fa déli- catefle aétuelle; mais enfin, elle y prend racine & y fait de nouvelles productions. On la voit développer fes Feuilles, pro- longer fatige, & méme fleurir. C’eft une vraie curiofité qu’une pareille Plante privée ainfi à fa naiMance, des mamelles qui devoient lui fournir fa premiere nourriture. Elle refte toute fa vie fi petite, {4 dégradée, que le Botanilte ie plus exercé auroit: peine à reconnoiître l'Efpece dans une telle miniature.
C’eft la radicule qui et deftinée à fournir à 14 jeune Phinte des nourritures plus fortes, qui opéreront-les qremiers déve- loppemens de la tige & des feuilles. Il étoit donc dans l’ordre de la Nature, que la radicule fe développât avant la p/urmule ou la petite tige: aufli la fubftance laiteufe eft-elie. portée d’a- bord par les vaiffeaux mammaires dans le corps de la radicule. Elle pale enfuite dans la pinmule , & commence à la faire. développer. Maïs ces premiers développemens font très-foibles encore, & ils ne deviennent confdérables que lorfque la ra.
dicule s’eft prolongée dans la terre, & que les PÉErS feuilles . fe font épanouies.
Les premieres feuilles, qu'on nomme féineles ; & qui dif: Férent beaucoup des autres par leur tiffu & par lenr forme, me font pas nroins utiles que les lobes à l’accroiflément de La jeune Plante. Si on les retranche lorfque 1a.petite tige com- mence à poufler, la Plante ne prendra que de foibles accroif= femens , & fera toute fa vie à l’égard des Plantes de fon Ef..
pece, ce qu'eft un petit Nain à l'égard d'un énorme Géant.
Le tiffu ou la confiftance des feuilles féminales fembleroit tadiquer qu'elles font principalement deftinées à donner aux.
X 3
326 CONTEMPLATION
racine, qui va chercher dans la terre des fucs
plus nourriffans. La petite tige paroît à fon tour.
Deftinée à habiter l'air , elle perce la terre, &
s’élance perpendiculairement dans ce fluide.
Quelquefois elle entraine avec elle les reftes des
tégumens qui l’enveloppoient dans l’état de Ger-
me. D’autrefois , deux feuilles, fort différentes des feuilles de l’âge mûr, l’accompagnent : ce. font les feuilles féinales, dont le principal ufage
eft probablement d’épurer la feve.
Queique hors des langes, la jeune Plante n’elt pas cependant en pleine liberté. Il ne con- venoit pas qu’elle fût expofée fi-tôt aux impref- fions de l'Air & du Soleil. Toutes fes parties demeurent donc repliées ou couchées les unes {ur les autres, à-peu-près comme elles létoient dans la graine. Mais la racine en s'étendant & en fe ramifiant de plus en plus, envoye dans les vaifleaux une abondance de {eve , qui déploye bientôt tous les organes.
fucs pompés par la racine, une préparation néceflaire; & peut-éètre encore à faciliter l’afcenfon du fluide nourricier.
Le très - petit Arbre logé dans un bouton, n’a ni lobes ni Feuilles féminales : c’eft qu'il doit tirer fa nourriture du grand Arbre dans lequel il eft implanté, & dont il cft une partie intégrante,
BE LA NATURE.Part. VI. 32%
Daxs ces premiers commencemens , la Plante eft prefque gélatineufe. Elle prend peu - à - peu plus de confiftance par l’incorporation des fucs qui afluent de toutes parts.
La partie de latige, qui touche à la racine, eft celle qui groffit, s'étend & s’endurcit la pre- miere. À mefure que l’endurciflement augmente, Pextenfion diminue. Elle cefe enfin entiérement dans cette partie, & continue dans celle qui la fuit immédiatement. Telle eft l’efpece de pro- greflion qui s’obferve dans toute la Plante.
LE bois, dont la dureté égale quelquefois celle de la pierre, eft formé d’une fuite de cou- ches concentriques , détachées d’année en année de l’intérieur de l'écorce, & endurcies par fuc- ceffion de temps.
X 4
#8 CONTEMPLATION: CHAPITRE aV IE
ME
Multiplication par la graine. Diflinéfion de Sexes.
Le. Végétaux multiplient de graine par re- jettons , & de bouture.
LE piftil & les étamines font aux Plantes ce que les organes de la génération font aux Ani- maux. Le premier renferme la graine ; les pouf fieres de celles-ci la fécondent.
ORDINAIREMENT les deux Sexes font réunis dans le même fujets & les Efpeces où cette réunion a lieu , font de véritables Hermaphro- dites.
D’AUTRES portent fur une branche le piftil & fur une autre branche les étatnines. Ce {ont des Hermaphrodites d’un autre genre (1 ).
(x) tt Ces deux genres d'Hermaphtodites font d'autant plus finguliers qu’ils peuvent fe féconder eux - mêmes. Il eft auffi de vrais Hermaphrodites dans le regne Animal; mais sous n’en connoiflons point encore qui puiffent fe féconder eux - mêmes,
DE LA NATURE. Part. VI 329
DE troifiemes ont, comme la plupart des Animaux, des Individus mâles & des Individus femelles. Ceux-ci font pourvus de piftil ; ceux-là, des étamines (2)..
__ Vorci ce qu’on fait de moins douteux fur la génération des Plantes.
Lorsqu'on retranche les étamines , la graine demeure inféconde,
La mème chofe arrive lorfqu'un Individu pourvu de piftil, n’a pas dans fon voifinage un Individu pourvu d’étamines ( 3 ).
(2) tt Quelquefois il fe rencontre fur le même Individu des fleurs hermaphrodites & des fleurs femelles : mais il ar- rive fouvent que dans les fieurs hermaphrodites, les étamines & les pifils ne parviennent pas en même temps à la perfection requife; & ceci rend le concours des autres fleurs néceffaire à la fécondation. A la vérité, il eft ici une forte de luxe que la Nature fe permet dans certains cas, puifque dans d’autres Efpeces du même genre , les fisurs Pan roi fufroient feules à la fécondation. Confultez fur les parties fexuelles des Pian$es, le Chap. IX de la Part. II.
(3) tt Une pratique très-ancienne dans le Levant , rap- portée par divers Voyageurs, auroit dù conduire beaucoup plutôt nos Botaniites modernes à la belle découverte du fexe des Plantes. On fait que le Palmier eft de la famille des Plantes diftinguées de fexe, ou chez lefquelles il eft des Indi-
ÿ5ÿo CONTEMPLATION
vidus mâles & des Individus femelles. La datte ou le fruit du Palmier eft la principale nourriture des habitans de quel+ ques| Contrées du Levant : il leur importe donc infiniment que les Palmiers fruétifient beaucoup. Dans cette vue les gens de la Campagne vont ramafler les fleurs qui naiffent fur les Palmiers males ; ils les attachent aux branches des Palmiers femelles ou en fecouent les pouflieres fur les grappes de ces derniers ; & ils affurent que cette petite manipulation eft tou- jours fuivie d'une fructification plus abondante. De fimples Payfans de l’Afie connoifloient donc l’inAuence des pouffieres des étamines , bien des fiecles avant nos GEOFFROY., nos Jussreu & nos LINNÉ ; & bien des fiecles avant nos GLE- DITSCH & nos DUHAMEL, ils fécondoient artificiellement Les fruits du Palmier.
- Je viens de nommer le célebre GLEDITSCH : il s’eft beau. coup occupé de la fécondation des Plantes, & s’eft princi- palement attaché à prouver la réalité des fexes, & la nécef- fité de leur concours. Il rapporte à ce fujet des expériences curieufes, qui ne different pourtant de celles des Payfans du Levant, qu'en ce qu’elles ont été faites avec plus d’'intelli- gence, & dans des vues philofophiques, auxquelles des Hom- mes grofliers ne fauroient atteindre. Il y avoit dans le Jardin Royal de Berlin, un très-beau Palmier femelle, âgé de qua- tre-vingts ans , qui avoit toujours été ftérile, parce qu'il navoit jamais eu dans fon voifinage de Palmier mäle. Mais il y en avoit un à Leipfig , qui fleurifloit tous les ans. Notre ingénieux Botanifte entreprit de féconder le Palmier de Berlin avec les pouflieres du Palmier de Leipfig , qui lui avoient été envoyées par la Pofte. Il les répandit fur les grappes du Palmier femelle, & il obtint ainfi des dattes très-bien con- ditionnées, qui lui donnerent l’année fnivante de petits Pal-. micrs. Cette expérience avant été répétée & aflez variée les années fuivantes, fut couronnée des mèmes fuccès. IL n’eft pas méme néceflaire pour la réuflite de l'opération , que les,
D'ENPZA N ZA TURE Part, VI 331
pouffieres foient fraiches , des pouffieres un peu anciennes n’en font pas moins prolifiques. .
Je ferai remarquer à cette occafon , qu'ehtre les différentes Efpeces de Palmiers, il en eft une dont les Individus femelles portent des fleurs hermaphrodites, mais dans lefquelles les parties mafculines font inhabiles à la génération. Les Individus femelles de cette Efpece ont donc befoin pour propager, du concours des Individus mâles.
. Dans le Palmier de l'Efpece la plus commune, il fe ren- cantre fouvent , au contraire , des fleurs males prolifiques , difléminées parmi les fleurs femelles, & qui operent la fecon- dation de ceiles-ci. Le Chanvre qui eft diltingué de fexes comme le Palmier , offre la mêmé particularité, & fans doute qu’elle fe rencontre dans bien d’autres Efpeces où la diftinétion de fexe s’obferve.
Les fleurs du Palmier femelle, qui n’ont point été Fécon- dées, nouent bien leur fruit ; mais ce fruit refte toujours très-petit, & le germe ne parvient point à s’y développer.
Il eft aufi dans l’Efpece du Thérébinthe , & dans celle du Piftachier , des Individus mâles & des Individus femelles ; & on a prouvé par des expériences décifives , que le concours de ces deux fortes d'Individus eft néceffaire à la propagation de ces Efpeces. Un Thérébinthe femelle fleurifloit tous les ans dans un Jardin de la rue St. Jacques à Paris, & ne donnoit jamais de femences fécondes. Meffieurs DUHAMEL & DE JUSSIEU , imaginerent de le féconder en plaçant au- près de lui un Piftachier mâle, fort chargé de fleurs. L’ex- périence réuffit à fouhait, & le Thérébinthe devint Fécond. Mais un Piftachier femelle qui avoit vécu jufqu'alors dans Le oifinage du Piftachier mâle, cefla de porter des fruits capa- bles de germer.
335 CONTEMPLIATION.
Tandis que les Palmiers mâles font en pleine-fleur, ile font fans ceffe environnés d'un rouge de pouflieres que les Zéphirs tranfportent fur les fleurs des Palmiers femelles, &: qui les fécondent. Quand les Poëtes, d’une touche délicate- & gracicufe,. nous ont peint les chaftes amours de l’aimable * Zéphir & de la brillante Flore, foupçonnoient -ils que cette. charmante fiion, fût la Nature elle - même ?
Les vents ne font pas les feuls miniftres dès amours des. Plantes : une multitude d’Infeétes aïîlés s’acquittent du même- office. En volant d'une Plante à une autre, ils tranfportent de l’une à l’autre les pouflieres vivifiantes qui fe font atta- chées à différentes parties de leur corps , & operent ainfi. une fécondation artificielle, femblable à celle qu’operent les Levantins. Tel eft encore le fecret de cette fameufe capriji-- cation , auf ancienne dans le Levant que la fécondation ar- tificielle des Palmiers. Deux fortes de Figuiers croiflent dans l'Archipel, des Ficuiers mâles, nommés Figuiers fauvages ou: Caprifiguiers , & des Figuiers femelles, appellés Figniers do- mefliques. Dans les fruits fauvages du Caprifiguier s’élevent des efpeces de Moucherons que les gens de la Campagne ont, grand foin de tranfporter dans le temps de la feuraifon fur les Figuiers domeftiques, & par cette opération ils. obtien… nent des récoltes de figues, beaucoup plus abondantes, & des figues beaucoup plus groffes & d'un meilleur goût, On devine bien le petit myftere de cette pratique : les poufleres. dont les Moucherons fe font chargés , fécondent fes figues. domeftiques & operent ainfi la multiplication &: le perfection nement de ces fruits, fi néceffaires à la fubfftance des Habi-. tans de l’Archipel.
Au refte, les Botaniftes diftinguent les fleurs en complétes- & en sncomplétes. Les premieres {ont ces fleurs he-;xaphrodites qui réuniffent les parties propres aux deux fexés. Le Lys, la Talipe , le Pécher , le Cerifier , &c. portent des fleurs her maphrodites ou des fleurs pourvues à la fois de piitils & d'é-
»
DE LA NATURE.Part. VI 333
Le piftil eft toujours difpofé de maniere à recevoir la poufliere des étamines (4).
Sox fommet eft percé de trous proportionnés
au diametre des grains de cette poufliere, &
fon intérieur eft partagé en plufeurs canaux ou trompes, dont le diametre diminue à mefure qu’elles approchent du fond. À la bafe du piftil eft placée la graine.
CHAQUE grain de la poufliere des, étamines
tamines. D'autres Efpeces , telles que le Melon, le Chanvre, le Noyer, le Noïfettier , &c. portent des fleurs incomplétes ou dont les unes n’ont que le piftil, & les autres les éta. mines. Il ya donc en général de trois fortes de fleurs, des males , des femelles & des hermaphrodites. Ces dernieres font les plus communes.
(4) tt Il arrive fouvent que dans les fleurs hermaphro- dites , les parties fexuelles ont une difpofition qui paroît d'abord choquer le vœu de la Nature ou s’oppofer à la fécon- dation. Tantôt le piftil eft plus élevé que le fommet des éta- mines ; tantôt la fleur , inclinée en en-bas, ne permettroit pas aux pouflieres de tomber fur ie piftil: mais dans le pre- mier cas, la véficule qui renferme la poufliere fécondante, la lance avec force jufqu'au piftil, ou bien celui-ci fe courbe pour atteindre à la véficule. Dans le fecond cas, la fleur fe releve ai temps de la fécondation , & le piftil recoit ainf la poufliere qui doit féconder les graines. Dans les fleurs en grappes ou en épis, les leurs inférieures font fécondées par les fupérieures, &c.
ÿ34 CONTEMPLATION
eft une boîte où nage dans une efpece de vapeur très-déliée, une multitude innombrable d’autres grains d’une petitefle extrème.
CETTE boîte s’ouvre à l'humidité, & laifle échapper le petit nuage chargé de globules ou de grains.
LE rétréciflement des trompes indique que les globules contenans n’atteignent pas au fond du piftil, mais les globules ou grains contenus font mis en liberté par l’action de l'humidité qui abreuve la trompe, & qui ouvrant la petite boîte où ils font renfermés , leur permet ainfi de pénétrer jufqu’à l'ovaire C$ ).
(5) tt C'eft principalement au célebre NÉÉDHAM, que nous devons ces découvertes , fi propres à nous faire juger de l’art qui brille jufques dans les plus petites produétions de la Nature. Cette pouffiere des fleurs, que le vulgaire prend pour un amas de grains informes , & que TOURNEFORT , ce grand Législateur en Botanique , prenoit pour un excré- ment de la Plante, eft réellement un afemblage de petits corps très-réguliers & très-organifés , qui tiennent par un pédicule propre à l’intérieur de la capfule de l’étamine, & qui renferment une multitude de corpufcules incomparable- ment plus petits, qui font lancés vers l'ovaire dans l’inftant de la fécondation. Ces corpufcules nagent dans une forte de vapeur éthérée qui eft probablement le principe Fécondant.
”
L'Obfervateur Anglois avoit conjecturé, que ces corpufenles
DE LA NATURE. Pari. VI. 33%
étoient autant de Germes de la Plante , qui , portés dans re. y prenoicnt leurs premiers accroiflemens. Mais il eft des preuves décifives de la préexiftence des Germes à la fécondation dans le regne végétal , comme dans le regne animal. J'y toucherai ailleurs.
Notre ingénieux Obfervateur, dont je crayonnois dans mon texte la découverte , croyoit encore s’ètre affuré que certains mamelons qu'on obferve à la tête ou au /higmate du piftil, étoient percés d’un trou proportionné à la groifeur d’un grain de la poufliere, & qu'à ce trou répondoit un cand très-délié en forme d’entonnoir , dont l’extrémité aboutifloit à l’ovaire. Et comme il avoit obfervé avec une agréable furprife, que lorfqu'il humeétoit légérement un grain de la poufliere, il s’ouvroit à l’inftant par un mouvement de reflort, & pro« jettoit anflh-tôt la vapeur éthérée chargée de fes corpufcules, il en avoit conclu, que le rétrécillement des #rowpes du piftil ne permettant pas aux grains de la pouflere de parvenir jufqu'à l'ovaire , ce n'étoit pas ces grains eux-mêmes qui opéroient la fécondation ; mais qu'elle étoit opérée par le nuage qui s’en échappoit dès que l'humidité qui abreuve la trompe avoit procuré l'ouverture de la petite beite ou d’un grain de la poufficre.
L'habile Naturalifte nous repréfente les canaux on trompes du piftil comme fi déliés, qu'ils ne peuvent étre bien vus qu’à l’aide d'un bo1 microfcope. Il les compare à des poils. J'avois cru longtemps à l’exiftence de ces trompes microfco+ piques, & à celle des petits trous des mamelons dont le ftigmate eft garni. Mais je n'en fentois pas moins les diffi- cultés fans nombre que préfentoit l'intromiflion de la pouf. fiere dans ces trous, & leur route dans le canal ft étroit & fouvent fi long, qui doit les approcher plus ou moins de Vovaire. Ces difficultés ne me paroifloient pas entiérement applanies par la découverte de dla vapeur éthérée, & des sorpufcules infuiment petits qui nagent. Mais un large en
336 _ CONTEMPLATION
4
STE
MN E=———— CAO PER EME
Multiplication par rejettons
É: s Végétaux multiplient par rejettons. Ils pouflent des environs de la racine plufieurs jets, qui deviennent eux - mèmes des Plantes, & propagent ainfi l'Efpece.
Les branches & les plus petits rameaux peu- veut encore ètre regardés comme de véritables Plantes , entées, pour ain dire, {ur la Plante principale, & qui font corps avec elle.
LEs Germes répandus dans l'intérieur de la Plante, s'y développent fans fécondation fen- fibie, & cagnent la furface de l'écorce’ Ils s’
56
tonnoir que j'ai apperçu dans le piftil de qüélques Efpeces , & très-différent des trompes microfcopiques de M. NÉÉDHAM». a fait difparoïtre à mes veux ‘toutes les difheultés. Les ‘trois lobes de la tête du piftil que notre Obfervateur croyoit #e laier aucune ouverture enti'eux , font en quelque forte, leS levres d’une grande bouche qui s'ouvre dans le temps de l& Fécondation. C'’eft ce que j'ai expofé en détail dans un autre écrit. < 580 |
montrent
DEL A NATURE Part. VI 33%
montrent fous -la forme d’un petit corps oblong & arrondi, compolé de plufieurs pieces arran- gées fort proprement, & façonnées en maniere de tuyau, de coquilles , d’écailles , &c. Ce petit corps eft le bouton, qui renferme , comme la graine, fous plufieurs enveloppes , la jeune Plante , dont toutes les parties font repliées avec beaucoup d’art.
La petite tige pouffle à fon extrèmité {upé- rieure un femblable bouton. Ce bouton éclôt & produit une feconde tige, entée fur la prez
ere, & qui la prolonge. Cette nouvelle tige en produit une troifieme; celle-ci, une quatrième, & ainfi fucceflivement. Parvenu enfin à fon parfait accroiflement , PArbre fe trouve donc compolé d'une fuite de petits Arbres, mis bout à bout. Il en va de mème des branches & des rameaux , & tout cela n’a que la mème vie, & ne forme qu’un feul Tout organique.
Les Plantes à oignor pouflent au lieu de rejet: tons, des cayeux. L’oignon , formé de plufieurs membranes ou de plufieurs écailles pofées les unes fur les autres , renferme comme la graine & le bouton , une Plante en raccourci. Le cayeu eft un petit oignon qui pouffle {ur les côtés de loignon principal, & qui eft defliné
Tome L v
383 CONTEMPLATION
à lui fuccéder ou à le remplacer. Quelquefois: ce remplacement fe fait avec une promptitude & des circonftances qui furprennent. Pendant que loignon principal fe confume, le cayeu groffit & s'étend, & bientôt il devient oignon principal C1).
Ox peut regarder l’oignon comme une efpece de terre , qui s’épuife pour fournir à la jeune Plante des fucs convenables. On peut encore lenvifager comme un placenta, qui filtre &
prépare le fuc nourricier. ù
Les feuilles de quelques Plantes herbacées compofent des mafles fphériques affez compades, qui femblent faire l'office d’un oignon.
{x) +} Lorfque la Tulipe pouffle au Pritemps, on voit la tie fortir du centre & de la pointe de l'oignon. Mais quand on arrache en Été l'oignon, on eft bien furpris du déplacement fingulier de la tige, & on ne comprend pas com- ment il a pu fe faire. Cette tige, qui fortoit auparavant du cœur ce l'oignon , fe trouve appliquée à fon extérieur, & femble partir immédiatement de la racine. Il a fallu un peu d'attention pour percer ce petit myftere. La chofe eft pour. tant fort fimple, & fe réduit à une fubftitution clandeftine qu'on ne dèvine pas d'abord. L’oignon d'où la tige fort au Printemps, n’eft point c ui qu’on arrache en Été. Un autre o‘gnon fuccede au premier qui a péri peu-à-peu, & c'e contre le nouvel oignon que la tige fe trouve alors applis que.
DE LA NATURE. Part. VI 339
LA pomme du Chou s’épuife & fe confume pour fournir au développement de la petite tige qu’elle renferme. Placez une de ces pommes fur un vafe plein d’eau; elle vous offrira les mèmes phénomenes qu’un oignon de fleur.
EE. ————— CHA PUBRRE EX
VS
Multiplication de bouture , € la greffe.
: 50 branches que certains Arbres laiflent pendre vers la Terre, y prennent racine, & deviennent elles - mèmes des Arbres (1 ).
L'INDUSTRIE humaine étend beaucoup cette efpece de multiplication. D’une feule branche, d’une feule racine qu’elle partage en plufeurs parties , elle fait autant de Plantes individu. elles. Que dis - je! du moindre brin , d’une feule
(rx) tt De ce nombre eft l'énorme Baobab du Sénégal , dont le tronc a jufqu'à foixante & quinze ou quatre-vingts pieds de circonférence, & dont les maïîtreffes branches, qui en ont plus de foixante de longueur , s’inclinant de plus en plus vers la terre par leur propre poids, y prennent enfin racine. C'eft de la forte, que d’un feul Baobab il nait au bout de quelques fiecles une forêt, F
Y 2
ÿ55 CONTEMPLATION
feuille, elle fait un Arbre C2). Telle eft 1a multiplication de bouture.
Les organes effentiels à la vie , étant répandus dans tous le corps du Sujet, la bouture qu’on en détache, & que l’on plante en terre, peut faire par elle - mème de nouvelles productions : elle a tout ce qui eft néceffaire au développe- ment des radicules & des bourgeons. C’eft ainfñ qu’une fimple feuille poulfe des racines & végete par fes propres forces. |
IL eft une autre forte de multiplication très- remarquable, qui confifte à planter une ou plu- fieurs boutures , non dans la terre, mais dans le tronc ou dans les branches d’un Arbre vivant, C'eft la greffe, dont la premiere idée eft dûe peut.être à l’union accidentelle de deux branches ou de deux fruits.
La caufe prochaine de l'union de la greffe avec fon Swyjet eft dans l’abouchement des vail-
(2) tt J'& vu des feuilles de Chou & de Haricot, dont le pédicule étoit plongé dans l’eau, y pouffer un grand nom- bre de racines & de radicules, & végéter ainfi comme des Plantes completes. AGRICOLA avoit raconté bien d’autres pro- diges de ce genre ; mais qu'on regrette qu’il n’ayent pas été Vus par les yeux d'un Phjlofophe.
DE LA NATURE. Part: VI. 44
feaux féveux de l’une & de l’autre, & cet abou- chement dépend en dernier reflort du rapport des calibres , & fur-tout de celui des tiflus & des liqueurs.
À laide de la greffe, le Jardinier oblige le Sauvageon à donner les plus beaux fruits. Par cet art ingénieux , il rajeunit les Arbres, & cueille fur lAmandier la Prune , & fur le Frène la Poire.
La filtration & la préparation des fucs du Sujet par les vaifleaux de la greffe, donnent naifance à ces productions. Le bourlet qui fe forme toujours à l'infertion, & qui eft compofe de l’entrelacement d’un nombre prodigieux de fibres, eft un des principaux inftrumens de çes préparations (3). L’analogie plus ou moins
(3) tt Cette idée fur le: principal nfage du bourtet -dont il s’agit, a un grand air de vraifemblance ; & l'illuftre DUHAMEL, qui a tant enrichi la Phyfique des Plantes , y infifte beaucoup. Ce bourlet feroit ainfi une forte de glande végétale, qui fil- trerait les fucs propres à la greffe, Mais j'ai tenté une expé- rience qui ne femble pas favorable à cette idée : j'ai fait tirer au Sujet une teinture d'encre, & cette teinture a pañlé au travers du bourlet jufques dans la greffe, fans altération fen. fible. Au refte, c’eft du prolongement des vaiffleaux du Sujet & de ceux de la greffe, que naît peu-à- peu le bourlet qui £e_ forme à l’infertion. Çes vaifleaux vont à la rencontre les
Y 3
342 CONTEMPLATION
parfaite des fucs propres au Sujet avec ceux. qui font propres à la greffe, favorife plus ou moins le développement de celle-ci. Le rap- port plus ou moins prochain entre le temps où le Sujet eft en feve, & celui où la greffe a coutume d'y être, contribue aufli plus ou moins à la réuffite de l’opération.
CHABETR Es
Récénération des Végétaux.
Le corps de la Plante eft dans un travail continuel (1). Toujours il tend à produire,
uns des autres, changent fans ceffe de direétion , & s'abou- chent en une infinité de points.
(x) tt Prenez ceci au pied de Ia lettre. Les boutons qui ont éclos en Été, perfectionnent lentement leur fruit pendant les jours les plus froids de l’Automne , & même pendant l'Hiver. Remarquez que les branches des Arbres ne fe deffé- chent point ou ne maigriflent point pendant les plus grands froids. Elles reçoivent donc alors affez de feve pour Les main tenir ou à-peu- près dans l’état où la belle faifon les 2 laiffées, Cette feve n'eft pas abfolument oifive dans les boutons ; elle n'y abonde pas, il eft vrai, comme au Printemps, & fon mouvement eft fort ralenti : mais ce ralentiflement même peut étre utile au perfeétionnement des boutons & de le petite
DE LA NATURE. Part. VI. 343
tantôt une écorce, tantôt. un bouton , tantôt une racine, &c. Faites une plaie à un Arbre; elle fe cicatrifera. Un bourlet verdâtre fe mon- trera bientôt au haut de la plaie ; puis fur les côtés; & enfin vers le bas. Ce bourlet eft une nouvelle écorce, qui va recouvrir le bois , fans s'unir à lui. Donnez votre attention à ce qui fe pañle fur celui- ci : vous y appercevrez de petits mamelons ifolés & gélatineux ; de perites taches rougeatres, femées çà & là, que vous recon- noîtrez pour une écorce naïffante. Une matiere demi-tranfparente , blanchâtre, mucilagineufe , paroïîtra foulever cette écorce: Toutes ces pro- ductions gélatineufes s’épaifliront , fe prolonge- ront, fe fortifieront, & peu-à-peu ce qui n’étoit d’abord que gélatineux , deviendra herbacée, cortical , ligneux. La cicatrice achevera de fe former , & rétablira la communication entre. tous les vaiffeaux.
LE bois ne différe pas feulement de l’écorce par fà denfité , il a encore des organes qu’on ne trouve pag à cette derniere. Il paroïît pofléder feul des trachées (2). Lors donc qu’une nou-
Plante qu’ils renferment. La diminution confidérable de poids, qu'éprouvent en Hiver les branches détachées de leur Sujet. 2cheve de démontrer la vérité dont il s’agit.
| (2) + Puilque je parle encore des trachées des Plantes, +
due COCOON TE MPMATIT 0 N
velle écorce femble fe convertir en bois, cetté converfion n’eft qu’apparente. La Nature ne crée pas plus des trachées, qu’elle ne crée une Plante toute entiere. Mais une multitude de fibres appellées à devenir bois , préexifteut fous la nouvelle écorce, & fe développent avec elle & par elle, comme nous verrons le Papillon fe développer dans la Chenille & par la Chenille. Tandis que le bois n’eft encore qu’une goutte de mucilage , il n’elt pas moins bois que lorfque 4 transforme en colonne, il portera le poidssé énot- me d’un édifice.
Daxs lunion de la greffe avec fon Sujet, on voit de mème une fubftance glatineufe naître
je dirai un mot d’une expérience remagrquable du Savant REICHEL. On fait que MaLPiGHI avoit cru que les trachées ne contenvient jamais que de l’Âir; mais que GREW avoit affuré qu’elles contenoïent quelquefois des liqueurs. En faifant tirer une infufion de bois de Fernambouc à différentes Plantes, foit herbacées, foit ligneufes, Mr. REICHEL a vu que les trachées admettoient l’infufñon , & qu’elles fe coloroïent inté- rieurement. Cette expérience mériteroit bien d’être répétée. Si l'Obfervateur ne s’eft point trompé, elle prouveroit que les trachéçs ont plus d’un ufage,
Il y auroit encore une autre obfervation curieufe à répéter fur ces vaifleaux foiraux, fi artiftement conftruits ; c’eft celle de ce mouvement ondulatoire que MALPIGHI dit y avoir ad- miré en Hiver,
DE LA NATURE. Par VE 345
de l’une & de Pautre , fe répandre, fe ramtifier, fe pelotonner dans tous deux, devenir par degrés herbacée , corticale , ligneufe, & former au-deflus de linfertion , un bourlet qui la recou- vre entiérement.
ArNs1 tout le corps de la Plänte eft garni intérieurement de petites fibres , de petits vaif- feaux invifibles, qui n’attendent pour fe déve- lopper que des circonftances favorables. Une plaie , une incifion , une fimple ligature font de pareilles circonftances. Ces fibres font les élémens de couches corticales ou ligneules, qui en s'étendant en tout fens, fourniront aux ré- parations néceffaires. La plaie , lincifion , la liga- ture occafionnent une dérivation des fucs nour- riciers vers ces fibres invifibles , les dévelop- pent, & nous les rendent fenfibles.
CE que ces fibres opérent dans la régénération de l'écorce ou du bois, les Germes l’opérent dans la reproduction d’une branche ou d’un rejetton. Les fibres de l'écorce ou du bois ne fe réuniflent pas en paquet pour compofer un bouton ou une branche en miniature. Cette branche eft déja toute formée dans fon Germe; elle y poffede les élémens de toutes les couches,
346 CONTEMPLATIONEE
{oit corticales , foit ligneufes , qu’elle offriræ
dans la fuite fous d’autres proportions, Nous:
nous occuperons des Germes dans les Parties.
qui fuivront; nous ne faifons à préfent que les.
efleurer,
Fin du premier Polume.
DEÆES CIHMABPITMRES
Contenus dans ce volume.
=
PREMIERE PARTIE. DE DIEU ET DE L'UNIVERS EN GÉNÉRAL.
bonnes | Page 1 CHAPITRE Î. La CAUSE PREMIERE. 2 CHap. IL La Création. 3 CHap. IIL. Unité € bonté de l'Univers. 4 CHap. IV. L'Univers confidéré duns fes grandes Parties. 8 Cap. V. Pluralité des Mondes. 29 CRap. VI. Divifion générale des Etres. 3 CHap. VIT Enchaïnement univerfel ou l'harmonie de P Univers. 36 a nes mere
SECONDE PARTEE.
DE LA PERFECTION RELATIVE DES ÊTRES,
Cuap. L Difribution générale des Etres terref- ÎTes. 42 %
348 TABLE Cap. IL De la perfeëtion en général, € de fes
efpeces. Page 43 Cuap. IL De /a per feGion corporelle. 44 Cap. IV. De la perfeëtion fpirituelle. 4$
Car. V. La vie terreftre €S [es efpeces. 46 CHap. VE Variétés des Mondes. 47 CHap. VIL Idée de la Souveraine Perfection
mixfe. -- 48 Caap. VIIL Les Efprits purs. 49 Cuar. IX. /smmenfité de la chaîne des Etres. S$1 CHar. X. Efpeces moyennes. s2 CHar. XI Conféquences. 53 Cap. XIL Idée du nombre des degrés de PE-
chelle. $4 CHap. XIII. Sets fur la confruffion de PE-
chelle. s$
a
TROISIEME PARTIE. VUE GÉNÉRALE DE LA PROGRESSION
ee
GRADUELLE DES ETRES. CHap. I. Les Elémens. $6 CHap. IL Trois Genres des compofition dans les Corps. 59 Cxape. II. Des Fluides en général, ë de quel- ques Fluides en particulier. 60 CHap. IV. De quelques Solides bruts ou nou-or- £anifés. 64
Cxap. V. Paffage des Solides bruts ou non-orgu- nifés.
3
DES CHAPITRES. 345
Les Pierres feuilletées. Les Pierres fibreu- fes. Page 8x CHap. VI Deux Claffes de Soldes 07 De Dificultés de diflinguer ces deux Claf[es. CHap. VIL De quelques Efpeces de Plantes, se la forme s'éloigne beaucoup de celle qui eft propre aux Plantes les plus connues. 86 Cap. VIIL Des Plantes en général. 92 CHap.IX. Vue de l'extérieur des Plantes. 93 CHapr. X. Vue de l'intérieur des Plantes. 97 CHar. XI. Des couches concentriques des Plan-
tes. 99 CHap. XIL Effers qui réfultent de l'organifation des Plantes. IOI CHapr. XIIL Paflage des Végétaux aux Animaux La Senfitive. Le Polype à bras. 102 CHap. XIV. Réflexions [ur les machines anima- les. 110 Car. XV, Réflexions fur le Polype. . 112 CHap. XVI Des Vers qui peuvent étre multi- pliés de bouture. 114 Caare. XVII. Des Infeëtes en général. 115 CHar. XVIII. L’extérieur des Iufectes. 118 Car. XIX. L'intérieur des Infetes. 127
CHar. XX. Pafflage des Infeëles aux Coquillages. Les Vers à tuyaux. Réflæxions fur ce pallage. 136
CHar. XXI. Les Coquillages. 138 Cuap. XXII. Paflage des Coquillages aux Reptiles.
La Linace. 148 CHar. XXII. Les Reptiles. 149
Car. XXIV. Palläge des Reptiles aux Poiffons.
]
350 TABLE
Le Serpent d'eau , les Poiffons rampans , l An: guille. Pagerst Car. XXV. Les Poiffons. 152 Car. XXVI. Pafflage des Poillons aux Oifeaux. Le Poiffon volant : les Oifeaux aquatiques : les
Oifeaux amphibies. "ITS CHar. XXVIL Les Oifeaux. 164 Cap. XXVIIL Paflage des Oifeaux aux Quadru.
edes. PAS fouris : PEcureuil volant ; l Autru.
chere. ce 169 Cuar. XXIX. Les Quadrupedes. 172 CHapr. XXX. Paffage des Quadrupedes à | Homme.
Le Singe. 17$
QUATRSEME .PARTME
SUITE DE LA PROGRESSION GRADUELLE DES ETRES.
CHapr. IL Des Animaux confidérés comme Etres mixtes. Supériorité que la faculté de fentir donne a l'Animal fur la Plante. 77
Char: IT. Réflex ion fur l'infenfibilité qu'on attri- bue aux Plantes.
179 Cap. TL. Dificulré [ur la conffruition de l' Echelle
aninale. Réponfe a cette difhculté. IST CHap». IV. De la portée de Pinflintt des Animaux.
Maniere d'ex juger. 184 CHap. V. Quefion jur les Ames. 185
DÉS CHAPITRES. 3$£
Cuap. VI L'Homme confidéré comme Etre cor
porel. Page 187 CHapr. VII. L'Homme doué de raifon, cultivant
les Sciences ES Les Arts. 190 Cuap. VIIL L'Homme en fociété. 193 Cap. IX. L'Homme en commerce avec DIEU
par la Religion. 194 Cap. X. Gradations de l'humanité. 196 Car. XI. Gradations des Mondes. 20t Car. XIL LES HIËRARCHIES CÉLESTES.203 CHap. XIIL Réflexions. 20$ LE - = |
CENQUAEMEUPARTIE: DE DIVERS RAPPORTS DES ETRES
TERRESTRES.
CHap. I Réflexion préliminaire. 21$ Cap. IL L'union des Ames à des Corps or-
gailés. 216 Cuap. III. Les Perceptions € les Jeufations. 217 Cap. IV. Les pafjions. 220 Car. V. Le Tempérament. 222 CHar. VL La Mémoire € l’'Imagination. 224 CHapr. VIE Les Songes. ‘1220 Cuap. VIIL Réflexion. 232 Cap. IX. La vue. 233 CHap. X. La méchanique de la vifien. . 236 Caar. XL Les couleurs. 243 CHap. XIL Conféquences. 252 CHap. XIIL. Le Feu. 25
Car. XIV. L’Ær. d 270
352 TABLE DES CHAPITRES.
Cap. XV. L'appropriation des Animaux à di: vers Climats, a divers Lieux, à diverfes Ma-
tieres. Page 282 CHar. XVI. La laifon des Etres terreftres por leurs fervices mutuels. 283
CHar. XVIL Les transformations que fubiff[ent diverfes matieres, [ur-tout par l'adion des Machines organiques. 285$
———_—_—© ————
+
SIXIEME PARTIE. DE L'ÉCONOMIE VÉGÉTALE.
Car. IL INTRODUCTION. 29% Cuap.Il. De l'Economie organique en général. 292 CHar. IL Nusrition des Plantes par les racines € par les feuilles. 293 Cap. IV. Direition des Feuilles ; leur retourne- ment , le repliement de la tige. 313 Cap. V. Efquiffe de la Théorie des mouvernens de la feve. 377 CHap. VI. La Germination €3 l Accroiffement. 323 CHap. VIL Multiplication par la graine. Difinc- tion de fexes. "ES ER Car. VIIL Multiplication par rejettons. 336 CHapr. IX. Multiplication de bouture €ÿ la Greffe. 339 Car. X. Récénération des Végétaux. 342
Fin de la Table, | INDICATION
393
RH HR MR
INDICATION
Des nouveaux Chapitres & des Notes princi- pales ajoutées par l’Auteur à cette nouvelle Edition.
a — ——— ————
PREMIERE PARTIE
CHA PE TRES TV. No I. Sur le Satellite de Vénus. Page 9
NOTE 2. Sur l Anneau de Saturne. 10 NOTE 4. Sur les Cometes. 12 NOTE 7. Sur les révolutions diurnes ES annuelles
des Planetes. 1$ NOTE 12. Sur les Couches de la Terre. 18
NOTE 13. Sur les divers ordres de Montagnes, fur les imatieres dont elles font formées , €ÿ
leur arrangement. 19 NOTE 14. Sur les glaciers. 2E Note 18. Réflexion fur lanalogie des Planetes
avec la Terre. 2$ NOTE 19. Sur les Taches du Soleil. 26
CEA PAIE REV
NoTe 1. Confidérations [ur la pluralité des Mondes. 29 Tome I. Z
gs4 IN DICATION
NoïTe 3. Lévere efquifle du Syftème du Monde du célebre LAMBERT. Page 33
oo
LR ONISST EM RE SP ARS EERE CHAPITRE PREMIER:
OTE 1. Sur les Elémens. Page $7 CU SA BAECT RE CNITOIE
NOTE 1. Sur les Fluides en général. [fe Norte 3. Sur le Feu 3 le phlogiftique. 6t Note 4. Sur l'Air €S fur l'Eau. 63
C'A A PET RENTE V:
NoTE 1. Sur lu Terre élémentaire, €ÿ à cette occafion fur léchelle des Minéraux. 6$ * NoTE 2. Sur lu Terre calcaire € [on erigine. 66 NoTE 3. Sur les Bitumes. 67 NOTE 4. Sur les Métaux en général €ÿ F leurs principes confiituans. Réflexions a ce fujet. 68 NoTE $. Sur l'Or en particulier. ie NoTE 6. Sur la Piatine €ÿ fur l'argent en par- ticulier. 7E NoTE 7. Sur le Plomb €ÿ les autres Métaux parfaits € [ur le Mercure. | ibid. NoTE 9. Sur l'Arfenis €©ÿ [ur les Vitriols. 73 NoTE 10. Sur les Sels ES leurs principes conf- FLLUONGS, 74
DES NOUVEAUX CHAPITRES ; &c. 356
Note 12. Sur les Cryffalifations en général € fur la différence ‘ellentielle qui eft entre l'or. ganifation €$ la cryftalli{ation. Page 76
NoTE 13. Sur les Pierres € leur formation. 77
CHA RP RE UV EL Note 1. Sur les Byfus, la Trémelle €$ la
Truffe. 86 NoTE 2. Sur les Champignons, 1 87 NOTE 3. Sur les Lychens. 89 NOTE 4. Sur les Moififfures. 90
CHAPITRE X NoïTE 3. Sur les Vaiffeaux propres des Plantes, 98 ROPR PATIRLE :X-ETT
NoTE 1. Sur la Senfitive €3 fur l'Attrape - mou: che. 10Z
EVER BUICK EE", XVI TT
NoTE 1. Sur les trompes © les aiguillons des Hi
Jectes en général. 119 NOTE 2. Sur les yeux des Infecles. 120 NoTE 4. Sur les ailes des Papillons. 12$
CHAPITRE. XIX,.
NoTE 1. Précis des découvertes de Mr. LYÔNET fur la fruëfure de la Chexille.
Z 2
ÿé6é : ÉN DICATION CHAPITRE XXI.
NoTE 1. Sur un Limaçon fingulier qui cafe fe coquille à mefure qu’il croit. Page 138 NoTE 2. Sur la formation des coquilles. Erreur à ce Jujes. 140 NoTE 3. Sur le Coquillage cryflalin de Swam- MERDAM. 141 NoTE 4. Idée de l'appareil! des mufcles qui fons mouvoir la tête du Limacon terreftre. 142 Norte $. Sur lo firutture des yeux de P Efcargot
ou du Limnacon comnmn. 143 NOTE 6. Limacons de Mer carnivores. 14$ NoTE 7. Sur les organes de la circulation chez
l'Efcargot , € réflexion à ce fujes. 146
CH A PFEFR EX X EVE
NoTE 1. Remarques fur le now: de Reptiles. 149 Norte 2. Généralités fur lorganifation des Rep.
riles. Ibid. CHR ASP BOB E UX KV Note 1. Remarques [ur la Baleine. 152 Note 4. Sur les organes de la vue €ÿ de l'ouie chez les Poiffons à écailles. 14 Note $. Jdées de lorganifation des ouies chez les Poiffons à écailles. 15$
NoTE 6. Sur la veflie à air des Poiffons. 157 Norte 8. Généralités [ur x flrufure des Poiffons à écailles , pour faire juger de l'accroiffement de la perfection organique dans cette partie de Péchelle de PAnimaliré. 157
DÉS NOUVEAUX CHAPITRES , &c. 357 EHAPITRE AXVI
NOTE 1. Sur le Poiflon volant. 159 NOTE 2. Du Lion-marin, €à à cette occafion, des
Phoques en général, Ibid. NOTE 4. Sur l’Hippopotante. 161 NOTE $. Généralités [ur les Cétacées. Ibid. NOTE 6. Remarques Jur la gradation des Poëffons
aux Oifeaux. ‘ 162
CHAPITRE X%VIL
Note 1. Sur les fens des Oifeaux : [ur lapproprir- tion de leur charpente offeufe à leur genre de vie, ©S fur quelques autres particularités de leur firuêfure , qui peuvent faire juger de la perfection organique daus cette clafle d'A- HiHAUX. ! 164.
CHA PILTIRE KXVWIIL
NoTE 1. Remarques fur la Chauve-fouris. +69 NOTE 2. Sur l'Ecureuil-volant. 170 Note. 3. Sur / Autruche. Ibid.
C'HAPAETRE: XX 3 X. Norte 1. Remarques fur les Quadrupedes. 172 NOTE 2. Sur les points de vue analogues que pré-
Jentent les Quadrupedes €& les Oifeaux. 173 COENASECE ER UE CE NoTE 1. Sur les Singes en général, €ÿ l'Orang-
outang en particulier. 17, Z3
38 INDICATION
|
————
QUATRIEME PARTIE.
CHAPITRE III.
Note 1. Réflexion [ur le pallage des Quadrupedes a l'Homme. Page 183
CHA PL ERIE LV:
NoTe 1. Sur la queftion ft les ames ont été variées comme les corps. 186
CHOLET TURRE OUTRE
NOTE 1. Du cerveau de l'Homme comparé à celui des Animaux. 189
CHA PE ETRIEEC
NOTE 2. Sur les Lappons € [ur les Pygmées. 197 NOTE 3. Sur les Patagons. 198 NoTs 4. Portrait de l'Hottentof. Ibid.
EC HA PEXRENXE NoTeE 1. Sur les gradations des Mondes. 202 CHAPITRE XIE
NOTE 1. Sur la grandeur de l'Univers , €$ [ur le Ciel des TNTELLIGENCÇES SUPÉRIEURES. Paflage de LEBNITZ 4 ce fujer, 203
DES NOUVEAUX CHAPITRES, &e. 358 CHAPITRE KILI L
NorTe 1. L'Univers confidéré comme une immenfe Bibliotheque. Page 205$ NOTE 2. Sur le frege de l Ame. 207 NOTE $. Sur lu petite machine éthérée que l Au. … teur fuppofe conjlituer le vrai frege de l Ame. 210
NOTE 6. Sur la Perfonnalité. 2YE
er
EN OU LE ME :P ART I UE, ; GH-A P LTIRE. NV. NOTE 1. Sur le Phyfique des PafJions. 223 CH OA PAR RE VE NOTE 1. Sur le phyfique de la Mémoire. 226 PAP ALUTARE NX
NoTE 1. Sur les milieux en Optique. 238 NoTE 2. Perfection de lorgane de la vue dans l'Homme. 241
GAP TL Ten EXiL
NOTE 4. Sur l'étiolement €7 [ir les altérations que la lumiere produit daus les couleurs de diffé. Yens Corps. 249 NOTE $.Expérience qui prouve que l'air colore le
274
360 INDICATION
fang. Page 25e NoTE 6. Sur le Coquillage qui donne une couleur pourpre. 251
CEA D LIRE NX LEE
NOTE 2. Le Feu ou le Phlogiflique confidéré comme le principe de la couleur €ÿ de la duétilité des is ; €S comme le principe des couleurs,
des faveurs , ©ÿc. Cometture fur la nature
du Phlogijtique. 256 NOTE 3. De quelques effets finguliers du fluide électrique. 257
NOTE 4. Effets furprenans de l'action des FR
plans. NOTE $.Sur l'électricité de la Torpille €5 de PA : guille de Surinam. Analogie du fluide électri.
que avec le fluide nerveux. 260 NOTE 6. Sur l'éleftricité médicale. 263 NOTE 7. Sur électricité aërienne , €S fon analogie
avec le Tonnerre. 26$
CH A PAST RE! X IV:
Note 1. L’'Athinofphere envilagée comme le ré. ceptacle de tous les corps. 270
Notre 2. Lévere efquifle des nouvelles découvertes für les dtérentel fortes d'Airs, €ÿ [ur læ combinaifon de Pair commun avec différens Corps. 2I7E
Norte 3. Idée de l'organe de louie dans P Hoinnie. Variétés de cet organe en différens Ani- MAUX. 277
DES NOUVEAUX CHAPITRES, &c. 367 CPR AN PORIT RÜE RU V À T
NorTe. r. Sur l’equilibre qui regne entre toutes les parties de notre Monde. Page 285$ NoTeE 2. Sur les Corps organifés confidérés comme les grands combinateurs des Elémens : que les Végétaux font encore les grands Dépurateurs de l Athmofphere. 286
TO QG QC QC
RODX PEIME EP LR EE. CH'AP LLR ES LE
NoTe. 1. Différentes confidérations [ur la nourri. tive des Plantes. Expériences qui démontrent quil wentre que fort peu de terre vévérale dans cette nourriture. Réflexions [ur la vé- gétation des Plantes dans Peau pure. Obfer- vetions qui prouvent que chaque Efpece de Plante ne [e nourrit pas de fics qui lui [ons appropriés. Moyens dont la Nature Je fers pour affimiler la même nourriture à diffé. rentes Efpeces de Plantes. 293
NoTE 2. Autres confdérations [ur l'affimilation des fucs nourriciers dans les Plantes. Précis de diverfes expériences [ur la vécétation des Plantes dans la Moufle, €ÿ duns d'autres matieres que la terre. Réflexions fur Pigno- rance profonde où nous foinmes encore des myfieres de la végétation. 298
362 EN DE CAT ON
NOTE 3. Expérience pour déterminer l'endroit dei racines par lequel le fuc nourricier s'introduié
dans le corps de la Plante. Page 299 NoTE $. Sur la route de lu feve dans l'intérieur de la Plante. 300 NoTE 6. Réflexions fur ce qui conflitue la puif- Jance vitale dans les Plantes. 301 NoTe 7. Réfultats de différentes expériences fur la tran/piration des T'lantes. 303 NOTE 8. Obfervations [ur l'anatomie des feuilles des Plantes. 304 NOTE 9. Remarques fur la rofce. 307
Note 10. De la difiribution fymimétrique des feuilles autour de la tive €S des branches,
ES fur la caufe fus de cette difiribution:
303
NOTE 11. Expérience ee prouve combien la [ur- face inféri ieure des feuilles des Arbres eff plus propre a pomper l'humidité que la furface op- pojée. 310 Note 12. Cou/dérations [ur les ufages des glandes corticales des feuilles des Plantes, €S [ur les ufages des feuilles en général. Ibid.
CA APN TOR PERTE
NoTE 1. Des mouvemens en apparence fpontanés des tiges €ÿ des feuilles. Circonftances remar- quables dans lefquelles ils ne laiffent pas de s'exécuter. 315$
NOTE 2. De la méchanique fecrete qui préfide au jeu des tiges € des feuilles. 316
DES NOUVEAUX CHAPITRES , &c. 363
CHAPITRE: V.
Note 1. De la fameufe queftion fi la feve circule dans les Plantes comme le [ang dans les Ani. Maux. Page 317
Note 2. Effet de la chaleur [ur le développemens des boutons qui y font feuls expofés. - 319
NOTE 3. Expériences qui prouvent que la furface inférieure des feuilles eff moins propre à ré- fifter a l'affion direile du Soleil, que la [ur- face fupérieure. Caufe de cette différence. 322
CHAPETRE ML: NoTE ï. Réfultats de l’analyfe chymique de la
farine de Froment. 223 NoTE 2 Sur les lobes ©ÿ fur les feuilles [éminales €S leurs ufages. Ibid,
CO APP EURE EN RE
NOTE 2. Fleurs hermaphrodites, €ÿ fleurs fe- melles qui fe rencontrent à la fois fur le mène Individu. 329
NOTE 3. De la fécondation artificielle des Pal miers €3 des Thérébinthes. Réflexions à ce fujet. De la caprification. Différentes fortes de fleurs. Ibid.
NoTE 4. Difpofitions particulieres des parties fexuelles des Plantes , qui femblent choqueri le veu de la Nature: moyens qui y rermédient.
333
Note 5. Rapports de la flrutfure des parties
Jexuelles à la fécondation. 334
564 INDICATION,&e CHAPITRE VIII.
Note 1. Singularité de lPoignon de la Tulipe.
Page 338 * CHAPITRE.IX
NoTe 1. Le Baobab du Sénégal. 339. Note 2. Feuilles qui poufloient des racines. 340 Note 3. Remarque fur le principal ufuge du bourlet qui fe forme à Pinfertion de la greffe avec [on fujet. 341 CHAPITRE X. NOTE 1. Que la feve ef dans un travail conti- nuel, même en Hiver. 342 NoTE 2. Obfervation qui prouve que les trachées
des Plantes contiennent quelquefois des li- queurs. 344
Fin de la Table.
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