A0 24 ll lfsghel” ET A Pen Ar | és À MBS TPE LR EE DE. Lu F PEN É Le CR COSMOS ESSAI D’UNE DESCRIPTION PHYSIQUE DU MONDE Digitized by the Internet Archive in 2010 with funding from University of Ottawa http:/www.archive.org/details/cosmosessaiduned01humb COSMOS ESSAI D’UNE DESCRIPTION PHYSIQUE DU MONDE PAR ALEXANDRE DE HUMBOLDT, TRADUIT Par H. FAYE. Un des astronomes de l'Observatoire royal. de Paris, « Naturæ vero rerum vis atque majestas in omnibus momentis fide caret, si quis modo partes ejus ac non totam complectatur animo. » Puix., H. N., lib. vu, cap. 1. Deuxième édition milanaise AUGMENTÉE DES NOTICES SUR L'AUTEUR Par A. DE QUATREFAGES. PREMIÈRE PARTIE. MILAN, CHEZ CHARLES TURATI IMPRIMEUR-LIBRAIRE, CORSO FRANCESCO, VIS-A-VIS LA GALERIE DE-CRISTOFORIS. 1846 AC CE a F # 4% + L #e se» sir fiétf 4 à ag oh al ps. ge . * é fe nu PL SUR TR ty Pa faut ve tu A Fe" FA ] { 4 tbe abétaitu sue À un. . + e F | tin “aphataaleqertet) date cha nf 4 | n L _ 3% 4 4 or Ai nu M fi: 13 | b : Es » | ES Fe 2 Fu ei # L à! | à EE er | es AN un R 74 V Rien À à roi nés LE Ps Le A | " | : 4T Tr DEL I FAA 11% dt » nn LA À 4 ee Li DA TUAT AU Sa . A 4 : | : { 7 *. = LL | Mir 2 AAA À à. ss " N” A " Lee . RE RUE ANA CE : AAA HI TANYE 2%. LH . he NE AVR DE crane md è | h » 4 ù * 4 un, rt D. Done. | : Fr qhox * 7 Ze s _% è ni Lé EE | 4 0 LE : ë u l TABLE DES MATIÈRES —2-333-Q0-<€€Ee— NORICES SURAL AUTEURS . De Oo 0, to à en ON L AVERTISSEMENT DU TRADUCTEUR. «+ + + . + « + . . . . 5 xvn PRÉFACE DE L'AUTEUR: 05 Ve. 0. CPR 0 en ee ce eee er XXI INTRODUCTION. Considérations sur les différents degrés de jouissance qu'offrent l’as- pect de la nature et l'étude de ses lois. . . » Limites et méthode d'exposition de la Mesertption 5hyaiaté du mondé. ‘27. “4 “7, 04. 0 00 PANPIINEIORMNON 290904, 5x LE CIEL. Tableau général des phénomènes célestes. . . . . . . . »# 87 Nébuleusess Pass, vit Jo OEIMBSOR COUPANENID ERNST, AOINENAIES ÉtoHesnébuleuses. . -. *. :.! 29220) ZAR INooRS y Systèmes stellaires. . : .° . "1080, AUS) SOA 66 Notre syslémenstetaire!" SNIUR D ON 0 MONO S 69 Systeme solaire el, : +, +... < OMOISOIOR SONO ss 70 Planbtes 1." "en. 1, RRNS 09 (PIE VIE ISO t Satellites: + CORRE 0, Lie 0e NN 5 74 Comètes. . . . selon" st où SOROR 002: 79 Étoiles filantes, bolides, er olithes. BPM OISE 5 90 Eumiére zodiacale. SAN 2e. «00 SPENCER Ts 110 MEMSOIELTE ER. EPPERREONORN FROM EMERIBENTSS 425 Son mouvement de translation da éspéce à RECRNONNES + SMS 446 Mouvements propres des éloiles . , . , . . . pag. Étoiles doubles D. © OO UP. ” Distances, masses, diamètres apparents des étoiles. » Aspect variable du ciel étoilé. SPRL: > Centres d'attraction parmi les groupes d° étoiles. +110 » Voie lactée formée de nébuleuses. . PL Propagation successive de la lumière, 5 LA TERRE. Tableau général des phénomènes terrestres. 5) Eigure de la Terre. . . . » Densité de la Terre: . . . . . . . . . . » Chaleur interne de la Terre. TNT OST : (CE Température moyenne de la Terre. 5» Magnélisme terrestre. . . . TRE . 5 Lumieres polaires ou Aurores bureules, 21 Te ÉD Réaction de l’intérieur du globe contre les couches A . 9 Tremblements de terre. . . -". . . .… « see 3 Émissions gazeuses. LE : in ed Pa 5) Sources thermales et sources “ories » Velcans de boue. + … : . . .. 5 Volcans. : - . ‘ » Description ie dé l'écorce du Sidbe. » Formes fondamentales des roches. . . 5 Roches endogènes ou roches d'éruplion.. . . . » Roches exogènes ou roches de sédiment, . 9» Roches métamorphiques. . . . DUR PET Production artificielle des minéraux Fu 5) Conglomérats. - ROUTES 5 Constitution chimique des féches, en général. 5) Age relatif des roches. . . farm ntdie ee 1-00 Paléontologie, restes organiques sie 152 Paléozoologie, animaux fossiles. . , . . . . . PC) Paléophytologie, végétaux fossiles. . . . . . . 5:59 Paléogéographie; état de la surface du globe aux différentes époques géologiques. . . . . % . . . . . Géographie physique, en général. La terre ferme... 0 UT MR 0. 7 L'océan. Se L’atmosphère, Hétébrotogte: ousidcshe 231 S OT REINE Pression atmosphérique. . . . :. + Saba Climats, distribution géographique de la chaleur, lignes mes , isothères , isochimènes. . . . . , LE] $ 32 . LE] L] . . L)] . . 2] isother- . . 3 116 118 119 120 121 122 124 Limite des neiges perpétuelles. . . . . . . . . . pag. Hygrométrie. 2 Te SNS PR A NN ARE : rs EU Électricité sinosphérique A MIOIE Re MER. 7 Dépendance mutuelle des phénomènes étéotologiqies AD VIE ORGANIQUE. Tableau général de la vie organique. . . ‘. . . ,. . . . 9» Considérations sur la géographie des plantes et des animaux. » L'hOMMERET L'EAU ue LANG SUR 4. NOTES LUS ae de hall sé vi la: 281 283 286 288 296 296 500 509 0x 11 n. QE He eu Le _ 0 purent rain iv | ES 1f Let Li n # ad . L : LEUR 1 (eee se ét nn de ALL | UN " h on submit end JE run Ai ble pi) NOTICES SUR L'AUTEUR Alexandre de Hamboldt naquit à Tegel, à deux lieues de Berlin, en 1769, dans cette année mémorable où la France enfantait à la fois Châteaubriand, Cuvier, Napoléon. Son père était un de ces gentilshommes prussiens qui offrirent leur for- tune enfière à Frédéric-le-Grand pour soutenir les dépenses de la guerre de sept ans. Sa mère appartenait à une de ces colonies françaises que la révocation de l’édit de Nantes et les persécutions religieuses fondèrent en Allemagne, et qui, sur la terre étrangère, conservaient pieusement la langue de leur première patrie. Aussi, dès sa plus tendre enfance, le jeune Alexandre parla-t-il indifféremment le français comme l'allemand, et celte circonstance nous explique comment il a pu plus tard écrire dans ces deux langues avee une égale facilité. y A A Les premiéres années de M. de Humboldt furent remplies par des occupations aussi sérieuses que variées. Après avoir terminé son éducation classique sous la direction de Forster, paturaliste des expéditions de Cook, el à côté de son frere ainé, le célèbre philologue, il étudia d’une manière {théorique el pratique l’art du mineur, el s'occupa de sciences naturel- les, de physique, de chimie, de minéralogie, de technologie, d'astronomie. Il entra à l'école de Freyberg, et s’y fit remar- quer de telle sorte qu'à peine âgé de vingt-trois ans, nous le voyons chargé de diriger l'exploitation des mines dans les montagnes du Fichtelgcbirge. Un an après, il publiait un travail relatif à la faune de Freyberg, destiné principalement à faire connaitre les cryptogames ou végélaux inférieurs qui tapissaient les galeries souterraines confiées à sa surveillance. Mais une carrière qui le condamnait à des habitudes sé- dentaires ne pouvait convenir à l'élève du compagnon de Cook. Déjà dominé: par la passion des voyages, M. de Hum- boldt visite rapidement la Hollande, la France, l'Angleterre, et publie en deux volumes le récit de ses excursions sur le Rhin. Puis il retourne à Gœætlingue, se livre, sous les veux de Sæmmering, à l'étude pratique de l'anatomie, s'exéree aux analyses et aux manipulations chimiques, et, faisant déjà aux questions les plus difficiles l'application de ces diverses sciences, il publie des recherches sur la germination, sur la respiralion des plantes, sur l'analyse de l'air, sur Firritabilité des fibres nerveuses el musculaires par le galvanisme. Ce dernier travail fat surlout remarqué. Pour donner à ses re- sultats {toute la certitude possible, l'auteur n'avait pas craint de faire sur lui-même des expériences douloureuses, el, à l'aide de vésicaloires, il s'était enlevé par plaques la eauche on — tégumentaire épidermique, afin de mettre immédiatement en contact avec l'agent irritant les parties sensibles de lorga- nisme. Au reste, tous ces travaux n'étaient pour M. de Humboldt qu’un moyen de se préparer à l’accomplissement d’un projet qui a été le rêve de sa vie entière sans qu'il ait jamais pu le réaliser. Les conversations de Forster lui avaient inoculé fa passion des voyages lointains : celles qu’il avait eues avec son frère lui faisaient regarder l'Asie méridionale comme la eon- trée la plus propre à récompenser par une ample moisson de découvertes les fatigues et les périls de l'expédition, et le jeune savant appelait de tous ses vœux le moment où il lui serait permis de sonder les mystères de cet antique berceau du genre humain. La guerre qui désolait l'Europe et opposait des obslacles sans cesse renaissans à l'accomplissement de ses désirs sembla lui offrir une occasion des plus favorables: il la saisit avidement. C'était après le siége de Mayence. Des pourparlers s’échan- geaient entre les armées belligérantes, et M. de Hamboldt, secrélaire du prince de Hardenberg, était chaque jour envoyé en mission au camp de Moreau. Là il rencontra Desaix, alors chef d'état-major de ce général, et qui se distinguait, au mi- lieu des rudes soldats de la république, par la douceur de son caractère. Les deux jeunes gens se lièrent intimement. Desaix confia à son ami les desseins encore secrels de Bonaparte et le projet de l'expédition d'Égypte. Arriver dans FInde en passant par la terre des Pharaons e’était pour M. de Hum- boldi plus qu'il n’eût osé espérer. Aussi son parti est-il pris sur-le-champ. Il quitte les armées allemandes, se rend à Paris, el sollicite auprès du directoire la permission d'accompagner cas À ee l'expédition. Après une longue attente, il reçoil un refus for- mel. Sans se laisser arrêter par cet obstacle, M. de Humboldt veut en appeler au chef réel de cette belle entreprise. I prend la poste el arrive à Marseille; mais, pour tromper les croi- sières anglaises, Bonaparte avait avancé le jour du départ, et, au moment où notre voyageur touchail aux rivages de la Mé- diterranée, 11 aurait pu voir disparaitre à l'horizon la flotte qui emportait nos soldats vers les terres d'Afrique. Aussitôt il quitte la France et se rend en Espagne; il croit pouvoir s’embarquer à La Corogne, gagner les côtes de Barbarie, et rejoindre lParmée française en profitant des caravanes qui vont de Tripoli au Caire à travers le désert. Déjà ses bagages sont expédiés, mais de nouvelles difficultés s’élèvent, et il se voit forcé de renoncer à ce dangereux itinéraire. Tout autre eût abandonné sans doute un projet si rudement traversé: ces obstacles mêmes ne font qu'irriter l’ardeur de M. de Humboldt. La Méditerranée, l'Asie, Afrique, lui sont fermées; eh bien! il ira par l'Océan et l’ Amérique. Par l’inter- médiaire de son frère, qui jouissait déjà d’une haute consi- dération, il sollicite et obtient du roi d'Espagne la permission de visiter les colonies espagnoles d'Amérique. Certain de ren- contrer dans ces régions lointaines l'accueil franchement li- béral qui seul pouvait rendre son voyage utile, il part sur- le-champ. Il ne voulait alors que traverser le continent ameé- ricain, gagner le port d’Acapulco sur l’Océan Pacifique, là s’embarquer sur le navire qui se rend annuellement aux Phi- lippines, et atteindre enfin, après avoir fait les trois quarts du tour du monde, cette Inde qu’il brülait de visiter; mais, en mettant le pied sur la terre d'Amérique, M. de Humboldt se vit entouré de trésors jusqu'alors inconnus. Pour un moment = 5 l'Inde fut oubliée, et le rapide voyage qu’il avait projetée se changea en un séjour de cinq ans. De 1799 à 4804, il explora les pies gigantesques et les volcans redoutables des Cordil- lières, les plaines qui s'étendent à leur pied, les fleuves qui prennent naissance dans leurs gorges profondes. Il visita aussi les principales iles du golfe du Mexique, et lorsque, profitant de la neutralité des États-Unis, le jeune voyageur revint en Europe, il apportait d’admirables matériaux que toute son activité n’a pu encore épuiser. C’est à Paris que M. de Humboldt vint se délasser de son voyage et publier le fruit de ses lointaines recherches. A vrai dire, cette ville était pour lui une seconde patrie. Laplace, Berthollet, Laurent de Jussieu, Cuvier, Arago, Biot, Bron- gniart, Gay-Lussac, Thénard, tous ces hommes déjà illustres ou en voie de le devenir, l’accueillaient comme un frère, et il était membre de la célèbre société d’Arcueil, réunion bien rare d'hommes qui surent être savans et rester amis. Bientôt il se montra digne de cet entourage. Partageant ses journées entre le cabinet de Cuvier et le laboratoire de Gay-Lussae. il publie coup sur coup une foule d’écrits importans sur les sujets les plus variés. Ce sont tantôt des observations de dé- tail, l'anatomie du larynx des oiseaux, de la langue et du cœur du erocodile; l'analyse chimique des gaz renfermés dans la vessie natatoire des poissons; des recherches sur la respiration aquatique; des observations de cyanométrie re- cueillies à dix-neuf mille pieds au-dessus du, niveau de la mer sur le Pichincha ou le Chimborasso ; des descriptions de plantes, d'animaux inconnus jusqu’à lui: tantôt ce sont des ouvrages considérables, entre autres l’Æssai politique sur la Nouvelle- Espagne, que par un juste sentiment de reconnais- un sauce il dédie au souverain, alors prisonnier de la France, qui au Lemps de sa puissance avait rendu possible l'exécution de ses projets; l'historique de ses voyages, où se trouvent abordées les questions les plus diverses et les plus difficiles, depuis la géographie des plantes et les lois de la distribution du magnétisme et de la chaleur terrestre jusqu'aux origines des peuplades américaines el à la discussion archéologique de leurs monumens: puis enfin ces Tableaux de la nature, pa- ges éloquentes où, dans un style qui rappelle celui de Buffon, il cherche à rendre plus accessibles les grandes questions de la science et à nous faire comprendre les magnificences de Ia création intertropicale. La science la plus étendue, Pactivité la plus infatigable, n'auraient pas suffi à M. de Humboldt pour mettre en œuvre les matériaux sans nombre qu’il avait apportés. EH appela à san secours des hommes spéciaux et leur ouvrit avec une aénerosilé trop rare toutes ses coliections de botanique et de zoologie. Le compagnon de ses courses lointaines, Bonplan, etait reparti. M. de Humboldt le remplaca par Kunt, un des botanisles modernes les plus distingués. L'illuistre Latreille, le père de lentomologie moderne, se chargea de décrire les insectes; M. Valenciennes, qui. bien jeune encore, dé- butait pour ainsi dire dans la science, eut en partage les pois- sons et les mollusques. Quelques-uns des points les plus obscurs de la zoologie furent confiés à Cuvier, qui, par ses Recherches anatomiques sur les reptiles douteux, nous fit le premier connaitre avee détail la singulière organisation de la sirène, du protée et de l'axolotl, êtres étranges qui réunissent certains caractères de l'embryon à ceux des ani- maux parfaits. Au reste, chacun de ces naturalistes retira de EG, re son travail toute la part d'éloges qui lui était due; car, bien loin de speculer sur le labeur d'autrui, comme quelques hommes, abusant d'une position élevée, n’ont pas rougi de le faire, M. de Humboldt a toujours distingué religieusement, par des lêtes de chapitres signées, ce qui lui appartenait en propre de ce qui revenait à ses collaborateurs. Cependant, au milieu de eette vie oceupée que se dispu- laient la science et les plus honorables amitiés, M. de Hum- boldt ne perdait pas de vue ses premiers projets de jeunesse. Déjà, accompagné de M. Valenciennes, qui devait remplacer Bonplan prisonnier dans le Paraguay, 1l s’élait rendu en An- gleterre pour obtenir les facilités nécessaires à un voyage dans l'Inde. Des difficultés, dont peut-être il ne soupçonna pas alors la nature, le forcérent de l’ajourner encore une fois. Lorsque le congrès d’Aix-la-Chapelle s’ouvrit, M. de Humbeldt se rendit dans cette ville, espérant que des patronages puissans le- veraient enfin les obstacles opposés à son départ. Frédérie- Guillaume, son souverain, laccueillit avee une bienveillance extrême, et, avec une munificence vraiment royale, se char- gea de tous les frais de l’expédilion; mais la politique om- brageuse de l'Angleterre s’alarma à lidée de voir un obser- vateur d’une aussi grande autorité parcourir cette portion du globe qu'elle regarde comme son domaine. Après mille dé- marches inutiles, M. de Humboldt dut renoncer définilive- ment à exécuter un projet dont le monde savant tout entier désirait ardemment la réalisation. Au reste, M. de Humboldt connaissait déjà par expérience l'étroit égoisme de ce gouvernement, dont quelques hommes semblent vouloir faire le type d’une généreuse libéralite. Pen- dant son séjour en Amérique, M. de Hamboldt avait envoyé es, he. à la Guadeloupe sa collection géognostique, composée de mi- néraux et de roches, qu'il était allé chercher jusqu’au som- met des Andes. Les Anglais s’en emparèrent et là transpor- térent à Londres. Depuis cette époque, les réclamations les plus vives n’ont pu les décider à rendre à leur propriétaire légitime ces richesses récoltées au prix de tant de périls et de fatigues. Une partie de cette collection orne les galeries du British Museum; le reste est enfoui dans les caves de cet établissement, où se voyaient encore, il y a quelques an- nées, des caisses qui n'avaient même pas été ouvertes. On sait qu’une spoliation toute pareille menaça les savans de l'expédition d'Égypte; mais ici Pamiral anglais dut reculer devant la résolution désespérée prise par nos compatriotes, qui, suivant l'exemple donné par lillustre Geoffroy Saint- Hilaire, jurérent de brüler leurs notes et de détruire le fruit de tous leurs travaux plutôt que de les remettre aux enne- mis de la France. Rappelé à Berlin par des affaires pressantes, M. de Hum- boldt se vit bientôt entouré de l'estime et de la considération de ses concitoyens. Frédéric-Guillaume rendit lui-même hom- mage à ce mérite exceptionnel, et combla de ses faveurs le savant qu'il avait (oujours traité en ami. Ce fut alors que, cédant à des instances unanimes, Fillustre voyageur tenta pour la seconde fois de résumer des faits si laborieusement recueillis. Dans un cours publie plus complet que celui qu'il avait déjà fait à Paris, il présenta l’ensemble de nos con- naissances sur la physique générale du globe, et ces lecons, qui peuvent être considérées comme un premier essai de l'ouvrage publié aujourd'hui, eurent un immense succès. Tou- tes les classes de la société se pressérent autour du profes- ET seur, qui parlait au nom d’une science incontestable et d'une expérience loute personnelle, qui, en décrivant les plus grands phénomènes accomplis par la nature dans les deux hémisphe- res, pouvait à chaque instant dire: J'ai vu. Cependant de cruel- les compensations vinrent altrister ces jours de triomphe. M. de Humboldt se vit coup sur coup frappé dans ses affec- tions les plus chères. Ce fut à cette époque qu'il perdit ce Guillaume de Humboldt, qui, partageant pour aivsi dire le monde intellectuel avec son frère, avait su être à la fois homme d'état, poêle, philologue, philosophe, historien, et qui mourut en récitant les odes de Pindare. En décrivant, dans son cours sur la physique générale du globe, les régions du Nouveau-Monde, M. de Humboldt avait senti augmenter ses regrets de ne pas connaitre par lui-même l’intérieur de l’ancien continent, En 1829, une occasion s’offrit de rompre un repos qui commençait à lui peser, et de mettre enfin le pied sur cette Asie qui semblait fuir devant lui. La Russie entrait dans la voie d’explorations qui a fait découvrir tant de richesses inattendues au sein de ses immenses do- maines. Certes la Sibérie ne pouvait avoir pour M. de Hum- boldt le même intérêt que cette terre de l'Inde qui fut le rêve de sa vie enlière, et où il aurait trouvé des termes ri- goureux de comparaison entre les contrées équaloriales des deux continens; mais l'Angleterre lui fermait le sud de l'A- sie, 1l résolut de l’attaquer par le nord. Il offrit de diriger un voyage de découvertes dans la Sibérie et l'Asie centrale, Grace à l'intervention directe de Frédéric-Guillaume, sa proposition fut accueillie par le gouvernement russe, qui se chargea de tous les frais et lui abandonna la direction de l’entreprise. M. de Humboldt se montra digne de celte confiance, et par — 10 — le choix de ses compagnons il prouva une fois de plus com- bien peu il redoutait d'avoir à ses côtés les hommes du plus baut mérite. Il s’adjoignit entre autres M. Ehrenberg, déjà celebre par son voyage sur les côtes de la mer Rouge, par ses admirables découvertes micrographiques, et M. Gustave Rose, un des minéralogistes modernes les plus distingués. Les résullats d’une expédition ainsi composée furent tels qu’on avait droit de l’espérer. M. de Humboldt put enfin comparer l'Asie à l'Amérique, les steppes de l'Obr aux pampas du Brésil, les plateaux de l’Altaï au {lanos des Cordillières, et, de retour en Europe, il publia successivement ses ragmens asiatiques el son #sie centrale, ouvrages dans lesquels, en faisant con- naitre un grand nombre de faits relalifs à la géologie et à la climatologie de cette partie du monde, il jeta un jour tout nouveau sur plusieurs des grandes questions de la physique senérale. A dater de cette epoque, M. de Humboldt parut renoncer aux expéditions lointaines. Cependant, s'il laissa à de plus jeunes hommes le soin d'agrandir les voies qu'il leur avait frayées, il n’en conserva pas moins pour la science tout son amour d'autrefois. Ami du roi de Prusse actuel, comme il l'avait été de son père, il se fit auprès du souverain le re- présentant de tous le intérêts scientifiques. Grace à son in- tervention éclairée, les savans reçurent ces encouragemens qui, en récompensant les travaux passés, assurent les tra- vaux à venir. Des publications importantes furent entreprises el terminées aux frais du gouvernement ou du roi lui-même. La Prusse se vit dotée de magnifiques établissemens. Le Thier- garten, le Pfauninsel de Berlin, s’enrichirent de ménageries disposées avec autant de goût que d'intelligence; des jardins cs, PU. botaniques furent plantés, el Charlotenbourg vit s'élever cet observatoire magnétique modèle, où le cuivre, remplaçant par- tout le fer et l'acier, met les observations entiérement à l'abri des chances d'erreur. | Ce n’est pas seulement dans sa patrie que M. de Humboldt exerce celle haute et salutaire influence. L'Europe tout en- lière à accepté cette domination du savoir, et c'est à elle qu'est due la plas gigantesque entreprise qu'on ait encore tentée dans le but d'approfondir l'étude d’une classe de pheé- noménes particuliers. Des 1806, M. de Humboidt s'était oc- cupé d’une manière spéciale du magnétisme terrestre. I avait substitué une observation incessante de plusieurs jours et de plusieurs nuits conséeutives à un système d'observations isolées et interrompues. Déjà il avait remarqué dans la marehe de l'aiguille aimantée des perturbations singulières. En 1820, M. Arago montra, par la comparaison de ses observations avee celles de Kasan, que ces perturbations se produisaient d’une manière identique à des distances très-considérables ; il reconnut qu’elles coïncidaient avec Papparition des aurores boréales. Les belles découvertes d'OErsted, en mettant hors de doute les rapports intimes qui existent entre le magnétis- me et l'électricité, donnaient un intérêt lout nouveau à ces faits remarquables, et conduisaient à admettre l'existence de véritables orages magnétiques. Des observations simultances, faites à Paris et à Berlin par MM. Arago et Hamboldt, vinrent confirmer ees premiers résullats, et montrer tout ce qu'on pourrait attendre d’un système régulier et général d'obser- vations fondé sur le même principe. En 4829, pendant son voyage dans l’Asie septentrionale, M. de Humboldt designa les points les plus propres à l'établissement de stations ma- D gnéliques, et le gouvernement russe s'empressa de suivre ses indications. Plus tard, la France, la Suède, l'Italie, l'Allema- gne, obéissant à l'appel de l'illustre voyageur, formérent une association magnétique, dont Gættingue devint le centre. Cependant, jusqu’en 4836, l'Angleterre élait restée étrangère à ce mouvement, M. de Humboldt se remit à l’œuvre, Dans une lettre adressée au duc de Sussex, président de Ja Société royale de Londres, il demanda une coopération qui lui fut libéralement accordée. Le capitaine Ross fut chargé d’aller recueillir des observations dans l’hémisphère austral; des observatoires magnétiques furent élevés dans le Canada, à Sainte-Hélène, au Cap, à l'ile de France, à Ceylan, à la Nou- velle-Hollande, et le globe tout entier se trouva, pour ainsi dire, enserré dans un réseau dont chaque maille avait éte tissée par la main de M. de Humboldt. M. de Humboldt compte aujourd’hui soixante-dix-sept ans, et c’est chose admirable que de retrouver chez cet illustre patriarche de la science la même activité intelligente, le même besoin de s’instruire qu’il montra dès sa jeunesse. Toujours désireux de la vérité, il Paccepte d’où qu’elle lui vienne, et ne craint jamais d'aller au-devant. Bien différent de ces faux grands seigneurs de la science qui se rendent inabordables pour se donner un air occupé, M. de Humboldt est très-fa- cilement accessible pour quiconque peut lui montrer le moin- dre fait intéressant et nouveau. Il ne demande qu’à juger par lui-même, et nous l’avons vu quitter des occupations pres- santes, se dérober aux affaires qu'il venait traiter à Paris au nom de son souverain, pour aller dans le cabinet du plus modeste travailleur vérifier des détails d'organisation ou ré- péter quelque observation, quelque expérience nouvelle. 22.188 Citons ici un fait qui peindra mieux que des paroles ce besoin de voir et de comparer qui caractérise si éminemment l'esprit scientifique de M. de Humboldt. Pendant son séjour en Amérique, il avait exploré les gigantesques foyers volca- niques des Andes, il avait assisté à de nombreux tremble- mens de terre, et, parmi les savans européens, nul sans doute ne pouvait mieux que lui parler de ces redoutables phénome- nes d’après des observations personnelles. Cependant, avant de publier ses recherches sur ce sujet, il voulut visiter les volcans d'Europe. Dans les lacs de la Guyane, il avait étudié le gymnote où anguille électrique de Surinam, il avait éprouvé sur lui-même quelques-unes de ces violentes décharges dont une seule suffit pour paralyser, pendant plusieurs minutes, l’homme ou même le cheval le plus vigoureux ; mais, avant d'émettre une opinion sur les étranges facultés de ce poisson, il voulut les comparer aux propriétés analogues que présen- tent quelques habitans de nos mers. En 4805, à peine arrivé en France, il fit le voyage de Naples tout exprès pour alier observer le Vésuve et la torpille. De l’esquisse biographique que nous venons de tracer res- sorüra, nous l’espérons, pour tout le monde, le caractère spécial de M. de Humboldt, considéré comme savant. A pro- prement parler, il ne faut voir en lui ni un physicien ni un chimiste, pas plus qu’un géologue ou un zoologiste. Si pen- dant des années entières il s’est occupé de chimie, de phy- sique, de sciences naturelles, de positions astronomiques, ce n'était là pour lui que des études préparatoires. Dès sa jeu- nesse, M. de Humboldt a voulu être voyageur scientifique dans la haute et grande acception du mot; il a voulu, comme il le dit lui-même, saisir le monde des phénomènes et des forces (4 — physiques dans leur connexité. Or, pour atteindre ce but, si eleve qu'il effraiera toujours un esprit ordinaire, pour lap- procher seulement en satisfaisant aux exigences de la science moderne, 11 fallait ee savoir presque universel que possède M. de Humboldl; car, sans une instruétion solide dans les sciences spéciales, toute contemplation en grand de la nature, tout essai d'appréciation générale de ses phénomènes, ne peuvent conduire qu'à des résultats erronés ou chimériques, semblables à ceux que nous a légués le passé. A ce point de vue, Ja vie scientifique de M. de Humboldt, si accidentée, si fraelionnée au premier coup d'œil, se mon- tre avec un admirable caractère d'unité, et lon comprend bien mieux aussi (oute la valeur intellectuelle de celui qui, pendant soixante ans, rattacha à une même pensée {ant de {ravaux en apparence étrangers les uns aux autres. Le sa- vant sédentaire et le voyageur scientifique ont chacun leur {che à remplir. Les résultats que l’on demande à des veilles paisibles, passées dans un cabinet au milieu d’occupations régulières, ne peuvent être comparés à ceux qu'il faut con- quérir au prix de mille fatigues, de privalions de tout genre et de dangers réels. Laissons done au savant de nos villes ces euvrages achevés et complels, ces monographies qui acquiée- rent chaque jour plus de prix. Demandons autre chose au voyageur. Pionnier de la science, et lancé, pour dire, ainsi en enfant perdu, il doit défricher le terrain et tracer la route aux hommes spéciaux qui marcheront sur ses traces. Ce qu'il lui faut surtoul pour alleindre ce but c’est la promptitude et la justesse du coup d'œil qui mulliplient le temps, la sagacite qui devine un fait par un autre, l'esprit de généralisation qui sait liver d'un pelit nombre d'observations tout un ensemble HG d'idées. Certes, dominé comine il Fest presque toujours par les circonstances extérieures , il s’égarera quelquefois dans ses conclusions, mais il n’en remarquera que plus aisément les faits exceptionnels, il les signalera à ses successeurs, el ses erreurs mêmes profileront à la science en appelant Fat- tention sur des points bien déterminés. Toutes ces qualités M. de Humboldi les possède à un degré éminent; tous ces services il les a rendus, non pas à une seule science, mais à presque toutes les sciences. De plus, il a payé sa dette à la plupart d’entre elles par des travaux spéciaux d'une importance réelle. Enfin 5 laisse à la physique géné- rale ses recherches sur la distribution de la chaleur à la surface du globe, à la botanique sa géographie des plantes, c'est-à-dire deux œuvres capitales qui ont eu une influence incontestable, qui ont ouvert des voies loutes nouvelles, el qui à elles seules auraient suffi pour illustrer le nom de leur auteur. Si depuis Fapparition de ces ouvrages on x dù modi- fier quelques-unes de leurs conelusions, si l'on a découvert des fails qui échappent aux formules générales, expression de l'état de la science en 4815 ou 4817, n'oublions pas que de nos jours la masse de nos connaissances s’accroit avec une incroyable rapidité, el qu'en définitive, si M. de Hamboldt a élé quelquefois dépassé, c’est par des hommes qui, marchant sur ses traces, n'ont eu qu’à aplanir et à étendre la route que déjà il leur avait faite large et belle. De ces illustres contemporains que nous avons nommés en commençant, Napoléon a disparu, emporté par les tourmentes politiques ; Cuvier est mort; Chàteaubriand se tait. Seul M. de Huwmboldt élève encore une voix que le monde savant écoute non-seulement avec le respect dû aux services passés, mais 6 avee l'attention que commande l'attente de services nou- veaux. Cette haule considération est légitimement acquise, pleinement méritée. Si, dans chacune des sciences dont il s’est oceupé, M. de Humboldt compte des supérieurs, si en chi- mie, en botanique, en géologie, en zoologie, il reste au-des- sous des Lavoisier, des Jussieu, des de Buch et des Cuvier, comme voyageur, comme physicien du globe, nul ne peut lui disputer une place à côté de ces rois de l'intelligence. AVERTISSEMENT DU TRADUCTEUR Les unités de mesure adoptées dans cet ouvrage sont les unités légales de France. Les indications ther- mométriques se rapportent à l'échelle centigrade. Les longitudes sont comptées à partir du méridien de Paris. Les distances itinéraires et toutes les grandes mesures linéaires ont été données par l'auteur en milles géographiques de 15 au degré équatorial: Je les ai converties en myriamètres à raison de 7420 mè- tres par mille géographique. Ce premier volume forme un corps d'ouvrage com- plet. Deux autres volumes doivent le suivre bientôt. en Allemagne et en France; l'un d’eux sera consacré 9 _ —" "AVI à développer les hautes considérations d'histoire et de philosophie qui se rattachent à lidée principale dont le premier volume contient l'exposition. On regrettera que M. de Humboldt n'ait pas donné lui-même la traduction du Cosmos: des travaux dont l'importance est connue du monde savant lont dé- eidé à me confier ce soin. Cependant, pour ne pas rester étranger à l'édition française, M. de Humboldt a traduit lui-même les prolégomènes, ou plutôt il a écrit en français une nouvelle introduction (p. 4-56); c’est un gage de plus de la sympathie qui unit de- puis si longtemps à notre pays Pillustre voyageur. et qui lui a fait donner à la France ses plus impor- tants ouvrages. Une autre partie, relative à la grande question des races humaines, à été traduite par M. Guigniaut. membre de l'Institut. Cette question était étrangère à mes études habituelles; d'ailleurs elle a été traitée, dans l'ouvrage allemand, avec une telle supériorité de vues et de style que M. de Humboldt a dù cher- cher parmi ses amis l'homme le plus capable d’en donner l'équivalent aux lecteurs francais. M. de Hum- boldt s’est naturellement adressé à M. Guigniaut, et ce savant a bien voulu se charger de traduire les dix dernières pages du texte, ainsi que les notes cor- respondantes. Le reste n'appartient. Heureusement, je puis of- frire au lecteur une garantie de l'exactitude de ma traduction, au point de vue scientifique, en déclarant que M. Arago a bien voulu revoir et corriger toutes mes épreuves. Qu'il me soit permis de lui offrir ici AIR l'hommage de ma profonde reconnaissance. Au mo- ment où ce livre va être soumis au publie, je sens plus vivement encore la valeur d'un pareil appui. Les liens d’une vieille amitié donnaient à M. de Humboldt le droit de réclamer cet appui pour son traducteur : mais je crois pouvoir en attribuer une partie à la bienveillance généreuse dont M. Arago entoure et soutient tous ceux qui, comme moi, sont assez heu- reux pour recevoir sa haute direction scientifique. Avant de terminer, je demande la permission d’ai- ler au devant d’un reproche auquel je me suis ex- posé. À l’époque où le Cosmos parut en Allemagne (avril 4845), il fut considéré comme l'expression fi- dèle de l’état des sciences physiques. Or, j'ai été forcé, par mes devoirs, mes travaux personnels et par les difficultés inhérentes à la traduction d’un ouvrage qui embrasse tant de sujets divers, de retarder en France, de prés d’une année, la publication de l'œu- vre de M. de Humboldt: c'était risquer de lui faire perdre quelque peu de son mérite d'actualité. On sait qu'une brillante découverte a été faite, en astrono- mie, pendant ce court laps de temps: notre système planétaire à été enrichi d’un nouvel astre par M. Hen- cke, de Driessen. Au lieu de 44 planètes, il faut désormais en compter 12. Mais les appréciations de M. de Humboldt n’en ont recu aucune atteinte; au contraire, cette découverte leur apporte une force nouvelle, une vérification de plus. Il n’est pas jusqu’à certaine épithète, répétée par M. de Humboldt avec une prédilection visible, qui n'ait échappé au dan- ser de devenir moins juste, d’une année à l'autre: je veux parler de « ces orbites si éhr'oilement entre- lacées des petites planètes (die sogenannten kleinen Planeten in ihren so eng verschlungenen Bahnen). Ce qui est si vrai pour les orbites de Cérès, de Pallas, de Junon, de Vesta, ne l’est pas moins, et même ne devient que plus frappant. quand on leur adjoint celle d’Astrée. PRÉFACE DE L'AUTEUR J'offre à mes compatriotes, au déclin de ma vie. un ouvrage dont les premiers aperçus ont occupé mon esprit depuis un demi-siècle. Souvent, je Pai abandonné, doutant de la possibilité de réaliser une entreprise trop téméraire: toujours, et imprudemment peut-être, J'y suis revenu, et j'ai persisté dans mon premier dessein. Joffre le Cosmos, qui est une des- cription physique du monde, avec la timidité que m'inspire la Juste défiance de mes forces. J’ai tàché d'oublier que les ouvrages longtemps attendus sont zénéralement ceux que le public accueille avec le moins d'mdulgence. —. AXIlI= Par les vicissitudes de ma vie et une ardeur d'in- struction dirigée sur des objets très-variés, je me suis trouvé engagé à m'occuper, en apparence pres- que exclusivement et pendant plusieurs années, de sciences spéciales, de botanique, de géologie, de chi- mie, de positions astronomiques et de magnétisme terrestre. C’étaient des études préparatoires pour exé- cuter avec utilité des voyages lointains; j'avais ce- pendant dans ces études un but plus élevé. Je dé- sirais saisir le monde des phénomènes et des forces physiques dans leur connexité et leur influence mu- tuelles. Jouissant. dès ma première Jeunesse, des conseils et de la bienveillance d'hommes supérieurs, je m'étais pénétré de bonne heure de la persuasion intime que, sans le désir d'acquérir une instruction solide dans les parties spéciales des seiences natu- relles, toute contemplation de la nature en grand, tout essai de comprendre les lois qui composent la physique du monde, ne seraient qu’une vaine et chi- mérique entreprise. Les connaissances spéciales, par l’enchainement même des choses, s’assimilent et se fécondent mu- tuellement. Lorsque la botanique descriptive ne re- ste pas circonscrite dans les étroites limites de lé- tude des formes et de leur réunion en genres et en espèces, elle conduit l'observateur qui parcourt, sous différents climats, de vastes étendues continentales, des montagnes et des plateaux, aux notions fonda- mentales de la géographie des plantes, à l'exposé de = AXII — la distribution des végétaux selon la distance à l'é- quateur et l'élévation au-dessus du niveau des mers. Or, pour comprendre les causes compliquées des lois qui règlent cette distribution, il faut approfondir les variations de température du sol rayonnant et de l'océan aérien qui enveloppe le globe. C’est ainsi que le naturaliste avide d'instruction est conduit d'une sphère de phénomènes à une autre sphère qui en li- mite les effets. La géographie des plantes, dont le nom méme étail presque inconnu 1l y à un demi-siè- cle, offrirait une nomenclature aride et dépourvue d'intérêt si elle ne s'éclairait des études météorolo- giques. Dans des expéditions scientifiques, peu de voya- geurs ont eu, au même degré que moi, Favantage de n'avoir pas seulement vu des côtes, comme c'est le cas dans les voyages autour du monde, mais d'avoir parcouru l'intérieur de deux grands continents dans des étendues très-considérables, et 1à où ces conti- nents présentent les plus frappants contrastes, à sa- voir, le paysage tropical et alpin du Mexique ou de l'Amérique du Sud, et le paysage des steppes de lA- sie boréale. Des entreprises de cette nature devaient. d'après la tendance de mon esprit vers des essais de généralisation, vivifier mon courage et m'exciter à rapprocher, dans un ouvrage à part. les phénomènes terrestres de ceux qu'embrassent les espaces célestes. La description physique de la terre. jusqu'ici assez mal limitée comme science, devint, selon ce plan, qui —«XAIV — s’étendait à toutes les choses créées, une description physique du monde. La composition d’un tel ouvrage, s’il aspire à réu- nir au mérite du fond scientifique celui de la forme littéraire, présente de grandes difficultés. I s’agit de porter l’ordre et la lumière dans lPimmense richesse des matériaux qui s'offrent à la pensée, sans ôter aux tableaux de la nature le souffle qui les vivifie; car si lon se bornait à donner des résultats généraux, on risquerait d’être aussi aride, aussi monotone qu'on le serait par lexposé d’une trop grande multitude de faits particuliers. Je n'ose me flatter d’avoir satisfait à des conditions si difficiles à remplir, et d’avoir évité des écueils dont je ne sais que signaler lexis- tence. Le faible espoir que j'ai d'obtenir lindulgence du public repose sur intérêt témoigné, depuis tant d’an- nées, à un ouvrage publié peu de temps après mon retour du Mexique et des États-Unis, sous le titre de Tableaux de la nature. Ce peut livre, écrit origimai- rement en allemand, et traduit en francais, avec une rare connaissance des deux idiômes, par mon vieil ami M. Eyriès, traite quelques parties de la géogra- phie physique, telles que la physionomie des végé- taux, des savanes, des déserts, et l’aspect des cata- ractes, sous des points de vue généraux. S'il à eu quelque utilité, e’est moins par ce qu'il a pu offrir de son propre fonds que par l’action qu'il a exercée sur Pesprit et l’imagination d’une jeunesse avide de NAN 7 savoir et prompte à se lancer dans des entreprises lointaines. Jai tàché de faire vor dans le Cosmos. comme dans les Tableaux de la nature, que la des- cription exacte et précise des phénomènes n’est pas absolument inconciliable avec la peinture animée et vivante des scènes imposantes de la création. Exposer dans des cours publics les idées qu'on croit nouvelles, m'a toujours paru le meilleur moyen de se rendre raison du degré de clarté qu'il est pos- sible de répandre sur ces idées: aussi ai-je tenté ce moyen en deux langues différentes ; à Paris et à Ber- lin. Des cahiers qui ont été rédigés à cette occasion par des auditeurs intelligents me sont restés incon- nus. J'ai préféré ne pas les consulter. La rédaction d’un livre impose des obligations bien différentes de celles qu’entraine l'exposition orale dans un cours public. À lexception de quelques fragments de l'in- troduetion du Cosmos, tout a été écrit dans les an- nées 1845 et 1844. Le cours fait devant deux au- ditoires de Berlin, en soixante lecons, était antérieur à mon expédition dans le nord de l'Asie. Le premier volume de cet ouvrage renferme la partie la plus importante à mes veux de toute mon entreprise, un tableau de la nature présentant l’en- semble des phénomènes de l'univers depuis les né- buleuses planétaires jusqu’à la géographie des plantes et des animaux, en terminant par les races d’hom- mes. Ce tableau est précédé de considérations sur les différents degrés de jouissance qu'offrent l'étude de — KE — la nature et la connaissance de ses lois. Les limites de la science du Cosmos et la méthode d’après la- quelle j'essaye de exposer y sont également discu- tées. Tout ce qui tient au détail des observations des faits particuliers et aux souvenirs de l'antiquité clas- sique, source éternelle d’instruction et de vie, est concentré dans des notes placées à la fin de chaque volume. On a souvent fait la remarque. peu consolante en apparence, que tout ce qui n’a pas ses racines dans les profondeurs de la pensée, du sentiment et de l'i- maginalion créatrice, que tout ce qui dépend du pro- grès de l'expérience, des révolutions que font subir aux théories physiques la perfection croissante des mstruments. et la sphère sans cesse agrandie de Fob- servation, ne tarde pas à vieillir. Les ouvrages sur les sciences de la nature portent ainsi en eux-mêmes un germe de destruction, de telle sorte qu'en moins d’un quart de siècle, par la marche rapide des dé- couvertes, ils sont condamnés à l'oubli, illisibles pour quiconque est à la hauteur du présent. Je suis loin de nier la justesse de ces réflexions, mais je pense que ceux qu'un long et intime commerce avec la nature à pénétrés du sentiment de sa grandeur, qui, dans ce commerce salutaire, ont fortifié à la fois leur caractère et leur esprit, ne sauraient s’affliger de la voir de mieux en mieux connue, de voir s'étendre incessamment l'horizon des idées comme celui des faits. Il y à plus encore: dans l'état actuel de nos —"AXVIE — connaissances, des parties très-importantes de la phy- sique du monde sont assises sur des fondements so- lides. Un essai de réunir ce qui. à une époque donnée, a été découvert dans les espaces célestes, à la surface du globe et à la faible distance où 1 nous est permis de lire dans ses profondeurs, pourrait, si je ne me trompe, quels que soient les progrès futurs de la science, offrir encore quelque intérêt S'il parvenait à retracer avec vivacité une partie au moins de ce que l'esprit de l’homme apercoit de général, de constant, d'éternel parmi les apparentes fluctuations des phé- nomènes de l’univers. Potsdam, au mois de novembre 1844. etat Os eur proie ee seritué AA TPE | élus ‘Ja ; 1] Core sb 2 tar se AS ta ot date og re Aer lie Myr)Higi airpéstp WiOMI9 vo, été opt ou 6h ton ose bug ant tittrurire more satenon db. ddiunigpe-foutfté oh réf +1 kdl RIT br rouapthe 2 ff | " “rare 7/1 nEvatr FE Li " sa TT SM dé délais JS: (CR pi ds Pet AE LE RS CN obama ee AAA 2 M en DOUTE ÉA (4 72 Hé ar : ka fruri CLOUS ET ut! à | { 4 ET ÿ k Ë nd hs DR: Hrts + cie ut sites AE af Lt ; - Nr HET AURMT Lu FIL aile horus LL fa pti tp ni li ie! Hu M L use ke Eh, “ui. THE, ° ALUULTLLE à 1 unis! 1 ri HIT IUS À 1 : fr Lott it UE ui “k7 me 1 Les (l ‘4 LR L tel LE) f À M Pnoane, Me FA AN PSE TE TI | se LE Lù wa Mit in LL ORATE TL az $ + à Mg SARA EN MAO day : Û bit : VAR de fa , pt i44 i M Apr ca UC ÉRRNE É çà à dti ; ni? Te, LA Hull 1 4e LES bé rés Li | *, “ CONSIDÉRATIONS SUR LES DIFFÉRENTS DEGRÉS DE JOUISSANCE QU'OFFRENT L ASPECT DE LA NATURE ET L'ÉTUDE DE SES LOIS En essayant, après une assez longue absence de ma pa- trie, de développer l’ensemble des phénomènes physiques du globe et l’action simultanée des forces qui animent les espa- ces célestes, j’éprouve deux apprébensions différentes. D'un côté, la matière que je traite est si vaste et si variée que je crains d'aborder le sujet d’une manière encyclopédique et superficielle; de l’autre, je dois éviter de fatiguer l'esprit par des aphorismes qui n’offriraient que des généralités sous des formes arides et dogmatiques. L’aridité nait souvent de la concision, tandis qu’une trop grande multiplicité d'objets qu'on veut embrasser à la fois conduit à un manque de clarté et de précision dans l’enchainement des idées. La nature est le règne de la liberté, et pour peindre vivement les concep- tions et les jouissances que fait naitre un sentiment profond de la nature, il faudrait que la pensée püt se revêtir libre- ment aussi de ces formes et de cette élévation du langage qui sont dignes de la grandeur et de la majesté de la création. Si l’on ne considère pas l’étude des phénomènes physiques dans ses rapports avec les besoins matériels de la vie, mais dans son influence générale sur les progrès intellectuels de l'humanité, on trouve, comme résultat le plus élevé et le plus important de cette investigation, la connaissance de la PC UE connexité des forces de la nature, le sentiment intime de leur dépendance mutuelle. C’est l'intuition de ces rapports qui agrandit les vues et ennoblit nos jouissances. Cet agrandis- sement des vues est l’œuvre de l'observation, de la médita- tion et de l'esprit du temps dans lequel se concentrent toutes les directions de la pensée. L'histoire révéle à quiconque sait: pénétrer à travers les couches des siècles antérieurs aux ra- cines profondes de nos connaissances, comment, depuis des milliers d'années, le genre humain a travaillé à saisir, dans des mutations sans cesse renaissantes, l'invariabilité des lois de la nature, et à conquérir progressivement une grande partie du monde physique par la force de l'intelligence. In- terroger les annales de lhistoire c’est poursuivre cette trace mystérieuse sur laquelle la même image du Cosmos, qui s’est révélée primitivement au sens intérieur comme un vague pressentiment de l'harmonie et de Fordre dans l'univers , s'offre aujourd’hui à l'esprit comme le fruit de longues et sé- rieuses observations. Aux deux époques de la contemplation du monde exté- rieur, au premier réveil de la réflexion et à l'époque d’une civilisation avancée, correspondent deux genres de jouissan- ces, L’une, propre à la naïveté primitive des vieux âges, nait de la divination de l’ordre qu'annonce la succession paisible des corps célestes et le développement progressif de l’orga- nisalion. Une autre jouissance résulte de la connaissance pré- cise des phénomènes. Dès que l’homme, en interrogeant la nature, ne se contente pas d'observer, mais qu'il fait naître des phénomènes sous des conditions déterminées; dès qu'il recueille et enregistre les faits pour étendre l’investigation au delà de la courte durée de son existence, la philosophie de la nature se dépouille des formes vagues et poétiques qui lui ont appartenu dès son origine; elle adopte un caractère plus sévére, elle pèse la valeur des observations, elle ne devine plus, elle combine et raisonne. Alors les apereus dogmatiques des siècles antérieurs ne se conservent que dans les préju- ges du peuple et des classes qui lui ressemblent par leur man- que de lumières ; ils se perpétuent surtout dans quelques rodk, Cm doctrines, qui, pour cacher leur faiblesse, aiment à se cou- vrir d’un voile mystique. Les langues surchargées d’expres- sions figurées portent longtemps les traces de ces premiéres intuitions. Un petit nombre de symboles, produits d’une heu- reuse inspiration des temps primitifs, prennent peu à peu des formes moins vagues; mieux interprétés, ils se conser- vent même dans le langage scientifique. La nature, considérée rationnellement , c'est-à-dire sou- mise dans son ensemble au travail de la pensée, est l'unité dans la diversité des phénomènes, l'harmonie entre les cho- ses créées dissemblables par leur forme, par leur constitution propre, par les forces qui les animent; c’est le Tout (= 77») pénétré d'un souffle de vie. Le résultat le plus important d’une étude rationnelle de la nature est de saisir Funité et l'harmo- nie dans cet immense assemblage de choses et de forces, d’embrasser avec une même ardeur ce qui est dû aux dé- couvertes des siècles écoulés et à celles du temps où nous vivons, d'analyser le détail des phénomenes sans succomber sous leur masse. Sur cette voie, il est donné à l'homme, en se montrant digne de sa haute destinée, de comprendre la nature, de dévoiler quelques-uns de ses secrets, de soumet- tre aux efforts de la pensée, aux conquêtes de l'intelligence, ce qui a été recueilli par Fobservation. En réfléchissant d’abord sur les differents degrés de jouis- sance que fait naitre la contemplation de Ia nature , nous trouvons qu'au premier degré doit être placée une impres- sion entiérement indépendante de la connaissance intime des phénomènes physiques, indépendante aussi du caractère in- dividuel du paysage, de la physionomie de la contrée qui nous environne. Partout où, dans une plaine monotone et formant horizon, des plantes d’une même espèce (des bruyéres, des cistes ou des graminées) couvrent le sol, partout où les va- ques de la mer baignent le rivage et font reconnaitre leurs traces par des stries verdoyantes d'ulva et de varech flot- tant, le sentiment de Ia nature, grande et libre, saisit notre àme et nous révele, comme par une mystérieuse inspiration, qu'il existe des lois qui règlent les forces de Punivers. Le pre simple contact de l’homme avec la nature, cette influence du grand air (ou, comme disent d’autres langues par une ex- pression plus belle, de l'air libre), exercent un pouvoir cal- mant: ils adoucissent la douleur et apaisent les passions quand l'âme est agitée dans ses profondeurs. Ces bienfaits l'homme les reçoit partout, quelle que soit la zone qu'il habite, quel que soit le degré de culture intellectuelle auquel il s’est élevé. Ce que les impressions que nous signalons ici ont de grave et de solennel, elles le tiennent du pressentiment de l’ordre et des lois qui nait à notre insu, au simple contact avec la nature; elles le tiennent du contraste qu'offrent les limites étroites de notre être avec cette image de l'infini qui se ré- véle partout, dans la voûte étoilée du ciel, dans une plaine qui s'étend à perte de vue, dans l'horizon brumeux de l'Océan. Une autre jouissance est celle que produit le caractère in- dividuel du paysage, la configuration de la surface du globe dans une région déterminée. Des impressions de ce genre sont plus vives, mieux définies, plus conformes à certaines situations de l’âme. Tantôt c’est la grandeur des masses, la lutte des éléments déchainés ou la triste nudité des steppes, comme dans le nord de l’Asie, qui excitent nos émotions ; tantôt, sous l'inspiration de sentiments plus doux, c’est l'as- pect des champs qui portent de riches moissons, c’est l’ha- bitation de l’homme au bord du torrent, la sauvage fécon- dité du sol vaincu par la charrue. Nous insistons moins ici sur les degrés de force qui distinguent les émotions que sur les différences de sensations qu’excite le caractère du pay- sage, et auxquelles ce caractère donne du charme et de la durée. S’il m'était permis de m'abandonner aux souvenirs de cour- ses lointaines, je signalerais, parmi les jouissances que pré- sentent les grandes scènes de la nature, le calme et la majesté de ces nuits tropicales, lorque les étoiles, dépourvues de sein- tillation, versent une douce lumière planétaire sur la surface mollement agitée de l'Océan; je rappellerais ces vallées pro- fondes des Cordilières , où les troncs élancés des palmiers, agitant leurs flèches panachées, percent les voûtes végétales, — et forment, en longues colonnades, « une forêt sur la forêt (*); » je décrirais le sommet du pic de Teénériffe, lorsqu'une couche horizontale de nuages, éblouissante de blancheur, sépare le cône des cendres de la plaine inférieure, et que subitement, par l'effet d’un courant ascendant, du bord même du cratère, l’œil peut plonger sur les vignes de FOrotava, les jardins d'orangers et les groupes touffus des bananiers du littoral. Dans ces scènes, je le répète, ce n’est plus le charme paisi- ble uniformément répandu dans la nature qui nous émeut, c’est la physionomie du sol, sa configuration propre, le mé- lange incertain du contour des nuages, de la forme desiles voisines, de l'horizon de la mer étendue comme une glace ou enveloppée d’une vapeur matinale. Tout ce que les sens ne saisissent qu'à peine, ce que les sites romantiques pré- sentent de plus effrayant, peut devenir une source de jouis- sance pour l'homme; son imagination y trouve de quoi exer- cer librement un pouvoir créateur. Dans le vague des sen- sations, les impressions changent avec les mouvements de l'âme, et, par une douce et facile déception, nous croyons recevoir du monde extérieur ce que, idéalement, nous y avons déposé à notre insu. Lorsqu’après une longue navigation. éloignés de la patrie, nous débarquons pour la première fois sur une terre des tro- piques, nous sommes agréablement surpris de reconnaitre dans les rochers qui nous environnent ces mêmes schistes inclinés, ces mêmes basaltes en colonnes, recouverts d'amyg- daloïides cellulaires que nous venons de quitter sur le sol eu- ropéen, et dont l'identité, dans des zônes si diverses, nous rappelle que la croûte de la terre, en se solidifiant, est res- tée indépendante de l'influence des climats. Mais ces masses rocheuses de schiste et de basalte se trouvent couvertes de végétaux d’un port qui nous surprend, d’une physionomie inconnue. C’est là qu’entourés de formes colossales et de la majesté d’une flore exotique, nous éprouvons comment, par la merveilleuse flexibilité de notre nature, l’âme s'ouvre fa- cilement aux impressions qui offrent entre elles un lien et une analogie secrète. Nous nous représentons si étroitement 3 a uni tout ce qui tient à la vie organique, que, s’il parait d’a- bord qu'une végétation semblable à celle du pays natal de- vrail charmer nos yeux de préférence, comme le fait pour notre oreille, dans sa douce familiarite, l’idiome de la patrie, nous nous sentons néanmoins naturalisés peu à peu dans ces climats nouveaux, Citoyen du monde, homme en tout lieu finit par se familiariser avec ce qui l’environne. A quelques plantes des régions lointaines, le colon applique des noms qu'il importe de la mere-patrie comme un souvenir dont il redouterait la perte. Par les mystérieux rapports qui exis- tent entre les différents types de l’organisation, les formes végétales exotiques se présentent à sa pensée comme embel- lies par l’image de celles qui ont entouré son berceau. C’est ainsi que l’affinité des sensations conduit au même but qu’at- teint plus tard la comparaison laborieuse des faits, à la per- suasion intime qu'un seul et indestructible nœud enchaine la nature entiere. La tentative de décomposer en ses éléments divers la ma- gie du monde physique est pleine de témérité; ear le grand caractère d’un paysage et de toute scène imposante de la na- ture dépend de la simultaneité des idées et des sentiments qui se trouvent excités dans l'observateur. La puissance de la nature se révèle, pour ainsi dire, dans la connexité des impressions, dans cette unité d'émotions et d'effets se pro- duisant en quelque sorte d'un seul coup. Si l’on veut indi- quer leurs sources partielles, il faut descendre par l'analyse à l’individualité des formes et à la diversité des forces. Les éléments les plus variés et les plus riches de ce genre d’a- naiyse s'offrent aux veux des voyageurs dans le paysage de Asie australe, dans le grand archipel de l'Inde, et surtout dans le Nouveau Continent, là où les sommets des hautes Cor- dilières forment les bas-fonds de l'océan aérien, et où ces mêmes forces souterraines, qui jadis ont soulevé des chaines de montagnes, les ébranlent encore de nos jours et menacent de les engloutir. Des tableaux de la nature, tracés dans un but raisonné, ne sont pas uniquement faits pour plaire à l'imagination; ils = — 1 — peuvent aussi, lorsqu'on les rapproche les uns des autres, signaler ces gradations d'impressions que nous venons d’in- diquer, depuis l'uniformité du littoral ou des steppes nues de la Sibérie jusqu'à l’inépuisable fécondité de la zone tor- ride. Si dans notre imagination nous plaçons le Mont-Pilate sur le Schrekhorn (?) ou la Schneekoppe de Silésie sur le Mont- Blanc, nous n’aurons pas encore atteint un des grands €o- losses des Andes, le Chimborazo, qui a deux fois la hauteur de l'Etna; si l’on place le Righi ou le mont Athos sur le Chim- borazo, on se forme l’image du plus haut sommet de l’Hima- laya, du Dhawalagiri. Quoique les montagnes de l’Inde, par leur surprenante élévation, surpassent de beaucoup (et tant de mesures précises ont constaté ce résultat long-temps dis- puté) les Cordilières de l'Amérique méridionale, elles ne peu- vent pas, à cause de leur position géographique, offrir cette inépuisable variété de phénomènes qui caractérise celles-ci. L’impression des grands aspects de la nature ne dépend pas de la hauteur seule. La chaine de l'Himalaya est placée bien en decà de la zone torride. A peine un palmier (5) s’'égare-t-il dans les belles vallées du Kumaun et du Garhwal. Par les 28° et 34° de latitude, sur la pente méridionale de Fancien Paropamisus, la nature ne déploie plus cette abondance de fougères en arbre et de graminées arborescentes, d'héliconia et d’orchidées, qui, dans la région tropicale, montent vers les plateaux les plus élevés. Sur le dos de FHimalaya, à l’om- bre du pin déodvara et des chênes à larges feuilles propres à ces alpes de l'Inde, la roche granitique et le micaschiste se couvrent de formes presque semblables à celles qui ca- racterisent l’Europe et PAsie boréale. Les espèces ne sont pas identiques, mais analogues de port et de physionomie : ce sont des genévriers, des bouleaux alpestres. des gentianes, le parnassia des marais et le ribes épineux (*). Il manque aussi à la chaine de l'Himalaya le phénomène imposant des vol- cans, qui, dans les Andes et dans l'archipel Indien, révèlent souvent aux indigènes, d’une manière formidable, Fexistence des forces qui résident dans l'intérieur de notre planète. Aussi la région des neiges perpétuelles, à la pente méridio- ET re nale de l'Himalaya, là où montent les courants d'air humide, et avec ces courants la vigoureuse végétation de lIndoustan, commence déjà par 3600 et 3900 métres de hauteur au- dessus du niveau de l'Océan: elle fixe par conséquent au développement de lorganisation une limite qui, dans la ré- gion équinoxiale des Cordilières, se trouve à 850 métres plus haut (°). Les pays qui avoisinent l’équateur ont un autre avantage sur lequel on n’a pas suffisamment appelé attention jusqu’iei. C’est la partie de la surface de notre planète où, dans la moindre étendue, la variété des impressions que la nature fait naitre est la plus grande possible. Dans les montagnes colossales de Cundinamarcea, de Quito et du Pérou, sillonnées par de profondes vallées, il est donné à l'homme de con- templer à la fois toutes les familles des plantes et tous les astres du firmament. C’est là qu’un même coup d'œil em- brasse de majestueux palmiers, des forêts humides de bam- busa, la famille des musacées, et au-dessus de ces formes du monde tropical, des chênes, des néfliers, des églantiers et des ombelliféres, comme dans notre patrie européenne. Un même coup d'œil y embrasse la constellation de la Croix du Sud, les Nuées de Magellan et les étoiles conductrices de l'Ourse qui circulent autour du pôle arctique. C’est là que le sein de Ja terre et les deux hémisphères du ciel étalent toute la richesse de leurs formes et la variété de leurs phénomè- nes; c’est là que les climats, comme les zones végétales dont ils déterminent la succession, se trouvent superposés comme par étages, que les lois du décroissement de la chaleur, fa- ciles à saisir par l'observateur intelligent, sont inscrites en caractères indélébiles sur les murs des rochers à la pente rapide des Cordilières. Pour ne pas fatiguer ici par le détail de phénomènes que j'ai essayé, il y a longtemps, de représenter graphiquement (°), je ne reproduirai ici que quelques-uns de ces résultats gé- néraux dont l’ensemble compose le tableau physique de la zone torride. Ce qui, dans le vague des sensations, se con- fond comme dépourvu de contours, ce qui reste enveloppé —)@}-— de cette vapeur brumeuse qui, dans le paysage, dérobe à la vue les hautes cimes, la pensée, en scrutant les causes des phénomènes, le dévoile et le résout dans ses éléments di- vers; elle assigne à chacun de ces éléments de l'impression totale un caractère individuel. Il en résulte que, dans la sphère des études de la nature, comme dans celle de la poésie et de la peinture de paysage, la description des sites et les ta- bleaux qui parlent à l'imagination ont d'autant plus de vé- rité et de vie que les traits y sont plus arrêtes. Si les régions de la zone torride, par leur richesse orga- nique et leur abondante fécondité. font naitre les émotions les plus profondes, elles offrent aussi l'avantage inappréeiable de montrer à l’homme, dans l’uniformité des variations de l'atmosphère et du développement des forces vitales, dans les contrastes de climats et de végétation qui naissent de la différence des hauteurs, linvariabilité des lois qui gouver- nent les mouvements célestes comme se réfléchissant dans les phénomènes terrestres. Qu'il me soit permis de n’arrêter quelques instants aux preuves de cette régularité, qu'on peut même assujettir à des échelles et à des évaluations nu- mériques. Dans les plaines ardentes qui s'élèvent peu au-dessus du niveau des mers, règne la famille des bananiers, des cyeas et des palmiers, dont le nombre des espèces inscrites dans les flores des régions tropicaies a merveilleusement augmenté de nos jours, par le zele des botanistes voyageurs. À ces groupes succèdent, sur la pente des Cordilières, dans de hau- tes vallées ou dans des crevasses humides et ombragées, les fougères en arbre et le cinchona qui produit l'écorce fébri- fuge. Les gros troncs cylindriques des fougères projettent , sur l’azur foncé du ciel, la jeune verdure d’un feuillage de- licatement dentelé. Dans le cinchona, Fécorce est d’autant plus salutaire que la cime de l'arbre est plus souvent baignée et rafraichie par de legers brouillards qui forment la couche supérieure des nuages reposant sur les plaines. Partout où finit la région des forêts, fleurissent par larges bandes des plantes qui vivent par groupes, de petits aralia, les thibau- Eee Ci des et les andromèdes à feuilles de myrte. La rose alpine des Andes, le magnifique befaria, forme une ceinture pourpre autour des pies élancés. Peu à peu, dans la région froide des Paramos, exposée à la perpétuelle tourmente des orages et des vents, disparaissent les arbustes rameux et les herbes velues constamment chargées de grandes corolles à couleurs variées. Les plantes monocotylédones à maigres épis cou- vrent uniformément le sol: c’est la zone des graminées , une savane qui s'étend sur d'immenses plateaux. Elle reflète à la pente des Cordilières une lumière jaunâtre, presque dorée dans le lointain, et sert de pàturage aux lamas et au bétail introduit par les colons européens. Là où le rocher nu de trachyte perce le gazon et s'élève dans des couches d'air qu'on croit moins chargées d'acide carbonique, les plantes seules d’une organisation inférieure, des lichens, des lécidées et la poussière colorée du lepraria se développent par ta- ches orbiculaires. Des ilots de neige sporadique fraichement tombée, variables de forme et d’étendue, arrêtent les der- niers et faibles développements de la vie végétale, À ces ilots sporadiques succèdent les neiges éternelles. Elles ont une hauteur constante et facile à déterminer, à cause de la très- petite oscillation qu'éprouve leur limite inférieure. Les forces élastiques qui résident dans l’intérieur de notre globe tra- vaillent, et le plus souvent en vain, à briser ces cloches ou dômes arrondis qui, resplendissants de la blancheur des neiges éternelles, surmontent le dos des Cordilières. Là où les forces souterraines ont réussi, soit par des cratères cir- culaires, soit par de longues crevasses, à ouvrir des commu- nications permanentes avec l'atmosphère, elles produisent rarement des courants de laves, le plus souvent des scories enflammées, des vapeurs d’eau et de soufre hydraté, des mof- fètes d’acide carbonique. Un spectacle si grandiose et si imposant n’a pu faire nai- tre chez les habitants des tropiques, dans le premier état d’une civilisation naissante, qu'un sentiment vague d’éton- nement et de frayeur. On aurait dû supposer peut-être, et nous l’avons déjà rappelé plus haut, que le retour périodique mere des mêmes phénomènes et le mode uniforme d'aprés lequel ils se groupent par zones superposées, auraient facilité à l'homme la connaissance des lois de la nature; mais aussi loin que remontent la tradition et l'histoire, nous ne trouvons pas que ces avantages aient été mis à profit dans ces heu- reux climats. Des recherches récentes ont rendu très-douteux que le siége primitif de la civilisation des Hindous, une des phases les plus merveilleuses des progrès de Fhumanité, ait été entre les tropiques mêmes. Airvana Vaedjo, l'antique ber- ceau du Zend, était placé au nord-ouest du Haut-Indus , et après le grand schisme religieux, c'est-à-dire après la sépa- ration des Iraniens d'avec l'institut brahmanique, la langue jadis commune aux Iraniens et aux Hindous à pris, chez ces derniers (en même temps que la littérature, les mœurs et l’état de la société), une forme individuelle dans le Ma- gadha où Madhya Déca (7), contrée limitée par la grande Cor- dilière de l'Himalaya et la petite chaine Vindhya. En des temps bien postérieurs, la langue et la civilisation sanscrites se sont même avancées vers le sud-est et ont pénétré beaucoup plus avant dans la zone torride, comme mon frère Guillaume de Humboldt ($) l’a exposé dans son grand ouvrage sur la lan- gue kavi et les langues qui ont des rapports de structure avec elle. Malgré toutes les entraves que, sous des latitudes boréales, l'excessive complication des phénomenes et les perpétuelles variations locales dans les mouvements de l’atmosphère et dans la distribution des formes organiques, opposaient à la découverte des lois de la nature, c’est précisément à un petit nombre de peuples habitant la zone tempérée que s’est ré- vélée d’abord une connaissance intime et rationnelle des for- ces qui agissent dans le monde physique. C’est de cette zone boréale, plus favorable apparemment aux progrès dela raison, à l’adoucissement des mœurs et aux libertés publiques, que les germes de la civilisation ont été importés dans la zone tropicale, tant par ces grands mouvements des races qu’on appelle migrations des peuples, que par l'établissement de colonies, fort différentes d'ailleurs par leurs institutions, dans O0 —— les temps phéniciens ou helléniques et dans nos temps mo- dernes. En rappelant l'influence que la succession des phénomènes a pu exercer sur la facilité plus ou moins grande de reconnaitre la cause qui les produit, j'ai touché à ce point important où, dans le contact avec le monde extérieur, à côté du charme que répand la simple contemplation de la nature, se place la jouissance qui nait de la connaissance des lois et de lenchai- nement mutuel de ces phénomènes. Ce qui longtemps n’a été que l’objet d'une vague inspiration est parvenu peu à peu à l'évidence d'une vérité positive. L'homme s’est efforcé de trouver, comme l’a dit dans notre langue un poête immor- tel, « le pôle immuable dans l’éternelle fluctuation des cho- ses créées (°). » Pour remonter à la source de cette jouissance qui se fonde sur l'exercice de la pensée, il suffit de jeter un rapide coup d'œil sur les premiers aperçus de la philosophie de la nature ou de l'antique doctrine du Cosmos. Nous trouvons chez les peuples les plus sauvages (et mes propres courses ont con- firmé cette assertion) un sentiment secret et mélé de terreur de la puissante unité des forces de la nature, d’une essence invisible, spirituelle, qui se manifeste dans ces forces, soit qu’elles développent la fleur et le fruit sur l'arbre nourrigier, soit qu’elles ébranlent le sol de la forêt ou qu’elles tonnent dans les nuages. Il se révele ainsi un lien entre le monde visible et un monde supérieur qui échappe aux sens. L'un et l’autre se confondent involontairement, et, dépourvu de Fappui de l'observation, simple produit d’une conception idéale, le germe d’une philosophie de la nature ne s’en dé- veloppe pas moins dans le sein de l'homme. Chez les peuples les plus arriérés dans la civilisation, li- magination se plait au jeu de créations bizarres et fantasti- ques. La prédilection pour le symbole influe simultanément sur les idées et sur les langues. Au lieu d'examiner, on de- vine, on dogmatise, on interprète ce qui n’a jamais été ob- servé. Le monde des idées et des sentiments ne reflète pas dans sa pureté primitive le monde extérieur. Ce qui dans, là quelques régions de la terre, ne s’est manifesté, comme ru- diment de la philosophie naturelle, que chez un petit nom- bre d'individus doués d'une haute intelligence, se présente en d’autres régions, chez des familles entières de peuples, comme le résultat de tendances mystiques et d’intuitions ins- tinctives. C’est dans le commerce intime avee la nature, c’est dans la vivacité et la profondeur des émotions qu’elle fait naitre, qu'on rencontre aussi les premieres impulsions vers le culte, vers une sanctification des forces destructives ou conservatrices de l'univers. Mais à mesure que l’homme, en parcourant les différents degrés de son développement in- tellectuel, paryient à jouir en toute liberté du pouvoir régu- lateur de la réflexion, à séparer, par un acte d’affranchisse- ment progressif, le monde des idées de celui des sensations, un vague pressentiment de l'unité des forces de la nature ne lui suffit plus. L'exercice de la pensée commence à accom- plir sa haute mission; l’observation, fecondée par le raison- nement, remonte avec ardeur aux eauses des phénomènes. L'histoire des sciences nous apprend qu'il n’a pas ete fa- cile de satisfaire aux besoins d’une si active curiosité. Des observations peu exactes et incomplètes ont conduit, par de fausses inductions, à ce grand nombre d'aperçus physiques qui se sont perpétués parmi les préjugés populaires dans tou- tes les classes de la société. C’est ainsi qu'a côté d’une con- naissance solide et scientifique des phénomènes, il s’est con- servé un système de pretendus résultats d'observations d’au- tant plus difficile à ébranler qu'il ne tient compte d'aucun des faits qui le renversent. Cet empirisme, triste héritage des siècles antérieurs, maintient invariablement ses axiomes. Il est arrogant comme tout ce qui est borné, tandis que la phi- sique , fondée sur la science, doute parce qu’elle cherche à approfondir, sépare ce qui est certain de ce qui est simple- ment probable, et perfectionne sans cesse les théories en éten- dant le cercle des observations. Cet assemblage de dogmes incomplets qu'un siècle lègue à l’autre, cette physique qui se compose de préjugés popu- laires, n’est pas seulement nuisible parce qu'elle perpétue — l'erreur avec l'obstination qu'entraine toujours le témoignage de faits mal observés; elle empêche aussi l'esprit de s'elever aux grandes vues de la nature, Au lieu de chercher l’état moyen autour duquel oseillent, dans l'apparente indépen- dance des forces, tous les phénomènes du monde extérieur, elle se plait à multiplier les exceptions de la loi; elle cher- che dans les phénomènes et dans les formes organiques d’au- tres merveilles que celles d’une succession régulière, d'un dé- veloppement interne et progressif. Sans cesse elle incline à croire interrompu lordre de la nature, à méconnaitre dans le présent l’analogie avec le passé, à poursuivre, au hasard de ses réveries, la cause de prétendues perturbations, tantôt dans l’intérieur de notre globe, tantôt dans les espaces cé- lestes. C’est le but particulier de cet ouvrage de combattre des erreurs qui prennent leur source dans un empirisme vicieux et dans des inductions imparfaites. Les plus nobles jouissan- ces dépendent de la justesse et de la profondeur des aper- eus, de l'étendue de l'horizon qu’on peut embrasser à la fois. Avec la culture de l'intelligence s’est accru, dans toutes les classes de la société, le besoin d’embellir la vie en augmen- tant la masse des idées et les moyens de les généraliser. Le sentiment de ce besoin prouve, aussi en réfutant de vagues accusations portées contre le siècle où nous vivons, que ce ne sont pas les seuls intérêts matériels de la vie qui occu- pent les esprits. Je touche presque à regret une crainte qui semble naître d’une vue bornée ou d’une certaine sentimentalité molle et faible de l'âme, je veux dire la crainte que la nature ne perde de son charme et du prestige de son pouvoir magique à mesure que nous commençons à pénétrer dans ses secrets, à comprendre le mécanisme des mouvements célestes, à éva- luer numériquement l'intensité des forces. Il est vrai que les forces n’exercent, à proprement parler, un pouvoir magique sur nous qu'autant que leur action, enveloppée de mysteres et de ténébres, se trouve placée hors de toutes les condi- tions que l'expérience a pu atteindre. L'effet d’un tel pou- En es voir est par conséquent d’émouvoir l'imagination; mais cer- tes ce n’est pas cette faculté de lame que nous évoquerions de préférence pour présider aux laborieuses, aux minutieu- ses observations, dont le but est la connaissance des plus grandes et des plus admirables lois de l'univers. L’astronome qui, au moyen d’un héliomètre ou d’un prisme à double ré- fraction (1°), détermine le diamètre des corps planétaires, qui mesure patiemment, pendant des années entières, la hauteur méridienne ou les rapports de distance des étoiles, qui cher- che une comète télescopique au milieu d'un groupe de pe- tites nébuleuses, ne se sent (et c’est ia garantie même de la précision de son travail) l'imagination non plus émue que le botaniste qui compte les divisions du calice, le nombre des étamines, les dents tantôt libres, tantôt soudées de l'anneau qui entoure la capsule d’une mousse. Cependant d’une part les mesures multipliées des angles, de l’autre les rapports du détail de l’organisation, préparent la voie à d'importants aperçus sur la physique générale. | Il faut distinguer entre la disposition de l'âme, l’état de l'esprit chez l'observateur, pendant qu'il observe, et l’agran- dissement ultérieur des vues qui est le fruit de linvestiga- tion et du travail de la pensée. Les physiciens mesurent avec une admirable sagacité les ondes lumineuses inégale- ment longues, qui se renforcent ou se détruisent par inter- férence, même dans Jeurs actions chiniques. L’astronome. armé de puissants télescopes, pénètre dans les espaces cé- lestes, contemple, aux dernières limites de notre système so- laire, les lunes d'Uranus, et décompose de faibles points étin- celants en étoiles doubles inégalement colorées. Les botanis- tes retrouvent là constance du mouvement giratoire du chara dans la plupart des cellules végétales, et reconnaissent l’en- chainement intime des formes organiques par genres et par familles naturelles. Or, la voüte céleste parsemée de nébu- leuses et d'étoiles, et le riche tapis de végétaux qui couvre le sol dans le climat des palmiers, ne peuvent manquer de laisser à ces observateurs laborieux une impression plus imposante et plus digne de la majesté de la création qu’à + gr =— ceux dont l'âme n’est point habituée à saisir les grands rap- ports qui lient les phénomènes. Je ne puis par conséquent tomber d'accord avec Burke, lorsque, dans un de ses spi- rituels ouvrages, il prétend « que notre ignorance des cho- ses de la nature est la cause principale de l'admiration qu’el- les nous inspirent, que €’est elle qui produit le sentiment du sublime. » Tandis que l'illusion des sens fixe les astres à la voute des cieux, l'astronomie, par ses travaux hardis, agrandit in- définiment l’espace. Si elle circonserit la grande nébuleuse à laquelle appartient le système solaire, ce n’est que pour nous montrer au delà, vers des régions qui fuient à mesure que les pouvoirs optiques augmentent, d’autres ilots de nébuleu- ses sporadiques. Le sentiment du sublime, en ‘tant qu'il nait de la contemplation de la distance des astres, de leur gran- deur, de l'étendue physique, se réfléchit dans le sentiment de l'infini qui appartient à une autre sphère d’idées, au monde intellectuel. Ce que le premier offre de solennel et d’impo- sant, il le doit à la liaison que nous venons de signaler, à cette analogie de jouissances et d'émotions qui sont excitées en nous, soit au milieu des mers, soit dans l'océan aérien, lorsque des couches vaporeuses et à demi diaphanes nous enveloppent sur le sommet d’un pic isolé, soit enfin devant un de ces puissants instruments qui dissolvent en étoiles des nébuleuses lointaines. La simple accumulation d'observations de détail sans rap- port entre elles, sans généralisation d'idées, a pu conduire sans doute à un préjugé profondément invétéré, à la persua- sion que l'étude des sciences exactes doit nécessairement re- froidir le sentiment et diminuer les nobles plaisirs de la con- templation de la nature. Ceux qui, dans le temps où nous vivons, au milieu des progrès de toutes les branches de nos connaissances et de la raison publique elle-même, nourris- sent encore une telle erreur, méconnaissent le prix de toute extension de la sphère intellectuelle, le prix de cet art de voiler, pour ainsi dire, le détail des faits isolés, pour s'élever à des résultats généraux. Souvent, au regret de sacrifier, — 4 — sous l'influence du raisonnement scientifique la libre jouis- sance de la nature, s'ajoute une autre crainte, celle qu'il n’est pas donné à toutes les intelligences de saisir les vérités de la physique du monde. Il est vrai qu'au milieu de cette fluc- tuation universelle de forces et de vie, dans ce réseau inex- tricable d'organismes qui se développent et se détruisent tour à tour, chaque pas que l’on fait dans la connaissance plus intime de la nature conduit à l'entrée de nouveaux labyrin- thes; mais e’est l'excitation d’un sentiment divinatoire, c’est la vague intuition de tant de mystères à dévoiler, la multi- plicité des routes à parcourir, qui, à tous les degrés du sa- voir, stimulent en nous l'exercice de la pensée. La décou- verte de chaque loi de la nature conduit à une autre loi plus générale, en fait pressentir au moins l’existence à l’ob- servateur intelligent. La nature, comme l’a définie un céle- bre physiologiste (11), et comme le mot méme l'indique chez les Grecs et chez les Romains, est « ce qui croit et se déve- loppe perpetuellement, ce qui n’a de vie que par un chan- gement continu de forme et de mouvement intérieur. » La série des types organiques s’étend ou se complète pour nous à mesure que, par des voyages de terre ou de mer, on pénètre dans des régions inconnues, que l’on compare les or- ganismes vivants avec ceux qui ont disparu dans les gran- des révolutions de notre planète, à mesure que les microsco- pes se sont perfectionnés, et que l’usage s’en est répandu parmi ceux qui savent s’en servir avec discernement. Au sein de cette immense variété de productions animales et vé- gétales, dans le jeu de leurs périodiques transformations, se renouvelle sans cesse le mystere primordial de tout dévelop- pement organique, ce problème de la métamorphose que Goethe à traité avec une sagacité supérieure, et qui nait du besoin que nous éprouvons de réduire les formes vitales à un petit nombre de types fondamentaux. Au milieu des ri- chesses de la nature et de cette accumulation croissante des observations, l'homme se pénètre de la conviction intime qu’à la surface et dans les entrailles de la terre, dans les profon- deurs de la mer et dans celles des cieux, même après des 0 milliers d'années, « l’espace ne manquera pas aux conqué- rants scientifiques. » Le regret d'Alexandre (1?) ne saurait s’a- dresser aux progrès de l'observation et de l'intelligence. Des considérations générales, qu’elles aient rapport à la matière agglomérée en corps célestes où à la distribution géographique des organismes terrestres, ne sont pas seule- ment plus attrayantes par elles-mêmes que les études spé- ciales; elles offrent aussi de grands avantages à ceux qui ne peuvent donner que peu de temps à ce genre d’occupations. Les différentes branches de l’histoire naturelle ne sont acces- sibles que dans certaines positions de la vie sociale; elles ne présentent pas de charme dans chaque saison, sous chaque climat. Dans les zones inhospitalières du nord, nous sommes privés pendant longtemps du spectacle qu'offrent à nos re- yards les forces productives de la nature organique; et si notre intérêl est fixé sur une seule classe d'objets, les récits les plus animés des voyageurs qui ont parcouru des pays lointains, n'auront aucun attrait pour nous, à moins que ces récits ne touchent aux objets même de notre prédilection. De même que l’histoire des peuples, si elle pouvait tou- jours remonter avec succès aux véritables causes des évé- nements, parviendrait à résoudre l’éternelle énigme des oscil- lations qu'éprouve le mouvement tour à tour progressif ou rétrograde de la société humaine; de même aussi la descrip- tion physique du monde, la science du Cosmos, si elle était conçue par une forte intelligence et fondée sur la connais- sance de tout ce que l’on a découvert jusqu’à une époque donnée, ferait disparaitre une partie des contradictions que semble offrir au premier abord la complication des phéno- ménes, effet d'une multitude de perturbations simultanées. La connaissance des lois, qu’elles se révèlent dans les mou- vements de l'Océan, dans la marche calculée des comètes, où dans les attractions mutuelles des étoiles multiples, aug- mente le sentiment du calme de la nature. On dirait que «la discorde des éléments, » ce long épouvantail de l’esprit hu- main dans ses premières intuitions, s’apaise à mesure que les sciences étendent leur empire. Les vues générales nous (0. habituent à considérer chaque organisme comme une partie de la création entière, à reconnaitre dans la plante et dans l'animal, non l'espèce isolée, mais une forme liée, dans la chaine des êtres, à d’autres formes vivantes ou éteintes. El- les nous aident à saisir les rapports qui existent entre les découvertes les plus récentes et celles qui les ont préparées. Relégués sur un point de l’espace, nous n’en recueillons qu’a- vec plus d’avidité ce qui a été observé sous différents eli- mats. Nous aimons à suivre d’audacieux navigateurs au mi- lieu des glaces polaires, jusqu’au pie de ce volcan du pôle antarctique dont les feux sont visibles pendant le jour à de grandes distances ; nous parvenons même à comprendre quel- ques-unes des merveilles du magnétisme terrestre, et lim- portance des nombreuses stations disséminées aujourd’hui dans les deux hémisphères pour épier la simultanéité des perturbations, la fréquence et la durée des orages magné- tiques. Qu'il me soit permis de faire quelques pas de plus dans le champ des découvertes dont l'importance ne peut être ap- préciée que par ceux qui se sont livrés à des études de phy- sique générale. Des exemples choisis parmi les phénomènes qui ont surtout fixé l'attention dans ces derniers temps, ré- pandront un jour nouveau sur les considérations préeéden- tes. Sans une connaissance préliminaire de l'orbite des co- mètes, on ne saisirait pas l'importance de la découverte de l’une d’elles, dont l'orbite elliptique est incluse dans les étroï- tes limites de notre système planétaire, et qui a révélé l’e- xistence d’un fluide éthéré tendant à diminuer la force cen- trifuge et la durée des révolutions. A une époque où, avide d'un demi-savoir, on se plait à méler aux conversations du jour de vagues aperçus scientifiques, les craintes d’un choc périlleux avec tel ou tel corps céleste, ou d’un prétendu dé- rangement des climats, se renouvellent sous d’autres formes. Ces rêves de l'imagination deviennent d'autant plus nuisibles qu'ils ont leur source dans des prétentions dogmatiques. L'histoire de l'atmosphère et des variations annuelles qu’é- prouve sa température remonte déjà assez haut pour mani- SON gi fester le retour de petites oscillations autour de la chaleur moyenne d’un lieu, pour nous prémunir par conséquent con- tre la crainte exagérée de la détérioration générale et pro- gressive des climats de l’Europe. La comète d'Encke, une des trois comètes intérieures, achève sa course en douze cents jours, et n’est, par la forme et la position de son or- bite, pas plus dangereuse pour la terre que la grande co- imète de Halley, de soixante-seize ans, moins belle en 1835 qu'en 1759, que la comète intérieure de Biela, qui coupe, il est vrai, l'orbite de la terre, mais ne peut se rapprocher beaucoup de nous que lorsque sa proximité au soleil coin- cide avec le solstice d'hiver. La quantité de chaleur que reçoit une planète, et dont la distribution inégale détermine les variations météorologiques de l'atmosphère, dépend à la fois de la force photogénique du soleil, c’est-à-dire de l’état de ses enveloppes gazeuses et de la position relative de la planète et du corps central, Il existe des changements qu’éprouvent, selon les lois de la gravitation universelle, la forme de l'orbite terrestre ou l'in- clinaison de l’écliptique (l'angle que fait l'axe de la terre avec le plan de son orbite); mais ces changements périodiques sont si lents et enfermés dans des limites si étroites que les effets thermiques ne sauraient devenir appréciables pour nos instruments actuels qu'après des milliers d'années. Les cau- . ses astronomiques d’un refroidissement de notre globe, de la diminution de l'humidité à sa surface, de la nature et de la fréquence de certaines épidémies (phénomènes souvent discutés de nos jours selon de ténébreux aperçus du moyen age), doivent être considérées comme placées hors de la por- tée des procédés actuels de la physique et de la chimie. L’astronomie physique nous offre d’autres phénomènes qu’on ne saurait saisir dans toute leur grandeur sans y être préparé par des vues générales sur les forces qui animent l’univers. Tels sont le nombre immense d'étoiles ou plutôt de soleils doubles, tournant autour d'un centre de gravité commun et révélant l'existence de l'attraction newtonienne dans les mondes les plus éloignés; l'abondance ou la rarete des taches du soleil, c'est-à-dire de ces ouvertures qui se forment dans les atmosphères lumineuse et opaque dont le noyau solide est enveloppé; les chutes régulières des étoi- les filantes du 43 novembre et de la fête de saint Laurent, anneau d’astéroïdes qui coupent probablement l'orbite de la terre et se meuvent avec une vitesse planétaire. | : Si des régions célestes nous descendons vers la terre, nous désirons concevoir les rapports qui existent entre les oscil- lations du pendule dans un espace rempli d'air, oscilla- tions dont la théorie a été perfectionnée par Bessel, et la densité de notre planète; nous demandons comment le pen- dule, faisant les fonctions d’une sonde, nous éclaire jusqu'à un certain point sur la constitution géologique des couches à de grandes profondeurs. On aperçoit une analogie frap- pante entre la formation des roches grenues qui composent des courants de laves à la pente des volcans actifs, et ces masses endogènes de granite, de porphyre et de serpentine, qui, sorties du sein de la terre, brisent, comme roches d’é- rupton, les bancs secondaires, et les modifient par contact. soit en les rendant plus durs au moyen de la silice qui s’in- troduit, soit en les réduisant à l’état de dolomie, soit enfin en y faisant naitre des cristaux de composition trés-variée. Le soulèvement d’ilots sporadiques, de dômes de trachyte et de cônes de basalte par les forces élastiques qui émanent de l’intérieur fluide du globe. ont conduit le premier géolo- gue de notre siècle, M. Léopold de Buch, à la théorie du soulèvement des continents et des chaines de montagnes en général. Une telle action des forces souterraines, la rupture et l’exhaussement des bancs de rochés de sédiment dont le littoral du Chili, à la suite d’un grand tremblement de terre, a offert un exemple récent, font entrevoir la possibilité que des coquilles pélagiques trouvées par M. Bonpland et moi, sur le dos des Andes, à plus de 4600 métres d’élévation, aiént pu parvenir à cette position extraordinaire, non par lintumescence de l'Océan, mais par des agents volcaniques capables de rider la croûte ramollie de la terre. p nr J'appelle oeulcanisme, dans le sens le plus général du mot, toute action que l'intérieur d’une planète exerce sur sa croûte extérieure, La surface de notre globe et celle de la lune ma- nifestent les traces de cette action qui, dans notre planète du moins, à varié dans la série des siècles. Ceux qui igno- rent que la chaleur intérieure de la terre augmente rapide- ment avec la profondeur, et qu’à huit ou neuf lieues de dis- tance (1) le granite est en fusion, ne peuvent se former une idée précise des causes et de la simultanéité d'éruptions vol- caniques très-éloignées les unes des autres, de l'étendue et du croisement des cercles de commotions qu'offrent les trem- blements de terre, de la constance de température et de l’é- galité de composition chimique observées dans les eaux ther- males pendant une longue suite d'années. Telle est cepen- dant l'importance de la quantité de chaleur propre à une planète, résultat de sa condensation primitive, variable se- lon la nature et la durée du rayonnement, que l'étude de cette quantité jette à la fois quelque lueur sur l'histoire de l'atmosphère et la distribution des corps organisés enfouis dans la croûte solide de la terre. Cette étude nous fait con- cevoir comment une température tropicale, indépendante de la latitude (de la distance aux pôles), a pu être l'effet de pro- fondes crevasses restées longtemps ouvertes lors du ridement et du fendillement de la croûte à peine consolidée et exha- lant la chaleur de l’intérieur. Elle nous retrace un ancien état de choses, dans lequel la température de l'atmosphère et les climats en général étaient dus bien plutôt au déga- gement du calorique et de différentes émanations gazeuses, c’est-à-dire à l’énergique réaction de l'intérieur sur l'exté- rieur, qu'au rapport de la position de la terre vis-à-vis du corps central, le soleil. Les régions froides récèlent, déposés dans des couches sé- dimentaires, les produits des tropiques: dans le terrain houil- ler, des troncs de palmiers, restés sur pied et mélés à des coniferes, des fougères arborescentes, des goniatites et des poissons à écailles rhomboïdales osseuses (1%); dans le calcaire du Jura, d'énormes squelettes de crocodiles et de plésio- LR ES saures, des planulites et des troncs de cycadées; dans la craie, de petites polythalames et de bryozoaires dont les mêmes espèces vivent encore au sein des mers actuelles; dans le tripoli ou schiste à polir, la demi-opale et l’opale farineuse, de puissantes agglomérations d'infusoires silicieux qu'Ehren- berg, sous son microscope vivifiant, nous à révélées; enfin, dans les terrains de transport et certaines cavernes, des os- sements d’éléphants, de hyènes et de lions. Familiarisés que nous sommes avec les grandes vues de la physique du globe, ces productions des climats chauds, se trouvant à l'état fos- sile dans les régions septentrionales, n’exeitent plus parmi nous une stérile curiosité ; elles deviennent les plus dignes objets de méditations et de combinaisons nouvelles. La multitude et la variété des problèmes que je viens d’a- border font naitre la question de savoir si des considéra- tions générales peuvent avoir un degré suffisant de clarté là où manque l'étude détaillée et spéciale de l'histoire natu- relle descriptive, de la géologie ou de l’astronomie mathé- matique. Je pense qu'il faut distinguer d'abord entre celui qui doit recueillir les observations éparses et les approfon- dir pour en exposer l’enchainement, et celui à qui cet en- chainement doit être transmis sous la forme de résultats gé- néraux. Le premier s'impose l'obligation de conmaitre la spé- cialité des phénomènes; il faut qu'avant d'atteindre à la ge- néralisation des idées, il ait parcouru, du moins en partie, le domaine des sciences, qu'il ait observé, expérimenté, me- suré lui-même. Je ne saurais nier que là où manquent les connaissances positives, les résultats généraux qui, dans leurs rapports suivis, donnent tant de charme à la contemplation de la nature, ne peuvent pas tous être développés avec le même degré de lumière; mais j'aime à croire cependant que dans l'ouvrage que je prépare sur la physique du monde, la partie la plus considérable des vérités sera mise en évi- dence sans qu'il soit nécessaire de remonter toujours aux . principes et aux notions fondamentales. Ce tableau de la na- ture, düt-il même présenter, dans plusieurs de ses parties , des contours peu arrêtés, n’en sera pas moins propre à fé 1 | t2 re | conder l'intelligence, à grandir la sphère des idées, à nour- rir et à vivitier l'imagination. Ce n'est peut-être pas à tort que l’on a reproché à plu- sieurs ouvrages scientifiques de l'Allemagne d'avoir diminué, par l'accumulation des détails, Fimpression et la valeur des aperçus généraux ; de ne pas séparer suffisamment ces grands résultats qui forment, pour ainsi dire, les sommités des scien- ces, de la longue énumération des moyens qui ont servi à les obtenir. Ce reproche à fait dire avec humeur au plus il- lustre de nos poètes (f): « Les Allemands ont le don de ren- dre les sciences inaccessibles. » L'édifice terminé ne peut pro- duire de l'effet que si on le débarrasse de l’échafaudage qui a été nécessaire pour le construire. Ainsi l’'uniformité de fi- gure que l’on observe dans la distribution des masses con- üinentales, qui toutes se terminent vers le sud en forme de pyramide, et s’élargissent vers le nord (loi qui détermine la nature des climats, la direction des courants dans l'Océan et dans l’atmosphère, le passage de certains types de vége- tation tropicale à la zone tempérée australe), peut être saisie avec clarté, sans que l’on connaisse les opérations geodeési- ques et astronomiques par lesquelles ces formes pyramidales des continents ont été déterminées. De même la géographie physique nous apprend de combien de lieues l'axe équatorial est plus grand que l'axe polaire du globe; elle nous apprend l'égalité moyenne de l’aplatissement des deux hémispheres, sans qu'il soit nécessaire d'exposer comment, par la mesure des degrés du méridien ou par des observations du pendule, on est parvenu à reconnaitre que la véritable figure de la terre n’est pas exactement celle d'un ellipsoide de révolu- tion régulier, et que cette figure se reflete dans les inégali- tés des mouvements lunaires. Les grandes vues de la géo- graphie comparée n’ont commencé à prendre de la solidite et de l'éclat tout ensembie qu’à l'apparition de cet admira- ble ouvrage (Etudes de la terre dans ses rapports avec la nature et avec l’histoire de l’homme) où Charles Ritter a si fortement caractérisé la physionomie de notre globe et montré l'influence de sa configuration extérieure, tant sur — Je — les phénomènes physiques qui s'opérent à sa surface, que sur les migrations des peuples, leufs lois, leurs mœurs et tous les principaux phénomenes historiques dont elle est le théatre. La France possède un ouvrage immortel, l'Exposition du système du monde, dans lequel l'auteur a réuni les résultats des travaux mathématiques et astronomiques les plus subli- mes, en les dégageant de l'appareil des démonstrations. La structure des cieux est réduite. dans ce livre, à la simple solution d’un grand problème de mécanique. Cependant , PÆxposition du système du monde de Laplace n’a jamais eté taxée jusqu'ici d’être incomplète et de manquer de pro- fondeur. Distinguer les matériaux dissemblables, les travaux qui ne tendent pas au même but, séparer les aperçus gé- néraux des observations isolées, c’est le seul moyen de don- ner l’unité de composition à la physique du monde, de ré- pandre de la clarté sur les objets, d'imprimer un caractère de grandeur à l'étude de la nature. En supprimant tout ce qui distrait par les détails, on n’envisage que les grandes masses, et l’on saisit rationnellement, par la pensée, ce qui reste insaisissable à la faiblesse de nos sens. Il faut ajouter à ces considérations que l'exposition des résultats est singulièrement favorisée de nos jours par Fheu- reuse révolution qu'ont subie, depuis la fin du dernier siée- cle, les études spéciales, surtout celles de la géologie, de la chimie et de l’histoire naturelle descriptive. A mesure que les lois se généralisent, que les sciences se fécondent mutuel- lement, qu’en s'étendant elles s'unissent entre elles par des liens plus nombreux et plus intimes, le développement des vérités générales peut être concis sans devenir superficiel, Au début de la civilisation humaine, tous les phénomènes paraissent isolés; la multiplicité des observations et la réfle- xion les rapprochent et font connaitre leur dépendance mu- tuelle, S'il arrive pourtant que, dans un siècle caractérise comme le nôtre par les progrès les plus éclatants, un man- que de liaison des phénomenes entre eux se fasse sentir pour certaines sciences, on doit s'attendre à des découvertes d’au- — 96 — ant plus importantes que ces mêmes sciences ont été cultivées avee une sagacité d'observations et une prédilection toutes particulières. C’est ce genre d'attente qu’excitent la météo- rologie, plusieurs parties de l’optique et, depuis les beaux travaux de Melloni et de Faraday, l'étude du calorique ra- vonnant et de l’électro-magnétisme. Il reste là à recueillir une riche moisson, bien que la pile de Volta nous montre déjà une liaison intime entre les phénomènes électriques, magnétiques et chimiques. Qui oserait affirmer aujourd'hui que nous connaissons avec précision la partie de latmos- phére qui n’est pas de l'oxygène, que des millièmes de sub- stances gazeuses agissant sur nos organes ne sont pas mé- lées à l'azote, qu'on ait même découvert le nombre entier des forces qui existent dans l'univers? Il n’est point question, dans cet essai sur la physique du monde, de réduire l’ensemble des phénomènes sensibles à un petit nombre de principes abstraits, ayant leur base dans la raison seule. La physique du monde, telle que j'entre- prends de l’exposer, n’a pas la prétention de s'élever aux périlleuses abstractions d'une science purement rationnelle de la nature; c’est une géographie physique réunie à la des- cription des espaces célestes et des corps qui remplissent ces espaces. Étranger aux profondeurs de la philosophie pu- rement speculative, mon essai sur le Cosmos est la contem- plation de l'univers, fondée sur un empirisme raisonné, €’est- à-dire sur l’ensemble des faits enregistrés par la science et soumis aux opérations de l’entendement qui compare et com- bine. C’est dans ces limites seules que l'ouvrage que j’ai osé entreprendre rentre dans la sphère des travaux auxquels a eté vouée la longue carrière de ma vie scientifique. Je ne me hasarde pas dans une sphère où je ne saurais me mou- voir avec liberté, quoique d’autres puissent à leur tour s’y essayer avec succès. L'unité que je tâche d'atteindre dans le développement des grands phénomènes de lPunivers est celle qu'offrent les compositions historiques. Tout ce qui tient a des individualités accidentelles, à l’essence variable de la réalité, que ce soit dans la forme des êtres et dans le grou- DU pement des corps, où dans la lutte de l'homme contre Îles éléments et des peuples contre les peuples, ne peut être ra- tionnellement construit, déduit des idées seules. J'ose croire que la description de lunivers et l'histoire civile se trouvent placées au même degré d’empirisme; mais en soumettant les phénomènes physiques et les évenements au travail de la pensée, et en remontant par le raisonne- ment aux causes, on se pénètre de plus en plus de cette an- tique croyance, que les forces inhérentes à la matiere et cel- les qui régissent le monde moral, exercent leur action sous l'empire d’une nécessité primordiale et selon des mouve- ments qui se renouvellent par retours périodiques plus ou moins longs. C’est cette nécessité des choses, cet enchainement occulte, mais permanent, ce retour périodique dans le déve- loppement progressif des formes, des phénomènes et des évé- nements, qui constituent la nature obéissante à une premiere impulsion donnée. La physique, comme l'indique son nom même, se borne à expliquer les phénomènes du monde ma- tériel par les propriétés de la matière, Le dernier but des sciences expérimentales est done de remonter à l'existence des lois et de les généraliser progressivement. Tout ce qui porte au delà n’est pas du domaine de la physique du monde, et appartient à un autre genre de spéculations plus élevées. Emmanuel Kant, du très-petit nombre des philosophes qu’on n'a pas accusés d’impiété jusqu'ici, a marqué les limites des explications physiques avec une rare sagacité, dans son cé- lèbre Æssai sur la théorie et la construction des cieux, pu- blié à Kænigsberg en 1755. L'étude d’une science qui promet de nous conduire à tra- vers les vastes espaces de la création ressemble à un vo- yage dans un pays lointain. Avant de l’entreprendre, on mesure, et souvent avee méfiance, ses propres forces comme celles du guide qu'on a choisi. La crainte, dont la source est l’abondance et la difficulté des matières, diminue si l’on se rappelle, comme nous l'avons énoncé plus haut, qu'avec la richesse des observations, a augmenté aussi, de nos jours, la connaissance de plus en plus intime de la connexité des phé- nomeènes. Ce qui, dans le cercle plus étroit de notre horizon, a paru longtemps inexplicable, a été éclairei souvent el ino- pinément par des recherches faites à de grandes distances. Dans le regne animal, comme dans le régne végétal, des for- ces organiques restées isolées ont été liées par des chainons intermédiaires, par des formes ou types de transition. La géographie des êtres doués de vie se complète, en nous mon- trant des espèces, des genres, des familles entières propres à un continent, comme reflétés dans des formes analogues d'animaux et de plantes du continent opposé. Ce sont, pour ainsi dire, des équivalents qui se suppléent et se rempla- cent dans la grande série des organismes. La transition et lenchainement se fondent tour à tour sur un amoindrisse- ment ou un développement excessif de certaines parties, sur des soudures d'organes distincts, sur la prépondérance qui résulte d’un manque d'équilibre dans le balancement des for- ces, sur des rapports avec des formes intermédiaires, qui, loin d’être permanentes, caractérisent seulement certaines phases d’un développement normal. Si, des corps doués de la vie, nous passons aux êtres du monde inorganique, nous y trouverons des exemples qui caractérisent à un haut de- gré les progrès de la géologie moderne. Nous reconnaitrons comment, d’après les grandes vues d’Elie de Beaumont, les chaines des montagnes qui divisent les climats. les zones végétales et les races de peuples, nous révèlent leur âge relatif, et par la nature des bancs sédimentaires qu'elles ont soulevés, et par les directions qu’elles suivent au-des- sus des longues erevasses sur lesquelles s’est fait le ride- ment de la surface du globe. Des rapports de gisement dans des formalions de trachyte et de porphyre syénitique, de diorite et de serpentine, qui sont restés douteux dans les ter- rains auriferes de la Hongrie, dans l'Oural, riche en platine, et à la pente sud-ouest de l’Altaï sibérien, se trouvent éclair- eis par des observations recueillies sur les plateaux de Me- xico et d’Antioquia, dans les ravins insalubres du Choco. Les matériaux les plus importants sur lesquels, dans les temps modernes, la physique du monde à posé ses bases, n'ont pas — 99 — éte accumulés au hasard. On à reconnu enfin, et cette con- viction donne un caractere particulier aux investigations de notre époque, que des courses lointaines, consacrées long- temps de préférence au récit de hasardeuses aventures, ne peuvent être instructives qu’autant que le voyageur connait l’état de la science dont il doit étendre le domaine, qu’au- tant que ses idées guident ses recherches et l’initient à le- tude de la nature. C’est par cette tendance vers les conceptions générales . périlleuse seulement dans ses abus, qu'une partie considé- rable des connaissances physiques déjà acquises peut deve- nir la propriété commune de toutes les classes de la so- ciéte; mais cette propriété n'a de la valeur qu'autant que l'instruction répandue contraste, par l'importance des objets qu’elle traite et par la dignité de ses formes, avec ces com- pilations peu substantielles que, jusqu’à la fin du dix-bui- tième siècle, on a signalé par le nom impropre de savoir populaire. J'aime à me persuader que les sciences exposées dans un langage qui s'éleve à leur hauteur, grave et animé à la fois, doivent offrir à ceux qui, renfermés dans le cercle étroit des devoirs de la vie, rougissent d’être restes longtemps étrangers au commerce intime avec la nature, une des plus vives jouissances, celle d’enrichir l'esprit d'idées nouvelles. Ce commerce, par les émotions qu'il fait naitre, réveille, pour ainsi dire, en nous des organes qui longtemps ont sommeillé. Nous parvenons à saisir d’un coup d'œil étendu ce qui, dans les découvertes physiques, agrandit la sphère de l'intelligence, et ce qui, par d'heureuses applications aux arts mécaniques et chimiques, accroit la richesse nationale. Une connaissance plus exacte de la liaison des phénome- nes nous délivre aussi d’une erreur, trop répandue encore ; c'est que, sous le rapport du progrès des sociétés humaines et de leur prospérité industrielle, toutes les branches de la connaissance de la nature n’ont pas la même valeur intrin- sèque. On établit très arbitrairement des degrés d'importance entre les sciences mathématiques, l'étude des corps organi- sés, la connaissance de l’électro-magnétisme, l’investigation sn, des propriétés générales de la matière dans ses divers états d'agrégation moléculaire. On déprécie présomptueusement ce que l’on croit flétrir par le nom de « recherches pure- ment théoriques. » On oublie, et cette remarque est pour- {ant bien ancienne, que l'observation d'un phénomène qui parait d’abord entièrement isolé, renferme souvent le germe d’une grande découverte. Lorsque Aloysio Galvani excita pour la premiere fois la fibre nerveuse par le contact acci- dentel de deux métaux hétérogènes, ses contemporains étaient loin d’espérer que l’action de la pile de Volta nous ferait voir dans les alcalis des métaux à lustre d’argent, nageant sur l'eau et éminemment inflammables; que la pile elle-même de- viendrait un instrument puissant d'analyse chimique, un ther- moscope et un aimant. Lorsque Huyghens observa le premier, en 1678, un phénomène de polarisation, la différence qui existe entre les deux rayons dans lesquels un faisceau de lumière se partage en traversant un cristal à double re- fraction, on ne prévoyait pas que, presqu'un siècle et demi plus tard, la grande découverte de la polarisation chroma- tique, par M. Arago, conduirait cet astronome-physicien à résoudre, au moyen d’un petit fragment de spath d'Islande, les importantes questions (!f) de savoir si la lumière solaire emane d’un corps solide ou d’une enveloppe gazeuse, si les comètes nous envoient de la lumière propre ou réflechie. L'appréciation égale de toutes les branches de sciences mathématiques, physiques et naturelles, est le besoin d’une époque où la richesse matérielle des États et leur prospérité croissante sont principalement fondées sur un emploi plus ingénieux et plus rationnel des productions et des forces de la nature. Un rapide coup d’œil jeté sur l’état actuel de l'Eu- rope rappelle qu’au milieu de cette lutte inégale des peu- ples qui rivalisent dans la carrière des arts industriels, l’iso- lement et une lenteur indolente ont indubitablement pour effet la diminution ou l'anéantissement total de la richesse na- tionale. Il en est de la vie des peuples comme de la nature, qui, selon une heureuse expression de Goethe (17), « dans son impulsion éternellement reçue et transmise, dans le dévelop- = 9f + pement organique des êtres, ne connait ni repos, ni arret, qui a attaché sa malédiction à tout ce qui retarde et suspend le mouvement. + C’est la propagation des études fortes et sérieuses des sciences qui contribuera à éloigner les dangers que je signale ici. L'homme n’a de l’action sur la nature, il ne peut s'approprier aucune de ses forces, qu'autant qu'il apprend à les mesurer avec précision, à connaitre les lois du monde physique. Le pouvoir des sociétés humaines, Bacon l’a dit, c’est l'intelligence; ce pouvoir s'élève et s’abaisse avec elle. Mais le savoir qui résulte du libre travail de la pensée n'est pas seulement une joie de Fhomme, il est aussi l’anti- que et indestructible droit de lhumanité. Tout en faisant partie de ses richesses, souvent il est la compensation des biens que la nature a répartis avec parcimonie sur la terre. Les peuples qui ne prennent pas une part active au mouve- ment industriel, au choix et à la préparation des matières premières, aux applications heureuses de la mécanique et de la chimie, chez lesquels cette activité ne pénètre pas toutes les classes de la société, doivent infailliblement déchoir de la prospérité qu'ils avaient acquise. L’appauvrissement est d'autant plus rapide, que des États limitrophes rajeunissent davantage leurs forces par lheureuse influence des seiences sur les arts. De même que. dans les sphères élevées de la pensée et du sentiment, dans la philosophie, la poésie et les beaux-arts, le premier but de toute étude est un but intérieur, celui d’a- grandir et de féconder l'intelligence, de même aussi le terme vers lequel les sciences doivent tendre directement €’est la découverte des lois, du principe d'unité qui se révèle dans la vie universelle de la nature. En poursuivant la route que nous venons de tracer, les études physiques n’en seront pas moins utiles aux progrès de l’industrie, qui est une conquête de l'intelligence de l’homme sur la matière. Par une heureuse connexité de causes et d’effets, souvent même sans que l'hom- ‘ me en ait la prévision, le vrai, le beau, le bon se trouvent lies à l’utile. L'amélioration des cultures livrées à des mains li- bres et dans des propriétés d’une moindre étendue; l'état 48 = florissant des arts mécaniques, délivrés des entraves que leur opposait l'esprit de corporation; le commerce agrandi et vi- vifié par la multiplicité des moyens de contact entre les peu- ples, voilà les résultats glorieux des progrès intellectuels et du perfectionnement des institutions politiques dans lesquels ces progrès se reflètent. Le tableau de l’histoire moderne de- vrait convaincre ceux dont le réveil parait tardif. Ne craignons pas non plus que la direction qui caractérise notre siècle, que la prédilection si marquée pour Pétude de la nature et pour les progrès de l’industrie, aient pour effet nécessaire de ralentir les nobles efforts qui se produisent dans le domaine de la philosophie, de l’histoire et de la connais- sance de l'antiquité; qu’elles tendent à priver les productions des arts, charme de notre existence, du souffle vivifiant de l'imagination. Partout où, sous l'égide d'institutions libres et d'une sage législation , les germes quelconques de la civi- lisation peuvent se développer pleinement, il n’est pas à craindre qu'une rivalité pacifique nuise à aucune des créa- tions de l'esprit. Chacun de ces développements offre des fruits précieux à l'État, ceux qui donnent la nourriture à l’homme et fondent sa richesse physique, aussi bien que ceux qui, plus durables, transmettent la gloire des peuples à la posté- rité la plus reculée. Les Spartiates, malgré leur austérité do- rienne, priaient les dieux « de leur accorder le beau avec le bon (!#). >» Je ne développerai pas davantage ces considérations si souvent exposées sur l'influence qu’exercent les sciences ma- thématiques et physiques en tout ce qui tient aux besoins matériels de la société. La carrière que je dois parcourir est trop vaste pour me permettre d'’insister ici sur l'utilité des applications. Accoutumé à des courses lointaines, peut-être ai-je le tort de dépeindre la route comme plus frayée et plus agréable qu’elle ne l'est réellement: c’est l’habitude de ceux qui aiment à guider les autres jusqu'aux sommets de hautes montagnes. Ils vantent la vue, lors même qu'une grande étendue de plaines reste cachée dans les nuages; ils savent | — 33 — qu'un voile vaporeux et à demi diaphane à un charme se- cret, que lFimage de l'infini lie le monde des sens au monde des idées et des émotions. Pareillement aussi, de la hauteur à laquelle s'élève la physique du monde, l'horizon ne se mon- tre pas également éclairé et bien arrêté dans toutes ses par- ties. Mais ce qui pourra rester vague et voilé ne le sera pas seulement par suite du défaut de commerce qui résulte de l’état d'imperfection de quelques sciences; il le sera plus en- core par la faute du guide qui, imprudemment, a entrepris de s'élever jusqu'à ces sommités. L'introduction au Cosmos n’avait pas du reste pour but de faire valoir l'importance et la grandeur de la physique du monde , lesquelles ne sont pas contestées de nos jours. J'ai voulu seulement prouver que, sans nuire à la solidité des études spéciales, on peut généraliser les idées, les concentrer dans un foyer commun, montrer les forces et les organismes de la nature comme mus et animés par une même impulsion. « La nature, dit Schelling dans son poétique discours sur les arts, n’est pas une masse inerte; elle est, pour celui qui sait se pénétrer de sa sublime grandeur, la force créatrice de l'univers, force sans cesse agissante, primitive, éternelle, qui fait naître dans son propre sein tout £e qui existe, périt et renait tour à tour. » En reculant les limites de la physique du globe, en réu- nissant sous un même point de vue les phénomènes que pré- sente la terre avec ceux qu'embrassent les espaces célestes, on s’élève à la science du Cosmos, on convertit la physique du globe en une physique du monde. L’une de ces dénomi- nations est formée à limitation de l’autre; mais la science du Cosmos n'est point l'agrégation encyclopédique des ré- sultats les plus généraux et les plus importants que four- nissent les études spéciales. Ces résultats ne donnent que ies matériaux d’un vaste édifice ; leur ensemble ne saurait constituer la physique du monde, cette science qui aspire à faire connaitre l’action simultanée et le vaste enchainement des forces qui animent l’univers. La distribution des types 34 — organiques selon les rapports de latitude, de hauteur et de climats (géographie des plantes et des animaux), est tout aussi différente de la botanique et de la zoologie descriptives que l’est la géologie de la minéralogie proprement dite. La phy- sique du monde ne doit pas par conséquent être confondue avec ces Ænciclopédies des sciences naturelles publiées jus- qu'ici et dont le titre est aussi vague que les limites en sont mal tracées. Dans l'ouvrage qui nous occupe, les faits par- tiels ne seront considérés que dans leurs rapports avec le tout. Plus ce point de vue est élevé, et plus l’exposition de notre science réclame une méthode qui lui soit propre, un langage animé et pittoresque. En effet, la pensée et le langage sont entre eux dans une intime et antique alliance. Lorsque, par l’originalité de sa structure et sa richesse native, la langue parvient à donner du charme et de la clarté aux tableaux de la nature; lors- que , par l’heureuse flexibilité de son organisation, elle se prête à peindre les objets du monde extérieur , elle répand en même temps comme un souffle de vie sur la pensée. C’est par ce reflet mutuel que la parole est plus qu’un signe ou la forme de la pensée. Son influence bienfaisante se manifeste surtout en présence du sol natal, par l’action spontanée du peuple dont elle est la vivante expression. Fier d’une patrie qui cherche à concentrer sa force dans l'unité intellectuelle, j'aime à rappeler, par un retour sur moi-même, les avanta- ges qu'offre à l’écrivain l'emploi d’un idiome qui lui est pro- pre, le seul qu’il puisse manier avec quelque souplesse. Heu- - reux s’il lui est donné, en exposant les grands phénomènes de l'univers , de puiser dans les profondeurs d’une langue qui, depuis des siècles, par le libre essor de la pensée comme par les œuvres de l’imagination créatrice, a si puissamment influé sur les destinées humaines. LIMITES ET MÉTHODE D'EXPOSITION DE LA DESCRIPTION PHYSIQUE DU MONDE Dans les considérations qui précèdent j'ai täché d’exposer et d’éclaireir, par quelques exemples, comment les jouissan- ces qu'offre l'aspect de la nature, si diverses dans leurs sour- ces, se sont accrues et ennoblies par la connaissance de la connexilé des phénomènes et par celle des lois qui les ré- gissent. Il me reste à examiner l'esprit de la méthode qui doit présider à Fexposition de la description physique du monde, à indiquer les limites dans lesquelles je compte cir- conscrire la science, d’après les aperçus qui se sont offerts à moi dans le cours de mes études et sous les différents cli- mats que j'ai parcourus. Puissé-je me flatter de l’espoir qu'une discussion de ce genre justifiera le titre imprudemment donne à cet ouvrage, et m'affranchira du reproche d’une présom- ption qui serait doublement blämable dans des travaux seien- tifiques! Avant de présenter le tableau des phénomènes par- tiels, distribués dans les groupes qu'ils forment, je traiterai des questions générales qui, intimement liées entre elles, in- téressent la nature de nos connaissances sur le monde ex- térieur et les rapports que ces connaissances affectent, à tou- tes les époques de l’histoire, avec les differentes phases de la culture intellectuelle des peuples. Ces questions ont pour objet : HE {° Les limites précises de la description physique du monde, comme science distincte; 2° L’énumération rapide de la totalité des phénomenes de la nature, sous la forme d'un fableau général de la nature; 3° L'influence du monde extérieur sur l'imagination et le sentiment, influence qui a donné, dans les temps modernes, une impulsion puissante à l'étude des sciences naturelles, par la description animée des régions lointaines, par la peinture du paysage en tant qu'elle caractérise la physionomie des végétaux, par les plantations ou la disposition des formes ve- gétales exotiques en groupes qui contrastent entre eux ; 4° L'histoire de la contemplation de la nature, ou le dé- veloppement progressif de l’idée du Cosmos, selon l'expose des faits historiques et géographiques qui ont conduit à la découverte de l'enchainement des phénomènes. Plus est élevé le point de vue sous lequel la physique du monde envisage les phénomènes, et plus il est nécessaire de circonserire la science dans ses véritables limites, et de la séparer de toutes les connaissances analogues ou auxiliaires. La description physique du monde est fondée sur la contem- plation de l’universalité des choses créées, de tout ce qui co- existe dans l’espace , en fait de substances et de forces, de la simultanéité des êtres matériels qui constituent l'univers. La science que j'essaye de définir a, par conséquent, pour l’homme, habitant de la terre, deux parties distinctes: la terre elle-même et les espaces célestes. C’est pour faire voir le ca- ractére propre, le caractère d'indépendance de la deserip- tion physique du monde, et pour indiquer en même temps la nature de ses rapports avec la physique générale, avec l'histoire naturelle descriptive, la géologie et la géographie comparée, que je vais m'arrêter d’abord et de préférence à cette partie de la science du Cosmos qui concerne la terre. De même que lhistoire de la philosophie ne consiste pas dans une énumeration en quelque sorte matérielle des opinions philosophiques des différents âges, de même aussi la descrip- tion physique du monde ne saurait être une simple associa- tion encyclopédique des sciences que nous venons de nom- —_ mer. La confusion entre des connaissances étroitement liées est d'autant plus grande, que, depuis des siècles, on s’est habitué à désigner des groupes de notions empiriques par des dénominations qui sont tantôt trop larges, tantôt trop étroites, par rapport aux idées qu’elles doivent exprimer. Ces dénominations offrent en outre le grand désavantage d’a- voir eu un tout autre sens dans les langues de l'antiquité classique auxquelles elles ont été empruntées. Les noms de physiologie, de physique, d'histoire naturelle, de géologie et de géographie, ont pris naissance et ont commencé à être d'un usage habituel bien avant qu’on eût des idées nettes de la diversité des objets que ces sciences devaient embrasser, c'est-à-dire de leur délimitation réciproque. Telle est sur les langues l'influence d’une longue habitude que, chez une des nations européennes les plus avancées dans la civilisation. le mot de physique est appliqué à la médecine, tandis que la chimie technique, la géologie et l’astronomie, seiences pu- rement expérimentales, sont comptées parmi les fravaux phi- losophiques d’une Académie dont la renommée est juste- ment universelle On a tenté souvent, et presque toujours en vain, de sub- stituer aux dénominations anciennes, vagues sans doute, mais aujourd'hui généralement comprises, des noms nouveaux et mieux formés. Ces changements ont éte proposes surtout par ceux qui se sont occupés de la classification générale des con- naissances humaines, depuis la grande Encyclopédie {Marqa- rita philosophica) de Grégoire Reisch (Ÿ), prieur de la Char- treuse de Fribourg, vers la fin du quinzième siécle, jusqu’au chancelier Bacon, depuis Bacon jusqu'à d’Alembert, et, dans ces derniers temps, jusqu’à un physicien plein de sagacité, André-Marie Ampère (?°). Le choix d’une nomenclature grec- que peu appropriée a peut-être été plus nuisible encore à cette dernière tentative que l’abus des divisions binaires et excessive multiplicité des groupes. La description physique du monde, en envisageant l’uni- vers comme objet des sens extérieurs, a indubitablement be- soin de l’aide de la physique générale et de l'histoire natu- 5 = OR relle descriptive comme d’auxiliaires; mais la contemplation des choses créées, enchainées entre elles et formant un tout animé par des forces intérieures, donne à la science qui nous occupe dans cet ouvrage un caractère particulier. La phy- sique s'arrête aux propriétés générales des corps; elle est le produit de l’abstraction, la généralisation des phénomènes sensibles. Déjà, dans l'ouvrage où ont été jetés les premiers fondements de la physique générale, dans les huit livres phy- siques d’Aristote (?1), tous les phénomènes de la nature sont considérés comme dépendant de l'action primitive et vitale d'une force unique, source de tout mouvement dans l’uni- vers. La partie terrestre de la physique du monde, à laquelle je conserverais volontiers l'ancienne dénomination très-ex- pressive de Géographie physique, traite de la distribution du magnétisme dans notre planète, selon les rapports d’in- tensité et de direction, mais ne s'occupe pas des lois qu'of- frent les attractions ou les répulsions des pôles, ni des mo- yens de produire des courants-electro-magnétiques perma- nents où passagers. La géographie physique retrace à grands traits la configuration compacte ou articulée des continents, l'étendue de leur littoral comparée à leur surface, la répar- tition des masses continentales dans les deux hémisphéres. répartition qui exerce une influence puissante sur la diver- sité des climats et les modifications météorclogiques de Fai- mosphère; elle signale le caractère des chaines de monta- gnes, qui, soulevées à différentes époques, forment des sys- tèmes particuliers, tantôt parallèles entre eux, tantôt diver- gents et croisés ; elle examine la hauteur moyenne des con- tinents au-dessus du niveau des mers et la position du centre de gravité de leur volume, le rapport entre le point culmi- nant d’une chaine de montagnes et la hauteur moyenne de sa crête ou sa proximité à un littoral voisin. Elle nous dé- peint les roches d'éruption comme principes de mouvement, puisqu'elles agissent sur les roches sédimentaires qu’elles traversent, soulevent et inchinent; elle contemple les volcans selon qu’il se trouvent isolés ou rangés par série tantôt sim- ple, tantôt double, et étendant à diverses distances la sphere - N5g-= de leur activité, soit par les roches qu'ils produisent en eou- lées longues et étroites, soit en ébranlant le sol par cercles qui s’élargissent où diminuent de diamètre dans la suite des siècles. La partie térrestre de la science du Cosmos décrit la lutte de l’élément liquide avec la terre ferme; elle expose ce que toutes les grandes rivières ont de commun dans leur cours supérieur ou inférieur, dans leur bifureation. lorsque teur bassin n'est pas encore entièrement fermé; elle nous montre les fleuves brisant les plus hautes chaines de monta- gnes, où suivant pendant longtemps un cours parallèle à ces chaines, soit à leur pied, soit à de grandes distances, lors- que le soulevement des couches d’un système de montagnes, là direction du ridement, est conforme à celle des banes plus ou moins inclinés de la plaine. Les résultats généraux de l’'Orographie et de l Hydrographie comparées appartiennent seuls à la science dont j'ai à cœur de déterminer iei les H- mites réelles, mais non Pénumération des plus grandes hau- teurs du globe, le tableau des volcans encore actifs, des bassins de rivières, ou de la multitude de leurs affluents. Ces détails sont du domaine de la géographie proprement dite. Nous ne considérons ici les phénomènes que dans leur dépendance mutuelle dans les rapports qu'ils présentent avec les diffé- rentes zones de notre planète et sa constitution physique en général. Les spécialités de la matière brute où organisée, classées d'après lanalogie de forme et de composition, of- frent sans doute une étude du plus vif intérêt, mais elles tiennent à une sphére d'idées bien distinctes de celles qui font l’objet de cet ouvrage. Des descriptions de pays divers offrent les materiaux les plus importants pour la composition d’une géographie phy- sique; cependant la réunion de ces descriptions, rangées par séries, nous donnerait tout aussi peu l'image vraie, la con- formation générale de la surface polyédrique de notre pla- néte, que les flores des différentes ‘régions placées les unes à la suite des autres ne formeraient ce que je désigne sous le nom d’une Géographie des plantes. C'est par lapplica- tion de la pensée aux observations isolées, c’est par les vues — 40 — de l'esprit, qui compare et combine, que nous parvenons à découvrir ce qui, dans lindividualité des formes organiques (dans la Morphologie, ou histoire naturelle descriptive des plantes et des animaux), s'offre de commun par rapport à la distribution climatérique des êtres, €&est linduction qui nous révèle les lois numériques dans la proportion des fa- milles naturelles à la somme totale des espèces, la latitude ou position géographique des zones où, dans les plaines, chaque forme organique atteint le maximum de son dévelop- pement. Ces considérations assignent à la description physi- que du globe, par la généralisation des aperçus, un carac- tére élevé; elles nous font concevoir comment l'aspect du paysage, l’impression que nous laisse la physionomie de la végétation, dépend de cette répartition locale des formes, du nombre et de la croissance plus vigoureuse de celles qui prédominent dans la masse totale. Les catalogues des êtres organisés, auxquels on donnait jadis le titre fastueux de Systèmes de la nature, nous mon- trent un admirable enchainement d’analogies de structure , soit dans le développement déjà complet de ces êtres, soit dans les diverses phases que parcourent (selon les aperçus d’une évolution en spirale), d’un côté, les feuilles, les brac- tées, le calice, la corolle et les organes fécondateurs, de l’au- tre, avec plus où moins de symétrie, les tissus cellulaires et fibreux des animaux, leurs parties articulées où vaguement ébauchées; mais tous ces prétendus systèmes de la nature. ingénieux dans leurs classifications, ne nous font pas voir les êtres distribués en groupes dans l’espace, selon leur di- vers rapports de latitude et de hauteur au-dessus du niveau de l'Océan, selon les influences climatériques qu'ils subissent en vertu de causes générales et le plus souvent très-loin- taines. Le dernier but d'une géographie physique est cepen- dant, comme nous l'avons énoncé plus haut, de reconnaitre l'unité dans l'immense variété des phénomènes, de décou- vrir, par le libre exercice de la pensée et par la combinai- son des observations, la constance des phénomènes au mi- lieu de leurs changements apparents. Si, dans l’exposé de la — 41 — partie terrestre du Cosmos, on doit descendre quelquefois à des faits très-spéciaux, ce n’est que pour rappeler la con- nexité qu'ont les lois de la distribution réelle des êtres dans l'espace avec les lois de la classification idéale par familles naturelles, par analogie d'organisation interne et d'évolution progressive. Il résulte de ces discussions sur les limites des sciences , et en particulier sur la distinction nécessaire entre la bota- nique descriptive (morphologie des végétaux) et la geéogra- phie des plantes, que dans la physique du globe la multi- tude innombrable des corps organisés qui embellissent la création est plutôt considérée par zones d'habitation ou de stations, par bandes isothermes diversement infléchies, que selon les principes de gradation dans le développement de l'organisme intérieur ; cependant la botanique et la zoologie, qui composent l'histoire naturelle descriptive des corps or- ganisés, n'en sont pas moins des sources fécondes offrant des matériaux sans lesquels l'étude des rapports et de l’enchai- nement des phénomènes manquerait d'un fondement solide. Nous ajouterons, pour mettre cet enchainement dans tout son jour, une observation importante. Au premier abord, en embrassant d’un coup d'œil la végétation d'un continent dans de vastes espaces, on voit les formes les plus dissemblables, les graminées et les orchidées, les arbres coniferes et les che- nes, rapprochés localement les uns des autres; on voit les familles naturelles et les genres, loin de former des associa- tions locales, dispersés comme au hasard. Cette dispersion pourtant n’est qu'apparente. La description physique du globe nous montre que l’ensemble de la végétation présente numeé- riquement, dans le développement de ses formes et de ses types, des rapports constants; que, sous les mêmes climats, les espèces qui manquent à un pays sont remplacées, dans le pays voisin, par des espèces d’une même famille, et que cette loi des substitutions, qui semble tenir aux mystères mêmes de lorganisme, envisagé dans son origine, maintient dans des régions limitrophes la relation numérique des es- pèces de telle ou telle grande famille à la masse totale des EN phanérogames qui composent les deux flores, C'est ainsi que se révèle, dans la multiplicité des organisations distinctes qui les peuplent, un principe d'unité, un plan primitif de distri- bution ; il se révèle aussi sous chaque zone, diversifiée se- lon les familles des plantes, une action lente, mais continue sur l'océan aérien, action qui dépend de l'influence de la lu- miere, premiére condition de toute vitalité organique à la surface solide et liquide de notre planète. On dirait que sous nos yeux se renouvelle sans cesse, selon une belle expres- sion de Lavoisier, l’antique merveille du mythe de Prométhée. Si nous appliquons la marche que nous comptons suivre dans l’expose de la description physique de la terre, à la partie sidérale de la science du Cosmos, à la description des espaces célestes et aux corps qui les peuplent, notre tache se trouvera singulièrement simplifiée. Veut-on, selon d’an- ciennes habitudes de nomenclature, peu conformes à des aper- eus philosophiques. distinguer la physique, c’est-à‘dire les considérations générales sur lessence de la matière et les forces qui lui impriment le mouvement, de la chimie, qui occupe de l’hétérogénéité des substances, de leur eompo- sition élémentaire, de leurs attractions, qui ne sont pas uni- quement déterminées par les rapports des masses, il faut convenir que la description de la terre présente des actions physiques et chimiques à la fois. À côté de la gravitation, qu'on doit considérer comme la force primitive de la nature, agissent autour de nous, dans l’intérieur de notre planète où à sa surface, des attractions d'un autre genre. Ce sont celles qui s’exercent entre les molécules en contact, ou éloignées à d'infiniment petites distances (*), des forces d’affinité chimi- que, qui, diversement modifiées par l'électricité, la chaleur. la condensation dans des corps poreux, ou le contact d’une substance intermédiaire, animent également le monde inor- ganique et les tissus des animaux et des plantes. Les espaces célestes n’offrent jusqu'ici à notre observation directe (si nous en exceptons les petits astéroïdes qui nous apparaissent sous les formes d’aérolithes, de bolides et d'étoiles filantes) que des phénomènes physiques, et parmi ceux-ci, avec certitude, = 9 = que des effets dépendant de la quantité de matiere ou de la distribution des masses. Les phénomènes des espaces céles- tes peuvent, par conséquent, être envisagés comme soumis à de simples lois dynamiques. aux lois du mouvement. Les effets qui pourraient naitre de la différence spécifique, de l'hétérogénéité de la matière, ne sont pas jusqu'ici lobjet des calculs de la mécanique des cieux. L’habitant de la terre n'entre en rapport avec la matière que contiennent les espaces célestes, qu'elle soit disséminée ou réunie en grands sphéroïdes, que par deux voies, par des phénomènes de lumière (la propagation des ondes lumineu- ses), ou par l'influence qu'exerce la gravitation universelle (l'attraction des masses). L'existence d'actions périodiques du soleil et de la lune sur les variations du magnétisme de la terre est restée jusqu'à ce jour très-douteuse. Aucune ex- périence directe ne nous éclaire sur les propriétés où qua- lités specifiques des masses qui circulent dans les espaces cé- lestes et sur celles des matières qui peut-être les remplissent entiérement, si ce n’est, comme nous venons de l’énoncer tantôt, la chute des aérolithes ou pierres météoriques qui viennent se mêler aux substances terrestres. Il suffit de rap- peler iei comme leur direction et leur énorme vitesse de projection (vitesse toute planétaire) le rendent plus que pro- bable; que ces masses, enveloppées de vapeurs et arrivant à l’état d’incandescence, sont de petits corps célestes que l’attraction de notre planète a fait dévier de leur route pri- mitive. L'aspect, si familier pour nos yeux, de ces astéroïdes, l’analogie qu’ils offrent avec les minéraux qui composent la croûte de notre globe, ont sans doute de quoi surprendre ; mais tout ce que l’on doit en conclure, selon moi, c'est qu’en genéral les planètes et les autres masses qui, sous l'influence d'un corps central, se sont agglomérées en anneaux de va- peurs et puis en sphéroïdes, étant parties intégrantes d’un méme système et ayant une même origine, peuvent offrir aussi une association de substances chimiquement identiques. I y a plus encore. Les expériences du pendule, et particu- lièrement celles que Bessel à faites avec une si rare préci- "m1 sion, confirment l’axiome newtonien, que les corps les plus hétérogenes dans leur composition (Peau, l'or, le quartz, le calcaire grenu et différentes masses d’aérolithes) éprouvent, par l'attraction de la terre, une accélération entièrement sem- blable. Aux observations du pendule se joignent des preuves fournies par des observations purement astronomiques. La presque identité de la masse de Jupiter, déduite de l’action qu'exerce cette grande planète sur ses satellites, sur la co- méte d'Encke à courte période et sur les petites planètes (Vesta, Junon, Cérès et Pallas), donne également la certitude que, dans les limites de nos observations actuelles, Fattrac- tion est déterminée par la quantité seule de la matière (#5). Cette absence de toute perception de lhétérogénéité de la matière obtenue par observation directe ou par des con- sidérations théoriques, donne à la mécanique des cieux un haut degré de simplicité. L’étendue meommensurable des es- paces célestes étant assujettie à la seule science du mouve- ment, la partie sidérale du Cosmos puise dans les sources pures et fécondes de l'astronomie mathématique, comme la partie terrestre puise dans celles de la physique, de la chi- mie et de la morphologie organique; mais le domaine de ces trois dernières sciences embrasse des phénomènes tellement compliqués, et jusqu’à ce jour si peu susceptibles de métho- des rigoureuses, que la physique du globe ne saurait se glo- rilier ici de cette certitude, de cette simplicité dans l’expo- sition des faits et de leur enchainement mutuel, qui caracté- rise la partie céleste du Cosmos. C’est peut-être par la diffé- rence que nous signalons en ce moment qu'on doit expli- quer pourquoi, dans les premiers temps de la culture intel- lectuelle des Grecs, la philosophie de la nature des Pythago- riciens se tourna avec plus d'ardeur vers les astres et les espaces célestes que vers la terre et ses productions ; pour- quoi, par Philolaüs et, dans la suite, par les vues analogues d’Aristarque de Samos et de Séleucus d’Erythres, elle est de- venue plus profitable à la connaissance du véritable système du monde que la philosophie de la nature de l’école ionienne n'a jamais pu l'être à la physique de la terre. Peu attentive = à — aux propriétes et aux différences spécifiques des matières qui remplissent les espaces; la grande école italique, dans sa gravité dorienne, portait de préférence ses regards vers tout ce qui tient aux mesures, à la configuration des corps, aux distances des planètes et aux nombres (2), tandis que les physiciens d'Ionie s’arrétaient aux qualités de la matière, à ses transformations vraies ou supposées, et à ses rapports d’origine. Il était réservé à la puissance du génie d’Aristote. si profondément spéculatif et pratique à la fois, d'approfondir avec le même succés le monde des abstractions et ce monde des réalités matérielles qui renferme d’intarissables sources de mouvement et de vie. Plusieurs traités de géographie physique, et des plus dis- {ingués, offrent dans leurs introduetions une partie exelusi- vement astronomique, tendant à faire envisager d’abord la terre dans sa dépendance planétaire et comme faisant partie du grand système qu’anime le corps central du soleil. Cette marche des idées est diamétralement opposée à celle que je me propose de suivre. Pour bien saisir la grandeur du Cos- mos il ne faut pas subordonner la partie sidérale, que Kant a appelée l’histoire naturelle du ciel, à la partie terrestre. Dans le Cosmos, selon l'antique expression d’Aristarque de Samos, qui préludait au systeme de Copernic, le soleil (avec ses satellites) n’est qu’une des étoiles innombrables qui rem- plissent les espaces. La description de ces espaces, la phy- sique du monde, ne peut commencer que par les corps cé- lestes, par le tracé graphique de l’univers, je dirai par une véritable carte du monde, telle que, d’une main hardie, Hers- chel le père a osé la figurer. Si, malgré la petitesse de notre planete, ce qui la concerne exclusivement occupe dans eet ouvrage la place la plus considérable et s'y trouve déve- loppé avec le plus de détail, cela tient uniquement à la dis- proportion de nos connaissances entre ce qui est accessible à l'observation et ce qui s’y refuse. Cette subordination de la partie céleste à la partie terrestre se rencontre déjà dans le grand ouvrage de Bernard Varenius (#), qui a paru au mi- lieu du dix-septième siècle. Il distingua le premier la géogra- — 46 phie en générale et spéciale, subdivisant celle-là en partie absolue, c’est-à-dire proprement terrestre, et en partie re- lative ou planétaire selon qu'on envisage la surface de la terre dans ses différentes zones, ou bien les rapports de no- tre planète avec le soleil et la lune. C’est un beau titre de gloire pour Varenius que sa Géographie générale et com- parée ait pu fixer à un haut degré l'attention de Newton. L'état imparfait des sciences auxiliaires dans lesquelles il de- vait puiser ne pouvait pas répondre à la. grandeur de len- treprise, Il était réservé à notre temps et à ma patrie de voir tracer, par Charles Ritter, le tableau de la géographie comparée dans toute son étendue et dans son intime rela- tion avec l’histoire de l’homme (*6). L'énumération des résultats les plus importants des scien- ces astronomiques et physiques qui, dans le Cosmos, rayon- nent vers un foyer commun, légitime jusqu’à un certain point le titre que j'ai donné à mon ouvrage. Peut-être même ce ti- tre est-il plus téméraire que l’entreprise elle-même, circon- scrite dans les limites que je lui ai posées. L'introduction de noms nouveaux, surtout lorsqu'il s’agit d’aperçus généraux, d’une science qui doit être accessible à tous, a été jusqu'ici très-contraire à mes habitudes : je n’ai ajouté à la nomencla- ture que là où, dans les spécialités de la botanique et de la zoologie descriptives, des objets décrits pour la première fois rendaient indispensables de nouveaux termes. Les dénomi- nations Description physique du monde, où Physique du monde, dont je me sers indifféremment, sont formées sur cel- les de Description physique de la terre, où Physique du globe, c’est-à-dire Géographie physique, depuis longtemps passées dans l’usage. Un des plus puissants génies de tous les siècles, Descartes, nous a laissé quelques fragments du grand ouvrage qu'il comptait publier sous le titre de Monde, et pour lequel il s'était livré à des études spéciales, même à celle de l'anatomie de l'homme. L'expression peu usitée, mais précise, de Science du Cosmos, rappelle à l'esprit de l’habi- tant de la terre qu'il s’agit ici d'un horizon plus vaste, de la réunion de tout ce qui remplit l’espace depuis les nébu- y ve leuses les plus lointaines jusqu’à la distribution climatérique de ces légers tissus de matière végétale qui, diversement colorés, tapissent les rochers. Sous l'influence des vues bornées, propres à l'enfance des peuples, les idées de terre et de monde ont été confondues de bonne heure dans l’usage de toutes les langues. Les ex- pressions vulgaires: Voyages autour du monde, mappe- monde, nouveau monde, offrent des exemples de cette con- fusion. Les expressions plus précises et plus nobles de Sys- tème du monde,monde planétaire, création et âge du monde, se rapportent les unes à la totalité des matiéres qui rem- plissent les espaces célestes, les autres à l’origine de l’uni- vers entier. Il parait naturel qu’au milieu de l'extrême variabilité des phénomènes qu’offrent la surface de notre globe et l'océan aérien qui l'entoure, l'homme ait été frappe de l'aspect de la voûte céleste, des mouvements réglés et uniformes du so- leil et des planètes. Aussi le mot Cosmos indiquait-il primi- tivement, dans les temps homeriques, les idées d'ornement et d’ Abe à la fois. Il a passé plus tard dans le langage seien- tifique. On l’appliqua progressivement à l'accord que l'on observe dans les mouvements des corps célestes, à l’ordre qui règne dans l'univers entier, au monde même dans lequel cet ordre se reflète. D’après l’assertion de Philolaüs, dont M. Bæckh a commenté les fragments avec une si rare saga- cité, come d'après le témoignage général de l’antiquité en- tière, &’est Pythagore qui, le premier, se servit du mot Cos- mos pour désigner « l’ordre qui règne dans l'univers, lu- nivers ou le monde même (?7). » De l’école de la philosophie italique l'expression passa en ce sens dans la langue des poètes de la nature, Parménide et Empédocle, de là dans l'u- sage des prosateurs. Nous ne diseuterons pas ici comment , selon ces mêmes vues pythagoriciennes, Philolaüs distingue une fois entre l'Olympe, Uranus ou le Ciel, et le Cosmos; comment le mème mot, avec un sens de pluralité, a été ap- pliqué à certains corps célestes (les planètes) circulant autour du foyer central du monde, ou à des groupes d'étoiles. Dans 1 = mon ouvrage, le mot Cosmos est employé comme le prescri- vent l'usage hellénique postérieur à Pythagore et la défini- tion trés-précise donnée dans le Traité du monde, qui a été faussement attribué à Aristote. C’est l’ensemble du ciel et de la terre, l’universalité des choses qui composent le monde sensible. Si, depuis longtemps, les noms des sciences n'avaient été détournés de leur véritable signification linguistique, Pou- vrage que je publie devrait avoir le titre de Cosmographie, divisée en Uranographie et Géographie. Les Romains, imi- tateurs des Grecs, dans leurs faibles essais de philosophie, ont aussi fini par transporter à l’univers la signification de leur mundus, qui n'indiquait primitivement que la parure, l’ornement, non pas même l’ordre ou la régularité dans la disposition des parties. Il est probable que l'introduction de ce terme technique dans la langue du Latium, que limpor- tation d’un équivalent de Cosmos selon sa double significa- tion, est due à Ennius (?#), sectateur de l’école italique, tra- ducteur des philosophèmes pythagoriciens d’'Epicharme ou de quelqu'un de ses adeptes. Nous distinguerons d’abord entre l’histoire physique du monde et la description physique du monde. La premiere, conçue dans le sens le plus général du mot, devrait, si les matériaux existaient pour l'écrire, tracer les variations qu'a subies l’univers dans le cours des âges, depuis les étoiles nouvelles qui soudainement ont paru et disparu à la voute du firmament, depuis les nébuleuses qui se dissolvent ou se condensent, jusqu’à la première couche de végétation cryp- togame dont s’est couvert, soit le globe à peine refroidi à sa surface, soit un écueil de coraux soulevé du sein des mers. La description physique du monde offre le tableau de ce qui coexiste dans l’espace, de l’action simultanée des forces de la nature et des phénomènes qu’elles produisent. Mais pour bien comprendre la nature on ne saurait séparer entière- ment, et d’une manière absolue, la considération de l’état actuel des choses, de celle des phases successives par les- quelles elles ont passé. On ne peut concevoir leur essence sans réfléchir sur le mode de leur formation. Ce n’est pas la eve matière organique seule qui perpétuellement se compose et se dissout pour former de nouvelles combinaisons; le globe, à chaque phase de sa vie, nous révèle le mystère de ses états antérieurs. On ne peut jeter les yeux sur la croûte de notre planète sans rencontrer les traces d'un monde organique détruit. Les roches de sédiment présentent une succession d'êtres qui se sont associés par groupes, exclus et remplacés mutuellement. Ces bancs, superposés les uns aux autres, nous dévoilent les faunes et les flores de différentes époques. Dans ce sens la description de la nature est intimement liée à son histoire. Le géologue ne peut concevoir le temps présent sans remon- ter, guidé qu'il est par l’enchainement des observations, à des milliers de siècles écoulés. En traçant le tableau physi- que du globe, nous voyons, pour ainsi dire, le présent et le passé se pénétrer réciproquement; car il en est du domaine de la nature comme du domaine des langues, dans lesquel- les les recherches étymologiques nous font voir aussi un dé- veloppement successif, nous montrent tout l’état antérieur d’un idiome reflété dans les formes dont on se sert de nos jours. Ce reflet du passé est d'autant plus manifeste dans l’'e- tude du monde matériel que nons voyons naitre sous nos yeux des roches d’éruptions et des couches sédimentaires semblables à celles des àges antérieurs. Pour emprunter un exemple frappant aux rapports géologiques qui déterminent la physionomie d'un pays, je rappellerai iei que les dômes de trachyte, les cônes de basalte, les coulées d’amygdaloïde à pores allongés et parallèles, de blancs dépôts de ponces entremélés de scories noires, animent, pour ainsi dire, le pay- sage, par les souvenirs du passé. Ces masses agissent sur l’i- imagination de l'observateur instruit, comme le feraient des traditions d’un monde antérieur. La forme des roches est leur histoire. Le sens dans lequel les Grecs et les Romains ont employé originairement le mot histoire, prouve qu'eux aussi avaient la conviction intime que, pour se former une idée complete de l’état actuel des choses, il fallait les considérer dans leur = Mag succession. Ce n’est pas toutefois dans la définition donnée par Verrius Flaccus (*), c'est dans les écrits zoologiques d’A- ristote que le mot histoire se présente comme un exposé des résultats de l'expérience et de l'observation. La descrip- tion physique du monde de Pline l'Ancien porte le titre d’/Zis- toire naturelle; dans les lettres de son neveu elle est ap- pelée, d’une manière plus noble « Histoire de la nature ». Les premiers historiens parmi les Grecs ne séparaient point encore les descriptions des pays de la narration des événe- ments dont ils avaient été le théâtre. Chez eux, la géogra- phie physique et l'histoire formèrent une étroite alliance ; elles restèrent mélées, d’une manière naïve et gracieuse , jusqu’à l’époque où le grand développement de l'intérêt po- litique et la perpétuelle agitation de la vie des citoyens, fi- rent disparaitre dans l’histoire des peuples l'élément géogra- phique, pour en faire dès lors une science à part. I reste à examiner si, par l'opération de la pensée, on peut espérer de réduire l'immensité des phénomènes divers que comprend le Cosmos à lunité d’un principe, à l'évidence des vérités rationnelles. Dans l'état actuel de nos connais- sances empiriques nous n’osons nous flatter d’un tel espoir. Les seiences expérimentales, fondées sur l'observation du monde extérieur, ne sauraient aspirer au complet; la nature des cho- ses et l’imperfection de nos organes s’y opposent également. Jamais on ne parviendra à épuiser l’inépuisable richesse de la nature, et aucune génération ne pourra se vanter d’avoir embrassé la totalité des phénomenes. Ce n’est qu’en les dis- tribuant par groupes qu'on est parvenu, dans quelques-uns de ceux-ci, à découvrir l'empire de certaines lois de la na- ture, simples et grandes comme elle. L’étendue de eet em- pire augmentera sans doute à mesure que les sciences phy- siques s’agrandiront et se perfectionneront progressivement. D’éclatants exemples de ces progrès ont été donnés de nos jours dans les phénomènes électro-magnétiques, dans ceux que présentent la propagation des ondes lumineuses et le ca- lorique rayonnant. De même la doctrine féconde de l’évolu- tion nous fait voir comment, dans les développements orga- = niques, tout ce qui se forme est ébauché d'avance, comment les tissus des matiéres végétales et animales naissent uni- formément de la multiplication et de la transformation des cellules. La généralisation des lois qui d’abord, dans des cercles plus étroits, n'avaient été appliquées qu'à quelques groupes isolés de phénomènes, offre , avec le temps, des gradations de plus en plus marquées; elle gagne en étendue et en évi- dence tant que le raisonnement s’attache à des phénomènes d’une nature réellement analogue; mais dès que les aperçus dynamiques ne suffisent plus, partout où les propriétés spe- cifiques de la matière et son hétérogénéité sont en jeu, il est à cramdre qu’en nous obstinant à la poursuite des lois, nous ne trouvions sous nos pas des abimes infranehissables. Le principe d'unité cesse de se faire sentir, le fil se brise là où se manifeste, parmi les forces de la nature, une action d’un genre particulier. La loi des équivalents et des proportions numériques de composition, si heureusement reconnue par les chimistes modernes , proclamée sous l'antique forme de symboles atomistiques, reste encore isolée, indépendante des lois mathématiques du mouvement et de la gravitation. Les productions de la nature, objets de l'observation di- recte, peuvent être distribuées logiquement par classes, par ordres ou familles. Les tableaux de ces distributions répan- dent, à n’en pas douter, du jour sur l'histoire naturelle des- criptive; mais l'étude des corps organisés et leur enchaine- ment linéaire, tout en donnant plus d'unité et de simplicite à la distribution des groupes, ne peuvent pas s’elever à une classification fondée sur un seul principe de composition et d'organisation intérieure. De mème que les lois de la nature présentent différentes gradations, selon Pétendue des hori- zons ou des cereles de phénomènes qu’elles embrassent, de méme aussi l'exploration du monde extérieur a des phases différemment graduées. L’empirisme commence par des aper- eus isolés que l’on groupe selon leur analogie et leur dissem- blance. A l’acte de l'observation directe succède, mais bien tard, le désir d’expérimenter, c’est-à-dire de faire naïtre des Sn0 phénomènes sous différentes conditions déterminées. L’ex- périmentateur rationnel n’agit pas au hasard; il est guidé par des hypothèses qu'il s’est formées, par un pressentiment à demi instinetif et plus ou moins juste de la liaison des choses ou des forces de la nature. Ce qui a été conquis par l'obser- vation ou par la voie des expériences conduit, par l'analyse et par l'induction , à la découverte de lois empiriques. Ce sont là les phases que l'intelligence humaine à parcourues et qui ont marqué différentes époques dans la vie des peu- ples; c’est en suivant cette route qu'on est parvenu à réunir cette masse de faits qui constituent aujourd'hui la base s0- lide des sciences de la nature. Deux formes d’abstraction dominent l’ensemble de nos connaissances: des rapports de quantité, relatifs aux idées de nombre ou de grandeur; et des rapports de qualité, qui embrassent les propriétés spécifiques , l'hétérogenéité de la matiere. La première de ces formes, plus accessible à l’exer- cice de la pensée, appartient au savoir mathématique; l’au- tre forme, plus difficile à saisir et plus mystérieuse en ap- parence, est du domaine des sciences chimiques. Pour sou- mettre les phénomènes au calcul, on a recours à une con- struction hypothétique de la matière par combinaison de molécules et d’atomes, dont le nombre, la forme, la position et la polarité doivent déterminer, modifier, varier les phé- nomènes. Les mythes de matiéres impondérables et de cer- taines forces vitales propres à chaque mode d'organisation, ont compliqué les aperçus et répandu une lumière douteuse sur la route à parcourir. C’est sous des conditions et des for- mes d’intuition si diverses que s’est accumulée, à travers les siécles, la masse prodigieuse de nos connaissances empi- riques, et qu’elle augmente de nos jours avec une rapidité croissante. L'esprit scrutateur de l’homme essaye de temps en temps, et avec un succes trés-inégal, de briser des for- mes surannées, des symboles inventés pour soumettre la ma- tiere rebelle aux constructions mécaniques. Nous sommes encore bien éloignés de l'époque où il sera possible de réduire , par les opérations de la pensée, à l’u- nité d’un principe rationnel, teut ce que nous apercevons au moyen des sens. On peut même mettre en doute si un tel succès, dans le champ de la philosophie de la nature, sera jamais obtenu. La complication des phénomènes et l'étendue immense du Cosmos paraissent $ y 6pposer : mais, lors même que le problème serait insoluble dans son ensemble, une so- lution partielle, la tendance vers lintelligence du monde, n’en demeure pas moins le but éternel et sublime de toute observation de la nature. Fidèle au caractère des ouvrages que j'ai publiés jusqu'ici, comme aux travaux de mesures, d'expériences, de recherches de fait qui ont rempli ma car- rière, je me borne au cercle des conceptions empiriques. L'exposition d’un ensemble de faits observés et combinés entre eux n'exclut pas le désir de grouper les phénomenes selon leur enchainement rationnel, de généraliser ce qui en est susceptible dans la masse des.ebservations particulieres , d'arriver à la découverte des lois. Des conceptions de l’uni- vers qui seraient uniquement fondées sur la raison, sur les principes de la philosophie spéculative, assigneraient sans doute à la science du Cosmes un but plus élevé. Je suis loin de blämer des efforts que je n'ai pas tentes, de les blàmer par la seule rais | que leur succès est resté jusqu'ici très- douteux. Contre le gré et les conseils de ces penseurs pro- fonds et puissants qui ont donné une vie nouvelle à des spe- culations déjà familières à l'antiquité, les systèmes de la phi- losophie de la nature ont éloigné les esprits, dans notre pa- trie, pendant quelque temps, des graves études des sciences mathématiques et physiques. L’enivrement de prétendues conquêtes déjà faites, un langage nouveau bizarrement sym- bolique, une prédilection pour des formules de rationalisme scolastique plus étroites que jamais n’en connut le moyen age, ont signalé, par l’abus des forces chez une jeunesse gé- néreuse, les courtes saturnales d’une science purement idéale de la nature. Je répète l'expression abus des forces, car des esprits supérieurs, adonnés à Ja fois aux études philosophi- ques et aux sciences d'observation, sont restés étrangers à ces saturnales, Les résultats obtenus par de sérieuses inves- 6 a (ben tigations dans la voie de l’expérience ne sauraient étre en contradiction avec une véritable philosophie de la nature. Lorsqu'il y a contradiction, Ja faute en est, ou au vide de la spéculation, où aux prétentions exagérées de l’'empirisme, qui croit avoir prouvé par! l'expérience bien plus qu'il n’en dé- coule réellement. Qu'on oppose la nature au monde intellectuel, comme si ce dernier n’était pas compris dans le vaste sein de cette na- ture, ou bien qu'on loppose à l’art, défini comme une ma- nifestation de la puissance intellectuelle de l'humanité, ces con- trastes, reflétés dans les langues les plus cultivées, ne doivent pas pour €ela conduire à un divorce entre la nature et lin- telligence, divorce qui réduirait la physique du monde à n'être plus qu’un assemblage de spécialites empiriques. La science ne commence pour l’homme qu'au moment où l’es- prit s'empare de la matière, où il täche de soumettre la masse des expériences à des combinaisons rationnelles. La science est l'esprit appliqué à la nature; maïs le monde extérieur n'existe pour nous qu'autant que, par ka voie de l'intuition, nous le réfléchissons en notre intérieur. De même que l'in- telligence et les formes du langage, la pensée et le signe, sont unis par des liens secrets et indissolubles, de même aussi le monde extérieur se confond, presque à notre insu, avec nos idées et nos sentiments. Les phénomènes extérieurs, dit Hégel dans la Philosophie de l’histoire, sont en quelque sorte traduits dans nos représentations internes. Le monde objectif pensé par nous, en nous réfléchi, est soumis aux for- mes éternelles et nécessaires de notre être intellectuel. L’acti- vité de l'esprit s’exerce sur les éléments qui hä sont fournis par Pobservation sensible. Aussi, dés la jeunesse de l'humanité, se découvre dans la plus simple intuition des faits naturels, dans les premiers efforts tentés pour les comprendre, le germe de la philosophie de la nature. Ces tendances idéales sont diverses et plus ou moins fortes, selon les individualités des races, leurs dispositions morales et le degré de culture au- quel un peuple s’est élevé au milieu d’une nature qui exeite l'imagination ou l’éteint tristement. es DS L'histoire nous a conservé le souvenir du grand nombre des formes sous lesquelles on a tenté de concevoir ration- nellement le monde entier des phénomènes, de reconnaitre dans l'univers l’action d’une seule force motrice qui pénètre la matiere, la transforme et la vivifie. Ces essais remontent, dans l'antiquité classique, aux traités sur les principes des choses propres à l’école ionienne, traités où, en s'appuyant sur un petit nombre d'observations, on ose soumettre l'en- semble de la nature à des spéculations téméraires. À mesure que, par l'influence de grands événements historiques, toutes les sciences se sont développées en s'appuyant sur l'obser- vation, on à vu se refroidir aussi l’ardeur qui portait à de- duire l'essence des choses et leur connexité de constructions purement ideales et de principes tout rationnels. Dans des temps plus rapprochés de nous, c’est surtout la partie ma- thématique de la philosophie naturelle qui a reçu d'amira- bles accroissements. La méthode et l'instrument (l'analyse) ont été perfectionnés à la fois. Nous pensons que ce qui à été conquis par des moyens si divers, par l’application in- génieuse de suppositions atomistiques, par l'étude plus gé- nérale et plus intime des phénomènes et par le perfection- nement d'appareils nouveaux, est le bien commun de lhu- manité, et ne doit, pas plus aujourd'hui que chez les anciens, être soustrait à la libre action de la pensée spéculative. On ne saurait nier toutefois que, dans le travail de ja pen- sée, les résultats de l'expérience n’aient eu plus d’un danger à courir. Dans la vicissitude perpétuelle des vues théoriques, il ne faut pas trop s'étonner, comme le dit spirituellement l’auteur de Giordano Bruno (°°), « si la plupart des hom- mes ne voient dans la philosophie qu'une succession de mé- téores passagers, et si les grandes formes qu’elle a revètues partagent le sort des cométes, que le peuple ne range pas parmi les œuvres éternelles et permanentes de la nature, mais parmi les fugitives apparitions de vapeurs ignées. » Hà- tons-nous d'ajouter que l’abus de la pensée et les fausses voies dans lesquelles elle s'engage ne sauraient autoriser une opinion qui tendrait à flétrir l'intelligence, savoir que ET le monde des idées n’est de sa nature qu'un monde de fan- tômes et de rêveries, et que les richesses aceumulées par de laborieuses observations ont, dans la philosophie, une puis- sance ennemie qui les menace. Il ne sied pas à l'esprit qui caractérise notre temps de rejeter avec méfiance toute gé- néralisation des aperçus, tout essai d'approfondir les choses par la voie du raisonnement et de l'induction. Ce serait mé- connaitre la dignité de la nature humaine et l'importance relative des facultés dont nous sommes doués que de con- damner, tantôt la raison austère qui se livre à l’investiga- tion des causes et de leur enchainement, tantôt cet essor de l'imagination qui prélude aux découvertes et les suscite par son pouvoir créateur. TABLEAUX DE LA NATURE 2e VUE GÉNÉRALE DES PHEÉNOMÈNES Lorsque l'esprit humain s’enhardit jusqu’à vouloir domi- ner le monde matériel, c’est-à-dire ensemble des phéno- mènes physiques, lorsqu'il tente de faire rentrer dans le do- maine de sa pensée la nature entière avec la riche plénitude de sa vie, et l’action des forces ou libres ou cachées qui l'a- niment, les limites de son horizon s’évanouissent dans le loin- tain, et, des hauteurs où il s’est élevé, les individualités ne lui apparaissent plus que groupées par masses et comme voi- lées par une brume légère. Tel est le point de vue où nous voulons nous placer pour envisager l’univers et pour tenter de décrire, dans leur ensemble, la sphère des cieux et le monde terrestre. Je ne me suis point dissimulé l’audace d’une pa- reille tentative, car entre toutes les formes d'exposition aux- quelles ces feuilles sont consacrées, l'essai d’un tableau gé- néral de la nature est d'autant plus difficile, qu’au lieu de nous borner à décrire en détail les richesses de ses formes si variées, nous nous proposons d'en peindre les grandes masses, soit que leurs contours aient une existence réelle, soit que les divisions résultent de la nature même de nos conceptions. Pour que cette œuvre réponde à la dignité de la belle expression de Cosmos, qui signifie l’ordre dans lu- nivers et la magnificence dans l’ordre, il faut qu’elle embrasse — Toi et qu'elle décrive le grand Tout (75 #4»); il faut classer et coordonner les phénomènes, pénétrer le jeu des forces qui les produisent, peindre enfin, par un langage animé, une image vivante de la réalité. Puisse l’infinie variété des élé- ments dont se compose le tableau de Ja nature ne pas nuire à celte impression harmonieuse de calme et d'unité, dernier but de toute œuvre littéraire ou purement artistique ! Des profondeurs de l’espace occupées par les nébuleuses les plus éloignées, nous descendrons par degrés à cette zone d'étoiles dont notre système solaire fait partie, au sphéroïde terrestre avec son enveloppe gazeuse et liquide, avec sa forme, sa température et sa tension magnétique, jusqu'aux êtres doués de la vie que l’action fécondante de la lumière déve- loppe à sa surface. Sur ce tableau du monde il nous faudra peindre à grands traits les espaces infinis des cieux, et tracer l’esquisse des microscopiques existences du règne organique qui se développent dans les eaux stagnantes ou sur les crou- pes de nos rochers. Les richesses d'observation qu'une étude sévère de la nature a su accumuler jusqu'à notre époque forment les matériaux de cette vaste représentation, dont le caractère principal doit étre de porter en elle-méme le té- moignage de sa fidélité. Mais dans les conditions posées par les prolégomènes, un tableau descriptif de la nature ne sau- rait comprendre les détails et les individualités considérées hors de l’ensemble; ce serait nuire à l'effet général de cette œuvre que d'y vouloir énumérer toutes les formes où la vie se révèle, tous les faits, toutes les lois de la nature. La ten- dance à fractionner indéfiniment l'ensemble de nos connais- sances est un écueil que le philosophe doit savoir éviter, sous peine de s’égarer dans la foule des détails accumulés par un empirisme souvent irréfléchi. D'ailleurs, nous igno- rons encore une partie notable des propriétés de la matière, ou, pour parler un langage plus conforme à:la philosophie naturelle, il nous reste à découvrir des séries entières de phénomènes dépendant de forces dont nous n’avons actuel- lement aucune idée, et cette lacune seule suffirait à rendre incomplète toute représentation unitaire de la totalité des ed faits naturels. Aussi, au sein méme de la jouissance qu'in- spire le tableau de ses conquêtes, l'esprit inquiet, peu satis- fait du présent, éprouve-t-il comme une sorte de malaise en cédant au désir énergique qui le pousse incessamment vers les régions de la science encore inexplorées. Ces aspirations de notre àme nouent plus fortement le lien qui unit le monde sensible au monde idéal en vertu des lois suprémes de l’in- telligence; elles vivifient cette relation mystérieuse « de l’im- pression que notre âme recoit du monde extérieur à l'acte qui la reflechit du sein de ses profondeurs mêmes. » En outre, puisque la nature prise pour l’ensemble des êtres et des phénomènes est'illimitée quant à ses contours et à son contenu, elle nous pose un problème que toute la capacité humaine ne saurait embrasser, problème insolubie, car il exige la connaissance générale de toutesles forces qui agissent dans l'univers. On peut faire un pareil aveu quand on se propose, pour unique objet des recherches immédia- tes, les lois des êtres ou de leurs développements, et quand on s’astreint à suivre une seule voie, celle de l'expérience guidée par une méthode d’induction rigoureuse. Il est vrai. on renonce ainsi à satisfaire la tendance qui nous perte à embrasser la nature dans son universalité, et à penétrer l'essence même des choses; mais Fhistoire des théories ge- nérales sur le monde, que: nous avons reservée pour une au- tre partie de cet ouvrage, prouve que l'humanité peut seu- lement prétendre à une connaissance partielle, mais de plus en plus approfondie, des lois générales de l'univers. I s’agit donc ici de peindre l’ensemble des résultats acquis, en res- tant au point de vue de l'actualité, tant pour la mesure et pour les limites que pour l'étendue de €e tableau. Or, quand il s’agit des mouvements et des transformations qui s’effec- tuent dans l'espace, le but final de nos recherches est sur- tout la détermination numérique des valeurs moyennes qui constituent l'expression des lois physiques elles-mêmes; ces nombres moyens nous représentent ce qu'il y a de constant dans les phenomènes variables, ce qu'il y a de fixe dans la fluctuation perpétuelle des apparences. C'est ainsi que les —- 0 progres actuels de Ja physique se produisent presque exeiw- sivement par voie de mesures et de pesées, dans le but d’ob- tenir ou de corriger les valeurs numériques moyennes de certaines grandeurs. On dirait que les nombres, ces derniers hiéroglyphes qui subsistent encore dans notre écriture, cons- tituent de nouveau pour nous, mais dans une acception beau- coup plus étendue, ee qu'ils étaient autrefois pour l'école ita- tique, les forces mêmes du Cosmos. Le savant arme la simplicité de ces rapports numériques qui expriment les dimensions du ciel visible, la grandeur des corps célestes, leurs perturbations périodiques et les trois éléments du magnétisme terrestre, de la pression at- mosphérique et de la quantité de chaleur que le soleil verse en chaque saison de l’année sur tous les points de nos con- tinents ou de nos mers. Mais ils ne sauraient-suffire au poète de la nature, et moins encore à la multitude eurieuse; la science contemporaine leur parait avoir fait fausse route, parce qu’elle ne répond plus que par le doute à une foule de questions qu'on s’imaginait autrefois pouvoir faire ren- trer dans son domaine, si même elle ne les déclare absolu- ment insolubles. Il faut l'avouer, sous une forme plus sévère avec des limites plus étroites, la science actuelle est dépour- vue de cet attrait décevant de l’ancienne physique, dont les dogmes et les symboles étaient si propres à égarer la raison en donnant carrière à l'imagination la plus ardente. Da haut des rivages des Canaries ou des Açores, on croyait aperce- voir, longtemps avant la découverte du Nouveau-Monde, des terres situées à FOccident. C'etait une illusion produite, non par le jeu d’une réfraction extraordinaire, mais par cette ardeur qui nous entraine au delà de notre portée. La phi- losophie naturelle des Grecs, la physique du moyen àge et même celle des derniers siècles, offrent plus d’un exemple analogue de cette illusion de l'esprit qui se crée, pour ainsi dire, des fantômes aériens; on dirait qu'aux limites de nos connaissances, comme du haut des rivages des dernières iles, le regard troublé cherche à se reposer sur l'aspect des con- trées lointaines; puis la tendance au merveilleux, au surna- _ AGE turel, prête une forme déterminée à chaque manifestation de cette puissance de création idéale dont l'homme est doué, et le domaine de l'imagination, où règnent en souverains les songes cosmologiques, géognostiques, magnétiques, empiète ainsi constamment sur celui de la réalité. Sous quelque aspect qu'on veuille considérer la nature , qu'elle soit l’ensemble des êtres et de leurs développements successifs ou bien cette force intérieure d'où nait le mouve- ment, ou le type mystérieux auquel se rattachent toutes les apparences, l'impression qu’elle produit sur nous a toujours quelque chose de terrestre. Nous ne reconnaissons même no0- tre patrie que là où commence le règne de la vie organique; comme si l'image de la nature s’associait nécessairement dans notre àme à celle de la terre, parée de ses fleurs et de ses fruits, animée par les innombrables races d'animaux qui vi- vent à sa surface. L'aspect du firmament et l’immensité des espaces célestes forment un tableau où la grandeur des mas- ses, le nombre des soleils diversement groupés, les pales né- buleuses elles-mêmes peuvent bien exciter notre étonnement ou notre admiration; mais nous nous sentons étrangers à ces mondes où règne une solitude apparente, et qui ne peuvent faire naitre l'impression immédiate par laquelle la vie orga- nique nous rattache à la terre. Aussi, toutes les conceptions physiques de l’homme, même les plus modernes , ont-elles toujours séparé le ciel de la terre comme en deux régions; l’une supérieure, l’autre inférieure. Si donc pour peindre le tableau de la nature on choisissait le point de vue où nous placent nos sens, il faudrait commencer par le sol même qui nous porte, décrire le globe terrestre, sa forme et ses dimen- sions, sa densité et sa température croissant vers le centre ; séparer les couches superposées, tant fluides que solides, dis- tinguer les continents d'avec les mers, peindre la vie orga- nique développant partout sa trame, envahissant la surface et peuplant les profondeurs, et cet océan aérien perpétuelle- ment agite par les courants, au fond duquel surgissent, comme autant de bas-fonds et d’écueils , les hautes chaines de nos montagnes couronnées de forêts. Après ce tableau, dont no- == 69 = tre globe seul aurait fourni tous les traits, le regard s’éle- verait vers les espaces célestes , et la terre, domaine désor- mais bien connu de la vie organique, serait alors considérée comme planète; elle prendrait son rang parmi les autres glo- bes, satellites comme elle d’un de ces astres sans nombre qui brillent de leur propre lumiére. Cette série d'idées a tracé la voie des premières théories générales qui ont pris leur point de départ dans nos sensations; elle rappellerait presque cette antique conception d’une terre environnée de tous côtés par les eaux et portant la voûte céleste; elle dé- bute sur le lieu même de l'observateur, elle part du connu pour aller à l'inconnu, de cé qui nous touche et nous presse pour atteindre aux limites de notre portée. C’est la méthode mathématiquement très-fondée que Fon suit dans l’exposi- tion des théories astronomiques, lorsqu'on passe des mouve- ments apparents aux mouvements réels des corps célestes. Mais s’il s’agit d'exposer l’ensemble de nos connaissances dans ce qu’elles ont d'arrêté et de positif, ou même dans ce qui est actuellement probable à divers degrés, sans s’astrein- dre toutefois à en développer la démonstration, il faut re- courir à un ordre d'idées tout différent et renoncer surtout à ce point de départ terrestre dont l'importance dans la gé- néralité est exclusivement relative à l’homme. La terre ne doit plus d'abord apparaitre que comme un détail subor- donné à l’ensemble dont elle fait partie; il faut se garder d’amoïindrir le caractère de grandeur d’une telle conception par des motifs puisés dans la proximité de certains phéno- mènes particuliers , dans leur influence plus intime, dans leur utilité plus directe. Une description physique du monde, c'est-à-dire un tableau général de la nature, doit done com- mencer par le ciel et non par notre terre; mais à mesure que la sphère, embrassée par le regard, se rétrécira, nous verrons s’augmenter la richesse des détails, nous verrons les apparences physiques se compléter, les propriétés spéci- fiques de la matière se multiplier. De ces régions, où la seule force dont il nous soit donné de constater l'existence est celle de la gravitation, nous descendrons graduellement jus- qu’à notre planète, et nous aborderons enfin le jeu compli- qué des forces qui règnent à sa surface. La méthode descrip- live que je viens d’esquisser est l’inverse de celle qui en à fourni les matériaux; la première énumère et classe ce que la seconde à démontré. | Par ses -organes , l'homme se met en rapport avec la na- ture; Pexistence de la matière dans les profondeurs du ciel nous est révélée par les phénomènes lumineux; on peut dire ainsi que l’œil est l'organe de la contemplation de l'univers, et la découverte de la vision télescopique, qui date à peine de deux siècles et demi, à doué les générations actuelles d’une puissance dont elles ignorent encore les limites. Les premières et les plus générales parmi les considéra- tions qui forment la science du Cosmos, ont trait à la répar- tition dans les espaces, de la matiére où de la création, pour employer le terme qui sert d'ordinaire à désigner l’ensem- ble actuel des êtres et les développements successifs dont ils contiennent le germe. Et d'abord, nous voyons la matière , tantôt condensée en globes de grandeurs et de densités très- diverses, animés d’un double mouvement de rotation et de translation, tantôt disséminéé dans l’espace , sous forme de nébulosités phosphorescentes. Considérons en premier lieu cette matière cosmique ré- partie dans le ciel sous des formes ‘plus où moins détermi- nées et dans tous les états possibles d’agrégation. Lors- qu'elles ent de faibles dimensions apparentes, les nébuleuses présentent l'aspect de petits disques ronds où elliptiques, soit isolés, soit disposés par couples et réunis alors quelque- fois par un mince filet lumineux ; sous de plus grands diame- tres, la maliére nébuleuse prend les formes les plus variées: elle envoie au loin, dans l'espace, de nombreuses ramifica- üons, elle s'étend en éventail, ou bien elle affecte la figure annulaire aux contours nettement accusés, avec un espace central 6bscur. On croit que ces nébuleuses subissent gra- duellement des changements de forme , suivant que la ma- ère, obéissant aux lois de la gravitation, se condense au- tour d’un ou de plusieurs centres. Environ 2500 de ces né- ET buleuses, que les plus puissants télescopes n’ont pu résoudre en étoiles, sont maintenant classées et déterminées, quant au lieux qu’elles occupent dans le ciel. En présence de ce développement génésique, de ces for- mations perpétuellement progressives, dont une partie des espaces célestes semble être le théâtre, l'observateur philo- sophe s’est trouvé conduit à établir une analogie entre ces grands phénomènes et ceux de la vie organique: de même que nous voyons dans nos forêts des arbres de même es- pèce parvenus à tous les degrés possibles de croissance, de mème on peut reconnaitre, dans l’immensité des champs cé- lestes. les diverses phases de la formation graduelle des étoi- les. Cette condensation progressive, enseignée par Anaxi- mène et, avec lui, par toute l’école ionique, parait ainsi se développer simultanément à nos yeux. Il faut le reconnai- tre, la tendance presque divinatrice de ces recherches et de ces efforts de l'esprit a toujours offert (5!) à l'imagination l'attrait le plus puissant; mais ce qui doit eaptiver dans l’é- tude de la vie et des forces qui animent l’univers, e’est bien moins la connaissance des êtres dans leur essence que celle de la loi de leur dévéloppement , c’est-à-dire la succession des formes qu’ils revêtent ; car, de l'acte même de la créa- tion, d'une origine des choses considérée comme la transition du néant à l'être, ni l'expérience ni le raisonnement ne sau- raient nous en donner l’idée. On ne s’est point borné à constater dans les nébuleuses diverses phases de formation par les degrés de leur conden- sation plus ou moins marquée vers le centre; on à eru pou- voir aussi déduire immédiatement d'observations faites à dif- férentes époques qu'il s’est opéré des changements effectifs dans la nébuleuse d’Andromède, puis dans celle du navire Argo et dans les filaments isolés qui appartiennent à [a ne- buleuse d’'Orion; mais l’inégale puissance des instruments employés à ces diverses époques, les variations de notre at- mosphère, et d’autres influences de nature optique, jettent un doute légitime sur une partie de ces résultats, quand on les considère comme des termes de comparaison légués par l'histoire des cieux. == (Gbrst. Ni les taches nébuleuses proprement dites, à formes si va- riées, à régions brillant d’un inégal éclat, et dont la matière, sans cesse concentrée dans un moindre espace, finira peut- être par se condenser en étoiles, ni les nébuleuses plané- taires qui émettent, de tous les points de leurs disques un peu ovales, une lumière douce parfaitement uniforme, ne doi- vent être confondues avec les étoiles nébuleuses. Il ne s’a- git pas ici d’un effet de projection purement fortuit; bien loin de là, la matière phosphorescente, la nébulosité forme un tout avec l'étoile qu’elle environne. A en juger par leur diamètre apparent, souvent considérable, et par la distance ou elles brillent, ces deux variétés, les nébuleuses planétai- res et les étoiles nébuleuses, doivent avoir d'énormes dimen- sions. Il résulte de considérations nouvelles extrèémement ingénieuses, sur les effets divers que l'éloignement doit pro- duire dans l'éclat d’un disque lumineux de diamètre appré- ciable, et dans celui d’un point isolé, que les nébuleuses pla- nétaires sont probablement des étoiles nébuleuses pour les- quelles toute différence d'éclat entre l'étoile centrale et lat- mosphère environnante aurait disparu même pour l’œil armé des plus puissants télescopes. Les magnifiques zones du ciel austral comprises entre les parallèles du 50° et du 80° degré sont les plus riches en étoiles neébuleuses et en amas de nébulosités irréductibles. Des deux nuages magellaniques qui tournent autour du pôle austral, de ce pôle si pauvre en étoiles qu'on dirait une con- trée devastée, le plus grand surtout parait être, d’après des recherches récentes (°?), « une étonnante agglomération d’a- mas sphériques d'étoiles plus ou moins grandes et de nébu- leuses irréductibles, dont l'éclat général illumine le champ de la vision et forme comme le fond du tableau. » L'aspect de ces nuages, la brillante constellation du navire Argo, la voie lactée, qui s'étend entre le Scorpion, le Centaure et la Croix, et, j'ose le dire, l’aspect si pittoresque de tout le ciel austral, ont produit sur mon âme une impression ineffaçable, La lumière zodiacale qui monte au-dessus de l’horizon comme une pyramide de lumière, et dont le doux éclat fait —_,66 — l'éternel ornement des nuits intertropicales, est probable- ment une grande nébuleuse annulaire tournant entre l'orbite de Mars et celle de la Terre; car on ne saurait admettre que ee soit la couche extérieure de l'atmosphère méme du So- leil. Outre ces nébulosités, ces nuages lumineux à formes dé- terminées, des observations exactes s'accordent à élablir l’e- xistence d’une matière infiniment ténue, qui ne possède pro- bablement pas de lumière propre, mais dont l'existence se révèle par la résistance qu’elle oppose au mouvement de la comète d'Encke (et peut-être aussi de celles de Biela et de Faye), par la diminution qu’elle fait subir à lexcentricité et la durée de la révolution. On peut se représenter cette ma- tière éthérée ou cosmique, flottante dans l’espace, comme animée de mouvement; malgré sa ténuité originaire, on peut la supposer soumise aux lois de la gravitation, et plus con- densée par conséquent aux environs de l’énorme masse du Soleil; on pourrait admettre, enfin, qu’elle se renouvelle et qu'elle s’augmente, depuis des myriades de siècles, par les matiéres gazéiformes que les queues des comêtes abandon- nent dans l’espace. Après avoir ainsi passé en revue la variété des formes que revêt la matière disséminée dans les espaces infinis des cieux (0%p2%05 .y070c) (55), soit qu’elle s’étende sans limites et sans contours, comme une sorte d’éther cosmique, soit qu’elle ait été primilivement condensée en nébuleuses, il faut con- sidérer la partie solide de cet univers, c’est-à-dire la matière agglomérée en globes auxquels appartiennent exclusivement les désignations d’astres où de mondes stellaires. [ei encore nous trouvons des degrés divers d’agrégation et de densité, et notre propre système solaire reproduit tous les termes de la série des pesanteurs spécifiques (rapport du volume à la masse) que les substances terrestres nous ont rendus fami- liers. Quand on compare les planètes, depuis Mercure jus- qu’à Mars, au Soleil et à Jupiter, et ces deux derniers astres _à Saturne moins dense encore, on se trouve conduit, par une progression décroissante, de la pesanteur spécifique de Pan- timoine métallique, jusqu’à celle du miel, de l’eau et du sa- CR pin. Bien plus, la densité des comètes est si faible que ja lu- miere des étoiles les traverse sans être réfractée, même par cette partie plus compacte que l’on nomme habituellement la tête ou la nébulosité; peut-être la masse d'aucune comète n’a atteint la cinq millième partie de celle de la Terre. Si- gnalons iei ce qu'il y à de frappant dans la diversité des ef- fets produits par les forces dont l’action progressive à pré- sidé dés l’origine aux agglomérations de Ja matière; du point de vue général où nous sommes placé, nous aurions pu in- diquer à priori celle variété indéfinie comme un résultat possible de l’action combinée des forces génératrices ; il va- lait mieux se réserver de la montrer comme un fait réel qui se développe effectivement à nos yeux dans les régions celestes. Les conceptions purement spéculatives de Wright, de Kant et de Lambert sur la construction générale des cieux ont été établies par sir William Herschel sur une base plus so- lide, celle des observations et des mesures préeises. Ce grand homme, si hardi et si prudent à la fois dans ses, recherches, fut le premier qui osa sonder les profondeurs des cieux pour déterminer les limites et la forme de la couche isolée d’etoi- les dont nous faisons partie; le premier il tenta d'appliquer à cette zone stellaire les rapports de grandeur, de forme et de position qui lui étaient révélés par l’étude des nébuleuses éloignées, justifiant ainsi la belle épitaphe gravée sur son tombeau à Upton: Cælorum perrupit claustra. Lancé, com- me Colomb, sur une mer inconnue, il découvrit des côtes et des archipels dont il laissait aux générations suivantes le soin de déterminer la position exacte. Il à fallu recourir à des hypothèses plus ou moins vrai- semblables sur les diverses grandeurs des étoiles et leur nom- bre relatif, c’est-à-dire sur leur accumulation plus ou moins marquée dans les espaces égaux que circonserit Le champ d’un télescope donné, armé toujours du même grossissement, pour évaluer l’épaisseur des couches ou des zones qu’elles consti- tuent. Aussi est-il impossible d'attribuer à ces aperçus, quand il s’agit. d’en déduire les particularités de la structure des = (Us cieux, le méme degré de certitude auquel on est parvenu dans l'étude des phénomènes particuliers à notre système solaire, ou dans la théorie des mouvements apparents et réels des corps célestes en général, où même dans la détermina- tion des révolutions accomplies par les étoiles composantes d’un système binaire autour de leur centre commun de gra- vité. Cette partie de la science du Cosmos ressemble aux époques fabuleuses où mythologiques de l’histoire; toutes deux remontent en effet à ce crépuscule incertain où viennent se perdre les origines des temps historiques et les limites de l’espace que nos mesures cessent déjà d'atteindre; alors l’é- vidence commence à disparaitre de nos conceptions, et tout invite l'imagination à chercher en elle-même une forme et des contours arrêtés pour ces apparences confuses qui me- nacent de nous échapper. Mais revenons à la comparaison que nous avons déjà in- diquée entre la voüte céleste et une mer parsemée d’iles et d’archipels; elle aidera à mieux saisir les divers modes de répartition des agrégats isolés que forme la matière cosmi- que, de ces nébuleuses non résolubles, condensées autour d’un ou de plusieurs centres , portant en elles-mêmes lin- dice de leur antiquité; de ces amas d’étoiles ou de ces grou- pes sporadiques distincts qui présentent des traces d’une for- mation plus récente. L’amas d'étoiles dont nous faisons par- tie, et que nous pourrions appeler ainsi une ile dans l’uni- vers, forme une couche aplatie, lenticulaire, isolée de toutes parts ; on estime que son grand axe est égal à sept ou huit cents fois la distance de Sirius à la Terre, et le petit axe à cent cinquante de ces unités. Quant à la grandeur absolue de l'unité dont il s’agit, pour s’en former une idée on peut supposer que la parallaxe de Sirius ne dépasse point celle de la brillante du Centaure (0 ,9128); dans ce cas, la lu- mière emploierait trois années à parcourir la distance qui nous sépare de Sirius; d’après les admirables travaux de Bessel sur la parallaxe de la 61° du Cygne (0 ,3483) (5), étoile dont le mouvement propre considérable laissait soup- conner la proximité, un rayon lumineux parti de cet astre pe peut arriver jusqu’à nous qu'après neuf ans un quart. = p40i Notre amas d'étoiles, dont l’épaisseur est relativement fai- ble, se partage en deux branches sur un tiers environ de son étendue; on pense que le système solaire y est situé excentriquement , non loin du point de partage, plus près de la région où brille Sirius que de la constellation de lAi- gle, et presque au milieu de la couche dans le sens de son épaisseur. Nous l'avons dit plus haut, c’est en jaugeant systémati- quement le ciel, c’est en comptant les étoiles contenues dans le champ invariable d’un télescope, dirigé successivement vers toutes les régions de l’espace, que l’on est parvenu à fixer ainsi la place de notre système solaire, à déterminer la forme et les dimensions de l’amas lenticulaire d'étoiles dont il fait partie. En effet, si les nombres plus où moins grands d'étoiles que renferment des espaces égaux varient en raison de l'épaisseur même de la couche dans chaque di- rection, ces nombres doivent donner la longueur du rayon visuel, sonde hardiment jetée dans les profondeurs du ciel, lorsque le rayon atteint le fond de la couche stellaire ou plu- tôt sa limite extérieure, car il ne peut être question ici ni de haut ni de bas. Dans le sens du grand axe, le rayon vi- suel doit rencontrer les étoiles échelonnées suivant cette di- rection en beaucoup plus grand nombre que partout ailleurs ; les étoiles sont en effet fortement condensées dans ces régions, et comme réunies dans une nuance générale qu'on peut com- parer à une poussière lumineuse. Leur ensemble dessine sur la voûte céleste une zone qui parait l’envelopper compléte- ment. Cette zone étroite, dont l'éclat inégal est interrompu çà et là par des espaces obscurs, suit, à quelques degrés prés, la direction d’un grand cercle de la sphère, parce que nous sommes placés près du milieu de la couche d'étoiles et dans le plan même de la voie lactée, qui en est la perspec- tive. Si notre système planétaire se trouvait situé à une grande distance de cet amas d'étoiles, la voie lactée offrirait l’appa- rence d’un anneau; à une distance encore plus forte, elle apparaitrait, dans un télescope, comme une nébuleuse irré- ductible terminée par un contour circulaire. — 70 — Parmi tous ces astres lumineux par eux-mêmes, qu’on a longtemps réputés fixes, mais à tort, puisque leur position change continuellement; parmi ces astres qui forment notre ile dans l'océan des mondes, le soleil est le seul que des ob- servations réelles nous permettent de reconnaitre comme centre des mouvements d’un système secondaire composé de planètes, de comètes et d’astéroïdes analogues à nos aé- rolithes. Les étoiles doubles ou multiples ne sauraient être assimilées complétement à notre monde planétaire, ni pour la dépendance des mouvements relatifs, ni pour les appa- rences lumineuses. À la vérité, les astres brillant d’une lu- mière propre qui forment ces associations binaires ou plus complexes, tournent aussi autour de leur centre commun de gravité, ils entrainent peut-être des cortéges de planètes et de lunes dont nos télescopes ne peuvent nous révéler l’e- xistence, mais le centre de leurs mouvements se trouve dans un espace vide ourempliseulement de matière cosmique, tandis que, dans le système solaire, ce centre est situé à l’intérieur d’un corps visible. Si, pourtant, on voulait considérer comme étoiles doubles le Soleil et la Terre, ou bien la Terre et la Lune, si on assimilait l’ensemble des planètes à un système multiple, il faudrait restreindre aux seuls mouvements l’ana- logie que ces dénominations rappellent, car on peut admet- tre l’universalité des lois de la gravitation, mais tout ce qui a trait aux apparences lumineuses devrait être exclu de ce rapprochement. Placés à ce point de vue général qui nous était imposé par la nature même de notre œuvre, il nous est permis d’en- visager actuellement le système solaire sous un double as- pect: nous étudierons d’abord, dans les elasses diverses qu’on y peut distinguer, les caractères généraux de grandeur, de figure, de densité et de situation relative ; nous aborderons ensuite les relations qui paraissent unir cet ensemble aux autres parties de notre zone étoilée; c’est indiquer assez le mouvement propre du Soleil lui-même. Dans l’état actuel de la science, le système solaire se com- pose de onze planètes principales, de dix-huit lunes ou sa- RTL EE tellites, et d’une myriade de comètes dont quelques-unes res- tent constamment dans les limites étroites du monde des pla- nètes: ce sont les comètes planétaires. Nous pourrions en- core, avec toute vraisemblance, ajouter au cortége de notre Soleil, et placer dans la sphère où s'exerce immédiatement son action centrale, d’abord un anneau de matière nébuleuse animé d'un mouvement de rotation; cet anneau est proba- blement situé entre l'orbite de Mars et celle de Vénus, du moins il est certain qu’il dépasse l'orbite de la Terre (%): c'est lui qui produit cette apparence lumineuse, à forme py- ramidale, connue sous le nom de lumière zodiacale; en se- cond lieu, une multitude d’astéroïdes excessivement petits, dont les orbites coupent celle de la terre ou s’en écartent fort peu: c’est par eux qu’on explique les apparitions d’étoi- les filantes et les chutes d’aérolithes. Lorsque l’on considère ces formations si complexes, ces astres si nombreux qui €ir- eulent autour du Soleil ans des ellipses plus ou moins ex- centriques, sans chercher à expliquer, avec l’immortel au- teur de la Mecanique céleste, l'origine de la plupart des co- mètes, par des portions de matière détachées des nébuleu- ses et errant d’un monde à l’autre (5), il faut bien reeon- naître que les planètes, avee leur satellites ne forment qu’une très-faible partie du système solaire, si on a égard au nom- bre et non pas aux masses. On a supposé que les planètes téleseopiques, Vesta, Ju- non, Cérès et Pallas, forment une sorte de groupe intermé- diaire, et que leurs orbites, si étroitement entrelacées, si in- elinées, si excentriques, déterminent dans l’espace une zone de séparation entre les planètes intérieures, Mereure, Vénus, la Terre, Mars, et la région des planètes extérieures, Jupiter, Saturne, Uranus (5°). Ces deux régions présentent en effet les contrastes les plus frappants. Les planètes intérieures. plus rapprochées du Soleil, sont de grandeur moyenne; leur densité est considérable; elles tournent lentement sur elles- mêmes en temps à peu près égaux (vingt-quatre heures en- viron); elles sont peu aplaties, et, sauf la Terre, elles sont totalement dépourvues de satellites: les planètes extérieures sont énormément plus grosses et cinq fois moins denses; leur rotation est deux fois au moins plus rapide, leur aplatisse- ment plus marqué; enfin, le nombre de leurs satellites est à celui du groupe intérieur dans le rapport de dix-sept à un, si toutefois Uranus posséde effectivement les six lunes qu’on lui attribue. Mais les considérations d’où nous avons fait ressortir Les caractères généraux de ces deux groupes, ne sauraient s’é- tendre avec une égale justesse à chacune des planètes en particulier ; on ne pourrait comparer ainsi une à une les dis- tances au centre commun des mouvements avec les gran- deurs absolues, les densités avec le temps de la rotation, les excentricités et l'inclinaison mutuelle des orbites avec les grands axes. Nous ne connaissons point de liaison nécessaire entre les six éléments que nous venons d’énumérer et les moyennes distances, nous ignorons s’il existe entre ces di- verses grandeurs une loi de la mécanique céleste analogue à celle qui unit, par exemple, les carrés des temps périodi- ques aux eubes des grands axes. Mars est plus éloigné du soleil que Vénus et que la Terre; il est pourtant plus petit, et de doutes les planètes anciennement connues celle dont il diffère le moins, quant au diamètre, c’est Ia planète la plus voisine du Soleil, c’est Mercure. Saturne est plus petit que Jupiter, mais il est beaucoup plus gros qu'Uranus. Bien plus, à la zone des planètes télescopiques succède immédiatement Jupiter , le plus puissant de tous les astres secondaires de notre système; et cependant la surface de ces astéroïdes, dont le diamètre, par sa petitesse, échappe presque à nos mesures, dépasse à peine de moitié celle de la France, de Madagascar ou de Bornéo. Quelque frappante que puisse être la densité si extraordinairement faible des colosses plané- iaires qui gravitent vers le Soleil aux confins de notre monde, ici encore il n’y a pas de régularité dans la série décrois- sante (5), puisque Uranus parait être plus dense que Saturne, méme en admettant la masse donnée par Lamont, *f2:605, la plus faible de toutes, et malgré la différence à peine nota- ble qui s’observe dans les densités du groupe des planètes — 173 — les plus rapprochées du Soleil (5°), nous trouvons, de part et d'autre de la Terre, Vénus et Mars, qui sont tous deux moins denses que notre planète. Quant à la durée de la ro- tation, elle diminue incontestablement à mesure que la dis- tance du Soleil augmente, mais elle est plus grande pour Mars que pour la Terre, plus grande aussi pour Saturne que pour Jupiter. Les plus fortes excentricités appartiennent aux ellipses que décrivent Junon, Pallas et Mercure; les plus faibles sont celles de Vénus et de la Terre, deux planètes qui se suivent pourtant dans l’ordre des distances. Mercure et Vénus nous offrent précisément le même contraste que les quatre petites planètes, car les excentricités peu diffé- rentes de Junon et de Pallas sont triples de celles de Céres et de Vesta. De semblables anomalies se présentent quand on considère l’inclinaison des orbites sur le plan de léclip- tique, et la position relative des axes de rotation, éléments qui influent bien autrement que l’excentricité sur les climats, la longueur de l’année et la durée variable des jours. Les ellipses les plus allongées. celles que parcourent Junon, Pal- las et Mercure, sont aussi les plus fortement inclinées sur l’éeliptique, mais dans des rapports très-différents : l’incli- naison de l'orbite de Pallas, dont on ne retrouve d’anale- gue que parmi les comètes, est à peu près vingt-six fois plus grande que celle de Jupiter, tandis que linclinaison de la petite planète Vesta, si rapprochée de Pallas, surpasse à peine le sextuple du même angle. On n’a pas mieux réussi à for- mer une série régulière avec les positions des axes de ro- tation des quatre ou cinq planètes à l’égard desquelles cet élément a été déterminé avec exactitude. A en juger, pour Uranus, d’après la position des plans dans lesquels tournent les deux seuls satellites qui aient été réobservés récemment. l'axe de rotation de cette planète serait incliné de 44° à peine sur le plan de son orbite; et Saturne se trouve ainsi placé, sous ce rapport, entre Jupiter, dont l'axe de rotation est presque perpendiculaire au plan de l'orbite, et Uranus. Il semble résulter de l’énumération de ces irrégularités que le monde des formations célestes doit être accepté comme M un fait, comme une donnée naturelle qui se dérobe aux spe- culations de l'esprit par Pabsence de tout enchainement vi- sible de cause à effet. En d’autres termes, les rapports de grandeurs absolues et de position relative des axes, les re- lations qui existent dans le système planétaire entre les den- sités, les durées de rotation et les excentricités, ne nous pa- raissent pas autrement nécessaires dans la nature que la distribution des eaux et des terres à la surface de notre globe, les contours de ses continents ou la hauteur de ses chaines de montagnes ; point de loi générale qu'on puisse établir, sous ces divers rapports, dans les cieux ou dans les inéga- lités des eouches terrestres: ce sont autant de faits naturels produits par le conflit de forces multiples qui ont agi autre- fois dans des conditions tout à fait inconnues. Or, en fait de cosmogonie, l’homme attribue au jeu du hasard ce qu'il ne peut expliquer par l’action génératrice des forces qui lui sont familières. Si les planètes ont été formées par la con- densation progressive d’anneaux de malières gazeuses, con- centriques au Soleil, les densités, les températures, les ten- sions magnétiques inégales de ces anneaux expliquent les différences actuelles de forme et de grandeur, tout comme les vitesses primitives de rotation et de petites variations dans la direction des mouvements peuvent rendre compte des inclinaisons et des excentricités; en outre, les attractions des masses et les lois de la pesanteur jouèrent ici leur rôle aussi bien que dans les soulèvements qui produisirent les ir- régularités de la surface terrestre; mais il est impossible de déduire, de l’état actuel des choses, la série entière des mu- tations qu’elles ont dû parcourir avant d'y arriver. Quant à la loi bien connue par laquelle on a voulu relier les distan- ces des planètes au Soleil, on en a constaté numériquement linexactitude pour les intervalles qui séparent Mercure, Vé- nus et la Terre ; d’ailleurs, elle est en contradiction manifeste avec la notion même de série, à cause du premier terme qu'on y suppose. Les onze planètes principales qui composent à présent le système solaire sont accompagnées, dans leurs mouvements, EE, pu par quatorze planètes secondaires (lunes ou satellites), dont l'existence est incontestable ; ce dernier nombre s’éléverait méme plus haut si on tenait compte des quatre satellites dont la réalité est moins bien établie. Ainsi, les planètes principa- les sont à leur tour les centres des mouvements de systèmes subordonnés. Évidemment la nature a procédé dans les for- mations célestes comme dans le règne de la vie organique, où nous voyons si souvent les classes secondaires reproduire les types primitifs autour desquels les animaux et les végé- taux viennent se grouper. Les satellites sont plus nombreux vers les régions extrêmes du monde planétaire, au delà des orbites si étroitement assemblées de ce qu’on nomme les petites planètes. Mais, du côté opposé, les planètes sont dé- pourvues de lunes, exeepte la Terre, dont le satellite est pro- portionnellement très-grand , car son diamètre est le quart de celui de notre globe , tandis que le plus grand satellite connu, la sixième lune de Saturne, est linéairement dix-sept fois plus petit que cette dernière planète. Ce sont précisé- ment les planètes les plus éloignées du Soleil, les plus gran- des, les moins denses et les plus aplaties, qui possèdent le plus de satellites; Uranus lui-même ne fait exception à cette remarque sous aucun rapport, car son aplatissement, fixé, par les nouvelles recherches de Mædler, à ‘f1o, dépasse celui de toutes les autres planètes. Mais dans ces systèmes éloi- gnés, la différence entre les satellites et l’astre central quant aux diameètres et aux masses est beaucoup plus prononcée que dans le système analogue formé par la Terre et la Lune (4°), dont la distance est de 38,400 myriamètres (51,800 milles géographiques). Les relations de densité y sont aussi tout à fait différentes, car la densité de la Lune est fs de celle de la Terre, tandis que le deuxième satellite de Jupiter pa- rait être plus dense que sa planète centrale, s’il est permis toutefois d'ajouter une confiance entière à des détermina- tions aussi délicates que celles des masses et des volumes de ces satellites. Parmi tous ces systèmes secondaires, du moins parmi ceux dont la théorie offre un certain degré d’exactitude, le plus = fig" 3e singulier est assurément le monde de Saturne. Les cas ex- trémes en fait de grandeurs absolues et de distances des sa- tellites à la planète centrale s’y trouvent réunis. Ainsi, le sixième et le septième satellites de Saturne sont énormes; dans l’ordre des volumes, ils passent avant tous ceux de Ju- piter ; peut-être même le sixième satellite ne différe-t-1l guëre de Mars, dont le diamètre est précisément le double du dia- mètre de notre Lune. Au contraire, les deux satellites les plus voisins de Saturne, que William Herschel découvrit en 1787, à l’aide de son télescope de 40 pieds, les mêmes qui, plus tard, furent revus à grand'peine par John Herschel au Cap de Bonne-Espérance, par Vico à Rome, et par Lamont à Munich, ces deux satellites sont , disons-nous, avec ceux d'Uranus, les astres les plus petits et les plus difficiles à voir de tout notre système solaire; les plus puissants télescopes n'y sauraient suffire, il faut encore savoir choisir les circon- stances favorables. Au reste, les disques apparents de tous ces satellites sont extrêmement petits, et la détermination de leurs dimensions réelles ne peut s’obtenir que par des mesures micrométriques où l’on rencontre à la fois tous les genres de difficultés; heureusement l’astronomie qui repré- sente par des nombres les mouvements des astres, tels qu'ils apparaissent à un observateur placé sur la terre, l’astrono- mie calculatrice, en un mot, a bien moins besoin de connai- tre exactement les volumes que les masses et les distances. De toutes ces planètes secondaires, c’est le septième sa- tellite de Saturne qui s’écarte le plus de sa planète centrale. Sa distance dépasse un tiers de million de myriamètres ; elle est donc décuple de celle de la Lune à la Ferre: Dans le monde de Jupiter, le dernier satelliteest éloigne de 193,000 my- riamètres; il est vrai que dans celui d'Uranus cette distance atteindrait 252,000 myriamètres, si l'existence du sixième satellite était bien constatée. Pour achever de mettre en re- lief ces singuliers contrastes, comparons actuellement le vo- lume de chaque planète centrale aux dimensions de l'orbite où circule son dernier satellite. Les distances des satellites extrêmes de Jupiter, de Saturne et d’Uranus, exprimées en ER, rayons de leurs planètes centrales respectives, sont entre el- les comme 91, 64 et 27: le septième satellite de Saturne pa- rait alors à peine plus éloigné du centre de Saturne que ne l’est notre Lune du centre de la Terre; la différence n’est que de ‘fi5. Le satellite le plus rapproché de sa planète cen- trale est, sans contredit, le premier satellite de Saturne, qui nous offre en outre l'exemple unique d’une révolution tout entière accomplie en moins de vingt-quatre heures. Sa dis- tance, exprimée en demi-diamêtres de Saturne, est 2,47 d’a- près Maedler, ce qui revient à 44,857 myriamètres; elles se réduirait à 8808 myriamètres si on la comptait à partir de la surface de Saturne, et à 912 myriamètres à partir du bord extérieur de l’anneau; c’est une bien faible distance, et l’on comprendra qu'un voyageur puisse s’en faire aisément une idée si l’on se rappelle l’assertion d'un hardi navigateur, le capitaine Beechey, qui dit avoir parcouru 48,200 milles géo- graphiques (13,500 myriamètres) en trois ans. Enfin, si, au lieu de comparer entre elles les distances absolues, on con- tinue à les évaluer en rayons de chaque planète centrale, on trouve que la distance du quatrième satellite de Jupiter au centre de cette planète, distance qui dépasse en réalité de 4800 myriamètres celle de la Lune à la Terre, se réduit à six fois le demi-diamêtre de Jupiter, tandis que la Lune. est éloignée de nous de 60 ‘f5 rayons terrestres. Au reste, les relations mutuelles des satellites et leurs rap- ports avec la planète centrale prouvent que ces mondes se- condaires sont soumis aux lois de la gravitation qui régis- sent les mouvements des planètes autour du Soleil. De même que celles-ci, les douze satellites de Saturne, de Jupiter et de la Terre, se meuvent de l'occident à l’orient dans des el- lipses peu différentes du cercle; la Lune et le premier sa- tellite de Saturne, dont l’excentricité est 0,068, sont les seuls dont l'orbite soit plus elliptique que l’orbite de Jupiter ; l’or- bite du sixième satellite de Saturne, qui a été pour Bes- sel l’objet d'observations si précises, offre une excentricité de 0,029, supérieure par conséquent à celle de la Terre. Aux confins du monde planétaire, dans ces régions éloignées er, ou de dix-neuf rayons de l'orbite terrestre, où la force centrale du Soleil se trouve déjà notablement affaiblie, le système des satellites d'Uranus présente des anomalies vraiment étranges : tandis que les autres satellites parcourent, comme les pla- nètes, des orbites peu inelinées sur le plan de lecliptique et se meuvent de l’occident vers l’orient, sans même en excep- ter l'anneau de Saturne, qu’on pourrait assimiler à une agré- gation de satellites fondus ensemble ou du moins invariable- ment liés entre eux, les satellites d’Uranus, au contraire, se meuvent de l’est à l’ouest dans des plans situés presque per- pendiculairement à l’écliptique. Les observations que sir Jobn Herschel a poursuivies pendant plusieurs années confirment parfaitement ces singularités. Si les planètes et leurs satel- lites ont été formés par la condensation des atmosphères pri- mitives du Soleil et des planètes principales; si €es atmos- phères se sont divisées successivement en anneaux fluides animés d’un mouvement de rotation, il faut que des effets de retardation ou de réaction bien énergiques se soient pro- duits, d’une manière inconnue, dans les anneaux d’Uranus, pour que les mouvements du deuxième et du quatrième sa- tellite se trouvent ainsi dirigés en sens inverse de la rota- tion de la planète centrale. Il est extrémement probable que le temps de la rotation de chaque satellite autour de son axe est égal au temps que chacun de ces astres emploie à faire sa révolution sidérale autour de la planète qu'il escorte; d’où l’on conclut que le satellite doit toujours présenter la même face à la planète. En réalité l'accord de ces deux périodes ne saurait être ri- goureux, à cause des inégalités dont la révolution sidérale est périodiquement affectée; telle est la cause principale de la libration apparente, c’est-à-dire d’une sorte de balance- ment dont l’amplitude, pour la Lune, atteint plusieurs de- grés, tant en longitude qu’en latitude. C’est ainsi que nous découvrons successivement un peu plus de la moitié de la surface de notre satellite, la partie nouvellement visible étant tantôt vers l’est, tantôt vers l’ouest du disque apparent. Ces petits mouvements libratoires et d’autres du même genre qui = (9 — se manifestent vers les pôles, placent mieux en vue, à cer- taines époques, des parties intéressantes, telles que le cir- que de Malapert, quicache parfois le pôle austral de la Lune, les contrées arctiques, qui entourent le cratère de Gioja, et la grande plaine grisàtre, située près d’Endymion, dont l'étendue surpasse celle du Mare vaporum (*!). Cependant, les $f; de la surface entière de la Lune échappent à nos re- gards, et resteront éternellement cachés pour nous, sauf l'in- tervention peu probable de nouvelles forces perturbatrices. La contemplation de ces belles lois du monde matériel invite l'esprit à chercher quelque analogie dans le monde de l’in- telligence, et l’on pense alors à ces régions inabordables où la nature a caché le mystère de ses créations: elles parais- saient aussi destinées à rester ignorées à jamais, et pourtant, de siècle en siècle, la nature nous en a dévoilé de faibles parties, où l’homme a pu saisir une vérité, quelquefois une illusion de plus. Jusqu'ici, nous avons considéré comme produits d’une vi- tesse initiale et comme reliés entre eux par le lien puissant d’une attraction réciproque, d’abord les planètes, puis les satellites et les anneaux concentriques en forme d’arche non interrompue, dont une des planètes les plus éloignées nous offre un exemple; il nous reste encore à signaler d’autres corps qui se meuvent aussi autour du Soleil, dont ils réflé- chissent la lumière, et d’abord, l’innombrable essaim des co- mètes. Quand on diseute suivant les règles du calcul des pro- babilités, la répartition uniforme des orbites de ces astres, les limites de leurs plus courtes distances au Soleil, et la possibilité qu'ils échappent aux regards des habitants de cette terre, on est conduit à leur assigner un nombre dont l’énor- mité étonne l'imagination. Déjà Képler disait, avec cette vi- vacité d'expression qu'il possédait à un si haut degré: « Il y à plus de comètes dans le ciel que de poissons dans l'O- céan. » Et pourtant le nombre des orbites calculées jusqu'ici atteint à peine 450. Il est vrai de dire qu’on évalue à six ou sept cents le nombre des comètes dont l'apparition et la course À travers des constellations connues se trouvent constatées — (80 — par des documents plus où moins authentiques. Tandis que les peuples classiques de l'Occident, les Romains et les Grecs, se bornaient à indiquer, de temps à autre, le lieu du ciel où une comète faisait son apparition, sans jamais rien préciser sur sa trajectoire apparente, les Chinois, au contraire, obser- valent et notaient avee soin tous ces phénomènes; leurs ri- ches annales contiennent des détails circonstanciés sur la route suivie par chaque comète; ces documents remontent à plus de cinq siècles avant l'ère chrétienne, et les astrono- mes en tirent encore aujourd’hui des résultats utiles (42). De tous les astres de notre système solaire, les comètes, avec leurs queues longues parfois de plusieurs millions de lieues, sont ceux qui remplissent les plus grands espaces d’une moindre quantité de matière. En effet, il est impossible de leur attribuer une masse équivalente au ‘fs000 de la masse terrestre, du moins si l’on s’en tient aux seules données que l’on possède encore sur ce sujet, et cependant le cône de matières gazéiformes que les comètes projettent au loin s’est trouvé quelquefois (en 4680 et en 1811) d’une longueur égale à celle d’une ligne menée de la Terre au Soleil; ligne im- mense qui traverse l'orbite de Mercure et celle de Vénus; Il parait même que ces émanations ont atteint notre atmos- phére et ont pu s’y méler, notamment en 14819 et en 1823. Les comètes se présentent sous des aspects si divers, par- ticuliers aux individus plutôt qu'à l'espèce même qu'il se- rait imprudent de généraliser les faits observés et d’en faire indistinetement l'application à toutes les apparitions de ces nuées errantes; c'était le nom que leur donnaient déjà Xé- nophane et Théon d'Alexandrie, le contemporain de Pappus. Les comètes télescopiques sont presque toujours dépourvues de queue; elles ressemblent aux étoiles nébuleuses d’Her- schel, ce sont des nébulosités arrondies, d’une lumière pâle et concentrée vers le milieu. Tel est du moins le type le plus sim- ple de l’espèce; mais nous ne le présentons point comme type d'un astre naissant, car il pourrait se rapporter également à des astres vieillis dont la matière se serait volatilisée et: peu à peu disséminée dans l’espace. Quand il s’agit de co- | LM : — mètes plus grandes et plus visibles, on y distingue la téte, le noyau et la queue simple ou multiple, à laquelle les astro- nomes chinois donnaient le nom pittoresque de balai (sui). En général, le noyau n’a pas de contours bien nets; pour- tant on en a vu d'aussi brillants que les étoiles de premiere ou de deuxième grandeur, et, même en plein jour, jusque dans la partie du ciel le mieux éclairée par le soleil, on dis- tingua les noyaux des grandes comêtes qui parurent dans les années 4402, 4532, 1577, 1744 et 1843 (‘), faits remar- quables d’où l’on pourrait conclure que la matière des co- mètes est parfois condensée et plus apte à réfléchir la lu- mière solaire. Les seules qui aient présenté un disque bien terminé dans les grands télescopes d'Herschel (*#) sont: la cométe de 1807, découverte en Sicile, et la belle comète de 1814 ; pour la premiére, ce disque avait 1° de diamètre apparent et 0 ,77 pour la seconde, ce qui porte à 400 et à 79 myriamètres les diamètres réels. Les noyaux, à con- tours moins nets, des comêtes de 1798 et de 1805, n'avaient que 4 ou 5 myriamètres de diamètre. Les comètes dont la constitution physique fut le mieux étudiée, et surtout la comète déjà citée de 4841, qui resta si longtemps visible, presentérent une particularité remarquable: le noyau ne pa- raissait pas faire corps avec la nébulosité lumineuse qui l’en- tourait ; il en était isolé de tout côté par un espace obscur. En outre, lintensité de la lumière ne croissait pas réguliè- rement en allant du bord vers le centre de la tête, mais on y voyait des zones brillantes concentriques, alternant avec des couches d’une nébulosité plus rare ou moins réfléchis- santes, et par conséquent plus obscures. Tantôt la queue est simple, tantôt elle est double, et dans ce dernier cas les deux branches sont ordinairement de longueurs très-inégales (1807 et 1843); la comète de 1744 avait même une queue sex- tuple, dont les rayons extrêmes divergeaient sous un angle de 60°. La queue est droite ou courbe; dans ce dernier cas, elle peut être concave des deux côtés et à l'extérieur (1841), ou d’un seul côté, et alors la concavité est tournée vers la région que la comète abandonne, telle qu'une flamme for- 90. — cée de s'infléchir par un obstacle. Enfin, les queues sont toujours opposées au Soleil et dirigées dans le sens de la li- gne qui en joindrait l’origine au centre de cet astre. Suivant Édouard Bjiot, cette remarque eapitale avait été faite, dès l'an 837, par les astronomes chinois: le fait fut signalé en Europe vers le xvi° siècle, mais plus nettement par Fraca- stor et par Pierre Apian. Plusieurs de ces apparences opti- ques si compliquées s'expliquent d’une manière fort simple, en considérant les émanations gazeuses que les comètes pro- jettent au loin, comme des atmosphères de forme conoïdale à nappes mulüples. Pour trouver des différences bien saillantes dans la forme de ces astres, il n’est pas indispensable de passer d’une co- mète à l’autre, de comparer les comèêtes dépourvues d’ap- pendice visible à celle de 1618 (la 3°), par exemple, dont la queue avait 404° de longueur, car il est hors de doute qu’une même comète subit des changements continuels qui se suc- cèdent avec une étonnante rapidité. Heinsius le constata à Saint-Pétersbourg sur la comète de 1744; mais les observa- tions les plus exactes et les plus décisives de €es variations de forme ont été faites sur la comète de Halley, à sa der- nière réapparition en 1835, par Bessel à Kænigsberg. Vers cette partie du noyau qui se trouvait directement tournée vers le Soleil on aperçut un appendice lumineux, en forme de houppe, dont les rayons se recourbaient en arrière et re- venaient se confondre avec la queue; « le noyau de la co- mèête de Halley, avec ses effluves, ressemblait à une fusée volante dont la queue serait infléchie et courbée par un vent léger. » D'une nuit à l’autre, nous avons remarqué, Arago et moi, à l'Observatoire de Paris, des changements notables dans ces rayons émis par la tête de la comète (4°). Le grand astronome de Kœnigsberg aconclu de ses nombreuses mesures et de considérations théoriques » que le cône lumineux s’e- loignait peu à peu de la direction du rayon vecteur, d’une quantité notable, mais qu’il revenait toujours à cette direc- tion pour la dépasser ensuite du côté opposé; par consé- quent, le cône lumineux et le corps de la comète d’où 1} avait Liges été projeté devait être animé d’un mouvement de rotation ou plutôt d'oscillation dans le plan de orbite. Ces oscilla- tions ne sauraient s'expliquer par l'attraction que le Soleil exerce sur tous les corps pesants; elles dénotent plutôt l’exis- tence d’une force polaire, c’est-à-dire d’une action qui ten- drait à ramener dans la direction du soleil l'extrémité de Fun des diamètres de la comète et à en éloigner l’autre ex- trémité. La polarité magnétique que la Terre possède nous offrirait quelque chese d’analogue ; et si le Soleil était doué de la polarité inverse l’effet pourrait s’en faire sentir sur la rétrogradation des points équinoxiaux. » Ce n’est point ici le lieu de donner de plus amples développements à ce sujet, mais il nous à semblé que d’aussimémorables observations (5), que des vues aussi grandioses sur les astres les plus extraor- dinaires du système solaire, devaient trouver place dans l'essai d’un tableau général de la nature. En opposition avec la règle suivant laquelle les queues des comètes doivent augmenter à la fois d'éclat et d’étendue dans le voisinage du périhélie, mais en restant constamment di- rigées à l’opposite du soleil, la comète de 1823 a offert le cu- rieux spectacle d’une queue double dont une branche était opposée au Soleil, tandis que l'autre était presque dirigée vers cet astre, car elle formait avec là première un angle de 460°. Ne pourrait-on recourir, pour expliquer ce phéno- mène exceptionnel, à certaines modifications de la polarité agissant successivement et provoquant ces deux courants de matière nébuleuse qui se seraient ensuite librement conti- nués (#7)? On trouve dans la philosophie naturelle d’Aristote un rapprochement bizarre entre la voie lactée et les phéno- mènes que nous venons de décrire. Les étoiles innombrables dont elle est composée formeraient dans le firmament une zone incandescente (lumineuse), que le Stagirite presente comme une immense comète dont la matière se renouvelle- rait sans cesse (). Les occultations d'étoiles par le noyau d’une comète ou par la couche atmosphérique qui lentoure immédiatement , jetteraient un grand jour sur la constitution physique de ces — he astres remarquables, s’il existait des observations où l’on püt se convaincre que l’occultation à été réellement bien cen- trale ({°); mais cette condition est difficilement remplie, à cause des couches concentriques de vapeurs alternativement denses et rares qui entourent le noyau, et dont il a déjà été question. Voiei pourtant un fait de ce genre que les mesures exécutées par Bessel, le 29 septembre 4835, ont mis hors doute. Une étoile de dixième grandeur se trouvait alors à 7,78 du centre de la tête de la comète de Halley, et sa lu- mière dut traverser une partie fort épaisse de la nébulosité ; or, le rayon lumineux ne fut nullement dévié de sa direc- tion recti-ligne (°°). Une absence aussi complète de pouvoir réfringent ne permet guère d'admettre que la matière des comètes soit un fluide gazéiforme. Faut-il recourir à Fhy- pothèse d’un gaz presque infiniment raréfié, ou bien les co- mètes consistent-elles en molécules indépendantes, dont la réunion formerait des nuages cosmiques dépourvus de la fa- culté d'agir sur les rayons lumineux, de même que les nua- ges de notre atmosphère, qui n’altérent point les distances zénithales des astres que nous observons? Quant à laffai- blissement de lumière que les étoiles paraissent éprouver par l'interposition de la substance cométaire, on l’a justement at- tribué au fond éclairé sur lequel se projettent alors leurs images. Nous devons aux recherches d'Arago sur la polarisa- tion les données les plus importantes et les plus décisives sur la nature de la lumière des comètes. Son polariscope lui a servi à résoudre les plus difficiles problèmes sur la cons- titution physique du Soleil, comme sur celle des comètes; cet instrument permet, dans beaucoup de circonstances, de décider si un rayon de lumière qui arrive jusqu’à nous après avoir parcouru un espace quelconque est un rayon direct, un rayon réfléchi ou un rayon réfracté, et si la source de lumière d’où il émane est un corps solide, liquide ou gazeux. A l’aide de cet appareil, la lumière de la Chévre et celle de la grande comète de 1849 furent analisées simultanément à l'Observatoire de Paris: la lumière de l'étoile fixe se com- ce (95 porta comme on devait s’y attendre, c’est-à-dire comme doi- vent le faire des rayons émis, sous toutes les inelinaisons et dans tous les azimuths possibles, par un soleil brillant de son propre éclat; mais la lumière de la comète parut polarisée, il y avait donc de la lumière réfléchie (°!). L'existence de rayons polarisés dans la lumière qui nous vient des comètes ne fut point seulement constatée par l'inégalité d’éclat de deux images; une preuve nouvelle en fut donnée par le con- traste encore plus frappant des couleurs complémentaires , basé sur les lois de la polarisation chromatique dont Arago avait fait la découverte en 1811. Ces observations furent re- nouvelées, avec le même résultat, en 1835, époque de la der- nière apparition de la comète de Halley. Cependant, ces bril- lants travaux ne permettent pas encore de décider si de la lumière propre aux comètes ne se mélange point à la lumière solaire que ces astres réfléchissent; or, c’est là une combi- naison dont certaines planètes, telle que Vénus, offrent un exemple assez probable. | Il n’est guère possible d'attribuer toutes les variations qu'on à remarquées dans l'éclat des comètes à leurs chan- gements de position par rapport au Soleil. Elles peuvent nai- tre aussi de la condensation progressive et des modifications qui doivent survenir dans le pouvoir réfléchissant des ma- tières qui les constituent. Hévélius trouva que le noyau de la comète de 14618 diminua vers l’époque de son passage au périhélie, et qu’il se dilatait à mesure que l'astre s’éloignait du Soleil. Ces faits remarquables farent longtemps négligés, et ce fut Valz qui en renouvela l’observation sur la comète à courte période; l’habile astronome de Marseille fit voir avec quelle régularité son volume déeroit en même temps que son rayon vecteur, mais il parait bien difficile d’en cher- cher l'explication dans l’action d’un éther cosmique, plus condensé vers le soleil; car il faudrait alors se représenter l'atmosphère de la comète comme une masse gazeuse impé- nétrable à cet éther (??). Grâce aux formes si variées des orbites cométaires, l’as- tronomie solaire s’est enrichie, dans ces derniers temps, d’une te) ff de brillante découverte. En 1819, Encke démontra l'existence d'une comète à courte période ; cette cométe ne quitte ja- mais l'enceinte où les planètes se meuvent, et le point de son orbite le plus éloigné du soleil se trouve compris entre la région des petites planètes et celle de Jupiter. Son excen- tricitée est 0,845 (celle de Junon, la plus forte de toutes les excentricités planétaires, est 0,255). La comète d'Encke a été vue à l’œil nu à diverses reprises, notamment en 1819 en Europe, et par Rümker en 14822 dans la Nouvelle-Hol- lande, mais toujours avee difficulté. Le temps de sa révolu- tion est d'environ trois ans et demi. Il ressort d’une com- paraison soigneuse des retours successifs au périhélie ce fait capital, que les périodes comprises entre 1786 et 4838 ont diminué réguliérement de révolution en révolution; la va- riation totale pour les einquante-deux ans est de 4 jour et $f10. Pour accorder ensemble les calculs et les observa- tions, il n’a pas suffi de tenir un compte exact des pertur- bations planétaires, il a encore fallu recourir à une hypo- these, du reste très vraisemblable , et supposer que les es- paces célestes sont remplis par une matiere fluide excessi- vement ténue, qui opposerait une certaine resistance aux mouvements, diminuerait la force tangentielle, et par consé- quent aussi les grands axes des orbites cométaires. La va- ieur de la constante de cette résistance parait être un peu différente avant et après le passage de la comète à son pé- rihélie, peut-être à cause des variations de forme que subit alors cette petite nébulosité, ou de la densité variable des couches formées par l’éther cosmique (°*). Ces faits, ainsi que les théories qu'ils ont fait naitre, sont assurément une des plus intéressantes parties de l'astronomie nouvelle. Ajoutons que les calculs des perturbations de la comète d’'Encke ont fourni l’occasion de soumettre à une épreuve délicate la masse de Jupiter, qui joue un si grand rôle en astronomie, et apporté une diminution sensible à la masse de Mercure. A cette première comète à courte période vint s’en join- dre bientôt une seconde (en 1826), également planétaire, dont l’aphélie est situé par delà l’orbite de Jupiter, mais = bien loin encore de celle de Saturne. La comète de Biela ac- complit sa révolution autour du Soleil en 6 ans 5/4. Elle est encore plus faible que celle d’Encke; elle se meut, comme celle-ci, dans le même sens que les planètes, tandis que la comète de Halley est rétrograde. C’est le seul eas qui se soit présenté jusqu'ici d'une comète qui coupe l'orbite terrestre, et qui pourrait occasionner une catastrophe par sa rencon- tre avee la Terre, si toutefois il est permis d'employer un pareil terme en parlant d’un phénomène inoui dans Fhis- toire, et dont les conséquences échappent à toute apprécia- tion. Il est vrai, de faibles masses animées d’une vitesse énorme pourraient produire des effets considérables; mais après avoir prouvé qu'il est impossible d'attribuer à la co- mète de 1770 une masse égale à la cinq millième partie de celle de la Terre, Laplace montre qu’on peut admettre, avec un certain degré de probabilité, que la masse moyenne des comêtes est bien inférieure à ‘fioooov de celle de la Terre [environ ‘fisoo de la masse de la Lunel] (°). Quoi qu’il en soit, il faut se garder de confondre la rencontre de la Terre et de la comète de Biela avec le passage de celle-ci à tra- vers notre orbite; ce passage s’est effectué lé 29 octobre 1832, mais la Terre était alors située à une distance telle de ce point de son orbite qu'il lui fallait un mois entier pour y arriver. Le Les orbites de ces deux comètes à courte période se cou- pent aussi, et l’on a justement remarqué que les fortes per- turbations auxquelles ces petits astres sont soumis pourraient bien amener leur rencontre (%); si elle avait effectivement lieu vers le milieu d'octobre, les habitants de la terre au- raient le merveilleux spectacle du choe de deux €orps ce- lestes, ou plutôt d'une pénétration mutuelle, peut-être d’une agglutination qui les réunirait en un seul corps, mais peut- être aussi les verrions-nous se dissiper complétement dans l’espace. De telles conséquences de l’action perturbatriee des masses prépondérantes, ou de la situation relative d’orbites qui se sont toujours croisées, pourraient s'être réalisées fre- quemment, depuis des milliers de siècles, dans l'imimensite = Mn des cieux; ces événements n’en seraient pas moins des ac- cidents isolés, sans action sur les grands faits généraux, et sans plus d'influence que l'éruption ou Poblitération d’un volean n’en peuvent avoir sur létroit domaine que nous OCCUPONS. Une troisième comète à courte période a été découverte par Faye, l’année dernière (22 nov. 1843), à l'Observatoire de Paris. Son orbite elliptique se rapproche plus de la forme circulaire que celle d'aucune autre comète connue; elle est comprise entre l'orbite de Mars et l'orbite de Saturne. La comète de Faye, qui, d'aprés les caleuls de Goldschmidt, dé- passe, à son aphélie, la région de Jupiter, appartient au petit nombre de comètes dont le périhélie est situé au delà de l'orbite de Mars. Sa période est de sept ans ?°/100, et la forme actuelle de son orbite est due peut-être à l’action perturba- trice de Jupiter, dont cette comête fut très-voisine, vers la fin de l'année 1839. Si nous considérons toutes les comètes à orbites ellipti- ques comme parties intégrantes du monde solaire, et si nous les rangeons dans l’ordre de leurs grands axes et de leurs excentricités, nous en trouverons plusieurs qu’on peut placer immédiatement après les trois cométes planétaires d'Encke, de Biela et de Faye; d’abord, la comète découverte par Mes- sier en 1766, que Clausen regarde comme identique à la troisième comète de 4819; puis la quatrième comète de cette derniére année, découverte par Blanpain, et dont, Clausen a signalé l’analogie avec la comete directe de 1743 (cette co- mète aurait, comme celle de Lexell, éprouvé de fortes per- turbations de la part de Jupiter); leurs périodes paraissent être de cinq à six ans, et leurs aphélies tombent dans la re- gion de Jupiter. Ensuite viennent les comètes dont la pé- riode est comprise entre soixante-dix et soixante-seize ans; ce sont: la comète de Halley, qui a joué un rôle si impor- tant pour la théorie et la physique du ciel; sa dernière réap- parition (4835) fut moins brillante que les précédentes; la comète d’Olbers (6 mars 1815), et celle qui fut découverte par Pons en 1812, et dont l'orbite elliptique a été calculée = Gà — par Encke. Ces deux dernières n’ont jamais été visibles à l'œil nu. Nous connaissons actuellement neuf apparitions cer- taines de la grande comète de Halley; ear des calculs ré- cents, dont Laugier a puisé les éléments dans la nouvelle table des comètes extraite, par Édouard Biot, des Annales chinoises, ont établi l'identité de la comète de 1378 avec celle de Halley (*). De 14378 à 1835, le temps de la révo- lution de la comète de Halley a varié de 74,91 à 77, 58 ans: la période intermédiaire a été de 76,1. Cette classe de comètes contraste avec un autre groupe d’astres de même genre, dont la période, toujours incer- taine et difficile à déterminer, embrasse plusieurs milliers d'années. Telle est la belle comète de 4811, qui emploie 3000 ans, d’après les calculs d’Argelander, à accomplir sa rév olution, et l’effrayante comète de 4680, dont le temps pe- riodique dépasse quatre-v ing-huit siècles, suivant Encke. Ces astres s’éloignent du soleil, lun à vingt-un, l'autre à qua- rante-quatre rayons de l'orbite d'Uranus, c’est-à-dire à 6200 et à 143.000 millions de myriamètres. La force attractive du Soleil s'exerce donc encore à ces énormes distances; mais aussi, la comète de 4680, qui parcourt 393 kilomètres par seconde à son périhélie, et dont la vitesse est alors treize fois plus grande que celle de la Terre, ne se meut à son aphélie qu’à raison de 3 mètres à peine par seconde; c’est à peu près le triple de la vitesse de nos fleuves d'Europe, et ce n’est que la moitié de celle que j'ai constatée dans un bras de FOrénoque, le Cassiquiare. Certes, parmi les comètes que l’on n’a pu calculer, et dans le nombre immense de cel- les qui ont passé inaperçues, il doit s’en trouver plusieurs dont le grand axe dépasse beaucoup celui de la comète de 1680. En nous bornant à cette dernière, nous citerons quelques nombres, afin d’aider l'esprit à se faire une idée, non de l'étendue qu'embrasse la sphère d'attraction des au- tres soleils, mais seulement de la distance qui les sépare en- core de l’aphélie déjà si reculé de cette comète. D’après les récentes déterminations de la parallaxe des étoiles les plus proches, leur distance au Soleil serait deux cent cinquante — 90 — fois plus grande que la distance de l’aphélie de la comète de 1680; car cette dernière distance équivaut à quarante- quatre rayons de l'orbite d'Uranus, tandis que celle de + du Centaure en contient 14,000, et celle de la 64° du Cy- gne, 34,000. Après nous être occupé des cas où les comètes s’éloignent le plus de lastre central, il nous reste à parler des. plus courtes distances qui aient été mesurées. La comète de Lexell et de Bureckhardt (1770), célèbre à cause des fortes pertur- bations qu’elle a éprouvées de la part de Jupiter, s’est rap- prochée de la Terre plus que toute autre comète; le 28 juin, sa distance était égale à six fois la distance de la Lune. Cette même comête traversa deux fois, à ce qu’il parait (en 4767 et en 1779), le système des quatre satellites de Jupiter, sans faire éprouver le moindre dérangement à ces petits astres, dont les mouvements sont si bien connus. La distance de la comète de 4680 au Soleil fut huit ou neuf fois moindre que celle de la comète de Lexell à la Terre; le 17 décembre, jour de son passage au périhélie, cette distance n’était que le sixième du diamètre solaire, ce qui revient aux 7fio de la distance de la Lune. Quant aux cométes dont le, périhélie dépasse l'orbite de Mars, elles sont rarement visibles pour les habitans de la Terre, à cause de leur éloignement. Pour- tant la cométe de 1729 atteignit son périhélie dans la ré- gion située entre les orbites de Pallas et de Jupiter; elle fut méme observée par delà cette dernière planète. Depuis que les connaissances scientifiques, mélangées de quelques notions imparfaites et eonfuses, ont pénétré plus avant dans la société, on s’est préoccupé plus qu'autrefois des catastrophes dont nous sommes menacés par le monde des comètes; mais ces craintes ont pris une direction moins vague. La certitude qu'ilexiste, au-sein même de notre monde planétaire. des eomètes qui reviennent, à de courts inter- valles, parcourir les régions où la Terre exéeute ses mou- vements; les perturbations considérables que Jupiter et Sa- turne produisent dans leurs orbites, perturbations dont le résultat peut être de transformer un astre indifférent en un (9, — astre redoutable; la comète de Biela, qui traverse l'orbite de la Terre; cet éther cosmique dont la résistance tend à rétrécir toutes les orbites; les différences individuelles de ces astres qui laissent soupeonner les degrés les plus divers dans la quantité de matière dont leurs noyaux sont formes ; tels sont actuellement les motifs de nos appréhensions, et ils remplacent, par leur nombre, les vagues terreurs qu'ont ins- pirées aux siècles plus reculés ces épées enflammées, ces étoiles chevelues qui menaçaient le monde d’un embrasement universel. Les motifs de sécurité qu'on a empruntés au calcul des probabilités s'adressent à l’entendement, éclairé par une étude-raisonnée du sujet, mais ils ne sauraient produire la conviction profonde qui résulte de lassentiment de toutes les forces de notre âme; ils sont impuissants sur l’imagina- tion; et le reproche qu'on a fait à la science moderne de vouloir étouffer les préoccupations qu’elle a elle-même éveil- lées, n’est pas dénué de justesse. Toujours l’imprévu, lex- traordinaire, feront naitre la crainte, jamais la joie ni l’es- pérance (57); c’est là une secrète loi de la nature humaine qu'un investigateur sérieux ne doit pas méconnaitre. Aussi, dans tous les pays, à ‘toutes les époques l'aspect étrange d'une comète, la lueur blafarde de sa chevelure, son appa- rition subite dans le firmament, ont-ils produit sur Pesprit des peuples l'effet d’une puissance redoutable, menaçante pour l’ordre anciennement établi dans la création; et comme le phénomène est limité à une courte durée, il en résulte la croyance que son action doit être immédiate ou du moins prochaine; or, les événements de ce monde offrent toujours, dans leur enchainement, un fait que l’on peut regarder comme l’accomplissement d'un présage funeste. On dirait pourtant que les tendances populaires ont pris, à notre époque, une autre direction, et qu’elles ont revêtu une forme moins som- bre: c’est ainsi que, dans les gracieuses vallées du Rhin et de la Moselle, on accorde à ces astres, si longtemps calom- niés, une influence bienfaisante sur la fécondité des vigno- bles. A notre époque, les comètes abondent, et les faits con- D traires à ce mythe météorologique n’ont pas manqué; mais rien n'a pu ébranler la croyance nouvelle que ces astres errants aménent de la chaleur. J'abandonne maintenant ce sujet pour passer à une autre série de phénomènes encore plus mystérieux ; je veux parler de ces petits astéroides dont les fragments prennent le nom de pierres météoriques où d'aérolithes, dès qu'ils ont pé- nétré dans notre atmosphère. Si j’aborde ici, comme pour les comètes, des détails qui peuvent paraitre, de prime abord, étrangers au plan de cet ouvrage, ce n’est pas sans y avoir muürement réfléchi. Nous avons montré tout ce que les ca- ractères distinctifs de ces derniers astres ont de variable et d'individuel, et combien la science, si avancée sous le rap- port des mesures et des calculs, parait en retard dès qu'il s’agit de la constitution physique des comètes. C’est qu’en effet il n’est guère possible actuellement de discerner, au milieu de cette masse d'observations plus ou moins exactes, les faits genéraux et essentiels des accidents ou des particu- larités. Les choses étant ainsi, nous avons dû nous borner à décrire les principaux earactéres physiques, ce qu’on pour- rait appeler les différences de physionomie, à comparer les durées des révolutions, à signaler enfin les variations extré- mes, soit dans les dimensions des orbites, soit dans les dis- tances aux astres les plus importants. Dans ces phénomènes, comme dans ceux dont nous allons parler, les types indivi- duels dominent forcément l’ensemble du tableau; pour at- teindre à la réalité, il faut faire ressortir plus énergiquement les contours. Tout porte:à croire que les étoiles filantes, les bolides et les pierres météoriques sont de petits corpsqui se meuvent autour du Soleil en décrivant des sections coniques et en obéissant de tout point, comme les planètes, aux lois géné- rales de la gravitation. Quand ces corps viennent à rencon- trer la Terre, ils deviennent lumineux aux limites de notre atmosphère, et souvent alors ils se divisent en fragments , recouverts d’une couche noirâtre et brillante, qui tombent dans un état de caléfaction plus ou moins marqué. Une ana- lyse minutieuse des observations qu'on a pu reeueillir à cer- taines époques où les étoiles filantes apparaissent périodi- quement (à Cumana en 1799, et dans l'Amérique du Nord en 4833 et en 1834), n’a pas permis de considérer les bo- lides et les étoiles filantes comme deux ordres de phéno- mènes distincts; non seulement les étoiles filantes sont sou- vent entremélées de bolides, mais encore leurs disques ap- parents , leurs trainées lumineuses et leurs vitesses réelles n'offrent que des différences de grandeur, et non des diffé- rences essentielles. Tandis qu’on voit d'énormes bolides, ac- compagnés de fumée et de détonations, éclairer le ciel d’une lumiere assez vive pour être sensible, même en plein jour (%), sous l’ardent soleil des tropiques, on voit aussi des étoiles filantes si petites qu’elles apparaissent comme autant de points traçant sur la voûte céleste d'innombrables lignes phospho- rescentes (°?). Mais.ces corps brillants, qui sillonnent le fir- mament d’étincelles stellaires, sont-ils tous d’une seule et même nature ? C’est une question qu’il faut laisser actuelle- ment sans réponse. Je revins des zones equinoxiales sous cette impression que, dans les plaines ardentes des tropiques, comme à 4 ou 5 mille mêtres au-dessus du niveau de la mer, les étoiles filantes sont plus fréquentes, plus richement co- lorées que dans les zones froides ou tempérées; mais c’est dans la pureté et dans l’admirable transparence de l’atmos- phère de ces contrées qu'il faut en chercher la cause (9) ; là, notre regard pénètre plus facilement les couches d'air qui nous entourent. C'est aussi à la pureté du ciel de Bo- Khara que sir Alexandre Burnes attribue « le magnifique spectacle, sans cesse renaissant, des étoiles filantes à couleurs variées » qu'il put y admirer. Au phénomène brillant des bolides viennent se rattacher les chutes de pierres météoriques qui s’enfoncent parfois dans le sol jusqu’à 3 et 5 mêtres de profondeur. Cette dépendance mutuelle est établie par des faits nombreux, et surtout par les observations fort exactes que l’on possède sur les aéro- lithes qui tombérent à Barbotan dans le département des Landes (24 juillet 1790), à Siene (16 juin 1794), à Weston Of" dans le Connecticut (44 décembre, 4807), et à Juvenas, dé- partement de l'Ardèche (45 juin 14824). Ces phénomenes se présentent aussi sous un tout autre aspect: d’abord, un pe- tit nuage très-obscur apparait subitement dans un ciel se- rein ; puis, au milieu d’explosions qui ressemblent au bruit du canon, les masses météoriques sont précipitées sur le sol. On à vu quelquefois ces nuages parcourir des contrées en- tiéres et en semer la surface de milliers de fragments tres- inégaux et de nature identique. On voit aussi, mais plus rarement, les aérolithes tomber d’un ciel parfaitement pur, sans formation préalable d'aucun nuage précurseur; ce cas s’est présenté, il y a quelques mois (46 septembre 1843), lors du grand aérolithe qui tomba, avec un fracas semblable à celui de la foudre, à Kleinwen- den, non loin de Mulhouse. Enfin, des faits établissent une analogie intime entre les étoiles filantes et les bolides qui lancent sur la terre des pierres météoriques; car il arrive souvent que ces bolides atteignent à peine les dimensions des petites étoiles de nos feux d'artifices. Quelle est ici la force productrice? quelles sont les actions, ou physiques ou chimiques, qui sont en jeu dans ces phéno- mènes ? Les molécules dont se composent ces pierres mé- téoriques si compactes étaient-elles originairement à l'état gazeux où simplement disséminées comme dans les comètes et se sont-elles condensées dans l'intérieur du météore au moment même où elles commencerent à briller à nos yeux? Que se passe-t-il dans ces nuages noirs où il tonne des mi- nutes entières avant que les aérolithes en soient précipités? Faut-il croire que ces étoiles filantes laissent tomber aussi quelque matière compacte, ou bien seulement une sorte de brouillard, de poussiere météorique formée de fer et de nic- kel (51)? Ces questions sont encore environnées d'une obscu- rité profonde. On a mesure l'effrayante rapidité, la vitesse toute planétaire des étoiles filantes, des bolides et des aéro- lithes; on connait le phénomène dans ce qu'il offre de gé- néral, on a pu constater une certaine uniformité dans les apparences; mais les antécédents cosmiques, les transmuta- tions originaires de la substance restent complétement ignorés. — 98 — Si les pierres météoriques circulent dans Fespace, déjà formées en masses compactes! d’une densité plus faible pour- tant que la densité moyenne de la Terre] ($?), il faut admet- tre qu’elles ne forment qu'un petit noyau, entouré de gaz ou de vapeurs inflammables, dans ces énormes bolides dont les diamètres réels, déduits des hauteurs et des diamètres apparents , se sont trouvés de 460 et de 850 mètres. Les plus grandes masses météoriques que nous connaissions sont celles de Bahia, dans le Brésil, et celle d’Otumpa, dans le Chaco, que Rubi de Celis à décrites; elles n’ont que 2 me- tres et 2 mètres et demi de longueur. Quant à cette pierre d’Ægos-Potamos, mentionnée déjà dans la chronique de Paros et si célèbre dans l'antiquité, elle tomba vers lépoque de la naissance de Socrate: suivant la description qui nous en est restée, elle était grosse comme une double meule de moulin; son poids était celui de la charge entière d’une voiture. Mal- gré les tentatives que le voyageur Browne fit inutilement pour la découvrir, je ne renonce pas à l'espoir qu'un jour on pourra retrouver, plus de 2300 ans apres sa chute, cette masse météorique dont la destruction ne me parait guere admissible. Cet espoir est d'autant mieux fondé que la Thrace est maintenant plus que jamais accessible aux Européens. Au commencement du x° siecle, il tomba un aérolithe colossal dans la riviére de Narni, et, d'aprés un document décou- vert par Pertz, il dépassait d'une aune entière le niveau des eaux. Il faut remarquer ici que toutes ces masses météori- ques anciennes ou modernes doivent être considérées comme les principaux fragments du noyau qui s'est brisé avec ex- plosion, soit dans le bolide enflammé , soit dans le nuage obscur. Mais quand je considère l'énorme vitesse, mathéma- tiquement démontrée, avec laquelle les pierres météoriques se précipitent des couches extrêmes de l’atmosphére jusque sur le sol, et la courte durée de leur trajet, jé ne puis me résoudre à croire qu'un si petit espace de temps ait suffi à condenser une matiére gazéiforme en un noyau solide, mé- tallique, avec des incrustations parfaitement formées de ceris- taux d’olivine, de labrador et de pyroxène. "0 Au reste, toutes ces masses météoriques possèdent un ca- ractère commun, quelles que soient les différences de leur con- stitution chimique interne; c’est un aspect bien prononcé de fragment, et souvent une forme prismatique ou pyramidale à sommet tronqué, à faces larges et un peu courbes, à an- gles arrondis. Or, d’où peut provenir, dans ces corps qui circulent au milieu de l’espace, comme les planètes, cette forme fragmentaire signalée d’abord par Schreibers? Avouons- le, ici, comme dans la sphère de la vie organique, tout ce qui se rattache aux périodes de formation est entouré d’ob- securité. ' Les masses météoriques commencent à briller ou à s’enflam- mer à des hauteurs où règne déjà un vide presque absolu. A la vérité, les nouvelles recherches que l’on doit à Biot sur l'important phénomène des crépuseules (%) abaissent con- sidérablement cette ligne qu'on nomme d'ordinaire, et peut- étre avec trop de hardiesse, la limite de notre atmosphère; d’ailleurs, les phénomènes lumineux peuvent se produire in- dépendamment de la présence du gaz oxigène, et Poisson in- clinait à croire que les aérolitbes s’enflamment bien au delà des dernières couches de notre enveloppe gazeuse. Mais cette partie de la science, comme celle qui s'occupe des autres corps plus grands dont se compose le système solaire, n’offre de base solide à nos raisonnements et à nos recherches que là où le calcul et les mesures géométriques peuvent s’ap- pliquer. Déjà en 1686, Halley considérait comme un phénomène cosmique le grand météore qui parut à cette époque, et dont le mouvement s’effectuait en sens inverse de celui de la terre (64). Mais c’est à Chladni qu'’appartient le mérite d’a- voir le premier reconnu ,.en toute généralité, la nature du mouvement des bolides et leurs rapports avec les pierres qui paraissent tomber de l’atmosphère (%). Plus tard, les tra- vaux de Denison Olmsted, à Newhaven (Massachussets), con- firmèrent d’une manière éclatante l'hypothèse qui assigne à ces phénomènes une origine cosmique. Lors de l'apparition des étoiles filantes dans la nuit du 12 au 43 novembre 1833, — Gr époque devenué depuis si célèbre, Olmsted montra que, d’a- pres le témoignage de tous les observateurs, les bolides aussi bien que les étoiles filantes paraissaient diverger d’un seul et même point de la voute céleste, situé près de létoile 7 de la constellation du Lion; ce point resta constamment le point commun de divergence des météores, quoique lazi- muth et la hauteur apparente de l'étoile eussent varié no- tablement pendant la longue durée des observations. Une telle indépendance du mouvement de rotation de la Terre prouve que ces météores venaient de régions situées hors de notre atmosphère, et qu'avant de l’atteindre ils pareou- raient les espaces célestes. D’après les calculs d'Encke (55), basés sur l’ensemble des observations qui furent faites dans les États-Unis d'Amérique, entre les latitudes de 35° et de 40°, le point de l’espace d’où ces météores semblaient tous di- verger était précisément celui vers lequel le mouvement de la Terre était dirigé à cette époque. Les apparitions de no- vembre se reproduisirent en 1834 et en 1837, et furent tou- tes observées en Amérique; celle de 14838 le fut à Brème : ces observations constatèrent de nouveau le parallélisme gé- néral des trajectoires , ainsi que leur direction commune vers le point du ciel opposé à la constellation du Lion. Comme les étoiles filantes périodiques affectent une direction paral- lle, plus généralement que les étoiles filantes sporadiques, on à cru remarquer en 1839, dans l'apparition du mois d'août (les larmes de saint Laurent) que les météores ve- naient, pour la plupart, d’un point situé entre Persée et le Taureau, point vers lequel la terre se dirigeait alors. Un phe- nomene aussi frappant que la direction rétrograde de toutes ces orbites en novembre et en août, mérite certainement d’é- tre établi ou infirmé par les observations les plus exactes qu'on pourra recueillir à Favenir. Füen n'est plus variable que la hauteur des étoiles filan- tes, c’est-à-dire de la portion visible de leur trajectoire; elle oscille entre 3 et 26 myriamètres. On doit cet important reé- sultat, ainsi qu’une connaissance plus exacte de lénorme vitesse de ces problématiques astéroïdes, aux observations Bu simultanées de Brandes et de Benzenberg, et aux mesures de parallaxe qu'ils firent à l’aide d’une base de 15,000 mè- tres de longueur (7). Leur vitesse relative est de 4 ‘fo à 9 milles par seconde; elle est done de l’ordre de celle qui anime les planètes. D'abord, cette vitesse vraiment plané- taire des bolides et des étoiles filantes (5), puis la direction bien constatée des mouvements en sens inverse de celui de la Terre tels sont les principaux arguments qu’on oppose d’or- dinaire à l’hypothèse qui attribue l’origine des aérolithes à de prétendus volcans lunaires encore en activité. Or, quand il s’agit d’un petit astre dépourvu d’atmosphére, toute sup- position numérique sur lenergie des forces volcaniques est arbitraire de sa nature, et rien n'empêche d’y admettre une réaction de l’intérieur contre la couche extérieure cent fois plus énergique, par exemple, que dans nos volcans actuels. On peut encore expliquer comment des masses, lancées par un satellite dont le mouvement s'effectue de l’ouest à l'est, peuvent nous paraitre animées d’un mouvement rétrograde: il suffit pour cela que la Terre arrive plus tard que ces pro- jectiles dans la partie de son orbite qu’ils auront traversée. Mais si on considère l’ensemble des faits dont j'ai dû faire l’énumération , afin d'éviter le reproche qui s'adresse aux théories hasardées, on trouve que l'hypothèse de l'origine sélénitique de ces météores suppose un concours de circon- stances nombreuses, dont le hasard seul pourrait amener la réalisation (°°). Il est plus sinple d'admettre l'existence de petites masses planétaires, circulant dès l’origine dans les espaces célestes, et cette hypothèse s'accorde mieux avee les idées acceptées déjà sur la formation de notre système solaire. Il est très-probable que ces masses cosmiques passent en grand nombre dans le voisinage de notre atmosphère, et con- tinueni leur course autour du Soleil sans avoir éprouvé d’au- tre effet de l'attraction du globe terrestre qu'une modifica- tion dans l’excentricité de leur orbite; sans doute, nous ne les revoyons ensuite qu'après de longues années et lorsqu'el- les ont accompli un certain nombre de révolutions. Quant = Qt aux météores ascendants, que Chladni, moins bien inspiré celte fois, expliquait par la réaction des couches d’air vio- lemment comprimées pendant une chute rapide,-on put voir d’abord, dans ces phénomènes, l'effet d’une force mystérieuse qui tendrait à lancer ces corps loin de la terre; mais Bes- sel a montré que de tels faits seraient théoriquement inad- missibles; puis, en s'appuyant des caleuls exécutés par Feldt avec le plus grand soin, il a prouvé que la réalité de ces prétendus faits s'évanouit, même dans les observations qui paraissent l’établir, si lon tient compte des erreurs inhéren- tes à l'appréciation simultanée, faite par deux observateurs éloignés, de la disparition d’une même étoile filante; ainsi. cette ascension des météores ne doit pas être considérée jus- qu'ici comme un résultat de l'observation (7). Olbers pen- sait que les bolides enflammés pouvaient éclater et lancer verticalement des fragments, à la manière des fusées; il ero- yait que cette rupture altérerait, en certains cas, la direction de leurs trajectoires; mais ces vues doivent être l'objet d’ob- servations nouvelles. Les étoiles filantes tombent tantôt rares et isolées, c’est- à dire sporadiques, tantôt en essaims et par milliers. Ces dernières apparitions, que les écrivains arabes ont compa- rées à des nuées de sauterelles, sont périodiques et suivent des directions généralement parallèles. Les plus célébres sont celle du 12 au 44 novembre et celle du 40 août, jour de la fête de saint Laurent, dont les larmes brülantes paraissent avoir été autrefois, en Angleterre, le symbole traditionnel du retour périodique de ces météores (T1). Déjà Klæden, à Pots- dam, avait signalé, dans la nuit du 12 au 43 novembre 1893, l'apparition d'une multitude d'étoiles filantes et de bolides de toute grandeur; en 1832, on vit le même phénomène dans toute l’Europe, depuis Portsmouth jusqu'à Orenburg, sur les bords de l'Oural, et même à l'Ile de France, dans l’hémis- phère austral. Cependant, l'idée que certains jours de l’année sont affectés à ces grands phénomènes ne prit naissance qu’en 1833. à l’occasion de l’énorme essain d'étoiles filan- tes qu’Olmsted et Palmer observèrent en Amérique, dans la — 100 — nuit du 42 au 43 novembre; alors elles tombaient comme des flocons de neige; en un seul endroit, pendant neuf heu- res d'observation, on en compta plus de 240000. Palmer re- monta à l'apparition des météores de 4799, qui fut décrite par Ellicot et par moi (®); il résultait du rapprochement que j'avais fait de toutes les observations de cette époque que l'apparition avait été simultanée pour les lieux situés dans le Nouveau Continent, depuis l'équateur jusqu'à New-Herrn- but dans le Groenland (latitude 64° 44”), entre 46° et 82v de longitude. On reconnut, avec étonnement, l'identité des deux époques. Ce flux de météores qui sillonnèrent le firmament entier, du 42 au 13 novembre 1833, et qu’on aperçut de- puis la Jamaïque jusqu’à Boston (lat. 40° 24’) se reproduisit en 1834, dans la nuit du 13 au 44 novembre, aux États- Unis d'Amérique; mais le phénomène eut alors une inten- sité un peu moindre. Depuis cette époque, sa périodicité se confirma en Europe de la manière la plus régulière. L'apparition de saint Laurent (9-1 4 août), deuxième pluie d'étoiles filantes, procède tout aussi régulièrement que la pre- mière. Déjà, vers le milieu du dernier siècle, Musschenbroek avait signalé la fréquence des météores qui paraissent dans le mois d'août (F5); mais Quételet, Olbers, Benzenberg, ont prouvé, les premiers, la périodicité de ces apparitions, et en ont fixé l’époque à la fête de saint Laurent. Sans doute, l'a- venir nous réserve la découverte d'autres époques analo- gues, affectées pareïllement aux retours périodiques de ces phénomenes (7): telles sont peut-être celle du 22 au 25 avril, celle du 6 au 12 décembre, et, comme suite des recherches de Capocci, les dates du 27 au 29 novembre ou le 17 juillet. Ces phénomènes ont paru jusqu'ici se produire dans une indépendance complète de toutes les circonstances locales, telles que la hauteur du pôle, la température de l’atmosphée- re, ete... Cependant leur apparition est souvent accompagnée d’un autre phénomène météorologique, et, quoique eette coïncidence puisse être un simple jeu du hasard, il n’est peut-être pas hors de propos de la signaler. Une aurore bo- réale trés-intense accompagnait la plus magnifique apparition = HO = ‘étoiles filantes que l’on connaisse, celle du 12 au 13 no- vembre 1833, dont nous devons la description à Olmsted; à Brême, en 1838, même accord des deux phénomènes: toutefois, la chute périodique des étoiles filantes y fut moins remarquable qu'à Richmond, près de Londres. J’ai signalé, dans un autre écrit, la remarque de T’amiral Wrangel (5), et j'eus souvent l’occasion de l’entendre lui-même confirmer cette singulière observation: lors de son voyage sur les côtes sibériennes de la mer Glaciale, amiral à vu, dans un ciel brillant des lueurs d'une aurore boréale, ste parties restées obscures s’allumer tout à coup lorsqu'elles étaient tra- versées par une étoile filante , et garder ensuite leur éclat rougeàtre. Ces myriades dastéroïdes constituent sans abité divers courants qui viennent couper l'orbite terrestre comme le fait la comète de Biela. En poursuivant cette idée, on peut ima- giner que leur ensemble forme un anneau continu, dans lin- térieur duquel ils suivent une direction commune, Déjà les petites planètes, situées entre Mars et Jupiter, sauf Pallas, nous offrent des relations analogues dans leurs orbites si étroitement entrelacées. Mais s’il s’agit de Ta théorie même de ces anneaux, il faut avouer que bien des points restent encore à décider: par exemple, les époques de ces appari- tions éprouvent-elles des variations ; les retards qu’elles su- bissent et que j'ai signalés depuis longtemps proviennent-ils d’une rétrogradation régulière, où d’un simple déplacement oscillatoire de la ligne des nœuds, c’est-à-dire de la ligne d’intersection du plan de l'orbite terrestre avec le plan de l'anneau? Peut-être ces petits astres sont-ils groupés très- irréguliérement, peut-être leurs distances mutuelles sont-el- les fort inégales, et leur zone a-t-elle une largeur si consi- dérable qu'il faudrait à la Terre des jours entiers pour la traverser. Le monde des satellites de Saturne nous présente déjà un groupe d’une immense largeur formé d’astres inti- mement reliés entre eux. L’orbite que parcourt le dernier satellite, le septième, est si vaste que la Terre, dans son mouvement autour du Soleil, emploie trois jours à parcou- y M rir un espace égal au diamètre de cette orbite. Supposons maintenant que ces anneaux, que nous considérons comme formés des courants périodiques d'étoiles filantes, au lieu d'être homogènès, ne contiennent qu’un petit nombre de parties où les groupes soient assez denses pour donner lieu à une de ces grandes apparitions, et l’on comprendra pour- quoi les brillants phénomènes du mois de novembre, en 4799 et en 1833, se reproduisent si rarement. Olbers avait trouvé, dans ses profondes méditations sur ce sujet difficile, quelques raisons d'annoncer, pour l’époque du 42 au 14 nov. 1867, le premier retour de ce grand phénomene où les étoiles fi- lantes, mélées de bolides, tombent du ciel comme des flocons de neige. | Quelquefois l'apparition de novembre n'a été visible que pour des parties très-restreintes de la surface terrestre. Par exemple, en 1837, elle fut brillante en Angleterre, et'on la comparait à une averse de météores (meteoric shower), tan- dis qu'à Praunsberg, en Prusse, un observateur fort exercé et trés-attentif ne vit, pendant cette même nuit, qu’un petit nombre d'étoiles filantes isolées ; pourtant le ciel resta cons- tamment serein, et l'observation, commencée dès sept heu- res du soir, fut prolongée jusqu’au lever du soleil. Bessel a conclu de ces faits qu’un groupe peu étendu des astéroides dont l'anneau se compose a pu atteindre la région terres- tre vers le point où l’Angleterre est située, tandis que les contrées plus orientales traversaient une partie de l'anneau, beaucoup moins riche comparativement (6). Si l'hypothèse d’une rétrogradation régulière ou d’une simple oseillation de la ligne des nœuds prenait de la consistance, les docu- ments anciens deviendraient l’objet d'un intérêt tout spé- cial. Telles sont les annales chinoises, où l’on trouve, parmi les notices cométographiques, plusieurs mentions relatives à des apparitions de méteores qui remontent à des époques antérieures à celles de Tyrtée où de la deuxième guerre Mes- sémienne. Citons , entre autres, deux apparitions qui eurent lieu dans le mois de mars, et dont l’une date de 687 ans avant l'ère chrétienne. Edouard Biot en a fait la remarque : — 103 — parmi les einquante-deux apparitions qu'il a recueillies dans les annales chinoises, celles qui ont eu lieu du 20 au 22 juil- let (ancien style) sont les plus fréquentes; elles pourraient bien correspondre à l'apparition actuelle de‘la fête de saint Laurent, qui aurait ainsi avancé (77). Boguslawski fils a dé- couvert, dans les annales de l'Église de Prague { Benessii de Horowic Chronicon Ecclesiæ Pragensis); une apparition d'étoiles filantes, à la date du 21 octobre 1366 (ane. st.); si cette apparition, qui fut alors visible en plein jour, répond au phénomène actuel du mois de novembre, on peut conclure, de la précession en 477 ans, que le système entier des mé- téores ou plutôt que son centre de gravité décrit, d’un mou- vement rétrograde, une orbite autour du Soleil. Enfin, il re- sulte des théories développées plus haut que s’il se rencon- tre des années où les deux apparitions d'août et de novem- bre fassent défaut à la fois, sur toute la surface de la terre, il faut en chercher la cause soit dans une interruption de l'anneau , dans les intervalles que laisseraient entre eux les groupes successifs d’astéroïdes, soit, comme le veut Pois- son (T), dans’ les actions planétaires dont l’effet serait de modifier et la forme et la situation de l'anneau. Nous avons dit, ces masses solides qui tombent du ciel sur la terre sont lancées par les bolides enflammés que l’on voit pendant la puit; pendant le jour, et surtout par un ciel serein, on les voit tomber avec fracas du sein d’un nuage sombre; elles sont alors fortement échauffées, mais non in- candescentes. Or, quelle que soit leur origine, ces masses portent, en général, un caractère commun qu'il est impossible de méconnaitre; quelle que soit la date de leur chute, en quel- que lieu du globe qu'on les ait recueillies, ce sont les meé- mes formes extérieures, les mêmes propriétés physiques de la croûte, les mèmes modes d’agrégation chimique de leurs éle- ments. Une parité d'aspect et de constitution aussi frappante n’a point échappé aux observateurs, mais quand on la pour - suit dans les individus, on rencontre aussi de notables ex- ceptions. Que l’on compare les aérolithes dont Pallas a fait mention, la masse de fer malléable de Hradschina dans le — 104 — comitat d'Agram, et celles des rives du Sisim, dans le gou- vernement d'Ieniseisk, ou bien encore celles que j'ai rappor- tées de Mexico (T°), el qui toutes contiennent 96 pour 100 de fer, avec les aérolithes de Siène, où lon trouve à peine ?/100 de ce métal, avec ceux d’Alais, de Jonzac et de Juvenas, qui tous sont dépourvus de fer métallique, et qui se réduisent à un mélange dont le minéralogiste peut distinguer les élé- ments tout séparés déjà en cristaux ;, est-il possible de con- cevoir une opposition plus tranchée? Aussi a-t-il fallu distin- œuer ces masses cosmiques en deux classes, celle des fers météoriques combinés avec le nickel, et celle des pierres à grains fins où grossiers. Un autre caractère particulier aux aérolithes c’est aspect de leur croûte extérieure dont l'e- paisseur ne dépasse jamais quelques dixièmes de millimètre; l'éclat de la surface ressemble à celui de la noix; on y voit aussi quelquefois des veines où des ramifications très-mar- quées (). Un seul, que je sache, fait exception sous ce rap- port: c’est l’aérolithe de Chantonnäy (Vendée), dont les po- res et les boursouflures constituent, comme dans l’aérolithe de Juvenas, une seconde singularité presque aussi rare. Dans tous les autres, la croûte noire est distincte du reste de la masse d'un gris assez clair, et la ligne de séparation y est tout aussi nette que dans le bloc de granit blanc, à gangue noire ou gris de plomb ($!), que j'ai rapporté des cataractes de l'Orénoque, et qu’on retrouve dans beaucoup d’autres ca- taractes, celles du Nil et du fleuve Congo, par exemple. Le feu le plus violent de nos fours à porcelaine ne produirait rien d’analogue à cette croûte, si nettement distincte de la masse des aérolithes, dont l'intérieur n’a subi aucune altéra- tion. A la vérité, quelques faits semblent indiquer, dans ces fragments météoriques, une sorte de ramollissement ; mais en général, le mode d’agrégation de leurs parties, l'absence d’a- platissement après la ehute, et le peu de chaleur qu'ils pos- sédaient à cet instant, ne permettent point d'admettre que leur masse intérieure ait élé en fusion pendant le court tra- jet qu’ils ont parcouru, depuis les limites de l'atmosphère jusqu’à la surface de la terre. =" 005 — On retrouve dans ces corps, dont l'analyse chimique a été si bien faite par Berzélius, les mêmes éléments que nous vo- yons répandus à la surface de la terre; ce sont: huit mé- taux. le fer, le nickel, le cobalt. le manganèse, le chrôme, le cuivre, l’arsenic et l’étain; puis cinq terres; enfin la po- tasse, la soude, le soufre, le phosphore et le charbon; c’est le tiers du nombre des corps simples actuellement connus. Quoiqu’elles soient formées des mêmes éléments chimiques que les espèces minérales de nos montagnes et de nos plaines, les masses météoriques n’en présentent pas moins, dans la manière dont ces éléments y sont combinés, un earactère tout différent, un aspect étranger à noûre globe. Le fer à l’é- tat natif qu'on rencontre dans presque tous les aérolithes. leur imprime aussi un cachet spécial ; mais on n’en saurait attribuer le type exclusif à la Lune; car, pourquoi d’autres astres ne seraient-ils pas, comme elle, dépourvus d’eau et privés de ces réactions chimiques d’où nait l'oxydation ? Quant à ces vésicules gélatineuses, quant à ces masses organiques, semblables à la tremella nostoc, qu'on a regardées, depuis le moyen àge, comme un produit cosmique, résidu des étoi- les filantes: quant à ces pyrites de Sterlitamack (à l’ouest de l'Oural) qui passaient pour des noyaux de grélons (#?), il faut les classer parmi les mythes de la météorologie. Les aéroli- thes à texture fine et grenue, composés d'olivine, d’augite et de labrador (#), sont, d’après la remarque de Gustave Rose, les seuls qui se rapprochent de nos minéraux (tel est l’aérolithe de Juvenas, assez semblable à la dolérite); ils con- tiennent en effet des substances eristallines qu’on retrouve dans l'écorce terrestre; et même dans le fer météorique de Sibérie, cité par Pallas, l’olivine ne se distingue de lolivine ordinaire que par l'absence du nickel; auquel l’oxyde d’étain s’est substitué ($#). Si on se rappelle que Folivine météorique contient, comme nos basaltes, 47 ou 49 pour 400 de magné- sie, et qu’elle forme plus de la moitié des parties terreuses des aérolithes, d’après Berzélius, on ne s’étonnera point de la grande quantité de silicates de magnésie qu’on trouve dans ces masses cosmiques. Et puisque l’aérolithe de Juvenas ren- — 106 — ferme des cristaux séparables d’augite et de labrador, on peut conclure de l'analyse des pierres météoriques de Chäteau- Renard, de Blansko et de Chantonnay, que la premiére est probablement une diorite composée de hornblende et d’al- bite, et que les deux autres sont des combinaisons de horn- blende et de labrador. Mais ces analogies me paraissent de bien faibles arguments à citer en faveur de l’origine terres- tre ou atmosphérique qu’on a voulu assigner aux aérolithes. Pourquoi, el ici je pourrais rappeler le célèbre entretien de Newton et de Conduit, à Kensington (*), pourquoi les élé- ments qui forment un même groupe d’astres, un même sys- tème planétaire, ne.seraient-ils pas en grande partie iden- tiques? Comment admettre en principe l’hétérogénéité des planètes, en présence du beau système qui explique leur ge- nèse, par la condensation graduelle d’anneaux gazeux que l'atmosphère solaire aurait successivement abandonnés? 4 mon avis, nous sommes tout aussi peu autorisés à attribuer exclusivement au nickel, au fer, .à l’olivine ou au pyroxène (augite) des aérolithes, la qualification de substances terres- tres, que je pourrais l'être à désigner, par exemple, comme espèces européennes de la flore asiatique ces plantes alle- mandes que j'ai rencontrées par delà lOvy. Et si les astres d'un même système se composent des mêmes éléments, com- ment refuser d'admettre que ces éléments, soumis aux lois d’une mutuelleattraction, puissent se combiner dans des rap- ports déterminés et donner naissance soit aux dômes res- plendissants de neige où de glace qui couvrent les régions polaires de Mars, soit, dans d’autres astres, aux petites mas- ses météoriques qui renferment, comme les minéraux de nos montagnes, des cristaux d’olivine, d’augite et de labrador? On ne doit jamais rien abandonner à l’arbitraire, et jusque dans le domaine des conjectures il faut que l'esprit sache se laisser guider par l'induction. A certaines époques, le disque du Soleil s’obseurcit momen- tanément, et sa lumière s’affaiblit à tel point qu'on voit les étoiles en plein midi. Un phénomène de ce genre, qui ne peut s'expliquer ni par des brouillards, ni par des cendres — 107 — volcaniques, eut lieu en 1547, vers l’époque de la fatale ba- taille de Müblberg, et dura trois jours entiers. Kepler voulut en chercher la cause, d’abord dans l’interposition d’une ma- teria cometica, puis dans un nuage noir que des émanations fuligineuses, sorties du corps même du Soleil, auraient con- tribué à former. Chladni et Schnurrer attribuaient au pas- sage de masses météoriques devant le disque du Soleil les phénomènes analogues des années 4090 et 1203, qui duré- rent moins longtemps, le premier pendant trois heures, le second pendant six heures seulement. Depuis que les étoiles filantes sont considérées comme formant un anneau continu, situé dans le sens de leur direction commune, on a remar- qué une singulière coïncidence entre les retours périodiques des pluies de météores et les manifestations des mystérieux phénomènes dont nous venons de parler. D'ingénieuses re- cherches, une discussion approfondie de tous les faits con- nus, ont même conduit Adolphe Erman à signaler deux épo- ques de l’année où cette coïncidence s’est manifestée d'une manière frappante, le 7 février et le 42 mai. Or, la première de ces deux dates répond à la conjonction des etoiles filantes qui sont, dans le mois d’août, en opposition avec le Soleil: la seconde répond à la conjonction des astéroïdes de novem- bre et aux fameux jours froids des croyances populaires [saint Mamert, saint Pancrace et saint Servais] (#5). Les philosophes grecs, dont on connait le peu de penchant pour l'observation, mais qui furent si ardents et si féconds en systèmes lorsqu'il s’agissait d'expliquer les phénomènes qu'ils n'avaient fait qu’entrevoir, nous ont laissé, sur les étoi- les filantes et les aérolithes, des aperçus très-voisins des idées que l’on accepte généralement aujourd'hui sur l’origine cos- mique de ces météores. « Quelques philosophes pensent, dit Plutarque dans la vie de Lysander (#7), que les étoiles filan- tes ne proviennent point de parties détachées de l'éther qui viendraient s’éteindre dans l'air, aussitôt après s'être en- flammées ; elles ne naissent pas davantage de la combustion de l'air qui se dissout, en grande quantité, dans les régions supérieures; ce sont plutôt des corps célestes qui tombent, — 108 — c'est-à-dire qui, soustraits d'une certaine maniere à la force de rotation générale, sont précipités ensuite, irrégulièrement, non-seulement sur les ‘régions habitées de la Terre, mais aussi dans la grande mer, d’où vient qu’on ne les retrouve pas. » Diogéne d’Apollonie s'exprime en termes encore plus nets (F5): « parmi les étoiles visibles, se meuyent aussi des étoi- les invisibles, auxquelles, par conséquent, on n’a pu donner de nom. Celles-ci tombent souvent sur la terre et s’éteignent. comme cette étoile de pierre qui tomba toute en feu près d’Ægos Potamos. » Sans doute une doctrine plus ancienne avait inspiré le philosophe d’Apollonie, qui croyait aussi que les astres étaient semblables à la pierre ponce. En effet, Anaxa- gore de Clazomène se figurait tous les corps célestes « comme des fragments de rochers que l'éther, par la force de son mouvement gyratoire, aurait arrachés à la Terre enflam- més et transformés en étoiles. » Ainsi, Fécole ionique pla- çcait, avec Diogène d’'Apollonie, les aérolithes et les astres dans une seule et même elasse; elle leur assignait une même origine terrestre, mais en ce sens seulement que là Ferre, comme corps central, aurait fourni la matiere de tous ceux qui l'entourent (#), de même que nos idées actuelles font naïi- tre le système planétaire de l'atmosphère primitivement di- latée d'un'autre corps central, le Soleil. Il faut done se gar- der de confondre ces idées avec ce qu'on nomme commu- nément l'origine terrestre ou atmosphérique des aérolithes, ou avec cette singulière opinion d'Aristote, qui ne voyait dans l'énorme masse d'Ægos Potamos qu'une pierre enlevée par un ouragan. Il est une disposition d'esprit plus nuisible encore peut- être que la crédulité dénuée de toute critique; c’est une ar- rogante inerédulité qui rejette les faits sans daigner les ap- profondir. Ces deux travers de l'esprit font obstacle aux pro- grès de la seience. En vain, depuis vingt-cinq siècles: les an- nales des peuples parlaient de pierres tombées du ciel; mal- gré tant de faits appuyés sur des témoignages oculaires, ir- récusables, tels que ces bœtylies qui jouérent un si grand rôle dans le culte des météores chez les anciens; cet aéro- — 109 — lithe que les compagnons de Cortez virent à Cholula, et qui était tombé sur la pyramide voisine; ces masses de fer me- téorique dont les califes et les princes mongols se firent for-- ger des lames de sabre; ces hommes tués par des pierres tombées du ciel: un frate à Crémone le 4 septembre 14511, un autre moine à Milan, en 4650, deux matelots suédois frappés sur leur vaisseau en 4674; malgré tant de preuves accumulées, un phénomène cosmique de cette importance fut laissé dans l'oubli, et ses intimes rapports avec le monde planétaire restèrent ignorés jusqu’au temps de Chladni, il- lustré déjà par sa découverte des lignes nodales. Mais au- jourd'hui il est impossible de contempler d’un œil indiffe- rent les magniliques apparitions des nuits de novembre et d'août ; je dirai plus, un seul de ces rapides météores suf- fira souvent à faire naitre de sérieuses méditations. Voir le mouvement surgir soudain au milieu du calme de la nuit, troubler un instant l'éclat paisible de la voute étoilée; suivre de l’œil le météore qui tombe, en dessinant sur le firmament une lumineuse trajectoire, n'est-ce pas songer aussitôt à ces espaces infinis partout remplis de matière, partout vivifiés par le mouvement? Qu'importe la petitesse extrème de ces météores dans un système où l’on trouve, à côté de l'énorme volume du Soleil, des atomes tels que Céres, tels que le pre- mier satellite de Saturne ? Qu'importe leur subite disparition, quand un phénomène d’un autre ordre, l'extinction de ces étoiles qui brillèrent tout à coup dans Cassiopée; dans le Cy- gne et dans le Serpentaire, nous à déjà forcés à admettre qu'il peut exister, dans les espaces célestes, d’autres astres que ceux que nous y voyons toujours. Nous le savons main- tenant, les étoiles filantes sont des agrégations de matière. de véritables astéroïdes qui circulent autour du Soleil, qui traversent, comme les comètes, les orbites des grandes pla- nètes, et qui brillent près de notre atmosphère ou du moins dans ses derniéres couches. Isolés, sur notre planète, de toutes les parties de la eréa- tion que ne comprennent pas les limites de notre atmosphère, nous ne sommes en Communication avec les corps célestes — 110 — que par l'intermédiaire des rayons si intimement unis de la lumiére et de la chaleur (°°), et par cette mystérieuse attrac- tion que les masses éloignées exercent, en raison de leur masse, sur notre globe, sur nos mers et méme sur les cou- ches d’air qui nous environnent. Mais si les aérolithes et les étoiles filantes sont réellement des astéroïdes planétaires. le mode de communication change de nature, il devient plus direct, il se matérialise en quelque sorte. En effet, il ne s’agit plus ici de ces corps éloignés: dont l’action sur la terre se borne à y faire naitre les vibrations lumineuses et calorili- ques, où bien encore à produire des mouvements, suivant les lois d’une gravitation réciproque; il s’agit des corps ma- tériels qui, abandonnant les espaces célestes, traversent no- tre atmosphère et viennent heurter la terre dont elles font partie désormais. Tel est le seul événement cosmique qui puisse mettre notre planète en contact avec les autres par- ties de l'univers. Accoutumés que nous sommes à ne con- naitre les êtres placés hors de notre globe que par la voie des mesures, du calcul et du raisonnement, nous nous éton- nons de pouvoir maintenant les toucher, les peser, les ana- lyser. C’est ainsi que la science met en jeu dans notre âme les secrets ressorts de l'imagination et les forces vives de l'esprit, alors que le vulgaire ne voit, dans ces phénoménes, que des étincelles qui s’allument et s’éteignent, et dans ces pierres noirâtres, tombées avec fracas du sein des nues, que le produit grossier d’une convulsion de la nature. Si ces essaims d’astéroïdes, dont nous nous sommes occupé longtemps comme d’un sujet de prédilection, se rapprochent des comêtes par la petitesse de leurs masses et par la mul- tiplicité de leurs orbites, ils en diffèrent cependant, d'une manière essentielle, par ce seul fait qu'ils ne brillent et ne deviennent visibles pour nous qu’à l'instant où ils traversent la sphère d’action de notre globe, Mais l'étude de ces mé- téores ne complète pas encore le tableau de notre système planétaire, si complexe, si riche en formes variées, depuis la découverte des petites planètes, des comètes intérieures à courte période, et des astéroïdes météoriques; il nous reste — 111 — à parler de l'anneau de matière cosmique auquel on attribue la lumière zodiacale, déjà citée plusieurs fois dans le cours de cet ouvrage. Quiconque aura passé des années entières dans la zone des palmiers, conservera toute sa vie un doux souvenir de cette pyramide de lumière qui éclaire une partie des nuits toujours égales des tropiques. il m'est arrivé de la voir aussi brillante que la voie lactée dans le Sagittaire, non pas seulement sur les cimes des Andes, à ces hauteurs de 3000 ou de 4000 mètres, où l'air est si pur et si rare, mais aussi dans les immenses prairies {ZLlanos) de Venezuela, et au bord de la mer, sous le ciel toujours serein de Cumana. Quelque- fois pourtant, un petit nuage se projette sur la lumière zo- diacale, et tranche d’une manière pittoresque sur le fond lu- mineux du ciel; alors le phénoméne devient d’une grande beauté. Ce jeu de l’atmosphere se trouve signalé dans mon journal de voyage, lors de mon trajet de Lima à la côte oc- cidentale du Mexique : « Depuis trois ou quatre nuits (par 40° et 44° de latitude septentrionale), j’aperçois la lumière zo- diacale avec une magnificence toute nouvelle pour moi. L’é- clat des étoiles et des nébuleuses peut faire croire que, dans cette partie de la mer du Sud, la transparence de l’atmos- phère est extraordinaire. Du 44 au 49 mars, très-régulière- ment trois quarts d'heure aprés le coucher du soleil, il était impossible d’apercevoir la moindre trace de la lumière zo- diacale, et pourtant l’obscurité était complète. Une heure après le coucher du soleil, elle paraissait tout à coup avec un grand éclat, entre Aldébaran et les Pléiades ; le 48 mars, elle atteignit 39° 5’ de hauteur. Çà et là, près de l'horizon, s’étendaient de pelits nuages allongés qui se détachaient sur un fond jaune; plus haut, d’autres nuages diàpraient l’azur du ciel de leurs couleurs changeantes: on aurait dit un se- cond coucher du soleil. Alors, vers cette partie de la voûte céleste, la clarté de la nuit augmentait jusqu'à égaler pres- que. celle du premier quartier de la lune. A dix heures, la lumière zodiacale était déjà très-affaiblie, et à minuit, j'en voyais à peine une trace dans cette partie de la mer du Sud. Le 46 mars, au moment où elle brillait de son éclat le plus — 119 — vif, on apercevait à l'orient une faible réverbération. » Il én est autrement dans nôs climats du Nord, dans ces régions brumeuses qu’on appelle tempérées: la lumière zodiacale n'y est visible , d’une maniere distincte, que vers le com- mencement du printemps, après le crépuscule du soir, au- dessus de l'horizon occidental ; et vers la fin de l’automne, à l’orient, avant le crépuscule du matin. On comprend à peine qu'un phénomène aussi remarqua- ble n'ait point attiré l'attention des physiciens et des astro- nomes avant le milieu du xvu° siècle, et qu'il ait échappé aussi aux Arabes qui ont tant observé dans l’ancienne Bac- triane , sur les rives de l'Euphrate et dans le midi de PESs- pagne. Au reste, la tardive découverte des deux nébuleuses d'Andromède et d’Orion, que Simon Marius et Huyghens dé- crivirent les premiers, n’est pas moins surprenante. C’est dans la Britannia Baconica de Childrey (°!), en 4661, que lon trouve la première description bien nette de la lumiëre zo- diacale; la première observation peut remonter à deux ou trois années auparavant, mais à Dominique Cassini revient le mérite incontestable d’avoir, le premier, soumis le phéno- mène à un examen approfondi (dans lé printemps de 1683). Quant à la lumière qu'il vit à Bologne en 1668: et que voyait aussi, à la même époque, le célèbre voyageur Chardin (les astrologues de la cour d’Ispahan ne l'avaient jamais remar- quée auparavant; ils la nommaient nyzek, petite lance), ce n'était point la lumière zodiacale, comme on l'a si souvent supposé (*?); c'était l'énorme queue d’une comète dont la tête était cachée sous l'horizon, et qui devait présenter une grande analogie d'aspect et de position avec la longue comète de 14843. Mais il est impossible de ne pas reconnaitre la lu- mière zodiacale dans la brillante lueur que l'on vit en 4509, pendant quarante nuits consécutives, monter comme une py- ramide au-dessus de l'horizon oriental du plateau mexicain: c’est dans un manuscrit des anciens Aztèques appartenant à la Bibliothèque royale de Paris (Codex Telleriano-Remen- sis), que j'ai découvert la mention de ce curieux phéno- mène (*5). — 113 — Ainsi, la lumière zodiacale a existé de tout temps, quoique sa découverte ne remonte, en Europe, qu’à Childrey et à Dominique Cassini, On à voulu Fattribuer à une certaine at- mosphère du Soleil; mais cette explication est inadmissible; car, d'après les lois de Ia mécanique, l'aplatissement de cette atmosphere ne peut dépasser celui d'un sphéroïde dont les axes seraient dans le rapport de 2 à 3; par conséquent, ses couches extrèmes ne sauraient s'étendre au délà des fo du rayon de l'orbite de Mercure. Ces mêmes lois fixent aussi les limites équatoriales de atmosphère d'un corps céleste tournant sur lui-même, au point où la pesanteur fait équili- bre à la force centrifuge ; là seulement, le temps de la révo- lution d'un satellite serait égal au temps dela rotation de l’astre central (?#). Cette limitation si restreinte de l’atmosphére ac- tuelle de notre Soleil devient surtout frappante lorsqu'on la compare à celle des étoiles nébuleuses. Herschel en à trouvé plusieurs dont le diamètre apparent atteint 430”; or, en ad- mettant pour ces astres une parallaxe un peu inférieure à 4”, on trouve que la distance de l'étoile centrale aux dernières couches de la nébulosité équivaut à 450 rayons de lorbite terrestre. Si done une de ces étoiles nébuleuses occupait la place de notre Soleil, non-seulement son ‘atmosphère com- prendrait Porbite d'Uranus, mais elle s’éterdrait encore huit fois plus loin (*). Ainsi, l’atmosphère solaire est renfermée dans des limites beaucoup plus restreintes que celles où s'étend la lumière zodiacale. Ce phénomène s'explique mieux si l’on suppose qu'il existe, entre l'orbite de Vénus et celle de Mars, un an- neau très-aplati, formé de matières nébuleuses et tournant librement dans les espaces célestes (5). Peut-être cet anneau n'est-il pas sans rapport avec la matière cosmique que l'on croit plus condensée dans les régions voisines du Soleil ; peut-être S’'augmente-{-il continuellement des nébulosités abandonnées dans l’espace par les queues des comètes (°7); il est aussi dif- licile de prononcer à cet égard, que d’assigner les véritables dimensions de l'anneau , dimensions variables sans doute , puisqu'il semble parfois compris {out entier dans l'orbite de == Affhtt = la Terre. Les particules des nébulosités dont cet anneau se compose peuvent être lumineuses par elles-mêmes, ou réflé- chir seulement la lumière du Soleil. La premiere supposition ne parait pas inadmissible: on pourrait citer, en effet, le re- marquable brouillard de 1783, qui, en pleine nuit, à l’épo- que de la nouvelle lune, produisait une lumière phosphori- que assez intense pour éclairer les objets et les rendre net- tement visibles, même à une distance de 200 mètres (°$). Dans les régions tropicales de l'Amérique du Sud/,les va- riations d'intensité de la lumière zodiacale ont souvent ex- cité mon étonnement. Comme je passais alors, pendant des mois entiers, les nuits en plein air, sur le bord des fleuves ou dans les prairies {Zlanos), j'eus de fréquentes occasions d'observer le phénomène avee soin. Lorsque la lumière z0- diacale avait atteint son maximum d'intensité, il lui arrivait, quelques minutes après, de s’affaiblir notablement, puis elle reprenait soudain son éclat primitif. Je n’ai jamais vu, comme le veut Mairan, de coloration rougeâtre, ni d'arc inférieur obscur, ni même de scintillation ; mais j'ai remarqué plusieurs fois que la pyramide lumineuse était traversée par une ra- pide ondulation. Faut-il croire à des changements réels dans l'anneau nébuleux? Ou bien n’est-il pas plus probable qu’au moment même où, près du sol, mes instruments météorolo- giques n’accusaient aucune variation de température ou d’hu- midité dans les régions inférieures de l'atmosphère, il s’o- pérait cependant, à mon insu, dans les couches plus élevées, des condensations capables de modifier la transparence de l'air, ou plutôt son pouvoir réfléchissant? Des observations d’une nature toute différente justifieraient au besoin ce re- cours à des causes de nature météorologique agissant à la limite de l’atmosphére. Olbers, en effet, a signalé « les chan- gements d'éclat, qui se propagent, en quelques secondes, comme des pulsations, d’un bout à l’autre de la queue d’une comète, et qui, tantôt en augmentent, tantôt en diminuent l'étendue de plusieurs degrés. Or, les diverses parties d'une queue longue de quelques millions de lieues sont très inéga- lement distantes de la terre; par conséquent, la propagation — 145 — graduelle de la lumière ne nous permettrait pas d’aperce- voir, en un si court intervalle de temps, les changements réels qui pourraient survenir dans un astre occupant une si vaste étendue (%), » ‘ Disons-le toutefois, ces remarques ne contredisent nulle- ment la réalité des variations que l'on à observées dans les queues des comètes; elles n’ont pas davantage pour but de nier que les changements d'éclat si soudains de la lumière zodiacale puissent provenir, soit d’un mouvement molécu- laire à l’intérieur de Panneau nébuleux, soit d’une altération subite de son pouvoir réfléchissant ; j'ai seulement voulu dis- tinguer, dans ces phénomènes, la part qui revient à la sub- stance cosmique elle-même, de celle qu’on doit restituer à notre atmosphère, intermédiaire obligé de toutes nos percep- tions lumineuses. Quant à ce qui se passe à cette limite su- périeur de latmosphère, limite si souvent controversée pour d’autres motifs, des faits bien observés montrent combien il est difficie d'en rendre un compte satisfaisant. Par exemple, les nuits de 1831, si merveilleusement claires en Italie et dans le nord de l’Allemagne qu’on pouvait lire à minuit les caractères les plus fins, sont en contradiction manifeste avec tout ce que les recherches les plus nouvelles et les plus savantes ont pu nous apprendre sur la théorie des crépus- cules et sur la hauteur de l'atmosphère (1%). Les phénomè- nes lumineux dépendent de conditions peu connues , dont les variations imprévues nous surprennent, qu'il s'agisse de la hauteur des crépuseules, où de la lumière zodiacale. Jusqu'à présent nous avons considéré ce qui appartient à notre Soleil, le monde des formations qui subissent son ac- tion régulatriee, €’est-à-dire les planètes, les satellites , les cométes à courte et à longue période, les astéroides météo- riques isolés ou léunis'en anneau continu, cet anneau né- buleux enfin, auquel sa position dans les espaces planétaires autorise à conserver le nom de lumière zodiacale. Partout règne la loi de la périodicité dans les mouvements, quelle que soit la vitesse où la masse; les seuls astéroïdes qui tra- versent notre atmosphère peuvent être arrètés au milieu de — 116 — sd leurs révolutions planétaires et relenus par une grosse pla- nète, Dans cet immense systéme dont la force d'attraction du corp central détermine les limites, les comètes sont for- cées, méme à une distance égale à 44 rayons de l'orbite d'U- ranus, à revenir au point de départ, à parcourir une orbite fermée ; et jusque dans ces comêtes qui nous apparaissent sous l’aspect d'un nuage cosmique, tant la masse en est fai- ble, le noyau retient encore, en vertu de son attraction, les dernières particules d’une queue longue de plusieurs millions de lieues. Ainsi les forces centrales sont à la fois celles qui constituent et celles qui maintiennent un système. Le soleil peut être considéré comme immobile par rap- port aux astres grands ou petits, denses où nébuleux qui accomplissent ‘autour de lui leurs révolutions périodiques; en réalité, ik tourne lui-même autour du centre de gravilé de tout le système, et ce point est situé d'ordinaire dans l'in- térieur même du Soleil, malgré les changements qui survien- nent sans cesse dans les positions respectives des planètes. Mais le mouvement progressif qui transporte dans l’espace le Soleil, ou plutôt le centre de gravité du système solaire , est d’une nature différente; la vitesse en est telle que le dé- placement relatif du Soleil et de la 61° du Cygne va, d'après Bessel, à 619000 myriamèlres par jour (?). Nous ne saurions rien de ce mouvement de translation du système solaire si l'admirable exactitude des instruments de mesure que pos- sède actuellement lastronomie et Jes progrès de ses metho- des d'observation n'étaient parvenus à rendre sensibles les petits déplacements dont les étoiles nous paraissent affectées, semblables en cela aux objets situés sur un rivage mobile en apparence, Le mouvement propre de Ia 61° du Cygne est pourtant assez considérable pour produire, en 700 ans, un déplacement de 4° entier. Malgré les difficultés inhérentes à la détermination des mouvements propres Ges étoiles (on nomme ainsi les chan- gements qui surviennent dans leurs positions relatives), il est encore plus facile de les mesurer avec précision que d'en assigner la cause. Après avoir tenu compte de laberration ‘ — A17 — produite par la propagation successive des rayons lumineux et de la petite parallaxe qui provient du mouvement de la terre autour du Soleil, les déplacements observés contien- nent encore les mouvements réels des étoiles, combinés avec les mouvements apparents qu’à dû faire naitre la translatiôn générale de tout le système solaire. Les astronomes sont par-' venus à séparer ces deux éléments grâce à l'exactitude avec laquelle on connait maintenant la direction du mouvement propre de certaines étoiles, et par cette considération fort ingénieuse, empruntée aux lois de la perspective: si les étoi- les étaient absolument immobiles, elles devraient encore pa- : raitre se mouvoir en s’écartant du point vers lequel le so- leil dirige sa course. Il résulte, en dernière analyse, de ces travaux où le calcul des probabilités joue un rôle important, que les étoiles et le système solaire sont à la fois en mouve- ment dans l’espace. Par des recherches exécutées sur un plan plus vaste et plus parfait que celles de W. Herschel et de Prévost, Argelander a prouvé que le Soleil se dirige actuel- lement vers un point situé dans la constellation d'Hercule, à 257° 49,7 d'ascension droite, et à 28° 49°,7 de déclinaison boréale (équin. de 1792,5); ce résultat important est fondé sur la combinaison des mouvements propres de 537 étoiles (?). On conçoit toutes les difficultés qu'ont dù présenter ces re- cherches délicates où il s'agissait de distinguer les mouve- ments réels des mouvements apparents, et de faire la part du système solaire. Si l’on considère les mouvements propres des étoiles, dé- gagés de tout effet de perspective, on en trouve un grand nombre dont les directions sont opposées par groupes; les données actuelles sont bien loin d'établir la nécessité d’ad- mettre que toutes les parties de notre-amas d'étoiles, que toutes celles des autres zones étoilées, dont l’univers est rem- pli, doivent se mouvoir autour d’un grand corps inconnu, brillant ou obseur. Sans doute, une pareille hypothèse est de nature à plaire à imagination et à l’incessante activité de l'esprit humain, toujours ardent à poursuivre les dernières causes. Le Stagirite n’a-t-il pas déjà dit: « Tout ce qui est 10 — 118 — mü suppose un moteur; l’enchainement des causes n'aurait point de fin s’il n’existait un premier moteur immobile(S)! » Mais l'étude de ees mouvements stellaires non parallacti- ques, indépendants du déplacement de l’observateur, à ou- vert à l’activité humaine un champ de recherches où elle ‘peut s'exercer librement, sans se lancer dans les conceptions vagues, dans le monde sans limites des analogies. Je veux parler des étoiles doubles, dont les mouvements lents ou ra- pides s’exécutent dans des orbites elliptiques, d’après les lois de la gravitation, donnant ainsi l'irrécusable preuve que ces lois ne sont pas spéciales à notre système solaire, mais qu’el- les régnent jusque dans les régions les plus éloignées de la création. Cette belle et solide conquête de l'astronomie est encore due aux progrès récents des méthodes d'observation et de calcul. Le nombre de ces systèmes binaires ou multi- ples, dont les astres composants circulent autour d'un cen- tre de gravité commun, peut, à juste titre, exciter l’étonne- ment (i! dépassait 2800 en 1837); mais ce qui place surtout celte découverte au rang des plus brillantes conquêtes scien- üfiques de notre époque c'est l'extension qu'elle a donnée à nos connaissances sur les forces essentielles de l'univers, c’est la preuve qui en résulte de l’universalité de la gravi- tation. Les temps employés par ces étoiles à accomplir une révolution entière varient depuis quarante-trois ans, comme dans » de la couronne, jusqu’à des milliers d’années, comme pour 66 de la Baleine, 38 des Gémeaux et 100 des Poissons. Depuis les mesures d’Herschel, en 1782, le satellite le plus voisin de l'étoile principale dans le système triple & de l’E- crevisse a déjà accompli et même dépassé une révolution entière. En combinant convenablement les distances et les angles (*) qui déterminaient, à différentes époques, les po- sitions -relatives des composantes des étoiles doubles, on parvient à ealéuler les éléments de leurs orbites réelles ; on arrive même à fixer provisoirement leurs distances à la terre, et le rapport de leurs masses à celle du Soleil. Mais ce: qui conservera longtemps encore à ces résultats un caractere hypothétique c'est que nous ignorons si la — M9 — force d'attraction se règle invariablement, dans ces systèmes comme dans le nôtre, sur la quantité des molécules mate- rielles; Bessel à fait voir qu'elle pourrait y être spécifique et non pas proportionnelle aux masses (°). La solution déti- nitive de ces problèmes semble donc réservée à un avenir encore bien éloigné. Quand on compare le Soleil aux astres qui composent la cougçhe lenticulaire d'étoiles dont nous faisons partie, c’est- à-dire à d’autres soleils qui brillent eux-mêmes de leur pro- pre lumière, on reconnait la possibilité de parvenir à dé- terminer, pour quelques-uns du moins, certaines limites ex- trèmes entre lesquelles leurs distances, leurs masses, leurs grandeurs et leurs vitesses de translation, doivent se trou- ver comprises. Prenons pour unité de mesure le rayon de l'orbite d'Uranus, qui contient dix-neuf rayons de l'orbite terrestre ; la distance de + du Centaure au centre de notre système planétaire contiendra 41900 de ces unités; celle de la 61° du Cygne en contient pres de 31300, et celle de z de la Lyre, 41600. La comparaison du volume des étoiles de première grandeur avec celui du Soleil dépend de leur diamètre apparent, élément optique dont la détermination présentera toujours une grande incertitude. Admettons, avec Herschel, que le diamètre apparent d’Arcturus ne dépasse point un dixième de seconde; il en résulterait encore, pour cette étoile, un diamètre réel onze fois plus grand que le diamètre du Soleil (f). Maintenant que la distance de la 61° du Cygne est connue, gràce aux travaux de Bessel, il est possible de déterminer approximativement la masse de cette étoile double. A la vérité, la portion de l'orbite apparente que le satellite a parcourue depuis les observations de Brad- ley, n’est pas suffisante pour donner, avee une grande pré- cision, les éléments de l'orbite réelle, et particulièrement le grand axe; cependant le célèbre astronome de Kænigsberg (7) croit pouvoir affirmer que «la masse de cette étoile double ne diffère pas beaucoup de la moitié de celle du Soleil. » C'est là un résultat de mesures effectives. Des analogies fon- dées sur la masse prédominante des planètes pourvues de sa — jp — tellites, et sur ee que Struve à trouvé, parmi les étoiles bril- lantes, six fois plus de systèmes binaires que parmi les étoi- les télescopiques, ont porté d’autres astronomes à attribuer à la plupart des étoiles doubles une masse moyenne supé- rieure à celle du Soleil (8). De longtemps encore on ne peut espérer d'obtenir à ce sujet des résultats généraux. Ajou- tons qu'Argelander place le Soleil au rang des étoiles dont le mouvement propre est considérable. Des causes nombreuses, incessantes, qui font varier les positions relatives des étoiles et des nébuleuses, l'éclat des diverses régions du ciel et l'apparence générale des constel- lations, peuvent, aprés des milliers d'années, imprimer un caractère nouveau à l'aspect grandiose et pittoresque de la voûte éloilée. Ces causes sont: les mouvements propres des étoiles, le mouvement de translation qui emporte dans les- pace notre système solaire tout entier, l'apparition subite de nouvelles étoiles, Paffaiblissement, extinction même de quel- ques étoiles anciennes, enfin et surtout les changements qu'é- prouve la direction de l’axe terrestre par suite de l’action combinée du Soleil et de la Lune. Un jour viendra où les briliantes constellations du Centaure et de la Croix du sud seront visibles sous nos latitudes boréales, tandis que d’au- tres étoiles (Sirius et le Baudrier d'Orion) ne paraitront plus sur l'horizon. Les étoiles de Céphée (£ et +) et du Cygne(3) serviront successivement à reconnaitre dans le ciel la posi- tion du pôle nord; et dans douze mille ans, l'étoile polaire sera Véga de la Lyre, la plus magnifique de toutes les etoi- les auxquelles ce rôle puisse échoir. Ces aperçus rendent sen- sible, en quelque sorte, la grandeur de ces mouvements, qui procèdent avec lenteur, mais sans jamais s’interrompre, et dont les vastes périodes forment comme une horloge éter- nelle de l'univers. Supposons, un instant, qu'un rêve de Fi- magination se réalise, que notre vue. dépassant les limites de la vision télescopique, acquière une puissance surnatu- relle; que nos sensations de durée se contractent de ma- nière à comprendre les plus grands intervalles de temps, de meme que nos yeux percoivent les plus petites parties de — 191 — l'étendue; aussitôt disparait l’immobilité apparente qui régne dans les cieux. Les étoiles sans nombre sont emportées , comme des tourbillons de poussière, dans des directions op- posées, les nébuleuses errantes se condensent où se dissol- vent, la voie lactée se divise par places comme une immense ceinture qui se déchirerait en lambeaux; partout le mouve- ment règne dans les espaces célestes, de même qu'il règne sur la terre, en chaque point de ce riche tapis de végétaux, dont les rejetons, les feuilles et les fleurs présentent le spec- tacle d’un perpétuel développement. Le célébre naturaliste espagnol Cavanilles eut, le premier, Fidée de voir « l'herbe pousser, » et il dirigeait une forte lunette, munie d’un fil mi- erométrique horizontal, tantôt sur la tige d’un aloës améri- cain (gave americana), dont la croissance est si rapide, tantôt sur la cime d'un bourgeon de bambou, précisément comme font les astronomes lorsqu'ils placent la croisée des {ils de leurs télescopes sur une étoile culminante. Dans la nature physique. pour les astres comme pour les êtres or- ganisés, le mouvement parait étre une condition essentielle de la production, Ge la conservation et du développement. La rupture de la voie lactée. à laquelle je viens de faire allusion, mérite une inention speciale. En jaugeant le ciel à l’aide de ses puissants télescopes, William Herschel, qu'il faut toujours prendre pour guide dans cette partie de lhis- toire des cieux, a trouvé que la largeur réelle de la voie lac- tee surpasse de 6 à 7 degrés sa largeur apparente, visible à l'œil nu et figurée sur les cartes célestes (°). Les deux nœuds brillants où se réunissent ses deux branches, et dont l’un est situe vers Céphée et Cassiopée, l’autre vers le Scor- pion et le Sagittaire, paraissent exercer sur les étoiles voi- ‘ sines une attraction puissante. Entre 5 et y du Cygne on voit une région éclatante de lumiere et large d’environ 5°. Cet amas d'étoiles en contient au moins 330000, dont une moitié parait attirée dans un sens, tandis que l’autre moitié, parait l'être dans le sens opposé. Herschel soupçonne dans celte partie de la couche stellaire une tendance à la rup- ture (1°). On porte, par estime, à 148 millions le nombre des — 1922 — étoiles que les télescope permet de distinguer dans la voie lactée. Pour se faire une idée de la grandeur de ce nombre, ou plutôt pour s’aider d'un terme de comparaison. il suffit de se rappeler que nous ne voyons pas à l'œil nu, sur toute la surface du ciel, plus de 8000 étoiles; tel est en effet, le nombre des étoiles comprises entre la première et la sixième grandeur. Au reste, les deux extrêmes de l’étendue, les corps célestes et les animalcules microscopiques concourent l’un et Pautre à produire cette impression d’étonnement que les grands nombres excitent en nous, sentiment stérile quand on les présente isolés, sans rapports avec le plan général de la nature ou avec l'intelligence humaine. Un pouce cubique de tripoli de Bilin, contient, d’après Ehrenberg, 40000 mil- lions de carapaces silicieuses de Galionelles. Comme l’a fait remarquer Argelander, les étoiles brillan- tes sont plus nombreuses dans la région de la voie lactée que dans les autres parties du ciel. Mais outre cette voie lac- tée composée d'étoiles, il existe encore une autre voie lactée composée de nébuleuses , qui rencontre la première à peu près à angles droits. D’après les vues de sir John Herschel, la première formerait un anneau analogue à celui de Sa- turne, une sorte de ceinture isolée de toutes parts et située à quelque distance de notre amas lenticulaire d'étoiles. No- tre systeme planétaire est situé dans l'intérier de cet an- neau, mais excentriquement plus près de la région où se trouve la Croix du Sud que de la région opposée, celle de Cassiopée (11). Une nébuleuse que Messier découvrit en 1774, mais qui n'avait été vue qu'imparfaitement, parait repro- duire avee une exactitude étonnante tous les traits de l’en- semble que nous venons d’esquisser : on y retrouve l’amas intérieur et l’anneau formé par les diverses parties de la voie lactée (12). Quant à la voie lactée composée de nébu- leuses, elle n’appartiendrait pas à notre zone stellaire; elle l'entourerait seulement, à une énorme distance, sous la forme d'un grand cercle presque parfait, et elle traverserait les né- buleuses de la Vierge (si nombreuses vers l'aile septentrio- näle), la chevelure de Bérénice, la Grande Ourse, la cein- — 193 — ture d’Androméde et le Poisson boréal. C’est probablement vers Cassiopée qu’elle croiserait la voie lactée des étoiles, dont elle réunirait ainsi les pôles situés dans la direction où notre couche stellaire a le moins d’épaisseur, pôles dévastes sans doute par les forces qui ont condensé les étoiles en groupes (15). D’après ces aperçus. il faudrait se représenter dans les- pace, d’abord notre amas d'étoiles où l'on trouve les indices d'un changement progressif de formes, et même d'une dis- location que détermine sans doute l’attraction de centres se- condaires ; puis deux anneaux, dont l’un, placé à une grande distance, se compose exclusivement de nébuleuses, tandis que l’autre, plus rapproché de nous (c’est la voie lactce), est entiérement formé d'étoiles dépourvues de nébulosités. En moyenne, ces étoiles paraissent être de dixième ou de on- zième grandeur (t#), mais, prises séparément, elles différent beaucoup entre elles; au contraire, celles dont se composent les amas isolés offrent presque toujours une parfaite unifor- mité de grandeur et d'éclat. Presque partout où la voüte céleste a été étudiée à l’aide de certains télescopes très-puissants pour pénétrer dans l’es- pace, on a vu des étoiles, ne fut-ce que des étoiles de ving- tième et de vingt-quatrième grandeur, ou bien des nébuleu- ses, dans lesquelles des instruments plus puissants nous fe- raient sans doute distinguer des étoiles encore plus petites. En effet, les rayons lumineux que la rétine reçoit, dans ces divers genres d'observation, proviennent, soit de points 1so- lés, soit de points extrémement rapprochés, et, dans ce der- nier cas, la visibilité est plus grande que dans le premier . ainsi qu'Arago l’a montré récemment (!°). La nébulosité cos- mique universellement répandue dans l’espace en modifie vraisemblablement la transparence; elle diminuerait donc l'intensite de cette lumière homogène qui devrait exister sur toute la voüte céleste, suivant Halley et Olbers, si chacun de ses points était la base d'une série infinie d'étoiles dis- posées dans le sens de la profondeur (*$). Mais ces idées sont en désaccord avec ce que l'observation nous enseigne. Celle-ci — 1924 — nous montre des régions entières dépourvues d'étoiles, des ouvertures dans le ciel, comme le disait Herschel; il en existe une dans le Scorpion, large de 4 degrés, et une autre dans le Serpentaire. Près de ces deux ouvertures et vers leurs bords se trouvent des nébuleuses résolubles. Celle qu'on re- marque au bord occidental de l'ouverture du Scorpion est un des plus riches amas de petites étoiles qu’on puisse ren- contrer dans le ciel. Au reste, c’est par l'attraction de ces groupes qu'Herschel explique l'absence des étoiles dans les régions vides (17). « Il existe, disait-1l, dans notre amas stel- laire des régions que le temps a dévastées. » Si l'on veut se représenter les étoiles télescopiques, échelonnées dans l'espace, comme formant un tapis qui couvre toute la voute apparente du ciel, alors les régions vides du Scorpion et du Serpentaire seront autant de trous par lesquels notre œil pé- nètre jusque dans les profondeurs les plus reculées de lu- nivers. Là ou les couches du tapis sont interrompues il y a peut-être d'autres étoiles, mais nos instruments ne peuvent les atteindre. L’apparition des météores ignés avait aussi con- duit les anciens à supposer qu’il existe des fissures où des brèches (chasmata) dans la voûte céleste; mais il les con- sideraient seulement comme passagères; puis ils croyaient que ces fissures devaient être brillantes et non obscures, à cause de léther lumineux qu'on devait, suivant eux, aper- cevoir par ces ouvertures accidentelles (*8). Derham et Huy- ghens lui-même ne paraissent pas avoir été fort éloignes d'expliquer de cette manière la tranquille lumière des né- buleuses (1°). Lorsqu'on compare les étoiles de première grandeur aux étoiles telescopiques, qui sont certainement en moyenne beau- coup plus éloignées de nous, quand on compare les groupes nébuleux avec les nébulosités irréductibles comme celle d’An- dromède, ou bien avec les nébuleuses planétaires, nos con- ceptions sur ces mondes situés à des distances si différentes et comme perdus dans l'immensité sont dominées par un fait qui modifie, suivant certaines lois, tous les phénomènes et tautes les apparences célestes: c’est le fait de la propaga- 0 — 125 — tion successive des rayons lunrineux. Les dernières recher- ches de Struve ont fixe à 30808 myriamètres par seconde la vitesse de la lumiere: elle est ainsi un million de fois en- viron plus grande que la vitesse du son. D'après ce que les travaux de Maclear, de Bessel et de Struve nous ont appris sur les parallaxes et les distances absolues de trois étoiles fort inégales en éclat, + du Centaure, 61 du Cygne et + de la Lyre, un rayon lumineux emploierait respectivement trois ans, neuf ans ‘f1 et douze ans pour venir de ces astres jus- qu'à nous. Or, dans la courte, mais mémorable: période de 1572 à 4604. c'est-à-dire depuis Cornelius Gemma et Tscho jusqu’à Kepler, trois étoiles nouvelles apparurent successi- vement dans Cassiopée, dans le Cygne et dans le pied du Serpentaire. Le même phénomène se reproduisit, en 4676; dans la constellation du Renard, mais avec des intermittences. Dans ces derniers temps, sir John Herschel a reconnu, pendant son séjour au cap de Bonne-Espérance, que l'éclat de l'étoile n du Navire avait augmenté graduellement depuis la deu- xieme jusqu'à la première grandeur (?). Tous ces faits ap- partiennent en réalité à des époques antérieures à celles où les phénomènes de lumière vinrent les annoncer aux habi- tants de la terre; ce sont comme des voix du passé qui arri- vent jusqu'à nous. On à dit avee vérité que, grâce à nos puis- sants télescopes, il nous est donné de pénétrer à la fois dans l’espace et dans le temps. Nous mesurons en effet l'un par l’autre; une heure de chemin c'est pour la lumiere 410 mil- lions de myriamètres à parcourir. Tandis que, dans la Theo- gonie d'Hésiode, les dimensions de l'univers sont exprimées à l’aide de la chute des corps « (pendant neuf jours et neuf nuits seulement l'enclume d’airain tomba du ciel sur la ter- re), » Herschel estimait que la lumiere émise par les dernie- res nébuleuses encore visibles dans son télescope de 49 pieds, devait employer près de deux millions d'années pour venir jusqu'à nous (*‘)! Ainsi, bien des phénomènes ont disparu longtemps avant d'être perçus par nos veux, bien des chan- gements que nous ne Voyons pas encore se sont depuis long- temps effectues. Les phénoméenes célestes ne sont simultanes — 126 — qu'en apparence; et quand on voudrait placer plus près de nous les faibles taches de nébuleuses ou les amas d'étoiles, quand même on réduirait les milliers d'années qui mesurent leurs distances, la lumière qu'ils ont émise et qui nous par- vient aujourd'hui n'en resterait pas moins, en vertu des lois de sa propagation, le témoignage le plus ancien de lexistence de la matière. C’est ainsi que la science conduit l'esprit hu- main des plus simples prémisses aux plus hautes conceptions. et lui ouvre ces champs sillonnés par la lumière ou « ger- ment des myriades de mondes comme l'herbe d'une nuit (??).» Abandonnons maintenant les hautes régions que nous ve- nons de parcourir, pour redescendre sur notre étroit do- maine; aprés la nature céleste, abordons la nature terrestre. Un lien mystérieux les unit toutes deux, et c'était le sens caché dans le vieux mythe des Titans (#), que l’ordre dans le monde dépend de l'union du ciel avec la Terre. Si, par son origine, la Terre appartient au Soleil, où du moins à son atmosphère jadis subdivisée en anneaux, actuellement encore la Terre est en rapport avec l’astre central de notre système et avec tous les soleils qui brillent au firmament, par les émissions de chaleur et de lumiére. La disproportion de ces influences ne doit pas empêcher le physicien d’en reconnai- tre la similitude et la connexité. Une faible partie de la cha- leur terrestre provient de l’espace où se meut notre planète, et cette température de l’espace, résultante des radiations calorifiques de tous les astres de l'univers, est presque égale, d’après Fourier, à la température moyenne de nos régions polaires. Sans doute, l'action prépondérante appartient au So- leil: ses rayons pénétrent l'atmosphère, éclairent et réchauf- fent sa surface, ils produisent les courants électriques et ma- gnétiques, ils font naitre et ils développent le germe de la vie dans les êtres organisés; cette influence bienfaisante sera plus tard l'objet de notre étude. Comme désormais nous nous renfermons dans la sphère de la nature terrestre, nous aurons d’abord à considérer la répartition des éléments solides et liquides, la figure de la Terre, sa densité moyenne et les variations de cette densité —- 197 — jusqu’à une certaine profondeur; enfin, la chaleur et la ten- sion électro-magnétique du globe. Nous serons ainsi conduits à étudier la réaction que l’intérieur exerce contre la surface; l'intervention d'une force universellement répandue, la cha- leur souterraine, nous expliquera le phénomène des trem- blements de terre, dont l’effet se fait ressentir dans des cer- cles de commotion plus ou moins étendus, le jaillissement des sources thermales et les puissants efforts des agents vol- caniques. Les secousses intérieures, tantôt brusques et répé- tées, tantôt continues et par suite peu sensibles, modifient peu à peu, dans le cours des siècles, les hauteurs relatives des parties solides et liquides de l'écorce terrestre, et chan- gent la configuration du fond de la mer. En même temps, il se forme des ouvertures temporaires ou permanentes qui font communiquer l’intérieur de la terre avec l'atmosphère: alors, d’une profondeur inconnue surgissent des masses en fusion; elles s’épanchent en étroits courants sur les flancs des montagnes, tantôt avec l'impétuosité d’un torrent, tantôt d’un mouvement lent et progressif, jusqu’à ce que la source ignée se tarisse et que la lave fumante se solidifie sous la croûte dont elle s’est recouverte. Alors des roches nouvelles se pro- duisent sous nos veux, tandis que les forces plutoniques mo- difient les roches anciennes par voie de contact immédiat avec les formations récentes, plus souvent encore par l'in- fluence d'une source voisine de chaleur; même là où la pé- nétration n’a pas eu lieu, les particules cristallines sont dé- placées et s'unissent en un tissu plus dense. Les eaux nous offrent des formations d’une tout autre nature: telles sont les conerétions de débris d'animaux ou de végétaux les se- diments terreux, argileux ou caleaires, les conglomérats com- posés des détritus des roches, recouverts par des couches formées des carapaces siliceuses des infusoires et par les ter- rains de transport, où gisent les espèces animales de l’an- cien monde. L'étude de ces formations, qui accusent tant do- rigines diverses, de ces couches disloquées, relevées, inflé- chies en tous sens par des pressions contraires ou par les efforts des agents volcaniques, a conduit l'observateur à com- — 128 — parer l'époque actuelle aux époques antérieures, à combiner les faits suivant les plus simples règles de lanalogie, à ge- néraliser les rapports d’étendue et ceux des forces qu'il voit encore à l'œuvre; elle a tiré ainsi du vague et de l’obser- rité cette belle science de la géognosie qu'on soupçonnait à peine il y a cinquante ans. On a dit que les grands télescopes nous avaient appris à eonnaitre l’intérieur des autres planètes plutôt que leur sur - face. La remarque est juste, si on en excepte la Lune. Grâce aux admirables progrès des observations et des caleuls astro- nomiques, on pèse les planètes, on mesure leurs volumes, on détermine leurs masses. leurs densités, avee une précision toujours croissante; mais leurs propriétés physiques restent inconnues. Sur la terre seule, le contact immédiat nous met en rapport avec les éléments dont se compose la nature or- ganique et la nature inorganique. Cette immense série d’é- léments combinés, transformés de mille manières par le jeu des forces, sans cesse en présence, offre à notre activite la- liment qui lui convient; elle pose un but à nos recherches, elle ouvre un vaste champ à nos investigations, et l'esprit hu- main, fortilié dans cette lutte continuelle, s'élève et s’agran- dit avee ses conquêtes. Ainsi le monde des faits se réfléchit dans le monde des idées; et chaque grande classe de phéno- mènes devient à son tour l’objet d’une nouvelle science. Dans la science de la terre, l’homme retrouve cette supé- riorité d'action dont j'ai déjà parlé plusieurs fois, et qui ré- sulte de sa position même sur la surface du globe. Nous avons vu comment la physique du ciel, depuis les lointaines né- buleuses jusqu’au corps central de notre système, est limitée aux notions générales de volume et de masse. Là, nos sens ne peuvent percevoir aucune trace de vie, et si l’on a pu hasarder quelques conjectures sur la nature des éléments qui constituent tel ou tel corps céleste, il a fallu les déduire de simples ressemblances, souvent même limagination seule a prononcé. Mais les propriétés de la matière, ses affinités chi- miques; les modes d’agrégation régulière qui en réunissent les particules tantôt ea cristaux, tantôt en une texture gre- — 129 — nue; ses rapports avec la lumiére qui la traverse en se de- viant ou en se divisant, avec la chaleur rayonnante, trans- mise à l’état neutre ou polarisée, avec les forces électro-ma- gneétiques si énergiques alors mème que leur action ne se manifeste point sous de brillantes apparences; en un mot, ce trésor de connaissances qui donnent à nos sciences phy- siques tant de grandeur el de puissance, nous le devons uni- quement à la surface de la planète que nous habitons, et plus encore à sa partie solide qu'à sa partie liquide. Mais il serait superflu de nous arrêter plus longtemps sur ce sujet: la su- périorite intellectuelle de l'homme dans certaines parties de la science de l'univers dépend d'un enchainement de causes semblables à celles qui donnent à certains peuples une su- périorité matérielle sur une partie des éléments. Apres avoir signalé la différence essentielle qui existe, à cet égard, entre la science de la terre et la science des corps célestes, il est indispensable de reconnaitre aussi jusqu'où peuvent s'étendre nos recherches sur les propriétés de la matiere. Le champ en est circonserit par la surface terrestre , où plutôt par la profondeur où les excavations naturelles et les travaux des hommes nous permettent d'atteindre dans les couches voisines de la surface. Or, dans le sens vertical . ces travaux ne pénétrent guere qu'à deux mille pieds(650 me- tres) au-dessous du niveau de la mer, c'est-à-dire à ‘fosoo du rayon de la terre (?*). Les masses crislallines lancées par des volcans encore en activité, et semblables pour la plupart aux roches de la surface, proviennent de profondeurs indéter- minées, mais au moins 60 fois plus grandes que celles où les travaux de l'homme ont pu atteindre. Là où un lit de char- bon de terre plonge et se recourbe pour remonter plus loin à une distance bien connue, il est possible d'évaluer en nombre la profondeur de la couche ; et l’on à montré que ces dépôts de charbon, mélés des débris organiques de l’an- cien monde, s’enfoncent à 2000 metres au-dessous du ni- veau de la mer (en Belgique, par exemple): les calcaires et les couches devoniennes , recourbées en forme de vallées , atteignent une profondeur double (#), Si l’on compare ces — 130 — dépressions souterraines avec les cimes des montagnes que l’on a regardées, jusqu'à présent, comme les parties les plus hautes de l’écorce soulevée de notre globe, on trouve une distance de 37000 pieds (4 myriamétre et ?f1o), ce qui re- vient à ‘f5°4 du rayon terrestre. Tel est, dans le sens ver- tical, le seul espace où pourraient s'exercer les recherches de la géognosie, même quand la surface de la terre entiere s’étendrait jusqu'aux sommets du Dhawalagiri ou du Sorata. Tout ce qui est situé plus profondément que les dépressions dont j'ai parlé, que les travaux des hommes, que le fond de la mer où la sonde à pu parvenir (James Ross a filé 25400 pieds de sonde sans l’atteindre), nous est aussi inconnu que l’intérieur des autres planètes de notre système solaire. De méme, nous connaissons seulement la masse de la terre en- tiére et sa densité moyenne comparée à celles des couches superficielles, les seules qui soient accessibles pour nous. En l’absence de toute donnée positive sur les propriétés chimi- ques ou physiques de l'intérieur du globe, nous sommes de nouveau forcés de nous en tenir aux conjectures, tout comme s’il s'agissait des autres planètes qui tournent avec la Terre autour du Soleil. Ainsi, nous ne possédons aucune donnée certaine sur la profondeur à laquelle les roches sont à l’état de ramollissement ou de fusion complète, sur les cavités que remplissent les vapeurs élastiques, sur l’état des gaz inté- rieurs soumis à une pression énorme et à une haute tempé- rature, enfin sur la loi que suivent les densités croissantes des couches comprises entre le centre et la surface de la lerre. La température croissant avec la profondeur et la réac- ion de l’intérieur du globe contre la surface, nous eondui- ront à la longue série des phénomènes volcaniques; tels sont les tremblements de terre, les émissions gazeuses, les sources thermales, les volcans de boue et les courants de lave qui s’é- panchent des cratères d’éruption; enfin la puissance des forces elastiques s'exerce aussi en altérant le niveau de la surface. De grandes plages, des continents entiers sont soulevés ou dépri- més; les parties solides se séparent des parties fluides ; l'Océan, — 131 — traversé par des courants chauds ou froids, comme par des fleuves isolés dans sa masse liquide, couvre les pôles de glace, et baigne de ses eaux les roches tantôt denses et résistantes, tantôt désagrégées et réunies en bancs mobiles. Les limites qui séparent les eaux des continents ou des terres subissent de fréquents changements. Les plaines ont oscillé de bas en haut et de haut en bas. Après le soulèvement des continents, il s'est produit de grandes fissures presque toutes parallèles ; ce fut probablement vers les mêmes époques que les chaines de montagnes surgirent. Des lacs salés et de grands amas d'eaux intérieures, longtemps habités par les mêmes espèces animales, furent violemment séparés, et les restes fossiles de coquillages et de zoophytes qu'on retrouve partout identi- ques témoignent assez de ces révolutions. Ainsi, en sui- vant les phénomènes dans leur mutuelle dépendance, on dé- couvre que les forces puissantes dont l'action s'exerce dans les entrailles du globe, sont aussi celles qui ébranlent l’é- corce terrestre et qui ouvrent des issues aux torrents de lave chassés par l'énorme pression des vapeurs élastiques. Or, ces forces qui jadis soulevérent, jusqu’à la région des neiges perpetuelles, les cimes des Andes et de l'Himalaya , ont produit aussi dans les roches des combinaisons et des agrégations nouvelles; elles ont transformé les couches qui s'étaient antérieurement déposées du sein des eaux, où déjà pullulait sous mille formes la vie organique. Nous reconnais- sons ici toute la série des formations superposées par ordre d'ancienneté; nous retrouvons dans ces couches toutes les variations de forme qu'a subies la surface, les effets dyna- miques des forces de soulèvement, et jusqu'aux actions chi- miques des vapeurs émises par les fissures. Les parties solides et desséchées de la surface terrestre où la végétation a pu se développer dans toute sa luxuriante vigueur, c’est-à-dire les continents, sont en rapport conti- nuel d'action et de réaction, avec les mers environnantes où règne presque exclusivement l’organisation animale. L’élé- ment hquide est à son tour recouvert par les couches at- mosphériques, océan aérien dont les chaines de montagnes - 439 et les plateaux sont les bas-fonds. Là se produisent aussi des courants et des variations de température ; Fhumidité ras- semblée dans les régions nuageuses de Fair se condense au- tour des sommets élevés, coule sur les flancs des montagnes, et de là va répandre partout dans les plaines le mouvement et la fécondité, Mais si la distribution des mers et des continents, la forme générale de la surface et la direction des lignes isotherries {zones où les températures moyennes de l’année sont égales), règlent et dominent la géographie des plantes. il n’en est plus de même quand'il s’agit des races humaines, le der- nier, le plus noble but d’une description physique du monde. Les progrès de la civilisation, le développement des facultés et cette culture générale de l'intelligence qui fonde, dans une nation, la suprématie politique , concourent avec les acci- dents locaux, mais d’une manière bien autrement efficace , à déterminér les caractères differentiels des races et leur distribution numérique sur la surface du globe. Certaines ra- ces, fortement attachées au sol qu’elles occupent, peuvent être refoulées, anéanties même par d’autres races voisines plus développées; à peine s’il en reste un souvenir que l’histoire puisse recueillir. D'autres races, inférieures par le nombre seulement, traversent alors les mers. C’est presque toujours ainsi que les peuples. devenus navigateurs, ont acquis leurs connaissances géographiques, quoique la surface entière du globe, celle du moins des pays maritimes, n’ait été connue d'un pôle à l’autre que beaucoup plus tard. Avant d'aborder dans ses détails le vaste tableau de la nature terrestre, j'ai voulu indiquer ici, d’une manière gé- nérale, comment il est possible de réunir, dans une seule et même œuvre, la description de la surface de notre globe; les manifestations des forces sans cesse en action dans son sein, l’électro-magnétisme et la chaleur souterraine; les rap- ports d’étendue et de configuration dans le sens horizontal et en hauteur; les formations typiques de la géognosie; les grands phénomènes de la mer et de latmosphere; la distri- bution géographique des plantes et des animaux; enfin la — 133 — gradation physique des races humaines, les seules qui soient aptes à recevoir, partout et toujours, la culture intellectuelle. Cette unité d'exposition suppose que les phénomènes ont été envisagés dans leur dépendance mutuelle et dans l’ordre na- turel de leur enchainement. Une simple juxtaposition des faits ne remplirait point le but que je me suis proposé; elle ne pourrait satisfaire le besoin d’une exposition cosmique qu'a fait naitre en mon âme l'aspect de la nature dans mes voya- ges de terre et de mer et sous les zones les plus diverses: désir-qui s’est formulé plus énergiquement à mesure que l’é- tude attentive de la nature développait en moi le sentiment de son unité. Sans doute cette tentative sera imparfaite sous plus d’un rapport; mais les progrès rapides dont toutes les branches des sciences physiques offrent aujourd’hui le beau spectacle, permettent d'espérer qu'il sera bientôt possible de corriger et de compléter lesparties défectueuses demon œuvre. Il est dans l’ordre même des progrès scientifiques que les faits restés longtemps sans lien avec l’ensemble, viennent suc- cessivement s’y rattacher et se soumettre aux lois générales. Je n’indique ici que la voie de l'observation et de l'expé- rience; c’est celle où je suis entré, comme l'ont fait bien d’autres avec moi, en attendant qu’un jour vienne où, comme Socrate le demandait (*), « l’on interprète la nature à l’aide de la seule raison. » Puisqu’il s’agit maintenant de peindre la nature terrestre sous ses principaux aspects, il faut commencer par la figure et par les dimensions de la planète elle-même. C’est qu’en effet la figure géométrique de la terre décèle son origine et retrace son histoire aussi bien que l’étude de ses roches et de ses minéraux. Son ellipticité accuse la fluidité primitive, ou du moins le ramollissement de sa masse. Pour tous ceux qui savent lire dans le livre de la nature, l’aplatissement de la terre est une des données les plus anciennes de la géo- gnosie ; de même, la forme elliptique du sphéroïde lunaire et la direction constante de son grand axe vers notre pla- nète sont des faits qui remontent à l’origine de notre satel- lite. « La figure mathématique de la terre est celle que pren- A1 — 134 — drait sa surface si elle était couverte d’un liquide en repos; » c’est à cette surface idéale, qui ne reproduit ni iles inégali- tés, ni les accidents de la partie solide de la surface réelle (27), que se rapportent toutes les mesures géodésiques, quand el- les ont été réduites au niveau de la mer; elle est compléte- ment déterminée lorsque l’on connait la valeur de l’aplatis- sement et la longueur du diamètre équatorial. Mais l'étude complète de la surface exigerait une double mesure exécutée dans deux directions rectangulaires. Déjà onze mesures de degrés (déterminations de la eour- bure de la terre en différents points de sa Surface), dont neuf appartiennent à notre siècle, nous ont appris à connai- tre la figure de notre globe que déjà Pline appelait « un point dans l’univers » (*#). Ces mesures ne s'accordent point à donner, pour différents méridiens, la même courbure sous la même latitude; cette contradiction même est un argument en faveur de l’exactitude des instruments employés et de la fidélité des résultats partiels. La décroissance de la pesan- teur, quand on marche de l'équateur au pôle, dépend de la loi que suivent les variations de la densité dans l’intérieur du globe: il en sera de même.de toute conclusion qu’on en voudra déduire sur la figure de la terre. Aussi, lorsque New- ton, inspiré par des considérations théoriques, et sans doute aussi par la découverte de laplatissement de Jupiter, que Cassini avait faite avant 1666 (?); quand Newton, dis-je, annonça, dans ses immortels Philosophie Naturalis Prin- cipia, l'aplatissement de la terre, il en fixa la valeur a {f250 . dans l'hypothèse d’une masse homogène; tandis que les me- sures effectives, soumises aux puissantes méthodes d’une ana- lyse récemment perfectionnée, ont prouvé que laplatisse- ment du sphéroïde terrestre, où la densité des couches est considérée comme croissant vers le centre, est à très-peu près 1f500. Trois méthodes ont été employées pour déterminer la cour- bure de la terre: ce sont les mesures de degrés, les obser- vations du pendule .et certaines inégalités lunaires; toutes les trois ont conduit au même résultat. La première méthode — 135 — est à la fois géométrique et astronomique; dans les deux au- tres, on passe des mouvements observés avec exactitude aux forces qui les ont produits, puis de ces forces mêmes à leur cause commune, qui est liée à laplatissement de la terre. Si, dans ce tableau général de Ja nature, où il ne peut-être ques- tion des méthodes, j'ai fait exception pour celles que je viens de citer, c’est qu’elles sont éminemment propres à faire res- sortir l’étroite solidarité qui relie la forme et les forces aux phénomènes généraux. D'ailleurs, ces méthodes ont joué dans la science un rôle capital: elles ont fourni l’occasion de sou - mettre à une épreuve délicate les instruments de mesure de toute espèce, de perfectionner en astronomie la théorie des mouvements de la lune, et en mécanique celle du pendule oscillant dans un milieu résistant; on peut dire enfin qu’elles ont sollicité l'analyse à s'ouvrir de nouvelles voies. Après la recherche de la parallaxe des étoiles qui a conduit à la dé- couverte de l’aberration et de la nutation, on ne trouve dans l'histoire des sciences qu’un seul problème, celui de la figure de la terre, dont la solution puisse rivaliser d'importance avec les progrès généraux qui résultent indirectement des efforts tentés pour.atteindre le but. Onze mesures de degrés, dont trois furent exécutées hors d'Europe, une au Pérou (lan- cienne mesure française), et deux aux Indes orientales, ont été comparées et calculées par Bessel, d’après les méthodes les plus rigoureuses : il en est résulté un aplatissement de ‘f299 (5°). Ainsi, dans cet ellipsoïde de révolution, le demi- diamètre polaire est plus court de 40938 toises (21 kilomé- tres environ, ou 5 lieues de poste) que le demi-diamètre équa- torial; le renflement équatorial a donc à peu près cinq fois laïhauteur du Mont-Blanc, et deux fois et demie seulement la hauteur probable du Dhawalagiri, la plus haute montagne de la chaine de l'Himalaya. Les inégalités lunaires (pertur- bations du mouvement de la Lune en longitude et en lati- tude) ont donné, à Laplace, un aplatissement de ‘f299, c'est- à-dire le même résultat que les mesures de degrés. Mais les observations du pendule (5!) ont conduit en moyenne à un aplatissement beaucoup plus fort (f220). — 136 — On raconte que, pendant le service divin, Galilée, encore enfant et sans doute un peu distrait, reconnut qu'on pour- rait mesurer la hauteur du dôme de l’église par la durée des oscillations des lampes suspendues à la voûte, à des hau- teurs inégales; mais qu'il était loin de prévoir que son pen- dule dût être un jour transporté d'un pôle à lautre, pour déterminer la figure de la Terre, ou plutôt pour constater que l’inégale densité des couches terrestres influe sur la lon- gueur du pendule à secondes ! On ne peut trop admirer ces propriétés géognostiques d’un instrument destiné d’abord à mesurer le temps, et qui peut servir à sonder, en quelque sorte, les profondeurs; à indiquer, par exemple, s'il existe dans certaines iles volcaniques (°?), et sur les versants des chaines de montagnes (55), des cavités souterraines ou des masses pesantes de basalte et de mélaphyre. Malheureuse- ment, ces belles propriétés deviennent autant d’inconvé- nients graves quand il s’agit d'appliquer la méthode des oscillations du pendule à l'étude de la forme générale de la Terre, Les chaines de montagnes et la densité variable des couches réagissent aussi, mais d’une manière moins nuisible, sur la partie astronomique d’une mesure de degré. Quand la figure de la Terre est connue, on peut en dé- duire linfluence qu'elle exerce sur les mouvements de la lune; réciproquement, de la connaissance parfaite de ces mouvements on peut remonter à la forme de notre planète. C'est ce qui a fait dire à Laplace (54): « Il est très-remar- quable qu’un astronome, sans sortir de son observatoire, en comparant seulement ses observations à l'analyse, eût pu dé- terminer exactement la grandeur et l’aplatissement de Ja Terre, et sa distance au Soleil et à la Lune, éléments dont la connaissance a été le fruit de longs et pénibles voyages dans les deux hémisphères. L’aplatissement qu’on déduit ainsi des inégalités lunaires, a, sur les mesures de degré iso- lées et sur les observations du pendule, l'avantage d'être in- dépendant des accidents locaux ; c'est Faplatissement moyen de notre planète. Comparé à la vitesse de rotation de la Terre, il prouve que la densité des couches terrestres va en — 137 —- croissant de la surface au centre; l'on obtient le même ré- sultat pour Jupiter et pour Saturne quand on compare leurs aplatissements avec les durées de leurs rotations respectives. Ainsi, la connaissance de la figure extérieure des astres con- duit à celle des propriétés de pler masse intérieure. Les deux hémisphères paraissent avoir à peu près la même courbure sous les mêmes latitudes ($); mais les mesures de degrés et les observations du pendule donnent, pour les di- verses localités, des résultats tellement différents qu'aucune figure régulière ne peut s'adapter à toutes les déterminations ainsi obtenues. La figure réelle de la Terre est, à une figure régulière, géométrique, « ce que la surface accidentée d'une eau en mouvement est à celle d’une eau tranquille. » Après avoir ainsi mesuré la Terre, il fallait encore la pe- ser. Plusieurs méthodes ont été imaginées dans ce but. La première consiste à déterminer, par une combinaison de me- sures astronomiques et géodésiques , la quantité dont le fil a plomb dévie de la verticale, sous l’influence d’une mon- tagne voisine ; la seconde est fondée sur la comparaison des longueurs d’un pendule qu’on à fait osciller d’abord au pied, puis au sommet d’une montagne; /la troisième méthode est celle de la balance de torsion, qu’on peut aussi considérer comme un pendule oscillant horizontalement. De ces trois procédés (55), le dernier est le plus sûr, parce qu'il n’exige pas, comme les deux autres, la détermination toujours dif- ficile de la densité des minéraux dont se compose une mon- tagne. Les recherches récentes que Reich a faites avec la balance de torsion, ont fixé la densité moyenne de la Terre entière à 5,44, celle de l’eau pure étant prise pour unité. Or, d’après la nature des roches qui composent les couches supérieures de la partie solide du globe, la densité des con- tinents est à peine 2,7; par conséquent, la densité moyenne des continents et des mers n’atteint pas 1,6. On voit par là combien la densité des couches intérieures doit croitre vers le centre, soit par suite de pression qu’elles supportent, soit à cause de la nature de leurs matériaux. C’est une nouvelle raison à ajouter à celles qui ont fait donner au pendule ver- tical ou horizontal le nom d'instrument géognostique. — 138 — Plusieurs physiciens célébres, placés à des points de vue différents, ont tiré de ce résultat des conclusions diamétra- lement opposées sur l’intérieur de notre globe. Ainsi, on a calculé à quelle profondeur les liquides et même les gaz doi- vent avoir acquis, sous la pression des couches supérieures, une densité supérieure à celle du platine ou de l'iridium ; puis, pour accorder l'hypothèse de la compressibilité indé- finie de la matière avec l’aplatissement, dont la valeur est fixée aujourd'hui entre des limites très-rapprochées, l’ingé- nieux Leslie se vit conduit à présenter l’intérieur du globe terrestre comme une caverne sphérique « remplie d’un fluide imponderable, mais doué d’une force d'expansion énorme, » Ces conceptions hardies firent naitre bientôt des idées en- core plus fantastiques dans des esprits entièrement étran- gers aux sciences. On en vint à faire croitre des plantes dans cette sphère creuse ; on la peupla d'animaux , et, pour en chasser les‘ténébres, on y fit circuler deux astres, Pluton et Proserpine. Ces régions souterraines furent douées d'une température toujours égale, d’un air toujours lumineux par suite de la pression qu'il supporte: on oubliait sans doute qu'on y avait déjà placé deux soleils pour l’éclairer. Enfin, près du pôle nord, par 82° de latitude, se trouvait une im- mense ouverture par où devait s’écouler la lumière des au- rores boréales, et qui permettait de descendre dans la sphère creuse. Sir Humphry Davy et moi, nous fûmes instamment et publiquement invités, par le capitaine Symmes, à entre- prendre cette expédition souterraine. Telle est l’énergie de ce penchant maladif qui porte cetains esprits à peupler de merveilles les espaces inconnus, sans tenir compte ni des faits acquis à la science, ni des lois universellement recon- nues dans la nature. Déjà, vers la fin du xvire siècle, le cé- lébre Halley, dans ses spéculations magnétiques, avait creusé ainsi l’intérieur de la Terre: il supposait qu'un noyau, tour- nant librement dans cette cavité souterraine, produit les va- riations annuelles et diurnes de Ia déelinaison de l'aiguille aimantée: Ces idées , qui ne furent jamais qu'une pure fic- tion pour l’ingénieux Holberg, ont fait fortune de nos jours, — 139 — et l’on a cherché, avec un sérieux incroyable, à leur donner une couleur scientifique. La figure, la densité et la consistance actuelles du globe sont intimement liées aux forces qui agissent dans son sein, indé- pendamment de toute influence extérieure. Ainsi, la force cen- trifuge, conséquence du mouvement de rotation dont le sphé- roïde terrestre est animé, a déterminé l’aplatissement du globe; à son tour, l’aplatissement dénote la fluidité primitive de notre planète. Une énorme quantité de chaleur latente est devenue libre par la solidification de cette masse fluide, et si, comme le veut Fourier, les couches superficielles (57), en rayonnant vers les espaces célestes, se sont refroidies et solidifiées les premié- res, les parties plus voisines du centre doivent avoir conservé leur fluidité et leur incandescence primitive. Longtemps cette chaleur interne a traversé l'écorce ainsi formée, pour se per- dre ensuite dans l'espace; puis à cette période a succédé un état d'équilibre stable dans la température du globe, en sorte qu'à partir de la surface, la chaleur doit aller en croissant graduellement vers le centre. En fait, cet accroissement. se trouve établi d’une manière irrécusable, au moins jusqu’à une grande profondeur, par la température des eaux qui jaillissent des puits artésiens, par celle des roches qu’on ex- ploite dans les mines profondes, et surtout par l’activité vol- canique de la Terre, c'est-à-dire par l'éruption des masses liquéfiées qu'elle rejette de son sein. D’après des inductions, fondées à la vérité sur de simples analogies, il est hautement probable que cet accroissement se propage jusqu’au centre. Dans l'ignorance complète où nous sommes sur la nature des matériaux dont l'intérieur de la Terre est formé, sur les degrés divers de capacité pour la chaleur et de conductibi- lite des couches superposées, enfin sur les transformations chimiques que les matières solides ou liquides doivent subir sous l'influence d’une pression énorme, nous ne pouvons appliquer sans réserve, à notre planète, les lois de la pro- pagation de la chaleur qu’un profond géomètre a découver- tes pour un sphéroïde homogène en métal, à Paide d’une analyse qu'il avait créée lui-même, Déjà notre esprit réussit — 1m — avec peine à se représenter la limite qui sépare la masse li- quide intérieure des couches solides dont se compose l'écorce terrestre (5%), ou bien cette gradation insensible par laquelle les couches passent, de la solidification complete, à la demi- fluidité des substances terrestres ramollies, mais non pas en fusion. Or, les lois connues de l'hydraulique ne peuvent s’ap- pliquer à cet état intermédiaire sans de grandes restrictions. L’attraction du Soleil et de la Lune, qui souleve les eaux de l'Océan et produit les marées, doit se faire sentir encore sous la voute formée par les couches déjà solidifiées; il se produit sans doute dans la masse en fusion un flux et un re- flux, une variation périodique de la pression que supporte la voüte. Toutefois, ces oscillations doivent être fort petites, et ce n’est point à elles, mais à des forces intérieures plus puissantes qu'il faut attribuer les tremblements de terre. Il existe ainsi des séries entières de phénomènes dont nous pourrions à peine déterminer numériquement la faible in- fluence, mais qu'il est utile de signaler, afin d'établir les gran- des lois de la nature dans toute leur généralité, et jusque dans les moindres détails. ; D’après les expériences assez concordantes auxquelles on a soumis l’eau de divers puits artésiens, il parait qu'en moyen- ne la température de l'écorce terrestre augmente dans le sens vertical, avec la profondeur, à raison de 4° du thermomètre centigrade pour 92 pieds de Paris (30 mètres). Si cette loi s’appliquait à toutes les profondeurs, une couche de granit serait en pleine fusion à une profondeur de 4 myriamètres (4 à 5 fois la hauteur du plus haut sommet de la chaine de l'Himalaya). La chaleur se propage dans le globe terrestre de trois ma- nières différentes. Le premier mouvement est périodique ; il fait varier la température des couches terrestres suivant que la chaleur, d’après les saisons et la position du soleil, pé- nêtre de haut en bas ou s'écoule de bas en haut, en repre- nant la même voie, mais en sens inverse. Le deuxième mou- vement, qui résulte encore de l’action solaire, est d’une ex- cessive lenteur: une partie de la chaleur qui a pénétré les — — Ai — couches équatoriales, se meut dans l’intérieur de l'écorce terrestre jusque vers les pôles ; là, elle se déverse dans Pat- mosphère et va se perdre dans les régions éloignées de l’es- pace. Le troisième mode de propagation est le plus lent de tous; il consiste dans le refroidissement séculaire du globe, c’est-à-dire dans la perte de cette faible partie de la chaleur primitive qui est actuellement transmise à la surface. A l’é- poque des plus anciennes révolutions de la Terre, cette dé- perdition de la chaleur centrale a dù être considérable; mais. à partir des temps historiques, elle s’est tellement ralentie qu’elle échappe presque à nos instruments de mesure. Ainsi, la surface de la Terre se trouve placée entre l’incandescence des couches intérieures et la basse température des espaces célestes, température RER STE inférieure au point de congélation du mercure. Les variations périodiques que la situation du Soleil et les phénomènes météorologiques produisent dans la température de la surface, ne se propagent dans l’intérieur de la Terre qu'à une tres-faible profondeur. Cette lente transmission de la chaleur à travers le sol diminue la déperdition qu'il éprouve pendant l'hiver; elle est favorable aux arbres à racines profondes. Ainsi, les points situés à diverses pro- fondeurs , sur une même ligne verticale, atteignent, à des époques très-différentes, le maximum et le minimum de la température qui leur écheoïit en partage, et plus il s’éloi- gnent de la surface, plus la différence de ces deux extré- mes diminue. Dans la région tempérée que nous habitons (lat. 48°-520), la couche de température invariable se trouve à une profondeur de 24 à 27 mètres; vers la moitié de cette profondeur, les oscillations que le thermomètre éprouve par suite des alternatives des saisons vont à peine à un demi- degré. Sous les tropiques, la couche invariable se trouve déjà à 4 pied au-dessous de la surface, et Boussingault a tiré parti de cette circonstance pour déterminer, d'une manière sim- ple et, à son avis, tres-sûre, la température moyenne de l’at- mosphére du lieu (5°). On peut considérer cette température moyenne de l’atmosphère, en un point donné de la surface M ou mieux dans un groupe de points rapprochés, comme l'é- lement fondamental qui détermine, dans chaque contrée, la nature du climat et de la végétation. Mais la température moyenne de la surface entière est trés-différente de celle du globe terrestre Iui-même. On s’enquiert souvent si le cours des siecles x sensiblement modifié cette moyenne tempéra- ture du globe, si le climat d’une région s’est détérioré, si l'hiver n'y serait pas devenu plus doux et l'été moins chaud. Le thermomètre est l’unique moyen de résoudre de pa- reilles questions, et c’est à peine si sa découverte remonte à deux siècles et demi, il n’a guère été employé d'une ma- nière rationnelle que depuis cent vingt ans. Ainsi, la nature et la nouveauté du moyen restreignent considérablement le champ de nos recherches sur les températures atmosphéri- ques. Il n’en est plus de même, s’il s’agit de la chaleur centrale de la Terre. De même que de l'égalité dans la durée des oscillations d'un pendule on peut conclure à l’invariabilite de sa température, de même la constance de la vitesse de rotation qui anime le globe terrestre nous donne la mesure de la stabilité de sa température moyenne. La découverte de cette relation entre la longueur du jour et la chaleur du globe, est assurément l’une des plus brillantes applications qu’on ait pu faire d’une longue connaissance des mouvements célestes à l'étude de l’état thermique de notre planète. On sait que la vitesse de rotation de la Terre dépend de son volume. La masse de la Terre venant à se refroidir par voie: de rayonnement, son volume doit diminuer; par conséquent, tout décroissement de température correspond à un acerois- sement de la vitesse de rotation, c’est-à-dire à une diminu- tion dans la longueur du jour. Or, en tenant compte des iné- galités séculaires du mouvement de la Lune dans le calcul des éclipses observées aux époques les plus reculées, on trouve que, depuis le temps d'Hipparque, c’est-à-dire de- puis deux mille ans, la longueur du jour n’a certainement pas diminué de la centième partie d’une seconde. On peut donc affirmer, en restant dans les mêmes limites, que la tem- pérature moyenne du globe terrestre n’a pas varié de ‘fire de degré depuis deux mille ans (°). — 143 — Cette invariabilité dans les dimensions suppose une égale invariabilité dans la répartition de la densité à l'intérieur de la Terre. Il en résulte que la formation des volcans actuels. l’éruption de laves ferrugineuses et le transport des lourdes masses de pierres qui ont comblé les fentes et les crevasses, n'ont produit en réalité, que des modifications insignifian- tes; ce sont des accidents superficiels dont les dimensions s’évanouissent quand on les compare à celles du globe. Les considérations que je viens de présenter sur la cha- leur interne de notre planète reposent presque exclusive- ment sur les résultats des belles recherches de Fourier. Pois- son à élevé des doutes sur la réalité de cet accroissement continu de la chaleur terrestre, depuis la surface du globe jusqu'au centre ; suivant lui, toute chaleur a pénétré de Fex- térieur à l’intérieur, et celle qui ne provient pas du Soleil dépend de la température, ou très-haute ou très-basse, des espaces célestes que le système solaire a traversés dans son mouvement de translation. Cette hypothèse, émise par un des plus profonds géomètres de notre époque, n’a pu satis- faire ni les physiciens, ni les géologues. Mais, quelle que soit l'origine de la chaleur interne de notre planète, quelle que soit la cause de son accroissement, limité ou illimité vers le cen- tre, toujours est-il que la connexité intime de tous les phé- nomènes primordiaux de la matière, et le lien caché qui unit entre elles les forces moléculaires, nous conduisent à ratta- cher à la chaleur centrale du globe les mystérieux phéno- mènes du magnétisme terrestre. En effet, le magnétisme ter- restre, dont le caractère principal est de présenter, dans son triple mode d'action, une continuité de variations périodi- ques , doit être attribué, soit aux inégalités de la tempéra- ture du globe (), soit à ces courants galvaniques que nous considérons comme de l'électricité en mouvement dans un circuit fermé (*). La marche mystérieuse de l'aiguille aiman- tée dépend à la fois du temps et de l’espace, du cours du Soleil et de la position géographique. A l'inspection d’une aiguille aimantée, de même que, sous les tropiques, à la vue des oscillations du baromètre, on peut reconnaitre lheure — 144 — de la journée. Bien plus, les aurores boréales, ces lueurs rou- géètres qui colorent le ciel de nos régions arctiques, exer- cent sur elle une action passagère, mais immédiate. Lorsque le mouvement horaire de l'aiguille est troublé par un orage magnétique, il arrive souvent que la pérturbation se mani- feste simultanément, et dans toute la rigueur de ce terme , sur terre et sur mer, à des centaines et à des milliers de lieues ; ou bien elle se propage dans tous les sens à la sur- face du globe, d’une manière successive et à de petits in- tervalles de temps (#7). Dans le premier €as, la simultanéité des phénomènes pourrait servir à déterminer les longitudes géographiques, tout comme les éclipses des satellites de Ju- piter, les signaux de feu et les etoiles. filantes convenable- ment observées. On reconnait avec admiration que les mouve- ments saccadés de deux petites aiguilles aimantées pourraient faire connaitre la distance qui les sépare, même quand elles seraient suspendues sous terre à de grandes profondeurs, et nous apprendre, par exemple, à quelle distance Casan se trouve placé à lorient de Gœættingue ou de Paris. Il existe, sur le globe, des régions où un navigateur, enveloppe par les brouillards pendant de longues journées, est souvent privé des moyens astronomiques qui servent à déterminer lheure et la position du navire: l'inclinaison de l'aiguille lui indi- querait alors, avec exactitude, s’il se trouve au nord ou au sud dun port où il doit relächer (##). Mais si la perturbation qui vient affecter subitement la marche horaire de l'aiguille annonce et prouve l'existence d’un orage magnétique, il faut avouer que le lieu où git la cause perturbatrice est encore à chercher; existe-t-elle dans l'écorce terrestre ou dans les régions supérieures de l’atmos- phère? la question n’est malheureusement pas soluble actuel- lement. Si l’on considère la Terre comme un aimant réel, il faut alors, suivant l'expression du célèbre fondateur d’une théorie générale du magnétisme terrestre, Frédérie Gauss, attribuer à la Terre, par chaque huitième de mêtre cubique, la force magnétique d’un barreau aimanté, dont le poids se- rait d’une livre (#). S'il est vrai que le fer, le nickel et pro- — 145 — bablement le cobalt (mais non le chrôme (#5), qu'on a long- temps adjoint aux précédents métaux), soient les seules sub- stances qui puissent retenir d’une manière durable les pro- priétés magnétiques, en vertu d’une certaine force coerci- tive, d’un autre côté, le magnétisme de rotation d’Arago et les courants d'induetion de Faraday, prouvent que toutes les substances terrestres peuvent devenir passagèrement magné- tiques. Les recherches du premier de ces deux illustres phy- siciens ont établi que l’eau, la glace (*7), le verre, le char- bon et le mercure, exercent une action sur les oscillations de l'aiguille aimantée. Presque toutes les substances présen- tent un certain degré d’aimantation lorsqu'elles jouent le rôle de conducteurs, c’est-à-dire, lorsqu'elles sont traversées par un courant d'électricité. Les peuples occidentaux paraissent avoir connu très-an- ciennement la force d'attraction des aimants naturels; mais, fait bien remarquable, ce sont les peuples de l'extrémité orientale de l'Asie, les Chinois, qui seuls ont connu l’action directrice que le globe terrestre exerce sur l'aiguille aiman- tée. Mille ans et plus avant notre ére, à l’époque si obscure de Codrus et du retour des Héraclides dans le Péloponnèse, les Chinois avaient déjà des balances magnétiques, dont un des bras portait une figure humaine qui indiquait constam- ment le sud; et ils se servaient de cette boussole pour se diriger à travers les steppes immenses de la Tartarie. Déjà, au ue siècle de notre ére, e’est-à-dire sept cents ans au moins avant l'introduction de la boussole dans les mers euro- péennes, les jonques chinoises naviguaient sur l'Océan in- dien () d’après l'indication magnétique du sud. J'ai fait voir, dans un autre ouvrage, quelle supériorité (*°) la con- naissance et l’emploi de Paiguille aimantée, à ces époques reculées, avaient donnée aux géographes chinois sur les géo- graphes grecs ou romains, qui ignorèrent toujours, par exem- ple, la vraie direction des Apennins et des Pyrénées. La force magnétique de notre planète se manifeste à la surface par trois classes de phénomenes, dont l’une répond à l'intensité variable de la force elle-même, tandis que les — 146 — deux autres comprennent les faits relatifs à sa direction va- riable, c’est-à-dire l’inclinaison et la déclinaison ; ce der- nier angle est compté, en chaque lieu, dans le sens horizon- tal, à partir du méridien terrestre. L'effet complet que le ma- gnétisme produit à à l'extérieur, peut ainsi se re présenter gra- phiquement à l’aide de trois systèmes de lignes | à savoir : les lignes isodynamiques, les lignes isocliniques et les lignes tsogoniques, ou, en d’autres termes, les lignes d’égale inten- sité, d’égale inclinaison et d’égale déclinaison. La distance et la position relative de ces lignes ne restent point constan- tes: elles sont soumises à de continuels déplacements oscil- latoires. Cependant, ilest sur la surface du globe des points (#9), tels que la partie occidentale des Antilles et le Spitzberg, où la déclinaison de l'aiguille aimantée ne varie pas, où du moins ne varie que de quantités à peine sensibles dans le cours en- tier d’un siècle, De même, si des lignes isogoniques, par suite de leur mouvement séculaire, viennent à passer de la sur- face de la mer sur un continent ou sur une ile un peu con- sidérable, elles s’y arrêtent longtemps, et s'y recourbent à mesure qu’elles avancent ailleurs. Ces déplacements successifs et ces modifications inégales des déclinaisons orientales et occidentales, compliquent les représentations graphiques qui répondent à des siècles dif- férents, et empêchent d'y reconnaitre facilement les rap- ports et les analogies. des formes. Telle branche d’une courbe a toute une histoire particulière; mais, chez les peuples oc- cidentaux, cette histoire ne remonte pas au delà de l’épo- que mémorable (13 sept. 1492) où le grand homme qui fit la seconde découverte du Nouveau-Monde, reconnut une li- gne sans déclinaison vers 3° à l’ouest du méridien de l’une des Acores, l'ile de hs (51). Sauf une petite partie de la Russie, l'Europe entière a maintenant une déclinaison occi- dentale, tandis qu'à la fin ne xvie siècle, à Londres en 1657, puis en 4669 à Paris, l'aiguille était dirigée exactement vers le pôle (malgré la faible distance de ces deux villes, la diffé- rence des deux époques est ici de douze années). Deux excel- lents observateurs, Hansteen et Adolphe Ermant, ont signalé — 447 — l’étonnant phénomène que les lignes d’égale déclinaison pré- sentent dans les vastes régions de l’Asie septentrionale : con- caves vers le pôle entre Obdorff sur lObi et Turuchansk , elles sont convexes entre le lac Baïkal et la mer d'Ochotsk. Dans ces régions du nord de l'Asie orientale, entre la chaine de Werchojansk, Jakoutsk et la Corée septentrionale, les li- gnes isogoniques forment un système particulier très-remar- quable, dont la forme ovalaire (*?) se reproduit sur une plus grande échelle dans la mer du Sud, presque sous le méridien de Pitcairn et de l'archipel. des Marquises, entre 20° de la- titude boréale et 45° de latitude australe. On serait porté à attribuer ces systèmes isolés, fermés de toutes parts et for- més de courbes presque concentriques, à des propriétés lo- cales du globe terrestre; mais si de tels systèmes, en appa- rence isolés, doivent se déplacer aussi dans la suite des sié- cles, il faudrait en conclure que ces phénomènes, comme tous les grands faits naturels, se rapportent à une cause beaucoup plus générale. { Les variations horaires de la déclinaison dépendent du temps vrai; eHes sont réglées par le Soleil, tant que cet as- tre est sur lhorizon du lieu, et elles décroissent en valeur angulaire avec la latitude magnétique. Près de léquateur, par exemple dans l'ile de Rawak, elles sont à peine de trois à quatre minutes, tandis qu'elles montent à treize ou qua- torze minutes dans l'Europe centrale. Or, comme depuis 8 {fe heures du matin, jusqu’à 4 fe du soir, terme moyen, l’ex- trémité boréale de l’aiguille marche de l’est à l'ouest dans l'hémisphère septentrional , et de l’ouest à l’est dans l’he- misphére austral, on à eu raison d'avancer (%) qu'il doit y avoir sur la terre une région, située probablement entre l’é- quateur terrestre et l'équateur magnétique, où la variation horaire de la déclinaison est nulle. Cette dernière courbe pourrait être nommée ligne sans variation horaire de la déclinaison; elle n'a pas été trouvée jusqu’à présent. De même qu'on à donné le nom de pôles magnétiques à ces points de la surface terrestre où la force horizontale dis- parait, points dont l’importance à du reste été fort exagé- — 148 — rée (°#), de même l'équateur magnétique est la courbe des points où l'inclinaison de l'aiguille est nulle, La position de cette ligne et les changements séculaires de sa forme, ont été, dans ces derniers temps, l'objet de sérieuses recherches. D'après les excellents travaux de Duperrey (*), qui ‘a tra- versé l’équateur magnétique à six reprises différentes, de 1822 à 4825, les nœuds des deux équateurs, c’est-à-dire les deux points où la ligne sans inclinaison coupe l'équateur terres- tre et passe ainsi d’un hémisphère dans l'autre, sont placés d'une manière peu régulière ; en 1825, le nœud qui se trou- vait près de l'ile de Saint-Thomas, vers la côte occidentale de l'Afrique, était à 488 ‘f2 du nœud situé dans la mer du Sud, près des petites iles de Gilbert, à peu près sous le mé- ridien de l'archipel de Viti. Au commencement de ce siècle, j'ai déterminé astronomiquement, à 3600 mètres au-dessus du niveau de la mer, le point (7° 4° lat. austr. et 48° 40° long. occid.) où la chaine des Andes est coupée par l’équa- teur magnétique, entre Quito et Lima. A l’ouest de ce point, l'équateur magnétique traverse presque toute la mer du Sud dans l’hémisphère austral, el se rapproche lentement de l’é- quateur terrestre. Il passe dans l'hémisphère septentrional un peu en avant de l’archipel Indien, touche seulement les extrémités méridionales de l'Asie et pénetre ensuite dans le continent africain, à l’ouest de Socotora, vers le détroit de Bab-el-Mandeb; c’est alors qu’il s’écarte le plus de leéqua- teur terrestre. Après avoir traversé les régions inconnues de l'intérieur du continent africain dans la direction sud-ouest, l'équateur magnétique revient dans la zone australe des tro- piques, vers le golfe de Guinée; il s’écarte alors tellement de l'équateur terrestre qu’il va couper la côte brésilienne par 45° de latitude australe, vers Os Iheos, au nord de Porto- Seguro. De là aux plateaux élevés des Cordilléres, où je pus observer l'inclinaison de l'aiguille entre les mines d'argent de Micuipampa et l’ancienne résidence des Incas, Caxamarea, il parcourt toute l’Amérique du Sud, vaste contrée qui, vers ces lalitudes, est encore pour nous une terra incognita ma- gnétique, de même que l’Afrique centrale. — 149 — De nouvelles observations, recueillies et discutées par Sa- bine (5), nous ont appris que, de 1825 à 1837, le nœud de l'ile Saint-Thomas s’est déplacé de 4° en avançant de l’'O- rient vers l'Occident. Il serait extrémement important de sa- voir si l’autre nœud, situé dans la mer du Sud, vers les iles Gilbert, a marché vers l’ouest d’une quantité égale, en se rapprochant du méridien des Carolines. On peut voir, par cet aperçu général, comment les différents systèmes de lignes isocliniques se relient à cette grand eligne sans inclinaison, dont les variations de forme et de position changent les la- titudes magnétiques, et influent ainsi sur l’inclinaison de Fai- guille, jusque dans les contrées les plus éloignées (°7). On voit aussi que, par une favorable répartition des terres et des mers. les 4f; de l'équateur magnétique sont situés sur l'Océan; or comme nous possédons aujourd’hui les moyens de mesurer en mer, avec la dernière exactitude, l’inclinaison et la décli- naison de l’aiguille aimantée, cette position océanique n’est pas un médiocre avantage pour l'étude du magnétisme terrestre. Après avoir exposé la distribution du magnétisme à la surface du globe, sous le double point de vue de la décli- naison et de l’inclinaison de l’aiguille aimantée, il nous reste encore à l’envisager par rapport à l’intensité de la force elle- même, intensité que les lignes isodynamiques sont destinées à représenter graphiquement. Le vif intérèt qu'inspirent uni- versellement aujourd’hui l’étude et la mesure de cette force par la méthode des oscillations d’une aiguille verticale ou horizontale, ne remonte pas au délà du commencement de ce siècle. Grâce aux ressources perfectionnées de l'optique et de la chronométrie, ce genre de mesure dépasse en exacti- tude toutes les autres déterminations magnétiques. Sans doute, les lignes isogoniques sont plus importantes pour le naviga- teur et pour le pilote; mais s’il s’agit de la théorie du ma- gnétisme terrestre, les lignes d’égale intensité sont celles dont on espère aujourd’hui les résultats les plus féconds (°®). Le premier fait que l’on ait constate, par des mesures di- rectes, c’est la décroissance de Fintensité totale en allant de l'équateur vers le pôle (°°). 12 — 150 — Si nous connaissons actuellement la loi que suit cette: di- minution d'intensité et la distribution géographique de tous. les termes dont elle se compose, nous le devons, surtout de- puis 4819, à l'infatigable activité d'Édouard Sabine; après avoir observé les oscillations de l'aiguille avec les mêmes ap- pareils, au pôle nord américain, au Groenland, au Spitzberg, sur les côtes de Guinée et au Brésil, Sabine s’est encore oc- cupé de rassembler et de coordonner tous les documents ca- pables d’éclaireir la grande question des lignes isodynami- ques. J’ai moi-même donné, pour une petite partie de PA- mérique du Sud, le premier essai d’un système isodynamique divisé par zones. Ces lignes ne sont pas parallèles à celles d’égale inclinaison; la force magnétique est loin d'atteindre son minimum d'intensité à l'équateur, comme on le crut d’a- berd,; elle n’y est même uniforme nulle part. Lorsque lon compare les observations d’Erman dans la partie méridio- nale de l'océan Atlantique, où se trouve une zone de faible intensité (0,706) qui va d’Angola, par l'ile de Sainte-Hélène, jusqu'aux côtes du Brésil, avec les dernières observations du grand navigateur James Clark Ross, près du cap Crozier, on trouve que la force magnétique augmente presque dans le rapport de 4 à 3, vers le pôle magnétique austral (ce pôle est situé sur la terre Victoria, à l’ouest du volcan Erebus, dont le sommet s'élève, au milieu des glaces, à 3800 mètres au-dessus de la mer) (%). L’intensité, près du pôle magné- tique austral, étant à très-peu près 2,052 (l'unité qu'on a adoptée dans ce genre d'évaluation est l'intensité que j'ai détérminée au Pérou sur l'équateur magnétique), Sabine a trouvé qu'elle était seulement 1,624 au pôle magnétique nord, près des iles Melville, par 74° 27 de latitude septen- trionale, tandis qu’elle est 1,803 à New-York, c’est-à-dire sous la méme latitude que Naples. Les brillantes découvertes d’Oersted , d’Arago et de Fa- raday ont établi un rapport intime entre la tension électri- que de l’atmosphère et la tension magnétique du globe ter- restre. D'après Oersted , un conducteur est aimanté par le courant éléctrique qui le traverse; d’après Faraday, le ma- — 151 — gnétisme fait naitre, par induction, des courants électriques. Ainsi, le magnétisme n’est qu'une des formes multiples sous lesquelles l'électricité peut se manifester ; il était réservé à notre époque de prouver l'identité des forces électriques et magnétiques, identité pressentie obseurément dès les temps les plus reculés. « Lorsque l'ambre (electrum) est animé par le frottement et par la chaleur, dit Pline d’après Thalès et l’école ionique (51), il attire les fragments d’écorce et de feuil- les sèches, tout comme l’aimant attire le fer. + On retrouve la même idée dans les annales scientifiques d’un peuple qui occupe l'extrémité orientale de l'Asie, et le physicien chinois Kuopho l’a reproduite, avec les mêmes termes, dans son eloge de laimant ($?). A ma grande surprise, j'ai dû recon- naitre que les sauvages des bords de l'Orénoque, une des races les plus dégradées de la terre, savent produire de l’électri- cité par le frottement; les enfants de ces tribus s’amusaient à frotter les graines aplaties, desséchées et brillantes d’une plante grimpante à siliques (c'était probablement une negre- tia), jusqu’à ce qu’elles attirassent des brins de coton ou de roseaux. Ce n’était là qu'un jouet d’enfant pour ces sauva- ges nus, au teint cuivré; mais pour nous, quel sujet de sé- rieuses réflexions! Quel abime entre ces jeux électriques des sauvages et nos paratonnerres, nos piles voltaiques, nos ap- pareils magnétiques producteurs d’étincelles! Des milliers d’années de progrès et de développement intellectuel ont creusé cet abime. Quand on réfléchit à la perpétuelle mobilité des phéno- inènes du magnétisme terrestre, lorsqu'on voit l'intensité, la déclinaison, Finelinaison , varier à la fois avec les heures du jour et de la nuit, avec les saisons de l’année, et même avec le nombre des années écoulées, on ne peut se refuser à croire que les courants électriques, dont ces phénomènes dépendent, forment des systèmes partiels très complexes dans l'intérieur de l'écorce de notre planète. Mais quelle est lo- rigine de ces courants? Sont-ils, comme dans les expérien- ces de Seebeck, de simples courants thermo-électriques, pro- duits par l’inégale répartition de la chaleur , ou plutôt des 2 A fDD courants d'induetion nés de Paction calorifique du Soleit (55)? Accorderons-nous une certaine influence sur la distribution des forces magnétiques au mouvement de rotation de la Terre et aux vitesses différentes que les zones possédent d’après leurs distances à l'équateur? Peut-être existe-t-il un centre d'action magnétique dans les espaces interplanétaires , ou dans une certaine polarité du Soleil et de la Lune. Ces der- nières hypothèses rappellent que Galilée, dans son célébre Dialogo, explique la direction constante de l'axe de la terre par un centre d'action magnétique situé dans les espaces célestes. Si l’on se représente l’intérieur du globe terrestre comme une masse liquéfiée par une chaleur énorme, il faut renon- cer à ce noyau magnétique, dont certains physiciens ont doué la terre, pour expliquer les phénomènes qui nous occupent. Cependant, le magnétisme ne disparait complétement qu’à la chaleur blanche (5#), et le fer en conserve encore des tra- ces quand sa température ne dépasse point le rouge obseur: quelles que soient, d’ailleurs, dans ces expériences les mo- difications qu'éprouve l’état moléculaire des corps et, par suite, leur force coercitive , il restera toujours une notable épaisseur de l’écorce terrestre où nous pourrons chercher le siége des courants magnétiques. On attribuait autrefois les variations horaires de la déclinaison à l’échauffement pro- gressif de la Terre sous l'influence du mouvement diurne apparent du Soleil; mais cette action n’intéresse que la cou- che la plus superficielle, car des observations faites avec soin en plusieurs lieux du globe , à l’aide de thermomètres enfoncés dans le sol à diverses profondeurs, ont montré avec quelle lenteur la chaleur solaire pénètre à quelques pieds seulement. En outre, l’état thermique de la surface de la mer, qui forme les ?fs de celle du globe entier, s’accordera diffi- cilement avec cette théorie, tant qu'il s'agira d’une action immédiate et non] d’une action d’induction exercée par les couches d’air ou de vapeurs aqueuses de l'atmosphère. Ainsi, dans l’état actuel de nos connaissanes, il faut se résoudre à ignorer les dernières causes physiques de ces — 153 — phénomènes compliqués; si la science à fait récemment de brillants progrès, c’est dans une autre voie; c’est par la dé- termination numérique des valeurs moyennes de tout ce qui peut être soumis à nos mesures de temps ou d’espace; c’est en dirigeant tous les efforts vers ce qu'il ÿ à de constant et de régulier au fond de ces apparences variables. De Toronto, dans le haut Canada, au cap de Bonne-Espérance et à la terre de Van-Diémen, de Paris à Pékin, la terre est couverte, de- puis 1828, d’observatoires magnétiques (®), où l’on épie sans cesse chaque manifestation régulière ou irrégulière du ma- gnétisme terrestre , à l’aide d'observations simultanées. On y mesure des variations de 1f10000 dans l'intensité totale. A certaines époques, on y observe pendant 24 heures consé- cutives, par intervalles de deux minutes et demie. En trois ans, d’après les calculs d’un illustre astronome anglais, le nombre des observations à discuter s’élèvera à 4958000 (f®). Jamais efforts aussi grandioses, aussi dignes d’admiration, n'ont été tentés dans le but d'approfondir une des grandes lois de la nature. En comparant ces lois à celles qui règnent dans notre atmosphère ou dans certaines régions plus éloi- gnées encore, On pourra remonter, tout nous porte à le croire, jusqu’à la source même des manifestations magnéti- ques. Dès à présent du moins il nous est permis de nous glorifier du nombre et de l'importance des moyens qui sont mis en œuvre; mais prétendre que la théorie physique du magnétisme terrestre ne laisse plus rien à désirer aujourd'hui ce serait agir comme font ceux qui ne tiennent compte des faits qu'autant qu'ils s’accommodent à leurs spéeulations. D'intimes rapports unissent à la fois le magnétisme du globe et les forces électro-dynamiques qu'Ampère a mesurées (97), à la production de la lumière polaire, ainsi qu'à la chaleur de notre planète, dont les pôles magnétiques sont conside- rés comme des pôles de froid (S). Il y a plus de 128 ans, Halley supçonnait que les aurores boréales pourraient bien être de simples phénomènes magnétiques: aujourd’hui, la bril- lante découverte de Faraday ($°), qui fit naitre de la lumiere par l’action des seules forces magnétiques, à donné à ce va- gue soupçon la valeur d’une certitude expérimentale. — 154 — Il existe des phénomènes avant-coureurs de l'aurore bo- réale: déjà, pendant le jour qui précède l'apparition noc- turne, la marche irrégulière de l'aiguille aimantée annonce une perturbation dans l'équilibre des forces magnétiques de la terre. Lorsque cette perturbation s’est développée dans toute son énergie, l'équilibre troublé se rétablit par une dé- charge accompagnée de lumière. « Il ne faut pas considérer l’aurore boréale elle-même comme la cause extérieure de la perturbation, mais comme le résultat d’une activité terres- tre, dont la puissance s'élève jusqu’à faire naïitre des phé- nomènes lumineux, et qui se manifeste ainsi, d’un côté par celte production de lumière , de l'autre par les oscillations de l'aiguille aimantée (7). » L'apparition de l’aurore boréale est l'acte qui met fin à un orage magnétique, de même que, dans les orages électriques, un phénomène de lumière, lé- clair, annonce que l’équilibre, momentanement troublé, vient de se rétablir enfin dans la distribution de l'électricité. L’o- rage électrique est d'ordinaire circonserit dans un faible es- pace, hors du quel l’état électrique de l'atmosphère n’a point été troublé. L’orage magnétique, au contraire, étend son in- fluence sur une grande partie dés continents; el, c’est en- core là une découverte d’Arago, cette action se fait sentir loin des lieux où le phénomène de lumiére a été visible. Lors- que le ciel se couvre de nuages orageux, lorsque latmos- phère passe fréquemment d’un état électrique à l'état op- posé, il n’arrive pas toujours que les décharges se manifes- tent par des éclairs; de même, les orages magnétiques peuvent produire de grandes perturbations dans la marche horaire de l’aiguille aimantée, sans que l'équilibre doive nécessaire- ment se rétablir, du pôle à l’équateur, ou même d’un pôle à l’autre, par une production d’effluves lumineuses. Pour réunir dans un seul tableau tous les traits qui ca- ractérisent le phénomène, il faut décrire d’abord la naissance, puis les diverses phases d’une aurore boréale complétement développée. À l'horizon, vers le méridien magnétique du lieu, le ciel, d’abord pur, commence à se rembrunir; il s’y forme une sorte de voile nébuleux qui monte lentement et finit — 155 — par atteindre une hauteur de 8 ou 10 degrés. A travers ce segment obseur, dont la couleur passe du brun au violet. les étoiles se voient comme à travers un épais brouillard. Un are plus large, mais d’une lumière éclatante, d’abord blanc , puis jaune , borde le segment obscur; mais comme cet are lumineux apparait plus tard que le segment, il est impossible, d'après la remarque d’Argelander, d'attribuer la présence de ce dernier à un simple effet de contraste avec Pare brillant (1). Des mesures précises ont montre que le point le plus élevé de l'arc luinineux n’est pas situé dans le méridien magnétique, mais qu'il s’en écarte ordinairement de 5° à 18° du côté vers lequel la déclinaison magnétique du lieu se dirige (7). Sous les hautes latitudes, dans les ré- gions trés-voisines du pôle magnétique, le segment inférieur parait moins sombre, et le milieu de l'arc brillant s'éloigne, plus que partout ailleurs, du méridien magnétique. Quelquefois l’are lumineux parait agité, pendant des heu- res entières, par une sorte d’effervescence et par un con- tinuel changement de forme, avant de lancer des rayons et des colonnes de lumière qui montent jusqu'au zénith. Plus l'émission de la lumière polaire est intense, et plus vives en sont les couleurs, qui, du violet et du blanc bleuâtre, pas- sent , par toutes les nuances intermédiaires, au vert et au rouge purpurin. Îl en est de même des étincelles électriques: elles ne se colorent que si la tension est forte et l'explosion violente. Tantôt les colonnes de lumière paraissent sortir de l'arc brillant, mélangées de rayons noiràtres semblables à une fumée épaisse; tantôt elles s'élèvent simultanément en différents points de l'horizon; elles se réunissent en une mer de flammes, dont aucune peinture ne saûrait rendre la ma- gnificence , car à chaque instant de rapides ondulations en font varier la forme et l'éclat. À certains moments. l’inten- sité de cette lumière est telle que Lowenærn put reconnai- tre en plein soleil, le 29 janvier 14786, les jeux de lumière et les ondulations de l'aurore boréale, Le mouvent . en ef- fet, parait accroitre la visibilité du phénomène. Autour du point qui répond, dans le ciel, à la direction de l'aiguille li- — 156 — brement suspendue par son centre de gravité, les rayons pa- raissent se rassembler et former alors ce qu’on nomme la cou- ronne de l'aurore boréale; c’est une espèce de dais céleste formé d’une lumière douce et paisible. Il est rare que l'appa- rition soit aussi complète et qu'elle se prolonge jusqu’à la for- mation de celte couronne; mais quand celle-ci parait, elle an- nonce toujours la fin du phénomène. Les rayons deviennent alors plus rares, plus courts et moins vivement colorés. La couronne et les arcs lumineux se dissolvent ; et bientôt on ne voit plus sur la voüte céleste que de larges taches ne- buleuses immobiles , pàles, ou d’une couleur cendrée; elles ont déjà disparu, que les traces du segment obscur, par où l'apparition débuta, persistent encore à l'horizon. Enfin, il ne reste souvent, de tout ce beau spectacle, qu'un faible nuage blanchâtre, à bords déchiquetés , ou divisé en petits amas comme les cirro-cumuli. Cette liaison qui parait exister entre la lumière polaire et l'apparition d’une certaine espèce de nuages, nous montre que la production de la lumière électro-magnétique est une sim- ple phase d’un phénomène météorologique. On dirait que le magnétisme terrestre agit sur l'atmosphère en condensant les vapeurs qui s’y trouvent dissoutes. Thieneman croyait même que ces nuages pommelés étaient le substratum de la lumière polaire, et ses observations d'Islande ont été pleinement confirmées par les observations plus récentes de Franklin et de Richardson au pôle Nord américain, et par celles de l'a- miral Wrangel sur les côtes sibériennes de la mer Glaciale. Tous ont affirmé que « la lumière polaire émettait ses plus vifs rayons lorsque les hautes régions de l'air contenaient des amas de cirro-$trati, assez Lénus et assez légers pour faire naitre une couronne autour de la Lune. > Quelque- fois les nuages se groupent et s’arrangent en plein jour, à peu près comme les rayons d’une aurore boréale; alors ils paraissent troubler l'aiguille aimantée. Aprés une brillante aurore boréale, on a pu reconnaitre, dans la matinée sui- vante, des trainées de nuages qui avaient paru, pendant la nuit, autant de rayons lumineux (5). Des bandes polaires — 157 — convergentes, c'est-à-dire des trainées de nuages qui se dis- posent dans le sens du méridien magnétique, ont attiré mon attention pendant mes voyages au Mexique et dans l'Asie septentrionale. Il faut classer sans doute ces apparitions parmi les phénomènes diurnes que je viens de citer (74). On voit assez souvent des aurores australes dans nos cli- mats (Dalton en a observé plusieurs en Angleterre), et on voit des aurores boréales entre les tropiques, au Mexique, par exemple, au Pérou et mème jusqu’au 45° degré de la- titude australe (le 44 janvier 4831); il n’est pas rare que l’e- quilibre magnétique soit troublé simultanément vers les deux pôles. Toujours est-il que l'aspect du phénomène dépend de la position de l'observateur : chacun voit son aurore boréale, de même que chacun voit son arc-en-ciel. Il faut distinguer entre la zone terrestre, où l'apparition lumineuse, quand elle s’y manifeste, est partout visible au même instant, et les ré- gions beaucoup moins étendues, où elle se reproduit presque toutes les nuits. Souvent la même aurore à élé observée à la même heure en Angleterre et en Pensylvanie, à Rome et à Pékin; seulement la fréquence de ces apparitions diminue avec la latitude magnétique, ou, en d’autres termes, elle de- croit à mesure que le lieu de Pobservation s'éloigne, non du pôle terrestre, mais du pôle magnétique. Tandis qu’en Italie une aurore boréale est un phénomène excessivement rare, rien n’est plus fréquent, au contraire. en Amérique, sur le parallèle de Philadelphie (lat. 3957 N.), parce que ces ré- gions sont moins éloignées du pôle magnétiqne. En Irlande, au Groenland, à Terre-Neuve, sur les bords du lac de l'Es- cave et à Fort-Entreprise dans le Haut-Canada, chaque nuit, vers certaines époques de l’année, le ciel s’illumine de lueurs changeantes, et, comme le disent les habitants des iles Shet- land, les jets de lumière forment dans le ciel « une danse joyeuse » (7). Dans ces régions, où le phénomène se repro- duit avec une fréquence exceptionnelle, il existe des zones. on dirait presque des veines, où les aurores sont plus bril- lantes que partout ailleurs, sans doute à cause de certaines influences locales (5). Wrangel voyait leur éclat diminuer à — 158 — mesure qu'il s'éloignait du liltoral de la mer Glaciale, vers Nijné-Kolymsk. Enfin , les aurores boréales ne sont ni plus vives ni plus fréquentes au pôle magnétique lui-même qu’à une certaine distance de ce point; c’est, du moins, ce que ies documents recueillis dans les expéditions polaires sem- blent indiquer. Quant à la hauteur absolue des aurores boréales, ce que nous en savons repose sur des mesures angulaires, qui ne sauraient inspirer une grande confiance, à cause de l’incer- titude où les oscillations continuelles de la lumière laissent l'observateur sur ses véritables limites; aussi les résultats de ces mesures varient-ils entre quelques myriamètres et 4000 ou 4200 métres, même en rejetant les mesures anciennes (7); il est probable que ces hauteurs varient effectivement d’une époque à l’autre. Bien plus, les derniers observateurs pla- cent le siége de ces apparitions, non pas à la limite de notre atmosphère, mais dans la région où se forment les nuages et les amas de vapeurs vésiculaires; ils croient que les vents et les courants aériens pourraient déplacer les rayons des aurores boréales, si la production du courant électro-magne- tique, dont elles nous révélent l’existence, se rattachait à celle des nuages et des vapeurs, ou plutôt si ce courant les tra- versait réellement en passant d’une vésicule à l’autre. Sur les bords du lac du Grand-Ours, le capitaine Franklin vit une aurore boréale, dont la lumière lui parut éclairer la sur- face inférieure d’une couche de nuages, tandis qu’à 3 ou 4 myriamètres plus loin, Kendal, qui avait veillé toute la nuit sans perdré un seul moment le ciel de vue, n’aperçut au- cune trace de lumière. On à prétendu, dans ces derniers temps, que les rayons de l'aurore boréale se rapprochent quelquefois de la Terre et viennent même s’interposer entre l'observateur et une élévation voisine; mais ces apparences pourraient s'expliquer sans doute par les illusions d'optique. dont les éclairs et la chute des bolides ont offert déjà tant d'exemples. Maintenant que de récentes expéditions nous permettent d'apprécier à leur juste valeur les récits des pécheurs du — 159 — Groenland et des chasseurs de renard sibériens, on doute que les orages magnétiques, déjà semblables aux orages électri- ques par la production de la lumière, s’en approchent en- core par la production du bruit. On dirait vraiment que les aurores boréales sont devenues silencieuses depuis qu’on les observe avec plus de soin. Parry, Franklin et Richardson , au pôle Nord, Thieneman, en Islande; Gieseke, au Groen- land; Lottin et Bravais, au cap Nord; Wrangel et Anjou, sur les bords de la mer Glaciale, ont vu des aurores boréa- les par milliers, sans jamais entendre le plus léger bruit. Veut-on que ces preuves négatives cèdent devant deux af- firmations positives, celle de Hearne, à l'embouchure de la riviere de la Mine de Cuivre, et celle de Henderson en Is- lande? Mais alors il faudrait oublier que si Hood entendit, pendant l'apparition d’une aurore boréale, une sorte de cré- pitation , un bruit de balles de fusil vivement secouées en- semble, le jour suivant le même bruit se répéta sans être accompagné cette fois de lumière polaire; il faudrait rejeter l'explication si plausible de Wrangel et de Gieseke, qui at- tribuaient ces craquements à une subite contraction de la neige durcie ou de la glace, sous l'influence d’un refroidis- sement brusque de l'atmosphère. Voici d’ailleurs comment la croyance à ces prétendues crépitations de l'aurore boréale à pu s’accréditer, non dans le peuple, il est vrai, mais parmi les voyageurs scientifiques: on assimilait autrefois les auro- res boréales aux phénomènes électriques qui se produisent dans un air raréfié comme doit l’être celui des hautes ré- gions de l’atmosphère; dés lors, chaque bruit devenait, pour l'observateur prévenu, le pétillement de l'étincelle électri- que. De nouvelles recherches, exécutées à l’aide d'électro- secpes tres-sensibles, n’ont donné jusqu’à présent. contre toute attente, que des résultats purement négatifs, car, durant les plus brillantes aurores, l’état électrique de l'atmosphère est resté invariable. Le magnétisme terrestre , au contraire, est modifié par l'aurore boréale; l'intensité, la déclinaison et l’inelinaison sont affectées à la fois. Dans la même nuit, suivant les phases suc- — 160 — cessives de son développement, l'aurore boréale attire ou re- pousse l'extrémité de l'aiguille aimantée, Parry croyait pou- voir conclure de l'ensemble des observations qu'il avait fai- tes près du pôle magnétique, dans les iles Melville, que les aurores boréales, loin de troubler laiguille aimantée , exer- caient plutôt sur elle « une action sédative; » mais cette opinion est contredite par un examen plus attentif du vo- yage de Parry lui-même (T), par les belles observations de Richardson, de Hood et de Franklin dans le Haut-Canada, et dernièrement encore par celles de Bravais et de Lottin en Laponie. Nous l'avons déjà dit, la production de la lu- mière polaire est l'acte par lequel se rétablit un équilibre momentanément troublé; son effet sur la boussole se règle sur l'intensité de la décharge réparatrice; si l'aurore boréale est très-faible, si elle s’élève à peine au-dessus de horizon, cet effet sera lui-même insensible, et les observateurs de Bozekop eurent plus d’une occasion de s’en assurer pendant leur longue station hibernale. On a comparé avec raison les faisceaux cylindriques des rayons de l'aurore boréale à Ia lumière qui se produit dans un circuit voltaïique, entre deux pointes de charbon (ou, suivant Fizeau et Foucault, entre une pointe de charbon et un globule d'argent), lumiere qu'un aimant attire ou repousse. Cette analogie rend superflue lhy- pothèse de ces vapeurs métalliques en suspension dans l'at- mosphère, dont quelques physiciens célèbres ont voulu faire le substratum de l'aurore boréale. En donnant à ces magnifiques apparitions le nom d’auro- res boréales, ou le nom moins précis encore de lumières po- laires, nous avons seulement voulu désigner ainsi la direc- tion où elles commencent le plus souvent à se produire. Il résulte de ce phénomène, et c’est là ce qui fait sa grande importance, que la Terre est douée de la propriété d’émet- tre une lumière propre, une lumière distincte de celle que lui envoie le Soleil. L’intensité de la lumiere terrestre, ou, pour parler plus exactement, la clarté que cette lumière, dans toute sa splendeur, peut répandre à la surface de la Terre, surpasse un peu celle du premier quartier de la Lune. — 161 — Quelquefois elle est assez forte (7 janvier 4831) pour per- mettre de lire sans peine des caractères imprimés. Cette lumière de la Terre, dont l'émission ne s'interrompt pres- que jamais vers les pôles, nous rappelle la lumière de Vé- nus, dont la partie non éclairée par le Soleil brille souvent d'une faible lueur phosphorescente. Peut-être d’autres pla- nètes (Jupiter), la Lune et même les comèêtes possédent- elles aussi une lumière née de leur propre substance, indé- pendante de celle que le Soleil leur envoie et dont le pola- riscope constate l’origine. Sans qu'il soit besoin de rappeler ici l'apparence problématique, mais assez commune, de ces nuages peu élevés dont la surface entière brille pendant plu- sieurs minutes, d’une lumière tremblante, nous pourrons trouver dans notre atmosphère d’autres exemples à citer de cette production de lumière terrestre. Tels sont les fameux brouillards secs de 1783 ct de 1831, qui émettaient une lu- miere très-sensible pendant la nuit; tels sont ces grands nua- ges brillant d’une lumière calme, sans ondulation, si souvent remarquée par Rozier et par Beccaria; telle est enfin, d’a- près une ingénieuse remarque d’Arago, cette lumière diffuse qui guide nos pas au milieu des nuits d'automne ou de prin- temps, alors que les nuages interceptent toute lumière cé- leste et que la neige ne couvre point la terre (*°). Si les hau- tes latitudes ont leurs aurores dont les lueurs colorées tra- versent et éclairent l'atmosphère, les chaudes régions des tropiques ont aussi leur lumière qui brille à la surface de FO- céan, sur une étendue de plusieurs milliers de lieues carrées. Mais ici la lumière est un produit des forces organiques de ja nature; les vagues, couronnées d’une écume phosphore- scente, s'élèvent, roulent et se brisent comme en une mer de feu; chaque point de l'immense surface est une étincelle et dans chaque étincelle se manifeste la vie animale d’un monde invisible. Telles sont les sources nombreuses de la lu- mière terrestre. Faut-il admettre que cette lumière est aussi à l’état latent, qu’elle est virtuellement contenue dans eer- taines vapeurs, afin d'expliquer la formation à distance des images de Moser , découverte où la réalité se présente en- — 162 — core à nous comme ces formes mystérieuses qu'on n’aper- coit qu’en rêve? Si, d'un côté, la chaleur centrale de notre planète se rat- tache à la production des courants électro-magnétiques et de Ja lumière terrestre qui nait de ces courants, sous un autre point de vue elle se présente comme la source principale des phénomènes géognostiques. Nous nous proposons de con- sidérer actuellement ces phénomènes dans leur enchainement et dans leurs phases diverses, depuis l’ébranlement pure- ment dynamique et le soulèvement des continents ou des chaines de montagnes jusqu’à l’éruption des gaz et des va- peurs, des boues chaudes, des roches ignées ou des. laves en fusion, qui se transforment, par le refroidissement, en roches cristallisées. Ce ne fut pas un mince progrès pour la mo- derne géognosie (la partie minéralogique de la physique ter- restre) que d’avoir constaté cet enchainement des phénome- nes. On à pu renoncer désormais à ces vaines hypothèses qu’on imaginait autrefois pour expliquer une à une les révo- lutions de l’ancien monde terrestre; on à pu rattacher la production de matières diverses aux simples changements de forme ou d’étendue (ébranlements et soulècements); on à pu rapprocher et grouper des phénoménes complétement dissemblables au premier coup d'œil, tels que les sources thermales , les émissions de gaz acide carbonique et de va- peurs sulfureuses, les salses (éruptions boueuses), et enfin les éruptions des montagnes ignivomes. Dans un tableau géné- al de la nature, tous ces détails se confondent dans une seule et même conception, celle de la réaction que l’inté- rieur d’une planète exerce contre ses couches extérieures. Une seule cause, l'augmentation graduelle de la chaleur ter- restre depuis la surface jusqu’au centre, nous rendra compte à la fois des tremblements de terre, du soulèvement succes- sif des continents et des chaines de montagnes, des éruptions volcaniques et de la formation des roches ou des minéraux. Mais cette réaction de l’intérieur contre l'extérieur n’a pas borné son influence à la seule nature inorganique; tout porte = One à croire que, dans l’ancien monde, de puissantes émissions de gaz acide carbonique se mélérent à l'atmosphère, favori- sérent l’acte par lequel les végétaux s’assimilent le carbone, et formèrent ainsi les forêts primitives, origine de linépui- sable amas de matières combustibles (lignites el charbon de terre) que les révolutions du globe ont enfoui dans les cou- ches superficielles. Bien plus, on peut dire que la forme de l'écorce terrestre, la direction générale des grandes chaines de montagnes et des plateaux, la configuration articulée des continents, ont exercé une notable influence sur le sort de lespèce humaine. Dans cet enchainement des phénomènes, le philosophe peut remonter, de terme en terme, jusqu’à lé- poque où la matiere agglomérée en sphère passa de l’état fluide à l’état liquide ou solide, époque où se développa ainsi la chaleur centrale de la terre, indépendamment de l’action caloritique des rayons solaires. Afin de suivre, dans le tableau des phénomènes géo- gnostiques, l'ordre même de leur filiation et de leur dé- pendance originaire, nous commencerons par ceux dont le caractère est surtout dynamique. Les tremblements de terre se manifestent par des oscillations verticales, horizontales ou circulaires, qui se suivent et se répètent à de courts inter- valles. Les deux premières espèces de secousses sont souvent simultanées ; c’est là du moins le résultat des nombreuses observations de ce genre qu’il m’a été donné de faire, sur terre et sur mer, dans les deux parties du monde. L’action verticale de bas en haut a produit à Riobamba , en 4797, l'effet de l'explosion d'une mine; les cadavres d’un grand nombre d'habitants furent lancés au delà du ruisseau de Li- can, jusque sur la Culca, colline dont la hauteur est de plu- sieurs centaines de pieds. Ordinairement la secousse se pro- page en ligne droite ou ondulée, à raison de 4 où 5 myria- metres par minute; quelquefois elle s’étend à la manière des ondes, et il se forme des cercles de commotion où les secous- ses se propagent du centre à la circonférence, mais en di- minuant d'intensité. Malgré lassertion du père de l’histoire (5°) et de Theophylactus Simocatta (#!), qui eroyaient les trem- — 164 — blements de terre inconnus en Scythie, j'ai constaté (#2), pen- dant mon voyage dans l’Asie septentrionale, que la partie méridionale de l’Altaï se trouve sous la double influence du centre d’ébranlement du lac Baïcal et des volcans des mon- lagnes Célestes (Thian-chan). Lorsque les cercles de commo- tion se coupent, lorsqu'un plateau est situé, par exemple, entre deux volcans actifs, il peut en résulter plusieurs sys- ièmes d'ondes qui se superposent, comme dans les liquides, sans se troubler mutuellement. Il pourrait même y avoir in- terférence, comme dans le cas des ondes sonores qui se croi- sent. D'après une loi générale de la mécanique, tout mouve- ment de vibration qui se transmet à travers un corps élas- tique tend à en détacher les couches superficielles; en vertu de Ia même loi, l'onde d’ébranlement doit grandir, en se pro- pageant dans l’écorce terrestre, à mesure qu'elle se rappro- che de la surface. Les moyens qu'on a imaginés pour étudier les ondes d’é- branlement (le pendule et la cuvette sismométrique) indi- quent avec assez d’exactitude leur direction et leur intensité totale, mais non leur alternance ou leur intumescence périodi- que. La ville de Quito est située au pied d’un volcan encore en activité (le Recu Pichinca), à 2910 mètres au-dessus du ni- veau de la mer; elle possède de belles coupoles, des églises élevées, des maisons massives à plusieurs étages, et les trem- blements de terre y sont fréquents; mais, à ma grande sur- prise, je vis rarement ces secousses lézarder les murailles, tandis que, dans les plaines du Pérou, des oscillations beau- coup moins fortes endommagent des chaumières de bambou fort peu élevées. Les indigènes, qui ont ressenti des trem- blements de terre par milliers, croient que cette différence tient moins à la durée longue ou courte des secousses, à la lenteur ou à la rapidité (%) de l’oscillation horizontale, qu'à la régularité des mouvements qui se produisent en sens con- lraires. Les secousses circulaires ou gyratoires sont les plus rares, elles sont aussi les plus dangereuses. Des murs ont été retournés sans être renversés, des allées d’abord recti- lignes ont été courbées, des champs couverts de eultures — 465 — différentes ont glissé les uns sur les autres, lors du grand tremblement de Riobamba, dans la province de Quito, le 4 février 4797; ces singuliers effets S’étaient déjà produits en Calabre, le 5 fevrier et le 28 mars 1783. Ces terrains qui glis- sent, et ces pièces de terre cultivées qui se superposent, prouvent un mouvement général de translation, une sorte de pénétration des couches superficielles; évidemment le sol meuble s’est mis en mouvement comme un liquide, et les courants se sont dirigés d’abord de haut en bas, puis hori- zontalement, et enfin de bas en haut. Lorsque je levais le plan des raines de Riobamba, on me-montra la place où, au milieu des décombres d’une maison , on avait retrouvé tous les meubles d’une autre demeure; il fallut que l'audien- cia (le tribunal) prononcàt sur les contestations qui-s’élevé- rent au sujet de la propriété d'objets qui avaient été trans- portés ainsi à plusieurs centaines de mètres. Dans les pays où les tremblements de terre sont relative- ment plus rares (par exemple, dans l'Europe méridionale), on croit généralement, par suite d’une induction incomplète, que le calme de l’atmosphére, qu'une chaleur accablante, qu’un horizon chargé de vapeurs, sont les avant-coureurs du phénomène (84). C’est une erreur contredite non-seule- ment par ma propre expérience, mais encore par celle de tous les observateurs qui ont passé plusieurs années dans les contrées où, comme à Cumana, à Quito, au Pérou et au Chili, le sol est souvent agité par de violentes secousses. J'ai ressenti des tremblements de terre par un ciel serein comme pendant la pluie, par un frais vent d’est comme par un temps d'orage. En outre, ces phénomènes m'ont paru n’exercer aucune influence sur la marche de l'aiguille aimantée; le jour d'un tremblement de terre, les variations horaires de la dé- clinaison et la hauteur du baromètre (%) ne présentent aucune anomalie entre les tropiques. Adolphe Erman a fait la même remarque. dans la zone tempérée, à l’occasion d’un trem- blement de terre qui se fit ressentir à Irkutsk, près du lac Baikal (8 mars 1829). Lors de la violente secousse du { novem- bre 4799 à Cumana, je trouvai que la déclinaison et l’inten- 13 — 166 — sité de la force magnétique étaient restées à leur état nor- mal; mais, à mon grand étonnement, l'inclinaison de l'ai- guille aimantée avait diminué de 48° (#6). Je n'avais aucun motif de soupçonner une ‘erreur dans cette observation; mais pendant les autres secousses que j'ai éprouvées sur le pla- teau de Quito et de Lima, l'inclinaison resta toujours inva- riable, de même que les autres éléments du magnétisme. S'il est généralement vrai que rien, dans l'aspect du ciel ou dans l’état de l'atmosphère, n'annonce à la surface du globe ce qui va se passer dans ses profondeurs, nous verrons cepen- dant tout à l'heure que les couches aériennes pourraient bien être influencées par les fortes secousses, dont l'effet n'est pas toujours purement dynamique. Ainsi, l’état électri- que de l’atmosphère a subi de notables variations pendant les secousses qui ont agité si longtemps le sol des vallées piémontaises de Pelis et de Clusson. L'intensité des bruits sourds qui accompagnent presque toujours les tremblements de terre, ne croit pas dans le même rapport que Ja violence des secousses. Je me suis assuré, par l'étude attentive des diverses phases du tremblement de terre de Riobamba (4 février 1797), l’un des plus terribles événements dont l’histoire physique de notre globe fasse men- tion, que la grande secousse ne fut signalée par aucun bruit. La délonation formidable (el gran ruido) qu’on éntendit sous le sol de Quito et d’'Ibarra, mais non à Tacunga ni à Ham- bato, villes pourtant plus rapprochées du centre d’ébranle- ment, se produisit 48 ou 20 minutes après la catastrophe. Un quart d’heure après le célèbre tremblement qui détrui- sit Lima (28 octobre 1746), on entendit à Truxillo un coup de tonnerre souterrain, mais sans ressentir de secousse. De même, longtemps apres le grand tremblement de terre de la Nouvelle-Grenade (16 novembre 1827) décrit par Boussin- gault, on entendit dans la vallée de Cauca des détonations souterraines qui se succédaient de 30 en 30 secondes, et tou- jours sans secousses. La nature du bruit varie beaucoup: il roule, il gronde, il résonne comme un cliquetis de chaines entrechoquées ; il est =. fs — saccadé comme les éclats d’un tonnerre voisin, ou bien il re- tentit avec fracas, comme si des masses d’obsidienne ou de roches vitrifiées se brisaient dans les cavernes souterraines. On sait que les corps solides sont d'excellents conducteurs du son, et que les ondes sonores se propagent dans l'argile cuite, dix ou douze fois plus vite que dans l'air: aussi les bruits souterrains peuvent-ils s'entendre à une distance énorme du point où il se sont produits. À Caracas, dans les plaines de Calabozo et sur les bords du Rio-Apure, l’un des affluents de l’Orénoque, c’est-à-dire sur une étendue de 1300 myriamétres carrés, on entendit une effroyable détonation , sans éprouver de secousse, au moment où un torrent de lave sortait du volcan Saint-Vincent, situé dans les Antilles, à une distance de 120 myriamètres. C’est, par rapport à la dis- tance, comme si une éruption du Vésuve se faisait entendre dans le nord de la France. Lors de la grande éruption du Cotopaxi, en 1744, on entendit des détonations souterraines à Honda, sur les bords du Magdalena: cependant, la distance de ces deux points est de 81 myriamètres, leur différence de niveau est de 5500 mètres, et ils sont séparés par les masses colossales des montagnes de Quito, de Pasto et de Popayan , par des vallées et des ravins sans nombre. Évi- demment le son ne fut pas transmis par l'air; il se propagea dans la terre, à une grande profondeur. Le jour du violent tremblement de terre de la Nouvelle-Grenade, en février 1835, les mêmes phénomènes se reproduisirent à Popayan, à Bo- gota, à Santa-Marta et dans le Caracas, où le bruit dura sept heures entières, sans secousses, à Haïti, à la Jamaique et sur les bords du lac de Nicaragua. Bien qu'ils ne soient pas accompagnés de secousses, ces bruits souterrains produisent toujours une impression pro- fonde, même sur ceux qui on longtemps habité un sol sujet à de fréquents ébranlements; on attend avec anxiété ce qui doit suivre ces grondements intérieurs. Tels furent les bra- midos y truenos subterraneos (mugissements et tonnerres souterrains) de Guanaxuato, riche et celebre ville mexicaine située loin de tous les volcans actifs (#7). Ces bruits commen — 168 — cérent le 9 janvier 4784, à minuit, et durérent plus d'un mois. J'ai donné une relation très-circonstanciée de ce phé- nomène remarquable, d’après les documents que la munici- palité de la ville avait mis à ma disposition, et les récits d’une foule de témoins. Du 43 ‘au 16 janvier, on eût dit un orage souterrain; on entendait les éclats secs et brefs de la foudre, alternant avec les longs roulements d’un tonnerre éloigné. Le bruit cessa comme il avait commencé, c’est-à-dire gra- duellement,. Il était limité dans un faible espace; à quelques myriamètres de là, sur un terrain basaltique, on ne Fenten- dait plus. Presque tous les habitants furent frappés d'épou- vante, ils quittérent la ville où de grandes quantités d'argent en-barres se trouvaient amassées, et il fallut que les plus cou- rageux revinssent ensuite disputer ces trésors aux brigands qui s’en étaient emparés. Pendant toute la durée de ee phé- nomène, on ne ressentit aucune secousse, ni à la surface, ni même dans les mines voisines, à 500 mètres de profondeur. Jamais, avant eette époque, on n'avait entendu pareil bruit au Mexique, et jamais il ne s’y est répété depuis. Ne dirait-on pas que des cavernes peuvent s'ouvrir ou se fermer subite- ment dans les entrailles de la terre, et donner ou refuser ac- cés aux ondes sonores que des accidents auront fait naitre au loin? Quelque formidable que soit, pour le spectateur, éruption d'un volcan, elle est cependant toujours circonserite dans d'étroites limites. Il n’en est pas ainsi des tremblements de terre: c’est à peine si l'œil distingue les oscillations du sol, mais leurs ravages peuvent s'étendre sur des milliers de lieues. Dans les Alpes, sur les côtes de la Suède, aux Antil- les, au Canada, en Thuringe, et jusque dans les marais du littoral de la Baltique, on a ressenti les secousses du trem- blement de terre qui a détruit Lisbonne, le 4 novembre 1755. Des rivières éloignées furent détournées de leur cours; phé- nomène déjà signalé dans l'antiquité par Démetrius de Cal- latie. Les sources thermales de Tæplitz tarirent d'abord, puis elles revinrent colorées par des ocres ferrugineuses, et inon- dérent la ville, A Cadix, les eaux de la mer s’élevèrent à — (69 — 30 mètres au-dessus de leur niveau ordinaire; dans les pe- tites Antilles, où la marée n’est guère que de 79 à 75 cen- timètres, les flots montèrent, noirs comme de l'encre, à une hauteur de plus de 7 mètres. On à calculé que les secousses se firent sentir, dans cette fatale journée, sur une étendue de pays quatre fois plus grande que celle de l'Europe. Au- cune force destructive, sans excepter notre plus meurtrière invention, n’est eapable de faire périr autant d’hommes à la fois, dans un espace de temps aussi court: en quelques mi- nutes, ou même en quelques secondes, soixante mille hom- mes périrent en Sicile, Fan 1693; trente ou quarante mille dans le tremblement de terre de Riobamba, en 1797; peut- être cinq fois autant dans l’Asie-Mineure et en Syrie, sous Tibère et sous Justin l'Ancien. vers les années 19 et 526. Il n’est pas rare de voir, dans la chaine des Andes de PA- mérique du Sud, des tremblements de terre se prolonger, sans interruption, pendant plusieurs jours; quant à ceux qui se font sentir, à peu près à chaque heure, pendant des mois entiers, je n’en connais d'exemple que dans des lieux éloi- gnés de tout volcan actif, savoir: sur le versant oriental du Mont-Cenis, à Fenestrelle et à Pigneroles, depuis le mois d’a- vril 4808; aux États-Unis de l'Amérique du Nord, entre New-Madrid et Little-Prairie (); au nord de Cincinnati, en décembre 1811 et pendant l'hiver entier de 1812; enfin, dans le pachalik d’Alep, vers les mois d'août et de septem- bre 1822. En général, le peuple n’a que des notions fort res- treintes sur les grands phénomènes de la nature; il les at- tribue toujours à des causes locales, et partout où les secous- ses se prolongent, il redoute aussitôt la formation d’un vol- can. Il est bien rare que l'événement justifie cette crainte; tel fut pourtant le cas du volean de Jorullo, qui, après quatre- vingt-dix jours desecousses et de tonnerres souterrains, surgit tout à coup au milieu de la plaine, jusqu’à la hauteur de 510 mètres (le 20 septembre 1759). Si l’on pouvait avoir des nouvelles de l’état journalier de la surface terrestre tout entière, on serait probablement bien- tôt convaincu que cette surface est toujours agitée par des — 170 — secousses, en quelques-uns de ses points, et qu'elle est in- cessamment soumise à la réaction de la masse intérieure, Quand on considère la fréquence et l’universalité de ce phé- nomène, provoqué sans doute par la haute température et par l’état de fusion des couches inférieures, on comprend qu'il soit indépendant de la nature du sol où il se manifeste. Même dans les terrains d’alluvion si meubles de la Hollande, vers Middelbourg et Blessingue, on à ressenti des tremble- ments de terre. Ils se produisent dans le granit comme dans le micaschiste, dans le calcaire comme dans le grès, dans le trachyte comme dans l’amygdaloïde. Ce n’est pas la cons- titution chimique des roches, c’est leur structure mécanique qui influe sur la propagation de la secousse ou des ondes d'ébranlement., Lorsque ces ondes suivent une côte, ou lors- qu’elles se meuvent au pied et dans la direction d’une chaine de montagnes, elles paraissent quelquefois s’interrompre en certains endroits, et cela depuis des siècles ; l’ébranlement n’a pas cessé pourtant: il s’est propagé dans l’intérieur de la terre, sans jamais se faire sentir dans ces points de la surface. Les Péruviens disent de ces couches supérieures, où l’on ne sent jamais d’ébranlement. « qu'elles forment un pont » (#).. Comme les chaines de montagnes paraissent avoir été soulevées sur de longues failles, il est probable que les parois de ces fissures favorisent la propagation des ondes qui se meuvent dans leur direction. Cependant les ondes d’é- branlement se propagent quelquefois dans une direction per- pendieulaire à celle de plusieurs chaines parallèles. C’est ainsi que nous les voyons traverser à la fois la Cordilière du lit- toral de Venezuela et la Sierra-Parime. En Asie, les trem- blements de terre se sont propagés (22 janvier 4832) de La- hore et du pied de l'Himalaya, à travers la chaine de l’'Hin- dou-Kho, jusqu'à Badakschan, jusqu’à FOxus supérieur, et méme jusqu'à Bokhara (°°). Il arrive aussi que les cercles d’é- branlement gagnent du terrain: il suffit, pour cela, d’un seul tremblement de terre plus violent que les autres. Depuis la destruction de Cumana (44 septembre 1797), et seulement depuis cette époque, la presqu'ile de Maniquarez, située en — 171 — face des collines calcaires du continent, éprouve, dans ses couches de micaschiste, toutes les secousses de la côte mé- ridionale, Les secousses qui agitèrent presque sans interrup- tion, de 4814 à 4843, le sol des vallées du Mississipi, de l’Arkansas et de l'Ohio, allaient en gagnant vers le nord d’une manière frappante. On dirait des obstacles souterrains suc- cessivement renversés; dès que la voie est libre, le mouve- ment ondulatoire sy propage, chaque fois qu'il se produit. Si, au premier aspect, les tremblements de terre parais- sent produire des effets purement dynamiques, en étudiant les faits les mieux constatés, on reconnait bientôt qu'ils ne se bornent pas à soulever, au-dessus de leur ancien niveau, des pays entiers, tels que la côte du Chili, en novembre 1822, et Ulla-Bund, en juin 4819, après le tremblement de terre de Cutch; ils font naïître aussi des éruptions d’eau chaude (à Catane, 1818), de vapeurs aqueuses (dans la vallée du Mis- sissipi, prés de New-Madrid, 4812), de mofettes, si nuisibles aux troupeaux qui paissent sur les Andes. de boue, de fu- mées noires et même de flammes (à Messine, 1783, et à Cu- mana, 4797). Pendant le grand tremblement de terre qui détruisit Lisbonne. le 4 novembre 1755, on vit des flam- mes et une colonne de fumée sortir, près de la ville, d’une crevasse nouvellement formée dans le rocher d’Alvidras; plus les détonations souterraines devenaient intenses, et plus cette fumée s’épaississait (1). Il n’y eut aucune éruption pendant la catastrophe de Riobamba, malgré le voisinage de plusieurs montagnes volcaniques ; mais il sortait du sein de la terre un grand nombre d'éminences coniques, formées d’une ma- tière que les indigènes nomment moya: composé singulier de charbon, de cristaux d’augite et de carapaces siliceuses d'infusoires. Une grande quantité de gaz acide carbonique, qui sortit des crevasses, pendant le tremblement de terre de la Nouvelle-Grenade (16 novembre 1827) dans la vallée du Magdalena, asphyxia une multitude de serpents, de rats et d'autres animaux qui vivaient dans les cavernes. Enfin, de violentes secousses ont occasionné, au Pérou et dans la pro- vince de Quito, des changements brusques de température, — 1 — et l'invasion subite de la saison des pluies avant l'époque où elle arrive ordinairement sous les tropiques. On ne sait s’il faut attribuer ces phénomènes aux vapeurs qui sortirent des entrailles de la terre et se mélèrent à l’atmosphére, ou à une perturbation que les secousses auraient déterminée dans l'é- tat électrique des couches aériennes. Dans les régions inter- tropicales de l'Amérique, dix mois entiers se passent quel- quefois sans qu'il tombe du ciel une seule goutte d’eau , et les indigènes regardent les tremblements de terre qui se ré- pêtent souvent, sans nuire à leurs huttes de bambous, comme d'heureux avant-coureurs de pluies fecondantes. L'origine commune des phénomènes que nous venons de décrire est encore entourée d’obscurité. Sans doute, il faut attribuer à la réaction des vapeurs soumises à une pression énorme, dans l'intérieur de la terre, toutes les secousses qui en agitent la surface, depuis les explosions les plus formida- bles jusqu'à ces faibles secousses, nullement dangereuses. qu'on ressentit, pendant plusieurs jours, à Scaccia en Sicile, avant le soulèvement volcanique de la nouvelle île de Julia; il est évident que le foyer où ces forces destructives. naïs- sent et se développent est situé au-dessous de l'écorce ter- restre; mais à quelle profondeur? nous l'ignorons. tout comme nous ignorons la nature chimique de ces vapeurs si violem- ment comprimées. Lorsque j'étais en observation sur les bords du Vésuve ou sur le rocher qui s'élève comme une tour au-dessus du cratère du Pichincha, je ressentais cons- tamment les secousses 20 ou 30 secondes avant l’éruption des vapeurs où des scories incandescentes; plus les explo- sions étaient tardives, et plus les secousses étaient fortes, parce que les vapeurs s'étaient alors accumulées en plus grande quantité. C’est dans cette remarque, si simple et si souvent confirmée par l’expérience de tous les voyageurs, que se trouve l'explication générale du phénomène. Les vol- cans actifs doivent être regardés comme des soupapes de sü- reté pour les contrées voisines. Si l'ouverture du volean -se bouche, si la communication de l'intérieur avec l'atmosphère se trouve interrompue, le danger augmente, les contrées voi- — 173 — sines sont menacées de secousses prochaines. Cependant, les plus forts tremblements de terre ne se produisent pas, en ge- néral, aupres des volcans en activité, témoins ceux qui ont amené la destruction de Lisbonne, de Caracas, de Lima, de Cachemir (°?), et d’un nombre considérable de villes en Ca- labre, en Syrie et dans l’Asié mineure. Si l’activité des volcans, lorsqu'elle ne trouve pas d’issue, réagit sur le sol et provoque des tremblements de terre, ceux-ei réagissent à leur tour sur les phénomènes volcaniques. Les fissures aident à la formation des cratères d'éruption; elles favorisent les réactions chimiques que le contact de l'air engendre dans ces cratères. Une colonne de fumée que l’on voyait sortir du volcan de Pasto, dans l'Amérique du Sud, disparut subitement, le 4 février 4797, pendant le grand trem- blement de terre qui détruisit Riobamba, 36 myriamètres plus loin vers le sud. Des tremblements de terre qui se fai- saient ressentir dans toute la Syrie, dans les Cyclades et en Eubée, cessèrent tout d’un coup, au moment même où un torrent de matières ignées jaillissait dans les plaines de Chal- cis (%). En rapportant ce fait, le célèbre géographe d’Ama- sea ajoute: « Depuis que les bouches de FEtna sont ouver- tes et qu’elles vomissent le feu, depuis que des masses d’eau et de laves en fusion peuvent être rejetées au dehors, le lit- toral est moins sujet aux tremblements de terre qu’à l’épo- que où, avant la séparation de la Sicile et de l'Italie infé- rieure, toutes les issues étaient bouchées. - Ainsi la puissance volcanique intervient dans les tremble- ments de terre; mais cette puissance, universellement répan- due comme la chaleur centrale de la planète, s'élève rare- ment en quelques points isolés jusqu’à produire des phéno- mènes d'éruption. Les masses liquéfiées de basalte, de méla- phyre et de grunstein qui surgissent de l'intérieur, remplis- sent peu à peu les fissures et finissent par fermer toute issue aux vapeurs. Alors ces vapeurs s'accumulent, leur tension s’aceroit, et leur réaction contre l'écorce terrestre peut s’exer- cer de trois manieres différentes: elles ébranlent le sol, ou elles le soulèvent brusquement, ou elles font varier lente- — 174 — ment la différence du niveau entre les continents et les mers. Cette dernière action ne devient sensible qu'après de lon- gues années; elle à été observée, pour la premiere fois, sur une étendue considérable de la Suède. Avant de quitter ce grand phénomène, que nous avons considéré bien moins dans ses détails que dans ses rapports généraux avee la physique du globe, je dois encore signaler l'origine de l'impression profonde, de l'effet tout particulier qu'un premier tremblement de terre produit sur nous, même quand il n’est accompagné d'aucun bruit souterrain. Cette impression ne provient pas, à mon avis, de ce que les ima- ges des catastrophes dont l'histoire à conservé souvenir, s'offrent alors en foule à notre imagination. Ce qui nous sai- sit, e’est que nous perdons tout à coup notre confiance in- née dans la stabilité du sol. Dés notre enfance, nous étions habitués au contraste de la mobilité de l’eau avec limmo- bilité de la terre. Tous les témoignages de nos sens avaient fortifié notre sécurité. Le sol vient-il à trembler, ce moment suffit pour détruire l'expérience de toute la vie. C’est ne puissance inconnue qui se révèle tout à coup; le calme de la nature n’était qu'une illusion, et nous nous sentons reje- tés violemment dans un chaos de forces destructives. Alors chaque bruit, chaque souffle d'air excite l'attention, on se défie surtout du sol sur lequel on marche. Les animaux, prin- cipalement les pores et les chiens, éprouvent cette angoisse; les crocodiles de l'Orénoque, d'ordinaire aussi muets que nos petits lézards, fuient le lit ébranlé du fleuve et courent en rugissant vers la forêt. Un tremblement de terre se présente à l'homme comme un danger indéfinissable, mais partout menaçant. On peut s'éloigner d’un volcan, on peut éviter un torrent de lave, mais quand la terre tremble, où fuir? partout on croit mar- cher sur un foyer de destruction. Heureusement les ressorts de notre âme ne peuvent rester ainsi tendus pendant bien longtemps, et ceux qui habitent un pays où les secousses sont faibles et se suivent à de courts intervalles éprouvent à peine un sentiment de crainte. Sur les côtes du Pérou, le — 175 — ciel est toujours serein; on n’y connait ni la grêle, ni les orages, ni les redoutables explosions de la foudre; le ton- nerre souterrain qui accompagne les secousses du sol y rem- place le tonnerre des nuées. Grâce à une longue habitude et à l’opinion très-répandue qu’il y a seulement deux ou trois secousses désastreuses à craindre par siècle, les tremblements de terre n’inquiètent guère plus à Lima que la chute de la grêle dans la zone tempérée. Après avoir considéré la terre comme source de chaleur. de courants électro-magnétiques, de la lumière des aurores polaires, et des mouvements irréguliers qui agitent sa sur- face, il nous reste à décrire les produits matériels des forces qui animent notre planète, et les modifications chimiques dont ses couches supérieures et l'atmosphère elle-même sont le théâtre. Nous voyons jaillir du sol des vapeurs aqueuses. des effluves de gaz acide carbonique, presque toujours sans mélange d’azote (4); du gaz hydrogène sulfuré, des vapeurs sulfureuses, plus rarement des vapeurs d'acide sulfureux ou d'acide hydrocblorique (®); enfin du gaz hydrogène carboné, dont on se sert, depuis des milliers d'années, dans la pro- vince chinoise de Sse-tchuan (5), pour l'éclairage et le chauf- fage, et qu'on vient d'appliquer tout récemment aux mêmes usages dans les États-Unis d'Amérique, à Frédonia, petite ville de l’état de New-York. Les fissures d’où s’échappent ces gaz et ces vapeurs ne se présentent pas seulement dans le voisinage des volcans; on les rencontre aussi dans des contrées où manquent le trachyte et les autres roches volcaniques. Dans la cordilière de Quindiu , à 2080 metres au-dessus du niveau de la mer. j'ai vu de chaudes vapeurs sulfureuses déposer du soufre dans le micaschiste (°), et au sud de Quito, pres de Ticsan, dans le Cerro-Cuello, cette méme roche qu'on regardait naguère comme une roche primitive renferme un énorme lit de soufre au milieu du quartz pur. De toutes ces émanations gazéiformes, les plus nombreuses et les plus abondantes sont celles d'acide carbonique, qu’on nomme aussi mofettes. Dans les contrées volcaniques, comme sont, en Allemagne. la vallée profondément ravinée de lEi- — 176 — fel, les environs du lac Lach, le cirque de Wehr «x 1a Bo- hème occidentale, les émissions d'acide carbonique apparais- sent comme un dernier effort de l’activité volcanique. Aux époques antérieures, la chaleur plus forte du globe terrestre et le nombre considérable de failles que les roches ignées n'avaient pas encore comblées, favorisèrent puissamment ces émissions; de grandes quantités de vapeurs d’eau chaude et de gaz acide carbonique se mélérent à l'atmosphère et pro- PR TA sous presque toutes les latitudes, cette végétation exubérante, cette plénitude de développement organique dont Adolphe Brongniart a tracé le tableau (#). Dans les ré- gions toujours chaudes, toujours humides, de cette atmos- phère surchargée de gaz acide carbonique, les végétaux ren- contrèrent des conditions si favorables à leur développement et une abondance telle de substances propres à leur nutri- tion, qu'ils purent former les matériaux des couches de char- bon de terre et de lignites, sources presque inépuisables de force physique et de bien-être pour les nations. Ces lits de combustibles sont principalement répartis en bassins, que la nature semble avoir spécialement accordés à certaines con- trées de l’Europe, telles que les Iles Britanniques, la Belgi- que, la France, les provinces Rhénanes inférieures et la Si- lésie supérieure. L’énorme quantité d'acide carbonique dont la combinaison avec la chaux a produit les roches calcaires et dont le carbone seul contribue, pour un huitieme environ, à former ces couches puissantes (*”), sortit alors du sein de la terre, sous l'influence prédominante des forces voleani- ques. Ce que les terres alcalines ne purent absorber, se ré- pandit dans l'atmosphère, où les végétaux de l'ancien monde puisèrent incessamment; l'air, ainsi purifié par le développe- ment de la vie végétale, ne contient plus aujourd'hui qu'une proportion de gaz acide carbonique extrèmement faible et sans influence délétère sur les organisations animales du monde actuel. Alors aussi, one émissions d'acide sulfurique en vapeurs ont amené la destruction des mollus- ques et des poissons, dont les nombreuses espèces habitaient les eaux de l’ancien monde; elles ont formé les couches de — 177 — gypse contournées en tous sens, et soumises alors, sans au- cun doute, à de fréquentes secousses. Des causes physiques analogues font jaillir encore aujour- d'hui, du sein de la terre, des gaz, des liquides, de la vase et des laves fondues; celles-ci sortent des cratères d’érup- tion, qu'on peut considérer comme des espèces de sources intermittentes (1%). Toutes ces matières doivent leur tempe- rature et leur constitution chimique aux lieux même d’où elles surgissent. La chaleur moyenne des sources est inférieure à celle de l'atmosphère, quand leurs eaux descendent des hau- teurs. Leur chaleur augmente avec la profondeur des cou- ches qu’elles traversent; nous avons déjà indiqué la loi nu- mérique de cette progression. Les eaux qui proviennent du haut des montagnes peuvent se mélanger à celles de l'in- térieur de la terre: il en résulte que la température des sour- ces ne donne pas toujours avec exactitude la position des lignes isogéothermes [lignes d’égale température interne de la Terre] ({); nous avons eu plus d’une occasion d'en faire la remarque dans l'Asie septentrionale, mes compagnons de voyage et moi. La température des sources. dont les physi- ciens se sont tant occupés depuis un demi-siècle, est, comme la limite des neiges éternelles, le produit de causes très-com- plexes et très-nombreuses. Elle est fonction de la température de la couche terrestre où elle jaillit, de la chaleur spécifique du sol, enfin, de la quantité et de la température des eaux pluviales (?); or, ce dernier élément diffère essentiellement de la température des couches inférieures de l'atmosphère (5). Pour que les sources froides puissent donner fidélement la température moyenne, il faut qu’elles soient pures de tout mélange avec les eaux qui descendent des hauteurs, ou avec celles qui viennent des couches très-profondes:; elles doivent, en outre, parcourir un long trajet souterrain, à une profon- deur constante de 143 à 49 mètres, dans nos climats, et de 4 metre seulement, d'après Boussingault, dans les contrées équinoxiales (*). En effet, les couches dont nous venons d'in- diquer la profondeur sont, dans ces régions diverses, celles où la température commence à étre constante; en d’autres — 178 — termes, ce sont les couches où les variations horaires, diur- nes où même mensuelles de l’atmosphére cessent de se faire sentir. On rencontre des sources thermales dans toute espèce de terrain, et même les sources permanentes les plus chaudes ont été trouvées loin des volcans. J'en vais citer ici deux exemples que j'extrais de mes journaux de voyage: ce sont les Æquas calientes de las Trincheras dans l'Amérique du Sud, entre Porto Cabello et Nueva Valencia, et les Zquas de Comangillas, près de Guanaxuato, dans l'empire du Me- xique. Les premiéres sortent du granit; elles avaient 90°,3; les secondes sortent du basalte, et marquaient 96°,4. D'a- prés ce que nous savons sur l'accroissement de la chaleur dans l’intérieur de la terre, les couches où ces eaux ont ac- quis une température si élevée doivent être situées à une profondeur de 2200 mètres. Si la chaleur interne de la terre est la cause générale qui produit les sources chaudes ; les roches que celles-ci traversent ne peuvent en modifier la température qu’en vertu de leur perméabilité ou de leur ca- pacité pour la chaleur. Les plus chaudes de toutes les sources permanentes, celles dont la température est de 95° ou de 97°, sont aussi les plus pures et les moins chargées de matières minérales en dissolution; leur chaleur parait étre moins con- stante que celle des sources comprises entre 50° et 74°. L’in- variabilité de celles-ci, sous le rapport de la température et de la composition chimique, s’est maintenue d’une manière bien remarquable, du moins en Europe, depuis cinquante ou soixante ans, c’est-à-dire depuis que l'exactitude de nos me- sures thermomeétriques et de nos analyses a permis de la constater. Boussingault à trouvé que les thermes de Las Frin- cheras ont varié de 7° environ en vingt-trois ans; leur tem- pérature à monté de 90°,3 à 97°, depuis mon voyage, en 1800, jusqu’à 1823, époque de celui de Boussingault ($). Cette source, dont les eaux coulent avec la plus grande régularité, est donc maintenant d'environ 7° plus chaude que les sources intermittentes du Geyser et du Strokr, récemment étudiées, avec un soin extrême, par Krug de Nidda, L'apparition su- — 179 — bite du Jorullo, volcan nouveau, dont l’existence était in- connue avant mon voyage en Amérique, a montré comment les sources d’eau chaude peuvent provenir des eaux pluvia- les qui tombent dans l'intérieur de la terre, pour reparaitre plus loin, après avoir été en contact avec un foyer volcanique. Lorsque le Jorullo s’éleva tout à coup, en septembre 1759, à 513 metres au-dessus des plaines environnantes; deux pe- tits ruisseaux, Rios de Cuitimba y de San Pedro, disparu- rent à la fois: quelques temps après, de fortes secousses leur ouvrirent une issue, et ils reparurent sous forme de sources thermales. En 1803. je mesurai leur température: elle était de 652.8. Il est certain que les sources de la Grèce coulent actuel- lement aux lieux mêmes où elles coulaient dans les temps helléniques. La source d'Erasinos , située: à deux heures de marche au sud d’Argos, sur le versant du Chaon, à été citée par Hérodote. A Delphes, on voit encore la Cassotis (maintenant la fontaine de Saint-Nicolas) qui sort de la terre, au sud de Lesché, et qui traverse le temple d’Apollon; la Castalie coule toujours au pied du Parnasse, et le Pirène près de l'Acrocorinthe; les thermes d'Ædepse, où Syila se bai- gnait, pendant la guerre de Mithridate, existent encore au- jourd’hui en Eubée (f). Je cite volontiers ces détails: ils mon- trent que, dans ce pays si souvent agité par de violents tremblements de terre, les couches intérieures ont conservé, au moins depuis deux mille ans, leur forme primitive et jus- qu'aux petites fissures d'où s’épanchent les eaux de ces sour- ces. La Fontaine jaillissante de Lillers, département du Pas-de-Calais, fut forée vers l'an 1126; depuis cette époque, elle à coule , sans interruption, à la même hauteur et avec la mème abondance. Enfin, lhabile géographe des côtes de la Caramanie, le capitaine Beaufort, a vu briller, près de l’an- cienne Phaselis, les flammes voleaniques que Pline a décrites comme des flammes vomies par la Chimère de Lycie (). En faisant remarquer, dès 4821, que plus les puits arté- siens sont profonds et plus les eaux en sont chaudes, Arago a singuliérement éclairci la théorie des sources thermales ; — 180 — celle observation ouvre une voie nouvelle aux recherches qui ont pour but de fixer la loi du décroissement de la cha- leur interne du globe (f). On à reconnu, dans ces ‘derniers temps, que saint Patrice (?), évêque de Pertusa, s'était formé une idée fort juste de ces phénomènes, vers la fin du troi- sième siècle, par l'examen des sources d’eau chaude de Car- thage. On lui demandait quelle pouvait être l’origine de ces eaux bouillantes qui jaillissent du sein de la terre, et il re- pondit: « Non-seulement les nuages, mais encore les profon- deurs de la terre contiennent du feu, ainsi que vous le démon- trent l'Etna et une autre montagne des environs de Naples. Les eaux souterraines montent par des espèces de siphons; les eaux qui coulent loin du feu intérieur apparaissent froi- des; celles dont la source est voisine de ce feu sont échauf- fées et arrivent à la surface de la terre que nous mi avec une chaleur insupportable. » Puisque les tremblements de terre sont souvent accompa- gnés d'émissions d’eau et de vapeurs, on peut considérer les salses, ou petits volcans de boue, comme formant la tran- sition des jets de vapeur et des sources thermales, aux re- doutables éruptions des monts ignivomes. En effet, si les vol- cans, ces sources irrégulières de matieres fondues, donnent naissance aux roches volcaniques, de leur côté, les sources thermales, dont les eaux sont chargées d’acide carbonique et de gaz sulfureux, produisent par voie de dépôt, d'une maniere lente mais continue, des couches de travertin horizontalement superposées; ou bien elles forment des monticules coniques, en Algérie, par exemple, et dans les Banos de Caxamarca, sur le versant occidental des Cordillères péruviennes. Charles Darwin a trouvé des restes d’une végétation primitive dans le travertin de la terre de Van-Diémen, prés d'Hobart-Town. Nous avons cité ces deux roches, la lave et le travertin, dont la production se continue encore sous nos yeux, afin de si- gnaler les deux extrèmes des formations géologiques. Les salses, où volcans de boue, me paraissent mériter plus d'attention que les géologues n’ont coutume de leur en ac- corder. On à méconnu la grandeur de ce phenomene, parce — 181 — que, des deux phases qu’il présente, la dernière, c’est-à-dire la période de calme où les salses persistent pendant des sie- cles , est la seule dont on se soit occupé. L'apparition des salses est accompagnée de tremblements de terre, de ton- nerres souterrains, du soulèvement de contrées entières et de jets de flammes trés-élevés, mais de courte durée. Lors- que la salse de Jokmali se forma, le 27 novembre 1827, dans la presqu'ile d'Abscheron , à lorient de Bakou (mer Caspienne), les flammes s’élancérent à une hauteur extraor- dinaire; ce phénomène dura trois heures. Pendant les vingt heures suivantes, elles s’élevérent à peine à un mètre au- dessus du cratère d’où la boue s’épanchait. Prés du village de Baklichi, à l’ouest de Bakou, la colonne de flamme fut si haute qu'on l’apercevait à une distance de 4 ou 5 myria- mètres. D'énormes blocs de pierre, arrachés sans doute à de grandes profondeurs, furent lancés au loin. On retrouve des blocs de ce genre aux alentours de la salse, aujourd'hui si calme, du mont Xibio, près de Sassuolo, dans l'Italie septen- trionale. Depuis quinze siècles, la salse sicilienne de Girgenti (Macalubi), dont les anciens nous ont laissé une description, se maintient dans la seconde période de son activité. Gette salse se compose de monticules coniques disposés par ran- gées, hauts de 2, de 3 et même de 30 mètres; leur hauteur est variable, ainsi que leur forme. Le bassin supérieur est fort petit et rempli d’eau; il en coule des torrents de fange argileuse, accompagnés de dégagements périodiques de gaz. Ordinairement ces boues sont froides; quelquefois elles sont chaudes, par exemple dans l'ile de Java, à Damak, province de Samarang. Les éruptions gazéiformes, accompagnées de bruit, sont aussi de nature variable: on y a trouvé de l'hy- drogène mêlé à des vapeurs de naphte, du gaz acide cear- bonique , et même de l'azote presque pur (1°). L'existence de ce dernier gaz a été constaté par Parrot, dans la pres- qu'ile de Taman, et par moi, dans les volcancitos de Tur- baco (Amérique du Sud). L'apparition des volcans de boue offre toujours un carac- tere de violence, quoiqu'il n’y ait peut-être pas deux phé- 14 — 182 — nomènes de ce genre qui l’offrent au même degré; après cette première éruption accompagnée de flammes , ils pré- sentent à l’observateur l’image d’une activité intérieure du globe terrestre, faible, il est vrai. mais continuelle et gagnant toujours du terrain. La communication avec les couches pro- fondes, où règne une forte chaleur, est bientôt interrompue, et les éruptions de boues froides montrent que le siége du phénomène, dès qu'ilest parvenu à sa deuxième phase, n’est peut-être pas très-éloigné de la surface. La réaction de l’in- térieur du globe contre son écorce extérieure se manifeste avec une tout autre puissance dans les volcans proprement dits, c’est-à-dire dans ces points où il existe une communi- cation , soit permanente, soit périodiquement renouvelée , avec un foyer situé à une grande profondeur. Il faut dis- tinguer soigneusement entre les effets volcaniques plus ou moins prononcés, tels que les tremblements de terre, les sour- ces d’eau chaude ou de vapeurs, les volcans de boue, lé- rection de montagnes de trachyte en forme de dôme ou de cloche, mais sans excavation, la formation d’une ouverture au sommet de ces montagnes, ou celle d’un cratère de sou- lèvement dans les terrains basaltiques, l'apparition finale d’un volean permanent dans le cratère même de soulevement, ou au milieu des débris de son échafaudage primitif. A des épo- ques différentes et suivant les degrés divers de leur activité ou de leur puissance, les Volcans permanents émettent des vapeurs aqueuses ou acides, des scories incandescentes, et, quand les résistances sont vaincues, d’étroites coulées de lave fondue sous forme de longs ruisseaux de feu. La réaction de l’intérieur de notre planète s’est encore manifestée avec une grande énergie, mais d’une manière lo- cale, lorsque des portions isolées de la croûte terrestre ont été soulevées, par les vapeurs élastiques, en dômes arrondis de trachyte feldspathique et de dolérite (Puy-de-Dôme et Chimborazo); ou lorsque les couches, pressées de bas en haut, ont été brisées, puis relevées extérieurement de manière à produire un escarpement intérieur et à former ainsi l’en- ceinte d’un cratère de soulévement. Si ce phénomène s’est — 183 — produit au fond de la mer, ce qui n’est nullement le cas gé- néral, le cratère de soulèvement offre alors l'aspect d’une ile volcanique. C’est ainsi que s’est formé le cirque de Nisyros, dans la mer Egée (11), et celui de Palma, dont Léopold de Buch a donné une savante description. Il arrive parfois qu’une moitié de l’enceinte est détruite, et que la mer y creuse des bassins où des familles de coraux élèvent leurs demeures cellulaires. Même sur les continents, les cratères de soulève- ment sont souvent remplis d’eau ; ils donnent alors aux pay- sages un caractère particulier et un aspect éminemment pit- toresque. Leur formation est indépendante de la nature des terrains; ils se produisent également dans le basalte, dans le trachyte, dans le porphyre leucitique (Somma), ou dans les mélanges d’augite et de labrador, analogues à la dolérite. C’est là ce qui donne aux bords des cratères une si grande variété d'aspect. « Ces enceintes ne présentent aucune ap- parence d’éruption; il ne s’y est point ouvert de communi- cation permanente avec un foyer souterrain, et il est rare de trouver, soit dans l’intérieur , soit dans le voisinage de ces cratères, des traces d’une activité volcanique encore exis- tante. La puissance qui a produit des effets aussi considéra- bles a dù être longtemps accumulée et renforcée dans l'in- térieur, avant d’avoir pu vaincre la résistance qu’opposait la pression de la masse supérieure, et d’avoir pu soulever, par exemple, de nouvelles iles au-dessus du niveau de la mer, en brisant des roches à texture grenue et des conglo- mérats (couches de tuf contenant des plantes marines). Les vapeurs fortement comprimées s’échappent par ces cratères de soulèvement, mais l'énorme masse ainsi soulevée retombe et referme aussitôt l’ouverture qui n’a pu se former, un moment, que par un tel effort; il ne se produit pas de vol- can (1?). > Un volcan proprement dit n’existe que là où il s’est formé une communication permanente de l'intérieur du globe ter- restre avec l’atmosphère. Alors la réaction de l’intérieur con- tre la surface procède par longues périodes. Elle peut, comme ce fut autrefois le cas du Vesuve [Fisove] (5), s'interrompre — 184 — pendant des siècles, et se reproduire ensuite avec une éner- gie nouvelle. À Rome, on penchait déjà, du temps de Néron, à classer l’Etna parmi les volcans qui s’éteignent peu à peu(1#); plus tard, Ælien affirmait que le sommet s’affaissait et que les navigateurs ne pouvaient plus l’apercevoir d’aussi loin qu’autrefois (5). Si les traces de la première éruption sub- sistent, si l’'échafaudage primitif, qu’on me permette d’em- ployer ce mot, s’est conservé intact, on voit le volcan s’é- lever au centre d'un cratère de soulèvement; le cône d’érup- tion est entouré d’un rempart circulaire de roches dont les assises ont été fortement relevées. Quelquefois, on retrouve à peine quelques vestiges de l'enceinte qui a formé d’abord cette espèce de cirque, et le volcan, dont la forme n’est pas toujours circulaire, s'élève immédiatement au-dessus d’un plateau, comme une eroupe alongée; tel est le Pichincha, au pied duquel est bâtie la ville de Quito. De même que la nature des roches, c’est-à-dire le mélange ou l’association des espèces minérales simples qui se réunis- sent pour former le granit, le gneiss et le micaschiste, ou le trachyte, le basalte et la dolérite, est complétement indépen- dante de nos climats actuels et reste identique sous toutes les latitudes, de même nous voyons partout les mêmes lois présider à l’ordre de superposition des couches dont se com- pose l'écorce terrestre, à leurs pénétrations mutuelles et aux effets de leur soulèvement. C’est surtout à l'aspect des vol- cans que l’on est frappé de cette identité générale de forme et de structure. Lorsque le navigateur, éloigné de sa patrie, est parvenu sous d’autres cieux où des étoiles inconnues ont remplacé les constellations accoutumées, il voit dans les iles des mers lointaines des palmiers, des arbustes nouveaux pour lui, et les formes étranges d'une flore exotique; mais la na- ture inorganique lui offre encore des sites qui lui rappellent les dômes arrondis des montagnes de l'Auvergne, les cra- tères de soulèvement des Canaries ou des Açores, le Vésuve et les fissures éruptives de l'Islande. Un coup d'œil jeté sur le satellite de notre planète permet de généraliser l’analogie que nous venons de signaler. Les cartes de la Lune, dessi- — 185 — nées à l’aide de télescopes moyens, nous montrent la surface de cet astre parsemée de vastes cratères de soulèvement, qui entourent des éminences coniques, ou quiles supportent sur leurs enceintes circulaires. Il est impossible de méconnaitre ici les effets d’une réaction de l'intérieur du globe lunaire contre les couches extérieures, réaction éminemment favori- sée par la faiblesse de la pesanteur qui règne à la surface de notre satellite. Si les volcans portent à juste titre, en beaucoup de lan- gues, le nom de montagnes ignivomes, il ne faut pas en con- clure que cés montagnes ont toujours été formées par l'ac- cumulation incessante des coulées de lave. Leur formation parait plutôt résulter, en général, d'un soulèvement brusque des masses ramollies de trachyte, ou d’augite mélangée au labrador. La hauteur du volean donne la mesure de la force qui l'a produit; cette hauteur est si variable que certains cratères ont à peine les dimensions d’une simple colline (tel est le volcan de Cosima, l’une des kouriles japonaises), tan- dis qu’on voit ailleurs des cônes de 6000 mètres d’élévation. La hauteur des volcans m'a paru exercer une grande in- fluence sur la fréquence des éruptions; il m'a semblé que leur activité était en raison inverse de leur hauteur. Considé- rez, en effet, la série suivante: Le Stromboli (707 mètres); dans la province de Quiros, le Guacamayo, qui tonne pres- que tous les jours (je l'ai souvent entendu près de Quito, à une distance de 16 myriamètres); le Vésuve (1181 mètres); l'Etna (3313 m.); le Pic de Ténériffe (3711 m.); le Cotopaxi (5812 m.). Si les foyers de tous ces volcans sont silues à la même profondeur, il est évident que la force nécessaire pour élever la masse de lave en fusion jusqu’à leurs sommets doit croitre avec leurs hauteurs. Il ne faut done pas s'éton- ner si le plus petit de tous, le Stromboli (Strongyle), est en pleine activité depuis le temps d'Homère, et sert encore au- jourd'hui de phare aux navigateurs, tandis que des volcans six ou huit fois plus élevés paraissent condamnés à de longs intervalles d'inaction. Tels sont, pour la plupart, les colosses qui couronnent les Cordilléres ; leurs éruptions se renouvel- — 186 — lent à peine une fois par siècle. Cette loi, que j'ai signalée depuis longtemps, souffre à la vérité quelques exceptions; mais on pourrait lever toute difficulté en admettant que la communication du cratère avec le foyer voleanique n’est pas libre au même degré, d’une manière permanente, dans tous les volcans. En outre, le canal de communication d’un vol- can peu élevé pourrait s’oblitérer pendant un certain laps de temps et par suite, ses éruptions pourraient se ralentir, sans qu'on fut en droit de conclure à une extinction pro- chaine. Les considérations précédentes sur le rapport qui existe entre les hauteurs absolues des voleans et la fréquence de leurs éruptions, nous conduisent naturellement à l'examen des causes qui déterminent l’épanchement de la lave en tel ou tel point d'une montagne volcanique. Rarement l’érup- tion se fait par le cratère même ; elle s'effectue presque tou- jours par des ouvertures latérales, vers les points où la pa- roi de la montagne offre le moins de résistance; cette remar- que a été faite sur l'Etna, dés le xvi° siècle, par un jeune homme qui fut plus tard le célèbre historien Bembo (16). Il se forme quelquefois des cônes d'éruption sur ces fissures latérales ; les plus grands passent souvent, mais à tort, pour des volcans nouveaux ; ils se suivent dans la direction même de la fissure qui s’est refermée. Les cônes moins élevés sont arrondis en forme de cloche ou de ruche; ils sont rassem- blés par groupes sur d'assez grandes étendues de terrain. Tels sont: les hornitos de Jorullo (17), les cônes qui surgi- rent sur les flancs du Vésuve pendant l’éruption d’octo- bre 4822, ceux du volcan d’'Awatcha, d’après Postels,; et ceux du Lavenfeld, près des monts Baïdares, dans le Kamtschatka, d'apres Ermann, Au lieu d’être libres et isolés au milieu des plaines, les volcans peuvent être entourés, comme ceux de la double chaine des Andes de Quito, d'un plateau élevé de trois à qua- tre mille mêtres. Cette circonstance suflirait peut-être pour expliquer les phénomènes particuliers à ce genre de volcans, dont le cratère ne vomit jamais de lave, même au milieu de — 187— formidables éruptions de scories incandescentes et d’explo- sions qui se font entendre à plus de cent lieues (‘$). Tels sont les volcans de Popayan, ceux du plateau de Los Pastos et ceux des Andes de Quito, sauf le volcan d’Antisana, le seul, peut-être, qui fasse exception parmi ces derniers. Ce qui donne à un volcan sa physionomie particulière c'est d’abord la hauteur du cône de cendres; puis c’est la forme et la grandeur de son cratère; mais ces deux éléments principaux de la configuration générale des montagnes igni- vomes, le cône de cendres et le cratère, ne dépendent nul- lement des dimensions de la montagne elle-même. Ainsi, ja hauteur du cône de cendres du Vésuve est le tiers de celle de la montagne entière; pour le Pie de Ténériffe, cette hau- teur est fc seulement de la hauteur totale, et cependant le Vésuve est trois fois moins élevé que le Pic. Sous ce rapport, un volcan beaucoup plus grand que celui de Ténériffe se rap- proche du Vésuve; e’est le Rucu-Pichincha. De tous les vol- cans qu'il m'a éte donne de voir dans les deux hémisphéres, le Cotopaxi est celui dont le cône est le plus régulier et le plus pittoresque. La fonte subite des neiges qui en recou- vrent le sommet annonce une éruption prochaine; avant que la fumée ne monte dans l'air rarélié qui baigne le sommet et l'ouverture du cratère, les parois du cône de cendres de- viennent incandescentes et brillent d’une lueur rougeàtre , tandis que la montagne apparait comme une énorme masse noire, d’un aspect sinistre. Situé presque toujours sur le sommet de la montagne, le cratère forme une vallée profonde, en forme de cône tron- qué, dont le fond est souvent accessible malgré ses conti- nuels changements. Le plus ou moins de profondeur du cra- tere est même un indice qui permet de juger si la dernière éruption est récente ou ancienne. De longues crevasses, d’où s’échappent des torrents de fumée, ou bien de petites exea- vations circulaires remplies de matières en fusion, s'ouvrent et se referment alternativement dans cette vallée. Le fond se gonfle et s’affaisse; il s’y élève des monticules de scories ef des cônes d'éruption qui surgissent parfois au-dessus des — 188 — bords du cratère et changent ainsi l'aspect de la montagne, pour des années entières ; mais à l’éruption suivante, ces cÔ- nes retombent et disparaissent tout à coup. Les ouvertures de ces cônes d’éruption qui surgissent ainsi de Pintérieur du cratère ne doivent pas être confondues, comme cela n’est arrivé que trop souvent, avec le cratère même qui les ren- ferme. Ce dernier est-il inaccessible à cause de sa profon- deur et de l’escarpement de ses parois, et c’est là le cas du Ruecu-Pichincha (4855 m.); on peut du moins se placer sur le bord et considérer les sommnités du cône qui s’éléve du fond de la vallée intérieure, au milieu des vapeurs sulfureu- ses; c’est un magnifique spectacle; jamais la nature ne s’est offerte à moi sous un aspect plus grandiose que sur les bords du cratère du Pichincha. Dans l'intervalle de deux éruptions, il se peut qu'un volcan ne produise aucun phénomène lu- mineux, mais seulement des vapeurs d’eau chaude qui sor- tent des érevasses; ou bien l’on trouve. sur l’aire à peine échauffée du cratère, des monticules de scories dont on peut s'approcher sans danger. Dans ce dernier cas, le géologue voyageur peut se livrer sans crainte au plaisir de voir, en miniature, le spectacle d’une éruption: des masses de sco- ries enflammées, sans cesse rejetées par ces petits volcans, retombent sur les flancs des monticules, et chaque explosion est régulièrement annoncée par un tremblement de terre purement local. La lave sort quelquefois des crevasses_ou des puits qui se forment dans le cratère lui-même; mais cette lave ne parvient pas à en rompre les parois ni à s’épancher par-dessus les bords. Si pourtant une rupture à lieu dans les flancs de la montagne, l'écoulement de la lave fondue se fait par cette issue, ét le courant igné suit une direction telle que le fond même du cratère proprement dit ne cesse pas d’être accessible à l’époque de ces éruptions partielles. Pour donner une idée juste de ces phénomènes si souvent défi- gurés par des narrations fantastiques, nous avons dü insis- ter sur la description de la forme et de la structure normale des monts ignivomes; nous avons dû surtout fixer le sens de ces mots cratères, volcans, cônes d'éruption, dont le vague — 489 — et les acceptions diverses ont introduit tant de confusion dans cette partie de la science. Les bords du cratère sont moins exposés à varier qu'on ne le croirait de prime abord, car la comparaison des me- sures de Saussure avec les miennes a montre que, dans un intervalle de quarante-neuf ans (de 1773 à 1822), le bord du Vésuve, situé vers le nord-ouest (Rocca del Palo) à con- servé la même hauteur au-dessus du niveau de la mer, du moins dans la limite des erreurs de l'observation (!°). Les volcans qui s'élèvent au-dessus de la limite des nei- ges perpétuelles, comme ceux de la chaine des Andes, pré- sentent des phénomènes particuliers. Les masses de neige qui les recouvrent fondent subitement pendant les éruptions et produisent des inondations redoutables, des torrents qui entrainent pêéle-méle des blocs de glace et des scories fu- mantes. Ces neiges exercent encore une action continue, pen- dant la période de repos du volcan, par leurs infiltrations incessantes dans les roches de trachyte. Les cavernes qui se trouvent sur les flancs de la montagne ou à sa base sont transformées peu à peu en réservoirs souterrains que d’e- troits canaux font communiquer avee les ruisseaux alpestres du plateau de Quito. Les poissons des ruisseaux vont se mul- tüplier de préférence dans les ténébres des cavernes; et quand les secousses qui précèdent toujours les éruptions des Cor- dillères ébranlent la masse entiere du volcan, les voütes sou- terraines s’entr'ouvrant tout à coup, l'eau, les poissons, les boues tufacées sont expulsés à la fois. Tel est le singulier phénomène qui à fait connaitre aux habitants des plaines de Quito le petit poisson Pimelodes Cyclopum, qu'ils ap- pellent Prenadilla (2%). Dans la nuit du 49 au 20 juin 1698, le sommet du mont Carguairazo, de 6000 metres de hauteur, s’écroula subitement, sauf deux énormes piliers, derniers vestiges de l’ancien cratère; les terrains environnants furent recouverts et rendus stériles, sur une étendue de près de sept lieues carrées, par du tuf délayé ét par une vase argi- leuse (lodazales) contenant des poissons morts. Les fièvres pernicieuses qui se déclarèrent, sept ans plus tard, dans la — 190 — ville d'Ibarra, au nord de Quito, furent attribuées à la pu- tréfaction d’un grand nombre de poissons morts que le vol- can Imbabaru avait rejetés. Comme les boues et les eaux ne sortent point du cratère même, mais des cavernes qui existent dans la masse trachy- tique de la montagne, leur apparition n’est pas un phéno- mene voleanique, dans le sens strict de ce mot; elle ne se rattache que d’une manière indirecte à l’éruption du volcan. On pourrait en dire autant d’un phénomène météorologique fort singulier que j'ai décrit ailleurs sous Je nom d'orage vol- canique. Des Vapeurs d’eau extrémement chaudes s’échap- pent du cratère pendant l’éruption, s'élèvent à plusieurs mil- liers de métres dans l'atmosphére, et forment, en se refroi- dissant, un nuage épais autour de la colonne de fumée et de cendres. Leur condensation subite, et selon Gay-Lussac, la formation d’un nuage à large surface augmentent la ten- sion électrique: des éclairs sortent, en serpentant, du sein de la colonne de cendres; lon distingue parfaitement les rou- lements du tonnerre et les éclats de la foudre au milieu du bruit qui se produit dans l'intérieur du volcan. Tels furent en effet, en 4822 dans les derniers jours d'octobre, les phé- nomènes qui signalèrent la fin de l’éruption du Vésuve. D'a- prés Olafsen, la foudre éclata au sein de ces nuages volea- niques pendant l’éruption du Katlagia (Islande), le 17 octo- bre 1755; elle tua deux hommes et onze chevaux. Ce tableau général des phénomènes volcaniques serait m- complet si nous nous bornions à y décrire l’activité dyna- mique et la structure des volcans; il nous reste à jeter un coup d'œil sur l'immense variété de leurs produits maté- riels. Les forces souterraines détruisent les anciennes com- binaisons des éléments pour en former de nouvelles; leur ac- tion s'exerce sur la matière liquéfiée par la chaleur, aussi longtemps que le permet son état de fluidité ou de désagré- gation. Les matières liquides ou simplement ramollies se so- lidifient sous l'influence d’une pression plus où moins con- sidérable, et la différence des pressions parait être la cause principale de la différence qui existe entre les roches pluto- — 191 — niques et les roches colcaniques. Le nom de lace s'applique aux matières fondues qui sortent, en longues coulées, dun orifice volcanique. Lorsque plusieurs courants de lave se ren- contrent et sont arrêtés par un obstacle, ils s'étendent en largeur, remplissent de grands bassins et s'y solidifient en formant des couches superposées. C’est là tout ce qu’on peut dire de général sur le genre d'activité volcanique dont il s’agit. Des fragments de roches appartenant aux terrains que les volcans traversent, sont souvent rejetés au dehors avec une enveloppe d’origine ignée. C’est ainsi que j'ai vu des frag- ments angulaires de syénite feldspathique contenus dans la lave noire du volcan mexicain de Jorullo, lave composée principalement d'augite. Mais les masses de dolomie et de calcaire granulaire qui contiennent de magnifiques groupes de minéraux crislallisés (vésuvianes et grenats recouverts de méïonile, de néphéline et de sodalite), n’ont point été re- jetés par le Vésuve: « ils appartiennent plutôt à des cou- ches de tuf, formation très-répandue et plus ancienne que Le soulèvement de la Somma ou du Vésuve; ce sont probable- ment des produits d’une action volcanique sous-marine, dont le foyer devait être situé à une grande profondeur (?1). » Parmi les produits des volcans actuels se trouvent cinq mé- taux: le fer, le cuivre, le plomb, l’arsenic et le sélénium deé- couvert par Stromeyer dans le cratère de Volcano. Les va- peurs des fumarolles contiennent des sublimations de chloru- res de fer, de cuivre, de plomb et d’ammoniaque. Du fer spée- culaire (?*) et du sel marin (le dernier surtout en grande quantité) remplissent les cavités des coulées de lave récente, et tapissent les fissures qui se sont formées dans les parois du cratere. La composition minéralogique des laves varie suivant la nature des roches cristallines qui composent le volcan, sui- vant la hauteur du point où se fait l’éruption (soit au pied de la montagne, soit plus près du eratére), et suivant la cha- leur plus ou moins forte qui règne à l'intérieur. Plusieurs produits vitriliés, l’'obsidienne, la perlite et la ponce man- — 192 — quent complétement dans certains volcans; ailleurs, ces ro- ches proviennent du cratére, où de points situés intérieure- ment, à de faibles profondeurs. L'étude de ces relations im- portantes, mais complexes, exige une grande exactitude dans les analyses chimiques ou cristallo-graphiques. Mon compa- gnon de voyage en Sibérie, Gustave Rose, et, après lui, Her- mann Habich, ont obtenu déjà d'heureux résultats dans leurs recherches sur la structure de ces roches volcaniques si va- riées. Les émissions gazeuses sont formées, en grande partie, de vapeurs d'eau pure; elles se condensent et donnent nais- sance à des sources, conne celles qui servent aux chévriers de l'ile de Pantellaria. Un matin, le 26 octobre 1822, on vit sortir du Vésuve, par une fissure latérale du cratère, un eou- rant que l’on erut longtemps formé d’eau bouillante; en l’e- xaminant de plus près, Monticelli trouva que c'était un cou- “ant de cendres sèches, de lave réduite en poussière par le frottement et coulant comme du sable fin. Quant aux cen- dres qui, chassées par les vapeurs, s’élevent dans les airs comme une colonne immense, leur apparition signale ordi- nairement la fin de chaque grande éruption; elles obscur- cissent l'atmosphère pendant des heures et même pendant des journées entières; puis en retombant, elles recouvrent d’un enduit les feuilles des arbres, et nuisent particulière- ment aux vignes et aux oliviers. C’est cette colonne de cen- dres ascendantes que Pline le Jeune décrivait, dans sa cé- lébre lettre à Tacite, en la comparant à un pin dont la cime seule serait garnie de branches. Les lueurs qu’on aperçoit pendant les éruptions de scories, et l'éclat rougeûtre des nua- ges placés au-dessus du cratère ne sont point de véritables flammes et ne peuvent être attribuées à du gaz hydrogène brûlant; ce sont des reflets de là lumiére des masses incan- descentes que le volcan a lancées à une grande hauteur; elles proviennent aussi du cratère lui-même, qui éclaire les va- peurs ascendantes. Quant aux flammes qu’on à vu sortir du sein de la mer, comme au temps de Strabon, pendant les éruptions de volcans situés près de la côte, ou quelque temps — 193 — avant le soulèvement d’une ile nouvelle, nous n’avons au- eune explication à donner, Demander ce qui brûle dans les volcans, chercher ce qui engendre la chaleur, fond les métaux et les roches, et pro- duit les courants de lave d’une grande épaisseur (?5), dont la température est encore très-élevée plusieurs années après leur sortie du cratère c’est déjà préjuger la question; du moins, c'est admettre implicitement que tout volcan suppose un amas de matières combustibles propre à alimenter son ac- tivité, de même que les lits de charbon de terre alimentent des incendies souterrains. Suivant les phases diverses que les sciences chimiques ont parcourues,. les phénomenes vol- caniques ont été suecessivement attribués au bitume, puis aux pyrites où à un mélange humide de soufre et de fer réduits en poussière, tantôt à des pyrophores naturels, tantôt aux métaux des alcalis et des terres. Hätons-nous de dire que, dans son dernier ouvrage, Consolations in travel and last days of a Philosopher, livre dont la lecture inspire un sen- timent de tristesse, le célèbre chimiste auquel nous devons la découverte des métaux alcalins, sir Humphry Davy, a re- noncé lui-même à son hypothèse chimique. La densité moyenne de la terre (5.44) comparée aux poids spécifiques beaucoup plus faibles du ‘potassium (0,865), du sodium (0,972), et des métaux terreux (1,2), l'absence d'hydrogène dans les éma- nations gazéiformes des fissures volcaniques ou des laves en- core chaudes, et bien d’autres considérations chimiques (?*) sont en contradiction manifeste avec les anciennes idées de Davy et d'Ampère. Si l’éruption des laves donnait lieu à un dégagement d'hydrogène, en quelle énorme masse ce gaz ne devrait-il pas se dégager quand la lave qui s'épanche d’un cratère d'éruption couvre des contrées entières et acquiert une épaisseur de plusieurs centaines de pieds là ou elle a éte arrêtée par un obstacle! Telles furent pourtant, d'après Mac- kenzie et Soemund Magnussen, les suites d’une éruption qui eut lieu en Islande, au pied du Skaptar-Jœkul, du 44 juin au 3 août 1783. Veut-on, pour étayer l'hypothèse d’une com- bustion souterraine, recourir à l'introduction de Fair dans 5 fUIE l’intérieur des voleans, ou, comme on l’a dit par métaphore, à une aspiration de notre planète? on rencontre des diffi- cultés analogues: 1à, c'était l'hydrogène qui faisait défaut parmi les produits des volcans; ici, €’est l'azote, dont on re- trouve à peine quelques traces dans leurs exhalaisons. Une activité si puissante et si généralement répandue dans les entrailles de la terre ne saurait avoir sa source dans les réactions chimiques qui s’engendrent au contact de certaines substances particulières à quelques localités. La nouvelle géo- gnosie préfére en chercher la cause dans la chaleur centrale de notre globe, chaleur dont l'existence se révele à la sur- face par la température croissant rapidement avec la pro- fondeur, sous toutes les latitudes, et dont l’origine remonte à ces époques cosmogoniques où notre planète elle-même fut formée par la condensation progressive d’une partie de l'atmosphère nébuleuse du soleil. La science de la nature, nous lavons déjà rappelé plusieurs fois, n’est point une aride accumulation de faits isolés; elle n’est pas bornée par les étroites limites de la certitude matérielle; elle doit s'élever aux vues générales et aux conceptions synthétiques. Pour- quoi serait-il interdit à l'esprit humain, avide de savoir, de s’élancer du présent pour remonter vers les temps passés, de soupçonner ce qu'il ne peut démontrer, et de poursuivre enfin la solution du problème qui a été posé de tout temps à son activité, jusque sous les formes variées des mythes de la géognosie? Si les volcans sont pour nous des sources in- termittentes, mais irrégulières, d'où jaillit un mélange fluide d'oxydes métalliques, d’alcalis et de terre, sous la puissante pression des vapeurs élastiques, si ces sources ignées cou- lent aussi, calmes et paisibles, là où les masses liquéfiées ont trouvé une issue permanente, pouvons-nous oublier combien la riche imagination de Platon s'était rapprochée de ces idées lorsque ce grand philosophe assignait aux éruptions des volcans et à la chaleur des sources thermales une cause unique, universellement répandue dans les entrailles de la terre, et symbolisée par un fleuve de feu souterrain, le Py- riphlégéthon (25)? — 195 — Indépendants de l'influence des climats dans leur mode de distribution géographique, les volcans ont été rangés en deux classes essentiellement différentes: les eolcans centraux et les chaînes volcaniques. « Les premiers forment toujours le centre d’un groupe de volcans secondaires fort nombreux et assez réguliérement disposés dans tous les sens. Ceux qui composent les chaines volcaniques sont échelonnés, à de fai- bles distances. dans une même direction, comme des chemi- nées qui se seraient formées sur une grande faille. Cette se- conde classe se subdivise à son tour: où bien les volcans d’une même chaine s’élévent du fond de la mer, sous forme d’ilots eoniques, et alors ils sont ordinairement distribués au pied d’une chaine de montagnes primitives qui court dans la même direction; ou bien ils sont situés sur la ligne de faite de cette chaine primitive dont ils forment les som- mets (#%) ». Le Pic de Ténériffe, par exemple, est un volcan central; il est le centre d'un groupe auquel appartiennent les iles volcaniques de Palma et de Lancerote. L’immense rempart paturel qui s'étend depuis le Chili méridional jus- qu’à la côte nord-ouest de l'Amérique, tantôt simple, tantôt divisé en deux ou trois branches parallèles, renouées de dis- tance en distance par d’etroites articulations transversales, la chaine des Andes, en un mot, nous offre, sur une grande échelle, l'exemple d’une chaîne volcanique située sur la terre ferme. Dans cette chaine, la proximité des volcans actifs est constamment annoncée par l'affleurement brusque de cer- taines roches (dolérite, mélaphyre, trachyte, andésite, por- phyre dioritique) qui ont traversé les roches primitives, les terrains de transition formés d'argile ou de grès, et les stra- tes récentes. Cette remarque m'a conduit, il y a longtemps. à admettre que les roches sporadiques dont je viens de faire l'éenumération ont été le siége d’anciens phénomènes volea- niques et la cause déterminante des éruptions. C’est au pied du puissant Tunguragua, près de Penipe (sur les bords du Rio-Puela), que j'ai vu nettement, pour la première fois, une roche volcanique traverser une couche de micaschiste repo- sant sur le granit. — 196 — Lorsque les volcans des chaînes volcaniques du Nouveau- Continent sont trés-rapprochés, il existe entre eux une cer- taine liaison. Au Pérou. l'activité volcanique parait se pro- pager peu à peu, depuis des siècles, dans la direction du sud au nord. Le foyer général s’étend sous'le plateau tout entier qui forme la province de Quito (?7); ça et là des sou- piraux établissent des communications entre ce foyer et l’at- mosphère: ce sont les volcans du Pichincha, du Cotopaxi et du Tunguragua; leurs cimes élevées et leur distribution pit- loresque forment le tableau le plus grandiose ‘qu’on puisse rencontrer dans une contrée volcanique aussi resserrée. Les extrémités de ces chaines volcaniques sont donc reliées en- tre elles par des communications souterraines, et les preu- ves nombreuses qui justifient cette assertion rappellent une parole bien remarquable de Sénèque : « un cratère n’est que l'issue des forces volcaniques qui agissent à une grande pro- fondeur (*#). > Une dépendance mutuelle relie pareillement les volcans du plateau mexicain, l'Orizaba, le Popocatepetl, le Jorullo, le Colima, tous situés dans la même direction, sur une grande faille qui s’est étendue transversalement d’une mer à l’autre, par 48° 59° et 19° 12° de latitude septentrio- nale. C’est précisément dans cette direction, reconnue et si- gnalée par moi-même (?), c’est sur la même faille que le volcan de Jorullo a surgi, le 29 septembre 1759, à 513 me- trés au-dessus des plaines environnantes. Ce volean n’a vomi de la lave qu’une seule fois; de même, le mont Epoméo, dans l'ile d'Ischia, n’a eu qu'une éruption vers l’an 1302.: Mais si le Jorullo, situé à 145 myriamètres de tout volcan actif, peut passer pour une montagne nouvelle, dans le sens propre de ce mot, son apparition ne doit pourtant pas être assimilée à celle du Monte-Nuovo (19 septembre 1538), qui n’est qu’un simple cratère de soulèvement. I est plus exact et plus naturel, à mon avis, de comparer, comme je lai fait au- trefois, l'érection subite du volcan mexicain au soulèvement volcanique du pic de Méthone (actuellement Methana), dans la presqu'ile de Trézène. Ce dernier phénomène, décrit par Strabon et par Pausanias, a fait naitre, dans la riche imagi- .— 497 — nation d'un poète romain, des aperçus qui offrent une afti- nité frappante avec les idées actuelles: « On voit près de Trézène un pie aride et escarpé: c'était autrefois une plaine unie, maintenant c'est une colline. Les vapeurs enfermées dans de sombres cavernes cherchaient en vain une issue; sous leur effort puissant, le sol se tuméfia comme une vessie qui se gonfle d'air ou comme une outre formée de la peau d'un boue. La terre, ainsi soulevée, a conservé la forme d’une haute colline, que le temps a changée en un dur rocher. ». Le pie de Méthone s’est élevé entre Trézène et Épidaure, en un lieu où Russegger a rencontré des veines de trachyte; sa formation remonte à 282 ans avant notre ère, c’est-à-dire à"45 ans avant la séparation volcanique de Théra (Santorin) et de Thérasia. Ajoutons que tous les faits analogues actuel- lement acquis à la scierice justifient la poétique descrip- tion qu'Ovide nous a laissée de ce grand événement na- turel (5). De toutes le iles d'éruption qui font partie de chaines vol- caniques ; la plus importante est Santorin. « C’est le type complet des iles de’soulèvement. Depuis 2000 ans, aussi loin que l'histoire et la tradition peuvent remonter, on voit la na- ture travailler sans relâche à former un volcan au milieu du cratère de soulèvement (°'). > L'ile de San-Miguel, l’une des Acores, est aussi le théâtre de phénomènes semblables qui se produisent par périodes de quatre-vingts ou de quatre- vingt-dix ans (5°); mais le fond de la mer n’y a pas toujours été soulevé aux mêmes points. L'ile Sabrina, ainsi nommée par le capitaine Tillard,, parut le 30 janvier 4811; malheu- reusement les événements politiques de cette époque ne per- mirent pas aux puissances maritimes de l’Europe occidentale de donner à ce grand phénomène toute l'attention qui fut accordée plus tard (%) à l'apparition éphémère de l'ile Fer- dinandea (le 2 juillet 4831, dans la mer de Sicile, entre les côtes calcaires de Sciacca et l'ile volcanique de Pantellaria). Le grand nombre de volcans actifs situés dans les iles où sur les côtes, et les éruptions sous-marines qui se produisent encore de temps en temps, ont fait penser que l’activité vol- 45 — 198 — canique est subordonnée au voisinage de la mer; on à cru que l’une ne pouvait se développer ni durer sans l’autre. « L'Etna et les iles Eoliennes, dit Justin (5*), ou plutôt Trogue Pompée que Justin à abrégé, brülent depuis bien des siècles; or, comment ce feu pourrait-il durer si la mer ne lui four- nissait un aliment? » En acceptant ces vieilles idées comme point de départ, on a eerché, dans ces derniers temps , à fonder toute la théorie des volcans sur l'hypothèse de l’in- troduction des eaux marines dans leurs foyers, c’est-à-dire dans les couches profondes de Pécorce terrestre. Cette théorie _a soulevé une discussion fort compliquée, pourtant, après avoir considéré, dans leur ensemble, les données que la science possède aujourd’hui, il m'a semblé que le débat pouvait se résumer dans les questions suivantes. Les vapeurs acqueuses que les voleans exhalent incontestablement, en grande quan- tité, même dans leurs périodes de repos, proviennent-elles des eaux salées de la mer, ou des eaux douces météoriques? La force d'expansion de la vapeur d’eau qui se développe, à diverses profondeurs, dans les foyers des volcans (à une pro- fondeur de 28,600, mètres, cette force serait de 2,800 at- mosphères), peut-elle faire équilibre à la pression hydrosta- tique des eaux de la mer, et leur permettre, dans certains cas, un libre accés dans les foyers volcaniques (5°)? La pro- duction d’une grande quantité de chlorures métalliques, la présence du sel marin dans les crevasses des cratères, celle de l'acide hydroclorique libre dans les vapeurs d'eau qui s'en dégagent, supposent-elles nécessairement l’intervention des eaux de la mer? L’inactivité des voleans, soit temporaire, soit permanente et définitive, est-elle déterminée par l’obli- tération des canaux qui auraient primitivement conduit, vers leurs foyers, les eaux de la mer ou les eaux météoriques ? Enfin et surtout, comment concilier l’absence de flammes et le manque de gaz hydrogène pendant la période d’activité, avec l'hypothèse qui attribue cette activité à la décomposi- tion d’une énorme masse d’eau (il ne faut pas perdre de vue que le dégagement d'hydrogène sulfuré est particulier aux solfatares, plutôt qu'aux volcans actifs)? — 199 — Je dois me borner à poser ces importantes questions de physique générale, car leur discussion ne saurait rentrer dans le plan de cet ouvrage. Mais puisqu'il s’agit ici de la distri- bution géographique des volcans, il est permis du moins de rétablir, dans leur intégrité, des faits, dont on n’a pas assez tenu compte lorsqu'on à supposé que le voisinage de la mer est une condition nécessaire de l’activité volcanique. On trouve, dans le Nouveau Monde, trois volcans, le Jorullo, le Popocatepetl et le volcan de la Fragua, situés respectivement à 15, 25 et 29 myriamètres des bords de l'Océan; dans Asie centrale, presque à égale distance de la mer Glaciale et de lo- céan Indien (273 et 284 myriamètres), s'étend une grande chaine de montagnes volcaniques, le Thian-chan [les Hon- tagnes célestes, signalées aux géologues par Abel Rému- sat | (56), dont font partie le Pé-chan, qui vomit de la lave, la solfatare d'Urum-tsi, et le volcan encore actif du Turfan (Ho- tseu). Le Pé-chan est situé à 250 myriamètres de la mer Cas- pienne, à 32 et à 39 myriamètres des grands lacs d’Issikoul et de Balkasch (57); les écrivains chinois ont décrit ses érup- tions, qui dévastèrent les contrées environnantes, vers le pre- mier et le septième siècle de notre ère; il est impossible de ne pas reconnaitre les courants de lave lorsqu'ils disent : « Les masses de pierres fondues coulaient, aussi fluides que de la graisse fondue sur une étendue de 40 Li. > Enfin, parmi les quatre grandes chaines paralleles, l’Altaï, le Thian-chan, le Kuen-lun et l'Himalaya, qui traversent de l’est à l'ouest le continent asiatique, ce sont les deux chaines intérieures, si- tuées à 297 et à 1434 myriamètres de toute mer, qui possèe- dent des volcans vomissant du feu, comme l’Etna et le Vé- suve, exhalant des vapeurs ammoniacales comme les volcans de Guatimala, tandis qu'il n'en existe aucun dans la chaine la plus voisine de la mer, dans l'Himalaya. Ainsi les phéno- mènes volcaniques ne dépendent point du voisinage. de la mer, en ce sens qu'ils ne sauraient être causés par l’intro- duction des eaux dans les régions souterraines. Si les côtes paraissent offrir un gisemeut favorable aux éruptions, c’est qu'elles forment les bords de profonds bassins occupés par = ee la mer, et ces bords recouverts seulement par des couches d’eau, situés d’ailleurs à quelques milliers de mètres au-des- sous de l’intérieur des continents, doivent présenter, en gé- néral, à l’action des forces'souterraines, beaucoup moins de résistance que la terre ferme. La formation des volcans actuels, dont les cratères établis- sent une communication permanente entre l'atmosphère et l’intérieur du globe, ne remonte pas à une époque bien re- culée, car les couches de craie les plus élevées et toutes les formations tertiaires existaient avant ces volcans. C'est ce que montrent les éruptions de trachyte et les basaltes qui ferment souvent les parois des cratères de soulèvement. Les mélaphyres s'étendent jusqu'aux moyennes couches tertiai- res; mais ils commencent déjà à se montrer sous la forma- tion jurassique, puisqu'ils traversent les grès bigarrés (5). Il faut se garder de confondre les cratères actuellement actifs avec les épanchements antérieurs de granit, de porphyre quartzeux et d’euphotide qui eurent lieu par des failles de l’ancien terrain de transition. L'activité volcanique peut disparaitre complétement, com- me en Auvergne; quelquefois elle se déplace et cherche une autre issue dans la même chaine de montagnes; alors l’ex- tinction n’est que partielle. Sans qu'il soit nécessaire de re- monter au delà des temps historiques, on trouve des exem- ples d'extinction totale beaucoup plus récents que ceux de l’Auvergne: Ainsi, le volcan situé dans l'ile consacrée à Vul- cain, le Mosychlos (5°), dont Sophocle cite « les tourbillons de flammes, » est actuellement éteint; on peut en dire au- tant du volcan de Médine, qui, d’après Burekbardt, a vomi un dernier torrent de lave le 2 novembre 1276. Chaque phase de l'activité d’un volcan, depuis sa naissance jusqu’à son extinction, est caractérisée par des produits différents. D'abord, le volcan vomit des scories incandescentes, des cou- rants de lave formée de trachyte, de pyroxène et d'obsidienne, des rapillis et du tuf sous forme de cendres , accompagnés d’un dégagement considérable de vapeurs d’eau presque tou- jours pure, Plus tard, le volcan devient solfatare; les vapeurs "D — d’eau qu’il émet sont mélangées d'hydrogène sulfuré et d’a- cide carbonique. Enfin. le eratère lui-même se refroidit en- tiérement, et il ne s’en exhale plus que du gaz acide carbo- nique. Il est pourtant une classe singulière de volcans , tels que le Galunggung de Java, qui ne vomissent point de lave, mais qui lancent des torrents dévastateurs d'eau bouillante, chargés de soufre en combustion et de roches réduites en poussière (“°). Avant de décider si leur état actuel est un état normal ou une simple modification passagere de Factivite volcanique, il faut attendre qu'ils aient été examinés par des géologues initiés aux doctrines de la chimie moderne. Nous voici arrivés au terme de la description générale des volcans, l'une des plus importantes manifestations de l’acti- vité intérieure de notre planète. Je l'ai fondée, en partie, sur mes propres observations; mais pour en tracer les contours généraux, j'ai dû prendre pour guide les travaux de mon ami Léopold de Buch, le plus grand géologue de notre époque , le premier qui ait reconnu l'intime connexité et la dépen- dance mutuelle des phénomènes volcaniques. Longtemps on n’a vu dans la eulcanicite (la réaction de l'intérieur d’une planète contre son écorce) qu’un phénomène isolé, qu'une force locale, remarquable seulement par sa puis- sance de destruction. Il était réservé à la géognosie nou- velle de se placer à un point de vue plus élevé et d’envi- sager les forces volcaniques comme formant de nouvelles ro- ches, où comme modifiant les roches préexistantes. À ce point de vue, que nous avons déjà signalé, deux sciences différentes, la partie minéralogique de la géognosie (strue- ture et succession des couches terrestres), et l’étude géogra- phique de la forme des continents et des archipels soulevés au-dessus du niveau de la mer, viennent se rattacher à une seule et même doctrine, celle de la vuleanicité. Si la science est parvenue à rattacher ainsi deux grandes classes de phe- nomènes à une seule conception , elle le doit à la direction vraiment philosophique que suivent aujourd’hui tous les géo- logues. Les sciences procèdent comme les grands intérêts politiques de Phumanité ; elles tendent incessamment à ra- mener à l’unité les parties qui sont restées longtemps isolées. — 902 — On peut classer les roches, d’après leurs différences de structure où de superposition , en roches stratifiées et non stralifiées, en lamellaires et compactes, en normales et anormales; mais quand on cherche à découvrir, par l'étude des phénomènes qui se produisent encore sous nos yeux, comment les roches ont été formées, puis modifiées, on trouve qu'elles peuvent être distribuées en quatre classes fonda- mentales : 4° Les roches d’eruption, sorties de l’intérieur de la terre, ou polcaniquement, à l'état de fusion, ou pluloniquement, à l’état de ramollissement plus ou moins marqué. 20 Les roches de sédiment, précipitées ou déposées du sein d’un milieu liquide, où elles étaient primitivement dis- soutes, où tenues en suspension (telle est la plus grande par- tie des groupes secondaire et tertiaire). 3° Les roches transformées (métamorphiques), dont la tex- ture et le mode de stratification ont été altérés, soit par le contact ou la proximité d'une roche d’éruption plutonique ou volcanique f roches endogènes] (*!), soit par l’action des vapeurs et des sublimations (*?) qui accompagnent la sortie de certaines masses à l'état de fluidité ignée; ce dernier mode d’altération est le plus fréquent. 4e Les conglomérats, les grès à grains fins ou mice les brèches. Ces roches sont formées de débris des trois ro- ches précédentes, divisées mécaniquement. Ces quatre genres de roches se produisent encore sous nos yeux par l’'épanchement de masses volcaniques en eou- lées étroites, par l’action de ces masses sur des roches an- ciennes , par la séparation mécanique ou chimique de ma- tières suspendues ou dissoutes dans des eaux chargées d’a- cide carbonique, enfin par la cimentation des détritus de ro- ches de toute nature. Mais ce n’est là qu’un faible reflet de ce qui s'est passé pendant la période chaotique du monde primitif, alors, sous de tout autres conditions de chaleur et de pression, l’activité de notre globe s’est développée avec plus d'énergie, sur un sol moins résistant et dans une at- mosphère plus étendue, plus chargée de vapeurs. Aujour- — 203 — d'hui, les énormes fractures de l'écorce terrestre ont disparu ; les failles béantes des couches superficielles déjà consolidées ont été comblées par les chaines de montagnes que les for- ces souterraines ont soulevées et poussées au dehors, ou par des roches d’éruption (le granit , le porphyre, le basalte, le mélaphyre); à peine s'il est resté, sur une étendue telle que celle de l'Europe, quatre ouvertures, quatre volcans par où les matières ignées puissent faire irruption. Mais autrefois, l'écoree naissante, fracturée en tous sens, encore peu épaisse, soumise à des fluctuations continuelles, tantôt soulevée, tan- tôt affaissée, laissait presque partout communiquer la masse intérieure en fusion avec l'atmosphère; et les effluves gazeu- ses, dont la nature chimique devait varier autant que les profondeurs d’où elles s’échappaient, venaient donner comme une vie nouvelle aux développements successifs des forma- tions plutoniques et métamorphiques. Ce que nous venons de dire pour la période ignée, nous pouvons le dire aussi de celle où les terrains de sédiment se sont formés. Les eou- ches de travertin qui se déposent journellement à Rome comme à Hobart-Town, en Australie, nous retracent l’image, mais une image bien affaiblie, de la“formation des terrains fossiliféres. Sous des influences encore peu connues, nos mers actuelles produisent incessamment, par voie de précipitation, d’atterrissement et de cimentation, sur les côtes de la Sicile, sur celles de l'ile de l’Ascension, dans la lagune du Roi Geor- ges (Australie), de petits bancs de calcaire dont certaines parties ont acquis une dureté comparable à celle du marbre de Carrare (#). Ces formations de l'océan actuel ont ense- veli, sur les côtes des Antilles, des produits de l’industrie hu- maine, et jusqu’à des squelettes de la souche caraïbe (à la Guadeloupe). Les nègres des colonies françaises nomment cette formation maçonne-bon-Dieu (%*). On a trouvé dans l’une des Canaries, l'ile de Lancerote, une petite couche d’ooli- the qui, malgré sa nouveauté, rappelle le calcaire du Jura ; c'est une production de la mer et des tempêtes (). Les roches composées sont des associations déterminées de certains minéraux simples, le feldspath, le mica, la silice, > — 904 — l’augite, la néphéline, Les volcans produisent encore sous nos yeux des roches semblables à celles du monde primitif; les éléments sont les mêmes de part et d'autre, mais ils sont différemment groupés. Nous avons dit plus haut (#6) qu'il n’existe aucun rapport entre les caractères minéralo- giques et la distribution géographique des roches; c’est qu’en effet le géologue s'étonne de voir, dans les zones les plus éloignées, au nord comme au sud de l'équateur, les moin- dres détails se répéter dans la disposition alternante des cou- ches siluriennes., et les mêmes effets se reproduire au con- tact des masses augitiques d’éruption. | IL nous faut maintenant considérer de plus près les quatre classes fondamentales de roches (classes correspondantes à quatre phases de formation) que nous offrent les couches stratifiées ou massives de l'écorce terrestre. Et d’abord, parmi les roches endogènes ou d'éruption que la géognosie moderne a désignées sous les noms de roches massives et anormales, nous trouvons plusieurs produits de l’action immédiate des forces souterraines, dont nous allons énumérer les groupes principaux :. Le granit etla syenite, appartenant à des époques très dif- férentes; cependant le granit traverse souvent la syénite (°); il est alors d’une origine plus récente que la force qui a sou- levé cette dernière roche. Lorsque le granit apparait en gran- des masses isolées, sous forme d’ellipsoïdes faiblement voûtés, que ce soit dans le Hartz, ou dans le Mysore, ou dans le Bas- Pérou , partout il est surmonté d’une croûte divisée en blocs. Probablement cette espèce de mer formée de rochers doit son origine à la contraction de la surface primitive du granit (*). Dans l'Asie septentrionale (‘*), sur les rives pittoresques du lac Kolivan (Altaï), comme sur les revers de la chaine ma- ritime de Caracas, à Las Trincheras (‘’), j'ai vu aussi des as- sises de granit dont les divisions proviennent sans doute d’un retrait analogue; mais il m'a paru que cette structure s’éten- dait profondément sous terre. L'aspect des roches d’érupton sans trace de gneiss, que j'ai rencontrées sur les frontières de la province chinoise d’Ili (au sud du lac Kolivan, entre Buch- tarminsk et la rivière Narym), m'a vivement frappé; je n’a- — 205 — vais jamais rien vu de semblable dans les autres parties du monde. Le granit, toujours écaillé à la surface, toujours ca- ractérisé par des divisions prismatiques, s'élève dans la steppe, tantôt en petits monticules hémisphériques, hauts de 2 ou 3 mètres tout au plus, tantôt, comme le basalte, en forme de coupe dont la base présente deux coulées étroites diamétra- lement opposées (‘'). Aux cataractes de l'Orénoque comme dans le Fichtelgebirge (Seissen), en Galice comme sur le Papagallo (entre la mer du Sud et le plateau du Mexique), j'ai vu le granit en grands globes aplatis qui offraient des divisions con- centriques semblables à celles de certains basaltes. Dans la vallée d'Irtyseh, entre Buchtarminsk et Ustkamenogorsk, le granit recouvre le schiste argileux de transition sur une lon- gueur de près d’un myriamètre (%); il envoie dans cette cou- che, de haut en bas, d’étroites veines qui se ramifient et se terminent en pointes eflilées. Je cite ces détails dans l'unique but de faire ressortir, par quelques exemples, le caractère fondamental des roches d’é- ruption dans une des roches les plus généralement répandues dans la nature. De même que le granit couvre l'argile en Si- bérie et dans le département du Finistère (ile de Mihau), de mème il recouvre le calcaire jurassique dans les montagnes d'Oisans (Fermonts), de mème il recouvre la syénite et, au milieu de celte roche, la craie, à Weinbæhla, en Saxe (). Dans l’Ural, à Mursinsk, le granit est poreux; ses cellules sont, comme les cellules et les fissures des roches volcaniques ré- centes, remplies de magnifiques cristaux, principalement de bé- rils et de topazes. Le porphyre quartzeux, qui se joint souvent, en forme de gangue, avec les autres roches. La pâle est ordinairement un mélange à grains fins des mèmes éléments qui s’y trouvent disséminés en gros cristaux. Dans le porphyre granilique, très- pauvre en quartz, la pâte feldspathique est presque granulaire et feuilletée (°°). Les grunsteins. les diorites, mélange granulaire d’albite blan- che et de hornblende d’un vert noirâtre, formant des porphy- res dioritiques lorsque les cristaux d’albite sont disséminés dans une pâte compacte. Ges grunsteins, tantôt purs, tantôt mêlés de feuillets intercalés de diallage (Fichtelgebirge), et passant, dans ce dernier cas, à la serpentine, ont été injectés quelque- — 206 — fois entre les anciennes strates du schiste argileux vert, où ils forment des lits; plus souvent ils traversent le sol sons forme de filons, ou bien ils s’élèvent sous forme de dômes tout à fait analogues aux dômes de basalte et de porphyre (‘). L'hypersthenfels est un mélange granulaire de labrador et d'hypersthène. L’euphotide et la serpentine, où le diallage se trouve quelque- fois remplacé par des cristaux d’augite et d’uralite, et alors très rapprochées d’une roche plus commune, je dirais presque d’une roche d'éruption plus active, le porphyre augitique (). Le mélaphyre et les porphyres à eristaux d’augite, d’ura- lite et d'oligoklas. C’est à cette dernière espèce de porphyre qu'appartient le pur sert-antique. si célèbre par son emploi dans les arts. Le basalte avec l’olivine et ses éléments, qui, traités par les acides, donnent des précipités gélatineux, la phonolithe (por- phyre argileux), le trachyte et la dolérite; la première de ces roches est partiellement divisée en plaques minces, la deu- xième présente toujours celte structure qui donne à ces deux roches, même sur de grandes étendues, l'apparence d’une sorte de stratification. D’après Girard, la mésotype et la néphéline entrent pour une part importante dans la composition et la texture interne des masses basaltiques. La néphéline du ba- salte rappelle au géologue la miascite des montagnes de PII- men, dans l'Oural (), minéral qu’on a confondu avec le gra- nit, et qui contient quelquefois de la zircone; elle rappelle aussi la néphéline pyroxénique, découverte par Gumprecht près de Lœbau et de Chemnitz. La deuxième classe de roches, les roches de sédiment, comprend la majeure partie de ces formations auxquelles on a donné autrefois les dénominations systématiques, mais peu correctes, de formations plates, formations de transition, formations secondaires et tertiaires. Si les roches d’érup- tion n'avaient point soulevé l'écorce terrestre, si les trem- blements de terre qu’elles ont occasionés n'avaient point agi sur les formations sédimentaires, la surface de notre pla- pète consisterait en couches horizontales, régulièrement dis- posées les unes au-dessus des autres. Dépourvue de nos chai- — 207 — nes de montagnes dont les versants reflètent, pour ainsi dire, de la base au sommet, dans la gradation pittoresque des espè- ces végétales, l’échelle des températures décroissantes de l'atmosphère, à peine si la surface des continents serait ac- cidentée par quelques ravins, par l'accumulation de quelques détritus, insignifiants produits de la force d’érosion et de transport de faibles courants d’eau douce ; d’un pôle à l’autre, la surface monotone de la terre présenterait le triste spec- tacle des Llanos de l'Amérique du Sud ou des steppes de l’Asie septentrionale; partout nous verrions la voûte céleste reposer immédiatement sur les plaines et les astres monter, au-dessus de cet uniforme horizon, comme du sein d’une mer sans rivages. Mais le monde primitif lui-même n’a point présenté partout cet aspect; du moins l’état de choses que nous venons de décrire n’a pu durer longtemps, car, à toutes les époques, les forces souterraines ont agi pour le modifier. Les terrains de sédiment ont été précipilés ou déposés du sein des eaux, suivant que la matière constituante, le cal- caire ou le schiste argileux, se trouvait chimiquement dis- soute dans le milieu liquide, ou à l'état de mélange et de sus- pension. Lorsque des terres dissoutes dans l’eau, à l’aide d’un excès d'acide carbonique, viennent à se précipiter, leur de- scente et leur accumulation en couches sont exclusivement réglées par les lois ordinaires de la mécanique. Cette re- marque n’est pas sans importance pour l'étude de l’enfouis- sement des corps organiques dans les couches calcaires où s'effectue la pétrification. Il est probable que les plus anciens sédiments des terrains de transition ou des terrains secon- daires se sont formés dans des eaux maintenues à une tem- pérature assez élevée par la forte chaleur qui régnait alors à la surface de la terre. C’est à ce point de vue qu'il est permis de dire que les forces plutoniques ont agi sur les couches sédimentaires, et surtout sur les plus anciennes ; mais ces couches paraissent s'être dureies et avoir acquis leur structure schisteuse sous l'influence d’une grande pres- sion, au lieu que les roches sorties de l'intérieur (le granit, le porphyre ou le basalte) se sont solidifiées par voie de re- — 908 — froidissement. La haute température des eaux primitives ve- nant à baisser peu à peu, ces eaux absorbérent, en plus grande quantité, le gaz acide carbonique dont l'atmosphère était surchargée; elles purent dés lors tenir en dissolution une plus grande masse de calcaire. Voici l'éenumération des couches de sédiment, dont nous exclurons toutes les couches exogènes qui proviennent de Paccumulation mécanique des sables ou des galets : Le schiste argileux des terrains de transition inférieurs et supérieurs, comprenant les formations silurienne et devonienne, depuis les couches inférieures du système silurièn, qu'on nom- mait autrefois formation cambrienne, jusqu’à la couche la plus élevée du vieux grès rouge, ou de la formation devonienne, couche qui avoisine le calcaire de montagne. Les lits de charbon de terre. Les calcaires intercalés dans les formations de transition et dans les couches de charbon; le zechstein, le caleaire coquil- ler, la formation jurassique, la craie et tous les terrains du groupe tertiaire qui ne peuvent être rangés ni parmi les grès, ni parmi les conglomérats. Le travertin, le caleaire d’eau douce, les concrétions siliceu- ses des sources thermales, les formations qui se sont produi- tes, non sous la pression de grandes masses d’eaux marines, mais presque à l'air libre, sur les bas-fonds des marais et des rivières. Les bancs d’infusoires, donnée géologique d’une grande por- tée, en ce qu'elle nous révèle l'influence que l’activité organi- que de la nature a exercée sur la formation des terrains; c’est une découverte toute récente dont la science est redevable aux travaux de mon ingénieux ami Ebrenberg, l’un de mes com- pagnons de voyage. Il semble que dans cet examen rapide, mais complet, des éléments minéralogiques de l’écorce terrestre nous aurions dû placer, immédiatement après les roches simples de sédi- ment, les conglomérats et les grès, qui sont aussi, du moins en partie, des sédiments séparés d’un milieu liquide, et qui alternent, dans les terrains de transition et dans les couches — 209 — fossiliféres, avec le schiste argileux et avec la craie. Mais les conglomérats et les grès ne se composent pas seulement des débris de roches d’éruption et de roches de sédiment; ils contiennent encore des détritus de gneiss, de micaschistes et d’autres masses métamorphiques. Ces dernières roches doi- vent done composer la troisième classe de formes fonda- mentales. La roche endogène ou d’éruption (le granit, le porphyre et le mélaphyre) n’est point un agent exclusivement dyna- mique; non-seulement elle soulève ou ébranle les couches sur-jacentes, non-seulement elle les relève ou les repousse latéralement, mais encore elle modifie profondément les com- binaisons chimiques de leurs éléments et la nature de leur tissu intérieur. Il en résulte des roches nouvelles, le gneiss, le micaschiste et le calcaire saccharoïde (marbre de Carrare et de Paros). Les anciens schistes de transition de formation silurienne ou devonienne. le calcaire bélemnitique de la Taren- taise, le macigno (grès calcaire), gris et terne, contenant des algues marines, qu'on rencontre dans l'Apennin septentrio- nal, prennent souvent, après leur transformation, une strue- ture nouvelle et un éclat qui les rendent presque méconnais- sables. La théorie du métamorphisme a été fondée, du mo- ment où l’on est parvenu à suivre pas à pas toutes les pha- ses de la transformation et à guider les inductions du géo- logue par les recherches directes du chimiste sur l'influence des degrés divers de fusibilité, de pression et de refroïdisse- ment. Lorsque l'étude des combinaisons de la matière est diri- gée par une idée féconde (), la chimie peut, de l’etroite en- ceinte du laboratoire, répandre une vive lumière dans lechamp de la géognosie, vaste atelier de la nature où les forces sou- terraines ont formé et métamorphosé les couches terrestres. Mais si l'élément matériel nous est bien connu aujourd'hui, il n’en est pas ainsi de la mesure des forces qui ont agi avec tant d'énergie dans le monde primitif, sous peine de tomber dans des analogies trompeuses et de ne s’elever qu’à des vues rétrécies sur les grands phénomènes de la nature, l’observa- teur philosophe doit avoir sans cesse présentes à la pensée — 910 — les conditions si complexes qui ont dû modifier autrefois les réactions chimiques. Sans doute les corps simples ont obéi, de tout temps, aux mêmes affinités ; si donc il se rencontre encore quelques contradictions, le chimiste parviendra le plus souvent, j'en suis convaincu, à les faire disparaitre, en re- montant aux conditions primitives de la nature qui n’au- raient point été reproduites identiquement dans ses travaux. Des observations fort exactes, embrassant une grande éten- due de terrain, montrent que les roches d’éruption ne se sont pas produites avec un caractère de violence et de bou- leversement. On voit souvent, dans les contrées les plus op- posées, le granit, le basalte ou la diorite exercer régulière- ment jusque dans les moindres détails, leur action transfor- matrice sur les strates du schiste argileux, sur celles du eal- caire compacte et sur les grains de quartz dont se compose le grès. Tandis qu'une roche endogène quelconque exerce partout le même mode d’action, les diverses roches de celte classe présentent, au contraire, des caractères très différents. On retrouve, à la vérité, dans tous les phénomènes, les ef- fets d’une chaleur intense; mais le degré de fluidité ou de ra- mollissement à varié singulièrement du granit au basalte; d’ailleurs, les éruptions de granit, de basalte, de porphyre à pâte de grunstein, de serpentine, ont été accompagnées de su- blimations dont la nature a changé suivant les époques géologi- ques. C’est ici le lieu de rappeler que les faits de métamorphis- me ne sont pas limités aux phénomènes de simple contact; ils comprennent encore tous les phénomènes qui ont accompagné la sortie d’une masse d’éruption déterminée; car là où le con- tact immédiat n’a point lieu, la simple proximité d’une telle masse suffit déjà pour moditier la cohésion, la texture, la ri- chesse en silice et la forme cristalline des roches préexistantes. Toute roche d'éruption pénètre, en seramifiant, dans d’au- tres masses également endogènes, ou dans les strates sédi- mentaires; mais il existe, à cet égard, une différence eapi- tale entre les roches plutoniques (°°) [le granit, le porphyre, la serpentine] et les roches volcaniques, dans le sens le plus strict de ce mot (le trachyte, le basalte, la lave). Les roches — 91 — dont la production volcanique actuelle parait être un der- nier effort de l’activité de notre globe se présentent en cou- lées étroites, et ne forment une couche de quelque étendue que dans les bassins où plusieurs courants se sont réunis. Lorsqu'il a été possible de suivre les éruptions basalliques à de grandes profondeurs, on les a toujours vues terminées par de minces filets. Près de Marksubl (à 4 *f2 myriamètre d’Ei- senach), à Eschwege (sur les bords de la Verra) et près de la pierre druidique de la route d’Hollert (Siegen), pour ne citer ici que trois exemples pris dans notre patrie, le basalte, injecté par d’étroites ouvertures, a traversé le grès bigarré et la grauwacke, et, semblable à un pilier surmonté de son chapiteau, il s’est élargi en forme de coupe dont la masse est divisée tantôt en lames minces, tantôt en colonnes grou- pées. Il n’en est pas de même du granit, de la syénite, du quartz porphyroïde, de la serpentine et de la série entière de ces roches non stratifiees, à texture massive, auxquelles on à donné le nom de roches plutoniques, par prédilection pour une nomenclature tirée de la mythologie. Sauf quelques rares filons, toutes ces roches ont surgi à l’état pâteux, et non point à l’état de fusion complète; non par d’étroites fis- sures, mais par de larges failles semblables à des vallées, et par des gorges d’une grande étendue. Elles ont été poussées de bas en haut, et non point injectées à l’état liquide; on ne les voit jamais en coulées étroites, comme la lave; mais en masses puissantes ($°). Quelques groupes de dolérite et de trachyte semblent avoir possédé le même degré de fluidité que le basalte; d’autres groupes qui s’élévent en masses con- sidérables, sous forme de cloches ou de dômes sans cratères, paraissent être sortis à l’état de simple ramollissement. Cer- tains trachytes sont disposés par lits, comme le granit et le porphyre quartzeux ; tels sont les trachytes de la chaine des Andes, dont j'ai souvent remarqué lanalogie frappante avec les porphyres à pâte de grunstein et de syénite (argentifères et alors dépourvus de quartz). En étudiant directement les modifications que la chaleur fait subir au tissu et aux propriétés chimiques des roches ($1), 2 HS cé on a trouvé que les masses volcaniques (la diorite, le por- phyre augitique, le basalte et la lave de l’Etna) fondues, puis refroidies, forment un verre noir à cassure homogène si le refroidissement a été rapide, et une masse pierreuse de structure granulaire ou cristalline si le refroidissement s’est opéré avec lenteur. Dans le dernier cas, les cristaux se for- ment dans des cellules et dans la masse même où ils sont empâtés. On a constaté que les mêmes matières pouvaient produire les composés les plus différents; ee fait est de la plus haute importance pour l’étude des roches d’éruption et des transformations auxquelles ces roches peuvent don- ner lieu. Par exemple, la chaux carbonatée, fondue sous une forte pression, ne perd point son acide carbonique ; mais la masse refroidie devient du calcaire granulaire, du marbre saccharoïde. Tels sont les résultats obtenus par la voie sèche. Par la voie humide, il se produit du spath cal- caire ou de l’aragonite, suivant que le degré de chaleur a été faible ou élevé (?), parce que les différences de tempé- rature déterminent le mode d’agrégation des molécules qui s'unissent dans l'acte de la cristallisation et influent sur la forme du cristal lui-même (%). En outre, il est telle circon- stance où les molécules d’un corps peuvent acquérir une dis- position nouvelle qui se manifeste par des propriétés opti- ques différentes, sans que le corps ait passé par Pétat de fluidité (5*). C’est ainsi que les phénomènes de la dévitrifiea- tion. de la production de l'acier par la fonte ou la cémenta- tion, du passage du fer fibreux à l’état de fer granulaire par l’action de la chaleur (), et peut-être sous l'influence de petits chocs réguliers et longtemps répétés, contribuent à éclaircir l'étude géologique du métamorphisme. La chaleur peut même produire, dans les corps cristallisés, des effets complétement opposés; car, depuis les beaux travaux de Mitscherlich (56), on sait que le spath caleaire se dilate sui- vant l’un de ses axes, tandis qu'il se contracte suivant l’autre. Si nous descendons maintenant de ces considérations gé- nérales à quelques exemples particuliers, nous voyons d’abord le schiste transformé en ardoise d’un noir bleuàtre et bril- — 24143 — lant par le voisinage des roches plutoniques. Les plans de stratilication sont alors interrompus par d’autres plans de division (joints) presque perpendiculaires aux premiers, in- dice certain d’une action postérieure à la métamorphose de la roche primitive (7). L’'acide silicique, qui à pénétré le schiste argileux, y produit des veines de quartz et le trans- forme, en partie, en pierre à aiguiser et en schiste siliceux (cette derniére roche est quelquefois carbonifère; elle peut alors donner naissance à des phénomènes galvaniques). Le schiste, au plus haut degré de silicification (8), devient une matière précieuse pour les arts; tel est le jaspe rubanné qui s'est produit, dans l’Oural, par l’éruption et le contact du porphyre augitique (Orsk), du porphyre dioritique (Auschkal), ou d’une masse arrondie d’hypersthène (Bogoslowsk). Dans Pile d’Elbe (Monte-Serrato), d’après Frédéric Hoffmann, et en Toscane, d’après Alexandre Brongniart, le jaspe rubanné s’est formé au contact du schiste avec l’euphotide et la serpentine. Le contact et l’action plutonique du granit donnent au schiste argileux une texture grenue et le transforment en une masse granitoide, c’est-à-dire en un mélange de feldspath et de mica où se trouvent empâtées de grandes parcelles de ce dernier minéral (%°); ce genre de métamorphose a été ob- servé par Gustave Rose et par moi dans l'intérieur de la for- teresse de Buchtarminsk [Altaï]|(®). « S'il est une hypothèse universellement admise en géognosie, dit Léopold de Buch, c’est celle qui attribue à l’action transformatrice du granit sur les couches siluriennes des terrains de transition, tout le gneiss compris entre la mer Baltique et le golfe de Fin- lande; elle a même, pour la plupart des géologues, la valeur d’une vérité demontrée. Dans les Alpes, au mont Saint-Go- thard, la marne calcaire a été pareïllement transformée, par le granit, en micaschiste d’abord et puis en gneiss » (T1). La production du gneiss et du micaschiste, sous l’influence du granit, se remarque aussi dans le groupe oolithique de la Ta- rantaise (72), où l’on à trouvé des belemnites dans des ro- ches qui pourraient déjà passer pour du micaschiste, dans le groupe schisteux de la partie occidentale de l'ile d’Elbe, non 16 — 214 — loin du cap Calamita, et dans le Fichtelgebirge de Païreutlr, entre Lomitz et Markleiten (T5). Nous avons dit que le jaspe, dont les masses considéra- bles ne furent pas connues dans l'antiquité (7), avait été pro- duit par l’action volcanique du porphyre augitique; une au- tre matière, dont l’art ancien fit un grand et noble usage, le marbre granulaire (saccharoïde), doit être également consi- dérée comme une couche de sédiment modifiée par la chaleur terrestre et par le voisinage d’une roche d’éruption. Cette der- nière assertion est justifiée par l'analyse exacte des phénomé- nes qui naissent au contact des roches ignées, et par les recher- ches directes de sir James Hall sur la fusion des substances minérales; ces belles recherches, qui datent de plus d’un demi- siècle, jointes à l'étude approfondie des veines granitiques, ont singulièrement hâté les progrès de la géognosie moderne. Quel- quefois l’action de la roche d’éruption s’arrête à une faible dis- tance de la surface de contact ; il se produit alors une transfor- mation partielle qui s'étend dans la couche comme une sorte de pénombre; telle est la craie de Belfast (Irlande), traversée par des veines de basalte; telles sont les couches fossilifères de calcaire compact, partiellement infléchies par un granit syénitique, vers le pont de Boscampo et à la cascade de Can- zocoli (Tyrol) que le comte Marzari Pencati a rendue céle- bre (5). Un autre mode de transformation est celui où tou- tes les couches du calcaire compact ont été entièrement chan- gées en calcaire granulaire par l’action du granit, de la sye- nite ou du porphyre dioritique (TS). Qu'il me soit permis d'accorder ici une mention spéciale aux marbres de Paros et de Carrare, auxquels les chefs-d’œu- vre de la sculpture ont donné tant d'importance, et qui ont figuré si longtemps dans nos collections géologiques comme types des calcaires primilifs. Tantôt l’action du granit s’est exercée par la voie du contact immédiat, dans les Pyrénées, par exemple (17); tantôt elle s’est propagée à travers des cou- ches intermédiaires de gneiss ou de micaschiste, comme sur le continent grec et dans les iles de la mer Egée. Dans les deux cas, les transformations des couches calcaires ont été — 915 — synchroniques, mais elles ont procédé différemment. On a re- marqué dans l’Attique, dans l'ile d'Eubée et dans le Pélopon- nèse, que « le calcaire superposé au micaschiste est d'autant plus beau, d’autant plus cristallin que le micaschiste lui-même est plus pur, c’est-à-dire moins argileux. » Cette dernière roche, ainsi que des strates de gneiss, affleurent en beaucoup de lieux profonds de Paros et d’Antiparos (T#). D’après le fon- dateur de l’école d’Elée, Xénophane de Colophon (T°), qui pensait que la terre avait été recouverte autrefois par la mer, on aurait trouvé des fossiles marins dans les carrières de Syracuse, et l'empreinte « d’un petit poisson » (une sardine). au fond de celle de Paros ; si cette assertion, rapportée par Origène, était exacte, on pourrait croire que certaines cou- ches fossilifères n’ont subi qu'une métamorphose incomplète. Quant au marbre de Carrare (Luna), dont l'emploi remonte à une époque antérieure au siècle d’Auguste, et qui conser- vera le privilége de fournir à peu près exclusivement aux besoins de la statuaire aussi longtemps que l'exploitation des carrières de Paros restera négligée, c’est une couche, trans- formée par les actions plutoniques, du même grès calcaire (macigno) qui se montre dans les Alpes Apuanes, entre le micaschiste et le schiste talqueux (°). On a assigné une toute autre origine aux marbres de certaines localités : le calcaire granulaire se serait formé d’abord dans l’intérieur de la terre; puis, repoussé à la surface par le gneiss et la syénite, il au- rait rempli des fissures, comme à Auerbach, sur le Berg- strasse (*'); mais avant d’avoir étudié la question sur les lieux mêmes, je ne puis me permettre de prononcer à ce sujet. De toutes les métamorphoses produites par une roche d’é- ruption sur les strates de calcaire compact, la plus remar- quable est celle que Léopold de Buch a signalée dans les mas- ses dolomitiques, surtout dans celles du Tyrol méridional et du versant ilalien de la chaine des Alpes. Ce mode de trans- formation du calcaire procède des fissures dont il est traversé dans tous les sens. Partout les crevasses sont tapissées de cristaux rhomboïdes de magnésie; la formation tout entière n'est plus qu'une agglomération granulaire de cristaux de — 916 — dolomie, où l’on ne retrouve plus de traces de la stratifiea- tion originaire, ni des fossiles qui y étaient primitivement contenus. Des feuilles de tale et des masses de serpentine sont disséminées çà et là dans la roche nouvelle. Dans la Fas- sathal, la dolomie s'élève verticalement en murailles polies d’une blancheur éblouissante, jusqu’à plusieurs milliers dé pieds de hauteur. Elle forme des cimes aiguës, nombreuses, très-rapprochées, mais qui ne se touchent point. Leur aspect rappelle le gracieux paysage de montagnes fantastiques dont Léonard de Vinci a orné le fond du portrait de Mona Lisa. Les grands phénomènes géologiques que nous venens de décrire parlent à notre imagination autant peut-être qu’à notre intelligence ; ils sont l’œuvre d’un porphyre augitique qui a soulevé, brisé, métamorphosé les couches sur-jacen- tes (*?). L’illustre observateur qui a signalé la conversion du calcaire en dolomie, n’attribue pas ce phénomène à l’in- troduction d’une certaine quantité de tale provenant du por- phyre noir; il le considère seulement comme une modifica- tion contemporaine de la projection de cette dernière roche à travers de larges fissures remplies de vapeurs. Mais, il faut le dire, on trouve aussi, en certains lieux. des lits de dolo- mie intercalés entre ceux du calcaire, et il reste à expliquer comment la transformation à pu s’opérer sans l'intervention d’une roche endogène. Quelles peuvent être, en effet, dans ces cas exceptionnels, les voies suivies par l’action plutoni- que? Faut-il abandonner déjà des théories si souvent éprou- vées et se borner à répéter le vieil adage romain: « souvent la nature a suivi des Voies différentes pour arriver aux mé- mes fins? + Quoi! nous aurions constaté pas à pas, sur toute une contrée, dans des zones entières, l'accord de deux phé- noménes; partout nous aurions vu la projection du mélaphyre accompagner la métamorphose du calcaire compact en une masse cristalline douée de nouvelles propriétés chimiques, et quand nous viendrions à rencontrer un lieu où le premier phé- nomene ferait défaut au second, il ne nous serait pas permis d'attendre que des observationsultérieures vinssent lever cette contradiction apparente, contradiction qui ne dépend peut- ses ètre, en dernière analyse, que d’une anomalie cachée dans les conditions sous lesquelles la cause principale exerce ordinaire- ment son action? Autant vaudrait mettre en doute la nature volcanique et la fluidité ignée du basalte, parce qu'il s’est présenté, çà et là, quelques cas isolés où des veines de ba- salte ont pénétré un lit de charbon de terre, sans lui avoir enlévé une partie notable de son carbone; des couches de grès, sans leur avoir donné un aspect de fritte ou de scorie; des couches de calcaire, sans que la craie ait été convertie en marbre granulaire. En résumé, il serait imprudent d’a- bandonner le fil conducteur, ou, si l’on veut, le -demi-jour qui nous guide dans l’obscure région des formations miné- rales, en se fondant sur ce qu’il reste quelques desiderata dans l'histoire de la transformation des roches et dans celle des intercalations de eertaines couches altérées au milieu de strates qui n’ont subi aucune métamorphose. Après avoir décrit la transformation de la chaux carbo- natée compacte en caleaire granulaire et en dolomie, il nous reste à parler d'un troisième mode d’altération que les va- peurs d'acide sulfurique, volcaniquement émises aux épo- ques primitives, ont produit sur la même roche. Le gypse, né de cette réaction, offre de l’analogie avec les dépôts de sel gemme et de soufre (ce dernier minéral a été abandonné par des vapeurs d’eau chargées de vapeurs sulfureuses). Sur les hautes Cordilléres de Quindiu, loin de tout volcan, j'ai trouvé des dépôts de soufre qui s'étaient formés d’une ma- niére analogue dans les fissures du gneiss, tandis qu’en Si- eile. à Cattolica, près de Girgenti, le soufre, le gypse et le sel gemme appartiennent aux plus récentes couches des ter- rains secondaires, c’est-à-dire aux terrains crayeux (#5). J'ai vu sur les bords du cratèré du Vésuve des fissures remplies de sel gemine en masses assez considérables pour donner lieu quelquefois à un commerce prehibé. Dans les Pyrénées, il est impossible de douter que l'apparition de la dolomie, du gypse et du sel gemme ne se rattache à celle des masses dio- ritiques [ou pyroxéniques?] (84). Tout, dans ces phénomènes, nous annonce l’action des forces souterraines sur les couches sédimentaires déposées par l'océan primitif. 5 Mes Il est bien difficile d’assigner une origine aux puissantes assises de quartz pur, qui forment l’un des traits caractéris- tiques des richesses minérales de la chaine des Andes (*), dans l'Amérique du Sud. De Caxamarca à Guangamarka, en descendant vers la mer du Sud, j'ai trouvé des lits de quartz d’une puissance de deux à trois mille mètres; ces lits repo- sent tantôt sur du porphyre dépourvu de quartz, tantôt sur une diorite, Peut-être proviennent-ils de la transformation du grès, comme les lits de quartz du col de la Poissonnière (à l’est de Briançon), auxquels Elie de Beaumont attribue cette origine (%). Au Brésil, dans les districts de diamant des provinces de Minas-Geraës et de Saint-Paul, qui ont été récemment étudiés avec soin par Clausen, les forces pluto- niques des filons de diorite ont produit du mica commun et du fer spéculaire dans l'itacolumite quartzeux. Les dia- mants de Grammagoa sont renfermés dans des couches d’a- cide silicique solide; quelquefois ils sont enveloppés par des feuilles de mica, tout comme les grenats du micaschiste. Les diamants les plus septentrionaux qu’on ait découverts de- puis 4829 (par 58° de latitude nord, sur le versant éuro- péen de l'Oural) se trouvent en rapport géologique avec la dolomie noire carbonifère d’Adolfskoï (#7), et avec le por- phyre augitique ; mais ces rapports n’ont pas encore été suf- fisamment éclaircis par de bonnes observations. Enfin , il faut ranger au nombre des plus remarquables phénomènes de contact la formation des grenats dans le schiste argileux en contact avec le basalte ou la dolérite (Nor- thumberland, ile d’Anglesey), et la production d’une grande quantité de beaux cristaux très-variés (le grenat , la vésu- viane, l’augite et la ceylanite) qui se sont développés sur la surface de contact de roches d’éruption et de couches sédi- mentaires, où à la jonction de la syénite de Monzon avec la dolomie et le calcaire compact (#$). Dans l'ile d’Elbe, des mas- ses de serpentine, qui peut-être ne présentent nulle part aussi nettement le caractère de roches d’éruption, ont pro- duit des sublimations de fer spéculaire et d’oxide rouge de fer dans les fissures d’un grés calcaire (#°). Nous voyons — 219 — journellement ce fer spéculaire se déposer ainsi aux bords du cratère et dans les coulées de laves récentes du volcan de Stromboli, du Vésuve et de l'Etna (°°). Ces veines el ces filons que les forces volcaniques font naitre sous nos yeux, dans des roches dejà parvenues à un certain degré de soli- dification, nous enseignent comment les filons métalliques et pierreux se sont formés, pendant les premiers àges géo- logiques, partout où l'écorce solide de notre planète, écorce alors peu épaisse, souvent ébranlée par les secousses, cre- vassée et fracturée en tous sens, par suite du refroidisse- ment et du changement de volume, a présenté des commu- nications nombreuses avec l’intérieur, et des issues multi- pliées aux vapeurs ascendantes , aux sublimations de toute espèce. La disposition des particules en couches parallèles aux salbandes, la répétition régulière des couches homolo- gues dans les parties opposées de la veine (le toit et Le mur), la cavité cellulaire allongée de la partie moyenne, font aus- sitôt reconnaitre, dans un grand nombre de filons metalli- fères, l'acte plutonique de la sublimation. Comme les veines pénétrantes sont d’une origine plus nouvelle que les couches pénétrées, les gisements relatifs du porphyre et des forma- tions argentifères des mines de Saxe, les plus riches de toute l’Allemagne, prouvent que ces formations sont au moins plus récentes que les souches d'arbres du terrain houiller et du nouveau grès rouge inférieur [Rothliegendes] (°!). Ce fut une inspiration bien féconde pour la théorie de la formation de l'écorce terrestre, et pour celle du métamor- phisme, que l’heureuse idée de comparer les minéraux na- turels aux scories de nos hauts-fourneaux, et de chercher à les reproduire de toutes pièces (°?). Toutes ces opérations nous offrent en effet le jeu des mêmes affinités qui détermi- nent les combinaisons chimiques, dans nos laboratoires comme dans le sein de la terre. On a retrouvé, parmi les minéraux formés artificiellement, les minéraux simples les plus impor- tants dont les roches d’éruption plutoniques ou voleaniques et les roches métamorphiques se composent, non pas gros- siérement imités, mais reproduits, à l’état cristallin, avee la — 220 — plus complète identité. Toutefois , il convient de distinguer les minéraux qui se sont accidentellement formés dans les scories de ceux dont le chimiste s’est proposé la reproduction. Parmi les premiers on compte le feldspath, le mica, l’augite, l’olivine, la blende, l’oxide de fer cristallisé (fer spéculaire), l’'oxide de fer magnétique octaëdrique et le titane métaili- que (%); parmi les seconds, le grenat, l’idocrase, le rubis (aussi dur que le rubis oriental), l'olivine et l’augite (°#). Ces minéraux forment les parties constituantes du granit, du gneiss et du micaschiste, du basalte de la dolérite et d’un grand nombre de porphyres. La reproduction artificielle du feldspath et du mica est particulièrement importante, en géo- logie, pour la théorie de la conversion du schiste argileux en gneiss. Le premier contient les éléments du granit, sans même en excepter la potasse (%). {1 n’y aurait donc pas lieu de: s'étonner si, comme l’a dit un ingénieux géologue, M. de Dechen , il arrivait qu'un fragment de gneiss se formât un jour sur les parois d’un haut fourneau bâti avec du schiste argileux et de la grauwacke. Après avoir passé en revue, dans ces considérations g6- nérales sur la partie solide de, l'écorce terrestre, les trois classes fondamentales de roches (les roches d’éruption, les roches de sédiment et les roches métamorphiques), il nous reste encore à nommer la quatrième et dernière classe, qui comprend les conglomérats ou les roches détritiques. Ces noms mêmes rappellent les révolutions de la surface de la terre; ils rappellent aussi l'acte de la cimentation qui a con- solidé, par l'intermédiaire de l’oxyde de fer ou de matières argileuses et calcaires, des amas de fragments arrondis ou à vives arêtes. Les conglomérats et les brèches, dans leur plus large acception, présentent les caractères d’une double origine, Les matériaux qui les composent mécaniquement n’ont pas été seulement accumulés par les vagues de la mer, ou par les eaux douces en mouvement; car il existe telle DLhe détritique dont la formation ne peut être attribuée à F action des eaux. « Lorsque des iles de basalte où des monts de tra- chyte ont été soulevés à travers de grandes fractures, il est — 29 — résulté du frottement des masses ascendantes contre les pa- rois des failles que le basalte ou le trachyte se sont trouvés entourés de conglomerats formés aux dépens de leur propre matière. Les grains qui composent les grès d’un grand nom- bre de formations ont été détachés plutôt par le frottement des roches d’éruption plutoniques ou volcaniques, que par la force d’érosion d’une mer voisine. L'existence de cette espèce de conglomérat, qu’on rencontre en masses énormes dans les deux hémisphères, révèle l'intensité de la force avec laquelle les roches d’éruption se sont fait jour à travers les couches solides de l'écorce terrestre. Les eaux se sont ensuite emparées de ces débris, et les ont disséminés par couches sur le fond. même qu'ils recouvrent aujourd’hui (%). On ren- contre des formations de grès insérées entre toutes les cou- ches, depuis les terrains siluriens de transition les plus bas jusque dans les formations tertiaires, au-dessus de la craie. A la lisière des plaines immenses du Nouveau-Continent, en dedans et en dehors des tropiques, on voit ces assises de grès s'étendre en longues murailles, comme pour indiquer lan- cien rivage où les vagues de la mer sont venues se briser. Au premier coup-d'œil que l’on jette sur la distribution géographique des roches et sur l’étendue que chacune d’el- les occupe dans les parties accessibles de l’écorce du globe, on reconnait que la substance la plus répandue est l'acide silicique, ordinairement ‘opaque et coloré. Immédiatement après l'acide silieique solide vient la chaux earbonatée; puis les combinaisons de l'acide silicique avec l’alumine, la po- tasse et la soude, avec la chaux, la magnésie et l'oxyde de fer. Les substances que nous comprenons sous le nom géné- rique de roches sont des associations déterminées d’un nom- bre fort restreint de minéraux simples, auxquels viennent se joindre quelques autres minéraux parasites, mais toujours d’après certaines lois fixes. Ces éléments ne sont pas parti- culiers à telle ou telle roche; ainsi le quartz (acide silicique), le feldspath et le mica, dont la réunion constitue essentielle- ment le granit, se retrouvent , isolés ou combinés deux à deux, dans un grand nombre de formations différentes. Une — 592 — citation suffira pour montrer combien les proportions de ces éléments peuvent varier d’une roche à l’autre, par exemple d’une roche feldspathique à une roche micacée: Mitscherlich a fait voir que si l’on ajoute au feldspath trois fois la quan- tité d’alumine et le tiers de la proportion de silice qu’il ren- ferme déjà, pn obtient la composition chimique du mica. Ces deux minéraux contiennent de la potasse, dont la présence dans un grand nombre de roches est un fait antérieur sans aucun doute à l'apparition des végétaux sur la terre. L'ordre de superposition des strates sédimentaires, des couches métamorphiques et des conglomérats, la nature des terrains que les roches d’éruption ont atteints ou traversés, la présence des restes organiques et leurs différences de struc- ture, tels sont les indices qui permettent de reconnaitre l’âge relatif des formations successives; tels sont les monuments de l’histoire du globe et les points de repère de sa chrono- logie que le génie de Hooke pressentit autrefois. L’applica- tion des moyens d’épreuve botaniques et zoologiques, à la détermination de l’âge des roches, a signalé l’ére la plus brillante de la géognosie moderne. Sous l'influence vivifiante des études paléontologiques, la théorie des formations soli- des de l’écorce du globe s’est enfin dégagée, au moins sur le continent, de ses entraves originelles, pour revêtir un ca- ractère tout nouveau de profondeur et de variété. Les couches fossiliféres sont les catacombes où gisent les faunes et les flores des époques antérieures. Lorsque nous de- scendons de couche en couche pour étudier leurs rapports de superposition, des mondes engloutis d'animaux et de végé- taux s'offrent à nos yeux, et nous remontons en réalité dansla série des âges. Chaque cataclysme du globe, chaque soulève- ment de ces chaines de montagnes, dont nous pouvons dé- terminer l’ancienneté relative, a été signalé par la destrue- tion des espèces anciennes et par l’apparition de nouvelles organisations. Comme pour marquer la transition, quelques espèces anciennes ont subsisté, pendant un temps, au milieu des créations plus récentes. Cette derniere expression, di- sons-le en passant, accuse la limitation forcée de nos connais- — 223 — sances sur l'être, et dans le langage figuré qui nous sert à masquer cette limitation , nous appelons créations nouvel- les le phénomène historique des variations qui surviennent par intervalles, soit dans les formes organiques, soit dans les bassins des mers primitives, soit dans les contours des continents soulevés. Souvent ces êtres organisés ont été conservés intactes jusque dans les moindres détails de leur tissu, de leurs cellules et de leurs divisions. On a trouvé, dans l’oolithe inférieure (lias de Lyme-Regis), une sépia si admirablement conservée qu’on à pu tirer la couleur des- tinée à en peindre l’image de la matière noirâtre dont cet animal se servait, il y a des myriades d’années, pour échap- per à ses ennemis (°?). Ailleurs, on ne retrouve que des ves- tiges: par exemple, les empreintes qu’un animal à laissées en courant-sur une argile molle, ou les résidus de sa diges- tion {coprolithes). D'autres couches nous offrent seulement l'empreinte d’une coquille, mais si cette coquille appartient à un genre caractéristique (*), il n’en faut pas davantage pour faire reconnaitre aussitôt la formation où elle à été re- cueillie et la nature des autres débris organiques qui y sont enfouis avec elle. La coquille que le voyageur rapporte de ses excursions nous raconte l’histoire des pays où elle a été trouvée. L'étude analytique du règne animal et végétal du monde primitif a suivi une double direction; il en est résulté deux sciences distinctes. L'une, purement morphologique, décrit les organismes et s'applique à leur physiologie; elle cherche à combler, par les formations éteintes, les lacunes qui se pré- sentent dans la série des êtres actuellement vivants. La se- conde est plus spécialement géologique ; elle considère les restes fossiles dans leurs rapports avec les couches sédimen- taires où on les rencontre et dont ils peuvent servir à fixer l'ancienneté relative. Longtemps la première a prédominé. En comparant d'une manière trop superficielle les espèces fossiles avec les espèces actuelles, on avait été conduit à une erreur dont les traces se retrouvent encore aujourd’hui dans les singulières dénominations qui furent imposées à certains — 008 — corps de la nature. On voulait reconnaitre les espèces vi- vantes parmi les organisations éteintes, tout comme, dans le xvi® siècle, on confondait, sur de fausses analogies, les ani- maux de l’ancien monde avec ceux du nouveau continent. Peter Camper, Sæœmmering, Blumenbach entrérent les pre- miers dans une voie plus rationnelle; à eux revient le mé- rite d’avoir appliqué les ressources de l’anatomie comparée, d’une manière vraiment scientifique, à la partie de la pa- léontologie (cette archéologie dé l’organisation) qui s'occupe des ossements des grands animaux vertébrés. Mais ce sont les grands travaux de Georges Cuvier et d'Alexandre Bron- gniart qui ont fondé la géologie des fossiles par l’heureuse combinaison des types zoologiques avec l'ordre de sueces- sion et l’âge relatif des terrains. Les plus anciennes couches sédimentaires et les terrains de transition présentent, dans les restes organiques qu'ils renferment, un mélange de formes très-diversement placées dans la série progressive des êtres. En fait de plantes, ces couches ne contiennent que de rares fucus, les dycopodiacées peut-être arborescentes, des équisétacées et de fougères tro- picales:; mais parmi les organisations animales nous rencon- trons dans ces couches une association singulière de crusta- cés (des trilobites avec des yeux réticulaires). de brachiopo- des (spirifères, orthis), d’élégants sphéronites qui se rappro- chent des crinoïdes (**), d’orthocératites de la famille des cé- phalopodes, de polypiers pierreux ; puis, au milieu de ces organisations inférieures, des poissons d’une forme étrange se trouvent déjà dans les couches supérieures du système silurien. La famille des céphalaspides aux lourds boucliers, dont certains fragments du genre ptérichtys ont été pris long- temps pour des trilobites, caractérisent exclusivement la for- mation devonienne (Old red); d'après Agassiz, cette famille constitue un type aussi nettement prononcé dans la série des poissons que les ichtyosaures et-les plésiosaures parmi les reptiles (1%). Les goniatites, de la tribu des ammonites (!), commencent également à se montrer dans le calcaire de tran- sition, dans la grauwacke des couches devoniennes et même dans les dernières couches du système silurien. — 225 — On n’a pas réussi, jusqu’à présent, à reconnaitre de rela- tion bien certaine entre l’âge des terrains et la gradation physiologique des espèces qu'ils renferment, tant qu'il s’est agi des invertébrés (?); au contraire, cette dépendance se manifeste de la maniere la plus réguliére pour la classe des animaux à vertèbres. Parmi ceux-ci, les plus anciens, comme nous venons de le voir, sont les poissons; puis, en pareou- rant de bas en haut la série des formations, on trouve suc- cessivement les reptiles et les mammifères. Le premier rep- tile (un saurien du genre monitor, d’après Cuvier) se ren- contre dans le schiste cuivreux de zechstein, en Thuringe ; il avait déjà attiré l’attention de Leibnitz (5); suivant Mur- chison, le paléosaurus et le thecodontosaurus de Bristol sont de la même époque. Le nombre des sauriens va en augmen- tant dans le calcaire coquiller (), dans le keuper et dans la formation jurassique, où il atteint son maximum. A l'époque de cette formation, vivaient des plésiosaures au long cou de cygne formé de trente’ vertèbres, le mégalosaurus, crocodi- lien gigantesque de 15 mêtres de longueur ; les os de ses pieds ressemblent à ceux d’un lourd mammiféère terrestre; huit espèces d’ichthyosaures, le géosaurus ou la Lacerta gigan- tea de Sæœmmering, enfin sept espèces de hideux ptérodac- tyles ou sauriens munis d’ailes membraneuses (°). Le nom- bre des sauriens semblables aux crocodiles diminue dejà dans la craie ; on trouve cependant , dans cette formation , le crocodile de Maestricht (le mososaurus de Conybeare), et le colossal iguanodon , qui était peut-être herbivore. Selon Cuvier, les animaux appartenant à l'espèce actuelle des cro- codiles remontent presque dans la formation tertiaire; et même l’homme témoin du déluge, de Scheuchzer (homo diluoii testis), grande salamandre alliée à laxolotl que j'ai rapportée des grands lacs situés autour de Mexico, appar- ent aux plus récentes formations d’eau douce de OEningen. En cherchant àlire dans l’ordre de superposition des ter- rains l’âge relatif des fossiles qu’ils contiennent, on a décou- vert d'importantes relations entre les familles et les espèces (ces dernières toujours peu nombreuses) qui ont disparu, et — 296 — les familles ou les espèces encore vivantes. Toutes les obsers vations s'accordent sur ce point, que les faunes et les flores fossiles différent d'autant plus des formes animales ou végé- tales actuelles que les formations sédimentaires où eles gisent sont plus inférieures, c’est-à-dire plus anciennes. Ainsi, de grandes variations ont eu lieu successivement dans les types généraux de la vie organique; ces phénomènes grandioses, signalés d’abord par Cuvier (6), offrent des relations numé- riques, dont Deshayes et Lyell ont fait objet de leurs re- cherches, et qui déjà ont conduit ces deux savants à des ré- sultats décisifs, surtout pour les fossiles si nombreux et si bien connus des formations tertiaires. Agassiz, qui a exa- miné 1700 espèces de poissons fossiles et qui porte à 8000 le nombre des espèces actuelles, décrites ou conservées dans nos collections, affirme, dans son grand ouvrage, « que, sauf un seul petit poisson fossile, particulier aux géodes argileuses du Groenland, il n’a jamais rencontré, dans les terrains de transition ni dans les terrains secondaires et tertiaires, d’a- nimal de cette classe qui füt identique avec un poisson ac- tuellement vivant; » il ajoute cette importante remarque : « Déjà le tiers des fossiles du calcaire grossier et de l’ar- gile de Londres appartient à des familles éteintes ; sous la craie, on ne trouve plus un seul genre de poisson de l’épo- que actuelle, et la singulière famille des sauroïdes (poissons dont les écailles sont recouvertes d’émail, qui se rapprochent presque des reptiles, et remontent de la formation earboni- fère, où gisent leurs plus grandes espèces, jusqu’à la craie où on en rencontre encore quelques individus) présente, avec deux espèces qui habitent aujourd'hui le Nil et certains fleuves de l'Amérique (le lepidosteus et le polypterus), les mêmes rapports qui existent entre nos éléphants ou nos ta- pirs et les mastodontes ou les anoplotherium du monde pri- mitif (7). » Quoi qu'il en soit, les belles recherches d'Ehrenberg ont prouvé que les couches de craie où gisent encore deux es- pèces de ces poissons sauroïdes, des reptiles gigantesques et tout un monde détruit de coraux et de coquilles, sont en- — 997 — tiérement composées de polythalames microscopiques, don un grand nombre vit aujourd’hui dans nos mers et même, sous les latitudes moyennes, dans la mer du Nord et dans la Baltique. Ainsi, en toute rigueur, le groupe tertiaire qui repose immédiatement au-dessus de la craie, groupe ordinairement nommé couches de la période éocène, ne mérite pas ce nom, « car l’aurore du monde où nous vivons s'étend bien plus avant dans les âges antérieurs qu’on ne l’a cru jusqu’à pre- sent (Ÿ). » Nous venons de voir que les plus anciens vertébrés, les poissons, se montrent dans toutes les formations, à partir des strates siluriennes de transition, jusqu'aux couches de l’épo- que tertiaire. De même, les sauriens commencent au zech- stein. Si nous ajoutons que la formation jurassique (schiste de Stonesfield) nous présente les premiers mammifères [le thylacotherium Prevostii et t. Bucklandi, allié aux marsu- piaux, d’après Valenciennes (°)], et que le premier oiseau a eté trouvé dans le plus ancien dépôt de la formation eréta- cée (1°), nous aurons indiqué les limites inférieures des qua- tre grandes divisions de la série des vertébrés. Tel est, sur ce point, l’état actuel de la paléontologie. Quant aux animaux sans vertèbres, les coraux pierreux et les serpulites se trouvent, dans les plus anciennes forma- tions, avec des céphalopodes et des crustacés d’une organi- sation très-élevée; ainsi les ordres les plus différents de cette partie de la série animale sont confondus. Toutefois, on a pu découvrir des lois fixes pour beaucoup de groupes isolés ap- partenant à un même ordre. Des coquilles fossiles de même espèce, des goniatites, des trilobites, des nummulites, forment des montagnes entières. Là où différents genres sont mélés, il existe souvent une relation réguliére entre la série des or- ganismes et celles des formations; on a même observé que l'association de certaines familles et de certaines espèces suit une loi régulière dans les strates superposées dont l’ensemble constitue une même formation. C’est ainsi qu'après avoir classé les ammonites en familles bien définies, à l’aide de son ingénieuse loi de la disposition des lobes, Léopold de Buch — 298 — a montré que les cératites appartiennent au muschelkalk (calcaire coquiller), les ariétes au lias, les goniatites au cal- caire de transition et à la grauwacke (11): Les bélemnites ont leur limite inférieure (*?) dans le keuper, situé au-dessous du calcaire jurassique, et leur limite supérieure dans la craie. On sait aujourd’hui que les eaux ont élé habitées aux mé- mes époques el dans les zones les plus éloignées par des tes- tacés identiques, du moins en partie, aux fossiles de l’Europe. Par exemple, Léopold de Buch a signalé dans l’hémisphére austral (volcan de Maypo, Chili), des exogyres et des trigo- nies, d'Orbigny a indiqué des ammonites et des gryphées de l'Himalaya et des plaines indiennes de Cutch, qui sont exac- tement de même espèce que celles de l’ancienne mer juras- sique, en France et en Allemagne. Les couches dont la nature a été déterminée par les fos- siles ou par les galets qu’elles renferment, constituent un horizon géologique d’après lequel l'observateur indécis peut s’orienter et reconnaitre l'identité ou l'ancienneté relative des formations, la répétition périodique de certaines couches, leur parallélisme ou leur suppression complète. Lorsque l’on veut embrasser ainsi, dans toute sa simplicité, lé type général de la formation sédimentaire, on rencontre successivement en allant de bas en haut: 4° Le terrain de transition, divisé en grauwacke inférieure et supérieure ou en systèmes silurien et devonien; le dernier portait autrefois le nom de vieux grès rouge. 2° Le trias inférieur (‘5), comprenant le calcaire de mon- tagne, les terrains houillers, le nouveau grès rouge inférieur (todtliegendes), et le calcaire magnésien (zechstein). 3° Le trias supérieur, comprenant les grès bigarrés (1°), le calcaire coquiller’et le keuper. 4° Le calcaire jurassique (lias et oolithe). 5° Le grès massif (quadersandstein), la craie inférieure et supérieure, ainsi que les dernières couches qui commencent au calcaire de montagne. 6° Les formations tertiaires cbr trois subdivisions caractérisées par le calcaire grossier, le charbon brun ou li- gnite, et les graviers sub-apennins. = É-—- Puis viennent les terrains de transport (alluvium),. conte- nant les osséments gigantesques des mammifères de l'ancien monde, tels que les mastodontes, le dinotherium, le missu- rium et les mégathérides; parmi ces derniers, on remarque le mylodon d'Owen, espèce de paresseux long de 3 mètres et demi. A ces espèces éteintes viennent se joindre les res- tes fossilisés d'animaux dont les espèces vivent encore au- jourd'hui: l'éléphant, le rhinocéros, le bœuf, le cheval et le cerf, Il y a, près de Bogota, à 2,660 mètres au-dessus du ni- veau de la mer, un champ rempli d'ossements de mastodon- tes (campo de gigantes), dans lequel j'ai fait exécuter des fouilles avec le plus grand soin (1%); quant aux ossements du plateau mexicain, ils appartiennent à certaines races éteintes de véritables éléphants. Les contre-forts de l'Himalaya (les collines de Sewalik, qui ont été étudiées avec tant de zele par le capitaine Cautley et le docteur Falconer), renferment également de nombreux mastodontes; on y trouve aussi le sivatherium et la gigantesque tortue terrestre, longue de 4 mètres, haute de 2 mètres (colossockelss); puis des débris appartenant à des espèces actuellement vivantes, des élé- phants, des rhinoceros, des girafes, et, chose remarquable , ces fossiles appartiennent à une zone où domine encore au- jourd'hui le climat tropical que l’on eroit avoir régné à l’é- poque des mastodontes (!$). Après avoir ainsi comparé la série des formations inorga- niques dont l'écorce terrestre se compose, avec les restes or- ganisés qu’elles renferment, il nous reste à esquisser le rè- gne végétal des mondes primitifs et à montrer comment l'a- grandissement de la terre ferme et les modilications de Fat- mosphère ont amené le développement des flores successives. Comme on l’a vu déjà, les plus anciennes couches de tran- sition ne renferment que des plantes marines à feuilles cel- lulaires; les strates devoniennes (17) sont les premières où l'on trouve quelques formes cryptogames de plantes vascu- laires (calamites. lycopodiacées). On avait cru pouvoir con- clure de certaines vues théoriques sur la simplicité des formes primitives des élres organisés, que la vie végétale 17 — 230 — avait précédé la vie animale, el que la premiére était la con- dition nécessaire du développement de la seconde, Mais aucun fait ne parait justifier cette hypothèse; d'ailleurs, les races humaines qui ont été refoulées autrefois dans les contrées glaciales du pôle arctique, se nourrissent exclusivement de poissons et de cétacés, et prouvent, par le fait même de leur existence, qu'à la rigueur les substances végétales ne sont pas indispensables à la vie animale. Après les couches de- voniennes et le calcaire de montagne, vient une formation dont l'analyse botanique à fait de brillants progrès dans ces derniers temps (‘*). Le terrain houiller comprend non seu- lement des plantes cryptogames analogues aux fougères et des monocotylédones phanérogames (des gazons, des liliacées analogues au yucca et des palmiers), mais encore des dico- tylédones gymnospermes (conifères et cycadées). On connait déjà près de quatre cents espèces de la flore du terrain houil- ler. Nous nous bornerons à citer les calamites et les lycopo- diacées arborescentes, des lépidodendron squameux, des si- gillaria de vingt mètres de longueur, quelquefois debout et enracinés; ces dérniers se distinguent par un double système de fascicules vasculaires; des stigmaria semblables aux cac- tus; un nombre immense de frondes de fougères souvent ac- compagnées de leurs trones, et dont l'abondance prouve que la terre ferme des époques primitives était purement insu- laire (1°); des cycadées (?°) et surtout des palmiers (?!) en moindre nombre que les fougères; des astérophyllites aux feuilles verticillaires, alliées aux naïades; des conifères sem- blables à certains pins du genre araucaria (??) avec de fai- bles vestiges d’anneaux annuels. Tout ce règne végétal s’est largement développé sur les parties soulevées et mises à sec du vieux grès rouge, et les caractères qui le distinguent du monde végétal actuel se sont maintenus, à travers les pé- riodes suivantes, jusqu'aux dernières couches de la craie. Mais la flore aux formes si étranges des terrains houillers présente sur tous les points de la terre primitive (dans la Nouvelle-Hollande, au Canada, au Groenland comme dans les iles Melville) une uniformité frappante dans les genres, sinon dans les espèces (*5). — 931 — Un des caractères principaux de la flore primitive €’est de nous offrir des formes végétales dont l’analogie avec de nombreuses familles du monde actuel prouve qu’en elles ont péri des membres nombreux de la série organique. Ainsi , pour nous borner à deux exemples, les espèces de lépido- dendron viennent se placer, d’après Lindley, entre les co- nifères et les lycopodites (?#); au contraire, les araucarites et les pinites présentent quelque chose d'étranger dans la réunion de leurs fascicules vaseulaires. Même en restreignant nos aperçus au monde actuel, nous ne saurions refuser une haute signification à la découverte de cycadées et d'arbres à racines pivotantes (conifères), dans la flore du terrain houil- ler, à côté de sagenaria et de lepidodendra. En effet, les co- nifères n’ont pas seulement de l’analogie avec les cupulifères et les bétulinées dont ils sont accompagnés dans la forma- tion à lignites, ils en ont aussi avec les lycopodites. La fa- mille des cycadées se rapproche des palmiers pour le port et l'aspect extérieur, tandis qu’elle ressemble essentiellement aux conifères quant à la structure des fleurs et des graines (>). Là où plusieurs lits de charbon de terre sont superposés, les végétaux ne sont point répartis confusément, sans distinction de genres ni d'espèces; le plus souvent ils y sont disposes par genres, de telle sorte que les lycopodites et certaines fougères se trouvent dans une couche, les stigmaria et les sigiliaria dans une autre couche. Pour se faire une idée du degré de développement que la vie végétale avait pris dans le monde primitif, et de la masse de végétaux accumulés en certains lieux par les courants et transformés ensuite en char- bon par la voie humide (?), il faut se rappeler les houillères de Saarbruck, où l’on voit cent vingt lits de charbon super- posés, sans compter un grand nombre d’autres couches moins épaisses, dont la puissance ne dépasse pas un tiers de me- tre; il faut se rappeler qu'il y a des lits de charbon de terre de dix mètres et mème de seize mètres de puissance, par exemple, à Johnstone (Écosse) et au Creuzot (Bourgogne); tandis que les arbres qui couvrent une surface donnée dans les régions forestières de nos zones tempérées formeraient = 189$ — à peine, en cent ans, sur cette surface, une couche de cear- bone de seize millimètres d'épaisseur (?7). Près de l’'embou- chure du Mississipi et sur les bords de la mer Glaciale, où l'amiral Wrangel a vu et décrit les montagnes de bois, on trouve encore aujourd'hui des amas considérables de troncs d'arbres charriés par les fleuves et par les courants de la mer; ces couches de bois flotté peuvent donner une idée de ce qui à dû se passer dans les eaux intérieures et dans les baies insulaires du monde primitif. Ajoutons que les couches carbonifères doivent une partie considérabie de la matière dont elles sont formées, non pas à de grands arbres, mais à des masses de gazon, d’arbustes rameux et de petits cry- ptogames. Nous venons de dire que des palmiers et des coniferes se trouvent réunis dans le terrain houiller; leur association se reproduit dans toutes les formations et se continue bien avant dans la période tertiaire. Aujourd’hui, on dirait qu'il se fuient. Nous sommes tellement habitués, quoique sans raison, à con- sidérer les coniféres comme une essence septentrionale, que je fus moi-même surpris de rencontrer une épaisse forêt de pins (Pinus occidentalis, semblable au pin de Lord Wei- mouth) entre la Venta de la Coxonera et l’Alto de los Coxo- nes, à douze cents mêtres au-dessus du niveau de la mer, Je montais alors des côtes de la mer du Sud vers Chilpan- singo et les hautes vallées du Méxique; il me fallut un jour entier pour traverser cette singulière forêt, dans laquelle les arbres à pivots étaient entremélés de palmiers à éventail (corypha dulcis) (28), couverts de perroquets diversement colorés. L'Amérique du sud produit des chênes, mais elle ne nourrit pas une seule espèce de pin, et la première fois qu'un sapin s'y offrit à mes yeux comme un souvenir de ma pa- trie, il était situé près d’un palinier à éventail. De même, Christophe Colomb, pendant son premier voyage de décou- verte, apercut des conifères et des palmiers entremélés à Ta pointe orientale du nord de Cuba (?), par conséquent entre les tropiques, mais à peine au-dessus du niveau de la mer. Cet homme profond, auquel rien n’a échappé, parle de ce — 233 — fait dans son journal de voyage, come d’une singularité, et son ami Anghiera. le secrétaire de Ferdinand le Catholique, rapporte avec étonnement « qu'on trouve à la fois des pins et des palmiers dans le pays nouvellement découvert. » II est d'un grand intérêt pour la géologie de comparer la dis- tribution actuelle des plantes sur la surface de la terre avec la géographie des flores éteintes. La zone tempérée de lhé- misphère austral. dont Darwin a décrit avec tant d’art (5°) les iles nombreuses, les eaux abondantes et la merveilleuse végétation. qui tient à la fois de la flore des tropiques et de celle des pays froids, offre les exemples les plus instructifs pour la géographie des plantes modernes et pour celle des plantes primitives. Or, celte dernière est, sans aucun doute, une branche importante de l’histoire du règne végétal. Les cycadées qui. d'après le nombre des espèces fossiles appartenant à cette tribu, durent jouer dans le monde pri- mitif un plus grand rôle que dans le monde actuel, accom- pagnent leurs alliés les coniféres à partir de l’époque où se sont formés les lits de charbon. Elles manquent presque en- tièérement dans la période des grès bigarrés; mais aussi cer- tains conifères (Z’oltzia, Haïdingera, Albertia) se sont puis- samment développés dans cette période. Les cycadées attei- gnent leur maximum dans le keuper et dans le lias, où on en a trouvé vingt espèces distinctes. Dans la craie, ce sont des plantes marines et des naïades qui prédominent. Ainsi , les forêts de cycadées de la formation jurassique ont disparu depuis longtemps . et même dans les plus anciens groupes de la formation tertiaire. on les trouve reléguées bien au-des- sous des coniferes et des palmiers (5!). Les lignites ou les couches de charbon brun, que l’on re- trouve dans chaque division de la période tertiaire, contien- nent, au milieu des plus anciens eryptogames terrestres, quel- ques palmiers, un grand nombre de conifères avec des an- neaux annuels bien marqués, et des arbustes rameux d’un caractère plus ou moins tropical. La période tertiaire moyenne est signalée par le retour des palmiers et des eycadées. En- fin la végétation de la dernière période offre une grande ana- — 934 — logie avec Ia flore actuelle. Nos pins et nos sapins, nos eu- pulifères , nos érables et nos peupliers y apparaissent sans transition, dans toute la plénitude de leurs formes. Les troncs de dicotylédonées , enfouis dans les lignites, se distinguent quelquefois par leurs énormes dimensions et par leur grand age. Nœggerath à trouvé, près de Bonn, un de ces troncs sur 1ééuêl il a compté 799 anneaux annuels (); dans la France septentrionale, à Yseux (près d’Abbeville), on a dé- couvert, dans les tourbiéres de la Somme, un chêne de qua- tre mètres et demi de diamètre, épaisseur extraordinaire pour les régions extra-tropicales de l’ancien continent. D’après les recherches de Gœpper (il faut espérer que ces beaux tra- vaux paraitront bientôt avec des planches explicatives), « tout l’ambre de la Baltique provient d’un conifére qui, à en juger par les fragments de bois et d’écorce de divers âges, devait former une espèce particulière assez semblable à nos sapins blancs et rouges. L'arbre & ambre du monde primitif (pini- tes succifer) était plus résineux qu'aucun conifére du monde actuel; non-seulement la résine y est placée, comme dans ces derniers, sur l'écorce et à Fintérieur de écorce, mais encore dans le bois lui-même, dont on distingue très-nette- ment, au microscope , les cellules et les rayons médullaires remplis de succin, cette résine forme aussi de grandes mas- ses blanches et jaunes entre les anneaux concentriques du ligneux. Parmi les matières végétales enchâssées dans Fam- bre, on à trouvé des fleurs mâles et femelles de eupulifères et d’arbres indigènes à feuilles aciculaires; mais des frag- ments très-reconnaissables de thuja, de cupressus, d'ephe- dera et de castania vesca, mélés aux fragments de nos sa- pins et de nos genévriers, accusent une végétation différente de celle qui rêgne maintenant sur le Httoral de Fa mer Bal- tique et de la mer du Nord: » ; Nous venons de parcourir, dans la partie sesstique du tableau de la nature, toute la série des formations , depuis les roches d’éruption et les couches sédimentaires les plus anciennes, jusqu'au terrain de transport sur lequel gisent les blocs erratiques. On a supposé que ces blocs avaient été — 235 — transportés par des glaciers où par des montagnes de glace flottantes; nous y verrions plutôt un effet de la chute im- pélueuse des eaux, retenues d'abord dans des réservoirs na- turels, et déchainées ensuite par le soulèvement des monta- gnes (%). Au reste, l’origine de ces masses isolées, dont nous ne parlons ici que d’une manière incidente, sera longtemps encore ua sujet de discussion. Les plus anciens membres de la formation de transition sont les schiste et la grauwacke, où se trouvent quelques plantes marines provenant de la mer silurienne, nomiée naguere mer cambrienne. Ces ter- rains primaires, comme on les appelle, reposent sur le gneiss et le micaschiste; mais si ces deux roches doivent être con- sidérées elles-mêmes comme des couches sédimentaires trans- formées. sur quelle base se sont done déposés les plus an- ciens sédiments ? Lei notre moyen d'investigation, l’observa- tion directe, nous échappe."et nous sommes abandonnés aux conjectures. Suivant ur mythe de la cosmogonie indienne , la terre est portée par un éléphant; l'éléphant lui-même, afin qu'il Re tombe pas, est porté à son tour par une tortue gigantesque ; mais il n’est pas permis aux crédules brahmi- nes de demander ee qui soutient la tortue. Nous abordons ici un problème pareil, aussi devons-nous nous attendre à ce que notre solution n'échappe point aux critiques. On à vu, dans la partie astronomique de cet ouvrage, comment notre planète s’est formée aux dépens de l'atmosphère pri- mitive du Soleil ; il est vraisemblable que la matière nébuleuse des anneaux séparés de cette atmosphère et cireulant autour du Soleil, s’est agglomérée en sphéroïde; puis la condensa- tion s’est opérée successivement, en procédant des couches extérieures vers le centre; enfin une première écorce solide s’est formée. Les couches supérieures de cette écorce cons- tituent ce que nous nommons les plus anciennes couches si- luriennes. Les roches d’éruption qui ont traverse et soulevé ces couches surgirent de profondeurs inaccessibles pour nous. Elles existaient donc déjà toutes formées, au-dessous du sys- tème silurien, semblables à ces roches que nous voyons çà et là apparaitre à la surface et que nous avons nommées — 936 — granit. roche augitique, ou porphyre quartzeux. Guides par l’analogie, nous pouvons admettre que les matières qui ont pénètre les strates sédimentaires et qui en ont comblé les fissures, sont de simples ramifications d’une assise inférieure. Les foyers des volcans encore actifs sont situés à des profon- deurs énormes, et si j'en juge par les fragments incrustés dans la lave des volcans que j'ai étudiés sous les zones les plus diverses, je dois croire qu'une roche granitique primi- tive forme le support (5{) de tout l'édifice des couches su- perposées dont se compose l'écorce terrestre. S'il est. vrai que le basalte composé d'olivine ne se montre pas avant la période crétacée, si les trachytes ont paru encore plus tard, il n’est pas moins certain que les éruptions granitiques ap- partiennent à l’époque des plus anciennes couches sédimen- taires; la preuve en est écrite jusque dans la métamorphose de ces dernières couches. Nous avons comparé tous ces faits avec soin; mais puisque l'objet de nos recherches échappe au contrôle des sens, nous avons dû nous résoudre à prendre l'analogie pour guide et à raisonner par induction: e’est ainsi que nous avons tenté de restituer au vieux granit une par- tie de ses droits contestés au titre de roche primordiale. Les progrès récents de la géognosie nous permettent de concevoir comment la détérmination des époques géologiques à l’aide des caractères fournis par la composition minéralo- gique des terrains, par la série des organismes dont ils con- tiennent les restes, par le mode de stratification des couches redressées, contournées où horizontales, peut conduire, à tra- vers l'enchainement intime des phénomènes, à l’étude de la répartition des masses solides et liquides, des continents et des mers qui forment l’écorce de notre planète. C'est qu'en eflet il existe un point de contact entre l’histoire des révolutions du globe et la description de sa surface actuelle, entre la géologie et la géographie physique; ces deux scien- ces concourent à fonder la doctrine générale de la forme et du partage des continents. Les contours qui séparent la terre ferme de l'élément liquide, et les rapports d’étendue de leurs surfaces respectives ont singulièrement varié dans la longue — 2937 — série des époques géologiques. Ils ont varié quand le charbon de terre formait ses lits horizontaux sur les couches redres- sées du calcaire de montagne et du vieux grès rouge. Ils ont varié encore lorsque le lias et l'oolithe se déposaient sur les assises du keuper et du calcaire coquiller , ou quand la craie se précipitait sur les pentes du sable vert et du cal- caire jurassique. Si nous donnons, avec Elie de Beaumont, les noms de mer jurassique et de mer crélacée aux eaux dont l'oolithe et la craie se sont séparées en formant des dépôts Himoneux, nous reconnaissons aussitôt que les limites de ces deux formations indiquent, pour les époques géologiques cor- respondantes, la ligne de démarcation entre la terre ferme et les eaux d’un océan alors en voie d’engendrer une partie solide de l’écorce terrestre. On a eu l'ingénieuse idée de des- siner la carte de cette partie de la géographie primitive: carte plus sûre peut-être que celles des voyages d’Io et de l'Odyssée d'Homère; car dans celles-ci ce sont des opinions ou des mythes, dans lés premières ce sont les faits positifs de la géologie qu'il s'agit de représenter graphiquement. Voici le résultat des recherches que l’on a faites dans le but de déterminer l'étendue de la terre ferme à différentes époques. Dans les temps les plus anciens, pendant les pério- des de transition silurienne et devonienne, et vers les pre- mières formations secondaires, y compris le trias, le sol con- tinental consistait exclusivement en iles détachées recouver- tes de végétaux. Dans les périodes suivantes, ces iles se sont reliées les unes aux autres, de manière à former des lacs nombreux et des golfes profondément découpés. Enfin, lors- que les chaines des Pyrénées, des Apennins et des monts Karpathes furent soulevées, par conséquent vers l’époque des premiers terrains tertiaires, les grands continents appa- rurent presque sous la forme qu'ils ont à présent. Dans le monde silurien, et à l’époque où régnèrent les cycadées et les sauriens gigantesques, l'étendue des terrains émergés fut certainement moindre, d'un pôle à l’autre, qu'elle ne l’est aujourd'hui dans la Mer du Sud et dans l'Océan Indien. Nous verrons plus tard comment cette prépondérance de l'é- — 238 — lément liquide à pu concourir, avee d’autres causes, à ré- gulariser les climats et à maintenir une haute température. Ici, il est nécessaire d'ajouter, pour achever de décrire la- grandissement (agglutination) successif des terres émergées. que, peu de temps avant les cataclysmes qui ont amené, par intervalles plus où moins longs, la destruction subite d’un si grand nombre de vertébrés gigntésqéé, une partie des masses continentales offrait déjà les divisions actuelles. Cette ressemblance s’etendrait même plus loin, d’après la grande analogie qui règne, dans l'Amérique du Sud et dans les ter- res australes, entre les animaux indigènes actuels et les es- pêces éteintes. On a trouvé, par exemple, dans la Nouvelle- Hollande, des restes fossiles de kangourous, et dans la Nou- velle-Zélande, les os à demi-fossilisés d’un oiseau gigantes- que, semblable à l’autruche, le dinornis d’Owen, allié à lap- teryx actuel, mais différant un peu du dronte (dodo) de Pile Rodriguez, dont l'espèce a disparu fort tard. Nos continents doivent peut-être leur hauteur aude du niveau général des eaux ambiantes à l’éruption du por- phyre quartzeux qui a si violémment bouleversé la première grande flore terrestre et les strates du terrain houiller. Les parties unies des continents auxquelles nous donnons le nom de plaines, ne $ont en réalité que les croupes extrêmement larges de collines et de montagnes dont les pieds gisent au niveau du fond de la mer; en d’autres termes, chaque plaine est un plateau par rapport au sol sous-marin. Les inégalités primitives de ces plateaux ont été nivelées par les couches sédimentaires, puis elles ont été recouvertes par les terrains d’alluvion. Cette partie du tableau de la nature se compose d'une sé- rie de considérations générales dont l'ordre n’est point ar- bitraire, En premiere ligne doit figurer l'évaluation de la quan- tite des terres soulevées au-dessus du niveau de la mer. En- suite vient l'examen de la configuration particulière de cha- que grande masse dans le sens horizontal (forme articulée des continents), et dans le sens vertical (hypsométrie des chaines de montagnes). Enfin le tableau se complète par la —- 9239 — description des deux enveloppes que notre planète possede ; l’une est générale: c'est l'atmosphère composée de fluides élastiques; l’autre est locale, c’est-à-dire restreinte à certai- nes régions: c'est la mer qui délimite la terre ferme ‘et en détermine la figure. Ces deux enveloppes de notre globe, l'air et l’eau, constituent un ensemble naturel. Elles dispen- sent, à la surface de la terre, la variété des climats, d'apres les rapports d’étendue superficielle de la terre et de la mer, d’après la forme articulée et l'orientation des continents, d'a- près la hauteur et la direction des chaines de montagnes. Il résulte de cette action réciproque de Fair de la mer et de la terre ferme, que les grands phénomènes météorologiques ne sauraient être compris sans le secours de la géognosie. Aussi la météorologie, la géographie des plantes et celle des ani- maux n’ont-elles fait de véritables progrès qu’à dater de l’e- poque où cette dépendance mutuelle à été nettement recon- nue. Il est vrai que le mot elimat désigne une constitution particulière de l'atmosphère, mais cette constitution est elle- méme soumise à la double influence de la mer, sillonnée à la surface et dans ses profondeurs de courants doués de tem- pératures tres-diverses, et de la terre ferme dont la surface articulée, accidentée, colorée de mille manières, tantôt nue, tantôt recouverte de forèts ou de gazons., rayonne le ealori- que avec une intensité extrêmement variable. Dans l'etat actuel de la surface de notre planète, la super- ficie de la terre ferme est à celle de l'élément liquide dans le rapport de { à 2 fs, ou, d’après Rigaud (5%). dans le rap- port de 400 à 270. Les iles réunies égaleraient à peine la vingt-troisième partie des masses continentales; elles sont réparties d’une maniére si peu régulière qu'elles occupent, sur l'hémisphère boréal, trois fois plus de surface que sur l'hémisphère austral. Depuis le 40° degré de latitude sud jus- qu'au pôle antarctique, l'écorce terrestre est presqu’entière- ment couverte d'eau; l'hémisphère austral est donc essen- tiellement océanique. L'élément liquide prédomine également dans l’espace compris entre les côtes orientales de l'Ancien Continent et les côtes occidentales du Nouveau-Monde; là, wi DD il n’est interrompu que par de rares archipels, et sous les tropiques 11 régne sur 445 degrés de longitude; aussi le sa- vant hydrographe Fleurieu a-t-il très-justement donné à ee large bassin le nom de Grand Océan, afin de le distinguer de toutes les autresemers. L'hémisphére austral et l’hémis- phére occidental (occidental en comptant, ici à partir du mé: ridien de Ténériffe) sont les régions du globe les plus abon- damment pourvues d’eau. Telles sont les principales données dont il faut tänit compte quand il s’agit de comparer les superficies respectives de la terre ferme et de la mer, et d'étudier l'influence que ces rap- ports exercent sur la distribution des températures, les pres- sions variables de l’atmosphére, la direction des vents, Fétat hygrométrique de l'air, et, par suite, sur le développement de la végétation. Si l’on considère que l'eau recouyre près des trois quarts de la surface totale du globe (5), on s’éton- nera moins de l’imperfection où est restée la météorologie jusqu’au commencement de ce siècle, car c’est seulement à partir de cette époque que l’on a commencé à recueillir et à discuter une masse considérable d'observations exactes sur la température de la mer, à différentes latitudes et dans dif- ferentes saisons de l’année. Déjà dans l'antiquité, les philosophes grecs spéculaient sur la configuration horizontale de la terre ferme. On cherchait alors quelle était l'étendue maximum dans le sens de l’ouest à l’est ; et d'après le témoignage d'Agathémère, Dicéarque avait trouvé ce maximum sous la latitude de Rhodes. dans la direc- tion des colonnes d'Hercule à Thiné. C’est cette ligne que Fon nomme le parallèle du diaphragme de Dicéarque; l'exacti- tude de sa position astronomique, discutée par moi dans un autre ouvrage, peut à bon droit exciter l'étonnement (5°). Guidé sans doute par les idées d’Eratosthène, Strabon parait avoir été si fermement persuadé que le 36° degré, à titre de maximum d’étendue linéaire dans le monde alors connu, de- vait être en rapport intime avec la figure de la terre, que ce fut précisément sous ce degré, entre l'Ibérie et les côtes de Thiné, qu'il plaça la terre ferme dont il annonca propheé- tiquement l’existence (55). “di = Si, comme nous l'avons remarqué plus haut, l'étendue des terres émergées est beaucoup plus grande sur lun des hé- misphères que sur l'hémisphère opposé (et cela a lieu quand on divise le globe suivant l'équateur, ou suivant le méridien de Ténériffe), il est facile de reconnaitre qu'il existe bien d’autres contrastes entre les deux continents, l’ancien et le nouveau, véritables iles entourées de tous côtés par l'Océan. Leurs configurations générales et les directions de leurs grands axes sont totalement différentes. Le continent occidental est dirigé en masse de l’ouest à l’est, où plus exactement du sud-ouest àu nord-est, tandis que le continent occidental suit un méridien ; il court du sud au nord (plus exactement du S. S. O. au N. N. O.). Malgre ces différences saillantes, on aperçoit aussi quelqués analogies, surtout dans la configu- ration des côtés opposées. Au nord, les deux continerts sont coupés dans la direction d'un parallèle (celui de 70°). Au sud, ils se terminent tous deux en pointe ou en pyramide, avec des prolongements sous-marins, signalés par la saillie d'iles et de bancs ; l'archipel de la Terre de Feu, le bane Lagullas. au sud du cap de Bonne-Espérance, la Terre de Van-Diémen, séparée de la Nouvelle-Hollande (Australie) par le détroit de >ass, ne sont pas autre chose. La plage septentrionale de l'Asie dépasse le parallele dont nous venons de parler; vers le cap Taimoura, elle atteint 78° 46° de latitude d'après Krusens- tern; mais depuis embouchure de la grande riviére de Tschou- kotschja. jusqu'au détroit de Behring, le promontoire orien- tal de l’Asie ne dépasse point 63° 3’, d’après Beechey (5°). Le rivage septentrional du Nouveau Continent suit exacte- ment le parallele de 70°; ear au sud et au nord du détroit de Barrow, de Boothia Felix et de la Terre de. Victoria, À tes les terres ne sont que des iles détachées. La forme pyramidale des extrémités méridionales de tous les continents rentre dans la catégorie de ces smilitudines physicæ in configuratione mundi, sur lesquelles Bacon a tant insisté dans le Voeum Organon, et que l'un des com- pagnons de Cook, Reinhold Forster, a pris pour texte de con- sidérations ingénieuses. Si on marche vers l'est, en partant br du méridien de Ténériffe, on voit les pointes de trois con- tinents, celle de l'Afrique (extrémité de tout l’ancien monde) celles de l'Australie et de l'Amérique méridionale, se rappro- cher graduellement du pôle Sud. La Nouvelle-Zélande, lon- gue de douze degrés de latitude, forme un membre inter- médiaire entre l'Australie et l'Amérique du Sud; elle se ter- mine également au sud par une ile (New-Leinster). Il est aussi bien remarquable que les saillies des continents vers le nord et leurs prolongements vers le sud soient situés pres- que sur les mêmes méridiens: ainsi, le eap de Bonne-Espé- rance et le banc Lagullas sont situés sur le méridien du cap Nord; la péninsule de Malacea, sur celui du cap Taïmoura en Sibérie (7). Quant aux pôles mêmes, on ignore s'ils sont pla- cés sur la terre ferme ou au milieu d’un océan couvert de glace. Au nord, on n’a pas dépassé le parallèle de 80° 55’, et vers le sud, on n’est allé que jusqu’au parallèle de 78° 40°. La forme pyramidale que les grands continents affectent à leurs extrémités se reproduit fréquemment sur une moindre échelle, non-seulement dans l'Océan Indien (péninsule Ara- bique et Indienne, presqu'ile de Malacca), mais encore dans la Méditerranée, où déjà Eratosthène et Polybe avaient eom- paré, sous ce rapport, les péninsules Ibérique, Italique et Hellénique (!). L'Europe elle-même, dont la surface est cinq fois moindre que celle de l'Asie, peut être considérée comme la péninsule occidentale de la masse presque entié- rement compacte du continent asiatique; cela est si vrai que, sous le rapport du climat, l'Europe est pour l'Asie ce que la presqu’ile de Bretagne est au reste de la France (?). Les articulations nombreuses, la forme richement accidentée d’un continent exercent une grande influence sur les arts et la civilisation des peuples qui l'occupent: deja Strabon préco- nisait, comme un avantage capital, « la forme variée » de notre petite Europe (*). L'Afrique ({) et l'Amérique du Sud, qui offrent, sous d’autres rapports, tant d'analogies dans leur configuration, sont, de tous les continents, ceux dont les €ô- tes présentent le plus d’uniformité. Mais le rivage oriental de l'Asie, déchiré, pour ainsi dire, par les courants de la — 243 — mer (fractas ex œquore terras) (*), est terminé par une li- gne fortement accidentée; sur cette côte, les péninsules et les iles voisines du rivage se succèdent, sans interruption . depuis l'équateur jusqu'au 60° degré de latitude. Notre océan Atlantique présente toutes les traces qui ca- ractérisent la formation d'une vallée. On dirait que le choc des eaux s’est dirigé d’abord vers le nord-est; puis vers le nord-ouest, puis encore vers le nord-est. Le parallélisme des côtes situées au nord du 10° degré de latitude australe, les angles saillants et les angles rentrants de terres opposées . la convexité du Brésil tournée vers le golfe de Guinée, celle de l'Afrique opposée au golfe des Antilles, tout, en un mot, confirme ces vues, qui peuvent d’abord paraitre témérai- res (6). Dans la vallée Atlantique et même dans presque tou- tes les parties du monde, les rivages profondément déchirés et garnis d'iles nombreuses sont opposés aux rivages unis. Depuis longtemps j'ai fait remarquer combien la comparaison des côtes occidentales de l'Afrique et de l Amérique du Sud, sous les tropiques. offre d'intérêt pour la géognosie. La côte africane se recourbe fortement en forme de golfe, à Fer- nando-Po, par 4 1f2 de latitude australe; de même, le rivage de la mer du Sud. qui court du sud au nord jusqu’au 18° de- gré de latitude australe, change brusquement de direc- tion entre le Valle de Arica et le Morro de Juan-Diaz, et court vers le nord-ouest. Ce changement de direction s’é- tend même à la chaine des Andes, partagée, dans eette re- gion, en deux branches parallèles; il affecte non-seulement la branche maritime (4°), mais encore la Cordillére orientale, qui à été le siége de la plus ancienne civilisation indigène de l'Amérique, et l’infléxion se trouve là où la petite mer alpestre de Titicaca baigne les pieds de deux montagnes co- lossales, l’Hlimani et le Sorata. Plus loin au sud, depuis Val- divia et Chiloë (par 40 ou 42° de lat. sud), jusqu’à l’archi- pel de Los Chonos, et de là jusqu'à la Terre de Feu, on re- trouve la configuration particulière aux côtes occidentales de la Norwége et de l'Écosse, e’est-à-dire un labyrinthe de fiords ou de golfes étroits dont les ramifications pénètrent profondément dans les terres. — 244 — Telles sont les considérations les plus générales que l’e- xamen de la surface de notre planète puisse suggérer rela- tivement à la forme et à l'étendue actuelle des continents (dans le sens horizontal). Nous avons rassemblé les faits, nous avons mis en relief quelques analogies de formes des régions éloi- gnées, mais nous ne prétendons pas avoir posé les lois de la forme générale de la terre ferme. Lorsqu'un voyageur exa- mine les soulévements partiels qui se produisent assez sou- vent aux pieds de certains volcans actifs, du Vésuve par exemple; lorsqu'il voit le niveau du sol varier de plusieurs pieds avant ou auprès lés éruptions, et former une saillie semblable à un toit ou une éminence aplanie, il ne tarde pas à reconnaitre qu'il suffit de la variation la plus insignifiante dans l'intensité des forces souterraines où dans la résistance que le sol leur oppose pour déterminer les parties soulevées à pren- dre cette forme-ci ou celle-là, cette direction ou une autre di- rection complétement différente. De même, une faible perturba- tion survenue dans l’équilibre des actions intérieures de notre planète aura déterminé les forces soulevantes à réagir, con- tre une partie de la croûte terrestre, avec plus d'énergie que sur la partie opposée; il n’en'aura pas fallu davantage pour que ces forces aient pu soulever, dans l'hémisphère occiden- tal, un continent compacte dont l'axe est presque parallele à l'équateur, et faire émerger, sur un même méridien de l'hémisphère oriental, une bande étroite de terres qui aban- donnent aux eaux plus de la moitié de cette partie du globe. Malgré ces analogies et ces contrastes, il n’est pas donhé à la science de scruter bien profondément les grands phé- nomènes qui ont dû présider à la naissance des continents. Ce que nous en savons se réduit à ceci: la cause agissante est une force soutérraine ; les continents n’ont point été formes tout d’un coup tels qu'ils sont aujourd’hui, mais leur origine remonte, comme nous l'avons vu plus haut, à l'époque silu- rienne (séparation neptunienne), et leur formation occupe les périodes suivantes jusqu’à celle des terrains tertiaires; elle s’est effectuée peu à peu à travers une longue série de soulèvements et d’affaissements successifs; elle s’est accom- — 245 — plie enfin par l'agglutination de petits continents d’abord iso- lés. La figure actuelle est le produit de deux causes qui ont agi l’une après l'autre. La premiere est une réaction souterraine, dont la mesure et la direction restent arbitraires, çar il nous serait impossible de les déterminer ; elles sortent pour nous du cercle des faits nécessaires, La seconde cause comprend toutes les puissances qui agissent à la surface, et parmi ces forces les éruptions volcaniques, les tremblements de terre, les soulève- ments des chaines de montagnes, les courants de la mer ont joué le principal rôle. Combien la température actuelle de la terre, la végétation, l'agriculture, la civilisation elle-même eussent éte différentes, si les axes de l'Ancien et du Nouveau- Continent eussent reçu la même direction; si la chaine des Andes, au lieu de dessiner un méridien, eût été soulevée de l’est à l'ouest ; si aucune terre tropicale (l'Afrique) n’eût ra- yonné fortement le calorique au sud de l'Europe; si la Mé- diterranée, qui communiquait primitivement avec la mer Caspienne et avec la mer Rouge et qui a puissamment favo- risé l'établissement des races humaines, eût été remplacée par un sol aussi élevé que les plaines de la Lombardie ou de l’an- tique Cyrene! Les changements qui sont survenus dans les niveaux re- latifs des parties solides et liquides de la croûte terrestre et qui ont déterminé l’émersion ou l'immersion des basses ter- res et les contours actuels des continents, doivent étre at- tribués à un ensemble de causes nombreuses qui ont agi tour à tour. Parmi ces causes, les plus efficaces sont, sans contre- dit, la force élastique des vapeurs renfermées dans l’intérieur de la terre; les variations brusques de la température de certaines couches épaisses (“#); le refroidissement séculaire et irrégulier de l'écorce et du noyau du globe, d’où provien- nent les rides et les plissements de la surface solide; les mo- difications locales de la gravitalion (“), et, par suite, les changements de courbure en certaines parties de la surface d'équilibre de l'élément liquide. C’est un fait aujourd'hui re- connu de tous les géologues que l’émersion des continents est due à un soulèvement effectif, et non à un soulèvement 18 — 246 — apparent, oceasionné par une dépression réelle du niveau général des mers. Cette conception capitale, qui parait s’ac- corder avec l’ensemble des observations et avec les phéno- mènes analogues de la vulcanicité, a été énoncée, pour la première fois, par Léopold de Buch dans son mémorable o- yage en Norwège et en Suède, pendant les années 1806 et 4807 (°°). Toute la côte suédoise et finlandaise s’éleve pro- ressivement, à raison de 4,3 mètre par siécle, depuis la li- mite de la Scanie septentrionale (Sælwitsborg), jusqu'à Tor- neo, et de Torneo à Abo, tandis que la Suède méridionale s'affaisse, d’après Nilson (1). La force de soulèvement parait atteindre son maximum dans la Laponie septentrionale; vers le sud, elle diminue peu à peu jusqu’à Calmar et Sœælwits- borg. Les lignes de l’ancien niveau que la mer atteignait avant les temps historiques sont indiquées dans toute la Nor- wège (%), depuis le cap Lindesnæs jusqu'à l'extrémité du cap Nord, par des banes composés de coquilles identiques à celles de la mer actuelle; Bravais à mesuré ces lignes avec le plus grand soin, pendant son long hivernage à Bosekop. Leur hauteur au-dessus du niveau moyen de la mer est de 195 metres, et d'aprés Keïlhau et Eugène Robert, elles re- paraissent sur les côtes du Spitzherg, vis-à-vis du cap Nord (au N. N. O.). Mais Léopold de Buch, qui a signalé le premier le bane de coquilles de Tromsoe (latit. 69° 40°), a montré que les plus anciens soulèvements des terres baignées par la mer du Nord n’ont aucun rapport avec l’émersion lente, graduelle et régulière du littoral suédois, dans le golfe de Bothnie. Il ne faut pas non plus confondre ce dernier phé- nomene, dont nous possédons d'irrécusables témoignages his- toriques, avec les changements qui surviennent dans le ni- veau du sol, à la suite des tremblements de terre comme sur les côtes du Chili et du Cutch. Il a determiné les géologues à faire des recherches semblables dans d’autres pays. Quel- quefois un affaissement sensible occasionné par le plissement des strates correspond à un soulèvement genéral; cette re- marque à été faite dans le Groenland occidental (par Pingel et Graah), en Dalmatie et en Seanie. — 247 — Puisqu’il est hautement probable que les mouvements oseil- latoires du sol, les soulèvements et les affaissements de la surface, pendant ies premiers âges de notre planète, ont été plus intenses qu'aujourd'hui, on ne doit pas être surpris de rencontrer, dans l’intérieur même des continents, des de- pressions locales et des plages entières situées bien au-des- sous du niveau partout égal des mers actuelles. Tels sont les lacs de natron, décrits par le général Andréossy, les pe- tits lacs amers de l’isthme de Suez, la mer Caspienne, le lac de Tibériade et surtout la Mer Morte (*%). Les niveaux de ces deux dernières mers sont respectivement situés à 203 et à 400 mètres au-dessous de celui de la Méditerranée. S'il était possible d’enlever tout d’un coup le terrain d’alluvion qui recouvre les couches pierreuses, dans un grand nombre de parties planes de la surface du globe, on verrait combien l'écorce terrestre, ainsi dénudée, offrirait de dépressions pro- fondes au-dessous du niveau actuel des mers. En certains lieux, le sol parait être encore sujet à de lentes oscillations indépendantes de tout tremblement de terre proprement dit, et assez semblables à celles qui ont dù se produire presque partout dans la croûte déjà solidifiée, mais peu épaisse, des époques primitives. Il faut probablement attribuer à des oscil- lations de ce genre les périodes irrégulières d’exhaussement et d’abaissement du niveau de la mer Caspienne, phénomène dont j'ai vu moi-même des traces sensibles dans le bassin septentrional de cette mer (*); on peut expliquer de la même maniere les observations faites, par Darwin, dans la Mer de Corail (°5). , Ces phénomènes. sur lesquels nous avons voulu fixer un instant l'attention, rappellent combien l’ordre actuel des cho- ses est encore éloigné d'une parfaite stabilité; ils montrent qu'il se produit sans cesse des changements capables de mo- difier, à la longue, les contours et la configuration des con- tinents. Ces variations, à peine sensibles d’une génération à autre, s'accumulent par périodes dont la durée rivalise avec celle des grandes périodes astronomiques. Depuis 8000 ans, le rivage oriental de la péninsule scandinave s’est peut- — 248 — ètre élevé de plus de 4100 mêtres; si ce mouvement est uni- forme, dans 42000 ans, des parties du fond de la mer, voi- sines de ce littoral et couvertes actuellement de 50 brasses d’eau, commenceront à émerger et deviendront terre ferme. Ce laps de temps étonne d’abord l'imagination: en réalité, à peine est-il comparable à ces longues périodes géologiques qui embrassent des séries entières de formations superposées et des mondes d'organismes éteints. Nous n'avons considéré jusqu'ici que les faits de soulèvement; mais si nous poursui- vons les mêmes analogies en abordant les phénomeénes qui semblent indiquer une dépression progressive, nous recon- naissons aussitôt que ce dernier effet pourrait se produire également sur une grande échelle. Ainsi, la hauteur moyenne de la région des plaines, en France, n’atteint pas 456 mé- tres; il suffirait donc du moindre de ces changements inté- rieurs, dont les âges géologiques nous offrent tant de traces frappantes, pour opérer, en assez peu de temps, la submer- sion d’une partie notable du nord de l'Europe occidentale, ou du moins pour modifier profondément la forme actuelle de notre littoral. Le soulèvement, la dépression de la terre ferme ou de la masse de eaux, phénomènes réciproques, puisque le soulè- vement réel de l’un de ces éléments fait naître aussitôt lap- parence d’une dépression dans l’autre, telles sont les causes ‘de toutes les variations de forme des continents. Il convient à une œuvre libre et impartiale d’envisager ainsi cette grande question sous toutes ses faces, et d'accorder au moins une mention à la possibilité d’une dépression réelle du niveau des mers, c’est-à-dire d’une diminution de la masse des eaux. Qu’à l’époque où la température de la surface était plus éle- vée, où les eaux s’engloutissaient dans des fractures plus grandes, où l'atmosphère possédait des propriétés tout au- tres, il se soit produit de grandes variations dans la quan- tité de l’élément liquide et par suite dans le niveau des mers, c'est ce dont personne ne doute aujourd'hui. Mais dans l’état actuel de notre planète, aucun fait n’annonce une diminu- üon semblable; rien ne prouve directement que la masse des — 949 — eaux augmente ou diminue d’une manière progressive. De même rien ne prouve que la hauteur moyenne du barome- tre, au niveau de Ja mer, change peu à peu en une méme station. Les recherches de Daussy et d’Antonio Nobile ont établi que l’abaissement du niveau de la mer serait imme- diatement accusé par une augmentation correspondante dans la hauteur de la colonne barométrique; mais comme cette hauteur n’est pas identique sous toutes les latitudes, et qu’elle dépend de plusieurs causes météorologiques, telles que la di- rection générale des vents et l'état hygrométrique de Fair, il s'ensuit que le baromètre seul n’est point un indice sùr des variations du niveau de la mer. Si, au commencement de ce siècle, certains ports de la Méditerranée ont été aban- donnés par les eaux et laissés à sec pendant plusieurs heu- res, ce n'est pas à dire que la masse des eaux de la mer ait réellement diminué, ou que le niveau général de l'Océan ait subi une dépression; ces faits prouvent seulemept que des courants de la mer peuvent, en changeant de force et de di- rection, occasionner un retrait local des eaux et méme l'e- mersion permanente d'une petite portion du littoral. Les données que la science possède aujourd'hui sur cette ques- tion délicate ne sauraient être interprétées avec trop de ré- serve; autrement on risquerait d'attribuer à l’un des « an- ciens éléments, » à l’eau, ce qui appartient en réalité à deux autres éléments, c’est-à-dire à Fair et à la terre. De même que la forme exterieurement articulée des con- tinents et les découpures nombreuses de leurs rivages exer- cent une influence salutaire sur les climats, sur le commerce el jusque sur les progrès généraux de la civilisation, de même la configuration du sol dans le sens de la hauteur, c'est-à-dire l'articulation intérieure des grandes masses con- tinentales, peut jouer un rôle non moins important dans le domaine de lhomme. Tout ce qui fait naitre une variete quelconque de forme (polymorphie) en un point de la sur- face terrestre, que ce soit une chaine de montagnes, un pla- teau, un grand lac, une steppe verdoyante, que ce soit même un désert bordé, comme par un rivage, d’une lisière de fo- — 950: — rêts, tout accident du sol, en un mot, imprime un cachet particulier à l'état social du peuple qui l'habite, Le sol est-il encaissé entre de hautes cimes recouvertes de neige? les com- munications sont génées, le commerce ne peut s'établir. Est- il formé de plaines basses entremélées de chaines disconti- nues et peu élevées (*5), comme dans l’ouest et dans le sud de l’Europe, où ce genre d'articulation se développe si heu- reusement? alors les influences météorologiques se mullüplient, et, avec elles. les productions du monde végétal. Bien plus, comme chaque contrée exige alors une culture différente, même à égalité de latitude, cette configuration speciale donne naissance à des besoins qui stimulent l'activité des popula- tions. Ainsi, en soulevant les chaines de montagnes à travers les couches violemment redressées, les réactions intérieures ont faconné la surface du globe; elles ont préparé le domaine où les forces de la vie organique devaient se remettre à l’œu- vre, aprés le retour du calme, pour y développer la profu- sion des formes individuelles. Ces révolutions formidables ont fait disparaitre, en grande partie. sur l’un et l’autre hé- misphére, l'uniformité sauvage qui, sans elles, eût appauvri l'énergie physique et intellectuelle de l'espèce humaine. Les grandes vues d'Élie de Beaumont permettent d’assi- guer un âge relatif à chaque système de montagnes, en par- tant de ce principe, que l'époque du soulévement d’une chaine est nécessairement comprise entre l'époque de la for- mation des couches relevées. et celle du dépôt des strates qui s'étendent horizontalement jusqu’au pied de la montagne (7). Les plissements de l'écorce terrestre (redressement des cou- ches), quand ils datent d'une même époque géologique, pa- raissent affecter une direction commune. La ligne de faite des couches relevées n’est pas toujours parallele à l'axe de la chaine de montagnes (%); elle coupe aussi quelquefois cet axe, et il en résulte, à mon avis, que le phenomene du re- dressement des couches, dont on peut suivre assez loin la trace dans les plaines voisines, est alors plus ancien que le soulèvement de la chaine. La direction principale du conti- — 951 — nent européen (du S. 0. au N. E.) est opposée à celle des grandes failles (du N. 0. au $. E.); celles-ci partent des bou- ches de l'Elbe et du Rhin, traversent la mer Adriatique, la Mer Rouge, le systéme de montagnes du Louchti-Koh, dans le Louristan, et aboutissent au golfe Persique et à l'Océan Indien. Ce système de grandes lignes géodésiques à peu près rectangulaires à singuliérement favorisé les relations com- merciales de l'Europe avec l'Asie et le nord de l'Afrique oc- cidentale, ainsi que la marche de la civilisation sur les bords autrefois plus heureux de la Méditerranée (°°). Plus l'imagination s’étonne de la hauteur et de la masse des chaines des montagnes, plus l'esprit est frappé d'y re- connaitre les témoins des révolutions du globe, les limites des climats, le point de partage des eaux et le siége d’une végétalion particulière, et plus il est nécessaire de montrer, par une exacte évaluation numérique de leur volume, com- bien ce volume est faible en réalite quand on le compare à celui des continents, ou même à l'étendue des contrées voi- sines. Supposons, par exemple, que la masse entiere des Py- rénées, dont on à mesuré avec ure grande exactitude la hauteur moyenne et la base, soit uniformément répartie sur la surface de la France: tout caleul fait, on trouve que le sol serait exhaussé de 3 metres. De même, si les matériaux qui forment la chaine des Alpes étaient disséminés sur la surface de l'Europe, ils en augmenteraient la hauteur de 6 mètres ‘fe. Par un travail long et pénible qui, de sa nature, ne pouvait conduire qu'à une limite supérieure, c’est-à- dire à un nombre trop faible peut-être, mais non à un nom- bre trop fort, j'ai trouvé que le centre de gravité de la terre ferme est situé, pour l'Europe et pour l'Amérique du nord, à 205 el à 298 metres au-dessus du niveau actuel des mers ; à 355 et à 351 mètres pour l'Asie et l'Amérique du sud (®). Ainsi les régions septentrionales sont relativement basses. En Asie, la faible hauteur des steppes de la Sibérie se trouve compensée par l'énorme renflement du sol compris entre les paralleles de 28° ‘f2 et de 40°, entre l'Himalaya. le Kouen- lun du Thibet septentrional et les Montagnes Celestes. On 1989 — peut, jusqu'à un certain point. lire dans les nombres que j'ai trouvés en quels lieux de la surface les forces plutoni- ques ont agi avec le plus d'énergie pour soulever les gran- des masses des continents. Rien ne nous garantit que Ces puissances plutoniques n’ajouteront point, dans le cours des siècles à venir, de nou- veaux systèmes de montagnes à ceux qu'elles ont déjà pro- duits, et dont Élie de Beaumont a si bien déterminé les âges relatifs. Quelle cause, en effet, aurait pu faire perdre, à l’é- corce terrestre, la faculté de se rider sous l'influence des ac- tions souterraines? Lorsqu'on voit dans les Alpes et dans les Andes, qui comptent parmiles systèmes les plus récents des colosses comme le Mont-Blane et le Mont-Rose, comme le So- rata, l'Ilimani et le Chimborazo, est-il permis d'admettre que les puissances souterraines qui soulevérent ces colosses sui- vissent une période décroissante? qu’elles en fussent à leur dernier effort? Tous les phénomènes géognostiques révèlent des alternatives périodiques d'activité et de repos (51). Le re- pos dont nous jouissons n’est qu’apparent. Les tremblements : de terre qui ébranlent indifféremment tous les genres de ter- rains, sous toutes les zones, la Suède qui monte sans cesse, l'apparition subite de nouvelles iles d’éruption ne prouvent guère que l’intérieur de notre planète soit parvenu au re- pos définitif. L’enveloppe liquide et l'enveloppe gazeuse dont notre pla- nète est entourée présentent à la fois des contrastes et des analogies. Les contrastes naissent de la différence qui existe entre les gaz et les liquides, par rapport à l’élasticité et au mode d’agrégation de leurs molécules. Les analogies provien- nent de la mobilité commune à toutes les parties des fluides et des liquides, et par suite, elles se manifestent surtout dans les courants et dans la propagation de la chaleur. La pro- fondeur de la mer et celle de l'océan aérien nous sont éga- lement inconnues. Dans les mers des tropiques, on à sonde jusqu’à 8220 mètres (environ 2 lieues de poste) sans attein- dre le fond; et si, comme le pensait Wollaston, l'atmosphère — 953 — s’arrétait à une limite nette, semblable à la surface ondulée de la mer, la théorie des phénomènes crépusculaires indi- querait une profondeur au moins neuf fois plus forte pour l'océan aérien. Ce dernier repose, en partie, sur la terre ferme dont les montagnes ef les plateaux couronnés de fo- rêts s'élèvent comme autant de bas-fonds, en partie, sur la mer qui porte les couches aériennes les plus basses et les plus chargées d'humidité. Dans ces deux océans, et à partir de leur limite commune, la température décroit suivant des lois déterminées, soit que l’on s'élève dans les couches aériennes, soit que l’on de- scende dans les couches aqueuses; mais le décroissement de la chaleur est bien plus lent dans l’atmosphère que dans la mer. Comme toute molécule d’eau qui se refroidit devient plus dense et descend aussitôt, il en résulte que partout la temperature de la mer, à la surface, tend à se mettre en équilibre avec celle des couches d’air voisines. Une longue série d'observations thermométriques fort exactes nous a mon- tré que, depuis l'équateur jusqu'aux parallèles du 48° degré de latitude boréale et australe, la température moyenne de la surface des mers est un peu supérieure à celle de l'at- mosphère ($?). Mais la température décroissant à partir de la surface, à mesure que la profondeur augmente, les pois- sons et les autres habitants de la mer qui aiment les eaux profondes (peut-être à cause de leur respiration branchiale et cutanée) peuvent trouver, jusque sous les tropiques, les basses temperatures et les frais climats des zones tempérées, ou même des régions froides. Cette circonstance influe puis- samument sur les migrations et sur la distribution géographi- que d'un grand nombre d'animaux marins. Ajoutons que la profondeur à laquelle les poissons habitent modifie leur res- piration cutanée en raison de l’accroissement de pression , et qu’elle détermine le rapport de gaz oxygène et azote dont leur vessie natatoire est remplie. Comme l’eau douce et l’eau salée n'’atteignent point leur maximum de densité à la mème température, et comme la salure des mers abaisse le degré thermométrique correspon- — 254 — dant à ce maximum, on comprendra que l'eau puisée dans la mer à de grandes profondeurs, pendant les voyages de Kotzebue et de Dupetit-Thouars, n’ail accusé au thermome- tre que 2,8 et 2°,5. Cette température presque glaciale ré- gne même dans les abimes des mers des tropiques; elle a fait connaitre les courants inférieurs qui se dirigent des deux pôles vers l'équateur. Et, en effet, si ce double courant sous- marin n'existait pas, la chaleur des couches profondes ne s’'a- baisserait jamais au-dessous du minimum de la température des couches aériennes qui reposent immédiatement sur la mer, La Méditerranée ne présente pas, il est vrai, une dimi- nution considérable de chaleur dans ses couches de fond ; mais Arago a levé toute difficulté à ce sujet en montrant qu'au détroit de Gibraltar, où les eaux de l'Océan Atlanti- que pénètrent en produisant un courant superficiel dirigé de l’ouest à l’est, un contre-courant inférieur déverse les eaux de la Méditerranée dans le Grand-Océan, et s'oppose à l'in- troduction du courant polaire inferieur. Dans la zone torride et surtout entre les parallèles du 40° degré au nord et au sud de l'équateur, l'enveloppe li- quide de notre planète possède, loin des côtes et des cou- rants, une température qui reste singulièrement uniforme et constante sur des milliers de myriamètres carrés (5). On en a conclu avec raison que la manière la plus simple d’atta- quer le grand problème, si souvent agité, de l'invariabilité des climats et de la chaleur terrestre, serait de soumettre la température des mers tropicales à une série d'observations longtemps prolongée ($#). S'il survenait, sur le disque du so- leil, quelque grande révolution dont la durée füt considéra- ble, cette révolution se refléterait dans les variations de la chaleur moyenne de la mer, encore plus sûrement que dans celle des températures moyennes de la terre ferme. La zone où les eaux de la mer atteignent le maximum de densité (de salure) ne coïncide ni avec celle du maximum de température, ni avec l'équateur géographique. Les eaux les plus chaudes paraissent former, au nord et au sud de cette ligne, deux bandes non parallèles. Lenz a trouvé, dans — 955 — son voyage autour du monde, que les eaux les plus denses étaient, en mer caline, par 22° de latitude nord et par 48° de latitude sud; la zone des eaux les moins salées se trouvait à quelques degrés au sud de l'équateur. Dans la région des calmes, la chaleur solaire ne produit qu'une faible évapora- tion, paree que les couches d’air saturé d'humidité, qui re- posent sur la surface de la mer, sont rarement renouvelées par les vents. En général, toutes les mers qui communiquent entre el- les doivent être considérées, par rapport à leur hauteur moyenne, comme étant parfaitement du niveau. Cependant des causes locales (probablement des vents régnants et des courants) produisent, en certains golfes profonds, des difie- rences de niveau permanentes, mais toujours peu notables. Par exemple, à l’isthme de Suez, la hauteur de la Mer Rouge surpasse celle de la Méditerranée de 8 à 49 metres, selon les diverses heures du jour. Cette différence remarquable était dejà connue dans l'antiquité; il parait qu’elle dépend de la forme particulière du detroit de Bab-el-Mandeb, par lequel les eaux de l'Océan Indien pénètrent dans le bassin de la Mer Rouge plus facilement qu'elles n’en peuvent sor- ür (5). Les excellentes opérations géodeésiques de Corabœuf et de Delcros montrent que, d’un bout à Fautre de la chaine des Pyrénées, comme de Marseille. à la Hollande septentrio- nale, il n'existe aucune différence appréciable entre le niveau de la Méditerranée et celui de l'Océan ($). Les perturbations de l'équilibre des eaux et les mouve- ments qui en résultent son de trois sortes. Les unes sont irrégulieres et accidentelles comme les vents qui les font naïi- tre; elles produisent des vagues dont la hauteur, en pleine mer et pendant la tempête, peut aller à 41 mètres. Les au- tres sont régulières et périodiques; elles dépendent de la po- sition et de l'attraction du soleil et de la lune (flux et reflux). Les courants pélagiques constituent un troisieme genre de perturbations permanentes et variables seulement quant à l'intensité. Le flux et le reflux affectent toutes les mers, sauf les petites méditerranées dans lesquelles l'onde produite par — 956 — le flux est très-faible ou même insensible. Ce grand phéno- mène s'explique complètement dans le système newtonien: « Il s’y trouve ramené dans le cercle des faits nécessaires. >» Chacune de ces oscillations périodiques des eaux de l'Océan dure un peu plus d'un demi-jour; leur hauteur en pleine mer est à peine de quelques pieds, mais, par suite de la con- figuration des côtes qui s'opposent au mouvement progressif de l’onde, cette hauteur peut aller à 46 mètres à Saint-Malo, à 24 et même à 23 métres sur les côtes de l’Acadie. « En négligeant la profondeur de l'Océan, comme insensible par rapport au diamètre de la terre, l’analyse de l'illustre La- place a montrée que la stabilité de l'équilibre des mers exige, pour la masse liquide, une densité inférieure à la densité moyenne de la terre. En fait, cette dernière densité est, comme nous l'avons vu déjà, cinq fois plus grande que celle de l’eau. Les hautes terres ne peuvent donc jamais être inondées par la mer, et les restes d'animaux marins que l’on rencontre au sommet des montagnes n’ont point été transportés là par des marées jadis plus hautes que les marées actuelles » (57). Un des plus beaux triomphes de cette analyse, que certains esprits mal faits affectent de déprécier, c’est d’avoir soumis le phénomène des marées à la prévision humaine: grâce à la théorie complète de Laplace, on annonce aujourd'hui, dans les éphémérides astronomiques, la hauteur des marées qui doivent arriver à chaque syzygie, et l’on avertit ainsi les ha- bitants des côtes des dangers qu’ils peuvent courir à ces epoques. Les courants océaniques, dont on ne saurait méconnaitre l'influence sur les relations des peuples et sur le climat des contrées voisines des côtes, dépendent du concours presque simultané d’un grand nombre de causes plus ou moins im- portantes. On peut compter parmi ces causes: la propagation successive de la marée dans son mouvement autour du glo- be; la duréeet la force des vents régnants; les variations que la pesanteur spécifique des eaux de la mer éprouve suivant la latitude, la profondeur, la température et le degré de sa- lure (%); enfin les variations horaires de la pression atmos- — 957 — phérique ; ces variations, si régulières sous les tropiques, se propagent successivement de l’est à l'ouest. Les courants pré- sentent au milieu des mers un singulier spectacle : leur lar- geur est déterminée ; ils traversent l'océan comme des fleu- ves dont les rives seraient formées par les eaux en repos. Leur mouvement contraste avee l’immobilité des eaux voi- sines, surtout lorsque de longues couches de varees, en- trainées par le courant, permettent d'en apprécier la vitesse. Pendant les tempêtes, on remarque quelquefois, dans l’atmos- phère, des courants analogues isolés au milieu des couches inférieures; une forêt se trouve-l-elle sur le passage d’un courant pareil, les arbres ne sont renversés que dans la zone étroite qu'il a parcourue. La marche progressive des marées et les vents aes font naitre, entre les tropiques, le mouvement général qui entraine les eaux des mers de l’orient à l'occident ; on le nomme cou- rant équatorial où courant de rotation. Sa direction varie par suite de la résistance que lui opposent les côtes orien- tales des continents. En comparant les trajets exécutés par des bouteilles que des voyageurs avaient jetées, à dessein, à la mer, et qui furent recueiilies plus tard, Daussy a récem- ment déterminé la vitesse de ce courant; son résultat s’ac- corde, à ‘f18 près, avec celui que j'avais déduit d’expérien- ces plus anciennes (10 milles marins français de 1856 me- tres, par 24 heures) (%°). Christophe Colomb avait reconnu l'existence de ce courant pendant son troisième voyage, le premier où il ait tenté d’atteindre les régions tropicales par le méridien des Canaries. On lit, en effet, dans son livre de loch (©): « Je tiens pour certain que les eaux de la mer se meuvent, comme le ciel, de l’est à l’ouest {las agquas van con los cielos) » c’est-à-dire selon le mouvement diurne ap- parent du Soleil, de la Lune et de tous les astres. Les courants, véritables fleuves qui sillonnent les mers, sont de deux sortes: les uns portent les eaux chaudes vers les hautes latitudes, les autres ramenent les eaux froides vers l'équateur. Le fameux courant de FOcéan Atlantique, le Gulf- Stream (71), déjà reconnu dans les xvi° siècle par Anghiera (7?) 0 — et surtout par sir Humfrey Gilbert, appartient à la première classe. C’est au sud du Cap de Bonne-Espérance qu'il faut chercher lorigine et les premieres traces de ce courant; de là il pénètre dans la mer des Antilles, parcourt le golfe du Mexique, débouche par le détroit de Bahama, puis, se diri- gcant du $.S.0. au N.N.E. il s'éloigne de plus en plus du litto- ral des États-Unis, s'infléchit vers l’est au banc de Terre-Neuve et va frapper les côtes de l'Irlande, des Hébrides et de la Norwège, où il porte des graines tropicales (Mimosa scan- dens, Guilandina bonduc, Dolichos urens). Son prolonge- ment du N. E. réchauffe les eaux de la mer et exerce sa bien- faisante influence jusque sur le climat du promontoire sep- tentrional de la Scandinavie. A l'est du banc de Terre-Neuve, le Gulf-Stream se bifurque et envoie, non loin des Acores, une seconde branche vers le sud (5). C’est là que se trouve la mer des Sargasses, immense banc formé de plantes ma- rines {fucus natans, l’une des plus répandues parmi les plan- tes sociales de l'Océan), dont l'imagination de Christophe Colomb fut si vivement frappée, et qu'Oviédo nomme prade- rias de yerva (prairies de varecs). Un nombre immense de petits animaux marins habitent ces masses toujours verdo- yantes, transportées çà et là par les brises tièedes qui souf- flent dans ces parages. On voit que ce courant appartient, presque tout entier, à la partie septentrionale du bassin de l'Atlantique ; il côtoie trois continents: l'Afrique, l'Amérique et l'Europe. Un se- cond courant, dont j'ai reconnu la basse température, dans l'automne de l’année 4802, regne dans la mer du Sud et réa- git d’une maniere sensible sur le climat du littoral. H porte les eaux froides des hautes laliltudes australes vers les côtes du Chili; il longe ces côtes et celles du Pérou en se diri- geant d'abord du sud au nord, puis, à partir de la baie d’A- rica, il marche du S. S. E. au N. N. O. Entre les tropiques, la température de ce courant froid n’est que de 15,°6 en cer- taines saisons de Fannée, pendant que celle des eaux voisi- nes en repos monte à 27°,5 et même à 28°,7. Enfin, au sud de Payta, vers cette partie du littoral de l'Amérique méri- — 959 — dionale qui fait saillie à l’ouest, le courant se recourbe comme la côte elle-même, et s’en écarte en allant de l’est à l’ouest; an sorte qu’en continuant à gouverner au nord, le naviga- ra sort du courant et passe brusquement de l’eau pare dans l’eau chaude. On ignore à quelle profondeur s'arrête le mouvement des masses d'eaux chaudes ou froides qui sont entrainées ainsi par les courants océaniques; ee qui porterait à croire que ce mouvement se propage jusqu'aux couches les plus bas- ses c’est que le courant de la côte méridionale de l'Afrique se réfléchit sur le banc de Lagullas, dont la profondeur est de 70 à 80 brasses. Gràce à une découverte du vénérable Franklin, le ther- momètre est devenu aujourd’hui une véritable sonde. En ef- fet, il est presque toujours possible de reconnaitre la pré- sence d’un bas-fonds ou d’un banc de sable situé hors des courants par l’abaissement de la température de l'eau qui le recouvre. Ce phénomene, dont on peut tirer parti pour rendre la navigation plus sûre, me parait provenir de ce que les eaux profondes, entrainées par le mouvement général des mers, remontent les pentes qui bordent les bas-fonds et vont se mêler aux couches d’eau supérieures. Mon immor- tel ami, sir Humphry Davy, à proposé une autre explication: les molécules d’eau refroidies pendant la nuit, par voie de rayonnement, descendent vers le fond de la mer; mais au- dessus d’un bas-fonds, ces molécules restent plus près de la surface et en maintiennent ainsi la température à un degré moins élevé que partout ailleurs. Des brouillards se forment fréquemment au-dessus des bas-fonds, parce que l'eau froide qui les recouvre détermine une précipitation locale des va- peurs contenues dans l'atmosphère. J’ai vu souvent ces brouil- lards au sud de la Jamaïque et dans la mer du Sud; leurs contours étaient nets; vus de loin, ils reproduisaient exac- tement la forme des bas-fonds. C’étaient de véritables ima- ges aériennes où se réfléchissaient les accidents du sol sous- marin. L'eau froide qui recouvre ordinairement les bas-fonds produit un effet encore plus singulier dans les hautes régions — 260 — de l'atmosphère; elle agit à peu pres comme les iles apla- ties de corail ou de sable: on voit souvent en pleine mer, loin des côtes et par un ciel serein, des nuages se fixer au- dessus des points où les bas-fonds sont situés; et l’on peut alors relever, avec la boussole, la direction de ces points, tout comme s'il s'agissait d'une chaine de montagnes ou d’un pic isole. Sous une surface moins variée que celle des continents, la mer contient dans son sein une exubérance de vie dont aucune autre région du globe ne pourrait donner l’idée. Char- les Darwin remarque avec raison, dans son intéressant jour- nal de voyage, que nos forêts terrestres n’abritent pas, à beaucoup près, autant d'animaux que celles de l'Océan. Car la mer aussi a ses forêts: ce sont les longues herbes mari- nes qui croissent sur les bas fonds, ou les banes flottants de fucus que les courants et les vagues ont détachés, et dont les rameaux déliés sont soulevés, jusqu’à la surface, par leurs cellules gonflées d'air. L’étonnement que fait naitre la profusion des formes organiques dans l'Océan s’accroit en- core par l'emploi du microscope; on sent alors avec admi- ration que là le mouvement et la vie ont tout envahi. A des profondeurs qui dépassent la hauteur des plus puissantes chaines de montagnes, chaque couche d’eau est animée par des vers polygastriques, des cyclidies et des ophrydines. Là pullulent les animalcules phosphorescentes, les mammaria de l'ordre des acaléphes, les crustacés, les piridinium, les ne- réides qui tournent en cercle, dont les innombrables essaims sont attirés à la surface par certaines circonstances météo- rologiques, et transforment alors chaque vague en une écume lumineuse. L’abondance de ces petits êtres vivants, la quan- tite de matière animalisée qui résulte de leur rapide decom- position est telle que l’eau de mer devient un véritable li- quide nutritif pour des animaux beaucoup plus grands. Certes, la mer n'offre aucun phénomène plus digne d’oc- cuper l'imagination que celte profusion de formes animées, que cette infinité d’êtres microscopiques dont l’organisation, pour êlre d’un ordre inférieur, n’en est pas moins délicate — GE — et variée; mais elle fait naitre d’autres émotions plus sérieu- ses, j'oserai dire plus solennelles, par l’immensité du tableau qu’elle déroule aux yeux du navigateur. Celui qui aime à créer en lui-même un monde à part où puisse s'exercer li- brement l’activité spontanée de son âme, celui-là se sent rempli de l'idée sublime de l'infini à l'aspect de la haute mer libre de tout rivage. Son regard cherche surtout l'horizon lointain; là, le ciel et l'eau semblent s'unir en un contour vaporeux où les astres montent et disparaissent tour à tour. Mais bientôt cette éternelle vicissitude de la nature réveille en nous le vague sentiment de tristesse qui est au fond de toutes les joies humaines. Une prédilection particulière pour la mer, un souvenir plein de gratitude des impressions que l’élément liquide, en repos, au sein du calme de la nuit, ou en lutte contre les forces de la nature, à produites sur moi, dans les régions des tropiques, ont pu seules me déterminer à signaler les jouissances individuelles de la contemplation, avant les con- sidérations générales qu’il me reste à énumérer. Le contact de la mer exerce incontestablement une influence salutaire sur le moral et sur les progres intellectuels d’un grand nom- bre de peuples; il multiplie et resserre les liens qui doivent unir un jour toutes les parties de l'humanité en un seul fai- sceau. S'il est possible d'arriver à une connaissance com- plète de la surface de notre planète, nous le devons à la mer, comme nous lui devons déjà les plus beaux progrès de l'astronomie et des sciences physiques et mathématiques. Dans l'origine, une partie de cette influence s’exerçait seulement sur le littoral de la Méditerranée et sur les côtes occidenta- les du sud de l'Asie; mais elle s’est généralisée depuis le xvi® siècle; elle s'est étendue même à des peuples qui vivent loin de la mer, à l'intérieur des continents. Depuis l’époque où Christophe Colomb fut envoyé pour délivrer l'Océan de ses chaines (une voix inconnue lui parlait ainsi dans une vision qu'il eut, pendant sa maladie, sur les rives du fleuve de Be- lem) (7), l'homme a pu se lancer dans les régions inconnues, avec un esprit désormais libre de toute entrave. 49 — 262 — La seconde enveloppe de notre planète, l'enveloppe exté- rieure, universelle, est l'océan aérien dont nous habitons les bas-fonds (plateaux et montagnes); elle nous présente six classes de phénomènes, tous étroitement reliés par une dé- pendance mutuelle. Ces phénomènes dérivent de la consti- tution chimique de l'air, des variations qui surviennent dans sa diaphanéité, dans sa coloration, dans la manière dont il polarise la lumiére; ils naissent des changements de densité ou de pression, de température, d'humidité et de tension électrique. L’air contient le premier élément de la vie animale, l'oxygène. L'air possède un autre attribut non moins relevé: il est le véhicule du son, et par suite il est, pour les peu- ples, le véhicule du langage, des idées, des relations socia- les. Si le globe terrestre était dépourvu d’atmosphère, comme notre Lune, ce ne serait qu’un désert où régnerait le silence. Depuis le commencement du xix° siéele, la proportion des éléments qui forment les couches d’air accessibles a été un sujet de recherches auxquelles nous avons pris une part ac- tive, Gay-Lussac et moi. L'analyse chimique de l’atmosphére est parvenue, dans ces derniers temps, à un haut degré de perfection, grâce aux excellents travaux que Dumas et Bous- sing ault ont exécutés par de nouvelles méthodes plus exac- tes. D'après ces analyses, l'air sec contient, en volume, 20,8 d'oxygène et 79,2 d'azote: il renferme en outre de 2 à 5 dix- millièmes d’acide carbonique, une quantité encore plus fai- ble de gaz hydrogène (©), et, d’après les importantes recher- ches de. Saussure et de Liebig, quelques traces de vapeurs ammoniacales (T6) qui fournissent aux plantes l'azote qu’elles contiennent. Quelques observations de Lewy portent à eroire que la proportion d'oxygène varie un peu suivant les sai- sons, où suivant que l'air est recueilli dans l’intérieur des continents et au-dessus de la mer; et en effet, si l'immense quantité d'organisations animales que la mer nourrit peut faire varier la proportion d’oxigène dont l’eau s’est chargée, on comprend qu’il doive en résulter une variation correspon- dante dans les couches d’air voisines de la surface (7). L'air recueilli par Martins sur le Faulhorn, à 2762 mêtres de hau- _ teur, n’était pas moins riche en oxygène que l’air de Paris (7). — 963 — L'introduction du carbonate d’ammoniaque dans l'atmos- phére est probablement antérieure à apparition de la vie organique sur la surface du globe. Les sources d'où l'acide carbonique se déverse dans latmosphère sont très-multi- pliées (T°). Signalons d’abord la respiration des animaux : ceux-ci extraient le carbone des substances végétales dont ils se nourrissent, tandis que les végétaux le puisent dans l'atmosphère. L'intérieur de la terre, dans les contrées où se trouvent des volcans éteints et des sources thermales, est une source abondante d'acide carbonique. Il s’en produit aussi aux dépens de l'hydrogène carboné, qui existe dans l'atmosphère, et dont la décomposition est opérée par les décharges électriques des nuées, si fréquentes sous les tro- piques. D’autres substances, des miasmes et des émanations pestilentielles, viennent se méler accidentellement, surtout prés du sol, aux éléments que nous venons d'indiquer comme formant la composition normale de Fair, à toutes les hau- teurs accessibles. Ces gaz ont échappé jusqu’à présent à l’a- nalyse chimique; mais le fait même de leur existence dans certaines régions de l’atmosphère n’est point douteux: les données les mieux constatées de la pathologie et les phé- nomènes qui accompagnent l’incessante décomposition des matières végétales ou animales, sur toute la surface du globe, l'établissent surabondamment. Sans parler des contrées ma- récageuses et des bords de la mer couverts de mollusques putréfiés ou de touffes de rhizophora mangle et d’avicen- nies, il existe une foule de circonstances dans lesquelles cer- taines vapeurs ammoniacales et nitreuses, de Fhydrogène sulfuré et même des composés analogues aux combinaisons a bases multiples (ternaires et quaternaires) du règne vé- gétal (), peuvent se méler à l'air et engendrer la fièvre tierce ou le typhus. Certains brouillards, répandant une odeur particulière, nous offrent un exemple des mélanges qui peuvent s’opérer accidentellement dans les régions in- £erieures de l’atmosphère. Bien plus, des substances solides, réduites en poudre fine, sont quelquefois portées à de gran- des hauteurs, par les vents et les courants nés de l’échaut- — 964 — fement du so). Telle est la poussière qui tombe vers les iles du cap Vert, en obscureissant l’atmosphère à de grandes dis- tances; Darwin appela l'attention des hommes de science sur ce phénomène, et Ehrenberg découvrit que cette poussière contient d'innombrables infusoires à carapaces siliceuses. Épumérons actuellement les phénomènes principaux qui caractérisent l'atmosphère; nous aurons à distinguer : 1° Les çariations de la pression atmosphérique; elles comprennent les oscillations horaires du baromètre, espèce de marée atmosphérique, qui ne saurait être aitribuée à lat- traction lunaire ($1) et qui varie considérablement avec la latitude géographique, avec les saisons et avec la hauteur du lieu d'observation. 2° La distribution des climats et de la chaleur; elle dé- pend de la position relative des masses diaphanes et des masses opaques et de la configuration hypsométrique des continents. Ces relations déterminent la position géographi- que et la courbure des lignes isothermes, dans le sens hori- zontal et dans le sens vertical, c’est-à-dire sur une même surface de niveau et dans la série des couches superposées. 3° La distribution de l'humidité; elle dépend de la pro- portion qui existe entre la surface des terres et celle de l'o- eéan, de la distance à l'équateur et de la hauteur au-dessus de la mer; il faut distinguer parmi les formes diverses que la vapeur d’eau revêt en se précipitant, car ces formes va- rient avec la température, la direction et l’ordre de succes- sion des vents. 4 L’état électrique de l’atmosphère dont l’origine est en- core très-débattue, quand il s’agit de l'électricité développée par un ciel serein. Sous ce titre, nous avons à examiner quels rapports rattachent l'ascension des vapeurs à la ten- sion électrique et à la forme des nuages; il faut faire la part d'influence qui revient aux heures de la journée, aux sai- sons, aux climats, à la configuration des contrées formées de plaines basses ou de plateaux élevés; il faut rechercher les causes de la fréquence ou de la rareté des orages, de leur périodicité et de leur formation en été ou en hiver; il faut signaler enfin les rapports de l'électricité avee la grêle de nuit, phénomène extrémement rare, et avec les trombes (tourbillons d’eau ou de sable) sur lesquelles Peltier à fait d’ingénieuses remarques. Les variations horaires du baromètre, sous les tropiques, présentent deux maxima, à neuf heures ou neuf heures un quart du matin, et à dix heures et demie ou dfx heures trois quarts du soir. Les deux minima ont lieu vers quatre heu- res ou quatre heures un quart de l'après-midi et à quatre heures du matin, c’est-à-dire, presque à l’heure la plus chaude et à l'heure la plus froide de la journée. L'étude de ces va- riations a été longtemps pour moi un objet d'observations assidues de jour et de nuit (#?). Leur régularité est si grande qu’on peut, à la simple inspection du baromètre, déterminer l'heure, surtout pendant le jour, sans avoir à craindre, en moyenne, une erreur de plus de 45 à 147 minutes; elle est si permanente que ni la tempête, ni l'orage, ni la pluie, ni les tremblements de terre ne peuvent la troubler; elle per- siste dans les chaudes régions du littoral du Nouveau-Monde, comme sur les plateaux élevés de plus de 4000 mètres où la température moyenne descend à 7°. L’amplitude des oseil- lations diurnes décroit de 2,98 à 0,41 millimètres, depuis l'équateur jusqu'au 70° parallèle de latitude nord, sous le- quel Bravais a fait une série d'observations tres-précises (*5). On a cru que, dans les stations beaucoup plus rapprochees du pôle, la hauteur moyenne du baromètre était plus faible à dix heures du matin que vers quatre heures du soir, en sorte qu'il y aurait dans ces climats une véritable interver- sion des heures du maximum et du minimum ; mais les ob- servations de Parry, au port Bowen (73214), ne justifient nullement ces idées. À cause des courants ascendants de l'atmosphère la hau- teur moyenne du baromètre, sous l’équateur et générale- ment sous les tropiques, est un peu moindre que dans les zo- nes tempérées (#*); elle parait atteindre son maximum dans l’Europe occidentale entre les parallèles de 40° et de 45°. Kæmtz a proposé, pour l’étude de la distribution de ces phé- — 266 — nomeénes à la surface du globe, un mode de représentation graphique qui consiste à unir, par des courbes, les lieux où les moyennes différences entre les extrêmes hauteurs men- suelles du baromètre sont égales; ce sont les lignes isoba- rométriques, dont la position géographique et les courbures conduisent à des résultats importants pour létude de lin- fluence que là configuration des terres et l'étendue des mers exercent sur les oscillations de l'atmosphère. L'Hindoustan avec ses hautes chaines de montagnes et sa péninsule trian- gulaire, les côtes orientales du Nouveau-Continent vers le point où les eaux chaudes du Gulf-Strean se dirigent à l'est (Terre-Neuve), présentent des oscillations isobarométriques plus considérables que les Antilles et que l'Europe occiden- tale. Les vents régnants sont la cause principale qui déter- mine la diminution de la pression atmosphérique, et, sui- vant Daussy, partout où cette pression diminue, la hauteur moyenne de la mer augmente dans le même rapport (#). Les variations qui se reproduisent régulièrement, par pé- riodes horaires ou annuelles, dans la pression atmosphéri- que, les changements brusques et souvent dangereux (#5) qui surviennent accidentellement dans cette pression, et, en gé- néral, tous les phénomènes dont l’ensemble constitue l'état du ciel, doivent être attribués, en grande partie, à la puis- sance calorifique des rayons du Soleil. Il en résulte que la direction des vents, la hauteur du baromètre, les change- ments de température, l’état hygrométrique dé l'air sont des phénomènes connexes. Les résultats d’une longue série d’ob- servalions commencées, il y à longtemps, sur la proposition de Lambert, ont été réduits en tables qui indiquent la pres- sion atmosphérique correspondante à chaque aire de vent; ces tables, connues sous le nom de roses barométriques des vents, ont permis de scruter plus profondément la liaison des phénomènes metéorologiques (#7). Avec une admirable finesse d’aperçus, Dove a reconnu, dans la loi de rotation des vents qu'il a lui même établie pour les deux hémisphe- res, la cause de plusieurs grands phénomenes dont l'océan aérien est le théâtre (%). La différence de température, entre — 967 — les contrées équinoxiales et les contrées polaires, engendre deux opposés, l’un dans les hautes régions de l’atmosphére, l’autre à la surface du globe. Comme les points situés vers l'équateur et les points situés vers les pôles sont animés de vitesses de rotation très-differentes, il en résulte que le cou- rant venant du pôle est infléchi vers l’est, tandis que le cou- rant équinoxial s’infléchit vers l’ouest. C’est de la lutte de ces deux courants, c’est du lieu où le courant supérieur re- tombe et atteint la surface, c’est de leur pénétration récipro- que que dépendent les plus importantes variations de la pression atmosphérique, les changements de température dans les couches d’air, la précipitation des vapeurs aqueuses condensées, et même, comme Dove l’a montré, la formation et les figures variées que prennent les nuages. La forme des nues, qui donne aux paysages tant de mouvement et de charme, nous annonce ce qui se passe dans les hautes régions de l'atmosphère; quand Fair est calme, les nuages dessinent, sur le ciel d’une chaude journée d'été, « l’image projetée » du sol dont le calorique rayonne abondamment vers l’espace. Lorsque le rayonnement opère sur de grandes surfaces continentales et océaniques dont la position relative satis- fait à certaines conditions, comme entre la côte orientale de l'Afrique et la côte occidentale de la péninsule indienne, ses effets deviennent manifestes; il produit les moussons des mers de l'Inde (%), l'Hippalos des navigateurs grecs, dont la di- rection périodiquement variable avec la declinaison du So- leil a été facilement reconnue et mise à profit de toute an- tiquité. Ce furent là les débuts de la météorologie: la con- naissance des moussons, répandue dans l'Hindoustan, en Chine, à l’orient du golfe Arabique, à l’ouest de la mer Ma- laise, la notion encore plus ancienne et plus générale des brises de terre et de mer, tels furent les premiers, les fai- bles rudiments d’une science qui fait aujourd’hui de rapides progres. Les stations magnétiques, dont la longue série tra- verse maintenant, de Moscou à Pékin, toute l'Asie septen- trionale, et dont les travaux doivent embrasser le magné- tisme terrestre et les autres phénomènes météorologiques , — 268 — sont appelées à fournir d'importants résultats à la théorie des vents. En comparant les observations recueillies sur di- vers points de cette ligne immense, on pourra décider, par exemple, si les vents d'est soufflent sans interruption depuis le plateau désert de Gobi jusque dans l'intérieur de l'em- pire Russe, ou bien si le courant produit par là précipita- tion de l’air des hautes régions ne commence qu’au milieu de la chaine des stations. Alors on saura, à la lettre, d’où pient le vent. Si l’on ne fait concourir, au résultat cherché, que les lieux où les observations sur la direction des vents ont été continuées pendant plus de vingt années, on recon- nait (d’après les calculs exécutés récemment avec soin par G. Mahlmann) que le vent d’ouest-sud-ouest est le vent ré- gnant, sous les moyennes latitudes des zones tempérées des deux continents. Nos idées sur la distribution de la chaleur atmosphéri- que ont gagné en clarté, sous certains rapports, depuis qu'on s’est efforcé de soumettre les phénomènes à un mode uni- forme de représention graphique, en reliant les uns aux au- tres, par un système de lignes, tous les points où les tem- pératures moyennes de l’année, de l'été et de l'hiver ont éte déterminées avec exactitude. Le système des lignes isother- mes, isothères et isochimenes, que j'ai proposé en 4817, pourra peut-être fouruir une base certaine à la climatologie comparée, si les physiciens consentent à réunir leurs efforts pour le perfectionner. C'est ainsi que l’étude du magnétisme terrestre est devenue une véritable science du jour où les résultats partiels ont été réunis et représentés graphique- ment par des lignes d’égale déclinaison, d’égale inclinaison et d’égale intensité. L'expression de climat, prise dans son acception la plus générale, sert à désigner l’ensemble des variations atmos- phériques qui affectent nos organes d’une manière sensible : la température, l'humidité, les changements de la pression barométrique, le calme de l'atmosphère, les vents, la ten- sion plus ou moins forte de l'électricité atmosphérique, la pu- reté de l’air ou la présence de miasmes plus ou moins dé- — (269 létères, enfin le degré ordinaire de transparence et de se- rénité du ciel. Cette dernière donnée n'influe pas seulement sur les effets du rayonnement calorifique du sol, sur le dé- veloppement organique des végétaux et la maturation des fruits, mais encore sur le moral de l’homme et l'harmonie de ses facultés. Si la surface de la terre était formée d’un seul fluide ho- mogène ou de couches possédant même couleur, même den- sité, même éclat, même faculté d'absorber les rayons solai- res, même pouvoir de rayonner la chaleur vers les espaces célestes, les lignes isothermes, isothères et isochimènes se- raient toutes dirigées parallèlement à l'équateur. Dans cette hypothèse, les pouvoirs absorbant et émissif, pour la cha- leur et pour la lumière, seraient partout les mêmes sur la sur- face du globe, à parité de latitude. C’est de cet état moyen, qui n'exclut ni les courants de chaleur à l'intérieur du globe et dans son enveloppe gazeuse, ni la propagation de la cha- leur par les courants d'air, que la théorie mathématique des climats doit partir, comme d’un état primitif. Tout ce qui fait varier les pouvoirs absorbant et émissif, en quelques points situes sur des parallèles égaux, produit une inflexion dans les lignes isothermes. La nature de ces inflexions. les angles sous lesquels les lignes isothermes, isothères, isochi- mènes coupent les cercles de latitude, la position du sommet de leur convexité ou de leur concavité par rapport au pôle de l’hémisphère correspondant, sont des effets de causes qui modifient plus ou moins puissamment la température sous les diverses latitudes géographiques. Il est heureux pour les progrès de la climatologie que la civilisation européenne sé soit établie sur deux rivages op- posés, ou plutôt qu'elle ait rayonné de notre côte occiden- tale jusque sur une côte orientale, en traversant le bassin de l'Atlantique. Lorsqu’après plusieurs tentatives éphémères en Islande et au Groënland, les habitants de la Grande-Bre- tagne fondérent enfin, sur le littoral des États-Unis d’Amé- rique, leurs premicres colonies durables, dont les poursuites religieuses, le fanatisme et l’amour de la liberté acerurent 197 Die. rapidement la population, les colons qui vinrent s'établir en- tre la Caroline du Nord et embouchure du fleuve Saint-Lau- rent s'étonnèrent d’éprouver des hivers beaucoup plus froids que ceux de Fltalie, de la France et de l'Écosse, sous les mêmes latitudes. Une pareille différence de climats devait tenir l'attention en éveil; cependant la remarque ne devint réellement féconde en résultats pour la météorologie que lors- qu'elle put être basée sur des données numériques expri- mant les températures moyennes annuelles. En comparant de cette manière Nain, sur la côte du Labrador, avec Goth- enbourg, Halifax avec Bordeaux, New-York avec Naples, Sant’Augustin, en Floride, avec le Caire, on trouve que, par les mêmes latitudes, les différences entre les températures moyennes de l’année de l'Amérique orientale et celles de l’Europe occidentale sont, en allant du nord au sud: 44° 5; 7°7; 3° 8, et presque 0°. Le décroissement progressif de ces différences, dans une série qui comprend 28° de latitude, est frappant. Plus loin, vers le sud, sous les tropiques mé- mes, les lignes isothermes sont partout paralleles à léequa- teur. On voit, par les exemples précédents, que ces ques- tions si souvent posées dans les cercles de la société : de combien de degrés l'Amérique (sans distinguer entre les cô- tes de l’ouest et celles de l’est) est-elle plus froide que l’Eu- rope ? quelle différence y a-t-il entre les températures moyen- nes de l’année au Canada ou aux États-Unis, et celles de l'Europe? on voit, disons-nous, que, sous une forme si ab- solue, si générale, ces questions n’ont aucun sens. La diffé- rence, en effet n’est point constante; elle varie d’un paral- léle à l’autre, et sans une comparaison spéciale des tempé- ratures d'été et d'hiver sur les côtes opposees, il est impos- sible de se faire une idée juste des véritables rapports qui existent entre les climats, et d'apprécier leur influence sur l’agriculture, l'industrie et le bien-être des populations. En signalant les causes qui peuvent modifier la forme des lignes isothermes, je distinguerai celles qui élévent la tem- pérature de celles qui tendent à l’abaisser. La premiére classe comprend : — 971 — La proximité d’une côte occidentale, dans la zone tem- pérée; La configuration particulière aux continents qui sont dé- coupés en presqu'iles nombreuses ; Les méditerranées et les golfes pénétrant profondément dans les terres ; L'orientation, c’est-à-dire la position d’une terre relative- ment à une mer libre de glaces, qui s'étend au-delà du cer- cle polaire, ou par rapport à un continent d’une étendue con- ” sidérable, situé sur le même méridien, à l'équateur ou du moins à l'intérieur de la zone tropicale; La direction sud et ouest des vents régnants, s’il s’agit de la bordure occidentale d’un continent situé dans la zone tem- pérée ; les chaines de montagnes servant de rempart et d’a- bri contre les vents qui viennent de contrées plus froides; La rareté des marécages dont la surface reste couverte de glace au printemps, et jusque au commencement de l'été; L'absence de forêts sur un sol sec et sablonneux; la sé- rénité constante du ciel pendant les mois d'été; enfin le voi- sinage d’un courant pélagique, si ce courant apporte des eaux plus chaudes que celles de la mer ambiante. Je range parmi les causes qui abaiïssent la température moyenne : La hauteur, au-dessus du niveau de la mer, d’une région qui ne présente point de plateaux considérables ; Le voisinage d’une côte occidentale, pour les hautes et les moyennes latitudes ; La configuration compacte d’un continent dont les côtes sont dépourvues de golfes ; Une grande extension des terres vers le pôle, et jusqu’à la région des glaces éternelles (à moins qu'il n'y ait, entre la terre et cette région, une mer constamment libre pendant l'hiver); Une position géographique telle que les régions tropicales de même longitude soient occupées par la mer; en d’autres termes, l'absence de toute terre tropicale sur le méridien du pays dont il s’agit d'étudier le climat ; — 979 — Une chaine de montagnes qui, par sa forme ou sa direc- lion, génerait l’accès des vents chauds, ou bien encore le voisinage de pies isolés, à cause des courants d'air froid qui descendent le long de leurs versants; Les forêts d'une grande étendue: elles empéchent les ray- ons solaires d'agir sur le sol; leurs organes appendiculai- res (les feuilles) provoquent l'évaporation d’une grande quan- tité d’eau, en vertu de leur activité organique, et augmen- tent la superficie capable de se refroidir par voie de rayon- nement. Les forêts agissent done de trois manieres: par leur ombre, par leur évaporation, par leur rayonnement ; Les marécages nombreux qui forment dans le nord jusqu’au milieu de l'été, de véritables glacières au milieu des plaines; Un ciel d'été nébuleux, parce qu’il intercepte une partie des rayons du soleil; Un ciel d'hiver très-pur, parce qu’un tel ciel favorise le rayonnement de la chaleur (°°). L'action simultanée de toutes ces causes réunies, de cel- les surtout qui dépendent des rapports d’étendue et de con- figuration des masses opaques (les continents) et des masses diaphanes (les mers), détermine les inflexions des lignes iso- thermes projetées sur la surface du globe. Les perturbations locales engendrent les sommets convexes et concaves de ces lignes. Comme il existe différents ordres parmi ces causes, chaque ordre devra être d’abord considéré isolément. Plus tard, pour obtenir leur effet total sur le mouvement des li- gnes isothermes, c’est-à-dire, sur la direction et les courbu- res locales de ces lignes, on examinera comment ces causes réunies se modilient, s’annulent ou se renforcent mutuelle- ment, tout comme s’il s'agissait de petits mouvements ondu- latoires qui se rencontrent et se croisent. Tel est l'esprit de la méthode par laquelle je me flatte qu'il sera possible, un jour, de soumettre d'immenses séries de faits, en apparence isolés, à des lois empiriques exprimées numériquement, et de mettre en relief leur dépendance réciproque. Les alizés (vents d'est de la zone tropicale) font naitre des remous ou des contre-courants qui impriment la direction — 973 — ouest ou ouest-sud-ouest aux vents régnants des deux z0- nes tempérées; ceux-ci sont done des vents de terre, pour une côte occidentale. Or, la surface de Ja mer n'étant pas susceptible de se refroidir autant que celle des continents, à cause de l’énorme masse des eaux et de la précipitation im- médiate des particules refroidies , il en résulte que les cô- tes occidentales doivent être plus chaudes que les côtes orien- tales, pourvu toutefois qu'un courant océanique ne vienne point modifier leur température. Cette différence a été si- gnalée, pour la première fois, par un jeune compagnon de Cook, par lingénieux Georges Forster, qui a contribué d’une manière si efficace à faire naître en moi le goût des entre- prises lointaines. Il en est de mème de l’analogie qui existe, pour la température, entre la côte occidentale de l'Amérique du nord, sous les moyennes latitudes, et la côte occidentale de l’Europe (°!). Même dans les régions du nord, il existe une différence très frappante entre les températures moyennes annuelles des côtes orientales, et celles des côtes occidentales de l’Améri- que. A Nain, dans le Labrador (lat. 57° 10), cette tempéra- ture est de 3°,8 au-dessous de 0°, tandis qu’elle est encore de 6°,9 au-dessus de 0° à Neu-Archangelsk , sur la côte nord- ouest de l'Amérique russe. La température moyenne de l'été est à peine de 6°,2 dans le premier endroit, elle est de 132,8 dans le second. Pékin (39° 54), sur la côte orientale de l'Asie, possède une température moyenne annuelle (14° 3), moindre que celle de Naples, qui est pourtant un peu plus septentrionale; la différence dépasse 5°. La température mo- yenne de l'hiver, à Pékin, est au moins 3° au-dessous de ©, et dans l’Europe occidentale, à Paris même (48° 50), elle est de 3°,3 au-dessus de 0°. Les hivers de Pékin sont même, en moyenne, de deux degrés et demi plus froids que ceux de Copenhague, malgré la situation beaucoup plus septentrionale de cette dernière ville (17° de latitude plus au nord que Pékin). Nous avons dit plus haut avec quelle lenteur la masse énorme des eaux de l'océan suit les variations de tempéra- ture de l'atmosphère, et nous en avons tiré la conséquence — 274 — que la mer sert à égaliser les températures, qu’elle tempère à Ja fois la rigueur des hivers et la chaleur des étés. De là une opposition importante entre le climat des iles ou des cô- tes, propre à tous les continents articulés, riches en pénin- sules, et en golfes, et le climat de l'intérieur d’une grande masse compacte de terres fermes. Ce contraste a été com- plètement développé pour la première fois par Léopold de Buch. Aucun de ses traits caractéristiques, aucun de ses ef- fets sur la force de la végétation, le développement de la- griculture, la transparence du ciel, le rayonnement calori- fique du sol et la hauteur des neiges éternelles. n’a échappé au grand géologue. Dans l'intérieur de l'Asie, Tobolsk, Bar- naul sur FObi et Irkoutsk ont les mèmes étés que Berlin, Müoster et Cherbourg; mais à ces étés succèdent des hivers dont l’effrayante température moyenne est de — 18° à — 202. Pendant les mois d’été on voit les thermomètres se maintenir des semaines entières à 30° et 31° Ces climats continentaux ont été, à bon droit, nommés excessifs par le célèbre Buf- fon, et les habitants des contrées où régnent ces climats ex- cessifs paraissent être condamnés, come les àmes en peine du purgatoire de Dante (°?), A sofferir tormenti, caldi e geli. Jamais dans aucune partie du monde, pas même dans le midi de la France, en Espagne ou aux iles Canaries, je n'ai trouvé d'aussi bons fruits et surtout d'aussi belles grappes de raisin qu'aux environs d'Astrakhan, sur les bords de la mer Caspienne (46° 21), La température moyenne de Fan- née y est d'environ 9°; celle de l'été monte à 24°2, comme à Bordeaux; mais en hiver, le thermomètre y descend à 25° et à 30°, Il en est de même à Kislar, sur l'embouchure du Térek, quoique cette dernière ville soit encore plus méridio- pale qu’Astrakhan (par les latitudes d'Avignon et de Rimini). Le climat de l'Irlande, des iles de Jersey et de Guerne- sey, de la presqu’ile de Bretagne, des côtes de Normandie et de l'Angleterre méridionale, pays aux hivers doux, aux — 9275 — étés frais et nébuleux, contraste fortement avec le climat con- tinental de l'intérieur de l'Europe orientale. Au N. E. de l'Ir- lande (54,5) par la même latitude que Kænigsberg en Prus- se, le myrte croit en pleine terre comme en Portugal. La température du mois d'août atteint 21° en Hongrie: elle est de 46° tout au plus à Dublin (sur la même ligne isotherme de 9° f>). La moyenne température d'hiver descend à 2°,4 à Bude; à Dublin, où la température annuelle n’est que de %5, celle de l'hiver est encore de 4,3 au-dessus de la glace; c'est 2° de plus qu'à Milan, qu'à Pavie, qu'à Padoue, que dans toute la Lombardie, où la chaleur moyenne de lan- née monte à 42°,7. Aux Orcades (Stromness) un peu au sud de Stokholm (la différence de latitude n’est pas d’un demi- degré), la température moyenne de l'hiver est de 4, c’est- a-dire qu'elle est plus élevée qu'à Paris et presque aussi chaude qu'a Londres. Bien plus, les eaux intérieures ne gè- lent jamais aux iles de Féroë, placées par 62° de latitude, sous la douce influence du vent d'ouest et de la mer. Sur les côtes gracieuses du Devonshire, dont l’un des ports (Sal- combe) a été surnommé le Montpellier du Nord, à cause de la douceur de son climat, on a vu l’agave Mexicana fleurir en pleine terre et des orangers en espalier porter des fruits, quoiqu’ils fussent à peine abrités par quelques nattes. Là, comme à Penzance, comme à Gosport et à Cherbourg sur les côtes de la Normandie, la température moyenne de l'hi- ver est 5°,5; elle n'est donc inférieure à celles de Montpel- lier et de Florence que de 4°,3 (°5). Ces rapprochements mon- trent assez en combien de manières une seule et même tem- pérature moyenne annuelle peut se répartir entre les diver- ses saisons, et combien ces divers modes de distribution de la chaleur, dans le cours de l’année, exercent d'influence sur la végétation, l’agriculture, la maturation des fruits et le bien-être matériel de l’homme. Les lignes que j'ai nommées isochimènes et isothères, (li- gnes d’égales températures d'été et d'hiver) ne sont nulle- ment parallèles aux lignes isothermes (lignes d’égales tem- pératures annuelles). Si là où les myrtes croissent en pleine — 976 — terre et où le sol ne se couvre jamais, en hiver, d’une neige permanente, les températures d'été et d'automne suffisent à peine pour porter les pommes à maturité; si la vigne, pour donner un vin potable, fuit les iles et presque toutes les cô- tes, même les côtes occidentales, ce n’est pas seulement à cause de la faible température qui règne en été sur le litto- ral; la raison de ces phénomènes est ailleurs que dans les indications fournies par nos thermomètres lorsqu'ils sont sus- pendus à l'ombre. Il faut la chercher dans l'influence de Ja lumière directe dont on n’a guêre tenu compte jusqu'ici, bien qu'elle se manifeste dans une foule de phénomènes (par exem- ple, dans l'inflammation d’un mélange d'hydrogène et de chlore). Il existe, à cet égard, une différence capitale entre la lumiere diffuse et la lumière directe, entre la lumière qui a traversé un ciel serein et celle qui a été affaïblie et dis- persée en tous sens par un ciel nébuleux. Je me suis efforcé, il y a longtemps (°#) d'attirer l'attention des physiciens et des phytologues sur cette différence et sur la quantité de chaleur encore inconnue que l’action de la lumière directe développe dans les cellules des végétaux vivants. Si l’on parcourt l'échelle thermique des divers genres de culture (*) en commençant par celles qui exigent le climat le plus chaud, on rencontre successivement la vanille, le ca- cao, le pisang et le cocotier; puis l’ananas, la canne à su- cre, le caféier, le dattier, le eitronnier, l'olivier, le châtai- gnier franc et la vigne dont le vin est potable. En étudiant la distribution de ces diverses cultures dans les plaines et sur les versants des montagnes, on ne tarde pas à recon- naitre que leurs limites géographiques ne sont pas exclusi- vement réglées par les moyennes températures annuelles. Ainsi, pour que la vigne produise du vin potable (*%), il ne suffit pas que la chaleur moyenne de l’année dépasse 9° {f2; il faut encore qu’une température d'hiver supérieure à + 0°,5 soit suivie d’une température moyenne de 48° au moins pendant l'été. Dans la vallée de la Garonne, à Bordeaux (lat. 4050), les températures moyennes de l’année de lhi- ver, de l’élé et de l’automne sont respectivement : 143°,8 ; — 977 — 6,2; 210,7; 1494. Dans les plaines du littoral de la mer Bal- tique (lat. 52° 1fc), où le vin n’est plus potable (il y est con- sommé cependant), ces nombres sont: 8°,6;—00,7; 470,6; 86. Certes, il doit exister une opposition bien tranchée entre deux climats dont l’un est éminemment favorable à la cul- ture de la vigne, tandis que l’autre atteint la limite où cette culture cesse d’être productive, et il parait d’abord surpre- nant que les indications thermométriques n’aceusent pas plus nettement cette différence. Mais on s’étonnera moins si l’on considère qu’un thermomètre placé à l'ombre, abrité com- plétement, ou à peu prés, contre les effets de l’insolation directe et du rayonnement nocturne, ne saurait indiquer la température du sol librement exposé à toutes ces influences. ni les variations périodiques dont cette température est af- fectée d'une saison à l’autre. Les mêmes rapports de climats qu'on observe entre la pres- qu’ile de Bretagne et le reste de la France, dont la masse est plus compacte, dont les étés sont plus chauds et les hivers plus rudes, se reproduisent, jusqu’à un certain point, entre l'Europe et le continent asiatique dont l’Europe forme la pé- ninsule occidentale. L'Europe doit la douceur de son climat à sa configuration richement articulée, à l'Océan qui baigne les côtes occidentales de l’Ancien-Monde, à la mer libre de glaces qui la sépare des régions polaires et surtout à l’exis- tence et à la situation géographique du continent africain, dont les régions intertropicales rayonnent abondamment et provoquent l'ascension d'un immense courant d’air chaud, tandis que les régions placées au sud de l’Asie sont en grande partie océaniques. L'Europe deviendrait plus froide (°7) si l'Afrique était submergée, si la fabuleuse Atlantide sortant du sein de l'Océan venait joindre l’Europe à l'Amérique; si les eaux chaudes du Gulf-Stream ne se déversaient point dans les mers du nord , ou si une nouvelle terre, soulevée par les forces volcaniques, s’intercalait entre la péninsule Scandinave et le Spitzhberg. À mesure que l’on avance de l'ouest à l'est, en parcourant, sur une même parallèle de la- titude, la France, l’Allemagne, la Pologne, la Russie, jusqu’à 20 —1278 — la chaine des monts Ourals, on voit les températures moyen- nes de l’année suivre une série décroissante. Mais aussi, au fur et à mesure que l’on pénètre ainsi dans l'intérieur des ter- res, la forme du continent devient de plus en plus compacte; sa largeur augmente, l'influence de la mer diminue, celle des vents d'ouest devient moins sensible: c’est là qu'il faut cher- cher la raison principale de l’abaissement progressif de la température. Déjà même dans les régions situées au-delà de l'Oural , les vents d'ouest sont devenus des vents de terre. Au lieu de réchauffer, ils refroidissent ces pays, lorsqu'ils y parviennent après avoir soufflé sur de grandes étendues de terres glacées et couvertes de neige. La rigueur du climat dans l’ouest de la Sibérie est un effet de ces causes généra- les; elle est due à la configuration de la terre ferme et à la nature des courants atmosphériques, mais non (*%), quoiqu'en aient dit Hippocrate, Trogue-Pompée et même plus d’un voyageur célèbre du xvu° siècle, à une grande hauteur du sol au-dessus du niveau de la mer. Laissons maintenant les plaines pour nous occuper des inégalités dont la surface polyédrique de notre globe est par- semée, et considérons les montagnes par rapport à leur ac- tion sur le climat des pays voisins , et à l'influence qu’elles exercent, en raison de la hauteur, sur la température de leurs propres sommets , ou même sur celle des plateaux qu’elles supportent. Les chaines de montagnes partagent la surface terrestre en grands bassins, en vallées profondes et étroites, en vallées circulaires. Ces vallées, souvent encaissées comme entre des remparts, individualisent les climats locaux (par exemple en Grèce et dans une partie de l'Asie mineure), et les placent dans des conditions toutes spéciales par rapport à la chaleur, à l'humidité , à la transparence de l'air, à la fréquence des vents et des orages. Cette configuration a exercé de tout temps une puissante influence sur les produc- tions du sol, le choix des cultures, les mœurs, les formes gouvernementales et même sur les inimitiés des races voisi- nes. Le caractère de l’individualité géographique atteint, pour ainsi dire, son maximum lorsque la configuration du — 279 — sol, dans le sens horizontal et dans le sens vertical, est aussi variée que possible. Le caractère opposé est fortement em- preint dans les steppes de l'Asie septentrionale, dans les grandes plaines herbacées du Nouveau-Monde (savanes, Ila- nos, pampas), dans les landes à bruyèéres (ericeta) de FEu- rope, et dans les déserts de sable ou de pierres de l'Afrique. La loi que suit le décroissement de la chaleur, par dif- férentes latitudes , à mesure que la hauteur augmente, est d’une haute importance en météorologie; elle n’interesse pas moins la géographie des plantes, la théorie de la réfraction terrestre et les hypothèses diverses sur lesquelles se fonde l'évaluation de la hauteur de l'atmosphère. Aussi l’étude de cette loi a-t-elle toujours été un des objets principaux de mes recherches dans les nombreuses ascensions de mon- tagnes que j'ai exécutées en dedans ou en dehors des tro- piques (°°). Depuis que l'on sait, avec quelqu'exactitude, comment la chaleur se distribue à la surface du globe, c’est-à-dire, de- puis que l’on étudie les inflexions et les distances des lignes isothermes et isothères, dans les divers systèmes de tempé- rature à l’est et à l’ouest de l'Asie, de l'Europe centrale et de l'Amérique du nord, il n’est plus permis de poser, sous une forme absolue , cette question: à quelle fraction de la chaleur thermométrique moyenne de l’année ou de l'été, ré- pond une variation de 4° en latitude, quand on se déplace sur un même méridien ? Il règne dans chaque système de li- gnes isothermes à courbures égales une liaison ‘intime et nécessaire entre trois éléments: la diminution de la chaleur dans le sens vertical et de bas en haut ; la variation de tempé- rature pour 4° de changement dans la latitude géographique ; et le rapport qui existe entre la moyenne température d’une station, sur une montagne, et la distance au pôle d’un point situé au niveau de la mer. Dans le système de l’Æmérique orientale, la température moyenne annuelle varie, depuis la côte du Labrador jusqu'à Boston, de 0°,88 par chaque degré de latitude; de Boston à Charleston de 0°,05; de Charleston au tropique du cancer — 280 — (Cuba) la variation diminue, elle n’est que 0°,66. Dans la zone tropicale même, la température moyenne varie avec tant de lenteur, que, de la Havane à Cumana, le changement pour un degré de latitude ne dépasse point 0°,20. Il en est tout autrement du système formé par les lignes isothermes de l’£urope centrale. Entre les paralléles de 38° et de 74°, je trouve que la température décroit uniformément à raison d'un demi-degré du thermomètre par chaque degré de latitude. Mais comme, d'autre part, la chaleur diminue de 4° dans cette région, quand la hauteur augmente de 456 ou de 170 mètres, il en résulte que 78 ou 85 metres d’éle- vation au-dessus du niveau de la mer produisent le même effet, sur la température annuelle, qu'un déplacement vers le nord de 4° en latitude. Ainsi la température moyenne an- nuelle du couvent du Mont-Saint-Bernard, situé à 2491 me- tres de hauteur, par 45°50 de latitude, se retrouve dans la plaine par une latitude de 75°50. Les observations que j'ai faites jusqu’à 6000 mètres de hauteur, dans la partie de la chaine des Andes comprise en- tre les tropiques, m'ont donné une diminution de 4° de tem- pérature par 487 mêtres d'augmentation dans la hauteur. Trente ans plus tard, mon ami Boussingault à trouvé en moyenne 1475 mètres. En comparant les lieux situés sur le versant même des Cordillères avec d’autres lieux d’égale hauteur au-dessus de la mer, mais placés sur des plateaux d’une grande étendue, j'ai remarqué que la température moyenne de l’année était plus élevée de 1°,5 à 2°,3 dans ces derniers lieux. La différence serait plus forte sans la déperdition de chaleur que le rayonnement occasionne pendant la nuit. Com- me, dans cette région, les climats se trouvent étagés les uns au-dessus des autres, depuis les forêts de cacaos des plaines basses jusqu’à la neige éternelle, et comme la température y varie très-peu d’un bout à l’autre de l’année, on peut se faire une idée assez exacte des températures particulières aux grandes villes de la chaine des Andes, en les comparant à celles qu’on éprouve en France et en Italie, à certaines époques de l’année. Tandis qu’il règne, chaque jour, sur les — 281 — rives boisées de l’Orénoque une chaleur qui dépasse de 4° celle du mois d'août à Palerme, on trouve, à mesure qu'on s'élève sur les Andes, à Popayan (1775 m.), les trois mois d'été de Marseille; à Quito (2908 m.), la fin du mois de mai de Paris; enfin sur les Paramos où croissent des plantes al- pestres, chétives, il est vrai, et cependant couvertes de fleurs, on trouve la température qui règne à Paris au commence- ment du mois d'avril. Plus on se rapproche de l'équateur, plus la limite des nei- ges éternelles est élevée; l'ingénieux Pierre Martyr de An- ghiera, un dés amis de Christophe Colomb, est certainement le premier qui en ait fait la remarque (après l'expédition en- treprise, en octobre 1510, par Rodrigo Enrique Colmenares). Voici ce qu'il dit, à ce sujet, dans son bel ouvrage De rebus oceanicis (10): « La rivière Gaira descend d'une montagne (dans la Sierra-Nevada de Santa Marta) qui, au dire des com- pagnons de Colmenares, surpasse en hauteur toutes les mon- tagnes connues, et cela doit être en effet, puisque cette mon- tagne, située à 40° tout au plus de l'équateur, conserve en tout temps de la neige sur son sommet. » La limite des nei- ges éternelles, pour une latitude donnée, est la ligne des neiges qui résistent à l'été; en d’autres termes, c’est la plus grande hauteur à laquelle cette ligne puisse remonter dans le cours de l’année entiere. Cette donnée doit étre soigneu- sement distinguée des trois phénomènes suivants: l’oscillation annuelle de la limite inférieure des neiges, la chute de la neige sporadique, et la formation des glaciers, qui paraissent ne pouvoir exister ailleurs que dans les zones froides et tem- pérées. Depuis les immortels travaux de Saussure, le phé- nomène des glaciers a été étudié, dans les Alpes, par Venetz et Charpentier, et surtout par Agassiz, dont la persévérance et l’intrépidité sont au-dessus de tout éloge. Nous connaissons bien la limite inférieure des neiges per- pétuelles; quant'à leur limite supérieure, il ne peut pas en être question, car les cimes les plus hautes sont encore loin d'atteindre ces couches d’air raréfié qui, suivant une opinion très-probable de Bouguer, ne contiennent plus de vapeur — 282 — vésiculaire capable d’engendrer des cristaux de glàce, par le refroidissement, et de prendre ainsi une forme visible. La limite inférieure des neiges n’est pas uniquement une fonc- tion de la latitude géographique et de la température mo- venne annuelle du lieu; ce n’est ni à l'équateur ni même dans la zone intertropicale, comme on l’a cru longtemps, que cette limite parvient à sa plus grande hauteur au-des- sus du niveau de la mer. Le phénomène dont il s’agit est en général, un effet très-complexe de la température, de l’état hygrométrique et de la forme des montagnes; et si on le sou- met à une analyse encore plus détaillée , ce que les obser- vations récentes (1) permettent de faire aujourd'hui, on re- connait qu'il dépend du concours d’un grand nombre de causes, telles que la différence des températures propres à chaque saison; la direction des vents régnants et leur con- tact, soit avec la mer, soit avec la terre; le degré habituel de sécheresse ou d'humidité des couches supérieures de l’at- mosphère; l'épaisseur absolue de la masse de neige qui est tombée ou qui s’est accumulée; le rapport entre la hauteur de la limite inférieure des neiges et la hauteur totale de la montagne; la position relative de cette derniére dans la chaine dont elle fait partie; l’escarpement des versants; le voisi- nage d'autres cimes également couvertes de neige perpé- tuelle; l'étendue et la hauteur absolue des plaines au sein desquelles la cime neigeuse s’élève comme un pie isolé, ou sur la eroupe d’une chaine de montagnes. Il faut tenir compte enfin de la situation de ces plaines au bord de la mer ou à l’intérieur des continents; il faut examiner si elles sont for- mées de forêts ou de prairies, de marécages ou bien de sa- bles arides et de grands blocs. de rochers. Sous l'équateur et en Amérique, la limite inférieure des neiges atteint la hauteur du Mont-Blane de la chaine des Al- pes, puis elle baisse vers le tropique boréal; les dernières mesures la placent 312 métres environ plus bas, sur le pla- teau du Mexique, par 91° de latitude nord. Elle s'élève, au contraire, vers le tropique austral; car Pentland à trouve que, sur la Cordillère maritime du Chili (de 14° ‘fo à 18° de — 283 — latitude australe), cette limite est de 800 mètres plus élevée que sous l’équateur, près de Quito, sur le Chimborazo, le Co - topaxi et l’Antisana. Le docteur Gillies assura même que, par 3% de latitude australe, la limite des neiges éternelles se trouve comprise entre 4420 et 4580. mètres, sur les ver- sants du volcan de Peuquenes. Lorsque le ciel est pur pen- dant l'été, la sécheresse extrême de l'atmosphère favorise à tel point l’évaporation de la neige que le volcan d’Aconcea- gua (au N. O. de Valparaïso, lat. 32° ‘f2 ) a été vu compléte- ment privé de neige; et pourtant sa hauteur dépasse de 450 mètres celle du Chimborazo, d’après les mesures de l’ex- pédition du Beagle (2). Presque sur le même cercle de latitude boréale (de 30° 5f4 à 34°), sur le versant méridional de l'Himalaya, la limite des neiges est située à 3956 mètres de hauteur. En combinant, en comparant des mesures exécutées sur d’autres chaines de montagnes, on était arrivé à prévoir ce résultat, que les mesures directes ont ensuite confirmé. Mais sur le versant septentrional, placé sous l'influence du plateau thibétain, dont la hauteur moyenne parait être de 3500 mètres, la limite des neiges éternelles remonte plus haut, elle est par 4068 me- tres environ. Cette différence a été longtemps controversée en Europe et dans l'Inde, et j'ai moi-même consacré plusieurs écrits, depuis 1820, à développer mes vues sur ce sujet (°). Il s'agissait de lun de ces grands faits naturels qui n'inté- ressent pas le physicien seul, car la hauteur des neiges éter- nelles a dû exercer une influence puissante sur les condi- tions d'existence des peuples primitifs. Presque toujours de simples données météorologiques ont déterminé, sur de gran- des étendues d’un même continent, ici la vie agricole, ailleurs la vie nomade. Comme la quantité de vapeur contenue dans l'atmosphère augmente avec la température, il en résulte que cet element doit varier suivant les heures de la journée, les saisons, les latitudes et les hauteurs. Nos connaissances sur l'élément hy- grométrique, qui joue un rôle si considérable dans la créa- tion organique, ont sensiblement progressé depuis l’intro- ms 284 — duetion d'un nouveau procédé de mesure où l'on trouve une ingénieuse application des idées de Dalton et de Daniell, et dont l'emploi est promptement devenu général; il suffit d’in- diquer ici le psychromètre d’Auguste, à l’aide duquel on dé- termine la différence du point de rosée avec la température de l'air ambiant, et, par suite, la quantité de vapeur conte- nue dans l'atmosphère. La température,-la pression atmos- phérique et la direction du vent ont d’intimes rapports avee l'humidité, dont le pouvoir vivifiant ne dépend pas unique- ment de la quantité absolue de la vapeur dissoute dans les couches d'air, mais encore de la fréquence et du mode de précipitation de cette vapeur, soit qu’elle humecte le sol sous forme de rosée ou de brouillard, soit qu’elle tombe con- densee en gouttes de pluie et en flocons de neige. D’après Dove (f): « La force élastique de la vapeur d’eau, contenue dans l'atmosphère de notre zone tempérée, est au maximum, par le vent de $S. 0. et au minimum, par le vent de N. E. Elle diminue à l’ouest de la rose des vents; elle va en aug- mentant, au contraire, dans la région orientale. En effet, du côté de l’ouest, un courant d'air froid, pesant et sec, repousse le courant chaud, léger et humide, tandis que, du côté op- posé, c’est le second courant qui refoule le premier. Le cou- rant du $. O. n’est qu'une déviation du courant équatorial, et le courant du N. E. est le seul courant polaire régnant. » Si quelques contrées des tropiques où il ne tombe jamais de pluie ni de rosée sensibles, et dont le ciel reste complé- tement pur de nuages pendant cinq et même pendant sept mois, nous offrent cependant un grand nombre d'arbres cou- verts d’une fraiche et gracieuse verdure, c’est sans doute que les parties appendiculaires (les feuilles) possèdent la fa- culté d'absorber l’eau de latmosphère par un acte particu- lier à la vie organique, indépendamment de la diminution de température que le rayonnement produit. Les plaines ari- des de Cumana, de Coro et de Ceara (Brésil septentrional), que la pluie n’humecte jamais, contrastent avec d’autres ré- gions des tropiques où l’eau du ciel tombe en abondance. A la Havane, par exemple, Ramon de la Sagra a conclu de six — a — ans d'observations qu'il tombe, année moyenne, 2764 milli- mètres de pluie, c’est-à-dire quatre ou cinq fois plus qu’à Paris et à Genève (°). Sur le versant de la chaine des An- des, la quantité de pluie annuelle décroit comme la tempé- rature, à mesure que la hauteur augmente (f). Caldas, un de mes compagnons de voyage dans l'Amérique du sud, a trouvé qu'à Santa-Fé de Bogota (hauteur 2690 mètres ), la quantité de pluie ne dépasse pas 4000 millimètres; ainsi elle y est moins abondante que sur certains points des côtes oc- cidentales de l'Europe. Boussingault a vu plusieurs fois, à Quito, l'hygrometre de Saussure rétrograder jusqu'à 26°, par une temperature de 12 à 13°, Gay-Lussac, lors de sa céle- bre ascension aérostatique, a vu le même instrument de me- sure marquer 25°,3 dans des couches d’air situées à 2100 me- tres de hauteur. Mais la plus grande sécheresse qui ait éte observée jusqu'ici, dans les plaines basses, est certainement celle que Gustave Rose, Ehrenberg et moi avons eu l’occa- sion de mesurer en Asie, entre les bassins de l'Irtysch et de l'Obi. dans la steppe de Platowskaïa. Le vent de sud-ouest avait soufflé longtemps de l’intérieur du continent; la tem- pérature atmosphérique élant de 23°,7, nous trouvàames que le point de rosée s'était abaissé à 4,3 au-dessous de la glace. Ainsi, l'air ne contenait plus que 6f1vo de vapeur d’eau (*). Dans ces derniers temps quelques ‘observateurs ont éleve des doutes sur la grande sécheresse que les me- sures hygrométriques de Saussure et les miennes semblent indiquer pour l’air des hautes régions des Alpes et des An- des; mais on s’est borné à comparer l’atmosphere de Zurich à celle du Faulhorn, dont la hauteur ne peut passer pour considérable qu'en Europe seulement (5). Sous les tropiques, près de la région où la neige commence à tomber, e’est-à- dire entre 3600 et 3900 metres de hauteur, les plantes al- pestres, à feuilles, de myrte et à grandes fleurs. parüculie- res aux Paramos, sont baignées d’une humidité presque per- pétuelle; mais cette humidité ne prouve pas qu'il existe, à cette élévation, une grande quantité de vapeurs; elle prouve seulement que la précipitation se réitère souvent, On en peut — 286 — dire autant des brouillards si communs sur le beau plateau de Bogota. Les couches des nuages se forment et se dissol- vent plusieurs fois dans l’espace d’une heure, jeux rapides de Fatmosphère qui caractérisent, en général, les plateaux et les Paramos de la chaine des Andes, L’électricité de l'atmosphère se rattache par mille liens à tous les phénomènes de la distribution de la chaleur, à la pression, aux méléores aqueux, et, selon toute vraisemblance, au magnétisme dont l'écorce superficielle du globe parait étre doué. Ces rapports intimes se révelent, soit qu’on con- sidére l'électricité des basses régions de Pair où sa marche silencieuse varie par périodes encore problématiques , soit qu’on l’étudie dans les couches élevées, au sein des nuages où l'éclair brille, où la foudre éclate avec fracas. Elle exerce une influence puissante sur les deux règnes des plantes et des animaux, d’abord par les phénomènes météorologiques qu’elle fait naitre, tels que la précipitation des vapeurs aqueu- ses et la formation de composés acides où ammoniaeaux, ensuite comme agent spécial excitant directement l'appareil nerveux et les mouvements circulatoires des liquides orga- niques. Ce n’est point ici le lieu de renouveler d'anciens dé- bats sur l’origine de l'électricité qui se développe dans l'at- mosphère par un ciel serein. Nous ne rechercherons pas s’il faut attribuer cette électricité à l’évaporation des eaux im- pures, chargées de sels et de substances terreuses (°), à la végétation (1°), aux nombreuses réactions chimiques dont le sol est le théâtre, à l’inégale répartition de la chaleur dans les couches aériennes (!!), ou s’il faut recourir à l’ingénieuse hypothèse par laquelle Peltier explique l'électricité positive de l’atmosphere, en supposant au globe une charge constam- ment négative (12). Au lieu d'aborder ce vaste champ de dis- eussions , la description physique du monde doit partir des observations électrométriques, telles que les fournit, par exem- ple, l'ingénieux appareil électro-magnétique proposé par Col- ladon , pour rechercher comment la tension de l'électricité positive croit avec la hauteur de la station et la rareté des arbres dans les contrées vaisines (15); par quelles périodes — 987 — varient le flux et le reflux diurnes de l’électricité atmosphé- rique (d’après les recherches instituées à Dublin, par Clarke, ces périodes seraient moins simples que celles dont j'avais, avec Saussure, reconnu l'existence ); et comment la tension varie suivant les saisons, la distance à l'équateur et la pro- portion locale de la surface des terres à celle de l'Océan. S'il est vrai de dire, en thèse générale, que l'équilibre des forces électriques est sujet à des perturbations moins fré- quentes, là où l'océan aérien repose sur un fond liquide, que dans les atmosphères continentales, il n’en est que plus frap- pant de voir, au sein des plus vastes mers, les plus petits groupes d'iles agir sur l’état électrique de l'atmosphère et provoquer la formation des orages. Souvent, dans de lon- gues séries de recherches entreprises par un temps bru- meux, ou lorsque la neige commençait à tomber, j’ai vu lé- lectricité atmosphérique, d’abord vitrée d’une manière per- manente, passer subitement à l'électricité résineuse, et j'ai vu ces alternatives se reproduire, à plusieurs reprises, aussi bien dans les plaines des zones froides que sur les Paramos des Cordillères, entre 3200 et 4500 mètres de hauteur. Le phénomène était de tout point semblable à ceux qu'indiquent les électromètres, quelque temps avant et pendant un orage (1). Chaque vésicule de vapeur est entourée d’une petite atmos- phère électrique; quand ces vésicules se ramassent et se con- densent en nuages à contours déterminés, l'électricité de cha- cune d'elle se porte à la surface et contribue à faire croitre la tension générale sur l’enveloppe extérieure (1). Les nua- ges d’un gris ardoisé sont chargés d'électricité résineuse, d’après les recherches de Peltier, à Paris, et les nuages blanes, roses ou orangés possèdent l'électricité vitrée. Les nuages orageux peuvent se former à toute hauteur. Je les ai vus cou- ronner les plus hautes cimes des Andes; j'ai même trouvé des traces de vitrification opérées par la foudre sur l’un des rochers en forme de tour qui surplombent le cratère du vol- can de Toluca, à 4600 mètres d’elévation. De même dans les plaines basses des zones tempérées, la hauteur de certains nuages orageux, mesurée dans le sens vertical, a été trouvée — 288 — de 8000 mètres (1%). Mais aussi la couche de nuées qui re- cêle la foudre peut s’affaisser et descendre quelquefois à 450 et même à 400 mètres du sol des plaines. Dans le travail le plus complet que nous possédions jus- qu'ici sur une des branches les plus délicates de la météoro- logie, Arago distingue trois espèces de manifestations lumi- neusés (les éclairs). Il y a des éclairs en zig-zag dont les bords sont nettement terminés. D’autres éclairs sans formes définies illuminent le ciel; quand ils brillent, on dirait que la nue s’entr’ouvre pour leur livrer passage. Ceux de la troi- sième classe ressemblent à des globes de feu (17). À peine les premiers durent-ils 1f1000 de seconde; mais les éclairs glo- bulaires sont beaucoup moins rapides, ils peuvent durer plu- sieurs secondes. Quelquefois, des nuages isolés, situés à une grande hauteur au-dessus de l'horizon, deviennent lumineux sans que le tonnerre se fasse entendre et même sans aucune apparence d'orage. Ce phénomène singulier persiste assez longtemps; il a été signalé d’abord par Nicholson et par Bec- caria, dont les descriptions s'accordent parfaitement avec les observations plus récentes. On à vu aussi, en l'absence de tout symptôme d'orage, des grêlons, des gouttes de pluie et des flocons de neige briller d’une lueur électrique. Indiquons enfin, comme l’un des traits les plus frappants de la distri- bution géographique des orages, le contraste singulier qu’of- fre la côte péruvienne, où il ne tonne jamais, avec le reste de la zone des tropiques, où presque chaque jour, à certai- nes époques de Fannée, il se forme des orages, quatre ou cinq heures après la culmination du soleil. Arago a recueilli, sur cette intéressante question, les témoignages d’un grand nombre de navigateurs (Scoresby, Parry, Ross, Franklin) qui mettent hors de doute l'extrême rareté des explosions elec- triques par les hautes latitudes boréales de 70e et de 75° (!©). Nous ne terminerons pas la partie météorologique du ta- bleau de la nature sans insister de nouveau sur l’étroite con- nexité qui relie entre eux les phénomènes de l'atmosphère. Pas un des agents qui, comme la lumière, la chaleur, l’élas- ticité des vapeurs, l'électricité, jouent dans l'océan aérien un — 289 — rôle si considérable, ne peut faire sentir son influence, sans que le phénomène produit ne soit aussitôt modifié par l’in- tervention simultanée de tous les autres agents. Cette com- plication de causes perturbatrices nous reporte involontaire- ment à celles qui altérent sans cesse les mouvements des corps célestes, et surtout ceux des corps à faible masse, qui se rapprochent beaucoup des centres d'actions principaux (les comètes, les satellites, les étoiles filantes). Mais ici la con- fusion des apparences devient souvent inextricable ; elle nous ôte l'espérance de parvenir jamais à prévoir, autrement que dans des limites fort restreintes, les changements de l’atmos- phère dont la connaissance anticipée aurait tant d'intérêt pour là culture des vergers et des champs, pour la naviga- tion, le bien-être et les plaisirs des hommes. Ceux qui cher- chent, avant tout, dans la météorologie, cette problématique prévision des phénomènes, se persuadent que c’est en vain que tant d’expéditions ont été entreprises, que tant d’ob- servations ont été recueillies et discutées: pour eux, la mé- téorologie n’a point fait de progrès. Ils refusent leur con- fiance à une science si stérile à leurs yeux, pour l’accorder aux phases de la lune ou à certains jours notés dans le ca- lendrier par d'anciennes superstitions. « Il est rare qu’il survienne de grands écarts locaux dans la distribution des températures moyennes: d'ordinaire, les anomalies se répartissent uniformément sur de grandes étén- dues. L'écart accidentel atteint son maximum en un lieu dé- terminé , et décroit ensuite de part et d’autre de ce point, en allant vers certaines limites. Si l’on dépasse ces limites, on peut trouver de grands écarts en sens opposés. Seule- ment ils se produisent plus fréquemment du sud vers le nord que de l’ouest vers l'est. A Ia fin de l’année 4829 (j'ache- vais alors mon voyage en Sibérie), le maximum de froid tomba sur Berlin , tandis que l'Amérique du nord jouissait d’une chaleur insolite. C’est une supposition tout à fait gratuite que d'espérer un été chaud à la suite d’un hiver rigoureux, ou un hiver doux après un été froid. « La variété, l'opposition même des conditions accidentelles de la température dans — 290 — deux contrées voisines, où sur deux continents producteurs de grains, est un bienfait, car il en résulte une sorte d’éga- lisation dans les prix d’un grand nombre de denrées. On à justement remarqué que les indications du baromè- tre se rapportent à toutes les couches d’air situées au-dessus du liew d'observation (°), jusqu'aux limites extrêmes de Pat- mosphère, tandis que celles du thermomètre et du psyéhro- mètre sont purement locales et ne s'appliquent qu'à la cou- che d’air voisine du sol. S'il s’agit d'étudier les modifications thermométriques où hygrométriques des couches supérieu- res, il faut procéder à des observations directes sur les mon- tagnes ou à des ascensions aérostatiques. Ces moyens directs manquent-ils? H faut alors recourir à des hypothèses qui puissent permettre d'employer le baromètre comme instru- ment de mesure pour la chaleur et l'humidité. Les phéno- ménes météorologiques les plus importants ne s’élaborent pas, en général, sur le lieu même où ils S’observent: leur origine est ailleurs. Ordinairement ils débutent par une per- turbation qui survient au loin dans les courants des hautes régions ; puis, de proche en proche, l'air froid ou chaud, sec ou humide de ces courants déviés envahit l’atmosphére, en trouble ou en rétablit Ia transparence, amasse les nuages aux formes lourdes et arrondies (cumulus), ou les divise et les dissémine en flocons légers comme le duvet fcirrus). Ainsi la multiplicité des perturbations se complique encore de lé- loignement des causes souvent inaccessibles, et j’ai peut-être eu raison de croire que la météorologie devait chercher son point de départ et jeter ses racines dans la zone tropicale, région privilégiée, où les vents soufflent constamment dans la même direction, où les marées atmosphériques, la marche des météores aqueux et les explosions de la foudre sont as- sujetties à des retours périadiques. Après avoir parcouru le cercle entier de la vie inorgani- que du globe terrestre, et avoir esquissé à grands traits la forme extérieure de notre planète, sa chaleur interne, sa tension électro-magnétique , les efflaves lumineuses de ses à — 291 — pôles, son vulcanisme, c’est-à-dire la réaction de l'intérieur contre l’écorce solide, ses deux enveloppes, la mer et l’o- céan aérien, il semble que ce tableau soit achevé, et il le se- rait, en effet, au point de vue de la description physique du monde:telle qu'on la concevait autrefois. Aujourd’hui nous proposons un but plus élevé à nos efforts ; pour nous, le ta- bieau de la nature serait privé de son plus vif attrait si l’or- ganisation , avee les phases nombreuses de son développe- ment {y pique, en était exclue. La notion de la vie est telle- ment unie, dans toutes nos conceptions , à celle des forces que nous voyons incessamment à l'œuvre dans la nature, soit pour créer, soit pour détruire, que les mythes des peu- ples primitifs ont toujours attribué à ces forces l’engendre- ment des plantes et des animaux, et présenté l’époque où la terre était inanimée et déserte comme celle du chaos primitif et dela lutte des éléments. Maisle domaine des faits, de lex- périence, de l'observation, l'étude descriptive de l’état actuel de notre planète n’ont de place ni pour la recherche des cau- ses premières, ni pour les inabordables questions d'origine. _ Enchainée à la réalité par Fesprit de modération de la science moderne, la description physique du monde reste étrangere, non par timidité, mais par la nature même de son objet et de ses limites, aux obscurs débuts de l'histoire de l’organisation (?) (ici nous prenons le mot histoire dans son acception la plus usitée). Une fois ces réserves faites, la des- cription physique du monde doit rappeler que tous les ma- tériaux dont la charpente des êtres vivants est formée se re- trouvent dans l'écorce inorganique de la terre. Elle doit mon- trer les végétaux et les animaux soumis aux mêmes forces qui régissent les corps brüts, et signaler dans les combinaisons ou les décompositions de la matiere, l’action des mêmes agents qui donnent aux tissus organiques leurs formes et leurs pro- priétés: seulement ces forces agissent alors sous des condi- tions peu connues, que l’on désigne sous le nom vague de phénomènes vitaux , et que l’on a groupées systématique- ment d’après des analogies plus ou moins heureuses. C’est là ce qui légitime la tendance de notre esprit à poursuivre = 502 — l'action des forces physiques jusque dans l’évolution des for- mes végétales, et dans celle des organismes qui portent en eux-mèmes le principe de leurs mouvements. C’est aussi là ce qui relie le tableau de la nature inorganique à celui de la répartition des êtres vivants à la surface du globe, c’est- à-dire, à la géographie des plantes et des animaux. Sans vouloir soulever ici de nouveaux débats sur les dif- férences qui séparent la vie végétative de la vie animale, nous ferons d’abord remarquer que si la nature avait donné la puissance du microscope à nos yeux, et une transparence parfaite aux téguments des plantes, le règne végetal serait loin d'offrir l'aspect de l'immobilité qui nous semble être un de ses attributs. A l'intérieur, le tissu cellulaire des organes est incessamment parcouru et vivifié par les courants les plus divers. Tels sont les courants de rotation qui montent et qui descendent , en se ramiliant, en changeant continuellement de direction; on les observe dans les plantes aquatiques (les naïades, les characées, les hydrocharidées), et dans les plan- tes terrestres phanérogames. Tel est le fourmillement molé- culaire, découvert par le grand botaniste Robert Brown, et dont toute matière, pourvu qu'elle soit réduite à un état de division extrème, doit certainement présenter quelques tra- ces. Tel est le courant gyratoire des globules du cambium (cyclose) dans un système de vaisseaux particuliers. Indi- quons aussi les filets cellulaires qui s’articulent et s'enrou- lent en hélice, dans les anthéridies du chara et dans les or- ganes reproducteurs des hépathiques et des algues, filaments singuliers où Mayen, qui fut enlevé trop tôt aux sciences , croyait retrouver l’analogue des spermatozoaires des ani- maux. Qu'on ajoute, à ces courants et à cette moléculaire, les phénomènes de l’endosmose, de la nutrition et de la crois- sance des végétaux, ainsi que les courants formés par les gaz intérieurs, et l’on aura une idée des forces qui agissent, pres- que à notre insu, dans la vie en apparence si paisible des végétaux. Depuis l’époque où j'ai décrit, dans les Tableaux de la Nature , l’universelle diffusion de la vie sur la surface du — 293 — globe, et la distribution des formes organiques, soit en hau- teur, soit en profondeur, la science à fait d’admirables pro- grès dans cette voie. Nous devons ces progrès aux belles découvertes d'Ehrenberg « sur la vie microscopique qui rè- gne dans l’océan et dans les glaces des contrées polaires, » et nous les devons, non à d’heureuses inductions, mais à l’ob- servation directe et à l’étude attentive des faits. Depuis cette époque, la sphère de la vie, disons mieux, l'horizon de la vie s’est élargi devant nous: « Près des deux pôles, là où de grands organismes ne pourraient plus exister, il règne en- core une vie infiniment petite, presque invisible, mais inces- sante. Les formes microscopiques recueillies dans les mers du pôle austral, pendant le voyage du capitaine James Ross, offrent une richesse toute particulière d'organisations in- connues jusqu'ici et souvent d’une élégance remarquable. Dans les résidus de la fonte des glaces qui flottent en blocs arrondis, par 78° 40° de latitude, on a trouvé plus de cin- quante espèces de polygastriques siliceux et de coseino- disques dont les ovaires encore verts prouvent qu'ils ont vécu et lutté avec succès contre les rigueurs d’un froid porté à l'extrême. La sonde a puisé dans le golfe de l’Erebus, de- puis 403 jusqu'à 526 mètres de profondeur, soixante-huit espèces de polygastriques siliceux et de phytolitharia, ac- compagnés d’une seule espèce de polythalamia à carapace calcaire. » De toutes les formes microscopiques dont l’observation nous à jusqu’à présent révélé l'existence dans locéan, les infusoires siliceux sont de beaucoup les plus abondants, quoi- que l’analyse chimique n'ait pas trouvé de silice parmi les éléments essentiels de l’eau de mer (d’ailleurs la silice ne pourrait exister dans l’eau qu’à l’état de simple mélange ou de suspension). Et ce n’est pas seulement en quelques points isolés, dans les mers intérieures ou près des côtes, que l'o- céan est ainsi peuplé de corpuscules doués de vie, invisi- bles à l'œil nu; le phénomène est général. Depuis les recher- ches que Schayer a faites en revenant de la terre de Van- Diémen, sur de l’eau puisée dans la mer, au sud du Cap de 21 — OU — onne-Espérance (par 57° de latitude), et au milieu de la zone tropicale, dans l'Océan Atlantique, on peut considérer comme démontré que la mer, dans son état normal, en l’ab- sence de toute coloration accidentelle, contient d’innombra- bles organismes microscopiques tout à fait distincts des fila- ments siliceux du genre chætoceros, flottant à l’état frag- mentaire comme les oscillatoires de nos eaux douces. Quel- ques polygastriques que l’on a rencontrés mélés avec du sa- ble et des excréments de pingoins dans les iles Cockburn, paraissent être répandus par toute la terre; d’autres espèces appartiennent aux deux régions polaires (?1). C’est donc la vie animale qui domine dans léternelle nuit des profondeurs océaniques, tandis que la vie végétale, sti- mulée par l’action périodique des rayons solaires, est plus largement répandue sur les continents. La masse des végé- taux est incomparablement plus grande que celle des ani- maux. Les grands cétacés, les lourds pachydermes réunis formeraient une masse insignifiante à côté des troncs d’ar- bres gigantesques, de 3 à 4 mètres de diamètre, qui rem- plissent une seule région boisée de l Amérique du Sud, comme celle qui s’étend entre l'Orénoque, la rivière des Amazones et le Rio da Madeira. S'il est vrai que le caractère de cha- que contrée dépende à la fois de tous les détails extérieurs, si les contours des montagnes, la physionomie des plantes et des animaux, l’azur du ciel, la figure des nuages, la trans- parence de l'atmosphère, concourent à produire ce que l'on peut nommer l'impression totale; il faut reconnaitre aussi que la parure végétale dont le sol se couvre est la détermi- nante principale de cette impression. Les formes animales ne sont point aptes à produire les grands effets d'ensemble; d’ailleurs les individus mêmes, en vertu de leur mobilité pro- pre, se dérobent le plus souvent à nos regards. Au con- traire, la création végétale frappe l'imagination par l’ampleur de ses formes toujours présentes: ici, la masse annonce l’an- cienneté, et, par un privilége unique, l'ancienneté s’y allie à l'expression d’une force toujours renouvelée (??). Dans le règne animal (cette dernière considération ressort encore des — 995 — découvertes d'Ehrenberg), ce sont précisément des animal- cules microscopiques qui, par leur prodigieuse fécondité (?5), oceupent et remplissent les plus grandes étendues. Les plus petits infusoires, les monadines, dont le diamètre ne dépasse pas la 4590° partie d’un millimètre, forment des couches vi- vantes de plusieurs mètres d'épaisseur sous le sol des con- trées humides. Chaque zone possède le don de nous présenter, sous une face particulière, la diffusion de la vie à la surface du globe; mais nulle part l’impression que nous en recevons n’est aussi puissante que sous l'équateur, dans cette patrie des palmiers, des bambous, des fougères arborescentes, où, des bords d’une mer remplie de mollusques et de coraux, le sol s'élève jus- qu’à la région des neiges éternelles. Les êtres vivants, dans leur distribution générale, ne sont arrétés ni par la hauteur, ni par la profondeur. Ils descendent dans l’intérieur de la terre, à la faveur des grandes excavations et des fouilles pratiquées par le mineur; ils s’insinuent même dans les cavernes naturelles fermées de toutes parts, où les eaux météoriques paraissent seules avoir accès. L'explosion de la poudre ayant entr’ouvert une de ces cavernes, j'en ai trouvé les parois recouvertes de stalactites blanches comme la neige, sur lesquelles une usnea avait dessiné ses délicats réseaux. Des podurelles s’introduisent dans les puits des glaciers du Mont-Rosa, du Grindelwald et de l’Aar supérieur ; la chio- nœa araneoîdes décrite par Dalman, la discerea nivalis mi- croscopique (autrefois nommée protococcus) vivent dans les neiges polaires comme dans celles de nos hautes montagnes. La couleur rouge que prend la neige ancienne (2) avait déjà été remarquée par Aristote, sans doute sur les monts de la Macédoine. Sur les hautes cimes des Alpes suisses, quelques rares lecidea, des parmelia, des umbilicaria colorent à peine les roches dépouillées de neige, tandis qu’on voit encore de beaux phanérogames, le culcitium rufescens laineux, la sida pichinchensis, la saxifraga Boussingaulti, fleurir isolément sur les Andes tropicales, à 4550 et même à 4680 mètres au- — 9965 — dessus du niveau de la mer. Les sources thermales contien- nent de petits insectes (hydroporus thermalis), des galio- nelles, des oscillaires et des conferves; leurs eaux nourrissent le chevelu des racines de végétaux phanérogames, Mais la vie ne se développe pas seulement sur la terre, dans l’eau et dans l'air: elle envahit encore jusqu'aux parties internes les plus variées des animaux. Il y à des animalcules dans le sang de la grenouille et dans celui du saumon. D’après Nordmann, les humeurs de l'œil des poissons sont fréquem- ment remplies d’une espèce de vers armés de suçoirs (di- plostomum). Le même naturaliste a découvert, dans les ouies de l’able, un singulier animalcule double (diplozoon para- doxon), muni de deux têtes et de deux extrémités caudales, en sorte que son développement complet s’opère dans deux directions croisées. Quoique l'existence des prétendus infusoires météoriques ne fasse même plus l’objet d’un doute, on ne saurait néan- moins refuser d'admettre que des infusoires ordinaires puis- sent être enlevés passivement, par les vapeurs ascendantes, jusque dans les hautes régions de l'air, de manière à flotter quelque temps dans l’atmosphère et à retomber ensuite sur le sol comme le pollen annuel des pins (#). Cette considéra- tion est capitale pour l'antique querelle de la génération spontanée (?$); elle mérite d'autant mieux d’être prise en sérieuse considération, qu’elle peut s’étayer d’une décou- verte d'Ebrenberg dont j'ai déjà parlé. Les navigateurs ren- contrent souvent, à la hauteur des iles du cap Vert, et même à 380 milles marins de la côte d'Afrique, une pluie de pous- sière fine qui trouble la transparence de l’air comme le fe- rait un brouillard: or, cette poussière contient les débris de dix-huit espèces d’infusoires polygastriques à carapaces sili- ceuses. La géographie des plantes et des animaux peut être en- visagée au point de vue de la variété et du nombre relatif des formes typiques; elle recherche alors le mode de distri- bution dans l’espace des genres et des espèces. Elle peut en- core être étudiée par rapport au nombre des individus dont — 997 — chaque espèce se compose sur une surface donnée. Sous ce dernier point de vue, il est essentiel de distinguer, pour les plantes comme pour les animaux, entre la vie isolée et la vie sociale. Les espèces auxquelles j'ai donné le nom de plan- tes sociales (27) recouvrent uniformément de grandes éten- dues; à ces espèces appartiennent un grand nombre de plan- tes marines, les cladonies et les mousses, qui eroissent dans les steppes de l'Asie septentrionale: les gazons et les cactées, qui croissent réunis comme les tuyaux d’un orgue; les avi- cennia et les mangles dans les régions tropicales; les forêts de conifères et de bouleaux sur le littoral de la Baltique et dans les plaines de la Sibérie. Ce mode spécial de distribu- tion géographique, joint au port des végétaux, à leur gran- deur, à la forme des feuilles et des fleurs, constitue le trait principal du caractère d’une contrée (?#). La vie animale, malgré sa variété et son aptitude à faire naitre en nous des sentiments de sympathie ou de répulsion, est, nous le répé- tons, d’un aspect trop mobile et trop insaisissable pour in- fluer bien puissamment sur la physionomie d’un pays: elle lui reste presque étrangère. Les peuples agriculteurs ac- croissent artificiellement le domaine des plantes sociales; ils donnent ainsi l’aspect d’une nature uniforme à des ré- gions entières des zones tempérées et de la zone boréale; par leurs travaux, ils font disparaitre les plantes sauvages, mais ils en propagent d’autres à leur insu, car certaines plantes suivent l’homme jusque dans ses migrations lointai- nes. La zone tropicale résiste avec plus d'énergie à ces ef- forts, qui tendent impérieusement à modifier l’ordre établi dans la création. L'idée d’une distribution régulière des formes végétales dut naturellement se présenter aux premiers voyageurs qui purent parcourir rapidement de vastes régions et gravir les montagnes où les climats se trouvent superposés comme par étages. Tels furent, en effet, les premiers essais d’une science dont le nom même était encore à créer. Les zones ou ré- gions végétales que le cardinal Bembo avait distinguées dans sa jeunesse sur les flancs de l'Etna (?*). Tournefort les re- —1908 — trouva sur le mont Ararat. Plus tard, Tournefort compara la flore des Alpes avec celles des plaines situées sous différen- tes latitudes; il montra comment la distribution des végé- taux est réglée par la hauteur du sol au-dessus du niveau de la mer, ou par la distance au pôle, quand il s’agit des plaines. Menzel, dans une flore inédite du Japon, émit par hasard le nom de Géographie des plantes. Le même nom se retrouve encore dans les Ætudes de la Nature, de Ber- nardin de Saint-Pierre, œuvre d'imagination, il est vrai, mais d’une imagination vive et brillante. C'était trop peu: pour que la géographie des plantes prit rang parmi les sciences , il fallait que la doctrine de la distribution géographique de la chaleur fût fondée et qu'elle pat être rapprochée de celle des végétaux; il fallait encore qu'une classification par fa- milles naturelles permit de distinguer les formes qui se mul- tiplient de celles qui deviennent plus rares, à mesure que l’on avance de l'équateur vers les pôles, et de fixer les rap- ports numériques que chaque famille présente, dans chaque contrée, avec la masse entière des phanérogames de la même région. Je compte au nombre des circonstances les plus heu- reuses de ma vie qu'à l’époque où mes vues étaient spécia- lement tournées vers la botanique mes recherches aient pu embrasser en même temps les éléments essentiels d’une nou- velle science, et qu’elles aient été si puissamment favorisées par l’aspect d’une nature grandiose où tous les contrastes climatologiques se trouvent réunis. La distribution géographique des animaux, sur laquelle Buffon a émis, avant tout autre, des vues générales presque toujours justes, a été étudiée d’une manière plus complète, dans ces derniers temps, gràce aux progrès récents de la géographie des plantes. Les courbures des lignes isothermes, des lignes isochimènes surtout, se manifestent vers les limi- tes que certaines espèces végétales et certains animaux à demeures fixes dépassent rarement, soit vers les pôles, soit vers le sommet des montagnes couvertes de neige. Ainsi lé- lan vit dans la péninsule Scandinave, sous une latitude plus boréale 40° que dans l’intérieur de la Sibérie, où les lignes = 699 — d’égale température moyenne de l'hiver affectent une forme concave si frappante. Les plantes émigrent en germe: Îles graines d'espèces nombreuses sont munies d'organes parti- culiers qui leur permettent de voyager, à travers latmo- sphère; la graine, une fois fixée, dépend du sol et de Pair ambiant. Les animaux, au contraire, étendent à leur gré le cercle de leurs migrations, de l'équateur aux pôles; mais ils l’étendent surtout du côté où les lignes isothermes se oot- tent, et où des étés chauds succèdent aux hivers rigoureux. Le tigre royal, par exemple, de tout point identique à celui de l’Inde Orientale, fait chaque été des incursions dans le nord de l'Asie, jusque sous les latitudes de Berlin et de Hambourg. Ce fait a été développé dans un autre ouvrage pe M. Ehren- berg et par moi (5°). D'après tout ce que j'ai vu de la terre, dans mes voyages. l'association des espèces végétales, désignée d'ordinaire sous le nom de Flore, ne me parait pas manifester la prédomi- nance de certaines familles, de manière à permettre d’assi- gner géographiquement la région des ombellacées, la région des solidaginées, celle des labiatées ou des scitaminées. Mes vues personnelles diffèrent, sur ce point, de celles de plu- sieurs de mes amis, botanistes distingués de l’Allemagne. Ce qui caractérise, à mon avis, les flores du plateau du Mexi- que, de la Nouvelle-Grenade et de Quito, celles de la Russie d'Europe et de l'Asie septentrionale, ce n’est pas la supério- rité numérique des espèces dont la réunion constitue une ou deux familles; ce sont les rapports bien autrement com- plexes qui naissent de la coexistence d’un grand nombre de familles, et de la quantité relative de leurs espèces. Sans doute les graminées et les cypéracées prédominent dans les prairies et dans les steppes, tout comme les arbres à ra- cines pivotantes, les cupulifères et les bétulinées règnent dans nos forêts du Nord. Mais cette prédominance de cer- taines formes est purement apparente; c’est une déception produite par laspect particulier aux plantes sociales. Le nord de l'Europe et la zone sibérienne, située au nord de VPAItai, ne méritent pas plus le titre de régions des grami- — 300 — nées et des coniféres, que les immenses Llanos (entre l'Oré- noque et la chaine de Caracas) et les forêts de pins du Me- xique. C’est par l'association des formes végétales, lesquelles peuvent se remplacer en partie l’une l’autre, e’est par leur importance numérique relative et leur mode de groupement que la nature végétale revêt à nos yeux le caractère de la variété et de la richesse, ou celui de la pauvreté et de l’u- niformité. Après avoir pris la cellule simple (51), cette première mani- festation de la vie, pour point de départ de ces considérations rapides sur les phénomènes de l’organisation, j’ai dû remonter à des formes de plus en plus élevées dans la série ascendante des êtres. « Quelques granulations mucilagineuses produi- sent, en se juxtaposant, un cytoblaste de figure déterminée, autour duquel un sac membraneux vient se former plus tard et constituer définitivement la cellule close et isolée. » Ce premier travail de l’organisation peut avoir été provoqué par la production antérieure d’une autre cellule déjà for- mée (%?),ou bien l’évolution originelle de la cellule est ca- chée dans l'obscurité d’une réaction chimique analogue à la fermentation qui engendre les filaments byssoides de la le- vüûre. Mais bornons-nous à toucher légèrement le mystère par lequel la vie apparait sur la terre: la géographie des êtres organisés ne traite que des germes déjà développés ; elle détermine la patrie qu'ils adoptent et les régions où ils sont conduits par des influences extérieures; elle recherche leurs rapports numériques, en un mot, elle se borne à dé- crire leur distribution générale à la surface du globe. Le tableau général de la nature que j'essaie de dresser se- rait incomplet si je n’entreprenais de décrire ici également, en quelques traits caractéristiques, l’espece humaine consi- dérée dans ses nuances physiques, dans la distribution géo- graphique de ses types contemporains, dans l'influence que lui ont fait subir les forces terrestres , et qu’à son tour elle a exercée, quoique plus faiblement, sur celles-ci. Soumise, bien qu’à un moindre degré que les plantes et les animaux, — 304 — aux circonstances du sol et aux conditions météorologiques de l’atmosphère, par l’activité de l’esprit, par le progrès de l'intelligence qui s'élève peu à peu, aussi bien que par cette merveilleuse flexibilité d'organisation qui se plie à tous les climats, notre espèce échappe plus aisément aux puissances de la nature ; mais elle n’en participe pas moins d’une ma- nière essentielle à la vie qui anime notre globe tout entier. C’est par ces secrets rapports que le problème si obseur et si controversé de la possibilité d’une origine commune pour les différentes races humaines rentre dans la sphère d’idées qu'embrasse la description physique du monde. L'examen de ce problème marquera, si je puis m’exprimer ainsi, d'un intérêt plus noble , de cet intérêt supérieur qui s'attache à l'humanité, le but final de mon ouvrage. L’immense domaine des langues, dans la structure si variée desquelles se réflé- chissent mystérieusement les aptitudes des peuples, confine de très-près à celui de la parenté des races ; et ce que sont capables de produire même les moindres diversités de race, nous l’apprenons par un grand exemple, celui de la culture intellectuelle si diversifiée de la nation grecque. Ainsi les questions les plus importantes que soulève l'histoire de la ei- vilisation de l’espèce humaine se rattachent aux notions €a- pitales de l’origine des peuples, de la parenté des langues, de l’immutabilité d’une direction primordiale tant de l'âme que de l'esprit. Tant que l’on s’en tint aux extrêmes dans les variations de la couleur et de la figure, et que l’on se laissa prévenir à la vivacité des premières impressions, on fut porte à con- sidérer les races, non comme de simples variétés, mais comme des souches humaines, originairement distinctes. La perma- nence de certains types (%), en dépit des influences les plus contraires des causes extérieures, surtout du climat, semblait favoriser cette manière de voir, quelque courtes que soient les périodes de temps dont la connaissance historique nous est parvenue. Mais, dans mon opinion, des raisons plus puis- santes militent en faveur de l'unité de l'espèce humaine, sa- voir, les nombreuses gradations (5) de la couleur de la peau — 302 — et de la structure du erâne , que les progrès rapides de la science géographique ont fait connaitre dans les temps mo- dernes; l’analogie que suivent, en s’altérant, d’autres classes d'animaux, tant sauvages que privés; les observations posi- tives que l’on à recueillies sur les limites prescrites à la fé- condité des métis (5). La plus grande partie des contrastes dont on était si frappé jadis s’est évanouie devant le travail approfondi de Tiedemann sur le cerveau des Nègres et des Européens, devant les recherches anatomiques de Vrolik et de Weber sur la configuration du bassin. Si l’on embrasse dans leur généralité les nations africaines de couleur foncée, sur lesquelles Fouvrage capital de Prichard à répandu tant de lumiéres, et si on les compare avec les tribus de Parchi- pel méridional de l'Inde et des iles de l’Australie occiden- tale , avec les Papous et les Alfourous (Harafores, Endamè- nes), on aperçoit clairement que la teinte noire de la peau, les cheveux crépus et les traits de la physionomie nègre sont loin d’être toujours associés (5%). Tant qu’une faible par- tie de la terre fut ouverte aux peuples de l'Occident, des vues exclusives dominérent parmi eux. La chaleur brûlante des tropiques et la couleur noire du teint semblèrent insé- parables. « Les Éthiopiens, » chantait l’ancien poète tragique Théodectes de Phaselis (57), « doivent au dieu du soleil, qui s'approche d’eux dans sa course, le sombre éclat de la suie dont il colore leurs corps. » Il fallut les conquêtes d’Alexan- dre , qui éveillérent tant d'idées de géographie physique, pour engager le débat relatif à cette problématique influence des elimats sur les races d'hommes. « Les familles des ani- maux et des plantes, » dit un des plus grands anatomistes de notre àge, Jean Müller, dans sa Physiologie de l’homme, « se modifient durant leur propagation sur la face de la terre, entre les limites qui déterminent les espèces et les genres. Elles se perpétuent organiquement comme types de la va- riation des espèces. Du concours de différentes causes , de différentes conditions, tant intérieures qu'extérieures, qui ne sauraient étre signalées en détail, sont nées les races pré- sentes des animaux; et leurs variétés les plus frappantes se — 303 — rencontrent chez ceux qui ont en partage la faculté d’ex- tension la plus considérable sur la terre. Les races humaines sont les formes d’une espèce unique, qui s’accouplent en res- tant fécondes et se perpétuent par la génération. Ce ne sont point les espèces d'un genre; car si elles l’étaient, en se croisant elles deviendraient stériles. De savoir si les races d'hommes existantes descendent d’un ou de plusieurs hom- mes primitifs, c’est ce qu'on ne saurait découvrir par l’ex- périence (5). » Les recherches géographiques sur le siége primordial, ou, comme on dit, sur le berceau de l'espèce humaine, ont dans le fait un caractère purement mythique. « Nous ne connais- sons, » dit Guillaume de Humboldt, dans un travail encore inédit sur la diversité des langues et des peuples, « nous ne connaissons, ni historiquement ni par aucune tradition cer- taine, un moment où l'espèce humaine n'ait pas été sépa- rée en groupes de peuples. Si cet état de choses a existé dès l’origine, ou s’il s’est produit plus tard, e’est ce qu’on ne saurait décider par lhistoire. Des légendes isolées se re- trouvant sur des points très-divers du globe, sans commu- nication apparente, sont en contradiction avec la première hypothèse, et font descendre le genre humain tout entier d'un couple unique. Cette tradition est si répandue qu’on l'a quelquefois regardée comme un antique souvenir des hom- mes. Mais cette circonstance même prouverait plutôt qu'il n’y à là aucune transmission réelle d'un fait, aucun fonde- ment vraiment historique, et que c’est tout simplement l'i- dentité de la conception humaine, qui partout a conduit les hommes à une explication semblable d’un phénomène iden- tique. Un grand nombre de mythes, sans liaison historique les uns avec les autres, doivent ainsi leur ressemblance et leur origine à la parité des imaginations ou des réflexions de lesprit humain. Ce qui montre encore dans la tradition dont il s’agit le caractère manifeste de la fiction, e’est qu’elle prétend expliquer un phénomène en dehors de toute expé- rience, celui de la première origine de lespèce humaine , d’une manière conforme à l’expérience de nos jours; la ma- - 304 nière, par exemple, dont, à une époque où le genre humain tout entier comptait déjà des milliers d'années d'existence, une ile déserte où un vallon isolé dans les montagnes peut avoir été peuplé. En vain la pensée se plongerait dans la méditation du problème de cette première origine; l’homme est si étroitement lié à son espèce et au temps, que l’on ne saurait concevoir un étre humain venant au monde sans une famille déjà existante et sans un passé. Cette question donc ne pouvant être résolue ni par la voie du raisonnement ni par celle de l'expérience, faut-il penser que l'état primitif, tel que nous le décrit une prétendue tradition, est réelle- ment historique, ou bien que l’espèce humaine, dès son prin- cipe, couvrit la terre en forme de peuplades? C’est ce que la science des langues ne saurait décider par elle-même, comme elle ne doit point non plus chercher une solution ailleurs pour en tirer des éclaircissements sur les problèmes qui l’occupent. » L'humanité se distribue en simples variétés, que l’on dé- signe par le mot un peu indéterminé de races. De même que dans le règne végétal, dans l’histoire naturelle des oiseaux et des poissons, il est plus sûr de grouper les individus en un grand nombre de familles que de les réunir en un petit nombre de sections embrassant des masses considérables ; de même dans la détermination des races il me parait pré- férable d'établir de petites familles de peuples. Que lon suive la classification de mon maitre Blumenbach en cinq races (Caucasique, Mongolique, Américaine, Ethiopique et Malaie), ou bien qu'avec Prichard on reconnaisse sept races (5°) (Ira- nienne, Touranienne, Américaine, des Hottentots et Bousch- mans, des Nègres, des Papous et des Alfourous), il n’en est pas moins vrai qu'aucune différence radicale ét typique, au- cun principe de division naturel et rigoureux ne régit de tels groupes. On sépare ce qui semble former les extrêmes de la figure et de la couleur, sans s'inquiéter des familles de peu- ples qui échappent à ces grandes classes et que l’on à nom- mées tantôt races scythiques, tantôt races allophyliques. Zra- niens est, à la vérité, une dénomination mieux choisie pour — 305 — les peuples d'Europe que celle de Caucasiens; et pourtant il faut bien avouer que les noms géographiques, pris comme désignation de races, sont extrêmement indéterminés, sur- tout quand le pays qui doit donner son nom à telle ou telle race se trouve, comme le Touran ou Mawerannahr, par exem- ple, avoir été habité, à différentes époques (#°), par les sou- ches de peuples les plus diverses, d’origine indo-germanique et finnoise, mais non pas mongolique. Les langues, créations intellectuelles de l'humanité, et qui tiennent de si près aux premiers développements de l'esprit, ont, par cette empreinte nationale qu’elles portent en elles- mêmes, une haute importance pour aider à reconnaitre la ressemblance ou la différence des races. Ce qui leur donne cette importance c’est que la communauté de leur origine est un fil conducteur , au moyen duquel on pénètre dans le mystérieux labyrinthe , où l'union des dispositions physi- ques du corps avec les pouvoirs de l'intelligence se mani- feste sous mille formes diverses. Les remarquables progres que l'étude philosophique des langues a faits en Allemagne depuis moins d’un demi-siècle facilitent les recherches sur leur caractère national (*!), sur ce qu’elles paraissent devoir à la parenté des peuples qui les parlent. Mais, comme dans toutes les sphères de la spéculation idéale, à côté de l'espoir d'un butin riche et assuré, est ici le danger des illusions si fréquentes en pareille matiere. Des études ethnographiques positives, soutenues par une connaissance approfondie de l’histoire, nous apprennent qu’il faut apporter de grandes précautions dans cette comparai- son des peuples et des langues dont ils se sont servi à une époque déterminée. La conquête, une longue habitude de vi- vre ensemble, l'influence d’une religion étrangère, le mélange des races, lors même qu'il aurait eu lieu avec un petit nom- bre d'immigrants plus forts et plus civilisés, ont produit un phénomène qui se remarque à la fois dans les deux conti- nents, savoir, que deux familles de langues entièrement dif- férentes peuvent se trouver dans une seule et même race; que, d'un autre côté, chez des peuples très-divers d’origine — 306 peuvent se rencontrer des idiomes d’une méme souche de langues. Ce sont les grands conquérants asiatiques qui, par la puissance de leurs armes, par le déplacement et le bou- leversement des populations, ont surtout contribué à créer dans l'histoire ce double et singulier phénomène. Le langage est une partie intégrante de l’histoire naturelle de l'esprit; et bien que l'esprit, dans son heureuse indépen- dance, se fasse à lui-même des lois qu’il suit sous les influen- ces les plus diverses, bien que la liberté qui lui est propre s'efforce constamment de le soustraire à ces influences, pour- tant il ne saurait s'affranchir tout à fait des liens qui le re- tiennent à la terre. Toujours il reste quelque chose de ce que les dispositions naturelles empruntent au sol, au climat, à la sérénité d’un ciel azur, où au sombre aspect d’une at- mosphère chargée de vapeurs. Sans doute la richesse et la grâce dans la structure d’une langue sont l’œuvre de la pen- sée, dont elles naissent comme de la fleur la plus délicate de l'esprit; mais les deux sphères de la nature physique et de l'intelligence ou du sentiment n’en sont pas moins étroite- ment unies l’une à l’autre; et c’est ce qui fait que nous n’a- vons pas voulu ôter à notre tableau du monde ce que pou- vaient lui communiquer de coloris et de lumière ces consi- dérations, toutes rapides qu'elles sont, sur les rapports des races et des langues. En maintenant l’unité de l'espèce humaine, nous rejetons, par une conséquence nécessaire, la distinction désolante de races supérieures et de races inférieures (2). Sans doute il est des familles de peuples plus susceptibles de culture, plus civilisées, plus éclairées; mais il n’en est pas de plus nobles que les autres. Toutes sont également faites pour la liberté, pour cette liberté qui, dans un état de société peu avancé, n'appartient qu'à l'individu; mais qui, chez les nations ap- pelées à la jouissance de véritables institutions politiques, est le droit de la communauté tout entière. « Une idée qui se révèle à travers l'histoire en étendant chaque jour son salu- taire empire, une idée qui, mieux que toute autre, prouve le fait si souvent contesté, mais plus souvent encore mal compris, ul — 307 — de la perfectibilité générale de l’espèce, c’est l'idée de l'huma- nité, C’est elle qui tend à faire tomber les barrières que des préjugés et des vues intéressées de toute sorte ont élevées en- tre les hommes, et à faire envisager l'humanité dans son en- semble, sans distinction de religion, de nation, de couleur, comme une grande famille de frères, comme un corps unique, marchant vers un seul et même but, le libre développement des forces morales. Ce but est le but final, le but suprême de la sociabilité, et en même temps la direction imposée à l'homme par sa propre nature, pour l'agrandissement indéfini de son existence. Il regarde la terre, aussi loin qu’elle s'étend; le ciel, aussi loin qu'il le peut découvrir, illuminé d'étoiles, comme son intime propriété, comme un double champ ouvert à son activité physique et intellectuelle. Déjà l'enfant aspire à fran- chir les montagnes et les mers qui circonscrivent son étroite demeure; et puis, se repliant sur lui-même comme la plante, il soupire après le retour. C’est là, en effet, ce qu’il y a dans l’homme de touchant et de beau, cette double aspiration vers ce qu'il désire et vers ce qu'il a perdu; c’est elle qui le pré- serve du danger de s'attacher d’une manière exclusive au moment présent. Et de la sorte, enracinée dans les profon- deurs de la nature humaine, commandée en même temps par ses instincts les plus sublimes, cette union bienveillante et fraternelle de l'espèce entière devient une des grandes idées qui président à l'histoire de l'humanité (#5). » Qu'il soit permis à un frère de terminer par ces paroles, qui puisent leur charme dans la profondeur des sentiments, la description générale des phénomènes de la nature au sein de l'univers. Depuis les nébuleuses lointaines, et depuis les étoiles doubles circulant dans les cieux, nous sommes de- scendus jusqu'aux corps organisés les plus petits du règne animal, dans la mer et sur la terre; jusqu'aux germes déli- cats de ces plantes qui tapissent la roche nue, sur la pente des monts couronnés de glaces. Des lois connues partielle- ment nous ont servi à classer tous ces phénomènes; d’au- tres lois, d’une nature plus mystérieuse, exercent leur em- pire dans les régions les plus élevées du monde organique, — 308 — dans la sphère de l'espèce humaine, avec ses conformations diverses, avec l’énergie créatrice de l'esprit dont elle est douée, avec les langues variées qui en sont le produit. Un tableau physique ‘de la nature s’arrête à la limite où com- mence la sphère de l'intelligence, où le regard plonge dans un monde différent. Cette limite, il la marque et ne la fran- chit point. NOTES On à supprimé le chiffre des centaines dans les numéros d'ordre des renvois; cette suppression n'occasionnera point d'incertitude, attendu que le numéro du renvoi est loujours accompagné de celui de [a page cor- respondante, NOTES (1) [page 3]. Cette expression est tirée d’une belle descrip- tion de forêt qui se trouve dans Paul et Virginie, de Bernardin de Saint-Pierre. (2) [page 7]. Ges comparaisons ne sont qu'approximatives; en voici les éléments exacts, c’est-à-dire les hauteurs au-dessus du niveau de la mer: Le Schneekoppe ou Riesenkoppe en Silésie, 1606 mètres, d’après Hallaschka; le Rigi, 1799 m., en admettant 455 m. pour la hauteur de la surface du lac des Quatre Cantons (Esch- mann, Compte rendu des mesures trigonometriques en Suisse , 1840, p. 250); le mont Athos, 2065 m.. d’après le capitaine Gauttier; le mont Pilate, 2300 m.; l’Etna, 5314 m., d’après le capitaine Smyth (cette hauteur est de 3518 d’après une me- sure barométrique de sir John Herschel, que ce savant vou- lut bien me communiquer par écrit en 1898, et de 3522 m., d’après les angles de hauteur mesurés par Cacciatore à Pa- lerme , et calculés en admettant 0,076 pour la valeur de la réfraction terrestre); le Schreckhorn, 4079 m.; la Jungfrau, k481 m., suivant Tralles; le Mont-Blanc, 4808 m., d'après di- verses mesures discutées par Roger (Bibl. univ., mai 1828. p. 24-55), 4795 m., d'après les mesures prises du mont Co- lombier, en 1821, par Carlini, et 4800 m., suivant les ingé- nieurs autrichiens qui ont opéré à Trélod et sur le glacier d’Ambin. La hauteur effective des montagnes de la Suisse varie d'environ 7 m., suivant Eschmann, à cause de l'épaisseur va- 312 — able de la couche de neige qui en recouvre les sommités; le Chimborazo , 6529 m., d’après mes mesures trigonométriques (Humboldt, Recueil d’obs. astr., t. TL, p. Lxxm); le Dhawalagiri, 8556 m. Comme il se trouve une différence de 136 m. entre les déterminations de Blake et celles de Webb, il faut remar- quer ici que l’on ne saurait accorder la mème confiance à la mesure du Dhawalagiri (montagne blanche, d’après le sanscrit dhawala, blanc, et giri, montagne), qu’à celle du Jawahir, 7848 m., car cette dernière repose sur une opération trigono- métrique complète (Voy. Herbert et Hogdson dans les 4siat. Res., v. XIV, p. 189, et Suppl. to Brit. Encycl., v. IV, p. 645). J'ai montré ailleurs (4nn. des scienc. nat., mars 1895) que la hau- teur du Dhawalagiri (8558 m.) dépend à la fois de plusieurs éléments un peu incertains (azimuts et latitudes astronomiques): Humboldt, Asie centrale, t. I, p. 282. On a cru, mais sans fondement ; qu'il existait dans la chaîne Tartarique (au nord du Thibet, vis-à-vis la chaîne de Kouen-lun) plusieurs pics nei- geux de 30000 pieds anglais d’élévation (9144 m., presque le double de la hauteur du Mont-Blanc), ou au moins de 29000 p. ang. — 8859 m. (Capt. Alexander Gerard’s and John Gerard’s Journey lo Boorendo Pass, 1840, v.T, p. 143 et 511). Le Chim- borazo n’est indiqué dans le texte que comme « un des pies les plus élevés de la chaine des Andes, » parce qu'en 1827, le savant et habile voyageur M. Pentland a mesuré, dans sa mémorable expédition dans le Haut-Pérou (Bolivia), deux mon- tagnes situées à l’est du lac de Titicaca, le Sorata (7696 m.), et l'Illimani (7515 m.), qui dépassent de beaucoup la hauteur du Chimborazo (6530 m.), et qui atteignent presque la hauteur du Jawahir, la plus grande montagne qui ait été mesurée jus- qu'à présent dans l'Himalaya. Ainsi, le Mont-Blanc (4808 m.) est 4721 m. au-dessous du Chiinborazo; le Chinborazo, 1165 m. au-dessous du Sorata; le Sorata, 454 m. au-dessous du Jawahir, mais probablement 863 m. au-dessous du Dhawalagiri. Les hau- teurs des montagnes sont rapportées dans cette note avec une exactitude minutieuse, parce que de fausses réductions ont in- troduit, dans un grand nombre de cartes et de profils récents, des résultats tout à fait erronés. D’après une nouvelle mesure de PIllimani par Pentland en 1858, la hauteur de cette mon- lagne est de 7275 m.; la différence avec la mesure de 1827 est à peine de 4A im. — 313 — (5) [page 7]. L'absence des palmiers et des fougères arbore- scéntes sur les versants tempérés de l'Hiinalava est établie par la Flora Nepalensis de Don (1895), ainsi que par les remarqua- bles planches lithographiées de la Flora Indica de Wallich, catalogue qui contient l'énorme nombre de 7683 espèces de l'Himalaya, presque toutes phanérogames, mais dont l'étude et la classification sont restées iucomplètes. Dans le Népaul (lat. 26° ‘fe — 970 ‘f4), nous ne connaissons encore qu’une seule espèce de palmier, le Chamærops Martiana Wall. (Plante Asiat., t. WT, p. b. t. 214), qui croît à une hauteur de 1600 m. au-dessus du niveau de la mer, dans la vallée ombreuse de Bunipa. La ma- gnifique fougère arborescente Z{sophila Brunoniana all., dont le Muséum britannique possède depuis 1831 un tronc de 45 m. de longueur, ne croit pas dans le Népaul, mais sur les monta- gnes de Stilhet, au N.-0. de Calcutta, par 24° 50° de latitude. La fougère du Népaul, Paranema cyathoïdes Don., autrefois Sphæroptera barbata Wall., (PL. Asiat., t. 1, p. 42, t. 48), se rapproche à la vérité de la Cyathea dont j'ai vu, dans les mis- sions de Caripe de l'Amérique du Sud, une espèce de 10 m. de hauteur, mais ce n’est pas un arbre à proprement parler. (4) [page 7]. Aibes nubicola, R. glaciale, R. grossularia. Les espèces qui caractérisent la végétation de l'Himalaya sont qua- tre pins, malgré une assertion des anciens sur « l’Asie orien- tale » (Strabon, lib. XI, p. 510 Gas.), vingt-cinq chènes, qua- tre bouleaux, deux æsculus (un, grand singe blanc à face noire vit sur le ehâtaignier sauvage haut de 30 m. qui croit dans le royaume de Kachemir, jusqu’au 53° degré de latitude: Carl von Hügel, Æaschmir, 1840, 9° partie, p. 249, allem.), sept érables, douze saules. quatorze rosiers, trois fraisiers, sept espèces de roses des Alpes (Rhododendra), dont une atteint la hauteur de 6 m., et beaucoup d’autres espèces septentrionales. Parmi les conifères, on y trouve le Pinus Deodwara ou Deodara (en sanserit déwa-dâru, bois de construction des dieux), qui se rap- proche beaucoup du Pinus cedrus. Près des neiges éternelles brillent les grandes fleurs dela Gentiana venusla, G. Moorcrof- tiana , Swerlia purpurascens, S. speciosa, Parnassia armata, P. nubicola, Pæonia Emodi, Tulipa stellata; et mème, à côté de ces variétés des genres de l'Europe, particulières aux monta- gnes de l'Inde, nous trouvons de véritables espèces européennes, — 314 — telles que le Zeontodon taraxacon, la Prunella sulgaris, le Ga- lium aparine,le Thlaspi arvense. La bruyère, mentionnée déjà par Saunders dans le Voyage de Turner, et qu'on avait alors confondue avec la Calluna vulgaris, est une Andromède, fait de la plus haute importance pour la géographie des plantes de l'Asie. Si je me suis servi dans cette note d'expression peu phi- losophiques, telles que genres d'Europe, espèces européennes , croissant en Asie à l'élat sauvage, c’est une suite de l'emploi du langage de la vieille botanique qui, à l'idée d’une large dis- sémination ou plutôt de la coexistence des productions organi- ques, à très-dogmatiquement substitué l'hypothèse fabuleuse d’une immigration qu’elle suppose même, dans sa prédilection pour l’Europe, avoir procédé de l'Occident vers l'Orient. (5) [page 8]. Sur le versant méridional de l'Himalaya, la li- mite des neiges perpétuelles se trouve à 5957 m. au-dessus du niveau de la mer, et sur le versant septentrional, ou plutôt sur les pics qui s’élévent au-dessus du plateau thibétain (tartarique), cette limite s’élève à 5067 m., depuis 50° ‘f2 jusqu’à 32° de lati- tude; tandis qu’à l'équateur, cette limite se trouve sur la chaine des Andes de Quito à une hauteur de 4815 m. Tel est le résultat que j'ai déduit de la combinaison d’un grand nombre de don- nées de Webb, de Gerard, de Herbert et de Moorcroft. (Voyez mes deux Mémoires sur les montagnes de l'Inde de 1816 et de 1820, dans les Annales de chimie et de physique, t. UE, p. 303; t. XIV, p. 6, 22, 50.) Cette hauteur plus grande, à laquelle la limite des neiges éternelles se trouve reléguée sur le versant thibétain, est la conséquence du rayonnement des hautes plai- nes voisines, de la pureté du ciel et de la rare formation de la neige dans un air à la fois très-froid et très-sec. (Humboldt, Asie centrale, t. UT, p. 281-526.) Mon opinion sur la différence de hauteur de la neige des deux côtés de l'Himalaya avait pour elle la grande autorité de Colebrooke. « D’après les documents que je possède, m'écrivait-il en juin 1894, je trouve aussi que la hauteur des neiges éternelles est de 13000 pieds anglais (5962 m.). Sur le versant méridional et par 54° de latitude, les mesures de Webb me donnent 13500 pieds anglais (4114 m.), par conséquent 500 pieds (152 m.) de plus que les observations du capitaine Hogdson. Les mesures de Gerard confirment com- plétement votre opinion , et prouvent que la ligne des neiges — 815 — est plus élevée au nord qu'au sud. » C'est cette année seule- ment (4840) que le journal complet des deux frères Gerard a été imprimé par les soins de M. Lloyd (Warrative of a Journey from Caunpoor to the Boorendo pass in the Himalaya, by capt. Alexander Gerard and John Gerard, edited by George Lloyd, vol. 1, p. 291, 511, 520, 527 et 5414). On trouve beaucoup de détails sur quelques localités dans la 7'isit to the Shatool, for the purpose of determining the line of perpetual snow on the southern face of the Himalaya, in aug. 1829; malheureusement, ces voyageurs confondent sans cesse la hauteur où tombe la neige sporadique avec le maximum de hauteur que la ligne des neiges atteint sur le plateau thibétain. Le capitaine Gerard di- stingue les sommets qui s'élèvent au milieu du plateau, et il y place la limite des neiges éternelles entre 18000 et 19000 p. angl. (de 5486 à 5791 m.), d'avec les versants septentrionaux de la chaîne de l'Himalaya qui bordent le défilé traversé par le Sudledge, et dont les flancs, profondément silionnés, ne peu- vent rayonner beaucoup de chaleur. La hauteur du bourg de Tangno est de 9500 p. ang. (2855 m.) seulement, tandis que celle du plateau qui entoure la mer sacrée de Manasa doit être de 47000 p. ang., ou de 5181 m. Aussi, vers le point où la chaine se trouve interrompue, le capitaine Gerard a-t-il trouvé la neige 500 p. ang. (152 m.) plus bas sur le versant septen- trional que sur le versant méridional qui fait face à l'Hindou- stan, et il y évalue à 43000 p. ang. (4572 m.) la hauteur des neiges éternelles. La végétation du plateau thibétain offre des différences frappantes avec celle des terrasses méridionales qui dépendent de la chaine de l'Himalaya. Sur ces dernières, les mois- sons s'arrêtent à 35040 m.; elles sont mème souvent fauchées lorsque les tiges sont vertes; la limite supérieure des forèts où croissent encore de grands chênes et des pins Dévadàäru, est à 5645 m.; celle des bouleaux nains, à 5957 m. Sur les plans élevés, le capitaine Gerard à vu des pâturages jusqu'à une hauteur de 5184 m.; les céréales réussissent encore à 4300 et mème à 5650 m.; les bouleaux à troncs élevés, à 4500 m., et l’on trouve de petits taillis qui servent de combustible jus- qu'à 5200 m., c'est-à-dire 390 m. au-dessus de la limite infé- rieure des neiges éternelles sous l'équateur, à Quito. Il est d’ail- leurs à désirer que la hauteur moyenne du plateau thibétain, fixée par moi à 2500 m. seulement entre l'Himalaya et le Kouen- — 316 — lun, ainsi que la différence de hauteur des neiges sur le versant du sud et sur celui du nord, soient déterminées de nouveau par des voyageurs habitués à juger de la configuration générale du sol. On à trop souvent confondu jusqu’à présent de simples éva- luations avec des mesures effectives, et la hauteur des pics iso- lés avec celle des plateaux environnants. (Consultez les ingé- nieuses remarques sur l’hypsométrie de Carl Zimmermann, dans son Analyse de la carte géographique de l'Asie centrale, 1841. p. 98, allem.) Lord signale la différence que présentent les deux versants de l'Himalaya et ceux de la chaine alpine de l'Hin- doukouch, par rapport aux limites des neiges éternelles. « Dans cette dernière chaine, dit-il, le plateau est situé au sud, et par suite la hauteur des neiges est plus grande sur le versant mé- ridional; le contraire a lieu pour l'Himalaya, qui est borné au sud par de chaudes terrasses, comme l’Hindoukouch l’est au nord. » Les données hypsométriques dont il s’agit ici ont be- soin, il est vrai, d’une révision critique pour les détails; elles suffisent toutefois à établir ce fait capital, que l’admirable con- figuration du sol de l’Asie centrale offre à l'espèce humaine tout ce qui est nécessaire à son développement, l'habitation, la nourriture et le combustible, et cela, à une hauteur au-dessus du niveau de la mer où l’on ne rencontre partout ailleurs que des glaces éternelles. Exceptons toutefois l’aride Bolivia où les neiges sont si rares: Pentland, en 1858, a fixé leur limite à une hauteur moyenne de 4775 m., entre 16° et 17° °fa de latitude australe. Les mesures barométriques de Victor Jacquemont , victime prématurée d'une noble et infatigable ardeur, ont con- firmé de la manière la plus complète l’opinion que j'avais émise sur la différence des deux versants de l'Himalaya, par rapport à la hauteur des neiges. (V. sa Correspondance pendant son voyage dans l’Inde, 48928-18592, liv. xxu, p. 290, 296, 299.) « Les neiges perpétuelles, dit Jacquemont, descendent plus bas sur la pente méridionale que sur les pentes septentrionales, et leur limite s’élève constamment à mesure que l’on s’éloigne vers le nord de la chaîne qui borde l'Inde. Sur le col de Kioubrong, à 53581 mètres de hauteur, selon le capitaine Gerard, je me trou- vai encore bien au-dessous de la limite des neiges perpétuelles que dans cette partie de l'Himalaya je croirais de 6000 mètres. (évaluation beaucoup trop forte.) « À quelque hauteur qu’on s'élève sur le penchant méridional de l'Himalaya, dit ce voya- — 317 — geur, toujours le climat conserve le mème caractère, la même coupe de saisons que dans les plaines de FInde; le solstice d'été Yi 16 chaque année des pluies qui tombent sans interrup- tion jusqu'à à l'équinoxe d'automne. Mais dès Cachemir, dont j'é- value la hauteur à 5350 p. angl. » (1650 m., presque la hau- teur des villes de Mexico et de “Popayan) “ commence un nou- veau climat tout à fait différent. » (Correspond. de Jacquemont, t. I, p. 88 et 74). L'air, chaud et humide de la mer, emporté par les moussons à travers les plaines de l'Inde, arrive et s’ar- rête aux pentes avancées de l'Himalaya, suivant la remarque ingénieuse de Léopold de Buch, et ne se déverse pas sur les régions thibétaines de Ladak et de Lassa. Carl de Hügel estime la hauteur de la vallée de Cachemir au-dessus du niveau de la mer à B818 p. angl. ou à 1775 m., d’après le point d'ébullition de l’eau (n° part., p. 455, et Journal of Geog. Soc.,t. VI, p. 245). Par 34° 7° de latitude, on trouve plusieurs pieds de neige, de- puis décembre jusqu'à mars, dans cette vallée où l’atmosphère n'est presque jamais agitée par les vents. (6) [page 8]. Voyez en général mon Essai sur la Géographie des Plantes, et le Tableau physique des Régions équinoxiales, 4807, p. 80-88; sur les variations de température du jour et de la nuit, voyez la planche 9 de mon {las géogr. et phys. du Nouveau Continent, et les tableaux de mon ouvrage De distri- butione geographica plantarum secundum cœli temperiem et altitudinem montium, 1817, p. 90-116; la partie météorologique de mon Asie centrale, t. IT, p. 212-224, et enfin l'exposition plus nouvelle et plus exacte des variations que subit la tempé- rature à mesure qu'on s'élève sur la chaîne des Andes, dans le Mémoire de Boussingault Sur la profondeur à laquelle on trouve sous les tropiques la couche de temperature invariable (Ann. de chimie et de physique, 1833, t. LA, p. 225-247). Ce traité contient les hauteurs de cent vingt-huit points compris entre le niveau de la mer et le versant d’Antisana (5457 m.), ainsi que la détermination de leur température moyenne atmosphérique, laquelle varie, suivant la hauteur, de 27°, 3 à 4°, 7. (7) [page 41]. Voyez, sur le Madhjadèça proprement dit, l'ex- cellente 4rchéologie indienne de Lassen, vol. I, p. 92 (all.). Les Chinois appellent Mo-kie-thi le Bahar méridionai situé au sud du Gange; voyez Foe-Koue-HKi, par Chy-Fa-Hian, 1836, p. 256. — 318 — Djambu-dwipa est l'Inde entière; mais ce mot signifie aussi quelquefois l'un des quatre continents bouddhiques. (8) [page 11]. De la langue Kawi dans l'ile de Java, avec une Introduction sur les diverses constructions des langues et sur l'influence qu'elles exercent sur le développement de l’es- prit humain, par Guillaume de Humboldt, 1836, vol. TI, p. B-310. (AIL). (9) [page 12]. Ce vers se trouve dans une élégie de Schiller qui parut pour la première fois dans les Æoren de 1795. (10) [page 18]. Le micromètre oculaire d’Arago, perfection- nement heureux du micromètre prismatique où à double ré- fraction de Rochon. Voyez la Note de M. Mathieu dans l’Æis- toire de l’ Astronomie au dix-huitième siècle, par Delambre, 1827, p. 551. (11) [page 17]. Carus, Sur les parties rudimentaires des os et des écailles, 1828, ? 6. (AIL.) (12) [page 18]. Plut., in Vila Alex. Magni. cap. 7. (13) [page 29]. Les déterminations généralement acceptées sur le point de fusion des substances réfractaires sont exagérées. D'après les recherches toujours si exactes de Mitscherlich, le point de fusion du granit ne dépasse guère 1500° centig. (44) [page 22]. Voyez l'ouvrage classique de Louis Agassiz sur les poissons du monde antédiluvien: Æech. sur les poissons fossiles, 1834, vol, I, p. 58; vol. Il, p. 5, 28, 54. Addit., p. 6. L'espèce entière des 4mblypterus A4g., qui se rapproche de celle des Palæonisconus (appelés aussi Palæothrissum), est en- fouie sous les formations du Jura dans l’ancien terrain houil- ler. Les écailles des poissons de la famille des Lépidoïdes (or- dre des Ganoïdes), forment comme des dents à certains endroits et sont recouvertes d'émail; elles appartiennent aux plus an- ciennes espèces de poissons fossiles après les Placoïdes; on trouve encore des représentants vivants de ces espèces dans deux poissons. le Zichir du Nil et du Sénégal, et le Zepidosteus de l'Ohio. (45) [page 24]. Gœthe, dans ses Aphorismes sur les sciences naturelles (OEuvres de G., petite édition de 1855, vol. L, p. 155.) — 319 — (46) Jpage 30]. Découvertes d’Arago en 4814 (Delambre, Æis- toire de l'Ast., passage déjà cité, p. 682.) (17) {page 50]. Gœthe, 4phorismes sur la Nature, (OEuvres, vol. L, p. 4) (18) [page 32]. Pseudo-Plato, 4lcib., IL, p. 148, ed. Steph.; Plut. Instituta laconica, p. 255, ed. Hutten. (49) [page 57]. La Margarita Philosophica du prieur de la Chartreuse de Fribourg, Gregorius Reisch, parut d’abord sous le titre suivant: Æpitome omnis philosophiæ, alias Margarita philosophica, tractans de omni genere scibili. L'édition de Heï- delberg (1486) et celle de Strasbourg (180%) portent également ce titre; mais la première partie en fut supprimée dans lédi- tion de Fribourg de la même année et dans les douze éditions postérieures qui se succédèrent à de courts intervalles jus- qu’en 1535. Cet ouvrage a exercé une grande influence sur la diffusion des connaissances mathématiques et physiques vers le commencement du seizième siècle, et Chasles, le savant au- teur de lAperçu historique des méthodes en géométrie (1837), a fait voir combien l'encyclopédie de Reïisch est importante pour l'histoire des mathématiques au moyen âge. J'ai tiré parti d'un passage de la Margarita philosophica qui se trouve dans une seule édition, celle de 1813, pour éclaircir l’importante que- stion des rapports du géographe de Saint-Dié, Hylacomilus (Martin Waldseemüller , le premier qui ait donné le nom d’A- mérique au Nouveau-Continent), avec Amerigo Vespueci, avec le roi René de Jérusalem, due de Lorraine, et avec les célèbres éditions de Ptolémée de 4513 et de 1522. Voyez mon Examen critique de la géographie du Nouveau Continent et des progrès de l'astronomie nautique aux 15° et 16° siecles,t. IV, p. 99-195. (20) [page 37]. Auipère, Essai sur la phil. des sciences, 1834, p. 25. Whewell, Zaduct. phil, t. 11, p. 277. Park, Pantology, p- 87. (24) [page 58]. Tous les changements dans le monde physi- que peuvent se ramener aux mouvements. Aristot., Phys. ausc., HE, 4 et 4, p. 200 et 201. Bekker, VIII, 1, 8 et 9, p. 280, 262 et 265. De genere et corr., Il, 10, p. 356. Pseudo-Aristot., De Mundo, cap. 6, p. 398. — 320 — (22) [page 19]. Sur la différence qui existe entre lattraction des masses et l'attraction moléculaire, question déjà soulevée par Newton, voyez Laplace, Exposition du système du Monde, p. 584, et le Supplément au livre X de la Mécanique cél, p.53 et 4. (Kant, Fondaments métaphysiques de la science de la na- ture, OEuvres complètes, 4839, vol. V, p. 309, allem.; Péclet . Physique, 1838, t. I, p. 39-63.) (25) [page A4]. Poisson, Connaissance de temps pour l'an- née 1856, p. 64-66. Bessel, Annales de phys. de Poggendorf] , vol. XXV, p. 417. Encke, Mémoires de l’Académie de Berlin. 1826, p. 257. Mitscherlich, Zecons de chimie, 1857, vol. I, p. 352. vu [page 43]. Cf. Otfried Müller, Zes Doriens, vol. L, p. 365. AIL. . (25) [page 45]. Geographia generalis in qua affectiones gene- rales telluris explicantur. La plus ancienne édition d'Elzévir est de 1650; la deuxième (1672) et la troisième (1681) ont été pu- bliées à Cambridge par Newton. Cette œuvre capitale de Va- renius est, dans le véritable sens du mot, une deseription phy- sique de la terre. Depuis la description du Nouveau Continent, esquissée avec talent par le jésuite Joseph de Acosta (Historia natural de las Indias, 1590), jamais les questions qui se rat- tachent à la physique du globe n'avaient été envisagées d'une manière aussi générale. Acosta est plus riche d'observations ; Varenius embrasse un cercle d'idées plus étendu, parce que son séjour en Hollande, centre des plus vastes relations commer- ciales de l’époque, Pavait mis en rapport avec un grand nom- bre de voyageurs instruits. Generalis sive universalis geographia dicitur quæ tellurem in genere considerat atque affèctiones ex- plicat, non habita particularium regionum ratione. La descrip- tion générale de la terre par Varenius (Pars absoluta, Cap. 1-xxu) est, dans son ensemble, un traité de géographie comparée, pour adopter ici le terme employé par l’auteur lui-même (Geographia comparaliva, Cap. xxxu-xL), mais dans une acception beaucoup plus restreinte. On peut citer parmi les passages les plus re- marquables de ce livre: Fénumération des systèmes de monta- gnes et l'examen des rapports qui existent entre leurs directions et la forme générale des continents (p. 66-76, ed. Cantabr., 4681); une liste des volcans éteints et des volcans en activité; la dis- — 391 — cussion des faits relatifs à la répartition générale des îles et des archipels (p. 220), à la profondeur de l'Océan par rapport à la hauteur des côtes voisines (p. 405), à l'égalité du niveau de tou- tes les mers ouvertes (p. 97), à la dépendance qui relie les cou- rants aux vents régnants: l’inégale salure des mers; la confi- guration des côtes (p. 439); la direction des vents comme suite des différences de température, etc... Citons encore, comme fort remarquables, les considérations de V. sur le courant équino- xial d’orient en occident: il attribue à ce courant l'origine du Gulf-Stream qui commence dès le cap Sant’Augustin et disparait entre Cuba et la Floride (p. 1440). Rien de plus exact que sa description du courant qui longe la côte occidentale de l’Afri- que, entre le cap Vert et l’île de Fernando Po, dans le golfe de Guinée. Varenius explique par le « soulèvement du fond de la mer » la formation des îles sporadiques: magna spirituum in- clusorum vi, sicut aliquando montes a terra protusos esse qui- dam scribunt (p. 225). L'édition publiée par Newton en 1684 (œuctior et emendatior ) ne contient malheureusement aucune addition de ce grand homme; on n’y trouve même aucune men- tion de l’aplatissement du globe terrestre, quoique les expé- riences de Richer sur le pendule fussent antérieures de neuf années à l'édition de Cambridge. Au reste, les Principia ma- thematica Philosophiæ naturalis de Newton ne furent commu- niqués en manuscrit, à la Société royale de Londres, qu'en avril 4686. Il reste beaucoup d'incertitude sur la patrie de Va- renius; ce serait l'Angleterre, d’après Jæœcher; la Biographie universelle (t. XLVII, p. 495) le fait naître à Amsterdam; mais il ressort de la dédicace de sa Géographie générale au bour- guemestre de cette ville que ces deux suppositions sont faus- ses. Varenius dit expressément qu'il s’est réfugié à Amsterdam, « parce que sa ville natale avait été brülée et complétement détruite pendant une longue guerre »; or ces mots paraissent s'appliquer au nord de l'Allemagne et aux dévastations de la guerre de trente ans. Dans la dédicace d'un autre ouvrage, Descriptio regni Japoniæ (Amst., 4649), au sénat de Hambourg, Varenius dit qu'il a fait ses premières études mathématiques dans le gymnase de cette ville. Il y a donc tout lieu de croire que cet ingénieux géographe est né en Allemagne, probablement à Lunebourg. (Witten, Hem. Theol., 4685, p. 2142. Zedler, Uni- sersel Terikon, vol. XLVI. 1745, p. 187.) L (26) [page 46]. Za Science géographique générale comparée, ou Etude de la terre, dans ses rapports avec la nature et avec Uhistoire de l’homme , par Carl Ritter, (traduit de l'allemand par E. Buret et E. Desor.) (27) [page 47] Kosuos, dans l’acception la plus ancienne et dans le sens propre de ce mot, signifie parure (ornement de l'homme, de la femme ou du cheval); pris dans le sens figuré pour edrzËtz, il signifie ordre et ornement du discours. De l’aveu de tous les anciens, c’est Pythagore qui, le premier, a employé ce mot pour désigner l’ordre dans l'univers et l’univers lui-mème. Pythagore n’a jamais écrit, mais des preuves fort anciennes de cette assertion se trouvent dans plusieurs passages des frag- ments de Philolaüs (Stob., Eclog., p.360 et 460 Heeren; le Phi- lolaüs de Bœckh, p. 62 et 90, allem.). A l'exemple de Næke, nous ne citons point Timée de Locres, parce que son authen- ticité est douteuse. Plutarque (De plac. phil., 11, 4) dit, de la manière la plus nette, que Pythagore donna le nom de Cosmos à l'univers, à cause de l’ordre qui y règne (de même Galen., Hist. phil., p. 4929.) Des écoles philosophiques, ce mot, avec sa signification nouvelle, passa dans les écrits des poètes et des prosateurs. Platon désigne les corps célestes par le nom d’Ura- nos; mäis l’ordre des cieux est aussi pour lui le Cosmos, et dans son Timée, (p. 30, É) il dit que le monde est un animal doué d'une âme (zc5u0v Ewoy Euboyns). Sur l'esprit séparé de la matière, ordonnateur du monde, (Cf. 4naxag. Cluz. ed. Schaubach, p. 1414, et Plut. De plac. phil., , 3). Dans Aristote (De Cælo, I, 9), le Cosmos est « l'univers et l’ordre de l’univers; » mais il est aussi considéré comme se divisant dans l’espace en deux par- ties: le monde sublunaire et le monde situé au-dessus de la lune (Meteor.. 1, 2, 1, et I, 3, 13, p. 539, a, et 540, b. Bekk.). La dé- finition du Cosmos que j'ai eitée plus haut dans le texte est tirée du Pseudo-Aristoteles de Mundo, cap. H (p. 391); elle est ainsi Conçue: Kozuns écrit custnua EË oupayod al yns xx TOY EV TOUTOLS TEPLEHOUEVOY purswv. Asyetar dE xut ÉTEPOS 207106 À TOY Ghoy raêus Te xat duaxomunots, Ùrd Dewv Te xat du Dev gukarrousyn. La plupart des passages des auteurs grecs sur le Cosmos se trouvent rassem- blés d’abord dans la controverse de Richard Bentley contre Ghar- les Boyle (Opuscula philologica, 1781, p. 547, 445; Dissertation upon the Episiles of Phalaris, A817, p. 284) sur l'existence his- — 393 — torique de Zaleucus, législateur de Locres; ensuite dans l’ex- cellent ouvrage de Næke, Sched. crit., 1812, p. 9-45, et enfin dans Théophile Schmidt, 44 Cleom. cycl. theor. met., X, 4. (p. IX, 4 et 99). Pris dans une acception plus restreinte, le mot Co- smos a été aussi employé au pluriel (Plut., I, 3) pour désigner les étoiles (Stob., I. p. 514. Plut., Il, 15) ou les innombrables systèmes disséminés comme autant d’iles dans l’immensité des cieux et formés chacun d’un soleil et d’une lune (Anaz. Claz., Fragm., p. 89, 95, 120; Brandis, Histoire de la Phil. gréco- romaine, vol. I, p. 252). Chacun de ces groupes formant ainsi un Cosmos, l'univers, +9 74, doit avoir une signification plus large (Plat., IL 1). Ce fut longtemps après le siècle des Ptolé- mées que ce mot fut appliqué à la terre. Bæckh a fait con- naître des inscriptions à la louange de Trajan et d’Adrien (Cor- pus Inscr. Græc.. t. I, num. 554 et 1506), où x650< est mis pour oizovueyn, de même que par monde on entend souvent la terre seule. Nous avons déjà indiqué cette division singulière des espa- ces célestes en trois parties, l’Olympe, le Cosmos et l'Ouranos (Stob., 1 p.488; Philolaos, p. 94-102); elle s'applique aux ré- gions diverses qui entourent ce foyer mystérieux de lunivers, cette Ecriæ 709 navros des Pythagoriciens. Dans le fragment qui nous à conservé cette division, le nom d'Uranos désigne la ré- gion la plus intérieure, située entre la lune et la terre; c'est le domaine des choses changeantes. La région moyenne , où les planètes circulent dans un ordre invariable et harmonieux, est nommé exclusivement Cosmos, en vue de conceptions très-par- ticulières sur l’univers. Quant à l'Olympe, c’est la région exté- rieure, la région ignée. Un profond investigateur des affinités des langues, Bopp, fait remarquer que « l’on peut déduire , comme l’a fait Pott (Recherches étymologiques, part. TL, p. 39 et 252, allem.), le mot x6çu0: de la racine sanserite ‘sud, purifi- cari, en S'appuyant sur deux considérations: d’abord, le > grec, dans z05u0:, vient de la palatale s, que Bopp représente par s et Pott par ç; de mème 52:24, decem. en langue gothique fahiun, vient du mot indien da’san; en second lieu, le d indien corres- pond, en règle générale, au 9 grec (Gramm. comparée, ? 22, al- lem.), ce qui achève de mettre en évidence le rapport de 650: (pour x59u»5) avec la racine sanserite ‘sud d’où vient aussi 22ÿ2p0:. Une autre expression indienne pour désigner le monde est gagat (prononcez dschagat); c’est proprement le participe — Bad — présent du verbe gagämi (je vais), dont la racine est g4). » En restant dans le cercle des étymologies de la langue grecque, on trouve (Ælymol. M. p. 532, 19) que z65u0c se lie immédiatement à zatw, Où plutôt à xztvuuar (d’où #2400uEv0s OÙ xexæduevoc). Wel- cker (Une colonie Crétoise à Thèbes, p.25, allem.) y rattache en outre le nom de Kæÿyos, de mème que, dans Hésychius, x70w0c signifie une prise d'armes chez les Crétois. Lorsque le langage scientifique des Grecs s’introduisit chez les Romains, le mot mundus, qui avait à l'origine la signification première du mot #63u0c (ornement de femme), servit à désigner le monde et l’u- nivers. Ennius paraît avoir osé, le premier, cette nouveauté. Dans un des fragments de ce poète, que Macrobe nous a con- servés à l’occasion de sa querelle avec Virgile, on trouve ce mot employé dans l’acception nouvelle: Mundus cœli vastus constitit silentio (Sat., VI, 2). Cicéron a dit aussi: Quem nos lucentem mundum vocamus. (Timœus, s. de univ., cap. X). Au reste, ia racine sanscrite mand, d'où Pott fait dériver le mot latin mundus (Rech. étym., part. }, p. 240), réunit la double signification de briller et d'orner. Zôka désigne en sanscrit le monde etles hommes, comme le mot français monde, et dérive, suivant Bopp, de {6k (voir et briller): il en est de même de la racine slave swjet, qui veut dire à la fois lumière et monde (Grimm, Gramm. allem., vol. I, p. 594, allem.). Quant au mot dont les Allemands se servent aujourd’hui (welt, en vieil alle- mand wèralt, en vieux saxon worold et véruld en anglo-saxon), sa signification originaire aurait été, suivant Jacob Grimm, celle d'un laps de temps, d’un âge d'homme (sæculum), et non pas celle du mnundus dans l’espace. Les Etrusques se figuraient le monde comme une voûte renversée et symétriquement opposée à la voûte céleste (Otfried Müller, Zes Etrusques, part. IL p. 96, 98 et 445, allem.). Pris dans une acception plus étroite encore, le monde paraît avoir été, pour les Goths, la surface terrestre entourée d’une ceinture de mers (marei, meri); ils l'appelaient merigard, littéralement jardin des mers. (28) [page 48]. Voyez, sur Ennius, les recherches ingénieu- ses de Léopold Krahner. dans son ÆEsquisse historique de la décadence de la religion de l'État chez les Romains, 1837, p. HA 45. Selon toute probabilité, Ennius n’a pas puisé dans les fragments d’Epicharme , mais dans des poèmes composés — 395 — sous le nom de ce philosophe, et concus dans le sens de son système. (29) [page 30]. Aul. Gell., oct. act., V, 18. (50) [page 33]. Bruno, ou Du principe divin et naturel des choses, par J. de Schelling, traduit de l'allemand par Hussor, 1845, p. 204. (51) [page 64]. Les considérations relatives à la différence qui existe, sous le rapport de la clarté, entre un point lumi- neux et un disque de diamètre angulaire appréciable ont été développées par Arago, dans l'Analyse des travaux de sir Wil- liam Herschel. (Annuaire du Bureau des Longitudes, 1842, p. 0-19 et 441.) (32) [page 65]. « Les deux nuées Magellaniques, Nubecula major et minor, sont des objets fort remarquables. La plus grande se compose d’amas stellaires irréguliers, d’amas sphé- riques et d'étoiles nébuleuses plus ou moins grandes, entrenré- lées de nébulosités irréductibles. Selon toute vraisemblance, ces dernières ne sont autre chose qu'une poussière stellaire (star-dust); inaïs le télescope de 20 pieds, lui-même, est impuis- sant à les résoudre en étoiles. Elles produisent une clarté gé- nérale dont le champ de la vision est illuminé. et les autres objets se trouvent disséminés sur ce fond brillant. Aucune au- tre région du ciel ne renferme autant de nébuleuses et d’amas d'étoiles dans le mème espace. La Wubecula minor est beau- coup moins belle; elle présente plus de nébulosités irréducti- bles, et les amas stellaires y sont à la fois moins nombreux et moins brillants. » (Extrait d’une lettre de sir John Herschel. datée de Feldhuysen, au Cap de Bonne-Espérance, 15 juin 1856.) (35) [page 66]. Cette belle expression 252705 092%05, emprun- tée par Hesychius à un poète inconnu, aurait pu être citée déjà, à l’occasion des Champs célestes (Himmels-Garten, littéralement : jardins du ciel), si le mot 20270 n’eût été plus ordinairement employé à désigner d’une manière générale l’espace compris dans une enceinte. Au reste, on ne peut méconnaitre l’affinité de ce mot avec le Garten des Allemands (en langue gothique gards, lequel dérive, d’après Jacob Grimm, de gairdan, cingere), ou avec le grad, gorod du Slave, avec le khart des Ossètes, et, 23 AG = suivant Pott (Recherches étymologiques, P.T, p. 4144, en allem }, avec le chors des Latins (d’où corte, cour). Citons encore le gard des langues du Nord (une clôture, et par suite, un en- clos, une résidence) et les mots persans gerd, gird, enceinte, cercle, puis une résidence princière, un château ou une ville, comme on le voit par les anciens noms de lieux que l’on ren- contre dans le Schahnameh de Firdusi: Siyawakchgird, Darab- gird, etc. (54) [page 68]. L'erreur probable de la parallaxe de 4 du Gentaure, déterminée par Maclear, est de 0°,064. (Résultats de 1839 et de 1840.) Voyez les Transact. of the Astron. Soc., vol. XIE, p. 570. Pour la parallaxe de la 61° du Cygne, voy. Bessel, dans l'Annuaire de Schumacher; 1839, p. 47-49: erreur moyenne 0",0144. Quant à l'idée que nous devons nous faire de la figure réelle de la voie lactée, je trouve, dans Képler, ce passage re- marquable (Epitome Astronomiæ Copernicanæ, 1618, L. 1, lib. 1, p. 54-39): « Sol hic noster nil aliud est quam una ex fixis, nobis major et clarior visa, quia propior quam fixa. Pone Terram stare ad latus, uno semidiametro viæ lacteæ, tunc hæc via lactea apparebit circulus parvus, vel ellipsis parva, tota declinans ad latus alterum; eritque simul uno intuitu conspicua, quæ nunce non potest nisi dimidia conspici quovis momento. Itaque fixa- rum sphæra non tantum orbe stellarum, sed etiam cireulo lactis versus nos deorsum est terminata. » (38) [page 717. « Si, dans les zones abandonnées par l’atmos- phère du Soleil, il s’est trouvé des molécules trop volatiles pour s'unir entre elles où aux planètes, elles doivent, en con- tinuant de circuler autour de cet astre, offrir toutes les ap- parences de la lumière zodiacale, sans opposer de résistance sensible aux divers corps du système planétaire, soit à cause de leur extrème rareté, soit parce que leur mouvement est à fort peu près le même que celui des planètes qu’elles rencon- trent. » Laplace, Exp. du syst. du monde (5° édit.), p. 415. (56) [page 71]. Laplace, ouvrage cité, p. 596 et 414. (37) [page 71]. Littrow, Astronomie, 1825, vol. II, p. 107. AÏ.; Mædler, 4str., 4841, p. 219. AÏl.; Laplace, ouvr. cité, p. 240. (58) [page. 72]. Képler, sur la densité déeroissante et le ve- lume croissant des planètes, à mesure que la distance au Soleil augmente; il considère l’astre central (le Soleil) comme le plus dense de tous les astres. Voyez son Epitome Astron. Copern. in NII libros digesta, 1618-1629, p. 490. De même que Képler et Otto de Guericke, Leibnitz pensait que les volumes des pla- nètes croissent en raison de leurs distances au Soleil. Voyez sa lettre au bourgmestre de Magdebourg (Mayence, 1671), dans la collection des Écrits allemands de Leibnitz, éditée par Guh- rauer, 1'° partie, p. 264. (59) [page 75]. Pour la comparaison des masses, voy. Encke, dans les Nouvelles astronomiques de Schumacher, 1845, n° 488, p. {14. AIL | (40) [page 75]. En admettant, avec Burckhardt, 0,2795 pour le diamètre de la Lune, et ‘f 19,09 pour son volume, on trouve 0,5596, ou ‘fs à peu près, pour sa densité. V. aussi G. Beer et H. Mædler, Za lune, p. 2 et 10. Allem.; et l’4stronomie de Mædler, pag. 157. Allem. D'après Hansen, le volume de notre satellite est ‘f54 environ ('f19,6, suivant Mædler), et sa masse est ‘f8,75, le volume et la masse de la Terre étant pris res- pectivement pour unités. Pour le troisième satellite de Jupiter, le plus grand de tous, les rapports avec la planète centrale sont ‘fi5570 en volume, et ‘f11300 pour les masses. Quant à l’aplatissement d'Uranus, voy. les Wouwe. astron. de Schum., 1844, n° 493. (41) [page 79]. Beer et Mædler, ouvr. cité, ? 185, p. 208, et ? 547, p. 3552; mêmes auteurs: Description physique des astres, p. # et 69, tab. 1. Allem. (42) [page 80]. Les quatre plus anciennes comètes dont on ait pu calculer les orbites ont été observées par les Chinois; ee sont celles de l’an 240 (sous Gordien I), de 539 (sous Jus- tinien), de 565 et de 857. Suivant Duséjour, cette dernière comète serait restée, pendant 24 heures, à moins de 490000 myriamè- tres de la Terre. Son apparition effraya tellement Louis le Pieux que ce prince crut devoir fonder plusieurs couvents afin de con- jurer le danger. Pendant ce temps, les astronomes chinois 6b- servaient d’une manière vraiment scientifique la trajectoire ap- parente du nouvel astre; ils mesurèrent fa queue, longue de 60°; — 328 — ils en décrivirent les variations, car elle fut tantôt simple, tan- tôt multiple. La première comète dont l'orbite ait été calculée sur les seules observations européennes est celle de 1456, une des apparitions de la comète de Halley; elle à même passé longtemps, mais à tort, pour la première apparition bien cer- taine de cette fameuse comète. Arago dans l'Annuaire de 1836. p. 204. Voyez aussi plus bas la note (*). (43) [page 81]. Arago dans l'Annuaire de 1832, p. 209-911. La comète de 4402 fut visible en plein soleil, comme la comète de 1843. Cette dernière a été vue, aux États-Unis, le 38 fé- vrier, entre une heure et trois heures de l'après-midi, par J. G. Clarke (à Portland, état du Maine). On à pu mesurer avec une grande précision la distance du noyau au bord du Soleil. Ce noyau devait être fort dense ; la comète présentait l'ap- parence d’un nuage blanc, à contours très-nets; seulement il y avait un espace obscur entre le noyau et la queue. (4mer. Journ. of Science, vol. XLV, n° 4,p. 229; Nouv. astr. de Schu- macher, 4845, n° 491, p. 175.) (44) [page 81]. Philos. Transact. for 1808, P. Il, p. 155; for 4849, p. I, p. 118. Les diamètres des noyaux mesurés par Herschel étaient de 838 et de 428 milles anglais. Pour les di- mensions des comètes de 1798 et de 1805, voy. Arago dans l'Annuaire de 1852, p. 205. (45) [page 82]. Arago, Des changements physiques de la co- mête de Halley, du 15 au 23 octobre 1855, dans l'Annuaire de 1856, p. 218-221. La direction que les queues des comètes affectent ordinairement était bien connue du temps de Néron: Comæ radios solis effugiunt, dit Sénèque, Wat. Quæst., VIL 20. (6) [page 83]. Bessel, dans les Nouv. astr. de Schum., 1856, n° 500-302, p. 188, 192, 197, 200, 202 et 230. Le même auteur, dans l'Annuaire de Schum., 1857, p. 149 168. W. Herschel a cru trouver, dans la belle comète de 1811, des indices d’un mouvement de rotation dont le noyau et la queue auraient été animés (Phil. Transact. for 1812, P. I, p. 140); la même remarque à été faite par Dunlop, à Paramatta sur la troisième comète de 1825. == = (47) [page 83]. Bessel, dans les Now. astr. de Schuimn., 1856. n° 505, p. 251. (Annuaire de Schum., 1837, p. 178.) Voyez aussi Lehmann, sur les queues des comètes dans l’Ænn. astron. de Bode, pour 1826, p. 168. (48) [page 853]. Aristot., Meteor.. I, 8, 11-1k et 19-21 (ed. Ide- ler, t. 1, p. 52-54). Biese, Philos. d’Arislote, vol. IL, p. 86. AI. Quand on songe à l'influence qu'Aristote a exercée pendant tout le moyen äge, on ne peut trop déplorer lhostilité de ce grand homme contre les belles idées des anciens Pythagoriciens sur la structure de l'univers. Dans le même livre où Aristote rappelle que l’école de Pythagore considère les comètes comme autant de planètes à longues périodes, il déclare, lui, que les comètes sont de simples météores passagers qui naissent et se dissipent dans notre atmosphère. De l’école de Pythagore, ces idées, dont Apollonius de Mynde fait remonter l’origine aux Chaldéens, arrivèrent aux Romains, qui se bornèrent à les re- produire, comme ils firent de toute chose. Le philosophe de Mynde, en décrivant les orbites cométaires, dit qu'elles péné- trent profondément dans les régions supérieures du ciel; là- dessus Sénèque s'exprime ainsi (Wat. Quæst., VII, 17): Cometes non est species falsa, sed proprium sidus sicut Solis et Lune: altiora mundi secat el tunc demum apparet quum in imum cursum sui venit; il ajoute (VII, 27): Cometas œternas esse ct sortis ejusdem cujus cœtera (sidera), etiamsi faciem illis non habent similem. Pline (IE, 95) fait également allusion aux idées d’Apollonius de Mynde, lorsqu'il dit: Sunt qui et hœæc sidera perpetua esse credant suoque ambitu ire, sed non nisi relicla a Sole cerni. (49) [page 84]. Olbers, Nour. astr.. 1898, p. 137 et 184. Arago, De la constitution physique des comètes, Annuaire de 1832. p. 205-208. Déjà les anciens avaient été frappés de ce que l’on peut voir à travers les comètes comme à travers une flamme. La plus ancienne observation d'étoiles restées visibles malgré l'interposition d’une comète remonte à Démocrite (Aristote, We- teor.4 1, 6, 41). Ce fait a donné à Aristote l’occasion de rappor- ter qu'il avait lui-même observé l’occultation d’une étoile des Gémaux par Jupiter. Sénèque a dit: « On voit les étoiles à travers une comèle comme à travers un nuage. « Wal. Quæsl. VIL, 18); à la vérité, ces paroles ne doivent pas s'entendre du — 330 — corps mème de la comète, mais seulement de la queue, car Sénèque ajoute: Non in ea parle qua sidus ipsum est spissi et solidi ignis, sed qua rarus splendor occurrit el in crines dis- pergitur. Per intervalla ignium non per ipsos vide. » (VIE, 96). Cette dernière restriction était superflue ; car on peut voir à travers une flamme dont l'épaisseur n’est pas trop forte. Ga- lilée ne l’ignorait pas: il à fait à ce sujet des recherches dont il parle dans le Saggiatore (Letlera a Monsignor Cesarini, 1619). (50) [page 84]. Bessel, dans les Nouv. astron., 1856, n° 301, p. 204-206. Struve dans le Recueil des Mém. de l’Acad. de Saint- Pétersbourg, 1856, p. 140-145, et dans les Nouv. astron., 4836, n° 505, p. 258, « À Dorpat, l'étoile qui se trouvait en con- jonction avec la comète n’était qu'à 2’, 2 du point le plus bril- lant du noyau. L'étoile ne cessa pas d’être visible; sa lumière ne parut même pas affaiblie, tandis que le noyau de la comète fut comme éclipsé par l'éclat plus vif de létoile, qui n'était pourtant que de 9° à 10° de grandeur. » (51) [page 85]. Les premières recherches dans lesquelles Arago ait fait usage des phénomènes de la polarisation, pour analy- ser la lumière des comètes, remontent au 3 juillet 4819, le soir même de l’apparition subite de la grande comète. Je me trouvais alors à l'Observatoire, et je pus me convaincre, comme Mathieu et comme feu Bouvard, que les deux images lumineu- ses, données par la lunette prismatique, étaient d’un éclat iné- gal quand l'instrument recevait la lumière de la comète. Pour la Chèvre, non loin de laquelle la comète se trouvait située ce soir-là , les deux images étaient d’égale intensité. A l’époque du retour de la comète de Halley, en 1855, l'appareil modifié indiquait la présence de la lumière polarisée, par le contraste de deux images de couleurs complémentaires (rouge et verte, par exemple); e’était une application nouvelle de la polarisa- lion chromatique, dont la découverte est due à Arago. 4nna- les de chimie , t. XII, p. 108. Annuaire, 1832, p. 216. « On doit conclure, dit Arago, de l’ensemble de ces observations, que la lumière de la comète n'était pas en totalité composée de rayons doués des propriétés de la lumière directe, propre ou assimilée: il s’y trouvait de la lumière réfléchie spéculairement et polarisée, c’est-à-dire de la lumière venant du soleil. On ne peut décider par cette méthode, d’une manière absolue, que — 3341; — les comètes brillent seulement d’un éclat d'emprunt. En effet. devenant lumineux par eux-mêmes, les corps ne perdent pas, pour cela, la faculté de réfléchir des lumières étrangères. » (52) [page 85]. Arago, dans l’A4nn., 1852, p. 217-220. Sir Jobn Herschel, 4stronomie, } 488. (35) [page 86]. Encke, dans les Nous. astron., 1845, n° 489, p- 150-132. (84) [page 87]. Laplace, Exp. du sysl. du Monde, p. 216 et 257. (55) [page 87]. Littrow, 4stronomie descriptive, 1835, p. 274. Sur la comète à courte période récemment découverte par Faye, à l'observatoire de Paris, et dont l’excentricité est 0,551. la distance périhélie 1,690, et la distance aphélie 5,832, voy. les Nous. astron. de Schumacher, 1844, n° 495. (Sur l'identité présumée de la comète de 1766 avec la troisième comète de 1819, voy. Nouv. astron., 1833. n° 239; sur l'identité de la co- mète de 1745 et de la quatrième comète de 4819, voy. le même recueil, n° 237.) (56) [page 89]. Laugier, dans les Comptes rendus des sean- ces de l’Acad., 4845, t. XVI, p. 1006. (57) [page 91]. Fries, Lecons d’ Astronomie, 1855, p. 262-267. allem. On trouve dans Sénèque une preuve assez mal choisie de l’innocuité des comètes, Wat. Quæst. VII, 17 et 24; le phi- losophe parle de la comète: Quem nos Neronis principatu læ- lissimo videmus et qui cometis detraxit infamiam. (58) [page 95]. A Popayan (latitude boréale 2°96', hauteur au-dessus de la mer, 47953 m.). En 1788, un de mes amis. homme fort instruit, vit en plein jour un bolide si brillant que sa chambre tout entière en fut illuminée, malgré la lu- mière du soleil, dont aucun nuage n’affaiblissait l'éclat. Au mo- ment de l'apparition, l'observateur avait le dos tourné à la fenêtre et lorsqu'il se retourna, une grande partie de la trajec- toire parcourue par le bolide brillait encore d’une vive lumière. Au lieu de ce terme repoussant de Séernschnuppe (littéralement mouchure d'étoiles), j'aurais aimé à employer d’autres expres- sions d’un Allemand tout aussi légitime, comme Sternschuss ou — 332 — Sternfall (en suédois stjernfall, en anglais star shoot, en italien stella cadente) si je ne m'étais fait une loi d'éviter scrupuleu- sement, dans tous mes écrits, les mots inusités là où il s’agit de choses généralement connues et bien déterminées dans le langage ordinaire. Le peuple s’imagine, dans sa physique gros- sièére, que les lumières célestes ont besoin d’être mouchées comme des lumignons. Mais j'ai rencontré d’autres dénomina- tions plus disgracieuses encore dans les bois voisins de l'Oré- noque et sur les bords solitaires du Cassiquiare : les indigènes de la mission de Vasiva (Ael. hist. du voy. aux régions équi- noxiales, t. Il, p. 513) nomment les étoiles filantes, wrine d’e- toiles, et la rosée qui se dépose en perles sur les belles feuil- les de lhéliconia ils l’appellent salive d’étoiles. Le mythe po- pulaire des Lithuaniens, sur l’origine et la signification des étoiles filantes, indique plus de grâce et de noblesse dans cette faculté de l’esprit qui donne à tout une forme symbolique: < Lorsqu'un enfant vient au monde, Werpeja file pour lui le il de la destinée; chacun de ces fils se termine par une étoile. À l'instant de la mort, le fil se rompt, l'étoile tombe, palit et s'éteint. » Jacob Grimm, Mythologie allemande, 1845, p. 685, allem. (59) [page 93]. D'après la relation de Denison Olmsted, pro- fesseur au collége de Yale, à New-Haven (Connecticut). Voy. les Annales de physique de Poggendorff, vol. XXX , p. 194. « Képler a, dit-on, banni de l’astronomie les bolides et les étoiles filantes. D’après lui, ces météores sont engendrés par les exhalaisons terrestres, et vont se perdre ensuite dans Îles hautes régions de l’éther. » Cependant il s’est expliqué sur ce sujet avec une grande réserve. « Stellæ cadentes, dit-il, sunt materia viscida inflammata. Earum aliquæ inter cadendum ab- sumuntur, aliquæ vere in terram cadunt, pondere suo tractæ. Nec est dissimile vero quasdam conglobatas esse ex materia fœculentà, in ipsam auram ætheream immixta: exque ætheris regione, tractu rectilineo, per aërem trajicere, ceu minutos cometas, occultà causa motus utrorumque. » Képler, Epist. 4str. Copernicanæe, t. 1, p. 80. (60) [page 95]. Relation historique , t. T, p. 80, 215 et 527. Si l’on distingue dans les étoiles filantes, comme dans les co- mètes. la tête, ou le noyau. et la queue, on peut juger, par la — 333 — longueur et l'éclat de la queue ou de la trainée Iumineuse , du degré de transparence de l’atmosphère et s'assurer de la supériorité des régions tropicales à cet égard. Là, l'impression produite par le spectacle des étoiles filantes est plus vive, sans que le phénomène ait besoin pour cela d’être plus fréquent; il s’y voit mieux, et dure plus longtemps. Au reste, l'influence de l’atmosphère sur la visibilité de ces apparitions se fait sentir, mème dans les zones tempérées, par les grandes différences que l'on remarque en des stations peu distantes. Ainsi, Wartmann annonce que les nombres des météores que l’on a pu compter, pendant une apparition de novembre, en deux lieux voisins, à Genève et aux Planchettes, étaient dans le rapport de 4 à 17. (Wartmann, Mém. sur les étoiles filantes, p. 17). Brandes a fait une série d'observations nombreuses et fort exactes sur les queues des étoiles filantes. Ce phénomène ne saurait s'expliquer par la persistance de l'impression produite sur la rétine, car il dure quelquefois une minute après que le noyau de l'étoile a dis- paru. Ordinairement la traînée lumineuse parait immobile (4n- nales de Gilbert, vol. XIV, p. 251). Ces faits établissent une grande analogie entre les étoiles filantes et les bolides. L'amiral de Krusenstern à vu, dans son voyage autour du monde, un bolide laisser après lui une traînée lumineuse qui brilla pen- dant une heure entière sans changer bien sensiblement de place (Foyage, part. Fe, p. 88). Sir Alexander Burnes décrit en ter- mes animés la transparence de l'atmosphère de Bokhara (iati- tude 59° 43°; hauteur au-dessus de la mer, 390 m.): « There is also a constant serenily in its atmosphere, and an admirable clearness in the sky. At night, the stars have uncommon lustre, and the milky way shines gloriously in the firmament. There is also a neverceasing display of the most brilliant meteors, which dart like rokets in the sky: ten or twelve of them are someti- mes seen in an hour, assuming every colour: fiery, red, blue. pale and faint. It is a noble country for astronomical science, and great must have been the advantage enjoyed by the famed observatory of Samarkand. + Burnes, Travels in to Bokhara. vol. IT (1854), p. 458. Si Burnes estime que les étoiles filantes sont nombreuses, lorsqu'on peut en compter 40 ou 12 par heure, il ne serait pas juste d’en faire un sujet de reproche envers un voyageur isolé; il a fallu recourir, en Europe, à un système d'observations régulièrement suivi avant de pouvoir affirmer, — 334 — avec Quételet (Corresp. mathém. et phys., nov. 4837, p. #47), qu'il paraît, en moyenne, 8 étoiles filantes par heure dans le cercle embrassé par une seule personne: et même un autre excellent observateur, Olbers, réduit ce nombre à 5 ou 6. (4n- nuaire de Schumacher, 4836, p. 325.) (64) [page 94]. Sur les poussières météoriques, voy. Arago dans l'Annuaire pour 1859, pag. 254. Tout récemment j'ai cherché, dans un autre ouvrage ( {sie centrale, t. 1, pag. 408), à mon- trer comment le mythe scythique de l'or sacré, qui tomba du ciel en pleine incandescence et devint ensuite la propriété de la Horde dorée des Paralates (Herod., IV, 8-7), comment, dis-je, ce mythe a pu prendre naissance dans le souvenir confus de la chute d’un aérolithe. Les anciens ont parlé aussi de masses d'argent qui tombèrent du ciel, sous l’empereur Sévère, et dont on s’efforça de revêtir des médailles de bronze(DioCassius, LXXV, 1289); cependant le fer métallique avait été reconnu déjà parmi ies éléments des pierres météoriques (Plin., Il, 56). Quant à cette expression qui revient si souvent: lapidibus pluil, on sait assez qu’elle ne se rapporte pas toujours à des chutes d’aérolithes. Ainsi, dans le liv. XXV, 7, ces mots désignent des rapillis, des fragments de pierre-ponce lancés par un volcan dont l’extinction n’est pas complète, le Mons Albanus, aujourd’hui Monte-Cavo; voy. Heyne, Opuscula acad., t. WE, p. 264, et ma Zelal. histor., t. L p. 594. Le combat qu'Hercule soutint contre les Ligyens, en allant du Caucase au jardin des Hespérides, rentre dans un autre cercle d'idées. Ce mythe avait pour but d'assigner une origine aux galets de quartz, qui se trouvent en abondance dans les Champs Lygiens, près de l'embouchure du Rhône. Aris- tote croit qu'ils ont été rejetés par une fente éruptive, pendant un tremblement de terre; Possidonius les attribue à l’action des vagues d’une ancienne mer intérieure. Dans un fragment du Promethée délivré d'Eschyle, on trouve une description dont tous les détails s’appliqueraient parfaitement à une chute d’aé- rolithes: Jupiter forme un nuage et fait tomber « une pluie de pierres arrondies qui jonchent le sol de la contrée. » Déjà Pos- sidonius se permettait de railler le mythe géognostique des ga- lets et des blocs. Au reste, la description que les anciens ont laissée des pierres des Champs Lygiens (aujourd’hui la contrée se nomme La crau) est de tout point conforme à la réalité. Voy. — 339 — Guérin, Mesures barométriques dans les Alpes, et Météorologie d'Avignon, 1829. chap. XII, p. 415. (62) [page 93]. La pesanteur spécifique des aérolithes varie entre 4, 9 (Alais) et 4, 5 (Tabor); leur densité est ordinairement trois fois plus grande que celle de l’eau. Pour les diamètres réels que j'ai assignés aux bolides, j'ai dû avoir recours aux mesures les plus dignes de confiance; malheureusement ces mesures sont en bien petit nombre. En voici plusieurs: le bo- lide de Weston (Connecticut, 14 décembre 1807), 162 m.; le bolide observé par Le Roi (juillet 4771), environ 598 m.; celui du 18 janvier 1785, estimé par sir Charles Blagden à 845 m. Brandes (Entretiens, vol. 1, p. 42. Allem.) assigne un diamètre de 25 à 40 mètres aux étoiles filantes: il évalue la longueur de leurs queues ou de leurs trainées lumineuses à 2 ou 3 my- riamètres. Mais il y a tout lieu de croire que les diamètres ap- parents des bolides et des étoiles filantes ont été exagérés, sous l'influence de certaines causes de nature optique. Leur volume ne peut en aucune facon entrer en Comparaison avec le vo- lume de Cérès; même en admettant « 70 milles anglais +» pour le diamètre de cette petite planète. Voy. l’excellent ouvrage : On the connexion of the Physical sciences, 1835, p. 4141. — Comme pièce justificative à l'appui d’une assertion de la page 95. sur le grand aérolithe qui est tombé dans le lit de la rivière de Narni, mais que l’on n’a pas retrouvé jusqu’à présent, je vais rapporter le passage, extrait par Pertz, du Chronicon Be- nedicti monachi Sanli Andreæ, in Monte Soracte (Bibliothèque Chigi, à Rome); ce document remonte au x° siècle, et on y re- trouve bien le style barbare de cette époque: « Anno 9921, tem- poribus domini Johannis decimi papæ, in anno pontificatus il- lius 7, visa sunt signa. Nam juxta urbem Romam lapides plu- rimi de cœlo cadere visi sunt in civitate quæ vocatur Narnia, tan diri ae tetri ut nihil aliad credatur quam de infernalibus locis deducti essent. Nam ita ex illis lapidibus unus omnium maximus est, ut decidens in flumen Narnus. ad mensuram unius cubiti super aquas fluminis usque hodie videretur. Nam et ignitæ laculæ de cœio plurimæ omribus in hac civitate Romani populi visæ sunt, ita ut pene terra contingeret. Aliæ cadentes, etc. » (Pertz, Monum. Germ. hist. scriptores, t. I, p. 715). Sur l’aé- rolithe d’Ægos-Potamos, dont la chronique de Paros place la — 336 — chute dans la première année de la 78° olympiade (Bæckh. Corp. Inscr. græc., t. NH, p. 502, 320 et 340), Cf. Aristot., Me- teor., 1, 7 (Ideler, Comm. t. 1, p. 404-407); Stob., Ecl. phys. 1 25, p. 508, Heeren; Plut., Zys., €. 123 Diog. Laert., If, 40, (Voy. aussi plus bas les notes 69, 87, 88 et 89). D'après une tradition mongolienne, un rocher noir, de 48 mètres de hauteur, serait tombé du ciel dans une plaine voisine des sources du fleuve Jaune, dans la Chine occidentale. (Abel Rémusat, Jour. de Phys., 1819, mai, p. 264.) ‘ (63) [page 96]. Biot, Trailé d’Astronomie physique , 3° éd., 1841, t. 1, p. 149, 177, 238 et 512. Mon immortel ami Poisson a expliqué, d’une manière tout à fait neuve, l’ignition spontanée des pierres météoriques, à une hauteur où la densité de l’at- mosphère est presque nulle. « À une distance de la Terre où la densité de l’atmosphère est tout à fait insensible, il serait difficile d'attribuer, comme on le fait, l’incandescence des aé- rolithes à un frottement contre les molécules de l'air. Ne pour- rait-on pas supposer que le fluide électrique, à l’état neutre, forme une sorte d’atmosphère qui s'étend beaucoup au-delà de la masse d’air; qui est soumise à l'attraction de la Terre, quoi- que physiquement impondérable; et qui suit, en conséquence, notre globe dans ses mouvements? Dans cette hypothèse, les corps dont il s’agit, en entrant dans cette atmosphère impon- dérable, décomposeraient le fluide neutre par leur action iné- gale sur les deux électricités, et ce serait en s’electrisant qu'ils s'échaufferaient et deviendraient incandescents. (Poisson, Æeck. sur la probabilité des jugements, 1837. P. VI.) (64) [page 96]. Philos. Transact., vol. XXIX, p. 161-163. (65) [page 96]. La première édition de l'important écrit de Chladni: Sur l’origine des masses de fer trouvées par Pallas et par d'autres voyageurs, parut deux mois avant la pluie de pierres de Siène, et deux ans avant l’époque où Lichtemberg écrivait, dans un recueil de Gœættingue, « que des pierres, prove- nant des espaces célestes, pénètrent dans notre atmosphère. » Voy. aussi la lettre d'Olbers à Benzenberg, en date du 18 no- vembre 1857. dans l'ouvrage de ce dernier: Étoiles filantes . p. 186. — 9337 — (66) [page 97]. Encke, dans les 4nn. de Poggend., vol. XXXHII - (14854), p. 213; Arago, dans l'Annuaire pour 1836, p. 291. Deux lettres de moi à Benzenberg, du 49 mai et du 22 octobre 1837, sur la précession présumée des nœuds de l'orbite parcourue par le flux périodique des étoiles filantes (Benzenberg, Etoiles fil. p. 207 et 209. Allem.). Olbers lui-même a adopté plus tard cette idée d’un retard progressif dans l'apparition de novembre (Nous. asiron., 1838, n° 579, p. 480). Je vais exposer ici les eléments qui me paraissent devoir servir à fixer le mouvement des nœuds, et j'ajouterai deux observations arabes à l’époque découverte par Boguslawski pour le xiv° siècle: Au mois d'octobre 902, dans la nuit où mourut le calife Ibra- him-ben-Ahmed, il y eut une grande apparition d'étoiles filan- tes « semblable à une pluie de feu. » C’est pourquoi cette année fut nommée l’année des étoiles. (Conde, Æist. de la domin. de los Arabes, p. 546.) Le 19 octobre 1202, « les étoiles furent en mouvement pen- dant toute la nuit. Elles tombaient comme des sauterelles. » (Comptes rendus, 1837, t. I, p. 294 et Fræhn, dans le Zull. de l’acad de Saint-Pétersbourg, t. I, p. 528.) Le 21 oct., anc. st. 1366, « die sequente post festum XI millia Virginum, ab hora matutina usque ad oram primam, visæ sunt quasi stellæ de cœlo cadere continuo, et in tanta multitudine quod nemo narrare sufficit. » Cette notice remarquable, sur la- quelle je reviens encore plus loin, dans le texte, a été décou- verte par M. de Boguslawski fils, dans la Chronicon ecclesiæ Pragensis, p. 589. Cette chronique se trouve encore dans la deuxième partie des Scriptores rerum Bohemicarum, par Pel- zei et Dobrowsky, 1784. (Nous. astron. de Schumacher, décemi- bre 1839.) Du 9 au 10 nov. 1787, de nombreuses étoiles filantes furent observées par Hemmer, dans le midi de l'Allemagne, particu- lièrement à Manheim. (Kæmtz, Météorologie, partie I, p. 257.) Le 12 nov. 1799, après minuit, eut lieu la grande pluie d’é- toiles filantes que nous avons décrite, Bonpland et moi, et qui a été observée sur une grande partie de la terre. (Relat. hist., t. I. p. 49-597.) Du 12 au 13 nov. 1822, Klæden vit, à Potsdam, un grand nombre d'étoiles filantes entremèlées de bolides. (4nn. de Gil- bert. vol. LXXIE p. 219.) — 338 — Le 43 nov. 4831, vers quatre heures du matin, une grande pluie d'étoiles filantes à été vue par le capitaine Bérard, sur la côte d'Espagne, à la hauteur de Carthagène. (Annuaire de 1856, p. 297.) Dans la nuit du 42 au 43 nov. 1855, l'apparition mémorable si bien décrite par Denison Olmsted, dans l'Amérique du Nord. Dans la nuit du 43 au 44 novembre 1834, même phénomène, mais un peu moins marqué, dans l’Amérique du Nord. (4nnales de Poggend., vol. XXXIV, p. 129.) Le 15 nov. 4855, un bolide sporadique tombe près de Belley, département de l'Ain, et met le feu à une pile de bois. (4n- nuaire de 1856, p. 296.) En 1838, le flux d'étoiles filantes se manifesta le plus nette- ment du 13 au 44 nov. (Nouv. astron., 1858, n° 3792.) (67) [page 98]. On a trouvé, je le sais, que parmi soixante- deux étoiles filantes observées en Silésie (1825), sur l'invitation de Brandes, plusieurs se montrèrent à une hauteur de 54, de #5 et mème de 74 myriamètres (Brandes, ÆEntreliens sur l'astro- nomie el la physique. A'° livraison, p. 48); mais à cause de la petitesse de la parallaxe, Olbers tient pour douteuses toutes les déterminations de hauteur qui dépassent 22 myriamètres. (68) [page 98]. La vitesse planétaire, c'est-à-dire la vitesse de translation des planètes, dans leurs orbites, est, pour Mercure, de 4,9; pour Vénus de 5,6: pour la Terre, de 5,0 myriamètres par seconde. (69) [page 98]. Selon Ghladni, ce serait un physicien italien, Paolo Maria Terzago, qui aurait considéré le premier les aero- lithes comme des pierres lancées par la Lune. 11 a émis en effet cette idée, en 1660, à l’occasion de la mort d’un moine fran- ciscain tué, à Milan, par la chute d’un aérolithe. « Labant phi- losophorum mentes, » dit-il dans son écrit (Husœuim Seplalia- num, Manfredi Septalæ, patricit Mediolanensis industrioso La- bore constructum, Tortona, 1664, p. #4), < sub horum lapidum ponderibus; ni dicere velimus lunam terram alteram sive mun- dum esse, ex cujus montibus divisa frusta in inferiorem nostrum hunc orbem delabantur. + Olbers, qui ignorait ces hypothèses, avait été conduit, dès 1795, après la célèbre chute d’aérolithes de Siène (16 juin 4794), à calculer la vitesse dont il faudrait —1399 — qu’une masse lancée de la Lune füt animée pour arriver jusqu'à la Terre. Ge problème de balistique a occupé dix ou douze ans après les géomètres Laplace, Biot, Brandes et Poisson. L'opinion très-répandue à cette époque, et maintenant abandonée, qu'il existe des volcans très-actifs dans la Lune, conduisait le publie à confondre deux choses fort différentes, à savoir, la possibilite au point de vue mathématique, et la vraisemblance au point de vue physique. Olbers, Brandes et Chladni crurent trouver. « dans la vitesse relative de 3 à 6 myriamètres par seconde dont les bolides et les étoiles filantes sont animés, lorsqu'ils pénè- trent dans notre atmosphère, » un argument décisif contre l’o- rigine sélénitique de ces météores. Pour que les pierres Tancées de la Lune puissent atteindre la Terre, il faut, d'après Olbers, qu’elles aient possédé une vitesse initiale de 2,527 m. par se- conde (Laplace avait trouvé 2,396 m.; Biot, 2,524 m.; Poisson. 2,314 m.). Laplace considère cette vitesse initiale comme étant seulement 5 ou 6 fois plus grande que celle d’un boulet de ca- non, au sortir de la pièce; mais Olbers a montré « que si les pierres météoriques étaient lancées de la Lune avec une vitesse initiale de 2,500 m., à 2,600 m., elles ne parviendraient à la surface de la terre qu'avec une vitesse de 4,44 myriamètres par seconde. Or, comme la vitesse observée est en réalité de 5.79 myriamètres, terme moyen, la vitesse de projection initiale, à la surface de la Lune, devrait être d'environ 355,700 m., par con- séquent 15 fois plus grande que Laplace ne l’a supposé. » (OI- bers , dans l’Ænnuaire de Schum., 1857, p. 52-58, et dans le Nouveau Diclionnaire de Physique de Gehler, vol. VE, 3° part., p. 21-29-21-56, allem.) Toutefois, il faut convenir que si lhypo- thèse des volcans lunaires était encore admissible de nos jours, l'absence d'atmosphère donnerait à ces volcans un avantage marqué sur les volcans terrestres, par rapport à la force de projection: mais, à cet égard, nous manquons de données cer- taines même pour nos volcans, et tout porte à croire que leur force de projection a été singulièrement exagérée. Le docteur Peters, qui a observé et mesuré avec une scrupuleuse exacti- tude tous les phénomènes de l’Etna, a trouvé que la plus grande vitesse des pierres lancées par le cratère était seulement de 81 m. par seconde. D’autres observations faites au Pic de Ténériffe, en 1798. ont donné 975 m. Si Laplace, en parlant des pierres météoriques, à la fin de l’Expos. du syst. du Monde (éd. de 482%, — 340 — p. 399) dit, avec une sage réserve, que « selon toutes les vrai- semblances, elles viennent des profondeurs de l’espace céleste, »: on le voit cependant, dans d’autres passages (chap. VI, p. 233), revenir à l'hypothèse sélénitique avec une certaine prédilection (sans doute l'énorme vitesse planétaire des pierres météoriques ne lui était pas connue) et supposer que les pierres lancées par la Lune » deviennent des satellites de la Terre, décrivant au- tour d'elle une orbite plus ou moins allongée , de sorte qu'ils n'atteignent l'atmosphère de la Terre qu'après plusieurs et même un très-grand nombre de révolutions. » De même qu’un italien de Tortona eut un jour l’idée de faire venir les aérolithes de Ja Lune, de mème quelques physiciens grecs imaginèrent de les faire venir du Soleil. Diogène Laërce (IL, 9) rapporte cette opi- nion en parlant de la masse tombée près d’Ægos-Potamos (voy. la note 62). Pline, qui a tout enregistré, rappelle aussi cette idée singulière (IL, 58): « Celebrant Græci Anaxagoram Clazo- menium Olympiadis septuagesimæ octavæ secundo anno præ- dixisse cœlestium litterarum scientia, quibus diebus saxum ca- surum esse e Sole, idque factum interdiu Thraciæ parte ad Ægos flumen. — Quod si quis prædictum credat, simul fateatur ne- cesse est majoris miraculi divinitatem Anaxagoræ fuisse, solvi- que rerum naturæ intellectum, et confundi omnia, si aut ipse Sol lapis esse aut unquam lapidem in eo fuisse credatur; deci- dere tamen crebro non erit dubium. » On attribuait également à Anaxagore d’avoir prophétisé la chute d’une pierre de gran- deur moyenne, conservée au gymnase d’Abydos. Des aérolithes tombant en plein jour, lorsque la Lune n'était pas visible, ont probablement donné lieu à l’idée des pierres du Soleil. C'était aussi un des dogmes physiques d’Anaxagore, dogmes qui atti- rèrent sur lui les persécutions religieuses, que le Soleil était «“ une masse incandescente en fusion (#v9p0c demupos). » Dans le Phaëton d’Euripide, le Soleil est nommé, d’après les idées du philosophe de Clazomène, une « masse d’or », c’est-à-dire, une malière couleur de feu et brillant d’un viféclat. V. Walckenaer, Diatribe in Eurip. perd. dram. reliquias, 1767, p. 30. Diog. Laert., IE, 40. Nous trouvons donc quatre hypothèses différen- tes chez les physiciens grecs: les uns attribuent ces météo- res aux exhalaisons terrestres: les autres à des pierres arra- chées et enlevées par les ouragans. (Arist., Meteor., lib. 1, cap. IV, 2-5 et cap. VII, 9). Ces deux premières opinions assi- — 3h — onent une origine terrestre aux étoiles filantes et aux bolides; la troisième hy pothèse place cette origine dans le Soleil; la qua- trième, enfin, la place dans les espaces célestes et explique le phénomène par l'apparition d’astres qui seraient restés long- temps invisibles, à cause de leur éloignement. Sur cette der- nière opinion de Diogène d’Apollonie, opinion qui coïncide si complétement avec nos vues actuelles, voyez le texte, page 100 et la note (*). Je tiens de mon maître de langue persane , M. Andrea de Nerciat (savant orientaliste, actuellement à Smyrne), qu'en Syrie on attache beaucoup d'importance, d’après une an- cienne croyance populaire, aux pierres qui, tombent du ciel pen- dant le clair de lune. Les anciens se préoccupaient, au contraire, de la chute des aérolithes pendant les éclipses de June; voy. Plin., XXXVIE, 10, p. 164. Solinus;, €. 57, Salm., Exerc., p. 551, et les passages rassemblés par Ukert dans la Géo. des Grecs et des Romains, 2° part., I, p. 151, note, 14, all. Voy. sur l’hy- pothèse invraisemblable de F nainier qui atiribuait la formation des pierres météoriques à la condensation subite de vapeurs métalliques, dont les couches supérieures de l'atmosphère se- raient ordinairement chargées, comme sur la pénétration mu- tuelle et le mélange des gaz d'espèces différentes, ma ZRelat. hist., t. L, p. 525. (70) [page 99]. Bessel, dans la How. astr. de Led 1859, n° 580 et 581, p. 229 et 346. Le Mémoire est terminé par une comparaison des longitudes du Soleil avec les époques de l’ap- parilion du mois de novembre, à partir de 1799, date de la pre- mière observation faite à Cumana. (74) [page 99]. Le docteur Thomas Forster annonce (Thé po- cket Encyclop. of Natural phœænomena , 1827, p. 17) que l'on conserve dans le collége de Ghrist-Church, à Cambridge, un manuscrit intitulé: Ephemerides rerum naturalium . dont P au- teur paraît être un moine du siècle précédent. A côté de cha- que jour de l’année, ce manuscrit indique le phénomène cor- respondant, comme la première floraison de certaines plantes , l’arrivée des oiseaux, etc... Le 10 août y est désigné sous le nom de meteorodes. Cette indication, jointe à la tradition relative aux larmes de feu de Saint-Laurent, déterminèrent M. Forster à sui- vre assiduement l'apparition du mois d'août. Ki sgh Corresp. mathém., série I, t. EL 1837. p. 433.) 24 pe — (72) [page 100]. Humb., Rel. hist, &. L, p. 519-527. Ellicot, dans les Transact, of the American Soc., 4804, vol. VI, p. 29. Arago dit, au sujet de l'apparition de novembre: « Ainsi se con- firme de plus en plus l'existence d'une zone composée de mil- lions de petits corps, dont les orbites rencontrent le plan de l’écliptique, vers le point que la Terre va occuper tous les ans, du 41 au 15 novembre. C'est un nouveau monde planétaire qui commence à se révéler à nous. » (Annuaire de 1856, p. 296). (75) [page 100]. Cf. MusschenbroeK, Zntrod. ad Phil. Nat., t. Il, p. 1061. Howard, Climate of London, Vol. I, p. 23; ob- servations de l’année 1806, par conséquent antérieures de sept années aux premières observations de Brandes (Benzenberg, Étoiles filantes, p. 240-244, Allem.):les observations d’août, faites par Thomas Forster, dans Quételet, ouv. cit., p. 458-255; celles d’Adolphe Erman, de Boguslawski et de Kreil, dans l’4nnuaire de Schum., 1838, p. 317-550. Sur la position du point de diver- gence des météores dans la constellation de Persée, le 10 août1839, voy. les excellentes mesures de Bessel et d'Erman (Schum., Nour. astron., n° 385 et 386). Mais il paraît que le mouvement dans l’orbite n’a point été rétrograde le 10 août 1837. Voy. Arago, dans les Comptes rendus, 4857, t. Il, p. 185. (74) [page 100]. Le 95 avril 1093, « une infinité de person- nes virent tomber les'étoiles du ciel, Hasss serrées que la grêle » (ut grando, nisi lucerent, pro densitate putaretur ; Baldr., p. 88); on erut même, au concilé de Clermont, qu'un tel événement devait être le présage de grandes rév olutions dans la chrétienté:; Wilken, ist. des Cr visädes, voL' I, p. 78. Le 29 avril 4800, on vit une grande pluie d'étoiles filantes, dans la Virginie et au Massachussetts; c'était « comme, la combustion d’une fusée qui aurait duré deux heures. > Arago a signalé le premier la pé- riodicité de cette « traînée d’astéroïdes. » ({nnuaire de 1836, p. 297.) Les pluies d’aérolithes, au commencement de décembre. sont aussi fort remarquables. On peut trouver des indices de leur périodicité dans les anciennes, observations de Brandes (il compta deux mille étoiles filantes pendant la nuit du 6 au 7 dé- cembre 1798), et peut-être aussi dans l'énorme pluie d'aéroli- thes qui tomba an Brésil, le 11 décembre 1836, près du village de Macao, sur le Rio Assu (Brandes, Entretiens sur la phys., 1845, are livraison, p. 65, et Comptes rendus, t: V, p. 211). Gapocei a — 343 — découvert douze pluies d’aérolithes entre le 27 et le 29 nov. (de 1809 à 1859), et d’autres phénomènes du même genre, cor- respondants au 45 nov., au 40 août et au 47 juillet. (Comptes rendus, t. XI, p. 257.) Chose remarquable, aucun flux périodi- que d'étoiles filantes ou d’aérolithes ne s’est présenté, jusqu'à présent, dans les parties de l'orbite terrestre qui répondent aux mois de janvier, de février et peut-être de mars. Cependant, j'ai observé dans la mer du Sud, le 45 mars 1805, une grande quan- tité d'étoiles filantes, et on a vu à Quito une pluie de météores du même genre, peu de temps avant l’épouvantable tremble- ment de terre de Riobamba (4 février 1797). En résumé, les épo- ques suivantes paraissent devoir fixer l'attention des obser- vateurs : 22-95 avril; 17 juillet (17- -26 juillet?) (Quét., Corr., 1857, p. 455): 10 août; 12-14 novembre; 27-29 novembre; 6-12 décembre. La multiplicité de ces flux périodiques ne doit pas ètre un su- jet de difficulté sérieuse, et l'on peut renvoyer, à cet égard, aux comètes dont les espaces célestes sont remplis, sans que la dif- férence essentielle qui existe entre une comète isolée et un an- neau d’astéroïdes puisse rendre l’assimilation vicieuse. (78) [page 101]. Ferd. de Wrangel, 7'oyage sur les côtes sep- tentrionales de la Sibérie, de 4820 à A824; n° part., p. 259. — Sur le retour de la grande apparition du mois de novembre, par périodes de 34 ans, voy. Olbers , dans l'Annuaire de Schuma- cher, 4857, p. 280. -— J’ai entendu dire, à Cumana, qu'on avait vu, peu de temps avant le tremblement de'terre de 1766, un feu d'artifice céleste pareil à celui du 11 au 12 nov. 1799 ; l'in- tervalle serait de 35 ans. Toutefois, le tremblement de terre n'a pas eu lieu au commencement de novembre, mais bien le 21 oc- tobre 1766. Une certaine nuit, le volcan de Cayambe parut pendant une heure entière, come enveloppé d’une pluie d’é- toiles filantes, et les habitants de Quito, effrayés de cette appa- rition, firent des processions afin d’apaiser la colère du ciel; peut-être les voyageurs qui vont à Quito pourraient-ils nous ap- prendre la date précise de ce phénomène. (Rel. hist. t. L, chap. 1, p. 507; chap. x, p. B20 et B27.) — 44 — (76) [page 1402]. Extrait d’une lettre qui me fut adressée, en date du 24 janvier 4838. L’énorme essaim d'étoiles filantes du mois de nov. 4799 ne fut guère visible qu'en Amérique; mais il y fut observé depuis Neu-Herrnhut, dans le Groenland, jusqu’à l'équateur. L’essaim de 4851 et celui de 1832 ont été vus en Eu- Robe seulement; ceux de 1833 et de 1854 ne furent aperçus qu'aux États nié d'Amérique. (77) [page 105]. Lettre de M. Edouard Piot à M. Quételet, sur les anciennes apparilions d'éloiles filantes en Chine, dans les Bull. de l’Acad. de: Bruxelles, 1845, t. X, n° 7, p. 8. — Sur la notice extraite de la Chronicon Ecclesiæ Pragensis, voy. Bo- guslawski fils, dans les 4nnales de Poggend., vol. XLVIIL, p. 612. (78) [page 103]. « Il paraît qu’un nombre qui semble inépui- sable de corps trop petits pour être observés, se meuvent dans le ciel, soit autour du Soleil, soit autour des planètes, soit peut- être même autour des satellites. On suppose que, quand ces corps sont rencontrés par notre atmosphère, la différence entre leur vitesse et celle de notre planète est assez grande pour que le frottement qu'ils éprouvent contre l’air les échauffe au point de les rendre incandescents, et quelquefois de les faire éclater. Si le groupe des étoiles filantes forme un anneau continu autour du Soleil, sa vitesse de cireulation pourra être très différente de celle de Ia Terre ; ét ses déplacements dans le ciel, par suite des actions planétaires, pourront encore rendre possible ou im- possible, à différentes époques, le phénomène de la rencontre dans le plan de l'écliptique. # Poisson, Recherches Sur là pro- babilité des jugements, p. 306-507. (79) [page 404]: Humboldt, Essai politique sur la Wourelle- Espagne, 2° édit. t. HE, p. 310. s (80) [page 104]. Déjà Pline avait remarqué la couleur parti- eulière à la croûte des aérolithes: colore adusto (IT, 56 et 58); l'expression lateribus pluisse se rapporte également à l'aspect des aérolithes dont Ia surface indique l'action du feu. (81) [page 104]. Humboldf, el. hist.; t, IL. ch. xx, D. 299-509. (82) [page 105]. Gustave Rose, TT) dans l'Oural, vol. U, p. 2092. Allem. ‘ — 4 — (83) [page 105]. Mème ‘auteur, dans les Znnales de Pog- gend., 4825, vol. IV; p. 173-192 Rammelsberg, Prem. supp. au dict. de Chimie et de Minéral., 1845, p. 102. AI. « C’est un fait bien remarquable et trop longtemps laissé dans l'oubli, a dit Olbers, que jamais aëérolithe fossile n’ait été ren- contré parmi les coquilles fossiles des terrains secondaires et tertiaires. Fautl en conclure que, s’il tombe vraisemblablement, d’après Schreibers, sept cents aérolithes par an sur la Surface actuelle du globe, il n’en tombait jamais avant l'époque où cette surface a été formée? > (Olbers, {nnuaire de Schum., 1858, p. 329). Plusieurs masses de fer natif nickelifère, d’une nature problématique, ont été trouvées ; à 10 m. sous terre, dans le nord de l’Asie (lavages d’or de Petropawlowsk), et tout récem- ment encore dans les Carpathes occidentales (mines de Magura, près de Szlanicz). Cf. Erman, 4rch. des conn. scientif. en Rus- sie, vol. 1, p. 315; et Haidinger, Rapport sur Ne mines de Szla- nicz en Hongrie. (84) {page 108]. Berzelius, Rapp. ann., vol. XV, p. 217 et 951. Rammelsberg, Dict. 2 part., p. 25-28. Allem. (85) [page 106]. « Sir Isaac said, he took all the planets to be composed of the same matter with this earth, viz. earth, water and stones, but variously concocted. » Turner, Collections for the hist. of Grantham, cont. authentic Memoirs of sir Isaac Newton, p. 17% © : STI bo de) (86) [page 107]. Adolphe Erman, dans les 4nn. de Poggend.. 1839, vol. XLVIII, p. 382-604. Quelques années auparavant, Biot doutait que le courant d’as- téroïdes de novembre dut reparaitre vers le commencement de mai (Comptes rendus, 1836, t. Il, p. 670), Mædler a cherché, par quatre-vingt-six années & observations météorologiques fai- tes à Berlin, ce qu'il faut penser de la éroyance populaire aux trois fameux jours froids du mois de mai (Tras.de l’Union pour l'avancement de L'horticulture , 4854, p. 577), et il a trouvé qu'effectivement, le 414, le 12 et le 43 mai, la température ré- trograde de 4°,22, juste à l’époque de F année, où le mouvement ascensionnel devrait être le plus marqué. 1l serait à souhaiter que ce curieux phénomène, où l’on a vu l'effet de la fonte des glaces dans le N. 0. de l’Europe, püt être étudié simultanément — 346 — sur des points très-éloignés, en Amérique, par exemple, et dans l'hémisphère austral. Cf. le Bull. de l’Acad. imp. de Saint-Pé- tersbourg, 1845, t. I n° 4. (87) [page 407]. Plut., Zitæ par. in Lysandro, cap. 22. D'après la narration de Damachus (Daïmachos) on aurait vu, pendant soixante-dix jours consécutifs, une nuée enflammée lancer des étincelles semblables à des étoiles filantes, puis s’abaisser et fi- nir par lancer la pierre d’Ægos-Potamos, « laquelle ne formait qu'une portion insignifiante de la nue, » Cette narration n’est rien moins que vraisemblable, car il en résulterait que le bolide a dû se mouvoir, pendant soixante-dix jours, dans le même sens et avec la même vitesse que la terre, circonstance dont le bolide du 49 juillet 1686, décrit par Halley (Transact., vol. XXIX, p. 165), n’a offert la réalisation que pendant un petit nombre de minutes. Au reste, ce Daïmachos, l'écrivain 7sgt euas6siu, pourrait bien être le Daïmachos de Platée que Seleucus envoya dans les Indes au fils d’Androcottus, et que Strabon (p. 70, Ca- saub.) présente comme un « grand diseur de fables »; un autre passage de Plutarque, Compar. Solonis, C. Pop., cap. 4. le don- nerait presqu’à penser. Quoi qu’il en soit, il s’agit seulement ici de la narration très-tardive d’un auteur quiécrivait en Thrace, un siècle et demi après la chute du célèbre aérolithe, et dont Plutarque suspecte également la véracité. (88) [page 108]. Stob. ed. Heeren, I, 25, p. 08. Plut., De plac. Philos., Il, 15. (89) [page 108]. Le passage remarquable de Plutarque (De plac. Philos, 1,15) est ainsi concu: « Anaxagoras enseigne que l’éther ambiant est de nature ignée; par la force de son mou- vement gyratoire, il arrache des blocs de pierre, les rend incan- descents et les transforme en étoiles. « Il paraît que le philo- sophe de Clazomène expliquait aussi, par un effet analogue du mouvement général de rotation, la chute du lion de Némée, qu’une ancienne tradition faisait tomber de la Lune sur le Pé- loponnèse (Elien, XIE, 73 Plut., De! facie in orbe lunæ, €. 24; Schol. ex Cod. Paris. in Apoll. Argon., lib. L, p. 498, ed. Schæf., t. I, p. 40; Meineke, Annal. Alex., 1845, p. 88). Nous avions tout à l’heureldes pierres de la lune, voici maintenant un ani- mal tombé de la tune! D'après l’ingénieuse remarque de Bæckh, cet ancien mythe du lion lunaire de Némée aurait une origine astronomique et se trouverait en rapport symbolique, dans la chronologie, avec le cycle d’intercalation de l’année lunaire, avec le culte de la lune à Némée et les jeux dont il était ae- compagné. (90) [page 110]. Je transcris ici un mémorable passage de Ké- pler sur les radiations calorifiques des étoiles; c’est une de ces inspirations que l’on rencontre à chaque pas dans les écrits de ce grand génie: « Lucis proprium est calor: sydera omnia ca- lefaciunt. De syderum luce elaritatis ratio testatur, calorem uni- versorum in minori esse proportione ad calorem unius solis, quam ut ab homine, cujus est certa caloris mensura, uterque simul percipi et judicari possit. De cicindelarum lucula tenuis- sima negare non potes, quin cum calore sit. Vivunt enim et moventur, hoc autem non sine calefactione perficitur. Sed ne- que putrescentium lignorum lux suo calore destituitur ; nam ipsa putredo quidem lentus ignis est. Inest et stirpibus suus calor. » (Paralipomena in Vitell. Astron. pars optica, 1604, Prop. XXXII, p. 98). Cf. Képler, Epit. Astron. Copernican®, 1648. CT Dh. :L D..5b. (91) [page 112]. « There is another thing, wich 1 recommend to the observation of mathematical men: wich is, that in Fe- bruary, and for à little before, and a little after that month (as I have observed several vears together) about sex in the evening, when the Twilight hath almost deserted the horizon, you shall see a plainly discernable way of the Twilight stri- king up toward the Pleiades, and seeming almost to touch them. It is so observed any clear night, but it is best illa nocte. There is no such way to be observed at any other time of the year (that L can perceive), nor any other way at that time to be perceived darting up elsewhere. And I believe it hath been and will be constantly visible at that time of the year. But what the cause of it in nature should be, I cannot yet imagine, but leave it to further inquiry. » Childrey, Britannia Baconica, 1664, p. 485. Telle est la première et la plus simple description du phénomène. (Cassini, Découverte de la tuwmière céleste qui pa- rait dans le zodiaque, dans les Mém. de l’Acad., t. VI, 4730, p. 276. Mairan, Traité phys. de l'auroreboréale, 1784, p. 16). Le remarquable ouvrage de Ghildrey, dont nous venons d’ex- — 348 — traire ce passage, contient éncore (p. 91) des détails très-bien raisonnés sur les époques du maxima et du minima dans la dis- tribution annuelle de la chaleur et dans la marche diurne de la température, et quelques aperçus sur le retard qui se mani- feste pour la production de l'effet maximum ou minimum dans tous les phénomènes météorologiques. Par malheur, le chape- lain de lord Henry Somerset enseigne en même temps, dans sa Philosophie baconienne, que la terre est allongée vers les pô- les (c’est là l'idée de Bernardin de Saint-Pierre). À l'origine, dit-il, la terre était parfaitement sphérique; mais l'augmentation continuelle des couches de glace vers les deux pôles a modi- fié cette figure; et comme la glace est formée d’ eau, il en ré- sulte que partout la masse des eaux diminue. (92) [page 119]. Dominique Cassini (Aém. de l’Acad., t. VU, 1750, p. 188), et Mairan (Aurore boréale, p. 16), ont cru re- trouver la lumière zodiacale dans le phénomène qui a été vu en Perse, en 1668. Delambre (Hist. de l’Astron. moderne, t. II, p. 749) attribue la découverte de cette lumière au célèbre vo- vageur Chardin; mais Chardin lui-même présente ce nyazouk (nyzek, petite lance), dans le Couronnement de Soliman et dans d’autres endroits de la narration de son voyage (éd. de Lan- glès, t. IV, p. 526; t. X, p: 97), comme « la grande et fameuse comète qui parut presque par toute la terre, en 1668, et dont la tête était cachée dans l'occident, de sorte qu'on ne pouvait en rien apercevoir sur l'horizon d'Ispahan. » {4tlas du voy. de Chardin, tab. IV, après les observations faites à Schiraz). La tète de cette comète a été vue au Brésil et dans les Indes (Pin- gré, Cométographie, t. W, p. 22). Sur l'identité présumée de la dernière grande comète de 1843 avec celle que Gassini avait prise pour la lumière zodiacale, v. les Wow. astron. de Scham., 1845,n° 476, 1480. En persan, les mots nizehi, âteschin (dards ou lances de feu) s'appliquent aussi aux rayons du soleil à son lever ou à son coucher; de même nayazik est traduit, dans le lexique arabe de Freytag, par stellæ cadentes. Au reste, ces dé- nominations singulières appliquées aux comètes, par comparai- son avec les lances et les épées, se retrouvent dans toutes les langues, surtout pendant le moven-âge. I y à plus, la grande comète qui parut en 1B00, depuis le mois d'avril jusqu’au mois de juin, est toujours désignée par les écrivains italiens de cette — 349 — époque sous le nom de ë{ signor Astone (V. mon Examen cri- tique de l’histoire de la géographie, t. V, p. 80). On à souvent affirmé que Descartes (Cassini, p. 230; Mairan, p. 16) et même que Képler (Delambre, €. T, p. 604) avaient connu la lumière zodiacale; mais cette opinion me paraît inadmissible. Descartes (Principes, NI, art. 156, 137) explique d’une manière assez ob- scure la formation des queues des comètes: « Par des ravons obliques qui, tombant sur diverses parties des orbes planétai- res, viennent des parties latérales à notre œil par une réfrac- tion extraordinaire » ; il dit aussi que les comètes qui se voient dans le crépuscule du soir ou dans celui du matin peuvent nous paraître « comme une longue poutre », lorsque le soleil se trouve entre la comète et là terre. Ces passages ne se rap- portent pas plus à la lumière zodiacale que celui ou Képler parle d’une atmosphère solaire (limbus circa solem, coma lu- cida); elle empèche;dit-il, que l'obscurité soit complète pendant les éclipses totales de soleil. IL n’est pas exact de dire, avec Cassini (p. 251, art. XXXIJ), et avec Mairan (p. 15), que les mots « trabes quas doxoù vocant » (Plin., Il, 26 et 27) s'appliquent à la lumière zodiacale, qui monte sur l'horizon en forme de langue. Partout, chez les anciens, le mot trabes est appliqué aux bolides (ardores et faces) et à d’autres météores ignés, ou bien aux comètes à longues chevelures. (Sur les mots: Jos; doatas, Joxtrns, v. Schæfer, Schol. Par. ad Apoll. Rhod., 4815, t. IL, p. 206; Pseudo-Aristot., De Mundo, 2,9; Comment. Alex., Joh. Philop. et Olymp. in Aristot. Meteor, lb. 1, cap. VIE, 5, p. 495, Ideler; Seneca, Wat. Queæst., t. I. (93) [page 112]. Humboldt, Monuments des peuples indigènes de l'Amérique, t. I, pag. 301. Ce manuserit fort rare provient de la bibliothèque de Letellier, archevèque de Reims; il eon- tient de nombreux passages extraits d'un rituel aztèque, d’un calendrier astrologique et d’annales historiques qui s'étendent de 14197 à 4849. Ces annales rapportent à la fois les phénomè- nes naturels, la date des tremblements de terre, l'apparition des comètes, par exemple de celles de 4490 et de 1529, et plusieurs éclipses de soleil fort importantes pour la chronologie mexi- caine. Dans le manuscrit de Gamargo, Æistoria de Tlascala, la lumière qui montait de lhorizon occidental presque jusqu’au zénith est nommée « étincelante et comme parsemée d'étoiles — 350 — très-serrées. # Gette description d’un phénomène qui dura qua- rante jours ne peut s'appliquer en aucune manière aux érup- tions du Popocatepetl, volcan situé à fort peu de distance dans le sud-est. (Prescott, Æist. of the Conquest of Mexico, vol. F, p. 284). Des commentateurs plus récents ont confondu cette ap- parition, dans laquelle Montézuma voyait le présage de quelque grand malheur, avec la « estrella que humeava » (proprement : qui scintillait; en mexicain choloa, sautiller et scintiller). Quant à la connexité de cette vapeur avec l'étoile Citlal Choloha (Vé- nus), et avec le Mont de l'Étoile (Citlaltepetl, ou le volcan d’Orizaba), voy. mon ouvrage sur les Monuments, 1. IL, p: 303. (94) [page 113]. Laplace, Exp. du syst. du Monde, pag. 270; Mécanique céleste, t. WE, p. 169 et 171. Schubert, 4stron., vol. HE, ? 206. (95) [page 115]. Arago, Annuaire de 1849, p. 408. Cf. les con- sidérations développées, par sir John Herschel, sur la faiblesse du volume et de l'éclat des nébuleuses planétaires, dans l’ou- vrage de Mary Sommerville, Connexion of the Phys. sciences, 1835, p. 108. L'idée que le soleil est une étoile ncbuleuse, dont Le atmosphère donnerait lieu au phénomène de la lumière zodia- cale, n’a pas été émise par Dominique Cassini, mais bien par Mairan, en 147531 (Traité de l'aurore bor., p. #7 et 263. Arago, dans l'Annuaire de 1842, p. 412). Cette idée n'est qu'une re- production des vues de Képler. (96) [page 1143]. Afin d'expliquer la forme de la lumière zo- diacale, Dominique Cassini avait eu recours, comme le firent plus tard Laplace, Schubert et Poisson, à l'hypothèse d’un an- neau isolé. Il dit en effet: « Si les orbites de Mercure et de Vé- nus étaient visibles (matériellement, dans toute l'étendue de leur surface), nous les verrions habituellement de la même ft gure et dans la même disposition à l'égard du soleil, et aux mêmes temps de l’année que la lumière zodiacale. + (Mém. de l’Acad., t. VII, 4750, p. 248, et Biot, dans les Comptes rendus, 1856, t. IL, p. 666). Cassini pensait que l’anneau nébuleux de la lumière zodiacale était formé d’un nombre infini de très-pe- tits corps planétaires, tournant autour du soleil ; il n’était même pas fort éloigné de croire que la chute des bolides se rattachait au passage de la Terre à travers cet anneau nébuleux. Olmsted — 351 — et surtout Biot (ouv. cité, p. 673) ont cherché à y rattacher aussi la pluie d'étoiles filantes du mois de novembre, mais Olbers à élevé des doutes à ce sujet (4nnuaire de Schum., 14837, p.281). Houzeau, dans les Nouv. astron. de Schum., 4843, n° 499, p.490, examine si le plan de la lumière zodiacale coïncide parfaitement avec le plan de l'équateur solaire. (97) [page 115]. 4stron. de sir John Herschel, 487. (98) [page 114]. Arago. dans l’4nnuaire de 4849, p.246. Plu- sieurs faits semblent indiquer que lorsqu'une masse est réduite mécaniquement à l’état de division extrème, la tension éléctri- que peut croître assez pour développer de la lumière et de la chaleur. Les tentatives que l’on à faites avec les plus grands miroirs coneaves n’ont fourni, jusqu'à présent, aucune preuve décisive de l'existence de la chaleur rayonnante dans la lumière zodiacale. (Lettre de M. Matthiessen à M. Arago dans les Com- ptes rendus, t. XVI, 14843 avril, p. 687.) (99) [page 118]. «< Ce que vous me dites sur les variations de la lumière zodiacale entre les tropiques, et sur les causes de ces variations, excite d'autant plus vivement mon intérêt que j'ac- corde moi-même depuis longtemps une attention toute particu- lière à ce phénomène , chaque fois qu’il se présente, au prin- temps, dans notre zone septentrionale. J’ai toujours pensé comme vous que la lumière zodiacale devait être animée d’un mouve- ment de rotation; mais, contrairement à l'opinion de Poisson dont vous me faites part, j'admets que cette lumière s'étend jus- qu’au Soleil, en croissant rapidement en intensité, et que sa par- tie la plus brillante forme la couronne lumineuse dont le Soleil parait être entouré pendant les éclipses totales. D'une année à l’autre, j'ai remarqué des variations considérables dans cette lumière : souvent elle est, plusieurs années de suite, très-bril- lante et très-étendue; souvent aussi elleest à peine perceptible pendant d’autres années. Je crois avoir trouvé la première in- dication de la lumière zodiacale dans une lettre de Rothmann à Tycho, où Rothmann dit avoir observé que le crépuscule du soir finissait, pendant le printemps, lorsque le Soleil était de- scendu à 24° au-dessous de l'horizon. Rothmann a certainement pris la disparition successive de la lumière zodiacale dans les vapeurs du couchant pour la fin réelle du phénomène crépus- — 352 — culaire, Je n'ai jamais vu de mouvement d’effervescence, sans doute à cause de la faiblesse de la lumière zodiacale dans nos contrées; mais assurément, vous avez raison d'attribuer, aux changements quisurviennent dans notre atmosphère;surtout dans les régions élevées les variations rapides d'éclat que les objets cé- lestes vous ont présentées sousles tropiques. L'effet dontvous par- lez se manifeste de la manière la plus frappante dans les queues des comètes. On voit souvent, surtout quand le ciel est très-pur, des pulsations partir de la tète comme du point le plus bas et par- courir la queue entière en une ou deux secondes, de telle sorte que la queue parait s’allonger rapidément de plusieurs degrés et se raccourcir aussitôt après de la mème manière. Ces ondu- lations, dont autrefois Robert Hooke et récemment encore Schræ- ter et Chladni se sont occupés, ne se produisent pas dans le corps même de la comète: elles résultent de simples accidents atmosphériques. Cela devient évident si l’on songe que les di- verses parties d’une comètelonguede plusieurs millions de lieues se trouvent nécessairement situées à des distances très-inégales de la Terre, et que leur lumière emploie, pour venir jusqu'à nous, des intervalles de temps qui peuvent différer de plusieurs minutes. Quant à ces variations de la lumière zodiacale que vous avez vues, sur les bords de l'Orénoque, se prolonger pendant des minutes entières, je ne saurais décider s’il faut les attribuer à des coruscations réelles, ou bien à un jeu de l'atmosphère. Il m'est également impossible d'expliquer la clarté singulière de certaines nuits, ainsi que l'étendue et l'éclat anormal des cré- puscules de 4851, erépuseules dont la partie la plus brillante ne correspondait pas, selon quelques: observateurs, au lieu que le Soleil devait occuper au-dessous de l'horizon. » (Extrait d’une lettre que le docteur Olbers n’a écrite de Brême le 26 mars 4833.) (100) [page 115]. Biot, Traité d’Astron. physique, 5° éd., 1841, i. 1, p. 474, 258 et 312. | (1) [page 116]. Bessel, dans l'Annuaire de Schum:, pour 1839, p. 51; cette vitesse va peut-être à 742000 myriamètres par jour; la vitesse relative est au moins de 618000 myriamètres: c'est plus du double de la vitesse avec laquelle la Terre accomplit ses révolutions autour du Soleil. — 393 — (2) [page 117]. Sur le mouvement du système solaire d’après Bradley, Tobie Mayer, Lambert, Lalande et W. Herschell, voy. Arago dans l'Annuaire de 1842, p. 588-399; Argelander, dans les Nous. astr. de Schum., n° 565, 364, 398, et sur Persée, con- sidéré comme corps central aûtour duquel tournerait tout J’a- mas stellaire, dans le Memoire sur le mouvement propre du système solaire, 1837, p. 433 voy. aussi Othon Struve, dans le Bull. de L' Acad. de Saint-Pétersbourg, 18492, t. X, n° 9, p. 157-159. Un nouveau calcul de ce dernier donne, pour la direction du mouvement solaire, 2610 923 AR; + 37° 36 Décl,; et en réu- nissant ce résultat à celui d’Argelander, on FER par une combinaison définitive de 797 étoiles, 289° 9° AR: + 34° 56 Décl. (3) TA 118]. Aristot, De AR NL, 2, p.201; ; Bekker, Phys., VIIL 5, p. 256. (4) [page 418]. Savary, dans la Connaissance des temps, pour 1850, p. 86 et 163; Encke, Ephém. de Berlin, 1832, p. 255 et suiv.; Arago, dans l'Annuaire de 1854, p. 260-295; John Hers- chel, dans les Hem. of the Astron, Soc., vol. V, p. 174. (B) [page 119]. Bessel, Recherches sur la partie des pertur- bations planétaires qui résulte du mouvement de translation du Soleil, dans les Mém. de l’Acad. des Sciences de Berlin, 1824 (Classe des Mathém.), p. 2-6. La question avait été soulevée par Jean Tobie Mayer, dans les Comment. Soc. Reg. saitings los 1808, vol. XVL p. 51- 68. (6) [page 119]. Philos. Transact. RR 1803, p. 223; Arago, Annuaire de 4849, p. 375. Si l’on veut se fieurer d’une manière simple la. distance des étoiles, telle que je Tai rapportée quel- ques lignes plus haut, dans le texte, il suffit de placer deux points séparés par une distance d’un pied, pour représenter le Soleil et la Terre; alors Uranus sera situé à 19 pieds du premier point, et Wéga de la Lyre à 64 lieues (de 4000 m.). (7) [page 119]. Bessel, dans l’ Annuaire de Schumacher, 1839, p. 53. (8) [page 120]. Mædler, 4stron., p.476: le . dans l4u- nuaire de Schum., 1839, p. 95. — 354 — (9) [page 121]. Sir W. Herschel, dans les Philos. trans. for 1847, P. IL p. 598. (10) [page 121]. Arago, dans l'Annuaire de 4849, p. 489. (14) [page 1922]. Sir John Herséhel, dans une lettre écrite du Cap de Bonne-Espérance, le 43 janvier 1836; Nicholl, 4rchit. of the Heavens , 1838, p. 22. Voy. aussi plusieurs indications éparses de sir William Herschel, sur l’espace vide d'étoiles qui nous sépare de la voie lactée dans les Philos. Transact. for 1817, P. IL p. 328. (12) [page 4922]. #stron. de sir John Herschel, ? 624. Le mème, dans les Observations of Nebulæ and Clusters of Stars (Tran- sact., 1835 , P. Il, p. 479, fig. 925): « We have here, a brother system bearing a real physical resemblance and strong analogy of structure of our own. » (15) [page 195]. Sir William Herschel, dans les Transact. for 4785, P.1, 257. Sir John Herschel, 4stron., ÿ 616. («The ne- bulous region of the heavens forms a nebulous milky way, com- posed of distinct nebulæ as the other of stars. >» Le même, dans une lettre adressée à moi, en mars 1829.) (44) [page 4925]. John Herschel, AStron., 585. (18) [page 195]. Arago, Annuaire de 1819, p. 282-985, 409-411 et 439-449, (16) [page 193]. Olbers, sur la transparence des espaces cé- lestes, dans les Ephém. de Bode, 1826, p. 110-121. (47) [page 124]. « An opening in the heavens », William Herschel, dans les Transact. for 1785, vol. LXXV, P.I, p. 256. Le français Lalande, dans la Connaiss. des temps pour lan VIII, p. 583. Arago dans l'Annuaire de 4849, p. 495. (18) [page 194]. Aristot., Meteor., Il, B, 1; Sénèque, Wat. Quest. 1, 44, 2. « Cœlum discessisse, »’dans Cic., De Divin., l, 43. { (19) [page 124]. Arago, Annuaire de 1849, p. 499. (20) [page 1495]. En décembre 1837, sir John Herschel vit l'é. toile n d’Argo, qui avait toujours été jusqu'alors de seconde — 355 — grandeur, croitre rapidement en éclat et devenir de première grandeur. En janvier 1838, son éclat égalait déjà celui de « du Centaure. D'après les nouvelles les plus récentes , Maclear l’a trouvée, en mars 1843, aussi brillante que Canopus; et mème z de la Croix du Sud paraissait tout à fait terne à côté de x d’Argo. (21) [page 195]. « Henceit follows that the rays oflight of the remotest nebulæ must have been almost two millions of years on their way, and that consequently, so many of years ago, this object must already have had an existence in the sidereal heaven, in order: to send out those rays by wich we now per: ceive it.» William Herschel, dansles Transact. for 1802, p.498. John Herschel, 4stron., ) 590. Arago, Annuaire de 1842, p.354, 359 et 582-585. . (22) [page 126]. Ge vers ést tiré d’un beau sonnet de mon frère, Guillaume de Humboldt, OEuwsres complètes , «vol. IV, p. 558, n° 95. Allem. (25) [page 126]. Otfried Müller, Prolegomena, Ÿ 575. (24) [page 129]. Quand il s’agit de la plus grande profondeur à laquelle les travaux des hommes aient pu atteindre, il faut distinguer entre la profondeur absolue, comptée à partir de la surface même du sol, et la profondeur relative, comptée seule- ment à partir du niveau de la mer. La plus grande profondeur relative qui ait jamais été atteinte est peut-être celle da puits artésien de Neu-Salzwerk, près de Minden, en Prusse; elle était. en juin 1844, de 607, 4 m.; la profondeur absolue était de 680 m. La chaleur de l’eau, au fond du puits, montait alors à 52°,7;en admettant 9°, 6 pour la température moyenne de l'atmosphère, on aurait un accroissement de 4° pour 29, 6 m. Le puits de Grenelle, à Paris, a 547 m. de profondeur absolue. Au dire du missionnaire Imbert, la profondeur de nos puits ar- tésiens est bien dépassée par celle des fontaines de feu (Ho- tsing), en Chine; on perce ces puits afin de se procurer le gaz hydrogène que l'on brüle, dans les salines, pour faire évaporer l'eau. Dans la province chinoise de Szou-Tchouan, les fontaines de. feu ont ordinairement de 600 à 650 m. de profondeur; à Tseou-Lieou-Tsing (lieu de l'écoulement perpétuel}, on a foré à la corde, en 14812, un Ho-tsing de 975 m. (Humboldt, 4sie cex- — 356 — trale, t. I, p.821 et525; Ænnales de l'association pour la Pro- pagation de la Foi, 4829, n° 46, p. 369): La profondeur relative atteinte à Monte-Maässi, en Toscane, au sud de Volterra, n’est que de 582 m., d'après Matteucci. Il est probable que la houil- lère d’Apendale, à Newcastle-sur-Tyne (Staffordshire), vient, en fait de profondeur relative, immédiatement après le puits ar- tésien de Neu-Salzwerk. Dans cette mine, les trayaux d’exploi- tation s’exécutent à 725 yards (688 m.) au-dessous de la sur- face e (Thomas Smith, Miner's Guide, 1856, p. 160); malheureu- sement, je ne connais pas la hauteur exacte du sol au-dessus du niveau de la mer. La profondeur de là mine de Monk-Wear- mouth, à Newcastle, est de 436 m. seulement (Phillips, dans le Philos. Magaz., vol. V., 1854, p. 446); celle du charbonnage l'Espérance, à Seraing, 413 m., d’après I. de Dechen; celle de l’ancien charbonnage Marihaye, près dé Val-Saint-Lambert, dans la vallée de la Meuse, 376 m., d’après M. l'ingénieur des mines Gernaert. Les fouilles les plus profondes (en mesurant maintenant à partir du sol), ont été entreprisés, pour là plu- part, sur des plateaux ou dans des vallées tellement hautes que le niveau de la mer n’a été dépassé que de bien peu, ou même u'a jamais été atteint. Un puits de mine, actuellement aban- donné, à Kuttenberg, en Bohème, était arrivé à l’énorme pro- fondeur absolue de 4151 m.(F. A. Schmidt, Zois relatives aux mines dans la Mon. autrich., 4°° div., vol. £, p. xxx. Allem.) A Saint-Daniel et à Geist, sur la Rœrerbühel (district de Kitzbühl), les travaux étaient parvenus, dans le xve siècle, à 947 m. On conserve encore les plans des travaux exécutés sur la Rœrer- bühel, en 1539. (Joseph de Sperges, Histoire des mines du Ty- rol, p. 421. Allem.) Cf. aussi Humboldt, Conseils sur l’achève- ment de la galerie de Meissner, dans les mines de Freiberg, im- primé dans Herder, Sur la galerie d'écoulement actuellement en voie d'exécution, 4838, p.-oxxiv, allem.) La profondeur extraor- dinaire de ces travaux parait avoir été très-anciennement con- nue en Angleterre, car Gilbert, De Magnete, assure que l’homme a pu pénétrer, dans l'écorce terrestre, à 780 et mème à 975 m. de profondeur: (« Exigua videtur terræ portio quæ unquam hominibus spectanda emerget aut eruitur: cum profundius in ejus_ viscera, ultra efflorescentis extremitatis corruptelam, aut propter aquas in magnis fodinis fanquam per venas scaturien- tes, aut propter aeris salubrioris ad vitam operariorum susti- — 357 — nendam necessarii defectum, aut propter ingentes sumptus ad tantos labores exantlandos, multasque difficultates, ad profun- diores terræ partes penetrare non possumus; adeo ut quadrin- gentas aut [quod rarissime] quingentas orgyas in quibusdami metallis descendisse, stupendus omnibus videatur conatus. »: Guillielmi Gilberti, Colcestrensis, De Magnete Physiclogia nova. Lond., 1600, p. 40.) Les profondeurs absolues des mines de Frei- berg, en Saxe, sont de 592 et 557 m.; les profondeurs rela- tives ne dépassent pas 205 et 8k m.; en supposant que, pour trouver la hauteur du sol au-dessus de la mer, on prenne, avec Reich, 587 m. pour celle de Freiberg. La profondeur absolue des mines de Joachimsthal en Bohème, non moins célèbre pour sa richesse que celles de Freiberg, est de 646 m., sans que les travaux soient parvenus pour cela au niveau de la mer, puis- que les mesures de H. de Dechen donnent environ 751 m. pour hauteur de la surface au-dessus de ce niveau. Dans le Hartz, le puits Samson, à Andreasberg, a 670 m. de profon- deur absolue. Je ne connais pas, dans la ci-devant Amérique es- pagnole, de mines plus profondes que celles de Valenciana, à Guanaxuato (Mexique), où j'ai mesuré la profondeur absolue des planes de San-Bernardo; ces planes avaient 514 m.; par conséquent il leur manquait encore 1816 mètres pour attein- dre le niveau de la mer. La profondeur des anciens travaux de Kuttenberg surpasse la hauteur du mont Brocken, et n’est in- férieure à la hauteur du Vésuve que de 65 m. Si on la com- pare à la hauteur des plus grands édifices construits par la main des hommes (la pyramide de Chéops et la flèche de la cathédrale de Strasbourg), on trouve le rapport de 8 à 4. Nos livres géologiques contiennent tant de données numériques d'une inexactitude manifeste; ces données ont été si souvent altérées par de fausses réductions qu'il m'a semblé utile de présenter ici tous les documents certains que j'ai pu recueil- lir sur les profondeurs absolues et relatives des mines et des puits artésiens. — Lorsqu'on descend de Jérusalem vers la Mer Morte, en se dirigeant à l’est, on jouit d’un spectacle unique dans le monde; je dis unique pour l’état actuel de nos con- naissances sur l’hypsométrie de la surface terrestre: à mesure que l’on s'approche de la faille qui sert de lit au Jourdain, on marche à ciel ouvert sur des couches de roches dont la profon- deur au-dessous du niveau de la Méditerranée est de 492 m.. 25 — 358 — d'après le nivellement barométrique de Bertou et de Russeggér. (Humboldt, 4sie centrale, tom. Il, p. 325.) (25) [page 129]. A défaut des travaux des mineurs, les couches qui se recourbent en forme de voûtes renversées, et que l’on voit plonger et reparaitre plus loin, à une distance déterminée, peuvent donner des indications précieuses sur la constitution des parties très profondes de la croûte terrestre ; les données de cette nature ont un grand intérêt pour la géognosie. Je dois les remarques suivantes à un excellent géologue, M. de Dechen : « La profondeur de la dépression formée par les couches car- bonifères de Lüttich, au mont Saint-Gilles, d’après les mesures que j'ai faites, de concert avec notre ami M. de OEynhausen, est d'environ 1186 m. au-dessous de la surface; comme le mont Saint-Gilles n’a certainement pas plus de 430 m. de hauteur ab- solue, le fond du sinus est à 1056 m. au-dessous du niveau de la mer. Le sinus des lits de charbon de terre, à Mons, est en- core de 568 m. plus profond. Mais ces profondeurs sont bien faibles en comparaison de celle qu’on peut déduire du gisement des lits de charbon de terre de Saar-Revier (Saarbrücken). J'ai trouvé, par différents essais, que la couche de charbon située aux environs de Duttweiler, près de Saarlouis, descend à 6710 m. au-dessous du niveau de la mer. > Ce résultat dépasse de 2600 m. la profondeur que j'ai attribuée, dans le texte, à un sinus formé par le plissement des strates devoniennes. Les lits de charbon de terre dont parle M. de Dechen s’enfoncent ainsi au-dessous du niveau de la mer, autant que le Chimborazo s'élève au-des- sus du même niveau. A celte profondeur, la chaleur terrestre doit être de 224%°. Des plus hautes cimes de l'Himalaya jusqu'à ces couches où la végétation du monde primitif est enfouie, la distance comptée verticalement est de 14600 m. ou de ‘fa53 du rayon de la terre. (26) [page 155]. Platon, Phædo, p. 97 (Aristot., Metaph., p. 985). Cf. Hegel, Philos. de l’hist., 1810, p. 16. Allem. (27) [page 134]. Bessel, Considérations générales sur les tra- vaux d'astronomie géodésique, à la fin de l'ouvrage de Bessel et Bævyer, Mesure d'un arc du méridien dans la Prusse orientale, p. 427. Quant au passage relatif à la Lune, voy. Laplace, Exp. du syst. du Monde, p. 508.) — 359 — (28) [page 154]. Plin., Il, 68. Sénèque, Wat. Quæst. Præf.. e. Il. Et mundo es poco (la terre est bien petite), disait Chris- tophe Colomb, dans une lettre qu'il écrivait de la Jamaïque à la reine Isabelle, le 7 juillet 1303, afin de lui faire comprendre que le chemin d'Espagne ne pouvait être long quand on cher- chait « l'Orient en partant de l'Occident. » Cf. mon Examen erit. de l'hist. de la Géogr, au XF" siècle, t. I, p. 85; et t. IX, p. 527. Delisle, Fréret: et Gosselin ont soutenu que les contra- dictions des Grecs sur les dimensions de notre globe étaient purement apparentes et pouvaient être levées en tenant compte de la différence des stades pris pour unités de mesure; j'ai montré, dans les deux passages cités plus haut, que cette opi- nion avait déjà été emise, en 1495, par Jaime Ferrer, dans une proposition faite par lui pour fixer la ligne de démareation papale. (29) [page 154]. Brewster, Life of sir Isaac Newton, 1851, p. 462: « The discovery of the spheroïdal form of Jupiter by Cassini had probably directed the attention of Newton to the determination of its cause, and consequently to the true figure of the earth. » La première publication de Cassini sur l’apla- tissement de Jupiter (il l'avait fixé à ‘f15), date de 1691 (4n- ciens Mémoires de l’Acad. des sciences, t. 11, p. 108). Mais La- lande nous apprend (4stron., 5° éd., t. TL, p. 555) que Maraldi possédait, en quelques feuillets imprimés d’un ouvragre latin de Cassini « sur les taches des planètes », la preuve que Cas- sini connaissait l’aplatissement de Jupiter avant 1666, c’est-à- dire vingt-un ans avant l'apparition des Principia de Newton. (50) [page 155]. D’après les recherches faites par Bessel sur dix mesures de degré, recherches où il à été tenu compte de la faute que Puissant à découverte dans le calcul de la me- sure de degré française (Schumacher, Nouvelles astronomiques. 4841, n° 458, p. 416. Allem.), le demi-grand axe de l’ellipsoïde de révolution qui se rapproche le plus de la figure irrégulière du sphéroïde terrestre est de 3272077114 (63577598",1); le demi petit axe est de 5261459153 (655607%,9); l’aplatisse- ment est de ‘f299,13. La longueur du degré moyen d’un mé- ridien est de 5701451409 (111120%,64), avec une erreur de + 218403 (5,536): ainsi: un mille géographique vaut 3807t,25 (7490m,45). Les résultats obtenus antérieurement par d’autres — 360 — auteurs en combinant les mêmes mesures de degré, osciliaient entre ‘fs02 et ‘f2o7, pour l’aplatissement. Ainsi, Walbeck, Ze formé et magnitudine Telluris in demensis arcubus meridiant definiendis, 1819, a trouvé ‘f502, 756; Ed. Schmidt, en 1899, a déduit ‘f297,18: de sept mesures de degré (Cours de mathém. et de géogr. phys., p. V); sur l'influence que de grandes diffé- rences en longitude exercent sur l’aplatissement polaire, v. la Bibliothèque universelle, t. XXXIIE, p. 181, et t. XXXV, p. 56: v. aussi la Connaissance des temps, 1829, p. 290. —- Laplace déduisit des seules inégalités lunaires la valeur de l’aplatisse- ment, qu'il fixa à ‘f504, 5, d'après les anciennes tables de Bürg : et plus tard, à ‘f299, 1, d’après les observations de Ia Lune dis- cutées par Burckhardt et Bouvard (Mécanique céleste, t. V, p.13 et 1K3). (51) [page 155]. Voici les valeurs de l’aplatissement qu'on à déduites des oscillations du pendule: résultat général de la grande expédition de Sabine (1822 et 1893, dépuis l'équateur, jusqu’à 80° de latitude nord), ‘fess, 7; d’après Freycinet, en ex- eluant les séries de l'Ile-de-France, de Guam et de Mowi (Maoui) , ‘f286, 2; d’après Forster, ‘f289, 5; d’après Duperrey, ‘fe6c, 4: d’après Lütche (Partie nautique, 1856, p. 252), ‘f269, par onze stations. Les observations qui furent faites entre Formentera et Dunkerque ( Connaiss. des temps., 1816, p. 350) ont donné ‘f29e, », d’après Mathieu; entre Formentera et l’île d'Unst ‘f504, d’après Biot. C£. Baily, Report on Pendulum experiments, dans les Memoirs of the royal Astron. Society, vol. VIE, p. 96 ; Bore- nius, dans le Bulletin de l’Acad. de Saint-Pétersbourg, 1845, t. [, p. 25. — Le premier qui ait proposé d'employer la lon- gueur du pendule à secondes comme base d’un système de me- sure, et de prendre le tiers de cette longueur (supposée con- stante sur toute la terre) pour pes horarius, pour unité de me- sure dont tous les peuples pourraient, en tout temps, retrouver la valeur, c’est Huyghens, dans son ÆZorologium oscillatorium, 4675, prop. 25. Ce vœu se trouve reproduit sur un monument qui fut érigé solennellement sous léquateur, par Bouguer, La Condamine et Godin. On lit sur la belle table de marbre, que j'ai retrouvée intacte dans l’ancien Collége des jésuites, à Quito: Penduli simplicis æquinoxialis unius minuti seeundi archetypus, mensuræ naturalis exemplar, utinam universalis! D’après ce — 364. — que dit La Condamine dans son Journal de Voyage à V’E- quateur, 1751, p. 155. sur certaines lacunes de l'inscription et sur ses différends avec Bouguer au sujet de quelques nom- bres, je m'attendais à trouver de notables discordances entre la table de marbre et l'inscription publiée à Paris. Toutes com- paraisons faites, je ne pus découvrir que deux différences peu importantes: ex arcu graduum 5 ‘f?, au lieu de ex arcu gra- duum plus quam trium, et au lieu de 4742, la date 1745. Cette dernière date est singulière, car La Condamine et Bouguer re- vinrent en Europe en 1744, l’un au mois de novembre, l'autre au mois de juin; Godin lui-mème avait déjà quitté l'Amérique en juillet 4844. La correction la plus importante et la plus utile qu'on eût pu faire aux nombres cités dans l'inscription eût été celle de la longitude astronomique de la ville de Quito (Humboldt, Recueil d’obsere. astron., t. IL, p. 519-354). Les la- titudes gravées par Nouet sur les monuments égyptiens nous donnent un nouvel exemple du danger qu'il y a d'accorder trop légèrement une sorte de perpétuité solennelle à des résultats faux ou mal calculés. (32) [page 156]. Sur l'accroissement de la pesanteur que l’on a remarqué dans les iles volcaniques (Sainte-Hélène, Oualan, Fernando-de-Noronha, Ile-de-France, Guaham, Mowi et iles Ga- lapagos), sauf l'île de Rawak, qui fait exception à cette règle, peut-être à cause du voisinage des hautes terres de la Nouvelle- Guinée (Lütke, p. 240), v. Mathieu, dans l’Aist. de l’Astron. au XP 1ILI* siècle, par Delambre, p. 701.) (35) [page 136]. De nombreuses observations ont prouvé qu'il existe, au milieu des continents eux-mêmes, des attractions lo- cales qui se trahissent par de grandes irrégularités dans la lon- gueur du pendule (Delambre, Mesure de la méridienne , t. WI, p. 548; Biot; dans les Hém. de l’Acad. des sciences, t. VIN, 1829, p. 18 et 93). Lorsqu'on traverse, de l’ouest à l'est, le midi de la France et la Lombardie, on trouve à Bordeaux la plus faible intensité de la pesanteur; puis l'intensité croit ra- pidement à Figeac, à Clermont-Ferrand et à Milan, jusqu à Pa- doue, où elle atteint son maximum. L'influence du versant mé- ridional des Alpes sur ces variations ne doit pas être attribuée uniquement à la grande masse de cette chaine; elle appartient surtout aux roches de mélaphyre et de serpentine qui en ont — 362 — opéré le soulèvement: cette opinion à été émise par Elie de 3eaumont, dans ses Æech. sur les Révol. de la surface du globe, 1850, p. 729. On peut en dire autant des versants de l’Ararat, qui se trouve, avec le Caucase, à peu près au centre de gra- vité de l’Ancien-Continent (Europe, Asie, Afrique); les remar- quables observations du pendule que Fedorow a faites sur ce point, bien loin d'établir l'existence de cavités souterraines , autorisent, au contraire, à conclure à celle de masses volcani- ques d’une grande densité (Parrot, Foyage au mont Ararat , v. I, p. 145). On trouve dans les opérations géodésiques de Carlini et de Plana en Lombardie des différences de 20” a 47°,8 entre les latitudes astronomiques et les latitudes déduites de ces opérations (v., par exemple, Andrate et Mondovi, Milan et Pa- doue, dans les Opérations géodés. et astron. pour la mesure d'un arc du parallèle moyen, t. W, p. 347; Effemeridi astron. di Milano, 1849, p. 37). Si on calcule la latitude de Milan par celle de Berne, à l’aide de la triangulation française, on trouve 13° 97 52 pour cette latitude, tandis que les observations as- tronomiques ont donné 43° 97 55°. Comme les perturbations s'étendent dans les plaines de la Lombardie jusqu’à Parme, bien loin au sud du Pô (Plana, Opérat. géodés., t. IL, p. 847), il est permis de croire que les causes qui dévient le fil à plomb tien- nent à la nature du sol même de la plaine. Des effets sem- blables se sont présentés à Struve, dans les plaines les plus unies de l’Europe orientale (Schumacher, Nous. Astron., 1850, n° 464, p. 599). Quant à l'influence des masses pesantes que l’on suppose exister par une profondeur égale à la hauteur mo- venne de la chaine des Alpes, v. les expressions analytiques que Hossard et Rozet ont insérées dans les Comptes rendus, t. XVII, 4844, p. 592; et Cf. avec Poisson, Traité de meécani- que, 2° éd.,t. EL p. #89. La première indication de l'influence que les roches de diverse nature peuvent exercer sur les oscilla- tions d’un pendule à été donnée par Thomas Young, dans les Philos. transact., for 1819, p. 70-96. Mais lorsqu'il s’agit de ti- rer des observations du pendule quelque conclusion sur la cour- bure de la terre, il ne faut pas perdre de vue que la consoli- dation de la croûte terrestre peut avoir été antérieure à l’érup- tion des masses basaltiques et métallifères. (534) [page 156]. Laplace, Erp. du syst. du Monde, p. 254. — 363 — (35) [page 137]. Les observations du pendule faites par La Caille, au Cap de Bonne-Espérance, et calculées avec le plus grand soin par Mathieu (Delarmbre, Hist. de l’Astron. au XV IIT° siècle, p. #79), donnent un aplatissement de ‘f284,1; mais, de quelque manière que l’on combine les observations faites sous les mêmes latitudes, dans les deux hémisphères, on ne trouve aucune raison de croire l’aplatissement de l'hémisphère austral plus fort que celui de l'hémisphère boréal (Biot, dans les Hem. de l'Acad. des sciences, t. VIT, 4829, p. 39-41). (56) [page 137]. Les trois méthodes d'observation donnent les résultats suivants: 1° Par la déviation du fil à plomb près du mont Shehallien (en gallois Thichallin), dans le Perthshire, mé- thode proposée autrefois par Newton et mise à exécution. en 4774-1776 et en 1810, par Maskelyne, Hutton et Playfair: 1,715; 2° Par les oscillations d’un pendule observé sur le som- met d'une montagne et dans la plaine: 4,857 (observations de Carlini sur le Mont-Cenis, comparées aux observations de Biot, à Bordeaux, Effémer. astr. di Milano, 1824, p. 1843; 5° Par la balance de torsion et à l’aide d’un appareil imaginé primitive- ment par Mitchell, Cavendish a trouvé 5.48 (d’après Hutton, qui a revu les calculs, 5,52; d'après la révision d'Edouard Schmidt, 5,52: Cours de géogr. mathem., vol. L, p. 487. Allem.); par la balance de torsion Reich a trouvé 5,44. Dans le calcul de ces dernières recherches, véritable chef d'œuvre d’exactitude, le pro- fesseur Reich obtint d’abord, pour résultat moyen, 5,43 (avec une erreur probable de 0.,0253 seulement); mais, en tenant compte de la quantité dont la force centrifuge diminue linten- sité de la pesanteur, sous la latitude de Freiberg (80° 55), on obtient définitivement 5,44. La substitutiou du fer fondu au plomb n’a produit aucune différence qu'on ne füt en droit d’at- tribuer aux petites erreurs de l'observation; il ne s’est mani- festé aucune trace d’action magnétique (Reich, Recherches sur la densilé moyenne de la terre, 1858, p. 60, 62 et 66, allem.). La densité moyenne de la terre, que l’on déduisit d’abord des observations faites au sommet et au pied des montagnes, est trop faible d'environ ‘f6: 4,761 (Laplace, Meécan. céleste, t. V, p. 46) ou 4,785 (Ed. Schmidt, Cours de géogr. mathém., vol. I, # 587 et 418). Cette différence s'explique par l'emploi, dans les calculs, d’une valeur trop faible de l’aplatissement, et par la — 364 — difficulté de déterminer avec exactitude Ja densité des roches de la surface. — Voy. sur l'hypothèse de Halley (citée p. 138, dans le texte) qui considérait la terre come une sphère creuse (c'est là le germe des idées de Franklin sur les tremblements de terre), les Philos. transact., for the year, 4693, vol. XVII, p. 565. (On the structure of the internal parts of the Earth, and the concave habitated arch of the shell.) Halley pense qu'il est plus digne du Créateur « que le globe terrestre soit habité à l’intérieur et à l'extérieur, comme une maison à plu- sieurs étages. Quant à la lumière nécessaire pour éclairer l’in- térieur, il doit y avoir été pourvu d’une facon quelconque (p- 576). 5) (57) [page 159]. Cette question à été l’objet des beaux tra- vaux analytiques de Fourier, de Biot, de Laplace, de Duhamel et de Lamé. Dans la Théorie mathématique de la Chaleur, 1855, p. 5, 428-450, 456 et B21-594 (voy. aussi l'extrait qu’en à fait De la Rive dans la Bibliothèque univers. de Genève, t. LX, p. 15), Poisson à développé une hypothèse complètement opposée aux vues de Fourier (Théorie analytique de la Chaleur). H nie que le noyau de la Terre soit actuellement à l’état liquide; suivant lui, « lorsque la Terre s’est refroidie en rayonnant vers le mi- lieu ambiant, les parties de la surface qui se sont solidifiées les premières, se sont aussitôt précipitées vers le centre, et un double courant ascendant et descendant à ainsi diminué la grande inégalité qui aurait eu lieu dans un corps solide dont le refroidissement s’opère à partir de la surface. > Le grand géomètre admet que la solidification à débuté par les parties les plus rapprochées du centre; « que le phénorhène de la cha- leur croissant avec la profondeur ne s'étend point à la masse entière du globe, et qu'elle est une simple conséquence du mouvement de notre système planétaire dans l’espace céleste, dont les diverses parties possèdent, en vertu de la chaleur stellaire, des températures très-différentes. » La chaleur des eaux de nos puits artésiens ne serait donc, d’après Poisson, qu'une chaleur étrangère qui aurait pénétré de l'extérieur à l'intérieur du globe terrestre; « on pourrait comparer celui-ci à un bloc de rocher que l’on transporterait de l'équateur jus- que sous les pôles, assez rapidement pour qu'il n’eût pas le temps de se refroidir entièrement: l'accraissement de tempé- | — 365 — rature ne s’étendrait pas, dans un tel bloc, jusqu'aux couches voisines du centre. « On peut lire dans les 4nnales de Physi- que et de Chimie de Poggendorff, vol. XXXIX, p. 93-100, les justes objections que cette singulière théorie cosmogonique a soulevées, en attribuant aux espaces célestes un phénomène qui s'explique bien mieux par le passage de la matière primi- tivement gazeuse à l’état actuel de solidification. (58) [page 140]. L'accroissement de chaleur indiqué par le puits de Grenelle, à Paris, est de 4° pour 52 m.; par le puits artésien de Neu-Salzwerk, près de Minden, en Prusse, de 1° pour 29,6; à Prégny, près de Genève, l'orifice du puits arté- sien est situé à 490 m. au-dessus du niveau de la mer, et pour- tant l'accroissement y est encore de 1° pour 29®,6 d’après Au- guste De la Rive et Marcet. Cette méthode a été proposée pour la première fois, en 18921, par Arago ({nnuaire du Bureau des Longitudes , 1855, p. 254); on vient de voir l’admirable con- cordance de résultats qu’elle a fournis par trois puits artésiens dont les profondeurs sont respectivement 547, 680 et 221 mè- tres. S'il est deux points sur la terre (situés à peu de distance l'un au-dessous de l’autre) dont les moyennes températures an- nuelles soient bien connues, ces deux points se trouvent à l'Ob- servatoire de Paris où la température de l'air extérieur est 10°,822 , et celle des caves 11°.854; la différence est 1°.012 pour 28 m. de profondeur (Poisson, Théorie mathém. de la Cha- leur, p. #15 et 462). IL paraît que, dans le cours de ees dix-sept dernières années, certaines causes dont la nature n’est pas en- core parfaitement connue ont fait monter de 0°,220, non la température des caves de l'Observatoire, mais bien les indica- tions du thermomètre qui s’y trouve fixé. Si les puits artésiens présentent quelques chances de perturbations dans leur tem- pérature propre, pour peu que des eaux étrangères s’y intro- duisent par des fissures latérales, les observations faites dans les mines sont exposées à bien d’autres erreurs, à cause des cou- rants d'air froid qui y circulent sans cesse. Les nombreuses recherches que Reich a faites sur la température des puits des mines de Saxe établissent un accroissément un peu plus lent de la chaleur terrestre; Reich trouve 4° d'augmentation pour kAn,84. (Observations sur la température des couches à diver- ses profondeurs, 1834, p. 154.) Cependant, Phillips a trouvé — 806 — {Annales de Poggend., vol. XXXIV, p. 491) dans un puits de la houillère de Monk-Wearmouth, à Newcastle, dont la pro- fondeur est de 456 m. au-dessous du niveau de la mer, une augmentation de chaleur de 4° pour 52",4, résultat presque identique à celui qu’Arago et Walferdin ont obtenu par le puits de Grenelle. (59) [page 4141]. Boussingault, Sur la profondeur à laquelle se trouve la couche de température invariable, entre les tropi- ques, dans les Annales de Chimie et de Physique, t. LIL, 4853, p. 225-247. (40) [page 149]. Laplace, Exp. du syst. du Monde, p. 229 et 265; Mécanique céleste, t. V, p. 18 et 72. Il est à remarquer que la fraction ‘f70o de degré centésimal du thermomètre à mer- cure, laquelle désigne, dans le texte, la limite de la stabilité de la température terrestre, depuis les temps d'Hipparque, sup- pose que la dilatation des matières dont le globe terrestre se compose est égale à celle du verre, ou à ‘fioo 000 pour 4° du thermomètre. Voy. les remarques d’Arago sur cette hypothèse, dans l'Annuaire pour 4834, p. 177-190. (41) [page 143]. William Gilbert, de Colchester, que Galilée nommait « grand jusqu'à faire naitre l'envie, » disait déjà: « Magnus magnes ipse est globus terrestris. » Il raïllait les montagnes d’'aimant que Fracastor, l’illustre contemporain de Christophe Colomb, plaçait aux pôles: « Rejicienda est vulgaris opinio de montibus magneticis, aut rupe aliqua magnetica , aut polo phantastico a polo mundi distante: : Il admet que la dé- clinaison de l'aiguille aimantée est invariable sur toute la terre (variatio uniuscujusque loci constans est): et il explique les cour- bures des lignes isogoniques par la configuration des continents et la situation des bassins des mers, dont l’action magnétique est moindre que celle des masses solides qui s’élèvent au-dessus du niveau de l'Océan (Gilbert, De Magnete, ed. 1633, p. 42, 98, 152 et 1B5.) (42) [page 145]. Gauss, Théorie générale du Magnétisme ter- restre, dans les Résultats des obsereations de l'Union pour le inagnetisme, 1838, ? LA, p. 56. — 307 — (#3) [page 444]. I existe d’autres causes perturbatrices en- core plus locales, dont le siège est peut-être moins profondément situé, et dont les effets ne s'étendent pas très-loin. J'ai fait con- naître, il y a déjà longtemps, un exemple fort rare de ces per- turbations exceptionnelles qui s'étaient fait sentir dans les mi- nes de Saxe et non à Berlin (Zettre de M. de Humboldt à son A. R. le duc de Sussex, sur les moyens propres à perfectionner la connaissance du magnétisme terrestre, dans le Traité expé- rimental de l'électricité, t. VIE, p. 442). On a vu certains orages magnétiques se manifester simultanément depuis la Sicile jusqu’à Upsala, sans se propager d'Upsala à Alten (Gauss et Weber, Résultats de l'Union magnétique, 1839, p. 128; Lloyd, dans les Comptes rendus de l’Académie des Sciences, t. XIE, 1843. Sém. II, p. 725 et 827). Parmi les nombreux et récents exemples de ces perturbations, que Sabine a rassemblés dans son important ouvrage (Obsere. on days of unusual magnetic disturbance ,1845), l’un des plus remarquables est celui du 25 septembre 4841 : la perturbation se fit sentir à Toronto, dans le Canada, au cap de Bonne-Espérance, à Prague, et, en partie du moins, à la Terre de Van-Diémen. Les Anglais attachent tant d'importance à la solennité du dimanche qu'ils croiraient commettre un péché s'ils consentaient à lire une échelle graduée une fois que mi- nuit a sonné dans la nuit qui suit le samedi, quand bien même il s'agirait des plus merveilleux phénomènes de la création. Or, comme l’orage magnétique dont nous parlons tomba précisé- ment sur un dimanche, dans la Terre de Van-Diémen. à cause de la différence de longitude, l'observation resta incomplète. (Obsere.. p. XIV, 78, 85 et 87). (44) [page 1444]. J'ai montré dans le Journal de Physique de Lamétherie, 4804, t. LIX, p. #49, comment on peut déterminer la latitude à l’aide de l'inclinaison de l’aiguille aimantée, sur une côte dirigée du nord au sud qui, comme celles du Chili et du Pérou, serait constamment enveloppée de brouillards {ga- rua) pendant une partie de l’année. Cette application est d’une utilité d'autant plus réelle, pour cette localité, qu’un courant violent y porte du sud au nord, jusqu'à Cabo-Parina, et qu'un navigateur perdrait beaucoup de temps si, faute de bien con- naître sa latitude, il attaquait la côte au nord du port où il veut relàcher. Dans la mer du Sud, depuis le Gallao de Lima — 368 — jusqu'à Truxillo, c’est-à-dire, pour une différence en latitude de 5° 57, j'ai trouvé 9° (division centésimale) de variations dans l'inclinaison de l'aiguille aimantée; de Callao à Guavaquil, j'ai trouvé, pour 9° 50 de différence en latitude, 23°03 de dif- férence dans l'inclinaison magnétique (voy. ma Relation his- torique, t. NI, p. 629). À Guarmey (lat. 10°4 sud), à Huaura (lat. 4195), à Chancay (lat. 41°22), les inclinaisons sont respecti- vement: 6°,80; 9°,00 et 10,55 de la division centésimale. Cette méthode pour déterminer la latitude à J’aide de la boussole d’in- clinaison est donc parfaitement applicable lorsque le vaisseau fait route en coupant à peu près à angle droit les lignes isocli- niques, et elle a cet avantage remarquable sur toutes les au- tres méthodes qu'elle n’exige point la détermination de l'heure, ni par conséquent l'observation du Soleil ou des autres astres. J'ai trouvé tout récemment que, vers la fin du xvi° siècle, vingt ans à peine après l'invention de l'Znclinatorium par Robert Norman, William Gilbert avait proposé, dans son grand ou- vrage De Magnete, de déterminer la latitude par l'aiguille ai- mantée, lorsque le ciel est nébuleux « aëre caliginoso » (Phy- siologia nova de Magnete, lib. V, cap. 8, p. 200) Edward Wright dit, dans la préface qu'il a jointe à l’œuvre de son illustre maitre, qu'une telle proposition « vaut beaucoup d'or. » Mais comme il croyait, avec Gilbert, que les lignes isocliniques coïn- cidaient avec les parallèles de la sphère, ainsi que l'équateur magnétique avec l'équateur géographique, il n’a point remar- qué que cette méthode ne saurait être employée, partout, mais seulement dans quelques localités. (45) [page 144]. Gauss et Weber, Résultat de l'Union mu- gnétique, 1858, ? 51, p. 46. (46) [page 145]. D’après Faraday (Zondon and Edinburgh Philosophical Magazine, 1856, vol. VIIL, p. 178), le cobalt pur ne possède aucune propriété magnétique. À la vérité, d’autres chimistes célèbres (Henri Rose et Wæhler) ne regardent pas les expériences de Faraday comme complétement décisives. Cependant, si de deux masses de cobalt épurées avec soin et supposées toutes deux exemptes de nickel, lune se montrait indifférente au magnétisme (je parle du magnétisme en répos), tandis que l’autre présenterait quelques propriétés magnéti- ques, on serait en droit, ce me semble, de soupconner dans — 369 — celle-ci un manque de pureté, et de conclure comme l’a fait Faraday. (47) [page 145]. Arago, dans les 4nnales de Chimie, t. XXXIT. p. 214 ; Brewster, Treatise of Magnetism, 18537, p. 111; Baum- gartner, dans le Journal de phys. et de mathem., vol. I, p. M9. Allem. (48) [page 148]. Humboldt, Examen critique de l'hist. de la géographie, t. UL, p. 56. (49) [page 145]. 4sie centrale, t. 1, Introduction, p. xxxvi-xur. Les peuples occidentaux, les Grecs et les Romains savaient que l’on peut communiquer au fer des propriétés magnétiques permanentes (<«< Sola hæc materia ferri vires a magnete lapide accipit retinetque longo tempore. » Plin., XXXIV, 44). On aurait donc pu découvrir aussi dans l'Occident la force directrice du globe, sion s'était avisé de suspendre à un fil ou de faire flot- ter sur l’eau, à l’aide d’un support en bois, un long fragment d’aimant ou un barreau de fer aimanté, et d'observer ensuite leurs mouvements dans l’état de liberté. (50) [page 146]. Les lieux où la déclinaison magnétique est invariable, ou, du moins. n’éprouve que de lentes variations séculaires, sont les seuls où l’on puisse fixer les lignes de dé- marcation à l’aide de la boussole, sans tenir compte des cor- rections de la déclinaison de l'aiguille, et sans s’exposer au danger de voir les actions magnétiques du globe faire chan- ger, à la longue, la superficie légalement constatée des pro- priétés. « The whole mass of West-India property, » dit sir John Herschel, « had been saved from the bottomless pit of endless litigation, by the invariability of the magnetic declination in Ja- maica and the surrounding archipelago, during the whole of the last century, all surveys of property there having been con- dueted solely by the compass. » Voy. Robertson, dans la Philos. Transact., for 1806, P. Il, p.248. On the permanency of the com- pass in Jamaica since 1660. Dans la mère-patrie (l Angleterre), la déclinaison a varié de 44° dans le mème laps de temps. (51) [page 146]. J'ai montré ailleurs que les documents qui nous sont parvenus sur les voyages de Christophe Colomb peuvent servir à fixer la position exacte de trois points de la — 910 — ligne atlantique sans déclinaison, pour le 143 septembre 1499, le 24 mai 14496 et le 16 août 14498. La ligne atlantique sans déclinaison était alors dirigée du N. O. au S. O.; elle touchait le continent méridional de l’Amérique , un peu à Fest du cap Codera, tandis qu’elle le touche aujourd’hui au nord du Brésil {Humboldt, Examen critique de l'hist. de la géogr., t. HE, p. 44-48). On voit clairement par la Physiologia nova de Ma- gnete de Gilbert (lib. IV, cap. I), qu'en 1660 la déclinaison était nulle aux environs des Açores, comme du temps de Co- lomb. Je crois avoir prouvé sur des documents certains, dans mon Examen critique (t. I, p. 4), que si Fa fameuse ligne de démareation , établie par le pape Alexandre VI pour par- tager l'hémisphère occidental entre le Portugal et l'Espagne, n’a point été tracée par la plus occidentale des Acores, c’est parce que Colomb désirait faire d’une division naturelle une division politique. Aussi, Colomb a-t-il toujours attaché une importance extrème à la zone (raya) « où la boussole est sans variation, où l'air et la mer couverte d'herbes marines com- mencent à offrir une constitution nouvelle, où les brises frai- ches commencent à se faire sentir, et la courbure de la terre à changer. » (Ce dernier point lui paraissait résulter de quelques observations de la polaire dont il serait superflu de vouloir aujourd'hui démontrer la fausseté.) (82) [page 447]. Une des questions dont la solution importe le plus à la théorie physique du magnétisme terrestre c’est de savoir si les deux systèmes ovales de lignes isogoniques doi- vent conserver leur forme singulière, pendant toute la durée de ce siècle, où s'ils doivent finir par se dissoudre en se dé- veloppant? Dans le nœud de l'Asie orientale, la déclinaison augmente de dehors en dedans. Le contraire a lieu pour le nœud ou l’ovale de la mer du Sud; on ne connaît mème au- jourd’hui dans toute la mer du Sud, à l’est du méridien du Kamschatka, aucune ligne de déclinaison qui soit au-dessous de 2° (Erman, dans les Annales de Poggend., vol. XXI, p. 129). Cependant Cornélius Schouten aurait trouvé, en 1616, le jour de Pâques, la déclinaison nulle par 45° de latitude süd et par 132° de longitude occidentale, c’est-à-dire un peu dans Je sud-ouest de Noukahiva (Hansteen, Magnétisme, de la Terre, 1819, p. 28. Allem.). 11 ne faut pas perdre de vue que les déplacements des — 371 — lignes magnétiques ne peuvent être suivis autrement qu'en pro: jection sur la surface même du globe. (33) [page 147]. Arago, dans l’#nnuaire, 1856, p.284 et 18H0, p. 350-558. (54) [page 148]. Gauss, Théorie générale du magnétisme ter- restre, ÿ 54. Allem. (55) [page 148]. Duperrey, De la configuration de l'équateur magnétique, dans les 4nnales de Chimie, t. XLV, p. 571 et 579. (Voy. aussi Morlet, dans les Mémoires présentes par divers sa- vants à l’Acad. roy. des Sciences, t. TL, p. 132.) (56) [page 149]. Voy. dans l'ouvrage de Sabine (Contributions to terrestrial magnétism, 1840, p. 139.) la remarquable carte des lignes isocliniques, dans FOcéan Atlantique, pour les an- nées 14825 et 1857. (57) [page 149]. Humboldt, Sur les variations séculaires de l'inclinaison magnétique, dans les Annales de Poggend., vol. XV, p. 522. (58) [page 149]. Gauss, Résultats des observ. de l'Union ma- gnèt., 1838, ? 21; Sabine, Report on the variations of the ma- gnetic intensity, p. 65. (59) [page 149]. Voici l'exposé historique des faits relatifs à la découverte d’une loi importante pour le magnétisme terres- tre, celle des intensités croissant (en général) avec les latitudes magnétiques. Lorsque je voulus; m'adjoindre, en 1798, à l’ex- pédition du capitaine Baudin, pour un voyage de circumnavi- gation, Borda s’intéressa vivement à mon projet et m'invita à faire osciller une aiguiile verticale dans le méridien magnéti- que, par différentes latitudes, sur l’un et l’autre hémisphère, afin d'examiner si l'intensité magnétique varie, ou si elle est partout la même. Ces recherches furent effectivement un des objets principaux que j'eus en vue lorsque j'entrepris mon voyage dans les régions équinoxiales de l'Amérique. Là, je par- vins à constater, par mes observations, qu'une mème aiguille faisant, en 10 minutes, 245 oscillations à Paris, en fait 246 à la Havane,249 à Mexico, 216 à San-Carlo del Rio-Negro (lat. 4°35 N., long. 80° 40° O.); 211 seulement au Pérou, sur l’équateur ma- gnétique, c'est-à-dire sur la ligne où l'inclinaison =0 (lat. 7°4'S.. — 372 — long. 80° 10° O.), et que cette mème aiguille, transportée à Lima (lat, 19° 9 S.), exécute 219 oscillations dans le mème inter- valle de temps. Ainsi, de 1799 à 1805, j'ai trouvé qu’en repré- sentant par 1,0000 la force totale sur l’équateur magnétique, dans la chaine des Andes péruviennes, entre Micuipampa et Ca- xamarca, la force totale à Paris est représentée par 1,3489; à Mexico par 1.3185; à San-Carlo del Rio-Negro, par 4,0480; à Lima, par 1,0775. Lorsque je développai à l'Institut, le 26 fri- maire an XIII, dans un Mémoire dont la partie mathémati- que appartient à M. Biot, la loi des variations de l'intensité de la force magnétique du globe, en montrant qu’elle était vé- rifiée par les valeurs numériques déduites des observations que j'avais faites en 104 points différents, la loi et les faits paru- rent complétement nouveaux. Ce fut seulement après la lecture de ce Mémoire que M. de Rossel communiqua à M. Biot six ob- servations antérieures, faites de 1791 à 1794, à la terre de Van- Diémen, à Java et à Amboine: cette circonstance à été expres- sément consignée par Biot dans le Mémoire indiqué ci-dessus (Lamétherie, Journal de Physique, t. LIX, p. 446, note 2) et par moi-même dans la Relation histor., t. 1, p. 262, note 1. Les observations de M. de Rossel établissent aussi le décroissement d'intensite dans l'archipel Indien. Il est à présumer qu'avant la lecture de mon Mémoire, cet excellent homme n’avait point reconnu, dans ses propres travaux, la régularité avec laquelle l'intensité augmente ou diminue; car il n'avait jamais parlé de cette loi importante à nos amis communs Laplace, Delam- bre, Prony et Biot. Ge fut en 1808 seulement, c’est-à-dire qua- tre ans après mon retour d'Amérique, que les observations de M. de Rossel parurent dans le Zoyage d’Entrecasteaux, t. IT, p. 287, 291, 5921, 480 et 644. Dans toutes les Tables d’inten- sité magnétique, qui ont paru, soit en Allemagne (Hansteen, Magnét de la Terre, 1819, p. 71; Gauss, Obs. de l’Union ma- gnét., 1858, p. 36-59; Erman, Obs. phys., 1841, p. B29-b79), soit en Angleterre (Sabine, Report on magnet. Intensity, 1838, p. 43-62; Contributions ta terrestrial magnetism., 1843), soit en France (Becquerel, Traité d’'Electr. et de Magnét., t. VI, p. 554-567), on a conservé l'habitude de réduire les oscillations observées en quelque lieu que ce soit sur la surface du globe à la mesure de la force que j'ai trouvée sur l’équateur magné- tique, dans le Pérou septentrional; c’est ainsi que cette force — 948 — étant choisie pour unité conventionnelle, l'intensité magné(i- que. à Paris se trouve exprimée par 1,348. Mais d’autres ob- servations, antérieures même à celles de l'amiral Rossel, ont été faites par Lamanon, pendant la malheureuse expédition de La- pérouse, et, adressées à l’Académie des Sciences: ces observa- tions, commencées pendant la relâche à l’île de Ténériffe (1783), ont été continuées jusqu'à l'arrivée à Macao (1787). On sait positivement (Becquerel, t. VIT, p. 320) qu'elles étaient déjà, en juillet 1787, entre les mains de Gondorcet; mais, quelques recherches qu'on ait pu faire jusqu’à présent, ces observations n'ont point été retrouvées. Le capitaine Duperrey possède la copie d’une lettre très-importante de Lamanon, adressée au se- crétaire perpétuel de l’Académie et oubliée dans l'impression du Voyage de Lapérouse. Il y est dit expressément « que la force attractive de l’aimant est moindre dans les tropiques qu’en avançant vers les pôles, et que l'intensité magnétique, déduite du nombre des oscillations de l'aiguille de la boussole d’incli- naison, change et augmente avec la latitude. > Si l’Académie des Sciences « ‘était crue autorisée à devancer le retour alors espéré de l’infortuné Lapérouse et à publier, en 1787, une vé- rité qui a dù être retrouvée depuis par deux voyageurs com- plétement étrangers l’un à l’autre, la théorie du magnétisme terrestre n'aurait pas attendu dix-huit ans le progrès dont elle devait être dotée par la découverte d’une nouvelle classe de phénomènes. Cette simple exposition des faits justifiera sans doute le passage suivant de ma Relation historique, t. MI, p. 615: « Les observations sur les variations du magnétisme terrestre auxquelles je me suis livré pendant trente-deux ans, au moyen d'instruments comparables entre eux, en Amérique, en Europe et'en Asie, embrassent, dans les deux hémisphères, depuis les frontières de la Dzoungarie chinoise jusque, vers l'ouest, à la mer du Sud qui baigne les côtes du Mexique et du Pérou, un espace de 188° de Tongitude, depuis les 60° de latitude nord jusqu'aux 12° de latitude sud. J'ai considéré la loi du décroissement des forces magnétiques, du pôle à l’é- quateur, comme le résultat le plus important de mon voyage américain. > 1 n'est pas certain ; mais il est très-probable que Condorcet a lu la lettre de Lamänôn du mois de juillet 1787, dans une séance de l’Académie des sciences; et je regarde de simple lecture de ce genre comme une phblicafion parfaitement 26 374 — valable (Annuaire du Bureau des Longiludes, 184, p. 463). Ainsi le compagnon de Lapérouse est incontestablement le pre- mier qui ait reconnu l'existence de la loi; mais cette loi de l'intensité du magnétisme terrestre variable avec la latitude, loi qu'on à si longtemps négligée ou laissée dans un profond ou- bli, n'a reçu, ce me semble, une véritable existence scientifique qu'à dater de l’époque où j'ai publié mes observations de 4798 à 1804. L'objet et la longueur de cette note ne surprendront point les personnes qui connaissent l’histoire récente du ma- gnétisme et les incertitudes qu’elle a pu faire naître dans quel- ques esprits; on m’excusera d’attacher de l'importance au fruit de recherches pénibles, souvent’ périlleuses, entreprises dans un noble but et continuées pendant cinq ans avec énergie, malgré le poids du climat des tropiques. (60) [page 150]. Les observations que l’on a pu recueillir jus- qu'à présent donnent 2,052 pour le maximum d'intensité sur la surface entière du globe terrestre, et 0,706 pour le mini- mu. Le maximum et le minimum appartiennent à l’hémis- phère austral: le premier a été observé près du mont Grozier, à l’ouest-nord-ouest du pôle sud magnétique, par 73° 47 de latitude sud, et par 469° 30 de longitude ouest, en un point où le capitaine James Ross a trouvé 87° 11 pour l'inclinaison de l’aiguille (Sabine, Contributions 10 terrestrial Magnetism, 1845,n° 5, p. 251). Le minimum a été observé par Erman, par 49° 39 de latitude sud et 37° 24 de longit. ouest, à 80 milles à l’est de la côte brésilienne de la province Espiritu- Santo (Erman, Obser. phys., 1841, p. 570); en ce point, l’in- clinaison est seulement de 7° 85. Ainsi, le rapport exact des intensités est celui de 4 à 2, 906. Longtemps on a cru que Fl'in- tensité la plus forte ne dépassait pas deux fois et demie l'in- tensité la plus faible qu’on püt trouver sur la surface de notre planète (Sabine, Report on magn. intensity, p. 82). (64) [page 451]. Pline a dit sur l’ambre (Succinum, glas- sum) XXXVIL 5: « Genera ejus plura. Attritu digitorum ac- cepta caloris anima trahunt in se paleas ac folia arida quæ le- via sunt, ac ut magnes lapis ferri ramenta quoque. » (Plato, x Timæo, p. 80; Martin, Études sur le Timée, t. Il, p. 345- 546; Strabo, XV, p. 703, Casaub.; Sanctus Clemens Alex., Strom.. I, p. 370, où l’on trouve une distinction singulière en- —1375 — tre ro sovyros et ro Slexrpoy), Lorsque Thalès, dans Aristot. De Anima, X,2, et Hippias, dans Diog. Laert., I 24, attribuent une àme à l’aimant et à l’ambre, il est évident que ce mot @me dé- signe simplement ici une force ou une cause de mouvement. (62) [page 151]. « L’aimant attire le fer, tout comme l’ambre attire les plus petites graines de senevé. C'est comme si un souffle mystérieux parcourait ees deux matières et se commu- niquait avec la rapidité de la flèche. » Ainsi parlait Kouopho, ce philosophe chinois qui écrivit l’éloge de l’aimant, vers le com- mencement du IV* siècle (Klaproth, Lettre à M. A. de Hum- boldt, sur l'invention de la Boussole, 1854, p. 195). (63) [page 182]. « The phenomena of periodical variations de- pend manifestly on the action of solar heat, operating proba- bly through the medium of thermoelectrie currents induced on the earth's surface. Beyond this rude guess however no- thing is as yet known of the physical cause. It is even still a matter of speculation, whether the solar influence be a prinei- pal, or only a subordinate cause in the phenomena of terres- trial magnetism. » (Obsere. to be made-in the Antarctic exped., 1840, p. 55.) (64) [page 152]. Barlow, dans les Philos. Transact., for 1822, p. Lp. 417; sir David Brewster, Treatise on Magnelism, p. 129. L'influence de la chaleur pour diminuer la force directrice de l'aiguille aimantée a été enseignée dans Fouvrage chinois Ou- thsa-tsou, long-temps avant Gilbert et Hooke (Klaproth, Zettre à M. 4. de Humboldt, sur l'insention de la Boussole, p. 96). (65) [page 153]. V. le mémoire On terrestrial magnetism., dans la Quart. Review, 1840, vol. LXVI, p. 271-312. (66) [page 153]. Lorsque je proposai, pour la première fois , de fonder un réseau d’observatoires, tous munis d'instruments semblables, je n’avais guère alors l'espoir de vivre assez pour voir mes vœux réalisés, comme ils l'ont été en effet par les ef- forts réunis d’astronomes et de physiciens distingués, et sur- tout par l'intervention généreuse et soutenue de deux grandes puissances, la Russie et l’Angleterre. Aujourd'hui, grâce au concours de tant de pouvoir et de tant de lumières, les deux hémisphères sont couverts d’observatoires magnétiques. J'avais —1376 — formé le projet d'observer, sans interruption, la marche de l’ai- guille aimantée pendant cinq ou six jours et autant de nuits, principalement à l’époque des solstices et des équinoxes, et j'a- vais mis ce projet à exécution, à Berlin, en 1806 et en 4807, avec mon ami et mon collaborateur, M. Oltmanns. J'étais per- suadé qu'une série d'observations continuées, sans interruption (obserealio perpelua), pendant plusieurs jours et plusieurs nuits, serait plus fructueuse que des observations isolées faites durant plusieurs mois. L'appareil employé, une lunette magnétique de Prony, suspendue dans une boîte à glaces à l’aide d’un fil sans torsion, permettait de mesurer des angles de sept ou de huit secondes sur une mire éloignée qui portait des divisions fines et qu’on éclairait, la nuit, avec une lampe. Déjà, à cette épo- que, des perturbations (orageés magnétiques) qui revenaient par- fois aux mêmes heures, pendant plusieurs nuits consécutives , me faisaient désirer vivement que de semblables appareils fus- sent observés simultanément à l’ouest ét à l’est de Berlin, afin de pouvoir enfin distinguer les phénomènes généraux du ma- gnétisme terrestre, d’avec les perturbations locales qui se pro- duisent, soit dans la croûtè inégalement échauffée de notre globe, soit dans l'atmosphère où se forment les nuages. Mon voyage à Paris et les troubles politiques de cette époque s'op- posèrent alors à l’accomplissement des vœux que J'avais ex- primés. Mais, en 1820, la grande découverte d'OErsted vint répandre une vive lumière sur lintime connexité de l’électri- cité et du magnétisme, et attirer enfin l'intérêt général sur les variations périodiques de la tension magnétique du globe. Arago, qui avait commencé quelques années auparavant, à l'Observa- toire de Paris, avec une admirable boussole de déclinaison de Gambey, la plus longue série continue d'observations horaires qu'il y ait en Europe, Arago, dis-je, montra, par la compa- raison de ses observations avec celles de -Kasan, faites aux imèmes heures et accusant les mèmes perturbations, tout l’a- vantage qu'on pouvait retirer de mesures correspondantes de la déclinaison. Lorsque je retournai à Berlin, après un séjour de dix-huit ans à Paris, je fis élever un petit observatoire ma- gnétique pendant l'automne de 1828, afin de continuer le tra- vail commencé en 1806, et surtout dans le but d'instituer un système d'observations simultanées, faites à des heures conve- nues, à Berlin, à Paris et dans les mines de Freiberg (par 66 m. —— 3771 — de profondeur). La simultanéité des perturbations et le paral- lélisme des mouvements de l'aiguille, pendant les mois d’oc- tobre et de décembre 1829, furent dès lors représentés graphi- quement (4nnales de Poggend., vol. XIX, p. 557, tabl. 1H). Bientôt une expédition entreprise en 4819, sur l’ordre de l’em- pereur de Russie, dans l'Asie septentrionale, vint me fournir l’occasion d'exécuter mon plan sur une échelle plus vaste. Ce plan fut développé dans le sein d’une commission spécialement instituée à cet effet par l'Académie impériale de Saint-Péters- bourg ; en conséquence, sous la protection du chef du corps des mines, le comte Cancrin, et sous la savante direction du prof. Kupffer, des stations magnétiques furent établies dans toute l’Asie septentrionale, depuis Nicolajeff, Catharinenbourg, Barnaul, Nertchinsk, jusqu’à Pékin. L'année 1832 figure dans les annales de la science comme l’époque où l’illustre fonda- teur d’une théorie générale du magnétisme terrestre, Frédéric Gauss, commença à établir dans l'Observatoire de Gœættingue des appareils construits sur de nouveaux principes. L’observa- toire magnétique fut achevé en 4834, et dans la mème année (Résultats des obs. de l’Union magnét., 1858, p. 155, et Annales de Poggend., vol. XXXIIE, p. 426), Gauss, activement aidé par un ingénieux physicien, G. Weber, fit connaitre ses instruments, ses méthodes d’obsérvation, et les répandit en Suède, en Italie et dans une grande partie de l'Allemagne. Telle est l’origine de l’Union magnétique dont. Gættingue est le centre. De- puis 1856, cette Union a fixé quatre époques dans l’année pour les observations qui doivent être continuées pendant vingt-quatre heures; mais ces époques ne €coïncident point avec celles que j'avais adoptées (les équinoxes et les solstices ) et proposées en 1850. Jusque là, la Grande-Bretagne, en possession des plus vastes relations commerciales du monde entier et de la navi- gation la plus étendue, était restée étrangère à ce grand mou- vement scientifique, dont les résultats faisaient espérer, dès 1828, tant de progrès pour l'étude du magnétisme terrestre. Une in- vitation publique que j'adressai de Berlin, en avril 1856, au Président de la Société royale de Londres, le duc de Sussex (Lettre de M. de Humboldt à $S. 4..R. le duc de Sussex, sur les moyens propres à perfectionner la connaissance du magnétisme terrestre par l'établissement de stations magnétiques et d'ob- servations correspondantes), fut couronnée d'un plein succès ; — 378 — jeus le bonheur d'appeler un intérêt bienveiïllant sur une en- treprise dont l'extension était, depuis bien des années, l'objet de mes vœux les plus ardents. J’insistais, dans cette lettre, sur l'établissement de stations permanentes dans le Canada, à Sainte- Hélène, au Cap de Bonne-Espérance, à l'Ile-de-France, à Ceylan et à la Nouvelle-Hollande, points dont j'avais signalé l’impor- tance cinq ans auparavant. Un comité, dont les attributions devaient s'étendre à la physique et à la météorologie, fut nommé dans le sein de la Societé royale, et ce comité proposa au gou- vernement: 4° la fondation d’observatoires magnétiques fixes dans les deux hémisphères; 2° une expédition navale destinée à recueillir des observations magnétiques dans les mers antare- tiques. On sait assez combien la science a été redevable à la grande et noble activité que sir John Herschel, Sabine, Airy et Lloyd ont déployée à cette occasion, ainsi qu’au puissant ap- pui de l’A4ssociation britannique pour l'avancement des Scien- ces, réunie à Newcastle en 1838. En juin 1839. l’expédition magnétique vers le pôle austral fut résolue et placée sous le commandement du capitaine James Clark Ross. Cette expédi- tion à été glorieusement terminée; elle a doté la science des plus importantes découvertes géographiques vers le pôle aus- tral et d'observations simultanées en huit ou dix stations ma- gnétiques. (67) [page 155]. Au lieu d'attribuer la chaleur interne de la terre au passage de la matière, de l’état de nébulosité gazeuse, à l’état solide, Ampère l'explique d’une manière fort peu vrai- semblable, à mon avis, par l’action chimique prolongée d’un noyau Composé de métaux alcalins, sur l’écorce déjà oxydée du globe. « On ne peut douter, dit-il, dans son chef-d'œuvre, la Théorie des phénomènes électro-dynamiques (1826, p. 199), qu'il existe dans l’intérieur du globe des courants électro-ma- gnétiques, et que ces courants sont la cause de la chaleur qui lui est propre. Ils naissent d’un noyau métallique central com- posé des métaux que sir Humphry Davy nous a fait connaître, agissant sur la couche oxydée qui entoure le noyau. » (68) [page 155]. La remarquable connexité qui existe entre la courbure des lignes magnétiques et celle de mes isothermes a été découverté par sir David Brewster; V. Transactions of the Royal society of Edinburgh, vol. IX, 1891, p. 318, et Trea- — 8379 — tise of Magnetism, 1837, p. 42, 4, 47 et 268. Ce célèbre phy- sicien admet l'existence de, deux pôles de froid (poles of maxi- mum cold) dans l’émisphère septentrional, Pun en Amérique, par 75° de lat. et 1402° de long. ouest (près du cap Walker); et l’autre en Asie, par 73° de lat. et 78° de long. est. Il y au- rait ainsi deux méridiens où règnerait la plus forte chaleur, et deux autres méridiens pour le plus grand froid. Déjà, au XVI: sie- cle, Acosta enseignait qu'il v avait quatre lignes sans déclinai- son, en se fondant sur les observations d'un pilote portugais très- -expérimenté (Historia natural de las Endias, 1589, lib. L cap. 47). Cette opinion paraît n’avoir point été étrangère à la théorie des quatre pôles magnétiques de Halley, à en juger, du moins, par la discussion de Henry Bond (lauteur de la Zongi- tude found, 1676) avec Beckborrow. Voy. mon Examen critique de l'hist. de la Géographie, t. HW, p. 60. (69) [page 185]. Halley, dans les Philosophical transactions. vol. XXIX (for 1714-4716), n° 541. (70) {page 154]. Dove, dans les ‘#nnales de Poggendorf, vol. XX, p. 541; vol. XIX, p. 388: « L’aiguille de déclinaison se comporte à peu près comme un électromètre atmosphérique dont la divergence indique également la tension croissante de l'électricité, avant que cette tension soit devenue assez forte pour donner lieu à la produgtion d’une étincelle (éclair). » Cf. aussi les ingénieuses considérations du prof. Kæmtz, dans son Cours de Météorologie; vol. IL, p. 511-519 : Sir David Brewster, Treatise on Magnetism., p. 3580. Sur les propriétés magnétiques d’une flamme ou d’un arc lumineux galvanique produit par une batterie de Bunsen, zinc et charbon, voy. les Obsere. de Cassel- mann (Marbourg, 14841, Allem.), p. 36-62. (71) [page 455]. Argelander, dans un mémoire important sur les Aurores boréales qu'il a joint aux Rapports lus à la So- cièété de physique de Kænigsberg, vol. 1, 1854, p. 237-264. (72) [page 155]. Les résultats des observations que Lottin. Bravais et Siljerstræm ont faites sur la côte de Laponie à Bo- sekop (lat. 70°), où ils ont vu 160 aurores boréales en 210 nuits, se trouvent dans les Comptes-rendus de l’Acad. des Sciences, t. X, p. 289,et dans la Météorologie de Martins, 1845, p. 455. C£ Argelander, collection citée dans la note précédente. — 380 — (75) [page 156]. John Franklin, Warralive of à Journey to the shores of the Polur Sea àn the years, 1819-1829, p. 5B2 et 597 ; Thieneman, dans le Edinburgh Philos. Journal, vol. XX, p. 566; Farquharson, même collection, vol. VE, p. 396; Wran- gel, Obs. phys., p. 89. Parry vit même en plein jour l’are de l’aurore boréale sans aucune agitation; Journal of a second Voyage, performed in 1821-1895, p. 455. Une remarque à peu près semblale fut faite en Angleterre le 9 sept. 14827 : on dis- tinguait, en plein midi, dans une partie du ciel qui venait de s’éclaircir à la suite d’une pluie, un arc lumineux de 20 de hauteur d’où s’élevaient des colonnes brillantes. Journal of the Royal Institution of Gr. Britain, 1828, janv. p. 429. (74) [page 137]. À mon retour d'Amérique, je décrivis , sous le nom de bandes polaires, une disposition qu’affectent par fois de petits flocons de nuages très-régulièrement détachés comme par l’action de forces répulsives; j'avais choisi ce nom, parce que d'ordinaire le point où ces bandes convergeaient en pers- pective sur le ciel, coïncidait d’abord avee le pôle magnétique, en sorte que les lignes parallèles formées par ces flocons sui- vaient le méridien magnétique du lieu. Ce phénomène énigma- tique présentait une autre particularité: le point de convergence paraissait s'élever et s’abaisser tour à-tour, d’autres fois il mar- chait régulièrement dans une mème direction. Ordinairement, ces bandes ne se forment entièrement que dans une partie du ciel; d’abord elles affectent la direction du nord au sud; puis, à mesure qu'elles marchent, elles changent peu à peu de di- rection et finissent par prendre celle de l'est à l’ouest. Il ne me paraît pas possible d'expliquer les mouvements de ces z0- nes par des variations qui surviendraient dans les courants des régions supérieures de Fatmosphère. Ges bandes se montrent dans le calme le plus complet, lorsque le ciel est parfaitement pur, et sont bien plus fréquentes sous les tropiques que dans les zones froides ou tempérées. J'ai remarqué ce phénomène sur la chaine des Andes, presque sous l'équateur, à 4550 m. d’élé- vation, ainsi qu'en Asie, dans les plaines de Krasnojarski, au sud de Buchtarminsk, et toujours il s’est développé d’une ma- nière si frappante qu'il était impossible de n’y pas voir l’ac- tion de forces naturelles très-générales et très-répandues. V. les importantes remarques de Kæmtz, Leçons de Météorologie, 1840, — 381 — p. 446, et les réflexions plus récentes de Martins et de Bravais (Prétéorologie, 1845, p. 117). Arago a remarqué, à Paris, le 25 juin 1844, des bandes polaires australes, formées de nuages extre- mement légers, et des rayons sombres qui paraissaient sortir d'un are dirigé de l’est à l’ouest. Nous avons signalé plus haut (p. 153), dans les aurores boréales nocturnes, des rayons noirs, semblables à une fumée épaisse. (75) [page 157]. Aux iles Shetland, l'aurore boréale porte le nom de the inerry dancers. Kendal, dans le Quarterly Journal of Science, new: series, vol. IV, p. 595. (76) [page 157]. Voyez l'excellent travail de Muncke, dans la nouvelle édition du Dictionnaire de physique de Gehler, vol. VIT, l, p. 115-268, et en particulier, p. 158. (77) [page 158]. Farquharson, dans le, Edinb. Philos. Jour- nal, vol. XVL p. 504; Philos. transact., for 1829, p. 115. (78) [page 160]. Kæmtz, Météorologie, vol. HE, p. 498 et 501. (79) [page 161]. Arago, sur les brouillards secs de 1783 et de 1851, qui paraissaient lumineux pendant la nuit, dans l'4n- nuaire du Bureau des longitudes, 1852, p. 246 et 250; et sur la lumière singulière émise, par certains nuages non orageux, voy. Notices sur le Tonnerre, dans l'Annuaire pour l'an 1858, p. 279-985. (80) [page 163]. Hérod., IV, 28. Les anciens assuraient que l'Égypte n’était point sujette aux tremblements-de terre (Plin., I, 80); mais cette assertion est contredite par la nécessité où l’on fut de restaurer le colosse de Memnon (Letronne, Za statue vo- cale de Memnon, 1853, p. 25-26); du moins on peut dire que la vallée du Nil est située en dehors du cercle d’ébranlement de Byzance, de l’Archipel et de la Syrie (Ideler, 4d Aristot. Meteor.. p. 84). s (81) [page 165]. Saint-Martin, dans les savantes notes qu'il a jointes à l’AHistoire du Bas-Empire, de Lebeau, t. IV, p. 401. (82) [page 164]. Humboldt, 4sie Centrale, t. I, p. 118. Sur la différence entre l'ébranlement de la surface et celui des cou- ches inférieures voy. Gay-Lussac, dans les 4nnales de Chimie et de Physique, t. XXII, p. 4929. — 580 — (85) [page 164], « Tutissimum est cum vibrat crispante ædi- ficiorum erepitu; et Cum intumescit assurgens alternoque motu residet, innoxium et cum Concurrentia tecta contrario ictu arie- tant; quoniam alter motus alteri renititur. Undantis inclinatio et fluctus more quædam volutio infesta est, aut cum in unam par- tem totus se motus impellit. » Plin., HI, 82 (84) [page 165]. Mème en Italie on commence à reconnai- tre combien peu les tremblements de terre dépendent des phé- nomènes météorologiques et de l'aspect du ciel avant les'se- cousses. Les données numériques de Frédéric Hoffmann s’ac- cordent très-bien avec les expériences de l'abbé Scina, de Pa- lerme; voy.les OEuvres posthumes du premier, vol. IL p. 566-575. J'ai remarqué moi-même, à diverses reprises, qu'un brouillard rougeâtre se montrait peu de temps avant les secousses; et le & nov. 1799, j'ai éprouvé deux violentes secousses au mo- ment où un fort coup de tonnerre se faisait entendre (Relat. hist, Div. iv, ch. x). Un physicien de Turin, Vassalli Eandi, a vu l’électromètre de Volta fortement agité pendant les longs tremblements de terre qui durèrent, à Pignerol, du 2 avril au 17 mai 14808 (Journal de Phys., t. LXVIF, p: 291). Mais les brouil- lards, les variations brusques de l’électricité atmosphérique et le calme de l'air ne se rattachent pas nécessairement aux trem- blements de terre; on aurait tort de leur attribuer, en géné- ral, une signification quelconque; car on a observé partout, à Quito. au Pérou, au Chili, aussi bien qu’au Canada et en Italie, que les tremblements de terre avaient lieu également par un ciel serein, complétement pur de nuages, et par une brise fraiche de terre ou de mer. Mais, tout en reconnaissant que les tremblements de terre ne sont ni précédés, ni annoncés par au- cun signe météorologique, mème pendant le jour où ils doi- vent se faire sentir, il ne faudrait pas cependant rejeter avec dédain certaines croyances populaires qui attribuent de l'in- fluence aux saisons (les équinoxes d'automne et de printemps), aux débuts de la saison des pluies, sous les tropiques , après une longue sécheresse, enfin au retour des moussons; il ne faudrait pas, dis-je. les dédaigner, en se fondant sur notre igno- rance actuelle des rapports qui peuvent exister entre les phé- nomènes météorologiques et les phénomènes souterrains. Des recherches numériques ont été faites avec un zèle extrème par — 383 — M. de Hoff, Peter Merian et Frédéric Hoffmann, dans le but d'établir le mode de distribution des tremblements de terre pour les différentes saisons de l’année: ces recherches s’accor- dent à indiquer un maximum vers l’époque des équinoxes. — fl est singulier que Pline ait appelé les tremblements de terre un orage Souterrain; il est plus curieux encore de voir quelles raisons il en donne, à la fin de sa fantastique théorie. Pour lui, la ressemblance n’est pas seulement dans le fracas qui accompagne souvent ce phénomène redoutable; ce qui le frappe surtout c'est que les forces élastiques, dont la tension erois- sante finit par ébranler le sol, s’amassent dans les entrailles de la terre alors qu'elles font défaut dans l'atmosphère. « Ventos in causa esse non dubium reor. Neque enim unquam intremis- cunt terræ, nisi sopito mari cœloque adeo tranquillo ut vola- tus avium non pendeant, subtracto omni spiritu qui vehit: nec unquam nisi post ventos conditos, scilicet in venas et cavernas ejus occulto afflatu. Neque aliud est in terra tremor quam in nube tonitruum; nec hiatus aliud quam cum fulmen erumpit, incluso spiritu luctante et ad libertatem exire nitente. » (Plin., IF, 79). Au reste, on retrouve dans Sénèque (Wat. Quæst., I], 4-31), le germe assez développé de tout ce qui a été dit ou imaginé, jusque dans ces derniers temps, sur les causes des tremble- ments de terre. (85) [page 163]. J'ai montré, dans la Rel. hist., t 1, p. 511 et 13. que la marche des variations horaires du baromètre n’est nullement troublée, soit avant, soit après un tremblement deyterre »: (86) [page 166]. Humboldt, Rel. hist., t. 1, p. 515-517. (87) [page 167]. Voy. sur les Bramidos de Guanaxuato mon Essai polit. sur la Nouv.-Espagne, t. 1, p. 505. Ce fracas sou- terrain ne fut accompagné d'aucune secousse, dans les mines profondes, ni à la surface (la ville de Guanaxuato est située à 1955 mètres au-dessus de la mer); on ne l’entendit point sur le plateau voisin, mais seulement dans la partie montueuse de la Sierra, depuis Guesta de los Aguilares, non loin de Marfil. jusqu'au nord de Santa-Rosa. Les ondes sonores ne parvinrent pas dans certaines régions isolées de la Sierra, situées à 4 ou 5 myriamètres au N.-0. de Guanaxuato, près de la source d’eau —" JO — bouillante de San Jose de Comangillas. On imaginera difficile- ment à quels excès d'autorité les magistrats de ce grand cen- tre d'industrie métallurgique crurent devoir recourir, lorsque la terreur causée par le tonnerre souterrain était à son comble. « Toute famille qui prendra la fuite sera punie d’une amende de 1000 piastres si elle est riche, et de deux mois de prison si elle est pauvre. La milice à ordre de poursuivre et de ramener les fuyards. > Ce qu'il y a de plus curieux dans cette histoire singulière c’est la confiance affectée par l'autorité (el Cabildo); voici ce que j'ai lu dans une des Proclamus: « L'autorité saura bien reconnaitre, dans sa sagesse (er su Sabiduria), le moment où le danger séra imminent; alors elle pourra songer à la fuite; pour le présent, il suffit que les processions soient continuées. » La famine survint, car la peur des truenos empêcha les habi- tants des hautes terres d'apporter leurs grains à la ville. — Les anciens connaissaient aussi les bruits souterrains sans secousses ; Aristot., Meteor. Il, p. 802, Plin.. IL, 80. Le bruit singulier qui se fit entendre, de mars 4822 jusqu’en septembre 18924, dans l'ile dalmate de Meleda (à 5 myriam. de Raguse), bruit dont Partsch a donné une explication. satisfaisante, a été parfois ac- compagné de secousses. | | (88) [page 169]. Drake, Wat. and Slatist. Wiew of Cincinnati, p. 252-258; Mittchell, dans les Transactions of the Lit. and Philos. soc. of New-York, vol. I, p. 281-508. Dans le comté pié- montais de Pignerol, des vases remplis d’eau jusqu'aux bords restaient en mouvement pendant des heures entières. (89) [page 170]. On dit en espagnol: rocas que hacen puente. Ces interruptions toutes locales des ébranlements transmis par les couches supérieures, ont peut-être quelque analogie avec un phénomène remarquable qui s’est présenté au commencement de ce siècle, dans les mines de Saxe: de fortes secousses se f1- rent sentir avec tant de violence dans les mines d'argent de Marienberg, que les ouvriers effrayés se hâtèrent de remonter ; sur le sol même on n'avait éprouvé aucune secousse. Voiei maintenant un phénomène inverse: en novembre 1895, les mi- neurs de Falun et de Persberg n’éprouvaient aucune secousse au moment même où, au-dessus de leurs têtes, un violent trem- blement de terre jetait l’effroi parmi les habitants de la surface. — 385 — (90) [page 170]. Sir Alex. Burnes, Travels into Bokhara, v. I. p. 48: et Wathen, Mem. on the Usbek State dans le Journal of the Asiatic Soc. of Bengal, vol. HI, p. 557. (91) [page 171]. Philos. transact., vol. XLIX, p. #14. (92) [page 175]. Voy. sur la fréquence des tremblements de terre dans le Cachemir, la traduction de l’ancien Radjatarangini, par Trover, vol. Il, p. 297, et les 7oyages de Carl de Hügel, vol. IL, p. 184. Allem. (95) [page 173]. Strabon, lib. I, p. 100, Casaub. La preuve que l'expression +203 dexrupou roreuns ne signifie point de la boue (éruption de boue), mais bien de la lave, résulte clairement d'un passage du même auteur, Strabon, lib. VI, p. #12. Cf. Walter, Sur la diminution de l'acticité des Volcans depuis les temps historiques, 1844, p. 25. Allem. (94) [page 175]. Sur les puits de feu artésiens (Æo-{sing) en Chine, et sur l'emploi du gaz transporté à l’aide de tuyaux de bambou dans la ville de Khioung-Tcheou, voy. Klaproth, dans mon Asie centrale, t. A, p. 519-530. (95) [page 175]. Voy. l’excellent ouvrage de Bischof Théorie de la chaleur interne du Globe. (96) [page 175]. Boussingault (annales de Chimie, t. LI. p. 181) n'a point remarqué d’acide hydrochlorique dàns les émissions gazeuses des volcans de la Nouvelle-Grenade, tandis que Monticelli en a trouvé d'énormes quantités dans les pro- duits de l’éruption du Vésuve, en 1813. (97) [page 175]. Humboldt, Recueil d'Observ. astronomiques, t. [, p. 511, (Wivellement barometrique de la Cordillère des Andes, n° 206). é (98) [page 176]. Adolphe Brongniart, dans les Ænnales des Sciences naturelles, t. XV, p. 295. (99) [page 176]. Bischof, ouvrage cité, p. 324, Rem. 2. (100) [page 177]. Humboldt, 4sie centrale, t. 1, p. 45. (1) [page 177]. Sur la théorie des lignes isogéothermes (chthonisothermes), voy. les ingénieux travaux de Kupffer, dans — 386 — les Annales de Poggend., vol. XV, p. 184, et vol. XXXII, p. 270; dans le Foyage dans l'Oural, p. 582-598; et dans le Ædinb. Journal of Sciences, new series, vol. IV, p. 358. Cf. Kæmitz, Le- cons de Météorologie, vol. Il, p. 217, et sur l’exhaussement des chthonisothermes dans les pays de montagnes, Bischof, p.174-198. (2) [page 177]. Léopold de Buch, dans les 4nn. de Poggend.. vol. XII, p. 405. (5) [page 177]. La température des gouttes de pluie était des- cendue à 992,5, lorsque la température de l'air était de 30 à 51° quelques instants auparavant; pendant la pluie même, la température atmosphérique était 23,43; voy. ma ZRel. hist. t. I, p. 22. La température initiale des gouttes de pluie dé- pend de la hauteur de la couche nuageuse et du degré d’é- chauffement que les rayons solaires ont communiqué à la face supérieure de cette couche; mais cette température change pen- dant la chute. Lorsque les gouttes de pluie commencent à se former, leur température est supérieure à celle du milieu en- vironnant, à cause du calorique latent qui devient libre; puis, en tombant, elles traversent des couches d’air plus basses et plus chaudes, où elles s’échauffent et grossissent encore un peu, en condensant la vapeur d’eau contenue dans ces couches (Bi- schof, Théorie de la chaleur interne du Globe, p. 75}; mais cet échauffement est compensé par la perte de chaleur qu'entraîne l’évaporation des gouttes elles-mêmes. Si l’on met hors de cause l'électricité atmobphérique dont les effets se font probablement sentir pendant les pluies d'orage, on peut attribuer le refroi- dissement de l'atmosphère, pendant la pluie, d’abord à la tem- pérature initiale plus faible, que les gouttes ont acquise dans les hautes régions, puis à l'air froid des couches supérieures qu'elles entrainent avec elles ; enfin à l’évaporation qui s’éta- blit sur le sol humecté. Telle est, en effet, la marche ordinaire du phénomène. Mais dans certains cas rares, les gouttes de pluie sont plus chaudes que Fair voisin du sol (Humboldt, Re. hist., t. IT, p.. 813), ce qui tient peut-être à la présence de courants d'air chaud dans les hautes régions, ou à la tempé- rature élevée que l'insolation peut développer dans des çou- ches de nuages très-étendues et peu épaisses. Ajoutons qu’'A- rago à montré dans l'Annuaire pour 1836, p. 300, comment la grandeur et l'accroissement du volume des gouttes de pluie se — 387 — rattachent au phénomène des ares supplémentaires de l'arc-en- ciel, qui ont été expliqués au moyen d'interférences des rayons lumineux: cette savante discussion fait voir tout le parti qu'on peut tirer d'un phénomène optique convenablement observé , pour éclaircir les questions les plus ardues de la météorologie. (4) [page 177]. Après les observations décisives de Boussin- gault, il n’est plus permis de douter que la température du sol, à une faible profondeur, ne soit égale à la température moyenne de l'atmosphère, sous les tropiques. Je me permettrai de citer ici les exemples suivants: A STATIONS 4 prEeD (0,52) TEMPÉRATURE HAUTEURS au-dessous de la au-dessus | S moyenne É dans surface 3 du niveau de la LA ZONE TROPICALE. de la terre. [de l'atmosphère. mer. |Guayaquil. Anserma nuevo. Zupia. Popayan. . Quito. 1 Le doute que mes propres observations, dans la caverne de Caripe (Cueva del Guacharo), ont pu faire naître à ce sujet (el. hist. t. IL p. 191-196), disparaît devant la remarque suivante: j'ai comparé la température moyenne présumée de l’air du cou- vent de Caripe (18°,5), non pas à la température de l’air dans la caverne (18°,7), mais à celle du ruisseau souterrain (16°8); toutefois, j'avais déjà reconnu moi-même (Rel. hist, t. IL p. 146 et 194) qu'il était fort possible que des eaux provenant des hautes montagnes vinssent se mêler aux eaux de la caverne. | (5) [page 178]. Boussingault, dans les Annales de Chimie, t. LIT, p. 181. La température de la source de Chaudes-Aigues, en Auvergne, ne dépasse pas 80. Il est aussi à remarquer que toutes les sources situées sur les versants de certains volcans encore actifs (le Pasto, le Gotopaxi, le Tunguragua) n’ont pas — 388 — une température de plus de 56° à B4°, tandis que les Zguas calientes de las Trincheras (au sud de Porto-Cabello) sortent, d'un granit divisé en assises régulières, avec une température de 97°. (6) [page 179]. La Cassotis (Fontaine de Saint-Nicolas) et la source de Castalie (au pied des Phédriades) sont décrites dans Pausanias, X, 24, 5 et X, 8,9; le Pirène (Acrocorinthe), dans Strabon, p. 379 ; la source d'Erasinos (sur le Chaon, au sud d'Argos) dans Hérodote, VE, 67, et dans Pausan., Il, 24, 7: les thermes d’Ædepse (en Eubée), dont la température est pour les uns de 31°, et pour d’autres de 62% à 75°, dans Strabon, p. 60, 447, et dans Athénée, IL 3, 75; les sources des Thermopyles, situées au pied de l'OEta, et dont la chaleur est de 65°, dans Pausan., X, 24, 2. (Extrait des notes manuscrites de M. le pro- fesseur Curtius, le savant compagnon de voyage d'Otfried Müller). (7) [page 179]. Plin., I}, 406; Sénèque, Epist. 79, ? 3, ed. Rubkopf; (Beaufort, Survey of the Coast of Karamania , 4820, art. Yanar, près de Deliktasch, l'ancienne Phasélis, p. 24). Cf. aussi Ctesias, Fragm., cap. 10, p. 280. ed. Bæhr; Strabon., lib. xiv, p. 665, Casaub. , | (8) [page 180]. Arago, dans l'4nnuaire pour 1835, p. 234. (9) [page 180]. Acta S. Patricii, p. 355, ed. Ruinart, t. II, p. 585, Mazochi. Dureau de la Malle est le premier qui ait si- gnalé ce passage remarquable, dans ses Recherches sur la to- pographie de Carthage, 1855, p. 276. (Cf. Sénèque, Wat. Quæst., IL, 24). (10) [page 181]. Humboldt, Zel. hist., t. TL, p. 562-367; Asie Centrale, t. 1, p. 45, t. Il, p. 505-515; Vues des Cordillères, PI XLI. Sur le Macalubi (de l'arabe makhlub, renversé, raci- ne: khalaba), et sur « Ja terre fluide vomie par la Terre », voy. Solinus, cap. 3: « Idem ager Agrigentinus eructat limosas scaturigines, et ut venæ fontium sufficiunt rivis subministran- dis, ita in. hac Siciliæ parte, solo nunquam deficiente, æterna rejectatione terram terra evomit. (11) [page 185]. Voy. l'excellente petite carte de l’île Nisy- ros, dans Ross, Z’oyage dans les iles de la Grèce, vol. II. 1843, p.69. Allen. — 389 — (42) [page 185]. Léopold de Buch, Description physique des Iles Canaries, p. 326; mème auteur, Sur les cratères de soule- vement et les volcans, &ans les Annales de Poggendorff, v. XXX VI. p. 469. Déjà Strabon distingue très-bien deux modes de forma- tion des iles, dans le passage où il parle de la séparation de la Sicile et de la Calabre: « Quelques îles, dit-il, (lib. VI, p. 258. ed. Casaub.), sont des fragments détachés de la terre ferme: d’autres ont été soulevées du fond même de la mer, ainsi qu'on le voit encore aujourd’hui. Les îles de la haute mer (les iles situées loin des continents) ont été probablement formées ainsi par le soulèvement d’une partie du sol sous-marin; tandis que les iles placées en avant des promontoires semblent avoir été séparées de la terre ferme. » (15) [page 183]. Ocre Fisove (Mons Vesuvius), dans l’ancienne langue Ombrique (Lassen, Explication des Tables Eugubini- ques, dans le Ahein. Museum , 1832, p. 587, Allem.); le mot ocre signifie montagne. d'après le témoignage de Festus Iui- même. D’après Voss, Ætna Signifierait Montagne brûlante ou montagne brillante; mais Voss croit le mot Aïr,, d’origine grec- que, et il le rattache à æ96 ou à %9:»0c3 or, le savant Parthev a contesté cette origine hellénique, d'abord par des motifs pu- rement étymologiques, ensuite parce que l'Etna n’a jamais éte, pour les navigateurs grecs, un phare lumineux, comme cet in- fatigable Stromboli qu'Homère semble désigner dans l’Odys- sée (XIL 68, 202 et 219), mais sans en fixer bien nettement la position. À mon avis, ce serait plutôt dans la langue des an- ciens Sicules qu'il faudrait chercher l’origine du mot Etna, si toutefois on parvenait jamais à recueillir quelques débris im- portants de cette langue. D’après Diodore (V, 6), les Sicani. c'est-à-dire les aborigènes siciliens qui habitaient la Sicile avant les Siculi, furent obligés de se confiner dans la partie occiden- tale de l’île, pour fuir des éruptions de l’Etna qui durèrent plu- sieurs années. La plus ancienne éruption historique de ce vol- can est celle dont Pindare et Eschyle ont fait mention; elle eut lieu sous Hiéron, dans la 2° année de la 75° olympiade. Selon toute vraisemblance, Hésiode connaissait les éruptions devasta- trices de l’Etna avant l'établissement des colonies grecques : cependant, il reste encore quelques doutes sur le mot A%z»» qui se trouve dans le texte d’'Hésiode. (Humboldt, Examen crit. de la Géogr.. t. T1, p. 168). 27 —N990-— (14) [page 184]. Sénèque, Epist., 79. (15) [page 184]. Elien, J'ar. hist, VII, 44. (16) [page 186]. Petri Bembi, Opuscula (Ætna Dialogus), Ba- sil., 4886, p. 63: « Quicquid in Ætnæ matris utero coalescit, nunquam exire ex cratere superiore, quod vel eo inscendere gra- vis materia non queat, vel, quia inferius alia spiramenta sunt, non sit opus. Despumant flammis urgentibus ignei rivi pigro fluxu totas delambentes plagas, et in lapidem indurescunt. » (17) [page 186]. Voy. mon dessin du volcan de Jorullo. de ses Hornitos et du Malpays soulevé dans les Fues des Cordil- léres, (pl. .XLHT, p. 259). (18) [page 487]. Humboldt, Essai Sur la Geéogr. des Plantes et Tableau phys. des Régions équinoxiales, 1807, p. 30, et Es- sai géogn. sur le gisement des Roches, p. 221. Il suffit de con- sidérer la plus grande partie des volcans javanais pour s’as- surer que la forme, la position et la hauteur absolue d’un vol- can ne suffisent pas à rendre compte de Pabsence totale de courants de lave, pendant une période d'activité non interrom- pue (Léopold de Buch, Description phys. des Iles Canaries, p. 419; Reinwardt et Hoffmann, dansles #n». de Pogg., vol. XIi, p. 607). (19) [page 189]. Voy. la comparaison de mes mesures avec celles de Saussure et du comte Minto, dans les. Mémoires de l’Académie des Sciences de Berlin, 1822 et 1823, p. 50. (20) [page 189]. Pimelodes Cyclopum, Voy. Humboldt, Rc- cueil d'observations de Zoologie et d'Anatomie comparée, t. T, p. 21-925. (21) fpage 191]. Léopold de Buch, dans les 4nnales de Pogg., vol. XXXVIL, p.479 (22) [page 491}: Sur la formation du fer spéculaire dans les masses voleaniques, voy. Mitscherlich, dans les nn. de Pogs.. vol. XV, p. 650. Sur le dégagement de gaz acide hydrochlort- que dans les cratères, voy. Gay-Lussac dans les 4nnales de Chimie et de Phys., t. XXI, p. 495. — 491 — (25) [page 195}. Voy. les belles recherches de Bischof sur le te- froidissement des masses pierreuses dans la Théorie de la cha- leur, p. 584, 445, 500-512. (24) [page 493]. Voy. Berzélius et Wæhler dans les nn. de Poggend., vol. EI, p. 221, et vol. Xf, p. 146; Gay-Lussac, dans les Annales de Chimie, t. XXI, p, 422; Bischof, Reasons against the Chemical theory of Folcanoes, dans l'édition anglaise de sa Théorie de la chaleur, p. 297-509. (25) [page 194]. D’après les idées géognostiques de Platon, telles que le Phédon nous le présente, le Pyriphlégéthon joue- rait, par rapport à l’activité volcanique, le mème rôle à peu près que la chaleur interne de la terre et l’état de fusion des cou- ches profondes dans nos idées actuelles (Phædon, éd. Ast.. p. 605 et 607, Annot., p. 808 et 817). « [l règne, dans l’inté- rieur de la terre et tout autour d'elle, des conduits souterrains de toute grandeur. L'eau y coule en abondance; mais il y coule aussi du feu et des courants formés d’une vase liquide plus ou moins impure, semblables aux torrents de boue qui précèdent, en Sicile, l'éruption des torrents de feu et qui recouvrent, comme ces derniers, tous les lieux situés sur leur passage. Le Pyriphlé- géthon se déverse dans un espace immense rempli d'un feu ardent et actif, et là il forme un lac plus grand que notre mer, un lac où l’eau et la vase sont constamment en ébullition. Il sort ensuite de ce lac et il roule ses eaux troubles et fangeu- ses, en décrivant un cercle autour de la terre. » Ge fleuve de terre fondue et de vase est si bien la source générale des phé- nomènes volcaniques que Platon ajoute expressement : « Tel est le Pyriphlégéthon, dont quelques petites parties s’échappent vers le haut et forment les torrents de feu oc puz25< qui appa- raissent en quelque lieu que ce soit sur la terre (674 4 svyove râs yñe). » Ges scories volcaniques et les coulées de lave sont donc des parties du Pyriphlégéthon lui-même, ou de la masse en fusion, sans cesse en mouvement dans les entrailles de la terre. Que celte expression 5% ouxxze signifie: courants de lave, et non point: 1#no0ontagnes ignisomes, comme le veulent Schnei- der, Passow et Schleiermacher, c’est ce qui résulte clairement d'une foule de passages déjà rassemblés en partie par Ukert, dans sa Gcogr. des Grecs et des Romuins, PI. I, 4, p. 200. . — 392 — Py22 est le phénomène volcanique pris du côté Le plus saillant, le courant de lave; de là vient l'expression les puuzss de l'Etna. Cf. Aristot., Mirab. Ausc., 1. Il, p. 835, sect. xxxvm Bekker : Thucyd., IF, 416; Theopbr., De Lap., 22, p. 427 Schneider: Diod., V, 6, et XIV, 59, dans lequel on lit ces mots remar- quables: « Plusieurs villes situées près de la mer et non loin de l’Etna ont été ensevelies 576 +05 #adovusvoy cûa0çs » Slra- bo, VI, p. 269, XIIT, p. 628, et sur les célèbres vases brülan- tes des plaines de Lélante, en Eubée, I, p. 58, Casaub.: enfin Appian., De Bello civili, 114. Le blàme déversé par Aristote (Meteor., I, 2, 19) sur les fantaisies géognostiques du Phédon ne porte, à proprement parler, que sur l’origine des fleuves qui coulent à la surface de la terre. On à dû remarquer, dans le passage de Platon cité plus haut, une assertion singulière, mais très-précise; à savoir qu'en Sicile des éruptions de vase pré- cèdent les courants ignés. Faut-il, pour expliquer ce passage, admettre que des rapillis et des cendres, rejetés du cratère, pendant un orage vulcano-électrique, et détrempés par la pluie ou la neige fondue, ont pu passer pour des boues expulsées avant l’éruption? ou bien ces courants de vase humide (5902 Frr)09 rorauot) n'étaient-ils, pour Platon, qu'une simple rémi- niscence des salses d’Agrigente (volcans de boue), qui vomis- sent la boue avec fracas et dont il a été question, note (°°)? Cette incertitude nous fait regretter qu’un écrit de Théophraste sur le courant volcanique en Sicile (20 +09 puuuns &y Suxshid), ait partagé le sort des nombreux écrits du même auteur, et ne soit pas parvenu jusqu’à nous. Ce livre est cité par Diog. Laër- cé V539: (26) [page 198]. Léopold de Buch, Descript. phys. des Iles Canaries, p. 326-407. Je doute que l’on puisse considérer, avec C. Darwin (Géolog. Obsere. on the Tolcanic Islands, 1844, p. 127), les volcans centraux comme formant, en général, des chaînes volcaniques peu étendues et disposées sur des failles parallèles. Déjà Frédéric Hoffmann, en étudiant le groupe des iles de Lipari, où il a reconnu les traces de deux fissures d’é- ruption qui se croisent à Panaria, avait crû trouver dans ce groupe une sorte d'itermédiaire entre les volcans centraux et les chaines volcaniques de Léopold de Buch. (nnales de Phys., de Poggend., vol. XXVI, p. 81). — 393 — (27) [page 196]. Humboldt, Obs. geogn. sur les volcans du pla- teau de Quito, Ann. de Pogg.. vol. XLIV, p. 194. (28) [page 196]. Après avoir parlé d’une manière très-remar- quable de l’affaissement problématique de l'Etna, Sénèque dit dans sa 79° épitre: « Potest hoc æecidere, non quia montis al- titudo desedit, sed quia ignis evanuit et minus vehemens ac largus effertur: ob eamdem eausam, fumo quoque per diem se- gniore. Neutrum autem incredibile est, nec montem qui devo- retur quotidie minui, nec ignem non manere eumdem ; quia non ipse ex se est, sed in aliqua inferna valle conceptus exæstuat et alibi pascitur: in ipso monte non alimentum habet, sed viam. » (Ed. Rubkopfiana, t. IT, p. 52). Strabon reconnaît parfaitement qu'il doit exister une communication souterraine entre les vol- cans de Sicile, ceux de Lipari, de Pithecuse (Ischia) et le Vé- suve (lib. I, p. 247 et 248). Il ajoute que la contrée entière est placée sur un foyer souterrain. (29) [page 196]. Humboldt, Essai polit. sur la Nouvelle-Es- pagne, t. WU, p. 173-175. (50) [page 197]. Voici les vers d'Ovide ( Metamorph., xv. 296-506): Est prope Pittheam tumulus Træzena sine ullis Arduus arboribus, quondam planissima campi Area, aune tumulus: nam — res horrenda relata — Vis fera ventorum, cæcis inclusa eavernis, Expirare aîiqua cupiens, luctataque frustra Liberiore frui cœælo, cum carcere rima Nulla foret, tolo nec pervia flatibus esset, Extentam tumefecit humum; ceu spirilus oris Tendere vesicam solet, aut direpta bicorni Terga capro. Tumor ille loci permansit, et alti Collis habet speciem, longoque induruit ævo. Cette deseription d’un soulèvement en forme de cloche a un véritable intérêt au point de vue géognostique: en outre, elle s'accorde parfaitement avec un passage d’Aristote relatif au sou- ièvement d'une île d'éruption {Afeteor., WE, 8, 47-49): « La terre ne cesse pas de trembler tant que le vent (%vsuoc), cause de l’ébranlement du sol, ne trouve pas d'issue à travers la terre. C'est ce qui est arrivé dernièrement à Héraclée, dans le Pont. — SOA — et plus anciennement à Hiéra, Pune des iles d'Eole. Dans celle- ci, une partie du sol se gonfla et s’éleva avec fracas, sous forme de monticule, Jusqu'à ce que le souffle puissant (rvs5u>) eut trouvé une issue: alors il lança au dehors des étincelles et des cendres, qui couvrirent la ville voisine des Lipariens et atteignirent même plusieurs villes d'Italie. » Cette description distingue parfaitement la période de soulèvement de l'éraption ellemêème. Strabon a aussi décrit le phénomène de Méthone (lib. 1, p. 59, Casaub. }: « Une éruption de flammes eut lieu près de Trézène; un volcan surgit jusqu’à la hauteur de sept stades (*). Le jour, il était inaccessible à cause de sa forte cha- leur et de son odeur de soufre; mais la nuit. il exhalait une bonne odeur (?). Ils’en dégageait tant de chaleur que la mer bouillait sur une étendue de cinq stades; à vingt stades de là. elle était trouble et encombrée de blocs de rochers rejetés par le volcan. » Sur la constitution minéralogique actuelle de la presqu'île de Méthana, vov. Fiedler, J'oyage en Grèce, PL I, p. 257. Allem. (51) [page 197]. Léop. de Buch, Descr. phys. des Iles Cana- ries, p. 556-358, el surtout la traduction française de cet ex- cellent ouvrage, p. 402: voy. aussi le même auteur, dans les Annales de Poggendorff, vol. XXXVIT, p. 183. Dans ces der- niers temps, une île sous-marine s'est formée de nouveau dans le eratère de Santorin: elle était, en 4810, à 45 brasses au-des- sous du niveau dela mer, et en 1850, elle n’en n’était plus éloi- ynée que de 3 ou 4 brasses. Gette ile est escarpée; on dirait un énorme cylindre qui s'élève du fond de la mer. L'activité continue du cratère sous-marin , se révèle encore par un deé- gagement de vapeurs acides de soufre qui se mêlent aux eaux de la mer, dans la baie orientale de la Néo-Kammeni, comme à Vromolimni, près de Méthana. Les navires revêtus de cuivre vont souvent jeter l'ancre dans cette baie, afin d'en mettre à profit les propriétés naturelles, ou plutôt volcaniques, pour net- tover leur bordage de cuivre et le rendre brillant. (Viret, dans le Bulletin de la Societé géologique de France, t. HE, p. 409. et Fiedler, 7'oyage en Grèce, PI. 11. p. 469 et 584). (52) [page 197]. Apparitions de l’île nouvelle près de l'ile San-Miguel, une des Acores: A4 juin 4658: 31 déc. 4719: 15 juin 1811. — 395 — (33) [page 197]. Prévost, dans le Bulletin de la Societé gé0- logique, t. I, p. 34: Frédéric Hoffmann, OEurvres posthumes . vol. I, p. 451-456. (34) [page 198]. « Accedunt vicini et perpetui Ætnæ montis ignes el insularum Æolidum, veluti ipsis uadis alatur incendium : neque enim aliter durare tot seculis tantus ignis potuisset, nisi humoris nutrimentis aleretur. » (Justin, Zist. Philipp. IV, 1.) Justin commence la description physique de la Sicile par une théorie volcanique fort compliquée. Des lits de soufre et de ré- sine. situés à une grande profondeur; un sol très-mince, rem- pli de cavités, sujet à se fendiller:; une agitation extrème pro- duite par les flots de la mer, lesquels, en battant le rivage. en- trainent l'air avec eux et le forcent à pénétrer jusqu’au foyer qu'il alimente: telles sont les données que Justin met en œuvre dans sa théorie, copiée par ‘frogue-Pompée. Au reste, en Ima- ginant que l'air pouvait'être forcé de pénétrer dans les entrail- les de la terre pour y alimenter les foyers volcaniques, les an- ciens avaient en vue l'influence qu'ils attribuaient à certains vents sur Pactivité volcanique de l'Etna, de Hiera et de Strom- boli. (Voy. un passage remarquable de Strabon, lib. vi, p. 275 et 276). L'ile de Stromboli (Strongyle) passait pour la demeure d'Eole, « le régulateur des vents, » parce que les navigateurs prévoyaient les changements de temps d’après le degré de vio- lence des éruptions du volcan de Stromboli. Les mêmes phéno- mènes se reproduisent encore de nos jours ( Léopold de Buch. Descr. phys. des Iles Canaries, p. 554; Hoffmann, dans les 4n- nales de Pogg., vol. XXVL p. 8): on a reconnu que les érup- tions de ce petit volcan dépendent à la fois de Ja hauteur du baromètre et de la direction des vents: mais il faut avouer que nous sommes bien éloignés de pouvoir en donner une expliea- tion satisfaisante , dans l’état actuel de nos connaissances sur les phénomènes volcaniques et sur les faibles variations que les vents produisent dans la pression atmosphérique. — Bembo, dont l'éducation avait été confiée à des Grecs réfugiés en Sicile, à raconté ses excursions sur l'Etna dans un livre éerit avec tout le charme et toute l'ardeur de la jeunesse (Ætna Dialogus, vers le milieu du xvi° siècle); il y développe la théorie de l'in- troduction des eaux de la mer dans les foyers des volcans, et il cherche à prouver que le voisinage de la mer est une condi- —- 396 — tion nécessaire de la production des phénomènes volcaniques. Voici les questions qu'il agite en gravissant l’Etna: « Explana potius nobis quæ petimus, ea incendia unde oriantur et orta quomodo perdurent? — In omni tellure nuspiam majores fis- tulæ aut meatus ampliores sunt quam in locis quæ vel mari vicina sunt vel à mari protinus alluuntur : mare erodit illa fa- cillime pergitque in viscera terræ. Itaque cum in aliena regna sibi viam faciat, ventis etiam facit; ex quo fit ut loca quæque maritima maxime terræ motibus subjecta sint, parum mediter- ranea. Habes, quum in sulfuris venas venti furentes inciderint. unde incendia oriantur Ætnæ tuæ. Vides quæ mare in radi- cibus habeat, quæ sulfurea sit, quæ cavernosa, quæ à mari ali- quando perforata ventos admiserit æstuantes, per quos idonea flammæ materies incenderetur. (55) [page 198]. Cf. Gay-Lussac, Surles Poicans, dans les 4n- nales de Chimie, t. XXII, p. 427; et Bischof, Théorie de la cha- leur, p. 272. Les éruptions de fumée et de vapeurs d’eau que l'on a vues, à différentes époques, autour de Lancerote, de lIs- lande et des Kouriles, pendant l’éruption des volcans voisins, autorisent à croire à la réaction des foyers volcaniques contre la pression hydrostatique des eaux voisines: et même ces érup- tions gazeuses prouvent que l’élasticité des vapeurs qui se dé- veloppent dans ces foyers peut devenir bien supérieure à cette pression. (56) [page 199]. Abel Rémusat, Zettre à M. Cordier, dans les Annales des Mines, t. V, p. 137. (37) [page 199]. Humboldt, 4sie centrale, t. IX, p. 30-35, 58-52, 70-80 et 426-498. L'existence de volcans actifs dans le Kordo- fan, à 100 myriamètres de la mer Rouge, a été niée récemment par Rüppel. (Zoyage en Nubie, 1859, p. 151. Allem.) (38) [page 200]. Dufrénoy et Elie de Beaumont, Explication de la carte géologique de la France, t. I, p. 89. (39) [page 200]. Sophocle, Philoct., v. 971 et 972. Sur lépo- que présumée de l’extinetion des feux de Lemnos, vers le temps d'Alexandre, Cf. Buttmann, dans le Huseum archéologique, vol. L 1807, p. 295: Dureau de la Malle, dans les 4nnales des oya- ges de Malte-Brun, t. IX, 1809, p. 3; Ukert, dans les Ephem. —"J08 — géogr. de Bertuch. vol. XXXIX, 181492, p. 564: Rhode, Res Zern- nicæ. 1829 , p. 8; et Walter, Sur la décroissance de l'activité volcanique depuis les temps historiques, 1844, p. 24. On à sup- posé que le cratère éteint du Mosychlos à été englouti par la mer, à une époque reculée , ainsi que l'ile déserte de Chryse. antique demeure de Philoctète (Otfried Müller, Les Minyens, p. 500. Allem.); la carte hydrographique de l'ile de Lemnos. exécutée par. Choiseul, donne beaucoup de vraisemblance à cette opinion: les récifs et les écueils situés au N. E. de Lemnos indiquent encore la place où la mer Egée possédait autrefois un volcan actif semblable à l’Etna, au Vésuve, au Stromboli et au Volcano des iles Lipari. (40) [page 201]. Cf. Reinwardt et Hoffmann, dans les 4nna- les de Poggendorff, vol. XIE, p. 607; Léop. de Buch,.Descr. des Iles Canaries, p. 424, 496. L'éruption des boues argileuses du Carguairazo, en 1698, lors de la démolition du volcan; les Zo- dazales d'Igualata et la Moya de Pelileo sont des phénomènes volcaniques du mème genre (sur le plateau de Quito.) (41) [page 202]. Dans un profil des environs de Tezcuco, de Totonilco et de Moran (4tlas géogr. et phys., pl. VI), que je destinais originairement (14803) à un ouvrage inédit (Pasigrafia geognostica destinada al uso de los Jovenes del Colegio de MHi- neria de Mexico), j'ai désigné plus tard (1852) les roches d’é- ruption plutoniques et volcaniques, sous le nom d’endogènes (engendrées dans l’intérieur), et les roches de sédiment sous le nom d'exogènes (engendrées extérieurement sur l'écorce ter- restre). Dans le système graphique que j'avais adopté, les pre- mières étaient indiquées par une flèche dirigée vers le haut, et les secondes par une flèche tournée vers le bas. Cette me- thode à du moins lavantage de ne point défigurer les pro- fils, où il s’agit ordinairement de représenter des séries de cou- ches sédimentaires disposées horizontalement les unes au-dessus des autres ; dans un grand nombre de profils plus récents, les éruptions et les pénétrations de basalte, de porphyre ou de svénite, sont figurées par des veines ascendantes, d’une ma- nière tout-à-fait arbitraire et peu conforme à la nature. Les dé- nominations que J'ai proposées dans le profil pasigraphico-géo- gnostique avaient été formées d’après celles de De Candolle (endogènes pour les plantes monocotylées, exogènes pour les di- — 9398 — cotylées); mais Mohl à prouvé, par une analyse plus exacte du regne végétal, qu’en thèse générale et rigoureuse la croissance des monocotylées ne s'opère pas du dedans au dehors, ni celle des dicotylées de dehors en dedans (Link. Elementa philosophiæ Botanicæ, t. 1, 4857, p. 287; Endlicher et Unger, Éléments de Botanique, 1845, p, 89. Allem.; et Jussieu, Traité de Botanique, t. 1, p. 85). Ce que je nomme endogène Lyell le désigne par l'expression caractérisque de netherformed où hypogene rocks {Principles of Geology, 1855, vol. UL, p. 574.) (42) [page 202]. Cf. Léop. de Buch, Sur la dolomie conside- rée comme roche, 1895, p. 36; et le même auteur, sur le degré de fluidité qui doit être attribué aux roches plutoniques, à l’é- poque de leur éruption, ainsi que sur la transformation du schiste en gneiss, par l’action du granit et des malières qui ont accom- pagné le soulèvement de cette roche, Mém. de l’Acad. de Ber- lin, 1849, p. 38 et 65; et Annuaire de la Crilique scientifique, 1840, p. 495. Allem. (45) [page 905]. Darwin, J'olcanic Islands., 1844, p. 49 et A54. (44) [page 205]. Moreau de Jonnès, Æist. phis. des Antilles, t.T, p. 156, 438 et 543; Humboldt, Xelat. historique, 1. WE, p. 367. (45) [page 205]. Près de Teguiza; Léop. de Buch, 7les Cana- ries, p. 501. (46) [page 204]. Voy. plus haut, p. b. (47) [page 204]. Bernhard Cotta, Géognosie, 1839, p. 273. (#8) [page 204]. Léop. de Buch, Sur le granit et le gneïss, dans les Mém. de l’Acad. de Berlin. 4849, p. 60. (49) [page 204]. Le granit qui s'élève, près du lac Koïivan, sous forme de murailles divisées en étroites assises parallèles , contient fort peu de cristaux de titanite; le feldspath et l'albite y prédominent: Humboldt, 4sie centrale, t. I, p, 295: Gustave Rose, Foyage dans l'Oural, Vol. I, p. B94. (50) [page 204]. Humboldt, Relation historique, t. IT, p. 99. (31) [page 205]. Voy. dans l’ouvrage cité de Rose, vol. F, p. 884. le plan du Biri-Taou que J'ai dessiné dn côté du sud, là où se trouvaient les tentes Kirghises. — Sur le granit sphé- -— 0 — roïdal qui se divise en écailles concentriques, voy. Humboldé£, Rel. hist., t. IL p. 597. et Essai geogn. sur le gisement des ro- ches, p. 78. (52) [page 205]. Humboldt, 4sie centrale, t. Y. p. 299-514. et les dessins du 7oyage de Rose, vol. I, p. 611: ces dessins re- produisent la courbure des écailles du granit, indiquée par Léop. de Buch comme trait caractéristique. (53) [page 203]. Ce gisement remarquable à été décrit, pour la première fois, par Weiss, dans les Zrchives des Mines de Karsten, vol. XVL 1827, p. 5. (84) [page 2038]. Dufrénoy et Elie de Beaumont, Géologie de la France, t. 1, p. 150. (55) [page 206]. Ces lits intercalés de diorite jouent un rôle important dans le district des mines de Naiïla, près de Steben : mes plus doux souvenirs de jeunesse se rattachent à cette con- trée. où J'ai étudié la conduite des travaux des mines, vers la fin du dernier siècle, Cf.F. Hoffmann. 4nnales de Poggendorff. vol. XVI, p. 58. (56) [page 206]. Dans l'Oural méridional et Baschkirien: Rose. Foyage, vol. IE, p. 471. ' (87) [page 206]. G. Rose, Joyage dans l'Oural, vol. If. p. 47-52, sur l'identité de l’éléolithe et de la néphéline (la pro- portion de chaux est un peu plus forte dans ce dernier miné- ral; voy. Scheerer, dans les 4xnales de Poggendorff, vol. XLIX. p. 559-584. (88) [page 209]. Voy. les belles ‘recherches de Mitscherlich , dans les Mém. de l’Acad. de Berlin, 1829 et 4895. p. 25-M: dans les 4nnales de Pogg., vol. X, p. 157-152; vol. XL p. 525- 532; vol. XLI, p. 215-216. (Gustave Rose, Sur la formation du spath calcaire et de l'aragonite, Annules de Pogg., vol. XLII. p. 535-566; Haidinger, dans les Transact. of the R. Society of Edinburgh, 1827, p. 148). (59) [page 210]. Lyell, Principles of Geology, vol. IL, p. 555 et 359. (60) [page 211]. Cette description des rapports de gisement du granit met en relief le caractère fondamental et général de toute la formation. Cependant, l'aspect que le granit présente dans — 00 — quelques localités autorise à croire que cette roche n'a pas tou- jours manqué d’une certaine fluidité au moment de l'éruption (voy. plus haut, p. 200; voy. aussi la description d'une partie de la chaine de Narym, voisine des frontières de l'empire Chi- nois; Rose, Voyage dans l'Oural, Vol. f, p. 599): on peut en dire autant du trachyte (Dufrénoy et Elie de Beaumont, Description géologique de la France, t. 1, p. 70). Puisque j'ai parlé plus haut, dans le texte, des fissures étroites par lesquelles les épan- chements basaltiques ont eu lieu quelquefois, je mentionnerai ici les larges failles qui ont livré passage à des mélaphyres (cette dernière roche ne doit pas être confondue avec les basaltes) : voy. dans Murchison, Silurian system, p. 126, l’intéressante description d’une faille de 146 m. de largeur, par laquelle le mélaphyre a été injecté dans la houillère de Cornbrook, Hoar-Edge. (61) [page 241]. Sir James Hall, Edinb. Transact., vol. V, p. 45 ; vol. VI p. 71: Gregory Watt dans les Philos. Transactions of the Royal Society of London for 1804, p. I, p. 279 ; Dartigues et Fleuriau de Bellevue, dans le Journal de Phys., t. LX, p. 456: Bischof, Théorie de la chaleur, p. 313 et 443. (62) [page 219]. Gustave Rose, dans les 4nnales de Pogg.. vol. XLIE, p. 564. (65) [page 212]. Voy. sur le dimorphisme du soufre, Mitscher- lich, Cours de Chimie, ÿ 55-63. Allem. (64) [page 219]. Sur le gypse considéré comme cristal à un seul axe, sur le sulfate magnésien et les oxydes de zine et de nickel, voy. Mitscherlich, dans les 4nnales de Pogg., vol. XI. p. 528. (65) [page 219]. Voy. les recherches faites par Coste, au Creu- sot, sur la transformation du fer laminé en fer cassant à froid. dans les AHém. Géol. d'Elie de Beaumont, t. I, p. 411. (66) [page 219]. Mitscherlich, Sur la dilatation des Cristaux , dans les {nnales de Poggendorff, vol. X, p. 151. (67) [page 215]. Sur les doubles joints de stratification, voy. Elie de Beaumont, Géologie de lu France, p. M ; Credner, Géo- gnosie de la Thuringe et du Hurz, p. #0, allem.; Rœmer, Ter- — 401 — rains de transition des provinces Rhénanes, 4844, p. 5 el S. Allem. (68) [page 215]. La silice n'est pas simplement colorée par l’oxyde de fer: elle est encore accompagnée d'argile, de chaux et de potasse: Rose, Foyage, vol. 11, p. 187. Sur la formation du jaspe par l’action du porphyre dioritique , de l'augite et de l'hypersthenfels, voy. Rose, vol. IT, p. 169, 187 et 192. C£. aussi, vol. I. p. 427, où l’on voit le dessin des globes de porphyre entre lesquels le jaspe sé présente aussi, dans la grauwacke calcaire de Bogoslowsk, comme un produit de l’action pluto- nique de l’augite, vol. IE, p. 45, et Humboldt, 4sie centrale , 1. L p. 486. (69) [page 215]. A propos de l'origine volcanique du mica, il est important de rappeler que les cristaux de miea se trouvent: dans le basalte du Mittelgebirge Bohémien; dans la lave rejetée par le Vésuve en 1822 (Monticelli, Sforia del Pesuvio negli anni 1821 e 1829, 99); dans les fragments de schiste argileux enveloppés de basalte scoriacé qu’on trouve sur le Hohenfels. non loin de Gérolstein, dans l’Eifel (voy. Mitscherlich, dans les Formations basaltiques de Leonhard, p. 244). Sur le feldspath produit dans le schiste argileux par le contact du porphyre, entre Urval et Poïet (Forez), voy. Dufrénoy, Géol. de la France, t. 1, p. 437. C'est à un contact de ce genre qu'il faut attribuer la singulière structure amygdaloïde et cellulaire des schistes que j'ai rencontrés à Paimpol, en Bretagne (t. I, p. 234), dans une excursion géologique entreprise de concert avec M. le professeur hunth. (70) [page 215]. Rose, J'oyage dans l’Oural, vol. I, p. 886-588. (71) [page 215]. Léopold de Buch, dans les Yém. de l’ Acad. de Berlin, 1849, p. 65, et dans l’Annuaire pour la critique scien- tifique, 1840, p. 196. Allem. (72) [page 215]. Elie de Beaumont, dans les 4anales des Scien- ces naturelles, t. XV, p. 362-579: « En se rapprochant des masses primitives du Mont-Rose et des montagnes situées à l’ouest de Coni, on voit les couches secondaires perdre de plus en plus les caractères inhérents à leur mode de dépôt. Souvent alors elles en prennent qui semblent provenir d'une toute autre cause. — 402 — sans perdre pour cela leur stratificalion, rappelant par cette dis- position la structure physique d'un tison à moitié charbonné , dans lequel on peut suivre les traces des fibres ligneuses, bien au-delà des points qui présentent encore les caractères naturels du bois » (Cf. les Ænnales des Sciences naturelles, t. XIV. p. 118-122, et N. de Déchen, Géognosie, p. 855). Parmi les preu- ves les plus frappantes de Ia métamorphose des roches sous l'in- fluence plutonique, il faut compter les bélemnites du schiste de Nuffenen (vallée alpestre d'Egine et glacier de Gries), et celles que M. de Charpentier a trouvées dans le calcaire prétendu pri- milif, sur le flanc occidental du Col de Seigne (entre l’Enclove de Montjovet et la hutte alpine de La Lanchette), et qu'il m'a montrées à Bex, dans l'automne de 1899 (4nnales de Chimie, t. XXII, p. 269). (75) [page 214]. Hoffmann, 4nnales de Poge., vol. XVE, p: 52 : « Les strates de schiste argileux de transition qu'on peut sui- vre, dans le Fichtelgcbirge, sur une étendue de trois myriamè- tres, ont été transformées en gneiss aux deux bouts seulement par lesquels cès couches se trouventen contact avec le granit. Là, on voit comment le gneiss s’est formé peu à peu, comment le mica et les amygdaloïdes feldspathiques se sont développées dans la masse intérieure du schiste, qui contient déjà lui-mème presque tous les éléments de ces minéraux. » (74) [page 214]. Parmi les œuvres d'art que nous a léguées l'antiquité grecque ou romaine, on ne trouve ni colonnes, ni grands vases de jaspe; aujourd'hui mème, les monts Ourals sont seuls en possession de fournir les pièces de jaspe de grandes dimensions. La matière qu'on exploite dans l'Altaï (Revennaja Sopka) sous le nom de jaspe, provient d’un magnifique por- phyre rubanne. Le mot lui-mème se retrouve dans les langues sémitiques; il a été appliqué aussi à des fragments de jaspachat et à une opale jaspoïde connue des anciens, sous le nom de jasponyx: c'est là du moins ce qui parait résulter de la des- cription fort embrouillée qu'on lit dans ‘Fhéophraste (De Lap.. 25 et 27); et dans Pline (XXXVIL 8 et 9): ce dernier range le jaspe au nombre des gemmes opaques. Gette matière était si peu commune chez les anciens qu’en parlant d’un morceau de jaspe de onze pouces de longueur, Pline eroit devoir affirmer qu'il à vu lui-même celle rareté: « Magnitudinem jaspidis un- ee fe decim unciarum vidimus, formatamque inde efligiem Neronis thoracatam. » D'après Théophraste, la pierre nommée smaragd, où émeraude, dont on a taillé de grands obélisques, ne serait qu'un jaspe r0n rubanne. (75) [page 214]. Humboldt, Zettre à M. Brochant de F'illiers, dans les /nnales de Chimie et de Physique, t. XXII, p. 261; Léop. de Buch, Zettres géogn. sur le Tyrol méridional, p. 101. 105 et 275. (76) {page 214]. Sur la transformation du calcaire compact en calcaire granulaire, par le granit, dans les Pyrénées (Mon- tagne de Rancie), voy. Dufrénoy, dans les Hémoires géologiques, t. IT, p. 440; et dans les montagnes de l'Oisans, Elie de Beau- mont, Mém. géol., t. H, p. 579-415; par le porphyre dioritique et pyroxénique (ophyte; Elie de Beaumont, Gcol. de la France, t. I, p. 72), entre Tolosa et Saint-Sébastien, voy. Dufrénoy, dans les Mém. géol.. t. IL, p. 130; dans l’île de Skye, ou le calcaire métamorphosé par la syénite, présente encore des traces visi- bles de pétrifications, voy. M. de Dechen ; Géognosie, p. 73. Dans la métamorphose de la craie en contact avec le basalte, les molécules ont dù subir un déplacement très-remarquable , pour donner lieu à Ja structure cristalline ou grenue de la roche actuelle; car, avant la transformation, ces moléeules formaient une infinité de petits anneaux séparés, ainsi qu'Ehrenberg s’en est assuré par des recherches microscopiques sur la roche pri- mitive. Voy.les 4nnales de Physique de Paggendortff, vol. XXXIX, p. 105, et sur les anneaux formés par des précipités d’arago- nite, voy. Gustave Rose, même collection, vol. XLIT, p. 554. (77) [page 214]. Lits de calcaire granulaire dans le granit, au port d’Oo et à Mont de Labourd. Charpentier, Constitution geo- logique des Pyrénées, p. 144-1K6. (78) [page 215]. Léop. de Buch, Descr. des Canaries, p. 594; Fiedler, Foyage en Grèce, pl. I, p. 181, 190 et 516. (79) [page 215]. J'ai déjà fait allusion, dans un autre endroit, à ce passage remarquable d'Origène: Philosophuinena, cap. 14 (Opera, ed. Delarue, t. 1, p. 895). Tout porte à croire que Xé- nophane n’a pas voulü parler d’une empreinte de laurier (50% d2pva<), mais bien d’une empreinte de poisson (=ÿrns 223%) : — 404 — Delarue blâme à tort Jacob Gronovius d'avoir préféré la seconde version et d’avoir substitué le mot sardine au mot laurier. En tout cas, la découverte d’un poisson fossile est plus vraisembla- ble que celle d’une image de Silène (Plin., XXXVI, 5) trouvée. dit-on, par des ouvriers, dans les carrières de Paros (Marbres du mont Marpessos, Servius ad Z'irg. Æn., VI, K71). (80) [page 215]. Sur la constitution géologique des environs de Carrare (ville de la Lune, Strabo, lib. V, p. 229); voy. Sawi, Osservaziont sui lerreni antichi toscani, dans le Nuovo Gior- nale de’letterati di Pisa, N° 65, et Hoffmann, dans les 4rchi- ses de Mincralogie de Karsten, vol. VI, p. 258-265 , et dans le l'oyage géogn. en Italie, du même auteur, p. 244-265. Allem. (81) [page 213]. Cette hypothèse a été émise par un obser- valeur distingué, Karls de Leonhard; voy. son Annuaire mi- neérologique, 1834, p. 329, et Bernhard Cotta, Géognosie, p. 510. (82) [page 216]. Léop. de Buch, Lettres géogn. à A. de Hurmn- boldt, 1824, p. 56 et 82: le mème, 4nnales de Chimie, t. XXIIL p. 276, et dans les Mém. de l’Acad. de Berlin, 1829 el 1895, pb. 85-156; Il. de Déchen, Géognosie, p. 574-576. (85) [page 217]. Hoffmann, J’oyage Géogn. revu par M. de Déchen, p. 113-119, 380-586: Annales de Phys. de Poggend.. vol. XXVL "p. #4. (84) [page 217]. Dufrénoy, dans les Mém. géologiques , t. IL, p. 1445 et 179. (85) [page 218]. Humboldt, Essai géogn. sur le gisement des Roches, p. 93; Asie Centrale. t. NI, p. b52. (86) [page 218]. Elie de Beaumont, 4nnales des Sciences na- turelles, t. XV, p. 562; Murchison, Silurian system, p. 286. (87) [page 218]. Rose, 7'oyage dans l'Oural, vol. T, p. 564 et 567. (88) [page 218]. Léop. de Buch, Zettres, p. 109-199. Cf. Elie de Beaumont, sur le contact du granit avec les couches du Jura, dans les Mém. Géol., t. Il, p. 408. (89) [page 218]. Hoffmann, J’oyage, p. 30 et 37. — 405 — (90) [page 219]. Sur la formation du fer spéculaire et sur les réactions chimiques qui la déterminent, voy. Gay-Lussac, dans les Annales de Chimie, t: XXII, p. #15, et Mitscherlich, dans les Annales de Poggend., t. XV, p. 630. Les cavités de l’obsi- dienne de Cerro del Jacal, que j'ai rapportée du Mexique, con- tiennent aussi des cristaux d’olivine formés sans doute par voie de sublimation (Gustave Rose, Annales de Pogg., t. X,p. 393). Ainsi l’olivine se présente dans le basalte, la lave, l’obsidienne, les scories artificielles, les pierres météoriques, la syénite d’Elf- dalen , et sous le nom d’hyalosidérite, dans la wacke de Kaïi- serstuhle. , (91) [page 219]. Constantin de Beust, Sur les formations por- phyritiques, 1855, p. 89-96 ; allem. C. de Weissenbach, Dessins de plusieurs genres remarquables de pénétration. 1856, fig. 12. Mais la structure en forme de bandes étroites n’est pas géné- rale; de mème l’ordre dans lequel les divers membres de ces masses se succèdent n'indique pas nécessairement leur âge re- latif; voy. Freiesleben, Sur les filons métallifères de la Saxe, 1845, p. 10-12. Allem. (92) [page 219]. Mitscherlich, Sur la reproduction artificielle des Minéraux, dans les Mém. de l’Acad. de Berlin, 1822 et 1895, p. 25-H. - (93) [page 2201. Les scories ont offert: des cristaux de feld- spath, découverts par Heine, dans un fourneau de fonte pour le minerai de cuivre, près de Sangerhausen, et analysés par Kers- ten (Annales de Pogg., vol. XXXIIL, p. 557); des cristaux d’augite, dans les scories de Sable (Mitscherlich, Hem. de l’ Acad. de Ber- lin, 1829 et 1895, p. 40); des cristaux d’olivine (Sefstræm, dans l'ouvrage de Léonhard, Formations basaltiques, vol. If, p. 495); du mica, dans les vieilles scories de Garpenberg (Mitscherlich, dans l’ouyrage cité de Léonhard, p. 306); des cristaux d'oxyde magnétique de fer, dans les scories de Châtillon-sur-Seine (Léon- hard, p. 441); du fer spéculaire produit dans de l’argile à po- teries {Mitscherlich, dans Léonhard, p. 254). (94) [page 220]. Les minéraux que l’on a réussi à reproduire de toutes pièces, sont: l’idocrase et le grenat (Mitscherlich, 4n- nales de Poggen., vol. XXXWE, p. 540), le rubis (Gaudin, Comptes rendus de l'Acad. des Sciences;t. IV, p. 1, p. 999); l'olivine et 28 — 406 — l'augite (Mitscherlich et Berthier, dans les 4nnales de Chimie et de Physique, t. XXIV, p. 376). Quoique l’augite et la horn- blende présentent , d'après G. Rose, la plus grande similitude dans la forme de leurs cristaux, et qu'elles aient presque la imnème composition chimique; cependant la hornblende ne s’est jamais rencontrée dans les scories à côté de l’augite, et les chimistes n'ont encore pu reproduire ni la hornblende, ni le feldspath (Mitscherlich, 4nnales de Pogg., vol. XXXIIE, p. 340: et Rose, 7'oyage dans l'Oural, vol Il, p. 558 et 363). Cf. aussi Beudant, Mém. de l’Acad. des Sciences, t. VII, p. 221. et les recherches ingénieuses de Becquerel, dans son Traité de l’Élec- tricite, 1. I, p. 354; t. IL, p. 218; t. V. 4, p. 148 et 185. (98) [page 220]. D'Aubuisson, Journal de Physique, 1. XLVI, p. 198. (96) [page 221]. Léop. de Buch, Zettres géogn., p. 75-82; on voit en mème temps, dans ce passage, pourquoi le grès rouge (le todtliegende des couches de flætz de la Thuringe) et le ter- rain houiller doivent être considérés comme produits par l’é- ruption des roches Porphyritiques. (97) [page 223]. C’est une découverte de miss Mary Anning , qui a trouvé aussi les coprolithes des poissons. Ces coprolithes et ceux des ichthyosaures sont si nombreux en Angleterre (par exemple, à Lyme Regis) que Buckland les compare à des pom- mes de terre répandues en abondance sur le sol. Cf. Buckland, Geology considered with reference to Natural Theology, vol. 1, p. 188-202 et 505. Sur l'espoir manifesté par Hooke « to raise a chronology » de l’étude des coquilles fossiles, « and to state the intervals of the time wherein such or such catastrophes and mutations have happened, » voy. Posth. Works, Lecture Feb. 29, 1688. (98) [page 223]. Léop. de Buch, Mém. de l’Acad. de Berlin, 1757, p. 64. (99) [page 294]. Le même, Roches et terrains de la Russie, 1840, p. 24-40. (100) [page 224]. Agassiz, Monographie des Poissons fossiles du vieux grès rouge, p. VI et 4. — 407 — (1) [page 224]. Léop. de Buch, Aém. de l’ Acad. de Berlin, 41858 p. 149-168; Beyrich, Documents relutifs au terrain de transi- tion des provinces Rhénanes, 1837, p. 45. Allem. (2) [page 298]. Agassiz, Recherches sur les Poissons fossiles . t. L, Introd., p. XVIIE (Davy, Consolations in Travel, dial. IN). (3) [page 293]. D'après Hermann de Mayer, ce serait un Pr0- tosaurus. La côte d’un saurien trouvée, dit-on, dans le calcaire de montagne (calcaire carbonifère) du Northumberland (Herm. de Mayer, Palæologica, p. 299), est très-douteuse, selon Lyell (Geology, 1859, vol. EL, p. 148). L’anteur de la découverte en fixe lui-même la place dans les couches d’alluvion qui recouvrent le calcaire de montagne. (4) [page 293]. F. d’Alberti, Monographie du Bunter Sandstein, du Muschelkalk et du Keuper, 1854, p. 119 et 514. (3) [page 293]. Voyez les ingénieuses considérations de I. de Mayer, sur l’organisation des sauriens volants, dans les Palæo- logica, p. 228-282. C’est à Solenhofen, dans le schiste lithographi- que de la formation jurassique supérieure, que l’on a trouvé le Plerodactylus crassirostris, ainsi que le P. longirostris (Or- nithocephalus, Sæmmering) plus anciennement connu. Le pro- fesseur Goldfuss a même trouvé, sur un exemplaire fossile de la première espèce , des traces de l’aile membraneuse et l’em- preinte de plusieurs mèches de poils recourbés, ayant, ca et là, quelques centimètres de longueur. (6) [page 226]. Cuvier, Recherches sur les Ossements fossiles, & 1, p. LI-LVIL (Cf. l’Échelle des époques géologiques dans Phil- lips, Geology, 1837, p. 166-185). (7) [page 226]. Agassiz, Poissons fossiles, t, 1, p. XXX et t. ILE, p. 1, 1-52; Buckland, Geology, vol. I, p. 275-277. (8) [page 227]. Ehrenberg, sur les espèces animales encore vivantes qu'on à trouvées, à l’état fossile, dans la formation crélacée, Mém. de l’Acad. de Berlin, 1859, p. 164. (9) [page 227]. Valenciennes, Comptes rendus de L’Acad. des Sciences, t. VIL, 1858, P. 2, p. 580. — 408 — (10) [page 227]. Dans le Weald-Clay, Beudant, Géologie, p. 475. Le nombre des ornitholithes augmente dans le gypse de la for- mation tertiaire (Cuvier, Ossements fossiles, t. HI, p. 502-3928). (114) [page 228]. Léop. de Buch, dans les Mém. de l'Acad. de Berlin, 1830, p. 155-187. (12) [page 228]. Quenstedt, Terrains de fletz du Wurtembero. 1845, p. 155. 13) [page 298]. Le même. p. 13. ) IPa8 } Le (14) [page 228]. Murchison fait deux divisions du bunter sand- stein;luneest le trias supérieur d Alberti; l’autre division com- prend le trias inférieur, auquel appartient le grès vosgien d'Elie de Beaumont; le zechstein (calcaire magnésien) et le todiliegende (nouveau grès rouge inférieur) forment le systéme permien. I fait commencer les formations secondaires au trias supérieur, c'est-à-dire à la division supérieure du bunter sand- stein ‘allemand; le système permien, le calcaire carbonifère ou calcaire de montagne, les strates devoniennes et siluriennes constituent les terrains paléozoïques de Murchison. Dans ce svs- ième, la craie et le calcaire du Jura portent le nom de forma- tions secondaires supérieures; et le keuper, le calcaire coquil- ler, le grès bigarré, portent celui de formations secondaires in- férieures; le système permien et le calcaire carbonifère compo- sent la formation paléozoïque supérieure, que les couches de- voniennes et siluriennes sont, ensemble, désignées sous le nom de formation paléozoïque inférieure. Les bases de cette classi- fication générale sont développées dans le grand ouvrage où l'infatigable savant anglais doit exposer la géologie d’une grande partie de l'Europe orientale. (15) [page 229]. Cuvier, Ossements fossiles, 4851, t. I, p. 457, 261 et 264. (Cf. Humboldt, Sur le plateau de Bogota, dans la Revue trimestrielle allemande, 1859, vol. I, p. 117.) (16) [page 229]. Journal of the Asiatic Society, 1844, n. 45, p. 109. (17) [page 229]. Beyrich, dans les Zrchives pour la Mincra- logie, de Karsten, 1844, vol, XVIII, p. 248. — 409 — (18) [page 250]. Par les excellents travaux du comte Stern- berg, d'Adolphe Brongniart, de Gæppert et de Lindley. (19) [page 250]. Voy. Robert Brown, Botany of Congo, p. #2, et d'Urville, dans le mémoire: De la distribution des fougères sur la surface du globe terrestre. (20) [page 230]. Telles sont les cycadées découvertes par le comte Sternberg dans l’ancien terrain houiller de Nadnitz, en Bohème, et décrites par Curda (deux espèces de cycadites et le zamites Cordai; Voy. Gœæppert, Cycadés fossiles, dans les Tra- vaux de la Société Silésienne, 1845, p. 35, 37, 40 et 50). On a trouvé aussi une eycadée, le Pterophyllum gonorrachis Gœp- pert, dans le terrain houiller de la Silésie supérieure. (21) [page 230]. Lindley, Fossil Flora, n° 15, p. 163. (22) [page 230]. Fossil coniferæ, dans Buckland, Geology, p. 485-490. M. Witham a le grand mérite d’avoir le premier reconnu l'existence des conifères dans la végétation primitive de l’ancienne formation carbonifère. Autrefois, la plupart des troncs d'arbre que l’on rencontrait dans cette formation étaient considérés comme des palmiers. Au reste, les espèces du genre Araucarites ne sont point exclusivement propres aux terrains houillers des îles Britanniques ; elles se trouvent aussi dans la Silésie supérieure. (25) [page 230}. Adolphe Brongniart, Prodrome d’une Hist. des végétaux fossiles, p. 179; Buckland, Geology, p. 479; En- dlicher et Unger, Éléments de Botanique, 1843, p. 455. Allem. (24) [page 251]. « By means of Lepidodendron a better pas- sage is established from Flowering to Flowerless plants than by either Equisetum or Cycas, or any other known genus. » Lindley et Hutton, Fossil Flora, vol. IL, p. 55. (25) [page 251]. Kunth, Classification des familles des Plan- tes, dans son Manuel de Botanique, p. 307 et 514. Allem. (26) [page 251}. Le charbon de terre ne provient point de yé- gétaux carbonisés par le feu, mais de végétaux décomposés par la voie humide sous l'influence de l'acide sulfarique. La preuve la plus frappante dont on puisse arguer en faveur de cette opinion à été donnée par Gœppert, dans les #rchives de Miné- — 410 — ralogie de Karsten, vol. XVI, p. 550. Gœppert à examiné un fragment de l'arbre à ambre qui à été transformé en charbon noir, sans que l’ambre ait subi d’altération; le charbon et l’am- bre s'y trouvent juxtaposés. Quant à la part qui revient aux petits végétaux, dans la formation des couches carbonifères . voy. Link, dans les Aém. de l’Acad. de Berlin, 1838, p. 38. (27) [page 252]. Voy. les excellents travaux de Chevandier, dans les Comptes rendus de l’ Acad. des Sciences, 4844, t. XVII. P. 4, p. 288. En comparant cette couche de charbon, de 16 millimètres d'épaisseur, avec les couches de charbon de terre, il faut tenir compte de l'énorme pression à laquelle ces der- nières couches sont soumises ; cette pression se manifeste par la forme aplatie de presque tous les trones d'arbres souterrains, « Les montagnes de bois que l’on à vues sur le rivage méri- dional de la Nouvelle-Sibérie, île découverte en 1806, par Siro- watskoi, consistent, d’après Hedenstræm, en une série de cou- ches de grès horizontales, alternant, sur une hauteur d'environ 60 m., avec des troncs d'arbres bitumineux. Au sommet de la wontagne, ces troncs sont disposés verticalement. La couche, remplie de bois flotté, est visible sur une étendue de 5 myria- mètres. > Voy. Wrangel, 7oyage sur la côte septentrionale de la Sibérie, pendant les années 1820-1824, P. I, p. 102. (28) [page 252]. Cette corypha est la soyate (en aztèque, Zoyatl) ou le Palma dulce des indigènes; voy. Humboldt et Bon- pland, Synopsis plant. æquinoct. orbis novi, t. I, p. 302. Un homme profondément versé dans les langues de l’Amérique, le professeur Buschmann, fait remarquer que le Palma soyate est désigné sous ce nom dans le Yocabulario de la lengua Othomni de Yepes, et que le mot aztèque Zoyatl (Molina, 7ocabulario en lengua mexicana y castellana) se retrouve dans les noms de lieu tels que Zoyatitlan et Zoyapanco, dans l'état de Chiapa. (29) [page 939]. À Baracoa et à Cayos de Moa; voy. le jour- nal de l’Amiral, à la date du 95 et du 27 novembre 1492, et Humboldt, Examen critique de l’Hist. de la Géogr. du Nouveau- Continent, t.IL p. 282 et t. Il, p. 23. Colomb accordait une at- tention si soutenue à tous les faits naturels qu'il reconnut, le premier, la différence du Podocarpus au Pinus. Je trouve, dit- il, « en la tierra aspera del Cibao pinos que no Ilevan pinas, — AAA — pero por tal orden compuestes por naturaleza, que (los frutos) pa- recen azeytunas del Axarafe de Sevilla. » Le grand botaniste Richard ne soupconnait guère, en publiant son excellent traité sur les Cycadées et les conifères, que bien avant L’Héritier, le Podocarpus avait déjà été distingué des Abiétinées par un na- vigateur du xv° siècle. (50) [page 253]. Charles Darwin, Journal of the Voyages of the Adventure and Beagle, 1859, p. 271. (51) [page 255]. Gœppert décrit encore trois Cycadées (es- pèces du genre Cycadiles et Pterophyllum) provenant du schiste argileux carbonifère d’Alsattel et de Commotau en Bohème ; elles appartiennent peut-être à la période éocène ( Gæppert. dans l'ouvrage cité à la note (°°), p. 61). (52) [page 234]. Buckland, Geology, p. 509. (55) [page 253]. Léopold de Buch, dans les Hem. de l’Acad. de Berlin, 1815, p. 161, et dans les 4nnales de Poggendorff, vol. IX, p. 575; Elie de Beaumont, dans les 4nnales des Scien- ces Nat. t. XIX, p. 60. (54) [page 256]. Cf. Elie de Beaumont, Descrip. géol. de la France, t. I, p. 65: Beudant, Géologie, 1844, p. 209. (55) [page 259]. Transaction of the Cambridge Philos. Society, vol. VL P. 2, 4857, p. 297. Selon d’autres auteurs, le rapport est celui de 100 à 284. (56) [page 240]. On croyait, dans le moyen âge, que les mers couvraient la septième partie seulement de la surface terres- tre; et cette croyance le cardinal d’Ailly la basait sur le 4° li- vre apocryphe d’Esdras. Christophe Colomb, qui puisait toutes ses notions cosmologiques dans l’œuvre du Cardinal, avait un grand intérêt à défendre cette opinion de la petitesse relative des mers, que l'expression mal comprise de « Fleuve de FO- céan » venait encore renforcer. Cf. Humboldt, Examen critique de l'hist. de la Géographie, t. J, p. 186. (57) [page 240]. Agathémère, dans Hudson, Geographi mi- nores, t. Il, p. 4. Cf. Humboldt, 4sie cent., t. [, p. 120, 195. (38) [page 240]. Strabo, lib. I, p. 65, Casaub. Cf. Humboldt, Examen cril., t. I, p. 152. se Ge = (59) [page 241}. Voy.,sur la latitude moyenne du littoral de Asie septentrionale et sur la véritable dénomination du Cap Taïmoura (Cap Siewero-Wostotschnoi) et du Cap du Nord-Est {(Schalagskoi Mys), Humboldt, 4sie centrale, t. I, p. 35 et 37. (10) [page 249]. Même ouvr., t. E, p. 198-200. De même, la pointe méridionale de l'Amérique, ainsi que l'archipel qui porte le nom de Terre de Feu, se trouvent sur le méridien de la par- tie la plus septentrionale de la baie de Baffin et de la grande terre polaire, dont les limites ne sont pas encore fixées et qui appartient peut-être au Groenland occidental. (41) [page 242]. Strabo, lib. If, p. 92 et 108, Casaub. (42) [page 249]. Humboldt, 4sie centrale, t. UT, p. 25. Dès 1847, j'ai montré, dans mon ouvrage De distributione geogru- phica plantarum secundum cœli temperiem et altitudinem mon- tium, de quelle importance il est, pour la climatologie et l’é- tude de la civilisation, de distinguer entre les continents arti- culés et les continents compactes: « Regiones vel per sinus lu- natos in longa cornua porrectæ, angulosis littorum recessibus quasi membratim discerptæ, vel spatia patentia in immensum, quorum littora nullis incisa angulis ambit sine anfractu Ocea- nus >» (p. 81 et 182). Sur le rapport de l'étendue des côtes à la superficie d’un continent, rapport qui permet de juger, d’une manière générale, à quel point l'intérieur est accessible, voyez les Annales de &éogr. de Berghaus, t. XIE 1835, p. 490, et l'Atlas physique, 1839, n° IL, p. 69. (45) [page 249], Strabo, Lib. H, p. 126, Casaub. (un) [page 249]. Pline a dit, en parlant de l'Afrique (V, 1): Nec alia pars terrarum pauciores recipit sinus. La pétite pénin- sule Transgangétique, avec sa figure triangulaire, nous offre une troisième forme très-analogue à celles de l'Afrique et de l'Amérique du Sud. L'idée d’une certaine régularité dans la configuration de la terre ferme a régné dans l'antiquité grecque. On croyait alors qu'il y avait quatre grands golfes, parmi les- quels le golfe Persique et la mer d’Iyrcanie (la mer Caspienne) devaient être opposées l'an à l’autre (Arrien, VIF, 16; Plut., x cila Alexandri, cap. 44; Dionys., Perieg., vol. 48 et 650, p. 1f et 58, Bern.). Bien plus, quatre golfes se retrouvaient sur la — 413 — surface de la Lune, comme un reflet des grandes formes de Ja surface terrestre (voy. cette fantastique conception d’Agésianax dans Plut., De Facie in Orbe Lunæ, p. 9921, 49). Il faut lire dans Macrobe, Comm. in Somnium Scipionis, IL, 9, la description de la terra quadrifida, ou des quatre continents disposés deux par deux, au nord et au sud de l'équateur. J'ai soumis cette par- tie de l’ancienne géographie à une diseussion nouvelle et ap- profondie, afin de la dégager de la confusion inextricable où elle avait été laissée; voy. mon Examen crit. de l'Hist. de la Géogr., t. 1, p. 119, 145, 180-185, et mon sie centrale, t. WI, p. 179-178. (45) [page 245]. Fleurieu, dans le Zoyage de Marchand au- tour du monde, t. IV, p. 58-42. (46) [page 245]. Humboldt, dans le Journal de Physique. t, LUI, 4799:1p-1534, € Rel. hist..t. IL, p.491 IL, p. 189. et 198. (47) [page 9245]. Humboldt, dans les 4nnales de Physique de Poggendorff, vol. XL, p. 171. Le dédale de fiords qui s'étend au sud-est de l'Amérique a été décrit par Darwin dans son Journal (Narrative of the soyage of the Adventure and Beagle, vol. IH), 1839. p. 266. Le parallélisme des deux chaines se maintient depuis le 3° degré de latitude boréale, jusqu'au 5° degré de latitude australe. Le changement de direction que la côte presente vers Arica paraît être la conséquence d'un chan- gement analogue dans l'immense fissure sur laquelle la Cor- dillera de los Andes a été soulevée. (48) [page 245]. De la Bèche, Sections and Views illustrative of Geological Phenomena, 1850, Tab. 40; Charles Babbage. Observations on the Temple af Serapis at Pozzuoli near Naples, and on certain causes which gnay produce Geological Cycles of great extent, 1854. « Si la température d’une couche de grès, de 8000 mètres d'épaisseur, augmente de 45°, la surface de cette couche dilatée s’élèvera de 7 m. Le contraire a lieu pour des couches argileuses; leur échauffement produit une contrac- tion et, par suite, une dépression du sol. » Cf. les calculs que Bischof a faits sur l’exhaussement séculaire de la Suède, en — fa — supposant que la température d'une couche de 45500 m. d'é- paisseur augmente de 5° Réaumur. Bischof, Théorie de la cha- leur interne du Globe terrestre, p. 305. (49) [page 245]. « On a supposé jusqu’à présent que la pe- santeur reste invariable en chaque point de la surface. Mais depuis que lon a constaté un soulèvement graduel, sur de grandes étendues de la surface terrestre, cette hypothèse, en apparence si bien établie, est devenue jusqu’à un certain point incertaine. +» Bessel, Sur les poids et mesures, dans l'Annuaire de Schumacher pour 1840, p. 154. (50) [page 246]. P. II (1810), p. 589. Cf. Halstrœm, dans les LKongl. Vetenskaps-Academies Handlingar (Stokholm ), 1893, p. 50; Lyell, dans les Philos. Transact. for 1855, p. 1; Blom, Descr. stat. de la Norwège, 1845, p. 89-116, allem. Dès 1802, avant la publication du voyage de Léopold de Buch en Scan- dinavie et après l’époque du voyage lui-mème, Playfair présu- mait que le niveau de la mer ne s’abaissait point, mais que le sol de la Suède s’exhaussait (Zllustrations of the Huttonian Theory 2595); selon Keilhau (Om Landjordens Stigning in Norge, dans le Nyl Magazin for Natursidenskaberne), Playfair, à son tour, aurait été précédé, dans cet ordre d'idées, par le Danois Jessen. Hâtons- nous d’ajouter que ces opinions n'ont exercé aucune influence sur les progrès de la physique du globe, ni sur les travaux du grand géologue allemand auquel elles restèrent entièrement in- connues. Dans un ouvrage intitulé: Xongeriget Norge fremstil- let efter dets naturlige og borgerlige Tilstand, Kjæbenh., 1765, Jessen a cherché à approfondir les causes des variations qu'é- prouve la différence de niveau de la mer et de la terre ferme, en prenant pour base les déterminations anciennes de Celsius, ‘ de Kalm et de Dalin. Après avoir débuté par des assertions er- ronées sur la faculté qu'il attribue aux pierres et aux roches de croitre comme par intussusception, il se prononce finalement pour une hypothèse plus rationnelle, et il rattache aux trem- blements de terre, comme conséquence, lexhaussement graduel du sol. « Quoique le tremblement de terre (à Egersund) n'ait point été suivi d’un souièvement de ce genre, il est possible, dit Jessen, que les secousses aient préparé les voies à l’action de quelques autres causes. » — 415 — (51) [page 246]. Berzelius, Rapport annuel sur les progrès des Sciences physiques, n° 18, p. 686. L'ile de Bornholm et celle de Saltholm, située vis-à-vis de Kopenhague, s'élèvent fort peu: l'exhaussement est à peine d’un tiers de mètre par siècle pour Bornholm. Voy. Forchhammer, dans le Philos. Magazine, se- rieS III, VOl. If, p. 309. (52) [page 246]. Keïlhau, dans le Nyt Mag. for Naturvid., 1839, vol. IL, p. 105-254; vol. IE, p. 57; Bravais, Sur les lignes d’'ancien niveau de la mer, 1845, p. 15-40. Cf. aussi Darwin, On the Parallel roads of Glen-Roy and Lochaber, dans les Philos. Transact. for 1839, p. 60. (55) [page 247]. Humboldt, 4sie centrale, t. Il, p. 319-594; t. III, p. b49-551. La dépression de Ia mer Rouge a été déter- minée successivement par les mesures barométriques du comte Bertou, par les mesures beaucoup plus soignées de Russegger et par les opérations trigonométriques du lieutenant de vais- seau Symond. Cette dernière mesure donna, d’après une lettre adressée par M. Alderson à la Société géographique de Londres (cette lettre m'a été communiquée par mon ami le capitaine Washington), 489 m. pour la différence de hauteur entre le ni- veau de la mer Morte et la plus haute maison de Jaffa. M. Al- derson croyait, à cette époque (28 nov. 1841), que la mer Morte était à 497 m. au-dessous de la Méditerranée. Dans une com- munication plus récente du lieutenant Symond (Jameson’s Edinb. New. Philos. Journal, vol. XXXIV, 1845, p. 178) le résultat définitif de deux mesures trigonométriques parfaitement con- cordantes est 400 mètres. (54) [page 247]. Sur la mobilité du fond de la mer Caspienne, dans mon Asie centrale, t. I, p. 285-294. En 1850, l’Académie impériale des Sciences de Saint-Pétersbourg à chargé, sur ma demande, le savant physicien Lenz de poser des marques fixes sur la presqu'ile d'Abschéron, près de Bakou, afin d'indiquer le niveau moyen des eaux pour une époque déterminée. De même, J'ai insisté, en 1859, dans un appendice aux instructions don- nées au capitaine Ross pour l'expédition antarctique, sur la né- cessité d'établir, comme en Suède et comme sur les rives de la mer Caspienne, des points de repère sur les rochers qui bor- dent la mer dans l'hémisphère Sud. Si une pareille mesure eût — 416 — été prise à l’occasion des premiers voyages de Gook et de Bou- gainville, nous saurions aujourd'hui sile changement séculaire du niveau relatif des eaux et des terres est un phénomène gé- néral ou un fait purement local, et s’il existe une loi fixe dans la direction des points qui s'élèvent ou qui s’affaissent simulta- nément, (55) [page 247]. Sur l’affaissement et l’exhaussement du fond de la mer du Sud, et les diverses « areas of alternate move- ments, » voy. Darwin’s Journal, p. 557 et 561-566. (56) [page 280]. Humboldt, el. hist., t. II, p. 232-254, Cf. aussi d'ingénieuses remarques Sur la configuration de la terre et la disposition des lignes de faite, dans Albert de Roon, Prin- cipes de Géographie, d'Ethnologie et de Stalistique, 4°" div. 1837, p. 158, 270 et 276. (57) [page 250]. Léopold de Buch, Sur les systèmes géognos- tiques de l'Allemagne, dans ses Lettres géogn. à Alexandre de Humboldt, 1824, p. 265-271; Elie de Beaumont, Recherches sur les révolutions de la surface du globe, 1829, p. 297-507. (58) [page 250]. Humboldt, 4sie centrale, t. 1, p. 277-285. Voy. aussi mon Essai sur le gisement des Roches, 1822, P. 57, et la Relat. hist., t. NE, p. 244-9250. (59) [page 251]. 4sie centrale, t. T, p. 284-286. La mer Adria- tique suit également la direction S.E.-N.0. (60) [page 251]. De la hauteur moyenne des continents, dans mon Asie centrale, t. T, p. 82-90 et 165-189. Les résultats que j'ai obtenus doivent être considérés comme des nombres-limites. Laplace estime à 1,000 m. la hauteur moyenne des continents; ce nombre est, pour le moins, trois fois trop fort. L'immortel géomètre avait été conduit à ce résultat par certaines considé- rations hypothétiques sur la profondeur moyenne des mers (Mécanique céleste, t. V,p. 14). J'ai montré dans l’4sie centrale, t. L, p. 95, que déjà les mathématiciens de l’école d'Alexandrie avaient cru que cette profondeur des mers était déterminée par la hauteur des montagnes (Plut., ix Æmilio Paulo, cap. 1B). La hauteur du centre de gravité des masses continentales su- bit vraisemblablement de faibles variations dans le cours des siècles. — 417 — (61) [page 282]. Deuxième lettre géologique d’'Elie de Beau- mont à Alexandre de Hwmboldt, dans les Annales de Poggen- dorff, vol. SKY, p. 1-58. (62) [page 953]. Humboldt, Relat. hist. 4. I, chap. XXIX, p. 514-550. (63) [page 254]. Voy. la série des observations que J'ai faites dans la mer du Sud, depuis 0° 5 jusqu’à 15° 46 de latitude bo- réale, 4sie centrale, {. NI, p. 554. (64) [page 254]. On pourra (par la température de l'Océan sous les tropiques) attaquer avec succès une question capitale restée jusqu'ici indécise, la question de la constance des tem- pératures terrestres, sans avoir à s'inquiéter des influences lo- cales naturellement fort circonscrites, provenant du déboise- ment des plaines et des montagnes, du dessèchement des lacs et des marais. Chaque siècle, en léguant aux siècles futurs quel- ques chiffres bien faciles à obtenir, leur donnera le moyen peut- être le plus simple, le plus exact et le plus direct de décider si lé soleil, aujourd'hui source première à peu près exclusive de la chaleur de notre globe, change de constitution physique et d'éclat, comme la plupart des étoiles, ou si au contraire cet astre est arrivé à un état permanent. Arago, dans les Comptes rendus des séances de l’ Acad. des Sciences, t. XI, P. 2, p. 501. (65) [page 255]. Humboldt, 4sie centrale, t. I, p.321 et 327, (66) [page 253]. Voy. les résultats numériques, même ouv., t. 11, p. 528-355. Un nivellement géodésique que mon vieil ami, le général Bolivar, a fait exécuter sur ma prière, en 1828 et 1829, par Lloyd et Falmare, a prouvé que le niveau de là mer du Sud est à 4 m. tout au plus au-dessus de celui de la mer des Antilles, et même que l’une de ces deux mers est tantôt plus haute, tantôt plus basse que l’autre, selon les heures de leurs marées respectives. Or, comme le nivellement a été effectué sur une ligne de 12 myriamètres, en 955 stations et par autant de coups de niveau, on admettra facilement que l'erreur du résultat final puisse aller à 1 m., ét l’on pourra considérer ce résultat comme une nouvelle preuve de l’équilibre des eaux qui communiquent vers le cap. Horn (Arago, Annuaire du Bureau des Longitudes pour 1851, p. 519). J'avais déjà cru reconnaître en 1799 et 480%, — 418 — par mes observations barométriques, que, s'il existait une dif- férence entre le niveau de la mer du Sud et celui de la mer des Antilles, cette différence ne pouvait dépasser 3 mètres Voy. ma Zelat. hist., t. NI, p. 5b5-B57, et les Annales de Chi- mie, & 1, p. 55-64. Les mesures qui paraissent établir un excès de hauteur pour les eaux du golfe du Mexique et pour celles de la partie septentrionale de la mer Adriatique (en combinant les opérations trigonométriques de Delcros et de Choppin avec celles des ingénieurs suisses et autrichiens) ne paraissent pas mériter, sur Ce point, une grande confiance. Malgré la forme de la mer Adriatique, il est invraisemblable que le niveau de la partie septentrionale soit à 8,4 au-dessus du niveau de Ja Mé- diterranée, à Marseille, et à 7,6 au-dessus de l'Océan Atlanti- que. Voy. mon 4sie centrale, t. II, p. 552. (67) [page 256]. Bessel, Sur les marées, dans l'Annuaire de Schumacher pour 1858, p. 2925. (68) [page 256]. La densité de l’eau de mer dépend à la fois de la température et du degré de salure; c’est un élément dont on ne s’est pas assez préoccupé dans la recherche des causes qui produisent les courants. Le courant sous-marin qui ramène vers l'équateur les eaux froides des contrées circumpolaires, suivrait une direction diamétralement opposée; il irait de l'é- quateur aux pôles, si les différences de salure étaient seules en jeu. Sous ce point de vue, la distribution géographique de la température et dela densité des eaux de la mer est d’une haute importance. Les observations nombreuses de Lenz (4nnales de Pogg., vol. XX, 1830, p. 129), et celles qui ont été recueillies pendant les voyages du capitaine Beechey (f'oyage to the Pa- cifice., vol. Il, p. 727), méritent une attention particulière. Cf. Humboldt, Relat. hist., t. 1, p. 74, et Asie centrale, t. I, p. 556. (69) [page 287]. Humboldt, Xelat. hist. t. 1, p. 64; Nouvel- les Annales des Voyages, 1859, p. 25. (70) [page 287]. Humboldt, Examen crit. de l'hist. de la géogr., t. JL, p. 100. Colomb ajoute: « C’est dans la mer des Antilles que ce mouvement est le plus fort > (Navarrète, Coleccion de los siages y descubrimientos de los Espanoles, t. 1, p. 260). Et en effet, Rennell nomme cette région « not a current, but a sea in motion. » (/nvestigations of Currents, p. 25). — 419 — (74) [page 257]. Humboldt, Examen crit., t. 11, p. 280. Aelat. hist. t. [, p. 66-74. (72) [page 257]. Petrus Martyr de Angleria, De Rebus Ocea- nicis et Orbe Novo, Bas. 1595, Dec. I, lib. VI, p. 87. Cf. Hum- boldt, Examen critique, t. I, p. 254-287, et t. IL, p. 108. (75) [page 258]. Humboldt, Examen crit., t. IL, p. 64-101. (74) [page 261]. Cette voix mystérieuse lui disait : « Maravillosamente Dios hizo sonar tu nombre en la tierra de los atamientos de la mar Oceana, que estaban cerrados con cadenas tan fuertes, te did las Ilaves. # Colomb a raconté ce songe dans sa lettre au roi d'Espagne, en date du 7 juillet 1503 (Humboldt, Examen critique, t. II, p. 234). (75) [page 262]. Boussingault, Recherches sur la composition de l’Atmosphère, dans les Annales de Chimie et de Physi- que, t. LVII, 4854, p. 171-175. D’après Boussingault et Léwy. la proportion d’acide carbonique contenue dans l’atmosphère, à Andilly, par conséquent loin des émanations des villes, oscille- rait seulement entre 0,000928 et 0.000351 en volume. (76) [page 262]. Liebig, dans son important ouvrage: La chi- mie organique dans son application à l’agriculture et à la physiologie, 1840, p. 64-72. Sur le rôle que joue l'électricité atmosphérique dans la production du nitrate d’ammoniaque, le- quel est transformé en acide carbonique par le contact avec la chaux, voy. Boussingault, Économie rurale considérée dans ses rapports avec la Chimie et la Météorologie, 4844, t. IE, p. 247 et 697 (Cf. aussi t. 1, p. 84). (77) [page 262]. Léwy, Comptes-rendus de l’ Acad. des Scien- ces, t. XVII, B. 2, p. 255-9248. (78) [page 262]. J. Dumas, Annales de Chimie, 5° série, t. II, 1841, p. 287. (79) [page 265]. J'ai omis de mentionner, dans cette énume- ration, l’acide carbonique que les plantes exhalent pendant la nuit, en même temps qu’elles absorbent l'oxygène, parce que cette émission d'acide carbonique est largement compensée par l'acte de la respiration des végétaux pendant le jour. Cf. Bous- singault, Économie rurale, t. I, p. 83-68; Liebig, Chimie orga- nique, p. 16 et 21. — 420 — (80) [page 265]. Gay-Lussac, dans les 4nnales de Chimie, 1. LI, p. 120; Payen, Mémoire sur la composition chimique des végétaux, D, 56 et 49; Liebig, Chimie organique, p. 299-545: Boussingault, Économie rurale, t. I, p. 142-155. (81) [page 264]. En appliquant les formules que Laplace avait communiquées au Bureau des Longitudes, peu de temps avant sa mort, Bouvard a trouvé, en 1897, que la partie des varia- tions horaires de la pression atmosphérique qui dépend de l'at- traction de la lune, ne saurait augmenter, à Paris, la hauteur du mercure dans le baromètre, de plus 0.018 de millimètre: tandis que, d’après onze années d'observations faites à Paris, l’oscillation moyenne du baromètre était de 0,786 de M mètre, de 9 heures du matin à 5 heures de l'après-midi; e de 0,575 de millimètre, de 3 heures de l'après-midi à 9 es du matin. Voy. Mémoires de l’Acad. des Sciences, t. VIT, 1827, p. 267. (82) [page 265]. Obserçeations faites pour constater la marche des variations horaires du baromètre sous les Tropiques, dans ma Aelalion historique du Voyage aux Régions Equinoxiales , t. LL, p. 270-513. (85) [page 265]. Bravais, dans Kæmtz et Martins, Météorolo- gie, p. 265. À. Halle (lat. 51° 29), l’amplitude de loscillation est encore de 0.631 de millimètre. Pour les montagnes des z0- nes tempérées, la détermination précise des heures du maxi- mum et du minimum parait exiger une longue série d’observa- tions: Cf. les observations de variations horaires qui ont été recueillies en 1859, 1841 et 1849, sur le sommet du Faulhorn; Martins, Météorologie, p. 254. (84) [page 265]. Humboldt, Essai sur la géographie des plan- tes, 1807, p. 90. Relat. hist. t. IX, p. 515; et sur la diminution de la pression atmosphérique dans les régions üftertropicales de l'Océan Atlantique, voy. Annales de Physique, de Poggen- dorff, vol. XXXVIL p. 245-958, et p. 468-486. (85) [page 266]. Daussy, dans les Comptes rendus , t. AI, p. 156. (86) [page 266]. Dove, Sur les Tempétes ; dans les Annales de Poggendorff, vol. LI, p, 4. — 491 — {87) [page 266]. Léopold de Buch, Rose barometrique des vents, dans les Mém. de l’Acad. de Berlin, 1818-1819, p. 187. (88) [page 266]. Dove, Recherches meléorologiques, 1837, p. 99-545: voy. aussi les remarques ingénieuses de Kæmtz sur le courant d'ouest supérieur qui retombe vers les latitudes éle- vées et sur les phénomènes généraux de la direction des vents, dansles Zecons sur la Météorologie, p. 58-66, 196-200, 527-556, 553-564: Kæmtz, dans l’Znnuaire de Schumacher’ pour 1858, p. 291-302. Dove a publié une exposition très-intéressante des principaux phénomènes météorologiques, dans un petit écrit : Climat de Berlin, 1849. La rotation des vents a été connue des anciens navigateurs (Churruca, Viage «l Magellanes ; 1795, p. 15); sur ‘une expression remarquable de Christophe Colomb, que son fils don Fernando Colomb nous a conservée dans la Vida del Almirante, cap. 35, voy. Humboldt, Examen critique de l'hist. de la Géographie, t. IV, p. 253. (89) [page 267]. Monsum (en malais musim, l'hippalus des Grecs) vient de l'arabe mausim , époque fixée, saison, épo- que du rassemblement de ceux qui font le pèlerinage de la Mecque. Ce mot a été appliqué à la saison des vents réguliers, lesquels tirent leur nom spécifique des contrées d’où ils souf- flent; ainsi on dit le mausim d’Aden, le mausim de Guzerate, du Malabar, etc. (Lassen, 4rchéologie indienne, vol. T, 1843, p. 211, allem.). Sur l’influence contraire de la base solide et de la base liquide qui portent l'atmosphère, voy. Dove, dans les Mém. de l’Acad. de Berlin, 4849, p. 239. (90) [page 272]. Humboldt, Recherches sur les causes des in- flexions des lignes Isothermes, dans l’4sie centrale, t. I, p. 103-114, 118, 199, 188. (91) [page 275]. George Forster, Petits écrits, P. III, 1794, p. 87, allem.; Dove, dans l'Annuaire de Schumacher pour 1844, p. 289; Kæmtz, Météorologie, vol. IF, p. 44, 45, 67 et 96; Arago, dans les Comptes rendus, t. L p. 268. (92) [page 274]. Dante, Divina commedia , Purgatorio , canto II. (93) [page 275]. Humboldt, Sur les lignes Isothermes, dans les Mém. de phys. et de chimie de la Société d’Arcueil , t. HT. 29 — 429 — Paris, 1817, p. 14-165; Knight, dans les Transact. of the hor- ticultural Society of London, vol. I, p.32; Watson, Zemarks on the geographical distribution of British plants, 1835, p. 60: Trevelyvan, dans le Wew Edimb. Philos. Journal de Jameson, n° 48, p. 484; Mahlmann, dans son excellente traduction alle- mande de mon #sie centrale, P. 1, p. 60. (94) [page 276]. « Hæc de temperie aeris, qui terram late cirecumfundit, ac in quo, longe a solo, instrumenta nostra me- teorologica suspensa habemus. Sed alia est caloris vis, quem radii solis nullis nubibus velati, in foliis ipsis et fructibus ma- turescentibus, magis minusve coloratis, gignunt, quemque, ut egregia demonstrant experimenta amicissimorum Gay-Lussacii et Thenardi de combustione chlori et hydrogenis, ope thermo- metri metiri nequis. Etenim locis planis et montanis, vento libe spirante, circumfusi aeris temperies eadem esse potest cœlo sudo vel nebuloso; ideoque ex observationibus solis thermometricis, nullo adhibito Photometro, haud cognosces quam ob causam Galliæ septentrionalis tractus Armoricanus et Nervicus, versus littora , cœlo temperato sed sole raro utentia, vitem fere non tolerant. Egent enim stirpes non solum caloris stimulo, sed et lucis, quæ, magis intensa locis excelsis quam planis, duplici modo plantas movet, vi sua tum propria, tum cCalorem in su- perficie earum excitante. » (Humboldt, De distributione geogrea- phica plantarum, 1817, p. 165-164). (95) [page 276]. Humboldt, ouv. cité, p. 186-161; Meyen, dans son Essai sur la géographie des Plantes, 1856, p. 579-467, al- lem.; Boussingault, Économie rurale, t. IL, p. 675. (96) [page 276]. Je place ici un tableau dont l'échelle décrois- sante représente les diverses situations de l’industrie vinicole en Europe, et la dépréciation de ses produits en raison des cli- iwats. Voy. mon Asie centrale, t. HE, p. 159. Aux exemples cites dans le texte du Cosmos, pour la production du vin à Bordeaux et à Potsdam, je joins ici les données relatives aux bords du Rhin et du Mein (lat. 48° 55—50°7). On voit par Cherbourg et Dublin, dont les climats paraissent différer si peu de ceux de l'intérieur de l’Europe continentale, lorsqu'on en juge par les indications d’un thermomètre suspendu à l'ombre, on voit, dis- je, que l’état habituellement serein ou nébuleux du ciel peut — 423 — influer sur les productions végétales, au point de hâter ou d'ar- rèter la maturation. NOMBRE 4 üte, (Automne, LIEUX. les années! ! BORDEAUX 40° 50° 240,7| 149,4 10 ISTRASBOURG{48 35 | : 18,1| 10,0 + cpl | | HEIDELBERG [49 24 17,9| 0,9 20 | coute dote edf + | | MANHEIM. . [49 99 19,5| 9,8 42 | | me are Ep |WURZBOURG 49 48 19,71 9:37 27 mer latin € 4 FRANCFORT |. 18.0l 9.7 19 | sur-le-Mein. |” ? d | BERLIN 17,5| 8,6 29 CHERBOURG : (point de vin.) 16,5] 12,5 DUBLIN 13,3| 9,8 45 Il Le grand accord que les données météorologiques des vallées du Rhin et du Mein présentent entre elles et dans la manière dont la chaleur de l’année se trouve répartie entre les diverses saisons preuve l'exactitude des observations sur lesquelles ces données reposent. Dans ce tableau, l'hiver comprend les mois de décembre, de janvier et de février, selon l’usage adopté, avec raison, pour tous les tableaux météorologiques. Quand on compare la qualité des vins en Franconie ou dans les pays des bords de la Baltique, avec la moyenne température des mois d’été et d'automne à Wurtzbourg et à Berlin, on est presque = (ag = surpris de ne trouver que des différences de 4° à 1°, 2; mais celles du printemps diffèrent de 2; l'époque de la fleuraison de la vigne pendant les gelées tardives de mai, et après un hiver plus froid aussi de 2°, est un élément tout aussi important que peuvent l'être l’époque de la maturation tardive de la grappe et l'influence de la lumière solaire directe et non diffuse. La différence dont il est question dans le texte, entre la tempéra- ture vraie superficielle du sol et les données d’un thermomètre placé à l'ombre, à été étudiée par Dove, à l’aide d'observations recueillies pendant quinze ans, dans un jardin de Chiswick, près de Londres (Rapports sur les Actes de l'Acad. de Berlin, août 1844, p. 285). (97) [page 277]. Cf. mon traité Sur les causes principales de la diversité des temperatures à la surface du Globe, dans les Mem. de l’Acad. de Berlin, 1897, p. 511. (98) [page 278]. Le sol de la Sibérie compris entre Tobolsk, Tomsk et Barnual, depuis l'Altaï jusqu'à la mer Glaciale, n’est pas aussi élevé que celui de Manheim et de Dresde; et même Irkutsk; situé à l’est du Jenisei, est ‘fs plus bas que Munich; la hauteur est de 405 -m. (99) [page 279]. Humboldt, Recueil d'observations astrono- miques, t. [, p. 196-140; Relation historique, t. 1, p. 119, 441 et 227; Biot, dans la Connaissance des temps pour l'an 1841, p. 90-109. (100) [page 281]. Anglerius, De rebus Oceanicis, dec. IF, Bb. IF, p. 140 (ed. Col. 1574). Dans la Sierra de Santa Marta, dont les plus hautes cimes paraissent dépasser 5800 m, (voy. ma Zelation hist., t. Il, p. 214); un de ces hauts sommets porte encore le nom de Pico de Gaira. (1) [page 282]. Cf. ma table des hauteurs des neiges perpé- tuelles dans les deux hémisphères, depuis 74° ‘fa de latitude boréale, jusqu’à 55° 54° de latitude australe, dans l’4sie cen- trale, t. HI, p. 560. (2) [page 285]. Darwin, Journal of the voyages of the Ad- venture and PBeagle, p. 297. Comme à cette époque le volcan d’Aconcagua n'était point en éruption, l’absence des neiges (ce phénomène se présente parfois sur le Cotopaxi) ne saurait être — 495 — attribuée à un échauffement rapide de l'intérieur du cratère où à l'émission de gaz fortement chauffés à jtravers les fissures. (Gillies, dans le Journal of Nat. Sciences, 4850, p. 516.) (3) [page 285]. Voy. mon Second Mémoire Sur les Monta- gnes de l'Inde, dans les Annales de Chimie et de Physique, t. XIV, p. 5-55, et 4sie centrale, t. HI, p. 281-527. Les voya- geurs les plus habiles et les plus expérimentés qui aient visité l'Himalaya, Colebrooke, Webb et Hogdson, Victor Jaquemont, Forbes Noyle, Carl de Hügel et Vigne, ont tous confirmé l’ex- cès de hauteur des neiges sur le versant thibétain; et pourtant le fait a été mis en doute par John Gerard, le géologue Mac Clelland, éditeur du Calcutta Journal, et le lieutenant Thomas Hutton (Assistant Surveyor of the Agra division). L'apparition de mon ouvrage sur l'Asie centrale a ranimé ce débat. Un nu- méro récent d'un journal publié aux Indes (Mac Clelland and Griffith, The Calcutta Journal of natural history, vol. IV, 1844 January), contient une notice fort remarquable et tout à fait décisive sur les limites des neiges de l'Himalaya. M. Batten (Bengal service) écrit du camp de Semulka, sur la rivière de Cossillah, dans la province de Kumaon: « Je viens de lire avec surprise les assertions de M. Thomas Hutton sur la limite des neiges éternelles. Il est de mon devoir de contredire de pareil- les assertions, surtout quand je vois M. Mac Clelland aller jus- qu'à parler du service que M. Hutton vient de rendre aux scien- ces, en détruisant une erreur généralement répandue (Journal ofthe Asiatie Society of Bengal, vol. IX. Calcutta, 1840, p. 575. 573 et 580). On a tort d'affirmer que tout voyageur qui aura parcouru l'Himalaya partagera les doutes de M. Hutton. Je suis un de ceux qui ont visité le plus souvent la partie occi- dentale de notre puissante chaine. Je suis allé, par le Borendo- Pass, dans la vallée de Buspa et dans le bas Kanawer, et je suis revenu dans les montagnes du Gurwal, en traversant le col élevé de Rupin. Fai atteint les sources de la Jumma, vers Jumnotri; de là je me suis dirigé vers les affluents du Gange de Mundakni et Wischnou-Aluknunda, vers Kadarnath et le célèbre pie neigeax de Nundidevi. Souvent j'ai traversé le Niti Pass pour atteindre le plateau thibétain. J'ai moi-mème fondé l'établissement de Bhote-Mehals. La situation de ma demeure , au milieu des montagnes, m'a mis, depuis six ans, en commu- — 426 — nication habituelle avec les voyageurs européens et indigènes dont j'ai pu ürer les meilleurs renseignements sur l'aspect du pays. Tous les documents que j'ai réussi à rassembler ainsi. dans mes voyages ou par mes relations personnelles, m'ont conduit à une conviction que je suis en mesure de défendre. savoir, que dans l'Himalaya la limite des neiges éternelles est plus élevée sur le versant septentrional (thibétain) que sur le sersant méridional (indien), M. Hutton change la question tout en croyant s'attaquer aux conclusions de M. de Humboldt sur ie phénomène pris dans sa généralité; il combat une idée qu'il s'est forgée lui-même; il cherche à prouver, et nous sommes prêts à le lui accorder, que dans certaines montagnes de l'Hi- malaya la neige a pu durer plus longtemps sur le versant du nord que sur celui du sud. » (Cf. aussi la note (°), p. 34%). Si la hauteur moyenne du plateau thibétain est de 3500 mètres, il est permis de le comparer au plateau fertile de Caxamarca, dans le Pérou; mais cette évaluation même le place à 400 mè- tres au-dessous du plateau de Bolivia, où se trouve le lac de Titicaca, et du pavé des rues de la ville de Potosi. D’après l’é- valuation que Vigne a conclue du point d’ébullition de l’eau, la hauteur de Ladak est de 3046 m. Cette hauteur est proba- blement aussi celle de H’Lassa (Youl-Soung), ville entièrement monastique, entourée de vignes et nommée par les écrivains chinois: Royaume de la joie; peut-être ces vignes sont-elles situées dans des vallons profondément découpés. (4) [page 284]. Cf. Dove, Comparaison météorologique de l’4- meérique du Nord et de l'Europe, dans l'Annuaire de Schuma- cher pour 1841, p. 511, et les Recherches météorologiques du méme auteur, p. 1440. (5) [page 285]. La quantité moyenne de pluie a été, à Paris, de 1805 à 1899, de 507 millimètres, d’après Arago; à Londres, de 4819 à 1827. de 632 millimètres; à Genève, par une moyenne de vingt-trois années d'observation, de 776 millimètres. Sur les côtes de l'Hindoustan, la quantité annuelle de pluie varie en- tre 2994 et 5248 millimètres; à Cuba, en 1891, il n’en tomba pas moins de 5600 millimètres. Voy. sur la distribution de la quantité de pluie, selon les saisons, dans l’Europe moyenne, les excellentes observations de Gasparits de Schouw et de Bra- vais. dans la Bibliothèque universelle, t. XXXVIIL, p. 54 et 264; — 497 — Tableau du climat de l'Italie, p. 76, et les notes dont Martins a enrichi sa belle traduction française de Kæmtz, ZLecons de Météorologie, p. 142. (6) [page 285]. D'après Boussingault (Économie rurale, t. I, p. 695), la quantité de pluie, à Marmato (lat. 5° 27, hauteur 1495 m., températ., moy. 20°, 4) a été, en 1833 et en 1854, de 1629 millimètres pour la moyenne des deux années, tandis qu'à Santa-Fe de Bogota (lat. 4° 36, hauteur 2647 m.. et tem- pérature moy. 14°, 5), elle n'était que de 1004 millim. (7) [page 285]. Pour le détail de cette observation, voy. mon Asie centrale, t. IE, p. 85-89 et 567 ; sur l’état hygrométrique de l'atmosphère des plaines basses de l'Amérique du Sud, voy. ma Æelat. hist, t. 1, p. 242-248: t. II, p. 45, 164. (8) [page 285]. Kæmtz, Lecons de Météorologie, p. 117. (9) [page 286]. Sur l'électricité qui provient de l’évaporation, à une température élevée, voy. Peltier, dans les 4nnules de Chimie, t. LXXV, p. 550. (10) [page 286]. Pouillet, dans les 4nnales de Chimie, t. XXXV, p- 405. (11) [page 286]. De la Rive, dans son excellent Essai histo- rique sur l'Électricité, p. 140. (12) [page 286]. Pellier, dans les Comptes rendus de l’ Acad. des Sciences, t. XIT, p. 507; Becquerel, Traité de l’Électricite et du Magnétisme, t. IV, p. 107. (15) [page 286]. Duprez, Sur l’Électricité de l'air (Bruxel- les, 1844), p. 56-61. (14) [page 287]. Humboldt, Relat. historique, t. IL, p. 318. Je ne parle ïei que des recherches que j'ai faites avec un élec- tromètre de Saussure armé d'un conducteur métallique long d'un mètre, recherches dans lesquelles lélectromètre ne rece- vait aucun mouvement, de haut en bas, ni de bas en haut, et où le conducteur n’était point armé d’une éponge imbibée d’al- cool enflammé. Ceux de mes lecteurs qui sont au courant des points actuellement controversés dans la théorie de l’électri- cité atmosphérique, comprendront le but de cette restriction. — 428 — Quant à la formation des orages sous les tropiques, voy. ma Relal. hist, & N, p. 45 et 202-209. (15) [page 287]. Gay-Lussac, dans les 4nnales de Chimie et de Physique, t. NII, p. 167. Le désaccord qui règne entre les vues de Lamé, de Becquerel et de Peltier ne permet guère de rien décider encore sur la cause de la distribution spécifique de l'électricité dans les nuages, les uns chargés d'électricité positive, les autres d'électricité négative. L’électricité négative, qui se développe dans l'air près des cascades où l’eau est in- cessamment réduite en poussière fine, est un phénomène extré- mement frappant; il a été découvert, en premier lieu, par Tral- les, et j'ai eu souvent l’occasion de le vérifier sous des latitu- des très-diverses; ses effets sont encore sensibles à 1400 ou à 150 m. de distance pour un bon électromètre. (16) [page 288]. Arago, Annuaire du Bureau des Longitudes pour 1858, p. 246. (17) [page 288]. Même ouv., p. 249-266 (Cf. p. 268-279). (18) [page 2881. Même ouv., p. 588-591. L'académicien de 3œr, qui à fait faire tant de progrès à la météorologie du nord de l'Asie, n’a point eu en vue l’excessive rareté des orages en Irlande et dans le Groenland; il dit seulement que l’on a entendu tonner quelquefois à la Nouvelle-Zemble et au Spitzberg (Bul- letin de l'Acad. de Suint-Pétersbourg, 1839, mai). (19) [page 290]. Kæmtz, dans l'#nruaire de Schumacher pour 1858, p. 285. (Sur la comparaison des lois de la distribu- tion de la chaleur à l’est et à l’ouest, en Europe et dans l’Amé- rique du nord, voy. Dove, Æépertoire de Physique, vol. HT, p. 592-295. Allem.) (20) [page 291]. L'Histoire des Plantes, qui a été esquissée avec talent par Endlicheret Unger (Éléments de Botanique, 1845, p. 449-468), avait été distinguée de la Géographie des plantes, un demi-siècle auparavant, dans les aphorismes de ma Flore souterraine: « Geognosia naturam animantem et inanimam vel, ut vocabulo minus apto, ex antiquitate saltem haud petito, utar, corpora organica æque ac inorganica considerat. Sunt enim tria quibus absolvitur capita: Geographia oryctologica, quam sim- vliciter geognosiam vel geologiam dicunt, virque acutissimus — ,499 — Wernerus egregie digessit; Geographia zoologica, cujus doctrine fundamenta Zimmermanus et Treviranus Jecerunt; et Geogra- phia plantarum, quam æquales nostri diu intactam reliquerunt. Geographia plantarum vincula et cognationem tradit, quibus omnia vegetabilia inter se connexa sint, terræ tractus quos teneant, in aerem atmosphæricum quæ sit eorum vis ostendit. saxa afque rupes quibus potissimum algarum primordiis radi- cibusque destruantur docet, et quo pacto in telluris superficie humus nascatur, commemorat. Est itaque quod differat inter geographiam et physiographiam, historia naturalis perperam nuncupatam, quum Zoognosia, Phytognosia et Oryctognosia, quæ quidem omnes in naturæ investigatione versantur, non nisi singalorum animalium, plantarum, reram metallicarum vel (venia sit vero) fossilium formas, anatomen, vires scrutantur. Historia telluris, geognosiæ magis quam physiographiæ affinis, nemini adhuc tentata, plantarum animaliumque genera orbem inhabitantia primævum, migrationes eorum compluriumque in- teritum, ortum quem montes, valles, saxorum strata et venæ me- talliferæ ducunt, aerem, mutatis temporum vicibus, modo pu- rum, modo vitiatum, terræ superficiem humo plantisque pau- latim obtectam, fluminum inundantium impetu denuo nudatam. iterumque siccatam et gramine vestitam commemorat. [gitur Historia zoologica, Historia plantarum et Historia oryctologica, quæ non nisi pristinum orbis terræ statum indicant, à geo- gnosia probe distinguendæ. » (Humboldt, Flora Fribergensis subterranea, cui accedunt aphorismi ex Physiologia chimica plantarum, 1793, P. IX-X.) Sur les mouvements spontanés dont il est question plus bas dans le texte, Cf. un passage remar- quable d’Aristote, De Cœlo, U, 2, p. 284 Bekker, où la dis- ünction entre les corps animés et les corps inanimés est tirée du mode de détermination au mouvement, soit intérieur, soit extérieur. « L'âme nutritive des végétaux, dit le Stagirite, ne produit aucun mouvement, parce qu'elle est plongée dans un engourdissement dont rien ne peut la tirer (Aristote, De Gene- rat. animal., NV. J, p. 778 Bekker): ils n'ont en propre aucun désir qui les incite à produire d'eux-mêmes des mouvements. :: (Aristote, De Somno et V'igil., cap. 1, p. 453 Bekker.) (21) [page 294]. Mémoire d'Ehrenberg sur la sie microscopi- que dans l'Océan, lu à l’Académie des Sciences de Berlin, le 9 mai 1844. — 430 — (22) [page 294]. Humboldt, Tableaux de la Nature. (25) [page 295]. Sur la multiplication par la division spon- tanée du corps générateur et par l’intercalation d’une substance nouvelle, voy. Ehrenberg, Des espèces animales actuellement sicantes de la formation crétacce, dans les Mém. de l’Acad. de Berlin, 1859, p. 94. La plus grande faculté génératrice, dans la nature, est celle des Vorticelles. On trouve l'évaluation du maximum de rapidité que puisse atteindre le développement de masse dans le grand ouvrage d'Ehrenberg, Zes infusoires con- sidérés comme organismes complets, 4858, P. XIE, XIX et 244. « La voie lactée de ces organismes est formée des espèces Monas, F'ibrio, Bacterium et Bodo. » La vie est répandue dans la nature avec une telle profusion que de petits infusoires vi- vent en parasites sur d’autres infusoires plus grands, et même que les premiers servent, à leur tour, de demeures à d’autres infusoires encore plus petits. (V. p. 194, 211 et 519.) (24) [page 295]. Aristote, Æislor. animal., V. 19, p. 552. Bekker. (25) [page 296]. Ehrenberg, ouv. cité, P. XIV, 192 et 495. A la multiplication rapide des animalcules microscopiques vient se joindre pour quelques-uns (anguilles du froment, infusoires roulés en cercle, ours d’eau ou tardigrades) une étonnante vi- talité. Après avoir été desséchés pendant 98 jours dans le vide, à l’aide du chlorure de chaux et de l’acide sulfurique, après avoir été chauffés à 120°, ces infusoires ont pu encore être rap- pelés à la vie et sortir de leur engourdissement. Voy. les bel- les recherches de M. Doyère, dans son mém. sur les tardigra- des et sur leur propriété de revenir à la vie, 1849, p. 419,129, 434 et 153. Cf. en général, sur la résurrection des infusoires desséchés pendant des années entières, Ehrenberg, p. 4992, 496. © (26) [page 296]. Sur la « transformation primitive » présu- mée de la matière organique ou inorganique en plantes et en animaux, Cf. Ehrenberg, dans les 4nnales de Poggendorf, vol. XXIV, p. 1, 48, et le mème auteur, 4nimalcules infusoi- res, p. 494 et 395, avec Jean Müller, Physiologie de l’homme (he éd. 4844), vol. I, p. 8, 17, allem. Il me parait extrèmement remarquable que saint Augustin, en traitant cette question: comment les iles ont-elles pu recevoir, après le déluge, de nou- — 431 — velles plantes et de nouveaux animaux? ne se montre aucune- ment éloigné d’avoir recours à l’idée d’une génération sponta- née (Generatio æquivoca, Spontanea aut primartia). « Si les an- ges ou les chasseurs des continents, dit ce Père de l'Église, n'ont point transporté d'animaux dans les îles éloignées, il faut bien admettre que la terre les a engendrés; mais alors on se demande à quoi bon renfermer dans l'arche des animaux de toute espèce. » Si e terra exortæ sunt (bestiæ) secundum ori- ginem primam, quando dixit: Producat terra animum vivam! multo elarius apparet, non tam reparandorum animalium causa, quam figurandarum variarum gentium (?) propter Ecclesiæ sa- cramentum in Area fuisse omnia genera, si in insulis, quo trans- ire non possent, multa animalia terra produxit. Augustinus, De civitate Dei, lib. XVI, cap. 7 (Opera ed. Monach. ordinis S. Benedicti, t. VII, Venet., 1752, p. 422). Deux siècles avant l'évèque d'Hippone, nous trouvons déjà établie, dans les extraits de Trogue-Pompée, entre le dessèchement primitif de l’ancien monde, du plateau asiatique, et la génération spontanée, une connexion semblable à celle qu'on retrouve dans la théorie du grand Linnée sur le Paradis terrestre et dans les réveries du xvue siècle sur l’Atlantide fabuleuse: « Quod si omnes quon- dam terræ submersæ profundo fuerunt, profecto editissimam quamque partem decurrentibus aquis primum detectam: hu- millimo autem solo eamdem aquam diutissime immoratam, et quanto prior quæque pars terrarum siccata sit, tanto prius ani- inalia generare cœpisse. Porro Seythiam adeo editiorem omni- bus terris esse ut cancta flumina ibi nata in Mæotim, tum deinde in Ponticum et Ægyptium mare decurrant. » Justinus, lib. IE, cap. I. L'opinion erronée qui fait de la Seythie un pla- teau élevé est fort ancienne ; nous la retrouvons déjà très-net- tement indiquée dans Hippocrate (De aere et aquis, cap. 6, 96, Coray). « La Scythie, dit-il, forme une plaine haute et sèche qui, sans étre couronnée de montagnes, va toujours en s'élevant vers le nord. » (27) [page 297]. Humboldt, Æphorismi ex Physiologia che- mica plantarum, dans la Flora Fribergensis subterranea. 1795, p. 178. (28) [page 297]. Sur la physionomie des végétaux, voy. Hum- boldt, Tableaux de la nature, vol. IF, p. 4, 195. — #8) (29) [page 297]. Æfna Dialogus, Opuscula, Basil., 1856, p. B5-b4. Dans ces derniers temps, Philippi a donné une belle géographie des plantes de l’'Etna. Voy. Zinnæa, 1852, p. 755, (50) [page 299]. Ehrenberg, dans les 4nnales des sciences naturelles, t. XXI, p. 587-119; Humboldt, 4sie centrale, t. 1, p. 539-549 ; t. IIL, p. 96-102. (51) [page 500]. Schleiden, Sur l’évolution des cellules végé- tales dans les Zrchives pour l’Anatomie et la Physiologie de Müller, 1838, p. 157-176, allem.; même auteur, Principes fon- damentaux de la Botanique. P.T, p. 191; P. I, p. 11, allem.: Schwann, Recherches microscopiques sur les similitudes de struc- ture el de déseloppement entre les animaux et les plantes, 1839, p. 45 et 2920. Cf. J. Müller, Physiologie de l'homme, 1840, P. II, p. 614. (52) [page 300]. Schleiden, Principes de Botanique, 1849, P..L p..492-197,, Allem: (35) [page 301]. Tacite, dans ses considérations sur la popu- lation de la Bretagne (4gricola, cap. I), distingue à merveille ce qui peut tenir aux influences du elimat de ce qui, chez les tribus venues du dehors, appartient, au contraire , à l’antique et immuable pouvoir du type héréditaire. « Britanniam qui mor- tales initio coluerunt, indigenæ an advecti, ut inter barbaros, parum compertum. Habitus corporis varii, atque ex eo argu- menta ; namque rutilæ Caledoniam habitantium comæ, magni artus germanicam originem adseverant. Silurum colorati vul- tus et torti plerumque crines, et posita contra Hispania, Iberos veteres trajecisse , easque sedes occupasse fidem faciunt: pro- ximi Gallis et similes sunt, seu durante originis vi, seu, pro- currentibus in diversa terris, positio cœli corporibus habitum dedit. - Cf. sur la permanence des types de configuration dans les régions chaudes et froides de la terre et des montagnes du Nouveau Continent, ma Æelation historique, t. 1, p. 498-305 : t. II, p. 579-574. (54) [page 501]. Cf. sur la race américaine en général le ma- gnifique ouvrage de Samuel George Morton: Crania americana, 1859, p. 62-86, et sur les crânes apportés par Pentlant du haut pays de Titicaca, Dublin Journal of Medical and Chemical — 433 — Sciences, vol. V, 1854, p. 475: Alcide d'Orbigny, L'Homme ame- ricain considéré sous ses rapports physiologiques et moraux, 1859, p. 291. Voyez aussi les Z’oyages dans l’intérieur de l'A- mérique du Nord, par le prince Maximilien de Wied, 1859, allem.; livre si riche en fines observations ethnographiques. (55) [page 502]. Rudolph Wagner, Sur la génération des mé- tis et des bâtards, dans ses remarques jointes à la traduction allemande de l’ouvrage de Prichard, Histoire naturelle de l’es- pêce humaine, t. X, p. 174-188. (56) [page 302]. Prichard, t. I, p. 4513 € IL p. 565-569. (57) [page 502]. Onésicrite dans Strabon, XV, p. 690 et 695 Casaub. — Welcker (Sur les Tragedies grecques, en allem.. t. IL, p. 1078) pense que les vers de Théodecte cités par Stra- bon étaient empruntés à une tragédie perdue qui portait peut- être le titre de Memnon. (58) [page 305]. Joh. Müller, Physiologie de l'homune, en al- lem., t. IL p. 768, 772-774. (59) [page 504]. Prichard, t. [, p. 295; t. ILE, p. 41. (40) [page 503]. L'arrivée tardive des tribus turques et mon- goles, soit sur lOxus, soit dans la steppe des Kirghises, est en opposition avec l'opinion de Niebubr, selon laquelle les Sey- thes d'Hérodote et d'Hippocrate auraient été des Mongols. Il est beaucoup plus vraisemblable que les Seythes (Scolotes) doi- vent être rapportés aux Massagètes indo-germains (Alains). Les Mongols, les vrais Tatares (ce dernier nom fut donné plus tard mal à propos à des tribus purement turques en Russie et en Sibérie), habitaient alors bien loin dans l’est de l’Asie. Cf. mon Asie centrale,t.1, p.259 et 400; et l’Examen critique de l'his- toire de la Géographie, t. UE, p. 520. Un linguiste distingué, le professeur Buschmann, rappelle que Firdoussi, dans le Schah- nameh, qui débute par une histoire à demi-mythique, fait men- tion d’une « forteresse des Alains » sur les bords de la mer, où Selm, le fils ainé du roi Féridoun (deux siècles certaine- ment avant Cyrus), voulait se réfugier. Les Kirghises de la steppe dite seythique étaient originairement une population fin- noise; ils sont aujourd'hui vraisemblablement, avee leurs trois hordes, les plus nombreux de tous les peuples nomades, et ils — 134 — vivaient déjà au vi siècle dans la steppe où je les ai vus. Le Byzantin Ménandre (p. 380-389, éd. Niebuhr), raconte positive- ment que le chakan des Turks (Thu-Khiu), en 569, fit présent d'une esclave kirghise à l'ambassadeur de Justin I, Zémarque; il appelle cette esclave une y:0y1<, et de mème chez Aboulgasi (Historia Mongolorum et Tatarorum) les Kirghises sont nom- imés Kirkiz. La ressemblance des mœurs, là où la nature du pays leur imprime un caractère dominant, est une preuve fort peu certaine de l'identité des races. La vie des steppes pro- duit chez les Turks (Ti, Tukiu), chez les Baschkirs (Finnois). chez les Kirghises, chez les Torgod et les Dsungares (Mongols), les usages communs aux tribus nomades, celui des tentes de feutre, par exemple, transportées sur des chars et dressées auprès des troupeaux. (41) [page 505]. Guillaume de Humboldt, Sur la diversité de structure des langues humaines, dans le grand ouvrage Sur la langue Kawi, dans l’île de Java, t. 1, p. XXI, XLVHI et CCXIV. (42) [page 506]. La doctrine si désolante, et plus tard tant de fois reproduite, de l'inégalité du droit à la liberté parmi les hommes, et de l'esclavage comme étant une institution fondée sur la nature, se trouve, hélas! développée avec une rigueur toute systématique dans Aristote, Politique, I, 5, 5, 6. (45) [page 507]. Guillaume de Humboldt, Sur la langue Ka wi, t. I, p. 426. Je tire du même ouvrage les réflexions sui- vantes: « Les impétueuses conquêtes d'Alexandre, celles des Romains, conduites avec une habileté toute politique, celles des Mexicains, si sauvages et si cruelles, les despotiques réunions de territoire des Ineas, ont contribué, dans les deux mondes, à faire cesser l'isolement des peuples et à former de plus vastes sociétés. De grandes et fortes âmes, des nations entières agi- rent sous l'empire d’une idée qui, dans sa pureté morale, leur était complétement étrangère. Ce fut le christianisme qui la proclama le premier, dans sa vérité et sa charité profonde, quoi- qu'il lui ait fallu bien du temps pour la faire accueillir. L’on ne trouve auparavant que des accents épars et fugitifs prélu- dant à cette grande voix. Les temps modernes ont donné un essor nouveau à l'idée de la civilisation, et ont suscité le be- "4144 soin d'étendre de plus en plus les relations des peuples entre eux, et les bienfaits de la culture morale et intellectuelle. La cupidité elle-mème commence à trouver qu'il y a plus à ga- guer pour elle en suivant cette voie de progrès qu'en mainte- nant par ka force un isolement rétrograde. Le langage , plus qu'aucune autre faculté de l’homme, forme un faisceau de l’es- pèce humaine tout entière. Il semble, au premier abord, sépa- rer les peuples comme les idiomes; mais c’est justement la né- cessité de s'entendre réciproquement dans une langue étran- gère qui rapproche les individualités, en laissant à chacune son originalité propre » (Zbid., p. 427). FIN. | ar A As: ah fé HE sul: té LN/ Ur, 1108 ” Û TS a pitt fu 1 QU D PUR { Lis ‘Madnt 1 ANT EL ir À Ÿ Fe . TN NT F. pu & un 2 gs 0e ki it Au, L AGO sr "AUEN "1 su: De ’ “nf ; se unie cu dou (Li RAM 4 ÿ si Lee igf un An Te Lt LA 18 qe [DE THUr #ani ten : DA dé : ‘ STATE get La Li ke bull 1 # Au ru ETAT), TR Hour 10 D: Li wi La AÛ mA dl fi a . 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