PORT TE Re f 2 Le [7 OË 3 Fe] a ô é O 1 FA } | = \ CRT EN A ATEN LE j; ; œl (. Digitized by the Internet Archive In 2010 with funding from University of Ottawa http:/www.archive.org/details/coursimentai00lore COURS ÉLÉMENTAIRE CULTURE DES BOIS COURS ÉLÉMENTAIRE DE CULTURE DES BOIS CRÉÉ A L'ÉCOLE FORESTIÈRE DE NANCY Par B. LORENTZ Directeur fondateur de cette école, ancien administrateur des forêts, officier de la Légion d'Honneur COMPLÉTÉ ET PUBLIÉ Par A. PARADE Conservateur des forêts, directeur de l'école forestière SIXIÈME ÉDITION PUBLIÉE PAR A. LORENTZ et L. TASSy 37 LA e PARIS STI ? OCTAVE DOIN, ÉDITEUR 8, PLACE DE L'ODÉON, 8 1888 LIBRARY TOUS DROITS RÉSERVÉS FACULTY OF FORESTRY UNIVERSITY OF TORONTO PRÉFACE Le Cours DE cuLTuRE de MM. Lorentz et Parade peut se passer de recommandation, pour continuer à faire son chemin dans le monde. La réputation qu'il s'est acquise le lui permet. Aussi, quand j’ai accepté la tâche d'écrire une préface pour l'édition qu’on en publie aujourd'hui, n’ai-je pas pris l’enga- gement d'en signaler tous les mérites, engagement qui d’ailleurs m’eût mené trop loin et que je n'aurais pu remplir au gré de mes désirs. J'ai voulu seu- lement ne pas manquer l'occasion de rendre un nouvel hommage à deux hommes dont, comme tous ceux qui ont eu des rapports avec eux, je vénère pro- fondément la mémoire, et je crois qu’il me suffira, pour cela, de rappeler en peu de mots les bienfaits que nous leur devons. La première édition du Cours de culture a paru en 1837. — L'École forestière était fondée depuis VI PRÉFACE. 1824. Le code forestier et l'ordonnance réglementaire avaient été promulgués en 1827. La loi et l’admi- nistration avaient fait ce qu’il leur appartenait de faire pour la régie des forêts. Il restait à formuler et à publier les règles de culture les plus propres à féconder ce vaste domaine, règles professées par M. Lorentz, mais jusqu'alors au profit exclusif des élèves. Je l’ai fait observer ailleurs : les matériaux né- cessaires pour ce travail étaient fort incomplets et dépourvus de liens, au moins dans notre pays. Plus nombreux en Allemagne, ils y avaient été réunis en corps de doctrine, en traités spéciaux, très estimés et très estimables ; mais ces traités ne con- venaient ni au climat ni à la flore de la France, ni aux mœurs de ses habitants, et j’ajouterai, n1 à leur esprit, esprit logique s'il en fut et très exigeant en fait de méthode et de clarté. MM. Lorentz et Parade connaissaient tout ce qui avait été écrit sur la matière; ils possédaient en outre un fonds précieux d'observations et d’expé- rience personnelles, beaucoup d’élévation dans les idées et beaucoup de précision dans l'esprit. Nul mieux qu'eux ne pouvait mener à bien la difficile PRÉFACE. VI entreprise de fixer dans un livre les principes de la science forestière. Aussi leur ouvrage obtint, dès la première édition, un grand et légilime succès. Cet ouvrage a été amélioré. Il devait l'être. Si l'on compare la dernière édition à la première, on la trouvera beaucoup plus volumineuse. Toutefois, la différence ne porte que sur des objets secondaires. Les auteurs ont perfectionné l'œuvre sans en mo- difier l'ordonnance, les proportions, l'harmonie, sans en altérer les théories générales, et ainsi à été réalisée leur intention, de donner aux forestiers une constitution immuable dans ses bases essen- tielles et néanmoins perfectible. On n'a peut-être pas assez remarqué cela, tant ce qui est juste, vrai, parait facile à concevoir, tant il est rare qu'on se rende compte de ce qu’il en coûte à un écrivain pour être méthodique. simple et clair. Production soutenue, régénération naturelle, amé- lioration progressive, tel est le but de la culture des bois, disent MM. Lorentz et Parade dans l'in- troduction de leur Cours; cette définition est ex- cellente : La production soutenue, quoique certains cas particuliers autorisent des exceptions, est une des VIII PRÉFACE. conditions principales d'une exploitation ration- nelle. Sans elle, il ne saurait y avoir de bonne éco- nomie domestique ou publique, et les générations futures seraient privées de toute garantie. | La régénération naturelle est, au point de vue cul- tural, la fin que doivent poursuivre les forestiers. Le Cours de culture a maintenu fermement ce pré- cepte dans ses éditions successives, malgré les ten- tatives qui voulaient le lui faire abandonner. Pour moi, tout en rendant justice à l'intelligence, à la capacité et aux intentions des agents forestiers qui ont fait ces tentatives, je pense, conformément aux lecons de nos illustres maitres, que le forestier doit utiliser autant que possible l’action des agents naturels, sans chercher à y substituer la sienne, et je regarde les repeuplements artificiels, quand ils ne sont pas imposés par les circonstances, comme un vol fait à la nature, vol, — qu'on me pardonne la vivacité du mot, — qui peut avoir les plus graves conséquences. L'amélioration progressive est un but commun à toutes les branches de l’industrie; mais elle est particulièrement recommandable en sylviculture, parce que les spéculations n'y sont bornées par PRÉFACE. IX aucune limite de lemps, parce que les moindres négligences s’y traduisent souvent par des pertes irréparables, tandis que les moindres soins donnés à propos y sont susceptibles des résultats les plus avantageux. S'il est vrai de dire queles petites causes peuvent engendrer de grands effets, c’est surtout pour les forêts : personne n'ignore qu'il suffit d'un insecte gros comme la tête d'une épingle pour en compromettre l'existence. Mais par ces mots, amé- lioration progressive, MM. Lorentz et Parade ont voulu tenir les agents forestiers en garde contre les témé- rités ; ils leur conseillent de procéder avec lenteur, circonspection, comme 1ls l'ont fait eux-mêmes pour améliorer leur Cours. Dans ce Cours, ils ne préjugent rien ; ils n’avancent que des aphorismes incontestables. Ils n’ont demandé à la science que ce qu'elle pouvait leur donner au moment où ils écrivaient ; ils ne lui ont ni demandé les secrets de la vie, qu’elle ne pénétrera d’ailleurs jamais, ni emprunté des explications insuffisantes : ils n’exposent que des faits positifs, el, sous ce rapport, les moindres particularités ont été soumises à la eri- tique la plus rigoureuse. Maintenant, sans pousser plus loin une analyse x PRÉFACE. dont le lecteur n’a pas besoin, je résumerai mes impressions en disant: qu'intéressant et indispen- sable pour les fonctionnaires chargés de la régie des forêts de l’État et des communes, le livre de MM. Lorentz et Parade l'est également pour les particuliers propriétaires de bois; qu’il ne néglige aucun détail de culture et qu'il laisse néanmoins en relief les hautes considérations basées sur les rapports des forêts avec l'intérêt général; qu'il fait voir enfin les liens nombreux par lesquels la syl- viculture proprement dite se rattache aux autres sciences, et qu'il les fait voir avec une méthode et une netteté qui ne permettent pas de se mé- prendre sur leur nature et sur leur importance. L'opinion, du reste, l'opinion même des personnes étrangères au corps forestier, a classé depuis long- temps ce livre au rang des plus utiles. Que l’on interroge les particuliers : 1ls reconnai- tront qu'ils y onttrouvé tous les renseignements qui leur sont nécessaires, et que, si leur intérêt comme propriétaires n'est pas d'adopter les exploitabilités reculées, leur devoir comme citoyens est de les préconiser. Que l’on interroge les physiciens, les naturalistes : PRÉFACE. XI ils constateront que, dans aucun autre ouvrage, on n'a fait une application plus intelligente, plus judi- cieuse, plus prudente et plus exacte des sciences à la culture du sol. Que l'on interroge les hommes d'État, les éco- nomistes, en un mot tous ceux qui songent aux moyens d'augmenter les richesses sociales : ils ré- pondront que c’est dans ce traité qu'ils ont puisé leurs notions, leurs lumières sur les services que les forêts rendent aux sociétés. Mais s'il en est ainsi, on ne doit point s'éton- ner de la popularité dont les forêts jouissent dans notre pays et de l’émotion qui s’est manifestée toutes les fois que, dans ces derniers temps, leur conser- vation à paru menacée. Cette popularité, ce sont MM. Lorentz et Parade qui ont beaucoup contri- bué à la faire. Cette émotion, ce sont eux qui l'ont justifiée. Voilà quelques-uns des titres qui assurent à ces deux forestiers la reconnaissance de leurs conci- toyens. Arrivés dans ce monde, l’un à la fin du siècle dernier {25 juin 1775), l’autre au commen- cement de celui-ci (11 février 1802), à une tren- taine d'années de distance, ce fut Tà un fait provi- XI PRÉFACE. dentiel, s'il est permis de qualifier ainsi certains événements plutôt que d'autres. En effet, s’il fallait la hardiesse et la résolution de M. Lorentz pour tailler à l’économie forestière, dans le monument de la régénération sociale, la place à laquelle elle pouvait prétendre, 1l fallait la prudence, le tact et la patience de M. Parade pour que cette place ne fût point amoindrie par la réaction malheureuse qui fit rentrer prématurément M. Lorentz dans la vie privée; et si celui-c1, par exemple, a eu la glorieuse initiative d’aflirmer hautement la supériorité du régime de la futaie sur le régime de taillis, son suc- cesseur n'a pas moins bien mérité de son pays en parvenant à maintenir ce principe, malgré tous les efforts qui ont été faits pour l’ébranler. Grâce aux auteurs du Cours de culture, 1l n'y a qu'une voix aujourd'hui sur les inconvénients du tallis, non seulement dans les bons, mais aussi, mais surtout, dans les mauvais sols. Les idées sur ce point capital ont subi un revirement complet, revirement fort heureux; car l'éducation des futaies, c'est la régénération des forces naturelles, c'est la richesse de nos descendants. Les âges de MM. Lorentz et Parade élaient donc PRÉFACE. XIII échelonnés de manière à favoriser l’accomplisse- ment de la mission à laquelle ces forestiers s'étaient dévoués. En exposant, ainsi que je viens de le faire, en quoi consistait cette mission et comment elle à été remplie, je suis loin cependant d’avoir montré toutes les qualités, d’avoir énuméré tous les services des deux hommes éminents que l’on à proclamés, avec raison, les fondateurs de la sylviculture française. Le deuil extraordinaire que leur mort a occasionné ne s’expliquerait pas suffisamment, si leurs actes n'avaient eu pour résultat que d'améliorer l’état de nos forêts. Il s'explique encore par des causes es- sentiellement morales qui leur font autant d’hon- neur que leurs talents comme forestiers et adminis- trateurs : En dehors de ce mouvement d'idées et d’affaires dont s'occupent les journaux périodiques et qui répand tant d'éclat, il y en a un autre aussi fécond, aussi intéressant, quoiqu'il attire moins l'attention, et qui fournit au plus chaud patriotisme l’occasion de s'exercer efficacement. MM. Lorentz et Parade en ont donné par leur vie un touchant témoignage. Ils ont aimé et servi la chose publique autant qu'on XIV PRÉFACE. peut l'aimer et la servir, et pourtant il s’est fait peu de bruit autour de leurs noms. Ah! c’est qu'ils n’ont pas cherché la célébrité. Ils se sont enfermés dans leurs attributions. C’est la meilleure règle de con- duite à suivre pour celui qui veut utiliser son séjour ici-bas. [ls ont consacré à leurs fonctions, sans aucune préoccupation d'intérêt personnel, tout ce qu'ils avaient d'intelligence, de cœur et de forces physiques. Tel est le spectacle qu'ils ont offert avec une modestie parfaite, avec une foi inébranlable, et tel est l'empire, telle est la force d'attraction de la simplicité dans le vrai, dans la vertu que leurs élèves ont tous été pénétrés du même amour et du même zèle pour la prospérité de leur pays, et'se sont sentis frappés par la perte de leurs maîtres, dans leurs affections les plus vives. Exemple conso- lant de l’heureuse influence du devoir accompi. Que chacun profite de cet exemple ; que chacun s’ap- plique à faire autour de lui tout le bien qu’il pourra, et borne son ambition à remplir, aussi complètement que possible, la tâche qui lui aura été dévolue : c’est là la bonne morale. L'avenir des sociétés est intéressé à ce qu'on ne s’en écarte pas. Il me reste à faire connaître, avant de terminer PRÉFACE. XV celte préface, que l'ouvrage, dont elle annonce au public la sixième édition, a été revu avec le plus grand soin, et qu'on à essayé d'y apporter loutes les corrections, toutes les améliorations nécessitées par les découvertes scientifiques les plus récentes. Le lecteur y retrouvera d’ailleurs le supplément im- portant inséré par MM. Adolphe Lorentz et Henri Nanquetle dans la cinquième édition. Ces messieurs ont respecté l’œuvre des maitres. Telle elle avait été laissée par ses auteurs, telle elle devait en effet pa- raitre devant la postérité. Mais c'eùt été méconnaitre les conseils, les désirs de MM. Lorentz et Parade que de ne pas mettre les lesteurs au courant des pro- grès sylvicoles survenus depuis la précédente édition du Cours de culture. Ainsi s'explique l’Appendice que nous reproduisons,. Cet Appendice contient, entre autres objets, deux monographies nouvelles : celles du chêne chevelu et du chêne occidental; une note sur l’utilité de pratiquer par contenance des coupes préparatoires à l’'ensemencement dans les sapinières, et en général dans les peuplements dont l'essence dominante est susceptible de supporter longtemps le couvert; des observations sur la régénération du pin sylvestre ; XVI PRÉFACE. * une méthode d'aménagement pour les forêts où le jardinage doit être conservé, et divers arücles sur le traitement des forêts soumises au régime du taillis composé, ainsi que sur les méthodes de conversion des taillis en futaie. Les liens de parenté et de collaboration qui unis- saient MM. Adolphe Lorentz et Henri Nanquette aux deux forestiers dont ils ont réimprimé le livre, disent assez que, dans leur Appendice, ils se sont inspirés des doctrines de nos vénérés maîtres, et que ce sont encore Ceux-Ci qui nous parlent par leur inter- médiaire. L,. Tassy. PRÉFACE DE LA PREMIÈRE ÉDITION. Le livre que je publie, ainsi que l'indique son titre, n’est pas de moi. M. Lorentz en avait traité presque toutes les parties, lorsque, en 1830, il fut appelé au poste d'administrateur des forêts à Paris. Chargé, depuis cette époque, de professer à l’École forestière le cours de Cul- ture des bois que M. Lorentz y avait créé, je suis devenu dépositaire de ses cahiers et de ses notes; aidé de ces dernières, j'ai continué son travail et complété l’ou- vrage en lui faisant revêtir une forme entièrement élé- mentaire.M. Lorentz l’a revu et m’a autorisé à le publier. La forme élémentaire devenait indispensable pour que notre travail atteignit son but principal, qui est d’ensei- gner la théorie d’une science de faits à des jeunes gens auxquels souvent l’idée même des forêts, qui en sont l’objet, est entièrement étrangère. Or, il est à remarquer que, sous ce rapport, aucun des auteurs forestiers fran- çais ne pouvait nous servir, quelque profonds qu'ils aient été d’ailleurs; car, pour les lire avec fruit, il faut déjà connaître les forèts, y avoir pratiqué pendant un b XVII PRÉFACE. certain temps sous un guide éclairé, et, de plus, être familiarisé avec les expressions techniques, toutes choses qui manquent aux élèves lors de leur entrée à l’École. Les ouvrages allemands sur la matière, même les plus estimés, ne laissaient guère moins à désirer quant à la forme, parce qu'il est à peu près de règle en Alle- magne que, pour suivre les cours des écoles forestières, on doit avoir acquis d’abord les éléments de la science par la pratique. La traduction d’un de ces traités ne pou- vait donc pas davantage satisfaire au besoin particulier de notre enseignement; et d’ailleurs, un ouvrage alle- mand eût toujours présenté le double inconvénient de ne pas tenir compte de l’état actuel de nos forêts, en raison du traitement qu’elles ont subi jusqu'ici, et d’être inap- plicable, sous plus d’un rapport, au sol et au climat de la France, ainsi qu'aux besoins de ses habitants et de son gouvernement. Sans doute, on ne saurait écrire aujourd’hui sur la cul- ture des forêts sans puiser dans les ouvrages des auteurs allemands, de même que ceux-ci ont profité des travaux de leurs devanciers, parmi lesquels la France peut citer avec orgueil les Buffon, les Duhamel, les Réaumur, et les Varenne de Fenille. Aussi nous faisons-nous un devoir de reconnaitre publiquement ici tout le fruit que nous avons tiré de l’étude des livres allemands, surtout de ceux de Hartig et de Cotta auxquels la science forestière doit, en grande partie, le degré de perfection qu’elle a atteint de nos jours. Quoique notre livre soit écrit plus particulièrement pour les élèves de l’École forestière, nous espérons cependant qu’il n’en sera pas moins d’une utilité réelle aux agents forestiers, ainsi qu'aux propriétaires de bois et aux autres personnes curieuses d'acquérir quelques connaissances positives sur uné des parties les plus im- PRÉFACE. XIX portantes de l’agronomie. Ils y rencontreront, sous une forme qu’on s’est efforcé de rendre simple et claire, les principes les plus essentiels de l’économie forestière, corroborés et éclairés par une expérience de plus de trente ans entièrement consacrée au service des forêts. Toutefois, on se tromperait si l’on s’attendait à trouver dans cet ouvrage des règles de conduite pour tous les cas que peuvent offrir les forêts. Il n’y a pas et il n’y aura jamais de livre qui puisse dispenser le forestier d’être observateur attentif et intelligent de la nature. Ce que l’on peut faire dans un ouvrage élémentaire, c’est de pré- senter avec exactitude et netteté les principaux faits qui composent la science, de les apprécier et de les grouper avec justesse et clarté, enfin de conclure avec prudence. Lorsque la théorie est concue dans un tel esprit, elle devient véritablement la base et l’utile auxiliaire de la pratique, loin d’être, comme on l’a quelquefois prétendu, son antagoniste. Dépourvue de toute théorie, la pra- tique, en culture forestière comme en toute autre matière d’ailleurs, ne saurait être qu’une routine plus ou moins incertaine, plus ou moins obscure; de même que, sans l'expérience et sans une certaine habitude des opérations matérielles, la théorie la mieux établie peut conduire aux plus graves méprises. C’est donc une pratique raisonnée, ou l’union intime de la pratique avec la théorie, qui cons- titue le forestier vraiment instruit. Si notre livre peut contribuer à faire comprendre de tous cette utile vérité, il aura atteint le but que nous nous sommes proposé en le publiant. PARADE. Nancy, 1° mai 1837. Le LA «at PT Z1Z HOA RAA TT sUULRO# …. metro: MAI t all mo (LOT: 29} RTE la aigurie : sibrur, 90,210 LAN) oittoronàt ab al) U nagen sh +. me RUE. ph Anar CuTEt BALL 4 4ÿ BAS 1 Ms val core 16, ARR, | nie ÿn agan qu fie bi ie TNT rence “4 ke AAN SALE EU (If sibaqn ob role W'L QE ŒuER CI * aq fTit 4 2farot el té b aile roi ei raenSUeD. 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Des circonstances indépendantes de notre volonté ont fait différer jusqu'aujourd’hui la publication d’une édi- tion nouvelle, que nous tenions à ne pas livrer au public sans y avoir apporté les améliorations et les complé- ments dont dix-huit années d'expérience et d’études nous avaient successivement démontré l'utilité. Le lecteur, qui voudra bien comparer notre nouveau livre avec l’ancien, jugera si nous avons rempli la tâche que nous nous étions imposée. Nous affirmons,du moins, que nous avons fait, dans ce but, de sérieux et constants efforts, sans, toutefois, que nous osions nous flatter d'y être entièrement parvenu. Toute science expérimentale, on le sait, doit passer, en progressant, par trois phases principales. Dans la pre- mière, les faits les plus marquants s'observent, se cons- tatent et sont recueillis. La seconde est employée à les grouper, à les coordonner et à en déduire des vérités fondamentales, des théories générales qui relient toutes * « ES XXII PRÉFACE. … les parties entre elles, les constituent en corps de doc- trine et en forment un édifice didactique. Dans la troi- sième phase enfin, la théorie doit se compléter, se per- fectionner sans cesse, soit au fond, soit dans la forme, en s’enrichissant d'observations et de faits nouveaux. est cette troisième phase que la sylviculture fran- caise nous parait avoir atteinte désormais, quoique, à la vérité, elle ne s’y soit avancée que bien timidement jus- qu'alors et, presque, d’un pas chancelant. Ce n’est pas cependant que ses nombreux adeptes, répandus aujour- d'hui sur tous les points du territoire de l’Empire, ne fussent en mesure de fournir un riche butin, si chacun d'eux, se croyant tenu de quelque obligation envers la science, avait à cœur d’acquitter sa dette, ainsi qu'on le voit dans d’autres corps administratifs, par exemple dans ceux des mines et des ponts et chaussées. Qu'il nous soit permis de regretter que l'administration ‘des forêts n'ait pas suivi la voie tracée dès longtemps par ces corps d'élite. On se tromperait pourtant si l’on prenait ce que nous venons de dire pour un reproche adressé au personnel forestier. Cette pensée est loin de nous. Les circons- tances, nous le savons, ne lui ont pas permis de faire plus qu'il n’a fait, et nous connaissons d’ailleurs, autant que qui que ce soit, quelle est sa valeur, et ce que l’on peut attendre de lui. Nous n'avons voulu que constater un “fait : c'est que, après avoir parcouru, depuis le milieu du siècle dernier jusqu’à nos jours, les deux premières phases de progrès dont nous avons parlé, la sylviculture francaise est aujourd'hui presque stationnaire; parce que, en raison du point où elle est parvenue, c’est sur- tout aux praticiens de tout ordre et de tout degré qu’il appartient de produire les matériaux qui puissent la faire avancer dans sa marche ; mais, faute de certaine #” : PRÉFACE. XXII conditions favorables à leur émission, ces matériaux restent trop généralement enfouis dans la mémoire ou dans les cartons de ceux qui ont consacré une partie notable de leur laborieuse carrière à les rassembler. En vain dirait-on que c’est principalement aux hommes voués à l’enseignement d’une science qu'il appartient de la faire progresser. Ce serait là une idée tout à fait er- ronée, lorsqu'il s’agit d’une science d'application qui ne peut être assise solidement que sur le terrain de l’expé- rience. Les hommes d'enseignement sont évidemment moins bien placés que les praticiens proprement dits pour observer et recueillir les faits de toute nature que la culture et l'exploitation de nos forêts présentent en si grand nombre. Et d’ailleurs, ils ont une autre mission, non moins importante : celle de garder et de nourrir la théorie, ce fonds commun de tous, en faisant passer au creuset de leurs méditations les travaux de la pratique, afin de ne les admettre dans l’enseignement élémentaire qu'après les avoir soumis à l'épreuve d'un raisonnement rigoureux, et, s’il y a lieu, d'une expérimentation Sa vante. Nous le disons donc en toute sincérité : cette troisième édition de notre livre serait et plus complète et meilleure siypendant la longue période qui s’est écoulée depuis la publication des deux premières, les forestiers (et par là nous entendons tous les hommes qui s'occupent de sylvi- culture, qu'ils appartiennent ou non à l’administration publique) avaient eu, autant qu'il l’eût fallu, la volonté ou la faculté de rendre compte de leurs travaux. Espérons mieux de l’avenir. Sous un gouvernement qui veut sérieusement le développement de toutes les forces du pays et qui se glorifie, à juste titre, de féconder: toutes les sources de la prospérité nationale, sous un tel régime, on ne saurait manquer d'apprécier à leur valeur XXIV PRÉFACE. les précieuses richesses que recèlent encore les forêts de la France, et de rendre justice aux hommes qui sauront les faire fructifier, en même temps qu'ils s’appliqueront à perfectionner et à étendre l’art du sylviculteur. En terminant, nous sommes heureux de pouvoir in- former nos lecteurs que cette édition du Cours de culture des bois a été, comme les précédentes, soumise au juge- ment éclairé du forestier illustre qui eut, il y a trente ans, l’insigne honneur de créer l’enseignement de la syl- viculture à l’École forestière, et chez lequel les années n’ont refroidi ni le zèle ni le dévouement pour les forêts et leur prospérité. | PARADE. ” ‘Nancy, le 20 février 1855. Trentième anniversaire de l'inauguration de l'Ecole impériale forestière. ; à j _ PRÉFACE DE LA QUATRIÈME ÉDITION. Multum egerunt qui ante nos fuerunt, sed non peregerunt. Ceux qui nous ont précédés ont beaucoup fait, mais ils n’ont pu rien parfaire. SÉNÈQUE. Lorsque, il y a trente ans, l’illustre fondateur de l'École forestière, M. LORENTZ, après avoir créé dans cet établissement l’enseignement sylvicole, fut appelé au poste d’Administrateur des Forêts, à Paris, il me fit l’in- signe honneur de me désigner au choix de l’Adminis- tration supérieure pour lui succéder dans la chaire qu'il avait occupée avec tant d'éclat. En même temps, il me confia les cahiers qu'il avait rédigés, me chargea de les compléter et de mettre le tout en état d’être publié. Aidé et soutenu par les conseils du maître, je consa- crai sept années à ce travail, qu'il voulut bien revoir et approuver. Telle est l’origine du Cours élémentaire de culture des bois, dont je donne aujourd'hui la quatrième édition. J'ai apporté tous mes soins à améliorer cette édition ; je l’ai augmentée de nombreux détails sur les essences encore imparfaitement observées, de considérations nouvelles sur les particularités inhérentes aux divers modes d'exploitation. Ces additions ne seront pas, je l’es- père, sans intérêt pour le lecteur; je les dois, en partie, au concours de plusieurs forestiers qui ont bien voulu XXVI PRÉFACE. répondre à l’appel que je faisais à mes confrères dans la préface de la troisième édition. Je leur adresse ici, au nom de la sylviculture, mes publics remerciements. C’est que, en effet, ainsi que nous l’avons fait remar- quer antérieurement, les sciences d'application, et la culture des bois en particulier, ne sauraient progresser sérieusement, désormais, sans ce concours soutenu de la pratique et de la théorie : la première recueillant soi- gneusement tous les faits dignes d'attention ; la deuxième les rattachant, après müûr examen, au trésor commun ; celle-ci se rappelant constamment le mot si profond et si vrai rapporté par DE CANDOLLE, que le point d’interro- gation est la clef de toutes les sciences; l’autre reconnais- sant, avec VARENNE DE FENILLE, « que l’étude des bois » est immense, et que, malgré tous les travaux dont elle » a été l’objet, l’histoire naturelle des arbres est encore » presque à faire. » Ce sont donc des monographies forestières de plus en plus détaillées, de plus en plus complètes qu’il nous im- porte aujourd’hui d'obtenir des praticiens; elles seules feront faire à la théorie des pas rapides et assurés. L'époque, éloignée déjà, à laquelle remonte l’appari- tion de notre livre, nous dispense sans doute de justifier ici, de nouveau, la forme élémentaire que nous avons cru devoir lui faire revêtir, tant dans l'intérêt de l’en- seignement auquel il est spécialement destiné, que dans celui de la science elle-même, qu’il s'agissait alors, en quelque sorte, de constituer. L. : Mais, si nous croyons superflu d’insister sur un point qui, d’ailleurs, ne semble avoir donné lieu à aucune ob- jection grave, nous éprouvons, d’un autre côté, le besoin de répondre à quelques critiques qui, pour ne pas s'être produites par la presse, n’en sont pas moins dignes d’at- tention et méritent d'être examinées. PRÉFACE. XXVII On a dit : « Le Cours de culture des bois devait sans doute ad- » mettre dans son cadre tous les modes d’exploitation, » mais on peut reprocher à ce livre d’avoir accordé aux » méthodes du taillis et à celle de la futaie le même soin, » les mêmes développements, et pour ainsi dire le même » intérêt. Par l'excellence de son but et par la perfection » des procédés qu'il emploie, ce dernier régime méritait » seul d’être mis en lumière par une sylviculture avan- » cée. L'enseignement de l’École forestière, ne s’adres- » sant d’ailleurs qu’à des fonctionnaires destinés à gérer » les forêts de l’État et des communes, devait, avec d’au- » tant plus de raison, reléguer à l’arrière-plan des mé- » thodes qui rappellent trop l'ignorance des temps passés » et l'enfance de l’art. » Et d’abord, en ce qui concerne le dernier point, nous ferons remarquer que, dans toutes les spécialités (indus- trie, constructions, agriculture, etc.), où l'agent de l’État est placé parallèlement au particulier, l'opinion pu- blique, en France du moins, exige du premier une ins- truction plus étendue et plus approfondie, parce qu'elle le considère comme étant en quelque sorte le modèle et le conseiller naturel du second. Or, pour juger du mérite relatif des différents sys- tèmes qui se sont produits dans une science et pour en faire une saine application, la condition indispensable est évidemment de les avoir étudiés tous à fond et sans opinion préconçue. Gette vérité nous paraît inattaquable. En outre, bien que l’École forestière ait été instituée surtout pour former des agents de l’État, rien n'empêche cependant qu'elle ne puisse servir aussi à donner, aux particuliers propriétaires de bois, l'instruction qui leur fait défaut et dont l'utilité est mieux comprise à mesure que les produits ligneux acquièrent plus de valeur. Il y XXVIII PRÉFACE. a lieu de penser, au contraire, que, cédant aux réclama- tions qui s'élèvent de toutes parts depuis quelque temps, le Gouvernement jugera bientôt le moment venu de faire dans cet établissement ce qu'il a fait dans d’autres écoles de service public, et d'admettre les particuliers à venir y puiser, en qualité d'élèves libres, les connaissances spéciales reconnues nécessaires pour gérer avec intel- ligence les importantes propriétés placées entre leurs mains f. Dès lors, et à tous les points de vue, notre enseigne- ment ne se trouvera-t-il pas justifié ? Un livre élémentaire, qu'on nous permette de le rap- peler en terminant, n’est point un ouvrage destiné à faire triompher telle ou telle doctrine à l'exclusion des autres. Le devoir de l’auteur est de les examiner toutes avec impartialité, de faire ressortir le côté faible aussi bien que les avantages de chacune, enfin de montrer, dans un avis motivé, à laquelle appartiennent ses pré- férences. Nous nous sommes efforcé de suivre cette marche dans la rédaction du Cours de culture des bois, et nous croyons n'avoir failli, en l’adoptant, ni à notre mission, ni à nos convictions. PARADE. Nancy, avril 1860. ‘ Le sol forestier de la France a une étendue de 9,185,310 hec- tares, qui se décompose ainsi qu’il suit : RATE ÉAY LU 315,41 SU BSAUE Ga 2 OURS 967,120 hect. Aux communes et aux établissements pu- Dies. 4 Lise INR ANRT, SONORE Aûxiparticuherss 1. ,4140:0.00. russe. 6,159,461 — COURS ÉLÉMENTAIRE DE CÜLTÜRE DES BOIS INTRODUCTION. L'Economie forestière comprend l’ensemble des connaissances nécessaires à l'administration la mieux entendue des forèts, eu égard aux intérêts du propriétaire en particulier et à ceux du pays en général. Cette science est complexe. Elle emprunte aux mathématiques, à la physique et à la chimie, à l'his- toire naturelle, au droit et à l’économie politique, les parties dont elle a besoin pour se constituer, ainsi 2 INTRODUCTION. que pour éclairer les combinaisons et les faits pra- tiques qui font la base du traitement des forêts. Or, ce sont ces combinaisons, ces faits pratiques, ainsi que les différentes méthodes d'exploitation con- sacrées par une expérience raisonnée, qui, réunis et coordonnés en corps de doctrine, ont reçu la dé- nomination de Culture des Bois ou Sylviculture, terme qui correspond à celui d'Agriculture, lorsque par ce dernier on n'entend que ce qui est relatif à la culture des champs. Toutefois, il existe, entre la culture des boïs et celle des champs, des différences profondément tranchées, qui, sous le rapport économique du moins, détrui- sent en quelque sorte toute analogie entre ces deux sciences. En effet, dans la première, la récolte annuelle ne peut pas s'étendre, comme dans la seconde, sur la totalité du terrain mis en production ; on ne peut, au contraire, exploiter chaque année qu'une certaine partie de la superficie de ce terrain, si l’on veut re- tirer de la propriété (ce qui est le cas le plus général) un revenu annuel et soutenu. De plus, Pexploitation des forêts n’entraine pas, comme celle des champs, la nécessité de semer ou de planter pour s'assurer une récolte; cette récolte doit, dans la plupart des INTRODUCTION. D cas, se faire de manière que la reproduction des bois en devienne une conséquence naturelle. Toute méthode d'exploitation des forèts doit done, en général, satisfaire aux deux conditions fonda- mentales suivantes : 1° Régler la quotité des coupes annuelles de ma- nière à procurer un rapport soutenu, 2° Assurer, par ces coupes mêmes, la régénéra- tion naturelle. À ces deux conditions s’en joint une troisième, celle de tendre constamment à améliorer et à aug- menter la production, et par suite les revenus du propriétaire. Production soutenue, régénération naturelle, amé- lioration progressive, tel est donc en résumé le but de la CuLTURE DES Bois. béni =, 7 Cr a IVAPAerP AL he- :- 1 à L De LE * pis) ES a re - : Ë F8 Pers n M En AETCES + à WTAUE D'OPUENET ES Rata mob Eat pad État + 48 ré vagibée CITE QU one - Ra 4 ( PM. SR | D Ras A OUR LOUIS AU TCEETTT sotigl ré me 5 “ Fo ua nb (1 LL TN af He ; Ï x x | 1 2 urENmES OU 2x À 1 to : s V'La. MALTE re trtéiequ de rte YÉEMIC 12 RAT UE DA: En een PNY ‘4 +} ; ÉTTE = 1 CRE "h [a 2: OMIS HETOE- FE € QUE DOS. xt} He) 2 ï A l EUR E 11° EDS A SE vetifatusts Li HIHUVYES Late (Ve TR \ "] L: HOUSE . y LE È Fr 2 & - ÉAh : NSPLe i | NS ESS 108 EE : | É ji DES EAU .) vd f: ha 00 r DATE". bn; LIVRE PREMIER DES CLIMATS, DES SOLS, DES ESSENCES. DÉFINITIONS ‘. 1. On entend par climat l’état de l'atmosphère d’un lieu donné du globe, eu égard à sa tempéra- ture, à son degré d'humidité et aux courants qui sy agitent. -2. La distance d’un lieu à l'équateur, ou sa lati- tude, détermine son climat géographique, tandis que son climat physique ou local dépend plus particu- lièrement de sa situation et de son exposition. 3. Pour nous, la situation d’un lieu est caracté- risée par l'élévation au-dessus du niveau de la mer et la configuration terrestre. | ' Les définitions placées en tête de chaque livre sont celles des termes techniques contenus dans son texte. 6 DES CLIMATS, 4. L'exposition est l'inclinaison d’un terrain vers un point donné de l'horizon. 5. On appelle terre végétale la couche supérieure du globe pénétrable aux racines des plantes, et ter- reau où humus la partie de cette couche formée par le détritus des matières végétales. 6. Les diverses modifications que subit, dans sa composition, la terre végétale, constituent les diffé- rents sols ou terrains. 7. On appelle arbre la plante dont la tige est li- gneuse, et qui est susceptible d’atteindre au moins la hauteur de 8 à 10 mètres !: arbrisseau, la plante à tige ligneuse qui n'atteint pas la hauteur de 5 mètres etse ramifie près de sa base; arbuste, la plante li- gneuse dont les bourgeons ne paraissent en général qu’au printemps, et qui ne s'élève guère au delà d’un mètre. F1 8. Essence est synonyme d'espèce, et s'applique aux forêts. Sous le terme d’essences forestières, on comprend toutes les espèces d'arbres qui se rencon- trent dans les forêts. 9. On qualifie d'espèce une collection de végétaux semblables entre eux, et dont les caractères se re- trouvent chez leurs ascendants et leurs descendants. La variété est une légère altération de l'espèce, dont les caractères ne se perpéluent pas générale- ‘ Pour ces définitions, voyez la Théorie élémentaire de la Bota- nique, par de Candolle. DES SOLS, DES ESSENCES. 4 ment par la graine. Cependant, il est quelques va- riétés, appelées races, dont l’origine est due à des influences de sol et de climat, et dont les caractères différentiels paraissent devoir se maintenir aussi longtemps que les causes qui les ont produits. La variation ou sous-variété est une modification de l’espèce, moins importante et encore moins du- rable que la variété. 10. La reproduction naturelle des arbres s’opère par les fruits. Les fruits sont produits par les fleurs. Les fleurs sont essentiellement composées de deux sortes d'organes ; les premiers, appelés étamines, représentent le sexe mâle et ont pour mission de fé- conder les seconds, que l’on nomme pistils ou car- pelles et qui constituent le sexe femelle. La floraison des arbres se présente de plusieurs manières. Elle est : hermaphrodite, quand les deux sexes sont réunis sur la mème fleur; monoïque, quand les fleurs unisexuées sont réunies sur le même individu; dioïque, quand les fleurs, égale- ment unisexuées, sont séparées, suivant le sexe, sur des individus différents ; et enfin polyqame, lorsque les fleurs mâles, femelles ou hermaphrodites se trouvent sur le même individu ou sur des individus différents. 11. Sous le rapport de leur enracinement, on di- vise les essences forestières en pivotantes el traçantes, selon que leurs racines ont une tendance marquée à s’enfoncer dans la terre ou à s’étaler.. 8 DES CLIMATS, Il est à remarquer que le pivot proprement dit, c’est-à-dire la racine centrale formant dans le sol le prolongement direct de la tige, est un organe dont le développement n’est très prononcé que dans la première jeunesse de l’arbre. Plus tard, 1l s'arrête dans sa croissance, alors même qu'il ne rencontre pas d’obstacle à son allongement, pour se ramifier ou pour faire place à des racines nouvelles qui sont tantôt plongeantes (pivotantes), tantôt traçantes, selon la nature des essences et la profondeur des sols. Les ramifications extrêmes, fines et nombreuses des racines se nomment chevelu ; ce sont les organes d'absorption. 12. On nomme brin de semence, ou seulement brin, l’arbre qui provient directement d’une semence ; rejet, celui qui prend naissance sur une souche dont la tige a été coupée; drageon, celui qui s’élève sur une racine, et qui, séparé naturellement ou artifi- ciellement de la souche mère, est susceptible de former un nouvel individu. 13. Un assemblage considérable de jeunes brins, de rejets ou de drageons, se nomme recru ou repeu- plement. Toutefois, ce dernier terme désigne plus particulièrement un assemblage de brins, tandis que l’autre s'applique de préférence aux rejets et aux drageons. 14. Les produits des forêts se rangent en diverses catégories, selon les emplois auxquels les bois sont propres, DES SOLS, DES ESSENCES. 9 À. Bois de feu ou de chauffage. On le faconne de quatre manières différentes, savoir : 1° En bois de quartier, ou bûches refendues ; 2 En bois de rondin, ou bûches non fendues, moins grosses que les précédentes ; 3° En fagots, ou faisceaux composés de ramilles, de branches et de quelques rondins ou quartiers ; Et 4° enfin, en bourrées, ou faisceaux renfermant exclusivement des ramilles. Dans le commerce, on appelle plus spécialement bois de corde les bois de quartier et de rondin. B. Bois d'œuvre. Sous cette dénomination, on comprend les bois de toute autre destination que celle du chauffage. [ls se divisent en : 1° Bois de service, qui comprend les bois de cons- tructions civiles et navales ; 2 Bois de travail ou d'ouvrage, comprenant les bois employés par différents métiers, tels que la me- nuiserie, l'ébénisterie, le charronnage, la tonnel- lerie, la fabrication des sabots, etc. Parmi les bois de travail, on distingue les bois de fente; on nomme ainsi ceux dont l'emploi réclame le procédé de la fente. Tels sont les douves de ton: neaux, de cuvés, etc.; les échalas, les lattes, les cerches ou planchettes très minces (5 millimètres et moins d'épaisseur) dont on fait les bordures des tamis, les boisseaux et autres mesures, ete. C'est encore avec des bois de fente que l’on fait des pan- neaux de soufflet, des pelles à four et autres, des 10 DES CLIMATS, DES SOLS, DES ESSENCES. attelles de collier, des bâts, des arçons de selle, des rames et des gournables ou chevilles employées pour fixer les bordages à la membrure des vaisseaux. Pour qu'un bois soit propre à la fente, il faut qu'il soit sain, d'une texture égale, que ses fibres longi- tudinales soient parfaitement droites, apposées ré- gulièrement les unes contre les autres, et qu'il soit exempt de nœuds. On appelle bois merrain le bois de fente destiné plus particulièrement à la fabrication des douves. Les bois de sciage sont ceux qu'on débite à la scie en planches de différentes dimensions. 15. On nomme panage le parcours des porcs dans les forêts pour s’y nourrir de glands ou de faines. Certaines forêts sont grevées du droit de panage à titre onéreux ou gratuit. CHAPITRE PREMIER. PUEMETAHIVISION DE CE.LIVRE,. ARTICLE PREMIER. Des études qu’il embrasse et de leur ordre naturel. 16. Une culture raisonnée à pour base l'étude des influences auxquelles elle est soumise. Ces influences tiennent aux propriétés des objets mêmes auxquels s'applique cette culture et aux propriétés des objets extérieurs. L'étude qui doit servir de base à la culture des Bois ne se borne donc pas aux Bois mêmes, c’est-à-dire aux essences dont ils se composent ; elle doit embrasser encore les climats sous lesquels celles-ci végètent, et les sols qui les supportent. Toute- fois, les essences forment l’objet principal de cette étude, et ce sont elles, par conséquent, qui devraient nous occuper d’abord. Mais 1l est à remarquer que les essences dépendent plus des sols et des climats, que ceux-ci ne dépendent des essences. Ce sera dès lors nous conformer à l’ordre naturel que d’étudier premièrement les climats et les sols, et de passer ensuite aux essences, 12 DES CLIMATS, ARTICLE II. De l'étude des Sols et des Climats. 17. L'étude des climats et des sols, ainsi que nous venons de le faire remarquer, ne nous importe qu’en raison de l’action immédiate qu'ils exercent sur lu végétation ; nous nous bornerons donc à ce qui est indispensable pour faire connaître cette action. 18. Nous étudierons d’abord les climats en cher- chant quelles sont les influences générales dont ils dépendent, et quelle action ils exercent à leur tour sur la végétation; puis, les divisant en climats de plaines et en climats de montagnes, nous apprendrons à connaître les phénomènes atmosphériques parti- culiers aux plaines, aux vallées, aux versants et aux plateaux, et l'influence de ces phénomènes sur la végétation. Nous serons conduits de là à prendre en considération l'exposition et les caractères propres aux quatre principaux aspects du soleil. 19. Pour les sols, nous étudierons d’abord les qualités qu’ils doivent présenter pour être favorables à la végétation, et la part qu’ils ont dans le phéno- mène de la nutrition. Nous examinerons ensuite leur composition, et les propriétés particulières à leurs principaux composants. Du sol lui-même, nous des- cendrons au gisement, qui en est la base minéra- logique ; puis, nous nous occuperons de l’inelinaison. DES SOLS, DES ESSENCES. 13 Enfin, nous terminerons par l’énumération des prin- cipales catégories de terrains, fondées sur la com- position, ou sur le degré d'humidité , el nous ferons connaître leurs propriétés relatives à la végétation des bois. ARTICLE III. De l’étude des Essences. 20. L'étude des essences étant notre objet prin- cipal, nous examinerons, pour chacune en particulier. toutes les propriétés qui doivent avoir quelque in- fluence sur la culture. Ainsi, nous décrirons chaque essenée en com- mençant par faire connaitre ses exigences sous le rapport des climats et du sol; puis, pour embrasser le végétal dans toutes les phases de son développe- ment, nous nous occuperons d’abord de la floraison et de la fructification, puis du jeune plant, enfin de l'arbre dont nous considérerons successivement le feuillage, la tige et les racines, la croissance et la durée ; enfin, nous compléterons chacune de ces études par l'appréciation des qualités du bois sous le rapport des ressources qu'il présente à l’industrie. 21. On ne doit pas s'attendre à trouver dans nos descriptions d'arbres l’énuméralion de tous les ca- ractères botaniques qui distinguent chaque espèce 1. ! Cesconnaissances, qui, d'ailleurs, ne sont pas indispensables pour l'intelligence des règles de la Culture des bois, sont ensei- 14 DES CLIMAIS, Nous indiquerons principalement les propriétés des arbres qui ont une influence réelle sur la culture. 22. Nous passerons sous silence les bois qui sont sans importance sous le rapport de leurs produits matériels, tels que les arbrisseaux et les arbustes, ét nous ne parlerons pas davantage de ceux qui ne se rencontrent que très rarement dans les forêts. Parmi les essences exotiques acclimatées, quelques-unes seulement nous ont paru mériter d’être mentionnées, lant à cause de leur belle végétation que par rap- port aux qualités de leurs bois. 23. Quant au classement des essences, nous n’en- trerons encore, à cet égard, dans aucun détail de clas- sification botanique. Nous nous contenterons de ranger les essences forestières en deux groupes : Bois feuillus et Bois résineux. Cette division nous convient principalement en ce qu’elle se fonde sur des carac- tères bien tranchés tirés des phénomènes de la végé- tation et de la nature mème des bois. Les arbres qui composent le premier groupe por- gnées aux élèves de l'École forestière dans un cours de bota- nique appliquée, et les forestiers praticiens les possèdent en général à un degré suffisant, soit qu'ils les aient acquises par une longue habitude, soit qu'ils les doivent à une étude appro- fondie. Ceux de nos lecteurs, au surplus, qui seraient entière- ment étrangers à cel objet, pourront se l’approprier dans des traités spéciaux, tels que : Le nouveau Duhamel, publié par Mirbel ; L'Histoire des arbres ct arbrisseaux, par Desfontaines, et surtout la Flore forestière, publiée par M. A. Mathieu, professeur d'histoire naturelle à l'École forestière. DES SOLS, DES ESSENCES. Fo tent des feuilles à limbe plus ou moins développé, qui meurent et tombent à chaque automne et sont renouvelées au printemps suivant, à l'exception ce- pendant de quelques espèces, le chêne liège et le chêne yeuse entre autres, qui conservent leurs feuilles vertes pendant plus d’une année. Des bourgeons, dits axillaires , se trouvent à l’aisselle de chacune de ces feuilles, d’où résulte une ramification abondante plus ou moins diffuse. Les sucs qui circulent dans leurs tissus ne sont jamais résineux, et ces arbres ont ous, plus ou moins, la propriété de produire des rejets de souches et de racines, lorsque la tige est coupée par le pied. Leur bois se compose essentiellement de fibres, de vaisseaux et de rayons f. Les bois résineux, aussi appelés arbres verts, ont des feuilles linéaires, acuminées, raides, qui persis- tent pendant plusieurs années ; le mélèxe seul fait exceplion quant à la nature de ses feuilles : quoique linéaires et acuminées , elles sont tendres et tombent ‘ Les fibres sont des organes élémentaires qui, dans leur réunion, forment la masse principale et la plus compacte du bois, et qui paraît pleine à l'œil nu. — Les vaisseaux sont des tubes qui se trouvent disséminés, soit solitaires, soit par fais- ceaux, au milieu du lissu fibreux. Leur diamètre, plus grand que celui des fibres, les fait reconnaître aisément sur une sec- tion transversale, où ils apparaissent sous forme de petits trous. — Les rayons sont des lames de tissu cellulaire qui varient, selon les essences, en épaisseur, en longueur et en hauteur, et dont la direction est toujours perpendiculaire aux couches qu'elles traversent. (Voir Mathieu, Flore forestière.) 16 DES CLIMATS, DES SOLS, DES ESSENCES. à chaque automne comme celles des bois feuillus. Les arbres de ce groupe n’ont pas de bourgeons à l'aisselle de chaque feuille ; ils n'ont généralement que des bourgeons terminaux entourés d’un seul verticille de bourgeons axillaires, de sorte que leur ramificaion n'est pas diffuse comme celles des essences du groupe précédent; elle est, au contraire, plus où moins régulière, et la tige est susceptible d'attendre à une plus grande hauteur. Les bois résineux ne possèdent point la faculté de se reproduire par rejets! de souches ou de ra- cines; leurs sucs sont résineux, et leurs semences se trouvent renfermées dans un fruit ligneux composé d'écailles superposées les unes aux autres autour d'un axe commun. Ce fruit à reçu le nom de strobile ou cône. | Le bois des conifères ne contient que des fibres et des rayons, jamais de vaisseaux. ‘ Nous n'ignorons pas que plusieurs pins d'Amérique, notam- ment le pinus tædu etle pinus rigida, se reproduisent par rejets, et que cette propriété a même été remarquée, en France comme en Allemagne, sur de très jeunes sujets de pin sylvestre qui venaient d’être détruits par un incendie. Mais, d'une part, la faculté dont il s’agit ne paraît que faiblement caractérisée dans les deux espèces exotiques que nous venons de nommer; de l'autre, le fait signalé pour le pin sylvestre est dû à une cause trop anormale pour qu'il puisse en être tenu compte autrement qu'au point de vue physiologique. La non-reproduction par rejets des bois résineux n'en demeure donc pas moins vraie pour nous, sous le rapport cultural. CHAPITRE DEUXIÈME. DES CLIMATS. ARTICLE PREMIER. à Du Climat en général. 24. Nous avons établi la disüinchion du climat géographique et du climat physique ou local. C’est le climat local qu'il importe surtout au forestier d'étudier, comme agissant principalement sur la vé- gélation des bois. En général, on peut admettre que, dans les pays chauds, la végétation est non seulement plus précoce mais encore plus active que dans les pays froids, à condition que, comme sur le littoral, l'humidité atmo- sphérique soit abondante. Dans ces régions, les bois sont plus durs, plus pesants et plus durables que dans les pays froids. Un climat doux hâte la croissance et la maturité des bois, un climat rigoureux les retarde. 25. La situation, d'où dépend principalement le climat local, influe par l'élévation au-dessus du 2 18 DES CLIMAIS, niveau de la mer, et surtout par la configuration terrestre. 26. L'élévation au-dessus du niveau de la mer se manifeste, de mème que l’éloignement de l'équateur, par une plus grande sécheresse de l'air et par un abaissement dans la température dû à un rayonnement plus actif et à la moindre capacité de l'air raréfié pour la chaleur !; mais, {tout en étant ordinairement plus raréfié et plus sec, l'air des couches supérieures de l'atmosphère est parfois chargé, par des causes acei- dentelles, de grandes quantités d'humidité. En outre, les courants sont plus fréquents et ont plus de violence dans les situations élevées, sans doute parce qu'ils y rencontrent moins d'obstacles que dans les régions basses. Mais c’est la configuration terrestre qui à la plus grande part dans les influences qui font varier le climat local, et elle donne lieu à la distinction des climats de plaine et des climats de montagne. ARTICLE II. Des Climats de plaine. 27. Les climats des plaines sont généralement plus doux et moins variables que les climats des mon- ‘ Dans la plus grande partie de la France, 200 mètres d’élé- vation au-dessus du niveau de la mer équivalent à peu près à un degré de latitude. (Voir Cours complet de Météorologie, par M. Kæmtz, traduit par M. Ch. Martins.) DES SOLS, DES ESSENCES. 19 tagnes ; déterminés principalement par la latitude, ils sont aussi modifiés par la nature du terrain, l'état de sa superficie, et par la proximité plus ou moins grande des mers et des montagnes. 28. Les eaux à la superficie terrestre, les lacs, les étangs, les rivières, en répandant de l'humidité dans l'atmosphère, diminuent l'intensité des chaleurs. Les masses de forêts produisent des effets analogues, par les exhalaisons aqueuses des arbres et par leur couvert qui empêche le sol de se dessécher; elles rendent encore la température plus constante, en mettant obstacle au rayonnement de la terre, en favorisant l’infiltration des eaux dans le sol que leurs racines pénètrent et divisent en tous sens, enfin en arrêtant l’action des vents. Au contraire, l'absence totale d'eaux augmente la sécheresse et la chaleur de l'atmosphère en été; le manque de forêts ou autres plantations se fait sentir de même, et, en hiver, 1l ajoute encore à l'intensité du froid. Il doit donc être de la plus haute importance, pour l'état climatérique d’un pays, que les forèts y soient réparties d’une manière convenable. 29. Un terrain léger et profond favorise l'infiltra- lion des eaux et tend à adoucir le climat; un sol com- pacte et humide ajoute à sa rudesse. 30. Vers les côtes, les froids de l'hiver sont moins vifs, par suite du voisinage de la mer, dont la tem- pérature varie peu; et les eaux, pendant l'été, rafrai- chissent l’air et empèchent les trop fortes chaleurs. 20 DES CLIMATS, Une atmosphère très humide, la violence et la fré- quence des vents caractérisent le climat de ces localités. ARTICLE! IT. Des Climats de montagne. 31. Les climats de montagne se modifient par les mêmes causes que les climats de plaine, mais c'est surtout l'influence de la configuration terrestre qui s’y fait le plus vivement sentir. On y remarque, comme caractère général, des variations brusques et fré- quentes dans la température et dans la quantité d'humidité répandue dans l'atmosphère. 32. Trois situations sont à distinguer dans les pays de montagnes : Les vallées, Les versants, Les plateaux. 1° Dans les vallées profondes, les chaleurs sont fortes pendant le jour, l'humidité atmosphérique est abondante. L'influence des grands vents qui règnent sur les hauteurs y est ordinairement atténuée, mais l'air y est agité presque constamment par de légers courants. Ces diverses circonstances sont toutes très favo- rables à la végétation, qui, d’un autre côté cependant, se trouve exposée, dans les vallées, à l'influence nui- DES SOLS, DES ESSENCES. A sible de plusieurs météores 1. Ce sont d'abord des brouillards épais et fréquents qui, en obseureissant l'atmosphère, empêchent l’action bienfaisante de la lumière, et c'est ensuite le passage trop brusque de la température de la nuit à celle du jour, d’où pro- viennent les gelées tardives du printemps, si funestes à la végétation. 2° Dans les régions plus hautes, les variations de température sont les mêmes que dans les vallées, mais la chaleur et l'humidité de l'atmosphère y sont moins fortes, quoique susceptibles, par moments, de s'élever à un très haut degré. Des vents impétueux y règnent souvent dans une constante direction, dé- terminée par celles des montagnes voisines. L'action de la lumière v est vive, et l’atmosphère chargée d'électricité. Dans ces régions, la végétation est moins précoce et moins active que dans les vallées. 3° Sur les plateaux des grandes hauteurs, le climat est déterminé surtout par l'élévation au-dessus du niveau de la mer, et participe d’ailleurs, en grande partie, de celui des régions Immédiatement infé- rieures. On y remarque d’abondantes rosées, et fré- quemment des pluies et des nuages qui, pendant une grande partie de l’année, sont transformés en neige et en givre. * On sait que ce mot désigne généralement les phénomènes atmosphériques. 22 DES CLIMATS, Dans ces localités, la croissance des bois est lente et peu vigoureuse. 33. Parmi les circonstances qui modifient nota- blement les climats de montagne, il faut citer les abris. Ainsi, à hauteur égale au-dessus du niveau de la mer, des versants, des plateaux peuvent présenter des phénomènes climatériques très différents, selon qu'ils sont ou non abrités, dans certaines directions, par des montagnes voisines plus élevées, et selon que celles-ci sont boisées ou dénudées. Pour comprendre l'influence que cette dernière condition peut exercer, il suffit de se reporter à ce que nous avons dit plus haut [28] des effets produits par les forêts sur les climats de plaine, et de remarquer, en outre, que ces effets seront d'autant plus salutaires sur les grandes élévations, qu’en hiver les froids y sont plus vifs et plus prolongés, les neiges plus abondantes et plus persistantes; en été, l’air plus sec et plus chaud, les orages plus fréquents et plus violents ; en toute saison enfin, les vents plus impétueux. 34. Nous ne parlerons pas de l’état climatérique des pays de coteaux. On conçoit qu'il doit tenir le milieu entre celui des montagnes et celui des plaines, et se rapprocher plus ou moins de l’un ou de l’autre, selon la configuration terrestre et l'élévation au- dessus du niveau de la mer. DES SOLS, DES ESSENCES. 23 ARTICLE IV. De l'Exposition. 35. Ainsi que nous l'avons dit, l'exposition est un élément essentiel du climat local; elle influe sur la croissance et la qualité des bois en raison de l’action non seulement du soleil, mais encore des divers météores, tels que les vents, la pluie, la gelée, etc. action qu’elle favorise plus ou moins. À chacun des quatre principaux aspects se produi- sent des effets météoriques particuliers. 36. A l'Est, la température est fraiche etassez sèche, parce que les rayons du soleil y arriventle matin, lors- qu'ils ne donnent encore que peu de chaleur, et parce que les vents d'Est amènent ordinairement la séche- resse, Comme les bourgeons ne s'y développent qu'à une époque assez avancée du printemps, les gelées tardives de cette saison y sont peu à craindre; celles d'automne, au contraire, s’y font sentir de bonne heure, el peuvent quelquefois devenir nuisibles, lorsque les jeunes plantes et les pousses de l’année ne sont point encore suffisamment lignifiées. L'exposition de l’Est est très favorable à la végé- tation des bois; ils y acquièrent de belles dimensions et une texture ferme. 37. Au Nord, le climat est à peu près le même qu'à l'Est, loutes circonstances égales d’ailleurs. Cepen- dant la température y est plus froide, parce que le 24 DES CLIMATS, soleil y donne peu, et l'humidité plus abondante, parce qu'effectivement les vents du Nord sont moins sees que ceux du Levant. Les arbres, dans les pentes au Nord, ont une croissance très rapide et parviennent aux plus belles dimensions; mais leur bois est moins dense et d’une fibre plus molle qu'aux autres expositions. 38. À l'exposition du Couchant, le sol est éclairé par le soleil aux heures où 1l donne la chaleur la plus vive; aussi est-il, ainsi que l'atmosphère, sujet à se dessécher rapidement et à un très haut degré, à moins que des vents fréquents d'Ouest ou de Sud-Ouest, ordinairement chargés de beaucoup d’eau, ne vien- nent remédier à cet inconvénient. Mais, si ces vents peuvent produire quelque avantage sous ce rapport, ils sont, d’un autre côté, très nuisibles aux parties de forêt exposées immédiatement à leur action, parce qu'en raison de leur extrême violence, et des grandes pluies qui les accompagnent, ils déracinent les arbres mal assis dans une terre détrempée, ou les rompent très souvent. Les bois, à cette exposition, acquièrent de la sou- plesse et une texture forte; mais les tourmentes trop habituelles des vents les rendent sujets à des défor- malions et les arrêtent souvent dans leur croissance. 39. L'exposition du Sud est la plus défavorable à la végétation. Comme le soleil y donne à peu près tout le jour, les premières chaleurs de l’année pro- voquent le prompt développement des bourgeons, et DES SOLS, DES ESSENCES. 25 les jeunes pousses deviennent fréquemment victimes des gelées printanières. A cette exposition, le sol et l'atmosphère sont extrêmement chauds et secs; on y subit des vents violents, souvent accompagnés d'orages. Les bois qui croissent dans les versants au Midi deviennent très durs et coriaces; mais leur accrois- sement est lent, et leurs dimensions, tant en hauteur qu’en diamètre, sont faibles. 40. Il est à remarquer que l'influence de l’expo- sition sur la végétation s’affaiblit en raison de l’élé- vation au-dessus du niveau de la mer. Ainsi, par exemple, à une grande altitude, la différence de température, entre l'exposition du Nord et celle du Midi, est bien moins marquée qu'à des élévations moyennes ou dans les vallées. CHAPITRE TROISIÈME. DES SOLS. ARTICLE PREMIER. Du sol en général et de son action nutritive. 41. La terre végétale se compose principalement de la terre proprement dite, fournie en général par la dégradation des roches sur lesquelles elle repose, et en outre du terreau, qui en est la partie la plus utile au point de vue de la nutrition. Dans les forêts, le terreau se produit abondamment par les feuilles qui tombent annuellement des arbres, et par les diverses plantes qui y pourrissent. 42. L'action du sol, sur la végétation des bois, peut être envisagée sous deux points de vue diffé- rents : 1° sous le point de vue physique; 2° sous le point de vue chimique. 43. Physiquement, le sol agit par sa profondeur, par sa compacilé, par son hygroscopicité, et par les autres propriétés qui s’y rattachent, aptitude à se dessécher, à se retirer, etc.; enfin, par sa coloration. En vertu de sa profondeur, de sa compacité, de sa DES CLIMATS, DES SOLS, DES ESSENCES. AT | ténacité ou de sa mobilité, le sol doit assurer aux arbres une assiette solide, favoriser l’extension des racines et permettre l'accès de l’air jusqu’à ces or- ganes ; les deux dernières propriétés déterminent aussi la facilité ou la difficulté de la culture. Par l'hygroscopicité, le sol joue un rôle très important à l'égard de la végétation : il retient plus ou moins d’eau, la cède plus ou moins facilement. Exagérée ou peu prononcée, cette propriété le rend trop humide ou trop sec. Dans le premier cas, il est sujet au retrait par les chaleurs, et les racines sont alors exposées à être déchirées ou desséchées; dans le second, il s’émiette, devient poudreux et s’échauffe d'autant plus que sa coloration est plus foncée. 4%. Chimiquement , le sol concourt directement à la nutrition des végétaux, en leur cédant des subs- tances minérales, qui, combinées avec l’humus, d’in- solubles qu’elles étaient, se transforment en éléments solubles et, par conséquent, assimilables. Il concourt indirectement au même but, en transmettant aux plantes certaines substances utiles qu'il reçoit de l'air et des eaux de pluie. La nutrition végétale, ainsi ali- mentée en partie dans le sol par l’action absorbante des racines, est complétée dans l'air par l’action de toutes les parties vertes. | Il n’était pas possible, au surplus, d'indiquer dans quelles,mesures un sol doit présenter toutes les propriéfés physiques et chimiques que nous venons d'énumérer pour qu'il offre le plus haut degré de 28 DES CLIMATS, fertilité. Ces mesures n’ont, en effet, rien d’absolu: elles se modifient avec les essences que l’on veut cul- üver et dont les exigences varient, et, pour une même essence, avec le climat et l'exposition. ARTICLE II. Des principaux Composants du sol. 45. Bien que les terrains présentent une variété infinie, ils ne sont cependant composés essentielle- ment que de trois éléments : l'argile, le calcaire, et le sable, auxquels viennent s'ajouter accidentellement le terreau et plusieurs substances minérales telles que le gypse (pierre à plâtre), les phosphates, l’alun, la potasse, la soude, ete. Quant aux métaux que l’on v trouve, le fer mérite d’être mentionné. C’est à l’oxyde de fer, en effet, que sont dues la couleur rouge et la couleur jaune d’un grand nombre de terrains, et l’on sait que la couleurinflue sur l'absorption du calorique. 46. L'argile est une combinaison de silice et d’alu- mine; elle est très compacte, montre une très grande avidité pour l’eau, qu'elle absorbe cependant lente- ment, mais qu’elle cède de même, et dont elle ne se laisse plus pénétrer une fois qu'elle en est saturée. Exposée à une chaleur forte et prolongée, ou à un air vif et sec, elle produit beaucoup de retrait, acquiert une grande dureté et se crevasse profondément. 47. Le calcaire où carbonate de chaux (pierre à DES SOLS, DES ESSENCES. 29 chaux, craie, marbre, etc.), réduit en terre, constitue un sol meuble qui absorbe promptement et retient une grande quantité d’eau avec laquelle il se délaie et forme de la boue, et qui, par les temps secs, perd rapidement toute cette eau et tombe en poussière. 48. Le sable est un composé de grains plus ou moins fins non délayables dans l’eau. Il constitue un sol meuble, sans aucune consistance, dépourvu de la propriété de retenir l’eau, qu’il laisse infiltrer jus- qu'aux couches les plus profondes. 49. Comme on le voit, aucune de ces terres n’est propre à former à elle seule un terrain fertile. L'ar- aile, à cause de sa compacité et de son imperméabi- lité à l'air comme à l’eau, ne permet pas aux racines de pénétrer et de s'étendre; mais, divisée par la silice ou la chaux, en proportion convenable, elle devient un des meilleurs sols. La terre calcaire, par légale facilité qu'elle pos- sède d’absorber et de perdre beaucoup d’eau, offre un sol alternativement et brusquement trop humide et froid, puis trop sec et chaud; les plantes y vé- gètent péniblement, quand l'argile ou une quantité considérable de terreau ne lui donne pas la consis- lance nécessaire. Les sables purement siliceux, enfin, sont stériles, parce qu'en raison du manque total de cohésion entre les grains dont ils se composent, l'humidité s'infiltre ou s’évapore presque aussitôt qu'elle y pé- nètre, et les prive ainsi d’un des éléments essentiels 30 DES CLIMAITS, de la végélalion. Toutefois, lorsque le sable est à l'état pulvérulent, il se modifie favorablement en ce que, bien qu’entièrement desséché à la surface, il relient, à peu de profondeur, assez de fraîcheur pour permettre à certains végétaux ligneux d’y prospérer. Les dunes que l’on parvient à fixer à l’aide de semis de bois résineux sont un exemple de ce fait. Mais il n’est pas moins vrai, en général, que les sols siliceux ont besoin, pour devenir fertiles, d’une grande quan- üité de terreau. 50. Le terreau forme une terre dont la ténacité est supérieure à celle des terres calcaires ou siliceuses, quoique bien inférieure à celle des terres argileuses; il a, en outre, la propriété d’absorber plus d’humi- dité qu'aucune autre terre et de la céder avec facilité à la végétation. Le lerreau corrige donc les propriétés défavorables des sols siliceux et calcaires, en leur donnant plus de consistance et en les rendant propres à retenir l'humidité, et celles des argiles, en dimi- nuant leur trop grande compacité et leur résistance à céder l’eau absorbée. Enfin, c’est le terreau qui favo- rise l’assimilation des substances minérales néces- saires à la végétation. Le rôle de ce terreau explique comment, dans beaucoup de nos anciennes forêts où il s’est accumulé, nous voyons une végétation riche et des arbres de la plus grande beauté sur des sols qui, découverts et réduits à leurs éléments minéralogiques, seraient presque stériles. DES SOLS, DES ESSENCER. al ARTICLE III. De la base minéralogique et de l'inclinaison. 91. Après avoir considéré le sol par rapport à ses principaux composants, il nous reste à examiner les modifications que peuvent lui faire subir sa base minéralogique et son inclinaison. 92. C’est aux gisements de roche ou d'argile pure formant la limite inférieure des terrains, que l’on a donné le nom de base minéralogique. Leur action sur la végétation se manifeste de plusieurs manières. Compacte et dure, la base minéralogique empêche évidemment les racines des arbres de s’enfoncer au delà de la couche de terre végétale; tendre et divisée par de nombreuses fissures, elle leur donne un plus facile accès. Stratifiée, c'est-à-dire composée de cou- ches ou de feuillets parallèles , elle facilite ou arrête la pénétration des racines suivant que les joints sont obliques ou perpendiculaires à la surface du sol, ou qu'ils lui sont parallèles. La base minéralogique influe encore sur le degré d'humidité des terrains, selon qu’elle est imperméable ou qu’elle laisse l’eau s'infiltrer. Cette propriété dé- pend soit de la nature ou des proportions des élé- ments constituants, el nous avons vu plus haut comment l'argile, le calcaire et le sable se comportent sous ce rapport; soit de la nature schisteuse ou 32 DES CLIMATS , compacte du gisement, de la direction horizontale, oblique ou verticale des couches. 99. L'inclinaison, lorsqu'elle est faible, a peu d'influence sur le terrain; toutefois, les sols entière- ment plats sont plus exposés aux inondations que ceux qui sont légèrement accidentés. Mais, dans les pentes fortement prononcées, on observe générale- ment plus de sécheresse dans la partie supérieure et plus de fraïcheur dans l’inférieure, qu’à mi-côte; et les éléments meubles, solubles ou simplement délaya- bles, étant entraînés vers le bas par l’action des eaux, la fertilité du sol au pied des montagnes augmente constamment aux dépens des parties plus élevées. Ces inconvénients, cependant, sont moins à redouter lorsque les pentes sont boisées, attendu que les arbres retiennent les terres par leurs racines, et conservent la fraicheur par leur couvert. Il est à remarquer, d’ailleurs, que l’inclinaison est favorable à la végé- tation des arbres quand elle n’est pas trop forte, parce que, ne cessant pas de croître verticalement, leurs cimes, étagées les unes au-dessus des autres, participent plus largement à l’influence bienfaisante de la lumière, se couvrent d'un feuillage plus abon- dant, et l’on sait que la production ligneuse est pro- portionnelle au développement des parties foliacées; parce que, enfin, les racines ont plus d'espace pour s'étendre !. ‘ Ce dernier avantage, qui est réel dans les pentes douces ou moyennes, cesse d'exister dans les pentes rapides, surtout DES SOLS, DES ESSENCES. 33 ARTICLE IV. Des diverses catégories de terrain. 94. Les dénominations les plus usitées pour les terrains se fondent, d’une part, sur leurs compo- sants, de l’autre, sur la quantité d’humidité qu'ils renferment. 99. On nomme terre forte, glaise, froide, celle où l’argile se trouve visiblement en forte proportion. Les terres glaises se distinguent des terres fortes en ce qu’elles sont plus argileuses, et, par conséquent, plus rebelles à la végétation ; leur couleur est ordinaire- ment bleue ou verdâtre, et leur structure schisteuse, tandis que les secondes sont mieux pétries et colorées en blanc, en gris et en jaune. Les unes et les autres se nomment froides, lorsqu’en raison de leur humi- dité, de leur couleur ou de toute autre circonstance, elles sont lentes à s’échauffer, et que, pour ce motif, le développement de la végétation a lieu tardivement. 96. Dans la catégorie des terres légères, on com- prend les terres sablonneuses ou graveleuses compo- sées de sable ou de gravier, soit siliceux, soit calcaire. lorsque (comme c’est le cas le plus fréquent) le sol y manque de profondeur, les racines ayant une répugnance marquée à suivre une direction ascendante. On reconnaît facilement la vérité de ce fait par la forme qu'affectent, dans ces localités, les cimes des arbres, qui se développent surtout du côté de la pente et sont presque dépourvues de branches du côté opposé. 3 34 DES CLIMAÏS, On y compte aussi les autres genres de terres cal- caires à l’état pulvérulent. 91. Les terres marneuses sont rangées tantôt parmi les terres fortes, tantôt parmi les terres légères. La marne, en effet, est un mélange intime de calcaire et d'argile qui se délite à l'air, et où l’un ou l’autre élément domine alternativement. Quand c’est le cal- caire qui domine (marne calcaire), le sol peut être léger ; au contraire, quand l'argile l'emporte (marne argileuse), la terre devient forte. 58. Le sable gras est un mélange d'environ deux tiers de sable avec un liers d'argile, dans lequel tous les bois à peu près prospèrent. | 59. Ce que l’on appelle terre franche n’est souvent qu'un sable gras avec une portion assez considérable de terreau ; mais, la plupart du temps, cette terre se compose, par parties à peu près égales, de silice, de calcaire et d'argile enrichis de beaucoup de terreau. De tous les sols c’est le meilleur, pour les bois comme pour presque toutes les plantes. 60. On donne aux sols qui renferment beaucoup de terreau (quels que soient leurs éléments minéralo- giques) le nom de terrains gras ou substantiels, par opposition à ceux qui n’en contiennent que très peu ou point, et qu'on nomme maigres, pauvres, wrides. 61. Sous le rapport du degré d'humidité, qui dépend non seulement des éléments terreux, mais encore de la situation, de l’exposition, etc., on divise les sols en plusieurs catégories. DES SOLS, DES ESSENCES. 39 62. Les sols marécageux sont ceux qu'abreuvent abondamment des eaux croupissantes et sans écou- lement; ils sont ordinairement situés dans les bas- fonds. On les distingue des terrains aquatiques ou mouilleux, qui sont aussi entièrement détrempés, mais où les eaux se renouvellent constamment par l'écoulement. Les premiers ne présentent en général que des bois d'une végétation languissante, tandis que les seconds peuvent convenir à plusieurs essences. 63. Dans les sols humides, l'eau n'apparait pas à la surface sous une légère pression, comme cela à lieu dans les précédents ; toutefois, ces sols ne se dessèchent jamais entièrement, ce qui les rend par- ticulièrement propices à certains bois. 64. Les terrains frais se dessèchent bien pendant les grandes chaleurs, mais d'ordinaire à la surface seulement, et jamais au delà de 16 centimètres envi- ron de profondeur. Ce degré d'humidité, favorable à presque toutes les essences, n’est d’ailleurs propre qu'aux meilleurs sols. 65. Les terrains secs, que l’on nomme aussi chauds, sont ceux qui se dessèchent promplement à une pro- fondeur assez considérable pour priver les racines des arbres de l'humidité nécessaire ; il n’y a qu'un petit nombre d’essences qui puissent y végéter. 66. Toutes les différentes nuances de terrain que nous venons de citer exercent une influence plus ou moins marquée sur la qualité des bois. En général, 30 DES CLIMATS, DES SOLS, DES ESSENCES. les fonds humides et très substantiels produisent, avec une végétation riche, des bois d’un tissu lâche qui ne restent pas aussi longtemps sains que ceux des terrains d’une fertilité moyenne, et qui, mis en œuvre, sont de peu de durée. Au contraire, les sols maigres et chauds, où l'accroissement est lent et faible, fournissent un bois dur et coriace. Il est à remarquer, toutefois, que les propriétés d’un sol trop sec par lui-même peuvent se modifier sous une tem- pérature humide , tout comme les effets produits sur la végétation par un fonds humide peuvent être atté- nués par un climat chaud. CHAPITRE QUATRIÈME. DES BOIS FEUILLUS. ARTICLE PREMIER. Les chênes. 67. Le genre des chènes comprend les essences qui, sous le rapport de la longévité, de la force et des différents emplois auxquels leur bois est propre, occupent le premier rang parmi les végétaux fores- tiers. Les espèces principales indigènes sont les sui- vantes : A.— CHÊNES A FEUILLES CADUQUES. 1° Chêne rouvre (quercus robur, DUHAMEL; q. ses- siliflora, Smirx) ; chêne mâle ; chêne noir (dans quel- ques contrées); durelin ; rouvre; chêne blanc (Blésois et Provence). 2° Chêne pédonculé (quercus pedunculata, Du- HAMEL; q. racemosa, LAMARCK); chêne à grappes ; 38 DES CLIMATS, chêne blanc (Gironde, Landes, Picardie ); chêne femelle; gravelin; chêne noir (Blésois }; chägne (France centrale). 3° Chêne tausin (quereus tozza, Bosc) ; chêne doux ; chêne brosse (Anjou); chêne noir (Gironde et Landes) ; chêne Angoumois |. | B.— CHÊNES A FEUILLES PERSISTANTES. 4° Chêne yeuse (quercus ilex, LiNné) ; chêne vert. 5° Chêne liège (quercus suber, LiNNÉ); suro ; sioure; surier; alcornoque ?. 6° Chêne kermès (quereus coccifera, Linné) ; chêne à cochenille. 1° Chêne rouvre. 68. Ce chêne est un des plus répandus en France et compose des forêts considérables à lui seul, ou croissant en mélange, soit avec son congénère le pédonculé, soit avec d’autres essences. 69. Climat, Situation, Exposition. — Il appar- _üent aux climats tempérés, et ce n’est que rarement \ Chêne chevelu (quereus cerris, LANNÉ) ; chêne de Bourgogne: chéne Lombard (Doubs et Jura). Voir l'Appendice. Note des éditeurs. ? Chêne occidental(quercus occidentalis, GAY) ; corsier (Landes). Voir l’Appendice. Note des éditeurs. DES SOLS, DES ESSENCES. 39 qu'on lerencontre dans les climats froids. Cependant, dans nos montagnes, il s'élève parfois à d’assez grandes hauteurs, et, dans les Vosges, par exemple, on le trouve mème, par pieds isolés, à la vérité, mé- langé au sapin. Ce sont les pays de collines et les parties inférieures des montagnes qu'il habite de préférence. Il croît aussi ordinairement dans les planes, mais associé au pédonculé. Dans certains vallons froids et humides, où d’épais brouillards sont fréquents, il souffre des gelées prin- tanières jusqu’à ce que la cime de l'arbre ait dépassé la région dans laquelle ces brouillards se maintien- nent habituellement. Les pentes méridionales ne sont pas celles où 1l prospère le plus; quand le sol y est sec et chaud, 1] n’a qu'une chétive végétation, mais son bois y devient très dur|39]. Les autres expositions favorisent mieux sa croissance, lorsque le sol est d’ailleurs de bonne qualité. 70. Terrain. — Le chêne rouvre se plait dans les sols moyennement argileux , mais s’accommode des terrains graveleux, calcaires ou siliceux, pourvu qu'ils aient une certaine fraicheur. On le rencontre même dans des lieux assez arides; mais alors sa vé- gétation, ses feuilles, ses fruits, ses dimensions enfin, se modifient et s’amoindrissent sensiblement. Les sables secs, les terrains marécageux et [les terrains mouilleux, en toute saison, lui sont contraires. 71. Floraison et fructification. — La floraison 40 DES CLIMATS, est monoïque, el amentacée 1 pour les mâles; les fleurs paraissent à la fin d’avril ou au commencement de mai avec les feuilles. Les gelées printanières, qui se font sentir dans cette saison, les détruisent sou- vent, et sont une des causes de la rareté des fruits dans certaines contrées, où l’on observe desintervalles de 3, 6, 8 et même 10 ans entre deux glandées consécutives. C’est surtout dans le Nord et l'Est de la France que cette rareté des années de semence se présente; dans les autres parties, les glandées abon- dantes sont généralement bis ou trisannuelles, et, chaque année même, il se produit quelques fruits qui contribuent à la régénération des bois. Le gland mürit et tombe au mois d'octobre de l’année même de la floraison ; 1l est lourd et s’écarte peu, dans sa chute, de l'arbre qui le produit. Ce fruit, dont la grosseur et la forme sont extrè- mement variables, selon les sols, se distingue cependant de celui du pédonculé, en ce que les glands de celui-ci sont suspendus, ordinairement au nombre de 1 à 5, à un pédoncule ou axe commun assez long, tandis que les glands du rouvre sont généralement sessiles, c’est-à-dire attachés immédiatement sur le rameau, ou du moins sur un axe très court, autour duquel ils sont groupés par bouquets de 3, 4, 5et 6°. * En chatons. 2 Flore forestière par M. Mathieu, professeur d'histoire natu- relle à l'École impériale forestière. 4 vol. in-8°. Nancy, Grim- blot, Ve Rayboïis et Comp., 1858. DES SOLS, DES ESSENCES. A1 Le chène de brin ne devient fertile en semence que de 50 à 80 ans, suivant les climats et selon qu'il est plus ou moins isolé, tandis que le rejet porte fruit souvent de 25 à 30 ans. Un sol sec hâte la fruc- tification. 72. Jeunes plants. — Les chènes sont robustes dès leur naisance, et demandent, le plus tôt possible, à être découverts. On peut même, excepté dans les pentes au Midi, les élever sans abri; il estutile de les garantir contre les vents froids et desséchants du Nord et de l'Est. 73. Feuillage. — Le chêne rouvre, selon le sol sur lequel il se trouve, a les feuilles tantôt larges, luisantes , à lobes arrondis, tantôt petites et profon- dément découpées, mais généralement fermes, pres- que coriaces et assez régulièrement distribuées sur les rameaux. Le couvert! de l’arbre, quoique sensiblement plus épais que celui du chêne pédonculé, est cependant toujours léger”. Cette circonstance, en permeltant aux rayons du soleil de pénétrer facilement jusqu’à la surface du sol, n’est pas avantageuse. Dans le# ! Voir la définition du couvert au 4° livre. 2? Voir l’excellente étude sur les chênes, rouvre et pédonculé, publiée par M. L. Dubois, inspecteur des forêts de Loir-et-Cher, sous le titre : Considérations culturales sur les futaies de chênes du Blésois. Blois, 1856. Voir aussi Th. Hartig, Histoire des végétaux forestiers cultivables (texte allemand). Berlin, chez Jeanrenaud, 1852. 42 DES CLIMATS, terrains légers, elle facilite le desséchement, et, dans les sols frais et de bonne qualité, surtout quand les forêts sont avancées en âge, elle favorise la végé- tation des herbes et des arbustes au point de com- promettre souvent la reproduction de l'essence par la graine, et, par suite, sa conservation, — Les soins intelligents et continus du forestier peuvent seuls combattre une aussi fâcheuse tendance. 74. Racines. — Le chène est généralement pivo- tant; ses racines s’enfoncent profondément quand l’état du sol n'y met pas obstacle; on en voit qui pénètrent jusqu'à 2 mètres, quoique l’arbre se con- tente, pour prospérer, de 30 à 60 centimètres defond. Dans la jeunesse de l'arbre, le pivot forme la racine principale, les racines latérales sont rares et peu prononcées. À un âge plus avancé, celles-ci se développent, au contraire, avec vigueur, tendant tou- jours plutôt à descendre qu'à s’étaler, et le pivot reste à peu près stationnaire. C'est à cette tendance des racines à s’enfoncer que le chène doit de résister, mieux que toute autre essence, aux ouragans et aux lempèêtes. Les racines du chène n’ont aucune disposition à drageonner; leur chevelu est peu abondant. 15. Croissance et durée. — La croissance du chêne est assez lente, mais assez égale jusqu’à l’âge de 180 et même 200 ans. L'arbre vit quatre, cinq siècles, et même plus; il s'élève à 33 mètres et au delà, et parvient à une grosseur considérable. On en DES SOLS, DES ESSENCES. 43 cite plusieurs qui ont atteint jusqu'à 3, 4, 5 et même 6 mètres de diamètre au pied. 76. Qualités et usages. — Le chène est l’arbre le plus estimé pour les différentes constructions. Son bois est de la plus grande durée et résiste, mieux que tout autre, aux intempéries de l'air, lorsqu'il est parvenu à l’état parfait; l'aubier, au contraire, c’est- à-dire les couches les plus récemment formées, se détruit rapidement , par la vermoulure en lieu sec, par la pourriture, s’il est exposé à l'humidité. Sous- traite à l’action simultanée de l'humidité, de l’air et de la chaleur, cette essence se conserve des siècles, et acquiert même, avecle temps, une dureté presque égale à celle du fer. Elle est surtout employée dans les chantiers de la marine, et, à l'exception des mâts, elle sert à peu près à toutes les parties dont un vaisseau est composé. Les traverses de chemm de fer sont presque toutes en chêne, et ce n’est qu'à défaut de pouvoir s'en procurer qu’on à re- cours à d’autres essences. 76 bis. Sous le rapport cultural, il est très impor- tant de connaître les circonstances qui influent sur les qualités du bois de chêne. Deux points sont surtout à considérer : 1° la tex- ture ou le grain du bois ; 2° les vices et défauts que l'arbre est exposé à contracter en raison des condi- tions de sol, de climat et de traitement dans les- quelles sa croissance s'accomplit. « La texture du bois de chêne est, en général, 44 DES CLIMATS, » d'autant meilleure sous le rapport de la force, de » Ja ténacité, de l’élasticité et de la durée, que les » couches annuelles sont plus développées (de 5 à 15 » millimètres et au-dessus). La partie extérieure de » chacune de ces couches, qui comprend ce qu'on » appelle le bois d'automne, est formée d’un tissu » serré, plein, compacte, d'apparence cornée, tandis » que la partie intérieure ou bois de printemps n’est » que peu développée, et ne présente qu’une zone » étroite de vaisseaux qui apparaissent très nette- » ment sur la tranche sous la forme de petits trous » très rapprochés !.» ( En effet, on sait que cette zone, dite bois de prin- temps, composée presque exclusivement de vais- seaux, présente un tissu lâche, peu résistant et très susceptible de décomposition, tandis que le bois d'automne, essentiellement fibreux, constitue réelle- ment la masse solide du bois; on sait, de plus, que la zone de bois de printemps conserve à peu près la même épaisseur, quelle que soit celle de la couche annuelle entière. Donc, plus la croissance de l’arbre sera rapide, c’est-à-dire plus le sol et le climat seront propices, le traitement bien entendu et bien suivi, plus le bois aura de qualité pour les emplois de la marine et les grandes constructions en général, et vice versa. ! Exploitation, débit et estimation des bois, par M. Nanquette, professeur d'économie forestière à l'École forestière, page 222. DES SOLS, DES ESSENCES. 45 Les bois qui présentent cette forte proportion de bois d'automne sont dits nerveux ; on a donné le nom de bois gras, au contraire, à ceux dont les couches annuelles sont minces et composées presque entiè- rement de vaisseaux très ouverts. Entre ces deux extrèmes, on comprend qu’il existe un très grand nombre de nuances. Les vices et les défauts que le chène est exposé à contracter lorsqu'il est parvenu à de fortes dimen- sions, et conséquemment à un âge avancé, sont nom- breux. Les bien connaître, et savoir en apprécier la gravité dans les arbres qu’il s’agit de livrer à la consommation, est pour le forestier un sujet d'étude fort important. — Nous ne pourrions, toutefois, le traiter 101, avec les développements qu'il comporte, sans répéter, en quelque sorte, ce qui se trouve par- faitement exposé dans l'ouvrage déjà cité de M. Nan- quette (pages 229 à 257), et sans sortir des limites assignées à ce Cours. Nous nous bornerons donc à indiquer les défauts du chène et les causes qui les produisent ; ils sont de trois sortes : Les uns sont dus à des accidents météoriques, tels que grands vents, grands froids, givre, verglas, va- riations brusques de température, coup de soleil (gélivure, roulure, lunure) ; Les autres proviennent lantôt de la sécheresse ou de l'humidité du sol, tantôt d’un état de vétusté des arbres touchant à la décrépitude (cadranure, pour- riture rousse ou blanche, grisettes) ; 46 DES CLIMATS , Enfin, quelques-uns sont le résultat d'accidents provenant, directement ou indirectement, du fait de l’homme (frottures , nœuds gâtés , grisettes). Le sylviculteur n'a que peu ou point d’action sur les causes des défauts de la première sorte; mais il peut, par un traitement intelligent et soigné de la forêt, par des mesures de police et de surveillance bien appliquées, prévenir très souvent ceux quisont dus aux autres causes. Nous reviendrons sur ces objets dans le cours de cet ouvrage. 16 ter. Le chêne est aussi un excellent bois de fente. Il fournit le merrain le plus généralement en usage, de très bons échalas de vigne, du treillage, des cereles de futailles, et des bois propres à la bois- sellerie. Différents métiers en ürent un grand parti, mais plus particulièrement le charronnage , la tonnellerie, la menuiserie et l’ébénisterie. « Pour ces divers usages, et surtout pour les deux » derniers , les chènes gras ou tendres, quand ce » défaut n’est pas exagéré, sont les plus recherchés, »_ parce que le bois est d’une plus belle teinte, mieux » veiné, plus facile à travailler, et que, mis en œuvre, » iln'est sujet ni à se fendre, ni à se voiler, ni à » prendre du retrait, comme le bois nerveux.— À ce » point de vue, le chène rouvre parait avoir l’avan- » tage sur le pédoneulé, si l’on en juge par ce qui se » passe dans les pays accidentés, où les menuisiers » et les fabricants de merrain accordent une préfé- DES SOLS, DES ESSENCES. 47 » rence marquée aux chênes de montagne ou de » coteau, qui sont ordinairement de cette espèce !.» Ainsi donc, les différentes qualités du premier de nos arbres forestiers deviennent également pré- cieuses , selon l'usage auquel on le destine. Comme bois de chauffage, le chène vieux n’est pas d’un bon usage. Il brûle sans flamme, pétille et éclate souvent, et dégage son calorique avec trop de len- teur, quoiqu'il en fournisse beaucoup; dans les ap- pareils à fort tirage (calorifères), à l’aide desquels on veut obtenir une température égale et soutenue, il est employé plus avantageusement. Le jeune chène (rondin) est meilleur ; lorsqu'il a erû sur un terrain sec et que sa dessiccation est avancée, 1l brüle bien, donne beaucoup de chaleur et un beau brasier. Le charbon de chêne est très employé, surtout dans les usines métallurgiques , et, pour cet usage, on pré- fère généralement le charbon de bois jeunes ou d'âge moyen à celui qui provient d'arbres mürs. L’écorce du chène fournit le tan nécessaire à la préparation des peaux. Le meilleur est celui qu'on retire des jeunes chènes dont l'écorce est lisse et brillante. Le fruit du chène est parliculièrement utile à l'en- graissement des porcs. ! Ouvrage déjà cité, de M. Nanquette. 48 DES CLIMATS, 2° Chène pédonculé. = 11. Le chêne pédonculé se rencontre presque aussi fréquemment en France que le rouvre, mais il forme, plus rarement que celui-ci, l'essence domi- nante de nos forêts. 78. Climat, situation, exposition. — Quoique plus répandu dans les pays du Nord et moins dans ceux du Midi que son congénère, cet arbre, ainsi que nous l'avons dit, ne s'élève pas autant que celui-ci dans les montagnes etse plaît moins dans les terrains accidentés. On le trouve cependant dans les régions de coteaux, mais seulement mélangé au rouvre, tandis que, dans les plaines, il prospère et domine souvent presque à l'exclusion de ce dernier. 79. Terrain. — Les terrains gras, mais surtout profonds, frais et même humides, sont ceux que le chène pédonculé recherche particulièrement. Quoi- que assez indifférent à la nature minérale des terres, il est cependant, de toutes nos essences forestières, celle qui s’accommode le mieux des argiles fortes. Quand il est mélangé au rouvre, on le trouve surtout en belle croissance sur le bord des eaux, dans les plis de terrain et dans toutes les places où une dépression un peu marquée du sol, en permettant à l'humidité de s'y amasser, assure à ses racines la fraicheur nécessaire à leur végétation. Dans les sols DES SOLS, DES ESSENCES. 49 secs ou superficiels, ou dans les pentes prononcées, on le voit languir et bientôt disparaitre. 80. Floraison et fructification. — La floraison est la mème que celle du chène rouvre, si ce n'est que les fleurs apparaissent 10 à 15 jours avant celles de ce dernier, ce qui les expose d'autant plus à être victimes des gelées du printemps et rend, par consé- quent, les glandées plus rares. Nous avons dit [71] les différences qui caraclé- risent les fruits de ces deux chênes. Il nous reste seulement à faire remarquer que, tandis que Îles glands du rouvre passent, pour ainsi dire, par toutes les grosseurs (de 15 à 30 etmème 40 millim. de long, suivant la station de l'arbre, ceux du pédonculé conservent partout à peu près les mêmes dimensions (25 millim.), sans doute parce que, l'essence ne crois- sant que dans les sols d’une certaine nature, les fruits ne sauraient éprouver les modifications que présen- lent ceux de son congénère, beaucoup plus accom- modant sous le rapport du terrain. 81. Jeunes plants. — Mème tempérament el mêmes exigences que ceux du rouvre, si ce n'est, toutefois, que le pédonculé succombe promptement sous le couvert, tandis que le rouvre, tout en pouvant s’en passer, le supporte cependant assez longtemps. 82. Feuillage. — La ramificalion du chène pé- donculé se constitue principalement par les bour- seons lerminaux, rarement par les bourgeons laté- raux qui ne produisent que des rameaux grèles. I] 4 90 DES CLIMAIS , : en résulte une cime qui n’est formée que d’un petit nombre de branches principales, plus ou moins grosses selon le volume de larbre, qui restent nues sur une parlie de leur longueur, et ne portent que vers leur extrémité un feuillage ramassé en touffes serrées , laissant dans la cime de larges ouvertures. Cette disposition rend naturellement le couvert de l’arbre très incomplet et fort inférieur à celui du chêne rouvre À. Les feuilles du chène pédonculé sont plus tendres el paraissent plus tôt que celles de son congénère, ce qui, en raison des lieux que arbre habite, les rend souvent victimes des gelées printanières. D'un autre côté, elles restent vertes plus longtemps en automne. 83. Racines.— L'enracinement du chène pédon- culé ne diffère en rien de celui du rouvre ; toutefois, la disposition pivotante est, chez le premier, peul- ètre plus prononcée encore que chez le second. 84. Croissance et durée. — Il n'existe pas de différence sensible, sous ce double rapport, entre les deux chênes que nous considérons. Il paraît certain, néanmoins , que la croissance du pédonculé est, en général, plus rapide que celle du rouvre, ce qui peut s'expliquer, d’abord, par la qualité des terrains qu'il exige pour prospérer, et, ensuite, par la présence plus prolongée de la feuille à l'état vert sur l'arbre. ‘ Voir les ouvrages déjà cités de MM. Th. Hartig, L. Dubois et A. Mathieu. DES SOLS, DES ESSENCES. pl 59. Qualités et usages.— Tout en reconnaissant que les deux chênes qui nous occupent participent des mêmes qualités, quoique à des degrés différents, les forestiers et les constructeurs, ainsi que les divers métiers qui travaillent ces bois, ont discuté depuis longtemps et discutent encore sur la question de savoir auxquels des deux 1l y à lieu d'accorder la prééminence. Longtemps on a pensé, — et nous avons pensé el écrit nous-même, — que le rouvre, ayant une plus grande force, devait être préféré pour les grandes constructions, le pédonculé, au contraire, pour les ouvrages de fente. Mais, après avoir étudié pendant plusieurs années consécutives cette question si im- portante pour le sylviculteur, soulevée de nouveau, en 1856, par la publication du remarquable mémoire de M. L. Dubois, nous devons déclarer aujourd'hui que notre opinion s’est entièrement modifiée sur ce point. Nous nous croyons lenu de rendre compte de ce changement. Il a été établi plus haut [76 bis! que le bois de chêne, sans distinction d'espèce, élait d'autant plus ferme, plus résistant, plus élastique, plus nerveux enfin, que le tissu fibreux était plus abondant dans ses couches annuelles, ou, ce qui est la même chose, que le bois d'automne était plus développé, dans une même couche, comparativement au bois de prin- temps. 52 DES CLIMAIS , On à vu aussi [70 et 79} que le rouvre se plaît ou résiste dans toutes sortes de terrains, depuis les meilleurs jusqu'aux médiocres, et que le pédonculé n'habite que les fonds fertiles et frais : d’où la con- séquence que les accroissements annuels de celui-ci seront, en général, larges, c’est-à-dire pourvus de beaucoup de bois d'automne , tandis que les accrois- sements de l’autre ne pourront présenter cet avan- lage que dans les sols de bonne qualité. De ces faits il est permis de conclure : 1° Que le chène pédonculé, quand 1l aura d’ail- leurs les dimensions convenables et qu’il ne sera pas vicié, fournira toujours des bois essentiellement propres aux grandes constructions; 2° Que le chène rouvre offrira les mêmes avan- lages, s’il a crû en bon fonds; toutefois, dans beau- coup de terrains, où sa robuste constitution et le couvert qu'il assure au sol lui permettent encore de prospérer, le grain de son bois, composé de couches innuelles minces, manquera des qualités requises pour en faire un bon bois de service, mais deviendra, par contre, d'autant plus propre aux ouvrages de lente et de menuiserie. 3° Chène tauzin. 86. Cet arbre est très répandu dans les terrains sablonneux de l'Ouest de la France, depuis les Pyré- nées jusqu'à Nantes, el mème jusqu'au Mans. ’ DES SOLS, DES ESSENCES. 59 37. Climat, situation, exposition. — D'après ce que nous venons de dire, cet arbre se plaît plus par- ticulièrement dans les climats doux et mème chauds, pourvu qu'ils soient humides; toutefois, il résiste en- core aux hivers des régions tempérées ; il paraît re- chercher les plaines plutôt que les montagnes, et ne montre pas une préférence prononcée pour une expo- sition plutôt que pour une autre. 88. Terrain. — Les sols légers et frais sont ceux que le tauzin préfère; on le voit réussir dans les dunes et dans d’autres terrains d'une nature assez aride. 89. Floraison et fructification. — Là floraison est monoïque, et amentacée pour les mâles. Les fleurs paraissent au printemps, et les glands sont mûrs el tombent dans le courant de septembre de Fannée de la floraison. 90. Jeunes plants. — Les jeunes plants paraissent avoir.le même tempérament el les mèmes exigences que ceux du chône rouvre. 91. Feuillage. — Les feuilles du chène tauzin sont profondément découpées et disposées sur les ra- meaux, de manière à donner un couvert plus léger encore que celui du pédonculé. 92. Racines. — Ses racines tracent au loin el dra- geonnent abondamment dès la jeunesse. Cette dispo- siion le rend précieux pour la fixation des dunes. 93. Croissance et durée. — La croissance de cel arbre est assez rapide, mais il ne s'élève guère tu D4 DES CLIMATS, delà de 20 à 24 mètres, el n’atteint qu'une grosseur ordinaire. I vit plusieurs siècles. 94. Qualités et usages. — Le chène tauzin est peu estimé comme bois de construction; on lui re- proche d’avoir trop d’aubier, d’être noueux et tordu, de résister mal aux alternatives d'humidité et de sé- cheresse, et, enfin, de se tourmenter plus que les autres chênes. Ces défauts le rendent peu propre aussi à la fente el aux autres ouvrages ; mais, jeune, il fournit des cercles de futailles très recherchés, car il a la fibre coriace et beaucoup de liant. Comme bois de feu, il est bien préférable au rouvre et au pédonculé; son charbon est très estimé. L'é- corce sert au tannage, et les glands sont particulière- ment appréciés pour l’engraissement des pores. 4° Chêne veuse. 95. Le chêne veuse ou chêne vert ne se rencontre, en France, que dans les départements méridionaux. Dans la Provence et le Languedoc, ainsi qu’en Corse, il forme de nombreuses et vastes forêts. 96. Climat, situation, exposition. — Il a besoin d’une température chaude ; 1l se plaît sur les coteaux et sur les montagnes de moyenne hauteur, et réussit à toutes les expositions. 97. Terrain. — Cet arbre paraît préférer les sols calcaires; c’es{ là, du moins, qu'on le rencontre le plus DES SOLS, DES ESSENCES, Do habituellement, quoiqu'il eroisse aussi dans d'autres terrains, même les plus arides. A la vérité, 1l végète très faiblement dans ces derniers, mais avec persis- tance, et on peut le regarder, forestièrement, comme le sauveur des montagnes du Midi. 98. Floraison et fructification. — La floraison est monoïque, et amentacée pour les mâles; les fleurs paraissent au printemps, quelquefois seulement en mai. Le gland mürit en septembre, parfois même dès l'été de l’année, et tombe avant l'hiver. Quelques chènes yeuses donnent des glands assez doux etman- geables !, sans qu'il soit possible de reconnaître au- cune différence entre les pieds qui produisent ces glands et ceux qui ne portent que des glands amers: on prétend même que les uns et les autres se trouvent parfois sur le même arbre. I paraît probable que c'est surtout dans les expositions très chaudes que le gland devient comestible. 99. Jeunes plants. — Quoique très robustes, el supportant bien les chaleurs, 1l'est à conseiller ce- pendant de leur procurer, dans les deux premières années de leur naissance, un abri contre les ardeurs du soleil. 100. Feuillage. — Les feuilles persistent pendant ‘ Il existe, en Espagne et en Algérie, une variété de j'yeuse appelée ballotte, dont les glands sont toujours doux et plus gros que ceux de l’espèce type. Il serait sans doute facile de la natu- raliser dans les régions de la France où l'yeuse croît sponta- nément, | »6 DES CLIMATS, 2 années sur les rameaux, et lombent au commence- ment de la troisième : elles sont beaucoup plus petites que celles des espèces à feuilles caduques, entières ou dentées et garnies de piquants, selon que le sol est plus où moins fertile. Le couvert qu'elles dounent est très épais. 101. Racines. — Lans les mauvais lerrains où 1l végèle en France, lveuse n'a que des racines tra- cantes, fortes et nombreuses, qui pénètrent très avant: dans les fissures des rochers et drageonnent abondamment. Ilest probable que, dans un bon ter- rain, 1} pivoterait davantage. 102. Croissance et durée. — La croissance de cel arbre est très lente, et, en France, 1l atteint bien rare- ment plus de 10 mètres de haut; mais, en Halie, en Algérie et en Corse, où il se trouve parfois dans d'assez bons sols, il a de belles dimensions. I vil plusieurs siècles. 103. Qualités et usages.— Le bois de l'yeuse est remarquable par l'homogénéité et la finesse de son grain, sa densité et son poids. Ces qualités le ren- draient éminemment propre à être employé, soit comme bois de construction, soit comme bois d’ou- vrage, partout où les pièces sont exposées à un frot- tement continu ; aussi, Duhamel conseille-t-il déjà de le prélérer, pour ces sortes d'usages, à toutes les autres espèces de chènes. On assure, de plus, que, mis en œuvre, il a une très grande durée, et résiste longtemps à la pourriture. Malheureusement, on le = DES SOLS, DES ESSENCES. 1 coupe généralement trop jeune, ce qui fait qu'il ne produit guère que du chauffage. Mais, pour cet usage, il est très estimé, et, dans le Midi, on le trouve supérieur même au hêtre. Son écorce sert au tannage des cuirs, el on la met fort au-dessus de celle des chênes à feuilles ca- duques. »° Chène liège. 10%. Le chène liège, très commun en Espagne, où 1l se fait un grand commerce de son écorce, et en Algérie, est cultivé avec succès dans les parties méridionales de la France. On le trouve dans les départements de Lot-et-Garonne, des Pyrénées- Orientales, du Var et de la Corse. Il en existe deux variétés, l'une à glands doux, l'autre à glands amers. La première est la plus estimée pour la qualité de son liège. 105. Climat, situation, exposition. — Cet arbre ne prospère que dans les pays à température élevée. Il réussit dans les régions moyennes des montagnes (jusqu’à 400 mètres au-dessus du niveau de la mer), aussi bien que dans les plaines. C’est dans les pentes méridionales et abritées, et partout où le soleil a beau- coup d'action, que son bois et son écorce acquièrent le plus de valeur. 106. Terrain. — Le chène hège se plaît particu- lièrement dans les sols feldspathiques. Cependant, il DS DES CLIMATS, est probable que d'autres terres légères et divisées ne lui seraient pas contraires. Dans le département du Var, des essais de l’élever dans les terrains cal- caires ont réussi, mais non sans beaucoup de soins, et il paraït aussi qu’en Catalogne il croît dans des terrains de même nature. Sa racine pivotante de- mande un sol profond; mais, indépendamment du pivot, cet arbre à aussi des racines traçantes qui lui permettent de croître dans des terrains de faible profondeur. On voit, sur les montagnes des Pyré- nées-Orientales et du Var, des chênes lièges qui se contentent de très peu de fond; les racines s’im- plantent même dans les fissures des rochers, et. donnent aux arbres une assiette très solide. Leur écorce, dans ces situations, devient plus légère, plus fine et plus épaisse. Les sols compactes ou humides sont ceux qui con- viennent le moins à cet arbre. 107. Floraison et fructification. — La floraison estmonoïque, et amentacée pour les mâles. Les fleurs paraissent à la fin de mai ou dans le courant de juin, suivant que l'arbre est plus ou moins exposé à la chaleur et abrité des vents du Nord. Les mêmes cir- constances influent sur la maturité des fruits, et éta- blissent à cet égard une différence de 4 à 2 mois. Les glands mürissent et tombent depuis septembre jusqu’en décembre de l’année de la floraison. Il est probable que les glands doux du chêne liège sont dus, comme ceux de l’yeuse, à une exposition très chaude, DES SOLS, DES ESSENCES. 59 où la maturation s'opère d'une manière plus com- plète. ; | Cet arbre devient fertile dès l’âge de 15 à 20 ans et porte fruit presque tous les ans. 108. Jeunes plants. — Les jeunes plants ne se montrent sensibles qu'au froid, et, particulièrement, aux gelées tardives ; ils supportent bien l’action de l'air et du soleil. Cependant, à l'exposition du midi, il convient de ne pas les laisser sans abri dans les premières années. 109. Feuillage. — Les feuilles petites, entières, plus ou moins dentées, sont nombreuses, pressées, et persistent plusieurs années. La tête de l'arbre, très rameuse, fournit un couvert épais. 110. Racines. — La racine principale pivote el s'enfonce profondément. Les racines latérales tracent au loin et sont disposées à fournir de nombreux dra- geons. C’est par les drageons que le chêne liège s’est considérablement mulüiplié dans les forêts incendiées du Var. 111. Croissance et durée. — La croissance du chêne liège est assez active, et sa durée de plusieurs siècles. Îl atteint de fortes dimensions. On en cite un exemplaire qui mesurait 3 mètres 15 centimètres de tour, d'une élévation moyenne, parce qu'il était isolé, mais ayant un feuillage bien nourri, des bran- ches abondantes, fortes, et qui, par leur position verticale, annonçaient encore une végétation vigou- reuse. Un autre chène portait 6 mètres de circonté- 60 DES CLIMATS, rence, et a fourni 55 stères de bois façonné, ce qui prouve que l'enlèvement de l'écorce ne lui est pas nuisible. Il peut donner du liège pendant 150 el 200 ans. suivant la fertilité plus ou moins grande du lerrain. 112. Qualités et usages. — Le bois du chêne hège a beaucoup de densité. Il est peu employé aux constructions, attendu son extrème pesanteur, et aussi parce que, dit-on, il se pourrit promp- lement à l’air. Par contre, il est propre à la me- nuiserie et particulièrement estimé comme bois de chauffage. C'est l'enveloppe subéreuse de l'écorce qui forme le hège : livrée à elle-même, elle se crevasse profon- dément el devient impropre aux usages auxquels le liège est destiné. Lorsqu'elle à été enlevée, elle est remplacée par une zone nouvelle. L'époque à laquelle il convient de commencer l’écorcement se détermine, non d’après l’âge, mais d'après les dimensions de l'arbre, qui doit, à cet effet, mesurer de 30 à 50 cen- timètres de tour. L'enlèvement du premier liége ou liège mâle, qui ne donne qu’un produit grossier et presque de nulle valeur, se nomme démasclage. Le liège femelle est celui que l’on récolte par la suite ; il est éminemment propre à tous les usages du commerce. Le premier démasclage ne doit guère dépasser la moitié de la hauteur du tronc de l'arbre; dans les écorce- ments subséquents on monte jusqu'à la naissance DES SOLS, DES ESSENCES, (I des branches, qui, en général, doivent être res- pectées, à moins qu'elles ne soient de forte dimen- sion. L'opération de l’écorcement se fait à la fin de juin, dans le mois de juillet, et quelquefois même en août !. 6° Chêne kermès. 113. Le chêne kermès est très abondant dans les départements du Midi de la France, el, notamment, dans ceux des Bouches-du-Rhône et du Var, où il couvre près des trois quarts du sol forestier. 114. Climat, situation, exposition. — Une tem - pérature élevée lui est nécessaire ; 1l croît, du reste, en montagne aussi bien qu'en plaine et à tous les aspects du soleil. 115. Terrain. — C’est dans les sols sablonneux el pierreux qu’on le trouve le plus ordinairement, el il paraît très peu exigeant sous ce rapport. Les faibles dimensions qu'il acquiert doivent le faire ex- clure des terrains de quelque fertilité. 116. Floraison et fructification. — La floraison est monoïque, el amentacée pour les mâles. Les fleurs paraissent en mai; les glands qui leur succèdent restent très petits la première année, et ne sont mûrs que vers la fin de la seconde. Les buissons de chêne ‘ Voir, pour plus de détails, sur le chène liège, la Flore forestière déjà citée de M. Mathieu, et, dans les Annales fores- tiéres, année 1858, un article fort intéressant de M. Rousset, garde général des forêts. 62 DES CLIMATS , kermès portent fruit très jeunes el presque tous les ans. 117. Jeunes plants. — Cette essence étant sans importance forestière, les exigences de son jeune plant n’ont point été étudiées ; mais, à en juger par la grande facilité avec laquelle elle se propage, son tempérament doit ètre très robuste dès sa nais- sance, au moins pour résister aux chaleurs et à la sécheresse. 118. Feuillage. — Les feuilles sont persistantes et épineuses, à peu près comme celles du houx; elles donnent un couvert d'autant plus épais que les buissons de chène kermès sont très rameux el s’é- lèvent peu. 119. Racines. — Les racines sont nombreuses, plus tracantes, dit-on, que pivotantes, et disposées à drageonner. 120. Croissance et durée. — Ainsi qu'on vient de le dire [115|, ce chêne ne prend que de faibles di- mensions : il se ramifie dès la base, et n’atteint guère plus de 1 à 3 mètres de haut. Sa durée est probable- ment beaucoup moindre que celle de ses congénères; on n’a pas toutefois de notions bien certaines à ce sujet, parce qu’on l’exploite généralement très jeune. 121. Qualités et usages. — Le chène kermès, attendu ses dimensions, ne produit que du bois de bourrées et de fagots, employé en général à chauffer les tuileries, briqueteries et les fours à chaux sur place. Dans le Midi de la France, les bois de cette DES SOLS, DES ESSENCES. 63 essence sont à peu près tous livrés au pacage. C’est sur cette espèce que l’on trouve l’insecte appelé ker- mès (kermes ilicis), qui se fixe et se nourrit sur les jeunes rameaux. On le récoltait autrefois pour en tirer une couleur rouge, estimée pour la teinture des étoffes. $ L'écorce du chène kermès est, comme celle de tous les autres chênes, propre au tannage des cuirs. ARTICLE II, Le Hêtre. 122. Cet arbre est l’un des plus utiles et des plus répandus de nos forêts, dont il forme fréquemment l'essence dominante. Il n’en existe qu'une seule es- pèce indigène : le hêtre commun (fagus sylvatica, Linné). On le connaît aussi sous le nom de fayard, foyard ou fau. 123. Climat, situation, exposition. — Le climat tempéré est celui que cet arbre préfère; il occupe cependant, dans nos montagnes, à peu près la région du sapin ; quelquefois même il lui est supérieur. On letrouve, dans les Alpes, à 1,500 mètres au-dessus du niveau de la mer, et, dans les Pyrénées, il monte jus- qu'à 1,800 mètres. Le climat froid des différentes contrées de la France ne lui est donc pas essentiel- lement contraire. Dans le centre, le nord, l’est et l’ouest de Ja (EE! DES CLIMATS, France, on le voil prospérer aussi bien dans les plaines que dans les situations montueuses, mais il réussit moins, dans les vallons étroits et humides, exposés aux gelées lardives, que sur les plateaux et dans les pentes abritées. Il est exclu des plaines et des coteaux brülants des départements du Midi. L'exposition méridionale lui est contraire ; 1l pré- fère celles du Nord, du Nord-Ouest et de l'Est. 124. Terrain. — A l'exception d’un sable sec, de l'argile compacte et d’un fonds marécageux, le hêtre se contente de toute espèce de terrain, pourvu qu'il soit divisé. Les sols calcaires où légèrement argi- leux, fortement mélangés de pierrailles, semblent lui convenir particulièrement. Il n’exige qu’une profon- deur médiocre, à la condition, toutefois, que l'épaisse couche de feuilles mortes, qu'il produit chaque année, se mantienne à la surface. 125. Floraison et fructification. — La floraison est monoïque, eten chatons globuleux pour les mâles: les fleurs paraissent, avec les feuilles, dans le courant d'avril ou au commencement de mai, suivant la température, et, comme celles du chène, elles sont souvent victimes des gelées printanières. Ce n’est ordinairement qu'à des intervalles de plusieurs années que l’arbre porte semence. Le fruit, appelé faine, mürit et tombe en octobre de l’année même de la floraison ; quoique moins lourd que le gland, il ne s'éloigne cependant que peu de larbre qu le produit. DES SOLS, DES ESSENCES. 65 Le hêtre ne devient fertile que vers l’âge de 50 ans. Dans les années où 1l y a fainée complète, on voit des pieds beaucoup plus jeunes chargés de graines. Mais, outre qu'elles sont vaines en grande partie, cette circonstance ne peut être considérée que comme tout à fait exceptionnelle. 126. Jeunes plants. — Les hètres, dès leur nais- sance, sont très délicats et demandent un abri pro- longé pendant plusieurs années ; ils sont cependant moins sensibles au froid qu'à l’action du soleil, à . laquelle ils ne peuvent résister. 127. Feuillage. — Les feuilles sont d'un tissu serré et très abondantes ; elles forment un abri très épais. 128. Racines. — Dans la première jeunesse, le pivot est presque aussi prononcé que celui du chêne et muni de peu de racines latérales ; mais celles-ci ne tardent pas à se multiplier, sans toutefois s'étaler au loin, tandis que le pivot s'arrête complètement. Parvenu à maturité, l'arbre présente des racines assez fortes qui tracent dans les couches supérieures du sol et ne s'enfoncent jamais comme celles du chêne. Parfois elles produisent quelques drageons généralement chétifs et d’une végétation languis- sante. , 129. Croissance et durée. — La croissance du hêtre, dans les dix premières années, est fort lente; mais, aussitôt qu'il a pris un peu de consistance, il devient robuste, et s'élance avec assez de rapidité. En U] 66 DES CLIMAIS, solconvenable, 11 s'élève à plus de 40 mètres, prend jusqu’à 1 mètre et 1 mètre 50 centimètres de dia- mètre à la base, et prospère quelquefois pendant 300 ans. 130. Qualités et usages. — Le hètre n’est guère propre à la charpente ; son bois ne résiste n1 à l’hu- midité ni aux variations de l'atmosphère. On n’a pu l’employer jusqu'à présent à cet usage qu’en opérant sa dessiccation parfaite, et en le soumettant au feu Jusqu'à ce que sa surface fût un peu charbonnée. Il sert cependant à quelques pièces de construction des vaisseaux, soit celles qui sont entièrement à couvert, soit celles qui restent sous l’eau ; et, depuis une di- zaine d'années environ, on l’emploie à faire des traverses de chemin de fer, après l’avoir imprégné de sulfate de cuivre ou de créosote. Du reste, son bois est d’une utilité générale. C’est un des meilleurs bois de fente : 1l est employé par les menuisiers, les ébénistes, les charrons, les car- rossiers, les tourneurs, les layetiers et les boisseliers. On en fait des rames de bâtiments de mer, des manches de marteaux de forge et autres usines. Le sabotage qu'on en tire forme un commerce considé- rable. [est à observer qu'on ne peut fendre le hêtre que lorsqu'il est vert, mais que, pour lemployer, il faut lui faire subir une dessiccation complète, car 1l prend beaucoup de retrait. Le hêtre fournit un excellent chauffage et un char- bon très recherché. DES SOLS, DES ESSENCES. 67 La faîne, mêlée avec le gland, sert à nourrir les porcs et à les engraisser; on en retire par ce moyen un produit souvent considérable. Le panage, lors- qu'il ya suffisamment de glands et de faînes, peut être mis en adjudication ; c’est une ressource très précieuse, surtout pour les pays pauvres en grains. On ramasse aussi la faîne pour en extraire l'huile, qui est un très bon aliment lorsqu'elle est pressée à froid. Cette huile est meilleure à brûler et donne moins d’odeur que d’autres huiles; elle est em- ployée avec avantage dans l’économie domestique et dans les arts. ARTICLE ÏIIl. Le Châtaignier. 131. Le châtaignier commun (castanea vulgaris, Lamarcx) est un arbre remarquable par son beau feuillage et son port majestueux, par sa grande utilité et par une croissance des plus rapides. On ne trouve en France, et mème en Europe, qu'une seule espèce de ce genre. Quant aux variétés, qui ne sont dues qu’au climat et à la culture, elles ne se distinguent que par la grosseur et le goût du fruit. 132. Climat, situation, exposition. — On ren- contre le châlaignier dans toute la France, excepté dans les départements du Nord. Un climat un peu chaud paraît donner plus de solidité à son bois [24] GS DES CLIMATS,. et plus de qualité à son fruit; ce climat lui convient aussi, parce que cet arbre, fleurissant plus tard que les autres essences, sa fructfication a besoin d'une tem- pérature douce pour arriver à une maturité parfaite. Il est constant, d’ailleurs, qu'il supporte mal les froids rigoureux f. Le châtaignier se plait particulièrement sur les coteaux etsurles montagnes d'uneélévationmoyenne. Il réussit moins dans les plaines, et l’on doit éviter de le placer surles grandes hauteurs et dans les fonds humides. Les pentes entièrement exposées au Midi ne lui conviennent pas, surtout dans les localités où l'on a des gelées printanières à craindre. Cet arbre, ayant une végétation très précoce, est souvent victime de ces gelées, lorsque, à l'entrée du printemps, le soleil hâte le développement des bourgeons. Il est donc préférable de le cultiver aux expositions de l'Est et du Nord-Est. 133. Terrain. — Les terres légères, siliceuses ou feldspathiques, mais substantielles et profondes, sont celles où 1l prospère le mieux ; cependant on le voit réussir aussi dans les sols secs et sablonneux. Dans ceux qui sont légèrement humides, il a une végélation extraordinaire ; mais, ayant plus souvent ‘ C'est, à ce qu'on prétend, l'hiver de 1709 qui a générale- ment détruit les châtaigniers, très communs autrefois en France. Buffon (2° mémoire, Expériences sur les végétaux) rejette cette opinion comme n'ayant aucune base sérieuse, DES SOLS, DES ESSENCES. 69 à souffrir des gelées printanières, 1l se creuse bien plus tôt que dans les autres terrains. En général, les terres trop compactes, humides ou marécageuses sont contraires au châtaignier, et il se refuse à croître dans les sols calcaires, ou du moins il y croît mal. 134. Floraison et fructification. — La floraison est monoïque ou même polvgame, car certains cha- tons mâles portent à leur base des fleurs femelles ou hermaphrodites. Les fleurs paraissent dans le mois de juin, et quelquefois en juillet seulement. Le fruit mûrit tard et ne se récolte, dans les climats tempérés, que vers le milieu ou la fin de novembre. Sa maturité ne devance cette époque que dans les climats plus chauds, ou lorsque l'été et l'automne ont une température élevée. Les châtaignes son! plus lourdes que le gland, renfermées dans une en- veloppe presque ligneuse armée de pointes, qu’on appelle vulgairement hérisson; 1l y en à ordinai- rement deux et même trois. Le marron, la plus grosse des châtaignes, y :st presque toujours seul. Le châtagnier porte fruit même très jeune. 135. Jeunes plants. — On peut entièrement com- parer les plants de châtaignier à ceux du chène. Ils sont robustes dès leur naissance et ne prospèrent pas à l'ombre ; mais ils sont, plus que les jeunes chênes, sensibles aux froids. 136. Feuillage. — Les feuilles du châtaignier sont grandes et abondantes ; elles forment un couvert assez épais. 10 DES CLIMATS, 157. Racines. — Bien que le châtaignier ne soit pas aussi pivotant que le chêne, il l’est cependant beaucoup plus que le hêtre. Ses racines sont fortes et nombreuses, elles ont toutes une tendance à s’enfoncer dans le sol, où elles pénètrent jusqu’à un mètre et plus de profondeur. Ordinairement le pivot cesse de s’allonger dès que l’arbre ne croît plus sensiblement en hauteur, et souvent même il meurt tout à fait. Les racines latérales drageonnent facilement. 138. Croissance et durée. — La croissance du châtaignier est très rapide dès sa jeunesse et se sou- tient fort longtemps. À l’âge de 60 à 70 ans, ses di- mensions sont déjà celles d’un chêne de 130 à 140ans. Sous le rapport de la durée, cet arbre présente les exemples les plus étonnants. Le plus gros châtai- gnier que l’on connaisse est celui dit des cent che- vaux, qui se trouve près du mont Elna en Sicile’, et dont letronc, entièrement creux à la vérité, a 50 mè- tres de circonférence ; sa naissance se perd dans les temps les plus reculés. On a mesuré d’autres châtai- gniers moins vieux qui avaient des grosseurs de 10 à 15 mètres. En général, cette essence présente l’m- convénient de se creuser, sans toutefois que sa durée aità en souffrir; mais il en résulte que les fortes pièces de châtaignier sont extrêmement rares. : D’après M. Élisée Reclus (Revue des deux mondes, 1® juillet 1865), cet arbre n'existe plus. (Note des éditeurs.) DES SOLS, DES ESSENCES. 71 139. Qualités et usages. — Le châtaignier offre un bois très propre à la charpente.Quoique plus léger, il a presque autant de force que le chêne, et l’on pré- tend qu'il l’égale en durée. Dans sa jeunesse, il est très liant et propre à faire des cercles ; plus tard, son bois fournit des échalas de toutes dimensions, et, pour cet usage, on le pré- fère au chêne. Le châtaignier est un bon bois de fente ; en Italie, on en fabrique des douves. qui, dit-on, sont d’une qualité supérieure à celles du chène. On ne connaît pas assez en France tous les usages auxquels 1l est propre, parce que les forêts de cette essence s'ex- ploitent géréralement fort jeunes, et que les arbres qu'on laisse vieillir ne sont cultivés que comme frui- liers, et ne se coupent ordinairement qu'après leur entier dépérissement. Le châtaignier est moins estimé pour le chauffage que le chêne , et il est sujet à jeter des éclats. Son charbon est un peu léger et ne pourrait servir à la fonte du minerai; mais on l’emploie avec avantage à forger le fer. La châtaigne est un fruit excellent ; dans plusieurs parties de la France, elle forme la principale nour- riture des habitants des campagnes. Il paraît constant que les anciennes charpentes, très bien conservées, que l’on croyait être en bois de châtaignier, sont en chène pédonculé (Buffon, mé- moire cité plus haut). Quoi qu'ilen soit, on ne peut le DES CLIMATS, contester la végétation rapide de cet arbre, la bonté de son bois, son utilité pour la construction et l’ou- vrage, ainsi que l'excellence de son fruit; et, sous ces divers rapports, il est digne de toute l'attention du forestier. AR MLCIEOMNVE L'Orme. 140. L'Orme (ulmus, LiNNÉ) est un des arbres les plus utiles de nos forêts, mais on ne l’y rencontre que très rarement comme essence dominante. Il pré- sente un grand nombre de variétés où de variations qui se rattachent les unes aux autres par une multi- tude de transitions. Les principales espèces admises par les botanistes sont : L'Orme champêtre (ulmus campestris, Surra) ; orme à petites feuilles ; orme rouge. À cette espèce appar- tiennent les variétés connues sous le nom d'orme tor- tillard et d’orme fonqueux. L'orme de montagne (ulmus montana, Smrra); orme à larges feuilles. Cette espèce est la moins estimée pour la qualité du bois, et il faut par conséquent cul- tiver de préférence l’orme champêtre. Il existe une troisième espèce, appelée orme diffus (ulmus effusa, Wirpexow). Elle est peu répandue et son bois n’est pas apprécié (voir la Flore forestière de M. Mathieu DES SOLS, DES ESSENCES. 75 141. Climat, situation, exposition. — Le elimat tempéré est celui où l’orme prend son plus fort dé- veloppement. La grande chaleur ne lui convient pas: il s’accommode mieux du froid, et l’on rencontre sur d'assez grandes hauteurs l’orme à larges feuilles. Lorsque le terrain lui est favorable , il vient aussi bien en plaine qu'en montagne. Depuis Sully qui à étendu la culture de cet arbre en France, il a été par- ticulièrement planté sur les grandes routes, dans le voisinage des communes, des églises, des cime- üères, et sur les remparts des places fortes. Quoique tres utile, 1l est moins commun dans les forêts. Dans les situations élevées, il se plaît aux aspects du Midi et du Couchant, tandis que, dans les régions basses, on le voit prospérer davantage aux exposi- tions du Nord et de l'Est. 142. Terrain. — Cet arbre n'est pas difficile sur le choix du terrain ; il ne craint que les sols trop argileux, marécageux, ou arides. Dans ces der- niers, on le voit dégénérer en un arbrisseau diffus (orme tortillard), à feuilles très petites, et qui ne fleurit presque jamais (M. Mathieu). Un solfrais sans être humide accélère sa végétation et n’ôte rien à la bonté de son bois. Il croît avec une extrême rapidité dans les sols un peu humides, mais il y perd en qualité ce qu'il gagne en accroissement. 143. Floraison et fructification. — Les fleurs de l’orme paraissent avant les feuilles, dans les premiers jours du printemps. Elles sont hermaphrodites, et 74 DES CLIMATS, ordinairement lrès abondantes. La maturité des graines a lieu dès la fin de mai on le commencement de juin. La semence est très petite, entourée d’une membrane cireulaire fort légère ; elle est disséminée au loin par les vents, aussitôt qu'elle est mûre. Les ormes sont en général fertiles en graines, et com- mencent très jeunes à en porter. 14%. Jeunes plants. — Le tempérament des jeunes plants est robuste. Cependant un premier abri leur est utile, parce qu'ils lèvent pendant les chaleurs de l’été; mais ensuite on peut les abandonner à eux- mêmes. | 145. Feuillage. — Les feuilles de l’orme sont rudes, abondantes et donnent un couvert assez épais. 146. Racines.—Lesracines, fortes etnombreuses, s'étendent au loin. Lorsque le terrain est profond, l’orme pivote autant que le chène, mais 1l pousse en même temps un grand nombre de racines latérales. Cette faculté de tracer lui permet de prospérer encore dans les terrains qui ont peu de fond. Les racines de l’orme fournissent de nombreux drageons. 147. Croissance et durée. — L’orme est remar- quable par la promptitude de sa croissance ; 1l s’é- lève à une très grande hauteur et prend une grosseur considérable. Sa vie s'étend à plusieurs siècles. Une grande quantité d’ormes, plantés sous le ministère de Sully, existent encore et sont en bon état de crois- sance. 148. Qualités et usages. — Le bois d’orme est [ed à DES SOLS, DES ESSENCES. 7 très dur. On peut l'employer à la charpente, quoi- qu'il soit, pour cet usage, inférieur au chène et au châtaignier. [l sert dans les chantiers de la marine, pour la carène des vaisseaux, pour les pompes et pour toutes les parties qui sont sous l’eau. L'orme est un des meilleurs bois de travail. Le tortillard est surtout recherché pour le charronnage et pour tous les ouvrages qui exigent de la solidité. L’artillerie l’'emploie, de préférence à tout autre bois, pour les affûts de canon, les voitures, etc. L'ébénis- terie en tire un excellent parti pour les meubles; son grain est fin, sa couleur agréablement nuancée, et il prend un beau poli. Sa fibre, très serrée et coriace, le rend utile à tous les ouvrages exposés au frottement, tels que les vis de pressoir, les écrous, les roues d’engrenage. On en fabrique aussi des arbres et des roues de moulin. Toutes ces qualités sont celles de l’orme à petites feuilles. L’orme à larges feuilles ou de montagne ne fournit qu'un bois mou, peu résistant et peu durable; il en est de même de l’orme diffus. Comme chauffage, l’orme est assez estimé lors- qu'il est complètement sec, mais 4l n’est pas de pre- mière qualité : il en est de même de son charbon. La cendre de l’orme est une de celles des arbres forestiers qui fournissent le plus de potasse. Les feuilles peuvent être employées comme four- rage ; les bêtes à cornes et les bêtes à laine les man- gent volontiers. 76 DES CLIMATS, ARTICLE V. Le Frêne. 149. II n'y à qu'une seule espèce de frène qui soit indigène dans nos forèts : c'est le frêne commun ou élevé (fraxinus excelsior, Lixxé), On le trouve ordi- nairement parsemé entre les autres bois, et ce n’est que par exception qu'on le voit former l'essence do- minante. 150. Climat, situation, exposition. — C'est dans les climats tempérés que le frêne prend le plus bel accroissement, mais il réussit aussi dans les climats froids. | On le rencontre dans les plaines et dans les val- lons, dans les pentes et sur les plateaux d’une élé- valion assez considérable. Toutefois, les deux pre- mières situations, et surtout les vallées ombreuses el fraiches, sont celles qu'il préfère. Les expositions méridionales sont défavorables à sa croissance. 151. Terrain. — Les sols profonds, frais et assez divisés sont les plus convenables au frêne ; aussi, est-ce dans les prairies et sur le bord des ruisseaux qu'on le voit prendre les dimensions les plus fortes. Cependant il ne se plaît pas dans les terrains maré- cageux. L'argile compacte et le sable pur lui sont DES SOLS, DES ESSENCES. 77 contraires ; on le trouve parfois en assez bon état de croissance dans les sols secs. 152. Floraison et fructifisation. — La floraison est polygame. Lesfleurs paraissent avant les feuilles, vers la fin d'avril et quelquefois mème plus tôt. Les fruits sont des samares munies d'une aile allongée: ils sont répandus au loin par les vents, et müûrissent vers la fin d'octobre. Leur dissémination s'opère en novembre et en décembre, et n'a fort souvent lieu qu'au printemps suivant. La semence du frêne réussit abondamment pres- que chaque année, et l'arbre devient fertile de bonne heure. 153. Jeunes plants. — Quoique les jeunes frênes ne soient point délicats, ils demandent cependant à être abrités la première année, et l'ombrage continue même à leur être avantageux jusqu’à l’âge de trois ou quatre ans. 154. Feuillage. — La feuille du frène est compo- sée ; ses folioles sont petites. Le feuillage est léger et ne donne que peu de couvert. 155. Racines. — Les racines, menues et très nombreuses, tracent et pivotent tout à la fois. Elles s'enfoncent jusqu'à 1 mètre 50 centimètres et plus, et s'étendent horizontalement à 6 et à 7 mètres. Cette dernière disposition rend le frêne fort nuisible dans les champs et les prés; cependant on l’y plante fré- quemment, mais on remarque que, même à une assez 78 DES CLIMATS, grande distance, il enlève la nourriture aux plantes qui l’avoisinent. Le frêne drageonne, moins abondamment toute- fois que l’orme. 156. Croissance et durée. — Dès sa première jeunesse, le frêne a une croissance très rapide qui se . soutient jusqu'à 70 et 80 ans. À cet âge, l'arbre à souvent de 30 à 33 mètres de hauteur et un diamètre de 66 centimètres à sa base. Il peut atteindre des dimensions bien plus fortes encore, car 1l vit deux siècles et au delà. 157. Qualités et usages. — Le frêne peut être employé avec avantage à la charpente, lorsqu'on le place à couvert ou entièrement sous l’eau. Mais on le voit fort rarement servir à cet usage, car, dès que les pièces sont un peu fortes, elles acquièrent une valeur très grande comme bois d'ouvrage. Le frène sert à la menuiserie, à l’'ébémisterie et à la boissellerie; 1l est surtout recherché pour le charronnage (particu- lièrement pour les limons et brancards) à cause de sa fibre souple et coriace. Les sabotiers et les tourneurs en font grand cas; on l’emploie aussi dans les manu- factures d'armes. Son chauffage et son charbon sont irès estimés et valent ceux du hêtre. L'écorce peut servir au tannage ; on en retire une couleur bleue, Les cendres fournissent beaucoup de potusse ; enfin, les feuilles, soit vertes, soit sèches. sont em- DES SOLS, DES ESSENCES. 79 plovées dans les pays pauvres en fourrage, à la nour- riture du bétail qui en est très friand. ARTICLE VI. Les Érables. 158. On rencontre communément {rois espèces d'érable dans nos forêts. Ce sont : L’érable sycomore (acer pseudo-platanus, Lin) ; L'érable plane (acer platanoides, Lin) : Et l’érable à petites feuilles, ou érable champêtre (acer campestre, LiNNÉ). Comme les frènes, les érables ne forment presque Jamais l’essence dominante des bois. 159. Climat, situation, exposition. — Sous le triple rapport du climat, de la situation et de l’expo- sition , les érables ont à peu près les mêmes exi- gences que le frêne. Le plane etle sycomore sup- portent mieux, toutefois, les grandes élévations ; dans les Alpes, on a trouvé ee dernier à 1,700 mètres au-dessus du niveau de la mer. 160. Terrain. sont ceux que les érables préfèrent ; mais 1ls s'ac- commodent très bien des terrains de moins bonne qualité, tels que ceux qui conviennent, par exemple, Les sols profonds, frais et divisés au hêtre, avec lequel ils croissentsouvent en mélange. 80 DES CLIMATS, L'argile compacte, les sables secs etles marais leur sont entièrement contraires. 161. Floraison et fructification. — La floraison est hermaphrodite, accidentellement et par avorte- ment, polygame. Les fleurs de l’érable plane pa- raissent vers la fin d'avril, et celles du sycomore et de l’érable champêtre seulement dans le courant de mai. Les fruits sont des samares doubles, dont cha- cune est munie d’une large membrane en forme d'aile ; elles mürissent en octobre el se disséminent aussitôt. 162. Jeunes plants.— Le tempérament des jeunes plants est assez robuste, mais un premier abri leur est nécessaire. 163. Feuillage. — Les feuilles du sycomore el celles du plane sont fort grandes ; celles de lérable champêtre le sont beaucoup moins ; mais le feuillage destrois est abondant et procure un couvert épais. 164. Racines. — Les racines des érables tracent et pivotent à la fois. Leur extension horizontale est beaucoup moindre que celle des racines de frêne, et une profondeur de 30 à 60 centimètres leur suffit pour porter de fort beaux arbres. Il est rare qu'elles drageonnent. 165. Croissance et durée. — L'érable sycomore etle plane croissent rapidement dès leur jeunesse ; le premier l'emporte cependant sur son congénère. À l’âge de 60 à 70 ans, 1ls ont, en sol convenable, une élévation de 20 à 25 mètres, et un diamètre de DES SOLS, DES ESSENCES. 81 66 centimètres à la base. Ils peuvent atteindre des dimensions bien plus fortes encore; ils vivent en effet 150 à 200 ans, et même au delà. L’érable champêtre, qui est tantôt arbre et tantôt arbrisseau, croît plus lentement. Dans le premier cas, il peut s'élever de 10 à 15 mètres au plus. Il vit, comme les deux autres, 150 à 200 ans, mais sa crois- sance se ralentit déjà beaucoup avant qu'il ait ac- compli le siècle. 166. Qualités et usages. — Les érables ne servent point à la charpente, quoiqu'ils y soient propres, lorsqu'ils sont garantis des variations de l’atmo- sphère. Le plane et surtout le sycomore sont extrème- ment recherchés pour la menuiserie et l’ébénisterie ; ils prennent un beau poli, sont agréablement veinés et d’un beau jaune pâle. Les charrons, les tourneurs et plusieurs métiers encore, en font aussi très grand cas. L’érable a la propriété de ne point se tourmenter et de n'être pas attaqué par les vers. Les qualités de ce bois pour le travail rendent né- cessairement très rare son emploi comme chauffage ou comme charbon, quoiqu'il soit supérieur, pour ces usages, à la plupart des autres essences. Les cendres des érables fournissent beaucoup de polasse. Leurs feuilles peuvent servir à la nourriture des bêtes à laine; la sève du sycomore, ainsi que celle du plane, contient du sucre, mais pas assez sans doute pour que l'extraction en soit avantageuse. 6 S2 DES CLIMAÏS , AR D CIE PAIE Le Bouleau, 167. Sous le nom générique de bouleau, on réunit, en langage forestier, deux espèces : le bou- leau blanc (betula alba, Linxé) et le bouleau pubescent (betula pubescens, Enrnarpr). Les caractères dis- ünctifs de ces deux espèces sont surtout botaniques; leurs qualités, leurs tempéraments diffèrent peu, et il n'est pas nécessaire, par conséquent, de les séparer l'une de l’autre dans la pratique. Quoique très répandu dans les forêts, le bouleau y forme rarement l'essence dominante. Ce n’est guère que sur les grandes sommités, dévolues surtout au bouleau blanc, et quelquefois dans les marais tour- beux, que recherche particulièrement le pubescent, qu'on le rencontre seul. Dans d’autres localités, s’il occupe exclusivement le terrain, ce fait est d’ordi- naire le résultat d'une culture particulière, et non l'ouvrage de la nature. 168. Climat, situation, exposition. — Le bou- leau supporte les chimats les plus froids; en s’élevant sur les montagnes, on le voit dépasser de beaucoup la limite extrème de loutes les autres essences, et c'est, vers le pôle du Nord, le dernier arbre que l’on DES SOLS, DES ESSENCES. S9 rencontre. Les étés chauds et prolongés ne lui sont pas favorables, et, dans le Midi, il ne réussit que sur les grandes sommités. Dans les Pyrénées, on trouve encore des bouleaux à près de 2,000 mètres au- dessus du niveau de la mer. Les régions tempérées n’en sont pas moins celles qu'il préfère, et où 1l prend le plus bel accroissement. Dans ces régions, il pros- père particulièrement aux expositions du Sud-Est el du Sud-Ouest, quoique les autres ne lui soient point absolument contraires. 169. Terrain. — Le sol qui convient le mieux au bouleau est un sable gras; mais cel arbre se contente d’ailleurs d’un terrain médiocre et d’une nature quelconque, pourvu qu'il ne soit pas trop compacte. Le bouleau blanc ne se plait pas dans les sols ma- récageux, dont le pubescent, au contraire, s'accom- mode très bien. 170. Floraison et fructification. — La floraison est monoïque et amentacée pour les deux sexes; les fleurs paraissent en même temps que les feuilles, vers la fin d'avril. Le fruit est un cône et mürit dans les derniers jours du mois d'août ou au commen- cement de septembre. Les semences se disséminent immédiatement et tombent avec les écailles qui se détachent de l’axe ; elles sont très pelites, munies d’une membrane légère, et sont répandues fort loin par les vents. Le bouleau devient fertile à un âge peu avancé, et sa graine réussit presque ous les ans. 34 DES CLIMAIS, 171. Jeunes plants. — Les jeunes plants sont vi- goureux dès leur naissance et résistent aux froids comme aux ardeurs du soleil. 172. Feuillage. — Les feuilles sont très abon- dantes, et ne donnent cependant qu’un couvert fort léger qui n'empêche point la végétation autour de l'arbre. Cette propriété, avantageuse quelquefois, est souvent un obstacle à la bonne croissance du bouleau, lorsqu'il forme l'essence dominante. En effet, les rayons du soleil, ayant action sur la surface du sol, en pompent l'humidité, empêchent que le terrain ne s’amende par la décomposition des feuilles mortes, et, de plus, favorisent la crue des herbes et des arbustes nuisibles. 173. Racines. — Les racines du bouleau sont nombreuses, déliées et très traçantes; lorsqu'elles sont entièrement à découvert, elles produisent assez fréquemment des drageons. 174. Croissance et durée. — La croissance du bouleau est rapide, mais elle se ralentit considéra- blement vers la 60° année. Sa durée ne dépasse pas ordinairement 80 à 90 ans. 175. Qualités et usages. — Le bouleau sert rare- ment à la bâtisse, et ce n'est qu'à couvert qu'il peut être employé à cet usage: mais il est très estimé pour le charronnage, la menuiserie, la fabrication des sabots, etc.; sa fibre est coriace, et 1l a, comme l’é- rable, la précieuse propriété de ne point se tourmenter et d’être à l'abri de la vermoulure. DES SOLS, DES ESSENCES. 89 Le bouleau produit un assez bon chauffage; il brûle avec une flamme claire et égale. Son charbon est aussi fort estimé, et ses jeunes rameaux servent à faire des balais. L'écorce est employée au tannage dans le Nord; elle contient une huile essentielle qui communique au cuir de Russie l'odeur qui le caractérise. En Po- logne et en Russie, on prépare, avec la sève du bou- leau, une espèce de vin et d'assez bon vinaigre. ARTICLE VIII. Le Robinier faux Acacia. 176. Le robinier faux acacia (robinia pseudo- acacia, LINNÉ), originaire de l'Amérique septentrio- nale, a été introduit en France, sous Henri IV, par Robin. Il est parfaitement acclimaté et, chaque année, se propage de plus en plus. Ses précieuses qualités, la rapidité de sa croissance et la beauté de son port justifient la faveur dont il jouit parmi les arboricul- teurs. 177. Climat, situation, exposition.— Les climats rigoureux ne conviennent pas au robinier;, 1l de- mande, pour prospérer, une température douce et égale, et les grands froids le font souvent périr en- tièrement. Aussi est-ce dans les pays de plaines et de coteaux que sa culture est réellement avantageuse 86 DES CLIMATS, On doit, autant que possible, placer les bois de robi- niers dans des situations abritées des grands vents, car cet arbre se casse très facilement. Les expositions chaudes sont celles qu'il préfère. 178. Terrain. — Le robinier prospère dans les terrains légers, mais substantiels, et principalement dans les sables gras pourvus de terreau. Les sols arides, ou mouilleux, ou trop compactes lui sont con- traires. 179. Floraison et fructification. — Le robinier fleurit au commencement de juin; ses fleurs sont hermaphrodites. Les semences sont petites, rondes et sans ailes; elles sont renfermées dans une gousse à laquelle elles demeurent adhérentes en tombant, ce qui donne plus de prise au vent pour les emporter. Elles müûrissent au mois d'octobre, mais la dissémi- nation n’a lieu que pendant l'hiver ou au printemps suivant. Le robinier devient fertile fort jeune; ses années de semence sont fréquentes. 180. Jeunes plants.— Les jeunes plants ne crai- gnent point les ardeurs du soleil, mais ils ont besoin, “dans les premières années, d’un abri contre les froids trop vifs. 181. Feuillage. — Les feuilles du robinier sont composées; leurs folioles sont petites et légères, et ne donnent que peu de couvert. 182. Racines. — Les racines s’enfoncent jusqu'à 33 et 66 centimètres, lorsque le sol le permet; mais DES SOLS, DES ESSENCES, 87 elles tracent surtout et s'étendent fort lon. Elles sont nombreuses, munies d’un chevelu très abondant et très disposées à drageonner. 183. Croissance et durée. — La croissance du robinier est des plus rapides. A l’âge de 40 ans, il a souvent une hauteur de 12 et même de 18 mètres sur 66 centimètres de diamètre à la base. Sa durée ne semble pas pouvoir se prolonger au delà de 80, 90 et 100 ans au plus. 184. Qualités et usages.— Le bois de robinier résiste fort longtemps à la pourriture, et cette qualité, jointe à une grande dureté, le rend très propre à la bâtisse, dans les places où les pièces de bois sont le plus exposées aux variations de la température el aux injures de l’atmosphère. En Amérique, on s’en sert même pour des cons- tructions maritimes, quand on en trouve des échan- üillons convenables. Comme bois de travail, on l’estime beaucoup; il prend un très beau poli, est agréablement nuancé, et sert à la menuiserie et à l’'ébénisterie. Les échalas de vigne fournis par le robinier ont plus de durée que ceux d'aucun autre bois. En Angleterre, il est l’es- sence préférée pour les gournables, parce qu’il se dureit beaucoup en vieillissant. Sa qualité, comme bois de chauffage, passe géné- ralement pour assez médiocre; cependant, d’après les expériences de T. Harüg, il donne beaucoup de te) DES CLIMATS , chaleur rayonnante, ce qui le rendrait très propre au chauffage à foyer ouvert. Ses feuilles fournissent un fourrage excellent. AR TICLEUMXS Le Charme. 185. Le charme commun (carpinus betulus, Lixxx) estun des bois les plus utiles et les plus répandus de nos forêts. Ordinairement, on l’y trouve mélangé avec le chêne, le hêtre, le tilleul, le tremble, etc.; mais, souvent aussi, il occupe des étendues considérables comme essence dominante. 186. Climat, situation, exposition.— Le charme supporte les climats rigoureux, mais il prospère da- vantage dans les tempérés. Aussi est-ce dans les plaines, sur les coteaux et les montagnes de moyenne hauteur qu’on le rencontre le plus fréquemment et qu'il prend l'accroissement le plus beau. Il s’accom- mode à peu près de toutes les expositions; néan- moins, sa végétation est peu satisfaisante sur les pentes entièrement méridionales. 187. Terrain.— Les sols argileux, divisés par le sable ou par de petites pierrailles et riches en terreau, sont ceux que le charme préfère; mais il croît aussi dans les fonds de moindre qualité, fussent-ils même un peu humides. Les terrains secs et arides, ou trop compactes, ou marécageux lui sont contraires. DES SOLS, DES ESSENCES. 89 188. Floraison et fructification. — La floraison est monoïque et en chatons cylindriques pour les deux sexes. Les fleurs paraissent en même temps que les feuilles, au commencement de mai. Le fruit, qui mürit en octobre et se dissémine immédiatement après, est un pelit gland ovale, muni de côtes sail- lantes et renfermé dans une cupule foliacée. Cette cupule est assez grande pour favoriser la dispersion de la graine par les vents. Dès l’âge de 30 ans, le charme devient fertile, et la semence réussit abondamment presque chaque année. 189. Jeunes plants.— Les jeunes charmes sup- portent mieux les froids rigoureux que les gelées printanières, et ils se trouvent bien d’être garantis, pendant plusieurs années, des ardeurs du soleil. 190. Feuillage. — Les feuilles sont de moyenne grandeur, d’un tissu assez serré et très abondantes ; elles donnent un couvert épais, quoique moindre que celui du hêtre. 191. Racines. — On ne remarque point chez le charme un pivot bien caractérisé; mais ses racines ont toutes une tendance à s’enfoncer obliquement dans le sol, où elles pénètrent souvent jusqu’à un mètre et plus de profondeur; elles sont nombreuses, s'étendent au loin et drageonnent facilement. 192. Croissance et durée. — Sous le rapport de la croissance, le charme égale le hêtre jusqu’à l’âge de 30 à 40 ans; mais, après cette époque, il est d’or- 90 DES CLIMATS, dinaire dépassé par ce dernier. Ce n’est ‘toutefois qu'à 70 ou 80 ans que son accroissement commence à se ralentir, et on le voit végéter en très bon état jusqu’à 130 et même 150 ans. 193. Qualités et usages. — Le bois de charme est d’une densité très égale; 1l est très dur et sa fibre est coriace. On l’emploie peu à la charpente, parce qu'il résiste mal à l’action de l’humidiié et aux varia- tions de la température, et que, d’ailleurs, ses dimen- sions en grosseur et en hauteur sont rarement conve- nables pour cet usage. Sous le rapport de la gros- seur, le charme offre, en effet, cette particularité, que son tronc n’est presque jamais rond comme celui des autres bois; il présente des cannelures nombreuses, irrégulières, souvent très profondes, qui rendent difficile, par conséquent, son équarrissage. C'est surtout comme bois de travail qu’il est pré- cieux. Il est employé par les charrons; on en fait des roues d’engrenage, des leviers, différents instruments aratoires, et, en général, toutes espèces de pièces ex- posées à un frottement continu ou à une forte pres- sion. son chauffage et son charbon sont de première qualité et supérieurs à ceux du hêtre. ‘Les cendres du charme fournissent beaucoup de potasse, el son feuillage, vert ou sec, sert à la nour- riture des bestiaux. DES SOLS, DES ESSENCES. 91 AMPR'FICLEXE L'Alisier. 194. Nos forêts présentent communément deux espèces d’alisier, que l’on trouve mélangées parmi les autres bois. Ce sont : 1° L’'alisier blanc ou allouchier (pyrus aria, EHRHARDT) ; 2° L’alisier torminal (pyrus torminalis, ExrHARDT). 195. Climat, situation, exposition. — L’alisier torminal et surtout l’alisier blanc supportent les eli- mats froids de nos hautes montagnes, mais leur croissance y est lente; la plupart du temps, ils y dé- génèrent en arbrisseaux. Ce n'est que dans les ré- gions tempérées qu'ils ont une belle végétation, et tous deux prospèrent principalement dans les plaines et sur les coteaux. Les expositions entièrement méridionales ralen- üssent la croissance des alisiers, qui paraissent se plaire principalement à celles de l'Ouest, de PEst et du Sud-Est. 196. Terrain. — Les alisiers réussissent dans toutes sortes de terrains; mais 1ls semblent surtout préférer les sols calcaires ou argileux, assez profonds el mélangés de terreau. Ils ne supportent ni les sables secs, ni les fonds humides ou marécageux. 197. Floraison et fructification. — Les fleurs 92 DES CLIMATS, des alisiers sont hermaphrodites; elles paraissent dans le courant de mai, quelquefois au commence- ment de juin, selon la température. Les fruits qui leur succèdent sont de petites pommes rouges, presque sèches et non comestibles pour l’alisier blanc, molles et comestibles lorsque, après avoir fermenté, elles deviennent blettes, pour l’alisier torminal. Ils müris- sent au mois d'octobre, et leur dissémination a lieu dans le courant de l'hiver. Dès l’âge de 20 ans, les alisiers deviennent fertiles. 198. Jeunes plants.— Les jeunes plants sont assez robustes; un léger abri semble cependant leur être favorable dans les premières années. 199. Feuillage. — Les feuilles sont grandes, épaisses, et donnent un couvert assez complet. 200. Racines. — Les racines des alisiers sont à la fois traçantes et pivotantes, lorsque le sol le permet. Elles s’accommodent cependant d’un terrain sans profondeur, et semblent avoir une disposition parti- culière à pénétrer dans les fentes des rochers, où elles trouvent souvent une nourriture abondante, pro- duite par le détritus des végétaux qui y est retenu. Elles sont nombreuses et fournissent des drageons. 201. Croissance et durée. — La croissance des alisiers est lente. Leur durée peut se prolonger jus- qu’à 200 ans et au delà, mais leur accroissement diminue beaucoup dès l’âge de 90 ou 100 ans. Ils s'élèvent jusqu’à 15 et 20 mètres, et prennent de 40 à 66 centimètres de diamètre à la base. L’alisier blanc DES SOLS, DES ESSENCES. 93 paraït moins disposé à croitre en hauteur que le torminal. | 202. Qualités et usages.— Le bois des alisiers est très dur, blanc, d’un grain égal et serré: 1l prend un beau poli. Parmi les bois d'ouvrage, il figure au premier rang. Il est précieux pour les dents de roues, les écrous, les vis, etc.; on en fait toutes sortes de petits meubles; 1l sert aux sculpteurs. aux tourneurs, aux fabricants d'instruments de musique, etc. Son chauffage et son charbon sont fort estimés. Ainsi que nous l’avons dit [197}, les fruits de l’alisier torminal, que l’on nomme alises ou aloses, peuvent se manger lorsqu'on les a laissés fermenter; on en distille aussi de l’eau-de-vie, et l’on en fabrique du vinaigre. ARTICLE XI. Le Sorbier. 203. On trouve dans nos forêts deux espèces de sorbier : Le sorbier des oiseleurs(pyrus aucuparia, GÆRTNER); Le sorbier cormier (pyrus sorbus, GÆRTNER). Tous deux n’y existent que mêlés avec les autres essences; le premier est bien plus répandu que le second. 204. Climat, situation, exposition. — Le climat tempéré est celui où ces deux sorbiers prospèrent le mieux; mais on trouve le sorbier des oiseleurs sur 94 DES CLIMAÏTS , les plus grandes hauteurs, où 1l finit, à la vérité, par dégénérer en arbrisseau, tandis que l’on voit le cor- mier rechercher les plaines et les vallées abritées. Le sorbier des oiseleurs réussit à toutes les expo- sitions; mais le cormier préfère celles où le soleil est le moins ardent, et où la terre conserve, par consé- quent, plus de fraîcheur. 205. Terrain. — Le sorbier des oiseleurs se con- tente de toute espèce de terrain, pourvu qu'il ne soit point humide. Les sols siliceux mêlés de terreau, ainsi que les argiles divisées sont ceux qu'il préfère; le cormier, au contraire, bien plus difficile sous ce rapport que son congénère, se plait davantage dans les sols calcaires et dans les terres fortes. On voit souvent le sorbier des oiseleurs prendre racine et croître dans les fentes des rochers, et même sur de vieilles murailles. 206. Floraison et fructification. — Les fleurs des sorbiers sont hermaphrodites; elles paraissent vers la fin de mai ou au commencement de juin. Le fruit du sorbier des oiseleurs est une petite pomme sèche, rouge et non comestible; celui du cormier est de la grosseur d’une petite poire. Lorsqu'il a subi un commencement de fermentation, il devient blet et comestible; on l'appelle sorbe. La maturité de l’un et de l’autre à lieu vers la fin de septembre ou au com- mencement d'octobre, et la dissémination naturelle s'opère dans le courant de Phiver. Le sorbier des oiseleurs devient fertile fort jeune; DES SULS, DES ESSENCES. 95 mais 1l faut près de 60 ans au cormier pour qu'il porte des fruits en abondance. 207. Jeunes plants.— Les jeunes plants du sor- bier des oiseleurs sont robustes dès leur naissance; un premier abri pourrait être utile à ceux du cormier. 208. Feuillage. — Le feuillage des sorbiers est délicat, et ne donne qu'un couvert fort léger. 206. Racines. — Ces deux sorbiers ont un pivot très prononcé qui pénètre jusqu'à 1 mètre 33 centi- mètres et plus, lorsque le sol le permet. Leurs ra- cines traçantes sont nombreuses, s'étendent au loin et drageonnent facilement. 210. Croissance et durée. — Le sorbier des oise- leurs à une croissance peu rapide. A l’âge de 60 ou 10 ans, il atteint une hauteur de 8 à 10 mètres, sur 33 à 90 centimètres au plus de grosseur. Il vit 100 à 120 ans et au delà. La végétation du cormier est plus lente encore; mais, vivant plus longtemps, il parvient à des dimen- sions plus considérables. Il prend jusqu’à 20 mètres de hauteur sur une grosseur de près d’un mètre à la base. Sa durée varie de 150 à 200 ans. 211. Qualités et usages.— Le bois des sorbiers est dur, pesant, coriace, et prend un beau poli. Il est recherché par les menuisiers, les ébénistes, les tour- neurs et les mécaniciens. Ces derniers en fabriquent des dents de roue, des vis, des écrous, des che- villes, etc. Le chauffage et le charbon en sont fort estimés; l'écorce peut servir au tannage. 96 __ DES CLIMAIS; Le fruit du sorbier des oiseleurs, ainsi que l’indique son nom, sert d’appât pour prendre les oiseaux. Celui du cormier, comme nous l’avons dit [206|, est bon à manger lorsqu'on le laisse fermenter sur la paille. On en fabrique une espèce de cidre, du vinaigre et de l'eau-de-vie. ARTICLE XII. Le Micocoulier. 212. Nous n'avons qu'une seule espèce de mico- coulier qui soit indigène. C’est le micocoulier de Pro- vence (cellis australis, Linxé); on l'appelle aussi fabrecoulier, falabriquier et fabréquier. I appartient principalement (comme l'indique son nom) aux dé- partements méridionaux. On ne connaît aucun massif formé par le micocou- lier; mais on le cultive sur différents points, et les nombreux avantages que présente cette culture doi- vent faire désirer qu’elle se propage le plus possible. 213. Climat, situation, exposition. — Ainsi que nous venons de le dire, le micocoulier appartient plus particulièrement aux climats chauds; malgré cela, 1l réussit fort bien dans les parties tempérées de la France, lorsqu'on a soin de le garantir, dans sa jeu- nesse, des froids trop vifs. Les plaines et les élévations moyennes paraissent convenir également ‘au micocoulier, et il prospère à toutes les expositions. DES SOLS, DES ESSENCES, 97 214. Terrain. — Le micocoulier n'est pas diffi- cile pour le choix des terrains ; toutefois, 1l préfère ceux qui sont profonds, légers et un peu frais. On le trouve, dit-on, en bon état de croissance dans des sols secs, rocailleux où d'autres essences ne croi- traient qu'avec peine. 215. Floraison et fructification. — La floraison est polygame. Les fleurs paraissent en mai avec les feuilles. Le fruit est une petite drupe ronde, peu charnue, renfermant un novau ligneux; 1l est mür au mois de novembre et ne se dissémine ordinaire- ment qu'au printemps suivant. L'arbre porte fruit à un âge peu avancé. 216. Jeunes plants. — Les jeunes plants du mi- cocoulier résistent facilement aux ardeurs du soleil; ils ont besoin d’être garantis du froid dans le centre, le nord et l’est de la France. Ordinairement, on les recouvre en hiver de feuilles mortes ou de paille, jusqu'à ce qu'ils aient atteint une hauteur de 66 cen- timètres à 1 mèlre, après quoi 1ls deviennent très robustes. 217. Feuillage. — Les feuilles du micocoulier sont grandes; leur couvert néanmoins n'est pas épais. 218. Racines. — Lorsque le sol le permet, le mi- cocoulier pivote assez profondément; mais il se garnit aussi de nombreuses racines tracantes, au moyen desquelles il peut se passer de pivot dans les sols peu profonds. Il drageonne, dit-on, assez fréquemment. 1 98 DES CLIMATS, 219. Croissance et durée. — La croissance [du micocoulier est rapide, et sa durée est de plusieurs siècles. Dans les climats convenables, il atteint, à l’âge de 50 à 60 ans, une hauteur de 12 à 16 mètres sur D0 à 60 centimètres de diamètre à la base. Ilexiste, dans les environs de Montpellier, un mi- cocoulier de 3 mètres de circonférence. Celui qui se vovait il y à quelques années sur une des places de la ville d'Aix était plus gros encore. 220. Qualités et usages. — Le bois du mico- coulier est plus dur, plus coriace et plus souple que la plupart des autres bois ; aussi est-1ltrès recherché pour le charronnage et pour divers autres arts, tels que la menuiserie, la marqueterie, la sculpture, etc. On en fait aussi d'excellents cereles de tonneaux, des fourches, des baguettes de fusil, et surtout des man- ches de fouets, que l’on connaît dans le commerce sous le nom de bois de Perpignan, etque l'on apprécie beaucoup à cause de leur souplesse. Comme chauffage, 1l'est fort estimé. Ses feuilles servent à nourrir les moutons el les chèvres. ARTICLE XII. Le Cerisier. 221, On trouve trois espèces de cerisier dans nos lorèts : 1° Le cerisier merisier où des bois (cerasus avium, DE CANDOLLE) ; DES SOLS, DES ESSENCES. 99 2° Le cerisier à grappes (cerasus padus, be Cax- DOLLE) ; 3° Le cerisier mahaleb où bois de Sainte-Lucie (cerasus mahaleb, Micer). La première espèce est la plus répandue, quoi- qu'elle n'existe jamais comme essence dominante, et, sous le rapport de ses qualités el de sa croissance, elle est aussi la plus importante. Les deux autres, qui ne se rencontrent que plus rarement el presque loujours sous forme d’arbrisseaux, ne sont que d'un intérêt très secondaire pour le forestier. Nous ne nous occuperons donc ici que du merisier. 222. Climat, situation, exposition. — Le me- risier ne redoute pas les climats un peu rudes, tout en préférantles tempérés, et on le trouve abondamment, dans les pays de montagnes, à des situations même assez élevées; 1l prospère également en plaine. Toutes les expositions lui conviennent, quoiqu'il semble se plaire particulièrement à celles du Midi el de l'Ouest. 223. Terrain. — Les terrains légers et subs- lantiels, quelle que soit d'ailleurs leur nature, con- viennent au merisier; mais 1] vient aussi dans les fonds médiocres et sans profondeur, pourvu qu'il puisse y étendre ses racines. Les sols humides lui sontentièrement contraires, etilne prospère pas dans les argiles compactes el dans les sables secs. 224. Floraison et fructification. — Les fleurs du merisier sont hermaphrodites: elles paraissent 100 DES CLIMATS, à la fin d'avril ou au commencement de mai. Le fruit, que l’on nomme cerise des bois ou merise, est une petite drupe charnue et noire qui mürit dans le mois de juin ou de juillet, et qui tombe un mois ou six se- mines après. Les merisiers portent fruit très jeunes. Ls 225. Jeunes plants. — Le tempérament des jeunes plants est très robuste. L'ombre leur est ab- solument contraire. 226. Feuillage. — Quoique les feuilles de cet arbre soient grandes, elles ne procurent qu'un couvert fort léger. 227. Racines. — Les racines sont nombreuses et traçantes ; elles s'étendent fort loin et drageonnent abondamment. 228. Croissance et durée. — La croissance du merisier est très rapide, et, à l’âge de 15 ans, 1l a déjà les dimensions d’un chène de 50. Dans une période de 50 à 60 ans, il prend de 25 à 28 mètres de hau- Leur sur 1 mètre à 1 mètre 33 centimètres de grosseur au pied. Son existence ne se prolonge que jusqu'à 70 ou 80 ans au plus. 229. Qualités et usages. — Le bois du merisier n'est point employé pour les constructions, mais 1l est d'autant plus recherché, comme bois de travail, par les menuisiers, les ébénistes, les tabletiers et même les luthiers. Lorsqu'il est jeune, on l’emploie beaucoup à faire des cercles, car il est très liant. Son DES SOLS, DES ESSENCES. 101 chauffage et son charbon, sans être de première quu- lité, sont cependant assez estimés. Les merises servent de nourriture aux oiseaux destructeurs d'insectes, et, sous ce rapport, elles sont d’une utilité réelle, quoique indirecte, pour le fores- ter. On eu relire, par la distillation, une liqueur fort appréciée, connue sous le nom de kirsch-vasser , et qui, en France, se prépare principalement dans les départements des Vosges, de la Haute-Saône, du. Haut et du Bas-Rhin. La gomme, qui découle assez abondamment des merisiers sur le retour, est em- ployée, dans beaucoup de cas, à l’égal de la gomme arabique. AREIGPE "XIV: L'Aune. 230. On connait dans nos forêts deux espèces d’aunes : l’aune commun, aune visqueux, appelé aussi verne où vergne (anus glutinosa, GÆRTNER) ; et l’aune blanc (anus incana, Wirpexow.) Ce dernier est peu répandu. Les aunes n’admettent point les autres essences en mélange avec eux, et, dans les parties de forêts qu'ils habitent, on les trouve presque toujours maitres exclusifs du terrain. Le frêne est peut-être la seule essence qui puisse leur être adjointe avec avantage. 231. Climat, situation, exposition. — L'aune esl un des arbres les moins difficiles sous le rapport du 102 DES CLIMATS, climat ; Desfontaines dit qu'on le trouve depuis la Laponie jusque sur les côtes septentrionales de PA- frique. Il'en est à peu près de même quant à la situa- lon; car, si on le rencontre dans les plaines et dans les fonds humides qu'il recherche de préférence, on le retrouve cependant aussi dans les parties fort éle- vées des Alpes et des autres régions montagneuses; là il finit, à la vérité, par dégénérer en buisson. C’est surtout l’aune blanc qui habite les régions froides et élevées, où cependant son congénère le suit souvent d'assez près. Quant aux expositions, l’aune paraït préférer les moins chaudes. 232. Terrain. — C’est principalement sur le bord de l’eau, dans les terrains humides et même aqua- tiques, que l’aune prend un bel accroissement. 1] prospère cependant aussi dans d’autres sols, pourvu qu'ils soient substantiels, frais et divisés. Les terres glaises lui sont absolument contraires. Dans les marais, dont il s’accommode sans toute- fois les préférer, l’aune est précieux, non seulement parce qu'il utilise des terrains qui sans lui demeu- reraent improduetifs, mais encore parce qu'il en neutralise les émanations malfaisantes. 233. Floraison et fructification. — la floraison de l’aune est monoïque et amentacée pour les deux sexes ; les fleurs paraissent dans le mois de mars, avant les feuilles. Le fruit qui leur succède est un petl cône ligneux et brunäâtre dont les écailles per- DES SOLS, DES ESSENCES. 103 sistent sur l'axe et s’entr'ouvrent simplement pour laisser échapper les graines. Celles-ci, bordées d’une aile peu développée, sont müres en octobre et se dis- séminent à l'entrée de l'hiver ou au printemps, selon la température. Les aunes deviennent fertiles dès l’âge de 12 à 15 ans. 234. Jeunes plants. n'ont pas besoin d’abri, pourvu que le sol dans lequel Les jeunes plants de l'aune ils lèvent ait de la fraicheur; ils se montrent assez sensibles aux gelées prinlanières. 235. Feuillage. — La feuille de l’aune est grande et épaisse; mais le couvert que son feuillage procure est, malgré cela, assez incomplet. Cette circonstance, réunie à la fraicheur des terrains dans lesquels végète l’aune, fait que le sol se couvre très souvent d'herbes et de plantes diverses et n’est point meuble, comme dans d’autres forêts. Cependant, dans les sols aqua- tiques, que l’aune occupe à l'exclusion de presque toutes les autres essences, cet envahissement ne se produit pas. 236. Racines. — Les racines de l’aune sont nom- breuses ; elles pivotent peu, mais tracent au loin, surtout quand le sol est très humide. L’aune commun drageonne peu, tandis que l’aune blanc à cette pro- priété au plus haut degré. 237. Croissance et durée. — L'accroissement de l’aune est très rapide dès sa jeunesse. A l’âge de 40 à 90 ans, 1l atteint souvent jusqu'à 20 à 25 mètres de hauteur sur 50 à 66 centimètres de diamètre au pied. 104 DES CLIMATS, Il'acquiert même des dimensions plus fortes, car 1! vil, en bon état de croissance, 80 à 90 ans. | 238. Qualités et usages. — L’aune n'est point propre à la charpente en plein air, ni même à couvert, parce qu'il se pique facilement; mais, employé sous eau, il est de la plus grande durée. Aussi le recher- che-t-on surtout pour les constructions hydrauliques, telles que corps de fontaine et de pompe, pilotis, digues, galeries dans les mines, etc. Comme bois de travail, il est également fort estimé des tourneurs, des menuisiers et des ébénistes. Il à le grain fin, égal, est agréablement veiné et prend un beau poli. On dit que l’aune blanc est préférable, pour ces divers usages, à l’aune commun. Le chauffage et le charbon de l’aune ne sont pas de première qualité; cependant il gagne considéra- blement, sous ce rapport, lorsqu'on a soin de le mettre en lieu sec, aussitôt après l’abatage. Traité ainsi, 1 brûle. d’une flamme claire el égale, et les boulangers le préfèrent à tout autre bois pour chauffer le four. Les expériences comparatives faites sur la valeur calorifique des deux aunes établissent encore la supé- riorité de l’aune blanc. Celle circonstance, jointe à la précédente, doit encourager sa culture. Les cendres de l’aune fournissent beaucoup de potasse. Son écorce peut servir utilement au tannage; on en obtient aussi une couleur, brune ou noire, qui est employée à teindre les cuirs et les feutres. Les bêtes à cornes mangent les feuilles d’aune, mis DES SOLS, DES ESSENCES. 105 s'en soucient peu; les bêtes à laine les refusent absotument. ARTICLE XNS Le Tilleul. 239. On connaît en France deux espèces de tilleuls indigènes : Le tilleul à petites feuilles, tilleul sauvage où des bois (tilia microphylla, VENTNAT); Le tilleul à larges feuilles ou de Hollande (ha platy- phvlla, Scopori). C’est le premier que l’on rencontre d'ordinaire dans les forêts, mêlé aux autres bois; le second s'v trouve aussi, mais rarement. 240. Climat, situation, exposition. — Les tilleuls prospèrent à peu près dans toute espèce de climat: ou les trouve dans les plaines comme sur les mon- lagnes élevées. Le tilleul sauvage est celui qui sup- porte le mieux les climats rigoureux et les grandes hauteurs, quoique sa croissance et ses dimensions y soient bien moindres que dans les régions tempérées. Les expositions du Nord-Ouest et du Nord parais- sent être celles que préfèrent les tilleuls; mais on les trouve aussien assez bon état de croissance aux autres aspects du soleil. 241. Terrain. — Les tilleuls se plaisent principa- lement dans un sol sablonneux, profond et frais; on les voit aussi prospérer dans les terrains argileux, 106 DES CLIMATS, pourvu qu'ils soient suffisamment divisés; les glaises et les marais leur sont contraires. Le tilleul des bois se contente quelquefois des terrains les plus ingrats, tels que les rocailles et les sables quartzeux. 242. Floraison et fructification. Ulleul sont hermaphrodites. Celles du Ulleul à larges Les fleurs du feuilles paraissent vers là fin de juin ou au commen- cement de juillet, et celles du tilleul des bois, quinze jours plus tard. Le fruit, qui est une petite noix globuleuse et velue, renfermant ordinairement une et quelquefois deux graines, mürit en octobre et se dissémine à l'entrée de l'hiver. Les Uilleuls portent semence abondamment et à un âge peu avancé, 243. Jeunes plants. — Un premier abri parait favorable aux jeunes plants, qui redoutent les cha- leurs trop vives; ils sont, du reste, d’un tempérament robuste. 244. Feuillage. — Le feuillage des tilleuls est abondant, touffu, et procure un couvert épais. 245. Racines. — Cet arbre à un pivot très pro- noncé qui s'enfonce jusqu'à 1 mètre et 1 mètre 50 centimètres. Les racines fraçantes sont très nom- breuses, et s'étendent à des distances (rès considé- rables; elles drageonnent assez fréquemment. 246. Croissance et durée. rapidité dans sa jeunesse; à l’âge de 80 à 100 ans, il Le Ulleul croît avec atteint une hauteur de 20 à 30 mètres sur 66 centi- DES SOLS, DES ESSENCES. 107 mètres à À mètre de diamètre à la base. Passé cel âge, il continue à croître en grosseur, mais 1l com- mence ordinairement à se creuser dans le centre. Celle circonstance ne l'empêche pas cependant de végéter avec vigueur et de parvenir à un âge très avancé. Le Ulleul est un des bois qui fournissent les exemples les plus remarquables de longévité. On connait, tant en France qu’en Allemagne, un assez grand nombre de ces arbres dont on porte l’âge à 200, 300 et même jusqu'à 500 ans. Plusieurs d’entre eux présentent jusqu’à 10, 12 et 13 mètres de circonférence à la base. Tous ces arbres sont de l’espèce à larges feuilles (platyphylla); le Ulleul sau- vage croit un peu moins vite et ne dure pas au delà de 200 à 300 ans au plus. 247. Qualités et usages. — Le tilleul n’est point propre à la charpente, mais il est très estimé pour la menuiserie, l’'ébénisterie et même pour la sculpture. Son bois est tendre, très blanc, d’un grain égal et lin; il ne se gerce et ne se tourmente point, el n’est pas sujet à la vermoulure. Le chauffage du tilleul est peu apprécié; son charbon est aussi très médiocre comme combustible: mais on s’en sert avec avantage pour la fabrication de la poudre à tirer. L'écorce (le Liber) est employée à la fabrication de cordes qui sont très estimées à cause de leur force et de leur souplesse, 108 DES CLIMATS, Les feuilles, vertes ou séchées, peuvent servir avec avantage à la nourriture des bêtes à laine. ASF CALE REV Le Peuplier. 248. Le genre des peupliers est fort nombreux et mérite toute laltention du planteur; mais une seule espèce croit spontanément dans nos bois : c’est le peuplier tremble (populus tremula, LixNÉ). C’est donc de lui seul que nous nous occuperons 1e 1. 249. Climat, situation, exposition. — Le tremble préfère les climats tempérés ; il résiste cependant aussi dans les régions froides et élevées, mais il y dégénère en arbrisseau. Les climats chauds lui paraissent contraires. Ainsi l’on remarque que, par delà la Loire, en se dirigeant vers le Midi, il devient de plus en plus rare, et qu'il disparaît même tout à ! Les autres espèces de peupliers sont : 1° Le peuplier blanc, appelé aussi ypréau, blanc de Hollande (populus alba, LiNNÉ). 20 Le peuplier grisaille (populus canescens, Surrn). 3° Le peuplier noir (populus nigra, LINNÉ). Ces trois espèces croissent spontanément dans ies îles el sur les bords du Rhin; mais, à part cette région, on ne les retrouve guère en France que cultivées. 4° Le peuplier d'Italie où pyramidal (populus fastigiata , PoirET). Cette espèce, dont on connaît maintenant les pieds femelles, est originaire d'Orient, DES SOLS, DES ESSENCES. 109 fait dans les départements les plus chauds de la France. Les expositions du Nord et de l'Est lui con- viennent particulièrement, mais 1l prospère aussi aux autres aspects. 250. Terrain. — Les sols légers, frais et même humides sont ceux où le tremble prend le plus bel accroissement; on le rencontre dans les terres fortes comme dans les sables purs, mais il v reste chétif. Les marais lui sont contraires. 251. Floraison et fructification. — La floraison du peuplier tremble est dioïque et en chatons cylin- driques pour les deux sexes; les fleurs paraissent avant les feuilles, dès le mois de mars. Les fruits réussissent avec une extrème abondance chaque année; ce sont des capsules qui contiennent une grande quantité de graines, pour ainsi dire microsco- piques, munies d’une aigrette soyeuse, et souvent transportées par les vents à plusieurs lieues. L'arbre devient fertile vers l’âge de 20 à 25 ans. 252. Jeunes plants. — Les jeunes plants sont très robustes et résistent, dès leur naissance, à toutes les influences de latmosphère. Ils restent très petits la première année; mais, à la seconde, 1ls prennent un accroissement plus rapide que celui de fa plupart des autres bois. Cette circonstance, jointe à l'abondance et à la facilité avec lesquelles sa graine se répand au loin, fait que le tremble s'introduit dans toutes les forêls, ne larde pas à s'y multiplier et à végéler aux 110 DES CLIMATS, dépens des essences plus précieuses, si des exploita- üons bien entendues n’y mettent obstacle. 253. Feuillage. — Le feuillage du tremble est très léger, mobile et peu abondant; ilne donne, par consé- quent, qu'un couvert très incomplet. 254. Racines. cant. Ses racines sont fort nombreuses, s'étendent très Join el produisent des drageons en abondance. 255. Croissance et durée. — Ainsi qu'on vient de le dire, la croissance du tremble est des plus Le tremble est entièrement {ra- rapides. À l’âge de 50 à 60 ans, 1l acquiert une hau- leur de 25 à 30 mètres sur 66 centimètres, et même plus, de diamètre au pied. Passé cet âge, il se pourrit ordinairement à l’intérieur; cette circonstance a mème lieu plus tôt, lorsqu'il se trouve dans un sol humide ou très substantiel. 256. Qualités et usages. — Le bois du tremble est très tendre, blanc et chargé d'humidité, ce qui fut qu'il prend beaucoup de retrait. Dans les pavs où le sapin manque, on emploie le tremble à la char- pente en lieu see. Il peut servir aussi, comme l’aune, à des conduites d’eau, parce qu'il résiste très long- lemps à la pourriture, surtout dans les terrains humides. Comme bois de travail, 1l est employé à la menui- serie, à la sculpture, à lébénisterie, etc. L'arbre se garnissant peu de branches et n'étant, par consé- quent, pas noueux, on en fabrique beaucoup de voliges, ou planches très minces, dont on se sert DES SOLS, DES ESSENCES. 111 pour l’intérieur des meubles et surtout pour les caisses d'emballage. Son chauffage est de mauvaise qualité, mais on emploie volontiers pour chauffer le four, parce qu'il brûle promptement et avec une flamme très vive; son charbon est recherché pour la fabrication de la poudre à lirer. L'écorce peut servir au tannage, et les feuilles, vertes ou sèches,peuvent s’employer comme fourrage pour les bêtes à laine et mème pour les chevaux. NRTICLE. XVII. Le Saule. 257. Parmi la grande quautité d'espèces et de variétés qui composent le genre des saules, un assez srand nombre croissent spontanément dans nos forêts. Deux espèces, cependant, méritent seules lat- tention du forestier, tant à cause de l'abondance avec laquelle elles sont répandues et de leurs grandes dimensions, que par rapport aux avantages que pré- sente leur culture. Ce sont : Le saule marceau (salix capræa, LiNXÉ); Le saule blanc (salix alba, LiNNÉ). Une variété de ce dernier, à rameaux d'un jaune orangé vif au printemps, est connue sous le nom de saule osier jaune (salix vitellina, Lixné). Nous ferons néanmoins remarquer que cette dénomination d’oster 112 DES CLIMATS, ne lui est pas spéciale et s'applique à tous les saules dont les jeunes pousses flexibles sont employées par les vanniers. ’armi les autres espèces de saules que l’on trouve le plus communément, et qui servent à maintenir el à fixer les terres sur le bord des rivières et des ruis- seaux, nous nous contenterons de nommer les sui- vantes : 1° Saule cendré (salix cinerea, LiNNÉ); 2° Saule à oreillettes (salix aurita, LiNNÉ), particu- lièrement commun dans les lieux marécageux et tourbeux des forêts; 3° Saule viminal (salix viminalis, Linxé), connu aussi sous le nom de saule flexible, de saule à longues feuilles; 4° Saule pourpre ou à une étamine (salix purpurea, salix monandra, DE CANDOLLE); D Saule à trois élamines où à feuilles d’amandier (salix triandra vel amygdalina, LiINNÉ); 6° Saule fragile (sahx fragilis, LiNNÉ). 258. Climat, situation, exposition. — Le saule marceau prospère dans tous les climats de l’Europe, sur les montagnes les plus élevées comme danses val- lons, et à toutes les expositions; il est peut-être, sous ce rapport, l'essence la plus remarquable que nous possédions. Le saule blanc réussit aussi dans toutes les parties de la France, mais seulement dans les plaines et les vallons, et à des élévations moyennes. DES SOLS, DES ESSENCES. 113 259. Terrain. — Presque tous les sols con- viennent au saule marceau; cependant, il se plait de préférence dans un sable gras un peu frais. C’est aussi dans un pareil sol que prospère son congénère, qui, d’ailleurs, se trouve fréquemment sur le bord des rivières et des ruisseaux, dans les prairies, et, en général, dans les lieux frais ou humides; toute- fois les marais, comme les terres trop compactes, sont contraires à l’un et à l’autre. 260. Floraison et fructification. — Les saules sont dioïques. Le marceau fleurit avant l'apparition des feuilles; le saule blanc fleurit en avril, en même temps que les feuilles poussent. Les fruits, sem- blables à ceux des peupliers, sont des capsules qui contiennent des semences munies d’une aigrette soyeuse; les vents les transportent à des distances considérables. La semence du marceau mürit et se dissémine en mai, et celle du saule blanc à la fin de juin ou au commencement de juillet. Les saules, à peine âgés de quelques années, sont déjà fertiles, et les graines réussissent très abondamment chaque année. 261. Jeunes plants. — Ces arbres sont très robustes dès leur naissance. Comme le tremble, le marceau se répand dans toutes les forêts et y croît au détriment des autres essences, si les exploitations n'y portent remède. 262. Feuillage. — Le feuillage des saules est léger et ne donne qu’un faible couvert, : \ 114 DES CLIMATS, 263. Racines. — Les racines sont traçcantes, nom- breuses et drageonnent beaucoup. 264. Croissance et durée. — La croissance des saules est des plus rapides. Le marceau atteint, en 40 à 50 ans, une hauteur de 12 à 15 mètres sur 33 cenumètres et plus de diamètre à la base. Le saule blanc prend, dans le même espace de temps, 20 à 28 mètres de haut sur 45 à 50 centimètres de dia- mètre au pied. Ces arbres ne se conservent guère, en “bon état de croissance, que 50 à 60 ans; passé cet àge, et souvent même plus tôt, leur tronc se creuse, bien que les branches et la cime continuent à végéter avec la mème activité. 265. Qualités et usages. — Le bois des saules est spongieux, blanc et très chargé d’eau; il n’est point propre à la charpente. Comme bois de travail, on le débite en voliges, et on en confectionne toutes sortes d'ouvrages de fente; mais c’est pour la vannerie que ces arbres sont le plus précieux. On fabrique aussi des paisseaux de vigne avec le marceau, et l’on dit que, coupés en temps de sève, écorcés tout de suite et conservés à l’abri pendant un an, 1ls deviennent sus- cephbles d’une longue durée. Le chauffage et le charbon des saules sont de faible qualité. Le marceau est toutefois plus estimé à cet égard que le blanc. On s’en sert pour chauffer le four, parce qu'il brûle avec une flamme assez vive; son charbon, qui est fort léger, est d'ailleurs employé dans la fabrication de la poudre à canon. DES SOLS, DES ESSENCES. 115 L'écorce des saules est propre au tannage des cuirs fins; leurs cendres fournissent beaucoup de potasse, et les feuilles peuvent servir de fourrage aux bètes à laine. ARTICLE XVIII. Le Platane. 266. Le platane d'Occident (platanus Occidentalis, Liné) est un arbre de première grandeur, originaire de l'Amérique du Nord et parfaitement acclimaté en France. On ne le rencontre pas en forêt, mais il mériterait d'y prendre place, à cause de ses dimen- sions, de la rapidité de sa croissance et de l'utilité de son bois. 267. Climat, situation, exposition. — Jusqu'à présent cet arbre n’a été planté que dans les prome- nades publiques, sur les routes et les canaux, dans les pares et les jardins. Il y a lieu de croire que les régions montagneuses proprement dites ne lui con- viennent pas, et qu'il se plait surtout dans les plaines ou dans les lieux abrités. 268. Terrain. — Les sols légers, frais et mêmeun peu humides semblent lui ètre nécessaires. Le nom vulgaire qu'on lui donne dans l'Amérique septen- trionale (water-beech, hètre aquatique) indique que, dans ce pays, on le rencontre surtout dans les terrains mouilleux. 269. Floraison et fructification. — La floraison 116 DES CLIMAIS, est monoïque. Les fleurs, en châtons globuleux, pa- raissent à la fin d'avril ou au commencement de mai. La graine, très pelite et munie d'une aigrette soyeuse, mürit et se dissémine l’automne suivant. Le platane porte fruit très jeune et presque tous les ans; mais ses graines, surtout quand elles proviennent de pieds ayant moins de 30 à 40 ans, sont souvent vaines. 270. Jeunes plants. — Les jeunes plants parais- sent réclamer un premier abri; ils lèvent et croissent rapidement. 271. Feuillage. — Les feuilles du platane, sem- blables, quant à la forme, à celles de nos grands érables, sont grandes, nombreuses et disposées sur les rameaux de manière à fournir un couvert aussi épais que celui du hêtre. 272. Racines. — Les racines sont longues, fortes ettracantes. 273. Croissance et durée. — Sous le rapport de la rapidité de croissance, on a comparé le platane au peuplier noir. [l atteint les plus fortes dimensions, et vit, d'après ce que l'on assure, deux siècles et même au delà. 274. Qualités et usages. — Le bois du platane a beaucoup d’'analogie avec celui du hêtre, qu'il égale presque comme chauffage et qu'il surpasse comme bois de menuiserie et d’ébénisterie. Il est abondam- ment et largement maillé, agréablement nuancé et prend un beau poli. M. T. Hartig rapporte que des DES SOIS, DES ESSENCES. Di pièces de platane, ayant été enterrées, ont résisté pendant 14 années à la pourriture, à l’égal du chêne et de l’orme, tandis que des pièces semblables en hêtre, placées dans des conditions identiques, étaient entièrement pourries au bout de 5 ans. CHAPITRE CINQUIÈME. DES BOIS RÉSINEUX. ARTICLE PREMIER: Le Sapin. 275. Le sapin commun (abies pectinata, de Cax- DOLLE) est connu aussi sous le nom de sapin argenté, blane, à feuilles dif, sapin des Vosges, de Normandie. Il compose, à lui seul, des forêts d’une grande étendue, quoiqu'on le trouve souvent mélangé avec d’autres essences, notamment avec le hêtre et l'épicéa. 276. Climat, situation, exposition. — Le sapin habite les climats froids et les tempérés; 1l se plaît davantage dans ceux-ci, et y acquiert de plus fortes dimensions. Quoiqu'il ne craigne pas les frimas, on ne le voit pas à d'aussi grandes hauteurs que l'épi- céa et le mélèze. En général, les montagnes lui con- viennent, on le rencontre dans les Vosges, le Jura, les Alpes, les Pyrénées, les Cévennes, et dans quelques autres parties montagneuses de la France. C’est DES CLIMATS, DES SOLS, DES ESSENCES. 119 entre 500 et 1,000 mètres au-dessus du niveau de la mer que sa principale zone de végétation semble être comprise; mais on le trouve encore à de plus grandes élévations. Dans les Pyrénées, il croit dans les ré- gions élevées de 1,500 à 2,000 mètres; dans les Alpes, dans le Jura et dans l'Auvergne, il s’arrète à 1,500 mètres, et dans les Vosges à 1,000 mètres. L'exposition méridionale lui est contraire, et sa végétation y est languissante. C’est aux expositions du Nord et de l'Est qu'il réussit le mieux. 277. Terrain. — Le sapin demande un terrain un peu profond, frais et facile à pénétrer. Du reste, il s’accommode assez volontiers de toute espèce de sol, sauf les terrains marécageux ou aquatiques, dans lesquels 1l ne peut vivre, et les sables trop légers, où son accroissement est très faible. Souvent on le voit en très bon état de croissance dans des terrains entiè- rement couverts de roches. Ses racines, dans ce cas, s'introduisent dans les fissures et les intervalles que présentent ces roches, et profitent de la fraïcheur et du terreau qui s'y amasse abondamment. 278. Floraison et fructification. — La floraison est monoïque. Les fleurs paraissent fin d'avril et en mai, et sont placées vers la cime de l'arbre. Le fruit est un cône ou strobile dont la maturité a lieu au commencement d'octobre de l’année même de la floraison. Les semences sont munies d’une aile laté- rale et se disséminent immédiatement après la matu- rité, Cette dissémination a cela de particulier que, les 120 DES CLIMAIS, cônes étant redressés, les écailles se détachent et tombent avec les graines, tandis que les strobiles des autres bois résineux indigènes ne font que s’entr'ou- vrir pour laisser échapper la semence. Le sapin devient complètement fertile vers l’âge de 60 à 70 ans, selon les climats, et sa semence réussit communément tous les deux ou trois ans. 219. Jeunes plants. — Le sapin est très délicat dans sa première jeunesse, plus même que le hêtre. Il demande un abri prolongé, surtout contre les cha- leurs, auxquelles il ne peut résister. 280. Feuillage. — Les feuilles du sapin sont courtes et étroites, mais épaisses et extrèmement nombreuses, ce qui fait qu'elles donnent dans leur ensemble un couvert très complet; elles persistent ordinairement pendant trois ans sur l'arbre. 281. Racines. — Le sapin est un des bois rési- neux le plus fortement enracinés; ses racines laté- rales, ainsi que son pivot, s’enfoncent jusqu’à 1 mètre et plus, lorsque le sol le permet; mais, comme nous l'avons dit plus haut, elles s’accommodent aussi d'un terrain rocheux et s’y fixent avec vigueur. [arrive fréquemment que les racines d’arbres voi- sins s’entrelacent et s’anastomosent de telle façon que leur végétation devient solidaire. C’est à ce phéno- mène qu'est due la continuité de croissance de souches dont les troncs sont coupés depuis longues années. On voit alors ces souches former des couches DES SOLS, DES ESSENCES. 121 annuelles de bois aussi longtemps que l'arbre auquel elles sont mariées reste sur pied. 282. Croissance et durée. — Cet arbre croît d'a- bord très lentement; mais, quand il a acquis un peu de force, il s’élance avec rapidité, et parvient souvent à une hauteur de 40 à 45 mètres. On a coupé des sapins qui avaient atteint l’âge de 300 ans sans dé- périr, et qui présentaient 6 à 9 mètres de tour à la base. 283. Qualités et usages. — Le sapin n'est pas employé à la mâture, du moins dans la marine natio- nale !, Son bois n’a pas, comme les différentes es- pèces de pin, des canaux résinifères au moyen des- quels le tronc se”trouve pénétré, dans toutes ses parties, d’une résine concrète qui lui donne la flexi- bilité et la durée nécessaires: mais il sert, du reste, dans la construction des vaisseaux, à tous les ou- vrages de menuiserie qui garnissent l'intérieur du navire. Dans les constructions civiles, cet arbre est très apprécié comme charpente, et, placé en travers, il ‘ La marine du commerce se sert fréquemment, pour mâture, de sapins provenant du Jura et des Alpes, et, en 1846, une com- mission, composée d'ingénieurs et de forestiers, a constaté, par des expériences exécutées sous ses yeux, que les sapins tirés des forêts du département de l’Aude (Montagne-Noire) avaient plus de force, de résistance et de ténacité que les pins du Nord et du Canada, le mélèze, l’épicéa et le sapin de Trieste. Il serait à désirer que la pratique püt confirmer un aussi précieux résultat. 122 DES CLIMATS, résiste mieux et se tourmente moins que le chêne. Il est à observer que, pour cet usage ainsi que pour d’autres, contrairement à ce qui a lieu pour le chêne [76 bis], le bois de sapin (comme celui de tous les résineux, en général) est d'autant meilleur que ses couches annuelles sont plus étroites, son grain plus fin et plus serré. | On débite les sapins surtout en planches, dont on fait un commerce considérable. Ceux des Vosges et du Jura se transportent, les premiers à Paris et dans l'intérieur de la France, les autres dans le Midi et jusqu’à la Méditerranée. Le sapin sert aux menuisiers et aux ébénistes ; ceux-ci en font principalement la carcasse des meubles en marqueterie et en placage. Il est façonné en douves pour la tonnellerie, en cerches pour la bois- sellerie, et en planchettes minces ou bardeaux pour la couverture des maisons. Différentes pièces de charronnage se confectionnent aussi en sapin. À l'exception de l'écorce, qui fournit un excellent combustible, son chauffage est d'une qualité mé- diocre; et, sous ce rapport, il est au hêtre comme 11 est à 15. Son charbon, quoique inférieur aussi à celui du hêtre, est cependant employé avec avantage à forger le fer. Le sapin fournit une résine très liquide, dont on fabrique la térébenthine dite de Strasbourg. Elle se trouve dans les cônes verts ainsi que dans la semence, mais plus particulièrement sous l'écorce vive des DES SOLS, DES ESSENCES. 123 jeunes sujets, où elle existe dans de petites tumeurs ou vésicules. On la recueille avec des cornets en fer-blanc qui, au bord de la partie évasée, sont munis d’un petit bec terminé en pointe aiguë. La pointe sert à crever la tumeur, et la goutte de résine qui en sort coule jusqu'au fond du cornet. On obtient de cette térébenthine, par distillation, une huile es- sentielle employée dans la médecine et dans les arts, et surtout dans la composition des vernis. Le résidu de la térébenthine distillée donne la co- lophane. Le résinage du sapin ne cause aueun préjudice à l'arbre, mais 1l est peu productif. Dans quelques parties-des Vosges, les habitants se servent, pour leur éclairage, de la résine qu'ils ex- priment des semences du sapin. Le sapin fournit encore le produit appelé salin. On peut sans doute le retirer de tous les autres bois, puisqu'il n’est dû qu'aux cendres lessivées des végé- taux, mais il en coûte moins pour l'obtenir du sapin, un des bois qui en fournit le plus. Ordinairement on emploie à cet effet la sciure qui se trouve abon- damment dans les scieries où le sapin se débite en planches. Dans les Vosges, on a l'habitude de joindre à cette sciure, en la brûlant, de l'urine de bestiaux ; il en résulte, à la vérité, une plus grande quantité de salin, mais il est d’une moindre qualité. La caleination du salin produit la pétasse du com- merce, employée à de nombreux usages dans les arts. 124 DES CLIMATS, ARTICLE II. L'Épicéa. 284. L'épicéa commun (picea excelsa, Link ; abies picea, Mirer; abies excelsa, pe CANDOLLE) est aussi connu sous les noms de sapin épicéa, pesse, fie, sapin gentil, sapin rouge, fuve ; il forme, tantôt seul, tantôt avec le sapin et le hêtre, des forêts considérables. 285. Climat, situation, exposition. — L'épicéa supporte les frimas mieux que le sapin, et réussit à de plus grandes hauteurs de montagne. On le rencontre ordinairement entre 800 et 1,800 mètres d'élévation au-dessus du niveau de la mer, et, dans les Alpes, 1l se trouve mème à 2,000 mètres et plus. Quoiqu'il préfère les expositions du Nord et de l'Est, les expositions plus chaudes lui sont cependant moins contraires qu'au sapin. 286. Terrain. — Le sol propre au sapin est aussi celui qui convient à l’épicéa; mais, comme il est principalement nourri par les racines latérales, 1l se contente de peu de fond. Il vient mieux que le sapin dans les sols un peu humides, et s’accommode même des terrains tourbeux. 287. Floraison et fructification. — La florai- son est monoïque; les fleurs paraissent en mai. Les cônes qui leur succèdent sont mûrs à la fin de l’au- tomne qui suit la floraison, mais la graine, sauf DES SOLS, DES ESSENCES. 125 dans les années très chaudes, ne se dissémine qu'au printemps suivant. Les premières chaleurs de cette saison agissant sur les cônes, les écailles s’en- tr'ouvrent sans se détacher de leur axe et laissent échapper la semence qui, plus petite que celle du sapin, est aussi garnie d’une aile. Dans quelques localités plus chaudes que celles que l’épicéa habite ordinairement, dans certaines parties des Alpes françaises par exemple, il paraît que la dissémination à généralement lieu au mois d'octobre. Vers l’âge de 50 à 60 ans, l’épicéa devient com- plètement fertile ; il porte semence à peu près tous les deux ans. 288. Jeunes plants. — Les jeunes plants de l’é- picéa sont plus robustes que ceux du sapin. Il est possible de les élever sans abri aux expositions du Nord et du Nord-Est; mais 1ls ne résisteraient pas de même sur les pentes méridionales, à moins que la situation ne fût très élevée [40]. 289. Feuillage. — Les feuilles de l'épicéa sont plus courtes et plus étroites que celles du sapin, et, comme celles-ci, extrèmement serrées sur les ra- meaux, où elles persistent de 3 à 5 et même, dit-on, jusqu'à 7 ans. Aussi le couvert fourni par cet arbre est-il très épais. 290. Racines. — L’épicéa n’a que très peu de pi- vot,et, souvent mème, il en est entièrement dépourvu. 126 DES CLIMATS, Ses racines latérales sont plus déliées que celles du sapin; elles tracent entièrement à la surface du sol et semblent, comme ces dernières, avoir une dispo- sition particulière à s’introduire dans les fissures des rochers. 291. Croissance et durée. — L'épicéa a une végé- tation lente dans les premières années ; mais il ne tarde pas à s’élancer, et, dès lors, il devance le sapin par les progrès de son accroissement. Il vit autant que cet arbre et acquiert les mêmes dimensions. 292. Qualités et usages. — L'emploi de lépicéa est généralement le même, a le même degré d’uti- lité, que celui du sapin, tant pour les constructions que pour le travail. Il sert en outre aux luthiers pour les tables de différents instruments de musique. Son chauffage et son charbon sont un peu meilleurs que ceux du sapin. Dans les pays du Nord, l'écorce s'emploie au tannage. On obtient aussi de l’épicéa la poix jaune ou poix de Bourgogne; la résine qui la fournit circule prin- cipalement entre l'écorce et le bois. On fait, au prin- temps, des incisions à l'écorce jusqu'aux premières couches ligneuses, ce qui procure l'écoulement du suc résineux pendant l'été, et, lorsque ce suc est coagulé, on l’enlève avec des racloirs ou lames de fer recourbées, et l’on rafraichit ainsi la plaie. Ces inci- sions ne peuvent être que très préjudiciables aux épicéas; dans tous les cas, elles ralentissent la végé- tation de l'arbre, diminuent la qualité de son bois, DES SOLS, DES ESSENCES. 127 et, quand elles sont faites sans règles et sans précau- tions, elles occasionnent son dépérissement. La résine obtenue, on la met, pour la faire fondre et l’épurer, dans de grandes chaudières sur un feu de flamme. Une fois liquéfiée, on la verse dans un sac de toile, puis on l’exprime au moyen de la presse; elle est ensuite reçue dans des boîtes ou barils pour être livrée au commerce. On peut aussi, par la dis- üllation, obtenir la térébenthine de cette résine. Les résidus qui sortent de la presse, ou qu’on trouve au fond des chaudières, sont conservés pour faire du noir de fumée. ARTICLE lIIl. Le Pin sylvestre. 293. Le pin sylvestre (pinus sylvestris, LINNÉ) est connu sous une foule de dénominations diverses : pin sauvage, pin du Nord, de Riga, de Haguenau, de Genève, Pinasse, etc. Le pin rouge ou pin d'É- cosse n’en est qu'une variété, reconnaissable à ses feuilles plus courtes, à ses cônes plus petits et réunis en verticilles, et à ses jeunes pousses rougeâtres. Le pin sylvestre forme l'essence dominante dans un grand nombre de forêts très considérables, où il se trouve fréquemment mélangé avec le chène et le bouleau. 294. Climat, situation, exposition. — Les climats tempérés sont ceux où le pin sylvéstre a la végétation 128 DES CLIMATS , la plus active. Les pays froids ne lui sont cependant pas contraires, car, dans le Nord de l’Europe, en Russie surtout et en Suède, il acquiert les qualités et les dimensions les plus précieuses, et couvre, à lui seul, de vastes étendues de pays. Il habite la plaine aussi volontiers que les sols en pente; mais les grandes élévalions ne lui conviennent pas. Dans ces dernières localités, la neige et le givre s’attachent en grandes masses à ses feuilles, plus qu'à celles des autres résineux des climats froids, et font ainsi rompre ses branches et, souvent même, sa cime entière. Le pin sylvestre réussit à toutes les expositions, et même en plein Midi. Lorsqu'il s’agit de repeupler des vides ou des parties de forêts dégradées, ex- posées au Midi, il est d’une grande ressource, non seulement parce qu’il se contente d’un sol maigre et sec, mais encore parce que les jeunes plants de cette essence supportent mieux que ceux des autres bois résineux les ardeurs du soleil. Nous ne parlons 1ci que des parties tempérées de Ja France ; les dépar- tements du Midi ont des pins qui leur sont propres, tels que le pin maritime et le pin d'Alep; et 1l est probable que le sylvestre y viendrait mal, à moins qu'on ne l'y placât à des élévations où le climat serait moins brülant 1. 295. Terrain. — Le pin sylvestre demande un sol profond et léger; il vient même dans des sables ! Dans les Pyrénées, on le trouve à une altitude de 1,200 mètres. DES SOLS, DES ESSENCES. 129 entièrement dépourvus de liaison, et son bois y est de meilleure qualité que dans les terrains plus subs- tantiels. Les terrains compactes lui sont entièrement contraires, et, quoiqu'il réussisse dans les calcaires, sa croissance y est cependant beaucoup moins belle que dans les terres siliceuses. On le trouve quelquefois dans les parties hu- mides et tourbeuses, mais sa végétation yest languis- sante et il s'y présente ordinairement sous un aspect si particulier, qu'il a été pris pour une espèce dif- férente. 296. Floraison et fructification. — La floraison est monoïque; les fleurs paraissent en avril ou en mai, suivant la température. Le strobile reste très petit la première année; au printemps suivant, il commence à grossir, et parvient à son entier développement vers la fin de l'été. II est mûr au commencement de novembre; mais il n'entr'ouvre ses écailles pour laisser échapper la graine qu'au printemps suivant. [1 lui faut done au moins dix-huit mois pour mûrir, et il faut environ deux ans pour que la graine se dissémine; toutefois, ce qui a été dit de la dissémination de l’épicéa dans les Alpes françaises [287]|s’applique aussi au pin syl- vestre croissant dans les mêmes localités. Le pin sylvestre devient complètement fertile vers la 40° année. Les fruits réussissent à peu près tous les deux ou trois ans; les semences sont ailées et petites comme celles de l'épicéa. 130 DES CLIMATS, 297. Jeunes plants. — Les pins sylvestres sont très robustes dès leur naissance, et ne prospèrent pas sous un couvert prolongé. On peut, en général, les élever sans abri; cependant, sur un terrain très sec et à une exposition entièrement méridionale, il serait utile qu'ils fussent ombragés la première année. 298. Feuillage. — Les feuilles du pin sylvestre sont plus longues que celles des deux essences pré- cédentes; mais, comme elles persistent rarement sur les rameaux plus de trois ans, il en résulte que l'arbre ne donne qu'un couvert assez léger. ( 299. Racines. — Les racines sont fortes et dis- posées à s’enfoncer. Lorsque le sol le permet, le pivot pénètre jusqu’à un mètre et plus, quoiqu’une profondeur moindre puisse suffire pour assurer à l'arbre une assez belle végétation. Dans les terrains humides, pauvres, ou dans ceux qui manquent de fond, le pivot disparaît à peu près totalement et les racines latérales prennent une direction semblable à celle des racines de l’épicéa; mais la croissance de l'arbre s'en ressent défavorablement. 300. Croissance et durée. — La végétation du pin sylvestre est très rapide dès les premières an- nées; lorsque le sol lui convient, il s’allonge, dans sa jeunesse, quelquefois d’un mètre et au delà par an. [l vit jusqu’à deux siècles et atteint jusqu’à 33 mè- tres et plus de hauteur, sur un diamètre de 4 mètre à L mètre 20 centimètres à la base. 301. Qualités et usages. — Le pin sylvestre est DES SOLS, DES ESSENCES. les employé, comme bois de construction et de travail, aux mêmes usages que le sapin et l’épicéa. Son bois, quand il a atteint toute sa maturité, est même consi- déré comme aussi solide et aussi durable que celui du chêne. Dans la marine, il sert à la charpente et aux planchers mêmes des ponts, et c’est presque le seul arbre dont on fabrique les mâts. La France, à cet égard, est tributaire du nord de l'Europe, ce qui doit nous faire attacher beaucoup d'importance à cultiver le pin sylvestre dans des conditions qui puissent lui permettre de remplir une aussi précieuse destination. Or, ce n’est que dans les régions élevées de nos principales chaînes de montagnes, où les accroisse- ments sont lents et la texture ligneuse très serrée, que nous pouvons espérer de voir le bois du pin syl- vestre acquérir le degré de souplesse et d’élasticité réclamé pour la mâture. On devra donc rechercher avec soin, dans ces régions, les parties les plus abri- tées, où cette essence aura le moins à souffrir des neiges et des frimas, pour y élever des massifs des- tinés à satisfaire à ce besoin de haute utilité pu- blique !. Le chauffage qu'il fournit est bien supérieur à celui du sapin et de l’épicéa; il en est de même de son charbon, qui est recherché pour les forges. ‘ Voir sur ce sujet le mémoire de MM. Bravais et Martins, inséré dans le deuxième volume des Annales forestières (année 1843, pages 369 et 561). 122 DES CLIMATS, Le pin sylvestre produit une partie du goudron dont la marine a besoin. Ce sont les souches et les racines qui en rendent le plus; on l’enretire commu- nément en les soumettant, dans des fourneaux, à une distillation lente et graduée. Le bois, ainsi privé de résine, se réduit en un charbon que l’on emploie à divers usages. IT se fait, dans beaucoup de pays, des adjudications très productives de souches de pin sylvestre, avec faculté d'établir des fours à goudron. Dans certaines localités, les maraudeurs ont l'habi- tude d’entailler fortement le tronc des pins sylvestres, pour en enlever quelques morceaux plus particuliè- rement chargés de résine, qu'ils reconnaissent à une couleur jaune foncé, au poids, et à l'odeur forte qui s’en exhale. Ces morceaux, coupés en petits fragments, sont très inflammables etse vendent pour remplacer les allumettes et pour activer le feu. Il n’est pas nécessaire de dire que ee délit est des plus préju- diciables. ARTICLE IV. Le Pin à crochets. 302. Le pin à crochets (pinus uncinata,pe CANDOLLE; p. mugho, Poirer), appelé aussi pin suffin, pinerin, suffis 1, habite les régions élevées des Alpes, des ! Nous n'avons pas eu occasion d'observer le pin à crochets. Les renseignements qui nous ont permis de le décrire sont dus, DES SOLS, DES ESSENCES. lo Pyrénées et du Jura, où 1l forme, tantôt seul, tantôt en mélange avec le pin sylvestre et le mélèze, des forêts assez considérables. On le trouve aussi, mais par bouquets seulement, sur quelques hauts plateaux des Vosges. Outre les qualités de son bois, cette pro- priété de végéter en bon état dans des régions où la plupart de nos essences résineuses ne sauraient pros- pérer, le rend précieux pour le forestier, dont un des principaux soins doit être d'assurer le boisement des hautes sommités de nos chaînes de montagnes f. 303. Climat, situation, exposition. — Cet arbre, ainsi qu'on vient de le dire, appartient surtout aux climats secs et froids ; dans les Alpes, 1l apparaît à 1,500 mètres, monte jusqu’à 2,200 mètres,et se main- tient même à 2,500 mètres d'altitude. Ses branches en très grande partie, à MM. Du Guiny et Broilliard, qui ont administré, pendant plusieurs années, les cantonnements de Guillestre et de Briançon. * Le pin chétif où mugho (pinus pumilio ou mughus), qu'avec plusieurs botanistes nous avons considéré pendant longtemps comme une variété du pin sylvestre, produite par l'influence simultanée d’un climat rigoureux et d’un sol tourbeux, est au- jourd’hui généralement reconnu comme étant une modification du pin à crochets. Il est particulier aux tourbières et aux marais des hautes montagnes, sur lesquels sa tige et ses branches rampent souvent à une distance de plus de 10 mètres en s’en- trelaçant et se coudant de manière à former des lacis impéné- trables de { mètre 50 à 2 mètres de hauteur. Quoique impropre, par sa forme et ses dimensions, à tout autre usage que le chauf- fage, cette variété mérite d'être appréciée, puisqu'elle permet de maintenir boisés des lieux où toute autre végétation ligneuse serait impossible. 14 DES CLIMATS, moins nombreuses et moins fortes, ses feuilles plus raides et plus serrées que celles du pin sylvestre, semblent être la cause pour laquelle il est moins exposé que ce dernier à souffrir de la neige et des frimas 1. L'exposition du Sud est celle où il prospère le mieux. Dans les arrondissements de Briançon et d'Embrun, où le pin à crochets est surtout répandu, il forme l'essence dominante de presque tous les ver- sants méridionaux. 304. Terrain. — Le pin à crochets s’accommode de toute espèce de terrain,quelles que soient sa nature et sa profondeur; on le trouve même sur des rochers. Toutefois, les sols légers et frais sont ceux qui lui conviennent le mieux, mais il s'y carie facilement lorsqu'ils sont très substantiels. 305. Floraison et fructification. — La floraison est monoïque; les fleurs paraissent en juin et juillet. Les cônes grossissent et mürissent dans le même espace de temps que ceux du pin sylvestre, et la semence, semblable à celle de ce dernier arbre, se dis- sémine à la même époque. L'arbre devient fertile à un âge peu avancé, el ses fruits sont abondants. 306. Jeunes plants. — Les jeunes plants du pin à crochets sont plus robustes que ceux du pin syl- ‘ Cela peut tenir aussi à ce que la neige est ordinairement fine et pulvérulente dans les régions élevées qu'habite le pin à crochets. (Note de M. Parade.) DES SOLS, DES ESSENCES; 159 vestre, en ce sens que, s'ils croissent, aussi bien que ces derniers, sans abri, ils supportent, beaucoup mieux qu'eux, un couvert prolongé et résistent aux froids les plus rigoureux. 307. Feuillage. — Les feuilles sont raides et serrées sur les rameaux; elles donnent un couvert épais. 308. Racines. — Les racines sont surtout tra- çantes; on n'y remarque pas de pivot proprement dit. Elles pénètrent facilement et profondément dans les fentes des rochers. | 309. Croissance et durée. — La croissance du pin à crochets est très lente, égale et se prolonge jus- qu’à un âge fort avancé. Vers 160 à 200 ans, il atteint une circonférence au pied de 4 mètre à 1 mètre 40 sur 18 à 25 mètres de hauteur. Dans le cantonnement de Guillestre (arrondissement d'Embrun), quelques arbres, crûs dans un sol sec et à l'exposition du Midi, mais dont on ne connaît pas l’âge, ont présenté Jus- qu'à 3 mètres de circonférence à la base et 20 mètres de hauteur. 310. Qualités et usages. — Le bois est estimé pour la charpente, et, à l’exception du mélèze, on le préfère, dans les Alpes, aux autres essences rési- neuses ; il a le grain fin, il se fend et se travaille facilement et sert à la fabrication de toutes sortes d'ustensiles de ménage. Comme chauffage, il estaussi très apprécié. 156 DES CLIMATS , La finesse et l'égalité de ses accroissements annuels [283}, le petit nombre relatif de ses branches peu développées, enfin la beauté de son port, ont fait penser que le pin à crochets pourrai tdevenir une res- source précieuse pour notre mâture, si on lui laissait atteindre un âge suffisamment avancé. Quelques échantillons fraîchement coupés de ce bois, envoyés à l’École forestière en 1856, ont pré- senté celte particularité que, gorgés abondamment de térébenthine à leur arrivée, cette substance n’a pas tardé à s’évaporer pour ne laisser, dans le bois des- séché, qu'une faible quantité de résine. Cette expé- rience peut faire craindre que, comme le sapin et l'épicéa, le pin à crochets n'ait pas, dans ses tissus, suffisamment de résine concrète pour donner à son bois l’élasticité et la force exigées pour la mâture. Cependant, il serait prématuré, à notre avis, de se prononcer à cet égard. D'une part, en effet, les échan- lillons dont il s’agit n'avaient guère plus de 100 ans, ce qui est un âge peu avancé pour une essence qui, croissant aussi lentement, atteint cependant de très fortes dimensions [309! et peut vivre, par conséquent, deux à trois siècles. D'un autre côté, les échantillons ne provenaient-ils pas d'arbres crûs dans un sol frais et substantiel, tandis que ce sont certainement les terrains secs et exposés au Midi qui produisent le bois le plus incrusté de résine concrète ? Il est donc nécessaire de continuer, sur les lieux, l'étude de cette importante question. On ne saurait DES SOLS, DES ESSENCES. 15 — trop la recommander à l'attention des forestiers en position de s’y livrer. ARTICLE V. Le Pin maritime. 311. Le pin maritime, pin de Bordeaux (pinus pinaster, SoLAND; pinus maritima, LAMARCK) cons- tue des parties de forêts considérables dans les Landes, en Provence, dans le Languedoc et en Corse. 312. Climat, situation, exposition. — Quoique cet arbre appartienne plus particulièrement aux cli- mats chauds, on le cultive cependant avec succès dans les départements de l'Ouest; mais il y est exposé aux gelées, ne fournit pas des bois de valeur et n’atteint pas un âge avancé. Son élévation el sa grosseur y sont médiocres, etson utilité restreinte. Il en est de même dans la forêt de Fontainebleau et dans les environs de Paris. On ne peut douter que, transporté plus au Nord, il ne soit impossible au pin maritime de s’acclimater, étant très sensible au froid. Lorsqu'il jouit d’une température convenable, 1l prospère en plaine, sur les collines, et même sur des montagnes de hauteur moyenne !. Il est d'autant plus utile sur les bords de la mer que ses racines ! En Corse, on le trouve encore à une altitude de 1,600 mètres. Les ® 0) DES CLIMATS , pivotantes et latérales lui donnent une assiette solide et le mettent en état de résister aux efforts des vents. 313. Terrain. — Le pin maritime se contente d'un sol médiocre, pourvu que ce sol soit profond; 1l réussit même très bien dans les sables purement quarlzeux, comme le sont par exemple ceux rejetés par les eaux et amoncelés sur le littoral de l'Océan. Les terrains compactes et marécageux lui sont con- traires. 314. Floraison et fructification. — La floraison est monoïque. Les fleurs paraissent en mars et en avril dans le midi de la France, et au mois de mai dans les régions plus tempérées. La semence est plus grosse que celle du pin syl- vestre et munie d’une aile proportionnée à son vo- lume; elle mürit au bout du même laps de temps que celle-e1, et se dissémine à la même époque. La fertilité de cet arbre est extraordinaire. Il porte fruit presque tous les ans et dès l’âge de 12 à 15 ans, quelquefois plus jeune. Néanmoins, pour être sûr de la bonté des graines, il convient de ne les cueillir que sur des arbres plus âgés. 315. Jeunes plants. — Le pin maritime est très robuste dès sa naissance, et tout abri un peu prolongé lui est nuisible. [n’y a que dans les sables brûlants des dunes de Gascogne et dans les expositions chaudes du midi de la France qu'il est nécessaire de l’om- brager les premières années. 316. Feuillage. — Quoique les feuilles du pin DES SOLS, DES ESSENCES. 139 maritime soient très longues, leur ensemble cepen- dant ne donne qu'un faible couvert; comme celles du pin sylvestre, elles tombent la troisième année. 317. Racines.— Cet arbre a une racine pivotante qui s'enfonce très avant dans le sol; il a, en outre, des racines traçantes qui, dans toute leur longueur, jettent des pivots profonds. Cette propriété, jointe à sa rapide végétation, le rend très propre à fixer les sables mobiles des dunes. 318. Croissance et durée. — La croissance du pin maritime est remarquablement prompte, et il acquiert de fortes dimensions. On voit dans une partie des dunes de Gascogne, sur un sol profond et substantiel, plusieurs arbres non résinés qui ont une élévation de 27 à 30 mètres sur 2, 3 et 4 mètres de tour à À mètre du sol. Cette grosseur se soutient bien et donne aux arbres une forme cylindrique; leur âge est de 150 à 170 ans, et ils ne montrent aucun signe de dépérissement. Il est donc permis de penser que le pin maritime peut atteimdre au moins l’âge de 200 ans dans les terrains qui lui conviennent. 319. Qualités et usages. — Le bois du pin mari- time est jugé inférieur en qualité à celui du pin syl- vestre et des autres essences résineuses dont nous avons parlé. On ne s'en sert pas moins pour diffé- rentes constructions civiles. On en fait des pilotis et des étais dans les chantiers de la marine, pour soute- nir les vaisseaux en construction, et on le débite en planches el en échalas. 140 DES CLIMATS, Le chauffage et le charbon de ce pin sont aussi de faible qualité. On pourrait se tromper cependant en se prononçant définitivement sur la valeur du bois du pin maritime. Pour qu'un pareil jugement pût être porté, 1l fau- drait que, dans le sol et dans le climat qui lui con- viennent, 1l eût été traité d'après le meilleur régime d'exploitation, et qu’on l’eût garanti de l’élagage el de Pextraction de la résine. Or, dans les départements des Landes et de la Gironde, cette extraction, que l’on exprime par les mots gemmage, gemmer, se pratique dans les dunes depuis plusieurs siècles !; et, dansles vastes terrains appelés landes, où le sol est générale- ment ingrat et où le gemmage a pris peu d'extension, on exploite le pin maritime très jeune, soit pour en ürer quelques pièces de charpente, soit pour écha- lasser les vignes : il en est de même dans les dépar- tements situés plus au midi. On voit donc que, dans Pun et l’autre cas, on ne saurait apprécier avec certi- tude les qualités de cet arbre. Les procédés employés pour tirer de cet arbre le suc résineux donnent la mesure du préjudice qu’on lui occasionne. C’est à 25 ans ordinairement que l’on commence le gemmage, depuis le mois d’avril ou de mai Jusqu'au mois de septembre. La première opé- " Une charte du 10 octobre 1468, octroyée par Gaston de Foix, captal de Buch, reconnait aux habitants de la Teste la faculté de faire gemme et résine dans ses pignadas de la Teste, à charge de payer une redevance. (Note de M. Parade.) DES SOLS, DES ESSENCES. 141 ration consiste à enlever une bande d’écorce de 12 à 16 centimètres de large, depuis le pied de l'arbre, jus- qu’à une hauteur de 33 à 50 centimètres, et à entailler assez profondément pour entamer l'aubier; car le suc résineux s'écoule principalement du corps ligneux et entre l'écorce et le bois. Chaque semaine le rési- nier rafraichit la plaie. Ces entailles se prolongent, les années suivantes, jusqu'à une hauteur de 4 à 5 mètres. On commence ensuite, au pied du mème arbre, une nouvelle entaille, parallèle à la première, qui n’en est séparée que par » à 6 centimètres d’écorce; on la conduit à la même hauteur, et ainsi des entailles suivantes, jusqu'à ce qu’elles fassent le tour de l'arbre. Ces entailles sont appelées quarres. Le mode de gemmage que nous venons de rappor- ter est le plus modéré; on le nomme gemmage à vie. Quand on veut aller plus vite, on fait deux entailles à la fois, l’une dans le haut, l’autre dans le bas : la pre- mière dite quarre haute, la seconde basson, et souvent on taille simultanément sur toutes les faces de l'arbre. C’est ce qu’on appelle gemmer à mort où à pin perdu. Jusqu'à présent, le pin maritime est principalement cultivé pour son suc résineux qui fournit des produits d'une importance incontestable, consistant en téré- benthine, brai, goudron et noir de fumée. Sous le rapport mercantile, il est hors de doute que ce mode d'exploitation est le plus profitable, et, par consé- quent, il se justifie parfaitement. Mais, dans les départements de la Gironde et des Landes, on va 12 DES CLIMATS : plus loin, et l’on prétend que le pin maritime, pour être d’un bon usage, doit être résiné. On va jusqu’à affirmer, malgré les exemples contraires [318], que l'extraction de la résine est indispensable à cet arbre pour assurer sa prospérité et même son existence. La dernière opinion ne nous parait pas digne d’être discutée; la première, qui est fondée jusqu'à un cer- tain point, a besoin d'explication. On conçoit, en effet, que le gemmage doit apporter une certaine perturbation dans la croissance du pin maritime. La nature ne lui a pas donné en vain la résine comme suc propre, et ce suc, indépendant de la sève, paraît s'unir à elle pour procurer la nutrition et l'accroissement du végétal. Ce qui le prouve, c'est que des pins gemmés, et qui, étant abattus, ont pu être vérifiés, présentaient des couches annuelles très étroites, et dénotaient ainsi un accroissement ralenti, tandis que le contraire a été reconnu sur des arbres non gemmés, ayant crû d’ailleurs dans les mêmes circonstances que les premiers. Mais on a vu plus haut [283] que le bois des arbres résineux est d’au- tant plus ferme et plus résistant que les accroisse- ments annuels sont plus serrés. De plus, le gemmage provoque, du centre à la circonférence de la tige, un courant actif de térébenthine, dont la partie fluide s'écoule en laissant, dans les tissus ligneux qu’elle parcourt, une quantité notable de résine concrète ?. ‘ Mathieu, Flore foresticre, page 353. DES SOLS, DES ESSENCES. 143 « On comprend donc que le gemmage, en ralentissant prématurément la croissance du pin maritime, donne, en même temps, à son bois, des qualités que, dans l’état de nature, il n'aurait acquises qu'à un âge plus avancé. Reste toujours la déformation que cette pratique cause au tronc de l'arbre, lequel présente des canne- lures nombreuses et profondes, devient tortueux la plupart du temps, etimpropre, par conséquent, à tout usage de quelque importance. ARTICLE VI. Le Pin laricio. 320. Le pin laricio (pinus laric10o, Porrer) est aussi connu sous le nom de pin de Corse, de Calabre, parce que, dans ces deux pays, il forme de grandes forêts. 321. Climat, situation, exposition. — Ce pin se trouve en Corse, à une altitude de 1,000 à 1,500 mètres, ce qui lui donne un climat très tem- péré ; on le rencontre même à 1,600 et 1,700 mètres; mais, à ces hauteurs, sa végétation est lente et il est chétif. On est parvenu à l’acclimater très bien dans le nord et l’est de la France, et, quoiqu'il ne semble pas supporter les grands froids aussi bien que le pin sylvestre, il craint cependant peu nos hivers. Comme ce dernier pin, 1l réussit à toutes les expo- sitions, 144 DES CLIMATS, 322. Terrain. — Les sols qu'il préfère sont les sables gras, provenant de la décomposition des roches granitiques. Il est probable qu'il ne réussirait pas, comme le pin sylvestre, dans les sables purs. 323. Floraison et fructification. — La floraison est monoïque. Les fleurs paraissent à la fin de mai, et même au commencement de juin, sous le climat de Paris. Ses semences, ailées et légères, sont un peu plus crosses que celles du pin sylvestre; elles demandent le mème temps que celles-ci pour la maturité et la dissémination. 324. Jeunes plants. — Le tempérament des jeunes plants est aussi robuste que celui du pin syl- vesire. 325. Feuillage. — Les feuilles tiennent, quant à leur longueur, le milieu entre les feuilles du pin sylvestre et celles du pin maritime; le couvert qu’elles fournissent est également fort léger. 326. Racines. — Quoique, dans la première jeu- nesse, le pin laricio ait un pivot prononcé, ses ra- cines, dès qu'il a atteint un certain développement, sont entièrement tracantes, et peu étendues eu égard aux dimensions de larbre. 327. Croissance et durée. — La croissance du laricio est très prompte, plus prompte même que celle du pin sylvestre. Il vit plusieurs siècles et prend les plus fortes dimensions. On en voit, en Corse, qui DES SOLS, DES ESSENCES. 145 _ont de 33 à 40 et même 45 mètres de haut, sur 3 et 4 mètres de circonférence à la base. 328. Qualités et usages. — Le laricio est très estimé comme bois de charpente ; on l’emploie aussi dans les constructions navales. Dès 1787, on a tiré des forêts de la Corse un grand nombre de mâts des plus fortes dimensions, et, de 1812 à 1822, ces forêts ont approvisionné exclusivement le port mili- taire de Toulon. Cependant quelques constructeurs ont trouvé que cet arbre avait moins d’élasticité et beaucoup plus d’aubier que les pins de Riga et de Norvège. Ilest permis de croire que ces observations ont été faites sur des pièces qui ne réunissaient point (probablement en raison de leur âge) toutes les qua- lités que l'essence est susceptible d'acquérir. Il ré- sulte, en effet, d'un rapport fait au Ministre de la Marine, par un Ingénieur des constructions navales, envoyé en Corse vers 1845, afin de reconnaitre les ressources que les forèts de cette île pourraient offrir à la marine, «que le pin laricio a le grain fin et serré, » des couches annuelles étroites, un tronc parfai- » tement droit et très élevé sous branches ; que la ré- » sine y est abondante, et, enfin, que son aubier a, » dans certaines localités, de 20 à 30 centimètres et, » dans d’autres, seulement de 8 à 10 centimètres d’é- » paisseur sur le diamètre. » Ces faits, constatés par un juge aussi compétent, doivent nous faire attacher une haute importance aux forêts de la Corse, et nous encourager à multiplier le laricio dans toutes les 10 JE: DES CLIMATS, localités de la France où nous pouvons espérer de le voir réussir. Le laricio se débite aussi en planches et en ma- driers; 1l est employé par la menuiserie et par divers autres métiers. Quand il n’est pas trop gorgé de ré- sine, son bois est d’un travail facile et peut même servir à la sculpture. Comme chauffage, il est probable qu'il ne le cède pas au pin sylvestre. Le laricio est très résineux et susceptible de fournir les mêmes produits que les autres pins: poix, goudron, etc. Soumis au résimage, 1} va une vingtaine d'années, il serait à désirer qu'il pût en être désor- mais exempt, ou du moins que le corps de cet arbre précieux ne fût jamais gemmé. Rien n'empêcherait, comme il à été dit à l'article pin sylvestre, de mettre à profit la résine qui se trouve dans la souche et les racines. ARTICLE NII. Le Pin noir. 329. Le pin noir ou d'Autriche (pinus nigra, LiNNÉ; pinus austriaca, pinus laricio austriaca, ENpLicHER) est une espèce très voisine ou, selon plusieurs bota- nistes, une variété constante du pin laricio. Dans les Alpes styriennes, dans les montagnes de la Dalmatie et de la Croatie, de même que dans une partie de la Hongrie et aux environs de Vienne, 1l forme des DES SOLS, DES ESSENCES. 147 forèts considérables, tantôt seul, tantôt en mélange avec le chène ou le hètre, le pin sylvestre ou le mélèze. Depuis une quarantaine d'années environ, on a beaucoup propagé cet arbre dans les diverses contrées de l'Allemagne, et, plus récemment, on à commencé aussi à s'en occuper en France. La ra- pidité de sa croissance, les bonnes qualités de son bois, el surtout son extrème rusticité, qui le fait vé- séter en bon état dans les sols calcaires les plus arides, justifient la faveur dont il jouit parmi les svl- viculteurs. 330. Climat, situation, exposition. — Les mon- lagnes dans lesquelles ce pin est indigène ont une altitude de 800 à 1,000 mètres ; on le trouve encore à de plus grandes hauteurs, mais alors sa végétation se ralenüit sensiblement. Il réussit aussi bien sur les pentes que sur les plateaux, et toutes les expo- sitions semblent lui convenir !. 331. Terrain. — Ainsi qu'on vient de le dire, le pin noir s'accommode des sols légers, secs et cal- caires, quelque pauvres qu'ils soient en humus. Cette sobriété le rend propre au reboisement de rochers nus, pourvu qu'ils présentent quelques fissures où ses racines puissent s'introduire. Il prend pied dans les terrains provenant d’'éboulements, lors même qu'ils ont peu de fond, et sa végétation n'y semble ‘ Zoetl, conseilier des forêts et des mines en Tyrol, Manuel de sylriculture des hautes montagnes. 148 DES CLIMATS, pas sensiblement ralentie '. Les sols argileux lui conviennent médiocrement, et, lorsqu'ils sont hu- mides, ils lui sont absolument contraires. 332. Floraison et fructification. — Sous ce double rapport, le pin noir est entièrement semblable au pin laricio. 335. Jeunes plants. — Il est très robuste dès sa naissance, et ne craint ni le froid ni la chaleur. 334. Feuillage. — Les feuilles sont très serrées, d'un vert sombre, et persistent pendant 5 et 6 ans. L'arbre ayant des branches nombreuses et touffues, donne un couvert épais et fournit au sol un détritus abondant. 339. Racines. — Les racines sont traçantes, ro- bustes et s'étendent au loin; le pivot est presque nul. 336. Croissance et durée. — La végétation du pin noir est rapide et se soutient jusqu’à un âge très avancé. Quand il croît dans les conditions qui lui conviennent, 1l vit 2 à 3 siècles et atteint un dia- mètre de 4 mètre et plus à la base, sur 30 à 33 mètres de hauteur ”. Quelques auteurs ont dit que sa tige était rarement droite. Cependant Zoetl, dont nous avons déjà cité l'ouvrage, et qui avait longtemps administré des forêts de pin d'Autriche, ne parle pas de cette particularité et considère le pin noir comme un excellent bois pour la construction. Or, un tel ‘ Zoetl, même ouvrage. * Hoess, Monographie du pin noir. DES SOLS, DES ESSENCES. 149 emploi ne saurait se concilier avec un tronc de forme défectueuse. 337. Qualités et usages. — Ainsi qu'on vient de le voir, le pin noir est très estimé en Autriche comme bois de construction, et l’on assure que, sous ce rapport, sa durée égale celle du mélèze. Placé sous l’eau, il est, pour ainsi dire, incorruptible. Il donne un bon chauffage, et son charbon équivaut à peu près à celui du hêtre. Comme il est très résineux, il est soumis au gemmage, dans les pays qu'il habite. Il est probable que la forme tortueuse du tronc, qu’on lui à reprochée, est le résultat de cette pratique, et ne provient pas d’une disposition particulière à la erois- sance de l’arbre [319]. SR DI'CIL'ENVIIT. Le Pin d'Alep. 338. Le pin d'Alep ou de Jérusalem (pinus hale- pensis, Miccer), qui paraît originaire de la Syrie et de la Barbarie, est assez commun dans les dépar- tements méridionaux de la France. 339. Climat, situation, exposition. — Un climal chaud, ou au moins très tempéré, lui est nécessaire. C'est avec peine qu’on parvient à l’acclimater dans les environs de Paris : il souffre des froids de l'hiver, et plus au Nord il ne pourrait y résister. Cet arbre se plait dans les plaines et sur les coteaux. 150 DES CLIMATS , Dans les départements du Midi, toutes les expo- sions semblent lui être favorables. 340. Terrain. — Le pin d'Alep se contente d’un sol très médiocre, pourvu qu'il soit léger; en général, on remarque qu'il prospère plutôt dans les terrains “alcaires que dans les siliceux. 341. Floraison et fructification. — La floraison est monoïque ; les fleurs paraissent en ma. La maturité de la graine, qui est ailée et légère comme celle des autres pins, a lieu à la fin du second été qui suit la floraison, et la dissémination ne s'opère que dans le courant du troisième. 342. Jeunes plants. — Même sous le ciel de la Provence, le jeune pin d'Alep résiste parfaitement aux ardeurs du soleil; mais, par contre, 1l paraîl craindre les gelées dans les trois ou quatre premières années de son existence, lorsqu'il est semé à dé- couvert. Après cet âge, 1] devient robuste. 343. Feuillage. — Le pin d'Alep a les feuilles très fines et assez longues; elles ne persistent guère que 2 ans et ne fournissent, par conséquent, qu'un léger couvert. 344. Racines. — Les racines pivotent assez pro- fondément, lorsque le sol le permet; mais elles s'ae- commodent aussi de tracer, et l'on voit parfois des sujets d'assez fortes dimensions, assis sur des ro- chers entièrement nus dont quelques crevasses seu- lement permettent aux racines de s'y cramponner. 345. Croissance et durée. — Cet arbre à une DES SOLS, DES ESSENCES. 194 croissance très rapide dans sa jeunesse. Situé en bon so}, 1l s'élève beaucoup et est susceptible de prendre de fortes dimensions. Û 346. Qualités et usages. — Le pin d'Alep sert à la bâtisse, et surtout à la menuiserie ; il à le grain fin et se travaille facilement. On extrait sa résine, qui est moins abondante que celle du pin maritime, d’après les mèmes procédés que pour cette dernière, et l’on en fabrique les mêmes produits. La résine liquide, qui découle d'abord des incisions, est con- fondue dans le ecommerce avec la térébenthine de Venise. ER DUR CAE OI Le Pin pinier. 3%7. Le pin pinier où à pignons (pinus pinea, LiNxÉ), pin cultivé, pin bon, pin de pierre, pin pa- rasol, ete., croît naturellement dans le midi de la France, en Italie, en Espagne et sur les côtes de Barbarie. En France, surtout, 1l n’est cultivé que comme arbre fruitier ou d'agrément. 348. Climat, situation, exposition. — Quoiqu'il demande, pour prospérer, un climat chaud, 1l sup- porte cependant celui de Paris et y porte fruit; mais il est douteux qu'il puisse végéter plus au Nord. Les départements maritimes de l'Ouest sont les seuls, << Je . . . après ceax du Midi, où il serait possible de l’ac- climater : il parait rechercher de préférence les 192 DES CLIMATS, plaines, les vallées, et c’est sur les bords dela mer et le long des rivières qu'il montre la plus belle croissance. 349. Terrain. — Il faut à cet arbre un terrain léger, mais profond; il se contente même d'un sol rocheux, pourvu qu'il présente des fissures qui per- mettent aux racines de se développer. 390. Floraison et fructification. — La floraison du pin pinier est monoïque; les fleurs paraissent à la fin de mai ou au commencement de juin. Les strobiles, qui leur succèdent, sont plus gros que ceux de tous les autres conifères, et n’atteignent leur ma- turité qu'à la fin de la troisième année après la flo- raison. À la base de chaque écaille se trouvent deux loges dont chacune renferme une amande de la gros- seur d’une petite noisette, enveloppée d’une coquille ligneuse et bordée d’une aile caduque très petite. L'arbre devient fertile à un âge peu avancé. 391. Jeunes plants. — Les exigences du jeune plant sont peu connues parce que, les fruits étant récoltés avec soin avant la dissémination naturelle de la graine, on ne trouve guère de Jeunes sujets ayant levé spontanément. Les plants que l’on emploie pro- viennent de pépinières où ils reçoivent les soins ar- üficiels les plus propres à assurer et à hâter leur développement. 352. Feuillage. — Les feuilles sont longues, épaisses et assez larges; elles donnent un couvert plus complet que celles des autres pins. DES SOLS, DES ESSENCES. 153 353. Racines. — Les racines sont fortes et pi- votantes. 354. Croissance et durée. — Ce pin, dit-on, se distingue des autres par une cime en parasol, lar- gement étalée et qui ne lui permet pas de croître à l'état serré. Nous croyons qu'on se hâte trop de se prononcer à cet égard, attendu qu'il n'a encore été trouvé qu'isolé et que, dans toute la Provence qu'il habite particulièrement, ainsi qu’en Algérie où on le trouve parfois en forêt, il n'existe pas un seul massif de cette essence !, Il paraît que le pin pinier peut arriver à un grand âge et atteindre jusqu'à 30 mètres d'élévation. On cite celui qui existe aux Sablettes en Provence: 1l à 4 mètres de circonférence ; son tronc est nu jusqu'à une hauteur de 10 mètres, et, des premières bran- ches au sommet, 1l a une hauteur au moins égale. La circonférence de sa tête est de 100 mètres. 359. Qualités et usages. — Cet arbre est très propre à la charpente; on en fait des planches et des corps de pompe. En Orient, on l’emploie, dit-on, à la mâture, et surtout aux bordages des vaisseaux. ‘ On a attribué pendant longtemps cette même anomalie au cèdre. Or, on sait aujourd'hui que, dans les forêts de cette es- sence que possède l'Algérie , les cèdres à cimes coniques sont très communs et s'accommodent parfaitement de croître en massif. Tous les pins, d’ailleurs, sans en excepter le sylvestre, montrent plus ou moins de disposition à former une cime étalée, quand ils alteignent un âge avancé. 154 : DES CLIMATS, Il sert aussi à la menuiserie et à divers autres métiers. Son chauffage est peu apprécié. Le pin pinier n’est pas très résineux, ce qui le garantit des saignées. Son fruit, connu sous le nom de pignon, est une amande douce, agréable à manger et donnant une bonne huile; le seul inconvénient qu’elle présente, c'est d’être enveloppée d'un noyau dur. On trouve en Îtalie une variété de pin pinier qui fournit des pignons à novau tendre; il serait facile de lPac- chmater et de la propager dans le midi de la France. A RIT TICLE OX Le Pin cembro. 306. Le pin cembro (pinus cembra, Linxxé), Auvier, Tinier, forme, en Russie, des forêts très étendues. En France, de mème qu'en Suisse, il est peu ré- pandu et croit généralement en mélange avec l’épi- céa, le mélèze et le pin à crochets !. 391. Climat, situation, exposition. — La zone naturelle de cet arbre se réduit en France, ainsi qu'on vient de le dire, aux parties les plus élevées des Alpes du Dauphiné et de la Provence (2,000 à 2,500 mètres d'altitude environ). paraît que, dans ! Dans le cantonnement de Briançon, la forèt communale de Villars-Saint-Pancrace contient un massif pur de pin cembro, d'une étendue de 200 hectares. Cest peut être le seul qui existe encore dans les Alpes (M. Broilliard, sous-inspecteur). DES SOLS, DES ESSENCIS. 155 ces localités, 11 s’accommode de loutes les expo- sitions. 398. Terrain. — C'est dans les sols substan- lels, frais, profonds et divisés, que le cembro se plait surtout; mais 1l s'accommode aussi d'un terrain légèrement humide, et ne redoute pas ceux qui sont pierreux. 399. Floraison et fructification. — Les fleurs sont monoïques et paraissent en mai où au commen- cement de juin. Les strobiles renferment, sous chaque écaille, deux amandes à noyau dur, un peu moins crosses que celles du pinier; elles mürissent pendant l'automne de l’année qui suit celle de la floraison et se disséminent au printemps suivant. 360. Jeunes plants. — Le jeune plant ne parail craindre ni le froid mi le soleil; mais si, du sommet des hautes montagnes qu'il habite, on veut le trans- porter dans desrégions plus tempérées, il faut choisir les lieux les moins chauds, el ceux surtout qui sont le moins exposés aux gelées printanières, auxquelles les plantes alpines sont très sensibles. 301. Feuiliage. — Le feuillage du cembro est assez touffu et donne un couvert épais. 362. Racines. — Cet arbre a, dans sa jeunesse, un pivot prononcé, mis, plus tard, les racines laté- rales continuent seules à croître; elles sont fortes el (racent au loin. 363. Croissance et durée. cembro est extrêmement lente, et sa longévité peut La croissance du pin 156 DES CLIMATS, atteindre 4 à 5 siècles. Dans le Briançonnais on trouve des pieds de cette essence qui ont de 3 à 4 mètres de circonférence à la base sur 15 à 20 mètres de hauteur (M. Broilliard). 364. Qualités et usages. — Ce bois est impropre aux constructions. [l se travaille facilement et il est très recherché pour la sculpture et la menuiserie; son chauffage équivaut à peu près à celui du sapin. Le fruit est une amande douce, bonne à manger et très nourrissante; on en exprime une huile assez agréable. Le pin cembro contient abondamment une téré- benthine très fluide; toutefois, 1l n’est pas soumis au résinage. ARTICLE XI. Le Pin du lord Weymouth. 365. Le pin du lord Weymouth (pinus strobus, Linné) a été importé, au commencement du dernier siècle, des États-Unis et du Canada en Angleterre, par le lord dont il porte le nom; mais 1l y à cent ans à peine qu'on à commencé à le cultiver sur le conti- nent. Quoique exotique, on l’associe aux bois indi- gènes de la France, parce qu'il y est parfaitement naturalisé. Il se distingue par la beauté de son port. 366. Climat, situation, exposition. — On cultive ce pin avec succès dans toutes les parties de la France, à l'exception du Midi qui paraît ne pas lui convenir; il préfère généralement les régions un peu froides. DES SOLS, DES ESSENCES. 157 En Amérique, 1l habite surtout la plaine et les pays de coteaux. 367. Terrain. — Le pin du Lord ne se plait ni dans les sables arides, n1 dans les sols trop com- pactes ou marécageux. C’est dans un terrain légère- ment humide, profond et substantiel qu'il végète le mieux; il se contente cependant ‘d’un sol maigre, pourvu qu'il soit frais, divisé, et qu'il ait du fond. Il prospère surtout le long des cours d’eau. 368. Floraison et fructification. — La floraison est monoïque; les fleurs paraissent en mai ou au commencement de juin. Les strobiles sont mûrs seize mois après la floraison, et la dissémination de la graine, qui est légère et ailée, a lieu aussitôt, c’est- à-dire en septembre ou en octobre de l’année qui suit celle de la floraison. L'arbre porte semence très jeune. 369. Jeunes plants. — Les jeunes plants deman- dent, au moins aux expositions chaudes, de l'abri pendant les premières années; on peut assimiler leur tempérament à peu près à celui des plants d'épicéa [288]. 370. Feuillage. — Le feuillage du pin du Lord est fin, léger, et donne assez peu de couvert. Ses feuilles ne persistent pas plus de deux ans. 371. Racines. — Son pivot est très prononcé; il est accompagné de racines latérales nombreuses qui s'étendent au loin. 372. Croissance et durée. — La croissance du 158 DES CLIMATS , pin du Lord est très rapide; les pousses annuelies s'allongent quelquefois, dans sa jeunesse, de 66 cen- ümètres à 1 mètre. Il attemt un âge très avancé et prend les plus fortes dimensions. En Amérique, on en a trouvé qui avaient jusqu'à 50 et 60 mètres de hau- teur sur 4 mètre 66 centimètres de diamètre à la base. 313. Qualités et usages. — Aux États-Unis, le pin du Lord à un bois ferme; 1lest léger, peu noueux et facile à (raviuller. Les Américains en tirent un grand part pour la charpente, et même pour là construction des vaisseaux. [ls lemploient aussi à la mâture; mais, quoique plus léger que le pin sylvestre, iln'est pas, pour cet effet, d’un aussi bon usage. Pour les constructions civiles, s'ilest placé à Pabri des varialions de Patmosphère, ce bois a la durée el la consistance de nos meilleurs pins; mais ‘il ne faut l'emplover nt sous l’eau n1 dans la terre, où 1l est sujet à pourrir. Il est très recherché par différents métiers; sa texture est fine, et 1l prend un beau poli. On ne peut affirmer que toutes ces précieuses qua- lités se retrouvent dans les pins du Lord que nous cultivons en France. Ceux que lon a pu y exploiter jusqu'à présent étaient évidemment trop Jeunes pour servir de sujets d'expérience; le bois en était mou, léger, peu résineux et peu résistant. Le temps seul pourra nous apprendre ce que nous avons à espérer de cette essence. Le pin du Lord contient beaucoup de térébenthine, P DES SOLS, DES ESSENCES. | 159 qui se volatilise promptement. En France, il est demeuré jusqu'à présent à l'abri du résimage; mais, dans l'Amérique du Nord, il parait qu'il est soumis à cette pratique. SRPTCLE TXT Le Mélèze. 314. Le mélèxe (larix europæa, bE CANDOLLE), par la beauté de son port, la durée et l'utilité de son bois, tient le premier rang parmi les bois résineux. Il est le seul dont les feuilles soient caduques. Il forme des forêts considérables, tantôt seul, tantôt en mélange avec l’épicéa, le pin svlvestre, le pin à crochets et le cembro. 3175. Climat, situation, exposition. — Cet arbre qui, dans le Nord de l'Europe, occupe tantôt la plaine et tantôt la montagne, ne se trouve, en France, que dans les Alpes, où 1} apparaît à 1,200 mètres d’alti- tude, s'élève en bon état jusqu'à 2,000 mètres, et résiste même, mais à l’état de buisson rabougri, jusqu'à une élévation de 2,400 mètres. Ce sont les situations où l’état habituel de l'atmosphère est à la fois sec et froid, qui semblent surtout lui convenir: il redoute les climats brumeux et les vents humides, Sur les montagnes où il est indigène, 1l prospère parliculièrement aux expositions du Nord et de l'Est. A de grandes hauteurs, on le trouve aux aspects du Sud et de l'Ouest, mais il n°v est pas bienvenant ". "M. du Guiny. 160 DES CLIMATS, 376. Terrain. — Le mélèze demande une terre divisée, profonde et surtout fraîche. Cette dernière condition, qu'il recherche d’une manière très mar- quée, le rend souvent accommodant sur les deux autres. Dans les terrains très substantiels, il est, comme le pin à crochets [304], exposé à se carier ". Les sols argileux et compactes ne lui conviennent pas plus que les sables purs et trop légers; les ter- rains mouillés aussi lui sont contraires. 311. Floraison et fructification. — Les fleurs sont monoïques, et paraissent en avril ou en mai, selon la température. Les graines, légères et ailées, sont mûres à la fin de l’année même de la floraison, et se disséminent au printemps suivant; dans cer- taines circonstances, néanmoins, cette dissémination s'effectue, comme celle de l’épicéa |287|, dès le com- mencement de l’automne. Le mélèze porte semence à un âge peu avancé, surtout dans les climats tempérés, où sa trop grande fécondité, toutefois, doit être considérée comme l’in- dice d’un ralentissement prématuré de croissance. 378. Jeunes plants.— Dans les climats où 1l est indigène, le jeune plant du mélèze est robuste dès sa naissance et suscepüble de résister aux froids comme aux ardeurs du soleil; mais, sous un ciel plus doux, on fera bien de l’ombrager pendant les premières années. ‘ M. du Guiny. DES SOLS, DES ESSENCES. 161 319.Feuillage. — Les feuilles sont petites, tendres, et ne donnent qu’un couvert léger ; elles fournissent cependant au sol un détritus beaucoup plus abon- dant que celui d'aucun autre conifère (M.T. Hartig), parce qu’elles se renouvellent chaque année. 380. Racines. — Le mélèze pivote à un mètre et plus de profondeur; ses racines traçantes sont nom- breuses, déhées, et s'étendent au loin. 381. Croissance et durée. — La croissance du mélèze est très prompte; il acquiert une grande hau- teur et prend beaucoup de diamètre. On en a trouvé sur les Alpes qui avaient de 33 à 40 mètres de hau- teur sur 5 mètres de tour à la base. Il peut vivre trois à quatre siècles 1. ' Nous devons à l'obligeance de M. Davall de Joffrey, con- seiller des forêts à Vevey, canton de Vaud (Suisse), la notice suivante sur un mélèze que l’on voyait encore en 1850 dans le voisinage du hameau de Forclar, dans la vallée d'Ormont, sur le bord d’une forêt située sur un versant au nord en pente rapide, à 1,400 mètres environ au-dessus du niveau de la mer. Quoiqu'il fit partie d'une forêt particulière, cet arbre avait été placé sous la surveillance spéciale de l'inspecteur forestier de la contrée, et le propriétaire avait consenti à ne pas le faire abattre. Mais la foudre le frappa et le mutila tellement, que Ja hache dut l’achever. Croissant isolé, le mélèze de Forclar était très branchu, et sa hauteur ne dépassait pas 23 mètres, mais sa souche avait, près du sol, un diamètre de 2 mètres. Son âge était, au plus, 275 ans, et sur la souche on comptait distinctement 257 couches de bois parfait et 13 couches seulement d’aubier; l'écorce avait une épaisseur de 013. Le premier billon, parfaitement sain, d’une longueur de 93, 11 162 DES CLIMATS, Dans les régions tempérées, sa végélalion surpasse en rapidité celle de tous les autres bois résineux; cependant elle se ralentit déjà considérablement dès l’âge de 60 à 70 ans, et quelquefois même plus tôt. Souvent, à la vérité, il a, à cet âge, de 25 à 30 mètres de hauteur sur 25 à 33 centimètres de diamètre ; mais son bois, alors, est loin de présenter les qualités qu'on lui reconnait, à un âge plus avancé, dans le pays dont il est originaire. Ces faits, qui se sont vérifiés sur différents points de l'Allemagne, et notamment dans la Forêt-Noire et dans les montagnes du Hartz, sont de nature à faire croire que le mélèze n’est point encore parfaitement acchimaté dans les situations peu élevées. La culture en grand de cet arbre semble donc, quant à présent, devoir se borner aux très hautes montagnes; mais on ne devra pas moins en continuer et multiplier les essais sur nos élévations moyennes. On sait, en effet, que ce n’est souvent qu'après plu- sieurs générations qu’une essence parvient à se faire entièrement au climat où elle a été importée, et à v recouvrer, au moins en partie, les propriétés qu'elle possède dans son pays natal !. avait au gros bout 1"9 de diamètre et 270 couches, et au petit bout 0"95 et 248 couches. Il cubait donc 14 m. c. 394 d. c. ‘ Dans un grand domaine de l'Angleterre, où existaient d’im— portantes plantations de mélèzes âgés de plus d’un siècle, le propriétaire s’est décidé, il y a peu d'années, à exploiter ces arbres, dont les dimensions étaient déjà considérables. Ils DES SOLS, DES ESSENCES. 163 382. Qualités et usages. — Le mélèze résiste très longtemps à l'air el se conserve, dans les lieux humides et sous l’eau, aussi longtemps que le chêne. Des habitations sur les Alpes, entièrement construites avec ce bois, dont les pièces équarries sont placées les unes sur les autres, ont une origine fort ancienne. Dans une cabane, bâtie depuis 240 ans, on à avaient 6t6 plantés, les uns aux expositions du Nord et de l'Est, les autres sur des versants aux aspects du Sud et de l'Ouest. Examinés par des ingénieurs maritimes, les premiers furenl trouvés de très bonne qualité et payés fort cher pour être em- ployés dans la construction des vaisseaux ; les autres, au con- traire, parurent aux mêmes juges de qualité fort médiocre et tout à fait impropres aux exigences du service d'élite qu'il s'agissait d’approvisionner. Cet exemple tend, selon nous, à prouver : 1° que le mélèze, transporté dans d’autres climats, y manifeste les mêmes exi- gences que dans son pays natal, en ce qui concerne l’exposi- tion; 2° que, quand ces exigences, jointes sans doute à celles concernant le sol, sont satisfaites dans unc certaine mesure, son bois conserve, en grande partie, les précieuses qualités qui le distinguent dans les régions élevées. M. T. Hartig, dans son excellent ouvrage déjà cité, rapporte, de son côté, des expériences plus encourageantes encore pour prouver que les qualités si remarquables du mélèze n’appar- tiennent pas seulement à cette essence croissant dans les cli- mats froids. Son illustre père avait fait disposer, pour tuteurs des arbres du jardin de l'École vétérinaire à Berlin, des perches ou piquets de diverses essences. Ces piquets, écorcés, avaient un diamètre de 3 pouces (1 décimètre environ). Ceux en bois de mélèze se maintinrent intacts pendant 14 ans et ne trouvèrent de rivaux en durée que parmi les robiniers, les cembros, les thuyas et les genévriers. Une expérience analogue et simultanée fut faite avec 164 DES CLIMATS, trouvé les bois parfaitement sains1. Le mélèze est également précieux pour les constructions tant ci- viles que navales. Si on le voit rarement dans les chantiers de la marine, la cause en est uniquement dans la difficulté de l'extraire des localités qu'il habite et dans les frais considérables de transport. Des ingénieurs de la marine le considèrent comme plus résineux, plus fort et plus léger que le laricio, et, par conséquent, plus propre à la mâlure. Les bordages faits de ce bois durent plus longtemps que ceux de chêne, ce qui a été reconnu dans les bâ- timents employés à la navigation du lac de Genève. Le mélèze est très propre à la menuiserie et à d'autres métiers; 1l a un grain très fin et prend un beau poli. On en fait aussi du merran, et il fournit pour la vigne de très bons échalas. Son chauffage et son charbon ne sont pas de pre- mière qualité; cependant ils passent, dans le pays des madriers de 4 pouces qu'on enterra dans le même lieu. Ceux en mélèze, en robinier et en pin sylvestre vieux et très résineux, furent les seuls qui restèrent sains aussi longtemps que les piquets. Or, les mélézes employés provenaient des environs de Berlin. ‘Il faut observer cependant que cette durée extraordinaire n’est pas uniquement due à la bonté du bois. Il n’est pas dou- teux que les froids vifs et prolongés des grandes hauteurs doivent retarder la décomposition de toute espèce de bois qui y serait mis en œuvre, et que des mélèzes, employés aux construc- tions sur des élévations peu considérables ou dans des vallées, n’y résisteraient pas aussi longtemps, attendu les variations fréquentes que présente Ja température de ces localités, DES SOLS, DES ESSENCES. 165 natal de l'arbre, pour être préférable à ceux des pins et des sapins. Le bois de mélèze a l'inconvénient de pétiller, de lancer des éclats et de s’allumer plus dif- ficilement que les autres bois résineux. C’est sans doute à cette dernière propriété qu'il a dû la répu- tation d’incombustibilité qu'on lui avait faite chez les Romains {Vitruve). On tire du mélèze un suc résineux connu sous le nom de térébenthine de Venise. Dans le Valais, on l’obtient en pratiquant dans le tronc, avec une tarière, des trous faiblement inclinés de bas en haut, mais qui ne dépassent pas l’aubier. À l’orifice de ces trous, on place des gouttières faites en bois de mélèze, par le moyen desquelles la térébenthine coule dans des auges disposées à cet effet au pied de l'arbre. Cette récolte a lieu sur les Alpes depuis la fin de mai jusqu’au commencement de septembre; elle est sans doute d’un grand produit, car on prétend qu’un mé- lèze peut fournir, pendant 40 à 50 ans, de 3 à > kilogr. de térébenthine chäque année; mais cette opération rend ordinairement le bois impropre au service. La térébenthine distillée donne une huile essen- üelle qui, cependant, n’est pas aussi estimée que celle qu’on obtient de la térébenthine du sapin. L'écorce du jeune mélèze est très propre au tan- nage des cuirs. 166 DES CLIMATS, ARTICLE XII, Le Cèdre. 383. Le cèdre ou cèdre du Liban (cedrus Libant, BARREL) est spontané en Asie, principalement sur le mont Liban et sur le mont Taurus; depuis la con- quête de l'Algérie, on en à reconnu de vastes forêts dans les montagnes de l'Atlas. Il peut être considéré comme le géant des conifères de ces contrées. 384. Climat, situation, exposition. — L’ha- bitation du cèdre devrait faire présumer que cel arbre ne craint pas les climats froids ou, au moins, qu'il doit très bien réussir dans les climats tempérés de la France. En effet, sur le mont Liban, dont le sommet est couvert de neiges perpétuelles, on ne le rencontre que dans une région déjà assez élevée, et en Afrique, ce n’est qu'à 1,400 mètres au moins au- dessus du niveau de la mer que se trouvent les forêts de cèdre !. Cependant, dans le climat de Paris, on est forcé de lui donner beaucoup de soins dans sa Jeunesse, et de l’abriter contre les gelées. Ce n’est que lorsqu'il est âgé de six à huit ans qu’on peut ‘ Voyez l'intéressante notice de M. Renou, inspecteur des forêts de l'Algérie, dans le 3° vol. des Annales foresticres, année 1844, pages 1 à 7. Le DES SOLS, DES ESSENCES. 167 l’abandonner à lui-mème; 1l résiste alors aux plus grands froids. Les montagnes paraissent lui convenir mieux que les plaines, et la température, que lui offre son pays natal, semble exiger qu’on ne le cultive pas dans des parties trop exposées aux ardeurs du soleil. 385. Terrain. — Les sols graveleux, un peu secs et profonds paraissent convenir au cèdre. Ainsi que les autres conifères dont nous avons parlé, 1l ne vient ni dans les terres trop compactes, ni dans celles qui sont marécageuses. 386. Floraison et fructification. est monoïque ; mais, contrairement à ce qui existe pour les autres essences, elle n’a lieu qu’en sep- tembre et octobre. Des observations faites sur les eèdres de l'AI- La floraison gérie ! 1l résulte que les graines ne mürissent, dans cette contrée, que dans le mois de juillet de la se- conde année après la floraison, c'est-à-dire 20 mois après celle-ci. La dissémination s'opère, en général, trois ou quatre mois plus tard, à l'époque des pluies d'automne, et quelquefois même seulement à la fin de l’hiver. Comme pour le sapin, les écailles du cône du cèdre se détachent et tombent avec la graine. Le cèdre cultivé commence à donner des fruits vers 0 ans. ‘ Vovez la notice déjà citée. 168 DES CLIMATS, 387. Jeunes plants. — En Afrique, les jeunes plants sont aussi robustes que ceux du pin sylvestre 1297]; mais en France, ainsi que nous l’avons déjà dit, ils sont plus délicats et demandent de l’abri contre le froid pendant les six à huit premières années. Cette circonstance est un obstacle majeur à la culture en grand de cet arbre, mais qui ne doit pas faire renoncer à multiplier les essais dans dif- férentes localités et à différentes hauteurs. Il est pro- bable qu'après plusieurs générations, le cèdre finira par s’acclimater entièrement, ou qu’au moins on reconnaitra quel est le climat qui lui convient le mieux. 388. Feuillage. — Les feuilles du cèdre sont nom_ breuses, touffues, et donnent ün couvert assez épais. 389. Racines. — Le cèdre pousse, avec un pivot très fort, de nombreuses racines latérales, qui s’éten- dent beaucoup et le fixent fortement au sol. 390. Croissance et durée. — La croissance du cèdre est lente dans le principe, mais elle devient lrès aclive après les huit à dix premières années. Il peut acquérir plus de dix mètres de circonférence, une hauteur considérable, et son existence se pro- longe, dit-on, pendant plusieurs siècles. 391. Qualités et usages. — On attribue en général au cèdre la force et l'incorruptibilité. Cependant tous les auteurs qui en ont parlé ne sont pas du même avis; quelques-uns lui accordent peu de qualités. DES SOLS, DES ESSENCES. 169 Quant à son poids, les uns le classent au rang des bois les plus légers, les autres l’assimilent presque au chêne. Il semble difficile, dans les circonstances actuelles, de juger un arbre dont la vie est aussi longue et qui ne peut atteindre sa perfection qu'à un âge avancé. Il faudrait savoir d’où ont été tirés les cèdres sur lesquels on a fait des expériences. Les plus vieux cèdres de l’Europe datent de 1683, et le premier qui a été planté en France fut apporté par Bernard de Jussieu, en 1734. Ces arbres subsistent encore. Ceux qui en sont provenus, et qui ont été abattus, n’auraient-ils pas acquis plus de qualités si on les avait laissés sur pied plus longtemps? Avaient- ils crû dans le climat et dans le sol convenables? En Asie, en Afrique, le cèdre habite de grandes élé- vations et, jusqu'à présent, on ne lui a donné place en Europe que dans des parcs et des Jardins. L'éloge que les anciens ont fait du cèdre, les grandes constructions auxquelles il a été employé, et le respect religieux qu'il inspirait autrefois, pour- raient déterminer notre opinion à son égard, si l'1- dentité de cet arbre n'avait pas étémise en question, et si l’on n'avait pas prétendu qu’on donnait jadis le nom de cèdres à différentes espèces résineuses. Espérons que nos forêts de l'Algérie pourront bientôt fournir aux travaux publics, ainsi qu'à la marine, les moyens d’'expérimenter sûrement cette importante essence, et que la sylviculture sera, par là, mise à même de décider jusqu'à quel point les 170 DES CLIMATS, DES SOLS, DES ESSENCES. essais d’acclimatation tentés jusqu'ici méritent d’ètre continués et étendus !. ‘ D’après quelques expériences faites en Afrique par des offi- ciers du génie, concurremment avec des agents forestiers, le cèdre serait plus léger, moins élastique et plus cassant que le sapin; il offrirait aussi une résistance horizontale moindre que ce dernier arbre, qu’il pourrait, toutefois, remplacer dans beau- coup de circonstances, mais non égaler. Comme chauffage et comme charbon, il aurait à peu près la même valeur. Le cèdre paraît plus apprécié comme bois de travail. Il prend un beau poli, est agréablement nuancé, se façonne facilement et n’est pas sujet à la vermoulure. LIVRE DEUXIÈME PRINCIPES FONDAMENTAUX DE L’EXPLOITATION DES BOIS. DÉFINITIONS. 392. Le nombre d'années déterminé pour l’ex- ploitation d’une forêt se nomme révolution. Or, comme il est de règle de retirer d’une forêt des produits annuels, et que la régénération du lieu où le bois a été coupé doit être, autant que possible, une conséquence immédiate de cette coupe (voir l’In- troduction), 1l s’en suit qu'une forèt exploitée ainsi par portions annuelles présente, la plupart du temps, autant de parties de bois différant entre elles d’un an d'âge, qu'il y a d'années dans la révolution. 393. Un bois est exploitable quand il à atteint au maximum de son accroissement moyen ou de son utilité. 172 PRINCIPES FONDAMENTAUX Il semblerait que l’accroissement doit être le régu- lateur naturel de l’exploitabilité, mais les besoins de la société et les intérêts des propriétaires empêchent souvent qu'il n’en soit ainsi. 39%. L'accroissement d'un arbre est l'augmentation de volume résultant de son grossissement et de son allongement. L'accroissement annuel est le volume dont il s'aug- mente pendant une année; l'accroissement moyen, au contraire, est la moyenne tirée de tous les accroisse- ments annuels, depuis la naissance de l'arbre jusqu’à la dernière année de son âge. 395. Les économistes désignent ordinairement par rente la portion du produit de la terre qui excède les frais de production, en comprenant dans ces frais un certain bénéfice qui représente la rémunération légitime de l’industrie. Mais, dans la langue usuelle et même dans le langage scientifique, on appelle aussi rente le rapport du revenu net au prix d'achat. C’est cette dernière définition que nous adopterons en disant que la rente exprime le rapport entre le revenu net d’un bois et sa valeur capitale. 396. On entend par possibilité la quantité de ma- üère qu'on peut retirer annuellement d'une forêt, sous la condition que cette quantité sera constante, autant que possible; résultat que nous exprimons par le terme de rapport ou rendement soutenu. 397. Par peuplement complet, on exprime l’état DE L'EXPLOITATION DES BOIS. 173 d’un bois composé du plus grand nombre de tiges possible, eu égard à leur âge et à leur volume. 398. Toute étendue déterminée dans une forèt pour y abattre le bois, en totalité ou avec réserve d’un certain nombre d'arbres, se nomme coupe. 399. La désignation du lieu où doit se faire une coupe s'appelle l'assiette. Ainsi, asseoir une coupe, ou faire l'assiette d'une coupe, c'est désigner son em- placement. 400. Par vidange, on entend le transport des bois hors d’une coupe. 401. Une coupe est en usunce, lorsqu'on l’ex- ploite ; elle est usée, quand elle est exploitée et vidée. 402. Les arbres déracinés ou rompus par les vents se nomment chablis; on donne le même nom à ceux qui sont brisés sous le poids de la neige ou du givre. La partie d’un arbre rompu, tombée à terre, s’ap- pelle volis; celle qui demeure debout se nomme quille, chandelier ou tronc. CHAPITRE PREMIER. DE L'EXPLOITABILITÉ. ARTICLE PREMIER. De l’exploitabilité en général. 403. L'exploitabilité d’une forêt est la base de son traitement; elle détermine l’âge auquel les bois doivent être abattus, et nous met à même (ainsi qu’on _ le verra bientôt) de déterminer la possibilité. L’exploitabilité varie selon les considérations d’après lesquelles on l’apprécie. Les objets que l’on considère, ensemble ou séparément, pour cette ap- préciation, sont : la longévité des essences, la plus grande production en matière, la rente la plus élevée et les qualités les plus utiles des bois. Arrêtée d’après ces bases, l’exploitabilité peut être physique, absolue, relative où composée. DE L'EXPLOITATION DES BOIS. 175 ARTICLE II. De l’exploitabilité physique. 404. Pour réaliser l'exploitabilité physique, on laisse croître les bois jusqu’à ce qu’ils ne prennent plus qu’un très faible accroissement et qu’ils aient acquis tout le développement dont ils sont suscep- übles, en raison de la nature de l’essence, du sol et du climat. Alors on ne considère les forêts que par rapport à la longévité des essences, sans s'occuper de l'intérêt du propriétaire, ni des besoins de la consom- mation. C’est assez dire que cette exploitabilité ne peut trouver son application qu'exceptionnellement : par exemple, lorsqu'il importe de conserver certains bois, soit à cause de leur influence manifeste sur l’état climatérique d’un pays, soit comme préservatifs contre les avalanches et les éboulements, ou bien pour des motifs d'agrément. ARTICLE III. De l’exploitabilité absolue. 405. Un bois est parvenu à son exploitabilité ab- solue, lorsqu'il a atteint l’âge de son plus grand ac- croissement moyen. C'est cette exploitabilité qu’il faut adopter lorsque, considérant la production en matière d’une manière absolue, on ne se propose d'autre but que le maximum de cette production. \ 176 PRINCIPES FONDAMENTAUX 406. Pour prouver que le bois coupé à l’époque de son exploitabilité absolue fournit, dans un temps donné, les plus grands produits matériels possibles, il suffit de faire voir qu’on en obtiendrait de moindres en devançant ou en dépassant cette époque. Or, si l’on considère la marche de la végétation d’une forêt ou d’une portion de forêt, soumise à un traitement rationnel, on observe que, dans les pre- mières années, les accroissements annuels sont faibles, comparés à ce qu'ils deviennent plus tard; qu'ils augmentent ensuite jusqu’à un âge plus ou moins avancé, sans toutefois suivre une marche régulière- ment progressive; puis enfin, qu'ils diminuent de plus en plus !. Parallèlement à cette marche des ac- croissements annuels, on constate que les accroisse- ments moyens correspondants suivent aussi d’abord une progression croissante, puis entrent dans une phase à peu près stationnaire, et enfin tendent à dé- croître constamment. ! Ce sont surtout nos arbres forestiers les plus importants et les plus répandus (bois durs) qui, considérés en masse, ont, dans leur première jeunesse, un accroissement très faible, compara- tivement à ce qu'il devient plus tard. Le plus ordinairement, cet accroissement va en augmentant d'année en année jusqu’à l’âge de 60, 80, 90, 100 ans, et mème au delà, selon les essences, les sols et les climats, en supposant toutefois que les essences soient appropriées aux sols et aux climats. Parvenu à ce point, l'accroissement demeure sensiblement le même pendant un certain temps, puis il commence à diminuer d’une manière plus marquée et finit par devenir presque nul. DE L'EXPLOITATION DES BOIS. 177 Cela posé, admettons deux forêts parfaitement égales sous tous les rapports et soumises au mème mode de traitement: l’une, dont l'exploitation soit fixée au terme de son plus grand accroissement moyen, 100 ans, par exemple; l’autre, qui s’exploite à un terme beaucoup plus rapproché, tel que celui de 25 ans. Il est évident que la première, parcourant dans le délai de 100 ans, toute l'échelle ascendante de la végétation, fournira un produit matériel à la composition duquel auront contribué les années les plus favorables à la production; tandis que la se- conde, coupée quatre fois pendant ce temps, se trou- vera rejetée ainsi quatre fois dans la phase du plus faible accroissement, et ne pourra rendre, par con- séquent, que des produits beaucoup moindres. Supposons, au contraire, que l’une de ces deux forêts continue à être coupée à 100 ans et quela ré- volution de la seconde soit portée à 200, il est non moins évident que cette dernière donnera dans ce délai de 200 ans moins de bois que la première, parce qu'après 100 ans, elle entrera dans une période de décroissance pendant laquelle l’autre parcourra une seconde fois l'échelle ascendante des accroissements, et atteindra de nouveau les âges moyens les plus fa- vorables à la production. Donc, dans les deux cas, soit que l’on devance, soit que l’on dépasse l’époque de l’exploitabilité ab- solue, la production est moindre que si l’on s’en tient à cette époque. 12 178 PRINCIPES FONDAMENTAUX 407. De la proposition que nous venons de dé- montrer, ainsi que de la définition des accrois- sements [394], on déduit facilement les corollaires suivants : 1° Tant que l'accroissement annuel augmente, l'accroissement moyen augmente évidemment aussi ; 2 Lorsque l'accroissement annuel diminue, l’ac- croissement moyen continue à augmenter aussi long- temps que l'accroissement annuel, tout en diminuant, reste plus grand que l'accroissement moyen corres- pondant ; 3° L'’accroissement moyen atteint son point cul- minant lorsqu'il devient égal à l'accroissement annuel correspondant ; 4° Le plus grand accroissement moyennese réalise nécessairement que dans la phase descendante des accroissements annuels, d’où il suit que l’écart entre le maximum annuel et le maximum moyen est plus ou moins grand, selon les conditions de la végé- tation. | 408. La détermination rigoureuse de l’exploita- bilité absolue d’une forêt est une question de calcul importante, qui exige une suite de recherches et d'expériences dont le détail ne saurait trouver place ici. Au surplus, l'observation attentive de la marche de la croissance des bois a fourni à ect égard des indications assez précises pour pouvoir suppléer au calcul dans un grand nombre de cas. Les arbres sont en bon état de végétation, et leur ac- DE L'EXPLOITATION DES BOIS. 179 croissement augmente progressivement, lorsque les pousses annuelles sont fortes et allongées, le feuil- lage abondant et d’un vert vif et brillant, l'écorce unie, les jeunes branches souples et relevées vers le trone, l’extrémité de la cime fortement saillante. L'accroissement a atteint son point culminant et devient stationnaire aussitôt que les pousses annuelles sont plus faibles et moins allongées que celles des années précédentes, et que la flèche de la cime est moins prononcée Î. Un arbre entre en retour ou en décroissance, lorsque la cime n'offre plus qu’une tête arrondie, et lors- qu'on voit en automne les feuilles du sommet jaunir et tomber plus tôt que celles des branches infé- rieures ?. Cette décroissance devient très marquée lorsque l'arbre commence à se couronner, c’est-à- dire, lorsqu'il meurt quelques branches à la cime. Le dépérissement est arrivé quand l'écorce se gerce profondément, se sépare du bois, et que par les ger- ‘ A ce sujet, il faut remarquer cependant qu'il serait possible que la dernière année observée n’eût pas été favorable à la végé- tation à cause des froids, de la sécheresse ou des insectes. Dans ce cas, la faiblesse de la pousse n'aurait qu'une cause acciden- telle et momentanée, indépendante de l’âge et de la vitalité du bois. ? Ce dernier signe, naturellement, ne peut exister chez les arbres résineux; mais le premier, en revanche, est d’aytant plus caractérisé chez eux, qu’il contraste davantage avec la forme parfaitement conique qu'affecte leur cime, lorsqu'ils sont en pleine croissance. 130 PRINCIPES FONDAMENTAUX çures on aperçoit des écoulements de sève; quand les mousses, les lichens, les agarics et les cham- pignons s’attachent en grande quantité à l’écorce, et qu'on la voit marquée de taches noires et rousses. ARTICLE IV. De l’exploitabilité relative. 409. Lorsqu'on se propose d'obtenir soit la rente la plus élevée, soit les bois les plus utiles sous le rapport de leurs dimensions et de leurs qualités, l’ex- ploitabilité est dite relative. 410. L’exploitabilité relative de première sorte trouve son application toutes les fois que, consi- dérant une forêt comme un capital placé en fonds de terre, on ne se propose d'autre but que de faire fonc- tionner ce capital aux conditions les plus profitables à l'intérêt pécuniaire du propriétaire. Dans ce cas, l'exploitation d’une forèt devient une affaire de pure spéculation, et la mesure de l’avantage, que procure l'opération, se trouve exprimée par la proportion entre le revenu net de la propriété et le capital em- ployé à le produire. Or, ce rapport entre le revenu et le capital producteur n’est autre chose que le taux de p'acement de ce capital ou ce que nous avons appelé la rente [395]. Et comme le taux des placements en fonds de terre se trouve établi d'une manière à peu près invariable dans chaque localité ou province DE 'L EXPLOITATION DES BOIS. 181 d'un grand pays, d'après les conditions générales auxquelles s’y font les achats et les ventes de pro- priétés, il s’en suit que lorsqu'on veut appliquer à une forêt l’exploitabilité relative à la rente la plus élevée, il faut constituer les peuplements et fixer la révolution de manière à obtenir le revenu maximum, sans que le rapport entre ce revenu et le capital en- gagé dans la propriété, s’abaisse au-dessous du taux ordinaire des placements en biens-fonds dans la localité. 410 (bis). Le capital placé dans une propriété boisée se compose, à un âge quelconque : 1° de la valeur du fonds de terre ; 2° de la valeur sur pied du matériel ligneux ; 3° de la somme dont les intérêts sont égaux aux frais annuels de garde. d’en- tretien et d'impôt !; 4 de ces intérêts, accumulés eux-mêmes avec Intérêts, depuis la naissance du massif. — À ce capital s'ajoute chaque année : 1° la valeur d’un accroissement annuel ? augmentée de ‘ Une propriété qui s’achète 20,000 fr., et qui entraine à 100 fr. de frais annuels, coûte en réalité 22,000 fr. (en admettant le taux de 5 °/); car, pour faire face à ces frais, l'acquéreur se prive de la jouissance d’un capital de 2,000 fr. De même, si la propriété est revendue 20,000 fr., le vendeur rentre dans la jouissance du capital correspondant aux 100 fr. de frais, ce qui, de fait, porte le prix de vente à 22,000 fr. ? L’accroissement annuel du matériel ligneux est une fonction double du fonds de terre et des accroissements antérieurs, tout comme l'accroissement annuel d'une somme placée à intérêts composés est une fonction double du capital primitif et des in- térêts accumulés depuis le jour où le placement a eu lieu. 182 PRINCIPES FONDAMENTAUX la plus-value acquise par le bois en vieillissant ; 2° une année de frais, plus les intérêts, pendant un an, des frais déboursés jusqu'alors. Le revenu, au même âge, c’est l'accumulation des valeurs des accroissements annuels que le bois a pris depuis sa naissance ; ce n’est donc autre chose que la portion du capital producteur comprise dans le ma- tériel ligneux. — Ce revenu s’accroît, chaque année, de la valeur d’un accroissement annuel augmenté de la plus-value acquise par le bois en vieillissant. Le capital producteur, tout en s’augmentant d’une même quantité que le revenu, s’augmente donc en outre d’une valeur qui croît avec la puissance des intérêts composés; et, quelle que soit la valeur pro- gressive des accroissements annuels, il paraît évident qu'elle ne peut pas être longtemps proportionnelle à cette puissance. Il suit de là que, pour chaque année de retard apportée à l'exploitation, le rapport entre le revenu et le capital producteur, c’est-à-dire, la rente ou le taux de placement, varie avec le rapport des quan- ütés dont ils se sont accrus, et devient égal, à un moment donné, au taux admis dans la localité. Remarquons encore que, en exploitant un an plus tôt, le propriétaire aurait pu placer à intérêts la somme réalisée, et qu'il se serait produit un nouveau peuplement; nous pouvons donc conclure que : pour que le propriétaire ait intérêt à différer sa coupe l’une année, il faut que le matériel ligneux acquière DE L'EXPLOITATION DES BOIS. 185 une plus-value supérieure à l'intérêt de la somme qu'il aurait pu réaliser, un an plus tôt, augmenté de la valeur des bois qui se fussent reproduits si l'exploi- tation avait eu lieu l’année précédente. Cette exploitabilité répond évidemment le mieux à la spéculation particulière ; elle permet d'abréger les révolutions le plus possible et se réalise, géné- ralement, avant l’exploitabilité absolue !. 411. Quand lexploitabilité n’est relative qu’à la qualité et aux dimensions des bois, elle peut, selon les circonstances, tantôt dépasser, tantôt devancer plus ou moins l’époque de lexploitabilité absolue. Le premier cas se présente s’il s'agit, par exemple, d'obtenir de fortes pièces pour les constructions na- vales ou autres ; le second, si la consommation ne demande que des bois de fiubles dimensions, tels qu'il en faut pour cercles de futailles ou pour pais- seaux de vigne ?. * Il peut même se présenter des cas où un propriétaire aurait avantage à abattre son bois avant qu'il ait atteint l’exploi- tabilité relative que nous considérons ici: par exemple, si des circonstances exceptionnelles et momentanées lui offraient à la fois l’occasion de placer sa marchandise à des prix élevés qu'il n'espérait pas en retirer plus tard, et un emploi avantageux et sûr de ses capitaux dans un autre ordre de spéculation. ? Dans ce dernier cas, l’exploitabilité de seconde sorte se confondrait évidemment avec celle de première sorte. 184 PRINCIPES FONDAMENTAUX A NRACTC IAE De l’exploitabilité composée. 412. L'exploitabilité composée trouve son appli- cation lorsqu'il s’agit d'obtenir, dans un temps donné, ou le plus grand produit matériel joint à la rente la plus élevée, ou la matière à la fois la plus considérable et la plus utile. 413. La réunion des deux premières conditions est réalisable dans les bois qui, soit à cause de la nature de l’essence, soit à cause de la mauvaise qualité du fonds, entrent en décroissance à un âge peu avancé, avant lequel ils n'auraient pas de valeur commerciale assurée: Alors, en effet, la question ma- térielle, tout comme la question financière, com- mande une révolution de courte durée. Cette exploi- tabilité convient évidemment au plus haut degré à . l'intérêtdes particuliers, sans que l'intérêt général soit sacrifié. Au point de vue de ce dernier, il est donc exact de dire que les forêts médiocres sont les seules bien placées entre les mains des particuliers. 414. Au contraire, réunir les deux autres con- ditions, c’est-à-dire, obtenir d’une forèt les produits les plus considérables etles plus utiles, c’estrépondre à l'intérêt général, mais au détriment du propriétaire si ce dernier est un particulier ; et c’est, par con- séquent, pour les forêts de l’État surtout, qu'on doit DE L'EXPLOITATION DES BOIS. 185 adopter l’exploitabilité dont 1l s’agit; on le doit notamment pour les forêts où les essences les plus importantes, les plus précieuses et les plus répan- dues, (chêne, hêtre, sapin, épicéa, pin sylves- tre, etc.,) occupent le sol qui leur convient. L’ac- croissement de ces bois parcourt effectivement d'a- bord une longue période ascendante; puis, après avoir atteint son apogée, 1l se soutient pendant assez longtemps à peu près au même niveau. Il résulte de là qu’ils peuvent, sans décroitre sensiblement, être conduits à un âge avancé, et acquérir, par suite, les dimensions el les qualités réclamées pour les emplois les plus intéressants. CHAPITRE DEUXIÈME. DE LA POSSIBILITÉ. ARTICLE PREMIER. De la possibilité en général. 415. Dans une forêt telle que la théorie peut la concevoir, où les essences seraient parfaitement ap- propriées au sol, le peuplement complet dans toutes ses parties, et les âges des bois convenablement gradués !, dans une forèt normale, enfin, la possi- bilité doit être égale à l'accroissement moyen. Il est évident, en effet, que si l’on exploite chaque année un volume exactement égal à celui dont la forêt s'accroit moyennement par an, celle-ci pourra fournir le même produit annuel à perpétuité. ‘ Ce que l’on pourrait concevoir de plus parfait sous le rap- port de la gradation des âges, ce serait une forêt qui, sur des étendues égales ou proportionnelles à la fertilité du sol, présen- terait des bois de tous les âges, depuis l'arbre exploitable jus- qu'au brin naissant. PRINC. FOND. DE L'EXPLOITATION DES BOIS. 187 416. Mais, comme dans la réalité les forêts sont toujours plus ou moins éloignées de l’état normal, et que d’ailleurs une foule de circonstances fortuites rendent difficile et incertaine l’exacte détermination de cet accroissement moyen, on se contente ordi- nairement de régler la quotité à exploiter par année, de manière qu'elle ne varie que le moins possible. C'est là ce qui veut dire: exploiter sous la con- dition d’un rapport soutenu. La plupart du temps, il n'importe point, au sur- plus, d’arriver à une minutieuse parité entre les produits annuels et successifs, il s’agit seulement d'éviter sous ce rapport de brusques inégalités, de nature à léser à la fois et le propriétaire et le con- sommateur. 417. Pour déterminer la possibilité, on peut adopter deux bases différentes : l'étendue et le volume. ARTICLE II. De la possibilité par étendue. 418. La possibilité fondée sur l'étendue s'obtient en divisant la surface totale de la forêt par le nombre d'années de la révolution, ce qui fait eonnaître la contenance de la coupe annuelle. Pour procéder ainsi, on admet que les produits matériels sont entre eux comme les surfaces; d’où 1l suit qu'égaliser les unes, c’est égaliser les autres. Cette supposition 188 PRINCIPES FONDAMENTAUX toutefois n’est jamais rigoureusement vraie, et elle ne devient admissible que quand les essences, la qualité du sol et la croissance du bois ne présentent généralement que peu de dissemblance. Mais il ne saurait en être ainsi dans une forêt de quelque étendue, où la situation, l'exposition et la nature du terrain apportent souvent des différences très tranchées dans l’état du bois, et où, par conséquent, sur d’égales contenances, les produits matériels peuvent être d’une inégalité extrême. Dans ce cas, il est évident que l'hypothèse dont il vient d’être question, cesse d'être admissible et que, sous peine de renoncer au rapport soutenu, 1l devient néces- saire de procéder autrement. 419. L'idée qui se présente d'abord pour attein- dre le but, c’est de rendre les contenances des coupes proportionnelles à la fertilité du terrain. Toutefois, ce moyen n'est pas celui que l’on emploie commu- nément, parce qu'il en existe un autre qui, plus simple en pratique, satisfait en outre à plusieurs conditions importantes. Voici comment on procède : 420. On scinde la forêt en un certain nombre de grandes divisions, suivant les différences les plus générales du terrain et du peuplement, mais sans s'arrêter à celles qui se feraient remarquer sur de faibles étendues. Dans ces divisions, on cherche à réunir,aulantque possible,des bois dontles âges soient convenablement gradués, puis on considère chacune DE L'EXPLOITATION DES BOIS. 189 d’elles comme un tout isolé qui, en présentant l’ho- mogénéité désirable, rentre ainsi dans les conditions voulues pour permettre de baser la possibilité sur la contenance. Ces divisions ont reçu le nom de séries d'exploitation, parce que chacune d'elles est effec- tivement destinée à fournir, durant toute la révo- lution, une série de coupes successives et annuelles. Outre la facilité qu’elles donnent pour la fixation de la possibilité particulière à chacune d'elles, elles créent encore des chances de voir leurs produits annuels respectifs se compenser entre eux, ce qui tend dès lors à assurer d'autant mieux le rapport soutenu pour la forêt considérée dans son ensemble. Enfin elles permettent d'appliquer à chaque localité, sans faire naître de confusion, la révolution et le traitement convenables et d'établir des exploitations permanentes sur les divers points de la forêt, où la consommation et l'intérêt du propriétaire peuvent les réclamer. 421. La possibilité par étendue mérite la pré- férence dans un grand nombre de cas, à cause de sa simplicité et de la régularité qu’elle imprime à la marche des exploitations ; cependant, dans les forêts soumises au mode d'exploitation de la futaie (ILL° livre), il devient impossible de l’adopter, en rai- son des exigences culturales, et on doit recourir à la possibilité fondée sur le volume. 190 PRINCIPES FONDAMENTAUX AR DIT CLIEMMC De la possibilité par volume 422. Pour déterminer la possibilité par volume, on conçoit qu'on pourrait procéder d’une manière ana- logue à celle qu’on applique à la fixation de la pos- sibilité par étendue : Il n’y aurait qu’à substituer à la contenance de la forêt, la masse totale de bois à y abattre dans le cours de la révolution donnée, et à diviser ce volume par le nombre d'années de cette révolution; le quotient ferait connaître la quotité de la coupe annuelle. 423. Mais pour suivre une telle marche dans la pratique, il se présente plusieurs difficultés majeures, dont la principale gît dans l'appréciation exacte du volume à employer comme dividende. Pour le trou- ver, ilne suffit pas, en effet, d'estimer le matériel actuel en bois, 1l faut encore estimer celui qui résul- tera de tous les accroissements successifs pendant la révolution. Or, il est facile d’entrevoir tout ce qu'une pareille opération présente d’éventuel et de problématique, surtout lorsque la révolution est longue. De toutes les différentes méthodes plus ou moins ingénieuses, plus ou moins compliquées, qui ont été imaginées Jusqu'ici pour déterminer la possibilité en fonction des produits matériels de toute la révolu- DE L'EXPLOITATION DES BOIS. 191 tion, aucune n’a encore conduit exactement au but, parce que la nature des choses ne permet pas d'y atteindre. Mais on peut parvenir à concilier le rap- port soutenu de la forèt avec l’ordre et la régularité des exploitations, sans se baser sur une possibilité aussi rigoureusement déduite, et en procédant d’une manière simple , expéditive et cependant suffisam- ment sûre. 424. Après avoir, s’il y a lieu, partagé la forêt en séries [420], et avoir fixé le terme de la révolution pour chacune, on divise de même la durée de cette révolution en plusieurs époques ou périodes, afin d’embrasser plus aisément la marche des exploita- lions, et de pouvoir vérifier et rectifier cette marche avec plus de facilité, si, à un moment quelconque, on le jugeait nécessaire. Il convient, en général, que ces périodes soient des parties aliquotes 1 de la révolution et, de plus, égales entre elles; le plus or- dinairement on les fait de 20 ou 10 années, et, dans ce dernier cas, on leur donne le nom de décennies. 425. Cela fait, on opère sur chaque série séparé- ment, et l’on s'occupe d’y assigner à chaque période ou décennie les parties destinées à être exploitées pendant sa durée. On colloque dans la première les bois les plus vieux, et successivement dans les autres les bois moins âgés, jusqu’à la dernière, où 1 Quantité contenue exactement un nombre entier de fois dans un tout. 192 PRINCIPES FONDAMENTAUX doivent se trouver les plus jeunes !. Dans ce travail, on examine attentivement les différences qui se pré- sentent dans l’état du bois, selon le sol, le climat et le peuplement plus ou moins complet, circonstances d’où dépend la production. Si, sous ces divers rap- ports, il n'existe que des nuances, on affecte aux périodes des contenances égales parce que l’on peut considérer qu’en raison de l'étendue de ces affecta- {ions périodiques, les nuances dont il est question se compensent suffisamment pour pouvoir être né- gligées. Les affectations égales en contenances doivent être préférées autant que possible. Mais quand les diffé- rences dans l’élat du bois sont très prononcées et se présentent sur d'assez grandes surfaces pour influer d’une manière notable sur les produits ma- tériels, et quand, surtout, l'intérèt du proprié- taire réclame une égale répartition des produits par période, 1l devient alors nécessaire d'attribuer aux affectations des contenances proportionnelles. La pro- ‘ Certaines circonstances peuvent quelquefois faire classer une partie de bois dans une période à laquelle elle n’appartien- drait pas par son âge : telles sont, par exemple, l’enclave au milieu d’autres parties dont il conviendrait qu'elle subît le trai- tement pour satisfaire aux règles sur l’assiette des coupes, ou à d’autres principes de culture ; le dépérissement prématuré; etc. La saine application des principes dont nous venons de parler et qui seront l’objet de nos études, de même que l'inspection attentive et réfléchie des localités, fait toujours facilement dé- couvrir et apprécier ces diverses circonstances exceptionnelles. 9 DE L'EXPLOITATION DES BOIS. 195 portion s’établira facilement, si, rapportant chacun des différents états de production à un seul, pris pour unité, on l’exprime par le résultat de la compa- raison. Le rapport des surfaces sera alors évidemment l'inverse de celui des productions, de sorte qu’à un état de production double ou triple, par exemple, correspondra une contenance deux fois ou trois fois moins grande. Par conséquent, les affectations pério- diques seront inégales en contenance, pour se trouver égales quant aux produits matériels qu'elles devront fournir. Par ces affectations suffisamment égales quant aux produits, on assure pour toute la révolution le rapport soutenu par période, sans néanmoins em- ployer d’autres moyens que la simple appréciation du peuplement plus ou moins complet et de la ferti- lité plus ou moins grande du sol et du climat. Dé- gagé dès lors du soin de l'avenir, on n’a plus à s'occuper que des besoins actuels, et ce n’est que dans l'affectation de la première période que l'on cherche les éléments de la possibilité qu'il s’agit de fixer. 426. Dans ce but, on détermine d’abord le vo- lume actuel des bois de l'affectation; en second lieu, leur accroissement probable pendant la période. Si l’on ne veut consacrer à cette double détermination que le moins de temps et le moins d'argent possible, elle peut se faire à l’aide de procédés sommaires, c'est-à-dire par de simples comptages d'arbres, 13 194 PRINCIPES FONDAMENTAUX dont on estime le volume au jugé; on ajoute ensuite quelque chose pour tenir compte de l'accroissement probable jusqu'au moment de l’abatage ‘. Et, comme on ne peut savoir positivement dans quelle année de la période les différentes parties de son affectation viendront en tour d'exploitation, on calcule l’accrois- sement de tous les bois comme s'ils devaient être abattus pour le milieu de la période . Divisant en- * Quand les bois approchent de l’époque de leur exploitabilité absolue, ou lorsqu'ils l’atteignent, ils ont ordinairement un ac- croissement annuel de 2 +, 2, 1 +, ou même un pour cent de leur volume, selon les circonstances dans lesquelles ils végètent. Lors donc que l’on connaîtra le volume d’une affectation pé- riodique, on pourra, par ce moyen, déterminer approximative- ment de combien il s’accroîtra jusqu’à l’abatage. Soit, par exemple, ce volume, 10,000 stères, et que l’on estime l’ac- croissement annuel à 2 pour cent, l'augmentation par an sera de 200 stères. On peut encore se contenter de l'accroissement moyen, pour en conclure l’accroissement futur. Dans ce cas, il suffit, comme on le sait, de diviser le volume actuel par l’âge du bois. Ce moyen extrêmement simple et prompt, a l'avantage de donner généralement des résultats un peu au-dessous de la vérité et d'empêcher, par conséquent, que la possibilité ne soit dépassée. ? On conçoit que cette manière de procéder puisse donner un résultat, sinon exact, du moins suffisamment approché. Il est évident, en effet, qu'une moitié des bois composant l'affectation sera coupée dans la première moitié de la période, et que l’autre moitié de ces bois ne sera coupée que dans la seconde moitié de la période. Donc en calculant l'accroissement de tous les bois pour l’année moyenne de la période, on compense l’accroisse- ment des arbres qui ne seront coupés qu'après cette époque par l'accroissement des arbres qui seront coupés avant. DE L'EXPLOITATION DES BOIS. 195 suite le total par le nombre d'années de la période, on obtient la possibilité cherchée. Les procédés plus rigoureux que nous enseigne la dendrométrie 1, savoir, le cubage sur pied des arbres, au moyen de dendromètres, et la détermina- tion de leur accroissement futur, d’après leur accrois- sement actuel, donnent en général un résultat plus exact, et doivent être préférés quand cela est possible. Mais, à quelque mode d'estimation que l’on ait recours, il sera toujours facile de rectifier les résul- tats obtenus qui, naturellement, ne sont pas exempts d’une certaine erreur. Il suffira, pour cela, de s'assurer, après quelques années d'exploitation, si les bois restés debout dans l'affectation de la période. pourront continuer à fournir le mème produit annuel jusqu'à la fin, et, dans le cas contraire, de faire les corrections nécessaires. En répétant cette opération plusieurs fois, si on le jugeait utile, dans le courant de la période, on finirait par approcher beaucoup de la vérité, la vérification devenant de plus en plus facile et de plus en plus exacte, au fur et à mesure qu'il reste moins de bois sur pied. 427. La première période expirée, on procédera de même pour fixer la possibilité de la seconde, et l’on examinera, en même temps, s'il n’y a pas lieu d'apporter quelques changements aux affectations périodiques, par suite de circonstances survenues ‘ Dendron, arbre ; metron, mesure ; dendrométrie, art de mesu- rer les arbres. 196 PRINCIPES FONDAMENTAUX dans le cours de la période écoulée, et qui influe- raient notablement sur la production; et ainsi de suite de période en période, jusqu’à la fin de la révolution. Chaque nouvelle possibilité différera sans doute, dans la plupart des cas, de la précédente, mais ja- mais au point de compromettre gravement le rapport soutenu. Or, c’est là le degré d’approximation auquel il s’agit d'atteindre. 428. Le mode de fixation de la possibilité par volume, tel qu'il vient d'être développé, doit, selon l'état des forêts que l’on rencontre, éprouver des modifications. Nous les discuterons en parlant de chaque état en particulier. CHAPITRE TROISIÈME. DE L'ASSIETTE DES COUPES. ARTICLE PRMIER. De l’assiette des coupes en général. 429. Lorsqu'il s’agit d'établir une marche ration- nelle dans les exploitations d’une forêt, l'assiette des coupes est aussi importante et souvent aussi difficile que la fixation de la possibilité. Elle exerce l’influence la plus directe sur la prospérité et sur la conservation des bois, et mérite, par conséquent, l'attention toute spéciale du forestier. Les règles sur lesquelles elle s'appuie sont au nombre de cinq; mais 1l n’est pas toujours possible de se conformer à toutes à la fois, parce que souvent l'application de lune contrarie l'application de l’autre. Quand une pareille opposition se présente, c’est au forestier à savoir, d’après les circonstances locales, à laquelle de ces règles 1l doit donner la préférence. 198 PRINCIPES FONDAMENTAUX ARTICLE II. Première règle. 430. Dans une même série d'exploitation, les coupes doivent être assises de manière qu’elles se succèdent de proche en proche, et qu'elles aient la forme la plus régulière possible. Quand l'assiette des coupes se fait sans suite, le jeune bois qui se trouve sur les limites de ces coupes, souffre toujours plus ou moins du couvert des arbres voisins, et, lorsque ceux-ci viennent à être exploités, ils lui causent encore un dommage notable par l’aba- tage, le façonnage et surtout par la vidange. Si les limites sont irrégulières et forment des sinuosités profondes, ce dommage est d'autant plus grand. Enfin, lorsque les exploitations ne se suivent point, il devient plus difficile d'exercer sur les jeunes coupes toute la surveillance qu’elles réclament, en raison des nombreux dégâts que peuvent y commettre les hommes et les animaux. En observant la règle que nous venons d’énoncer, on évite tous ces inconvénients, et l’on se procure de plus l'avantage de juxtaposer des bois peu différents d'âge, qui se prêtent un mutuel appui contre les vents, laneige, le givre, etc., etse poussent réciproquement dans leur croissance en hauteur. Mais dans l’état irrégulier où se trouvent nos forèts DE L'EXPLOITATION DES BOIS. 199 actuelles, on peut rarement établir, dès à présent, une suite non interrompue de coupes; il faudrait pour cela eonsentir à exploiter certaines parties bien avant, et d’autres bien après l’âge d’exploitabilité, ce qui entrainerait nécessairement une perte plus ou moins considérable de produits. On doit donc (du moins pour la première révolution) se contenter d'approcher de l’ordre désirable, en disséminant les coupes le moins possible, et, dans ce but, ne pas hésiter à faire quelques sacrifices, si la trop grande imégalité d’âge des bois les rendait nécessaires. ARPICHENTET. Deuxième règle. 431. Les coupes doivent être disposées de manière que les bois d'une coupe en exploitation ne soient pas dans le cas d'être transportés à travers d'autres coupes précédemment exploitées. Cette règle a pour but de faciliter les transports, _et particulièrement d'éviter les dommages des vidan- ges qui, ne pouvant s’exécuter la plupart du temps qu’à l’aide de nombreux charrois, sont surtout rui- neuses dans les jeunes coupes. Pour s'y conformer, il suffit que chaque coupe soit indépendante des autres, et qu'elle aboutisse directement, soit sur une route ou un chemin, soit sur un ruisseau où le bois puisse se flotter, soit enfin sur les terres riveraines. 200 PRINCIPES FONDAMENTAUX ASR IT CIE AIN, Troisième règle. 432. Dans toute forêt ou série d'exploitation, les coupes doivent être assisesde manière que celles quisont à exploiter aucommencementde la révolution, se trouvent placées du côté du Nord ou de l'Est, et les dernières du côté du Sud ou de l'Ouest. Ce sont les vents soufflant de ces deux points de l'horizon, qui, en général, causent le plus de dégâts dans les forêts, parce que, étant d'ordinaire accom- pagnés de pluies et très souvent d’orages, ils détrempentlaterre et déracinent ainsi plus facilement les arbres. Les vents du Nord et de l'Est au contraire, outre qu'ils sont ordinairement moins violents, amènent presque toujours la gelée ou la sécheresse, et, dans ce cas, les racines offrent plus de résistance. Il est donc très essentiel que les arbres réservés en plus ou moins grand nombre dans les coupes, selon le mode d'exploitation adopté, soient garantis le plus possible des vents dangereux par la masse de la forêt. Cette direction des coupes présente un avantage de plus dans les forêts d’essences à semences légères, parce que ces semences, qui se disséminent en grande partie par les vents chauds du Sud et de l'Ouest, sont dès lors portées, des portions demeurées intactes, DE L'EXPLOITATION DES BOIS. 201 dans celles que l’on exploite, et elles augmentent ainsi les chances de régénération. Quoi qu'il soit à conseiller d'appliquer la troisième règle à toutes les essences, même au chêne qui est la plus fortement enracinée, il faut observer, cepen- dant, qu’elle est surtout d’une haute importance dans les forêts de bois résineux qui, en: général, ont une tige plus élevée et moins de racines que les bois feuillus. La situation des forêts peut seule amener des cas d'exception. On sait, par exemple, que sur les bords de la Méditerranée, ce sont très fréquemment les vents d’Est qui apportent les pluies, et il est égale- ment notoire que, dans les pays de montagnes, la configuration du terrain peut être telle, que les vents, quoique soufflant du Sud et de l'Ouest, vien- nent cependant s’engouffrer dans les vallées, où ils sont détournés de leur direction primitive. Dans de pareilles circonstances, la règle qui nous occupe doit nécessairement subir les modifications indiquées par la localité. 433. On ajoute aux avantages de la règle que nous venons d'examiner, en laissant subsister sur les lisières Ouest et Sud, lorsque les exploitations y parviennent, un rideau d'arbres en massif, d’une profondeur plus ou moins grande {de 15 à 30 mètres), selon que la situation est découverte ou abritée, l'essence traçante ou pivotante, ete. On sait que, sur les lisières, les arbres sont en général plus 202 PRINCIPES FONDAMENTAUX branchus, moins élancés et plus enracimés que dans l'intérieur de la forêt, et que, s'étant développés sous l’action continuelle des vents, ilsrésistent mieux, par suite, à leur violence. En n’exploitant ce rideau que 10 ou 20 ans après que la régénération des parties contiguës sera complètement assurée, on n’aura plus, alors, à se préoccuper que du faible espace sur lequel il s'étend et, au besoin, on le repeuplera artificiellement f. ARTICLE. V. Quatrième règle. 434. Enmontagne, il faut couper d'abord les parties inférieures, et conserver les supérieures pour les dernières exploitations. Ce sont les sommités qui sont le plus exposées aux | ravages des vents, et, lorsqu'elles sont boisées, elles en diminuent la violence. En commençant donc l'exploitation par les plateaux, on doit craindre que les parties des pentes, immédiatement contiguës, ne soient plus suffisamment garanties et que, n'étant ! Le maintien d’un rideau peut être utile encore pour garantir certaines essences contre les vents desséchants ou froids, qui souvent nuisent considérablement aux jeunes plants dans les premières années de leur existence. Dans ce cas, ce n’est pas au Midi et à l'Ouest, mais au contraire, au Nord ou à l'Est que l'abri doit être établi, DE L’EXPLOITATION DES BOIS. 203 pas habituées à subir l’action entière et directe des ouragans, elles ne se trouvent compromises dans leur existence et dans leur régénération. En outre, les semences tombant naturellement du haut vers le bas des montagnes, il est utile que les hauteurs restent garnies le plus longtemps possible, dans l'intérêt du réensemencement des parties inférieures. Tels sont les motifs qui ont dicté cette règle. Mais, que l’on commence les coupes par en haut ou par en bas, 1l est évident que si l’on ne pouvait assurer à chaque coupe quelque moyen direct de vidange, on retomberait tôt ou tard dans l'inconvénient de faire traverser aux bois de la coupe en exploitation les coupes précédemment exploitées. On remédie à cet inconvénient en pratiquant un chemin de voiture en lacets, de manière que toutes les coupes viennent y aboutir. Parfois on éta- blit aussi des chemins à traîneaux * et des lan- ‘ Pour établir ces chemins, on creuse dans la côte un sentier, dans une direction sinueuse et convenablement en pente, et.on le garnit de rondins ou de bois de quartier, placés parallèlement en travers du sentier, et à la distance de 45 à 60 centimètres les uns des autres ; chaque bûche est maintenue par un ou plusieurs piquets enfoncés à fleur de terre. Des deux côtés de ces bûches on adapte parfois des perches, afin d'empêcher le traîneau de sortir de la voie, et l’on a soin de graisser avec du lard, du suif ou du savon les endroits des bûches sur lesquels les membrures du traîneau doivent frotter, pour rendre la descente d’autant plus facile quand le traîneau est fortement chargé. A côté de ce chemin à traîneau on pratique un autre sentier, ou du moins on 204 PRINCIPES FONDAMENTAUX coirs 1. Dans certains cas, cependant, aucun de ces moyens ne peul être employé, soit à cause de la pente trop escarpée de la montagne, soit parce qu'elle se établit un nombre suffisant de places sur les côtés, pour que les traîneaux vides puissent être remontés sans rencontrer en chemin les traîneaux chargés. (Dictionnaire des forêts de Baudrillart.) ‘ Le lançoir ou glissoir artificiel consiste dans un canal de 66 centimètres à 1 mètre d'ouverture, sur 50 centimètres de pro- fondeur; il se compose de six à huit perches ou jeunes tiges d'arbres, longues, droites et unies, assemblées de manière à former un demi cylindre creux, que l’on dispose pour que le bois qu'on y jette glisse de lui-même et se rende au bas de la mon- tagne. Les glissoirs qui ne sont destinés qu’au bois de chauffage ou de travail et même aux billes de sciage, peuvent être dirigés en ligne droite, du haut en bas de la montagne; mais quand ill s’agit d'en construire pour faire glisser des pièces de longueur, on doit les diriger de manière qu'ils forment une longue courbe, afin que les pièces ne tombent pas avec trop de vitesse et n’éprouvent aucun dommage. On doit aussi diminuer la rapidité de la chute, vers l'extrémité du lançoir, en le rendant horizontal à cette extrémité, et l’on y pratique, lorsque cela est possible, un étang ou réservoir d'eau d’une profondeur suffisante pour amortir la violence de la chute et empêcher que les pièces ne se rompent. Ordinairement, la surface du sol, dans les pentes de mon- tagne, n’est pas telle que le lançoir puisse reposer immédiate- ment sur la terre dans tous ses points. On remédie à cet incon- vénient par des cales ou baudets, qui donnent au glissoir le talus nécessaire. Le lançoir est encore susceptible d’une amélioration impor- tante, si, par un temps de gelée, on y répand de l’eau dont la congélation le revêt d’une croûte de glace, ou s’il tombe un peu de neige ou de verglas, ce qui lui procure également une sur- DE L'EXPLOITATION DES BOIS. 205 trouve traversée par des banes de rochers trop consi- dérables. Dans de telles circonstances, si, par une raison majeure on se décidait à commencer les coupes par le haut, 1l faudrait maintenir sur les plateaux unri- deau d’uneépaisseur suffisante [433] pour protégerles versants. Cet expédient devrait par exemple, être, employé si, à cause del’âge des bois, 1l était indispen- sable de régénérer d’abord les parties supérieures. Quant au rideau lui-mème, mis ainsi, par desti- nation, en dehors de toute régénération régulière, il serait traité d’après le mode jardinatoire [438] afin face polie, et diminue le frottement des bois que l’on fait glisser. Aussi dans les pays où l’on emploie ce moyen de vider les bois le pratique-t-on ordinairement pendant l'hiver. La plupart des lançoirs ou glissoirs sont en bois ; Cependant, on en a fait en fer dans quelques pays où l'usage de transporter ainsi le bois est permanent. Dans le Vurtemberg, dit M. Hartig, il y en a un qui, n'ayant que 45 centimètres de largeur sur 27 centimètres de profondeur, est surmonté d’un toit pour que le bois ne puisse sauter en dehors. (Dictionnaire de Baudrillart.) Ces lançoirs sont un des moyens de vidange les mieux en- tendus, et l'établissement en est bien moins coûteux et plus facile que celui d’un chemin à traîneaux. En y jetant les bois, on ne risque pas d’endommager les arbres voisins ni de dété- riorer le sol au point de causer à la longue des ravines dange- reuses, ainsi que cela arrive lorsque, comme autrefois dans les Vosges, par exemple, on lance immédiatement sur la terre. En outre, on ménage singulièrement le jeune bois et, lorsque l’opé- ration est terminée et l'appareil enlevé, on aperçoit à peine la trace du passage des produits de la coupe. (Note de l'Auteur.) 206 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE L'EXPLOIT. DES BOIS. que son action ne fût jamais interrompue. ARTICLE NI. Cinquième regle. 435. Dans tous les cas, les coupes en montagne, autant que les localités le permettront, devront être longues et étroites et présenter leur plus petit côté aux vents dangereux. Cette règle s'explique d'elle-même. LIVRE TROISIÈME DE L'EXPLOITATION DES FUTAIES. DÉFINITIONS. 436. On nomme futaie la forêt destinée à produire principalement des bois de fortes dimensions et à se régénérer par la semence. En général, cette régéné- ration doit s’opérer par les graines tombant naturelle- ment des arbres, et ce n’est que par exception qu’elle a lieu arüficiellement. 437. Une futaie est appelée régulière lorsqu'elle présente, dans toutes ses parties, un peuplement uniforme et complet, des âges convenablement gra- dués, et qu'elle renferme tous les éléments propres à assurer la régénération naturelle. Le plus sûr moyen d'arriver à cette régularité est l'emploi de la méthode d'exploitation connue sous le nom de mé- thode du réensemencement naturel et des éclaircies, 208 DE L'EXPLOITATION méthode qui sera développée dans le chapitre suivant. 438. On nomme irrégulière, au contraire, la fu- taie dont le peuplement est inégal et incomplet, où les âges sont mal gradués, et dans laquelle, par con- séquent, ne se trouvent pas les conditions qui cons- lituent la futaie régulière. Cet état est ordinairement dû à des exploitations routinières et vicieuses. Ainsi l’on trouve communément à l’état de futaie irrégu- lière, les forèts soumises au mode appelé jardinage et celles qui sont traitées à tire et aire, modes dont il sera question plus tard. 439. On exprime par clairière un lieu presque dé- garni de bois et qui ne peutse repeupler naturellement en raison du petit nombre d'arbres qui s’y trouvent. 440. Les places vides sont des espaces entièrement dégarnis de bois, ou tout au plus couverts de quel- ques petits arbrisseaux et arbustes. 441. On n'applique le nom de clairières et de places vides qu’à de faibles contenances ; lorsqu'elles sont considérables, elles prennent le nom de terres vaines et vagues. 442. Une partie de bois est en massif lorsque les branches des arbres se touchent sans être agitées par le vent. 443. Le massif est serré, quand les branches s’en- trelacent ; incomplet ou clairiéré, s'il existe de nombreuses clairières ; entrecoupé, quand il y a des vides. DES FUTAIES. 209 444. Un massif de bois tout jeune, dont les tiges sont encore garnies de leurs branches dès la base, se nomme fourré; quand, par suite de l’état très serré de ces tiges, les branches inférieures sèchent et tombent, nous l’appelons gaulis 1; enfin dès que les tiges atteignent à peu près 10 centimètres de diamètre au pied, nous qualifions le massif de perchis. Parmi les perchis, on distingue encore les hauts-perchis et les bas-perchis. Ceux-ci se com- posent de tiges dont le diamètre ne s'éloigne pas beaucoup de 10 centimètres, tandis que les premiers peuvent présenter des tiges d'une grosseur double. Les hauts-perchis reçoivent aussi, dans certaines localités, le nom de demi-futaies. 445. La dénomination de bois blanc, impropre, mais consacrée par l’usage, indique, parmi les essen- ces feuillues, celles de qualité médiocre et d’une contexture molle, quelle que soit d'ailleurs la cou- leur interne du bois : telssontlesaunes, les tilleuls, les peupliers et les saules. On les eût mieux appelés bois tendres. Par opposition avec cette désignation de bois blancs ou bois tendres, on donne la dénomina- tion générale de bois durs aux autres essences feuillues. ‘ Dans plusieurs départements, la dénominatien de gaulis est donnée au peuplement que nous appelons perchis. Nous avons pensé que ce dernier terme convient au mussif dont lestigesont déjà une certaine grosseur, tandis que le mot gaulis, qui dérive de gaule, nous a paru s'appliquer mieux à des sujets d’un petit diamètre. 14 210 DE L'EXPLOITATION 446. On désigne par les mots morts-bois la plupart des arbrisseaux dont la présence indique ordinaire- ment le mauvais état des forêts : tels sont le sureau, le coudrier, le cornouiller mâle, le cornouiller sanguin, le troëne, les viornes, le fusain, la bourdaine, le houæx, les épines, le genévrier, etc., etc. 447. Parles mots bois abroutis, on entendles jeunes bois broutés par les bestiaux ou par le gibier, et l’é- tat de ces bois se nomme abroutissement. Lorsque les essences sont de nature à bien repousser de souche, on remédie à cet état de détérioration par le recé- page. 448. Recéper, c’est couper à fleur de terre les jeunes tiges, dans le but de les faire rejeter de souche. Cette opération se pratique pour régénérer non seulement les bois abroutis, mais encore ceux qui ont été dégradés par de fortes gelées, des incen- dies, et même par la dent des mulots, qui souvent en pèlent presque entièrement l'écorce; on recèpe dans le même but les bois qui ont langui pendant trop longtemps sous le couvert de grands arbres. 449. Mettre une forêt en défends, c’est en interdire l'entrée aux bestiaux, parce que les jeunes bois nesont pas assez élevés pour échapper à l’abroutissement. 450. On appelle forêt défensable celle qu'on peut ouvrir au pâturage, parce qu'elle n’a plus rien à craindre de la dent du bétail. 451. Lorsque, dans une coupe on laisse subsister un certain nombre d’arbres, pour un temps let dans DES FUTAIES. 21! un but quelconques, ces arbres reçoivent le nom de réserves et, pris dans leur ensemble, ils forment ce qu'on appelle la réserve de la coupe. 452. Les jeunes bois qui s'élèvent sous les réserves s'appellent le sous-bois. 453. Une coupe, exploitée sans aucune réserve, est une coupe à blanc-étoc. CHAPITRE PREMIER. MÉTHODE DU RÉENSEMENCEMENT NATUREL ET DES ÉCLAIRCIES, OU EXPLOITATION DES FUTAIES RÉGULIÈRES. ARTICLE PREMIER. Généralités. 45%. La méthode du réensemencement naturel et des éclaircies consiste à exploiter les futaies de ma- nière à en assurer le repeuplement naturel et com- plet, et à favoriser le plus possible leur croissance, depuis la première jeunesse jusqu’au terme de l’ex- ploitation. Cette méthode repose sur des faits simples et peu nombreux observés dans la nature et, pour la plu- part, expliqués par la physiologie végétale, science que l’on doit prendre pour guide dans toute méthode de culture. DE L'EXPLOITATION DES FUTAIES. 215 455. La graine ne germe que sous l'influence si- multanée de l'humidité, de l’oxigène! et d’un cer- tain degré de chaleur. Quoique le sol ne soit point pour la germination un milieu indispensable, son action, quand la semence s'y trouve placée, n’en est est pas moins très utile. En effet, c’est par son inter- médiaire que celle-cirecoit, dans les proportions con- venables, l'influence des trois agents quenous venons de nommer ; il importe donc que le sol ne soit ni trop léger n1 trop compacte [43]. Il importe encore qu’il soit substantiel ; car dès que la radicule est déve- loppée, elle a besoin d'y trouver des sucs nourriciers qu'elle puisse s’assimiler facilement. 456. La lumière n'est point nécessaire à la germi- nation, et lorsqu'elle est très vive elle devient sou- vent nuisible; aussi la nature nous montre-t-elle la plupart des graines germant à l'ombre. Mais aussitôt que la plantule a percé la terre, elle réclame la lumière qui, pour être bienfaisante, ne doit néan- moins lui être dispensée qu'avec mesure ?. L'action trop intense des rayons solaires peut tuer les plantes naissantes, et plusieurs essences forestières surtout, montrent, sous ce rapport, une grande susceptibilité [126 et 279]. Ce n’est qu'après avoir acquis un certain degré de force sous un abri protecteur, que le jeune plant ‘ L'un des gaz composant l'air atmosphérique. 2 Vovez de Candolle, Physiologie végétale, chap. vtr. 214 DE L’EXPLOITATION peut, sans inconvénient, et même avec avantage, recevoir les influences atmosphériques. Cette époque varie selon le tempérament plus ou moins robuste des essences. 457. À partir du moment où les plants ont acquis assez de vigueur pour croître librement sous l’action des météores, ils présentent, lorsqu'ils sont serrés en massif (ainsi que cela a lieu dans les forêts), une nouvelle série de phénomènes végétatifs. Toute plante, pour croître, exige un certain espace, aussi bien dans le sol pour y étendre ses racines, que dans l’atmosphère pour yétaler ses branches; et, àme- sure de l'accroissement de la plante, l’espace qu’elle occupe devient nécessairement plus grand. Or, il est évident que, dans une jeune forêt, qui dès les pre- mières années s'élève en massif serré, tous les plants composant ce massif ne pourront plus trouver place lorsque, par exemple, ils auront acquis un volume double. De là, la nécessité matérielle d’une dimi- nution dans leur nombre, au fur et à mesure de leur accroissement. On remarque, en effet, dans un tel massif, qu'il s'engage une lutte entre les jeunes plants, qui tous cherchent à s'emparer, dans l'atmosphère, de la place qui leur est indispensable pour déve- lopper leurs branches et participer aux influences de la lumière. Dans cette lutte les brins les plus faibles, manquant d'espace, surmontés et dominés, ne tardent pas, ainsi que les branches inférieures des autres, à sécher et à tomber en pourriture; et c’est DES FUTAIES. 215 ainsi que, d'année en année, le nombre des tiges diminue, et que celles qui persistent, parce qu’elles sont les plus élevées et les plus vigoureuses, se débar- rassent de plus en plus de leurs branches basses, et prennent un fût d’une plus grande longueur. Pendant la première jeunesse de la forêt, l’état serré ne présente pas d'inconvénients; 1l est certain même qu'il offre des avantages, les jeunes brins se prêtant un mutuel appui contre les intempéries et se poussant à croître en hauteur. Mais plus ils avancent en âge, plus la lutte devient opiniâtre, parce que les tiges dominées , quoique privées de l’action de la lumière, sont d’autant plus longtemps à succomber qu’elles sont plus fortes, ce qui dès lors produit un ralentissement marqué dans l'accroissement de tout le massif. Néanmoins, le nombre des arbres diminue toujours insensiblement d’après la même loi. Dans une forèt abandonnée à elle-même, cette opération naturelle continue de la sorte, jusqu’au moment oùle peuplement s’éclaircit assez pour offrir les conditions favorables au développement des plants produits par ses semences. Alors une nou- velle génération se présente pour remplacer celle qui est parvenue à maturité. 458. Tel est le travail de la nature. Il faut cher- cher à l’imiter, non servilement, mais de manière à maintenir et à faire naître, au besoin, toutes les circonstances propres d’une part, à assurer la régé- 216 DE L'EXPLOITATION nération de la forêt, de l’autre, à en améliorer la crors- sance (Voir l’Introduction). Les divers genres de coupes qui constituent la méthode d'exploitation qui nous occupe, doivent toujours aboutir à l’un de ces deux résultats. ARTICLE II. Coupes de régénération. 459. D’après ce que nous venons de voir, les con- ditions de la régénération du massif de futae parvenu à son exploitabilité peuvent se résumer ainsi : 4° Sol meuble et substantiel ; 2° Ensemencement complet du terrain; 3° Abri aux jeunes plants au commencement de leur existence ; 4° Participation des jeunes plants aux influences atmosphériques, selon leur tempérament plus ou moins robuste. Ces conditions, le forestier les réalise par trois coupes successives. 460. Dans la première, appelée coupe d'ensemen- cement, 1] laisse sur pied le nombre d’arbres néces- _saire pour garnir de graines tout le terrain de la partie en exploitation, et pour abriter, tant contre les ardeurs du soleil que contre les gelées, les jeunes plants qui lèvent après la chute des semences. Si la DES FUTAIES. a14 graine est lourde et le jeune plant délicat, comme cela arrive pour le hêtre, par exemple, les arbres devront être assez nombreux pour que les extrémités de leurs branches se touchent lorsqu'un léger vent les agite, et dans ce cas, la coupe sera dite sombre. Mais si, au contraire, les graines sont légères et les jeunes plants robustes, les arbres pourront être écartés davantage. [l est essentiel qne la réserve se compose, autant que possible, d'arbres sains et vigoureux, susceptibles de fournir abondamment de bonnes semences. La coupe d’ensemencement satisfait évidemment aux trois premières conditions que nous venons d’é- noncer. En effet, elle conserve, par son couvert, le sol meuble’ et substantiel (terreau) qui s’est formé sous le massif et qui, joint au lit de feuilles, facilite la germination de la graine et le développement du jeune plant; elleassure l’ensemencement complet; enfin elle procure à la jeune plante l'abri qui convient à son tempérament. 461. Aussitôt que les jeunes bois ont acquis un eertain degré de force, ce dont on s'assure surtout par la forme de leur cime et par l'aspect de leur ‘ Rien ne s'oppose à ce que, dans les coupes d’ensemence- ment, on déracine les souches des arbres abattus. Cette extrac- tion augmentera les produits en matière et pourra, là où le ter- rain n’est pas suffisamment meuble, le préparer à recevoir uti- lement la semence des arbres de réserve. Il n’y a d'exception à cet égard que pour les pentes un peu raides, dans lesquelles cette opération pourrait avoir pour suite l’éboulement des terres. ss + 218 DE L'EXPLOITATION feuillage dans la saison de la végétation, 1l devient nécessaire de les faire participer davantage au bien- fait de la lumière et de l'air. La coupe qui doit remplir ce but, et qui consiste à éclaircir la réserve, c'est-à-dire à en abattre une partie, se nomme coupe claire où secondaire. Dans cette opération, on enlève de préférence les arbres qui surmontent les plants les plus vigoureux et les plus élevés, en ayant soin cependant d’en laisser quelques-uns afin de con- server l'ombrage encore utile. On n’en coupe aucun dans les places où l’ensemencement n’est pas complet, et où les jeunes brins sont encore trop faibles. Lorsque le tempérament du jeune plant est très délicat, et que l'exposition et le climat rendent les chaleurs ou les gelées redoutables, on fera bien d’ef- fectuer la coupe secondaire en plusieurs fois, c'est-à- dire, d’éclaireir la réserve insensiblement, de ma- nière à acchimater plus sûrement le sous-bois. 462. Enfin, lorsqu'on est assuré que le sous-bois est assez fort pour se passer de tout abri, on procède à la coupe définitive en abattant le restant de la ré- serve. N'’étant plus dominés d'aucune manière, les jeunes brins s’élancent dès lors et prennent une crois- sance rapidef. ‘ C’est à tort que certains forestiers persistent, même après la coupe définitive, à maintenir des réserves sur les petites claï- rières qui peuvent exister, çà et là dans la coupe, par suite de causes diverses. Cette précaution est vaine. D'abord ces arbres DES FUTAIES. 219 Dans certaines circonstances, on conserve dans les coupes définitives quelques arbres que l’on des- tine à parcourir une seconde révolution, afin d’ob- tenir des bois de dimensions très fortes. Ces réserves doivent être placées sur le bord des chemins et sur les lisières de la forêt. Dans cette situation elles por- teront moins de préjudice au sous-bois, et elles pourront d’ailleurs être extraites sans difficulté, si le dépérissement ou des besoins extraordinaires for- çaient à les abattre. 463. Comme on le voit, la coupe secondaire et la coupe définitive sont destinées à accomplir la qua- trième et dernière condition de la réussite du repeu- plement naturel. Il est presque inutile d’ajouter que, pour assurer le succès de ses travaux, le forestier doit prendre les mesures de police et de surveillance nécessaires, afin de garantir les Jeunes semis de tout dommage extérieur, qui pourrait être causé soit par les hommes, soit par le bétail ou le gibier. 464. L'exposition et la nature du sol doivent faire varier le nombre des arbres qu'il convient de ré- server dans la coupe d’ensemencement comme dans isolés sont la plupart du temps renversés ou brisés par les vents ; en second lieu, le sol, dans ces endroits, est ordinaire- ment ou couvert de plantes nuisibles ou durei au point qu'au- cune graine ne saurait y réussir. Le meilleur moyen est donc d’abattre tous les arbres en mème temps et de régénérer artifi- ciellement les places dont il s’agit. La plantation, dans ce cas, est préférable au semis, en ce qu'elle établit plus d'égalité dans l’âge des jeunes tiges. 220 DE L'EXPLOITATION la coupe secondaire. Elles peuvent en même temps faire avancer ou retarder la coupe secondaire. Ainsi, dans les terrains qui ont une disposition prononcée à se gazonner et à se couvrir de plantes nuisibles, de même que sur les pentes méridionales, où le soleil frappe vivement et où la terre est sèche et légère, il est indispensable de serrer la réserve des coupes d’ensemencement et de modérer, en les retardant, les extractions dans les coupes secondaires. Par là, on ombragera plus efficacement le sol et les jeunes plants, et l’on arrêtera la crue des mauvaises herbes. Les mêmes précautions devront être prises en ap- prochant de la lisière des bois et sur les sommets où le vent disperse facilement le lit de feuilles. En partant de ce principe, on peut laisser moins d'arbres sur pied, à mesure queles coupes s’éloignent ‘ Plusieurs auteurs allemands estimés, entre autres M. de Berg, enseignent que, dans les sols secs et aux expositions méri- dionales, les coupes secondaires doivent être entreprises plus tôt et éclaircies plus fortement que dans les terrains frais et abrités, afin, disent-ils, de faire profiter les jeunes plants de l’in- fluence bienfaisante des pluies douces et des rosées. Mais s’il est incontestable que ces météores sont favorables au sous-bois, il est évident aussi, d’un autre côté, qu'en le découvrant, comme on le conseille, on l’expose à être saisi par les fortes chaleurs ou par les gelées printanières. Nous pensons que mieux vaut encore risquer de retarder un peu la végétation des jeunes plants par trop de couvert, que s’exposer à les perdre par l'excès con- traire ; car, la réserve une fois amoindrie, il deviendrait difficile, sinon impossible, d'obtenir une nouvelle et complète régénéra- lion naturelle des arbres restants. DES FUTAIES. 221 de l’exposition du Midi ou qu’elles sont moins su- jettes à se gazonner. Toutefois, on ne devra jamais perdre de vue l’ensemencement que doit procurer la coupe sombre, ni l’abri que doit procurer la coupe secondaire. ARTICLE III. Coupes d'amélioration. 465. Pour que la jeune forêt produite par les trois coupes successives, puisse désormais prendre tout le développement dont elle est susceptible, il importe que l’art, toujours attentif aux indications de la nature, continue à seconder celle-ci et à hâter l’'accomplissement de son œuvre. Dans la plupart des cas, le besoin de cette intervention ne tarde pas à se faire sentir. En effet, quelle que soit l’attention que l’on mette à bien espacer les arbres dans la coupe d’ensemencement, et à amener la reproduction des meilleures essences, il ne s’y introduit pas moins des bois tendres, dont les graines légères sont apportées de loin par les vents et lèvent avec une grande faci- lité. Ces bois tendres, auxquels se joignent les morts- bois, étant d’une végétation très prompte, ne tardent pas à dominer les plants des essences plus pré- cieuses et à les gêner dans leur croissance. Dès qu’on s'aperçoit de cet état de choses, on doit se hâter de procéder à l'extraction des bois tendres et des morts- bois. Cette opération se nomme coupe de nettoiement. 222 DE L EXPLOITATION Ce serait une grande faute de la retarder en vue de donner plus de valeur aux bois tendres; le dommage qui en résulterait pour les bonnes essences, serait bien loin d’être compensé par l'augmentation de prix qui en résulterait pour les autres. L'époque à laquelle les coupes de nettoiement doivent se faire ne peut être précisée, c’est l’ins- pection des lieux qui seule doit en décider. Dès que les essences parasites gènent, 1l faut les faire dis- paraître ; si elles se reproduisent et gênent encore, le nettoiement doit se répéter; et ainsi de suite, Jusqu'à ce qu’enfin l'essence que l’on veut propager aitentièrement pris le dessus !. 466. Lorsque la jeune forêt se trouve débarrassée des bois tendres, et que, par suite de la lutte d’ac- croissement dans laquelle les jeunes plants sont en- gagés, elle passe de l'état de fourré à celui de gaulis, le moment est venu d’aider la nature dans la sup- pression des bois dominés. Les coupes à faire dans ! Il n’est pas toujours bon de supprimer à la fois tous les bois blancs qui se sont logés parmi les bonnes essences. Quand le repeuplement n’a pas également bien réussi dans toutes les par- ties de la coupe, il devient nécessaire, dans les places incomplé- tement garnies, d'appuyer les tiges d'élite qui, seules, ne sau- raient se soutenir et couvrir le sol. Mais, comme il importe en même temps que ces tiges ne puissent pas être dominées par les voisins qu’on leur aura conservés, on fera étêler, parmi ces derniers , ceux qui pourraient devenir nuisibles, de manière à les réduire sûrement au rôle d’auxiliaires qu’on leur destine. Aussitôt que les bonnes essences seront suffisamment fortifiées pour former massif, les bois blancs devront être extraits. DES FUTAIES. Red ce but ont été nommées éclaircies périodiques, parce qu'on les renouvelle à des époques fixes. Pour en comprendre l’économie, il est nécessaire d'établir les trois points suivants : 1° Règles d’après lesquelles doivent être exécutées les éclaircies ; 2° Age auquel on doit entreprendre la première ; 3° Epoques auxquelles il convient de les répéter. 467. L'opération des éclaircies consiste à couper les tiges les plus faibles et les plus mal venantes, celles qui sont surmontées ou près de l'être et dont la végétation est languissante, enfin, les rejets de bois tendres qui se seraient reproduits après les net- toiements. On peut en même temps couper quelques tiges bien venantes dans les parties où le peuple- ment est épais, mais en y mettant une grande pru- dence. La principale règle à observer dans ce genre de coupe, c'est de laisser le peuplement dans un état convenablement serré, en un mot de ne pas inter- rompre le massif. Dans un jeune peuplement qui jus- qu'alors a crû dansun état très serré les brins sont grê- les et ont grand besoin d'appui. Une éclaircie impru- dente lesrendrait victimes des orages, les ferait cour- ber sous le poids de la neige ou du givre, et même sous le poids de leur propre cime. L'état de massif est tellement indispensable, qu’il faudrait, s’il en était besoin, conserver même des perches mal venantes et des boistendres qui, dans ce cas, feraient office detu- teurs, et subsisteraient jusqu’à la prochaine éclaircie. 224 DE L'EXPLOITATION [ne faut pas perdre de vue d’ailleurs, que les jeunes arbres doivent s’élancer et atteindre la hauteur dont ils sont susceptibles, cequine sauraitavoirlieus’ilsne croissaient en massif. Dansun peuplement plus âgé, les inconvénients d’une éclaircie trop forte ne seraient pas moins graves. Il en résulterait, en effet, que le sol se dessécherait et se durcirait à la surface, ce qui est défavorable à la végétation ; ou qu’il se cou- vrirait de gazon et de plantes nuisibles, qui feraient plus tard obstacle à larégénération, ou bien, enfin, s’il se présentait une année de semence, on verrait naître un jeune repeuplement qui, dans certains cas, ne serait pas moins gênant, la forêt n'ayant point encore atteint son exploitabitté. L'éclaircie, telle qu’elle vient d’être expliquée, est l’éclaireie normale où moyenne, c'est-à-dire, celle qui, dans la plupart des cas, satisfait au but que l’on se propose. Toutefois, de mème que dans les coupes de régénération [464], le nombre des tiges à conser- ver dans les éclaircies périodiques doit varier sui- vant l'exposition, le sol, et aussi suivant l'essence : ainsi, dans un terrain de bonne qualité, exposé au Nord ou à l'Est, ou situé en plaine, une jeune forèt peut être plus largement éclaircie, pourvu toutefois que, dans la localité, les dégâts météoriques ne soient point à redouter. Ce résultat s'obtient par l'extraction d’abord de tous les sujets dominés et, en outre, parmi les dominants, des brins les plus grêles, qui ont la cime étriquée, et qui empêchent les tiges _— DES FUTAIES. 229 d'élte de développer leur tête circulurement. Une telle échurcie est dite forte; elle favorise nécessaire- ment au plus haut degré l'accroissement des arbres, en leur procurant de l’espace pour étendre à la fois leurs racines et leurs branches. Mais, lorsque, au contraire, les conditions de sol, d'exposition et de situation sont défavorables, l'éclaireie doit être faible, c'est-à-dire qu'elle doit se borner à suppri- mer les tiges mortes en cime ou tout à fait dépéris- santes, conservant de la sorte non seulement toules les tiges dominantes sans exception, mais encore une partie de celles qui sont surmontées. Celte opéra- ion, on le conçoit, a surtout en vue d'assurer au sol une formation abondante de terreau, de le garantir des ardeurs du soleil et de mettre les massifs en état de résister aux météores nuisibles (vents, neige, givre, etc. ). Elle sera d’une application générale en approchant de la lisière de la forêt, ou de toute autre parlie très exposée aux vents, afin de prévenir la dispersion du lit de feuilles si essentiel à la végéta- lion, surtout des jeunes peuplements. 468. L'âge auquel il convient d'entreprendre la première éclaircie ne peut être fixé; 1l dépend de la rapidité de l'accroissement sur lequel influent l’es- sence. le sol et le climat. Le principe que l’éclaircie devient utile aussitôt que le massif passe à l’état de qgaulis, est incontes- table. Seulement, lorsque des accidents météoriques sont à redouter, il ne faut la faire que faible. Dans 15 226 DE L'EXPLOITATION les forêts soumises au régime forestier 1, on hésitait autrefois à entreprendre des éclaircies dans les gau- lis, parce que le personnel administratif, auquel elles pouvaient être confiées, n’était ni assez nombreux, ni généralement assez instruit pour les diriger avec tout le soin et l'intelligence nécessaires. On conseillait, par suite, de n’entreprendre la première éclaircie que quand le peuplement est à l’état de perchis, les tiges à enlever élant alors plus faciles à distinguer, les produits qu’on en retire plus avantageux, et les fautes que l’on pourrait commettre moins dange- reuses. Mais, de saines notions de sylviculture sont aujourd'hui répandues parmi les fonctionnaires des forêts, à tous les degrés de la hiérarchie; le nombre de ces fontionnaires a été successivement augmenté et, dans son zèle éclairé pour l’amélioration de la production forestière, l'Administration supérieure à su donner, en peu d'années, aux importantes opé- rations dontils’agit, une impulsion qui l’honore gran- dement”?. On peut donc affirmer que dès à présent, ‘ Ce sont celles que régit l'Administration publique. 2 C'est surtout en autorisant et en encourageant les exploita- tions dites par économie que l'Administration a assuré l'application en grand des éclaircies périodiques dans les forêts qui lui sont confiées. Ce mode, comme on sait, consiste à faire abattre et façonner les bois, non plus par des adjudicataires qui les ont achetés sur pied après désignation préalable, mais par des ou- vriers employés; soit à la journée, soit à la tâche, sous la direc- tion spéciale des agents et préposés forestiers, après quoi seu- lement les produits de l'exploitation sont livrés à la consom- mation. DES FUTAIES. Re il n'existe plus d'obstacles sérieux, si ce n’est dans quelques cas exceptionnels, à ce que les règles de la science forestière reçoivent leur entière application, en ce qui concerne les éclaircies périodiques, dans les forêts administrées par l’État. 469. Quant aux époques auxquelles les éclaircies doivent se répéter, elles dépendent également des conditions de la végétation. Lorsque les massifs croissent rapidement, il peut être utile de les éclair- eir tous les cinq ans, du moins dans leur jeunesse, sauf plus tard à laisser s’écouler un intervalle plus considérable. Quand la croissance est moins active, une éclaircie faite de dix en dix ans dans la jeunesse, et tous les vingt ans à un âge plus avancé, sera suf- fisante. Entre la dernière éclaircie et la coupe d’en- semencement qui doit lui succéder, il convient de laisser un intervalle de vingt ou au moins de quinze années, afin que les arbres puissent profiter du bien- fait de l’éclaireie avant d’être abattus. 470. Les avantages qui résultent des éclaircies sont de la plus grande importance. Elles procurent une augmentation considérable dans les produits, car tous les arbres dominés, qui naturellement au- raient péri en forêt, lournent entièrement au profit de la consommation et au bénéfice du propriétaire. Les brins, faibles à la vérité, que l’on coupe dès la première éclarcie donnent du chauffage, du char- bon, et peuvent même servir à différents autres usa- ges ; ils ne sont pas à dédaigner, surtout dans les pays RES DE L'EXPLOITATION où le bois à de la valeur. Dans les éclaireies subsé- quentes, à mesure qu'elles sont assises dans des paries plus âgées, on obtient des bois de travail et de service d'un plus grand prix. Tous ces produits, malgré leur importance, ne sont cependant qu'acces- soires, et loin de nuire au produit principal (celui des coupes de régénéralion), ils tendent à l’augmenter. En effet, lorsque les arbres sont trop serrés, lorsque leurs cimes se pressent el que leurs racines sont en- trelacées, ils ne s’assimilent qu'en faible proportion les substances qui leur sont nécessaires, et faute d’es- puce pour développer leurs organes denutrition (raci- nes et feuilles), ils s'étiolent et contractent des tares souvent cachées, qui d’abord ralentissent leur crois- sance, et plus tard, entraînent prématurément le dépérissement et mème la mort. Mais, quand, en lemps utile, on à diminué leur nombre, les arbres restants prosperent, s’élancent et grossissent, pour «ainsi dire, à vue d'œil. Les éclaircies favorisent l'accès du soleil, et per- mettent à l’air de circuler plus librement dans les massifs de forèts, ce qui contribue à donner aux fibres du bois la force et la souplesse exigées pour les différents emplois. On à reproché autrefois aux futaies de fournir un bois tendre, bien inférieur à celui des arbres crus isolément: ce défaut disparait par suite des éclaircies périodiques qui font participer les arbres aux influences de l'atmosphère et procurent à leurs tissus le degré de solidité convenable. DES FUTAIES. pa) Enfin, les éclurcies débarrassent les forèts d'une quantité de bois qui, par leur pourriture, auraient favorisé la multiplication de plusieurs insectes, par- liculièrement de quelques coléoptères qui se logent entre l'écorce et l’aubier, ainsi que dans l’intérieur du corps ligneux, et qui, dans les forêts résineuses surtout, étendent souvent leurs ravages de la manière la plus désastreuse. ART ÉCTLETDV. Fixation de l’exploitabilité et de la possibilité dans les futaies. 471. L'exploitabilité d'une futaie ne peut être fixée ni avant le temps où les arbres commencent à porter abondamment de bonnes semences, ni après celui où ils cesseraient d'être propres à la production d'un repeuplement complet. Du reste, cet objet doit se régler conformément aux principes que nous avons développés dans le second Livre [406, #11 et 414.1. 472. Quant à la possibilité, elle doit être basée sur le volume, attendu que la diversité des coupes dont les produits sont destinés à la composer, ne saurait admettre des exploitations à contenances égales, ainsi qu'on le verra dans l’article suivant. 230 DE L'EXPLOITATION ARTICLE V. Marche des exploitations dans une futaie régulière. 473. Pour avoir une idée complète de la méthode du réensemencement naturel et des éclaircies, il convient de considérer la marche des exploitations dans une futaie régulière où cette méthode reçoit son application. Cet examen sera surtout utile en ce qu'il montrera ce qu'est, dans son ensemble, la futaie à l'état normal, état auquel l'art du forestier doit chercher à ramener toutes les forèts. Soit une telle forêt soumise à une révolution de cent ans, divisée en cinq périodes de vingt ans, à chacune desquelles est affectée une étendue dé- terminée [425]: on aura dans les bois de chaque af- fectalion, en se supposant placé au commencement de la révolution, les gradations d’âge suivantes : Dans l’affect. de la 1" pér., les bois de 100 à 81 ans. — D — 80 61 _ 5) —— 60 41 — 4° — 40 - 24 — 5 == 20 et au-dessous. Dans lexamen qui nous occupe, nous considè- rerons les exploitations telles qu’elles devront avoir lieu pendant la première période : d’abord, les coupes de régénéralion à asseoir dans l'affectation DES FUTAIES. 231 de cette période, et qui fourniront les produits prin- cipaux; puis, les coupes d'amélioration qui doivent parcourir les autres affectations et dont les produits ne sont qu'accessoires. Ce que nous dirons de la marche de ces exploitations pendant la première pé- riode s’appliquera aussi aux périodes suivantes, la forêt demeurant dans les mêmes conditions. 474. Au début, les coupes de régénération à en- treprendre ne consistent évidemment qu'en coupes d’ensemencement, qui peuvent se succéder de proche en proche dans un ordre parfait. Ce n’est que quand les jeunes repeuplements se présentent, que cette régularité devient impossible, parce qu'alors las- siette et la nature des exploitations ne peuvent plus être déterminées que suivant les progrès des sous- bois. Dès ce moment, c’est au forestier à apprécier chaque année, d’après l’élat de ces sous-bois ou d'aprèsles apparences deréussite des graines, quelles sont les coupes qu'il convient d'effectuer. Que, par exemple, il constate sur un point l'ur- gence de la coupe définitive, et que, sur un autre, il trouve la coupe secondaire non moins nécessaire, il y aura lieu de les effectuer toutes deux immédia- tement; et si les produits de ces deux coupes sont Im- suffisants pour parfaire la possibilité, il faudra asseoir encore une coupe d'ensemencement sur un troisième point. Telle est la marche que doivent suivre les coupes de régénération: si on voulait leur en imprimer une 238 DE L'EXPLOITATION plus régulière, on s'exposerait à mal seconder la na- ture, et l'on pourrait dès lors se priver d'une grande partie des avantages que doit procurer la méthode du réensemencement naturel. 475. On a souvent tenté d'établir la possibilité de ces exploitations par contenance; mais 1l est facile de prouver que, pour assurer au forestier la latitude dont il a besoin, la possibilité fondée sur le volume est seule convenable. Supposons, en effet, que l’on veuille adopter la possibilité par étendue, on pourra bien, à la vérité, ne point rencontrer d’obstacle pendant les premières années de la période, attendu que, n’avant à faire alors que des coupes d’ensemencement dont les arbres doivent être espacés à peu près partout de même, il est dans les choses possibles que, sur d’é- gales surfaces, les produits matériels soient appro- ximalivement égaux. Mais, dès que les coupes secondaires et définitives deviendront nécessaires, 1l n'en sera plus ainsi, parce que, dans ces coupes, le nombre des arbres à abattre varie selon les sols, les situations, les expositions, et surtout selon l’état des sous-bois, ce qui fait varier, par conséquent, les produits qu'elles fournissent sur une étendue déter- minée ?. | Si, au contraire, on base la possibilité sur le vo- lume, on sera parfaitement libre d'asseair el d’effec- 1 Voir l'Appendice. DES FUTAIES. 200 tuer les coupes en leur donnant une contenance plus ou moins grande suivant les besoins du peuple- ment. 476. Les considérations d'après lesquelles doit se régler la marche des coupes d'amélioration étant différentes, la base de la possibilité relative à ces coupes ne doit plus être la même. Ces coupes, en effet, n’ont point pour objet prin- cipal de procurer des produits, comme les coupes de régénéralion : elles sont entreprises surtout en vue d'accélérer la croissance des arbres destinés à par- venir au terme de la révolution, et de leur procurer les plus belles dimensions et les qualités les plus précieuses. L'égalité des produits dans ces opéra- lions n'est donc que secondaire; pour qu'elles ré- pondent complètement à leur but, il importe que les coupes de nettoiement et les éclaircies du premier âge puissent s'exécuter dès l'instant où elles sont Jugéesnécessaires; et, quant aux éclaircies suivantes, il est plutôt à désirer qu'elles se renouvellent à des époques fixes. Il serait donc convenable d'imprimer à celles-ci la marche la plus régulière possible, et, au contraire, pour les autres, de laisser le forestier entièrement libre de les faire quand et comme il le Jugera à propos. Or, pour établir dans une exploitation une marche parfaitement régulière, le meilleur moyen, incon- testablement, est de prendre pour base la possibilité par contenance, el c'est, par conséquent, celle qu'il 234 DE L'EXPLOITATION convient d'adopter pour les éclaircies périodiques, d'autant plus que rien ne s’y oppose dans la nature de ces opérations. 477. En admettant ces règles, on aura à faire annuellement, dans la futaie normale proposée pour exemple, trois genres distincts de coupes, savoir: 1° Dans l'affectation de la première période, coupes de régénération, basées sur la possibilité par vo- lume; 2° Dans les affectations de la 2°, de la 3° et de la 4° période, éclaircies périodiques par contenances égales; 3° Dans l'affectation de la 5° période, nettoiement des bois blanes et premières éclaireies à exécuter ou à négliger, selon l’état du peuplement, et sans s’as- treindre à aucune possibilité. ARTICLE VI. Abatage, façonnage et vidange dans les futaies. 478 L'époque la plus favorable pour l’abatage des arbres dans les futaies paraît être la fin de l’au- tomne et l'hiver ; toutefois on devra suspendre les travaux pendant les grands froids, sous l'influence desquels les arbres éclatent et se rompent facilement dans leur chute. Dans les climats tempérés, c’est or- dinairement au 45 octobre que l’onfixe le commence- DES FUTAIES. 299 ment de l’abatage; dans les climats plus froids, on peut commencer dès la mi-septembre, parce que le végétation s'arrête plus tôt; et dans les pays chauds, la raison contraire pourra faire différer la coupe. Pour les essences feuillues, il est à peu près géné- ralement reconnu que les bois coupés dans la saison morte sont d’une plus longue durée lorsqu'ils sont mis en œuvre, et 1l semble certain aussi qu'employés au chauffage, ils brülent plas facilement et donnent même plus de chaleur que ceux qui ont été abattus dans le temps de la végétation. Quant aux essences résineuses, elles ne paraissent pas éprouver les mêmes inconvénients de la coupe en temps de sève: il est au contraire assez habituel, dans les contrées que ces essences habitent, de les exploiter en été, et beaucoup de praticiens estimés sont d'avis qu'en prenant la précaution de les écor- cer aussitôt après l’abatage, les bois gagnent mème en dureté et en solidité, outre qu'ils deviennent plus légers, et par suite, d'un transport plus facile !. Mais eu égard à la vidange des bois, l’abatage en hiver est préférable pour toutes les essences, parce qu'il permet de transporter les bois avant le retour de la sève, ce qui est de la plus grande importance dans les coupes secondaires et dans les coupes défi- niives: en effet, lors de l'ascension de la sève, ! Voyez Annales forestiéres, 1° volume, page 30, 236 DE L'EXPLOITATION comme par les grands froids, les jeunes bois sont plus cassants qu'aux autres époques de l’année. 479. Une mesure non moins essentielle à prendre dans l'exploitation des coupes secondaires et des coupes définitives, surtout lorsque le sous-bois a déjà quelque élévation, c'est de faire ébrancher les arbres jusqu'à la cime, avant l’abatage !. En outre, on doit veiller à ce que les branchages soient immédia- tement relevés, faconnés et sortis de la coupe; el ensuile, à ce que l'arbre soit dirigé, dans sa chute, de manière à tomber du côté où 1l eausera le moins de dommage. Sur les pentes, c'est en général vers le sommet de la montagne qu'il faudra chercher à faire tomber les arbres. Aulant qu'on le peut, on doit interdire aux voi- tures l'entrée des coupes, et faire enlever à dos d'homme, ou par d’autres moyens peu nuisibles, les bois de chauffage et de travail. En montagne, les chemins à traineaux et les lancoirs doivent, le plus possible, être pratiqués; mais, dans les localités où ces chemins ou ces lancoiïrs ne peuvent être employés, l'époque la plus propice pour la vidange ! Cet ébranchement doit, autant que possible, se faire en com- mençant par en bas ; lorsqu'on procède en sens inverse, ce qui est plus facile pour l'ouvrier, les branches supérieures s’amoncèlent souvent sur les inférieures, et quand ensuite on coupe celles-ci, leur chute cause des dégâts assez considérables, DES FUTAIES. 231 est celle où la terre est couverte de neige, hors ce- pendant le moment des trop grands froids. Toutefois, les mesures de précaution que nous venons d'énumérer ne doivent pas être poussées trop loin; leur exagération pourrait diminuer la valeur des bois, en augmentant plus que de raison le prix du faconnage et de la vidange. Ces mesures 1n- diquent ce qu'il y à de mieux à faire pour ménager le sous-bois ; c’est à l'intelligence du forestier à les modifier selon les circonstances. Ainsi, dans les forêts situées en plaine, et peuplées d’essences feuillues, les coupes, lorsque les repeuplements sont com- plets, n’exigent pas ordinairement l'enlèvement à dos d'homme des bois coupés. Les jeunes brins peuvent bien être endommagés momentanément par le pas- sage des voitures, mais ils se relèvent bientôt, et le dommage, après un laps de temps assez court, ne s'aperçoit plus, si l’on a soin surtout de recéper 1m- médiatement les tiges qui ont été brisées. Il n’en est pas entièrement de mème des essences résineuses;: elles demandent plus de soins, car, écrasé, le Jeune brin se relève rarement ; cassé plus bas que le dernier verticille, 11 ne réussit presque jamais à former une nouvelle cime; et les blessures de l'écorce, si elles pénètrent jusqu’à l’aubier, donnent lieu à des plaies chancreuses que l'arbre conserve en général pendant toute son existence. 238 DE L'EXPLOITATION ARTICLE VII. Essences propres à la futaie. 480. Toutes les essences peuvent être exploitées en fulaie, puisqu'elles possèdent toutes la propriété de se régénérer par la semence. Mais 1l y en a un certain nombre pour lesquelles ce traitement est particulièrement avantageux. Ce sont, en dehors des essences résineuses auxquelles, comme on le sait, tout autre mode de reproduction est refusé, le chêne et le hôtre. CHAPITRE DEUXIÈME APPLICATION DE LA MÉTHODE DU RÉENSEMENCEMENT NATUREL ET DES ÉCLAIRCIES. ARTICLE PREMIER. Exploitation du chêne en futaie. 481. Exploitabilité. — Dans quelques forêts de chêne, les révolutions ont été portées jusqu'à 250 et même 300 ans. De telles révolutions sont admissibles dans un sol profond et substantiel, maisil est certain que, dans le plus grand nombre des cas, on ne peut que perdre à reculer ainsi l’exploitation. En général, l’exploitabilité du chène doit être fixée à l'époque où les arbres ont acquis les dimensions et les qualités les plus convenables à tous les genres de construction 240 DE L'EXPLOITATION et de travail. Le chène, comme on sut, se plail dans des terrains substantiels, profonds el divisés, mais il croit bien aussi, quoique moins rapidement, dans des sols assez compactes, argileux et froids. En le laissant atteindre l’âge de 140 à 150 ans dans les premiers terrains, el.celui de 160 à 180 ans dans les autres, on obtiendra de cet arbre tout ce que l’on peut en attendre, au point de vue des dimensions et de la qualité. Que si enfin, on avait à élever une futaie de chêne dans un climat chaud et humide, il pourrait être convenable de réduire sa révolution mème jusqu'à 120 ans. 482. Coupes de régénération. — La coupe d’en- semencement, dans une futaie de chêne, doit être sombre, afin que le repeuplement complet du terrain soit assuré, ce qui ne saurait avoir lieu si les arbres étaient trop espacés, attendu le poids du gland. Cet élat sombre a encore pour but: d'abord, d'éviter qu'avant la chute des semences, le terrain ne se ga- zonne et ne se couvre de plantes nuisibles; ensuite, de conserver le lit de feuilles sèches qui, tout en ajoutant à la fertilité du sol, préserve les glands tombés de la gelée et favorise leur germinalion. Malgré cette précaution, c'est chose fort ordinaire de voir, dans les coupes sombres, le terrain se ga- zonner ou se lasser au point de devenir impropre à la reprise du gland, lorsqu'il se passe plusieurs années sans glandée: car les chènes, surtout quand ils ont erû en massif, ne donnent qu'un faible couvert. l DES FUTAIES. 241 Dans ce cas, 1l convient, dès que la glandée à lieu, de faire remuer le terrain, soit à la houe, soit par les pores, afin de mieux assurer la germination des se mences !. Le jeune plant du chêne ne demandant et ne sup- portant même que très peu d’abri, 1l faut se hâter, une fois l’ensemencement produit, de procéder à la coupe secondaire. Elle doit se faire dans l'hiver qui succède à celui de la glandée, ou, au plus tard, vers la fin de l’année suivante. Si l'on attendait plusieurs ‘ Dans plusieurs parties de la France, notamment dans le Nord et dans l'Est, ct aussi dans quelques régions monta- gneuses du Midi et du Centre, où les glandées ne se voient qu'à d'assez longs intervalles [71], les difficultés qu'éprouve la réus- site du repeuplement naturel, dans les coupes sombres, ont re- buté certains forestiers au point de leur avoir suscité l'idée que le chène ne pouvait se régénérer sûrement que par le semis artificiel ou la plantation, l’un ou l’autre succédant immédiate- ment à la coupe à blanc étoc des massifs de futaie. — C'est le retour à l’enfance de l’art. — Sans nous autoriser des nombreux et magnifiques exemples de régénération naturelle que pré- sentent les futaies de chêne de la France dans toutes les régions où les glandées sont tant soit peu fréquentes, et sans parler des dépenses considérables qu’exigerait l'emploi du mode dont il s'agit, s’il devait se pratiquer sur une grande échelle, il nous suffira de faire remarquer que, dans beaucoup de localités, — par exemple dans les sols légers, siliceux ou calcaires, sur les versants un peu rapides ou aux expositions chaudes, — il y aurait la plupart du temps de sérieux inconvénients, parfois même du danger, à déboiser complètement le terrain et à le laisser, pendant quelques années au moins, exposé à l'influence directe des météores. Non seulement tout le terreau formé à la surface du sol sous le couvert salutaire de la futaie se- 16 242 DE L EXPLOITATION années, on risquerait de voir périr les jeunes chênes sous le couvert de la coupe sombre f. On doit, par le mème motif, ne pas retarder la coupe définitive : on y procèdera, au plus tard, dans la quatrième année après celle de l’ensemen- cement. Comme le chène estun arbre extrêmement précieux, et qu'il faut, pour certaines constructions, surtout pour les constructions navales, des pièces de très fortes dimensions, il est à conseiller de laisser quel- rail dans ce cas desséché par le soleil et lavé par les eaux, mais souvent la terre végétale elle-même serait entraînée des pla- teaux et des pentes dans le fond des vallées. Heureusement rien, dans la culture des futaies de chène, n'oblige à courir de pareils risques.— Tout en continuant à pra- tiquer la méthode du réensemencement naturel dans ce qu’elle a d’excellent et de supérieur, le forestier prudent saura en mo- difier l'application, en faisant intervenir le repeuplement artifi- ciel partout où les circonstances locales l’exigeront, c’est-à-dire toutes les fois que, soit la trop grande rareté des années de glandée, soit l’état du sol à la surface, feront prévoir, pour la réussite du repeuplement naturel, des retards qui seraient de nature à embarrasser la marche des exploitations et à préjudi- cier à la production. Se souvenant que, pour élever des chênes de fortes dimen- sions, il est très avantageux de leur adjoindre en mélange cer- taines essences subordonnées [487], telles que le hêtre et le charme par exemple, il favorisera l'introduction spontanée de celles-ci, y aidera même artificiellement au besoin, et dimi- nuera ainsi, à la fois, et les difficultés et les frais inhérents à la conservation de l'essence principale. ‘ Cet inconvénient est très fréquent et contribue beaucoup à DES FUTAIES. 245 ques réserves lors de la coupe définitive !. En les plaçant, comme nous l'avons dit plus haut, sur les bords des chemins et sur les lisières de la forèt, leurs branches auront plus d'espace pour s'étendre, et pourront ainsi former les courbes recherchées pour la augmenter les difficultés que rencontre la régénération natu- relle du chêne. En effet, si les glandées complètes sont rares, les tiers ou les quarts de glandées se voient assez souvent el produisent des jeunes plants en bon nombre, mais qui, cepen- dant, ne se rencontrent qu'épars dans la coupe et ne sauraient former, plus tard, un fourré tel qu'on voudrait l'obtenir pour effectuer en toute sécurité la coupe secondaire et la coupe déti- nitive. En présence d’un pareil repeuplement partiel on hésite donc, la plupart du temps, à toucher à la réserve de la coupe sombre ; on espère que, dans les années les plus prochaines, le semis naturel se complétera; — bref, on attend afin de ne rien compromettre, et — précisément on compromet tout, car en même temps que les jeunes chènes périssent sous le couvert, celui-ci augmente d'intensité par l'extension graduelle des cimes des arbres et rend ainsi d'autant plus imminent le retour du même dommage. Mieux eût valu, — neuf fois sur dix, — faire immédiatement la coupe secondaire aussitôt après avoir obtenu les résultats de la glandée partielle. Ce qui peut arriver de pis d’une telle opéra- tion, — prématurée en principe nous le reconnaissons, — c’est de permettre l’envahissement de bois blancs qui étoufferaient les jeunes chênes ; mais rien n’est plus facile que de prévenir une telle conséquence. Quelques ouvriers soigneux, placés à propos dans la coupe, la débarrasseront en peu de jours des essences parasites et la mettront en état de recevoir fructueu- sement les compléments, naturels ou artificiels, nécessaires au premier repeuplement en chène pour tapisser entièrement le sol et pour permettre ainsi de passer à la coupe définitive. ! De 5 à 10 par hectare, selon les besoins de la consommation. 244 DE L'EXPLOITATION marine. Dans les terrains substantiels et profonds, la longévité de l'essence permettra facilement à ces ré- serves de parcourir une seconde révolution, surtout si, comme on doit le supposer, elles ne sont choisies que parmi les tiges parfaitement bien venantes. Il'arrive presque toujours que les chènes, réservés el isolés après l'exploitation des coupes {les pédon- culés surtout), se garnissent de menues branches au pied et le long de la tige. La cime, dans ce cas, est moins bien nourrie, et, lorsque le fonds de terre n’est pas d’une très bonne qualité, cette cime se couronne, ce qui entraine peu à peu le dépérissement de l'arbre. I est essentiel de débarrasser les chènes de ces branches gourmandes, et de renouveler cet émon- dage jusqu'à ce que la jeune forèt se soit assez élevée pour entourer l'arbre et empècher les productions de sa lige et de son pied. Ces branches, quand on les laisse subsister, nuisent en outre considérablement à la croissance du sous-bois, diminuent la qualité des arbres pour la charpente et la fente, en les rendant noueux 1, et ralentissent même l'accroissement des grosses branches qui, seules, peuvent former les courbes em- ployées à la construction des vaisseaux. En mème temps qu'on s’occupera de supprimer " Buffon a prouvé, par des expériences, que les bois noueux sont d'un quart plus faibles que les autres, seus la charge. DES FUTAIES. 245 les branches gourmandes des réserves, il sera très utile d'examiner si leur cime ne présente pas des branches sèches qui, même sur les chènes bien venants, se forment assez souvent à l'intérieur de la ramure quand l'arbre passe de l’état de massif à l'isolement. Le retranchement de ces parties mortes soigneu- sement exécuté, avec un instrument bien tranchant eten donnant à la section une inclinaison qui assure le prompt écoulement des eaux pluviales, préviendra la formation des grisettes et des nœuds gâtés qui af- lectent trop souvent les plus belles pièces et les rendent impropres aux emplois d'élite pour lesquels, saines, elles eussent été infiniment précieuses, soil par leur forme particulière, soit par leurs dimen- sions. 483. Coupes d'amélioration. — La jeune forèl obtenue par le semis naturel devra être nettoyée des bois blancs et des morts-bois, et éclareie périodique- ment, conformément aux règles générales. Comme ilest très essentiel que les chènes destinés aux constructions et aux divers ouvrages de fente, acquièrent une tige droite et eflilée, on fera bien, dans les deux premières éclaircies, de serrer le mas- sif un peu plus qu'à l'ordinaire. Cette précaution est d'autant plus nécessaire, que les chênes ont, comme nous venons de le dire, une disposition mar- quée à se garnir de branches gourmandes le long du trone, dès que cette partie se trouve frappée trop 246 DE L'EXPLOITATION immédiatement par la lumière. Ce n’est que lorsque les arbres ont atteint à peu près la hauteur dont ils sont suceptibles, qu’il devient utile de les espacer davantage, afin de favoriser leur grossissement et de procurer à leur bois, essentiellement employé à la charpente, une texture plus solide. À la suite de ces éclaircies plus fortes, il arrive fréquemment, attendu le couvert léger du chêne, que le sol se tapisse d’essences étrangères, telles que charmes, bouleaux, alisiers, bois blancs, etc., qui continuent, quoique rabougris, à végéter sous la jeune futaie. Cette végétation traînante n'offre point d’inconvénients; au contraire, elle s’oppose à l’en- lèvement du lit de feuilles par les vents, empêche le sol de se durcir et de se gazonner, le maintient frais par conséquent, et produit, par ses propres détritus, plus de substance nutritive qu'elle n’en absorbe. Aussi, loin de la supprimer comme on croyait devoir le faire autrefois, fautal la laisser subsister jusqu’au moment d'entreprendre la coupe d'ensemencement, (Voir la note page 248.) ARTICLE II. Exploitation du hêtre en futaie. 484. Exploitabilité. — L'époque la plus con- venable pour lexploitation d’une futaie de hêtre tombe entre 80 et 140 ans. Le plus ordinairement, DES FUTAIES. ET on choisit l’âge de 120 ans, à moins que la forêt ne soit située dans un terrain très riche et dans un cli- mat très doux. Dans ce cas, les bois acquièrent plus tôt les dimensions utiles, et comme, d’un autre côté, ils sont aussi plus exposés à se carier intérieurement, il est prudent de réduire la révolution à 100 et même 90 ans. 485. Coupes de régénération. — La coupe d’en- semencement doit présenter une réserve nombreuse, composée des arbres les plus forts et les plus sains. L'état sombre de cette coupe est doublement néces- saire dans une futaie de hêtre : d’abord à cause de la semence qui, comme le gland, est lourde, et en second lieu, parce que le jeune plant est très délicat et a besoin d’être protégé par un couvert épais. I ne faudrait pas, toutefois, conclure de là que, sous un massif complet, le repeuplement réussirait. La faine à la vérité y germerait et les jeunes plants lèveraient, mais pour disparaître dès la 2° ou la 3° année au plus lard, faute de lumière 456|. Aussi lorsque, après la coupe sombre, la faïnée se fait trop longtemps attendre et que le massif s’est reformé par suite du développement des cimes des réserves, il devient nécessaire de remédier à cet état de choses par quelques nouvelles extractions d'arbres, aux- ! Les essences les plus exposées à la carie intérieure, dans les sols substantiels, paraissent être celles dont le couvert très épais maintient une grande fraicheur et fournit un terreau abondant. D48 DE L'EXPLOITATION quelles 1l est bon, néanmoins, de ne procéder que peu avant l’époque présumée de la prochaine fainée. La coupe d’ensemencement doit rester intacte jusqu’à ce que le sol soit complètement ensemencé et même jusqu'à ce que les plants aient acquis une cer- lune force. Il faut, à cet effet. leur laisser attein- dre de 22 à 353 centimètres de hauteur, à peu près ; c’est alors seulement qu'il est temps de procéder à la coupe secondaire. Cette opération doit être faite avec beaucoup de précaution. Dans les sols et aux expositions favorables, elle pourra supprimer à peu près la moitié du couvert; mais si le terrain était sec et l'exposition chaude, il faudrait n’enlever que très peu d’arbres dans une même année, et revenir ainsi à plusieurs reprises, afin d'habituer insensible- ment le jeune hêtre aux influences atmosphériques 1464). Lorsque, à l’aide d’une ou de plusieurs coupes secondaires, le sous-bois est parvenu à une hauteur moyenne de 50 à 66 centimètres, et même jusqu'à un mètre, le moment est arrivé de faire la coupe dé- finitive. En général, il n’est d'aucune utilité, lors de cette coupe, de réserver quelques arbres pour parcourir une seconde révolution, le hêtre n'étant point employé à la charpente, et pouvant, dès l’âge de 90 à 120 ans, convenir à tous les usages auxquels il est propre. Les nettoiements de bois blancs, ainsi que les éclaircies périodiques, 486. COoUPES D'AMÉLIORATION. DES FUTAIES. 249 devront s’exécuter entièrement d'après les règles générales données à cet égard, en observant toutefois que le hêtre supporte, plus que le chène, de croître en massif serré, ARTICLE 11II. Exploitation d'une futaie mélangée de chêne et de hêtre, 487. Les racines du hôtre sont tracantes, celles du chêne, au contraire, s’enfoncent profondément. 1 en résulte que lun et l'autre, lorsqu'ils croissent en mélange, trouvent, sans se gêner réciproquement, la nourriture qui leur convient ; et l’on remarque géné- . ralement, dans les forêts où ces essences sont mélan- gées, un accroissement plus prompt que dans celles dont le chêne est l'essence unique. Une autre cause du meilleur accroissement d’un pareil mélange, c'est que le hêtre, par son feuil- lage épais, conserve au sol plus de fraïcheur, et l'enrichit d’une couche plus abondante de terreau que ne ferait le chêne seul. Cette salutaire influence se fait surtout remarquer dans les sols légers, siliceux ou calcaires, médiocrement profonds, et elle devient particulièrement précieuse lorsqu'il s'agit d'obtenir des pièces de chêne de fortes dimensions {). ! La vaste forêt du Spessart (Bavière-Rhénane) offre un exemple remarquable des avantages que présente le mélange 250 DE L'EXPLOITATION 488. ExprorraBiuiré, — Comme le chène est des deux essences la plus précieuse, il convient, s’il est do- minant ou s'il forme seulement la moitié ou les deux cinquièmes du peuplement, d'adopter la révolution qui lui est propre, et d'y subordonner celle du hêtre. Celui-ci, comme on le sait, peut sans inconvénient rester sur pied 450 à 160 ans, lorsque le sol lui est favorable, | Ce n’est que dans le cas où la proportion du chêne serait très faible, que l’on fixerait la révolution de 120 à 140 ans, sauf à réserver, dans les coupes définitives, un certain nombre de chênes pour croître jusqu'à la prochaine exploitation. 480. COUPES DE RÉGÉNÉRATION. — Les règles don- nées, dans les deux articles précédents, pour espacer la coupe d’ensemencement, devront être suivies en observant néanmoins que, comme le chêne est l'essence la plus précieuse, 1l importe, avant tout, d'assurer sa reproduction par une nombreuse ré- serve. Par la même raison, on devra se hâter de procéder à la coupe secondaire aussitôt après l’ense- dont il s’agit. Située dans un climat assez rude, sur le grès bigarré, elle produit des chênes de la plus belle venue et d’un âge très avancé, au moyen d'un mode particulier de traitement qui consiste principalement à éclaircir très fortement les mas- sifs de chène dès qu'ils sont parvenus à la moitié de l’âge qu'ils doivent atteindre (200 ans en moyenne), et à y introduire artifi- ciellement le hêtre, qui croît ainsi, en second étage, sous le cou- vert léger des chênes, et s'y maintient en bon état jusqu’à l’ex- ploitabilité de ceux-ci, DES FUTAIES. 251 mencement, quel que puisse d’ailleurs en être l’in- convénient pour le jeune hêtre. De fait, cet incon- vénient est souvent moins grand qu'on ne pourrait le craindre, parce qu’en raison du poids des graines, les repeuplements de chaque essence existent, par taches, autour des arbres qui les ont produits ; on trouve donc moyen de donner du jour aux jeunes chênes tout en conservant le couvert aux hêtres. D'un autre côté, les jeunes chênes eux-mêmes qui, dans les premières années, ont ordinairement une crois- sance plus rapide que les jeunes hè!1 :5, peuvent quel- quefois offrir à ceux-c1 un utile abri (t). La coupe définitive devra aussi se faire à l’époque qui paraîtra la plus convenable pour assurer la bonne végétation du chêne. Souvent, malgré les précautions avec lesquelles on conduit les coupes de régénération, 1l arrive que le hêtre empiète sur le chène dans les repeuplements et qu'il s'empare du terrain. Ordinairement, cette circonstance se présente à la suite d’une année qui, dans la localité, a été favorable à la réussite de la faîne, alors que le gland y à manqué entièrement ou en grande partie; elle tient encore à ce que les fainées partielles donnent lieu à des semis naturels qui persistent sous le couvert et envahissent ainsi ‘ Dans certains terrains, notamment dans les grès, les deux essences croissent souvent en rapport inverse. Dans ce cas, il faut rabattre le hêtre, sans hésiter, afin de protéger la végétation du chêne, (Note de M. Parade.) 252 DE L'EXPLOITATION peu à peu le Lerrain; tandis qu'il n’en n’est pas de même du chêne qui périt sous la futaie au bout de quelques années [72]. Pour remédier à cet inconvé- nent, et rétablir le mélange, 1l faut recourir à des moyens artificiels. Ces moyens consistent à se pro- curer, dans d’autres parties de la forêt où les chènes peuvent avoir été plus fertiles (!), les glands néces- saires pour repiquer les petites places non garnies, el à en répandre, en général, dans toute la coupe. Si cette opération ne pouvait se faire l'année même de la fainée, à cause d’un manque absolu de glands, elle pourrait se remettre à l’année suivante ; mais, s'il fallait laisser passer ainsi plusieurs années, on ferait mieux alors de se procurer de jeunes chênes de 3 à # ans, que l’on planterait parmi les hêtres, en les récépant au moment de la plantation, afin d’acti- ver leur croissance et de leur permettre d'arriver plus tôt au niveau des jeunes hêtres. 490. Coupes D'AMÉLIORATION. — Les nettoiements et les éclaircies périodiques doivent se faire comme dans les forêts où le chène est l'essence unique. On peut, au moyen des éclaircies, augmenter facilement le nombre relatif des chênes, en prenant toujours de préférence les pieds à supprimer parmi les hêtres ; mais, outre qu'il faut se garder de détruire le mé- lange, il est essentiel d'observer que, pour se servir " Les arbres placés sur les lisières des forêts ou sur le bord des routes, sont plus fertiles que ceux qui ont crû dans l'inté- rieur des massifs. DES KUTAIES. 293 de ce moyen, il faut que l’époque de l'éclauircie soit choisie très à propos, et l'opération mème exécutée avec beaucoup d'intelligence, afin de ne as faire couper des hèêtres vigoureux pour favoriser peut-être des chênes déjà maladifs. ARTICLE TV. Exploitation du châtaignier en futaie . 491. Exploitabilité. — Les révolutions compri- ses entre 90 et 120 ans, selon les sols et les climats, paraissent convenir au châtaignier. Elles suffiront pour qu'on en oblienne, en raison de la prompte végétation de l'essence, tous les bois nécessaires à la consommation, et l'on ne risquera pas de voir les arbres se creuser, ce qui arrive très fréquemment au châtaignier, passé l’âge de 120 ans. 492. Coupes de régénération. — Sous ce rapport, le châtaignier pourra être entièrement traité comme le chène : Jeune, il est aussi robuste, et la châlaigne "a plus de poids encore que le gland. Quelques arbres pourront être réservés dans la coupe définitive, principalement en vue d'en obtenir des fruils. Le châtaignier ne se voit guère en futaie qu'associé au chène et au hêtre. Il est notoire cependant qu'il croît très bien sans mélange, et, dès lors, on doit admettre que les progrès de la sylviculture amèneront la création de futaies de cette pré- cieuse essence. 204 DE L'EXPLOITATION On a observé que le châtaignier est particulièrement incommodé par les mauvaises herbes et les arbustes. Lors donc que, dans les coupes sombres, le réense- mencement ne se fera pas immédiatement après l’ex- ploitation, et que le terrain se garnira d'herbes et d’autres plantes, 1l faudra, dès la première année de semence, donner au terrain une culture entière à la houe, ou bien y pratiquer des sillons d’une largeur moyenne de 16 centimètres et espacés de 22 à 33 centimètres environ. Ce dernier mode, qui est bon dans toutes les situations, devra être exelusi- vement mis en usage dans les terrains en pente. Les châtaignes s’arrêteront au fond des sillons, où elles seront couvertes et abritées contre les gelées par les feuilles sèches. 493. Coupes d'amélioration. — Les nettoiements de bois blancs devront être particulièrement soignés dans les jeunes châtaigneraies, attendu le tempé- rament du jeune plant [135|. Quant aux éclaircies périodiques, il conviendra de les diriger comme dans les futaies de chêne, le châtaignier étant également un bois de construction et de fente; seulement, comme sa végétation est très prompte, la périodicité pourra être plus courte. DES FUTAIES. 295 ARTICLE V. Exploitation de l’orme en futaie . 49%. Exploitabilité. — La révolution de 100 a 120 ans peut convenir pour l'exploitation de l’orme. À cet âge, il sera propre à sasfaire {ous les besoins de la consommation, et 1l aura atteint l’époque de son exploitabilité absolue. 495. Coupes de régénération. — Comme la se- mence de l’orme est très petite et se dissémine au loin, et que le jeune plant est robuste, on peut se dispenser d'établir une réserve abondante dans la coupe d’ensemencement ; il suffit d’espacer les arbres de telle manière que les branches soient écartées de # à 6 mètres. Un espacement même plus considérable n'empêcherait pas le repeuplement. Il faut avoir égard cependant à la situation de la coupe que l’on exploite, et éviter, pour peu qu’elle soit exposée au vent, de trop diminuer le nombre des réserves. On conçoit que des arbres qui ont vécu 100 à 120 ans, en massif, el qui se sont élancés ‘ Quoiqu'il soit très rare de rencontrer des futaies dont l’orme soit l'essence unique, l'importance de cet arbre nous a cepen- dant paru assez grande pour que son traitement méritat d'être décrit avec autant de détails que celui des essences qui domi- nent fréquemment dans nos bois. 206 DE L' EXPLOITATION à 30 mètres de hauteur et au delà, ne peuvent avoir une assielle bien solide, et que, sur les points les plus exposés, il serait peu prudent de leur donner tout à coup un espacément trop considérable. On pourrait craindre aussi que l’état trop clair de la coupe d’ensemencement ne provoquât le gazon- nement du terrain. Toutefois, cel inconvénient se pré- sentera rarement, attendu que l'orme produit des graines en abondance, presque tous les ans, ou au moins de deux années l’une; on peut donc espérer le repeuplement immédiat de la coupe. Mais si, par ex- traordinaire, la crue des mauvaises herbes avait pré- cédé l’ensemencement, on ouvrirait dans la coupe des sillons, qui auraient le double avantage de pré- parer la terre à recevoir la semence et de faire naître une multitude de drageons. Quant à la coupe secondaire, on devra y procéder, au plus tard, à la fin de la deuxième année qui suivra celle de l’ensemencement, et, deux ans après, on fera la coupe définitive. On pourrait même, dans un terrain frais, ou si l'exposition n'était pas chaude, supprimer entièrement la coupe secondaire, à cause du tempérament robuste du jeune plant, et, deux ou trois ans après l’ensemencement, passer immédia- tement à la coupe définitive. 496. Coupes d'amélioration. — Les nettoiements et les éclaircies périodiques devront être dirigés d'après les règles générales ; 11 y aura lieu cependant de rapprocher les éclaircies, d'autant plus que l'orme DES FUTAIES. 291 a une végélalion très rapide, et que, tracant et pi- votant à la fois, 1l a besoin de plus d'espace pour prendre tout l'accroissement dont il est susceptible. AR PTCGIEONIT: Exploitation en futaie du frêne et des grands érables. 497. Le frène et les grands érables peuvent, avec beaucoup d'avantage, être élevés en futaie, attendu que, lorsqu'ils acquièrent de fortes dimen- sions et qu'ils sont de bonne fente, ils deviennent d’un très grand prix pour la menuiserie, l'ébéniste- rie, la boissellerie, etc. D’ordinaire, ces essences se trouvent mélangées au hêtre avec lequel elles vé- gètent parfaitement et dont elles supportent très bien le régime, surtout lorsque la révolution ne dépasse pas 90 à 100 ans. Il est nécessaire aussi, dans les coupes secondaires, de découvrir plus tôt les jeunes plants, moins délicats que ceux du hêtre. AND CHAN AE ES Exploitation du charme en futaie. 498. — Le charme n'est point une essence qui, en raison des usages auxquels elle estpropre|193|, mé- rile d’être élevée en futaie,maison leconsidère comme pouvant ètre utilement mélangé, dans une futaie, à 17 _ 208 DE L'EXPLOITATION d’autres essences plus précieuses. C’est ainsi qu'on le trouve associé au chène et au châtaignier; et, quoiqu'il soit en général un peu dépassé par eux, 1l persiste assez longtemps pour leur servir d'appui jusqu'au moment où il devient possible de le faire disparaître successivement par les éclaircies pério- diques. Mêlé au chêne, 1l produit des effets analogues à ceux du hêtre, en procurant au sol une couche de terreau plns abondante, et en y maintenant la frai- cheur par son couvert épais. Aussi le charme pour- rait-il être très utilement introduit, en second étage (voir la note page 256), dans les massifs de chène pur, situés en fonds compacts, où 1l se plaît et réussit mieux que le hêtre. ARTICLE" NIIT: Exploitation du bouleau en futaie. 499. Le bouleau n’acquiert les qualités recher- chées par les différents métiers qui l’emploient que vers l’âge de 50 à 60 ans, et il est d’ailleurs bien plus disposé à se reproduire de semence que de souche. On peut donc avec avantage l’élever en fu- taie, en fixant son exploitabilité à l’âge que nous venons d'indiquer. Quant aux coupes de régénération, l'expérience prouve qu’en les faisant à blanc étoc, où en laissant seulement quelques réserves éparses, on obtient des DES FUTAIES. 209 repeuplements très complets par les semences ve- nant de la partie boisée voisine. La seule précaution à prendre, c'est d'entretenir le sol dans un état con- venablement meuble, en lui donnant une légère cul- ture à la houe, lorsqu'on s’aperçoit que l’année sera fertile en semences. Cette opération est indispensa- ble ; car sous des bouleaux, même en massif, le sol se gazonne et se couvre d’arbustes et de morts-bois, à cause du couvert trop faible de cet arbre. Les éclaircies périodiques devront être très rap- prochées, le bouleau demandant assez d'espace pour croître. ARTICLE IX. Exploitation du robinier en futaie. 500. Le robinier, recherché comme bois de tra- val, est, de plus, employé avec avantage dans les constructions civiles et navales; 11 y a, par con- séquent, des motifs fondés pour le traiter en futaie. Il est à observer d’ailleurs que, quand cet arbre est isolé, sa cime est très exposée à être brisée par les vents et que souvent la rupture des branches prin- cipales fait éclater le tronc; sa culture en massif de futaie, en donnant le moyen d’obvier à cet incon- vénient si grave, offrirait donc un avantage de plus. Quoique la végétation extrèmement rapide du 260 DE L'EXPLOITATION robinier ait fait penser qu'à #0 ans il pourrait êtré assez fort pour satisfaire à tous les besoins de la consommation, il est à conseiller cependant de ne fixer son exploitabilité qu’à l'âge de 60 à 70 ans. De celle manière, on obtiendra très probablement des produits meilleurs et plus considérables; et d’ailleurs il est à croire que sa végétation ne sera plus aussi rapide, s’il vienten massif, que lorsqu'il se trouvait isolé. Plus que l'orme encore, le robinier est disposé à drageonner, et sa semence, quoique non ailée, se dissémine au loin; son jeune plant résiste aux cha- leurs, il croit très rapidement et ses racines exigent beaucoup d'espace; le mode d'exploitation preserit pour lorme pourra donc lui ètre applicable. ARTICLE X. Exploitation d'une futaie de sapin. 501. Exploitabilité. — L'exploitabilité du sapin tombe entre 100 et 140 ans: 120 ans est le terme le plus ordinaire et celui auquel, en général,on obtient les produits les plus utiles et les plus considérables. Dans les sols trop humides cependant ,où la végétation est rapide, la révolution de 100 ans pourrait être préférable parce que, dans ces sortes de terrains, les sapins sont plus exposés encore que les hêtres à la carie intérieure [484|. Sur les grandes hauteurs, ! Voir l'Appendice. DES FUTAIES. 261 où la rigueur du climat ralentit la croissance, le terme de l’exploitabilité peut être reculé jusqu'à 140 ans et au-delà. 502. Coupes de régénération. — Ainsi que nous l’avons dit dans le second livre [432/, il est très im- portant que les exploitations d’une sapinière soient dirigées du Nord et de l'Est vers le Sud et l'Ouest. Les coupes; d’ailleurs, doivent se faire à l'instar de celles des forèts de hêtre. Ces deux essences se ren- contrent sur un point essentiel, celui du tempéra- ment des jeunes plants. Dans les trois premières années de son existence, le sapin reête très petit, très faible, et sa tige, de même que sa racine, s’allonge sans se ramifier. Pendant ce temps, 1l réclame un couvert au moins aussi épais que celui qui convient au jeune hêtre; mais, après la troisième année, lorsqu'il a formé une et parfois deux branches latérales, 1l devient utile de lui donner plus de lumière. Dès cette époque, il y à donc lieu de supprimer quelques arbres dans la réserve (un quart environ) et de continuer ainsi, de deux en deux ou de trois en trois ans, jusqu'à la coupe définitive qui ne devra être faite que quand les brins auront atteint la hauteur de 66 centimètres à 1 mètre. On rencontre assez souvent, dans les massifs de sapin que l’on soumet à la régénération, des re- peuplements partiels qui remontent déjà à un assez orand nombre d'années, et végètent, languissants 262 DE L'EXPLOITATION et rabougris, sous la vieille futaie. C’est à tort que certains forestiers les considèrent comme incapables de reprendre de la vigueur. Aucune essence, si ce n'est le hêtre, ne résiste autant que le sapin sous un couvert prolongé, et n’a plus que lui la propriété de se raviver dès qu’on lui donne du jour. On com- met donc une faute en supprimant ces Jeunes repeu- plements au moment de la coupe d’ensemencement ; il faut, au contraire, les conserver et, lors de cette coupe, éclaircir fortement la futaie qui les surmonte. Il n’est pas sans intérêt de réserver, dans la coupe définitive, quelques beaux sapins pour parcourir une seconde révolution. Cet arbre peut parvenir à un âge très avancé, et comme 1l sert beaucoup aux con- structions, on obtiendra par ce moyen les pièces de fortes dimensions qui pourraient être nécessaires dans certains cas. Il est entendu que de pareilles réserves ne peuvent être faites que dans les parties les plus abritées contre la violence des vents. 503. Coupes d’amélioration.— Onse conformera sous ce rapport à ce qui a été recommandé dans les règles générales, en observant que le sapin demande à croître en massif très serré, surtout dans sa jeu- nesse. Dans les climats tempérés, l’éclaircie moyenne pourra lui être appliquée, mais, dans les localités où l’on aura à craindre les dégâts de la neige et du gi- vre, auxquels les bois résineux sont plus exposés que les feuillus, on devra se contenter d’une éclaircie faible, afin que certaines tiges dominantes venant à DES FUTAIES. 263 être écrasées, puissent, au besoin, être remplacées par celles qu’elles surmontent. Il n’est pas rare, en effet, de voir ces dernières, lorsqu'elles sont mises à découvert, reprendre une vigueur remarquable. ARTICLE XI. Exploitation d'une futaie mélangée de sapin et de hêtre. 904. Le mélange du sapin avec le hêtre est aussi favorable à la végétation que celui de cette dernière essence avec le chêne. La nature nous en montre de fréquents exemples, et c’est une erreur bien funeste qui a porté certains forestiers à détruire, dans ces sortes de forêts, l'essence feuillue pour ne laisser subsister que l'essence résineuse, alors que tout, au contraire, semblait commander et faciliter la conser- valion de ce mélange. En effet, on observe que, dans ces forêts mélangées, le sapin a une croissance remar- quablement belle, et l'on reconnait, en outre, que les dégâts des vents et des insectes y sont moins à redouter que dans les forèts purement résineuses. Quant à leur exploitation, la même révolution con- vient aux deux essences; les jeunes plants de l’une et de l’autre ont le même tempérament, et, par con- séquent, les coupes de régénération peuvent être établies sans difficulté; dans les différentes phases de leur croissance, les deux essences marchent à peu près du même pas, ce qui facilite l’exécution des 264 DE L'EXPLOITATION éclaircies périodiques; et enfin, elles recherchent toutes deux, pour prospérer, même terrain, même climat, même situation et même exposition. Elles ne diffèrent essentiellement que dans leur emploi, ce qui est un avantage évident pour la consommation et pour le propriétaire, d’autant plus qu'il est tou- jours facile de faire dominer le sapin, lorsque sa qualité comme bois de construction doit lui mériter la préférence. ARTICLE. XII Exploitation d'une futaie d’épicéa. 505. Exploitabilité. — Comme la croissance de Fépicéa est un peu plus prompte que celle du sa- pin, la révolution à laquelle 11 est soumis peut être plus courte. C’est entre 90 et 140 ans que l’on en fixe la durée; ordinairement, le terme de 100 à 120 ans est considéré comme le plus convenable pour obtenir de cette essence les produits les plus abon- dants et les plus utiles. Dans les localités où 1l 1m- porte de se procurer un certain nombre de pièces propres aux grandes constructions, on préfère l’âge de 120 ans, parce que, à cause du peu de résistance que l’épicéa oppose au vent, ces pièces ne pourraient être fournies par les arbres qu'on réserverait dans les coupes, pour parcourir une seconde révolution. Sur les grandes hauteurs, que souvent on le voit habiter, DES FUTAIES. 265 on peut lisser atteindre à l’épicéa l’âge de 440 ans et au-delà, tandis que, dans un sol très humide, où cet arbre est, comme le sapin et le hêtre, exposé à la carie intérieure, ce serait le cas de l’exploiter plus tôt. 506. Coupes de régénération. — Comme l'épicéa redoute, plus que toute autre essence, les ravages des vents, et qu'il est d’ailleurs, dans sa première jeunesse, bien plus robuste et ne demande pas les mêmes soins que le sapin, tous les efforts des sylvi- culteurs, dans l'exploitation des forêts de cette es- sence, ont constamment tendu à préserver celles-ci du danger principal. Non-seulement on recommande, comme extrèmementimportante, la stricte observation de la troisième règle sur l'assiette des coupes [432}, mais on a encore imaginé, toujours dans le même but, divers modes particuliers d'exploitation, savoir: 1° le mode par bandes alternées; 2° le mode par bouquets ; 3° celui par bandes de proche en proche. Enfin, on à aussi appliqué le mode ordinaire des trois coupes de régénération. 907. Premier mode. — Le premier mode est un de ceux qui ont été le plus mis en pratique; 1l con- siste à établirles coupes par bandes alternées de bois à abattre à blane étoc, et de bois à laisser en massif, les unes et les autres de 50 à 60 mètres de largeur. L'ensemencement des bandes exploitées doit venir des bandes voisines où tous les bois sont conservés, et, pour mieux préparer le terrain des premières à recevoir la semence, on conseille d’en faire extraire L4 266 DE L'EXPLOITATION les souches. Quelques années après l’ensemencement, on exploite les bandes qui étaient demeurées in- tactes. Ce retour, en effet, est indispensable, car si l'on continuait à alterner ainsi d’un bout à l’autre de la forêt, il est évident que l’on ne tarderait pas à tomber dans des massifs éloignés d’avoir atteint l’âge de l’exploitabilité, tandis qu'au point de départ, on en laisserait sur pied qui auraient dépassé cet âge. Quoique, au premier abord, ce mode paraisse très avantageux, 1l présente cependant des inconvénients assez graves pour que nous n’hésitions pas à le dé- conseiller, comme n'étant pas propre à conduire au but que l’on se propose : 1° L'expérience a prouvé que les bandes laissées en massif, loin de résister toujours au vent, sont souvent renversées avec une grande facilité ; 2° L’ensemencement naturel des bandes mises à blanc étoc est presque toujours incomplet, les plantes nuisibles s’y jettent et rendent nécessaire un repeuplement artificiel; 3 Lorsqu'on arrive à exploiter les bandes primiti- vement réservées en massif que le vent a pu épargner, il est impossible d'y faire aucune réserve, et, les parties voisines étant beaucoup trop jeunes pour porter graine, il est nécessaire de recourir à un re- peuplement artificiel. D'où il résulte que la moitié de la forêt, au moins, est à repeupler artificiellement ; 4° Enfin, on établit dans toute la forêt une grande inégalité d'âge entre des parties contiguës, ce qui DES FUTAIES. 267 entraîne les inconvénients énumérés au sujet de la première règle sur l’assiette des coupes [430] et, de plus, favorise l’action des vents. 508. Deuxième mode. — Dans le second mode, dit par bouquets, au lieu de bandes alternées, on laisse cà et là, dans les parties qu'on exploite à blanc étoc, de petits bouquets ou massifs de bois, qui doivent fournir les graines nécessaires au repeuplement. Ce mode participe de tous les inconvénients du pré- cédent, et introduit en outre une plus grande irré- gularité dans les exploitations et une plus grande iné- galité dans les âges des bois ; on ne peut donc que le rejeter. 509. Troisième mode. — Le troisième mode, donné par Hartig, paraît plus praticable. Voici comment cet auteur conseille de procéder. On doit asseoir, en commencant du côté du Nord ou du Nord-Est, une coupe longue et étroite f, et l'exploiter à blanc étoc. Quand on s'apercevra que la partie voisine porte des cônes et qu'on peut en espérer des semences abondantes, on extraira toutes les souches de la coupe, et l’on comblera, au moins en partie, les excavations. Dans cet état, le terrain se trouvera bien préparé à recevoir les graines poussées par les vents du Sud et d'Ouest. Par pré- ‘ Cotta conseille de ne donner à ces coupes qu'une largeur égale à la longueur des arbres, afin de ne pas compromettre le réensemencement naturel. 268 DE L'EXPLOITATiON caution, on fera bien de répandre, sur ce terrain frai- chement remué, # à 5 kilogrammes de semences d'é- picéa, par hectare; ce qui équivaut, à peu près, au üers de la quantité nécessaire pour un ensemen- cement complet. Sur ce point, 1l faudra naturellement suspendre les exploitations, jusqu'à ce que la coupe soit suffi- samment garnie de jeunes plants. Ce n’est qu'après le repeuplement assuré qu’on pourra asseoir, dans la partie attenante, une nouvelle coupe de même longueur et de même largeur que la première; et ainsi de suite. Cette nécessité d'attendre que le repeuplement de la coupe exploitée soit assuré, pour mettre la hache dans la partie voisine, force d'entamer la forèt sur un autre point exploitable et même sur trois ou. quatre points différents, sur lesquels on se porte successivement, afin de laisser, dans la première partie exploitée, un intervalle de trois ou quatre années au moins entre deux coupes consécutives, el d'assurer ainsi le repeuplement. Si, cependant, il ar- rivait que ces {rois ou quatre années ne fussent pas suffisantes pour amener ce repeuplement, et qu'il fût d'ailleurs impossible de suspendre les exploitations, il ne resterait plus d'autre moyen que de régénérer les coupes par un semis artificiel ou par une plan- tation. D10. Quatrième mode. — L'application de la mé- thode du réensemencement naturel et des éclaircies, DES FUTAIES. 269 forme un qualrième mode, et c’est, sans contredit, dans la plupart des cas, le plus recommandable. Eu égard au tempérament du jeune plant d'é- picéa, la coupe d'ensemencement pourrait ètre plus espacée que celle du sapin, et mème que celle du hêtre ; ce n'est qu'à cause des fables racines des épicéas, qu'ilest à conseiller de multiplier les réserves autant que dans les forêts de hètre, afin qu'elles puissent se soutenir réciproquement. Quand le re- peuplement de cette coupe sera complet et aura atteint la hauteur de 16 à 22 centimètres, on pourra faire la coupe secondaire ; et lorsque les plants seront hauts de 32 à 40 centimètres, 1l sera temps de fiure la coupe définitive. Dans les localités très exposées au vent, où lon reconnait que la réserve de la coupe secondaire ne pourrait pas résister, il est préférable de lisser la coupe sombre, sans y toucher, jusqu'à ce que le sous-bois soit parvenu à l’âge de 5 ou 6 ans, el de faire alors la coupe définitive. La coupe secondaire cependant, dont l'utilité est incontestable, ne doit être négligée que dans le cas d'urgente nécessité. Ce mode, ainsi que nous venons de le dire plus haut, nous parait le meilleur. En l’emplovant, on ne peut au pis aller, (en cas de dégâts causés par le vent), qu'ètre obligé de recourir sur quelques points au repeuplement artificiel ; mais cet inconvénient est inévitable en suivant les trois autres modes et surtout les deux premiers. On peut d'ailleurs, en 270 DE L'EXPLOITATION l’appliquant, user des précautions recommandées pour le troisième : Ainsi, il est à conseiller de donner aux coupes une forme longue et étroite, et d'entamer la forèt au moins sur deux points différents, de ma- nière à pouvoir alterner les exploitations ; afin que, si la semence manque pendant quelques années sur l’un, on ne soit pas obligé d’y continuer les coupes sombres, dont la trop grande extension finirait par donner prise aux vents. à D11. Des quatre modes que nous venons d’exa- miner, les deux premiers doivent être rejetés, ainsi que nous l'avons démontré. Le troisième a sans doute l'avantage de parer, dans beaucoup de cas, aux ra- vages du vent; mais, aux expositions fraîches, l'herbe et divers arbustes envahissent le terrain dès qu'il est mis à nu et étouffent les épicéas naissants ; sur les pentes chaudes et escarpées, une lumière trop vive et trop de chaleur les empèchent deréussir, et en général, la régénération naturelle s'opère mal, dès qu'elle n'a pas tieu l’année même de l'exploitation. Enfin, le quatrième mode, qui mérite incontesta- blement la préférence, présente cependant l’incon- vénient de nombreux chablis qui, dans leur chute, se rompent fréquemment ou brisent d’autres arbres restés sur pied, ce qui constitue souvent une perte considérable pour le propriétaire. Dans les montagnes du Harz, en Saxe, et en gé- néral dans les pays où l’épicéa est très répandu, les difficultés d'exploitation, que présentent les forêts de DES FUTAIES. 271 celle essence, ont fait adopter, dans ces derniers temps, les coupes à blanc étoc; mais au lieu de compter, comme autrefois, sur les parties voisines pour réensemencer le terrain, on à immédiatement recours à la plantation, à laquelle l’épicéa est parti- culièrement propre. Cette opération, dont il sera question dans le VI° livre de ce Cours, réussit par- faitement et n’occasionne qu'une faible dépense, eu égard surtout aux années qu'elle fait gagner à la vé- gétation de la jeune forêt. Aussi peut-on considérer les coupes de régénération comme presque aban- données aujourd’hui dans les forêts d’épicéa d’outre- Rhin. Tout en reconnaissant l'importance des faits que nous venons de rapporter et en admettant, au point de vue économique, les conclusions pratiques que nos voisins en ont tirées, nous pensons que, en France, dans les localités peu nombreuses d’ailleurs et toujours montagneuses, où l’épicéa se rencontre comme essence dominante, on fera bien de ne re- courir au repeuplement artificiel qu'après avoir re- connu les inconvénients ou l'impuissance des coupes de régénération. Découvrir et remuer le sol en mon- tagne, surtout dans les pentes rapides, nous paraît tou- jours une opération qui peut avoir les plus funestes conséquences. — Nous nous arrètons d'autant plus volontiers à cetavis,qu'ilest à notre connaissance que, dans différentes forêts d'épicéa du Jura, des Vosges et des Alpes, l'application de la méthode du réense- eTR DE L'EXPLOITATION mencement naturel a produit jusqu'à ce Jour des ré- sullals satisfaisants. d12. Coupes d'amélioration. — Ce qui a été dit sous ce rapport, au sujet des forêts de sapin [503], est entièrement applicable à celles d’épicéa. ARTICLE XII: Exploitation d’une futaie mélangée de sapin et d'épicéa. 513. Le mélange du sapin et de l’épicéa, comme celui du chène et du hêtre, et par les mêmes raisons, produitles meilleurs effets sur la végétation des deux essences. L'épicéa, à la vérité, a une croissance un peu plus prompte que le sapin, mais cette différence est bien peu sensible. Cependant, on remarque assez fréquemment, dans les forêts ainsi mélangées, que l’épicéa tend peu à peu à empiéter sur le sapin et à le déposséder du terrain, ce qui est fâcheux en général, et surtout dans certaines localités où, pour divers motifs, le sapin est l'essence préférée. Selon toutes les apparences, cet inconvénient tient principalement à ce que, dans les coupes de régénération, on n’ac- corde pas une attention assez grande au repeuplement du sapin, qui réussit bien plus difficilement que celui de l’épicéa, c'est-à-dire que, d’abord, on ne conserve pas dans la coupe sombre un couvert assez épais, el qu'ensuite on éclaireit trop fortement la coupe secondaire. DES FUTAIES. 273 La précaution essentielle, pour conserver le mé- lange si utile des deux essences, est donc de faire les coupes d’ensemencement surtout dans les années où, pour le sapin, on peut prévoir une fructification abondante, de composer la réserve dans ces coupes du plus grand nombre possible de sapins, et enfin de régler les coupes secondaires principalement en vue des exigences de cette essence. Il pourra bien arriver ainsi que la croissance des sapineaux gagne quelque avance sur celle des jeunes épicéas, qui exigent plus de lumière dès les premières années; mais, quoique entravés momen- tanément, ces derniers ne tarderont pas à reprendre leur vigueur habituelle, sitôt que le couvert sera suf- fisamment éclairer. ARTICLE XIV. Exploitation d’une futaie de pin sylvestre. 514. Exploitabilité. — Dans les pays où le pin sylvestre est très commun, on ne le laisse pas al- teindre le siècle. Effectivement, l’accroissement des massifs de cette essence atteint son maximum entre 60 et 80 ans; puis. après s'être maintenu pendant une vingtaine d'années, il diminue en raison de l’aug- mentation de l’âge. Si donc, l'intérêt principal était de fournir du chauffage, on ferait bien de fixer la révo- lution d’une forèt de pin sylvestre vers 80 ou 90 ans; 18 274 DE L'EXPLOITATION encore devrait-on réserver des parties de forêt, pour les soumettre à une révolution plus longue afin d'obtenir des arbres de service de bonne qualité. En France, où les bois de construction sont plus rares que ceux de chauffage, l’État ne peut que ga- gner à reculer l’exploitation du pin sylvestre. Dans le moment de sa plus forte croissance, son bois n’a pas les meilleures qualités. Ce n’est que plus tard que son grain devient serré, qu'il se charge de résine concrète et acquiert ainsi l’élasticité et la durée qui le rendent précieux pour les grandes constructions, pour la marine surtout [301]. D’après ces motifs, on fera bien de soumettre le pin sylvestre à une révolu- tion de 120 ans dans les terrains où sa croissance est active, et de ne l’exploiter qu'entre 140 et 160 ans! dans les sols secs et suffisamment profonds, tels que les sables siliceux où cette essence se plaît et ac- quiert surtout les qualités qui la rendent propre aux grands emplois. ‘ Les longues révolutions ont l'inconvénient de compromettre la fertilité du sol, parce que la futaie de pin sylvestre, une fois la période d’allongement passée, ne se constitue plus en massif clos et, parvenue à un âge avancé, devient tout à fait clairiérée. Il s'ensuit que, de bonne heure, le sol se gazonne ou se couvre d’arbustes nuisibles (myrtiles, bruyères, etc.), que le vent dis- perse le lit de feuilles mortes et que, à la fin de la révolution, le terrain se trouve tassé, desséché, appauvri, et dans les con- ditions les plus favorables à la multiplication de certains lépi- doptères fort nuisibles, dont les chenilles, pour hiverner, ne se terrent que dans les sols très secs. DES FUTAIES. Pl) 515. Coupes de régénération. — Le traitement du pin sylvestre, en ce qui concerne le réensemen- cement naturel, diffère sous quelques rapports de celui qu’on prescrit pour l’épicéa et le sapin; son jeune plant, comme on le sait, est plus robuste que celui des deux autres, et le couvert des arbres de réserve lui est absolument contraire dès les pre- mières années de son existence. Aussi n'est-il pas nécessaire que la coupe d’ensemencement soit sombre, et l’on peut sans inconvénient écarter les arbres de manière que leurs branchessoient distantes les unes des autres de 5 à 6 mètres 1. Cependant, en espaçant ainsiles réserves, on pour- rait craindre les dégâts des vents, ou l’envahisse- ment des herbes ou des plantes nuisibles. Le pre- mier inconvénient existe beaucoup moins pour le pin sylvestre que pour l’épicéa et mème pour le sa- Lors donc qu'on se décidera pour une révolution de 120 ans et au-dessus, on devra non-seulement conserver soigneusement tous les bois feuillus qui lèvent naturellement sous les pins, mais on pourra même recourir avec avantage à l’expédient qui a été indiqué pour le chêne (voir la note page 250), c’est-à-dire, introduire, vers le milieu de la révolution, une essence subsi- diaire destinée à protéger et à améliorer le sol. Parmi les bois feuillus, le charme , le hêtre; parmi les résineux, le sapin, seront très propres à remplir ce rôle. Ce dernier surtout, placé en second étage, donne à la végétation du pin un essor magni- fique. : En faisant le choix des arbres de réserve, il ne faut pas préférer les pieds élancés et très élevés ; il vaut mieux conserver 276 DE L'EXPLOITATION pin, attendu que le pin sylvestre pivote et s’enracine plus fortement. Néanmoins, dans les parties très exposées au vent, etoù l’expérience a appris que cet arbre lui résiste difficilement, on fera bien de lais- ser plus de réserves. Le second inconvénient est fréquent dans les pineraies et, dans certains ter- rains, à peu près inévitable. Il peut être atténué cependant en ne faisant de coupes d’ensemencement que quand on sera assuré d’une prochaine et abon- dante fructification, ce qui, dans les pins, est assez fréquent, et peut être prévu dix-huit mois à l’avance. De plus, dans l'automne ou l'hiver qui précèdera la dissémination de la graine, on fera l’extrac- tion des souches et l’on donnera au terrain une cul- ture par rayons ou sillons étroits, au fond desquels les semences viendront s'arrêter et trouveront une terre meuble et fraiche, favorable à leur germination et à la réussite du jeune plant. Dans la plupart des cas, ces travaux ne seront pas onéreux, car les souches du pin, par la résine qu’on en extrait, sont plus lucratives que celles des autres bois. Après la coupe d’ensemencement, dès que le re- ceux de hauteur moyenne, qui sont branchus, ordinairement plus fertiles en semences, et qui d’ailleurs résistent mieux aux vents. Dans l’état actuel de nos forêts de pin, ce choix peut avoir lieu; mais, plus tard, lorsqu'elles auront été traitées régulière- ment, on ne trouvera plus, que sur les lisières, des arbres peu élevés et chargés de branches. —1 DES FUTAIES. nr: peuplement est complet, et que les jeunes plants ont atteint à peu près la hauteur de 16 à 24 centimètres, il faut procéder à la coupe définitive. On conçoit fa- cilement que la nature vigoureuse du jeune plant rende inutile la coupe secondaire, et qu'il faille se hâter surtout de le débarrasser du couvert qui lui est tout à fait contraire. 516. Malgré les précautions prises pour régénérer le pin sylvestre par la voie naturelle, on est forcé de reconnaitre qu'il est.extrèmement rare de rencon- _trer des repeuplements complets et bienvenants dans les forêts de cette essence. Aussi beaucoup de bons forestiers sont-1ls d’avis de renoncer aux coupes d’en- semencement dans les pineraies, de couper à blanc éloc et de recourir aux semis artificiels qui réussis- sent facilement et très bien. À considérer la géné- ralité des faits, cette opinion est fondée, il faut le dire. Que la réserve de la coupe d’ensemencement soit nombreuse ou non, que l’on hâte la coupe défi- nitive ou qu'on la retarde, on voit fréquemment les réensemencements naturels les plus complets et les mieux venants péricliter au bout de quelques an- nées, s’amoindrir et même disparaître par places au point de donner accès aux morts-bois et aux bois blancs. La cause du phénomène est assez difficile à indiquer. Certains auteurs l’attribuent à quelques in- sectes tels que le ver du hanneton, le pissode noté et l’hylobe, qui attaquent, les uns les tiges, les autres les racines des jeunes pins. M. de Berg pense, avec 278 DE L'EXPLOITATION raison, selon nous, qu'il faut la chercher le plus sou- vent dans la position superficielle des racines des vieux pins, dont le chevelu très abondant garnit et pénètre le sol en tous sens. En admettant cette opinion, on doit en conclure que les repeuplements naturels n’auront chance de réussir que dans les terrains assez riches et assez profonds pour que le pin, en avançant en âge, y en- fonce ses racines plus bas que la couche dans laquelle les jeunes plants étendent les leurs pendant les pre- mières années. Mais on sait que les pineraies occu- pent en général les sols les moins fertiles ; on s’ex- plique donc aisément comment il est si rare d'y rencontrer des repeuplements naturels bien venants et complets. N'était la considération importante de la dépense qu'occasionne le repeuplement artificiel par l'achat de la graine qui est assez chère, et par les frais de labour; n’était, de plus, la chance que l’on court de ne pas obtenir toujours de bonnes graines quand on est obligé de se les procurer par le commerce, on serait conduit, d’après ce que nous venons de dire, à poser en principe que la régénération du pin syl- vestre doit s’opérer par coupes à blanc étoc suivies immédiatement de semis artificiels, et que les coupes d’ensemencement ne doivent être pratiquées qu’ex- ceptionnellement, dans les terrains en pente, par exemple. En un mot, à nos yeux, la raison culturale conseille le premier mode, mais la raison financière DES FUTAIES. 279 pourrait, dans certains cas, justifier le second 1. 517. Coupes d'amélioration. Les pins sont, plus que les deux précédents conifères, exposés à se ployer -ou à se rompre sous le poids de la neige et du givre, à cause de leurs branches plus étalées et de leurs feuilles plus longues ?; il semblerait donc, au pre- mier abord, qu'on ne devrait y pratiquer que l’éclair- cie faible. Mais cette essence, dès qu’elle passe à l'état de gaulis, supporte mal le massif serré. Les branches qui s’entrelacent perdent leurs feuilles et ne tardent pas à périr ; la tête des arbres, au lieu de se développer circulairement, devient grêle, étriquée; et quand cet état de souffrance se prolonge, les cimes,en général, se déforment, les tiges elles-mêmes contractent des maladies et le peuplement tout entier devient parfois incapable d'atteindre un âge avancé et de belles dimensions. — Pour prévenir ce der- nier et grave inconvénient, sans cependant exposer la jeune pineraie à être brisée par la neige, le moyen le plus sûr, dont l'efficacité est aujourd'hui démontrée par l'expérience, consiste : 1° à entreprendre la pre- mière éclaircie (contrairement à la théorie générale), lorsque le bois est encore à l’état de fourré, au mo- ment où les branches les plus inférieures commen- cent à sécher; 2° à faire cette éclaircie forte. À la vé- ‘ Voir l’appendice. ? Cela peut tenir aussi à ce que la neige tombe en flocons plus gros et plus lourds dans les climats habités par le pin syl- vestre. 280 DE L'EXPLOITATION rité, 1] pourra arriver ainsi que la production de ter- reau, si abondante surtout dans la première jeunesse des pineraies, se trouve entravée où au moins dimi- nuée. Mais cet inconvénient ne sera que momen-. tané, attendu que les brins restants, ayant plus d’es- pace pour étendre leurs branches, ne tarderont pas à rendre au sol un épais couvert, tandis que, d’un autre côté, ils se formeront une tête bien conique, propre à assurer leur bonne croissance ultérieure ; en même temps, leur tige deviendra plus trapue et assez forte pour résister au poids de la neige. Les éclaircies suivantes devront être plus rappro- chées que dans les sapins et les épicéas, ce qui, sans doute, rendra chacune d’elles moins productive ; mais, prises ensemble, elles le seront davantage et exerceront, sur la végétation des tiges destinées à croître jusqu'à la fin de la révolution, l'influence sa- lutaire qui est le but principal de ce genre d’opéra- tion. ARTICLE XV. Exploitation d’une futaie de pin à crochets . 518. Les forêts de pin à crochets qui se trouvent dans les Alpes françaises n’ont pas été soumises, jusqu'ici, à une exploitation régulière et raisonnée. ! Cet article est tiré, en grande partie, d’un mémoire de M. du Guiny sur les futaies résineuses des Hautes-Alpes. DES FUTAIES. 281 Ainsi que nous l'avons dit ailleurs (page 135), ce n’est que depuis peu d'années qu'elles ont été l’objet de quelques études Imtelligentes qui nous ont mis à même d'apprécier cette essence. On n’a donc pas, sur les particularités du mode de traitement à leur appliquer, de renseignements bien certains et qui soient le fruit d’une longue expérience. — Voici, toutefois, ce que l’exploration attentive des lieux, jointe aux notions acquises sur les propriétés et les exigences de l'arbre, permet d'établir à cet égard. 519. Exploitabilité. L’extrème lenteur de la vé- gétation et les retards qu'éprouve généralement le réensemencement naturel dans les hautes régions habitées par le pin à crochets, exigent qu’il ne soit exploité qu'à un âge avancé, surtout s’il était reconnu qu'il est propre à la mâture. En vue de cette der- nière éventualité, les révolutions qu'il semblerait convenable de lui appliquer seraient, selon l'altitude à laquelle se trouve la forêt, les suivantes : de 1500 à 1800" — 160 à 180 ans, de 1800 à 3000" — 200 ans. 520. Coupes de régénération. L’abondance de la graine du pin à crochets dans les années où elle réussit, et sa légèreté, ainsi que le tempérament robuste du jeune plant, permettront de tenir assez espacées les réserves de la coupe d’ensemencement, qu'on devra d’ailleurs choisir parmi les pieds les plus vivaces et les mieux enracinés. Toutefois, dans 282 DE L'EXPLOITATION les parties exposées aux ouragans, il est à conseiller de les disposer par petits groupes ou bouquets, qui auront plus de chances de résister à l'effort du vent que des arbres isolés. La coupe secondaire pourra se faire en une seule fois ; elle sera suivie de près par la coupe définitive. Afin de diminuer les retards de la régénération naturelle, 1l sera bon, partout où l’on n'aura pas à re- douter les coulées de neige etl’éboulement desterres, de procéder à l'extraction des souches et même au dégazonnement partiel du sol, d’après le mode que nous avons indiqué plus haut [492 et 495]. Aux enseignements qui précèdent, il est nécessaire d'ajouter quelques recommandations particulières relatives, surtout, à l'assiette des coupes dans les localités exceptionnelles où croît le pin à crochets. 1° La 4° règle d’assiette [434] ne pouvant que rarement être appliquée dans ces hautes montagnes, faute de voies de vidange qui permettent d’éviter les inconvénients que signale la 2° règle [431], il est d'autant plus important d'établir, dans la partie su- périeure de presque tous les massifs situés en pente rapide, un rideau tel qu’il est prescrit dans les déve- loppements de cette 4° règle, mais beaucoup plus profond (150 à 200%), attendu l'extrème violence des coups de vent. De plus, la prudence exige, dans un grand nom- bre de cas, que l’on mette en réserve la lisière infé- rieure des forêts qui dominent les villages et les cul- DES FUTAIES. 283 tures, afin de garantir les unes et les autres contre les avalanches et contre les effets du ravinement des pentes. 2° Eu égard aux dangers qui viennent d’être si- gnalés, il sera essentiel de ne point asseoir les coupes d’ensemencement d’un seul tenant, mais bien par coupons séparés, et d'assurer ensuite le prompt repeuplement de ces différents coupons. — Cette manière d'opérer entraînera incontestablement quel- ques-uns des inconvénients reprochés au mode d’ex- ploitation appelé jardinage [438]. Toutefois, ces inconvénients seront très atténués si l'assiette des coupons, au lieu d’être abandonnée au hasard, est soumise à un certain ordre. Dès lors, les repeuple- ments, tout en différant d'âge, par places, ne se gêneront pas trop entre eux, et, considérés dans leur ensemble, les divers cantons composant la forêt présenteront encore une succession assez régulière- ment graduée. Or, il est permis de penser que, dans les hautes régions qu'habite le pin à crochets, 1lserait difficile, sinon impossible, d’atteindre un résultat plus satisfaisant. | 521. Coupes d'amélioration. — L’essence qui nous occupe croît, ainsi que nous l’avons dit, avec une extrème lenteur, particulièrement dans sa jeu- nesse, et se maintient en massif très serré. Cette double circonstance doit faire différer le commence- ment des éclaircies au moins jusqu’à l’âge de 40 ans; de plus, ces opérations devront être très faibles 284 DE L'EXPLOITATION 1467], afin que le massif continue sûrement à résister aux avalanches et aux éboulements, et qu'il procure au sol une couche abondante de terreau qui, sou- vent, forme la seule richesse de ce sol. En raison, précisément, de ces éclaircies toujours faibles, leur périodicité semble pouvoir être fixée à Lors de la dernière, seulement, il sera bon de desserrer le massif plus que dans les précédentes, afin d'amener, par avance, du semis naturel et d'assurer ainsi la prompte réussite des coupes de régénération. — Le tempérament du jeune plant qui résiste lontemps sous le couvert [306] jus- 15 ou 20 ans. üfie cette recommandation. ARTICLE. XNI: Exploitation d'une futaie de pin maritime. 522. Exploitabilité. — Pour savoir positivement ce que cet arbre peut devenir sous le rapport de son accroissement, et à quelle époque il conviendrait de fixer son exploitabilité, il faudrait le cultiver sans tourmenter sa vegétation [319]. En attendant les lumières de l'expérience, on ne peut Juger que par analogie. Il'est assez ordinaire que les arbres qui ont une végétation très rapide dans leur jeunesse, atteignent plus tôt que les autres leur maximum d’accroisse- ment. Le pin maritime devrait être particulièrement dans ce cas. Cependant, dans les départements méri- DES FUTAIES. 289 dionaux où 1l trouve le climat qui le fait prospérer, il paraît hors de doute que la période ascendante de son accroissement est assez longue, et, dès lors, on fera bien de retarder son exploitation jusqu’à 100 ou même 120 ans, suivant la nature du sol, afin que le bois puisse acquérir la solidité convenable pour les constructions et les autres emplois auxquels il il est propre. Bien entendu qu’en adoptant cette exploitabilité, il faut se garder de permettre le gemmage. 523. Coupes de régénération. — Le pin mari- lime n’ayant point encore été soumis à un traitement régulier, on pourrait être incertain sur le mode à suivre; mais la nature de ses graines, le tempéra- ment de son jeune plant et la disposition de ses racines doivent faire conclure que cet arbre peut être exploité de mème que le pin sylvestre. Ainsi, dans la coupe d’ensemencement, on pourra d'autant plus espacer les réserves, que le pin maritime résiste encore mieux aux Coups de vent. Sa semence, à la vé- rité, est un peu plus grosse et un peu plus lourde que celle du pin sylvestre, mais la membrane qui lui sert d’aile est d'autant plus grande, ce qui doit favoriser sa dissémination au loin. La coupe secondaire de- viendra inutileen raison du tempérament robuste du jeune plant; et l'extrême rapidité avec laquelle il végète fait penser que la coupe définitive devra suc- céder à celle d’ensemencement le plus tôt possible, c’est-à-dire, dans l’année qui suivra la naissance du 286 DE L’'EXPLOITATION repeuplement ou au plus tard deux années après. 524. Coupes d'amélioration. — Ce que nous avons dit à cet égard du pin sylvestre [517] s’'ap- plique aussi au pin maritime. La rapidité de sa crois- sance devra nécessairement faire avancer la pre- mière éclaircie etabréger la périodicité des éclaircies suivantes. 525. Les règles d'exploitation que nous venons d'exposer ne s'appliquent qu’aux forêts de pin mari- lime qui ne doivent pas être soumises au gemmage. Lorsqu'on se propose au contraire de gemmer, elles doivent se modifier: d'une part, ce procédé ralentit la croissance et abrège la vie de l'arbre ; de l’autre, ce n’est plus le bois, mais bien la résine qui devient le produit principal de la forêt. La première circonstance emporte avec elle des révolutions de plus courte durée, la seconde exige un mode parti- culier d’éclaircies très rapprochées que nous allons décrire, tel qu'il se pratique dans le midi de la France. L'intérêt du propriétaire étant évidemment de hâter l'époque à laquelle il pourra commencer le gemmage, 1l importe de favoriser le développement des branches et le grossissement des tiges le plus possible. A cet effet, on éclaircit les jeunes bois pour la première fois à l’âge de 7 ans, et ensuite de 6 en 6 années, jusqu'à 25 ans, époque à laquelle ils ont ordinairement atteint la grosseur convenable. Dans ces opérations, on amène par degrés l’espacement DES FUTAIES. 287 des pins entre eux : les deux premières doivent con- server encore le massif, quoique clair, afin d'activer la croissance en hauteur, mais, dès la troisième, on réduit le nombre des tiges à 700 ou 800 par hec- tare, et, à la quatrième, on n’en laisse plus subsister que 500; enfin, 5 ans plus tard, c’est-à-dire, à 30 ans, on réduit ce dernier nombre à 400. Les 100 arbres destinés à tomber, dans la cinquième éclaircie, sont désignés dès la quatrième et gemmés à mort [319]; les autres le sont à vie à partir de la même époque. Ces 400 pins restent ensuite sur pied de 30 à 60 ans et sont soumis au gemmage de 5 en 5 années. À 60 ans, on marque de nouveau 100 arbres pour être gemmés à mort, puis abattus, et les 300 pieds restants demeurent debout jusqu’à la coupe finale qui a lieu tantôt à 70 ou 80 ans, tantôt seulement à 100 ans, selon l’état des bois et la qualité du sol. 526. Nous avons indiqué plus haut comment les coupes de régénération devraient être pratiquées si l’on se proposait d'y recourir; mais il est à croire que généralement on emploiera plutôt la coupe à blanc étoc suivie du semis arlificiel. En effet, dans ! Dans l’ouest et le centre de la France, où le pin maritime occupe aujourd’hui de vastes étendues, au grand avantage des propriétaires et des populations, sa végétation est beaucoup moins belle et sa durée moindre que dans le midi. Il en résulte la nécessité de le couper au plus tard à 60 ans, et par consé- quent de le gemmer moins longtemps. 288 DE L'EXPLOITATION l’un comme dans l’autre système, un labour devient indispensable, car, par suite du grand espacement donné aux pins, le terrain ne peut manquer d’être couvert de toutes sortes d’arbustes et de plantes nui- sibles; d’un autre côté, la graine du pin maritime coûte peu à récolter et à extraire, elle est presque toujours de très bonne qualité, et les semis qu’on en fait réussissent parfaitement; tout se réunit donc pour faire donner la préférence à la voie artificielle. ARTICLE XVII. Exploitation d'une futaie de pin Laricio. 927. Le laricio, comme le pin maritime, atteint assez vite son maximum d’accroissement. Ainsi, à l’âge de 80 à 100 ans, il a déjà d'assez fortes dimen- sions ; Mais, pour qu'il devienne propre à la cons- truction et aux différents emplois qui exigent des bois de qualité supérieure, il est essentiel de le lais- ser vieillir bien davantage. L'âge de 160 ans pourrait être fixé pour son exploitation, et l’on fera bien de reculer ce terme jusqu’à 200 ans au moins, sur les hautes montagnes. Le laricio a tant d’analogie avec le pin sylvestre, qu'on peut affirmer que le même traitement lui con- vient, tant pour les coupes de régénération que pour celles d'amélioration. DES FUTAIES. 289 ARTICLE XVIII. Exploitation d’une futaie de pin noir. 928. Les auteurs forestiers qui ont écrit surcette essence s'accordent tous pour assimiler le traitement à lui appliquer à celui du pin sylvestre. La 8*édition de la Culture des bois de Cotta, publiée en 1856, contient, à ce sujet, les renseignements suivants : Pour que le pin noir atteigne les dimensions et les qualités qu'il est susceptible d'acquérir, il con- vient de le soumettre à une révolution de 120 à 150 ans, suivant qu'il occupe des régions plus ou moins élevées. — Dans la première jeunesse, 1l supporte, un peu mieux que le pin sylvestre, le couvert des grands arbres [515], mais, dès qu'il parvient à l’âge moyen, il ne se maintient pas plus que lui en massif serré, ce qui entraîne la plupart du temps le gazon- nement du sol et l'invasion de divers arbustes et morts-bois. — Les coupes de régénération doivent se faire dans les forêts de pin noir comme dans celles de pin sylvestre ; 60 à 80 réserves suffiront, par hec- tare, pour composer la coupe d’ensemencement. — L'essouchement des morts-bois et une culture par sillons donnée au sol, seront en général très utiles pour assurer la prompte réussite du semis naturel. Les coupes d'amélioration, dont l'ouvrage cité ne parle pas, pourront probablement être effectuées 19 290 DE L'EXPLOITATION d’après les règles que nous avons données plus haut [b17] pour les forèts de pin sylvestre. ARTICLE XIX. Exploitation d’une futaie de pin d'Alep. 529. Le pin d'Alep, de mème que le pin mari- time, atteint son plus fort accroissement dès l’âge de 60 à 70 ans ; mais, comme il est employé aux cons- tructions, on doit croire qu'il serait préférable de le laisser arriver au moins à l’âge de 80 ans, afin que son bois pût acquérir plus de solidité. Pour pouvoir donner des règles sur le mode d’ex- ploitation qui lui convient, 1l faudrait que cet arbre eût été étudié en forêt, dans le climat qui lui est propre. On sait cependant qu'il n’est pas fortement enraciné, et, selon toute probabilité, son jeune plant, sous le soleil brûlant des contrées où 1lvégète, se trou- verait bien de quelque abri dans les premières années. ARTICLE XX. Exploitation du pin pinier, du pin cembro,et du pin du lord Weymouth. 530. Le pin pinier, en France du moins, n’est encore culüivé que comme fruitier. En attendant que la sylviculture s’en occupe à d’autres points de vue, ce qui est fort à désirer, il n’y a pas lieu de rechercher les particularités du mode d’ex- DES FUTAIES. 291 ploitation qui. un jour, pourra lui être applicable. 9531. Quant au cembro dont il n'existe, dans notre pays, qu’une seule forêt, de faible étendue, à l'état pur [456], on pourrait presque émettre la même opinion. Toutefois, cette essence se trouve, dans les Alpes, fréquemment mélangée au mélèze, au pin à crochets et à l’épicéa, et son importance, surtout au point de vue des services qu’elle est appelée à rendre pour le reboisement des hautes sommités, est assez grande pour qu'on s'attache, non seulement à la conserver là où elle existe, mais encore à la propager autant que possible. On y parviendra en réservant les pieds de cembro partout où ils se rencontreront, dans les coupes d’ensemencement aussi bien que dans les éclaircies, et en donnant aux jeunes plants tous les soins et toute l’attention qu'ils réclament pour réussir. — D’après des observations, faites tant en Suisse que dans les Alpes françaises, il pa- raîtrait que le traitement indiqué plus haut pour les forêts d’épicéa [510 et 512] serait celui qui convien- drait le mieux au cembro. Non seulement les hommes, pour le commerce qu'ils en font, détournent une grande partie des graines de cembro de leur destination naturelle, mais les casse-noix (nucifraga caryocatactes) qui, à l'arrière saison, passent en troupes considérables sur les Alpes, les recherchent, dit-on, avidement et en consomment de fortes quantités !. Il semble donc : M. Broilliard. ‘ 298 DE L'EXPLOITATION tout à fait à propos de ne point abandonner entière- ment à la nature la propagation de cet arbre utile, mais bien de la favoriser artificiellement, par des semis et des repiquements dont il sera question dans le VI livre de ce cours. 532. Le pin du Lord Weymouth n’est point encore un arbre des forêts d'Europe, quoique très suscep- üble de le devenir. À la vérité, il en existe des es- sais sur différents points ; mais ils sont généralement faits sur une trop petite échelle, et trop récents d’ailleurs, pour qu'on puisse en déduire des règles d'exploitation. Toutefois, on connait la légèreté de sa semence, le tempérament assez robuste du jeune plant, la nature pivotante de la racine, etla croissance rapide de l'arbre ; on pourrait donc, si l’occasion s'en présentait, lui faire aisément l'application de la mé- thode du réensemencement naturel et des éclaircies. ARTICLE XXI. Exploitation d'une futaie de mélèze. 533. Les règles données plus haut (article XV du présent chap.) sur l'exploitation des forêts de pin à crochets sont entièrement applicables à celles de mélèze, croissant dans les mêmes régions. On sait d’ailleurs que ces deux essences sont très souvent associées et il est d'observation constante, tant dans les hautes montagnes que dansles situations mo- DES FUTAIES. 293 yennes où il a été introduit artificiellement, que le mélèze s’accommode parfaitement du mélange avec d’autres arbres, résineux ou feuillus, et que cet état favorise à la fois son accroissement et la régularité de forme de sa tige. Il y a donc lieu de maintenir ledit état partout où 1l se présente naturellement et même de chercher à le créer, lorsqu'on en a les moyens. Il est presque inutile de faire remarquer que, se- lon les essences avec lesquelles le mélèze se trouvera mélangé et selon le degré de ce mélange, il pourra être à propos de modifier larévolution etle traitement, surlesquels influerontnécessairementaussi,dans une certaine mesure, la qualité du sol et le climat local. ARTICLE XXII. Exploitation du cèdre du Liban. 534. Il serait superflu de parler de l’exploitabilité et du mode d'exploitation d’un arbre à peine connu, et qui, en France, n'existe encore que dans les plan- tations d'agrément. Ce sont, sans doute, les soins à donner aux jeunes plants [387] qui, jusqu'à présent, ont mis obstacle à ce que le cèdre prit place dans nos forêts. Mais, si les plantations en grand présentent beaucoup de difficultés, les forestiers peuvent se borner à quelques essais dans des situations diffé- rentes. Ils prépareront ainsi à leurs successeurs le moyen de juger cet arbre remarquable, sur lequel l'opinion est encore incertaine. CHAPITRE TROISIÈME. EXPLOITATION DES FUTAIES IRRÉGULIÈRES, QUI ONT ÉTÉ SOUMISES AU MODE DU JARDINAGE. ARTICLE PREMIER. Des forêts jardinées en général. 535 Nous n'avons traité jusqu’à présent que des futaies dont l’état régulier permet l'application de la méthode du réensemencement naturel et des éclair- cles ; mais, en France, il en existe un grand nombre qui ne sont nul'ement dans cet état. Telles sont entre autres les forêts jardinées. Le jardinage consiste à enlever, çà et là, les arbres les plus vieux, les arbres dépérissants, viciés ou secs, et d’autres en bon état de croissance, mais qui sont réclamés par le commerce ou la consommation DE L'EXPLOITATION DES FUTAIES. 295 locale. Dans ce mode d’exploitation, qui a été plus particulièrement appliqué aux essences résineuses, notamment au sapin et à l’épicéa, on a pour principe de ne jamais prendre que très peu d’arbres à la fois sur le même point, trois à cinq au plus par hectare, et d'étendre autant que possible le jardinage sur toute la forêt ?. Il résulte de cette manière d'opérer que la forêt présente, sur certains points, des sujets de tout âge confusément mèêlés, depuis le jeune brin jusqu’à la vieille écorce, et que les arbres qui ont le plus de grosseur et d'élévation gènent ceux qui se trouvent sous leur couvert, et en ralentissent la végé- tation. De plus, les arbres n'étant pas serrés entre eux, s'étendent en branches, deviennent presque toujours noueux, et n’atteignent pas la hauteur dont ils seraient susceptibles. Il en résulte encore que, s’élevant pour ainsi dire par échelons, ils ne peuvent se soutenir réciproquement et n'offrent pas assez de résistance aux coups de vent et au poids de la neige et du givre : les bois les plus faibles, arrêtés dans leur végétation par ceux qui les surmontent, contractent des germes de maladie lorsque cet état de gène se prolonge ; presque toujours ils languis- sent, rarement ils arrivent à un beau développement, et souvent ils meurent prématurément. Tel est, en général, l’état des forêts jardinées. Ce- ! Dralet. Traité des bois résineux, page 151. ? Id., Traité de l'aménagement, page 106. 296 DE L'EXPLOITATION pendant on rencontre fréquemment, dans certaines de ces forêts, de belles parties dont la prospérité est due aux soins du forestier qui a su déroger à la routine, en enlevant de préférence les arbres branchus qui surmontaient le jeune sous-bois, Celui-ci, dès-lors, débarrassé du couvert qui l’étouf- fait, a pu participer aux influences atmosphériques, s’est élancé et a pris une belle croissance. Des effets analogues, et sur un plus grand espace, ont sou- vent été opérés par des coups de vent qui ont enlevé les vieilles écorces et d’autres arbres qui dominaient de jeunes fourrés. Ainsi, l’on voit quelquefois, dans les forèts Jardinées, des peuplements semblables à ceux que l’on obtient dans les futaies régulières. 936. Le jardinage, en disséminant les exploita- tions sur de très grandes surfaces, rend la surveil- lance fort difficile, et augmente considérablement les dégâts provenant de l’abatage et de la vidange. Mais le reproche le plus grave auquel donne lieu ce mode, c’est de ne faire rendre aux forêts, dans un temps donné, que des produits matériels très inférieurs, en quantité et en qualité, à ceux que l’on obtient par la méthode du réensemencement naturel et des éclair- cies. Il suffit de comparer l’influence de ces deux modes sur la végétation, pour être convaincu de cette vérité. En effet, dans les forêts jardinées, nous voyons les sujets de toute catégorie entravés dans leur dévelop- pement, pendant un temps plus ou moins long, et DES FUTAIES. 297 souvent jusqu'à la fin de leur existence ; dans la futaie régulière, au contraire, la croissance est favorisée dès la première Jeunesse, et activée, jusqu’au terme de la maturité, par des exploitations périodiques. Ajoutons que, dans la futaie jardinée, 1l n’est pas question d'enlever, comme dans la futaie régulière, les jeunes sujets dominés qui, par conséquent, sont perdus pour la consommation. Quant à la qualité des arbres, la facilité qu'ils ont, dans la forêt jardinée, d'étendre leurs branches, les rend inférieurs, pour les constructions et la fente, à ceux qui ont crû en massif; et il est à remarquer, en outre, que les dégâts considérables causés par l'aba- tage et la vidange, dans une telle forêt, y multiplient les arbres viciés, tandis que l’on n’en rencontre que peu dans les fufaies régulières. ARTICLE II. Des coupes de transformation. 537. L'infériorité des futaies jardinées, compara- tivement aux futaies régulières, étant démontrée, on est nécessairement amené à conclure que la méthode du jardinage doit être supprimée et remplacée par un mode de coupes de transformation qui établisse, dans les premières de ces forêts, plus d’uniformité sous le rapport de l’âge et de la croissance des bois, et qui rende possible, par la suite, l'application de la méthode du réensemencement naturel et des 298 DE L'EXPLOITATION éclaircies. Mais, pour que, dans l’exécution de ces coupes de transformation, on atteigne entièrement le but que l’on se propose, 1l est essentiel de les modi- fier d’après les divers états de peuplement qui existent dans les forêts jardinées, états qu’on peut rattacher à trois types dont chacun demande un traitement particulier. 1° Quand les vieux arbres ne sont pas très nombreux, et que le terrain est suffisamment qarni de jeunes peu- plements en bon état de croissance, on doit se hâter de faire abattre tous ces vieux arbres, et même d’autres moins âgés, si, par une tête trop rameuse, ils gênent évidemment l’ensemble du sous-bois. Lors même que ce sous-bois serait déjà élevé, eût-il 25 ou 30 ans, il ne faudrait pas craindre de faire l'extraction dont nous venons de parler ; sauf, tou- tefois, à prendre toutes les précautions quant à l’aba- tage et à la vidange, prescrites plus haut pour les futaies régulières [478 et 479]. Le dommage qu'une pareille exploitation pourra occasionner, sera, dans tous les cas, bien inférieur à celui que causeraient, par la suite, des arbres branchus s’étalant de plus en plus au-dessus de la jeune forêt. 2° Quand la quantité des arbres est considérable, et qu'ils dominent un sous-bois jeune qui offre tous les signes d'une bonne végétation, sans cependant être assex vijoureux pour pouvoir Être exposé tout de suite à l'air et au soleil, 11 convient d’effectuer d’abord une exploitation semblable à la coupe secondaire, puis DES FUTAIES. 299 de faire exécuter plus tard la coupe définitive, lorsque les jeunes plants paraîtront suffisamment ro- bustes. 3° Enfin, si, sous de nombreux arbres, il existe un sous-bois entièrement rabougri par suite du couvert épais qu'il a subi trop longtemps, il faut se garder de vouloir élever une futaie avec un pareil sous-bois qui ne parviendrait jamais à un beau développement ; il est préférable de le sacrifier et de préparer le terrain pour un nouveau semis naturel. Dans les forèts résineuses, les arbres existants suffiront en géné- ral pour l’ensemencement; néanmoins, il pourrait arriver que, sur quelques points, ils ne fussent pas assez nombreux pour procurer l’abri nécessaire à des plants délicats, tels que ceux du sapin, par exemple; dans ce cas, 1l conviendra de suppléer à ce manque d’abri au moyen du sous-bois rabougri lui-même, qu'on ne coupera point, ou qu’on ne coupera qu’en partie, selon le tempérament de l'essence, afin de laisser aux nouveaux brins le temps de se fortifier assez pour résister aux influences atmosphériques. Plus tard, on extraira le sous-bois rabougri par forme de nettoiement t. ‘ Lorsque le sapin est l'essence dominante, bon nombre de ces sous-bois rabougris, une fois débarrassés d’un couvert trop épais, se ravivent très souvent et s’élancent avec une vigueur qui semble d'autant plus grande que leur végétation a été plus longtemps comprimée. Aussi, est-ce le cas de les conserver, toutes les fois qu'ils forment des bouquets ou petits massifs pouvant se relier avec les parties nouvellement réensemen- 300 DE L'EXPLOITATION Dans les bois feuillus, le moyen de régénération sera plus prompt et plus facile, toutes les fois que les brins mal venants garniront entièrement le terrain, et auront de faibles dimensions: en effet, il suffira d’avoir recours à une recépage ! en faisant abattre en même temps tous les vieux arbres. Ce recépage, effectué sur des brins d’un faible diamètre, fera naître de beaux rejets qui, dans peu d'années, auront pris une assiette et une végétation presque entièrement semblables à celles de brins de semence. Mais, si les sujets rabougris étaient peu nombreux et déjà forts, il vaudrait mieux prendre le parti de les déraciner, cées [502], à moins qu'ils ne soient entièrement dépérissants. Les épicéas résistent moins longtemps sous le couvert que les sapins ef, une fois rabougris, se récupèrent plus difficilement; toutefois, en bon fonds, ils se rétablissent entièrement, pourvu qu'on ait soin de ne pas les faire passer trop brusquement de l'état couvert à l'extrême opposé. Quant au pin, que l’on voit rarement, au surplus, à l’état de forêt jardinée, on saït qu’il ne supporte pas d'être surmonté, et que, une fois rabougri sous cette influence, il ne se rétablit plus. C'est ainsi que l’on trouve, dans certaines pineraies irrégulières (forêt de Haguenau), des gaulis et des perchis incomplets et chétifs qui, découverts trop tard, quoique depuis assez longtemps, demeurent languissants et stationnaires. Évidemment c’est le pire des états, et mieux vau- drait la perte entière, car de tels peuplements resteront toujours misérables et tiennent la place d’autres qui eussent été infini- ment plus productifs. ’ Ilest essentiel que ce recépage se fasse tout à fait à fleur de terre, afin de donner aux rejets une assiette solide, et d'éviter qu'il ne s’en présente un trop grand nombre sur la même souche. DES FUTAIES. 301 afin d'obtenir un repeuplement nouveau et complet, et d'empêcher que les rejets qui résulteraient du re- cépage ne vinssent à gèner ou à étoufler les Jeunes brins de semence. Lorsque l’essence sera le hêtre, on fera mieux, en général, de viser à une régénération par la graine, cet arbre étant peu disposé à se reproduire de sou- che. La nature du sol, ainsi que le climat, exercent à cet égard une grande influence. C’est au forestier à apprécier ces causes locales et à s'assurer, par des expériences faites en petit, de la faculté reproductive des souches. S'il existe le moindre doute sous ce rapport, il ne tentera pas le recépage, et cherchera, au contraire, à amener un nouvel ensemencement. Il pourra aussi, si le sous-bois n’est pas rabougri au dernier degré, se contenter de le débarrasser des arbres qui le dominent, et le laisser croître tel qu'il est. Cet expédient se fonde sur un fait bien constant : c'est que le hêtre possède, comme le sapin et plus que lui peut-être [502]|, la propriété de regagner de la vigueur, lors même qu'il a langui pendant fort longtemps sous le couvert; et il n’est pas rare de le voir prendre une belle croissance dès que les arbres qui l’offusquaient ont disparu 1. ! Nous pouvons citer un exemple à l'appui de cette assertion. Un jeune bois de hêtre, dans une situation élevée des Vosges, en très mauvais état de croissance par suite d’abroutissement, et surmonté d'un assez grand nombre de vieux arbres, parais- sait réclamer le recépage. Incertain sur le succès de cette opé- 302 DE L'EXPLOITATION 538. Telestletraitement à appliquer aux principaux états de peuplement qu'on rencontre dans les forêts Jjardinées ; on y en rencontre sans doute encore beau- coup d’autres, mais qui ne diffèrent (soit sous le rapport de l’âge, soit sous le rapport de la consis- lance) que par des nuances plus ou moins tranchées, de ceux que nous venons de décrire, et dont le trai- tement doit, par conséquent, se rapprocher plus ou moins des règles que nous avons données. Ce qui rend surtout difficiles les coupes de trans- formation, c'est que ces différents peuplements se trouvent pêle-mêle sur une étendue souvent très peu considérable, et qu’il faut alors changer de mode de traitement presque à chaque pas. Pour réussir dans ces opérations, l'essentiel est d’avoir toujours bien en vue le but que l’on veut atteindre. Ce but est d'obtenir des massifs qui,bien que différents d'âge par place, puissent être régénérés à la même époque sans qu'il en résulte unetrop grande perte d’accroissement. ration, et craignant le déboisement de cette partie de forêt, si les hêtres ne repoussaient pas, nous nous contentâmes de les mettre en défends et de les abandonner à eux-mêmes, après les avoir débarrassés des arbres qui les dominaient. Ils n’ont pas tardé à végéter avec assez de force et à gagner en hauteur; il y à trente-six ans maintenant que les bestiaux ont été éloignés de cette jeune forêt et qu’on a fait disparaître les vieux arbres, et sa végétation continue à être des plus satisfaisantes. Le bas des tiges seulement a une forme défectueuse, mais qui ne peut être d'aucun inconvénient pour le hètre, puisqu'il n’est employé qu’au chauffage et au travail. DES FUTAIES. 303 Les règles qu’on vient d'exposer et qui sont fonda- mentales du traitement des forêts jardinées, exigent qu'on se défende constamment, dans l'application, contre la tendance bien naturelle à tout forestier de chercher à élever des peuplements parfaitement ré- guliers. Souvent, par exemple, on serait tenté de faire disparaître certains bouquets de perchis assez âgés déjà, parce qu'ils sont environnés de fourrés et qu'il serait possible de provoquer un nouveau repeu- plement qui se raccorderait mieux avec ceux-ci. Une telle opération serait cependant une faute, car, sou- vent répétée, elle entraïnerait immédiatement des pertes considérables d’accroissement, et, dans les si- tuations où les semis naturels ou artificiels réussis- sent difficilement, elle peut même offrir des dangers. Il est donc très important de se bien consulter avant que d’abattre, dans les coupes de transformation, d’autres bois que ceux qui, par leur âge, leurs di- mensions ou leur position isolée, ne peuvent évi- demment faire partie du massif quasi-régulier qu'il s’agit de constituer. C’est ce massif qui procurera un jour le peuplement normal que l’on a en vue; mais 1l faut savoir attendre ce résultat et ne pas lui faire plus de sacrifices que de raison. 304 DE L'EXPLOITATION ARTICLE III. Marche des coupes de transformation. 539. Lorsqu'une forèt jardinée doit, par des coupes de transformation, être ramenée à l’état réguher, la marche de ces coupes peut être réglée d’une ma- nière analogue à celle que nous avons fait con- naître pour les futaies régulières [473]. Il est à observer, toutefois, que le jardinage ne saurait être supprimé immédiatement dans une telle forêt, en raison de l’état assez uniforme qu'elle présente dans son irrégularité. En effet, le plus souvent, 1l existe, sur tous les points, des arbres exploitables entre- mèêlés avec d’autres de l’âge moyen et du premier âge; or, si l'on se contentait d'établir une suite de coupes de transformation qui se succéderaient de proche en proche, 1l est évident qu’un grand nombre des arbres, qui dès à présent sont mürs ou sur le retour, périraient avant que les coupes vinssent les atteindre. Il faut donc, de toute nécessité, que, dans le nouveau mode d'exploitation, ces arbres soient en- levés à temps, et c’est dans ce but que le jardinage doit être continué. Ainsi, pour ramener une forèt jardinée à l’état ré- gulier, on doit établir deux exploitations distinctes : d'une part les coupes de tranformation, de l’autre, les DES FUTAIES. 309 coupes de jardinage portant sur les arbres mûrs et dépérissants. Nous verrons, dans ce qui va suivre, comment ces deux exploitations se combinent pour conduire au but proposé. 940. La révolution à adopter pour opérer la transition de l’état jardiné à l’état régulier, révo- lution que nous nommerons transitoire, doit être abrégée autant que possible ; toutefois, il faut qu'elle soit assez longue pour qu’à son expiration, la forèt présente des peuplements parvenus à leur exploi- tabihté, ou du moins qui en approchent. La durée de la révolution transitoire dépendra donc principa- lement de l’âge qu’auront les jeunes massifs créés par les coupes de transformation qui auront été faites les premières. Cette révolution, de même que celle d’une futaie régulière, devra être divisée en périodes, dont chacune aura son affectation sur le terrain. Mais, en déterminant ces affectations, on cherchera principalement à favoriser l’amélioration future de la forêt et, par conséquent, à observer les règles d’as- sielte, afin d'assurer pour l'avenir une succession aussi régulière que possible dans les coupes. De tels résultats, au cas particulier surtout, sont bien plus importants à obtenir que l'égalité des produits périodiques. Cette égalité est d’ailleurs d'autant plus difficile à atteindre en général, que l'irrégu- larité de la forèt est plus grande, que les arbres ‘présentent moins de similitude sous le rapport de leurs formes et de leurs dimensions, et enfin que 20 306 DE L'EXPLOITATION les influences sous lesquelles ils végètent sont plus diverses. Pour parvenir à réaliser le rapport soutenu dans une forêt jardinée qu’on veut transformer, nous pensons que le meilleur moyen, peut-être, et en même temps le plus simple, est d'y multiplier les séries d'exploitation, d'après les principales différences de fertilité et de peuplement, puis, de donner aux affec- tations des périodes, dans chacune de ces séries, des contenances égales !. Supposons que lon adopte les principes qui viennent d'être posés, et que la révolution transitoire d’une série d'exploitation ait été fixée à 75 ans, au lieu de 100 qui serait la durée ordinaire, puis par- lagée en périodes de 25 ans chacune ; et examinons ‘ En effet, dans la forêt jardinée, il n'existe pas, comme dans la futaie régulière , des peuplements d’âges gradués; tous les âges au contraire s’y trouvent confusément mêlés. Sous ce rap- port donc, les mêmes difficultés comme les mêmes facilités se rencontreront dans une même série, qu'elle soit grande ou petite. Il suit de là que, pour constituer chacune d'elles, il serait superflu de se préoccuper de la gradation des âges; la qualité et la configuration du sol devront seules être considérées, ce qui, le plus souvent, donnera la facilité de ne comprendre dans une même série que des parlies ayant à peu près la même fertilité. Quant à la formation des affectations, comme les diffé- rences de consistance entre des peuplements aussi complé- tement irréguliers que ceux de la forêt jardinée ne sauraient évidemment se déterminer avec la précision nécessaire, le mieux, dans la plupart des cas, sera de n’en pas tenir compte. DES FUTAIES. 307 quelle sera la marche des exploitations, pendant toute cette révolution, de période en période. 541. Exploitation de la 1" période. — C’est dans l’affectation de cette période que commenceront les coupes de transformation: on les effectuera d’après les règles données dans l’article précédent, et l’on fera bien, en outre, afin d'aider autant que possible à la végétation du sous-bois sur toute l'étendue de l’af- fectation, de les accompagner d’ébranchements de gros arbres, dans les parties qui ne viendront en tour d'exploitation que dans la dernière moitié de la période. Parallèlement à ces coupes de transformation, marcheront dans les affectations des périodes 2 et 3, les coupes jardinatoires dont nous avons parlé plus haut. Ces dernières coupes, comme nous l'avons dit, sont particulièrement destinées à faire disparaitre les bois que l’on ne pourrait laisser sur pied jusqu'à ce que les coupes de transformation vinssent les atteindre. On peut joindre encore à ce but, celui de préparer insensiblement la forêt à l’état plus régulier auquel elle doit, plus tard, être amenée définitivement, et, dans cette vue, faire porter le Jardinage, autant que possible, sur les arbres dont la présence nuit à de nombreux sous-bois, en même temps qu’on enlèvera, par forme d’éclaircie, les tiges dominées dans les perchis. Dans l'affectation de la se- conde période, le jardinage devra se borner aux arbres entièrement dépérissants ; mais, dans celle de 908 DE L'EXPLOITATION la troisième, il devra porter aussi sur les arbres en retour. Par ce moyen, les produits, pendant là première période, pourront attemdre le chiffre où 1ls étaient avant que la transformation ne commencät, et dans certains cas même le dépasser. 542. Détermination de la possibilité. — La pos- sibilité des coupes de transformation doit ètre basée sur le volume et se déterminer à l'entrée de chaque période [426 et 427], comme celle des coupes de ré- sénération dans une futaie régulière. Ces exploi- lations ne sont, en effet, que des coupes de régéné- ration, modifiées en raison d’un état particulier de peuplement, et nous avons vu ailleurs [475] les motifs qui empèchent que celles-ci ne soient établies par contenances égales. L'irrégularité du peuplement seule, au surplus, serait un motif suffisant pour re- noncer à la possibilité par contenance. On doit s'attendre à ce que la détermination de la possibilité, dans la forèt jardinée, soit affectée d’une erreur bien plus considérable que dans la fulaie régulière. Aussi est-il indispensable de vérifier le travail d'estimation plusieurs fois dans le cours de la période. Il est inutile de faire observer que, dans celle estimation, on ne devra comprendre que les arbres que l’on jugera devoir tomber dans les coupes de transformation. 943. Le point le plus difficile à régler dans les ex- DES FUTAIES. 309 ploitations qui nous occupent, c'est le volume des produits que doivent fournir annuellement les cou- pes de jardinage. Dans l’affectation de la deuxième période, avons- nous dit, ces coupes devront se borner aux arbres dépérissants, et, dans laffectation de la troisième période, elles devront atteindre, en outre, des arbres en retour. Si done on voulait procéder rationnelle- ment, pour déterminer le volume à exploiter par an dans l’une et l’autre affectation, il faudrait avoir l'in- ventre des arbres dépérissants et de ceux qui pour- ront le devenir avant que les coupes de transforma- lion n'arrivent dans les parties où ils se trouvent ; et pour ce qui concerne l'affectation de la troisième pé- riode en particulier, il faudrait connaïtre encore la quantité d'arbres en retour qui devront tomber par suite du jardinage. Mais, outre qu'un pareil inventaire exigerait de fort longs comptages d'arbres, 1l présenterait encore dans l'exécution une mulüitude de cas très embar- rassants, en ce sens, qu'il serait souvent fort difficile de décider d'avance, si tel arbre devra être compris ou non dans le jardinage. Ensuite, 1l est évident que si, pour fixer la possibilité des coupes de transfor- mation, on est sujet à commettre de graves erreurs, on l’est à plus forte raison pour fixer celle des coupes de jardinage. El cependant,ici, toute vérification dans le cours de la période est à peu près impossible, à moins d'imprimer aux arbres destinés à être atteints 310 DE L'EXPLOITATION par le jardinage un signe distinctif, ce qui, en vérité, n’est guère proposable, et dans beaucoup de cas, ne serait même pas efficace. Baser la possibilité des coupes de jardinage sur le volume nous semble done tout à fait impraticable, parce que l'opération, longue et difficile à exécuter, ne pourrait aboutir qu'à des résultats extrêmement vagues, et susceptibles de donner naissance à des erreurs pires peut-être que celles qu’engendrerait un entier arbitraire. Toutefois, il faut le reconnaître, une base quel- conque est nécessaire pour ces exploitations. Peut- être la trouverait-on en se reportant à l’ancien jar- dinage, dont la possibilité, comme on sait, se fixait en déterminant le nombre d'arbres à couper annuel- lement par hectare [535]. Supposons, par exemple, que ce nombre ait été 5; on le réduirait à 1 ou à 2 dans l'affectation de la seconde période, où il ne s’agit d’abattre que des arbres dépérissants, et dans l'affectation de la 3° période, où il faut faire tomber en outre des arbres en retour, on porterait ce nombre à 3 ou à #. Puis, si l’on croyait utile d'exprimer approximativement ce nombre d'arbres en mesure de solidité, il suffirait de déterminer, dans chaque affectation, par quelques expériences, le volume d’un arbre moyen de la catégorie que le jardinage doit atteindre ; multipliant ensuite, par ce chiffre, le nombre des arbres à couper annuellement, on aurait la possibilité cherchée. DES FUTAIES. 311 Cette manière de procéder est sans doute peu sa- üsfaisante, en ce que, bien évidemment, elle ne saurait conduire au degré d’approximation désirable. Mais, du moins, elle a le mérite d’être expéditive et de n’occasionner n1 frais ni perte de temps dans des recherches auxquelles l’état des choses interdit le succès. On pourra d’ailleurs, chaque fois que l’on vé- rifiera la possibilité des coupes de transformation, soumettre aussi à un nouvel examen la base des coupes de jardinage et leurs résultats. Sans entrer dans des opérations de détail, le forestier entendu saura bien juger si le nombre des arbres, que les coupes jardinatoires ont encore à atteindre, est plus petit ou plus grand qu'ilne devrait l'être, et s’il con- vient, par conséquent, d’abaisser ou d'élever le chiffre des produits que doivent fournir ces coupes !. 544. En terminant cette discussion, nous rappel- lerons ce que nous avons dit plus haut : Dans l’exploitation d’une forêt jardinée, la chose principale est la transformation, parce que d’elle doit résulter un état infiniment supérieur à ce qui existe, et dont la conséquence sera l’augmentation de la production. La possibilité n’est que secondaire: c’est en vain que l’on tenterait de la déterminer avec la même approximation que dans une futaie régulière: l’état du peuplement y met des obstacles insurmon- tables. Aussi les moyens les plus simples, les plus ! Voir l’appendice. 01e DE L'EXPLOITATION larges et les plus expéditifs pour en fixer le chiffre nous paraissent-ils les meilleurs. 545. Exploitations des périodes 2 et 3.— Dans l'affectation de la deuxième période, les coupes de transformation trouveront une plus grande quantité de bois à abattre que dans celle de la première, les coupes de jardinage y ayant été réduites, depuis vingt-cinq ans, aux arbres dépérissants ; la possi- bilté de ces coupes de transformation sera done augmentée. Quant aux produits que le jardinage fournissait pendant la première période, ils seront compensés d’une part par ceux qu'il continuera de fournir dans l'affectation de la troisième période, et de l’autre par les produits des éclaircies périodiques qu'il y aura lieu d'entreprendre dans l'affectation de la première. Enfin, à la troisième période, les coupes de trans- formation trouveront la forèt peuplée, en très grande partie, de bois mürs, qui tous devront être coupés, et dont les produits seront renforcés encore par ceux des éclaircies périodiques à faire dans les affectations des deux périodes précédentes. 946. Les inconvénients du jardinage ayant été reconnus en France depuis une trentaine d’années, ce mode d'exploitation a presque généralement (du moins dans les forêts soumises au régime forestier), fait place à des coupes dans lesquelles on s’est ap- pliqué à débarrasser d’un couvert nuisible les peu- plements Jeunes ou d'âge moyen, et à supprimer = Ü DES FUTAIES. 21h: partout les bois morts ou dépérissants que beaucoup de forêts présentaient en abondance. En même temps, on a pratiqué des éclaircies périodiques dans les jeunes massifs suffisamment réguliers qui se ren- contraient çà et là. C'est, on le voit, une véritable transformation que l’on a opérée ainsi. Seulement on s'est borné, le plus souvent, à améliorer le traitement sans régler en même temps la marche des exploi- tations d’après les principes que nous venons de donner. On trouve donc aujourd'hui bon nombre de forêts qui, régularisées en partie, ne présentent plus l’état jardiné que dans quelques cantons, le surplus se composant de massifs plus ou moins réguliers, fourrés, perchis ou futaie exploitable ou à peu près. Lorsque ces différents états de peuplement se trouveront convenablement groupés, on conçoit qu'il sera assez facile d'en composer une ou plusieurs séries d'exploitation dans lesquelles les parties jar- dinées formeront, autant que possible, l'affectation de la première période, les massifs exploitables, celle de la seconde, et ainsi de suite. La révolution de 100 à 120 ans pourra même souvent, dans ce cas, être immédiatement admise, afin d'établir, pour les révolutions suivantes, une gradation d'âge aussi normale que possible; et, quant au rapport soutenu, si l'on ne réussit pas toujours à l’assurer pour une même série, on y parviendra, du moins dans les masses importantes, en considérant comme liées entre elles un certain nombre de séries dont les 314 DE L'EXPLOITATION produits pourront se compenser à travers les diffé- rentes périodes de la révolution [420/. Mais le cas que nous venons de considérer est le plus rare. En général, les peuplements qu'il s’agit de réunir en une série, sont dans des conditions qui rendent cette réunion fort difficile: tantôt les parties jardinées ont trop d’étendue pour ne composer qu'une seule affectation, ou trop peu pour en four- nir deux, et les massifs exploitables, que l’on pour- rait y rattacher, à ütre de complément, font défaut; tantôt ce sont les bois d'âge moyen ou les jeunes bois qui ne sont pas représentés ou qui ne le sont pas suffisamment; tantôt enfin les peuplements de chaque catégorie sont dispersés, ce qui met obstacle à ce qu'on en compose une même affectation. Appliquer à de telles forêts, immédiatement, un plan normal d’exploitation,n’est évidemment pas pos- sible. Ce que l’on doit chercher 1c1, c’est d'achever de régulariser les différents peuplements, surtout les parties jardinées, dans le cours d’une révolution préparatoire dont la durée dépendra de deux cir- constances : 1°le plus ou moins d'urgence qu'il v aura d'extraire les bois destinés à disparaitre pour la régularisation du peuplement, et 2° l’âge actuel des massifs qui devront venir en tour d'exploitation après la transformation terminée, c’est-à-dire, for- mer la première affectation de la révolution qui succèdera à la révolution préparatoire. Il va sans dire d’ailleurs que, comme dans le premier cas, et DES FUTAIES. 315 bien plus encore, il sera souvent opportun el même nécessaire, pour assurer le rapport soutenu, d’ad- mettre la compensation de série à série pour une ou plusieurs périodes. 547. Malgré les longs développements dans les- quels nous sommes entrés au sujet des forêts jardi- nées, on trouvera toujours encore, dans la pratique, des cas nombreux qui n'auront point été prévus. Dans toutes les forêts irrégulières, et surtout dans les forêts jardinées, il est impossible de prévoir tous les états qui peuvent se présenter; la théorie doit donc se borner aux cas les plus généraux, et laisser le reste au coup d'œil et à expérience du praticien. C’est en présence de pareilles forêts que l’instruc- tion technique est de la plus grande nécessité, non instruction qui prétend tout régler d'avance, mais celle qui, aidée de la réflexion et du jugement, sait modifier l'application des principes en raison des circonstances. ARTICLE IV. Des cas où le jardinage doit être conservé. 548. Quelque incontestable que soit Pinfériorité du mode jardinatoire comparé à la méthode du réensemencement naturel et des éclaircies, 1l est néanmoins quelques cas où 1l convient de faire usage de ce mode, 316 DE L'EXPLOITATION Ainsi, dans certaines situations très élevées, où le climat extrèmement rude est souvent un obstacle à la réussite des repeuplements, le jardinage peut être avantageux, parce qu'il n'éclaireit jamais la forêt que par petites places, dans lesquelles les repeuple- ments résistent mieux aux rigueurs du climat que sur des surfaces plus grandes. Le jardinage trouve aussi son application dans les régions où les bois sont conservés particuhière- ment pour abriter une localité, soit contre des vents dangereux, soit contre des avalanches ou des ébou- lements [404 et 434/, etil en est de mème sur cer- lains versants abrupts, couverts de rochers entre lesquels les bois ne peuvent croître que çà et là, par bouquets, et où le peu de terre végétale, qui a réussi à s’y former, à d'ailleurs le plus grand besoin de couvert pour se maintenir. En pareil cas, l’objet principal de la culture n’est plus la production du bois, mais bien la conservation de l’abri reconnu né- cessaire ; 1] faut donc, dans les exploitations, tendre à maintenir la forêt dans un état de consistance qui varie le moins possible, et s'appliquer, par consé- quent, à n’amener que des repeuplements partiels, au fur et à mesure de la coupe des arbres tout à fait dépérissants. Enfin, ce mode peut encore convenir à quelques propriétaires, communes, établissements publics ou particuliers, qui, ne possédant que des bois d’une fuble étendue, veulent cependant trouver à y exploi- DES FUTAIES. 317 ter chaque année des pièces de dimensions diverses. 549. Mais lorsque le jardinage devra être main- tenu, au lieu de le pratiquer comme autrefois el tel on s'appli- que nous l'avons décrit plus haut [555 |, quera à en atténuer les inconvénients et à le concilier avec un certain ordre dans la marche des exploita- tions. Il est difficile de tracer des règles pour un traitement aussi essentiellement irrégulier que le jardinage; toutefois, on peut poser quelques prin- cipes généraux, dont on ne s’écartera que le moins possible, suivant les exigences du propriétaire el d’après les circonstances particulières à chaque forêt. Pour établir un jardinage rationnel, 1l convient d’abord de diviser la forêt en parcelles, cixconserites, autant que faire se pourra, par des limites naturelles, crèles de montagnes, fonds de vallées, ruisseaux, et surtout par des chemins pouvant, lors des exploita- lions, servir à vider les produits sans dommage pour les parties voisines. Ces parcelles devront être assez nombreuses pour que le jardinage annuel puisse se renfermer dans l’une d’elles ou tout au plus dans deux. | Le parcellaire établi, on déterminera l’ordre dans lequel les parcelles devront ètre parcourues par le jardmage, en ayant égard à leur peuplement tant en jeunes qu’en vieux bois et en tenant compte des règles d’assiette; puis enfin, on fixera la périodicité des coupes de jardinage, c’est-à-dire, le nombre 318 DE L'EXPLOITATION d'années à employer pour parcourir toutes les par- celles d’une série. Pour régler ce dernier point, il sera nécessaire de déterminer : 1° Quel âge et quelle grosseur les ar- bres doivent avoir atteints pour être réputés explot- tables; 2° Quel est le nombre de ces arbres; 3° Combien d'années devront s’écouler pour qu'un même nombre d'arbres non encore exploitables puissent le devenir. Ce laps de temps, toutefois, ne pourra être qu'une moyenne qu'il sera prudent d’al- longer plutôt que de trop raccourcir, afin de tenir compte de l'imprévu dans la végétation; sa durée fera évidemment connaître la périodicité cherchée. Quant à la possibilité, on conçoit qu’elle ne pourra ètre basée que sur le volume; soit qu’on calcule celui-ci comme pour les coupes de transformation 1542}, en estimant le volume actuel et le volume fu- tur de tous les bois réputés exploitables ; soit qu’on se contente de fixer le nombre de pieds d’arbres à exploiter annuellement, ce qui suppose toujours qu'on se sera rendu compte, avec plus ou moins de précision, de leur nombre {otal et du volume de l'arbre moyen. Le jardinage lui-même se fait d’après les règles suivantes : 1° L'exploitation portera en première ligne sur les arbres branchus de fortes dimensions qui sur- montent, soit des perchis, soit des fourrés ou des gaulis. DES FUTAIES. 319 Si, dans ces derniers, il se trouve çà et là des per- ches isolées qui ne pourront jamais faire massif avec l’ensemble, et entravent par conséquent sa crois- sance, elles devront également être extraites quel que soit leur âge. 2° Au lieu de n’enlever, à la fois, qu’un seul arbre exploitable sur une même place, ainsi que le voulait l’ancien jardinage, 1l faudra, au contraire, en abat- tre plusieurs, de manière à favoriser l’accès de la lu- mière sur le sol autant qu'il sera nécessaire pour assurer la venue du jeune plant et son développement pendant un certain nombre d'années. On trouvera la Juste mesure à cet égard, en se pénétrant bien de ce principe : que si l’ombrage des arbres est presque toujours avantageux aux sous-bois, leur couvert pro- duit généralement l'effet contraire *. 3° Outre les bois exploitables proprement dits qui formeront le produit principal de l'exploitation an- nuelle, les coupes de jardinage devront faire dispa- raître encore, dans la parcelle où elles seront effec- tuées, tous les bois rabougris et dominés sur lesquels porteraient les éclaircies périodiques dans les futaies régulières. 4° Les chablis et les arbres morts seront exploités chaque année dans toute la série, et leur produit sera précompté sur la possibilité. Dans les parcelles qui ne ! Voir, dans le IVe livre, les définitions de l’ombrage et du couvert. 320 DE L'EXPLOITATION DES KUTAIES. devront pas être prochainement atteintes par les coupes jardinaloires, les vieux arbres qui causent un notable dommage par leur couvert devront être élagués à une hauteur convenable. »° Enfin, toutes les précautions recommandées pour l’abatage et la vidange des bois, dans les futaies régulières |#78|, devront être observées avec le plus grand soin dans les forêts jardinées f. | ‘ Voir l'appendice. CHAPITRE QUATRIÈME EXPLOITATION DES FUTAIES IRRÉGULIÈRES QUI ONT ÉTÉ SOUMISES AU MODE DIT A TIRE ET AIRE. ARTICLE PREMIER. De l’état de ces forêts en général. 550. Outre les forêts jardinées, 1l existe encore, en France, d’autres futaies irrégulières qui, le plus souvent, ont pour essences dominantes le chêne et le hêtre. Leur état est d'ordinaire peu satisfaisant, et provient, en général, du mode d’exploitation dit à tire et aire, auquel ces forêts étaient soumises en vertu d'anciennes ordonnances. Ce mode, qui semble avoir été conçu dans le but de remédier aux nombreux abus nés du jardinage [535], consistait surtout à asseoir les coupes par 21 322 DE L'EXPLOITATION contenances égales, de proche en proche et sans rien laisser en arrière ‘. Quant aux arbres de réserve, ils étaient peu nombreux dans les coupes, et celles-ci, une fois vidées, restaient abandonnées pendant tout le cours de la révolution, sans qu'on y fit aucune exploitation, ni pour assurer les conditions du repeu- plement naturel [459], ni pour favoriser la croissance des jeunes bois [465]. L'ordonnance des eaux et forêts de 1669, par exemple, qui a généralisé lappli- cation du mode à üire et aire et dont les dispositions sont demeurées en vigueur jusqu'à la promulgation du Code forestier ?, portait: que la réserve dans les coupes de fulaie serait de dix arbres par arpent (20 par hectare); et du reste elle ne permettait point, ainsi que nous venons de le dire, que dans une même révolution, ces coupes fussent soumises à plusieurs exploitations. Il résultait d'un tel mode, que les’ peuplements croissaient en massif trop serré pour fournir des pièces de belles proportions et d’une texture forte 1470]; puis, les arbres réservés dans les coupes étaient en trop petit nombre pour assurer le repeuple- ment du terrain. Ils pouvaient d'autant moins l’as- surer que beaucoup, parmi eux, étaient la proie des vents ou séchaient après peu d'années, par suite dela transition trop brusque de l’état serré à l’entier isole- ‘ Voyez Dictionnaire des Fes par Baudrillart, page 913. ? 1er août 1827. DES FUTAIES. 329 ment. Enfin, l'exploitation à tire et aire, en dénudant le sol, donnait accès aux herbes el aux ronces, aux arbustes, aux morts-bois et aux bois blancs, toutes plantes qui s'opposaient à la propagation et à la croissance des essences d'élite. 551. Toutefois, quand peu d'années avant la coupe, les graines de ces essences avaient été abon- dantes, on voyait paraître un repeuplement considé- rable, mais qui, selon le tempérament des jeunes plants, souffrait plus ou moins. Si c'étaient des chênes, ils ne tardaient pas à languir, et la plupart finissaient par succomber ; si c'étaient des hêtres au contraire, 1ls résistaient mieux et souvent assez long- temps pour parvenir en définitive à lutter avec avan- tage contre les bois blancs’et les morts-bois, lorsque ceux-ci, à cause de leur âge, commencçaient à croître avec moins de force et même à périr !. Les arbres de réserve que l’on était forcé de laisser subsister Jusqu'au retour de la coupe, étendant librement leurs branches, contribuaient encore à ralentir la végé- tation des bonnes essences. Mais de tels résultats, évidemment les plus heu- ‘ C’est ainsi que l’on peut expliquer comment, dans nos futaies d'aujourd'hui, le chêne est rare presque généralement, tandis que le hêtre s'y est conservé assez bien, malgré les entraves apportées à la végétation dans les vingt ou trente premières années de son existence et le retard considérable qui en résultait pour son accroissement. (Voyez Dralet, Traité du hêtre, page 79.) | 324 DE L'EXPLOITATION reux que pût produire le mode à Ure et aire, étaient bien plutôt l'exception que la règle. Le plus souvent ce mode avait des conséquences beaucoup plus fà- cheuses, ainsi que nous l'avons dit d’abord, et que le prouvent d'ailleurs les vastes terrains couverts de bois tendres ou même entièrement dépeuplés, que l’on rencontre en si grand nombre dans nos futaies d'aujourd'hui. 552. Comme on le voit, les futaies traitées à lire et aire offrent, en général, des massifs très diversement irréguliers, presque tous incomplets et viciés, et qui réclament un prompt remède pour ne pas le devenir davantage. Sauver les bonnes es- sences en faisant disparaître les causes qui entravent leur végétation, leur rendre la totalité du terrain et régénérer ainsi les sources de la production, hâter enfin le moment qui rendra possible l'introduction complète de la méthode du réensemencement natu- rel et des éclaircies, tel doit être le but du traitement actuel de ces forêts. AR IPICIMEMMNTE Des coupes de transformation. 993. Pour réaliserlatransformation qui vientd'être indiquée, il est nécessaire de bien se rendre compte de l’état des divers peuplements que présentent d’or- dinaire les forêts dont il s’agit. On peut classer ces peuplements en quatre catégories principales: DES FUTAIES. Da 1° Les restes de vieilles futaies : 2° Les perchis; 3° Les gaulis et les fourrés ; 4° Les parties totalement rumées. 554. Bien que les vieilles futaies soient fréquem- ment clair-plantées, le nombre d'arbres y est cepen- dant, en général, suffisant pour procurer le repeu- plement naturel, à l’aide des coupes de régénération, et parfois même on v trouve des massifs complets qui sont dans un très bel état de végétation. Leur traitement rentre donc dans l'application pure el simple de la méthode du réensemencement naturel et ne présente aucune difficulté. 999. Dans les perchis, on rencontre ordinairement les anciens arbres de réserve qui ont gêné et gênent encore la végétation des jeunes bois; on y trouve ensuite, en plus ou moins grande quantité, des bois blancs dont la présence est également nuisible. Nous parlerons d'abord des anciennes réserves. Lorsque ces réserves sont en très petitnombre, et que l’on croit pouvoir les extraire sans causer trop de dégâts, on doit le faire, quel que soit l’âge du perchis, en apportant, dans l’abatage et dans la vi- dange, toutes les précautions possibles. Mais lors- que les réserves sont nombreuses ou qu’elles sont rassemblées par places, comme cela se voit dans certaines forêts où l'ordonnance n'a pas toujours été strictement observée, ce serait une faute de les abat- tre toutes. Dans ce cas, en effet, le perchis qui se 326 DE L'EXPLOITATION trouve parmi les réserves à erû dans une gêne extrême, causée par leurs ramures volumineuses ; les tiges qui le composent se sont élancées, mais n'ayant recu qu'incomplètement l’action de la lumière et ayant manqué d'espace pour prendre du corps, elles ont un diamètre beaucoup trop faible, proportionnel- lement à leur hauteur, etnese soutiennent contre les intempéries, que par lappui que leur prêtent les branches des arbres entre lesquels elles se sont éle- vées. Si donc cet appui leur était enlevé subitement, elles périraient inévitablement victimes des vents, de la neige ou du givre. Comment améliorer cet état de choses sans courir le danger que nous signa- lons ? On y parviendra, en se bornant à couper les ré- serves entièrement dépérissantes, et en faisant éla- guer ! les autres, de manière à donner insensible- ment plus d'air au perchis et à favoriser sa crois- sance en grosseur, sans cependant le priver de l'appui qui lui est indispensable. Par ce moyen, les jeunes tiges finront par prendre de la consis- tance, et le peuplement, dans son ensemble, pourra ètre conduit, dans un état convenable, jusqu’au terme de son exploitation. 1 Dans cet élagage, les branches servant d'appui au perchis ne devront pas être coupées entièrement; il convient, au con- traire, de se borner à les raccourcir, afin que, tout en donnant aux perches plus d'espace, elles continuent cependant encore à les appuyer. Lu DES FUTAIES. 327 Cependant, si sur un point on trouvait de nom- breuses réserves, et qu'elles fussent toutes dépéris- santes, il faudrait se décider, malgré la perte mo- mentanée qu'on en éprouverait, à laisser sur pied celles que l’on jugerait indispensables pour soutenir le perchis, dût-on courir la chance de les voir périr tout à fait. Il est évident, en effet, que mieux vau- drait, dans ce cas, sacrifier une partie des produits actuels, que de compromettre l’existence du perchis tout entier. Quant aux bois blancs que l’on rencontre dans les perchis, en plus où moins grand nombre, il convient de les extraire en même temps que les anciennes réserves; mais, comme pour celles-ci, il faut avoir égard à l'effet que cette extraction pourra produire, et la modifier selon qu'il en sera besoin. Ainsi, lorsque les bois blancs seront mélangés aux bonnes essencesen faible proportion, ils devront être coupés sans exception; au contraire, quand ils for- meront une partie assez notable du peuplement pour qu’on ne puisse les enlever sans détruire le massif, ilfaudra en réserver le nombre indispensable à la con- servation des tiges de bonnes essences. Plus tard, il y aura lieu de faire disparaitre ces bois blancs par un second nettoiement, si les bonnes essences sont alors assez nombreuses pour pouvoir former le massif à elles seules ; dans le cas contraire, on devra les laisser sur pied, même jusqu’à leur entier dépérisse- ment, tant qu'il ne sera pas nécessaire de les enlever, 328 DE L'EXPLOITATION afin d'aider au développement des perches de bonnes essences. IL est sans doute inutile de dire que, quand l’état du perchis indiquera la nécessité d’une éclaireie soit partielle, soit générale, elle devra s’exécuter en même temps que les deux opérations dont il vient d’être parlé. 556. Dans les gaulis et dans les fourrés on re- trouve, de même que dans les perchis, les anciennes réserves et les bois blanes. Ces derniers, associés aux morts-bois et à divers autres arbustes nuisibles, sont ordinairement en très erand nombre, dans les fourrés surtout; leur extrac- tion immédiate, qui doit être accompagnée de celle des vieux arbres, est de la plus grande importance. En effet, le tort qu'ils sont susceptibles d’occasionner n’est point encore consommé, eten se hâtant de les enlever, on parvient souvent à sauver des semis na- turels de hêtre, etmême de chêne, et à restaurer ainsi tout de suite le repeuplement. Ces coupes de nettoiement devront se répéter au- tant de fois qu'on le jugera nécessaire pour assurer la prospérité des bonnes essences ; en outre, il sera convenable, dans les places où ces essences manque- ront ou seront rares, de compléter le massif par quelques plantations. 997. Les parties entièrement ruinées, où les plantes parasites ont envahi la totalité du terrain, ne peuvent évidemment être remises en bon état qu'à l’aide de DES FUTAIES. 329 repeuplements artificiels. Nous renvoyons donc, pour la manière de cultiver ces terrains, au sixième livre de ce cours; nous ferons observer seulement que, selon le tempérament des essences qu'on veut intro- duire, on devra ou détruire tout de suite les bois blancs, les morts-bois, ete., ou les conserver encore pendant quelque temps. Dans le premier cas, 1lne suffira pas de les couper, il faudra extirper leurs souches et leurs racines le mieux possible, afin d’em- pêcher leur reproduction; dans le second cas, on les enlèvera par forme de nettoiement dès que leur cou- vert ne sera plus d'aucune utilité au jeune repeu- plement artificiel. On abattra les vieux arbres avant de commen- cer les semis ou les plantations. ABRTICRE. III: Marche des coupes de transformation. 548. Dans les futaies de l'espèce qui nous occupe, les anciennes exploitations, bien que faites sans principes de culture, ont cependant été assises avec un certain ordre etil existe presque toujours, dans les forêts de quelque étendue, un nombre déterminé de séries. Toutes les fois qu'il en sera ainsi, on fera bien de conserver ces anciennes séries pour régler la marche des coupes de transformation. Dans les forêts où cette distribution en séries n’exis- 330 DE LL EXPLOITATION tera pas, on devra commencer par y procéder en groupant dans une même série, autant que possible, des vieilles futaies, des perchis, des gaulis et des fourrés. 559. Cette distribution opérée, la marche des coupes de transformation pourrait être réglée à peu près comme celle des exploitations dans la futaie régulière [477]. Supposons que la révolution jugée convenable pour une série soit de 120 ans, on la par- tagerait en quatre périodes de 30 ans, on affecterait à la première les vieilles futaies, à la seconde et à la troisième les perchis, enfin à la quatrième les gaulis et les fourrés. Cela fait, on aurait pendant la pre- mière période les exploitations suivantes : 1° Dans la première affectation : coupes de régé- nération réglées par volume. 2° Dans les trois autres affectations : extractions de vieilles réserves, de bois blancs, et, s'ily a lieu, de tiges dominées, réglées par contenance. Quant aux parties entièrement rumées, il serait convenable d’en prescrire le repeuplement artificiel, de manière que les peuplements ainsi créés pussent ètre exploités aux mêmes époques que les peuple- ments environnants !. ! Lorsque les vides dont il s’agit ici peuvent, par leur situa- tion, se rattacher à l'affectation des gaulis et fourrés, il y a lieu de les repeupler immédiatement en chêne et hêtre. Ceux, au contraire, qui se trouveront enclavés dans les perchis pour- ront, immédiatementaussi, être repeuplés en pin sylvestre ou en DES FUTAIES. 331 Cette marche des coupes de transformation sem- ble, au premier abord, la plus simple et la meilleure, puisqu'elle a pour résultat de régulariser l’état de la forêt dès la première période. Cependant, selon nous, elle présente un inconvénient grave, celui de né pas maintenir le rapport soutenu. Il est clair, en effet, que, pendant la première période, les produits seront bien plus élevés qu'ils ne l’étaient auparavant et qu'ils ne le seront dans les périodes suivantes; car ils se composeront non-seulement de coupes de régénération dans la vieille futaie, mais encore d'une quantité considérable d'anciennes réserves répan- dues dans toute la forêt, sans compter les bois blancs et les perches dominées qui, sur beaucoup de points, seront très productifs. Adopter une telle marche, ce serait évidemment transgresser un des principes fondamentaux de l’ex- ploitation des bois ; ce serait, en outre, dans beau- coup de localités, jeter dans la consommation plus de matière qu'elle n'en réclamerait, et, par con- séquent, en faire tomber le prix. 560. En général, 1l sera facile d’obvier à ce double inconvénient, à moins qu'une circonstance, telle pin maritime qui, après avoir restauré le sol, seraient coupés en même temps que les perchis parvenus au terme de leur ex- ploitabilité. — Dans ce sol ainsi restauré, onintroduira facile- ment, les essences feuillues d'élite qui se confondront dès lors entièrement avec les parties voisines régénérées, 392 DE L'EXPLOITATION que le dépérissement total des restes de vieille futaie n'ymette obstacle; or, cette circonstance esttrès rare. Ces restes de vieille futaie, en effet, quoique par- venus à maturité, sont cependant, d'ordinaire, loin de dépérir, et peuvent demeurer sur pied 20 à 30 ans de plus. On peut done, au lieu de procéder immédiatement à leur régénération, les mettre au contraire en réserve, pour ne les exploiter que lorsque le peuplement du surplus de Ja série aura été régularisé par les coupes de trans- formation. Dès que lon aura pris ce parti, la marche de ces coupes pourra être réglée d'une manière très simple. Car ici, de même que dans les transfor- mations de forêts jardinées, 1l faut ne pas attacher trop d'importance à la fixation de la possibilité, qui n'est qu'un objet secondaire; le principal est d’as- surer l’amélioration de la forêt par des moyens prompts, faciles etsûrs. On s’occeupera donc d’abord d'établir une révolution préparatoire, qui se bornera au nombre d'années nécessaire pour assurer au bois des débouchés convenables (10, 20, 30 ans par exemple); cela fait, on séparera, sur le terrain, la vieille futaie à mettre en réserve d'avec les perchis, et ceux-c1 d'avec les gaulis et les fourrés; enfin on considèrera ces deux derniers d’une part, et les perchis de l’autre, comme des séries ou sous-séries provisoires, dans chacune desquelles les coupes de transformation DES FUTAIES. 939 s'effectueront annuellement par contenances égales et d’après les règles qui ont été posées plus haut. Quant aux parties ruinées, on les repeuplera, comme nous l’avons dit, de manière à pouvoir les rattacher par la suite aux massifs environnants !. Il est à peu près certain que ces coupes, tout en ne portänt point sur la vieille futaie, satisferont ce- pendant largement aux besoins ordinaires de la con- sommation. D'une part, les anciennes réserves don- neront en assez grande quantité des bois de service et de travail; de l’autre, les perches dominées, et surtout les bois blancs, fourniront des ressources au chauffage, tout en donnant encore quelques pièces d'industrie. La révolution préparatoire terminée, le peu- plement de la forêt sera suffisamment régulier pour que nos successeurs soient mis à même de conduire la futaie de plus en plus vers l’état normal. C'est à eux qu'il appartiendra de fixer la durée de la révo- lution définitive, la périodicité des éclaircies, etc. parce que, mieux que nous, ils jugeront de ce qu'il ‘ Lorsqu'on établit des règlements de coupes dans des forèts comme celles dont il s’agit, il est nécessaire de se réserver la faculté d'entreprendre, dans le cours de la révolution prépa- ratoire, outre les exploitations régulières, toutes celles qui seraient jugées indispensables pour atteindre entièrement le but cultural, tels que nettoiements répétés dans les gaulis et fourrés, ébranchements des anciennes réserves maintenues dans les perchis, etc. 994 DE L'EXPLOITATION DES FUTAIES. sera convenable de faire sous ces divers rapports !. 561. Dans les forèts irrégulières dont traite le présent chapitre, de même que dans celles qui ont élé jardinées, on rencontrera des cas nombreux que nous n'avons point prévus. C’est au forestier à les apprécier et à modifier les généralités du traitement que nous avons tracé, selon le degré d'importance qu'il accordera à l'exception ?. " Voir l’appendice. ? Voici, par exemple, une exception qui se présente très fréquemment, surtout dans les forèts de chêne. On trouve dans ces forêts des parties de futaie qui, bien que peu avancées en âge, el quoique assises sur un bon sol, sont néanmoins sur le retour ou même dépérissantes, parce qu'elles proviennent de souches déjà fort vieilles. Dans ce cas, il est évident qu'il faut, avant tout, hâter la régénération du peuplement existant, et dès lors la marche des coupes de transformation, telle que nous l’avons proposée, ne peut plus être adoptée. LIVRE QUATRIÈME DE L'EXPLOITATION DES TAILLIS DÉFINITIONS. . 562. On appelle talhs, les forêts destinées à se reproduire principalement par les rejets des souches et des racines. | Ce mode de régénération résulte de la propriété que possèdent toutes les essences feuillues, à un degré plus ou moins élevé, de donner naissance à des rejets et à des drageons, lorsque l’arbre estcoupé à fleur de terre ou à une certaine élévation au-dessus du sol!23|. Les rejets el les drageons sont, en général, d'autant plus abondants, que l'arbre a été coupé plus près de terre et que son écorce est plus spongieuse. La production des drageons est, en outre, favorisée par la disposition traçante des racines. 390 DE -L EXPLOITATION 963. Lorsque, dans l'exploitation en tailhis, on réserve un certain nombre d’arbres pour rester sur pied pendant trois révolutions et plus, la forêt ainsi traitée, est appelée futaie sur tœillis, et mieux taillis sous futaie ou taillis composé. Le taillis est simple, lorsque les arbres réservés ne sont pas maintenus au delà de deux révolutions, ou lorsque les coupes s’exploitent sans réserve. 964. Les arbres réservés dans les taillis se nomment baliveaux. On les distingue en baliveaux de l'âge, baliveaux modernes et baliveaux anciens. Au moment de la coupe, les premiers sont âgés d'une révolution ; les seconds de deux, et les autres de trois et au delà. C'est ainsi que le Code forestier désigne les arbres de réserve; mais, dans l’usage général le mot de baliveaux seul mdique ceux de l’âge, la dénomi- nation de modernes, ceux de deux révolutions, et celle d'anciens, les autres. On a aussi adopté une dis- tinction entre les anciens: ceux qui sont parvenus à un àge très avancé, ont reçu souvent le nom de vieilles écorces. Ces deux dénominations d'anciens et de vieilles écorces, laissent à désirer en ce qu'elles désignent des arbres d’un nombre indéterminé de révolutions. Or, pour la classification des réserves d’un taillis sous futaie, 1l importe d'indiquer l’âge des arbres ; il serait donc convenable que chaque désignation fût précise à cet égard. DES FUTAIES. 337 Voici comment nous avons cru pouvoir régler cet objet : EP, “1 Ma 1Lrevolution. MOMÉrRES, CHOLE NE 7 révolutions. Anciens de 2° classe. . . . . . 3 révolutions. Anciens de l“classe. . . . . . 4 révolutions. Vieilles écorces. . . . . . . . D révolutions. On pourrait même diviser les vieilles écorces, comme les anciens, en plusieurs classes. 565. Les arbres de réserve influent sur le tullis, de deux manières distinctes : par le couvert et par l’'ombrage. Il importe de ne pas confondre ces deux choses. Le couvert exerce son action sur l’espace de ter- rain que les branches de l'arbre surmontent ; il nuit à la végétation en affaiblissant les effets de la lu- mière et de la pluie, et en empêchant la formation de la rosée. L'ombrage, au contraire, promène son influence sur un certain espace, suivant les différentes po- sitions du soleil pendant le jour. Il est presque toujours salutaire à la croissance des bois, en ce qu'il maintient une certaine fraîcheur au solet aux plantes, sans priver celles-ci de l’action bienfaisante de l’atmosphère et de la lumière. Ces deux mots: couvert et ombrage, indiquent aussi la surface même qui est couverte ou ombragée. C'est ainsi qu’on exprime le couvert des réserves en 29 56 998 DE L'EXPLOITATION DES FUTAIES. mètres carrés, pour établir le rapport qui doit exister entre elles et Le taillis. 566. Ravaler, c'est couper à fleur de terre des souches qui, dans les exploitations précédentes, avaient été laissées trop élevées. 567. Couper en pivot, c’est couper de manière à former un creux dans le milieu de la souche; couper en talus, c'est, au contraire, donner à la souche une inclinaison qui favorise l'écoulement des eaux plu- viales. 568. On appelle cépée ou trochée l’ensemble des rejets provenant d'une même souche. 569. Ramiers : on nomme ainsi les perches du taillis et les branchages, lorsqu'ils ne sont point encore façonnés. CHAPITRE PREMIER. MÉTHODE DU TAILLIS SIMPLE ARTICLE PREMIER. Généralités. 510. Dans la méthode du tallis simple, les rejets et les drageons sont considérés comme le produit principal. On évite avec soin tout ce qui peut nuire à leur accroissement et, à cet effet, on n’établit que peu et souvent même point de réserves dans les coupes. Lorsqu'on choisit quelques baliveaux, ce n’est que dans le but de procurer un peu d’ombrage aux expositions chaudes et d'obtenir les semences nécessaires pour régénérer le taillis. Ces baliveaux ne doivent jamais devenir des arbres anciens, et leur nombre doit être réglé de manière qu'en au- cun cas ils ne recouvrent au delà du vingtième au seixième de la surface totale. D 340 DE L'EXPLOITATION Toutefois, dans les forêts de l'État, il sera sou- vent convenable de faire une exception à cette règle, afin de procurer des courbes et des courbants pour la marine. Lorsque le sol et l’essence le permettront, on pourra, sur les lisières des bois et sur les bords des routes, élever des arbres bordiers destinés à atteindre un âge avancé. 571. Les taillis ne peuvent avoir de durée indé- finie que si les souches, que l’âge ou une maladie fait périr, sont remplacées par de nouveaux pieds. Or, il est certain que ces souches ne vivent point aussi longtemps que l'arbre dont on n'aurait pas entravé la croissance naturelle; car les exploitations répétées fatiguent et altèrent les racines 1. ! Voici l'explication physiologique de ce fait : La relation intime ou l'équilibre qui existe entre les organes aériens (branches) et les organes souterrains (racines) déter- mine, comme on le sait, la vie végétale. Les racines, en pompant la séve ascendante, produisent le développement des feuilles, et celles-ci, à leur tour, par le travail qu’elles accomplissent dans l'atmosphère , fournissent la sève descendante qui assure l'extension des racines. Or, quand on coupe la cépée d’une souche, on détruit évi- demment cet équilibre. A la vérité, de nouveaux rejets appa- raissent, mais ils sont minimes, comparés aux tiges qu'ils remplacent, et ne peuvent envoyer, par conséquent, qu’une nourriture tout à fait insuffisante aux racines dont une partie par suite, ne fonctionne plus, et ne tarde pas à pourrir. Cependant, les racines étant diminuées, et les rejets s’accrois- sant chaque année, l'équilibre se rétablit au bout d'un certain DES FUTAIES. 341 Pour que l'existence des taillis soit assurée, il faut donc qu'il s’y opère une régénération graduelle, soit par des graines provenant des arbres réservés, soit par des drageons, ou par des rejets qui, nés très près de terre, s’enracinent et forment des pieds indépendants, alors que le centre de la souche pour- rit, soit enfin par des semis artificiels ou par des plantations. En général, on doit admettre que plus une essence à de propension à drageonner, mieux elle convient au régime du taillis. ARTICLE II. Essences propres aux taillis. 572. Tous les arbres feuillus peuvent être traités en taillis." Le hêtre est le seul auquel ce régime semble ne point convenir. On a observé que si, dans quelques régions, les souches produisent des rejets, cette faculté leur est enlevée dès la seconde, ou au plus tard à la troisième révolution, à moins qu’on ne temps. Mais bientôt une nouvelle exploitation survient, les mêmes phénomènes se reproduisent, et la souche, troublée périodiquement ainsi dans ses fonctions, finit par contracter des tares, la pourriture se loge dans celles de ses parties où la séve cesse de pénétrer, sa vitalité s’altère de plus en plus et s'éteint, en définitive, bien plus tôt que cela ne fût arrivé si l'arbre eut obéi, dans son développement , aux lois naturelles de la végétation. 342 DE L'EXPLOITATION coupe au-dessus du nœud de lexploitation précé- dente; et, dans d’autres régions, on a reconnu que les souches ne repoussent pas, mème dans l’âge le plus tendre. Parmi les arbrisseaux, il en est quelques-uns qui méritent l'attention du forestier, quoique à un moin- dre degré que les arbres, ce sont: Le coudrier, les petits saules, le merisier à grappes, le cornouiller mäle, les viornes, etc. Les taillis, ordinairement, se composent d’un mé- lange de diverses essences. L'art du forestier con- siste à favoriser les plus importantes, à assurer leur durée, leur bonne croissance et à en obtenir les pro- duits les plus utiles. ARTICLE IIT. Fixation de l’exploitabilité dans les taillis. 573. L'expérience a prouvé que, pour fournir d’a- bondants rejets, 1l ne faut pas que les bois soient coupés à un âge trop avancé. Toutes les essences, en général, sont moins disposées à ce genre de repro- duction, lorsqu'elles ont dépassé la période où elles croissent surtout en hauteur, pour entrer plus par- üculièrement dans celle du grossissement, et il en est même qui alors’s’y refusent". D'un autre côté, ‘ Ce refus tient à la fois à la dureté de l’écorce et aux causes qui viennent d'être indiquées plus haut (Note de la page 340). DES FUTAIES. 343 il est incontestable qu’en coupant à des époques trop rapprochées , on affaiblit les souches t et on diminue considérablement les produits en matière [#06]. D'après les observations des meilleurs forestiers, ilest convenable de ne pas prolonger les révolutions de nos principales essences au delà de 40 ans, et de ne les fixer qu’exceptionnellement au-dessous de 15 ans. C’est entre ces deux limites qu'il convient généralement de renfermer la fixation de l’exploita- bilté des taillis simples, afin d'assurer le mieux pos- sible leur reproduction. Pour les forêts de l'État et des communes, l’ex- ploitabilité absolue, renfermée dans les limites que nous venons de poser, devra, la plupart du temps, ètre préférée. Elle dépend, comme on le sait, des circons- tances plus ou moins favorables à la végétation, c'est-à-dire du climat, de la situation, de l'exposition et du sol. Ainsi, tandis que, dans les meilleures conditions, on pourrait n’exploiter le chêne qu'à 40 ans, on devra le couper dès l’âge de 20 ans, et même plus tôt, lorsque ces conditions seront défa- vorables. [l convient, au surplus, de ne fixer la durée de la révolution qu'après s'être assuré, par quelques observations, de l’âge au delà duquel les essences, dans une localité donnée, ne repoussent plus de souche ou repoussent mal. ! Voir la même note, page 340. 244 DE L'EXPLOITATION 574. Lorsqu'on a adopté l'eæploitabilité absolue, ainsi entendue, pour déterminer la révolution des taillis, les données suivantes pourront être consi- dérées, sinon comme règles, du moins à titre d’m- dications utiles. Dans un bon fonds, le chêne, le hêtre. l’orme, le frêne, les grands érables et le charme pourront s’ex- ploiter de 30 à 40 ans. Les révolutions plus longues ne sont que des exceptions rares. La révolution de 20 à 25 ans conviendra aux mêmes essences, quand les conditions seront moins favorables, et elle pourra être considérée comme le plus long terme pour l’aune, le tilleul, le bouleau, le petit érable, les alisiers, les sorbiers, le merisier, et le micocoulier, à raison surtout des usages auxquels ces essences sont propres. Toutes ces essences pourront mème s’exploiter de 15 à 20 ans, dans certains cas. Cet âge devra être préféré pour les trembles et les grands saules ainsi que pour le chätaignier qui, par exception, n’est jamais conduit jusqu'à son exploitabilité absolue, parce que, élant employé exclusivement à faire des cereles et des échaias, 1l atteint son maximum d'utilité bien avant celle époque. Le tremble, toutefois, ne se coupe, dans certaines contrées, qu'à 25 ou 30 ans, quand on l’emploie à la menue charpente. Les révolutions de 5 à 10 ans doivent être ré- servées pour les petits saules, les coudriers et autres arbrisseaux. Le robinier, cependant, peut s’exploiter DES FUTAIES. 345 vers 10 ane, parce qu’à cet âge déjà, sa végétation rapide et la dureté précoce de son bois le rendent propre à fournir de bons échalas pour la vigne. Comme cette essence drageonne plus que toute autre, les courtes révolutions présentent moins d’in- convénients !. ARTICLE IV. Fixation de la possibilité dans les taillis. 575. La possibilité dans les taillis doit être réglée par” contenance [#18]. Cette base, ainsi que nous l'avons dit, est préférable en général à cause de sa simplicité et de la régularité qu’elle imprime à la marche des coupes. Or, cette régularité, c'est surtout dans les bois exploités en taillis qu'on peut la réa- ‘ Les besoins de cercles pour futailles et de petits paisseaux de vigne, ont, dans divers départements, fait soumettre les taillis des essences les plus importantes à des révolutions aussi courtes. Un tel régime est évidemment vicieux. Sans diminuer ainsi la révolution, on peut satisfaire à ces besoins par des éclaircies, possibles à tout âge, qui produiront des bois de quelque petite dimension qu'on les demande. C'est ainsi qu'on délivre, aux adjudicataires de coupes, des milliers de harts, qui servent aux bûcherons pour lier des fagots et aux flotteurs pour rassembler les trains. Ils sont extraits, sans aucun dommage, des taillis de l’âge de 6 ans et au-dessous ; mais ces extractions peuventavoirlieu de même dans des peuple- ments plus âgés, et fournir aux différents besoins de laconsom- mation. Les forêts traitées en futaie offrent la même ressource. 346 DE L’EXPLOITATION liser, parce que, en raison des courtes révolutions auxquelles ces forêts sont soumises, 1l devient plus facile d'y établir une gradation convenable dans l’âge des bois et d’asseoir les coupes de proche en proche. Différents auteurs ont prescrit de rendre les con- tenances des coupes, dans les taillis, inversement proportionnelles au bon état du peuplement et à la fertilité du sol. IT est incontestable que cette mesure, bien exécutée, rendrait les produits annuels moins va- riables; mais, comme on réussit ordinairement à créer un rapport soutenu par les moyens plus simples que nous connaissons [420|, on à généralement ac- cordé peu d’attention à cette idée, et, en France, par- üculièrement, tous les taillis sont partagés en coupes d’égale contenance. ARTICLE N. Saison la plus convenable pour la coupe des taillis. 576. Il est généralement à désirer que les taillis ne soient coupés ni en automne ni en hiver, parce que l'intensité du froid, dans cette dernière saison, peut altérer les souches. L'écorce quelquefois même s’en détache, lorsque, gonflée par les pluies, elle éprouve l'effet d’une forte gelée. Dans ce cas, toute production de rejets devient impossible, et on ne peut plus compter que sur celle des drageons. I ne convient pas non plus de couper les taillis en DES FUTAIES. 347 temps de séve; les souches s’affaiblissent, dit-on, par l'écoulement trop abondant du suc séveux. Un inconvénient plus réel, c’est la perte de la première et plus forte repousse du taillis qui est due à la séve du printemps, tandis que, par la séve d'été, on n'obtient que des rejets qui sont toujours moms vi- goureux et ont plus de peine à se défendre contre les froids de l'hiver. La coupe en temps de séve ne doit être tolérée que pour les taillis dont l'écorce est indispensable aux tanneries. 577. Les mois de février, mars, et quelquefois le commencement d'avril, sont, dans les cas ordi- naires, et dans le climat d’une grande partie de la France, les époques les plus favorables à la coupe des taillis. D’autres époques pourront mieux con- venir pour les départements méridionaux où la vé- gétation est très précoce. La température doit endé - cider. En règle générale, on évitera de couper avant et pendant les grands froids et au moment de la séve. Quelques parties du Midi de la France et celles qui sont voisines de l'Océan, n’ont guère à craindre les fortes gelées d'hiver; dans ces régions 1l sera pré- férable de commencer à couper aussitôt après la chute des feuilles, et, pour les chènes à feuilles persistantes, aussitôt que le mouvement de la deuxième séve sera arrêté. 348 DE L'EXPLOITATION ARTICLE VI. Mode d’abatage des taillis. 578. On doit procéder à l’abatage des taillis avec des instruments bien tranchants, afin de ne pas faire éclater la souche et l’écorce qui la recouvre. Les perches avant 0", 05 de diamètre et au-dessus doivent être coupées à la hache; pour les brins plus fables, il est préférable d’emplover la serpe, afin d'é- viter l’ébranlement et souvent la rupture des racines que le choc de lahache occasionne aisément. On peut même se servir, pour les tiges les plus minces, de la scie, en prenant la précaution de faire la section oblique à l'horizon; pratiquée sur des rejets aussi petits, cette opération n’a aucun inconvénient. En général, la souche, quelle que soït sa dimension, doit recevoir par l’abatage une forme telle que les eaux pluviales ne puissent y séjourner; de plus, la coupe doit se faire le plus près possible de terre, afin que les rejets, naissant à fleur du sol, soient rap- prochés des racines et se trouvent ainsi plus soli- dement assis pour résister aux intempéries. Ce- pendant, lorsque le taillis provient de souches déjà très vieilles, ou lorsque l'essence est peu disposée à se reproduire par rejets (comme le hêtre, par exemple, et même le charme dans certains terrains froids et humides), on fera bien de couper dans le jeune bois, DES FUTAIES. 249 immédiatement au-dessus du nœud de la précédente exploitation, parce que les pousses nouvelles seront plus abondantes et se développeront avec plus de facilité que si elles avaient à traverser l'écorce épaisse et dure de la vieille souche 1. Enfin, l’aba- tage à une certaine hauteur de terre sera convenable dans les sols marécageux ou sujets aux imondations, afin d'éviter que l’eau, pénétrant entre l'écorce et le bois, puis s’y congelant, ne les sépare l’un de l’autre et n’empêche-ainsi les bourgeons de se former. Quand les essences ont la propriété de drageonner, le moyen à employer, pour assurer la perpétuité du taullis, est très simple. Lorsqu'on s'aperçoit que la faculté reproductive des souches commence à dimi- nuer, on les coupe entre deux terres, c’est-à-dire, au-dessous du collet de la racine. En détruisant ainsi le centre vers lequel se portait la séve, celle-ci agit plus énergiquement sur les racines et donne nais- sance à une grande quantité de drageons qui rem- placent les souches surannées. ARTICLE VII. Façonnage et vidange dans les taillis. 979. Pour favoriser la reproduction des taillis, il ! Une précaution très utile aussi, en pareil cas, consiste à laisser subsister sur la souche, comme firants de séve, quel- ques-uns des rejets dont la conservation a déjà été recom- mandée à d’autres titres [571]. 300 DE L'EXPLOITATION convient, en général, que les bois soient faconnés et entièrement vidés avant que les rejets ne paraissent. Très souvent on voit l’aire d’une coupe couverte de stères et de fagots, au milieu desquels les rejets s'élèvent et dépassent quelquefois les piles de bois. C'est ce qui arrive dans les taillis situés en sol très fertile ou humide, et dans ceux peuplés d’essences à végétation rapide. On conçoit que, dans de pa- reilles coupes, le séjour de bois faconnés et surtout le retard de la vidange ne peuvént manquer d’occa- sionner du dommage. Il y en a moins à craindre pour les taillis situés en fonds maigre et aride et dans ceux que peuplent des essences d’une végétation lente, parce que les rejets de la première année sont ordmairement peu élevés. 980. La vidange avant le temps de la séve pourra presque toujours avoir lieu dans les coupes dont on commencera l’exploitation en automne. Elle sera possible encore dans les coupes de peu d’étendue, lors même qu'on attendrait la fin de l'hiver pour y meltre la cognée. Il n’est pas nécessaire, au surplus, que les bois soient transportés hors de l’enceinte de la forêt; l'essentiel est que la coupe en soit débar- rassée, et il est rare qu’on ne trouve pas de places où le produit de l'exploitation puisse être momenta- nément déposé. Par le moyen de ces places de dépôt1, on pourra hâter la vidange des coupes, ‘ Quand les coupes, ainsi que cela doit être, aboutissent DES FUTAIES. 391 quand même on n'aurait commencé à les exploiter qu'après les fortes gelées. Ce qui favorise le plus la célérité des vidanges, c'est le bon état des chemins. Il est telle forêt où la sortie des bois n’est possible que lors des grands froids ou des chaleurs de l'été, et où la difficulté des transports diminue considérablement la valeur des coupes. Dans ce cas, on est forcé de consentir à des prorogations de délai de vidange, quel que soit l’in- convénient qui en résulte. De bonnes routes fores- lières doivent être mises au rang des améliorations les plus utiles, de celles, surtout, qui augmentent le revenu des forêts et qui permettent d'apporter, dans les exploitations, la promptitude et l’ordre désirables. ARTICLE VELT, Examen des dispositions que renferme le cahier des charges des adjudications de coupes. 581. Le cahier des charges régissant les adju- dications des coupes qui se font annuellement dans les forêts de l'Etat, des communes et des établisse- toutes sur une ou plusieurs laies sommières ou routes, les accotements de celles-ci deviennent les places de dépôt les plus naturelles et les plus avantageuses. 592 DE L'EXPLOITATION ments publics, contient les dispositions suivantes 1 : À. « L’abatage des bois sera entièrement terminé le 15 avril qui suit la date de l’adjudication. » Les bois à écorcer, en vertu de l’acte d’adjudi- cation, seront coupés avant le 15 mai. B. » À moins de clauses contraires, les bois seront exploités à tre et aire et à la cognée, le plus près de terre que faire se pourra, de manière que l’eau ne puisse séjourner sur les souches. Les racines devront rester entières. G. » Les coupes seront nettoyées, savoir: en ce qui concerne le ravalement des anciens étocs el l'enlèvement des épines, ronces et autres arbustes nuisibles, avant le terme fixé pour l’abatage ; en ce qui concerne le façonnage des ramiers, avant le 1° juin. » A l'égard des ramiers provenant des bois qui auront été écorcés en vertu du procès-verbal d'adjudication, ce dernier délai est prorogé jus- qu'au 1‘ juillet suivant. D. » La vidange sera entièrement terminée le 15 avril qui suit l'expiration du délai d’abatage. E. » Si des circonstances locales nécessitent d’au- tres termes que ceux fixés par l’abatage, le net- ‘ Pour plus de facilité dans l’enseignement, nous avons classé ici les dispositions du cahier des charges, dans l’ordre où les différentes parties de l'exploitation des taillis ont été traitées dans le présent chapitre. DES TAILLIS. 999 » toiement et la vidange des coupes, il en sera fait » une clause spéciale de l’adjudication. » 582. Par le dernier paragraphe que nous venons de rapporter, le cahier des charges à prévu que des modifications pourraient être nécessaires, et 1l permet de les arrêter par des clauses spéciales, qui doivent être proposées par les agents forestiers locaux et soumises à l'approbation de l’'adminis- tration. Nous allons examiner les conditions générales et en signaler les parties susceptibles d’être modifiées, lorsque d’ailleurs les circonstances rendront ces changembnts possibles. a. L'abatage doit être terminé au A5 avril. Ce terme est trop reculé pour un grand nombre de localités, eu égard aux inconvénients de la coupe en temps de séve. D'après ce qui a été expliqué plus haut [577}, 1l faudrait, selon les différents climats, fixer, non seu- lement la fin, mais aussi le commencement de l'aba- tage, et faire en sorte d'éviter les exploitations d’au- tomne et d'hiver qui, hors des contrées méridionales et d'une partie de celles de l'Ouest situées dans le voisinage de la mer, ne sont pas toujours sans danger !. ‘ Malheureusement, il existe souvent des obstacles presque insurmontables à une telle amélioration, par suite de l'extrême difficulté que l’on rencontre, dans-les mois de février et de mars, à se procurer des ouvriers. A cette époque de l’année, en 23 304 DE L'EXPLOITATION Mais, s'il est désirable que le délai d’abatage puisse être raccourci pour les taillis en général, il est certain que celui que le cahier des charges assigne aux bois à écorcer, pourrait être prolongé avec avan- tage, et sans qu'il en résultât aucun inconvénient pour la reproduction. En effet, sauf dans les régions particulièrement favorisées sous le rapport du climat, la séve n’est entièrement en mouvement que dans la seconde quinzaine d'avril, et souvent même plus tard encore. L'écorcement ne peut donc guère commencer que dans les derniers jours de ce mois ou dans les pre- miers jours de mai. Or, cette opération, assez longue par elle-même, pour peu que la coupe soit étendue, est sujette en outre à de fréquentes interruptions, amenées tantôt par un refroidissement subit de la température, tantôt par un vent sec, qui suffisent pour augmenter l’adhérence de l'écorce au bois et arrêter le travail. En augmentant le délai dont il s’agit de 45 jours, on faciliterait singulièrement la récolte d’un pro- duit de première importance pour l’une de nos prin- cipales industries, et très profitable au propriétaire, effet, les habitants des campagnes, tous à peu près, sont occupés aux travaux agricoles, auxquels, en général, ils né renoncent à aucun prix. En automne et en hiver, au contraire; leur temps, dans une grande partie de la France, appartient tout naturellement à l’abatage et au façonnage des bois qui deviennent ainsi une ressource précieuse pour ces papulations. DES TAILLIS. 399 sans compromettre, plus qu’on ne le fait actuelle- ment [576|, la reproduction des souches qui, en tout état de cause; ne saurait avoir lieu que sous l’action de la séve d’août. b. Les bois seront exploités à la cognée le plus près de terre que faire se pourra. Ce mode d’abatage, bien que généralement appli- cable, souffre cependant quelques exceptions, comme nous l’avons fait voir [578]. Par exemple, si, mal- gré le peu de disposition du hêtre à repousser de souche,on est forcé par les circonstances de le traiter en taills, il sera prudent de le faire couper au-dessus du nœud de la précédente exploitation, car ce n’est que du jeune bois que l’on peut espérer des rejets. C’est par ce mode que, dans l’ancienne Lorraine, on à soutenu, pendant assez longtemps, l’existence de quelques taillis de hêtre; et lorsque les agents forestiers, pour obéir aux règlements, se sont dé- cidés à faire couper ces taillis rez-terre, les vieux bûcherons ont prédit la mort des souches et ne se sont pas trompés. Une mesure très utile pour assurer la reproduction des taillis, et dont nous avons déjà parlé plus haut [b71 et 578, note], consiste à conserver les rejets traînants, soit que l’on comptesurle mouvement des voitures et des hommes dans la coupe, pour les en- terrer, soit, ce qui est mieux, qu’on les fasse coucher en terre, plus soigneusement, par des ouvriers. Quoi qu'il en soit, dans l’un et l’autre cas, on peut obtenir 300 DE L'EXPLOITATION par ce moyen une multitude de jeunes üges. Il serait donc à propos, en pareille circonstance, de ne pas exiger que l'exploitation se fit trop près de terre, et de recommander au contraire aux bûcherons, tout en coupant en talus, de respecter les trainants dont il s'agit. c. Les coupes seront nettoyées, savoir: en ce qui concerne le ravalement des anciens étocs et l'enlève- ment des arbustes nuisibles, avant le terme fixé pour l’abatage; en ce qui concerne le façonnage des ramiers, avant le 1° juin. Les ramiers devraient expressément être façonnés dans le plus bref délai possible. Si le terme de cette opération n'est fixé qu'au 1° juin, les adjudicataires peuvent les laisser éparpillés dans les coupes pen- dant tout le mois de mai et, par conséquent, dans le moment où la séve produit déjà des rejets. D'une part, il en résultera du dommage pour le recru des souches; de l’autre, les agents et les gardes se- ront empèchés de visiter toutes les parties en exploi- lation, ce qui pourra favoriser la fraude. Les bûche- rons devraient être partagés en deux brigades : l'une chargée d’abattre et de faconner le bois de corde, l’autre de relever et de fagotter les ramiers. Cette dernière travaillerait au fur et à mesure de la chute des arbres et de l’abatage des cépées. Dans tous les temps, une coupe doit être accessible et ne présenter aucun obstacle à la surveillance journa- lière. Quant aux anciens étocs, c'est-à-dire, aux sou- DES TAILLIS. SE Vi ches qui sont mortes en tout ou en partie, il vau- drait mieux les extraire et leur substituer de jeunes plants bien venants, que de se contenter de Îles ra- valer. d. La vidange sera entièrement terminée le 15 avril. Cet article des conditions générales donne aux adjudicataires une année entiere, à partr de l’aba- tage, pour le débit et l'enlèvement des bois de leurs ventes, et doit, par conséquent, contribuer au succès des adjudications. Il est à regretter, toutefois, que cette manière d'augmenter les revenus actuels des forêts nuise à leur conservation, et l’on ne peut qu'é- mettre le vœu bien formel de voir adopter des dé- lais de vidange plus favorables à la reproduction des taillis, dans toutes les locahtés où le bon état des chemins et une concurrence suffisante entre les mar- chands de bois permettront de le faire sans un trop grand sacrifice pécuniaire. CHAPITRE DEUXIÈME. MÉTHODE DU TAILLIS COMPOSÉ OU SOUS FUTAIE. ARTICLE PREMIER. Généralités. 583. La méthode du taillis sous futaie a pour ob- jet caractéristique d'élever, sur les taillis, des arbres propres au service; les rejets ne sont plus alors considérés comme le produit le plus important. On veut ici obtenir, à la fois, les avantages du taillis et une partie de ceux de la futaie, c'est-à-dire régéné- ration prompte et facile, et production de pièces de fortes dimensions. Dans cette vue, on conserve, à chaque coupe du taillis, un certain nombre d'arbres auxquels on laisse parcourir plusieurs révolutions. 584. Toutes les essences propres au tallis sim- ple (les arbrisseaux exceptés) peuvent aussi être DE L'EXPLOITATION DES TAILLIS. 359 traitées en taillis sous futaie, et les mêmes principes d'exploitation s'appliquent à l’un et à l’autre modes. Toutefois, dans celui du taillis sous futaie, il faut considérer non seulement l’exploitabilité du sous- bois, mais aussi celle de la réserve, et donner une attention particulière au choix, au nombre et à la dis- tribution des baliveaux, trois choses qui sont de la plus haute importance. Car, s’il est incontestable que des réserves saines, en nombre modéré et réparties avec intelligence sur le taillis, sont le plus souvent un moyen d'augmenter la quantité et l'utilité des pro- duits en matière, il n’est pas moins vrai aussi qu'un balivage surabondant, fait sans égard aux condi- tions d’une bonne végétation, amène des résultats opposés. En effet, ilne faut point perdre de vue que le taillis sous futaie réunit deux éléments qui, parleur nature, s’entravent et se contrarient réciproque- ment : d’une part, les arbres réservés qui deviennent branchus, et s'élèvent peu, parce que chaque exploi- tation du taillis les isole et provoque leur végétation latérale aux dépens de leur croissance en hauteur ; de l’autre, le sous-bois qui est gêné dans son déve- loppement par le couvert des réserves qui le sur- montent. Accorder ces deux éléments qui sont en opposi- tion, en réglant le nombre et la distribution des réserves, de manière que la croissance du taillis soit entravée le moins possible, tel est le problème à résoudre dans l'exploitation du taillis sous futaie. 360 DE L'EXPLOITATION ARITAC ME: TIe Exploitabilité des taillis sous futaie. 585. L'exploitabilité des sous-bois, dans les taillis sous futaie, doit être réglée d’après les mêmes con- sidérations que celle des tailhs simples, sauf, tou- tefois, que, comme il s'agit ici d'élever des arbres sur le tuillis, 1l n’est plus possible de soumettre celui-ci à des révolutions de courte durée. En effet, si l’on exploitait le taillis de 10 à 20 ans, la réserve d'arbres, destinés à atteindre un âge avancé, manquerait en grande partie son but. D'abord, la plupart de ces arbres, trop grêles pour résister aux intempéries, en seraient inévitablement victimes ; en second lieu, on ne peut espérer atteindre le but que l’on se propose, avec des baliveaux n'ayant que l'élévation ordinaire des taillis de cet âge, c’est- à-dire, # à 7 mètres. On sait que, d'ordinaire, le fût de l'arbre crû en massif, une fois isolé, ne s’allonge plus, bien que la cime continue à gagner en hau- teur; la raison en est, que, dans cet état d'isolement, n'étant plus serré par des voisins qui le forçaient à s'élever, l'arbre conserve et développe ses branches. ILest donc évident que pour obtenir, dans un taillis sous futaie, des arbres ayant la longueur de fût qu'exigent les différentes constructions, il faut, en DES TAILLIS. 361 général, leur permettre d'acquérir cette longueur avant de passer à l'état de baliveaux. D'après ces considérations, on fera bien de fixer la révolution des taillis sous futaie de 30 à 40 ans. Dès lors, on pourra faire choix de baliveaux ayant 10 à 14 mètres de hauteur et un diamètre propor- tionné, et qui, par conséquent, supporteront mieux les injures de l'atmosphère, en même temps qu'ils deviendront propres à leur destination. 586. Plusieurs auteurs allemands, entre autres Pfeil, sont d'avis d'exploiter le sous-bois des taillis sous futaie à courte révolution. Les bois, disent-ils, qui croissent sous le couvert, perdent la faculté de repousser bien plus tôt que ceux qui végètent en plein soleil; d'où il suit que, dans les taillis com- posés soumis à une exploitabilité reculée, un grand nombre de souches, quoique jeunes, périssent soit immédiatement après l'exploitation, soit quelques années plus tard !. ‘ Voici en effet ce qui se passe dans ce cas: lorsqu'un brin ou: une cépée vient d’être coupé et que la souche fournit des rejets, la végétation, ainsi que nous l'avons fait voir plus haut (note de la page 340), passe par un état transitoire, pendant lequel elle s'efforce de rétablir l'équilibre entre les tiges et les racines. Or, quand les nouveaux rejets croissent sous le cou- vert, ou des réserves ou des bois blanes, ils languissent, et ne peuvent, faute de lumière, se développer de manière à rétablir promptement l'équilibre en question. Par suite, les racines, imparfaitement nourries par une séve descendante insuffisante, ne parviennent ni à se raviver elles-mêmes, ni à raviver la 362 DE L’EXPLOITATION Nous reconnaissons la vérité de cette observation, sans cependant adopter le remède proposé, parce qu'il a l'inconvénient très grave aussi, que nous venons de signaler, concernant l’éducation de la réserve. Mais, par contre, il nous paraît d'autant plus indispensable de ne pas négliger les travaux d'entretien (repeuplements artificiels, nettoiements, élagages), dont traite ci-après le chapitre IIT, et sans lesquels les produits des taillis sous futaie ne peuvent que s’amoindrir de révolution en révolution, tant en quantité qu’en qualité. Cet amoindrissement graduel, dont les exemples sont malheureusement trop fré- quents en France, suit une marche d’autant plus rapide que le sol et le climat sont moins propices, et parfois même il aboutit à la stérilité. 587. Quant à l’exploitabilité de la réserve, on conçoit qu’elle dépendra d’abord de l'essence et de la qualité du fonds de terre, et surtout du but que le propriétaire se proposera d'atteindre. Ainsi, tandis que, dans un taillis situé en bon fonds, l'Etat et les communes peuvent avoir intérêt à prolonger le main- tien de certaines réserves jusqu’au moment où elles auront acquis les dimensions et les qualités qui les rendent propres aux grandes constructions, un par- üculier, possédant une forêt placée dans les mêmes souche ; la pourriture souterraine y continue ses ravages et finit par amener la mort du pied, tantôt dans le cours de la révolu- tion, tantôt, et le plus souvent, à la prochaine exploitation. DES TAILIIS. 363 conditions de végétation, doit arrêter la vie de ses baliveaux à l’âge au-delà duquel la plus-value qu’ils acquerraient, s’il leur laissait parcourir une nouvelle révolution, cesserait de le dédommager du sacrifice pécuniaire qu’il ferait en ne les exploitant pas. En un mot, les principes de l’exploitabilité relative, de 4" et de 2° sorte [410 et 411}, trouvent ici leur appli- cation !. | Le terme extrême de l’exploitabilité étant fixé, pour la réserve, d’après ce principe, 1l devient nécessaire- ment le régulateur du balivage, en ce qui concerne du moins les catégories de baliveaux à établir sur le taillis. Ainsi, s’il s’agit, par exemple, d'élever des arbres ayant un âge quintuple de la révolution du taillis, la réserve comprendra cinq catégories de ba- liveaux dont le nombre variera d’après diverses con- sidérations qui seront développées plus bas [591!. ARTICLE III. Choix des baliveaux. 588. Les baliveaux doivent être choisis parmi les pieds les plus vifs et de la plus belle venue. En don- nant la préférence aux brins de semences, qui sont ! Voir, pour plus de détails sur cette question, le Cours d'exploitation, de débit et d'estimation des bois, par M. Nanquette, page 29% et suivantes, et les Études d'aménagement de M. Tassy. 364 DE L'EXPLOITATION généralement mieux venants et plus durables que les rejets, il faut éviter de réserver des baliveaux de l’âge trop grèles, parce qu'ils sont facilement ployés ou rompus par les vents, la neige et le givre. 589. La réserve doit se composer, en majeure partie, de chênes, comme étant l'essence la plus pré- cieuse pour les constructions. . Après le chêne, on doit préférer l'orme, le frêne, les grands érables; puis le hêtre et le charme. Il est avantageux aussi de réserver quelques pieds d’ai- sier, de sorbier, de merisier ct de bouleau. Le tremble mème pourrait, dans certains taillis, faire partie de la réserve, attendu la rapidité de sa crois- sance et ses belles dimensions qui le font rechercher pour divers usages [256]. On l'en exclut cependant, et généralement avec raison, parce que l'extrème abondance de ses graines le multiplie dans les taillis, au point de compromettre la végétation des essences d'élite [252]. En général, 1l est utile de composer la réserve de plusieurs essences, tout en maintenant la proportion la plus forte aux plus importantes. Non seulement on assure, de cette manière, la satisfaction des dif- férents besoins de la consommation, mais on se pro- cure l’avantage d'élever, dans chaque canton de la forêt, sur chaque place pour ainsi dire, les arbres qui y prospèrent le mieux. On augmente donc la produc- lion générale en quantité et en qualité. A ce point de vue, on ne peut qu'approuver ce qui se pratique dans DES TAILLIS. 365 certaines parties de l’Allemagne, où l’on a l'habitude de mêler à la réserve feuillue, un certain nombre d’ar- bres résineux, mélèzes ou pins sylvestres, qui réus- sissentparfaitement dans detelles conditions, fournis- sent d'excellents bois de travail et de construction et n’entravent cependant que très peu la croissance du sous-bois. Cette pratique, du reste, n'est point in- connue en France : dans différents bois particuliers de la Sologne, par exemple, on voit croître, au- dessus de taillis mélangés de chêne, de châätaignier et de bouleau, une réserve de pins sylvestres 1. 590. On a l'habitude de ne marquer que des tiges très droites , et l’on néglige celles qui présentent quelque courbure ou dont les branches forment la fourche ?, parce que, alors. ces branches sont exposées à être déchirées par les vents. ‘ V. le rapport de M. Ad. Brongniart, de l'Institut, à M. le Ministre de l'Agriculture et du.Commerce, sur les plantations forestières dans la Sologne. 2 La dénomination d'arbres fourchus s'applique spéciale- ment à ceux dont la tige se divise, à une certaine distance de la base, en deux branches qui s'élèvent verticalement et restent toujours assez rapprochées l'une de l'autre. C’est avec raison que l'on évite de comprendre des arbres ainsi conformés dans les balivages, parce qu'ils ne sont d'aucune utilité spéciale. Mais il n’en est pas de mème de ceux qui, à la naissance du houppier, portent une forte branche, laquelle attire à elle une grande partie de la séve destinée à l'alimentation de la cime, et pourra former plus tard une des courbes si précieuses pour les besoins de la marine. Toutefois, avant de comprendre ces arbres dans les balivages, il importe de s'assurer, par une inspection 366 DE L'EXPLOITATION Les tiges droites doivent, sans doute, être l’objet principal du balivage; mais, dans les forêts de l'É- tat du moins, et pour l'essence chêne, 1l ne faut point perdre de vue les besoins de la marine qui sont du plus haut intérêt. Dans toutes les forêts, et surtout dans celles qui sont traitées en futaies, on n’est ja- mais embarrassé de trouver des pièces droites, tandis qu'on n'y rencontre pas aussi facilement les courbes et les courbants qui servent à la construction des vaisseaux. [l faut donc chercher à y pourvoir par les balivages. ARTICLE IV. Nombre des baliveaux. 591. Le nombre des baliveaux à réserver doit être réglé de manière que le couvert qui en résulte ne puisse compromettre la croissance et la reproduction du taillis. C’est dire qu’il doit varier selon les essen- ces, les sols et les expositions, et qu'il n’est pas pos- sible de prescrire, à cet égard, des règles générales et absolues. En effet, il est des essences, telles que le chêne, le frêne, le bouleau, etc., qui ne donnent qu'un cou- vert léger et n’empêchent guère la croissance du taillis, alors que le hêtre, le charme, et d’autres attentive, que l’axe du tronc ét celui de la branche sont sensi: blement dans un même plan, condition essentielle pour que là courbe formée par leur réunion puisse être utilisée. | DES TAILLIS. 367 encore, peuvent étouffer ce qui végète sous leur épais feuillage. Certaines essences aussi supportent mieux que d’autres d’être dominées. Ainsi les taillis de chêne, quels que soient le sol et l’exposition, souffrent beau- coup de la présence des arbres, tandis que l’on voit souvent les rejets de charme croître assez bien sous Le couvert et même tout près du tronc de chênes anciens. Quand le sol sera substanüel, 1l y aura moins d’in- convénients, pour le taillis, à ce que les réserves soient multiphées, et qu'on les laisse parvenir à un âge avancé; d’une part, parce que la végétation du taills est d'autant plus assurée que le terrain est meilleur ; de l’autre, parce que, dans un bon fonds, les arbres prennent plus de hauteur, et que, plus ils sont hauts, moins par leur couvert ils nuisent au taillis. Dans les terrains médiocres, peu profonds et pla- cés à une exposition chaude, il faut chercher surtout à ombrager le taillis par de nombreuses réserves. Il .n’y aurait d’ailleurs que perte pécuniaire à réserver des arbres jusqu’à un âge avancé, dans les sols où 1ls ne sauraient acquérir de fortes dimensions: En créant dans de pareils terrains un ombragé abondant, on mettra obstacle à l’évaporation trop considérable du sol et des bois eux-mêmes, sans être obligé de recourir pour cela à de vieilles réserves presque dépourvues d'utilité industrielle. 592. Nous avons dit ailleurs [587] que les catégo- 368 DE L'EXPLOITATION | ries de baliveaux, dont doit se composer la réserve, dépendaient du terme extrême d’exploitabilité adopté pour celle-ci, et nous venons d'indiquer quelles sont les circonstances de nature à influer sur le nombre de baliveaux à comprendre dans chaque catégorie. —On conçoit, toutefois, qu’on ne puisse établir, à cet égard, de règle fixe, mais on n’en sent pas moins le besoin de certaines données propres à servir de point de départ et de guide, lorsqu'il s’agit, dans la pratique, d’arrêter cet objet aussi important que difficile. Dans ce but, on a cherché à déterminer, par maximum et par minimum, l’étendue que peuvent recouvrir les arbres de réserve, sans compromettre le taillis; puis on a essayé de trouver l’espace moyen que recou- vre un baliveau de chaque catégorie, et l’on est arrivé de cette manière à fixer le nombre d'arbres de diffé- rents âges qu'il conviendrait de réserver à chaque exploitation. Ainsi qu'ilétait facile de le prévoir, les expériences faites ont produit des résultats fort divers, et, par suite de ces différences, les opinions émises à ce sujet ont beaucoup varié. Nous ne rapporterons de ces opinions que celles qui se sont assez généralement vérifiées et qui sont le plus conformes à nos propres convictions. Toutefois, nous nous hâtons d’ajouter que, lorsqu'il s’agira de régler le couvert de la réserve dans une forêt ayant quelque importance, cet objet demandera toujours à ètre expérimenté particuliè- rement, attendu que le couvert se modifie selon les DES TAILLIS. 09 essences el selon la disposition des arbres à s'étaler plus ou moins, disposition qui dépend à son tour du sol et du climat. Enfin, nous ferons remarquer que le couvert des vieux arbres est bien plus nuisible au sous-bois (à surface couverte égale) que celui des arbres jeunes ou d'âge moyen, parce que le feuillage des premiers est plus épais et moins pénétrable, par conséquent,aux rayons du soleil que celui des seconds. 593. On admet en principe que, immédiatement avant l'exploitation, les arbres ne doivent couvrir que le fiers, au plus, du terrain, quand les circonstances locales, quenous avons indiquées plus haut, semblent permettre une réserve abondante. Le couvert peut être diminué, selon les cas, jusqu'au sixième de la surface. Le balivage normal qui va suivre, et dont la pre- mière idée appartient à Cotta, nous parait applicable à un grand nombre de nos tillis sous futaie, lors- qu'ils croissent dans un bon terrain; il établit un couvert et un ombrage modérés, el assure des res- sources en bois de service et de travail, propres à tous les besoins de la consommation. On pourra fa- cilement, au surplus, y apporter les modifications que des circonstances particulières rendraient avan- lageuses ou nécessaires, soit en supprimant une el même deux catégories de réserves, soit en diminuant le nombre des pieds composant chacune des caté- gories. Iest presque inutile d'ajouter que ce balivage a! 24 370 DE L EXPLOITATION n'est applicable qu'aux essences dont la consom- malion réclame des pièces de fortes dimensions, et qui, d'ailleurs, sont susceptibles d'atteindre un âge avancé ; telles sont, par exemple: le chêne, l’orme, le frêne, l’érable. Nous ne voyons pas l'opportunité de réserver, comme on le fait souvent, des hêtres et des char- mes jusqu'à 150 ans el plus. Ces arbres, dont le couvert est très épais, s’étalent considérablement et écrasent le laillis, sans offrir au propriétaire, lors de leur abatage, une compensation pour les pertes que leur présence à occasionnées. Il est vrai, toute- lois, que le hêtre, par ses fruits, présente quelque dédommagement; c’est un objet à apprêcier d'après la fréquence des années de semence dans la localité, li valeur de la faine, et les difficultés de la récolte. 994. Balivage normal. — Admettant une ré- volulion de 30 ans, on devrait trouver, à chaque ex- ploitation, par hectare : RÉSERVES NOMBRE | COUVERT | COUVERT par de d'un | de tous CLASSES D'AGE. RÉSERVES. ARBRE. LES ARBRES. mèt. car, mèt. car, Vicilles écorces (150 ans). . . . 10 60 600 Anciens de ireclasse (120 ans). . 20 42 840 Anciens de 2° classe (90 ans). . 30 32 960 Modernes: {60:ans) Mere 40 15 600 l'OTAN 100 » 3000 DES. TAILLIS. Lors de la coupe, on abattrait par hectare : \ Vieilles écorces (150 ans) . Anciens de 1" classe (120 ans) Anciens de 2° classe (90 ans) . Modernes (60 ans) Total 10 10 10 10 40 arbres, el l’on réservérait 50 baliveaux de l'âge f. I resterait done sur pied, après la coupe : RÉSERVES NOMBRE par de CLASSES D’AGE. RÉSERVES. Anciens de 1'e classe (120 ans). . 10 Anciens de 2° classe (90 ans). . 20 Modernes (69 ans). . . . . . . 30 Baliveaux (30 ans). . . . . . . 50 LOPALES SE 110 | COUVERT | COUVERT d'un ARBRE. mèt, car. L -) à va de tous LES ARBRES. mèt. car. 420 640 450 » | 1510 On voit que, d’après le balivage normal que nous proposons, la réserve ne recouvre, immédiatement avant la coupe, qu'une superficie un peu au-dessous du tiers de l'étendue totale. Or, c'est ce rapport, : On remarquera que l’on prescrit une réserve de cinquante baliveaux de l’âge, tandis qu'on ne coupe cependant que #0 pieds d'arbres et qu'on ne compte retrouver, au bout de la révolution, que quarante modernes (voir le tableau). Cette mesure à paru nécessaire pour tenir compte des nombreux acci- dents dont un certain nombre de baliveaux de l’âge sont toujours victimes, SI DE L'EXPLOLTATION entre le Llaillis et la futaie, que nous avons indiqué, plus haut, comme nous paraissant le plus convenable pour conserver la forêt en bon état, quand le sol et le climat sont d'ailleurs favorables à la végetation. Pour éviter toute méprise, dans l'application, sur le sujet que nous venons de traiter, nous ferons re marquer que le balivage normal ci-dessus exposé. ne doit pas être considéré comme un ‘modèle dont on ne doive s’écarter dans aucun cas, quels que soient les conditions d’une forèt et les intérêts du propriélaire. Ce n'est qu'un terme de comparaison, ou plutôt une image de l'état de choses en général le plus désirable, et dont il faut par conséquent cher- cher sans cesse à approcher. ARTICLE V. Distribution des baliveaux. 595. La distribution des baliveaux de différentes calégories présente souvent de très grandes diffi- cultés, el demande toujours la plus serupuleuse attention. Si la coupe est située dans un même plan, il faul chercher à répartir l’ombrage, le plus également possible, sur l'ensemble du terrain; si, au contraire, elle offre des accidents variés dans sa configuration, le balivage doit changer selon l'exposition de chaque partie. DES TAILLIS. 313 Ce qu'il faut surtout éviter, c'est de conserver, sur un même point, plusieurs arbres anciens. Non seule- ment ils causeraient, ainsi réunis, un dommage bien plus considérable que s'ils étaient isolés; mais, s'ils disparaissaient ensemble à la prochaine exploitation, il en résulterait le plus souvent un vide, dans lequel les bois blancs et les morts-bois trouveraient accès, ou qu'il faudrait combler par des repeuplements arüficiels. Toutes les fois que cela se pourra, on fera bien de réserver les arbres anciens sur les lisières des bois et sur le bord des routes et des chemins. Dans cette position, ils nuiront moins au tullis et leur pro- pre végélalion y gagnera. 996. Le balivage raisonné des taillis sous fulaie est une opéralion pour l'exécution de laquelle les règles de la théorie ne sauraient suffire, parce qu'il existe une infinité de cas et de circonstances qu’on ne peut ni préciser mi prévoir, et que le coup d'œil exercé du praticien est seul capable de bien appré- cier. C’est assez dire que cette opéralion nécessite une habileté plus grande et bien plus rare qu'on ne le pense communément". ‘ Les conditions dans lesquelles les agents forestiers et, avec eux, la plupart des particuliers exécutent cette importante opération du choix et de la distribution des baliveaux sont, il faut le reconnaître, peu faites pour en obtenir de bons résultats. En effet, le martelage, c'est-à-dire la désignation des réserves de loutes catégories, a lieu, comme on le sait, en une seule fois, et s'exécute dans le printemps ou l'été qui précède lexploita- 314 DE L'EXPLOITATION DES TAILLIS. tion du bois. La coupe est vendue sur pied, abattue, façonnée et vidée suivant certaines conditions, imposées par le vendeur, acceptées par l'acquéreur, et dont la principale est de représen- ter, au récolement, toutes les réserves frappées du marteau. Or, quand le taillis est sur pied, enveloppant les arbres de toute part, empêchant souvert de juger de leur port, de bien aper- cevoir leur cime, il est, sinon impossible, du moins fort difficile de faire toujours de bons choix. Maïs ce qui est bien plus diffi- cile encore, c'est de distribuer convenablement les diverses catégories de réserves, de manière à répartir l’ombrage dans la mesure où il est utile, et à atténuer, autant que possible, les inconvénients du couvert. Nous savons que des obstacles à peu près insurmontables s'opposent à ce qu'il soit rien changé à cet état de choses dans les forêts soumises au régime forestier : les règlements admi- nistratifs, la marche du service et les garanties de régularité dont il est nécessaire de l’entourer, enfin, le nombre limité d'agents chargés des opérations dont il s’agit,ne permettent pas (quant à présent du moins) d'y songer. Mais il n’en est pas de même dans les bois des particuliers, que les propriétaires exploitent eux-mêmes pour n'en vendre les produits qu'après façonnage. Dans ces bois, il sera facile de modifier le procédé actuel, en s’y prenant de la façon suivante : On exploitera le taillis à l'époque de l’année où l’on a cou- tume de le faire, en laissant sur pied, d’abord, toutes les réserves de la révolution précédente et, en outre, les plus belles perches du taillis, en nombre triple ou quadruple de celui des baliveaux de l’âge qui devront être maintenus défini- tivement. Ces perches seront répandues sur toute la coupe, même dans les lieux où il se trouve d'anciennes réserves. — Aussitôt l'abatage du taillis terminé, on procèdera au marte- lage de la réserve, de façon que les arbres abandonnés puissent encore être coupés en temps utile pour la reproduction de la souche. On conçoit aisément que cette opération pourra se faire avec promptitude et facilité, et qu’elle présentera toutes les garanties désirables pour le meilleur choix des arbres et leur espacement Le plus avantageux. CHAPITRE TROISIÈME TRAVAUX NÉCESSAIRES POUR ENTRETENIR LES TAILLIS EN BON ÉTAT ARTICLE PREMIER. Repeuplements artificiels. 597. Aussitôt après lexploilation des coupes de taillis, on doit s'occuper de remplacer, par voie de semis ou de plantation, toutes les souches usées, et de regarnir de la même manière les places qui ne seraient peuplées que de bois de médiocre qualité. Sans cette précaution, les meilleures essences seraient souvent dépossédées par les bois blanes, et le chêne surtout, la plus précieuse de toutes, finrait par dis- paraître entièrement. C’est effectivement un fait reconnu, que le chène se reproduit mal de semence dans nos tllis, mème lorsqu'il v est dominant. Ce fait est surtout évident dans les tullis composés. Nous connaissons des 376 DE L' EXPLOITATION lorèls considérables, où la réserve en anciens et en vieilles écorces, formée en presque totalité de très beaux chènes, atteste abondance avec laquelle cette essence v élut répandue autrefois, et où l’on ne trouve plus aujourd'hui que fort peu de jeunes su- jets de franc pied, propres à remplacer les arbres parvenus à maturité. Aussi est-on réduit à choisir les baliveaux parmi les perches des cépées, quoique l’on sache que les réserves de cette nature ne valent pas, à beaucoup près, celles qui proviennent de semence. En effet, un rejet n’atteint jamais l’âge auquel le brin peut parvenir; il se détériore, se creuse fréquem- ment par le pied, el n'offre que rarement des res- sources à la marine el aux grandes constructions civiles. Si nous recherchons la cause d’un inconvénient aussi grave, nous la trouvons dans le tempérament du jeune plant. On sait que les brins de chène, dès les premières années de leur existence, ne suppor- tent pas d'être couverts {72}. Or, dans un taillis, ils le sont en général toujours, soit par des rejets, soil par des arbres de réserve; on comprend donc qu'ils doivent finir par périr, et que, dans une pareille situation, les glands, quelle que soit leur abondance, se répandent et lèvent en pure perte !. 998. Convaincu de cette vérité par l’expérience, Hartig propose de planter, par hectare, après chaque Voir lAppendice. DES TAILLIS. 971 exploitation, une certaine quantité de brins de chène bienvenants, pour assurer les ressources néces- saires au balivage (pour le nôtre, ce nombre serait 50). Il veut que ces brins aient une hauteur de 2 m&- tres à 2 mètres 50 centimètres, qu'ils soient conve- nablement espacés et défendus par des tuteurs contre les coups de vent et contre le poids de la neige et du givre. Ce procédé n'est cependant à conseiller qu'excep- hüonnellement, à cause des difficultés et de la dé- pense de son exécution. En effet, non seulement la plantation même de tiges aussi élevées demande des soins particuliers, mais le jeune chêne, de la hauteur indiquée par Hartig, ne devient propre à être trans- planté avec succès, qu'après avoir été une première fois repiqué en pépinière. Lors de ce repiquement, on retranche une portion de son pivot, et on le force ainsi à former plus de racines latérales et plus de chevelu. En général, 1l sera bien préférable de ne planter que des sujets de 5 à 5 ans qu'on élève très facile- ment et à fort peu de frais en pépinière (voir le 6° livre de ce cours), etqu'à défaut, quoique avec beaucoup moins d'avantage, on pourrait mème prendre direc- tement en forêt. En les transplantant, on recèpe ces sujets, afin de donner à leur végétation un essor plus rapide ". | " Pour que ces repeuplements produisent les précieux résule » , D10 DE JL EXPLOITATION Comme nous l'avons dit plus haut, on ne fait ces travaux que dans les parties clariérées ou les moins abritées de la coupe, et lon arrache, en outre, les souches mortes ou dépérissantes, pour gagner un peu de terrain. Les bois blanes et les morts-bois, s'ils peuplent seuls certaines places de la coupe, doivent aussi être soigneusement extirpés et remplacés par des essences meilleures f. Outre le chêne qui tient le premier rang, d'autres essences, telles que l’orme, le frêne, les grands éra- bles,ete., méritent encore d’être répandues, dans nos lullis sous futaie, plus qu'elles ne le sont; elles amé- horeront considérablement li composition du taillis et pourront aussi, avec ulilité, faire partie de la réserve. lats qu'il est permis d'en attendre, il est très essentiel de se souvenir des exigences de nos deux principales espèces de chêne, en ce qui concerne le terrain [70 et 79}, afin de ne pas placer indifféremment, ainsi qu'on l’a fait trop souvent jusqu'ici, le rouvre dans les sols frais et humides et en plaine, le pédon- culé dans les terrains accidentés, secs et peu profonds. ! Dans les taillis sous futaie, ces remplacements s’opèrent souvent naturellement, à ia suite d'une année de semence abon- dante. 11 n'est pas rare alors de voir, dans les coupes exploitées depuis quelques années, des semis très complets de chêne et l'’autres essences dures, levés sous les boïs blanes et les morts- bois. On conçoit qu'en coupant ceux-ci une ou plusieurs fois, jusqu'à ce que les autres soient en état de soutenir avantageu- sement la lutte, on fera une excellente opération [556], fort simple en elle-même, peu coûteuse et qui, tout en épargnant au propriétaire des frais de repeuplement bien plus considé- rables, Fui fera encore gagner du temps. DES TAILLIS, 5319 ARTICLE I. Nettoiements et éclaircies. 999. Après avoir assuré, par les moyens que nous venons d'indiquer, la conservation des essences les plus précieuses, on ne peut point encore abandonner le jeune taillis à lui-même; car, bien que l’on ait extirpé les bois blancs et les morts-hois dans les places où ils dominaient entièrement, il s’en trouvera cependant qui, provenant soit de nouvelles semences, soit d'anciennes racines, reparaîtront parmi les cépées de bonnes essences, auxquelles ils ne tarde- ront pas à nuire. Ainsi que dans les jeunes futaies, ce sera une opéralion des plus utiles, de faire dispa- raître ces parasites, ou tout au moins d'empêcher qu'ils ne dominent les bois durs. Par ce moyen on écartera toute entrave à la végétation du taillis !. En procédant à ce nettoiement au commencement ! En principe, il est incontestable que ces nettoiements doivent se faire sans avoir égard aux produits pécuniaires. Cependant, pour éviter une opération entièrement onéreuse et à laquelle un propriétaire aurait de la peine à se décider, on peut ne commencer ces extractions qu'à l’âge de 6 à 9 ans. On en obtiendra, dès lors, des fagots propres au chauffage, surtout à celui du four, et dont le prix de vente offrira, le plus souvent, un bénéfice assez considérable. La valeur des bois dans les différentes localités fera avancer où retarder cette opération utile. N 280 DE L'EXPLOITATION de l’automne, il est probable que l’on diminuera les chances de la reproduction. 600. Lorsque le taillis, ainsi débarrassé des bois blancs, aura atteint l’âge de 12 à 15 ans, 1l sera à propos d'y faire une éclaircie, d'après les principes que nous avons développés pour le traitement des jeunes futaies [466]. Toutefois, on devra se borner à enlever les perches sèches ou languissantes qui se trouvent dans les cépées, et respecter soigneusement les brins de semence qui végètent, cà et là, sous Île couvert, et dont on peut espérer qu'ils vivront Jus- qu'au retour de l'exploitation etaugmenteront ainsi le nombre des souches propres à la reproduction. On devra aussi laisser subsister les rejets susceptibles de s'enraciner et de devenir par la suite des pieds indé- pendants [571]. Une seule éclaircie sera suffisante, si la forêt est exploitée de 20 à 25 ans ; on pourra en effectuer deux, dans le cas d’une révolution de 30 à 40 ans, surtout si l’on ne retarde pas le nettoiement dont nous venons de parler. Un propriétaire qui sera soucieux de donner des soins raisonnés et suivis à l'exploitation de son laillis, multipliera les éclaircies, favorisera par là laccroissement des bois et obtiendra plus de produits !. : Voir l'Appendice. DES TAILELIS. ni ARTICLE III. Elagage des baliveaux. 601. Pour compléter la série de travaux à exécu- ter dans les taillis, il nous reste à parler de l’élagage ou taille des baliveaux, opération dont on ne peut méconnaitre l'utilité. Aussitôt qu'on les isole, la plupart des arbres, et principalement le chène, se garnissentabondamment, le long du tronc, de branches gourmandes qui détournent, à leur profit, une grande partie de la séve destinée précédemment à la cime. Ces branches pre- nant un prompt accroissement, il arrive, au bout d'un certain nombre d'années, que la cime n'est plus assez nourrie; elle sèche et amène le dépérisse- ment de l'arbre. De plus, la lige devient très noueuse el moins propre, par conséquent, au service el au travail. Il est done évident que l'émondage de cesbranches gourmandes, pratiqué non seulement sur les réserves anciennes el modernes, mais aussi sur les baliveaux de l'âge,est fort utile, pour que le régime du tallis sous futaie puisse atteindre son but. Les époques auxquelles l'émondage doit se faire ne peuvent être déterminées avec précision. Le plus ordinairement, 1l v a lieu de le commencer trois ans après l'exploitation de la coupe, et de le répéter, de trois en trois années, Jusque vers la moitié cu les NX DE L'EXPLOITATION deux liers de la révolution ; le taillis, alors, devient assez élevé pour empêcher de nouvelles productions du tronc !. La coupe des branches se fera rez-trone, avec une serpe bien tranchante et en commençant l’entaille par le bas, afin de ne point arracher l'écorce. Quant au moyen d'exécuter celle opération avec facilité, surtout sur de gros arbres, le meilleur paraît être de se servir d'échelles ; l’ouvrier conserve ainsi les deux bras libres, et se meut plus aisément en tous sens que lorsqu'il est réduit à grimper, fût-11 même muni de crampons ?. La siuson à choisir pour ces travaux est le com- mencement de l'automne, comme étant la moins favorable à la reproduction. Dans les pays où le bois a de la valeur, cet émondage n’est point onéreux ; les bourrées qui en résultent couvrent presque toujours les frais d'exploitation et donnent souvent même des bénéfices. Maus n’en fût-1l pas ainsi, qu'il convien- drait cependant de tenir à son exécution; l'avantage ! Voir l'Appendice. * Les crampons dont se servent habituellementles éiagueurs, el aussi les délinquants, pour grimper sur les arbres, sont très funestes aux chênes. La piqûre du crampon laisse une trace ordinairement visible à l'extérieur, et détermine à l’inté- vieur un épanchement de séve qui produit une tache noire, plus où moins large, dans le bois et donne naissance à un vice analogue à la frotture. — Noir le Cours d'exploitation, débit et estimation des bois, par M. Nanquelle, pages 253 el 256, DES TAILLIS. 38) marqué qu'on en obliendra pour les arbres compen- sera amplement les frais. 602. Outre les branches gourmandes, l’élagage doit encore porter, quand il s’agit des baliveaux, tant anciens que modernes, sur les branches sèches qui se présenteraient, et surles branches latérales qui, s’élalant trop, empêchent l'arbre de gagner en hau- teur et écrasent le taillis en pure perte. Cette dernière opération demande du discernement de la part de celui qui la dirige, et de l'adresse dans l'exécution. Il ne faut point perdre de vue que, si la végétation de la jeune tige est facile à diriger par la taille, l'arbre déjà âgé peut éprouver un grand dommage par l’en- lèvement total de trop fortes branches; tant parce que cel enlèvement interrompt l'équilibre entre la tête et les racines, que parce que les plaies, occasionnées au tronc par l'opération, ne se cicatrisent parfois qu'im- parfaitement et deviennent alors une cause de pour- riture. C’est surtout le chêne qui est plus particuliè- rement exposé à ce dernier et grave préjudice. Les nœuds gâtés, les griseltes, les huppes [76 bis! n'ont souvent pas d'autre origine que l’amputation d'une branche faite trop près du trone. Il est done à con- seiller de ne jamais couper rez-rone les bran- ches vives qui ont plus de 10 à 12 centimètres de diamètre, et, dans ce cas, de se borner à en retrancher les extrémités pourles empêcher de s’allonger davan- age. Mais si, par un motif particulier, {el que la ruplure accidentelle. par exemple, on était forcé de 01 DE L'EXPLOITATION DES FUTAIES. supprimer une branche, 1l faudrait, sil se pouvait, laisser subsister un chicot de 1 mètre au moins de longueur, garni de quelques ramilles, qui y attire- raient la séve et le garantiraient ainsi contre la pour- riture. Il ne faut pas oublier, non plus, que l'arbre isolé a besoin, pour prospérer et pour résister aux intempéries, d’une tête plus développée que celui qui à cr en massif, et qu'il ne peut d’ailleurs jamais atteindre la hauteur de ce dernier, par cela même qu'il a un plus grand nombre de branches à nourrir ‘. 603. L'élagage est un art qui, dans la culture des bois, peul produire des effets heureux. Dans les lorêts de l'Etat surtout, il a de l'importance, à cause des moyens qu'il offre pour favoriser la formation des courbes et courbants propres aux constructions navales ?, ! Voir l'Appendice. On peut consulter avec fruit, sur cet objet, le Manuel de l'Elagueur ou de la conduite des arbres forestiers, par M. Hotton, Paris, chez Me Huzard; prix : 2 fr. CHAPITRE QUATRIÈME. DU BALIVAGE DES TAILLIS SELON L'ORDONNANCE RÉGLEMENTAIRE xENDUE POUR L'EXÉCUTION DU CODE FORESTIER. ARTICLE PREMIER. Texte de l'ordonnance. 604. Après avoir cherché à fixer les règles de l’exploitation des taillis, en nous appuyant sur l’expé- rience, 1l ne sera pas inutile de nous occuper des dispositions légales qui, en France, régissent la matière, et auxquelles les agents de l’administration des forêts sont tenus de se conformer, toutes les fois qu'il n'existe pas de règlement spécial pour les forêts qu’ils administrent. 29 386 DE L EXPLOITATION Ces dispositions, qui se rapportent principalement au mode de balivage, se trouvent consignées dans l’article 70 de l'ordonnance royale du 1°* août 1827, rendue pour l'exécution du Code forestier ; elles sont ainsi CONÇUES : « Lors de l'exploitation des taillis, il sera réservé » 90 baliveaux de l’âge de la coupe, par hectare. En » cas d'impossibilité, les causes en seront énoncées » aux procès-verbaux de balivage et de martelage. Les baliveaux modernes et les anciens ne pour- » ront être abattus, qu'autant qu'ils seront dépérissants » où hors d'état de prospérer jusqu'à une nouvelle » révolution. » ARTICLE Il. Examen de ces dispositions et conséquences qui en découlent. 605. Cet article, calqué sur l’ordonnance de 1669 qui a régi les forêts jusqu'en 1827, paraît avoir pour but principal d'assurer à la France, qui possède peu de futaies, les ressources nécessaires en bois de construction et de travail. On a craint, avec quelque raison sans doute, que, du silence du code et de l'ordonnance à l’égard des arbres à réserver sur les taillis, il ne résultât, en général, une anticipation sur les ressources de l’a- venir, et que, pressées par des besoins toujours croissants, les générations actuelles ne vinssent à DES TAILLIS. 387 absorber plus que l’usufruit des richesses dont les siècles passés les ont rendues dépositaires. En second lieu, 1l importait de donner aux agents forestiers un point d'appui légal qui, dans l’admi- nistration des forêts des communes et des établisse- ments publics, leur permit de renfermer dans de justes bornes le mode de jouissance des proprié- taires. Sous ces divers rapports, on ne peut qu'approuver la sagesse de l’article de l'ordonnance ; mais il est impossible de méconnaître, d’un autre côté, les graves inconvénients de l’état de choses qu’il a con- sacré. En effet, deux objets nous frappent dans les pres- criptions qu'il renferme : 1° Un même mode de balivage est appliqué à tous les taillis ; 2° Dans ce mode, on ne fixe que Le nombre des baliveaux de l’âge ; celui des modernes et des anciens n’est point déterminé. On comprend tout de suite qu’une application systématique de ce mode d'exploitation ne peut que faire commettre de nombreuses fautes. Or, au cas particul'er, ces fautes seront d'autant plus graves que le balivage prescrit ne donne pas le moyen de les atténuer; car l'ordonnance ne s’arrète que devant le dépérissement des arbres, etn’admet, dans le nombre des réserves, aucune modification tirée des circons- lances qui influent sur la végétation et sur l'emploi 388 DE L'EXPLOITATION des bois. Entin, le traitement qu'elle ordonne, suivi à la lettre, pourrait conduire, dans un temps plus ou moins long, à la destruction de l’état de forêt auquel il doit s'appliquer (le taillis sous futaie). C'est cette dernière assertion qu'il nous reste à prouver. | 606. Pour administrer cette preuve, 1l nous suf- fira d'examiner ce que deviendrait, à la longue, un Lullis sous futaie exploité d’après le régime de l’or- donnance. A cet effet, admettons, comme plus haut [594| une révolution de 30 ans. Admettons, de plus, que le chène, le hêtre et la plupart des autres essences dures, peuvent, dans un sol de qualité moyenne, atteimdre l’âge de 180 ans ou six révolutions, sans dépérir et sans présenter des signes évidents de mauvaise végétation, et, par conséquent, sans être dans les conditions d’exploitabilité voulues par l’or- donnance. Adoptons aussi, pour les différentes caté- gories de baliveaux, le mème couvert qui a servi de base à nos calculs concernant le balivage normal; el supposons, pour les arbres de six révolutions dont 1l n’a pas été question dans ces calculs, un couvert de 70 mètres carrés, c’est-à-dire, supérieur de dix mètres carrés seulement, à celui des vieilles écorces de 150 ans. Enfin, fixons, comme plus haut 1594}, le déchet des balivéaux de l’âge à un cinquième. Le tableau ci-après fait voir quel sera, avec ces DES TAILLIS. 389 données, le couvert sur un hectare, au bout de la sixième révolution. PÉSERVES NOMBRE | COUVERT | COUVERT par = (4 d'un de tous CLASSES D’AGE. RÉSERVES. ARBRE. LES ARBRES, mèt. Car. mèt. car. Vieilles écorces (6 révolutions). 40 pli 2800 Id. (3 révolutions). 40 60 2400 Anciens (4 révolutions). 40 12 1680 Id NÉ révolutions)..." . - 40 32 1280 ee mode « 40 15 600 ToTAUxk- deu 200 » 8760 Ainsi, après six révolutions, les 200 arbres qui existeront sur un hectare, couvriront 8760 mètres carrés, et le taillis n’en occupera plus que 1240 où il ne sera pas surmonté ". Autant vaudrait dire que le taillis sous futaie a disparu pour faire place à une futaie bâtarde, dont les arbres différents d'âge, branchus et inégaux en hauteur, se gènent et s'entravent réciproquement. Dans cet état de choses, si l’on vient à couper les réserves les plus âgées, 1l est évident qu'on ne pourra ! En réalité, dans un sol de fertilité moyenne, on verra bien rarement sur un hectare 80 vieilles écorces parvenues sans dépérissement jusqu’à l’âge de 150 et de 180 ans. A peu près réduite par le fait aux 40 modernes et aux 80 anciens de trois et de quatre révolutions, la réserve ne couvrira guère plus de 4,000 mètres carrés. 390 DE L'EXPLOITATION plus compter sur des rejets de souche ; et les clai- rières, occasionnées par l'enlèvement de ces arbres, se garnissant principalement de bois blancs, ceux- ci déposséderont peu à peu les bonnes essences. Toutefois, deux expédients pourraient être employés pour prévenir un aussi fâcheux résultat. L'un, que nous connaissons, serait de repeupler ces clairières par semis ou par plantation [597]; l’autre consiste- rait à abandonner, pendant une révolution, le mode : du taillis sous futaie, et à établir des coupes de régé- nération avec les arbres de réserve, afin de produire, de semence, une jeune forêt susceptible d’être de nou- veau exploitée en taillis. Mais, le premier de ces moyens a l'inconvénient de devenir fort coûteux, en raison de la surface considérable à repeupler artifi- ciellement chaque année (2800 mètres carrés par hectare, c’est-à-dire, plus du quart de la contenance de la coupe) ; le second compromet le rapport soutenu et fait succéder la disette à l’abondance; caril oblige äabattre toutes les réserves dans le cours d’une même révolution, et réduit, par conséquent, les produits des révolutions suivantes au taillis seul. A quelque point de vue qu'on le considère donc, le balivage selon l’ordonnance, exécuté à la lettre, ne saurait aboutir qu'à de mauvais résultats. DES TAILLIS. 391 AIR TIGE OEDIE Conclusion. 607. Il faut le reconnaître, l’article 70 de l’ordon- nance réglementaire du code forestier, quoique dicté par une sage prévoyance, a maintenu dans les taillis un état de choses vicieux qu’il est urgent de rempla- cer par un régime d'exploitation fondé, dans chaque localité, sur les exigences culturales et sur celles de la consommation. Notre opinion n’est pas, cepen- dant, que cet article soit abrogé immédiatement: nous croyons, au contraire, qu'il doit être maintenu quant à présent, parce que, comme nous l'avons dit au commencement de ce chapitre, nous reconnais- sons en lui un principe conservateur, propre à pré- venir de funestes abus. Mais, ce que nous désirons vivement, c'est son abrogation graduelle, par des dispositions d'aména- gement !, basées sur un mûr examen des lieux et sur la saine application des principes d'économie fo- restière. Une semblable mesure n'aurait d’abord rien de contraire à la loi, etsemble même avoir été prévue par elle ; car l’article 15 du code forestier (qui s'ap- plique aux forêts de l'Etat comme à celles des com- ‘ On entend, par ce terme, l'opération qui consiste à régler, pour une ou plusieurs révolutions, le mode de culture d'une forêt, ainsi que la marche et la quotité de ses exploitations. 392 DE L'EXPLOITATION DES TAILLIS. munes et des établissements publics) dit : que les aménagements seront régléspar des ordonnances royales, c'est-à-dire, par des actes qui ont mème force que l'ordonnance réglementaire elle-même, et qui, par conséquent, peuvent la modifier. Trop souvent, jusqu'ici, on n’a fait consister l'amé- nagement des taillis que dans la fixation de la révo- lution et dans la division du terrain en coupes d’égales contenances. Quant au mode de balivage, on le passait sous silence, s’en référant ainsi aux dispositions de l’or- donnance réglementaire. Nous pensons qu'au contraire ce dernier objet devrait toujours être soumis à une discussion appro- fondie, dans les procès-verbaux d'aménagement, et que, partout où sous ce rapport il existe une la- eune dans les anciens actes, il faudrait s'empresser de la remplir, en provoquant des décrets complé- mentaires qui régleraient cette importante matière. C'est ainsi que, sans s’exposer aux Inconvénients d'une abrogation immédiate de l’article 76 de l’or- donnance, on réaliserait peu à peu une amélioration de la plus haute portée dans l’état de nos forêts. CHAPITRE CINQUIÈME. APPLICATION DES DEUX MÉTHODES D EXPLOITATION DU TAILLIS. ARTICLE PREMIER. Exploitation du chêne en taillis. 608. Le chêne, l'arbre le plus intéressant pour la futaie, est en même temps l’un des plus propres à croître en taillis. Sa souche produit des rejets pen- dant près de deux siècles, lorsque le sol lui est favo- rable ; elle donne des cépées abondantes et d’une croissance prompte, qui fournissent un bon bois de chauffage, de charbon et d'ouvrage. L'écorce du chêne, qui est particulièrement re- cherchée pour les tanneries, est d'autant meilleure 394 DE L'EXPLOITATION pour cet usage, que le bois est plus jeune et qu'il a crû plus rapidement. Cette circonstance rend les lullis de chêne très précieux et leur donne une valeur qu'aucune autre essence ne peut attendre. Il importe de remarquer que, sous le double rap- port de la faculté de reproduction des souches et de la qualité des écorces, le chêne rouvre est préférable au pédonculé. De plus, son feuillage étant plus abondant, il couvre et améliore mieux le sol que ce dernier. Si l’on veut traiter le chène en taillis sous futaie, on en obtiendra des bois de travail et de service d’une utilité générale, et particulièrement des courbes de marine, attendu le développement que peuvent pren- dre, dans ce genre de forêt, les branches des arbres qui composent la réserve. Le seul inconvénient des tuillis de cette essence, déjà signalé plus haut [597}, est que les brins de semence y réussissent trop rarement. Lors donc que les souches périssent, il devient indispensable de les remplacer au moyen du semis ou de la plantation. 609. Quand il y a lieu d’écorcer les tullis de chêne, îl faut attendre que le bois soit en pleine séve, c'est-à-dire que les bourgeons commencent à s’épa- nouir, car ce n’est qu'alors qu'on peut procéder à cette opération. Le mieux est d’écorcer les arbres etles perches sur pied, après que tous les menus bois non susceptibles d’écorcement auront été coupés et enlevés. Les bücherons chargés de l’écorcement doivent DES TAILLIS. 39 ©t d’abord faire, au pied des arbres et des perches, une entaille circulaire assez profonde pour arriver jusqu'à l’aubier. Ils fendent ensuite l'écorce, longitu- dinalement et par bandes, avec la pointe d’une serpe ou avec une lame quelconque, et la lèvent avec un outil en fer, en bois dur ou en os, qui a la forme d’une spatule. Cette écorce, qui se détache sans peme lorsque la température est douce et un peu humide, s'arrache depuis la coupure circulaire au bas du tronc, jusqu’au point le plus élevé où le bücheron puisse atteindre. Il arrive souvent que les ouvriers arrachent l'écorce du haut en bas, ce qui rend d’au- tant plus indispensable la coupure cireulaire au pied des chênes ; cette coupure empêche que la souche el les racines ne soient dépouillées de leur écorce dont l’adhérence complète au bois est, comme on le sait, une condition indispensable de la production des rejets. Ce premier travail fait, on coupe les chènes à fleur de terre pour en écorcer les parties supérieures qui n'avaient pu être alteintes. On expose pendant quel- que temps les écorces au soleil, pour les sécher, puis on les lie en bottes. IT faut se hâter de les mettre à couvert; car si elles étaient exposées à la pluie, elles perdraient de leur qualité. L'écorcement diminue de quelque chose le volume du bois ; on calcule cette diminution au huitième à peu près. Mais cette perte est largement compensée par la valeur de l’écorce, et il est même arrivé que le 396 DE L'EXPLOITATION prix de l'écorce d’une coupe à dépassé celui du bois dont elle provenait. La perte la plus réelle est celle de la séve du printemps, qui s'écoule sans résultat et remet à la séve d’été la production de rejets moins robustes alors pour résister aux fortes ge- lées [576]. La température de la France étant généralement issez douce, cet inconvénient n’est que peu à crain- dre dans un grand nombre de départements ; et les besoins des tanneries, ainsi que les grands avantages pécuniaires que présente l’écorcement, ne permettent pas d’hésiter à pratiquer cette opération !. L'expérience prouve d’ailleurs que lécorcement ne compromet pas l'existence des taillis de chêne. Ce qui'est très probable, néanmoins, c’est que les souches des arbres coupés toujours en temps de séve ne sauraient avoir la durée de celles des arbres dont la coupe ne s'effectue, au contraire, qu’en saison convenable. ARTICLE II. Exploitation du hêtre en taillis. 610. Il est incontestable que le hêtre n’est pas ‘ L'écorçage à la vapeur, dont M. Maître est l'inventeur, permet d'enlever et d'utiliser l’écorce des chênes abattus en toute saison; son emploi éviterait les inconvénients des pro- cédés actuels, ‘au point de vue de la reproduction des taillis. DES TAILLIS. 397 disposé à repousser de souche; une écorce trop adhérente au bois et d’un tissu trop serré, semble s'opposer au développement facile des rejets. Quelle que soit au surplus l’organisation particulière de cet arbre, il est de fait qu’en le traitant en taillis, et surtout en le coupant à fleur de terre, on s'expose à voir mourir les souches. Nous avons dit ailleurs [578] qu'un moyen de soutenir plus longtemps le hêtre en taillis, consiste à couper toujours au-dessus du nœud de l'exploitation précédente, afin que la séve, circulant sous une écorce plus jeune et plus tendre, ait plus de facilité à produire de nouvelles pousses. Mais, outre que ce moyen n’est pas infaillible dans certaines locali- tés !, surtout dans les situations hautes et froides, les souches d’un taillis ainsi exploité présenteraient, au bout de quelques révolutions, des espèces de chi- Des expériences, qui ne sont pas encore décisives, tendent d’ailleurs à établir que l’on obtiendrait ainsi, à moins de frais, une écorce d’aussi bonne qualité que celle faite au printemps. ‘ De nombreuses observations ont constaté que le hêtre repoussait mieux de souche dans les terrains maigres que dans les bons fonds. Hartig avait cherché à expliquer cette par- ticularité de la manière suivante, sans toutefois prétendre que son explication fût la vraie. « Dans un sol substantiel, dit-il, l’affluence très forte de la séve donne lieu à des bourgeons d’une grande vigueur. Mais l'écorce dure du hêtre, faisant obstacle à ce qu’ils paraissent promptement à la surface exté- rieure, il arrive qu'ils se crispent et prennent une croissance contournée qui alors ne leur permet plus de percer. Lorsque le sol est médiocre, au contraire, la séve est peu abondante, la 398 DE L' EXPLOITATION cots qui, s’élevant toujours davantage, finiraient par devenir de petits têtards, sur lesquels les rejets n'auraient plus une assiette assez solide pour résister aux coups de vent ou au poids de la neige et du givre. 611. Hartig, dont l'expérience est d’un grand poids dans toutes les questions forestières, à re- connu l'impossibilité de maintenir les taillis de hêtre, en suivant les règles ordinaires de l'exploitation des taillis; 1l propose, en conséquence ,un mode par- Uüculier dont voici les détails. Supposant la forêt de hêtre soumise à une révolu- lon de 30 ans, 1l conseille de réserver ,à la première exploitation, 100 baliveaux par hectare; à la deu- xième, lorsque les souches auront 60 ans, 1l veut que l’on réserve, par hectare , 2,000 baliveaux. Trente ans plus tard, les souches ayant 90 ans, on doit interrompre le régime du taillis et exploiter d'après la méthode du réensemencement naturel. Les 100 premières réserves étant âgées de 90 ans, et les 2,000 autres de 60 ans, on peut en espérer la semence nécessaire au repeuplement du terrain. On doit alors effectuer les trois coupes de régénération, dont l'effet sera de créer une jeune forêt qui rem- végétation moins promple, et les bourgeons trouvent moyen de perforer lentement l'écorce. » Ce qui confirmait Hartig dans son opinion, c'est qu'il avait remarqué que, dans les bons sols, le hêtre repousse mieux lorsqu'il est coupé en temps de séve, c’est-à-dire, lorsque les souches ont perdu une partie de la séve surabondante, DES TAILLIS. 399 placera les anciennes souches et qui pourra de nou- veau être traitée en taillis, sauf à être régénérée comme il vient d’être dit. Hartig ne fait mention que d’un taillis de hêtre qui n’a jamais été exploité, et qui, à la première coupe, ne présente que des souches de 30 ans. Une pareille forêt se rencontre rarement; 1l est plus ordi- naire d’en trouver qui ont déjà été exploitées pendant quelques révolutions et où les souches sont d'âges très différents. Dans ce cas, il faudra donc réserver de suite 2000 perches par hectare. Ce nombre, tou- tefois, ne doit pas être considéré comme invaria- ble ; il dépend de la grosseur des perches et de la quantité d'arbres antérieurement réservés. Il ne s’agit, en effet, que d'établir un massif convenable, qui puisse produire le repeuplement naturel aus- sitôt que les perches seront assez âgées pour porter semence. 612. En réfléchissant aux moyens jugés indispen- sables pour assurer la durée du hêtre en taillis, on est nécessairement amené à conclure que ce mode d'exploitation ne lui convient pas et qu’on lui fait violence en l'y soumettant. Si l’on examine avec attention les taillis de hêtre, surtout ceux dont les souches sont un peu anciennes, on y trouvera toujours des clairières plus ou moins considérables, causées par la mort d’une partie de ces souches ; si les clairières se remplissent, ce sera par des essences à semences légères, le plus souvent 400 DE L'EXPLOITATION par les bois blancs, à moins que des repeuplements artificiels n'y mettent obstacle. C’est ainsi que le hêtre est peu à peu dépossédé du terrain où anté- rieurement il dominait. Les moyens proposés par Hartig sont sans doute suffisants pour prévenir un tel résultat; mais 1ls manquent de simplicité et sont peu avantageux, à cause de la suppression presque totale des produits de la deuxième révolution. En effet : couper d’abord afin d'obtenir des rejets ; puis, dès la seconde révo- lution, laisser sur pied la plus grande partie de ces rejets pour en former des arbres à semence; exploi- ter ensuite d’après la méthode du réensemencement naturel, et ne reprendre enfin le régime du taillis que lorsque la semence aura créé de nouveau une jeune forêt, tels sont ces moyens. Il suffit de les résumer pour montrer que ce n’est qu'à l’aide d'opérations compliquées et en sacrifiant le rapport soutenu, que l’on parvient à exploiter d’une manière intermit- tente le hêtre en taillis, tandis qu’on perpétue facile- ment cette essence par la méthode du réensemence- ment naturel, méthode dont les règles sont faciles à suivre, et par laquelle on obtient d’ailleurs, dans un temps donné, des produits en matière plus considé- rables et plus utiles. Toutefois, lorsque les circons- lances ne permettront point de traiter les forêts de hêtre en futaie, le mode du taillis composé devra toujours être préféré, comme favorisant davantage la reproduction par la semence. DES TAILLIS. 401 613. Dans l’ancien Morvan (départements de la Nièvre et de Saône-et-Loire) et dans plusieurs autres contrées de la France, on a adopté, très ancienne- ment, dans les taillis de hêtre, un mode d’exploita- tion particulier, dont l'efficacité, en ce qui concerne du moins la reproduction des souches, est démon- trée par une longue expérience. Ce mode, connu sous le nom de furetage, consiste à n’abattre, de chaque cépée, que les plus grosses perches propres à être converties en bois de corde, et à réserver soi- gneusement les autres. A la place des perches cou- pées, naissent de nouveaux rejets qui prospèrent sous le couvert des tiges conservées, jusqu'au mo- ment où celles-ci, ayant atteint la grosseur qui les rend exploitables, sont coupées et remplacées à leur tour. Les souches des taillis furetés présentent ainsi des bois de deux et même de trois âges; jamais elles ne sont entièrement dépouillées, et c'est, à ce qu'il paraît, cette dernière circonstance qui assure leur reproduction jusqu’à un âge très avancé. Ordinairement ces taillis sont soumis à une révo- lution de 24 à 30 ans, et, selon que les souches portent des rejets de deux ou de trois âges, les coupes viennent deux ou trois fois en tour d'exploitation dans la même révolution; ainsi, par exemple, un taillis exploité à 30 ans peut être fureté tous les 10 ans, de manière qu'il y ait sur les souches des rejets de 10, de 20 et de 30 ans. Comme on n'a pas l'habitude de réserver des 26 10? DE L'EXPLOITATION baliveaux, et que les perches du taillis sont abattues l'op jeunes pour porter graine, les essences para- sites et les plantes nuisibles gagnent peu à peu sur le hêtre. Aussi estal indispensable, pour entretenir ces forèls, de remplacer les souches dépérissantes par des repeuplements artificiels. il parait qu'un très grand inconvénient de ce mode consiste dans les dégâts considérables que labatage et le façonnage des perches exploitables causent à celles qui, ne l'élant pas encore, doivent rester sur pied. Peul-êlre y aurait-il moyen de remédier au mal, au moins partiellement. Quoi qu'il en soit, nous pensons, d'après lous les renseignements que nous avons recueillis, que, si le furetage peut se justifier dans les taillis simples de hêtre, en raison de la difficulté d'obtenir une repro- duction assurée par la coupe à blanc étoc, ce mode d'exploitation ne présente cependant pas assez d’a- vantages, et offre trop d’inconvénients, pour qu'on l’applique à d'autres essences. ARTICLE III. Exploitation du chäâtaignier en taillis. 61%. La souche du chätaugnier a une longue durée, et les cépées qu'elle produit sont bien fournies el d’une croissance vigoureuse et rapide. C’est sur- Lout dans les pavs de vignobles que les taillis de cette DES TAILLIS. 10: essence sont avantageux, à cause des cercles de fu- taille et des échalas qu'ils fournissent et qui sont de première qualité. Les baliveaux sont d'autant moins à conseiller. dans les tullis de châtaignier, que leur couvert est épais et que les rejets supportent difficilement d'être dominés. Les perches de 10 à 15 ans fournissent d'ailleurs déjà des fruits ; les réserves, sous le rapport du repeuplement naturel, ne sont donc pas néces- saires. On peut, toutefois, en conserver sur les li- sières du taillis, afin d'obtenir quelques fortes pièces et d'augmenter la récolte des châtaignes. Dans les anciens départements du Rhin, où ilexiste beaucoup de’taillis de châtaignier, on a l'habitude, après l'exploitation, de cultiver le terrain, entre les souches, pendant un ou deux ans. Ordinairement on y plante des pommes de terre. Outre la récolte que cette opération produit, elle à le grand avan- lage d'activer considérablement la végétation des cépées en débarrassant le châtaignier des arbustes el des morts-bois qui, comme on le sait, lui nuisent beaucoup. ARTICLE LV: Exploitation de l’aune en taillis. 615. Le régime du laillis est celui qui convient le mieux à laune, Ses souches fournissent, pendant plus d'un siècle, des rejels abondants el d’une 404 DE L'EXPLOITATION croissance rapide, et l’aune blanc drageonne mème beaucoup. En général, les baliveaux qu'on réserve dans les aunaies, pour fournir de la semence, ne remplissent pas le but qu'on se propose. Les aunes se trouvent d'ordinaire ou dans les ma- rais, ou dans les sols aquatiques, ou enfin dans des lieux très humides. Dans les deux premiers cas, la germination est entravée ; dans le dernier, le terrain est tellement gazonné ou rempli de joncs et d’autres plantes nuisibles, que la graine souvent ne peut y arriver. [l ne faut donc pas compter sur le semis naturel pour l'entretien du tallis ; le seul moyen de repeuplement, lorsque les drageons ne réussissent pas, consiste dans la plantation, et, pour l’aune blanc, dans les boutures !, On doit cependant réserver quelques baliveaux, mais dans le seul but d'élever quelques arbres utiles aux constructions hydrauliques et à d’autres usages. Lorsque les aunaies se trouvent placées dans des marais d’une certaine profondeur, 1l devient impos- sible de les exploiter autrement qu'en hiver, pendant les fortes gelées, quels que soient d’ailleurs les in- convénients qui peuvent en résulter pour la repro- duction. 1 Voir le VIe livre de ce cours. DES TAILLIS. 405 AR TICLEMM: Exploitation du robinier faux acacia en taillis. 616. Le robinier est une des essences les plus propres au laillis, lorsque le sol et le climat lui conviennent. En effet, non-seulement il croit avec une rapidité prodigieuse !, mais il drageonne abondamment et son bois acquiert dès les premières années un grain très serré. Un inconvénient assez grave des taillis de robinier, c’est le grand nombre des épines qui garnissent les tiges ; la blessure de ces épines est fort douloureuse et présente même souyent, dit-on, quelque danger. Cette circonstance rend l'exploitation de ces taillis difficile, et beaucoup plus coûteuse, par conséquent, que celles des autres. Quant aux baliveaux, il n’est pas à conseiller d'en réserver. La tête du robinier est rameuse et très su- jette à être déchirée par les vents ; 1l n’est donc pas prudent de l’isoler sur le taillis. ! Dans un sol substantiel et frais, les rejets s’élancent sou- vent dès la première année à 3 et même à 4 mètres de haut, et, à l’âge de 5 ou 6 ans, les perches mesurent jusqu'à 8 et 10 cen- timètres de diamètre à un mètre de terre. {06 DE JL EXPLOITATION A RTIGUEENT. Exploitation des taillis mélanges 617. À quelques exceptions près, les essences dont nous venons d'examiner, dans les einq articles précédents, l'exploitation en taillis, se trouvent. comme tous les autres arbres feuillus, ordinairement mélangées dans les taillis et y dominent plus ou moins, suivant que le climat et le sol conviennent davantage aux unes ou aux autres. Le chène et le hêtre se rencontrent rarement sans mélange d’autres essences el, lorsque ce mélange est établi dans de justes proportions, 1l est loin d’être contraire à la bonne croissance de nos essences d'élite, surtout de celles dont 1l importe de composer la réserve. Il en est ainsi, par exemple, du chène pédonculé, la plus précieuse de toutes au point de vue des grands emplois. Cet arbre, propre aux plaines fertiles ou humides, ne peut se maintenir à l’état pur dans les laillis, à cause du couvert incomplet de sa cime [82/: il lui convient donc que son pied soit environné d’es- sences secondaires [591] qui, tout en protégeant le sol, ne souffrent d’ailleurs que très peu du cou- vert. Les plus belles et les meilleures pièces de chêne que fournissent les taillis se rencontrent dans de telles conditions. DES TAILLIS. 107 Les ormes, les frènes, les érables, les charmes et les tilleuls se reproduisent très abondamment de souche, pendant 100 à 150 ans ; les deux premiers ont une disposition marquée à drageonner, et les charmes et les Ulleuls, qui se garnissent de nom- breux rejets au pied, se perpétuent facilement de cette manière, lorsque la souche-mère vient à mou- rir. Les bouleaux. les alisiers, les sorbiers, les me- risiers et les micocouliers fournissent des rejets jus- qu'à 60 et 80 ans, et les saules et les trembles, dont le pied est de moindre durée, drageonnent considéra- blement. En général, le mélange des deux derniers (parfois aussi celui du tilleul) avec les essences dures n'es! pas favorable, et, lorsqu'il existe, 1l importe de le surveiller (599/, alin d’empècher que ces essences ne soient surmontées, et finalement évincées par les bois blancs. Ce n’est que par des nettoiements fréquem- ment répétés que l’on peut maintenir un mélange convenable. En ce qui concerne le balivage dans les taillis mélangés, simples où composés, toutes les indica- ons nécessaires ont élé données plus haut [591 à 596. 408 DE L' EXPLOITATION ARTICLE VII. Exploitation des taillis d'arbrisseaux. 618. Il faut éviter de mêler les arbrisseaux avec les arbres. Dans les premières années, leur crois- sance pourrait être égale, mais, plus tard, les arbris- seaux seraient immanquablement surmontés ; 1l ne peut être convenable d’ailleurs de soumettre les uns et les autres à la même révolution. Ceux des arbrisseaux qui, par la qualité de leur bois et par les usages auxquels ils sont propres, mé- ritent plus particulièrement l'attention du forestier, sont : les petits saules, le cornouiller mäle, le coudrier et le cerisier à grappes. Les deux derniers peuvent avec avantage croître en mélange. Quant au cor- nouiller mâle, 1l n'existe guère d’espèce feuillue d'une végétation aussi lente; on ne peut donc le cul- üver que seul. Ordinairement on l’exclut des forêts, parce que, mêlé à d’autres essences, il en est écrasé et, ne pouvant s'élever, il s'étale. Cependant, l'excel- lente qualité de son bois, sa souplesse, sa dureté de- vraient lui faire accorder, dans les forêts, une place petite mais exclusive, puisque sa culture ne peut s’al- lier à celle d'aucune autre essence. Comme nous l'avons dit [574], c'est pour les tail- lis d’arbrisseaux qu'il convient d'adopter les révolu- DES TAILLIS. 409 tions de » à 10 ans ; le cornouiller, toutefois, pourrait être coupé à un âge un peu plus avancé, vu la lenteur de sa croissance. Exploités ainsi, on les nomme menus-taillis. est inutile d'ajouter que ces essences ne sont traitées qu’en laillis simple et, la plupart du temps, sans aucune réserve. CHAPITRE SIXIÈME DU SARTAGE 619. On appelle sartage, un mode particulier d'ex- ploitation des luillis, qui consiste à cultiver des cé- réules, à chaque coupe, pendant un où deux ans, après avoir brûlé, au préalable, les menus bois, brous- silles, morts-bois et autres plantes, sur place, dans le but de rendre le sol plus favorable à la végétation. C'est principalement dans les Ardennes, dans les pavs de Liège et de Luxembourg et sur différents points de PAllemagne méridionale que celte pratique est en usage. Elle estextrèmement ancienne etsemble avoir pris naissance, dans ces contrées, par suite du manque de terres arables dû à la fois à la pau- vrelé du sol, à sa forme accidentée et à l’âpreté du climat. Le chène, particulièrement le rouvre, est de loutes les essences celle qui supporte le mieux le sartage. Dans les Ardennes, les taillis sartés, situés généra- DE L'EXPLOITATION DES TAILLIS. il lement en pente et sur un sol de schiste ardoisier. sont presque exclusivement composés de chêne rouvre et, dans ces conditions, fournissent des bois de feu et de charbon excellents, de fort bons bois d'œuvre, quand on fait des réserves, et surtout des écorces de première qualité !. Ces écorces et les cé- réales formant les produits les plus importants des aillis soumis au sartage, il est de l'intérêt du pro- priétaire d'exploiter ceux-ci à de courtes révolutions. c’est-à-dire, de 15 à 25 ans. 620. Lorsque le sol est nu. dépourvu, entre les cépées, d'herbes et de gazon, l'opération du sartage a lieu de la manière suivante. Après avoir écorcé sur pied, lors de la séve du printemps {609}, puis abaltu et vidé le bois de là manière ordinaire, on répand sur la surface du sol, entre les souches exploitées, toutes les menues branches, brindilles, eimeaux et broussailles qui n'ont point fait partie du bois de corde ?. Par un ! La qualité des écorces est, en général, d'autant meilleure que le liber a une épaisseur plus considérable, comparative- ment aux couches corticales et à l’'épiderme ; car il paraît que le lannin est contenu surtout dans le liber. Or, cet organe esl d'autant plus développé que la végétation est plus rapide et le bois plus jeune; ces deux circonstances se trouvant réunies dans les taillis sartés, on conçoit que les écorces qu'ils four- nissent doivent être de très bonne qualité. * En général, on ne fait pas de fagots dans les taillis sartés, mais on façonne en cordes, soit pour le chauffage ordinaire. soit pour être carbonisé (bois de charbonnette), tout le bois au- dessus de 25 millimètres environ de diamètre. 412 DE L'EXPLOITATION temps calme, on y met le feu. La flamme se propage rapidement et convertit en cendres le bois ainsi ré- pandu. Cette mise à feu doit avoir lieu, au plus tard, dans les premiers jours de juillet !. Afin de circons- crire le feu dans la coupe en exploitation, on en pioche à la houe le pourtour sur une certaine lar- seur, immédiatement avant la mise à feu, et l’on dispose des hommes sur tout le périmètre, afin de combattre et de maîtriser l'incendie si, par accident, il venait à atteindre les parties voisines. Dans quel- ques localités de l’Allemagne, on prend même la précaution, lorsque la coupe est grande, de la sub- diviser en un certain nombre de parcelles ou lots dont chacune séparément est mise à feu. Les sépa- rations s’établissent, soit en labourant le pourtour de chaque parcelle sur une certaine largeur, soit en réu- nissant sur ce pourtour des perches de la coupe qui. mises en tas continu, forment un petit rempart ou " Dans l’'Odenwald {grand-duché de Hesse-Darmstadi) le délai de rigueur pour la mise à feu est fixé au 10 juin; dans les Ardennes, au contraire, elle n’a lieu qu’en août et septembre. Il en résulte, évidemment, que les rejets de la première année sont détruits. C’est un retard fâcheux, ct il est permis de croire que ce nouveau trouble apporté dans la végétation des souches altère leur vitalité et compromet leur durée. Mais d’un autre côté, le recru ne se produisant qu'au printemps suivant (quel- quefois même dans le second printemps), les rejets nais- sent dans de meilleures conditions pour résister aux froids de l'hiver [576 et 609], ce qui, dans un climat aussi rude, est peut- ètre une circonstance essentielle à leur réussite (V. note, p. 340). DES TAILLIS. 413 senlier en relief. Enfin, le périmètre de la coupe en- tière est encore labouré sur une largeur de plusieurs mètres. Quand le moment est venu de semer les céréales, on les répand sur le sol, et on les recouvre au moyen d'un léger labour à la houe. Si cette opération est effectuée de bonne heure, on peut cultiver du sarrazin la première année et du seigle l'année suivante ; mais si, au contraire, la saison est déjà avancée, 1l faudra se contenter d’une seule récolte de seigle. Ces céréales devront être coupées à la faucille, en prenant toutes les précautions nécessaires pour que les rejets soient respectés. ‘ Feu M. de Salomon, directeur de l'École forestière, a rap- porté, en 1835, d’une tournée faite avec ses élèves dans l’'Oden- wald, une céréale, appelée seigle multicaule (secale cereale multi- eaule), qui est cultivée avec un très grand succès dans les taillis sartés. Ce seigle est bisannuel et se sème dans les taillis avec le sarrazin. La première année, il ne s'élève qu'à environ 16 centimètres et on peut le couper, sans lui nuire, en ré- coltant le sarrazin. La deuxième année, ses tiges, qui sont ordinairement à vingt ou trente sur le même pied, s'élèvent à plus de 2 mètres et donnent des épis très productifs. Son em- ploi, en mélange avec le sarrazin, présente d’abord l'avantage de procurer deux récoltes au moyen d'une seule culture; en second lieu, on évite les dangers de la dégradation des sols inclinés, dans lesquels, comme on le sait, les terres ameublies par la culture sont toujours exposées à ètre entraînées par les eaux pluviales. (Voir le Mémoire publié par M. de Salomon dans le journal de la société d'agriculture de Nancy, février 1836, sur le sartage des taillis de chêne de l’'Odenwald et sur le seigle multicaule.) Il! DE L'EXPLOITATION Le mode de sartage que nous venons de décrire. se nomme sartage à feu courant. Les cendres qui en résultent, ajoutent à la fertilité du sol par les sels qu’elles contiennent, et par la faculté qu'elles ont d'attirer et de retenir l'humidité de l'air, de manière à ne la céder que lentement aux plantes; de plus, il est incontestable qu'elles sont un puissant stimulant pour la végétation. On conçoit donc que, à la suite du sarlage, les céréales et le bois croissent tous deux avec beaucoup de force. Si l'action du feu a quel- quefois pour effet de nuire à la reproduction, en dé- lruisant les semences et les jeunes plants et en éhar- bonnant partiellement la surface des souches, elle provoque, d’une autre part, des rejets en abondance et singulièrement vigoureux, par la température élevée qu'elle communique au sol. Enfin, un dernier avantage du sartage est l’abri que les céréales pro- eurent aux jeunes rejels !. \ C'est contre les vents froids, bien plus que contre les ardeurs du soleil, qu'il importe d’abriter les rejets, dans les deux premières années. Dans les Ardennes, on avait coutume autrefois de réserver, autour de chaque coupe, un cordon de lutaie qui répondait à ce besoin et offrait d’ailleurs des res- sources d'autant plus précieuses que le sartage à feu courant ne permet guère de réserver des baliveaux dans la coupe même. Peu à peu, ces cordons ont été exploités ; on a négligé de les remplacer et, depuis lors, on a remarqué, principalement sur les plateaux, que la reproduction des taillis était de plus en plus compromise. On n'hésite pas à attribuer à cette circons- tance, jointe aux abus du pâturage, la dégradation considérable de certaines forêts de cette contrée. DES TAILLIS. 415 621. Il existe encore un autre mode de sartage. dit à feu couvert, auquel on à recours quand le sol est garni d'herbes, de plantes rampantes et sur- tout de gazon. [consiste à peler, à la houe, la surface du terrain couverte de gazon et d'autres plantes, à en former un grand nombre de petits fourneaux que lon allume et dont on répand ensuite les cendres sur loute Paire de la coupe. Du reste, on procède comme il a été dit. plus haut. Ce mode ne présente pas les avantages du premier; on en obtient, pour le bois, des rejets moins abondants el moins vigoureux, sans doute parce que, d’une part, on enlève en certains endroits, lrop de terre avec le gazon, et que cette terre, brûlée et calcinée, que l’on répand ensuite avec les cendres. n’est plus propre à la végétation ; d'autre part, parce que les racines sont quelquefois coupées ou mutilées ou trop découvertes et que le sol n'est point éga- lement échauffé sur toute sa surface !. Enfin, le sartage à feu couvert devient plus nui- sible dans les pentes rapides que celui à feu courant, parce qu'il ameublit la terre plus profondément et l’expose davantage à s'ébouler. Il est vrai, toutefois, qu'il donne la faculté de réserver, avec plus de chances de succès, quelques baliveaux dans les !: Le sartage à feu couvert offre encore un autre danger qui réside dans le répandage des cendres, dont une pelletée seule- ment, jetée sur une souche, suffit pour la faire périr, quand l'incinération du gazon n'est pas complète. 416 DE L'EXPLOITATION coupes, attendu qu’on peut en éloigner le feu à vo- lonté, ce qui ne saurait se faire en sartant à feu courant, à moins de recourir à des précautions par- ticulières. Quel que soit le mode de sartage que l’on emploie, il est à conseiller de le faire suivre de quelques plan- lations ou semis, pour assurer la perpétuité des bonnes essences et surtout du chêne. A la vérité, ces travaux semblent moins urgents:ici que dans les taillis ordinaires, à cause de la facilité avec laquelle les rejets, dans les taillis sartés, poussent des racines qui leur sont propres et forment ainsi de nouveaux pieds indépendants de la souche mère. Ce fait, qui est incontestable, tient, sans nul doute, à ce que la terre se trouve ramenée contre les souches et sou- levée au niveau de la taille d’abatage par le fait même du labour donné au sol. Toutefois, dans une coupe, il y a toujours beaucoup de places qu'il sera très utile de repeupler artificiellement. 622. Dans les Ardennes, aussitôt après la récolte des céréales, les genêts lèvent en abondance dans les coupes, surtout dans celles qui ont été sartées à feu courant. Ces arbustes étoufferaient donc les semis. En plantant des sujets de 0", 50 à 1" de haut, préalablement préparés en pépinière, et autour des- quels on arracherait les genêts dès la première année de leur levée, le succès de l'opération serait à peu près assuré. La présence des genêts dans les jeunes coupes est DES TAILLIS. 417 d’ailleurs utile aux rejets dans le premier âge, en ce qu'elle les protège contre les intempéries. En outre, ces arbustes fournissent des produits qui peuvent s’exploiter régulièrement, quelques années après la vidange des bois, et qui sont recherchés surtout pour le chauffage du four. À cet égard, 1l faut re- marquer, toutefois, qu'il peut y avoir du danger à laisser persister les genèts trop longtemps, dans le but d’en tirer plus de profit, parce que, dans ce cas, les rejets de bois dur, particulièrement ceux du chène, perdent trop tôt leurs branches inférieures, ne prennent pas de corps, faute de lumière, et sont souvent exposés à languir ou à être écrasés par la neige, lorsque l’épais fourré de genèt vient à dispa- raître. — Il importe donc de faire enlever ceux-ci soit en une fois, soit en plusieurs, 4 ou 5 ans, au plus tard, après la coupe. 623. La pratique du sartage, comme nous l'avons dit, n’est usitée que dans quelques localités ; mais elle pourrait être appliquée avantageusement sur différents points de la France, par les particuliers qui possèdent des taillis de chêne, en évitant, tou- tefois, d'y soumettre ceux qui sont assis dans des fonds secs et légers ou en pente rapide. CHAPITRE SEPTIÈME. DE L'ÉTÉTEMENT ET DE L'ÉMONDAGE. ARTICLE PREMIER. Généralités. 624. On fait d’un arbre un tétard, lorsqu'on abat sa tige à une certaine hauteur au-dessus du sol; on l’émonde, au contraire, en lui enlevant toutes les branches latérales jusqu’à la partie supérieure de la . cime qu'on laisse intacte. Par suite de l’une ou de l’autre opération, il se présente, au point de la coupe, des rejets que l’on exploite périodiquement à l'instar du tailis. De nouvelles branches se produisent aussi longtemps que la tige conserve sa faculté de reproduction, c'est- à-dire, jusqu'à ce que l’âge ou une maladie l’en aient privée. 625. Sous le rapport de la valeur des tiges, 1l importe peu d’en pratiquer l’étêtement à une hau- DE L'EXPLOITATION DES TAILLIS. 419 teur plus ou moins grande, car cette opération altère ordinairement le centre du bois, en favorisant l’infil- tration des eaux pluviales, et c’est chose rare de voir des têtards vieux, dont la tige ne soit pas creuse. Il n’en est pas de même des arbres émondés ; ils se conservent plus longtemps et peuvent être utilement employés, lorsqu'ils ont atteint les dimensions con- venables. Cet avantage est dû à ce que, le sommet de l'arbre restant toujours garni, les eaux pluviales glissent sur la partie coupée et pénètrent moins aisé- ment dans l'intérieur du tronc. Mais, si l’étêtement a l'inconvénient de hâter la perte du tronc, 1l fournit par contre des rejets plus abondants, plus forts et plus utiles que l’émondage, dont on n’oblient que du fagotage de peu de va- leur. L'étètement s'opère à une hauteur de 1 jusqu’à 6 et 7 mètres. On tient bas les têtards plantés sur les bords des ruisseaux, des rivières, dans les pentes, etc., pour maintenir les terres; on donne de l’élé- vation, au contraire, à ceux sous lesquels on cultive des céréales ou des fourrages. En effet, c’est dans les pâturages, dans les prai- ries, sur le bord des champs, des routes et des che- mins que les arbres émondés et les têtards trouvent plus particulièrement leur place ; et l’on conçoit, pour ces derniers, que plus ils seront élevés au-dessus du sol, moins ils empèêcheront les plantes fourragères 420 DE L'EXPLOITATION ou autres, qui croissent sous leur couvert, de parti- ciper aux influences atmosphériques. ARTICLE II. Essences propres à l’ététement et à l'émondage. 626. Toutes les essences feuillues peuvent être élêtées ou émondées, mais elles ne présentent pas toutes les mêmes avantages. Celles qui s’exploitent le plus ordinairement ainsi, sont : les peupliers, les grands saules, le tilleul, l’orme, l'aune, le frêne, les érables, le charme et le chêne. ANR TICEE TRI Exploitabilité de ces bois. 627. L'exploitabilité que l’on adopte d'ordinaire pour les têtards est de 3 à 6 jusqu'à 10 ans; elle dépend de la nature des produits que l’on veut obtenir et de l'accroissement plus ou moins prompt des différentes essences. Ainsi, les saules et les peupliers, qui repoussent avec la plus grande acti- vité, peuvent être exploités de 3 à 5 ans, tandis qu'il laut retarder l'exploitation des autres essences. Il en est absolument de même pour les arbres soumis à l'émondage. DES TAILLIS. 421 ARTICLE IV. Saison la plus convenable pour l’ététement et pour l'émondage. 628. Mars et avril sont les mois les plus conve- nables pour l’étêtement et pour l'émondage, sauf les modifications nécessitées par la différence des cli- mals. Les motifs sont les mêmes que ceux qui ont été donnés pour l’abatage des taillis [576 et 577|. Ilest cependant des pays pauvres en fourrages, où l’on emploie le feuillage des tétards et des arbres émondés à la nourriture des bestiaux. Dans ce cas, on coupe aussitôt après la séve d'août pour pouvoir mettre encore les feuilles à profit. Cette raison seule peut justifier la coupe à la fin de l'été. ARTICLE V. Mode d’abatage. 629. Lorsque les lêtards sont jeunes encore ou d’un âge moyen, ilest avantageux de couper les rejets rez-tronc ; mais, lorsqu'ils vieillissent et que l'écorce devient coriace, il vaut mieux couper plus haut, afin que lés nouvelles pousses trouvent une écorce tendre qu’elles puissent percer avec plus de facilité. [l'en est de même pour les arbres à émonder ; les premiers ébranchements se font à fleur de la tige; plus tard, 422 DE L'EXPLOITATION on laisse subsister des bouts de branches pour faci- liter la reproduction. L'emploi d'instruments bien tranchants est essen- liel pour cette opération, afin que la tranche soit nette et sans éclats. Pour éviter l’infiltration des pluies, la coupe des têtards doit, autant que possible, être faite obliquement à l'horizon ; celle des arbres à émonder de même, mais en commencant l’entaille par le bas. ARTICLE VI. Avantages des tétards et des arbres émondes. 603. Il est des pays, par exemple dans le voisi- nage du Rhin, où toutes les terres vagues en par- cours, tous les bords des rivières et des ruisseaux sont plantés de têtards et d’arbres émondés. Ces plantations protègent les rives contre l’envahisse- ment des eaux et défendent les habitations et les terres cultivées contre les glaçons que le dégel et les inondations pourraient y porter; soumises à des coupes périodiques, elles fournissent en même temps un chauffage abondant. Les terrains en parcours, surtout, étant ainsi plantés, offrent, avec les pro- duits en bois, de l'herbe et des feuilles pour la nour- riture des bestiaux. | Les arbres émondés etles têtards sont d’un très- grand intérêt partout où le bois à de la valeur. Leur DES TAILLIS. 423 plantation n’enlève rien à la culture des terres ; on en, garnit les places improductives, les endroits ma- récageux, les lisières des prairies et d’autres lieux dont la charrue ne peut approcher; toutes les eaux devraient en être bordées. Il est à regretter que des plantations aussi utiles, qui s’opèrent avec tant de facilité et qui, sans pré- senter aucun obstacle à l’agriculture, peuvent offrir les plus grands avantages aux propriétaires, soient encore aussi négligées dans un grand nombre de nos départements. LIVRE CINQUIÈME DES EXPLOITATIONS DE CONVERSION. CHAPITRE PREMIER CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES 631. Les exploitations de conversion ont pour but d'introduire dans les forêts une autre méthode de culture que celle qui, jusqu'alors, y était pratiquée. A cet effet, elles doivent changer l’état du bois, et ce changement doit être consommé dans un temps donné. Or, nous connaissons trois principales méthodes de culture, celle de la futaie, celle du taillis simple et celle du taillis composé ‘. On peut donc conce- voir les conversions suivantes : " Nous ne comptons pas le jardinage au nombre des mé- thodes d'exploitation que, dans certaines circonstanges, il pour. DES EXPLOITATIONS DE CONVERSION 425 1° Conversion d’une futaie en tullis simple ou en taillis composé ; 2° Conversion d’un taillis simple en taillis com- posé ou en futaie ; 3° Conversion d’un tuillis composé en taillis sim- ple ou en futaie. Les règles culturales pour exécuter ces différentes opérations forment l’objet de ce livre; mais, pour les appliquer avec discernement, il faut être fixé sur le cas où un changement de régime devient réelle- ment nécessaire ou utile. Cette question, qui n’est pas seulement forestière, mais qui touche aussi à l'économie politique, a été débattue à plusieurs re- prises et décidée en sens divers. Il nous a semblé, toutefois, que les données nécessaires pour la ré- soudre n'avaient pas toujours été bien nettement éta- blies, convenablement rapprochées et discutées. Nous nous proposons donc de l’examiner dans ce qui va suivre, parce que nous la considérons comme de- vant dominer toute la théorie des conversions. rait être utile d'introduire, parce que ce n’est qu’un mode par- ticulier d'exploiter certaines forèts soumises au régime de la futaie. Nous ne parlons pas non plus, sous ce rapport, du sar- tage, de l’ététement et de l’émondage. Les deux derniers modes, comme on le sait, conviennent dans les terres cultivées, dans les prés et dans les pâturages, bien plutôt que dans les forèts, et l’autre, qui ne se pratique que dans quelques localités, n’est d'ailleurs qu'un taillis simple, plus la culture des céréales et l’écobuage. CHAPITRE DEUXIÈME. EXAMEN COMPARÉ DES TROIS PRINCIPALES MÉTHODES D EXPLOITATION. ARTICLE PREMIER. Énoncé de la question et données employées pour sa solution. 632. La question que nous venons d’indiquer dans le précédent chapitre peut se formuler ainsi : Quelle est la méthode d'exploitation qui mérite la préférence, eu égard aux besoins de la consommation, aux intérêts du propriétaire et à la nature des lieux ? Pour la résoudre, nous examinerons successive- ment les trois méthodes d'exploitation sous les rap- ports suivants : 1° Quantité de produits en matière que chacune procure dans un temps donné; 2° Qualité de ces produits; 3° Revenu qui en résulte pour le propriétaire : DES EXPLOITATIONS DE CONVERSION. 427 4° Enfin, influence de chaque méthode sur la fer- ülité du sol”. ARTICLE II. De la quantité des produits en matière. 633. Dans le second livre de ce cours, nous avons démontré que, pour obtenir dans un temps donné les produits matériels les plus considérables, 1l faut couper le bois lorsqu'il a atteint son plus grand accroissement moyen [406]. Si donc il pouvait être prouvé que le plus grand accroissement moyen des futaies est plus considérable que celui des taillis, il serait prouvé en même temps que ceux-ci doivent produire moins de matière que les autres. Or, ce fait est établi par les expériences de tous les forestiers qui se sont occupés de recherches à son sujet, et les auteurs français, comme les alle- mands, ont fourni de nombreuses preuves à l’ap- pui ?. Hartig, par exemple, ayant comparé entre eux (tou- tes autres circonstances égales d’ailleurs) un taillis simple exploité à 30 ans el une futaie soumise à une révolution de 120, a trouvé que les produits en malière de ces deux forêts étaient dans le rapport de 1 Voir l’'Appendice. ? Voyez Varenne de Fenille, de Perthuis, Cotta, Hartig et autres, 428 DES EXPLOITATIONS 4 à 7. On conçoit, d’ailleurs, que ce rapport se mo- difie, d’abord en raison des révolutions attribuées à chaque régime et qui peuvent être plus ou moins favorables à la production en matière; en second lieu, selon les essences, dont les unes croissent rapide- ment dans leur jeunesse, mais se ralentissent de bonne heure, tandis que les autres font peu de pro- grès d’abord, mais ont un accroissement plus fort et plus soutenu à un âge avancé. Sans prétendre donc exprimer, par un chiffre constant, le rapport entre les produits matériels des futaies et ceux des taillis, on peut cependant affirmer d’une manière générale : que le volume fourni par les futaies, dans un temps donné, est toujours plus grand que celui des taillis simples fourni dans le même temps, quelque révolution que l’on adopte, pour l’une ou l’autre de ces forêts, dans les limites tracées par les exigences de la végétation et les intérêts du propriétaire. 634. La supériorité de la futaie sur le tailhis sim- ple étant établie quant à la production en volume, il sera facile de fixer la position du taillis composé à cet égard. En effet, dans ce genre de forêt, une partie du terrain est occupée par des arbres qui atteignent un développement analogue à celui de la futaie, l’autre partie est couverte par le taillis pro- prement dit; le produit matériel d'une telle combi- naison doit done évidemment être inférieur à celui DE CONVERSION. 429 de la futaie, et supérieur.au contraire au produit du taillis simple. | ARTICLE III. De la qualité des produits matériels. 635. La qualité des produits en matière est rela- üve à l'emploi auquel on les destine. On distingue deux principaux genres d'emploi, savoir : 1° Le bois de feu (chauffage, charbon) ; 2° Le bois d’œuvre (construction, travail). Chacun de ces emplois exige des qualités particu- lières qui, la plupart du temps, ne se trouvent pas réunies dans le même individu; ainsi le meilleur bois de construction n’est pas toujours le meilleur bois de chauffage, et vice versa. 636. Bois DE FEU. —- Les qualités du bois de feu doivent être de brüler facilement, d’une manière égale, sans trop de promptitude n1 trop de lenteur, et de fournir, pour un volume donné, la plus grande somme de chaleur. Or, les expériences faites à ce sujet, et vérifiées d’ailleurs par la pratique, tendent à établir que les bois possèdent ces différentes qualités au plus haut degré vers l’époque de leur plus grand accroissement annuel qui, comme on le sait (v.$ 406, note), cor- respond à peu près à l’âge de 60, 80, 90 ou 100 ans pour les bois durs, et à celui de 30, 40 ou 50 ans pour les bois blancs. En deça de ces époques, le 430 DES EXPLOITATIONS bois a moins de puissance calorifique ; au delà, il ne paraît plus gagner sous ce rapport, et il devient d’une combustion plus difficile et plus lente à mesure que les tissus s’altèrent par l'effet du dépérissement. II est à observer, toutefois, que les bois erûs sur sou- ches atteignent, plus tôt que les brins de semence, le maximum de leur puissance calorifique, et qu'ils y parviennent d'autant plus promptement que les souches sont plus âgées; en général, c’est de 25 à 30 et jusqu'à 40 ans que ce maximum se présente dans les taillis. Lors donc qu'il ne s’agira que de bois de feu, les taillis pourront fournir des produits aussi utiles que les futaies. Il est incontestable même que le bois des laillis sera, sous ce rapport, meilleur que celui des futaies soumises à de longues révolutions; mais il est non moins vrai, d’un autre côté, que les futaies dont la révolution ne dépassera pas l’époque du plus grand accroissement moyen, ou s'arrêtera même un peu en decà, produiront une qualité de bois sinon supérieure, au moins égale à celle des tallis *. ! On trouve la preuve du fait que nous avançons dans les taillis mêmes, où le bois le plus recherché pour le chauffage est celui des baliveaux modernes, c’est-à-dire, d'arbres qui ont ordi- nairement de 50 à 80 ans. Quant au charbon, il est certain (malgré l'opinion contraire répandue à cet égard) que celui que. l’on obtient de brins de semence d'âge moyen, est d’une qualité au moins égale, sinon supérieure, à celle du charbon fourni par les bois taillis par- DE CONVERSION. 431 637. Bois D'OEUVRE. — Quant à l'emploi des bois pour les constructions civiles et navales, ainsi que pour les divers ouvrages de fente, etc., il n’y a point de parallèle à établir entre les futaies et les taillis simples, ceux-ci n'étant point destinés à produire en général des bois de cette nature. Il ne reste donc qu’à comparer les arbres élevés dans les taillis composés avec ceux qui ont crû dans les futaies traitées par des éclaircies. Les qualités que doit présenter un bois d'œuvre sont : la force et l’élasticité. Or, l'expérience prouve que ces propriétés s’acquièrent au plus haut degré sous l'influence des agents atmosphériques, à me- sure que la substance ligneuse prend plus de den- sité, c’est-à-dire, avec l’âge. Un bois d'œuvre doit venus à maturité. Karsten, dont les travaux sont connus et appréciés de tous les métallurgistes, donne les quantités sui- vantes de charbon, obtenues de 100 parties de bois (en poids), par la méthode ordinaire de carbonisation. Jeune:chêne. :. .1:. «,..1,:1425,4b Mau CAemiul ail GANALER 20195,60 Jeunes héire en. 2 M LT 29:50 NTBUS MAO A ee SM AL Jeune charme. . . . . . 24,90 Milles unen sur asth 1re6le Des maîtres de forges du Bas-Rhin et de la Meuse ont fait, sur cet objet,de nombreuses expériences en grand,et ont obtenu des résultats analogues à ceux de Karsten. Pfeil, dans son Traité de culture forestière (1839), indique, parmi les différents genres d'utilité de la futaie, celui de fournir de très bons bois de charbon aux usines métallurgiques. 432 DES EXPLOITATIONS offrir, en outre, des dimensions convenables en lon- gueur et en grosseur, et être exempt de tous dé- fauts * qui le rendraient impropre à sa destination, el diminueraient beaucoup, par conséquent, sa va- leur. Nos naturalistes les plus distingués, les Réaumur, les Buffon, les Duhamel, ont successivement entre- pris des recherches étendues en vue de déterminerle mérite, au point de vue des besoins en bois d'œuvre, des arbres élevés sur les taillis. Tous trois ont dé- claré que les baliveaux ne répondaient guères à ces besoins, et 1ls ont conclu que les futaies, éclaircies périodiquement, pouvaient seules y satisfaire. Cepen- dant, des praticiens justement appréciés, tels que de Perthuis et autres, ont combattu ces opinions, en ce qu'elles avaient de trop exclusif, et nous pen- sons que ce n’est pas sans raison. On ne saurait, en effet, refuser aux baliveaux (surtout à ceux qui ont été élevés sur des taillis sou- mis à de longues révolutions) un degré réel d'utilité pour les constructions et l’industrie; 1l est même incontestable, qu’en raison de l’état libre dans lequel ils se trouvent placés à chaque coupe de taillis, leur bois acquiert plus de densité que celui des arbres qui croîtraient dans un massif trop serré. Mais il faut reconnaître aussi que, par leur isolement et par ‘ Voir l'ouvrage déjà cité de M. Nanquette, intitulé : Eæploi- tation, débit et estimation des bois, pages 229 à 257. DE CONVERSION. 433 leur extension considérable en branches, ces réser- ves sont exposées à une foule d'accidents météo- riques qui leur causent trop souvent des défauts majeurs. D'un autre côté, elles deviennent toujours plus ou moins noueuses et perdent, par conséquent, de leur force, de leur élasticité et de leur qualité pour la fente; enfin, elles n’acquièrent jamais un fût n1 aussi élevé, n1 aussi rond et droit que l’arbre venu en massif. . Si l’on compare ces bois à ceux qui ont crù dans les futaies traitées par éclaircies, 1l ne peut rester en conséquence aucun doute sur la supériorité des derniers. Ceux-ci, par l’état de massif dans lequel ils sont maintenus, prennent une hauteur sous branches plus que double de celle des baliveaux, et l'appui mutuel qu’ils se prêtent contre les intempéries les exempte, presque toujours, des vices si communs aux arbres isolés. Les éclaircies périodiques ayant pour effet de distribuer l’air et la lumière dans une juste proportion, par l'espacement graduel des tiges, il en résulte un bois d’une texture plus homogène, CRE Sir , . simon plus forte et d'une densité plus égale, sinon aubsi grande. ARTICLE IV. Du revenu. 638. Dans les deux précédents articles, nous avons démontré : 28 454 DES EXPLOITATIONS 1° Que les futaies fournissent, dans un temps donné, des produits matériels plus élevés que les taills simples et les taillis composés, et que ces der- niers, sous ce rapport, sont intermédiaires entre les premiers et les seconds; 2° Que le bois des futaies est généralement d'une qualité supérieure, sauf celui qui est employé au chauffage; pour cet usage, le bois des taillis peut être préférable, mais dans quelques cas seulement. Or, la valeur des produits étant nécessairement en raison de leur quantité et de leur qualité, 1l est évident que le revenu des futaies doit être plus grand que celui des taillis simples et des taillis composés; toutes choses étant égales d’ailleurs à légard du sol, du chmat et des essences, et, par la même rai- son, le revenu des tallis sous futaie doit, à son tour, être plus élevé que celui des taillis simples. 639. Cependant, cette supériorité du revenu ne saurait être recherchée que par un propriétaire tel que l’État, par exemple, qui ne périt point et qui, à cause de sa perpétuité même, doit considérer les forêts comme un puissant élément de prospérité publique et comme une source constante de revenus qu’il im- porte de rendre aussi féconde que possible. A ce dernier point de vue, la futaie convient également aux communes. Pour le propriétaire particulier, au contraire, une forèt est un capital qu'il conservera sous sa forme actuelle, s’il lui paraît convenablement placé, ou dont DE CONVERSION. 435 il changera l'emploi, en tout ou en partie, si cette opération doit lui procurer des bénéfices. Or, la me- sure de ces bénéfices se trouve exactement donnée par le taux de placement du capital producteur ; et comme la partie de ce capital comprise dans la super- ficie * peut être constituée très diversement, sui- vant l’âge auquel les bois sont exploités [410 bis], c'est surtout dans le rapport qui existe entre le revenu d’une forêt et la valeur de toute la super- ficie qu'il faut chercher la solution du problème qui nous occupe. Ce problème peut donc se formuler ainsi : Quel est le mode d'exploitation qui, proportion- nellement au capital superficiel, produit le revenu le plus élevé ? | Nous examinerons premièrement les futaies à ce ‘ En langage forestier, on nomme superficie l'ensemble des bois qui couvrent une étendue donnée de forêt, par opposition avec le sol ou le fonds, pris abstractivement des végétaux qu’il uourfit. Lors donc qu'il s’agit, comme ici, de considérer une forêt àu point de vue de la spéculation, on est amené à dis- tinguer : Le capital superficiel, ou la valeur des bois sur pied ; Le capital foncier, ou la valeur du fonds de, terre proprement dit ; Le capital producteur, c'est-à-dire, la valeur réunie du fonds et de la superficie, augmentée de la somme capable de fournir, en intérêts, les frais de garde, d'entretien et d'impôt. Et enfin, Le revenu, ou la valeur du bois parvenu au terme d’exploi- tabilité. 456 DES EXPLOITATIONS point de vue, en recherchant si l'intérêt particulier permet de les conserver, ou si, au contraire, 1l ne conseille pas de les dénaturer et d’en placer la valeur d’une autre manière *. Les faits que constatera celte recherche nous serviront ensuite pour consi- dérer, à ce même point de vue, les taillis simples et les tllis composés. 640. Afin de rendre notre argumentation plus simple, servons-nous d’un exemple et choisissons-le tel,qu'il présenteles circonstances les plus favorables à la production d’un revenu soutenu, et, par consé- quent, à l’intérêt du propriétaire. Soit une futaie de chêne, d’une contenance de 140 hectares, située sous un climat favorable, et dans un sol de qualité moyenne; soit son peuplement entièrement normal {#15}, et la révolution de 140 ans; soit enfin le commencement des éclaircies pério- diques fixé à 20 ans, et leur marche réglée de 20 en 20 années. Dans cette forêt, que nous pouvons nous repré- senter partagée en quatorze affectations décennales ‘ Dans le deuxième livre [#10 bis], il a été établi que ce sont les courtes révolutions qui profitent le plus à l’intérèt privé; il nous suffirait donc de nous appuyer sur ce qui a été dit à cet égard, pour conclure que les taillis seuls peuvent être pos- sédés avec avantage par les particuliers. Mais comme, dans le paragraphe précité, on a dû se borner à traiter cet objet d’une manière tout à fait générale et succincte, sans entrer dans les développements qu'il comporte, nous croyons qu’il ne sera pas inutile de l’examiner de nouveau ici, vu son importance. DE CONVERSION. 437 de 10 hectares chacune, le produit annuel se com- posera : 1° De la coupe d’un hectare de chênes parvenus à l’âge d’exploitabilité 1 ; 2° De 6 hectares d’éclaircies périodiques à faire dans les bois âgés de 120, 100, 80, 60, 40, et 20 ans. D’après les calculs et les expériences de la plupart des auteurs allemands, le produit des éclaircies périodiques, dans une futaie normale, est au produit principal, comme 1 est à # ou à 5; au contraire, les auteurs français ont élabli que ce rapport était comme l'est à 2. Bien que, selon nous, les données des forestiers allemands se rapprochent davantage de la vérité, nous admettrons néanmoins celles de nos auteurs nationaux, afin de nous placer sur le terrain le plus favorable à l'intérêt privé 2. Dans cette hypothèse, le produit matériel de la forêt proposée équivaudra donc annuellement à celui de 1 hectare 50 ares de futaie exploitable. Or, pour apprécier ce produit annuel par rapport au capital superficiel, il est nécessaire de se rendre compte de la composition de celui-er. 641. Le tableau ci-après fait connaître le volume ! Pour plus de facilité dans les calculs, nous exprimons ici la possibilité des coupes de régénération par contenance. * Ilest évident, en effet, que faire le revenu annuel plus grand, quand le capital reste le même, c’est améliorer les con- ditions de placement. 438 DES EXPLOITATIONS des bois existant sur l’hectare moyen de chaque affectation décennale et, par suite, le volume total de la forêt. Les données contenues dans la quatrième et la cinquième colonne, et qui ont servi à former la sixième et la septième, ont été puisées dans des tables que l’on doit à Cotta sur l’accroissement des bois dans les futaies régulières *. Nous pensons que, pour le climat de la plus grande partie de la France, ces données sont loin d’être assez élevées ; cependant nous n’hésitons pas à nous en servir parce que nous les considérons principalement comme un moyen de rendre plus clairement nos idées, et que, d’ailleurs, les conclusions que nous nous proposons de tirer des faits qu’elles constatent ne seraient que plus frappantes encore, dans la supposition d’une végétation plus active. ‘ Ces tables, qui sont généralement estimées en Allemagne, ont été converties en mesures françaises par feu M. de Salomon, directeur de l’École forestière, et publiées par lui à la suite de son Traité de l'aménagement des forêts. DE CONVERSION. 439 AGE DES BOIS VOLUME ABSOLU (4) | vozumE | VOLUME me | absolu | absolu Sa sur l’hect. [sur l’hect. | de l’hectare| de l’hectare àG FAT 5 plus Le Ë F … [lhectare l'affectation nales. jeune. | plus âgé. | plus jeune. | plus âgé. moyen. | décennale. À: 2. à. 4. LA 6. 4. ans. ans. mèt. cub. mèt. cub. |mèt.cub.| mêt. cub. 142 1 10 0 @) 14 . 70 43° 11 20 16 28 20 220 42° 21 30 30 D4 42 420 11e al 40 59,9 74,5 69 650 10° Ai 00 11 103 90 900 œ | e1 | 90 | 195,5 | 226,5 | 211 | 2110 sm | 91 | 400 | 229,5 | 260,5 | 245 | 2450 ge | 4012 | 110 | 264,5 | 295,5 | 280 | 2800 ge | 4a1 | 420 | 299 | 320 | 514 | 3440 2e |121 | 130 | 332 | 360 | 346 | 3460 dre | 131 | 140 | 362,5 | 380,5 | 376 | 3760 Volume total de la forêt. . . . . 24410 1 On entend par volume absolu ou réel, le volume plein, sans aueun interstice. ? On pourrait objecter qu’un hectare peuplé de bois d’un an 440 DES EXPLOITATIONS 642. On voit, par ce tableau, que le produit d'un hectare parvenu à l’âge d’exploitabilité (140 ans) est de 389, 5 mètres cubes; le produit annuel de notre forêt sera donc, coupes de régénération et éclaireies périodiques réunies : 389".°,5 x 4", 80° — 584", 280 On voit, de plus, que le volume en bois nécessaire pour assurer ce produit annuel d’une manière soute- nue, est de 24410 mètres cubes, c’est-à-dire que le volume superficiel est environ quarante-deux fois plus grand que le revenu ou, ce qui est la mème chose, que le placement en matière est fait au taux de deux et un tiers pour cent. Ce simple rapprochement fait prévoir que, quand un propriétaire aura l’occasion de placer ses capi- taux à 5 ou à # pour cent, ce qui est très admissible dans les affaires, la destruction de sa futaie lui pré- sentera une spéculation aussi lucrative que facile à exécuter. En effet, supposons qu'ayant l'emploi de ses fonds à 4 pour cent, il se décide à abattre sa forêl, moins les bois de À à 20 ans, trop jeunes pour être livrés au commerce avec avantage ; 1l réalisera la presque totalité de la superficie, augmentera par suite ses n’a pas zéro volume. Cela est vrai, mais ce volume est tellement e . . faible que nous avons cru pouvoir le négliger sans commettre une erreur appréciable. DE CONVERSION. 441 revenus considérablement, et, outre ce bénéfice, 1l lui restera un bois de 20 hectares âgé de 1 à 20 ans, plus 120 hectares d'un sol susceptible de fructifier de nouveau, soit qu'on le maintienne boisé, soit qu'on y fasse d’autres cultures, si la faculté de défri- cher existe. 643. En présence de tels faits, il semble difficile de soutenir que l'exploitation conservatrice des fu- lies puisse trouver une garantie suffisante dans les exigences de l'intérêt particulier; cependant, cette opinion, qui à été défendue par des agronomes du plus éminent mérite, trouve encore aujourd'hui des partisans. Voici le raisonnement sur lequel ils se fon- dent : « Tant qu'une futaie debout aura plus de valeur »._ pour celui qui voudra la consérver pour en atten- » dre les produits, qu’elle n’en aurait actuellement » pour celui tenté d'y mettre la cognée, on peut être » assuré qu'ily a dix chances contre une pour qu'elle » ne soit pas abattue; car, s’il se rencontre un pro- » priétaire pressé d’en réaliser la valeur, il se trou- » vera aussi des acheteurs disposés à spéculer sur » sa conservation. Mais il est évident qu'il faut pour » cela que les bois de fort équarrissage acquièrent une » valeur qui se trouve dans un certain rapport avec » ceux de moindre dimension; c’est cette proportion » que l'on doit considérer comme le nivellement » entre les bois de service de divers genres; la con- » currence seule suffira pour l’établir, et c’est de ce 442 DES EXPLOITATIONS » nivellement que l’on doit attendre toute sécurité » pour les approvisionnements en bois des âges à » venir. » (De l'Industrie forestière en France, par M. de Dombasle, Annales de Roville, 8° livraison, 1832.) 644. D'après le passage qu’on vient de lire, c’est une juste proportion entre les prix des bois, selon leur âge et leurs dimensions, qui assurera la conser- vation des futaies de la part des particuliers. Pour vérifier l'exactitude de cette assertion, sup- posons un propriétaire pressé de réaliser la valeur de sa futaie, et examinons si, au moyen de prix pro- portionnés comme nous venons de le dire, les ache- teurs les plus offrants seront plutôt disposés à spéculer sur la conservation de cette futaie que sur sa destruc- tion. À cet effet, conservons l'exemple de la futaie normale dont nous nous sommes servi plus haut, et ajoutons au tableau des bois qui la composent, des prix gradués de la manière suivante : Pendant les 40 premières années, le prix du mètre cube augmentera tous les dix ans de 5 francs. Depuis l’âge de 40 ans jusqu’à celui de 100, cette augmentation sera, chaque dix ans, de 10 fr.; et enfin : A partir de 400 ans jusqu’à 140, chaque décennie augmentera la valeur du mètre cube de 20 francs, de sorte que, dans les bois parvenus à l’âge d’exploi- tabilité, cette valeur sera portée au taux excessif DE CONVERSION. 443 et, pour ainsi dire, imaginaire de 160 francs. Voici, avec ces données, le tableau du capital superficiel, exprimé dans la 4° colonne en mètres cubes, et dans la 6° en argent. ‘ On a fait observer que ce prix de 160 fr. par mètre cube était souvent payé, pour des pièces de choïx, par les arsenaux de la marine, de la guerre et par d’autres consommateurs en- core, et que, en l’adoptant comme maximum, ce n'était pas faire une hypothèse tellement exagérée qu'elle autorisâät, dans tous les cas, la conclusion «à fortiori que nous en tirons. On se serait dispensé de l’objection, si l’on avait réfléchi qu'il s’agit, dans notre exemple, non de bois de choix équarris à vive arête, ou tout au moins au 5° déduit, comme ceux que les arsenaux recherchent et payent fort cher, mais de la fofalité du matériel sur pied dans une futaie exploitable, ce qui constitue une diffé- rence tout au moins du simple au double ou au triple. 444 DES EXPLOITATIONS VOLUME | VOLUME Affec- AGE absolu absolu tations We VALEUR de toute nié l’hectare | l'affectation moyen. décennale. 15 Le 3. 4. décen- des Bois. l'affectation nales, décennale a mét. cub,| mét. cub. ï 70 220 2200 420 5 6300 13000 27000 47200 73500 106800 147700 196000 280000 111 376800 1242 180 j : 484400 131014041827 j 601600 TOTAUXE 2362850 645. Il résulte du tableau ci-dessus que les coupes DE CONVERSION. 445 de régénération à faire annuellement dans la futaie produiront : 389%, 5 X 160%: = 62320". Quant aux éclaircies périodiques, 1l est nécessaire d'entrer dans quelques détails pour en fixer la va- leur. Nous avons admis, plus haut, que le produit an- nuel en matière de ces opérations égalait, dans la futaie normale proposée, la moitié du produit des coupes de régénération, savoir : 389.9 —— 194, 8 soit 195 mètres cubes. 2 Mais, comme ces 195 mètres cubes doivent s’obte- nir par six éclaircies, à faire sursix hectares, dont le peuplement le plus jeune a 20 ans et le plus âgé 120, nous avons besoin de connaître séparément le produit matériel de chaque éclaircie, afin d’en déter- miner le prix conformément à la 5° colonne du tableau, et d'obtenir ainsi la somme pour laquelle ces exploitations contribueront au revenu annuel. Or, il est d'expérience que les produits matériels des éclaircies périodiques vont en augmentant, jus- qu'à l’âge de 80 ans à peu près, pour les essences longévives, et surtout pour le chêne, et qu’ensuite ils diminuent brusquement. C’est d’après plusieurs au- teurs forestiers estimés, et d’après les données pra- 446 DES EXPLOITATIONS tiques que nous avons eu l’occasion de recueillir nous-même, que nous avons adopté les nombres sui- vants comme représentant cette échelle de produc- tion avec une exactitude suffisante pour l'exemple que nous discutons : A éclaircie, massif de 20 ans, fournira 40 m. cub., à 10 fr. l’un, ci. 400 fr. DU massif de 40 ans, — 20 — 20 — 400 3 _— massif de 60 ans, — 42 — 40 — 1,680 4° — massif de 80 ans, — 64 — 60 — 3,840 po — massif de 100 ans, — 32 — 80 — 9,560 6° — massif de 420 ans, — 927 — 120 — 3,240 ToTAL.... 195 m. cub. 11,820 fr. Ajoutant à cette somme la valeur des coupes de régénération qui est de, ci,.... 62,320 Ontrouve pour revenu dela forêt, Ci -- 2... mere ctr-e-hrnerete 74,140 fr. 646. Si nous rapprochons ce revenu de 74,140 fr. de la valeur du capital superficiel, qui est de 2,362,850 fr., nous voyons que, malgré les prix excessifs attribués aux bois de fort équarrissage, on n'obtient encore qu’un placement à 3 pour cent en- viron. Mais après tout, ces prix, que nous pourrions presque appeler calamiteux, nous garantiront-ils du moins que la futaie ne passera qu'entre les mains d’un acheteur disposé à spéculer sur sa conservation ? Nullement. Cet acheteur pourra sans doute se pré- senter, puisque c’est au taux de 3 p. Oj0 environ que se font ordinairement les placements en biens- fonds; mais s’il ne se présentait pas juste au mo- ment où le propriétaire serait pressé par un besoin DE CONVERSION. 447 d'argent, ou impatient de retirer plus de 3 pour cent du capital engagé dans la superficie de sa forêt, il y aurait bien des chances pour que le dit propriétaire fit abattre lui-même cette superficie. Supposons, comme nous l'avons fait dans le premier exemple, que l’on abatte toute la futaie, moins le bois de 1 à 20 ans; on réalisera le capital suivant : 2,362,850 fr. — 2,550 fr. = 2,360,300 fr. ; lequel, placé à 4 pour cent seulement, rapportera par - : | Li LOLEEU A PRE BES ACRT AETTIRN EEIEE ET 94,412 fr. Mais le revenu, en spéculant sur la conservation, n’est que de. . . . 74,140 Le bénéfice serait donc de. . . 20,272 fr. de rente, sans compter la valeur considérable du ter- rain déboisé et du jeune bois de 4 à 20 ans! Il n’y a pas beaucoup de propriétaires qui résis- teraient longtemps à la tentation de se procurer un tel profit. 647. Il nous semble dès lors démontré que le prix des bois de fortes dimensions, quelque élevé qu’on le suppose, ne saurait assurer la culture et la conser- vation des futaies de la part des particuliers. Il est même à croire, au contraire, qu'avec l'augmentation de ces bois en valeur, doit croître aussi l’appât de les détruire. 648. Après avoir considéré les futaies dans leurs rapports avec l'intérêt des particuliers, 1l nous reste 448 DES EXPLOITATIONS à examiner les tullis simples et les tullis composés sous le même point de vue. Peu de mots suffiront. Si les futaies, surtout celles soumises à de longues révolutions, ne peuvent convenir à l'intérêt privé, la cause, comme on l’a vu, en est principalement dans le capital trop élevé, qu’il est nécessaire d’en- gager dans la superficie, pour se procurer un revenu soutenu ; capital qui fait descendre le taux de place- ment bien au-dessous de celui des placements ordi- naires. Or, il n’en est pas de même pour les taillis simples ou composés qui, s’exploitant à des époques bien plus rapprochées, n’exigent qu’un capital superficiel peu élevé comparativement au revenu qu’ils proeu- rent 1, etoffrent, par conséquent, pour le placement de ce capital,untaux convenable. Le régime du taillis convient done spécialement aux forêts possédées par les particuliers, et, sauf le cas où ie sol se prêterait à un genre de culture plus lucratif, le défrichement de ces propriétés serait une fausse spéculation, dès ‘ Voici quelques données à cet égard, que nous fournit un auteur allemand très estimé (Hundeshagen) : Le peuplement du taillis étant supposé normal, et le revenu en matière égal à l'unité, le capital superficiel sera : pour une révolution de 30 ans — 14 à 16. — 20 — 10 à 12. — 10: —%5. 5 +13. DE CONVERSION. 449 que, dans la contrée, le prix des bois est à peu près nivelé avec celui des autres denrées. Quant à la question de savoir lequel, du taillis simple ou du taillis composé, présentele plus d’a- vantages à l'intérêt des particuliers, il faut distinguer : Si le taillis est en mauvais fonds et constitué de façon à ne produire que du bois de chauffage ou de petite industrie, les particuliers n’ont aucun intérèt à y élever des réserves, et la méthode du taillis simple doit être préférée ; Si, au contraire, le sol est propre à l'éducation des essences d'élite, ils trouveront le plus ordinairement avantage à adopter des révolutions assez longues et à élever des arbres de réserve jusqu'aux dimensions requises pour la charpente, le sciage ou le merrain. 649. En résumé, la discussion du revenu des trois principales méthodes d'exploitation constate les faits suivants : Pour l'Etat, pour les communes et pour tout pro- priélaire impérissable qui, par essence, n’est point apte aux spéculations commerciales, la futaie offre les plus grands avantages ; le taillis composé tient le second rang, et le taillis simple occupe le dernier. Il n’en est pas de même pour les particuliers dont la possession est précaire et qui, par suite de la di- vision indéfinie des fortunes, peuvent être amenés à rechercher des placements à un taux élevé et des spéculations mercantiles auxquelles ne saurait ré- sister le capital engagé dans les futaies.Pour eux, 29 450 DES EXPLOITATIONS suivant les circonstances [648/, c'est tantôt le taillis simple, tantôt le taillis composé, qui doit être mis en première ligne, et la futaie ne peut occuper que le dernier rang. ARTICLE V. De l'influence des différentes methodes d'exploitation sur la fertilité du sol. 650. Les bois influent sur le sol qu’ils occupent de deux manières distinctes : 1° Par le couvert ; 2° Par l’amendement qu'ils procurent. Le premier effet est produit par le massif plus ou moins serré et par l'épaisseur de feuillage propre à chaque essence; le second effet dépend des mêmes causes, et, en outre, des circonstances qui hâtent ou retardent la décomposition des feuilles après leur chute 1. 651. Dans les futaies en général, la méthode du réensemencement naturel et des éclaircies établit un couvert constant et complet qui garantit le sol du desséchement et y maintient la fraîcheur favorable à ‘ On sait que les’causes d’une prompte décomposition ou putréfaction sont: l'humidité, une chaleur modérée et l’air sta- gnant ou du moins calme. Au contraire, une forte chaleur et des courants d'air violents retardent et entravent même la putré- faction. DE CONVERSION. 451 la végétation des bois. Un détritus abondant, com- posé de feuilles, de menues branches, et qui trouve toutes les circonstances favorables à sa prompte dé- composition, augmente chaque année la couche de terreau dans ces forêts, et restitue ainsi à la terre les substances minérales que s’assimilent les arbres, en même temps qu'il l’enrichit des matières organiques nécessaires à cette assimilation. Ce n’est que quand les révolutions sont très longues que ces effets ces- sent de se produire. Le massif alors, s’éclaircis- sant de plus en plus, permet l’action trop directe du soleil et de l'air sur la surface du sol; les vents dispersent le lit de feuilles ; et le terreau, formé pen- dant de longues années, se dessèche, diminue peu à peu, et finit par perdre toutes ses qualités fertili- santes. Mais, hors ce cas qui n’est qu’une rare excep- tion, il est incontestable que tout, dans l'exploitation des futaies régulières, concourt à conserver et à aug- menter constamment la fertilité du terrain 1. 662. Par la méthode du taillis simple, le sol est à peu près complètement dénudé à chaque coupe. S'il est bon, situé en plaine ou en pente douce, les rejets s’y élèvent rapidement après la coupe et for- ment, dès les premières années, un nouveau fourré assez épais pour préserver le terrain des influences nuisibles de l'atmosphère. Si le sol est médiocre, peu profond, mais cependant plat, la méthode du ! Voir les notes des n°5 487 et 514. 452 DES EXPLOITATIONS taillis simple, quoique ne l’amendant que faiblement, ne l’expose pas à se détériorer rapidement non plus, pourvu que le peuplement soit formé d’essences ferti- lisantes. Mais, quand cette méthode d'exploitation est pratiquée dans un terrain sec, incliné et exposé aux ardeurs du soleil, il est impossible qu’elle ne produise pas les plus fâcheux résultats. En effet, à chaque coupe, les rejets nouveaux, manquant de vigueur, sont très longtemps avant de couvrir le terrain, ce qui fait que la faible couche de terreau, formée pen- dant la révolution écoulée, est promptement torréfiée, puis lavée par les pluies; en second lieu, l'élément minéralogique lui-même, n’étant plus recouvert, se désagrége, devient pulvérulent et est entraîné dans les bas-fonds. C’est ainsi, par exemple, que, dans les formations de grès et de calcaires qui sont entière_ ment dépourvus d'argile, il suffit souvent de quel- ques révolutions de taillis, pour mettre le roc à nu, et exclure toute végétation autre que celle de quel- ques chétifs arbrisseaux et arbustes. 653. Quant à la méthode du taillis sous futaie, considérée sous le rapport de son influence sur la fertilité du sol, elle participe naturellement des deux méthodes examinées plus haut, et ses effets se rap- prochent de ceux de la futaie ou de ceux du taillis simple, selon que, par le nombre et l’âge des bali- veaux, le couvert est plus ou moins épais après la coupe. 654. Les considérations que nous venons de pré- DE CONVERSION. 453 senter font voir que la méthode de la futaie ne s'ap- plique pas exclusivement aux bons fonds, ainsi qu’on le pense communément. On peut eton doit mème l’employer dans les terrains médiocres pour les amé- liorer, et dans les terrains secs ou pauvres {60 et 65], si l’on veut empêcher qu'ils ne s’appauvrissent da- vantage; mais, dans ce cas, il faut cultiver des es- sences traçantes donnant beaucoup de couvert. En ne les soumettant pas à des révolutions trop longues, les bois se maintiendront en massif serré et procure- ront ainsi au sol la fraîcheur et l'amendement qui, seuls, peuvent le bonifier!. L'ancienne opinion de n’exploiter qu'en taillis les bois situés en ter- rain médiocre, mauvais ou dénué de profondeur, doit donc être considérée comme mal fondée; car, dans l'intérêt de l'amélioration du sol et, par consé- quent, de la production, dès qu’on a la faculté de choisir le régime d’exploitation, nous pensons qu'il n’y a pas à hésiter et que celui de la futaie doit être préféré. ‘ Pour atteindre un tel but, le hétre, parmi les essences feuil- lues, et l’épicéa, parmi les résineuses, mériteraient sans doute la préférence, s’il ne devenait souvent difficile et quelquefois même impossible de les faire réussir dans les sols de mauvaise qualité dont il s’agit ici. On pourra employer avec avantage le pin sylvestre et le pin d'Autriche dans les régions tempérées de la France, le pin à crochets aux plus grandes altitudes ; dans les régions plus douces de l'Ouest et du Midi, le pin maritime et le pin d'Alep rendront des services analogues. Souvent ces essences pourront n'être cultivées qu'à titre fransitoire: elles 454 DES EXPLOITATIONS ARTICLE VI. Conclusion. 655. Des faits démontrés dans le présent chapi- tre, on peut déduire les considérations et les prinei- pes généraux suivants, sur l'application des diverses méthodes d'exploitation dans les forêts de l’Etat, des communes et des particuliers. 656. La méthode de la futaie fournit les produits en matière les plus considérables et les plus utiles; elle fait rendre aux forêts les revenus les plus éle- vés, et elle conserve et améliore, plus que toute autre, la qualité du sol: elle répond donc, au plus haut degré, à l'intérêt général. Il suit de là, que l'Etat doit non-seulement conserver soigneusement les futaies qu'il possède, mais qu'il doit encore s’ap- pliquer à en créer de nouvelles. Or, la conversion des taillis composés en futaie est un moyen d’attein- dre ce but, d’une manière sûre et prompte, dans les forêts situées en bon fonds et peuplées de bonnes essences ; elle s'impose avec plus d'urgence encore, quand il s’agit d'opérer la transformation dans des donnent, dans la jeunesse, un couvert et des détritus abon- dants, à la faveur desquels les sols dégradés se restaurent suffisamment pour qu'il devienne possible d'y introduire, au bout d’une révolution, par exemple, des bois résineux ou feuillus (épicéa, sapin, hêtre, ete.) plus profitables au propriétaire. DE CONVERSION. 455 conditions défavorables de sol et de consistance. 657. La haute utilité d’une semblable mesure ne saurait désormais être contestée, et elle ne l’est plus, en effet, par les hommes qui comprennent que l’em- ploi de plus en plus répandu du combustible minéral d’une part, et de l’autre la rareté et les prix élevés des bois d’œuvre commandent logiquement d’appli quer aux forêts nationales une culture intensive qui leur fasse rapporter, d'une manière soutenue, la plus grande quantité des produits les plus utiles. Toutefois, pour conduire à bonne fin une entre- prise de cette importance, il est essentiel de considé- rer qu’en administration on ne modifie sans danger ce qui est défectueux, qu’en procédant par des amé- liorations successives, afin d'amener, sans secousse, les intérêts existants à transiger avec ceux de l’a- venir. Dans leur état actuel, les forêts domaniales sont destinées à fournir des produits d’une haute impor- tance, pour les principales industries du pays et pour la consommation en général ; en outre, les revenus qu'on en relire doivent subvenir dans une certaine mesure aux besoins du Trésor. Toute amélioration donc, qui, dans ces forêts, ne peut se faire sentir qu'après de longues années, doit avoir pour condi- tion de ne point froisser les intérêts actuels, tant ceux des consommateurs que ceux de l'Etat lui- même. Le principe qui interdit de dépasser la possi- bilité des forêts, trouve ici sa réciproque ; car, s’il 456 DES EXPLOITATIONS est injuste de faire tourner au profit de la génération actuelle des produits qui ne devraient écheoir qu’à ses successeurs, il le serait au moins autant de refu- ser satisfaction à des besoins existants, afin de pré- parer l'abondance dans l’avenir, à moins qu'il ne s'agisse de soustraire à la ruine les sources mêmes de la production. 658. Pour convertir en futaie un taillis composé, le problème à résoudre est donc : de conduire la fo- rêt à l’état de futaie exploitable, sans que les produits subissent de baisse trop sensible. Or, cette solution est aujourd’hui trouvée pour tous les cas, à peu près, qui peuvent se présenter. Elle s'obtient soit par le mode de conversion même [680 à 682|, soit à l’aide d'une combinaison particulière des exploitations d’une même forêt entre elles [670 et 678]. Nous ferons observer, cependant, que, pour apprécier l’opportu- nité des conversions en futaie à ce dernier point de vue, il ne faut pas toujours considérer, séparément, les forêts que l’on y destine ; on doit, au contraire, les regarder comme faisant partie d’un certain en- semble de forêts, dont les produits alimentent une localité déterminée, ou s'il est permis de s'exprimer ainsi, un bassin de consommation. Placé à ce point de vue plus élevé, on reconnaîtra souvent qu'un taillis composé peut être converti im- médiatement, quoique cette opération doive amener, pour un certain temps, une baisse dans les produits particuliers de ce taillis: car, pendant le même DE CONVERSION. 457 temps, les produits d’une autre forêt pourront être augmentés, et ainsi, en définitive, la possibilité des forêts de la localité, tant en matière qu’en argent, ne se trouvera point altérée 1. Mais, quelle que soit la marche adoptée, ces trans- formations ne pouvant s’accomplir que successive- ment, après de sérieuses études, il faudra, pendant un temps plus ou moins long, maintenir sous le régime du taillis composé des forêts destinées à être ultérieurement converties, et se contenter, en atten- dant, de préparer pour l'avenir les moyens d'exécuter cette importante amélioration. Dans ce but, on conser- vera et l’on multipliera les essences précieuses, tant par le balivage que par les travaux indiqués dans le 3° chapitre du 4 livre de ce cours. 659. Peu de mots suffiront quant à l'application que peuvent recevoir, dans les forêts domaniales, les autres genres de conversion mentionnés plus haut [631]. [est difficile de prévoir le cas où la conversion d’une futaie en taillis pourrait être justifiée dans l’in- térêt public. Quant aux autres combinaisons, elles ne se rattachent point, comme les conversions en futaie des tailis composés, à des considérations administratives d'un ordre supérieur, attendu qu'el- ? C'est, en général, de cette manière qu'un grand propriétaire de bois, tel que l’État, devrait entendre la possibilité, qui, prise dans un sens trop étroit, devient souvent une véritable entrave à la plus grande production. 458 DES EXPLOITATIONS les ne sont pas susceptibles d'acquérir le caractère de généralité dont nous avons discuté la portée, La conversion des taillis simples en futaie semble seule devoir participer, dans certains cas, de l'importance de celles des taillis composés ; mais ce mode de traitement ne se rencontre que rarement, et, pour ainsi dire, par exception seulement, dans les bois de l'Etat; nous en avons indiqué la cause plus haut [605|. 660. Les motifs qui doivent faire préférer, en principe, la méthode de la futaie, dans les forêts de l'Etat, se reproduisent, en grande partie, au sujet des forêts communales. Les communes, en effet, sont perpétuelles comme l'Etat, et, en raison de cette per- pétuité, elles doivent chercher à administrer leurs domaines dans l'intérêt du plus grand usufruit. Pour toute commune, donc, qui possède des futaies, 1l est de la plus grande importance de les conserver ; les convertir en taillis (sauf dans quelques circonstances tout à fait exceptionnelles), ce serait consommer une véritable spoliation envers les générations futures. Cependant, une commune doit-elle, comme l'Etat, chercher à convertir en futaie ses taillis composés ? — Oui, si par quelque combinaison temporaire dans l’ensemble de l'exploitation de ses bois, elle trouve à couvrir les dépenses que pourrait entraîner la con- version. Malheureusement, la plupart des communes en DE CONVERSION. 459 France ne possèdent que des forêts peu étendues,dont les ressources sont à peine suffisantes pour faire face, soit aux dépenses ordinaires d'utilité publique, soit aux besoins d’une population toujours croissante. On ne peut donc guère espérer de créer des futaies dans les forêts communales, tant que les conversions effectuées dans les bois domaniaux n'auront pas rendu bien manifestes les avantages et les facilités de ces transformations. 661. La majorité de ces forêts est traitée aujour- d’hui en taillis composé, méthode qui, si elle est bien conduite,réunit une partie des avantages de la futaie à ceux du taillis simple [583]. Cette méthode d’exploi- tation intermédiaire semble d’ailleurs convenir assez bien à un propriétaire tel que la commune, qui, par sa perpétuité et comme corporation, participe de l'essence de l'Etat; mais qui, à cause de ses besoins presque toujours pressants et de ses ressources bor- nées, est très souvent forcée, par la nécessité, de cal- culer comme un particulier. Nous pensons donc, vu ces circonstances, que l’on doit, dans les forêts communales en général, se bor- ner à conserver soigneusement les futaies existantes et maintenir du reste, la méthode du taillis composé, en s’attachant à la rendre rationnelle et à corriger son application qui, trop généralement, laisse beaucoup à désirer. 662. Quant aux forêts particulières, leur traite- ment, comme nous l'avons vu [639], est déterminé 460 DES EXPLOITATIONS par la condition dominante d’élever le plus possible le rapport entre le revenu et le capital producteur : il est donc évident que le propriétaire particulier devra préférer à la futaie, soit la méthode du taillis com- posé, soit celle du taillis simple, suivant les circons- tances dans lesquelles la forêt se trouvera placée, et selon la valeur des produits qu'il en pourra tirer. Enfin, il est un genre de forêts, les résineuses, qui exclut absolument la méthode du taillis et commande celle de la futaie ; mais alors le particulier devra ne- cessairement choisir la révolution la plus courte pos- sible, parce que, comme nous l’avons prouvé ailleurs (642-646|, les longues révolutions exigent un capital superficiel tellement considérable, comparativement aux intérêts qu’on en retire, que le taux du placement finit par descendre au-dessous de tous ceux que l’on trouverait dans toute autre spéculation, même la plus sûre. CHAPITRE TROISIÈME CONVERSION DES FUTAIES ARTICLE PREMIER Conversion d’une futaie en taillis simple. 663. La conversion d’une futaie en taillis simple ne présente en général aucune difficulté. Il suffit de déterminer, d’une part, les parties de la forêt dont les souches promettent encore une reproduction cer- taie; de l’autre, les parties où cette circonstance n'existe pas. Dans les premières, l'exploitation en taillis peut commencer immédiatement; dans les secondes, 1l est nécessaire de créer d’abord un nou- veau peuplement, soit par des coupes de régénéra- tion, soit par des travaux de semis ou de plantation, afin de pouvoir ensuite passer au régime du taillis. Soit, par exemple, une futaie soumise jusqu'alors à une révolution séculaire, destinée à être convertie en un taillis de 25 ans. Si, dans la localité, on peut compter avec certitude sur la reproduction des sou- 462 DE CONVERSION. ches jusqu'à l’âge de 50 ans, tous les bois de cet âge et au-dessous 1 seront exploités tout de suite, en taillis, par 25° de surface; le surplus de la forêt, peuplé d'une futaie de 100 à 51 ans, sera mis en coupes de régénération, de manière à produire, dans le délai de 25 ans, un repeuplement d’une gradation d'âge aussi régulière que possible, et qui, après ce temps, pourra être traité comme la partie précé- dente. Ce n’est que quand une futaie a été exploitée sans ordre, que la conversion en taillis peut présenter des difficultés, parce qu’alors les parties susceptibles de se reproduire tout de suite par rejets se trouvent plus ou moins mélangées avec celles à régénérer au préa- lable par la semence. Dans de telles circonstances, il y aura certainement des sacrifices à faire pour rétablir l’ordre dans les exploitations. ARTICLE II, Conversion d’une futaie en taillis composé. 664. La marche à suivre pour opérer la conver- sion d’une futaie en taillis composé est absolument semblable à celle que nous venons d'indiquer dans 1 Dans le cas où l'étendue de ces bois serait considérable, on les partagerait en deux séries, l’une comprenant les bois de 1 à 25 ans et l’autre ceux de 26 à 50. DES EXPLOITATIONS 463 l’article précédent, sauf les dispositions à prendre pour le balivage. On commence donc par fixer la révolution du taillis à créer, et l’on détermine les parties de forêt qui pourront être tout de suite exploitées d’après cetle méthode et celles qui, préalablement, sont à régénérer par la semence; puis on règle, d’après les principes que nous connaissons, le couvert à établir sur le taillis, et l’on arrête le nombre et les diffé- rentes catégories de baliveaux dont devra se com- poser la réserve [589-591]. 665. Dans les parties à exploiter tout de suite en taillis, cette réserve ne pourra se composer, pour la première révolution, que de baliveaux de l’âge dont le nombre sera tel que, parvenus à la qualité de mo- dernes, ces arbres donnent le couvert voulu. À la 2° révolution, on ne conservera de ces modernes, que la quantité fixée par le balivage adopté, et l’on com- plètera le couvert par des tiges de l’âge. A la 3° révo- lution, on réservera le nombre prescrit d'anciens et de modernes, et l’on complétera encore le couvert par des baliveaux de l’âge ; et ainsi de suite, de révolu- tion en révolution, jusqu’à ce que toutes les catégo- ries d’arbres, dont doit se composer la réserve, soient établies sur le taillis. 666. Dans les parties qu'il faut d’abord régénérer par la semence, on laissera sur pied, lors de la coupe définitive, un certain nombre d’arbres, donnant le 464 DE CONVERSION. couvert jugé convenable. Quand on coupera le sous- bois pour la première fois, on réservera le nombre de tiges de l’âge que prescrit le balivage adopté, et. l’on réduira les vieux arbres dans le rapport du cou- vert que donneront ces jeunes baliveaux lorsqu'ils seront devenus modernes. Et ainsi de suite, jusqu'à l’entier établissement du balivage adopté. CHAPITRE QUATRIÈME CONVERSION DES TAILLIS SIMPLES ARTICLE PREMIER. Conversion d’un taillis simple en taillis composé. 667. Cette opération, qui ne consiste qu'à établir successivement, sur un taillis, différentes catégories de baliveaux, est évidemment semblable, en tout, à celle qui tend à convertir en taillis composé une partie de futaie dont les souches sont encore sus- ceptibles de reproduction; nous venons de la dé- crire | 665 ]. ARTICLE Il. Conversion d’un taillis simple en futaie. 668. La conversion en futaie d’un taillis simple ne présente point de difficulté dans l'exécution, dès 30 466 DES EXPLOITATIONS que les perches, dont il se compose, sont assises sur des souches assez jeunes encore. Dans cette opération, on conserve, pour la révolu- tion préparatoire, le terme de l’ancienne révolution du taillis, et on laisse subsister, sur chaque coupe, un massif composé des tiges les plus vigoureuses et des baliveaux ayant atteint la qualité de moderne. On fait en sorte de supprimer, outre les perches dominées et les morts-bois,toutes les essences de qua- lité inférieure, à moins qu'elles ne soient indispen- sables pour maintenir le massif. Ces exploitations ont reculenom de coupes préparatoires, parce qu'elles ont, en effet, pour objet de préparer l'état de futaie, en parcourant la forêt une ou plusieurs fois, jusqu'au moment fixé pour commencer les coupes de régéné- ration. Soit un taillis aménagé à 30ans, et que l’on sepro- pose de convertir dans le même délai, on aura, au bout de ce temps, en opérant comme nous venons de le dire, une forêt qui présentera, dans la partie la plus âgée, des peuplements de 60 ans et un certain nombre d'arbres dominants de 90, et daus la partie la plus jeune, des peuplements de 30 et des arbres dominants de 60 ans. Dès lors on pourra et on devra mème commencer l'exploitation en futaie, le massif se composant généralement de rejets. En raison de cette circonstance, on devra aussi abréger, au moins d'un ters,la révolution qu'il eût été d’ailleurs con- venable d'adopter pour la futaie. DE CONVERSION. 467 669. Mais cette manière de procéder, fort simple il est vrai, présente le grave inconvénient d'imposer au propriétaire une privation presque absolue depro. duits, pendant toute la révolution préparatoire où les coupes se bornent à l’extraction de quelques tiges dominées ou inutiles. Aussi n'est-elle guère admissi- ble que dans quelques cas exceptionnels. Dans les circonstances ordinaires, on ne peut entreprendre la conversion qu’à la condilion de ne pas abaisser trop sensiblement l'ancienne production. La méthode sui- vante a pour objet d'atteindre ce but. 670. On détermine immédiatement la révolution qui convient à l'essence que l’on veut faire prédomi- ner dans les nouveaux peuplements. Prenons pour exemple le même taillis que précédemment, c’esl-à- dire un taillis aménagé à 30 ans ; supposons que celte révolution doive être fixée à 90 ans et partagte en trois périodes de 30 ans ch:cune ; sur le terrain, les affectations de ces périodes seront composées, savoir : La 1°, des peuplements de 1 à 10 ans; Le 2°, des peuplements de 11 à 20 ; La 3°, des peuplements de 21 à 30. Ces premières dispositions prises, on détermine le temps nécessaire pour préparer les éléments d'une régénération naturelle avant le début de la révolution de futaie. Au cas particulier, on adoptera une révolution pré- paratoire de 60 ans, partagée en deux périodes 468 DES EXPLOITATIONS égales, pendant lesquelles les exploitations à faire dans chacune des affectations seront ; Première période. 1" affectation : Coupe de nettoiement, plusieurs fois répétée, s’il est nécessaire, pendant la première moitié de la période ; coupe préparatoire, par quinzième de surface, pendant la seconde moitié. 2° et 3° affectations réunies. Coupe de taillis, par tren- tième de surface, en commençant par la troisième affectation. La coupe de taillis ne comprenant que les deux tiers de l'étendue précédemment livrée à l'exploitation, 1l y aura baisse de produits au commencement de la période ; mais cette coupe comprendra, au début, des bois de 30 ans, puis successivement des parties plus âgées, et finalement des bois de 40 ans ; il est donc permis d'espérer que, dans la deuxième quin- décennie, la production, renforcée par la coupe pré- paratoire de la 1” affectation, atteindra, non pas en- tièrement sans doute, mais à peu de chose près, celle de l’ancien taillis. À l'expiration de la première période, les peuple- ments seront : 1" affectation : Perchis de 31 à 40 ans, avec sous- bois provenant des rejets exploités dans les coupes préparatoires ; DE CONVERSION. 469 2° affectation : Taillis de 15 à Lan; 3° affectation : Taillis de 16 à 30 ans. Deuxième période. 1" affectation : Seconde coupe préparatoire ou d’é- claircie par quinzième de surface, pendant la pre- mière et la seconde moitié de la période. . 2° affectation : Coupe de nettoiement, plusieurs fois répétée, s’il est nécessaire, pendant la première moilié de la période; première coupe prépara- toire, par quinzième de surface, pendant la se- conde moitié 3° affectation : Coupe de taillis par trentième de sur- face !. A l’expiration de la deuxième période, les peuple- ments seront : 1" affectation : Perchis de 70 à 61 ans ; 2° affectation : Perchis de 45 à 31 ans; 3° affectation : Taillis de 30 à 1 an. 671. Le perchis sur souches de 61 à 70 ans étant susceptible de se régénérer par la semence, on voit que le but de la conversion se trouvera en quelque ‘ Si les souches cessaient d’être productives à 40 ans, il fau- drait exploiter cette affectation par 24° de surface. En pareil cas, on combinerait la marche des coupes préparatoires des 4re et 2° affectations, de manière à doubler leur étendue pen- dant les six dernières années de la période, afin de compenser la suspension des coupes de taillis. 470 DES EXPLOITATIONS sorte atteint à la fin de la révolution préparatoire de 60 ans, et cela. sans que le propriétaire ait eu à s'im- poser de trop fortes privations sur son revenu. De plus, la série présentera une gradation d'âge presque normale, avantage évident qui fait défaut dans la première méthode de conversion. — Enfin, le traite- ment des deux dernières affectations donne toute la- titude d'améliorer le peuplement, en extirpant les souches usées et les essences de qualité inférieure pour yintroduire les essences d'élite : 30 ans dans la deuxième affectation, et 60 ans dans la troisième sont, à coup sûr, des délais plus que suffisants pour assurer ce résultat, tout en permettant de ne faire chaque année qu'une faible dépense. 672. Que si l’on avait à convertir trois ou quatre séries contiguës qui dussent plus tard, transformées en futaie, n’en former qu’une, on pourrait procéder d’une manière tout à fait analogue. Cette réunion rendrait même l'opération plus facile. En effet, dans ce système, chaque affectation comprenant une série entière, présenterait la succession de tous les âges du tallis; on pourrait donc, dès le début et chaque année, sans interruption, pratiquer une coupe prépa- ratoire dans la première affectation et une coupe de tillis, à l’âge de 30 ans, dans chacune des deux ou trois autres. En outre, les peuplements seraient régé- nérés moins prématurément, au début de la révolu- tion de futaie. 673. Quand :1l s'agira de convertir des taillis ex- DE CONVERSION. 47] ploités à un âge moindre que 30 ans, à 20 ou 25 ans par exemple, la transformation s’effectuera d'une manière analogue; mais le nombre des coupes n'étant plus divisible par celui des périodes de la ré- volution de futaie, 1l faudra en scinder quelques-unes pour former les affectations, et l’âge des perchis en tour de régénéralion sera un peu moins avancé. CHAPITRE CINQUIÈME. CONVERSION EN FUTAIE DES TAILLIS COMPOSÉS :. ARTICLE PREMIER. Généralites. 674. Les taillis sous futaie soumis au régime forestier, ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le dire, sont loin de se trouver dans un état normal [586 et 597]. Faute d'une culture suffisamment soignée, les bois blancs y sont nombreux et y occupent la place d’essences plus précieuses, et, par suite du mode de ‘ Nous passons sous silence la conversion d’un taillis com- posé en taillis simple. Il est évident que cette opération se borne, d’une part, à la coupe de toutes les réserves, pour ne plus laisser subsister que des baliveaux de l’âge; et, de l’autre, à quelques repeuplements artificiels, afin de regarnir les clai- rières causées dans le taillis par l'enlèvement des arbres. DES EXPLOITATIONS DE CONVERSION. 473 balivage institué par l'ordonnance de 1669 et consa- cré par l'ordonnance réglementaire du code forestier, la réserve en baliveaux anciens et.en vieilles écorces y est également considérable [605]. A la vérité, les dispositions de ces deux ordon- nances n’ont pas toujours été rigoureusement sui- vies ; beaucoup d'agents forestiers ont cru pouvoir se permeltre d'y déroger et sont alors tombés dans un excès contraire. Dans les forêts de l'Etat néanmoins, on s'est plus généralement astreint à satisfaire au vœu de l’ordon- nance, ce qui fait que la grande majorité des taillis composés domaniaux est encore richement pourvue d’anciennes réserves; on pourrait même dire que bon nombre d’entre eux en sont tout à fait surchargés. Cette surabondance se remarque surtoutdansles tailhs qui sont situés en bon fonds et dans lesquels domi- nent ou dominaient jadis les essences les plus pré- cieuses. Il importe donc, lorsqu'il s’agit d’en entre- prendre la conversion, de se rendre un compte exact des différents états de peuplement dus à l’ancien traitement, afin de les faire concourir le mieux pos- sible au but qu'on se propose. Il serait difficile tou- tefois, et en tout cas beaucoup trop long, de donner ici une description de tous ces peuplements divers. L'arbitraire qui a régné dans la fixation du nom- bre et dans le choix des réserves, joint à l'absence totale ou à l’insuffisance de travaux d'entretien [597] pour régénérer le sous-bois, a produit sous ce rap- 474 DES EXPLOITATIONS port la plus grande variété, non-seulement de forêt à forêt, mais souvent dans la même série d’exploita- tion. Cette bigarrure, lorsqu'elle se présente, est, on le comprend, une des plus sérieuses difficultés que rencontre l'opération des conversions. Quoi qu'il en soit, on peut diviser nos taillis com- posés en deux grandes catégories, savoir : 1° Les taillis sous futaie réguliers, c’est-à-dire, ceux qui présentent un sous-bois bien venant, assis généralement sur des souches d'âge moyen et com- posé en majorité d’essences d'élite, que surmonte une réserve nombreuse d’arbres de toutes catégories, assez convenablement répartis. 2° Les taillis sous futaie irréguliers, dont les peu- plements divers peuvent, tous à peu près, être rame- nés aux suivants : a. Anciens et vieilles écorces, plus ou moinsnom- ‘ breux constituant, seuls à peu près, la réserve, et dominant un sous-bois incomplet, composé presque exclusivement de bois blancs et de morts-bois; PH. Une réserve abondante de toutes catégories, avec sous-bois en grande partie dans un mauvais état, soit à cause des essences, soit à cause de la végétation ; æe. Un taillis en bon élat, mais presque entière- ment dépourvu de réserves, et enfin, d. Quelques parties régulières. Selon que, considéré dans son ensemble, un tallis sous futaie devra être qualifié de régulier ou d'irré- DE CONVERSION. 475 gulier, il y aura lieu de lui appliquer l’une des trois méthodes de conversion dont nous allons nous oc- cuper. ARTICLE II. Conversion des taillis sous futaie réguliers. 675. Pour ramener en futaie un taillis composé réguler, la méthode des coupes préparatoires que nous avons donnée plus haut pour la conversion des tailis simples [668] pourra être employée. Seule- ment, il faudra tenir compte ici d’un élément nou- veau très important; nous voulons parler des an- ciennes réserves qui n'existent pas dans les taillis simples, et qu'il s’agit d'associer aux perches du taillis pour constituer la futaie à venir. L'opportunité de conserver, à peu près générale- ment, dans les coupes préparatoires, les baliveaux modernes d’essences longévives, est évidente. Quant aux anciens, ils devront être conservés aussi, toutes les fois qu'ils seront nécessaires pour maintenir le massif; mais il faudra éviter de choisir des pieds trop branchus, et surtout de vieilles écorces déjà sur le retour, à moins que leur présence ne parût tout à fait indispensable pour empêcher qu'il n’y eût clai- rière, ou pour assurer, par la suite, le repeuplement en bonnes essences. Toutes les fois que des arbres, modernes ou an- 476 DES EXPLOITATIONS ciens, seront à réserver, l’élagage, tel que nous l’a- vons indiqué [555 et 602], sera de la plus grande utilité, afin d'accorder le mieux possible les cimes de ces arbres avec celles des perches environnantes, et de prévenir, en outre, le dépérissement qui pourrait les menacer. Une dernière et importante précaution à apporter dans le choix des anciennes réserves, c'est d’exami- ner dans combien d'années le massif dont elles font partie reviendra en tour d'exploitation. Mais cet objet ne peut se raisonner qu'après avoir tracé la marche des coupes préparatoires, opération d’ail- leurs indispensable pour assurer le succès de la con- version. 676. MARCHE DES COUPES PRÉPARATOIRES. Le pre- mier point à arrêter, pour établir cette marche, est la durée de la révolution préparatoire. Cette révolu- tion doit satisfaire à deux conditions principales : 1° IT faut qu’à son expiration, les parties les plus âgées de la forêt puissent être mises en coupe de ré- génération, c’est-à-dire que les arbres fournissent bonne et abondante semence ; 2° À la même époque, les parties les plus jeunes devront, eu égard à leur âge et à leur végétation, : être en état de prospérer jusqu’à la fin de la révolu- tion de futaie qui succèdera à la révolution prépara- toire. Les tallis composés, dans lesquels on trouve d’or- dinaire le plus de ressources pour la conversion en DE CONVERSION. 477 futaie, sont ceux qui s’exploitent de 30 à 40 ans; or, pour atteindre, dans de tels taillis, le double but que nous venons d'indiquer, il suffit, en général, de donner à la révolution préparatoire une durée égale à l’ancienne révolution du taillis. Supposons, par exemple, qu’on ait à convertir en futaie un taillis composé exploité jusqu'alors à 40 ans. Si l’on adopte ce même terme de 40 ans pour la révolution préparatoire, on trouvera, générale- ment, à l'expiration de cette révolution : Dans la partie la plus âgée, un perchis de 80 ans qui sera parfaitement en élat d’ensemencer le ter- rain, quelle que soit l'essence, d’autant plus qu'il renfermera des réserves de 120 et 160 ans; Dans la partie la plus jeune, des perchis de 40 ans, surmontés d’arbres de 80 et 120 ans, susceptibles de prospérer jusqu’à la fin de la révolution de futaie, attendu que cette révolution sera nécessairement abrégée, à cause de l’âge des souches. 677. La possibilité des exploitations de conversion doit, comme celle des taillis en général, être basée sur l'étendue ; seulement, afin de remédier à la forte diminution que ce genre d'opération ne peut man- quer d'amener dans les produits, il convient de par- tager la révolution préparatoire en deux périodes ou sous-révolutions, pendant chacune desquelles les coupes auront à parcourir la totalité de la forêt. Par ce moyen, la coupe annuelle s’étendant sur une contenance double de celle qu'avait la coupe ordi- 478 DES EXPLOITATIONS naire en tailhs sous futaie, il s'établit une chance favorable pour que les produits de la révolution préparatoire se rapprochent de ceux que procurait l’ancien mode. Outre cet avantage, la mesure en présente encore d’autres qui ne sont pas moins importants. D'abord, elle favorise l'accroissement des bois, en rendant plus fréquentes les exploitations préparatoires; en second lieu, elle donne de grandes facilités pour le choix des réserves parmi les arbres anciens [675], surtout si l’on prend le parti, très convenable selon nous, d’asseoir et de délimiter, sur le terrain, toutes les coupes, dès le début de la révolution préparatoire. En effet, la disposition dont il s’agit permet de ré- server, pendant la première sous-révolution , cer- tains arbres anciens, utiles encore malgré leur âge et leur faible accroissement, parce qu’on sait qu’on pourra les faire abattre vingt ans plus tard, lorsque leur présence ne sera plus nécessaire. Dans la se- conde sous-révolution, on trouvera non moins de fa- cilité sous ce rapport, car on connaîtra les coupes pré- paratoires qui, selon toutes les probabilités, seront régénérées soil au commencement, soit au milieu, soit à la fin de révolution de futaie; on sera donc à même d'apprécier si les arbres anciens ou modernes qu'on voudrait conserver, présentent des chances suffisantes de durer jusqu’au moment probable de leur abatage. 678. Mais, si favorable que soit l’expédient qui DE CONVERSION. 479 vient d’être indiqué, il est facile d’entrevoir cepen- dant (et l’expérience d’ailleurs en a donné la preuve) qu'il ne suffit pas pour balancer la production du régime nouveau avec celle de l’ancien. Ce résultat ne saurait être obtenu qu'exceptionnellement et à l’aide d'une combinaison analogue à celle que nous avons exposée à propos de la conversion des taillis simples [670], et qui consiste à faire marcher des exploitations de taillis parallèlement aux coupes pré- paratoires. On déterminera donc immédiatement la révolu- tion de futaie ; on la partagera en périodes égales auxquelles on fera correspondre, sur le terrain, des affectations composées comme nous l’avons dit{670|. La différence consistera dans la présence des arbres de réserve qui concourront à la régénération avec les rejets de souches. Cette ressource qui fait défaut dans les taillis simples, permettra souvent de réduire à une seule période la durée des coupes prépara- toires de chaque affectation, et mème, dans certains cas [672], de commencer immédiatement les coupes de régénération. La marche de ces dernières coupes se trouvant dé- terminée à l'avance par le plan général d'exploitation, il deviendra facile de régler le balivage des coupes de taillis sous futaie, suivant le rang des affectations où elles seront assises.C'est ainsi qu’on s’attachera à multiplier partout les baliveaux et les modernes, à supprimer un certain nombre d'anciens, et à ne 480 DES EXPLOITATIONS point laisser subsister de vieilles écorces hors de l'affectation de la 2° période. On conçoit dès lors que, dans cerlains cas, les produits se main- tiendront au niveau de ceux de l’ancien taillis sous futaie. Entre les deux modes que nous venons d'indiquer pour la conversion des taillis sous futaie, la préfé- rence paraît devoir être donnée au dernier, parce que son application permettra d'étendre immédia- tement ces transformations à de grandes surfaces, et de préparer au pays les ressources les plus pré- cieuses, sans cependant lui imposer de grandes pri- valions. [l n’est pas nécessaire d'ajouter que, pour se guider dans ce choix, il faudra tenir compte des considérations que nous avons développées plus haut [658]. 679. A l'expiration du temps consacré soit aux coupes préparatoires, soit à l'entière régénération des peuplements, nos successeurs trouveront évi- demment la forêt dans un état meilleur que celui où nous l'avons prise. Il leur appartiendra d’en régler la jouissance, en fixant définitivement la révo- lution de la futaie, la nature et l’ordre des exploita- ons à y faire, etc. DE CONVERSION. 481 ARTICHENRE Conversion des taillis sous futaie irréguliers. 680. Le mode de conversion indiqué dans larti- cle précédent [678] peut s'appliquer aux tullis 1rré- guliers, sauf quelques modifications consistant prin- cipalement dans la nécessité d'effectuer ou de com- pléterlarégénération successive des affectations, par voie de repeuplements artificiels. Mais ces taillis se présentent quelquefois dans des conditions particulières qui commandent de recourir à des procédés de conversion plus expéditifs. En effet, nous avons essayé plus haut [674] de caractériser leur état en faisant connaître la cause de leur irrégularité, et nous avons ramené les divers peuplements qu'ils présentent à quatre types princi- paux, savoir : a. Anciens et vieilles écorces plus ou moins nom- breux constituant, seuls à peu près, la réserve, et dominant un sous-bois incomplet, composé presque exclusivement de bois blancs ou de morts-bois ; Bb. Une réserve abondante de toutes catégories, avec sous-bois en grande partie dans un mauvais élal, soit à cause des essences, soit à cause de la végétation ; . @. Un taillis en bon état, mais presque entière- ment dépourvu de réserves, et enfin, 31 482 DES EXPLOITATIONS d. Quelques parties régulières. Il suffit de considérer un tel ensemble pour re- connaître que le seul moyen de le régulariser et de le restaurer, c’est de le régénérer le plus prompte- ment possible par la semence, de manière à y rame- ner les essences d’élite en profitant, pour cela, des ressources qu'offre encore la réserve. Toutefois, il s’agit 1c1, comme dans les méthodes de conversion que nous avons précédemment étu- diées [676 à 678], de réaliser, en les conciliant, deux conditions essentielles : il faut d’abord éviter un abaissement trop brusque des produits, et, en second lieu, constituer une gradation d’âge en rap- port avec le traitement et la révolution auxquels, régénérée, la forêt doit être soumise. 681. Pour atteindre ce double but, on détermi- nera immédiatement la révolution de futaie. Suppo- sons, comme plus haut [670], qu’elle soit fixée à 90 ans et partagée en trois périodes de 30 ans. Sur le terrain, on chercherait à constituer les affectations ainsi qu'il suit : 1° affectation. Les peuplements désignés sous la lettre a ; 2° affectation. Les peuplements désignés sous la lettre B ; 3° affectation. Les peuplements désignés sous les lettres € et d1. ‘ On conçoit qu'il ne sera pas toujours possible d'arriver à un > DE CONVERSION. 483 Les exploitations à faire dans chacune de ces affec- tations seront : Première période. 1 affectation : Coupes de régénération, en faisant intervenir le repeuplement arüficiel partout où les bois existants ne suffiront pas pour assurer le repeu- plementnaturel. 2° affectation. Coupe par trentième de surface, du sous-bois, avec extraction des vieilles écorces dépé- rissantes et avec réserve, dans le taillis, de toutes les perches de bonnes essences susceptibles d’être associées à la futaie, dans l'intérêt du repeuplement futur. 3° affectation. Coupes préparatoires, à commencer immédiatement ou à une année quelconque de la période, selon l’âge des taillis qui composeront cette affectation. Dans ces coupes, 1l sera procédé, à l'é- gard des réserves, comme il est dit plus haut [675 et 677]. tel résultat et qu'il faudra souvent modifier la composition des affectations, soit en raison de la situation respective des divers peuplements, et pour éviter le morcellement de la surface uffectée à chaque période, soit parce qu'une ou plusieurs natures de peuplement (a, b,e, d,) occuperont des contenances ou trop grandes ou trop petites, comparativement aux autres. Aussi, n’entendons-nous donner ici qu’un exemple, en choisissant le cas le plus simple, afin de ne pas compliquer inutilement la démonstration, et de mieux faire comprendre la méthode. 454 DES -EXPLOITATIONS A l'expiration de la première période. les peuple- ments se composeront comme il suit : 1" affectation. Gauls et fourrés : 2 affectation. Futaie irrégulière, plus ou moins clair-plantée, mais susceptible d’ètre mise en coupe de régénération ; — taillis dominé ; 3° affectation. Perchis avec vieux arbres. Deuxième. période. A" affectation. Coupes d'amélioration. 2° affectation. Coupes de régénération, avec es- souchement du taillis, à moins qu'on ne juge utile de le conserver (hètre, par exemple), pour protéger le jeune repeuplement. Dans ce cas, il sera extrait, après la réussite de celui-ci, par forme de nettoie- ment. 3° affectation : Eclaircie, avec extraction, s'il y a lieu, de quelques vieux bois. A l'expiration de la deuxième période les peuple- ments seront : 1" affectation. Perchis ; 2° affectation. Gaulis et fourrés ; 3° affectation. Massif de futaie sur souches, Ainsi, dès la troisième période, la futaie sera cons- tituée avec une gradation d'âge convenable, et il est évident, d’un autre côté, que, pendantles deux pre- mières périodes, qui, de fait, forment seules la révo- DE CONVERSION. ARS lution préparatoire, la production n'aura pas été sen- siblement abaissée. 682. Quand le mode de conversion que nous ve- nons d'exposer devra s'appliquer à une forêt compre- nant plusieurs séries de taillis composés, on trou- vera la plupart du temps plus de facilité à en réunir deux ou trois pour former une même série de futaie [672], parce qu'il y aura, dans ce cas, d’autant plus de chances de rencontrer les différentes natures de peuplement que nous avons décrites, surdessurfaces assez étendues pour constituer les affectations !. Voir l’Appendice. JA: n PEyChaAR di. 7 1 “ad M " rot ie fa ; VON MD L. beau À sf eubn Hp" rare bi n MA < nr deuil oh ; Honuo .,2 204 ION ii af noces 2 Miliantebte#ig stot ch ove, droitionfs | alg losine"h,888 40 -Raûb: cs sb esnion 4frotéips A0 sin ui 2494 Fos sa DE Sales 53 ation CU | 2m 144 root fat: AU ETAS g Y: K,. [YICES on É l ARC TER L : (Est Va. D HET 2 . L il MCE, MOUTON & DER Li mn \ 1 ( l re L ri De sutresse MAR dl ‘17008 sn tre ARE 0 NT TL" w {HAAIN x lit th né v'Aue si RUES su# ai LL PR 1" fe si LIVRE SIXIÈME DES REPEUPLEMENTS ARTIFICIELS. DÉFINITIONS. 683. On entend par semis l'opération par laquelle on met en terre des semences, et principalement des semences d’arbres, pour en obtenir de jeunes su- jets. 684. La plantation consiste à extraire un Jeune arbre du lieu où il croît, et à le replacer dans un autre lieu pour l'y faire croître. 685. On donne le nom de bouture àunejeune bran- che qui, séparée de l’arbre et mise en terre, se garnit de racines et de rejets et devient ainsi un nouvel in- dividu. 686. La marcotte est une branche que l’on couche en terre, à une certaine profondeur, sans la détacher 488 DES REPEUPLEMENTS ARTIFICIELS. de l'arbre dont elle fait partie ; de telle sorte que celui-ci la nourrit jusqu'àce qu’elle ait pris suffi- samment racine, après quoi elle peut former un in- dividu isolé. 687. On dit que les semences s’échauffent, lors- que, mises en tas, elles commencentà fermenter en dégageant de la chaleur ; ce quiréagit sur le germe eten détruit la vitalité. | 688. Un semis est fait en plein, quand toutes les parties d’un terrain, sans aucune exception, sont ensemencées ; au contraire, le semisest partiel, si le terrain est préparé de manière qu'entre les parties ensemencées il y en ait d’autres en friche. 689. Repiquer est synonyme de planter, et s’ap- plique aussi bien aux graines qu'aux plants. CHAPITRE PREMIER. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 690. Bien que la culture des bois n’admette, en principe, d’autre régénération que la régénération naturelle, 11 se présente cependant, dans les forêts, des cas nombreux où l’action seule de la nature ne saurait suffire pour atteindre le but que l’on se pro- pose, et 1l devient indispensable de recourir à des moyens arbificiels !. On doit donc considérer l’art d'opérer des repeuplements de main d'homme comme l’auxiliaire plus ou moins obligé de toute méthode d’exploitation, et comme devant former, par conséquent, une partie essentielle de l'instruction du forestier. Cette branche de la sylviculture mérite d’ailleurs ! Nous avons indiqué les principaux de ces cas, en traitant, dans le 2e et le 4° livre, des différentes méthodes d'exploitation et de leur application aux diverses essences. (Voyez les n°° 469, 482, 489, 507, 511, 516, 526, 531,534, 597, 359, 597, 598, 622.) 490 DES REPEUPLEMENTS une attention plus particulière en France, où le re- boisement de plusieurs contrées importantes (les Alpes, les Pyrénées, la Sologne, les Landes, etc.) est devenu une question vitale pour les habitants et préoccupe à juste titre le Gouvernement 1, En outre un grand nombre de nos forêts présentent des clai- rières, des vides nombreux, causés par l'abus du pâturage, par les incendies ou même par des exploi- tations mal entendues, et qui ne peuvent désormais être rendus à la production qu’à l’aide de repeuple- ments artificiels. — Enfin, ces sortes de travaux trouvent encore leur application lorsque, par suite de la dégradation soit du sol, soit du peuplement, ou par quelque autre motif, il y a lieu de substituer une essence nouvelle à celles qui composent actuellement la forêt. 691. Des quatre modes de repeuplement artificiel dont nous avons donné plus haut la définition, les plus généralement usités sont le semis et la planta- tion. Le semis est considéré, par beaucoup de fores- tiers, comme principalement applicable en grand, à cause des procédés par lesquels il s'exécute, et qui semblent à la fois plus naturels, plus simples et ‘ Voir à ce sujet: Études sur les torrents des Hautes-Alpes, par M. Surell, ingénieur des ponts et chaussées, et le Rapport, déjà cité, sur les plantations de la Sologne, par M. A. Brongniard, de l’Institut (Annales forestières, tome X). V. aussi le rapport du Ministre dés Finances, concernant le reboïsement des mon- tagnes (Moniteur du 3 février 1860). ARTIFICIELS. 491 moins coûteux que ceux de la plantation. Cependant la pratique tend de plus en plus à établir la supério- rité de celle-ci. Non-seulement on est parvenu à at- ténuer singulièrement la dépense qu’elle occasionne, en plantant des sujets très jeunes que l’on élève en pépinière, à très peu de frais ; mais 1l est incontesta- ble qu’une plantation bien faite présente, la plupart du temps, des chances de réussite plus assurées que le semis préparé avec le plus de soin, — parce que celui-ci a, de plus que l’autre, à lutter contre des dangers nombreux qui menacent la graine d’abord et ensuite le plant naissant. Ainsi, il vaudra tou- jours mieux planter que semer dans les localités ex- posées aux dégâts, soit du bétail, soit du gibier; dans les terrains où la crue des herbes, ou d’autres plantes nuisibles, est trop abondante ; dans ceux où les jeunes plants sont exposés à être déracinés par la gelée [697]; sur les grandes sommités, et enfin, dans les lieux exposés aux inondations. Il en sera de même quand 1l s’agira de repeupler un terrain entiè- rement nu par une essence qui, dans sa première jeunesse, réclame beaucoup de couvert, comme le hêtre par exemple; ou bien lorsqu'on voudra établir le mélange de deux essences dont l’une occupe déjà le terrain [489]. Enfin, la plantation est surtout con- venable pour compléter les repeuplements naturels dans les coupes de futaie [462], ainsi que pour assu- rer la conservation des bonnes essences et remplacer les souches manquantes dans les taillis [5971]. CHAPITRE DEUXIÈME. DES SEMIS. ARTICLE PREMIER. Des connaissances qu’il faut posséder. 692. Outre la connaissance des climats et des sols convenables aux différentes essences, telle qu’elle a été enseignée dans le premier livre de ce Cours, il faut encore, pour opérer des semis avec succès, pos- séder plusieurs autres notions, ayant pour objet, Sa Voir : 1° La manière de récolter et de conserver les se- mences ; 2° Les moyens à employer pour s'assurer de leur qualité ; 3° La préparation à donner au terrain: 4° La saison la plus convenable pour semer ; )° La quantité de graine à employer; 6° Enfin, la manière de répandre et de recouvrir les semences. DES REPEUPLEMENTS ARTIFICIELS. 493 ARTICLE I, De la récolte et de la conservation] des semences. 695. L'âge et l’état de végétation des arbres sur lesquels on récolte les graines ne sont point indiffé- rents. Les sujets qui fournissent les meilleures se- mences sont ceux d'âge moyen qui croissent isolés ou à peu près et présentent une cime parfaitement saine et bien développée ; tandis que les arbres trop vieux ou dépérissants, de mème que les liges trop Jeunes, donnent en général des graines mal condi- ionnées ou vaines qu'il faut, par conséquent, se gar- der d'employer. On doit éviter également de se servir de semences provenant d'arbres rabougris et dont le tempérament s'est plus ou moins abâtardi en raison des circonstances locales défavorables dans lesquelles ils ont erü. De telles semences forment, pour ainsi dire, des variétés ou races dégénérées du type pri- miif et qui n'y retournent, la plupart du temps, qu'après avoir été cultivées, dans de meilleures con- diüons, pendant plusieurs générations. La récolte des semences doit, autant que possible, se faire par un temps sec ou qui, du moins, ne soit point pluvieux, les graines trop humides étant plus exposées à s’avarier. Pour recueillir les semences lourdes, si l’on n'aime mieux attendre leur chute na- 494 DES REPEUPLEMENTS turelle, on fait gauler les arbres et tendre des toiles pour les recevoir; quant aux semences légères des essences feuillues, 1l faut, en général, les faire cueil- lir et il en est de mème des cônes de bois résineux. 694. Aussitôt récoltées, les graines des essences feuillues, quelle que soit leur nature, doivent être étendues, en couches minces, dans un heu sec et aéré, etremuées souvent en vue de les laisser ressuyer et d'empêcher ainsi qu'elles ne s’altèrent. Les cônes d'arbres résineux peuvent, sans trop d'inconvénient, être entassés davantage, quand les quantités récoltées ne sont pas très considérables ; néanmoins, il est toujours préférable deles étendre. C’est surtoutaprès que la semence a été extraite des cônes, qu’il devient nécessaire de prendre des précautions pour la con- server en bon état. Selon leur nature particulière, les semences sont plus ou moins sujettes àgermer, à pourrir, à s’é- chauffer ou à se dessécher ; il faut done, lorsqu'il s’agit de les conserver pendant un certain temps avant de les mettre en terre, savoir les garantir con- treces différents dangers. Les moyens à employer pour empêcher, soit une germination prématurée, soit la pourriture, con- sistent d’abord à placer les graines dans un lieu frais sans être humide, tel qu'une cave, par exemple, où elles soient, autant que possible, à l’abri des varia- tions de l’atmosphère, et ensuite à les mêler avec un corps qui puisse se charger de l'humidité qu'elles ARTIFICIELS. 495 laissent échapper, comme du sable sec, de la paille, des feuilles sèches, etc. Le desséchement peut être prévenu par des procédés analogues, c’est-à-dire, en préservant la semence le plus possible du contact de l'air et en la mettant dans un endroit frais. Quant auxgraines en danger de s’échauffer, il faut les pla- cer dans des lieux secs et aérés, éviter de les entasser et les faire remuer souvent à la pelle. En traitant plus bas du semis des principales essences, nous donnerons, pour chaque espèce de graine, les procédés deconservation que l’expérience a démontré être les meilleurs. ARTICLE III. Des moyens de reconnaître la qualité des semences. 695. Avant d'effectuer un semis, il est de règle de s'assurer de la qualité des graines dont on dispose, surtout lorsque c’est par la voie du commerce qu’on se Les est procurées. Cetexamen ne doit jamais être négligé ; il estindispensable pour déterminer exac- tement la quantité de semence à employer, et l’on conçoit aisémemt l'importance d’une telle détermi- nation. En effet, si la quantité de semence est trop considérable, il en résulte un surcroît inutile de frais. Si, au contraire, la graine est trop épargnée, le semis se trouve nécessairement incomplet ; on est forcé d'y revenir pour le compléter, et l’on aug- 496 DES REPEUPLEMENTS mente ainsi la dépense pécuniure, tout en perdant du temps et en établissant une certaine inégalité dans l’âge des jeunes bois. Le moven le plus sûr pour véritier la qualité des graines, est d'en prendre, au hasard, dansla provi- sion que l'on doit éprouver, un certain nombre (plus où moins, selon l’importance de la provision), de les semer dans une caisse, ou dans tout autre vase quelconque, rempli d’une terre substantielle et légère ; puis, de placer cette caisse dans un lieu tem- péré, et d’arroser souvent avec de l’eau tiède afin d'accélérer la germination. En comparant ensuite le nombre de plants levés avec le nombre de graines qui avaient été semées, on pourra apprécier la qua- lité de la provision entière. Si, dans cette épreuve, on reconnaît que les deux tiers ou les trois quarts des graines ont levé, la semence peut être considérée comme étant de bonne qualité. Le moyen que nous venons d'indiquer est surtout à conseiller lorsqu'il s’agit de semis considérables : autrement on peut se contenter de prendre quelques graines, de les ouvrir, soitavecun camif, soit avec (out autre instrument, et d'examiner si l’'amande et le germe sont frais eten bon état. Cette opération peut, en général, se faire sur les petites graines comme sur les grosses, mais c’est surtout sur celles- ei qu’elle se pratique aisément. Selon l'essence, les graines doivent présenter, dans leur aspect et dans leur consistance, des carac- ARTIFICIELS. 497 tères particuliers qui en font reconnaître la bonté ; nous indiquerons ces caractères dans le chapitre suivant, entraitant séparément du semis de chaque essence. 696. C'est ici le cas de signaler quelques ma- nœuvres frauduleuses des marchands de graines forestières, contre lesquelles 1l est utile de se pré- cautionner. Les semences légères, surtout les semences rési- neuses, étant celles qu’on achète le plus ordinaire- ment aupoids,les marchands les humectent quel- quefois au moment de la vente. On fera bien de ne consentir à la pesée des graines qu'après qu’elles auront été sorties des sacs à leur arrivée, et étendues, ‘pendant une quinzaine de jours. dans un grenier ou dans une chambre aérée. Cette précaution est d’au- tant plus utile que, quelquefois aussi, les fournis- seurs, pour en augmenter le poids, mêlent à la se- mence un sable très fin. Au surplus, quand même on ne peut stipuler cette condition avec les mar- chands, ilne faut pas moins s’empresser, à l’arrivée de la semence, de la répandre, de la remuer, et d’en opérer le desséchement ; car, toute fraude à part, elle peut avoir été, pendant le transport, mouillée par la pluie ou imprégnée de l’humidité de l’atmos- phère. Une autre fraude, à laquelle les marchands ont souvent recours pour augmenter leur profit, con- siste dans le mélange des graines d’épicéa avec 32 498 DES REPEUPLEMENTS celles de pin sylvestre ; le prix de la dernière étant ordinairement double du prix de l’autre. Comme la semence de pin est généralement noire, tandis que celle de l’épicéa est brun-rougeûtre, ils teignent celle-ci en noir, par un procédé qui n’altère point sa faculté germinative. On peut y ètre trompé, parce que ces deux graines ne diffèrent essentiellement que par la couleur. Sans doute, en y regardant de près, on finirait par distinguer la semence de pin syl- vestre d'avec celle d’épicéa : la première est plus ar- rondie et plus luisante ; la seconde, plus allongée et plusanguleuse,prend parla teintureune couleurmate. Mais 1l serait toujours extrêmement difficile de re- connaitre dans quelle proportion ces deux graines sont mélangées, surtout lorsque les quantités de se- mences reçues sont considérables. La seule épreuve exacte est donc d’en prendre au hasard quelques pin- cées et les semer dans une caisse, comme nous l’a- vons expliqué plus haut. La levée des jeunes plants donnera la mesure de la fraude 1. On conçoit qu'indépendamment du trop payé, ce mélange puisse entraîner de graves inconvénients. Ce sont ordinairement les pentes méridionales , entièrement dégarnies, que l’on destine à être re- peuplées en pin sylvestre [294] ; or, si les semences ‘ Les pins sylvestres lèvent avec une tigelle rougeâtre por- tant de cinq à six feuilles séminales ; les épicéas naïssants, au contraire, ont la tigelle jaunâtre et presque toujours neuf feuilles séminales. ARTIFICIELS. 499 mélangées sont employées, sans examen préalable, dans de pareils terrains, on peut être assuré que tous les jeunes plants d’épicéa périront, aussitôt levés, à cause de l’ardeur trop vive du soleil. Mais quand bien même, par suite d’une exposition moins défavorable à l’épicéa, les jeunes plants de cette essence résisteraient pendant les 2 ou 3 premières années, ils ne finiraient pas moins par ètre étouffés par le pin sylvestre qui a, dès sa naissance, une vé- gétation beaucoup plus rapide que l’épicéa et le sur- monterait complètement dès avant la dixième année. — Dans tous les cas donc le mélange des deux grai- nes ne saurait produire qu’un semis manqué ou du moins très incomplet. ARTICLE IV. De la préparation du terrain. 697. La préparation du terrain a pour but de le nettoyer, en tant que cela est nécessaire, des herbes et arbustes qui v croissent, et de le rendre assez meuble pour que la semence puisse y germer, les. plants naissants y étendre leurs racines et s’y nourrir [455]. A cet égard, il est d'expérience que des labours profonds, qui auraient pour résultat de ramener à la surface des couches de terre dépourvues de principes assimilables, ne sont pas favorables aux semis. Mais 500 DES REPEUPLEMENTS il en est autrement d’une culture, même profonde, dont le but est d'ameublir le sol en y mélangeant le terreau. Ainsi préparée, la terre est dans les meil- leures conditions pour recevoir les graines, qu'il s'agisse de semis de végétaux forestiers ou agri- coles. En effet, la couche superficielle est rendue plus perméable aux eaux pluviales ; poreuse et inégale, elle condense et absorbe plus de rosée ; ne faisant plus corps avec les couches inférieures, elle les pro- tège et les garantit contre l’évaporation, comme le ferait une couverture de feuilles mortes. D'un autre côté, les racines des jeunes plants se développant davantage et s’enfonçant plus rapidement dans une terre profondément cultivée, le chevelu se trouve d’autant plus sûrement soustrait à l’action de la sé- cheresse. — Au contraire, dans une terre peu ou point cultivée, les racines restent grêles, superficiel- les, et, quand survient l'été, elles se trouvent encore dans la couche qui se durcit et se dessèche complè- tement; si les plants ne succombent pas toujours, ils restent du moins chétifs pendant longtemps. La culture a donc pour résultat de maintenir et d'accroître la fraîcheur du terrain et de contribuer à fortifier le tempérament des jeunes plants. Elle permet encore, à raison de la perméabilité du sol, d’enterrer les graines plus profondément, et de leur assurer ainsi l'humidité nécessaire à la germina- on. Enfin on prévient, par la culture, le déchausse- ARTIFICIELS. 501 ment des plants, sous l’action des gelées ; car il est évident qu’un plant bien enraciné y est moins exposé que celui qui l’est peu. Dans les terres fortes ou substantielles, où l’on peut avoir à redouter l’envahissement des herbes, il sera prudent de faire précéder le semis d’une ou de plusieurs cultures agricoles. Malgré les avantages incontestables qui résultent d’une culture* complète, on ne doit pas oublier ce- pendant que cette opération exige toujours des dé- penses assez considérables. Toutes les fois donc qu’il ne s’agira pas de reboiser des sols dénudés depuis longtemps, mais qu'on aura simplement à compléter des semis existants, ou à repeupler des clairières ou des vides, on ne perdra pas de vue que la végétation forestière a dû maintenir le terrain suffisamment meuble, et, dans ce cas, on pourra se borner à don- ner une culture légère. Nous ajouterons même que dans le cas où le sol serait, par sa composition, na- turellement frais et meuble (certains terrains grani- tiques, par exemple), une culture légère suffira presque toujours pour assurer la réussite des semis. 698. D’après ce que nous venons de dire, on voit qu’il est de la plus haute importance de bien exami- ner le terrain qu’on se propose d’énsemencer, afin de lui donner la préparation convenable, tant en raison de sa nature même, que par rapport à l’es- sence que l’on veut y cultiver. Les modes de labour conseillés par les différents auteurs forestiers sont 02 DES REPEUPLEMENTS en grand nombre ; toutefois nous n’en décrirons que trois, parce que jusqu'ici ils sont les seuls réelle- ment consacrés par la pratique, et que d’ailleurs, selon nous, ils peuvent satisfaire à toutes les condi- tions. Ces trois modes sont : 1° Le labour entier ou le labour en plein ; 2° Le labour par bandes alternes ; 3° Le labour par places, trous ou pots. Selon la nature du sol, selon l'essence que l’on veul cultiver, il devient souvent utile de faire pré- céder le labour, soit de l’écobuage, soit de quelques travaux d'assainissement ; nous donnerons donc, sur ces deux objets aussi, les explications néces- saires ?. 699. Lapour EN PLEIN. — Le labour en plein consiste à retourner la totalité du terrain à ense- mencer ; 1l s'exécute à la charrue ou à la houe. Le labour à la charrue est moins coûteux que le labour à la houe, et donne en outre la facilité de joindre la culture des céréales à celle du bois. Cet avantage est considérable, car souvent le produit des céréales peut couvrir entièrement les frais de culture. Toutefois, la charrue ne peut être employée ‘ Sinous ne parlons pas de l'épierrement du sol, c’est qu'il est reconnu que des pierres de moyenne grosseur, lorsqu'elles ne sont pas trop nombreuses, favorisent plutôt qu’elles n’entra- vent la réussite des semis forestiers. D’une part elles forment un abri pour les plants qui naissent dans leur voisinage, de l’autre elles affermissent les sols trop légers, et y maintiennent plus longtemps la fraîcheur. ARTIFICIELS. 203 que dans les terrains plats ou légèrement inclinés, dans lesquels, d’ailleurs, son action n’est pas em- pêchée par des pierres ou des racines trop grosses. C’est surtout dans les terres fortes et profondes, et lorsqu'il s’agit de cultiver des essences dont le pivot s'enfonce très-avant, que la charrue doit être pré- férée. La houe (voy. fig. 1") remplacera utilement la charrue, pour opérer des labours en plein, dans les terrains légers ou d'un accès difficile, et particuhiè- rement dans les coupes d’ensemencement, ainsi que dans d’autres parties clair-plantées dont la régénéra- tion naturelle est entravée par suite du gazonnement du sol. ILestentendu que le labouren plein, à la houe comme à la charrue, ne doit jamais être pratiqué dans les pentes rapides, où l’on pourrait craindre l'éboulement des terres. 700. LABOUR PAR BANDES ALTERNES. — De tous les modes en usage pour préparer leterrain au semis, le mode par bandes alternes semble réunir le plus d'avantages et être le plus généralement applicable. Il consiste à ouvrir les rayons dans lesquels on sème, et à les alterner avec des bandes qu'on laisse incultes; celles-ci ayant au moins le double de largeur des autres. En plaine, ces rayons peuvent être tracés à la charrue, en prenant soin toutefois, dans les sols légers, de ne pas trop enfoncer le soc; on leur donne 504 DES REPEUPLEMENTS une largeur de 30 à 40 ou même 50 centimètres, et on les dirige de l'Est à l'Ouest, de manière à entas- ser, sur le bord méridional, le gazon et la superficie du terrain. En montagne, ce labour se fait à la houe, on donne aux rayons une direction horizontale, et leur largeur varie de 20 à 40 centimètres. Plus le pen- chant est rapide, plus le rayon doit être étroit ; ül faut éviter de laisser à celui-ci de la pente, dans le sens de sa largeur, et relever son bord inférieur en y entassant le gazon et les différentes plantes qu’on en extrait. Cette précaution est très essentielle afin d'empêcher que les graines ne soient entraînées par les eaux pluviales dans la bande inculte. L'avantage d’un tel mode de labour est incontes- table. En montagne, ces rayons, parallèles à l’hori- zon, soutenus par des bandes incultes empêchent les terres de s’ébouler ; en toute situation, les semences et les jeunes plants sont abrités par les bords un peu élevés des rayons et par les herbes et les arbustes qui peuvent se trouver dans les bandes voisines. Enfin, les végétaux décomposés, les feuilles sèches s'arrêtent au fond des rayons et les eaux pluviales y sont retenues. Ainsi, l’engrais naturel, l'abri et la fraîcheur assurent bien des chances de succès à un semis fait d'après ce mode. Il est inutile d’ajouter que les dépenses qu'il nécessite, tant pour le labour même que pour l’achat des graines, sont bien moin- dres que celles d’un semis fait en plein. ARTIFICIELS. 505 Le seul inconvénient auquel ce mode puisse don- ner lieu, est que, au moyen des bandes incultes, les herbes et autres plantes nuisibles peuvent se repro- duire promptement dans les rayons cultivés et étouffer ainsi les jeunes plants ou au moins les gèner dans leur croissance. C’est au forestier à juger, selon la nature du terrain et des essences, si cet incon- vénient peut réellement se présenter au point d’avoir un fâcheux résultat, et à se décider, par suite, pour le mode de préparation qu'il jugera convenable. 701. LABOUR PAR PLACES, TROUS ou poTs. — Ce mode de labour s'opère en formant des places ou trous carrés de 50 à 66 centimètres environ de côté, séparés les uns des autres par des intervalles de 66 centimètres à 1 mètre.qu’on laisse en friche. Comme dans le labour par bandes, on entasse les déblais de ces trous sur le bord méridional, lorsqu'ils sont faits en plaine ; et, si le sol est incliné, on a soin de les creuser parallèlement à l’horizon et d’en amas- ser la superficie sur le bord inférieur. Sur un terrain presque nu, on peut aligner ces trous carrés, de manière à donner au tout, à peu près l'aspect d’un damier ; au contraire, on les fait sans ordre déterminé lorsque le sol présente des obstacles tels que des arbres que l’on ne voudrait point couper encore, de vieilles souches, des blocs de rochers, etc. C’est alors, surtout, que le labour par trous est avan- tageux, parce qu'il serait souvent impossible d’éta- blir des rayons continus. 006 DES REPEUPLEMENTS Les différents modes de labour qui viennent d’être indiqués peuvent se pratiquer en toute saison, sauf, bien entendu, celle des fortes gelées. Pour les semis du printemps, il convient de faire préparer le ter- rain dans l'été ou dans l’automne précédent, que sa nalure soit.d’ailleurs compacte ou légère. Si le sol est léger et que, en raison des plantes parasites qui le recouvrent, il ait fallu le remuer assez profondé- ment, il aura le temps de se raffermir suffisamment avant de recevoir la graine [697) ; s’il est compacte, les gelées d’hiver, en l'attaquant et le soulevant en tous sens, le rendront plus meuble et plus propice par conséquent à la végétation. — De cette distribu- tion des travaux il résultera en outre l’avantage de pouvoir se procurer plus aisément et à moins de frais les ouvriers dont on à besoin, ce qui, dans la saison du printemps où les ouvrages de la campagne récla- ment ordinairement tous les bras, est souvent très difficile. 702. Ecoguace. — L'écobuage qui, dansla culture des champs, produit des effets fort avantageux, peut contribuer aussi, dans beaucoup de cas, au succès des cultures forestières. Il consiste ordinairement à enlever, par tranches, à 5 ou 6 centimètres de profondeur la superficie du sol couverte de plantes ; à couper ces tranches en morceaux carrés pour en faire de petits fours qu’on allume et qu’on brûle à feu étouffé; puis à répandre les cendres obtenues sur le terrain. ARTIFICIELS. 507 Les résultats de cette opération sont : 1° la des- truction des mauvaises herbes et de leurs semences, ainsi que des œufs et des repaires d'animaux nui- sibles ; 2° l’incinération des acides végétaux qui se trouvent en excès dans le sol et sont contraires à la végétation des essences forestières ; 3° enfin, la pro- duction d’un amendement. Les deux premiers de ces résultats ne sauraient être qu’avantageux, quelle que soit d’ailleurs la nature du terrain; mais il n’en est pas de même du troisième, et il importe, par conséquent, de connaître la manière d'agir des cen- dres, comme amendement, afin de ne pratiquer l’éco- buage que dans les sols où 1l peut avoir de bons effets. « L'action des cendres sur les terrains cultivés, » dit M. de Candolle ?, est, comme la nature même » de cette matière, complexe et variable. Les cen- » dres tiennent le milieu entre les amendements et » les engrais, sous ce rapport, qu'outre les matières » terreuses qui en constituent la masse, elles con- » tiennent toujours une certaine quantité de sels et » de débris organiques. Considérées comme amen- » dement, leur action est variable, selon que, four- » nies par divers combustibles, elles peuvent conte- » nirdes quantités très diverses de matières terreuses » différentes et de sels différents. On peut dire, en » général, que : l'elles agissent mécaniquement en » divisant les sols trop compactes, et, souscerapport, ! Physiologie végétale, tome III, page 1267. 508 DES REPEUPLEMENTS plus elles sont siliceuses, plus elles ont d’action ; 2° elles ont une action hygroscopique, en absorbant l'humidité ; 3° elles paraissent accélérer la décom- position du terreau ; et 4° enfin, peut-être agissent- elles à titre d’excitants. » « Il est donc évident, dit plus loin le même au- teur ?, et la pratique confirme cette théorie, que l’'écobuage est utile : 1° dans les terrains trop ar- gileux, pour les diviser et les rendre moins hy- groscopiques; 2° dans les terrains très chargés de mauvaises herbes et en même temps très humides; 3° dans les climats où l'humidité de l’air est très continue ; 4° dans les terrains marécageux, tour- beux ou froids, couverts de mousses, de jones, de lichens, etc., pour les exciter par les molécules alcalines des cendres, et accélérer leur décompo- sition. » 103. Dans les cultures forestières, l’écobuage ne se pratique pas toujours comme nous l’avons expli- qué plus haut; souvent on se borne à brûler, sur pied, les herbes et les arbustes qui recouvrent le sol. Cette opération, qui se fait à peu près comme le sar- tage à feu courant qui à été décrit dans le quatrième lhvre [620], est avantageuse, d’abord, en ce qu’elle épargne les frais de main-d'œuvre; en second lieu, parce qu’elle peut être employée même dans des terrains inclinés ou d’une nature assez légère. En ‘ Physiologie végétale, tome II, page 1277. ARTIFICIELS. 509 effet, le sol, dans ce cas, n'étant point remué, con- serve toute sa compacité, et si, entre le moment de l’écobuage et celui du semis, on laisse s’écouler quel- que {temps ?, les cendres, demeurant à la surface, seront,en très grande partie, dispersées par les vents, de telle sorte qu’en définitive, les résultats de l’opé- ration se réduiront, à peu de chose près, à la des- truction des plantes nuisibles. Ajoutons que les jeunes plants, en grandissant, fourniront, par leur dé- pouille et par l’ombrage qu'ils procurent, une frai- cheur et un engrais salutaires qui tendront nécessai- rement à neutraliser les effets des cendres. On pourra donc écobuer à feu courant pour dé- truire les fortes herbes, les bruyères, les myrtilles, etc., pourvu que le terrain ait quelque compacité, comme les sables gras, par exemple, et que la pente ne soit pas trop rapide. Au contraire, on devra s’in- terdire cette opération dans les versants escarpés, dans les sables mouvants, dans les pierrailles soit siliceuses, soit calcaires, dans les sols crayeux et, en général, dans tous les terrains qui, par leur peu de consistance, se dessèchent très facilement. 104. AssainissEMENT. — Lorsqu'il y a lieu de pro- céder à l'assainissement d’un terrain, soit maréca- geux, soit aquatique, il faut rechercher d’abord d’où proviennent les eaux surabondantes qu'il s’agit de faire disparaître. Ordinairement elles sont produites ! On peut écobuer en automne pour semer au printemps. 910 DES REPEUPLEMENTS par le débordement d’une rivière ou d’un ruisseau ; ou bien par des sources, apparentes ou souterraines, qui se trouvent, soit à l’intérieur, soit à l'extérieur du terrain détrempé. Souvent aussi les eaux plu- viales ou de neige, ne pouvant s'infiltrer, à cause d’un banc d'argile situé à peu de profondeur, sont maintenues dans la couche de terre végétale et s’a- massent dans les lieux les plus bas, au point de les submerger. 705. Quand ce sont les débordements d’une ri- vière qu'il s’agit de combattre, c'est au creusement de son lit, à l’endigage de ses rives qu'il faut avoir recours. Mais de tels ouvrages, d'ordinaire très con- sidérables, difficiles d’ailleurs sous le rapport de l'art, et qui intéressent le plus souvent un grand nombre de propriétés riveraines, ne sont plus à compter au nombre des travaux de simple amélio- ration forestière ; leur exécution ne peut être confiée qu’à des hommes spéciaux. Le cas qui rentre dans les attributions du fores- üier, c'est quand des accidents analogues sont causés par un simple ruisseau, soit qu'il emplisse ou ex- hausse son lit entier par les matières qu'il charrie, soit qu'il s'obstrue seulement sur quelques points, soitenfin qu'il se gonfle outre mesure à certaines époques de l’année. Redresser le cours de l’eau, en coupant les nombreuses sinuosités qu'il forme, par un fossé suffisamment profond ; ouvrir, dans le ter- rain inondé, d’autres fossés de moindre dimension, ARTIFICIELS. o11 qui débouchent dans le premier; enfin, s’il en était besoin, creuser des saignées ou rigoles plus petites encore, aboutissant à des fossés secondaires : tels sont ordinairement les moyens à employer. 706. Lorsque les marécages sont formés par des eaux de source sans écoulement, 1l importe de dis- ünguer si elles sourdent dans le marais même, ou si, au contraire, elles sont fournies par une source placée à l'extérieur, dans une situation plus élevée. Dans le premier cas, on ouvrira, dans le sens de la pente du sol, un fossé qui traverse la partie la plus détrempée du marais ; puis on observera, sur les parois de ce fossé, les points d’où les eaux suin- tent avec le plus d'abondance. Là on creusera de nouveaux fossés que l’on poursuivra de manière à finir par mettre les sources à découvert. Ajoutant en- suile, à ces fossés, des saignées plus petites, le ter- rain sera facilement assaini. Dans le second cas, lorsque les eaux viennent de l'extérieur, 1l convient d'ouvrir d’abord, immédiate- ment au-dessus du marais, un fossé transversal pour recueillir les eaux; puis, on en ajoutera deux autres, sur les côtés, pour les éconduire. Si, malgré cela, le Lerrain à assainir conserve encore trop d'humidité, quelques fossés ouverts dans l’intérieur ne tarderont pas à procurer le résultat désiré. C'est d’après le mème procédé que l’on pourra assainir, dans les forêts assises sur des couches d’ar- 512 DES REPEUPLEMENTS gile, les parties basses, périodiquement inondées par les eaux de pluie ou de neige. | On peut aussi, dans ces sortes de terrains, lors- qu’ils manquent de pente, avoir recours aux bétoires ou puits-perdus artificiels, pourvu toutefois que la couche d'argile, sur laquelle le sol végétal repose, ne soit pas d’une grande puissances; autrement les frais de l'opération, on le conçoit, deviendraient hors de proportion avec l'utilité qu’elle doit procurer. 707. Il ne faut pas trop se hâter de repeupler les terrains qui viennent d’être assainis. I] convient, au contraire, de les laisser ressuyer et tasser complète- ment pendant une ou deux années. ARTICLE V. De la saison la plus convenable au semis. 108. Il est naturel de penser, en général, que læ saison la plus convenable au semis de nos essences forestières nous est indiquée par l'époque de la dissémination naturelle de leurs graines. C’est un principe que l’on peut admettre, sauf les cas d’excep- tion. Pour les semis de glands, de faînes et de châ- taignes, par exemple, on préfère ordinairement le printemps à l'automne, quoique ce soit dans cette dernière saison que ces fruits tombent des arbres. Les motifs de cette exception sont dans les circons- ARTIFICIELS. 013 tances particulières que les graines rencontrent dans un semis arüficiel, et qui sont toutes différentes de celles qui, d'ordinaire, se présentent dans un semis naturel. En effet dans les semis naturels, les semen- ces se répandent surabondamment et, pourvu que la moindre partie réussisse, le repeuplement se trouve complet; les arbres qui ont produit les graines, le lit de feuilles sèches, les mousses, etc., leur fournissent d’ailleurs un couvert précieux pour résister aux froids de l'hiver. Au contraire, dans les semis artificiels, il n’est pas possible de semer avec autant de profusion, et souvent même le prix de la semence oblige, sous ce rapport, à beaucoup d'économie ; en second lieu, les semis se font d'ordinaire dans des terrains entiè- rement nus ou du moins fort peu couverts; les grai- nes sont donc bien plus exposées à geler ou à se gâter ; enfin, plusieurs animaux, les sangliers et les mulots surtout, trouvant peu de nourriture pendant la mauvaise saison, se jettent quelquefois sur les se- mis artificiels et les ravagent totalement. Les graines résineuses, quelle que soit d’ailleurs l’époque de leur dissémination naturelle, doivent aussi, en général, se semer plutôt au printemps qu’en automne ; les oiseaux, principalement ceux de pas- sage, y causent souvent des dommages considérables dans cette dernière saison. Un inconvénient non moins réel, et qui existe surtout dans les climats un peu rudes, c’est que les graines semées en automne lèvent trop tôt; au retour du printemps suivant, pour 99 o14 DES REPEUPLEMENTS que les jeunes tiges, tendres et presque toujours peu abritées, ne soient pas souvent victimes des gelées tardives de cette époque de l’année. ARTICLE VI. Des quantités de semence à employer. 709. Ainsi que nous l'avons dit plus haut [695}, il est très important de connaître les quantités de semence qu'il convient d'employer dans les semis. Ces quantités dépendent de la fertilité du sol, de sa déclivité, du climat local et des dangers qui, par suite, peuvent menacer les jeunes plants dans les premières années ; mais elles varient surtout selon la grosseur de la graine, selon sa qualité et selon le mode de labour adopté. Plus la graine sera grosse, plus il en faudra, en poids ou en volume, pour ensemencer une étendue déterminée; si l’on a des doutes sur sa qualité, si les dégâts d'animaux sont à craindre ou si, en géné- ral, les circonstances sont peu propices à sa réussite, la quantité à employer dans les cas ordinaires devra être augmentée ; enfin, le labour en plein absor- bera plus de semence que le labour partiel, soit celui par bandes, soit celui par pots. Nous ferons obser- ver, toutefois, qu'avec ces deux derniers modes de labour, il est nécessaire d'employer proportionnel- lement plus de semence qu'avec le labour en plein. ARTIFICIELS. 55 On conçoit, en effet, qu’il est important, dans un emis par places, par exemple, que toutes les places oient bien peuplées ; car si quelques-unes seule- nent restaient vides, leur surface, ajoutée à celle les parties environnantes demeurées en friche, for- nerait des espaces trop considérables, pour que, de ongtemps, le massif pût se former. Aussi emploie- -on toujours, dans un semis partiel, les deux tiers peu près de la semence nécessaire pour un semis n pleim, quoique, cependant, il n’y ait à ense- nencer que le tiers ou la moitié tout au plus du ter- ain. En traitant, plus bas, du semis de chaque essence n particulier, nous indiquerons les quantités de raine que l’expérience a démontré devoir être em- loyées par hectare, selon les différents modes de bour, en supposant la graine de qualité moyenne tles circonstances extérieures ordinaires. 216 DES REPEUPLEMENTS ARTICLE NII. De la manière de semer. 710. Dans l'opération du semis proprement dit, il faut porter son attention sur deux objets prinei- paux : le premier, de répandre la graine le plus également possible ; le second, de la recouvrir con- venablement 1. 711. Lorsque le terrain à ensemencer est consi- dérable, il est bon de le diviser en parcelles d’égales contenances (de 20 ou 25 ares, par exemple), et de partager aussi la semence en un même nombre de parts égales. Sans cette précaution, 1l serait difficile de régler le travail des ouvriers semeurs, ou de le corriger à temps, s’il était fautif. Dans un semis en ‘ Lorsque la graine que l’on doit semer est vieille ou qu’elle a naturellement une enveloppe que l'humidité penètre diffci- lement, on fera bien de la mettre tremper dans de l’eau vingt- quatre heures avant de la répandre. Un procédé plus efficace, en usage chez beaucoup d'agriculteurs et qu'on a souvent imité avec succès en sylviculture, consiste à immerger la graine, pendant quarante-huit heures, dans du purin. Cette pratique, qui réussit pour les graines lourdes aussi bien que pour les légères, hâte singulièrement leur germination et permet, par suite, dans les localités où les gelées tardives sont à craindre, de retarder l’époque du semis sans risquer de différer la levée du plant jusqu’au moment des chaleurs ; il prévient aussi l’en- vahissement du semis par les herbes et autres plantes nui- sibles. ARTIFICIELS. O7 plein, les ouvriers peuvent semer à la volée, comme on sème les céréales; mais, lorsque le terrain est préparé par bandes alternes ou par pots, ils doi- vent, pour répandre la graine uniformément, im- primer au bras un mouvement de va-et-vient, et ne laisser échapper les semences, la main étant fermée, qu'entre le pouce’et l’index. Plus la semence est lé- gère, plus il faut rapprocher la main du sol. 712. Aussitôt semées, les graines doivent être re- couvertes. Cette opération se fait, dans les semis en plein, avec une herse dans laquelle, s’il y a lieu, on entrelace des branchages, afin d'empêcher qu’elle ne s'enfonce trop; pour les semences qui n'ont besoin d’être enterrées que très légèrement, on peut aussi employer un fagot d’épines ou le rouleau. Dans les semis partiels, les semences lourdes se recouvrent à la houe, et les semences légères à l’aide d’un râ- teau en bois ou en fer (voy. fig. 2), selon que le sol est plus ou moins meuble. On se trouvera bien, pour ces dernières, surtout dans les sols légers, de raffer- mir la terre avec les pieds, ce que les jardiniers ap- pellent tripler, afin de mieux unir la graine aux par- celles terreuses qui l’entourent immédiatement. Le degré d'épaisseur dont il convient de recou- vrir les graines, dépend, à la fois, de leur nature particulière et de la nature du sol. Les semences légères, ayant l’amande petite, et dont le plant, en levant, est très ténu, ne doivent être enterrées que fort peu, tandis que les fruits lourds, ou à noyau 518 DES REPEUPLEMENTS dur, ont besoin de l'être davantage, afin d'obtenir l'humidité qui leur est nécessaire pour germer. Dans un sol compacte, les graines doivent être peu cou- vertes ; au contraire, dans un sol léger, prompt à se dessécher, il faut les enterrer plus profondément. 713. Il nous reste à parler d’une manière de semer, avantageuse surtout pour exécuter des semis partiels de semences lourdes, c'est du repiquement. Cette opération consiste à ouvrir, à la houe, de petits trous assez rapprochés, dans chacun desquels on place un ou plusieurs fruits, et que l’on recouvre en- suite avec le même instrument, ou simplement avec le pied, si le sol est bien meuble. Non seulement ce procédé permet d'économiser beaucoup la semence, mais encore chaque graine se trouve, en général, mieux enterrée et plus convenablement placée pour prospérer. Dans les lieux clairiérés, dans les coupes d’ensemencement dont le sol est gazonné [482], lorsqu'il s’agit d'établir un mélange d’essences [489], le repiquement est souvent préférable à tout autre mode de semis, parce qu'il peut s’exécuter sans labour préalable. Outre la houe, on se sert encore, pour cette opé- ration, de plusieurs autres instruments. Le plantoir ordinaire peut être employé; toutefois, dans les sols argileux, il a l'inconvénient de trop tasser la terre et de mettre obstacle, par là, au développement du jeune plant. On a inventé, en Allemagne, un plan- toir qui lève cet inconvénient. Cet instrument est en ARTIFICIELS. 219 fer, rond, d’une longueur de 45 centimètres environ, pointu par le bas, large au milieu de 3 à 6 centimè- tres , selon la grosseur de la graine qu'il doit servir à repiquer , et partagé par quatre nervures saillantes, le tout surmonté d’un manche (v. fig. 4). Lorsqu'on enfonce le plantoir, on tourne et retourne le fer, ce qui émiette et divise la terre; ainsi fait, le trou se remplit en partie de cette terre émiettée et conserve précisément la profondeur convenable pour y placer une graine, telle qu’un gland, par exemple. Il est évident, comme nous venons de le dire, que ce plantoir n’est réellement avantageux que dans les terres fortes ; car, dans un sol très léger, ce n’est plus à diviser ia terre qu’il faut s’appliquer, mais bien à la raffermir. Pour obtenir ce résultat, on x construit, encore en Allemagne, un plantoir-massue (v. fig. 5). Cet instrument se compose d’un cylindre en bois de chêne de 33 centimètres environ de hau- teur sur 16 à 18 centimètres de diamètre, cerclé en fer aux deux extrémités et surmonté d’un manche. Au centre de la base inférieure est fixé un boulon de 3 à 6 centimètres de longueur, sur 2 à 4 centimètres de large. Ces dimensions varient suivant la grosseur de la graine qu’on veut repiquer; et, afin de pouvoir modifier l'instrument selon qu'il est besoin, on a des boulons de différentes grosseurs qui se vissent au bout du cylindre en chêne. Pour faire usage du plantoir-massue, on l'élève verticalement et on le laisse retomber de mème sur 520 DES REPEUPLEMENTS ARTIFICIELS. le sol. Il en résulte d'abord la cavité, formée par le boulon, dans laquelle on place la graine ; ensuite, la terre est raffermie par le poids du cylindre et tassée au point de présenter un renfoncement de plusieurs centimètres, dans lequel l'humidité s’amasse, et dont les bords abritent le plant naissant !. ‘ Cotta conseille de repiquer aussi les semences légères. 11 n'existe aucun motif raisonnable, dit-il, pour ne pas le faire, si ce n'est que le maniement des petites graines est moins aisé, et que, par conséquent, la main-d'œuvre peut revenir trop cher. Mais, comme on peut employer, à cette opération, des femmes, et même des enfants, dont les doigts sont plus déliés et dont le salaire est moindre, cette objection n’est pas fondée. CHAPITRE TROISIÈME APPLICATION DES RÈGLES GÉNÉRALES AU SEMIS DES ESSENCES LES PLUS IMPORTANTES. ARTICLE PREMIER. Semis du chêne. 714. RÉCOLTE ET CONSERVATION. — La manière de récolter les glands et de les soigner immédiate- ment après qu'ils ont été amassés, a été expliquée plus haut [693 et 694]. Nous ajouterons seulement qu'il faut éviter de faire amasser les premiers tom- bés, parce qu'ils sont ordinairement de mauvaise qualité et piqués des vers. On connaît, pour conserver les glands pendant l'hiver, différents moyens, plus ou moins applica- bles, selon les circonstances dans lesquelles on se trouve : 1° Dans un jardin, ou en tout autre lieu clos, on D22 DES REPEUPLEMENTS choisit une place bien sèche que l’on garnit d’un lit de feuilles, sèches aussi, de la hauteur de 33 centi- mètres environ. Sur ce lit de feuilles, on place les glands, par las coniques d’un mètre de haut; on les recouvre d’une couche de feuilles mortes de 33 cen- timètres d'épaisseur, puis on ajoute encore 16 centi- mètres de mousse sèche, et 16 centimètres de paille. Sur le tout on établit une couverture en paille comme celles que l’on voit sur les meules de grain ou de foin ; enfin, pour mieux garantir le sol de toute hu- midité, on ouvre un fossé circulaire autour de la place de dépôt. 2° On établit des silos ou fosses. S'ils ne doivent servir que peu de temps, on se contente d’en soutenir les parois par des pieux entre lesquels on tresse de la paille; s'ils doivent servir longtemps, on les construit en maçonnerie. Dans le fond de la fosse, on met un lit de paille, les glands y sont répandus par couches de 33 centimètres d'épaisseur, alter- nant avec des couches aussi épaisses de menue paille et de feuilles sèches. Ainsi remplie, la fosse est re- couverte de planches, par-dessus lesquelles on élève une butte de terre bien tassée, afin d'empêcher le froid et l'humidité d’y pénétrer. 3° On peut remplir de glands des tonneaux ou des caisses, qu'on perce de petits trous et qu’on plonge dans l’eau pour les y laisser jusqu’au printemps. Le séjour des glands dans l’eau les conserve et ne leur Ôte rien de leur faculté germinative. ARTIFICIELS. D23 4 On prend de grandes caisses qu’on élève sur des liteaux, dans une cave, de même qu’on place les tonneaux. On remplit ces caisses de couches alter- nes de sable et de glands. Il faut avoir soin d’em- ployer du sable de rivière bien sec et éviter surtout un sable terreux. La couche supérieure de glands, ayant toujours plus de disposition à germer, doit être recouverte de 22 à 27 centimètres de sable. Il n'est pas nécessaire de donner d’autre couverture à la caisse. Ces quatre modes de conservation du gland sont donnés par Hartig. D’après l'expérience qu'il en a faite, le premier lui paraît préférable ; nous pouvons indiquer le quatrième comme nous ayant toujours parfaitement réussi, alors même que les glands n’é- taient extraits des caisses qu’à une époque assez avancée du printemps. Le gland ne peut se conser- ver au delà du printemps. 715. EXAMEN DE LA GRAINE. — Le gland doit rem- _plhir complétement son enveloppe quand on le coupe par le milieu dans le sens de sa longueur, il doit être blanc. frais et luisant; le germe qui se trouve à la partie supérieure doit être intact. Si, au con- traire, le fruitest desséché, d’une couleur bleuâtre ou noirâtre intérieurement, s’il a une odeur de moisi, ou s’ilest piqué, sa faculté germinative est détruite. Un autre moyen de juger de la bonté des glands consiste à en jeter un nombre déterminé dans un vase rempli d'eau: ceux qui tombent au fond sont D24 DES REPEUPLEMENTS bons pour la plupart, ceux qui surnagent sont mau- vais. Enfin, on les juge aussi par le poids : un litre de glands de bonne qualité doit peser environ de 590 à 600 grammes. 716. Exécurion pu semis. — Lorsque le terrain à repeupler est en plaine, d’une nature compacte, garni seulement d’arbustes et de gazon, il convient de le préparer en y cultivant, soit des céréales, soit des pommes de terre, pendant une ou deux années selon qu'il sera plus ou moins facile de le nettoyer et de l’ameublir. Ce résultat obtenu, on donne un dernier labour à la charrue, et l’on répand les glands avec une demi-semaille de seigle, si c’est en automne, et d'avoine ou d’orge, si c’est au printemps. Le semis ne doit être recouvert que de 3 ou 4 cen- timètres au plus. La herse est l'instrument le plus convenable pour cette opération. À la récolte des céréales, il faut avoir soin de couper les chaumes à une certaine hauteur, afin de ne pas endommager les jeunes chênes. Dans les sols légers ou en pente, le labour partiel, soit par bandes, soit par places, doit être préféré, et, selonles circonstances, on répand les glands pour les recouvrir ensuite avec la houe, ou bien on les repique. Si les herbes ou les arbustes sont rares, ce dernier mode peut mème être pratiqué sans aucun labour préalable. Daus les terres légères, le gland doit être recou- vert de 5 à 6 centimètres. ARTIFICIELS. D20 Semé en automne 1, 1l lève au bout de cinq à six mois, semé au printemps, au bout de quatre à six se- maines. Cette dernière saison est toujours préférable. ainsi que nous l’avons dit plus haut [668]; mais, quand on a des semis très considérables à faire et qu’on ne peut, par divers motifs, garder jusqu’au printemps toute la quantité nécessaire de glands, 1l convient de partager l'opération entre les deux sai- sons, en prenant la précaution de semer en automne avec plus d’abondance, afin de faire la part des in- tempéries et des animaux. Quoique le jeune chêne soit d'un tempérament très robuste et ne réclame en général aucun abri [72], on se trouvera bien cependant, dans les dépar- tements de l’ouest et du midi, de lui adjoindre, dans la proportion d'un quart ou d’un cinquième, une ou plusieurs essences ayant une croissance rapide dès les premières années, telles que bouleau, pin sylvestre ou maritime, etc. ès que ces essences auront atteint les dimensions propres à faire de menus fagots, et que les chênes d’ailleurs se montreront suffisamment vigoureux, on s'empressera de débarrasser ceux-ci des essences auxiliaires, en les enlevant par forme de nettoiement. ‘ On fera bien de ne pas semer avant la mi-novembre, et plus tard dans les climats doux, afin d'empêcher la germina- tion d'automne qui rendrait le gland victime des gelées de l'hiver. 926 DES REPEUPLEMENTS Les quantités de glands à employer, par hectare, sont : Pour un semis en plein, 15 à 16 hectolitres; Pour un semis partiel, 10 à 12 id. Pour le repiquement, Da 7 id. ARTICLE II. Semis du heétre. 747. RÉCOLTE ET CONSERVATION. — La faîne se récolte et se conserve comme le gland (1). Hartig in- dique, en outre, pour la consérvation de cette se- mence, un procédé très simple et qu’il dit avoir sou- vent employé avec un entier succès. Après avoir étendu les faînes dans un endroit aéré, et les avoir journellement retournées, pour en faire évaporer toute l'humidité [694], il suffit de les entasser, à une hauteur de 33 à 66 centimètres, sur le plancher d’une chambre close et de les recou- vrir de 33 centimètres environ de paille, afin de les garantir du froid. La faîne, à moins de précautions minutieuses et impossibles à pratiquer en grand, ne peut se garder que de l'automne au printemps. 718. EXAMEN DE LA GRAINE. — La qualité de la faine s’apprécie, en général, d’après les mêmes ca- ! Cotta dit que la faîne ne se conserve pas dans l’eau. ARTIFICIELS. 52 ractères que celle du gland. On peut, en outre, en juger par le goût du fruit; il doit être agréable et rappeler celui de l’amande ou de la noisette. Une saveur rance indique la mauvaise qualité. Un litre de faînes doit peser de 405 à 425 gram- mes. 719. Exécurion pu semis. — Le tempérament très délicat du jeune hêtre rend, en général, impra- ticable le semis en plein de cette essence, sur un terrain entièrement nu. Quand bien même on mélangerait une forte quantité de céréales à la faine, on ne remédierait pas à cette difficulté, puisque l'abri est nécessaire pendant plusieurs années; aussi faut-1l, pour réussir dans une opération de ce genre préparer, quelque temps à l’avance, l’abri indispen- sable. Dans ce but, après que le terrain a été convenable- ment labouré, on le partage par bandes dont, sur deux, on en sème une d’essences ayant une végéta- tion rapide, telles que bouleaux, ormes, pins, etc. ; on peut aussi, pour plus d'économie, employer, selon le climat, le genêt ou l’ajonc. Si. l’on veut gagner du temps, il faut planter ces essences au lieu de les semer ; car ce n’est que quand elles auront atteint une certaine hauteur, qu’on pourra répandre la faîne dans les bandes intermédiaires restées vides. L’abri créé de cette manière doit être conservé au jeune hêtre jusqu’à ce qu'il en éprouve quelque gène, ou du moins jusqu’à ce qu’il soit assez fort pour résister 028 DES REPEUPLEMENTS aux influences atmosphériques; alors les essences auxiliaires pourront être extraites par forme de net- toiement. Toutefois, le mode d’opérer que nous venons d'indiquer ne saurait être suivi dans les terrains for- tement inclinés, où le défrichement total du sol pourrait amener l’éboulement des terres. Dans ce cas 1l faudrait, comme à l'ordinaire, diviser la su- perficie en bandes horizontales de 66 centimètres à 4 mètre de largeur, dont l’une resterait inculte et dont l’autre serait préparée à l’ensemencement pro- jeté. Celle-ci serait elle-même partagée en deux por- tions; dans la première, on planterait ou l’on sème- rait à l'avance, comme nous venons de l’expliquer, et l’autre, en temps opportun, recevrait la faîne. Les difficultés d'exécution dont est entouré le se- mis de la faïîne en terrain découvert, les frais qu'il entraîne et les chances défavorables auxquelles il est exposé rendent cette opération peu avantageuse, et doivent, en général, faire choisir d’autres essences pour le repeuplement des terres vagues, ou, si l’on tenait expressément au hêtre, faire préférer la plan- tation comme plus sûre [691]. C’est plus particuliè- rement dans les futaies clairiérées, dans certains taillis entièrement épuisés, ou bien dans d’autres parties totalement envahies par les bois blancs ou les morts-bois que l’on pourra semer la faîne avec suc- cès [557]. Dans de telles circonstances, le repique- ment sera surtout convenable ; on fera bien de jeter ARTIFICIELS. 029 plusieurs semences dans le même trou, parce qu'il s'en trouve souvent qui sont vames. Lorsque Îles jeunes plants de hêtre auront acquis suffisamment de force, les autres essences devront être extraites par forme de nettoiement. La faîne ne doit être recouverte que de 15 à 30 millimètres, suivant la nature plus ou moins com- pacte du sol. Il faut faire en sorte que .la terre soit bien divisée à sa surface; autrement, le jeune plant qui lève avec deux lobes séminaux très amples ne pourrait la percer. La faine, semée en novembre, lève au bout de cinq à six mois; semée au printemps, qui est la sai- son préférable, les plants lèvent au bout de trois à six semaines. Pour un semis en plein, il faut, par hectare, strron AG hr 8 à 1Quherctolitres: pour un semis partiel, de. . . 6 à 7 id. et pourle repiquement, de. . . 3 à 4 id. 720. Cotta indique, dans son traité de culture des bois, un mode particulier de semer la faîne sans donner aucun abri au jeune plant, mode qui, dit-il, lui a parfaitement réussi. Voici en quoi 1l consiste. Le terrain étant partagé par bandes alternes, on creuse, dans le milieu de la bande cultivée, une rigole de 10 à 12 centimètres de largeur, sur autant de profondeur environ; c’est dans cette rigole qu'on sème la faîne. Immédiatement après la levée des plants, on comble la rigole, en y tirant les terres 34 530 DES REPEUPLEMENTS voisines, de manière à en entourer complètement les petites tiges jusqu'aux feuilles séminales. Il pa- raît, ajoute Cotta, que c’est surtout la tige des jeunes hêtres qui souffre des influences atmosphé- riques, et, que si on la préserve d’une manière quel- conque, les jeunes plants peuvent se passer d’om- brage. L'auteur que nous citons mérite la plus grande confiance, et nous sommes d'autant plus porté à admettre le procédé qu’il recommande, que nous connaissons un fait qui en confirme entièrement l'efficacité. Dans la forêt de Compiègne, ci-devant do- maine de la Couronne, on exécute, chaque année, des plantations très considérables de différentes es- sences et entre autres de hêtre. Ordinairement, les sujets plantés proviennent de semis faits en pépi- nière et ne sont définitivement mis en place qu'après avoir subi, dans la pépinière même, une première transplantation. Maïs, pour le hêtre en particuhier, comme on connait les difficultés de le semer en ter- rain découvert, on se procure les jeunes plants, qui doivent subir cette première transplantation, dans les massifs de futaie où ils lèvent en abondance. Ce sont les plants naissants, munis encore de leurs feuilles cotylédonaires, que l’on choisit de préfé- rence ; on les extrait de terre avec un couteau, puis, dans la pépinière, on les place, à ciel ouvert, dans des rigoles semblables à celles dont parle Cotta, en ARTIFICIELS. 531 prenant aussi la précaution de les enterrer entière- ment jusqu'aux feuilles séminales. Qnand l'été est très chaud, on perd néanmoins beaucoup de ces plants; mais ceux qui résistent, et en général c’est le très grand nombre, deviennent, dès lors, suffisam- ment robustes pour supporter les intempéries de tout genre. Cette pratique du buttage des semis de hêtre en terrain découvert est aujourd'hui généralement ad- mise en Allemagne, etles meilleurs auteurs la recom- mandent, tout en reconnaissant, cependant, que la plantation reste toujours le moyen le plus sûr et le plus facile pour établir le hêtre sur un sol entière- «ment dénudé. ; ARTICLE III, Semis du châtaignier. 721. RÉCOLTE ET CONSERVATION. — Les châtaignes se récoltent et se conservent comme les glands. Le moyen de conservation qui nous a toujours le mieux réussi est la stratification dans le sable, telle que nous l'avons décrite plus haut; on peut aussi les garder assez longtemps, en les laissant dans leur enveloppe extérieure appelée communément hérisson. La châ- taigne ne se conserve que pendant un hiver. 722. EXAMEN DE LA GRAINE. — La qualité des châ- taignes se reconnaît par les mêmes caractères que 932 DES REPEUPLEMENTS celle des glands et des faînes. La châtaigne doit avoir une saveur agréable, quoique légèrement acerbe. On à prétendu que la grosseur du fruit devait être prise en considération et qu’il fallait éviter de semer de petites châtaignes, parce qu'elles produisent des plants d’une faible végétation. C’est une erreur. Quelle que soit leur grosseur, les châtaignes produi- sent de bons plants, pourvu qu'elles proviennent d'arbres bien portants, qu’elles soient saines, fermes, bien remplies, et que le germe soit intact . 723. ExécurTion pu semis. — Le châtaignier de- mande, plus que toute autre essence, un sol bien nettoyé. On doit, à cet effet, donner un labour con- venable, soit à la charrue, soit à la houe; puis dispo- ser le terrain par bandes alternes. Dans l’une, de 16 centimètres de largeur,on repique les châtaignes; dans l’autre d’une largeur d’un mètre environ, on cultive, pendant plusieurs années, des pommes de terre, des betteraves, etc., afin d'empêcher la crue des plantes nuisibles. Le repiquement des châtaignes se fait ordinaire- ment assez dru, en raison des ennemis qu’elles ont à redouter et des différentes chances auxquelles elles sont exposées [708]. Si les plants levaient trop épais en certains endroits, on aurait toujours la facilité d'en extraire une partie pour garnir les places où le semis aurait moins bien réussi. Le mode de semis dont nous venons de parler, s'emploie plus particulièrement pour élever le châ- ARTIFICIELS. Dos taignier en massif de futaie. Quand il s’agit d’un taillis, on prépare le terrain de même, mais, au lieu de semer en rigoles, on établit communément des trous ou pots peu profonds, espacés d’un mètre à un mètre et demi, dans chacun desquels on repique deux ou trois châtaignes. Comme il suffit de lais- ser, dans chaque trou, une seule tige, on dispose des plants superflus au bout de deux ans. A l’âge de cinq ou six ans, et même plus tôt, selon sa végé- tation, on recèpe le jeune plant avec soin, après avoir donné, dans l'intervalle, au moins deux cultures à la terre. On a prétendu qu'il était à propos d’abriter les jeunes châtaigniers par des bouleaux, par des saules marceaux, ou par d’autres essences d’une croissance rapide. Cette précaution est moins utile dans l'Est etle Nord de la France où le jeune châtaignier, s’il occupe les expositions qui lui conviennent, n'a pas besoin d’abri. Dans les régions plus chaudes, un tel mélange pourra être mieux à sa place. La châtaigne ne s’enterre que de 3 à 6 centimètres au plus, selon la nature du sol. Quand on la sème en automne, elle lève après cinq ou six mois; si elle n’est semée qu’au printemps, le plant paraît au bout de trois à six semaines. Cette dernière saison doit en général être préférée. Pour semer en rigoles, ainsi que nous l'avons indiqué plus haut, il ne faut que 9 ou 10 hectolitres de châtaignes, par hectare; quand on repique par 534 DES REPEUPLEMENTS pots ou trous, on conçoit que la quantité doit être de beaucoup inférieure ; 2 ou 3 hectolitres, au plus, doivent suffire. ARTICLE IV. Semis de l’orme. 724. RÉCOLTE ET CONSERVATION. — On récolte les semences d’orme en dépouillant les rameaux à la main. Aussitôt qu’elles sont cueillies, 1l est essentiel de les étendre, en couches minces, dans un lieu bien aéré et de les remuer souvent. Pour peu qu'on les laisse en tas, elles s’échauffent et perdent leur faculté germinative. En continuant à leur donner les mêmes soins, on peut rigoureusement les conserver jusqu’au printemps suivant; mais il est préférable, sous tous les rapports, de les semer immédiatement après leur maturité. 725. EXAMEN DE LA GRAINE. — La semence qui est placée au centre de la membrane doit être un peu élevée et ferme au toucher; en la coupant trans- versalement et en l’écrasant sur l’ongle, il faut qu'elle soit farineuse en même temps qu'humide; en outre, elle doit dégager une odeur fraîche, agréable et avoir une saveur oléagineuse prononcée. Un litre de semence d’orme doit peser environ 40 grammes. 726, Exécurion pu semis. — Le labour par bandes ARTIFICIELS. 535 alternes ou par trous carrés est le plus avantageux pour le semis de l’orme. Comme il est convenable de semer la graine aussitôt après sa maturité qui a lieu au commencement de juin, on fera bien de chercher à donner un premier abri aux jeunes plants, afin qu'ils résistent mieux aux chaleurs de l'été. A cet effet, si le sol est en plaine ou en pente douce, on pourra, dès le printemps, tracer les bandes desti- nées à la graine d’orme et ensemencer le reste du terrain en orge ou en avoine. De cette manière, l'abri sera assuré aux jeunes plants aussitôt qu'ils lèveront, et l’on obtiendra en même temps un produit en céré- ales, ce qui n'aurait pu avoir lieu si on ne les avait semées qu'avec la graine d’orme. Lorsque le terrain sera fortement incliné, on pourra, ou subdiviser la bande cultivée [719], ou se contenter de mélanger la graine d’orme aux céréales, sauf à faire le sacrifice de celles-c1. La semence d’orme doit être très légèrement re- couverte; elle n'a même besoin de l'être que pour empêcher le vent de la disperser. Semée aussitôt après sa maturité, elle lève au bout de quinze jours ou de trois semaines 1, et, dès l’automne, les jeunes plants atteignent une hauteur de 16 à 22 centimè- tres. 1 Quand les étés sont très chauds et secs, il arrive assez sou- vent que le semis ne lève que partiellement. Mais d'ordinaire, le succès n'est que retardé et se produit au printemps suivant, 536 DES REPEUPLEMENTS Pour effectuer un semis d’oxme en plein, il faut employer, par hectare, de 28 à 30 kilogrammes de semence; pour le semis partiel, 18 à 22 kilo- grammes peuvent suftire. ARTICLE V. Semis du frêne. 727. RÉCOLTE ET CONSERVATION. — Le meilleur moyen pour récolter la semence du frène est de la cueillir à la main; si l’on voulait employer la gaule, il faudrait choisir, pour cette opération, un temps parfaitement calme. Cette graine est sujette à se dessécher, et se con- serve, en général, assez difficilement; 1l est bon de la mélanger avec du sable et de la placer dans un endroit frais. Ce qui vaut mieux, c’est d'ouvrir, dans quelque terrain, des rigoles ou fosses de 33 à 50 centimètres de profondeur, sur une longueur et une largeur proportionnées à la quantité de graines re- cueillies, d’y jeter cette graine en amas, puis de la couvrir de 12 à 16 centimètres de terre. Comme la semence de frène ne germe que la seconde année, après avoir été mise en terre, on pourra, si l’on veut semer en automne, la laisser dans les rigoles pen- dant un an, et même jusqu’au printemps suivant, si c'est dans cette dernière saison seulement que doit s'effectuer le semis. Ce procédé à l'avantage de con- ARTIFICIELS. Het server la semence en très bon état et, de plus on sait, dès la première année, à quoi s’en tenir sur la réussite du semis. 728. EXAMEN DE LA GRAINE. — Pour juger des se- mences de frêne, on en coupe plusieurs transversa- lement. Si l'intérieur présente une substance d'un blanc bleuâtre et de la consistance de la cire, la graine est bonne ; elle est mauvaise si cette substance est entièrement desséchée. Le litre de cette semence doit peser à peu près de 170 à 180 grammes. 729. Exécurion pu semis. — Le labour par bandes alternes ou par trous carrés est, en général, le meil- leur pour les semis de frêne. Il faut faire en sorte que les jeunes plants soient un peu abrités, au moins la première année, et, dans ce but, leur ad- joindre des céréales, lorsque la nature du terrain le permet. On devra éviter de laisser prendre le des- sus à la mauvaise herbe qui fait beaucoup de tort aux jeunes frènes. Sous ce dernier rapport, il est très avantageux que la semence ait été préparée dans des fosses, parce qu'alors elle lève tout de suite, sans laisser aux plantes nuisibles le temps d’envahir le terrain. Les semences de frène ne doivent être enterrées que de 15 à 20 millimètres. Préparées comme nous venons de l'indiquer plus haut, et semées en au- tomne, elles lèvent au commencement du printemps suivant; quand elles sont semées au printemps, les 538 DES REPEUPLEMENTS plants paraissent au bout de quatre à six semaines. Les quantités de semences de frêne à employer par hectare, sont : Pour le semis en plein, de 40 à 45 kilogrammes ; et, pour le semis partiel, de 27 à 38 id. ARTICLE VI. Semis de l’érable. 730. RÉCOLTE ET CONSERVATION. — La récolte des semences d'érable a lieu comme celle des semences de frêne. Quant à la conservation, il suffit, après le avoir laissées ressuyer dans un lieu aéré, de les mettre en las dans un local clos et de les re- tourner de temps en temps; on peut aussi les mé- langer avec du sable. Traitées de la sorte, leur faculté germinalive peut se conserver jusqu’au second prin- temps, mais 1l est toujours bien préférable de les se- mer dès le premier. 131. EXAMEN DE LA GRAINE. — Pour vérifier les graines d'érable, on en ouvre plusieurs. Elles sont bonnes lorsque, sous les capsules qui les envelop- pent, on les trouve fraîches, flexibles, et d’une cou- leur verte. Ce dernier caractère seul, cependant, ne suffit pas pour décider de la qualité ; il existe sou- vent quand déjà il y a desséchement. Il faut donc qu'indépendamment de la couleur, la graine présente du moelleux et de la fraicheur. ARTIFICIELS. 239 Un litre de semence d'érable de bonne qualité doit peser de 120 à 130 grammes. 732. Exécurion pu semis. — Ce que nous avons dit, à cet égard, du semis de frêne, s’applique aussi à celui de l’érable. Le printemps est la saison la plus propice pour semer, les jeunes plants étant assez délicats et crai- gnant les gelées printanières. Pour ensemencer un hectare en plein, il est né- cessaire d'employer de 60 à 65 kilogrammnes de se- mence d'érable; et, pour un semis partiel, il en faut de 40 à 45 kilogrammes. ARTICLE VII. Semis du bouleau. 133. RÉCOLTE ET CONSERVATION. — Comme la se- mence du bouleau se dissémine très promptement, il faut saisir à point l’époque de sa maturité pour la récolter. On cueille les chatons à la main. Un procédé plus facile, mais qui ne peut s’exécuter que sur des bouleaux destinés à ètre abattus prochaine- ment, c'est de couper les rameaux qui portent la graine. Dans ce cas, iln'est pas nécessaire d'attendre l'entière maturité; en suspendant les rameaux cou- pés dans un endroit sec el aéré, la graine y achèvera de mürir. La semence de bouleau est très difficile à conser- 240 DES REPEUPLEMENTS ver, etil est à conseiller d’en faire le semis l’année même de la récolte. Néanmoins, si l’on était forcé de la garder jusqu’au printemps suivant, 1] faudrait l’étendre, en couches minces, dans un grenier, la garantir des froids de l’hiver et la remuer très sou- vent. 73%. EXAMEN DE LA GRAINE.— L'examen des graines de bouleau se fait comme celui des semences d’orme. Si l’on en ouvre quelques-unes, avec la pointe d'un canif, par exemple, la graine doit être farineuse; écrasée sur l’ongle, elle doit laisser quelques traces d’un suc laiteux. Un litre de cette graine doit peser de 90 à 400 grammes. 735. Exécurion pu semis. — Le labour partiel convient plus particulièrement pour les semis de bouleau. Ce qu’il faut éviter surtout, c’est de trop enterrer la graine. On se contentera donc, pour éta- blir les bandes ou les pots, de lever le gazon et d’ex- traire les arbustes ; 1] suffira même, si le terrain n’est pas très gazonné, de racler la surface avec les dents d’un râteau en fer (voy. fig. 2). En semant, il faut tenir la main le plus près possible de terre 1, afin d'empêcher que le vent * Une bonne précaution pour faciliter l’opération du semis de la graine de bouleau, comme de toute graine très légère en général, consiste à ne la répandre que mêlée à une certaine proportion de terre très fine. ARTIFICIELS. D41 n'emporte la graine. Le temps le plus favorable, pour cette opération, est un temps pluvieux, parce qu'a- lors on peut se dispenser d’enterrer la semence; mais si l’on sème par un temps sec, on devra faire en sorte de mêler seulement la graine à la terre, en promenant légèrement un râteau en bois dans les parties semées ou bien en les triplant [712] avec les pieds. Semée en automne qui, comme nous l'avons dit, est la saison la plus convenable, la semence de bou- leau lève dès le commencement du printemps. S1 l’on voulait faire un semis en plein, il faudrait employer, par hectare, de 36 à 40 kilogrammes de semence; pour les semis partiels, 1l suffira de 24 à 30 kilogrammes. En général, la graine de bouleau ne doit pas être épargnée, parce qu'elle est rarement de très bonne qualité. ARTICLE VIlIl. Semis du robinier faux acacia. 736. RÉCOLTE ET coNSERvATION. — Les gousses du robinier se cueillent à la main. Étendues sur un gre- nier, elles s'ouvrent d’elles-mêmes pendant l'hiver ; il suffit ensuite de les remuer légèrement avec un râteau pour détacher les semences [179]. On sépare les graines des gousses, à l’aide du crible. Cette semence peut se garder deux et même trois 04? DES REPEUPLEMENTS ans; on la conserve en tas, dans des greniers, en ayant soin d’aérer de temps à autre. 737. EXAMEN DE LA GRAINE. — La graine du robi- nier doit être brun foncé ; l’intérieur doit être blanc, farineux et frais. 738. Exécurion pu semis. — Le semis partiel mérite la préférence. Un sol bien nettoyé favorise la végétation des jeunes plants. Il convient de recouvrir la semence de 5 à 10 mil- limètres; et comme le plant, au moment de sa nais- sance, redoute les froids, on fera bien, quand ce sera possible, de garnir le sol d’une couche de mousse ou de feuilles mortes. Cette susceptibilité du jeune plant doit faire pré- férer le printemps pour le semis du robinier. Mise en terre dans cette saison, la graine lève après trois ou quatre semaines; semée en automne, au con- traire, le plant ne paraît qu’au bout de cinq ou six mois. Quatorze à seize kilogrammes de semence de ro- binier sont nécessaires, par hectare, pour un semis par bandes ou par pots; si l’on voulait semer en plein, il faudrait employer, de 20 à 25 kilogrammes. ARTIFICIELS. D43 ARTICLE IX. Semis du charme. 7139. RÉCOLTE ET CONSERVATION. — Les semences de charme se cueillent à la main; on peut aussi, mais seulement par un temps très calme, faire gau- ler les arbres en tendant des toiles pour recevoir la graine. Les moyens de conservation sont abso- lument les mêmes que ceux que nous avons indi- qués pour la semence de frène [727]; comme celle-ci la graine de charme se conserve difficilement, et, mise en terre, elle ne germe que la seconde année. 740. EXAMEN DE EA GRAINE. — En ouvrant la graine de charme, on doit la trouver blanche et fraîche ; l’amande doit remplir complétement le noyau qui lui sert d’enveloppe. Un litre de se- mence ailée doit peser de 50 à 60 grammes; si la semence est désailée, la mème capacité pèsera de 410 à 420 grammes. 141. ExécurTion pu semis. — Ce qui a été dit pour l’exécution du semis de frêne [729] s’applique entièrement au semis de charme; seulement, la graine de cette dernière essence pourra, dans les sols légers, être enterrée jusqu'à 3 centimètres de profondeur. 944 DES REPEUPLEMENTS Les quäntités de semence de charme à employer par hectare sont : LA Semence ailée, pour un semis en plein, 50 à 55 kilogrammes ; pour un semis partiel, 33 à 38 id. Semence désailée, pour un semis en plein, 45 à 50 kilogrammes ; pour un semis partiel, 30 à 33 id. ARTICLE X. Semis de l’alisier, du sorbier et du micocoulier. 742. Ces essences ne sont pas ordinairement cul- tivées en grand; mais il est intéressant d’en faire des semis en pépinière, pour les répandre ensuite, par la plantation, dans les forêts. Les fruits se cueillent à l’arrière-saison; on les sème en rigoles, en évitant de trop les rapprocher, et on les recouvre de bonne terre bien émiettée. Les semences de sorbier demandent à être enterrées de 6 à 8 millimètres seulement; celles de micocou- lier de 40 à 15 millimètres, et les alises de 3 à 4 centimètres. Ces deux dernières graines ne lèvent, en général, que le second printemps après avoir été semées à moins que, par des arrosements fréquents, on ne hâte leur germination. Le micocoulier, ainsi que nous l’avons dit plus ARTIFICIELS. 545 haut [215], redoute les froids dans ses premières années et, dans le Nord et dans l'Est de la France, a besoin d'être recouvert de paille, de feuilles mortes ou de mousse pendant l'hiver. Lorsque les plants de ces trois essences ont deux ans à peu près, on leur fait subir une première transplantation en pépinière, afin de favoriser le développement des racines; à cet effet, on les espace de 22 à 33 centimètres. Parvenus à 66 centimètres ou à 1 mètre de haut, on les plante dans les lieux auxquels on les destine. ARTICLE XI. Semis de l’aune. 743. RÉCOLTE ET CONSERVATION. — On cueille les petits cônes à la main, dès qu'ils commencent à bru- nir; il faut se hâter, car la semence se dissémine très promptement. Cette récolte peut aussi se faire, comme celle des semences de bouleau [733], en coupant les branches qui portent graine sur les ar- bres destinés à être prochainement abattus; nous avons indiqué les avantages de ce procédé. Pour obtenir la graine, il suffit d'étendre les cônes sur un plancher bien aéré et de les remuer sou- _vent; les écailles s’entr'ouvrent peu à peu et la se- mence s'échappe. Mais si l’on voulait semer dès 9% 29 46 DES REPEUPLEMENTS l'automne, il faudrait exposer les cônes à une chaleur tempérée, afin de les faire ouvrir plus vite. Pour séparer la graine des cônes, on se sert du crible. La semence d’aune ne se conserve que de l’au- tomne au printemps. On la met ordinairement en {as sur un grenier; on peut aussi la plonger dans l’eau. 744. EXAMEN DE LA GRAINE. — La semence d’aune doit présenter à peu près les mêmes caractères que celle d’orme ou de bouleau. Ouverte et écrasée sur l’ongle, l’'amande doit être farineuse, légèrement humide, et dégager une odeur fraiche et agréable. La couleur de la graine est brun-marron. Un litre de cette semence, lorsqu'elle est de bonne qualité, pèse de 320 à 340 grammes. 145. Exécuriox pu semis. — Les sols humides, aquatiques, où même marécageux, dans lesquels l’aune prospère plus particulièrement, offrent des difficultés pour le semis. La grande quantité d'herbes dans les premiers, une crue d’eau dans les autres, s'opposent souvent, soit à la germination de la graine, soit au développement du jeune plant. Aussi a-t-on plus généralement recours à la plantation pour établir une aunaie [691]. Cependant, comme les inconvénients que nous venons de signaler ne se présentent pas toujours, on pourra aussi, dans cer- tains cas, employer la voie du semis. Le labour en plein pourra être pratiqué, lorsque le sol le permettra et qu’on n'aura pas besoin ARTIFICIELS. 547 d’épargner la graine; toutefois, le labour partiel est généralement préférable. La principale précau- tion à prendre, pour préparer le terrain, consiste à le remuer le moins possible, tout en le débarrassant de la mauvaise herbe. Souvent il sera très avanta- geux d’écobuer, et, dès lors, il suffira de gratter la terre, soit à la herse, si l’on veut semer en plein, soit avec le râteau en fer, s'il s’agit de cultiver par bandes ou par pots. Dans certains terrains, on pourra même se contenter d'introduire des bêtes à cornes ou des moutons. [Il n'est pasrare en effet de voir, dans les prairies, des semis naturels d’aune très bien réussis dans les pas des bestiaux ou dans les rigoles d'irrigation. La semence ne doit, pour ainsi dire, pas être en- terrée. Dans les semis en plein, on pourra se conten- ter de passer le rouleau pour la raffermir contre la terre, à moins qu'on ne redoute les dégâts des oiseaux, auquel cas il faudrait employer le fagot d’épines. Dans les semis partiels, on se servira, le plus légèrement possible, du râteau de bois. Semée en automne, qui est la saison la plus favorable, la graine lève au mois d'avril suivant; semée au prin- temps, elle produit des plants au bout de cinq ou six semaines. Pour un semis en plein, il faut, par hectare, de 10 à 12 kilogrammes de semences d’aune; pour le semis partiel, 6 à 8 kilogrammes suffisent. ER DES REPEUPLEMENTS ARTICLE: XII. Semis du sapin. 146. RÉCOLTE ET CONSERVATION. — On cueille les cônes à la main, dès la fin de septembre ou au com- mencement d'octobre. Il suffit de les étendre sur un renier et de les remuer de temps en temps au rà- teau, pour faire tomber les écailles et les graines ; on sépare ensuite les unes des autres au moyen du crible. Si l’on veut dépouiller la semence de laile dont elle est garnie, 1l faut la frotter entre les mains ou dans un sac rempli au quart seulement. Quoi qu’on fasse, on ne pourra que briser une partie de l’aile; il est impossible de l'enlever entièrement parce qu'elle est très adhérente. La graine de sapin ne se conserve guère au delà de 18 mois; si donc on ne l’emploie pas au prin- temps qui suit sa maturité, 1l faut, au plus tard, la semer un an après. Le meilleur moyen de conserva- tion est de la mettre en lieu sec, à l'abri du froid, et de l’entasser le moins possible. D'abord il faut avoir soin de la retourner souvent, et ensuite seulement de temps à autre, jusqu’au moment de l’employer. 747. EXAMEN DE LA GRAINE. — En ouvrant les graines du sapin, on doit les trouver pleines, ARTIFICIELS. 249 fraiches et d’une couleur blanchâtre ; elles doivent dégager une odeur prononcée de térébenthine, et le germe doit être vert. La couleur extérieure est brune. Un litre de cette semence, munie de son aile, pèse ordinairement de 200 à 215 grammes; lorsque la graine est désailée, le poids de la même capacité est de 265 à 275 grammes. 748. ExÉCUTION pu sEMiIs. — Tout ce que nous avons dit plus haut [719] sur les procédés à em- ployer pour semer le hêtre, et sur les difficultés que celte opération présente, s'applique entièrement au semis du sapin, à cause de l’extrème délicatesse du jeune plant. Le mode indiqué par Cotta, pour semer le hêtre sans abri [720], n’a encore réussi qu’en petit pour le sapin, et la plantation ne peut guère suppléer au semis, Car cette essence résineuse, surtout en terrain découvert et aux expositions chaudes, est d’une reprise fort difficile. C’est principalement pour remettre en état des parties de forêts ruinées, cou- vertes de bois blancs, de morts-bois ou de broussailles quelconques, que l’on peut employer le semis du sa- pin (1). Comme le hêtre, dans ce cas, on sèmera le ! Toutes les fois qu'on pourra abriter les semis de sapin, de manière à préserver les jeunes plants des gelées tardives du printemps, on fera bien de répandre la graine dans l'automne même de sa maturité. Il est certain qu'une quantité notable de semences, quelques précautions que l’on prenne pour les con- server, perd sa faculté germinative dès le premier hiver. 990 DES REPEUPLEMENTS sapin par places, à l'ombre de ces broussailles ; ou même on repiquera la graine, si elle estrare, mais en ayant soin de ne remuer la terre que le moins possible (2). La semence doit être recouverte, avec le râteau, à une épaisseur de 6 à 9 millimètres. Ilest difficile d'indiquer la quantité de semence nécessaire, par hectare, pour un semis fait de la sorte. En général, il faut semer abondamment, car la graine n'est pas toujours de très bonne qualité, sur- tout lorsqu'elle à été conservée pendant quelque temps; et d’ailleurs les jeunes plants, fort délicats, ont bien des chances à courir. Pour un semis par bandes où par pots, on peut employer de 40 à 45 kilogrammes de semence ailée, et de 36 à 40 kilo- grammes de semence désailée, par hectare. Ordinairement on sème depuis la fin de l'hiver Jusque vers la fin du mois de mai, selon que les ge- lées printanières sont plus ou moins à craindre. Dans ce cas, les jeunes plants paraissent au bout de quatre à six semaines. 2: Pour repiquer des graines légères, telles que celles du sapin, ou pour les semer, par places, sous des bois blancs ou sous des broussailles, l'instrument le plus commode est la howe-râteau dont nous donnons le dessin à la fin du volume (voy. fig. 3). Les dimensions à lui donner peuvent varier selon la nature des terrains dans lesquels elle doit fonctionner. ARTIFICIELS. 201 ARTICLE XIII. Semis de l’épicéa. 749. RÉGOLTE ET CONSERVATION. — La récolte des cônes d’épicéa peut avoir lieu depuis le mois de no- vembre jusqu'au mois de mars. Quand on doit faire de grands approvisionnements, 1l faut s’y prendre aussitôt après la maturité [287]; dans le cas con- traire, il est préférable de ne cueillir les cônes qu'a- près les froids, parce que plus on rapproche cette opération de l’époque de la dissémination naturelle, plus on extrait ensuite la graine avec facilité. L’extraction des graines à lieu, soit à l’aide de la chaleur artificielle d’un fourneau, soit à l’aide de la chaleur du soleil. Quoique ce dernier moyen mérite d’être préféré, en ce sens qu’on en obtient générale- ment des graines d’une qualité supérieure, le premier est cependant le plus employé, parce qu'il est beau- coup plus expéditif, et qu'il permet mieux de pour- voir à des approvisionnements considérables. Hartg décrit les appareils à établir pour l’un et l’autre mode ; nous donnons ci-après ces descriptions telles qu’elles sont traduites dans le Dictionnaire des Forêts de Baudrillart : « 1° On se sert d’une chambre dans la partie in- » _férieure d’un bâtiment en maçonnerie; s’il est pos- 2 002 DES REPENPLEMENTS » sible, on place dans cette chambre un ou plu- » sieurs poêles pourvus de grils, afin de pouvoir » les échauffer avec les cônes vides ; ou bien on y » établit circulairement des canaux de chaleur, » comme dans une serre chaude, afin que le local » puisse être échauffé dans toutes ses parties à un » assez haut degré de température. Dans cette étuve, » on fait construire, contre les murs et dans le mi- » lieu de la pièce, des échafaudages sur lesquels on » puisse placer des claies en bois ou en fil de fer de » 1 mètre 66 centimètres à 2 mètres de longueur sur » 82 centimètres de largeur, et formant des étages de » 16 centimètres environ d'intervalle. Sous la der- » nmière rangée de claies, on fait pratiquer des tiroirs » pour recevoir la graine. Ces premières disposi- » tions prises, on charge les claies de cônes et on » chauffe l’étuve de manière qu'un homme en puisse » difficilement supporter la chaleur (20 à 25 de- » grés Réaumur) !; on entretient cette température » jusqu’à ce que les cônes se soient ouverts. Alors » on les remue fortement sur toutes les claies, en » commençant par les étages supérieurs, de manière » que les semences tombent d'élage en élage, jus- » qu'aux tiroirs placés sous les claies inférieures ?. » Lorsque tous les cônes sont ouverts aussi com- " Cotta dit que la température peut s'élever jusqu'à 30 et même 35° Réaumur, sans que la faculté germinative de la graine ait à en souffrir. ? Pour plus de facilité on a rendu les claies mobiles, en les ARTIFICIELS. 5 plètement que possible, on les retire et l'on cher- che à obtenir encore la semence qui a pu y rester. A cet effet, on les place dans un vaisseau dont la disposition est semblable à celle d’une baratte à battre le beurre. Dans ce vaisseau, qui doit avoir le fond à claire-voie serrée, afin que les semences seules puissent y passer et être reçues dans un vase placé au-dessous, on agite fortement les cônes jusqu’à ce qu'ils soient totalement dépouillés de graines. On peut alors employer les cônes à chauf- fer les fourneaux. » 2° Pour employer la chaleur du soleil, on éta- blit des échafaudages contre le mur d'un bâtiment exposé au midi. On y place des claies à une telle distance les unes des autres, que le soleil puisse donner sur les rangées les plus reculées et sur les inférieures. Sous la dernière claie se trouve un tiroir dont le fond est en toile grossière, afin que, si la pluie vient à y tomber, elle la traverse faci- lement et que les graines puissent sécher. L'appa- reil entier est recouvert d’un petit toit dont la pente est dirigée vers le Nord. » Lorsqu'il fait un beau soleil et une chaleur forte on remue les cônes en commençant par les claies des élages supérieurs et en continuant jusqu’en faisant glisser sur roulettes dans deux coulisses. De cette ma- nière, en poussant et en tirant la claie, on agite aisément tous les cônes qui s’y trouvent. 994 DES REPEUPLEMENTS » bas ; on rassemble alors les graines tombées dans » le tiroir. Enfin, quand on Juge que les cônes se » sont ouverts autant que possible, on les enlève, et » on les place dans l'espèce de baratte dont nous » avons parlé, pour en tirer les semences qui pour- » ralent y être restées. » L'appareil décrit en dernier lieu a été perfectionné en disposant sur chaque claie un couvercle mobile, qu’on ferme pendant la nuit et quand il pleut, et que l’on ouvre lorsqu'il fait beau, plus ou moins, suivant la hauteur du soleil. Afin que ce couvercle renvoie mieux les rayons calorifiques sur les cônes, on en peint la face inférieure d'une couleur blanche avec vernis. L'extraction des semences par la chaleur artifi- cielle a lieu encore, d’après un autre système, dans les bâtiments construits exclusivement pour cet objet. On trouvera la description d’un établissement de ce genre, avec des détails intéressants sur les manipulations auxquelles donnent lieu l’extraction, le désailement et la conservation des graines rési- neuses, dans les Annales forestières, tome IT, année 1843, page 505. Nous renvoyons le lecteur à cel article qui est de feu M. Rich, gérant de la sécherie de graines forestières que l'Administration des forêts avait établie à Haguenau (Bas-Rhin). Lorsqu'on veut désailer les graines d’épicéa, on les humecte, et, après les avoir mises dans un sac qu'on ne remplit qu'au quart, on les frotte fortement — ps) (e) ARTIFICIELS. jusqu'à ce que les ailes s’en détachent !. Ensuite, après les avoir étendues dans un lieu très aéré, afin de hâter la dessiccation, on les nettoie entièrement au moyen du van. Le désailement de la graine est avantageux parce que le transport est rendu plus facile, par la dimi- nution du volume et du poids, en second lieu la semence désailée se sème et se recouvre mieux, et l’on ne risque pas autant de la voir dispersée par les vents. Mais, en général, les graines qui ont subi cette opération, surtout quand on se les procure par le commerce, se conservent moins bien que celles qui sont munies de leurs ailes. Dans les: établisse- ments (principalement dans ceux d'Allemagne) où 1l se prépare de grandes quantités de semence pour la vente, on met quelquefois la graine en tas, après l'avoir bien humectée, et on la laisse ainsi jusqu’à ce que, en y enfonçant la main, on sente une légère chaleur; c’est alors que les ailes s’en détachent avec le plus de facilité. On conçoit aisément.qu'un tel procédé prédispose les graines à la germination, et que, si le semis est retardé, 1l puisse s’en trouver un grand nombre qui ont perdu leur faculté germi- native. La graine d’épicéa peut, rigoureusement, se con- ‘ On peut éviter d’humecter la graine (ce qui vaut toujours mieux) en étendant les sacs, remplis comme il est dit, sur l’aire d’une grange et les frappant avec des fléaux à battre le grain. 996 DES REPEUPLEMENTS server trois ou quatre ans, en lui donnant les mêmes soins qu’à celle du sapin. 750. EXAMEN DE LA GRAINE. — La graine d’épicéa de bonne qualité, comme celle de sapin, est ferme et bien remplie ; son odeur, en l’ouvrant, est fraîche, résineuse, et, écrasée sur l’ongle, cette graine y laisse une substance grasse, d’une apparence oléagi- neuse. La couleur de cette graine est brun rou- geâtre. Un litre de semence ailée d’épicéa doit peser de 125 à 140 grammes; désailée, cette graine pèse, par litre, de 400 à 430 grammes. 751. Exécurion pu semis. — Le labour par bandes alternes ou par pots convient, en général, au se- mis d'épicéa comme au semis de sapin. Quoique le jeune plant ne soit pas aussi délicat que celui de cette dernière essence, 1l a besoin, cependant, sur- tout aux expositions chaudes, de quelque ombrage ; le couvert au contraire lui est tfès défavorable. Quand le terrain se trouvera garni de myrtilles, de bruyères, etc., il suffira de les conserver dans les bandes ou dans les places qu’on laisse en friche; dans le cas contraire, c’est-à-dire, si le terrain était entièrement nu, 1l faudrait mêler une demi-semaille d'avoine ou d'orge à la graine. Le jeune plant, restant très petit les premières années, a souvent beaucoup à souffrir des herbes qui envahissent les semis. Quand on aura à com- battre cet inconvénient, on devra d’abord aug- nn ARTIFICIELS. D) { menter la largeur des bandes ou des pots et ensuite faire enlever les herbes avant l’automne, soit en les arrachant, soit en les fauchant, toutes les fois qu’on le pourra sans trop de frais. Parfois la conservation du semis est à ce prix. La graine n’a besoin d'être enterrée que de # à 6 millimètres; on peut même se contenter de la mêler à la terre avec un râteau en bois. Semée au prin- temps, qui est la saison préférable, elle lève au bout de cinq ou six semaines. Pour le semis partiel, 13 à 15 kilogrammes de se- mences ailées, et 10 à 12 kilogrammes de semences désailées, suffiront par hectare. Pour un semis en plein, il faudrait ajouter moitié en sus. ARTICLE XIV. Semis du pin sylvestre. 152. RÉCOLTE ET CONSERVATION. — Ce qui a été dit de la récolte des cônes d’épicéa s'applique entière- ment à la récolte des cônes de pin sylvestre. L’extraction des semences se fait à l’aide des ap- pareils qui ont été décrits dans l’article précédent; mais, ainsi que nous l'avons dit plus haut, on a aussi construit des bâtiments exclusivement destinés à cet objet, auxquels on a donné le nom de sécheries de graines forestières. L'administration des forêts pos- DDS DES REPEUPLEMENTS sèdait, dans la forêt de Haguenau (Bas-Rhin), un éta- blissement de ce genre qui lui fournissait tous les ans des semences de pin en quantités considérables. On se sert plus particulièrement, pour la prépara- tion des graines de pin sylvestre, des sécheries par la chaleur arlficielle dont nous avons parlé plus haut, en renvoyant, pour la description de ces éta- blissements, aux Amales forestières. Nous renouve- lons ici ce même renvoi. Le désailement de la graine de pin a lieu comme nous l'avons expliqué pour la graine d’épicéa. La semence de pin sylvestre peut aussi se con- server pendant trois ou quatre ans; mais, dans ce cas, il ne faut pas la désailer. Elle se conserverait encore plus sûrement si on la laissait enfermée dans les cônes, et sion ne récoltait ceux-ci qu’à la fin de l'hiver. 753. EXAMEN DE LA GRAINE. — Les caractères qui indiquent la bonne qualité des semences sont abso- lument les mêmes pour le pin sylvestre que pour l’épicéa, avec cette différence, que les semences de pin sont noires ou blanches ; parmi ces dernières il s’en trouve un plus grand nombre de vaines que parmi les autres. On fera donc bien, lorsqu'on achetera des graines, et que les blanches seront en majorité, de les éprouver avec d'autant plus de soin. La semence de pin sylvestre doit peser, par litre, de 120 à 140 grammes, si elle est ailée; et de 440 à 900 grammes, si elle est dépouillée de ses ailes. ARTIFICIELS. : D99 154. Exécution pu semis. — Le labour à donner au terrain pour le semis du pin sylvestre est le même que celui qui convient pour le semis de l’épicéa, sauf qu'il n'est pas nécessaire de ménager autant l'abri. Dans les pentes méridionales couvertes de bruyères, où souvent on sème le pin, ilest essentiel de prendre une précaution particulière, en préparant le sol; c'est de creuser les bandes ou les trous jus- qu’à la couche de terre inférieure au terrain noir qui se trouve à la surface, et que l’on nomme communé- mentterre de bruyère. En répandant la graine dans ce lerreau sans aucune consistance, impropre à re- tenir l'humidité, et qui, par sa couleur, s'échauffe à un haut degré, les semis manquent presque toujours. Souvent d’ailleurs la terre de bruyère contient un principe acide qui fait avorter complétement la ger- mination *. Comme les graines de l’épicéa, celles du pin sylves- tre ne doivent être recouvertes que de #4 à 6 millimè- tres ; 1l suffit même de les mêler à la terre à l’aide du ‘ Ce principe est l'acide acétique. On a proposé, pour le neu- traliser, d'employer l’écobuage qui par les cendres qu'il pro- duit, atteindrait ce but. Ce procédé peut être suffisant pour certaines plantes qui exigent peu d'humidité et pour la culture desquelles on retourne entièrement la terre, de manière à mêler la couche de terreau à l'élément minéralogique du sol. Mais, pour les semis d’essences forestières, il ne saurait en être de même ; car, tout en enlevant au terreau un principe nuisible, les cendres ajouteraient d’ailleurs à son trop de légè- relé et à son défaut d'hygroscopicité [702]. 260 DES REPEUPLEMENTS râteau. Ordinairement les jeunes plants paraissent au bout de quatre à six semaines, lorsque le semis a été fait au printemps, ainsi que cela est à conseil- ler; mais souvent aussi, quand les graines ont été trop recouvertes ou trop échauffées dans l'extraction, elles ne germent que la seconde année. Dans quelques parties de l'Allemagne, où les se- mences de pin sont très abondantes, on est dans l'usage de semer tout simplement les cônes dans les bandes ou dans les trous préparés à cet effet; puis, dès qu’au printemps la chaleur commence à agir sur les écailles, on remue fortement les cônes avec un râteau afin d’en faire tomber les graines et de dis- tribuer celles-ci le plus également possible. Ce pro- cédé a d’abord l’avantage d'économiser .les frais d'extraction et de désailement des semences; en se- cond lieu, celles-e1 sont généralement de meilleure qualité ; et enfin, les cônes qui recouvrent le sol peuvent donner quelque abri aux plants naïssants. Mais, d’un autre côté, on perdune partie des graines, parce qu’on ne réussit jamais à les faire sortir toutes des cônes ; elles ne sont pas aussi également répar- ties sur le terrain, et, pour le transport, les cônes sont plus encombrants. Les quantités de semences de pin sylvestre à em- ployer, par hectare, pour un semis partiel sont : Semences ailées. . . : 12 à 14 kilog. Semences désailées. 9 à 11 id. Cônes. . . ." Min tn 48t8180ifhectohires: ARTIFICIELS. 561 ARTICLE XV. Semis du pin maritime. 155. RécoLre ET coNsErvaTION. — Ce que nous avons dit, sous ce rapport, de l’épicéa et surtout du pin sylvestre, s'applique entièrement au pin mari- time. 756. EXAMEN DE LA GRAINE. — La graine de ce pin est beaucoup plus grosse que celle du précédent; sa couleur est gris ou brun mat sur une face, et d’un noir luisant sur l’autre; elle doit d’ailleurs présen- ter les mêmes caractères que la graine du pin syl- vestre. 157. Exécurion pu semis. — Les différents modes de labour que nous connaissons sont tous applicables au pin maritime. On se sert assez généralement de la charrue pour la façon à donner à la terre, et de la herse pour recouvrir le semis. — La graine, d’ail- leurs, étant plus grosse, a besoin d’être enterrée davantage. La quantité de semences à employer par hectare varie. — En Sologne, par exemple (voir le rapport déjà cité de M. À. Brongniart), on emploie pour un semis en plein, depuis 10 jusqu’à 30 kil., sans doute, selon la qualité de la graine et aussi selon quel’on a en vue la création d’un bois plus ou moins touffu. Nous 36 62 DES REPEUPLEMENTS pensons que 15 à 18 kil. de semences ailées et 12 à 44 kil. de semences désuilées doivent suffire, attendu que la graine du pin maritime est généralement de très bonne qualité. Pour les semis partiels, 1l y aurait lieu de diminuer ces quantités d’un tiers. La culture du pin maritime a pris, dans plusieurs contrées de l’ouest et du centre de la France (notam- ment dans le Maine et la Sologne), une très grande extension, par suite des produits particuliers que fournit cet arbre [319]. Mais c’est sur les bords de l'Océan et surtout dans les Landes et dans la Gironde qu’elle acquiert une importance de premier ordre. On sait que, dans ces départements, s'étend sur le lit- toral depuis l'embouchure de la Gironde jusqu’à celle de l'Adour, une région, appelée les dunes du golfe de Gascogne, qui occupe un espace d'environ 240 kil. de longueur sur une largeur moyenne de 5 kilom. Le sol de cette région, exclusivement composé d’un sable quartzeux très ténu que les marées de l'Océan dé- posent sur la plage devient tellement mobile, dès qu'il se dessèche, que les vents le soulèvent et l’em- portent au loin. Le plus léger obstacle, tel qu’un petit accident de terrain, un arbre, quelques touffes de genêt ou de gourbet {arundo arenaria), suffit sou- vent pour arrêter les sables dans leur marche; ils s'accumulent alors d'autant plus vite et forment des amas d'autant plus forts que les dépôts laissés par les lames sont plus considérables, et que les vents soufflent plus longtemps dans la même direction. ARTIFICIELS. »63 Telle est la formation des dunes, dont la hauteur et la forme diffèrent nécessairement en raison des con- ditions sous lesquelles elles se sont élevées; on en rencontre qui ont de 20 à 50 et même jusqu’à 100 mètres de haut. C'est par un système mixte de travaux de clayon- nage et de reboisement en pin maritime que l’on est parvenu à arrêter, partout à peu près, la marche des sables qui menaçait les communes voisines et leur territoire, et c’est une des gloires du corps des ponts et chaussées à qui le Gouvernement a confié au début cette grande œuvre dont le service forestier est aujourd'hui chargé, d’avoir pu presque l’achever et d’avoir successivement amélioré et tellement sim- plifié les procédés employés, qu'ils sont aujourd'hui à la portée de toutes les personnes qui peuvent avoir à s'occuper du boisement des sables mouvants. Mais si intéressante que soit pour le forestier, comme pour l'ingénieur, l'étude approfondie de ces procédés, nous sorlirions du cadre que nous nous sommes tracé pour la rédaction de ce cours, si nous entreprenions de les exposer ici en détail. Nous renvoyons donc le lecteur, curieux d'étudier cette question, aux principaux écrits où elle est traitée, SaVOIr : A. Mémoire sur les dunes, par Brémontier, inspec- teur général des ponts et chaussées (réimprimé dans les Annales des ponts et chaussées, année 1833, page 145). 364 DES REPEUPLEMENTS 2. Notice sur la fixation des dunes, par M. Lefort, ingénieur des ponts et chaussées (Annales des ponts et chaussées, année 1831, page 320). 3. Mémoire sur les dunes du golfe de Gascogne, par M. Laval, ingénieur en chef, directeur des ponts et chaussées (Annales des ponts et chaussées, année 1847, page 218) !. Notice sur le pin maritime, par M. Lorentz, admi- nistrateur des forêts (Annales forestières, année 1842, page 57). 5. La dune littorale, par M. de Vasselot de Régné (Revue des eaux et forêts, année 1875). CS AR ITT CAE MXN Semis du pin laricio et du pin d'Alep. 158. RÉCOLTE ET CONSERVATION. — Les règles don- nées dans les deux précédents articles, concernant ! Ce mémoire fort remarquable, quoique moins étendu que celui de l'illustre Brémontier, fait parfaitement connaître la formation des dunes et les procédés employés pour les fixer, d’après les perfectionnements les plus récents. Si nous passons sous silence le semis des pins à crochets et d'Autriche, ce n’est pas (ainsi qu’on a pu s’en convaincre par la description que nous avons donnée de ces deux arbres) que nous en méconnaissions l'importance, mais bien parce que nous ne possédons aucune donnée certaine sur les particula- rités que pourrait présenter l’opération. Il est très probable, ARTIFICIELS. 069 ce double objet, sont applicables aux deux pins dont il s’agit. 199. EXAMEN DE LA GRAINE. — Les graines du la- ricio et celles du pin d'Alep sont à peu près d’égale grosseur et tiennent le milieu, sous ce rapport, entre les graines du pin maritime et celles du pin sylvestre. Les premières ont une couleur jaune terne et les secondes sont d’une nuance brun foncé. — Ces semences doivent présenter les mêmes carac- tères que les précédentes. 760. Exécurion pu semis. — Les procédés de semis de ces deux essences sont les mêmes que ceux que nous avons indiqués pour l’épicéa et le pin sylvestre, sauf à enterrer la graine un peu plus, attendu sa grosseur. — La quantité de semence à employer par hectare ne nous est pas positivement connue par l'expérience; mais on peut à cet égard juger par analogie et en tenant compte de la qualité de la graine. Il est probable que pour un semis partiel, il suffi- rait d'employer : Semences ailéés. . . . 14% à 16 kilog. Semences désalées. . 11 à 13 id. au surplus, que ce que nous avons dit au sujet du semis du pin sylvestre pourra s'appliquer, d'une manière générale, au semis des deux essences dont il s’agit. 266 DES REPEUPLEMENTS ARTICLE XVII. Semis du pin pinier et du pin cembro. 161. RécorrE Er CONSERVATION. — Les cônes de ces deux pins se cueillent à la main ". Pour les faire ouvrir, il suffit de les exposer au soleil ou de les placer dans un appartement tempéré; les aman- des s’en échappent facilement. La faculté germinative de ces graines ne se con- serve guère que de l'automne au printemps; elles nt très exposées à rancir. On peut les étendre, comme les autres graines résineuses, sur des plan- chers secs et aérés. Si l’on voulait les garder pen- dant plusieurs années, il faudrait les laisser renfer- mées dans les cônes et, pour cela, garantir ceux-ci de la chaleur. 762. EXAMEN DE LA GRAINE. — En cassant le noyau de ces graines on doit le trouver plein; l’amande doit être blanche, d'un goût et d’une odeur agréables. Si elle sent le rance, la graine est gâtée. Un litre de semence de cembro pèse de 380 à 400 grammes. ‘ Dans les Alpes, on tend quelquefois des toiles sous les pins cembres pour profiter de la dissémination naturelle ; ces toiles demeurent à terre pendant tout l'automne et jusqu'à l'entrée de l'hiver, car la dissémination se fait très lentement. ARTIFICIELS. 207 163. ExÉcurION. pu semis. — Le pin pinier et le pin cembro sont trop rares pour en faire des semis en grand. Ordinairement on repique les amandes en pépinière ou en pots, dans une terre de bonne qua- hté; on les recouvre de 9 à 13 millimètres et on les arrose souvent. Lorsque les plants ont un ou deux ans, on les transplante une première fois, et ce n’est que trois ou quatre ans plus tard qu’on les met défi- nitivement en place. | Quand le repiquement de la graine se fait en au- tomne, les plants paraissent au printemps ; lorsqu'on sème dans cette dernière saison, ils lèvent au bout de cinq ou six semaines. Souvent, néanmoins, les amandes ne germent que la seconde année. ARTICLE XVIII, Semis du pin du lord Weymouth. 764. RÉCOLTE ET CONSERVATION. — Après les avoir . cueillis, 1l suffit d'étendre les cônes dans un lieu sec el aéré et de les retourner souvent. Les écailles s’en- trouvent sans le secours de la chaleur et laissent échapper la graine. On n’a fait encore que peu d'essais sur la faculté qu'a cette semence de se conserver; aussi est-il à conseiller de l’'employer dès le. printemps qui suit 568 DES REPEUPLEMENTS la maturité. Les moyens de conservation sont les mêmes que pour les autres graines résineuses. 765. EXAMEN DE LA GRAINE. — Ces graines doivent être d’un brun clair et présenter du reste les mêmes caractères que celles du pin sylvestre. 766. ExÉécurion pu semis. — Ce que nous avons dit à cet égard, dans l’article précédent, du pin pinier et du cembro, s'applique entièrement au pin du Lord. Les graines n'ont pas besoin d’être enterrées à plus de 6 à 8 millimètres. ARTICLE EUX Semis du méleze. 767. RÉCOLTE ET CONSERVATION. — La récolte des cônes, l'extraction des graines et leur désailement se font de la manière qui a été indiquée pour le pin sylvestre et l’épicéa. Lorsqu'on le pourra, 1l sera préférable d'attendre le printemps pour la récolte. Dans l'opération de l'extraction, 1l est essentiel de ne donner qu'une chaleur très modérée, ce qui nécessite un plus long séjour des cônes surles claies. Une chaleur trop grande fait suinter la résine à tra- vers les écailles, et les enduit au point qu'elles ne peuvent plus s'ouvrir. Lorsqu'on donne à la semence de mélèze les soins que nous avons déjà indiqués pour les autres graines ARTIFICIELS. 569 résineuses, elle peut se conserver plusieurs années, moins longtemps, cependant, que les semences de pin sylvestre et d’épicéa. Aussi est-il préférable de ne pas tarder à l’employer. | 768. EXAMEN DE LA GRAINE. — Mèmes caractères que la graine du pin sylvestre [753]. La semence du mélèze doit être jaunâtre et peser, par litre, 160 à 175 grammes si elle est ailée, et 500 à 550 grammes si elle est dépouillée de ses ailes. 769. Exécurion pu semis. — Les règles que nous avons données à cet égard pour le semis de l’épicéa, sont tout à fait applicables au semis du mélèze. Tou- tefois, comme la graine de cette dernière essence est en général fort chère, et qu'il est assez difficile de s’en procurer des quantités considérables, on préfère, la plupart du temps, semer d’abord en pépinière, et employer ensuite la plantation pour les repeuplements à exécuter en forêt. Souvent aussi on mélange la graine de mélèze avec d’autres graines de bois rési- neux ou feuillus, ce qui est d'autant plus à propos que le mélange, ainsi qu’on l’a vu plus haut [533], convient particulièrement à cette essence. La semence de mélèze est ordinairement d'assez mauvaise qua- lité; si l’on voulait en faire un semis par bandes ou par trous, il ne faudrait pas l’épargner; 16 à 18 kil. de graine ailée, et 12 à 15 kil. de graines sans aile, seralent nécessaires, par hectare. Semée au prin- temps, cette graine lève au bout de quatre ou six se- maines. 210 DES REPEUPLEMENTS ARTICLE XX. Semis du cèdre du Liban. 770. Nous avons fait connaître, dans le premier livre de ce cours [386], l'époque de la dissémination naturelle du cèdre. En cueillant les cônes à la fin d'août ou de septembre (selon que la température reste sèche ou devient pluvieuse), on pourra les con- server à volonté jusqu’au moment où l'on se nro- posera de semer, car la graine, renfermée dans les cônes, se maintient en parfait état pendant plusieurs années. — Pour extraire la semence, il suffit de lais- ser les cônes séjourner dans l’eau pendant 24 à 36 heures. Les écailles se détachent alors de leur axe avec une grande facilité, et il n’y a plus qu'à en sé- parer la graine à l’aide d’un crible. La semence se trouvant fortement humectée par le procédé d'extraction, il està conseiller de la semer immédiatement. Toutefois, si l'on voulait différer le semis de quelques semaines, il faudrait faire sécher la graine, au soleil autant que possible, et l’étendre ensuite dans un lieu bien aéré en la faisant retourner fréquemment. Les semis de cèdre ne se font qu'en pépinière ou en pots; la dernière manière est préférable, parce qu'elle permet de rentrer les jeunes plants en hiver ARTIFICIELS. 911 1387]. Après leur avoir fait subir une première trans- plantation, on pourra les placer définitivement en forêt. Si on n'a pas ia facilité de les garantir du froid, il faudra attendre, pour les y planter, qu'ils aient atteint leur huitième année au moins [384]. ARTICLE XXI. Des semis mélangés. 774. Les semis mélangés deviennent utiles dans différents cas : 1° Pour créer des forêts mélangées ; 2° Pour élever une essence sous l’abri d'une autre ou pour couvrir promptement le sol afin de l'empè- cher de se détériorer ; 3° Pour économiser une semence rare et d'un ‘ prix élevé. 172. Nous savons que les essences dont le mé- lange permanent est avantageux sont celles qui ont une croissance sensiblement égale, qui supportent même révolulion et même mode de traitement, et dont les racines puisent la nourriture à différentes profondeurs du sol. Dans le troisième et dans le quatrième livre de ce cours, nous avons indiqué les essences qu'il con- vient d'élever en mélange, soit pour la futaie, soit pour le taillis ; 1! suffira donc de consulter, pour cel D72 DES REPEUPLEMENTS objet, les parties précitées [487, 497, 498, 504, 913, 533 et 617]. 773. La propriété la plus importante des essences destinées à en abriter d’autres dans leur jeunesse ou à couvrir le sol, est d’avoir une croissance très ra- pide dès les premières années. Celles qui, dans ce but, conviennent le mieux, sont : parmi les hois feuillus, l’orme, le bouleau, les érables, les saules et les peupliers 1; parmi les bois résineux, le pin sylvestre, le pin maritime, le pin laricio, le pin noir et le pin d'Alep. Mais, en général, les graines rési- neuses sont d’un prix trop élevé pour être employées à un tel usage, tandis qu’on se procure à très peu de frais, selon les localités, des graines de l’une ou de l’autre essence feuillue. Ainsi que nous l'avons dit ailleurs [719], le genèt ou l’ajonc peuvent aussi être employés avec avan- age. Dès que l'essence protectrice a atteint son but, il convient de l’extraire. Dans les pays où le bois a de la valeur, le produit de cette extraction est souvent assez considérable pour faire rentrer le pro- priélare, en très grande partie, dans ses avances. Aussi cette considération seule peut-elle dans beau- coup de cas, justifier le mélange des essences dans un semis. ‘ Ces deux dernières ne se multiplient d'ordinaire que par boutures. ARTIFICIELS. Re 174. Lorsque, pour économiser une graine rare ou chère, on la mélange avec une autre plus com- mune, la seule précaution à prendre dans le choix de cette dernière, est que les deux essences aient une végétation et des exigences à peu près sembla- bles pendant les trente ou quarante premières an- nées au moins, si c’estune futaie que l’on veut créer, et pendant une durée moindre, s’il ne s’agit que d’un taillis. En s’attachant ensuite, dans les éclaircies périodiques, à extraire l’essence supplémentaire, on réussira peu à peu à faire dominer entièrement la plus précieuse. 115. La manière d'exécuter des semis melangés ne présente aucune particularité, si ce n’est que, après avoir déterminé les quantités à emplover pour chaque espèce, il faut semer et recouvrir d’abord la semence qui demande à être enterrée davantage. Si, au contraire, les deux graines ont, sous ce rapport, les mêmes exigences, on les mélange avant de les semer, et ensuite lesemis se fait comme à l'ordinaire CHAPITRE QUATRIÈME. DES PLANTATIONS. ARTICLE PREMIER. Des qualités que doivent offrir les plants. 7176. Tout plant, quel que soit son âge, doit, pour avoir les meilleures chances de reprise, être pourvu de racines fraïches, unies, qui ne soient n1 rom- pues, ni écorchées, ni endommagées en aucune ma- nière ; plus les racines sont nombreuses, mieux la reprise est assurée. Si c'est un plant de haute tige (4 mètre à À mètre 33 centimètres et au-dessus), ilest nécessaire que sa grosseur soit proportionnée à sa hauteur, afin qu'il puisse se soutenir et résister aux intempéries ; il faut en outre, qu'il soit bien droit, sans aucune ARTIFICIELS. 019 blessure, que sa têle soit suffisamment développée, et qu'il présente d’ailleurs tous les signes d’une végé- tation vigoureuse. Si c'est un plant de basse tige (au- dessous de 1 mètre), sa forme est moins importante; cependant il doit être droit et avoir surtout de belles racines, des pousses fortes et des bourgeons sains et bien formés. 111. Les plants reprennent d’autant plus facile- ment qu'ils sont plus jeunes ; aussi les hautes tiges ne sont-elles employées en sylviculture, que dans quelques cas exceptionnels où seules elles peuvent convenir : par exemple, dans des lieux exposés aux dégâts du pâturage ou des inondations, ou bien encore, s'il s’agit dans certains taillis composés, d'élever des sujets propres au balivage [598]. D'or- dinaire, c’est toujours la plantation de basses tiges qui est préférée ; non-seulement parce qu’elle est, comme nous venons de le dire, d’une réussite plus assurée, mais encore parce qu'elle entraîne à bien moins de frais. Cette dernière considération, lors- qu'on fait des repeuplements en grand, est natu- rellement de beaucoup de poids. En général, les hautes tiges ne sont propres à la transplantation que quand elles ont été élevées en pépinière ; pour les basses liges, bien que celles que l’on produit en pépinière méritent de beaucoup la préférence, on peut cependant aussi les tirer des semis naturels ou artificiels qui existent souvent, soit dans la forêt mème où 1l s'agit de planter, soit 976 DES REPEUPLEMENTS dans les forèts voisines. Si l’on prend un tel part, il faut éviter de choisir des plants provenant d'en- droits très fourrés ou très couverts ; dans les uns, ils sont rabougris ou au moins très délicats et peu propres, par conséquent, à résister lorsqu'on les met en terrain découvert ; dans les autres, ils man- quent de racines et de branches, ce qui compromet également la réussie. L'âge le plus convenable pour la reprise des basses üges varie d’ailleurs selon les essences. Ainsi, on peut planter avec avantage : De 1 à 3 ans, les pins sylvestre, maritime et la- ricio, l'épicéa et le mélèze, de mème que les bou- leaux, les aunes et les robiniers ; De3 à 6 ans, les sapins, les pins du lord Weymouth, les châtaigniers, les ormes, les frênes et les érables ; De 4 à 8 ans, les chènes, les hêtres, les charmes, les fruitiers, etc. Il est entendu que, pour être générales, ces règles n'ont rien d’absolu, et qu’elles doivent fréquemment se modifier d’après les circonstances locales. Quand on a des plantations considérables à exé- cuter, la création d’une pépinière, loin d’occasionner une dépense inulile, procure, au contraire, une grande économie ; c’est aussi le moyen le plus sûr d'obtenir du plant de bonne qualité. ARTIFICIELS. Hi LT ARTICLE I]. De la culture des plants en pépinière. 1778. Il faut éviter d'établir Les pépinières dans un terrain très gras ou humide ; les plants y prennent une texture lâche, leurs racines y sont généralement mal conditionnées, et lorsque, plus tard, on les transplante dans une terre moins grasse ou plus sè- che, 1ls périssent souvent dès la première année, ou bien ils sont longtemps avant de reprendre de la vigueur. Un terrain maigre et de mauvaise qualité convient moins encore pour une pépinière, parce qu'on n'y obtient que des brins languissants, dont tous les organes, et surtout les racines, sont faibles et ‘d'une conformation vicieuse ; transplantés, de tels sujets sont presque toujours victimes des circonstan- ces plus ou moins défavorables qui sont la suite de la transplantation. C’est dans un terrain de qualité et de compacité moyennes qu'on élèvera des plants vi- goureux et qui, placés en forêt, s’accommoderont le mieux d’un sol quelconque. Les éléments minéralogiques du terrain n’exercent qu'une très faible influence sur la réussite des cul- tures d’une pépinière; les labours de diverses sortes, les arrosages, les amendements au besoin, y combat- tent et corrigent les défauts que peut présenter le 37 DIS DES REPEUPLEMENTS sol. Seulement, quand on en aura le choix, on devra donner la préférence aux sols légers sur les terres fortes, parce que celles-ci, comme on le sait, se dur- aissent et se crevassent profondément par la séche- resse, et, sous l'influence de labours fréquents les jeunes plants y sont facilement soulevés et déra- cinés par les gelées de l'hiver. Autant que possible, on doit établir la pépinière à proximité du terrain à replanter; d’abord, afin que les plants s’habituent, dès leur naissance, au climat et au sol auxquels ils sont destinés ; en second lieu, parce qu’il y a économie sur les frais de transport. Toutefois, les grandes élévations, de même que les vallées profondes, doivent être évitées ; un terrain un peu abrité des grands vents, en plaine ou en pente douce, et où les plants soient le moins possible ex- posés aux gelées tardives du printemps, tel est l’em- placement le plus convenable. S'il se trouve, dans le voisinage, des eaux qui donnent la facilité d’arroser pendant les temps de sécheresse, ce sera un grand avantage. 1179. Le terrain destiné à une pépinière, à moins qu'il ne soit tout à fait léger, doit recevoir un labour assez complet et assez profond pour y détruire en- üèrement la mauvaise herbe et rendre la terre par- faitement meuble. Ce résultat obtenu, soit par de simples labours, soit par une ou plusieurs cultures de céréales ou de pommes de terre, on divise le terrain en planches ARTIFICIELS. ; 519 ou plates-bandes, en le coupant par des chemins et par des sentiers perpendiculaires les uns aux autres ; enfin, si l’on a à redouter les dégâts du bétail ou du gibier, on le clôt de fossés, de palissades, de haies, etc. Dans les plates-bandes dont il vient d’être parlé, et parallèlement aux sentiers qui les limitent, on ouvre des sillons ou petites rigoles, séparés entre eux par des intervalles de 20 à 30 centimètres, profonds de 25 à 30 et d’une largeur de 20 à 25 centimètres, réduite au fond à 12 ou 15 centimètres environ !. La terre qui provient de ce travail est répartie sur les intervalles demeurés libres. — L'opération ter- minée, on remplit les sillons d’un terreau provenant, mi-partie de feuilles mortes et mi-partie de gazons décomposés et qu'il faut avoir soin, à cet effet, de préparer annuellement dans quelque place reculée de la pépinière ?. On tasse ensuite légèrement ce * Voyez Charles Heyer, Traité de sylviculture. ? Pour faire son terreau, on choisit une place ombragée, abritée du midi, mais non recouverte ou surmontée, afin que les influences atmosphériques y aient un libre accès. — On forme, d’une part, un ou plusieurs tas de feuilles mortes, de fougères et autres plantes charnues récoltées avant la matu- rité de leurs semences ; de l’autre, des tas semblables com- posés de gazons, de la mauvaise herbe provenant des binages de la pépinière, du nettoyage des chemins, ete. — Ces tas doïi- vent être longs, assez étroits et d'une hauteur de 1 mètre à 1 mètre 30 environ. Deux fois par an, au printemps et en au- tomne, on les retourne et, dans les temps de sécheresse pro- longée, on les arrose. Les gazons sont d'ordinaire entièrement DS0 DES REPEUPLEMENTS terreau, soit avec une batte ou simplement avec la main, de façon que les intervalles entre les sillons saillissent sur ceux-ci de 3 à 4 centimètres environ. Cette précaution devient très utile lorsque, dans l'hiver qui suit la levée du semis, les jeunes plants ontété soulevés par les gelées, et qu’une partie des radicelles se trouvent déchaussées. parce que, si tôt le dégel du printemps, il suflit de les recouvrir de quelques centimètres de terre pour assurer leur re- prise, 780. Les semis en pépinière se font de préférence au printemps; 1l faut semer très dru de manière que , décomposés au bout d'un an, mais il faut 3 et # ans aux feuilles mortes pour être complétement réduites en terre. — Les feuilles de hêtre mélangées, par parties égales, à des feuilles de bois résineux, fournissent une des meilleures qua- . lités de terreau. Pour hâter la pourriture assez lente de ce mé- lange, on fera bien d'y ajouter des feuilles qui se décomposent plus rapidement, telles que celles de frêne, érable, orme, saule, peuplier, aune, robinier, etc. Lorsque les sillons d'une pépinière ont été, une première lois, préparés avec ce lerreau, comme nous l'expliquons ei- dessus, il suffit d’y apporter chaque année une faible quantité de terreau neuf pour entretenir la fertilité du’ sol. — En préve- nant ainsi, par un procédé simple et peu coûteux, l'épuisement de la terre dans les pépinières, on évite la nécessité de les déplacer de temps à autre, à laquelle on ne saurait échapper autrement. L'intérêt qu'il y a, sous tous les rapports, à établir les pépinières à proximité des maisons de gardes et à les y maintenir, doit faire apprécier cette méthode de culture et Jui mériter l'accueil des forestiers. ARTIFICIELS. 281 les graines se touchent, pour ainsi dire, el ne recou- vrir celles-ci, même les semences lourdes, que d'une couche de terreau, tout juste suffisante pour empèê- cher que la pluie ne les mette à découvert. — On comprend que des semis aussi drus fournissent le plus grand nombre possible de plants, eu égard à la surface cultivée, et en second lieu, que la mauvaise herbe ne saurait les envahir. L'expérience prouve, d’ailleurs, que les plants qui en proviennent sont abondamment pourvus de racines, surtout de che- velu, et qu'ils ne s'affament point entre eux, même lorsqu'ils atteignent 40, 50 et jusqu’à 70 centimètres de hauteur. Lorsqu'on procède à leur extraction, les racines, quoique entrelacées, se démêlent et se sépa- rent aisément; mais un certain nombre de tiges avant été dominées, surtout vers le milieu du sillon, sont demeurées faibles, et ont besoin de se fortifier avant de pouvoir être mises définitivement en place. A cet effet, on les repique dans des rigoles voisines, ou dans celles mêmes d’où elles proviennent, et on les y laisse jusqu’à ce qu’elles aient atteint les di- mensions el la vigueur désirables. Pour élever une essence qui, comme le chène, par exemple, pousse un fort pivot dès les premières années, et diminuer l'inconvénient que celte dis- position présente lors de l'extraction des plants, il suffit d'enfoncer, de chaque côté du sillon et obli- quement vers le fond de celui-ci, le fer bien acéré d'une bêche, après quoi l'on referme, avec le pied. 82? DES REPEUPLEMENTS l'ouverture faite par l’instrument dans la terre ". Le plant ne tarde pas à remplacer le pivot, ainsi retran- ché, par des racines obliques qui sont moins gênantes et plus utiles lors de la transplantation. Cette opéra- tion doit se faire au commencement de l'automne qui suit la levée des plants. Un autre procédé, pour empècher le trop grand développement du pivot, est celui que Duhamel indique sous le nom de pratique de Bretagne ”, et dont il conseille lemploi. Il consiste à paver en pierres plates le fond des sillons dans lesquels on sème; ces pierres, en arrêlant le pivot, forcent le plant à pousser des racines latérales. 781. Quand il s’agit d'élever en pépinière des plants de haute tige, on choisit, dans les sillons de semis, les sujets les plus vigoureux et les plus élan- cés, et on les transplante dans une ou plusieurs plates-bandes à ce destinées, en leur donnant un es- pacement en tout sens de 33 à 66 centimètres. Lors de cette transplantation, on pourra retrancher le pivot du plant, qui se reproduit souvent, même après avoir été supprimé une première fois, afin de favoriser le développement des racines latérales. On pourrait aussi, dans le même but, placer une ou plusieurs pierres plates au fond de chaque trou. * Nous avons vu appliquer avec avantage ce procédé au hêtre qui, quoique traçant à un certain âge, pousse, dans les pre- mières années, un pivot très développé [1281 * Voyez Duhamel, Des semis et plantations des arbres, page 127. ARTIFICIELS. 583 782. Les arrosements, ainsi que nous l'avons dit, seront très utiles dans les temps de grande séche- resse; mais, une fois commencés, il faut les conti- nuer jusqu'à ce que la pluie survienne. Autrement il se forme, à la surface de la terre, une croûte qui nuit à la végétation, en empêchant l’air de parvenir aux racines. — [Il est essentiel d’arroser assez abondam- ment pour détremper le sol jusqu’à la profondeur où plongent les racines les plus longues ; on concoit que, sans cette précaution, la peine que l’on prendrait serait sans résultat. De tous les modes d’arrosement, celui qui offri- rait le plus d'avantages, sans présenter d’inconvé- nient serait l'irrigation, telle qu’on la pratique dans les prairies, en faisant, dans ce cas, servir comme saignées, les sentiers qui séparent les plates-bandes. Mais les pépinières forestières sont trop rarement placées dans des situations qui rendraient applicable un pareil système; on ne peut donc en parler qu'à titre d'exception. 783. Il faut avoir un soin particulier de ne pas laisser prendre le dessus à la mauvaise herbe. Dans les sillons, 1l faut l'enlever à la main dès qu'elle paraît, et choisir autant que possible pour cette opé- ration un temps frais. — Si le semis a réussi conve- nablement, ces sarclages ne seront nécessaires que la première année. — Les intervalles entre les sillons ainsi que les chemins et sentiers, devront aussi être nettoyés au moins deux fois par an, au prin- 981 DES REPEUPLEMENTS temps et vers la fin de l'été, dès avant l’époque où mürissent les graines des plantes nuisibles. Les parties de la pépinière occupées par les plants de haute tige devront recevoir chaque année deux binages. ARTICLE III. De la saison la plus convenable à la plantation. 78%. On peut planter depuis le temps de la chute des feuilles jusqu’au moment où les boutons com- mencent à s'ouvrir; mais comme, en hiver, la terre est ordinairement ou gelée ou trop molle, on dis- üngue deux saisons pour planter : l’automne et le printemps. Quand on plante en automne, les arbres, lors de l'extraction, souffrent moins de se trouver quelque temps hors de terre, parce que l’évaporation est moindre dans cette saison qu’en toute autre; en se- cond lieu, la terre, par l'humidité dont elle s’imbibe, el par les gelées, se tasse mieux autour des racines; enfin, il paraît constant que, dans les hivers doux, les arbres poussent du chevelu; d’où il suit que, dans certains cas, des sujets plantés en automne peuvent être pourvus, dès le printemps, de nouvelles raci- nes !. On peut donc, en général, considérer l’au- Voyez Duhamel, Des semis et plantations des arbres, page 172. ARTIFICIELS. 289 tomne comme la meilleure saison pour les planta- lions à faire en grand; cependant il existe aussi des cas où le printemps est préférable. Ainsi on doit choisir cette saison pour les essences qui peuvent avoir à souffrir des fortes gelées d'hiver, et, à cet égard, il faut nécessairement tenir compte du climat local; elle est encore la plus convenable pour les bois résineux qui, généralement, reprennent moins bien quand ils sont plantés en automne ‘. Enfin, dans les terrains trop humides, la plantation du printemps mérite souvent la préférence. ARTICLE IV. De l’espacement à donner aux plants. 785. Nos arbres forestiers, comme on le sait, prospèrent surtout lorsqu'ils croissent en massif; ! Dans les régions qu'habitent ces essences {au moins les plus importantes et les plus répandues), les hivers sont rigoureux. Si l'on plante des sujets très jeunes (de { à 3 ans), ce qui est à conseiller puisqu'on ne peut tailler les résineux [801], il arrive fréquemment que les fortes gelées d'hiver soulèvent les plants et les rejettent, pour ainsi dire, hors des trous. Si l'on plante des tiges plus âgées, on les voit souvent perdre toutes leurs feuilles pendant l'hiver et, comme ces essences vivent plus particulièrement par les organes aériens, leur reprise, au printemps, exige, de la part des racines, un effort de végétation qu'elles ne sont que rarement en état de fournir. Le plant lan- guit alors jusqu’en été, puis, quand surviennent les grandes chaleurs et la sécheresse, il finit par périr. 286 DES REPEUPLEMENTS c’est dans cet état qu'ils prennent les plus belles pro- portions et qu'ils fertilisent le sol, en lui conservant de la fraicheur et en lui procurant de lengrais. Il suit de là que, dans les plantations, 1l faudrait rap- procher assez les tiges, pour que, dès les premières années, le massif pût se former. Mais, si l’on appli- quait ce principe dans toute sa rigueur, il arriverait, après un très court laps de temps, que le besoin d’une éclaircie se ferait sentir, et qu’on se verrait forcé de supprimer un grand nombre de tiges, sans que, dans la plupart des cas, leur produit pût dé- dommager des dépenses qui auraient été faites pour les planter. Dans la pratique, il faut donc calculer l’espacement à donner aux plants de manière à con- ciler, autant que possible, les exigences d’une bonne végétation avec l’économie. Or, cet espacement dé- pend, d’abord, des dimensions des tiges, de l'essence, du sol et du climat; en second lieu, du but que le propriétaire se propose en plantant, et des sommes qu'il est en état de consacrer à cet objet. 786. Dans les plantations de basses tiges, l’espa- cement varie de 66 centimètres à 1 mètre 33 centi- mètres ; 1 mètre est la distance la plus ordinairement adoptée. Les hautes tiges s’espacent à 2, 3, 4, 5, 6et mème jusqu'à 8 mètres. Pour régler cet objet, l’expérience a confirmé les principes suivants : Plus les plants sont forts, plus ils doivent être espacés, ARTIFICIELS. D87 Certaines essences, telles que le hêtre, le sapin et, en général, les arbres dont le couvert est épais, de- mandent à croître très rapprochées ; d’autres, au contraire, comme le bouleau, l’orme, le robinier, exi- gent plus d'espace. On doit planter plus serré dans les sols secs et ari- des que dans les terrains fertiles, dans les climats froids que dans les régions tempérées. Lorsqu'on ne veut obtenir que du bois de feu, on peut adopter un plus grand espacement que quandil s’agit de se procurer des bois de construction ou de fente. Quand on a des terrains très étendus à reboi- ser et qu'on est borné dans ses ressources pécu- niaires, 1] faut adopter le plus grand espacement possible, afin d'arriver promptement à mettre le sol en production. Les plantations de têtards et d'arbres d’émondes sont celles qui admettent le plus d'espacement, parce que le sol, comme on le sait, est ordinairement uti- lisé, soit pour la culture, soit pour le pâturage. 787. On ne réussit à donner un égal espacement aux plants, qu’en les disposant dans un ordre régu- lier. On connaît quatre manières dé tracer les plan- tations : 1° en allées ou files (fig. 9) ; 2° en triangles équilatéraux (fig. 10) ; 3° en carrés (fig. 11) ; et 4° en triangles isocèles ou quinconces t (fig. 12). ! Ce dernier mode est au fond le même que le troisième, si ce n'est que les carrés, au lieu d'être construits, par rapport 288 DES REPEUPLEMENTS C'est ordinairement avec un cordeau et des piquets que ces tracés s’exécutent; si le terrain est étendu, on peut aussi employer l’équerre d’arpenteur pour établir les alignements. Nous croyons inutile d’ex- pliquer comment on procède à cette opération; l'inspection des figures suffira pour le faire compren- dre. Le choix de l’une ou de l’autre de ces figures n'a pas, à proprement parler, d'influence culturale, c’est plutôt une affaire de goût ; cependant la plantation par files ou allées présente, dans certaines circon- stance, des avantages réels. D'abord, elle permet d'ouvrir des tranchées, au lieu de trous, ce qui rend l'ouvrage plus facile et procure un sol plus meuble, dans lequel, en général, les plants prospèrent mieux, en second lieu, le tracé en est plusaisé et plus prompt, quels que soient les contours du terrain. A la vérité, les plants n’ont pas la facilité d'étendre également leurs racines de tous les côtés, puisqu'ils sont très- rapprochés dans un sens et très espacés dans l'autre ; mais on sait qu'il n’est pas nécessaire que les raci- nes se répandent symétriquement autour d’un arbre: elles se dirigent indifféremment vers un point quel- conque, pourvu: qu'elles v trouvent de l’espace et de la nourriture. 188. Le tableau ci-après fait connaître la quantité a une ligne donnée au moyen d'un système de perpendicu- laires, sont formés par un système d'obliques faisant, avec la , ligne donnée, un angle de 45 degrés. ARTIFICIELS. D89 de plants à employer sur un hectare, quand on adopte le tracé par triangles équilatéraux, ou celui par car- rés, avec les différents espacements portés dans la première colonne. NOMBRE DE PLANTS à placer sur un hectare ns = OBSERVATIONS. par triangles ESPACEMENT, bu. Le par carrés. équilatéraux. Nous n'avons pas fait figurer 10000 | Sur ce tableau la plantation en allées, parce que le nombre des | plants à employer, par hectare, 5653 | dépend, à la fois, de leur espa- cement sur la même file et de la distance des files entre elles. Mais on conçoit que ce nombre est tres facile à calculer, toutes 2,00 2888 2500 | les fois que le terrain est un carré ou qu'il peut être ramené à cette forme; il suffit, en effet, de 1111 mulliplier le nombre de plants d'une file par le nombre de toutes 625 les files. | 3028 Quant au tracé par triangles iso- cèles ou quinconces, qui ne figure 400 | pas non plus ici, il est évident qu'il admet le même nombre de 278 tiges que celui par carrés, pourvu, e toutefois, que les côtés des carrés soient égaux aux petits côtés des 204 | triangles, ainsi que nous le mon- trent les figures 11 et 12. 156 290 DES REPEUPLEMENTS ARTICLE V. De la confection des trous. 789. Les trous pour les plants doivent être pro- porlionnés à la grandeur des racines, c’est-à-dire. qu'il faut que celles-ci puissent y trouver place, tout en conservant leur position et leur direction naturel- les. Dans les sols très compactes, il est bon même de faire les trous plus grands, afin que les racines puis- sent, pendant quelques années, se fortifier et se dé- velopper dans une terre ameublie, avant de pénétrer dans des couches plus rebelles. Au contraire, dans les sols humides, on ne doit donner au trou que peu de profondeur ('). ‘ Si l’on avait à planter des parties aquatiques, on pourrait ne pas faire de trous du tout et se contenter de poser le plant, bien d’aplomb, sur le sol, en l’entourant d'une butte de terre assez large pour que ses racines soient entièrement couvertes, et assez élevée pour qu'il ait une assiette solide; autour de cette butte, qu'il est utile de gazonner à l'extérieur, on tracerait une petite rigole pour recevoir et éconduire les eaux. Ce mode de plantation, indiqué déjà par Duhamel (voy. Traité des semis et plantations, page 222) est rapporté par Cotta; il dit l'avoir pratiqué en grand et en avoir obtenu des résultats qui ont dé- passé tout ce qu'on pouvait en attendre. Nous l’avons essayé aussi, en petit à la vérité, et l'expérience a parfaitement réussi. Dans une récente publication, spécialement consacrée à ce mode particulier de plantation, M. le baron de Manteuffel, ARTIFICIELS. 591 190. Pour creuser les trous, on procède de la ma- mère suivante : on enlève d’abord la superficie du sol, ordinairement gazonnée ou garnie de plantes quelconques, et on la place d’un côté du trou ; puis on met, du côté opposé, la couche de terre végétale immédiatement inférieure, et qui est la plus riche en terreau ; enfin, on entasse, sur un troisième point, les autres couches moins fertiles. Cette manière d’o- pérer contribue puissamment au succès des planta- tions, surtout de celles de hautes tiges ; nous verrons plus loin quel avantage on en retire. 191. Lorsque le sol est de bonne qualité, les trous ne doivent être ouverts que peu de temps avant de planter, non-seulement pour que la terre reste plus fraîche, mais encore pour que le terreau qu'elle ren- ferme ne perde pas ses propriétés nutritives, par l’action de l'air et de la pluie. Ce n’est que dans les sols très compactes qu’il devient nécessaire de faire les trous quelque temps à l'avance, afin que la terre se divise : ainsi, quand on veut planter au printemps, les trous peuvent être faits en automne. ARTICLE VI. De l'extraction des plants. 192. Quand on procède à l'extraction des plants, grand maître des forêts dans le royaume de Saxe, affirme l'avoir expérimenté, depuis plus de 20 ans, avec un plein suc- cès, tant sur les essences résineuses que sur les feuillues, et dans les sols secs aussi bien que dans les lieux humides. 92 DES REPEUPLEMENTS il faut faire en sorte de ménager, le plus possible, les racines el les tiges. Les brins très petits peuvent être arrachés à la main, pour peu que la terre soit meuble et fraîche ; mais, en général, 1l vaut mieux les extraire avec un couteau, et, dans les sols plus compactes, on fera bien de se servir d’une petite pioche. Pour extraire des üges plus fortes, si elles sont en sillons dans une pé- pinière, on ouvre une tranchée parallèle au premier sillon et le plus près possible des plants ; puis, avec la bèche, on détache ceux-ci par mottes, en les sou- levant un peu, et on les renverse doucement dans la tranchée, de manière que la terre reste adhérente aux racines. On continue ainsi de sillon en sillon. Quand on arrache les plants dans les forêts, on peut aussi commencer par faire une tranchée ou un trou, puis fouiller la terre avec une pioche. 193. Lorsque des plants de basse tige doivent ètre transplantés en mottes, ce qui est surtout à con- seiller pour les essences résineuses, on se sert, avec beaucoup d'avantage, pour les extraire, de l’une ou de l’autre des deux bèches demi-circulaires dont nous donnons le dessin à la fin du volume (voy. fig. 7 et 8). La plus grande de ces bêches convient plus particulièrement dans les terres compactes et pour des plants qui sont déjà d’une certaine force ; l’autre, plus légère et plus facile à manier, sert dans les sols plus divisés et pour extraire des tiges plus faibles. Ces bêches ne s’emploient pas seulement à l’extrac- ARTIFICIELS. 093 tion des plants, elles servent aussi pour confection- ner les trous dans lesquels les mottes doivent être placées *. On conçoit combien, par un tel procédé, la plantation est rendue facile, et quels avantages doi- vent en résulter pour la végétation. 194. Les hautes liges ne peuvent être traitées par aucun des moyens que nous venons d'indiquer. Pour les extraire, 1] faut d’abord creuser une petite fosse autour de l'arbre, à une distance convenable pour lui laisser les racines nécessaires ; puis, avec une bèche bien tranchante (voy. fig. 6}, on coupe les ra- cines latérales, et, après avoir élargi la fosse, on finit par atteindre obliquement le pivot. Il faut se garder de pencher l’arbre avant d’en avoir détaché toutes les racines, ou de l’arracher avec effort. ARTICLE VII. Du transport des plants. 195. À mesure que les ouvriersarrachent les plants de basse tige, ils doivent les mettre dans des pa- ‘ Pour faire les trous avec les bêches dont il est question ici, l’ouvrier enfonce l'instrument en le tournant et le retournant horizontalement à l’aide de la traverse qui se trouve adaptée à l'extrémité de la tige verticale. Il n’a pas besoin chaque fois qu'un trou vient d’être fait, de s'occuper à faire sortir la motte de terre de la bêche qui la retient. Cette opération se fait d'elle- JS 94 DES REPEUPLEMENTS niers, sans secouer la terre qui entoure les racines, et les faire transporter tout de suite sur le terrain où l’on plante. On emploie aussi, pour le transport des plants, surtout de ceux qui sont en mottes, des brouettes de jardin ou de petits tombereaux ; il n’y a que les trop fortes tiges qu’il soit nécessaire de placer sur des voitures. Quelle que soit la dimension des plants, il faut avoir soin que les tiges ne soient point endomma- gées, et, à cet effet, les garnir de bouchons de mousse ou de paille, partout où il y aurait quelque frotte- ment à craindre pendant le transport. Les racines doivent surtout être garanties du contact de l’air ; 1l ne faut souvent que quelques heures de hâle, ou un coup de soleil un peu vif, pour les priver de leur vitalité. Quand le lieu où l’on arrache les plants est éloigné du terrain à planter, les tiges doivent être réunies par bottes et les racines empaquetées dans de la mousse fraiche ou dans du foin humide. Rendues à destination, il faut les laisser ainsi en paquets jusqu'au moment de les planter ou de les mettre en jauge !. même par la confection du trou suivant; la nouvelle motte chasse l’ancienne. Cette circonstance est bonne à connaître, car elle est de nature à procurer une notable économie de temps, lorsqu'il s’agit de grands travaux de repeuplement. ' Pour mettre les plants en jauge, on ouvre une tranchée dans laquelle on les place par ballots ; on recouvre ensuite les racines de terre bien meuble, de manière à empêcher le contact de ARTIFICIELS. 295 ARTICLE’ MITE. De la taille des plants. 796. L’extraction des plants, si bien qu’elle soit exécutée, lèse toujours un certain nombre de racines, et, à moins que le sujet ne soit tout à fait petit, une partie de ses racines, détachée par la bêche ou la pioche, demeure en terre. Or, dans toute plante croissant librement, 1l existe, comme on le sait, un rapport direct entre les racines et la tige ; et ce rap- port nécessaire, l'extraction l’interrompt plus ou moins comme on le voit, selon les précautions avec lesquel- les on procède et selon la dimension des sujets. La taille des plants à donc pour but:1° de res- taurer les racines qui ont été lésées ; 2° de rétablir l'équilibre entre les racines et les branches. 197. La première de ces opérations consiste à amputer avec une serpelte, toutes les parties des ra- cines qui présentent une déchirure, une contusion ou une blessure quelconque. Il est essentiel que la l'air. Par ce procédé, les plants peuvent être conservés assez longtemps avant de les planter, sans qu'ils aient aucun risque à courir ; toutefois, si le séjour en jauge devait se prolonger beaucoup, il faudrait délier les ballots, de crainte que les ra- cines, surtout le chevelu, ne fussent atteintes par la moisissure. On peut aussi mettre les plants dans l’eau, mais pour peu de jours seulement. 9960 DES REPEUPLEMENTS tranche soit bien nette ; elle doit être faite en biseau, et, autant que possible, de manière qu’elle pose à plat sur la terre. Quand les plants sont arrachés déjà depuis quel- que temps, et que le chevelu des racines n’a plus toute sa fraicheur, on le ravive en en coupant les extrémités ; les racines trop longues, qu’on ne pour- rait placer dans le trou sans les replier, doivent aussi être retranchées, ainsi que le pivot. Mais, en général, 1l faut éviter de supprimer desracines saines ; un plant n’en à jamais trop. 198. La perte de racines que le plant a subie par l'extraction et par la tulle dont nous venons de par- ler, rend nécessaire la suppression d’une partie des branches, afin de rétablir l’équilibre détruit. Cette suppression est d'autant plus indispensable que, par la transplantation, les racines sont pendant quel- que temps entravées dans leurs fonctions, et qu’elles amènent, par conséquent, moins de substances nour- ricières à l'arbre. Plus le plant est fort, plus il a perdu de racines par l'extraction, plus le sol où il doit être planté est ingrat, moins il faut lui laisser de branches. Ces principes, très simples en théorie, et les seuls qui se puissent donner sur la taille des plants, laissent né- anmoins, il faut l'avouer, à désirer quand on en vient à l’exécution. Quel est, en général, le rapport des branches aux racines ? Est-il le même pour toutes les essences ou ARTIFICIELS. HOT varie-t-1l pour chacune, et comment? Dans quelle proportion l’ensemble des racines a-t-1l été diminué par l'extraction ? est-ce du tiers, du quart, etc. ? On sait que la reprise est favorisée par les années plu- vieuses, entravée au contraire par les années de sé- cheresse ; 1l faudrait donc supprimer plus de bran- ches dans ce dernier cas ; mais sur quelle température doit-on compter? Telle est la série de questions aux- quelles la taille des plants peut donner lieu, et qui, cependant, n’admettent aucune solution positive. Aussi cette opération n'est-elle en réalité qu'un tà- tonnement, dans lequel on réussit plus ou moins, selon l'expérience que l’on à acquise de la localité et des essences que l’on plante. C'est, sans nul doute, à l'incertitude qui règne sur cet objet, qu'il faut attribuer, en grande partie, linsuccès de tant de plantations faites dans les forêts, surtout, lorsque les plants n'avaient pu être préparés en pépinière et qu'ils étaient déjà de forte dimension. 799. Il existe, pour la plantation des bois feuillus, un procédé qui lève toutes les difficultés que nous venons de signaler. Ce procédé, c’est le recépage du plant, à3 centimètres environ du collet de la racine, au moment même de le mettre en terre. Si l’on examine les conditions de végétation du plant recépé et de celui quin’a été que taillé, on ne peut conserver aucun doute sur les avantages mar- qués dont jouit le premier. En effet, la grande diffi- culté, pour le plan taillé, c'est de rétablir l'équilibre 098 DES REPEUPLEMENTS entre la tige et les racines ; tant que ce résultat n’est pas atteint, la végétation souffre, et trop souvent les racines s’épuisent en efforts inutiles, parce que la tige est encore trop branchue, ou parce que le sol ou la température est contraire. Aussi est-il très fréquent de voir des plantations languir pendant cinq ou six ans ; après quoi elles finissent, quelquefois, par pren- dre leur essor, mais non sans que bon nombre de plants aient péri, en même temps que d’autres, par le dessèchement de leur cime, ont contracté des formes vicieuses. Quand, au contraire, on récèpe le plant en le mettant en terre, il se présente, sur la petite souche, un certain nombre derejets qui, évi- demment, sont le produit de la force végétative des racines ; si cette force est grande, les rejets seront vigoureux, sinon, ils serontfaibles. Mais en tout cas, ils seront en rapport direct avec les racines, car ils en sont le produit ; et, par conséquent, la végétation se trouvera, de prime abord, rétablie dans son état normal. 800. Sous le rapport des chances de repr'se, la plantation de brins recépés est donc Incontestable- ment supérieure à celle de brins taillés. Ce fait, clairement établi en théorie, nous est d’ailleurs confirmé par une pratique qui n’admet plus aucun doute. Cependant une objection se présente : par le recépage, chaque plant pousse plusieurs rejets qui forment une petite cépée ; 1l semble donc que ce pro- cédé ne puisse convenir que pour créer des tallis, et ARTIFICIELS. 299 non des futaies, à moins que l’on ne prenne la peine au bout de quelques années, de couper, avec une serpette, tous les rejets faibles, afin de ne laisser crof- tre, sur chaque souche, que le plus vigoureux !. Si une telle opération était nécessaire, 1l faudrait, en effet, renoncer au recépage, pour planter des futaies en grand, ou du moins, on pourrait ren- contrer des difficultés réelles d'exécution. Mais il n’en est rien ; la pratique, sur ce point, a recüfié les inductions de la théorie. Dans là forêt de Compiègne, que nous avons déjà eu l’occasion de citer, on voit des plantations de la plus grande beauté, exécutées sur une échelle immense ?, d'année en année, depuis plus de quatre-vingts ans, et qui, toutes, ont été traitées par le procédé du recépage. Nous avons pu y étudier toutes les phases de la végétation des plants re- cépés. Ces plantations se font avec des sujets de basse tige, etl’espacement ordinaire qu'on leur donne est d’un mètre. Comme nous l'avons dit, il se présente d’abord, sur chaque souche, plusieurs rejets dont l'un, cependant, est plus vigoureux que les autres. Dès que ce maitre rejet commence à former une tête, les autres, au lieu de continuer à monter, s’étalent et . 1 C'était l'opinion de Duhamel. Voy. Traité des semis et plan- tations des arbres, page 340. ? Il existe plus de 5,000 hectares de plantations dans cette forêt. 600 DES REPEUPLEMENTS buissonnent au pied du plant ; ce qui conserve aux racines plus de fraicheur et favorise visiblement le dé- veloppement du maître jet. Peu d'années suffisent, dès lors, pour que le massif de toutes les tiges mon- tantes, soit formé : quant aux rejets traînants, ne re- cevant plus les rayons du soleil, ils languissent de plus en plus, s’étiolent, sèchent, et le maître rejet finit par se trouver seul sur la souche. Aussi de telles plantations, lorsqu'elles sont parvenues à l’état de gaulis, ne laissent-elles plus apercevoir la moindre trace de ces rejets traînants; toutes les tiges sont parfaitement assises, droites, nues et bien filées, sans qu'il soit possible de les distinguer, en quoi que ce soit, des brins de semence. La plantation avec recépage peut donc convenir pour créer des futaies, aussi bien que des taillis ; seulement il faut, pour les premières, se servir de basses tiges et planter assez serré, afin que le massif se forme à temps, tandis qu’au contraire, pour éta- blir un taillis, on pourra employer avec avantage des tiges plus fortes, parce qu'on obtiendra, par là, plus promptement des cépées abondantes. 801. Le recépage, on le conçoit, ne peut être ap- pliqué aux bois résineux ; il est même d’expérience que la taille des branches leur est souvent plus nui- sible qu’avantageuse. Ces essences, effectivement, paraissent, plus que les feuillues, puiser leur nourri- ture dans l'atmosphère ; il semble donc nécessaire de leur ménager plus particulièrement les organes ARTIFICIELS. GOI destinés à assurer cette nutrition. Cependant, 1l peut être utile, lorsqu'on plante des sujets un peu forts, de leur enlever quelques branches; mais il faut procéder avec la plus grande réserve, car les plaies des bois résineux, quand elles sont nombreuses ou d’un certain diamètre, occasionnent à l'arbre des écoulements séveux qui l’affaiblissent. Aussi est-il à conseiller de préférer, pour les plantations de bois résineux des plants de basse tige qui soient assez jeunes pour pouvoir se passer de la taille. D'après les expériences de plusieurs planteurs distingués, notamment de M. Marsaux (v. Annales forestières, tome 1°, page 699) le plant de hêtre supporte mal le recépage. On fera donc bien de s'abstenir de cette pratique pour cette essence et de la traiter, en cequi concerne la plantation, comme les bois résineux, à moins que des essais faits dans la localité où l’on opère, n’äient démontré que le jeune plant de hêtre y fournit sûrement des rejets, après amputation. | ARTICLE IX. De la mise en terre des plants ou plantation proprement dite. 802. En général, on peut poser en principe qu'un arbre doit, après la transplantation, se trouver en- terré à la même profondeur qu'avant cette opération. 602 DES REPEUPLEMENTS Cependant, il est convenable de planter un peu plus profondément lorsqu'on peut prévoir que la terre s’affaissera, ou bien lorsque le sol est très léger et sec : d'autant plus que, dans ce dernier cas, il faut ménager, autour des tiges, un petit creux où l’eau des neiges et des pluies puisse s’amasser. Dans les sols humides, au contraire, on plante moins profon- dément, et, au lieu de laisser subsister un renfon- cement autour de la tige, on y fait une petite butte pour faciliter l'écoulement des eaux. Les tiges recé- pées doivent être plantées de manière à affleurer par leur extrémité supérieure la surface du sol. 803. Pour mettre le plant en terre, on procède de la manière suivante : On place le plant dans le milieu du trou sur une couche de bonne terre de 5 ou 6 centimètres d’épais- seur environ, ou bien sur les mottes de gazon pro- venant du trou etque l’on a pris soin de briser menu au préalable ; puis, avec la main, on étend les raci- nes de facon à laisser à chacune sa direction natu- relle ; il est essentiel qu’elles posent toutes d’aplomb et que la tige se lienne bien droite. Cela fait, on ré- pand la bonne terre végétale, qui a été mise à part en creusant le trou [790], de manière que les racines en soient entièrement couvertes; en même temps, on remue un peu la tige en la soulevant et en la rabaissant légèrement, afin que les parcelles de terre pénétrent de toutes parts entre les racines. Enfin, pour ne négliger aucune précaution, on in- ARTIFICIELS. 605 troduit la main sous les racines pour remplir toutes les cavités qui pourraient encore exister. Après que la couche de bonne terre a été employée comme nous venons de l'expliquer, on achève de remplir le trou avec les couches de moindre qualité. Tout en répan- dant ainsi la terre sur les racines, on la raffermit de temps en temps avec la paume de la main ou avec le pied, légèrement d’abord, puis, de plus en plus for- temeni. Quand on plante de faibles tiges, recépées ou non, on facilite l'opération sans compromettre la reprise du plant, en appuyant ce plant contre une des parois du trou par son côté le moins pourvu de racines. La paroi doit, dans ce cas, être parfaitement verti- cale. L’ouvrier, tenant le plant de la main gauche, conserve la droite libre pour étendre les racines en avant du plant, les garnir de terre et remplir le trou, avec les précautions que nous venons d'indiquer. Pour ces sortes de plantations, on emploie utile- ment, soit une truelle de maçon, soit une petite houe à manche très court, à l’aide de laquelle le plan- teur, agenouillé devant le trou pour plus de facilité dans ses mouvements, accommode celui-ci et y ra- mène la terre, sans se déranger, selon que l'exige la conformation du plant dont il s'occupe. 804. Souvent, au lieu d’un seul plant, on en réu- nit deux, trois, et quelquefois jusqu’à cinq et six, dans le même trou. Ce mode, appelé plantation par touffes, réussit parfaitement pour les bois résineux, 604 DES REPEUPLEMENTS surtout lorsqu'ils sont très jeunes (1 et 2 ans); on l’a aussi appliqué avec succès au hêtre. Les plants sont élevés en pépinière, de la façon que nous avons décrite plus haut [779], seulement les sillons sont très étroits (4 à 6 centimètres). Au moment de la plantation on coupe les sillons, avec une bêche, par plaques ayant à peu près la dimen- sion d’une brique. Ces plaques sont transportées, dans des paniers, sur le terrain à planter, et là, divi- sées à la main, par touffes contenant le nombre de brins que nous venons d'indiquer. Les trous se font à la houe ou avec la petite bêche demi-cireulaire [793]. Les principaux avantages que présente la planta- tion par touffes sur celle faite avec des sujets séparés, sont : 1° Plusieurs brins réunis en une touffe permettent plus difficilement à la terre de se détacher des racines, soit dans l'extraction, soit dans le trans- port ; 2° Les touffes couvrent plus tôt leur pied qu’un plant isolé, et la reprise d’un des brins, au moins, est à peu près assurée ; 3° Dans une mème touffe, le brin le plus vigoureux ne tarde pas à s'élever au-dessus des autres ; après quelques années, cestiges dominantes forment seules le massif de la jeune forêt et les autres tombent dans la première éclaircie. Ce mode de plantation, que nous avons nous-même ARTIFICIELS. 605 pratiqué sur une assez grande échelle et avec diffé- rentes essences (pin sylvestre, épicéa, sapin), nous a toujours très bien réussi, même dans les sols et aux expositions les plus défavorables. Nous pouvons donc le recommander avec confiance, en renvoyant le lecteur, pour plus amples détails, à l’article que nous avons publié sur ce sujet dans les Annales forestières, tome IV, année 1845, pages 329. 805. Lorsqu'on en aura la facilité, on fera bien d’arroser les plants immédiatement après les avoir mis en terre ; mais on conçoit qu'une telle opération n’est praticable que quandles travaux se fonten petit. Ce qui l’est davantage, dans la plupart des cas, c’est de placer à droite et à gauche du plant, une ou plu- sieurs pierres qui maintiennent la fraicheur et raf- fermissent la terre autour des racines, en même temps qu'elles procurent à la tige, quand elle est très petite, quelque abri contre les ardeurs du soleil. Pour les plantations en mottes, il faut avoir la pré- caution de remplir de bonne terre les petits inter- stices qui existent presque toujours entre la motte et la paroi du trou. CHAPITRE SIXIÈME. DES BOUTURES. 806. Toutes les essences feuillues ont, plus ou moins, la faculté de se reproduire par boutures ; on a même réussi à multiplier de cette manière les bois résineux. Cependant, il n’y a que les peupliers, les saules et les platanes qui se montrent particuhère- ment faciles à cet égard, et qui fournissent de beaux sujets ; les boutures des autres bois exigent beaucoup de soins, et les sujets qu'on en obtient sont géné- ralement d’une faible végétation. Aussi se borne- t-on, en sylviculture, à propager, de cette manière, les trois essences que nous venons de nommer, et dont il faut encore excepter toutefois, le tremble et le marceau, tous deux d’une reprise fort difficile. Les plantations de boutures trouvent surtout leur application dans les terrains destinés au parcours, ARTIFICIELS. 607 dans les prairies, sur les bords des chemins, etc. ; mais elles sont aussi d’une ressource précieuse pour fixer les sables, pour maintenir les terres dans les pentes rapides et sur les bords des eaux, ainsi que pour repeupler certains lieux aquatiques dans les forêts. On connaît deux espèces de boutures : la bouture en plançon et la bouture à bois de deux ans. 807. Le plançon est une branche de 3 à 4 mètres de long sur # à 8 centimètres de diamètre, que l’on dépouille de tous ses rameaux et que l’on taille en biseau par les deux bouts. Pour le planter, on l’en- fonce à une profondeur de 50 centimètres, après avoir formé, au préalable, le trou avec un pieu en fer. Toutefois,ce procédé n’est convenable que dans les lieux aquatiques ; quand le sol est plus ferme, il vaut mieux ouvrir, à la bêche, un trou de 50 centi- mètres environ de profondeur sur 66 centimètres de côté, dans le milieu duquel on fixe le plançon et que l’on comble ensuite de bonne terre bien émiettée. Lorsque les plançons risquent d’être endommagés, soit par le vent, soit par le bétail, etc., on leur donne des tuteurs et on les entoure, jusqu’à hauteur d’ap- pui, d’épines ou de branchages. C'est ordinairement avec des plançons que l’on forme les têtards. Il est à remarquer que les grands saules, tels que l’osier, le saule blanc, etc., sont les 608 DES REPEUPLEMENTS seuls bois qui reprennent bien de cette manière ; les peupliers s'y refusent presque toujours. 808. Pour faire des boutures à bois de deux ans, on choisit des rameaux bien vigoureux, présentant, outre la pousse de l’année, du bois de deux ou de trois ans au plus ; on leur enlève toutes les ramilles et on les réduit à 30 ou 40 centimètres de long. S'il s’agit de fixer des sables ou de maintenir des: terres en pente, il est bon de leur donner même plus de longueur. La section inférieure se fait en biseau ; celle du haut doit être droite, afin de ne pas blesser la main du planteur. Lorsque le sol est bien meuble, on plante ces boutures en les enfonçant obliquement, de manière qu’elles ne dépassent la superficie que de 3 ou 4 centimètres au plus. Mais, dans une terre plus ferme, où l’on risquerait de les casser ou de déchirer l'écorce, on prépare des trous avec un plantoir un peu plus fort que les boutures ; et dans les ter- rains tout à fait compactes, on ouvre, soit des trous, soit des tranchées avec la houe ou la bêche. Il est essentiel de bien raffermir la terre autour des bou- tures. Souvent on élève des boutures en pépinière, sur- tout celles de peuplier et celles de platane pour les transplanter plus tard à demeure. Dans ce cas, on choisit un terrain de bonne qualité, frais, qu’on laboure convenablement et qu’on dispose par plan- ARTIFICIELS. 609 ches., On y met les boutures en rigoles, et on les soigne de mème que des plants ordinaires [781]. Des arrosements fréquents favorisent smgulièrement leur reprise. 809. La saison la plus convenable pour faire des boulures est le printemps ; néanmoins, la plupart des saules reprennent aussi de celle manière en élé. 39 CHAPITRE SEPTIÈME DES MARCOTTES. 810. On peut appliquer le procédé du marcoltage, à toutes les essences résineuses ou feuillues; mais c’est surtout pour la propagation de ces dernières, et notamment dans les taillis, qu'il mérite l'attention du forestier. Lorsque les brins ou les rejets qui doivent être marcottés sont fuibles, et, par conséquent, flexibles, on peut les coucher sans difficultés dans de petites rigoles, faites à cet effet, que l’on comble ensuite de bonne terre. Mais quand ce sont des perches assez fortes déjà qu'il s’agit de fre servir de cette ma- nière, il faut procéder avec plus de précaution. Pour le repeuplementdes bois, ces dernières sont plus avan- lageuses ; on en obtient des sujets plus nombreux, d'une reprise plus prompte et d’une croissance plus vigoureuse. ARTIFICIELS. Ù 611 Afin de réussir à ployer ces perches jusqu’à terre, on leur fait, à l'endroit où la plus grande flexion de- vient nécessaire, une entaille qui peut pénétrer jus- qu’au centre du bois et qui doit être placée sur la face convexe de la courbure. Au moyen de cette entaille, on amène la tête de la tige sur le sol, légè- rement labouré au préalable, et on l'y fixe par des crochets en bois qui la saisissent immédiatement au- dessous des branches inférieures et vers l'extrémité de la cime. De fortes mottes de gazon, placées sur les différentes branches principales, sont destinées à les maintenir contre terre. Cette première opération faite, on recouvre tous les rameaux de 16 à 22 cen- timètres de bonne terre, de manière à n’en plus lais- ser passer que les extrémités, sur quatre ou cinq boutons au plus. Au moyen de la terre dont on les entoure, ou bien à laide de mottes de gazon, on donne à ces petites ramulles une position verticale. L’entaille faite à la perche doit, au moins pendant les premières années, être recouverte de mottes de gazon. Après trois ou quatre ans, il s’est formé, au-des- sous de tous ces menus rameaux, des racines qui leur sont propres, et qui sont suffisantes pour pourvoir à leur nutrition. Dès lors on peut donc les sevrer, c’est- à-dire, retrancher la perche courbée quiles unissait à la souche mère ! ! M. Heyer assure que les sorbiers, les érables ct quelques autres arbres encore, étant traités comme on vient de l’expli- 612 DES REPEUPLEMENTS Le procédé que nous venons de décrire, est rap- porté par plusieurs auteurs forestiers de l’Allemagne, comme très usilé dans différentes localités de ce pays. Dans le Hanovre, onl’emploie avec beaucoup de suc- cès pour repeupler les clairières des taillis de hêtre. A cet effet, on réserve, lors de l'exploitation, un cer- tain nombre de tiges sur le bord de ces clairières, et l'année suivante on en opère le marcottage ; ces tiges ont souvent 10, 12 et même 15 centimètres de dia- mètre à la base. 811. Lorsque les perches couchées font partie d'une cépée, il faut éviter de laisser d’autres perches debout sur la même souche. La séve ayant plus de tendance à monter droit qu'à circuler dans les bran- ches courbées, abandonnerait celles-ci pour se porter avec affluence dans les autres, et la perte des mar- cottes en serait la suite. On doit donc supprimer tous les rejets, et, pour empêcher qu'il n’en repousse d'au: tres jusqu'à l'entière reprise des branches marcot- tées, on fera bien de couvrir la souche de 15 à 20 cen- timètres de terre fortement lassée en forme de petite butte. Dès qu’on opèrera le sevrage des marcottes, on quer, s’enracinent dès la première année. Il ajoute que, en général, le bois de deux ans, des branches couchées, s’enracine plus vite que les pousses de l’année, et qu'on hâte d’ailleurs la production des racines, si, au moment où l’on procède au cou- chage d’une branche, on lui enlève sur la face inférieure une petite plaque d’écorce jusqu’à l’aubier, avec un couteau bien tranchant. Autour de la blessure, il se forme un bourrelet sur lequel les racines ne tardent pas à se présenter. ARTIFICIELS. 613 pourra découvrir la souche qui ne tardera pas à four- nir de nouveaux rejets. 812. Le marcottage réussit mieux au printemps qu'en loute autre saison. CHAPITRE HUITIÈME. TRAVAUX D ENTRETIEN A EXÉCUTER DANS LES REPEUPLEMENTS ARTIFICIELS. 813. Par cela seul qu'un semis a bien levé et que, dans une plantation, lagrande majorité des plants est restée verte ou a produit une faible pousse, la réus- site de ces opérations n’est point assurée. — À vrai dire, le succès d'un repeuplement artificiel ne peut être considéré comme certain qu'au bout de 5 ou 6 ans, alors que les jeunes sujets, complétement enra- cinés, protégeant leur pied et pouvant lutter avec avantage contre les intempéries et l'envahissement des plantes nuisibles, commencent à s’élancer avec vigueur et approchent du moment où 1ls vont couvrir la lotalité du sol par l'extension graduelle de leurs branches latérales. Jusqu'à cette époque, le syl- viculleur ne peut abandonner son œuvre ; il doit, au ARTIFICIELS. 615 contraire, sous peine de compromettre le fruit de ses travaux et de ses dépenses, la surveiller active- ment, écarter, autant qu'il dépend de lui, les causes qui sont de nature à entraver la végétation de la forêt naissante, el réparer, à mesure qu'ils ont lieu, les dommages que le temps a pu y causer. 814. Les travaux d'entretien consistent en sar- clages et en binages. On appelle sarcler l'opération par laquelle on enlève, une à une pour ainsi dire, les mauvaises herbes qui se présentent parmi les plants composant un semis ou une plantation, tandis que biner, c’est, ainsi que le mot l'indique, donner une seconde façon à laterre, en mème temps qu'on la dé- barrasse de la mauvaise herbe. Selon la nature des plantes qu'il s’agit d'extraire, selon le sol plus ou moins compacte, enfin, selon la ténuité du plant dans l'intérêt duquel l'opération à lieu, les sarclages se font ou avec un couteau, ou avec un petit instrument appelé sarcloir et que tout le monde connait, ou bien à la main. Les binages se font toujours avec une houe légère ou avec un crochet. 815. Examinons d’abord l’applicationquetrouvent ces travaux dans les semis. 1° Bois feuillus. Les semis en plein sont les moins sujets à l’enva- hissement des mauvaises herbes, pourvu toutefois qu'ils aient bien levé. Ordinairement, comme on le sait, le sol a été préparé à la charrue et nettoyé par une ou plusieurs cullures en céréales. Si doncle “ 616 DES REPEUPLEMENTS semis forestier réussit, les jeunes plants étant répan- dus de toutes parts empêcheront la mauvaise herbe de s'emparer du terrain, et ne tarderont pas à la do- miner et à l’élouffer. Toutefois, quelques sarclages dans les deux premières années ne sauraient être qu'avantageux. Dans les semis partiels (par bandes et par pots) les plantes nuisibles sont beaucoup plus à redouter, parce que les parties demeurées incultes facilitent la reproduction de ces végétaux dans les parties culti- vées, soit par la graine, soit par les racines. Aussi les sarclages dans les deux premières années, et les binages ensuite sont-ils, sinon indispensables, du moins extrèmement utiles, quand on ne veut pas que le semis languisse et quelquefois même que son existence soit compromise; car certaines essences feuillues, telles que le châtaignier, le frêne dans ses premières années, mème le chêne et quelques autres encore sont singulièrement offusquées par les hautes herbes, dans les sols où celles-ci se produisent avec abondance. On fera donc bien, dans ces sortes de semis, de ne pas se borner à sarcler ou biner seule- ment les parties ensemencées, mais de donner en même temps une légère facon aux parties demeurées primitivement incultes, pourvu que la déclivité du terrain permette de le remuer en totalité, et que l’es- sence ne réclame pas impérieusement un abri dans ses premières années, comme le hêtre, par exemple. — Dans les sols frais ou dans les situations basses, ARTIFICIELS. 617 l'opération dont il s'agit aura, outre l'avantage de débarrasser le semis de voisins incommodes et nui- sibles, celui d'empêcher que l'humidité atmosphé- rique (brouillards, rosées), en se maintenant dans les herbes, ne rende plus dangereuses pour les jeunes plants, les premières gelées de l’automne. 2° Bois résineux. Les semis de bois résineux ne se font en général que dans des terrains assez légers, siliceux, feldspa- thiques ou calcaires, accidentés plutôt qu'en plaine. L'envahissement des herbes y est donc, la plupart du temps, moins à redouter que dans les terres fortes, substantielles ou humides; mais, par contre, on a à y combattre certains arbustes tels que myrtilles, bruyères, ronces, etc. — Il est rare que l’on sème en plein et, presque loujours, c'est le semis par bandes ou par pots qui obtient la préférence. L’extrème té- nuité des jeunes plants ne permet guère d’autres sar- _clages que ceux qui se font au couteau ou à la main. Ces opérations sont très utiles dans les deux ou trois premières années, surtout quand, pour économiser la semence, on n'en a répandu que la quantité stricle- ment nécessaire el que, par conséquent, les sujets lèvent assez écartés. Quant aux binages, ils ne sont à conseiller, ni dans les premières années, ni dans les suivantes, elilest entendu que l’on devra s’abs- tenir, surtout dans les pentes, de donner une culture à la houe aux bandes intermédiaires, quand bien mème on reconnaitrait que les arbustes ou les herbes GLS DES REPEUPLEMENTS qui les garnissent nuisent au semis en s’abattant sur les rayons cultivés. Ce qu'il y aurait de mieux à faire en pareil cas, ce serait de les faucher si ce sont des herbes, et si ce sont des arbustes, de les tondre avec des ciseaux de jardin, à 15 ou 20 centimètres de hau- teur, comme on tond les haies dans les champs. — Une forte faucille ou un croissant pourrait aussi servir à ce dernier ouvrage. 817. Dans les plantations, les sarclages, on le conçoit, seraient presque toujours insuffisants ; par contre,les binages deviennent d'autant plus efficaces, tant pour éloigner des plants les herbes ou les ar- bustes qui pourraient les gêner, que pour procurer à leurs racines l'accès de l’air et de l'humidité. Lors- qu'on plante des essences d’élite dans de bons ter- rains situés en plaine, 1lestsouvent avantageux de faire précéder la plantation, de même que le semis, d’un labour total à la charrue et mème de plusieurs cultures de céréales ou de pommes de terre. Le sol est alors parfaitement ameubli et nettoyé, et il est fa- cile de l’entretenir dans cet état au moyen d’un ou de deux binages au plus par an. Mais, dans les repeu- plements forestiers, de telles plantations ne sont guère que l'exception. Ordinairement, la qualité et la configuration du sol, autant que des motifs d’é- conomie, font qu'on se borne à ouvrir les trous des plants, comme nous l'avons enseigné plus haut|790}, sans toucher au reste du terrain. Il s'ensuit que les binages aussi ne se pratiquent qu'autour de chaque ARTIFICIELS. 619 plant, sauf à tondre les arbustes ou à faucher les herbes dans les intervalles, s'ils devenaient nuisibles ou si l’on devaitenretirer un bénéfice im- médiat. 817. L'époque la plus favorable pour les sarcla- ges comme pour les binages des semis et plantations, est celle où les plantes nuisibles poussent avec le plus de vigueur, c’est-à-dire, les mois de mai et de juin. Si, en raison de l'abondance des parasites et des inconvénients qu'elle pourrait entraîner pour les Jeunes plants, dans l'automne ou l'hiver, on recon- naissait l'utilité d’un second sarclage ou binage, il faudrait l’effectuer dans le courant de septembre. 818. Les travaux d'entretien dont nous venons de parler sont encore peu en usage parmi les fores- tiers qui s'occupent de repeuplements artificiels, soit que les forestiers répugnent à faire la dépense à la- quelle ces opérations donnentlieu,soit qu'ilscraignent de ne pouvoir suffire à-la surveillance qu'elles exi- gent. — Nous ne méconnaissons pas les obstacles qui peuvent souvent exister sous ce double rapport, mais nous ne saurions trop insister sur l’opportunité des travaux dont il est question. Non-seulement ils assu- rent la réussite d'une quantité considérable de sujets qui, autrement, eussent péri ; mais ils doublent et triplent la croissance de tous dans les premières années, favorisent le développement de leurs or- ganes de nutrition et jettent ainsi les fondements d'une végétation prospère et vigoureuse qui, plus 620 DES REPEUPLEMENTS tard, dédommagera le planteur, souvent au décuple, des peines et des sacrifices pécuniaires qu'il se sera imposés. 819. Deux ou trois ans au plus tard, après qu'une plantation a été exécutée, il convient de s'occuper des remplacements ou regarnis. Pour cette opéra- lion, on emploiera de préférence des plants un peu plus forts que ne le sont ceux auxquels ils doivent être associés, afin qu'ils se tiennent plus facilement à leur hauteur. Pour faire le même travail dans un semis, il est bon d'attendre que les jeunes plants aient acquis assez de développement pour permettre de juger de la réussite du repeuplement dans son ensemble. Les regarnis se font de la sorte plus facilement et mieux ; il est presque toujours préférable d'y procéder par voie de plantalion. FIN. APPENDICE Renvois du n° 67, page 37. CHÊNE CHEVELU Le chêne chevelu, commun en Orient, ne se trouve en France qu'à l’état très disséminé: il forme, dans le Doubs, l'essence dominante d'une partie de la forêt communale de Saint-Vit. On le rencontre mélangé au rouvre et au pédonculé dans le Jura, la Vienne, la Loire-Inférieure, la Provence, etc. Climat, situation, exposition. — C'est un arbre des climats doux et tempérés; cependant, dans ces derniers, il ne dépasse pas au Nord le département du Doubs. Il habite les plaines et les parties inférieures des montagnes et recherche l'exposition de l'Est et du Sud-Est. Terrain.— 11 n'est pas difficile sous le rapport de la nature du sol et prospère encore là où le chène pédon- culé languit. 622 APPENDICE Floraison et fructification. — La floraison est monoïque et amentacée pour les mâles; les fleurs parais- sent fin d'avril oucommencementde mai,aveclesfeuilles, en retard d'environ 15 jours sur le pédonculé. Le gland ne mürit qu’à l'automne de l’année qui suit celle de la floraison et tombe aussitôt après. La fructification est généralement constante. Jeunes plants. — Le tempérament est robuste et les jeunes piants peuvent se passer d'abri. Feuillage. — Les feuilles, généralement très décou pées, ne donnent qu'un couvert léger. Racines.— Le chêne chevelu a un enracinement pivotant et profond: quand le terrain le permet, à l'âge de 4 ou 5 ans, le pivot mesure près d’un mètre. Croissance et durée. — La croissance de cet arbre parait être plus active que celle du rouvre et du pédonculé: à 50 ans, il atteint, dans le Doubs, un mètre de circonférence ; mais il y est exposé à de nombreuses gélivures qui empêchent de le laisser arriver à de plus grandes dinensions. On en connait cependant qui me- surent 25 m. de hauteur sur 2 m. 50 de circonférence. Sa longévité est prolongée. Qualités et usages. — Le bois du chène chevelu rappelle celui du tauzin:; ilest dur et très nerveux, mais chargé d’aubier, exposé à se gercer, peu apte à la fente. Les gélivures,qu'il présente fréquemment dans le Doubs, le rendent impropre aux grandes constructions. APPENDICE 623 Son chauffage est de très bonne qualité ; on l'estime à l'égal de celui du hêtre. L’écorce est préférée à celle du pédonculé et du rouvre pour le tannage. En France, les glands, toujours äpres, ne peuvent servir qu'à l'engrais- sement des porcs. HN. CHÊNE OCCIDENTAL Longtemps confondu avec le chène liège, le chêne oc- cidental se rencontre peu dans la région méditerra- néenne et habite particulièrement les bords de l'Océan depuis Bayonne jusqu'à la Gironde. Le long du golfe de Gascogne, il forme de vastes forèts, seul ou mélangé avec le pin maritime. Climat, situation, exposition, — C'est un arbre des climats doux plutôt que chauds; on le trouve dans les plaines et il prospère encore jusqu’à 400 m. d’alti- tude. C’est surtout sur les pentes méridionales et abri- tées qu'il se plait. Terrain. — Ilrecherche principalement les terrains de transport, siliceuxouargilo-siliceuxdes landes. Floraison et fructificatiom. — La floraison est monoïque et amentacée pour les mâles; les fleurs pa- raissent en juin; les glands qui leur succèdent ne sont mûrs qu’en septembre de l’année suivante. L'arbre de- 624 APPENDICE vient fertile vers l’âge de 25 à 30 ans.et fructifie presque tous les ans. Jeunes plants. — Les jeunes plants sont assez ro- bustes, mais l’ombrage leur est favorable et ils se trou- vent bien du mélange avec le pin maritime dont le cou- vert est très léger. Feuillage.— Les feuilles sont petites, légèrement dentées, et persistent jusqu'à l’entier développement de celles de l’année suivante. La tète de l’arbre, très rameuse, fournit un couvert assez épais. Racines. — Le chène occidental pivote et trace. Les racines latérales, qui s'étendent au loin, sont disposées à drageonner. Croissance et durée. La croissance de cet arbre est assez rapide; vers l’âge de centans, il peut atteindre deux mètres de circonférence; il ne prend qu'une hau- teur de 15 à 20 mètres et ne dépasse guère 4 mètres de tour. Sa longévité est prolongée. Qualités et usages. — Comme le chêne liège, le chène occidental fournit un bois qui se tourmente beau- coup et supporte mal les alternatives de sécheresse et d'humidité: c'est donc un mauvais bois de construction ou de travail: il est au contraire très estimé pour le chauffage et donne un excellent charbon, Il est surtout cultivé pour son écorce qui produit un liège aussi estimé que celui du chêne liège. 5 ls, APPENDICE 625 Renvoi du n° 475, page 232. En posant le principe que la possibilité des coupes de régénération doit toujours être basée sur le volume, les auteurs du Cours de culture laissent entrevoir qu'à la rigueur les coupes d’ensemencement pourraient être réglées par contenance. C’est en effet ce qui a lieu pour quelques sapinières de l’arrondissement de Remiremont, à titre d'essai seulement et dans des conditions tout à fait exception- nelles. Dans cette région des Vosges, située sous un rude climat, les repeuplements naturels tardent à se produire, soit que la graine parvienne rarement à maturité, soit par suite d'accidents qui compromettent le succès des semis ; au début, la croissance est d’ailleurs très lente : les jeunes plants de hêtre et de sapin ont, à un degré remarquable, la faculté de supporter le couvert, dans un état de végétation latente, pendant 20, 30 et mème 40 années, puis de se développer rapidement s'ils viennent à être dégagés avec les précautions nécessaires. Il fallait tenir compte de ces particularités dans l'a- ménagement et fixer à 40 ans la durée des périodes me- surée aux lenteurs du réensemencement naturel ; mais, comme l’âge moyen des peuplements ne permettait pas 40 626 APPENDICE d'adopter une révolution de plus de 120 ans, chaque affectation eût ainsi compris le tiers de la série, c'est-à- dire une étendue beaucoup trop grande. En effet, sous le couvert de la coupe sombre, la végé- tation est à peine sensible; les semis ne manifestent réellement leur existence qu'après avoir été dégagés; on comprend dès lors que la gradation des âges, dans les nouveaux peuplements, dépend de la marche que l'on imprime aux Ccoupessecondaires et définitives. — Assises ca et là, sans ordre, suivant les hasards du repeuple- ment, ces exploitations laissent souvent, après leur pas- sage, des bouquets de jeunes bois confusément mêlés, dont les âges extrèmes présentent un écart d'autant plus orand que la période est plus longue. Il s'agissait d'éviter cette irrégularité de consistance, qui perpétuerait, en quelque sorte dans les affectations, l'aspect et les inconvénients du jardinage, et prépare- rait, pour la 2° révolution, des bois plus ou moins éloi- onés del’age d’exploitabilité. C'est pourquoi l’on a adopté les dispositions sui- vantes : La révolution a été partagée en 6 périodes de 20 ans. La première affectation doit être entièrement régénérée en 20 ans, autant que possible par voie de régénération naturelle: mais, comme la période est trop courte, eu égard aux conditions climatériques, on admet qu'après un certain temps écoulé sans résultats satisfaisants, le APPENDICE 627 parterre des coupes sombres sera repeuplé artificielle- ment. Dans cette affectation, la possibilité de toutes les cou- pes de régénération est d’ailleurs basée sur ie volume. Durant la même période, de véritables coupe som- bres, assises de proche en proche par vingtième de sur- face, parcourent la totalité de la 2° affectation. Si l’on prévoit une année fertile, on prépare le sol par bandes ou sillons ; mais, quel que soit l’état des semis ainsi ob- tenus ou de ceux quiexistaient fortuitement avant le pas- sage des coupes sombres, on doit s'abstenir de les déga- ger; c’esten deuxième période seulement que les exploi- tations prendront la forme de coupes claires et définiti- ves. On espère qu’à cette époque, il sera possible de les asseoir régulièrement et de réaliser la gradation des âges, en dégageant les semis de proche en proche, sans interruption. On suivra d’ailleurs la même marche jusqu’à la fin de la révolution, c'est-à-dire que chaque affectation sera régénérée à son tour normal d'exploitation, après avoir été traitée en coupes sombres pendant les 20 années pré cédentes. En termes plus généraux, la combinaison dont il vient d’être parlé peut être résumée de la manière sui- vante : La révolution étant de 120 ans, et la durée normale de la période devant être fixée à 40 ans, on a partagé 628 APPENDICE chaque affectation en deux parties égales correspondant à deux sous-périodes de 20 ans. Sauf la portion affectée à la première moitié de la première période et qui doit être régénérée par le con- cours des procédés naturels et artificiels, chaque affec- tation est régénérée en 40 ans par voie de réensemen- cement naturel. On n'a donc dérogé à la méthode ordinaire qu’en deux points : 1° En réglant par contenance la possibilité des coupes sombres : 20 En laissant écouler un intervalle de 20 ans entre la première coupe sombre et la première coupe secondaire, dans chaque affectation. Contre l'application de ce mode particulier de régé- nération dans les sapinières, on objecte : Que le matériel des coupes sombres sera exploité pré- maturément ; Que les produits de la première période seront supé- rieurs à ceux du surplus de la révolution. Ces objections sont plus ou moins fondées suivant les circonstances, aussi l'emploi du système en question ne peut-il se justifier qu’en présence de difficultés ex- ceptionnelles, quand les lenteurs du réensemencement naturel commandent d'adopter de très longues périodes. Pour la grande majorité de nos sapinières, la règle n’en subsiste pas moins de baser sur le volume la pos- ABPENDICE 629 sibilité des coupes principales scrupuleusement circons- crites dans l’affectation qui est en tour normal de rége- nération. “Ms Es Renvoi du n° 516, page 279. Nos plus importantes forêts de pin sylvestre étaient anciennement soumises au mode à tire et aire. Ce trai- tement leur fut appliqué jusque vers 1820, époque à la- quelle on lui substitua la méthode naturelle, au moins en ce qui concerne les coupes principales. Dans ces cou- pes, on réservait un certain nombre d'arbres dans le but d'obtenir le réensemencement du terrain et, pour mieux assurer la régénération naturelle, on imposait aux adjudicataires la charge d’arracher les myrtilles, les mousses, etc., et de donner au sol une légère culture par bandes alternes. Tel est, en peu de mots, le traitement qui était au- trefois appliqué à ces forêts, dans lesquelles on trouve aujourd'hui des peuplements provenant de semis natu- rels, parfaitementcomplets et detous les âges antérieurs à 1840. La faculté d'imposer des travaux sur les coupes ayant été supprimée lil y a 30 ans environ), on cessa de culti- ver le parterre des coupes d’ensemencement. Mais bien- 630 APPENDICE tôt on s’aperçut que ces coupes ne se repeuplaient pas, ouqu'elles se repeuplaient mal, ou que, tout au moins, il fallait attendre trop longtemps avant d'obtenir un semis suffisamment complet. Dès lors, on prit le parti de re- courir à des repeuplements artificiels. La facile exécution et le succès, pour ainsi dire as- suré, de cette opération, d’une part; l’insuccès des coupes d’ensemencement dans les terrains non préparés, d'autre part, firent naïitre, peu à peu, la conviction qu'il y avait intérêt à substituer, d'une manière générale, le repeuplement artificiel à la régénération naturelle. Mais on ne tarda pas à reconnaitre que le nouveau mode de régénération ne donnait pas des résultats meilleurs que ceux que l’on obtenait anciennement , et, comme il est beaucoup plus coûteux, on revint tout naturellement à l’ancienne pratique des coupes d’en- semencement et à la préparation du sol de ces coupes. Une culture très légère, un simple grattage de la mousse qui recouvre les terrains secs, l'ouverture de bandes ou de sillons dans les sols trop fortement en- herbés ou couverts de myrtilles, suffit pour assurer la régénération naturelle des coupes dans un bref délai. Les repeuplements que l’on obtient ainsi ne sont pas ordinairement aussi épais, aussi drus que ceux que l’on peut avoir en semant à la main. Mais ils présentent, sur ceux-ci, plusieurs avantages importants : en effet, les jeunes plants du pin sylvestre sont très robustes et APPENDICE 631 croissent avec rapidité dans la premiere jeunesse, s'ils sont un peu clair-semés ; leurs branches basses s’étalent, leur pied devient fort et trapu, et, peu à peu, le mas- sif se forme et se serre jusqu'à donner un peuplement très complet avant d'arriver à l’état de gaulis. Les semis naturels (probablement parce qu'ils sont moins serrés) échappent presque tous à la maladie grave de la défo- liation qui atteint généralement les semis artificiels, et en retarde souvent le développement pendant plusieurs années. Enfin, malgré l'avantage qu'il pourrait y avoir à pra- tiquer une éclaircie forte dans les fourrés, la difficulté de procéder en grand à cette opération délicate empe- che d'y recourir, et les semis artificiels, trop serrés au début, ne présentent plus quand arrive l’état de gaulis, que des tiges étiolées et souvent sans avenir. HN. Renvoi du n° 543, page 308. Dans les futaies jardinées en voie de transformation, l'usage a prévalu de régler par contenance les coupes jardinatoires destinées à faire disparaitre les bois que l'on ne pourrait laisser sur pied, jusqu'à ce que les coupes de régénération vinssent les atteindre. 632 APPENDICE Selon que le dépérissement de ces bois est plus ou moins rapide, on parcourt deux ou trois fois, durant chaque période, les affectations qui ne sont pas en tour de régénération ; les coupes sont assises de proche en proche, par contenances égales, et l’on procède en même temps à l’enlèvement des perches dominées et sans avenir. De cette manière, on ne réalise pas toujours l'égalité des produits annuels; mais c’est là un point secondaire; l'essentiel est d'exploiter à propos les arbres surannés ou nuisibles, en évitant toute appréciation à long terme. Suivant les conseils du Cours de culture [544/, il s’agit, en pareil cas, de recourir aux moyens les plus simples, les plus larges et les plus expéditifs. "En Dr Renvoi du n° 549, page 317. Le jardinage rationnel, tel que l'enseigne le Cours de culture [549|, a rencontré dans la pratique de sérieuses difficultés en ce qui concerne la périodicité des coupes. En effet, la marche des accroissements étant fort irré- gulière dans les forêts de l’espèce, il est rarement pos” sible de préciser le temps dans lequel les arbres d'une certaine catégorie de diamètre parviendront à la gros- APPENDICE 633 seur requise pour être réputés exploitables ; et cette donnée füt-elle même acquise avec une approximation suffisante, le rapport soutenu n’en serait pas moins éta- bli sur une base bien précaire. Il faut donc le reconnaitre : on n’a fait et l’on ne pou- vait faire que de vaines tentatives pour équilibrer les produits, à long terme, dans les forêts jardinées. C’est que la solution du problème est subordonnée à la con- dition de trouver, sur toute l'étendue de la série jardinée, des bois de tous âges confusément mèêlés dans des pro- portions constantes, c'est-à-dire un état de consistance à peu près imaginaire. A ce point de vue, comme à celui de la quantité et de la qualité des produits, le jardinage parait devoir être ‘exclu des forèts grandes ou petites, sauf les cas excep- tionnels où la situation commande d'y maintenir cons- tamment l’état de massif, dans un intèrêt de conserva- tion ou d’abri. En pareil cas, le forestier intervient uniquement, soit pour enlever les arbres brisés, morts ou parvenus à un degré de maturité très avancé, soit pour favoriser l’es- sor des jeunes peuplements destinés à perpétuer l’état de boisement. Or, le moyen le plus simple, le plus sûr d'obtenir ces résultats, serait de parcourir chaque année toute la série jardinée en coupant les bois parvenus au terme de l’ex- ploitabilité physique. Mais cette manière de procéder 634 APPENDICE serait fort pénible si on l’appliquait à des forêts de cer- taine étendue; l'exploitation de produits disséminés à de grandes distances occasionnerait d’ailleurs une forte dépense; il est donc souvent nécessaire de consacrer plusieurs années à ces exploitations &t d’en régler la périodicité proportionnellement aux contenances à par- courir. Toutefois, la période de rotation doit être courte pour éviter toute appréciation lointaine sur la longévité des bois, et afin que, dans l'intervalle de deux coupes sur un point quelconque, les produits ne puissent pas être dé- préciés par un dépérissement imprévu. On remplit ces conditions en fixant, parexemple, à 12 ans la périodicité des coupes jardinatoires dans les fo- rèêts de plus de 100 hectares, et en réduisant cette pério- : dicité jusqu'à la rendre annuelle, biennale ou triennale, s’il s’agit d'opérer sur de faibles étendues. Ce point établi, la marche des exploitations consiste uniquement, pour les bois de l'Etat, à diviser l'étendue boisée en autant de parties égales qu'il y a d'années dans la période de rotation; les agents d'exécution ont ensuite pleine faculté de faire, dans les limites de chaque coupe, toutes les exploitations compatibles avec la con- servation des massifs. Quant aux forêts appartenant à des communes ou à des particuliers, sans poursuivre le rapport soutenu à long terme, il convient cependant d’équilibrer les pro- APPENDICE 635 duits, dans une certaine mesure, pendant le cours de chaque période de rotation. Les dispositions à prendre dans ce but, peuvent être résumées ainsi qu'il suit : 1° Fixer d’après la contenance de la série quelle doit être la périodicité des coupes ; 2° Partager la série en parcelles comme il est dit au Cours de culture [5491 ; 39 Déterminer le diamètre que les arbres doivent avoir atteint pour ètre réputés exploitables ; 49 Au début de chaque période, dénombrer et cuber, séparément dans chaque parcelle, les arbres qui ont atteint ou dépassé le diamètre adopté comme limite; puis divisant ce matériel par le nombre d'années de la période, déduire le volume annuel moyen que l’on peut exploiter: 50 Répartir les parcelles entre les années de la pé- riode, proportionnellement aux volumes que l’on y a trouvés, en s’attachant à former chaque contingent an- nuel, soit d’une parcelle entière, soit d’une partie ali- quote de parcelle, soit de plusieurs parcelles réunies, de telle sorte que les produits différent le moins possible du volume annuel moyen ; 6° N’expioiter dans chaque coupe annuelle que les arbres ayant atteint ou dépassé le diamètre adopté, et même réserver ceux dont l'enlèvement compromettrait 636 APPENDICE l'intégrité du massif, faute de jeunes bois en quantité suffisante pour fermer les vides. 7° Exploiter en outre, quelle quesoit leur grosseur, les bois morts ou tout à fait dépérissants. Ce règlement de possibilité, fondé sur les contenances équivalentes, est compatible avec l'établissement d’un quart en réserve; il suffit pour cela de former autant, de contingents annuels qu'il y ad’années dans la période, plus un tiers, ‘ Aïe 5 Renvoi du n° 560, page 331. Dans la pratique, on s'abstient généralement de pas- ser par une révolution transitoire quand il s’agit de transformer les futaies précédemment soumises au mode dit à tire et aire. Limitées, pendant la pre- mière période, aux bois dépérissants ou parvenus à un degré de maturité très avancé, les extractions d’an- ciennes réserves, dans la plupart des cas, n’ont pas donné d'assez grands produits pour compromettre le rapport soutenu. On n'a recours à une période transitoire que quand la révolution adoptée étant plus longue que celle des coupes à tire et aire, il convient d'attendre que les APPENDICE 637 bois de première affectation soient devenus exploita- bles. ALT: Renvois des n° 597 et 600, pages 375 et 380. Quand on procède au balivage dans les taillis compo- sés d'essences mélangées, il est bien rare de rencontrer, surtout dans les forèts situées en bon fonds, le nombre de brins de chène nécessaire à l'entretien d’une réserve convenable en sujets de cette essence. Les auteurs de la culture attribuent cette pénurie des baliveaux de franc-pied à la difficulté que les jeunes plants de chêne éprouvent à s'élever au milieu des bois blancs, des morts-bois et des rejets de bois dur qui les encombrent et les dominent, bientôt après l'exploitation du taillis. Afin d'assurer les ressources nécessaires au balivage, on prescrit de planter une quantité suffisante de jeunes chènes après chaque exploitation du taillis ; puis on re- commande de donner à ces plantations tous les soins nécessaires pour les mener à bien, notamment en pra- tiquant des nettoiements et des éclaircies, dans le but de les dégager du couvert qui peut nuire à leur dévelop- pement. 658 APPENDICE Si ces prescriptions étaient bien comprises et appli- quées avec suite, elles produiraient le résultat que l’on poursuit. Mais elles ont, à nos yeux, un inconvénient qui n’a certainement pas échappé aux auteurs de la culture, c'est de recourir à des repeuplements artificiels, tou- jours fort coûteux, pour assurer la régénération du chène dans les taillis d’essences mélangées. Nous ne songeons pas à écarter les repeuplements artificiels, d’une manière absolue ; nous croyons seule- ment que, dans les taillis comme dans les futaies, on peut souvent éviter cette dépense, en prenant les pré- cautions nécessaires : {1° pour assurer la production des semis naturels en quantité suffisante: 2° pour préserver ces semis, après l'exploitation du taillis, des dangers auxquels ils sont exposés. Dans les taillis exploitables, où la réserve est consti- tuée en chènes et hêtres, on trouvera presque toujours, sous le couvert des perchis, une certaine quantité de jeunes plants provenant de semis naturels. A la rigueur, cette quantité pourrait, la plupart du temps, être consi- dérée comme suffisante pour subvenir, ultérieurement, aux besoins du balivage. Mais on obtiendra sûrement un résultat plus complet et plus satisfaisant, en prati- quant, quelques années avant la coupe principale, une éclaircie dans laquelle on aura soin de dégager le sol de tout ce qui le couvre trop immédiatement, en un mot de relever le couvert, tout en se gardant d'interrompre APPENDICE 639 le massif. Lorsque les taillis sont ainsi préparés, les glands et les faines se conservent parfaitement sous la feuille pendant l'hiver qui suit la dissémination; tandis que ces semences moisissent, s’échauffent et pourrissent dans les peuplements plus jeunes, plus serrés, où le couvert des végétaux de toute espèce est plus rapproché du sol. | Que si, par exception et pour une cause quelconque, on n’a pas l'espoir d'obtenir des semis naturels sous le perchis, il faudra bien planter. Mais alors, mieux vaut encore, selon nous, planter, deux ou trois ans avant l'exploitation, sous le couvert du taillis préalablement éclairci, que d'entreprendre le repeuplement après le récolement de la coupe. La plantation sous le couvert du perchis, dans un sol nettoyé d'herbes et bien ameubli, est plus facile, moins coûteuse et présente plus de chance de succès que lorsqu'on l’exécute dans un taillis nouvellement exploité. En tout cas, quand on plante, soit avant, soit après l'exploitation du taillis, il est bon d'adopter un certain ordre et de disposer les plants par bouquets ou en lignes, de facon à pouvoir les retrouver plus facilement, quand il faudra leur donner les soins nécessaires pour assurer leur développement. Ces soins s'appliquent aussi bien aux brins provenant de semis naturels qu'aux sujets de plantation. Ils sont parfaitement indiqués par les auteurs de la culture, e consistent principalement dans la pratique des nettoie- 640 APPENDICE ments (Voir la note au bas de la page 378). Toutefois, nous croyons devoir insister sur la manière de procéder à cette opération, que l’on a trop négligée jusqu'ici, parce qu’elle ne procure point de revenus immédiats. Afin que l'exécution en fut bien assurée, nous vou- drions que les coupes de nettoiement dans les taillis fussent assises aussi régulièrement que les coupes prin- cipales et, qu'après son exploitation, chaque coupe de taillis fut nécessairement et obligatoirement parcourue en nettoiement à des époques fixes, par exemple, tous les deux, trois ou quatre ans, suivant la rapidité de la végétation, jusqu’à l’âge fixé pour la coupe d’éclaircie. Rien ne serait plus facile, nous en avons l'expérience, que de dresser les gardes à diriger ou à exécuter eux- mêmes une opération quinedemande ni dépensede force, ni beaucoup de savoir-faire. En effet, le nettoiement, comme nous l’entendons ici, ne consiste pas à extirper à la pioche les bois blancs et les morts-bois, ni même à les couper rez-terre à la serpe ou àlahache: il se réduit tout simplement, à dégager la tètedes jeunes plants dont on veut favoriser le développement, en cassant ou en coupant, à une hauteur convenable, les tiges ou lesbran- ches des végétaux secondaires, qui nuisent ou menacent de nuire bientôt à la croissance des sujets à protéger. HN. APPENDICE 641 Renvois des n°*:601 et 603, pages 382 et 384. L’élagage, dans les forêts, ne s'applique guère qu'aux arbres qui ne croissent pas en massif. L'élagage des ar- bres réservés dans les taillis comprend deux opérations distinctes : l'émondage des branches gourmandes, et la suppression ou le raccourcissement de certaines bran- ches de la cime. Ainsi que le conseillent les auteurs de la culture, l’é- mondage des branches gourmandes doit toujours avoir lieu rez-tronc.On se sert, à cet effet, d'instruments bien tranchants et de formes très variées, auxquels on donne le nom d’émondoirs. En première ligne vient la serpe qui est l'instrument préféré de tous les ouvriers, et le seul qu’ils peuvent employer commodément, quand ils sont obligés de faire usage d’échelles, pour atteindre les branches à émonder. Après la serpe ordinaire, les émondoirs dont nous donnons ici le dessin nous pa- raissent les meilleurs. Le premier est une serpe en forme de croissant, à laquelle on ajuste un manche de longueur variable (2 à 4 mètres ordinairement); le se- cond a la forme d’une spatule et s’emmanche comme la serpe. L'un et l’autre peuvent servir indifféremment à 41 642 APPENDICE l’'émondage rez-tronc des petites branches gourmandes ; mais lorsqu'il s’agit de retrancher une branche un peu forte, ayant, par exemple, 4 ou 5 centimètres de dia- mètre au point d'attache, on se sert, avec plus d’avan- tage, de l'émondoir en spatule. Dans ce cas, on appli- que letranchant de l'instrument à la base de la branche, et, pendant qu’un homme soutient l’émondoir dans cette position, un autre ouvrier lui donne l’impulsion en frap- pant avec un maillet contre l'extrémité inférieure du manche. On obtient ainsi des plaies bien nettes, que l’on enduit de coaltar immédiatement après l’opération APPENDICE 643 et qui se ferment avec d'autant plus de rapidité que l’ar- bre est plus vigoureux. L'émondage doit se faire aussitôt que les branches gourmandes apparaissent, c’est-à-dire pendant l'été qui suit l’abatage du taillis. Si l'opération ne peut pas être pratiquée dans ce délai, il sera particulièrement utile de la faire avant le développement des bourgeons de l’an- née suivante. Un seul émondage suffira quelquefois pour débar- rasser un arbre de ses branches gourmandes, et, dans tous les cas, le premier sera le plus important. — Mais un second émondage à 2 ans, 3 ans au plus d'intervalle, sera souvent utile ou même nécessaire. Rarement, on sera obligé de recommencer une troisième fois l’opé- ration. Appliqué avec soin et en temps opportun, l'émondage des branches gourmandes suffit presque toujours pour préserver du dépérissement la cime des arbres de ré- serve, et dispense d’avoir recours plus tard à la sup- pression de grosses branches. — Nous ferons remarquer, d’ailleurs, que l'opération de l’émondage est facile à pratiquer, qu'elle n’exige pas l'emploi d'ouvriers spé- ciaux difficiles à former, et qu'on peut en généraliser l’application dans toutes les forêts, grandes ou petites, sans aucun embarras, parce qu’elle ne demande ni beaucoup de temps, ni beaucoup de frais, ni beaucoup d'habileté. Le tout est d'agir en temps utile. 641 APPENDICE IT Outre l'éemondage, toujours nécessaire, des branches gourmandes, il peut être utile de retrancher ou de rac- courcir certaines branches de la cime. Ainsi, les bran- ches mortes, par exemple, devront toujours être sup- primées en même temps que l’on fera l’'émondage des branches gourmandes. Il en sera de même des branches cassées par le vent ou par la chute d'arbres voisins. IL est bien certain, en effet, que si on laisse subsister ces branches mortes ou cassées, la pourriture qui a envahi les premières et qui menace d’'envahir les autres, de- viendra souvent la cause de la formation de gouttières : et, plus tard, de grisettes, qui atteindront le corps de l'arbre, et y produiront les ravages que l’on rencontre si souvent dans les réserves sur taillis et spécialement dans les chènes. Reste donc à savoir comment on pro- cédera à cette amputation. Pour les branches entièrement mortes, la section doit toujours avoir lieu rez-tronc, tandis que l’amputation peut se faire dans la partie restée vivante de la branche, quand l'extrémité seule est morte. -De même, onpourra souvent se borner à supprimer une partie d’une bran- che vive et cassée en faisant la section à quelque dis- tance au-dessous du point de fracture ; mais c’est à la condition expresse que la partie à conserver sera sus- APPENDICE 645 ceptible de reconstituer une branche utile à l’alimenta- tion de l’arbre. Dans tout autre cas, l’élagage devra se faire rez-tronc. Cette opération peut se faire avec une serpe ordi- naire, où avec une scie quand il s’agit d'attaquer une grosse branche. Mais, lorsqu'on se servira de la scie, il faudra nécessairement raviver et polir la plaie avec la serpe et, dans tous les cas, recouvrir cette plaie d'une couche de coaltar. Inutile de dire que l’amputation d’une branche un peu forte devra toujours commencer par une entaille assez profonde dans le côté inférieur de la section. IT. Quant aux branches vives et intactes, nous croyons, qu’en général, il y a plus de mal que de bien à attendre d’une opération, si bien faite qu'elle soit, qui aurait pour objet de soumettre une partie d'entre elles à un système raisonné de suppression ou de raccourcisse- ment, en vue d'améliorer la croissance ou la forme de l'arbre qui les porte. Pour le chène spécialement, nous partageons l'opinion que l’élagage en chicot est dangereux et qu'il vaut mieux couper rez-tronc toute branche que l’on est décidé à supprimer, Nous admettons aussi que les plaies faites au tronc peuvent se cicatriser, le plus souvent, avec 646 APPENDICE assez de rapidité pour soustraire le corps entier de l'arbre aux dangers des gouttières, des grisettes et des nœuds gâätés ; mais nous devons dire qne ces plaies, même les mieux recouvertes, laissent derrière elles des taches analogues à celles qui sont connues sous le nom de frottures ; que ces taches sont composées d’une ou plusieurs couches de bois mort, (mais non gâté) qui ne se ressoudent pas avec celles qui les recouvrent ; qu'elles se retrouvent plus tard quand on débite l'arbre, et suffisent pour en déprécier la valeur ; que si, au con- traire, on se fût abstenu d’élaguer, le débit de la pièce, en planches, en charpentes ou en marine, aurait ac- cusé, à la place de ces plaies, un nœud sain qui n’au- rait altéré en rien la qualité et le prix de la marchan- dise. Nous pensons donc, qu'à moins d'exceptions, il faut se dispenser d'élaguer les branches vives et intac- tes de la tète des réserves. Quelles sont ces exceptions ? On comprend que, dans un taillis exploité à une courte révolution, à 10 ou 15 ans, on puisse soumettre les jeu- nes réserves à l'opération de la taille, et nous conseil- lerions volontiers aux propriétaires particuliers d'user de ce procédé pour former leurs arbres, surtout s'ils pouvaient surveiller eux-mèmes l'opération, et la con- fier à des ouvriers intelligents et expérimentés. On comprend aussi, que si un taillis est dominé par des arbres à couvert épais, comme des hêtres, on puisse APPENDICE 647 avoir intérêt, surtout quand le couvert est bas, à re- trancher quelques-unes des branches inférieures, pour favoriser la croissance du sous-bois. En effet, au cas particulier du hêtre, l'arbre ne souffrira que peu sous le rapport de sa croissance et, en raison de l'emploi que l’on en fait, il ne subira, la plupart du temps, qu'une dépréciation insignifiante. ‘On comprend même que les branches inférieures de la tête d’un chêne, lorsqu'elles s’étalent démesurément et horizontalement, puissent être raccourcies sans danger ; car, alors même que, par cette opération, la vitalité de la branche serait amoindrie ou tout à fait compromise, il n’y a, pour ainsi dire, point de risque à courir au point de vue de la formation d'une gouttiere, puisque, par hypothèse, la branche a une direction horizontale. Concluons. — L'arbre le plus précieux et le plus ro- buste de nos forêts, le chène, est aussi celui qui est le plus facilement et le plus profondément atteint, dans la qualité de son bois,parles accidents de toutes sortes aux- quels nos grandes essences sont exposées. Que l’on cherche à prévenir ces accidents, ou à en amoindrir les conséquences dans la mesure du possible, rien de mieux ; mais si l’on consulte les exploitants et tous ceux qui ont étudié le débit du chêne sous toutes les formes, tous s’écrieront, à propos de l’élagage des bran- ches vives et intactes : ne touchez pas au chène. HN. 648 APPENDICE Renvoi du n° 632, page 427. A l'examen comparé des principales méthodes d'ex- ploitation qu'il nous soit permis d'ajouter encore une considération à l'avantage de la futaie : On sait avec quelle facilité les bois blancs (tremble, saule, aune et tilleul) ainsi que le bouleau, se propagent dans les taillis quand le sol est frais et fertile. — Cette invasion est d'autant plus rapide que les exploitations sont plus fréquemment répétées. Les rejets de bois durs peuvent lutter avec quelqu'avantage , mais les brins de semence périssent immanquablement étouffés, si, dès les premières années, la main du forestier ne vient pas à leur aide. A défaut de ces soins, toujours coûteux et trop sou- vent négligés, on a vu s’opérer dans la nature des peu- plements les transformations les plus radicales; le tremble, le bouleau, les morts-bois règnent en maitres sur de vastes étendues autrefois habitées par le chêne. Ces tristes résultats ne sont point à craindre dans les futaies; les bois blancs s'y montrent quelquefois après la coupe secondaire ou définitive, mais c’est pour disparaitre dans les éclaircies, si déjà les coupes de nettoiement n’en ont pas fait justice. A. L. APPENDICE 649 $S 682, page 485. Pour la conversion des taillis en futaie, le cours de culture indique trois modes de conversion différents : 1® mode. — Dès le début et au cours d’une révolution préparatoire, supprimer les exploitations de taillis, et leur substituer des coupes d'amélioration , (nettoie- ments, éclaircies, extraction de réserves dépérissantes), qui parcourront toute l'étendue de la série à convertir. 2 mode. — Dès le début et au cours d’une révolution préparatoire , traiter en coupes d'amélioration une partie des peuplements, et continuer parallèlement les exploitations de taillis dans le surplus de la série. 3e mode. — Dans des conditions particulières de peu- plement et, par conséquent, à titre exceptionnel, commencer immédiatement la régénération naturelle ou artificielle d'une partie de la série, et traiter paral- lèlement le surplus, soit par coupes d'amélioration, soit par coupes de taillis. Ces trois modes de conversion ont été mis en pra- tique sur une assez grande échelle, et c’est le deuxième qui a prévalu. Cette préférence, déjà conseillée par nos maitres, s'explique aisément ; on y trouve en effet divers avan- tages : Le plus essentiel,commund’ailleurs aux deux premiers 630 APPENDICE modes, c'est que la régénération, étant ajournée jus- qu'à la fin d’une révolution préparatoire, s'effectuera plus facilement, parce que le taillis sera parvenu à l’âge de fertilité; parce qu'il aura atteint l’élévation nécessaire pour le succès du repeuplement, et parceque le sol se sera amélioré par suite d’un couvert prolongé. Mais il y a aussi d’autres avantages que ne procure pas le premier mode de conversion et qui prœviennent de la continuation temporaire des coupes de taillis dans une certaine portion de la série; (du quart aux trois quarts) savoir : 1° Suivant la part plus ou moins grande que l’on fait à cette catégorie de coupes, on {peut atténuer sensi- blement l’inévitable diminution des revenus pendant la révolution préparatoire et même au-delà ; 20 On peut adopter, pour la première régénération de la série, une révolution transitoire différant peu de la révolution définitive qui correspond à l’exploitabilite de l’essence à faire prédominer. Il est peut-être superflu d'ajouter que ces derniers avantages ne peuvent être réalisés sans inconvénient qu'à l’expresse condition de multiplier les arbres de réserve dans les coupes provisoires de taillis sous fu- taie, en vue d'entretenir et même d'améliorer la ferti- lité du sol. Quant au troisième mode de conversion, l'expérience qu'on en a faite n’est pas pour en recommander l'emploi : . APPENDICE 651 Quels que fussent le nombre et la fertilité des arbres de réserve, la régénération entreprise immédiatement, sans préparation, dans des taillis d'environ 30 ans, a rencontré de sérieux obstacles. Pour ‘assurer le succès des repeuplements naturels ou artificiels , on avait à luttér contre les rejets du taillis. Ce n’est qu'au prix d'efforts soutenus et à grands frais qu'on parvenait à dégager ces repeuplements. Souvent, faute d’assiduité et d'argent, il y a eu des mécomptes. On a pensé mieux faire en extrayant les souches du taillis ; mais divers essais n’ont abouti qu'à montrer le ‘ danger d’un pareil expédient, surtout dans les sols mai- gres, dont la fertilité peut ètre compromise par tout re- tard dans le repeuplement. La nécessité d’une préparation, plus ou moins longue, parait donc s'imposer en tous cas, alors même que les bois blancs et morts-bois domineraient dans les taillis à convertir. Eclaircir peu à peu les peuplements ainsi composés ; les laisser s'élever autant que possible, même jusqu'à l’âge voisin du dépérissement, puis les mettre en coupes d’abri, et semer ou planter les essen- ces qui doivent former la jeune futaie ; telle est la mar- che à suivre, la plus sûre et aussi la moins coûteuse. C'est celle queM.Tassy a, tout le premier, recommandée dans la deuxième édition de ses études sur l’aménage- ment. A. L. FIN. 2. pit a dre Lin Hero rem miauus ip ae 9D,#iltat, CURE tianoninu moi su ei, #bu F4, 12 pe ta atiubiaufr un pneus a téiietr et \ mo Wu ut sénhonal, “ab, ‘ad in zadasie oui san ga. ain PAL date tip ituos Hour GTS ré -ianrelos sol asshtuodites du HAUTE x Ut tutit RU RI HIEUE bo, Te tip DH y x l éritstie fin: DAETILE ue its ts an TT arts su noi Pro 1} ah 04 aout HO PGA, 24 di, fa, we0quuie 4 Afin entente AUS ‘10 #iy PHRUT Jin. ak aigu «4 Hi 4 n JO L) «abhie2od. ap fHatB, à | areli'e 19241408 est étud Honipésith 3 tif qisiar CE TN Le i d'ovten 11 ya jet 40488 bo ‘Lo EL RP à | QAR Corus DIN : vd pipi fus ‘g119} L adsl o odiitx 8} "EEE 4 Ù ñ 1 ‘Re off 2110 1 nf} CETTE 9 p'yre by : n'ait jf ( HMOIEE EEE im, ok wo)! at) asus i ui avhaté vué Ps RÉEL) x; ani *: F3 XMuA rade AM era bi sh NAN. L: VOCABULAIRE DES TERMES TECHNIQUES EMPLOYÉS ET DÉFINIS DANS CET OUVRAGE Abroutissement. . . . . . . Accroissement annuel. . . . . == moyen. … - ÆHSEtAUON périodique. : ©, . : . : . . 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