CURIOSITEZ D E LA NATURE E T DE L'ART, Aportées dans deux Voyages des Indes i l’un aux Indes d’Occident en 165/8. & 1695?. & l’autre aux Indes d’Orient en 1701. 1702. AVEC VN E REL AT 10 N abregêe de ces deux Voyages. Par C. Biron, Chirurgien-Major. A P A R I Chez Jean Moreau, rue S. Jacques » à la Toifon d’Or , vis-à-vis S. Yves. M. D. CCIII. AVEC F R l VI LE GE DV ROT. E P I TR E. fai eu l’honneur de 'vous faire 'voir quelques feuilles impri - tn'ees de cet ouvrage , me fait efperer que vous ne defaprouve- point la liberté que je prends , de le rendre public fous les aufpices de votre il- luflre Nom. Je ferois bien con- tent f la le filtre de ces recher - ches y pouvoit. Madame, vous divertir quelques mo- ments. Mais je dois craindre ce difcernement fi jufle , & cette vertu auflére , qui veut trouver par tout un air de cette piete admirable , que vous joi- gneT^ au Sang illuflre , dont vous êtes née. Toutes vos ac- tions s Madame, répon* E P î T R E. dent parfaitement a la gran~ deur de votre naiffance , O* d ces nobles fentiments de va- leur , & de Religion , qui font de tout tems héréditaires dans votre Adaifon : car enfin elle s'efi toujours difiinguèe par les importants fervices , quelle a rendus , & quelle rend encore continuellement d l’Eglife , & d l’Etat. Je ne me hasarde pas d'en dire davan- tage -, je ne fuis ni Hiflorien , ni Orateur: &1 quand je ferois l'un & l'autre, je dois fonger d ne pas hle fier votre modefiies qui vous fait placer les loüan - ges y que votre mérite vous at- tire parmi les plus infuporta - E P I T R E. blés chofes de la vie. Il vaut mieux , Madame, que je penfie a implorer votre prote- fli on y & a mériter la per- mijfion de me pouvoir dire avec un refpeél infini , MADAME, Votre très-humble & très- obeïlTant lerviteur , C. Biron. *> 1 ma sa* <■*.' f#* <*S. C-ffCi M*N> MV* MS-» Vfï» «^v. •«C • ~o- e^e^e******** ®ww PREFACE. L y a des perfonnes bienfenfées, qui vou- draient que l’étudé des Phylîciens fe tour- nât à la recherche des vertus , & des propriétez , que l’Auteur de la Nature a miles dans les Minéraux y dans les Plantes , &dans les Animaux. A lave- rite cette connailïance leur coûteroit moins de peines > &C ferait plus utile à la focieté des hommes , que toutes ces vaines dilputes , qui les occu- pent depuis tant de lîècles. Il eft étonnant que depuis en- viron deux mille ans que l’on philofophe inutilement , pour a mj î j PREFACE. découvrir l’eflènce, & la natu- re de chaque choie , on n’ait point reconnu ? que puifqu’on n’a pas réüffi julqu’à prélent dans cette recherche , on n’y réülïïra jamais. Toutes les cho- ies naturelles , & fenfibles , font compolees de la même malle de matière 5 & toute la diferen» ce 3 qui eft entr’elles , ne vient que des divers arrangements, que la figure, le mouvement, la contexture , & la differente fituation ont aportez dans cet- te matière. Or cette diférente organi- sation eft le jeu de la Toute- puiflànce de Dieu > Ludens in orbe terrarum. Proverb. VIII. C'eft le lecret mécanilme de lès merveilleulès opérations au dehors de lui-même > c’efi: ce cjue les Philolophes cherchent à connaître depuis fi long- 'PREFACE. iij tems. Leur travail n’eft pas plus avancé que le premier jour. Pour favoir la diference Ipécifique de chaque chofe , ôc ce que l’Ecole nomme } forme fubftantielle 3 ou caufe formelle , il faudroit l’aprendre de cette Sageflè Eternelle qui accom- pagnoit le Créateur dans la Formation de l’Univers-, & qui parle ainfî d’elle - même : J’ai été établie dès l'éternité , & dés le commencement , avant que la terre fut créée. Les abîmes n ê- toient -point encore , lorfque fètois déjà conçue ; les Fontaines n è- toient point encore forties de la terre j la pefante majfe des Mon- tagnes n ètoit pas encore formée) fètois enfantée avant les colli- nes. il n’avoit point encore créé la terre , ni les Fleuves , ni afer- mi le monde fur fe s pôles. Zorf- qu il préparait les Cieux > fètois • iv PREFACE. pre fente -, lorfqu il environnoit les abîmes de leurs bornes , (f il leur prefcrivoit une Loi in- violable j lorfqu il afermijfoit l air au deffus de la terre , (f qu il difpenfoit dans leur équi- libre les eaux des Fontaines j lorfqu il renfermoit la mer dans Je s limites 3 (J qu’il impo fait une Loi aux Eaux , afin qu elles ne paffa ffent point leurs bornes j lorf- qu il pofoit les fondements de la terre -, fêtais avec lui , & je réglois toutes chofes : Cum eo eram c une la componens . Proverb. Cap. VIII. y. 23. &c. Pour la- voir donc ce qui conftituë formellement l’eflènce d’une chofe , il faudroit avoir été du confeil de Dieu , quand il for- moit les Créatures. Quis con - filiarius ejus fuit. Rom. XJ. f. ■ 34* Nous n’en lavons pas au- jourd’hui plus qu’en lavoient F RE F ACE. V Platon , & Ariftote , qui n’en favoient rien du tout. Un brin d’herbe , que nous foulons fous nos pieds , eft l’é- cueil de tout le luperbe apa- reil de la Philofophie. Un payfan en voit autant par fos yeux, qü’un Phyficien en fait après trente années d’étude, èC de contemplation : fi ce n’eft peut-être , que ce Phyficien par le focours d’un bon mierofco- pe fpéculera plus intimement la furface de ce brin d’herbe. Mais après tout où il ira-t-il, avec cet ingénieux infini- ment d’Optique ? Il verra uii peu mieux l’admirable con- texture de la matière dans la fuperfîcie de ce brin d’herbe 5 & pas davantage. La caufe formelle , qui fait l’efiènce , &£ la nature de quelque corps que ce foit , n’eft 'point à la ?j * reface. portée des machines de l’Op- tique, ni de la jurifdiction des fèns $ & la raifon , qui ne juge que par leur miniftere , des chofes naturelles , ne peut pas aller plus loin. Quand les Philofophes fe font liafardez de vouloir palTer au-delà , ils Pont tombez dans des contra- dictions , 8c dans des extrava- gances, qui dégradent la Phi- lofophie. Autant de pas , au- tant de chûtes -, 8c nous de- vons de la pitié à leurs égare- mens,&àleur honte. Il n’y a qu’à les fùivre , dans leurs pre- mières démarches , pour voir de quoi ils font capables. Voyons feulement , comme ils s'y prennent , pour expli- quer les élémens , dont les chofes fenfibles font compofées. Héraclite dit qu’il n’y a qu’un élément *8c que c’eft le Feu. PREFACE. vij Talés de Milec foûtient que c’efl Y Eau. D’autres aflurent que c’efl: Y Air. Anaximandre prétend que ce n’eft: point le feu , ni l’eau 3 ni l’air j mais que c’efl: quelque ehofe de plus greffier que le feu , 8c de plus fubtil que l’air. Les uns n’admècent qu’un élément , d’autres en reconnaiflent deux$ quelques-uns trois j les Péri- patéticiens quatre } les Chi- miftes cinq. M. Defcartes fè foûlève contre tous les an- ciens , répudie tous leurs élé- ments , 8c en forge trois nou- veaux , qu’il crait pourtant s’ê- tre trouvez à la naiflance du monde. M. GafTendi , qui ne peut convenir avec la plûpart des anciens , 8c qui ne fauroit goûter la matière fubtile , la matière globuleufc , 8c la ma- tière cannelée de M, Defcar- viij PREFACE. tes , met en campagne la for- midable armée des Atomes d’Epicure ; & félon cet Epi- cure , par le plus liûreux ha- fard qui fut jamais ,■ il s’en eft formé tout l'Univers , lans que perfonne y ait fongé. Pour Ari- ftote j après avoir pofé , que Je monde n’a point commen- cé, tk. qu’il eft éternel , il s’eft avifé de créer les quatre Ele- mens , qui ne fu b liftent que dans fa Philolophie. Car dans la nature , il n’y a point cer- tainement une terre , une eau , un air , & un feu , qui foient des corps fimples au point où le doivent être les prémiers principes des chofes naturel- les. Quant à l’éternité du mon- de 3 il n’a point fait attention à l’état , où étoient les Sien- ces , &: les Arts de fon tems. Tout étoit fi nouveau , fi grof- PREFACE, ix fier , fi imparfait 3 dans les arts j qu’il ne falloit pas d’autre ar- gument , pour reconnaître non feulement que le monde n’é- toit pas éternel 5 mais que même il ne pouvoit pas être fort ancien. Nous lavons le point de la naiflance des Siences 5 & l’Hiftoire des fiè- cl es Ie$ plus reculez , porte des veftiges d’un monde tout recent. Parkérus Anglois a paru depuis quelques années fur les rangs. Il a déclaré une guer- re ouverte à Ariftote , à Def- cartes , ôc à Gaflendi -, il les fuit pié - à - pié * 8c gagnant toujours du terrain fur eux , il les chafle enfin du pays de la bonne Phiîofophie. Il aban- donne à M. Defcartes la viva- cité de fon elprit , 8c fa valte connailfance dans les Mathé- x PREFACE. matiques 5 mais du refte , il l’accufe de n’être point entré dans la Philolbphie par la por- te de la Dialectique , qu’il ignoroit , dit - il , abfolument. Et delà il s’aplique à le ré- préfenter , non comme un bon Phyficien > mais comme un avanturier dans la ré- gion des tourbillons , •& des chimères. Il faut avouer que s’il falloit compofèr un corps de Phyfique , des fentimens de ces Phiiofophes , dont les grands noms font fi vantez dans le monde , on feroit un ouvrage le plus burlefque , qui ait jamais été. En éfet , ces Mages qui ontphilofophé chez les Perfes 5 ces Caldéens qui fe font faits un fi grand nom dans la Babilonie , & dans l’Aflirie j ces Brachmanes , ces Gymnofophiftes qui ont brillé dans PRÉFACÉ. 5îJ dans les Indes j ces Prêtres d’Egypte qui étoient les dé- positaires de toute la Littéra- ture des Egiptiens > ces Drui- des qui ont enleigné la fageiîè dans les Gaules 3 en un mot ces Philoibphes , dont la Grè- ce étok iî fort entêtée ,étoient aiîurément de mauvais Phyfî- ciens. Anaxagore difoit que le Soleil n’étoit point autre cho- fs , qu’un gros caillou embra- fé. Les Egiptiens foûtenoient que le Soleil, &c la Lune étoient deux Divinitez adorables 3 que le Soleil étoit Ofiris la Lu- ne Jjîs. Ariftote donnoit à. chaque A lire , & à chaque Etoille , un conducteur pour les mouvoir , & pour les ré- gler. Les Stoïciens vouloient que le monde fût un grand animal 3 peut - être quelques- çns d’eux auront perde que le xi] T RE F ACE. Soleil , ôc la Lune étoient fes deux yeux. Pline eft allé plus loin 5 il croyoit que le monde droit Dieu même ? ôc il lui donne tous les attributs de la Divinité. Epicure enfeignoit que le. monde avec tout l’or- dre , ôc toutes les beautez , que nous y admirons -, s’eft fait tout feul par la rencontre , ôc le fortuit concours des Atomes > fans qu’aucune caufe intelli- gente s’en foit m êlée. Si quel- qu’un s’avifoit de foutenir , que l’horloge de la Samaritai- ne, qui eft fur le Pont-Neuf, s’eft faite elle-même , s’eft ar- rangée , s’eft mife en mouve- ment , ôc s’eft réglée , fans que perfonne y ait mis la main* on l’accuferoit de folie ; on le p rendroit pour un imbécile î ôc on ne le croiroit pas. Ah y S eigneur ! Qu’eft-ce que cette PREFACE. Xiïj Horloge , tonte ingénieuiè- ment faite qu’elle eft en com- paraifon de l’immenfe machi- ne de l’Univers ? Tant il effc vrai , qu’il n’y a point d’extra- vagances , où ne foient tom- bez les Philofophes, quand ils fe font ingérez de pénétrer dans le fein de la Nature , 8c d’expliquer l’eflènce des cho- ies naturelles. Toute l’intelli- gence des hommes ne fauroit aller là. Dieu n’a point fait l’Univers , pour être l’objet de nos recherches. Il l’a fait, afin que nous l’y cherchaffions lui- même > 8c que nous y re- connuffions dans le filence d’u- ne contemplation Religieufe fa Divinité , fa Puiflance éter- nelle , 8c toutes fès perfedions invifîbles , que par la Création du monde il a fi fenfiblemenc dépeintes dans fes ouvrages. xiv ÏREFACZ. 11 nous en a caché la caule formelle , non pas pour nous la faire chercher : qu’en avons- nous afaire ? mais afin de nous fixer à la connaifiance de la C au fe Efficiente , qui eft lui-mê- me i afin de nous élever par la vûë des merveilles incom- préhenfibles de la nature , aux choies invifibles j en un mot , afin^ie nous faire monter des créatures au Créateur. Le Sage dans l’Ecriture Sainte le rit des inutiles éforts de ces lûperbes Philolophes , qui veu- lent connaître la nature , & l’efience de chaque choie : Dieu , dit-il , a livré le mon- de à leur ignorance, & à leurs dilputes : Mundurn tradidit dif- futationi eorurn , Ecclef Cap. 111. ÿ. 1 1. En éfet dans cette con- fufion d’opinions fi étranges , le monde eft devenu pour eux PREFACE. xv un cahos, où ils ne compren- nent rien , & où ils fe perdent. Qu’un Philolophe eft emba- rafle , quand il veut trouver larailon, pourquoi le mouve- ment des Aftres eft circulaire , pendant que le mouvement des élémens eft droit, & per- pendiculaire du haut en bas , & de bas en haut ! Il a beau donner la torture à Ion elprit, il ne rencontrera dans fa tête que des fonges , §e des chimè- res > il faut qu’il s’élève juft qu’à Dieu,, qui a établi ces Loix opofées , & ces mouvements contraires , dont dépend ce- pendant toute l’harmonie de l’Univers. Ainlî il ne refteàun Phyficien que la contemplation, & l’étude de s Vf âge s , que la fa- gelîè de Dieu tire de ce dife- rent arrangement de la matiè- re i & des F ins y où fafageftè, êc xvj PREFACE, fa bonté conduifent toute cet- te matière mûë par des mou- vements fi difcordants. Tout cela, pour conferver la natu- re dans un état de confiften- ce inaltérable : &c le tout pour Je lervice de l’homme. Seroit- ce renfermer un Philofôphe dans des bornes étroites , que de lui abandonner la contem- plation du mouvement des Aftres, {ans lui permètre pour- tant d’imaginer des Loix de Mécanique , par lefquelles il prétendroit que la matière une fois en mouvement , fe feroit arrangée d’elle-même dans ce bel ordre , que nous voyons dans les Cieux ï La raifon ne connaît point ce prétendu mé- canifme j félon lequel , quel- ques-uns veulent , que la ma- tière en mouvement ‘dévoie faire d’elle -même des tour- F RB FACE. xvij billons , des Aftres , le Ciel , la Terre, les Plantes, les Ani- maux, &c. Mais voici comm la raifon penlè , & parle > O ! Sageffe , ta Parole Fit éclore l’V nivers j P o fa fur un double Foie La terre au milieu des Mers. Tu dis. Et les deux parurent $ Et tous les oAjlres coururent Fans leur ordre fe placer- Alvant les Siècles tu régnes r Et qui fuis -je } que tu daignes Jufqud moite rabaijferl M. Racine. Ce Pliilofophe encore une fois , n’auroit-il pas aflèz d’eC pace , pour donner carrière à loi^ efprit , en lui cédant les météores, l’air, la terre, la mer, les minéraux, les plan- tes y &L les animaux , pour les xviij PREFACE. objets de fafpeculation >La gé- nération des météores , des minéraux, des plantes, des a- nimaux i leurs divers états j leur acroiffement ; leurs orga- nes j la maniéré dont ils pren- nent leur nouriture s l’anato- mie de ces chofes 5 la décou- verte de ce qui les compofe j enfin leur décompofition mê- me -, tout ce qu’une exacte ana- life en peut tirer de fels, d’ef- prits , de fucs , de foufres, leurs ulages j enfin leur utilité , leurs forces,leurs vertus, leurs facili- tez , pour la fanté , & pour la vie de l’homme 5 tout cela n’eft- il pas fufifant, pour ocuper le génie d’un nombre de Phyfî- ciens incomparablement plus grand qu’il n’eft ? Et aloiÿ la Phyfique feroit utile à la focié- té des hommes , èt les mène- ront même à Dieu , par la né- ceffite PREFACE. xix ceffité de reconnaitre , que la matière , qui eft par tout la même , n’a reçu ces différen- tes qualitez , dont nous ti- rons tant de fecours, que par la diferente configuration , que l’Auteur de l'Univers lui a don- née. Et c’effc ce que Cicéron , qui nous a donné de la vérita- ble vertu les idées les plus bel- les , les plus fublimes , que la fageffe païenne en a jamais donnée, vouloit trouver dans la fience naturelle. La vue , dit - il , du grand fpe&acle de l’Univers nous élève à la connaiflance de Dieu j d’où la piété prend naiflance ^ de la piété a pour compagnes in- féparables la juftice , de les au- tres vertus , qui conduifent à la vie lieureuie. Quœ contuens aîiimas , accipit ab bis cognitio- vcm Deorum : ex qua oritur pie- X XX PREFACE, tas cui conjuncta jufiitia ejl , rc- liqua virtutes : ex quibus vita beata exijlit. Cicero. de Uatur. Peorum Lib. II. iV. 153. S. Auguftin die à merveilles la même chofe. Nous admirons tous les jours , dit-il , la beau- té du ciel > le cours fi réglé des aftres 5 l’éclat de la lumière j la viciffitude perpétuelle des jours, & des nuits 5 l’accroifle- ment, &: le décroiflèment de ia Lune dans l’efpace de cha- que mois i les diverfes tem- pératures des quatre faifons de l'année, qui répondent à celles des quatre élémens ; la vertu merveilleufe des femences , dont chacune produit une ef- pèce particulière , qui tou- tes impriment à ce qu’elles produifent » les vertus quelles renferment 5 ôc enfin tous ces divers genres de chofes , que PREFACE. xx} HJnivers expofe à nos yeux, ôc dont ch acune fait conferver ce qui eft de fon eftence , 6c de la nature. Mais il ne faut pas regarder ces chofes-ld d'une vue légère , & fuperficielle , qui n'ail- le qu'a fatisfaire une vaine eu - riojîtè : il faut qu elles nous fer- vent de degré , pour nous élever .vers ce qui efl immortel , & qui fubffie éternellement. In quorum confideratione non vana , 6C peritura curiofitas exercenda eft, fed gradus ad immortalia, êefemper permanentia facien- dus. S. Augujl.. Lib. de Vera Relig. cap. XXIX. En publiant la defeription , qu’on a faite des Curiofitez de la nature , 6c de l’art , on eft demeuré dans les termes qu’on preferit ici. On parle de leurs vertus, &: de leurs pro- priétez par raport à l’utilité , xxij PREFACE. que les hommes en peuvent tirer , pour la fanté , & pour la vie. On ne prétend pas, que tout ce qu’on y dit fur ces cho- ies curieufes aportées des In- des, foit nouveau. Il y a mê- me plufieurs de ces curiofitez y dont diferents Auteurs ont dé- jà parlé. On raporte leurs fen- timens. On les combat quel- quefois: toujours fans aigreur, & dans la feule vue de trou- ver la vérité 5 êc d’être utile à la lociété des hommes. Ce- pendant ceux qui liront ces defcriptions, ne lailferont pas d’y trouver un air de nouveau- té ; parce qu’on y a joint des obfervations , qui font alîîiré- ment toutes nouvelles. Autant de livres de Phyfiologie , & de Cabinets imprimez , autant de vûësdiférentes fur les mêmes chofesjparceque chaque Phyli- PREFACE xxiij cien Te fait une idée, qui lui eft propre , fur ce qu’il expli- que. D’ailleurs l’un regarde un objet par un côté ; &c un au- tre le confédéré par un autre endroit : & c’eft jugement en publiant ces diférentes vues, que diverfes perfonnes ont far la même matière , que l’on porte la Phyfique à fa perfec- tion. Je voudrois bien pouvoir contribuer quelque chofe du mien au progrès- d’une Sien- ce fi belle , & fi utile aux hom- mes. J’ai bonne intention ; c’eft au Leéteur à juger, fi je lui ^ré- fente quelque chofe- au-delà. Aprobation de M. de Fontenelle , de l'Académie Françoife. J’AY lu ce Manufcrit par* ordre de Monfeigneur le Chancelier , &: je n’y ay rien trouvé qui en doive empêcher l’Impreffion. Fait à Paris ce 15. Janvier 1703. Signé , Fontenelle. PRIVILEGE DV ROT. LOUIS par la grâce de Dieu Roy de France & de Navarre : A nos amez & féaux Confeillers , les Gens tenans nos- Cours de Parlemens , Maîtres des Requêtes Ordinaires de nôtre Hôtel , Grand- Confeil, Prévôt de Paris , Baillifs, Sénéchaux , leur lieütenans Civils , & autres nos Jufticiers , qu*ii appartiendra , Salut. Jean Moreau Imprimeur & Libraire à Paris , Nous ayant fait fupplier de lu: accorder nos Lettres de Privilège, pour l’impreflîon d’un Manufcrit qui a pour titre , Cttriofitel^ de U Nature & de l’Art , découvertes dans deux Voyages des Indes , Vun aux Indes d’Occident en 165,8. & 165$. l'autre aux Indes d'Orient en 1701. <& ïf oi.avee une Relation abrégée de ces Voyages. Nous lui avons permis & accor^ dé , permettons & accordons par ces Prefen- tes d’imprimer ou faire imprimer ledit Livre en telle forme , marge , caraélere 8c autant de fois bon luy lui fcmblera pendant 1 temps de cinq années confecutives , compter du jour de la datte des Prefentes, & de le vendre ou faire vendre & dillribuer par tout notre Royaume ; Faifant défen- Les à tous Libraires , Imprimeurs & autres, dans la Ville de Paris feulement, de l’im- primer , faire imprimer , vendre ny débiter ou autrement , fans le çonfentement de l’Ex- pofant ou de fes ayans caufe , à peine de con- nfcaiion desExemplaires contrefaits, de mil? Je livres d’amende contre chacun des con^ trevenans , appliquable un tiers à Nous , un tiers à PHôtel-Dieu de Paris, l’autre tiers au- dit Expofant, 8c de tous dépens , dommages oc interdis ; à la charge de mettre, avant de l’expofer en vente , deux Exemplaires en no- tre Bibliothèque publique , un autrs dans le Cabinet des Livres de notre Château du Lou- vre , & un en celle de notre très- cher 8c féal Chevalier Chancelier de France le SieurPhe- Jypeaux Comte de Pontchartrain, Comman- deur de nos Ordres , de faire imprimer ledit Livre dans nôtre Royaume & non ailleurs , en beaux cara£leres&papier,fuivant ce qui eft porté par les Reglefcnens des années 1618. 8c 1686. & de faire enregiftrer les Prefentes és Regiflres de la Communauté des Libraires de notre bonne Ville de Paris , le tout â peine O üe nuHité d’icelles • du contenu defquelles Nous vous mandons & enjoignons de faire jouir PExpofant ou Tes ayons caufe, pleine- ment & paifïblement,£cfTant & faifant ceffer tous troubles & cmpêchemens contraires. Voulons que la copie defdites Prefentes qui fera imprimée au commencement ou à la fin dudit Livre , foit tenue pour duémcut fî gnij fiée , & qu’aux copies collationées par l’un de nos amez & féaux Confeiilers Jk Secré- taires , foy foit ajoutée comme à l’Original : Commandons au premier notr^ Huifîler ou Sergent de faire pour l’execution des Pre- fentes toutes lignifications, dcfenfes , failles, & autres aéfes requis & necefTaires , fans de- mander autre permiflion , & nonobftant cla- meur de Haro , Chartre Normande , & LeD- tres à ce contraires : C a r tel efl notre plai- fr. Donne’ à Ver failles le 2 r. jour dejanvier l’an de grâce mil feptcens trois , & de notre Pvegne le foixantiéme. Par le Roy en fon Confeil , Le b £ it. Regiflré fur le Livre de la Communauté des Imprimeurs & Libraires de Paris conformément aux Reglemens. «Signé, P. Trabouillet, Sindic . RELATION «■si RELATION, ABREGEE DE DEUX VOYAGES faits aux Indes 5 Pun aux In- des d'Occident 5 & Pautre aux Indes d’Qrient, E partis de îa Rochelle en 1 698. au mois de Sep- tembre pour les Mes de Caienne , de la Martini- que, 3c de la Guadeloupe. J’arrivai à Caienner, le 4. de Dé- cembre de la même année , où je fejournai 4. mois. Au mois de Mars 165)9. nous partîmes de Caienne , & nous al- lâmes mouiller au bout de huit jours au Fort de S. Pierre de la Martinique* % Relation abrtgée Au commencement du mois de Mai nous alâmes à la Guadeloupe en deux jours. Sur la fin de Juillet nous mîmes à la voile pour l’Europe ; & nous arrivâmes en France au mois de Sep* tembre 1699. Il n’y a point d’événemens dans ce voyage, qui méritent qu’on en in- forme le Public. Et de parler de la manœuvre de notre V ailïeau , des coups de vent , des grains , des ou* ragans , de nos craintes 8c des ma- ladies de ces Mes ; ce font des cho- fes qui n’interelfent pas allez un Leéteur par elles-mêmes ; 8c je n ai pas d'ailleurs le talent de faire va^ loir , 8c de rendre agréables ces mi- nuties en les racontant joliment. Tout ce que j’en dirai , c’eft que je m’y fuis toujours apliqué à étudier les maux de nos hialades , 8c les difé- rentes curiofitez que la nature pré- fente dans ce nouveau monde. Et comme Caienne n’eft féparée de la terre ferme , que par une rivjere , j’étois fouvent parmi les G alibis , ç’eft-à-dire^ les Sauvages de ce quai* de dm* Voyages faits aux Indes. 5 tier-là , qui aiment les François plus qu’aucune autre nation de l'Europe* J’ai eu occafion de voir parmi eux , & dans la terre ferme , beaucoup de chofes très-curieufes , qu’011 ne trou- ve point aux Ilîes. J ai apporté de la Guadeloupe ce beau fouffire tranf- parent , 3c jaune comme l’ambre , qu’on trouve en quantité à la fa- meule montagne de la Soufrière 3 vers les embouchures de ce terrible Volcan, qui vomit inceflamment des flammes épouvantables. Je n’ai point fait de ce Soufre un article. J’en laifle la defcription à nos Chimiftes Métalliques de Paris , qui en font fort curieux , & qui le cher- chent avec un admirable emprelle- ment ; perfuadez qu’ils font , qu’il eft bon pour changer la Lune en Soleil. J’ai parlé dans des articles particuliers de ce qui m’a paru en ce pays-là , digne de h curiofité du Public. En 1701. je partis de Paris au mois de Décembre , afin de me ren- dre au Port-Louis , pour le Voya- ge des Indes d’Orient. ^ Relation abregee Je reçus vers la fin de Janvier une Lettre de M. F Abbé de Valle^ mont , où il me follicite d'étudier foigneufement la nature dans l’O- rient, & d’en confiderer fur tout les trois règnes, dont la Médecine ti- re tant de fecours pour la guérifon des maladies fans nombre , qui afli- gent les hommes. Je faits part de cette Lettre au Public , à qui je croirois rendre un mauvais ofice , fl je retenois dans le fecret une piece pleine de curiofité* Hç d’érudition. i LETTRE i DE M. L’ABBE DE VALLEMONT, M O NSI EUR, Ce n’eft donc pas allez pour vous d’avoir vû le nouveau monde , &: d’avoir promené votre curiolîté fur tout ce que la nature produit de plus rare dans la Caienne , dans la Mar- tinique , ôc dans la Guadelou- pe , ces belles Ules de l’ Amé- rique : vous voici tout prêt à vous expofer aux hafards d’u- ne navigation plus longue , & £ Lettre de 2vl. F Abbe plus pénible, A peine êtes- vous de retour des Indes Occiden- tales , que vous allez vous em- barquer pour les Indes d’O- rient. Ne pouvez- vous pas vous contenter d’avoir vû le nou- veau monde ; ce vafte pays , qui a été inconnu à tout ce qu’il y a eu d’hommes dans l’Euro- pe , dans l’Afîe & dans l’Afri- que depuis Adam, jufqu’en l’an 3497. que Americ Vefpuce reconnût cette quatrième par- tie du monde , qu’il nomma de Ion nom Amérique. C’eft donc aux Indes d’O- rient , que vous en voulez pre- fentement. Ainfi de fang froid vous allez renoncer pour Ex mois à être animal terreftre 3 6c --durant ce tems-là vous ne lo- gerez que dans une Maifon flo- tante , &. fur des Mers fameu- fes par d’infinis naufrages , où de V'allemont. *j tant d’hommes , ce me femble , peu fenfez ont péri. N’y a-t-il pas allez de genres de mort fur terre , fans en aller cher- cher un nouveau fur mer ? Le vieux Caton T qui étoit fi lâge , avoit-il tort de mettre parmi les choies dont il fe repentoit , la fotife qu’il avoit faite d’aller pur eau , où il pouvoir aller par terre ? Si nôtre cher Horace vous avoit vû de retour de i’A- merique , Sc vous préparer tout de nouveau pour un autre voyage de mer de fîx mille lieües,il vous auroit répréfent é dans- quelqu’une de fes Odes, comme un homme ennivré de l’eau de ce fleuve de Thra- ce qui pétrifîoit ceux qui ers bûvoiënt ; ou du moins comme un homme, dont le cœur feroit envelopédansuti triple airain. /A iüj & Lettre de M. l' Abbé Jlli robnr , G" as triplex Cire a peElus erat qui fragilem truci Commifit pelago ratem Primus. - Comme tous les hommes n’ont pas la tête faite l’une comme l’autre, vous trouve- rez des gens , qui vous aplau- diront fur votre nouvel em- barquement. L’Empereur Tra- jan vous auroit porté envie. Ce Prince avoit une grande idée des pays Orientaux. 11 croyoic ces régions, où le Soleil fe lève, plus privilégiées que le refte de la terre. U regardoit les In- des comme le lieu , où la na- ture avoit répandu plus libéra- lement fes bienfaits 5 &penfoit que c’étoit là qu’elle faifoitfes plus rares , & fes plus précieux ouvrages. Un jour qu’il voyoic partir quelques VaiiTeaux pour de Vallemont. 9 l’Orient , il ne pût s’empêcher de fe récrier .* Plut au ciel que mon âge, ma fanté > &mes a fai- re s me puffent permettre d'être de ce voyage ! Utinam verô mi- hi, êc otium , _6c vita êt ætas fuppeteret ! Allez donc, Moniteur , con- templer la nature dans l’O- rient,après l’avoir étudiée dans l’Occident. Vous êtes curieux > vous êtes jeune ; vous avez de la fanté 5 6c par deflus touC cela vous êtes libre 5 6c la di- vine Providence ne vous a pas encore attaché à un état , qui vous puifle empêcher de fuivre l’inclination que vous avez de voir , fi tout ce qu’on- dit de l’Orient eft au deflus , ou au defîous de ce que vous avez vu dans l’Occident. Je compte bien que vous n’oublîrez pas de parcourir là les trois règnes io Lettre de M l'Abbè de la nature , d’en obfèrver les fingularitez, &: de faire une bonne récolte de ce qu’el- le produit de plus digne d’at- fention dans le règne des Mi- néraux , dans le règne des V égétaux , dans le règne des Animaux.Quand vous ferez fur les lieux , tout ce qui eft terre, pierre , marcafite , métail , bi- tume fec , ou liquide , tout ce- la eft du règne des Minéraux, &: fait partie de vôtre étude. Les femences-, les feuilles , les fleurs , les fruits , les moufles , les plantes , les arbuftes, les arbres , les écorces , les bois, les racines , les gommes , les baumes , les huiles , tout cela apartient au règne des. Végé- taux, & eft un champ, où il faut moiiïbnner. Enfin les mou- cherons, les mouches ,les in- fectes , les ferpencs , les poif- de Vallemonî. rî Ions , les oifeaux , les bêtes à 4 pieds, l’homme même félon Je corps, tout cela eft de la Jurifdiction du règne des Ani- maux, & eft de vôtre compé- tence. Ainfi les chairs , les os , les os pierreux , ou les pierres ©flèufès, les bézoards , la graif- fe , la mumie , les peaux , les cornes, les ongles, la cervel- le, les dents, &c. doivent être les objets de vôtre curiofîté s & de vôtre recherche. La mer* outre les poiflbns de tant d’efi- pèces , renferme dans fon vafte fein des merveilles , & des ri- chefTes infinies , qui méritent beaucoup d’attention. Il y a les Plantes marines , les Litophi- tons, les Coquillages, les Per- les , le Corail , P A mbre , le Co- rolloidés , les Madrépores 9 Sec. Voilà de quoi vous occu-- per. Il Lettre de M. l'Abbè Au relie croiriez- vous qu’il y a d’habiles gens, qui ne font pas grand cas de toutes ces drogues des Indes , & qui vou- draient qu’elles ne fuflèntque pour les Orientaux fous le ciel , & dans le pays defquels la na- ture les produit 5 & que nous autres Occidentaux nous de- vrions nous contenter de ce que cette mere fi fage fait ici pour nous. Je parle très-férieu- lèment. Pline , je dis Pline l’an- cien , un des plus avifez mor- tels qui Ment de fon temps ; enfin ce Pline fi célèbre , & fi favant dans les choies naturel- les , s elt fort déchaîné contre les drogues des Indes. Il pré- tendoit qu’il ne falloit point de boutiques d’Apoticaires j car enfin , diloit-il , il n’y a point de Villageois, qui n’ait devant la porte de fa majfon de Vallemont, 13 une boutique de remedes eflen- tiels dans les plantes que la na- ture y fait croître. Le voici lui- même qui va s’expliquer. Fran- chement, dit-il , la terre j où. nous naillons , produit tous les remedes , dont nous avons be- fbin , pour rétablir , ou con- ferver nôtre fanté. Ces reme- des font {Impies , faciles à trou- ver, 6c coûtent peu. Mais il efl: fiirvenu des hommes rufez , qui ont voulu profiter de la cré- dulité des {Impies , & de la foiblefle des malades. Il s’eft élevé des Vendeurs de dro- gues , 8c on a frauduleufement ouvert des Boutiques , où l’on Î>romet de vendre la fanté ,6c a vie aux hommes. C’eft là qu’on vante des mélanges, 6c des compofitions , dont ces Charlatans auroient bien de la peine à rendre raifon. Enfui- 14 Lettre de M. l'Abbè te on a fait venir des drogues de l’Arabie , & des Indes : &: pour guérir une petite plaie , ,on aplique , avec un férieux admirable } des drogues apor- tées , dit-on, duvoilînage delà Mer Rouge.Cependant les vé- ritables remèdes font ceux que chaquePayfan peut trouver de- vant fa cabane Nous n’a- vons donc pas befoin des dro- gues de l’Arabie de l’Inde. La nature ne les a pas produites Il loin de nous pour nôtre ufa- ge. Elle les a placées là pour ceux du pays. Et ce que les Marchands Arabes , ou In- diens nous vendent , n’eft pas même bon pour eux j car ils ne nous le vendroient pas. Ex terra nafeentibus nata medicina: hœc fola naturœ placuerat ejje remedia , parafa vulgo , inventa facilia , & fine impendio , ex, de Valîemont. iq quihus vivimus. Poflea fraudes hominum , & ingeniorum captu- ra 3 officinas invencre , quibus fua cuique homini venalis pro- ponitur vita. Statim compojitio- nes , & mifiura inexplicables decantantur. Arabia 3-atque In- dia in medio aflimantur , ulceri- que parvo medicina à rubro ma- ri imponipur , cum remédia vera pauperrimus quifque ca- ne t. Hift. Nat. Lib. xxiv. cap. I. .... Nos nec Indicarum , A- rabicarumque mercium , aut ex- terni orbis attingimus medicinas. Non placent remediis tam longe nafccntia : non nobis gignuntur: imà ne illis quidem j alioquin non venderent. Lib.xxii. cap. 14. Ce lavant Romain donne une excélente rai fon de cette fantailîe des hommes , qui pré- fèrent des drogues inconnues qu’on aporte des extrémité?, l6 Lettre de M. V Abbé du monde, à celles que nous connaiflons chez nous , & donc on pourroit fi bien fe contenter. Tel eft, dit-il, le génie des hom- mes qui ne trouvent ni poin- te , ni agrément dans ce qu’- ils poftedent , & qui coûte peu* pendant qu’ils font toujours a- vides de ce qu’ils ne peuvent avoir qu’avec beaucoup de pei- ne : Tanta mortalibus rerum fuarum fatietas eft , & aliena- rurn aviditas. Lib. xii. ca.ÿ. 17 • Ces paroles font belles 1 Ceft fur cette idée-là que Beverovicius en 1643. entre- prit de montrer qu’il croifloit en Hollande toutes les plan- tes , èc les médicaments* né- ceflaires pour les Habitansdu pays. L’ouvrage porte pour ti- tre, AYTAPKÉIA BATA- VlÆ, Et ce petit livre a eu beaucoup de partifans de con- fidéradon , de Vallemont. 17 iîdération , qui l’ont merveil- leufement fait valoir. Maisaufli ne faut-il pas diffimuler , que de grands hommes fè font foûlevez contre le Siftême de Beverovicius , & ont démon- tré que Pline ■> à qui la vie ré- glée avoit fait une lanté ad- mirable , en vouloit beaucoup aux Médecins. C’étoit un hom- me d’une tempérance très- parfaite ; & ceux , qui vivent de la forte , n’ont que faire ni de drogues , ni de Méde- cins. Primerofe Médecin Fran- çois » qui faifoit la Medecine en Angleterre avec beaucoup de réputation , dit fort agréa- blement dans ion Livre de KuU gi erroribus > que l intempéran- ce ejl la meurtrière des hommes df ld nourrice des Médecins, Ce Primerofe dans ce même livre , que je viens de cirer ; î£ Lettre de M. / Abbé combat favamment l’opinion de Pline fur les drogues é- trangeres , & renverfe fans ref- lource le Siftême de Bevero- vicius. Il dit fort judicieufè- ment que Dieu a voulu qu’il y eût un lien de /bciété en- tre tous les hommes ; que c’eft pour cela que chaque pays a des dons , & des avantages qui lui font propres , & que le commerce , & la navigation tendent communs aux régions qui ne les ont pas. Pourquoi voudroit-on que ce que l’Au- teur de la nature a créé de de bon dans un pays , quel- quefois inhabité , ne pût être communiqué aux autres > Vou- droit-on laiflèr l’ulàge du fu- cre, qui eft fi agréable Sc fi falutaire,aux feules régions où croiflènt les cannes , d’où on exprime ce précieux fel fi bal- de Vallemont. ip famique ? Vantons tant qu’il nous plaira la Sauge de nos jar? dinsjétonnons nous avec toute l’Ecole de Saleçne , de^ce qu’on ne laide pas de mourir avec un iecoürs fipuiflànt pour dé- fendre la vie. Car moriatur homo 9 cm falvia cref* cit in horto ? Salvia falvatrix > naîarœ conciliatrix^ Publions que les Chinois, qui n’en ont point , donnent pour une livre de Sauge trois livres de leur Thé. H faut pourtant reconnaître de bonne foi , que le Thé l’emporte infiniment au deOTus de la Sauge. Ce n’eft point un préjugé en faveur des chofes étrangères. C’ell une vérité au fit îumineufe r que les rayons du Soleil ; que le Thé e£ï d’une excélence , qui ne le laifièra jamais avilir. Outre qu’il elt d’une odeur 10 Lettre de M. P Abbé infiniment plus agréable que notre Sauge > c’eft qu’il eft en- core un merveilleux fpécifï- que , po^ir réjouir , & récréer les efprits ; il abat les vapeurs $ 11 empêche raflbupiflement î il fortifie le cœur , & le cer- veau -y il répare l’épuifement des forces après une longue & pénible étude j il aide à la digeftion j il excite l’urine -, il purifie le fang 5 & eft un ex- célent remède contre le Scor- but. Confentirons-nous qu’on nous interdife l’ufage du Kin- qaina $ ce puiflànt fébrifuge » cette précieufe écorce qui eft reconnue préfèntement > pour un fpécifîque immanquable contre les fievres intermitten- tes? Il faudroit être bien en- nemi du genre humain , pour nous arracher de lî grands fe- cours. Pline auroic bien chan« de V aile mont. zT gé de langage , fi de Ton tems l’Amerique avoic été connue > & qu'on en eût aporté non- feulement le Kinquina > mais encore Y Jpècacuanha , cette petite racine , qui eft un fpé- cifique ailure contre la diflèn- terie , 8c contre les autres cours de ventre. Nous fommes redevables à la libéralité du Roy de la connaifiànce de ce précieux remède , dont M. Helvétius faifôitun grand fe- cret. Sa Majefté a eu la bon- té .de l’acheter , & de le ren- dre public. On a firapé pour de moindres confidérations des Médailles à l’honneur de Trajan , 8c de plufieurs autres Empereurs Romains, avec ces fiaceufes inferiptions : S alu s fublica : Salus zcneris humant. Ils avoient moins fait que Louis l £ Gkanp pour la 22 Lettre de M. l’Abbé fanté, 6c la confervation de leurs Sujets. Mais que dirons- nous de la fameufe plante , que nous ne connaiflons, que depuis la dé- couverte de l’ Amérique , 6c qui eft devenuë les délices dei trois parties de l’ancien mon- de ? Vous devinez déjà que je veux vous parler de ce mi- racle dans le règne des Vé- gétaux, 6c que les Américains nomment Petun , les Efpagnols Tabac , êc les François Nico- ■■ tienne , à caufe de Tricot , Am- bafladeur en Portugal , qui à fôn retour l’aporta en Fran- ce. Il en faut parler dignes ment ; car enfin il ne fut ja- mais de plante à laquelle tant de gens , 6c de toutes les con- ditions, aient pris plus d’inté- rêt. Je n’ignore pas qu’elle a des adverfaires. L’Abbé Nif-. de V aile mont. 25 feno , Elpagnol, die froidement que c’eft le démon qui a pris loin de faire palier le Tabac de l’Amérique en Efpagne, Sc de là dans le refte du monde s T abaci planta dœmonis folli ci- ta dîne ex Jndiis in Hifpanias 3 aliafque mandi fuperioris oras invefla videtur. Poli tic. Cœlo - ram part. 1 . Pib. 3. cap. 5. Dans la belle & fa vante Thèie de Médecine , qui fut loûtenue à Paris en 1695?. où l’on agi- ra cette importante queftion j; lavoir,, Si le fréquent afage du Tabac abrège la vie -y Meilleurs les Médecins de la Faculté , à la tête de laquelle étoit l’il- luftreM. Fagon , prémier Mé- decin du Roy, y difent beau- coup de mal du Tabac. On le répréfente comme un mont îre de la nature, qui eft plus dangereux 5, & même plus fa» *4 Lettre de' TA. I' -Abbé tal à la vis , que la Mandra- gore, dont la Magicienne Cir- cé compofoit Tes maléfices ; 8c dont la racine lui fervoit , pour abrutir les hommes , 8c pour s’en faire aimer éperduëment. On ajoute que le Tabac eft plus narcotique , 8c plus meur- trier que le furieux Solarium. Quoi j Ce Solarium y fi fameux parles pernicieux efets, donc une feule drachme,lelonThéo- phrafte , defiecheroit tout le flegme du plus grave Philo- fophe , 8c en feroit un bou- fon , & un écervelé ! Deux drachmes fufifent , pour mé- tamorphofer le plus fage des hommes en un fou furieux. Trois drachmes jettent dans une frénéfie incurable : 8c qua- tre drachmes metroient au tombeau le plus vigoureux por- te-faix de Paris. Ou va encore de VaUemont plus loin. On déclare que le Tabac eft plus infâme que le Stramonium , fi reconnu par la faculté qu’il a d’éteindre les lumières de la raifon & d’a- lumer dans les hommes les plus horribles pallions 5 & fî décrié, que des Savants* ont cru , qu’il eft l’abominable Hippomanes de Tbéocrite. Ce n eft pas encore tout : On range le Tabac fans roi. fericorde , à caufe de fon ve- nin, dit-on , à la lugubre fa- mille des Pavots , qu il eft excélent contre l’afthme , la toux , ôc le catharre 5 parce qu’il dégage le poumon de cette pituite vifqueufe , qui for- me ces maux diférents. Ona- joûte qu’il eft: merveilleux con- tre le cruel mal des dents. On lui fait l’honneur [de le com- parer au célébré Népenthès d’Homére , qui a la vertu de dç> Vallefaont. \j charmer les ennuis , 8c les cha- grins de la vie j on dit que la fumée du Tabac par un agréa- ble étourdifiement émouffe la délicate lènfibilité des nerfs , & l’incommode vivacité del’ef prit j diffipe les fantômes de la triltefle, 8c de la mélancolies ôc que ne prëfentant à l’imagi- nation que des objets plaçants , 8c gaillards^! fait qu’un miféra- ble Theriîte , affis fur un fu- mier avec fa pipe allumée > fe berce dans les fîateufes pen- fées , bâtit des Châteaux en Elpagne , 8c fe croit un Roy fur fbn Trône. Enfin on y avoue que le Ta- bac ell: un Ipécifique fouverain contre les vieilles plaies. En voila trop. Quand on n’auroit tiré de la découverte de l’A- merique , que la connaiflance de cette divine plante , peut- 2 S Lettre de M. l'^Abbé on jamais allez fe féliciter fur les biens qui nous en revien- nent ? Quant à la maladie in- fâme , qu’on dit être venue des Indes Occidentales avec le Ta- bac j c’eft un fait dont tout le monde ne convient pas. C’eft une fuppolîtion qu’il feroit ai- le de détruire. Herrera , lî lin- cere qu’il n’épargne pas la na- tion , dit formellement , que les Espagnols ont porté la'Vèro- le au Mexique } bien loin de l'y avoir prife. Galien lî attentif à perfec- tionner la Médecine, à choi- iîrles meilleurs remedes, a re- connu par plu fieurs expérien- ces.qu’il ne pouvoir pas le palier des drogues étrangères, &: qu’il employoit utilement pour fes malades la Terre de Lemnos, je Dictame de Crète , le Per- iilclê Macédoine , & tant d’au. de Vallem.ont. uj très choies , qui n’ont point la même vertu , 6c la même éfx- cace , quand on les cultive en Italie. Il dit polîtivement que l’Iris de la Libie effc auffi difé- rent de celui de l’Illirie , qu’un corps mort eft diférent d’un cdrps vivant. L’Iris de la Li- bie n’a nulle odeur. Au con- traire l’Iris de l’Illirie eft d’un goût agréable 6c d’une odeur charmante. Il ne faut donc pas fi fort le déchaîner contre cer- tain choix de drogues. Tant qu’il y aura du bon goût parmi les hommes, on boira en France des vins du Rhin * 6c de la Mofelle, des vins d’Efpagne , de Madère , des Canaries , de faint Laurent 5 6c tant qu’il y aura des malades , 6c des Mé- decins bien fenfez , on em- ploya dans la Médecine le Sé- né d’Orient , l’Iris de Floren- C iij jo Lettre de M. l' Abbc ce, l’Angélique d’Efpagne, le Bitume de Judée , le Stæcas Arabie , le Maftic de Chio , la Manne de Calabre, la Té- rèbentine deChipre, la Rhu- barbe de la Chine, ôte. Vous connaiflèz, Monfieur, ce que la Médecine tire des Indes d’Occident, d’où vous ne fai- tes prefque que d’arriver : allez maintenant aux Indes d’O- rient , pour y reconnaître tant de belles , & excélentes cho- fes , qui font la richefle , êt l’ornement des Cabinets des Curieux, ôt le fond de nos remèdes -les plus certains. La nature , qui connait la beau- té , ôt l’excélence de fes ou- vrages , ne nous a pas donné fans deflein un efprit curieux. Elle nous a faits de la forte , pour être les Ipectateurs des merveilles, qu’elle étale fur la de Vallemont. $t face de l’Univers. Elle perdroit tout le fruit de les travaux , fi tant de productions fi éclatan- tes , 6c fi ingenieufement or- nées ne fervoient de fpectacle qu’aux arbres , &aux rochers. La nature , dit Sénèque , veut des fp éclateurs , 6c même des admirateurs. En peut-on dou- ter , quand on confidére de quelle figure , 6c de quelle ma- niéré elle nous a formez. Elle nous a fait droits , 6c nous a mis la tête vers le Ciel , afin 'que nous portions nos yeux , 6c nôtre contemplation , non- feulement fur la terre , 6c fur la mer, mais encore jufque dans ces Globes immenfes qui rou- lent au deflfus du monde élé- mentaire. Et ut feias Naturam fpeciari voluijje , non tantàm afpiciyVide quem vobis locum de- derit. Senec. débrio. Sap cap. 32. C iiij Jî Lettre de Ivt- l^Abbè Cette étude de la nature outre qu’elle rend une perfon- ne de vôtre profeflîon utile à la fociété, elle eft encore très- propre à former les mœurs î à polir l’efprit , à rendre le cœur droit, & à conduire l’hom- me à la vertu. Celui, dit Phi- Ion le Juif, qui contemple l’or- dre merveilleux de la nature, & ces inviolables loix 5 d’où les Elemens , 8e les Corps ce- leftes tirent leur mouvement, 8e leur fubordination 5 qui re- tiennent l’Univers dans fon é- tat de confidence , 8c que le tems qui ufe tout , relpede é- ternelLement : Oui ! celui qui confidére cette divine Répu- blique , formée de l’union du ciel, 8e de la terre, n’a pas befoin de maître , pour apren- dre à vivre dans une innocen- te paix , à fe foumèttre aux de V aliénant. 33 loix de la Religion , & à le conformer à la police de l’é- tat. JtJne fi parfaite harmonie , entre toutes les parties de l’U- nivers , eft un excèlent exem- plaire par lequel il fera por- té à regler les pallions fur le niveau de fa railon &c de l’é— qui té.Quifquis Naturœ ordinem contemplatur , & eximiam quam- dam hujus mandi Rempublicam , vel Ji lent i bus prœceptoribus , dif- cit fub legibus , & in pace vi- vere , componere fe ad exemplar pulcherrimum. Philo de Abrah, N’oubliez pas ; Moniteur , de confîdeter non- feulement les moeurs , & les ufages des A- lîatiques ; mais encore leur in- duftrie , &. leurs connailTances dans les arts utiles à la vie. Vous ne les trouverez pas lî greffiers , &; li barbares , que plulîeurs gens le penfent ici } 34 Lettre de M. l'Abbè & qui s’imaginent que les hom- mes n’ont de l’efprit, & de la politeflè qu’en France , (k en Europe. Vous n’y rencontre- rez pas beaucoup de Méde- cins 5 car comme les Afiati- ques font fort tempérants , ils font peu malades, & les Mé- decins n’ont guere à faire a- vec eux. Il n’y a pas même fort long-tems , qu’il y a des Mé- decins parmi les Turcs , les In- diens, les Chinois , & les Mof- covites 5 parce que ces nations gardent beaucoup de modé- ration dans t’ufàge du boire , Se du manger. Vous trouverez tous ces Mé- decins fort atachez aux remè- des iîmples 5 ils ne s’amufent point à ces magnifiques com- pofitions, que le peuple efti- me tant en Europe , fk. que les Savants méprifent également. de Vallemont. 35 Qu’ils ont de raifon ! Qui peut nous répondre , que ces foi- xante Ingrédients , pour exem- ple , qui encrent dans la com- pofition de la Thériaque, ne le font1 pas dans ce pompeux mélange , une guerre irrécon- ciliable ?Mais nous dira-t-on J tout ce qui entre dans cette fameufe compofition , eft bon, & même excélent. Qui le fait ? Et parmi les vertus qu’on leur atribuë, n’y a-t-il pas de mauvaifes qualitez ? M. Boy le fait une eftime toute fingulie- re d’un manuferit Arabe, qu’un étranger lui préfenta', dans lequel l’Auteur expofoit avec beaucoup de loin les bonnes , 6e les mauvaifes qualitez des médicaments donc il parloit. Cette conduite eft bien judi- cieufe , dit M. Boyle : car en- fin n’y a-t-il point à craindre } 35j Lettre de M. l'Abbè i]u entre tous ces Ingrédients , qui compofentces fuperbes re- mèdes, il n’y ait quelque dro- gue , où il fe trouve une qualité contraire aux viiës du Méde- cin ? De ce mélange confus ne peut-il pas le faire une fermen- tation inconnue, & qui réveil- Jera dans ces drogues diferen- tes , un levain dangereux qui droit alfoupi ? Et lî l’ufage d’un remède lî compole ne cau- fe pas une nouvelle maladie, n’y a-t-il point à foupçonner qu’il dévelopera dans le mala- de , une matière ennemie , qui etoit concentrée , qu’un-remè- de lîmple auroit atténuée , 6c qu’une drogue inutile , & fur- numeraire pourra irriter , 6c déchaîner ? Quand bien mê- me on fauroit exactement que toutes ces drogues étrangères , .& pour la plupart très-jneoa- de Vœllemont. 3 j îîuè's,feroienc innocentes , 8cla- ltitaires 5 on ne doit pas être encore en repos. M. Boyle dans fès lavantes expériences, a fait voir tant de fois que de plu- fîeurs chofes bonnes , & mê- mes excèlentes mifes enfem- ble, il s’en fait un mélange très- mauvais , & pernicieux. On connait peu la nature des Mi- néraux, des Végétaux, & des Animaux ; 8c il faudroit que le quart de ce qu’il y a de bons efprits dans le monde,, travail- lât un fieclepar l’Analife des Chimiftes fur la matière mé- dicale, pour y connaître quel- que chofe , qui nous pût rallii- rer dans l’ulage de ces remè- des orgüeilleulêment compo- fez. Ainll plus un remède eft fimple , & moins il eft dange- reux. Et cela eft fondé fur u- ne belle parole de Galien ,que 38 Lettre de PL. l' Abbè je vous prie de regarder, com- me un des plus précieux Ora- cles, qui nousfoient venus des grands hommes : Perfonne ne fait, dit-il, yè fervir en homme de bien d'un remède compofè , s'il ne connait auparavant exacte- ment les vertus des drogues Jïm- ples qui le compofent : In uni- verfùm nerao probe uti polîît medicamento compofito , qui fimplicium vires non accuratè prius didiceric, Et il ne faut pas apréhender qu’un remède fimple ne difiipe pas une maladie qui provient de plufieurs caufes. Eft-ce qu’- une plante toute fimple qu’el- le eft , ou un minerai , ne ren- ferme pas plufieurs principes ? Tout homogènes que ces cho- fes nous paraifiènt, elles font compofées de plufieurs parties diférentes $ & vous avez vu de V aile mont. 39 comme les Chimiftes par leur admirable analife tirent d’u- ne feule plante un iel vola- tile, un efprit urineux , une li- queur aqueule, qu’ils apellent le phlegme , une huile , quel- quefois un peu de fel fixe, St toujours une terre blanche St poreule qu’ils nomment la tè- te morte , ou la terre damnée. Lailïez faire la nature , la Phar- macopée eft toute divine > St elle diftribuerà lâgement ces diférentes parties , St les fera agir félon le befoin. Je n’oferois pas condamner l’ufage de la Thériaque. Elle eft trop ancienne , St trop a- credirée dans le monde , où elle s’étoit fait des partilàns avant même que Galien prît intérêt à conferver. la fanté des hommes. Il me füfit d’ob-* ferver que Galien ne l’a ja- E 40 Lettre de M. l' Abbc mais ordonnée, que le Traité de la Thériaque qui a paru fous fon nom , n’eft point affu- rément de lui , & qu’enfin Pli- ne bien loin d’eftimer laThé- riaque l’ait apellée : exco^itata compofitio luxuriœ. Cet endroit eft fî beau , que vous me fui- rez gré de l’avoir mis ici tout entier : Audi- bien ne verrez- vous Pline de long-tems. La Thériaque , dit il , eft une compofîtion , qui ne peut venir que d’une imagination déréglée , & d’unefprit fertile en mauvaifês inventions. Il n’y entre que des drogues étran- gères , pendant que la nature en produit tant parmi nous , dont une feule vaudrait mieux que la Thériaque même. Le Mithridate eft compofé de cin- quante-quatre drogues , dont toutes les dpzes font diféren- tes. de Vallemont. 41 tes. II y en a dont on ne prend que le poids de la foixantié- me partie d’un denier. Quel Dieu a enfeigné cette propor- tion Il précilè ? Car toute l’in- telligence des hommes ne fau- roit jamais parvenir à ce fu- blime de fubtilité. Difons la vérité : tout ce grand apareil de drogues étrangères n’eft qu’une vaine oftentation , pour ébloiiir les fîmples, & un fpec- tacîe monftrueux qui ofenfè les Savants. Franchement ceux qui font ces pompeufes prépara- tions , ne favent guere eux- mêmes ce qui peut réfélter d’un h afreux falmigondis. T hetia.ce vocattir excoqitata coni- fofitio luxuriæ. Sic ex rebus ex- ternis , càm tôt remedia dederit natura , quœ Jîngula fufficerent, IÆ ithridaticum antidotum ex re- lus ^4. componitw intérim nui- D 41 Lettre de M. l'Abbè lo pondéré œquali , quarum» dam rerum fcxagcfima denarii iimus imper ata. Quo Deortirtù perfidiam iftam monfirante ? Pîo- minum enim fubtilitas tanta ejfe non potuit . Ojlentatio artis , & portentofa fcientiœ yenditatio manifejla efl. Ac ne ipjt quidem illam novère. Hift. Nat. Lib.. 29. cap. 1. Ce qu’il y a de plus impor- tant à examiner fur le chapi- tre de la Thériaque -, c’eft de favoir à quoi elle eft bonne. Je lai bien que ceux , qui la cé- lèbrent, la vantent comme le plus puiflànt remède que l’on ait contre les fievres conta- gieu les , peftilentielles , mali- gnes , pourprées. Mais c’eft la queftion. Il eft certain que la Theriaque eft un remède très- chaud, 6c très -lèc , qui par la grande ardeur confume les e^-, de Vallemont. 4.3 prits, ô^delfeche les hufneurs. Il eft par confequent merveil- leux, pour augmenter la fîevre , & pour la donner à ceux- qui ne l’ont pas. Ce qu’il y a en- core d’alîez établi comme cer- tain entre les Médecins 5 c’elt que les fievres pellilentielles , & malignes viennent d’une in- tempérie chaude, & féche du iang , & des humeurs. Cela étant j la Thériaque n’ell point: alors de lailon 5 puilqu’au lieu de régénérer ces elprits, & ces humeurs qui manquent alors $ au contraire elle diffiperoit le relie par fa fecherelîè , & par fa chaleur exorbitante; qui ne lui venoiene pas toûjours de correfpondants ju- dicieux 5 ôt bien informez. Enfin M. Boyle nous aprend qu’il a eu deffein d’écrire con- tre la Thériaque j 6c les remè- des trop compofèz j 6c qu’il a- voitladeflus beaucoup de ma- tériaux tout prêts : Sed eumpro- jequi nolui , dit-il : 6c il s’effc con- tenté de faire un excélentTrai- té , où il donne par tout la pré- de Vallemont. 4$ férence aux remèdes fîmples. Simplic- Médicament. utilitas}& ufus , fag. 49. Je vais dorénavant conjurer Neptune, & Eole de s’accor- der, afin de vous donner une navigation promte,& hûreu- ,fe j ou 4 pour parler plus chré- tiennement , je prierai celui qui tire les vents de fes trefors , Pfàl. 134. ÿ. 8. qui commande aux vents , & aux flots , & d. qui les vents , (fl les flots obeïjfent f Eue 8, f. 25. qu’il vous com- ble de fes plus précieufes bé- nédictions, & qu’il favorite un voyage fi pénible ; & que vous entreprenez , moins par curio- fîté , que par le defîr de Vous rendre habile dans vôtre pro- fefîion,&de devenir utile à vô- tre patrie. Adieu , mon cher .Monfieur , pour dix-huit mois. De Vallemokt. k Paris ce 10. Janvier 1 7 01» 4^ Relation abrégée Le i. de Février jour de la Purifi- cation , nous elfuyâmes a la rade de PcnrmaneK ce furieux ouragan , qui fe fit fentir d'une maniéré allez funefte en plufieurs endroits du Royaume. Le 5. Février l'Efcadre de la Com- pagnie des Indes Orientales , corn- poiée de 4. Yaiifeaux , favoir le Maurepas , le Pondicheri , le Bour- bon, 8c le Marchand des Indes, mît à la voile fur les 10. heures du matin. Monfieur Faucher Oficier du Roy 5 montoit le Maurepas , 8c comman- doit l'Efcadre. J'étois dans ce Yaif- feau avec la meilleure compagnie du monde 5 puifque nous avions l'hon- neur de profiter* de la préfence , 8c des excelents exemples de Monfei- gneur de Cicé , Evêque de tabule. Il avoitpour Aumônier M. l'Abbé de Montigni , 8c étoit accompagné de M. de Yilledor, Théologal de Noyon* 8c Dodeur de Sorbonne , qui alloit à la Chine prendre coniiaiflànce des . Cérémonies des Chinois , fur l'expli- cation defquelles les Miflionaires des Indes ont pris diférent parti.. Le Samedi j'eus la fatisfadiou de deux V* oy âges faits aux Indes, 47 de voir le Pic de Tenérifjfle des Ca- naries, fi fameux dans la Géographie, où il eft eftirné la plus haute pointe de montagne qui foit dans le monde. Le Dimanche 20. nous paifâmes le Tropique du Cancer. .Le Jeudi 24. nous vîmes la côte du Sénégal en Afrique. La nuit fuivante , quoi que nous fuflîons à plus de 20. lieues de cette côte , qui eft fort fablenneufe , une nuée de fable vint fondre fur nôtre Vaiftèau , portée par un tourbillon de vent extraordinaire. Cet événe- ment parut une chofe toute neuvel- le à nos plus anciens Navigateurs. ^ Le Samedi 2 6. nous moüiliâmes a la rade du Cap-Vert à un quart de lieue de la fortereflfe de Goré , qui ap- partient a la Compagnie Francoile du Sénégal. Je lus nommé par nôtre Capitaine , pour accompagner l’Oficier , qu'il envoyoit faire com- pliment au Gouverneur de la place , qui nous reçut à merveille. Le Samedi 5. de Mars nous remî- mes à la voile , pour l’Ifle d’Am- jjouam. 4 S Relation abngee Le Dimanche 20. Mars nous pafT famés la Ligne. Le Lundi 21. nous avions la So- leil vertical ; c’eft-à-dire , perpendi- culairement ? & à plomb fur nôtre tête. Ce jour-là fe fit la fameufe Cé- rémonie qu’on apelle fi impropre- ment bâtême. Je n’en fus pas plus exemt que tous les autres qui n’a- voient pas encore palfé la Ligne. Le Dimanche 10. Avril nous nous trouvâmes fous le Tropique du Ca- pricorne. Le Samedi 7. Mai nous doublâmes le redoutable Cap de bonne Elpéram ce. Nous y trouvâmes la mer épou- ventable , comme elle y eft ordinai- rement ;parce que c’eft l’endroit du monde 5 ou la mer eft la plus vafte de TOccident à l’Orient. Le lendemain qui étoit Dimanche , nous chantâmes le Te Deum 5 pour remercier Dieu , de nous avoir don- né un tems favorable , dans un en- droit fi périlleux. Mecredi 25. Mai je confiderai avec attention deux Trombes de mer à demi lieue l’une de l’autre* Ce terri- ble de deux Voyages faits aux Indes , 49 ble météore eft une grande quantité d'air mêlé de vapeurs , 8c d'exha- laifons qui fortent avec impétuofité d'entre deux nues 5 dont l'une eft tombée fur l'autre ; 8c qui en fortant par la nue inférieure décend fur la mer en forme de colomne , la fait bouillonner , forme un bruit fourd , 8c defagréable, 8c enlève quelquefois des V aifleaux , 8c puis les laiifant retomber les coule à fond. Mardi 31.de Mai nous aperçûmes Fille de Madagafcar, une des plus grandes Ifles du monde. Vendredi 3. Juin nous repaflames le Tropique du Capricorne 5 en cô- toyant rifle de Madagafcar. Le Vendredi 10. de Juin nous mouil- lâmes à rifle: d'Anjouam , où il y à un Roy nommé Adanè-cénè-fahè - • cha-ha 3 qui fait fa relîdence à 7. ou 8. lieues de la côte. Nôtre Capitai- ne me nomma pour aller faluer le frere de ce Roy. Ce frere de Roy eft fort poli -, il me préfenta le Bétel , félon la coutume des Orientaux 5 8c me fit déjeuner avec lui. Il vint à nôtre bord avec fa fuite , 8c don* E Relation abrégée lia une Lettre du Roy -fon frere ; pour nôtre incomparable Monarque, dont les éclatantes actions ne font pas ignorées dans les Climats les plus reculez. Le Samedi i8< nous partîmes de cette Ifle enchantée -, car enfin c’efl: véritablement une des plus fertiles , 8c des plus délicieufes Mes du monde. Le Samedi 25. Juin nous repayâ- mes la Ligne. Le Mardy 12. Juillet nous vîmes fille de Céïlan, 8c pendant 3. ou 4. jours nous fûmes fort incommodez de rôdeur de la Candie* pnos mala- des mêmes eurent beaucoup à foufrir de cette odeur continuelle. Vendredi 15. Juillet , nous décou- vrîmes en mer un peti* bâteau de la côte de Coromandel. Quand nous en fûmes proches , nous reconûmes que ceux qui y étoient , nous tén- doient les bras , 8c nous demandoient fecours. On y envoya le Canot , qui trouva 19. perfonnes extenuées d'i- nanition , 8c dont la plupart étoient fur le point d expirer. Il y avoit 16. jours qu'ils étoient partis de Céilan* dt deux Voyages faits aux Indes, jr Un gros tems les aiant jettez au lar- ge ; leur grande voile , ôc leur gou- vernail aiant été emportez par un toup de mer , ils ne pouvoient plus faire route. L'eau 3 Sc les vivres leur manquoient depuis plufieurs jours. On les aporta dans nôtre Vailfeau, où ils ne furent pas fi tôt 3 que leur bâteau coula à fond. Ils ne s'y é- toient confervez 3 qu'à force de jet> ter continuellement l’eau 3 qui y en- troit de tous cotez. Il s'y trouva tut Chrétien de S. Thomas 3 qui n'avoit celfé durant ce tems Jà d'invoquer la* Sainte Vierge qu'il apelloit 1 *E* toille de U mer. Et ce bon Chré- tien croyoit bien devoir fon la- lut à la Mere de Dieu , qu'il le mît à remercier en fe jetant à genoux , dès qu'il fut dans nôtre Vailïëau. Ce fut un grand bonheur pour ces pau- vres malhureux de nous rencontrer. Les plus robuftes d'entre eux n aiï- roientpas vécu encore deux jours. Ils étoient fur tout fi prefiez de la foif, qu'on eut toute la peine du monde à leur fournir fuffifamment de feau pour les defakerer. Eij. y.2 Relation abrégée Le Samedi iff. Juillet nous abor- dâmes à la côte de Coromandel ; Sc moüillâmes enfin à Pondichéri,, le Dimanche 17. après 5. mois 14. jours de navigation. Pondichéri eft une Ville au£ François fur la côte de Co^ romandel , & qui eft défendue par une alfez belle forterefte. Il y a un marché confiderable deux fois la fe- maine , où fe vend tout ce qui eft necelïâire pour rendre agréable la vie , & le féjour de ceux qui y abor- dent. J'y ai acheté beaucoup de cho- fes5 dont je parle dans la fuite. Il y a dans les places publiques des Chan- teurs , comme il y*en a à Paris fur le Pont-neuf , &c qui ne font pas moins divertiffans. O11 y voit encore outre cela des Joüeurs de Gobelets qui font des tours furprenants ; ce qui montre que le genie des hommes eft toujours le même dans des Climats tout diferents. Meilleurs des Millions Etrangères y ont une Maifon alfez agréable 5 où ils ont leur Chapelle. Les Jéfuites y ont une belle Egli- fe 3 & une belle Maifon. • de deux Voyages faits aux Indes. 57 Les Capucins s’y font aufïï établis , 6c font les Curez des Chrétiens Ma- labares. Dans la Fortereife il y a une Chapelle pour le Gouverneur & pour la Garnifon , & qui eft delfervie par les PP. Capucins, aufquels on a don- né un a'partement tout proche. Ceux qui font profeffion du Ma'ho- métifme , ont dans la Ville une petite Mofquée , parce que leur Se&e y eft peu nombreufe , 6c peu confidera- ble. Mais les Idolâtres y ont plufièurs Pagodes , entre lefquelles il y en a d’alfez belles. Les rues de Pondichéri font larges , tirées au cordeau, & la plupart ornées de plufièurs rangs d’arbres , qui font éternellement verts , & fous lefquels les T itérants , & quantité d’autres Ouvriers font leurs ouvrages. Le Jeudi 28. Juillet je me trouvai à la Cérémonie , qui fe fit a l’occa- fion de-Pcroix de Chevalier de faint Lazare , que Monfeigneur l’Evêque de Sabule donna , fuivant la com- miffion qu’il avoit de Monfieur le Marquis de Dangeau , Grand-Maî- tre de cet Ordre , à Monfieur Mar- 44 Relation ahrevée tin. Gouverneur de la Ville & For- terellè de Pondicheri. Le Roy a fait accorder à M. Martin cette marque de diftindtion pour reconnaître les grands & importans lervices qu’il a rendus à fa Maiefté dans les Indes. La Melle fut célébrée par M. l’Abbé de Montigni ; & M. Villedor y prê- cha. Un Archevêque Siriaque , qui demeure depuis peu à Pondichéri, alïïfta à cette Cérémonie;où fe trou- vèrent aulïï tous les Jéfuites , les Ca- pucins, les Aumôniers des VaiHèaux, & tout ce quil y a de perfonnes de confidération dans la Ville. Il y eut Mufique. Durant tout le jour les troupes furent fous les armes ; & on ht plufieurs décharges du Canon de la ForterelTe , & des Vaifïèaux. Le repas fut magnifique. On y but à la fante du Roy, de Monfèigneur , 3c de MelTeigneurs les Enfans de Fran- ce, & du Grand-Maître deJiOrdre de S. Lazare, au bruit de toute l’Ar- tillerie du pays. Nous aprîmes ces jours-là que Je Mogol, mécontent du peu de dili- gence que les Anglois aportoient à de deux Voyages faits aux Indes. $$ le dédommager de la perte d’un de fes Vailfeaux , qui avoit été pris par des Forbans d’Europe , avoit fait arrêter tous les Anglois de Surate , faifir leurs effets , 8c avoit envoyé un détachement de fa Cavallerie pour in- vertir Madras, Ville qui leur apar-^ tient fur la côte de Coromandel. Ce Pirate portoit pavillon Anglois. Nous faurons aparemment dans la fuite ce que cette afaire deviendra. Après 13. jours de fejour à Pondû chéri , nous en partîmes le dernier de Juillet , & nous fîmes voile pour Bengale. Monfeigneur de Cicé s’em- barqua avec nous , dans le deflèin de palier à fa Million lur un petit Vai£ feau de Siam , qui étoit moüillé dans le Gange. * Le Jeudi 4. Août nous pàlfâmes allez proche de la fameufe Pagode de Jam-grenats , dont la Statue eft , dit-on , d’or malïif , 8c auffi grande que le Saint Chriftofe de Nôtre-Da-» me de Paris. Les deux yeux de cette Idole font deux gros rubis d’un eèkt , 8c d’une valeur ineftimables. L’archi- te&ure du Temple quoique dans un Relation abrégée goût bizare eft d une régularité , & d une beauté charmante. On dit que cette Pagode feule eft deiTervie par 1400. Brames, qui font les Prêtres des Idolâtres de ce pays-là. Le Samedi 6. Août nous moüillâ- mes a la rade de Balalfor , Port fitué a l’embouchure du Gange ; & où la Compagnie des Indes d’Orient a un comptoir. Comme l’entrée de ce fleuve^ eft toute remplie d’écüeils , & qu’on y court rifque de fe perdre a tout moment, chaque Compagnie des Marchands d’Europe entretient dans ce Port des Pilotes , & de petits Vaifleaux , pour reconnaître les bans de fable, que la rapidité du Gange fait changer fouvent. Le Vendredi i9. Août nous moiiih lames dans le Gange plus de 60. lieues au deftus de ion embouchure , au Port nommé Aidé du Mogol 3 après avoir pallé au milieu d’une infinité d eciieils , qui nous tenoient dans des alarmes mortelles, 8c dont le feul fou venir eft afreux. Ce Port eft 30. lieues au deilous de Chamdernagor qui eft une loge que les François ont de deux Voyages faits aux Indes. 57 à Ougli dans le Bengale. Nôtre Vaifleau relia là tgut Thiver , qui n’eft pas plus rude que nôtre mois d’Oétobre , ou de Novembre. Les autres Vailleaux de l’Efcadre qui é- toient plus petits , montèrent devant nôtre Loge à Charndernagor. Durant 4. mois que nous avons relié dans cet endroit , j’ai parcouru deux fois les rivages du Gange, Sc vu toutes les délicieufes Villes qui bordent ce grand fleuve , durant l’ef* pace de 50. lieues. Cette faifon qu’on apelle là Hiver eft auffi agréable , 8c aufli abondante en fruits excèlents 3 que l’eft nôtre Autonne en France. Nôtre Loge elt un grand bâtiment fîtué fur le bord du Gange , 8c qui eft beau &: bien entendu. On bâtit en ce pays-là dans le goût des Italiens. Le deflus des maifons eft en terra fle, avec une petite muraille faite légè- rement, 8c à hauteur d’apui. On fait le ciment de ces terraflès , & du corps des bâtimens , d’une compofîtion 3 qui le rend inaltérable à la pluie , a l’air , 8c aux plus grandes chaleurs. Dans le tems que j’étois à Chan- 5$ Relation abrégée dernagor , le Boxix , qui eft à peu près ce que nous apellons un Inten- dant de Généralité en France -, vint voir nôtre Direéteur , avec une fui- te de plus de 800. hommes tant à pié qu'à cheval. Ce Boxix eft origi-P naire de Perfe : il eft fort bien fait , fort poli. Il avoit à l’arçon de fa Selle une efpèce de petite Timbale très- magnifique , qu’on me dît être la marque d’un homme d’une condi- tion fort diftinguée. J’ai fçu encore qu’il port oit aufïi cet infiniment pour la chaife de l’oifeau; & qu’au bruit de cette Timbale les oifeaux dont il fe fert pour voiler , reviennent à lui. O11 me montra particulièrement un de ces oifeaux , qui eft drelfé de telle maniéré, pour la chaffe du cerf, qu’il l’arrête fort plaifamment. Il fond fur la tête du cerf , où il fe tient ferme ; ôc puis il lui bat de fes aîles fi furieu- fement fur les yeux , que la bête 11e faifant plus que tourner , donne fou- vent dans les bras des Chaftèurs. Là Province de Bengale , qui eft une des plus confiderables des Etats du Mogol, a pour Gouverneur le de deux Voyages faits aux Indes . 5*9 Prince Moujfedi ou Cha-ja-da y qui eft petit-fils du Mogol , & il fait fa réfidence ordinaire à Ragemol. Ce Climat eft fi propre pour la vie,~^ que les hommes y vivent ordinaire- ment cent ans. .Monfèigneur nôtre Evêque y donna le Sacrement de Confirmation à un vieillard haut * droit , 8c très-fain de corps 8c d’ef- prit , qui avoit cent cinquante ans. La longue vie des originaires du pays. , me fit fonger à obferver 5 comment la Médecine fe pratique parmi eux. J’avois fouvent de lon- gues converfations avec les Méde- cins Mogpls. J’ai reconnu qu’ils ai- ment, 8c pratiquent la Chimie, &: qu’- ils en tirent de puiftànts remèdes pour le fecours de leurs malades. Ils cultivent la Botanique avec une at- tention prodigieufè ; 8c fur tout ils s’attachent à bien reconnaître les vertus , 8c les facultez des plantes de leur Climat. Comme ce font les Médecins qui font chez eux la Chi- rurgie , dont ils font une eftime par** ... ticuliere , ils traitent les plaies avec une fimplicité qui fait bien voir .qu’il 6 © Relation abregee ne faut qu’un peu aider à la natu* re, 8c ne la pas accabler par tous ces onguents , dont nos Pharmacopées • font remplies. Ils ne fe fervent pref- que jamais que du fuc de quelque * plante , qu’ils apliquent fur la plaie , qu’ils tiennent d’ailleurs très-propre. La propreté en efet eft naturelle aux Orientaux , 8c ne contribue pas peu à l’hûreufe fanté , dont ils joüilTent. J’ai été curieux d’aporter en France* plufieurs de leurs compofitions chimi- ques,que je garde. Ces Médecins tra- vaillent également fur les Minéraux , fur les Végétaux , 8c fur les parties des Animaux. Ils ont fait Jbeaucoup de cas de quelques operations chi- miques , que j’ai aprifes fous M. Lemery Doéteur*en Médecine, & de l’Academie Royale des Sciences. Ils ont trouvé fon Livre de Chimie fi beau , 8c fi utile , qu’ils m’ont o- bligé de leur lailfer l’exemplaire que j’avois. Le 19. de Décembre 1701. nous apareillâmes pour décendre le Gan- ge 8c aller mouiller à l’Ifie de Gal- le à l’embouchure de ce Fleuve , où 3e deux Voyages faits aux Indes . 61 nous arrivâmes le 23. Décembre , a- près avoir couru derechef tous les hazards de cette fâcheufe navigation, où tant de Vailfeaux fe perdent tous les ans. Il y a proche de Galle , fille de Sagor , lieu de pèlerinage des Gen- tils qui adorent le Gange , comme les Egiptiens adoroient autrefois le Nil. Il y a vers le mois de Décembre une infinité de pèlerins qui y abor- dent de tous cotez. Ils vilîtent les Pagodes qui font très- ornées. Ces Pagodes font gouvernées par une cC pèce d’Hermites , qu’ils apellent Jo« guis ; Sc qui vendent en bouteilles lèllées de leur cachet l’eau du Gan- ge à ces pèlerins. Ils ont une con- fiance infinie en cette eau , qu’ils tranfportent jufqu’à 500. lieues dans les terres , pour donner aux malades qui n’ont pas le moyen d’en venir boire au bord du Gange. Le Mécredi 18. Janvier 1702. nous partîmes de Galle , pour retour- ner à Pondicheri , où nous mouillâ- mes le 1. de Février. Nous y aprî- mes la mort de M. de Vüledor , qui Relation abrégée n’a point eu la confolation d’aller jufqu’à la Chine. Il s’étoit ufé du- rant près de fix mois de navigation , Ftr. une trop grande aplication à étude de la langue Chinoife 3 ce qui ne s’accorde point avec la vie trifte , Sc pénible qu’on mène durant un fi long voyage de Mer. Le 17. Février nous levâmes l’an-' cre pour aller à Lille Bourbon , & de là retourner en Europe. Le 23. Février nous vîmes fur les fept heures du foir une Comète , qui avoit fa tête à Oueft quart de Sud- Oueft ; 3c fa queue à Oueft Sud- Oueft. Ceux qui favoient ce que la Phyfique enfeigne de ce corps com- pofé des parties du troiftéme Elé- ment de M. Defcartes , 3c qui a la force de palfer de tourbillon en tour- billon 5 fans pouvoir fe fixer dans aucun 5 11e furent pas émus à l’af- peét de ce nouveau Phénomène ; mais le peuple de nôtre équipage ne manqua pas de s’allarmer 5 3c de prendre cela pour un mauvais augu- re. Elle dura 8. jours , 3c difparuc entièrement le Vendredi 3. Mars. âe deux Voyages faits aux Indes. 65 Le Dimanche j. Mars nous palfâ- sues la Ligne, Vendredi io. nous trouvâmes le Soleil à nôtre Zénith. Le Lundi 3. Avril nous côtoyâ- mes de fort près l’Ifle Maurice , qui apartient aux Hollandois. Le Mardi 4. nous moüillâmes à Fille Bourbon , ou Mafcarin 5 diftan- te de 30. lieues de fille Maurice. Lille Bourbon apartient à la Com- pagnie des Indes. Elle a environ 80. lieues de circuit. Ceft une Me fort fertile : mais une grande partie de fon terrain eft gâtée par un Vol- can , qui vomit jour , & nuit des torrens de feu épouvantables. Il Eeut palier pour un des plus terri- les Volcans , qui foient au mon- de. On trouve dans cette Me une abondance de tortues de terre , qui font d5un grand fecours pour la nour- riture de Téquipage des Vailfeaux ; Car enfin ce qu'il y a de très-com- mode dans ces animaux 5 c'eft qu'ils ne coûtent rien à nourrir dans les Vailîeaux. Il n'en coûte pas même de 1 eau 3 8c elles vivent de fair quel- 64 Relation abrégée quefois fix mois. Il y a dans cette Ifle des montagnes prodigieufes ; & on en aperçoit la cime de plus de 40. lieues. On y trouve la gomme de Tacamaca,le Benjoin ; &les prairies y font toutes couvertes de Jonc odo- rant ; ce qui rend la chair des ani- maux qui y paillent , d’un goût ex- quis. Le 10. Avril nous partîmes de l’iHe Bourbon, que lious ne quit- tâmes qu’avec peine , à caufe de la quantité de viande , & de poiflon délicieux qu’on y trouve. Et doré- navant nous allons faire route pour ia France , fans relâcher : on pour- rait dire que c’eft faire près de 4000. lieues tout d’une haleine. Le Mardi 11. Avril nous pafla- mes le Tropique du Capricorne.^ Le Dimanche 7. Mai nous vîmes dallez près le Cap de Bonne-Ef- pérance 5 & après Vêpres on chan- ta le Te Daim , pour rendre grâ- ces à Dieu de nous avoir fait re- fifter à des vents contraires , qui nous ont fort tourmentez depuis nô- tre déoarc des Indes. He deux Voyages faits aux Indes. 6$ Le Vendredi n. Mai, un de nos Matelots tomba à la Mer du -haut de la Vergue de Mizéne ; 3c quel- que diligence qu’on fit pour le fau- ver , la Mer étoit fi rude qu’on ne pût jamais le voir. C’étoit un hom- me plus fiage 3c plus réglé , que ne le font ordinairement les Matelots 3 que les dangers continuels de la Mer ne rendent pas plus attentifs à l’a- faire de leur falut éternel. Le Lundi ij. Mai nous avons re- paie le Tropique du Capricorne , que nous ne verrons plus dans ce Voyage. Le Mécredi 7. Juin nous repaC famés fous la Ligne, pour la qua- trième , 3c derniere fois. Le 22. Juin nous parlâmes à un Vailfeau Anglois , chargé de Bon- riqiies , qu’il avoir été prendre aux Mes du Cap Vert ; 3c qu’il portoit en l’Amérique. Il nous affura que toutes les Couronnes de l’Europe é- toient en paix ^ 3c par là il nous é~ chapa. Le 16. Juin nous fommes fonds de la Zone Torride > nous avons F 6 (y Relation abrégée % pafle le Tropique de Cancer , o\k ecoit* alors le Soleil , 8c nous fom- mes entrez dans nôtre Zone tem- pérée Septentrionale. Nous nous trouvâmes quelques jours après dans des campagnes auflï belles , 8c aufli agréables que les Champs Elifées du Cours la Rei- ne. Le grand inconvénient ? ceflr que ces plantes fur lefquelles paflbit nôtre Vaiflèau, ne peuvent loufrir d’être foulées par les pieds des mor- tels. C’étoit une prairie Notante y 8c des plus vaftes , qu’il y ait au mon- de. Elle eft du moins de 300. lieües d’étendue. Jeify ai obfèrvé qu’une- même forte de plante ; mais qui ne laiflè pas de faire une beauté en ce lieuvlà. Elle reffemble aftez* à XHip* •puris minor de Dodonée ; mais ou- tre cela ? elle eft toute remplie de petits fruits gros ? comme font nos grofeilles. Quelque quantité qu’on puifte tirer de cette herbe flotante, on 11e rencontre jamais aucune a- parencede racine ; ce qui fait croi- re à quelques-uns , quelle craît au milieu des eaux ^ d’où elle tire fa, de deux F* oy âge s faits aux Inde*. Sj fubfiftance. Ce qui ne devroit pas cependant tout-à-fait empêcher qu - . elle n eût une racine ; car enfin nous avons une expérience commune 5 8 c pourtant qui fait plaifir toutes les fois qu’on la voit , qui prouve que les plantes qui ne tirent leur nour- riture que de Teau 5 ne laiflent pas de pouffer des racines. En efet fi on met , dans une fiole pleine d eau y une petite branche de mente ou bau- me de jardin 5 en huit jours elle y pouffe des racines ; 8c en moins de deux rrrqis , elle devient- une très- grande plante r monte en fleur 5 8c en graine , & remplit toute la ca- pacité de la fiole d un fort grand nombre de racines. Le Dimanche 25. Juillet à nv heures du foir nous moiiillâmes hû^ reufement à la grande rade du Port Loüis , proche Hile de Groa : 8c le lendemain 24. nous entrâmes dans, le Port 5 & de la même marée nous allâmes à f Orient , qui eft le lieu 9 ou reftent les Vaiffeaux du Roy 3 8c ceux de la Compagnie des Indes» Nôtre joie nétoit pas médiocre ^ F i| (j 8 Relation abrégée , eè'c. • comme on le peut penfer , de nous voir en lieu de feureté , après avoir évité tant de dangers. Et lï un i6#ï £^e^'«w«»^'S^îwwi CURIOSITEZ D E IA NATURE» E T DE L’ART. I. * La Terre de Patna. LA terre de Patna eft une terre admirable, dont on fait dans le Mogol des elpè- ces de pots , de vazes , de bou- teilles , ôc de carafes , fi min- ces , & d’une legereté fi gran- de , que le vent les emporte fa- cilement. Ces vazes n’ont pas plus d’épailfeur qu’une carte à jo Curîofitez^ de la Nature , jouer. On ne fauroit rien voir en ce genre, où la dextérité , & l’adreflè de l’ouvrier paraif- fent davantage. J’en ai aporté plufieurs des Indes , 8c fuç tout de ces bou- teilles qùon apelle Gargou- lettes. Et nos curieux font ra- vis d’étonnement, de voir des bouteilles de terre , qui tien- nent une pinte de Paris , qu’- on pourroit prefque foufïer comme ces bouteilles dp fa- von , que font les petits enfans. On fe fert de la Gargoulette , pour mètre rafraicliir de l’eau. Quand l’eau y a été un peu de terns , elle prend le goût , êc l’odeur de la terre de Pat- na , 8c devient delicieufe à boire $ 8c ce qui eft de plus ra- vivant , c’ell que le vaze s’hu- mecte, 8c qu, 'après avoir bù l’eau > on mange avec .plaifir & de P Art. ji la bouteille. Les femmes des Indes j quand elles font grof. fes j n’y aporrent pas tant de façon. Elles aiment à la fu- reur cette terre de Patna ; & II on ne les oblèrvoit pas là deiTus , il n'y a point de fem- me grollè , qui en peu de jours ne grugeât tous les pots , plats „ coupes , bouteilles y & vazes de la maifon-, tant elles font friandes de cette terre. Ce fe- roit ici une occafion de faire des invectives contre les fem- mes fur ces apetits bizares qui leur prennent dans leur grof. fefle , s’il étoit permis de plai- santer aux dépens des infîr- mitez d’un Sexe , à qui nous; ne pouvons manquer de ref ped, qu’en nous oubliant hor- riblement. Souvenons - nous qu’elles n’ont ces étranges ca- prices, qui leur font quelque- ji Curiofitez^de la Nature , fois manger du cuir, de la terre, delà cire d’Efpagne , du char- bon , ôcc. que lors qu’elles de- viennent nos mères. Ainfi ne leur reprochons jamais ces lé- gers défauts , qui ne font que des fuites d’une pénible gro f- fefle, à laquelle nous devons» & l’être, ôc la vie. IL Les Pierres de Serpent . CEs pierres font de couleur d’ardoife 5 elles font pla- tes , 8c de la grandeur d’un fou marqué. Elles s’apellent dans les Indes Pierres de Ser- pent, à caufe qu’elles ont la vertu de guérir les morfures de couleuvres, viperes/erpents, •&c. Ces pierres , qui font le plus foflverain remède , qu’on ait encore prouvé contre les morfures & de l'Art. y y morfures des Serpents , vien- nent du Royaume de Cam- boya. Quelques-uns difent qu’- elles ne font point naturelles > mais fadices , & compofées de plufieurs ingrédient , dont ceux du pays font un grand focret aux Etrangers. Il y en a qui les croient naturelles. Et M. Boyle dit qu on lui a alluré , qu’on les trouve dans la tête de certains Serpents qui font vers Goa. Quoi qu’il en foit , voici comme on s’en fort. Si la plaie n’a point lâigné , après la morfore , ou piqûre du Serpent , il faut piquer lé- gèrement l’endroit qui a été bielle , de maniéré que le làng en forte. Après quoi il faut y apliquer la pierre , qui s’y at- tache incontinent. Elle attire, & fucce le venin. Il la faut lailfor deflus la plaie , jufqu’à 74 Curiojîtez^de la Nature, ce qu’elle fe détache d’elle- même : après cela , il faut la- ver la pierre dans du lait qui ■fe charge incontinent du ve- nin y 6c fi on n’avoit pas de lait , on la lave dans de l’eau. Après l’avoir bien efluyée,on la remet fur la plaie ; ce que l’on continue de faire jufqu’à ce qu’elle ne s’y attache plus. Ce fera alors une marque évi- dente, que tout le venin, fera forti. Il y en a qui croient qu’el- le auroit la même vertu pour la morfare des chiens enragez, en pratiquant la même chofe , que nous venons de dire. Ce qu’il y a de plus alluré , c’eft que cette pierre eft générale- ment eftimée dans tout l’Inde, M. Boyle qui ne révoqué point en doute la vertu de la pier- re de Serpent , en tire un ar- & de l' Art. 7 j gument pour prouver que Im- plication extérieure de certains amulettes peut fort bien opé- rer des guérifons. Voici ce qu’il raconte au fujet de ces pier- res. Je me rangerais volontiers au parti de ces habiles Méde- cins, qui ne reconnaiflent nul- le vertu dans les pierres 5 mê- me dans celles qu’on tire des Serpents j &, je me joindrais en cela au doéle } & curieux M. Rédi \ qui dans les expé- riences n’a oblervé dans ces pierres aucune faculté. Peut- être que tout ce qu’on nous vante comme étant des Indes, n’en vient pas. Il faut pour- tant avouer , après avoir rejet- té tous les contes fabuleux * qu’on débité dans le monde fur les pierres , qu’il y en a , dont il n’eft pas poffible de nier la vertu. Et en éfet un Sa- 7 6 Curiofîtez^ de la "Nature , vant tout pétri de la Philolb- phie de Defcartes , ôc qui par confequent étoit fort en gar- de contre les qualitez occul- tes , 6c fur les traditions po- pulaires des Orientaux , m’a alluré que dans le tems qu’il étoit dans les Indes , il a gué- ri par la feule aplication de la pierre de Serpent plus de fbixante perfonnes qui avoient été mordues , ou piquées par des Serpents. Et moi-même , ajoute M. Boyle , j’en ai fait l’expérience fur des animaux , que j’avois fait mordre par des Vipères. Ce qui m’induit à ne pas rejetter comme faux tout ce que l’on dit fur les ver- tus des pierres. Quodque fum- ffi ipfe expérimentant cum fecit omnino , ut huit rei fidem non neçem. Sim - & de l'Art. 7 J flic, medicam. util. & ufus , p .6 z. III. Za Pierre dl Aigle : la Pierre quarrée des Indes . ON eft aulîî entêté des Pierres d’Aigleen Afîe , qu’on l’eft en Europe. On la nomme Ætites du mot grec,, Mréç , qui lignifie une Aigle. On dit que cette pierre faci- lite l’acouchement , lî on l’a- cache a la cuille de la femme dans le tems du travail. On ajoute qu’on en trouve dans les nidsd’Aigle; parce que l’Ai- gle ne pond lès œufs qu’avec une difîculté extrême. Cette pierre eft creulè , & elle ren- ferme un noyau pierreux , qu’- on apelle Callimus qui fait du bruit, quand on la fecouë. On lui atribuë beaucoup de G iij 7 8 Curiofîtegde la Nature r qualitez imaginaires , &c que l’expérience dément tous les. jours. Je ne voudrois pas dire comme quelques modernes , que toutes les pierres doivent être rangées avec les Alcalis } &: qu’elles font feulement af- tringentes, & des abforbans. Mais aulli je fuis du fentiment de M. Boyle qui dit fi judicieu- fement : Ceux qui atribuent tant de vertus aux pierres pré- cieufes, ne méritent pas le nom de Philofophes. Tom. II. p. i. Specimen de garni arum virtu- tibus. Mais j’ai aporté des Indes une pierre quiyeft fameufe-, par la qualité qu’elle a d’ai- der à l’acouchement. On la nomme Amplement Pierre quarrèe , parce qu’elle eft éfec- tivement quarrée de tout lèns , grofle, & de figure cubique & de l'Art. 79 comme un dez à joüer. Elle . eft brune , Se quafi de couleur de Cafte. Elle eft naturelle, Se le trou- ve dans le Royaume de Cali- cut à POueft de Pondichéri. L’ulàge eft d5en broyer un peu avec du vin fur un porfire , 8e de le faire boire à la femme qui eft en travail } Se puis on lui attache la pierre à la cuiflè gauche. Celles que j’ai , m’ont été données par le R. P. Dolu Jéfuite à Pondichéri. Il ne fut jamais homme plus poli, plus généreux , Se plus favant dans la connaiflànce des choies na- turelles. Généralement parmi les Na- turalises on convient que la cervelle de Rekin poilfon vo- race , eft un Ipècinque pour faciliter l’acouchement. Cette cervelle eft blanche comme la G iiij 8 o Curiofîte^ de la Nature , neige j on la fait lécher , on la mec en poudre , & on en donne dans du vin blanc. Cela mê- me eft excèlent pour la gra. velle. Il eft furprenant combien de grands hommes ont attri- bué de vertus aux pierres. Diofcoride dit que la Pierre d’Aigle découvre les larrons : Et Béllon /. i. c • 23. montre la façon , dont les Caloïers s’en fervent encore aujourd’hui en la pulverifàntj pour le même éfet. M. VoffiuSj dansfaPhy- liologie Chrétienne , dit des merveilles de la Pierre d’Ai- gle : lih . 6. cap. 19. & 20. &c. Mais il en dit trop : Et ceux qui n’accordent aucune vertu aux pierres , paflent dans une autre extrémité auffi mauvai- le. Je me rangerois du côté de M. Boyle , qui marche entre de l'Art. 8l ces deux extrêmitez. Ce la- vant Phyfkien bat en ruine ces gensj qui plus durs que les pier- res mêmes , ne veulent écou- ter ni la raifon , ni l’expérience, 8c dénient toute faculté mé- decinale aux pierres.' Il le mo- que de la plus fpècieufe de leurs objedions,& qui eft leur Achil- le : Ils prétendent que les pier- res font trop dures , 8c trop compactes , pour qu’il s’en puifïe écouler des vapeurs, 8c des corpufcules capables de de quelque a&ion. Ils n’y fon- gent pas : car enfin ont-ils ou- blié que l’Aimant eft une pier- re très- dure , 8c qu’il s’en ré- pand avec abondance , 8c au loin de perpétuels écoulemens de matière magnétique , qui fait tout le mécanifme char- mant de ces merveilleufes ex- périences , que l’on ne fe laffe 82 Curiojltez^ de la Nature , jamais de voir. Ces corpufcu- les ont même prife fur le corps humain -, & M. Boyle die qu’- un homme ne tient point long- tems indiféremment un bon aimant , enfermé dans fa main. On peut voir comment il prou- ve qu’il y a dans les pierres précieufes , des parties métal- liques, qui le dévelopent quand on les porte en amulette par la chaleur de la perlbnne.D? gemmarum virtutibus Se cl. II. î- 34- I V. Le Jade. C’Eft une pierre verdâtre de couleur d’olive, &qui eft fort eftimée dans les Indes d’Orient , 6c dans les Indes d’Occident. Il eft fort recher- ché par les Turcs , &c par les & de l'Art. £3 Polonois, qui en ornent tou- tes fortes d’ouvrages : fur tout ils l’emploient à faire des man- ches de Sabre qu’ils font gra- ver, & remplir d’or fin. M. Ber- nier dit que les Caravanes du Tibet en portent au Cachemi- re i & que les Galibis na- turels de l’Amérique méri- dionale en font grand trafic > & l’eftiment autant que le Dia- mant.Ils en font une eftime tou- te particulière , & l’achètent tout ce que l’on vent, à caufe des vertus médecinales qu’ils iui atribuent. Us difent que cette pierre eft excèlente con- tre l’épilepfie , les maux de reins , la gravelle , &; la pier- re , en la portant fur les reins. Us ajoutent qu’elle fait fortir le fable par les urines. Le Ja- de eft auffi fort eftimé à Pa- ris j Ôc les Joailliers font allez S 4 Curioftez^ delà Nature, valoir les petits morceaux de Jade , quand ils font bien tail- lez , & d’une maniéré à être portez commodément fur les reins. Le Livre intitulé le par- fait Joaillier ne fait point de difîculté de l’apeller Pierre Di- vine , à caufe de fes grandes vertus. Eft-il poifible que les Anciens , & les Modernes , l’Orient , &c l’Occident foient dans l’erreur à l’égard de cet- te pierre, & qu’elle ne foit bonne qu’à faire des manches de couteau ? Je craindrois de tomber moi-même dans l’ert reur en penfant fi deiâvanta- geufement fur les lumières de tant de grands hommes , qui ont fi fort exalté les vertus du Jade. 11 y en a de trois verds diférents , & j’en ai de ces trois fortes. Ce qu’il y a de vrai , c’eft qu’il eft d’une dureté in- & de l’ Art. 8$ finie 3 il eft plus dur que le Por- phire, que l’Agate, & le Jaf- pe , qu’on ne peut travailler qu’avec la poudre de Diamant. Les petits morceaux que j’ai , font taillez en amulettes , pour être portez for la région des reins. Boëtius de Boot dit des merveilles de cette pierre. Il en raporte ce qu’on peut apel- ler des miracles. y. Le Jdfpe vert Sanguin Oriental. C’Eft une pierre dure, po- lie , luifante , d’un vert foncé , & qui eft mêlée de ta- ches rouges. Quoique le Jaf- pe foit fouvent employé à fai- re divers ouvrages , on ne laide pas de l’eftimer encore, pour les vertus médecinales qu’on foi atribuë. Sur tout le jafpe 86 Curioflte^ de la "Mature y vert fanguin eft aujourd’hui le plus eftimé de tous. Boëtius de Boot raporte des guérifons prodigieufes , qu’il a faites par la feule aplication extérieure d’un Jafpe fanguin qu’il avoit: Et avant que de parler de ces merveilleufes guérifons , il a- vertit le Lecteur qu’il n’efl: pas de ceux , qui acordent 11 fa- cilement des vertus aux pier- res : Je n atribu'è pas , dit-il , tant de forces aux pierres com- munes y & précieufes que le Vul- gaire a coutume de faire. Pour lui il eft pleinement perfuadé , que par la feule aplication de fa pierre de Jafpe fanguin , il a arêté des pertes de lang par le nez , & par les hémoroïdes , &c. Il ajoute que quelques- uns atribuent la même facul- té au jafpe vert, qui a des ta- ches rpuges. On dit qu’étant & de t Art. S 7 atache au col , & touchant vers l’orifice de l’eftomac , il le for- tifie, arrête le vomiflement , & ôte même l’envie de vo- mir. Les Orientaux en portent en forme d’amulete pour em- pêcher le flux de fang , con- tre la fievre , contre l’hidro- pifie , contre l’épilepfie. Ils prétendent qu’il a plus de ver- tu étant enchâfle dans de l’ar- gent , que dans tout autre mé- tail. Ce feroit une choie bien belle , & bien agréable , s’il contribuoit au repos , & à la férénité de l’efprit , s’il chaf- foit les penfées importunes , noires , & fâcheufes , qui cail- lent quelquefois de fi cruelles inquiétudes. On prétend qu’il a cette admirable vertu 5 parce qu il efl: propre à temperer les humeurs qui font déchaînées t & à calmer l’impetuolîté du 88 Curiofitez^de la "Nature , fang , d’où naiflent ces penfées fombres , 6c mélancoliques, qui afligent quelquefois fi fort les perfonnes les plus gaies , 6c les plus raifonnables. La nouvel- le Médecine qui proferit tous les amuletes , 6c qui condam- ne toutes les pierres , à être rompues vives, 6c broyées fur le porphire,pour fervir de quel- que chofe en médecine , ne fait pas plus de grâce au Jafpe. Il faut , dit-on > qu’il loit ainfi préparé pour devenir aftrin- gent, 6c propre àarêter le fang, 6c le cours de ventre. Que de- viendront donc tant d expé- riences fi célébrées dans des Auteurs fi habiles ? En voici une., fur laquelle je voudrois bien entendre ces nouveaux Phyficiens. Elle vient de bon endroit; 6c cet endroit efi: au defius de tout foupçon en ma- tière de l'Art, tiere d’illufion , de crédulité , & de fupercherie. Enfin nous la tenons de M. Boyle ; c’eft tout dire 5 & Ion nom feul rafiurera ces gens qui le défient fi fort des expérien- ces qu’ils n’ont pas faites. J’ai vu, dit M. Boyle, une Agate, qui n’étoit pas plus gref- fe qu’une mufcade , & qu’on: gardoit à caufe de lés rares ver- tus dans-une maifon de condi- tion. Je ne raporterai point tou- tes les merveilles qu’on m’en a racontées. Je dirai feulement une chofe qui fait bien voir qu’- un corps , de quelque extrême dureté qu’il foie , peut pour- tant être d’une très- grande vertu. Un jeune homme lavant, Bien fait , & de beaucoup d’efi prit , étoic fouvent antaqué d’uîfe hémorragie de lâng. par Je nez , ôc qui écoit ordinaire- K 9 o Curiofitez^ de la Nature , ment fi violente , qu’elle faifoit craindre pour fa vie. Son Mé- decin , quoique très-habile , m’a témoigné plufieurs fois que ce jeune homme d’un tempé- rament trop fanguin expire- roit dans une de ces hémor- ragies. Il n’y a point cependant de remède qu’on ne lui fît , pour le fauver , toûjours inu- tilement. Enfin une vieille pa- rente lui prêta cette Agate , & la lui attacha au col, de maniéré qu’elle touchoit à la peau. Quelque fort que fut le paroxifme , dès qu’on apliquoit la pierre , l’hémorragie celfoit J & ne recommençoit point, tant qu’il portoit cette Agate. Com- me je femblois atribuer cet éfet à la force de l’imagina- tion , le jeune homme me4con- ta qu’une Dame de qualité a- voit fréquemment des pertes & de l'Art. 51 de iàng fi horribles , qu'elle tomboit en foiblefie., & per- doit connaifiànce , & que du- rant ce tems-là on lui atra- choit au col cette Agate , qui ne manqudit jamais d’arrêter aufiî-rôt le làng. L’imagina- tion de la Dame ne pouvoir avoir aucune part à cette gué- rifbn 5 puis qu’on lui apliquoit cette pierre , fans qu’elle en fut rien ; mais ce qui eft au defius de toute chicanerie > c’eftque quand il falloir fâigner de tems en tems le jeune homme , à caufe de fon tempérament fan- guin , qui lui faifoit trop de làng , éc pour prévenir l’hé- morragie > tant qu’il avoit l'A- gate à Ion col , le lang ne cou- loir jamais avec la facilité , & l’abondance ordinaires 5 on é- toit obligé d’ôter , & d’éloi- gner la pierre : Venu cura a- H ij *>i Curiofitez^de la Nature , deratâ celeritate. Simplic. Medic. Dtilit. & u fus , j Pag. 63. Qui dira après cela que les pierres ne font bonnes en médecine , qu’à être mifes en poudre , Si priiès intérieurement 1 La. "Pierre de petite Vérole „ • Es Anciens , qui ont par- lé des pierres , ne font point mention de la pierre de petite Vérole, fous ce nom-là. Sans doute qu’ils l’auront con- nue , & qu’ils en auront parlé fous une autre dénomination. Cependant je ne l’ai point trou- vée décrite dans le petit Trai- té de Théophrafte , ni dans perienda foret , lapidem aliquan- do feponere cogebatur -, quandiu enim gcftabat , fanguis non ef- fluebat , folità tamen , & dejt- VI. # de l'Art. C) \ Laët , non plus que dans 1< Julie volume de Boè'tius de Boot. Cette pierre, qui vient des Indes, eft belle , & digne de confidération. On l’apellg Pierre de petite vérole y parce! que dans la couleur verdâtre , elle eft parfemée de taches blanches , & rondes, qui ré- prélentent fort bien des grains de petite Vérole meurs, &a- platis. Cette pierre eft une e£ pçce de Jafpe vert. U y en a de toutes fortes de figures. Eh les font ordinairement rondes , & un peu plattes. J’en ai vû une qui étoit ronde , & grofle com- me une balle de jeu de pau- me. On fait aujourd’hui beau» coup de cas de cette pierre j à caufe de la vertu qu’on lu| atribuë de faire facilement for», tir la petite Vérole, & d’em- pêcher qu’on n’en foie marqué,? <)4 Curiojîtez^dc la "Nature , pourvu qu’on la laide apliquée fur la chair du malade. Les Phi- lolophes, comme Crollius, qui prétendent que l’Auteur de la nature a mis des indications , qu’ils apellent Signatures , dans les plantes , 6t dans les pier- res, 6e qu’ils regardent com- me des marques extérieures de leur vertu oculte, & inté- rieure , ne manqueront pas de foutenir que cette pierre doit être un amulette merveilleux contre la petite Vérole. Crol- lius a fait un Traité de Si~ gnaturis internis rerum , qui rou- le entièrement fur la reiïem- blance , que les plantes ont dans leurs feüilles, dans leurs femences , ou dans leurs raci- nes, avec le mal , ou la par- tie malade. C’eft fur ce prin- cipe , qu’il dit , que la femen- ce de raves, ou de lentilles de î Art. 95 mife en décoétion 3 eft un bon remède pour la petite Véro- le i à caufe de leur reflèmblan- ce avec les boutons naifîàns de cette fale maladie. Kario- lis infantum , feminis raparum & lentium decoBum medetur à, fmilitudine . p. 48. Que n’au- roit point dit ce fameux Pliy. lîcien j s’il avoit connu la pier- re , dont nous parlons ? Il au- roit bien fait valoir fon grand principe j qu’il apelle : miram ex innatk rerum Jîgnaturk eum corporis noflri membris harmoni- cam corre fpondentiam. C’eft , dit-il, à caule de cette corref- pondance harmonique , ôc de cet- te relîèmblance que tous les Médecins conviennent, que la pulmonaire eft excèlente pour les maladies du Poumon. Ce qu’il juftilîe à l’égard d’un très- grand nombre d’autres plan- Curiojitez^de la Isfature T tes , dont il parait que la Si- gnature a été la raifon du choix, qu’on en a fait pour certaines maladies. Gaffarel excelle, & brille merveilleufement fur ces Signatures , qui font comme au- tant d’infcriptions gravées par les mains de la nature fur les choies naturelles , pour apren- dre aux hommes l’ufage qu’ils en doivent faire. Gaffarel , Cu- rioJiteg_ inouïes , p. 85. Crottins a fes admirateurs , comme il a fês contradi&eurs : Comment connaitxe ceux qui ont raifon..?' VIL ' . ;y La Pierre nèfretique: CEtte pierre- vient de la nouvelle Efpagne. Son nom fait connaître qu’elle eft reconnue propre , pour arrêter les douleurs afreufes de la co- & de l'Art. y-j li que néfrétique , pour brifer la pierre des reins, & pour fai- re jetter le fable par les urines. On l'atfecbe ordinairement au col. Quelques perfonnes la por- tent iur la région des reins. On la met auffi à la cuifle , au bras , ou bien au doigt mon- tée dans une bague, . Il eft facile d’être trompé dans le choix de cette pierre ; parce qu’encore qu’elle foit îe plus fouvent grife , & ver- dâtre, il n’eft pas aifé de la diftinguer d’un Jaipe , qui eft tout femblable : Et d’autant plus que la Pierre néfrétique eft quelquefois mêlée de jau- ne , de blanc , ou de noir 5 ce qui la confond ablolument a- vec une infinité de Jafpes dans îefquels on voit le même mé- lange de couleurs. Ce qui pourroit y mètre de la diféren- I 5>8 Curiojîtez^ de la Nature , ce 5 c’eft qu’ordinairement la Pierre néfrétique eft moins du- re, & qu’elle ne prend pas un lî beau poli que le Jafpe. A- près tout il y a très-fouvent ft peu de diférence entre le Jaf- pe , &c la Pierre néfrétique , qu’on eft fort embarafle à les diftinguer 5 & dans le choix, on ne rifqueroit pas beaucoup à faire, comme le juge Bri- doye , dont parle Rabelais , qui décidoit par deux coups de dez , les procès qui l’embar- ralîoient. VIII. La Pierre Divine. CEtte pierre eft une nouvel- le elpèce de Pierre Néfré- tique,& à laquelle on commen- ce de donner [du crédit dans le monde. Elle eft cependant plus & de F Art. t)p brune , plus dure , 8c d’un & j’en ■& de l'Art. ïoï fuis convaincu par moi- mê- me , que les expériences font di fi ci les , &: fur roue fort trom- peufes en matière de méde- cine 5 parce que les maladies de même elpèce ont fou vent des caules toutes diférentes , félon la difpofition des corps r ôc les circonftances du lieu,&: du tems ; Sc qu’il ne faut que très- peu de choie , pour arrê- ter, diminuer , ou varier fac- tion de la nature. Voila ce qu’on apelle fai#e ufage de la railon , & véritablement phi- lofopher. Nec tamen ignoro y aut quotidie minus experior , ex- périmenta diffici liera , & ma- xime fallacia ejje iUa , quæ cir- ca res medicas fiunt , &c. p. 9 o. Les vrais Philofophes ne vont pas h vite, & ne décident pas avec hauteur. Ainlî fupofé que dans les lieux , où le forment I hj lïn Curiofitez^de ta Nature 3 les pierres , il s’y trouve des parties falines , vitrioliques , du foufre , du bitume , des fubfl tances métalliques , avec les fucs pétrifiants j en voila tout autant qu’il en faut , pour com- muniquer à ces pierres des qualitez médecinales. C’eft fur ce principe , que M. Boyle démontre qu’il y peut avoir de grandes vertus dans les pierres , 6c que la cha- leur du corps humain eft fli- fifante de les' déveloper , 8c d’en faire fortir de larges é- couîemens de matière fubtile , & médecinale. Ce qui foit dit > fans pourtant autorifer les ré- cits fabuleux , 6c les hiperbo- les , dont des Auteurs peu exa&s , 6c trop crédules ont rempli leurs écrits. M. Boyle a pris fur cette matière , com- me fur tout ce qu’il examine & de F Art. 103 un raisonnable , St jufte tem- pérament : Et on ne fauroit lire qu’avec beaucoup de fa- tisfadion Ton dode Traité : De gemmarum origine r & vir- tutibus. I. Le Macha-mona , ou la Cal - lebajje de Guinée • ESt un fruit de la même figure que nos CallebaSl fes. Audi l’apelle-t-on pour ce - Sujet : C aile baffe dé Afrique. Il y en a qui ont un piédelong, & Six pouces de diamètre. L’écorce eft une fubftance li- gneufe très- dure ; & dont on 'pouroit faire des taSTes, com- me on en fait de Coco. Le deSIus de cette écorce eSt cou- vert d’une efpèce de velours verdâtre qui fait un bel éfet. îc>4 C ur i o fît e\_ de la Nature > Le dedans de ce fruit eft ad- mirable. Il eft divifé par cô- tes , comme le melon l’eft par dehors. Ces côtes font fépa- rées par des filamens , qui en atachent la chair à la paroi intérieure de l’écorce j & ces filamens partent de la circon- férence , & fe terminent au cœur du fruit. La chair eft proprement de la même cou- leur , que le dedans de la ci- troüille. Quand ce fruit eft meur , cette chair eft d’un goût aigrelet , & qu’on trouve dé- licieux dans les pays chauds , où l’on en ufe comme de Li- monade à Paris, pour fe ra- fraîchir. On en donne volon* tiers aux malades ; & fur tout dans les cours de ventre 5 car outre le fuc , qui eft un peu ftiptique , la chair eft d’un aulîl bon goût que le pain d’épices & de l'Art. io j de Reims > &peutpaflèr quand elle eft sèche, pour un excé- lentablorbant. Les efclaves en font de la bouillie. Il y a dans ce fruit grand nombre de pé- pins gros comme de petits pi- gnons, & dans chacun il y a une amande incomparable- ment pins délicate au goût , que nos amandes douces. Ces pépins font de couleur de châ- taigne , Si de la figure d’un rein , ou de la graine de mufc. Les femmes d’Afrique qui ne connaiïïènt point la prèfure , fe fervent de la chair de Ma- cha-mona, pour faire cailler le lait. L’arbre qui porte ce fruit eft gros, & haut pour le moins , comme nos plus grands chênes. Sa feüille eft épaiflè , Si plus grande que la feüille de Maronier d’Inde. On l’apelle Macha-mona j c’eft-à-dire 3 io6 Curiojitei^de laNature , mangé par les oi féaux > car les oifeaux qui ont le bec fort, en font très-friands , 6c crèvent l’écorce pour manger le de dans Nous l’appelions Calle- baffe de Guinée j parce qu’apa- remment on en a aporté de Guinée en France avant que d’avoir obfervé , qu’il y en a aux Ifles de l’Amérique. La queue n’eft autre chofe que tous les fîlamens du dedans du fruit , lefquels fe réunifient là $ ou fi l’on veut, ils partent de là , pour fe feparer ; afin de ta- piflèr l’écorce intérieure du fruit, 6c de le partager en cô- tes. Au lieu que dans nos Ci- trouilles la graine eft en abon- dance, 6c toute au cœur du fruit au contraire dans le Ma- cha-mona il y a peu de pé- pins j 6c ils font répandus dans toute là fubftance , fort & àe r Art. 107 énvelopez dans la chair , 8e loin l’un de l’autre. Il- L' Aou ara. ESt un fruit qu’on trou- ve aux Indes d’Occi- dent , 8e qui craît à une ef- pèce de Palmier fort haut , 8e épineux. Cette efpèce de pom- me fort d’une goullè qui con- tient un bouquet de plufîeurs de ces fruits. Quand l’Aouara eft en maturité, il eft d’un jau- ne doré. Sous l’écorce il y a une chair jaune , 8e qu’on mange parmi les Indiens. Cette chair cache un noyau gros comme le noyau d’une pêche, 8e dans la Itiperficie duquel y a trois trous aux cotez , 8e deux plus petits tout proche l’un de l’autre. Ce noyau a deux lignes d’épai £ ïo8 Curioftez^de la Nature , feurj il eft d’une dureté de pier- re, très-dificile à cafter, ôc dans lequel on trouve une belle a- mande blanche, qui eft d’abord d’un goût agréable , quand on la mâche j puis on y trouve lur la fin une petite pointe pi- quante , ÔC qui aproche fort du goût du fromage de Saftenage. C’eft de ce fruit, dont on ti- re l’huile que nous apellons ici huile de Palme -, ôc en éfet c’eft un efpèce de Palmier , comme je l’ai dit, qui porte ce fruit qu’on trouve plus communément dans l’Afrique, que dans l’ Amérique. Et les Vaifleaux, qui vont chercher des Nègres en Afrique , font ordinairement une grofle pro- vilîon de ces Aouaras , pour les nourir : &: quand ces efclaves font attaquez dans le voyage , par quelque cours de ventre } & de l'Art. io 9 on cafle le noyau pour avoir l’a- mande , qui eft un des meil- leurs aftringents , qu’ils con- naiflènt pour arêter ce mal. J’ai apris cette pratique dans lefé_ jour que j’ai fait en Afrique ; & à leur imitation je m’en fuis quelquefois fèrvi avec fuccès. III. La Badiane. IL y a des Auteurs qui I’a- pellent 1 ’Anis des Indes s par la ièule raifon^qu’il a une odeur, & un goût pareils à la lëmence d’anis , quoi qu’il n’ait rien en quoi il lui puifle reC fembler pour le refte. La Ba- diane eft une lemence qui vient des Indes. Elle eft faite à peu près comme la graine de me- lon , mais un peu plus gran- de , & plus épaiftè > la couleur no Curiofîtez^de la Nature , reflemble allez à celle de la femence qui Te trouve dans les Siliques de la Cafte 5 excepté que la Badiane eft incompa- rablement plus unie , plus po- lie, 8c plus luifante. Cette fe- mence eft enferjnée dans une capfule épaifte , dure , 8i qui a la forme d’une étoile à fept rayes. Il y a un grain de Ba- diane dans chaque rayon. Cet- te figure d’étoile eft très- bel- le , 8c très-réguliere. La Ba- diane eft fort célèbre à la Chi- ne , 8c par tout l’Orient > parce que les Orientaux , à l’imita- tion des Chinois , en mêlent dans leur Sorbet , 8c dans leur Thé. Ce mélange n’eft pas feulement afin de les rendre plus agréables } mais fur tout parce que la Badiane a une vertu carminative, c’eft-à-dire , très-propre , êc très-puiftante & de l'Art. m pour chaflêr les vents du corps, & pour fortifier le cœur, & l’eftomac. Cetulàge commen- ce de s’établir aufîl à Paris , chez les perfonnes à qui il efl: facile d’avoir fuffifamment de cette précieufe Badiane. Gaf- pard Bauhin apelle la Badia- ne , fruclus fiellatus , à caufè que tout le fruit réprélènte iî vivement une belle étoile. IV. Le Let-chi. LE Let chi efl: un des plus beaux fruits , & des plus délicieux de la Chine. Il craît particulièrement dans la Pro- vince de Canton. Il efl: de la groflèur d’une noix de Galle commune. Le dehors eft une ecorce chagrinée fort mince, & d’un rouge éclattant de pon- ni Curiojîtez^de la Nature , ceau , quand le fruit n’eft point delféché , & qui fe termine en pointe comme une grofle noix. Il y a dans cette écorce une efpèce de prune d’un goût très- agréable. On doit etre atten- tif à n’en manger pas trop , parce que ce fruit échaufe ter- riblement. 11 y a fous la chair molle de cette efpèce de pru- neau long ,un petit noyau pier- reux fait tout comme un clou degerofle. Comme les Chinois le iailfent fècher, ils en man- dent toute l’année, & ils en mêlent dans le Thé au lieu de fucre pour lui donner un pe- tit goût aigret , qui fait beau- coup de plailîr. Le R. P. de Fontaney Jéfuite , & Miiïio»- naire à la Chine eft le premier qui en aaporté à Paris en l’an 1700. & de l' Art. 113 V. Ze Manymftan. C’Eft un fruit qui craie dans le Royaume de Siam ^ 6c qui eft le plus délicieux de tout l’Orient fans exception. Il ref- femble fort à nos groiîês noix vertes. Il a fous fon écorce un fruit blanc , d’un goût un peu aigr.ee , & qui furpafle d’ail- leurs infiniment le goût de nos: meilleures pêches. On tient dans les Indes que ce fruit eft froid aftringent. On le tranfi- porte dans tout l’Orient où il eft fort eftirné , particulière- ment à caufo de la vertu qu’il a d’arrêter toutes fortes de cours de ventre.De fon écorce même on en fait une excélente prî— fonne, qui a la même faculté •qui eft très-agréable à boire 9 K 3 314 Curioftter^de la Nature* Si dans laquelle les Indiens metent de la cache , du ris torréfie'. La figure de ce fruit eft admirable, il a du côté de la tête une petite rofè à fix feüilles en relief, &. fi réguliè- rement deffinée, qu’on ne la fauroit voir , fans admirer ce petit jeu de la nature. VI. Le Panache de mer , ou la ? ai- me marine. IL y a des prairies , des Jar- dins, Si des forêts mêmes, au fond de la mer. Pline le dit formellement de la mer rou- ge, Si de la mer d’Orient. Mare- Jiubrum , totus Orientis 0- ceanus refertus eft ftylvis. Hift- Nat. Lib. XIII. cap. 25. Il remarque enfuite fort curieu- femenc que ,, pendant qu’il y a , & de ï Art. rry aux environs de la mer rou- ge, desfolirudes afreufes, fans plantes , & fans arbres , fî on excepte une efpèce d’épine y qu’on ne trouve que de loin à loin j il y a fous les eaux dé cette mer des forêts d’arbres qui fleurifîènt , èc qui portent des fruits ; comme fi la nature avoir voulu par ces végétations marines , nous dédomager de ce qu’elle ne produit rien dans les terres léchés , & fteriles de l’Arabie pierreufe. Il y a dans cette nier, dit Pline, particu- lièrement des Lauriers , & des Oliviers. Le Laurier y porte les baies, & l’Olivier y eft char- gé d’olives : Mirum eft in ma- ri rubro fylvas vivent ; lanrttm maxime , Olivam fèrentsm. baecaf v Que de merveilles là mer cache fous fes eaux i J’ai aportç d’ Orient un Panache dg K ij 1 1 6 Curiofîtez^ de la Nature , la mer rouge, qui eft tout-à-fait curieux. Il eft tout d'une couleur , mais il eft fingulier en ce qu’il eft d’une couleur de ta- né clair en fa croûte , qui fem- ble être une efpèce de chaux pétrifiée : Sc deflous cette croû- te légère , il y a un tiftu de fi- lamens ligneux , pliables , èc auffi dificile à rompre que de la baleine. Dans mon panache de la mer rouge , ces filamens ligneux font de couleur d’o- live , mais fort liftez , & fore beaux à voir. Il y a encore cet- te Angularité; qu’il eft, comme la Madrépore , percé d’une in- finité de petits trous, ce que je n’ai point remarqué dans les Panaches qui viennent de la Mer des Indes Occidenta- les. Cette belle végétation eft: donc une efpèce de plante ma- rine, toute plate , & étendue C?- de l'Art. ny en forme d’évantail. Il eft ra- porré dans le Cabinet de Cal- ceolarius p. 1 7. que les Dames de l’Amérique font fort cu- rieufès de ces panaches de mer5 qu’elles les eftiment fort 5 &c qu’elles les recherchent avec beaucoup d’emprelfementjpar- ce qu’elles s’en fervent com- me d’éventails , pour s'éven- ter , & pour fe rafraîchir dans les grandes chaleurs. Les branches de’ mon Pa- nache font tifluës très-délica- tement , en forme de point coupé , ou bien , comme dit Cluftus ainii qu'un filet, ou un rets à prendre des poifions , &c des oilèaux. C effc à caufe de cette admirable contexture „ que ce lavant homme nomme cette planter -planta retiformis . Ce lacis fi délicat eft loûte- nu dans le milieu des branches» IiS Curiojîtez^ de la Nature , par une efpèce de carde , ou de côte , qui fort de la raci- eine , & qui fe termine vers le haut de la feüille, où cette efpèce de tige fe perd imper- ceptiblement. Ce Panache vient du fond de la mer rou- ge r aiant crû fur des rochers , où il avoit pris racine , à la maniéré de tous les Pana- ches. Quand un Panache a plu- fieurs branches, ôc qu’il efî de trois couleurs , comme celui du Cabinet de feinte Gene- viève , il mérite proprement le nom de Panache h parce qu’alors il reflèmble aux bou- quets de plumes , 6c aux vrais Panaches , qui ornent la tête des Acteurs d’une Tragédie. Et c’eft fans doute cette ref- femblance, qui a fait donner à cette végétation marine > le nom de Panache de mer . & de l'Art. n cf Outre mon panache de couleur tance , & qui a un pied & demi de haut , de au- tant de large , j'en ai un pe- tit du plus beau rouge qui fe puiflèj voir. Sa croûte n’eft pas jercée de petits trous comme 'autre : mais il a cela de fîn- gulier , qu'il eft tout chagri- né r ce qui n’eh: pas ordinaire aux panaches qui viennent des. Indes d'Occident- VII La Feve fébrifuge. C’Eft une efpèce de fève * qui craît aux Ihes Philip- pines , de dont les Originaires du pays fè fervent , comme d’un fébrifuge immanquable., la figure , de la grofleur font prefque comme celles d’une hermodade ; mais, Thermo-- ii o Curiofttez^de la Nature , dacle eft blanche , 2c la fève de faine Ignace eft grizâtre , & blanchâtre par dedans. Elle eft d’une très- grande amer- tume. On la nomme dans une partie des Indes , feve de faint Ignace -, parce que ç’a été un Jefuite Efpagnol qui le pré- mieryena aporté la connaii- fance. Elle y eft fort eftimée. Dans le commerce que ce Jé- fuite eut avec les Habitans des Philipines , il reconnut qu’ils s’en fervoient pour le guérir de la fièvre. C’eft un pu i (Tant purgatif.Ce qui n’allarme point les Indiens, qui ne font point de façon de fe fervir de pur- gatifs violents. Et fur ce fa- jet M. de Tournefort dans la Préfacé de fon Hiftoire des Plantes des environs de Pa- ris , fans ménager la ridicule délicate fié de ceux qui aiant un fi de l'Art. ï i i nn grand fond de mauvaifês humeurs , aprehendent cepen- dant les purgatifs un peu forts, a dit très- à-propos , comme s'il étoit ÿofjible de bien vuider un fac fans lefecoüer-, ou fi l'on fouvoit rétablir les humeurs , fans y exci- ter quelque mouvement , qui les débrouille , (fi qui procure la fé- faration de la matière , qui en avoit changé la tijfure. On m’a alluré que la fève de Saint Ignace crailfoit auffi dans rif- le de Sam- cham , où eft mort Saint François Xavier , dont les Reliques ont été depuis tranf- portées à Goa. Tout ce que je puis dire fur céte fève , c’eft que j’en ai vû dans les Indes des éfets mer- veilleux , & que j’en garde fort foigneufement quelques - unes que j’ai eues de quelques Ef- pagnols , qui venoient des Ma- nilles. L lu Curiojïte^àc la Nature Le Bois de Bambou. E Bois eft fort célébré dans les Indesjnon-feule- ment parce qu’il entre dans la matière médicale des Indiens j mais encose parce qu’ils en font quantité d’ouvrages, qui font d’une grande utilité dans leur domeftique. On tire du Bambou, quieftuneefpécede canne, ou rofeau, un fucre ,que les Indiens regardent comme un excélent remède à plufeurs maux. Mais ce n’eft pas par ces raifons là, que j’ai eu la eu* riofité de rechercher , &: d’a- porter du bois de Bambou. On lait de quelle utilité le feu eft dans la vie j & fur tout dans les pays Septentrionaux. Les Poètes qui envelopent toû- VIII. & de l'Art. ii 5' jours quelque vérité fous le voile de leurs Fables, difent que Prométhée monta dans le ciel par le fecours de Minerve , & qu’ayant aproché un flam- beau du chariot du Soleil , il vola le feu du ciel, qu’il aporta fur la terre : Et en éfet le feu efl un préfent très précieux , que l’Auteur de la nature a fait aux hommes. Vitruve dit que ç’a été par le doux plaifir qu’il y a à 'fe chaufer , que les hom- mes qui yivoient auparavant de gland, féparez dans les forêts comme les bêtes , commencè- rent à former la fociété civile, à fe polir par des loix , & à régler leurs intérêts par des contrats , & des conventions. Et nous re- gardons aujourd’hui avec é - tonnement ce qu’on vient de publier des Habitans des If- ies Mariànes % aufquels le feu rü4 Curiofitez^ de la Nature. étoit inconnu. Ce qui efi déplus étonnant , die le Pere le Gobien Jefuice , & ce qu'on aura peine à craire , c efi que les Habitant des I fies Marianes n’ avoient ja- mais. vû de feu 3 cet élément fi ne- cejfaire leur étoit entièrement in- connu. ils n' en f avoient ni l'ufa- ge , ni les qualité -, & jamais ils ne furent plus furpris que quand ils en virent pour la pre- mière fois a la décente que fit Magellan dans une de leurs If- les , où il brûla une cinquantai- ne demaifons , pour punir ces In- fulaires de la peine qu'ils lui a- voient faite. Ils regardèrent lo feu dans les commencement 3 com- me une efpèce d'animal qui s'a- tachoit au bois , dont il fe nourif- foit. Les premiers qui en apro- cherent de'trop prés 3 s'étant bru - lesg en donnèrent de la crainte aux autres 3 & n'oférent plus le regar- ~&de l'Art. îrf derque de loin, de peur , difbienc- ils , d'en être mordus , & que ce terrible animal ne les ble-ffhtpar par fa violente refpiration . Liw ILpag. 44-&4V Vitruvedit que les premiers hommes ne connurent le feu T que par hazard: quelques ar- bres qui étant près les uns des autres , fe frottant violemment par la tempête , s’enflamérent , & cauférent un grand incen- die. Lib. IL cap. 1. Ce que les premiers hommes ne connurent que par hazard , les Indiens le connailfent par une expérience journalière , 8c qui eft d’autant plus curieufè , qu’elle donne du feu avec une très-grande facilité. Qua.nd les Indiens veulent fumer du ta- bac , 8c allumer leur gargou- lis, |ils tirent du feu du Bam- bou par le frottement. Voici L iij 1 16 Curiofitezjle la Nature comme ils font. Ils ont deux morceaux de Bambou fendu., dans l’un ils font une coche , 6C ils frotent avec l’autre mor- ceau dans cete coche , 6c fans que le Bambou s’enflame , ni qu’il étincelle , quelque feüil- lage fec , ou autre matière in- flammable , 'que l’on aplique à la coche , prend feu auffi-tôt. C’eft cette curieufe faculté de faire du feu facilement , qui m’a porté à rechercher de ce bois , 6c à le placer parmi les chofes,dont on doitfairecas.il y a une vertu medecinale dans fa racine , 6c qui la rend d’un tr- iage très-frequent dans les In- des. Cefl: un diurétique très- éflcace ; 6c les femmes de roau- vaife vie ne connaiflent que trop en ce pays-là le fecours , qu’elles en peuvent tirer , pour cacher 6c pour continuer leurs defordres. & de l'Art. 1 17 IX. La noix d' Arec a. C’Eft le fruit d’une efpé- ce de Palmier, qui craîc en plufiers lieux des Indes d’O- rienc. Quand ce fruit n’eft pas bien meur j il eft allez agréa- ble : mais il étourdit ceux qui en mangent 5 &. ils tombent dans une maniéré d’ivrelîe, dont ils ne reviennent pas fi- tôt, & durant laquelle ils font fort gaillards. Il devient infi- pide à mefure qu’il meurit. Les Indiens fe forvent de la. noix d’Aréca^ pour compofor des trochifques , qu’ils mâ- chent comme quelques - uns font ici le tabac , afin de fe fai- re cracher, & de dégager le cerveau. Ils la mêlent avec le Bétel j donc la feuille eft ad~ L iiij ï 18 Curiofîtezjle la Nature. mirable , pour raréfier la pi- tuite du cerveau , pour fortifier l’eftomac , èc pour rafermir les gencives. Ils y mêlent encore le Cardomomum. Ce flic épaifi- ftd’Arequeeft ce qu’on apelle Cache , quand il eft feul. C’eft de quoi ufe le petit peuple. Et quand il eft mêlé avec des cho- fes aromatiques , on le nomme Cachou -, &c il eft beauc oup plus cher. Les Indiens mâchent de cette compofition, afin de fe rendre l’haleinedouce,&:agréa- ble. Ce bétel leur rend les lè- vres fort belles ; parce que le fuc qui en fort, eft rouge comme du làng. M. l’Abbé de Choify dans fon Journal du Voyage de Siam , parlant d’une collation , qui fut lervie à Batavie devant M. le Chevalier de Chaumont, Ambafladeur du Roy à Siam , dit, Les Dames s'y font trouvées : & de r Art. 125J mais bon Dieu ! quelles Dames f qui toujours mâchent du Bétel , & de l' Are que ! Or vous fauresg que de ce Bétel découle une liqueur rouge comme du fang j & Mef- dames ont la bouche , comme fi on leur venait d'arracher quatre greffes dents, pag. 2 34, Le Bétel eil une plante des Indes d’Orient , dont les feuil- les reflèmblent allez à celles du Citronnier.Elles font d’un ffout O aromatique , & d’une odeur qui fait beaucoup de plaifir. Au refte les Indiens font per- fuadez que l’Arèca , ou Arè- que eft excélenc pour réta- blir , èc pour fortifier l’eftomac. X. Le Bois d' Aigle. JE ne croi point qu’on doi- ve confondre le bois d’Ai- A v x 3 o Curie fîtez^ de la Nature, gle avec le bois d’Aloès; parce- qu’il me paraît que ce font deux bois tout-à-fait diférens. Le dehors de ces deux fortes de bois eft allez femblable. Mais ils diférent en ce que le bois d’ Aloèsô un goût amer , quand on le tient quelque tems dans la bouche on ne trouve rien de cette amertume dans le bois d’Aigle. Ainlî il me femble qu’il en faut faire une efpéce diférente. Quand on brûle le bois d’Aigle , il en exhale une fumée legere , qui eft d’une o- deur charmante, très-propre à fortifier le cerveau , le cœur , l’eftomac , & à ranimer les ef- prits. Ce bois non-feulement eft rare en France, mais mê- me dans les Indes. On le trou- ve dans la Cochinchine : Et ce qui fait que ce bois eft fi rare , c’elt que les Cochinchinois font fi de l' Art. 1 3 i gens peu pratiquables, &d’un très- dificile commerce. Ce qu’on en peut avoir à Siam fb garde dans les Magafins du Roy. C’eft fur cela que M. l’Ab- bé de Choify a dit fi agréable- ment '.Dans quelques jours nous irons dans les Magafins du Roy , choifir ce quil y aura de -plus beau. Si M. Confiance prend mes avis , (fi quil tombe fions ma main de gros va fie s d'or , je ne les laififierai pas èchaper : cela vaut bien des par avant s 3 fi du bois d' Aigle, pag. 3 GG. . Dans les préfens que le Roy de Siam enyoyoit en France, il y avoir quelques livres debois d’ Aigle i comme nous le voyons dans la Relation de M.-le Che- valier de Chaumont. Les I ndiens qui peuvent avoir de ce bois, s’en fervent dans Jeurs maladies contagieufes , 131 Curiofitc^ de la Nature pour faire des fuffimigations fur lefquelles ils comptent beau- coup. Comme ils croient de grandes vertus dans ce bois , ils fe les font entrer dans le corps en parfum par le moyen de la fumée : en éfet le fel vo- latile de ce bois non feulement eft fudorifique , mais encore il fortifie le cerveau, réjouit le cœur , échauffe l’eftomac, ra- nime les efpnts , & refifte puif- famment au venin. Cette ma- niéré de prendre ces efprits volatiles des remedes’ par la fu- mée , èc en parfum ,• eft non- feulement très- bénigne , mais encore plus éficace qu’on ne penfe. Cettë voie eft merveil- ieufe pour purifier l’air de la chambre d’un malade , & pour qu’il ne refpire qu’un air falu- bre. Mais par deffus cela, ce qu’on ne fauroit trop eftimer } & de /' Art. i 3 3' on guérit par ce moyen les plus terribles maladies , 6c iur tout celle qu’on dit avoir été tranfl mife de l’Amerique en Europe, dont elle a jnfe&é foutes les Régions. Elle n’effc point in- connue chez les Tartares Pré- copices. Mais ce que l’on ne lait peut-être pas alTez ; c’eft que ces peuples s’en gueriflènt ra- dicalement , 6c avec la plus grande facilité du monde, par la feule hiffimigation* du Cin- nabre > comme on le peut voir dans le Capiyaccius , de lueve- nerea. cap. iz.Je fai qu’il y a dans Paris de très-habiles Mé- decins , qui ne condamnent pas l’ufàge des hiffimigations j & il feroit peut-être à fouhai-* ter qu on ne les négligeât pas rant. ■ 134 Curtofitet^de lu Nature X I. Le Bois & la Gomme de Td- camaca. LE Tacamaca eft un grand arbre , qui eft fort com- mun dans la nouvelle Efpa- gne , 6c qui fe trouve aulîî à Madagafcar 3 6c dans l’Ille Bourbon. ffe Quoique dans ces pays le bois de cet arbre foit employé à faire des planches , des mats, 6c des pièces de bois pour les Vaiflèaux , il ne lailfe pas d’a- voir des qualitez medècinales. Dans les grands maux de tê- tes, êcdans l’abatement d’ef- prit , la fumée de ce bois dimi- nue la douleur 6i réjoüit. Ce bois eft fort refineux , & reflem- ble allez, pour la couleur au bois de Sainte Lucie. La Gomme de Tacamaca la & de l'Art. 13? plus eftimée , efl: celle qui fort de l’arbre fans incifion.On la nomme , par excellence , la Gomme de T ncdmrtcrt Çublime. Elle eft rougeâtre , tranfpa- xente.,& d’une odeur réjoüif- fante. Les Indiens font grand cas de cette Gomme. Ils s’en fervent contre plufîeurs maux, & en font des baumes excel- lens contre les bleiTures. L’u- fage le plus ordinaire qu’on en fait a Paris j c’ell d’en faire de petits emplâtres , qu’on apli- que fur 1 artère de la temple# pour apaifèr la douleur des dents. Ce qui réiifïît très-fou- vent. Je n’en ai point vû de plus belle , que celle que M. Hebert , Directeur de la Com- pagnie des Indes d’Orient don- na il y a quelque tems à M. 1 Abbé de Vallemont. Il y en ivoit bien une livre d’un beau Î36 Curiojite^ de la Nature,' choix : & elleétoit envelopée dans une grande feüille, qui. a voit plus de deux pieds de long, & plus d’un pied de large. Le tout étoit au même état qu'on lui avoir aporté de Tlfle Bourbon.il ne faut pas ici ou- blierqueEtmuler recommande extrêmement laGomme deTa- camaca pour fortifier le cœur èc l’eftomac , en l’apliquant en epitème fur la partie. On la tient pour un Souverain re- mede aux douleurs des jointu- res. Elle réfout toutes les tu- meurs invétérées , & arrête le cours des humeurs froides.Cet- te Gomme a beaucoup de ver- tus medeçinales $ mais laquef* tion eft d’avoir de la véritable. Vn DEpuis que Monfieur Li- gnon le jeune , eft reve- nu de la Guadeloupe , on ne fauroit ignorer à Paris ce que c’eft que Litophiton. Il en a a- porté de 1* Amérique une fi gran- de quantité, & de plusieurs ef- péces fi curieufes , qu’il n’y a point de cabinet où il ne s’en trouve. Ainfî il eft prefque inu- tile de dire que cette plante pierreufe eft un prodige dans la nature. C’eft une plante & comme telle , elle appartient au régné des Végétaux. Mais elle eft fî pierreufe par la croû- te blanche , & tartareufe , qui couvre fa tige & fes bran- ches , que le régne des Miné- raux poiiroit la revendiquer, M. î'$ 8 Curiojîtez^ de la Nature , Le Litopniton , donc je veux parler ici, devroit avoir place parmi les Minéraux par un double titre j non-feulement par l’écorce pierreufe qui le couvre, à la maniéré de tous les autres : mais encore par une lingularité , qui le rend tout-à fait rare , & extraordinaire. Tous les Litophitons craiflènt attachez fur des rochers dans la mer ,& depuis la racine juf- qu’au bout des branches , fous la croûte pierreufe , il y a u- ne efpéce de bois fort dur , pliant , èc auffi difîcile à rom- pre que de la baleine. Mais le mien eft fort diférent. 11 a végété en pierre purement plus de deux pouces de haut} ài. a- près cela, le tronc de pierre de ce merveilleux arbriÏÏèau fe fépare en trois branches. Et c’eft de là que s’élèvent un & de î Art. Tjÿ grand nombre de branches , qui forment une toufe ronde en maniéré de bouquet. Ce qui fait encore une rareté dans ce Litophiton s parce qu’ordinai- rement ces plantes marines craiflènt étendues en large comme un éventail. Il a été trouvé dans la fameufe Fontai- ne boiiillante delà Guadelou- pe j laquelle , quoique fouvent couverte par deux , ou trois pieds d’eau de la mer , ne laif- Ye pas de faire encore voir lès boüillons d’eau qui s’élèvent au-deffiis.Cette Fontaine vient de la grande Montagne de la Soufrière qui brûle continuel* lement ; & c’eft fans douce ce qui rend fes eaux il chaudes. Autre merveille 5 c’eft qu’au mi- lieu d’une eau brûla nte,il nelaif le pas de le faire une végétation aulfi admirable que le Litoplii- Mij i4° Curioftet^de la Nature ton, dont je viens de parler. Un Philofophe ne va guère loin fans trouver un éciieil , qui l’arrête : cela mortifieroit bien l'on orgüeil,s’il fe pouvoit qu’- un homme , qui palfe fouvent la nature en revûë , où il ne comprend prefque jamais rien , eût quelque bonne opinion de fon favoir. Il en eft pourtant qui font faits de la forte 5 puif- que Saint Jérôme définit un Philofophe j Gloria: animal , popularis aura atque honorum venale mancipium. XIII. Une Racine de Mabouia. SI les hommes n’avoient point d’autres ennemis que les animaux les plus féro- ces, & les plus furieux , il n’auroit pas été nçeeJTaire de & de £ Art. • 14Î forger le fer , & d’aiguifer l’a- cier , pour en faire des armes. L’Empire que Dieu donna à l’homme fur cous les animaux de la terre, qui lui étoient fou- rnis , tant qu’il fut lui-même fournis à fon Seigneur, n’efl pas tellement détruit par le péché, qu’il ne refie encore fur la face de l’homme, des traits de cet- te première Souveraineté qu’il avoit fur toute la nature. C’efl pourquoi il n’arrive guere que les animaux, quand ils ne font pas irritez , fe portent à nous attaquer. Mais l’homme a pour ennemi l’homme même i & il ne pouvoir trouver dans la na- ture un ennemi plus redouta- ble, & plus cruel, Homo homi - ni lupus. "Les hommes fe font ar- mez les uns contre les autres, 6c ont cherché toutes les voies poffibles pour fe détruire 14-1 Curiofiteï^ de la Nature , mucuellement.L’ArtilIerie, de- puis l’invention de la poudre à canon , eft une maniéré bien expeditive, pour porter promtement chez, fes enne- mis le feu , l’horreur , & la mort. Les hommes , qui n’ont point conn^iflance de ces arts funeftes qui aiguifent le fer , & qui compofent la poudre à canon , ne laiftènt pas de fe faire la guerre , èc d’avoir des instruments propres à la- tisfaire leur vengeance & leur fureur. Les Sauvages de l’A- merique font de la racine de Mabouia , des maniérés de mafluë , dont ils s’arment pour attaquer, & pour fe défendre. Cette racine eft noire, plus du- re , èc plus pefante que le bois de fer. Elle elLtoute garnie de nœuds gros comme des châ- taignes, Le feul alpect de ce & d'e F Art. 143 bâton , long d’environ trois pieds , peint l’image de la mort dans l’imagination de l’homme le plus alluré. Quoique les Poè- tes nous aient appris que la malîuë d’Hercule étoit d’ai- rain , il eft certain qu’elle ne pouvoir avoir rien de plus af- freux, que la racine de Ma- bouia. Aulîî eft-ce par l’excel- lence que ces Sauvages imagi- nent dans cette racine , qu’ils la nomment racine de Ma- bouia > c’elLà-dire , racine du diable 5 parce que quand ils font armez de cette malîuë , ils fe croient infiniment redouta- bles. L’arbre , d’où, l’on tire cette racine, n’eft pas com- mun. On en trouve fur le haut de la montagne de la Soufrière à la Guadeloupe , d’où les Ef- claves Importent > & ils fe font une grande fête de rencontrer 144 Curiofite\ pour loüer les Vers &. les Ecrits de quelqu’un > dilent qu’ils méri- tent d’être écrits fur le Cèdre : Et Cedro digna locutus j parce que fon bois eft incorruptible. Les Paiens employoient le bois de Cèdre à caufe qu’ils ne fie corrompt jamais , à faire les Statues de leurs Dieux 5 c’elt fans doute pour la même raifon que Salomon fit faire le Temple dejerufalem de ce mê- me bois , & qu’il fit alliance a- yec Hiram , Roy de T yr , afin XIV. du Liban. qu’il & de l'Art. envoyât des Cèdres , du mont Liban , dont il avoit befoin. Lib. Reg. III. c. y. Le Cèdre eft toujours verd : Il aime les lieux froids de couverts de neige. Comme cet Arbre cil fort lèm- blable au Sapin ; Ion fruit elt auffi à peu-près de la même fi- gure, que la pomme de pin 5 excepté qu’il eft plus uni, plus égal en fa fuperficie,& moins en pointe par l 'extrémité. La pom- me de Cèdre , que j’ai , elt des plus belles : de elle eft en quel- ques endroits toute couverte de la gomme, ou réfine , qui découle de cet arbre. La gomme découle du Cèdre fans incifion, dans les grandes chaleurs ; de dans les autres faifons on fait des inci- fions à l’Arbre , pour en faire diftiler ce que la chaleur n’a pft faire fortir. Cette gomme eft N I 4 fi l’on s’en fert comme nous allons dire. i. Broyé avec de l’eau, il di- minue très-lenfiblement la fie- vre,fi l'on en prend au commen- cement, ou à la fin de l’accès. 2.11 arrête la dilïenterie , &C les autres cours de ventre, étant pris broyé avec du vin , fi le cours de ventre vient de froi- deur, & foiblelîe d’eftomac i on d* de l'Art. ifj bien avec de l’eau , il le mal eft caufé par une chaleur exceffive, 3. Il mollifie, & ouvre les doux , frondes, abfcès, & tu- meurs, qui doivent aboutir 5 ou bien il les diffipe par une infen- fible tranfpiration , il étant broyé avec du vinaigre, on en frotte fouvent le mal. 4. Etant broyé avec du vi- naigre , il apaife les douleurs de la goutte , fi on en frotte la partie malade. Ç Etant broyé avec de l’eau rofe,il guérit l’inflammation, tk. rougeur des yeux , en y fai- fant couler quelques gouttes de cette liqueur. 6. Etant broyé avec de bonne eau-de- vie,& bu un peu chaud, il apaife les coliques les plus violentes. 7‘ Etant broyé avec du fuc de Limon , il apaife la douleur de la pierre , fait couler le fa- Ij4 Curiefîtexjde la Nature, ble des reins , &. eft excellent contre l’afthme. II. Un Caïman , ou Crocodile des Indes £ Orient. LEs Crocodiles fe tiennent ordinairement dans le Nil en Egypte , dont ils font même le fimbole. En éfet , après que Céfar Augufte eut fubjugué l’E- gypte , on mit dans les Médail- les frapées à fon honneur, un Crocodile avec ces mots, Ægypto-Capta. Nous voyons encore fur les Médail- les, qui furent faites à Nîmes , ce même Crocodile attaché à un Palmier avec une Couron- ne , pour féliciter cet Empe- reur fur fa conquête de l’Egyp- te. Cependant il y a auffi des Crocodiles dans l’Ifle de Cuba, au Méxique , dans le Brefil , Sc «n differents endroits de l’A- & de l'Art. tfô mérique Septentrionale , & Méridionale. On apelle ces Crocodiles Iguanes. Il y en a encore dans les Indes d’Orient, dans le Gange , où on les nom- me Caïmans. Celui qui j'ai , eft donc un Caïman j parce qu’il a été prisaux Indes. Il eft long d’environ trois pieds ; &• la queuë feule eft aufîî longue » que tout le refte du corps. Il a 38. dents à la mâchoire fupe- rieure , Ôc 30. dans la mâchoire inférieure: ce qui fait 68. dents,, très-fortes , très-blanches , & très-aigues. Il a les pieds armés d’ongles fort pointues. Sa peau eft dure , elle eft couverte d’é- cailles , & garnie de pointes affez piquantes. Il eft noirâtre fur le dos ,, & le ventre tire fur un gris marbré. On dit que cet animal eft pefant, & parefleux fur terre , quand il faut qu’il fe 1 56 Curiofitci^ de la Nature, tourne. Si fa figure , qui eft tout -à- fait femblable à nos Lézards , choque la vûë 3 du moins l’odorat y trouve fon compte > car cette bête exhale une odeur, qui eftaffez agréa- ble. Dans les quatre mois de l’année , qui font froids, le Cro- codile ne mange point , 8c de- meure caché dans des trous’ jdprès tout , il eft très- perni- cieux 3 il déchire avec fes on- gles , brife avec fes dents 3 8c il n’y a point d’os fi dur, qu’il ne pulvérife en un moment. Il faut pourtant o'oferver que les Caïmans des Indes ne font pas fi méchants , que les Crocodiles de l’Egypte. S’ils vivent 60. ans , comme on le dit , il ne faut pas s’étonner fi on en voit de fi grands. Celui du Cabinet de fainte Gene- viève- eft des plus longs que C?1 de î Art. ïyy j’aye vus. Le mien efl; un jeu- ne Caïman. Les Américains mangent fans façon des Crocodiles, de même leurs œufs , qui font gros comme des œufs d’oïe , de d’af- fêz mauvais goût. Vvormius dit que la chair de Crocodile eft excéîente , pour ceux qui ont été piquez par des araignées , ou par des guêpes. Ce 'qu’il ajoute de la vertu des dents du côté droit pour les hommes , de du côté gauche pour les femmes , pour- vû qu’elles aient été arachées à l’animal vivant , eft un conte fait à plailïr.C’eft avoir bien en- vie de devenir amoureux , que de fe hafarder à arracher les dents à un Crocodile. Cette expédition feroit auffi hardie , que celle desArgonautes j quoi- que la conquête ne fût pas éga- ï ^ 8 Curiojitcs^ de la Natures le. Ce qu’il y a de férieux ici * c’eft que la graille de Crocodi- le eft admirable pour les- vieil- les plaies , Ôc-contre les morfu- res des bêtes venimeufes. Les Egyptiens en frotent leurs fé- bricitans , pour empêcher le friffon de la fïevre. La peau brûlée ,êt apliquée fur un bras, ou une jambe , en ôte toute la fenfibilité , rend la chair ftupi- ; de , en forte qu’on ne font point le fer , s’il faut faire une ampu- ' tation. Quant à la pierre, qu’on trou- ve dans l’eftomac , ou dans la tête des Crocodiles , & qu’on vante comme des amulettes in- faillibles contre la fïevre quar- te , M. Rédi toujours fur le mê- me ton répond 5 je n’en crai- rai jamais rien ; l’expérience me le défend. J en ai fait 1 ef- fai, non feulement avec des gj-' de t Art. ijy pierres des Caïmans d’Eciopie j mais même avec celles des Crocodiles d’Egipte. Nolim ei fidem babere , id vetante expe- rientik , quant non de Ætiopum. modo Caïmanis , fed Ægyptio- vum etiam Crocodilis habeo. Ex- périmenta. Nat. pag. 1 13. C’eft ainfi qu’il parle de quelques expériences, que Monard avoit faites avec ces pierres , & qui lui avoient parfaitement bien réiiffi. Ces pierres, dit Monard, font fort eftimées par les Ef- pagnols , à caulê de la vertu qu’elles ont de guérir la fievre quarte , en apliquant deux de ces pierres aux temples du ma- lade. Us ont de grandes expé» riences là-deffus. Car enfin ce- lui , qui m’a donné les deux pierres que j’ai, en avoit guéri un Religieux fort tourmenté de la fievre quarte , en les lui i6o Curiofitctjle la 'U attire , apliquant à chaque temple 3 .' ou 4. fois. Laiflons M. ilédi, 6c Monard s’acorder 5 6c difons quelque chofe de la deftinée du Crocodile. Pline dit que cec animal dort toujours la gueule ouverte 3 6e que dans ce tems- ]à il y a un petit oifeau fort friand, qui entre dans la gueule de la bête , 6c qui fe régale de ce qu’il ramafle , en curant les dents du Crocodile. Ce n effc pas tout. Lorfque le Crocodile dort j il y a un animal nommé Jchneumon , qui a plus d un pie de hauteur , 6c dont l’adrefle eft merveilleufe. Cet Ichneu- mon fe barbouille bien fort dans la bouë 3 6c s’en couvre tant qu’il peut 5 enfuite il va le fécher au foîeil : quand il eft bien fec, 6c que la bouë eft en- durcie -, le voila comme un cui- ralher armé de pié en cape. En & de l'Art. i6r cet état il va le promener fur les bords du Nil , & s’il trouve un Crocodile endormi , il ne manque point de lui entrer dans la gueule, & de- là dans î eftomac , où il tait ravage. Il ronge les entrailles de fon hô- te j & quand l’Ichneumon pré- lumeque le Crocodile eftmort, il lui perce le ventre , & fort victorieux du corps de fon en- nemi , & rafla fié de fon fang, Pline Hifi , Nat. lib AI II. cap, 2j. On dira fans doute que voila une de ces Hiftoires , que Pline a prifê dans de mauvais mémoires : mais j’opofèrai l’au- torite du célébré Antonitcs Au- guftinus , Archevêque de Tara- gone , qui dans les lavants Dia- logues de A* vterum Aomifmatum Antiquitate , nous dit que ce combat d’animaux eft répré- fénté fur des ftatuës antiques y 9 161 Curiofte^ âe la "Nature qu’on voit dans les Jardins du Vatican } où Ton trouve aufli beaucoup de fingularitez tou- chant l’Hiftoire naturelle d’E- gypte. Nilus. Dialo^. 1 1 X. fa%. 49 III. Lu Pierre de Lamantin. ON vante fort la pierre de Lamantin, quieftun «and poiflon det 5. ou 1 6. pieds, que l’on prend en' Amérique, 5c dont on vend beaucoup a la Guadeloupe , à S. Chrifto- phe , & à la Martinique. Le 1 .. I du Tertre Jacobin, '& Mil- lionnaire dans les Antilles , fait une fort agréable defcription de la maniéré , dont on prend ce poifïon. On trouve , dit-il, dans la tète de cet animal quatre pierres , deux grojfes ,, & deux. & de ï Art. 163 fetites j aufquelles on atribu'è la force de faire diffoudre la fi erre dans la vejjie } (f de fai- re jetter la grave lie des reins : mais je n en faurois afrouver l ufage , dautant que ce remède efi fort vomitif , & fait de gran- des violences à l'eftomac. p. 200. Ce qu’il y a de vrai , c’eft qu’- on ne le fert pas préfentement de cette pierre offeufe. On la trouve abandonnée chez les an- ciens A poticaires : car ceux qui s’établillent maintenant , ne fe mettent pas en peine d’avoir dans leurs boutiques une pier- re qui n’eftdenul ufage. Il y a cependant des curieux , qui re- cherchent encore aujourd’hui ces pierres de Lamantin. Ils di- iènt que les a. grofïès font des pierres mâles ; & les 2. petites des pierresfemel les J’en con-fêr- we quelques-unes en memoh-e 1 6 4 Curiofitez^ de la Nature » de mon voyage en Amérique, &C parce qu’elles ont été autrefois eftimées 5 ce qui doit avoir été fondé fur quelque raifon. Mais les remèdes nouveaux font ou- blier les anciens , quoique très- bons. Pour dire ce que je fai de moi-même, j’ai vu les Sau- vages avoir une très -grande confiance en la pierre de La- mentin , qu’ils eftiment un excellent amulète contre la fievre. Ils portent cette pierre pendue au col , comme un préfervatif contre toutes fortes de fievres ; & quand ils ont ac- tuellement la fievre , ils le l’at- tachent au poignet fur l’artere. . IV. Le Cheval marin. L’Animal qu’on apelle Hip^\ fontaine > c’eft - à - dire 3 ■BSSSSS de l'Art. iC') cheval marin , fe pourroie mieux nommer ours, auquel il reflem- ble mieux qu’à un cheval ; ex- cepté qu’il hannit : & c’eft fans cloute ce hanniflèment qui lui a fait donner le nom de cheval marin. On le trouve ordinai- rement en Egypte dans leNil , d’où il fort quelquefois pour courir la campagne. Il y a dans le Cabinet du Duc d’Arl- cot une belle Médaille de l’Empereur Hadrien , où le Nil eft au revers fous la figure d’un vieillard qui tient à fa main droite un rofeau,& delà gauche une corne d’abondance -, il y a proche de ce vieillard un Cro- codile, qui eft un animal fort commun for les bords du Nil y & il aàfes pieds un Hippopo- tame. Cette Médaille fut fra- pée à l’occafîon du voyage jjue cet Empereur fît en Egyp- ï66 Curiofitez^de la Kfature r te , 6c de fa navigation fur le Nil , traînant après lui fon mi- ferable Antinous, qu’il perdic alors, 6c qu’il pleura avec au- tant de foibleflè qu’auroit fait une femme , dit Spartien. An- tinourn fuum , dum per Ntlum navigat , perdidit quem mulie- briter flevit. Le cheval marin a fix dents } qui lui fervent de défenfes, 6c aufquelles on attri- bue de grandes qualitez. Une feule fufiroit, pour me rendre très-précieufe la dent , que j ’ai- Je me contenterois de là feule vertu de guérir les hemoroï- des , s’il étoit bien certain qu- elle eût cette faculté. Elle a wn pié quatre pouces de long , & elle efl fi dure qu’on pourroit s’en fervir comme de pierre à fufil , pour faire du feu , en la frapant avec l’acier. Voici une expérience faite à Goa d’une# & de l' Art. dent de cheval marin, & qui me flateroit bien, fi elle étoit véri- table. J’ai vu. dans l’Hôpital de Goa une de ces grandes dents de cheval marin ,. avec laquelle on fait là des prodiges. Quand on faigne un malade , choie admirable * fi on touche dé cette dent à l’ouverture de la veine, le fang qui venoit rapi- dement, s’arrête fur le champ. Chacun fait l’hiftoire de ce Prince Malabare , que les Por- tugais ont afîafîné. Quoi qu’il fut tout percé de coups , il ne fortit jamais de fes plaies une feule goutte de fang. On lui •êta fes habits, & un os d’hip- popotame qu’il avoit pendu au col 5 & alors il fe fît un débor- dement de lang, comme il s’en fait d’eaux arrêtées , quand une digue eft rompue : ce qui étonna merveilleufement tous i68 Curiojîtez^de la 7T attire, ceux qui étoient prefents. M. R-édi qui raporte cette hif- toire d’après le Pere Michel Boim , dit qu’il n’en croit rien 5 que cela eft bon à conter à des vieilles femmes crédules , à des Indiens qui font Amples j mais non pas aux Européens, qui veulent voir avant que de crai- re. On a - donné., dit-il , au Grand-Duc mon Maître , quantité d’os, 6e de dents dif- ferentes , dont j’ai voulu feirel des épreuves : je n’ai rien trou- vé, qui aproche de cette ver- tu d’arrêter le fan g 5 6e qu’011 leur attribue dans tant d’ Au- teurs. J’en dis autant des os-, 6e des dents du cheval marin; 6e j’en parle comme lavant -y puifque j’en ai fait l’expérien- ce r idemque experientià edoctus affirma de de nu b us & o.ffîbus , Jriippopotamiy vcl equi marini. Experient. de l Art. l6y Experient. natur. pag. 9 6. Si cela eft j que deviendront tant de dents d'hippopotame, qu’on garde dans les Cabinets des Curieux ? On en fera des dents, pour remplacer celles qui manquent à beaucoup de perfonnes. Mais que pe-nfer de tous ces récits merveilleux que çertaines gens font de leurs dents de cheval marin ? On penfera qu’ils mentent comme des arracheurs de dents : car enfin il faut bien quelquefois prendre le parti des expérien- ces, èc des fèntimens de M. Rédi. Nous devons bien cet- te reconnaiflance à un Savant 3 qui a tant travaillé à cultiver la fience naturelle. » i y o ■ Curiojïtez^ de la Nature Nids d' Alcyon? d'Orient. Es Nids , qu’on aporte- depuis quelque tems,avec tant de foin des Indes d’O- rient, font à peu près de la fi- gure de ces coquilles , qui fem- blent être de nacre de perles t 6c qu’on apelle Godiches. Ils font tout d’une pièce , 6c faits d’une matière , qui rdfemble tout- à -fait à de la colle de poiflon. Tant que nous n’en {aurons pas davantage là-def- fus , il fera bien difficile de dé- cider où ces petits Oifeaux prennent la matière , dont ils font leurs nids. Ordinairement ces nids font prefque au niveau de la mer , 6c contre les ro- chers : comme font les nids d’hirondelles contre les mu- Y, & de l'Art. vji railles des Eglifes. Audi les Alcyons font-ils faits comme des petites Hirondelles. On trouve ces Nids à la Cochin- chine le long de la mer, où ceux du pays les cherchent , pour les porter à la Chine, où l’on les vend fort cher. Les Chinois font fort friands de ces Nids 5 2c ils en mangent par délices. Nous voyons bien dans Galien , que les nids d’Oifeau ont été autrefois mis au rang des chofos médicales 5 mais il ne nous relie aucun monu- ment , qui nous aprenne , où l’on prenoit ces nids. Nous ne remarquons point non plus , qu’on les ait jamais rangez par- mi les bons morceaux des ta- bles délicates. Cela étoit refer- vé pour l’extrême fenfualité de ces tems-ci j où l’on recher- che avec avidité ce qui eft 371 Curiofîteg_de la Nature nouveau , ce qui vient de loin , & ce qui peut flater le goût. Ce n’efl pas feulement en Fran- ce , qu’on étale fur les tables une abondance fi fenfuelle , que les Epicuriens y auroient trou- vé à redire j c’eft encore dans l’Orient , où l’on facrifie tout pour les plaifirs du goût. Les Nids d’Alcvons dans la Chine, font aujourd’hui l’honneur des feftins 5 & un repas pafle pour vulgaire, fi l’on n’y fertpasde ce nouveau genre de ragoût. Ce mets eft, dit-on , très-dé- licieux 5 & il eft raporté dans l’Hiftoire de la Société Royale d’Angleterre , pag. zo 6. que les Nids d' O i féaux font un grand yeflaurant a la nature j que les Chinois luxurieux s’en fervent fort. C’eft le chef d’œuvre d’un cuifinier à la Chine , de bien préparer ces Nids d 'Alcyons. <& de P Art. 173 On les met cuire dans du jus de veau , ou de bœuf, jufqu’à ce qu’ils loient bien amollis j & puis on les aprête avec du beurre, du fromage, des her- bes,& des racines aromatiques. Wormius dit que ceux, qui le veulent diftinguer dans les dé- bauches , ufent de ce ragoût 1 Çomedunt in primes ii qui in ca- firis venereis firenu'e fe exercere fiudent • Mufitum W ormiam. lib. III. cap ■ i\. Mais M. Rédi , dit que certaines gens, qui mé~ toient leur efpérance dans les forces qu’ils attendoient de ce prétendu reftaurant , y ont été trompez : & qui ne voudra pas m’en craire,dit-il, qu’il en falTe l’expérience , comme quelques- uns ont fait ,& qui en ont été la dupe. Nimis profetlo Jîbi blan- diuntur , qui in hoc tali medica- mento fpes fuas ponunt ; quod fi 174 Curiojîtcz^ de la 'Nature mihi non credunt , fenculum ejus rei faciant 3 utjam ante a in Jïmi- li occajïone fecerunt nonnulli. Ex- periment. Natur. pag. 1 68. On voie bien par-là qu’on ne convient pas encore de la vertu , que peuvent avoir ces petits nids. M.-Lémery, dans ion excélent Dictionnaire des Drogues , dit qu’ils font pro, près , pour reftaurer les conva- lefcentSj 8c pour fortifier l’efto- mac. J’ajoute que les Indiens s’en fervent avîc fuccès pour la diffeneerie, 8c les autres cours de ventre. Les Alcyons font leurs Nids aparemment dans une faifon , où la mer n’eft pas ordinaire- ment agitée : autrement leurs Nids feroient fubmergez. C’effc pourquoi les Poëtes on dit , que les Néréides cherifloient par- ticulièrement les Alcyons Oi- ér de l'Art. 175 féaux marins , qui ont l’adrefle de faire leurs nids fur les flots de la mer , même au plus fort de I’hyver 5 & que quand ils ont leurs petits ,1a mer fe cal- me, jufqu’à ce qu’ils foient en état de voiler. N fait de Nids, on ne ver ra jamais rien de plus cu- rieux , éc de plus digne d’atten- tion , qu’eft la ftru&ure des Nids duTati, qui efl: un petit Oifeau s;ros comme une noifet- te.J’ai aporté deux de ces Nids à Paris , qui auroient été d’une parfaite confervation , s’ils n’a- voient pas pafle par les mains des Douanniers, quicroyoient trouver la pie au nid. Ils m’ont VI. Nids du Tati , ou Oifeau Mouche. P iiij ï7 Curîofitei^ de la Nature, été tous deux donnez par le R. P. Papin Jéfuite à Ougli , qui en envoyoit un au R. P. Verjus, Procureur général de la Million des P. P Jéfuites en Orient ; 6c qui en a fait préfent à M. l’Abbé de Vallemont : tk. l’autre m’eft demeuré. Ces Nids fontfaits, comme les Nids de nos Roitelets -, où il n’y a qu’un petit trou vers le haut , pour l’entrée, 6e la l'ortie de ce pe- tit Oifeau. Mais ce quieft fur- prenant , c’eft que ces Nids font coufus contre une , ou deux, ou bien trois feuilles de Goiavier , qui font grandes comme font les feuilles de nos Châtaigniers d’Europe. Il y en a un qui eft très - agréable à voir. Il eft contre une feule feuille, que cet Oifeau a percée avec Ion bec : 6c il a pâlie par ces trous , qui font comme au- '& de î Art. 177 tant de trous d’aiguille , une e/pèce de fil de coton , avec le- quel il a attaché Ton Nid à cet- te feuille. Celui qui m’efi: refté, eft coufo de la même maniéré entre trois feuilles , dans lef- quelles il étoit parfaitement biencaché.Enfin ces nids admi- rables font fofpendus en l’air, & ne tiennent pour l’ordinaire qu’à une feuilie. Dans le tems que4esTatis font leurs Nids, il ne foufle dans ce pays -là , que de doux zephirs : car enfin s’il s’élevoit de gros vents , que deviendroient ces petits Nids, qui ne tiennent qu’à une feuil- le d’Arbre ? J’ai aportéauffi des œufs de ces petits Oifeaux. Ces œufs font gros comme des œufs de for mi. Je voudrais qu’on leur eût trouvé quelque vertu médecinale , afin de joindre l’utile à l’agréable. 1 7 S Curiojîtez^ de la "Nature > VII. Un Serpent de la Guadeloupe. CE Serpent eft d’une gran- deur extraordinaire. Il eft long de plus de 15. pieds, & gros à proportion. Cet hor- rible reprile dormoit fous des feuilles , dont il étoit couvert dans une épaifte forêt ; lors que fept, ou huit Efclaves Cher- chant l’ombre, &la fraicheur pour manger , èc pour fe repo- fer, s’allerent coucher fur les fetiilles , fous lefquelles cet é- pouventable animal s’étoit en- dormi. Un de ces Efclaves en remuant ces feüilles , décou- vrit le dos de ce ferpent. Il ne fut pas fi laili de frayeur , qu’il ne lui reliât de la force pour fe lever promtement , dz des paroles pour avertir fes ca- & de l'Art. 179 marades du danger où ils é- toient. Comme ce Serpent ne fit aucun mouvement, ils fè remirent peu à peu de leur peur j & prirent le deffein de l’aflommer. Ce qu’ils firent a- vec les inflrumens de fer, dont ils coupoient des arbres dans la forêt. On ouvrit cet épou- vantable Serpent : on lui trou- va dans le corps une efpèce de petit Chévreuil , qu’il avoit avalé entier tout récemment. Comme #il étoit rempli de cet- te proie , il dormoit fortement; & auroit aparemment encore dormi, autant qu’auroit duré la digeftion. C’eft pourquoi il ne fentit point le poids de ces Efclaves couchez fur lui. Si nous n’avions point une horreur na- turelle du Serpent, il eft cer- tain qu’on auroit pris plaifîr à voir celui-ci. Sa peau que j’ai ï 8 o Curlüfîtezjle la Nature aportée â Paris, eft très- bel- le. Elle eft marbrée de diffé- rentes couleurs , comme eft la peau de tous les Serpents que nous voyons ici -y mais ce qu’on ne voit point dans nos Ser- pents , ce font ces couleurs vi- ves de rouge , de blanc , 6e de noir par compartimens avec une fimmétrie admirable. Cet- te fimmétrie eft fi exactement recherchée , 6e exécutée , qu’il fùrvient dans l’efprit mille pen- fées diférentes, quand on exa- mine de près , ôc férieufement ce merveilleux arrangement de figures bizarres fur la peau de cet animal , que la nature a paré fi fuperbement. Il faut qu’il y ait un Maître dans la nature , 6e un Maître d’une in- telligence fuprême , qui arran- ge ainfi la matière. Une ma- tière brute , 6e fans intelbgen- & de l'Art. i g r ce ne fàuroitfe donner le mou- vement , & un mouvement II fenfé, de ü entendu qu’on le voit dans la fïmmétrie fi bien obfervée fur le dos de ce rep- tile. Le hazard 3 de toutes les loix de quelque mécanifme qu’- on puiffè imaginer , fans un ef- prit intelligent., ne fauroit rien faire de fî régulièrement beau. J’âvouë que je fuis épris des merveilles qui s’ofrent aux yeux en coniîderant cette peau* quej’eftime iîngulierement.En- fîn cet animal eft maudit de Dieu 5 de fa morfure eft mor- telle. On la guérit en apli- quant deiîus la plaie , la tête ^ écrafée du Serpent même. On trouve dans fa mort la guéri- fôn du mal qu’il a fait cfe fon vivant. Il fèmble que le Saint- Lfprit fafîe allufîon à cette fa- cilite du Serpent , dont la te- i S i Curiojîtcz^ de la Nature te brifée guérie la morfure , lors que dans la Genefe chap. 3. f. 15. Dieu dit au Serpent qui avoit trompé Eve 5 Je mé- trai une inimitié entre toi , & la femme } entre fa race , (f la tienne. Elle te brifera la tète. Il eft certain que la chair , le foie , & le cœur du Serpent font fudorifiques , & propres pour purifier le fang , pour re- fifter à la malignité des hu- meurs, 6c pour chaflèr les fiè- vres intermittentes. On les ré- duit en poudre qui eft encore excèlente pour exciter l’urine. La graiffe eft réfolutive , & un bon remède pour diminuer les douleurs de la goûte. Quel- ques-uns s’en frottent le bord des yeux , pour conferver 3 ôc fortifier la vue. iS5 & de l'Art. VIII. Le Rinocèros. LE Rinocèros que quelques- uns nomment le bœuf d’E- gipte , ou le taureau d’Etiopie, eft grand à peu - près ' com- me un Eléfant j &: refîemble à un Sanglier , plus qua tout au- tre animal. Il a une corne fur le bout du nez , d’où il prend fon nom de Rinocèros 5 cette cor- ne eft longue comme la main. Piine dit que cet animal ai- guilè la corne contre les ro- chers , quand il veut combatre contre quelque èlèfant. Il eft lûrprenant qu’après quePline a dit, que leRinoceros n’a qu’une corne -, lui à qui cet animal ne devoit point être inconnu , puifqu’aux jeux que l’on don- noit au Peuple Romain, on « t-34 Curiofite^ de la Nature •feifoit fouvent paraître des Ri- nocéros dans les ampithea- tres , il fe trouve des gens qui veulent qu’il en ait deux. .Sa peau eft très-epaifle , tres-du- re , Se chargée d’une elpèce d’ecailles , qui la rendent im- pénétrable meme aux Sabres du japon , dit Bontius. Il y en a un allez grand morceau au Cabinet de fainte Geneviève , où l’on garde encore deux cor- nes, & une queue de ce monf- trueux animal. On fe fert en Médecine de fon fang, pour fortifier le cœur, pour toutes les maladies con- tagieufes ; parce qu’il excite fortement la lueur. Il fait cef- fer le cours de ventre , purifie le fang , 5e arrête les pertes de fang immanquablement. De fa corne on en fait des tafles pou*boire,afinde le pré- fer ver Çe de l' Art. 18 5 fèrver du mauvais air en tems de contagion. A l’égard de la dent, on dit que lî dans les plus fortes dou- leurs des dents, on aplique la dent du Rinocéros à la dent qui fait foufrir , le mal celle auffi-tôt. Wormius qui rapor- te cela, ajoute qu’il n’en a point fait l’expérience. Pour moi j’ai delfein d’en faire l’é- preuve à la première occalîort qui fe préfentera. Ce que je fai j c’eft que quoique les Ri- nocéros ne foient f pas rares dans l’Orient , on ne laide pas d’y eltimer prodigieufement les cornes de cet animal. Il y en avoit fix dans le prélent , que le Roy de Siam envoya en France en 1686. Il ne faut pas ici diffitnuler que M. Ré- di ne fait aucune eftime de ces diférentes parties du Ri,- i8<5 CuYiojitex^de la Nature nocéros. Voici comme il en parle : Que ne dic-on point de la vertu de la corne du Rinocéros ? on allure qu’elle eft capable de défendre le cœur , 6e la vie de l’homme contre l’action de quelque poi- fon que ce foit. Cependant, moi qui ne parle qu’après les les expériences que j’ai fai- tes , je n’ai pas trouvé la moin- dre aparence de cette vertu ÿ & fpécialement à l’égard du venin des Viperes , 6c des Scor- pions de Tunis : Attamen ey> - hacienus ne minimum quidem e* jufdem effeeium vidi... Experi- ment. nat. pag. 141. M. Rédi ne trouve pas plus de vertu dans le fang , 6c dans les dents du Rinocéros.. Il n’ell: pas hûreux dans fes expériences. Peut-être n’a-t-il pas eu ces chofes-là de bonne main 3 ou & de l' Art. j 87 bien il les a eues trop furannées. Les vertus des. drogues le dif. fipent avec les fels volatils , qui s’en féparent inceflàm- ment par l’évaporation. Quand on entre dans la bou- tique d’un Droguifte auPrin- tems j on s’aperçoit bien-tôt de l’étrange diffipation , que fait la chaleur naifiante de la fai- lôn dans toutes ces drogues , qui exhalent une odeur , dont on eft incontinent entêté , fi on efk lu jet aux vapeurs. Quelles pertes ? Quels écoulemens de vertu ? Et que peut-on atten- dre de bon de drogues , fur lefquelles cinq, oufixEtezde fuite ont fait de fi violents ra- vages ? Franchement il y a à trembler pour des malades , qui prennent des drogues , où il ne relie plus peut-être que les mauvailès qualitez. Les ma- Qjj 1 8 8 Curiojîtei'de la Nature tieres médicales, dit M. Boy- le , changent incelïamment a- vant même que d’être vieilles j & je pourois montrer aux Cu- rieux combien les feiiilles d’u- ne même plante changent de vertu en un inftant. Dans un certain tems de l’année j’en tire par la diftillation un ef- prit acide , & dans une autre faifon il n’en vient point du tout j mais au contraire un ef- prit urineux , &c. Simpl. med. utilitas & ufus i fag. 49. Cependant il eft parlé avan- tageufement de la corne , & des autres parties du Rinocé- ros dans les Réponfes du Che- valier Philibert Vernati , Ré- lîdent à Batavie dans l’Ifle de Java , aux demandes que lui avoient faites Meilleurs de la Société Royale d’Angleterre. Article XX. On deman- & de £ Art. de fi l’animal nommé Abados , ou le Rinocéros n’a pas des dents , des ongles ,*la chair , le fang, & la peau , même fes excrémens , aufii-bien que lès cornes, qui font autant dedi- férents antidotes ? ou fi les cornes de ces animaux font meilleures félon la nourritu- re dont ils ufent ? Réponse, On tient que leurs cornes , leurs dents , leurs ongles , Sc leur fang font des antidotes j & ils ont le même ulage dans la Pharmacopée des Indiens , que la Thériaque a dans les Pharmacopées d’Europe. La chair que j’en ai mangée, efl fort douce y & fort courte. Quelques jours avant que j’eufi- fe reçû vôtre Lettre, j’en a- vois un jeune , qui n’étoit pas plus grand qu’un gros chien „ qui me foi voit par tout, où j’ai. 190 Curiojîtc^de la Nature lois , 6e qui ne bûvoic que du lait de Bufle. Il a vécu envi- ron trois lemaines. Les dents lui commençoient à fortir 5 il lui prit un flux de yentre, dont il eft mort. Je croi que toute nouriture eft indiférente à cet animal , 6c qu’il mange de tou- tes chofes 5 puis qu’on ne le voit guere , que parmi des branches sèches, des chardons, 6c des épines } de forte que la corne ne tire point fa ver- tu précifément des chofes bon- nes , ou mauvaifes dont il fe nourit. Voila ce que Meilleurs de la Société Royale d’An- eleterre ont inféré dans leur Hiftoire^ pag. 206. [& de l'Art. 151 IX. Le Bénard. T L y en a de plufieurs eipè- X ces. Le plus célèbre eft le Bè- xoard d’ Orient , qui eft une pier- re qu’on trouve dans le ventre d’une Clievre fauvage des In- des Orientales. Il y a a u fîî le Bèzgard d' Occi- dent , qu’on tire du ventre des chevres fauvaçes du Pérou. Le Bezpard de Porc eft fort eftimé 3 il fe trouve dans le fiel des Sangliers des Indes en Ma- laca. Quelques - uns donnent la préférence au Bézoard de Sin- ge , &; qui fe trouve dans une efpéce de Ange en rifle de Ma- caflàr , proche de Java en Afle. Le Bèzpard de Porc- épi l’eni- 1 9 1 Curiofîtez^ de la Nature , porte fur tous les Bézoards , dont je viens de parler. On le trouve dans le Porc-épi des In- des au Royaume de Malaca, dans la Province dePam. J’ai été allez hûreux de trou- ver une de ces pierres de Bé- zoard de Porc- épi dans mon voyage des Indes d'Orient. On lui attribue de grandes vertus. Elle chaflèpar la tranf- piration les mauvaifes hu- meurs. Prife dans un mélan- ge d’eau 3 êc de vin j elle refif- te au venin , & fortifie puiC famment le cœur. Elle arrête le cours de ventre. On s’en fert avec fuccès dans la pefte, dans la petite verole , êc dans les fièvres malignes. On en don- ne aux enfans pour les vers. Elle eft excèlente dans l’épi- lepfie , dans les vertiges , dans lespalpitations , & répare très- fenîiblement Ô“ de r Art. i c>3 fenfîblement les forces. 11 eft furprenanc que le Bé- zoard , donc tant de Méde- cins ont vante' les vertus , qe foie plus employé dans la méde- cine. C’étoic un préfent qu’on faifoic , il y a cent ans , aux Rois , 6c aux plus grands Prin- ces > 6c alors on le recom- mandoit comme un antidote fouverain contre le poifon , la pefte , 6c les fièvres fufpe&es de venin. Et aujourd’hui il n’eft plus en ufàge. Il me femble que M. Sachs en dit ia raifbn dans la page 303. de fa Gammarolcgie. Il y a , dit-il , beaucoup de Mé- decins non-feulement qui ne fe fervent jamais de Bézoard 1 mais même qui en condam- nent très-fortement i’ufage.: à caufe que le véritable Bézoard tfi très- rare dans les Indes , & R j 94 Curiofitegde la Nature que la plupart de celui qu'on aporte en Europe efl factice , & compofè de magifleres de plan - tes. Les Juifs de Confiantinople font de grands fourbes là-defjus. Car enfin quoi qu'il y ait des marques certaines pour difcerner le Bézpàrd naturel d'avec l'ar- tificiel > il arrive qu'on y efl fou- vent trompe. Et cette incertitude a obligé plufîeurs fava'ns Mé- decins à profcrire de la médecine l’ufage du Bètpard Ut inde propter incertitudinem à plu- rimis Medicis lapidis Bezoar- tici ufus improbatus. . Quand on a donc du vrai Bé- zoard , on a un antidote excel- lent, contre la perte, 6c con- tre les fièvres malignes. Fol - linus en raportant dans Ton A- TYiulctuM Antonianum cap* 14* les remèdes les plus fouverains contre la perte , il n oublie pas & de P Art. inf h vraie pierre de Bézoard ; V crus lapis 13 ezpard. Marfîie Ficin Cap. 24. de Ton Antidote contre l’Epidimie dit très- bien : La pierre de Bé- zoard 3 fi quelqu’un' en pou- voit avoir, eft l’antidote le plus puifiànt contre toute forte de venin. J3ezpard lapis > fl qui s pojfet habere eum , fuper omnia valet adverjus venena. Il cite apres cela plulîeurs Auteurs Arabes, qui élevent le Bézoard infiniment au defiiis de la Thé- riaque, èc de tous les autres an- tidotes, il y a là de très- belles expériences. Si elles font fidel- Iementraportées,une pierre de vrai Bezoard groflè comme une noilette, vaut mieux qu’un diamant du même volume. Chioccus parlant de la pier- re de Bézoard dans le Mu - feuin Calceolarii 342. trou- lÿC Cunofitez^ de la Nature , ve très mauvais que Minde- rerus , Craton, ÔC Jourdain aient oie avancer qu’ils n ont jamais vû un bon eiet du Bezoard , toutes les fois qu’ils l’ont em- ployé j 6t il ajoute qu il eft certain que ces Médecins-là n’avoientpas du vrai Bezoard, qui eft rare , d’un grand prix , èc qu’on ne trouve guere que chez les Princes j & que fans doute ils n’avoient que du Bé- zoard d’Occident , & peut- être des pierres qu’on trouve dans les chevaux : ou bien , dit-il , ils n’avoient pas bien purgé, 6c préparé leurs mala- des à recevoir un antidote il propre à fortifier le cœur , ôc a le défendre contre le venin , & l’air infeélé. Enfin Chiqccui conclut : J’ai un grand nombre d’expériences par devers moi , qui m’ont confirmé dans la & de t Art. ïç)j pratique où je fuis de donner le Bézoard en Italie pour les maladies r ou il y a du venin ; & de tous les remèdes , donc on ulè en tems de pelle , le Bézoard eft celui à qui je don- ne la préférence. Nos in Ita- lie pericuhs multis faciis y con- trariant pojjumus affumere fen- tentiam , e catalogo pejlilen- tium rente diorum quidvis aliud potius expungere* M. Volîîus le Pere , parlant d’après les Arabes, dit que le Bézoard eft très-falutaire con- tre la pelle , les maladies con- tagieufes , l’apoplexie , l’épi- leplîe , le vertige , la pierre les vers , les palpitations, la lepre , &c. Lib. III. de ido~ lolat. cap. 68. Gafpard Bauhin eft celui qui a écrit le plus làvamment, 8c avec plus d’étenduë lur cette R iij 1518 Curioftez^de la Nature matière. Il a fait un Trai- té exprès du Bézoard. Com- me il en a fait une étude par- ticulière , & qu’il a écrit après les autres , fon fentiment doit être d’un grand poids. Il rend juftice au vrai Bézoard qu’- il eftime infiniment. Audi je regarde comme un des plus doux fruits de mon voyage des Indes , d’avoir trouvé une pier- re fur la vérité de laquelle je puis compter. J’en ai encore un fa&ice qui eil compofé en partie du Bé- zoard de Porc-épi , & de quel- ques partiesdu corps de cet ani- mal. Il eft de la façon d’un Médecin Arabe qui fait la Mé- decine dans les Etats du Mo- gol. On le fubftituë an vrai Bézoard du Porc-épi , qui eft très- rare , & dont une petite pierre vaut 50. écus dans les Indes. ér de l'Art. iÿy J’ai auffi une pierre cordia- le compofée par Manouchi Médecin de Madras fur la cô- te de Coromandel. Il la vend un écu 'l’once. Je ne fai point ce qui entre dans fa compofi- tion : ce Médecin en fait un très-grand fecret. Il y a outre cela le Bezoarà fadlice , de Galpard Antonio. C’eft une compolîtion , dont la baze eft de Bézoard. On la nomme encore Pierre Cordia- le. Ce font de petites boules dont la furface eft marbrée , & dorée en quelques endroits fort proprement. La doze eft ordinairement le poids de lîx grains de fro- ment^ un peu plus, ou un peu moins félon l’âge , la force , & la dilpofition du malade. O11 la prend en poudre, i. Dans les fièvres chaudes, R iiij zoo Curiofitez^âe la Tfature & malignes , lorfque le mal preflè , on peut donner de cet- te poudre au malade dans un peu d’eau froide , à quelque heure que ce foit. Ce remède réjouira le cœur du malade , le fortifiera , &; apaifera l’ar- deur de la fièvre. 2. Il faudra donner auffi ce remède à un fébricitant, quand il fe fent une forte envie de boire du vin. 3. Lorfqu’on le lentira abatu de mélancolie, mais fans fièvre, ce remède étant pris avec du vin, foula géra beaucoup laper* fonne mélancolique. 4. Quand on efi: convalef- cent , cette poudre efi: mer- veilleufe prife dans de l’eau , ou dans du vin. 5. Etant prife dans du vin, ou dans de l’eau , elle a une vertu très-puilfante contre tou- & de t Art. xoi tes fortes de poifbns , morfures de Vipères , de chiens enragez> & autres anirfiaux venimeux. Outre ce qu’on en prend par la bouche , il en faut encore apliquer fur la morfure. 6. Cette poudre étant pri- fe dans de l’eau > elle a la ver- tu d’arrêter le crachement de fang , qui vient de la poitrine 5 & étanche le fang du nez en la prenant en forme de Ta- bac. 7. Elle efl admirable pour conferver» & fortifier la vûë „ étant prife dans de l’eau une fois la femaine. 8. Etant prife dans du vin , ou dans de l’eau , elle préfêrve de la lèpre , & efl fort bonne pour les perfonnes qui font ataquées de la petite vérolle. 9. Etant prife dans du vin, elle eft fort bonne contre- le zoi Curiofitez^de la Nature 3 flux de fang , qui provient d’u- ne caufe froide. S’il vient de chaleur , on prend la poudre dans de l’eau. On peut juger de-làquele Bézoard Oriental tout pur, 8c fans mélange , doit être d’une vertu beaucoup plus merveil- leufe. C’eft le fentiment des deux plus favan'ts Médecins qui foient dans le monde. On comprend aflez par ces leuls termes, que je veux parler de Monfieur Fagon premier Mé- decin du Roy 5 & dé Monfieur Bourdelot , premier Médecin de Madame la Duchefle de Bourgogne. M. l’Abbé de Val- lemont , à qui on avoir fait pré- fent des trois fortes de Bézoard, dont je viens de parler, fut cu- rieux de favoir à quoi cela pou- voit fervir, 8c pour cela ilfu- plia un Seigneur de la Cour & de l'Art 203 d’en conflilter les Médecins fur ces diférents Bézoards. Voici la réponfe qu’il reçut , & que je place ici comme un oracle de nos Maîtres , & com- me un morceau qui fait hon- neur à mon ouvrage. LETTRE D’UN SEIGNEUR DE LA Cour , à M. l’Abbé de V allemont. J’Ai parlé à M. Fagon fui* le Bézoard 5 j’en ai auffi en- tretenu M. Bourdelot. Ils pré- tendent qu’il y en a de trois fortes. L’Oriental, qui eft le plus petit, & le meilleur. L’Oc- cidental qui eft plus gros , de moins bon. Enfin le faétice , qui ne laifle pas d’avoir quel- que vertu , quand il eft bien 104 Curiojîtex^de Id 2T attire fait. Le Bézoard fe forme dans le corps d’un animal fait com- me une chèvre. Le plus excè- lent vient de chéz les Tarta- res d’Ufbek. Il eft cordial , 6c chafle les venins. L’ani- mal s’apelle dans le pays Pa- %ard , d’où par corruption eft venu le mot de Bézoard. Cette pierre eft ordinairement ron- de , 6c de la figure , 6c grof- (ëur d’un œuf de pigeon. Voi- la tout ce que j’ai retenu des deux converfatiçns que j’ai eues aujourd’hui à la Méde- cine du Roy , ôé dont je viens fur le champ vous rendre com- pte. A F/Mtamddtett , ce 24. Ottohre 1700. Après ce témoignage auten- tique , je ne faurois mieux fi- nir cet article , que par le fen- timentdu Chevalier Philibert fi de l'Art. 205 Vernati , que Meilleurs de la Société d’Angleterre ont fait inferer dans leur Hiftoire pag. 21 r. parce que cela fait voir que tous les Savans n’ont qu’- un même fentiment fur le Bé- zoard : En Malacca-, mais ra- rement-, on trouve une pierre dans l'eflomac du Porc-épi , dont on a décrit amplement les rares ver- tus. Les Hollandais en font maintenant fi affolez^ , que j'ai vu. en donner 400. pièces de huit, pour une qui n'étoit pas plus grojfe , qu'un oeuf de pigeon. Il y a de la fophijlication en ce- la aufjî-bien qu' au Bézpard , au mufc , (fie. fi tous les jours nou- velles fauffetez^ Je ne faurois vous donner de règle , pour con- naître le véritable, il faut a- voir recours à l' expérience. Je vous en envoie une qui ejl facti- ce t fi qui imite de bien près la aol? Curiofîtez^de la "Nature vertu de la vraie pierre . Elle efi plus groJJe,& d'une autre couleur. X. Un Huart , oijeau de Canada a CEt oifeaueft grand, com- me un Coq d’Inde : mais le plumage elt bien plus beau : il eft maillé comme une per- drix j les mouchetures du Huart font d’un noir , & d’un blanc plus vifs. Il à le ventre tout blanc , le col aufli long qu’un Cigne. Mais ce col eft d’une couleur de gorge de pi- geon j qui change fuivant qu’- elle eft expofée diverfement au Soleil. Le Huart a fous la gorge une efpèce de petite cravate blanche , êc noire , qui fait un allez plaifant éfet. Il a le bec long comme celui d’une Bécaffe i mais beaucoup & de l'Art. 207 plus gros , 8c la queue très- courte. Ses jambes font fort longues j 8c il a les pieds faits comme ceux d’un Cigne , 8C des autres oifeaux de riviere 5 lefquels n’ont point ces divi— fions ^ comme fi c’étoient des. doigts diferents. Auffi le Huart eft-il un oifeau, qui vit dans l’eau , où il mange le poiflon qu’il peut atraper. On le trou- ve ordinairement au bord de la mer , dans les rivières , 8c dans les lacs. Nous favons de ceux, qui ont voyagé le long de la riviere de Miffiffipi, qu’il y en a beaucoup dans ce pays-là. Ce- lui que je décris , vient du Ca- nada. On le nomme Huart 5 parce qu’il prononce fi diftinc- tement ce mot-là , que s’il fe trouvoit un homme de ce nom dans les environs , il prendroit ce cri pour une voix humai- îo8 Curiofitcz^ de la Nature, ne , Se crairoit qu’on l’apelle- roic. La graifle de cet oifeau eft réfolutive , Se admirable pour fortifier les nerfs, XI. Une Mangoujte. C’Eft un petit animal à 4. pieds très joli, Se fait a f leu-près comme font nos bel- «m-ps de France. Il eft un peu plus grand , & il a la queue plus longue 5 Se à proportion comme celle d un rat. Mais il eft d’une couleur incompara- blement plus belle. Sa peau eft charmante j elle eft char- gée d’un long poil de trois couleurs. Leblanc, Se le noir dominent fur chaque poil 3 Se il y a une efpèce de rouge en- tre le noir , Se le blanc , qui fert de nuances pour en adou- cir * 1 & de l'Art. 209 tir le mélange, Sa queuë ell couverte d’un poil de mêmes nuances , & plus long que ce- lui du corps. Il a la tête pref- que comme un Ecureiiil , & couverte d’un petit poil ras. Ses yeux font gros, &: îës oreil- les courtes, & arondies com- me font les feiiilles à' A [arum. La Mangoufte, que je décris ici , avoit deux pieds , &c demi de long , depuis la tête juf- qu a l’extrémité de la queue. Elle étoit fort agile, s’elt aprivoifée facilement. Elle far- foit de petits tours plailans , comme font les Singes. Elle ve- noit du Royaume de Caiicut 5 êc elle a été aportée en France dans un Varfîèau de notre Ef- cadre. Elle a vécu à Paris cinq mois,où elle étoit devenue fort familière , & fort di vert nian- te, Elle eft morte jon ne lait' S ■% i o Curiofltez^de La 'Nature comment. On préfume que ce, petit animal eft mort de chagrin , de n’a.voir point de Perroquets à manger. Il en a croqué plus d’une vintaine dans le Vaifleau , ou il a été apqrté. On peut dire qu’il étoit le fléau des Perroquets, On en a pleuré quelques-uns, qui promettoient d’être de grands jafeurs j & on a quel- quefois chanté ces trilles pa- roles. Pleurez^, pleure z^mes yeux , vous fonde z^en eau. Des tous mes perroquets Man- qoufte efl le fléau. On Pa donnée au R. P. Sar- rebourfe, Chanoine Régulier de S. Augullin , qui l’a mife au célèbre Cabinet de Sainte • Geneviève, & de r Art, 'aï Les Indiens atribuent quan- tité de vertus aux diférentes parties de la Mangoufte. Son Foie eft bon pour l’épileplîe. Sa chair prilè en poudre , 8c apliquée lùr les morfures des bêtes venimeufes , les guérit certainement. Son fiel elt ex- cèlent pour le mal des yeux. Sa graillé eft un grand remède pour les humeurs froides, 8c rumatifmes , 8c diminué les douleurs de la goutte. O XII. Defcription d' une oreille, du cœur ? & d'un ventricule extraor- dinairement dilatez^ JE ne raporte ce phénomè- ne , que par l’orde de M. de Littré Doéteur en Médeci- ne, 8c célèbre Anatomifte de l’Academie Royale des Sien- S ij 2ii Curiofte^de la U attire , ces , à qui j’ai rendu compte y à mon retour des Indes, de quelques maladies extraordi- naires que j’ai vues durant mon voyage. Car de ma part je ne me fèrois pas déterminé à ra- porter le détail d’une mala- die , dont prefque tous les fim ptômes font les mêmes que ceux que le Savant M. Dio- nis , prémier Chirurgien de Madame la Ducheiïe de Bour- gogne , a décrits dans la pag. 663. de (on Anatomie de l hom- m.e. Il eft cependant vrai que le phénomène que j’ai vû, a des fingularitez, qui ne fe trou- vent point dans l’obfervanon de M. Dionis. Le malade > dont il eft ici queftion , étoit un matelot â- gé d’environ 40. ans , qui iê plaignoit depuis long-tems d’u- ^e grande dificulté de refpi-> & de T Art. if| rer. Ii fe mit au lit deux jours feulement avant fa mort. A l’ouverture que j’en fis , je fus furpris de trouver une tumeur d’une grofleur extraordinaire qui ocupoit toute la partie moyenne de la poitrine , 8c qui étoit formée par la dila- tation du Péricarde. Je trou- vai enfuite les poumons flétris , adhérants aux côtes , au dia- phragme, 8c marquez de ta- ches d’un rouge livide 5 je dé- couvris un fac au côté gauche de la poitrine , formé entre la plève , 8c les côtes , 8c qui ren- fermoit plus de deux pintes d’eau rou-flâtre. J’ouvris le Pé- ricarde , 8c je trouvai le cœur qui n’étoit pas moins gros que la tête d’un enfant. Ce Péri- carde , quoique dilaté fi con- fidérablement , ne contenoit pas plus d’eau. ^ qu’il y en de. H4 Curiojîtez. > de la "Nature voit avoir. L’oreille droite du cœur étoit plus grofle que le poing, & longue de demi pied. La cavité du ventricule de ce même côté étoit fi grande , qu’elle contenoit près de deux pintes de fang noirâtre : & il y en avoir bien une chopine dans l’oreille droite. Cet homme avoir le foie , Sclaveffieuledu fiel d’une grof- feur furprenante. Le foie, qui étoit d’ailleurs allez fain , n’é- toit pas moins gros , que celui d’un bœuf '■> tk. la véhiculé du fiel étoit à proportion. L’Epi- ploon étoit prefque tout con- firmé , &; fort livide. Les an- tres parties me parurent allez faines. Ce qu’il y a à obier* ver ici , c’eil que ce même hom- me étoit d’un naturel impé- tueux , violent , Se emporté au de là de tout ce qu’on peut d* de F Art. nj dire : ce que je remarque ex- près j parce que cela s’accor- de parfaitement avec ce que M. Dionis raporte de l’hu- meur de celui dans le corps duquel on a trouvé un phéno- mène allez reflèmblant. Vers fortis far le nez^ d'uif malade. Ans le tems que nous hi- vernions dans le Gange , un de nos Matelots qui rele- voit d’une maladie dangereu- fc, ôt que je ne comptois plus parmi mes malades , rendit par le nez cinq petits vers blancs , un peu plus gros que des grains d’orge , avec une ma- tière purulente , Sc d’une odeur cadavéreule. Il fut pris en mê- me tems d’une fièvre continue^ XIII. i ï 6 Curiofîte ^ de la 'Nature qui au bout de trois femaines le mit au tombeau. Durant ce tems-là il jettoit plufîeurs fois par jour de ces mêmes vers. On en compta jufqu’à un cent. Après quoi on n’eut plus d’attention à la quantité qu’il en rendoit. Quelques jours a- vant fa mort, la matière étoit un fang noirâtre , &: d’une puanteur fi infuportable, qu’on fut obligé de le féparer des autres malades. La mafTe de cette corruption étoit fi a- bondante , qu’outre ce qu’il rendoit par le nez en fi gran- de quantité , qu’il étoit obligé d’avoir toujours la tête bail- fée , il s’en écouloit encore prodigieufement par l 'anus. Dans les obfervations que je fis dans l’ouverture du fu- jet , je reconnus encore de ces mêmes vers dans les Sinus mas. xilaires 5, & de l'Art. ti y salaires ; que les membranes «]ui les tapiflènt intérieurement étoient toutes détruites , 6c la furface interne des os maxi- Iaires étoit cariée : ce qui prou- ve que le liège de la corru- ption étoit là, & non pas dans le cerveau , que je trouvai très- lain , auffi-bien que la partie cribleufe de l’os ethmoide j par où quelques Médecins é- trangers m’avoientfoutenu que ces vers palîbient. i.ï 8 Curiofîtez^de la Nature l 'Za Pierre divine four les yeux.. DE tous les maux il n’y en a point de plus vif, de plus fenfibie , & qui chagrine davantage que le mal-des yeux. Un Auteur Italien nomme fort bien les yeux , les miroirs où fe peint la nature , les ju- ges fouverains de la beauté , les guides de l’homme , les peintres de la penfée , les in- terprètes du cœur , les mefla- gers de l’amour , des Spheres mobiles , & vivantes , les Af- fres de la -terre , en un mot les miniftres des Siences , & des Arts. Platon parlant des yeux , dit : ce font eux qui nous ont découvert toute la face de l’U- niversj &. fans leur lècours nous '& de l Art. 119 «e connaîtrions point* les ri- chefles que la nature étalle for ia terre. Le Ciel , le Soleil , 8c les Aftres foroient pour nous , comme les chofos qui ne font point. Sans les yeux la char- mante alternative du jour , de la nuit • la lumière de l’un , les ténèbres de l’autre nous feroient absolument incon- nues. La divifîon du tems , le partage des mois , & le retour des années , for quoi nous ré- glons nos afaires , & nos de- voirs, ont été déterminez for le mouvement du Soleil , par le Secours des yeux. Enfin la PhiloSophie, qui eft le plus pré- cieux ,•& le plus utile prélent , que le Dieu immortel ait fait &c Sera jamais aux hommes mor- tels, n’eft venuë à nous, que par le miniftere des yeux.... TJ nde J? hüofoÿhiœ venus nabis T ij îio Curiofitez^de la Nature comparavimus » qua neque ma- jus , neque utilius bonum Deo- rum immortalium beneficio , at- que munere ad hominum genus pervenit , neque perveniet un- quam. Hoc autem loco OCTJ- LORV M maximum beneficium. Jn Timœo. La vue eft en éfet un fi grand avantage , qu’on ne fau- roit trop eftimer un fecret qui fert à la conferver & à la for- tifier. La pierre verte qu’on nomme Divine , à caufe de fes merveilleufes vertus pour les maux des yeux , eft le plus ex- cèlent Colyre , qui ait jamais été trouvé. C’elt une de ces découvertes qui font tant d’honneur à notre fiécle. Quoi- que les Médecins après Ga- lien, comptent 113. maladies des yeux, il y en a peu de tout ce grand nombre , que la pierre & de l’Art. 21 ï verte ne guérifle. Elle fait des guérifons fi promptes , 6c fi uirpre liantes , qu’on les pren- drait volontiers pour des mi- racles. Il n’eft pas jufte qu’un trefor de cette importance , 6c fi utile aux hommes , de- meure plus long-tems caché. Je fuis redevable de ce fecrec à Monfeigneur de Cicé , Evê- que de Sabule , qui me l’a don- né dans notre voyage des In- des. On le tient d’un Méde- cin Arabe, qui faifoit la Mé- decine à la Chine. Voici com- me on le prépare , 6c comme on en ufe. Prenez , 4. oncesde Vitriol deChipre, 4. onces de Nitre,ou Salpêtre s 4. onces d’Alun de Roche. Il faut mètre ces trais cho- fes en pondre , 6c les faire fon- dre dans un pot neuf vernif. fé , d’abord à petit feu ^ 6c puis T iij ut Curiofîtei^ de la 'Nature l’augmenter jufqu’à ce que tout loit fondu. Enfuite jettez dans cette ma- tière, qui eft très-chaude, un gros de camphre mis en pou- dre^ Remuez bien tout cela a- vec une fpatule de bois 5 6c lors que le camphre fera bien fon- du , 6c bien incorporé avec les. autres matières , couvrez le pot de fon couvercle , 6c le luttez avec de la pâte de fa- rine. •La liiez refroidir tout cela durant vingt- quatre heures, puis vous caflerez le pot , ou vous trouverez votre pierre verte , qu’il faut féparer pro- prement des morceaux du pot. On conferve cette Pierre dans une fiole de verre , pour em- pêcher l’évaporation de ce qu’- il y a de plus fpiritueux , 6c déplus volatile dans cette com- pofition. & de l'Art. V S A G E. IL en faut mètre un demi gros en poudre dans un de- mi iêpcier d’eau de fontaine > èc quand on veut s’en fervir , il faut faire tiédir l’eau, & en laifler tomber une goûte dans l’œil, ou dans les deux yeux, s’il y a du mal à tous les deux. Il en faut ufer trois fois par jour -, le matin en le levant , à midi , & le foir en le couchant.. Quand on veut cette eau plus forte, on y met un gros de la Pierre verte. D’abord elle fait une douleur allez vive ,& rou- git même les yeux. La dou- leur fe pafle , & la rougeur fe diffipe alfez vite. Cette eau éclaircit la vuë , la fortifie , nétoie les yeux , en mange les taies nailïantes -, T iiij 2, Z 4“ Cttri ojît c ^ de la JW^ttUTB guérit les Suffufions, enlève la rougeur , &c. Elle eft encore merveilleu- se , pour faire cicatrifer les vieilles plaies , & les vieux ul- cérés des jambes. Elle emporte Souveraine- ment les dartres du vifage, 8c des autres parties du corps , en apliquant deflùs un petit linge bien propre , 8c trempé dans cette eau. E tiens la compofîcion de ces merveilleuies pilules d un Médecin Indien , qui m’a donné ce fec ret comme un fé- y brifuge indubitable. Il m’a de plus a fleuré qu’il s’en eSt Servi plufîeurs fois avec fuccès pour le mal , que les Napolitains II. Pilules 'purgatives . & de l'Art. iif *>nt aporté de TAmerique en Europe 5 & qu’ils nomment mal-à-propos Morbus Galli- cus , afin de lui faire perdre, s’il fe pouvoir, fon premier , & véritable nom qui efl: , le mal de Naple, Voici la com- pofition. io. gros de Mercure doux , io. gros de Sel Armoniac. io. gros d’Orpiment. io. gros de Mirobolans , des trois fortes également. 40. gros de petits Pignons d’Inde , dont on mêle d’abord 20. gros, fans en ôter les pel- licules , avec les autres dro- gues bien pulverifées. On fé- pare des autres %o. gros ref- tants , les pellicules , & puis on les fait un peu rôtir dans une petite poëlle à feulent; on in- corpore le tout avec du vin blanc , ou autre liqueur aro- i i’6' Curiofter^ de la Nature matique , & on en fait de pe- tites pilules qui ne péfent que quatre grains. Une fufït pour chaque prife : deux jours a- près, s’il efl befoin, on en prend une féconde. Et pour les ma- ladies auffi opiniâtres que le mal de Naple , on comprend «bien qu’il y faut revenir plu- fleurs fois , 8c durant trois ou quatre femaines. Du relie on prend un bouillon aux her- bes, après que le remède a commencé de faire éfet j 8c on garde le même régime , qu’on a coutume de garder, lors qu’on fe purge. III. jt tiroir de met ail du Japon, LEs Japonnois cultivent les Arts avec plus de foin qu’aucune nation du monde. S" de l' Art. xxj Maffée Lib. u. nous les répré- fente d’une politelfe fi exqui- fe , & fi bien entendue 3 que quoi qu’ils la faflfent feuvent conlifter en des maniérés tou- tes opofées aux nôtres, nous ne laiflons pas d’y trouver un bon Cens vif , & lumineux. A l’égard de la Médecine, ils ne s’acommoderoient point de celle qui fe pratique à Paris , où l’on feigne beaucoup > ôô où l’on croit avoir tant de rai- fen d’en ufer ainfi. Au con- traire les Japonnois qui vivent* ordinairement da moins cent ans, non-feulement ne feignent jamais leurs malades ; mais même ils regardent la feignée comme une aétion inhumai- ne , cruelle, Ôc qui fait hor- reur à la nature. Pour les Arts ils y font pour le moins aulîl habiles que nous > mais il y en» 2z8 Curiojîtez^ de la "Nature a, où ils furpafiènt toutes les autres nations du monde. .Leur verni eft inimitable ; 6e celui de la Chine eft infiniment au deftous de celui du Japon , pour le luftre , pour la dure- té , 6c pour l’odeur. J’ai un mi- roir de métail fondu , 6e poli au Japon , 6e qui eft d’un é- clat que nous ne voyons point dans nos miroirs ardents qui fe font en France. Il eft d’un poliment fi parfait , qu’il eft impoflîble d’y découvrir aucu- ne raie. Auffi faut-il avouer , que les Japonnois ont une a- drefie merveilleufe à travail- ler les métaux. J’ai quelques autres ouvrages de leur beau cuivre, 6e de leur façon, que je conferve comme un argu- ment qui prouve qu’il y a des nations , que nous regardons comme barbares , 6e qui n’ont & de l'Art. iiy rien d’inférieur à nous pour les talens, pour le bel elprit. Mon miroir eft rond , & a en- viron fix pouces de diamètre, IV. Une petite Pagode du Japon. COmme la Religion des Paiens a toujours été chancelante , & qu’ils n’ont point été fermes dans ce qu’ils croyoient de leurs Dieux, ils ne les répréfententprelque jamais déjà même maniéré ^ & fous la même idée. Les uns ont figu- ré leurs Dieux d’une grandeur énorme. Telle étoit h Statué du Jupiter d’Olimpie , qui é; toit d’ivoire , & quon a mis en- tre les fepc merveilles du mon- de. Strabon Lib. VIII. re- marque que Phidias avoir fait ce Jupiter d’une grandeur fi $ 3 0 Curîofîte^ de la TJœture prodigieufe , quoi qu'il fuc at fis, qu'il n’auroit pû être de bout , fans percer la voûte du Temple, qui étoit pourtant de la hauteur de 60. pieds. Ce qui faifoir dire à ceux qui vouloient rire, que ce Dieu êtoit par là condamné à la néceffité d’ê- tre éternellement aflis. D’au- tres difoient que lè Dieu n’a- voit point été fait pour le Temple , ou que le Temple n’avoit point été fait pour le Dieu* Au contraire une partie de la dévotion de l’Empereur du Japon -confifte aujourd’hui à répréfenter le Dieu qu’il ado- re , plus petit qu’une mouche ; comme il paraît dans la peti- te Pagode , que j’ai aportée des Indes, & qui m’a été donnée, comme une choie fort rare par M. du Livier, Directeur de P 'Art. îjï de la Compagnie de Bengale,, & à cjui on a alluré qu,e le cul- te de ce petit Dieu étoit re- fervé pour l’Empereur , & pour là famille. C’eft une Divinité dont on ne m’a pii dire le nom , & qui eft dans une niche. Le Dieu , & la niche font faits d’un foui grain de ris. Mais cet ouvrage eft d’une délica- telle achevée. On voit diftinc- tement dans la tête les yeux, le nez ,£c la bouche. C’eft un vrai plailïr, que d’exami- ner ce travail avec une loupe de verre. Ôn voit que toutes les proportions y font gardées dans ia derniere exactitude. Ce petit Dieu avec la niche eft planté for un poil de ces barbes qui font aux épis de ris > & la moitié d’un grain de ris fort de piéd’eftail à cette petite 431 Curiojîtez^âe la "Nature Idole. Cet objet du culte de l’Empereur du Japon efb enfer- mé dans un petit tuyau de fort beau verre blanc, un peu moins gros qu’une plume d’oie. Tou- te cette jolie machine fe por- te en poche dans un petit étui , long comme la moitié du pe- tit doigt , 5c fait de bois odo- rant. Si on a mis le Jupiter Olimpien parmi les merveilles du monde à caille de fa gran- deur énorme j on y mêtroit la petite Pagode du Japon, lî on s’avifoit de ranger auffi entre les chofes merveiileufes , des ouvrages d’une proaigieule pe- titelfe. On parle d’un Manufcit en parchemin de toute 1 Iliade d’ Homère , d’une écriture fi menuë , que tout le volume s’enfermoit dans une coque de noix. Mirmecidès avoit fait pn petit chariot tiré par quatre phevaux , & de T Art. 235 chevaux , qu’une mouche cou- vrait entièrement. Callicra- tès faifoit des formis d’yvoire fi petites, que les yeux les plus perçants avoient peine à démê- ler les diférentes parties de ces petites infeéies. On vend tous les ans en Allemagne à la foire de Franc-Fort des pu- ces enchaînées par le coh Car- dan raconte que de fon tems on fit prêtent au Duc d’Urbin d’une bague d’or, dont le cha- ton j au heu de diamant enfer- moit untf petite montre 5 fur la- quelle toutes les heures étoient diftin&ement marquées,' & qui lônnoit un coup à chaque heu- re. Cardan, de* Subtilit. Xib. x y n. Enfin les hommes ne font pas moins bizares dans la ma- niéré , dont ils peignent le dia- ble. Nous le répréfentons tou- V, 234 Curiojîtez^de la? Nature, jours noir j & Marc Paulo af-; fure que les Habitans du Mala- bar, dont le teint eft fort rem- bruni peignent le diable blanc. y; T ambour de la Mufiquc du Roy de Siam. CE petit Tambour eft une; preuve, que les Arts ne: font pas fi négligez par les Sia- mois , que quelques-uns l’ont voulu dire. La iculptûre , la. dorure , & tout le deffein de. cet ouvrage font admirables j on peut dire que tout y eft magnifique. Il Yn’a été donné; par M. du Livier , Directeur, de la Compagnie des Indes à Behgale r & qui s’eft fait un; nom honorable dans l’Orient: par la maniere.ohligeante;dont; & de l' Art. iyj il reçoit les Curieux, & par tous les bons ofîces qu’il leur rend. Il eftimoit fort ce petit Tambour, qu’il conlervoit loi, gneulèment, Le corps de cet inftrument eft d’une terre bien préparée , & très-bien cilèlée. Il eft orné de. petits rotins tra- vaillez fort proprement.il n’eft. couvert de peau que d’un cô- té; & c’eft d’une peau de Ser- pent fort agréablement bigar- rée , & qui rend, quand on, bat deftus , un Ion doux1, charmant. Au deftous au liesu^ de peau, il y a une efpèce de manche , qui eft pareillement de terre-, Sc fur lequel il y ai de la fculpture dorée. La fi- gure de tout le Tambour ref- fèmble ailes à une grofle ca- rafe qui auroit une peau au? lieu de fond. -Le. col de la ca, raie, eft le. manche du- Tara*- WiL Curioftey de la 'Nature bour.C’efl l’inftrument que dé- crit M. de la Loubére , En- voyé extraordinaire du Roy auprès du Roy de Siam en 1687. & 1688. Voici ce qu’il en dit en parlant de la Muiîque des Siamois. Le peuple acom- pagne aujjî quelquefois la voix de ceux qui chantent le foir dans les cours des logis > où il y a des nbces avec une efpéce de. Tam- bour appelle Tong. On le tient de la main gauche » & on le frape de tems en tems d'un coup de poing de la droite. C'efi une bouteille de terre fans fond, & qui au lieu de fond efi garnie d'une peau rattachée au goulet avec des cordons. Hiftoire de Siam , Tom. 1. chap. ir. pag. rJLa petite Balance portative des Chinois. COrame la monnoie des Chinois n’eft point fra- pée , & que ce n’eft que de pe- tits lingots d’argent qu’on cou- pe lur le champ , pour payer ce que l’on acheté , cela obli- ge chacun à avoir fa petite ba- lance attachée à la ceinture , afin d’y pefer le prix dont on eft convenu. Il y a particulie- ■■ent trois fortes de mon- ; j qui font toutes trois en de petits lingots, s Condrins , qui valent ce nous apellons un fou. ïs Malles, qui valent io. drins, ou io. fous Les Taëls , qui valent xo* malles, ou ioo. fous. X3'S' Curiofttex^ de la ' Nature La petite balance, où Ton' pefe ces morceaux d’argent , a beaucoup de raport à l’an- cienne balance , que l’on nom- me Romaine , ou Pe%on. Elle eft compofée, i°. d’un bras , branche , ou levier ; 2°. d’un crochet, ou d’un petit baf- fin } & fouvent tous les deux* y font : 30. d’un poids cou- rant fur le levier , qui eft or- dinairement d’yvoire , ou de bois d’ébène. Il eft de la lon- gueur d’un pié , gros comme; une plume décrire , & fur le- quel il y a trois lignes ponc- tuées. C’eft fur ces points mar- quez , qu’on melûre la pelàn- teur des corps graves, com- me on fait lur la verge de nos . Romaines, Au lieu de l'anneau., , avec lequel nous tenons nos pe-- zoos fuîpendus^ il y a à, la ba- lance, des. Chinois. trois petits. & de 23 5 ? cordons de foie , qui font at- tachez au levier dans trois di-* ferents points de fofpenfion.- On met dans le baffin ce que Bon veut pezer 5 ou bien on l’attache au petit crochet. VS AGE. POur mètre la balance en équilibre ., on la tient par le cordon le plus éloigné du ! petit baffin $ &c on arrête lè poids mobile for le premier point de la ligne latérale , qui efo la moins ponctuée. . C’eft for cette ligne que l’on péze* les Condrins , les MalTes , & les Taëls.. Sur la ligne fupérieure , en tenant le cordon du milieu om péze les Malles , & les Taëls;. Et for l’autre ligne latéra-t- le,; en prenant, le. cordon 1§; a 4° Curiofiteï^ de la "Nature plus proche du baffin , on pèze les Taëls. Cette petite machine de Sta- tique eft d’une précifion mer- veilleufe j ôc un cheveu fait pancher le baffin de la balance* On porte cette balance dans une boëtte de vernis ,-ou de bois odorant. VII. La Gargoulette , & le Porte - Gargoulette des Indiens'. LA Gargoulette eft un va- le en forme de grofle ca- rafe y & qui eft d’une terre fort legere 5 mais qui a une quali- té toute particulière pour ra- fraîchir promptement l’eau qu’on y met. Le Porte-Gar- goulette eft une efpèce de pa- nier avec un couvercle , fait de petits filamens de bois de Bambou 7 C^“ de /’ Art. 141 Bambou , 6s employez, comme nous employons ici le jonc , ou l’oiîer. Tout ce panier eft à jour j une moitié du Bambou eft: peinte d’un verni rouge , Sc l’autre moitié d’un verni vert. Ces deux couleurs font mê- lées avec tant de fimmétrie , que cela fait un éfet très-a- gréable. Il eft: rond , 6c de la figure d’une tour. Il a deux pieds de baut , fur environ neuf pouces de diamètre. C’effc dans ce panier qu’on met la Gar- goulette remplie d’eau , 6c qu’- un oficier porte à la fuite des grands Seigneurs du pays. Cet Oficier tient ce panier par quatre cordons de foie , qui fe terminent à un bouton , où il y a une touffe de foie de di- férentes couleurs. Il porte ce- la à fa main , 6c l’agite à droit , êc à gauche, comme on agite X 44* Curiojïtei^de la Nature ordinairement un encenfoir ; ce qui contribue merveilleufe- ment à rafraîchir l’eau. Le Hamac , & le Tamara des Américains. E Hamac eft un lit fait de coton tout d’une piè- ce , que les Indiens portent avec eux dans les forêts , 8e qu’ils fufpendent par les deux bouts a deux arbres, lors qu’ils veulent fe coucher. plupart font peints de Rocou , 8c par compartimens en guillo- chis faits avec alfez de propor- tion , 8e de juftelfe. Les Breû- liennes qui en font, font fiin- duftrieufes que de cent lits de coton qu’on aporte d’un mê- me endroit , il ne s’en trou- vera pas deux , dont les façons . VIII. r& de P Art. 145 foientfemblables. Auffi les lits 5c la tranquilité dans l’Etat. Il étoit perfuadé qu’il eft très- important aux Souverains , que les peres aient une grande au- torité fur leurs Enfans. Il veut & de l'Art. même qu’ils la portent loin ; parce que l’imagination d’un enfant ployée de bonne heu- re , & entretenue dans une dépendance enciere fous l’au- torité paternelle, trouve dans la fuite moins de peine à por- ter le joug de la Domination Royale. Les Chinois , Sc les peuples voifms de la Chine , comme font ceux du Ton-' <]uin , Sc du Japon , apellent Confucius le Sage ^ le Saint- L’Evangile n’eft pas en plus grande vénération chez les Chrétiens , que fes écrits le font parmi ces Nations. Il n’y a point de ViHe , qui n’ait un Collège magnifique dédié à Confucius j 6c on y voit par tout ces infcriptions en lettres d or : Au grand Aiaitre , ou bien : A l'illufire Roi des lettres , Jamais Philolophe n’a reçu. tfj G Curiojîtez^de la 27 attire plus d’honneurs de fa Nation } jufque-là qu’on a même ho- noré fa pofterité , non-feule- ment par des titres de No- blefle ; mais encore par de grands revenus , & par des dif- tin&ions particulières. Comme il n’eft permis qu’aux Rois de la Chine d’avoir des Cigognes pour Simbole , & que cela eft défendu aux Seigneurs , quel- que grands qu’ils foient ; c’eft donc une grande diftin&ion pourConfueius,d’en avoir dans lès images. Cela eft fans doute permis pour de grandes raifons. Je croi en pouvoir donner quel- ques-unes. Il faudroit n’avoir jamais lu les Livres d’ Ornithologie .pour ignorer tout ce qu’on dit de curieux fur cet Oifeau , lî con- nu fur les rivages du Nil ^ com- me parle Alciat , Emblem. 87. & de l'Art. *57 Quœ roflro clyjlere velut Jîbi pro- luit alvum , ibis Hiliacis coqyiita littoribus. i. La Cigogne efl: d’un natu- rel doux, 8c très-facile à aprivoi- fer j 8c elle le plaît à demeurer parmi les hommes. Ceft pour- quoi cet oileau a toujours été en conlîdération chez toutes les nations. Dans la Thedàlie c’ët-oit un crime de tuer une Cigogne ^ 8c on en punifToit le meurtrier, de la même peine» que les Loix ont décernées contre celui qui avoir tué un homme. En éfet les Cigognes tuent , 8c mangent les Ser- pents , 8c en purgent les pays qu’elles fréquentent. Pline » Z,ib. JC. cap. 23. Et Cicéron avoit dit avant lui, que l’Oi- ièau Ibis eft. l’invincible de£^ Y a 5 S Curiojîtez^de la "Nature trucleur des Serpents , qu’il met en pièces avec un bec d’u- ne corne très-dure. Ce font ces Oifêaux, ajoute-t-il , qui empêchent que la pelle ne foie toujours dans l’Egipte 5 parce qu’ils tuent, & mangent ces Ser- pents aîlez , que le vent Sud- Ouell amène des valleslolitu- des de la Libie. Ainfi les Ibis font bien faifantes durant leur vie, & ne Tentent point mauvais après leur' mort. Cicéron , de Natur. De arum. Lib. II. 2. Plutarque dit que les Egip- tiens ont obfervé , que la Cigo- .gne fe donne à elle-même a- vec Ton bec un clillére fait d’eau de la mer j ce que l’on a depuis adopté 3 & introduit dans la médecine. De induf- tria animalium. C’ell pourquoi • ! George Pilidas dit fort élé- gamment , que l’Ibis eft plus & de l'Art 2 59 Savante que Galien., & que la médecine eft plus redevable à cec Oilêau qu’à ce grand hom- me. Pifîd. in oper. fcx cher uni, 3 . Pline dit une choie admi- rable , èc qui eft vraie } que , quoi que les Cigognes foient desoifêaux paffagers ^ on ne les voit jamais ni arriver , ni par- tir. Elles cachent leur mar- che fi bien , qu’on ne les aper- çoit jamais palTer par aucun endroit. Ce qui eft un mer- veilleux fimbole du fecret qui doit être dans le Confeil des Rois. 4. Les Phifiologiftes difent que les Cigognes prennent loin de leurs peres , èc meres dans leur vieillefle,. &c qu’ils les nouri fient avec un loin tout fingulier. Genitricum feneciam eâucant , Pline lib, X. cap. 23, On ajoute encore qu’elles leur 160 Curiojîtez, de la "Nature aident à voiler, Sc qu’elles vont les premières pour leur fendre l’air , afin de leur rendre le vol moins pénible. Il ne faut pas après tout cela demander la raifon,pourquoi le SculpteurChinois a placé l’Oi- feau Ibis entre Confucius , &; fon Difciple. Toute la Philofo- phie de Confucius tend à main- tenir la paix dans l’Etat, ôc le repos dans les familiesjéc à bien démontrer ce que nous devons aux Princes qui nous gouver- nent, Sc aux parents, dont nous tenons l’être > & la vie : & de ces diférents devoirs, l’Ibis eft un modelle vivant , naturel , Sc très-parfait. Elle eft donc pour les enfans à l’égard des pa- rents, èc pour le$ Sujets à l’é- gard des Souverains ,1e fimbo- le de la piété , dont on doit les honorer , ôc les fervir. Saint & de F Art. i6ï Bafile le Grand renvoie aux Cigognes , les enfants ingrats, & dénaturez , pour aprendre d’elles ce qu’ils doivent à leurs parents. Jam vcro pie tas , & obfequium Ciconiarum erga fms fenio confeclos parentes , Jatis profeclo libéras noflros benevolos parentibus , atque obfervan- ti.fjîmos efficere pote fi , modo men- tent adhibere velint. Hoijiil, VIII. Battit fi -por. Nous voyons fur le revers d’une Médaille de l’Empereur Hadrien,une Cigogne avec ces deux mots P JET AS AV- GV ST A. C’ell qu’elle eft en- core l’image des bons Princes j anfquels elle aprend qu’ils doi- vent cultiver la piété, & avoir un foin extrême de s’abftenir de tout ce qui peut avoir l’air de rigueur , &; d’inhumanité. Voi- la pourquoi les Rois ancienne- ï6\ Curiojîte^ de la Nature ment porcoiencau haut de leur Sceptre la figure d’une Cigo- gne , comme dit Suidas : & en- core aujourd’hui l’Empereur de la Chine porte toujours fur fà poitrine deux Cigognes en broderie. Enfin l’autorité de la doctri- ne de Confucius , fur laquelle les Rois de la Chine font obli- gez de fe régler 5 le titre même d’illuftre Roy des lettres, dont on l’honore dans toutes les infi. criptions publiques, lui don- nent droit d’avoir dans fes por- traits une Cigogne , qui eft dans la Chine tellement la marque de la Royauté, qu’elle eftrefervée à la feule perfonne de l’Empereur, x6j && 55te s^:-i s&a <^/V%SZ ^/î?> /C3?w /Ç^V? CATALOGUE DE PLUSIEURS Curiolîtez de la Nature* &: de l’Art. MIN ER AV JT. Mine d’or. Marcalîte d’or d’Afri-* que. Mine d’argent. Marcalîte d’argent. Aline de cuivre. Marcalîte de cuivre. Mine de fer. Mine d’Etain. Mine de Plomb. Mine de Mercure , ou Cîn£5 bre minéral. Cuivre rouge du Japon, Antimoine de Siam» 2 6 4- Curioftte ^ de la Nature Aimant d’Orient Syderitis. ] Aimant blanc. Caillou d’Orient , c’eft une efpèce d’Agate. Afbeftos , pierre incorn bufti- ble, comme l’Amiante. Divers Talcs. Diverfes fortes d’ Agates d’O- rient. Pierre Arménienne. Mélo- chitès. Corne de Jupiter Ammon, Pline la place parmi les Pier- res Divines d’Etiopie. Il dit qu’elle a la vertu de faire ex- pliquer ce qu’il y a de Divin dans les longes. Cératitès , o\\V nicornu mine- raie. Pierre Judaïque , P h ami ci- tés , ou T ècolithos. Pierre Lunaire , Selènitès. Pierre Etoilée. Borax minerai brute , qui vient * ( & de l’Art. 2 vient d’une mine proche d’A- La, Ville du Mogol. Os pétrifié , & plufieurs au- tres petiifications curieufès. Langue de Serpent , Glojfope- tra. On a crû que cette pierre étoit une langue de Serpent petrifiee. Mais on efl revenu de cette erreur ; & on fait parfaitement aujourd’hui que c’ed une pierre , qu’on trouve ordinairement dans la terre. , On l’apélle Gloffop- tra , c eft-a - dire , Langue de fierre 5 parce qu’elle a la figu- re d une langue. Pline Lib. XXXJ^ji. cap. i o. dit que cette pieire refièmble à la langue d un homme j il s’eft trompé y fans doute , parce qu’il n’en avoir point vu. Mais elle eft aflez lènfiblable à la langue du Carch arias 5 c’eft-à dire, Chien de mer , ou Rejdn. Ce que z66 Cunojttex^ de lu N attire Pline ajoute , n’eft pas plus raifonnable. Il dit fur la foi des autres , .que cette pierre ne s’engendre point dans la terre > mais qu’elle tombe du Ciel au decours de la Lune , & quelle favorife les defirs des femmes perdues : voila la Fable -, mais difons ce que nous favons de vrai là - deflùs. Bien loin que cette pierre fe forme dans la moyenne région de l’Air avec les foudres , & les tonneres , on la trouve quelquefois très-adhérente aux rochers , & très - fouvent dans les terres , où il y a beaucoup de fable*, Se des pierres de chaux. Gefner veut qu’il y ait de ces pierres-là , qui loient des langues de Serpent. Voici comme il en parle. Il y a, dit -il, une certaine efpèce de pierres en forme de langues v 5 & de r Art. 2£7 qu’on trouve dans J’Iile de Malte , que quelques - uns croient avoir été des dents de ces Lamies , ou femmes mon- ltrueufes, qui iuccent le fana; des enfans que les nourrices ne gardent pas.avec alTez de foin, ■j autres eftiment que ce font des dents de Serpent ; ce qui nie paraît plus vrai-fembla- ble. On les trouve collées en- tre des pierres , & contre les rochers. Leur fyrface eft fort polie , ôc elles ont de petites dents tout autour taillées , ôc arrangées , mieux, qu’un ou- vrier ne pourrait jamais faire. Les langues en un mot font tres-recommandables , par la vertu qu’elles ont de refiler puiflamment au venin ; ce qui me fait croire , que ce font des langues de Serpent. Ge/l wery JLib. IV. de Aquatilib Z il 2.6S Curiofitei^âe la "Nature Plufieurs Bitumes minéraux. Soufre tranfparent de ^ la montagne de la Soufrière a la Guadeloupe. . y E G ET AV X RAcine de Gimzim , fi re- commandée chez les Chi- nois pour un très- grand nom- bre de vertus , qu’ils lui attri- buent. Terra-mérita j ou le Curcu- ma des Arabes 5 ou bien le Crocus des Indiens. Pout-eha , racine odorante d’Afie , excèlente pour réta- blir, & fortifier l’eftomac. Bois de Sagapenum. Bois dont on tire le Baume du Pérou. Boisde Crabe , dont lesPor- tugais fe fervent au lieu de Gérofle , èc de Mufçade. & dc l'Art. Bois de Campefche de Siam. Bois Néphrétique. Tous les Santaux. Charé , bois fort leger , que quelques Idolâtres d’Orient emploient pour les inftrumens de leurs Sacrifices , & de leurs cérémonies. Feuilles de Bétel. Feuilles de China- China. Feuilles de Gérofle. Rôle de la Chine , qui craîc fur un arbre, dont les' feuilles relTemblent à celles de la Mau- ve.. . Fleur de Gingembre. Fleur de Poivre de Guinée. Fruits de diférents Cocos. Une gouÏÏe de Cocotier , dans laquelle eft renfermé un bouquet de fruits. Toile de Cocotier, gu l’en- velope , qui tient la Palme at- tachée au tronc de l’arbre. Z iij lyo Curiofttez^de la Nature Petit fruit d’Afrique , qu’on eftime un fpècifîque afluré con- tre les Cancers , porté en a- mulette fur le mal. Sa figure eft fort finguliere. Fruit de Tamarin. Atte , fruit formé en grap- pe de raifin , 6c couleur de rai- fin violet. Fruit de Cacao , avec quoi le fait la baze du Chocolat. Gouflès de Rocou. • Goufles de Bonduc., apellé par les Indiens Lata. Pommes de Savonnettes. Olives d’Afie. Piftaches de Perfè. Anacardes, épeliez par les Indiens Bibaut. Pignons de plufieurs elpè- ces. Mufcàde mâle. Grofle caflê longue. d’Amé- rique. & de t Art. vji Une longue Gouiîe qui ren- ferme douze châtaignes d’A- mérique dans autant de cel- lules. Fruits de Coton. Y e colt fruit long , couvert d€ plufieurs écailles, qui craîtfur le Palmier de montagne dans la nouvelle Efpagne > 6e que les Américains nomment Quai- chtlepopotli. Ce fruit a quelque reiïemblance avec la pomme- de Pin. D’une feule racine , il en fort deux , ou trois troncs qui portent des fleurs blan- ches, 6e agréablement odori- ferantes/Jean de Laët dit , que ces fruits font tous vuides : Il s’eft fans doute trompé j puis que tous ceux que j’ai , ont au dedans une efpèce de pruneau long , qu’on mange avec plai- flr. Noix d’Acajoux. Z iiij 17* Curîofte \ de la Nature Fruit d’Ouatte. ~ Vanille. Palmes. Courbaris. Abricot de Paint Domin- gue. Cannes de Hicfe. •Un Coco du Pérou. Ce fruit e/l très-curieux. Je croi que le premier Auteur qui l’a décrit, e/l le R. Pere Aco/la Jé/uite , ILib. IV. Hift. nat ural. & mo- ralis Indiarum. Ce Coco e/l rempli d’une pulpe , ou moelle bien difé- rente de celle des autres Co- cos. On trouve dans cette pul- pe , quantité d’amandes très- délicieufes , que l’on apelle or- dinairement Amandes d' An- dos , parce que l’arbre , qui porte cette efpèce de Coco le trouve particulièrement dans les montagnes d’Aados ~ér de l'Art. 27^ au Pérou. Ces amandes font dans une coque fi dure, qu’il ne faut pas moins qu’un mar- teau, pour les calfor. Tout le fruit eft d’une figure allez ex- traordinaire 5 il eft fait com- me une cloche , lors qu’on l’a ouvert vers la tête , où il eft fermé par une efpèce de cham- pignon qui le bouche. Son é- corce a un doigt d’épaiïïeur , & eft aulfi dure que le font or- dinairement les Cocos. Acofta allure que les amandes, qu’on trouve dans ce fruit, font d’un très- bon goût , trois fois plus grollès que les amandes or- dinaires , & qu’on les fort for table parmi les fruits les plus eftimez, & les plus délicieux. Chioccus a fait graver ce fruit & on le trouve dans le Cabi- net de Calceolarius pag. 623. où il eft fort bien répréfonté. . % a 74 Curiojite ^ de la Nature Ris en épi. Millet de faint Ambroifè. Graine de Coton. Acacia d’Egipte. Pois à gratter. Goufle , & graine de la man- ne mufquée d’Amérique, au- trement graine de mufc. Pois de merveilles. Graine d’une Rôle de la Chine. Graine de jonc odorant. Plufieurs goufles de diféren- tes efpèces de Cardamome. Graine de Varougou, plan- te d’Afle. Graine de Nat-chéni , plan- te d’Afle. Graines de plufleurs efpèces de Senfitive. Graine d’Ozeille quarrée d’Afle. Graine d’Achek-pitcha fleur d’Afle. & de î Art. 27 5 Pépins d’Attes. Coton commun. Coton de Maho. Kaire , Filaflè qui couvre les Cocos , & donc les Indiens font leurs cordages. Pitte 3 Filaffe d’Amérique. Différents Litophitons , ou plantes pierreufès de mer. Différentes Mouffes d’O- rient, très-curieufes. Baume blanc, d’Egipte. Baume du Pérou. Baume de Copahir. Bdellium, Gomme. Benjoin. Huille de Palme. Huille de Camfre de Céiîan, qui fe tire de la racine du Ca* nellier ; & ainfi apellée , parce que fon odeur aproche de cel- le du Camfre, Sucre d’Erable du Canada. Zj6 Curiojîtcz^de la Nature A. NU MAV2T. MOgue , Soie d’un Vers fauvage d’Afie, apellé Taxai. Cancre de mer. Une Etoille de mer , Poif- fon. Mouches cornues de l’Amé- rique. Un Damier, Oifeaude mer qui fe trouve aux environs du Cap de bonne Efperance j ain- fi nommé,. parce que la plume de de (Tou s Tes ailes effc par quar- rez blancs , Se noirs. Hannetons d’un verd doré , d’Orient. Touffe d’aigrette qui fe trou- ve couchée entre les aîles de l’Oifeau nommé , Aigrette. Nez d’Efpadon, poiffon de & de l’Art. 177 Ôeufs d’ Autruche. Il faut ob- fêrver que ceux , qui ont été pondus dans l’Afrique , ont la coque incomparablement plus épaiffe, queles œufs des Au- truches de la Menagerie du Roy. Differents coquillages cu- rieux. Coris, petit coquillage blanc» qui vient des Maldives , ôc qui fert de monnoie dans une par- tie de l’Afrique, &: de l’Aile. Blatta Byfantia , ou Vnguis odoratus. Différentes Tortues de ter- re , &. de mer. Colibri , petit Oifeau d’A- mérique , & dont les femmes Américaines fe font des pen- dants d’oreilles aux jours de ré- joüiffance. Un doigt d’une ancienne momie d’Egipte. ijS Curiojïte^de la Nature LES AK T S. G Argon lis , ou Vai fléau à fumer, à l’ufage des O- rientaux. Plar d’une terre qui fe trou- ve dans les Montagnes de Nel- gari , Province d’Orixa dans l'Empire du Mogol. Cette ter- re elt fort eftimée des Ido- lâtres du pays ,• parce qu’ils croient qu’elle eft tellement fainte par elle-même, qu’elle nefauroitêtre fouillée, quel- que yfag^ qu’en puiflent faire ceux qui ne font pas de leur Religion. Au contraire ils n’o- fent fe fervir des vaifleaux- faits d’une autre terre, quand d’au- tres gens qu’eux les ont tou- chez. Une boëtte verniflee dans la- quelle , les femmes Indiennes & de ï Art, 279 mettent une poudre minérale rouge j dont elles fe barbouil- lent le front j pour aprendre à ceux qui les voient, qu’elles font mariées. Flèches , dont fe fervent les 'Siamois. •Autres Flèches d’Améri- que. Arc , de Bois de fer d’Amé- rique. Arc fait de corne de Bu- lle. Autre Arc de bois de Bam- bou, pour la chafle des Oi- feaux ; & ou l’on met au lieu de flèches , de petites balles de terre cuitte. Un Bouclier , ou Rondache fait de bois de Bambou du Tonquin, Un Boutou , ou bâton de Chef de troupes parmi les Sauvages d’Amérique. iSo Curiofîtez^de la Nature Armes; favoir un Arc, des flè- ches, un Carquois, avec une efpéce de Pannetiere à l’ufage des Seigneurs Tartares. Le Carquois, & la Pannetiere fonc de peau d’homme , paflee très- proprement. Flûte des Sauvages de l’A- mérique. Flambeau apellé Damar > fait de gomme odorante , dont les Orientaux de condition le font éclairer. Cabaïe, ou habit des Mo- gols Cadenatz de la Chine. Or batu de la Chine. Or filé de la Chine. Papier de la Chine fait de foie. Eftampes de la Chine. Petites Taflès, d’une elpèce de vitrification blanche de la Chine. Braflêlets, & de l’ Art. zS i Braflelets , dont fe fervent Le Damés des Indes. Le plan de la Loge de la Compagnie des Indes, à Chan- dernagor. Différents houragans , ou pe- tits paniers faits d’écorces d’ar- bres par les Sauvages du Ca- nada.. Le Souï , liqueur rouge , qui fe fait au Japon, & qui eftpeu connue en France 5 les Indiens en font un grand ufage. Ce feroit un excèlent Reftatirant y pour réparer les forces d’un malade convaîefcent » ou d’un homme fatigué. Les Indiens en abufent , afin d’exciter en eux une paffion qui ne les do- mine déjà que trop. L’incon- tinence eft un des delbrdres régnants dans les Indes, & ce- pendant il n’eft rien que ces malhûreux Idolâtres ne mé- Aa *8i Curiojttex^ de la Nature tent en œuvre , pour l’augmen- ter , & la fortifier en eux. Tout ce que j’ai pu lavoir de cette compofition , c’eft que fa baze eft de jus de bœuf à moi- tié cuit. Les Japonnois font fort jaloux de ce fecret. Us rangent le Souï entre les mar- chandifes qu’ils eftiment da- vantage i parce que cette dro- gue leur attire le commerce des Indiens „ qui viendroient au Japon par le feul empref- fement qu’ils ont d’avoir de cette liqueur. Quelques Monnoies des In- des. F I N. LES MINEE AV X. m mmsmmsm . TABLE REIation abrégée de deux Voya- ges faits aux Indes ; Jun aux Indes d’Occident , & Tautre aux Indes d’Orient , page i» Lettre de M„ l’Abbé de Vallemont * . j- Curiofitez de la Nature , & de TArt^ LÀ terre de Patna , écp Les Pierres de Serpent y 72, La Pierre d’Âigle : la Pierre quar- rée 'des Indes ^ 77 Le Jade, 8z Le Jafpe vert fanguin Oriental , Sy La Pierre de la petite Vérole ^ 92. La Pierre N éfr étique , 9^ La Pierre Divine 5 98  a i j TABLE LES VE G ET AV X% T E Macha-mona , ou la Calle- JL j baffe de Guinée, ioj L'Aouara , # 10*7 La Badiane , 109 Le Let-chï, ru Le Mangouftan , 113 Le Panache de mer , ou la Palme marine, 114 La Fève fébrifuge , * 119 Le Bois de Bambou, 121 La Noix dJAréca , - 12.7 Le Bois d' Aigle , 129 Le Bois , & la Gomme de Taca- maca , 134 Un Litophiton extraordinaire, 137 Une Racine de Mabouia , 140 Le fruit , 3c la gomme du Cèdre du Liban , 144 Une grollè Rofe de Jérico , 146 LES AN I M AV X» LE Cancre marin pétrifié , iji Un Caïman , ou Crocodile des Indes d’Orient 7 154 TABLE La Pierre de Lamantin , t€% Le Cheval-marin , 164 Nids d’Alcyons , oiieaux d’Orient , 170 Nids da Tati , où oifeau mouche 9 175 Un Serpent de la Guadeloupe , 17& Le Rinocéros , • j8$ Le Bézoard , Le Huart , oifeau de Canada , 20 G La Mangoufte , 208 Defcription d’une oreille du cœur^ 8c d’un ventricule extrêmement dilatez. , 21I Vers fortis du nez d’un malade , 2.1 § LES ARTS. LA Pierre Divine pour les yeux,: 118 Pilules purgatives , 224, Miroir du métail du Japon , 226 Une petite Pagode du Japon , 229 Tambour de la Mufique du Roy de Siam , 23-4: La petite Balance portative des Chu nois , 237 La Gargoulette , & le Porte -Gar- Fin. de la Table, ii ï m - ifr m£T; ~ ir* îfi 'nV*i^'‘'i afetiJlüAir f