' • • v - • CURIOSITEZ D E LA NATURE £ T DE L’ART, A portées dans deux Voyages des Indes j l’un aux Indes d5 Occident en ié^8. &; i(35>5). & l’autre aux Indes d’Orient en 1701. &; 1702. AVEC VETE RELAT 10 JSf abrevee de ces deux Voyages, fâ*£éù A PARIS, Chez Jean Moreau, rue S. Jacques 3 à la Toifon cTOr , vis-à-vis S. Yves, M. D. CC III. AVEC FRI VILEGE DV ROT. Digitized by the Internet Archive in 2017 with funding from Getty Research Institute https://archive.org/details/curiositezdelanaOObiro_O A MADAME LA MARQUISE D E LA VALLIERE* ADAME, Le favorable accueil, dont Vous ni ' aveXfionoré , lors que a ij E P I T R E. fai eu l'honneur de vous faire voir quelques feuilles impri- mées de cet ouvrage , me fait efipérerque vous ne defaprouve * ref point la liberté que je prends , de le rendre public fous les aujpices de votre il - luflre Nom. Je fer ois bien con- tent fi la leffure de ces recher* ches $ pouvoit y Madame, vous divertir quelques mo- ments. Ad ai s je dois craindre ce difcernement fi jufle y & cette vertu auflêre , qui veut trouver par tout un air de cette pieté admirable , que vous joi - gne'fau Sang illuftre , dont vous êtes née. Toutes vos ac- tions y Madame, répons E P I T R E. dent parfaitement à la gran- deur de votre naijfance ? & a ces nobles fentiments de va- leur y & de Religion , qui font de tout tems héréditaires dans votre Maifon : car enfin elle s efi toujours difiinguée par les importants fervices 3 quelle a rendus , & quelle rend encore continuellement à l'Eglife y &d l'Etat. Je ne me hasarde pas d en dire davan- tage \ je ne fuis ni Hifiorien ^ ni Orateur : & quand je ferois Eun & l'autre , je dois Jonger d ne pas bleffer votre modeftie , qui vous fait placer les louan- ges y que votre mérite vous at- tire parmi les plus infuporta - E P I T R E. hles cbofes de la vie. Il vaut mieux , Madame, que je penfie à implorer votre prote- ction y & à mériter la per - mijfion de me pouvoir dire avec un refpeél infini y MADAME^ Votre très-humble & très- obeïÆant ferviteur , C B i r o N. i$5s PREFACE. L y a des perlbnn.es bienfenfées, quivou- droient que l’étude des Phyficiens fe tour- nât à la recherche des vertus , & des propriétez , que l’Auteur de la Nature a mites dans les Minéraux , dans les Plantes , dedans les Animaux. A lave- rité cette connaiffance leur coûteroit moins de peines 5 Sc feroit plus utile à la focicté des hommes , que toutes ces vaines dilputes , qui les occu- pent depuis tant de fîècles. Il eft étonnant que depuis en- viron deux mille ans que P011 philofophe inutilement , pour Ij PREFACE. découvrir Feflènce , &: la natu- re de chaque chofe , on n'ait point reconnu , que puifqu’on n’a pas réiiffi jufqu a prèle nt dans cette recherche , on n’y réiiffira jamais. Toutes les cho- ies naturelles , êcienfibles ,font compofëes de la même malle de matière 5 &: toute la diferen- ce 5 qui eft entr’elles , ne vient que des divers arrangements, que la figure , le mouvement , la contexture, &: la differente fituation ont aportez dans cet- te matière. Or cette diférente organi- sation eft le jeu de la Toute- puiilance de Dieu 5 Ludens in orbe te rr arum. Proverb. VIII. ■C eft le fecret mécanifme de fes merveilleufes opérations au dehors de lui-même > c’eft ce que les Philofophes cherchent à connaître depuis fi long- PREFACE. fîj tem s. Leur travail n’efl pas plus avancé que le premier jour. Pour faveur la diference fpécifîque de chaque chofe , &c ce que l’Ecole nomme 3 forme fubftantielle , ou caufe formelle , il faudroit l’aprendre de cette SagelTe Eternelle,' qui accorn- pagnoit le Créateur dans la formation de l’Univers , &; qui parle ainlî d’elle -même : J’ai été établie dés l'éternité , & dés le commencement , avant que la terre fut créée. Les abîmes né - toient point encore , lorfque fétois déjà conçue $ les Fontaines né- toient point encore [orties de la terre 5 la pefante majfe des Mon- tagnes n ètoit pas encore formée s fétois enfantée avant les colli- nes. il n’avoit point encore créé la terre , ni les fleuves , ni af er- rai le monde fur fe s pôles. Lorf - qu il préparoit les Cieux > fétois iVf PRÉFACÉ, préfente ; lorfquil environnolt les abîmes de leurs bornes , & quil leur prefcrivoit une Loi in- violable 3 lorfquil afermijfoit’ F air au deffus de la terre , & qu il difpenfoii dans leur équi- libre les eaux des Fontaines $ lorf qu'il renfermait la mer dans fes limites , & quil impofoitune Loi aux Eaux , afin qu elles ne fajf a fient point leurs bornes j lorf qu il pofoit les fondements de la terre 3 f é toi s avec lui 3 & je règlois toutes chofes : Cum eo eramcunfta componens. Proverb. Cap. VIII. f. 13. &c. Pour fa- voir donc ce qui conflit uë formellement Tefience d’une choie , il faudroit avoir été du eonfeil de Dieu > quand il for- moit les Créatures. Quis con- filiarius ejus fuit. Rom. XI. f. 34. Nous n’en lavons pas au- jourd'hui plus qu’en fa voie ne trefacê. V Platon , & Ariftote , qui n’en favoient rien du tout. Un brin d'herbe , que nous- foulons fous nos pieds , eft l’é- cueil de tout le fuperbe apa- reil de la Philofophre. Un payfàn en voit autant par fes yeux, qü’un Phyficien en fait après trente années d’étude, &c de contemplation : fi ce n’eft Î>eut-être,que ce Phyficien par e fecours d’un bon microfco- pe fpéculera plus intimement la furface de ce brin d’herbe» Mais après tout où il ira-t-il5 avec cet ingénieux infini- ment d’Optique? Il verra un peu mieux l’admirable con- texture de la matière dans la fuperficie de ce brin d’herbe & pas davantage. La caufe formelle , qui fait l’efiènce , 8c la nature de quelque corps que ce foie , n’eft point à la Ÿj E REF ACF. portée des machines de l’Op- tique , ni de la jurifdiétion des fens 5 de la raifon , qui ne juge que par leur mimitere , des chofès naturelles 5 ne peut pas aller plus loin. Quand les Philofophes fe font liafardez de vouloir palier au-delà , ils font tombez dans des contra- dictions , de dans des extrava- gances j qui dégradent la Phi- lofophie. Autant de pas 5 au- tant de chutes ; de nous de- vons de la pitié à leurs égare- jmens , & à leur honte. Il n’v a qu’à les ftiivre jdans leurs pré- mieres démarches 5 pour voir de quoi ils font capables. Voyons feulement , comme ils s’y prennent , pour expli- quer les élémens , dont les choies feniîbles font compofées. Héraclite dit qu’il n’y a qu’un clément 5 de que c’eft le Feu. PREFACE. vîj Talés de Miïet foutient que c’eft Y Eau. D’autres aflurent que c’eft Y Air. Ânaximandre prétend que ce n’efl: point le feu , ni l’eau , ni l’air $ mais que c’eft quelque chofo de plus groffier que le feu, 6c de plus lubtil que l’air. Les uns n’admètent qu’un élément , d’autres en r.econnaifTentdeuxj quelques-uns trois 5 les Péri- patéticiens quatre 5 les Clii- miftes cinq. M. Defcartes le fbû lève contre tous les an- ciens , répudie tous leurs élé- mens, 6c en forge trois nou- veaux, qu’il crait pourtant s’ê- tre trouvez à la naiflance du monde. M. GalTendi , qui 11e peut convenir avec la plûpart des anciens ^ 6c qui ne fauroic goûter la matière fubtile , la matière globuleufe , 6c la ma- tière cannelée de M. Defcar- viij PREFACE. tes , met en campagne la for- midable armée des Atomes d’Epicure ; &c félon cet Epi- cure , par le plus hûreux na- fard qui fut jamais il s’en eft formé tout l’Univers , fans que perfonne y ait fongé. Pour Ari- ftote , après avoir pofé , que le monde n’a point commen- cé , de qu’il eft éternel 5 il s’eft avifé de créer les quatre Ele- mens 3 qui ne fubfiftent que dans fa Philofophie. Car dans la nature 9 il n’y a point cer- tainement une terre , une eau , un air , & un feu , qui foient des corps fimples au point où le doivent être les premiers principes des chofes naturel- les. Quant à l’éternité du mon- de 3 il n’a point fait attention à Pétât , où étoient les Sien- ces , 6c les Arts de fon tems. Tout étoit fi nouveau , fi grof- PREFACE, ix fier 5 fi imparfait 3 dans les arts $ qu’il ne falloit pas d’autre ar- gument , pour reconnaître non feulement que le monde n’é- toit pas éternel * mais que même il ne pouvoir pas être fort ancien. Nous favons le point de la nai fiance des Siences 3 & l’Hiftoire des fiè- cles les plus reculez , porte des vertiges d’un monde tout recent. Parkérus Anglois a paru depuis quelques années fur les rangs. Il a déclaré une guer- re ouverte à Ariftote , à Défi- cartes 5 êc à Gartèndi 5 il les fuit pié - à - pié 3 & gagnant toujours du terrain fur eux ^ il les charte enfin du pays de la bonne Philofophie. Il aban- donne à M. Defcartes la viva* cité de fon efprit , & la vafte connairtànce dans les Mâché- * PREFACE. matiques 5 mais du refte , il Eaccufe de n’être point entré dans la Philofophie par la por- te de la Dialectique j, qu’il ignoroit, dit- il ,, abfolument. Et delà il s’aplique à le ré- préfenter , non comme un bon Phyficien 5 mais comme un avanturier dans la ré- gion des tourbillons , & des chimères. Il faut avouer que s’il falloir compofêr un corps de Phyfîque , des fentimens de ces Philofophes 5 dont les grands noms font fi vantez dans le monde , on feroit un ouvrage le plus burlefque , qui ait jamais été. En éfet , ces Mages qui ont philofophé chez les Perfes 5 ces Caldéens qui fè font faits un fi grand nom dans la Babilonie , & dans l’Affirie j ces Braclimanes,ces Gymnofophiftes qui ont brillé dans P'REFACB. ^ xJ dans les Indes 5 ces Prêtres dyEgypte qui étoient les dé- pofitaires de toute la Littéra- ture des Egiptiens 3 ces Drui- des qui ont enfeigné lafagefiè dans les Gaules 3 en un mot ces Philofophes , dont la Grè^ ce étoit fi fort entêtée * étoient aflurément de mauvais Phyfi- ciens. Anaxagore difoit que le Soleil n’étoit point autre cho- fe , qu’un gros caillou embra- fé. Les Egiptiens foûtenoient que le Soleil, & la Lune étoient deux Divinitez adorables 5 que le Soleil étoit Ojïris , & la Lu- ne J fis. Ariftote donnoit à chaque Aftre , Si à chaque Etoille , un condu&eur pour les mouvoir , & pour les ré* gler. Les Stoïciens vouloient que le monde fût un grand animal > peut - être quelques- uns d’eux, auront penfé que le ë xij T RE FACE. Soleil 5 & la Lune étoient fes deux yeux. Pline eft allé plus loin 5 il croyoit que le monde étoit Dieu même 5 &; il lui donne tous les attributs de la Divinité. Epicure enfeignoit que le monde avec tout l’or- dre , & toutes les beautez , que nous y admirons 5 s’eft fait tout feul par la rencontre , êc le fortuit concours des Atomes > fans quaucune caufe intelli- gente s’en foit mêlée. Si quel- qu’un s’avifoit de foûtenir * que l’horloge de la Samaritai- ne, qui eft fur le Pont-Neuf * s’eft faite elle-même, s’eft ar- rangée , s’eft mife en mouve- ment , & s’eft réglée , fims que perforine y ait mis la main,, oii l’accufèroit de folie ^ on le prendroit pour un imbécile > & on ne le croiroit pas. Ah 1 Seigneur ! Qu’eft-çe que cette PRÉFACÉ. xff; Horloge „ toute ingénieufè- nient faite qu’elle eft en corn- paraifon de Pimmenfe machi- ne de l’Univers ? Tant il eft vrai , qu’il n’y a point d’extra- vagances 5 où ne foient tom- bez les Philofophes , quand ils fe font ingérez de pénétrer dans le fein de la Nature , & d’expliquer l’eflence des cho- fes naturelles. Toute l’intelli- gence des hommes ne fauroit aller là. Dieu n’a point fait l’Univers 5 pour être l’objet de nos recherches, II l’a fait* afin que nous l’y cherchaffions lui-même 5 êc que nous y re- connuflions dans le lîlence d’u- ne contemplation Religieufe fa Divinité , fa Puiflance éter- nelle , & tou les les perfections invifibles ^ que par la Création du monde il a fi fenfiblement dépeintes dans fes ouvrages, a i] xiv ? RE F A CE, Il nous en a caché la caufe formelle , non pas pour nous la faire chercher : qu'en avons- nous afaire ? mais afin de nous fixer à la connaiflance de la Caufe Efficiente , qui eft lui-mê- me 5 afin de nous élever par la vûë des merveilles incom- préhenfibles de la nature, aux chofes invifibles 5 en un mot , afin de nous faire monter des créatures au Créateur. Le Sage dans rEcriture Sainte fe rit des inutiles éforts de ces fuperbes Philofophes , qui veu- lent connaître la nature , & l’eflence de chaque chofè r. Dieu , dit-il , a livré le mon» de à leur ignorance, êe à leurs difputes : Mundum tradidit dif~ putationi eorum , Ecclef Cap J IL Ÿ* 11. En éfet dans cette con- fufion d^opinions fi étranges * le monde eft devenu pour eux PRÉFACÉ. xv un cahos, où ils ne compren- nent rien , & où ils fe perdent. Qu’un Philofophe eft emba- ralïë , quand il veut trouver la raifon , pourquoi le mouve- ment des Aftres eft circulaire v pendant que le mouvement des élémens eft droite de per- pendiculaire du haut en bas 5 de de bas en haut ! Il a beau donner la torture à Ton eipritÿ il ne rencontrera dans fa tête que des fonges , de des chimè- res 5 il faut qu’il s’élève juf- qu’à Dieu, qui a établi ces Loix opofées > de ces mouvements contraires , dont dépend ce- pendant tonte Tharmonie de î’Univers. Ainfi il ne refteàun Phyficienquelacontemplation* & l’étude desVfages la la- geffe de Dieu tire de ce dife- rent arrangement de la matiè- re i de des F ins y où fafagefleJL&; t XVJ PREFACE, fa bonté conduifent toute cet- te matière mûë par des mou- vements fi difcordants. Tout cela, pour conferver la natu- re dans un état de confiften- ce inaltérable : 8c le tout pour le férvice de l’homme. Seroit- ce renfermer un Philofophe dans des bornes étroites , que de lui abandonner la contem- plation du mouvement des Âftres, fans lui permètre pour- tant d’imaginer des Loix de Mécanique , par lefquelles il prétendroit que la matière une fois en mouvement , fe feroit arrangée d’elle-même dans ce bel ordre , que nous voyons dans les Cieux ? La raifon ne connaît point ce prétendu mé- canifme ^ félon lequel 5 quel- ques-uns veulent , que la ma- tière en mouvement devoir faire d’elle -même des tour- P RB FA CE. xvij billons , des Aftres , le Ciel , laTerre, les Plantes, les Ani- maux , 8cc. Mais voici comme la raifon penfe , 8e parle ? O l S agejfe , ta Far oie Fit éclore l'V ni vers 5 F o/a fur un double Pôle JL a terre au milieu des Mers . Tu dis, Et les deux parurent $ Et tous les Ajlres coururent JD ans leur ordre fe placer. Avant les Siècles tu régnes: Et qui fuis -je j que tu daignes Jufquà moite rakai/ferï M. Racine. Ce Philofbphe encore une fois , n’auroit-il pas allez d’ef pace , pour donner carrière à ion elprie , en lui cédant les météores , l’air , la terre , la mer ô les minéraux , les plan- tes ? 8e les animaux , pour les xviij PREFACE. ob jets de fa fpeculation ? La gé- nération des météores , des minéraux, des plantes, des a- nimaux 5 leurs divers états ; leur acroiiïement 5 leurs orga- nes 3 la maniéré dont ils pren- nent leur nouriture 5 l'anato- mie de ces chofes 5 la décou- verte de ce qui les compofe ? enfin leur décompofition mê- me 3 tout ce qu’une exade ana- life en peut tirer de Tels, d’ef prits , de fucs , de foufres, leurs ulages 5 enfin leur utilité , leurs forces, leurs vertus, leurs facili- tez , pour la fanté , & pour la vie de l’homme 5 tout cela n’effc- II pas fufifant, pour ocuper le génie d’un nombre de Phyfi- ciens incomparablement plus grand qu’il n’eft ? Et alors la Phyfique feroit utile à la fbcic- té des hommes , 6c les mène- ront même à Dieu ? par la né- ceffite PREFACE . xîx ceffité de reconnaître , que la matière , qui eft par tout la même , n’a reçu ces diféren- tes qualitez , dont nous ti- rons tant de fecours , que par la diferente configuration, que l’Auteur de l’Univers lui a don- née. Et c’eft ce que Cicéron » qui nous a donné de la vérita- ble vertu les idées les plus bel- les, & les plus fublimes, que la fagefle païenne en a jamais donnée, vouloir trouver dans la fience naturelle. La vue , dit - il , du grand fpe&acle de l’Univers nous élève à la connaiflance de Dieu 5 d’où la piété prend naiilànce 3 &c la piété a pour compagnes in- féparables la juftice , & les au- tres vertus , qui conduifent à la vie lieureufe. Quæ contuens animus 5 accipt ab bis cognitio- nem Deorum : ex qua oritur pie* ï XX PREFACE, tas cui conjunÜa jufli tia ejl , re~ liquœ virtutes : ex quibus vit a beata exiftit . Cicero . de Isfatur. Deorum Lib. II. 21. 153. S. Auguftin die a merveilles la même chofe. Nous admirons tous les jours , dit-il , la beau- té du ciel 5 le cours fi réglé des aftres ; l’éclat de la lumière ; la viciffîtude perpétuelle des jours, êc des nuits 5 l’accroifiè- nient, &: le décroifiement de la Lune dans l’efpace de cha- que mois 5 les diverfes tem- pératures des quatre faifons de l’année,, qui répondent à celles des quatre élémens ^ la vertu merveilleufe des femences , dont chacune produit une ef- pèce particulière „ &c qui tou- tes impriment à ce qu’elles produifent , les vertus qu’elles renferment 5 &: enfin tous ces divers genres de chofes , que PREFACE. xxj rUnivcrs expofeànos yeux, & donc chacune fait conierver ce qui eft de fon eflenee , & de fa nature. Mais il ne faut pas. regarder ces chofes-ld d’une vue légère , & fuperficielle , qui n ail- le qu a fatisfaire une vaine eu * riojîtê : il faut qu elles nous fer- vent de degré y four notes élever vers ce qui efi immortel y & qui fu b f fie éternellement. In quorum confideratione non vana , &: peritura curiofitas exercenda eft,, fed gradus ad immortalia, &femper permanentia facien- dus. S. Augufi. Lib . de Vera Relig. cap. XXIX. En publiant la defeription ÿ qu'on a faite des Curiofitez de la nature , & de l’arc , on eft demeuré dans les termes qu'on preferit ici. On parle de leurs vertus, & de leurs pro- priétez par raport à futilité , sxij P REV ACE, que les hommes en peuvent tirer , pour la fanté , & pour la vie. On ne prétend pas, que tout ce qu’on y dit fur cescho- fes curieufes aportées des Iru des, foit nouveau, il y a mê- me plufieurs de ces curiofitez , dont diferents Auteurs ont dé- jà parlé. On raporte leurs fon- timens. On les combat quel- quefois: toujours fans aigreur, & dans la feule vue de trou- ver la vérité * & d’être utile à la fociété des hommes. Ce- pendant ceux qui liront ces defcriptions, ne laifleront pas d’y trouver un air de nouveau- té ; parce qu’on y a joint des obfervations , qui font afluré- ment toutes nouvelles. Autant de livres de Phyfiologie , £c de Cabinets imprimez , autant devûësdiférentesfur les mêmes chofes^parceque chaque Phyfî- PREFACE xxiij cîen fe fait une idée, qui lui eft propre , fur ce qu’il expli- que* D’ailleurs l’un regarde un objet par un côté j & un au- tre le confidére par un autre x endroit : & c’eft juftement en publiant ces diférentes vues, que diverfes perfonnes ont fur la même matière ÿ que Ton porte la Phyfique à fa perfec- tion. Je voudrois bien pouvoir contribuer quelque chofe du mien au progrès d’une Sien- ce fi belle , de fi utile aux hom- mes. J’ai bonne intention : c’eft au Le&eur à juger, fi lui pré- fente quelque chofe au delà. Aprobation de M. de I ont enellés de l'Académie Françoise. J* A Y lu ce Manu fc rit par ordre de Monfeigneur le Chancelier , 6s je n’y ay rien trouvé qui en doive empêcher l’Impreiïion. Fait à Paris ce ij.Jjanvier 1703. Signé * Fontenelle. P RIVILT.G E DV POT. LO U I S par la grâce de Dieu Roy de France & de Navarre : A nos amez & féaux Confeill'ers , les Gens tenans nos Cours de Parlement , Maîtres des Requêtes Ordinaires de nôtre Hôtel, Grand- Cônfeil, Prévôt de Paris, Baillifs, Se'ne'chaüx , leur Lieutenans Civils , & autres nos Jufticiers , qu’il appartiendra s Salut. Jean Moreaiî Imprimeur & Libraire à Paris , Nous ayant fait fupplier de lui accorder nos Lettres dé Privilège, pour l’impreflion d’un Manufcrit qui a pour titre , Curiofite \ de la Nature & de l’Art , découvertes dans deux Voyages des Indes , l’un aux Indes d’Occident en I6y2. & 1699. Vautre aux Indes d3Q rient in xyoï. & 1701. Avec une Relation abrégée de tes Voyages. Nous lui avons permis & accor- dé , permettons & accordons par ces Prefen- tes d’imprimer onfaire imprimer ledit Livre en telle forme, marge , caraftere Sc autant de fois bon luy lui femblera pendant le temps de cinq années confecutives , a compter du jour de la datte des Prefentcs, Sc de le vendre ou faire vendre & diftribuer par tout nottc Royaume ; Faifant défenr* Lésa tous Libraires , Imprimeurs Sc autres, dans la Ville de Paris feulement, de l’im- primer , faire imprimer , vendre ny débiter ou autrement , fans le confentement de F Ex- pofant ou de fes ayans caufe , à peine de con- fïfcâtion desExemplaires contrefaits, de mil- le livres d’amende contre chacun des con- trevenans , appliquable un tiers à Nous , un tiers à l’Hotel-Dieu de Paris, l’autre tiers au- dit Expofant, Sc de tous dépens , dommages Sc interefts ; à la charge de mettre, avant de l’expofer en vente , deux Exemplaires en no- tre Bibliothèque publique, un autre dans le Cabinet des Livres de notre Château du Lou- vre , & un en celle de notre tres-chcr Sc féal Chevalier Chancelier de France le SieurPhe- lypeaux Comte de Pontchartrain, Comman- deur de nos Ordres , de faire imprimer ledit Livre dans nôtre Royaume Sc non ailleurs , en beaux cara&eres&papier,fuivant ce qui eR porté par les Reglemens des années 1618. Sc 1686. Si de faire enregiftrer les P refentes és Regiftres de la Communauté des Libraires de notre b(»ne Ville de Paris , le tout à peine (<3e nullité d’ic elles s du contenu defquelles J'ious vous mandons & enjoignons de faire jouir PExpofant ou fes ayans caufe , pleine- ment & paifiblementjceffant & faifant cefler tous troubles & empêchemens contraires. Voulons que la copie defdites Prefentes qui fera imprimée au commencement ou à la fin .dudit Livre , foit tenue pour dûement ligni- fiée , & qu’aux copies collationées par l’un de nos amez .& féaux Confeillers & Secré- taires , foy foit ajoutée . comme à l’Original : Commandons au premier notre Huillîer ou Sergent de faire pour l’execution des Pre- fentes toutes lignifications, défenfes , failles, & autres adfes requis & necelTaires , fans de- mander autre permifîion , & nonobftant cla- meurde Haro, Chartre Normande , de Let- tres à ce contraires : C a r tel ell notre plai- fîr.DoNNB’ à Verfailles le n.jour dejanvier l’an de grâce mil fepteens trois , & de notre Régné le foixantiérae. Par le Roy en fou Confeil , L £ ® r r. JRegrftré fur le Livre de la Communauté des Imprimeurs & Libraires de Paris conformément aux Reglemens. Signé, P. Traboüiilet, Sindic. RELATION RELATION ABREGEE DE DEUX VOYAGES faits aux Indes 5 Lun aux In- des d'Occident ; & l’autre aux Indes d’Grient. E partis de la Rochelle en 1 £98. au mois de Sep- tembre pour les Ifles de Caienne , de la Martini- que, & de la Guadeloupe. J’arrivai à Caienne , le 4. de Dé- cembre de la même année , où je fèjournai 4. mois. Au mois de Mars 1699. nous Î>artimes de Caienne , & nous al- âmes moüiller au bout de huit jours au Fort de S. Pierre de la Martinique* A 2, Relation abrtgèe Au commencement du mois de Mai nous alâmes à la Guadeloupe en deux jours. Sur la fin de Juillet nous mîmes à la voile pour l’Europe ; & nous arrivâmes en France au mois de Sep* tembre 1699. Il n’y a point d’événemens dans ce voyage, qui méritent qu’on en in* forme le Public. Et de parier de la manœuvre de nôtre Y aideau , des coups de vent , des grains , des ou* ragans , de nos craintes 8c des ma- ladies de ces Ifles ; ce font des cho- fes qui ninterelfent pas allez un Leéteur par elles-mêmes ; 8c je n ai pas d’ailleurs le talent de faire va- loir , 8c de rendre agréables ces mi- nuties en les racontant joliment.Tout ce que j’en dirai , c’eft que je m’y fuis toujours apliqué à étudier les maux de nos malades , &; les difié- rentes curiofitez que la nature pré- fente dans ce nouveau monde. Et comme Caienne n’eft féparée de la terre ferme , que par une riviere , j’étois fouvent parmi les Galibis 9 c eft-à-dire, les Sauvages de ce quar* de deux Voyages faits aux Indes . 5 tier-là, qui aiment les François plus qu’aucune autre nation de l’Europe. J’ai eu occalion de voir parmi eux , 6c dans la terre ferme , beaucoup de chofes très-curieufes , qu’on 11e trou» ve point aux Ides. J’ai aporté de la Guadeloupe ce beau foufFre tranf- parent , 6c jaune comme l’ambre , qu’on trouve en quantité à la fa- meufe montagne de la Soufrière , vers les embouchures de ce terrible Volcan, qui vomit inceflamment des flammes épouvantables. Je n’ai point fait de ce Soufre un article. J’en laiflè la defcription à nos Chimiftes Métalliques de Paris , qui en font fort curieux , & qui le cher- chent avec un admirable empreflè- ment ; perfuadez qu’ils font , qu’il eft bon pour changer la Lune eu Soleil. J’ai parlé dans des articles particuliers de ce qui m’a paru en ce paÿs-là , digne de la curicxité du Public. En 1701. je partis de Paris au mois de Décembre , afin de me ren- dre au Port-Louis , pour le Voya- ge des Indes d’Orient. Aij ^ Relation abregee Je reçus vers la fin de Janvier une Lettre de M. l’Abbé de Valle- mont , où il me follicite d’étudier fpigneufement la nature dans l’O- rient , & d’en confiderer fur tout les trois règnes, dont la Médecine ti- re tant de fecours pour la guérifon des maladies fans nombre , qui afli— orent les hommes. Je faits part de cette Lettre au Public , à qui je croirois rendre un mauvais ofice , fi je retenois dans le fecret une pie ce pleine de curiofité * ôç d’érudition. f LETTRE i DE M. L’ABBE DE VALLEMONT, M O N SI EU R, Ce n’eft donc pas allez pour vous d’avoir vu le nouveau inonde > & d’avoir promené votre curiolîté fur tout ce que la nature produit de plus rare dans la Caienne , dans la Mar- tinique , & dans la Guadelou- pe , ces belles Ifles de T Amé- rique : vous voici tout prêt à vous expofer aux hafards d'u- ne navigation plus longue , de A iij é Lettre de JM. V Abbè plus pénible» A peine êtes- vous de retour des Indes Occiden- tales , que vous allez vous em- barquer pour les Indes d’O- nent. Ne pouvez- vous pas vous contenter d’avoir vu le nou- veau monde; ce vafte pays , qui a ét^inconnu à tout ce qu’il y a eu d’hommes dans l’Euro- pe , dans i’Afie ôc dans l’Afri- que depuis Adam, jufqu’en l’an 1497. que Americ Vefpuce reconnût cette quatrième par- tie du monde ,, qu’il nomma de fon nom Amérique. C’eft donc aux Indes d’O- rient, que vous en voulez pre- fentement. Ainfi de fang froid vous allez renoncer pour lîx mois à être animal terreflre 3 ôe durant ce tems-là vous ne lo- gerez que dans une Maifon do- tante 3 & fur des Mers fameu- fes par d’infinis naufrages , où de Vallemont . 7 tant d’hommes , ce me femble , peu fenfez ont péri. N’y a-t-il pas affez de genres de mort fur terre , fans en aller cher- cher un nouveau fur mer ? Le vieux Caton , qui étoit fi fage 3 avoit-il tort de mettre parmi les chofes dont il fe repentoit , lafotife qu’il avoit faite d’aller par eau , où il pouvoir aller par terre ? Si nôtre cher Horace vous avoit vu de retour de l’A- merique, & vous préparer tout^ de nouveau pour un autre voyage de mer de fix mille lieues, il vous auroitrépréfenté dans quelqu’une de les Odes, comme un homme ennivré de l’eau de ce fleuve de Thra- ce qui pétrifioit ceux qui en bûvoient 5 ou du moins comme un homme, dont le cœur feroit çnvelopé dans un triple airain. % Zettre de M. l' A b b è llli robur , & as triplex Cire a peiïits erat qui fragile m trnd Commijit pelago ratem Frimas. - Comme tous les hommes n’ont pas la tête faite lune comme l’autre, vous trouve- rez des gens j qui vous aplau- diront fur votre nouvel em- barquement. L’Empereur Tra- jan vous auroit porté envie. Ce Prince avoit une grande idée des pays Orientaux. Il croyoit ces régions, où le Soleil fe lève, plus privilégiées que le refte de la terre. Il regardoit les In- des comme le lieu , où la na- ture avoit répandu . pins libéra- lement /es bienfaits 5 &penfoit que c’étoit là qu’elle faifoitfes plus rares , & /es plus précieux ouvrages. Un jour qu’il voyoit partir quelques Y aideaux pour de Vallemont . 9 l’Orient il ne put s’empêcher de fe récrier .* Plut au ciel que mon âge 3 ma fanté y & mes a fai- re s me fuffent ferme ttre P être de ce voyage ! Utinam vero mi- hi , & otitim , de vira & ætas luppeteret ! Allez donc, Monfieur ^ con- templer la nature dans l’O- rient,après l’avoir étudiée dans l’Occident. Vous êtes curieux 5 vous êtes jeune 5 vous avez de la fanté * de par deiïus tout cela vous êtes libre 5 de la di- vine Providence ne vous a pas encore attaché à un état, qui vous puiffè empêcher de fuivre l’inclination que vous avez de voir , fi tout ce qu’on dit de l’Orient efb au defiiis , ou an defious de ce que vous avez vu dans l’Occident. Je compte bien que vous 11’oublîrez pas de parcourir laies trois règnes io Lettre de Ivt t Abbè de la nature , d’en obferver les fingularitez, & de faire une bonne récolte de ce qu’el- le produit de plus digne d’at- tention dans le règne des Mi- néraux , dans le règne des Végétaux ,ôcdans le règne des Animaux.Quand vous ferez fur les lieux 3 tout ce qui eft terre , pierre , marcafite , métail , bi- tume fec , ou liquide ? tout ce- la eft du règne des Minéraux, & fait partie de vôtre étude. Les femences 3 les feüilles , les fleurs , les fruits , les moufles , les plantes , les arbuftes, les arbres , les écorces , les bois , les racines , les gommes , les baumes , les huiles , tout cela apartient au règne des Végé- taux , & eft un champ , où il faut moiflTonner . Enfin les mou- cherons , les mouches , les in- fedes, les ferpents, les poif- de Vallemont. tt fons , les oifeaux , les bêtes à 4. pieds , l'homme même félon le corps, tout cela eft de la Jurifdictiondu règne des Ani- maux, 6c eft de vôtre compé- tence. Ainfi les chairs, les os, les os pierreux, ou les pierres ofleufes , les bézoards , la graif- fe , la mumie , les peaux , les cornes, les ongles, la cervel- le , les dents, 6cc. doivent être les objets de vôtre curiofité , 6c de vôtre recherche. La mer, outre les poilfons de tant d’ef- pèces , renferme dans fon vafte fein des merveilles, 6c des ri- chefles infinies , qui méritent beaucoup d'attention. Il y a les Plantes marines , les Litophi- tons, les Coquillages, les Per- les, le Corail > P Ambre, le Co- rolloidés , les Madrépores , &c. Voilà de quoi vous occu- 12 Lettre de M. l'Abbé Au refte croiriez- vous qu’il y a d’habiles gens ^ qui ne font pas grand cas de toutes ces drogues des Indes , & qui vou- droient qu’elles ne fufiènt que pour les Orientaux fous le ciel , &: dans le pays defquels la na- ture les produit 5 & que nous autres Occidentaux nous de- vrions nous contenter de ce que cette mere fi fage fait ici pour nous. Je parle très-férieu- lement. Pline , je dis Pline l’an- cien , un des plus avifez mor- tels qui fufiènt de fon temps $ enfin ce Pline fi célèbre , & fi favant dans les choies naturel- les , s’eft fort déchaîné contre les drogues des Indes. Il pré- tendoit qu’il ne falloir point de boutiques d’Apoticaires • car enfin , difoit-il , il n’v a point de Villageois, qui n’ait devant la porte de fa maifon de V'allemont . 13 une boutique de remedes efïèn- tiels dans les plantes que la na- ture y fait croître. Le voici lui- même qui va s’expliquer. Fran- chement, dit-il , la terre j où nous naillons , produit tous les remedes 5 dont nous avons be- fbin , pour rétablir 5 ou con- ferver nôtre faute. Ces reme- des font fimples , faciles à trou- ver, 8c coûtent peu. Mais il eft furvenu des hommes rufez ^ qui ont voulu profiter de la cré- dulité des fimples , 8e de la foibleffe des malades. Il s’eft élevé des Vendeurs de dro- gues , & on a frauduleufement ouvert des Boutiques , où l’on promet de vendre la fauté , 8c la vie aux hommes. C’eft là qu’on vante des mélanges, 8c des compofitions , dont ces Charlatans auroient bien de la peine à rendre raifon. Enfui- 14 Lettre de M. ï Abbé te on a fait venir des drogues de l’Arabie > 6c des Indes : 6c pour guérir une petite plaie , on apliquc , avec un férieux admirable, des drogues apor- tées , dit-on, du voifinage de la Mer Rouge.Cependant les vé- ritables remèdes font ceux que chaquePayfan peut trouver de- vant fa cabane Nous n’a- vons donc pas befoin des dro- gues de l’Arabie 6c de l’Inde. La nature ne les a pas produites fi loin de nous pour nôtre ufa- ge. Elle les a placées là pour ceux du pays. Et ce que les Marchands Arabes , ou In- diens nous vendent , n’eft pas même bon pour eux 5 car ils ne nous le vendroient pas. Ex terra nafcentibus nata mcdicina : hœc fola naturœ placuerat ejje remedia 5 parafa vulgo , inventu facilia , & fine impendio , ex de Vallemont. 15 quibus vivimus . Poflea fraudes hominum y & ingeniorum captu- re y officinas invenere , quibus fua cuique homini venalis pro- ponitur vit a. Statim compofitio - nés , & miflurœ inexplicabiles decantantur . Arabia y atque In- dia in medio œftimantur , ulceri- que parvo mcdicin a d rubro ma- ri imponitur , remedia vera pauperrimus quifque cœ- net. Hift. Nar. Lib. xxiv. cap. i. .... Nos nec Indicarum , A- rabicarumque mercium , aut ex- terni orbis attingimus medicinas. Non placent remediis tam longe nafcentia : non no bis gignuntur: imo ne illis quidem , alioquin non venderent. Lib. xxii. cap. 24. Ce favant Romain donne une excélente raifon de cette fantaifie des hommes , qui pré- fèrent des drogues inconnues qu'on aporte des extrémités î6 Lettre de M. l'Abbé du monde, à celles que nous connaifTons chez nous , de donc on pourroic il bien fe contenter. Tel eft,dit-il,le génie des hom- mes qui ne trouvent ni poin- te , ni agrément dans ce qu’- ils poffedent > de qui coûte peu pendant qu’ils font toujours a- vides de ce qu’ils ne peuvent avoir qu’avec beaucoup de pei- ne : Tanta mortalibus rerum fuarum fatietas. cfi , & aliéna - rum aviditas . Lib . xii. cap. 17. Ces paroles font belles i C’eft fur cette idée-là que Lcvcrovicius en 1643. entre- prit de montrer qu’il croiiïbit en Hollande toutes les plan- tes, de les médicaments né- ceflaires pour les Habitansdu pays. L’ouvrage porte pour ti- tre, AYTAPKEIA BATA- VIÆ. Et ce petit livre a eu beaucoup de partifans de con- fidération , de Valleriiont. 17 fidération , qui l’ont merveil- leufement fait valoir. Mais auflî ne faut-il pas difîimuler , que de grands hommes fe font foûlevez contre le Siftême de Beverovicius , &. ont démon- tré que Pline , à qui la vie ré- glée avoir fait une fanté ad- mirable, en vouloir beaucoup aux Médecins. C’étoit un hom- me d’une tempérance très- parfaite ; & ceux, qui vivent de la forte , n’ont que faire 111 de drogues , ni de Méde- cins. Primerofe Médecin Fran- çois , qui faifoit la Medecine en Angleterre avec beaucoup de réputation , dit fort agréa- blement dans fon Livre de Vul - g/ erroribus 5 que l’ intempéran- ce efi la meurtrière des hommes & la nourrice des Médecins, Ce Primerofe dans ce même Livre , que je viens de citer â B î8 Lettre de M. P Abbé combat favamment Popinion de Pline fur les drogues é- trangeres , 6c renverfe fans r et fource le Siftême de Bevero- vicius . Il dit fort judicieufè- ment que Dieu a voulu qu’il y eût un lien de fbciéte en- tre tous les hommes 3 que ç’effc pour cela que chaque pays a des dons , 6c des avantages qui lui font propres , 6c que le commerce 3 6c la navigation rendent communs aux régions qui ne les ont pas. Pourquoi voudroit-on que ce que P Au- teur de la nature a créé de de bon dans un pays , quel- quefois inhabité , ne pût être communiqué aux autres ? Vou- droit-on laifler Pillage du fu- cre, qui eft fi agréable 6c fi falutaire > aux feules régions où croiflènt les cannes > d'où on exprime ce précieux fel fi baL de Vallemont , î<> famique ? Vantons tant qu’il, nous plaira la Sauge de nos jar- dinsjétonnons nous avec toute l’Ecole de Salerne , de ce qu’ont ne laifle pas de mourir avec un fecoürs fipuiilant pour dé- fendre la vie. Cm morïatur homo > cui fidvia crcf- cit in horto ? Sdvia falvatrix > natmœ cmciliutnx , Publions que les Chinois , qui n’en ont point , donnent pour une livre de Sauge trois livres de leur Thé. Il faut pourtant reconnaître de bonne foi , que le Thé l’emporte infiniment au deffus de la Sauge. Ce n’eft point un préjugé en faveur des chofes étrangères. C’eft une vérité aufiï lumineufe , que les rayons du Soleil j que le Thé eft d'une excélence * qui ne le Iaiflèra jamais avilir* Outre qu’il eft d'une odeur 10 Lettre de il/. /’ Abbt infiniment plus agréable que nôtre Sauge 5 c’eft qu’il eft en- core un merveilleux fpécifi- que , pour réjouir , & récréer les efprits 5 il abat les vapeurs 5 11 empêche l’afloupiflement î il fortifie le cœur , & le cer- veau ^ il répare l’épuifement des forces après une longue de pénible étude 5 il aide à la digeftion 5 il excite l’urine ^ iï purifie le fang 3 de eft un ex- cèlent remède contre le Scor- but. Confentirons-nous qu’on nous interdife l’ufage du Kin- quina 5 ce puiflànt fébrifuge i cette précieufe écorce qui eft reconnue préfentement 3 pour un fpécifique immanquable contre les fievres intermitten- tes ? Il faudroit être bien en- nemi du genre humain , pour nous arracher de fi grands fe- çourse Pline auroic bien chan* de Vallernont. 2? gé de langage , fi de Ton tems TArnerique avoit été connue ? ôc qu’on en eût aporté non- feulement le Kinquina 5 mais encore Y Jpêcacuanha , cette petite racine , qui eft un fpé- cifique afluré contre la diiTen- terie , & contre les autres cours de ventre. Nous fommes redevables à la libéralité du Roy delà connaiflànce de ce précieux remède , dont M. Helvetius faifoitun grand fe- cret. Sa Majefté a eu la bon- té de Tacheter , & de le ren- dre public. On a frapé pour de moindres considérations des Médailles à l’honneur de Trajan, 6c de plufieurs autres Empereurs Romains , avec ces flateufes infcriptions : S alu s fublica : Salus generis humant , Ils avoient moins fait que Louis ie Gkanp pour la ii Lettre de Ivt* l’Abbe fanté, & la confervation de leurs Sujets. Mais que dirons-nous de la, fameufe plante , que nous ne connailîons , que depuis la dé- couverte, de FAmerique , & qui efl: devenue les délices des trois parties de l'ancien mon- de ? Vous devinez déjà que je veux vous parler de ce mi- racle dans le règne des Vé- gétaux, &: que les Américains nomment Petun , les Efpagnols Tabac , & les François Nico- tienne y à caule de Isficot , Am- bafladeur en Portugal , qui à fon retour Pa porta en Fran- ce. Il en faut parler digne- ment j car enfin il ne fut ja- mais de plante à laquelle tant de gens , & de toutes les con- ditions, aient pris plus d'inté- rêt. Je n’ignore pas qu'elle a des adverfaires, L’Abbé Nif- de Vallemont . 23 fèno, Efpagnol, die froidement , que c’eft le démon qui a pris foin de faire paflTer le Tabac de TAmerique en Efpagne, &c de là dans le refte du monde : T 'abaci fiant a dœmonis follici - tudine ex Indiisin Hiffaritas * aliafque mundi fuferioris oras inveïla videtur. Poli tic. Cœlo~ rum fart. 1 . Lib, 3. cafi. 5. Dans la belle & favante Thèfe de Médecine , qui fut foûtenuë à Paris en 1699. où Pon agi- ta cette importante queftion 5 /avoir, Si le fréquent ufage du Tabac abrège la vie ^ Meilleurs les Médecins de la Faculté > à la tête de laquelle étoit Til- luftre M. Fagon , premier Mé- decin du Roy, y difent beau- coup de mal du Tabac. On le répréfente comme un mon/- tre de la nature , qui eft plus dangereux 5 & même plus fa- 24 Lettre de M. l'Abbé tal à la vie , que la Mandra- gore, dont la Magicienne Cir- cé compofoit fes maléfices 5 de dont la racine lui fervoit , pour abrutir les hommes , de pour s’en faire aimer épérduëment. On ajoute que le Tabac eft plus narcotique , de plus meur- trier que le furieux Solanum . Quoi ! Ce Solarium > fi fameux par fes pernicieux efets, dont une feule drachme, félon Théo- phrafte , défié cheroit tout le flegme du plus grave Philo- fophe , de en feroit un bou- fon , de un écervelé ! Deux drachmes fufîfent , pour mé- tamorphofer le plus fage des hommes en un fou furieux. Trois drachmes jettent dans une frénéfie incurable : de qua- tre drachmes metroient au tombeau le plus vigoureux por- te-faix de Paris. Ôn va encore de Vaüemont ij plus loin. On déclare que le Tabac eft plus infâme que le Stramonium , fi reconnu par la faculté qu’il a d’éteindre les lumières de la raifon ^ & d’a- lumer dans les hommes les plus horribles paflions 5 & lî décrié, que des Savants* ont cru , qu’il eft l’abominable jEiippomanes de Théocrite. Ce n’eft pas encore tout : On range le Tabac fans mi- fericorde ^ à caufe de fon ve- nin, dit-on , à la lugubre fa- mille des Pavots , &; des So- lanums , fi redoutables par le fommeil mortel qu’ils caufent , & qui ferme pour jamais la paupière aux hommes. Enfin pour dernier trait , on fait ve- nir le Tabac de compagnie dans le même Vaiflèau , qui aportâ à Naples le mal hon- * Aloyfius Anguillara, 2 6 Lettre de Jtâ. ly Abbè teux 5 dont la Juftice de Dieu punit dès ce monde l’incon- tinence des hommes. Mais a- près tout crairiez-vous qu’on ne prétend par cette vive & longue déclamation , que con- damner l’abus , de le trop fré- quent ufage du Tabac ? Ces Meilleurs le rabattent là , & ne veulent rien davantage. En éfet , on reconnaît volontiers dans la Thèfe que le Tabac purge la pituite 5 ce funefte ma- gazin des fluxions y qu’il efl: excélent contre l’afthme , la toux , ôc le catharre 5 parce qu’il dégage le poûmon de cette pituite vifqueufe ,, qui for- me ces maux diférents. Ona- joûte qu’il efl: merveilleux con- tre le cruel mal des dents. On lui faitPhonneur de le com- parer au célébré Lfépenthès d’Homére , qui a la vertu de de Vallemontk 17 charmer les ennuis, &les cha- grins de la vie j on die que la fumée du Tabac par un agréa- ble étourdilTèment émou lié la délicate fenfibilité des nerfs , &rincommode vivacité del’ef- prit j diffipe les fantômes de la triftefle, & de la mélancolie; & que ne préfentant à l’imagi- nation que des objets plaifants y & gaillards^il fait qu’un miféra- ble Therfite , aflis fur un fu- mier avec fa pipe allumée , lë berce dans les flateufes pen- fées , bâtit des Châteaux en Efpagne , Ôc fe croit un Roy fur fon Trône. Enfin on y avoue que le Ta- bac eft un fpécifique fouverain contre les vieilles plaies. En voila trop. Quand on n’auroit tiré de la découverte de TA- merique , que la connaiflance de cette divine plante , peut- iS Lettre de M. l'Abbé on jamais affez fe féliciter fur les biens qui nous en revien- nent ? Quant à la maladie in- fâme , qu’on dit être venue des Indes Occidentales avec le Ta- bac 5 c’eft un fait dont tout le monde ne convient pas. C’effc une fuppofition qu’il feroit ai- le de détruire. Herrera , fi fin- cere qu’il n’épargne pas fa na- tion , dit formellement , que les Espagnols ont porté la Véro- le au Mexique 3 bien loin de l'y avoir prife. Galien fi attentif à perfec- tionner la Médecine, & à choi- firles meilleurs remedes, a re- connu par plufieurs expénen- ces^qu’il ne pouvoir pas fe pafler des drogues étrangères, & qu’il employoit utilement pour fès malades la Terre de Lemnos, le Di&ame de Crète , le Per- fil de Macédoine , & tant d’au- de V alternent. 1<) très chofes , qui n’ont point la même vertu , & la même éfï- cace * quand on les cultive en Italie. Il dit pofitivement que l’Iris de la Libie eft auffi difé- rent de celui de l’Illirie , qu’un corps mort eft diférent d’un corps vivant. L’Iris de la Li- bie n’a nulle odeur. Au con- traire l’Iris de l’Illirie eft d’un goût agréable & d’une odeur charmante. Il ne faut donc pas fi fortfe déchaîner contre cer- tain choix de drogues. Tant qu'il y aura du bon goût parmi les hommeSjOn boira en France des vins du Rhin , & de la Mofelle, des vins d’Efpagne , de Madère , des Canaries , de faint Laurent 5 & tant qu’il y aura des malades, & des Mé- decins bien fenfez , on em- ploira dans la Médecine le Sé- né d’Orient, l’Iris de Floren- C iij jo Lettre de M. V Albè ce, l’Angélique d’Efpagne, le Bitume de Judée , le Stæcas Arabie , le Maftic de Chio , la Manne de Calabre, la Té- rèbentine deChipre, la Rhu- barbe de la Chine, 8cc. Vous connaiflez, Moniteur, ce que la Médecine tire des Indes d’Occident, d’où vous ne fai- tes prefque que d’arriver : allez maintenant aux Indes d’O- rient , pour y reconnaître tant de belles , & excélentes cho- fes , qui font la richelle , & l'ornement des Cabinets des Curieux, 8c le fond de nos remèdes les plus certains. La nature , qui connait la beau- té , 8c l’excélence de fes ou- vrages , ne nous a pas donné fans deffein un efprit curieux. Elle nous a faits de la forte , pour être les fpedateurs des merveilles , qu’elle étale fur la de V alternant. 31 face de l’Univers. Elle perdroic tout le fruit de fes travaux, fi tant de productions fi éclatan- tes, de fi ingenieufemeiit or- nées ne fervoient de fpectacle qu’aux arbres , &aux rochers. La nature , dit Sénèque , veut des fpe&ateurs , de même des admirateurs. En peut-on dou- ter , quand on confidére de quelle figure , de de quelle ma- niéré elle nous a formez. Elle nous a fait droits , de nous a mis la tête vers le Ciel , afin que nous portions nos yeux , de nôtre contemplation , non- feulement fur la terre , de fur la mer , mais encore jufque dans ces Globes immenles qui rou- lent au defius du monde ele^ mentaire. Et ut feias Jsfaturam fpeftari voluijje , non tantum afjpici, vide quem vobis locum de - derit. Senec. de otio. Sap.cap.31. C iiij Lettre de M- F Abbé Cette étude de la nature , outre qu’elle rend une perfon- ne de vôtre profeflion utile à la fociété, elle eft encore très- propre à former les mœurs , à polir l’elprit , à rendre le cœur droit, & à conduire l’hom- me à la vertu. Celui, dit Phi- Ion le Juif, qui contemple l’or- dre merveilleux de la nature, & ces inviolables loix 5 d’où les Elemens , & les Corps ce- leftes tirent leur mouvement, & leur fubordination 5 qui re- tiennent l’Univers dans fon é- tat de confiftence , &c que le tems qui ufe tout , relpede c- ternellement : Oüi ! celui qui confidére cette divine Repu, blique , formée de l’union du ciel , & de la terre , n’a pas befoin de maître , pour apren- dre à vivre dans une innocen- te paix 3 à fe foumèttre aux .de Vallemont. 33 loix de la Religion 5 & à fe conformer à la police de Té- tât. Une fi parfaite harmonie , entre toutes les parties de TU- nivers, eft un excèlent exem- plaire par lequel il fera por- té à regler fes paflîons fur le niveau de fa raifon & de Té- qui té.Quifquis 'Naturœ ordinem contemplatur 3 & eximiam quam - dam hujus mundi Rempublicam * vel filentibus prœceptoribus , dif- cit fub legibus , in pace vi- vere , componere fe ad.exemplar pulcherrimum. Philo de Abrah. N’oubliez pas , Monfieur , de confiderer non- feulement les moeurs , 6e les ufages des A- fiatiques 5 mais encore leur in- duftrie, & leurs connaiflances d?ns les arts utiles à la vie» Vous ne les trouverez pas fi grofliers , & fi barbares 5 que plufieurs gens le penfent ici $ 34 Lettre de M. t Abbe & qui s’imaginent que les hom- mes n’ont de l’efprit, & de la politefle qu’en France, & en Europe. Vous n’y rencontre- rez pas beaucoup de Méde- cins ^ car comme les Asiati- ques font fort tempérants , ils font peu malades, & les Mé- decins n’ont guere à faire a- vec eux. Il n’y a pas même fort long-tems , qu’il y a des Mé- decins parmi les Turcs, les In- diens, les Chinois , 6e les Mof- covites 5 .parce que ces nations gardent beaucoup de modé- ration dans l’ufage du boire , ôc du manger. Vous trouverez tous ces Mé- decins fort atachez aux remè- des fimples 5 ils ne s’amufent point à ces magnifiques com- pofitionsj que le peuple efti- me tant en Europe , èc que les Savants méprifent également. de Vallemont. 35 Qu’ils ont de raifon î Qui peut nous répondre , que cesfoi- xante Ingrédients , pour exem- ple, qui entrent dans la com- pofition de la Thériaque , ne le font pas dans ce pompeux mélange , une guerre irrécon- ciliable ?Mais nous dira-t-on ; tout ce qui entre dans cette fameufe compofition > eft bon , êc même excélent. Qui le fait ? Et parmi les vertus qu’on leur atribuë , n’y a-t-il pas de mauvaifes qualitez ? M. Boyle fait une eftime toute finralie- re d’un manufcrit Arabe, qu’un étranger lui préfenta , dans lequel l’Auteur expofoit avec beaucoup de foin les bonnes , & les mauvaifes qualitez des médicaments dont il parloit. Cette conduite eft bien judi— cieufe., dit M. Boyle : car en- fin n’y a-t-il point à craindre 3 3 6 Lettre de M. P Abbé qu'entre tous ces Ingrédients y qui compofentces fuperbes re- mèdes, il n’y ait quelque dro- gue , où il fe trouve une qualité contraire aux vues du Méde- cin ? De ce mélange confus ne peut-il pasfe faire une fermen- tation inconnue, & qui réveil- lera dans ces drogues diferen- tes, un levain dangereux qui étoit afloupi ? Et fi l’ufage d’un remède fi compofé ne cau- fe pas une nouvelle maladie, n’y a-t-il point à foupçonner qu’il dévelopera dans le mala- de , une matière ennemie , qui étoit concentrée, qu’un remè- de fimple auroit atténuée , de qu’une drogue inutile , de fur- numeraire pourra irriter , de déchaîner ? Quand bien mê- me on fauroit exa&ement que toutes ces drogues étrangères , &c pour la plupart très-incon- de Vallemont; 37 nuës/eroient innocentes 5 & Sa- lutaires 5 on ne doit pas être encore en repos. M. Boyle dans fes favantes^expèriencesj a fait vok tant de fois que de plu- sieurs chofes bonnes , & mê- mes excèlentes mifes enfem- ble, il s'en fait un mélange très- mauvais , & pernicieux. On connait peu la nature des Mi- néraux, des Végétaux, & des Animaux j & il faudroit que le quart de ce qu’il y a de bons efprits dans le monde,, travail- lât un Siecle par l’AnaliSè des Chimiftes fur la matière mé- dicale, pour y connaître quel- que choie , qui nous pût rafïii- rer dans Tufage de ces remè- des orgüeilleufement compo- fez. Ainfi plus un remède eft Simple 5 & moins il eft dange- reux. Et cela eft fondé fur u- ne belle parole de Galien , que 3§ Lettre de M. l'Abbè je vous prie de regarder , com- me un des plus précieux Ora- cles, qui nousfoient venus des grands hommes : Perforine ne peut, dit-il , fervir en homme de bien d'un remède compofé , s'il ne connait auparavant exacte- ment les vertus des drogues fim- ples qui le compofent : In uni- verfiim nemo probè uti poffit medicamento compofîco , qui fimplicium vires non accuratè prius didicerit. Et il ne faut pas apréhender qu’un remède fimple ne diflîpe pas une maladie qui provient de plufieurs caufes. Eft-ce qu’- une plante toute fimple qu’el- le efl 5 ou un minerai , ne ren- ferme pas plufieurs principes? Tout homogènes que ces cho- fes nous paraifient , elles font compofées de plufieurs parties diférentes 5 & vous avez vu de V'allemont. 35? comme les Chimiftes par leur admirable analife tirent d’u- ne feule plante un fel vola- tile, un efprit urineux , une li- queur aqueufe , qu’ils apellent le phlegme , une huile ^ quel- quefois un peu de fel fixe , 6c toujours une terre blanche 6c poreufe qu’ils nomment la tè- te morte > ou la terre damnée . Laiiïez faire la nature , fa Phar- macopée eft toute divine 5 6c elle diftribuera fagement ces diférentes parties , 6c les fera agir félon le befoin. Je n’oferois pas condamner l’ufage de la Thériaque. Elle eft trop ancienne , 6c trop a- creditée dans le monde , où elle s’étoit fait des partions avant même que Galien prît intérêt à conférver la fanté des hommes. Il me fufit d ob- ferver que Galien ne Pa ja- 4-0 Lettre de M . l'Abbé mais ordonnée 5 que le Traite de la Thériaque qui a paru fous fon nom , n’eft point alïu- rément de lui , & qu’enfin Pli- ne bien loin d’eftimer la Thé- riaque l’ait apellée : exco<ÿtata comfofitio luxuriœ. Cet endroit eft 11 beau , que vous me fau- rez gré de l'avoir mis ici tout entier : Audi- bien ne verrez- vous Pline de long-tems. La Thériaque , dit- il > eft une compolîtion 5 qui ne peut venir que d’une imagination déréglée , & d’unefprit fertile en mauvaifes inventions. Il n’y entre que des drogues étran- gères , pendant que la nature en produit tant parmi nous 3 dont une feule vaudroit mieux que la Thériaque même. Le Mithridate eft compofé de cin- quante-quatre drogues , dont toutes les dozes font diféren- de p^allemont 41 tes. Il y en a dont on ne prend que le poids de la foixantié- me partie d’un denier. Quel Dieu a enfeigné cette propor- tion fi précife? Car toute Tin- telligence des hommes ne fau- roit jamais parvenir à ce Su- blime de Subtilité. Difons la vérité : tout ce grand apareil de drogues étrangères n'eft qu'une vaine oftentation, pour ébloüir les fimples , &: un spec- tacle monftrueux qui ofenle les Savants. Franchement ceux qui font ces pompeufes prépara- tions , ne Savent guère eux- mêmes ce qui peut rélulter d'un fi afreux Salmigondis. Theriace vocatur excogitata c 0 In- fo fit i a luxuriœ. Sic ex rebus ex- ternis r eum tôt remédia dederit natura y quæ fingula fufficerent. Mithridaticum antidotum ex re- bus 54» comf mitur intérim nul - 4 * Lettre de 1 Vf. V Abbê lo pondéré aquali , & quarum « dam rerum fexagefïma denarii unius imper ata. Quo JDeorum perfidiam ifiam montrante ! Ho- minum enim fubtilitas tanta ejje non potuit. Ofientatio artis , & portentofa fcientiœ venditatio manifefla eft. Ac neipfi quidem illayn novère . Hift. Nat. Lib. 29. cap. 1. Ce qu’il y a de plus impor- tant à examiner fur le chapi- tre de la Thériaque * c’eft de favoir à quoi elle eft bonne. Je /ai bien que ceux , qui la cé- lèbrent 3 la vantent comme le plus puiflant remède que l’on ait contre les fievres conta- gieules , peftilentielles , mali- gnes , pourprées. Mais c’eft la queftion. Il eft certain que la Thériaque eft un remède très- chaud, & très-Ièc 3 qui par la grande ardeur confume les e/ de J^allemont. 43 prits, ôcdeffeche les humeurs. Il eft par confequent merveil- leux, pour augmenter la fievre , &: pour la donner à ceux qui ne l’ont pas. Ce qu’il y a en- core d’alTez établi comme cer- tain entre les Médecins 5 c’eft que les fievres peftilentielles > fk malignes viennent d’une in- tempérie chaude , & féche du fang , & des humeurs. Cela étant 5 la Thériaque n’eft point alors de faifon * puifqu’au lieu de régénérer ces elprits, &: ces humeurs qui manquent alors 5 au contraire elle diffiperoit le refte par fa lecherefle 3 &c par la chaleur exorbitante, 6c condui- roit droit au tombeau. Je crains bien que les Savants du terrn de Pline n’aient eu failbn de nommer la Thériaque ^ Exco - y,tata compofitio luxuriœ. Car en parlant delà Thériaque D ij. il 44 JLettre de M. l'Abbê ne nous dit pas feulement fâ penfée ; mais encore l'opinion des bons efprits de fon tems : Theriace vocatur excogitata com- fofitio luxuriœ . Or ce grand homme eft incomparable y quand il parle des choies de fon tems,Sc de fon pays,dont il a put s’inftruire par lui- même J1 n’eft pas fi feujf de le fuivre, lors qu'il philofophe fur les chofès éloi- gnées 5 6c qu’il n'a pu /avoir que par des mémoires ,& des rela- tions, qui ne lui venoient pas toûjours de corre/pondants ju- dicieux * 6c bien informez. Enfin M. Boyle nous aprend qu'il a eu defTein d'écrire con- tre la Thériaque , Sc les remè- des trop compofez 3 6c qu'il a- voit là deflus beaucoup de ma- tériaux tout prêts : Sed eumpro - fit ut nolut , dit-il : 6c il s’eft con- tenté de faire un excélentTrai- té 9 ou il donne par tout la pré- de Vallemont. 4 y férence aux remèdes fimples. S impli c- M edicament. Militas u fus 3 pag. 49. Je vais dorénavant conjurer Neptune, &: Eole de s’accor- der, afin de vous donner une navigation promte , & hûreu- fè j ou ^ pour parler plus chré- tiennement , je prierai celui qui tire les vents de fes trefors y Pial. 134. ÿ. 8. qui commande aux vents , & aux flots y & à qui les vents , ^ les flots obeïffenty Luc 8, f. ij. qu’il vous com- ble de fes plus précieufes bé- nédictions , 3c qu’il favorifè un voyage fi pénible } & que vous entreprenez , moins par curio- fité , que par le defir de vous rendre habile dans vôtre pro- feflîon5&de devenir utile à vô- tre patrie. Adieu, mon cher Monfieur, pour dix-huit mois* De Vallemont* a Paris et 20. Janvier i?ou Relation ahregèe Le i. de Février jour de la Purifi- cation , nous elluyâmes à la rade de Fenmaneic ce furieux ouragan , qui fe fît fentir d’une maniéré allez funefle en plufîeurs endroits du Royaume* Le 5. Février FEfcadre de la Com- pagnie des Indes Orientales , corn- pofée de 4. Vaiffeaux , favoir le Maurepas , le Pondicheri , le Bour- bon, 8c le Marchand des Indes, mit à la voile fur les 10. heures du matin. Monfieur Faucher Oficiei du Roy , montoit le Maurepas , 8c comman- dait FEfcadre. j'étois dans ce Vaif- feau avec la meilleure compagnie du monde ; puifque nous avions l’hon- neur de profiter de la préfence „ 8c des exceients exemples de Monfei- gneur de Cicé , Evêque ck Sabule. Il avoifpour Aumônier M. FAbbé de Montigni , 8c étoit accompagné de M. de Villedor, Théologal de Noyon, 8c Do&eur de Sorbonne , qui alloir à la Chine prendre connaiffance des Cérémonies des Chinois , fur l'expli- cation defquelles les Mifîîonaires des Indes ont pris diférent parti. Le Samedi j’eus la fatisfaétion de deux Voyages faits aux Indes. 47 de voir le Pic de Tenérif,lfle des Ca- naries, fi fameux dans la Géographie, où il eft eflimé la plus haute pointe de montagne qui foit^dans le monde. Le Dimanche 20. nous pafiâmes le Tropique du Cancer. Le Jeudi 24. nous vîmes la côte du Sénégal en Afrique. La nuit fuivante , quoi que nous fuflions à plus de 20. lieties de cette côte , qui eft fort fablonneufe , une nuée de fable vint fondre fur nôtre Vaiftèau , portée par un tourbillon de vent extraordinaire. Cet événe- ment parut une chofe toute nouvel- le à nos plus anciens Navigateurs. Le Samedi 2 6. nous moüillâmes à la rade du Cap-Vert à un quart de lieue de la forterefle de Goré , qui ap- partient à la Compagnie Françoife du Sénégal. Je fus nommé par nôtre Capitaine , pour accompagner J’Oficier , qull envoyoit faire com- pliment au Gouverneur de la place \ qui nous reçut à merveille. Le Samedi y. de Mars nous remî- mes à la voile > pour Lille d’Am~ jouann 4« Relutîon abregee Le Dimanche 10 . Mars nous pafl famés la Ligne. Le Lundi 21. nous avions le So- leil vertical ; c’eft-à-dire , perpendi- culairement , & à plomb fur nôtre tête. Ce jour-là fè nt la fameufe Cé- rémonie qu’on apelle fi impropre- ment bâtême. Je n’en fus pas plus exemt que tous les autres qui n’a- voient pas encore pâlie la Ligne. Le Dimanche 10. Avril nous nous trouvâmes fous le Tropique du Ca- pricorne. Le Samedi 7. Mai nous doublâmes le redoutable Cap de bonne Efpéran- ce. Nous y trouvâmes la mer épotv ventable , comme elle y eft ordinai- rement ;parce que c’eft l’endroit du monde , ou la mer eft la plus vafte de l’Occident à l’Orient. Le lendemain qui étoit Dimanche , nous chantâmes le Te Deum , pour remercier Dieu , de nous avoir don- né un tems favorable , dans un en- droit fi périlleux. Mecredi 25. Mai je confiderai avec attention deux Trombes de mer à demi lieue l’une de l’autre* Ce terri- ble de deux Voyages faits aux Indes. 4^ ble météore eft une grande quantité d’air mêlé de vapeurs , & d’exha- laifons qui fortent avec impétuofité d’entre deux nues , dont Tune eft tombée fur l’autre ; 8c qui en fortant par la nue inférieure décend fur la mer en forme de colomne , la fait bouillonner , forme un bruit fourd , 8c defagréable, 8c enlève quelquefois des Vailfeaux , 8c puis les laiftant retomber les coule à fond. Mardi 31. de Mai nous aperçûmes Tille de Madagafcar, une des plus grandes Ifles du monde. Vendredi 3. Juin nous repalfâmes le Tropique du Capricorne , en cô- toyant Hfle de Madagafcar. Le Vendredi 10. de Juin nous moüiL lames à l’Ifle d’Anjouam , où il y a un Roy nommé Manè-cénè-fahè~ -ch a- h a 3 qui fait fa refîdènce à 7. ou 8. lieues de la côte. Nôtre Capitai- ne me nomma pour aller faluer le frere de ce Roy. Ce frere de Roy eft fort poli -, il me préfenta le Bétel , félon la coutume des Orientaux , 8c me fit déjeuner avec lui. Il vint à nôtre bord avec fa fuite, 8c dou# E J® Relation abrégée na une Lettre du Roy fon frere j pour nôtre incomparable Monarque* dont les éclatantes aétions ne font pas ignorées dans les Climats les plus reculez. Le Samedi 18. nous partîmes de cette Ifle enchantée -, car enfin c’eft véritablement une des plus fertiles , 8c des plus délicieufes Ifles du monde. Le Samedi 25. Juin nous . repayâ- mes la Ligne. Le Mardy 12. Juillet nous vîmes rifle de Céïlan, & pendant 3. ou 4, jours nous fûmes fort incommodez de l’odeur de la Canelle 3 nos mala- des mêmes eurent beaucoup à foufrir de cette odeur continuelle. Vendredi 15. Juillet , nous décou- vrîmes en mer un petit bâteau de la côte de Coromandel. Quand nous en fûmes proches , nous reconûmes que ceux qui y étoient , nous ten- doient les bras , 8c nous demandoient fecours. On y envoya le Canot , qui trouva 19. perfonnes extenuées d’i- nanition , 8c dont la plupart étoient fur le point d’expirer. Il y avoit 16, jours qu’ils étoient partis de Céïlan* de deux Voyages faits aux Indes . fi Un gros tcms les aiant jettez au lar- ge , leur grande voile 5 de leur gou~ vernail aiant été emportez par un coup de mer , ils ne pouvoient plus faire route. L'eau , & les vivres leur manquoient depuis plufieurs jours. On les aporta dans nôtre Vailleau, où ils ne furent pas fî tôt , que leur bâteau coula à fond. Ils ne s’y é- toient confervez , qu’à force de jet> ter continuellement l’eau , qui y en- troit de tous cotez. Il s’y trouva un Chrétien de S. Thomas , qui n’avoic celle durant ce tems4à cl’invoquer la Sainte Vierge , qu’il apelloit 1 yE+ toille de la mer . Et ce bon Chré- tien croyoit bien devoir fon fa- lut à la Mere de Dieu 5 qu’il le mîc à remercier en fe jetant à genoux , dès qu’il fut dans nôtre Vailleau. Ce fut un grand bonheur pour ces pau- vres malhûreux de nous rencontrer. Les plus robuftes d’entre eux n’au- roient pas vécu encore deux jours. Ils éroient fur tout lî prellèz- de la foif , qu’on eut toute la peine du monde à leur fournir fufmamment de l’eau pour les defalterer. Eij fi Relation abrégée Le Samedi i G. Juillet nous abor- dâmes à la côte de Coromandel 5 8c motiillâmes enfin à Pondichéri , le Dimanche 17. après j. mois 14. jours de navigation. Pondichéri efi: une Ville aux François fur la côte de Co- romandel , pèce d’Hermites , qu’ils apellent Jo - guis ; 8c qui vendent en bouteilles fèllées de leur cachet l’eau du Gan- ge à ces pèlerins. Ils ont une con- fiance infinie en cette eau , qu’ils tranfportent jufqu’à 500. lieues dans lès terres , pour donner aux malades qui n’ont pas le moyen d’en venir boire au bord du Gange. Le Mécredi 18. Janvier 1702. nous partîmes de Galle , pour retour- ner à Pondicheri , où nous mouillâ- mes le 1. de Février. Nqus y aprî- mes la mort de M, de Villedor , qui €z Relation abrégée lia point eu la confolation d’aller jufqu à la Chine. Il s’étoit ufé du- rant près de fix mois de navigation , par une trop grande aplication à l’étude de la langue Chinoife ; ce qui ne s'accorde point avec la vie trille , 8c pénible qu’on mène durant un h long voyage de Mer. Le 17. Février nous levâmes l’an- cre pour aller à Fille Bourbon , 8c de là retourner en Europe. Le 23. Février nous vîmes fur les fept heures du foir une Comète , qui avoit fa tête à Ouell quart de Sud- Ouell ; 8c la queue à Ouell Sud- Ouell. Ceux qui favoient. ce que la Phylique enfeigne de ce corps com- posé des parties du troiliéme Elé- ment de M. Defcartes , 8c qui a la 'Te r de tourbillon en tour- pouvoir fe fixer dans aucun , 11e furent pas émus à l’af- peél de ce nouveau Phénomène ; mais le peuple de notre équipage ne manqua pas de s’allarmer , 8c de prendre cela pour un mauvais augu- re. Elle dijra 8. jours , 8c difparut entièrement le Vendredi 3. Mars. de deux Voyages faits aux Indes, 63 Le Dimanche 5. Mars nous pafla- mes la Ligne. Vendredi 10. nous trouvâmes le Soleil à nôtre Zénith. Le Lundi 3. Avril nous côtoyâ- mes de fort près l’Ifle Maurice , qui apartient aux Hollandois. Le Mardi 4. nous mouillâmes à Fille Bourbon , ou Mafcarin 5 disan- te de 30, lieues de Tlfle Maurice. L’Ifle Bourbon apartient à la Com- pagnie des Indes. Elle a environ 80. lieues de circuit. C’eft une Ifle fort fertile : mais une grande partie de fon terrain eft gâtée par un Vol- can , qui vomit jour , de nuit des torrens de feu épouvantables. Il peut paflèr pour un des plus terri- bles Volcans , qui foient au mon- de. .On trouve dans cette Ifle une abondance de tortues de terre , qui font d’un grand fecours pour la nour- riture de l’équipage des Vaiflèaux : Car enfin ce qy’il y a de très-com- mode dans ces animaux , c’efl: qu’ils ne coûtent rien à nourrir dans les Vaiflèaux. Il n’en coûte pas même de l’eau 3 de elles vivent de l’air quel- Relation abrégée quefois fix mois. Il y a dans cette Iile des montagnes prodigieufes ; & on en aperçoit la cime de plus de 40. lieues. O11 y trouve la gomme de Tacamaca ,1e Benjoin ; &les prairies y font toutes couvertes de Jonc odo- rant ; ce qui rend la chair des ani- maux qui y pailfent , d’un goût ex- quis. Le 10. Avril nous partîmes de Flfle Bourbon, que nous ne quit- tâmes qu’avec peine , à cauie de la quantité de viande , & de poiflon délicieux qu’on y trouve. Et doré- navant nous allons faire route pour la France , fans relâcher : on pour- roit dire que c’efl: faire près de 4000. lieues tout d’une haleine. Le Mardi 12. Avril nous pafla- mes le T ropique du Capricorne. Le Dimanche 7. Mai nous vîmes d’aflez près le Cap de Bonne-Ef- pérance ; & après Vêpres on chan- ta le Te Y>cum , po,ur rendre grâ- ces à Dieu de nous avoir fait re- filer à des vents contraires , qui nous ont fort tourmentez depuis nô- tre départ des Indes. Le de deux Voyages faits aux Indes . bf Le Vendredi* 2. Mai , un de nos Matelots tomba à la Mer du haut de la Vergue de Mizéne •* & quel- que diligence qu’on fit pour le Tau- ver , la Mer étoit fi rude qu’on ne pût jamais le voir. C’étoit un hom- me plus fage plus réglé , que ne le font ordinairement les Matelots , que les dangers continuels de la Mer ne rendent pas plus attentifs à l’a- faire de leur falut éternel. Le Lundi 15. Mai nous avons re- payé le Tropique du Capricorne 3 que nous ne verrons plus dans ce Voyage. Le Mécredi 7. Juin nous repaf* famés fous la Ligne , pour la qua-v triéme , & derniere fois. Le 22. Juin nous parlâmes à irn Vaillèau Anglois , chargé de Bou- riques , qu’il avoit été prendre aux Îfîes du Cap Vert ; 8c qu’il poftoic en l’Amérique. Il nous alîura que toutes les Couronnes de l’Europe cô- toient en paix > 8c par là il nous é~ chapa. Le 26. Juin nous femmes fards de la Zone Torride * nous ayons F 66 Relation abrégée pafTé le Tropique cf b Cancer , oà était alors le Soleil , 8c nous fom- mes entrez dans notre Zone tem- pérée Septentrionale. Nous nous trouvâmes quelques jours après dans des campagnes auflï belles , 8c auffi agréables que les Champs Elifées du Cours la Rei- ne. Le grand inconvénient , c’eft que ces plantes fur lesquelles paftbic nôtre Vaiflèau 5 ne peuvent loufrir d’être foulées par les pieds des mor- tels. C’étoit une prairie dotante , 8c des plus vaftes , qu’il y ait au mon- de. Elle eft du moins de 300. lieües d’étendue. Je n’y ai obfervé qu’une même forte de plante 5 mais qui ne laiiîe pas de faire une beauté en ce lieu-là. Elle reftèmble allez à VHip+ paris minor de Dodo nés ; mais ou- tre cela , elle eft toute remplie de petits fruits gros 5 comme font nos grofeilles. Quelque quantité qu’on puillè tirer de cette herbe dotante , on 11e rencontre jamais aucune a- parence de racine ; ce qui fait croi- re à quelques-uns 5 quelle carafe au milieu des eaux ? d'où elle tire fa de deux Voyages faits aux Indes. 67 fubfillance. Ce qui 11e devroit pas cependant tout-à-fait empêcher qu- elle n'eût une racine ; car enfin nous avons une expérience commune , 3c pourtant qui fait plaifir toutes les fois qu'on la voit , qui prouve que les plantes qui ne tirent leur nour- riture que de l'eau , ne laillent pas de poulier des racines. En efet fi on met , dans une fiole pleine d'eau , une petite branche de mente ou bau- me de jardin , en huit jours elle y poulie des racines ; 8c en moins de deux mqis , elle devient une très- grande plante , monte en fleur 1 3t en graine , 3c remplit toute la ca- pacité de la fiole d’un fort grand nombre de racines. Le Dimanche 23. Juillet à ir. heures du £oir nous moüillàmes hû~ reufement à la grande rade du Port Loliis , proche l'Ifle de Groa : 3c le lendemain 24. nous entrâmes dans le Port , & de la même marée nous allâmes à l'Orient , qui eft le lieu * ou relient les Vailïeaux du Roy , 8c ceux de la Compagnie des Indes». ■Nôtre joie né toit pas médiocre * Relation abrégée 5 &c. comme on le peut penfer , de nous voir en lieu de feureté , après avoir évité tant de dangers. Et li un gros brouillait ne nous eût pas favorisez à nôtre arrivée en France , nous é- tions perdus à la vue du Port ; parce que nous aurions été la proie de nos ennemis qui croifoient alors à l’embouchure de la Manche. Le grand nombre dê malades du Scor- but que nous avions , mal inévita- ble dans de fi longues traverfées 3 nous métoit hors d'état de faire la manœuvre 5 & de foûtenir un com- bat. Dieu foit loué à jamais. MW, CURIOSITEZ D E LA NATURE, % E T DE L’ART. I. La Terre de Patna. A terre de Patna eft une JL/terre admirable , dont on fait dans le Mogol des efpè- .ces de pots , de vazes , de bou- teilles , & de carafes 5 fi min- ces , 2c d’une legereté fi gran- de, quele vent les emporte fa- cilement. Ces vazes n’ont pas plus d’épaifieur qu’une carte à 70 Curiofîtez^ de la 'Nature , joiier. On ne fauroit rien voir en ce genre, où la dextérité » de FadrefTe de l’ouvrier paraif- fènt davantage. J’en ai aporté plufîeurs des Indes , de fur tout de ces bou- teilles quon apelle Gargou- lettes. Et nos curieux font ra- vis d’étonnement, de voir des bouteilles de terre , qui tien- nent une pinte de Paris, qif- on pourroit prefque foufler comme ces bouteilles de fa- von , que font les petits enfans* On fe fert de la Gargoulette , pour mètre rafraichir de Feau. Quand Feau y a été un peu de tems, elle prend le gout% de l’odeur de la terre de Pau na , de devient delicieufe à boire > de ce qui eft de plus ra- vidant , c’eft que le vaze s’hu- me&e, de qu’après avoir bù i’eau^on mange avec plai% r& de l'Art. Jî la bouteille. Les femmes des Indes , quand elles font grofl fes , n’y aportent pas tant de façon. Elles aiment à la fu- reur cette terre de Patna j & fi on ne les obfervoit pas là deffiis > il n’y a point de fem- me groflè', qui en peu de jours ne grugeât tous les pots , plats * coupes j bouteilles , &c vazes de la maifon , tant elles font friandes de cette terre. Ce fe- roit ici une occafion de faire des inve&ives contre les fem- mes fur ces apetits bizares qui leur prennent dans leur grofi- fëfle > syil étoit permis de plai- santer aux dépens des infir- mitez d’un Sexe , à qui nous ne pouvons manquer de refi- peét , qu’en nous oubliant hor- riblement. Souvenons - nous qu’elles n’ont ces étranges ca- prices, qui leur font quelque* jî Curiofitez^ de la Nature 9 fois manger du cuir,de la terre, de la cire d’Efpagne , du char- bon, Sic. que lors qu'elles de- viennent nos mères. Ainfi ne leur reprochons jamais ces lé- gers défauts , qui ne font que des fuites d’une pénible grof- felfe, à laquelle nous devons- & l’être , & la vie. IL Les Pierres de Serpent . Es pierres font de couleur ^^yd’ardoife ; elles font pla- tes j Se de la grandeur d’un fou. marqué. Elles s’apellent dans les Indes Pierres de Ser- pent, à caufe qu elles ont la vertu de guérir les morfures de couleuvres, viperes/erpents, &c. Ces pierres , qui font le plus fouverain remède r qu’on ait encore trouve contre les morfures & de l’Art. 75 morfures des Serpents , vien- nent du Royaume de Cairu boya. Quelques-uns difent qu’- elles ne font point naturelles ; mais fa&ices , &: compofées de plufieurs ingrediens , dont ceux du pays font un grand lecret aux Etrangers. Il y en a qui les croient naturelles. Et M. Boyle dit qu’on lui a alluré , qu’on les trouve dans la tête de certains Serpents qui font vers Goa. Quoi qu’il en foit , voici comme on s’en fert. Si la plaie n’a point làigné , après la morfure , ou piqûre du Serpent , il faut piquer le- i gérement l’endroit qui a été 1 blefle , de maniéré que le làng en forte. Après quoi il faut y apliquer la pierre , qui s’y at- tache incontinent. Elle attire, &; fucce le venin. Il la faut lailïèr deflus la plaie , jufqu’a G 74 Curlojite^de la KfatuYe » ce qu’elle fe détache d’elle- même : après cela , il faut la- ver la pierre dans du lait qui fe charge incontinent du ve- nin -, & fi on n’avoit pas de lait, on la lave dans de l’eau. Après Tavoir bien efluyée,on la remet fur la plaie $ ce que Ton continue de faire jufqu’à ce qu’elle ne s’y attache plus. Ce fera alors dne marque évi- dente! que tout le venin fera forti. Il y en a qui croient qu’el- le auroit la même vertu pour la morfure des chiens enragez, en pratiquant la même chofe , que nous venons de dire. Ce qu’il y a de plus affûté , c’eft que cette pierre eft générale- ment eftimée dans tout l’Inde* M. Boyle qui ne révoqué point en doute la vertu de la pier- re de Serpent , en tire un & de l'Art. 75 gument pour prouver que Im- plication extérieure de certains amulettes peut fort bien opé- rer des guérifons. Voici ce qu’il raconte au fujet de ces pier- res. Je me rangerois volontiers au parti de ces habiles Méde- cins, qui ne reconnaiflènt nul- le vertu dans les pierres j mê- me dans celles qu'on tire des Serpents 5 & je me joindrois en cela au do&e , & curieux M. Rédi , qui dans fes expé- riences n’a obfervé dans ces pierres aucune faculté. Peut- être que tout ce qu’on nous vante comme étant des Indes 3 n’en vient pas. Il faut pour- tant avoiier , après avoir rejet- té tous les contes fabuleux , qu’on débité dans le monde fur les pierres , qu’il y en a , dont il neft pas poffible de nier la vertu. Et en éfet un Sa- y 6 Curiojîtez^ de la Nature > vant tout pétri de la Philolo- phie de Defcartes , & qui par confequent étoit fort en gar- de contre les qualitez occul- tes , 6c fur les traditions po- pulaires des Orientaux ^ m’a alluré que dans le tems qu’il étoit dans les Indes , il a gué- ri par la feule aplication de la pierre de Serpent plus de foixante perfonnes qui avoient été mordues , ou piquées par des Serpents. Et moi-même , ajoûte M. Boyle, j’en ai fait Inexpérience fur des animaux, que j’avois fait mordre par des Vipères. Ce ‘qui m’induit à ne pas rejetter comme faux tout ce que Ton dit fur les ver- tus des pierres. Quodque fum - pfi ipfe experimentum cum ge~ nuino ejufmodi lapide e corpori- Sus brutorum , fecit omnirïo , ut huic rei fidem non negem. Sim * '& de FM. 77 flic, medicam. util. & ufui,]).6i, III. La Lierre £ Ai^le : la Pierre quarrée des Indes. N eft aufli entêté des Pierres d* Aigle en Afie , qu’on l’eft en Europe. On la nomme Ætites du mot grec, ‘Azroç , qui fignifie une Aigle. On dit que cette pierre faci- lite l’acouchement , fi on l’a- tache à la cuiffe de la femme dans le tems du travail. On ajoute qu’on en trouve dans les nids d’Aigle^ parce que T Ai- gle ne pond fes œufs qu’avec une dificulté extrême. Cette pierre eft creufè , & elle ren- ferme un noyau pierreux , qu’- on apelle Callimus 3&c qui fait du bruit , quand on la fecouë. On lui atribuë beaucoup de G îij 7$ Curlofte^de la Nature f qualitez imaginaires 5 6c que l'expérience démène tous les jours. Je ne voudrois pas dire comme quelques modernes ^ que toutes les pierres doivent être rangées avec les Alcalis » & qu'elles font feulement af- tringentes*. 6c des *abforbans. Mais auflï je fuis du fentiment de M. Boyle qui dit fi judicieu- fement : Ceux qui atribuent tant de vertus aux pierres pré- cieufes, ne méritent pas le nom de Philofophes. Tom. II. p. i . Specimen de gemmaru?n virtu - tibus . Mais j’ai aporté des Indes une pierre quiyeft fameufe 5 par la qualité qu’elle a d’ai- der à l’acouchement. On la nomme fimplement Pierre quarrèe , parce qu'elle eft éfec- tivement quarrée de toutfens* grofie j 6c de figure cubique & de l' Art. comme un dez à jouer.. -Elle eft brune, & quafide couleur de Caffé. Elle eft naturelle, &fè trou- ve dans le Royaume de Cali- eut à TOueft de Pondichéri. L’ufagecft d'en broyer un peu avec du vin fur un porlïre , &C de le faire boire à la femme qui eft en travail ^ & puis on lui attache la pierre, à la cuiiïe gauche. Celles que j'ai * m'ont été données par le R. P.Dolu Jéfuite à Pondichéri. Il ne fut jamais homme plus poli, plus généreux , 6c plus lavant dans la connaiflfance des chofes na- turelles. Généralement parmi les Na- turaliftes on convient que la cervelle de Rekin poiflon vo- race , eft un fpècifique pour faciliter l’acouchement. Cette cervelle eft blanche comme la G iiij S o Curiofitex^ de la 'Nature , neige 5 on la fait fecher , on la met en poudre , & on en donne dans du vin blanc. Cela mê- me eft excèlent pour la gra~ velle. Il eft furprenant combien de grands hommes ont attri- bué de vertus aux pierres. Diofcoride dit que la Pierre d’Aigle découvre les larrons : Et Béllon /. z. c- 23. montre la façon 5 dont les Caloïers s’en fervent encore aujourd’hui en la pulverifantj pour le même éfet. M. Vofîîus , dansfaPhy- fïologie Chrétienne , dit des merveilles de la Pierre d’Ai- gîe : lib. 6. cap. 151. £7* 20. &c. Mais il en dit trop : Et ceux qui n’accordent aucune vertu aux pierres paflent dans une autre extrémité auffi mauvai- fe. Je me range rois du côté de M. Boyle , qui marche entre & de P Art, & ne recommençoit point, tant qu’il portoit cette Agate. Com- me je femblois atribuer cet éfet à la force de l’imagina- tion , le jeune homme me con- ta qu’une Dame de qualité a- voit fréquemment des pertes é- & ? Art, $T t de fang fi horribles , qu’elle tomboit en foiblefie > 8c per- doit connaifiance , & que du- rant ce tems-là on lui atta- choit au col cette Agate , qui ne manquoit jamais d’arrêter auflî-rôt le fang. L’imagina- tion de la Dame ne pouvôitf avoir aucune part à cette gué-' rifon ^ puis qu’on lui apliq*ioi£ cette pierre, fans qu’elle en fut rien 3 mais ce qui eit au defTus de toute chicanerie 3 c’eft que quand il falloir faigner de tems en tems le jeune homme , à eaufë de fon tempérament fan- guin y qui lui faifoit trop de làng , 8c pour prévenir Thé- morragie 3 tant qu’il avoit l’A- gate à fon col y\e lang ne cou- loir jamais avec la facilité 3 8c l’abondance ordinaires 3 011 é- toit obligé d’ôter , 8c d’éloi- gner la pierr e ; cum a~ S 1 Curiofitex^de la 1ST attire s f erienda foret , lapidem aliqu an- do feponere cogebatur^ quandiu enim g \eftabat , fanguis non ef- fluebat , fblità tamen , & défi - de rat a celeritate . S impli c. Me die, ZJtilit, & u fus , pag, 63. Qui dira après cela que les pierres ne font bonnes en médecine , qu’a être mifes en poudre , §£ prifts intérieurement 1 VI. La P i erre de petite J^érole* Es Anciens , qui ont par- ,1 ^lé des pierres y ne font point mention de la pierre de petite Vérole y fous ce nom-là: Sans doute qu’ils Tauront con- nue , & qu’ils en auront parlé fous une autre dénomination. Cependant je ne l’ai point trou- vée décrite dans le petit Trai- té de Théophrafte * ni dans r& de l'Art, Laët , non plus que dans le jufte volume de Boëtius de Boot. Cette pierre, qui viens des Indes, eft belle , de digne de confidération. On l’apelle J? terre de petite Vérole 5 parce que dans fa couleur verdâtre, elle eft parfemée de taches blanches , de rondes, qui ré- préfëntent fort bien des grains de petite Vérole meurs, &a- platis. Cette pierre eft une eft pèce de Jafpe vert. Il y en a de toutes fortes de figures. El- les font ordinairement rondes * de un peu plâtres. J’en ai vu une qui étoit ronde, de grofle com- me une balle de jeu de pau- me. On fait aujourd'hui beau- coup de cas de cette pierre ; à caufe de la vertu qu’on lui atribuë de faire facilement for- tir la petite Vérole , de d’em- pêcher qu’on n’en foit marqué; 94 Curiojite^de la Nature ÿ pourvu qu’on la laifle apliquée luT la chair du malade.Les Phi- lolbphes , comme Crollius, qui prétendent que l’Auteur de la nature a mis des indications y qu’ils apellent Signatures , dans les plantes 5 & dans les pier- res, de qu’ils regardent com- me des marques extérieures de leur vertu oculte , de inté- rieure , ne manqueront pas de fbûtenir que cette pierre doit être un amulette merveilleux contre la petite Vérole. Crol- lius a fait un Traité de S.i~ gnaturis internis rerum , qui rou- le entièrement fur la relie m- blance , que les plantes ont dans leurs feuilles, dans leurs femences, ou dans leurs raci- nes, avec le mal, ou la par- tie malade. C’elt fur ce prin- cipe, qu’il dit, que la femen- ce de raves ? ou de lentilles de l Art. 9 5 mife en décodion , eft un bon remède pour la petite Véro- le 5 à caufe de leur reflemblan- ce avec les boutons nai flans de cette fale maladie. Vario- lis infantum , feminis raparum & lentium decoBum medetur â Jîmilitudine. p. 48. Que n’au- roi t point dit ce fameux Phy~ fîcien , s'il avoit connu la pier- re , dont nous parlons l II au- roit bien fait valoir fon grand- principe ^ qu’il apeile : miram ex innatd rerum Jignaturà cum corporis noflri membjris harmonie cam corre [pondent iam . C’eft 2, dit-il , à caufe de cette corref- pondance harmonique , &, de cet» te reflèmblance que tous les Médecins conviennent 5 que la pulmonaire eft excèlente pour les maladies du Poumon. Ce qu’il juftifie à l’égard d’un très- grand nombre d’autres plaiv 5? 6 Curiofite^ de la Nature, tes , dont il parait que la Si- gnature a été la raifon du choix* qu’on en a fait pour certaines maladies. Gaffarel excelle *& brille merveilleufèment fur ces Signatures , qui font comme au- tant d’infcriptions gravées par les mains de la nature fur les chofes naturelles * pour apren- dre aux hommes l’ulage qu’ils en doivent faire. Gaffarel ^Ciï- riojïtez^inoüies , p. 85. Crollius a fes admirateurs , comme il a fes contradicteurs : Comment connaitre ceux qui ont raifon ? VIL La Pierre nèfrê tique. CEtte pierre vient de la nouvelle Efpagne. Son nom fait connaitre qu’elle eft reconnue propre, pour arrêter les douleurs afreufes de la co- lique de P Art. 57 lique néfrétique 5 pour brifer la pierre des reins, 6c pour fai- re jetter le fable par les urines. On 1 attache ordinairement au col. Quelques perlonnes la por- tent lur la région des reins. On la met auffi à la cuifle , au bras , ou bien au doigt mon- tée dans une bague. Il eft facile d’être trompé dans le choix de cette pierre * parce qu’encore qu’elle foie le plus fouvent grife , 6c ver- dâtre , il n’eft pas aifé de la diftinguer d’un Jaipe , qui eft tout lemblable : Et d’autant plus que la Pierre néfrétique eft quelquefois mêlée de jau- ne , de blanc , ou de noir ^ ce qui la confond abfolument a- vec une infinité de Jafpes dans lefquels on voit le même mé- lange de couleurs. Ce qui pourrait y mètre de la diféren- Curiojitex^ de la Nature , ce 5 c’eft qu’ordinairement la Pierre néfrétique eft moins du- re, ôc qu’elle ne prend pas un û beau poli que le Jalpe. A- près tout il y a très-fouvent fi peu de diférence entre le Jaf- pe , & la Pierre néfrétique , qu’on eft fort embaralle à les diftinguer 5 &c dans le choix, on ne rifqueroit pas beaucoup à faire, comme le juge Bri- doye , dont parle Rabelais , qui décidoit par deux coups de dez , les procès qui i’embar- raftoient. VIII. La Pierre Divine. CEtte pierre eft une nouvel- le efpèce de Pierre Néfré- tique,& à laquelle on commen- ce de donner [du crédit dans le monde» Elle eft cependant plus & de l'Art. 99 brune , plus dure , & d’un plus beau poli, que la Pierre Né- frétique. J’en ai une , qui eft plâtre , 5c taillée en cœur , que je confens fort volontiers qu’- on nomme Pierre Divine $ afin de lui donner du relief parmi mes curiofitez. Le nom de Di- vine , qu’on donne à cette pier- re , eft fondé fur les grandes vertus qu’on y a remarquées. On allure qu’elle cafte la Pier- re dans les reins, 5c la poulie en petit fable par les urines , fi on la porte attachée fur les reins. La grande queftion revient toujours : 5c il y aura des gens très-raifonnables qui doute- ront des qualitez qu’on attri- bue à cette pierre. M. Redi , qui s’eft attaché à faire des expériences fur les choies qu’on aporte des Indes , 5c dont nous I ij ïoo Curiojîtez^ de la Nature y avons un ouvrage fur cetre ma- tière , n’hefite point à dire qu’il ne croit rien de toutes ces prétendues vertus. On a , dit- il ^ aporté pla- ceurs fameux médicaments d’Afrique , ôc des Indes tant d’Orient, que d’Occident En Europe , ôc on comptoit beau- coup fur ces drogues ^ cepen- dant, quand j’en ai voulu faire l’elTai 3 je n’ai rien trouvé qui vaille : Rem loquor veram mili- ta famofa médicamenta , in de ab Africa y & Indiis tam 0~ rientalibus > quàm Occidentale bus , magnà expeïlatione in Eu* ropam delata y mihi traîlanti non refpondijfe > & fatto péri - culo nullius valons fuijfe • Ex- periment. NaturaL p. 88. Un peu après il modifie cette cen- lure fi violente , & dit : Je n’i- gnore pourtant pas 5 6c j’en ér de l'Art. iof fuis convaincu par moi-mê- me , que les expériences font dificiles , êc fur tout fort trom- peufes en matière de méde- cine 5 parce que les maladies de même efpèce ont fouvent des caufes toutes diférentes , félon la difpoficion des corps , &: les circonftances du lieu du tems 5 & qu'il ne faut que très-peu de chofe^pour arrê- ter , diminuer > ou varier l'ac- tion de la nature. Voila ce qu’on apelle faire ufage de la raifon , & véritablement phi- lofopher. Nec tamen ignoro , aut quotidie minus expert or 5 ex- périmenta difficiliora , & ma- xime fallacia ejje iüa , quæ tir- ca res me die as fiunt , p. 90. Les vrais Philofophes ne vont pas fi vîte 3 & ne décident pas avec hauteur. Ainfi fupofé que dans les lieux , où fe forment lüj 102 Curioftez^ de la Nature ^ les pierres , il s’y trouve des parties falines 5 vitrioliques 3 du foufire 3 du bitume , des fubfi tances métalliques , avec les fucs pétrifiants $ en voila tout autant qu’il en faut 5 pour com- muniquer à ces pierres des qualités médecinales. C’eft fur ce principe , que M. Boyle démontre qu’il y peut avoir de grandes vertus dans les pierres , & que la cha- leur du corps humain eft fu~ fifante de les déveloper , & d’en faire fortir de larges é- couîemens de matière fubtile, & médecinale. Ce qui foit dit , fans pourtant autorifer les ré» cics fabuleux , & les hiperbo- les , dont des Auteurs peu exa&s , & trop crédules ont rempli leurs écrits. M. Boyle a pris fur cette matière , com- me fur tout ce qu’il examine & de l'Art. 103 un raifonnable, & jufte tem- pérament : Et on ne fauroit lire qu’avec beaucoup de fà- tisfadion fon docte Traité : De zemmarum origine , & vir - tutibus. I. Le Md ch a -mon a , ou la Cal~ lebajfe de Guinée . St un fruit de la même JL/ figure que nos Callebaf. fes. Auffi l’apelle-t-on pour ce fujet : Callebaffe d'Afrique. Il y en a qui ont un piédelong, &c lïx pouces de diamètre. L’écorce eft une fubftance li- gneufe très-dure 5 &: dont 011 pouroit faire, des taffès, com- me on en fait de Coco. Le deflus de cette écorce eft cou- vert d’une efpèce de velours verdâtre qui fait un bel éfet. I iiij io4 Curiofetez^ de la 'Nature 9 Le .dedans de ce fruit eft ad- mirable. Il eft divifé par cô- tes, comme le melon l’eftpar dehors. Ces côtes font répa- rées par des filamens , qui en atachent la chair à la paroi intérieure de l’écorce 5 & ces filamens partent de la circon- férence , & fe terminent au cœur du fruit. La chair eft proprement de la même cou- leur , que le dedans de la ci- trouille. Quand ce fruit eft meur , cette chair eft d’un goût aigrelet , & qu’on trouve dé- licieux dans les pays chauds , où l’on en ufe comme de Li- monade à Paris, pour fe ra- fraîchir. On en donne volon- tiers aux malades 5 & fur tout dans les cours de ventre 3 car outre le fuc > qui eft un peu ftiptique , la chair eft d’un auffî bon goût que le pain d’épices & de l'Art. 105 de Reims ,* &: peut palier quand elle eft sèche, pour un excé- Jentabforbant. Lesefclavesen font de la boüillie. Il y a dans ce fruit grand nombre de pé- pins gros comme de petits pi- gnons, &: dans chacun il y a une amande incomparable- ment plus délicate au goût , que nos amandes douces. Ces pépins font de couleur de châ- taigne , de de la figure d’un rein , ou de la graine de mufe. Les femmes d’Afrique qui ne connaiflènt point la prèfure , fe fervent de la chair de Ma- cha-mona, pour faire cailler le lait. L’arbre qui porte ce fruit eft gros, & haut pour le moins , comme nos plus grands chênes. Sa feüille eft épaifîe* de plus grande que la feüille de Maronier d’Inde. O11 Papelle Macha-mond) c’eft-à-dire s lo6 Curiojïte^de lalSTature 5 manque far les oi féaux 5 car les oifeaux qui ont le bec fort , en font très-friands , crèvent récorce pour manger le de dans Nous l’appelions Calle - baffe de Guinée 5 parce qu’apa- remment on en a aporté de Guinée en France avant que d’avoir obfervé , qu’il y en a aux Ifles de l’Amérique. La queue n’eft autre chofe que tous lesfilamens du dedans du fruit , lefquels fe réunifient là $ ou fi l’on veut, ils partent de là , pour fe fèparer 5 afin de ta- piller l’écorce intérieure du fruit, & de le partager en cô- tes. Au lieu que dans nos Ci- trouilles la graine eft en abon- dance, & toute au cœur du fruit; au contraire dans le Ma- cha-mona il y a peu de pé- pins 5 & ils font répandus dans toute fa fubftance , fort & de F Art. ioj envelopez dans la chair } & loin l’un de l’autre. ir L' Aouar a. St un fruit qu’on trou- ve aux Indes d’Occi- dent , & qui craît à une ef- pèce de Palmier fort haut , & épineux. Cette efpèce de pom- me fort d’une gouflequi con- tient un bouquet de plufîeurs de ces fruits. Quand l’Aouara eft en maturité, il eft d’un jau- ne doré. Sous l’écorce il y a une chair jaune , & qu’on mange parmi les Indiens. Cette chair cache un noyau gros comme le noyau d’une pêche * &: dans la fuperficie duquel y a trois trous aux cotez , êc deux plus petits tout proche l’un de l’autre. Ce noyau a deux lignes d’épait ïo8 Curiojîtez^de la Nature s feur* il eft d’une dureté de pier- re, très-dificile à cafter, & dans lequel on trouve une belle a- mande blanche, qui eft d’abord d’un goût agréable , quand on la mâche * & puis on y trouve fur la fin une petite pointe pi- ' quante , Scquiaproche fort du goût du fromage de Saflenage. C’eft de ce fruit, dont on ti- re l’huile que nous apellons ici huile de Palme $ & en éfet c’eft un efpfece de Palmier , comme je l’ai dit , qui porte ce fruit qu’on trouve plus communément dans l’Afrique, que dans P Amérique. Et les Vaifteaux, qui vont chercher des Nègres en Afrique, font ordinairement une grofle pro- vifion de ces Aouaras , pour les nourir : & quand ces efclaves font attaquez dans le voyage } par quelque cours de ventre i & de l'Art. 109 on calTe le noyau pour avoir l'a- mande , qui eft un des meil- leurs aftringents 3 qu'ils con~ naiflent pour arêter ce mal. J'ai apris cetce pratique dans lefé- jour que j'ai fait en Afrique > de à leur imitation je m'en fuis quelquefois fervi avec fuccès. III. La Badiane. IL y a des Auteurs qui l'a- pellent YAnis des Indes , par la feule raifon qu'il a une odeur, de un goût pareils à la femenee d’anis , quoi qu'il n’ait rien en quoi il lui puifle re£ fembler pour le refte. La Ba- diane eft une fèmence qui vient des Indes. Elle eft faite à peu près comme la graine de me- lon j mais un peu plus gran- de , de plus épaifle 3 la couleur iro Curiojîtez^de la Nature , refïèmble aflez à celle de la ièmence qui fe trouve dans les Siliques de la Cafte j excepté que la Badiane eft incompa- rablement plus unie, plus po- lie i & plus luifante. Cette fe- mence eft enfermée dans une capfule épaifle , dure , & qui a la forme d’une étoile à fept rayes. Il y a un grain de Ba- diane dans chaque rayon. Cet- te figure d’étoile eft très bel- le , 6c tres-réguliere. La Ba- diane eft fort célèbre à la Chi- ne , par tout l’Orient 3 parce que les Orientaux , à l’imita- tion des Chinois en mêlent dans leur Sorbet, & dans leur Thé. Ce mélange n’eft pas feulement afin de les rendre plus agréables 5 mais fur tout parce que la Badiane a une vertu carminative, c’eft-à-dire , très-propre , & très-puiffante % '& de l'Art. TU pour chafler les vents du corps, 6c pour fortifier le cœur, 6c l’eftomac. Cetufàge commen- ce de s’établir aufli à Paris ^ chez les perfonnes à qui il eft facile d’avoir fuffifamment de cette précieufe Badiane. Gaf- pard Bauhin apelle la Badia- ne , frutius fiellatus , à caiife que tout le fruit répréfënte fi vivement une belle étoile. IV. Le Z et- ch i. LE Let chi eft un des plus beaux fruits , & des plus délicieux de la Chine. Il craît particulièrement dans la Pro- vince de Canton. Il eft de la grofleur d’une noix de Galle commune. Le dehors eft une écorce chagrinée fort mince, & d’un rouge éclattant de pon- îli Curiojîtez^de la Nature 3 ceau , quand le fruit n’eft point delleche , & qui fe termine en pointe comme une grofle noix. Il y a dans cette écorce une elpèce de prune d’un goût très- agréable, On doit être atten- tif à n’en manger pas trop , parce que ce fruit échaufe ter- riblement. 11 y a fous la chair molle de cette efpèce de pru- neau long 3 un petit noyau pier- reux fait tout comme un clou degerofle. Comme les Chinois le laiflent fècher , ils en man- gent toute l’année, &, ils en mêlent dans le Thé au lieu de fucre pour lui donner un pe- tit goût aigres qui fait beau- coup de plaifir. Le R. P. de Fontaney Jéfuite , &: Million- naire à la Chine eft le premier qui en aaporté à Paris en l’an 1700. Y & de T Art. n$ V. Le Many>ufian . C'Eft un fruit qui crait dans le Royaume de Siam , ôc qui eft le plus délicieux de tout l’Orient làns exception. Il ref- femble fort à nos groiïes noix vertes. Il a fous fon écorce un fruit blanc , d’un goût un peu aigret , & qui furpafle d’ail- leurs infiniment le goût de nos meilleures pêches. On tient dans les Indes que ce fruit eft froid , & aftringent.On le tranft porte dans tout l’Orient * où il eft fort eftimé , particulière- ment à caufe de la vertu qftil & d’arrêter tontes fortes de cours de ventre. De fon écorce même on en fait une excélente pti- faune,, qui a la même faculté qui eft très-agréable à boire ’ JT ? H 4 Curiojîtez^de la Nature y &c dans laquelle les Indiens metent de la cache * 6c du ris torréfié. La figure de ce fruit eft admirable,, il a du côté de la tête une petite rofe à fix feüilles en relief , 6c fi réguliè- rement deflinée, qu’on ne la fàuroit voir , fans admirer ce petit jeu de la nature. VL Le Panache de mer , ou la Pal- me marine . IL y a des prairies , des Jar- dins j & des forêts mêmes au fond de la mer. Pline le dit formellement de la mer rou- ge, 6c de la mer à'Onçnz.Mare Rubrum , & totus Orientis O- ce anus refertus eft fylvis .. Hijl» Nat. Lib. XIII. cap . 2j. H remarque enfuite fort curieu- fement que , pendant qu’il y a % & de T Art. îif aux environs de la mer rou- ge, des folitudes afreufes, fans plantes , de fans arbres, fi on excepte une efpèce d’épine , qifon ne trouve que de loin à loin , il y a fous les eaux de cette mer des forêts d’arbres qui fleurifient, de qui portent des fruits $ comme fi la nature avoir voulu par ces végétations marines, nous dédomager de ce qu’elle ne produit rien dans les terres léchés , de fteriles de l’Arabie pierreufe. Il y a dans cette mer, dit Pline, particu- lièrement des Lauriers , de des Oliviers. Le Laurier y porte fès baies, de l’Olivier y eft char- gé d’olives : Mirum efi in ma- ri rubro fylvas vivere 5 laurum maxime , & O-livam fèrentem haccas . Que de merveilles la mer cache fous fes eaux - J’ai aporte d’ Orient un Panache de 1 1 6 Curiofitez^ de la Kf attire , la mer rouge, qui eft tout-à-fait curieux. Il eftf tout d'une couleur , mais il eft fingulier en ce qu’il eft d’une couleur de ta- né clair en fa croûte , qui fem- ble être une efpëce de chaux pétrifiée : & deflous cette croû- te légère , il y a un tifïu de fi- la me ns ligneux , pliables , & aufli dificile à rompre que de la baleine. Dans mon panache de la mer rouge , ces filamens ligneux font de couleur d’o- live , mais fort liffez , & fort beaux à voir. Il y a encore cet- te lîngularité; qu’il eft, comme la Madrépore , percé d’une in- finité de petits trous , ce que je n’ai point remarqué dans les Panaches qui viennent de la Mer des Indes Occidenta- les. Cette belle végétation eft donc une efpèce de plante ma- rine, toute plate, & étendue & àe F Art. 117 en forme d’évantail. Il eft ra- porcé dans le Cabinet de Cal- ceolarius p. 17. que les Dames de l’Amérique font fort eu» rieules de ces Panaches de mer$ qu’elles les eftiment fort 3 de qu’elles les recherchent avec beaucoup d’emprefiementipar- ce qu’elles s’en fervent com- me d’éventails , pour s’éven- ter , de pour fe rafraichir dam les grandes chaleurs. Les branches de mon Pa- nache fonttifluës très-délica- tement , en forme de point coupé , ou bien , comme dit Clufius , ainfi qu’un filet > ou un rets à prendre des poiflons5ôc des oifeaux. C’eft à caufe de cette admirable contexture * que ce favant homme nomme cette plante 1 planta retiformis * Ce lacis fi délicat eft foute- mi dans le milieu des branches^ ïiS Curlbjtte^ de la Nature y par une efpèce de carde , ou de côte y qui fort de la raci- cine ^ & qui fe termine vers lé haut de la feuille, où cette efpèce de tige fe perd imper- ceptiblement. Ce Panache vient du fond de la mer rou- ge, aiant crû fur des rochers 3 où il avoir pris racine , à la maniéré de tous les Pana- ches, Quand un Panache a plu- fîeurs branches , & qu5il eftde trois couleurs , comme celui du Cabinet de fainte Gene- viève , il mérite proprement le nom de Panache ; parce qu’alors il reffemble aux bou- quets de plumes , & aux vrais Panaches * qui ornent la tête des Acteurs d’une Tragédie. Et c’eft fans doute cette rel- femblance , qui a fait donner à cette végétation marine , le Bom de Panache de mn & de l'Art. n 9 Outre mon panache de couleur tanée , 6c qui a un pied 6c demi de haq£ , 6c au- tant de large , j*en ai un pe- tit du plus beau rouge qui fe puiflèjvoir. Sa croûte n’eft pas percée de petits trous comme Pautre : mais il a cela de lin- gulier , qu’il cft tout chagri- né : ce qui n’eft pas ordinaire aux panaches qui viennent des Indes d’Occident. VIL La F ève fébrifuge: C’Eft une efpèce de fève ? qui craît aux Ifles Philip- pines 5 6c dont les Originaires du pays le fervent , comme d’un fébrifuge immanquable. La figure * 6c la grofïeur font prefque comme -celles d’une hermodacte ; mais Thermo- ïio Curiofîtez^ de la Nature y da&e eft blanche , & la fève de faint Ignace eft grizâtre ^ &c blanchâj^e par dedans. Elle eft d’une très-grande amer- tume. On la nomme dans une partie des Indes , fève de faint Ignace * parce que ç’a été un J é fin te Efpagnol qui le pre- mier y en a aporté la connaif- fance. Elle y eft fort eftimée. Dans le commerce que ce Jé- fuite eut avec les Habitans des Philipines , il reconnut qu’ils s'en fervoient pour le guérir de la fièvre. C’eft un puiftant purgatif.Ce qui n’allarme point les Indiens, qui ne font point de façon de fe fervir de pur- gatifs violents. Et fur ce fu- jet M. de Tournefort dans la Préfacé de fbn Hiftoire des Plantes des environs de Pa- ris , fans ménager la ridicule délicatefle de ceux qui aiant (fi de l'Art. i i f un grand fond de mauvaifes liumeurs , aprehendent cepen- dant les purgatifs un peu forts, a dit très- à-propos , comme s'il étoit pojjîble de bien vuider un fac fans le fecoüers ou fi l'on pouvoir rétablir les humeurs , fans y exci- ter quelque mouvement , qui les débrouille , (fi qui procure la fè- paration de la matière , qui en avoit changé la tiffure. On m’a affuré que la fève de Saint Ignace craiiïbit auifi dans rif- le de Sam-cham, où eftmort Saint François Xavier , dont les Reliques ont été depuis tranf- portées à Goa. Tout ce que je puis dire fur céte fève , c’eftque j’en ai vu dans les Indes des éfets mer- veilleux , de que j’en garde fort foigneufement quelques- unes que j’ai eues de quelques Ef- pagnols > qui vendent des Ma- nilles. L lu Curiojîtezjle la Nature VIII. Le Bois de Bambou. CE Bois eft fort célébré dans les Indesjnon-feule- ment parce qu’il entre dans la matière médicale des Indiens * niais encore parce qu’ils en font quantité d’ouvrages, qui font d’une grande utilité dans leur domeftique. On tire du Bambou, qui eft une efpéce de canne, ou rofeau, un fucre ,que les Indiens regardent comme un excélent remède à plulîeurs maux. Mais ce n’eft pas par ces raifons là, que j’ai eu la eu* riofité de rechercher , & d’a- porter du bois de Bambou. On lait de quelle utilité le feu eft dans la vie 5 de fur tout dans les pays Septentrionaux. Les Poe tes qui envelopent tou- ê & de l'Art. Ii 3 jours quelque vérité fous le voile de leurs Fables., difenc que Prométhée monta dans le ciel par le fecours de Minerve y 6c qu’ayant aproché un flam- beau du chariot du Soleil , il vola le feu du ciel, qu’il aporta fur la terre : Et en éfet le feu efl: un préfent très- précieux , que l’Auteur de la nature a fait aux hommes. Vitruve dit que çra été par le doux plaifir qu’il y a à fe chaufer , que les hom- mes qui vivoient auparavant degland?féparez dans les forêts comme les bêtes , commencè- rent à former la fociété civile, à fe polir par des loix , & à régler leurs intérêts par des contrats, 6c des conventions. Et nous re- gardons aujourd’hui avec é- tonnement ce qu’on vient de publier des Habitans des If- les Marianes, aufquels le feu rïi4 Curiofite^de la 'Nature. ctoit inconnu. Ce qui eft déplus étonnant , dit le Pere le Gobien Jefuite 3 & ce quon aura peine à craire , cefi que les Habitant des J Jle s Mari an es n3 av oient ja- mais vu de feu 3 cet élément fi ne- cejfaire leur étoit entièrement in ■> connu . ils n3 en fav oient ni ïufa - ge 3 ni les qualité ^ 5 & jamais ils ne furent plus furpris que quand ils en virent pour la pre- mière fois à la décente que fit Magellan dans une de leurs I fi les , où il brûla une cinquantai- ne de mai fions 3pour punir ces In- fiulaires de la peine quils lui a- voient faite . . ils regardèrent le feu dans les commencement 3 com- me une efpèce d'animal qtù s3 a - tacboit au bois , dont il fie nourifi fait. Les premiers qui en apro- cherent de trop prés 3 s3 étant bru - lez^ en donnèrent de la crainte aux autres 3 & no fièrent plus le regar - & de l'Art. îlf derque de loin, de peur , difoient- ils, d'en être mordus , & que ce terrible animal ne les bleffâtpar par fa violente refpiration . Liv. ILpag. 44. & 45. Vitruvedit que les premiers hommes ne connurent lefeit, que par hazard: quelques ar- bres qui étant près les uns des autres , fe frottant violemment par la tempête , s’enflamérent , & cauférent un grand incen- die. Lib.U. cap. 1. Ce que les premiers hommes ne connurent que par hazard , les Indiens le connaiflent par une expérience journalière , & qui efl: d’autant plus curieufë , qu'elle donne du feu avec une très, grande facilité. Quand les Indiens veulent fumer du ta- bac , & allumer leur gargou- lis, fils tirent du feu du Bam- bou par le frottement. Voici î lé Curlofte^de la Nature comme ils font. Ils ont deux morceaux de Bambou fendu, dans Pun ils font une coche , Sc ils frotent avec l’autre mor- ceau dans cete coche , & fans que le Bambou s’enflame ,, ni qu’il étincelle , quelque feüifc- îage fec , ou autre matière in- flammable ,Jque Pon apliqueà la coche, prend feu aufli-tôr. C’eft cette curieufè faculté de faire du feu facilement , qui m’a porté à rechercher de ce bois , & à le placer parmi les chofes,dont on doitfairecas.il y a une vertu medecinale dans la racine , & qui la rend d’un u- fage très-frequent dans les In- des. C’eft un diurétique très- éfîcace s & les femmes de mau- vaile *vie ne connaiiîent que trop en ce pays-là le fecours , qu’elles en peuvent tirer , pour cacher & pour continuer leurs defordres. '& de l'Art . I 27 IX. 720/x <£ Areca. C’Eft le fruit d’une efpé- ce de Palmier , qui craît en plufiers lieux des Indes d’O- rient. Quand ce fruit n’eft pas bien meur ,, il eft allez agréa- ble .* mais il étourdit ceux qui en mangent 5 &. ils tombent dans une maniéré d’ivrefle, dont ils ne reviennent pas fi- tôt, &c durant laquelle ils font fort gaillards. Il devient infi- pide à mefure qu’il meurit. Les Indiens fe fervent de la noix d’Aréca^ pour compofer des trochifques , qu’ils mâ- chent comme quelques-uns font ici le tabac , afin de le fai- re cracher, & de dégager le cerveau. Ils la mêlent avec le Bétel j dont la feuille eft ad- Liiij ï 18 Curiofitez^de la Nature. mirab le , pour raréfier la pi- tuite du cerveau, pour fortifier l’eftomac , &c pour rafermir les gencives. Ils y mêlent encore le Cardomomum. Ce flic épaif- fi d’ Areque eft ce qu’on apeile Cache , quand il eft feuL C’eft de quoi ufe le petit peuple. Et quand il eft mêlé avec des cho- fes aromatiques ? on le nomme Cachou 5 & il eft beauc oup plus cher. Les Indiens mâchent de cette compofition, afin de fe rendre rhaleinedouce,&agréa- ble. Ce bétel leur rend les lè- vres fort belles 5 parce que le lue qui en fort, eft rouge comme du lang. M. l’Abbé de Choify dans fon Journal du Voyage de Siam , parlant d’une collation , qui futfervieà Batavie devant M. le Chevalier de Chaumont^ Ambafladeur du Roy à Siam, àit^Les Dames s'y font trouvées ; I - • • . . & de r Art. i ip mais bon Dieu ! quelles Dames 5 qui toujours mâchent du Bétel , & de t Are que ! Or vous faure ^ que de ce Bétel découle une liqueur rouge comme du fang 5 & Me f- dames ont la bouche 3 comme fi on leur venoit d'arracher quatre greffes dents, pag. 234. Le Bétel eft une plante des Indes d’Orient , dont les feiiil- les reflemblent allez à celles du Citronnier. Elles font d'un goût aromatique , 3c d'une odeur qui fait beaucoup de plaifir. Au refte les Indiens font per- fuadez que l’Arèca, ou Arè- que eft excélent pour réta- blir , & pour fortifier i'eftomac. Le Bois d' Aigle. JE ne croi point qu’on doi- ve confondre le bois d'Ai- " a v 130 Curiojïtez^ de la 'Nature , gle avec le bois d’Aloès; parce- qu’il me paraît que ce font deux bois tout- à- fait diférens. Le dehors de ces deux fortes de bois eft aftez femblable. Mais ils diférent en ce que le bois d’ Aloès a un goût amer , quand on le tient quelque tems dans la bouche * & on ne trouve rien de cette amertume dans le bois d’Aigle. Ainfi il me femble qu’il en faut faire une efpécè diférente. Quand on brûle le bois d’Aigle il en exhale une fumée legere ^ qui eft d’une o~ deur charmante, très-propre à fortifier le cerveau , le cœur , l’eftomac , &; à ranimer les et prits. Ce bois non-feulement eft rare en France, mais mê- me dans les Indes. On le trou- ve dans laCocbinchine:Etce qui fait que ce bois eft fi rare , c’eft que les Cochinchinois font & de l'Art. 1 3 ï gens pea pratiquables 5 &d’un très- dificile commerce. Ce qu’on en peut avoir à Siam fe garde dans les Magafins du Roy. C’eft fur cela que M. T Ab- bé de Choify a dit fi agréable- ment : Dans quelques jours nous irons dans les Magafins du Roy , choifir ce qvJ il y aura de fins beau. Si M. Confiance prend mes avis , & qu'il tombe fous ma main de gros vafes dyor> je ne les laijferai pas èchaper : cela vaut bien des par avant s 3 & du bois d' Aigle, pag. 3 66. Dans les préfens que le Roy de Siam envoyoit en France , il y avoit quelques livres debois d’Aiglejcomme nous le voyons dans la Relation de M.le Che- valier de Chaumont. Les Indiens qui peuvent avoir de ce bois, s’en fervent dans leurs maladies contagieufes 7 132 Curiojîtez^de la 'Nature pour faire des fuffimigations for lefquelles ils comptent beau- coup. Comme ils croient de grandes vertus dans ce bois , ils fe les font entrer dans le corps en parfum par le moyen de la fumée : en éfet le fel vo- latile de ce bois non feulement eft fodorifique, mais encore il fortifie le cerveau , réjoiiit le cœur , échauffe Teftomac, ra- nime les efprits , 6e refifte puif- famment au venin. Cette ma- nier e de prendre ces efprits volatiles des remedes par la fu- mée , 6c en parfum , eft non- feulement très* bénigne, mais encore plus éficace qu’on ne penfe. Cette voie eft merveil- leufe pour purifier l’air de la chambre d’un malade , 6c pour qu’il ne refpire qu’un air falu- bre. Mais par delfus cela, ce qu’on ne fauroit trop eftimer* T>°3- '33 Ëp de l' Art. 133 on guérit par ce moyen les plus ' terribles maladies , 6c fur tout celle qu’on dit avoir été tranf- mife de l’Amerique en Europe, dont elle a infe&é toutes les Régions, Elle n’eft point in- connue chez les Tartares Pré- copites. Mais ce que l’on ne fait peut-être pas allez 5 c’eft que ces peuples s’en guerilîènt ra- dicalement , & avec la plus grande facilité du monde , par la feule fuffimigation du Cin- nabre -, comme on le peut voir dans le Capivaccius , de lueve - nerea. cap. 12. Je fai qu’il y a dans Paris de très-habiles Mé- decins , qui ne condamnent pasl’ufage des fuffimigations 5 & il feroit peut-être à fouhai- ter qu’on ne les négligeât pas tant. 1 34 Curiojîtez^ de la Nature X I. JLe Bois & la Gomme de Ta- camaca . LE Tacamaca eft un grand arbre , qui eft fort com- mun dans la nouvelle Efpa- gne , & qui le trouve auffi à Madagafcar , de dans lllle Bourbon. P Quoique dans ces pays le bois de cet arbre foit employé à faire des planches , des mats, & des pièces de bois pour les Yailleaux , il ne lailfe pas d’a- voir des qualitez medecinales. Dans les grands maux de tê- tes, &dans Tabatement d’ef- prit la fumée de ce bois dimi- nue la douleur 3c réjouit. Ce bois eft fort refineux , de relîèm- ble alfez pour la couleur au bois de Sainte Lucie. La Gomme de Tacamaca la '& de l'Art. 135 plus eftimée,eft celle qui fore de l’arbre fans incifion. On la nomme , par excellence , la Goynme de Tacamaca fublime. Elle eft rougeâtre , tranlpa- rente5& d’une odeur çéjoiiif- fante. Les Indiens font grand cas de cette Gomme. Ils s’en fervent contre plufieurs maux, & en font des baumes excel- lens contre les bleflures. L’u- fage le plus ordinaire qu’on en fait à Paris j c’eft d’en faire de petits emplâtres , qu’on apli- que fur l’artére de la temple , pour apaifer la douleur des dents. Ce qui réüffit très-fou- vent. Je n'en ai point vu de plus belle * que celle que M. Hebert , Directeur de la Com- pagnie des Indes d’Orient don- na il y a quelque tems â M. l’Abbé de Vallemont. Il y en avoit bien une livre d’un beau iy& Curiojîte ^ de la Ibf attire 5 choix : &; elleécoit envelopée dans une grande feüille, qui avoit plus de deux pieds de long, &: plus d’un pied de large. Le tout étoit au même état qu’on lui avoit aporté de rifle Bourbon.il ne faut pas ici ou- blierqueEtmuier recommande extrêmement laGomme deTa- camaca pour fortifier le cœur êcTeftomac > en l’apliquant en épitème fur la partie. On la tient pour un Souverain re- mede aux douleurs des jointu- res. Elle réfout toutes les tu- meurs invétérées , arrête le cours des humeurs froides. Cet- te Gommeabeaucbupde ver- tus medecinales 3 mais la quef- tion eft d’avoir de la véritable. *37 & de l'Art XII. Un Zitophiton extraordinaire . DEpnis que Monfieur Li- gnon le jeune , eft reve- nu de la Guadeloupe , on ne fauroit ignorer à Paris ce que c’eft que Zitophiton. Il en a a- porté de l5 Amérique unefi gran- de quantité, de plufieursef- pécesfi curieufes , qu’il n y a point de cabinet où il ne s’en trouve. Ainfi il eft prefque inu- tile de dire que cette plante pierreufe eft un prodige dans la nature. C’eft une plante *.& comme telle , elle appartient au régné des Végétaux. Mais elle eft fi pierreufe par la croû- te blanche 5, & tartareufe , qui couvre fa tige & fes bran- ches , que le régné des Miné- raux pouroiE la revendiquer. M î 3 8 Curiofîtez^ de la 'Nature Le Litophiton r donc je veux parler ici, devroic avoir place parmi les Minéraux par un double titre * non-feulement par l’écorce pierreufe qui le couvre, à la maniéré de tous les autres : maïs encore par une iîngularité ,qui le rend tout-à fait rare , &i extraordinaire. Tous les Litophitons craiflent attachez fur des rochers dans la mer , & depuis la racine juC qu’au bout des branches * fous la croûte pierreufe , il y a u- ne efpéce de bois fort dur* pliant , &c auffi dificile à rom- pre que de la baleine. Mais le mien eft fort diférent. Il a végété en pierre purement plus de deux pouces de haut 5 au- près cela, le tronc de pierre de ce merveilleux ar b rideau fe fépare en trois branches. Et c’eft de là que s’élèvent un & de ï Art. 139 grand nombre de branches , qui forment une toufe ronde en maniéré de bouquet. Ce qui fait encore une rareté dans ce Litophiton j parce qu’ordinai- rement ces plantes marines crailîènt étendues en large comme un éventail. Il a été trouvé dans la fameufe Fontai- ne bouillante delà Guadelou- pe 5 laquelle , quoique fouvenr couverte par deux 5 ou trois pieds d’eau de la mer , ne lait fe pas de faire encore voir fes boüillons d’eau qui s’élèvent: au-defTus.Cette Fontaine vient de la grande Montagne de la Soufrière qui brûle continuel- lement ^ &, c’eft fans doute ce qui rend fes eaux lî chaudes» Autre merveillejc’eft qu’au mi- lieu d’uneeau brûlante5il ne lait le pas de fe faire une végétation: t {£ admirable que le Litophà- 140 Curiofitez^de la N ature ton, dont je viens de parler. Un Phiiofophe ne va guere loin fans trouver un éciieil , qui Farrête : cela mortifieroit bien fon orgüeifos'il fe pou voit qu’- un homme , qui pafle fouvent la nature en revûë , où il ne comprend prefque jamais rien , eût quelque bonne opinion de fon lavoir. Il en eft pourtant qui font faits de la forte 5 puif que Saint Jérôme définit un Phiiofophe 5 Gloriœ animal 5 fopularis aurœ atque honorum venais mancifium . XIII. Une Racine de M abouta. SI les hommes n’avoient point d’autres ennemis que les animaux les plus féro- ces, & les plus furieux , iî ifauroit pas çtç néceffaire & de F Art. 14Î forger le fer , &c d’aiguifer l’a- cier , pour en faire des armes. L'Empire que Dieu donna à l'homme fur tous les animaux de la terre, qui lui étoient fou- rnis , tant qu’il fut lui-même fournis à fon Seigneur, n'eft pas tellement détruit par le péché, qu'il ne refte encore fur la face de l'homme j des traits de cet- te première Souveraineté qu’il avoit fur toute la nature» C’eft pourquoi il n’arrive guere que les animaux, quand ils ne font pas irritez , fe portent à nous attaquer. Mais l’homme a pour çnnemi l'homme même s & il ne pouvoir trouver dans la na- ture un ennemi plus redouta- ble, & plus cruel. Homo homi~ ni lupus. Les hommes fë font ar- mez les uns contre les autres , &; ont cherché toutes les voies poffibles pour fe détruire 14 £ Curiofitet^ de la Nature , mutuellement.L’Artillerie, de- puis l'invention de la poudre à canon , eft .une maniéré bien expeditive , pour porter promtement chez fes enne- mis le feu > l’horreur , de la mort. Les hommes, qui n’ont point connaiflance de ces arts funeftes qui aiguifent le fer 5 de qui compofent la poudre à canon , ne laiftent pas de fe faire la guerre 3 de d'avoir des inftruments propres à fa- tisfaire leur vengeance de leur fureur. Les Sauvages de l’A- merique font de la racine de Mabouia , des maniérés de mafiuë , dont ils s'arment pour attaquer 5 de pourfe défendre. Cette racine eft noire, plus du- re , 6e plus pefante que le bois de fer. Elle eft toute garnie de nœuds gros comme des châ- taignes, Le feul afpeét de ce dr de P Art. ï 43 bâton y long d'environ trois pieds 3 peint l'image de la mort dans l'imagination de l'homme le plus alluré. Quoique les Poè- tes nous aient appris que la mafluë d'Hercule étoit d'ai- rain , il eft certain qu’elle ne pouvoit avoir rien de plus af- freux, que la racine de IsÆa- touia.AuSi eft-ce par l’excel- lence que ces Sauvages imagi- nent dans cette racine , qu'ils la nomment racine de Ma- bouia y c'efb-à-dire , racine du diable 3 parce que quand ils font armez de cette maflTuë , ils fe croient infiniment redouta- bles. L'arbre, d'ou l'on tire cette racine, n'eft pas com- mun. On en trouve fur le haut de la montagne de la Soufrière à la Guadeloupe , d'où les En- claves Importent 5 & ils fe font une grande fête de rencontrer 144 Cu ri ofîtez^ de la Nature de ces racines, fur tout quand elles ont la ligure de maflTuë. XIV. 'le fruit & la Gomme du Ce dre du Liban . E Cèdre eft un arbre cé- lèbre de tout tems. Les Poëtes du Paganifme > pour loiier les Vers & les Ecrits de quelqu’un , difent qu’ils méri- tent d’être écrits fur le Cèdre i Et Cedro digna locutus $ parce que fon bois eft incorruptible. Les Païens emplovoient le bois de Cèdre à caufe qu’ils ne fe corrompt jamais , à faire les Statues de leurs Dieux 5 & c’eft fans douce pour la même raifon que Salomon fît faire le Temple dejerufalera de ce me- me bois , & qu’il fit alliance a- r& de l'Art. 145 envoyât des Cèdres > du mont Liban * dont il avoit befoin. Lib. Reg. III. c. j. Le Cèdre eft toujours verd : Il aime les lieux froids j de couverts de neige. Comme cet Arbre eft fort fem- blable au Sapin ^ fon fruit eft auffiàpeu-près de la même fi- gure, que la pomme de pin 5 excepté qu’il eft plus uni , plus égal en fa fuperfïcie,&: moins en pointe par l’extrémité. La pom- me de Cèdre , que j'ai , eft des plus belles :6c elle eft en quel- ques endroits toute couverte de la gomme , ou refîne* qui découle de cet arbre. La gomme découle du Cèdre fans incifion* dans les grandes chaleurs ; &: dans les autres faifons on fait des inci- fionsà l’Arbre , pour en faire diftiler ce que la chaleur n’a pû faire fornr. Cette gomme eft: ï 46 CurioJïtezjle la 'Nature fadorifîque 5 & elle eft recom- mandée pour la vertu qu’elle a de digerer , de refoudre , dé- molir, de confoiider, & de for- tifier.Elle eft merveilleufement déterfive , & propre pour refi- fter à la gangrène. On rem- ploie aufli pour les fra&ures > & diflocations. Les Egyptiens s'en fervoient pour embaumer leurs morts , à caufe de la faculté qu’on y a toujours reconnue d’empêcher la corruption , & afin de communiquer à leurs cadavres cette efpece d’immor- talité , que la nature a donnée au bois de Cèdre. XV. Une grojje Rofe de Jèrico . L A Rofe dejérico n’eft point une fleur , mais une plante soute entière d’environ demi ' •*r & de l'Art. 14. y pied de haut , avec fa racine» Cette plante a des branches dures, & lignuefes , qui en font un petit arbrifleau en bou- quet. Quand elle fe sèche , elle iè ferme , * en forte que toutes les extremitez des branches , en fe courbant en dedans , fe réiiniflènt à un centre com- mun, & compofèntuneefpèce de petit globe. Celle que j’ai, n’a point de feuilles 5 mais elle eft toute pleine de petites fleurs. Vvormins dit qu’elle eft mal nommée , Kofe de Jérico y parce qu’on n’en trouve point du tout au tour de Jérico * mais dans h Arabie DeÆrte $ &: après Bellon , il s’en prend à un Moi- ne qui lui a donné ce nom mal- à-propos : Ko fa Jrlierichuntina nomen ftiuni ab ïmperito quodam Monacho fortitdeft > tejle Belto~ nia. Vvorm : Kiuféum f J 1 ; * j? 4$ Curiofîtez^de la Nature, On dit des merveilles delà Rofe de Jérico , & ce feroit une belle chofè fi la fable n’avoit point de part à ces récits. Il y en a qui afiurent que cette Rofe s’ouvre la nuit de Noël , quoi qu’elle foie entièrement feche auparavant. Je ne vou- drois pas nier ce fait abfolu- ment 3 mais il a befoin de quel- que modification. J’ai remar- qué que ma Rofe de Jérico efl un excelent Hygromètre , pour connaître lafecherefie^ ou l'hu- midité de l’air. Dans le tems que j’écris ceci , cette Rofe efl: extrêmement recoquillée , 8c fermée, 8c plus qu’elle ne l’a été depuis long-terns* parce - que l’air efl très fec , 8c la ge- lée très âpre. Mais quand l’air efl: mêlé de beaucoup d’humi- dité , & qu’il doit pleuvoir , cet- te Rofe efl prefque toute deve^ & de P Art. 149 Iopée , & ouverte. Ainfi il peut arriver , comme il arrive quel- que fois j que la nuit de Noël foie pluvieufe ; Sc alors ce ne feroit pas un miracle , fi la Rofe de jérico s’épanoüilïoit. Ce qu’il y a de vrai , c’eft qu’elle s’ouvre en tout tems dans Peau* êc plus promtement , fi on la met dans de Peau chaude. En Italie même en Fran- ce,les femmes grollès ont beau- coup de confiance en cette Ro* fe, lorfqu’elles fentent les pre- mières douleurs de l’accouche- ment. Car enfin elles font per- fuadées que , fi dans ce tems-U* on la met dans de Peau , elle n’eft pas fi-tôt ouverte, que Peu- fant vient au monde. Si cet ar- briffeau avoit véritablement cette vertu 5 je lui donneroisle premier rang entre toutes les plantes , que la terre porte. Je N iij i yo Curiofiteï^de la 'Nature, garde laRofe que j’ai avec foin % parce que je la regarde , & con- fuite fouvent , comme un des plus vifs , & des plus fenfibles 'Hygromètres, qu’on ait jamais inventez : & pour cela elle mé- rité la préférence fur les bar- bes de l’avoine fauvage , & fur la gouflé de Ve (Te fauvage , qui fe meuvent fuivant la fècheref- fe, ou l’humidité de l’air 3 Sc dont on a fait jufqu’à prefent des Hygrofcopes , inventez par Meilleurs de la Société Royale d’Angleterre : comme nous le voyons dans l’Hiftoire de cette illuftre Académie. & de l3 Art. 151 I. Le Cancre marin pétrifié. 1 Es prétrifîcations font avec .L/raifon l’objet de la curio- fité des Savants. Ce font autant de miracles de la nature , qui fourniflent de grands fujets de philofopher auxPhyficiens. En éfet, on ne fauroit trop admi- rer y comment la matière lapi- difique peut être allez fubtile 5 pour s’infinuer dans les pores de la fubftance d’un os y ou du boisî& pour les métamorphofer en pierre fans en changer la fi- gure primitive > ni détruire leur première nature. Il faut que la liqueur pétrifiante foit d’une merveilleufe activité. On voit avec plaifir dans le morceau de Cancre marin pétrifié , dont je parle , tons les vertiges de ce qu’il étoit primitivement 3 la N iiij 1 52 Curiofte^de la Nature^ nature , en le pétrifiant y a eonfèrvé jufqu’à la couleur qu’il avoir. Cette curieufe pétrifica- tion eft très- eftimable , tant pour le jeu de la nature qu’on y voit , que pour fes vertus me* decinales , qui la rendent pré- cieufe. On a trouvé cette pé- trification dans l’Ifle de Haï- nam à la Chine, d’où l’on apor- te avec foin tout ce que l’on y en peut rencontrer. Voici les vertus qu’on atribuë au Cancre marin > fi l’on s*en fert comme nous allons dire. 1. Broyé avec de l’eau, il di- minue très-fenfiblement lafie- vre^fi l’on en prend au commen- cement , ou à la fin de l’accès. 2. Il arrête la difïenterie , &: les autres cours de ventre, étant pris broyé avec du vin , fi le cours de ventre vient de froi- deur, & foiblelTe d’eftomac j ou & de l'Art. 153 bien avec de Peau , fi le mal eft caufé par une chaleur exceffive* 3. Il mollifie, ôc ouvre les doux , 'frondes, abfcès, &; tu- meurs, qui doivent aboutir 5 ou bien il les difiîpe par une infen- fihle tranfpiration , fi étant broyé avec du vinaigre, on en frotte fouvent le mal. 4. Etant broyé avec du vi- naigre , il apaife les douleurs de la goutte , fi on en frotte la partie malade. j. Etant broyé avec de Peau rofe,il guérit l'inflammation, & rougeur des yeux , en y fai- fant couler quelques gouttes de cette liqueur. 6. Etant broyé avec de bonne eau-de-vie,& bii un peu chaud, il apaife les coliques les plus violentes. 7 Etant broyé avec du fuc de Limon , il apaife la douleur de la pierre , fait couler le (k- ï CurïoJttezjle la ISf attire, ble des reins , & eft excellent contre Pafthme. IL Un Caïman 5 ou Crocodile des Indes d Orient. LEs Crocodiles fe tiennent ordinairement dans le Nil en Egypte , dont ils font même le fîmbole. En éfet , après que Céfar Augufte eut fub jugué PE- gypte ron mit dans les Médail- les frapées à fon honneur, un Crocodile avec ces mots, Ægypto-Capta. Nous voyons encore fur les Médail- les , qui furent faites à Nîmes , ce même Crocodile attaché à un Palmier avec une Couron- ne , pour féliciter cet Empe- reur fur fa conquête dePEgyp- te. Cependant il y a aufîï des Crocodiles dans PIfle de Cuba, au Méxique a dans le B refil , & en differents endroits de PA- & de l'Art. T55 mérique Septentrionale , & Méridionale. On apelle ces Crocodiles Iguanes. Il y en a encore dans les Indes d’Orient, dans le Gange , où on les nom- me Caïmans . Celui qui j'ai ^ eft donc un Caïman 5 parce qu’il a été pris aux Indes. Il eft long d’environ trois pieds > &c la queue feule eft aulîi longue * que tout le refte du corps. Il a 38. dents à la mâchoire fùpe- rieure,&: 30. dans la mâchoire inférieure: ce qui fait 6 8. dents, très-fortes , très-blanches , &c très-aigues.Ila les pieds armés d’ongles fort pointues. Sa peau eft dure, elle eft couverte d’é- cailles , & garnie de pointes allez piquantes. Il eft noirâtre fur le dos ^ & le ventre tire fur un gris marbré. O11 dit que cet animal eft pefant , & pareftèux fur terre , quand il faut qu’il fè I 56 Curioftez^ de la Tfature, tourne. Si fa figure , qui eft tout- à- fait femblable à nos Lézards , choque la vue 5 du moins Todorat y trouve fon compte 5 car cette bête exhale une odeur ^ qui eftalfez agréa- ble. Dans les quatre mois de Tannée , qui font froids, le Cro- codile ne mange point , de de- meure caché dans des trous- Après tout , il eil très- perni- cieux ^ il déchire avec les on- gles , brife avec fes dents 3 de il n'y a point d'os lî dur, qu'il ne pulvérife en un moment. Il faut pourtant obferver que les Caïmans des Indes ne font pas fi méchants , que les Crocodiles de l'Egypte. S'ils vivent 60. ans , comme on le dit j il 11e faut pas s’étonner fi on en voit de fi grands. Celui du Cabinet de fainte Gene- viève eft des plus longs que & de l'Art. 157 j’aye vus. Le mien eft un jeu- ne Caïman. Les Américains mangent fans façon des Crocodiles, même leurs œufs , qui font gros comme des œufs d’oïe , & d’af- fez mauvais goût. Vvormius dit que la chair de Crocodile eft excélente , pour ceux qui ont été piquez par des araignées , ou par des guêpes. Ce qu’il ajoute de la vertu des dents du côté droit pour les hommes , & du côté gauche pour les femmes > pour- vu qu’elles aient été arachées à l’animal vivant , eft un conte fait à plaifir.C’eft avoir bien en- vie de deyenir amoureux , que de fe hafarder d arracher lçs dents à un Crocodile. Cette expédition feroit aufli hardie , que celle desArgonautes 5 quoi- que la conquête ne fût pas éga- 158 Curiojîte ^ Æ N attire $ le. Ce qu’il y a de férieux ici* c’eft que la graille de Crocodi- le eft admirable pour les vieil- les plaies 5 & contre les morfo- res des bêtes venimeufos. Les Egyptiens en frotent leurs fé- bricitans , pour empêcher le frifTon de la fievre. La peau brûlée , & apliquée fur un bras, ou une jambe, en ôte toute la fenfibilité , rend la chair ftupi- de , en forte qu’on ne font point le fer * s’il faut faire une ampu- tation. Quant à la pierre, qu’on trou- ve dans l’eftomac, ou dans la tête des Crocodiles , & qu’on vante comme des amulettes in- faillibles contre la fievre quar- te, M. Rédi toûjours for le mê- me ton répond 5 je n’en crai- rai jamais rien 5 .l’expérience me le défend. J’en ai faitl’efo fai , non feulement avec des S" de F Art. f 5 9 pierres des Caïmans d’Etiopie j mais même avec celles des Crocodiles d’Egipte. Nolim ei jîdem habere , id vetante expe- rt enti a , quam non de Ætiopum modo C aimants 3 fed Ægyptto - rum etiam Crocodilis habeo. Ex - pertinent. Nat.pag. 113. C’eft ainfi qu’il parle de quelques expériences, que Monard avoir faites avec ces pierres , & qui lui avoient parfaitement bien réüfli. Ces pierres, dit Monard> font fort eftimées par les Ef* pagnols , à caufe de la vertu qu’elles ont de guérir la fievre quarte , en apliquant deux de ces pierres aux temples du ma- lade. Ils ont de grandes expé- riences là-deflus. Car enfin ce- lui , qui m’a donné les deux pierres que j’ai , en avoir guéri un Religieux fort tourmenté de la fievre quarte y en les lui t6o Curiojite^de la 'Nature , apli^ant à chaque temple 3. ou 4. fois. Laiflons M. Rédi, & Monard s’acorder 5 & difons quelque choie de la deftinée du Crocodile. Pline dit que cet animal dort toujours la gueule ouvertes &que dans ce tems- ]à il y a un petit oifeau fort friand, qui entre dans la gueule de la bête , &: qui fe régale de ce qu’il ramalïe ,en curant les dents du ‘Crocodile. Ce n’eft pas tout. Lorfque le Crocodile dort j il y a un animal nommé Ichneumon , qui a plus d’un pie de hauteur , & dont l’adrellè eft merveilleule. Cet Ichneu- mon fe barbouille bien fort dans la bouë ; & s’en couvre tant qu’il peut 5 enfui te il va fe fé cher au foleil : quand il eft bien fec , ôc que la bouë eft en- durcie 5 le voila comme un cui- radier armé de pie en cape. En cet & de T Art, 161 cet état il va fe promener fur le« bords du Nil , & s’il trouve un Crôcodile endormi , il ne manque point de lui entrer dans la gueule, &; de-là dans l’eftomac ,, où il fait ravage. Il ronge les entrailles de fon hô- te 5 & quand I’Ichneumon pré- fume que le Crocodile eft mort* il lui perce le ventre , & fore victorieux du corps de fon en- nemi , & rafîafié de fon fang. Pline Hift . Nat, lïb VJ II. cap . 25. On dira fans doute que voila une de cesHiftoires, que Pline a prife dans de mauvais mémoires : mais j’opoferai l’au- torité du célèbre Antoniuâ Au - g uftinus , Archevêque de Tara- gone , qui dans fes favants Dia- logues de Veterum Nomijmatum Antiquitate , nous dit que ce combat d’animaux eft répré- fenté fur des ftatuës antiques ^ O l6i Curiojîtez^ de la Nature qu’on voie dans les Jardins du Vatican 5 où Ton trouve auflï beaucoup de fîngularitez tou- chant l’Hiftoire naturelle d’E- gypte. Ni lus. Dialog. III. fag. 49* III. La Pierre de Lamantin. ON vante fort la pierre de Lamantin , qui eft un grand poiflon de 1 5.0U 1 6.pieds, que l’on prend en Amérique, & dont on vend beaucoup à la Guadeloupe , à S. Chrifto- phe , & à la Martinique. Le P. du Tertre Jacobin, &: Mif- lionnaire dans les Antilles , fait une fort agréable defcriptioti de la maniéré , dont on prend ce poiflon. On trouve , dit-il ^ dans la tète âe cet animal quatre pierres 3 deux groffes ? & deux & de T Art. 165 p eûtes ) aufquelles on atribiïè la force de faire di [fou dre la pierre dans la ve.fjie 5 & de fai- re jetter la grave lie des reins : mais je n en faurois aprouver r u fage , à autant que ce remède €0 fort vomitif \ & fait de gran- des violences à teftomac. p. 200. Ce qu5il y a de vrai , c’efl: qu’- on ne fe fert paspréfèntement de cette pierre ofleufe. On la trouve abandonnée chez les an- ciens A poticaires : car ceux qui s’établiflent maintenant , ne le mettent pas en peine d’avoir dans leurs boutiques une pier- re qui n'eft de nui ufage. Il y a cependant des curieux , qui re- cherchent encore aujourd'hui ces pierres de Lamantin. Ils di- fent que les 1. groiTes font des pierres mâles * 6c les 2. petites des pierresfemelles J’en confer- ve quelques-unes en mémoire 164 Cunojtie^ de la 'Nature^ de mon voyage en Amérique, 3c parce qu’elles ont été autrefois eftimées 5 ce qui doit avoir été fondé fur quelque raifon. Mais les remèdes nouveaux font ou- blier les anciens , quoique très- bons. Pour dire ce que je fai de moi-même, j'ai vu les Sau- vages avoir Une très -grande confiance en la pierre de La- mentin , qu’ils eftiment un excellent amulète contre la fievre. Ils portent cette pierre pendue au col , comme un préfervatif contre toutes fortes de fievres 5 3c quand ils ont ac- tuellement la fievre , ils le l’at- tachent au poignet fur Tartere. IV. Le Cheval marin. L'Animal qu’on apelle ïîip~ fopotame ? c’eft - â - dire ^ de l'Art. i6f cheval marin , fe pourroit mieux nommer ours, auquel ilreflem- ble mieux qu'à un cheval 5 ex- cepté qu’il hannit : & c’eft fans doute ce hannilTèment qui lui a fait donner le nom de cheval marin. On le trouve ordinai- rement en Egypte dans le Nil 9 d’où il fort quelquefois pour courir la campagne. Il y a dans fe Cabinet du Duc d’Arf cot une belle Médaille de l'Empereur Hadrien , où le Nit eft au revers fous la figure d’un vieillard qui tient à la main droite un rofeau5& delà gauche une corne d’abondance ; il y a proche de ce vieillard un Cro- codile, qui eft un animal fort commun fur les bords du Nil j 6c il a à fes pieds un Hippopo ~ famé. Cette Médaille futfra- pée à foccafion du voyage que cet Empereur fit en Egyp~ l66 Ctiriofïtez^ de la Nature , te 5 &; de fa navigation fur le Nil 3 traînant après lui Ton mi- ferable Antinoiis, qu'il perdit alors, & qu'il pleura avec au- tant de foiblefie qu'auroit fait une femme dit Spartien. An- ima um fuum 3 dum fer Nilum navigat , ferdidit quem mulie- briter flevit . Le cheval marin a fix dents 5 qui lui fervent de défenfes, &c auxquelles on attri- bue de grandes qualitez. Une feule fufiroit , pour me "rendre très-précieufe la den que j'ai» Je me contenterois de la feule yertu de guérir les hemoroï- des , s'il étoit bien certain qu- elle eût cette faculté. Elle a un pie quatre pouces de long > & elleeft fi dure qu'on pourroit s3en fervir comme de pierre à fufil , pour faire du feu , en la frapant avec l’acier. Voici une expérience faite à Goa d'une & de t Art. i6j dent de cheval marin, & qui me flateroit bien , fi elle étoit véri- table. J’ai vu dans l’Hôpital de Goa une de ces grandes dents de cheval marin , avec laquelle on fait là des prodiges. Quand on faigne un malade , choie admirable ! fi on touche de cette dent à l'ouverture de la veine, le fang qui venoit rapi- dement , s’arrête fur le champ. Chacun fait Thiftoire de ce Prince Malabare , que les Por- tugais ont aflafiné. Quoi qu’il fût tout percé de coups , il ne fortit jamais de les plaies une feule goutte de fang. On lui ôta fes habits , & un os d’hip- popotame qu’il avoit pendu au * col 5 & alors il fe fit un débor- dement de fang , comme il s’en fait d’eaux arrêtées , quand une digue eft rompue : ce qui étonna merveilleufement tous î6î Cunojîte^de la Tfature, ceux qui étoient prefents. M. R.édi qui raporte cette his- toire d’après le Pere Michel Boim , dit qu’il n’en croit rien 5 que cela eft bon à conter à des vieilles femmes crédules , à des Indiens qui font fimples 3 mais non pas aux Européens, qui veulent voir avant que de crai- re. On a donné , dit-il , au Grand-Duc mon Maître , quantité -d’os , 6c de dents dif- ferentes, dont j’ai voulu faire des épreuves: je n’ai rien trou- vé, quiaproche de cette ver- tu d’arrêter le fang \ 6c qu’on leur attribue dans tant d’Au- teurs. J’en dis autant des os , • 6c des dents du cheval marin 5 6c j’en parle comme favant 3 puifque j’en ai fait l’expérien- ce : idemque experientik e do H us affirma de dentibus & offibus , drîippopotami , vel equi marini , Experient. & de i Art, l6y Experient. natur. fag. 96. Si cela eft 3 que deviendront tant de dents d 'hippopotame, qu’on garde dans les Cabinets des Curieux ? On en fera des dents, pour remplacer celles qui manquent à beaucoup de perfonnes. Mais que penfer de tous ces récits merveilleux que certaines gens font de leurs dents de cheval marin ? O11 penfera qu ils mentent comme des arracheurs de dents : car enfin il faut bien quelquefois prendre -le parti des expérien- ces, 6c des fentimens de M. Rédi. Nous devons bien cet- te reconnaifiànce à un Savant, qui a tant travaillé à cultiver la fience naturelle. P jy o Curiojîtez^de la Nature V. Nids d* Alcyons d' Orient. CE s Nids , qu’on aporte depuis quelque teins, avec tant de foin des Indes d’O- rient, font à peu près de la fi- gure de ces coquilles , qui fem- blent être de nacre de perles, 6c qu'on apelle Gotfiches. Ils font tout d’une pièce , & faits d’une matière , qui reffemble tout- à -fait à de la colle de t poiflon. Tant que irons n’en îaurons pas davantage là-def- fus , il fera bien difficile de dé- cider où ces petits Oifeaux prennent la matière , dont ils Font leurs nids. Ordinairement ces nids font prefque au niveau de la mer , & contre les ro- chers : comme font les nids d'hirondelles contre les mu- de l'Art 1 71 railles des Eglifes. Au (H les Alcyons font-ils faits comme des petites Hirondelles* On trouve ces Nids à la Cochin- chine le long de la mer, où ceux du pays les cherchent 5 pour les porter à la Chine , où Ion les vend fort cher. Les Chinois font fort friands de ces Nids ^ 6c ils en mangent par délices. Nous voyons bien dans Galien , que les nids d’Oifeau ont été autrefois mis au rang des chofes médicales 5 mais il ne nous refte aucun monu- ment* qui nous aprenne * où l’on prenoit ces nids. Nous ne remarquons point non plus , qu’on les ait jamais rangez par- mi les bons morceaux des ta- bles délicates. Cela étoit refer- vé pour l’extrême fenfualité de ces tems-ci ^ où l’on recher- che avec avidité ce qui eft p ij Curioftez^de la 'Nature nouveau , ce qui vient de loin ^ êc ce qui peut dater le goût» Ce n’eft pas feulement en Fran- ce , qu’on étale fur les tables une abondance fi fenfuelle , que les Epicuriens y auroient trou- vé à redire $ c’eft encore dans l’Orient , où l’on facrifie tout pour les plaifirs du goût. Les ,Nids d’Alcyons dans la Chine, font aujourd’hui l’honneur des feftins i un repas pâlie pour vulgaire , fi l’on n’y îert pas de ce nouveau genre de ragoût. Ce mets eft , dit-on , très-dé- licieux j &c il eft raporté dans l’Hiftoire de la Société Royale d’Angleterre , pag. 206. que les Nids d' O i féaux font un yrand reftaurant à la nature * çf que les Chinois luxurieux s'en fervent fort. C’eft le chef d’œuvre d’un cuifinier à la Chine , de bien préparer ces Isfid§ d’Alcyons, & de l'Art. 175 On les met cuire dans du jus de veau , ou de bœuf, jufqu’à ce qu’ils foient bien amollis 5 6c puis on les aprête avec du beurre.^ du fromage , des her- bes,6c des racines aromatiques. Wormius dit que ceux, qui fe veulent diftinguer dans les dé- bauches , ufent de ce ragoût : Comedunt in primis ii qui in ca - firis venereis firenuè je exercere fiudent • ormiam. lib . /II. cap . z 1 . Mais M. Rédi ÿ dit que certaines gens , qui mé- toient leur efpérance dans les forces qu’ils attendoient de ce prétendu rcftaurant , y ont été trompez : 6c qui ne voudra pas m’en craire, dit-il, qu’il en fade l’expérience , comme quelques- uns ont fait ,6c qui en ont été la dupe. Uimis profetio fihi blan- diuntur , qui in hoc t ali me die a- mento fepes [nos poyiunt • quod fi Piij 174 Curiojitez^de la IN attire mihi 7ion credunt , fericiilum ejuï rei faciant y utjam ante a in Jîmi- li occafione fecerunt nonmdli . Ex- periment. Natur. pag. 1 68. On voit bien par-là qu’on ne convient pas encore de la vertu , que peuvent avoir ces petits nids. M. Lémery, dans ion excélent Dictionnaire des Drogues , dit qu’ils font pro, près , pour reftaurer les conva- îefcents 3 & pour fortifier l’efto- mac. J’ajoute que les Indiens? s’en fervent avec fuccès pour la dillenterie, & les autres cours de ventre. Les Alcyons font leurs Nids aparemment dans une faifon , où la mer n’eft pas ordinaire- ment agitée : autrement leurs Nids feroient fubmergez. C’eft pourquoi les Poëtes on dit , que les Néréides cherifloient par- ticulièrement les Alcyons Oi- paj.i7$. 14 i,l duIah,ou Oiseau- mouche- & de l'Art. 17J féaux marins , qui ont l’adrefle de faire leurs nids fur les flots de la mer , même au plus fort de Phy ver ; & que quand ils ont leurs petits, la mer fe cal- me, jufqu’à ce qu’ils foient en état de voiler. VI. Nids du Tati , Mouche .. N fait de Nids, on ne ver- JU^ra jamais rien de plus cu- rieux , & de plus digne d’atten- tion , qu’eft la ftru&ure des Nids du Tati , qui eft un petit Oifeau gros comme une noifet- te.J’ai aporté deux de ces Nids à Paris , qui auroient été d’une parfaite confervation , s’ils n’a- voient pas paflfé par les mains des Douanniers, qui croyoient trouver la pie au nid. Ils nVont P liij 37 6 Curiofite ^ æV la 'Nature, été tous deux donnez par te R. P. Papin Jéfuite à Ougli , qui en envoyoit un au R. P. Verjus, Procureur général de la Million des P. P, Jéfuites en Orient > Si qui en a Fait préfent à M. l'Abbé de Vallemont : Pautre m'eft demeuré. Ces Nids font faits, comme les Nids de nos Roitelets • où il n'y a qu'un petit trou vers le haut y pour l'entrée, &i la fortie de ce pe- tit Oifeau, Mais ce qui eft fur- prenant , c’eft que ces Nids font confus contre une , ou deux ,, ou bien trois feuilles de Goiavier qui font grandes comme font les feuilles de nos Châtaigniers d’Europe. Il yen a un qui eft très - agréable à voir. Il eft contre une feule feuille, que cet Oifeau a percée avec fon bec : & il a pâlie par ces trous , qui font comme au-. & àe î Art 177 tant de trous d’aiguille , une efpèce de fil de coton j avec le- quel il a attaché lbnNid à cet* te feuille. Celui qui nVeft refté, £ft coufu de la même maniéré entre trois feuilles , dans lefl quelles il étoit parfaitement biencaché.Enfin ces nids admi- rables font fufpendus en Pair 11e tiennent pour l’ordinaire qu a une feuille. Dans le tems que lesTatis font leurs Nids, il ne foufle dans ce pays -là , que de douxzephirs :car enfin s’il s’élevoit de. gros vents , que deviendroient ces petits Nids qui ne tiennent qu’à une feuil- le d’Arbre ? J’ai aporté auiîî des œufs de ces petits Oifeaux. Ces œufs font gros comme des œufs de formi. Je voudrois qu’orf leur eût trouvé quelque vertu médecinale , afin de joindre l’utile à l’agréable» ï 7 8 Curiojïtez^ delà Nature 3 VIL Un Serpent de la Guadeloupe . CE Serpent eft d’une grarn deur extraordinaire. Il eft long de plus de 15. pieds, & gros à proportion. Cet hor- rible repnle dormoit fous des feuilles, dont il étoit couvert dans une épaifle forêt j lors que fept, ou huit Efclaves cher- chant l’ombre j & la fraicheur pour manger „ &: pour fe repo- ». 1er, s’allerent coucher fur les feiiilles , fous lefquelles cet é- pouventable animal s’étoit en- dormi. Un de ces Efclaves en remuant ces feiiilles 5 décou- vrit le dos de ce ferpent. Il ne fut pas fi faifi de frayeur , qu’il ne lui reftât de la force pour fe lever promtement , des paroles pour avertir fes ca- r& de l'Art. 1 79 marades du danger où ils é~ toient. Comme ce Serpent ne fit aucun mouvement, ils fe remirent peu à peu de leur peur 5 6c prirent le deflein de raflommer. Ce qu’ils firent a- vec les inftrumens de fer , dont ils coupoient des arbres dans la forêt. On ouvrit cet épou- vantable Serpent : on lui trou- va dans le corps une efpèce de petit Chévreuil j qu’il avoit avalé entier tout récemment. Coiinme il étoit rempli de cet- te proie , il dormoit fortement* &: auroit aparemment encore dormi, autant qu’auroit duré la digeftion. C’effc pourquoi il nq fentit point le poids de ces Efclaves couchez fur lui. Si nous n’avions point une horreur na- turelle du Serpent, il eft cer- tain qu’on auroit pris plaifîr à voir celui-ci. Sa peau que j’ai I S o Curlôjîte^âe la ]sf attiré aportée à Paris, eft très- bel* le. Elle eft marbrée de diffé- rentes couleurs , comme eft la peau de tous les Serpents que nous voyons ici $ mais ce qu'on ne voit point dans nos Ser- pents , ce font ces couleurs vi- ves de rouge Ÿ de blanc , & de noir par com parti mens avec une fimmétrie admirable. Cet- te fimmétrie eft fi exactement recherchée 5 8c exécutée v qu’il furvient dans l’efprit mille pen- fées diférentes, quand on exa- mine de près , 8c férieufement ce merveilleux arrangement de figures bizarres fur la peau de cet animal , que la nature a paré fi fuperbement. Il faut qu’il y ait un Maître dans îa nature , & un Maître d’une in- telligence fuprême > qui arran- ge ainfi la matière. Une ma- tière brute 5 6c fans intelligent & de P Art. i § i ce ne fauroitfe donner le mou- vement , &: un mouvement fi fenfé, & fi entendu ^ qu’on Le voit dans la fimmétrie fi bien obfervée fur le dos de ce rep- tile. Le hazard 3 & toutes les loix de quelque mécanifine qu’- on puifle imaginer , fans un ef- pri-t intelligent, ne fauroit rien faire de fi régulièrement beau. J’avoue que je fuis épris des merveilles qui s’ofrent aux yeux en confiderant cette peau,, que j’eftime fingulierement.En- fin cet animal eft maudit de Dieu > ,8c fa morfure eft mor^ telle. On la guérit en apli- quant deftus la plaie , la tête écrafée du Serpent même. On trouve dans fa mort la guéri- fon du mal qu’il a fait de fon vivant. Il fembleque le Saint- Efprit fafle allufion à cette fa- culté du Serpent , dont la tê- 1 8 2 Curiojîtez^ de la Nature te brifée guérit la morfure , lors que dans la Genefe chap. 3. f. ij. Dieu dit au Serpent qui avoit trompé Eve 5 Je mé- trai une inimitié entre toi > & la femme > entre fa race > & la. tienne. Elle te brifera la tète. Il eft certain que la chair , le foie , de le cœur du Serpent font fudorifiques , de propres pour purifier le fang , pour re- fifter à la malignité des hu- meurs, de pour chafler les fiè- vres intermittentes. On les ré- duit en poudre qui eft encore excèlente pour exciter l’urine. La graiffe eft réfolutive ^ de un bon remède pour diminuer les douleurs de la goûte. Quel- ques-uns s’en frottent le bord des yeux , pour conferver ^ de fortifier la vûë. & de l'Art. 183 VIII. Le Rinocéros- E Rinocéros que quelques- uns nomment le bœuf d’E- gipte, ou le taureau d’Etiopie, eft grand à peu - près ’ com- me un tléfant 5 6c reflemble à un Sanglier , plus qu a tout au- tre animal. Il a une corne fur le bout du nez , doù il prend fon nom de Rinocéros 3 cette cor- ne eft longue comme la main. Pline dit que cet animal ai- guife la corne contre les ro- chers , quand il veut combatre contre quelque éléfant. Il eft furprenant qu’après quePline a dit 5que leRinoceros n’a qu’une corne 5 lui à qui cet animal ne devoit point être inconnu , puifqu’aux jeux que l’on don - noit au Peuple Romain , on tfg 4. Curiofttez^ de la attire failoit fou vent paraître des Rî- nocéros dans les ampithea- tres , il fe trouve des gens qui veulent qu’il en ait deux. Sa peau eft très-épaiilè , très-du- re , chargée d’une elpèce d’écailles > qui la rendent im- pénétrable même aux Sabres du Japon , dit Bontius. Il y en a un allez grand morceau au Cabinet de fainte Geneviève , ou l’on o-arde encore deux cor* de ls Art. 185 fèrver du mauvais air en tems de contagion. A l’égard de la dent, on dit que fi dans les plus fortes dou- leurs des dents, on apliquela dent du Rinocéros à la dent qui fait foufrir , le mal celle aulTi-tôt. Wormius qui rapor- te cela , ajoute qu’il n’en a point fait l’expérience. Pour moi j’ai delïein d’en faire l’é- preuve à la première oceafion qui fe prëfentera. Ce que je fai • c’eft que quoique les Ri- nocéros ne foient f pas rares dans l’Orient, on ne laifie pas d’y eftimer prodigieufement les cornes de cet animal. Il y en avoit fix dans le préfent' , que le Roy de Siam envoya en France en 1686, Une faut pas ici dilfimuler que M. Ré- di ne fait aucune eilime de ces diférentes; parties du Ri-> 1 8 6 Curiofite\de la Nature nocéros. Voici comme il en parle : Que ne die- on point de la vertu de la corne du Rinocéros ? on allure qu’elle eft capable de défendre le cœur , 8c la vie de l'homme contre Pa&ion de quelque poi- fon que ce foit. Cependant, moi qui ne parle qu’après les les expériences qfue j’ai fai- tes y je n’ai pas trouvé la moin- dre aparence de cette vertu > 8c fpécialement à l'égard du venin des Viperes 5 8c des Scor- pions de Tunis : Attamen ego haclenus ne minimum quidern e* jufdem effeBum vidi... Experi- ment. nat. pag. 141. M. Rédi ne trouve pas plus de vertu dans le fang , 8c dans les denrs du Rinocéros. il n'eft pas Mreux dans fes expériences. Peut-être n3a-t-il pas eu ces chofes-là de bonne main oi* & de lŸ Art. i8j bien il les a euëstrop furannées. Les vertus des drogues fe dit lîpent avec les fels volatils * qui s’en féparent iriceflam- ment par l’évaporation. Quand on entre dans la bou- tique d’un Droguifte au Prin- tems , on s’aperçoit bien-tôt de l’étrange diffipation , que fait la chaleur naifiànte de la fai- fon dans toutes ces drogues , qui exhalent une odeur , dont on eft incontinent entêté , fi on eft lujet aux vapeurs. Quelles pertes ? Quels écoulemens de vertu ? Et que peut-on atten- dre de bon de drogues , fur lefquelles cinq, ou fixEtezde fuite ont fait défi violents ra- vages ? Franchement il y a à trembler pour des malades y qui prennent des drogues, où il ne refte plus peut-être que les mauvaifes quahtez. Les ma» ï$8 Curioftegde la Nature tïeres médicales , dit M. Boy~ le, changent inceflammenr a- vant même que d’être vieilles > & je ponrois montrer aux Cu- rieux combien les feüilles d’u- ne même plante changent de vertu en un inftant. Dans un certain tems de l’année j’en tire par la diftillation un ef- prit acide , & dans une autre ïaifon il n’en vient point du tout 5 mais au contraire un ef- prit urineux , &c. Simftl. med . militas- & ufus , ftag. 49. Cependant il eft parlé avan- tageufement de la corne ,, & des autres parties du Rinocé- xos dans les Réponfes du Che- valier Philibert Vernati , Re- ndent à Batavia dans l’Ifle de Java , aux demandes que lui avoient faites Meilleurs de la Société Royale d’Angleterre. Article XX. On demaru de P Art. 18 9 de fi l'animal nommé Ahados^ ou le Rinoeéros n'a pas des dents , des ongles, la chair r le fang, &; la peau , même fes excrémens ^ aulîi-bien que les cornes, qui font autant de dif- férents antidotes ? ou fi les cornes de ces animaux font meilleures félon la nourriciè- re dont ils ufent ? Réponse, On tient que leurs cornes , leurs dents leurs ongles , & leur fang font des antidotes 5 &: ils ont le même ufage dans la Pharmacopée des Indiens T que la Thériaque a dans les Pharmacopées d’Europe. La chair que j’en ai mangée, eft fort douce r &C fort courte. Quelques jours avant que j’eufi- fe reçû vôtre Lettre, j’en a- vois un jeune y qui n’étoit pa& plus grand qu’un gros* chien, qui mefuivoitpar tout, où j’ai- 190 Curiojîte^de la Nature lois , & qui ne bûvoit que du lait de Bufle. Il a vécu envi- ron trois fèmaines. Les dents lui commençoient à fortir * il lui prit un flux de ventre, dont il eft mort. Je croi que toute nouriture eft indiférente à cet animal , & qu’il mange de tou- tes chofes 5 puis qu’on ne le voit guere , que parmi des branches sèches, des chardons, & des épines 5 de forte que la corne ne tire point fa ver- tu précifément des chofes bon- nes , ou mauvaifes dont il fe nourit. Voila ce que Meilleurs de la Société Royale d’An- gleterre ont inféré dans leur Hiftoire^ pag. 106. [ér de l'Art. îÿl IX. Le Bézoard. IL y en a de plufieurs elpè- ces. Le plus célèbre eft le Bé- %oard £ Orient > qui eft une pier- re qu’on trouve dans le ventre d’une Chevre fauvage des In- des Orientales. Il y a aufli le Bézoard d? Occi- dent , qu’on tire du ventre des chevres fauvages du Pérou. Le Bénard de Bore eft fort eftimé j il fe trouve dans le fiel des Sangliers des Indes en Ma- laça. Quelques - uns donnent la préférence au Bc^oard de Sin- ge , & qui fe trouve dans une efpéce de Ange en rifle de Ma- caflàr , proche de Java en Afie» Le Bézgard de Bore-épi l’em- î ÿ i Curïojîtez^ de Id 'Nature " porte fur tous les Bézoards v dont je viens de parler. On le trouve dans le Porc- épi des In- des au Royaume de Malacay dans la Province de Par». J’ai été allez hûreux de trou- ver une de ces pierres de Bé- zoard de Porc- épi dans mon voyage des Indes d’Orient. On lui attribue de grandes vertus. Elle chafle par la tranf. piration les mauvailes hu- meurs. Prife dans un mélan- ge d’eau , & de vin 5 elle refif te au venin 5 6c fortifie puif- fammenc le cœur. Elle arrête Je cours de ventre. On s’en ferc avec fuçcès dans la pefte,dans la petite verole 5 6c dans les fièvres malignes. On en don- ne aux enfans pour les vers. Elle eft excèlente dans l’épi- lepfie , dans les vertiges , dans les palpitations ? & répare très- fenîiblement & de l' Art. 15)5 fenfiblement les forces. 11 efl: furprenant que le Bé- zoard , dont tant de Méde- cins ont vanté les vertus v ne foit plus employé dans la méde- cine. C’étoit un préfent qu'on faifoit , il y a cent ans , aux Rois , 6c aux plus grands Prin- ces 5 6c alors on le recom- mandoit comme un antidote fouverain contre le poifon, la pefte , 6c les fièvres fufpecles de venin. Et aujourd'hui il n’eft plus en ufage. Il me lèmble que M. Sachs en dit la raifon dans la page 303. de la Gammaroloy,e . Il y a , dit-il > beaucoup de Mé- decins non-feulement qui ne fe fervent jamais de Bézoard ; mais même qui en condam- nent très-fortement i’ufage : d caufe que le véritable Bè^oard efl très- rare dans les Indes 5 ‘ R 194 Curîofiterfie la Nature que la plupart de celui qu on aporte en Europe ejl faBice , & compofè de magifteres de plan- tes. Les Juifs de Conftantinople font de grands fourbes là-dejfus , Car enfin quoi qu il y ait des marques certaines pour difcerner le Bézpard naturel d'avec t ar- tificiel j il arrive quon y efi fou- vent trompé . Et cette incertitude a obligé plufieurs favans Mé- decins à profcrire de la médecine tuf âge du Bézpard Ut inde propter incertitudinem à plu- rimis Medicis lapidis Bezoar- tici ufus improbatus. Quand on a donc du vrai Bé- zoard , on a un antidote excé- lent, contre la perte, & con- tre les fièvres malignes. EoL linus en raportant dans fon A- muletum Antonianum cap. 14» les remèdes les plus fouverains contre la perte , il n oublie pas & de l'Art I95 la vraie pierre de Bézoard 5 vents lapis Bezpard. Marfile Ficin Cap. 24. de fon Antidote contre l’Epidimie , dit très-bien : La pierre de Bé- zoard j fi quelqu’un en pour- voit avoir, eft l’antidote le plus puiflant contre toute forte de venin. Bézoard lapis , fi quis poffet habere eum , fuper omnia. valet adverftts venena. Il cite après cela plufieurs Auteurs Arabes, qui élevent le Bézoard infiniment au deflus de la Thé- riaque, & de tous les autres an- tidotes. Il y a là de très-belles expériences. Si elles font fidel- lementraportées,une pierre de vrai Bézoard grofTe comme une noifette, vaut mieux qu’un diamant du même volume. Chioccus parlant de la pier- re de Bézoard dans le Mu~ feum Calceolarii pag. 342, trou- Rij iy6 Curiojïte ^ de la Isfature ^ ve très- mauvais que Minde - rerusy Craton, & Jourdain aient oie avancer qu’ils n’ont jamais vu un bon éfet du Bézoard , toutes les fois qu’ils font em- ployé y 6c il ajoute qu’il effc certain que ces Médecins-là n’avoient pas du vrai Bëzoard> qui eft rare , d’un grand prix , 6c qu’on ne trouve guere que chez les Princes 5 6c que fans doute ils n’avoient que du Bé- zoard d’Occident 3 6c peut- être des pierres qu’on trouve dans les chevaux : ou bien 5 dit-il y ils n’avoient pas bien purgé, 6c préparé leurs mala- des à recevoir un antidote fi propre à fortifier le cœur, 6c à le défendre contre le venin , 6c l’air infeété. Enfin Chioccus conclut : J’ai un grand nombre d’expériences par devers moi , qui m’ont confirmé dans la & de l Art. tyy pratique où je fuis de donner le Bézoard en Italie pour les maladies , où il y a du venin > de de tous les remèdes dont on ule en tems de pefte , le Bézoard eft celui à qui je don- ne la préférence. Nos in Ita- lia periculis multis faclis , Con- tran am pojjumus ajjumere fen - tentiam , & e catalogo peftilen - tium remediorum quidvis aliud potius expungere . M. Voflïus le Pere , parlant d’après les Arabes., dit que le Bézoard eft très-falutaire con- tre la pefte , les maladies con- tagieufes , l'apoplexie , l’épi- lepfie 5 le vertige , la pierre , les vers , les palpitations, la lepre , dcc. Lib . III . de ido - lolat. cap . 68. Gafpard Bauhin eft celui qui a écrit le plus favamment, de avec plus d’étenduë fur cette R iij 19B Curiofite^de la 2T attire matière. Il a fait un Trai- té exprès du Bézoard. Com- me il en a fait une étude par- ticulière, 8c qu'il a écrit après les autres , fon fentiment doit être d’un grand poids. Il rend juftice au vrai Bézoard qu- il eftime infiniment. Audi je regarde comme un des plus doux fruits de mon voyage des Indes , d'avoir trouvé une pier- re fur la vérité de laquelle je puis compter. J'en ai encore un fa&ice qui eft compofé en partie du Bé- zoard de Porc-épi , & de quel- ques partiesdu corps de cet ani- mal. Il eft de la façon d'un Médecin Arabe qui fait la Mé- decine dans les Etats du Mo- gol. On le fubftituë au vrai Bézoard du Porc- épi , qui eft très- rare , & dont une petite pierre vaut 50, écus dans les Indes» & de l'Art. X99 J’ai auflî une pierre cordia- le compofée par Manouchi Médecin de Madras fiir la cô- te de Coromandel. Il la vend un écu l'once. Je ne fai point ce qui entre dans fa compofi- tion : ce Médecin en fait un très-grand fecret. Il y a outre cela le Bezgard faîlice , de Gafpard Antonio. C’eft unecompofition, dont la baze eft de Bézoard. On la nomme encore Pierre Cordia- le. Ce font de petites boule* , dont la furface eft marbrée , &: dorée en quelques endroits fort proprement. La doze eft ordinairement le poids c ment 3 un moins fel( la difpofition du malade. On la prend en poudre. 1. Dans les fièvres chaudes,; R iiij e fix grains de fro«* peu plus, ou un peu n l’âge , la force , de loo Ctiriofîte^ de la jSfdture & malignes 7 lorfque le mal preiîe , on peut donner de cet- te poudre au malade dans un peu d’eau froide , à quelque heure que ce foit. Ce remède réjoüira le cœur du malade , le fortifiera , 6c apaifèra l’ar- deur de la fièvre. 2. Il faudra donner auflî ce remède à un fébricitant, quand il fe fent une forte envie de boire du vin. 3. Lorfqu,on fe fèntiraabatu de mélancolie, mais fans fièvre, ce remède étant pris avec du vins, foulagera beaucoup la per- fonne mélancolique. 4. Quand on eft convalefl cent , cette poudre eft mer- veilleufe prife dans de l’eau , ou dans du vin. 5. Etant prife dans du vin, ou dans de leau , elle a une vertu très-puiflante contre tou- & de ŸArt. loi tes fortes depoifons, morfures de Vipères , de chiens enragez, 6c autres animaux venimeux. Outre ce qu’on en prend par la bouche , il en faut encore apliquer fur la morfure. G. Cette poudre étant pri- fe dans de l’eau , elle a la ver- tu d’arrêter le crachement de fang, qui vient de la poitrine -, 6c étanche le fang du nez en la prenant en forme de Ta- bac. 7. Elle efl admirable pour conferver , & fortifier la vûë „ étant prife dans de l’eau une fois la femaine. 8. Etant prife dans du vin s ou dans de l’eau, elle préferve de la lèpre , & eft fort bonne pour les perfonnes qui font ataquées de la petite vérolle. 9. Etant prife dans du vin* elle eft fort bonne contre le loi Curiojîtez^ de la Nature * flux de fang , qui provient d’u- ne tarife froide. S’il vient de chaleur , on prend la poudre dans de l’eau. On peut juger de-làquele Bézoard Oriental tout pur, 6c fans mélange , doit être d’une vertu beaucoup plus merveil- leufe. C’eft le fentiment des deux plus favants Médecins qui foient dans le monde. On comprend aflfez par ces fenls termes,que je veux parler de Monfieur Fagon premier Mé- decin du Roy 5 êc de Monfieur Bourdelot , premier Médecin de Madame la Duchefle de Bourgogne. M. l’Abbé deVal- lemont , à qui on avoir fait pré- fent des trois fortes de Bézoard, dont je viens de parler, fut cu- rieux de lavoir à quoi cela pou- voit fervir, &: pour cela ilfu- plia un Seigneur de la Cour & de l'Art 2O3 d'en eonfulter les Médecins fur ces diférents Bézoards, Voici la réponfe qu'il reçut , & que je place ici comme un oracle de nos Maîtres , & com- me un morceau qui fait hon- neur à mon ouvrage. LETTRE D'UN SEIGNEUR DE LA Cour , à M. l’Abbé de Vallemont. J'Ai parlé à M. Fagon ht le Bézoard 5 j’en ai auffi en- tretenu M. Bourdelot. Ils pré- tendent qu'il y en a de trois fortes. L’Oriental , qui eft le plus petit, de le meilleur. L'Oc- cidental qui eft plus gros , & moins bon. Enfin le fa&ice > qui ne laide pas d'avoir quel- que vertu 5 quand il eft bien Î04 Curiojîte^de Id 7T attire fait. Le Bézoard fe forme dans le corps d'an animal fait com- me une chèvre. Le plus excè- lent vient de chez les Tarta- res d'Ufbek. Il eft cordial i & chalfe les venins. L’ani- mal s’apelle dans le pays ?a- %ard , d’où par corruption eft venu le mot de Bézoard. Cette pierre eft ordinairement ron- de , 6c de la figure , 6c grof- feur d'un œuf de pigeon. Voi- là tout ce que j'ai retenu des deux converfadons que j’ai eues aujourd'hui à la Méde- cine dq Roy , 6c dont je viens fur le champ vous rendre -com- pte. A Fontainebleau , ce 24. OBobre 1700, Après ce témoignage auten- tique , je ne faurois mieux fi- nir cet article , que par le fen- daient du Chevalier Philibert '& de l'Art'. 205 Vernati > que Meilleurs de la Société d’Angleterre ont fait inferer dans leurHiftoire pag. 21 r. parce que cela fait voir que tous les Savans n’ont qu’- un même fentiment fur le Bé- 2oard : En Malacca , mais ra- rement > on trouve une pierre dans l'eftomac du Porc- épi ^ dont on a décrit amplement les rares ver- tus. Les Eîollandois en font maintenant fi affolez^ , que fai vu en donner 400. pièces de huit, pour une qui n'étoit pas plus greffe , qu'un œuf de pigeon. Il y a de la fophijli cation en ce- la aujjî-bien qu au pézpard , au mufe , dit. datons les jours nou- velles fauffeteg. Je ne faurois vous donner de réglé 3 pour con- naître le véritable , il faut a- voir recours d l'expérience. Je vous en envoie une qui ejl faclE ce i & qui imite de bien prés U loS Curiofitezjle la 'Nature vertu de la vraie pierre . Elle ejl plus grojJey& d'une autre couleur . X.’ %Jn Huart 5 oifeau de Canada * CEt oifeau eft grand , com- me un Coq d’Inde : mais le plumage eft bien plus beau ; il eft maillé comme une per- drix j les mouchetures du Huart font d’un noir, & d’un blanc plus vifs. Il a le ventre tout blanc , le col auffi long qu’un Cigne. Mais ce col eft d’une couleur de gorge de pi- geon y qui change fuivant qu- elle eft expofée diverfement au Soleil. Le Huart a fous la gorge une efpèce de petite cravate blanche , & noire , qui fait un allez plaifant éfet. Il a le bec long comme celui dune BécalTe 5 mais beaucoup ér de l’drt. 207 plus gros , & la queue très- courte. Ses jambes font fort longues 5 5c il a les pieds faits comme ceux dun Cigne , &C des autres oifeaux de riviere 5 lefquels n’ont point ces divi- fions, comme fi c’étoient des doigts diferents. Auflîle Huart eft-il un oifeau, qui vit dans l’eau , où il mange le poiflon qu’il peut atraper. On le trou- ve ordinairement au bord de la mer , dans les rivières , de dans les lacs. Nous favons de ceux, qui ont voyagé le long de la riviere de Miffiffipi, qu’il y en a beaucoup dans ce pays-là. Ce- lui que je décris , vient du Ca- nada. On le nomme Huart 5 parce qu’il prononce fi diftinc- tement ce motdà , que s’il fe trouvoit un homme de ce nom dans les environs , il prendroit ce cri pour une voix humai- 2 o 8 Curi ojïtcz^ de la Nature 3 ne , de crairoit qu'on l'apell-e- roit. La graiiïe de cet oifeau eft réfolutive 5 de admirable pour fortifier les nerfs. XL Une Mangoujle . C’Eft un petit animal à 4. pieds très- joli , & fait à peu- près. comme font nos bel- îetes de France. Il eftun peu plus grand , & il a la queue plus longue 5 de à proportion comme celle d’un rat. Mais il eft d'une couleur incompara- blement plus belle. Sa peau eft charmante 5 elle eft char- gée d'un long poil de trois couleurs. Leblanc, de le noir dominent fur chaque poil 5 de il y' a une efpèce de rouge en- tre le noir 5 de le blanc , qui fert de nuances pour en adou- cir & de l'Art* 209 cir le mélange. Sa queue efl: couverte d’un poil de mêmes nuances, & plus long que ce- lui du corps. Il a la tête pref~ que comme un Ecureiiil , & couverte d’un petit poil ras. Ses yeux font gros, &' les oreil- les courtes, ôc arondies com- me font les feuilles à'Afarum, La Mangoufte, que pe décris, ici , avoir deux pieds , & demi de long , depuis la tête juf- qu’à l’extrémité de la queue. Elle étoit fort agile, & s’eft aprivoifée facilement. Elle fai- foit de petits tours plaifans ? comme font les Singes. El le ve- noit du Royaume de Calicut y & elle a été aportée en France dans un Vaifleau de notre Ef- cadre. Elle a vécu à Paris cinq mois, où elle étoit devenue fort familière , & fort diversifian- te, Elle eft morte j on ne fait S zio Curiofltez^de la Nature comment. On préfume que ce petit animal effc mort de chagrin , de n’avoir point de Perroquets à manger. Il en a croqué plus d’une vintaine dans le Vaiflèau , où il a été aporté. On peut dire qu’il étoit le fléau des Perroquets. On en a pleuré quelques-uns, qui promettoient d’être de grands jafeurs s & on a quel*- quefois chanté ces trilles pa- roles. Pleure pleurez^ mes yeux ^ & vous fondez ^ en eau. Des tous mes Perroquets Man** goufle ejl le fléau. On l’a donnée au R, P. Sar- rebourfe , Chanoine Régulier de S. Auguftin , qui l’a mife au célèbre Cabinet de Sainte Geneviève, & de F Ar t. 2ï* Les Indiens atribuent quan- tité de vertus aux diférentes parties de la Mangoufte. Son foie eft bon pour l’épileplïe. Sa chair prile en poudre , 6c apliquée fur les morfures des bêtes venimeufès , les guérie certainement. Son fiel eft ex- cèlent pour le mal des yeux. Sa graille eft un grand remède pour les humeurs froides 6c rumatifmes , 6c diminué les douleurs de la goutte, XI L T)efcription dune oreille ^du cœur 3 & d un ventricule extraor- dinairement dilatez, c JE ne raporte ce phénomè- ne , que par Torde de jVL de Littré Docteur en Médeci- ne, 6c célèbre Anatomifte de V Academie Royale des Sien- S jj 2.12 Curiofîte^de la Nature, ces , à qui j’ai rendu compte T à mon retour des Indes, de quelques maladies extraordi- naires que j’ai vues durant mon voyage. Car de ma part je ne me ferois pas déterminé à re- porter le détail d’une mala- die, dontprefque tous lesfim- ptômes font les mêmes que ceux que le Savant M. Dio- nis , prémier Chirurgien de Madame la Duché fle de Bour- gogne , a décrits dans la pag. 66 3. de fon Anatomie de Ihom - w£. II eft cependant vrai que le phénomène que j’ai vû, a des finguîaritez, qui ne fe trou* vent point dans robfervation de M. Dionis. Le malade , dont il eft ici queftion , étoit un matelot â- gé d'environ 40. ans , qui le plaignoit depuis long-tems d’u- ne grande difîcuké de relpt- & de £ Art 215 rer. II fe mit au lit deux jours feulement avant fa mort. A l’ouverture que j’en fis, je fus furpris de trouver une tumeur d’une grofleur extraordinaire qui ocupoit toute la partie moyenne de la poitrine ,. de qui étoit formée par la dila- tation du Péricarde. Je trou- vai enfiiite les poumons flétris adhérants aux côtes ^ au dia- phragme, & marquez de ta- ches d’un rouge livide 3 je dé- couvris un fac au côté gauche de la poitrine, formé entre la plève , de les côtes , de qui ren- fermoit plus de deux pintes d’eau rouflâtre.J’ouvris le Pé- ricarde , de je trouvai le cœur qui n’étoit pas moins gros que la tête d’un enfant. Ce Péri- carde , quoique dilaté fi con- fidérablement , ne contenoit pas plus d’eau , qu’il y en de* 214 Curiojïtez de la Nature voie avoir. L’oreille droite dit cœur étoit plus grade que le poing , Se longue de demi pied. La cavité du ventricule de ce même côté étoit fi grande y qu’elle contenoit près de deux pintes de fang noirâtre : Se il y en avoir bien une chopine dans l’oreille droite. Cet homme avoit le foie * Se la veffîeule du fiel d’une grof- feur fiirprenante. Le foie, qui étoit d’ailleurs allez fain , n’é- toit pas moins gros, que celui d’un bœuf > Se la vefficule du fiel étoit à proportion. L'Epi- ploon étoit prefque tout con- fumé , Se fort livide. Les au- tres parties me parurent allez faines. Ce qu’il y a à obfer- ver ici , c’eft que ce même hom- me étoit d’un naturel impé- tueux , violent , Se emporté au de là de tout ce qu’on peut de r Art. ilf dire : ce que je remarque ex- près 5 parce que cela s’accor- de parfaitement avec ce que M. Dionis raporte de Thu- meur de celui dans le corps duquel on a trouvé un phéno- mène allez reflèmblant. XIII. Vers fortis far le nez^ drum malade , Ans le tems que nous hr- J y vernions dans le Gange, un de nos Matelots qui rele- voit d’une makdie dangereu- fej & que je ne comptois plus parmi mes malades , rendit par le nez cinq petits vers blancs , un peu plus gros que des grains d’orge , avec une ma- tière purulente , 6c d’une odeur cadavéreufe. Il fut pris en mê- me rems d'une fièvre continu^ ii6 Curio fît er^de la Nature qui au bout de trois femaines le mit au tombeau. Durantes tems-là il jettoit plufieurs fois par jour de ces mêmes vers. On en compta jufqu’à un cent. Après quoi on n'eut plus d’attention à la quantité qu'il en rendoit. Quelques jours a- vant fa mort , la matière étoit un fang noirâtre 5 &c d’une puanteur fi infuportable, qu’on fut obligé de le féparer des autres malades. La mafle de cette .corruption étoit fi a- tondante 5 qu’outre ce qu’il rendoit par le nez en fi gran- de quantité , qu’il étoit obligé d’avoir toujours la tête baifl fée , il s’en écouloit encore prodigieulement par Y anus. Dans les oblèrvations que je fis dans l’ouverture du fu- jet, je reconnus encore de ces mêmes vers dans les Sinus ma- xilaires5 6^ de t Art. liy hilaires b que les membranes qui les tapiflent intérieurement étoient toutes détruites , & la furface interne des os maxi- laires étoit cariée : ce qui prou- ve que le fiége de la corru- ption étoit là j &: non pas dans le cerveau, que je trouvai très- fain , auffi-bien que la partie cribleufe de Vos ethmoide > par où quelques Médecins é- trangers m’avoient foutenu que ces vers paflbient. T tXri Curiojite^ de la Rature X %a Tierre divine pour les yeux. DE tons les maux il n’y en a point de plus vif, de plus fenfible , & qui chagrine davantage que le mal des yeux. Un Auteur Italien nomme fort bien les yeux, les miroirs où fe peint la nature, les ju- ges fouveraiüs de la beauté , les guides de l’homme , les peintres de la penfée , les in- terprètes du cœur , les meila- gers de l’amour , des Spheres mobiles , &: vivantes , les Af- tres de la terre , en un mot les mmiftres des Siences , & des Arts. Platon parlant des yeux 9 dit : ce font eux qui nous ont découvert toute la face de PU- niversj &i fans leur fëcours nous '& de T Art 7.19 ne connaîtrions point les ri- chefles que la nature étalle fur la terre. Le Ciel , le Soleil , & les Aftres lèroient pour nous , comme les choies qui ne font point. Sans les yeux la char- mante alternative du jour, & de la nuit 5 la lumière de l’un , & les ténèbres de l’autre nous feroient abfolument incon- nues. La divifion du tems ., le partage des mois^ôc le retour des années , fur quoi nous ré- glons nos afaires , & nos de- voirs, ont été déterminez fur le mouvement du Soleil , par le fecours des yeux Enfin la Philofophie, qui eft le plus pré- cieux , &. le plus utile préfent , que le Dieu immortel ait fait & fera jamais aux hommes mor- tels, n’eft venue à nous,, que par le miniftere des yeux. . . . Unde Philofopbiœ qcnus nobi$ T ij %%o Curioftez^de la KF attire £omfararuimus > quk ne que ma* jus y neque utilius bonum Deo- rum immortalium beneficio 3 at- que munere ad hominum genus fervenh , neque perveniet un~ quam. Hoc autem loco OCU-* LORV M maximum beneficium. In T imœ.o. La vue eft en éfet un fi grand avantage , qu’on ne fàu- roit trop eftimer un fecret qui fert à la conferver 6c à la for- tifier. La pierre verte qu’on nomme Divine , à caufe de fes merveilleufes vertus pour les maux des yeux , eft le plus ex- cellent Colyre , qui ait jamais été trouvé. C’eft une de ces découvertes , qui font tant d’honneur à notre fiécle.Quoi- que les Médecins après Ga- îien,comptent 113. maladies des yeux, il y en a peu de tout ce grand nombre , que la pierre & de f Art. lit verte ne guérifle. Elle fait des guérifons fi promptes , 6c lî furprenantes , qu’on les pren- droit volontiers pour des mi*, racles. Il n’eft pas jufte qu’un trefor de cette importance 9 6c fi utile aux hommes , de- meure plus long-tems cache. Je fuis redevable de ce fecret à Monfeigneur de Cicé, Evê- que de Sabule , qui me Ta don- ne dans notre voyage des In- des. On le tient d’un Méde- cin Arabe, qui faifoit la Mé- decine à la Chine. Voici com- me on le prépare , 6c comme on en ufe. Prenez , 4. onces de Vitriol de Chipre, 4. onces de Nitre,ou Salpêtre 4. onces d’Alun de Roche. Il faut mètre ces trois cho- fes en poudre , 6c les faire fon- dre dans un pot neuf vernif- fé , d’abord à petit feu } 6c puis T hj 112 Curiojite^ de la ISfatuve l'augmenter jufqu’à ce que tout foit fondu, Enfuite jettez dans cette ma- tière, qui eft très-chaude, un gros de camphre mis en pou- dre. Remuez bien tout cela a- vec une fpatule de bois ^ 6c lors que le camphre fera bien fon- du , & bien incorporé avec les autres matières , couvrez le pot de fon couvercle , & le luttez avec de la pâte de fa- rine. Laiflez refroidir tout cela durant vingt-quatre heures * puis vous cafierez le pot , où vous trouverez votre pierre verte , qu’il faut féparer pro- prement des morceaux du pot. On conferve cette Pierre dans une fiole de verre ^ pour em- pêcher l’évaporation de ce qu’- il y a de plus ipiritueux , &c de plus volatile dans cette com- pofition. & de T Art, j, USAGE. IL en faut mètre un demi gros en poudre dans un de- mi feptier d’eau de fontaine 5 de quand on veut s’en lërvir , il faut faipe iiedirt l’eau, &: en laifler tomber uné goûte dans l’œil,'- ou dans les deux yeux, s’il y a du mal à tous les deux. Il en faut ufer trois fois par jour j le matin en fe levant , à midi , de le foir en le couchant. Quand on veut cette eau plus forte, on y met un gros de la Pierre verte. D’abord elle fait une douleur allez vive , de rou- git même les yeux. La dou- leur fe palTe , de la rougeur le diffipe allez vîte. Cette eau éclaircit la vûë , la fortifie , nétoie les yeux , en mange les taies naifiantes , T iiïj il 4 Curiojttex^ de la Nature guérit les fuffufions, enlève la rougeur., &c. Elle eft encore merveilleux fe , pour faire cicatrifer les vieilles plaies , & les vieux ul- cérés des jambes. Elle emporte fouveraine- ment les dartres du vifage , ôe des autres parties du corps , ea apliquant defliis un petit linge bien propre , & trempé dans cette eau. IL \ Pilules purgatives. JE tiens la compofition de ces merveilleufes pilules d’un Médecin Indien , qui m’a donné ce fecret comme un fé- brifuge indubitable. Il m’a de plus aftèuré qu’il s’en eft fervi plufieurs fois avecfuccès pour le m#l 3 que les Napolitains & de l'Art. il f ont aporté de l'Amérique en Europe j & qu’ils nomment mal-à-propos Morbus Galli - eus , afin de lui faire perdre y s’il fe pouvoit , fon premier y & vérirable nom qui eft , le mal de JSfaÿle. Voici la com- pofition. io. gros de Mercure doux, io. gros de Sel Armoniac. io. gros d’Orpiment. io. gros de Mirobolans , des trois forces également. 40. gros de petits Pignons d’Inde , dont on mêle d’abord 20. gros, fans en ôter les pel- licules, avec les autres dro- gues bien pulverifées. On fé- pare des autres 20. gros ref- tants , les pellicules , 6c puis on les fait un peu rôtir dans une petite poëlle à feu lent 5 on in- corpore le tout avec du vin- blanc , ou autre liqueur aro- iï6 Curiofite ^ de la Nature matique , 6c on en fait de pe- tites pilules qui ne péfent que quatre grains. Une fufit pour chaque prife : deux jours a- près5s’il eftbefoin,, on en prend une fécondé. Et pour les ma- ladies auffi opiniâtres que le mal de Naple , on comprend bien qu’il y faut revenir plu- heurs fois v 6c durant trois ou quatre femaines. Du relie on prend un boüillon aux her- bes, après que le remède a commencé de faire éfet 5 6c on garde le même régime , qu’on a coûtume^ de garder 3 lors qu’on fe purge. Il I. Miroir de metail du Japon, LEs Japonnois cultivent les Arts avec plus de foin qu’aucune nation du monde. & de lyArt. %ij Maffée Lib . 12. nous les répré- fente d’une politeflè fi exqui- fe , & fi bien entendue ^ que quoi qu3ils la faflent fouvent confifter en des maniérés tou- tes opofees' aux nôtres , nous ne laifions pas d’y trouver un bon fens vif , & lumineux. A l’égard de la Médecine , ils ne s’acommoderoient point de celle qui fe pratique à Paris , où l’on faigne beaucoup > ôé où l’on croit avoir tant de rai- fon d’en ufer ainfi. Au con- traire les japonnois qui vivent ordinairement du moins cent ans3 non-feulement ne fàignenr jamais leurs malades $ mais même ils regardent la faignée comme une aélion inhumai- ne , cruelle, & qui fait hor- reur à la nature. Pour les Arts, ils y font pour le moins auffi habiles que jiousj mais. il y en 22.8 Cnrîojîtez^ de la Mature a, où ils furpaflent toutes les autres nations du monde. Leur verni eft inimitable 3 & celui de la Chine eft infiniment au delîous de celui du Japon , pour le luftre , pour la dure- té , & pour rôdeur. J'ai un mi- roir de métail fondu , &: poli au Japon , & qui eft d5un é- clat que nous ne voyons point dans nos miroirs ardents qui fe font en France. Il eft d’un poliment fi parfait , qu'il eft impolîible d’y découvrir aucu- ne raie. Auffi faut-il avouer 5. que les Japonnois ont une a- drefle merveilleufe à travail- ler les métaux. J’ai quelques autres ouvrages de leur beau cuivre , & de leur façon, que je conferve comme un argu- ment qui prouve qu’il y a des nations , que nous regardons comme barbares ? & qui n’ont & de F Art. 229 rien d’inférieur à nous pour les talens, & pour le bel efpric Mon miroir eft rond , & a en- viron fix pouces de diamètre,» IV. Vne petite Pagode du Japon . COmme la Religion des Paiens a toujours été chancelante , & qu’ils n’ont point été fermes dans ce qu’ils croyoient de leurs Dieuxjls ne lesrépréfententprefque jamais de la même maniéré ^ & fous la même idée. Les uns ont figu- ré leurs Dieux d’une grandeur énorme. Telle étoit la Statue du Jupiter d’Olimpie , qui é- toit d'ivoire , & qu’on a mis en- tre les fopt merveilles du mon- de. Strabon Lib. VIII. re- marque que Phidias avoit fait ce Jupiter d’une grandeur fî • r 23 o Curiofte ^ ^ Nature prodigieufè , quoi qu'il fut af- fis , qu il n'auroit pu être de bout , fans percer la voûte du Temple , qui étoit pourtant de la hauteur de 60. pieds. Ce qui •faifoit dire à ceux qui vouloient lire , que ce Dieu étort par là condamné à la nëceffité d’ê- tre éternellement affis. D'au- tres difoient que le Dieu n'a- voit point été fait pour le Temple , ou que le Temple n'avoit point été fait pour le Dieu. Au contraire une partie de la dévotion de l'Empereur du Japon confifte aujourd’hui à répréfenter le Dieu qu’il ado- re , plus petit qu’une mouche 5 comme il paraît dans la peti- te Pagode j que j’ai aportée des Indes , &c qui m'a été donnée , comme une choie fort rare par M. du Livier , Directeur rér de P Art. 13Ï de la Compagnie de Bengale ,9 £c à qui on a alTùré que le cul- te de ce petit Dieu étoit re- fervé pour l’Empereur ,, & pour fa famille* C’eft une Divinité , dont on ne m’a pû dire le nom, ôc qui eft dans une niche. Le Dieu , & la niche font faits d’un feul grain de ris. Mais cet ouvrage eft d’une délica- telle achevée. On voit diftinc- tement dans la tète les yeux, le nez ^ Sc la touche. C eft un vrai plaifîr, que d’exami- ner ce travail avec une loupe de verre. On voit que toutes les proportions y font gardées dans la derniere exactitude. Ce petit Dieu avec fa niche eft planté far un poil de ces barbes qui font aux épis de ris 5 ôc la moitié d’un grain de ris fert de piéd’eftail à cette petite 2 31 Curiojïte^ de la Nature Idole. Cet objet du culte de l'Empereur dujapon eft enfer- mé dans un petit tuyau defort beau verre blanc, un peu moins, gros qu’une plume d'oïe. Tou- te cette jolie machine fe por- te en poche dans un petit étui , long comme la moitié du pe- tit doigt , & fait de bois odo- rant. Si on a mis le Jupiter Oiimpien parmi les merveilles du monde à caufe de fa gran- deur énorme j on y mêtroit la petite Pagode du Japon, h 011 s’avifoit de ranger auffi entre les chofes merveilleules , des ouvrages d’une prodigieufepe- titefle. On parlé d’un Manulcic en parchemin de toute l’Iliade d’Homére ^ d’une écriture lî menue 5 que tout le volume s’enfermoit dans une coque de noix. Mirmecidès avoit fait iin petit chariot tiré par quatre chevaux 3 & de F Art. 235 chevaux , qu'une mouche cou- vroit entièrement. Caillera- tès faifoic des formis d’yvoire lî petites, que les yeux les plus perçants avoient peine à démê- ler les diférentes parties de ces petites infectes. On vend tous les ans en Allemagne à la foire de Franc-Fort des pu- ces enchaînées par le col. Car- dan raconte que de fon rems on fit préfent au Duc d’Urbin d’une bague d’or, dont le cha- ton 3 au lieu de diamant enfer- moit une petite montre, fur la- quelle toutes les heures étoienr diftinébement marquées, & qui fonnoit un coup à chaque heu- re. Cardan, de Subtilit . Lib* XVII. Enfin les hommes ne font pas moins bizares dans la ma- niéré , dont ils peignent le dia- ble. Nous le répréfentons tout- V 234 Curiejïtez^de la Nature jours noir/, &; Marc Paulo afi Pure que les Habitans duMala^ bar , dont le teint eft fort rem- bruni , peignent le diable blanc. V. Tambour de la Mujïque du Roy de Siam. CE petit Tambour eft une preuve * que les Arts ne font pas A négligez par les Sia- mois , que quelques-uns Pont voulu dire. La fculpture , la dorure , & tout le deftein de cet ouvrage font admirables - & on peut dire que tout y eft magnifique. Il m'a été donné par M. du Livier , Directeur de la Compagnie des Indes à Bengale , &. qui s’eft fait un nom honorable dans POrienc par la maniéré obligeante^dont & de l'Art. 255 il reçoit les Curieux, &c par tous les bons ofîces qu'il leur rend. Il eftimoit fort ce petit Tambour, qu'il confervoit foï- gneufement. Le corps de cet infiniment eft d’une terre bien préparée, & très-bien cifelée. Il eft orné de petits rotins tra- vaillez fort proprement. Il n’eft couvert de peau que d'un cô- té.; & e’eft d’une. peau de Ser- pent fort agréablement bigar- rée , & qui rend , quand on bat deflus , un fon doux , charmant. Au défions au liots de peau , il y a une efpèce de- manche, qui eft- pareillement de terre , & fur lequel il y & de la fculpture dorée, La fi- gure de tout le Tambour ref- femble aflès à une grofte ca- rafe qui auroit une peau au lieu defond.-Le col de la ca^ safe eft le manche du Tara.— VijL Curiofîtez^ de la Nature bour.C’eft rinftrument que dé- crit M. de la Loubére , En- voyé extraordinaire du Roy" auprès du Roy de Siam en 1687. & 1688. Voici ce qu'il en dit en parlant de la Mufique des Siamois. Le peuple a com- pagne auffi quelquefois la voix de ceux qui chantent le foir dans les cours des logis , ou il y a des noces avec une efpéce de Tam- bour appelle Tong, On le tient de la main gauche , & on le frape de tems en tems dû un coup de poing de la droite. C'eft une bouteille de terre fans fond 3 & qui au lieu de fond efi garnie dl une peau rattachée au goulet avec des cordons . Hiftoire de Siam> Tom. î. chap. n. pag^ i6y & de F Art. 137 VL rZa fetite Balance portative des Chinois. COmme la monnoie des Chinois n’eft point fra- pée y & que ce n’eft que de pe- tits lingots d’argent qu’on cou- pe fur le champ , pour payer ce que l’on acheté 5 cela obli- ge chacun à avoir fa petite ba- lance attachée à. fa ceinture y afin d’y pefer le prix dont on eft convenu. Il y a particuliè- rement trois fortes de mon- noies qui font toutes trois en forme de petits lingots. Les Condrins , qui valent ce que nous apellons un fou. Les Malles, qui valent- 10. Condrins, ou 10. fous Les Taéls , qui valent 10* Malles, ou 100. fous» 23§ Curiofite^de hp Nature' La petite balance, où l’on gefe ces morceaux d’argent, a beaucoup de raport à l’an- cienne balance , que Ton nom- me Romaine > ou Pe^on, Elle eft compofée, i°. d’un bras 5 branche , ou levier ? z°. d’un crochet, ou d’un petit baf- fin 5 & fouvent tous -les deux y font : 3°. d’un poids cou- rant iiir le levier , qui eft or- dinairement d’yvoire , ou de bois d’ébène. Il eft de la lon- gueur d’un pié , gros comme une, plume à écrire , & fur le- quel il y a trois lignes ponc- tuées. Ceft fur ces points mar- quez , qu’on mefure la pefan- teur des corps graves v com- me on fait fur la verge de nos Romaines. Au lieu de l’anneau, avec lequel nous tenons nos pe~ zons fuîpendus , il y a à la ba- lance des Chinois; trois petits; Cf de V Art. 23^ cordons de foie, qui font at- tachez au levier dans trois di- férents points de fufpenfion. On met dans le baffin ce que Ton veut pezer 5 ou bien oa l*a,ttache au petit crochet, VSAGE . Our mètre la balance en JL équilibre on la tient par le cordon le plus éloigné du petit baffin ; Sc on arrête le poids mobile fur le premier point de la ligne latérale , qui eft la moins ponctuée. C’effc fur cette ligne que Pon péze les Condrins les MalTes , £& les Taëls. Sur la ligne fupérieure , en tenant le cordon du milieu oa péze les Malles , & les Taëte Et fur l’autre ligne latéra* le. 5 en prenant, le cordon te 24° Curiofte 2^ ou loiier. Tout ce panier eft à jour 3 une moitié du Bambou eft peinte d’un verni rouge , & l’autre moitié d’un verni vert. C es deux couleurs font mê- lées avec tant de fimmétrie , que cela fait un éfet très-a- gréable. Il eft rond , & de la figure d’une tour. Il a deux pieds de haut 3 fur environ neuf pouces de diamètre. C’eftdans ce panier qu’011 met la Gar- goulette remplie d’eau , qu’- un oficier porte à la fuite des grands Seigneurs du pays. Cet Oficier tient ce panier par quatre cordons de foie , qui fe terminent à un bouton , où il y a une touffe de foie de di- fférentes couleurs. Il porte ce- la à fa main , &; l’agite à droit , &C à gauche, comme on agite i4* Curiojite^de la Nature ordinairement un encenfoir i ce qui contribue merveilleufe- ment à rafraîchir l’eau. VIII. Z^ Hamac * ^ /*r Vayira des Américains. LE Hamac eft un lit fait de coton tout d’une piè- ce , que les Indiens portent ayec eux dans les forêts , 6ç qu’ils fufpendent par les deux bouts à deux arbres, lors qu’ils veulent fe coucher. La plupart font peints de Rocou , & par compartimens en guillo- chis faits avec aflez de propor- tion , 6c de juftefle. Les Brefi- liennes qui en font, font fiin- duftrieufes que de cent lits de coton qu’on aporte d’un mê- me endroit , il ne s’en trou- vera pas deux , dont les façons de T Art. 143 ibientfemblables. Auflî les lits qui viennent du Bréfil fbnt- ils beaucoup mieux faits, que ceux qu’on fabrique en la Guiane. Mais cependant on voit toûjours dans les uns, de dans les autres beaucoup d’in- duftrie. Les Indiens ne vont jamais à la campagne fans ces Jits-Ià. Le Pagara eft un panier de jonc fort propre , de induftrieu- fement peint de rouge par compartimens , dans lequel les Sauvages métent leur Hamac , quand ils voyagent. Le Ha* mac , de le Pagara que j’ai, font bien faits * je les ai aportez de Caïenne. Il faut obferver que fi les Philofophes , de les Légilla- teurs ont fait des règlemens fur Page , que les hommes , de les femmes doivent avoir pour Xij 2-44 Curiojîtez^de la Nature fc marier, les Sauvages, & les peuples les plus barbares, par les feules lumières de la natu- tore, quoi qu’étrangement cor- rompues en eux , ne laifTent pas d’y aporter auffi quelque façon. Il eft vrai que les O- rientaux font en cela plus dé- chaînez dans leurs voluptez que les Américains. Les filles Banianesdes Indes Orientales fe marient dès l’âge de fept ^ ou huit ans \ de celles qui en ont douze font réputées furan- nées. Platon veut que l’hom^ me ait dix ans plus que la fem- me qu’il époufe. Mais les Sau- vages , comme je l’ai déjà dit , par leur feule raifon , qui n’eft guere plus lumineufe chez eux que l’inftind des bê- tes , veulent pourtant que les personnes qui fè marient 3 aient donné quelques preuves de & de î Art. 14.J leur induftrie. Les filles doi- vent avoir fait le Hamac , c’eft- à-dire, le lit , où le mariage le doit confommer 5 & l'on exige des garçons de lavoir faire le Pagara qui eft le panier, ou l’on porte le lit dans les voya- ges. IX. Vie de Saint Thomas Apôtre $ en la lanÿie du Malabar * & autres Manufcrits des Indes. Aint Thomas eft dans une o fort grande confidération parmi les Chrétiens des In- des j parce que ç’a été par la prédication de ce faint Apô- tre 5 qu’ils ont été convertis a la Religion Chrétienne. Son corps eft dans la Ville de Ma- li apur fur la côte de Coroman- del , où il eft en une finguliere X iij 2 46 Curiofitcz^de la JSfdture vénération. Les Chrétiens de S. Thomas habitent particuliè- rement dans ce gra ndT riangle ifocèle de terre qui eft entre les embouchures de iTnde , 8c du Gange ; dont Cambaie , 6c Bengale font la baze , 6c le Cap de Comorin fait la poin- te. Du côté du Fleuve Inde eft la côte de Malabar, 6c du côté du Gange , eft la côte de Coromandel. Maliapur^ôe faint Thomé font fur la côte de Co- romandel. Quand les Portu- gais décendirent dans ces quar- tiers-la y ils y trouvèrent en- viron feize mille familles de Chrétiens 5 mais qui étoient fort infedez des erreurs du Neftorianifme. Cette Sede s’eft fort étendue dans l’Orient. Paul Diacre dit que Cofrhoès Roy de Perfe en haine de la guerre fanglante que PEmpe- & de l'Art* 247 reur Héraclius lui avoit faite 9 contraignit tous les Chrétiens* qui étoient dans la Perfe, d’em- brader les opinions de Nefto- rius. Depuis ce tems-là les Chrétiens de la Perfe en di- latant par la prédication leur Religion du côté de l'Orient * ils y ont répandu pareillement le Neftorianifme. En 1599. ces Chrétiens de faint Thomas a- bandonnérent par les foins des Portugais , leur Patriarche de Muzal, ou de Babilone* & dans un Sinode tenu par l'Arche- vêque de Goa à Diamper 7 proche de Maliapur , ils fe fou- rnirent auPape,embrafïèrent la Religion Romaine, & renoncè- rent formellement le Neftoria- nifme. Comme la mémoire de faint Thomas eft toujours pré- cieufe parmi ces Chrétiens-là , on y eft fort curieux d'avoir X iiij 148 Curiofitez^de la Nature la vie de ce faint Apôtre des Indes. JJen ai une écrite en la langue , en cara&ères du. Malabar. Ce livre confifte en des feuilles de Latanier lon- gues d’un pied 3 &; larges d’un pouce j qui font coupées de même longueur, êc enfilées a- vec un cordon de coton. Com- me chaque feuille eft chifrée > on trouve facilement la fuite de la matière par les marques qui y font. J’ai encore en la même lan- gue un Journal de Marchand , &: quelques lettres touchant le commerce , pliées à leur maniéré, qui eft en forme de braflelet , ou d’anneau. De plus, j’ai un Manufcrit Chinois qui eft tin Catechifme5 ou une explication de la doc- trine de la Religion Chrétien- & de r Art. 24? X. Le Portrait de Cha-gèhan j Empereur des Mogols . CE Portrait eft une minia- ture des plus fines, 6c des mieux exécutées. C’eft une peinture parlante * 5c on peut bien voir par ce petit tableau, qui n’efl pas plus grand qu’un écu, qu’il y a d’habiles Pein- tres dans l’Empire duMogoI^ foit qu’ils foient originaires du pays, ou que ce foient des é- trangers qui s’y font établis. C’efl: un préfont qu’un grand Seigneur de la Cour du Mo- gol avoic fait à M. du Livier , qui remplit fi dignement la place de Directeur general de la Loge d’Ougli , que Jui a lailfée M. des Landes , après y avoir âquis la réputation d’un 25 o Curiojîtez^de la jSFature parfaitement honnête homme: C’eft un témoignage que lui rendent dans toutes les occa- fions les Habitans du pays. Le portrait de Cha-géhan a été donné à M. du Livier 5 com- me une curiofité très-eonfidé- rable y & d’autant plus que ceux, qui ont vu cet Empe- reur y avouent que l’on ne peut rien faire de plus reflemblant. Comme Cha-géhan étoit un grand Prince 3 on effc curieux dans les Indes d’avoir fon por- trait. Il a voit ufurpé la Cou- ronne fur fon neveu Boliki , &€ exerça d’abord plufieurs cruau- tez pour s’afieurer l’Empire. Mais comme il avoit ôté la Couronne au légitime héritier,, il fut traité de même j & de fon vivant il en fut privé par Aureng ZeE, fon troifiéme fils, en l’an 1660. Aureng-Zeb rè- & de T Art. 15 f gne depuis ce tems-li,, 6c for* pere Cha-géhan mourut trifte- ment en prifon en 1 66(5. à Agra, où Ton fils le failoit gar- der à vuë. J’ai encore du même gouc un Tableau fort joli fait dans l'Empire du Mogol. C’eft la répréfentation d’un combat de deux Elephans ^ fur chacun defquels un homme eft mon- té 5 qui les gouverne avec fon croq de fer. Il y a encore deux hommes qui pour animer davantage au combat ces deux animaux, leur mêtent le feu fous le ventre. Il n’y a rien de plus naturel r 6c de fi hureufement deffiné* Les attitudes font répréfentées avec une vivacité , 6c une exa~ titude,qui font qu’on ne fe lafie point de les voir , Sc de les exa- miner» tji Curiojîtez^de la Jsfaturë XI. Portrait de Confucius Philofo - fhe de la Chine j auprès du - quel efl un 'Elève > & l'Ûi - feau ibis , LE Portrait de Confucius n’eft pas préfentement ra- re en France : on en a tant a- porté de la C hine , qu’on peut dire > qu’il y eft préfentement commun. Mais celui, dont je parle ici , efl: plus curieux que ceux que l’on voit ordinaire- ment : i°. parce que ce grand Maître de la Philofophie Chi- noife eft aflîs fur un Siégé ^ & dans l’attitude d’un homme qui parle , 6e qui enfeigne avec autorité. 2.0. Il y . a auprès de lui un Elève qui eft debout , & dans la pofture d’un Dilci- ple docile qui écoutp avec rct & de l'Art. ifi pe & entretenue dans une dépendance entière fous l’au- torité paternelle, trouve dans la fuite moins de peine à por- ter le joug de la Domination Royale, Les Chinois , èc les peuples voilîns de la Chine , comme font ceux du Ton- quin , & du Japon ^ apellent Confucius Sage ^ & le Saint . L’Evangile n’eft pas en plus grande vénération chez les Chrétiens , que fes écrits le font parmi ces Nations. Il n’y a point de Ville , qui n’ait un Collège magnifique dédié à Confucius 5 6c on y voit par tout ces infcriptions en lettres d’or : Au grand Maître 3 011 bien : A F illufire Roi des lettres „ Jamais Philofophe n’a reçu. Curiojitez^ de la "Nature plus d’honneurs de fa Nation 5 jufque-là qu’on a même ho- noré fa pofterité 5 non-feule- ment par des titres de No- Sbleile j mais encore par de grands revenus , 6c par des dif- tindions particulières. Comme il n’eft permis qu’aux Rois de la Chine d’avoir des Cigognes pour Simbole , & que cela eft défendu aux Seigneurs , quel- que grands qu’ils foient 5 c’eft donc une grande diftindion pourConfucius5d’en avoir dans les images. Cela eft fans doute permis pour de grandes raifons. Je croi en pouvoir donner quel- ques-unes. Il faudroit n’avoir jamais lu les Livres d’ Ornithologie .pour ignorer tout ce qu’on dit de curieux fur cet Oifea'u , fi con- nu fur les rivages du Nil ^ com« me parle Alciat , Emblem. S 7, Quæ & de l'Art. H7 Quœ roflro clyjlere velut fibi pro~ luit alvum , J bis N ilia ci s cognita littoribusi i. La Cigogne eft d’an natu- rel doux,ôc très-facile à aprivoi- fer 5 6c elle fe plaît à demeurer parmi les hommes* C’eft pour- quoi cet oifeau a toujours été en confidération chez toutes les nations. Dans la Theiïalie c’ëtoit un crime de tuer une Cigogne y&c on en punifToit le meurtrier , de la même peine y que les Loix ont décernées contre celui qui avoir tué un homme. En éfet les Cigognes tuent 3 6c mangent les Ser- pents , de en purgent les pays qu’elles fréquentent. Pline 9 Zib. JT. cap. 23. Et Cicéron avoir dit avant lui, que l’Oi- feau Ibis elt l’invincible deC* ¥ 2 5 8 Curiojtte^de la 'Nature tracteur des Serpents , qu’iî met en pièces avec un bec d’u- ne corne très-dure. Ce font ces Oilèaux, ajoûte-t-il qui empêchent que la pefte ne Toit toujours dans l’Egipte * parce qu’ils tuent5êc mangent ces Ser- pents aîlez , que le vent Sud- Oueft amène des vaftesfolitu- des de la Libie. Ainfi les Ibis font bien faifantes durant leur vie, ne fentent point mauvais après leur mort. Cicéron 5 de N aîur, JDeorum. Lib. IJ. 2. Plutarque dit que les Egip- tiens ont obfervé , que la Cigo- gne fe donne à elle-même a- vec fon bec un cüftére fait d’eau de la mer 5 ce quei’on a depuis adopté ^ &. introduit dans la médecine. De induf- tria animalium . C’eft pourquoi George Pifidas dit fort élé- gamment y que l'Ibis eft plus & de l'Art 2 5 9 favante que Galien ^ & que la médecine eft plus redevable à cet Oifeau qu’à ce grand hom- me. Pifid. in 0 per. fex dierum „ 3 . Pline die une chofe admi- rable , & qui eft vraie 5 que „ quoi que les Cigognes foient desoifeaux paffagers ^ on ne les* voie jamais ni arriver , ni par- tir. Elles cachenc leur mar- che fi bien y. qu’on ne les aper- çoit jamais paftèr par aucun endroit. Ce qui eft un mer- veilleux fimbole du fecret qui doic êcre dans le Confeil des» Rois . 4. Les Phifiologiftes difent que les Cigognes prennent loin de leurs peres r & meres dans leur vieillefle, Sc qu’ils* les nouriflene avec un foin eout fingulier. Genitricum feneBam educant , Pline lib. X. cap. 23, On ajoute encore qu’elles leur Y ij iGo Curlojîtez, de la Nature aident à voiler, & qu’elles von c les premières pour leur fendre l’air , afin de leur rendre le vol moins pénible. Il ne faut pas après tout cela demander la raifon,pourquoi le ScuIpteurChinois a placé l’Oi- feau Ibis entre Confucius , àc fon Difciple. Toute la Philofo- phie de Confucius tend à main- tenir la paix dans l’Etat, &; le repos dans les familiesj&: à bien démontrer ce que nous devons aux Princes qui nous gouver- nent, & aux parents, dont nous tenons l’être , & la vie : êc de ces diférents devoirs, l’Ibis elt unmodelle vivant , naturel , ê£ très-parfait. Elle eft donc pour les en-fans à l’égard des pa- rents^ & pour les Sujets à l’é- gard des Souverains ,1e fîmbou le de la piété , dont on doit les honorer y & les fervir, Saint & de V Art. i&X Bafile le Grand renvoie aux Cigogne5 , les enfants ingrats , &c dénaturez T pour aprendre d'elles ce qails doivent à leurs parents. Jam vcro pi et as y & objequium Ciconiarum er Lib* IV* de Aquatilib . Z ij '%■& 8 Curiojtte^de la 'Nature Plufieurs Bitumes minéraux. Soufre tranfparent de la montagne de la Soufrière à la Guadeloupe, VEGET AV X. RAcine de Gimzim , fi re^ commandée chez lesChû- nois pour un très-grand nom- bre de vertus, qu’ils lui attri- buent. Terra.* mérita 5 ou le Curcu- ma des Arabes ^ ou bien le Crocus des Indiens. Pout-cha , racine odorante d’Afie y excèlente pour réta- blir, &c fortifier leftomac. Bois de Sagapenum, Bois dont on tire le Baume du Pérou. Boisde Crabe , dont lesPor- jtugais fe fervent au lieu dç G érafle , & de Mufçade, / & de ï Art. Bois de Campefchede Siam, Bois Néphrétique. Tous les Santaux. Charé , bois fort leger , que quelques Idolâtres d’Orient emploient pour les inftrumens de leurs Sacrifices , & de leurs cérémonies. Feuilles de Bétel. Feuilles de China- China, Feuilles de Gérofle. Rofe de la Chine , qui craîe fur un arbre , dont les feuilles reflèmblent à celles de la Mau- ve. Fleur de Gingembre. Fleur de Poivre de Guinée, Fruits de diférents Cocos. Une gouffe de Cocotier y dans laquelle eft renfermé un bouquet de fruits. Toile de Cocotier, ou Pen- velope, qui tient la Palme at- tachée au tronc de l’arbre* Z iij ^7° CurioJîte\de la 2ï attire Petit fruit d’Afrique , qu’on eftime un fpèciiîque afluré con- tre les Cancers «, porté en a- mulette fur le mal Sa figure eft fort finguliere. Fruit de Tamarin. Atte , fruit formé en grap- pe de rai fin , & couleur de rai- fin vioJet. Fruit de Cacao 5 avec quoi le fait la baze du Chocolat. Confies de Rocou. Gonfles de Bonduc > apellé par les Indiens Lata. Pommes de Savonnettes. Olives d’Afie. Piftaches de Perfe. Anacardes j apellez par les Indiens Bibaut . Pignons de plufieurs elpè- ces. Mufcade mâle. Grofle cafle longue d’Amé- rique. & de F Art. ijî Une longue Gouile qui ren- ferme douze châtaignes d’A- mérique dans autant de cel- lules. Fruits de Coton. Te colt fruit long, couvert de plufieurs écailles, qui craîtfur le Palmier de montagne dans la nouvelle Efpagne 5 de que les Américains nomment Quai - chtlepopotli. Ce fruit a quelque reflemblance avec la pomme de Pin. D’une feule racine , il en fort deux , ou trois troncs qui portent des fleurs blan- ches, de agréablement odori- férantes. Jean de Laët dit , que ces fruits font tous vu ides : Il s’eft fans doute trompé 5 puis que tous ceux que j’ai , ont au dedans une efpèce de pruneau long, qu’on mange avec plai- lir. Noix d’Acajoux. Z iiij zji Curiofte ^ de la JSfaturi Fruit d’Ouatte. Vafhile. Palmes» Courba ris. Abricot de fàint Domin- gue. Cannes de fucre» Un Coco du Pérou. Ce fruit eft très-curieux. Je croi que le premier Auteur qui Ta décrit , eft le R. Pere Acofta Jéluite , Lib. IV, Hijl. naturaL & ma- ralis Indiarum. Ce Coco eft rempli d’une pulpe 5 ou moelle bien difé- rente de celle des autres Co- cos. On trouve dans cette pul- pe , quantité d’amandes très- délicieufès , que l’on apelle or- dinairement Amandes £ An- dos , parce que l’arbre , qui porte cette efpèce de Coco fe trouve particulièrement: dans les montagnes d’Andos ef de P Art. ïff au Pérou. Ces amandes font dans une coque fi dure, qu’il ne faut pas moins qu’un mar- teau, pour les cafter. Tout le fruit eft d’une figure allez ex- traordinaire 5 il eft fait com- me une cloche , lors qu’on l’a ouvert vers la tête , où il eft: fermé par une efpèce de cham- pignon qui le bouche. Son é- corce a un doigt d’épaifteur , & eft auffi dure que le font or- dinairement les Cocos. Acofta allure que les amandes, qu’on trouve dans ce fruit, font d’un très-bon goût , trois fois plus groftes que les amandes or- dinaires , de qu’on les fert fur table parmi les fruits les pins eftimez, de les plus délicieux. Chioccus a fait graver ce fruit ,, de on le trouve dans le Cabi- net de Calceolarius pag. 623. où il eft fort bien répréfenté» 1 74 Curiojitez^ de la Nature' Ris en épi. Millet de faine Ambroife, Graine de Coton. Acacia d’Egipte. Pois à gratter. Gonfle , & graine de la mâti- ne mufquée d’Amérique, au- trement graine de mufe. Pois de merveilles. Graine d’une Rofe de la Chine. Graine de jonc odorant. Plaideurs goufles de diféren- tes efpèces de Cardamome. Graine de Varougou, plan- te d’Afle. Graine de Nat-chéni , plan- te d’Afle. Graines de plufieurs efpèces de Senfitive. Graine d’Ozeille quarrée d’Afie. Graine d’Àchek-pitcha fleur d’Afie, *75 & de î Art « Pépins d’Attes, Coton commun* Coton de Maho. Kaire, Filafle qui couvre les Cocos , & dont les Indiens font leurs cordages. Pitte j Filafle d'Amérique. Différents Litophitons , ou plantes pierreufès de mer. Différentes Mouffes d’O- rient, très-curieufes. Baume blanc, d’Egipte. Baume du Pérou. Baume de Copahm Bdellium, Gomme» Benjoin. Huille de Palme. Huille de Camfre de Céilany qui fe tire de laracineduCa- nellier ^écainfi apellée , parce que fon odeur aproche de cel- le du Camfre, Sucre d’Erable du Canada» ïy6 Curloftex^de la Nature \ AN IM AV 2T. MOgue , Soie d’un Vers fauvage d’Afie , apellé Taxai. ■ Cancre de mer. Une Etoille de mer , Poif- fon. Mouches cornues de l’Amé- xique. Un Damier, Oifèau de mer qui fe trouve aux environs du Cap de bonne Efperance 5 ain- fi nommé , parce que la plume de delTous fes ailes eft par quar- rez blancs , & noirs. Hannetons d’un verd doré , d’Orient. Touffe d’aigrette qui fe trou- ve couchée entre les aîles de rOifeau nommé, Aigrette. Nez d’Efpadon^ poiffon de mer. & de /’ Art. 277 Oeufs cT Autruche. Il faut ob- ferver que ceux , qui ont été pondus dans l’Afrique , ont la coque incomparablement plus épaiflè, queles œufs des Au- truches de la Menagerie du Roy. Differents coquillages cu- rieux. Coris, petit coquillage blanc, qui vient des Maldives , & qui fert de mon noie dans une par- tie de l’Afrique, & de l’Afie, Blatta Byfantia , ou Vnguis odoratus. Différentes Tortues de ter- re > & de mer. Colibri , petit Oifeau d’A- mérique, & dont les femmes Américaines fe font des pen- dants d’oreilles aux jours de ré- joüiffance. Un doigt d’une ancienne momie d’Egipte. &y8 Curiojîtez^de la Nature LES AR T S. Argoulîs , ou Vaifleau à fumer 3 à l’ufage des O- ri en taux. Plac d'une terre qui fe trou- ve dans les Montagnes de N el- gari , Province d’Orixa dans l'Empire du Mogol. Cette ter- re elt fort eftimée des Ido- lâtres du pays 5 parce qu'ils croient qu'elle eft tellement fainte par elle-même , qu'elle nefauroitêtre foüillée, quel- que ufage qu’en puiflent faire ceux qui ne font pas de leur Religion. Au contraire ils n’o- fent fe fervir des vaiffeaux faits d’une autre terre, quand d’au- tres gens qu’eux les ont tou- chez. Une boëtte verniffée dans la- quelle , les femmes Indiennes dr de ï Art, 279 mettent une poudre minérale rouge 3 dont elles fe barboüil- lent le front 3 pour aprendre à ceux qui les voient , qu'elles font mariées. Flèches, dont fe fervent les Siamois. Autres Flèches d’Améri- que. Arc , de Bois de fer d'Amé* rique. Arc fait de corne de Bu- fle. Autre Arc de bois de Bam- bou , pour la challe des Oi- féaux j & où J on met au lieu de flèches, de petites balles de terre cuitte. Un Bouclier, ou Rondache fait de bois de Bambou du Tonquin. Un Boutou , ou bâton de Chef de troupes parmi les Sauvages dîAmérique. zîo Curiojite^de la Nature Armes* favoir un Arc, des flè- ches, un Carquois, avec une efpéce de Pannetiereà l’ufage des Seigneurs Tartares. Le Carquois, & la Pannetiere font de peau d'homme , paffëe très- proprement. Flûte des Sauvages de PA- mérique. Flambeau apellé Damar , fait de gomme odorante 3 dont les Orientaux de condition fè font éclairer. Cabaïe, ou habit des Mo- gols Cadenatz de la Chine, Or batu de la Chine. Or filé de la Chine. Papier de la Chine fait de foie. Eftampes de la Chine. Petites Tafles, d’une efpèce de vitrification blanche de la Chine* BrafTelets, & de i v Art. 281 Braffelets , donc fe fervent Ise Dames des Indes. Le plan de la Loge de la Compagnie des Indes, à Chan- dernagor. Différents houragans , ou pe- tits paniers faits d’écorces d’ar- bres par les Sauvages du Ca- nada. Le Souï , liqueur rouge , qui fe fait au Japon , & qui eft peu connue en France 5 les Indiens en font un grand ufage. Ce feroit unexcèlent Reftaurant , pour réparer les forces d’un malade convalefcent , ou d’un homme fatigué. Les Indiens, en abufent , afin d’exciter en eux une paffionqui ne les do- mine déjà que trop. L’incon- tinence eft un des defordres régnants dans les Indes, & ce- pendant il n’eft rien que ces malhureux Idolâtres ne mé- A a 2.^2 Curiojîte^ de la Nature tent en œuvre , pour l’augmen- ter , & la fortifier en eux. Tout ce que j’ai pu favoir de cette compofition , c’eft que fa baze eft de jus de bœuf à moi- tié cuit. Les Japonnois font fort jaloux de ce fecret. Ils rangent le Souï entre les mar- chandées qu’ils eftiment da- vantage; parce que cette dro- gue leur attire le commerce des Indiens , qui viendroient au Japon par le feui empref- fement qu’ils ont d’avoir de cette liqueur. Quelques Monnoies des In- des. F I N». mmmiœmmt TABLE DES MATIERES. RElation abrégée de deux Voya- ges faits aux Indes 5 Fun aux Indes d’Occident ,