■ ■ LP I ■ ■ DÉBATS STTK LE BILL DES PECHERIES ])K L'HON. ALEX, CAMPBELL, CHmiinUtalre «les Terres de la Couronne. ) DEVANT Lp CONSEIL LÉGISLATIF DU CANADA, LES 9 ET 10 MARS 1865. Traduit an Bureau des Pêcheries. QUÉBEC : HPKIMiï PAE J. N, DUQUET, 2t, rue lfl. Montagne, Basse-Ville. 1865, «3« '& DÉBATS SUR LE f. I w BILL DES PECHEEIES DE L'HON. ALEX. CAMPBELL, Commissaire «les Terres de la Couronne. DEVANT LE CONSEIL LÉGISLATIF DU CANADA, LES 9 ET 10 MARS 1865. Traduit au Bureau des Pêcheries. QUÉBEC : IMPRIMÉ PAR J. N. DUQUET, 21, rue la Montagne, Basse-Ville. 1865. I2fe DÉBATS SUR LE BILL DES PÊCHERIES. PARLEMENT PROVINCIAL. Conseil Législatif. Jeudi, 9 mars 1865. L'hon. M. Campbell propose la seconde lecture du bill pour mieux réglementer la protection des pêcheries. L'hon. Com- missaire ajoute que ce bill a été remis de temps en temps afin de donner occasion aux personnes qui s'intéressent à nos pê- cheries de faire toutes les suggestions qu'elles jugeraient convenables pour ren- dre la mesure plus parfaite ; et en me levant aujourd'hui, dit-il, pour en de- mandera seconde lecture, je ne m'attends pas qu'il soit passé durant la présente session, mais je crois qu'il serait à propos de le discuter et de le faire imprimer, afin que le peuple puisse, durant la vacance, prendre connaissance de la mesure, qu'à la prochaine session les honorables membres soient mieux préparés à la dis- cuter. Depuis son introduction, j'ai fait subir plusieurs changements au bill, et il est possible qu'il en soit introduit d'autres avan t qu'il devienne loi. Comme il est a peu près impossible de trop apprécier l'impor- tance de nos pêcheries, ce sujet se recom- mande donc à toute l'attention de cette Chambre. Le département des Terres de la Couronne a eu la surveillance de cette branche d'industrie, mais elle ne semble pas avoir reçue toute l'attention qu'elle mérite. Comme preuve de la richesse de cette source de produits industriels, j'at- tirerai l'attention de cette Chambre aux retours des années passées et à Faugmen- tation satisfaisante que ces retours con- statent ; " Pêcheries Canadiennes. — Valeur du pois- son pris en 1850, $146,084 ; 1852, $29*7,848 ; 1859, $1,406,288. Par le rapport de 1859, le Haut-Canada en a pris pour une valeur de $380,000 ; et les rapports officiels de Ï86I et 1862T établissent que la valeur du poisson pris dans le Bas-Canada durant ces années se monte respectivement à $730,919 et $703,- 895. " Le recensement du Canada pour 1861 donne les quantités suivantes de poisson pris: Bas-Canada. Haut-Canada. 230,453 quintaux, 2,517 quintaux, 139,558 quarts, 10,013 quarts, 413,482 livres. j 175,744^ livres. Les statistiques suivantes s'appliquent au Bas-Canada pour 1862: Nombre de bateaux de pêche «««• . . 2,535 Valeur $75,959 Nombre de pêcheurs 5,044 Quantité de morue prise (quintaux)* 169,463 " d'aigrefin (haddock) .• 1,066 defïétan 509 Quarts de harengs - 6,721 **" maquereau 1,065£ " saumon 2,331^ Gallons d'huile de morne 97 ,832 Le tableau suivant donne le nombre de vaisseaux qui prirent la mer avec des cargaisons venant du Bas-Canada : Nombre de vaisseaux «....«.*« 176 Tonnage --.- 11.676 Nombre de marins 1,165 Quintaux de morue 14,168 Gallons d'huile 63,753 Loups- marins 23,383î — 4 Les îles de la Magdeleine (qui appar- tiennent au Canada) possédaient en 1861, 38 goélettes et 232 bateaux de pêche. Le produit de leurs pêcheries se montait à 104,000 quarts de poisson salé, 16,000 quintaux de poisson séché, et 30,000 gal- lons d'huile. La population de l'année dernière n'était que de 2,651 âmes. Ces statistiques sont extraites des Livres Bleus. Je viens de remarquer que cet important sujet n'a pas reçu toute l'attention qu'il mérite ; ceci est dû, sans aucun doute, en grande partie aux nombreuses occupations du Commissaire des Terres de la Cou- ronne. Je suis cependant heureux de pou- voir ajouter que cette partie du service public se trouve à présent conduite par la personne qui a la direction de la di- vision des pêcheries de ce département, et qui fait tous ses efforts pour la rendre aussi efficace que possible ; et j'ai plaisir à reconnaître ici le zèle, l'intelligence et la compétence de cet officier, aussi bien que sa connaissance parfaite des devoirs de la branche qui est sous son contrôle. (Ecoutez !) Afin que la Chambre puisse juger la question avec connaissance de cause, il me semble nécessaire de parler des droits de ceux dont les pêcheries se trouveront atteintes par ce bill. Il existe quelques malentendus à l'égard de ces droits, mais le gouvernement n'a jamais eu l'intention de les abolir. Je fais cette déclaration de prime abord, parce que mon honorable ami en face de moi (l'hon. M. de Beaujeu) semble craindre que le bill puisse empiéter sur les droits des sei- gneurs et des censitaires, et afin de dis- siper complètement ces inquiétudes, on se propose de faire un léger changement qui aura pour effet d'écarter un tel danger. Ce changement se trouve noté à la 3me clause, et donne au Commissaire des Terres de la Couronne le pouvoir d'é- mettre des baux seulement pour les en- droits où le droit de pêche n'appartient pas légalement aux particuliers. L'hon. M. Letellier de St. Just. — Cela n'est pas dans le bill. L'hon. M. Campbell. — Non ; je viens justement de dire que je me propose de faire ce changement en comité, tel que noté dans le bill. Je crois qu'il existe en dehors de cette Chambre certains malen- tendus, relativement à la position des seigneurs en ce qui touche aux droits de pêche, qu'il serait à propos de réfuter. En référant aux patentes et aux conces- sions faites aux seigneurs ou aux parti- culiers de qui les seigneuries avaient été achetées, on y trouve un transport de droits de pêche qu'il ne faut pas perdre de vue et afin que la Chambre puisse juger du titre incontestable de ces droits, je citerai quelques-unes de ces patentes ou conces- sions. Entre plusieurs titres, plus ou moins semblables, on peut citer ceux des seigneuries de l'Islet du Portage, Verbois, Rivière du Loup, Ile Verte, Grand Pabos, Soulange., St. Sulpice, Boucherville, Iles Bouchard, Kamouraska, Sillery, Gaudar- ville, etc., etc. Dans quelques-unes de ces concessions, outre le droit de pêche ex- plicite et exclusif se trouve la permission de pêcher aavec toutes sortes d'engins sur la grève, jusqu'à la ligne de basse marée " ou de toute manière que le con- cessionnaire " le jugera convenable " . D'autres titres concèdent " une pêche sé- dentaire " (ou fixe). Plusieurs comportent le droit du sol sur les grèves, battures et bancs, quelques-uns avec, d'autres sans le droit de pêche. Plus d'un stipulent le droit exclusif de pêche " jusqu'au milieu du fleuve St. Laurent ", vis-à-vis les terres dé- crites. Des décisions judiciaires ont con- firmé certains droits de pêche, et la com- mission nommée en vertu de l'acte sei- gneurial a ratifié plusieurs réclamations semblables. Ceci prouve suffisamment que les concessionnaires possédaient non seu- lement le droit de pêche, mais aussi le {irivilége de l'exercer de la manière qui eur semblerait la plus avantageuse. Plu- sieurs personnes qui s'intéressent d'une manière active et digne de louanges au succès de nos pêcheries, mais plutôt en qualité d'amateurs que comme hommes du métier ou comme faisant la pêche pour y piquer leur vie, me pressent fortement d'abolir dans le Bas-Canada la manière de prendre le poisson au moyen de pêches en fascines tendues sur les grèves et cou- rant une certaine distance en eau pro- fonde. Ces messieurs prétendent que cette manière de pêcher est ruineuse pour nos pêcheries et qu'elle porte atteinte aux droits des personnes qui se trouvent en amont des rivières ; mais les extraits des patentes cités plus haut prouvent claire- ment qu'aucune restriction ne s'applique à la manière d'user de ces droits. En par- — 5 — courant ces documents je pourrais citer un grand nombre d'autres extraits, mais ceux que je viens de donner suffiront, je pense, pour montrer que l'intention de la Couronne française était de faire un trans- port complet et parfait d'un droit de pro- priété dans ces pêches pour en être fait usage de la manière dont les propriétaires le jugeraient convenable, ou suivant la pratique du temps. La manière précise de pêcher deviendrait une question de fait. Hon. M. Bull. — Ces titres renferment- ils quelque chose qui montre que la pêche pouvait se faire au moyen d'appareils fixes dans les cours d'eau? Et le mot " engin" ne veut-il pas dire quelque chose de mobile. ? Hon. M. Campbell. — Il paraît qu'entre Québec et Cacouna et en quelques autres endroits on se servait alors de pêches en fascines. On voit par les mots d'une pa- tente que j'ai cités, que la pêche pouvait se faire avec aucune espèce d'engin^, et bien que la traduction du mot engin par " tac- kle " en anglais puisse vouloir dire quel- qu'autre manière de pêche, cependant rien ne fait voir qu'elle était cette manière, bien qu'il soit suffisamment évident que les pêches en fascines étaient alors en usage général. En outre, les titres origi- naux disent : " avec droit de toute pesche, à toutes sortes d'engins" Hon. M. De Beaujeu. — La manière de pêcher était déterminée par la loi de même que la manière d'exploiter les mines ; on pourrait aisément s'en assurer. Hon. M. CaxMpbell. — Lorsque la précé- dente administration était au pouvoir on souleva la question de savoir qui était le propriétaire réel de ces pêches, et le Pro- cureur-Général d"u Bas-Canada d'alors, l'hon.M. Dorion, donna son opinion sur ce point. Cette question vint à propos d'un avis du shérif, comportant que tel jour il procéderait à la vente d'un certain droit de pêche à la Rivière-Ouelle, saisi sous exécution. L'officier en charge de la divi- sion des pêcheries ne trouvant dans le premier titre aucun octroi spécial du droit de pêche désirait établir le fait que les titres additionnels ne pouvaient pas rem- plir cette lacune. Il suggéra donc que le droit de pêche appartenait à la couronne et que la pêche ne pouvait pas être vendue, mais le procureur général fut d'une opi- nion contraire. La voici : " Mémoire sur la lettre du commissaire des Terres de la Couronne au sujet du droit de pêehe dans la Seigneurie de La Bou- teille rie. " Québec 13 février 1864. "Le 29 d'octobre, 1672, le Sieur de La Bouteillerie reçut à titre de fief, deux lieues de terres en front sur une lieue et demie en profondeur, à prendre sur le fleuve St. Lau- rent, à savoir: une lieue au-dessus et une lieue au-dessous de la Rivière Ouelle, icelle comprise. "Le 20 d'octobre, 1750, une autre conces- sion fut faite à Mme. De Ramezay, veuve du sieur De Boishébert, de deux lieues de front sur deux lieues de profondeur, à prendre au bout de la terre autrefois comprise dans la seigneurie de La Bouteillerie, pour ne faire avec^l'ancienne concession de 1672 qu'une seule et même seigneurie. " Cette dernière concession paraît avoir été ratifiée le 24 juin 1751, et dans le titre de ratification il est dit que : " Sa Majesté a " ratifié et confirme la dite concession, veut " en conséquence que la dite veuve de Bois- " hébert ses héritiers ou ayant cause jouissent " à perpétuité de la dite terre pour ne faire " avec l'ancienne concession qu'une seule et "même seigneurie, à titre de fief avec l'an- " cienne concession, avec haute, moyenne et " basse justice, droit dépêche, chasse et traite " avec les sauvages, dans toute l'étendue de la " dite concession ; sans que pour raison de ce, " elle soit tenue de payer à Sa Majesté aucune " finance ou indemnité," desquelles don et re- mise, " à la charge de laisser les grèves libres " à tous pêcheurs, à l'exception de celles dont " la dite dame De Boishébert aura besoin " pour sa pêche." " Ce titre de ratification a donné aux sei- gneurs de La Bouteillerie le droit de pèche, non-seulement dans l'augmentation de la sei- gneurie, mais aussi sur toute l'étendue de la première concession, en y comprenant cette partie du fleuve St. Laurent où elle est bornée. " Ce droit n'est pas restreint par la charge ou réserve " de laisser la grève libre à tous pêcheurs," cette réserve ne s'appliquant pas aux pêcheries, mais seulement aux parties de la grève non occupées par les pêches des pro- priétaires de la seigneurie; jusqu'au moment de l'abolition de la tenure seigneuriale ce droit de pêche pouvait être concédé, et les conces- sionnaires ont le droit d'en jouir conformé- — 6 — ment à leurs titres de concessions, et dans ces parties de la seigneurie où. il n'a pas été ac- cordé, il appartient, depuis l'abolition de la tenure seigneuriale, aux propriétaires riverains. " Je suis d'opinion que la couronne n'a aucun droit de pêche dans cette seigneurie, et qu'on ne peut filer d'opposition à la vente de la propriété connue sous le nom de La Grande Pêche aux Marsouins de la Pointe de la Rivière Ouelle, ni des droits de pêche y appartenant saisis entre les mains de MM. Casgrain et Têtu à l'instance de la maison de la Trinité de Québec. " (Signé,) A. A. Dorîon, " Procureur-Général, B. C." Cette opinion m'a confirmé davantage dans mes vues, et je suis bien aise de me voir ainsi appuyé, d'autant plus que je ne puis prétendre à une connaissance bien approfondie des lois du Bas-Canada. Cette question fut aussi portée, d'une matiière spéciale devant les commissaires de la te- nure seigneuriale, et ce fut alors que mon honorable ami (M. De Beaujeu) présenta une réclamatin par laquelle il demandait à être indemnisé de la perte de ses droits de pêche. Les commissaires décidèrent qu'il ne les avaient pas perdus, mais qu'il continuait à en avoir pleine et entière jouissance comme auparavant, et que par conséquent il n'avait aucun droit à une indemnité. Si tel est le cas pour les droits de l'honorable membre, il s'en suit que la même règle s'applique aux autres per- sonnes qui se trouvent dans la même po- sition, au moins pour les seigneurs qui n'ont pas été indemnisés pour la cession dé ces droits. Je crois que dans certains cas il y eut indemnité et que Les commis- saires en fixèrent le montant, mais l'effet de cet indemnité fut simplement de rati- fier la cession des droits de pêche faite aux censitaires par les seigneurs, en vertu de leurs concessions spéciales. Cependant les droits ainsi rachetés ne sont pas re- tournés à la couronne, et le présent bill ne les affecte que pour régler le mode de s'en servir, de manière qu'ils ne puis- sent nuire à d'autres concessionnaires de la couronne, ni au public. Hon. M. Ryan. — Je désire savoir si les patentes mentionnent le temps ou la sai- son pendant lesquels ces droits de pêche peuvent être exercés, car s'il n'en est pas fait mention, tout en voulant protéger une branche importante de notre commerce, il pourrait arriver que le gouvernement fût obligé d'intervenir. Hon. M. Letellier. — En ce cas il serait nécessaire d'indemniser les parties. Hon. M. Campbell. — Le gouvernement n'a aucune intention de priver personne d'un droit reconnu, mais veut régler la manière de s'en servir, et cela seulement dans le but de sauvegarder l'intérêt géné- ral. En une ou deux occasions la législa- ture est intervenue dans ces droits, mais la loi passée a cette fin fût trouvée impra- ticable et n'étant pas observée, fût rappe- lée. La loi en question était la 18e Vie, qui prohibait l'usage des engins auto-mo- teurs et contenait certaines clauses spé- ciales au sujet des pêches au saumon, à la truite et au maskinongé. Les pêches en fascines mentionnées sont des engins fixes, mais le bill maintenant devant cette Chambre n'aura pas l'effet de les af- fecter jusqu'au point de les faire dispa- raître, mais de les soumettre à des règle- ments judicieux qui les empêcheront de pouvoir nuire aux droits d'autres per- sonnes et au public. En tels cas, la ques- tion deviendrait une question de fait qu'il faudrait décider sur son mérite, et si l'on trouvait que le titre original permet- tait L'usage d'une pêche en fascines et que l.i pèche avait été exploitée de cette ma- oière, ce droit serait continué au posses- seur. Je n'appréhende aucune difficulté pour les endroits où les pêches sont indu- bitablement la propriété de la couronne. Dans le cas où certains engins de pêche deviendraient nuisibles, le gouvernement peut en défendre L'usage. Ceci aurait pres- que toujours lieu selon la nécessité de le faire, et suivant la position des occupants en vertu de baux ou licences. Cette pos- sibilité semble être prévu.1 par les termes de ces contrats qui obligent les locataires à se conformer à tous les règlements faits en aucun temps. Le cas échéant, je présume que les difficultés, s'il y en avait, viendraient des pèches au saumon et à la truite. Voilà pour le Bas-Canada. Dans le Haut-Canada, le droit de pêche appartient entièrement à la couronne ou bien la couronne L'administre pour Le pu- blic ou les sauvages, de sorte que le parle- ment pouvait législater à ce sujet de toute manière désirable. C'est dans ces vues que je demande à cette Chambre de 7 — vouloir Lien m'aider à préparer un Mil pour prohiber l'emploi des engins fixes quand ils pourront devenir nuisibles aux pêcheries, et essayer de les rendre plus avantageux aux concessionnaires et plus profitables au pays. La seconde question à examiner était de savoir quels sont les moyens 'actuels dont on se sert dans le pays pour prendre le poisson. Dans le Bas-Canada on emploie plusieurs sortes de rets, surtout pour pren- dre le saumon, qui est une pêche d'une grande importance, puisque dans l'année 1863 la valeur du poisson pris fut estimée à 830,000 ; bien que ce chiffre soit au-des- sous de la valeur réelle, car cette somme ne comprend que le saumon salé et mis en quarts, et non le poisson frais consommé sur les lieux ou vendu sur les marchés. Les rets dont on se sert pour prendre le saumon sont de trois sortes, les rets à chandeliers ou à barrières, les rets en pi- quets et les rets flottants. Les messieurs auxquels j'ai déjà fait allusion comme de- mandant l'abolition de tous les engins fixes pour prendre le poisson, soutiennent qu'il en est ainsi en Angleterre ; mais en ceci ils se trompent un peu comme on le verra plus loin. Ce qui semblait en réalité désirable était que les engins de toutes espèces fussent tendus de ma- nière à permettre aux poissons de se ren- dre à leurs frayères. Les hon. messieurs voudront bien se rappeler qu'il y a peu de temps le parlement s'est occupé de cette question et qu'un comité fut nommé pour faire une enquête minutieuse à ce sujet ; que les amateurs de pêche avaient fait fortement valoir leurs vues, mais qu'on avait aussi entendu une autre classe de témoins ; hommes pratiques et parfaite- ment capables de donner des opinions auxquelles on put se fier. Parmi ces té- moins l'opinion dominante fut que seiner le saumon comme substitut de tout autre mode de pêche était impraticable dans le fleuve St. Laurent, et qu'il serait très pré- judiciable de permettre l'usage de la seine dans les eaux douces, comme on le fait en Angleterre. D'autres personnes enga- gées dans le commerce du poisson furent entendues et donnèrent le même témoi- gnage. Il était donc évident que le sau- mon était principalement pris de cette manière et que les pêches en fascines ser- vaient aussi à prendre d'autres espèces de poissons. Dans le Haut-Canada on se sert de trois sortes de rets ; seines, rets à mail- ler et rets à enclos. Quelquefois ces der- niers sont tendus de manière à barrer complètement l'embouchure des rivières et cours d'eau, empêchant par là le poisson de monter, ce qui doit être très- destructif ; mais les rets à mailler tendus dans des saisons convenables ne semblent pas être plus nuisible que d'autres rets. On doit lire avec une certaine réserve les rapports que les journaux font de l'im- mense augmentation de poisson pris en grande Bretagne depuis l'abolition des engins fixes, car bien que plusieurs de ces engins aient été abolis par la loi, ils ne l'ont pas tous été, mais on a soumis ceux qui restent à certaines restrictions de même que le présent bill propose de le faire en Canada. On sait très-bien qu'au- trefois en Angleterre les moyens de pren- dre le poisson étaient encore pires que ceux en usage en Canada, mais les lois récen- tes, tout en abolissant les engins moder- nes auxquels on trouvait à redire, avaient respecté les anciens modes, les considé- rant comme droits acquis et l'on s'était contenté de les régler. La manière et l'é- tendue de ces changements sont données au long, dans les rapports faits au parle- ment impérial sur les pêches au saumon du Royaume-Unis. Les amateurs de ce pays en appellent avec toute confiance à la clause de la loi d'Angleterre qui abolit tous les engins fixes, quant au contraire cette clause réserve expressément les droits, existants. Je vais la lire pour l'in- formation de la Chambre. C'est la section 11 de la 24e et 25e Vie, Chap. 109 : u II est défendu de placer ou de se servir d'en- gins fixes pour prendre le saumon dans au- cunes rivières intérieures et où se fait sentir la marée, et tout engin ainsi placé et employé, et tout saumon pris par tel engin, seront confis- qués, et en outre, le propriétaire d'aucun engin placé ou employé en contravention à cette section encourra une pénalité n'excédant pas dix louis pour chaque jour où il aura ainsi placé et employé le dit engin : et pour les fins de cette section un rets retenu par des ancres ou fixé autrement d'une manière tem- poraire au sol, sera considéré être un engin fixe ; mais cette section n'affectera aucun an- cien droit ou mode de pocher tel qu'exercé — 8 — légalement au moment de la passation de cet acte par aucune personne, en vertu d'aucune concession ou charte d'usage immémorial ; pourvu toujours, que rien de contenu dans cette section ne s'appliquera aux pêches en claires-voies ou aux chaussées de pêche." Cette clause démontre à l'évidence, je crois, qu'en Angleterre môme, où l'on a fait de si grands pas dans la législation sur la pêche au saumon, on n'en est pas encore arrivé au point d'abolir toutes les méthodes de pêcher au moyens d'engins fixes. Bien plus, je vois mention spéciale faite de cette question dans un dernier numéro du Field de Londres. Je lirai les quelques remarques de l'éditeur parce- qu'elles trouvent naturellement leur place dans cette discussion et qu'elles viennent d'un journal dévoué à l'avancement des mesures de protection pour les pêcheries. Je cite le Field du 11 février 1865 : — u La lettre d'un u pêcheur au saumon pour les dernières cinquante années" que nous pu- blion plus bas propose certaines mesures* de législation un peu fortes. Sans aucun doute elles trancheraient la question, mais peut-être à la manière d'Alexandre tranchant le nœud gordien. ***** * * » " Abolir tous les engins fixes (bien que nous ne les aimions pas beaucoup) serait abolir -du coup une propriété de mille ans d'usage et deviendrait une confiscation en gros. Nous ne sommes pas du tout de la même opinion que notre correspondant en pensant que ces ■détails seraient " aisés à régler" et nous dou- tons fort si un semblable bill parviendrait même à être entendu en Parlement. Tel que nous sommes nous allons bien assez vite dans notre carrière de législation pour le saumon, mais les mesures que propose notre corres- pondant, quoiqu'efficaces au plus haut degré, sont trop coriaces pour les estomacs délicats qui auraient à les diriger." L'hon. M. Letellier de St. Just. — Qui demandaient avec instance l'abolition des engins fixes ; les amateurs, ou les pêcheurs dont la pêche était l'occupation journa- lière ? L'hon. M. Campbell. — Les premiers sur- tout ; mais, comme on l'a vu, la loi mémo à laquelle ils en appelaient ne les soute- nait pas, puisqu'elle reconnaissait les an- ciens droits et déterminait seulement la manière d'en faire usage à l'avenir. On verra cependant que la loi anglaise faisait un changement important dans les chaus- sées de moulins qui traversaient un cours d'eau, en prescrivant qu'il y fût pratiqué une ouverture afin de permettre au pois- son de monter. Ce passage doit être de dimensions appropriées à la largeur du cours d'eau, aux espèces de poissons, à la construction de la chaussée et à la quan- tité d'eau nécessaire au moulin. Au lieu d'être, comme c'était autrefois le cas en Canada sous l'ancienne loi, une construc- tion arbitraire, ouverte en tout temps, inutile en certains endroits et impossible à bâtir en d'autres, elle sera faite de ma- nière à avoir un usage pratique. Il est donc à désirer que sous ce rapport, la loi soit aussi facile à exécuter et aussi peu onéreuse que possible. Au lieu d'avoir pour les échelles à poisson un unique modèle qui bien souvent occasionnait une grande perte d'eau et coûtait beaucoup d'argent, sans être pour cela plus effectif ; ce bill propose qu'elles ne soient pas toutes d'un modèle uniforme, ni ouvertes en tout temps, mais qu'elles soient ouvertes aux périodes essentielles seulement, et que même alors elles ne gaspillent pas l'eau inutilement, Quand le saumon ou d'au- tres poissons montent, ces passes devront donc être ouvertes, mais je ne vois pas de raison pour qu'elles ne soient pas fermées en tout autre temps. (Ecoutez !) Les garde- pêches locaux fixeront ces époques. Gom- me le public a un intérêt dans ces passes, qui ne sont pas seulement pour l'avan- tage d'un individu, et comme il ne semble pas juste que les propriétaires des moulins supportent seuls les frais de construction, le bill propose que le public, par l'entre- mise du Commissaire des Terres de la Couronne, paie la moitié des dépenses de construction. Cette dépense ne peut pas être bien considérable pour aucune chaussée de moulin et sera divisée entre le gouvernement et les propriétaires. Ce plan semble être celui que 1'expérienre a démontré devoir atteindre en toute proba- bilité le but proposé. La règle en Angle- terre n'est pas la même que celle qui a été jusqu'ici en force en ce pays — elle ne dit pas que dans tous les cours d'eau il y aura une échelle à poisson de tant de pieds de largeur, et tant de profondeur, -9 mais qu'il y aura une passe de dimension suffisante pour le but pour lequel elle est construite — assez large et assez grande pour permettre au poisson dépasser — et que le propriétaire d'une chaussée de moulin y placera une échelle à poisson des dimensions prescrites par le Home Of- fice. La 23me clause de l'acte de la pêche au saumon d'Angleterre rend cette obli- gation formelle, mais elle ne prescrit pas de modèle arbitraire, et le passage du poisson se trouve facilité sans nuire au pouvoir du moulin. L'expérience a prouvé en Angleterre que ce plan était le plus sûr pour atteindre le but si désiré, sans nuire inutilement aux propriétaires de moulins ; et c'est ce même plan dont le présent bill propose l'adoption. (Ecoutez !) Sans doute que dans ce cas comme dans beaucoup d'autres, l'ancienne loi avait été bien défectueuse ; mais comme c'était un premier essai, on ne pouvait en attendre autant que d'une mesure plus récente. Je mentionnerai ici que le surintendant d'a- lors mérite beaucoup d'éloges pour avoir préparé l'ancienne loi. Le bill propose ensuite de faire de grands changements dans les saisons de prohibition ; c'est-à-dire dans les saisons où il est défendu de pêcher. Je sais qu'il y a une grande variété d'opinions à ce sujet et une différence de vues quant au meilleur temps de défendre la pêche. Quoique les opinions diffèrent quant aux époques exactes, tous admettent la néces- sité d'avoir certaines périodes de prohi- bition. Nous avons cru préférable de li- miter la durée de cette période — et sans la faire trop longue, de l'étendre seule- ment aux temps où il est absolument né- cessaire de protéger le çoisson pendant qu'il fraie. Je vais lire a cette Chambre un tableau montrant les époques de pro- hibition sous l'ancienne loi et celles que le nouveau bill propose d'adopter : Tableau montrant les périodes relatives des saisons de prohibition sous V ancien acte des Pêcheries, et sous le nouveau. BAS-CANADA. Œ5 as C ce c; e » P o o • g: Et H" gaq* êS CfQ ~ Si iU- I » 5 ° w^ p • 2* S : v >> > a a p on o ce a p a s a a a DD P e ce v- ° S c* C> m, * 2.3 a t-* -i o ÏB o o jr 15 i g.C> P g-0- P2<8» a o ST. ** ce P m 2.3 SI! <* p os — e * P-o.» 3 p «* 2^ 2.g-Wa 5-g-»^ " Il est défendu de prendre le frai de ces poissons en aucun temps. Dans le Haut-Canada le jjoisson blanc est de la plus grande importance, et com- me durant ces dernières années il s'en 2 10 — est fait une énorme destruction, on se propose d'empêcher de seiner en été. Hon. M. Simpson. — Ça ne fera pas. Hon. M. Campbell.— Que mon hon. ami veuille bien me pardonner un instant. Nous permettrons de prendre le poisson dans des rets à mailler en aucun temps avant le 15 novembre. Hon. M. Simpson. — Très-bien. Hon. M. Campbell. — De manière que le poisson ne sera pas seine de l'été, mais il ne sera pas défendu de le pécher avec des rets à mailler, ce qui se fait dans les eaux plus profondes et plus froides, quand le poisson est en bon état, jusqu'après le 15 novembre, environ la moitié du terme moyen de la saison de la fraie. Hon. M. Simpson.— Ceci suffira. Je con- sentirais môme à voir la date fixée au 1er novembre. Il n'y a aucun doute quel- conque que le poisson blanc, qui est un des plus beaux poissons que l'on puisse trouver, fraie en novembre, en même temps que le saumon. Il descend au bas des lacs, pour se rendre sur les bancs de sable, où il fraie. Je crois que mon hon. ami est dans le vrai maintenant. Hon. M. Campbell. — Je suis heureux de voir que mon hon. ami de Bowmanville est de cette opinion. L'hon. membre pour Victoria (Hon. M. Ryan ), pense que la saison de prohibition pour la truite n'est pas suffisante. Mon but en ce moment est seulement de faire connaître à la Cham- bre le caractère de ce bill ; il sera ren- voyé à un comité de la Chambre com- posé des honorables messieurs qui, je crois, sont le plus au fait du sujet. Je dois cependant ajouter que j'ai la plus grande confiance dans l'expérience de ceux qui ont 'fixé les époques données, car ce n'est pas celle d'une seule per- sonne, ou même d'une seule classe de personnes engagées ou intéressées dans la pèche, mais elle est le résultat des vues et opinions de toutes les personnes et de toutes les classes, et je crois que nous ferons bien de nous y tenir, à moins d'évidences bien plus fortes que toutes celles qui ont jamais été mises devant cette Chambre. (Ecoutez!) Je vais maintenant donner cette partie du tableau ayant rap- port aux différentes pêches du 'Haut-Ca- nada :-« Haut-Canada. Saumon.... Truite de ruisseau Poisson blanc Achigan, Brochet, Doré et Maskinongé w a H 0 R ►a o en O 55 Du 1er août au 1er mars... . Du 20 oct. au 1er avril Aucune Du 15 mars au 15 mai > H M GO VJ O eï ta F > Ci M as as M O 24 juillet au 1er mai lersept.au 1er déc..-- 15 nov. au 30 nov — 1er mars au 15 avril O >• H M ua C/l O <=: f M 55 O C w >• «3 a ? Voir sous-section 4 de la section 12. l'as de rets en drça de 200 verges d'aucune baie. Los verveux et les pêches à trappes défendus. l'as de saison de prohibition spé- ciale, mais la loi ordonne une large maille pour les rets et défend de tendre sur les frayères, etc. Défend de seiner en juin, juillet et août. Défend aussi l'usage des rets à mailler à une distance moindre de deux milles des lieux où l'on seine et sur les frayères. Fixe la longueur des seines, mais ne change pas les mailles des rets maintenant en usage. Ce qui donne un temps raison- nable. ta M > SU M Il est défendu de prendre le irai de ces poissons en aucun temps. Hon. M. Letellier de St. Just.— Que vous proposez vous de faire dans les cas où les gens ont des pèches en piquets ? Obligerez vous un homme qui a une pêche à sau- mon qu'il veut continuer de tendre dans l'automne, non pour le saumon, mais ponr d'autres poissons, l'obligerez vous à Ton- lever ? — 11 — Hon. M. Ryan. — Il faudra laisser aller le saumon après l'avoir pris. Hon. M. Letellier. — Il est dur de le lais- ser aller. Je ne crois pas qu'aucun mem- bre de cette chambre qui aurait pris un beau saumon le laisserait aller, surtout si le jour suivant tombait un vendredi. (Rires.) Ces pêches assèchent deux fois par jour — on les tend le printemps pour les laisser toute la saison et leurs pro- priétaires sont sans cesse exposés à tuer le saumon, car si le saumon reste hors de l'eau quelques minutes, il meurt. Mainte- nant, je demanderai à l'Hon. Commissaire des Terres de la Couronne ; et la question mérite une grande considération ; car sa mesure, au moins autant que j'en puis juger est bien préférable à celle que nous avons; je lui demanderai, dis-je si l'ac- tion de. prendre le saumon devient une offense punissable ? Je sais ce qui en est, et je suis certain que sous ce rapport la loi ne peut sans une grande injustice s'ap- pliquer à cette partie du pays, je puis dire, entre Berthier ou Beaumont, et le Dis- trict de Rimouski, et plus même celui de Bonaventure; car sur toute cette partie de la côte, les pêches sont tendues le prin- temps et restent jusqu'à l'automne, et du- rant cette époque on peut y prendre du saumon. Hon. M. Campbell. — En tels cas ils de- vient du devoir du propriétaire de la pêche de donner la liberté au saumon qui se prend par accident dans les rets ; tel que prévu paj une des clauses du bill. Je ne vois pas d'autre moyen. Si le poisson est mort, le garde-pêche devra peser les faits quand il sera porté plainte. Il est néan- moins impossible de dire que d'un côté il y aura une saison de prohibition pour le saumon, pendant laquelle on ne pourra le prendre, et que d'un autre côté on pourra cependant le prendre en certains cas. Je suppose, qu'en vertu de ce bill, une per- sonne qui prendrait du saumon de la ma- nière dont vient de parler mon honorable ami, pourrait plaider les circonstances atténuantes et la bonne foi. Hon. M. Letellier. — Je sais que sous la présente loi, les gens sont obligés en cer- tains cas d'ouvrir leurs pêches, car le garde-pêche leur dit : cc Si vous les ne ouvrez pas vous serez poursuivis," de manière qu'ils perdent non-seule- ment le saumon, mais aussi la chance de prendre d'autres poissons qu'ils ont le droit de prendre en vertu de leur droit de pê- che concédé par le gouvernement français. La date fixée pour la pêche du hareng empêchera de le prendre dans le fleuve St. Laurent au meilleur temps. Hon. M. Moore. — Le seul moyen serait de mettre le saumon à l'amende pour s'être fourvoyé dans les rets. (Rires.) Hon. M. Campbell. — La saison de prohi- tion pour le hareng dans le Bas-Canada s'applique seulement à la pèche dans les lacs de l'intérieur. Hon. M. Letellier. — Très bien. Hon. M. Campbell. — De plus je propose d'introduire le système en usage en An- gleterre et en Ecosse, et qui a produit les résultats les plus satisfaisants dans ces pays. C'est un système nouveau ici, mais j'es- père qu'il rencontrera l'approbationy de cette Chambre et de la Législature : je veux parler de la saison de prohibition Hebdomadaire: (Ecoutez ! ) En Angleterre et en Ecosse, pendant 36 heures, du sa medi soir au lundi matin, les rets à sau- mon son levés, ou l'on prend certaine me- sures pour permettre au poisson de passer. Je crois qu'il serait désirable, dans l'inté- rêt des pêcheries, de donner occasionnel- lement un cours libre au poisson, et je pense que la restriction proposée serait salutaire et avantageuse tant pour les pê- cheurs mêmes que pour le public. Il ne conviendrait pas d'occasionner trop de troubles aux pêcheurs pour leur faire ob- server cette restriction, mais les moyens suggérés par le bill, pourront, je crois, les mettre à même de l'observer sans trop se déranger. Les pêches en piquets sont généralement joints à la grève par une " chasse," et le poisson qui monte, ren- contrant cet obstacle, et trouvant qu'il l'empêche de passer, suit la " chasse" et entre dans le aparc" où on le prend, ou bien il se maille dans les rets à mailler ou les rets flottants. On pourra donc lui donner un cours libre en levant simple- ment les " chasses," et le bill dit qu'elles seront levées ou baissées pendant l'espace de 36 heures, depuis la basse marrée le samedi jusqu'à la basse marée le lundi. Hon. M. Letellier. — De cette manière les pêcheurs ne pourront pas travailler le dimanche. Hon. M. Campbell. — Je prends le di- manche comme étant probablement le — 12 — jour le plus convenable, parce que beau- coup ne pochent pas ce jour là ; mais ce que je demande est un cours libre de 36 heures, soit le dimanche ou aucun autre jour de la semaine. (Ecoutez 1 écoutez!) Hon. M. Moore. — Dans les petits cours d'eau que les rets traversent dans toute leur largeur, il devrait être ordonné qu'ils ne fussent tendus que jusqu'à la moitié de la largeur. Hon. M. Campbell. — La loi prévoit à ce que le chenal principal des rivières ne soit pas obstrué, et la clause est comme suit: " Le chenal principal d'aucun cours d'eau ne devra pas être obstrué par des rets ou autres engins de pêche ; et un tiers du cours d'eau des rivières, et au moins deux tiers du chenal principal des cours d'eau où la marée se' fait sentir, seront toujours laissés libres ; mais l'usage des claires-voies uniquement des- tinées à la pêche de l'anguille, et des écluses de moulin pour prendre de l'anguille, ne don- nera lieu à intervention que lorsque cet usage nuira à d'autres pêcheries, ou qu'en bar- rant complètement quelque passe, il empê- chera d'autres claies de profiter du passage des anguilles ; et le lieu, le temps et les cir- constances seront définis par tout agent de pêche." Je fais plus particulièrement allusion en ce moment aux rets qui touchent à la grève. Dans les grands cours d'eau, comme mon honorable ami le sait, le poisson ne suit pas ordinairement le che- nal ; il longe les côtes, et si l'on désire rendre justice à ceux qui ont des droits de pèche sur le haut de la rivière, il n'est que raisonnable de donner au poisson un cours libre de trente-six heures pendant lequel il pourra monter. (Ecoutez 1) Je propose de faire un autre changement dans les pêches fixes pour le saumon, en défendant l'usage des rets flottants ou à mailler comme extension des rets à chan- deliers, en dehors du parc. L'hon. M. Moore. — Je leur accorderais plus de temps encore — je laisserais les rets ouverts la moitié du temps ; les levant durant le jour ou la nuit. L'hon. M. Campbell. — On remarquera que les retâ ne doivent pas être entière- ment levés, il suffira d'en tirer une partie hors de l'eau, comme un rideau, afin de donner libre passage au poisson. On pourra peut-être objecter que la chose est impossible en pratique, mais les Com- missaires des Pêcheries Britanniques ont réfuté cette assertion en termes assez ex- plicites pour faire voir que les rets joi- gnant la grève au moyen de " chasses " peuvent être aisément levés, au moins en partie. Le rapport dit : " Plusieurs témoins soutinrent que puisque les rets et engins fixes n'étaient pas entière- ment prohibés, ils ne voyaient pas de raison suffisante pour qu'ils ne fussent pas soumis à la période de prohibition hebdomadaire. Bien plus, quelques-uns prétendent que la période de prohibition hebdomadaire devraits'appliquer à toute espèce de pêche, mais qu'elle devrait être augmentée de manière à être de 48 heures au lieu de 36. On a remarqué qu'il se- rait très-difficile de faire observer cette période de prohibition en tant qu'elle s'applique aux verveux, qui sont tendus dans la mer au- dessous de la ligne de basse marée, vu les tempêtes qui empêcheraient de lever les parcs des rets, mais ce ne serait là que l'exception, et l'on n'éprouve actuellement que peu de trouble à faire observer cette période pour lés verveux en Irlande, quoiqu'elle ne le fut pas dans les commencements. Pour ce qui est des pêches en piquets, tendus sur la grève entre la haute et basse marée et qui assèchent à mer basse, on ne croit pas devoir rencontrer de difficultés à faire observer la période de prohibition hebdomadaire." Quoique les côtés de la Grande-Bretagne et de l'Irlande soient aussi orageuses que celles du St. Laurent, on voit qu'on n'y éprouve pas de difficulté à y faire obser- ver cette prohibition, et je crois qu'après l'avoir essayé on ne rencontrera pas plus de difficultés ici. Je considère ce point comme très-important et comme devant probablement augmenter de beaucoup la valeur de nos pêcheries. (Ecoutez I écou- tez 1) J'ai aussi entendu faire une objec- tion à cette clause du bill par laquelle il est statué que les parcs des pêches en fas- cines seront fermés pendant 36 heures. Ils seront fermés de la manière suivante : c'est-à-dire qu'à l'entrée de ces parcs il y aura une porte faite en laçage comme le reste de la pêche et qui restera fermée pendant les 36 heures voulues, afin d'em- pêcher le poisson d'entrer dans les parcs et lui permettre ainsi de monter. Ceci — 13 — peut se faire sans de grandes dépenses et serait très à désirer. Hon. M. Moore. — La difficulté sera d'obliger les pêcheurs à fermer cette porte. Hon. M. Campbell. — Il nous faut pour cela nous fier en grande partie aux garde- pêches, mais plus encore à la diffusion de la conviction générale qu'en donnant un passage libre au poisson on augmente la valeur des pêcheries pour tous. J'ai confiance qu'une fois le peuple convaincu de cette vérité, il se soumettra de bonne grâce à la loi. (Ecoutez !) Les sauvages de la Rivière Ristigouche envoyèrent une députation à ce sujet, et ils attachent beaucoup d'importance à ce point. La limite entre le Nouveau-Brunswick et le Canada touche presque notre côte en beaucoup d'endroits; les prêcheurs du Nouveau-Brunswick tendent de manière à couvrir tout leur côté de la-rivière, tandis que les Canadiens ne peuvent presque pas tendre sur la petite partie de la rivière qui appartient au Canada. En consé- quence le poisson ne peut pas monter, la rivière étant tellement barrée, par les rets. Hon. M. Letellier. — C'est une belle ri- vière, et ils la ruinent complètement. Hon. M. Campbell. — La députation sug- géra donc qu'il serait très-avantageux pour les sauvages de mitiger le mal au moins, en permettant au saumon de pas- ser librement sur notre côte durant le temps prévu par le bill. Avant de quitter ce sujet, je dois mentionner qu'on est en pourparlers avec le gouvernement du Nouveau-Brunswick afin de lui faire adopter une loi semblable à la nôtre, et j'espère que la législature passera cette loi, afin que partie par leurs efforts, partie par les nôtres, on puisse empêcher la des- truction complète du saumon dans la rivière Ristigouche. Dans une très-inté- ressante brochure publiée l'an dernier, par le Lieutenant-Gouverneur du Nou- veau-Brunswick, il fait allusion aux abus qui se pratiquent dans la pêche au sau- mon de cette rivière, afin d'attirer l'atten- tion à ce sujet, dans le but d'y remédier. Il a été suggéré d'abolir les rets à trap- pes et les verveux, et aussi l'usage de pê- cher avec des rets à mailler, qui, dit-on, nuisent aux autres pêcheurs. Dans le Haut-Canada, la pratique s'est introduite de tendre en certains endroits d'une ma- nière à barrer complètement les issues. Dans la Baie de Quinte, par exemple, cer- certains détroits sur le lac, larges d'un mille ou deux, sont complètement barrés par les rets qui empêchent le poisson d'entrer dans la baie. Un autre cas au su- jet du Lac Huron, est venue à ma con- naissance ; entre les îles Drummond et Cockburn et près de l'île St. Jo- seph, les rets étaient tendues par un amé- ricain de Cleveland de manière à traver- ser tout le chenal, barrant complètement le passage, et les gens se plaignent griè- vement de la destruction totale de leurs pèches. Les sauvages de l'île Manitoulin se trouvent surtout lésés par cette maniè- re de tendre, et je crois qu'il y a eu quel- que difficulté semblable dans la comté représenté par mon honorable ami, (hon. M. Bull), au sujet de rets tendus de ma- nière 4 obstruer certain passage et d'em- pêcher par là même l'entrée du poisson dans la Baie de Burlington. La mesure actuelle propose çncore de défendre de darder l'achigan'en certains temps de l'année seulement, et je dois dire que ce point intéresse beaucoup mon honorable ami pour Burlington ; c'est à sa sugges- tion même que la clause a été ajoutée au bill. (Ecoutez ! ) Je vais m'occuper maintenant du pois- son blanc. Les propriétaires de rets à mailler affirment que la seine le détruit ; et d'un autre côté les propriétaires de seines affirment non moins positivement que ce sont les rets à mailler qui le dé- truisent. Je vais lire à la Chambre quel- ques opinions à ce sujet. M. Joseph Pier- son, du township d'Hillier, et plusieurs autres dans le comté de Prince Edouard, où la pêche au poisson blanc, autrefois si considérable et si rémunérative, est main- tenant presque ruinée, attribuent tout le mal aux rets à mailler. M. Edward Brady, de Consecon, et autres, attribuent d'un autre côté, le mal à la seine. M. Leslie, de Brighton, et l'hon. M. Wilkins, de Carry- ing Place, partagent les mêmes vues. Ces quelques citations feront voir à la Cham- bre, qu'en autant que les opinions indivi- duelles valent, chacun est influencé, comme il est tout naturel, les uns par leur propre intérêt, les autres par des in- térêts locaux — chacun (quand les parties sont des pêcheurs) désirant l'abolition du mode de pêche dont se sert son voisin. — 14 — (Ecoutez !) Le bill permettra la pêche à la seine, mais non durant les mois de l'été, lorsque le poisson est près des côtes sur les bancs où il trouve sa nourriture, ac- compagné d'un frai innombrable que la seine détruit, et alors qu'il est mou et en mauvaise condition pour être salé. Pen- dant ces mois de l'été, cependant, on pourra le prendre avec des rets à mailler, qui se tendent dans les eaux plus profon- des et plus froides, alors que le poisson est en meilleure condition et qu'on peut l'ex- pédier au marché soit dans la glace ou autrement. (Ecoutez !) Pendant cette pé- riode la pêche au saumon et à la truite saumonnée a aussi lieu. Voici, honorables messieurs, les prin- cipaux changements proposés par ce bill ; le système des primes de pêche restera le même. Après la seconde lecture du bill, je me propose de le renvoyer à un comité spécial composé de ceux qui, à mon idée, portent le plus d'intérêt au sujet ; et il sera du devoir de ce comité d'examiner la mesure avec soin, et d'y suggérer les changements jugés désirables ou nécessaires. La Chambre sait, sans doute, que j'ai sur la table un bill pour régler la manière de saler, paquer et inspecter le poisson. J'ose espérer que ces deux mesures pro- duiront l'effet désiré, tant en ce qui tou- che à la manière de prendre le poisson qu'à sa préparation pour le marché. J'ai toujours attaché beaucoup d'impoftance à ce commerce, et j'ai récemment pris beau- coup de peines pour me mettre à la hau- teur de ce sujet. Quoique la mesure ac- tuelle ne puisse passer durant cette ses- sion ; j'espère, par les remarques que je viens de faire, avoir dissipé certains malentendus qui existaient dans l'esprit public — j'espère avoir détruit l'impression qu'en Angleterre, en Ecosse et en Irlande on avait été jusqu'à abolir ces engins fixes — et que si nous demandons un libre passage de 36 heures, c'est dans l'intérêt de ceux qui font usage de ces engins fixes, aussi bien que dans celui du public en général. J'espère que comme résultat ul- térieur, nous verrons cet important com- merce augmenter considérablement, et que dans l'avenir nos pêcheries compte- ront parmi les ressources les plus impor- tantes de la province. (Ecoutez ! écoutez !) Hon. M. McGrea.— Mon honorable ami a-t-il pris en considération une difficulté qui existe .dans la rivière Détroit, où les Américains pèchent avec des seines de mailles plus petites que celles mention- nées dans ce bill ? Il est clair que si on leur permet de se servir de seines avec des mailles plus petites que celles dont se servent les Canadiens, nos gens péche- ront avec désavantage. Hon. M. Campbell. — La section qui se rapporte à ce sujet est comme suit : " Les seines pour le poisson blanc auront des mailles de pas moins de trois pouces d'ex- tension et n'excéderont pas ]65 pieds de lon- gueur ; pourvu que dans les rivières Niagara, Détroit et Ste. Claire, on pourra se servir de seines n'excédant pas 300 pieds de longueur." Il est évident que nous ne pouvons ré- glementer que notre propre loi et non celle d'un pays étranger, mais il ne sera peut-être pas impossible de réveiller l'opi- nion publique dans l'Etat de Michigan et d'y faire adopter une loi qui serait trouvée bonne ici. Hon. M. De Beaujetj. — On voit que cer- tains jugements ont été rendus en faveur des propriétaires des pêcheries; mais il est évident, je crois, qu'elles doivent tou- jours tomber sous le contrôle des lois du Canada, de même qu'elles étaient sujettes aux lois de France, lorsqu'elles furent concédées. Il n'y a aucun doute que la Législature a le droit de régler la ma- nier»1 dont le poisson sera pris, et quant à moi, je suis prêt à me soumettre à tout règlement adopté dîme manière régu- lière. (Ecoutez !) Quand le droit de pêche était accordé au seigneur, les censitaires ne pouvaient en jouir sans une conces- sion du seigneur, et ces derniers n'a- vaient pas l'habitude de faire de telles concessions. Ils restent donc encore en ce cas propriétaires des pêches qui leur furent concédées originairement par ti- tres. La cour ayant décidé que ces droits leur avaient été concédés, les censitaires ont le même droit de pêche qu'avaient les seigneurs lorsque ces derniers le leur avait concédé. Sir N. F. Belleau. — Avant que la se- conde lecture du bill de mon honorable ami le Commissaire des Terres de la Cou- ronne, soit proposée, je désire faire quel- ques observations sur le sujet important qu'il a soumis d'une manière si remar- 15 — quable à l'attention du parlement et du pays. La nécessité d'accorder à nos pê- cheries plus de protection qu'elles n'en ont jusqu'ici reçues, attire depuis longtemps l'attention, et je crois que lorsque l'on prendra en considération le joli montant, que sans protection équivalente, elles ont contribuées au revenu de la Province l'an dernier, on verra combien il est de toute «tde fait absolument indispen- sable, d'adopter des moyens prompts et ef- ficaces pour développer cette branche im- portante de nos ressources naturelles et la mettre sur un pied tel qu'elle puisse deve- nir une source de richesse permanente, et encore plus importante pour le pays. L'an dernier la pèche à la morue seule a donné le joli chiffre rond de $700,000, et puisque j'en suis sur ce sujet, je ci- terai le rapport du comité spécial nom- mé par l'Assemblée Législative en 1864, pour s'enquérir sur les pêcheries de la province et sur les meilleurs moyens à adopter pour augmenter leur produc- tion. En faisant allusion à la morue, dans ce rapport, le comité suggérait l'abolition de l'usage de la seine, com- me étant un engin trop destructeur pour le poisson et des lignes de fond qui causent des ravages irréparables en pre- nant les grosses morues supposées être les morues mères. Je regrette de voir que l'Honorable Commissaire des Terres de la Couronne n'ait pas adopté les sugges- tions du comité sous ce rapport, et j'es- père qu'il sera suffisant d'attirer son attention à ce sujet pour le voir remédier à cette omission. Le rapport du comité est basé sur les témoignages d'hommes compétents, et pratiques, qui donnent leur opinion appuyée sur une longue ex- périence des faits, que ces deux modes de prendre la morue sont ruineux pour le poisson, et demandent à être remé- diés : Le hareng constitue la pêche la plus importante après la morue. On ne peut niés que ce poisson qui, bien que petit, n'en constitue pas moins une source lu- crative de revenu, en raison des quantités énormes qu'on en prend tous les ans sur nos côtes, diminue de plus en plus dans nos eaux, par le manque de protection suffisante. Comme je l'ai dit plus haut, c'est une petite espèce de poisson, mais tout petit qu'il soit, il donne au revenu la somme de $100,165. Après la morue c'est la pêche la plus importante ; telle est aussi l'opi- nion du comité ; puisqu'il a donné une grande partie de son attention à ce sujet. L'usage des rets et engins fixes pour prendre le hareng, ainsi que les autres espèces de poissons est une des principales causes de la diminution de ce précieux poisson. Le commissaire des pêcheries pour le Nouveau-Brunswick, M. Perley, prouve à l'évidence que ces engins fixes sont ruineux et causent des ravages irré- parables. Il dit : " Ces engins fixes ne nuisent pas seulement au saumon, à l'alose, au hareng et à l'achigan. On a reconnu que les pêches en fascines dé- truisaient le petit poisson aussi bien que le frai des plus grosses espèces. Ces petits pois- sons forment la nourriture de la morue, et quand ils manquent, la morue manque aussi. " Parlant des Iles de la Madeleine où la pêche se fait avec des seines, M. Perley dit: " La pêche au hareng se fait avec des rets à la dérive." En Ecosse on observa l'effet nuisible des pèches en piquets, en en faisant l'expérience sur les pêches à saumon de Lord Grey et de Sir Thomas Menereiff, sur la rivière Tay. Pendant l'espace de dix ans on se servit de pêches en piquets et le nombre de saumons pris se monta à 91,312. On enleva alors les pêches en piquets et durant la même pé- riode (dix ans) on en prit 225,372 ;■ cette augmentation s'explique par la raison qu'un bien plus grand nombre de poissons purent se rendre sur les frayères. Il y a quelques années, les pêches en piquets furent condamnées par la plus haute au- torité, Sir Humphrey Davy : " Puisque le saumon et la truite retournent dans les rivières où ils sont nés, on devrait pour cette raison abolir les pêches en piquets. Le saumon ne va pas bien loin dans la mer, et retourne toujours près des côtes, comme s'il cherchait les rivières où il est né. " Ces authorités prouvent que la diminu- tion du saumon est causée par l'usage des engins fixes. Aux Iles de la Madeleine on emploie la seine pour prendre le ha- reng, et il est reconnu que cette manière de pêcher est la moins destructive pour le poisson, et par conséquent supérieure aux autres méthodes ; je crois qu'on de- — 16 vrait introduire une clause dans le bill défendant de le prendre autrement. Les engins fixes détruisent non-seulement le hareng, mais aussi d'autres espèces im- portantes de poissons. L'alose, par exem- ple, qui autrefois abondait dans nos eaux, diminue considérablement, et le témoi- gnage d'hommes pratiques s'accorde à attribuer cette diminution à l'usage des engins fixes. La pêche du saumon est, en importance, la troisième pêche de cette province, et la diminution de ce précieux poisson est la meilleure preuve du dom- mage causé par les engins fixes. C'est un fait bien reconnu que le saumon a dimi- nué en proportion plus grande qu'aucun autre poisson fréquentant nos rivières, et, si l'on n'y prend pas garde, il finira par disparaître entièrement, ce qui, pour diverses raisons serait très regettable. Le saumon est un poisson migratoire, et il est donc de la plus grande importance de prendre toutes les précautions possibles, sans toutefois nuire aux intérêts privés, pour empêcher sa complète destruction, ce qui deviendra indubitablement le cas si l'on continue à se servir d'engins fixes. On pourra peut être me dire que ce sont là des idées d'amateur ou de théoricien ; mais il est un fait patent, c'est que le pois- son disparait bien vite, et les hommes pratiques qui ont étudié les habitudes du poisson, non seulement en théojie, mais en pratique, s'accordent à attribuer cette cause du dépeuplement de nos rivières à l'usage des engins fixes. Relativement au saumon, le comité auquel j'ai déjà fait allusion ne recom- mande pas la suppression de ces engins, mais suggère qu'on ne peut mettre en force une loi trop sévère pour en régler l'usage. Je ne sais si, tel que le propose l'honorable Commissaire des Terres, la période où les rets devront être ouverts, doit être considérée comme mesure de sévérité contre le pêcheur, ou comme mesure de protection pour le poisson ; (rires) mais je ne crois pas que les saumons attendent cette période pendant quatre ou cinq jours pour monter ; car arrivés à l'endroit où ils veulent passer, et trouvant la porte fermée, ils s'en iront dégoûtés chercher ailleurs d'autres endroits pour y frayer. (Rires.) Hon. M. Letellier. — Ils attendent sou- vent jusqu'à quinze jours pour sauter. Hon. Sir N. F. Belleau.— En termi- nant, j'espère que le Commissaire des Terres de la Couronne jugera à propos d'adopter des mesures encore plus strictes que celles proposées par le bill mainte- nant devant cette Chambre, pour la pro- tection surtout des pêches de la morue, du hareng, du saumon, et de l'alose. Tout en respectant les droits actuels, en légis- latant pour l'avenir, on ne doit pas oublier que tendre des engins fixes dans les ri- vières Hon. M. Campbell. — Evidemment, l'honorable membre se trompe. Il n'est pas permis de tendre d'engins fixes au- dessus de la ligne de haute marée. Hon. Sir N. F. Belleau, continuant. — Je désire de plus faire quelques remar- ques sur l'administration de la division des pêcheries. Le comité, auquel j'ai déjà fréquemment fait allusion recommande que le chef de cette division soit un hom- me pratique. J'ai toute confiance dans le zèle, l'intelligence générale et l'assiduité du surintendant actuel, mais je ne crois pas qu'il possède cette connaissance prati- que et complète du sujet qu'il serait à'dési- rer qu'il eût. Sans vouloir diminuer en au- cune manière le mérite de l'officier en question, je désire seulement faire remar- quer au Commissaire des Terres de la Couronne qu'il n'est pas précisément ce que le comité recommande comme néces- saire pour promouvoir les intérêts de cette importante branche de notre indus- trie nationale. Nous avons plusieurs hom- mes pratiques en ce pays, et je regrette que la recommandation du comité à ce sujet n'ait pas été plus strictement mise à exécution. Hon. M. Campbell. — Nous avons l'expé- rience de ces hommes pratiques en les employant comme garde-pêches locaux. Hon. Sir N. F. Belleau. — Ce que je de- mande, c'est qu'un homme expérimenté, et tout-à-fait pratique ait le contrôle et la responsabilité. J'aurais aimé qu'on fît attention à une autre suggestion im- portante du comité relativement à la né- cessité de donner au commandant Fortin certains pouvoirs judiciaires, très-propres et même très-nécesaires pour ces parties du Golfe où les devoirs de sa croisière an- nuelle l'appellent. Je suis d'avis que sous ces circonstances, M. Fortin devrait avoir — 17 des pouvoirs semblables à ceux d'un Juge de la Cour de Circuit. Hon. Mr Campbell. — C'est justement ce que le bill propose. Hon. Sir N. F. Belleau. — En qualité d'amateur d'huitres, (rire) j'aimerais à voir adopter la suggestion dû comité recom- mandant l'appropriation d'une somme an- nuelle plus considérable que par le passé, dans le but de faire des bancs d'huitres ar- tificiels en certains endroits. Hon. M. Campbell. — L'autorité néces- saire pour faire ce que demande l'hono- rable monsieur se trouve dans le bill. Hon. Sir N. F. Belleau. — Je désire, en terminant, attirer l'attention du gouver- nement sur la distribution des primes de pêche. Le plus souvent ces primes vont entre les mains de personnes autres que celles auxquelles la loi les destinent, et j'espère, qu'en perfectionnant le bill, on fera attention à ce sujet de même qu'aux autres suggestions que j'ai faites. Hon. M. Letellier de St. Just. — Je dois avouer que ce bill me semble bien supé- rieur à la loi actuelle, mais je crois qu'on pourrait le modifier de manière à ce qu'il protège encore d'avantage et les droits existants et les intérêts du public. Certains droits de pêche existent de temps immémorial, et il n'est pas juste d'en priver les possesseurs sans com- pensation— On ne peut faire de chan- gements à ce sujet, sans indemniser les personnes. (Ecoutez ! écoutez 1) Pour ce qui est de la destruction du poisson par les engins fixes, on peut aussi bien, je pense, en attribuer la diminution à d'autres causes, comme le passage des gros vapeurs dans le fleuve, qui effrayent le poisson, la construction des moulins, les obstacles que les écluses mettent au passage du pois- son, et aussi le fait de jeter des substances délétères dans l'eau. A six heures la Chambre s'ajourne et la discussion estTemise au lendemain. Vendredi, 10 mars 1865. Hon. M. Letellier. — J'approuve jusqu'à un certain point les vues de mon hono- rable ami (M. Belleau). J'attribue la dispa- rition du poisson de certains endroits du St. Laurent au nombre toujours augmen- tant des vaisseaux et des steamers qui en sillonnent sans cesse la surface. Il y a déjà bien longtemps on avait formé à la Rivière Ouelle une compagnie pour la pêche au marsouin. Quand les pêcheurs voyaient des marsouins près des pêches ou en de- dans des piquets, qu'on tend de manière à ce que le bout projeté de quelques pieds au-dessus de l'eau, ils avaient coutume de dire " nous avons des marsouins ; " mais si une embarcation à rames venait à pas- ser en ce moment, le poisson disparaissait avant que le baissant les eut fait prison- niers en les laissant à sec. Je ne veux pas dire que les bateaux à vapeur et les autres vaisseaux chassent tout à fait le poisson de nos eaux, mais ils l'éloignent des lieux où ils avait coutume de se tenir autre- fois, près des bancs. D'autres effets pro- duisent la même cause chez le saumon ; tantôt c'est la pollution des rivières, tantôt certains égoûts qui y tombent et changent le ^ caractère de l'eau, etc. etc. ; car si le poisson ne retrouve pas la même eau à laquelle il est habitué, il ne peut y pros- pérer. Les sauvages savent bien que le poisson d'une rivière n'est pas semblable à celui d'une autre ; et par la différence dans l'apparence du saumon, ils peuvent dire à quelle rivière il appartient. On a adopté une méthode de repeupler ces rivières au moyen de passes migra- toires. Cela peut faire jusqu'à un certain point, mais en d'autre cas il serait injuste de forcer les gens à construire ces échelles à saumon. Si dans une de nos rivières, par exemple, il y a trois ou quatre mou- lins ; faudra-t-il pendant le temps que ces échelles resteront ouvertes, que les ha- bitants attendent pour faire moudre leur grain? Le fait est que le gouvernment laissait autrefois cette partie de l'adminis- tration de la loi des pêcheries entre les mains d'officiers locaux qui ne connais- saient pas leur devoir, ou qui n'étaient pas assez instruits pour pouvoir faire les distinctions nécessaires. A St. Thomas, par exemple, où il y a une grande chute dont je ne me rappelle pas exactement la hauteur Hon. Sir E. P. Taché. — Vingt cinq pieds à marée basse, et cinq ou six pieds à marée haute. Hon. M. LetellIer. — Il serait sans doute désirable qu'il y eût du saumon dans la rivière, mais en même temps il serait très incommode pour le propriétaire de 3 18 — voir détruire l'utilité de sa chaussée. Les propriétaires de chaussées usaient seule- ment d'un droit que leurs patentes leur accordait, mais en certains cas les officiers dont j'ai parlé les avaient obligés à laisser couler une certaine quantité d'eau au des- sus de leurs chaussées, afin que le saumon pût passer, et en conséquence les moulins ne pouvaient marcher durant la séche- resse, et il fallait que les habitants atten- dissent pour faire moudre leur grain. C'est sans doute une fort bonne chose que d'avoir du poisson à manger avec son pain, mais il est encore mieux d'avoir du pain sans poisson que du poisson sans pain. (Ecoutez ! et rires.) On a aussi pour- suivi les propriétaires de pèches à hareng pour avoir pris un saumon par hasard. Quand on construit un chemin de fer, on n'enlève pas la terre des propriétaires sans rien dire, mais on leur accorde une compensation raisonnable ; et il devrait en être de môme pour les chaussées de moulins et les échelles à saumon. Au lieu d'avoir des garde-pêches à $50 par année, on devrait avoir des hommes plus instruits et mieux payés. Il faut des rè- glements pour la protection des pêcheries ; mais, par malheur, ces mesures sont pré- parées non par la législature elle-même, mais par ceux à qui la législature délègue en quelque sorte ses pouvoirs. Je n'ai aucun doute que ceux qui font ces règle- ments, ont essayé de les faire pour l'a- vantage du public, mais on ne doit pas s'attendre à voir faire des règlements qui ne peuvent être mis en pratique — par exemple, les règlements pour la pèche du hareng et de la morue ne s'appliquent pas également à toutes les parties du pays. J'ai vu les gens de mon comté obligés de faire de telles ouvertures dans leurs pêches que le saumon y passait. Gomme de rai- son la sardine et le hareng suivaient le saumon; tout s'échappait, et les pê- cheurs perdaient le profit qu'ils avaient le droit d'attendre du placement de leur, capital. On a vu le gouvernement louer une rivière à un monsieur pour la pêche à la mouche, bien que le droit de pêche dans cette rivière eût été concédé par le gouver- nement français au seigneur de ce district. Je connais une rivière où il y a trois chaussées de moulin, et l'officier alors en charge proposa il y a quelques années de mettre une échelle à saumon sur chacune de ces chaussées, bien que ce fût un fait connu que le saumon frayait dans la ri- vière en bas de ces chaussées et qu'en cet endroit elle était toujours remplie de frai de saumon. Les propriétaires suggérèrent au Surintendant des Pêcheries d'alors, qu'au lieu de passes, il devrait y avoir un grillage pour empêcher le saumon de mon- ter au dessus des fosses. On ne fit cepen- dant aucune attention à cette suggestion, et ainsi l'opinon d'hommes pratiques, qui connaissaient parfaitement les faits, fût mise de côté pour plaire à ceux " qui en savent plus long avec leur théorie que vous avec votre pratique." Mon honorable ami à ma gauche (Hon. Sir N. F. Belleau) parlait hier de la migration du poisson. Ce point n'est pas encore bien connu. Il ex- iste certainement une migration annu- elle, mais elle n'est pas assez régulière pour qu'on puisse faire des calculs cer- tains à ce sujet. Le hareng, par exemple, ne visite plus nos parages en aussi grande quantité qu'il avait l'habitude de le faire autrefois. Le caractère de de nos côtes change, et le poisson va frayer ailleurs. Près de chez moi, la mer a enlevée un banc de sable qui s'y trouvait, et l'on prend maintenant très peu de harengs sur les côtes des paroisses de St. Denis et de la Rivière-Ouelle. Dans le comté de Ri- mouski, le poisson est plus abondant qu'autrefois, et dans celui de Témiscouata, ils reste plus longtemps que d'habitude. Les changements qui ont lieu dans le lit de la rivière, et la navigation continuelle qui se fait sur certains cours d'eau, sont les principales causes de ces changements. (Ecoutez !) Les œufs de ces poissons sont si nombreux cependant ; les ovaires d'un hareng contiennent jusqu'à 60,000 œufs, qu'une providence bienveillante semble avoir rendu impossible de les détruire en- tièrement. J'ai en ce moment le diction- naire d'Histoire Naturelle qui dit que quel- quefois, pendant dix ou vingt ans le pois son disparait entièrement des côtes où il se tenait d'ordinaire et cependant aucun pays de l'Europe n'a jamais passé de rè- glements aussi sévères que ceux qu'on nous propose d'adopter ici. L'ouvrage que je viens de citer contient une anecdote si plaisante au sujet du hareng, que je ne puis résister au désir d'en faire part à la chambre, bien qu'elle soit un peu étran- gère au sujet : — 19 — " Le 21 novembre 1587, sous le règne de Frédéric II, on pécha dans la nier de Norwège deux harengs sur le corps desquels étaient imprimés profondément, et jusqu'à l'arête, des caractères gothiques. Ces poissons furent portés à Copenhague, et sept jours après leur capture ils furent présentés a Frédéric II. Ce mo- narque superstitieux, effrayé à la vue de ce prodige, pâlit, crut que Ces signes devaient prédire un événement qui se rapportait direc- tement à lui, en annonçant sa mort ou celle de la reine. Les savants du pays furent con- sultés, et ils traduisirent ainsi les inscriptions gravées sur les poissons ; Vous ne pécherez pas de harengs dans la suite aussi bien que les autres nations. Le roi ne se contenta pas de cette explication, il fit consulter les savants de Rostock. Il y a sur ce sujet plusieurs mé- moires plus ou moins remplis de croyances superstitieuses et absurdes. Frédéric mourut en 1588, et l'on ne manqua pas d'attribuer sa mort à l'apparition des harengs venus pour l'annoncer a son peuple. " (Rires.) Gomme je l'ai dit plus haut, la fécondité de la nature est si puissante qu'elle do- mine encore l'art destructeur de l'homme. La morue, par exempple, jette un à deux millions d'oeufs, et comme on ne prend par an que trente six millions de morues sur les bancs de Terre-Neuve, il s'en suit que trente-six poissoins environ peuvent en réalité fournir assez d'œufs pour l'éclosion de tout le poisson qui s'y prend. Comme de raison, en parlant de l'énorme produc- tion d'œufs, je ne dois pas oublier les mo- yens de destruction qui sont aussi très- grands. D'autres poissons dévorent une énorme quantité de ces œufs, mais mal- gré tout cela, les moyens de reproduction sont si grands qu'il y a très-peu de danger de pouvoir arriver à détruire le poisson. Néanmoins, j'admettrai qu'il serait à pro- pos d'adopter quelque mesure de protec- tion, mais je crois qu'il serait dangereux d'avoir des règles fixes et qu'il serait dési- rable de laisser quelque latitude aux légis- latures locales. Je suis aussi d'opinion qu'on pourrait mettre plus à profit les mo- yens que nous avons déjà pour la protec- tion de nos pêcheries. A quoi sert d'avoir une goélette visitant tous les points de la côte avec un commandant dont les ordres peuvent être mis de côté par un employé subalterne du département des Terres de la Couronne? Il y a sans cesse conflit entre les deux autorités. Nous avons un homme de talent et d'éducation, qui s'est appliqué avec énergie à l'étude de nos pêcheries — je veux parler du com- mandant Fortin — qui descend tous les ans dans le Golfe et y fait un long séjour, et en même temps il faut qu'il se soumette aux instructions d'un employé du départe- ment. Quelle nécessité y a-t-il de donner de telles instructions à un homme aussi compétent que le commandant Fortin. Hon. M. Campbell. — L'autorité du Gapt. Fortin n'a jamais été entravée, et personne n'a le plus léger désire de le faire. Tout dernièrement j'ai eu occasion de conver- ser avec lui et je connais ses vues, Hon M. Price. — Nommez le Commis- saire des Terres de la Couronne. (Ecou- tez 1 écoutez ! ) Hon. M. Letellier. — Il ne faut pas que deux officiers aient jurisdiction opposée. Si le Commissaire des Terres de la Cou- ronne est d'opinion que le Capitaine For- tin est le premier officier du département, son salaire alors Hon. M. Campbell. — Je n'ai pas dit qu'il fût le premier officier du département. Sa besogne, son principal devoir, est de des- cendre en bas pour faire observer les lois. Il doit se tenir au fait des règles et règle- ments passés par mes prédécesseurs en office et les faire observer, et en ceci il n'est entravé en aucune manière. Son autorité sous ce rapport a été reconnue en entier. Hon. M. Letellier. — Malgré cette asser- tion, j'oserai dire que mon honorable ami a été mal informé. Mais je prétends que le Capt. Fortin devrait être la per- sonne nommée pour juger des moyens à adopter pour la protection des pêcheries. Pourquoi y aurait-il un autre officier su- périeur à lui en position dans le départe- ment? Ce que je dis ici, je le dis avec con- naissance de cause, car je sais qu'il a été commis des injustices par des officiers qui ne connaissaient pas les habitudes de nos populations. Je ne voudrais pas soujever la question de nationalité, mais on aurait en différentes occasions éprouvé moins de difficultés si l'officier en question eût un peu mieux connu la langue française. Hon. M. Price.— J'ai toujours porté le plus grand intérêt à la question de la pêche au saumon, et en 1856, à Toronto je proposai le premier bill introduit dans le Parlement canadien pour la protection 20 — des pêcheries. Malheureusement ee bill fut rejeté, car il aurait pu produire d'heureux résultats, et le Commissaire des Terres de la Couronne d'alors intro- duisit et fit adopter une mesure qui fut trouvée impraticable. Son successeur, l'hon. M. Sicotte, introduisit ensuite un autre bill, qui, tel qu'amendé, se trouve dans nos statuts. Cette nouvelle loi fut cependant trouvée défectueuse sous plu- sieurs rapports. La nouvelle mesure, ac- tuellement devant cette Chambre, pourra, je pense, avec quelques amendements fa- ciles à y faire, protéger efficacement nos pêcheries. Il n'y a pas de doutes que nos pêches de saumon et de hareng sont d'une importance immense, et qu'il suf- fira de quelques changements dans la loi pour les faire plus apprécier et mieux connaître. (Ecoutez !) Les rapports des Com- missaires des Pêcheries britanniques nous font suffisamment voir l'importance des pêcheries des rivières de l'Angleterre, de l'Irlande et de l'Ecosse. Le saumon était autrefois si nombreux que le peuple en était dégoûté. Quand un domestique s'en- gageait, il mettait une clause dans son marché qu'il n'aurait pas de saumon plus de trois fois la semaine, et la même clause se trouve aussi dans les engagements des apprentis. Cette abondance était due au système judicieux de protection. Ce fut, en certains temps, une offense criminelle de tuer le saumon au moyen de dards et de flambeaux. Il serait à désirer que le présent bill fût passé pendant cette session, afin d'en faire l'expérience dès la saison prochaine. (Ecoutez !) Jusqu'en 1842, la côte nord du St. Laurent fourmillait de saumon. La compagnie de la Baie d'Hudson en expor- tait des milliers de quarts. Pendant long- temps il ne se vendit que $8 ou $9 la tierce sur le marché de Québec, tandis que dernièrement— je parle d'il y a trois ans, pareeque vu la guerre des Etats- Unis, le poisson ne se vend pas si bien à présent— il valait $18 le quart de 200 livres. L'année dernière, il s'est vendu, je crois, $10 ou $11. Comme preuve de la valeur que pourraient avoir nos pêches à saumon, je citerai comme exemple un cas arrivé en Irlande, sur la rivière Moy, où il n'y avait pas de saumon autrefois, à cause d'une chute très haute à l'embou- chure de la rivière, que le saumon ne pouvait pas franchir. Quelques personnes obtinrent un bail spécial de la rivière pour un certain nombre d'années, et se mirent de suite à la nettoyer de tout le poisson nuisible au frai du saumon. Le bail qu'elles avaient des propriétaires rive- rains contenait une clause qui leur per- mettait de détruire tout le poisson nuisible au saumon, et les gens ne furent pas peu surpris en leur voyant détruire presque toute la truite et le brochet. Ces mes- sieurs construisirent plusieurs petits ruis- seaux, des frayères artificielles, et y pla- cèrent 200,000 œufs. Le frai descendit l'échelle qu'on avait placée sur la chute et revint l'année suivante dans les eaux où il était né. Cinq ans après le commen- cement de leur bail, le saumon pris leur rapporta £26,700. Ceci prouve suffisam- ment qu'on peut faire de l'argent avec la pêche de presqu'aucune rivière, quand elle est bien conduite et protégée. (Ecou- tez ! écoutez ! ) Il ny a pas, messieurs, d'entreprise plus tentative que celle du repeuplement et de la culture du poisson — il n'y a pas de placement plus sûr, de résultat plus certain — pareeque le saumon revient toujours à sa rivière natale comme le mouton à la ber- gerie. Jusqu'en 1842, la Compagnie delà Baie d'Hudson prenait 2,000 saumons par année dans les pêches de Tadoussac seule- ment ; et jusqu'à 14,000 à la Rivière Moisie. Avant cela, elle ne voulait pas seulement vendre une livre de fil à sau- mon pour en faire des rets, et ne voulait pas acheter de saumon tué au dard par les sauvages qui, en conséquence, ne dar- daient que pour leur propre usage, quand ils se trouvaient à monter les rivières. Après 1842, cependant, lorsque son bail exclusif des postes du Roi fût expiré, la Compagnie de la Baie d'Hudson ne put empêcher d'autres personnes de s'établir, faire du bois, commercer et pêcher sur la côte. En 1843, on commença donc sur la côte du Nord à bâtir des moulins, dont les chaussées empêchèrent le saumon de monter les rivières pour frayer ; et les lieux ou autrefois, quand j'étais enfant, ils étaient si nombreux, que ie les tuais avec des pierres et même avec le dard, sont maintenant ruinés. Parmi les endroits où les chaussées de moulins les ont fait com- plètement disparaître, je citerai les riviè- res Escoumains, Bergeronnes, Petit Sague- 21 — nay, St. Jean, Grande-Baie et Ha ! Ha ! Dans le premier bill que j'ai introduit, il y avait une clause qui obligeait tous les propriétaires de moulins à mettre des passes sur leurs chaussées. Il était bien en- tendu, que si le moulin ne pouvait pas marcher quand la passe serait ouverte, on la tiendrait fermée, excepté pendant les jours de la semaine où le moulin ne marcherait pas. J'ai lu dans l'En- cyclopédie Britannique que les plus vieux saumons sachant que les passes s'ouvraient le samedi soir, se tenaient au pied et attendaient qu'elles fussent ouvertes pour monter. (Ecoutez, et rires.) Les hono- rables messieurs rient, mais je n'ai au- cun doute qu'après avoir essayé inuti- lement démonter pendant la semaine, cet instinct bienconnu, caractéristique des poissons, (surtout du saumon) les faisait essayer encore le jour où le calme général, l'absence de scieure de bois et la tranquil- lité de l'eau, leur faisaient observer un changement et une chance de surmonter l'obstacle. (Ecoutez! écoutez.) J'allais ajou- ter que son bail étant sur le point d'expirer, la compagnie de Baie d'Hudson songea à en tirer tout le parti possible ; elle se mit donc à acheter le poisson dardé par les sauvages micmacs et montagnais, et de fait sans distinction de presque tout le monde ; et de cette manière les rivières furent détruites en bien peu de temps. Depuis que la présente loi est en opéra- tion, elle a rencontré tant d'opposition, qu'on n'a pu la mettre pratiquement en œuvre. L'honorable membre pour Grand- ville (Hon. M. Letellier) a dit qu'il ne devrait pas y avoir de règlements dépar- tementaux. Hon. M. Letellier. — Pas tout à fait cela. Hon. M. Price. — Je préférerais que ces règlements fussent tous renfermés dans un acte concis, mais comme la chose est impossible, il faut qu'il en soit fait de temps en temps lorsque la nécessité le demande. Il en est ainsi en Angleterre, et nous sommes obligés de les avoir nous aussi, parceque les Besoins des localités sont si nombreux et si variés que les sta- tuts ne peuvent pourvoir à tous en ter- mes explicites. (Ecoutez!( Il faut aussi pour- voir à la nécessité suivante. Quand le pre- mier bill fut introduit, on proposa d'abord de fixer la durée ordinaire des baux à 21 ans, afin d'encourager les gens à s'engager dans le commerce du poisson. On cria beaucoup au monopole, et le terme fut fixé à cinq ans, renouvelable pour quatre autres; formant en tout neuf ans. La consé- quence fût qu'il n'y eût que deux person- nes, une autre'et moi, qui mirent un capi- tal dans les pèches au saumon. Quand à moi je suis complètement dégoûté de mon entreprise — j'ai à peine recouvré mes déboursés, et de fait je perds beau- coup. L'autre personne (M. Holliday) qui est un homme pratique, ayant fait la pèche en Irlande, vint en ce pays et sou- missionna pour la rivière Moisie. Qoiqu'il y eût d'autres offres que la sienne, les plus élevées étaient de $25 à $30. Mais comme M. Holliday connaissait la valeur de cette rivière, il soumissionna pour £450 par année. Il descendit prendre pos- session, mais les anciens occupants, croy- ant avoir des droits, ne voulurent pas quitter la place, et pour cette raison il ne prit que peu de poisson la première an- née. L'année suivante la pêche fut bonne, mais pas assez cependant pour le rému- nérer ; mais la saison dernière, la prise de huit ou dix milles poissons l'a dédom- magé de son trouble et de ses déboursés. Lorsque les autres soumissionnaires fu- rent appelés devant le comité, il préten- dirent que la rivière valait environ $30, et qu'il fallait que M. Holliday fût fou pour offrir d'avantage. Eh bien ! l'exemple de M. Holliday prouve qu'on peut augmenter la valeur d'une rivière. Je puis aussi citer ma pro- pre expérience au sujet à la Rivière Ste. Marguerite, qui était devenue sans va- leur et dont le poisson avait été détruit par l'usage des rets et des dards. Elle s'est peu à peu repeuplée, par la raison surtout que durant le terme de mon bail, je n'y ai pas permis la pêche aux rets, quoique je paie un gros loyer pour ce pri- vilège, qui ne m'apporte aucun retour quelconque. Il y a trois ans il y eut une crue d'eau énorme dans la rivière, qui du- ra deux ou trois semaines, pendant la sai- son de la fraie. Cette inondation fit un tort incalculable à la rivière, elle détruisit un grand nombre de poissons qui frayaient et qui furent presque tous jetés hors de la rivière, et en quelques endroits les œufs couvraient la grève à une épaisseur de sir pouces. L'an dernier, il n'a presque pas monté de gros poissons pendant l'été, mais — 22 — pendant l'automne, dans les mois de sep- tembre et octobre, le poisson de deux ans d'avant monta en bancs serrés, ce qui montre que la rivière s'améliore. Le frai ainsi emporté par les crues d'eau ne peut produire de poisson — une -fois exposé au soleil ou à l'eau salée, sa force vitale est perdue. Tout le monde sait que pour cha- que livre de son propre poids, le saumon produit à peu près 1,000 œufs. Ainsi un saumon de 15 livres produit 15,000 œufs. Ils sont contenus dans la laitance, qui a deux lobes, le lobe gauche est supposé contenir les œufs mâles et celui de droite les œufs femelles ; et ceux qui les ont comptés disent qu'il n'y a guères plus de cinq à six œufs de différence, en- tre les deux. Pendant qu'il est sur les frayères, le saumon n'est pas du tout fa- rouche. J'en ai souvent touché avec la main. Ils sont comme engourdis, et re- muent à peine quand on les touche ; ce qui explique la grande facilité avec la- quelle on peut alors les détruire. La fe- melle dépose ses œufs dans la rivière, et le mâle se tient à côté d'elle, pendant que des milliers de truites sont aux aguets plus bas, prêtes à dévorer les œufs que le courant emporte. Il n'y a guère plus de cinq pour cent des œufs qui sont impré- gnés, le courant les emporte avant que le mâle ait pu les féconder ; ce qui explique la grande perte qui s'en fait. Si tous les œufs dont mon honorable ami a parlé ve- naient à maturité, la mer serait à peine assez grande pour contenir tout le pois- son qui naîtrait. (Ecoutez ! écoutez.) Outre" les causes mentionnées par mon honorable ami, il y en a une autre qui détruit les pèches à hareng. Le hareng s'approche des côtes pour y déposer ses œufs, qu'il ne peut retenir plus longtemps lorsqu'ils sont prêts à éclore. Une tem- pête survient, et le poisson est jeté à la côte. J'ai vu une épaisseur de six pouces à un pied de hareng et de capelan sur la grève, et les œufs sont détruits en môme temps que le poisson. Nos cultivateurs sur la côte s'en servent comme nourri- ture ou pour engraisser leurs terres. On parle beaucoup du dommage causé aux pêcheries par les pèches à harengs fixes. On se sert de ces rets pour prendre le hareng dans le St. Laurent, parce que ce poisson ne peut se prendre autrement que par des rets en piquets à petites mailles. Il est impossible d'abolir cette manière de pêcher, car elle comporte certains droits appartenant aux individus, dont ceux-ci ne voudraient pas se départir. Il est inutile d'insister sur ce point, tel qu'un honorable membre de la Chambre Basse l'a fait— je veux parler de l'hono- rable membre pour Mégantic — (M. Irvine) en introduisant un bill pour abolir com- plètement les rets fixes. On dit aussi que les pêches à fascines sont destructives. Par un des règlements des pêcheries, ces pêches doivent avoir une ouverture de cinq pieds carrés, recouverte d'un réseau dont les mailles ne devront pas avoir moins de cinq huitième de pouce, afin de per- mettre au jeune saumon et au frai d'autres poissons de s'échapper. Il est vrai que quelquefois j'ai moi-même vu du poisson mort dans ces pêches à marée basse, jus- qu'à l'épaisseur de cinq à six pieds, mais cela est dû à l'imprévoyance ; et je croîs qu'il devrait y avoir une clause dans le bill obligeant les personnes à enlever ces pêches après un certain temps. Il est tout simplement ridicule de vouloir prétendre que ces pêches ne prendront pas de sau- mon, car si un saumon y entre, je ne vois pas pourquoi on ne le prendrait pas ; on peut aussi bien prendre le poisson d'une manière que d'une autre, pourvu qu'on le prenne durant la saison légale ; mais il est une époque où le saumon disparaît et le saumonneau fait son apparition, et les mailles de ces rets, aussi bien que des au- tres, devraient être assez grandes pour leur permettre de passer librement. Mon honorable ami, qui vient de s'asseoir, a fait allusion à la rivière Ouelle, bien qu'il ne l'ait pas nommée, et a ajouté que le saumon frayait en grand nombre au- dessous de la chaussée actuelle. J'ai par- couru les deux bras de cette rivière, et j'y ai vu frayer le saumon. Là où se trouve la chaussée de M. King, le saumon ne peut monter, bien qu'il puisse franchir celle appartenant à l'honorable membre. Il n'y a pas d'endroit plus propice pour le saumon que le haut de cette rivière, mais il est à peu près inutile d'essayer à lui en faciliter le passage, car lorsque les mou- lins marchent, l'eau est ordinairement si basse que le poisson n'y peut monter. A part quelques exceptions comme celles que je viens de mentionner, toutes les ri- vières peuvent devenir importantes, et je — 23 crois qu'il est du devoir du gouvernement de veiller à ce que tontes les chaussées de moulins soient pourvues d'une passe effec- tive. Le bill maintenant devant cette Chambre propose que le gouvernement paie la moitié des dépenses. Il serait peut- être plus juste que le gouvernement sup- portât tous les frais ; cependant, il vaut mieux avoir la moitié d'un pain que de n'en pas avoir du tout, et je ne crois pas qu'un seul propriétaire de moulin qui connaît l'agrément que lui donnera le saumon et l'avantage qui en résultera pour le pays, refuse sa contribution. (Ecoutez !) J'ai voyagé en Norwège, et c'est avec beaucoup* de plaisir que j'y ai remarqué que les droits de pêche y sont soigneuse- ment protégés. Chaque chaussée de mou- lin est munie d'une échelle et pendant certains jours de la semaine— les diman- ches et les fêtes — le poisson peut passer. Partout où il va une chaussée et un moulin, on voit un sac ou tablier en cuir solide, disposé de telle manière que toute la sciure de bois et d'autres déchets de moulin tombent sur un plancher, sans qu'il aille un seul grain de sciure de bois ou un seul copeau dans la rivière ; car le tout est en- suite brûlé. Comme les deux tiers de la population en Norwège vivent de poisson, de blé d'Inde, de son et de pain de farine de blé d'Inde, les pêcheries sont une source importante de revenus pour eux. Je crois devoir faire mention en passant d'une exhibition d'articles de pêche qui doit avoir lieu l'été prochain à Bergen. En ma qualité de vice consul de Norwège, j'inviterai les honorables messieurs à la visiter à leurs propres frais. (Ecoutez ! ) On désirer avoir une exhibition des diffé- rentes sortes de rets de toutes les nations et des produits de leurs pêcheries. (Ecou- tez!) Mon honorable ami a fait quelques re- marques au sujet du commandant Fortin qui, à ce qu'il semble, veut être nommé commissaire des pêcheries dans le bas du fleuve. Sans aucun doute le capitaine Fortin est un officier très compétent, qui fait tous ses efforts pour bien s'acquitter de ses devoirs ; mais je crois qu'il a trop à faire, car nous ne le voyons que bien rarement sur la côte du nord. On ne fait pas justice à cette partie de la côte. Pendant presque tout le temjjs La Cana- : ! dicnne se tient sur la côte du Sud, où il y a des cours d'établies, et où les plaideurs peuvent avoir justice en prenant les moyens nécessaires ; mais on ne la voit que pour un court espace de temps sur la côte du Nord. Il n'y a aucun doute que le commandant Fortin a le contrôle de son service, mais comme il est un agent du département, il doit recevoir ses instruc- tions de son chef officiel par l'entremise de celui qui a la charge de cette division dans le département. Peut-être désire-t-il être nommé Commissaire des Terres de la Couronne ; mais je crois qu'il y en a d'autres qui en savent tout au aussi long que lui sur les pêcheries; et l'on com- prendra que l'officier du département qui lui donne ses instructions doit-être, sinon son supérieur, au moins son égal. (Ecou- tez !) La branche des pêcheries à été jus- qu'ici bien entravée dans ses opérations, et il lui a fallu lutter contre l'antagonisme et l'animosité des personnes préjugées contre elle et qui avaient leurs propres in- térêts en vue ; mais il sera du devoir du gouvernement si ce bill passe de le mettre à exécution avec fermeté et d'organiser cette branche comme elle doit l'être. Quant aux salaires des garde-pêches, mon honorable ami a dit que la loi n'accordait que $400, pour chaque côté du St. Lau- rent, et que comme cette partie du pays est très étendue, le gouvernement n'a pu qu'avec difficulté trouver des personnes assez libérales pour accepter la situation avec un salaire aussi minime. Je deman- derai à l'honorable membre s'il croit qu'un homme tel que M. Comeau est un officier effectif? Il y en a qui croient que parcequ'ils ont été engagé dans les pêches, ils connaissent tout ce qui s'y rapporte et si mon honorable ami tient ses informations d'une certaine personne — un de ses parents Hon. M. Letellier. — L'honorable mem- bre voudra bien être un peu moins per- sonel dans ses remarques.. Je ne lui ferais pas la même injustice qu'il me fait. Hon. M. Price. — Je demanderai seule- ment à l'honorable membre s'il considère cette personne comme un homme pra- tique. Hon. M. Letellier. — De même que le commissaire des Terres de la Couronne, j'ai puisé mes informations à différentes sources. 24 — Hon. M. Price. — Nos pêcheries n'ont pas encore assez attiré l'attention, pour nous former des personnes parfaitement entendues à ce sujet. Nous pourrions les faire venir d'autres pays, mais nous ne les avons pas parmi nous, quoique nous en ayions qui pourraient en peu de temps acquérir les connaissances nécessaires. La personne à laquelle j'ai fait allusion, il y a un instant, est un parent de l'honorable membre pour Grandville, et je l'ai tou- jours considérée comme un ami. Nous avons môme été en société pour certaines pêches ; mais quoique ses connaissances théoriques soient très-grandes, malheu- reusement pour lui et pour moi et pour tous ceux qui ont fait affaire avec lui, chacun sait qu'il n'a jamais réussi — il faut qu'il ait quelque défaut ; — un man- que de jugement probablement. Les agents placés sous le contrôle de la di- vision des pêcheries — les garde-pêches, M. Biais et autres — sont des hommes utiles, qui formeront par la suite un personnel très efficace, si le gouvernement les as- siste, comme c'est son devoir, dans leurs efforts pour faire observer la loi ; et avant longtemps nous verrons des résultats qui feront honneur au gouvernement et au pays. Il est vrai que jusqu'ici, le service des pêcheries a été une charge pour le pays, au moins en ce qui touche aux dé- penses ; mais nous avons l'espoir d'une compensation indirecte dans la perspec- tive d'une augmentation de commerce. Il descend maintenant environ quatre-vingts goélettes tous les ans pour les pêches du golfe, tandis qu'il y a sept ans on en comptait à peine deux ou trois ; change- ment qui, je crois, doit être attribué au système des primes, que le gouvernement continuera, je l'espère, quand bien même le présent bill ne passerait pas ; car cette prime nous forme des matelots, et il n'y a pas de meilleur moyen de faire des marins qu'en faisant des pêcheurs; ce système de primes augmentera le nombre des vaisseaux dans le bas du fleuve, et produira un grand bien par la suite. (Ecoutez ! écoutez !) Hon. M. Letellier. — L'honorable mem- bre n'aurait pas du attribuer ce que j'ai dit à une seule personne en particulier, et il n'avait pas de bonnes raisons pour cela. Les informations que j'ai communiquées à cette chambre sont le fruit de mes obser- vations, prises de côté et d'autre. En par- lant des officiers des pêcheries, l'honorable membre a fait la même chose que moi. La personne à laquelle il a particulièrement fait allusion comme m'ayant suggéré ce que j'ai dit n'en est en aucune manière responsable, mais les assertions que j'ai faites et les vues que j'ai exprimées vien- nent entièrement du public. Hon. M. Price. — Certaines remarques de l'honorable membre semblaient indi- quer qu'il avait de l'animosité contre les officiers du département, et c'est pour cette raison que j'ai cru devoir en par- ler. Hon. M. McPherson. — Je désire attirer l'attention de cette chambre sur quelques clauses de ce bill, relativement aux pêche- ries de nos lacs. La loi actuelle ne contient pas de saison de prohibition pour la pêche de la truite saumonnée sur les lacs Huron et Supérieur. Cette exemption avait sans doute été faite* après mûre considération, et de grandes recherches de la part du co- mité qui s'en était occupé. Le nouveau bill propose d'abolir cette exemption. L'hono- rable Commissaire des Terres de la Cou- ronne pourra peut-être donner quelques raisons pour ce changement, et ce serait au comité à les peser. Plusieurs personnes engagées dans le commerce du poisson sur ces lacs m'ont écrites à ce sujet, se plaignant du changement proposé. J'es- père qu'on leur donnera une chance de faire valoir leur raisons. Le bill défend aussi de tendre des rets à mailler pour la truite à une distance moindre de cinq milles des côtes, après le premier de sep- tembre.. Si cette clause devient loi, elle équivaudra à une prohibition pour les eaux profondes et orageuses de la Baie Géorgienne et des lacs Huron et Supérieur. L'honorable Commissaire des Terres de la Couronne me dit qu'il se propose de ré- duire cette distanceà deux milles. Ce sera au comité à considérer si cette distance n'est pas encore trop grande. Tel que je le comprends, j'approuve fortement le plan proposé par l'honorable Commissaire de faire réimprimer le bill, et de le faire circuler largement parmi ceux qui sont engagés dans ce commerce, afin qu'ils puissent l'examiner pendant la vacance. Ceci me permettra de soumettre leurs vues au comité. La vie des pêcheurs des lacs est laborieuse et précaire et je me flatte — 25 — que leurs intérêts recevront toute l'atten- du comité et de cette chambre. Hon. M. Ryan. — Je prendrai la liberté de demander à l'hon. Commissaire des Terres de la Couronne si c'est son intention de renvoyer le bill avec les amendements proposés à un comité spécial, et aussi s'il est prêt à accepter les autres amende* ments qui pourraient être suggérés en comité. Hon. M. Campbell. — Je n'ai pas d'objec- tion à faire ce que la Chambre jugera convenable, et je suis prêt à accepter tous les amendements qui me sembleront propres à améliorer la mesure. Hon. M. McPherson. — Je crois que le meilleur moyen serait d'y faire tous les amendements que la Chambre désire, puis d'imprimer le bill et le distribuer parmi les intéressés, afin qu'à la pro- chaine session ils aient l'occasion de faire connaître leurs vues à ce sujet. Hon. M. Ryan. — Ce bill est une grande amélioration sur la loi actuelle, mais je ne crois pas qu'il soit complet. Par ex- emple, il ne s'y trouve aucune clause pour obvier à un abus que, de tous côtés on s'accorde à regarder comme très- grand ; je veux parler de la sciure de bois qui, en tombant des moulins dans la rivière, occasionne une immense destruc- tion de poisson. 'Je suis d'opinion que la loi devrait forcer les propriétaires de moulins à brûler cette sciure de bois, ainsi que les dosses (croûtes) et les déchets dont on se débarrasse en les jetant à l'eau. Je crois aussi qu'on devrait adopter quelque mesure efficace pour neutra- liser l'action injurieuse des pêches en piquets et autres engins fixes qui, de par tout le monde, sont considérés comme nuisibles aux pêcheries, et qu'au moins on devrait faciliter le passage du poisson. Hon. M. Letellier. — Dans le fleuve St. Laurent ? Hon. M. Ryan.— Oui, et c'est là que c'est le plus nécessaire. Hon. M. Letellier. — Il serait assez aisé d'ouvrir ces portes mais la question serait de les refermer. Ce n'est pas si aisé que ça en a l'air. Hon. M. Ryan. — La propriété publique augmenterait alors en importance, et quant àmoi je n'aurais aucune objection à ce que les passes fussent toujours ou- vertes. Ceci ne plaira peut-être pas à ceux qui veulent faire de grands bénéfices avec leurs pêches, mais ceux qui ont le bien public à cœur le préféreront. La loi ne pourra atteindre le but qu'elle se propose sans une active surveillance. Cette sur- veillance est prévue par le bill, et si elle est efficace, et les pénalités imposées rigou- reusement prélevées, le nouveau bill sera bien préférable à la loi actuelle. La meil- lieure manière à mon idée, serait de ren- dre la mesure aussi parfaite que possible à présent, puis de l'imprimer et de la dis- tribuer parmi les intéressés ; afin que lors- que la chambre en viendrait à une action finale, elle pût alors la discuter avec tout l'avantage des suggestions dues à l'expé rience des hommes pratiques. Tel qu'il est néanmoins, ce bill est infiniment su- périeur à la loi actuelle, et il fait honneur à Thon. Commissaire des Terres de la Cou- ronne qui a droit à nos remerciments pour tout le trouble qu'il s'est donné. Hon. M. De Beaujeu, suggère quelques amendements, dont le rapporteur ne peut saisir précisément la portée. (Nous croyons que l'hon. membre cita une ordonnance de 1639, relativement aux droits de pêche concédés par les titres des patentes, et à la manière d'user de ces droits). Hon. M. Campbell. — Mon hon. ami (Sir N. F. Belleau) n'a pas remarqué une clause du bill qui répond aux objections qu'il a faites dans ses remarques au sujet du peu de protection accordée à la pêche de la morue, et il a lu l'extrait suivant d'un rapport du comité de l'autre branche de la législature ; " La ligne à la main est le principal engin dont on se sert pour prendre la morue dans les eaux du Canada. Sur la côte du Nord, on se sert quelque fois, mais bien rarement, de la seine ; et aux Iles de la Magdeleine on se ser- vait autrefois de lignes de fond. Les hommes pratiques prétendent que l'usage de la seine est ruineux en ce qu'il détruit une quantité de très petites morues, et d'un autre côté ils affir- ment que la ligne de fond cause des ravages irréparables en prenant les grosses morues supposées être les morues mères. " Votre comité suggère en conséquence l'abolition de ces deux derniers engins de pèche." Si l'hon. membre veut bien regarder à la 9e section du bill maintenant devant cette Chambre, il y verra qu'on a fait at- 4 26 — tention aux suggestions du comité et y trouvera précisément la mesure qu'il de- mande, car il y est dit que nulle seine à morue n'aura des mailles de moins de quatre pouces aux extrémités et trois pouces au milieu du fond. De même pour le maquereau. Des règlements plus ou moins strictes protègent cette pêche. Il y a aussi un règlement défendant l'usage des lignes de fond en deçà de trois milles des Iles de la Magdeleine. Cette prohibi- tion totale des seines et des lignes de fond pour la pêche à la morue, quoique forte- ment recommandée par le comité, ne fut pas effectuée, parce qu'on ne la crut pas nécessaire, et aussi par déférence pour l'opinion formelle du Capt. Fortin, qui prétendit que ce serait nuire sérieuse- ment et sans nécessité aux pêcheurs. L'hon. membre a aussi fait allusion à la pêche au hareng mais le rapport qu'il a cité ne fait pas de recommandation à ce sujet. Je crois qu'en effet les engins fixes font tort au hareng en détruisant le frai, et c'est pour cette raison que le bill pré- voit à ce que ces pêches aient une ouver- ture couverte d'un simple réseau, afin "de lui permettre de s'échapper. On s'est en- suite attaqué au caractère et à la compé- tence des garde-pêches qu'il faudra em- ployer pour mettre la loi en force, comme n'offrant pas de garanties suffisantes pour sa due exécution; mais les honorables messieurs voudront bien se rappeler que le montant que le Commissaire des Terres de la Couronne a à sa disposition pour ce service particulier, n'est pas assez élevé pour lui permettre une grande dépense. L'étendue de pays à garder est immense, comprenant plusieurs milliers de milles de rivières, et si pour ce service on em- ploie des agents largement payés, le par- lement ne pourra jamais voter assez d'ar- gent pour couvrir toutes ces dépenses. Puisqu'il est impossible d'employer des officiers à hauts salaires, j'ai fait ce qu'il y avait de mieux ensuite. Voyant que pour une très légère rénumération on peut s'assurer les services d'hommes in- telligents et pratiques, intéressés à ce que les pêcheries soient protégées, et consen- tant plutôt par amour de la chose que pour le salaire, à aider à mettre la loi en force; j'ai résolu de m'asurer leur concours. Autant que je puis le voir, c'est le seul moyen pratique de régler ce détail du service. L'hon. membre pour Grandville s'est plaint de ce que le Surintendant des Pê- cheries du Golfe, le Capt. Fortin, n'a pas reçu du département des Terres de la Cou- ronne tout l'aide et le support nécessaire pour lui permettre de remplir ses devoirs d'une manière efficace. L'hon. membre est complètement dans l'erreur, et je suis par- faitement satisfait que le Capt. Fortin n'est pas sous cette impression, mais que bien au contraire ce monsieur serait prêt à dé- clarer qu'il a en toute occasion reçu du département tout .l'aide et le support né- cessaires. Le Capt. Fortin est un officier administratif, et c'est pour moi un plaisir de reconnaître la grande énergie et l'in- telligence avec lesquelles il remplit les devoirs de son service spécial. Mais pour tout cela il n'est pas nécessaire d'établir des comparaisons entre lui et d'autres offi- ciers. Les autres officiers sont des officiers du département, dont le devoir est d'exé- cuter les ordres du chef du département, et quand l'occasion l'exige de les commu- niquer au capitaine ou autres, selon le cas. Ces instructions ne viennent pas d'eux, mais du département, et comme de raison elles doivent se transmettre par l'entre- mise du chef de la branche des pêcheries, (M. Whitcher) qui, lui aussi, comme je l'ai déjà dit, remplit les devoirs de sa charge avec une rare abilité, et je suis certain que le Capt. Fortin a toujours reçu l'assistance la plus cordiale dans l'exécu- tion de ses devoirs spéciaux. Si tel n'est pas le cas, j'en entends parler aujourd'hui pour la première fois, et je serais très sur- pris d'apprendre que le Capt. Fortin eût aucune connaissance ou prit aucune part dans les plaintes qui se font aujourd'hui, apparamment pour plaider sa cause. On a fait allusion aux accumulations des ar- rérages de loyer pour les baux et licences de pêche qui n'ont pu être collectés im- médiatement, vu les défauts qui existent dans la loi, cependant s'il y a des pertes, elles seront comparativement petites ; car tout en montrant de l'indulgence envers les retardataires, on prend des moyens pour faire rentrer ces dettes, et je suis sa- tisfait que ces pertes ne seront pas consi- dérables. L'honorable membre pour Saugeen en parlant des changements dans la loi au sujet des pêcheries des lacs Huron et Supérieur, a prétendu que le bill mainte- 27 — nant devant cette Chambre ne contenait pas de clause pour les saisons de prohibi- tion, mais il est dans l'erreur sur ce point, parce qu'il y a une clause pour la saison de prohibition d'une sorte de pois- son : le poisson blanc, du 15 au 30 no- vembre, pendant lequel temps il est dé- fendu de le prendre. Certainement, l'an- cien acte ne contenait aucune clause spéciale à ce sujet ; mais je crois qu'il doit y en avoir une, et je ne vois pas de raison pour que le poisson blanc, qui est un de nos poissons des lacs les plus esti- més, ne soit pas également protégé. Pendant les mois de juin, juillet et août, quand ces poissons sont mous et pres- qu'impropres à la nourriture, on les prend en grande quantité et ils pourris- sent sur les grèves ; ce qui cause une grande destruction et un gaspil énorme de ce poisson de qualité supérieure. Je ne vois pas pourquoi cette restriction ne s'appliquerait pas aux lacs Huron et Su- périeur, aussi bien qu'aux autres lacs, en choisissant toujours le temps convenable, car il pourrait se faire que la saison dans un endroit ne fut pas la môme que dans un autre. Si telle différence existe, on pourra s'en assurer et y pourvoir avant que le bill ne devienne loi. Mais mon opinion est qu'il devrait y avoir une saison de prohibition *sur tous les lacs pour toutes les espèces de poissons, tandis que dans l'ancienne loi il y avait une saison de prohibition générale seulement pour la truite saumonnée. L'honorable membre a aussi fait allu- sion à la distance de la grève où il faudra tendre les rets à mailler. De cinq milles elle a été réduite à deux, ne prescrivant môme cette distance que pour les localités où il y a des places de seines, et d'après ce que je puis apprendre de ceux qui pèchent ainsi, presque tout le monde sera satisfait. L'honorable membre pour Victoria. (Hon. M. Ryan) a prétendu que le bill ne ren- fermait pas de clauses relativement à la sciure de bois, qui, tel qu'il l'a fait remar- quer ne devrait pas être jetée à l'eau; mais l'honorable membre se trompe aussi, car s'il veut bien en référer au 2d. para- graphe de la 18e. clause, il verra qu'il y est défendu de jeter de la sciure de bois dans l'eau. J'espère que ceci suffira pour délivrer l'honorable membre de son in- quiétude. Hon. M. Ryan. — Ce n'est pas assez de dire de ne pas le faire on devrait frapper cette offense de pénalité. Hon. M. Campbell. — Il y en a pour toute infraction à ce bill. Hon. M. Ryan. — Lesquelles ? Hon. M. Campbell. — Des amendes de pas moins de $8, ni de plus de $20, et l'emprisonnement si l'amende n'est pas payée dans un délai de huit jours ou un mois. La section 20 fait de chaque offense journalière une offense distincte. Hon. M. Ryan. — Ce n'est pas suffisant. Hon. M. Campbell. — L'hon. membre qui est en arrière de moi me dit que c'est trop sévère, (rires) mais je crois qu'entre ces deux opinions contraires j'ai pris le juste- milieu ; mais dans tous les cas ces détails pourront être changés en comité. Ce bill a été préparé avec beaucoup de soin et après avoir pris l'avis d'hommes pra- tiques ; et je crois qu'il mérite de ren- contrer l'assentiment de cette chambre. Ma première intention était de le renvoyer à un nombreux comité spécial et j'avais fait choix d'honorables membres des deux sections de la province qui auraient pu, je crois, donner toute l'attention désirable à ce sujet, mais après y avoir réfléchi et à la suggestion de l'Orateur, j'en suis venu à la conclusion de le soumettre à un co- mité de toute la chambre lundi et de pro- poser l'adoption de mes propres amende- ments. Après que le comité aura siégé et fait rapport de progrès, le bill sera impri- mé tel qu'amendé et mis de cette manière, devant le public. C'est l'intention du gouvernement de proposer que l'ouvrage inachevé soit pris à la session prochaine au point où il aura été laissé à celle-ci, et si la chambre consent à cet arrangement, on pourra alors soumettre de nouveau le bill à un comité de toute la chambre au commencement de la session prochaine, et si c'est nécessaire le renvoyer ensuite à un comité spécial. Je crois que c'est là le moyen le plus propre à l'avancer. (Ecoutez, écoutez !) Hon. M. Bossé. — Je suis heureux de voir que le gouvernement ait introduit cette mesure, mais je crains que l'exé- cution de quelques-unes des dispositions de cette loi ne soient trouvées un peu dures. Par exemple au Cap des Monts et aux Blancs Sablons où se trouvent les meilleures pèches du pays et du monde, — 28 — peut-être, il n'y a ni Juges de Paix, ni Shérifs, pour condamner et incarcérer les délinquants, et s'il faut les amener à Québec et les éloigner de leurs familles pour un temps indéfini, les suites pour- raient être sérieuses. Je crois que le Gapt. Fortin devrait avoir jurisdiction pour ces offenses, et que pour les fins de cet acte on pourrait employer la goélette du gou- vernement comme prison tpour les cou- pables. Il est évidemment nécessaire d'agir avec prudence, pour ne pas infliger une punition trop sévère. J'ai aussi quelques remarques à faire sur les pêches impor- tantes des Iles de la Magdeleine. J'ai vu de mes yeux prendre en une marée pour une valeur de $7,000 à $8,000 de poisson qui sortait du pays, emportée par des étran- gers, sans qu'il y eût là personne pour leur en demander compte. Je suggérerais à l'hon. Commissaire de donner aux mu- nicipalités de ces îles l'autorité de faire tels règlements qu'elles jugeront conve- nables pour la protection de leurs pê- cheries. L'hon. M. Campbell. — J'approuve la sug- gestion de l'hon. membre et je lui en suis très-obligé. Quand le bill reviendra de nou- veau devant cette chambre il sera temps d'y introduire une clause au sujet des Iles de la Magdeleine, comme l'hon. membre l'a fait remarquer. Pour ce qui est de faire une prison de la Canadienne, je crains fort que cela n'obvie pas à la dif- ficulté, vu que la goélette ne pourra pas toujours attendre au lieu où le criminel aura été condamné, que son terme d'em- prisonnement soit expiré, et ainsi il pour- rait se faire que le pauvre malheureux qui aura été emprisonné à Moisie, ou ail- leurs, soit débarqué à Ristigouche ou en tout autre lieu aussi éloigné, ce qui ne vaudrait guère mieux que de le transpor- ter à Québec ou à toute autre prison. Il y aura sans doute des difficultés à surmon- ter ; mais on a presque toujours puni les offenses par l'amende et lorsqu'elle n'était pas payée, par la confiscation des rets. Le manque de magistrats ne sera pas aussi grand que l'hon. membre semble le crain- dre ; les magistrats ordinaires auront ju- risdiction,— les garde-pêches seront aussi revêtus du même pouvoir et avec la coopé- ration des magistrats stipendiaires, tout fait espérer que la loi sera passablement bien exécutée. Le bill est alors lu une seconde fois et renvoyé à un comité général de la Cham- bre lundi prochain. Lundi, 13 mars 1865. Conformément à l'ordre, la Chambre se forme en comité sur le bill pour la pro- tection des pêcheries. L'hon. M. De Beau- jeu au fauteuil. L'hon. M. Campbell. — Je ne reviendrai pas sur les remarques que j'ai faites en ter- minant vendredi, au sujet de la manière dont je propose de disposer du bill, mais j'ajouterai seulement qu'après que les amendements dont j'ai parlé auront été acceptés, le bill tel qu'amendé sera im- primé et circulé. A la prochaine session, quand les hons. membres et le pays auront eu l'occasion d'examiner le bill, s'il devient nécessaire d'y faire d'autres changements, je serai prêt à les peser et à les accepter si la Chambre le juge convenable. Hon. M. Ryan.— Je suis entièrement de l'opinion de l'hon. Commissaire des Terres de la Couronne ; et il est bien compris qu'à la prochaine session, tous les amen- dements que les hons. membres auront à offrir, seront pris en considération et ac- ceptés, s'ils sont jugés convenables. Hon. M. Campbell. — Oui. Le bill, avec ses amendements, fut alors lu clause par clause, et le tout fut adopté. Le comité se leva et le président fit rap- port que le bill avait été examiné et ac- cepté avec les amendements proposés et que le comité demandait permission de siéger encore ; ce qui fut accordé. Hon. M. Campbell. — Gomme le bill est très important et qu'il est par conséquent extrêmement désirable qu'il soit large- ment circulé pendant la vacance, je de- manderai qu'il en soit imprimé un plus grand nombre de copies qu'à l'ordinaire — disons 500 copies dans les deux langues. Aucune objection n'étant faite, l'hon com- missaire fit à cette effet une motion qui fut remportée. APPENDICES MEMOIRE POUR L'HON. ALEXANDRE CAMPBELL, Commissaire des Terres de la Couronne. LE NOUVEAU BILL DES PECHERIES. Dans l'ancienne loi le pouvoir de dispo- ser des pêcheries, de les régler et de les protéger, n'appartient pas clairement à la Couronne ; c'est ce qui en constitue le dé- faut principal. On n'y voit pas non plus de dérogation à la loi commune du droit de pèche public. Il s'y trouve certaines prévi- sions, et certaines conditions imposées soit au gouvernement ou au public, qui sont sans cesse en conflit. En raison de ce défaut de principe, elle devient inefficace dans les détails les plus importants, incon- grue, embarrassante à mettre en pratique, souvent absurde et môme oppressive. Sans les ordres de l'Exécutif et les efforts du département, rien n'aurait pu se faire. Grâce à eux, et malgré ses nombreux défauts, l'amélioration des différentes sor- tes de pêche a été assez sensible pour faire croire qu'une nouvelle mesure effi- cace produirait les plus heureux résultats. Le nouveau bill est basé sur l'expérience pratique qu'ont donné six années d'opé- ration de la loi actuelle. Les clauses en sont classifiées avec ordre et ses dispositions sont courtes et peu nom- breuses. La forme en est simple, et les saisons de prohibition raisonnables et libé- rales. Il renferme tout ce qui est néces- saire pour protéger nos pêcheries et faire marcher 1 ie d'une manière écono- mique et efficace. MÉCANISME. Au lieu de deux Surintendants géné- raux, à salaires élevés, le bill suggère la nomination parle Commissaire des Terres de la Couronne de nombreux garde-pêches locaux en différents endroits. Ces garde- pêches seront ex-ofjicio Juges de Paix, tant qu'ils seront en charge ; ce qui est plus simple que de les nommer par commis- sion. Leurs salaires seront peu élevés, et par le fait qu'ils sont résidents, ils auront très-peu de dépenses de voyage à faire. Etant toujours sur les lieux où se fait la pêche, ils pourront découvrir les abus,* ou punir les infractions de la loi. A leurs de- voirs de garde-pèches seront aussi attachés ceux d'Inspecteur d'huile et de poisson, en vertu du bill d'inspection. MODE DE RÉGLEMENTER LES PÊCHERIES. Au lieu d'être laissé au Gouverneur Général en Conseil, le pouvoir d'émettre des baux et licences de pêche est donné au Commissaire des Terres de la Cou- ronne. C'est la manière la plus simple d'éviter les procédés lents et dispendieux d'émission de lettres patentes sous le grand sceau. Toute idée de créer un revenu est aban- donnée. Les petits loyers serviront à payer les frais de protection. Suivant les circon- stances, il sera émis des baux à longs termes, des permis de saison ou des li- cences de bateaux de pêche ; mais princi- palement pour les stations importantes. Conserver le poisson et en protéger l'es- pèce, réprimer les abus qui se commettent dans nos pêcheries les plus importantes et les plus étendues ; voilà tout ce que se propose le bill. On obtiendra ces résultats de la manière la plus économique et la plus efficace, en plaçant le moins de res- trictions possibles sur les pêcheurs, et en ne les accablant pas de loyers ou de règle- ments. La nouvelle loi veut être juste, li- — 30 bérale, populaire, et se supporter par elle- même. DÉFENSES ET SAISONS DE PROHIBITION. Les saisons de prohibition sont diffé- rentes de celles prescrites par l'ancienne loi ; on en a adopté de plus modérées. Il existe une telle différence d'opinions quant aux dates exactes où il faut clore la pêche, par rapport à la saison de la fraie, et il y a tant de besoins et d'intérêts à consulter, qu'il semble plus juste d'imposer des pé- riodes modérées qu'extrêmes. En les met- tant plus courtes on diminue de beaucoup la dépense de surveillance ; et il devien- dra plus facile de faire observer ces sai- sons de prohibition quand elle seront justes et raisonnables. Elles sont en outre fixées de manière à pouvoir fournir en tout temps certaines espèce de poisson, et permettront aux pauvres gens et aux nou- veaux colons de se procurer une nourri- ture saine et à bon marché. La nature a distribué pendant toutes les saisons de l'année les différentes époques ou le pois- son fraie ; et la loi devrait permettre de prendre chaque espèce, après que l'acte essentiel de la reproduction est accompli. Par là on fait disparaître un sujet de ten- tation pour le pauvre, et l'intérêt de cha- cun s'accorde avec les besoins de tous. Gomme la pêche au poisson blanc dans le Haut-Canada a beaucoup soufferte de l'u- sage de la seine pendant l'été, on a mis des restrictions à cette manière de pêcher ; de même que pour les autres rets em- ployés pour la pêche au poisson blanc et à la truite sàumonnée. Les clauses qui protègent le frai et le jeune poisson d'eau douce des espèces les plus importantes, contre le gaspil et la destruction, sont très-strictes ; sans néanmoins nuire à ceux qui font depuis longtemps la pêche d'une manière légitime. On a dernièrement fait des efforts pour obtenir l'abolition des engins de pêche fixes. Tout désirable qu'il soit d'obliger les propriétaires de pêches en piquets et de rets fixes à faire usage du moyen moins avantageux (et en certains cas illusoire) de la seine, comme mesure de préserva- tion sévère pour des pêches qui déclinent ; les nôtres ne sont pas si épuisées qu'elles aient besoin de cette restriction ; et d'ail- leurs les droits acquis et les besoins lo- caux demandent qu'avant de prendre une elle détermination ou en ait reconnu l'impérieuse nécessité. Le présent bill empêchera complètement la destruction du jeune poisson, et ces pêches en fascinas et en piquets deviendront aussi peu nui- sibles que possible. PÉNALITÉS. Les pénalités sont moins fortes et plus logiques, en même temps que la manière de les recouvrer est simplifiée et rendue plus efficace. Sous ce rapport le rouage des lois des pêcheries est bien amélioré. CHAUSSÉES DE MOULINS ET ÉCHELLES A POISSON. Sur ce point la nouvelle loi est plus applicable et plus juste, et en ce sens plus acceptable pour les propriétaires de mou- lins que l'autre. Par exemple la loi ac- tuelle prescrit des échelles à poisson sur toutes les chaussées, sans égard à leur utilité ou nécessité, et soit que le poisson de la rivière en vaille la peine ou non. Elle n'établit pas non plus de distinctions entre les cours d'eau où le poisson ne peut frayer et ceux qu'il a abandonné en- tièrement, et ne s'occupe pas du tout d'éta- blir si les chaussées arrêtent le passage du poisson que les colons, les habitants de l'intérieur et le long de ces cours d'eau avaient l'habitude prendre pour en retirer quelques minces profits ou pour leur propre nourriture. De plus, elle laisse re- tomber sur les propriétaires de moulins tout le fardeau de la dépense de construc- tion de ces échelles d'après un modèle arbitraire, de forme et de dimensions telles qu'il se perd plus d'eau que le mou- lin peut le permettre et plus qu'il n'en faut au poisson, et les oblige à tenir leurs pas- ses toujours ouvertes et à y laisser couler l'eau continuellement ; sans faire atten- tion au temps où le poisson monte, à la sécheresse de la saison ou aux exigences impérieuses des besoins du moulin. La nouvelle loi change tout cela, et exige seulement que les passes soient ouvertes à certaines époques convenables, que le garde-pêche local déterminera suivant les besoins du moulin, les droits des par- ticuliers et les exigences raisonnables du public. Dans l'ancienne loi le mode de procédure à suivre pour obliger les indi- vidus à construire ces passes est si peu sur qu'on peut souvent l'éluder entière- — 31 — ment, le retarder toujours, et déjouer quel- quefois le but de la loi. La nouvelle loi part du principe qu'il faut protéger autant que possible des industries d'une aussi grande importance pour le pays que celles des bois et des moulins, et les gêner le moins possible en essayant de protéger l'intérêt du public dans les pêcheries. Et comme le public profite de la construc- tion des échelles a poisson, il faut qu'il supporte sa part des dépenses. Le bill pourvoit à tout cela, et n'oblige les pro- priétaires de moulins à bâtir des passes que sur les chaussées ou le Commissaire des Terres de la Couronne le jugera né- cessaire. Par ce moyen, le Commissaire peut consentir à ce que les glissoires que, par la 22e vie. cap. 47 et 48, tous les pro- priétaires de 'moulins sont obligés de con- struire et maintenir, servent aussi d'é- chelles à poisson. Dans tous les cas le public partagera la dépense de construc- tion. L'ensemble de ce plan obviera à la né- cessité de poursuites inutiles et vexatoires, et assurera en même temps un passage certain au poisson ; et c'est là tout ce que le public demande. A venir jusqu'à ce jour ces pêches ont coûté autant d'ar- gent qu'il enAaurait fallu pour les bâtir, et très peu sont utiles. Les faire bâtir de suite par des personnes compétentes, coû- tera bien meilleur marché que de gaspil- ler l'argent du public et des particuliers en procès ennuyeux, et en visites réité- rées et inutiles pour notifier, poursuivre, examiner, réparer, etc., etc. Le nouvel acte permettra de faire exécuter l'ouvrage vite et bien, et nous serons sûrs que ces passes servent à quelque chose, et qu'elles ne sont pas une dérision, tel qu'il est arri- vé pendant ces dernières années. Les différents règlements passés de temps à autre par le gouvernement ont été intercalés ou condensés dans le bill. Le système des primes n'est pas changé mais il est réglé de manière à empêcher les réclamations frauduleuses et à per- mettre d'atteindre le but que la loi se propose en les accordant. Le tout respectueusement soumis. W. F. Whitcher, Département des Terres de la Couronne, Branche des Pêcheries. Québec, 1865. — 32 — EXTRAITS DU RAPPORT ET DES TÉMOIGNAGES PRIS DEVANT UN COMITÉ DES PÊCHERIES DE L'HONORABLE ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE AUX- QUELS IL EST FAIT ALLUSION DANS LES DÉBATS PRÉCÉDENTS. EXTRAIT DU RAPPORT. " Après un mûr examen des témoignages annexés à ce rapport, votre comité est venu à la conclusion que les engins fixes dont se plaignent quelques théoristes, ne doivent pas être supprimés ; mais qu'on ne peut mettre en force une loi trop sévère pour en régler l'usage." RÉVD. DR. ADAMSON. 11 Suivant moi, on devrait abolir complète- ment dans le St. Laurent les pêches en piquets et les verveux. Je crois que ces engins non seulement détruisent le poisson, jeune et vieux, mais encore qu'ils effraient de grands bancs de saumons qui viennent sur nos côtes pour frayer. Les témoignages reçus par des comités de la Chambre des Communes et les commissaires des pèches Britanniques vien- nent à l'appui de cette opinion. Je dois ajou- ter que pour le présent je ne défendrais pas l'usage des pêches en piquets dans les tribu- taires du St. Laurent, quand ils sont tendus conformément à la loi." M. WHITCHER. " Question. Quelles améliorations recom- mandez-vous d'apporter dans la façon de pêche ? " Réponse. Régie générale, les pêcheurs adoptent eux-mêmes les méthodes les plus parfaites de prendre le poisson. Le seul obsta- cle qu'on doit opposer à leur esprit d'invention est pour empêcher la destruction inutile du poisson et retarder l'accroissement de l'espèce. Ces restrictions doivent être faites en prenant garde de pas priver le pêcheur ni des moyens de vivre, ni du profit de son métier. Quant aux pêcheries de saumon, elles sont d'un ca- ractère plus exceptionnel ; vu l'épuisement de sa condition passée et présente, il serait à dé- sirer qu'on se montrât d'une très-grande ri- gueur tout en ayant égard aux besoins du commerce et respectant les droits de ceux qui out des Baux ou des Licenses. Les mailles des rets à saumon devraient être assez grandes, c'est-à-dire qu'elles devraient avoir au moins trois pouces carrés. Les espèces de rets dont on se sert en co pays pour prendre le saumon sont les rets à mailler ou flottants et les rets fixes ; ces derniers sont tendus comme rets en piquets ou chandeliers et sont en usage seu- lement sur les côtes du St. Laurent, en dehors de l'embouchure des rivières. Les rets à sau- mon ne sont tendus que dans les eaux où la marée se fait sentir. ° Question. Recommandez-vous l'usage des pêches en piquets pour prendre le saumon ? rt Réponse. Ce genre de rets employés ex- clusivement aux endroits où l'on s'en sert à présent ne détruisent pas plus le saumon qu'aucune autre pêche aux filets faite au même endroit, c'est pourquoi je recomman- derais qu'on ne s'en servit point en dedans ou près de l'embouchure des rivières à saumon. La différence entre les rets flottants et les rets en piquets proprement dits consiste en ce que les premiers sont formés d'une rangée de pi- quets ou chandeliers qui se prolongent aussi loin que possible au large et auxquels est at- taché un rets qui sert de chasse et de bar- rière, et forme à l'extrémité, du côté de la mer un enclos ou parc dans lequel le saumon vient se précipiter par une petite ouverture et d'où il ne peut sortir. Le second se compose d'un rets suspendu sur des piquets moins longs mais très-éloignés les uns des autres qui sont plantés partie à angle droit et partie dans la direction du courant, et où le saumon vient se mailler. Pour abolir ces moyens de faire la pêche au saumon, il faut avoir recours à l'u- sage des seines ou autres engins. Un appareil mobile serait, il est vrai, plus difficile à maî- triser et embarrasserait plus la navigation que les rets fixes ou stationnaires, dont on peut toujours constater la position et l'extension et leur assigner des limites convenables. Je ne crois pas que la seine convienne à nos eaux ; parce que la pêche y étant subordonnée à la marée, le travail que ce genre d'appareil oc- casionnerait et le peu de résultats qui s'ensui- vraient équivaudraient à une défense com- plète de prendre le saumon au moyen de rets. Permettre de s'en servir dans la partie douce de nos rivières serait une source de grands dégâts. " Question. Voulez-vous dire quelle est la principale cause des dégâts commis dans nos — 33 pêcheries de saumon, et comment il serait possible de la faire disparaître ? " Réponse. Je compte trois causes bien dis- tinctes, savoir : — "1° La trop grande quantité de rets tendus dans le bas des rivières, ce qui a pour effet d'empêcher le poisson de remonter dans la bonne saison. Le petit nombre qui échappe à la mort s'en va frayer dans des lieux peu con- venables, et si tard que les œufs atteignent rarement leur maturité en nombre suffisant pour recouvrer ce qui se trouve perdu. L'es- pèce diminue et s'abâtardit de cette manière. Les plus grosses femelles se trouvent en gé- néral à remonter les premières afin d'attein- dre les frayères pendant que l'élévation des eaux. le leurparmet et avant que leurs œufs ne soient devenus lourds, il est très-important qu'elles ne soient pas arrêtées par aucun obs- tacle à l'embouchure des rivières. En obs- truant le passage avec trop de rets, il n'y a qu'un petit nombre seulement des plus grosses femelles du saumon qui échappent ; elles ne sont rejointes que tard par de jeunes saumons, les plus gros mâles ne pouvant franchir les endroits où il y a peu d'eau et les hautes chutes à cette époque, la fécondation alors ne peut avoir lieu que par des mâles de petite taille et à peine développés, d'où il arrive que les espèces particulières à certaines ri- vières dégénèrent et finissent par disparaître entièrement. " 2° L' obstruction complète des chenaux au moyen de rets et la poursuite du poisson dans sa course au-delà des eaux de marée, de même que les seines dans les fosses où ils s'arrêtent et fraient : — ou bien encore les prendre à Pépervier dans les endroits resserrés ou aux passages à saumon qui sont nombreux dans les rivières semées de rapides et de chutes. " 3° L'usage de garder le poisson dans les eaux douces des rivières durant l'été, et de le prendre aux rets ou au dard pendant qu'il fraie l'automne et le printemps. H Je sais aussi que la principale cause de la rareté ou l'extinction du saumon dans les cours d'eau où il y a des moulins vient de ce que les digues empêchent le poisson de passer et de se rendre à ses places de frai. " En diminuant les mauvais effets de la pre- mière des causes ci-dessus mentionnées par des restrictions judicieuses, — en fesant dispa- raître la seconde et la troisième et en re- médiant à la dernière par des glissoires et par le repeuplement des rivières, rien ne pourra empêcher nos pêcheries de saumon de re- fleurir à moins de causes naturelles ou de quelque obstacle hors du contrôle de l'hom- me. " Question. Pourrait-on modifier notre sys- tème d'affermer les stations de pêche dans le Haut-Canada de façon à moins soulever de réclamations contre les prix des baux ? " Réponse. Certainement, et il y a déjà eu de nombreux changements d'opérés. Je crois qu'en essayant de satisfaire le désir supposé du gouvernement de réaliser un revenu par ce moyen, les officiers de ce service animés d'un beau zèle, ont dépasse de beaucoup la valeur réelle de plusieurs stations de pêche. Je ne dis pas que ce surplus ait été excessif en lui-même, mais il l'était en ce qu'on ne tenait pas compte des obstacles, des fluctua- tions et du coût de l'exploitation, et en ce que l'on ne laissait aucune marge pour les pertes et profits. Il serait de beaucoup préfé- rable d'accorder des baux à bon marché et d'être payé de bonne grâce et même d'avance plutôt que d'imposer des taux élevés difficiles à percevoir et payés à regret par les pêcheurs. La pêche qui n'est pas spéciale, à tout pren- dre, ne constitue qu'une exploitation incer- taine et chanceuse. Ce n'est que lorsqu'elle est faite sur une grande échelle a^u'on peut en espérer des rendements appréciables. Celui, au contraire, qui n'a à vendre que de petits lots de poisson frais dépense ses maigres re- cettes aussi vite qu'il les réalise. Peu de pê- cheurs peuvent amasser assez pour pouvoir payer un bail de pêche. L'effet des taux élevés est de dépouiller les marchés et de permettre au locataire de le monopoliser, de vendre à des prix considérables, ou bien le pêcheur se trouve en perte et hors d'état de satisfaire à ses engagements. " Je subordonne l'opinion que je viens de donner à celle de l'honorable M. MacDougall exprimée dans son rapport officiel de 1862, lequel contient les paroles suivantes : — " Le " système d'affermage des pêcheries pourrait " subir des modifications avec profit pour les " intérêts publics et ceux des pécheurs. " " Question. La pèche et l'emploi du hareng, du caplan, etc., etc., comme engrais, sont-ils nuisibles aux pêcheries, — et le poisson n'est-il pas ruineux plutôt qu'avantageux pour la terre ? '• Réponse. Je suis d'avis que la destruction en gros du caplan à l'embouchure des rivières cause du tort aux pêcheries de saumon, sans compter qu'il y a danger de détruire en même o 34 temps le frai d'autres poissons plus précieux. Quand, néanmoins, le fretin, et non les jeunes poissons des grosses espèces, est trop petit pour la table ou la salaison, et qu'on n'en a pas besoin pour la boitte — surtout, comme c'est souvent le cas, s'il est en trop grande quantité, je ne vois rien qui empêche d'en tirer un parti utile. Au contraire, l'emploi du poisson ordinaire, tel que le hareng, de même que de toute autre substance qui sert à la nourriture de l'homme, quelque riche qu'elle soit en élément fertilisateur comme engrais, semble être un gaspillage et une perte. Il n'y a, suivant nos notions économiques, que les déchets et le fumier des étables et des cours qui nous paraissent devoir être destinés à cet usage. 44 On ne peut guère mettre en doute l'uti- lité du poisson comme agent fertilisateur, et l'opinion qui existe qu'il détériore le sol et gâte la quantité et la qualité des récoltes de grain ou de racines est une erreur. On doit en plusieurs cas attribuer à une culture dé- fectueuse, à un sol maigre et pauvre, ou à l'insuffisance des matériaux, l'appauvrissement et la stérilité apparente des terres. La légèreté des sols sablonneux peut aussi déterminer une absorption trop rapide et trop profonde des combinaisons plus solubles de sang, de chair et d'os, lesquelles dans les sols plus lourds ser- vent à activer la végétation. Toute culture est plus ou moins épuisante, de même que c'est un fait avéré que des stimulants artifi- ciels peuvent appauvrir des sols riches et privés de rotation. De là, les apparences ont justifié l'opinion que le poisson est mauvais comme engrais, et que l'emploi que l'on en fait pendant longtemps finirait par assécher et épuiser la terre. * La plupart des poissons, et plus particu- lièrement les espèces osseuses, musculaires, gélatineuses et huileuses, converties en phos- phate et en ammoniac sous un volume res- treint, donnent des engrais presqu'aussi riches qu'aucun autre artificiel. Le guano, si célèbre, n'est rien autre chose que de la fiente d'oiseaux de mer qui vivent de poisson. On se sert en plusieurs endroits de la France et de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis, et cela avec profit, des débris de poisson et même de poissons entiers pour les plantes et les céréa- les ; sur les côtes de la nier Rouge, on s'en sert beaucoup pour les végétaux et les grains. Dans le Haut-Canada, on engraisse constam- ment les arbrisseaux de jardin et les arbres fruitiers avec des débris de poisson et du pois- son. On pense que l'acide phosphorique qui s'en échappe détruit les insectes. En présence de tels faits, il n'est donc pas surprenant qu'on en fasse un si grand usage dans le Bas- Canada. Je crois en même temps qu'il est regrettable de voir que là où on jette de côté tant de monceaux de têtes et de débris de morue, de carcasses d'animaux marins et de déchets de poisson, on ne prenne aucun moyen de les convertir en engrais transportable, et que l'on ne se serve dans ces mêmes endroits comme engrais que de poissons pouvant être vendus. Les exemples donnés à ce sujet par la France, Terreneuve et le Massachusetts pourraient nous être très-utiles. Des lieux comme la rivi- vière Moisie, la côte depuis cette rivière jus- qu'à la St. Jean, la Longue Pointe, la Pointe aux Esquimaux, la Petite Natashquan, etc., etc., les Iles de la Magdeleine, Bonaventure, Gaspé et tout le long de la rive Sud du St. Laurent pourraient alimenter une grande manufacture de ce genre et utiliser ces riches éléments d'engrais qui se perdent et sont con- sidérés comme une nuisance par les établisse- ments de pêche, et une cause d'embarras pour les stations situées près de nos pêcheries de saumon." M. FORTIN. 44 Question. Quel est le meilleur moyen de prendre le saumon ? 44 Réponse. Après avoir étudié les modes dont on se sert dans les provinces d'en-bas, aux Etats-Unis, en Angleterre et en France, je ne vois pas de meilleur moyen de prendre le saumon que celui employé en Canada. Ce moyen consiste à se servir de filets ordinaires à saumon, dont les mailles doivent avoir au moins cinq pouces d'un nœud à l'autre, une fois étirées, et qui sont tendus soit sur des piquets soit au moyen de grappins ou d'ancres lorsque l'eau où l'on pêche est profonde. Ces ustensiles de pêche, qui ne sont placés dans nos rivières qu'en nombre restreint et d'après la manière établie par la loi par des pêcheurs qui obtiennent un bail ou un permis de pêche avant d'avoir le droit de tendre aucuns filets à saumon dans aucun endroit du Bas- Canada, permettent à ceux qui sont occupants de stations de pêche à saumon de faire une pêche rémunérative sans être trop destruc- tive. 44 Je vois que plusieurs personnes voudraient supprimer tout-à-fait la pèche du saumon au filet sous forme quelconque. Ma foi, je ne com- prends pas où tendent ces gens, qui me font — 35 l'effet de ne pas avoir étudié du tout la ques- tion de la pêche du saumon au point de vue commercial, sinon à supprimer cette pèche comme industrie, pour livrer toutes nos ri- vières où abondent ces beaux poissons aux mains des pêcheurs à la ligne. " Et qui fournirait ces milliers de barils de saumon dont notre commerce dispose tous les ans, soit pour la consommation intérieure, soit pour l'exportation aux autres provinces et aux Etats-Unis ? Serait-ce les pêcheurs à la ligne ? Ou bien, aura-t-on recours aux seines ? Ce dernier mode de prendre le saumon serait très-coûteux, et, en bien des circonstances, bien plus destructif et préjudiciable aux ri- vières que les filets ordinaires. " Question. Quelle est votre opinion sur l'usage des seines à morue. " Réponse. Mon opinion sur l'usage des seines à morue, est, que c'est une des meil- leures manières de prendre la morue, sans qu'il en résulte aucun tort pour la pêche de ce poisson. Les pêcheurs canadiens se servent très peu de seines à morue. Il n'y a pas plus d'une vingtaine de seines de ce genre sur toutes nos côtes, 44 Un grand nombre de pêcheurs américains, et quelques pêcheurs de la Nouvelle-Ecosse et de l'Ile du Prince-Edouard, qui viennent sur la côte Nord du Golfe St. Laurent ne font usage que de seines à morue pour prendre ce poisson. Les pêcheurs français de la côte nord et ouest de Terre-Neuve, pendant une certaine saison de la pêche, n'ont recours qu'aux seines de très-grande dimension pour faire leur pêche de morue. Je n'ai jamais entendu dire, soit par des pêcheurs du Canada, de la Nou- velle-Ecosse, des Etats-Unis, soit de France, qui eussent des connaissances pratiques sur leur art, que l'usage des seines fût préjudicia- ble à la morue, encore moins à d'autres es- pèces de poisson, car les bancs de morue se tiennent toujours à part, et isolés des bancs des autres poissons, soit harengs, maquereaux ou autres. 44 Question. Quelle est votre opinion sur l'usage des lignes dormantes ? 44 Réponse. L'usage des lignes de fond est très-ancien. Les français et les autres pêcheurs du grand banc de Terreneuve, les emploient de préférence aux lignes à la main pour pren- dre la plus grosse espèce de morue. Il en ont qui sont garnies de plus de 1000 hameçons chacune. Ces lignes sont calées et tenues au fond de l'eau au moyen de grappins. On les visite deux fois par jours, pour en retirer les poissons qui sont pris, et garnir les hameçons d'appâts nouveaux. La manière de pêcher la morue à la ligne de fond, rapporte beaucoup de bénéfices aux pêcheurs, puisqu'ils ne pren- nent que de grosses morues, du poids de 15 à 50 livres et même plus. 44 Employées près des côtes, on prétend que les lignes de fond (où ne se prennent que des grosses morues) ont l'effet de nuire à cette pêche. Ces grosses morues sont, dit-on, des morues mères, et en les tuant on tue aussi leur progéniture. On dit, aussi, que les morues prises aux hameçons des lignes de fond, et qu'on n'enlève pas de suite, gigottent beau- coup avant de mourir, et par là, effraient et chassent les autres morues des bancs où sont tendues les lignes de fond. Plusieurs pêcheurs, au contraire, . prétendent que ces objections aux lignes de fond ne sont nullement fondées. Quoiqu'il en soit, les autorités françaises ont cru devoir supprimer tout-à-fait les lignes de fond, ou d'Arouel, sur les côtes de Terreneuve, où les pêcheurs français ne peuvent prendre la morue qu'à la seine, au filet et à la ligne à la main flottante. 44 En Canada, sur les plaintes des pêcheurs des Iles de la Magdeleine, on a aussi suppri- mé les lignes de fond à l'entour de ces Iles. On ne se sert pas de lignes de fond sur la Côte de Gaspé et sur la Côte Nord. Les li- gnes de fond ou dormantes plutôt dont on se sert dans quelques lacs du Canada, pour pren- dre la truite, ne sont pas, je crois, injurieuses à ce poisson." M. HOLLIDAY. " Questions. 1° Ne croyez- vous pas que l'usage de rets, seines ou autres engins dans les rivières à saumon est de nature à dé- truire ce poisson lorsqu'il s'y est rendu dans le but de se reproduire ? 44 2° Croyez-vous que les rets tendus sur la côte du fleuve St. Laurent et dans les estu- aires de ses tributaires ont l'effet d'effrayer le saumon et, en le détournant de sa marche vers sa rivière natale, de l'exposer à périr dans la mer, comme le prétend le Dr. Adam- son? 44 3° L'usage de seines pour prendre ta poisson sur la côte du St. Laurent ne serait il pas un mode de pèche très-dispendieux, et en même temps d'un rapport bien peu considé- rable ? •4 4° Croyez-vous qu'il y ait quelque ana- logie entre les droits de pêche acquis dans les rivières et sur la côte de la mer dans la — 36 Grande-Bretagne et l'Irlande, et ceux acquis dans les rivières et les côtes de la mer en Ca- nada ? " 5° Ne croyez-vous pas que si notre loi actuelle, utilement amendée, était efficace- ment mise en opération, et l'usage des rets dont l'on fait aujourd'hui usage pour prendre le saumon continué, nos rivières à saumon ne manqueraient pas d'être bien peuplées, et que la pêche au rets augmenterait de valeur an- nuellement ? " 6° N'est-ce pas que les rets dont on fait actuellement usage pour prendre le saumon sont les plus simples et les moins nuisibles que puissent employer les pêcheurs dans leurs opérations ? " Réponses. 1° Je suis d'opinion que l'u- sage de rets de toute espèce dans les eaux douces des rivières serait très-dommageable, vu qu'ils servent à prendre le saumon qui doit repeupler les rivières, ce qui éventuellement aurait l'effet de diminuer de beaucoup les résultats de cette pêche. " 2° D'après des observations personnelles et la connaissance que j'ai des habitudes du saumon, je suis convaincu que les rets dont on fait usage sur le St. Laurent et dans les estuaires de ses tributaires n'effraient ni n'em- pêchent le saumon de revenir à sa rivière natale. " 3° Je ne crois pas que l'usage de seines soit adapté à la pêche au saumon sur la côte du St. Laurent ; à mon avis, elles seraient inutiles, dispendieuses ; en certains endroits, il n'y aurait pas de possibilité de s'en servir à cause de la force du courant. " 4° Il n'existe aucune analogie quelconque. Les droits acquis en ce qui concerne la pêche au saumon dans les rivières et sur la côte de la mer dans la Grande-Bretagne et en Irlande, appartiennent aux individus auxquels des chartes ont été octroyées par la couronne. Ces chartes couvrent une grande étendue, re- montent, quelquefois jusqu'à la source des rivières fréquentées par le saumon, et elles sont aussi sacrées que la possession du sol. Les concessions sont quelquefois d'une faible étendue ; quelques-unes ne sont que pour une petite distance sur un seul bord de la rivière, parfois sur les deux, mais il est rare que tout le cours d'une rivière ait été accordé à un seul propriétaire. Le peu d'étendue de ces concessions crée un conflit d'intérêts, et cha- que propriétaire, ou son représentant, s'efforce de prendre autant de saumon qu'il peut en prendre. Si le saumon est pris dans l'estuaire d'en-bas et sur la côte de la mer au moyen de pêches en piquets (stake-nets), les propriétaires d'en-haut en ont un moindre nombre, de là l'in- dignation en Angleterre contre l'usage des pê- ches en piquets (stake-nets).^ Canada, le droit de faire la pêche au saumon est entièrement entre les mains du gouvernement, qui est libre de décréter les lois qu'il veut, parce qu'il n'a pas à intervenir entre des droits par- ticuliers en conflit. La loi actuelle défend l'usage des rets dans les eaux douces des rivières, — et, par ce moyen, permet au sau- mon qui a échappé aux rets dans les estuaires et sur la côte de la mer d'accomplir sa mis- sion de repeupler les rivières, et le nombre en sera toujours suffisant s'il n'est pas détruit par d'autres moyens. Dans la Grande-Bretagne, presque tout le saumon est pris pendant la saison de la pèche, et l'on confie le repeuple- ment des rivières au petit nombre de ceux qui les remontent après qu'est arrivé le moment de la prohibition. L'accroissement de la pèche au rets partout dans la Grande-Bretagne doit nécessairement contribuer à la diminution du saumon, vu qu'on le poursuit jusque dans les eaux douces pendant que dure le temps de la pêche. " 5° Les lois actuelles, si elles étaient effi- cacement mises à effet, suffiraient amplement pour la pêche au rets telle qu'elle se pratique actuellement ; les dispositions qu'elles con- tiennent auront l'effet de faire repeupler nos rivières, et, comme conséquence, la valeur de la pêche au rets s'accroîtra dans la même proportion. u 6° Je suis d'avis que le système de la pêche au rets tel qu'adopté primitivement en Canada est le moins nuisible de tous ceux que l'on pourrait imaginer. " M. TÊTU. " Question. Avez-vous jamais vu détruire du frai de saumon dans les pêches en fascines de la rive Sud ? " Réponse. Non. " Question. Avez-vous jamais eu connais- sance que du frai de saumon ait été détruit sur la rive Nord par les seines à morue, ou autrement ? " Réponse. J'ai vu détruire du frai de sau- mon par les pêches en fascines de la rive Nord, et par les filets à harengs tendus pour prendre la boitte. " Question. Ne pensez-vous pas que les appareils de pèche au saumon maintenant en — 37 — usage sont les meilleurs et les moins destruc- tive que l'on puisse employef ? " Réponse. Oui. " Question. Ne pensez-vous pas qu'il est impossible de prendre du saumon dans les seines, sur les côtes de la mer, et partout dans l'eau salée ? u Réponse. On peut prendre quelques' sau- mons avec les seines, mais cela ne paierait pas les frais. Ayant seine moi-même très-souvent le maquereau, la morue et le hareng, tout près des filets à saumon, il ne m'est arrivé qu'une seule fois de prendre un saumon." ■ ■ ■ .* A m .«*