U- ■ fiUi fl'V i .. ;î-v ' . / _ V ! < ■ : ^-^yS . ’ ' '' ''"' V.‘. -îvc -5 M';-' ':j0 4' '• . ‘ ' 'f ?■ / m DE LA COMPOSITION DES PARCS ET JARDINS PITTORESQUES. I>E l’imprimerie de PLASSAN, rue de VAUGIRARD, N° l5, DEBRIÈBE l’oDÉON. DE LA COMPOSITION DES PARCS ET JARDINS PITTORESQUES, OUVRAGE UTILE ET INSTRUCTIF POUR LES PROPRIÉTAIRES ET LES AMATEURS, Eï ORNÉ DE PLANCHES EN NOIR OU COLORIEES; PAR J. LALOS, ARCHITECTE. SECONDE ÉDITION, REVUE, CORRIGEE ET AUGMENTEE. PARIS, L’AUTEUR, RUE Neuve-Saint-Eustache , n®28. Et PÉLICIER, Libraire, Place du Palais-Royal. ^ i 'J ' ï Digitized by the Internet Archive in 2016 https://archive.org/details/delacompositiond00lalo_0 WV«it<%'VVA/WVV\'«/%> WV« VW\lVW»VV^'V^WWVV^/V\'WW^V VWV WWVX'VX W\V 1 \ v» AVIS SLR CETTE NOUVELLE ÉDITION. La première édition des Parcs et Jar- dins pittoresques a été reçue si favora- l^lement que je n’ai pas hésité à la faire réimprimer. Le succès de ce livre ne m’a point aveuglé sur quelques-unes de ses imperfections. Les éloges des journaux ont été tempérés par de sages observations dont j’ai fait mon profit : cette fois la critique a atteint son but, en m’éclairant et en me donnant des avis salutaires. J’ai revu mon travail avec soin ; j’ai rapporté les notes qui étaient rejetées à la fin et les ai fondues dans le texte. Des (vj) îongueiirs et des redites ont e'te' suppri- mées; mes observations, vérifiées par de nouveaux travaux, se trouvent parfaite- ment justes. Enfin , j’ai ajouté nombre d’articles que réclamaient les amateurs des jardins pittoresques, qui voulaient diriger eux-mêmes les travaux qu’ils veulent faire exécuter. C’est pourquoi je me suis étendu sur différens préceptes de l’art de planter ; j’ai indiqué les moyens les plus sûrs et les plus faciles pour se procurer de belles plantations. Les tableaux ajoutés font con- naitre toutes les espèces d’arbres et d’ar- l)risseaux propres à entrer dans la compo- sition des parcs et des jardins pittoresques, la saison de les planter, l’exposition qui leur convient, le temps de leur floraison, la couleur de la feuille et de la fleur, etc. Rien n’est stable dans le monde, et j’ai acquis par moi-même la preuve de cettè triste vérité. Plusieurs parcs que j’avais composés étant venus a changer de pro- ( vij ) prîëtaires, soit par décès , soit par d’autres causes^ présentent un aspect bien différente Le parc de Liverdi , si riche par ses eaux, par ses beaux points de vue, ses percés, ses ombrages, ses fraîches pelouses et tant d’autres heureux accidens, a cessé d’exis- ter ; un nouveau propriétaire , peu ama- teur des beautés de la nature et plus atta- ché aux dons de Plutus , a porté une main barbare sur tout le parc. La charrue dé- chire cette terre si riche en beautés , et des moissons abondantes , de vertes prairies remplacent ces bosquets ou les oiseaux venaient chanter leur amour et célébrer l’astre du jour à son lever. Quelques autres parcs ont subi la même mutilation , mais la somme de ceux que j’ai fait exécuter depuis quelques années l’emporte de beaucoup. Pour terminer, j’ai donné un aperçu sur les émolumens à accorder aux architectes afin de prévenir toutes les contestations ( vii) ) qui pourraient s’elever entre ceux-ci et les proprietaires. Pour rendre la lecture de cet ouvrage plus agréable^ j’y ai ajoute quelques pas- sages en vers de nos poètes qui ont traite des jardins. J’y ai ajoute des gravures, et enfin je n’ai rien néglige pour le rendre aussi utile qu’intéressant. Paris, i5 janvier 1834- PRÉFACE DE LA PREMIÈRE ÉDITION. II existe plusieurs ouvrages sur la théorie des jardins , car sur quel sujet n’a-t-on pas écrit? Les Allemands^ les Italiens ont fait de gros volumes sur cette partie, mais les Français n’ont pas voulu aller à la postérité avec un si gros bagage; ils ont renfermé dans un espace conve- nable tout ce qu’il importait de savoir. Parmi les Traités qui ont été publiés , on doit justement distinguer les écrits de Morel et de Gérardin. Je n’eusse jamais (X) songe à prendre la plume, et a publier mes observations, si ces artistes estimables avaient parlé de toutes les parties de leur art. Mon objet principal .a été de rendre la science des jardins plus familière et, si j’osais le dire, plus répandue, plus..... populaire, en la mettant a la portée de tout le monde. J’ai désiré faire connaître mieux les moyens à employer ; mettre les propriétaires , et particulièrement ceux qui habitent la campagne, plus à même de se créer de beaux paysages, par des moyens économiques. J’ai encore désiré plaire aux dames, obtenir leur suffrage, leur présenter un délassement agréable , une lecture intéressante. Je m’estimerais heureux , et mon but serait rempli , si j’obtenais la faveur que je sollicite avec tant d’instance. Depuis plusieurs années je me suis en- tièrement consacre à la composition des parcs et jardins. Me rendant compte de tous mes travaux, je fis plusieurs obser- vations qui avaient échappe à mes prédé- cesseurs ; elles me semblèrent assez im- portantes pour être présentées au public. J’avais remarqué également que si l’art que je cultive était moins connu , cela provenait sans doute de ce que les ou- vrages publiés jusqu’à ce jour étaient écrits dans un style trop grandiose, fort beau, à la vérité, mais peu amusant. Les au- teurs, gens fort éclairés, fort instruits, connaissent à fond leur sujet., mais ils parlent toujours d’une manière si am- poulée, que l’amateur le plus robuste ne peut achever la lecture d’un ouvrage oit • tout semble mystérieux, où l’on s’étend ( ) faite si je parviens à intéresser les amateurs des jardins, les amans de la belle nature. Je ferai seulement observer que je ne donne point ces noms a ces recherclieurs de tulipes, d’œillets, de renoncules ou d’oreilles d’ours. Je me souviens d^avoir vu, dans ma jeunesse, le jardin de l’un de ces maniaques.Chaque fleur était planlëe dans un pot séparé. Le jardin était entiè- rement recouvert d’une tente, dont les côtes e'taient fermes par des espèces de stores, pour garantir les fleurs du vent et de la pluie. J’appelle de ces noms l’ama- teur des beaux sites, des grands effets, celui qu’une douce rêverie entraînera vers le ruisseau ou la cascade, celui qui aimera la vue des grands arbres, les lieux agrestes, romantiques , et surtout pittoresques. N’allez pas le confondre avec l’homme (XV) minutieux qui entasse , dans un jardin de la contenance de quelques perches, des mausolées, des ponts, des pavillons, des cabanes, un ermitage, des kioskes, des rochers , enfin Fami de ces jardins ou l’on trouve de tout, excepté la vue, l’ombre, la promenade, et le bon sens dans la com- position. Il aurait été facile de donner de plus longs développemens à mon travail; j’ai présumé que j’en avais assez dit pour les personnes qui comprennent , et que je n’aurais jamais fini pour celles qui ne comprennent pas. Paris , I septeniLre 1817. DE LA COMPOSITION DES PARCS ET JARDINS. VVV\VVVVVVV\'VVV\VVV%rVV\^A.VV> INTRODUCTION. La nature et ses productions ont été le pre- mier bienfait de la Divinité, et le jardin fut le premier séjour de riiomme heureux. Cette idée, depuis consacrée chez tous les peuples, fut inspirée sans doute par le Créateur : le Tout-Puissant indiquait à rhomme le plaisir de cultiver ses champs, comme le plus sûr moyen de prévenir toutes les maladies qui af- fligent et qui désolent Phumanité. Heureux si, dans cet ouvrage, je puis indi- quer les moyens de joindre à un exercice salu- taire un intérêt de composition qui doit oc- cuper l’esprit, enflammer l’imagination. Si mes vœux sont exaucés, je m’applaudirai d’a- voir payé ma dette envers la société. Chez tous les peuples de l’atitiquité qui ont eultîvé rarchitecturc avec succès, tels sont les Egyptiens, les Grecs et les Romains, on ne s’a- perçoit pas qu’ils aient jamais cherché à ren- dre leurs jardins autrement remarquables que par la grandeur du terrain et par des dépen- ses considérables. Ils ne connaissaient point ces asiles délicieux, impénétrables aux rayons d’un soleil brûlant, et aux ravages des autans; l’art était déployé partout avec ostentation, l’étala- ge de la magnificence avait seul le droit de plaire. 11 faut donc convenir d’une triste véri- té : c’est que la vanité a de tout temps aveuglé les hommes sur leurs plaisirs. Le célèbre Le Nostre, ce créateur des jardins de Louis- le -Grand, contraignit la nature en voulant tout assujétir au compas de l’archi- tecte. Il sut tracer un plan, et non pas un tableau. Dès “lors on ne reconnut de mérite qu’à celui qui tirait le mieux la ligne droite. La plantation, entièrement soumise au cordeau, fit naître la froide symétrie; le terrain fut dressé à grands frais par le niveau de la très- ennuyeuse planiinétrie. Les arbres furent mu- tilés de cent manières différentes; les eaux, qui animent le paysage et lui donnent une vie nouvelle, furent enfermées entre quatre mu- railles, comme la vue fut emprisonnée par la triste charmille. L'aspect de la maison fut cir- conscrit dans un insignifiant parterre, où le ba- riolage de sables de toutes les couleurs éblouis- sait les yeux, et ne parlait point à l'esprit. On se dégoûta bientôt de ces compositions monotones, auxquelles on était convenu de trouver un certain air de grandeur, et malgré ce dégoût, ces jardins ridicules se sont multi- pliés; heureusement, ils sont si peu de mode, si en arrière du bon goût et des progrès des beaux-arts, qu'on a lieu d'étre surpris d'en voir subsister encore; car, il faut en convenir, le riche propriétaire n’avait point de parc pour se promener; on eût dit qu’il voulait, à grands frais, s’entourer d’une enceinte dont l’effet est vraiment d’une monotonie assoupissante. ,... L’art en se voilant sous les mains du génie, Pour nous charmer toujours, veut toujours qu’on l’oublie. Les beaux-arts, en France, ont fleuri avec (4) éclat à difierentcs époques ; et tandis que les poètes de tous les âges ont chanté les charmes des bois, des prés, des lieux romantiques, que les peintres de tous les siècles ont représenté ou cherché à imiter les beaux sites, la simpli- cité et les richesses de la nature, on a lieu d’ê- tre surpris que les architectes n’aient pas sui- vi la marche que leur traçaient la poésie et la peinture. Il ne fallait, pour cela, que du bon sens, car c’est de cet avantage que dépend le goût; mais aucun architecte n’a songé à réali- ser ces descriptions enchanteresses et ces ad- mirables tableaux dont chacun avait sans ces- se les modèles sous les yeux. On sera plus sur- pris encore, en réfléchissant qu’il ne soit pas venu à la pensée d’offrir les moyens d’em- bellir le pays qui entoure une habitation , et d’imiter les beaux et sublimes effets de la na- ture. La composition d’un jardin, en occupant agréablement l’esprit, est un amusement qu’il est plus aisé de sentir que d’exprimer. Les ef- fets qui en résultent charment l’œil et répan- dent le calme dans l’àme. En effet, l’amateur ou le compositeur des jardins découvre tous les nombreux attraits de cette belle nature; el- le semble sourire à ses efforts ])ar les grâces de son élégante simplicité; elle lui paraît toujours plus belle et plus piquante par ses variétés in- finies; partout elle déploie des beautés et des richesses dont la vue ne pourra jamais lasser letresensible. Les efforts du travail, cachés sous l’apparence De la nature libre et de la jouissance, Y plaisent d’autant plus qu’on les soupçonne moins; Les laisser ignorer, c’est embellir ses soins; Mais avant de créer, interrogez la terre. Observez, méditez, suivez son caractère; Guide certain, par lui laissez-vous inspirer : Vous devez l’embellir, et non pas l’altérer. {Les Jardins, chant iii. ) Plu sieurs ouvrages ont été publiés sur le choix des sites et sur la composition des jardins : il est à regretter que leurs auteurs n’aient point assez approfondi leur sujet. Morel et Gérardiu sont les premiers qui ont posé des principes, établi des lois, et dont le code doit être con- sulté. Quelques écrivains ont avancé qu’il n’existait aucune règle sur l’art qui nous oc- cupe, et que chaque architecte pouvait trai- ter ses plans selon le génie qui lui. était propre et selon son goût. Jusqu’à un certain point ce- la peut être vrai, et j’en conviens. Cependant Fart des jardins doit avoir ses constitutions; il doit être conduit et dirigé par un homme de goût : la routine, née de la barbarie, est un chemin qui ne peut servir qu’à égarer. Tout art a ses principes auxquels il est subordonné, et ce sont les principes qui posent les bornes qu’on ne doit jamais franchir, si l’on ne veut tomber dans le ridicule et dans l’extravagant. Les règles servent de point d’appui, et facili- tent l’étude; elles hâtent les progrès en même temps qu’elles préviennent les écarts, et par- là même retiennent le génie de l’artiste et l’em- pêchent de s’égarer. Surtout dans son style, ainsi que dans sa forme, A ses humbles destins le manoir se conforme; Je ne saurais défendre à l’art d’en approcher, Mais je veux que, modeste, il aime à se cacher. De tous vains ornemens la ferme est ennemie; Elle ne se permet, comme son possesseur. Qu’un air simple et qu’un ton de paix et de douceur. Morel nous la figure ainsi qu’une bergère, Qui, naïve et sans art, d’une fleur bocagèrc Pare ses beaux cheveux en désordre flottans; C’est l’beureux négligé des grâces du printemps : Plus brillante, elle perd ce qui me plaît en elle Mais, quoi! faut-il borner tous les bois de la ferme Aux seuls plans fructueux que le verger renferme ? Non, sans doute; à l’entour de ses prés verdoyans Elle demande à voir les saules ondoyans, Et le flexible osier, et l’aune qui s’avive. Sur les bords, toujours frais, d’une onde lente ou vive. Loin donc de les bannir, je veux, de toutes parts Qu’ils viennent se montrer, soit groupés, soit épars, Soit même prolongés en lignes tortueuses. Qu’ils marquent du terrain les formes sinueuses; Divers, ils formeront d’intéressans tableaux. CHAPITRE PREMIER. De la belle Nature. Depuis long-temps on parle de jardins, mais toujours dans l’ordinaire acception de ce mot. Ün jardin présente d’abord l’idée d’un terrain cultivé, planté de fleurs, d’arbres fruitiers, d’herbes potagères , d’un terrain clos, aligné ou contourné. Ce n'est nullement la significa- tion et l’explication du genre dont je traite, puisque la condition expresse de ce genre est qu’il ne paraisse ni clôture, ni jardin, mais au contraire une belle nature qui, d’accord avec le pays, paraisse ne former qu’un ensemble, le tout sans aucune espèce de division. Il est d’autant plus nécessaire, avant de se livrer au travail, de méditer, de trouver un point d’appui convenable, que , sans ces pré- cautions, on ne peut manquer d’être conduit à tout confondre à tort et à travers dans le terrain, et à tout culbuter à grands frais. Dans la peinture, la disposition des objets dépend de Timagination de Tartiste, et le ta- bleau n’est assujetti qu’à un seul point de vue; le peintre est maître des effets de ciel et de lumière, du choix des couleurs et de l’emploi des accidens. Si la belle ordonnance d’un pay- sage est une chose difficile et rare, peut-on se figurer que dans l’ordonnance d’un vaste ta- bleau sur le terrain, le compositeur, avec les mêmes difficultés pour l’invention, ne rencon- tre à chaque pas, dans l’exécution, une foule d’obstacles? Il ne peut les vaincre qu’à force d’expériences, de ressources, d’imagination, par une assiduité et par un travail soutenus ; peut-on se figurer, dis- je, qu’une pareille composition puisse être dictée par la fantaisie, abandonnée au hasard ou à l’inexpérience d’un jardinier, et conduite sans plan, sans dessein, sans principe et sans réflexion? La symétrie naquit sans doute de la paresse et de la vanité : c’est ce que je vais prouver. Dans la première hypothèse, on a prétendu assujettir la nature à l’habitation , au lieu d’as- sujettir l’habitation à la nature; dans la secon- de, on s’est contenté seulement de no travailler ( 10 ) que sur le papier, afin de s’épargner la peine devoir, de vérifier, de réfléchir et de combiner les effets que présente le terrain. Aussi, dans les plans symétriques, voit-on tous les aspects de l’horizon sacrifiés à un seul point de vue, les constructions, privées de toutes les dimen- sions de corps solides, ne présenter que des surfaces sans épaisseur comme sans variété ; enfin tous les objets ont été réduits à une seule ligne, et les terrains au même niveau. Le majestueux ennui de la symétrie, qu’on a trop long-temps employé pour tout renfermer, a fait passer subitement d’un extrême à un autre, et l’irrégularité a bientôt abusé du dé- sordre pour égarer la vue, pour la faire tomber dans le vague et dans la confusion. Le goût naturel a d’abord conduit à penser que, pour imiter la nature, il suffisait de pros- crire les lignes droites dont elle condamne l’usage , et qui ne sont point en harmonie avec elle. Souvent le goût naturel est le meilleur juge des choses que l’on fait; mais, pour les bien exécuter, il faut non-seulement des connais- sances approfondies, mais encore de l’expé- ( >> ) rience, sans quoi on ne peut arriver à des ré- sultats salislaisans qu’à force de recherches et de tàtonnemens. Des artistes ont pensé qu’ils produiraient une grande variété, s’ils entassaient dans un petit espace les productions exotiques et indigènes le moins faites pour être rassemblées, des monumens de tous les âges dont le style ne s'accorde point. On dirait, en vérité, que les compositeurs de ces jardins avaient juré de renfermer entre quatre murailles un échan- tillon de l’univers. Ces constructeurs n’ont pas réfléchi que si un mélange aussi disparate pou- vait offrir quelques beautés de détails, il n’en présentait aucune dans son ensemble, et que cet ensemble ne devait ni ne pouvait être vraisemblable et naturel. Bannissez des jardins lont cet amas confus D’édifices divers prodigués parla mode, Obélisque, rotonde, et kiosk, et pagode, Ces bâtîmens romains, grecs, arabes, chinois, Chaos d’architecture et sans but et sans choix, Dont la profusion stérilement féconde Enferme en un jardin les quatre parts du monde. Mais loin ces monumens dont la ruine feinte ( >2 ) Imite mal du temps l’inimitable empreinte, Tous ces temples anciens récemment contrefaits, Ces restes d’un château qui n’exista jamais, Ces vieux ponts nés d’hier, et cette tour gothique Ayant l’air délabré sans avoir l’air antique. Artifice à la fois impuissant et grossier. ( Les JardinSy chant iv.) En voulant se rapprocher de la simplicité, on a imaginé qu’il ne fallait que rendre la liberté à la nature ; on n’a pas songé qu’en plantant des arbres où il n’en faut pas, qu’en éparpillant çà et là des objets sans choix, sans perspective, sans convenance, on ne pouvait jamais obtenir qu’un effet vague et confus. Si la nature circonscrite, ou plutôt mutilée, semble triste et ennuyeuse, la nature indéter- minée et confuse ne présente partout que l’in- sipidité, parce que la nature difforme est une véritable monstruosité. C’est donc en la dis- posant avec habileté, en la choisissant avec goût, qu’on peut trouver l’objet de ses re- cherches, le véritable effet de paysages inté- ressans. Posons en principes les faits que nous venons d’exposer. La peinture et la poésie ont pour objet de représenter ou de décrire les plus beaux effets de la nature; Fart de la bien disposer, de la bien choisir, de Feinbellîr meme, ayant le même but, doit en conséquence se servir des mêmes moyens. C’est uniquement dans l’effet pittoresque qu’on doit chercher la manière de disposer avec avantage les différens objets destinés à plaire aux yeux. L’effet pittoresque consiste dans le choix des formes les plus agréables, dans l’élégance des contours, dans la dégrada- tion de la perspective; il consiste à donner, par le contraste bien ménagé de l’ombre et de la lumière, de la saillie et du relief à tous les objets, à répandre de la variété sur ces mêmes objets, en les faisant voir sous plusieurs formes, sous plusieurs faces , sous plusieurs aspects. Enfin l’efî'et pittoresque consiste aussi dans la belle harmonie des couleurs, surtout dans cette aimable négligence, caractère principal et distinct de la nature et des grâces. Dans la composition des paysages, il s’agit donc d’intéresser tout à la fois l’œil et l’es- prit. (■>4 ) Laissez donc des jardins la limite indécise, Et que votre art l’efface, ou du moins la déguise. Où l’œil n’espère plus, le charme disparaît; Aux bornes d’un beau lieu nous touchons à regret. [Jardins. ( >5 ) CHAPITRE II. De l'Ensemble. La belle nature et TefTet pittoresque ne peu- vent et ne doivent avoir qu’un seul et meme principe, puisque Lun est l’original, et que l’autre est la copie. Ce principe consiste dans l’accord et la liaison de toutes les parties en- tre elles ; la moindre discordance, tant dans la perspective que dans rharmonie des couleurs, n’est pas plus supportable dans le tableau sur terrain, que dans le tableau sur toile. L’objet essentiel est de commencer par com- poser le grand ensemble, ainsi que les tableaux pour l’habitation, qui seront placés de tous les côtés où l’on dirigera les vues principales. Si, par exemple, vous obtenez d’un côté un paysage intéressant et pittoresque, et que de l’autre côté vous placez une avenue en ligne droite, qui coupera l’aspect du pays, puis une grille qui donne à l’habitation la tournure d’un ( i6 ) cloître, que vous joignez à cela laridité d’une cour pavée; la vue de ces derniers objets sera insupportable. La maison est le point central où doivent aboutir les dilFérens points de perspective ; c’est l’endroit où le repos, les intervalles de la conversation donnent le plus de loisir pour observer, pour jeter les yeux sur le parc, en détailler les beautés ou les inconvéniens. « La nature, dit un de nos grands écrivains, fuit les lieux fréquentés; c’est sur le sommet des montagnes , au fond des forêts , dans les îles désertes, qu’elle étale ses charmes les plus tou- chans. » Ceux qui l’aiment, et qui ne peuvent l’aller chercher si loin, sont réduits à la forcer, en quelque sorte, de venir hal)iter parmi eux, et ce changement ne peut s’opérer sans un peu d’illusion. C’est donc autour de l’habitation qu’il faut amener cette belle nature; c’est à l’endroit où l’on peut jouir le plus souvent de ses charmes qu’il faut l’engager à les répandre le plus abondamment. Le coiip-d’œil de la magnificence peut sou- vent éblouir et surprendre au premier aspect. ( *7 ) L’elTet de la nature, au contraire, est de ne causer aucune surprise; plus on la voit, plus elle paraît aimable; chaque jour on lui décou- vre des charmes nouveaux. Les douces sensa- tions, produites par son aspect, sont causées par une certaine analogie que tout être bien organisé ne peut manquer d’éprouver; ces sen- sations font insensiblement passer jusqu’à l’â- me des impressions qu’il est plus aisé de res- sentir que d’exprimer. D’ailleurs , quel tableau pourrait présenter autant de magnificence que le grand spectacle de la nature? Penserez-vous jamais y atteindre avec des longues et interminables lignes droi- tes, avec des clôtures, ou plutôt des murailles de charmille, qui vous privent de la vue du ciel et du terrain? Vous n’obtiendrez de grands effets que lorsque vous verrez se déployer la voû- te azurée des deux dans toute sa majesté. De brillans effets de lumière viendront embellir et ajoutera l’intérêt du tableau; chaque nua- ge en variera les différens tons de couleurs; et si les rayons du soleil, par une opposition plus sensible de l’ombre et de la lumière, viennent Jeter un nouveau piquant sur les teintes de 2 ( >8 ) verdure, ou se sent entraîner au doux plaisir de la promenade, plaisir d'autant plus agréa- ble, que rien n'offre l'idée de la prison que rappelle sans cesse la symétrie; au contraire, tout ce qu’on voit engage à voir, et prévient favorablement en faveur de ce qu’on ne voit pas. Le principe fondamental de la nature et de tous les arts c’est l’unité; il n’est point d’inté- rêt partout où l’attention se divise. Il en serait 1 e même de plusieurs tableaux peints sur une même toile, de décorations disparates placées sur le même théâtre : n’éprouvez-vous pas cet effet , lorsqu’à l’Opéra vous voyez les enfers monter au ceinlre, tandis que l’Elysée des- cend dans l’abîme? Tous les objets qui peuvent être aperçus du même point doivent être entièrement su- bordonnés au cadre principal; ils ne sont que des parties intégrantes d’un même tout, et par leur rapport, et par leur convenance, ils doivent concourir à l’effet et à l’accord gé- néral. C’est donc sur l’ensemble ou plan général qu’il convient de réfléchir mûrement; les er- ( '9 ) nmrs, à cct égard, peuvent imprimer des ta- elles ineffaçables sur tout l’ouvrage. Vérité et nature, voilà nos maîtres et ceux du senti- ment. Avant de rien faire, il faut, au préalable, prendre une connaissance parfaite du pays en- vironnant , s’assurer du terrain nécessaire à l’exécution du plan. 11 faut, en outre, bien se garder de commencer par les détails, et de con- server particulièrement des choses déjà faites, surtout si ces choses deviennent incompati- bles avec la disposition générale. Il faut enfin ne pas manquer, en traçant la composition, d’y faire entrer tous les accidens offerts par le pays , remédier à ceux qu’il refuse , surtout s’attacher à la facilité, à la simplicité de l’exé- cution. Eprouvez-vous à cet égard des obsta- cles dans un point, cherchez-en un autre, par- ce que ce genre, donnant le choix de tous les aspects de l’horizon, présente bien plus de faci- lité que l’alignement forcé de la ligne directe , pour les points de vue et la communication des promenades. .... Avant de planter, avant que du terrein Votre bêche imprudente ait entamé le sein, ( 20 ) Pour donner aux jardins une forme pure,' Observez, connaissez, imitez la nature. N’avez-vous pas souvent, aux lieux infréquentés, Rencontré tout-à-coup ces aspects enchantés, Qui suspendent vos pas, dont l’image chérie Vous jette en une douce et longue rêverie? Saisissez, s’il se peut, leurs traits les plus frappans, Et des champs apprenez l’art de parer les champs* ( Le, s Jardins^ chant l*^) Ces vers duYirgile français contiennent en peu de mots toute la théorie de l’art. Dans les arts en général, mais particuliè- rement dans l’architecture, on nomme plan ce qui, sur un théâtre, est appelé coulisse, et qui sert â donner de l’elFet à la perspective. C’est au point d’où le tableau aura été des- siné qu’il faut se placer pour le rapporter. Les principaux objets qu’il faut ordinairement dis- poser sur le terrain, sont : i“. Les masses de plantations forestières ou en taillis, suivant le choix de l’artiste; elles de- vront former, par leur disposition, les diifé- rens plans ou coulisses dans la décoration que doit présenter le tableau. Pour établir chacun des massifs, il faut planter des perches ou des ( 21 ) jalons d’une hauteur proportionnée à celle de la perspective générale, à chaque point de leur saillie, avec du papier blanc ou une toile hlan- che. 2°. Pour tracer avec justesse les contours du terrain, les lignes extérieures des plantations, les sinuosités des sentiers, des eaux, des riviè- res , il est convenable de planter de petits pi- quets suivant les lignes courbes rapportées dans le plan. Après avoir examiné de tous cô- tés, sur tous les sens, si les contours tracés par les piquets conviennent aux points de vue, on fait ensuite étendre sur les dehors de ces pi- quets, éloignés les uns des autres de cinq à six pieds, un cordeau, lequel, en se pliant sur le contour, formera la ligne sinueuse que l’on désire obtenir. Un terrassier, muni de sa pio- che, trace avec exactitude ces différentes li- gnes en tous sens, dont les contours devien- nent aussi faciles à suivre pour les ouvriers que des lignes droites : sans ces dispositions, il est impossible de pouvoir jamais atteindre le but qu’on s’est proposé. 5”. Quant aux arbres d’un effet particulier, quant aux groupes composés de plusieurs ar- ( aa ) bres, fixez des piquets, soit penchés, croisés ou espacés, suivant ce qu’ils doivent être. Sur la tête de ces piquets, attachez de petits écri- teaux en papier, sur lesquels seront indiqués les noms et les formes des arbres qu’on veut faire planter. A ces moyens, d’une pratique générale, on pourrait, au moyen de quelques circonstances particulières , en ajouter d’autres. Quelque simples que puissent paraître à de grands cultivateurs ceux que j’ai indiqués, il m’a pa- ru indispensable de les communiquer; ils sont les seuls qui évitent les supplémens de dé- pense, les doubles mémoires, enfin tout cet attirail de faux -frais toujours désagréables à discuter. Si pour un jardin symétrique, où la ligne droite est seule employée, il faut toujours dresser un plan géométraî; si pour toute es- pèce de jardin contourné, où il nç s’agit que de découper le terrain, il est égaîeiiYent néces- saire d’en lever le plan, afin de pouvoir tracer les contours, à plus forte raison faudra-t-il une sorte de carte géographique fort exacte, lorsque dans une grande composition il s’agira ( 23 ) ,fJc mettre en œuvre toutes les lignes et tous les objets du pays, lorsque des remuemens de terre, la direction des eaux, 1 élévation de con- structions pittoresques devront être détermi- nés dans un vaste tableau, dont l'exécution sur le terrain ne peut avoir lieu si elle n'est bien saisie. Un habile décorateur, tel que Servandoni, chargé de composer les coulisses du devant sur un fond de décoration qui lui aurait été don- né, eût été capable, sans doute, de produire, dans le petit espace d'un théâtre, l’illusion d’u- ne perspective très-étendue; de même il n’est pas toujours nécessaire d’avoir un grand ter- rain, de faire des dépenses considérables pour obtenir le devant d'un grand tableau: il suffît simplement que les différens plans soient bien disposés et bien sentis; il faut que l’étendue de la perspective soit proportionnée à l’impor- tance et â la masse de l’habitation. Plus une maison est grande, plus elle exige une vaste découverte dans son ensemble; par conséquent plus il y a de terrain et de choses perdues pour l’agrément des détails. Dans une petite mai- son, au contraire, on peut profiter de tout. ( 24 ) même se passer des lointains, ou du moins s’en faire aisément sur son terrain : il est même pos- sible d’en obtenir, si vous êtes près d’un bois, par l’eflbt des coups de jour habilement mé- nagés. Un paysage entièrement bocagé pour- rait, à la rigueur, suffire à la petite maison, lui procurer une foule de détails d’ombrages et d’asiles charmans. En cela, comme en bien d’autres choses, que d’avantages l’honnête mé- diocrité n’a-t-elle pas sur la splendeur et la ri- chesse I Faites votre esquisse au crayon; ce moyen laisse la facilité d’effacer, de corriger, de subs- tituer; il présente les principales formes des objets, et la disposition générale des grandes masses de l’ensemble. Méfiez-vous d’un dessin bien terminé; il vous séduira s’il sort de la main d’un artiste habile, vous déterminera sans doiitu: voyez, considérez et jugez. Crai- gnez de vous exposer à ne pas obtenir les effets de la nature; il vaut mieux gagner que de per- dre dans l’exécution. ' L’esquisse de l’ensemble étant achevée, ré- fléchissez, observez de nouveau le terrain, les points de vue, enfin tous les détails; portez em ( 25 ) suite votre attention sur l’ensemble d u tableau , sur rordonnance générale de la disposition qu’elle présente, et toujours avec l’idée la plus simple, la plus facile. Malheureusement cette idée simple et facile est presque toujours la der- nière à se présenter. Après l’esquisse, arrêtez votre plan, dont la facilité d’exécution vous sera entièrement démontrée. C’est alors que, d’après un des- sin plus fini, l’artiste pourra terminer l’en- semble de sa composition; il exécutera le plan qu’il a conçu. Voulez-vous faire quelque chose de grand, ne regardez pas à la dépense de quelques ta- bleaux ; il en coûtera bien davantage pour des variations continuelles et des retouches sur le terrain , retouches aussi fatigantes que dis- pendieuses, auxquelles vous n’échapperez ja- mais sans ce point d’appui. Si des gens dépourvus de talent, d’invention, hors d’état de pouvoir rendre leurs idées sur le papier, cherchaient à vous en imposer par leurs discours, en disant qu’il est inutile de faire des plans en ce genre; qu’il faut aller au jour le jour , et commencer par faire un tableau ( «6 ) avant d’avoir disposé le local, ces gens-là cher- chent à vous abuser, à vous tromper; suivre leur avis, ce serait commencer un roman par la fin, et une copie avant l’original. 11 est aisé de juger que l’antécédent de toute composition est l’idée du compositeur : or, pour composer un paysage, et le rapporter sur le terrain, le dessin est la seule manière d’exprimer ses idées, de s’en rendre un compte exact avant l’exé- cution. J’ai présenté le tableau des dilFérentes dégra- dations que la prudence semble devoir exiger dans la combinaison d’un ensemble; je dois encore indiquer quelques moyens pour rap- porter le plan sur le terrain. J’ose assurerd’ob- tenir alors les mêmes effets dans la nature, eu égard à la disposition des objets, à leur dis- tance, à leurs proportions respectives, et sur- tout à la facilité de la main-d’œuvre. Le point où le tableau a été dessiné doit servir de place pour le rapporter; il servira en- core de point d’appui et de départ pour toutes les opérations du tableau. Ainsi de la disposition naissent le charme, la fraîcheur et tous les agrémens d’un beau ( 27 ) Jardin. Les arbres sont les mêmes que ceux d’un lieu monotone. C’est donc du seul em- ploi des matériaux que l’on obtient les diffé- rents effets. Le génie Ne compose pas ; il corrige, il épure, Il achève les traits qu’ébauche la nature ; Pour embellir les champs simples dans leurs attraits, Gardez-vous, artistes, d’insulter à grands frais. Ce noble emploi demande un artiste qui pense. Prodigue de génie et non pas de dépense; ■Moins pompeux qu’élégant, moins décoré que beau. Un jardin, à nos yeux, est un vaste tableau. Soyez peintre; Ne prêtez point au sol des beautés qu’il refuse. Avant tout connaissez votre site, et du lieu Adorez le génie et consultez le dieu Ce que votre terrain adopte avec plaisir. Sachez le reconnaître, osez vous en saisir : C’est mieux que la nature, et cependant c’est elle; C’est un tableau parfait qui n’a point de modèle Devinez les moyens, présentez les obstacles. C’est des difficultés que naissent les miracles. ( Delille, Jardins, chant C‘. 'j Des masses vigoureuses, placées sur les de- vans, donnent de l’effet à la perspective; une large bordure qui termine les objets empêche ( 28 ) la vue de se distraire et de s’égarer hors du tableau. Le cadre d’uii tableau sur le terrain est na- turellement produit par son avant-scène, ou les masses de devant : ce cadre , ou avant-scène, peut être composé de plantations, pourvu que les masses en soient grandes, et surtout bien appuyées. Une décoration placée derrière l’a- vant-scène, et de laquelle on pourrait voir dans les coulisses , ne produirait assurément aucun effet de perspective. Cherchez à rappro- cher le plus possible de vos fenêtres les masses de celte avant-scène, et sans aucun intermé- # diaire; c’est le moyen d’amener, pour ainsi dire, le paysage jusqu’à l’appartement, et de se procurer de l’ombrage au sortir de la maison. Yous ne pourrez jamais approprier et placer vos lointains dans un juste effet de perspective sans des massifs bien disposés, sans un cadre ou avant-scène, dont les masses vigoureuses, en faisant fuir tous les massifs subséquens , ainsi que les loin tains, rendent l’effet et l’accord d’un agréable paysage. Sans un plan bien disposé, il est impossible d’obtenir des effets intéressans dans l’ensemble, une liaison et une connexité ( ^9 ) jjarfaite avec le pays extérieur, enfin une sorte de translation naturelle avec les différens effets de promenade. A la plus grande dépense, joi- gnez le tourment d’un entretien minutieux, ajoutez des disputes interminables avec votre jardinier, tels sont les désavantages qu’offre un plan mal conçu. Tous répandez, vous im- primez même sur votre enceinte ce caractère triste et morne qu’offre toujours l’aspect isolé de la nature végétale, si vous n’y joignez pas le gai spectacle de la nature animée. Donc vous ne parviendrez jamais à obtenir cette douce jouissance des véritables beautés, des grands effets de la nature, si vous ne lui donnez d’a- bord de belles formes, et si vous ne lui laissez après le soin de s’arranger elle-même. L’effet pittoresque consiste dans l’unité de l’ensemble et dans la liaison des rapports. Ce n’est donc pas assez d’avoir indiqué le vérita- ble point d’appui pour la formation du plan général, et la manière de le rapporter sur le terrain; je dois encore revenir sur la nécessité de bien lier tous les objets qui font partie du plan générai : faisant partie du même aspect, ils doivent nécessairement concourir à former l’imité de rensemble et sa convenance sons tous les rapports. On ne pourra jamais bien approprier les fonds du pays, si le terrain intérieur n’est pas entièrement confondu , et pour ainsi dire a- malgamé avec le terrain extérieur. La moindre séparation, l’écartement le plus léger, forme- rait tache dans le tableau. Pour éviter les ta- ches que la ligne de clôture ne manquerait pas d’y faire, on a la ressource de former devant les murs, dans le cas où il s’en trouverait, de fortes plantations, afin d’en dissimuler l’ap- parence et de les masquer entièrement. Vis-à- vis les points de vue , on peut placer des fossés pleins d’eau, ou des fossés à sec, revêtus en maçonnerie, ou enfin une palissade à pointe au milieu, et dont la hauteur n’excéderait pas le niveau du sol. On peut encore remplacer la palissade par un mur; ce moyen facilitera pour s’approprier les fonds du pays. Un bel aspect est une sorte de propriété d’autant plus agréa- ble, qu’en contribuant à la beauté et à l’en- semble du local particulier, il appartient à tous, et que chacun en jouit. Ecoutez la nature; ( 3. ) Je l’entends qui vous dit: Homme faible et borné. Trop heureux de jouir, pour créer tu es né; Pygmée audacieux, tu crois dans ton délire Te jouer de mes lois et braver mon empire ; Tu veux briser les rocs dont s’offense ton œil. Ils repoussent ton or, ton fer, et ton orgueil. Tes pénibles efforts soulèvent-ils l’arène. Un mont factice et nain déshonore la plaine, D’un fleuve désiré tu creuses le canal. Et tu fais regretter le limpide cristal. Le mouvement pressé de ces eaux fugitives. Qui de vie et de frais enrichissent leurs rives. Mes trésors sont épars; et, riche en tous les lieux, Je présente partout des beautés à tes yeux. Vouloir les transporter c’est vouloir les détruire; Sache m’étudier, et je saurai t’instruire. ( Chant V.) ( 3^ ) CHAPITRE III. Différence entre la Vue vague , la Vue pittoresque et la V ue bornée. Un voyageur est parvenu sur des hauteurs, d’où la vue embrasse une vaste étendue de terrain. Ses yeux inquiets, que rien ne fixe, s’écartent sur tous les diflerens aspects comme sur les divers points d’une carte géographique. Dans tout ce qu’il aperçoit, rien ne lui est familier et ne lui est propre, rien n’est à sa portée et n’arrête de préférence ou ses pas ou ses regards. Descendu de la montagne, le voya- geur remarque, près de son chemin, un joli vallon ; l’entrée en est resserrée par quelques groupes d’arbres heureusement disposés. Il y porte ses pas: dans un petit bois touffu il trouve la source rafraîchissante qui va le désaltérer, et le tapis de verdure qui semble l’inviter au doux repos. Le voyageur, entraîné par l’aspect de ces beaux lieux, suspend sa course; un ( 53 ) charme secret, dont il ignore la cause, le re- tient ; il se retire lentement pour jouir plus long- temps de la vue de ces objets enchan- teurs. Placé sur le sommet de la montagne, le pays qu’il découvrait était l’univers pour lui, et le vallon lui paraît un lieu de délassement, une espèce d’abri, une sorte de domicile que la nature semble lui offrir, et dont elle a fait tous les frais. La variété des objets qui se succèdent conti- nuellement dans un voyage, dans une excur- sion, dans une promenade, empêche qu’on ne soit fatigué de leur disposition vague et con- fuse; mais le pays où l’on s’arrête avec plaisir , et à plus forte raison le lieu choisi pour sa de- meure, doit être plus ou moins borné, selon l’importance du bâtiment. Une vue trop vaste ne saurait convenir à l’habitation d’un ménage ; dès-lors on sentira la nécessité d’un cadre et de ses proportions relativement aux conve- nances du domicile. En cela, comme en toutes choses, l’essentiel est de savoir se borner. Ainsi de vos dessins, méditez l’ordonnance, Des sites, des aspects, méditez la puissance. ( Jardins.) 3 ( 34 ) :î: CHAPITRE IV. Des Tableaux , de (a Décoration ^ et des effets qui en résultent. L’ensemble est toujours déterminé par deux points donnés, celui de l’habitation et celui de la situation environnante : c’est donc l’artiste qui doit présider à l’exécution de cet ensemble; il doit toujours se rendre un compte exact du plan qu’il a tracé : de cette négligence, il ré- sulterait que la perspective et la multitude d’objets qui conconrent à rembellissement d’un grand espace de terrain, ne pourraient être dis- posées que d’une manière confuse et cho- quante. Les détails, au contraire, n’étant-assu- jétis à aucun point donné, deviennent plutôt un objet de goût et de choix, qu’une affaire de comi)inaison et de règles. C’est principalement à l’artiste de choisir et de proposer les détails : on conviendra faci- ( 35 ) • . îement de cette vérité, en réfléchissant que rinvention des tableaux et des décorations lui appartient; qu’il doit toujours indiquer une scène analogue qui parle au cœur et à l’inia- ginalion; effet qui manque souvent dans de très-beaux tableaux, surtout lorsque le peintre n’est pas poète. Horace a dit : 11 en est de la poésie comme de la peinture. [Ut pictara po'èsis.) 11 aurait également dû ajouter la musique. Ces trois arts sont inspirés par le meme sentiment; ils ont tous le même but, celui de charmer et d’imiter la nature : ils ne ditfèrent entr’eux que dans la manière de produire des effets et d’exciter les passions. L’artiste qui négligera de toucher le cœur pour s’attacher à parler aux yeux et aux oreilles, ne sera jamais qu’un sujet méîliocre. Amans fortunés de la nature, voulez-vous en sentir les beautés, suivez mes avis; attendez l’instant où les oiseaux de la basse-cour seront éveillés, celui où le coq orgueilleux ne fait plus entendre le chant du matin; choisissez, pour en bien étudier les détails, ce moment délicieux où la fraîcheur et le lever de l’aurore ( 36 ) semblent rajaiiiiir l’univers, (^est alors que la terre s’embellit à l’approche de l’astre vivifiant qui la féconde. Les pleurs de la rosée, attachées aux feuilles, semblent autant de pierres pré- cieuses. Le soleil, en les animant, les pare de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. Les fleurs exhalent un plus doux parfum, qui se répand et se communique à l’air, qui en est embaumé. Le zéphir léger entraîne ces douces émana tions, pour les porher plus loin. Les oiseaux font en- tendre leurs concerts harmonieux, chantent leurs amours, et cherchent à calmer l’ennui de leurs tendres compagnes. Déjà le jeune pâtre ouvre sa bergerie; il conduit son troupeau dans cette prairie, dont la belle verdure repose si agréablement*les yeux. L’abeille industrieuse va butiner le miel de vos tables, et la cire qui doit vous éclairer. Le papillon, sorti de sa chrysalide, parcourtleschamps, et fait admirer les superbes couleurs de ses ailes. Tel est le tableau d’un beau matin. C’est derrière les cadres des grands tableaux qu’il faut chercher les promenades intéres- santes: je vais en tracer les détails; ils forment, pour ainsi dire, une galerie de petits tableaux ( ^7 ) qu’il faut examiner scparémcut , après s’èîre bien pénétré du tableau principal. Près des grandes masses du cadre ou de l’avant^scène , on doit trouver, en sortant de l’habitation, un sentier ombragé d’après un dessin agréable; il sera la route pour conduire plus aisément aux endroits les plus intéressans du parc. Ce sera un bocage où des rayons de lumière joueront à travers le feuillage; le cristal d’une fontaine y réfléchira les couleurs de la reine des fleurs, qui se plaît sur ses bords. Le doux murmure des eaux s’unira aux accens mélo- dieux dePhilomèle, aux chants amoureux des hôtes des forêts , et le parfum des heurs con- tribuera au charme que ce lieu doit inspirer. Plus loin se présente un autre bocage d’un genre mystérieux : une urne, de forme an- tique, posée sur un stylobate, renferme les cendres de deux amans fidèles; un simple lit de mousse, placé dans le creux du rocher, peut servir aux lectures, à la conversation, aux rêveries du sentiment, et de retraite à l’amant malheureux. A quelques pas de distance, un bois impé- ( 38 ) nétrable aux rayons' d’un soleil ardent et à la pluiey offrcT l’asile des amans heureux; les sta- tues de l’Hymen et du fds de Vénus indiquent l’entrée du lieu. A l’extrémité du bois est un ruisseau qui, par le cristal de ses eaux, invite à se reposer sur ses bords, à se désaltérer et à se baigner dans ses ondes pures. Un ombrage épais procure l’avantage d’un repos salutaire. Dans un vallon bien sombre , bien solitaire, sont des rochers couverts de mousse, dont l’âge paraît remonter jusqu’aux premières généra- tions des hommes. L’eau, tombant a grand bruit, forme la cascade, et se convertit en écume. Bientôt le vallon se resserre ; le chemin^ devenu plus étroit, laisse à peine le passage par un sentier tortueux et difficile. Mais quel spectacle s’offre tout-à-coup! A travers les ca- vités des rochers éloignés s’élancent de tous côtés des eaux limpides et brillantes; les rocs, les racines , les arbres entremêlés dans le cou- rant, varient les obstacles, et présentent un passage chancelant. Le bruit et la forme des cascades, variées de cent manières différentes, ne laissent entendre que le cri sinistre des oi- seaux voraces. ( 3g ) Des bois environnent la place, et leurs épais feuillages se courbent et s’entrelacent sur les eaux écumantes. Des groupes d’arbres, heu- reusement disposés, en donnant un elfet sur- prenant de clair-obscur et de perspective, sem- blent animer la scène. Le bord du lac est orné de plantes aquatiques, de plantes odoriféran tes et de buissons de fleurs. Quelques rayons de lumière, réfléchis par le brillant des cascades, éclairent seuls ce réduit mystérieux, où règne ce jour si doux qui convient également à la beauté, à la mélancolie et au repos. Dans un terrain profond et retiré , une eau calme et pure forme vin petit lac; la lune, avant de quitter l’horizon, semble se plaire à con- templer dans Fonde les reflets de son disque argenté. Les bords du lac sont entourés de peupliers; sous leur ombre paisible est un mo- nument érigé à la mémoire d’un homme dont le génie brûlant éclaira le monde. 11 fut persé- cuté, parce qu’il voulut s’élever au-dessus de la vaine grandeur, et depuis sa mort une foule d’insensés ont fait siffler contre lui les serpens de l’envie Le profond silence règne dans cette retraite, et cet Elysée, consacré au bon- ( 4o ) heur paisible, fait naître les pensées austères et les jouissances de Tâme. Tantôt un bois de chênes antiques rappelle les temps où les Druides allaient chez les Gau- lois, nos aïeux, cueillir le Gui sacré. Dans le lieu le plus retiré de la foret, est un temple qui offre à la méditation un asile silencieux. C’est là que le poète, le musicien, l’artiste, viendront rêver, pour n’être point distraits dans leur en- thousiasme divin; c’est là qu’ils trouveront ces idées inspiratrices qu’ils doivent exprimer dans leurs compositions. Dans un vallon étroit, et loin du bruit, coide un petit ruisseau sur un lit de mousse. Les pentes des montagnes sont couvertes de fougères, et des bois environnent cette soli- tude. Ce lieu renferme le petit ermitage dont un philosophe fit sa retraite. Sur le bord d’un vaste lac s’élèvent d’arides rochers; sur leur cime orgueilleuse croissent les pins , les sapins et les genévriers tortueux* Le terrain inculte offre partout l’image d’un désert. Ce lieu semble être séparé du reste de la nature par une chaîne de monts élevés et de rochers escarpés. Le peintre vient chercher ( 4> ) des sujets de tableaux dans cette autre Thé- baïde; l’amant malheureux, l’époux infortuné, privé de sa douce compagne, font retentir les échos de leurs plaintes, et viennent y chercher un remède à leurs peines cuisantes. On lit sur les rochers les noms des objets dont on dé- plore la perte, et des chiffres enlacés rappellent les temps de bonheur. Au travers d’un bois de cèdres du Liban, un sentier peu fatigant conduit au sommet d’une haute montagne, au pied de laquelle serpente la rivière, qui arrose des prairies fer- tiles. De cette éminence, l’œil plane sur un vaste horizon, couronné dans l’éloignement par un amphithéâtre de montagnes. Déjà le soleil commence sa course, et dore les cam- pagnes de ses rayons éclatans. Les vapeurs se dissipent à son aspect ; de longues ombres pro- jettent les arbres, les fabriques et les coteaux. Sur le tapis de verdure, émaillé de la fleur des champs, et encore brillant des perles de la rosée, mille accidens de lumière enrichissent cet admirable tableau. Le faux philosophe, ayant épuisé tous les systèmes , doit être forcé, après avoir été témoin de ce spectacle ravis- ( 42 ) sant, de reconnaître l’Être des êtres, et le dis- pensateur de toutes choses. Bientôt l’attrait des ombrages, et l’aimable verdure des prairies, rappellent dans la vallée pour y reposer les yeux fatigués de la vue de ce tableau éblouissant. Au pied de la montagne est un petit bois, où le lierre, uni au chèvre- feuille, au houblon, à la vigne-vierge, s’élan- cent amoureusement autour des arbres, et forment au-dessus de la tête des guirlandes et des festons entrelacés. Les tapis de mousse et d’herbes verdoyantes y sont rafraîchis par le cours de petites sources entourées par des buis- sons d’églantiers et d’aubépines. Le rossi- gnol, la fauvette, se plaisent à faire retentir le bois de leur brillant ramage. Quelques lits de mousse servent de lieu de repos pour écouter nos chantres aimables : on entend leurs con- certs mélodieux avec d’autant plus de plaisir, que l’air est embaumé par le parfum de la rose, de l’aubépine; par l’odeur de la modeste vio- lette, du lys des vallées, ou du muguet. Ces fleurs croissent avec profusion dans toutes les places de ce joli bois, qui sont percées de lumière. ( 43 ) Sortant de ce lieu de délices, on parvient dans de vastes enclos de prairies qni s’étendent jusqu’à la rivière; elles servent de pâturages à de nombreux troupeaux. Groupés de ditî’é- rentes façons, les uns bondissent sur la pe- louse, les autres pâturent paisiblement, d’au- tres, enfin, sont couchés. La liberté dont ils jouissent, leur état constant de quiétude, con- tribue beaucoup plus à leur engrais que la saveur de l’herbe fraîche et fleurie dont ils se repaissent. Quelques massifs de saules, d’aulnes, de peupliers, présentent leurs ombrages, et con- rluisent vers un pont, ou auprès d’une bar- que. C’est en cet endroit qu’on traverse les leux bras de rivière formés par une île. Un Dois de myrthe et de lauriers laisse aj)ercevoir un autel antique. Le parfum des bois fleuris, lont nie est entièrement plantée, et les ruines l’un temple, indiquent que ce lieu fut jadis consacré à l’Amour; maintenant c’est un pas- sage, et la cabane du pasteur, appuyée contre es ruines du temple, les rend méconnais- sables. De l’autre côté de la rivière est l’enclos de la métairie, dont on aperçoit les bâtimens sur le coteau voisin. Un sentier qui circule dans toutes les parties de l’enclos , est planté de groseilliers, de framboisiers et d’arbres nains. La terre ne cesse jamais de rapporter, et pro- duit toujours. Celle qu’on laisse ordinaire- ment en jachère, est ensemencée des plantes les plus convenables à la nourriture des bes- tiaux qu’on y fait pâturer, et dont le séjour fertilise singulièrement les enclos. Le bœuf et la vache y ruminent en y)aix; le jeune agneau bondit auprès de sa mère, la chèvre y déploie son caractère capricieux et insubordonné; le jeune cheval, ce compagnon de l’homme, re- lève sa crinière, et s’avance fièrement; souvent il joue, et, glorieux de sa liberté et de son indé- pendance, il hennit, part, et, dans sa course rapide le feu semble sortir de ses naseaux. En avançant toujours dans les autres enclos, de nouveaux objets se présentent à la vue. Ici le laboureur conduit sa charrue en chantant; ses plus jeunes enfans folâtrent autour de lui, tandis que les aînés, plus en état de travailler, arrachent les mauvaises herbes dans le champ déjà semé. Le travail épargne à l’enfancc, à la ( 45 ) jeunesse, le désordre des passions; il épargne les maladies, il soutient la santé, et il prolonge la vieillesse, qui, dans les campagnes, est rare- ment affligée de ces infirmités si communes dans nos villes. Le laboureur, dans son rude travail, échappe à l’ennui; il rentre à la ferme toujours gai, joyeux, et toujours plein d’ap- pétit. 11 semblerait que l’ennui aurait été le partage; et en quelque sorte l’apanage de la richesse et de la vaine grandeur. Mais il est temps de terminer notre prome- nade. Un verger, ou même un bois d’arbustes, ramène au manoir, asile du bonheur et de la paix (i). . Dans ce chapitre, j’ai simplement voùlu offrir un faible échantillon des beautés et des variétés qu’on peut trouver dans la nature. C’est en vain que j’entreprendrais de présenter toutes celles dont elle serait susceptible; la diversité des cultures, les inégalités du terrain, la dîIFérence des mêmes objets, considérés sous divers aspects ou aperçus de différens (î) Voyez la description du verger de Clarens, dans la iSoavelle Héloïse, tonne V, lettre I‘*. ( 46 ) points, enfin la fécondité des tableaux que présente la nature et les inventions de Tartisle ne peuvent manquer d’ofiVir une telle variété d’objets de détails, qu’on ne peut etre embar- rassé que du choix. Dans l’ensemble , comme dans les détails , on ne doit jamais contrarier la nature, et sur- tout vouloir imiter ses grands écarts. Vos ef- forts ne serviraient qu’à faire paraître votre im- puissance. Faites attention que, dans les détails, tous les bàtimens, ou les places de repos que vous désirez établir, soient toujours déter- minés par le choix des points les plus intéres- sans, et particulièrement par le caractère du local, caractère qu’il est souvent au pouvoir de l’artiste de renforcer, jusqu’à un certain point, dans les détails. Pour l’intérêt de la variété, il ne faut jamais empêcher de tirer parti de la vue des cimes des montagnes. Déployés avec ostentation, ces aspects à perte de vue et à vol d’oiseau sont rarement pittoresques ; ils fatiguent les yeux et ne peuvent long-temps arrêter les regards du spectateur, qui ne les contemplera jamais avec plaisir. Il est nécessaire de s’en tenir, pour ( 47 ) les détails, aux mêmes principes que pour l’ensemble. Ces objets doivent avoir chacun un effet qui leur est propre, et un cadre particu- lier. Le grand ensemble sera une promenade pour les yeux et un tableau général pour la raison. Les détails que vous formez par les plantations entremêlées doivent être autant de petits tableaux à part, comme les différens points de repos établis dans la promenade. Il faut qu’on s’y arrête, et qu’ils présentent de l’agrément; car il ne suffit pas d’écarter la sy- métrie, et d’abandonner les objets au hasard, pour atteindre et produire l’effet de la belle nature, souvent défigurée de tant de manières différentes. Des vallées agréables , des prairies fertiles, sont devenues des marécages impra- ticables, au moyen de moulins mal établis, qui ont fait remonter le niveau des eaux au- dessus du niveau des terres. Des arbres ont été plantés là où il n’en fallait pas; d’autres ont été abattus là où il en fallait. Dans quelques jar- dins les arbres ont été taillés en raquette , en boule, en éventail, en muraille. Les buis et les ifs ont été métamorphosés en lustres, en pyramides, en cerfs, en chevaux , en chiens, I (48 ) eu fauteuils, etc., et ne paraissaient jamais dans leurs formes naturelles, ni sous leur vé- ritable aspect. Enfin, dans un parc de Hol- lande, il existe une chasse au cerf, suivie d’u- ne meute, de veneurs, entièrement taillée dans les ifs et dans les buis. Les Hollandais ont long-temps regardé l’if, le buis et -autres arbrisseaux taillés en formes d’animaux, comme un très-bel ornement dans les jardins; et même ils y mettent quelquefois des yeux d’émail. Ils ont souvent placé dans leurs parterres des formes d’animaux ou de fruits faits en fil de fer. On remplit ces moules de terre , dans laquelle on sème des graines à travers les fils. La plante levée imite assez ce qu’on a voulu représenter. Le persil et le cer- feuil sont employés avantageusement pour cet effet. La Fontaine a dit quelque part, on tient toujours au lieu d’où Ton vient. Au rapport de Pope, un excellent cuisinier de Londres ayant fait fortune , avait embelli, sa campagne d’un dîner tel qu’on en sert à la cérémonie d’un couronnement. Le philosophe anglais critique vivement ce goût singulier, et pour se mo- ( 49 ) quer des amateurs dejcette sorte de merveil- les, il en fait un eatalogiie fort plaisant. Dans des jardins on voit, dit-il, l’arehe de ]\oé en houx, dont les côtés sont en assez mauvais état faute d’eau; un saint George en *biiis, dont le bras n’est pas tout-à-fait assez long, mais qui pourra tuer le dragon au mois d’avril prochain; une reine Elisabeth en til- leul, tirant un peu sur les pâles couleurs, mais à cela près croissant à merveille; une vieille fille d’honneur en bois vermoulu; plu- sieurs grands poètes modernes un peu gâtés ; un cochon de haie vive, devenu porc-épic, pour avoir été laissé à la pluie pendant une semaine; un verrat de lavande, avec de la sauge qui pousse dans son ventre; deux vier- ges en sapins prodigieusement avancées, etc. Au-devant du manoir, jadis le froid parterre D’un dédale de buis dessina le coup-d’œil; Les cyprès et les ifs d’un feuillage de deuil, En globe, en vase, en mur, noircissaient les allées. Sur d’arides sablons, au cordeau nivelées; Le fer mutila tout: l’arbre sans liberté N’osa de ses rameaux montrer la liberté. Mais il est une nature vierge et primitive 4 dont les effets ne peuvent manquer d’inté- resser; elle est le but qu’il faut saisir, connaître, atteindre, pour l’imiter ensuite; elle présente les endroits épars que la peinture irait chercher, pour en retracer la belle ordonnance. Enfin c’est la nature choisie qu’il faut s’efforcer d’in- troduire et de disposer dans une composition. La vue d’un grand chemin ne laisse aper- cevoir que du pays , et il en est de même dans le tableau d’un artiste peu habile; mais un paysage, une scène poétique, doivent offrir une situation choisie, je dirai même créée par le goût et par le sentiment. ( 5> } CHAPITRE V. De la possibilité de tirer parti de toutes les situations. Lorsqu’il est permis de choisir, il se trouve sans doute des situations plus ou moins préfé- rables; car plus la nature a fait pour nous, moins elle nous laisse à faire. Mais il n’est point de situation qui n’ait son mérite parti- culier et son caractère distinctif. D’un côté, la situation se trouvera dans la variété et dans le jeu du terrain ; de l’autre, dans le brillant des eaux. Telle situation réjouira par le spectacle animé d’une population nombreuse, telle autre plaira par la richesse et la beauté de ses pro- ductions. Le talent de l’artiste consiste à bien saisir, à développer et à présenter avec avan- tage le mérite de chaque chose. Le terrain ressemble à la toile sur laquelle le peintre doit faire son tableau : les choses mal faites, il les corrige, les efface, conserve les bonnes et sup- ( 52 ) plée au reste. Il faut se contenter de ce que nous a donné la nature , se passer de ce qu’elle refuse, et ne jamais se laisser décourager par les difficultés qu’elle présente; il arrive sou- vent de voir une superbe femme, ne pré- senter à l’œil que des beautés statuaires. Le plus grand défaut d’une physionomie est de manquer d’esprit et de mouvement. Il en est de meme de la physionomie d’un terrain ren- fermé par des murailles, ou défiguré par la règle et par le compas. La situation la plus difficile à traiter est la plaine entièrement plate et dénuée d’eau, telle que la plupart des plaines situées dans les en- virons de Paris- Ces dernières, cependant, offrent souvent des villages , des montagnes à l’horizon; souvent des collines et des vallées formées par l’écoulement des eaux. Piien n’em- pêche donc de bien choisir ses fonds, ses loin- tains, de bien former ses plans de devant avec des plantations, et de bien se lier au tableau général. Autour des écuries , cachées en partie par des arbres, et situées dans un vaste enclos, les chevaux pourraient s’ébattre en liberté sur la ( 53 ) pelouse. Une fontaine, ou, àsondéüiut, un abreuvoir, avec quelques groupes d’arbres heureusement disposés, pourrait fournir le sujet d’un charmant tableau. Dans un bois taillis, entouré de palissades, on peut construire une ménagerie, où les ani- maux pourraient paître en liberté; au milieu du bois, une cabane rustique servirait de lo- gement au garde de la ménagerie. Un verger, avec un gazon, où de beaux groupes d’arbres et de pampres verdoyans qui monteraient et s’entrelaceraient parmi les bran- ches , offrirait à la fois les dons de Bacchus et ceux de Pomone. Les variétés d’une pépi- nière sans alignement; les divers enclos de culture, ceux des jachères où l’on met les bes- tiaux ; le tableau de la ferme , celui de la lai- terie ; enfin le potager maraîcher, orné d’une maison pittoresque pour le jardinier, offriraient successivement des objets intéressons. En se rapprocîiant de la maison, le compositeur peut placer un joli parterre au milieu d’un bois d’arbustes. Un jardin d’hiver, composé des arbres et arbustes toujours verts, pourrait, du côté du ( 54 ) niidi, n’étre séparé du salon d’hiver que par une serre chaude. Dans la saison des frimas, cette serre présenterait de l’appartement l’illu- sion de la température et des couleurs du prin- temps. Les châssis de la serre, qui, pendant l’été, seraient supportés par une colonnade, pourraient s’enlever et laisser, au milieu d’une rotonde découverte, s’exhaler le parfum des orangers, qui, par ce moyen, resteraient tou- jours plantés en pleine terre. Un parc symétrique, renfermé comme une prison , obstrué de tous côtés par des murs de charmille, dont la hauteur ne laisse aucun passage, soit aux rayons du soleil, soit à l’in- fluence des vents, qui, chassant les vapeurs, empêcheraient ce lieu d’être triste, humide et malsain ; un endroit semblable paraîtra peut- être plus difficile à traiter qu’il ne l’est en effet. Montez au faîte de la maison , et de cet obser- vatoire réfléchissez au parti que vous prendrez. Choisissez ce qui vous convient, regardez comme non avenu ce qui vous déplaît , et ce que vous conserverez vous donnera l’avantage d’avoir de belles masses toutes venues. Le meilleur parti , dans cette circonstance, est de ( 55 ) pouvoir faire entrer dans l’abatis toutes les allées droites qui pourraient être vues de la maison, et surtout si les bois sont vieux; car, en cherchant à masquer ces allées, il serait impossible d’en effacer suffisamment les lignes et les ouvertures parle moyen des jeunes plan- tations. Dans tous les terrains montagneux se trou- vent des vallées, et très -ordinairement des eaux. Ainsi le compositeur aura les matériaux les plus importans à sa disposition ; c’est à lui de les employer d’une manière convenable. Les montagnes offrent, en général, un très- grand avantage dans une belle composition; elles appartiennent toujours à un pays tour- menté , et par conséquent susceptible d’un grand nombre de variétés. Les profondeurs des vallées sont ordinairement arrosées par des ruisseaux; les sommités et les revers offrent sans cesse des aspects différens ; souvent des chutes d’eau , tombant des montagnes ou des rochers, peuvent fournir de très-grands effets. On remarque trois circonstances où les mon- tagnes présentent des difficultés à l’artiste pour les placer heureusement dans son tableau. ( 56 ) i". Si les montagnes venaient à trop se res- serrer, de manière à ne laisser entre elles, de- vant riiabitation, qu’un vallon étroit et maréca- geux qui ne laisse apercevoir aucun lointain. Cette situation serait sans doute bien solitaire, mais néanmoins on peut en tirer des tableaux fort intéressai! s. Par le dessèchement du marais , il est facile d’obtenir un ruisseau ou une petite rivière qur arroserait le vallon. Cette rivière , qui tantôt s’approcherait ou s’éloignerait de l’escarpement du terrain , pourrait successivement recevoir la réflexion des objets plantés sur ses bords. Si le ruisseau des bois emprunte sa parure, La rivière aime aussi que des arbres divers, Les pâles peupliers, les saules demi-verts. Ornent souvent son cours. [Jardins, chant ni.) 2®. Si les montagnes sont trcs-rapprochées de la maison, par la majesté de leurs masses, couvertes de bois, elles peuvent faire les de- vants d’un paysage d’un grand style. 5®, Dans le cas où les montagnes se trouve- raient à une distance très-rapprochée et en face ( 57 ) de la maison , c’est alors le cas de planter des arbres sur les sommités, ou de disposer les bois en amphithéâtre, de manière a profiter et à faire valoir toutes les inégalités du terrain. On ajouterait à l’agrément , s’il était possible de former un lac ou une rivière, dans laquelle viendraient se jeter plusieurs chutes d’eau. Une pareille avant-scène, réfléchie dans les eaux du lac, serait un beau plan de devant, pour re- pousser la vue sur le paysage de la vallée, et sur les lointains que l’on pourrait prendre tout- â-fait sur le côté de l’horizon. Ce n’est pas un avantage que de prendre en face le point de perspective ; plus on recule le point sur les bords du tableau, plus la perspective sera éloi- gnée, par la raison toute simple que la diago- nale est plus longue que la perpendiculaire du carré. Si le sol n’offre point ces blocs majestueux, De la nature en vain, rival présomptueux, L’art en voudrait tenter une fidèle image : Du haut des vrais rochers, sa demeure sauvage, La nature se rit de ces rocs contrelails, D’un travail impuissant avortons imparfaits. ( Les Jardins, chant iii.) ( 58 ) CHAPITRE VI. Du grand Style. En examinant les admirables productions de nos grands paysagistes, tels que le Poussin, berghem, Asselin , Paul Poter, Vernet, Ruis- dael, Panini, Yalenciennes , et autres, il est hors de doute qu’il existe des paysages pour toutes les situations. Riche variété, délice de la vue, Accours, viens rompre e'nfm l’insipide niveau; Brise le triste équerre et l’ennuyeux cordeau. {Les Jardins, chant Les palais des souverains et des princes pour- raient être environnés de paysages héroïques, c’est-â-dire dans la manière des grandes et nobles compositions du Poussin. Là des groupes d’arbres majestueux; ici des cascades et des lacs d’une vaste étendue; plus loin des fabri- ques d’un grand style, ornées intérieurement ( 59 ) et extérieurement de superbes statues; tandis qu’une immense découverte et de ricJies loin- tains donneraient à tout l’ensemble l’effet le plus grand, le plus pittoresque et le plus ma- jestueux. Ce genre seul peut convenir aux palais des princes; et dans l’extrême variété dont il est susceptible, chacun trouvera facilement ce qui conviendra le mieux à ses facultés, à sa situa- tion et à son goût. Des ornemeiis de l’art l’œil bientôt se fatigue; Mais les bois, mais les eaux, mais les ombrages frais, Tout ce luxe innocent ne fatigue jamais. ( J ardins. ) ( 6o ) CHAPITRE VII. Des Comparaisons. L’architecture, inventée par les peuples d’Orient, fut perfectionnée par les Grecs, et imitée par les Romains. A l’époque de la re- naissance des arts, le style des Grecs et des Romains se répandit en Europe, et cette in- troduction fît abandonner les formes gothiques adoptées par nos aïeux. A cette époque, l’art des jardins était encore dans son enfance. On crut, dans le xvii^ siècle, que des jardins symétriques avaient un air de grandeur, que des allées tirées au cordeau étaient ce qu’il y avait de plus noble; mais lorsque les archi- tectes du xv!!!*" siècle eurent mieux étudié la nature, ils s’aperçurent bientôt que cette na- ture était préférable aux lignes droites; que de beaux tableaux, de beaux percés, des sur- prises agréables convenaient beaucoup mieux que cette ennuyeuse symétrie, toujours triste, ( 6i ) toujours froide, toujours monotone, puis- qu’elle ne présente aucun intérêt ni aux yeux ni à l’esprit. Je suppose qu’un étranger veuille examiner un château duquel dépend un jardin dessiné d’après les idées anciennes: au premier coup-d’œil, dès qu’il sera sur le perron, il apercevra de suite un parterre, l’extrémité des allées, des charmilles bien peignées, bien ali- gnées : la chaleur, réfléchie par un sable brû- lant, ne peut lui inspirer que le désir de ren- trer dans l’appartement, ou de remonter dans sa voiture. Comment ne pas éviter une pro- menade qui satisfait la curiosité au premier aperçu, qui ne présente aucun intérêt et qui provoque l’ennui? A la mode échappés, craignons un autre écueil ; Pour former d’un niveau runiforme coup-d’œil, Jadis interrogeant le compas et l’équerre, A tout sol inégal le Français fit la guerre : Il crut orner les champs, et les défigura. Ainsi, loin du vrai but Le Nostre s’égara. La nature perdit ses formes variées; Les pentes avec grâce aux vallons mariées, Perdirent tous leurs jeux; plus de lians contours: La descente pleura ses faciles retours; ( 62 ) Sur un mur ennemi des coteaux qu’il efface, La terrasse insipide étendit sa surface ; L’escalier, du vallon cherchant la profondeur. De la pierre et du fer emprunte la roideur; Tous mes pas sont comptés : j’arrive, et la vallée. Sur un plan monotone est encore étalée. Sectateurs de ce genre, eh, ne voyez-vous pas Que la variété fuit devant le compas! Mais le vrai goût enfin vous parle : respectez Des mouvemens du sol les inégalités; N’en désordonnez pas le jeu facile et libre : Des fonds et des hauteurs que le souple équilibre Soit cher à vos jardins, et que le même accord Aux aspects d’alentour les associe encor. Fragment (C an poème Inédit.) A cette froide composition , comparez un jardin pittoresque et bien dessiné : le prome- neur se sent, à chaque pas, entraîné par le charme des variétés que la belle nature offre à ses regards, et par l’éclat et la richesse de ses plus intéressantes productions. Ce jardin, distribué avec goût, conduit naturellement d’abord à observer ses grandes masses, puis à les admirer. On considère avec attention jusqu’aux plus légers détails, parce que tous présentent un intérêt plus ou moins ( 63 ) grand , et que leur aspect fait naître des sensa- tions délicieuses. Si l’artiste a bien tiré parti des différentes situations que lui offrait le ter- rain, l’étranger ne cessera de rencontrer çà et là des accidens heureux. Enfin les malades , les vieillards, les valétudinaires et les personnes les moins habituées à l’exercice de la prome- nade, se laissent entraîner par un charme secret. La promenade donne de la force et entretient la santé; rien de plus naturel pour exciter l’appétit et le repos, surtout dans un lieu où le parfum des fleurs, le chant des oi- seaux, le murmure des eaux, vous retiennent. Des sensations multipliées vous entraînent , les charmes de la belle nature semblent vous appeler pour être les témoins de ses produc- tions, de ses écarts, de son grandiose, de ses variétés infinies, qui se présentent sous toutes les formes, j’oserai dire sous toutes les cou- leurs. ( 64 ) CHAPITRE VIII. De V Imitation. Dans les arts, il n’est qu’un seul maître à fmi- ter : c’est la nature, et toujours elle, qu’il faut suivre et prendre pour modèle. Les ^^rands gé- nies ne se sont jamais écartés de cette règle, et ont produit des chefs-d’œuvre. Les artistes vulgaires sont restés assujétis à la routine. Malheur à celui qui copie! il sera bientôt dé- goûté de son ouvrage , car une copie doit tou- jours être inférieure à l’original. N’imitez jamais le jardin, même celui du voisin le plus rapproché ; car, dans les dé- tails particuliers de chaque terrain, le premier aura des vallons, et le second des collines et un lointain différens de la composition de l’autre. Joignez encore la différence de l’étendue et des proportions du tableau; le terrain n’étant pas le même, ne peut point alors recevoir une ( 65 ) foule de sujets; enfia les compositions des montagnes ou d’un pays aquatique convien- nent-elles à un pays plat ou à un pays sec? Quelle différence d’intérêt, lorsque la situation de l’un ne sera pas celle de l’autre! Lorsqu’un pays a l’avantage de posséder di- vers tableaux faits pour charmer les regards, on pourrait aussi trouver des sujets d’étonne- ment. Dans ces singuliers et prodigieux capri- ces de la nature, on sera frappé sans doute de ces énormes piles de rochers entassées les unes sur les autres. On ne sera pas moins étonné du spectacle imposant et gigantesque de ces vastes montagnes, dont la cime se perd dans les nuages. Les unes furent entr’ouvertes par des feux souterrains, les autres sont brisées par l’impétuosité des torrens, dont les sourds niugissemens semblent encore menacer de tout entraîner. Les écarts de la nature, ses caprices, ont beaucoup d’analogie avec certains grands sei- gneurs. iVu premier abord, tout surprend, étonne à la vue des uns et des autres; mais, comme tout ce qui est disproportionné de- 5 ( 66 ) vient très-fatigant, il en résulte que souvent ils font naître le dégoût, l’ennui, pour ne pas dire plus. 11 faut vivre au milieu de plus doux objets, et avec des hommes sociables. ( «7 ■) CHAPITRE IX. Des Plantations. Après avoir indiqué les înconvéniens qui ré- sultent d’une servile imitation , après avoir traité de Tenseinble et des détails, je parlerai des ditîérens matériaux du paysage, du carac- tère des différentes situations, des plantations diverses, des eaux et des fabriques. Les mon- tagnes et les rochers ne sont pas toujours à la disposition de rhomnie; il est bien rare que tout ce que Tart peut faire à ce sujet puisse égaler les dépenses occasionées par leur trans- port et par leur mise en œuvre. Je commencerai par les plantations, par la raison que les bois sont la plus noble parure de la terre, comme leurs ombrages sont l’asile le plus naturel et le plus agréable. L’emploi de toutes les plantations, relative- ment à l’effet pittoresque, consiste en cinq ob- jets principaux : ( 68 ) r. Etablir des plans de perspeetive, pour lier les plus agréables fonds du pays au point de vue de Tlîabitation. 2°. Former dans les plantations , et par la nature même des arbres, des élévations qui puissent donner beaucoup de relief à un ter- rain même absolument plat. 3®. Cacher tous les objets désagréables à la vue. Donner plus d’étendue aux objets inté- ressans, en dérobant leurs extrémités derrière des massifs de plantations : ce moyen donne lieu â Fimagination de prolonger les objets au- delà du point où on les perd de vue. Cette par- tie exige de grandes combinaisons de la part de l’artiste. 5“. Enfin donner des contours agréables à toutes les surfaces, tant du terrain, des eaux, que des allées. Si des bois, cependant, le compas seul ordonne, A leur penchant natif du moins qu’on abandonne Les rameaux, le feuillage; et qu’un art giimacier, Armé stupidement du monotone acier. Jamais ne les transforme en verte architecture : Même en la subjuguant respectons la nature ; ( 69 ) IniitüMS ces héros, ces sages conquérans, Dont le code, étranger an code des tyrans, Laisseaux vaincus leursbiens, leurs mœurs et leurlangage. Des préjugés, enfin, que le goût nous dégage ; D’une voix de mépris et d’un œil de dédain, Malgré Le Nostre môme, il bannifdu jardin, Ces portes, ces salons, ces remparts de feuillage, Et ces arcs de triomphe érigés en treillage, Et ces bustes humains, ces groupes d’animaux. De l’if pyramidal tourmentant les rameaux; Le Nostre, en adoptant ces formes sans génie. De ses nobles dessins détruisait l’harmonie; Il insultait un art dont il fut créateur. Les arbres sont de düFérentes espèces, qui ont tontes une destination particulière. Pour les grandes masses, on se sert de rorme, du frêne, du hêtre, du châtaignier, du tilleul, du marronier, du vernis du Japon et de l’acacia. Les arbres qu’on appelle aquatiques, tels que les saules, les aulnes, les peupliers, les plata- nes, se plantent au bord des ruisseaux, des ri- vières, des pièces d'eau. Quant aux espèces dites montagnardes, on emploie les pins, les sapins, les genévriers, les cèdres, les bou- leaux , etc. Si la composition d’un parc exige de la mé- ( 70 ) (liîalioii, des talens, de l’expérience, et parti- culièrement beaucoup de goût, soit dans les détails comme dans le tableau général, il n’en faut pas moins pour les plantations. Le ter- rain étant disposé, les pelouses dessinées avec grâce, les lointains bien représentés, les fuyans de la perspective bien conçus, et laissant tou- jours à l’œil le désir de découvrir ce qu’il ne voit pas, d’alimenter l’imagination et même à l’exciter; si votre pelouse reçoit la forme natu- relle qu’elle doit avoir par le moyen d’un mou- vement concave, et en donnant de l’élévation aux divers massifs qui l’environnent , toutes ces précautions seront inutiles si les planta- tions ne répondent pas au mouvement du ter- rain, des eaux, et à la perspective. C’est la na- ture, et rien que la nature, qu’il faut suivre et imiter; elle seule doit être notre maître et no- tre guide ; si l’on s’écarte du modèle on se perd pour toujours. Un parc manqué est un mal sans remède; il faut tout détruire, et l’on ne fait rien de bon en dépensant beaucoup. Après avoir traité les mouvernens du ter- rain conformémnet au plan , avoir trouvé les massifs proportionnellement à la superficie du ( 7> ) terrain qu’ils occupent, le meme plan qui vous a guidés pour la distribution du parc et pour ses mouvemens, doit aussi vous conduire pour les plantations. Le plan étant tracé au crayon, la composition se trouve alors projetée. En dessinant les massifs, on indique les espèces d’arbres que chacun doit recevoir. Avant de passer le plan à l’encre, il faut encore se pré- senter sur le terrain. Si vous doutez de l’effet de la perspective, plantez des perches a l’en- droit des plantations, et, plaçant à leur extré- mité un papier pour les mieux apercevoir, vous Jugez alors des détails et de l’ensemble. L’artiste habitué à ce travail peut quelquefois éviter cette double opération; s’il doute cepen- dant d’un heureux résultat, il ne faut ni pa- resse ni amour-propre mal placé : il doit se convaincre par des faits. Ainsi ayant reconnu les dispositions pour les plantations, après avoir parcouru de nouveau le terrain, s’être présenté sur tous les points et les avoir réflé- chis, car souvent un tableau, un massif, vu d’un point paraîtra merveilleux, et vu d’un au- tre point il produira l’effet contraire. On change alors de place, et on examine l’objet qui occupe ( 72 ) sous tous les aspects qu’il peut présenter. Cet- te operation achevée, on arrête son plan, puis on le termine, La meilleure méthode est de tracer le plan au crayon, puis de le rapporter sur le terrain : c’est alors qu’on corrige et qu’on perfectionne, car souvent le plan sur papier ne laisse pas apercevoir les obstacles que présente le terrain, les ressources, ou les contrariétés que la nature oft’re ou oppose. Pour planter un chemin qui dait être om- bragé, adoptez une seule espèce d’arbres, qui sera déterminée par la nature même du terrain. C’est ainsi qu’il faut toujours en agir, et le seul moyen de réussir en plaçant des arbres sur le terrain qui leur convient. Pour les arbres iso- lés propres à ombrager des chemins ou allées, on choisira parmi les plus grandes espèces qui se trouvent dans le tableau n” i : à la fin de l’ouvrage, j’ai établi la division de tous les ar- bres qui entrent dans la composition d’un parc; elle forme cinq tableaux : n® i , arbres de la plus grande espèce; n®* 2 et 3, arbres de se- conde I aille; n°* 4 arbres à touffes et ar- bustes. Le marronier, qui demande un terrain pas- / ( ) sable, convient parfaitement pour ombrager un chemin; cet arbre, peu difficile à cultiver, vient partout. Ayant plusieurs chemins à ombrager, il faut changer d’espèce d’arbres à chacun; tous les terrains conviennent à l’acacia ordinaire ; le tilleul, qui ombrage très-bien, demande une bonne terre. Dans les terrains frais mettez des platanes et des blancs de Hollande. Je renvoie au tableau n®i, qui contient les noms de tous les grands arbres propres à ombrager, ainsi que la nature du terrain qui leur convient. DES MASSIFS. Rapportez-vous au plan pour planter des massifs; si le premier qu’on établit est compo- sé d’arbres tiges, mêlés de touffes, on plantera d’abord les grands arbres à dix ou douze pieds de distance. Ceux du milieu seront pris dans les tableaux n°* i , 2 et 5. Ensuite, pour former les touffes, il sera fait un choix dans les tableaux n“® 4 5. En formant un second massif on évi- tera avec soin de le rendre conforme au précé- dent, et surtout d’employer aucun des arbres liges qui figurent dans le tableau n® 1 ; les au- ( 74 ) très tableaux laissent une assez grande latitude pour le choix. On ne peut former des massifs que lorque la perspective le permet. Pour les grouper avec art , on place d’abord une forte masse de peupliers d’Italie, une autre de peu- pliers suisses, puis une masse de toutfes sans arbres tiges, et enfin une dernière d’arbres ti- ges avec touffes. Il est impossible de pouvoir indiquer à l’a- mateur ou à l’artiste jardinier l’emplacement des massifs. La situation du terrain peut seu- le servir de guide. Ce qui convient pour un endroit serait déplacé pour un autre. Ainsi le sol, la localité, le pays environnant, sont les objets qu’il faut étudier avant que de ne rien entreprendre. Les massifs plantés en taillis seront cultivés. Le terrain préparé pour les massifs d’arbres tiges en futaies exige du mouvement. Il est in- dispensable que l’herbe orne le dessous de ces arbres et ne forme qu’un seul tout avec les pe- louses. De même que les massifs de futaie, ceux formés d’arbres verts ne doivent pas être cultivés. Les massifs de tous genres seront plantés y ( 75 ) sur un terrain préparé avec du mouvement; il en sera de même pour les arbres isolés. Rien n’imite mieux la nature et n’offre plus de grâce. MANIÈRE DE PLANTER. Les meilleures plantations sont celles qui sont faites depuis la fin du nmis d’octobre jus- qu’à la fin de décembre, si le temps le permet. On plante aussi en mars, mais celte époque est moins favorable, et l’on gagne beaucoup en suivant la première. On ne doit jamais planter, pas même les plantes aquatiques, par un temps pluvieux dans un terrain trop humide. Dans une terre détrempée, l’arbre, qui ne peut se soutenir, chancelle au gré du vent. S’il se trouvait de l’eaù dans le trou disposé pour re- cevoir un arbre, il faut l’épuiser avant déplan- ter. La terre réduite en boue se sèche au prin- temps , et devient tellement dure que l’arbre se trouve emprisonné dans sa racine. La sé- cheresse fait fendre la terre, qui se racornit; et il se forme des crevasses par lesquelles cette sécheresse s’introduit et rend la terre encore plus dure. Pour éviter cet inconvénient, qui ( 76 ) fait périr les arbres, on plantera dans une terre meuble et fraîche. Les trous seront creusés de manière à ce que la racine ne soit pas em- prisonnée. On doit éviter les trous faits en cul- de-lampe, c’est-à-dire, large du haut et étroits du bas. Ils seront creusés carrément, ou aussi larges du bas que du haut. 11 est aisé d’en sen- tir la raison : c’est au fond du trou que doit se trouver la racine; c’est là où elle doit circu- ler et s’étendre; cette racine doit donc trouver une situation et un terrain qui favorisent sa végétation. Dans le cas où des pierres ou du tuf formeraient le fond du terrain, le trou se- ra agrandi et rendu plus profond. Rapportez des terres si le sol en refuse. Pour n’avoir pas pris ces mesures , il arrive souvent que des plantations considérables manquent entière- ment. Mais pour qu’elles soient bonnes, avant de planter il faut défoncer le terrain de deux pieds, et pour recevoir le gazon, défoncer de dix-huit pouces de profondeur. Les arbres verts de même espèce seront plantés par massifs, en observant toujours de placer les grands au iniiieu. Ne mettez jamais, ou du moins très-rarement, des arbres isolés ( 77 ) dans la pelouse. Dans le cas où cela arriverait, choisissez de préférence des arbres à fleurs ou un tulipier, cet arbre devant toujours être planté isolément, ou bien encore quelques ar- bres verts. Mais, je le répète, ces sortes de plantations, qui exigent beaucoup de raison- nement et d’habitude, ne doivent être entre- [)rises qu’après avoir été mûrement méditées. Surtout ne plantez les arbres verts que dans un terrain léger. On ne saurait trop donner de détails pour les plantations : je répète qu’il ne faut pas plan- ter dans une terre trop humide, et jamais dans l’eau. Les arbres aiment aussi la solitude (i); en voulez -vous la plus grande preuve que les tilleuls du Palais-lloyal et les arbres du boulevart du Temple? les premiers, au mois de juin, sontà leur automne, et l’air épais qui les entoure les tue. Le mauvais air exerce sur les arbres le même empire que sur les hom- mes. Un autre inconvénient contribue à leur destruction : au Palais-Royal, comme au bou- (i) Voyez le chapitre ii, page i6 : « La nature, dit un de nos écrivains, fuit les lieux fréquentés, » etc. ( 78 ) îevart, les arbres sont plantés dans des fonds «nlre des allées très-bombées qui renvoient toutes les eaux sur les arbres où elles séjour- nent, où elles n’ont aucun écoulement. Les arbres aiment la fraîcheur, mais jamais l’eau stagnante. Au boulevart, les urines croupis- sent au pied des arbres, qui n’ont pas de plus grand ennemi; en outre la populace les se- coue, les tourmente, et l’air impur qu’ils res- pirent les anéantit. Ces diverses causes sont plus que suffisantes pour les faire végéter, et ensuite mourir. En outre de ces inconvéniens, les arbres du Palais-Royal sont chaque année mutilés. Ce qui pousse en mai et juin, on le coupe l’hiver suivant; on ne laisse plus que la charpente de l’arbre même sur son élévation; de sorte qu’ils ne peuvent ni grandir ni s’élargir. 11 est pénible de voir qu’on n’y apporte pas plus de soin; on devrait du moins faire ce qui est à la puissance de rhomme pour leur entre- tien, pour en éloigner les eaux que les allées bombées leur envoient, et qui séjournant au pied de ces arbres, en pourissent la racine. Si l’on ne peut leur substituer un autre air^ ( 79 ) supprimez ce que je propose, même à ceux des boulevarts, vos arbres reprendront de la vigueur, s^il en est encore temps. Le tableau d’une composition bien ordon- née, dirige non-seulement le choix des arbres, mais il doit encore les indiquer. 11 faut géné- ralement de grandes masses, parce que l’effet de la perspective l’exige. Dans un parc im- mense il faut déployer un grand caractère; les plantations doivent être proportionnées à son étendue; mais, au préalable, il faut avoir soin d’élever le terrain , de former des mas- sifs, pour donner plus de caractère aux plan- tations. Des personnes ont prétendu qu’on devait s’occuper de la nuance des arbres dans les plantations. Ce système ne peut produire de l’effet que dans les petits jardins à fleurs; mais dans un parc la diversité des couleurs dépen- dra de la lumière. Laissons à la nature le soin de cette variété; elle en produira bien davantage que l’artiste, et avec bien moins de peine. Les arbres étrangers ou exotiques se lient mal avec les arbres indigènes. Je préfère, à ( 8o ) tous égards, une plantation bien combinée faite de ces derniers. Si l’on désire employer des arbres exoti- ques , il faut les placer isolément et avec art , et suivant le terrain qui peut leur convenir. Ainsi tous les arbres des forêts, des mon- tagnes, des vallées, ont un emploi qui leur est propre , et dont on ne doit pas les éloi- gner. Connaissez donc remploi de ces différons verts. Brillants ou sans éclat, plus foncés ou plus clairs; C’est par ces tons changeants qu’au sein des paysages, Vous pouvez avec choix varier vos ombrages. ( J ardins,) ( 8> ) CHAPITRE X. Des Eaux. Dans l’ensemble cl’nne composition, la di- rection des eaux doit etre dictée par la forme de leur placement, par la pente générale du terrain qui en indiquera la direction, enfin par l’effet qu’elles doivent produire dans le tableau général. Leur étendue sera propor- tionnée à l’espace qu’elles doivent parcourir , et où elles doivent figurer. Une large rivière devient inutile dans un bois; elle est nécessaire dans une prairie. La quantité des eaux, leur chute, la penîe du terrain , déterminent la forme que doivent avoir les cascades. Plus on a de pente et de distance à parcourir, plus on peut donner de mouvement aux eaux, que l’on obtient abon- damment en les faisant précipiter d’une ma- nière violente. Ces sortes de cascades forment une masse d’écume blanche sous les chutes qui 6 ( 52 ) tombent en bouillonnant. C’est pour cela que ce genre de cascade produirait un bon effet en se précipitant sur des rochers. Néanmoins, si la situation des eaux obligeait à les employer dans le bois, il serait nécessaire de combiner les effets de lumière qui éclaireraient ces cas- cades, afin de distribuer les plantations de manière à ne répandre qu’un demi-jour sur ces eaux trop blanchâtres ; car si l’on place les cascades en avant d’un fond noir, l’effet en sera manqué, et leur couleur, d’un blanc mat, formerait tache dans le paysage. Les cascades, offrant des lames d’eau peu épaisses, mais bien transparentes, laissent apercevoir en-dessous, et dans leurs intervalles, les fonds mousseux et verdâtres qu’elles arro- sent. Celles de cette espèce reçoivent toujours un ton de coideur locale qui se lie parfaitement avec les objets dont elles sont environnées. C’est par cette raison que les cascades de ce genre sont préférables, sous tous les rapports, à ces chutes d’eau â grand fracas : ces dernières commencent par effrayer , et finissent par étourdir. Cependant la grande chute d’eau forme un accident assez heureux , surtout si ( 83 ) >2lle ii’est pas trop rapprochée du manoir; car le bruit qui en résulte devient insipide, mono- tone, et très-fatigant. Il convient de faire cqider les eaux rapides au pied des montagnes escarpées; le plus petit ruisseau qui murmure sous des ombrages, et coule dans les vallons resserrés, produit tou- jours un elïet intéressant. La rivière doit naturellement serpenter, soit au pied des coteaux, soit dans les prairies, dont elle entretient la verdure et dont elle fait le charme. L’artiste doit combiner l’éloignement de la rivière et l’étendue du terrain qui la borde; il doit se rendre compte du volume d’eau que les orages d’été ou les pluies d’hiver peuvent produire, afin de prévenir les accidens qui pourraient en résulter; il doit enfin pra- tiquer des décharges , par lesquelles le trop plein prendra son cours dans de pareilles cir- constances, Au moyen de ces précautions , vous éviterez une foule d’inconvéniens graves et fâcheux qui peuvent se présenter sous mille formes différentes. On obtient des résultats en sens contraire dans une rivière factice. Loin d’avoir des dé- ( 84 ) bordemensà craindre, cette rivière tarira pen- dant les grandes chaleurs, et présentera des bords isolés et arides. Le compositeur instruit ne peut adopter ces machines artificielles qui, revenant à des sommes considérables, ne cau- sent que des peines et des regrets. Je ne parle de cette chose que par suite d’une longue expé- rience. Mais le propriétaire tient à une rivière factice, qu’il prétend être nécessaire : ayez soin alors d’en dissimuler, d’en cacher même le commencement et la fin au moyen de planta- tions bien conçues, ou par des rochers bien ajustés. Je suppose que le terrain , vous favo- risant, conserve une partie de l’eau que cette rivière contiendra; mais vous aurez le désa- grément de la voir sale , couverte de feuilles et de plantes aquatiques. Des eaux stagnantes ne produiront jamais l’effet des eaux limpides. Je suppose maintenant que le terrain ne soit pas de niveau pour faire serpenter la rivière; que de peines et de contrariétés à éprouver 1 que de dépenses pour les niveîlemens et les frais deterrass s! El pourquoi? pour un capri- ce, pour une chose désagréable et laide, enfin pour ce que l’on peut appeler une crapaudière. I ( 85 ) l.es grandes pièces d’eau, les lacs, les étangs «ont les objets qui présentent le plus de facilité dans la composition. L’artiste est entièrement le maître, d’après le plan général , de disposer de leur forme, de leur étendue, des ornemens placés sur les bords. La chute d’un trop j)lein peut devenir un avantage par le moyen d’une ou de plusieurs cascades , ou par une rivière de décharge, laquelle donnera suite à la pre- mière cascade, et renouvellera continuellement l’eau du lac. Cette rivière qui, en traversant un lac, sert à l’alimenter, peut présenter, dans son ensemble, des sinuosités agréables et pi- quantes. On peut multiplier les accidens de cette rivière, qui fuit sous l’ombrage mysté- rieux des bois. Cette situation est bien préfé- rable et bien plus intéressante que celle d’une rivière qui serpente au milieu de la plaine. Dans la composition, on appelle lac une pièce d’eau dont l’étendue est de plusieurs ar- pens, et laquelle est alimentée par une rivière ou j)ar des sources qui la renouvellent sans cesse. L’étang présente l’idée d’un amas d’eaux stagnantes. Après avoir traité de la partie des eaux, qui ( 86 ) peuvent se composer suivant la localité et le talent de l’artiste; après avoir parlé des eaux vives et des eaux stagnantes, nous pensons que le lecteur verra avec plaisir la description d’u- ne cascade fameuse qu’il n’est pas au pouvoir de l’homme d’imiter , de changer ou de dé- truire. DESCRIPTION DE LA CASCADE DE SCARDONA , EN DALMATIE. Le spectacle imposant et majestueux de cette cascade est, après le Niagara, un des plus beaux qui puissent être offerts aux re- gards de l’homme. Les ornemens gracieux que la nature offre ont des beautés étonnantes; des massifs de saules et de peupliers, une foret touffue, des monts sourcilleux, des rochers ari- des, un millier de ruisseaux; quelques chau- mières éparses, au milieu desquelles se trouve l’humble toit d’un saint ermite : tout concourt à rendre cette scène aussi grande qu’extraor- dinaire. Le fleuve de la Kerka, qui semble dédaigner d’iiulr ses eaux à celles des innombrables mis- ( «7 ) seaux qui serpentent dans ia vallée, est d’a- bord caché par le tapis de verdure placé sur le devant de la scène; ce n’est qu’au moment de sa chute qu’il est réellement visible, tandis qu’enfoncé diagonalement à droite au milieu des montagnes qui bordent ses deux rives, et que, par l’effet de la perspective, on suppose être élevé derrière la cascade, il se fait deviner à une espèce de vapeur lumineuse que la lim- pidité de l’eau, frappée par l’azur céleste, re- flète horizontalement sur le pied des monta- gnes. Il réunit à gauche toute sa force et sa majesté, pour descendre noblement, et fran- chir ensuite avec hardiesse les divers obstacles qui s’opposent à son passage. Ses flots argentés coulent tour-à-tour comme une glace polie, et sous la forme d’énormes cylindres de cristal taillés à facettes, s’approchent, s’élargissent insensiblement, et arrivent enfin sur une ter- rasse en forme de fer de cheval arrondi, et dont la colossale saillie se prolonge sur l’abîme qu’elle domine. Alors toute résistance devient vaine, tout frein est rompu; l’impétuosité suc- cède à la marche triomphale : le fleuve se pré- cipite, l’air siffle, la terre tressaille. ( 88 ) Mais si cette aviditéde spectacles, de craintes et de dangers qui tourmentent la plupart des hommes , porte le voyageur à s’approcher le plus près possible de la cascade, tout chan- ge aussitôt à ses yeux. Ce n’est plus cet ordre, cette harmonie, cet accord parfait dont la dis- tance lui donnait l’apparence trompeuse : c’est un désordre, une confusion, un chaos épou- vantables. La terreur succède à l’enchante- ment, et cet amas de rochers rompus, brisés, écroulés, dispersés, au milieu desquels le fleu- ve se débat en mugissant, remplace, dans l’i- magination frappée , l’élégant et paisible tapis de verdure dont l’aspect remplissait l’âme de joie, d’espérance et de bonheur. ( 89 ) CHAPITRE XL Du Jeu du terrain, et des mouvemens de ia Lumière. Parmi les objets de la nature végétale qui embellissent un pays, lui donnent de la vie et du mouvement, on doit particulièrement distinguer les eaux. Par le bruit de leur chute, par leur transparence, par l’action de leur courant, que l’imagination prolonge encore lors même qu’elles échappent à la vue, les eaux animent un paysage et lui donnent de la vivacité. Si d’un côté la possession d’une eau, soit naturelle, soit factice, présente de grands avantages, d’un autre côté cette possession expose à de graves inconvéniens. Pour en avoir, il en faut de belles, sans cela il vaut beaucoup mieux s’en passer. L’idée de mou- vement, causée parla progression du cours des eaux , peut se suppléer par les différentes for- mes du terrain. Je sais que, dans les vallons. ( 90 ) le cours des eaux excite toujours rimagiuation à le suivre, dans Fespoir d’y rencontrer des objets nouveaux. Si, dans la composition, les formes du terrain, les masses des plantations, les fiiyans de la perspective sont ménagés de manière à ce qu’ils puissent rendre , dans un degré de perfection, les effets de la lumière, qui est elle-même un fluide encore plus rapide et plus diversement coloré que le fluide aqua- tique, on sera tout surpris de la variété conti- nuelle que jettera le cours de la lumière dans le paysage, surtout si l’on y joint quelque mouvement, tel que celui des passans, celui des animaux. On a souvent lieu de s’applaudir de ne pas s’exposer en pure perte aux dépenses et aux tourmens occasionés , toujours très-mal à propos, par les choses forcées, ou trop mul- tipliées. Combien Delille a eu raison lorsqu’il a dit : N’aliez pas resserrer dans des cadres étroits, ,Des rivières, des montagnes, des lacs, des bois Ces effets variés sont les trésors de l’art, Que le goût lui défend d’employer au hasard. ( 9» ) CHAPITRE XII. Des Fabriques et des Constructions, Il est fortinutile d’indiquer en détail lesdiffé- rens genres de fabrique^ i ) qu’on peut employer dans les paysages; leur choix dépend abso- lument de la nature de chaque situation, et de l’analogie avec les objets environnans. En examinant ce qui peut contribuer à fixer les idées sur l’art et la composition des fabriques, on a lieu d’étre surpris que des gens habiles, et sur les connaissances desquels il était permis de compter, se soient aussi prodigieusement écartés des vrais principes qu’ils ne devaient jamais abandonner. Le motif qui, jusqu’à pré- sent, paraît avoir retardé les progrès du goût dans les bâtimens, et surtout dans les jardins. (i) Fabrique est le mot générique employé par les artis- tes pour désigner toute espèce de bâtimens et de con- struction. ( 92 ) c’est le mauvais principe de prendre l’effet du tal)lean dans le pian géoinétral, au lieu de prendre le plan géoméiral dans l’effet du ta- bleau. Je vais donc développer les vrais principes qui doivent servir de base à toutes les cons- tructions. Ces principes, desquels on ne. doit ni ne peut s’écarter, sont au nombre de cinq : i®la convenance locale; s*" la convenance particu- lière; 5® la distance du point de vue; [Ç le caractère de la destination ; 5" l’effet pittores- que de l’ensemble, relativement à la masse, au genre du bâtiment, et aux objets qui l’en- vironnent. La convenance locale est toujours déter- minée par la situation et par l’emplacement que doit occuper la maison. Une fabrique placée sur une montagne ou dans un fond, dans un grand espace ou dans un petit, ne doit pas être construite sur le même plan. La masse extérieure et ses distributions , l’é- tat ou le genre de vie et d’occupation du |)ro- priélaire , doivent dicter les principes de la convenance particulière. L’habitation d’un par- ( 93 ) ticiilicr ne doit pas présenter la magnificence d’un palais; de niênie que le palais ne doit point avoir la pesanteur d’un corps de caserne ou d’une manufacture. Je me plais à rendre justice aux lalens, aux connaissances de M. Gérard in, dans son excel- lent ouvrage sur les moyens d’emÎ3ellir la na- ture, qui m’a beaucoup servi. Cet auteur dé- veloppe ses moyens avec des principes fondés sur la vérité. Mais je ne puis partager son opi- nion au sujet des points de vue: il prétend qu’il faut élever et grossir un bâtiment suivant son éloignement. Je conviens que la distance du point de vue varie tellement les proportions, qu’à trois ou quatre cents toises, il est impossible de pou- voir distinguer l’ornement d’une façade dans ses détails. Mais je demande où l’on en serait s’il fallait grossir les détails pour satisfaire la vue lorsqu’on est placé à longue distance? Je ne saurais être de cet avis, et je viens d’en exposer les raisons. Une maison doit être cons- truite d’après la fortune et l’état du proprié- taire. Je suppose qu’un particulier, favorisé par la localité, aurait, devant sa maison, la ( 94 ) faculté d’en prolonger la vue; ce particulier serait donc obligé de faire bâtir un palais sou- tenu par d’énormes colonnes, pour être aper- çues de plus loin. Ce système vicieux ne peut convenir à l’homme qui jouit d’une fortune bornée; il ne peut se ruiner pour satisfaire la vue des passans, et son habitation sera pro- portionnée à ses moyens, â ses goûts, à ses habitudes , enfin au tableau général de son jardin. Les personnes trop éloignées pour dis- tinguer les objets trop élevés, et qui ne sont point â leur portée, suivront l’avis que don- nait le célèbre architecte Ledoux; il venait de construire le bel hôtel Thélusson, et de pré- tendus connaisseurs lui faisaient des repro- ches au sujet de l’emplacement de l’arcade (i) qui sert d’entrée. 11 leur répondit : « Ceux qui »se plaindront de ce que le cintre de l’ar- » cade masque la vue des bâtimens, se donne- »ront la peine d’en approcher. L’arcade seule «est faite pour être vue du boulevard, et non » des appartemens de l’hôtel. » La magnificence et les chefs-d’œuvre des (i) Cette arcade est démolie. arts doivent être employés dans les palais des princes. L’éîégance convient aux habitations des dames; la simplicité, la gentillesse, la pro- preté doivent appartenir aux maisons des par- ticuliers, et doivent se retrouver surtout dans les maisons de campagne. Les édifices publics doivent tous avoir un caractère qui leur est propre, suivant l’emploi auquel ils sont desti- nés. Un style noble, sévère et imposant doit se faire remarquer dans le temple de Thémis. De grands escaliers, de larges portiques doi- vent distinguer l’endroit où le peuple se ras- semble pour entendre prononcer les arrêts. ( 96 ) CHAPITRE XIII. Du Ton des Paysages , suivant les diffé- rentes heures du jour. C’est du contraste de la lumière que tous les objets de la nature reçoivent la couleur, la variété, et surtout ce charme secret qui com- mence par plaire et finit par séduire. De là vient que chaque objet, pour ainsi dire, a successivement son coup de jour. Toutes les choses d’un grand relief, comme les masses d’arbres forestiers, les escarpemens des rochers, l’élévation des montagnes, la pro- fondeur des vallons, conviennent à l’exposition du matin. C’est au lever du soleil que ses longs rayons s’étendent horizontalement sur la sur- face de la terre. Les reflets ou les oppositions que la lumière reçoit par les dilTérens mouve- mens du terrain, servent à détacher fortement tous les plans de la perspective. Aiors les lon- gues ombres et les rayons de lumière se jouent ( 97 ) d’une manière merveilleuse sur les tapis de verdure brillans de rosée, tandis que les têtes altières des vieux arbres, les sommets des mon- tagnes, la cime des rochers, se détachent forte- ment sur les douces couleurs de l’aurore. C’est donc dans l’importance des masses, dans la disposition des objets rapprochés , dans les belles oppositions d’ombre et de lumière, sur- tout dans le plus grand soin à perfectionner les devants du tableau, que consistent princi- palement l’intérêt et la beauté du paysage à l’exposition du matin. L’éclat et la chaleur du soleil élevé sur l’horizon ne peuvent convenir, au contraire , qu’aux objets qu’il est nécessaire de faire bril- ler séparément; telles sont les eaux rapides, les fabriques agréables. C’est toujours dans une enceinte peu étendue qu’il convient de choisir et de composer les paysages du midi, tant pour offrir, par la proximité des ombra- ges, les asiles contre la chaleur, que pour ap- puyer l’œil fatigué, qui ne pourrait long-temps soutenir l’éclat éblouissant d’un foyer de lu- mière trop étendu. Mais la fraîcheur du soir vient répandre le 7 ( 98 ) charme de sa douce teinte; elle annonce les heures du plaisir et du repos. C’est alors qu’il existe dans toute la nature une harmonie su- blime de couleurs, et que la vue aime à se pro- mener tranquillement sur un grand pays. Les masses d’arbres pénétrées du jour, sous les- quelles l’œil entrevoit une promenade agréa- ble; de vastes surfaces de prairies, dont le vert est encore adouci par les ombres transparentes de la soirée; le cristal pur d’une eau calme et limpide, dans laquelle se réfléchissent les ob- jets voisins; des fonds légers d’une forme douce et vaporeuse , telles sont les choses qui con- viennent le mieux à l’exposition du soir. Il semble, dans cet instant agréable, que le so- leil , prêt à quitter l’horizon , se plaise à con- fondre, pour ainsi dire, le ciel et la terre, et ne faire des deux qu’un seul tout; car c’est au ciel qu’appartient la plus grande partie des tableaux du soir. C’est en ce moment que l’homme sensible aime à contempler cette va- riété infinie de nuances douces et touchantes dont le ciel et les fonds du paysage s’embellis- sent dans ces instans délicieux de paix , de calme et de recueillement. ( 99 ) Quant à ces beaux clairs de lune, à la ten- dre pâleur de cette lumière mystérieuse que répand l’astre de la nuit, combien elle sied à la nature ! Mais c’est aux femmes qu’il appar- tient de faire la description d’une nuit d’été. Le sentiment leur donne naturellement ce goût sûr; ce tact délicat et fin, que l’art cherche en vain à imiter, et qu’il ne pourra jamais attein- dre, leur inspire mieux qu’à personne la dis- position des scènes où doivent principale- ment régner les doux plaisirs de la ten- dresse , le charme de la volupté et l’ivresse de l’amour. Le sentiment consiste dans la manière de voir les choses, comme la grâce dans la maniè- re de les faire. C’est par cette raison que les femmes ont naturellement plus de goût et plus de grâce, parce qu’elles sentent plus vivement les émotions, qu’elles ont plus de sensibilité dans les organes et plus d’agrément dans les formes. Aussi, lorsqu’une femme, non de ces évaporées qui, gâtées par l’empire de la mode, sont devenues minaudières et maniérées, mais une femme sage et bien élevée, donne son avis, ( *00 ) son premier mouvement, dicté par la nature, est presque toujours plus juste qu une longue suite de raisonnemens souvent dictés par Tin- lérêt ou par les préjugés. I ( >o. ) CHAPITRE XIV. De V effet des Paysages sur les sens, et même sur Pâme, L action des fluides sur les solides est le balancier de l’univers; tout accroissement phy- sique et moral vient du rapport des objets entre eux. Plus la somme des rapports connus sera grande, plus il y aura d’accroissement moral et d’industrie. Voilà pourquoi il se trouve plus de différence entre l’homme en société avec l’homme brute , que de ce dernier avec l’animal. Dès-lors, en multipliant à l’infini les rapports que chaque homme aperçoit, avec les rapports aperçus par les hommes de tous les temps , l’imprimerie doit considérablement étendre les connaissances humaines , puisqu’elle nous met en rapport avec tous les siècles et avee tous les pays. C’est par l’émotion de l’at- trait ou delà répugnance que les sens indiquent { ‘«2 ) la convenance ou la disconvenance des objets ; la corde pincée plus ou moins fortement, pro- duit plus ou moins de vibrations. Ainsi la fibre , plus ou moins ébranlée, développe et fait naître les idées ou les réminiscences, le senti- ment ou la douleur. Puisque toute idée vient originairement des sens, qu’il me soit permis de jeter un coup d’œil rapide sur ces premiers instrumens, ces premiers moteurs de l’industrie. Il est d’autant plus nécessaire de savoir excercer les sens, qu’ils servent à préparer les sentimens de l’â- me, et à la mettre en telle ou telle disposi- tion. Si le microscope a considérablement é- tendu l’organe de la vue, puisse le flambeau de la raison et du goût, éclairant nos idées sur les vrais besoins , sur les plaisirs vrais , nous faire apercevoir ces fils délicats, à l’extrémité desquels tiennent le bien-être et le bonheur \ Le toucher et le goût ne sont émus que par le contact immédiat de l’objet présent; l’odoral, à une certaine distance , aspire les vapeurs émanées de la transpiration des corps; l’ouïe, de plus loin encore, est frappée par l’impulsion ( ‘o3 ) de Tair, ou de ratmosphère agitée. Mais la vue est, de tous les sens, le plus subtil, et celui dont les perceptions deviennent les plus promptes et les plus vives : vous en sentirez bientôt la raison, si vous réfléchissez que c’est du fluide rapide de l’électricité ou de la lumière qu’il les reçoit directement. « Les tourbillons d’éther, ou l’électricité, dit M. Gérardin, sont le principe de la flamme, et par conséquent de la lumière; comme le frottement, par l’in- terposition des milieux ou la résistance de tout solide contre le fluide qui le pénètre, ou qui en est réfléchi , est le principe de la chaleur. Pour vous en convaincre, voyez les miroirs ardens et les fermentations chimiques. » Les idées quela vue communique à l’âme, dérivent des effets de la lumière, dont la réflexion fait apercevoir les objets sous des couleurs ou des foi mes plus ou moins agréables, plus ou moins laides. De ce résultat naît l’impression de la laideur et de la difformité, ou ce charme de la beauté qui prévient favorablement, et qui agit d’une manière si prompte. Il est deux sortes de beautés dont l’attrait est d’un genre bien différent. Je veux parler { '<^4 ) de la beauté de convention et de la beauté pittoresque. La première, assemblage de formes qu’on est convenu de trouver belles , varie selon les temps et selon les lieux ; fût-il composé des formes les plus agréables, ce genre ne consiste que dans la régularité des contours et dans l’exactitude du trait; ou peut dire seulement qu’il présente une belle effigie , ou la beauté immobile , celle que les gens froids dessinent avec cette perfection vraiment glaciale, et qu’ils admirent stupidement avec de grands yeux et la bouche béante, La seconde, est la beauté par excellence; elle est celle des Grâces, et servirait à les peindre : la beauté pittoresque, toujours animée, donne du mouvement, de l’expression, du caractère, de la physionomie et du coloris à tous les objets. C’est la beauté que recherche rhommedegénie; il la dessine , l’embellit , et l’homme sensible l’adore. Dans une situation pittoresque, où la nature développe en liberté toutes ses grâces, au charme que les yeux éprouvent par l’effet d’un tel paysage, se joignent encore d’autres émo- ( >o5 ) lions qui opèrent en même temps sur le reste des sens : tels sont l’odeur suave de l’herbe nouvelle, celle de la feuille printanière, ou de la fleur qu’épanouit l’électricité vivifiante d’une pluie chaude, le doux murmure des ruisseaux qui serpentent dans la prairie, qui en rajeunissent et fortifient la verdure , les concerts enchanteurs des oiseaux du bocage. L’ouïe et l’odorat, moins prompts à saisir les objets que la vue, mais aussi moins distraits et plus profondément affectés , concourent puis- samment à faire passer dans l’âme les impres- sions d’une volupté douce et pénétrante; mais la vue, par l’effet de la distraction, se trouvera isolée de cet intéressant tableau; plus la situa- tion sera pittoresque, plus le paysage sera solitaire , et plus les impressions de l’âme se- ront fortes et profondes. C’est de ces impressions que naquirent la peinture et la poésie; ces douces émanations animent le génie et montent ses ressorts. Une fois animé par ces objets toujours admirables, l’homme sensible voulut exprimer ce qui l’avait si fort ému. C’est dans une situation pareille que la poésie pastorale a placé ces touchantes ( io6 ) peintures du premier bonheur des hommes et des plaisirs toujours purs de la vje champêtre. Rencontrez-vous quelque retraite où le cor- deau et le fatal croissant n’ont pas encore pé- nétré, l’esprit est charmé de retrouver l’image de ces descriptions que Virgile et le chantre des jardins ont tracées en vers harmonieux et si bien cadencés. L’imagination la plus vive et la plus ardente des facultés de l’entendement humain, place aussitôt , dans ces beaux lieux, les divers attributs consacrés par les anciens. Ici le dieu Therme, à côté le temple dans le bois sacré, là des inscriptions sur les vieux chênes couverts de lierre et de mousse; des xirnes dans les bocages, des tombeaux sur la voie, des cabanes sous les vergers, des grou- pes de bestiaux dans la prairie, le chalumeau du jeune pâtre, les concerts et les danses des bergers auprès des fontaines ; enfin chaque bachelette au gentil corsage , paraît la nym- phe des eaux ou la divinité protectrice de la forêt. Tel est l’effet du paysage poétique, soit qu’il soit offert par la nature, soit qu’il ait été re- produit par le compositeur habile. / ( >07 )' La situation pittoresque enchante les yeux, mais la situation poétique intéresse le cœur et l’esprit, en retraçant à la mémoire ces scènes délicieuses que j’appellerais arcadiennes. Mais si l’une et l’autre de ces compositions peuvent être retracées par le peintre et par le poète, H est encore une situation que la nature seule peut offrir; c’est la situation romantique, la- quelle, au milieu des plus merveilleux objets de la nature, rassemble les plus beaux effets de la perspective pittoresque, enfin tout le charme de la scène poétique, sans être jamais farouche ni sauvage. La situation romantique doit être tranquille et solitaire, afin que l’àme n’éprouve aucune distraction, et qu’elle puisse se livrer entièrement à la douceur d’un senti- ment profond. A travers les ombrages rembrunis des sapins et des pins, arbres consacrés à la tristesse et au sentiment, a travers les amphithéâtres de rochers escarpés, une nappe d’eau limpide des- cend de cascade en cascade, et se rend dans la vallée pour former un lac situé entre une chaîne de majestueuses montagnes. La trans- parence des eaux permet à l’œil d’en mesurer ( io8 ) la profoadeur , d’apercevoir les jeux de la truite, la marche tortueuse de l’anguille, d’ad- mirer les brillantes couleurs de la dorade sur des fonds de rocs et de marbres de toutes les couleurs. Une île s’élève au milieu des eaux, comme pour servir d’asile aux jeux et aux diverlissemens champêtres ; elle forme des bocages charmans , et des ombrages placés de distance en distance entretiennent la fraî- cheur apportée par les eaux , et défendent contre les rayons irrités d’un soleil brûlant. Le berger, faisant pâturer ses troupeaux , chante ses amours, et, par ce moyen, calme l’ennui de l’absence. La fraise rougit la pelouse émaillée de toutes les fleurs des champs; l’iris, le mu- guet, la violette, le géranium des prés ex- halent leurs parfums. D’un côté d’heureux époux, que l’intérêt n’a point unis, sont assis au milieu de leur famille, et prennent un repas délicieux , que le travail , l’appétit et le parfait bonheur assaisonnent. D’un autre côté, les filles du hameau , accourues au son du crincrin discordant , foulent l’herbe et font admirer leur légèreté. D’autres ajoutent encore à l’effet de ce spectacle intéressant : un corset ( ï°9 ) blanc , image de la candeur de leur âme, laisse apercevoir une taille bien proportionnée ; de longues tresses flottent sur leurs épaules ; un chapeau de paille , placé sur le côté , et orné des plus jolies fleurs de la saison, est la parure d’un visage riant, où brillent l’éclat de la santé et la sérénité de l’innocence; leurs voix douces et sonores font entendre la chanson qui rap- pelle l’aventure arrivée dans le château voisin. Elles chantent naïvement le travestissement du comte Orry , s’attendrissent sur les mal- heurs du châtelain de Coucy, et racontent les exploits et les prouesses des paladins français; souvent elles y joignent le récit des bienfaits de la fée qui, dans les temps anciens, habi- tait le manoir féodal, et protégeait tous les habitans ; ou bien les ravages du loup-garou , les attentions du follet , et tous les contes ap- pris dans les veillées. La rivière, en sortant du lac, s’enfonce dans un vallon étroit, resserré et profond; de hau- tes montagnes et des rochers sourcilleux, cou- ronnés d’arbres, semblent séparer cet asile du reste de l’univers. La chèvre indocile, après avoir brouté le thym et le serpolet qui cou- vrenl les pelouses, s’élance de rocher en ro- cher, s’avance près des ravins profonds, et, placée sur le précipice, elle semble ignorer le danger de sa situation, dont la vue seule lait frémir. Sa sécurité, dans un lieu désert, doit rassurer sur la crainte des animaux voraces, et bannit de la pensée un abandon total, en annonçant le voisinage de l’étable et de l’ha- bitation, où la ménagère qui la trait prépare ses fromages. Après quelques chutes précipitées, et occa-^ sionées par l’opposition des rochers qui se croisent sur son cours, la rivière trouve enfin, dans cet étroit vallon, un espace où ses eaux écumantes et contrariées peuvent se reposer. Leur chute impétueuse repousse l’écume sur les bords, pour laisser apercevoir les reflets argentés des vagues et des ondes. Ün bois de chênes antiques s’avance et se prolonge sur les bords de la rivièredevenue tranquille. Sous leur ombre paisible et mystérieuse est un tapis de mousse. Le cristal des eaux limpides et peu profondes retrace l’image des branches les plus élevées; cette espèce de miroir laisse aperce- voir les soins du triste ramier auprès de sa ( "1 ) compagne, ou la fauvette qui apporte la pâ- ture à ses petits, et des oiseaux qui construi- sent leurs nids. L’éclat des eaux qui coulent sur un sable fin de toutes les couleurs, inviü; à s’y plonger et à se rafraîchir dans leur cou- rant. Sur les bords de la rivière croissent les plantes aromatiques, les herbes salutaires, dont l’odeur balsamique, jointe à l’odeur d(‘ la résine des pins odorans, parfume l’air et dilate les poumons. A l’extrémité du bois, des vignes chargées de raisins s’élèvent dans les ar- bres, et laissent entrevoir une cabane. Le toit couvert de chaume y met à l’abri , sous une grande saillie, les divers ustensiles du ménage rustique. La cabane est formée de planches bien assemblées, et les joints sont remplis par de la mousse. Une vaste treille forme le péri- style et les portiques de cette habitation. Si l’ar- chitecture n’a point déployé son luxe et sa ri- chesse pour la décorer, en revanche, et com- me par compensation, l’intérieur en est plus propre que le palais d’un prince. Une table est simplement servie; les mets n’y sont pas apprêtés avec recherche, ni avec les épices de l’Inde, mais ils sont d’une qualité esquise, d’un ( 112 ) goût pur et salutaire. Celte retraite, temple de Tainitié et de la vertu, est l’asile du bon- .heur. On y éprouve toute la force de cette analogie qui tient le milieu entre les charmes physiques et les impressions morales : on y re- trouve cette douce rêverie, besoin pressant de l’aine sensible. Ce lieu invite à venir le visiter souvent, parce que le cœur y ressent toute la vérité, toute l’énergie de la nature. Voilà à peu près le genre des situations ro- mantiques; il est vrai qu’on en trouve rare- ment de l’espèce de celles que je viens de dé- crire. C’est ainsi que des lieux habités par le faste, Le chantre des jardins passe avec volupté Aux lieux où se complaît la médiocrité Eh! quel charme, en effet, sur un terrain fertile D’unir innocemment l’agréable à l’utile ! De l’art décorateur c’est l’emploi le plus doux ; Je vais donc à ce soin me dévouer pour vous. Citoyens vertueux qui, fuyant de la ville Les pénibles honneurs et le luxe servile. Avez brisé vos fers, et, libres dans vos champs. Livrez enfin vos jours à des travaux touchans : Que vous êtes heureux! que je vous porte envie! Vous seuls vous connaissez les vrais biens de la vie; ( ) A vous seuls appartient la force, et la santé, La droiture du cœur, et la sérénité. Tout ce qu’à l’homme, enfin, laissent de jouissance Et la terre et le ciel. Amis de l’innocence, Venez; et s’il est vrai que, loin de les flétrir. Souvent un art discret les fasse mieux chérir, Confiez-lui vos champs; sous ses mains, avec grâce, Les objets variés que votre ferme embrasse Prennent d’un beau tableau les tons ingénieux. S ( *>4 ) CHAPITRE XV. Des moyens de réunir i agréable à V utile» J aime à dire, et je ne saurais assez répéter, que le système de la nature consiste tellement dans Tunité de principe et dans Tunion des rapports, que tout ce qui pourrait contribuer à Téloignement de ces principes tendrait in- dubitablement à une destruction particulière dans Tordre de la végétation. L’agréable, qui consiste dans la perfection de tous les rapports et des formes convenables à chaque objet, est absolument nécessaire à l’accroissement com- me à l’utile; car il est impossible d’altérer Tun sans nuire essentiellement à l’autre. C’est donc dans une végétation vigoureuse et active que consiste le principal agrément du paysage qui entoure l’habitation; et si Ton veut procurer de la jouissance aux propriétai- res, il faut chercher les moyens les moins re- ( ii5 ) cherchés comme les agrémens les plus conve- nables. La substitution de Tarrangement simple à l’arrangement forcé doit, en ramenant à la belle nature, contribuer à raccroissement de la végétation, aux progrès de l’agriculture, à la multiplication des bestiaux , surtout à une manière de gérer plus efficace, plus salutaire aux campagnes. Elle assure la subsistance de l’homme, dont les occupations réunies ser- vent à instruire, à défendre et à protéger la société. Ramené dans les campagnes , où il jouit d’un air pur, l’homme de bien ne tardera pas à plaindre le sort des malheureux habitans des villes; il gémira sur le sort de ces êtres qui respirent continuellement un air chargé de miasmes pestilentiels; ce spectacle douloureux attristera sa pensée, surtout s’il vient à ren- contrer une troupe joyeuse de jeunes paysans, dont la mine vermeille, les formes musculeuses, la santé, la joie, présentent une si grande op- position avec la mine blême, le teint plombé, et la taille rabougrie de l’enfant du citadin. Pour dissiper sa douleur, rhomme de bien , après avoir parcouru les paysages pittores- ques, asiles de la philosophie, et qui font naî- tre les pensées grandes, généreuses, sublimes, viendra se reposer d’abord à la ferme, puis au village. Il y trouvera partout la santé, la propreté, l’aisance et le contentement; specta- cle aussi doux que touchant pour l’homme sensible. Exposons maintenant quelques idées sur l’é- conomie rurale; elles sont le résultat de plu- sieurs années d’expérience. Il est à présumer que les premiers agricul- teurs établirent , au milieu de leurs champs, le manoir, demeure de la famille : cette dispo- sition, la seule convenable à l’ordre delà cul- ture, épargne le temps, les allées et les venues, les transports inutiles. En mettant les travaux, ainsi que la conservation des produits, plus à portée du manoir, cette disposition n’oblige pas, afin de réparer le temps perdu , à cher- cher la vitesse dans les animaux, dont l’acqui- sition et la nourriture deviennent plus coû- teuses. En diminuant d’un côté les travaux, les fa- tigues, les charrois, les dépenses inutiles; en ( '*7 ) multipliant d’un autre côté les produits par l’emploi des jachères, par la vigilance du maî- tre, par l’augmentation des bestiaux, par la plus grande quantité des engrais, il est donc prouvé que les bâtimens d’exploitation, placés au milieu de la ferme, et sous les yeux du maî- tre , doivent contribuer nécessairement à la meilleure tenue des terres, à leur amélioration, au bénéfice du laboureur, et enfin à l’avanta- ge de la société. Je citerai, à cet égard, des exemples bien frappans au sujet de cette opinion. Dans la Toscane, les stériles Apennins ont été fertili- sés, et depuis que la eharrue a déchiré le sein de leurs terres, elles ont rendu avec prodigali- té le grain qui leur avait été confié; des pam- pres verdoyans couronnent ces coteaux, deve- nus depuis si célèbres. Dans les Alpes, de su- perbes jardins ont été plantés; ils s’avancent jusqu’au pied des neiges et des glaces qui ne fondent jamais , et qui semblent devoir être éternelles. Dans le terrain sablonneux ou plu- tôt graveleux de l’Angleterre, les progrès rapi- des de l’agriculture, depuis un siècle, présen- tent partout l’image de la fertilité, de la difii- ( ««s ) culté vaincue, et militent en faveur de l’opi- nion que j’ai émise. Pour les terres éparses et suÎDdivisées, il est indispensable de rappeler les cultivateurs au- près de leurs champs, ou de les en rapprocher autant que possible. Cette précaution est aus- si importante pour l’intérêt général que pour l’intérêt particulier. Quelques personnes peu raisonnables se sont élevées contre cette mesu- re salutaire, et l’ont regardée comme une es- pèce d’attentat à la propriété, une sorte de vio- lation de la liberté.- Mais, depuis long-temps, on abuse de ce mot sacré! on le confond avec le caprice, fruit d’une imagination déréglée, ou avec la licence, fille de l’erreur et de la fé- rocité stupide. La liberté naturelle consiste à bien faire ce qu’on peut; faire ce qu’on veut, c’est tomber dans la licence , qui conduit au despotisme. Faire ce qu’on doit, est la liberté civile, la seu- le convenable dans l’ordre social. Qui fixe les devoirs de l’homme en société? La loi. Or cette loi ayant pour but le bien général et l’avanta- ge commun, tout honnête homme, à plus for- te raison tout propriétaire, est intéressé à cou- { '*9 ) courir au bonheur, à la sûreté, à la défense et à la tranquillité de ses semblables. Tels sont les principes : voici Texemple appliqué à cette circonstance. En Angleterre, où l’on pouvait se piquer, il y a un siècle, d etre aussi libre qu’ailleurs, on a bien senti que , pour procurer la réunion des terres par la voie des échanges respectifs , il n’était pas possible de laisser un champ libre à la fantaisie particulière. On a donc été obligé d’ordonner ces échanges respectifs, et d’en dé- terminer la forme par une loi. ( 120 ) CHAPITRE XVI. Description d" Ermenonville, (Extrait de la Théorie des Jardins, par Morel, architecte. ) Le jardin dont j’ai nommé le pays, suppose, pour le composer avec succès, une grande con- ception, et des talens supérieurs pour Texécu- ter. il est à l’art des jardins ce que le poëme épique est à celui de la poésie. L’artiste qui se livre de préférence à ce genre, est autant au- dessus de celui qui s’attache aux trois autres, que le peintre d’histoire est au-dessus du pein- tre de genre. J’ai déjà fait observer que le ca- ractère du pays est la variété : ce genre de jar- din peut présenter, en effet, tous les tableaux qu’olfre la nature; il en admet tous les acci- dens, il se prête à ce beau désordre qui la caractérise; comme elle, il se plaît dans les contrastes, comme elle, il est susceptible d’une ( 12. ) infinité de modifications et de combinaisons : ouvert ou resserré, montueux ou de niveau, sec ou aquatique, désert ou peuplé, le pays est frais et riant, ou sombre et aride; grand et imposant, ou simple et naïf; inculte et pauvre , ou productif et riche. C’est de ces qualités qu’il tire son caractère; et selon ce- lui qui prédomine, le pays sera champêtre, cultivé, ou sauvage ; ce qui forme ses princi- pales divisions. Le pays champêtre peut être plus ou moins agreste; mais il suppose toujours de la fraî- cheur et de la simplicité dans ses tableaux. Scs accidens n’ont rien de surprenant ni d’extraor- dinaire; ses pentes sont peu tourmentées; sa verdure est riante et animée ; ses eaux coulent sans violence, mais non pas toujours sans acti- vité. Ce genre aime les vallées couvertes de prairies et les coteaux ombragés; il se plaît par- mi les saules et les peupliers, les arbres gais et légers. Il exige peu de fabriques; celles qu’il adopte le plus volontiers, sont les hameaux et les chaumières. Le pays champêtre est le plus aimable de tous ; personne n’est insensible à ses charmes : la douceur de ses effets, la fraî- ( 122 ) cheiir et la simplicité de ses grâces, plaisent gé- néralement. On ne peut rien dire de mieux que la description qu’a faite l’auteur de la Théorie des jardins et du beau parc d’Erme- nouville , qui fait l’admiration des étrangers. Nous allons émettre notre opinion sur ce parc célèbre. Au surplus, ce chapitre n’est qu’un extrait qui précède la description de ce parc. ( >25 ) CHAPITRE XVII. Observations sur Ermenonville et Morfon- TAINE, Département de l’Oise. Je ferai plusieurs fois mention des riches- ses en tableaux de paysage que possède le dé- partement de rOise; en effet, le pays arrosé par cette rivière, et l’immense vallée qui porte ce nom, en sont remplis. Parmi les plus beaux parcs, on peut citer ceux de Yillette, d’Erme- nonville et de Morfontaine. Le parc d’Erme- nonVille est surtout étonnant par sa belle na- ture et ses pelouses magnifiques, par ses plan- tations, par ses eaux et ses cascades. Du châ- teau, l’on voit le tableau général, qui est admi- rable ; le dessin en est hardi : la pelouse est d’une vaste étendue et d’une belle composi- tion; la rivière qu’on traverse au moyen d’un bac, présente l’image d’un fleuve. A mi-côte ( *24 ) SUT la droite, on aperçoit une tour qui est en ruine, c’est celle dite de la belle Gabrielle; plus loin est un moulin. En s’enfonçant dans les plantations sur la gauche, on découvre plu- sieurs étangs; enfin le désert, qui se trouve sur le sommet de la montagne. Une seule chose désagréable, à mon avis , est qu’il y ait trop d’eau au pied de l’habitation. L’entrée du côté du village est fermée par une grille, mais sor- tant du manoir pour aller dans le parc il faut traverser un pont : l’eau baigne le pied des murs, ce qui doit donner de l’humidité dans les appartemens, surtout dans la saison avan- cée. Je préférerais à ce large canal plein d’eau, des masses de fleurs qui , en détruisant l’in- convénient précité, flatteraient les yeux et l’odorat, succéderaient aux exhalaisons et aune humidité désagréables, embaumeraient les ap- partemens et l’atmosphère. La rivière, qui parcourt le parc dans toute sa longueur, disparaît dans le lointain à l’extré- mité du parc, derrière une forte masse de plan- tations. Cette rivière attire avec intérêt les re- gards de l’amateur; trop d’eau retire le plaisir ( ( *25 ) des yeux, cause de Fenibarras pour Tesprit. Cependant TefFet en est grandiose et admira- bJe; ce seul objet, par ses développemens , exige des méditations ; enfin , placé entre deux montagnes, ce parc ne prend ses vues que dans son intérieur, et n’en possède pas moins le plus beau tableau qu’on puisse dé- sirer. De meme que le parc d’Ermenonville, ce- lui de Morfontaine est situé entre deux mon- tagnes; la différence est que le premier pos- sède une jolie rivière, des pelouses très-vastes, et que Morfontaine se compose de deux piè- ces d’eau qui occupent toute la vallée en lon- gueur, en largeur et par étage. En sortant du château , malheureusement séparé du parc par la route, dont l’entrée offre aux regards un tableau général des plus riches et de la plus grande beauté, c’est un tableau étonnant par son étendue, il semble que ce parc se compose de tout ce qui se fait voir à l’horizon, car la ville de Senlis , qvii est à trois lieues de distance, semble en faire partie. Les deux im- menses pièces d’eau sont situées au bas d’une montagne, qui les borde sur trois côtés; sé- ( >26 ) parées l’une de l’autre par une chaussée qui soutient l’eau élevée de plusieurs pieds au- dessus du niveau de l’autre , il semble voir la Seine à son embouchure vis-à-vis Ronfleur. De l’eau, des montagnes plantées de futaie , une énorme rivière, mais peu animée, sort du trop plein d’une dés pièces d’eau, se prolonge der- rière une montagne, au milieu d’un désert im- mense. Yoilà l’intérêt que présente Morfon- taine ; je trouve le parc d’Ermenonville bien autrement pittoresque : son aspect inspire le sentiment, et il parle mieux à l’esprit. Morfon- taine occupe les yeux, car on ne peut se lasser d’admirer une masse d’eau aussi considérable: on se croit transporté dans un port de mer. DESCRIPTION DES PARCS ET JARDINS COMPOSÉS ET EN PARTIE EXECUTES PAR L’AUTEUR DE CET OUVRAGE. CHAPITRE XVIII. Boulogne , Département de la Seine. Lorsque M. Cinot, négociant et juge au tri- bunal de commerce, me confia la composi- tion et l’exécution de son parc , l’ancien jar- din, par sa forme carrée, présentait la figure d’un damier. On y remarquait des allées bor- dées et couvertes par des vignes bien palissa- dées, qui se croisaient. Le terrain était fort exigu; malgré quelques acquisitions voisines, ( >28 ) il a été impossible au propriétaire de don- ner à ce jardin une superficie convenable et proportionnée à l’habitation sise rue de Long- champ. Le jardin se partageait autrefois en deux parties, l’une basse, l’autre élevée, aux- quelles on communiquait par le moyen de plusieurs escaliers en pierres de taille. Les dépendances, proportionnées à l’exi- guité de cette jolie propriété, présentaient à peine le quart des besoins pour le service in- térieur. Lue porte bâtarde servait d’entrée principale, et interdisait aux voitures l’accès de la maison. J^e jardin, toujours un peu resserré, offre un des plus jolis paysages de Boulogne. Une grille sert d’entrée, et permet aux voitures de s’arrêter devant un péristyle composé de six colonnes d’ordre dorique. Le chemin , pour se rendre au péristyle, se prolonge et conduit dans la cour destinée aux écuries et aux re- mises. Par les agréables contours du jardin , par les embelli ssemens qu’on y a faits , cette propriété présente tout-à-la-fois l’utile et l’a- gréable. Une orangerie, ornée de colonnes, renferme l’hiver de beaux orangers. ( '29 ) Du coté opposé à la rue de Longcliamp est un vaste potager; quelques masses d’arbres d’agrément se font apercevoir parmi les arbres fruitiers; ils servent de lieu de repos et d’abri contre la chaleur, et de point de vue pour l’habitation. Par les soins de M. Cinot, cette propriété est devenue l’une des plus jolies du village de Bou- logne : elle renferme un jardin pittoresque, de beaux ombrages, une grande variété de fleurs, des légumes et des fruits en abondance, enfin toutes les commodités utiles et nécessaires à la maison des champs. 9 ( >3o ) CHAPITRE XIX. Chàtenay-iès-Bagneux , Département de la Seine. Rien n’est si joli comme la vallée de Châte- nay; la nature semble avoir pris plaisir à l’or- ner et à l’embellir. Un vaste jardin, dessiné par le célèbre Le Nostre, offrait des chambres fermées par des murs de charmilles et des compartimens, dans lesquelles on n’entrait qu’avec peine, et dont on ne sortait qu’avec difficulté. Chaque année le jardinier, armé du fatal croissant, allait exercer ses ravages, montrer le soin minutieux qu’il apportait à la tonte des arbres, et présen- ter au propriétaire un mémoire de frais, dont le montant s’élevait au-dessus des dépenses occasionées par l’érection du jardin pittores- que. Dans la nouvelle composition , les charmil- ( >31 ) les ont été remplacées par une charmante pe^ loiise et par de beaux tableaux. Des tilleuls d’une grande élévation, et placés à droite et à gauche, forment le point d’appui du tableau général. Sur la partie dominante du jardin, celle qui forme l’amphithéâtre , est une vaste allée de tilleuls, dont l’ombrage épais offre un asile impénétrable aux rayons du soleil, et cache entièrement la vue de la voûte des cieux. En sortant de l’habitation , un sentier se présente, et à chaque pas un accident force le promeneur à s’arrêter pour en admirer les dé- tails. Il découvre, dans l’horizon, les arbres qui bordent la route de Versailles à Ghoisy, la maison des champs de l’auteur du Génie du Christianisme ^ et celle de M. Châteaugiron. Ces deux habitations sont placées* au milieu de la plus belle vallée des environs de Paris. En poursuivant le même sentier, on arrive dans un verger, qui forme un bocage charmant. Un reflet de lumière annonce que la scène va changer. En effet, une pelouse bien propor- tionnée, et ornée de beaux arbres verts, se développe aussitôt à vos yeux. Après avoir ( >32 ) parcouru cette pelouse, on arrive au grand berceau , et parvenu à la partie élevée du jardin, Toeil plane sur la vallée, et la découvre entièrement. Adroite est le clocher de Sceaux, et à gauche est celui de Fontenay-aux-Roses, qui ajoutent à l’intérêt du tableau. Vous en- trez ensuite dans un bocage épais et sombre ; mais au travers d’une arcade rustique, en forme de rocher , vous apercevez un reflet de lumière. La scène change , et laisse voir une pelouse d’une belle verdure : on remarque le sentier ombragé qui conduit à l’habitation. Parvenu au perron , et avant de rentrer au manoir, on ne peut se défendre de se retourner pour voir de nouveau le tableau général. C’est surtout le soir où les détails, plus nuancés, se détachent davantage. Puis l’éclat de la lumière, les ombres dans les renfoncemens, forment des saillies et des effets admirables. Cette char- mante propriété appartient à M. Quiclet, homme plein dégoût, et qui, malgré cet avan- tage, a voulu conserver deux grilles sou tenues sur des murs ; elles donnent à la cour une tris- tesse claustrale, interceptent la vue et font tache dans le tableau. ( >33 ) CHAPITRE XX. Y ères , Département de Seine-et-Oise. Ce village, situé à quatre lieues de Paris, est remarquable par sa jolie vallée. L’habita- tion, à laquelle j’ai donné mes soins, appar- tient aujourd’hui aux écuyers Franconi. C’est M. Franconi père qui en a fait l’acquisition ; c’est à lui à qui l’on doit l’érection des remi- ses, des écuries et de tous les bàtimens de la basse-cour. C’est à Yères où, pendant sa cé- cité, il s’occupait à construire cette voiture nomade, chef-d’œuvre d’invention et de pa- tience. Le jardin n’est pas d’une grande étendue, mais il est arrosé par un beau ruisseau d’eau vive qui le traverse dans sa largeur, et va se décharger ensuite dans la rivière d’Yères , si- tuée à peu de distance. Les propriétaires ont ( *54 ) déjà beaucoup fait pour rendre leur jardin à- la-fois utile et agréable; mais il leur reste enco- re à faire pour avoir un charmant jardin. On pourrait à peu de frais y établir une usine, un moulin, et avec d’autant plus de facilité, que le ruisseau ne tarit jamais, et qu’il produit toujours la même quantité d’eau, tant en été qu’en hiver. Cette agréable propriété a beaucoup gagné depuis qu’elle a été acquise par MM. Franco- ni. L’intérieur de la maison a reçu une nou- velle distribution; ils l’ont augmentée par des acquisitions de terres et de prés, qui produi- sent des fourrages pourlcur nombreuse troupe équestre. ( «35 ) CHAPITRE XXL Le Colombier^ Département de Seine-et-Oise. Cette terre est située sur la droite d’Arpajon. La maison et ses dépendances sont renfermées dans une île, entourée d’un large fossé rempli d’eau, sans cesse alimenté par la rivière d’Ar- pajon, qui coule le long du jardin. Rien ne manque à cette propriété pour en faire un sé- jour délicieux; la situation en est admirable, le paysage est charmant, les prairies sont bel- les, et l’on trouve des eaux en abondance. Çà et là des groupes de beaux arbres figurent d’une manière agréable dans le jardin pitto- resque, et produisent de grands effets. Mal- heureusement, de maudites charmilles offus- quent la vue, cachent la rivière, et semblent être placées comme pour servir de murs. En suivant son cours, qui, du jardin, est ( i56 ) une lrès~belle chose à voir, puisque l’on pour- rait jouir du charme des eaux et des prairies qu’elles arrosent et qu’elles vivifient, eh bien! entre le sentier d’où l’œil apercevrait tant de charmes à la fois, l’elFroyable charmille qui se prolonge dérobe entièrement la vue d’un spec- tacle enchanteur. Cette belle terre appartient à M. Stevenin fils, et l’on a lieu d’être étonné qu’un homme jeune et plein de goût semble préférer cette symétrie insipide, ces murs de charmilles tant vantées par nos aïeux, aux beautés franches et naïves de la nature. Le propriétaire a beaucoup dépensé pour rembellissement de cette terre : espérons, lors- qu’il y aura réfléchi, qu’il s’empressera de faire disparaître la tache qui couvre son tableau; qu’il fera détruire ces ignobles charmilles, qui ne laissent apercevoir que le ciel et la terre. ( ‘37 ) CHAPITRE XXII. Liverdy , Département de Seine-et- Marne. Près de Tournans est la jolie propriété de Liverdy; il est à regretter seulement que le château ne réponde pas à la beauté de cette terre. Le parc, maintenant assez considérable, était un champ en rapport , et bordé au nord par un étang de cent arpens. Cette immense pièce d’eau, au milieu d’une plaine, présentait l’aspect d’une terre inondée. Une petite île , seule plantation qui se fît apercevoir , ornait ce lac; aussi la vue n’étant arrêtée par rien, les yeux étaient d’autant plus éblouis par les rayons du soleil , qu’ils ne pouvaient se fixer et se reposer nulle part. Cette terre, en un mot, était un diamant brut, qui n’attendait que les soins de l’artiste pour le faire paraître dans ( >58 ) son éclat, ou plutôt une beauté vierge défigu- rée par les haillons de la misère. Les eaux n’étant pas retenues , il en résul- tait que le village était souvent inondé pen- dant l’hiver. Les hahitans, justement alarmés des ravages qu’elles causaient, eurent recours à l’autorité, et portèrent plainte à M. Gavé, maire de la commune de Liverdy. Ce magistrat prit un arrêté, portant que les propriétaires eussent à retenir les eaux qui se trouvaient sur leur terrain. Pendant que cela se passait, la terre de Liverdy fut acquise par M. le comte de Saint-Denis, lequel, désirant obtempérer à la réquisition du maire, me fit mander pour composer son parc et retenir les eaux de 1 étang. L’emploi de cet étang présentait deux diffi- cultés car si les eaux sortaient de leur lit pendant l’hiver, dans la grande sécheresse il en était tout autrement. Les eaux se retiraient pendant l’été, et laissaient à découvert, jus- qu’à une certaine distance des bords, une grande portion de terrain. La vase, en se sé- chant, produisait des miasmes qui corrom- paient fair, et des exhalaisons qui engen- ( ) draientdes nialadi-es; en sorte que cette pièce d’eau devenait en tous temps incommode et nuisible aux habitans. Tel était l’état de la terre de Liverdy, lorsque sa nouvelle composition me fut confiée. La position du parc offrait un grand nom- bre de difficultés. Situé sur un terrain plat, qui ne présente aucun mouvement, aucun ac- cident, il ne devait avoir que ceux qu’on pou- vait lui approprier. Maintenant, en sortant du château, un large chemin se présente, et plus loin forme un em- branchement. Le chemin de droite est celui de l’arrivée principale, et le chemin de gauche sert pour la promenade en voiture. A quelques pas se trouve la glacière, et dans le lointain une masse de peupliers au bord de la pièce d’eau. En avançant, l’oeil aperçoit le lac sur la droi- te, et la plaine sur la gauche. Sortantd’un épais massif, vous en découvrez un second au milieu du lac. Rentrant ensuite dans un nouveau massif, une clairière s’offre â vos regards pour les faire reposer sur une masse énorme de trembles, et dans l’horizon sur les arbres de la ( '4o ) grande route de Tournans. Revenu sur les bords du lac, le clocher de Châtre termine le tableau. A droite est le château, et à gauche la forêt d’Ermainvilliers couronne un long co- teau. Encore quelques pas, et l’on se trouve enfin au chemin de droite qui conduit au château, et qui doit être fermé d’une grille à son entrée. En laissant ce chemin d’arrivée , on remar- que plusieurs massifs , tous disposés de ma- nière qu’ils défendent la vue du manoir, que l’on n’aperçoit qu’à une très-petite distance. Dans cette promenade, on rencontre un grand nombre d’accidens et de points de vue. Par exemple, si l’on suit le sentier en partant de la grille, on trouvera d’abord un verger, puis une forte masse de peupliers. Ce sentier, ombragé par des platanes et par des sycomores, se dé- veloppe d’une manière admirable. De là on entrevoit successivement le manoir, un bois au-delà du lac, le clocher de Châtre, et à droite le Colombier et le clocher de Liverdy. Arrivé sur les bords de l’étang, l’eau se dé- veloppe comme par enchantement. Les an- ses et les renfoncemens forment des accidens ( '4t ) d’autant plus heureux , qu’ils sont dissimulés par des masses d’aunes et de peupliers. Et en elî’et, rien de plus imposant et de plus majes- tueux. Les fuyans de la perspective laissent à l’imagination l’espoir de découvrir de nou- veaux objets. Après avoir examiné les sinuo- sités placées au-delà de l’éloignement qui en sépare , la curiosité vous entraînera , et à chaque pas un nouvel accident s’olFrant à vos regards, les surprendra agréablement. Tandis que l’on s’occupe d’admirer les beautés de la nature, les effets de l’ensemble, la variété des détails; que l’on découvre, dans le lointain, des ponts, des eaux qui s’enfoncent et semblent se perdre dans des masses de saules pleureurs, des milliers d’oiseaux sauvages, le canard, le cygne, la bécasse, s’élèvent et planent sur vos têtes. Les hôtes des forêts, le linot, la mésange, le bouvreuil, la fauvette, le chardonneret, font retentir l’air de leurs chants harmonieux. Continuant de parcourir le sentier qui fait le tour du parc, on traverse plusieurs ponts de différentes formes; ils sont tous placés sur des bras de rivière qui vont aboutir dans des lacs, qui offrent des petits tableaux. Mais, ( '4a ) derrière le tableau général, on découvre quel- ques fabriques : ce sont des cabanes de pé- cheurs, qui forment un port, dont l’exposi- tion est au midi, et fait face au clocher du village. C’est avec regret qu’on abandonne ce lieu de délices ; les reflets de lumière sont si bien disposés , qu’ils contribuent singulièrement à l’embellissement du tableau. La partie en face du château se compose d’une large avenue , aux côtés de laquelle sont deux contre -allées de charmilles d’une longueur à perte de vue, et qui ne prennent du jour que par les extrémités. L’extrême longueur de ces berceaux les rend intéres- sans et rares. Je suis loin d’approuver et de goûter le mérite des charmilles; mais je con- viens que c’est là le seul cas ou l’usage en puisse être supportable. J’avais dessein d’ouvrir, dans cette avenue, un point de vue, pour laisser apercevoir, dans le lointain, quelques masses de bois, et de mettre à découvert les fossés del’île, afin qu’ils fussent viisdii château. L’eau aurait été amenée au moyen d’un joli canal bien ombragé; mais ( >43 ) ces travaux, ainsi que ceux relatifs à l’achè- vement du parc , ont été suspendus par les circonstances des événemens de i8i/J et de i8i 5. La terre de Liverdy a été vendue en plusieurs lots dans l’année i8i^o. Le parc, qui offrait de si beaux détails, a été remis en culture. ( >44 ) CHAPITRE XXIII. Le Mousseauæ , commune de Liverdy, Département de Seine-et-Marne. Ce parc, borné au midi par celui de Liverdy, se compose d'un taillis placé à la droite du château. Le propriétaire avait fait commencer des embellissemens , dont les événemens po- litiques ont retardé l'exécution. Le vallon renferme une vaste pièce d’eau, alimentée par le trop plein des étangs de Liverdy. Si le dessin de la nouvelle composition est exécuté. Le Mousseaux, dont le seul défaut est d'être un peu trop encaissé, sera l’un des plus jolis parcs des environs de Paris. M. Gavé, ancien maire de Liverdy, est le propriétaire du Mousseaux. ( '43 ) CHAPITRE XXIV. Etampes^ près Château-Thierry , Département de l’Aisne. La situation de ce beau parc est admirable; placé en amphithéâtre du côté de la Marne , il présente des sites charmans et une vue de la plus grande étendue. Lorsque le contre-amiral, baron de Nervo, fit l’acquisition de cette terre, le manoir ne présentait que les quatre murailles. Il n’existait point de parc , mais seulement une masse de haute futaie placée à la droite du château. En face, et jusqu’au bord d’un large canal bien et dûment encaissé par des murs fort élevés, était un parterre formant échiquier ; au-delà du canal se trouvait un champ inculte, plus bas un terrain aquatique et fangeux ; enfin , au-dessous, était la prairie, qui , ainsi que le parc, servait de promenade publique. Le haut 10 ( «46 ) parc, situé dans un terrain agreste, n’avait aucune destination. De vieux bâtimens obs^ truaient 1 entrée du manoir, et de la cour d’honneur : la basse-cour, les remises et le potager renfermaient, il est vrai, des fontaines d’eau vive, mais on n’avait point songé à les employer utilement. Depuis que j’ai donné mes soins â ce parc, le propriétaire a fait terminer l’intérieur du châ- teau ; les vilains bâtimens qui en obstruaient l’entrée ont été abattus, et sont remplacés par une jolie pelouse; elle remplit également la place de ces parterres si ennuyeusement sy- métriques. Maintenant les bords du grand canal sont aplanis, les eaux, sorties de l’en- caissement où elles étaient renfermées, se lais- sent apercevoir de la maison. On découvre toute la ville de Château-Thierry en sortant de l’habitation; des niasses forment les de- vants de la perspective, et dissimulent ce qui était de trop â la vue et nuisait à son repos. Vous vous trouvez élevé de manière à ce que la vue plane à gauche sur une plaine très-pitto- resque. On aperçoit la route de Montmirel et les bords de la Marne; cette rivière coule eu- ( >47 ) Ire une chaîne de inonlagnes qui la borde eî qui fuient dans le lointain. Au pied des mon- tagnes sont plusieurs villages d’un aspect plus ou moins riant, dont les clochers se marient avec des groupes de bois. Continuant la pro- menade, et suivant le meme sentier, les re- gards sont attirés par de nouveaux accidens, qui arrêtent à chaque pas. A droite, une char- mante pelouse borde le canal, et va s’enfoncer dans le bois; une jolie rivière, formée par les sources qu’on avait négligé d’employer, sort d’un fort massif : elle offre ses charmes et son éclat au moyen d’une cascade. Celte rivière semble fuir vos regards, pour les faire porter entièrement sur une vaste prairie qui se déve- loppe comme par enchantement, et qui forme des lointains admirables. La rivière reparaît, et parcourt une partie de cette belle prairie; elle est ombragée par des massifs d’aunes et de peupliers qui en dissimulent le cours. En- fin la rivière reparaît pour la troisième fois, et après avoir joui de nouveaux tableaux et de différens points de vue qui se présentent de tous côtés et'sur tous les sens, on arrive vers un pont, au-dessus duquel on aperçoit la route ( ‘48 ) (rAllemagne et le clocher de Château-Thierry. Un peu avant que d’arriver au pont, un bras de la rivière s’en détache et s’éloigne, en ser- pentant dans le bas de la prairie; il va s’enfon- cer dans un gros massif de peupliers, d’où il sort et passe sous un pont, duquel on remar- que de charmans points de vue. En parcou- rant la promenade, la rivière se présente en- core à vos regards, et semble ne paraître que pour les exciter davantage. Ses bords sont om- bragés par des peupliers et par des saules pleu- reurs, dont les branches se courbent et s’éten- dent sur les eaux. On arrive près des massifs, dans l’espoir de jouir de nouveau du cours de la rivière, qui ne peut être aperçue qu’à tra- vers le feuillage. Le parc se terminait à peu de distance du sentier ; mais au moyen de quelques acquisi- tions, il s’étend jusqu’au bord de la grande route d’Allemagne, où se trouve l’entrée prin- cipale pour se rendre au château. Cette en- trée est fermée par une grille; une large allée, conduisant au manoir, présente une multi- tude d’accidens, de percés, de surprises et de points de vue charmans. Des prairies , des ( '49 ) masses d’arbres, des eascades, des eaux, des reflets de lumière, des sentiers, et d’autres ob- jets charmans, attirent tour à tour les regards. Il semble que l’on soit transporté dans un lieu de féerie. La rivière, sortant de la cascade, se déve- loppe et suit son cours, en serpentant dans la prairie ; tantôt elle s’enfonce dans des masses d’arbres, pour se montrer ensuite à décou- vert ; tantôt on l’aperçoit au travers d’une clairière. Le grand sentier conduit au bord d’un bois; vous entrez dans un taillis; il pré- sente, sur la droite, un village assez éloigné et assis sur les rives de la Marne. L’église s’é- lève au-dessus des chaumières, et le clocher qui la surmonte semble menacer ruine. Sur la gauche, les arbres qui bordent le chemin forment une belle avenue. Entrant dans un taillis, le murmure des eaux se fait entendre ; plus on approche, plus le bruit augmente : il est causé par une chute d’eau qui se précipite du haut d’une cascade. De beaux massifs, des taillis agréables, conduisent, par une pente douce, vers une partie très- élevée, d’où l’on découvre la grande route, la Marne, qui coule ( ) au pied de la uiontagne, l’hôpital de Château- Thierry, le clocher d’uiie église, et enfin le manoir. Un sentier y ramène, et présente une foule d’accidens : la rivière qui serpente, des cascades qui tombent avec fracas, des massifs qui procurent de l’ombrage, des arbres de la plus grande dimension. Enfin on arrive an château, sans s’en apercevoir, par un superbe couvert de marroniers, où l’on n’entre qu’a- près avoir parcouru un bois solitaire et som- bre, qui présente un pays d’autant plus sau- vage, que l’on quitte des bosquets charmans. Au moment de rentrer au manoir, la clarté vient rendre la gaîté que la tristesse du bois avait fait perdre. Une glacière borde le che- min, et une touffe d’acacias, d’un vert tendre, succède à celte fabrique. La variété de ces ob- jets fait oublier le lieu sauvage que l’on a par- couru. Des fleurs semées en abondance exha- lent leur doux parfum, dont vous étiez privés depuis long-temps. Vis-à-vis le manoir est le chemin qui conduit â la partie supérieure du parc; une chaumière se présente. Dans son enceinte, et placé sur un lit de mousse, on aperçoit le tableau général, tableau admirable ( *5» ) SOUS tous les rapports. Il offre la vue la plus étendue et la plus variée par la différence des sites, par le grand nombre de montagnes, de massifs de bois, enfin par la Marne, dont les eaux tranquilles semblent faire partie de l’en- semble. Ce tableau est simple et sans art ; c’est la nature champêtre, embellie par des touffes d’arbres de différentes espèces. C’est un bocage tout-à-fait agreste. En rentrant au manoir, un autre tableau s’offre à vos yeux, mais plus aimable : c’est la nature dans toute sa beauté. Tel est l’état du parc d’Etampes, aujourd’hui qu’il est achevé. Un pavillon carré placé au milieu de deuXv grilles , qui forment un plan demi-circulaire sur le bord de la route d’Allemagne, à l’entrée du parc, vient d’être construit; il sert à loger le portier : tout est dans une harmonie parfaite. ( *52 ) CHAPITRE XXV. V endière ^ Département de la Marne. Vendière, situé sur une colline, est éloigné d’une demi-lieue de Châtillon-sur-Marne, et d’un quart de lieue de celte rivière. Le châ- teau est en partie reconstruit à neuf, mais un tiers au moins réclame la même réparation. Le parc de Vendière présente un site non moins heureux que celui d’Étampes; comme ce dernier il forme un amphithéâtre faisant face â la Marne. Sa position au midi, au nord et à l’est , offre l’aspect de deux montagnes assez élevées. Celle du nord est entièrement couverte de vignes , qui s’étendent jusqu’au bord du parc, qui n’était qu’un champ sans clôture. La situation de Vendière, extrême- ment rare, présente un désordre surprenant. La nature semble avoir tout fait et prodigué ( «53 ) toutes ses richesses dans ce pays, que l’on ne pourrait comparer avec nul autre; et, avec ces avantages, on a peine à concevoir l’aban- don et l’insouciance que l’on apportait à son entretien. Jamais une habitation n’a présenté un aspect aussi négligé et aussi rebutant. Au nord du château était la basse-cour; au midi et sous les fenêtres du salon , était le potager, terminé par un large fossé, au fond duquel coulait un petit ruisseau rempli de vase et couvert d’herbes aquatiques. Des murs de re- vêtement, en partie écroulés, soutenaient les terres, et semblaient devoir combler bientôt le fossé, sur lequel s’élevaient deux ponts de pierre en très-mauvais état. Du côté opposé on trou- vait une longue charmille bien alignée ; une seconde lui servait de parallèle; en sorte qu’on semblait être renfermé entre deux murailles interminables. Sur la chaussée du fossé était un chemin droit, duquel on pouvoit seule- ment apercevoir d’un côté le haut du manoir, et de l’autre la pointe du clocher de l'église pa- roissiale. La voûte des deux étant circonscrite, la vue était bornée à cet étroit sentier. Plus loin, un grand vilain mur de charmille, avec ( «34 ) son mur parallèle, flanqué de coinpartimens bien carrés , offrait l’empreinte de la tristesse et d’une monotonie à faire naître des vapeurs. Le sentier, et une avenue de tilleuls au-devant d u chateau, étaient les seules promenades des- tinées au propriétaire. A l’angle du fossé, on avait fait élever un gros mur en pierre de taille, lequel était glaisé , à l’intérieur, d’environ douze pieds d’épaisseur. Cette construction, faite avec beaucoup de soin , était nécessaire pour contenir une masse d’eau considérable produite par les pluies abondantes. Par les montagnes dont il est environné, le pays est souvent exposé à de violens orages. Le ruis- seau, coulant dans le fossé, en sortait à quinze pieds environ de profondeur, et derrière la maçonnerie se trouvait un large ravin exécuté à grands frais, avec une chaussée très-escarpée, dont on avait assemblé les terres pour les en- tasser, et pour former sur la plate-forme une promenade entre deux murs de charmille; run empêchait la vue de l’eau qui coulait au fond du ravin, l’autre empêchait la vue du parc ; en sorte qu’on se trouvait encore dans une ruelle de charmille pour se rendre près ( i55 ) du niouliu, et que, pour rentrer au manoir, on était forcé de revenir sur ses pas. Pour é- lever cette chaussée, si complètement ridicule, on avait tant fouillé le sol, qu’on l’avait rendu humide, marécageux et inhabitable. Au nord, à l’est, à l’ouest du château, el derrière les bâtimens de la basse-cour, était la continuité du fossé, mais sans revêtement de maçonnerie. Son fond, extrêmement creux et large, offrait tout ce qu’on peut trouver de plus sale, de plus dégoûtant et de plus hideux. Des buissons d’épines, des ronces, des décom- bres , des immondices , un terrain maréca- geux, se faisaient principalement remarquer. Des sources offraient de toute part leurs eaux limpides, et partout l’ancien propriétaire sem- blait les rejeter. Il était d’une insensibilité pro- fonde devant cette richesse, et semblait traiter en ennemi cette ressource si précieuse. Enfin ce fossé était d’un aspect si dégoûtant, que sa rive opposée était regardée comme un pays dangereux qu’on ne pouvait traverser sans s’exposer à un péril certain. Le château était entouré de bâtimens, ou plutôt de masures, qui tombaient en ruine. Une source d’eau vive, • ( .56 ) Irès-abondante, descendait avec fracas du haut de la montagne, et tombait ensuite dans un ruisseau qui la conduisait hors du parc. On dirait, en vérité, que rien n’était ménagé pour éloigner les eaux, et qu’on était bien aise de s’en débarrasser. C’est du sommet de la montagne, située au nord du parc de Yendière, que sort celte fa- meuse source. L’eau tombe avec fracas, et le bruit de sa chute se fait entendre à plus d’une demi-lieue. On ne sait le motif pour lequel l’ancien propriétaire avait éloigné de son parc le cours de cette source, qui en fait aujour- d’hui l’un des principaux ornemens. La clôture de Yendière consiste en’un fossé large et profond. La partie haute a reçu une destination particulière; elle forme un bocage destiné au pâturage du troupeau de la maison. Les plantations consistent en arbres fruitiers de toutes les espèces. Le large sentier, par les sinuosités qu’il décrit, forme le pourtour du parc, et dans la partie supérieure il est ravivé par le joli ruisseau qui le borde. Dans cette promenade charmante , on est ombragé par des arbres fruitiers ; on jouit de la vue de la ( '5? ) pelouse, (le la fraîcheur des eaux. La source’, entre dans le parc, au moyeu d’un canal sou- terrain, par une des portes, et après être tom- bée avec fracas du haut d’une montagne es- carpée, elle se développe, se montre dans tout son éclat, ralentit sa course qui semblait vou- loir être impétueuse, et parcourt le parc dans toute sa longueur. Elle rafraîchit le bocage , et procure un si grand nombre d’avantages qu’on ne saurait les décrire. Auprès des bâtimens de la basse-cour, j’ai placé le jardin potager. Au milieu des bâti- mens, comme au milieu du jardin, j’ai dirigé des fontaines d’eau vive. Aussi le château de Veiidière, par ses heureuses distributions, ne laisse-t-il rien à désirer ; partout on rencontre l’agréable joint à l’utile. Du moment où je fus chargé de la compo- sition du parc et des embellissemens de Ven- dière, ce lieu a totalement changé de forme, et malgré la suspension de ces travaux , je vais faire connaître les divers changemens que j’ai faits et ceux qui restent à faire. Les vieux bâtimens près de s’écrouler, qui masquaient la vue du manoir, sont remplacés ( *58 ) par une superbe pelouse, par de jolies masses de peupliers, et par des arbres verts qui for- iiienl les devants de la perspeclive de l’habita- lion. J. a vue, en tièremenî dégagée et libre, ne laisse plus apercevoir que l’attrait de la belle nature. L’ancienne avenue, placée à l’ouest du château, forme toujours une des arrivées, et se lie parfaitement avec les plantations nou- velles. La fontaine, située vis-â-vis la maison, est remplacée par une source qui jette ses eaux avec force au travers d’un rocher placé sur le sommet du coteau opposé au charmant bocage planté sur la partie de l’affreux fossé. L’eau de la grande source, au moyen de ca- naux souterrains, fournit le jardin potager, le château, la cuisine, la salle de bain, l’écurie et la basse-cour. L’excédant de la source tombe avec impétuosité au pied du rocher, pour se mêler dans un ruisseau avec les eaux de cin- quante sources, auxquelles on n’aurait jamais donné la moindre attention. Ce ruisseau, om- bragé par de vieux saules, coule dans le bo- cage, parcourt un canal souterrain qui passe sous la cour et sous les bâtimens qui l’entou- rent. 11 sort à l’autre extrémité, au milieu ( '59 ) 6o ) connerie pour se décharger au moulin dans un ravin, jaillit maintenant d’un rocher planté de pins et de genévriers. Elle surgit au travers des arbres, et se précipite avec un bruit épou- vantable dans la rivière, à quinze pieds au- dessous du sommet du rocher. La rivière par- court le bas du parc en serpentant; après avoir alimenté et rafraîchi la belle prairie, elle for- me une presqu’île, puis vient ensuite se dé- charger au moulin. Un pont, placé au bas de la cascade, procure l’avantage de pouvoir ad- mirer la blancheur et l’éclat des eaux que la lumière du soir fait ressortir davantage. En montant un sentier ouvert à travers une masse de genévriers, on arrive au sommet du coteau; parvenu à cet endroit, on ne peut revenir de son étonnement, en voyant sur cette hauteur un charmant canal qui, des deux côtés, s’en- fonce sous des ponts. L’étonnement augmente encore, lorsqu’un lac, dont les extrémités sont parfaitement dissimulées, s’offre à vos regards, et présente un tableau d’une rareté et d’une magnificence extrêmes. Rien n’est admirable, en général, comme les alentours du château; de quelque côté qu’on ( >6i ) jette les yeux , la nature semble vous offrir toutes ses merveilles. Je désirerais bien que, pour quelques instans, l’ancien propriétaire pût revoir son bien : que dirait-il de ne plus apercevoir des masures, des décombres, des fossés fangeux? de voir un l)eau lac, traversé par trois bras de rivière, remplacer un pré planté de saules? Ses regards se reportant sur de belles et vigoureuses plantations, il ne se reconnaîtrait plus, et ces beaux lieux seraient absolument étrangers pour lui. Sur le bras de rivière, celui qui forme la presqu’île est un lavoir porté sur des troncs d’arbres et couvert en chaume. L’arrivée prin- cipale du château est fermée par une grille du côté du village. Un chemin conduit au ma- noir, en traversant le canal situé à son em- bouchure avec le lac. Le pont est placé sur le canal au bas du rocher; vis-à-vis est le jardin potager, et à droite le lac. On entre dans un verger; à droite est un coteau, sur lequel une fabrique a été construite; elle semble indiquer que sa position est heureuse pour découvrir de beaux points de vue. L’œil jouit à la fois de la ( i62 ) vue de la Marne, qui s’éloigne et se perd dans le lointain, de la rivière qui parcourt le parc, et du lavoir dont la forme est très-pittoresque. C’est en cet endroit que l’on peut juger de l’ef- fet du tableau général de la partie supérieure. C’est encore au même lieu que le ruisseau , dont on faisait si peu de cas, entre dans le parc, en parcourt une grande partie, et suit le bord du sentier qui entoure le paysage. Il arrose et vivifie la prairie où pâture le trou- peau de la maison. Ses rives sont plantées de belles masses d’arbres â fruit de toutes les es- pèces et de toutes les saisons. Aussi, dans le printemps, rien n’est admirable comme le mé- lange de fleurs que portent ces différons arbres groupés de manières diverses , et distribués avec art. On découvre de tous côtés des mil- liers d’accidens aussi heureux qu’intéressans , plusieurs villages pittoresques, couronnés de coteaux, sur la rive opposée, le clocher de l’é- glise de Yendière, le manoir, enfin le haut pays, qui forme un charmant bocage. Ce parc est vraiment extraordinaire par ses sites, par ses mouvemens, par la fertilité de ( >65 ) son sol, par l’abondance de ses eaux, par la rapidité de ses pentes. Tous ces avantages font de Vendière l’un des jardins les plus intéres- sans et les plus remarquables en ce genre. M. Desrousseaux en est propriétaire. ( i64 ) CHAPITRE XXVI. Les Roulis^ à trois lieues de Laigle, Département de l’Orne. M. (le Moucheron est propriétaire de la terre des Routis, que j’ai entièrement recomposée. Le château, dans un très-mauvais état, n’avait point de parc; et une masse de futaie, plantée sur le côté, servait de promenade. Le terrain olfrait d’autant plus de difiiculté, que, natu- rellement sauvage et monotone, il semblait braver tous les elForts de l’art. Avant les tra- vaux pour la reconstruction totale du château, je fis mes dispositions pour dessiner le parc. Le sol en est désavantageux; le pays est plat et en- foncé; il ne présente aucun point de vue. Ce- pendant le parc étant d’une certaine étendue, il m’a été possible d’en tirer une composition qui ne manque pas d’intérêt. ' M. de Moucheron dirige lui-même l’exécu- ( '65 ) lion des travaux de la terre des Roulis, qui possédera plusieurs tableaux intéressans. A l’est, le vieux clocher de Chenebnin semble menacer ruine; le même accident se j)résente au nord, ainsi que difTérentes masses de tail- lis. Au midi et à l’extrémité du parc est un coteau fort agréable; parvenu au sommet, on découvre Saint - Maurice , dont les environs sont très-pittoresques, et du côté dn nord le manoir des Routis fait partie du tableau gé- néral. Il est bien à regretter, puisqu’on reconstrui- sait entièrement le château , qu’on ne l’ait pas placé sur le coteau. Le propriétaire a pré- féré l’ancien emplacement, qui est dans un fond peu avantageux, à une position extrême- ment agréable que)’avais indiquée. Je ferai la même observation relativement au plan du parc; si M. de Moucheron continue d’y faire des changemens, il est à craindre qu’il ne perde tous les avantages d’une composition bien ordonnée, et qu’il n’en détruise entière- ment l’ensemble. ( .66 ) CHAPITRE XXVII. Longny, à trois lieues de Mortagne, Département de l’Orne. Le bourg de Longny est placé entre les rou- les de Chartres et de la Bretagne. J’y fus ap- pelé par M. Leroy, ancien préfet du Yar et du Loiret, pour distribuer et décorer sa maison des champs. Le jardin se composait de deux étages , qui se communiquaient au moyen d’escaliers. Une grille, qui aurait parfaitement convenu à un couvent, séparait l’habitation du jardin; un fossé, couvert de buissons, de ron- ces, d’épines, encombré par des plantes aqua- tiques et par des herbes qui en couvraient la surface, coupait désagréablement la prairie et la partie haute du jardin, celle qui forme l’am- phithéâtre; ajoutez une fontaine servant de la- voir, et de vieux bâtimens qui masquaient la vue de la maison, et vous aurez la description complète de ce domaine. ( *67 ) Je m’occupai à faire disparaître ces masu- res ; la grille claustrale éprouva le meme sort. Cet espace offre maintenant des masses de (leurs et une pelouse charmante. Les escaliers qui servaient à communiquer d’un jardin à l’autre, sont remplacés par un sentier enfoncé et en forme de ravin. Au moyen d’un pont qui forme fabrique sur le ravin, on obtient une communication sur la rive opposée. Un taillis couronne le coteau au-delà du pont, et renfer- me une glacière. Au-dessous de ce taillis est une pelouse, qui remplace le fossé fangeux et rempli d’épines. Un petit lac a succédé au la- voir, et une fabrique, portée sur des arcades, renferme le billard, auquel on arrive par un pont. Des croisées on peut toucher l’eau , et pendant les grandes chaleurs de l’été on y goûte la fraîcheur. Le jardin de Longny, pour être petit , n’est pas moins remarquable par sa composition, qui forme des illusions et des renfoncemens au moyen desquels on dirait que le paysage a des limites beaucoup plus étendues. Le tableau général, pris au pied de la maison, est d’un ef- fet admirable. Au premier aspect, on aperçoit ( '68 ) la route; elle forme une rampe clans la mon- tagne, couronnée par une futaie. A gauche la vue ü’éloigne et se perd dans l’horizon. Du côté de la vallée est une forte masse de peu- pliers, dont l’etFet est étonnant. Des maisons placées parmi les plantations forment un jar- din pittoresque, qui ne laissent apercevoir au- cune ligne de démarcation : toutes ces choses sont si bien liées entr’elles, que les plus habi- les paysagistes seraient convaincus que la tota- lité du pays fait partie du jardin de Longny. Je passerai sous silence un très-grand nom- bre de jar^'ins que j’ai composés à plus ou moins de distance de Paris, attendu cjue plu- sieurs n’olfrent rien de bien remarquable. ( ) CHAPITRE XXVI IL Livet, Département de l’Orne. La situation du parc de Livet est triste et sauvage, parce cpi’il est enfoncé dans les ter- res qui se trouvent entre Laigle et Gacé. l.,e pays est couvert de bois, parmi lesquels le sa- pin se trouve en abondance. Sa vue est très- pittoresque, en ce qu’elle oflVe beaucoup de mouvement au moyeu des montagnes et des vallées. Le château est assis sur une élévation; l’œil plane d’un côté sur des bois , qui présen- tent peu d’intérêt. On remarque une pièce d’eau au pied de la montagne, et ce qui forme le parc, c’est un vallon resserré, arrosé par un ruisseau. Lorsque je me rendis à Livet pour la com- position du parc, j’en trouvai la situation très- monotone; mais aussi que de ressources pré- ( '70 ) sentaient des eaux abondantes î que de masses étonnantes à former dans ces arbres énormes! Malheureusement les arbres et les eaux sont assez éloignés du manoir, et pour l’arrivage des dernières il fallut nécessairement recou- rir aux grands moyens. On fît établir une mon- golfîère au bord d’une chute placée dans le vallon : avec le secours de celte machine, les eaux montèrent au château; elles alimentent une rivière qui serpente sur la montagne , et qui passe devant le manoir. C’est un accident aussi heureux qu’il est rare. On ne voit pas sans surprise une livière couler sur une élé- vation , surtout lorsqu’il faut faire parvenir les eaux par des moyens extraordinaires. Si mon projet est entièreiuent exécuté, Livet, par ses dispositions champêtres, doit faire un joli paysage. M. Armé, auquel il appartient, n’é- pargne aucune dépense pour donner à ce pays sauvage le charme qui lui manque. Le paysa- ge deviendra intéressant lorsque l’art sera ve- nu au secours de cette nature brute et l’aura embellie en lui donnant les grâces dont elle est susceptible d’être parée. ( '7> ) CHAPITRE XXIX. La Genevraye, Département de l’Orne. Cette propriété, dont l’aspect est pour le moins aussi sauvage que celui du parc de Li- vet, est également située dans les terres, mais du côté opposé à la route de Laigle , a une lieue du Melereau. Le pays est sauvage, mais il est montagneux. La situation du parc se trouve sur le revers d’une montagne escarpée, qui , en offrant beaucoup d’agrément à la vue, cause beaucoup de fatigue aux promeneurs. M. de la Genevraye, possesseur de ce domaine, s’est chargé de faire exécuter son parc d’après mes dessins. Au sommet des montagnes qui dominent le paysage, la vue est admirable; mais une fois qu’on est enfoncé dans le bois, il semble qu’on ait renoncé aiLmondc entier. { ‘72 ) CHAPITRE XXX. O y entre Séez et Argentan^ Département de l’Orne. La terre d’O jouit d’une réputation jjusle- ment méritée. La futaie est admirable, et le parc borde le bourg de Mortrée, sur la grande route. Le château gothique, entouré de vastes fossés pleins d’eau, est d’un bel effet, ainsi que la cour. Il renferme une superbe galerie de ta- bleaux. Une orangerie, construite sur les des- sins de Molinos, fait face au château. L’entrée principale , fermée par une grille au bord du bourg de Mortrée, est devant une longue ave- nue, au bout de laquelle on aperçoit le ma- noir qui, pinson en approche, se développe comme par enchantement. L’exécution de la partie du devant du château a été suspendue par la mort du propriétaire. Cette partie était coupée par des canaux distribués en échi- ( *73 ) qiiier, contenant des eaux sans écoulement. Je les avais supprimés, et les avais remplacés pur une pelouse. A droite , est une belle ave- nue de tilleuls destinée à masquer les bâtimens de la ferme. Sur la gauche, une île plantée d’un joli taillis , et sur la face latérale du ma- noir, on remarque une avenue de peupliers d’une hauteur extraordinaire; enfin, à la droi- te de cette avenue est placé le moulin. 11 est d’un faible produit, parce que par défaut d’in- telligence, il manque d’eau une grande partie de l’année. Dans le projet que j’ai soumis au proprié- taire, je double le produit du moulin. En ef- fet, en examinant le terrain, j’ai cherehé et j’ai trouvé différons canaux encombrés par des eaux qui se perdent de tous les eôtés , et qu’on pourrait employer utilement. Pour cela, je réunis les sourees , les canaux^ je leur adjoins un ruisseau jadis encaissé au fond d’un fossé, et maintenant couvert de ronees et d’épines. Les eaux, qu’on avait d’abord négligées, avaient fini par se perdre. Cependant , pour s’en ser- vir, pour les faire sortir de leur encaissement, il n’était besoin que de profiter de la pente du ( >74 ) terrain , qui permettait de les réunir à la ri- vière ; et ce concours d’eaux, extraites de sources différentes, étant rassemîjlées, offre un volume d’eau plus considérable du double. Par conséquent, le moulin, continuellement occupé, sera d’un plus grand produit, et cette partie du parc, qui était sans destination com- me sans convenance, sera employée utilement. Le parc, en outre, reçoit une amélioration sensible. La nouvelle rivière est conduite sur les parties les plus élevées , afin de l’amener au niveau de l’ancienne ; elle arrose un terrain qui ne l’avait jamais été, et, par ses détours, elle donne une nouvelle existence, une nou- velle vie au parc. Cette opération a rendu la gaîté qui manquait à ce tableau, maintenant enrichi de ce que la nature a de plus beau , de plus animé, de plus séduisant; elle a pro- curé le dessèchement des prairies et des ca- naux placés devant le manoir. Un pont, qui traversait chaque canal, était fermé par une grille, et Tun d’eux avait coûté douze cents francs de réparation. Par mes avis, j’ai déterminé M.Roques à supprimer les ponts, les grilles et les canaux. La vente des maté- ( *75 ) riaux provenant de cette démolition fut sufll- sante pour payer la plus grande partie des dé- penses. Une année du produit du moulin paie- ra les frais occasionés par la nouvelle rivière. Ces divers projets étant exécutés , la terre d’O deviendra la plus belle de la contrée. Le tableau , vu du château , sera admirable par le luxe des eaux , auxquelles les superbes ar- bres ajoutent infiniment, et donnent un cer- tain air de splendeur. J’oubliais aussi de dire que j’avais fait éle- ver une fontaine qui, au moyen d’une pompe, monte l’eau dans le clocher d’une église sup- primée, et lequel contient un réservoir qui fournit le château. ( 176 ) CHAPITRE XXXI. Guespré^ Département de l’Orne. Assise dans une jolie vallée, près de Trun, la terre de Guespré , appartenante à M. de Guérou, est située à trois lieues d’Argentan, et à une pareille distance de Falaise. Un large fossé plein d eau , et dont l’accès est difficile , entoure le chateau, et une pièce d’eau tou- che aux fossés. Des bâtiinens de basse-cour sont construits dans le plus joli ein placement du parc, et le propriétaire ne doit pas tarder à les faire abattre , pour les remplacer par une jolie composition. Deux rivières, chose fort rare, embellissent le paysage , et l’une d’elles fait tourner un moulin. Leur situation pré- sente la facilité de les placer a des hauteurs difFérentes. J’ai fait serpenter la rivière basse dans la prairie; et la rivière haute, après avoir ( >77 ) passé devant le château , continue tranquil- lement son cours. La partie d’eau qui arrose cette haute prairie se précipite dans la rivière basse, par le moyen d’une cascade. Ce tableau, dont la vue se prolonge dans la vallée, est ex- trêmement intéressant; ill’estd’autant plus que la vallée est très-fraîchê et très-pittoresque, mais peut-être un peu resserrée. De beaux peupliers forment les masses du devant. ( '78 ) CHAPITRE XXXII. V imer. Département de l’Orne. La terre de ce nom est distante d’une lieue du bourg de Viinoutier ; le château est bâti sur le plateau du côté du bourg, dont les bois interceptent la vue. L’autre côté domine une vallée très-profonde et très-étendue, qui présen- te à la vue ce que la nature offre de plus varié. Une avenue de peupliers conduit au parc, qui s’étend en amphithéâtre depuis le sommet du coteau. Un bois assez considérable fera partie du parc. Je ne puis citer parmi les tableaux, que ceux donnés par la vallée ; car, par une espè- ce de fatalité, les plans donnés pour l’embel- lissement de cette terre n’ont jamais été exé- cutés qu’en partie. 11 en résulte que les sen- tiers, les massifs, sont confondus, les planta- tions sans goût, que les points de vue ou les tableaux sont entièrement mutilés. ( '79 ) CHAPITRE XXXIII. Chamhiac , Département de l’Eure. C’est encore une terre qui n’ofFre aucun mouvement , parce qu’elle est située dans une plaine entourée de pommiers; elle appartient â M. de la Varende, qui a dirigé les travaux d’après mes dessins. Ce parc n’olfre rien de bien remarquable : on trouve cependant un massif de sapins d’un assez bel effet; puis, dans la moitié du pour- tour, une superbe allée creuse et couverte, formant la voûte , et qui offre un abri impé- nétrable aux rayons du soleil , etc., etc. ( «8o ) CHAPITRE XXXIV. M oulln- Chapelle , Dépaiiemeiit de l’Eure. Le château de ce nom, qui n’est pas encore achevé, est situé dans le fond d’une vallée ex-^ trêmement resserrée, où coule la Rile. La prairie est très-propre à faire un parc ; car cette jolie terre, qui appartient à M. le comte de Saint- Denis, ne jouit pas de cet avantage. La prai- rie dont il est question forme dans le loin- tain, et jusqu’câ la Ferrière, Un superbe point de vue. Des bois immenses couronnent les montagnes qui resserrent la vallée. De larges et profonds fossés pleins d’eauentourenl le ma- noir, qui, s’il était enrichi d’un parc, devien- drait une habitation charmante. Toutes les beautés de la nature s’offrent en abondance pour la composition; on y trouve des eaux, des bois, des clochers, un colombier, une ( >8. ) usine et des accidents multipliés. On est pei- né de voir tant de richesses dédaignées et aban- données. Le propriétaire a déjà fait des dispositions pour la composition de son parc ; elle n’a été retardée que par des circonstances imprévxies. ( >82 ) CHAPITRE XXXV. Cracouviiie, Département de l’Eure. Le lieutenant-général ]Naury est propriétaire du château de Cracouville , situé à une lieue d’Evreux. Le parc, assis au milieu de la plai- ne, sur une petite éminence, est entouré de haies. De tous côtés on a])erçoit des terres la- bourables , et dans le lointain on découvre plusieurs villages, au-dessus desquels s’élèvent les flèches des clochers de leurs églises. Le ter- rain est agreste ; malheureusement , on n’y trouve point d’eau. L’exécution du nouveau plan de composition que j’ai soumis doit être maintenant exécuté. ( '83 ) CHAPITRE XXXVI. Primars J Département de rEure. Cette terre, qui appartient à M. Desniasis , est située dans la vallée d’Eure , à une lieue d’Ivry, fameux par la victoire remportée par Henri IV sur les ligueurs. La rivière coule au pied du château, et le parc, qui est d’une belle étendue, présente un champ adroite, et un bois sur la gauche; il est bordé par l’Eure, qui le parcourt dans toute sa longueur. Avec peu de dépense il serait facile d’obtenir de très- beaux elfets ; c’est ce que le propriétaire se propose de faire en exécutant mes dessins : je le désire d’autant plus vivement , que ce parc serait l’un des plus beaux parmi ceux de la contrée et des environs. La vallée qui le borde produit de superbes tableaux et de magnifi- ques lointains. Ivry est situé sur la montagne, ( *84 ) au bas de laquelle se trouve la prairie. D’après mon projet, une prise d’eau formera une se- conde rivière d’autant plus précieuse , qu’ou- tre les avantages qu’elle doit procurer, elle ar-r- rosera la partie du parc qui est privée d’eau , et ajoutera considérablement à ses charmes. La nature a tout disposé; c’est donc mainte- nant à l’art d’embellir. Le château vient d’étre reconstruit presque en entier sur les dessins de M. Pretrel , archi- tecte de Paris. Ce fut lors de la construction de ce château que M. Desmasis m’appela pour composer et faire exécuter son parc.. ( i85 ) CHAPITRE XXXVII. M areuii , Département de la Dordogne. Mareuil , petite ville à trois lieues de Nan- tron , est placée entre Périgueux et Angouléine. Le parc est en pente , et au bas coule une pe-^ tite rivière. La partie haute était séparée de la précédente par une muraille, et l’enclos pré- sentait des terres labourées. Le projet de sou- mettre ce lieu à une nouvelle composition, doit rendre son séjour extrêmement agréable. Un ar- chitecte du pays a reconstruit le manoir qui, du côté de l’arrivée, présente une galerie soute- nue par des colonnes d’ordre dorique. Du côté des jardins, des perrons énormes par leur di- mension, et des balustres en pierre, qui ont dû coûter de très-fortes sommes, présentent plutôt l’entrée d’une cour royale que celle d’un jardin pittoresque. D’ailleurs, il se lie mal avec ( .86 ) les plantations, qui sont trop éloignées pour trouver en sortant un abri contre la pluie ou les rayons du soleil. De même que dans les parcs d’O et de Giies- pré, on trouve ici un moulin et deux rivières. Suivant la nouvelle composition , la rivière haute, après avoir longuement serpenté, vien- dra se précipiter ensuite dans une cascade à vingt pieds de la rivière basse, et la traverser au moyen d’un pont; enfin elle ira porter ses eaux au-devant de l’habitation, arroser une pelouse charmante qui remplace le potager; car de meme qu’à Yendière, les plants de lé- gumes s’étendaient jusqu’au-dessous des croi- sées du salon. L’ensemble du jîarc de Mareuil, la vue des eaux qui l’arrosent, offrent des tableaux qui ne peuvent nidlement se comparer à ceux qui existaient. Il n’y avait point de promenade, pas un chemin, même un seul sentier. Le châ- teau , qui appartient à M. Durclus , amateur éclairé des arts , était à la fois la plus belle ha- bitation des environs, comme la plus triste et la plus monotone. Maintenant on trouve, dans toutes les parties de ce joli paysage , des sen- ( ‘87 ) tiers, des chemins, des ponts et des prome- nades. L’ensemble présente à la fois au cœur et à l’esprit les charmes de la belle nature , des tableaux gracieux et des détails du plus grand intérêt. J’ai fait observer que la position de Mareuil était dans une plaine , au fond d’un vallon en- caissé. Si le parc est le seul paysage intéres- sant de l’endroit, les environs possèdent des situations extrêmement belles. La prairie, où se réunissent deux ruisseaux limpides au-des- sous d’un châleau gothique, offre un fort joli tableau. La petite rivière est ombragée par des peupliers et par des saules. Enlin les points de vue, dans le lointain, laissent apercevoir quel- ques habitations au milieu d’un groupe de taillis très-étendu. L’artiste qui se livre à la composition des jardins et à l’étude de la belle nature, ne pour- rait choisir pour modèles des sites plus pitto- resques que ceux du département de la Dor- dogne. On compte vingt lieues depuis Angoû- lême (département de la Charente) jusqu’à Pé- rigueux , et les situations qu’on rencontre sur la route sont vraiment surprenantes ; surtout ( >88 ) de Mareuil à Périgueiix , qui sont à la distance de dix lieues, il est impossible de trouver un arpent de terre sans mouvement, un pays cou- vert de bois, très-sauvage à la vérité, mais tou^ jours pittoresque. La petite ville de Brantôme, placée entre Mareuil et Périgueux , offre des tableaux fort agréables. Elle est située au pied d’une mon- tagne escarpée, et arrosée par une rivière, sur laquelle est un pont en pierre. Lorsque placé au sommet de la montagne qui domine Péri-^ gueux , on découvre cette ville , chef-lieu de la Dordogne , on n’aperçoit d’abord que les clochers; mais en avançant, la ville se déve- loppe, comme par enchantement, au fond d’une immense prairie. Pendant plus d’une heure on jouit de ce spectacle ravissant, em- belli par un grand nombre d’habitations rura- les, bordées par de riantes prairies, ombra- gées par de belles plantations , arrosées de pe- tits ruisseaux. Par la beauté des arbres , et plus encore par leur étendue, la promenade de Périgueux est une chose extrêmement rare. Elle comprend plusieurs allées d’environ cent pieds de largeur, qui forment un voile impé-. ( '«9 ) nétrable à la chaleur du jour, et dont la voûtë dérobe la clarté des deux. A Textrémité, la vue plane sur une vaste prairie arrosée par la rivière , dont les eaux baignent les bords de la promenade, comme à Paris la Seine baigne les bords des Champs-Elysées. De Mareuil à Nantron, chef-lieu d’arrondis- sement de la Dordogne , on s’enfonce dans les terres. Le voyageur doit aller visiter la fonderie de Jomeillères, dirigée par M. de Riberal; celle d’Etouard, parM. Vallade-Soiiris; l’habitation pittoresque de M. Rainaud de Beauvais. A des situations étonnantes, vous joindrez l’agré- ment de loger chez des propriétaires aussi ai- mables qu’ils sont obligeans ; les trois jours que j’ai passés à Jommeillères ne s’effaceront jamais de ma mémoire, et je me plais ici à leur té- moigner toute ma gratitude. Je n’ai garded’ou^ blier M. Durclus, à Mareuil, qui ne voulait faire viser mon passeport pour mon départ qu’au mois dé mai suivant : nous étions alors en septembre i8i/|. ( »9° ) f. CHAPITRE XXXVIII. / Saint-Léger y Département de l’Eure. M. de Saint-Léger est propriétaire de ce parc, qui a été planté d après les dessins du célèbre Le Nostre. Je n’ai présidé qu’à la com- position du parterre , qui forme le devant du château. Leparc est considérable; malheureuse- ment il est sans mouvement, et,^ par-dessus tout, exactement renfermé entre des murailles. Les lapins sont tellement en abondance dans ce parc, qu’on les voit souvent courir par trou- peaux. Malgré la chasse, qui en détruit un grand nombre, on dirait, en vérité, que plus on en tue, plus la quantité s’en accroît et de- vient considérable. ( '9> ) CilAPITllE XXXIX. Pinçon, Département de l’Eure. Le château de Pinçon , appartenant à M. le marquis de la Porte , est situé â trois lieues de la ville de Dreux. Le parc , aussi considérable que celui de Saint-Léger, est également planté surun plan symétrique etclos de murs. J aiseu- lement fourni des dessins pour la composition du devant du château, et pour quelques agran- dissemens que des circonstances particulières ont fait négliger d’exécuter. ( ‘92 ) CHAPITRE XL. La Motte, En Savoie. Placé à la distance d’une lieue de Chambé- ry , à pareille distance du lac du Bourget, et à trois lieues d’Aix-lès-Bains , le château de La Motte est situé au milieu du parc , lequel est, en amphithéâtre , au pied d’une montagne es- carpée. A ses côtés et à la distance de cent cinquante toises , étaient deux ravins de tren- te à quarante pieds de largeur, sur une pro- fondeur de vingt pieds , au fond desquels cou- lait un ruisseau qu’on pouvait à peine remar- quer du haut des ravins. Le parc, dont la superficie peut renfermer environ cent cinquante arpents , est en partie formé d’acquisitions différentes. Le proprié- taire, M. le marquis de Costa, voulant assu- jettir sa terre, et particulièrement ses eaux, qui m it 1 ( ) sont abondantes , à une composition piltores que , laquelle lui ferait jouir de lagrément de Tune et des autres, me chargea de ce travail difficile. Je me rendis cà La Motte en juillet i8i5 , et j y restai jusqu au mois d’octoi)re suivant. Pen- dant ce court intervalle , je levai le terrain, et je conçus l’ensemble de mon plan. Il fut exé- cuté en partie sous mes yeux dans l’espace de trois mois. Les seules plantations du parc consistaient en une masse d’ormes plantés à l’ouest du châ- teau ; plus loin était une terrasse soutenue par des murs , et sur ces murs de terrasse on voyait deux rangées de tilleuls d’une grosseur énor- me et d’une hauteur démesurée, qui formaient une avenue; elles étaient fermées à cent pas du château par un berceau de charmille, qui la traversait dans toute la largeur du parc. Au moyen de cette charmille^ la vue était bornée et ne pouvait s’étendre au-delà. Enfin le pour- tour du manoir n’était qu’en partie habitable, et les faces latérales étaient sans cesse obs- truées par les décombres qu’on venait y dépo- ser journellement. Maintenant les voitures cir- ( '94 ) cillent avec facilité dans toutes les parties du parc. Les murs de terrasse, et le berceau de charmille , sont remplacés par une belle pe- louse, c|ui se prolonge dans le lointain jus- qu’à la montagne. On la découvre entièrement et jusqu’au sommet; les tilleuls tiennent la place qu’ils doivent occuper. La partie symé- trique étant supprimée, les terrasses ayant été arrondies, il semble à présent que ces carrés de murs et de charmilles n’aient jamais eu d’autre destination que celle qu’ils viennent de recevoir. Le bas de la montagne escarpée fait partie du tout. Le reflet de la lumière, aperçu du manoir, offre des eiFets rares et in- téressans; l’ensemble présente l’aspect de la belle nature; des points de vue bien ménagés s’éloignent sous les voûtes sombres formées par le feuillage. Des arbres d’un port majestueux fixent l’attention, et l’on aperçoit dans le loin- tain, au-delà de l’obscurité , des tableaux qui étonnent, des coups de jour qui surprennent. . Des vignes entrelacées dans les arbres forment des guirlandes qui, par leur reflet, produisent lies ell’ets admirables. C’est un tableau brillam- ment éclairé, que l’œil va chercher sous des ( >95 ) voûtes mystérieuses. Le contraste de ces deux taldeaiîx est ravissant. Entre le château et les cliarmilles était un puits; je l’ai remplacé par un rocher. Sous sa voûte des eaux limpides formeiit une fontaine, dont le trop plein se décharge dans le ruis- seau qui parcourt, arrose, vivihe et entre- tient la fraîcheur et la verdure de la pe- louse. Au-dessus du rocher sont des plantations agrestes. Un sentier, venant du château, passe au pied de la fontaine, conduit d’abord au haut du j)arc , puis à l’orangerie. Ce bâtiment, orné de colonnes, forme une jolie fabrique. On trouve â gauche un point de vue dont on ne peut jouir que le soir; il passe sous une longue voûte d’arbres d’un ombrage mysté- rieux , et â son extrémité vous apercevez le fond de la vallée du coté de Saint-Sulpice. Cette vue produit un effet semblable â celui (le la glace posée au fond d’une alcôve. *Si l’ef- fet de lumière est aussi étonnant, c’est qu’il est causé par le mouvement des sites , des montagnes, par l’agrément et la beauté du cliampétre. Un large chemin à gauche conduit ( >96 ) aux bâtiinens de basse-cour placés à cent toi- ses du château. A l’est du manoir, du côté de la vallée , la vue plane entièrement de toute part. Les mas- ses de devant, formées de peupliers, offrent aux yeux un repos dont ils ont besoin. Une pelouse admirable par sa fraîcheur se déve- loppe dans tous les renfoncemens qui sont for- més par des plantations. Des masses d’arbres de toutes les espèces ombragent ce tableau su- perbe. Les deux énormes ravins qui, par leur profond encaissement , dérobaient deux ruis- seaux, les ont restitués. Au lieu d’être cachés, de couler secrètement dans le fond d’un fos- sé, ils remplissent un emploi bien plus bril- lant , et surtout plus utile. Après être parve- nu à amener ces deux ruisseaux au niveau du sol du terrain, j’en ai formé une jolie ri- vière. Le premier ruisseau a sa prise d’eau presque tout au haut du parc; après avoir serpenté au travers d’un taillis, il passe au- devant du manoir, arrose la pelouse qui rem- place des terres labourées ; il tombe succesive- ment dans douze cascades , dont la chute est d’un effet étonnant, se rend dans un bassin ( '98 ) Félévalion {orme près de douze ceiils loises. Elle paraît toucher au rocher, et cepeiidaut (.‘île en est éloignée de plus d’une Heue. La réunion des deux ruisseaux forme d’abord une fort joite rivière, laquelle, en sortant du ro- cher, tombe successivement dans cinq casca- des; puis, avant d’arriver dans la pièce d’eau disposée au bas du parc, elle offre la vue d’un très-beau lac. Après être descendue de chute en chuîe, jusque dans la vallée, la rivière coule lente- ment et avec calme pour se rendre dans le lac, dont les bords présentent de toutes parts des massifs de peupliers, d’aunes et de saules. Les intervalles de ces masses laissent aperce- voir, dans le lointain, le sommet des hautes montagnes. Leurs cimes , toujours couvertes de glaces et de neiges, ressemblent à d’énor- mes blocs d’agathe et d’albâtre qui réfléchis- sent toutes les couleurs de l’arc -en -ciel. Les eaux du lac, aussi transparentes que le cristal, sont d’un bleu céleste pareil à l’azur des cieux qu’elles réfléchissent. Ce lac, par sa position, par l’éclat de ses eaux, par la beauté des plan- tations qui l’entourent et qui forment d’agréa- ( '99 ) blés ombrages et des bosquets chaimaiis, sem- ble être destiné à servir de théâtre aux plaisirs de la pêche et de la promenade. La pelouse se développe de tous côtés, et va s’enfoncer dans des masses qui reflètent parfaitement aux ef- fets de la lumière comme au clair de l’astre de la nuit. Sortant du lac , la rivière parcourt la prai- rie, forme de nouveaux contours. Tantôt on l’aperçoit du manoir, serpenter dans le taillis, se cacher derrière le bocage, et partout elle présente ses charmes et ses accidens multipliés. Semblable à la femme coquette , tantôt elle s’approche du sentier, tantôt elle s’en éloigne, mais suivant toujours le chemin qui lui a été tracé; à la fin de sa course vagabonde, elle vient se précipiter de nouveau dans le ravin qu’elle a quitté. Des fenêtres du manoir, l’œil découvre quel- ques-unes des sinuosités que parcourt la ri- vière; elle ne semble venir si près du château, que pour inviter à jouir de la fraîcheur qu’elle procure. Le point d’appui du tableau général est pris du château; la vue en est admirable et d’un ( 200 ) eÜ’et magnifique. L’œil se promène sur la pre- mière rivière, en suit le cours, la voit arriver aux cascades, dont refFet est si extraordinaire. L’aspect du lac, la livière qui en sort dans le lointain, des ponts, différentes fabricjues inté- ressantes, tout concourt à l’accord général et au parfait de l’ensemble. La récompense la plus flatteuse de mes tra- vaux est la lettre que m’a écrite madame la marquise de Costa, et dans laquelle cette dame s’exprimait en ces termes : « Mous soignons bien ce qui est fait, et qui «est extrêmement joli; pour mon compte , je » vous remercie tous les jours. Le derrière de » lamaison est charmant, et dans quelques an- » nées notre parc sera délicieux, grâces à vos « bonnes idées, » Cette lettre est datée du 21 mai 1814. C’est la nature qui est le premier des archi- tectes , le véritable inventeur de ces grandes et sublimes compositions. Je n’ai fait que l’ai- der ; elle seule a conduit mon crayon, a dirigé mes idées et tracé mon plan. L’artiste qui se destine à la composition des jardins pittoresques ne pourra parvenir au ( 201 ) vrai talent que par des éludes suivies , par des expériences multipliées et par des obser- vations réitérées. J’ai acquis la conviction in- time de ces principes, lorsque j’eus quitté le parc de La Moite. Etant dans la Savoie, je pro- fitai de mon séjour pour examiner les beaux sites du Mont-Blanc. Je me rendis à Aix-les- Bains, puis à la fameuse cascade où périt à la fleur de l’age, la belle et infortunée madame la baronne de Broc, le lo juin i8i5. Je parcou- rus le pays qui conduit à Genève ; j’admirai ce fameux lac que traverse le Rhône; j’aflai voir l’habitation du célèbre philosophe de Fer- • ney(i), et après avoir brûlé un grain d’en- cens devant le portrait de cet écrivain dont la (i) « Il y a quinze ans que l’on trouvait à peine à Fer- »ney quarante hahitans, et trois ou quatre chaumières; «aujourd’hui l’on est émerveillé d’y voir une colonie nom- «hicuse et policée, une salle de spectacle, et plus de cent « jolies maisons, que l’on croirait élevées au son de la lyre. «Mais ce qui tient encore plus du prodige, c’est que »le même homme qui semble n’employer son génie et »son temps qu’à fonder une ville, en trouve encore assez » pour fabriquer, à quatre- vingt- quatre ans, deux nou- » velles tragédies qui auraient étonné à cinquante. » ( M. le marqu.is de V llletle, Fcniry, i777*) ( 202 ) France s’honorera toujours, je descendis dans les montagnes du Jura. Combien de belles images ont rempli mon imagination pendant cet intéressant voyagel A mesure que j’avançais, je sentais le cercle de mes idées s’accroître et porter un certain trou- ble dans mes sens. Que ne puis-je décrire cette foule d’accidens de toute espèce, ces détails charmans, ces points de vue admirables qui ne s’effaceront jamais de mon souvenir! D’au- tres illusions m’ont produit des émotions nou- velles; mon âme, plus tranquille, goûtait un repos salutaire , mais elle n’était plus émue par les grands écarts, par les grandes et in- concevables beautés de la nature. Ce parc considérable, ses rivières conduites dans un terrain nu, dix-sept cascades en ma- çonnerie et deux rochers, la restauration et la décoration des bàtimens de basse-cour, un lac, tout a été l’ouvrage de trois mois, sous ma direction. ( 20,> ) CIIAFiTRE XLI. Gif, près Chevreuse, Département de Seine-et-Oise. C’est au mois de iioYcmbre 1817 que je fus appelé pour composer ce joli parc, qui appar- tient à M. Joly, négociant à Paris. Je vais en- core démontrer combien Part venant au se- cours de la nature , sert à l’embellir et à dé- ployer ses grâces. Au-devant de la maison se trouvait un jardin potager de la superficie de deux arpents, bordé à son extrémité par un canal, avec un revête- ment en maçonnerie. Ce canal était encadre dans une haie d’épine tirée au cordeau, qui en dérobait entièrement la vue ; on eût dit qu’il eût été condamné à une prison perpétuelle. Le jardin était distribué en deux étages; le rez-de-chaussée était de niveau au canal, et devant la maison était une terrasse élevée de ( 204 ) douze pieds au-dessus du potager; la com- iiuinicaîioii de la terrasse au jardin se faisait au moyen d’un perron en grès à double révo- lution. xVujourd’hui tout a changé de hice : le canal a quitté sa forme régulière; ses murailles, ses haies d’épines et jusqu’à ses avenues de til- leuls, tout a disparu pour devenir un joli lac. Les terres qui provenaient de la fouille faite pour l’agrandir et faire disparaître sa régula- rité, forment une pente douce à partir du milieu de l’ancien jardin jusqu’au pied du manoir. Le mur de terrasse, le quinconce de tilleuls et le perron ont été remplacés par de belles masses de peupliers et d’arbres verts : ces masses bordent une charmante pelouse en pente, au bas de laquelle coule une riviè- re ; elle reçoit la source qui alimentait les bas- sins et le canal. La source tombe d’un rocher dans la rivière, qu’on traverse sur deux ponts en bois. Après avoir serpenté dans la partie basse du jardin, elle va se perdre dans le lac. Dans son cours, la rivière forme deux pres- qu’îles qui offrent des bocages délicieux; ils sont plantés de manière à laisser apercevoir le ( iiOO ) lac, et diflférens points de vue habilement mé- nagés. De ces presqu’îles, on découvre des ta- bleaux étonnans par leur variété et par leur situation pittoresque. La source sort du rocher par une fente qui sert à éclairer une grotte garnie de mousse et pratiquée dans l’intérieur du rocher, li y règne un silence qui invite à la mélancolie. Le rocher est entouré d’une énorme masse d’arbres verts; à ses pieds et sur le bord de la rivière, une au- tre masse de peupliers, d’aunes, de saules pleu- reurs, ombrage ses eaux encore écumantes. Avant d’arriver au rocher, l’elFet de la ri- vière est vraiment magique; il semble qu elle sort de dessous vos pieds, ce n’est qu’en avan- çant que l’on est assuré du contraire. La maison, mal placée, aurait besoin d’une restauration complète. ( 2oG ) CHAPITRE XLII. N euiUy , Département de la Seine. Entre la nouvelle et Fancienne route' de Neuilly, après le pare des Sablons ou des jeux chevaleresques, est une habitation composée seulement d’un pavillon carré que j’ai cons- truit en 1820. Le jardin est aussi de ma com- position; cette propriété vient d’étre acquise par M. Joly, négociant; cette habitation a coûté à l’ancien propriétaire (1) des sommes considérables, pour l’embellir et pour rendre fertile un terrain brûlant et sablonneux. Un jardinier pépiniériste voulant distribuer le jardin dans le genre anglais, a tout gâté, mê- me en faisant une grande dépense. Pour avoir (1) M. Piomain, propriétaire du café des Miile-Colon- ues, au Palais-Pioyal. ( 207 ) i’eaii nécessaire à un pareil terrain , pour en- tretenir la fraîcheur des pelouses, on a fait construire, au-dessus du puits, un réservoir élevé de trente pieds, ainsi qu’un manège pour y conduire les eaux. Cette élévation était nécessaire parce qu’elle faisait jouer un jet d’eau que j’ai supprimé, attendu qu’il n’était point en harmonie avec le genre pittoresque. Les eaux du réservoir sont distribuées dans toutes les parties du jardin, au moyen de con- duits en plomb. C’est en 1818 que je fus chargé de recompo- ser ce jardin, qui, maintenant, forme un pay- sage charmant. J’ai composé et fait exécuter un autre jar- din attenant à cette propriété, lequel appar- tient à M. Henry. Ce terrain attend l’exécution d’une habitation qui soit en harmonie avec ce joli jardin. ( 2o8 ) CHAPITRE XLIII. ViiitUe^ près Meuian, Département de Seine-el-Oise. A droite et à l’extrémité de la ville de Meu- lan est une vallée arrosée par un ruisseau qui vient se décharger dans la Seine. En remon- tant ce ruisseau, à une lieue de distance, on trouve le château de Yillette, appartenant à M. le marquis de Bouthilliers. Ce parc con- tient soixante et quinze arpens; l’aspect en est superbe, dans une vallée étroite, à la vérité, mais arrosée par une petite rivière qui offre un beau tableau. J’ai laissé au propriétaire le plan de sa nouvelle composition pour l’exécu- ter lui-même. Par ce nouveau projet, je forme dans la lon- gueur du parc, àtravers trois étangs que je sup- prime, un lac dont l’aspect majestueux offre une certaine grandeur. II arrivera, en roulant ( 209 ) ses eaux sur un rocher, devant le château, et se précipitera dans une basse rivière qui con- tinue son cours et va se jeter dans la rivière du moulin, ensuite dans la Seine. { 210 ) CHAPITRE XLIV. Beaurepaive , entre Creil et Pont-Sainte- Maxence, Département de l’Oise. Ce parc, d’une composition symetricjue, et de rétendue de cent cinquante arpens, est bordé au nord par la rivière d’Oise. H est bien à regretter qu’une longue mala- die qui a conduit au tombeau la baronne de Curnieux, l’ait empêchée de lui donner la composition que sa position réclame et que mon plan a préparé. Il n est aucun parc dans ce département plus riche en beaux tableaux, et qui présente un aussi grand volume d’eau et autant de mouvement. On arrive au château par une avenue de peupliers , au bout de laquelle est un pont placé sur un fossé rempli d’eau. Après 1 avoir /traversé, ainsi qu’une arcade , on se trouve ( 211 ) dans une cour Irès-^vaste, ornée d’une pelouse et plantée d’arbres d’espèces dilFérentes. A l’opposé de la cour est le château, qui est d’u- ne construction ancienne : une tour isolée sur la gauche faisait partie d’une aiîe qui a été a- battue. On traverse un second pont, autrefois pont-levis, jeté sur un vaste fossé très-profond, plein d’eau vive qui entoure le château; on passe sous une voûte pour se rendre dans la cour d’honneur. On en sort par un autre pont de bois; on traverse un vestibule sur la partie «à l’est qui conduit au parc. Le fossé, d’une tristesse et d’une monotonie effrayantes, est rc vêtu en mur de maçonnerie formant appui au- dessus du sol. La pente du terrain présente, d’un côté seulement , une profondeur désa- gréable et partout des eaux en abondance. Ce fossé n’est rempli qu’en partie par un motif que rien ne justifie. Le parc renferme de lon- gues allées droites d’un alignement parfait, de grandes masses de haute futaie, des trem- bles, et des ormes, de la plus grande beauté; des ruisseaux encaissés, ignorés, perdus dans les ronces, dans les bois, coulent de toutes parts, et viennent se perdre à l’extérieur du ( 212 ) jKirc. Enfin, ces différentes sources sont ca- chées dans rherbe ou dans des encombremens de terre. Cette propriété deviendrait i’un des plus beaux parcs du département de l’Oise si l’on en confiait la composition à un artiste in- telligent. Le terrain forme une légère pente du côté de l’Oise; le château est assis dans le milieu du parc. Des sources surgissent et bouillon- nent dans les parties les plus élevées. Le plan ayant été accepté, allait être exécuté sous ma direction lorsque M""*" de Cu mieux tomba ma- lade. Par le plan que j’ai fourni, les eaux éparses seront réunies à la droite et à la gauche du château; elles formeront deux rivières’ qui , prenant leur source dans le haut du parc, cou- leront en serpentant, en se grossissant de tou- tes les autres sources qui seront amenées par des ruisseaux. Après avoir formé plusieurs cascades, les deux rivières viendront se réu- nir au-dessous et à peu de distance du châ- teau, et, dans le fossé qui l’entoure, élèveront le niveau de ses eaux jusqu’à la hauteur du sol. Les murs de revêtement de ce fossé seront ( 2l3 ) remplacés par une pente douce plantée de ga- zon, de rosiers et d’arbustes. Alors le château, maintenant enfermé entre le fossé très-pro- fond et monotone, sera renfermé dans une île pittoresque; la réunion des deux rivières aura lieu devant le manoir : leurs eaux, aug- mentées par celles de l’ancien fossé, formeront une masse considérable et d’une grande su- perficie. Toutes les eaux réunies se précipite- ront du haut d’une cascade dans une rivière basse de dix pieds, qui, en s’éloignant, forme unelargeur de cinquante pieds; après avoir ser- penté sur la droite , prend son cours sur la gauche de la prairie , passe une seconde fois devant le château, et va se précipiter ensuite dans l’Oise, du haut d’un rocher de i8 pieds d’élévation. Voilà ce que deviendra ce parc lorsqu’on voudra y faire travailler. ( 2l4 ) CHAPITRE XLV. Le Buisson de Maî^ Département de l’Eure. Ce beau parc, situé sur le bord de la route deCaeii, à une lieue de Pacy-sur-Eure, à trois d’Évreux, est d’une étendue de deux cents ar- pens. Le château, qu’on aperçoit de la route, est construit à la moderne et flanqué de pa- pillons aux quatre angles. Il a été bâti sur les dessins de feu M. Antoine, auquel on doit le bel hôtel de la Monnaie, à Paris. Le plan du Buisson de Mai a été tracé à plu- sieurs reprises par différens artistes. M*"^ la marquise Dambert et M. le comte de Saint-Al- bin ont donné la préférence au plan que j ai composé. Ce parc forme un très-beau taillis qu’on ex- ploite par des coupes réglées; le château, pla- cé presqu’au milieu, n’étaif vu de la roule ( ) que par trois avenues, Tune au milieu; les deux autres, sur les angles, forment un trapèze régulier. C’est entre ces deux avenues et vis- à-vis le château que s’exécute le paysage. On a détruit l’avenue du milieu , abattu des bois pour former la pelouse et les nouvelles plan- tations; malbeureusement l’ingratitude du terrain nécessite beaucoup de main-d’œuvre. L’ancien bois était planté de bouleaux ; cet arbre est désagréable à la vue par scs longues tiges et son écorce blanche. Sur les côtés du nouveau parc j’ai fait des percées pour établir des clairières; il en résulte que les massifs pro- duisent tout leur effet. Les devants des massifs sont plantés d’arbrisseaux en touffes, tels que des lilas, des arbres de Sainte- Lucie et de Judée, des ébéniers et autres, etc. Les der- rières sont garnis d’un grand nombre de noi- setiers qui, en cachant les tiges des bouleaux, donnent aux massifs une forme ronde et na- turelle, et procurent la jouissance d’un parc qui semblerait avoir vingt ans d’existence. Ce moyen très-simple apporte une grande écono- mie, soit en terrasse, soit en plantations. Les pelouses entre les massifs forment d’beu- { 2l6 ) roux acxidens; le Buisson de Mai oflre tous les charmes d’une belle nature par ses plan- tations, ses perspectives et ses points de vue sur divers clochers. De la route on aperçoit et on perd cinq à six fois successivement la vue du château. L’ancienne avenue du côté de Paris, fermée par une grille, forme l’entrée principale. Ce parc a été commencé par M. le comte de Saint -Albin, qui s’est fort bien acquitté de son exécution. Sous le rapport des plantations et de la pers- pective, le Buisson de Mai offre beaucoup de charmes; il est seulement à regretter qu’il soit privé d’eau. ( 217 ) CHAPITRE XLVI. t Livry ^ près Melun^ Département Je Seine-et- Marne. (’e parc, d’environ arpens, est situé en amphithéâtre sur les bords de la Seine, à une lieue au-dessus de Melun. Lorsque j’y fus ap- pelé pour le recomposer, il possédait de très- beaux arbres et une belle végétation. Au-dessus de la partie supérieure du part- est une côte couverte de vignes , et sur le som- met est le village de Livry, qui, malgré sou élévation, possède une bonne source d’eau vive, qui fournit le village par le moyen d’un conduit ; cette source fournit aussi l’eau né- cessaire au château , à la ferme et au potager. La Seine coule au pied du parc, et le côté op- posé est bordé par les bois de M. de La Ro- chette , ensuite est la forêt qui couronne la montagne. ( 2l8 ) La vue du chateau est admirable; la ville de Melun présente un très-beau point de vue. Les montagnes qui forment le cadre du tableau général sont bien boisées, et présentent un coup-d’œiî admirable. Le parc de Livry, qui appartient à M. le chevalier Vallette, formera un très-beau paysage, dès qu’on aura exécuté le plan que j’en ai Lût. Le château, bâti par- tie en brique, a été réparé. La ferme touche au château. J’ai changé l’entrée du parc , qui était en commun avec le' fermier. 11 y a un superbe potager et des bâtimens de basse-cour, qui répondent au manoir, ainsi que des bois qui enrichissent le tableau. Déjà ce parc était commencé sans plan et sans perspective. L’exé- cution de mon projet étant achevée, le parc ne sera pas reconnaissable. Si la source avait fourni assez d’eau, j’aurais désiré former une petite île, parce que sa disposition y prête beaucoup; mais le courant d’eau est faible, tandis qu’il est trop fort ailleurs. [ ai9 ) CilAPIïRE XLVII. Cappy, près Verherie^ commune de Saint- Vaast^ Département de l’Oise. Ce parc, situé sur le revers d’une montagne qui touche et qui fait face à Verberie, ainsi qu’cà son immense vallée, offre un paysage d’une assez belle étendue. 11 appartient à AL le vicomte Des Fossés, amateur des arts et de la belle nature, qui en a tracé la composition. On Y trouve une rivière qu’il a créée , et dont la source est prise à mi-côte dans le parc ; une île , des eaux limpides, des ponts et des fabri- ques , dont l’ensemble se dessine à merveille. Ce qui manquait à ce paysage lui a été fourni en faisant terminer les côtés du château, et en lui donnant de la perspective du côté de la route. L’ensemble de ce parc, qui est d’imo étendue de cent arpcns, est vraiment parfait. Du château , on jouit d’une des vues les plus i ( 29.0 ) étendues et les plus pittoresques; on dirait me- me que la forêt de Compiégne a été plantée pour ajouter a l’intérêt de cette propriété. L’Oise arrose et serpente dans cette immense vallée, qui, à l’opposé, est terminée par une autre montagne également pittoresque, sur laquelle on remarque plusieurs moulins. Des villages, des clochers, des masses d’arbres for- ment un tableau qu’on ne cesse d’admirer. Du sommet de la montagne de Cappy, on décou- vre, à trois lieues de distance, les premières maisons de Compiégne. On arrive au manoir par un chemin planté de tilleuls qui forment un ombrage épais. Au surplus M. le vicomte Des Fossés ne peut regretter les dépenses qu’il a faites pour l’embellissement de sa propriété , qui offre de l’intérêt et de superbes tableaux. Le ruisseau qui prend sa source dans le parc, près le châ- teau, est son ouvrage. J’ai seuleiiîent ajouté quelques plantations nécessaires à la perspec- tive au sommet du parc ; et au milieu de bel- les plantations sont les ruines d’un temple, dont les colonnes en pierres existent encore en partie ; ces ruines sont assises sur un rocher. ( 221 ) (]’esl une des plus belles sitiialions qu’on puisse décrire. Le château de Cappy, quoique peu d’importance, est très -ancien, puisqu’on y voit encore des signes de défense employés dans les xiii*" et XTV^ siècles. Cappy appartient à la famille Des Fossés depuis i5o5. Cappy n’est pas le seul paysage de la vallée auquel la na- ture ait prodigué ses dons. A une demi-lieue et du côté de Pont-Sainte-Maxence , est la pro- priété de M. de Fontaine, à laquelle il man- que une composition et de la vue extérieure. Le manoir est joli, les eaux sont abondantes ; on y trouve des plantations considérables et une belle végétation. Cette habitation char- mante est l’ouvrage de M. de Fontaine père. Sur la droite de Cappy et sur le bord de la même vallée , dans une gorge où coule la pe- tite rivière d’Otonne, iaquelie vient se dé- charger dans l’Oise, en face de Cappy, est un antique château entouré d’un joli parc. C’est la propriété de M. le marquis de Janson. Ce parc, beaucoup plus étendu que le précédent, contient plusieurs beaux tableaux, surtout par la rivière qui le parcourt en divers sens, et qui présente tout ce qui convieîît pour Lùre ( 222 ) un superbe paysage. 11 est bien a regretter que ce parc attende une composition nouvelle, pour faire ressortir tous les avantages qu’il possède. Il est impossible de pouvoir décrire toutes les parties intéressantes qui se rencontrent à chaque pas dans le département de l’Oise. En parcourant la route deCreil à Clermont, ayant passé Nogent-lès-Yierges , on arrive à Nengue- ville. Une vallée à droite s’offre aux regards du voyageur; le tableau en est admirable, il est une merveille de la nature. La vallée se prolonge dans le lointain et tourne derrière une montagne, qui en laisse ignorer la fin. Des masses de peupliers mélangées avec d’au- tres plantations; une foule de ruisseaux et de petites rivières qui ont leur embouchure dans l’Oise, arrosent cette vallée et contribuent à la fertiliser. C’est au mois d’octobre 1819, en me rendant à Calais, que je visitai ces beaux lieux, dont le souvenir ne s’effacera jamais de ma mémoire. / ( 225 ) CHAPITRE XLVIII. Frethun^ près Calais^ Déparlenieiit du Pas-de-Calais. A une petite lieue de Calais , dans une jolie vallée, était un parc planté symétriquement, à laLeNostre, et qui appartient à M^^Becquet, connue par son goût pour la belle nature. J’arrivai chez elle le 12 octobre 1819, pour la composition pittoresque du parc, qui n’est pas, il est vrai, d’une grande étendue, mais la végétation et les eaux en font le charme. Je vis un bois extrêmement touffu, un ca- nal bien aligné ; il était entouré d’une énorme charmille de cinq pieds de haut et supérieu- rement taillée; elle formait un voile tellement impénétrable, que beaucoup de personnes qui venaient journellement au manoir ignoraient l’existence de ce canal. Pour donner à ce parc la composition qui lui convenait, je commen- çai par faire disparaître ces ignobles murailles de charmilles. ( "224 ) Le projet de composition du parc étant ter- miné, ie canal prit la forme d’une jolie rivière qui serpente; et, en détournant le cours , j’ai créé une autre branche de rivière, qui, avec la première, forme une île charmante. Ces deux rivières viennent se réunira une cascade. On a établi deux ponts sur la grande rivière et un troisième sur la petite , pour communi- quer dans l’île. Ces opérations faites en peu de temps for- ment aujourd’hui un charmant paysage, et ce qui rend ce parc aussi intéressant , ce sont les belles plantations de trente à quarante pieds de haut qui se trouvaient toutes faites, et dans lesquelles il n’y avait qu’à percer; aussi la pro- menade en est délicieuse. En parcourant ce petit parc, un peu en- caissé à la vérité, puisqu’il ne tire ses points de vue que dans son intérieur, à l’exception du clocher du village, on ne saurait trop fé- liciter Becquet pour son amour pour les beautés de la nature. Sa propriété, jadis si froide, si monotone, si ennuyeuse , est au- jourd’hui un séjour enchanteur. ( -îaS ) CHAPITRE XLIX. Le Plessis - Viiiette , Département de l’Oise. La nature semble avoir prodigué tous ses dons et ses largesses au département de l’Oise; on en trouvera facilement la preuve en lisant la description des paysages cités ou décrits dans cet ouvrage, et qui appartiennent à ce dé- partement. Tels sont les parcs de Morfontaine, d’Ermenonville, de Cappy, de Beaurepaire, de Gournay, et Yillers-Saint-Paul, etc. En sortant de la ville de Pont-Sainte-Maxence et à droite de la route de Flandre, on remarque aussitôt le parc de Yillctte qui borde la route. Un pont de bois assez modeste, fermé par une barrière,annonce l’entrée du parc; cette entrée, pour un parc tel que celui deYillette, exige quel- que chose de mieux. Derrière le rocher est un lac placé au milieu d’une haute futaie qui om- i5 ( 226 ) brage ses eaux ; ce lac se prolonge, luit, et se perd dans le lointain. Un étroit sentier qui prend naissance à la sortie du pont, borde ce lac; il s’en éloigne et s’en rapproche alternati- vement, et conduit au château. A peine a-t-on fait quelques pas que l’ima- gination est soudainement frappée des objets qui se présentent â la vue. A droite est un lac spacieux ; à gauche , une belle rivière en- ferme plusieurs îles. Elles sont plantées d’ar- bres énormes qui, par leurs formes gigantes- ques, semblent appartenir aux premiers temps du monde. Plus loin, un pont de bois jeté sur l’un des bras de la rivière, et au-dessus, la montagne de Fresnoy, située à deux lieues de distance : son sommet est garni de moulins qui se perdent dans l’horizon et qui présen- tent un charcnant point de vue. La rivière , large de cinquante pieds, coule lentement au milieu d’une magnifique pelouse; vous désirez en suivre le cours, mais vous êtes retenu par la vue des bâtimens placés sur la droite, qui servent de basse-cour et d’écurie. Plus loin on découvre le château, qui se c-om- pose d’un pavillon carré à l’italienne. ( 227 ) Étant placé en face des bâtimens de la basse- cour, le tableau le plus pittoresque s’offre à vos regards surpris : c’est le charme de la belle na- ture dans toute sa magnificence. L’entrée de ce beau parc est singulièrement romantique; à son aspect, l’âme est saisie d’une douce mé- lancolie et d’un tendre sentiment. Cependant, malgré ses avantages , le parc de Yillette est susceptible d’étre retouché dans certaines parties du tableau général. En arri- vant au manoir, le tableau qui se présente est d’autant moins intéressant qu’il manque de perspective. En portant les regards sur la face opposée du château, vous apercevez deux ta- bleaux qui font le charme de la vue; rien de plus séduisant et de plus majestueux. D’un côté, la ville de Pont-Sainle-Maxence et la montagne â l’opposé de l’Oise; elle est couronnée de forêts qui dominent la ville, A gauche, l’ancien couvent de Monel , dont les formes gothiques se font remarquer ; plus loin une haute colline couverte de hameaux et couronnée par la belle forêt d’Halatte. L’ho- rizon se termine par l’ancien prieuré de Saint- Christophe; enfin, la rivière qui parcourt le ( 22S ) parc vient aussi offrir ses charmes de ce coté du château; â peu de distance elle disparaît pour aller se précipiter dans TOise. Au sud-ouest on découvre, â une grande distance, la belle montagne de Nointel et l’an- tique camp de César. C’est le marquis de Ylllettc père qui fit exé- cuter ce parc vers 1790; il en est de même du château, qui a été construit avec les matériaux que lui donna le prince de Coudé ; ils prove- naient de la démolition du château de Yer- neuil , près Creil, élevé par Henri lY, pour sa maîtresse, la belle marquise de Yerneuil. Du côté du nord , le parc borde la grande route jusqu’au village du Plessis. Cette partie est susceptible de recevoir de nouvelles plan- tations pour en former le cadre, qui manque totalement. Du manoir, le paysage est très- incomplet dans sa distribution; on remarque avec peine des plantations mal placées , un manque total de perspective, et les eaux n’of- frant point l’intérêt qu’elles doivent avoir; il n’y a qu’un seul chemin d’arrivée, et faute de sentier, on ne peut pénétrer dans aucune partie du parc; par conséquent la vue des ( 229 ) plus beaux tableaux est eu lièremenl dérobée. Le genre pittoresque exige piusscurs allées pour conduire le promeneur dans les lieux les plus intéressais du paysage; sans cela, on ne peut jouir que de la vue du tableau général, et nullement de celle des tableaux particuliers. Ces derniers, placés derrière le grand tableau, sont ceux qui présentent une multitude d’ac- cidens plus heureux les uns que les autres. A chaque pas on rencontre de nouveaux objets et de nouveaux paysages. Là , une masse de peupliers; la rivière dont les eaux limpides coulent lentement; leur transparence qui ré- fléchit tous les objets placés près de ses bords, fait naître le désir d’en suivre le cours. Ici, un pont, une masse de trembles entou- rée d’une belle pelouse ; plus loin , la 'rivière paraît une seconde fois, elle forme une îl(‘ plantée d’arbres de diverses espèces. En avançant, on découvre la grande route, et près du pont, un point de vue de la plus grande beauté; un second ruisseau vient ali- menter la rivière, et forme la clôture du parc avec la route, après avoir parcouru une im- mense prairie de dix-huit cents arpens, au mi- ( 230 ) lieu de laquelle Ton voit encore les fondeinens de l’antique chateau de Fonta in e-le-C ointe, avec ses anciens et larges fossés à moitié rem- plis, ainsi que l’emplacement de ses immenses avenues. Ces restes offrent encore le souvenir de la magnificence royale et de la grandeur. Ce château fut bâti en 1719, sur les dessins de feu Bellamair, architecte du Roi. Cette belle terre fait maintenant partie de celle de Villette. Oui, c’est à Yiiiette que l’homme sensible, que le philosophe, doivent aller pour se livrer aux inspirations mélancoliques, à la médita- tion. C’est là qu’ils pourront étudier cette na- ture toujours belle dans sa simplicité, admira- ble dans son désordre, dans son inégalité, même' dans ses caprices et ses bizarreries. M. le marquis de Yiiiette se propose de rendre à ce beau parc ce qui lui manque pour par- venir à sa perfection. Je ne peux terminer sans rapporter les vers charmans que le marquis de Yiiiette, père, adressa au prince de Condé, pour le remercier du don qu’il avait fait des matériaux du châ- teau de Yerneuil , qui furent employés à la construction du château de Yiiiette. ( 23. ) Aux pierres du château de Verneuilj Que Monseigneur le Prince de Condé avait données à mon Père.' Restes de ce palais, à l’Amour consacré, Par un des plus grands Rois que la France révère. Tout peint dans vos débris un Monarque adoré. Signes des voluptés où. son cœur fut livré, De vos chiffres charmans, inventés à Cythère, Mon cœur est toujours pénétré. L’Art vous relève : embellissez ces lieux; Eprouvez encor la puissance. Mon prince, en vous donnant, vous rend plus précieux. Dédiés, autrefois, avec magnificence, A l’Amour, à un Dieu maître de tous les Dieux, Soyez-le, désormais, à la Reconnaissance. ( 252 ) CHAPITRE L. Romiiiy -sur - Seine , Département de l’Aube. Ce parc, riin des plus beaux de la France, est arrosé et divisé par plusieurs bras de la Seine. Il offre une superficie de quinze cents arpens, tant en prés, en bois, qu’en rivières. Brute, monotone, sauvage, son aspect pré- sente cependant un air de grandeur et de somptuosité par des masses énormes de peu- pliers d’Italie d’une hauteur surprenante. Aussi le voyageur, dont ces masses font l’ad- miration, s’écrie : Voilà Bomilly ! Ces arbres ont au moins cent à cent vingt pieds de haut, et ce n’est pas exagérer que de porter leur nombre à soixante mille. Ils se font apercevoir de la route qui conduit à Bâle , et qui passe à un quart de lieue environ du parc. Ces ar- bres, plantés sur des lignes droites, distri- ( 255 ) bueiit la prairie en plusieurs carrés; ils for- ment des masses si considérables, si impo- santes, que rien n’indique de loin des planta- tions sur un plan régulier. Leur vue imprime dans l’ame une douce mélancolie; la curiosité fait naître le désir d’approcher de ces masses, de les admirer dans leurs détails. Mais par où commencer? quelle route pren- dre? Aucun chemin, aucun sentier ne se fait apercevoir, pas même un pont pour traverser les dilférens bras de la rivière; l’amateur, obli- gé de faire un grand détour, renonce au projet qu’il avait formé ; cependant^ à force de per- sévérance, s’il parvient à se rapprocher, il mar- chera au travers des foins, franchira des fossés, et à chaque pas il rencontrera des ruisseaux ou des saignées destinées à égoutter la prairie. La prairie étant d’une grandeur immense, ces masses servent à la rendre moins aride. Elles reposent la vue; elles meublent la prai- rie, qui serait trop vaste et dont la vue serait extrêmement insipide. Mais ces arbres, qu’on a grand soin de renouveler au fur et à mesure qu’on en arrache, rapportent tous les ans des sommes assez considérables. Au moyen d’un ( 2Ô4 ) moulin à scie placé sur l’un des bras de la ri- vière, ces arbres sont débités en planches ou voliges. Us sont ensuite chargés sur des ba- teaux qui se trouvent auprès de la scierie, et transportés à Paris. Le bourg de Ilomilly renferme près de trois mille habitons; ils fabriquent de la bonneterie qui est fort estimée. Placé près de la grande route , il faut traverser le bourg pour arriver au château. Au bout d’une longue avenue de tilleuls se trouve la grille en fer qui ferme la principale entrée. A droite et à gauche d’une cour spacieuse, ornée d’une pelouse, sont des bâtimens construits sur un plan symétrique : iis sont flanqués aux quatre angles de pavillons réguliers , composés d’un premier étage avec des mansardes. Les corps de bâtimens inter- médiaires se composent d’un rez-de-chaussée surmonté d’un étage en mansardes, éclairé sur la cour par quatre-vingts croisées garnies de persiennes ; et en retour du côté du parc, bor- dant un joli canal , un corps-de-logis éclairé par cinquante-huit croisées également ornées de persiennes. Ces bâtimens considérables, construits de- ( 205 ) puis trente ans , produisent un très-bel effet. Cette entrée majestueuse présente plutôt l’en- trée d’un château royal que celle de la maison d’un particulier. Cependant personne de plus simple dans ses habitudes et dans ses maniè- res, que le propriétaire, M. Worms de Ro- milly. La cour est immense, car elle a soixante toi- ses de longueur sur cinquante-six de largeur; elle est séparée au milieu par une grille en fer de meme largeur. Le fermier, le jardinier, le curé, et le con- cierge , occupent les bâtimens de la première cour; en face sont les écuries et les étables du fermier. Le régisseur occupe un côté des bâ- timens de la seconde cour, et l’autre côté est employé par le fermier. En retour du canal, les bergeries et les granges , sur le derrière, deux vastes cours, reçoivent les fumiers, en sorte que les deux cours d’entrée, ornées d’une pelouse au milieu , peuvent être considérées comme des cours d’honneur. On n’aperçoit le château qu’après avoir tra- versé un premier pont, qui est entouré en par- tie de peupliers et de saules pleureurs. Avant ( 256 ) d’y parvenir, il faut traverser un second pont situé sur un autre canal qui, baigne presque les murs du château; du côté opposé, sont deux autres canaux parallèles aux précédons, et placés aux memes distances. Ils forment sur les deux faces principales un retour d’angle qui réunit en un seul les deux canaux bor- dant le château. Ce large canal, de soixante pieds de large, coule perpendiculairement en face du manoir, entre deux longues avenues ; l’une conduit à Conflans, où ce large canal se réunit au canal de navigation, l’autre conduit aux Granges, où se trouve un second canal pareil au premier. Par ce qui vient d’étre dit, on s’apercevra aisément que le château de Romilly est situé dans une double île, où l’on ne peut parvenir qu’après avoir passé quatre grilles et deux ponts de pierre. ' L’île formée par le premier canal présente une superficie de trente- quatre arpens; je l’appellerai le petit parc. De même que le grand, il est planté d’une manière très-symé- trique , et n’est pas moins ennuyeux. 11 est coupé en deux par le canal du milieu, et coupé ( •‘^37 ) en trois par le canal qui entoure le château. En sorte qu’étant derrière le manoir, si l’on désire aller plus loin, il faut absolument ré- trograder, car un canal de cinquante pieds de large contraint à la retraite. Nul doute que Ilomilly ne soit un beau domaine. Il plaît au premier abord, et Unit par ennuyer à cause de sa monotonie. J’ai dit qu’au milieu des deux avenues était le large canal des Granges, situé vis- â- vis le château, du côté de l’arrivée. Ce canal se ter- mine, âla distance de cinquante toises du ma- noir, par une immense cascade de la largeur de dix toises. L’eau tombe avec fracas dans le canal qui fait le tour du château. La cascade offre un effet admirable, qui se répète dans une glace du salon, laquelle est placée sur la porte qui communique au billard. J’ai fait un nouveau projet du petit parc, qui se lierait on ne peut pas mieux avec le grand. Je conserve la cascade, qui est rare par sa gran- deur et par son effet. Je fais entrer les eaux qui en sortent, dans le premier canal du côté de la rivière, et je remplis celui qui borde le châ- teau. Une belle pelouse , des masses d’arbres ( 258 ) ^ et d'arbustes, des fleurs en abondance, orne- raient le devant du manoir, et remplaceraient ces canaux multipliés qui semblent tenir le château comme en prison dans une double île, d'oii l’on ne peut sortir sans craindre de tomber dans ces canaux souvent bourbeux. Les arbres du petit parc consistent en tilleuls et en peu- pliers qui sont arrivés au terme de leur accrois- sement ; déjà ils se couronnent et ne profitent plus. En les exploitant, ils produiront une somme de quarante mille francs, et la com- position du petit parc coûtera à-peu-près la moitié de cette somme. En cherchant à réunir l’agréable à l’utile, je me suis essentiellement occupé du rapport du domaine. J’ai remarqué que pendant les for- tes chaleurs, la Seine n’oflrait pas une qu^intité d’eau suffisante pour alimen ter à la fois le mou- lin à scie, les deux moulins à farine, ainsi que le canal de navigation. Alors on est obligé de prendre l’eau de tous les autres canaux, lors- qu’il y a des bateaux à mettre à flot. J’ai re- connu que lorsque les moulins avaient le vo- lume d’eau nécessaire pour les faire tourner, c’était souvent aux dépens du moulin à scie. ( 239 ) Je pense avoir trouvé le moyen de fournir à-peu-près à ces usines, les eaux qui leur man- quent pendant leté. Le canal des Granges, depuis la grande cascade, est d’une longueur de mille toises , sur une largeur de soixanU' pieds; la moitié de cette longueur exige d’etre récurée, et formera une masse d’eau de réserve pendant la nuit, temps pendant lequel les moulins sont arrêtés. On y retiendra les eaux qui se perdent en sautant sur la cascade; en- tre le canal de la scierie et cette cascade , je forme un lac. Les terres qu’on en retirerait serviraient à combler le canal qui entoure le château. Le terrain étant plus bas de trois pieds, il y aurait peu à fouiller, et à cet égard deux pieds suffiraient. Il en résulterait que le lac et le canal des Granges, étant nettoyés, ce- lui de la scierie et la rivière du moulin présen- teraient une masse d’eau de la superficie de quatorze arpens; les eaux épargnées pendant la nuit, jointes avec celles qui arrivent dans le courant de la journée, seraient plus que suffisantes pour alimenter continuellement les moulins. Cette disposition donnerait au parc une forme pittoresque; la vue ne serait plus ( 240 ) choquée de ces ennuyeux canaux qui forment la croix. La monotonie disparaîtrait ; elle serait remplacée par les charmes d’un beau lac. Le château de riomilly n’offre rien d’intéres- sant; il ne répoüd pas à la beauté de la terre ni au grandiose de l’entrée. On est vraiment sur- pris lorsqu’après avoir traversé deux cours magnifiques et des bâlimens qui ont un cer- tain air de grandeur, on trouve un château dont la structure et les proportions sont très- ordinaires. Il est bâti en grès et en briques : l’un des pavillons a été reconstruit sous ma direction. Il en est de même de la salle de billard, placée à l’ouest du château. Au-dessus est une terrasse de cent pieds de long sur vingt- cinq de large, couverte en mastic de Dihl. Le point de vue en est admirable; le beau canal de navigation va se perdre dans le lointain der- rière une énorme masse de bois ; à droite est une avenue qui conduit â Marcilly, fort village où l’Aube fait sa jonction avec la Seine. Ro- milly est à trente lieues de Paris , en passant par Provins et Nogent-sur-Seine. ( 24i ) CHAPITRE LI. Sainte-Maure, près Troyes, Département de l’Aube. Ce parc , moins spacieux que celui de E.o- milly, présente cependant une superficie de deux cent cinquante arpens. Pareillement si- tué sur la vallée que traverse la Seine, il offre des situations heureuses. Pendant treize ans, le propriétaire, M. le comte de Chavaudon , faisait travailler à son parc, lorsqu’il jugea né- cessaire de m’appeler ; je lui traçai la perspec- tive de ses différons points de vue, pris des pentes du térrain au-devant du château. Je le mis à même de terminer des travaux qu’il avait si bien commencés et auxquels il ne manquait plus que la dernière main : un point de vue est dirigé sur un pont de bois placé sur le canal de navigation de Troyes à Marcilly, où l’Aube vient se jeter dans la Seine; un autre i6 ( 242 ) sur hi belle maison de campagne de M. le baron de Walzolnay, préfet de l’/inbe, et sur plu- sieurs autres ( ndroits dans réloignement. Le propriétaire a fait établir une écluse qui, par le moyen de ruisseaux, heureusement distri- bués, sert à arroser tout le parc en moins de deux heures. Quelle ressource pour les prai- ries! Aussi les récoltes sont toujours fort abon- dantes. Les aociemies plantations du parc de Saint- Maure consistent en saules. Ces arbres sont d’un grand produit, en ce qu’ils sont employés à faire des échalas pour les vignes du pays. La façade du château, terminée à ses bas- colés par deux pavillons , olFre une grande étendue; l’escalier vient d'être fait à neuf sur mes dessins. Le château étant terminé, de- viendra une des charmantes habitations du département. Outre des superbes masses d’ar- bres, la vue ne cesse d’être occupée : le tableau général est très-beau, en ce qu’il offre une foule fie petits tableaux aussi variés qu’ils sont inté- ressans. De toutes parts sont des pelouses qui présentent de magnifiques lointains. Ce parc, un peu agreste, mais toujours pittoresque, forme de jolis bocages, mais il manque de mouvement et d’arbres exotiques; en revan- che, et comme par une espèce de compensa- tion, il présente tous les charmes d’une belle nature. Il reste à faire pour l’ornement de la façade principale du côté de l’entrée, un péristyle à la porte du milieu, que M. le comte de Chavau- don se propose de faire exécuter. ( 244 ) CHAPITRE LU. Saint- Augustin^ Dé^jartemeiit de l’ Allier. Celte belle terre appartient à IVi. le comte de Jüuville. Du château, placé au centre sur un plateau, la vue domine sur la belle vallée qui la traverse; et au fond coule la rivière; on la passe sur deux ponts, et sur un rocher sous lequel elle s’enfonce, pour reparaître un instant et se perdre tout-â-fait. Je passai deux mois à Saint- Augustin , en 1821, avec M. le comte de Jouvîlle, qui prit autant d’ouvriers qu il fut nécessaire pour fai- re son parc. Quoique son étendue soit de plus de cent arpens, sans y comprendre les belles futaies avec lesquelles j’ai lié le parc , je le commençai et le finis dans ce court délai. Je plaçai la grille d’en liée à une des extrémités (lu parc; on le parcourra en traversant un pont pour arriver au château , où Ton par- vient à un joli vestibule orné de colonnes d ordre dorique, sur un plan demi-circulaire; on a fait deux ponts en bois sur la rivière, qui est d’une belle largeur. Enfin, on a changé la forme du perron, qui ne convenait pas à la situation d u châ teaiiet d u parc. Placé sur ce perron on aperçoit plusieurs points de vue : à gauche, de beaux lointains; en face, une ferme et des masses de bois anciens; à droite, la belle futaie qui maintenant appar- tient au parc et dont l’aspect est délicieux; des chênes immenses et de la plus grande beauté, des enfoncemens sous lesquels la pelouse va porter ses charmes; à droite delà futaie, dans la lointain, est un (Hang assez considérable; au milieu, de beaux arbres meublent et ombra- gent ses bords. A l’extrémité de celte magnifique pièce d’eau, dont les plantations dérobent ses extré- mités à la vue, sont deux cabanes de pêcheurs appuyées contre une futaie admirable, sous la- quelle les eaux vont s’ombrager; descendez au bord de la rivière, vous la voyv'z, à droite, sor- lir avec majesté sous une voûte impénétrable de cette futaie, et traverser lentement le parc; il semble qu’elle ne ralentit sa marche que pour mieux se faire admirer : elle arrive à l’autre extrémité, s’enfonce sous la voûte d’un rocher, et s’engloutit pour toujours. Au-dessus de ce rocher est un kiosque gothique qui forme une jolie fabrique. Une allée, qui fait le tour du parc, passe sur ce rocher, d’où l’on admire le cours de la rivière dans sa perspective. Cette habitation offre tant de tableaux in- téressans, que M. de Jouville m’écrivait, le 3o août 1825, que son parc serait dans peu d’an- nées un des beaux de la France. J’ai trouvé la vue du rocher et celle de l’é- tang si admirables, que j’ai cru devoir en offrir la vue. La rivière sort de l’étang au travers d’un rocher, et va se perdre dans un autre rocher, à l’autre extrémité. ( 24: ) CHAPITRE LUI. Fontaine - Lavaganne, Département de l’Oise. Cette jolie terre est située sur la gauche de la grande route de Paris à Calais, au-dessus de .Marseille -les -Beauvais. Le château, de cons- truction antique, est flanqué de tours à ses deux extrémit-és; il est mai percé en croisées, et construit en caillou noir et en brique. Une aile derrière fait face au parc; à l’extrémité, une tour énorme de quarante-cinq pieds de dia- mètre, avec des murs de treize pieds d’épais- seur, termine l’aile du château, de manière â priver le salon de la plus belle vue du parc. J’ai fait abattre cette tour ridicule, qui don- nait pour tout logement, au premier étage, une seule chambre, et des cabinets dans les épaisseurs du mur. Cette tour avait pour avan- tage de faire inonument à l’extérieur, et de se '[ 248 ) faire apercevoir à plusieurs lieues, car le site où est placé le château est fort élevé, quoi- que paraissant de niveau avec la grande rou- te; mais il domine toute la vallée sur le côté opposé, qui est fort étendue. A quelque distance, un fossé, revêtu de ma- çonnerie, entourait le château sur trois côtés. Les décombres provenant de la démolition de la tour ont servi à le combler; de sorte qu’on peut maintenant circuler facilement du château dans le parc, qui s’arrêtait à ce fossé et paraissait tout-à-lâit étranger â l’habitation. ^ 11 semblait que le parc appartenait à un au- tre propriétaire; pas un chemin, pas une allée pour y parvenir; maintenant que M. llobertval a fait exécuter mon plan, et fait démolir la tour, la nature, qui paraissait exilée du château, et lui être étrangère, est venue l’habiter jusque sous ses fenêtres; elle parcourt, agrandit son domaine, et é- tend ses charmes sur un lieu sauvage qu’el- le a remplacé par de beaux arbres et des fleurs. La vue du château est monotone; il semble, au premier aspect, inspirer la tristesse; Tinté- ( 2^9 ) rieur du fossé, qui entourait le château, n’é- tait pas moins sauvage que le manoir. La tour, qui offrait l’aspect d’une prison d’état, faisait naître l’idée de reculer et de retour- ner sur ses pas ; les yeux ne trouvaient rien pour se reposer. Maintenant , les charmes de la belle nature dédommagent l’amateur ; il n’a plus à regretter sa curiosité. Si la vue du manoir attire ses regards au premier abord, ce qui ne plaît pas long-temps, il s’en dédom- mage en reportant ses yeux sur le parc, qui possède, excepté le pourtour du château, une masse de futaies énorme, de plus de soixante arpens; sur la gauche du parc est un chemin en forme de terrasse dans toute sa longueur, qui domine cette belle vallée, vraiment faite pour inspirer l’intérêt. Cette terrasse se termine, à l’autre extrémité du parc, par une croupe arrondie portant la vue sur la plaine et sur la grande route. A vos pieds, au fond d’un vallon très-profond, est la pente qui descend du parc. Un hameau paraît si rapproché, qu’il sem- ble faire partie du domaine. Ce hameau, très- peuplé, est placé dans une gorge entre deux ( 25o ) montagnes; et le parc, d’iiii côté et de l’autre, paraît une foret. Par son isolement, ce village semble former un monastère ou l’habitation de quelque sauvage. Au travers de la futaie, et en face du châ- teau , est une avenue que l’on n’avait jamais vue du salon , tant que la tour, nommée Mi- gnonnette, avait existé. Cette avenue était fort sombre et très-bumi- de, à cause de la voûte des arbres qui la cou- vrait et du peu d’air qui pouvait y pénétrer. Elle doit maintenant être élargie, d’après le plan, et remplacée par une belle pelouse pro- portionnée à l’habitation. Les arbres qui la bor- dent doivent former une charmante perspec- tive et un beau tableau. La seule chose à re- gretter pour cette habitation, c’est l’eau : il n’y a qu’un seul puits près du château, où il faut près d’un quart d’heure pour en obtenir un seaii. Du reste, tout est en harmonie : un jo- li potager, de vastes écuries et remises. La vue du château, â la vérité peu aimable a l’exté- rieur, est fort agréable â l’intérieur, la route passant â une portée de fusil du château. ( 25l ) CHAPITRE LIV. nge- Méfiant y entre Couiommiers et revins, à trois lieues environ de ces mx villes^ Département de Seine-et-Marne. 3 château, placé tout près de la route qui, |u’elle sera achevée, communiquera entre leux villes, est placé au milieu des terres e bois, d’un rapport prodigieux par leur tation. 3 château et la ferme , qui malheureuse; t se touchent , sont situés dans une île. f entre par un pont de pierre; la façade, de l’entrée, qui est assez régulière, présente, aque extrémité, un pavillon; la face oppo- du côté du parc, est très-si?nple, et offre longueur de près de deux cents pieds, gar- l’une treille; du côté opposé au large fos- qui forme l’îie où est assis le château, se 1 ( 252 ) trouvait un étang de plusieurs arpens , dont le plan régulier appartenait au temps de Le Nostre, et que j’ai changé. Une portion de cet étang étant bourbeuse, je l’ai fait creu- ser; les terres enlevées ont servi à former une île charmante. Les terres provenant de la rivière, des accidens que j’ai donnés aux bords de l’étang, à ses contours; celles provenant d’un bout de rivière, qui y introduit ses eaux, ont servi à assainir l’île. A l’avenir, plus d’exha- laisons, que les vases découvertes en septem- bre causaient; deux ponts traversant le bras de rivière, un troisième , sur une autre rivière, seront autant d’accidens agréables. On a dit que le château et la ferme étaient placés dans une île; j’ajouterai, dans une dou- ble île, car, au-delà de l’étang, un autre fos- sé, moins large que le premier, forme une se- conde île, et sépare le parc d’avec la plaine , sans ôter la perspective de beaux lointains. La vue du château se porte à droite sur un étang de cent arpens, bordé d’une futaie qui paraît appartenir au parc, et qui fait partie de la propriété de M. Pinon, jugé-de-paix de Coii- îommiers; maislesbois appartiennent, en gran- ( 255 ) )artie, à Grange-Ménant, dont M. üesfo li- es est propriétaire 5 et frère de ]\ï. de Ro- val, propriétaire de Fontaine-Lavaganne, ne avenue de charmille part en ligne droi- u château, mais sur le côté en triangle, de e que sa régularité ne fait aucun tort au îage. Elle forme la voûte; présente, à son émité, un jour à l’horizon, qui offre la vue le glace; en face le manoir, la vue de plu- irs clochers, d’une ferme dans l’horizon, massifs de peupliers jetés dans la plaine; 5 ces détails rendent ce tableau intéressant, la droite et la gauche du château sont des lies superbes. rrange-Ménant paraîtrait, par sa situation, î sauvage, et il l’était effectivement du ips de l’ancien propriétaire, qui n’avait d’au- ambition que d’avoir de beaux arbres en intité, mais plantés sur des lignes symétri- îs; aussi M. Desfontaines n’a pas à se plain- de la routine de son prédécesseur, qui lui a /éou conservé de belles futaies qui tournent profit de l’acquéreur. '.ette habitation sera bientôt embellie; à t ce qui avait l’air sauvage, vont succéder (a54) les charmes d’une belle nature; dans peu de temps Grange-Ménant sera rendu à sa vérita- ble destination. Il faut convenir qu’il est des- tiné, par sa situation, à former un des jolis paysages du département de Seine-et-Marne. Grange-Ménant renferme, dans ses fossés et dans l’étang, quantité de poissons, et sou- vent on est entouré de canards sauvages que les eaux attirent , de sorte que tout prête à sa richesse. ( 255 ) CHAPITRE LV. Céry - Fontaine , Département de l’Oise, à deux lieues de Gisors, sur la route de Gournay, dép. de la Seine-Tnférieure. Le cliàleau de Céry-Fontaine, appartenant à M. le chevalier de Bourbon -Conti, vient d’étre restauré par ses soins; il y a même ajou- té un étage. Ce château, dont les façades sont en briques feintes, présente un aspect imposant, étant flanqué de deux tours aux extrémités; la prin- cipale, celle placée à la principale entrée, pré- sente aujourd’hui un péristyle gothique, com- posé de colonnes de cet ordre, avec un perron et un balcon au-dessus en forme de terrasse. Par le plan que j’ai donné pour Céry-Fontai- ne, et que l’on exécute depuis trois ans, je forme ( 256 ) une entrée principale à l’extrémité du parc, de sorte qu’on le parcourra soit en arrivant ou en partant pour Paris. Ce parc n’est pas d’une grande étendue, mais on peut en faire une bonbonnière. Je rapporterai une chose très-heureuse, causée par la bizarrerie de la nature : dans la cour des écuries et remises est une source très-abon- dante qui jette un volume d’eau aussi gros que le corpsd’un homme; à cinquante pas, après avoir traversé un petit canal, elle trouve encore des sources pour la grossir, et fait tourner un mou- lin. Cette source conserve en tout temps son même volume. Sans diminuer ou affaiblir la force des eaux du moulin, j’en ai détaché une portion suffisante pour alimenter une rivière, qui déjà offre quelque charme dans la partie à peu près terminée. Cette rivière va considé- rablement enrichir le paysage, qui sera admi- rable par la pente du terrain. 11 y aura une cas- cade dont les eaux brillantes tomberont d’une certaine hauteur dans une basse rivière, qui traversera le jardin légumier, ira se rendre au- ( 257 ) dessous du moulin dans le même ruisseau d’où elle est sortie. Ses eaux, roulant au tra- vers du parc et du légumier, vont enrichir la fraîcheur du lieu et augmenter, par son éclat, les charmes de la belle nature. La terre de Céry-Fontaine, son parc recom- posé, le château réparé à neuf, des eaux en ^abondance, un rapport de vingt -cinq mille francs par année, voilà, à peu près, sa vérita- ble description. La grande route passe au pied du château; tout prête autant à l’avantage de cette belle propriété, qu’à son agrément, qui, pour les soins et avec les dépenses que M. le chevalier de Bourbon-Conty a faites pour son embellissement, la met encore au nombre des belles propriétés du département de l’Oise, dont elle fait partie. Cette habitation est faite pour appartenir à un riche particulier. ( 258 ) CHAPITRE LVI. Nogentei , Département de la Marne. Celte belle terre, située entre la Ferté-Gau- ciier et Montmirail, a été cédée par madame de Marbeuf à M. le général comte d’Ambru- geac, son gendre, lorsque, renonçant aux plai- sirs bruyans que son rang et sa fortune lui permettaient, elle se retira au couvent pour y terminer sa carrière. Cette terre considérable, arrosée d’un côté par la rivière du Morin, est une des jolies ha- bitations qui soient en France. Le château, placé â peu de distance de la route de Paris, par Coulommiers, la Ferté-Gaucher, à Montmi- rail, se trouve au milieu dTin vaste parc de cent vingt arpens. Le général d’Ambrugeac a ajouté à son parc vingt-cinq arpens; jai été appelé pour { 259 ) îa composition de cette augmentation et la réunion avec l’ancien parc, qui a été dessi- né par feu M. Bonnard, architecte. Ce parc est celui, de tous ceux que je connais, qui soit le mieux senti et le mieux composé. Ses tableaux sont parfaits ; ses perspectives sont admirables , et son tableau général offre des sensations profondes; tout y est en harmonie. J’avoue que ma surprise a surpassé mon at- tente. Je pourrais offrir ce parc pour modèle à tant de gens qui gâtent tout en croyant avoir fait le contraire, et qui s’imaginent avoir tout fait en groupant des arbres sur un terrain, sans goût, sans perspective, et sans discerne- ment. Le parc de Nogentel possède des matériaux que la nature refuse à un très-grand nombre; sa situation, quoique placé entre deux pen- tes, ne laisse entre elles aucune vue extérieu- re, et le seul emplacement pittoresque est occupé par le parc; une autre pente, sensi- ble sur sa longueur, dont l’extrémité forme la naissance de cette riante vallée qui se trouve au milieu d’une plaine immense, offre, dans la partie la plus élevée du parc, plusieurs gouf- ( 2Gü ) fres qui, au moyen d’un très-petit ruisseau qui reçoit et conduit ses eaux réunies au bas de ce paysage, où elles trouvent un moulin qu’el- les font tourner, vont ensuite tomber dans le Morin. Le Morin peut être à la distance d’une demi- lieue du château. Le ruisseau, trop élevé, n’a pu entrer dans la composition de l’ancien parc, ou il aurait fallu en priver le moulin. Mais la réunion des vingt-cinq arpens sur lesquels coule ce ruisseau , reçoit une composition qui va rendre ce parc des plus in- téressans qu’on puisse voir. Je me suis occupé de cette réunion au mois d’août 1822. J’ai des- siné, pour remplacer le ruisseau existant, une rivière de trente pieds en largeur, dans toute la longueur du parc; plus, une fausse rivière de douze pieds de largeur, aussi, dans pres- que la meme longutmr qui recevra les eaux pluviales d’une plaine immense, et les condui- ra jusqu’au moulin sans se mêler à celles de la véritable rivière, qui pourra se passer de son secours pour le faire tourner. Avant cel- te nouvelle composition tout se confondait: les eaux pluviales, très-bourbeuses, abondan- tes, et rougeâtres, parcouraient le parc en par- I r i ; I ; ; m ( s6i ) lie; dans le même ruisseau, des eaux limpides entraînaient et gâtaient les foins de chaque recolle lorsqu’il venait des orages. Maintenant, celte rivière naturelle refusera ces eaux bour~ beuses; elles seront conduites par cette fausse rivière qui formera la ceinture du parc, et en formera une clôture; de sorte que la riviè- re naturelle, forte d’ellc-méme de la pureté de ses eaux, ne débordera jamais, et conservera, en tout temps, son meme niveau et sa même limpidité. Je ne saurais donner assez d’éloges aux ta- lens et aux connaissances profondes qui ont dirigéM. Bonnard dans la composition du parc de Nogentel. Je n’en dirai pas autant de deux pavillons jqu’il a érigés et fait construire, for- mant deux ailes du château, côté de l’arrivée. Autant ma surprise a été grande sur sa belle composition du parc, autant j’ai été étonné de la structure de ces deux pavillons. Cette composition n’est nullement digne du nom ni du talent de M. Bonnard, encore moins du château auquel il les a adaptés. Il n’y a ni accord ni convenance; c’est un ajouté qui ne convient pas plus au château de Nogentel que ( 262 ) les mesquines arcades qui forment la galerie intermédiaire du rez-de-chaussée. La façade, du côté du midi, est d’un bel effet sans être moderne; elle est flanquée aux deux bouts de deux tours assez bien enten- dues, quoique anciennes. La réunion du nouveau parc à Tancien, ses rivières, son lac, et sa cascade, reçoivent leur exécution, de sorte que tous ces nouveaux travaux doivent être terminés en 1824. Si madame de Marbeuf a laissé des traces de souvenir et de grandeur dans la composi- tion du parc qu’elle a fait exécuter, M. le gé- néral d’Ambrugeac aura des droits à la recon- naissance pour la perfection de ce bel ensem- ble, auquel il manquait une rivière, quoique l’on possédât toutes les eaux nécessaires à son cours; dans un renfoncement formé par la nature, il sera fait un lac assez grand, tra- versé par le cours de la nouvelle rivière ; et â une autre distance, en descendant, côté du moulin, sera une cascade sortant d’un rocher dont l’eau se précipitera dans la basse rivière. Cette cascade, qui fera face au château, for- mera un point de vue charmant; les eaux { 265 ) éclairées par le soleil du matin , au milieu d’un massif d’aunes dont les feuilles for- meront un fond rembruni , donneront aux eaux un éclat auquel on ne peut rien com- parer. En sortant du lac, la rivière traversera un ravin profond de douze pieds qui reçoit la faus- se rivière, dirigée plus haut, et de vingt pieds de largeur, sur deux arcades er> maçonnerie Ces travaux seraient terminés , si la guerre d’Espagne n’eùt appelé le général d’Ambru- geac à la tête de la garde. L’arrivée de la route au château est sur une ligne droite, plantée d’arbres en forme d’avenue qui se prolonge au-delà de la route, jusqu’au sommet de la montagne qui domine - la jolie vallée arrosée par le Morin. A l’extré- mité de cette avenue est une ferme dépendan- te de la terre de Nogentel, et construite sur les fondemens de l’ancien couvent de bénédictins de Saint-Grégoire, qui fut détruit en i643. Sur les ruines, qui existent encore en partie, est la position la plus belle qu’on puisse Irouver. Cette vallée offre un tableau ravissant; la ( =*64 ) nature s’y développe dans toute sa beauté. Si le Morin offrait plus de largeur, au milieu d’un tableau aussi pittoresque, rien ne pour- rait l’égaler. Plus on examine cette situation dans ses détails, plus l’intérêt augmente, et après avoir contemplé ces beautés de la na- ture , on quitte à regret ce lieu délicieux , et l’on emporte des sensations profondes qu'on é- prouve encore long-temps, même chaque fois qu’il se représente à la mémoire. ( s65 ) CHAPITRE LVII. Soisi-sous-Etioies , à une iieue de Corbeil, Département de Seine-et-Oise. Le château est assis à une extrémité du parc, qui n’est que de vingt arpens environ; il ap- partient à M. le marquis de Bourbon-Conti, frère du chevalier, propriétaire de Céry-Fon- taine. Ce parc avait été commencé par des ama- teurs, cela se voit aisément; il est fait sans plan, sans goût et sans aucune espèce de pers- pective. Le château est joli : on entre par une grille dans une cour que je me propose de réunir au parc; il va recevoir, cette année même, une nouvelle composition; on y trouve de beaux arbres, une petite orangerie, de vas- tes écuries et remises, et un potager à l’extré- mité du parc, où une pièce d’eau au milieu augmentera sa richesse; un lavoir sur le côté du ( 266 ; parc, avec une pièce d’eau limpide. Ces eaux viennent de la forêt de Senars, qui en est éloignée d’un quart de lieue. Le parc est en amphithéâtre : l’eau arrive par les parties su- périeures , mais à douze pieds de profon- deur ; de sorte qu’à moitié du parc , on peut en hiire usage. Son volume est si faible, qu’on n’ose se hasarder d’en faire une rivière ou un lac , sans glaiser le fonds et les côtés avec une maçonnerie, qui ne laisserait pas d’étre coûteuse; cependant M. le marquis de Bourbon - Conti ne renonce pas à ce projet, qui embellirait son tableau et en augmente- rait le charme : s’il en coûte pour orner sa propriété d’une eau limpide, c’est l’enrichir, et on en obtient toujours un heureux résul- tat dans tous les temps. Cette campagne charmante est d’un petit entretien, et aux portes de Paris; c’est une jolie habitation, où se trouvent tous les agrémens de la vie. Plusieurs appartemens de maîtres, un parc qui offre de très - jolis tableaux qu’il prend à son extérieur, dans la char- mante vallée qui voit la Seine couler, même Jusque sur le coteau opposé, oû l’on voit ( 267 ) ; jolies habitations , notamment Pe- l, qui possède un très-grand et très- Lteau, avec un parc immense, appar- M. Perrin. droite du meme coteau on remarque château de l’ancien gouverneur du de Yincennes, connu par sa jambe de sa résistance à défendre cette forte- âteau de M. le marquis de Bourbon- ige à une de ses extrémités un pavil- Dlable à celui opposé : par ce moyen, irité sera complette; la beauté de cette ite situation et de son parc l’exige. Ce a terminé au printemps prochain. ( 268 ) CHAPITRE ;LV1II. Chàtenay y Département de la Seine. J’avais fait exécuter, en 1822, un jardin à Châtenay, et cette propriété vient d’être ven- due ; le nouvel acquéreur, dont les goûts sont en opposition avec ceux du vendeur, vient d’agrandir le jardin pittoresque aux dépens du jardin potager. L’architecte Berthault avait été appelé pour tracer cette nouvelle compo- sition ; sa mort précipitée est la cause que ce travail m’a été confié. Les nouvelles augmen- tations rendront ce jardin extrêmement inté- ressant. M. Halbout préfère de beaux tableaux à un champ couvert de légumes. Le traite- ment du jardinier fait payer bien cher quel- ques navets et quelques carottes, surtout si l’on est près de quelque marché. Ce jardin, très-agréable, ne possède peut-être pas autant ( 269 ) de vues extérieures qu’on pourrait le désirer. Mais les environs de Châtenay sont admira- bles : d’un côté les bois de Verrières, une riante vallée, de l’autre, Fontenay-aux-Roses dans le lointain, Sceaux et la maison de made- moiselle Mars, entourée d’un parc très-agréa- ble, tout cela forme de forts beaux tableaux. On a fait restaurer le pavillon moderne qui , joint à la nouvelle composition du jardin, forme une des charmantes maisons des envi- rons de Paris. Il est juste de dire que M. Hal- bout ne ménage rien pour donner à son habi- tation tout le charme qu’elle est susceptible de recevoir. Il serait à désirer même que plu- sieurs propriétaires du canton en fissent au tant. Madame Boène, qui possède un parc de quarante -cinq arpens , fait établir à grands frais une pièce d’eau dont les bords sont en maçonnerie double et glaisés; eh bien 1 avec toute cette dépense , cette dame n’obtiendra pas un seul tableau. ( 270 ) CHAPITRE LIX. A uteuil y Déparlement de la Seine. La situation pittoresque des environs de Châtenay, peut également s’appliquer aux environs d’Auteuil , près Paris. M. Manguin , propriétaire d’une jolie maison de campagne dans cette commune, vient d’agrandir son ter- rain au moyen de quelques acquisitions voi- sines. Son intention était d’en confier la com- position à Berthault , mais par suite de son décès, j’ai été chargé de cette composition. 11 est difficile de pouvoir désirer une vue plus pittoresque et plus étendue. Il semble que tous les pays environnans appartiennent à ce jardin, dont la contenance est seulement de quelques arpens. 11 est élevé au sommet d’un coteau sur le bord du village. La végétation y est vigoureuse; le terrain possède de la fraî- ( =^7* ) cheur au moyen de quelques sources encore inconnues. Ce jardin, comme tout ce qui l’en- vironne, est extrêmement pittoresque. Le ma- noir est entretenu avec soin. L’orangerie est dans une harmonie parfaite; et cette habita- tion , l’une des mieux situées parinis celles d’Auteuil, possède les plus beaux tableaux. Une partie des clochers de la capitale se font voir, et paraissent placés de manière à former les fabriques de ce jardin, et semblent en fai- re partie. CHAPITRE LX. A queville , Département de Seine-et-Oise. Le château et le parc d’Aqueville , qui sont situés sur les bords de la Seine, et près Pois- sy, appartiennent à M. le baron de Latour- Foissac. Le parc , placé en amphithéâtre, fait face à la Seine, et a l’inconvénient de recevoir à la saison des pluies, une masse d’eau consi- dérable qui le traverse. Elles proviennent des eaux pluviales ou de fonte de neiges, et coulent dans un ravin qui est à sec la plus grande par- tie de l’année. Ces eaux troubles et jaunâtres se mêlent aux eaux limpides des différentes sour- ces du parc. Un canal parfaitement aligné, reçoit les eaux de sources, et traverse le parc parallèle- ( 2*73 ) nient nu château. La masse de ses eaux n’est pas considérable; le canal fangeux et rempli de roseaux, retient le peu d’eau qu’il possède; il ne peut devenir que très-malsain au mois de septembre, époque à laquelle la vase reste a découvert. Aussi va-t-on bientôt y mettre ordre. Je formerai un ruisseau sur les bords du parc, qui recevra les eaux pluviales et les con- duira dans la Seine , sans les mêler avec les eaux de sources. Pour augmenter les eaux limpides, dont la masse n’est pas assez consi- dérable pour établir un cours au canal, on y fera arriver un fort ruisseau, qui, réuni aux eaux du parc, formera une belle rivière, et en- lèvera du canal toute la bourbe qui s’y amasse. Par ce moyen, le parc d’Aqueville deviendra un des plus jolis paysages des environs; en outre, il recevra toutes les plantations dont il est sus- ceptible. Dans cette contrée, les bords de la Seine sont admirables. La situation que je me propose de donner à la rivière qui parcourra le parc, fera illusion; je la fais couler de ma- nière à ce que la Seine qui se prolonge per- pendiculairement, paraisse faire suite à la ri- i8 ( 274 ) vière du parc, et semble même lui appar- tenir. C"est en cet état que j’espère remettre à M. Latour-Foissac, le terrain, lorsqu’il m’én aura donné la direction. 5 { 275 ) ,-S .ti.y,^|, J,.,, j.,, ...... ..J . ,,v-V''^’r> ■ ‘ > CHAPITRE LXr. Fort - Oiseau^ près Melun, D,épartemejit de Seine-e^t-Oise. ^ Cette jolie terre, placée entre la Seine et la route de Fontainebleau , possède un parc d’une très -grande étendue et clos de murs. Elle appartient à JVI. de la Vigerie, administra- teur des douanes. M’ayant fait appeler pour donner à ce parc une nouvelle composition, j’en ai fait le plan qui suit, et qui attend son exécution. La situa- tion du château eut pour but de montrer la route de Fontainebleau, qui est éloignée d’une demi -lieue. Mais un inconvénient qu’on de- vait prévoir, nuit beaucoup à ce point de vue. La longueur du parc est sur le côté du châ- teau, et sa largeur en face; et comme le parc ne touche pas à la route, qu’il en est séparé par une autre propriété, les arbres dont elle { 2-6 ) f3st [ilanlée forment beaucoup de lacunes à la vue. Cet inconvénient in’a forcé de changer le côté du tableau principal, qui doit toujours être placé devant le manoir et vu de ce point. Comme la ligne diagonale est plus longue que la ligne droite, j’adopte la première pour ta- bleau principal , en sorte que la longueur du parc sur ce point, formera un effet admirable. La vue traversera le vallon qui, dans le parc, forme une charmante perspective , et plon- gera à près d’une lieue, où elle retrouvera la route de Fontainebleau qu’elle ne pouvait voir de près. Un village dans le lointain termine ce beau tableau d’une manière heureuse. Le parc étant meublé de belles plantations et de belles futaies, il ne faut que percer pour jouir de plusieurs points de vue intéressans. On entre au château par une grille qui offre une grande cour carrée; cette cour est entourée de murs et de deux rangs de tilleuls bien tondus et parfaitement peignés. Je supprime le mur d’un côté, ainsi que les tilleuls en éventail; je les remplace par une belle pelouse et par des arbres dont la simple nature fera seule fornément. Cette cour, dont ( 277 ) Taspect est triste et sévère, deviendra une jolie entrée de parc; et j’amènerai la verdure jus- que sous les fenêtres du manoir. Le bâtiment demande une restauration : les deux pavillons placés aux extrémités, ne se composent que d’un rez-de-chaussée, et le corps principal est élevé d’un premier étage. Je ferai mettre les deux pavillons à la hauteur du bâtiment. En sorte que les travaux étant achevés, l’habitation de Fort- Oiseau devien- dra l’une des plus agréables propriétés du dé- partement de Seine-et-Marne. ( 37» ) CHAPITRE LXII. Sermaise , au-dessus de Melun , Département de Seine-et- Marne. Le parc de Sermaise, qui appartient au gé- néral Lamôtte, borde la Seine; le château est heureusement située pour en admirer les deux rives. Ce parc n’offre point de charme dans sa partie supérieure, qui est placée en amphi- théâtre du côté de la rivière. 11 n’a reçu d’autre composition que celle d’un clos en rapport. J’ai seulement fait quelques embellis- semens au bas du parc, qui offre un tableau heureux. Le mur qui sépare la propriété de la rivière est dérobée au moyen d’une planta- tion, et j’ai voulu que la Seine restât ignorée dans la partie placée en face de l’habitation, attendu que la vue en serait trop rapprochée pour pouvoir en admirer la beauté. Mon des- F ( 279 ) aein fut de faire mieux ressortir un tableau au- quel on ne peut rien comparer. Il est placé au bout du parc; la Seine se dessine perpendicu- lairement, sur une ligne courbe, au pied d’u- ne montagne couronnée de bois. Pour jouir de ce charmant point de vue, j’ai fait abattre dans le bout du parc la partie du mur qui cachait la Seine, et l’ai remplacée par un baba; puis j’ai fait disparaître les plantations qui la bor- daient. Il résulte de cette opération , que la rivière se développe dans toute sa magnificence sur une longueur à perte de vue; elle fuit dans le lointain du côté de Melun. Il semble que la Seine, bordée de prairies, sorte du parc, et que tout le terrain qu’elle parcourt en fasse partie. Ce tableau extraordinaire est difficile à trou- ver, car on ne rencontre pas souvent des po- sitions aussi heureuses. Tout semble concou- rir à l’effet général. On remarque le cours ma- jestueux des eaux, les bestiaux qui paissent dans les prairies, des masses de bois, des fa- briques lointaines et pittoresques. Sermaise est un hameau composé de quel- ques chaumières, dont la situation est féconde ( 28o ) en tableaux. Sous le rapport historique, ce lieu mérite quelque intérêt. Sermaise était une ville au temps de Jules-César; ce conquérant la fît brûler pour punir ses habitans qui avaient maltraité quelques soldats. Ce hameau est bâ- ti sur les anciens murs de la ville de Sermaise, qui paraît avoir été considérable. Etant sur les lieux, j’ai vu, en octobre 1820, une grande partie de ses fondemens. Suivant la tradition, tous les villages environnans, et meme la ville de Melun, seraient bâtis des déniolitions de la ville de Sermaise. Le village de Samos, placé à une lieue en montant la Seine, est bâli sur les anciens fon- demens de la ville de ce nom , qui fut égale- ment brûlée par César. On remarque les restes d’un pont de pier- res. Les habitans de Samos ont la l’éputation d’étre exceîlens cultivateurs; leur territoire est enclos d’une palissade de six pieds de haut, afin de pouvoir se défendre contre les attaques de la grande béte de la forêt de Fontainebleau. Cet endroit offre plutôt l’aspect d’un jardin clos, et cultivé avec soin, que le territoire d’un sim- ple village. ( 28i ) CHAPITRE LXIII. Corcy, près Viliers-Cottereis, Département de l’Aisne. Celte terre, qui est en partie enclavée dans la forêt de Villers-Cotterets, appartient à M. le baron de Montbreton ; un château très-mo- deste est adossé à la montagne, qui forme un parc de la contenance de quelques arpens; le château présente de ce coté une façade très- irrégulière, qui ressemble plutôt à une habi- tation rurale qu’à celle d’un riche propriétaire. 11 est si rapproché de la montagne que l’on ne peut circuler autour. Le premier étage du côté de l’arrivée forme rez-de-chaussée du cô- té du parc. J’ai fait exécuter dans l’intérieur diverses réparations pour le rendre plus lo- geable. La montagne offre quelques beaux om- brages; quoiqu’elle manquait desentiers, mal- gré une allée de tilleuls qui la traversait derriè- ( 282 ) re le manoir. On ne pouvait parvenir au som- met qu’en passant à travers les ronces et les épines. Chargé de la restauration du chateau, j’ai distribué la montagne, de manière à pouvoir s’y promener librement. C’est maintenant une promenade char- mante que l’on peut ^parcourir en tous sens. Parvenu au sommet, la vue est admirable ; l’œil plané tant sur la foret que sur une jolie vallée, oii coule un ruisseau qui sépare cette propriété de celle de Corcy. La foret de Yü- lers-Cotterets semble faire partiede cette terre, mais rbabitation ressemble plutôt à un rendez- vous de chasse, qu’à un château de particu- lier. Si la route ne séparait pas la vallée du châ- teau , on pourrait étendre le parc jusqu’au ruisseau, lequel pourrait former une jolie ri- vière. Corcy, riche par la vue d’une belle fo- rêt, dont il est entouré, réunissant à quelques agrandissemens la montagne et la vallée, for- merait une propriété charmante. Il est à re- gretter que les bâtimens de la ferme soient placés sous les fenêtres du château. ( 283 ) CHAPITRE LXIV. Mottereau, canton de Brou, Département d’Eure-et- Loire. Ce château, placé au milieu du parc, pos- sède, à l’est, une vue assez pittoresque et va- riée ; mais c’est à l’ouest qu’on aperçoit un joli site, des bois magnifiques, des prairies plantées de masses de peupliers. Ce parc a des eaux en abondance, et la rivière qui coule au pied du château, est un peu encaissée. Le côlé opposé à la rivière est susceptible de recevoir une jolie composition. C’est une prairie au milieu de laquelle se trouve une pièce d’eau d’une forme carrée et traversée par une seconde rivière, qui a coûté à l’ancien propriétaire cent mille francs pour sa maçon- nerie et ses ponts eu pierres et briques , ses chaussées symétriques élevées des deux côtés de cinq pieds au-dessus du sol de la prairie, ( 284 ) et une avenue de tilleuls sur chacune de ses deux terrasses; de sorte que l’on peut dire sans exagération, que l’ancien propriétaire a dépensé cent mille francs pour gâter sa pro- priété; c’est absolument dans le genre du parc de Versailles. Le court séjour que je viens de faire à Mot- tereau, avant de lever le plan de sa composi- tion, m’a fait juger cette symétrie insipide : des eaux en abondance, une prairie dans une val- lée qui se prolonge a perte de vue; aussi, le nouveau propriétaire, M. le baron de Guenet, a montré plus de connaissance et de goût, que son prédécesseur. Son parc, quoique d’une superficie peu con- sidérable, va changer de forme; sa situation pittoresque va reprendre la place qu’elle n’au- rait jamais du perdre: un de ses ponts et une chaussée, disparaîtront; l’autre avenue de tilleuls sera enveloppée de nouvelles planta- tions. La pièce d’eau prendra une forme pittoresque, la rivière changera de lit, et sera parfaitement en harmonie avec la pièce d’eau; le parc va devenir charmant; il y a de beaux points de vue à l’extrémité, et il est à rc- grelter que je ne puisse pas faire du moulin comme de la pièce d’eau et de ses avenues, le changer de place sans dépenser pour le recons- truire ailleurs. Ce moulin, avec toutes ses dépendances, présente l’apparence d’une fer- me, et placé à l’un des bords du parc, il prive de la plus belle vue qu’on puisse voir. Ceci est une preuve du peu de goût qu’avaient nos pères. Ils bâtissaient et faisaient des dépenses considérables, sans goût et sans sentiment: à ces distributions bizarres qui ne présentaient que le faste , l’amateur ne sentait rien et ne voyait que monotonie; il ne trouvait rien qui puisse occuper ses yeux long-temps, et ne di- sait rien à l’esprit, sans en deviner la cause Sur la route qui conduit de Chartres à Hot- tereau, j’ai remarqué à dix pas de distance, sur le bord d’un champ, entre Brou et llliers, à une demi-lieue de ce bourg, une pierre brute d’environ dix pieds de hauteur, sur quatre à cinq de largeur, et d’environ deux pieds d’é- paisseur, dont la bizarrerie m’a fait arrêter pour l’examiner. J’ai appris que cette pierre était un des autels des Druides; ils avaient planté cette pierre debout, ils se prosternaient ( 286 ) au pied, pour adresser leur prière à Dieu. A la vue de cette pierre, on est étonné de la voir en cet état depuis tant de siècles; elle est as- sise sur la partie la plus frêle; elle a toujours été respectée , puisqu’elle existait encore au mois de décembre 1 825. ( 287 ) CHAPITRE LXV. Le Parc, près Eibeuf, Département de la Seine-Inférieure. Si cette terre ne possède point d’eau, elle a en récompense, et par une espèce de com- pensation, des situations très-heureuses. Pres- que entourée de montagnes , lesquelles sont couronnées de belles forêts, elle offre des points de vue aussi rares que charmans ; au milieu d’un si joli paysage, ce parc paraît ne faire qu’un seul tout avec ce qui l’environne, et ne former qu’un même ensemble. C’est une propriété charmante, fort embellie par les soins de M. de Boussey. Avant que j’eusse don- né ma composition, ce parc était comme ceux de nos pères , un peu plus ou un peu moins monotone ; c’était le goût du temps ; on s’était figuré que des allées bien alignées, que des charmilles bien tondues, donnaient un air de ( 288 ) majesté. Il était du bon ton d’aller à la campa- gne pour s’y ennuyer noblement. Le célèbre Le Nostre avait tellement enraciné l’ainourdes jardins symétriques dans toutes les têtes, qu’il est fort difficile de pouvoir l’en extirper. ( «89 ) CHAPITllE LXVI. Gournay-suT-Odon^ près Compiègne , Département de l’Oise. Ce château, qui est sur la route de Flandre, appartient à M. Auguste Perot ; le parc , de l’étendue de cent vingt arpens , possède une jolie vallée, un peu resserrée à la vérité, des bois superbes et des eaux abondantes. Deux rivières le parcourent dans toute sa longueur. La première est assez forte pour faire tourner un moulin ; cette rivière est malheureusement élevée de dix-huit pouces au-dessus du niveau des eaux de la seconde rivière. Cet inconvé- nient m’a privé de faire conduire, ainsi que je le désirais , l’eau de la seconde dans celle du moulin, dont les basses eaux affaiblissent la marche ; mes efforts ont été impuissans pou parvenir à ce but. Dans presque toutes les parties basses du •9 ( 290 ) parc, des sources surgissent de terre; il en e^t plusieurs, et deux particulièrement, qui sont capables de faire tourner un moulin. Jamais on ne vit d’eau aussi belle et aussi limpide. Dans mon projet de composition, je donne à ce parc une rivière de cinquante pieds de large, qui formera plusieurs îles, au moyen d’un autre bras de rivière, de la largeur de vingt pieds, non compris celle du moulin. Ces îles, parfaitement boisées, procurront un om- brage salutaire dans les grandes chaleurs de l’été; des ponts en faciliteront la communica- tion; des sentiers mystérieux, asile de la mé- ditation, des promenades et des allées qui y aboutiront, formeront un paysage aussi rare qu’étonnant, par la masse des eaux vives, et par les énormes plantations qui les ombrage- ront. Une belle prairie, ornée de jolies masses d’arbres, présentera une foule de tableaux in- téressans. Enfin, j’ose le dire, le tableau prin- cipal fera la sur lise des amateurs , et com- mandera l’admiration. Cependant, si le pro- priétaire venait à retrancher quelque chose de îa composition, il pourrait faire d’une chose superbe un objet fort médiocre. Combien de ( 291 ) richesses dans une seule propriété, tandis que la nature en a refusé à un si grand nom- bre d’autres! Déjà le pont de pierre , pour la principale arrivée, est exécuté sur une des rivières. Le' chemin est aussi fort avancé. La terre de Gournay a beaucoup gagné de- puis que M. Perot en a fait l’acquisition. Son prédécesseur avait fait raser le château , qui était bâti en pierres de taille; le nouveau pro- priétaire a établi sur ses anciens fondemens ses écuries et ses remises. Ce que l’on appelait le commun de l’ancien château est devenu aujourd’hui la maison d’ha- bitation. Le . parc possédait de longues et lar- ges avenues, des pièces d’eau appelées mi- roirs; elles ont fait place à un charmant pay- sage, qui, dans peu de temps, pourra passer pour un des beaux parcs du département de l’Oise, qui en possède un grand nombre et les plus beaux de la France. I v'. '■toJyV; -, / . >v'; i ■; “ ■■• ' J.'; i ’ ';-■.** O :-.' '-- : ;:ÿ^4 >'';;-‘;i’'^- *• '• ' V: ' ‘ ■' ■ ' ^ •■ ' '/;v5v' ^ ' - . . . .l^- ..'^ -V;., . \ , , • ' . vi-‘ ■• •'.■ ; ■' ■•/' 4- . ■ .- fm ' •; ■^ï’. ’i,« ' oi'i'i'ir ‘ .■•' 'V . . '■ î ^'*’-v'* ■•••:' . /' ! r ■,*.'• -jj: * i-i. ' ' ^ ' "v ^'-<' • , rtÛ ■ ■ ., •' i '. . '-. '•■ i ^ ^ ' ‘’V "Si;*" i' 'V, ‘-.v /.; ,.v^\ ‘ ÿjg. ; ■ / 1' J »f :î« OBSERVATIONS GENERALES SUR lES DÉTAILS ET L’ENSEMBLE DES PARCS, ET SUR LES MATÉRIAUX QUI ENTRENT DANS LEUR COMPOSITION. CHAPITRE LXVII. Des Plantations en générai. Si la composition d’un parc exige des mé- ditations, de grands talens, de l’expérience, et notamment beaucoup de goût, soit dans ses dé- tails, comme dans le tableau général , il n’en faut pas moins pour les plantations : lorsqu’un terrain est bien disposé, les pelouses dessinées avec grâce, les lointains bien représentés, les fuyans de la perspective bien conçus, en lais- l 294 ) sant toujours à l’œil, avide de découvrir ce qu’il ne voit pas, de quoi alimenter l’imagina- tion, meme à l’exciter; si, dis-je, votre pelouse obtient la forme naturelle qu’elle doit recevoir par un mouvement concave, en donnant de l’élévation aux divers massifs qui l’environnent; toutes ces précautions ne seront rien, si les plantations ne répondent pas au mouvement du terrain, des rivières, et des allées. C’est la nature, et rien que la nature, qu’il faut suivre ou imiter; c’est elle qui doit être notre modèle et notre maître; si l’on s’en écar- te, on se perd pour toujours. Un parc man- qué est un mal sans remède , il faudrait tout détruire; et l’on ne ferait rien de bon, en dépensant beaucoup. Après avoir traité les mouvemens du terrain confotnlément aU plan; avoir bombé les mas- sifs proportionnellement à la superficie du terrain qu’il occupe, le même plan qui vous a guidé pour la distribution du parc , et pour ses mouvemens, doit aussi vous conduire pour vos plantations. Le plan étant mis au crayon, la composition se trouve alors projetée. Eu dessinant les massifs , on indique les espèces ( 2g5 ) d’arbres que chacun doit recevoir. Avant de passer ce plan à l’encre, ii faut encore se pré- senter sur le terrain; et si vous doutez de l’ef- fet de la perspective, plantez des perches à l’endroit des plantations; placez à leur extré- mité du papier, pour les mieux apercevoir, vous jugerez alors des détails et de l’ensemble. L’artiste, habitué à ce travail, peut éviter quel- qüefois cette double opération ; mais cepen- dant, s’il doute d’un résultat heureux, il ne faut ni paresse ni amour-propre mal placé; il faut se convaincre par des faits, et lorsque les dispositions sont bien reconnues pour les plan- tations , que vous avez de nouveau parcouru votre terrain, que vous vous êtes présentés sur tous les points, que vous les avez réfléchis, car, ne vous y trompez pas, souvent un ta- bleau, un massif, vous paraîtra merveilleux étant vu d’un point, et sera mal étant vu d’un autre; c’est pourquoi il faut changer de place, et examiner un objet des difFérens points où il peut être aperçu; après quoi vous arrêterez votre plan, et le terminerez. J’admets que le projet, ayant été mis au crayon, est rapporté sur le terrain : voilà la seule manière; on corrige, ( 296 ) on perfectionne; car souvent le plan sur le papier, qui est de petite dimension, ne vous fait pas apercevoir les obstacles multipliés que le terrain offre continuellement , et tou- tes les resssources et contrariétés que la na- ture vous oppose ou vous présente. En plantant un chemin pour être ombragé, qu’il soit sur une ligne droite ou courbe, il faut quelquefois adopter une seule espèce d’ar- bres , que la nature du terrain vous détermi- nera. C’est toujours ainsi qu’il faut agir en plantation, c’est le véritable moyen de réussir en plantant des arbres sur un terrain qui leur convient; mais pour des arbres isolés, propres à ombrager des chemins ou allées , il faut plan- ter des plus grandes espèces , que l’on choi- sira dans le premier tableau. A la suite de cet ouvrage, on trouvera la division de tous les arbres qui entrent dans ces sortes de compositions , en cinq arti- cles, réunis par leur grandeur; le N®I possède les plus grandes espèces; le N“ II, les arbres de seconde taille; le ]N“ III, le N® IV etlelN® V; ce dernier se compose d’arbrisseaux, rosiers et autres en touffes, tels que lilas de toutes es- ( 297 ) pèces, ébéniers de Sainte-Lucie, judée, su- reaux, noisetiers; ce sont ces dernières espè- ces qui sont nécessaires pour former le milieu des ntassifs. Le maronnier d’Inde convient parfaitement pour ombrager un chemin, si le terrain est un peu bon ; cet arbre n’est pas difficile, il vient partout. Si vous avez plu- sieurs chemins à ombrager, changez d’espèce à chaque chemin que vous planterez; l’acacia vient encore ordinairement dans tous les ter- rains; le tilleul exige de la bonne terre, il ombrage encore très-bien. Si le terrain est frais, plantez des platanes ou des blancs de Hollande; enfin, dans le premier tableau, on trouvera tous les grands arbres propres à ces sortes d’opérations , avec la nature du terrain qui leur convient ; mais pour ombra- ger les chemins avec grâce, il faut y ajouter des arbres à fleurs que vous varierez; seulement, gardez-vous bien de planter symétriquement ( ags ) CHAPITRE LXVIII. Des Massifs. Eli plantant des massifs, reportez-vous au plan. Si le premier massif que vous plan- terez est composé d’arbres tiges et de touffes, vous commencerez par planter de grands ar- bres, de dix à douze pieds environ de distance; ceux du milieu du massif seront pris dans le Tableau IN“I, ensuite dans le Tableau N® II, après au ]X“ 111, et au ]N“ lY; et pour former le bord du massif, dans le ]N°V; on choisira les touffes dans les deux derniers Tableaux, pour garnir le massif; vous mettrez ceux du iN® lY au milieu, et le iN” Y pour garnir; de sorte que le massif que vous aurez planté, forme une élé- vation au milieu , et vienne sur ses bords en formant une pente qui laissera voir au premier coup-d’œil , la tete de tous les arbres, leurs feuillages et leurs fleurs, depuis le bord jus- qu’au milieu du massif. ( 299 ) En formant le massif suivant, on évitera soigneusement qu’il ne se trouve nullement conforme au précédent. Les arbres tiges qui figurent dans le premier, ne doivent pas être répétés dans le second. Les cinq tableaux donnent assez à choisir : formez un massif, lorsque la perspective le permet, un fort mas- sif de peupliers d’Italie, un autre de peupliers suisses, un autre de touffes sans arbres tiges, un autre de tous arbres tiges sans loulFes; voilà la manière de grouper les massifs : il faudrait aussi indiquer à l’amateur ou l’artiste jardi- nier, l’emplacement de tels ou tels massifs: c’est une chose difficile; la situation peut seule guider l’artiste; il faut être sur le terrain, car ce qui convient dans un jardin ne convient pas dans un autre; la localité, le pays environ- nant, sont les objets qui commandent, ainsi que le sol. Tous les massifs plantés en taillis, et garnis de touffes, doivent être cultivés. Les massifs d’arbres liges en futaies, exigent que sur le ter- rain qui leur est préparé avec du mouvement, soit sur la pelouse dont l’herbe orne le dessous de ses arbres, et ne fasse avec les pelouses qu’un ( 5oo j seul et même tout; seulement cultivez le pied des arbres. Les massifs d’arbres verts seront semblables à ceux des futaies; ni l’une ni l’autre de ces deux espèces de massifs ne doit être cultivée. Tous, quels qu’ils soient, doivent être plantés sur un terrain préparé avec du mouvement, même un arbre isolé. Rien n’imite mieux la nature, et n’offre plus de grâce dans ces for- mes, que des plantations faites sur un terrain qui offre du mouvement; c’est le résultat de l’art de la nature : j’en excepte cependant les saules pleureurs qui sont sur les pelouses; le pied de chacun de ces arbres ne doit pas ex- céder celui de la pelouse , par la raison que cet arbre, étant aquatique, a besoin de rece- voir les eaux pluviales, qu’il ne pourrait rece- voir si le sol était plus élevé. ( 3oi ) CHAPITRE LXIX. Manière de planter. Les méWewve^ plantations sont, sans contre- dit, celles qui ontlireu depuis la fin d’octobre jus- qu’à la mi ou fin de décembre, c’est- à-dire , tant que le temps le permet : on plante aussi en mars , et cette époque n’est pas à dédaigner, mais on gagne en plantant avant l’hiver. Pour obtenir de bons résultats, ne plantez jamais par un temps pluvieux, dans un terrain trop humide, pas même les arbres aquatiques : il en résulte que lorsque vos plantations faites dans une ter- re trempée d’eau, volontiers en boue , l’arbre ne se soutient pas; la terre qui l’entoure n’ayant aucun soutien, ni aucun corps, laisse chanceler l’arbre, et le laisse entraîner au gré du vent. Ne plantez jamais dans un trou ou il y ait de l’eau, il faut l’épuiser avant de planter, La terre résultant de toutes ces mauvaises planta-- ( 302 ) lions par les pluies, n’ofFre à l’arbre aucune saveur. Cette boue, lorsqu’elle se sèche au printemps, devient tellement dure, que l’arbre se trouve emprisonné dans sa racine , et lors- que la sécheresse se fait sentir, cette terre ou boue desséchée se fend, forme des crevasses dans lesquelles la sécheresse s’introduit, et forme contre la racine un second ennemi , avec celui d’une terre devenue aussi dure qu’une pierre. Ces deux motifs font périr les arbres. Plantez dans une terre meuble, fraîche, avec des trous faits de manière à ne pas em- prisonner la racine. Ne souffrez pas qu’on fasse des trous, comme tantd’individusles font, lar- ges du haut, étroits du fond ; en cul-de-lam- pe^ rien de plus pernicieux; que vos trouâ soient pour le moins aussi larges du fond que du haut , vous en sentirez la conséquence : c’est au fond du trou que se trouve la racine, c’est là qu’elle doit circuler, s’étendre; c’est là qu’elle doit trouver un terrain qui favorise sa végétation; et si des pierres ou du tuf forment le fond du terrain, faites faire vos trous plus larges et plus profonds, et faites rapporter des terres, si le sol vous en refuse; on est ( 3o3 ) souvent étonné de voir manquer des planta- tions, et on n en dit pas le motif, mais la ma- nière la plus sûre est de défoncer le terrain de deux pieds au moins de profondeur, dans toute la superficie des plantations â faire; cela vaut mieux que tous les trOus les mieux faits. Plan- tez vos arbres verts par massifs, de même es- pece, toujours les plus grands au milieu, et ja- mais OU très-rarement des arbres isolés dans les pelouses, mais lorsque cela arrive, c’e$t un maronnier ou un tulipier : ce dernier doit toujours être planté isolément ; ou quelques arbres verts; mais ces sortes de plantations exigent une grande méditation , beaucoup d’habitude et de raisonnement. ( 3o4 ) CHAPITRE LXX. Des Hahas ou Sauts-de-loup. Pour conserver des vues dans son habila- ^tion, pour jouir du paysage extérieur, on con- struit des hahas ou sauts-de-loup. On ap- pelle ainsi des fossés creusés aux extrémités d’un parc ou d’un jardin. Ces fossés portent le moins douze pieds de large, sur sept à huit pieds de profondeur. Ils sont revêtus aux qua- tre côtés, d’un mur en maçonnerie, afin de soutenir les terres; on peut même ne les revê- tir qu’à l’extérieur du parc, et faire à l’inté- rieur un long talus : par ce moyen le terrain sera cidtivé jusqu’au pied du mur, sans au- cune perte de terrain et moins de dépense. Ces murs, qui s’élèvent en talus, d’un ou deux pouces par pieds, suivant la nature du terrain, sont construits en moellons ou en pierre de meulière, et en mortier de chaux et de sable. Si l’on peut ajouter quelques chaînes en pier- ( 5o5 ) res de taille de cinq en cinq mètres, la corn struction en devient plus solide. Ces murs, élevés seulement de deux pieds au-dessus du sol, sont terminés par une tablette en pierre ou par un rang de briques posées de champ, à dé- faut de pierre de taille. Le talus indiqué est in- dispensable pour résister à la poussée des terres. ( 3o6 ) CHAPITRE LXXI. Des arbres propres aux jardins pitlo- resques. J’ai pensé qu’il serait utile de donner la no- menclature des arbres, arbrisseaux et arbus- tes d’agrément qui entrent dans la composi- tion des jardins pittoresques. Cette nomencla- ture, également intéressante pour les proprié- taires et les architectes de jardins, rendra le choix des approvisionnemens plus facile. Ces derniers trouveront sur-le-champ le nom et les espèces qu’ils veulent employer dans leurs compositions. J’ai cru devoir également ajou- ter les noms latins , la nature du terrain qui convient à chaque espèce, et l’exposition qui lui est favorable; enfin, pour se former dans son jardin une succession de fleurs pendant la plus grande partie de l’année, j’ai ajouté le mois où chaque espèce d’arbre donne sa fleur. ( ) afin que l’artiste puisse faire sa distribution en conséquence, lors des plantations. Je commencerai par la semence des plantes ligneuses. ( 5o8 ) CHAPITRE LXXII. Des Semences. Les semences qui germent le plus prompte- ment, sont celles dont les lobes d’une peau ou enveloppe mince , ou bien celles dont Tenve- loppe est épaisse ou ligneuse, mais dont les lo- bes sont gros et charnus. Telles sont pour les premières, les glands, les marrons, les châtai- gnes, les pépins, etc., et pour les secondes, les noix, les amandes, les noyaux de pêche, d’a- bricot, de prune, de cerise, etc. Les terres de bruyère sont préférables pour faire germer les semences des plantes ligneu- ses. Ces terres sont le résultat de la décompo- sition des feuilles et des plantes des forêts, dont le sol est de sable. Dans le cas où l’on ne pourrait pas se procurer de la terre de bruyère, on fait alors un compost de terre de prés mêlée avec du sable et de la décomposi- tion de feuilles. Il importe que ces décompo- ( 5o9 ) sitions soient lefruit du temps, et l’espace d’une année entière n’est pas trop pour réduire les feuilles en terreau; il faut bien se garder d’y mélanger aucun fumier de basse-cour. Ce n’est absolument qu’avec des décompositions de vé- gétaux, telles que les feuilles, les bois pouris, les débris de plantes, qu’on donne de l’humus au compok, et qu’on le rend propre à faciliter la germination des graines. Vers la fin de l’automne, ces semences sont mises dans du sable humide. Pendant l’hiver, elles sont tenues dans un lieu frais, où la ge- lée cependantne puisse pas les atteindre. Il est indispensable que les semences soient égale- ment préservées de la gelée et de la séche- resse. On les sème au printemps , savoir, les plus grosses, à un pouce de profondeur, et les plus petites, à une ligne. Le jardinier en- tretiendra la terre humide dans un grand état de propreté; il préservera les plants des rayons du soleil, et apportera le plus grand soin à extmper les mauvaises herbes. Il est des semences qui ne germent que quinze à dix -huit mois après leur maturité, surtout si elles ont été tenues au sec après ( 5io ) avoir été récoltées, c’est-à-dire, si elles n’ont pas été semées immédiatement après leur ma- turité ou mises dans le sable frais. Telles sont la plupart des graines ailées et des graines os- seuses; malgré les précautions indiquées, il est des graines qui ne lèvent pas dans la première année, ni la seconde, mais seulement dans la troisième année. Il est bon de faire observer que ce traite- ment n’est pas celui que demaadent les se- mences ailées des conifères, qui se sèment au commencement d’avril. Pour les semer, on les tire de leurs cônes , et pour extraire les semences des cônes, on les expose à un feu doux qui, forçant les écailles à s’ouvrir, dé- gage les graines. Le jardinier les sème sur-le- champ dans un terrain préparé, légèrement humide et à l’abri des rayons du soleil. Le meilleur moyen à employer est de déposer les semences dans des caisses ou des terrines rem- plies d’une terre légère et sans engrais , et de les enterrer à cinq à six lignes de profond^r. Ces caisses sont ensuite placées dans des cou- ches d’une chaleur très-modérée, où l’on doit toujours entretenir une légère humidité. Il est ( 3.1 ) surtout nécessaire de préserver les plants de l’action du soleil, et c’est à mesure qu’ils se fortifient qu'on les y accoutume peu à peu. La plupart des graines des arbres exotiques exigent ces précautions, et les graines des ar- bres indigènes s’en trouvent très-bien. S’il ar- rivait que les graines ne levassent pas , il fau- drait, lorsque le temps est adouci, retirer les caisses des couches, les placer à l’ombre, en- tretenir le terrain légèrement humide. Aux approches de l’hiver, les plants seront placés sous des vitrages au pied d’un mur exposé au midi. On les défendra des grandes gelées en les couvrant, puis au printemps ils seront re- mis dans une couche. Les graines très -fines ne demandent pas à être enterrées, mais seulement répandues sur la terre humide. Le jardinier tamise par-des- sus un peu de terre en poussière ; il presse lé- gèrement avec la main cette terre tamisée, la recouvre de mousse, met les caisses à l’ombre, et y entretient un peu d’humidité jusqu’à ce que les graines aient germé. Je crois inutile, eu égard à son peu d’usage, de parler des drageons; c’est un pauvre moyen, ( 312 ) une bien petite ressource que celle d’ëxlater d’une racine ou d’un tronc d’arbre, une tige qui prend très-difficilement, et qui, par son dénuement de racine, peut à peine se tenir en terre. Outre les marcottes , on connaît encore le moyen de plier les branches d’arbres ou d’ar- bustes, particulièrement celles qui ont des dis- positions à produire des racines plus ou moins promptement, des espèces demandant un an, dix-huit mois, deux ans, d’autres espèces de- mandant moins de temps. Pour employer ce moyen, il suffit, au printemps, de choisir des branches saines, d’une belle venue, d’une écorce lisse et unie; de les incliner sur la sur- face du terrain, sans les détacher de l’arbre, et de les enterrer, sans les rompre, à cinq ou six pouces de profondeur; puis on les fixe avec un crochet en bois placé à la courbure. Pour réussir dans cette opération , il faut que la terre soit bonne et meuble. Après avoir relevé perpendiculairement la branche par le bout hors de terre, on l’assujétit avec un tuteur. On aura soin de mouiller quelquefois la terre, qui sera butée autour de la branche, puis on la (5.3) couvrira de mousse ou de litière pour conser- ver riiumidité. Dans le cas où les branches courbées et en- terrées auraient acquis assez de racines pour pouvoir être détachées de la mère, on les transportera au printemps suivant. Il est des arbres auxquels, avant d’enterrer les branches, il est nécessaire de faire des inci- sions dans l’écorce ou dans le bois, pour les contraindre à s’enraciner; il en est d’autres qui demandent à être serrés par un fil ciré ou étranglés par un fil de laiton. Il est encore des arbres qu’on doit dépouiller d’un anneau de leur écorce; d’autres, enfin, dont il faut tordre l’écorce ou la fendre dans une lon- gueur de deux ou trois pouces : cette opéra- tion est appelée marcotte à languette. Ces moyens, qui forcent la sève à produire des ra- cines , se pratiquent avec plus de succès en juillet qu’en tout autre temps, surtout pour les jeunes bourgeons. Il est des espèces d’ar- bres très-difficiles à s’enraciner; les arbres verts se marcottentau commencement de l’été, et les autres, ceux qui prennent aisément ra- cine, se marcottent pendant les mois d’octo- bre ou de mars. ( 3.4 ) CHAPITRE LXXIII. Des Boutures» Les branches d’un grand nombre d’arbres el d’arbrisseaux étant plantées dans un terrain convenable et bien façonné, défendues de la sécheresse et du soleil, multiplient prompte- ment les individus. Depuis la fin de janvier jusqu’à la mi-mars, coupez sur les arbres qui se dépouillent de leurs feuilles, des branches saines et vigou- reuses de deux, trois et quatre ans; enlevez la pousse de l’année , à moins que le bois n’en soit dur et compacte. Retranchez les branches de neuf à douze pouces, excepté les branches d’arbres aquatiques, tels que les saules, qui se plantent dans un terrain humide ; surtout coupez toutes les boutures en flûte, et gardez- vous bien d’offenser l’écorce, en les enfonçant dans la terre; foulez la terre aux pieds, et l’ar- rosez; préservez la plante de la sécheresse. { ) Quant aux arbres verts, coupez, comme aux précédens, des branches droites, saines et vi- goureuses, contenant le bois de la dernière pousse : retranchez les feuilles de la partie in- férieure dans la longueur de trois à quatre pouces. Plantez-les à une profondeur de trois à cinq pouces, suivant leur force et leur lon- gueur ; plombez la terre, et tenez-la dans un état légèrement humide. Lorsque les plantes sont délicates, il vaut mieux les planter, si elles sont faibles, dans des pots remplis de terre légère. Plongez les pots dans une couche de chaleur modérée; on les couvre de cloches, ou bien on les place sous des châssis, en les arrosant souvent. Lorsqu’on s’est assuré qu’elles sont enracinées, il faut les accoutumer peu à peu au grand air et au soleil, afin qu’elles ne s’étio- lent pas. ( 3i6 ) ^ CHAPITRE LXXIV. CONCLUSION. Le nombre des compositeurs de jardins est fort petit, mais en récompense on rencontre une foule de gens qui prétendent avoir des con- naissances dans cet art, et qui sont hors d’état de faire exécuter : l’iin par des économies mal entendues gâtera le terrain qui lui sera confié, et n’en tirera pas les avantages qu’il présente; l’autre, voulant tout traiter en grand, ruinera l’amateur, en lui faisant entreprendre au-delà de ses moyens. Celui-ci, après avoir fait un charmant dessin dans son cabinet, se présente à l’amateur : ce dernier est d’abord enchanté; mais sitôt que les travaux sont entrepris, il est tout désappointé de ce que le joli dessin est inexécutable, parce que l’artiste, ou soi-disant tel , avait négligé de lever son plan sur les lieux, et de tirer ses principaux points de vue d’apres la nature du terrain. Un de nos habiles architectes, se trouvant chez un de ses amis chez lequel venait d’en- trer un riche propriétaire de la Normandie, le Neustrien fit part du dessein qu’il avait de changer la composition de son parc. L’ami pro- pose notre architecte, qui est aussitôt accepté. Le propriétaire fait connaître à l’artiste l’état de situation de son parc, ainsi que les tenans et aboutissans. Le dernier se met à l’ouvrage, et au bout de huit jours il apporte son plan. Le bon Neustrien, enchanté de la beauté du dessin, termine ses affaires, part, arrive, man- de les ouvriers, et leur fait mettrela main à l’œu- vre. Mais, ô douleur 1 rien ne pouvait aller : au- cun ensemble ; un point de vue était placé là où il n’en fallait pas ; on avait mis une prairie dans l’endroit qui exigeait une plantation; la position du château, celle qui donne le point d’appui des tableaux, était inconnue; car il faut toujours , au préalable , s’assurer de l’exposi- tion du manoir, qui peut être bâti soit dans un fond, sur une éminence, ou sur un terrain plat. Il faut remarquer si le parc est entouré de vallées ou de coteaux ; si le terrain offre du mouvement; quels sont les sites voisins; s’il y ( 3-8 ) a des eaux, de quel côté est leur pente, quel parti on peut en tirer. Le terrain permet-il de faire serpenter une rivière? Telles sont lesdifli- cultés que présente la composition d’un parc, et pour les faire disparaître il faut absolument se transporter sur les lieux, et voir par soi- méme. Si l’artiste que vous employez joint aux talens de la composition ceux de l’exécution, le propriétaire ne peut qu’y gagner, parce que personne n’entend mieux son affaire que le compositeur. Par exemple, on trouve peu d’ar- chitectes qui entendent le maniement de la terrasse; il ne faut cependant que de la pra- tique pour la faire exécuter. Si le composi- teur entend cette partie , il est là pour lever toutes les difficultés qui peuvent se rencontrer, et que présente la nature du terrain tant à l’ex- térieur qu’à l’intérieur, le pays environnant, les eaux, les bâtimens, les pentes, les coteaux, enfin les arbres existans qu’on veut conserver. Aucun auteur que je sache n’a traité du sty- le qui convient aux bâtimens de la campagne, et ne les a envisagés sous le rapport qu’ils ont avec les sites où ils figurent. Cependant si les bâtimens ont sur les sites une influence sensi- / ( 3-9 ) ble, et si de leur côté les sites influent sur le caractère et l’expression des bâtimens qu’on leur associe, il doit y avoir dans les formes, le caractère et le style de ces bâtimens, des diffé- rences avec les formes, le caractère et le style affectés aux bâtimens des villes. Ces différen- ces tiennent à la convenance, partie de l’archi- tecture essentielle et trop négligée dans les bâ- timens construits à la campagne. Quoi qu’en aient dit les auteurs qui ont écrit sur l’origine de l’architecture, je ne crois pas que ce bel art ait trouvé des modèles dans la nature. En vain ont-ils répété les uns après les autres que les colonnes avaient pris naissance des troncs d’arbres ; que l’entablement repré- sentait le poitrail qui servait à porter des so- lives du plancher ; que le fronton avait reçu sa forme des égouts des toits; fort bien: mais s’en- suit-il de là que les formes de l’architecture aient trouvé leur type dans la nature? Où ont- ils vu que la nature eût destiné les troncs d’ar- bres à porter autre chose que des branches des- tinées à transmettre et à conduire la sève qui donne naissance et nourrit les feuilles, les fleurs et les fruits? Où ont- ils vu que la ria- ( 320 ) ture eut soumis ces troncs à recevoir et à sup- porter les abouts d'une pièce de bois écarrie? La première cabane, toute simple, toute gros- sière qu'elle était, fut le fruit du besoin, la production de l’industrie, et non une imita- tion de la nature, qui n’a jamais rien produit de semblable. Qui ne s’aperçoit, pour peu qu’il veuille y réfléchir, que les Grecs, de qui nous avons em- prunté notre genre d’architecture, ont admis ces formes parce qu’elles leur ont été suggé- rées par celles qui avaient été employées dans leurs bâtimens, jadis construits en bois? car chez eux, comme chez tous les autres peuples, l’emploi du bois a précédé celui de la pierre. Ce n’est donc pas le tronc d’arbre qui a donné l’idée de la colonne, mais ce sont les principaux points d’appui de leurs bâtimens construits en bois, faits avec des troncs d’arbres, qu’ils ont imités, lorsque, dans leurs bâtimens, ils ont fait usage de la pierre. 11 en fut de meme de l’architrave, de la frise, du fronton, des trigly- phes, desmodillons, et de presque tous les or- nemens qui décorent les ordres d’architecture qu’ils nous ont transmis ; et sans doute que la ( 52 1 ) base et le chapiteau dont ils ornent la colonne, ne leur furent suggérés que par la nécessité de placer des liens au haut et au bas du tronc (1 arbre, pour prévenir les éclats et les fentes auxquels l’eût exposé la charge qu’il portait. Les auteurs qui ont écrit sur les ordres d’ar- chitecture, avouent que telle est l’origine des formes et des ornemens inventés par les Grecs. Ces formes servent encore de règle aux maîtres pour déterminer les proportions de chaque partie. Que faut- il conclure de ces observa- tions? 11 faut en conclure, non que cet art a pris de la nature les formes qu’il emploie dans les ordres d’architecture, mais que l’architec- ture grecque, perfectionnée, a conservé, lors- qu’elle employa la pierre, des formes qu’a- vaient primitivement les bâtimens construits en bois. Les bâtimens, ainsi que toute fabrique ayant sur les sites auxquels on les associe une in- fluence assez puissante pour en altérer et même pour en changer le caractère, en fortifier ou en affaiblir l’expression, que de réflexions ne doit pas avoir faites l’artiste avant que de faire en- trer une fabrique dans ses compositions! quelle I ( 322 ) finesse, quel tact pour en pressentir les effets! quelle réserve dans l’emploi d’un moyen si aisé à mettre en œuvre, et si difficile dans l’appli- cation 1 que de précautions à prendre pour as- socier avec succès dans une scène champêtre des productions dont les formes lui sont si étrangères ! Rien n’est à négliger quand on se propose d’associer aux tableaux de la nature cette production de l’art; masse, style, carac- tère, teinte, matière, position, tout est à pré- voir. La plus légère méprise devient une faute grave, qui se fait apercevoir au premier coup- d’œil. L’artiste qui, sans motif, sans besoin, sans discrétion , surcharge sa composition d’une multitude de fabriques que rien n’ap- pelle, que rien ne justifie, qui ne consulte ni le style, ni le caractère qui conviennent à cel- les que ce besoin rend indispensables et que la nécessité commande , annonce peu de res- sources dans l’imagination , de médiocres ta- lens, une absence totale de goût, et une igno- rance profonde des premiers élémens de l’art. Indépendamment de ce défaut de conve- nance, de tels manoirs, surchargés d’étages, éloignent trop des jardins ceux qui les habi- ( 323 ) . lent. C’est bien pis encore si la disposition est telle que l’appartement de société se trouve au premier étage. Y a-t-il un escalier à franchir pour aller au jardin, on balance, on hésite : c’est une sorte de barrière qui arrête ; et puis, au retour, las de la promenade, on redoute le fatigant escalier. Pour mon compte, je l’a- voue, je voudrais trouver, au sortir de ma chambre, je n’ose pas dire de mon lit, les ar- bres, les gazons sous mes pas. Combien de ma- noirs, à la campagne, sont disposés et entourés de manière à faire douter à ceux qui les habi- tent s’ils sont à la ville ou aux champs, tant on y est peu en société avec les aspects champê- tres 1 Que va faire â la campagne le riche ci- tadin qui vient d’y acquérir une propriété? Son projet est -il d’y couler ses jours en paix au sein de la liberté et de la tranquillité , de s’y livrer à des exercices salutaires? vient-il y chercher la pureté de l’air, y jouir du specta- cle de la nature? Sans doute il se propose de bonifier ses champs, de rendre ses cultures plus fructueuses, d’assainir le pays, de perfec- tionner, par son goût, les tableaux que lui pré- sente son site , ou bien il va , par son aisance , ( 524 ) aider les cultivateurs de son canton, et soula- ger les malheureux? Non, rien de tout cela; ce qui l’intéresse d’abord, ce qui fixe son uni- que attention, l’objet de tous ses soins, c’est son superbe manoir; l’étendue en sera im- mense, la décoration magnifique; en voyant tant d’ouvriers, tant de matériaux rassemblés, on dirait qu’il va bâtir une cité , et ce n’est tout simplement que la retraite d’un homme, ou tout au plus celle d’un père de famille. Cependant sa maison n’est jamais assez gran- de , la décoration n’est jamais assez riche ; dans l’intérieur rien n’est jamais assez écla- tant; il y veut les aises de la mollesse et le luxe de la ville. Plus flatté de ses lambris do- rés que touché du charme de ses jardins, et des grâces naïves que lui offrent les scènes simples , mais aimables , dont la nature a fa- vorisé le pays qu’il habite, il ne s’occupe que de ses grands salons, que de ses meubles somp- tueux ; il montre ses bains de marbre, ses ves- tibules , sa galerie , son superbe escalier ; il vante ses grands murs de terrasse , ses larges fossés, son stérile parterre, ses jets-d’eau, son éternelle avenue , ses vastes cours. Que s’en- ( 525 ) suit-il de tant de superfluit(^s? qu’il est bien- tôt las. Ce brillant étalage flatte sa vanité, sans doute, mais qu’inspire-t-il à son cœur? que dit-il à son âme? Hélas 1 sans la table, sans le jeu, sans la nombreuse compagnie qu’il a grand soin de rassembler, il ne resterait pas dans sa superbe campagne vingt-quatre heures sans y périr d’ennui. Cela doit être ainsi. Faisons mieux, et dépensons moins; ayons aux champs une petite maison, c’était le goût et l’avis du sage Socrate; rendons -la propre, commode et riante; plaçons -la dans un site agréable par ses grâces champêtres, et nous jouirons d’un bonheur parfait. Je ne terminerai point sans rendre encore hommage aux talens des deux hommes, Morel et Girardin , qui m’ont précédé dans la car- rière. C’est dans leurs ouvrages que j’ai en partie puisé des connaissances, et cet amour pour les grands et sublimes effets de la nature. Dans les diverses descriptions de paysage renfermées dans ce volume, on se fera une juste idée des difficultés à vaincre et des obsta- cles à surmonter qui se rencontrent à chaque pas dans la partie que j’ai embrassée. Tantôt ( 326 ) c’est un château moderne qu’il faut faire en- trer dans l’ensemble, tantôt il faut découvrir le manoir féodal , dont l’architecture gothique indique l’ancienneté. Le style d’architecture employé par nos pères est admirable dans une composition. Ces tours, ces créneaux rappel- lent des idées chevaleresques. Le voilà ce cas- tel hospitalier, où les preux, leurs mies, leurs écuyers et les pèlerins étaient reçus. A la porte du manoir se trouve le banc de pierre où le chevalier montait sur son coursier, et la châ- telaine sur sa haquenée. Le' paladin, revenant du tournois, était reçu par les dames, qui l’ai- daient à descendre. Le perron et la motte rap- pellent ces temps où le seigneur, assisté de ses écuyers, de ses chevaliers et de ses baillis, ve- nait rendre la justice à ses vassaux. L’imagi- nation fait apercevoir le trouvère, suivi de ses compagnons. Ils content le gai fabliau, l’aven- ture galante , la plaintive romance; ils font ré- sonner les échos de leurs harpes mélodieuses, et appellent à la danse tous les jeunes gens du hameau. La dame du château a -permis la danse dans sa gentilhommière, et préside aux jeux. Un goûter champêtre termine la séance, ( 327.) et la troupe joyeuse, précédée des ménestriers, se retire enchantée des plaisirs de la soirée. Les monumens construits par nos pères, sur- prennent, étonnent à la première vue ; ils cau- sent une certaine impression , une sorte d’é- motion dont on ne peut se défendre. Quel bel effet produit une tour gothique, ou une con- struction du moyen âge, dans un paysage? Je n’ai jamais aperçu un monument de cette épo- que, sans éprouver une sorte de ravissement. Il est vrai qu’il en est plusieurs qui sont admi- rables; aussi est-il dans l’intérêt des proprié- taires de les faire réparer, et de veiller à leur conservation. I TABLEAU GENERAL DïSi QUI ENTRENT DANSPA 11, Divisés en cinq classes , en commençant par le I, ainsi de svÜ^ ]\o I. — arbres lî i_. COCLEURf 1 NOMS FRANÇAIS. NOMS LATINS. OU R FORME DiR FEUILLÎI 1 Acacia, Robinia pseudo-acacia^ vert tendre;^ Aune, Châtaignier, ^ Ainus communis, vert foncé n r. Castanea sylvestris^ » 1 1 Chêne, fiuercus humiiis Virgia- ' na> grandes fe 1- ks, jj Cèdre du Liban, Larix cedrus. toujours veei Érableide la Floride, Acer Floridanum, >> ■' Erable de Virginie, Acer Virginianum, » 1 Frêne blancde la Nouv.-Ang., Fraxinus aiba. » I ! Frêne à mèche d’Afrique, Fraxinus A f ricana. » Ginkgo ifitoéa At la Chine et^ du Japon, < \ simples, [! Grisard de Hollande, Fraxinus aiba. simples. Grisard à petites feuilles, ù idem, Hêtre, Fagus sylvatica, idem. Hêtre, Fraxinus axus, toujours ve]3! Marronier d’Inde, Æsculus hippocastanum . » Mélèze des Alpes, Larix europœa. simples, Merisier à fleurs blanches. Prunus Padus, » Orme, JJimus carnpestris. grandes, Peuplier d’Italie, Popuius fastigiata, simples, Peuplier d’Athènes, Popuius grœea, » Peuplier suisse, Pinus epicus, » Pin pesce. toujours veifti Pin maritime ou de Bordeaux, Pinus mnritima. idem, , Pin de Corse, Pinus Laricio, idem. Platane, » larges, platane à feuilles simples, » simples. P.RBRES DE TOUTE ESPECE 'Pi COMPOSITION D’UN PARC, C tia plus grande espèce, et le Il la moyenne grandeur; U diminu anL REMIÈRE CLASSE. ^OULEÜR TEMPS GENRE 1 1 DE LA DE LA DE TERRAIN. EXPOSITION. LEUR. FLORAISON. PLANTATION. lanche, juin. » sec. midi. r ” » » frais , » 9 » » sec. toute exposition. » » » léger, midi. î » » » sec, nord. » » » toute terre. toute exposition. » » 1) idem, idem. ^ 0 » » toute terre. toute exposition . i ® » greffe, frais. midi. 1 rt semence. frais, idem. » bouture, idem. toute exposition. i » » idem, idem, idem. » » » léger. idem. ^uitssau-, ’ vages, ( i ” » toute terre. ombre. anche, mai, semence, idem. toute exposition. » » idem. léger. ombre. anche. mai. idem. idem. toute exposition. » » » idem. idem. » » bouture, frais, idem. » » idem. idem, idem. 1 » » idem. idem, idem. 1 » 1) semence, toute terre. idem. » » semence, léger. midi. i >) idem. idem. idem. » i' marcotte et semi- ^ bouture, ^ idem, j frais, ombre. .) » [i idem, j idem. 33o Platane d’Occidentou deVirg. Sapin, Sapin de Virginie, Sapin beaumier de Gilead, Sapin à feuilles étroites. Sapin de l’Amérique septent., Saule blanc, commun, Saule à feuilles de laurier. Saule osier rouge, ou franc bouture, Tilleul, Tilleul de Hollande, Tremble des bois. Tulipier de Virginie, Platanus occidentalisé J Mes Picea aiba. Pinus virginiana, A Mes balsamea, simples, i ^argentées, toij jours verte ) vertes, toujours vert( (étroites et toij jours vertel Saiix vulgaris, T ilia folio minore. Populus tremula, Lyriodendrum tuiipifera toujours vert' simples, idem, idem, idem, idem, N“ II. -- ARBRES E: Acacia rose, Amandier cultivé, bouleau commun. Bouleau à feuilles de merisier, Bouleau noir de Virginie, Bouleau à feuilles laciniées. Catalpa des Apalaches, Châtaignier à feuilles panach Chêne de Virginie, Chêne blanc du Canada, Chêne à glands doux de Corse Chêne à feuilles de châtaign. Cormier ou sorbier cultivé, Érable à écorce jaspée, Arable hybride. Érable à pâtes d’oie, Érable à feuilles de frêne. Érable à sucre. Genévrier des mont, du Nord. RoMnia iiispida, Amygdaius communis, Betulus aiba, Betulus (enta, Betuia nigra, Betula iaciniata. Bignonia Catalpa, » Quercus virens. Quercus Prinus, Acer saliva, Acer canadense, A cer hybridum, Acer laciniatum, Acer ISegundo, A cer saccharinum , Sorbus suecica. vert tendre, simples, simples, idem, idem. idem, toujours ver simples. or LEUR TEMPS GENRE DK DA DE LA DE TERRAIN. EXPOSITION. LEUR. FLORAISON. PLANTATION. » )) marcottes et semi-b. frais. ombre. 1) » semence. sec et léger. toute exposition. » » idem, idem. idem. » » idem, idem, idem. » » idem. frais. idem. » » idem. idem. idem. A » bouture, idem. idem. » • idem, idem. idem. A » idem, idem. idem. » (Semence, bouture.; |toute terre. nord. ^ marcotte, i » Louture, bonne terre. idem. » » bouture. toute terre. toute exposition. | » juillet, semence, marcotte. frais , léger, idem. HUXIÈME CLASSE. se, mai, marcotte. sec. midi. anche, mars, avril, semence, sec et léger, toute exposition. » i> idem. toute terre. idem. » » greffe, idem. idem. » » idem, idem. idem. » mai, idem. idem. idem. » juillet, ^ semence, marcotte, ( ' bouture, ) ( ^bon et frais. midi. )) » greffe. léger. idem. » » semence. idem idem. » D » » idem, idem. idem, idem. toute exposition, midi. W » idem, idem. idem. » juin. idem. frais. nord. » » greffe, toute terre. toute exposition. » )> idem, idem. idem. b » » idem, idem. idem. 1 » » i idem. idem, idem. 1 » » 1 «emence. frais, idem. 1 B » i idem, » ! idem. H COULEUR NOMS FRANÇAIS. NOMS LATINS. OU FORME DES FEUILLE! Hêtre pourpre de laTransilv., Fagus purpurca. » Hêtre cuivré, Fagus atropurpurea, » Mélèze rouge d’Amérique, » » Mélèze tortueux de Sibérie , )) n Micoucoulier d’Europe, Celtis australis. » Micoucoulier du Levant, Celtis orienlalis. » Mûrier à fruit rouge, Morus nigra. » 31ûrler à fruit blanc. Morus alha. » Mûrier rose d’Italie, Morus Italica, » Noisetier de Byzance, Coryius Colurna, a Noisetier à feuilles de frêne. » » „ , . sPopulus halsamife- Peuplier baumier, ' Peuplier hétérophylle, semence, marcotte. idem. idem. » n semence. idem, idem. ' » » idem. idem idem. )> » idem. idem, idem. i,)E TROISIÈME CLASSE. i : » » semence. frais, léger. ombre. >) » semence greffe, bonne terre. toute exposition. » » idem. idem. idem. » M idem. idem. idem. " » » idem. idem. idem. 334 ■BHBSRmRHEBBi cor LEUR NOMS FRANÇAIS. • NOMS LATINS. ou forme des FKUItLEl Alisier de Virginie, » y> Amandier à feuilles panachées Àmygdatus varieffata, » Arnelanchier des bois, Cratœgus amelanch. , » Arbre à cire de la Louisiane, Myrica cerifera. , » Arbre de Judée, gaignier, Cercis Siiiquastrum, )> Arbre deJudéeàfleursbIanch. Idem, » Arbre de Sainte-Lucie, Prunus Mahaleb, » ( Aubépinier ordinaire, Mespitus oxyacanthuy » 1 Aubépinier à fleurs doubles. )) » [ 1 Aubépinier pinchaw. » » i I Aubépinier à fruit jaune, » « i 1 Aubépinier à feuilles de gro-^ » 1 1 seiller, ^ 1 Aubépinier à fleurs rouges, ” )) 1 Aubépinier à étamines vio- ( : >} 1 l<*Jtes, < 1 Aubépinieràfeuillesluisantesj i i 1 Aubépinier à ergots de coq, | » » 1 Aubépinier à feuilles coton-i > » » i 1 neuses, J 1 Azerolier des bois. Mespitus AzaroluSy a ' 1 Azerolier d’Italie, Mespitus itaiica, » 1 1 Azerolier du Canada, Mespitus canadensis. » 1 Azerolier de Virginie, Mespitus virginiana. )) 1 Azerolier corail. » » 1 Azerolier poirier. » 0 1 Azerolier pommier, n » 1 Bois joli ou gentil, à fleurs i 1 rouges. \paphne Mezereum, \ » 1 1 Bois joli ou gentil à fleurs j 1 > )) rt 1 blanches, 5 1 Bon-Duc ou chicot, Guilandina divica, » 1 Cèdre à feuilles de cyprès. Gui t and inajuniperus , toujours vert» 1 Cormier ou sorbier des oise-< )) 1 leurs, * 1 Cormier hybride de Laponie, \Sorbus hybrida, » 1 Cornouiller d’Amérique, à fl^rida, 1 leuilles blanches^ ^ » 535 s OULEUR TEMPS GENRE il DE LA DE LA DE TERRAIN, EXPOSITION. pLEUR. FLORAISON. PLANTATION. » » semence, bonneterre, toute exposition. » » greffe, sec, léger. midi. » » semence, drageon. toute terre. toute exposition. » » semence. frais, midi. » » idem. sec, léger, idem. » » idem, idem. idem. » )) semence, drageon, toute terre. toute exposition. » „ ^semence, marcotte,, ‘ bouture, greffe, ; >idem. idem. » » greffe. idem. idem. » » idem, ^ idem. idem. » » idem. idem. idem. » » idem. idem. idem. 1) » idem. idem. idem. » » idem. idem, idem. » » semence, marcotte. idem, idem. » » idem, idem, idem. » » idem, idem. idem. » )seinence, marcotte,! ^ bouture, greffe, * |idem, idem. » » idem, idem, idem. » » idem, idem, idem. » » idem. idem. idem. » » idem, idem. idem. » » idem, idem. idem. » t » » idem, ►semence, marcotte,/ idem, 1 'Sec, léger. idem. idem. bouture, ( » » idem. idem. idem. ianche, » drageon, semence. sec. idem. 1 » » semence, sec, léger, nord. » )» semence, greffe. frais. idem. » idem, semence, drageon, j bon, >toute terre, idem. " 1 " i marcotte, greffe,) toute exposition. io6 COULEUR NOMS FRANÇAIS. NOMS LATINS. OU FORME DES FEUILLE Cornouiller de Virginie, Cornus virginiana. » Gornouüler à feuilles al- ternées, Cornus aitcrni folia, » Cornouiller à feuilles de ci- tronnier. Cornus citrifoiia. » Cornouiller, Ü )) Cornouiller à fruit bleu. » » Cyprès pyramidal, Cupressus pyramidaiis , » Cyprès pyramidal à feuilles de thuya, Cupressus thyodes. » Cyprès de la Louisiane, Cupressus disticha. J) Cytise ou faux ébénier des Alpes, Cytisus La/burnum, ■■ Cytise à fleurs odorantes. Cytisus iatifolius, >» Érable des bois. Acer campestre. » Erable de Crète, Acer creticum. » Érable de Montpellier, Acer monspesutanum, Acer pseudo-platanus. » Érable sycomore, toujours vei Fiffuier, Ficus Carica, llex Aquifolium, » Houx, » Laurier franc, Laurus nohilis, » Liquidambar de l’Amérique J septentrionale, ^ Marronier à fleurs rouges. lÂquidambar s tyracijiua, » Æscuius Pavia, » Marronier à fleurs jaunes, Æscutus (lava. » Mélèze nain. )) » Merisier à grappes. » )) Merisier du Canada, ') » Merisier à fleurs rouges. Prunus avium syivestris » Merisier à fleurs doubles, » )) Mûrier du Canada, )) )) Mûrier d’Espagne, n » Mûrier à papier de la Chine, » Mûrier de Constantinople à tête d’oranger. Néflier des bois, Morus constantinopolit. , » iMespilus Germanica, a Néflier à gros fi nit, ! » » 557 [ orLEt’R r DB LA. i-LEUll. TEMPS DK LA FLORAISON. GENRE DK PLANTATION. TERRAIN. i 1 EXPOSmON. 1 1 ’’ n sem. clrag. marc. gr. i toute terre, toute exposition. î P i: P idem, idem. idem. i » » idem, idem. idem. li » » idem. idem, idem. ' w n idem, idem. idem. ; » » semence, bouture. sec. midi. » » idem. sec et léger, idem. » ') idem, idem, idem. » avril et mai, idem, tonte terre. toute exposition. )■ » » Cgrefte, bouture, se-, ^idem. midi. ■ » } mence, < jsemence, marcotte,, • bouture. idem, toute exposition. ! ” » semence, marcotte. idem, idem. » » idem. idem, idem. k » » semence. idem. idem. » » marcotte, frais. midi. » » semence drageon. léger, ombre. » » ! ^semence, drageon, ( 1 toute terre, nord. tt P ) marcotte, < semence, marcotte, ) frais. ombre. 1 » » greffe. toute terre. toute exposition. 1 ® » idem. idem, idem. i) semence. léger. idem. I ” » idem. idem, idem. ) )) » greffe. idem. idem. î )) idem. sec. idem. » )> idem, idem, ideu). ;) >) semence, bouture, toute terre. midi. » » idem. idem. idem. » » marcotte, greffe. idem, idem. » )l greffe. idem, idem. D » semence, bouture, idem, tonte exposition. 1 P » greffe, bon. idem. L 2 ‘2 538 COULEUR 1 NOMS FRANÇAIS. NOMS LATINS. ou FORME DES FEUILLE 1 Néflier de Virginie, Mespiius Crus-galii, » 1 Faux Pislachier, Nez coupé, Staphyiea pinnata. » 1 Faux Pistachier de Virgi- 1 ' \siaphyiea trifolia. » 1 Noisetier ou Coudrier des 1 bois, \cory tus A veliana, » 1 Noisetier brun. Idem var. » 1 Olivier de Bohème à feuilles 1 étroites. E tœagnus anguslifolia , » I Olivier d’Amérique, Oica americana, » 1 Pêcher cultivé, Amygdaius persica. » 1 Pêcher à fleurs doubles, Idem var. flore pteno. » 1 Pislachier cultivé, Pistacia vera. » 1 Plaqueminier Lotus, Diospyros Lotus, » i Poirier à fleurs doubles. P y rus communis var., » 1 1 Poirier à fleurs roses, P y rus spectahilis. » 1 Poirier a fleurs doubles de i • • (Pyrus coronaria^ 1 Virginie, ; ^ » i Poirier toujours vert, » » 1 Poirier de Tartarie, » » 1 1 Pteléa à trois feuilles, Ptelea trifoiiata. » ' 1 Saule Marceau, Salix caprœa. » 1 Saule de montagne, Saiix ianala. » 1 Saule Osier rouge ou franc, Salix purpurea.. » 1 Styrax ou Alibôufier, Styrax offichiàle. » K Sumac de Virginie a fleurs i ® )Rhus typmnum, 1 rougeâtres, ur > » 1 Sumac à odeur de vanille et^ 1 à fleurs rouges, ^ Rhus Ca.nadense, » 1 Sumac Copal, Rhus copallinum, » 1 Sumac à feuilles étroites, Rhus angusti folium. » 1 Sumac d’Espagne ou des ^ Rhus coriaria, » 1 corroyeurs, I Sumac glabre Rhus glahrmn. M y Sycomore des bois, Acer Pseudo-Piatanus, » 1 339 )ÜLEÜR TEMPS GENRE DK LA DB LA DE TERRAIN. EXPOSITION. 1 LEUR. FLORAISON. PLANTATION. i ” » greffe, sec, toute exposition. | » » semence, marcotte, toute terre, idem. | » U semence, idem. idem. I » » semence, drageon. idem,j idem. 1 » )> semence, greffe. idem, midi. 1 » » marcotte, bouture. idem. toute exposition. | » » idem. idem. idem. I » D semis, greffe, bon. midi. 1 » » greffe. idem. idem. 1 » » semence. sec, idem. | » » semence, marcotte. toute terre. ombre. | » » greffe, bon. midi. 1 D » idem. idem. ombre. 1 ” » idem. idem. toute exposition. | , » idem, idem, idem. | » idem, semence, marcotte,/ idem, toute terre. idem. | toute exposition, i » » ? bouture. » » bouture. idem. idem. | » » idem. idem. idem. i » idem. frais. idem. i » « greffe. léger. midi. 1 » tt drageon. idem. idem. 1 » » idem. idem. idem. i » » idem. idem, idem. i 0 » idem. idem. idem. i » » idem. idem. idem. | ») » idem, idem. idem. I » • i sem., marc., bou- V ture, y idem. idem. | 34o Symphorinc à petites fleurs, Tamarix à cinq étamines, Térébinlhe (Pistachier), Tilleul des bois, Tilleul d’Amérique, roxicodendron (Sumac), cSymphoricarpos parvi' ( flora, \Tamarix gaitica, ( Pista cia Terebin- ) thus, Tiiia sylvcstris, Tilia americana^ Rhus Toxicodcndrony ]X0 IV— TOUFFE Acacia sans épin. à fleurs roses Acacia, arbre aux pois. Acacia julibrissin de Cons- tantinople, Agnus-Castus (Vitex), Idem à feuilles étroites. Idem à feuilles dentelées, Alaterne à grandes feuilles, Alaterne à feuilles étroites, Alaterne à feuilles argentées. Rohinia hispida, Robinia Caragana, (^Mimosa arborea, Agnus-castiis {Vitex), Idem var. , Vitex incisa» Rhamnus Aiaternus, Idem var. angustifolius. Idem var. varicgatus, Alaterne à feuilles dorées, Aliboufier à feuilles dorées, Styrax officinate» AlibouGer d’Amérique, Styrax glabram» „ SCratœqus Chamœ Mes- Aîisicr nain du >lont-Dor, ^ ^Ahis f\Uhéa ou ketmie à fleurs rou- ses. toujours vert! idem. idem. idem, idem. Althéa à fleurs blanches, Allhéa à fleurs pourpres, Althéa à fleurs doubles, Allhéa à feuilles panachées. Amandier à feuilles satinées. Idem à fleurs blancli. doubl. Amélanchier du Canada, Amélanchier velu, Amorpha faux Indigo, Andromède en arbre. Idem à feuilles de Folium, Hibiscus syriacus» Idem var.. Idem var. , Idem var. , Idem var., yi mygd alas orientalis, Cratœgus spicata» Cra lœrpas arb u tifo lia, Amorpha fruticosa, Andromeda, arborea, A ndro meda poli folia, î ÜLEÜR TEMPS - GENRE 1 )E LA DK LA DE TERRAIN. EXPOSITION. 1 -.EUR. FLORAISON. PLANTATION. ■ » » marcotte, bouture, toute terre. toute exposition. | » B idem. idem. idem. | » B semence, bon. midi. 1 » » greffe. idem. nord. 1 » idem. idem, idem. | » » drageon, toute terre. toute exposition. | r ARBUSTES. » » drageon, greffe, bon, ombre. | U B semence, sec et léger. idem. | D 0 drageon, greffe. idem, idem. i » » semence, marcotte, idem. midi. 1 » » idem, idem. idem. f » » idem. idem. idem. | » » marc., greff., sem., idem. idem. | » » idem, idem. idem. | » B idem. idem, idem. 1 » » idem. idem, idem. i » » idem, idem. idem. | » » greffe. toute terre. idem. i » » idem. idem. idem. | ” » semence, greffe bon, toute exposition, i ! ” i )Semence, marcotte,/, , . . ! bouture, greffe, midi. » n idem. idem, idem. » » idem. idem, idem. ! » » idem, idem. idem. | » B idem. idem. ombre. D avril. greffe. sec et léger, midi. 1 » idem, idem. bon , idem. | J) juin, semence, greffe. toute terre, toute cxi’osilion. | )) idem. idem. idem. idem. || ■ » avril. semence, drageon. idem, idem. J) juin, idem. frais, léger, nord. || » 1 idem. semence, tonte terre, [ idem. iS 342 COüLEï)R 1 NOMS FRANÇAIS. NOMS LATINS. 00 FORME DES FEUILLE 1 Ajonc (grand), Vlex euTopœuS) » 1 Ajonc (petit), U (ex nanus, » 1 Aralie épineuse. Aralia spinosa. toujours ver 1 Arbousier ou arbre à fraises, Arhutus Unedo, idem, 1 Idem de Natolie à fl. doubles, Arhutus Andrachne, idem, I Idem à fleurs rougeâtres, Arhutus Unedo var.f idem, 1 Idem d’Acadie, irhutus acadiensis, idem. 1 Arbre à cire, de la Caroline, Myrica cerifera. idem, K Arbre de neige, du Canada, Chionanthus virginica. idem, 1 Ascyrum du Canada, Ascyrum hypericoides^ » 1 Asperge à feuilles piquantes, A sparayus acutifoiius, ù 1 Azaléa de Virginie, A zatea nudiflora, » 1 Azaléa à fleurs rouges. Azaléa viscosa. » 1 Baguenaudier commun. Coiulea. arhorescens. » 1 Baguenaudier du Levant, Colutea orientatis. B 1 Baguenaudier d’Alep, Colutea aiepicaf » Bois à boulons, du Levant, Cephaianthus occiden- talisé » Bouleau nain, Betuia nana, B Bourdaine à feuilles laciniées Rhamnus Frangula, B Buis (le grand). Buxus sempervirens. idem. 1 Buis à feuilles lancéolées, Id. angustifolia, idem. 1 Buis de Mabon, Buxus haiearica. idem. 1 Id. panach. de blanc ou jaune Idem sempervirens var.. idem. 1 Buisson ardent, Mespiius Pyracantha, idem. 1 Buplèvre, arbrisseau. Buplevrum fruticosum. idem. 1 Bultnéria ou les quatre épices Cuiycanthus jloriduSé » 1 Câprier épineux. Capparis spinosa, » 1 Cassiné des Apalaches, Cassine Peragurf, )) 1 Cèdre rouge de Virginie, Juniperus virginiana, idem. 1 Cèdre des Bermudes, Juniperus hermudiana, idem. 1 Cerisier Azaréro, Prunus iusitanica^ )) 1 Cerisier cultivé, Prunus CerasuSy » 1 Cerisier merisier des bois, Prunus aviumy » 1 Cerisier nain, du Canada, Id.Cerasus var. nana. » i Camerisier ou chèvref. velu, Lonicera Xy tosteunié » 1 Chèvrefeuille des Alpes, Lonicera alpigena. » 1 Chèvrefeuille à fruit noir, Lonicera nigra, » I Chèvrefeuille à fruit bleu. Lonicera cœrulea^ » 1 Châtaignier chincapindeVirg. Castanea pumiia. » - ' 543 litLEtTR TEMPS GENRE I î LA DE M DE TERRAIN. EXPOSITION. 1 2UR. FLORAISON. PLANTATION. 1 » juin, semence, toute terre. toute exposition. I » idem, idem. idem. idem. i » juillet. idem. idem, idem. | 1) » semence, bouture. bon. midi. » » idem. Irais, idem. » idem. idem. idem. ) » semence. idem, idem. ) mai. idem. idem. idem. ) idem. idem. frais, léger. idem. . » greffe, idem, idem. . n semence, marcotte. idem. idem. \ . juin. idem, sec. idem. - I . D idem. idem. idem. . ' ’ I n semence, marcotte, toute terre, toute eî^osiliof). | 1 » idem. idem, idem. i » idem, idem. idem..’ | » semence, greffe, idem, idem. 1 mai. idefii, bonne terre, ombre. 1 » semence, greffe. frais. toute exposition, i » semence. bon et frais, idem. i » idem, idem. idem. i » idem. idem. idem. i » idem. idem. idem. I » semence, bouture. toute terre. idem. | » sem. drag. marc. b. idem. idem. 1 » drageon, marcotte. léger. midi. , i mai. drageon, idem. idem. . i » bouture. toute terre, idem. | » idem, idem. idem. | J) idem. idem. idem. ® juin, idem, bon. idem. | mai, sem. marc. drag. léger. idem. § » semence, greffe, idem. toute exposition. | » semence. idem. idem | juin. drageon, toute terre, idem. | >) semence, marcotte, ideiT), idem. | » idem. idem, idem. | » idem. idem. idem. i » idem, sec, léger. midi. 1 NOMS FRANÇAIS. NOMS LATINS. COULEUR I oo FORME DE FELILLi; Chèvrefeuille des bois, Chèvrelcuille d’Allemagne, Idem à feuilles de chêne, Idem per folié, Id. de Virg. à fleurs rouges, Chionanlhus deVirginie, Clématite à fleurs doubles Clelhra à feuilles d’aune. Coignassier-Pomme, Coignassier-Poire, Coignassier de Portugal, Idem nain, à fleurs pour- pres. Cornouiller mrde. Cornouiller à fruit jaune, Cornouiller à fruit blanc. Cornouiller sanguin, C}’^tise à feuilles sessiles, Cytise noirâtre. Églantier des haies, à fleurs Lonicera Capvifbliu m , LoniceraPerictymenum, Lonictra quercifbiia, Lonicera itaiica, Lonicera sempervirens, C hionanthus virginica Ciematis Viticelia, Ciethra alni folia, Pyrus Cydonia, Idem var.. Idem var. iusitanica. Idem var. nana^ Cornus Mas, Cornus Mas var. flava. Cornus atha. Cornus sanguinea, Cytisus sessiiifolius, Cytisus nigricanSf Posa avvinsis» rouges, P^glantier à fleurs bla''?hes. Épine noire ou Prunelier, Épicéa de Virginie, Épine-Vinette des haies, Epine-Vinette sans pépins, Épine-Vinette à fruit blanc, Épine-Vinette du Canada, Épine-Vinette de Crète, Fabagelle ou Faux-Caprier, Fagarier du Sénégal, Faux Acacia panaché. Faux Pistachier, Févier panaché, Filaria moyen, Filaria à larges feuilles, Filaria à feuilles étroites, Frambroisicr commun, Frambroisier des 2 saisons, jFramboisier à gros fruit, » Prunus insititia, Plnus Epicéa, Berberis vulgaris, Idem var. steriiis, Idem var. aiba, Idem var. canadensls, Berberis creîica, Zygophyiium Fabago, Fa gara zanihoxyioides Robinia Pseudo-J cacia , Staphy iea pinnata , Gleditsia, triacanlhos var. Pldltyrea media, P h iUy rea iat ifoi ia , Phitlyrea angusiifoiia, Rubus Idœiis, Idem var.. Idem var., a » * » » » » » » >» » » » » toujours \Ci idem, idem, idem, idem, idem, lULEUR DE LA ÆÜR. TEMPS DE LA FLORAISON. GENRE DK PLANTATION. TERRAIN. EXPOSITION. » juin, drag. marc, bout.. toute terre, toute exposition. » idem, idem. ideiij. idem. » idem, idem. léger. idem. » juillet, idem. idem, idem. » idem, bouture, idem, idem. » mui. semence, marcotte, toute terre. ombre. 1) » semence, drageon. idem. toute exposition. » juillet, bouture, marcotte. idem, ideni. » idem, sem. marc, bout., idem, idem. » août. idem. idem. ideni. » idem. idem. idem. idem. M juin. sem. marc, greffe. frais. idem. » idem. idem, idenj , idem. » » semence, greffe. idem, ideîu. » )) sem. gr. drag. marc. idem, idem. » » idem. sec. idem. » » » Imite terre, idem. » » U idem. toute exposition. )) juillet. » idem. idem. » )) semence , drageon , frais, léger, idem. » » » idem. idem. )) » » sec et léger, idem. » juin. semence. idem, ideïu. » » semence, drageon. idem. idem. » » » idem. idem. » » » toute terre, idem. )) » •) idem, idem. » » » idem, midi. » » sem. drag. bout.. idem. tioid. » » greffe. idem. midi. » )) idem. sec et léger, idem. | » » semence, drageon. toute terre. idem. | » » semence, marcotte,' idem. toute exposition, j » » semence, drageon, |sec et leger, midi. 1 » » marcotte, i idem. ombre. 1 » » » 1 toute terre, idem. | » » » i idem, 1 idem. I i juin. semence, i idem, idem. mm 546 NOJIS FRANÇAIS. NOMS LATINS. C0m.EC R ou FORME DES feuille: Framboisier de Malle, Ruhus idœus vnr.. toujours vert Framboisier du Canada, Rubus idœus var.. idem, Fiainboisier de Virginie, Rubus idœus var., idem. Framboisier à frnil iiuii’, Rubus idœus var., idem, Framboisier nain, Fraxinus nana. » Idem à feuilles panacliées, Fraxinus excetsîor var. , » Fustel ou arbre à pei ruque, Rlius cotinus. » Fusain d’Fuio[ie, E ron y mus curopœus. » Fusain à larges feuilles, Eronymus latifolius. -> Fusain galeux d’Amérique, Eronymus verrucosus. » Fusain de Caiadine, à fruit. Idem atropurpurens. » Fusain à feuilles panachées, Id. europeus variegatus, » G;\lé, Myrica Gale, » Garou, Daphné gnidium. » Gaultheria à lige droite, Gauttheria erecta. » Genet des bois. Genista juncea. » Genel d’Espagne, Genista juncea var. » |Geml à (leurs doubles, Genista juncea var. » |Geuet de Sibérie, Genista sibirica. » Genévrier commun des bois. Junipeims communis. toujours vert Genévrier cade, 1 Juniperus oxieedrus. » Grenadier commun, I Punica Granatum, » Groseilb r à grappes blanches Ribes album. » Groseiller à grappes rouges, Ribes rubrum var.. » Groseillerù feuiiles panach.,1 Ibidem var. variegatum » Id. des Alpes, à trois Iruils, 1 Ribes atpinum. » Gioseiller de Pensv lvanie, ! Ribes pensylvanicum, » Groseiller à maqueicau, Ribes G rossularia. » Groseiller cassis. Ribes nigrum. » Hamamelis de Virginii;, Hamamelis virginiana, .) îîoux hérisson. l tex J qui folium v. ferox toujours vert Houx sans épines. Ibidem var. inermis. idem. Houx de Mahon, llex ba leur ica. idem, Hydrangea d’Améiique, Hydrangea arborescens, » Indigo bâtard. Jmorpha fruticosa. » Itéa de Virginie, Itea virginica. » Jasmin à fleurs jaunes, J asminum fruliticans. » Id. ou biguone grimpante. Rignonia radicans. * 1 Jujubier, Zizyphus sativus. » |lK.almia de l’Améf.-seplent., Kalmia ialifoiia. » ||Lauréole, Daphné Laurcola; 0 547 OtILEÜR TEMPS GENRE DB LA LEUR. DB LA FLORAISON. DK PLANTATION. l’ERRAIN. EXPOSITION. » juin, semence, toute terre, ombre. » » iilem, idem, idem. » idem, idem, idem. idem. idem. idim. „ » greffe. idem, midi. » idem, idem. idem. » » semence, marcotte. i• idem. idem. toute exposition. » » semence. terre forte. idem. » » semence, marcotte. idem. ombre. » » greffe. idem. idem. » » semence, bouture, idem. toute c.xposilion. » sem. drag. marc.. frais. miili. » « drag. marc, bout.. sec. nord. a >' semence, marcotte. bonne terre. toute exposition. NOMS FRANÇAIS. NOMS LATINS. COULEUR I ou FORME DES feuilles; Lauréola pan.:ché, Laurier Sassafras, Laurier Benjoin, Lierre comimm, Id. panaché de jaune ou de bl. Lierre du Canada. Lüas ordinaire, Id. de Marly, à grosses grapp. Lilas à fleurs rouges, Lüas à fleurs bleuâlres. Lilas à fleurs blanches. Lilas varié, Lüas à feuilles panachées, Lüas de Perse, Lüas à feuilles découpées. Lilas à fleurs violettes, Lüas é fleurs blanches, Lyciet d’Europe, Lycict de Clîin. à fl. bleuâtres, Lyciet d’Afrique, Magnolia de la Louisiane, Magnolia bleue desiroquois, Magnolia ombrelle, Magnolia à feuilles aiguës. Millepertuis en arbuste. Millepertuis à odeur de bouc, Millepertuis de Majorque, Myrthe du Brabant, Nerprun purgatif, Nerprun graine d’Avignon, Noisetier ou coudrier d’Esp., Obier des bois, Obier boule de neige, Obier précoce du Canada, Obier panaché. Ononisà fleurs blanches, PaÜure porte-chapeau. Pêcher nain, Phlomis ou sauge en arbriss. Phaséolide ou haricot en ar- brisseau. Daphné Lauveoiavar. , Laurus Sassafras, Laurus Benzoin, Hedera heiix^ Ibidem var. variegata. Ibidem var. canadensis, S y ring a vuigaris, S y ring a vuigaris var., Syringa vuigaris var.^ Syringa vuigaris var., Syringa vuigaris var., Syringa vuigaris var., Syringa vuigaris var., Syringa persica, Id. pe/rsiea var. iaciniaia Syringa persica var., Syringa persica, var., Lyciurn europæum,, Lycimn chlnense, Lyciurn afriim, MagjiGÎia grandiflora, Magnolia giauca, Magnolia umbreila. Magnolia acuminata, Hypericum frutiscens, H ypericmn hircinum, Hypericum balearicum, Myrîus C07nm. belgica, Rkamnus catharticus, Rhanmus infectorius, Coryliis Jvcliana, Viburnum Opulus, Idem Opulus sterilis, Id. Opulus canadense, Id. Opulus variegaimn, O nam s fruticosa, Paiiurus aculeatus, Jmygdalus nana, Phlomis fruticosa, Phaseotus Caracalla, toujours verte idiun, idem, » ») » » toujours verte idem, idem, idem. Il 349 ULEUl 1 )E LA Ïevk 1 TEMPS DE LA . FLORAISON GENUE DE . PLANTATION. TERRAIN. \ 1 EXPOSITION. » février, sern. marc, greffe. bonne terre. , toute exposition. » » sem. marc, bout., sec. idem. » » semence, bouture, frais. nord. 1 ’’ » semence, marcotte, , idem, midi. I » )) greffe, idem, toute exposition . i » » semence, greffe. idem. idem. 1 » » drageon, marcotte, , idem. idem. | 1) » idetn, idem. idem. | 1 ” » idem. idem. idcfn. i » mai, idem. idem. idem. § ' » » idem. idem. idem. I 1 ® » idem. idem, idem. | )) » idem. idem. idem. | ' » )) idem. idem. idem. 1 » » idem. idem, idem. | » » idem. idem. idem. i » » idem. idem, idem. 1 » » idem, toute terre, idem. 1 » juillet. idem. idem. toute exposition. 1 J) idem, idem, idem. midi. 1 ;» idem. marcotte. léger, bon. idem. i » » idem, idem, idem. | » » idem. idem, idem. | » » idem. idem. toute exposition, i » » semence, drageon. idem. idem. i 1) » idem. toute terre. idem. i 1) » idem. idem, idem. i I* » idem. idem. idem. i !» » semence, drageon. idem. nord. 1 > » idem. bon, frais, toute exposition. | ) » : semence, greffe, idem. idem. i ) » : semence, drageon, i idem. midi. 1 ' J) 1 marcotte, greffe*, i idem, toute exposition. | • i U in, J greffe, drageon, i dem, idem. i ) i uem, i dem, i dem, i idem. i i dem, i dem, i dem, i dem. 1 î nars, avril, s îemencc, marcotte, i dem, i dem. i r nai, c l^reffe, i dem, t Tiidi. 1 i uin, s emence, drageon, i dem, i dem. I ji uillet, s emence, marcotte, f éger, ji dem. ' 1 55o 1 • NOMS FRANÇAIS. NOMS LATINS. COULEUR ou FORME DES FEUILLE Plilomis à fleurs rouges, Phlomis hispanicOy » Phlomis à fleurs purpurines, Id. purpuTca, » Pommier baccifère rrAstracan Malus haccata. » 1 Prinos verticelle deVirginie, Prinos verticillatus., » 1 Kagoumier, cerisier du Can., PrU7ius pumita. » 1 Rhamnoïde tîippopliaë, Hippopnae Rhamnoides, » 1 Rhamnoïde du Canada, Id, canadensis. » 1 Ronce commune. Ruhus fruticosus. » 1 Ronce à fleurs doubles. Ihid. var. multiplex. )) 1 Ronce à feuilles panachées, Ihid. var. variegatus. )) 1 Ronce sans épines, Ihid‘ var. hier mis. » 1 Rosier commun. Rosa arvensis. » 1 Rosier de mai, Id cinnamomea, « 1 Rosier à cent feuilles, Id. ccntifolia. » 1 Rosier des quatre saisons. » » 1 Rosier de Provins Id. gallica. 1 Rosier jaune. Id. sulphurea. » Rosier muscade d’Alexandrie Id. moschata, ! » Rosier sans épines, des Alpes Id. alpina. » Rosier ponceau. » )) Id. à feuilles de pimprenelle. Id. pimpinelli folia, )> Id. à gros cul, de Francfort, Id. francofurtensis. » Id. panaché, d’Angleterre, » » Id. églantier, de Bordeaux, » » Id. à feuilles frisées. » » Rosier mousseux. Id. centifolia muscosa. » Rosier tricolor, )) » Rosier de Reims, Id. rcmensis. » Rosier du roi, » » 1 Id. nain, de Champagne, » » j 1 Rosier de Belgique, » » ! 1 Rosier de Carthage, » » Id. d’Amér. à fleurs roses. Id. corymhosa. » Id. à feuilles douces. Id. glauca. » Id. de Pensylvanie, » » Id. toujours vert. Id. sempcrvirens. » Rose de Gueldres, » » Roseau des jardins. Arundo donax. ” i Id. à feuilles pari chées, Id. donax variegata, » Sabine à feuilles de lamarisc^ Juniperus sahina, » Id. à feuilles de cyprès. \Id. sahina var.. » 55 1 )ULEUR DE LA. LEUR. TEMPS DE LA FLORAISON. GENRE OK PLANTATION. TERRAIN. EXPOSITION. » juin, semence , bouture , toute terre, midi. » idem, idem. idem. idem. » 1) idem. idem. toute exposition. » » idem. frais, ombre. | » » drageon. bon. idem. i » juillet, sem. drag. marc. b. frais, toute exposition. B » » idem, idem. idem. | » drageon, marcotte, toute terre, idem. | » juin. idem. idem. idem. | )) •) idem. idem, idem. )) » idem. idem. idem. 1) » idem. idem. ideui. » » sem. marc. drag. idem, idem. » » idem, idem. idem. » » idem. idem. idem. I » » idem. idem. idem. | » » idem. idem. idem. I » » idem, idem. idem. 1 » » idem. idem, idem. | » » idem, idem, idem. 1 » D idem, idem, idem. j » » idem. idem. idem. » » idem. idem, idem. >) » idem, idem. idem. » 1) idem. idem, idem. » » idem, idem. idem. » A idem, idem. idem. | » » idem, idem. idem. I )» » idem, idem. idem. | » » idem. idem, idem. | » » idem, idem. idem. I » » idem, idem, idem. i n » idem. idem, idem. | » )) idem. idem. idem. I » » idem, idem, idem. i i> » idem. idem. idem. 1 1 > » idem. idem. idem. | » » idem. idem. idem. B » » idem. idem. idem. 1 )) » ideu), idem, idem. | t » ideiïi. idem, idem. | 1 COULEUR NOMS FRANÇAIS. NOMS LATINS. ou FORME DES FEÜILLEï Sabine à feuilles ^ana- chées, » Saule osier jaune, Salix viteUina, » Id. pourpre. Id. purpurta. » Securidaca ou séné bâtard, Coronilia emeruSs 0 Seringa odorant. Phiiadelphus coronarius Id. inodore, Id. inodorus, » Id. panaché jaune. » » Id. à fleurs doubles. » » Sophora du Japon, Sophora japonica, » Spiréa à feuilles de saule. Spiroùa saiicifoiia^ » Id. à feuilles d’obier, Id. opuiifolia, » Id. à feuilles de millepertuis, Id. hyptricifoiia. » Id. d’Espagne, » Id. tomentosa. » Id. cotonneux. » Id. à trois feuilles. Id. trifoliata. » Id. à feuilles de sorbier. Id. sorhifotia. » Sumac à trois feuilles. Rhiis toxicodendrum. » Thé de Jersey, Ceanothus americanus , n Troëne des bois. Ligustrum vuigare, » Id. d’Italie, Id. italicumy » Id. à fruit blanc. Id. vulgare var. aiba, » Id. panaché, Ihid. var. variegata^ » 1 Tulipier de Virginie, Lyriodendron tulipifcra ») 1 Tupélo de montagne, d’Amé. Nyssa viilosa. » 1 rique, 1 Id. aquatique, Id. aqualica. » 1 Vernis de la Caroline, Rhus typhinum, » 1 Vigne cultivée, Vitis vinifhra. » i 1 Id. de Judée, Soianum duicamara. >• 1 Id. vierge, Vitis hcderacea, » 1 Viorne des bois, V ihurnum iantana. » ' 1 Id. à feuilles dentelées. Id. dontatum., » 1 Id. à feuilles de prunier. Id. prunifotium, » 1 Id. laurier-thym, Id. tinus, » 1 Id. éduU d’Amérique, Id. pinimia^ » 1 Id. à feu\lles panachées. Id. tinus variegatum. » 1 Id. à feuilles de poirier, 1 Xylosléondes Pyrénées, Id. pyrifolium^ » Lonicera pyrenaica. » 1 Zanlhoriza à feuill. de per- I sil. Zanlhoriza apiifolia. » ■ )ÜLEÜR !dk la Leur. TEMPS DE LA FLORAISON. GENRE DE PLANTATION. TERRAIN. EXPOSITION. 1 » 0 bouture, frais. ombre. i I) » idem, idem. idem. ..i « avril et mai, semence, drageon. toute terre, idem. i » » bouture, frais, idem. i » » idem. toute terre, idem. i » » semence, grciTe, idem. idem. i » v> grc de. idem. idem. i ), » semence, drageon. idem, idem. . § )> juin, marcotte, grelVe, idem, toute exposition. 1 » idem, idem, idem. idem. | » ideii). idem. ideuî. idem. I » idem. idem. idem, idem. i » idem, idem. idem, idem. | » idem. idem. idem, idem. 1 » idem, idem, i(iem, idem. i 1 ï ” idem. grefTc, bon, ^ midi. I idem, semence. frais. idem. i •> idem, drageon. toute terre. ombre. i » idem. greffe. idem, idem. i ; » idem. semence, idem. idem. S » idem, idem. frais, toute exposition, i )) i lem. idem. frais, léger, ideîii. ■ 1 » idem. bouture, greffe. idem, idem. | » » marcotte. toute terre, idem. i » » semence, marcotte. sec. ombre. i » semence, marcotte, toute terre. toute exposition, i » n idem, idem. idem. i » » ide-m. idem, idem. | » » idem. idem. idem. i » » ideui, idem, idem. i :) » i(îem. idem, idem. i » » idem. idem. idem. i ' » » idem, idem. ideon. i » idem. idem. îuidi. i M » idem. idem. idem. | » » idem, idem. idem. | 1) » idem. léger. idem. 1 » » idem^ idem. idem. i N» V. — DEl'ilf r KOMS FRANÇAIS. NOMS LATINS. COULEUR ou FORME DES FEUILLES. Airelle ou Myrtil, V accinium myrtiilus. » ^ Amandier nain à fl. roses, Amyydaîus nana. » i Idem nain à fleurs doubles, Id. nana var. sterilis, : Barbe de renard, du Levant, Àslragalus Tragacantha i Célaslre ou bourreau des arb. CHastrus scandons, •> Si E Idem à feuilles laciniées, Id. huila, tus. » 1 ; 1 Gamelle d’Amérique^ Cneorum tricoccum, » j ' 1 Chamédrys (Germandrée), Rcucrium Chamédrys, ») ■ ^ I Ciste crépu à fl. rouges, Cistus crispus. J) 1 ^ 1 Idem bélianlhème, Id. helianthemum. » 1 Idem de Montpellier, Id. monspetiensis. » ; 1 Idem à feuilles de peuplier, Id. popiilifoiius. I) ! 1 Idem à feuilles de sauge. Id. salvifolius. )) 1 Idem à fleurs blanches. Id. aihidus. » 1 1 Clématite des baies. Cicmatis vitalha. » 1 Coignassier nain à fl. pourp. , P y rus Cydonia var. , » ï Collinson nain à fl. pourpres Coiiinsonia canadensis, » [ 1 Cyliseou fauxébénierdesAlp. Cytisus Lahurnum , » 1 Id. à feuilies blanches velues Id. argent eus. )) 1 ïd. de Tartarie, Id. woigaricus. •> 1 Daphné à feuill. de citronnier, Daphné pontica, » a Id. des Pyrénées, à feuilles 1 )) it 1 de genévrier, 1 Id. larlouraire, de Provence, Id, tartonraira. » j Id. passcrine velue, » » 1 Id. cneoru?n, Id. cneorum, » 1 Id. à fleurs blanches, « a 1 Dierville du Canada, Dier villa iutea. 1 Dirca, l)ois de plomb, du Can. Dirca paiastris. » I Églantier ou rosier rouillé, Posa riihiginosa, Linn., K i Fragon épineux ou Houx, 1 Id. sans feuill. ou Alexandrin, Ruscus aculeatus, » , Id. hypophiilum. )) I Id. androgvne, Id. audrogynus. » 1 Id. panaché. Id. aculeatus variegatm î » 1 Id. à folioles on d’Italie Id. hypogiossum. W i Jasmin commun à fl. blanche: ? J as'*iiinum officinale. « 1 Ilaîésia dorée, Haiesia tetraptera. » 1 Kalmia à fleurs étroites. Kaimia angustifolia , » 1ER TABLEAU OULECR DE LA LEÜll. TEMPS DE LA floraison. GEHRE DK PLANTATION. TERRAIN. EXPOSITION. 1 » juin, semence, bonne terre, ombre. § » » bouture. sec, idem. 1 » » midi. léger, idem. i » » semence. toute terre, toute exposition. | » » semence, drageon, frais. idem. 1 » » idem. idem. idem. i » » idem, léger, midi. 1 » semence, toute terre, idem. i » » bouture, grelTe, idem. idem. | » » sein., marc., bout.. idem, idem. i » » idem, idem. idem. 1 » >) idem, idem. idem. | » idem. idem. idem. i » » idem. idem. toute exposition. | » » idem. toute terre. idem. | » » sem. drag. marc. gr. frais, idem. | B » semence, marcotte, idem. midi. 1 » » idem, sec et léger, toute exposition. | » » greffe, toute terre. idem. | » » semence, marcotte, idem. ombre. i » » idem. idem. idem. | » :> idem, idem, idem. i » » idem. idem, idem. | » » idem. idem, ' idem. i » idem. idem. idem. i » 9 idem. frais, nord. 1 » » idem, toute terre, toute exposition. | » mai. semence, greffe. idem, idem. | » avril, semence, marcotte. sec et léger, ombre. | » idem. idem. idem, idem. | » juin. idem. idem. idem. | » idem. greffe. idem. idem. 1 ii avril, drageon, greffe. idem, idem. i » idem. marc., greff., sem., toute terre, midi. 1 » mai. semence, marcotte. sec. nord. 1 A juin. greffe. léger, midi. 1 » » semence, marcotte, toute terre, nord. 1 NOMS FRANÇAIS. NOMS LATINS. COULEUR ,1 FORME DES ; FEUILLES* 1 Id. glauque, Id. glauca. » I Lotier grand trèfle. Lot&us recta. » 1 Mnnciennc, Fiburnum tantana. » 1 Millepertuis à grandes fleurs, Hypericum calicinam, 1 Id. androsème. Id. androsœmum, » 1 Périploca sans bouture. Pleriploca grœca. » 1 1 Pourpier ou arroche haÜme, A triplex Halniius, I) j 1 Quintefeuilles, en arbre, PotetUilla fruticosa. » 1 Radon ou Rédoul, Coriarta myrtifolia, n 1 Rhododendron d’Amérique, Rhododendron maximum, n I Id. de Pont, Id. ponticum. » 1 Id. ferrugineux, Id. ferrugineum, » î Id. hérisse. Id. hlrsatum, » Rosier pompom, de Rourgog. Rosa {jurgundiaca. J) Id. nain, de Champagne, Id. rcinensis, » Saule marceaux, Salix caprœa, » Id. nain. Id. herbacea, » Seringa nain. Phyiadelpkiis var. nana n Thjmelée des Alpes, Daphné îhymetea, » ‘ tüLEÜR DE LA .EUR. TEMPS DK LA FLORAISON. GENRE DE PLANTATION. TERRAIN. EXPOSITION. » » semence, sec. nord. » )) » idem, idem. » « bouture, bon. idem. » » semence, greffe, frais. idem. » » drageon. toute terre. soleil. » » semence, drageon, idem. midi. » )> bouture, idem. toute exposition. » » drageon. idem. ombre. » » greffe. frais. idem. » c marcotte, bouture. toute terre. idem. » )) idem. frais , léger, idem. » » idem, idem. idem. » )) idem. idem. idem. » » idem. idem. toute exposition. )) )) semence, marcotte. toute terre. idem. » » idem. idem. idem. » » bouture , secret léger. idem. » )) marcotte. bon et frais. idem. » » marcotte, drageon, bon, nord. ( 558 ) V\IVVVVXVV^I\IVV\IV\\IVVVVVVrVVVVVVVVVVVVV>^^lVVVVVVA;VV\^!^^ RÉFLEXIONS SUR LES HONORAIRES DES ARCHITECTES. Après avoir lu cet ouvrage , on aura sans doute remarqué que je ne me suis point écarté de son titre, et que je passe sous si- lence ce qui pouvait être relatif aux bâtimens. Ce sont deux objets distincts et tout à fait dif- férons. Plusieurs auteurs , tels que Bullet, Cudot et autres, ont écrit sur la construction des bâ- timens et ont traité de toutes les parties qui la composent, depuis la maçonneriejusqu a la do- rure, de sorte que les propriétaires, les archi- tectes, les entrepreneurs de toute nature d’ou- vrages y trouvent ce qui peut les concerner: une seule chose, à mon avis, qui a échappé ( 359 ) à la vigilance des différens auteurs de ces ou- vrages, et qui n’est pas moins importante à connaître, ce sont les honoraires dus aux ar- chitectes, sur lesquels ces auteurs ont gardé le plus profond silence. Ayant fait connaître le prix de chaque na- ture d’ouvrage, et de tous les matériaux qui entrent dans la composition du bâtiment, il me semble que les honoraires des architectes devraient aussi être présentés. Les propriétai- res intéressés à connaître le prix de chaque nature d’ouvrages qui composent lesbâtimens, doivent aussi connaître le prix des honoraires dus aux architectes qu’ils emploient pour la composition et la direction de ces travaux. Ce besoin me paraît d’autaut plus urgent, qu’il n’existe aucune loi sur ces sortes d’honoraires, et que par cette raison, chacun les fixe â sa ma- nière et suivant ses propres intérêts, quoi- qu’un usage établi depuis plusieurs siècles, les règle dans tous leurs détails. Ayant soumis au public ma pensée et mes réflexions sur la composition des parcs, je dois aussi lui olfrir mon avis sur les honoraires dus aux architectes compositeurs de jardins pitto- ( 56o j rcsques; par cette raison, je parlerai aussi des honoraires des architectes pour les travaux de batiment, puisque ces travaux sont les mêmes; je me renfermerai ponctuellement dans cet ancien usage. Je rapporte ici un arrêté du Conseil des bûtimens civils , qu’il a pris en qualité d’ar- bitre, fondé sur les mêmes principes. MINISTÈRE DE l’iNTÉRIEUR. Extrait dxv registre des séances du Conseil des hâtimens civils, en date du 12 jiiu- viôse an 8. Yu, au Conseil des bâtimens civils du Minis- tère de l’intérieur : L’ox irait de la délibération des commissai- res à la direction des successions , magasin et monnaies, portant qu’ils s’en rapportent à sa fixation pour les honoraires et indemnités dus aux architectes, à raison des projets et des dilfé rentes constructions qu’ils ont dirigés, tant il Paris qu’à la campagne, et dont ils ont même déposé les rapports nécessaires au con- seil d’administration. ( 36. ) Vu la lettre adressée au Ministre de Fînté- rieuur , le 5 frimaire dernier, par le sieur Gueudet, leur agent, tendant à obtenir l’as- sentiment diï ]\îinistre pour qjîc le Conseil des bàtimens civils puisse prononcer dans une circonstance où il est choisi comme arbitre ; Yu, enfin, la lettre du Ministre de l’Inté- rieur, en date du nivôse suivant, qui auto- rise ce Conseil à satisfaire à la demande des commissaires à la direction des successions, magasin et monnaies ; Et considérant que. s’il n’existe pas de loi positive sur cette matière, il est au moins un usage qui a toujours servi de règle, et qui doit fixer à cet égard la jurisprudence des tribu- naux ; Considérant que les émolumens attachés aux fonctions d’architectes, sont légitimes, et qu’ils doivent être gradués en raison de l’im- por tance de leurs travaux , et de la situation des lieux où ils les font exécuter. Art. Estime qu’à Paris, pour les travaux ordi- a5 ( , naires, il est dii aux architectes, pour la con- fection des plans et des projets dont ils sont chargés , un centime et demi par ^entîm. francs, ci , i ^ ÀkT. 2. Pour la conduite des ouvrages. . . i { Art. 5. Pour la vérification et réglement des mémoires 2 » Art. 4. Ensemble, cinq centimes par franc du montant des mémoires en régle- ment 5 » Art. 5. Quant à la rédaction des devis d’ouvrages qui ne seraient pas exécutés, le Conseil pense qu’il doit être payé un centime par franc sur cet objet. ( 563 ) A R T 6. Î1 estime, en outre, qui leur est dû le dou- ble de cette fixation pour les memes travaux, lorsqu’ils sont projetés et exécutés à plus de cinq kilomètres de distance des lieux de leur résidence, et les frais de voyage sont à leur charge. Observant que lorsque les constructions exigent, comme cela arrive quelquefois, des dessins et des modèles qui leur occasionent des dépenses extraordinaires, ils doivent être estimés et payés séparément. Fait au Conseil des bâtimens civils, le 12 pluviôse an 8 de la république française une et indivisible. Pour copie conforme, Signé MEPuMET, Secrétaire. Copie conforme et les minutes déposées en- tre mes mains, ' Signé BÉLANGER. Cet arrêté du Conseil des bâtimens civils, composé d’architectes distingués et choisis, ( 564 ) doit nécessairement servir de loi tant qu’il n’en existera pasde réelle sur cette matière; j’aurais désiré seulement que ce Conseil eût mieux motivé la distance, et qu’il eût rédigé l’arti- cle 4 selon la phrase suivante : Ensemble cinq centimes par franc du mon- tant des mémoires en réglement, en ajoutant celui des matériaux que le propriétaire pour- rait avoir fournis. Art. 6. Estime, en outre, qu’il leur est du la moitié en sus de cette fixation pour les mêmes tra- vaux, lorsqu’ils sont projetés et exécutés extra muros de Paris, et dans le département de la Seine, seulement mon opinion étant que ce prix serait raisonnable, et qu’il leur sera payé le double de cette fixation au-delà du départe- ment de la Seine, pour les mêmes travaux projetés, exécutés et réglés. Ceci serait plus clair, et il me semble plus juste, à l’égard des honoraires. Pour les plans de composition des parcs, il est difficile d’en ( 565 ) établir la quotité, attendu que ce genre de tra- vaux s’exécute presque toujours à la journée du propriétaire; en ce cas, l’architecte traite de gré à gré avec lui ; il en est de môme de ses voya- ges: s’il s’en fait, il convient à tant par jour. Il n’y a que des travaux faits à l’entreprise où l’on pourrait compter les honoraires au taux de dix pour cent^ ainsi que je l’explique plus haut. Bien entendu que pour les mémoires de tra- vaux qui n’ont pas été projetés ni exécutés par l’architecte qu’on charge de les régler, il ne lui appartient que deux pour cent, mais lorsque ces mémoires ne sont pas au-dessous de cinq à six cents francs. Dans ce cas, les réglemens doivent sc payer par vacation. Je suppose un mémoire de deux cents francs en réglement: il faudrait aller sur place vérifier, ce qui peut tenir, selon l’éloi- gnement, une demi-journée; ensuite le régler, ce qui emploierait à peu près un jour entier pour quatre francs : c’est une chose impossi- ble. Il n’y a que des petits mémoires (le ce genre; lorsqu’il y en a de plus forts, ou ils peu- vent faire compensation et être réglés au même ( 5G6 ) prix, a deux et demi pour cent, l’un dans l’autre. J’ai cru devoir, dans l’intérêt de chacun, spécifier ces sortes de réglenienss, qui commen- cent toujours bien et finissent presque tou- jours mal, par la raison que chacun demande ce qu’il croit raisonnable, et l’autre accorde le moins possible ; voilà le motif des contesta- tions qui peuvent se renouveler souvent, et tjue je m’empresse de chercher à prévenir. Les propriétaires se plaignent quelquefois des architectes, de ce qu’ils leurs font dépen- ser beaucoup, et à la fin des travaux , ils les contestent encore sur ce qu’ils demandent trop pour leurs honoraires : j’avoue que s’il se trouve quelques architectes exigeaos, il se trouve aussi des propriétaires bien injustes. Un architecte qui fait son devoir, irréprocha- ble dans sa conduite, qui a projeté, dirigé, suivi et inspecté les travaux qui lui sont confiés, avec zèle et précision ; a vérifié et réglé les mémoires avec toute la sévérité que la justice permet, il lui appartiendra donc à Paris, cinq pour cent, et extra mur os ^ dans le départe-^ ment de la Seine, sept et demi, et hors ce dé- ( 367 ) partement, dix pourcent, tel est mon avis. Hé bien, le propriétaire va lui contester ces prix. L’homme qui a eu ses intérêts dans les mains, qui pourrait en abuser, soit par fai- blesse, ignorance ou négligence; tandis, qu’au contraire, celui qui est fier de sa probité et de sa conscience, est exposé à des tracasseries. S’il en existe qui aient eu la faiblesse de se mai conduire, il lui sera facile d’être modeste dans sa demande d’honoraires au propriétaire, qu’il portera, plus ou moins, au-dessous de celle donnée par le premier. Le propriétaire trou- vera ce dernier plus honnête homme, et lui accordera sa demande, et refusera à l’archi- tecte, dont la conduite est irréprochable, les honoraires que l’usage lui accorde. Yoiià, ce- pendant, des faits qui malheureusement sont arrivés, et par cette injustice criante, le mal- honnête homme l’emporte sur celui qui a le sentiment de la conscience, et fait son devoir Quelques personnes prétendent qu’on ne doit payer dix pourcent aux architectes, que dans les départemens éloignés de la capitale; je ne suis point de cet avis, voici ma raison : loin de Paris, les grandes alFaires en bâtisse ( 5GS ) sont rares, par la. raison que les grandes TorÈu- nés sont aux environs de la capitale. Si une aiFaire se fait à soixante et quaire-vingts lieues, rarcliilecte place un inspecleur sur les lieux, au conipLe du propriétaire, et au lieu de faire un voyage toutes les semaines , ou deux par mois, ii n’en fait qu’un en trois mois, ce qui fait à peu près compensation pour son dépla- cement, comme pour sa dépense; et en outre de l’inspecteur, que le propriétaire paie cinq ou six francs par jour, il paie encore l’archi- tecte dix pour cent; ce sont, au contraire, les propriétaires des environs de la capitale qui sont plus CO état de faire des dépenses et de les payer. Personne n’igoore qu’une propriété dans le rayondelmltàdix lieues de la capitale, vaut le double d’une pareille propriété à qua- rante et cinquanie lieues de Paris, et que son produit est proportionné; ce sont les riches pro- priétaires qui font embellir leurs habitations et augmeiîtenî, par ce moyen, leur produit; c’est donc à ces memes propriétaires à payer, non plus qu’ils ne doivent, mais tout ce qu’il est rai- sonnable de payer à l’artiste qui a contribué par ses talons et son intelligence à rendre la ( 569 ) vie d’un propriétaire plus agréable; c’est une compensation ou échange de numéraire con- tre le talent d’un artiste; il est juste, de part et d’autre, d’y mettre du sien, pour que tout se passe consciencieusement, c’est-à-dire, que chacun soit satisfait; en suivant les règles éta- blies, il ne peut y avoir de contestation. L’arreté du conseil des bâtimens porte que les honoraires des architectes seront payés le double, dix pour cent au-delà de cinq kilomè- tres de distance du lieu de leur résidence, cinq quarts de lieue, qui doit être à partir, comme la division des distances sur les grandes routes, de Notre-Dame; cela porte à peu près la com- pensation à peu de distance des barrières. Voilà à peu près les détails que je crois néces- saires pour éclaircir tout ce qui, suivant moi, laisserait des doutes. Ce serait encore éviter les contestations que de remplacer l’expression cinq kilomètres par celles ôè intérieur et extérieur de Paris. ( ^70 ) 7 -\MW%\AMM^^VlivWVN^)vwv\ivvvvvvvv>Arv^i\\A^ivvvvvvv\^ OMISSION. Dans cet ouvrage, je dis avoir fait un certain nombre de jardins qui n’offrent rien d’intéres- sant pour qu’ils soient cités ; cependant j’en ai fait un àViroflée, près Versailles, qu’il n’est pas sans intérêt de citer; il avait été fait par un pépiniériste qui avait fait d’une source sortant d’une petite pièce d’eau, une cascade dont l’eau tombait dans un bas ruisseau, par le moyen d’une coquille, qui présentait plutôt un joujou d’enfant, que l’ouvrage d’un artiste; ces plantations présentaient l’image d’un champ planté d’arbres çà et là, plutôt qu’un jardin pittoresque. Ce jardin appartient à M. Lapalotte, maître d’hôtel garni, à Paris. A Fontenai-sous-Bois, près de Vincennes; celui-ci n’a d’autre intérêt qu’une vue que je lui ai ménagée, dans le bois de Vincennes, par la porte de Fontenay. A Livry, sur la route de Meaux, il s’en trouve un autre peu important; ( 37> ) ii fait partie, cependant , d’un parc de vingt- huit arpens. Le jardin pittoresque ne se com- pose que du terrain qui entoure l’habitation, qui a été distribuée et restaurée en entier. Cette propriété ayant appartenu à la veuve de M. Héraut de Sechelles, un des martyrs de la révolution, on avait démoli le château jusque dans ses fondemens. C’est sur son emplace- ment même que j’ai fait une partie du jardin; et comme à Gournai, j’ai fait une fort agréable habitation principale du bâtiment qui servait de commun. La façade du coté du parc est décorée d’une architecture moderne. Le vestibule qui conduit de l’entrée au parc, est orné à gauche en entrant, de deux colon- nes qui servent d’entrée et d’ornement à l’esca- lier, qui est à l’anglaise et à deux révolutions. La façade du côté de l’entrée, est décorée d’une architecture gothique, ainsi qu’une des ailes; la seconde est masquée par une masse de peupliers. Ce décor, si ancien, devient toujours nou- veau, lorsque l’occasion se présente, et sur- tout lorsqu’il ^ifre un ajustement aussi agréa- ( 57^ ) ble qu’élégant, cela offre quelque chose de religieux. Lorsqu’on est entré dans cette cour ou jar- din, il semble à l’aspect de cette architecture, que vous êtes transporté dans un cloître : vous vous arrêtez pour en examiner la structure, elle offre réellement quelque chose de romanti- que. Cette propriété n’appartient plus à la fa- mille de M. Héraut. Ce n’est pas la première maison de ce genre que j’ai décorée : la maison gothique, rue Saint-Martin, quoique fort sim- ple, est assez connue; mais cette maison est courte et toute en hauteur comme un clocher; si elle était au milieu d’une place publique , avec quatre faces semblables , elle pourrait faire monument. Au premier étage, d'ans toute sa longueur, est un bas-relief en plâtre, divisé en trois parties : la première représente les Goths sur les bords de l’Oder, qui cherchent à passer pour aller s’établir sur une autre terre , ayant à leur tête leur roi Yilimer; la seconde partie représente la trahison deSti- licon, dans la ville de llavennes; et la troi- sième, enfin, représente les Goths chassés de Home. ( 373 ) Voici ce que disait le journal de Paris, du lundi 20 décembre 1800 : «Depuis quelques mois on construit, rue » Saint-Martin, près de celle Saint-Médéric, un » bâtiment à cinq étages, dont la forme gothi- »que attire et fixe la curiosité des passans; il » paraît destiné â une maison de commerce. On » lit au haut du l'ez-de-chaussée : la maison » gothique,» ( 574 ) VXAjV\AA!VV\X\IVXrv\!VVVXVVXVVX'VVVVVVVVVVVXXVV\)VVVVVVVVVVVAJ AVIS TARDIF. II vient tout récemment de paraître un ou- vrage sur les jardins, qui est mis en vente par livraisons. Sans avoir le dessein de blâmer cet ouvrage que je ne connais pas , je ne parlerai ici que de la manière dont on l’olFre au public. Lui offrir un plan de jardin avant de posséder le terrain, est une chose, suivant moi, impos- sible. Un plan offert d’avance pour un bâtiment, est une chose qui se fait tous les jours; mais pour un parc ou un jardin , c’est une chose impossible, par une raison toute simple que tout le monde sentira ; c’est qu’un plan doit se faire pour un terrain quelconque, et qu’on ne peut se procurer un terrain pour l’adapter â un plan fait d’avance. S’il s’en trouve par hasard un qui ait la longueur donnée par le plan, il n’aura ni la largeur, ni la situation. Si votre plan indique de l’eau, celle de votre ( 375 lerrain coulera-l-elie du même sens? si le ter- rain est plat ou possède du mouvement, votre plan en offrira-t-il ? le manoir sera-t-il placé sur le terrain adopté, semblable à celui donné par le plan? si votre terrain offre des vues ex- térieures, votre plan les aura-t-il prévues? cela peut aussi se trouver en sens contraire. Je re- garde donc comme chose impossible, que de vouloir faire adopter un plan de jardin fait d’avance, à un terrain pour lequel ce plan n’a pas été fait. Je défie aussi un artiste, quel qu’il soit, de faire un plan de jardin sans avoir été sur les lieux ; c’est vraiment tromper un propriétaire que d’agir ainsi. J’ai vu plusieurs plans qui ont été faits de cette manière, et dont il a été impossible de tirer le moindre parti. Le dernier de ceux dont je parle , avait été payé par le propriétaire à l’artiste qui l’a- vait composé sans voir le terrain , trois cents francs, qui ont été en pure perte pour le pro- priétaire. Je fus chargé d’une nouvelle com- position et de son exécution : le propriétaire a donc été obligé de payer deux fois la composi- tion de son parc. L’architecte qui a fait la pre- mière^vient de mourir, et possédait cependant ( 376 ) une grande réputation. Voilà des faits que je donne à l’appui de ce que je soutiens, qu’on ne peut faire de composition de jardin sans avoir été sur les lieux, et qu’on ne peut offrir par cette même raison, un plan lorsqu’il n’a pas été fait pour un terrain connu d’avance; tout ce qui se fait autrement, entraîne les propriétaires dans une double dépense, ou bien tout doit être nécessairement mauvais. ( 377 ) in I nn iniiin iiim lin in *~'*^‘*‘* '** *'*'***'*'** TABLE DES MATIERES. Avis stR cette nouvelle édition pag. j Préface de la première édition îx Introduction i Chap. I. Be la belle Nature 8 CiiAP. IL De l’Ensemble i5 Ceap. III. Différence entre la Vue vague, la Vue pittoresque, et la Vue bornée 5‘Js CiiAP. IV. Des Tableaux, de la Décoration, et des effets qui en résultent 54 Chap. V. De la possibilité de tirer parti de toutes les situations 5i Ceap. VL Du grand Style 58 CiiAP. VIL Des Comparaisons 6o Ceap. VîIÎ. De rimitaîion 64 Ceap. IX. Des Plantations 67 Ceap. X. Des Eaux ' . . . 81 Ceap. XI. Du ieu du Terrain, et des mouvemens de la Lumière 8^ ( ">:8 ) Chap. XII. Des Fabriques et des Constructions, pag. 91 CiiAP. XIII. Du ton des Paysages suivant les ditTé- rentes heures du jour 96 Cil AP. XIV. De retPet des Paysages sur les sens et même sur Pâme 101 CiiAP. XV. Des Moj^ens de réunir l’agréable à î’uîiîc 114 Chap. XVI. Deseription d’Ermenonville 120 Chap. XVII. Observations sur Ermenonville et Morfonîaine 120 Df'scriptioîi des Parcs et Jardins composés et en partie exécutés par Fauteur de cet ou- vra ge. Chap. XVIII. Boulogne 127 Chap. XIX. Chàtenay-lès-Bagneux i5o CïiAP. XX. Yères '. . i55 Chap. XXT. Le Colombier . . i35 Chap. XXII. Liverdy 137 CiiAP. XXIII. Le Mousseaux i44 Chap. XXIV. Étampes i45 Chap. XXV. Vendière 162 Chap. XXVI. Les lloutis 164 Chap. XXVÎL Longny 166 Chap. XXVIÎI. Livet 169 Chap. XXIX. La Genevraye 171 Chap. XXX. 0 172 Chap. XXXÎ. Guespré 17G CiiAP. XXXil. Vimer '. 178 Chap. XXXîil. Cbamblac 179 ( ^79 ) CnAP. XXXIV. Moulin-Chapelle pag. 180 Chap. XXXV. Cracouville i8ti Chap. XXXVI. Primars i83 Chap. XXXVII. Mareuil i85 Chap. XXXVIII. Saint-Léger 190 Chap. XXXIX. Pinçon 191 Chap. XL. La Molle 192 Chap. XLI. Gif 2o5 Chap. XLII. Nenilly 206 Chap. XLIII. Villelte 208 Chap. XLïV. Beanrepaire 210 Chap. XLV. Le Buisson de Mai 214 Chap. XLVI. Lîvry 217 Chap. XLVII. Cappy 219 Chap. XLVIII. Frelhun . 223 Chap. XLIX. Le Plessis-Villelte 225 CiiAP. L. Borniiiy-sur- Seine 232 Chap. LI. Sainl-Maure 241 CiiAP. LII. Saint-Auguslin 244 Chap. LUI. Fontaine-Lavaganne 247 Chap. LIV. Grange-Ménanl 261 Chap. LV. Céry-Fonlaine 255 Chap. LVI. Nogentcl 258 Chap. LVII. Soisi-soiis-Élioles 265 Chap. LVIII. Châteiiay 268 Chap. LIX. Auteuil 270 Chap. LX. Aqueviiie . 272 Chap. LXî. Fort-Oiseau 275 Chap. LXIl. Sermaise * 2;8 Chap. LXîîL Corcy 28» ( 58o ) Chap. LXIV. ^8^ Chap. LXV. Le parc ^ Chap. LXVI. Gournay-sm--Odon 289 Observations générales sur les détails et l’en- semble des Parcs, et sur les matériaux qui entrent dans leur composition. Chap. LXVII. Des plantations en général 29^ Chap. LXYIII. Des Massifs “9* Chap. LXIX. Manière de planter 5oi CiiAP. LXX. Des Hahas ou sauts-dc-loup • • • • Chap. LXXI. Des arbres propres aux jardins pit- .... 5o6 toresques * ^ Chap. LXXïI. Des Semences Chap. LXXIH. Des Boutures Chap. LXXIV. Concutsion Tableau général des arbres de toute espèce qui en- trent dans la composition d’un parc. ]S° I. Abres de première classe ïl. Abres de deuxième classe lïî. Abres tiges de troisième classe ]Si” lY. Touffes et Arbustes Y. Cinquième Tableau ^ ^ TlÉflexions sur les Honoraires des Architec- 558 tes 570 Omission Avis TARDIF FIN DE LA TABLE.