Collection in the History of Medical and Related Sciences < (qe æ er (ae L < (=) © 22 (ae) as UNIVERSITY OF TORONTO LIBRARY Digitized by the Internet Archive in 2010 with funding from University of Ottawa htip://www.archive.org/details/delinfluencedesa00edwa #-; Ac: À 4 ie n C \ 16 % ; | ds : 5 Ë mn Fa FE QU : è , Cp Le = de. Le £« 4 x L AL ST DE L'INFLUENCE k: | DES nt :AGENS PHYSIQUES ) SUR LA VIE. ; + Ù DE L'IMPRIMERIE DE FEUGUERAY, RUE DU CLOÎTRE SAINT-BENOÎT , N° 4. DE L'INFLUENCE AGENS PHYSIQUES SUR LA VIE; Par W. F. EDWARDS, D. M. Membre associé de l'Académie royale de Médecine de Paris, Membre de la Société Philomatique , de la Société de Médecine de Dublin , etc. A PARIS, CHEZ CROCHARD, LIBRAIRE, CLOÎTRE SAINT-BENOÏT, N° 16. —— 1824. LL CENT 0000400200400495%429221120419313313131111134::417 INTRODUCTION. Les agens dont je me suis proposé d’exa- miner les effets nous environnent de toutes parts etexercent sur nous une influence con- tinuelle : je les ai appelés gens physiques, parce qu'ils font l’objet de la science qui porte le même nom, et qu'ils se distinguent ainsi des Agens mécaniques. Ces recherches auront donc rapport à l'air dans les conditiongtle quantité, de mou- vement et de repos, de densité et de raré- faction ; à l’eau liquide et à la vapeur aqueuse ; à la température , dans ses modifications de degré et de durée; à la lumière et à l’élec- tricité. Ces causes agissent à l4 fois sur l'économie animale, ordinairement d’une manière sourde Vj INTRODUCTION. et imperceptble; et toujours l'impression - qu'on en recoit est le résultat de toutes ces actions combinées. Lors même que,par l'intensité de l’une d'elles , il nous arrive de distinguer la cause qui nous affecte, l’observation de l’effet se borne le plus souvent à la sensation, et les autres changemens qui l’accompagnent nous échappent. On conçoit par là que l’observation la plus attentive des phénomènes tels que la nature nous les présente ne saurait démêler dans cettecombinaison d'actions l'effet propre à chaque cause, ni reconnaître des effeis qui pe seraient pas révélé par la sensation. Il est une méthode qui règle les conditions extérieures, qui fait varier celle dont on veut apprécier l’action, et qui fait juger, par la correspondance entre ce changement et celui qui survient dans l’économie, du rapport de cause et d'effet : c’est la méthode expé- rimentale; c’est celle que J'ai suivie. INTRODUCTION. vi] Pour en tirer parti il fallait, d’une part, déterminer l'intensité de la cause, d'autre part celle de l'effet. La physique nous fournit or- * dinairement les moyens de remplir la pre- mière indication; le lecteur jugera si yai réussi à satisfaire à la dernière. J'ai pris pour sujets d'expériences diverses espèces dans chacune des quatre classes d’a- nimaux vertébrés, pour donner plus de cer- titude aux résultats particuliers, dans les cas où un même agent exercerait une influence uniforîne sur des constitutions si diverses. J’espérais d’ailleurs que l'étude des modi- fications très-évidentes dont certaines espè- ces sont suceptibles me conduirait à en re- connaître de semblables dans des espèces éloignées , où le même genre de phénomènes n'aurait pas été assez Imarqué pour attirer d'abord mon attention. Les faits n'ont pas tardé à justifier mon Vi] INTRODUCTION. attente. J'ai suivi dans leur exposition l’ordre des recherches, et j'ai divisé l'ouvrage en * quatre parties : la premiere est relative à la famille des batraciens ; la seconde aux au- ires vertébrés à sang froid ; la troisième aux animaux à sang Chaud ; la quatrième com- prend l’homme et les vertébrés (x). En commencant ces recherches je me suis bientôt apercu que les connaissances phy- siques relatives à l'électricité n'étaient pas assez avancées pour me fournir les moyens d'étudier son influence sous les mêmespoints de vue sous lesquels j'avais envisage les au- tres agens. La découverte récentede M.OErs- ted, qui lie les phénomènes de l’électricité et du magnétisme, celles de M. Ampère et de plusieurs autres physiciens, forment une nouvelle époque dans la science. Les prinei- … (1) J'ai entrepris des recherches analogues sur plusieurs familles des invertébrés avec M. Audouin , avantageuse- ment connu par ses iravaux anatomiques sur les insectes, INTRODUCTION. IX pes qu'ils ont établis, les instrumens qu'ils ont inventés pour la mesure d'actions incon- nues avant nous, ont fourni à MM. Prévost et Dumas les moyens de faire des recherches très-intéressantes sur les rapports de lélec- tricité et de l’économie animale. Je dois à leur amitié un exposé succinct de nos con- naissances relatives à ce sujet, qui forme un appendix à cet ouvrage. Des tables placées à la fin présentent les résultats individuels des principales séries d'expériences, afin que le lecteur puisse mieux juger des bases sur lesquelles les con- * clusions sont fondées. En les parcourant, 1! as- sistera pour ainsi dire aux recherches; 1l pour- ra, d’un coup-d’œil, comparer la différence des résuliais selon celle des conditions exte- rieures, suivre la généralité d’un phénomène et ses modifications chez les individus d’es- pèces etde classes différentes, et donner ou re- tenir son assentiment selon que la nature et le X INTRODUCTION. nombre des faits lui paraitront plus ou moins ‘satisfaisans. L'examen d’un faitme conduisant toujours à un autre, il en est résulté une liaison intime entre tous les phénomènes que j'ai exposés. Le point de départest déterminé par l’importance relative de l’agent physique. Fous, à la vé- rité, sontindispensables à l'entretien de la vie; nais comme l'air paraît être celui dont le be- soin est le plus pressant, j'ai commencé par l'étude des effets qui résultent de sa priva- oh. Le point de départ détermine égale- ment le choix des animaux. Ceux qui offrent le champ le plus étendu à l'observation, soit par la durée des phénomènes, soit par la facilité de multiplier Les expériences , de- vaient être étudiés les premiers : c’est pour- quoi jai choisi d’abord la famille des ba- traciens. Ils réumissent d’ailleurs plusieurs autres avantages qui les rendent les plus propres à INTRODUCTION: x} fournir les premières notions sur l'influence des agens physiques ; et comme ils partici- pent des qualités des reptiles et des poissons, les connaissances qui résultent de leur étude nous permettent de passer plus rapidement sur les autres vertébrés à sang froid , et de renvoyer aux tableaux les preuves détaillées de la similitude des phénomènes , ne nous arrêtant qu'aux cas particuliers qui semblent d’abord faire exception, et dont l'examen fournit de nouveaux rapports qui se repro- duisent par la suite. La chaleur des mammifères et des oiseaux étent le caractère physiologique qui les dis- tingue le plus des reptiles et des poissons, c'est par là que je commence l'étude des ani- maux à sang chaud ; et considérant le déve- loppement de la chaleur comme une fonc- tion, quels qu’en soient la cause ou les organes, je cherche à déterminer les variations qu’elle éprouve suivant diverses conditions relatives xi) | INTRODUCTION. d’une part à l’organisation, d'autre part à l'action des agens extérieurs. Les données qui résultent de cet examen fournissent des élémens qui entrent dans un grand nombre d’autres phénomènes qui sont l’objet de re- cherches ultérieures. Le commencement de la troisième partie correspond aux recher- ches , dans la première ;:où j'examine l’in- fluence de la température extérieure sur des vertébrés à sang froid ; je n’y fais pas allusion aux faits qui précèdent, m'étant astreint, en m'occupant des animaux à sang chaud, à les considérer d’une manière indépen- dante. Ce n’est que dans la quatrième partie, re- lative à l’homme et aux vertébrés, que j’en- visage les phénomènes sous un point de vue plus étendu , au moyen des: faits précédens, et d’autres qui servent, soit à les compléter, soit à fournir des considérations nouvelles, Cette généralité même nous permet de nous INTRODUCTION, xii} occuper de l'homme : c’est le but que je me suis proposé ; tout y conduit, tout s’y rap- porte. Les rapports entre les agens physiques et l'économie animale étant pour ainsi dire in- finis , il fallait faire un choix. Je me suis borné à la détermination des actions immé- diates que l’état des sciences physiques me fournissait les moyens d'apprécier, et à l’exa- men de leurs combinaisons. Dans le choix des couditions dont je vou- lais reconnaître l'influence, j'ai toujours -éte guide par le désir d'établir des principes sus- - cepubles d'applications utiles. Les agens que j'ai examinés ayant des rap- ports immédiats avec le système nerveux, les organes de la respiration et de la circulation, de la transpiration et de l'absorption, j'ai été conduit à l’examen d’un grand nombre de faits qui intéressent l'hygiène et la pa- XIV INTRODUCTION. thologie; et l’on s’en fera facilement une idée d'avance , sachant que je me suis par- ticulièrement occupé des modifications dé- pendantes des constitutions et des change- mens que ces constitutions éprouvent par l'effet des agens extérieurs. La plupart des ‘faits exposés dans cet ouvrage ont été d’abord consignés dans les Mémoires que J'ai lus à l’Académie royale des Sciences de Paris, ou que j'ai présentés aux concours qu'elle a établis pour le prix de Physiologie expérimentale (+). (1) Le:chapr Le; 17" partie, de l’Asphyxie, a été lu à l’Académie royale des Sciences, en 1817, et im- primé dans les Ænnales de Physique et de Chimie, même année, tom. v; le chap. IE, °° partie, de rI nfluence de la Température , Ya à V Académie en 1818 et publié dans les Ænnales de Physique et de Chimie, même année , tom. vit; le chap. III*, 1°° partie, de l’Influence de l'air contenu dans l'eau, lu à V Académie en 1818, ct inséré dans les #nnales de Physique et de Chimie, tom. x; le chap. IV°, 1° partie, de l'Action »i- RL! k INTRODUCTION. XV Je prends celte occasion de reconnaitre les obligations que j'ai à mon élève M. Vavas- 2 æœ vifiante de l'Atmosphère; le chap. V, 1° partie , de l’In- Îluence de l Atmosphère sur latranspiration; le chap. VI, 1" partie, de l'Absorption et de la Transpiration dans l'eau , Vus à l’Académie des Sciences en 1819, Ces trois chapitres, réunis à la 2° partie, avec un exposé succinct des faits contenus dans la 3°, ont été présentés au concours pour le prix de Physiologie expérimentale en 1819, et couronnés par l’Académie royale des Sciences avec l'ouvrage de M. Serres sur l'Ostéogénie en 1820. M.Cuvier a rendu compte de ces Mémoires dans l’Ænalyse des travaux de l’Académie royale des Sciences, publiés chaque année. Les r et 2 du chap. XVF, 4° partie, sont un extrait d’un Mémoire que j'ai lu à l'Aca- démie en janvier 1821 , inütulé : de la Respiration et de l’Influence des saisons sur l’économie animale, et qui, présenté au concours ga partagé le prix de Physiologie expérimentale avec le Mémoire de M. Dutrochet sur VP'Accroïssement et la Reproduction des végétaux. Le $3, de l'Exhalation et de L Absorption de l’Azote, chap. XVI, 4° partie, a été lu à l'Académie en 1893, et imprimé dans les Ænnales de Physique et de Chimie, et dans le Journal de Physiologie de M. Magendie. Le XV] © INTRODUCTION: seur , qui ma aidé dans le cours de mes expériences. S 4, de la Production de l Acide carbonique dans la respiration , étleS5, Vue générale des aliérations de l'air dans la respiration , ont été lus à l’Académie la mème année. On verra, dans plusieurs endroits de cet’ ouvrage, que je ne m'étais pas proposé d’abord d’y traiter des altérations de l’air par la respiration, sujet qui de- vait faire partie d’un autre ouvrage sur l'influence des principaux agens chimiques. Mais je me suis décidé , par des raisons qu'il est inutile de rapporter, à publier ici ces recherches, qui, d’ailleurs, servent de complément à celles qui précèdent. Comme il s’est glissé quelques erreurs dans les numéros des Tables, et que l'exactitude des renvois est indispensable à l’intelligence du texte, je prie le lecteur de faire les corrections indiquées dans l’errata. DE L'INFLUENCE DES AGENS PHYSIQUES SUR LA VIE. PR IRIS VA RT VD SR LR RE D TR RE LR A A NS A OS A BR A/R PP Th M, Ts PREMIÈRE PARTIE. LES BATRACIENS. ae 2 CHAPITRE PREMIER. De lPAsphyæxie. Lucio de lair dans la respiration est un des premiers phénomènes qu’on ait examinés en phy- siologie, et l’un des derniers que l’on aitétudiés avec fruit. La solution de cette question dépendait en grande partie d’une autre science qui n’a fourni cette lumière quedans destempstrès-rapprochésdenous. Lorsque Priestley eut découvert le gaz oxygène et sa propriété de convertir le sang noir en sang rouge , et que Lavoisier eut jeté les fondemens de la nouvelle théorie chimique , Goodwin en fit l'ap- plication à l’asphyxie, et démontra, par des expé- riences exactes et combinées avec art, que l'ex- Z > PREMIÈRE PARTIE. clusion de l'air, en empêchant la conversion du sang noir en sang rouge, causait la mort des animaux. Bichat reprit cet objet, et, sous le titre de Recherches sur la Vie et la Mort, fit un traité sur l’asphyxie. IL vit une grande partie de son sujet, et, par une belle suite d'expériences, chercha à déterminer le triple rapport du système nerveux , de la respiration et de la circulation. Il en conclut que le'sang veineux, en pénétrant le cerveau , fait cesser ses fonctions , et qu’ensuite Je cœur cesse d'agir par la même cause. Legallois traita aussi de l’asphyxie dans l’ou- vrage qu'ilintitula : Recherches sur le principe de da vie , et fit voir que le sang veineux , en agissant sur la moelle épinière , faisait cesser les mouve- mens du cœur. IL est à remarquer que ces physiologistes firent leurs expériences , presque exclusivement , sur les animaux à sang chaud. Cependant les phénomènes qu'offrent les animaux à sang froid méritaient une attention particulière. Spallanzani s’en était occupé dans ses Recherches sur les Rapports de l'air avec les étres organisés ; ouvrage aussi remarquable par le nombre que par l’importance des faits. Les altérations que l'air éprouve de la part des organes susceptibles de le modifier était son objet princi- pal , et les rapports entre les trois grandes fonc- tions sur lesquelles Bichat et Legallois ont tant insisté, avait peu fixé son attention ; mais, à cetté époque, la physiologie n'avait pas fait les progrès CHAPITRE 1. 5 jui ont eu lieu depuis ce célèbre physicien et na- turaliste, et la chimie n'avait pas encore per- fectionné ses procédés pour l'analyse des gaz. Aussi un des savans qui ont contribué le plus eflicace- ment à ce perfectionnement a-t-il publié un tra- vail sur la respiration des poissons, qui ne laisse rien à désirer sous ce rapport (1). Les phénomènes que présentent les animaux à sang froid sont si extraordinaires, qu'ils semblent ne pouvoir être rapprochés de ceux que nous offrent les autres animaux vertébrés. On ne les croirait pas même unis entre eux par un lien commun , si une étude approfondie de la nature ne faisaittoujours découvrir l’uniformité de seslois. S [*. Znfluence comparée de l'Air et de l'Eau sur les systèmes nerveux et musculaire. Avant d'étudier les phénomènes de l’asphyxie et leur dépendance mutuelle , on doit rechercher si le milieu dans lequel elle a lieu n'a pas une autre action que celle qui a rapport aux poumons. Parmi ces milieux , il n’en est point dont il nous importe plus d'apprécier l'influence que l'air et eau. Or, les singulières modifications de la vie des reptiles nous en fournissent les moyens. On sait qu'ils sont doués de cette étonnante propriété, nd (1) Mémoire sur la Respiration des Poissons , par MM. de Humboldt et Provencal, dans les Hem. de la Soc. d'A} cueil, 4 PREMIÈRE PARTIE. qu'après l’excision du cœur, ils vivent pendant un temps considérable avec le libre exercice des sens et des mouvemens volontaires. Par l’excision du cœur , la circulation du sang est supprimée. Je n'examinerai pas Ici s’il subsiste quelque oscilla- tion de ce fluide, un court espace de temps après cette opération ; il suffit que la circulation pro- prement dite cesse par ce moyen. Remarquons d'aillears que, par l’excision du cœur, le sang s'écoule en grande partie , et que ce qui en reste peut être regardé comme une portion intégrante des organes. Mais l’anéantissement de la circulation entraine nécessairement celui de la respiration. Il ne sub- siste donc plus que l’action des systèmes nerveux et musculaires , qu'on ne peut isoler, puisqu'on ne juge de l’action des nerfs que par les mouve- mens que les muscles exécutent, au moins dans les expériences sur les animaux. C’est en réduisant les animaux à ‘cet état de simplicité de fonction qu'on peut résoudre la question que je me suis proposée, Si , après avoir excisé le cœur à des reptiles, en ayant soin d'enlever aussi le bulbe de l'aorte, on en met un égal nombre à Pair et dans l’eau non aérée , la différence, s’il en existe, des durées de la vie donnera, dans ces deux circonstances, celle de l'influence respective des milieux sur le système nerveux et musculaire , indépendamment de leur influence sur la circulation et la respira- CHAPITRE I. 5 tion : c’est ce que j’ai exécuté sur des salamandres, des grenouilles et des crapauds. J’excisai le cœur à quatre salamandres crêtées (S.triton ), avec la précaution d'enlever le bulbe de l'aorte; j'en exposai deux à l'air, et je plon- geai les deux autres dans l’eau à la même tempe- rature, et privée d'air par l’ébullition. Dans l’une et l’autre circonstance, elles furent très-vivaces pendant long-temps; mais leur activité diminua ensuite et ne se manifesta plus que par des mouve- mens à d’assez longs intervalles. Au bout de quatre | à cinq heures, les salamandres dans l’eau parais- saient mortes; mais on s’assura qu'ellés existaient, en les remuant ou les pinçant ; sans les exposer à l'air, précaution absolument nécessaire. L'une mourut au bout de huit heures, et l’autre de neuf, Les salamandres qui étaient dans l'air vécurent , au contraire, de vingt-quatre à vingt-six heures, différence considérable en faveur de l’action de l'air, mais qui avait besoin d’être constatée par d’au- tres expériences. Je les répétai donc, avec les mêmes précautions, sur six autres salamandres, et j’obtins des résultats analogues. Les salamandres quiétaient sous l’eau vécurent de sept à huit heures, et pré- sentèrent les mêmes phénomènes que les précé- dentes ; tandis que celles qui étaient exposées à Pair prolongèrent leur existence jusqu'à vingt- quatre ou vingt-neuf heures. Ces différences tran- chées et comparatives ne pouvant dépendre que de la différence des milieux, il en résulte ce fut CS Ô PREMIÈRE PARTIE. que l'air, comparé à l’eau, est baucoup plus propre à entretenir l’action du système nerveux de ces animaux , et que ce fluide a une action vivifiante sur leur économie, indépendamment de son in- fluence par lintermède de la circulation du sang et de la respiration. j Il fallait étendre ces recherches aux grenouilles. Je is l’excision du cœur et du bulbe de l'aorte sur douze grenouilles ( À. esculenta , R. tempora- ria ) (1), dont je placai six dans l’eau non aérée, et six à l'air. Après cette opération, elles sautè- rent avec une vivacité extraordinaire qui dura quelque temps. Celles qui étaient dans l’eau non aérée vécurent deux heures, et les grenouilles exposées à l'air vécurent une heure de plus. Il est à remarquer que le décroissement des mouvemens jusqu’à leur cessation, malgré les moyens d’exci- tation dont j'ai parlé, est bien plus rapide dans l'eau que dans l’air. Je répétai ce genre d’expé- riences un assez grand nombre de fois pour con- stater le fait. La même expérience réussit égale- ment sur les crapauds,et d’une manière comparative pour la durée. La différence de l'action de ces deux milieux sur le système nerveux et musculaire des batra- ciens devient encore plus évidente par l'expérience suivante : Lorsqu'on a excisé le cœur à une gre- (1) Les autres expériences ont été faites sur les mêmes es- pèces de salamandres et de grenouilles, CHAPITRE I. T mouille, et qu'on l’a mise dans l'eau non aérée, st on attend le moment où elle a cessé de se mouvoir et qu'elle ne donne plus de signe de vie, quoi- qu'on l’excite en l’agilant et en la pinçant, @es qu'on la retire de l’eau , elle commence à se rani- mer et se met en mouvement. Cette action de l'air est subite, si l’on ne tarde pas trop à y exposer l'animal. L’inverse a également lieu avecla même promptitude. Lorsque l'animal est revenu, si on le replonge dans l’eau, toute apparence de vie cesse à l'instant, et l’on peut continuer de même, à plusieurs reprises, à le ranimer et à le priver de sensibilité et de mouvement en l’exposant alter- nativement à l’action de Pair et de l’eau. Si cette expérience met dans tout son jour l'influence vivi- fiante de l'air, indépendamment de son rôle dans la circulation et la respiration, elle rend égale- ment évidente l’action délétère de l'eau privée de ce fluide. $ IT. Asphyxie dans l'eau, Jusqu'ici nous nous sommes occupés d’expé- riences qui préparent à l'étude de l’asphyxie, et qui fournissent des élémens indispensables pour apprécier ce qui se passe dans cet état. Comment diffère-t-1l de celui où se trouvent les ani- maux dans les expériences précédentes ? Ils y étaient réduits à ne vivre que par le système nerveux et musculaire. Dans l'asphyxie ;, deux fonctions au moins s'exercent à la fois, lactiow 8 PREMIÈRE PARTIE. de ce système réunie à la circulation du sang qui n'est plus en contact avec l’air extérieur dans les organes de la respiration. . On connaît le changement de couleur qu’é- prouve le sang des reptiles par l’exclusion de Pair, et celui qui résulte du retour de ce fluide. Good- win a constaté qu'il est analogue à celui qui a lieu chez les animaux à sang chaud, J'ai eu souvent occasion de vérifier cette observation, et je n’in- sisterai pas davantage sur ce sujet. Je remarque- rai seulement que ce changement est prompt et sensible ; mais comme des nuances de couleur sont sujettes à être diversement appréciées, et qu'il ne peut y avoir de point certain de départ, je compterai toujours l’asphyxie du moment où Pair extérieur est exclu des organes de la respiration, sauf à examiner, dans la suite, les modifications qui peuvent résulter de la quantité d’air qui reste dans les poumons. Pour abréger, et pour me ser- vir d'expressions reçues, en parlant du sang qui n’est plus en contact avec l'air dans les organes de la respiration, je le désignerai par le terme de sang noir ou sang veineux , du moment où l’as- phyxie commence, c’est-à-dire, aussitôt que Pair est exclu ; me réservant d'examiner , dans la suite, les altérations qui en résultent, à différentes épo- ques , dans la couleur et la nature du sang. La première question qui se présente dans l’é- tude de Pasphyxie est de savoir , en faisant ab- straction du milieu, quelle est l'influence de la CHAPITRE I. 9 circulation du sang noir sur le système nerveux et musculaire. La solution de cette question dépend de la détermiration , 1°. de la durée de la vie sous l'influence unique du système nerveux et muscu- laire ;g2°. de la durée de la vie qui résulte de la com- binaison de cette action avec la circulation du sang noir. La différence des temps, dans les deux cas, fera connaitre l'influence qu’exerce sur le système nerveux la circulation générale du sang à l’abri du contact de l'air. On voit que c’est la seule manière rigoureuse de traiter cette question , et qu’il importe beau coup de la résoudre. C’est ce que j'essayai de faire de la manière suivante : j'excisai Le cœur à des grenouilles qui furent mises sous un réci- pient dans de l’eau privée d'air par Pébullition ; j'en laissai un égal nombre intactes, que je ren- fermai de même sous un récipient dans de l’eau non aérée. La différence, dans ces deux cas, a été quelquefois de plus de vingt heures en fa- veur des dernières, et elle a toujours été si marquée dans les expériences multipliées que j'ai faites, que Je w'insisterai pas davantage sur ce point. J'ai ob- tenu des résultats analogues avecles crapauds ét les salamandres. Si l'air contenu dans les poumons laissait quel- ques doutes sur la simplicité des résultats, je re- marquerai qu'on obtient des effets sensiblement analogues, soit en expulsant l'air des poumons par la pression des parties correspondantes du corps 10 PREMIÈRE PARTIE. de ces animaux plongés sous l’eau, soit en exci< sant les poumons. . L'influence du sang à l'abri de l'action de l'air est donc favorable à l’action du système nerveux et musculaire, puisqu'il la prolonge; mgis ces deux fonctions , réunies dans l’asphyxie par sub- mersion, ne fournissent qu'une existence éphé- mère. $ IL. Sirangulation. En appliquant ici un fait établi par le résultat de la première série d’expériences , nous pouvons présumer que l’eau qui exerce une action nuisi- ble sur le système nerveux doit empècher que la circulation du sang veineux prolonge autant Pac: tion du système nerveux et musculaire quil le ferait dans un autre milieu moins nuisible à cette fonction. Si, par exemple , on asphyxiait ces ani- maux dans l'air, la vie devrait y être plus pro- longée que dans l’eau : c’est ce qui à lieu en effet. J’étranglai six grenouilles en assujettissant très- fortement avec une ficelle autour du cou, un mor- ceau de vessie que j'appliquai très-exactement sur leur tête , de manière à en exclure l'air. La strangulation était si forte, qu’elle seule de- vait intercepter le passage de l'air. Dans les pre- miers momens , les grenouilles furent paralysées ; mais elles reprirent peu à peu leurs forces au bout de quelques minutes , sans cependant. les recou- vrer entièrement pendant le cours de l'expérience, CHAPITRE I. If Je misun pareilnombre de grenouilles dans l'eau ; mais elles furent mortes au bout de dix ou douze heures ; tandis que celles qui étaient étranglées vécurent d’un à cinq jours. Une d'elles était même très-vivace au bout de ce temps , lorsqu'elle s’é- chappa sans que je pusse la retrouver. Je fis des expériences analogues sur les salamandres ; la pa- ralysie eut lieu également, elle diminua ensuite ; mais ces animaux eurent toujours, pendant le cours de l’expérience , les mouvemens extrême- ment lents, et les pattes antérieures ne tardèrent pas à devenir percluses. Afin de prolonger, autant que possible, la vie de ces animaux, j'entretenais leur corps dans un état d'humidité. Les salaman- dres qui étaient comparativement dans l’eau vé- curent de dix à douze heures , tandis que celles qui étaient étranglées prolongèrent leur existence beaucoup au-delà. Une d’elles vécut même onze jours ; mais la tête était atteinte de gangrène : je m'en servis pour faire des recherches analogues à cette expérience intéressante de M. Duméril, où une salamandre vécut long-temps après l’ampu- tation de la tête et la formation d’une parfaite cicatrice au col, qui devait intercepter le passage de l’air dans les poumons ; mais ce genre de re- cherches, quoiqu'il ait rapport à celles que je viens d'exposer, étant compliqué d’une grande lésion du système nerveux, doit être réservé pour l'époque où j’examinerai l'influence de la section de la moelle épinière sur les phénomènes de l'as T2 PREMIÈRE PARTIE. phyxie. En comparant l’asphyxie par submersion avec la strangulation dans l'air, on voit que la dif- férence dans la durée de la vie est quelquefois si démesurée, qu'il faut croire, ou que ces animaux peuvent vivre un grand nombre de jours sans autre action de l’air que son influence sur le sys- tème nerveux, ou que ce fluide agit aussi sur le sang à travers la peau. $ IV. Respiration cutanée. Spallanzani a conclu de ses recherches, que lors- que la peau de ces animaux est en contactavec Pair, il y a production d’acide carbonique; mais, dans les expériences qu'il a faites, il y avait une cir- constance qui pouvait être une source d'erreurs. Il opéra sur des batraciens dont il avait excisé les poumons. Dans ce cas, le sang de la plaie, en contact avec l’air, devait nécessairement produire de l'acide carbonique, et d'autant plus que la sec- tion des vaisseaux pulmonaires fournitune hémor- rhagie considérable. M. Chevillot et moi, nous avons cherché à parer à cet inconvénient de la ma- nière suivante. Nous avons mis dans des vases, avec de l’air atmosphérique, des grenouilles dont la tête était en- veloppée dans de la vessie fortement assujettie au- tour du col, comme dans l'expérience précédente, de manière à ce que la strangulation interceptät le passage de l'air. Nous les retirèmes vivantes au bout d’une heure ou deux, et ayant examiné l'air de la CHAPITRE I. 15 cloche qui avait été en contact avec la peau des grenouilles, nous y reconnûmes une quantité ap- préciable d'acide carbonique. Nous déterminâmes de la même maniére la pré- sence de l’acide carbonique dans l'air, en contact avec la peau des salamandres. Qu'il me suffise, en cette occasion , d’avoir con- staté que, lorsque l’air atmosphérique est en con- tact avec la peau de ces animaux, on y trouve de Vacide carbonique, soit qu’il résulte de l’exhala- tion, soit que l'oxygène concoure, en tout ou en partie, à sa formation. Je m'arrète ici sur ce point, et je renverrai l'examen de toutes les questions que ce sujet peut faire naître à l’époque où je présen- terai en détail les changemens chimiques que ces organes font éprouver à l’air. Il suit des expériences que j'ai rapportées sur la strangulation des reptiles dans l'air, que le temps considérable qu’ils peuvent vivre dans cet état doit en partie être rapporté à une action de l’air sur la peau, dont j'examinerai la nature dans la suite. $S V. Animaux renfermés dans les corps solides. Je ne chercherai pas à constater ici l’action des autres gaz : mon but est de déterminer lin- fluence du sang noir à l’abri de tout agent exté- rieur capable d'y produire des changemens chi- miques, ou d'agir sensiblement sur le système ner- veux. Le moyen d'y parvenir serait peut-être de 14 PREMIÈRE PARTIE. renfermer les animaux dans des corps solides. Si ces substances n'avaient pas d'action nuisible sur le système nerveux, il est à présumer que l'asphyxie serait plus prolongée que dans l’eau. Cette idée rappelle la fameuse expérience de Hérissant, qui, entreprise pour juger de la probabilité de quelques faits qui pouvaient passer pour fabuleux, devint presqu'aussi problématique elle-même. On sait qu’en 1777 il renferma, dans des boîtes scellées dans du plâtre, trois crapauds, qui furent déposés à l’Académie des Sciences. On ouvrit les boîtes dix-huit mois après, en présence de quel- ques-uns de ses membres. Un des crapauds était mort; les deux autres vivaient. Personne ne pou- vait douter de l'authenticité du fait; mais l’expé- rience elle-même fut exposée aux mêmes objec- tions que les observations auxquelles” elle devait servir de terme de comparaison. Ces observations se rapportaient à des crapauds qu’on avait trouvé vi- vans dans de vieux murs , où ils avaient été scellés pendant des années, dans des blocs de charbon de terre, et même dans des pierres où ils avaient peut-être vécu pendant un temps incalculable. On a objecté que, dans l'un et l’autre cas, il y avait probablement quelquetrou ou quelque crevasse par lesquels l'air s’insinuait, ou qui livraient passage aux animaux; mais cette objection ne me paraît pas valable quant à l'expérience de Hérissant : l'ac- cès de l'air par une ouverture visible ne pouvait guère échapper à un aussi bon observateur. Cest CHAPITRE T4 15 cependant une chose remarquable que les circon- stances de l’expériences aient été’ complètement passées sous silence; ni les dimensions; ni la sub- stance de la boîte n’ont été indiquées, ni l’épais- seur du plâtre qui la recouvrait; et c’est particu- lièrement le défaut de précision dans la détermi- nation des circonstances ou se trouverent les ani- maux, quand on les a découverts dans des corps solides, qui rend problématiques les conclusions qu'on en tire. Aussi un savant naturaliste (1) qui, dans ses voyages, a beaucoup enrichi l'histoire des batraciens, appuyé d’ailleurs de quelques expé- riences , a-t-il douté de ce résultat. J’observerai, à l'égard de l'expérience de Hérissant, qu'il paraît qu'il y avait de l'air dans les boîtes où les cra- pauds étaient renfermés; ce qui ne s'accorde pas avec le but que je me suis proposé. Mon inten- tion étant d'étudier l’asphyxie dans les corps s0— lides, je ne devais pas y laisser d’air. Cette mo- dification est importante et change la nature de l'expérience, , Le 24 février 1817, je fis sur quinze crapauds communs les expériences suivantes : je pris d’abord cinq boites de bois blanc, dont trois avaient 4 pouces cubes, les deux autres 41p. delong sur4 de large, et 21 de profondeur. Je mis du plâtre gâché au fond des boîtes jusque vers le milieu ; jy plaçaï (1) Diction. d'Hist. Naturelle. Déterville. Art. Crapaud, par M. Bosc. a6 PREMIÈRE PARTIE. ensuite le crapaud, que je contins d’une main pour l'empêcher de quitter sa situation au centre; je le couvris ensuite de plâtre dont je remplis les boites , qui furent fermées et ficelées. Je me servis ensuite de cinq autres boîtes circu- laires de carton, ayant 3: pouces de diamètre et 2 pouces de profondeur; j'y enterrai cinq autres crapauds avec les mêmes précautions ; j’égalisai le plâtre par-dessus , et j’eus bien soin de ne point y laisser de fissure ; jy adaptai ensuite les couvercles; «en même temps je mis les, cinq autres crapauds dans de l’eau, pour comparer la durée de ce genre d'asphyxie avec celui qui pouvait avoir lieu dans le plâtre. Le même jour, à minuit, tous les crapauds que j'avais mis dans l’eau étaient morts, c’est-à-dire, huit heures après le commencement de l'asphyxie. Le lendemain , à quatre heures du soir, j'ouvris une des boîtes de carton; je détachai avec précau- tion une partie du plâtre, et l'animal, quoique engagé presque entièrement dans cette substance, exécuta des mouvemens et se mit à coasser. Ainsi, seize heures après la mort des crapauds dans l'eau , celui qui était enfermé dans du plâtre était encore très-vivace; mais comme il n'avait pas at- teint la limite à laquelle ces animaux peuvent par- venir dans l’asphyxie par l'eau, je remplis l’ouver- ture avec du plâtre gâché, ayant soin d’en accu- muler plusieurs lignes au-dessus du niveau précé- dent. Je l’abandonnai ensuite avec les autres, et CHAPITRE I: 17 ne l’ouvris que le 15 mars suivant, et le trouvai parfaitement en vie le dix-neuvième jour, à du- ter du commencement de l'expérience. Je laissai les autres pour les examiner dans un temps plus éloigné. Cette expérience, souvent répétée dans des cir- constancés convenables, m'a constamment donné une durée de la vie bien plus grande que dans l’as- phyxie par l'eau. Ces circonstances seront déve- loppées dans une autre occasion. Il importe ici d’é- tablir le fait principal dégagé de toutes ses modifi- cations. Je me livrai au même genre d'expériences sur les salamandres. Le 6 mars, je mis dans des boîtes de carton de même dimension que les pré- cédentes, six salamandres crêtées que j’environnai de plâtre avec les mêmes précautions que j'ai dé- crites plus haut. J’en découvris une le 25 avril sui- vant , et je la trouvai vivante, mais amaigrie, après. avoir été enfouie dans le plâtre l’espace de dix- neuf jours. Les salamandres mises dans l'eau péri- rent dès le premier. Les autre salamandres res!è- rent dans le plâtre pour être examinées à une autr époque. « Je répétai ce genre d'expériences sur les mêmes animaux, el je trouvai que, dans les circonstances convenables, leur existence dans le plâtre était beaucoup plus prolongée que dans l’eau. Je con- statai ce même fait sur les grenouilles, avec cette différence qu’elles y vivent moins long -temps; mais les limites que ces animaux peuvent atteindre 2 18 PREMIÈRE PARTIE. dans cet état n'est pas ce qu'il s’agit d’abord d’é- tablir. Il suffit de déterminer qu'ils peuvent exis- ter un plus grand nombre de jours enterrés dans des corps solides; c'est un des faits les plus ex- traordinaires que puisse fournir l’histoire des rep- üles. Il parait une exception à la nécessité de l'air, que l’on regarde comme indispensable à la vie de tous les animaux. Il paraît plus extraordinaire enco- re, en comparant la durée de la vie de ces animaux, lorsque les uns sont exposés à l'air, et d’autres en- fouis dans des corps solides. J’ai exposé quatre grenouilles à l'air dans un bocal sec; j'en ai mis, en même temps, un pareil nombre dans du sable que j'avais eu soin de dessécher convenablement, et de laisser refroidir ensuite jusqu’à ce qu'il prit la température de l'atmosphère. Je les retirai toutes les vingt-quatre heures, afin de m'assurer si elles étaient encore en vie. Le troisième jour, toutes celles qui étaient à l'air étaient mortes, à l’excep- tion d’une seule ; tandis que toutes celles qui étaient enfouies dans le sable , à l'exception d’une, étaient encore parfaitement vivantes. Il en est de même des salamandres, mais à un plus haut degré; car elles vivent également peu dans l'air sec, et leur existence dans le plâtre est beaucoup plus prolongée que celle des grenouilles. I semblerait donc devoir résulter des expériences précédentes que, non-seulement la vie des reptiles peut se continuer long-temps lorsqu'on les soustrait à l'air, en les enterrant dans des corps solides, CHAPITRE I. 19 mais que c’est encore un moyen de la prolonger: ce qui viendrait à lappui de ces récits merveil- leux, mais attestés par des personnes dignes de foi, qui nous apprennent que des animaux de cette famille ont vécu dans des corps solides, à l'abri de l'air, pendant des temps incalculables. Mais des faits de cettenature qui tiennent du pro- dige, et qui sont une exception aux autres faits con- nus, méritent l'attention la plus scrupuleuse et le plus mür examen. Que le sable contient de Pair, c’est un fait évident; mais il est remarquabie qu'il | en contienne assez pour l'entretien de la vie de ces animaux. Îl est extrèmement probable que, s'ils ne devaient y vivre qu'aux dépens de Fair qu'ils y pourraient respirer par les poumons, ils auraient de la peine à y exister. Nous avons vu plus haut que le contact de l'air sur la peau sert à entrete- nir la vie, lorsqu'il est en quantité suffisante; mais il ne paraissait nullement probable que la porrosité du plâtre pût admettre assez d'air, et en per- mettre assez tôt le renouvellement, pour que ces animaux fussent en état d'y vivre par ce moyen. Cependant des recherches exactes étaient néces- saires pour ne laisser aucun doute à cet égard ; c'est pourquoi je fis les expériences suivantes : je pris un tube ouvert de 5 pouces de long et de 5 ou 6 lignes de diamètre : j'en bouchai une extré- mité avec du plâtre gâché, dans l'étendue d’envi- ron un pouce, en ayant soin de le recouvrir en dehors. Je le laissai sécher, et mis encore du pli- 20 PREMIÈRE PARTIE. tre par-dessus, pour boucher les ouvertures im- perceptibles qui pourraient s’y trouver. Lorsque le tout fut convenablement sec, je remplis le tube de mercure; je le renversai dans ce liquide, et je ne tardai pas à voir l'air y pénétrer et faire descen- dre le mercure ; cette expérience, répétée plu- sieurs fois, eut toujours le même résultat : il était donc évident que lair entrait librement dans le plâtre. Je pris des boîtes de carton remplies de plâtre, et telles que je les ai décrites plus haut; je les pla- çai dans l’eau, et après les y avoir laissées quelque temps, je les retirai; les ayant ouvertes, je trouvai le plâtre humide intérieurement dans toute son étendue, je fis la même expérience sous le mercure avec des résultats analogues. Il aurait pu se faire cependant que la quantité d’air qui pénètre dans le plâtre fût msuffisante pour entretenir la vie de ces animaux : C’est pourquoi j’enfermai des gre- nouilles, des salamandres et des crapauds dans du plâtre, comme dans les expériences précéden- tes, et je plaçai les uns sous l’eau, les autres sous le mercure, pour intercepter l’air ; mais je n’eus plus le résultat que j'avais obtenu précédemment. Ces animaux ne vivaient guère plus long-temps que dans l’eau. Dans vingt expériences, sur ces différentes espèces, j'ai constamment eu le même résultat. d Il suit donc de ces nouvelles recherches, que les faits résultant de mes premières expériences CHAPITRE f. 21 sur les animaux vivans dans des corps solides, qui paraissaient de singulières exceptions à la néces- sité de l'air pour l'entretien de la vie, se concilient parfaitement avec elle. Mais il reste à savoir comment la vie de ces ani- maux peut avoir une plus grande durée, soit dans le sable, soit dans le plâtre, que dans Pair. La solution de cette question dépend de l’obser- vation des phénomènes qu'ils présentent dans l’un et l'autre cas, jusqu’à leur mort. Les grenouilles et les salamandres maigrissent rapidement à l'air et se dessèchent; à mesure qu'elles maigrissent, leurs mouvemens deviennent plus difficiles : elles se meuvent cependant jusqu’à ce qu’elles aient perdu la quantité d’eau nécessaire à leur existence. J'ai ouvert les boîtes de bois blanc et de carton contenant des crapauds et des salamandres, dont je m'étais servi dans les premières expériences de ce genre, que J'ai rapportées plus haut. Ces ouver- tures ont été faites dans les mois d'avril, de mai et de juin, c’est-à-dire, dans l’espace de six semaines à deux mois et demi, à dater du commencement de ces expériences. Je trouvai tous ces animaux morts, et dans un état de dessiceation complète. Je fis les mêmes observations sur les grenouilles qui étaient mortes dans le sable. J'en conclus que ces animaux, dans l'un et l’autre cas, mouraient pro- bablement par la même cause, c’est-à-dire, par la perte de fluide causée par la transpiration, perte 22 PREMIÈRE PARTIE. qui n'était point réparée; et je présumai que Ja transpiration devait être moins grande dans le plà- tre que dans l'air. C'est ce que je vérifiai par les expériences sui- vantes sur vingt-quatre grenouilles. Les unes fu- rent exposées à l’air dans des vases secs; les autres enterrées dans du sable desséché, et refroidi à la température de l'air. Je les renfermai dans des vases dont l'ouverture fut couverte avec de la ves- sie, ou du papier qu'on assujettit avec de la ficelle. Ces animaux furent gardés dans le même endroit. J'en pesai comparativement un certain nombre à différens intervalles, à la distance de deux, trois, quatre et cinq jours, et j'ai constamment observé une perte plus grande à l'air que dans le sable. Le détail des résultats est exposé dans un tableau (1). J'ai fait des expériences analogues avec les sala- mandres, et j'ai obtenu un résultat semblable. J'ai fait, à ce sujet, quelques expériences comparati- ves dans l’air et dans le plâtre, sur des crapauds : et la différence était bien plus marquée que dans le sable. Ces résultats nous mettent maintenant à même d’éclaircir ce paradoxe, que ces animaux peuvent vivre plus longtemps dans le sable et dans le pla- tre que dans Fair. C’est que l’évaporation que rien ne répare est une cause de mort chez les ba- traciens. Or, la transpiration est plus abondante (1) Voyez tableau n° 1, à la fin du volume. CHAPITRE I: 23 dans l'air que dans les corps solides; et la mort, toutes choses égales d’ailleurs, doit y être plus prompte. à Lorsqu'on réfléchit à la raison pour laquelle Ha transpiration de ces animaux est moins considé- rable dans des corps solides, on voit que cet elfet _ est en rapport avec des circonstances physiques, qui augmentent ou diminuent la rapidité de l’éva- poration. Ainsi, les particules des corps solides, en diminuant l’espace dans lequel les vapeurs se répandent , et en s’opposant à leur diffusion, doi- vent rendre l’évaporation sensiblement moindre dans un temps donné. Pour confirmer ce rappro- chement , M. Chevillot et moi, nous avons fait des expériences sur des grenouilles et des salamandres, que nous avons placées sous le récipient d’une machine pneumatique, dans lequel nous faisions continuellement le vide. Nous avons pesé les ani : maux qui avaient été dans l'air, et ceux que nous avions retiré du vide. La transpiration, dans le temps, était bien plus grande dans le vide que dans l'air (x). Enfin, en comparant l'asphyxie dans le vide avec la submersion dans l’eau, nous avons déter- miné, d’après des expériences que nous avons fai- tes sur douze grenouilles et trois salamandres, que la mort est plus prompte dans le vide que dans l'eau : c'est que dans le vide, ces animaux sont ex- (1) Foyez tableau n° 2, A, 24 PREMIÈRE PARTIE, posés au moins à deux causes de mort, l'éva- poration rapide et abondante, jointe au défaut d'air (x). (1) Voyeztableau n°. 2. B. CHAPITRE II. 25 CHAPITRE II. De lInfluence de la Température. Duxs les recherches précédentes , je n’ai con- sidéré aucune des circonstances qui pouvaient faire varier les effets que j'ai obtenus. Ces condi- tions ont une si grande influence, que si l’on répé- tait mes expériences sans en tenir compte, l’on pourrait parvenir à des effets très-différens et même opposés. | Ce sont ces causes de variation que j’entreprends de déterminer. Ces recherches exigeaient un terme de comparaison qui püt être regardé comme fixe. Ainsi, pour déterminer les causes qui pouvaient faire varier les effets de l’asphyxie par submersion dans l’eau, j'ai multiplié mes recherches dans des circonstances analogues, afin de m'assurer si je pourrais reproduire à volonté les mêmes effets dans les mêmes limites, et m'en servir ensuite comme terme de comparaison. Dans cette vue, j'ai fait, dans les mois de juillet et de septembre 1816, quarante-deux expériences sur la submersion des grenouilles dans l’eau aérée, pour y constater la durée de leur vie. La température moyenne du mois de juillet était de 15°, 6, eten septembrede 14°, 1. L'eau aéréedont je me suis servi a varié de 17°, à 15°; j'en remplis des verres de la capacité de 0,2", et je les ren- versai sur des soucoupes. 26 PREMIÈRE PARTIE Je terminai l'expérience dès que l’animal ne présenta plus aucun mouvement dans l’eau lors- qu'il était pincé. La durée de l'existence de ces animaux a varié d'une heure à deux heures vingt-sept minutes. Les mêmes durées extrêmes se sontreproduites, à quel- ques minutes près, tous les jours. En comparant le terme moyen des résultats de juillet avec celui de séptembre, on trouve qu'ils sont très-approxi- matifs.Le terme moyen, pour le mois de juillet, est d’une heure trente-sept minutes, et pour sep- tembre, d’une heure quarante-cinq. Pour commencer à étudier les causes qui peu- vent faire varier la vie des grenouilles plongées dans l’eau, j'ai recherché les effets de la tempéra- ture, dont l'influence est si puissante sur l’éco- nomie animale. Spallanzani et quelques autres naturalistes ont déjà remarqué que les grenouilles submergées dans l'eau vivaient plus long-temps en hiver qu’en été. Comme ils n’ont pas fait de recherches spéciales sur ce sujet, j’ai voulu éclaircir davan- age cette question. C’est pourquoi, j'ai fait les ex- périences suivantes, en même temps que les pré- cédentes , afin que la seule différence appréciable fût la température dont je voulais étudier les effets. L'eau de la Seine étant à 17°, je la refroidis au moyen de la glace, et je la maintins à 10° : de deux grenouilles qui y furent plongées, l'une vécut 5 CHAPITRE II. 27 heures 50’, et l’autre 6* 15’: ce qui est pres du double de la plus grande durée obtenue dans les quarante-deux expériences précédentes. Ayant ensuite porté la température à zéro, et lamainte- nant à-peu-près à ce terme, j'y submergeai huit grenouilles, qui n’y moururent qu'au bout de G* 7’, et de 8* 18’: ce qui fait plus du triple du pre- mier résultat. On voit donc que la plus grande durée de l’as- phyxie, dans l’eau à 16° ou 17°, est plus que dou- blée dans l’eau à 10°, et que même à la tempé- rature de zéro , la durée peut être plus que triplée. Puisque dans cette échelle, la durée de la vie des grenouilles a été inverse de la température , il était intéressant de déterminer quel serait l'ef- fet des températures ascendantes, à partir de 17°. L'air étant à 20°, je plongeai quatre grenouilles dans de l’eau aérée à 22° : elles n’y vécurent que de soixante-dix à trente-cinq minutes. On remarquera que la plus longue et la plus courte durée sont à-peu-près la moitié des durées extrêmes dans les expériences précédentes, qui ont été faites à 15° ou à 17°. . Je submergeai ensuite trois grenouilles dans de l’eau que j'avais portée à 32°, c’est-à-dire , à une température plus élevée de 10° que dans l’expé- rience précédente : elles n’y vécurent que de trente- deux à douze minutes. Ainsi, en comparant les plus grandes et les plus petites durées delasphyxie, à la température de 32°, aux limites correspondantes 28 PREMIÈRE PARTIE. de l'asphyxie à 22°, on verra que la durée de la vie a diminué à-peu-près de moitié dans l’une de ces limites , et de deux tiers dans l’autre. En portant ensuite la température à 42°, les grenouilles y trouvent, pour ainsi dire, une mort subite. Dans dix expériences , elles y ont vécu de | secondes à deux minutes. Il est remarquable que la température à la- quelle les grenouilles cessent de vivre dans l’eau soit à-peu-près celle qui est naturelle aux animaux à sang chaud. Si donc, dans une saison semblable à celle où j'ai fait mes expériences, on prend pour limites, d’une part, la température de l’eau à zéro, et, d'autre part, celle de l’eau à 42°, on verra que la vie des grenouilles qu’on y plonge va toujours en diminuant avec l'élévation de température, jus- qu'à ce qu’elles y meurent à 42°. Des effets aussi opposés, produits par des tem- pératures si voisines, méritent de fixer l'attention. Une température près de o° est éminemment fa- vorable à la vie des grenouilles plongées sous l’eau; mais que l’on ne croie pas qu’elles s’y engourdis- sent, et que ce soit la raison pour laquelle leur existence y est prolongée. Le degré de froid qui a lieu à o° ne les engourdit pas dans l’eau ; elles y sont moins agiles à cette température ; mais elles y exercent des mouvemens volontaires, et jouissent de l'usage de leurs sens. À mesure que lon élève la température, on CHAPITRE II. 29 voit un petit nombre de degrés d’une chaleur tem- pérée, produire des décroissemens considérables dans l’existence de ces animaux. On voit aussi leur agilitéaugmenter, jusqu’à ce qu’enfin elle devienne très-grande au degré où la température leur est si promptement fatale. Les crapauds, soumis aux mêmes expériences, m'ont donné des résultats analogues. Les mêmes limites de température et les degrés intermé- diaires produisent sur eux des effets à-peu-près semblables. On pourrait être disposé à croire que, dans les climats chauds, les batraciens vivent dans l’eau dont la température s'élèverait quelquefois à 40° ou 42°. Mais en l’admettant, ce fait ne serait pas en opposition avec les expériences que je viens de rapporter. Les circonstances seraient bien diffé- rentes. Dans un cas , les animaux ont la liberté de respirer ; dans l’autre , ils en sont privés. J'ai déterminé la température à laquelle ils périssent lorsqu'ils sont plongés sous l’eau, et par consé- quent, sans communication avec l'air de l'atmo- sphère; j'ai examiné l'influence de la température sur ces animaux asphyxiés dans l’eau, et non pas son action dans les cas où ils auraient la liberté de respirer. C’est une question différente, et que j exa- minerai dans la suite, mais qui ne doit pas nous occuper maintenant Je ferai la même remarque relativement à l’m- fluence de la température opposée, c’est-à-dire, 30 PREMIÈRE PARTIE. de l’eau à zéro, qui a été la plus favorable À la vie des animaux qui y étaient plongés ; car on pourrait m'objecter que ce n’est pas cette température de l’eau qu'ils recherchent en hiver; maisil s'agit ici d’asphyxie, c’est-à-dire, de ce qui se passe hors du contact de l'air. Je ferai voir, dans la suite, le rapport qu'il y à entre ces phénomènes et le genre de vie de ces animaux en hiver. Quant aux différences que la température peut amener dans la quantité d'air contenu dans l’eau, j'en fais abstraction jusqu’à ce que j'examine, d’une manière spéciale, toute l'influence qui peut ré- sulter de la présence ou de l’absence de l'air dans l’eau. Dans les expériences que j'ai faitessur l'influence des diverses températures de l’eau, depuis 0° jus- qu'à 42°, la température moyenne de l'air était de 14° à 15°; celle des grenouilles n’était supé- rieure à la température de l'atmosphère, au mo- ment de l’expérience, que d'environ 1°, 5 ou 2°. n sait que c’est un caractère des animaux à sang froid de suivre les variations de température extérieure, et d’en différer très-peu. Or, on pour- rait me demander si les changemens brusques de température que j'ai fait subir à ces animaux, en les plongeant dans l'eau à des degrés élevés, ne sont pas plutôt la cause de leur mort que cette élévation même de température, puisque le plus haut degré de cette chaleur pourrait être regardé L # CHAPITRE Il. 53 comme modéré ; ne surpassant guère celui de notre sang. Cette question est importante, et exige qu'on l’examine ici; car elle ne tendrait à rien moins qu'à renverser des résultats qui doivent servir de base à d’autres travaux. Mais ces expériences mêmes prouvent le contraire; car si en passant subitement à des températures plus élevées, la durée de la vie de ces animaux a été abrégée, elle a, au contraire, été augmentée dans des transitions également brusques dans l’échelle des- cendante. Les transitions brusques ne sont donc pas la cause des effets nuisibles des élévations de tempé- rature , et c’est à l'augmentation de la chaleur qu'il faut principalement rapporter ces effets. Mais de savoir si des transitions insensibles n’appor- teraient pas des modifications dans ces résultats, est une question qui lient à l'influence de l’habi- tude sur les effets de la température. C'est un objet intéressant de recherches qui nous occupera plus tard. | À peine avons-nous fait les premiers pas dans les recherches expérimentales , en nous occupant d'une question en apparence de la plus grande simplicité, qu'il s’est présenté une foule de consi- dérations qui viennent la compliquer, telles que l'influence du climat , la manière de vivre de ces animaux , l’action de l'air contenu dans l’eau, et ses rapports avec la chaleur, enfin l’effet de 272 PREMIÈRE PARTIE. l'habitude. Il n’y a pas une seule de ces conditions qui ne renferme des élémens nombreux et com- pliqués, dont chacun n’exerce une influence par- ticulière. Pour pouvoir rapporter les effets à leurs causes, dans des expériences où les conditions qui influent sur les résultats sont si compliquées, il faut, au- les autres restant les mêmes, et les combiner en- suite, à mesure qu'on avance dans l'appréciation de chaque condition. C’est ainsi que j'ai considéré la température, en la faisant varier, tandis que toutes les autres conditions étaient, autant que possible, les mêmes. Nous avons, par ce moyen, obtenu une échelle de température depuis o° jusqu'à 42°, avec les durées correspondantes de la vie de ces animaux plongés dans l’eau. Dans cette série d'expériences, la température seule de l’eau a changé : tout d’ail- leurs était semblable : même quantité d’eau aérée, même mode d'expérimenter, même température le jour de l'expérience, même saison. Or, en fai- sant les mêmes expériences, mais en ne variant qu’une de ces conditions , on ajoutera l’apprécia- tion d’une nouvelle cause à celle qui a déjà éte déterminée. 7 CHAPITRE I 53 Le SI. Znfluence des saisons. Parmi les conditions que je viens d'indiquer, la saison est celle qui devait présenter le plus d’inté- rêt, et qui, en général, doit influer le plus sur l’éconbmie animale. Or, en répétant les expé- riences précédentes dans des saisons différentes, on parviendra à apprécier l'influence des saisons. On se rappelle qu'aux mois de juillet et de sep- tembre, les grenouilles vivaient d’une heure à deux heures vingt-sept minutes dans l'eau aérée à 15° ou 17°. J'ai voulu déterminer combienelles vivraient au commencement de novembre , toutes les conditions étant les mêmes, excepté la saison. Le 7 novembre 1817, je me servis du même appareil que dans les expériences précédentes ; je mis dix grenouilles dans de l’eau aérée , dont j'eus soin d'élever et de maintenir la température à 17°, la même qu’en juillet et en septembre. If en est résulté que, dans cette saison , la vie des animaux a varié de 2} 5'à 555 : ce qui fait plus du double de la duréede leur vie, en été, dans de l’eau au même degré. Toutes les circonstances étant les mêmes, excepté la saison, on doit attribuer à cette cause la différence des résiltats. C'est en automne que cette dernière expérience a eu lieu, et l’on voit que cetie saison a considérablement prolongé la vie des grenouilles dans de l’eau au même degré qu'en été. LA 5% PREMIÈRE PARTIE, Mais sous quel rapport la saison a-t-elle pu produire cet effet? Car les saisons présentent une variété de causes qui peuvent agir sur l’économie animale. La température, l'intensité de la lumière, le poids de l'atmosphère, le degré d'humidité ou de sécheresse de l'air, son mouvement, son état électrique ; voilà les principales modifications de l'atmosphère. D’autres causes , en rapport avec les saisons, peuvent dépendre du genre de vie de ces animaux. Il s’agit maintenant de déméler, dans cette foule de causes, celle à laquelle doit se rap- porter, en tout ou en partie, la différence qui a résulté des expériences faites sur les grenouilles en été et en automne. Parmi les modifications de l'atmosphère, nous commencerons par élaguer celles dont les physi- ciens ne tiennent pas un compte exact, telles que l'intensité de la lumière et de l'électricité. Ce n’est pas qu’il faille Les regarder comme sans effet, parce qu'elles ne sont pas appréciées ; mais nous devons en faire abstraction , jusqu’à ce que nous en con- naissions la mesure. Les variations du poids de l'atmosphère ne peuvent pas manquer d’influer sur l’économie animale. Aussi, dans le chapitre pré- cédent, ai-je déterminé un des principaux effets résultant de cette cause, enMlppréciant l'effet de la diminution de pression de l'air sur la transpiration ; mais quelle que soit l'action des pressions variées de l'air , elle peut être regardée comme nulie dans les expériences qui nous occupent ; car la pression CHAPITRE Ils 35 moyenne a peu varié dans les deux saisons où j'ai fait ces expériences. L'état hygrométrique de l'air est une autre con* dition qui modifie la vie. J'ai déjà fait voir la grande influence qu'il exerce sur les batraciens qui-séjournent à l'air; mais on doit la regarder comme nulle lorsqu'ils peuvent habiter l'eau. Par une raison analogue, je ferai également abstrac- tion des vents. il ne nous reste doné de toutes les influences atmosphériques que nous avons énu- mérées que celle de la température ; mais elle n’a pu agir sur les animaux pendant la durée de l’ex- périence; car ils étaient plongés dans de l’eau qui a été maintenue au même degré. dans les deux saisons. Latempérature actuelle de l'air ne pouvait donc pas avoir d'influence. Il n’en est pas de même de la température qui a précédé l’expérience pen- dant un certain espace de temps. Les eaux peu profondes que les grenouilles habitent ne tardent pas à suivre les températures de l'air, et à en approcher plus ou moins. Ces animaux ont donc pu être modifiés par la température de la saison, un certain temps avant l'expérience. Cest sous ce point de vue que nous devons examiner ici les effets dessaisons sur les batraciens. Les grenouilles soumises aux expériences du mois de juillet avaient été, durant le mois précédent, sous l'influence d’une température moyenne de l'air de 14°,8. Celles qui m’ontservi au mois de septembreavaient éprouvé, pendantle mois d'août, l'effet d’unetem- 56 PREMIÈRE PARTIE. pérature moyenne de 15°,5, différence peu con- sidérable. Aussi la durée de la vie de ces animaux, plongés dans l’eau au même degré, a peu différé dans les deux ; mais les grenouilles que j'asphyxiai le 7 novembre, dans de l’eau au même degré que dans les autres expériences, avaient été soumises pendant le mois précédent à une plus basse tem- pérature , dont la moyenne était de 7°,3. Il en est résulté ce fait remarquable, que ces animaux ont pu vivre , dans cette saison , le double de ce qu'ils ont vécu en été dans de l’eau au même degré. En supposant ce résultat constant, et je le prouverai dans la suite, il s’est donc opéré un changement considérable dans la constitution de ces animaux, qui proionge beaucoup leur existence dans Feau. Si l’on pouvait attribuer cet effet à la tempéra- ture antérieure de l'air, on serait arrivé à appré- cier un des élemens les plus importans dans Fin fluence des saisons. Pour s’en assurer , il s’agit de déterminer si la durée de la vie de ces animaux suit toujours ies changemens dans la température de l'air antérieure à l'expérience. Le 23 novembre 1817, l’eau et l'air étant à 10°, et la température moyenne de ce mois ayant été à- peu-près la même, je mis cinq grenouilles dans de l'eau à ce degré. Dans cette circonstance, elles y vécurent de 5* ro" à 11° 40’ : ce dernier terme étant environ le double de la durée de leur vie dans l’eau au même degré en #té. CHAPITRE I. 57 Ces nouveaux résuktatssont frappans, ét prouvent la dépendance qui existe entre la vie des gre- nouilles sous l’eau et la température antécédente de l'air. Les expériences, faites dans les deux saisons, établissent deux faits remarquables : 1°. l’in- fluence de la température de l’eau dans laquelle ces animaux sont plongés; 2°. l'influence de la température de l’air pendant un certain nombre de jours avant l'expérience. On peut même éva- luer l'influence relative deces deux causes. Lors- qu'une seule cause change , elle produit à-peu-près le même effet, quelle que soit celle des deux con- ditions qui varie. Il suit de là que, lorsqu'on réunit les deux influences analogues à la fois, l'effet est double. C’est pourquoi , dans cette dernière expé- rience , Peau étant à 10° , ainsi que la température antérieure de l'air , on obtient une durée de la vie double de ce qui a lieu lorsque l’eau seulement, ou la température précédente de Fair, est seule à 10° ou près de ce terme, comme il est arrivé dans les expériences précédentes. Voilà ce qui a lieu lorsque la température n’est guère plus basse que 10°. Maisil serait intéressant de déterminer si l'influence de la température antérieure de l'air s'arrête à ce terme, ou si elle va en augmentant jusqu'à 0°, en produisant des effets à - peu - près semblables. Pour décider cette question, je fis les expériences suivantes. L.æ 38 u PREMIÈRE PARTIE. Le 22 décembre de la même année, la tempé- rature de l'air ayant été près de o° depuis 20 jours, je mis trois grenouilles dans de l’eau à 10° : elles y vécurent de 20 à 24 heures. Ainsi, l’influence de la température antérieure de l'air s’est manifes- tée encore, dans cette occasion , d’une manière frappante ; car, si l’on compare cette durée avec celle des expériences faites en automne et en été, dans de l’eau au même degré, on verra une pro- gression remarquäble, correspondante aux tem- pératures précédentes de l'air. Les durées de la vie des grenouilles dans de l’eau à 10° étaient , en novembre, doubles de celles qui eurent lieu en été; et, en décembre, les résultats furent doubles de ceux qu’on avait obtenus en aylomne. Tel est l'effet de l’abaissement de température de l'air jusqu’à zéro, pendant vingt jours avant l'expérience où l’eau a été à 10°. Siles conséquences que nous avons tirées des expériences précédentes sont justes, on devrait, en réunissant la tempé- rature précédente de l'air à o°, et celle de l’eau également à o° pendant l’expérience, obtenir un bien plus grand effet, qui devrait être au moins du double du précédent, si les mêmes causes agis- sent ici dans la même proportion. Pour vérifier cette conjecture , je fis l'expérience suivante. Le 23 décembre, la température de Pair étant à o°, et ayant été à-peu-près à ce degré depuis le commencement du mois, je mis quatre grenouilles CHAPITRE II. 59 dans de l’eau également à o°, en me servant du même appareil et des mêmes quantités d'eau que dans les expériences précédentes. Dans cette nou- velle condition, elles vécurent de 24 à 60 heures, qui sont au moins le double de la durée pré- cédente. Cette expérience a donc pleinement confirméla conclusion que je cherchais à vérifier; mais, comme un résultat pareil a besoin d’être répété pour étre regardé comme constant, je dirai, pour ne laisser aucun doute à cet égard , que je ne me suis pas contenté de répéter souvent la même expérience pendant un hiver , mais que j'ai obtenu le même résultat deux années de suite. ” Il suit de ce qui précède que l'influence de l’a- baissement de la température de l'air, qui a sub- sisté un certain nombrede jours avant l'expérience, s'étend jusqu’au terme de o°; mais on sent bien que c’est ici la limite inférieure de cette influence, puisque les animaux qui habitent l’eau sont, par la nature même de ce liquide , à l'abri d’un plus grand abaissement de température. Si, par un plus grand froid , l'eau où ils séjournent venait à se geler, ils se trouveraient dans une condition diffé- rente, qui doit être examinée à part, et qui appar- tient à l’asphyxie considérée dans les corps solides. Il était intéressant de savoir si l'influence de la température antérieure de l'air se ferait sentir dans la durée de la vie des batraciens plongés dans de l’eau élevée à de plus hautes températures. Je 40 PREMIÈRE PARTIE. cherchai donc à déterminer si le terme de 42°, qui était celui où les batraciens périssent presque subi- tement en été, ne serait pas reculé, en faisant la même expérience sous l'influence d’une tempéra- ture antécédente beaucoup plus basse que celle de cette saison : c’est pourquoi, le 30 octobre, la température moyenne de Pair ayant été à 7° pen- dant tout le mois, je mis six grenouilles dans de eau chauffée à 42°, et maintenue à ce terme. Mais elles vécurent sensiblement le même temps que dans les expériences analogues que je fis en été, c’est-à-dire d’une à deux minutes. Je fis la même expérience le 23 décembre, lors- que la température de l’air, pendant tout le mois, avait été voisine de zéro , et j’eus le mêmerésultat. Ainsi, la même limite de température de l’eau met un terme à l'existence des grenouilles dans les di- verses saisons, quelle que soit la température précédente de l'air. J'ai répété ces expériences sur les crapauds et es salarmandres avec les mêmes résultats. Je me bornerai ici à ces observations sur la tem- pérature. Les faits qu’elles constatent serviront à éclairer ce qui se passe chez les mêmes animaux placés dans d’autres conditions. Bien d’autres questions relatives à ce sujet se présenteront dans la suite, à mesure que nous avancerons dans l’exa- men de chaque cause capable d’influer sur l’éco- nomie animale et dans létude de la combinaison de ces causes. + CHAPITRE LI. 41 CHAPITRE JIL De l'Influence de lP Air contenu dans l’eau. Dis le chapitre précédent, j'ai commencé d’exa- miner les causes qui pouvaient faire varier les phénomènes de l’asphyxie. En me bornant à la seule influence de la tem- pérature, j'ai constaté que, suivant le degré, elle faisait considérablement varier la durée de la vie des animaux que j'ai soumis à mes expériences. Il en résulte que les batraciens , plongés dans l’eau, y vivent d'autant plus long-temps qu’elle est plus froide, et que la température de l’atmosphere, pendant un certain temps avant l’expérience, a été plus basse. Ces faits me conduisent naturelle- ment à examiner quelle est la limite de cette in- fluence, à rechercher la plus grande durée de la vie de ces animaux privés'de l'air extérieur par le submersion dans l’eau , lorsque toutes les circon- stances favorables dépendantes de la température concourent à prolonger la vie. Les grenouilles passent-elles l'hiver sous l’eau, sans venir respirer à la surface pendant tout le cours de cette saison ?Ou peut-on croire qu’elles ÿ vivent ainsi un temps plus considérable encore, 42 PREMIÈRE PARTIE. c'est-à-dire, depuis leur retraite en automne jusqu’à leur retour au printemps ? Spallanzani n’était pas de cet avis : d’après les renseignemens que lui donnèrent les pêcheurs de grenouilles des environs de Pavie, il rapporte qu'elles quittent, en octobre, les eaux des rivières de ce pays, pour se retirer dans du sable humide où elles se ménagent une ouverture que les pé- cheurs appellent i£ respiro della rana( lesoupirail de la grenouille ). Les pêcheurs lui portèrent de ce sable, qu'il eut soin d’humecter, et il vit les grenouilles qu’il y posa se comporter comme les pêcheurs le lui avaient appris. Cependant des naturalistes français rappor- tent que les grenouilles font leur retraite dans l'eau pendant la saison froide, depuis le mois d’oc- tobre jusqu’au printemps. Le témoignage d’un de ces savans décide la question, relativement à la France. M. Bosc, qui a observé avec un soin par- ticulier les mœurs des batraciens, a souvent trouvé des grenouilles séjournant sous l’eau pen- dant l’hiver. Il en a pêché, dans cette saison, un nombre considérable. Mais comment vivent-elles sous l’eau? Restent-elles toujours au fond? Ne viennent-elles pas de temps en temps respirer Pair à sa surface ? Comment l’obserwation la plus atten- tive pourrait-elle constater le contraire? Quand même on resterait sur les bords, les yeux fixés sur l’eau, comment s'assurer que ces animaux n'é- chappent pas à nos regards, en venant humer l'air CHAPITRE III. 45 à la surface? Et en admettant qu'ils ne sauraient se soustraire à notre vue, il faudrait pouvoir passer à les observer tout le temps que ces animaux peu- vent se dispenser de respirer. Or, on a vu, par les expériences précédentes, qu’en hiver, elles ont vécu sous l’eau l’espace de deux jours et demi. L’obser- vation directe ne saurait donc apporter la preuve que les grenouilles passent l'hiver sous l’eau sans respirer. On pourrait alléguer en faveur de celte opinion, qu’on en a trouvé de vivantes sous la glace; mais ces faits , qu’on a sans doute souvent observés , ne sont pas assez circonstanciés pour servir de preu- ves. Il aurait fallu constater le nombre de jours depuis la formation de la glace, et s'assurer qu’il n'y eût point d'ouverture. M. Bosc m'a appris qu'il a vu, en hiver, des grenouilles sortir de l'eau plusieurs jours de suite, à une heure déter- minée, et aller respirer à terre pendant un court espace de temps. Dans les expériences oies que j'ai faites, pendant les hivers de 1816 et 1817, sur l’asphyxie des grenouilles dans une quantité déterminée d’eau acrée , elles n’y ont jamais vécu plus de deux jours et démi , dans les températures les plus propres à prolonger leur existence pendant leursubmersion. Spallanzani, dans une expérience, a vu qu’une grenouille vécut huit jours sous l’eau à une tem- pérature qui varia d’un demi-degré à 1° au-dessus de 0°, etil ajoute qu'à une température plus élevée 44 PREMIÈRE PARTIE. elle serait infailliblement morte dans l’espace d’un jour; mais la température , pendant la longue sai- son de la retraite des grenouilles , varie beaucoup. On ne saurait donc conclure, d’après les faits çon- nus, que les grenouilles passent l'automne et l'hiver sous l’eau, sans venir, de temps en temps, respirer à la surface. Supposerait-on qu’elles peuvent avoir cette fa- culté , parce qu’elles seraient engourdies pendant leur hivernation ? Mais l'engourdissement ne dis- pense pas les animaux de la nécessité de respirer. D'ailleurs , comme M. Bosc le remarque, les gre- nouilles ne passent pas l'hiver dans un état d’en- gourdissement, si, par ce mot, on entend l’ab- sence du sentiment et du mouvement volontaire. Elles sont moins actives pendant le froid; mais elles se meuvent à la température de zéro. Dans les expériences que j'ai faites sur l'influence de la température dans lasphyxie, jai eu occasion de reconnäaître la justesse de cette observation. Js — qu'ici nous ne nous sommes pas occupé de l’action de l'air contenu dans l’eau; l’étude de ce sujet nous conduirait peut-être à connaître une nou- velle condition qui influerait sur la durée de ta vie des grenouilles sous l’eau, et à trouver la s0o- lution de la question que nous examinons. Des expériences seules pourraient nous éclairer, et je n’en connais qu'une faite à ce sujet. Spallan- zani mit une grenouille dans de l’eau privée d'air par l’ébullition , et une autre dans une égale quan- CHAPITRE HN. 45 tité d’eau aérée, La grenouille qu'il avait plongée dans de l’eau non aérée donna, au bout de dix heures , des signes d’une mort prochaine , et celle qui se trouvait dans de l’eau aérée ne fut dans cet état qu'au bout de vingt heures. Mais cette expé- rience, la seule que ce savant ait faite à cet égard , ne peut rien décider. La seule différence dans les forces des individus suflit, dans certaines saisons, pour en produire une aussi grande dans la durée de leur vie, lorsque toutes les circonstances extérieures sont les mêmes. L'influence que Pair renfermé dans l’eau exerce . sur la vie des poissons a été examinée avec le plus grand soin par Spallanzani , par M. Sylvestre et MM. de Humboldt et Provencal. Les travaux de tous ces savans ont fait connaitre des faits du plus grand intérêt pour l'histoire des poissons; mais on n'en peut appliquer les résultats à des animaux d'une autre classe. Les poissons ont des ouïes ou branchies ; appareil propre à recevoir Faction de l'air renfermé dans l’eau où ces animaux sont con- finés. Les grenouilles adultes , ainsi que les cra- pauds et Les salamandres , ne sont pourvus que de poumons , organes destinés à respirer uniquement l'air de l'atmosphère , soit que ces animaux habi- tent les eaux, soit qu ils Hi ins sur la terre; cette faculté 4 >s deux élémens ne les rend pas an A dans le sens que quelques naturalistes attachent à ce mot. Dans cette accep- tion, un amphibie doit jouir de la double faculté de 46 PREMIÈRE PARTIE. respirer l'air de l'atmosphère et de vivre aux dépens de l'air contenu dans l’eau; mais on ne reconnait ces deux moyens d'existence dans aucun des rep- tiles adultes, excepté le protée et la sirène; et M. Cuvier à fait voir que l’axolotl a toute la struc- ture d’une larve de salamandre.Si les têtards et ces animaux singuliers, qu'on a joints à la famille des batraciens, ont le privilége de respirer l'air de l'atmosphère et celui de l’eau, ils sont aussi pourvus d’un double appareil de branchies et de poumons, qui caractérise cette double faculté. Rien ne peut donc faire présumer que les batraciens adultes, qui ne sont pas munis de ces deux genres d’or- ganes, jouissent de l'avantage qui résulterait de leur présence. La question de savoir quelle in- fluence exerce sur ces animaux l'air contenu dans l'eau est donc une question nouvelle qui pour- rait présenter un grand intérêt , et que j'ai cher- ché à resoudre par l'expérience. Au moyen de l’é- bullition, j'ai privé l’eau de l'air qu’elle con- tenait. On sait, d’après les expériences de MM. de Humboldt et Provençal, qu'il en existe quelques atômes dans l’eau qu’on a fait bouillir dans des vaisseaux ouverts; mais cette quantité, à peine appréciable , pouvait être négligée dans ces expé- riences, comme on le verra tout-à-l’'heure. CHAPITRE Jile 47 SL. Des Quantites limitées d'eau. Je me suis servi de verres de la capacité de 0,2". que je remplis d’eau bouillie et refroidie à la tem- pérature de l’atmosphère; je les renversai sur des soucoupes contenant environ 0,02** de la même eau. Je remplis un égal nombre de verres d'eau aérée à la même température , et renversés dans de semblables soucoupes; j'avais préalabJe- ment introduit une grenouille dans chaque verre. Je les mis concurremment en expérience , et je notai la durée de leur existence dans ces deux conditions différentes. Les grenouilles plongées dans l’eau aérée ont, en général, vécu plus long-temps que celles qui étaient mises dans l’eau non aérée ; mais dans ces expériences, que j'ai souvent répétées, les diflé- rences n'étaient n1 assez tranchées ni assez con- stantes pour que ce résultat fût décisif. Il suit seu- lement de cette série d’expériences que la petite quantité d’eau dont je me suis servi ne renfermait pas assez d'air pour produire des différencés mar- quées et constantes. À plus forte raison, les parti- cules d’air qui restent dans l’eau après l’ébullition, dans les vaisseaux ouverts, ne sauraient avoir d'in- fluence sensible sur la vie des grenouilles qu'on submerge dans ce liquide, quoique MM. de Hum- boldt et Provencal aient observé qu’elles en avaient une très-marquée sur les poissons : c’est pourquoi je 45 PREMIÈRE PARTIE. n'ai pas eu recours au procédé qu'ils ont employé pour purger entièrement l’eau des dernières par- ticules qui y restent lorsqu'on suit la méthode or- dinaire. S1 les expériences précédentes n’ont pas donné, dans plusieurs cas, des différences assez tranchées ni assez constantes, elles devaient au moins me porter à faire d’autres essais dans lesquels la quantité d’eau aérée serait plus considérable, afin d'augmenter la quantité d’air. Le 10 novembre, l'air étant à 11° et l’eau à 15°, je remplis d’eau aérée six verres semblables aux précédens, et je les renversai sur la tablette d'une cuve à eau, au-dessus des ouvertures qui sÿ trouvent. La cuve contenait cinquante-six litres d’eau de Seine. J'avais mis une grenouille dans chaque verre; j'en placai autant dans des verres semblables, contenant de l’eau bouillie et refroidie à la température de celle de la cuve; les verres étaient placés sur des soucoupes. Les grenouilles qui étaient dans l’eau privée d'air vécurent de 3". 40’ à 5". 30'; celles qui se trouvaient dans l’eau aérée, de 6" 45'à 10" 40": ainsi les grenouilles dans l’eau aérée vécurent deux fois plus long-temps que celles qi étaient dans l'eau privée d’air. Comme dans ces douze expériences, chacun de ces animaux, dans l’eau aérée, vécut plus long- temps, que tous ceux qui étaient dans l’eau pri- vée d’air, je crois pouvoir regarder ces différences CHAPITRE Ille 49 comme assez considérables et assez constantes pour conclure que l’eau aérée, comparée à l'eau privée d'air, prolonge la vie des grenouilles qu'on y sub- merge ; mais il ne s'ensuit nullement qu'elles puissent y prolonger leur existence d’une manière indéfinie. ° S IL. Eau stagnante renouvelée par intervalles, Quoiqu'il ne parût nullement probable que les grenouilles, dépourvues d'organes spéciaux pour agir sur l'air contenu dans l’eau, fussent en état d’y vivre comme les poissons ; et que Spallanzani eut inutilement tenté des expériences à cet égard, je crus devoir ne rien négliger pour déterminer l’in- fluence de l’eau aérée sur l'existence des grenouilles dans ce liquide. Dans cette vue, je fis l'expérience suivante : Le 4 décembre, la température de Pair de l'appartement étant à 6°, je me servis d’un vase cy- lindrique de verre de la capacité de dix litres; je le remplis d’eau d’Arcueil; j'y mis un mâle de la grenouille rousse (rana temporaria, Linn. ); je plaçai dans le vase un diaphragme de fil de fer pour empêcher l'animal de venir respirer à la surface. Je laissai l'appareil en cet état jusqu'au lendemain, où je trouvai la grenouille vivante , comme je de- vais m'y attendre, d’après toutes mes expériences précédentes. Je soutirai l’eau au moyen d’un siphon qui passait à travers une des mailles du diaphragme, 4 5o PREMIÈRE PARTIE. et j'en laissai un peu pour que l'animal fût tou- jours submergé. Je remplis de suite le vase d'autre eau , et je continuai à la renouveler ainsi les jours suivans. Non-seulement la vie de la grenouille sous l'eau se prolongea plus long-temps que dans aucune de mes exphriences précédentes, et au-delà du terme de huit jours, obtenu par Spallauzani dans une expérience où la température était à 1° ou 0,5° au- dessus de 0°; mais elle vécut tout le mois de dé- cembre, tout celui de janvier, et même jusqu’au 25 février; ce qui fait une durée de plus de deux mois et demi. Lorsqu'elle y mourut on avait oublié de changer l'eau, qui avait été, jusque là, renouvelée tous les jours. La température, pendant cet espace de temps, avait varié entre o° et 11°; l’eau était à cette dernière température lorsque l'animal périt. Dans ce long intervalle jamais la grenouille n’a paru privée de l’usage de ses sens et de la locomo- tion, pas même lorsque l’eau était à zéro : nou- velle preuve que les grenouilles, comme je l'ai déjà observé, ne sont pas engourdies sous l'eau, même à la température de la glace. Voici donc une expérience décisive qui établit qu'une grenouille peut vivre plusieurs mois sous l'eau sans jamais venir respirer à la surface, pour- vu que ce liquide soit en quantité suflisante et convenablement renouvelé. Elle y vit aux dépens de l'air qui s’y trouve dissous; car si l’on néglige de renouveler l’eau ,ou si l’on emploie de l'eau pri- CHÉPITRE IlT4 St vée d'air, elle ne tarde pas à y périr. Un des résul- tats Les plus remarquables de cette expérience, est que les grenouilles sont des animaux vérita- blement amphibies, puisqu'elles ont la faculté de vivre sur la terre, en respirant l'air de l’atmosphere, et de vivre sous l’eau aux dépens de l'air que con- tient ce liquide, sans avoir un besoin indispen- sable d'y suppléer en s’élevant à la surface pour puiser dans l'air extérieur. Les tétards, qui sont pourvus de branchies et de poumons, me paraissaient devoir vivre sous l’eau aérée sans venir respirer à la surface : j'ai cepen- dant voulu m'en assurer par une expérience di- recte. Je me suis donc servi du même appareil que dans l'expérience où j'ai constaté que les gre- nouilles pouvaient vivre plusieurs mois sous l'eau, et J'ai obtenu le même résultat avec les tétards. Quoique ces animaux aient la double faculté de vivre aux dépens de l'air de l'atmosphère et de celui de l’eau, ils ne peuvent cependant habiter la terre avant l’entier développement de leurs membres ; mais les grenouilles jouissent également de la fà- culté de respirer dans Fair et dans Peau, quoi- qu’elles soient dépourvues du double appareil de poumons et de branchies; et elles peuvent égale- ment habiter la terre et l’eau. 92 PREMIÈRE PARTIE. S Pl. Action de l’euu aérée sur la peau. Examinons maintenant quel est lorgane qui est en rapport avec l'air contenu dans l’eau lors- que ces animaux y séjournent. J’observerai d’a- bord qu'ilserait possible que les grenouilles, vivant sousl’eau, fissent entrer ce liquide dans leurs pou- mons, et que ces organes remplissent alors Îles fonctions de branchies en agissant sur l'air de l'eau : c’est ce qu'on pourrait vérifier en les ob- servant lorsqu'elles sont sous l’eau, dans un vase transparent. On sait que le mécanisme de leur respiration est différent du nôtre. Elles avalent l'air de l'atmosphère et le font entrer dans leurs poumons, de manière que leurs inspirations se reconnaissent à des mouvemens de déglutition. Les mouvemens de la gorge sont manifestes, et ne peuvent échapper à l'observation. C'est pourquoi je me suis particulièrement attaché à remarquer ce qui se passe, chez ces animaux plongés sous l’eau. Si l’on observe une grenouille à Pair, et que l'on compte les mouvemens de sa gorge, on voit qu’elle fait environ de quarante à cent inspirations dans une minute. Si on la plonge sous l’eau, elle cesse à l'instant tout mouvement de déglutition, et quel que soit le temps qu’elle y reste submergée, 11 est rare qu'on observe des mouvemens respira- toires. Pendant les deux mois et demi qu'a duré l'exptrience où J'ai fait vivre une grenouille sous pe CHAPITRE III, 23 l'eau, je n'ai jamais vu aucun mouvement de dé- elutition ; et en supposant qu'elle ait respiré quel- quefois dans les momens où je ne l’observais pas, quelle influence à pu avoir sur la vie quelques m- spirations rares dans un si long espace de temps, lorsque l’on considère qu’à l'air cet animal res- pire si fréquemment ? Une expérience de M. de Humboldt est analogue à celle que je viens de rapporter, et en confirme le résultat. Ayant compté le nombre d’inspirations d’une grenouille dans une quantité déterminée d’air atmosphérique, 1l y introduisit une mesure d'azote, et vit aussitôt le nombre d’inspirations diminuer. Il augmenta successivement le nombre des mesures d'azote, et vit aussi le nombre des inspirations diminuer graduellement; mais ni l'azote, ni l'hydrogène, ni l'acide carbonique n'’agissent aussi puissam- ment que l’eau pour arrêter les inspirations..J’ai souvent observé dos mouvemens de déglutition chez les grenouilles plongées dans ces gaz. Spal- lanzani l'avait déjà remarqué ; mais dans les nom- breuses expériences que j'ai faites sur l’asphyxie des grenouilles dans l’eau acrée, il ne m'est arrivé que dans un très-petit nombre de cas de voir quelques mouvemens de déglutition, et Spallan- Zani n'a jamais eu l’occasion d’en observer. Ces expériences pourraient être regardées comme suffisantes pour constater que ce n'est pas au moyen des poumons que ces animaux reçoivent l'influence de l'air; mais ce fait me parut trop im- E4 PREMIÈRE PARTIE. portant pour ne pas le soumettre à un examen plus approfondi. Si les grenouilles prolongent leur existence sous l'eau aérée en inspirant ce liquide, il faudrait au moins en trouver dans leurs pou- mons. Après en avoir laissé long-temps dans l’eau, - je les ai retirées; en usant de beaucoup de pré- cautions, J'ai mis les poumons à découvert, et je n’y ai pas trouvé d’eau. Cette expérience, que j'ai fréquemment répétée, m'a toujours donné le même résultat, Spallanzani, qui a ouvert un grand nombre de grenouilles après les avoir as- phyxiées dans l’eau, n’a jamais/trouvé d’eau dans leurs poumons. Les grenouilles font un mouvement d'expiration en resserrant leurs flancs : or, si un petit nombre d’expirations suffisait pour vider leurs poumons, on pourrait supposer que lorsqu'on retire de Peau une grenouille pour examiner ses poumons, elle aura eu le temps de les vider avant qu’on ait pu les mettre à nu; mais les observations suivantes prou- vent le contraire. D'abord, lorsqu'on met une grenouille dans un vase d’eau renversé sur une cuve, on ne tarde pas à voir quelques bulles d'air. s'échapper de sa poitrine. Ces bulles se dégagent à différens intervalles, et il faut souvent plusieurs heures pour qu’on ne trouve plus d'air dans les poumons. En second lieu, lorsqu'on tient une grenouille dans Pair, et qu’on lui ouvre les flancs avec précaution, pour ne pas léser les poumons, on y irouve toujours de l'air. Or, la douleur qu’elles CHAPITRE ‘Il. 55 éprouvent alors, et les mouvemens qu'elles font, ne sufisent pas pour expulser lair dans cet es- pace de temps. Ainsi, l'air contenu dans l’eau n'agit point sur les poumons des grenouilles qui ,yséjournent. On ne peut donc rapporter son action LL qu'à la peau; car c’est le seul organe en con- tact avec ce liquide. Mais comment l’eau aérée agit-elle, en ce cas, sur la peau ? Est-ce comme sur les branchies des poissons ? C'est ce que j'examinerai dans une autre occasion. Tout ce qui concerne les altérations que lés organes font subir à l'air est étranger à ce travail. Je dois donc me borner ici au fait que je viens de constater, que les grenouilles peuvent vivre plusieurs mois sous l’eau aux dépens de l'air qui sy trouve, et que la peau est l'organe qui recoit l'influence de ce fluide. J’ajouterai seulement que pendant qu’elles vivent sous l’eau aérée, journel- lement renouvelée, on peut voir que les vaisseaux des membranes placées entreles doigis contiennent un sang vermeil. S IV. Zau courante. Dans l'expérience précédente, Peau était en repos autour de la grenouille; mais vivrait-elle submergée dans l’eau courante? Cette question semblerait peut-être oiseuse , si Spallanzani n'avait pas conclu de ses expériences qu’elles mouraient EG PREMIÈRE PARTIE, plutôt dans l’eau courante que dans l’eau stagnante des vases de son laboratoire. J'ai cherché à décider cette question de la ma- nière suivante : le 6 novembre, je mis une gre- nouille dans un filet, auquel j'avais suspendu un poids; je le jetai au fond delaSeine, dansun endroit où il y avait dix pieds d’eau ; je l’attachai ensuite à un bateau immobile. Le 1 1 du même mois, jeretirai lefilet, et je trouvai la grenouille vivante et en très- bon état. Je la remis de suite dans l’eau, et, l'ayant retirée le 17, je la trouvai également vivace. Mais à la même époque, des grenouilles plon- gées sous des verres contenant deux décilitres d’eau aérée, et non renouvelée, ne vivaient que quel- ques heures. Je pensais que lessalamandres aquatiques étaient douces , ainsi que les grenouilles, de la faculté de vivre sous l'eau aux dépens de l'air de ce liquide : pour m'en assurer, je mis, le 6 décembre, unesa- lamandre crêtée dans dix litres d’eau d’Arcueil, en Ja tenant sous la surface au moyen d'un dia- phragme de fl de fer, et en renouvelant l’eau tous les jours : elle y vécut jusqu’au mois de février. Je fis une expérience semblable sur la salamandre abdominale de M. Latreille : elle vécut ainsi plus de six semaines, et périt en même temps que la grenouille, l’eau n’ayant pas été renouvelée. Je remarquai, à l'égard de ces deux espèces de salamandres, que ni l'une ni l’autre ne s’est en- gourdie dans l’eau à la température de zéro. LL CHAPITRE II. 57 Si les salamandres aquatiques et les grenouilles ont la propriété de vivre sous l’eau aérée et en quantité suflisante, on ne peut rien en conclure, par analogie, en faveur du crapaud brun, qui est une espèce terrestre. . Le 6 novembre 1817, j'enfermai un crapaud dans un filet, auquel je suspendis un poids; je le coulai dans la Seine et l’attachai à un bateau im- mobile, Le crapaud vécut sous l’eau depuis cette époque jusqu'au 17; ce qui fait un espace de onze jours. Lorsqu'un mois après je retirai le filet, je m'aperçus que l'animal s'était échappé. Il est à remarquer -qu'à la même époque, les crapauds que je mettais dans deux décilitres d’eau aérée n'y vivaient que quelques heures. L'expérience que je viens de rapporter suffit donc pour prouver que le crapaud commun jouit aussi de la faculté de vivre sous l’eau aux dépens de l’air qu’elle renferme. $ V. Limites de ce genre de vie. Après avoir déterminé que cette faculté appar- tient aux trois genres de batraciens que j'ai soumis à mes expériences , il importait de rechercher les conditions qui pouvaient influer sur ce genre de vie. C'est pourquoi il était nécessaire d'examiner si ces animaux jouiraient du même avantage dans d’autres saisons , et quelle serait l'influence de la température. > - * _ E& PREMIÈRE PARTIE. On pourrait croire qu'à lPépoque où les gre- nouilles quittent leurs retraites au printemps, elles ne sont plus propres à demeurer sous l’eau; car alors il s’est opéré en elles une révolution marquée ; elles sont dans la plus vive excitation, et certaines parties de leur corps subissent des - Changemens visibles : le pouce du mâle, par exem- plié, comme on sait, se gonfle et noircit d’une manière’ remarquable : ce changement annonce l’époque de leurs amours. J’ai voulu m'’assurer si, dans cette saison, elles perdent ou conservent la faculté .de subsister sous l’eau. Le 7 mars 1816, Peau étant à la température de 8°, j’attachai une grenouille par la patte au fond d’un vase de terre contenant. 28 litres d’eau d’Arcueil; j'eus soin, comme dans les expériences précédentes, de re- nouveler l'eau tous les jours : la grenouille ÿ vécut vingt jours. La température de l'eau, pendant cet espace de temps, ne s'était pas élevée au-dessus de 10°. ï Les grenouilles peuvent donc vivre sous l’eau atrée et suflisamment renouvelée, long-temps après l’époque où elles paraissent au printemps. J'ai également déterminé qu’elles jouissent de cette faculté en automne, à l'époque où elles com- mencent à disparaître. Mais leur existence dans l’eau est-elle illimitée ? Ne faut-il avoir égard qu’à la seule quantité d’eau aérée ? Et la température, qui a une si grande influence sur les batraciens plongés dans des CHAPITRE NI. 59 quantités déterminées d’eau, ne se ferait-elle pas sentir lorsque l'eau est en quantité indéfinie ? Nous avons vu, dans des expériences faites au printemps de 1816, qu'une grenouille, après avoir vécu vingt jours sous l’eau aérée et renouvelee tou- tes les vingt-quatre heures, mourut le vingtième jour, et que la température de l’eau ne s'était guère élevée au-delà de ro°. En automne, au mois d'octobre 1817, une gre- nouille vécut sous l’eau, dans le vase de terre que j'ai décrit plus haut, l’espace de onze jours. Dans cet intervalle , la température varia entre 9° et 12°, et c’est lorsque l’eau fut à 12° que l'animal mourut. Ces expériences m’engagèrent à en faire de nouvelles pour déterminer si une aussi faible élévation de température pouvait influer sur l'existence de ces animaux sous l’eau aérée et sufhi- samment renouvelée. Le 12 avril, l’eau étant à 12°, je mis une gre- nouille dans une cuve contenant 56 litres d’eau de Seine, et je la retins au fond par une ficelle attachée à un poids; je la trouvai morte le lende- main. Je fis la même expérience plusieurs jours de suite avec le même résultat. L'eau s'était élevée, dans cet intervalle, jusqu’à 14°. J'ai répété ces expériences sur les crapauds et les salamandres, avec le même résultat. Ainsi, dans des vases qui contiennent 12 Litres d’eau aérée, les batraciens peuvent vivre facilement, sans venir respirer à la surface, tant qu’on re- Go PREMIÈRE PARTIE. nouvelle l'eau tous les jours, et qu’elle se trouve entre o° et 10° centigrades ; mais lorsqu’elleest à ce degré, ces animaux ont de la peine à exister, et pé- rissent bientôt si la température arrive à 1 2° ou 14°. Ces effets de la température sont bien remar- quables, et sont plus frappans que ceux que nous avons exposés dans le chapitre précédent, dont 1ls confirment les résultats. Dans les expériences que je viens de rapporter, les animaux étaient tenus dans des vases dont on renouvÿelait eau toutes les vingt-quatre heu- res. Mais éprouveraient-ils le même effet délétère de cette faible élévation de tempéraure, s'ils étaient tenus sous l’eau des étangs et des rivières ? Lorsqu'ils y vivent en liberté, rien ne les em- pêche de venir à la surface quand l’eau est à cette température. Cependant si ces animaux y étaient retenus de manière à ce qu'ils ne pussent monter à la surface pour respirer, succomberaient-ils à la même température qui leur est si fatale dans les: vases où je les ai soumis à l’expérience ? On pourrait d'abord croirequeles circonstancessont les mêmes, parce que les quantités d’eau, dans l’un et l’autre cas, sont indéfinies, puisqu'on la renouvelle dans ces vases; mais le renouvellement de ce liquide, une seule fois par jour, pourrait ne pas suflire aux besoins de l'animal, tandis que, dans une rivière, l’eau se renouvelle constamment. Comme cetie CHAPITRE IT. Gr différence dans les conditions pouvait en apporter dans Les résultats, je voulus m'en assurer par l’ex- périence suivante. Le 12 avril, je mis sept grenouilles didcux crapauds dans un panier d’osier, qui fut assujetti sous l’eau de la Seine ; la température de la rivière, prise. à la surface, était de 12°: à ce terme, les grenouilles ne vivaient plus dans cinquante- six litres d’eau renouvelée une fois toutes les vingi- quatre heures. Le 20 du même mois, je les retirai, et sur les sept, quatre étaient mortes : les deux crapauds vivaient encore. La température s'était soutenue à 12°. Îl y avait donc une différence marquée entre ce qui se passait dans les vases et ce qui avait lieu dans la rivière. L'eau courante à 12° était beau- coup plus favorable à la vie des grenouilles. De- vait-on l’attribuer à une différence de tempéra- ture à la surface et au fond? Pour m’en éclan- cir, je remplis d’eau une bouteille que je bouchai, et que je coulai à l'endroit où se trouvait le panier, à la profondeur de cinq pieds et demi. Je la retirai vingt - quatre heures après; je trouvai la tempé- rature de l’eau qu’elle renfermait exactement Ja même que celle de la surface.Lia même expérience, répétée plusieurs fois dans ce mois, me donna le même résultat. Des deux crapauds, Fun fut trouvé mort le 5 mai, l’eau étant à 16°, et l’autre le r9 du même mois, l’eau étant à 17°. Le 13 juin il restait encore 62 PREMIÈRE PARTIE. une grenouille vivante sur lessept qui avaient été mises dans la rivière le 12 avril. Dans cet intervalle de plus de deux mois, la température a varié de r 2° jusqu’à 22°. Dans les premiers huit jours plus de la moitié des grenouilles mourut entre 12° et 14° ; une seule a résisté à une température de 22°. En comparant les expériences faites dans les vases avec celles qui ont eu lieu dans la rivière, on voit que cette dernière condition a été, en gé- néral, plus favorable à la vie des batraciens. Cepen- dant, dans ces deux cas, on a employé la même - eau; elle était aussi à la même température. La seule différence appréciable est celle du renou- vellement continuel de l’eau par le courant de la rivière. $ VI. Action combinée de l’eau, de l'air et de la température. Dans la vie des grenouilles sous l’eau, il y a donc au moins trois conditions qui influent puis- samment sur leur existence : la présence de Pair dans l’eau, la quantité ou le renouvellement de ce liquide et sa température. Le rapport de ces trois causes mérite une con- sidération particulière. Nous avons examiné Ja première avec une grande attention, et nous avons constaté que l'air contenu dans Peau pouvait en= tretenir la vie des batraciens plongés dans ce li- quide. Mais comment la température influe-t-elle CHAPITRE LI, & G3 en ce cas? Puisque l’air est la première des coi:di- tions pour prolonger l'existence de ces animaux sous l'eau, on pourrait croire que l'élévation de température agit en diminuant la quantité de ce fluide. Mais la température qui est fatale aux gre- nouilles séjournant sous l’eau aérée et souvent renouvelée, ne change point d’une manière mar- quée les proportions de l'air contenu dans ce li- quide. M. de Humboldt, dans le travail qu'il a fait avec M. Provencal sur la respiration des pois- sons, a constaté que l’eau de la Seine contenait sensiblement la même quantité d’air dans les di- verses analyses qu'il en a faites, du mois de sep- tembre au mois de février. Or, la température de la Seine, dans cet espace de temps, varie au moins de o° à 16 ou 17°, température supérieure à celle où J'ai trouvé que le plus grand nombre de gre- nouilles périssait dans la Seine lorsqu'elles y étaient submergées. Puisque la quantité d’air reste la même, et qu'il n'y a que le degré de la température qui varie, c'est à cette cause qu'il faut attribuer les résultats différens. Les expériences rapportées dans le dernier chapitre s'accordent parfaitement avec celles que je viens d'exposer. J'ai prouvé précédemment que lorsqu'on submerge des grenouilles dans deux dé- cilitres d’eau aérée, la durée de leur vie y est d'autant moindre, que la température s’élève da- 64 PREMIÈRE PARTIE. vantage de 0° à 42°, terme où elles meurent pres- que subitement ; et que, dans toute l'étendue de cette échelle, un petit nombre de degrés suffisait pour produire une grande différence dans la durée de la vie de ces animaux. La température ascen- dante, à partir de o°, tend donc à abréger la vie des grenouilles sous l’eau. Je viens de faire voir que l’air renfermé dans l'eau a une influence contraire, qu'il tend à pro- longer la vie des batraciens séjournant sous ce li- quide, et que la durée de la vie de ces animaux augmente avec les quantités d’eau aérée. Lors- qu'ils se trouvent dans dix litres d’eau aérée qu’on renouvelle une fois par jour, et que la tempé- rature est comprise entre o° et 10°, la chaleur n'est pas assez élevée pour balancer l'effet vivifiant de l'air; mais lorsqu'elle ést arrivée à ro° et 12°, l'influence délétère de l'élévation de température l'emporte sur l'action vivifante de Pair contenu dans l’eau, et les animaux y meurent, à moins qu'en n’augmente la quantité d'air. Or, on peut augmenter la quantité d'air en fournissant dans le même temps une plus grande quantité d’eau aérée : c'est pourquoi une partie des grenouilles qu'on met dans une eau courante résiste à la température qui leur serait fatale dans les vases dont l’eau n’est renouvelée qu’une fois par jour; mais l'influence du renouvellement de l’eau est tres-bornée au-delà de certaines limites; car ce liquide, comme on sait, ne contient qu’une petite CHAPITRE IE. 65 partie de son volume d'air, et M. de Humboldt a déterminé que l'eau de la Seine n’en contient que +. Or, l'air étant en si petite quantité dans ce liquide, quoiqu'il soit constamment renouvelé, il n'a plus qu'une influence très-limitée pour balan- cer l'effet de l'élévation de température. B m'est qu'un moyen pour que ces animaux y résistent, c'est de venir à la surface respirer l'air de l'atmosphère, sans quoi la plupart des gre- nouilles plongées sous une eau courante succom- beraient à une aussi faible température que celle de 12° ou 14°. Ces expériences présentent des rap- ports importans entre les quantités d'air et les de- grés de température. Can voit qu'ils ont une in- Îluence inverse, ci qu'on peut, dans de certaines limites , balancer les effets de l’une de ces causes au moyen de l'autre. La petite quantité d’air contenu dans l’eau au- dessous de 10°, cui suffit pour entretenir la vie des batraciens picngés sous ce liquide, produit un changemert extraordinaire dans leur ma- nière d'être. On connait l'extrême agilité des gre- nouilles, et combien elles sont différentes, a cet égard, des crapauds ; mais leur séjour sous l’eau aérée fait disparaître cette différence. Il fait plus encore; elles deviennent si lentes dans leurs mou- vemens, qu’elles le sont plus que les tortues; le moindre bruit qui, dans leur état de liberté, leur causait des terreurs paniques, ne leur fait plus d'impression. La Jumière qui les appelle si facile- 66 PREMIÈRE PARTIE. ment à la surface, dans d’autres occasions, ne les fait plus monter, lorsque la température de l’eau est assez basse. Elles ont cependant, à ce degré, l'usage de leurs sens et de leurs mouvemens; mais dans l'air, à la même température, elles ont une grande mobilité. Ainsi donc l'habitation sous l’eau, qui les soustrait à l’action de l'atmosphère, change tellement les mœurs de ces animaux, qu’ils sem- bleraient appartenir à une autre espèce, si leur forme ne rappelait celle dont ils font partie. CHAPITRE IV: 67 CHAPITRE IV. De l'Action vivifiante de l Atmosphère. $ L. Znfluencé de la respiration cutanée. Ox sait généralement que l'atmosphère en con- tact avec les poumons contribue puissamment à l'entretien de la vie; mais on connait peu son ac tion sur la peau. Afin d'apprécier la part de l'atmosphère dans lentretien de la vie, en agissant sur cet organe ;, il est nécessaire de supprimer les fonctions des poumons. La suspension de leur action étant par elle-même une grande entrave au jeu des autres organes , il importe de ne pas ajouter à cet ob- stacle par la manière d'arrêter la respiration. Il s'agit d’exclure Fair des poumons ;, en faisant le moins de violence possible au corps. On y réussi- rait si l’on pouvait intercepter l'air en recouvrant ou en bouchant l'entrée de l'organe pulmonaire. Cette entrée est si petite qu’elle ne consiste que dans deux points, qui sont les narines; car jamais ces animaux n’ouvrent la bouche pour respirer ; mais de quelque façon que je m'y sois pris, je n'a? pu parvenir à fermer ces ouvertures. Cornme Ja bouche de ces animaux, lorsqu'ils 68 PREMIÈRE PARTIE. respirent, est nécessairement fermée, pour faire entrer l'air dans les poumons par un mouvement de déglutition, on a imaginé d'arrêter ce mode d'inspiration en leur tenant la bouche ouverte. On a fait, en Allemagne, des recherches à cet égard ; MM. Cuvier et Duméril ont vérifié que c’é- taitun moyen d’entraver la respiration de ces ani- maux. J'ai cherché à déterminer s'il pouvait m'être utile pour le but que je m'étais proposé. Je plaçai dans la bouche d’une grenouille un petit bâton en travers, qui dépassait un peu de chaque côté ; il fut assujetti par un fil à ses deux extrémités, puis sous l’aisselle des membres an- térieurs : la bouche restait ainsi ouverte. Je fis cette expérience sur six grenouilles, qui furent placées sous un verre, dans une soucoupe ; les bords du verre étaient légèrement soulevés pour permettre à l’air de se renouveler, et l’on eut soin d'entretenir un peu d’eau dans la soucoupe, pour fournir à l'animal l'humidité nécessaire. La température était alors de 24°. Dans cet état, cinq moururent le lendemain ; la sixième vécut sept Jours. L'état de gène que peut causer un bäillon en tenant la bouche ouverte, la légère compression du bras exercée par le lien ne peuvent, en aucune facon , expliquer la prompte mort qui est résultée de lexpérience. Il est évident que la respiration était entravée ; mais elle n’était pas entièrement suspendue : seulement elle était assez embarrassée CHAPITRE IV. 69 pour qu’elle ne pût entretenir long-temps la vie dans les conditions où j'avais placé ces animaux. Les mouvemens de déglutition, quoique plusrares, avaient cependant lieu ; les flancs se contractaient par intervalles, et ces signes reconnus du mou vement respiratoire suflisent pour que Je n'in- siste pas sur ce mode d'expériences, qui, très- propre à nous éclairer sur l'influence de la déglu- tition dans l'inspiration, ne concourt pas directe- ment à l’objet de mes recherches; car 1l importe qu'il n'y ait aucun doute sur la parfaite exclusion de l'air. Quand même tout le jeu des organes de la respiration serait arrêté, rien ne prouve que l'air extérieur ne puisse entrer dans les poumons, et quelque lentement que l'air s'y renouvelle, le mouvement imperceptible qui a toujours lieu dans atmosphère la plus calme pourrait contribuer à l'entretien de la vie. Une ligature passée derrière la tête peut être assez fortement serrée pour effacer les voies aérien- nes, et intercepter complètement le passage de l'air. Il vaut mieux recourir à ce moyen sûr, quoi- que violent, que de se servir de procédés plus doux, mais incertains. J'employai donc de préférence ce moyen. J’en ai rapporté un résultat dans le premier chapitre ; mais cette expérience avait été faite dans un autre but, et elle ne suffit pas pour donner sur ce sujet toutes Îles connaissances nécessaires. J'appliquai donc la ligature à six grenouilles , ct ra PREMIÈRE PARTIE, je mis un soin particulier à exercer la plus exacte compression, et à nouer à plusieurs reprises la li gature si fortement qu'il n’y eût aucun accès à Pair extérieur, soit dans le moment, soit pendant la durée de l'expérience. La température était alors de 12° dans l’appartement, et de 6° au de- hors. Je placai ces animaux sur du sable mouillé, pour obvier au défaut d'humidité. Ils vécurent un temps considérable, qui, pour l’un d’eux, s’éten- dit à vingt jours. Ces animaux auraient péri dans l’espace d’un à trois jours en les placant dans 0",2 d’eau, ainsi que Je m'en suis assuré à la même époque, cette année et les années précédentes. Il faut donc que l'influence de l'atmosphère sur la peau soit bien grande pour centre-balancer pendant si long- temps les effets de la strangulation. Qu'on ne s'étonne pas qu'ils aient vécu beau- coup plus long-temps en cette circonstance, où la respiration était entièrement suspendue, que dans le cas où, la bouche étant ouverte, la respiration n’était que génée. J'ai placé ces animaux dans des conditions de température différente dont on a déjà vu l'influence relativement à l'eau. Cette mo- dification , dépendant de cette cause, n’est pas de mon sujet; Je me contente de l'indiquer pour ne pas entraver la marche que je me suis proposée. … Quelle que soit la vitalité de ces animaux, l’opé- ration violente sous laquelle ils languissent ne peut manquer d’abréger leurs jours, et, par consé- CHAPITRE IV. 71 tuent, de mettre des bornes aux heureux effets que l'atmosphère exerce sur la peau. C'est cette influence dont il importe de déterminer l'étendue. Et je m'empresse d'arriver à d’autres méthodes pro- pres à nous en donner une mesure plus exacte. On doit s'attendre à l'obtenir d’une opération qui intéresse des parties moins sensibles, et qui nuise moins aux autres fonctions. Il ne s’agit cependant de rien moins que d’en- lever les poumons, et de faire vivre ainsi ces ani- maux, privés de cet organe, sous l’influence de l'atmosphère. Quelque funeste que puisse paraître cette mu- tilation, elle remplit les conditions que je viens d'indiquer. On enlève un organe dans lequelon ne voit qu’une poche membraneuse, d’une extrême finesse, dans laquelle se ramifient des vaisseaux san- guins. Une ligature placée à leur origine empêche la section de causer une effusion de sang ; une in- cision de deux à trois lignes dans les flancs perniet d'enlever les poumons, et une suture ferme ces petites ouvertures. L'effet immédiat de cette opé- ration justifie ce que j'ai avancé. Je la pratiquai au milieu de décembre 1818, sur trois grenouilles de moyenne grosseur : elles ne parurent pas souffrir beaucoup, et présentèrent, après l'opération, la même agilité que celles qui étaient intactes. Je les plaçai sur du sable humide. La température de l’appartement était de 7°, et elle s’éleva jusqu'à 12° le 19 janvier 18:9. Deux 72 PREMIÈRE PARTIE. moururent à cette époque, et la troisième le 24 du même mois. Ainsi, de ces trois grenouilles pri- vées de poumons, et qui n’avaient d’autre rapport avec l'atmosphère que par la peau, deux ont vécu trente-trois jours, et la dernière quarante: Spallanzani avait extirpé les poumons des gre- nouilles , mais dans une autre intention, et sans prendre les précautions nécessaires pour arrêter l'effusion du sang et empêcher l'entrée de l'air dans la cavité de la poitrine : aussi est-il loin d’avoir . prolongé leur existence jusqu’au terme où ces ani- maux sont parvenus dans les expériences que je viens de rapporter. Or, c’est uniquement la du- rée de la vie, entretenue par l’action de l’atmo- sphère sur la peau , qui est l’objet de ces recher- ches. Si, dans cette vue , je devais donner la pré- férence aux procédés les moins nuisibles à Pani- mal pour ne pas entraver les autres fonctions , on conçoit que je n'ai pu avoir retours à la déca- pitation. D'ailleurs, quelque curieux que soient les phénomènes qui en résultent, ils n’appartien- nent pas à mon sujet. Par la décapitation, la trachée-artère reste pres- que toujours ouverte, et ce n’est que dans une seule expérience , que nous devons à M. Dumeéril, que la plaie du col s’est cicatrisée : c’est seule- ment alors que l’action de l'air se borne à la peau. Ces recherches intéressantes appartiennent à l'in- fluence réciproque des différentes parties du sys- CHAPITRE IV. 735 tème nerveux, et ce n’est qu'après avoir terminé tout ce qui concerne l'influence des agens physi- ques que je puis rapporter les faits qui tiennent à l'influence réciproque des fonctions. Ainsi, par l’extirpation des poumons , nous avons déterminé l'influence de l'atmosphère sur la peau, pour entretenir la vie dans une plus grande étendue que par tous les autres moyens indiqués précédemment. Nous nous sommes rap- prochés du but que nous nous étions proposé, mais nous ne croyons pas l'avoir atteint. Si lon se rappelle la longue durée de la vie de ces animaux sous l’eau aérée qui se renouvelie constamment, et qui n'agit que sur la peau, on s’étonnera peut-être de ce qu'ils ne vivent pas plus long-temps sous l’influence directe de lat- mosphère. Placés dans l’eau aérée, et privés de la respiration pulmonaire, ils ne trouvent d’au- tres bornes à leur vie que des limites de tempé- rature ; mais dans l’atmosphère, qui, de même que l’eau aérée, agissait uniquement sur la peau, ils n'ont pu prolonger aussi long-temps leur exis- tence. Puisque l'air, dissous dans l’eau, sert si bien à les faire vivre sans le secours des poumons, ne devraient-ils pas trouver plus de ressources dans l'atmosphère , si d’ailleurs on leur fournis- sait assez d'humidité. On peut le présumer, mais rien ne le prouve. L'inffuence comparée de l'atmosphère et de l’eau acrée {S: Si jeu CONNUE que nous gnorons pour- 74 PREMIÈRE PARTIE. quoi les poissons vivent mieux dans l’eau aérée que dans l'air ; connaissance qui serait d’un grand intérêt pour la physiologie générale. Relativement à l'influence comparée de l’eau aérée et de l'atmosphère sur -les batraciens dans les expériences précédentes, il faudrait détermi- ner si l'opération n’a pas abrégé leurs jours : c’est ce que Je me suis proposé par l'expérience suivante : Le 4 mars 1819, j'enlevai les poumons à six grenouilles, avec les précautions déjà décrites , et je fermai l’ouverture au moyen d’une suture. Je les enfermai dans un panier avec six autres gre- nouilles intactes , et je les placai sous l’eau de la Seine, qui était à 4°. La température s’est pro- gressivement élevée jusqu’à o° dans l’espace de huit jours. La plupart des grenouilles sans pou- mons périrent avant celles qui étaient entières ; mais à la fin de cette expérience, l’uue de celles qui étaient privées de poumons avait survécu avec la seule entière qui restait. Elles offrirent alors une circonstance singulière ; elles étaient accou- plées , et la grenouille sans poumons pondit une grande quantité d'œufs. La saison , peu favorable à la vie de ces animaux sous l’eau , mit fin à l’ex- périence le 15 mars. On voit que ces animaux étaient exactement dans les mêmes circonstances , la seule opération exceptée , ce qui était indispensable pour en ap- précier les effets. Or, la plupart des grenoilles «ui l'avaient suhie ont vécu moins long - temps CHAPITRE IV. 75 que celles qui étaient dans leur état naturel ; et je crois que lon peut , sans craindre de forcer la conclusion , létendre aux grenouilles qui, dans l'air , avaient subi l’extirpation des poumons , et regarder cette soustraction comme une cause de curmort.. Le retranchement des poumons abrégeant la vie, on doit s'attendre à ce qu'une opération qui n'aurait d'autre effet que d'arrêter les fonctions des poumons, permette à ces animaux de vivre plus long-temys dans l’aimosphère par le seul moyen de la peau. Nous ne croyons donc pas avoir dé- terminé la plus grande limite de la vie de ces animaux, sous la seule influence de l'atmosphère sur Ja peau; mais nous nous bornerons pour le présent à la plus grande durée que nous avons obtenue. De ce point de départ, nous pouvons arriver à de nouvelles connaissances relatives à l’acuüon de l'atmosphère. S IT. Znfluence de la respiration pulmonaire. Si nous avons apprécié dans une certaine éten- due l'influence isolée de l'atmosphère sur la peau, nous H'avOns pas encore recherché quel serait son effet sur la vie en bornant son action aux pou- mons. Ces animaux vivraient-ils en ne respirant que per cet organe ? Ji paraitra singulier que l'on puisse élever un 76 PREMIÈRE PARTIE. doute à cet égard ; mais l'influence isolée de la respiration pulmonaire est ignorée, et sa connais- sance ne saurait manquer d’intéresser la science. Les animaux sur lesquels nous avons expéri- menté ont une double ressource lorsqu'ils vivent dans l’atmosphère : c’est d’en recevoir l'influence sur la peau et sur les poumons. Nous avons déjà vu quel parti ils peuvent tirer de l’une ; voyons maintenant quelle est l’importance de l’autre. Il s’agit de trouver le moyen le plus doux pour écarter les rapports de la peau avec l'atmosphère. La couvrir d’un enduit, ou lui donner une enve- loppe se présente d’abord à l'esprit ; mais l’exé- cution n'en est pas facile : la peau humide, et dont la moiteur se renouvelle sans cesse , ne se prête pas aux procédés de l’art pour lenduire d'une manière eflicace, ou pour luiappliquer une enveloppe exacte et solide. Si, rebuté par ces difficultés, on voulait les trancher en ayant recours à une opération, comme dans les expériences précédentes, on n'aurait d’au- tre ressource que d'enlever la peau. Je n’appuie- _rai pas sur les détails de cette opération : tous les batraciens y succombent dans un espace de temps plus court qu’on n'aurait pu se l’imaginer, Ils ne vivent que quelques heures. Cette prompte mort a lieu d’étonner chez des animaux qu'on peut , pour ainsi dire , mutiler im- punément. Elle est d'autant plus remarquable , qu'à la même époque d’autres ont subi l’extirpa- CHAPITRE IV. Fis tion des poumons , el ont vécu sans cet organe un long espace de temps. La peau remplit donc des fonctions plus importantes que les poumons ; mais c’est la seule conséquence que lon puisse tirer de ce genre d'expérience : 1l ne peut servir à éclairer la nature de la fonction. En effet, cet organe en remplit plusieurs parmi lesquelles on ne saurait reconnaitre l'influence de l'atmosphère; mais on peut conserver cet organe, et le soumettre à des épreuves qui ne nuisent aucunement à l'a- nimal. Voici l'appareil que j'ai employé. Je plaçai une grenouille dans un verre contenant deux décilitres d’eau. Une rondelle de bois à fleur d’eau l’em- pêchait de sortir, et une échancrure qu'on y avait faite laissait à l'animal la liberté de respirer l'air de Faimosphère. Le liquide, qu'il salissait en quelques heures, était changé tous les jours. La température était de 12°, et elle s’est soutenue à 24° dans les derniers temps de l'expérience. Cette gre- nouille vécut ainsi trois mois et demi sans autre nutrition que la petite quantité d’eau dans laquelle elle était plongée, qu'on renouvelait tous les jours; et, après une si longue existence, ce n’est pas au défaut du contact de l’air sur la peau que lon peut atiribuer sa mort, comme on le verra dans la suite. Dans cette situation, il est évident que l'animal n'a d’autres rapports directs avec l'atmosphère que par les poumons. Par l'intermédiaire de l'eau, 11 75 PREMIÈRE PARTIE. peut, à la vérité, recevoir l’action d’une petite quantité d’air contenu dans ce liquide, ou qui peut être absorbé dans le cours de l’expérience; mais nous avons vu, dans les recherches précé- dentes sur l’asphyxie, que lorsqu'on plonge ces animaux dans un même volume (0,2) d’eau aérée d’une part, et d’eau non aérée de l'autre, sans qu'ils puissent respirer à la surface, cette quantité d'air ne prolonge pas sens'blement leur existence. Cependant linfluence de cette petite quantité d'air, dans l’expérience précédente, n'étant pas rigoureusement déterminée, il pourra rester quel- ques doutes dans l'esprit, si lon veut conclure que la respiration pulmonaire est seule suflisante pour entretenir la vie de ces animaux. On est en droit de présumer que cette quantité, qu’on peut négliger dans d’autres circonstances, peut être utile dans celle-ci, et contribuer à l'entretien de la vie, en aidant l’action des poumons. Un secours, quelque faible qu’il paraisse en lui-même, pourrait, dans des cas extrêmes, devenir un auxiliaire utile. L'huile serait un moyen suflisamment efficace pour intercepter l'air, si ce liquide était d’ailleurs exempt de reproche. Si on le substitue à l’eau dans des verres avec une rondelle, comme dans les ex- périences précédentes, où les animaux ont la li- berté de respirer, ils meurent dans un court espace de temps. Je fis cette expérience sur dix grenouilles : six ) rm ÉHAPITRE IV. 79 de ces animaux vécurent de 7 à 8 heures; les quatre autres moururent le lendemain. La tempé- rature était à 21°, comme dans les expériences avec l’eau. Je me suis proposé de déterminer l’action pro- pre de l'huile sur la peau; et je me suis apercu que cette substance n’était pas absolument inerte. Je mis des grenouilles comparativement dans de verres contenant deux décilitres d'huile et d’au- tres dans la même quantité d’eau, sans leur lais- ser la faculté de respirer : les grenouilles dans l'huile faisaient des mouvemens extraordinaires, et même plusieurs efforts de vomissement; cepen- dant elles vécurent sensiblement le même temps dans l’un et dans l’autre liquide. Si, dans ces deux cas, au lieu de supprimer la respiration , on la laisse libre, comme dans les ex- périences que j'ai rapportées plus haut, la diffé- rence devient considérable. L’eau qui contient ou absorbe un peu d'air a une tendance opposée à l'action irritante de l'huile , et la respiration pul- monaire, avec ce faible secours d’une part et ce lé- ger obstacle de l’autre, se trouve alternativement en état ou hors d’état de suffire à l’entretien de la vie. Si donc on pouvait réduire ces animaux, dans leurs rapports avec l'atmosphère , à la seule respi- ration pulmonaire, ils se trouveraient, pour ainsi dire, sur les limites de la vie et de la mort. C'est cette considération qui m’a engagé à re- chercher s’il n'y aurait pas d’autres animaux de la 60 PREMIÈRE PARTIE. même famille à qui la respiration pulmonaire fût ‘ insuflisante pour l'entretien de la vie, malgré le secours de la petite quantité d’air contenue dans l'eau. Les rainettes sont des animaux de cette famille ; elles diffèrent des grenouilles et des crapauds par une petite pelote à l’extrémité des doigts, qui leur sert à grimper perpendiculairement sur les arbres, et même sur les murs lisses et unis. L'espèce sur laquelle j'ai expérimenté est la plus commune en France. Pour la contenir et faciliter sa respiration, il a fallu employer plus de précautions que dans l'expérience précé- dente. Je me suis servi du même appareil, en fixant à l’échancrure de la rondelle un petit filet assez lâche pour pouvoir êire tiré en haut par un crochet de fil de fer suspendu au bord du vase par un autre crochet. La rainette, mettant la tête sous le filet, respirait ainsi dans l'atmosphère sans pouvoir s'échapper de Feau qui l’environnait. Je mis successivement en expérience huit de ces animaux dans l’espace de cinq jours; la tempéra- ture varia de 17° à 20°; il n'y avait dans chaque verre qu'environ deux centilitres d’eau, qu’on chan- geait toutes les vingt-quatre heures et même plu- sieurs fois par jour. Cependant ils n’ont pas vécu au-delà de trois à quatre jours. Dans les diverses expériences que j'ai faites, l’ef- fet a été uniforme et constant. Ji est donc évident que les rainettes ne peuvent vivre lorsque l’action CHAPITRE 1V. 8t de l'atmosphère sur la peau est supprimée quoi- qu'elles jouissent de la respiration pulmonaire. Cette conclusion est d'autant plus juste que l’eau en contact avec leur peau fournissait un peu d’air qui devait favoriser leur existence. La situation dans laquelle on les avait mises ne pouvait avoir aucune influence nuisible sur elles; elles n'avaient étésoumises à aucune opération; quoiqu'ellessoient des animaux terrestres, l’eau n’exerce pas sur elles une action délétère; et bien qu'elles se plaisent davantage sur la terre, elles ne laissent pas de fré- quenter l’eau. Il est vrai cependant qu'elles n’y sé- Journent pas, et l’on en voit maintenant la raison. C'est que la respiration pulmonaire ne suflit pas pour entretenir la vie des rainettes dans ses rap- ports avec l'atmosphère, et que son influence sur la peau est nécessaire pour qu’elles puissent exister dans les circonstances où je les ai placées. D’autres animaux de la même famille sont dans le même cas. La même expérience n’a réussi avec les crapauds accoucheurs, et l’on péut présumer que les autres batraciens, à qui la respiration pul- monaire parait sufhre, dans les conditions rap- portées plus haut, pourraient succomber en fai- sant une légère modification à l'expérience. Je mis dix-sept grenouilles dans un vase conte- nant 4,0 litres d’eau de Seine, en leur laissant la faculté de respirer à la surface : la température était la même que dans les expériences précéden- tes. Quatre jours après il en mourut sept. 6 32 PREMIÈRE PARTIE. J'ai répété cette expérience sur vingt gre- nouilles placées dans les mêmes circonstances , en ayant soin de renouveler les 4,0 litres d’eau tous les jours : il en mourut neuf dans l’espace de trois Jours; tandis que celles qui étaient mises comparativement dans des verres, avec deux déci- litres d’eau, vivaient toutes. La différence tient à la profondeur de l’eau. Dans des verres, ces animaux, soutenus par le fond, respirent à volonté; dans les vases de 4,0 litres, dont la profondeur est d’un pied, ils ont, à la vérité, la liberté de respirer, et se soutiennent un cer- tain temps à la surface; mais après avoir expulsé plus ou moins d’air de leurs poumons, leur gravité spécifique devenant alors prédominante, ils vont au fond du vase; ils remontent et descendent ainsi alternativement, et cette légère modification de la respiration leur devient funeste. C’est que la res- piration pulmonaire, lors même qu’elle est con- tinue, suffisant à peine pour l'entretien de la vie des grenouilles, devient insuffisante lorsque, éprou- vant cette légère intermission, elle n’est pas sou- tenue par l’action d’une eau bien aérée sur la peau : c'est ce qui arrive dans ces vases. On concoit donc comment, dans leur état-de liberté, elles peuvent impunément interrompre la respiration pulmo- naire et plus souvent et plus long-temps en été, saison si défavorable à la prolongation de leur vie sous l’eau. C’est que l’eau aérée qui se renouvelle, ou qui est en quantité suflisante, comme dans les CHAPITRE 1V:. 85 étangs et les petites rivières, soutient la vie de ces animaux dans les intervalles de la respiration, quoiqu'elle ne puisse sufire seule à entretenir leur existence dans la température de l'été. En consi- dérant la profondeur de l’eau comme une mesure de l’intermission de la respiration, on concoit aussi qu'elles pourraient ne pas vivre dans des eaux trop profondes, où quoiqu’en liberté de respirer à la surface, elles n'auraient pas celle d'arriver sur les bords, ou de se soutenir sur des corps étrangers. Je crois avoir maintenant examiné l'influence que l'atmosphère, considérée en général, exérce sur la vie de ces animaux, et l'avoir suivie dans ses principaux rapports avec eux, me réservant de traiter dans le chapitre suivant de l'influence des modifications de ce fluide. 04. PREMIÈRE PARTIE. CHAPITRE V. De l’Influence de l'Atmosphère sur la 7° ranspiration. Le premier changement bien appréciable que les animaux éprouvent, lorsqu'ils sont placés dans latmosphère, consiste dans une diminu- üon de poids. Cette dissipation d’une partie du Corps par une vapeur qui s’exhale des animaux, où un liquide qui transsude de leur surface ex- térieure est connue sous le nom général de trans- piration. Lorsque tout le liquide qui transsude ne $e convertit pas en vapeurs, ou que la va- peur elle-même se condense ensuite sur le corps par l'influence de quelqu’agent extérieur ; le li- quide qui parait sur la surface extérieure a reçu le nom de sueur. Or, on sent bien que ces dif- férences n'étant que des modifications de la trans- piration , elles peuvent varier à l'infini, sans que la perte totale en soit affectée. IL est également évidént que ce qu'il importe le plus de connaître, c’est la diminution de poids que le corps éprouve sous l'influence de circonstances déterminées , quelles que soient les modifications que la ma- tiére subisse en se dissipant. C’est pourquoi je ré- duis d'abord l'examen de la transpiration à sa plus CHAPITRE V. 65 grande simplicité , en considérant l'animal qui transpire comme perdant un liquide qui se dis- sipe, Soit par évaporation aux surfaces pulmonaire et cutanéee , soit par transsudation par la peau. C'est la perte par l’évaporation que je me pro- pose d’évaluer , ainsi que ses variations suivant des circonstances déterminées. È $ I. Pertes par la transpiration dans des temps égaux et successifs. Le premier phénomène que j'examinerai est celui qui dépend du temps. Quelle est la mesure relative de la transpiration dans des temps égaux et successifs ? Sera-t-elle croissante ou égale ? Les pertes iront-elles en diminuant dans des temps égaux ? ou enfin seront-elles irrégulières et ne pa- raitront-elles soumises à aucune règle ? Tous ces résultats sont possibles ; et chacun d’eux pourrait être déduit du raisonnement appuyé sur quelques faits connus , si le raisonnement seul pouvait dé- cider des questions qui tiennent aux élémens com- pliqués de la vie. Il importait de commencer par cette recherche, afin de’connaître la marche de la transpiration dé- pendante de l’animal, et ne pas attribuer à l'in fluence des agens extérieurs des effets qui résul- tent de l’organisation. Sans la détermination de ce point de départ, on verrait un grand nombre de résultats, quelle que soit l'exactitude avec laquelle LA 86 PREMIÈRE PARTIE, on les ait établis, devenir, pour ainsi dire, inu- tiles, parce qu'ils ne seraient plus comparables , et la multitude d'expériences , au lieu d’ajouter à notre conviction, produirait l'incertitude par la diversité des mesures. Ces expériences nécessitaient de nombreux dé- tails numériques que j'ai consignés dans des ta- bleaux qui présenteront les bases sumlesquelles reposent les résultats généraux. Ces résultats sont les seuls que je puisse rapporter sans fatiguer l’at- tention. Par la même raison , j'insisterai le moins possible sur les procédés employés. Je n’indi- querai que les principales circonstances, pour donner une idée suffisante des précautions néces- saires pour rendre les résultats exacts et compa- rables. Afin de déterminer le rapport des pertes de poids que le même individu éprouve dans des temps égaux, lorsqu'on l’expose à l'atmosphère, je pesais une grenouille d'heure en heure dans un air qui paraissait calme ; la température était notée avec soin, et restait sensiblement la même pendant la durée de l’expérience. En comparant les diminutions de poids dans les mêmes intervalles successifs d’une heure , je trou- vais, dans les quantités respectives de la transpi- ration, une fluctuation remarquable. Les varia- tions étaient très-grandes, puisqu'elles présentaient souvent des rapports doubles ou triples ; dans des temps égaux elles étaient ordinairement alterna- CHAPITRE Ve 87 tives, sans présenter de parité dans les retours successifs de leurs accroissemens et de leurs dimi- nutions. Je m'assurai , par des expériences multi- pliées, que ce phénomène n’était pas individuel, mais qu’il se reproduisait même dans les divers genres de cette famille que j'ai soumis à l’expé- rience (1). Quoiqu’on puisse compter sur l'exactitude de ce fait, ilest peu propre à satisfaire l'esprit qui ne se complait que dans la régularité des phénomè- nes, Leur irrégularité d’ailleurs , lorsqu'elle ne dépend pas de quelque erreur dans le mode d'ex- périmentation, suppose l’action de plusieurs cau- ses influentes qui ne restent pas constantes pen- dant la durée de l'expérience. Cette considération m'a engagé à envisager mon sujet d’une autre manière pour découvrir, s’il était possible, une plus grande régularité dans la marche des phéno- : mènes. Quelles que soient les causes de la fluctuation d'heure en heure , leurs effets pouvaient ne pas se faire sentir de même en prenant des espaces de temps plus considérables, et disparaître ainsi, au moins en grande partie, sous l'influence d’autres causes qui tendraient à rendre la transpiration régulière. J'ai donné une plus grande étendue à la durée des expériences , et en pesant les ani- maux de deux heures en deux heures, j'ai vu qu'il Re CA 2 ob 0 Re 2 a 326 a UE 0 de ES on dc 2 (1) Forez tableau 3 et 4. 88 PREMIÈRE PARTIE. y avait une tendance marquée au décroissement des pertes par la transpiration dans des temps égaux. En les comparant ensuite toutes les trois heures, le décroissement devient indubitable par le nombre des faits que j’ai consignés dans les tables. Trois heures ont presque toujourssufli, dans les cir- constances où les expériences ont été faites, pour rendre cette marche constante (1). Dans un petit nombre de cas , il a fallu des intervalles de neuf heures pour parvenir au même résultat (2). C’est donc entre ces limites que j'ai pu observer le dé- eroissement constant de la transpiration dans des temps égaux , et que les causes qui, dans de plus courts intervalles, le faisaient fluctuer, perdaient sensiblement leur influence. J’indique ici les li- mites de temps de préférence à-celles des quan- tés de liquide perdu par l’évaporation, parce qu'elles présentent des rapports plus faciles à sai- sir, et que nous nous en servirons utilement jus- qu'à ce que des faits nouveaux exigent que nous les envisagions sous un autre aspect. En considérant ce résultat en rapport avec les causes , on voit d’abord que le décroissement de la transpiration dans des temps égaux et sueces- sifs, lorsque les circonstances extérieures parais- sent les mêmes, doit dépendre, du moins en grande partie, des changemens d'état qui ont lieu dans daim. La ir :udusudiul soppeifeén noircr: ol gmafetele 2 0 og (1) Poyez tab. 6. (2) Foyez tab. 7. CHAPITRE V. 69 l'animal. Le changement le plus appréciable est évidemment la diminution successive de la masse des liquides, et à mesure que, dans les limites indiquées , il en reste moins par les pertes pré- cédentes , la transpiration devient de moins en moins abondante. - En considérant ensuite le décroissement de la transpiration sous le rapport de la rapidité plus ou moins grande de sa marche, les expériences précédentes nous fournissent un autre fait qui mé- rite une aliention particulière : c'est que, dans les limites de temps que j'ai indiquées, les pertes par la transpiration , dans le premier espace de temps, sont souvent dans une bien plus grande proportion que dans les mêmes temps consécutifs, et que le décroissement dans ceux-c1 est progres- sivement moindre. En considérant le point de de- part commele point de saturation, on pourra expri- mer ces phénomènes de la mamière suivante, en di- sant que la transpiration chez ces animaux devient demoins en moins rapide, à mesure qu’ils s'éloi- gent de leur point de saturation. On conçoit par là que lon ne saurait obtenir des résultats com- parables entre eux, dans un grand nombre de cas, si l’on n'avait égard au point de saturation de ces animaux. Car si l’on voulait comparer la transpiration sous le rapport des poids des ani- maux , sans avoir égard au point de leur satura- tion , ils pourraient donner des résultats qui se- raient très-éloignés du rapport de leur poids, et 00 PREMIÈRE PARTIE. qui pourraient même être inverses : c’est ce que l'expérience confirme. Mais je ne m'arrêterai pas ici sur ce point, qui suppose des recherches sur la saturation , et qui ne peuvent trouver leur place ici; nous y reviendrons dans la suite. $ IL. Effet du repos et du mouvement de l'air. Nous rechercherons maintenant la cause des fluctuations de la transpiration que nous avons observées d'heure en heure. Il était naturel de l’attribuer d’abord aux variations continuelles dé- pendantes de la vie; mais je me suis assuré qu’elles avaient également lieu dans l’animal mort et dans le vivant ; que cette fluctuation ne dépendait pas même de l’organisation particulière de l'animal, abstraction faite de la vie, puisqu'elle s’observe sur les corps inorganiques, comme je l'ai reconnu en soumettant à l’évaporation spontanée des mor- ceaux de charbon de bois imbibés de liquide, et placés dans les mêmes circonstances que les ani- maux relativement à l’atmosphère (1). Il faut donc recourir aux agens extérieurs pour y trouver au moins la cause principale de ces variations. Or, on sait que l'atmosphère , même lorsqu'elle nous parait le plus calme, est réellement assez agitée pour agir sensiblement sur l’évaporation par son mouvement. D SG EGP EEE 277 7 SEP en me (:) Voyez tableau 5. CHAPITRE V. OL Ces remarques nous conduisent à examiner l’in- fluence que le mouvement et le repos de l'air exercent sur la transpiration de ces animaux. A cet effet, j'en ai suspendu dans l'appartement, à l’embrasure d’une fenêtre ouverte ; j'en ai mis, comparativement et en nombre égal, à une au- tre embrasure dont la fenêtre était fermée; ainsi Fair de lappartement communiquait librement avec celui de l'extérieur ; la seule différence sen- sible qui existàt dans la condition de cés animaux, est que les uns étaient directement exposés aux mouvemens de l'air, et que les autres en étaient partiellement abrités. Dans les expériencés que j'ai faites à cet égard, les différences dans la transpiration étaient très- marquées , même dans une atmosphère qui sem- blait calme ; les animaux qui étaient exposés à la fenêtre ouverte perdaient au moins le double par la transpiration; et, suivant l'intensité du vent, le triple et Le quadruple de ceux qui étaient pla- cés dans l’intérieur de lappartement (7). Ces différences dans l'influence du mouvement de l'air sur la transpiration doivent faire attri- buer principalement à cette cause les fluctuations que nous avons observées dans la transpiration examinée d'heure en heure ; mais je me suis as- suré positivement de ce fait par des expériences directes. Lorsqu'on suspend ces animaux dans des (1) Forez tab. 8 et g. 92 PREMIÈRE PARTIE. vases ouverts par le haut, et dont l'ouverture est large, pour permettre à la transpiration de se dis- siper facilement dans l'air, les fluctuations d'heure en heure cessent d'avoir lieu ou sont peu mar- quées. S IF, Transpiration dans l'air à l'humidité extréme. Ayant déterminé l'influence qu’exerce sur la transpiration l'air en repos et en mouvement, et les effets qui résultent des abris pour diminuer l'agitation de l'air, et par conséquent la transpi- ration, je me suis occupé de l’état hygrométrique de l'atmosphère. À La première question qui se présente est de savoir si, dans un air saturé d'humidité, la trans- piration aurait lieu. Pour y parvenir, il faut, autant que possible, écarter les auires causes qui peuvent influer sur la transpiration. À cet efrét ;ilest nécessaire d’écar- ter l'influence de l'air en mouvement qui, d’après les expériences précédentes, produit, suivant sa vitesse, des effets si marqués. I a donc fallu se prévaloir de l’influence des abris pour se procurer un air parfaitement calme, et suspendre lauimal dans un vase de verre ren- versé sur l’eau. Il était assez grand pour que lal- iération de Pair par la respiration n’influât pas sur la durée de la vie. C’est ce dont je me suis assuré | CHAPITRE V. 03 par des expériences préalables. Il n’est pas besoin d'ajouter que j'ai pris toutes les précautions néces- saires pour obtenir et conserver l'humidité extrême, et j'ai eu soin d'observer, par la marche de lhygro- mètre dans le vase, que l’air ne mettait que quel- ques minutes à parvenir au point de saturation , intervalle pendant lequel les pertes de poids, dans cette circonstance, sont à peine appréciables. J'ai multiplié les expériences; j'ai varié l’inter- valle des pesées, soit en les rapprochant, soit en les éloignant considérablement, et j'ai ob- servé une diminution de poids. Je sais que les altérations chimiques de l'air par la respira- tion doivent occasioner une diminution de poids, dans le cas où cette perte n’est pas réparée. On serait tenté d'attribuer à cette cause la déperdi- tion qui a lieu dans l'air saturé d'humidité; mais des expériences particulières sur l'étendue de la respiration de ces animaux m'ont fait voir que la petite défalcation que cette cause exige laisse une perte plus grande, qui ne peut être attribuée qu’à la transpiration. Il est vrai que, dans des températures moyennes, l'animal a une température propre, quoiqu’elle ne diffère que très-peu de celle des corps envi- ronnans , et que cette même cause peut influer un peu sur sa transpiration dans l'air humide ; mais comme c’est le fait que je recherche ici et non sa cause , nous dirons que l'air saturé d’hu- midité n'empêche pas la transpiration , mais qu'il 94 PREMIÈRE PARTE. la réduit à son minimum relativement à toutes les autres causes que nous avons examinées Jus— qu'ici (x). $ IV. Transpiration dans l'air sec. J'ai ensuite comparé aux effets de l'air saturé d'humidité l'influence d’un air aussi sec que Je pouvais me le procurer dans ce genre d’expé- riences. Plusieurs causes s'opposent à ce que Pair du vase soit à la sécheresse extrême , soit au com- mencement, soit pendant le cours de l'expérience: d’abord, la nécessité de commencer l’expérience sur la transpiration en même temps que le dessé- chement de l'air dans un vase clos, pour ne pas introduire l'animal à travers le mercure dans un vase contenant de l'air préalablement desséché ; de ce passage il pourrait résulter une augmenta- tion de poids qui rendrait l'expérience inutile ; ajoutez à cette cause la transpiration de l'animal, qui , dans un air parfaitement sec, change l’état hygrométrique de ce fluide : il meurt par les pertes qu'il éprouve , avant que la chaux ait pu ramener V’air à la sécheresse extrême, à moins qu’on n’em- ploie des appareils dont les grandes proportions ne seraient guère à la portée de l’expérimenta- teur. L'hygromètre placé dans le vase avec l'animal D (1) Voyez tab. 10. CHAPITRE V. 92 et une grande quantité de chaux vive, marquait le degré de sécheresse de l'air. Toutefois, les effets de l’air calme desséché progressivement durant le cours de l'expérience , n’ont pas laissé d’être très-remarquables. Dans le même espace de temps, toutes les autres circon- stances étant les mêmes, excepté l’état hygromc- trique , la transpiration dans l'air sec a été de cinq à dix fois plus grande que dans l'humiditéextrème, suivant le degré de la sécheresse et la durée de l'expérience (1). Si l'on compare l'influence de l’état hygromé- trique de l'air avec celle qui résulte de son mou- vement , l’on voit que l'agitation de l'air, pourvu que cefluide ne soit pas à l'humidité extrême, peut augmenter la transpiration dans une aussi forte proportion que le ferait un air plus sec et calme. $ V. Effets de la température. - Aux effets du mouvement de l’air et de son état hygrométrique, il importe d’ajouter ceux de la température. Pour faire ressortir son influence, il fallait également, dans l'appréciation de cette cause, écarter les perturbations qui peuvent naïi- tre de l'influence irrégulière des autres. Il importait donc de L rendre uniforme dans toutes les expériences sur la chaleur; il importait (1) Voyez tab. 10. 99 PREMIÈRE PARTIE. aussi de la réduire, autant que possible, au mini- mum de ses effets d’après les expériences précé- dentes. C'est pourquoi les expériences sur Pin- fluence de la température ont été faites dans un air calme et saturé d'humidité. J'ai comparé l'influence de la température sur la transpiration, entre o° et 40° centigrades, qui sont les limites compatibles avec la vie et à-peu- près celles que présente l'atmosphère. Il en résulte d'abord que l'influence de la température sur ‘a transpiration, en réduisant les autres causes , au- tant que possible , à leur minimum d'action, pro- duit cet effet général de tendre, parson élévation, à égaliser les pertes dans des temps égaux, ou, en d’autres termes , à diminuer le décroissement de la transpiration , sur lequel nous avons beaucoup insisté au commencement de ce chapitre. À la limite supérieure, c’est-à-dire à 40°, l'égalité de transpiration d'heure en heure a eu lieu à de petites différences près , qui ne paraissaient plus dépendre de la disposition au décroissement. Mais on ne peut compter sur ce phénomène que pen- dant un certain espace de temps, car, lorsqu'on approche du terme de la vie, le décroissement com- mence à devenir sensible, mais dans une très- petite proportion. Quant à l'influence relative des différens degrés de température sur la quantité de la transpiration, entre o° et 40° cent., elle est beaucoup moindre qu'on ne serait porté à le présumer sans moyens CHAPITRE V. 97 exacts d'observation. En effet, dans l’espace de cinq heures, la transpiration à 20°, comparée à celle qui a lieu à o°, n’a guère été que deux fois plus grande ; différence bien moindre que celle que nous avons obtenue par l’action des autres causes. De même, la quantité de transpiration qui résulte pendant un égal espace de temps de l’in- fluence de 40°, comparée à celle de o°, est sept fois plus grande, et dans le même rapport que les effets que nous avonsobtenus d’un air sec et calme, comparés à ceux d’un air humide (1). (1) Voyez tab. 11, 12 et 13. 98 PREMIÈRE PARTIE. | CHAPITRE VE De l’Absorption et de La Transpiration dans l’eau. Nous avons vu que les pertes par la transpiration avaient lieu dans l'air humide , lors même que toutes les autres causes extérieures sant à leur minimum d'influence : ce qui fait maitre l’idée de comparer la transpiration dans un air saturé d'humidité à celle qui a lieu dans l'eau. IL s’agit de savoir quelle est l’action de l’eausurlé poids du corps, soit pour l’augmenter, soit pour le diminuer, lorsque ce liquide est mis en contact avec la surface extérieure. Ce sujet a été à peine effleuré, et mérite une considération particulière. Tout ce que l'on sait, c’est qu'il peut y avoir angmentation de poids. On ignore si elle a tou- jours lieu , ainsi que toutes les autres circonstan- ces qui y sont relatives. C'est ce qui m'a engagé à examiner l’action de l’eau sur le poids du corps dans les principaux rapports qui tiennent à mon sujet. Pour rendre plus sensible Finfluence que l’eau mise en contact avec la surface extérieure des grenouilles exerce sur leur poids, j'ai cru devoir les placer d’abord dans l'air, jusqu’à ce qu’elles eussent subi des pertes notables par la transpira- CHAPITRE VI. 09 tion, présumant que si elles absorbent de l’eau, l'absorption sera plus marquée lorsqu'elles se- ront éloignées de leur point de saturation : c’est ce qui a lieu en effet. Ces animaux ayant préalablement perdu par la transpiration une partie considérable de leur poids, et étant mis dans l’eau à la même température que l'air, m'ont presenté ensuite un accrotssement de poids par leur séjour dans ce fluide. Il a donc été absorbé, et cétte absorption est, pour ainsi dire, sensible par la diminution marquée du liquide dans le vase où l'animal est placé. Ainsi l’eau et l'atmosphère ; dans les circonstances que je viens d'indiquer , peuvent être considérées comme agis- sant en sens inverse sur le poids du corps, puis- qu'il y a eu diminution dans l’air et augmentation dans l’eau. Mais jusqu’à quel point cet accroissement a-t- il lieu ? quelle en est la. marche ? quelle en est la limite ? Après ce terme, qu'arrive-t-il au poids du corps par le contact prolongé de l'eau, con- dition à laquelle tous les animaux sont Exposés ; et dont il importe de déterminer l'influence ? J'ai examiné d’abord l'étendue de l'absorption. Il résulte des expériences que j'ai faites que, lors- qu'on n'a pas poussé trop loin la transpiration dans l'air, l'absorption dans l’eau continue pen- dant le temps nécessaire pour réparer la perte faite dans l'atmosphère. Mais l'absorption ne s'arrête pas toujours là : elle peut dépasser de beaucoup ce 100 * PREMIÈRE PARTIÉ, terme avant d'atteindre le point de saturation: Il arrive donc un temps où l’accroissement suc- cessif de poids s'arrête. Voyons maintenant la marche de l'absorption pendant ce temps. Elle est décroissante, ainsi que nous l’avons remarqué pour la transpiration dans l'air, lorsque la tempé- rature n’est pas très-élevée. De plus, ce décroisse- ment est très-rapide, à mesure que les animaux se rapprochent de la saturation : de manière que, si l’on veut les comparer sous le rapport de la vi- tesse de l'absorption , il faut , toutes choses égales d’ailleurs, qu'ils soient également éloignés de leur point de saturation : alors les résultats deviennent comparatifs. Si, au contraire, ils diffèrent beau- coup à cet égard , les résultats sont très-différens, et l'on voit que ceux qui sont le plus éloignés du terme de la saturation absorbent beaucoup plus vite que ceux qui en sont rapprochés (1). En comparant la vitesse de l'absorption à celle dela transpiration, dans le cas où celle-ci est le plus, rapide, on trouve qu’elle peut être six fois plus grande; mais il est évident, d’après ce qui précède, que ces rapports varieront suivant la distance du point de saturation. Il résulte au moins de cette comparaison que les pertes par la transpiration dans l'air peuvent se réparer par l'absorption de l’eau, dans un temps bien plus court que celui pendant lequel ces pertes ont eulieu. oo (1). Voyez tab. 14. CHAPITRE Vf, IOI Il s’agit maintenant de savoir ce qui arrive au poids du corps lorsqu'il a atteint dans l’eau le point de saturation. Reste - t - il stationnaire, ou décroit-il? Ou, en d’autres termes, subit-il des pertes malgré la présence de l’eau, lorsqu'il est saturé ? Voici le résultat des expériences que j'ai faites. Il ne tarde pas à décroître en poids, mais ce dé- croissement n'est pas continu. Il y a des alterna- tives de diminution et d'augmentation ; mais dans ces fluctuations, les accroissemens ne dépassent point le terme de saturation où les pertes avaient commencé. On voit que c’est ici que les phénomènes de la nutrition commencent à se manifester, puisqu'il y a un échange de substance absorbée et excrétée ; c'est aussi la limite où je dois m’arrêter dans ce genre de recherches, qui n’est pas compatible avec un examen plus approfondi de ce sujet. Cependant, avant de le quitter, je dois m’arrêter un instant pour dire un mot sur la nature de ces pertes et l'influence que la température exerce sur elles ; connaissance indispensable pour apprécier les phénomènes de la transpiration dans lair.et l'action de l'atmosphère. J’observerai d’abord que pendant la transpiration dans l'air, nous n'avons considéré que les pertes de poids, sans examiner si, dans les liquides perdus par la trans- piration , il ÿ avait autre chose que de Peau. C'est que, dans ces circonstances, la distinction n'était 102 PREMIÈRE PARTIE. pas facile, et que le premier pas à faire était de déterminer la perte par la transpiration sans en examiner la nature. Il n’en est pas de même lors- que l'animal est placé dans l’eau. On peut distin- guer, suivant les circonstances de température et le laps de temps, qu'il se fait une excrétion de matières solides; car l’eau se trouble beaucoup dans les temps chauds, et contient sensiblement des matières animales. Cette première observation s'accorde parfaite- ment avec l'analyse qui a été faite de la sueur de l'homme, qui démontre qu'elle contient une ma- tière animale et une grande proportion d'eau. Sans examiner davantage la nature chimique de cette substance , cette observation suflit pour ren dre raison des fluctuations du poids du corps dans l’eau. Les pertes par l’excrétion des matières animales se rétablissent d’abord par l'absorption .de ce liquide; mais si l’on prolonge ces observa- tions dans un espace de temps assez considérable, on trouve un décroissement réel et progressif dans le poids du corps, malgré les fluctuations. C'est que les pertes considérables de matières animales changent la capacité de saturation du corps pour l'eau, et l’absorption alors ne ramène plus Le corps au point de départ. Par la même raison la vie finit par s'étendre, si des matières plus nutritives que l'eau ne viennent réparer les pertes de substance animale. J'appelle capacité de saturation pour l’eau la CHAPITRE VI. 103 quantité de ce liquide qu’un animal peut contenir, entre les limites de la plus grande inanition et de la plus grande réplétion. Elle se mesure de deux facons; d'abord, en supposant l'animal sa- turé de liquide, elle peut se mesurer par la quan- tité qu'il perd par la transpiration avant de mou- rir, lorsque J'ai laissé intacts d'autres individus de même es= pèce; je placai les uns et les autres dans de l’eau non aérée à la même température. La différence dans la durée de la vie était considérable , les sa- lamandres dont la circulation était supprimée ne vivant que sept à huit heures, celles chez qui la cir- eulation subsistait vivant trois fois plus long-temps. La circulation du sang veineux contribue-t-elle à prolonger la vie des animaux à sang chaud lorsqu'ils sont asphyxiés ? Cela est évident pour les jeunes mammifères. J’ai fait sur des chats des expériences analogues aux précédentes sur les rep- tiles. Les individus dont la circulation était suppri- mée par l’excision du cœur, et submergés dans de l’eau ne vivaient en général qu’un quart d'heure ; d’autres que je laissais dans leur intégrité , plongés dans de l’eau à la même température, donnaient des signes de vie pendant environ une demi-heure (1), On ne verrait pas facilement dans des expé- (1) On peut déduire un résultat analogue mais moins mar- qué des expériences de Le Galois sur les lapins. Voyez le tableau de la durée des bâiilemens et de celle de la sensibi- lité dans les Hapins de différens âges , page 78 de son ouvrage. Après l’excision du cœur des lapins âgés d’un jour, les bäil- lemens duraient, terme moyen, cè 20’; dans l’asphyxie par submersion oP 27’. Il ne paraît pas avoir fait ces expériences dans la vue que je me suis proposée : aussi ne tire-t-ilaucune conclusion de cette différence , et ne fait-il à cet égard aucune cbservation. CHAPITRE VI, 277 riences sur des animaux à sang chaud adultes l'in- fluence de la circulation du sang veineux , parce que la privation d'air cause si promptement la mort apparente, qu'il est inutile de chercher à déterminer de petites différences qui, d’ailleurs , pourraient ne pas être sensibles; mais on ne sau- rait douter que la circulation du sang veineux ne contribue à entretenir la vie de ces animaux après la cessation des mouvemens extérieurs, et durant cet état que nous désignons sous le nom de mort apparente. Ces observations nous conduisent à examiner la fonction sur laquelle la température agit, suivant son degré, pour prolonger ou abréger la vie dus rant lasphyxie, On conçoit que la température dans l'échelle de 0° à 40°, puisse agir directement ou indirecte- ment, n'importe lequel, sur les mouvemens du cœur des animaux asphyxiés. Comme nous avons prouvé que la circulation contribue puissamment à prolonger la vie des animaux qui vivent long- temps privés d'air, il s'ensuit que les différens de- grés de vitesse du cœur peuvent influer diverse- ment sur la durée de la vie. Il est de foit que la vitesse des mouvemens du cœur est très-différente chez les animaux plongés sous l’eau , suivant le degré de température de ce liquide. Chez les reptiles comme chez les jeunes mammifères , ils sont le plus lents à o° et très-précipités à 40°. Nous supposerons que la vitesse du cœur qui 76 QUATRIÈME PARTIE, convient le plus pour prolonger la vie des animaux asphyxiés est celle qui est déterminée par la-tem- pérature à laquelle ils vivent le plus long-temps, et nous nous demanderons si cette même tempé- rature n'a pas une action spéciale sur le système nerveux pour favoriser ses fonctions. Je m'en suis assuré de la manière suivante : vers la fin du mois de décembre la température précédente ayant été très-froide, le cœur fut enlevé à huit grenouilles. On en plaça quatre dans de l’eau à 20° et quatre autres dans de l’eau à la température de la glace fondante. Les individus de la première sé- rie vécurent l'un dans l’autre une heure trois minutes, ceux de la seconde huit heures cin- quante-cinq minutes. La température agit donc sur les grenouilles dont la circulation est suppri- mée et qui sont, pour ainsi dire, réduites à la seule action du système nerveux, de la même ma- nière que sur celles dont la circulation est en pleine action. ( f’oyez K* partie, chap. n.) J'ai ex- cisé le cœur à trois chats nouveau nés : j'ai mis l'un dans de l’eau à 20°, un autre dans de l’eau à 40° et le troisième dans de l’eau à o°. Le premier vécut 0° 13/30”; le second o* 7’, et le troisième 0? 5; or, ces animaux ne vivaient que par le système nerveux et musculaire; et si l’on compare le résultat de ces expériences à celles que j'ai rap- portées ailleurs (voyez IL partie, chap.1v), relati- ves à des individus de même espèce dont la circu- lation n’était pas supprimée et qui étaient placés CHAPITRE VI. 279 dans les mêmes conditions, on verra que la tem- pérature a exercé sur les uns et les autres une influence analogue. En effet, c’est dans de l’eau à 20° qu'ils ont vécu le plus long-temps , beau- coup moins à 40°; enfin la plus courte durée était à 0°. La température , dans les limites indiquées , exerce donc une influence directe sur la vitahté du système nerveux. 200 QUATRIÈME PARTIE. CHAPITRE VII. Des Modifications de la Respiration , suivant les espèces, l’âge, etc. S: les animaux peuvent différer beaucoup entre eux dans la durée de la vie, lorsque le contact de l'air est supprimé ; ils ne diffèrent pas moins dans leurs rapports avec l'air par la respiration. Cet ali- ment de la vie n’est pas consommé par tous dans la même proportion, il s'en faut de beaucoup. Nous en avons donné plusieurs exemples dans la troisième partie de cet ouvrage , où nous avons traité des animaux à sang chaud; mais la compa- raison de ces vertébrés avec d’autres dont la res- piration est aérienne, présente des différences beaucoup plus considérables. Choisissons-les à- peu-près de même volume et à l’époque où les ver- tébrés à sang froid jouissent de toute leur activité. Qu'une grenouille soit placée sur un diaphragme à claire-voie, dans une cloche renfermant un litre d'air, au-dessus d’une forte dissolution de potasse pure, pour absorber l'acide carbonique provenant de l’altération de l'air par la respiration ; qu’on en fasse de même avec un bruant de même vo- lume : celui-ci y vivra environ une heure; la grenouille de trois à quatre jours. Cette grande CHAPITRE VI: 28r différence dans la durée de la vie ne dépend pas ici de ce que la grenouille, après avoir consommé tout l'air qui peut servir à la respiration , est en état de vivre long-temps sans exercer cette fonc- tion. Elle y respire continuellement tant que l'air est respirable , et succombe bientôt lorsqu'il cesse de l'être. On a vu , dans la première partie de cet ouvrage, que ces animaux, privés du contact de l'air en été, ne sauraient vivre plus d’une ou deux heures. La grande différence dans la durée de la vie ne dépend pas non plus de ce que la grenouille peut ürer un plus grand parti de cet air, en le dépouillant de ses dernières particules d’oxigène. Lorsqu'on fait l'expérience comme je viens de l’in- diquer , en absorbant l'acide carbonique , au fur et à mesure qu'il se forme, l'oiseau a la facuité de consommer une plus grande quantité d’oxigène. fl en reste si peu à la fin de l'expérience, quand Fair n'est plus propre à l'entretien de la vie, que les proportions diffèrent peu dans l’un et l’autre cas. Je n'entre pas dans les détails : tout ce qui est re- latif à l'analyse de l’air respiré est réservé pour un autre ouvrage. L'énorme disproportion entre la durée de la vie du reptile et de l'oiseau, dans des quantités égales d'air, tient essentiellement à la vitesse res- pective avec laquelle ils consomment l'air : cela est reconnu ; mais 1] convient de fixer l'attention sur quelques-unes des conditions de cette dilié- rence, 282 QUATRIÈME PARTIE. Il en est qui sont évidentes. À ne considérer que les poumons , il est mamifeste que la surface en contact avec l'air est plus étendue chez l’oi- seau , non par la différence du volume de ces or- ganes, mais parce que les cellules en sont plus multipliées. L’étendue ct la fréquence des mouve- mens respiratoires sont un indice qu'il entre plus d’air dans les poumons des oiseaux. Voilà des con- ditions qui doivent contribuer à leur donner la faculté de consumer plus d'air dans un temps donné : de plus, on voit que leurs poumons con- tiennent beaucoup plus de sang. Or, c’est prin- cipalement au sang qu'on attribue la puissance d’altérer l'air. Toutes ces conditions en faveur des oiseaux se réduisent à la multiplication du contact de l'air : elles peuvent être regardées comme des données physiques , puisqu'elles consistent dans des rapports de quantité; mais il en est sans doute d'une autre nature qui ne sont pas d’une moindre importance. Si le sang a une grande influence par sa quantité, n'en aura-t-1l pas aussi par Sa qua- lité ? Il suffit de comparer par la simple imspec- tion le sang de la grenouille et de l’oiseau : on reconnaît de suite que le sang du reptile est plus aqueux. De cette seule différence il doit en ré- sulter une dans les rapports du sang avec l'air ; car personne n’est disposé à rapporter laltération de l'air à la partie aqueuse du sang, mais à la sub- stance animale qui le caractérise. Or, elle est en moindre proportion dans l'espèce où il y a le plus CHAPITRE VII. 263 d'eau, le sang du reptile; mais àil y a plus, et ceite différence est tout-à-fait fondamentale. Le sang observé à la vue simple ne présente pas l'as- pect de l’organisation ; mais on a reconnu depuis long-temps , à l’aide du microscope , que la ma- tière solide consiste en corpuscules de forme ré- gulière. D'après les dernières recherches faites en Angleterre par Sir Everad Home, et récemment à Genève par MM. Prévost et Dumas, ces particules sont constamment composées d'un sphéroïde imco- lore et d’uné enveloppe colorée en rouge. Quoi- que la forme de ces globules soit elliptique chez le reptile et l'oiseau , ils sont de dimensions très- différentes, et beaucoup plus grandes chez la gre- 1ouille que chez l'oiseau. MM. Prévost et Dumas, dans leur excellent travail sur lesang, en ontdonné la mesure. Ainsi, la qualité du sang dans ces deux espèces diffère essentiellement par le nombre et les di- mensions des globules. Je n'ai fait cette comparaison que pour faire sentir que la grandeur des surfaces en rapport avec l'air, la fréquence et l'étendue des mouvemens , la quantité de sang qui passe par les poumons, ne sont pas les seules causes qui doivent influer sur Ja consommation d'air, Ici la différence dans la nature du sang est si grande, qu’elle ne doit pas moins influer que sa quantité sur le phénomène qui nous occupe. D'au- lres causes y contribuent sans doute ; mais il se- 284 QUATRIÈME PARTIE. rait prématuré de chercher maintenant à entrer plus avant dans ce sujet. Les mêmes conditions d'organisation qui , chez la grenouille, rendent la consommation d’air beau coup plus lente que chez l'oiseau , se reproduisent dans tous les reptiles et les poissons. Les mammifères se rapprochent beaucoup des oiseaux par la quantité d'air qu’ils consomment. Cette différence dans l'étendue de la respiration établit une distinction remarquable entre les ver- tébrés , et en forme deux groupes , Fun renfer- mant les reptiles et les poissons, l’autre les mam- mifères et les oiseaux. Cette division est encore fondée sur un autre caractère non moins important qui a fait donner aux uns la dénomination de vertébrés à sang froid, aux autres celle de vertébrés à sang chaud. On a reconnu par là qu'il devait y avoir une liaison entre la production de chaleur et la consommation d'air, quels que soient d’ailleurs les liens qui unis- sent ces deux fonctions ; de plus, on a observé un rapport semblable entre les mammifères et des oiseaux. À ces faits, connus depuis long-temps, j'en ai ajouté deux autres relatifs aux modifica- tions de l’âge et à l'influence des saisons. Ayant constaté que les mammifères qui nais- sent les yeux fermés et les oiseaux qui éclosent sans plumes se rapprochent beaucoup , dans les premiers temps de la vie, des vertébrés à sang roid, par les phénomènes de chaleur animale, j'ai CHAPITRE VIT. 285 été porté, par l'analogie, à penser qu'il en serait de même de leur consommation relative d’air. L’ex- périence a confirmé cette opinion et m'a fait re- connaitre que le développement de la chaleur chez les mammiféres et les oiseaux en général, va en augmentant avec la consommation d'air, depuis la naissance jusqu à l’âge adulte. Ensuite ils subissent des variations dans l’une et l’autre fonction, suivant l'influence des saisons. Les individus qui par Vabaissement successif de la température extérieure acquièrent la faculté de produire plus de chaleur, subissent en même temps un changement de constitution qui leur fait consommer plus d'air. Il faut se rappeler qu'il ne S'agit pas d’un effet provenant d’une différence dans la vitesse des mouvemens respiratoires ni dans les variations de la densité de l'air, mais d'une modification intime de l’économie, quelle qu’en soit la nature. Le contraire a lieu par l’élé- vation lente et progressive de la température ex- térieure , diminution dans la production de cha= leur et dans la consommation d’air. Ces observations ne sont applicables qu'aux in- dividus qui, parmi les animaux à sang chaud et les hommes , supportent bien les vicissitudes de chaleur et de froid, dans les saisons oppo- sées de l'été et de l'hiver. Les autres individus que nous avons désignés comme n'étant pas ap- propriés au climat, parce que leur production de chaleur diminue par Finfluence de la saison 286 QUATRIÈME PARTIE. froide, pourraient présenter le phénomène imverse relativement à la respiration. Cela est vrai, du moins pour Ceux que nous avons regardés comme l’extrême de ce tempérament , les mammifères hi- bernans. M. de Saissy a comparé la respiration de la marmotte, du hérisson, du lérot et de la chauve-souris dans l’état de veille, au mois d’août et de novembre. Ils ont consommé moins d’air à cette derniere époque. CHAPITRE VII. | 207 CHAPITRE VII De l’ Action combinée de l’ Air et de la Température. ÎL est facile , chez certains animaux, de faire va- rier leur rapport avec l'air, dans une grande éten- due , sans qu’ils cessent de vivre, pourvu qu'on les place dans des conditions convenables. On peut en profiter pour étudier l'influence que la tempé- rature exerce sur la vie dans les cas où l’on fait varier l'étendue de la respiration. J'ai présenté, dans la première partie de cet ouvrage, plusieurs faits sur lesquels la connaissance de ce rapport peut être fondée. Je Les rappelerai succinctement, et j'en ajouterai plusieurs autres, afin que l’on puisse juger de la généralité de cette relation. Nous avons constaté que plusieurs espèces de ba- traciens, telles que la grenouille, le crapaud et la salamandre, peuvent vivre sous l’eau, aux dépens de l'air contenu dans ce liquide , et que l'air agit uniquement sur la peau. Il n’y a donc plus de respiration pulmonaire ; l'animal est réduit à la respiration cutanée, encore cette fonction est-elle à son minimum, puisque l'air contenu dans l’eau s’y trouve en très-petite proportion. L'air, en ce cas , ne peut avoir qu'une faible action vivifiante. 588 QUATRIÈMÉ PARTIE. Elle suffit cependant pour entretenir la vie de l’ani- mal , tant que la température de l’eau se trouve entre o° et 10°; mais si la température du liquide s'élève au-delà de ce terme, tandis que les ani- maux restent dans la même condition de respira- tion bornée, la plupart périssent. Pour remédier aux effets délétères de cette faible chaleur, il faut étendre les rapports avec l'air; son action vivi- fiante sera augmentée , et la vie sera conservée. Ces animaux ne peuvent étendre leurs rapports avec l'air qu'en montant à la surface pour exercer la respiration pulmonaire. C’est par ce moyen qu'ils entretiennent l'équilibre entre les effets de la chaleur et l'influence de Pair. Lorsqu'ils vivent en liberté dans les eaux des marais, des étangs et des petites rivières , ils peuvent se tenir sous la surface tant que la température ne s'élève pas au-dessus de 10°, comme il arrive ordinairement en automne , en hiver et au commencement du printemps; mais pour peu qu'elle dépasse ce ter- me, ils sont dans la nécessité de monter pour pui- ser de l'air dans l’atmosphère. Ayant recu cette influence vivifiante par un surcroît de respiration, ils sont en état de séjourner de nouveau sous l’eau, et d'autant plus long-temps que la température est moins élevée au-dessus de 10°; mais à mesure que la chaleur augmente, la durée de leur séjour sous l’eau diminue ; ils sont successivement obli- gés de remonter plus fréquemment à la surface ; jusqu’à ce qu'il vienne une époque où ils ne peu- CHAPITRE Viti. 58 vent presque plus se passer de la respiration pul- monaire. Il est un autre mode de respiration auquel ils sont forcés de recourir dans les plus fortes cha- leurs de l’été. Alors la respiration pulmonaire , aidée de la respiration cutanée dans l’eau, ne suflit plus pour contre-balancer l'effet de cette haute température. Il faut qu'ils sortent de l’eau pour mettre la peau en rapport avec l'air de latmo- sphère , dont l’action est plus vive sur cet organe que celle de l'air dissous dans l’eau. Par cette aug- mentation de la respiration cutanée, ils sont en état desupporter ce haut degré de chaleur : s'ils n'a- vaient pas cette ressource, ils périraient en grand nombre. Ce que je viens de dire est une consé- quence nécessaire du rapport entre les eflets de la chaleur et de l'air. L'été dernier, remarquable par la durée et l'intensité de la chaleur, a fourni loc- casion de vérifier cette conséquence. M. Bosc m'a rapporté un fait qui confirme ce que j'avais avancé à ce sujet. Il a un bassin dans une de ses pépi- nières dont les bords sont trop escarpés pour que les grenouilles puissent en sortir. Dans le fort de l'été dernier , ces animaux ne pouvant recourir à ce moyen pour étendre leur respiration , péris- saient en grand nombre. Il est évident qu’en ex- posant la peau à l'air , ils ont l’avantage de se re- froidir par évaporation, comme nous le-verrons ailleurs ; mais de plus, l'accroissement de la res- piration cutanée par le contact de l'atmosphère 19 200 QUATRIÈME PARTIES est un moyen puissant de contre-balancer les ef- fets de la chaleur. Les effets combinés de la température et de l'air sont les mêmes sur les poissons. Nous en avons donné la preuve fondée sur l'expérience. ( Joyez IT° partie, chapitre 11.) Nous allons en faire l’appli- cation à ce qui se passe dans la nature. Les pois- sons, en hiver, peuvent vivre sous l’eau sans venir respirer à la surface; mais diverses espèces, à mesure que la température s'élève au printemps et en été, sont dans la nécessité, suivant leur susceptibilité pour la chaleur, d'étendre leurs rap- ports avec l'air en venant fréquemment respirer celui de l'atmosphère. Comme c’est là ordinaire- ment la limite de leur respiration , si la chaleur de la saison devient très-forte, elle en fait périr un grand nombre. Mais les espèces qui souffrent moins de la perte par évaporation dans l'air trou- vent le moyen de supporter cette chaleur , en exposant , pour un temps, la peau et les bran- chies à l'action vivifiante de l'air : c’est ce que Von voit quelquefois chez certaines espèces, qui se tiennent à l'ombre en grande partie hors de l’eau , sur des tiges et des feuilles de nénuphar , ou qui quittent leur élément pour se jeter sur les bords. Ils sont alors entièrement exposés à l’action de l'atmosphère , et y respirent comme des ani- maux terrestres. Les faits précédens sont compliqués d’un chan- gement de milieu dont l'influence, à température CHAPITRE VUHI. 201 égale, peut êlre très-différente sur l'économie , et qui l’est en effet, indépendamment du résultat de l'évaporation dans l'air; mais on verra par les expériences suivantes, dans lesquelles cette com- plication n'existe pas, que cette action n’est qu’ac- cessoire. Des batraciens peuvent vivre dans l'air , en sup- primant l’action des poumons. J’ai exposé ailleurs les détails de ces faits. Il suflit de rappeler que des grenouilles privées de poumons ont vécu long- temps à l'air par la seule respiration cutanée, lorsqu'on prend les précautions nécessaires pour entretenir leur humidité. Elles vivent ainsi en hiver et dans les temps où la température est basse; mais si l’on supprime de la même manière l’action des poumons en été, elles meurent presque aussi promptement que si on les privait entièrement du contact de l'air par submersion dans l’eau. L’ac- tion vivifiante de l'atmosphère sur la peau est trop faible pour contre-balancer l'effet délétère de la chaleur de l’été. Remarquez cependant qu’elles ont alors le secours d’une plus forte évaporation par transpiration pour les refroidir; mais cet avan- tage est trop faible. Il faudrait qu’elles pussent étendre leurs rapports avec l'air par le moyen des poumons pour supporter cette haute tempéra- ture. On reconnait la même relation entre les eflets combinés de la chaleur et de l'air, en variant les moyens de borner la respiration. Une enveloppe 292 QUATRIEME PARTIE. solide mais poreuse diminue l'étendue du con- tact de l'air. Des batraciens ont vécu un temps considérable enfouis dans du plâtre. ( ’oyez F° partie, chap. 1.) Ces expériences ont été faites en hiver. Ils supportent alors cette respiration bor- née , parce que la température est faible. Il n'en est pas de mêèmeren été : je les ai vu périr alors dans les mêmes enveloppes, presque aussi promp- tement que s'ils avaient été plongés sous l’eau. Si, à cette époque , au lieu de plâtre on se sert de sable, comme il admet plus d'air , ils peuvent y vivre beaucoup plus long-temps. On ne saurait douter que ce rapport de la cha- leur et de la respiration ne s’étende aux animaux à sang chaud. Une observation de Legallois nous fournit la preuve qu'il a lieu chez de jeunes mam- mifères. La section de la huitième paire produit, entr'autres phénomènes, une diminution consi- dérable dans Fouverture de la glotte ; eHe est telle chez les chiens nouveau nés ou âgés d’un ou deux jours , qu'il entre très - peu d’air dans les pou- mons; et cette quantité est si petite que, lorsqu'on fait l'expérience dans les circonstances ordinaires, l'animal périt aussi promptement que s’il était en- tièrement privé d’air ; il vit environ une demi- heure. Mais si Von fait la même opération sur des individus de même espèce et de même âge ; en- gourdis par le froid, ils peuvent vivre toute une journée. Dans le cas précédent , le peu d'air qu'ils respirent ne saurait balancer l'effet de la chaleur ; CHAPITRE VII 295 mais dans l'engourdissement par Le froid, la même quantité d'air suflit pour prolonger considérable ment la vie. Nous avons dit que ce principe devait être gé- néral : nous allons en faire l'application à lâge adulte , et particulièrement à l’homme. Un indi- vidu est asphyxié par la trop grande quantité d’a- cide carbonique dans Pair qu'il respire; les bat- temens du pouls ne sont plus sensibles ; on ne voit point de mouvemens respiratoires : cependant sa chaleur est encore élevée. Comment doit-on agir, d’après ce que nous ayons exposé précédemment , pour le rappeler à la vie ? Quoiqu’on ne voie plus de mouvemens respiratoires, cependant tous les rapports ayec l'air ne sont pas supprimés. L'air est en contact avec la peau , sur laquelle il exerce une action vivifiante ; il l’est aussi avec les pou- mons , dans lesquels il se renouvelle par les agi- tations qui ont toujours lieu dans l'atmosphère, et par la chaleur du corps qui le raréfie, Le cœur continue à battre, et entretient un certain degré de circulation , quoiqu'on ne l’apercoive pas aux battemens du pouls. La chaleur du corps est trop élevée pour que le faible degré de respiration pro- duise sur l’économie tout l’effet dont il est sus- ceptible. Il faut donc la réduire ; soustraire l’in- dividu à l’atmesphère délétère ; le dépouiller de ses vêtemens pour que l'air ait une action plus éten- due sur la peau; l’exposer ainsi au froid, quand même ce serait en hiver ; lui jeter de l’eau froide 204 QUATRIENE PARTIE. à Ja figure, jusqu'à ce que les mouvemens res- piratoires reparaissent. C’est précisément la mé- thode consacrée par la pratique pour ranimer un homme en pareil cas. Ce qui a été exposé plus “haut nous en fait voir la raison. On voit de même que si, au lieu du froid , on appliquait la chaleur d’une manière soutenue, ce serait un des moyens les plus efficaces pour éteindre la vie. Cette con- séquence est également confirmée par lexpé- rience. Dans les défaillances subites plus ou moins for- tes, lorsque le pouls est faible ou imperceptible, les mouvemens respiratoires ralentis ou peu éten- dus , l'usage des sens et dés mouvemens volon- taires suspendu, les personnes les plus étrangères à la médecine savent qu’il faut'employer des mc- thodes de réfrigération ; telles que l'exposition à l'air, la ventilation , laspersion avec de l'eau PR ; et l'efficacité de cette méthode s “explique par le principe exposé plus haut. De même dans des accès violens d’asthme, lors- que l'étendue de la respiration est diminuée au point que le malade éprouve de la suffocation , 1l recherche le froid, même dans les temps les plus rigoureux ; il ouvre les fenêtres, respire un air glacial , et se trouve soulagé. | CHAPITRE IX. 205 CHAPITRE IX. Effets de la Température sur les mouve- mens respiratoires et circulatoires. Loncansarion des animaux vertébrés à respiration aérienne leur fournit plusieurs moyens de faire varier promptement leurs rapports avec l'air. Ces moyens consistent principalement dans les mou- vemens du thorax et de l'abdomen d’une part , et de l’autre dans ceux du cœur et des vaisseaux san- guins. Les premiers sont les mouvemens respira- toires , les derniers ceux de la circulation. Il est rare que les uns s’accélèrent ou se ralentissent sans que les autres subissent un changement sem- blable. Personne n'ignore que la volonté peut régler les mouvemens respiratoires, les ralentir, les précipiter ou les arrêter ; mais elle y préside ra- rement. Une autre force les détermine, les en- tretient et les contrôle. Ils ont lieu, dans le cours ordinaire de Ja vie, sans notre participation et presque à notre insu , à moins qu'une gêne ou un bien-être inaccoutumé ne nous en avertisse. Siquel- quefois la volonté y intervient, ce n’est que pour de courts instans. Ils suivent habituellement une marche réglée où le même nombre de mouve- 296 . QUATRIÈME PARTIE, mens se reproduit dans les mêmes intervalles de temps. Ce rhythme se soutient avec très-peu d’altéra- tion tant que les circonstances extérieures et la constitution restent les mêmes. Cette observation est applicable à tous les ver- tébrés à respiration . aérienne. Etudions les rap- ports suivant lesquel$ces mouvemens respiratoires sont affectés par la température extérieure. On sait que l’élévation de la température accé- ière les mouvemens ; c’est un phénomène géné- ral : seulement le degré qui produit cet effet n’est pas lé même pour tous, L’utilité de cette accélé- zation se déduit des faits que nous avons précé- demment exposés. Elle n’a ordinairement lieu, d'une manière bien sensible, que lorsque la cha- leur est accablante ou qu’elle est très-incommode. Comment contre-balancer cet effet ? Nous l’a- vons vu plus haut. Etendez les rapports avec l'air, vous augmenterez son action vivifiante. C’est ce que fait l'économie lorsqu'elle est péniblement affectée par une trop forte chaleur. Les mouve- mens respiratoires deviennent plus rapides ou plus amples ; par ce moyen, plus d'air se met en contact dans un temps donné avec les poumons, et ranime ce que la chaleur abat. Je n’ai pas be- soin de répéter ici ce que j'ai dit aïlleurs, que cet effet est indépendant de l’évaporation qui peut avoir lieu par les poumons ; mais de cette aug= nentation des mouvemens respiratoires néces- VE CHAPITRE IX. 297 saire pour s'opposer, au moins pour un temps, aux effets de la température extérieure, nait un ordre de phénomènes différens de ceux de la santé, et qui caractérisent un type particulier de fièvre. | Il y a une certaine étendue de température moyenne dans laquelle les mouvemens respira- toires conservent à-peu-près le même type. Cette latitude est plus où moins grande, suivant les constitutions. Nous en examinerons plus tard les rapports. . Nous venons d'exposer les effets des degrés qui surpassent la limite supérieure , effets communs à tous les vertébrés à respiration aérienne. Nous passerons maintenant à labaissement de la température au-dessous de la limite inférieure. Ici les effets ne sont pas uniformes chez tous les vertébrés, comme dans le cas précédent. Le froid, lorsqu'il influe sur les mouvemens respiratoires des reptiles , les ralentit progressivement, suivant son intensité, jusqu'à ce qu'il les arrête. La vie alors est prête à s’éteindre. Je ne rechercherai pas iciæombien de temps ils peuvent vivre dans un engourdissement aussi profond : il est sûr que si le froid est assez gradué pour ne pas dépasser le degré où il suspend les mouvemens respiratoires, la vie, quelque languissante qu’elle soit, se sou- tent plus ou moins long - temps. Les conditions dont cette durée dépend sont absolument étran- gères au sujet qui nous oceupe. 208 QUATRIÈME PARTIE. Dans tous les degrés intermédiaires entre la plus faible action du froid qui commence à ralentir les mouvemens respiratoires et la plus forte qui les arrête, nous voyons ce rapport entre la chaleur du corps et l'étendue de la respiration dont nous avons fait voir la nécessité pour l'entretien de la vie. Si, pendant que la respiration se ralentit par le froid, la chaleur de ces animaux pouvait se soute- mir, la vie chez la plupart ne tarderait pas à s’é- teindre. Je n’ai pas besoin d’insister sur ce point, dont j'ai donné des preuves multipliées dans le cha- pitre précédent. Mais les reptiles suivent, à peu de chose près, la température extérieure; la diminu- tion de leur chaleur s'accorde avec celle de leur respiration pour le maintien de la vie. Lorsque le froid descend au-dessous du point où la respiration est arrêtée , il devient délétère. Pour empêcher la mort sans changer la tempé- rature extérieure , 1l faudrait pouvoir augmenter l'action de l'air; ce qui ne peut se faire, à moins qu'on n’excite les mouvemens respiratoires. Mais les reptiles ne paraissent pas avoir une par&ille ressource en eux-mêmes : nous verrons d'autres animaux qui ont cette faculté. Parmi les mammifères , les animaux hibernans présentent une suite de phénomènes semblables : au printemps et en été leur chaleur est élevée, et feurs mouvemens respiratoires sont vifs comme chez les autres animaux de leur classe. Dans le dé- CHAPITRE IX. 209 clin de l’année, on voit leur chaleur et leurs mou- vemens diminuer sensiblement, pourvu qu’on les observe à des intervalles assez grands; et ce dé- croissement simultané peut aller jusqu’à la ces- sation des mouvemens respiratoires, sans mettre un terme à la vie. Mais si le froid devient plus intense, il faut que l'animal périsse ou qu’il étende ses rapports avec l'air. L’intensité du froid auquel il est près de succomber excite les mouvemens respiratoires. L'air inspiré les entretient, au moins pour un temps, et compense l'influence perni- cieuse de la température. Ainsi, le froid peut ou ralentir ou accélérer les mouvemens respiratoires , suivant son intensité et la constitution des animaux. Nous venons de voir que c’est le froid le plus vif qui produit ce dernier effet sur les mammifères hibernans. Pour peu que le froid agisse sur les mouvemens respiratoires des jeunes animaux à sang chaud , il les précipite ou en augmente l'étendue. Ce phéno- mène est extrêmement remarquable chez ceux qui naissent sans avoir la faculté de conserver leur température à l'air libre. À peine y sont-ils expo- sés , surtout les jeunes oiseaux de cette espèce , que leur respiration acquiert de la vitesse ou de l'ampleur, et leur température commence à bais- ser. Point de doute qu'ils n'éprouvent un senti- ment vif de froid , malgré la chaleur de la saison. Tout leur être l'annonce. Ils présentent les phé- nomènes d’un accès de fièvre algide , et l'état où ils se trouvent n’est pas moins promptement mor- 500 QUATRIÈME PARTIE. tel si on n’y remédie en rétablissant la chaleur du corps. Quoique l'accélération de la respiration soit un moyen puissant pour combattre les effets du froid, en multipliant le contact de l'air avec les or- ganes les plus propres à ressentir son influence vivi- fiante, cependant cemoyen est borné, l'accélération a ses limites ; elle peut diminuer , mais ne saurait contre-balancer les effets d’un froid trop rigoureux. En ce cas elle retarde, mais n’empéche pas la mort. Dans d’autres circonstances où le froid est plus modéré, on conçoit que cet effort conserva- teur peut être efficace. J’emploie ici le mot de froid dans un sens rigoureusement juste, mais qui se rapporte à des températures auxquelles on n’at- tache pas ordinairement celte idée. C’est que le fait lui-même est extraordinaire. Il n’y en a pas d’ailleurs de plus propre à mettre dans tout son « jour combien les expressions de froid'et de chaud sont relatives lorsqu'on les applique à l’économie animale. Suivons ces jeunes animaux dans les progrès de l’âge : la même température affecte de moins en moins les mouvemens respiratoires, jusqu à ce qu'enfin elle n'ait plus d'influence sur eux. Par conséquent , dans l’âge adulte la vitesse de ces mouvemens est beaucoup moins soumise à l'influence de la température extérieure. Mais quelle que soit l'étendue de l'échelle dans laquelle les mouvemens du thorax conservent le type qui caractérise la santé, 1il est un degré de froid qui CHAPITRE IX. 5o1 les altère. Dans toutes les expériences que j'ai faites sur le refroidissement des animaux à sang chaud adultes qui ne sont point sujets à l'hiber- nation, Jai toujours remarqué une accélération des mouvemens respiratoires jusqu'à ce que les forces étant épuisées, ces mouvemens, comme tous les autres , languissent et s’éteignent. Je ne doute pas qu'il n’y ait, au contraire, des cas où le ralen- tissement de la respiration a lieu chez eux comme chez les mammifères hibernans; mais la détermi- nation précise des conditions d’où résultent l’aug- mentation ou la diminution de vitesse des mou- vemens respiratoires sous l'influence du froid chez ce groupe d'animaux, est composée d’élémens si compliqués, que nous ne saurions ici nous livrer à cette recherche. Les faits consignés dans ce chapitre nous four- nissent des données sur lesquelles nous pouvons fonder des rapports susceptibles d'applications nombreuses. Nous avons dit qu'il y a une étendue de température dont les variations n’influent guère sur la vitesse des mouvemens respiratoires des ani- maux, et que cette latitude est plus ou moins grande suivant la constitution des animaux : c’est un rapport qu'il importe de connaître avec le plus de précision possible, parce que , si nous savions quel genre de constitution conserve plus ou moins, dans les variations de la température extérieure, le rhythme des mouvemens respiratoires qui caracté- 302 QUATRIÈME PARTIE. rise la santé, nous serions plus à même de le mainte- unir ou de le rétablir lorsqu'il est dérangé par cette cause. Ce rapport se présente facilement à l'esprit, en se rappelant ce que nous avons dit de l'effet de la température extérieure sur les mouvemens res- piratoires des jeunes animaux à sang chaud et des adultes. Nous avons vu que les mammifères et les oiseaux sont d'autant plus affectés à cet égard par la température extérieure , qu'ils sont plus jeunes. Or, les modifications de fonctions les plus importantes qui caractérisent les différences d'âge chez les animaux de ces deux classes sont celles de la production de chaleur et l'étendue de la res- piration. C'est avec le développement de ces deux fonctions que l’on voit diminuer l'influence de la température extérieure sur les mouvemens respi- ratoires. Cette correspondance subsiste là même où il n’y a pas de diflérence d'âge. On peut s’en assurer en comparant, à leur naissance, les mam- mifères qui naissent les yeux fermés à ceux qui viennent les yeux ouverts. Il en est de même de l’âge adulte : ainsi les mammifères hibernans qui produisent moins de. chaleur et consomment moins d’air que les au- tres animaux de cette classe, éprouvent - ils une altération notable dans leurs mouvemens respira- toires , à un degré de froid qui n’affecterait nul- lement le rhythme de la respiration des autres. Il suit des faits que nous venons d'exposer que, lorsqu'un individu éprouve un changement de - CHAPITRE IX. 503 constitution qui diminue sa production de cha- leur ou la consommation d'air , il ne peut subir le degré de froid qui , auparavant , lui aurait été salutaire , sans que le rhythme de ses mouvemens respiratoires n’en soit tôt ou tard altéré. De là la nécessité, lorsque ces deux fonctions ont éprouvé cette altération , comme dans des cas d’affection organique du cœur et des poumons, de mettre Je malade en rapport avec une température plus douce, soit artificiellement , soit en le faisant changer de climat. 304 QUATRIÈME PARTIE. CHAPITRE X. Del Influence desmouvemensrespiratoires sur la production de chaleur. Esséimdiant l'influence des mouvemens respira- toires sur la production de chaleur, nous devons nous borner aux mammifères et aux oiseaux; les reptiles produisent trop peu de chaleur pour que l’on puisse apprécier facilement les causes qui la modifient. Lorsqu'on voit, ainsi que nous l’avons exposé plus haut, la diminution de la chaleur et des mouvemens respiratoires des animaux hibernans avoir lieu en même temps sous l'influence d’une température basse, nous ne pouvons rien en con- clure relativement au sujet que nous nous pro- posons de traiter. Comme le froid occasione l’un et l’autre phénomène, on ne saurait reconnaître l'influence qu’une fonction exerce sur l’autre. Il en est de même lorsqu'on transporte un de ces animaux du lieu où il a été engourdi dans un en- droit chaud : sa respiration s'accélère et sa tempé- rature s'élève sous la même influence de la cha- leur extérieure : du moins c’est tout ce que nous pouvons y voir. Mais il est d’autres faits relatifs à ces animaux où nous reconnaissons la part des CHAPITRE X+ 505 mouvemens respiratoires dans l'élévation de la chaleur. Je citerai des expériences de M. de Saissy: L'air de l'appartement était à 195 au-dessous de la glace. La température d’une chauve-souris pro- fondément engourdie était de 4°. M. de Saissy lu- rita par des moyens mécaniques, et la laissa expo- sée à la même température où elle était devenue léthargique. Elle fut une heure à se réveiller : trente minutes après elle avait 15°, et au bout du même espace de temps 27° ; mais elle ne put dé- passer ce terme. Un hérisson également engourdi dans le même endroit n'avait que 3° au-dessus de zéro. Il fut excité de même. Il ne se réveilla qu'au bout de deux heures. Sa température était alors de 12°,5: une heure après de 36° ; elle ne monta ensuite que de deux degrés dans le même intervalle, et à ce terme elle demeura stationnaire. Dans les mêmes circonstances un lérot refroidi au même degré fut stimulé de la même manière. Dans une heure sa température était à 25°, et dans le même espace de temps l'animal avait repris sa chaleur naturelle, 36°. Dans ces expériences, la température extérieure n'est pour rien dans le rétablissement de la chaleur animale : les moyens mécaniques ne paraissent agir qu'en excitant les mouvemens respiratoires et circulatoires , lesquels augmentent les rapports de l’économie avec l'air. Ces mouvemens précè- dent l'accroissement de la chaleur, changement 20 506 QUATRIÈME PARTIE. qui survient lentement ; et dans cette succession de phénomènes il serait difficile de ne pas recon- maitre les rappoôfts de cause et d’effet. On verra par les expériences suivantes du même auteur que les moyens d’excitation mécanique n'ont eu aucune part appréciable dans la régéné- ration de lachaleur. Ces faits, très-curieux, présen- teront les détails d’un phénomène que nous avons indiqué d’une manière générale dans le chapitre précédent et que nous envisagerons ici sous un autre point de vue. Nous avons dit que le froid, après avoir engourdi un animal hibernant, peut le réveiller lorsqu'il devient intense : c’est par cette cause que les mouvemens de la respiration et de la circulation vont être excités. Le même jour et à la même heure où M. de Saissy fit les expériences que je viens de rapporter, il placa sur une fenêtre exposée au nord, avec les précautions nécessaires pour ne pas les réveiller, un autre hérisson et un lérot dont la température était à 4° au-dessus de zéro, tandis que celle de l'atmosphère était à 4° au-dessous. Les mou- vemens respiratoires étaient très-faibles. Le lérot s’éveilla un peu plus tard que dans lexpérience précédente , et courut dans sa cage avec légèreté. Dans la première heure, à dater de son exposition au froid , sa température s’éleva également à 25°; à la fin de la seconde , à 36°. Le hérisson s’est éveillé deux heures et demie après le commence- ment de l’expérience ; sa chaleur n’était montée CHAPITRE X. 507 qu'à 12°; au bout de cinq heures elie était à 28° Dans cette nouvelle série d'expériences, il est de toute évidence que la cause qui a produit le réveil n’était pas de nature à contribuer directe- ment à la production de chaleur. Si un froid mo- déré peut la favoriser, comme nous Pavons fait voir ailleurs, un froid plus rigoureux a une ten- dance contraire. On ne peut se méprendre ici sur son action. Il produit une impression assez vive pour être sentie malgré la torpeur, et déterminer des contractions musculaires qui donnent accès à Vair dans de plus grandes proportions. L'inter- vention de cet agent fait naître un nouvel ordre de phénomènes parmi lesquels on observe l’ac- croissement de la chaleur. Nous-ne voyons pas, il est vrai, par quel procédé ce changement s'opère; mais il suflit de faire voir qu'il a lieu : c'était là notre objet. Nous reconnaissons de plus dans cet enchainement de phénomènes un exemple frappant de ces efforts conservateurs, de cette puis- sance médicatrice dont on a tant parlé, et qu’en général, on a plus sentie que distinguée. Nous aurons plus d’une occasion de faire voir avec quel- que précision les moyens qu'emploie la nature animée pour combattre des agens qui menacent l'existence. Mais la cause qui a excité les mouvemens de ces animaux nest pas propre à les entretenir. Ils produisent trop peu dechaleur, même en déployant toutes les ressources de leur économie, pour ré- Fo8 QUATRIÈME PARTIES sister long -temps à la température qui les a sti- mulés momentanément. Le froid qui les a réveillés soustrait trop rapidement la chaleur renaïssante sous l'influence de la respiration et de la circu- lation pour que le jeu de ces fonctions puisse subsister : aussi leur température ne tarde-t-elle pas à baisser, et ils retombent dans une léthargie qui devient mortelle par l'intensité du froid. I n’en est pas de même lorsque, dans un froid modéré, on les excite par des moyens mécaniques: après avoir repris plus ou moins de chaleur , suivant leur faculté d'en produire, ils reviennent au même état où ils étaient auparavant, et dont on peut.les tirer de nouveau. Dans ces observations sur les animaux hiber- nans, les mouvemens respiratoires, d’abord très- faibles et à peine perceptibles , s'accroissent pro- gressivement jusqu’au degré de vitesse et d’am- pleur qu'ils ont dans l’état naturel (1). I s’agit maintenant de savoir quelle serait l'influence de ces mouvemens Sur la température du corps lors- qu’ils sont élevés au-delà du rhythme de la santé. Pour résoudre cette question, nous ne saurions nous appuyer sur des observations tirées des ma- ladies ; les conditions sont trop compliquées et (1) L’accélération de leurs mouveméns respiratoires ne s’ar- rêle pas toujours à cette limite; mais il est trop difficile de déméler dans leurs mouvemens irréguliers le pliénomène que nous allons examiner. CHAPITRE X. 309 trop obscures pour en déduire des conclusions sa- tisfaisantes : nous prendrons nos exemples chez des animaux dans l’état de santé, dont la consti- tution soit bien connue, ainsi que les modifications qu'ils éprouvent par les circonstances où ils sont placés. Nous avons dit que de jeunes oiseaux ré- unis dans leur nid ont une chaleur élevée, quoi- qu'ils aient alors peu ou point de plumes, mais que leur température baisse dès qu’on les expose à l'air : dans les premiers jours après leur nais- sance la marche de leur refroidissement, en pareil cas, est constamment progressive jusqu'au terme où le froid les engourdit. Quelles que soient les modifications de leurs mouvemens respiratoires, cet effet a toujours lieu : aussi n’est-ce pas à cette époque que nous pouvons discerner leur influence sur la chaleur : ils en produisent si peu alors qu'aucun effort de leur organisation ne saurait les soustraire à l’abaissement successif de leur tempé- rature; mais quelques jours plus tard, lorsqu'ils en développent davantage , on reconnait souvent par des signes indubitables que l'accélération de la respiration au-delà du terme de santé est une réaction salutaire pour accroître la chaleur du corps et s'opposer à l’action du refroidis- sement. Quand ils sont très-près de l’âge où ils peuvent soutenir leur température à Pair, voici ce que J'ai observé chez plusieurs individus dont j'ai donné les observations détaillées dans les ta- bles : un d'eux avait 40° et 97 inspirations par 510 QUATRIÈME PARTIE. minute, Retiré du nid, et exposé à l'air de l'ap- partement, qui étaità 18°, il perdit dans un quart d'heure 5° : cependant sa respiration s'était ac- célérée. Il arriva à 120 inspirations qui se soutinrent pendant vingt minutes. Il s'était alors réchauffé d’un demi-degré : quelque temps apres il se refroidit de nouveau; mais sa respiration, qui était devenue un peu moins fréquente, acquit de l'ampleur; sa chaleur se rétablit de la même quantité, et persista long-temps à ce terme. Un autre avait 38° et 84 inspirations par minute; un quart d'heure après son exposition à l'air, il se refroidit de trois quarts de degré; sa respiration s'était élevée à 108 inspirations , et continua à ce taux ; examiné au bout d’une heure, il avait repris sa température première. Enfin , chez un autre , la respiration s'accéléra, et non-seulement sa température ne baissa pas, mais elle s’éleva d’un degré. El y a donc plusieurs cas où l'accélération de ka respiration au-dessus du type de la santé peut avoir un effet sensible sur la chaleur: animale. Dans le premier, la température du corps baisse sous Fin- fluence de la cause refroidissante ; mais par fa réaction dont il s’agit, elle remonte un peu, sans cependant se rétablir, et peut ensuite descendre plus bas, en offrant des fluctuations. Daus le second, elle diminue et revient ensuite au point de départ; enfin, dans lé troisième, elle ne de- cline pas, et peut non-seulement se soutenir, CHAPITRE X. 311 mais encore s'élever au-dessus de ce qu’elle était d’abord. Il résulte des faits précédens , que dans les cas où la température du corps s’abaisse progressive- ment malgré l'accélération de la respiration, l'effet de cette accélération se borne à ralentir le refroi- dissement. 3r2 QUATRIÈME PARTIE. CHAPITRE XI De la Transpiration. LA transpiration chez l'homme a été long-temps l’objet de nombreuses recherches. Sanctorius s’en est occupé à une époque où la physique expéri- mentale faisait sés premiers essais. On ne pouvait se douter alors de la quantité considérable de fluide qui se dissipe par la transpiration; car la sueur, qui est presque le seul indice sensible de cette perte, ne se montre qu'accidentellement ; tandis qu'une vapeur légère et ordinairement in- visible émane sans cesse du corps, et lui forme une espèce d'atmosphère particuliere. C’est la quantité qui se perd ainsi que Sancio- rius a déterminée par des recherches statiques; et lorsqu'il annonça que les cinq huitièmes de la nourriture pouvaient s'échapper par cette voie, il dut exciter l’étonnement ou rencontrer l’incrédu- lité. Il s’occupa pendant un grand nombre d'an- nées à déterminer, par le moyen de la balance, les variations dans la quantité de matière transpirée, dans leurs rapports avec les alimens , les évacua- tions urinaires et alvines, et autres sécrétions sen- sihles ; le sommeil et la veille, l'exerciceet le repos, les sensations de bien - être et de malaise, les CHAPITRE XI. 515 passions, l'état de santé et de maladie, les pé- riodes du jour et de la nuit. Voilà les rapports qu’il pouvait déterminer avec plus ou moins de précision, en suivant une marche convenable; mais il n’eut pas la même facilité pour apprécier l’action des agens extérieurs, sur lesquels on n'avait alors que des idées fausses ou incom- plètes : aussi dit-il peu sur ce sujet, et ce peu est-il vague ou erroné; conséquence inévitable de l'état de la science à cette époque. Mais ce qui a lieu de nous surprendre, c’est qu'étant l'inventeur des recherches statiques, il ait donné si peu de rapportsnumériques. [l y a plus encore : un grand nombre de ses aphorismes sont fondés sur des raisonnemens et non sur l'emploi de la balance, dans des cas où cet instrument pouvait seul l'ins- truire. Mais il a ouvert la carrière, et il mérite toute notre reconnaissance. Ses successeurs ont fourni des données plus po- sitives. Keill, Ling, Rye, Robinson, etc., ont publié des tables de leurs résultats; seul moyen de juger de la valeur des propositions générales, en nous faisant distinguer ce qui est appuyé sur des faits, de ce qui n'est que le produit de l'imagi- nation. Tous les travaux de ce genre portent prin- cipalement sur quelques-uns des sujets que j'ai énumérés plus haut en parlant des recherches de Sanctorius. Notre objet, au contraire, a été d'examiner l'iniluence de la plupart des agens extérieurs sur 314 QUATRIÈME PARTIE. la transpiration des animaux vertébrés. Nous ap- pliquerons à l’homme les faits généraux qui ré- sultent de ces expériences; nous les comparerons à ceux que nous fournissent les savans qui se sont occupés des recherches statiques sur la transpi- ration; et nous donnerons sur plusieurs points des développemens que nous avons réservés pour cette quatrième partie. Nous avons senti la nécessité de commencer par déterminer la marche de la trans- piration dans destemps égaux et successifs, en l’exa- minant d'abord d'heure en heure, les circonstances extérieures restant sensiblement les mêmes. El est résulté des expériences sur les vertébrés à sang froid et les animaux à sang chaud que les pertes varient d'heure en heure, présentant des différences con- sidérables en plus ou en moins dans leurs fluc- tuations continuelles. Les auteurs qui se sont ot- cupés d'expériences statiques ont fait peu d’atten- tion à ce sujet; mais l'application de ce fait est suf- fisamment appuyée par l’obséèrvation suivante de Sanctorius : Von quälibet hord corpus eodem modo perspirat. En conséquence de ces variations qui ont lieu dans des circonstances sensiblement les mêmes, on ne $aurait apprécier dans cet espace de temps l'influence d’une cause particulière, à moins qu’elle ne soit de nature à produire des effets qui ne se trouveraient pas renfermés dans les limites de ces variations. C'est faute d’avoir eu égard à ces différences L-d À CHAPITRE Xf. 515 qu'on a émis une foule de propositions fausses ou hasardées relativement à cette fonction. On se doute bien , d’après l'existence de cette fluctuation continuelle, qu'il serait en vain de chercher l'heure de la plus grande ou de la plus faible transpiration , lorsque les circonstances ne changent pas de manière à ce que le corps soit exposé à l'influence d’une cause énergique. Nous avons vu comment cette fluctuation chez les animaux pouvait disparaitre en prenant un plus grand espace de temps, et que la marche devenait régulière en décroissant. Nous avons observé que la diminution successive des pertes par la transpi- ralion avait lieu dans des intervalles de deux, de six ou de neufheures. Si Le décroissement s'effectue dans le plus court intervalle, à plus forte raison at-il lieu dans les plus longs. L'espace de six heures , mtermédiaire aux deux autres, renferme la presque totalité des cas. La généralité de ce phé- nomêne chez les vertébrés est une raison sufti- sante pour l’admettre chez l’homme, quand même il n’existerait pas à cet égard d’observations spé- ciales. Ainsi, en prenant un homme à son lever, dans l'état de santé et dans des rapports qui n’in- fluent pas sensiblement pour faire varier la trans- piration, quelles que soient les fluctuations de ses pertes d'heure en heure, on peut estimer qu'elles seront décroissantes desix en six heures. Dans quel- ques-uns, il est présumable qu'il faudra une plus 516 QUATRIÈME PARTIE. grande latitude : celle de neuf heures doit ad- mettre peu d’exceptions. De même, cette dimi- nution successive de la transpiration pourrait s’ob- server chez des individus de trois en trois heures : ce serait, ce me semble, le minimum de temps. Nous déduirons de ce qui précède que la période de la plus grande transpiration , lorsqu’aucune cause ne vient à la traverse, est, en général, depuis l'heure où l’homme se lève, que nous supposons ici étresix heures du matin, jusqu’à midi, et que les pertes sont successivement moindres dans le même intervalle pendant le reste des vingt-quatre heures. Pour constater cette marche régulière, on conçoit bien qu’il faut non-seulement garder le repos, mais aussi s'abstenir de nourriture et de sommeil; condition qui n’a pas, comme on s’en doute bien, été remplie par ceux qui ont fait des observations statiques sur l’homme. Cependant on déduira des travaux de plusieurs d’entre eux que la période de six heures, que j'ai déduite des expériences sur les animaux, est parfaite- ment applicable à l’homme : c’est ce que nous ver- rons ailleurs; la discussion ne pouvant s'établir sans la connaissance d’autres faits. S I”. Znfluence des repas. L'influence des repas mérite d’être examinée , d'autant plus qu'elle a compliqué toutes les re } | | CHAPITRE XT. 315 cherches de Sanctorius, de Gorter, de Keill, etc., sur la période de la plus grande transpiration. S'ils avaient réduit les conditions à la simplicité que nous avons exposée plus haut, les résultats de leurs expériences se seraient accordés sans peine. En prenant de la nourriture, on fournit de nouveaux matériaux à la transpiration; mais quand commence-t-elle à y contribuer, et, par consé- quent, à l'augmenter ? Je me proposerai une autre question qui pourra paraitre étrange à ceux qui ne se sont pas occupés de ce sujet. Pendant quel- ques heures après le repas la transpiration ne serait-elle pas diminuée? Sanctorius avait mis en axiôme que la transpiration est très-faible pen- dant les trois heures qui succèdent au repas : sans doute qu'il s’est fondé sur les indications de la balance , quoiqu'elles n'aient pas toujours servi de base à ses aphorismes. . Nous dirons cependant qu'il a reconnu par des recherches statiques que la transpiration était faible pendant trois heures après le repas. La raison qu'il en donne paraît avoir eu plus d'in- fluence sur son esprit que l'observation même du fait. La nature est toute à la digestion stomacale ; elle lui fournit des matériaux et ne peut guère s'occuper de la transpiration. Ebloui par cette explication, il est probable qu’il s’est trop pressé de généraliser le fait; car on peut tirer d’autres endroits de son ouvrage qu'il a souvent constaté 518 QUATRIÈME PARTIE: que la transpiration, en pareil cas, était très- abondante. Je me contenterai d’un aphorisme, et je le citerai textuellement : : Hora dormitionis meridianæ à& cibo corpora aliquando libram, aliquandd selibram excre- mentorum occultè perspirabilium excernere so- lent. Keill, qui a fait des observations comparatives sur la transpiration avant et après le diner, nous a donné des résultats numériques. Il s'ensuit qu'elle n’était pas moins abondante pendant Îe travail de la digestion dans l’espace de temps qui nous occupe. Les expériences de Dodart et autres confirment ces résultats, et vont même au-delà. Je conclus de ces faits qu’on ne saurait admettre la proposition de Sanctorius, que l'influence de la digestion stomacale , pendant les trois heures qui suivent le repas, rend la transpiration très- faible. Il est vraisemblable que l’afflux des liquides dans le canal digestif, déterminé par la présence des alimens, est une cause qui, considérée isolé- ment, diminue la masse des humeurs qui circu- lent , et tend par là à diminuer la transpiration. S'il faut du temps pour élaborer les solides et les porter dans le torrent de la circulation , les boissons, au contraire, sont d’une prompte et facile absorption, et peuvent plus que compenser ce défaut. ; Je ne prétends pas cependant établir que la CHAPITRE Xf. 5 19 transpiration soit nécessairement plus abondante par l'influence de cette cause ; je veux seulement déduire des faits que j'ai cités qu'elle n’est pas nécessairement diminuée, etque si, commejen'en doute pas, elle est quelquefois moindre dans cet éspace de temps, on doit l’attribuer à cette fluctua- tion qui a lieu lorsque les intervalles dans lesquels on compare la transpiration sont trop courts. Il faut cependant qu'il y ait des limites dans les- quelles on puisse observer une augmentation de la transpiration par l'influence des alimens. Voici les conditions nécessaires pour que les expériences soient comparatives et les résultats concluans. 1°. C’est à la même heure qu’elles doivent étre faites : cela est important pour que le corps soit, autant que possible, dans les mêmes dispositions pour transpirer. 2°. L'espace de temps pendant lequel la trans- piration a lieu doit être assez grand pour qu'on n'ait pas à craindre l'influence des fluctuations dont nous avons parlé : il convient, par conséquent, que cet intervalle soit de six heures, comme nous l'avons déterminé plus haut. Toutes ces conditions paraissent suffisamment réunies dans les recherches de Sanctorius pour que nous en admettions les données. Il les exprime d’une manière générale dans le 326° aphorisme : Qui vacuo ventriculo it cu- bitum, e& nocte tertiam partem minus more solto circiter perspirat, C4 20 QUATRIÈME PARTIE: On pent s'assurer qu'il ne s’est pas häté de con- éiure d'un tros pet nombre d'expériences. I re- vient sur le même sujet dans divers endroits où il donne les quantités perdues dans les deux cas. Les nombres et les proportions diffèrent. C'est ce qui rassure en faisant voir qu'il a multiplié ses recherches , et que le désir de l’uniformité ne l'a pas engagé à trop généraliser les résultats : au lieu du tiers, il trouve quelquefois plus du double, Il peut se faire que l'augmentation de la trans- piration ne s'observe pas toujours par l’action de cette cause et dans cet espace de temps; c’est qu'il y en a une foule d’autres qui influent sur cette fonction. Il est des cas où Sanctorius n’a pas trouvé la transpiration plus abondante après le repas du soir que lorsqu'il s’est couché sans souper. Mais comme c'est par le résultat moyen d’un assez grand nombre d'expériences comparatives qu'on juge surtout en physiologie de l’action d’une cause , on ne saurait douter de l’eflicacité de celle-ci. La durée d’une nuit, dans les recherches de Sanc- torius, est de sept heures; et comme l’augmen- tation de la transpiration par l'influence du repas était considérable, on peut réduire à la limite de six heures l'intervalle dans lequel on reconnaitra cet effet. Je le répète, on ne saurait l’apprécier en comparant la transpiration pendant la même durée avant et après le repas. Les époques sont CHAPITRE XI. 321 différentes, ét nous avons fait yoir que dans la marche de cette fonction abandonnée à elle- même , les pertes sont différentes suivant les périodes du jour. S IL. Znfluence du sommeil. Nous venons d'examiner une des causes pertur- batrices de cette marche. Il en est une autre que j'ai indiquée plus haut, le sommeil : nous allons nous en occuper. Lorsque, dans lesommeil, on considèreque toutes les fonctions de relation sont suspendnes, et que dans ce repos paisible et profond les mouvemens du cœur et de la respiration sont ralentis, on ne peut se défendre de décider d’avance qu’il en ré- sulteunediminution delatranspiration. Sans doute, c’est une des opinions les plus probables qu’on puisse se former; sans la fonder sur des mesures comparatives et exactes. Ces mesures ont été ap- pliquées; mais leur emploi exige des précautions qui n'ont pas toujours été prises. De là, peut- être, la divergence des résultats. Qui veut déter- miner l'influence du sommeil sur la transpiration ne doit pas comparer les pertes qui se font alors avec celles qui les précèdent ou les suivent, quoiqu'il les compare dans la même durée. Les périodes sont différentes, et nous avons fait voir la né- cessité qu'elles soient les mêmes pour rendre les expériences comparatives. Afin de juger de l'influence du sommeil, il faut 21 522 QUATRIÈME PARTIE. donc le mettre en parallèle avec l’imsomnie p£n- dant la même période. On ne trouve que dans Sanctorirs et Keïll des observations qui puissent fournir quelques don- nées à cet égard. L’un et l’autre nous apprennent dans leurs aphorismes que la transpiration , pen- dant les nuits que l’on passe à s’agiter fréquem- ment dans son lit, loin d’être augmentée, est au contraire diminuée. Il est évident que l’un et l'autre comparent la transpiration pendant une nuit d’msomnie avec une nuit de sommeil. Sanc- torius revient si souvent sur ce sujet, qu'il faut qu'il ait souvent observé cette influence relative du sommeil et de la veille. On peut déduirelemême résultat des aphorismes où il parle de la transpi- ration pendant le sommeil du jour, que l’on ap- pelle sieste ou méridienne. J'ai eu plusieurs fois occasion de reconnaître cette disposition du sommeil à augmenter la transpi- ration; non que je l’aie appréciée par des moyens statiques ; mais ils’ étaient suflisans pour me per- mettre de former une opinion. Souvent j'ai ob- servé sur des enfans de différens âges, bien por- tans et endormis, un degré de sueur qui m'étonnait par le peu de rapport qu'il avait, soit avec la chaleur de l'air, soit avec l'épaisseur des couver- tures. Je’ me suis assuré que chez éux ce n'était pas un éffet accidentel, mais une tendance habi- tuelle pendant le sommeil. Toutefois ces faits prouvent seulement que la CHAPITRE XI: ‘ 525 transpiration peut être quelquefois augmentée pendant le sommeil , et dans l'état de santé, sans qu'on puisse l'attribuer à l’action des canses exté- rieures. D'ailleurs, je n’ai présenté les observations, précédentes sur l'influence de:la nourriture et du sommeil que pour faire sentir la nécessité de prendre en considération la diminution naturelle de la transpiration dans le cours des vingt-quatre heures, et la période de temps dans laquelle elle se manifeste, sans quoi on n'aurait pas les élé- mens nécessaires pour apprécier l'influence de ces causes et de plusieurs autres. Celles qui sont spécialement de mon sujet se rapportent aux diverses modifications de Pair, telles que l'état hygrométrique ; le mouvement et le repos, la pression, la température de ce fluide. S IE. Znfluence de l’état hygrométrique de l'air. Lorsqu'on apprécie les effets des variations dans l'état hygrométrique de l'air, on doit se rappeler que les autres conditions de ce fluide restent les mêmes. Îl faut donc qu'il n’y ait pas de différenee dans lesmouvemens , la température de Pair, etc. ; conditions qu'on ne peut réunir qu'au moyen de expérimentation. @n sait que la dénomination d'air sec est ordinairement un terme relatif, et qu'il n’est absolu que lorsqu'on exprime la sé- cheresse extrême ; état de l'atmosphère qui ne se présente pas dans nos climats, excepté à de grandes hauteurs. 354 QUATRIÈME PARTIE. En appliquant à l’homme les résultats des expé- riences faites sur les vertébrés, nous dirons que les états relatifs de sécheresse de l'air, tels que nous les avons consignés dans les tables, com- parés à l'humidité extrême, augmentent considé- rablement latranspiration dans de certaines limites de température. Cette restriction est indispensable pour que la proposition soit vraie. On verra plus tard la raison et les faits sur lesquels elle repose. J'ajouterai que l’homme doit être en santé, et dans cet état ordinaire de la transpiration où elle est insensible; en ce cas, des degrés de sécheresse modérée peuvent rendre les pertes de poids par la transpiration six ou sept fois plus grandes que dans les cas d'humidité extrême, et même aller beaucoup au-delà. Ces rapports, qui ont été con- statés non-seulement sur desanimaux à sang froid, mais aussi sur des animaux à sang chaud, font voir, par leur généralité, que l’homme n’y fera pas exception. La température, à laquelle ces expériences ont été faites n’excédait pas 20°. La prédominance de la transpiration dans l'air sec sur celle qui se fait dans l'air humide n’a pas lieu à toutes les températures. Le phénomèhe inverse est produit par une grande élévation de la chaleur extérieure, comme nous l’exposerons dans la suite. En voilà assez pour faire entrevoir que la fonc- tion de la transpiration est complexe, en partie physique et en partie vitale. La cause de l’augmen- CHAPITRE XI. F25 tation des pertes par transpiration dans l'air sec, comparée à celles qui ont lieu dans l'air humide, est évidente. L’évaporation de l’eau est plus abon- dante dans l'air sec; toutes les surfaces du corp!;, en contact avec l’air, sont imprégnées d’eau, et les propriétés des corps vivans, quelles qu'elles soient, ne sauraient empécher ce liquide de se convertir en vapeurs, en quantité plus ou moins grande, suivant le degré de sécheresse de l'atmo- sphère. En effet, on augmente les pertes par la transpiration en augmentant la sécheresse de l'air, si on ne complique pas lexpérience d’un élément qui a une action spéciale sur l’économie vivante. Une diminution du poids du corps, plus grande dans l’air sec que dans l'air humide, aurait lieu également chez un animal privé de vie : l'effet, dans l’un et l’autre cas, proviendrait de la même cause ; mais la mesure en serait différente, parce que , entr'autres raisons, la circulation dans le corps vivant porte un afflux de liquide vers la surface, et fournit ainsi plus de matériaux à l’'éva- poration. Il ÿ a une circonstance qui accompagne l’aug- mentation de la transpiration dans l'air sec qui mérite d'être examinée en passant. IL est notoire que l'évaporation ne saurait être augmentée sans produire un refroidissement; toute eau qui se convertit en vapeurs exige une certaine quan- tité de chaleur, et d'autant plus que l’évaporation est plus grande. On sait que le froid tend à dimi- 326 QUATRIÈME PARTIE. nuer les pertes par la transpiration : or, malgré le refroidissement causé par l’évaporation, les pertes par la transpiration ne laissent pas d’être plis grantles dans l'air sec que dans l'air humide, en y mettant la restriction relative à la tempé- rature extérieure dont nous avons parlé plus haut. Les auteurs qui se sont occupés de recherches statiques sur la transpiration de l’homme, n'ont fait aucune difficulté d'admettre que la sécheresse de l’air l'augmente : malgré la complication des circonstances dans lesquelles ils ont observé, ils ont cru reconnaître cet effet. S IV. Effi du mouvement et du repos de l'air. Gorter, quoiqu'il ait donné plus d'attention que les autres observateurs à l'influence de Fétat hy- grométrique de l'air, et qu'il ait attribué l’aug- mentation de la transpiration dans lair'sec à une plus grande évaporation, est loin d’avoir apprécié toute l’énérgie de cette cause. Tant qu'il ne com- pare que les effets de l’état hygrométrique de l'air, abstraction faite de sôn mouvement , il reconnait l'influence relative des degrés de sécheresse et d'hu- midité. Il assimile avec raison le premier état à la chaleur, et le second au froid. Mais lorsqu'il s'agit des effets du mouvement et du calme de Pair, il n’est pas conséquent : il ne considère que le résultat du refroidissement causé par le renou- vellement des couches d'air échauffées par le carps: La CHAPITRE XI. 527 il appuie donc les aphorismes de Sanctorius relatifs à la diminution de la transpiration insensible par l'agitation de l'air. Il est évident, par la lecture de son ouvrage, qu'il ne s’est pas fondé sur l’expé- rience, mais sur un raisonnement erroné. Le mouvement de l'air, comme nous l'avons exposé ailleurs, n’agit pas seulement en changeant la température des couches d’air en contact avec le corps, mais aussi son état hygrométrique. L’at- mosphère qui entoure le corps est en même temps plus chaude et plus humide; si l'air qui la rem- place est plus froid , il est aussi plus sec, et lon sait que la seule différence du courant peut, suivant sa vitesse, augmenter, pour ainsi dire, indéfi- niment la vaporisation. J'ai établi, dans d’autres parties de cet ouvrage, par des expériences directes, que le mouvement de l'air agissait de même sur l’économie animale, pour augmenter la transpiration insensible. Cette cause est tellement puissante que des différences qui paraissent très-légères dans les mouvemens de l'air, et qui sont quelquefois imperceptibles, en amènent de très-grandes dans les pertes par la transpiration; tant les conditions physiques qui influent sur l'évaporation ont de part dans Les ré- sultats de cette fonction ! Nous en avons examiné deux, Fétat hygromé- rique et le mouvement de l'air. Il est nécessaire de se rappeler ici que cet effet du mouvement de l'air n'est applicable qu'aux circonstances où a 528 QUATRIÈME PARTIE. il n'y aurait pas une disposition marquée à la sueur. | S V. Znfluence de la pression atmosphérique. Nous passerons maintenant à l'influence que la pression atmosphérique exerce sur la transpi- ration. Les observateurs ne nous ont rien laissé sur ce sujet, pas même des conjectures. Sanctorius, qui s'en permet beaucoup, et qui les présente souvent comme des résultats, n'en dit pas un mot dans ses nombreux aphorismes. Il en aurait probable- ment parlé s’il avait vécu à une époque plus mo- derne. Il était contemporain de Galilée, qui avait découvert la pesanteur de l'air; mais la construc- tion et l'usage du baromètre, qui sert à faire re- connaitre les variations du poids de l'atmosphère, l'invention des instrumens qui raréfient ou con- densent l'air, sont postérieurs au temps de Sanc- torius. Keill, qui tenait une noteexacte deshauteurs barométriques dans le cours de ses observations statiques, n’a pu reconnaître dans les pertes par la transpiration des variations correspondantes aux changemens de la pression de l'atmosphère. IL en est de même de ses successeurs. Ce n'est pas que la pression de l'air soit réel- lement sans influence sur la transpiration ; mais il est difficile de la déméler par la simple obser- vation dans cette foule d'effets que produisent sur CHAPITRE XI. 329 cette fonction les diverses modifications de l'air. Ce n’est que depuis peu que les physiciens sont parvenus à déterminer l'influence du poids de lat- mosphère sur la vaporisation. Ils nous ont appris que la diminution de pression sur les liquides accélère leur conversion en vapeur. Après toutes les preuves que nous avons rapportées de l’em- pire que les causes physiques de ce genre exer- cent sur la transpiration, nous ne saurions guère douter que celles que nous venons d'indiquer n’agissent de même sur l'économie animale. Ce- pendant j'ai cherché à m'en assurer par des preuves directes. J'ai comparé la transpiration d'animaux placés sous le récipient de la machine pneuma- tique, en y raréfiant l'air, avec celle d'individus de même espèce exposés en même temps à l'air libre, Les animaux à sang froid sont les plus pro- pres à ce genre d’expériences. Ils soufrent peu de Ja raréfaction à laquelle il faut porter l'air pour obtenir promptement des effets sensibles : Von écarte ainsi les causes de complication qui ren- draient les résultats peu décisifs en opérant sur les animaux à sang chaud, et l’on reconnait que dans l'air raréfié et dont, par conséquent, on di- minue la force élastique , ce qui représente la diminution du poids de l'atmosphère, les pertes par la transpiration sont augmentées. J'ai rap- porté ces expériences dans le premier chapitre de cet ouvrage. Je n'hésite pas à en appliquer les ré- sultats aux animaux à sang chaud, et à l'homme. 330 QUATRIÈME PARTIE. $S VI. Transpiration par évaporation et par transsudation. Voilà trois conditions qui influent notablement sur la transpiration , l’état .hygrométrique , le mouvement et la pression de l'air. Remarquons qu'elles n’agissent que sur la transpiration insen- sible; c’est elle qui est augmentée par la séche- resse, l'agitation et la diminution de poids de l’at- mosphère. Ces causes ne provoquent pas la sueur, du moins directement, et la raisou.en est évidente: c'est qu'elles agissent d'une manière physique; elles diminuent la masse des liquides en déter- minant une partie à se convertir en vapeurs. La sueur, au contraire, est une perte qui se fait or- dinairement par une action vitale sous la forme d’un liquide qui transsude; ce qui nous conduit à distinguer deux modes de transpiration, lun par évaporation , et l’autre par transsudation. Ils paraitraient d’abord équivaloir à la transpiration insensible et à la sueur ; mais ces dénominations, quoiqu'elles puissent, quelquefois être substituces l’une à l'autre, ne sont pas équivalentes. La dis- timction est facile : tout ce qui se perd par la trans- piration insensible ne doit pas être considéré comme le résultat de la transpiration par évapo- ration. La peau n'est-elle pas un organe excré- teur capable d'éliminer du corps une certaine quantité de liquide, indépendamment du con- : CHATITRE XI. 331 cours des agens exiérieurs, comme Îes voies uri- naires séparent. une partie des matériaux du sang, et la portent au dehors ? Tout ce que la peau per- dra en vertu de cette faculté se fait par transsu- dation. Le liquide qui sort par ce moyen peut être en si petite quantité, ou s'il est abondant. se dissiper si promptement en vapeur, qu'il soit insensible; et l’on ne. donne ordinairement le nom. de sueur qu'à la transsudation: visible. Même on peut appeler sueur le produit de la transpiration par évaporation, lorsque, par des causes quel- conques, il vient à être condensé ét précipité sur la peau sous la forme d’un liquide. Toutes les pertes par la transpiration se rap- portent à ces deux, modes. d'action. Elles se par- tagent entre l'évaporation , qui est un procédé physique, et la transsudation, qui parait le plus souvent une action vitale. La transpiration par évaporation a lieu, comme nous l'avons déjà remarqué, sur le mort comme sur le vivant. Elle est indépendante de toute es- pèce de transsudation. Elle est une conséquence, de a porosité des corps. organisés, porosité telle que. les liquides près des surfaces en contact avec l'air diminueraient de quantité en se converts- sant en vapeurs, quand même les pores ne seraient pas de nature à donner passage à une seule goutte de liquide ; mais les corps vivans ont la faculté d'éliminer par leur surface extérieure une certaine quantité de liquide; fonction qui parait s'exercer 532 QUATRIÈME PARTIE. toujours, seulement avec plus ou moins d'activité; qui peut être modifiée par les agens extérieurs, mais qui dépend essentiellement de causes inhé- rentes à l'économie vivante : c’est sous ce rapport seul que la transpiration est une sécrétion com- parable aux autres sécrétions du corps. Nous avons dit plus haut que ‘si cette sécrétion n'existait pas, la transpiration par évaporation ne laisserait pas d’avoir lieu; réciproquement la transsudation a lieu indépendamment de l’autre mode de trans- piration. Comme ils sont ordinairement réunis, il serait intéressant de déterminer la part de l’un et de l’autre; nous saurions ainsi ce que nous devons aux procédés physiques, et ce que nous devons aux fonctions vitales. Rien ne parait plus facile en théorie que d'établir cette distinction. Il ne s’agit que de supprimer les conditions physiques qui permettent l’évaporation , et s’il se fait encore des pertes par transpiration , elles proviendront de la transsudation. On 6btiendrait ainsi le rapport dans des conditions données entre la transpira- tion par évaporation et celle par transsudation. Mais pour que cette méthode puisse être appli- quée, il faut avoir égard aux considérations sui- vantes. Remarquons que, pour supprimer entièrement la transpiration par évaporation , il faut non-seu- lement que l'air soit à l'humidité exirême, mais aussi à un degré de température qui ne doit pas être CHAPITRE Xi. 335 inférieur à celui de l’animal. Si l'air était plus froid, il s’échaufferait par le contact du corps; il cesserait alors d’être à l'humidité extrême, et il permettrait une évaporation relative au degré dont il serait échauflé. Plus la température de l'animal est élevée au-dessus de celle de Pair, plus ce fluide pourra s’échauffer par le contact, s'éloigner, par conséquent, davantage du point de saturation, et augmenter la part de l’évapo= ration. En se servant de vertébrés à sang froid , on peut supprimer presque entièrement la perte par évaporation. Leur température n’est pas tou- jours supérieure à celle de l'atmosphère , comme on le pense assez généralement ; elle est quelque- fois même plus basse; et lorsqu'elle s’élève au- dessus, ce n’est ordinairement que de quelques fractions de degré , et au plus d’un ou deux degrés centigrades. La moyenne de ces différences, en plus ou en moins, en donne bien une au-dessus de la température de l'air ; mais elle est si légère qu'on peut la négliger dans ce genre d’expé- riences. Nous regarderons donc l’évaporation comme nulle lorsqu'on place un vertébré à sang froid dans lair porté à l'humidité extrême. Pour trouver le rapport des pertes par trans- sudation et par évaporation dans l’air sec, il faut rétrancher de la perte totale celle qui a lieu dans de air humide. On voit par les tables de la trans- piration des vertébrés à sang froid que le rapport (à 554 QUATRIÈME PARTIE: [e dans ces deux modifications de l'air était; dans “presque tous les cas au moins, comme 7 : 1. Puisque le second terme représente la quantité dissipée par transsudation , si on le soustrait du “premier, le reste équivaudra à la perte par éva- “poration. La transpiration par évaporation est ‘donc, dans ces cas, à celle par transsudation comme 6:71. Il faut toujours tenir en vue que c'est à des températures qui ne dépassent pas 20°. Re- imarquons, en outre, que ce rapport a lieu chez des animaux dont la transsudation est abondante, comme chez les grenouilles, et chez d’autres où “elle est très-fatble, comme chez les lézards. Les premiers, par exemple, peuvent perdre par trans- “sudation, dans l’espace de six heures, même à la température de zéro, dans Pair humide; la tren- ‘tième partie de leur poids : ce qui dépasse beau- # ‘coup, comme nous le verrons dans la suite, la proportion de la transpiration chez l’homme, placé - dans des circonstances beaucoup plus favorables : à plus forte raison admettrons-nous que dans un air suffisamment sec et dans une température qui n'excède pas 20° il puisse y avoir chez l'homme une pareille proportion entre la transpiration par évaporation et celle par transsudation. Qu’elle puisse avoir lieu chez les animaux à sang chaud, cela est évident par les tables, les rapports des pertes dans l'air sec et humide ayant été à-peu- près aussi grands chez eux que chez les vertébrés à sang froid. CHAPITRE XI 535 Nous sommesarrivés, par une suite d’expérien- ces et d’inductions , à déterminer que dans les cir- constances ordinaires, où la transpiration est in- sensible, les pertes par transsudation ne font qu'une petite partie de la diminution du poids du corps par la transpiration. C'est ce qui sert à expliquer une foule de phénomènes. Nous pou- vons concevoir ainsi comment les conditions phy- siques qui favorisent l’évaporation , quoiqu’elles tendent à diminuer la transsudation par le refroi- dissement qui en résulte, ne laissent pas, dans les circonstances ordinaires, d'augmenter la perte to- tale par la transpiration ; combien les fluctftations qui ont toujours lieu dans le mouvement de l'air doivent contribuer à produire les variations de transpiration que nous avons observées dans les intervalles successifs d’une heure chez les animaux à sang chaud, cause dont nous avons examiné l'influence à cet égard chez les vertébrés à sang froid. Je ne puis qu'indiquer ici quelques-unes des applications dont ce rapport est susceptible ; j'en indiquerai d’autres dans la suite. Tout ce que nous avons exposé jusqu'ici sur la transpiration nous donnera de grandes facilités pour examiner une question qui se présente na- turellement à l'esprit. La transpiration est-elle susceptible d’être supprimée ? IL est plus aisé de résoudre cette question pour l’homme et les ani- maux à sang chaud que pour les vertébrés à sang 376 : QUATRIÈME PARTIE. froid. Voyons ce qui résulterait pour les premiers d’une très-basse température. On sait, par l'effet que le froid produit sur la sueur, qu'il diminue Ja transsudation. Or, supposons qu'il puisse, par son intensité, la supprimer totalement : il restera Ja transpiration par évaporation qui aura toujours lieu, quoique l'air soit à l'humidité extrême : nous en avons donné plus haut la raison. La tem- pérature élevée de l'homme et des animaux à sang chaud échaufle l'air en contact avec leur corps, change son état hygrométrique en léloignant de J’humidité extrême, et détermine l’évaporation. Si, au comtraire, on élève la température de l'air au niveau de celui du corps en même temps qu’on le porte à l'humidité extrême pour supprimer l’éva- poration , on excite la transpiration par transsuda- tion ; et ce sera à tel point que, chez l’homme et d'autres animaux, la sueur ruissellera par tout le corps. On ne peut donc dans aucun cas supprimer leur transpiration ; elle aura lieu d’une facon ou d'autre, soit par évaporation , soit par transsuda- tion. Ainsi l’on doit se garder de prendre à la lettre ce que l’on trouve dans tous les livres de méde- cine relativement aux suppressions de la transpi- ration. Il n’y en a pas, et il re saurait y en avoir ; mais il y a des suppressions de sueur : cela est vi- sible pour tout le monde. Il ne s'ensuit cepen- dant pas que même dans ces cas il n’y ait pas de transsudation ; car dans les cas ordinaires de la transpiration insensible , il y a une perte qui se CHAPITRE XT 55% fait par transsudation, comme nous l'avons fait voir plus haut. Comme il est difficile de s'assurer directement si la transsudation est jamais entièrement suppri- mée chez l’homme et les animaux à sang chaud, voyons ce que les vertébrés à sang froid nous pré- senteront sur cette matière. Les batraciens sont les plus propres à ce genre de recherches, à cause de leur peau nue, de la fi- nesse de ce tégument, de l'abondance des pertes qui peuvent se faire par cette voie, et par con- séquent des rapports que leur transpiration pré- sente avec celle de l’homme. En soumettant des grenouilles à la température de zéro dans de l'air humide pour supprimer la transpiration par évaporation , elles ont perdu par transsudation, dansdifférentes séries d'expériences, la trentième partie de leur poids. La transsudation est plus abondante chez ces animaux que chez l'homme placé dans des circonstances beaucoup plus favorables. Lorsque l’on considère la sensibi- lité de ces êtres à l’action du froid, combien il di- minue à ce degré l’activité de toutes leurs fonctions, et combien ils peuvent perdre par la transsuda- tion à une aussi basse température, il n’est pas pré- sumable que le froid supprime ce mode de trans- piration chez l’homme, d'autant plus qu’ayant une chaleur propre qui varie très-peu avec la tempéra- ture extérieure, c’est une condition qui doit con- tribuer puissamment à entretenir la transsudation. 22 858 QUATRIÈME PARTIE. Elle pourra être très - diminuée par laction du froid ; mais il ne paraît pas qu’elle soit susceptible d'être totalement supprimée. C’est une chose remarquable, quoique ce soit un fait connu de tout le monde, que même lors- que la vie est défaillante et qu’elle paraît prête à nous échapper , le corps se couvre de sueur , tant cette fonction a de tendance à persister. Comme nous ne pouvons guère déterminer par des expériences directes sur l’homme et les ani- maux à sang chaud les variations dans les propor- tions de la transsudation à des températures infé- rieures à celle de leur corps, parce que les pertes par ce mode de transpiration se confondent avec celles par évaporation, ainsi que nous l'avons ex- pliqué plus haut, il faut avoir recours aux moyens indirects qui nous ont déjà servi en pareille oc- currence. S VIL. De l’Thfluence de la Température. En étudiant l'influence de la température sur la transsudation des batraciens à différens degrés, de o° à 40 centig., dans de l’air saturé d’humi- dité pour supprimer la transpiration par évapora- tion , nous avons observé que l'augmentation des pertes par la transsudation de o° à 10° était très- légère ; qu'il en était de même de 10° à 20°, mais qu'à 40° l'accroissement était considérable ; qu'en comparant la somme des pertes dans l’es- | : | CHAPITRE Xt: 359 pace de six heures à la température de o° et celle qui a lieu à 40°, elles étaient à-peu-près comme r : 5,5: En élevant la température de l'air humide à 40°, on peut obtenir d'aussi grandes pertes par la transsudation que celles qui résultent de la seule ‘iranspiration par évaporation dans un air suffi- samment sec , mais à une température qui n’excède pas 20°, Quelle induction pouvons-nous tirer de ces faits relatifs à des animaux à sang froid qui soit ap- plicable à l'homme et aux animaux à sang chaud ? Nous dirons d’abord qu'il est probable, d’après ce que nous venons d'exposer , que la transsuda- tion chez eux ne recoit que dé faibles accroisse- mens par des élévations de température à diffé- rens degrés entre o° et 20°; que, si nous cher- chons à vérifier cette application par les indices que la simple observation peut nous fournir, dans l'impossibilité où nous sommes d'appliquer des mesures exactes, nous en trouverons la confirma- tion. Tout le monde a eu l’occasion de reconnai- tre, qu'entre les limites de température que nous venons d'indiquer, on n’observe guère de sueur chez l’homme lorsqu'il est dans le repos, en par- faite santé et libre de toute agitation de l’àme ; mais lorsque la chaleur s'élève au - dessus de ce terme, seulement de 5° à 6°, on voit la transsudation se manifester sur un grand nombre de personnes dans la situation la plus paisible du corps et de l'esprit, pourvu que l'air ne soit ni trop sec ni 340 QUATRIÈME PARTIF. trop agité. Pour peu que la chaleur devienne plus intense, la sueur s'accroît dans une proportion qui paraît beaucoup plus forte que celle de la tempé- rature. Il y aura donc un degré’où la perte par la transsudation pourra égaler celle que produit la transpiration par évaporation dans un air très-sec à 20° et au-dessous. Suivons les modifications dela transpiration dans un air dont la température s’élèverait progressive- ment. Il en résulterait deux effets que nous allons comparer. L’accroissement de chaleur au-dessus de 20° augmenterait rapidement la transsudation ; d'autre part, l’air, devenant plus chaud, augmente- rait l’évaporation dans une progression croissante ; mais la transpiration par évaporation ne suit pas né- cessairement la même marche. En voici la raison : à mesure que la sueur devient abondante, ellese ré- paud sur le corps, y forme une couche extérieure plus ou moins étendue. Dans cet espace où la sueur intercepte le contact de l'air avec la peau, il n’y a point de transpiration par évaporation ; il y a de l’'évaporation aux dépens de la couche de sueur toujours entretenue par la transsudation, mais point de liquide dans ces parties qui s’évapore de l'intérieur à travers les pores, et partant, plus de transpiration par évaporation. Cette suppression sera générale pour les tégumens lorsque la sueur les recouvre partout. L’évaporation aura toujours lieu; mais ce ne sera pas par transpiration; ce qui n'est pas une circonstance indifférente pour CHAPITRE Xf.. 351 l'économie, comme nous le ferons voir dans la suite. Pour que cette diminution progressive de la transpiration par évaporation à la peau ait lieu dans un air sec et de plus en plus chaud, il est évident qu'il doit être calme ou peu agité; car le mouvement de l'air suivant sa vitesse augmente, pour ainsi dire, indéfiniment l’évaporation ; d'où 1l résulte que la sueur pourra être si promptement enlevée dans un air sec, très-chaud et suflisam- ment agité, que les deux modes de transpiration par évaporation et par transsudation aient lieu en même temps , comme à de plus basses températu- res. Cé que nous avons dit de ces deux modes de transpiration se rapporte aux fonctions de la peau ; ce qui nous conduit #comparer la transpiration cutanée et pulmonaire. $ VII. Transpiration cutanée et pulmonaire. Sanctorius et Gorter n’ignoraient pas la trans- piration pulmonaire; mais les moyens qu'ils em- ployaient pour en évaluer la quantité sont telle- ment imparfaits, qu'il est inutile d’en rapporter les résultats. Hales se servit de procédés plus exacts ; mais nous ne nous y arréterons pas, et nous passerons aux temps de Lavoisier et de Séguin , où la chimie et la physique étaient beaucoup plus avancées. Je ne donnerai pas la description des moyens. 342 QUATRIÈME PARTIE. que ces savans ont employés pour l’établir. Je me contenterai d'en présenter les résultats, Ils ont estimé la perte moyenne par les deux organes, dans l’espace de vingt-quatre heures, à deux livres treize onces, dont une livre quatorze onces se dis- sipent par la peau, et quinze onces par les pou- mons; ce qui donne le rapport de 2: 1. La dimi- nution de poids par les poumons ne serait done que la moitié de celle qui se fait par la peau (1). Dans cette perie, il y a une partie due à l'eau des poumons qui s’évapore , une autre aux chan- gemens chimiques de l'air dans la respiration, iéls que la production d’acide carbonique, etc. Je ne donnerai pas les proportionstrouvées par ces sa- vans relativement à la quantité d’eau et aux altéra- tions chimiques de l'air : êlles ne sont pas regar- dées comme suffisamment exactes. Ce qui parait certain, c'est que l’eau est la perte prédominante. La différence dans la manière dont ce liquide se dissipe par les poumons et la peau mérite une at- tention particulière. Quelque iranssudation qu'il y ait à l'intérieur des poumons, il n’en peut sortir de liquide que sous la forme de vapeur. Un air nouveau y pénètre à chaque inspiration ; il s’échauffe et y séjourne assez pour que toute sa masse s'élève à-peu-près à la température du corps ; et, en vertu de cette (1) Voyez Traité élementaire de Chimie, par Eavoisier, 3° édition, page 228, CHAPITRE XI, 343 élévation acquise , quelqu'ait été son état hy- grométrique ‘antérieur , il convert en vapeur le liquide avec lequel il est en contact, et se ré- pand avec elle dans l'atmosphère, lorsqu'il est expulsé par lexpiration. Il n’entraine pas avec lui d’eau à l’état liquide, ni aucune autre sub- stance sous cette forme. Il n’y a donc pas de perte par transsudation pulmonaire. Toute la transpi- ration relativement à l'eau s’y fait par évapora- tion ; différence considérable entre les poumons et la peau, où les deux modes de transpiration sont réunis. Elle tient à leur structure , en ce que lun de ces organes est une cavité qui ne permet pas l'écoulement d’un liquide; l'autre une surface tellement disposée, qu’elle le laisse de toutes parts s'échapper au dehors. Voilà donc une des raisons pour lesquelles les pertes par la trans- piration cutanée sont plus abondanteschez l’homme que celles qu'occasione la transpiration pulmo- naire. Si cette cause influe peu dans des tempéra- tures modérées, elle est tout-à-fait prédominante dans les hautes températures, et suffit seule pour déterminer une perte de poids beaucoup plusgrande en faveur de la peau. Par cette double source de transpiration à la peau, elle est sujette, comme nous l'avons fait voir, à de grandes variations. Par sa plus grande simplicité, la transpiration pulmonaire est beaucoup plus régulière, et, par conséquent , les pertes sont beaucoup plus sem- blables à des époques différentes. Elle est soumise IAA QUATRIÈNE PARTIE. au rhythme de la respiration, qui n’est certaine- ment pas invariable, mais qui a une grande ten- dance à l'égalité. Cependant la perte d’eau par les poumons est susceptible d’être supprimée, par la raison que, se faisant par un procédé physique, on peut l'arrêter par les conditions physiques qui empêchent l'évaporation. Dans un air saturé d'humidité dont la température serait égale à celle du corps ou au-dessus, il n’y aurait plus de trans- piration aqueuse par les poumons, parce qu'il n’y aurait plus d’évaporation ; tandis que la transpi- ration cutanée aurait lieu, non par évaporation, mais «par transsudation, et cela dans une très- forte proportion. 6 IX. Transpiration dans l'eau. Supposons que l'eau, en contact avec la peau , n'ait aucune action physiologique sur cet organe. En ce cas, elle se bornerait à empêcher le contact de l'air, et, par conséquent, à supprimer la transpiration par évaporation à la peau. H res- terait la perte par transsudation à la peau, qu'il faudrait ajouter à celle qui se fait par les pou- msns. CHAPITRE XII. 545 CHAPITRE XIL Absorption dans l’eau. Nous avons supposé que l'eau était sans action spéciale sur la peau, et qu’elle n’agissait qu’en interceptant le contact de l'air. Nous allons main- tenant examiner si la présence de l’eau ne pr oduit pas un autre effet qui complique les résultats. Lorsque l'eau est en contact avec la peau de l'homme, n’y a-t-il pas absorption de ce liquide ? Séguin a fait des expériences comparatives sur les changemens qui surviennent au poids du corps par l'exposition à l'air, et par l'immersion dans l’eau, d'après lesquelles il n’admet pas cette action (1). Mais le résultat de ces expériences peut être envi- sagé sous un autre point de vue, en partant de faits relatifs aux animaux. Voyons d’abord ces faits : Nous avons constaté dans la partie de cet ou- vrage qui traite des vertébrés à sang froid , que les batraciens , soit qu'ils aient la peau lisse, comme les grenouilles, soit qu'ils l’aient ru- gueuse et plus épaisse, comme les crapauds, sont susceptibles d’absorber beaucoup d’eau par la sur- face extérieure; que la quantité absorbée ne se borne pas à imbiber le tissu de la peau, mais (1) Mémoires sur les Vaisseaux absorbans , etc. Voyez Annales de Chimie, tom. xc, pag. 185, etc. 346 QUATRIÈME PARTIE. qu’elle se répand dans l’économie et s’y distribue aux différentes parties. Ces animaux et l’homme ont la peau nue; condition la plus favorable à Vabsorption. IL est vrai que la peau de l’homme, par la nature de son épiderme, la dispose moins à l'absorption ; elle ne laissera cependant pas de jouir de cette faculté à un très-haut degré. On n'en saurait douter, d’ailleurs, lorsqu'on observe ce qui se passe chez des animaux dont les tégumens paraissent le moins susceptibles de donner pas- sage à l’eau. Je ne parlerai pas ici des poissons écailleux, chez qui j'ai constaté l'absorption par la surface extérieure, parce qu’on pourrait l’attribuer aux nageoires, dont les membranes sont d'une grande finesse. Mais je rapporterai des faits relatifs aux lézards, que je n'ai pas consignés ailleurs. Leur peau, toute écailleuse, paraissait devoir opposer un ob- staclé insurmontable à l'absorption par cette voie. Je soupçonnais cependant que cela pouvait ne pas être vrai , et je résolus de m’en assurer par l’expé- rience. Je sentais bien que, pour y réussir, il ne suffisait pas de les prendre au hasard, et de les peser avant et après l'immersion dans l'eau; il fallait que l'absorption fût sensible par un accrois- sement de poids de l'animal. A cet effet, il fallait préalablement mettre l’animal dans des conditions telles que la faculté de transpirer fût considéra- blement diminuée et la faculté d’absorber aug- CHAPITRE XII. 347 mentee le plus possible ; car il ne saurait y avoir un accroissement de poids dans leau si Pab- sorption ne prédomine sur la transpiration. En faisant d'abord subir à un lézard une perte con- sidérable par la transpiration dans l'air, on léloi- gne ainsi de son point de saturation, et nous avons constaté ailleurs qu'à mesure qu’un animal s’en éloigne sa faculté d’absorber augmente dans une proportion croissante, en même temps que la trans- piration devient de moins en moins abondante. D'après ce principe, j'exposai un lézard à Pair libre pendant plusieurs jours, pour déterminer une perte notable de son poids ; car sa transpira- tion est faible. Je l’introduisis ensuite dans un tube en l’assujettissant par une patte de devant et une de derrière aux extrémités du tube. Je le plaçai dans l’eau de manière à n’y faire entrer que la queue, les pattes postérieures et la partie posté- rieure du tronc. Je le pesai ensuite à des inter- valles éloignés. Il augmenta successivement de . poids jusqu’à ce qu’il eût suppléé à la perte qu'il avait éprouvée par la transpiration dans l'air. Je cessai alors l'expérience. L'absorption n’était pas une simple imbibition se bornant à la surface: l'eau pénétrait à l’intérieur et se distribuait à toute l'économie. Le corps et les membres avaient re- pris leur rondeur et leur embonpoint ; et la vie, Qui n'aurait pas tardé à s’éteindre à l'air, comme il était arrivé à plusieurs autres individus que j'avais exposés en même temps, et que les pertes 348 QUATRIÈME PARTIE. par la transpiration avaient fait périr; la vie, dis-je, de cet animal fut prolongée par le liquide que l’absorption à la surface extérieure lui avait fourni pour réparer ses pertes. Si la peau écailleuse du lézard permet une ab- sorption telle que le résultat ait une aussi grande influence sur l’économie , il serait impossible de ne pas attribuer cette faculté à la peau de l'homme. Voyons maintenant comment cette condition ajoutée à la transpiration influe sur le poids du corps dans l’eau. La peau de l’homme en contact avec l’eau exerce deux fonctions , la transsudation et l'absorption. Ces deux actions sont opposées. La diminution du poids qui résulte de l’une est plus ou moins ré- parée par l’autre, et, suivant leur proportion respective, la perte par la peau sera seulement diminuée, ou exactement compensée , ou enfin, si l'absorption prédomine, il y aura un accroisse- ment de poids par cette voie. Prenons le cas où la transpiration et l'absorp- tion cutanée se compensent : la diminution du poids d’un homme plongé dans un bain sera pré- cisément égale à celle qui provient de la trans- piration pulmonaire. Si tel était le résultat de l'expérience ; si, dis-je, on constatait que la perte pendant la durée du bain ne surpasse pas celle qui se fait par la voie des poumons, on y verrait un exemple d'absorption ; car elle aura agi pour annuler l’effet de la transsudation , sans quoi ka CHAPITRE XII. 349 perte de poids serait plus grande que par la seule transpiration pulmonaire. Dans le chapitre précédent, nous nous sommes fondés ; pour établir Le rapport de la transpiration pulmonaire à la perte totale dans Pair, sur les données précédentes de Lavoisier et de Séguin. Dans leur second Mémoire sur la Transpiration (voyez Annales de Chimie, t. xc, P. 22, 11° ré- sultat ), ils ont donné un autre raport qui diffère assez du précédent pour que je le cite ici. Au lieu de 6 : 18, rapport de la transpiration pulmonaire à la transpiration générale dans l'air, ils donnent 7 : 16. Dans la première série d'expériences, où Séguin compare la perte dans l’eau celle dans l'air, iltrouve le rapport suivant : 6,5 : 17. Il s'ensuit que la perte dans le bain n’a pas excédé la transpiration pulmo- naire. Il ne nous en faut pas davantage pour y trou- ver un exemple de l'absorption rendue sensible par ses effets sur le poids du corps, puisque nous n’y trouvons pas l’excédant de perte qui devraitrésulter de la transsudation dans le bain. Ce que je dis de la première série d'expériences est également appli- cable à la seconde. Séguin n’y voit que l'absence de l’une et de l’autre action ; ce qui certainement expliquerait fort bien le résultat si l’on était dis- posé à faire le sacrifice des deux fonctions (1). (1) Si l'on voulait pousser plus loin la comparaison des ré- sultats numériques , on pourrait en tirer un plus grand parti; car la perte dans le bain, dans les deux séries d'expériences, 350 QUATRIÈME PARTIE. À des températures plus élevées, ilest forcé, par le résultat de ses recherches, d’admettre la trans- sudation dans l’eau; mais il la suppose nulle entre 12°,5 et 22°,5 centig., limites entre les- quelles il a obtenu les rapports précédens ; et de là point de nécessité d'admettre l'absorption : à plus forte raison lorsque, par une chaleur plus élevée du bain , la perte y excède celle par la simple transpiration pulmonaire , ne peut-il apercevoir l’eflet de l’absorption : aussi ne l’ad- met-il pas. es IL est des cas où les preuves directes sont im- possibles, mais dans aucune autre science plus qu’en physiologie. Tantôt, comme lorsqu'il s’agit de l'homme, il arrive souvent, et je dirai même le plus souvent, qu'il ne saurait être soumis à l'expérience : alors la preuve directe manque tout- à-fait. D'autres fois, lorsqu'on peut le mettre à l'épreuve, les résultats sont équivoques, parce qu'ils peuvent s'expliquer dans deux hypothèses : c’est le cas actuel. Que faire alors ? Il faut avoir comparée à celle dans l'air, est plus faible que le rapport de la transpiration pulmonaire à la transpiration générale dans l'air. D'où il résulterait rigoureusement que l'absorption a excéde la transsudation, en supposant toutefois que les expériences aient été faites d’une manière bien comparative : par exemple, que l'air respiré dans le bain ait été au même degré hygrométrique que celui où la transpiration générale a eu lieu. Mais je n’in- sisterai pas sur cetle différence, de peur de forcer les résul- tats. (Voy. Mém. sur les Vaiss. absorb., etc., cité plus haut.) CHAPITRE XHT. 551 recours à la physiologie comparée, et choisir les animaux qu'on soumet à l'expérience, de ma- uière à ce que le résultat soit décisif, et que leur constitution soit telle que l’on puisse en conclure , à plus forte raison , que le phénomène a lieu chez l’homme. Par exemple, dans Le cas actuel, quelle objec- tion peut-on faire valoir pour nier la transsuda- tion dans l’eau entre les limites de 12°,5 et 22°,5, lorsqu'on l’admet à des températures plus élevées? C'est qu'il est notoire que le froid diminue la transsudation , et que l’on peut supposer qu’aux de- grés que nous venons d'indiquer, elle est absolu- ment nulle dans l’eau. Mais si l’on détermine ce qui se passe chez des animaux beaucoup plus sensibles au froid que l’homme et chez qui il entrave toutes les fonctions à un bien plus haut degré; si, dis-je, on recon- naît qu'à une température plus basse de l’eau la transsudation ne laisse pas d'avoir lieu chez eux, pourra-t-on croire qu'elle soit supprimée chez l’homme à une température de l’eau beaucoup plus élevée, lui chez qui cette fonction jouit évi- demment d’une grande énergie ? On se rappelle que dans la première partie de cet ouvrage J'ai traité de l'influence de la tempé- rature sur la transsudation et l'absorption des ba- iraciens dans l’eau. Nous y avons vu que même au degré de froid où l’eau est prête à se glacer, ces deux fonctions ne laissent pas de s'exercer 552 QUATRIÈME PARTIE, et d’une manière évidente par des dimivütions et des accroissemens alternatifs de poids, sui- vant que l’une ou l’autre prédomine , différen- ces qui se font apercevoir dans de courts espaces de temps en les pesant d’heure en heure. On sait que le froid à ce degré a une bien plus forte action sur ces animaux, dont il diminue considérablement l'activité, au point qu'à une température un peu plus basse ils seraient engourdis. Puisque la trans- sudation n’est pas supprimée chez eux malgré l’in- tensité du froid, cessera-t-elle chez l’homme dans un bain de 12°,5 à 22° au-dessus ? Nos recherches sur les causes qui influent sur la transsudation et l'absorption dans l’eau et que J'ai exposées dans la première partie de cet ou- vrage, nous mettent à même d'expliquer de la manière la plus satisfaisante les résultats précé- dens de Séguin , d’en prévoir d’autres qu’il a ob- tenus à de plus hautes températures, et enfin de concilier des faits contradictoires allégués par d’autres physiologistes. Deux causes influent principalement sur ces deux fonctions : la quantité de liquide contenue dans le corps et la température de l’eau dans le- quel il séjourne. Plus il y a de plénitude, moins il y aura d'absorption; plus la température de l'eau est basse, moins il y aura d’exsudation. Nous avons trouvé qu'à zéro, lorsque le corps est un peu au-dessous de la saturation, les fluc- tuations du poids du corps sont telles que dans CHAPITRE XII. 353 une suite de pesées les accroissemens de poids l'emportent décidément sur les diminutions, de sorte que les quantités d’eau absorbée surpassent les pertes par transsudation. Dans la limite extrème de 30° centigr. le contraire a lieu; les pertes l’em- portent de beaucoup sur les gains, parce que la transsudation prédomine sur l'absorption. Il y aura donc des degrés intermédiaires de température où les quantités absorbées et trans- sudées tendront à se faire équilibre et maintien- dront le poids du corps, à quelques légères diffe- rences près, comme sil n’y avait ni l’une ni l’au- tre action. C’est le cas des expériences de Séguin à 12°,5 et 22°,5 cent. La transsudation et l’absorption cutanées produisant des effets contraires et à-peu- près dans la même mesure, leur influence sur le poids du corps avait été inappréciable. Mais qu'arriverait-il à de plus hautes températures? On peut le prédire en faisant à l’homme l'application des rapports précédens : l'équilibre entre les deux fonctions sera rompu, l’exsudation prédominera et deviendra très-sensible par la différence du poids du corps; c’est ce que l’on voit par les ré- sultats d’une autre série d'expériences de Séguin. La perte dans un bain à 28° R. ou 35° cent., com- parée à celle dans l'air à la même température, fut comme 13 : 24, ce qui dépasse beaucoup la proportion de la transpiration pulmonaire, et pro- vient de excès de la transsudation sur l’'absorp- 23 554 tion dans une eau dont la chaleur est à-peu-près égale à la température de l’homme. Si les pertes par les poumons étaient très- faibles ou nulles, on reconnaîtrait sans doute QUATRIÈME PARTIE. / sur l’homme, dans les circonstances convena- bles, un accroissement absolu de poids dans le bain, comme on peut l’observer chez les ani- maux dont nous avons parlé plus haut. En effet, la perte qu'ils éprouvent par les poumons est en tout temps incomparablement moindre que par la peau. On peut même rendre la pre- mière à-peu-près nulle. Il s'ensuit que de très- légères différences entre l’absorption et la trans- sudation cutanées dans l’eau se feront sentir par une augmentation ou une diminution correspon= dante du poids du corps. Mais pour qu'il y ait une augmentation du poids de l’homme par le séjour dans un bain, 1l faut non seulement que les circonstances soient teiles que l'absorption ex- cède la transsudation, mais aussi que l’excès sur- passe toute la perte qui se fait par les poumons pendant le temps qu’il demeure dans le bain. Nous avons vu combien elle est considérable, puisque, suivant lamoyenne des expériences, Séguin la porte à 7 grains par minute, Ce qui équivaut à cinq gros soixante grains par heure. Or, il n’y a pas de raison pour que, dans les circonstances ordinaires, l’ab- sorption cutanée soit assez grande pour remplir ce déficit et celui qui provient de la transsudation , et aller même au-delà pour produire une augmen- CHAPITRE Xi 855 tation du poids du corps. Il n’est donc pas éton- nant que, dans trente-cinq expériences faites par Séguin, il n'ait pas eu lieu d'observer un accrois- sement de poids par le séjour dans le bain; mais il n’a pas raison d’en conclure que cela est im- possible, et de nier l’assertion contraire de Haller. Il ne faut pas s'attendre à un pareil résultat dans les circonstances ordinaires. Il ne suffit pas d’avoir égard à la température de l’eau , il est une autre condition relative au corps de l’homme qui mérite une attention particulière. Nous avons vu ailleurs que la prépondérance de l'absorption sur la trans- piration ne dépendait pas uniquement de la tem- pérature , mais du plus ou moins de plénitude du corps. Plus il s’éloigne de la saturation, plus l’ab- sorption sera grande. Si donc on subissait préala- blement une perte considérable par la transpira- tion par évaporation sans réparer ces pertes, on se mettrait dans les conditions les plus favorables pour augmenter l'absorption. Ajoutons que la transpiration serait diminuée par la même cause. Ce serait le moyen de diminuer considérablement la perte du corps dans l’eau et d'obtenir un ac- croissement absolu de poids. 356 QUATRIÈME PARTIE. CHAPITRE XIIL. Absorption dans l Air humide. Lorsque nous nous sommes occupés de la trans- piration dans l'air humide, nous n'avons pas exa- miné si le corps pouvait absorber de la vapeur aqueuse. Nous pouvions en faire abstraction, puis- que dans tous les résultats que nous avons pré- sentés, nous n'avons vu qu'une diminution de poids dans l'air humide; diminution due à la perte par transpiration. Nous en avons tiré parti pour envisager cette fonction dans les rapports simples nécessaires à la clarté. Après avoir considéré la transpiration dans l'air, nous l’avons comparée avec celle qui a lieu dans l'eau, et nous avons reconnu que si, d’une part, le corps perd de l’eau par la transpiration, d’au- tre part il en reçoit par absorption , mais l’eau absorbée est à l’état liquide ; ce qui nous conduit à examiner s’il a la faculté d’absorber l'eau à l’é- tat de vapeur. On ne saurait conclure rigoureusement de Fab- sorption de l’eau à celle de la vapeur aqueuse par des corps aussi imprégnés d'humidité que ceux des animaux, surtout si l’on considère les pou- mons, que nous trouvons toujours abreuvés de li- CHAPITRE XIII. 357 quides, mème à la surface en contact avec l'air. Quoiqu’on puisse regarder la cause qui influe sur l'absorption de la vapeur et sur celle de l’eau par les corps morganiques comme étant la même, et, par conséquent, leur point de saturation comme le même dans l’un et dans l’autre cas, ce- pendant, si le corps est très-poreux, il recevra dans ses pores, lorsqu'il est plongé dans l’eau, une quantité de liquide qui s’y interposera, en supposant qu'il puisse encore en contenir , et dans le cas contraire, il se ferait un échange de liquide à cause des mouvemens qui existent toujours dans un milieu quelconque. Les corps hygrométriques, ceux particulière- ment qui absorbent de l'humidité sans changer d'état ou sans altérer sensiblement leur texture, attirent sur leur surface et dans leur intérieur la vapeur aqueuse, et la condensent indépendam- ment de toute action sur l’air dans lequel elle est répandue. Mais si, dans de certains cas, ils en prennent à Pair, dans d’autres ils lui en cèdent, et les ani- maux, à cause de la quantité de liquide qu'ils contiennent de toutes parts, semblent plus en état d’en céder que d’en prendre : ceci est particulière ment applicable aux animaux à sang chaud, et par conséquent , à l’homme; parce qu’en suppo- sant l'air ambiant à humidité extrême, le corps des mammifères et des oiseaux ayant une tempé- raiture qui est ordinairement beaucoup plus éle- 358 QUATRIÈME PARTIE. vée que celle de l’atmosphère , échauffe l’air en contact avec sa Surface, et par cela même change Vétat hygrométrique de l'air, qui est alors suscep- üble d'admettre de la vapeur ; condition dans la- quelle il paraîtrait plutôt que les fluides du corps dussent en fournir. Ce que je dis ici se borne à la vapeur aqueuse, la nature des autres vapeurs pouvant influer beau- coup sur leur absorption , comme lorsqu'elles ont de l’affinité pour l’eau, etc. Cependant il est certain que les cheveux au moins sont hygrométriques ; même sur notre corps, pendant la vie; une partie de la vapeur qu'ils ont condensée et convertie en eau doit se propager jusqu’au bulbe où l'absorption s’en fera. D'où il résulte que certaines parties de notre corps sont susceptibles d’absorber de la vapeur aqueu- se, tandis que d’autres en fourniront. Mais il reste à savoir jusqu’à quel point cette absorption peut, par sa quantité, influer sur le poids du corps, et si le phénomène de labsorp- tion de la vapeur aqueuse est restreint à quelques espèces , ou si l’on peut le regarder comme géné- ral : car la détermination de la généralité et de la mesure d’un fait ajoute beaucoup à son impor- tance. La difficulté de reconnaître par le poids du corps l'absorption de l’eau à l’état liquide doit se repro- duire , à plus forte raison, lorsqu'il s’agit de Peau à l’état de vapeur. Il est des faits épars qui, si CHAPITRE XHI. 359 l’observation en était exacte, ne laisseraient ce- pendant aucun doute sur l'influence que l’ab- sorption de la vapeur aqueuse peut avoir sur le poids du corps. Ils sont principalement relatifs à l'homme ; mais, en général, ils sont vagues, ou dénués des circonstances ou de l'authenticité né- cessaires pour amener la conviction. Pendant long-temps j'aurais pu douter, par ma propre expérience, de Pabsorption de la vapeur aqueuse , soit sous le rapport de la généralité du phénomène, soit sous le rapport de son influence sur le poids du corps. Je fis de nombreuses observations sur des ani- maux de diverses espèces parmi les vertébrés à sang froid et à sang chaud , séjournant dans @e Vair à l’humidité extrême, et je trouvai, en les pesant à différens intervalles, qu’ils diminuaient successivement de poids. Or, tant qu'il y a diminution successive de poids dans Pair humide, on n’y voit aucune preuve de l’absorption de la vapeur aqueuse ; mais, dans la suite, j’eus l’occasion d'observer quel- ques phénomènes qui me paraissent fournir une preuve suffisante de cette absorption. Je ne pouvais douter, par la multiplicité des faits, que la transpiration par transsudation ne füt un phénomene constant dans les limites de tem- pérature, etc., relatives à mes expériences. Or, il m’est arrivé d’observer, sur des grenouilles dans l'air à lhumidité extrême, que, pendant 560 QUATRIÈME PARTIE. l'espace d’une heure, elles n'avaient ni augmenté ni diminué de poids ; espace de temps pendant le- quel javais toujours constaté qu’elles faisaient une perte notable par la transsudation. Au lieu de conclure que la transsudation s’é- tait supprimée , je concevais qu'il y avait eu ab- sorption de vapeur aqueuse équivalente à la perte par transsudation , et l’analogie de ce pro- cédé avec ce que j'avais constaté relativement au jeu de ces deux fonctions dans l’eau devait me délerminer, _ Je n'aurais jamais eu d’autres résultats que je serais resté convaincu que ces deux fonctions peuvent avoir lieu dans Pair humide, et que le poids du corps qui y séjourne dépend alors de la différence de leur action. Mais la différence est grande entre les quan- tités absorbées dans l'air humide et dans l’eau. 11 résulte des expériences comparatives que j'ai faites sur des animaux placés dans les deux mi- lieux, que la quantité absorbée est bien moindre dans J’air à l'humidité extrême que dans l’eau. Dans de l’eau, à tous les degrés de température, depuis o° jusqu’à 30°, ces animaux étant à-peu- près à leur point de saturation, on observe tou- jours le jeu des deux fonctions, par des alternatives de diminution et d'augmentation de poids , en les pesant à plusieurs reprises dans l’espace de cinq ou six heures. Dans l'air à l'humidité extrême , la vapeur CHAPITRE XIII. 367 étant même à l'état vésiculaire , qui est celui des brouillards, de la température de o° à 10°, la plus propre à rendre sensibles les effeis de l'ab- sorption , parce qu'elle tend, comme nous l'avons vu précédemment, à faire prédominer cette fonc- tion sur l’exsudation, dans ces circonstances fa- vorables, il ne m'est arrivé d'observer d’autres effets de l'absorption de la vapeur aqueuse par ces animaux , que ce qui suffisait pour contrè-ba- lancer la perte par transsudation, et ces cas mêmes ont été rares. | Mais comme ils sont susceptibles d’une double interprétation , quelque convaincu que je fusse de la justesse de celle que j'avais adoptée, il était à dé- sirer que je pusse en observer d’autres absolument exempts d’'équivoque. C’est ce qui m'est arrivé. J'avais placé une couleuvre à collier dans un vase tel que j’en ai décrit, pour contenir de l'air à l'humidité extrême. Je pesai l'animal à diffe- rens intervalles, et je trouvai qu'il avait d'abord diminué de poids; mais au lieu de continuer de Ja sorte, 1] prit un accroissement d’un gramme, non au-delà de ce qu'il pesait au commencement, mais au-delà du point de diminution où il était parvenu (1). Voici donc un phénomène semblable à celui que nous avons observé relativement à l’absorp- tion dans l’eau, et qui ne laisse point de doute ro (1) Poyez tab. 57. L 362 QUATRIÈME PARTIE. sur absorption de la vapeur aqueuse, en quan- tité suffisante pour prédominer dans certains cas sur la perte par transsudation. J'ai dit que les animaux à sang chaud avaient, sous le rapport que j'ai expliqué dans ce chapitre, un désavantage sur les animaux à sang froid , re- lativement à l'absorption de la vapeur aqueuse ; mais ils peuvent d’ailleurs être organisés de ma- niére à compenser cette différence , et peut-être au-delà. Quoi qu'il en soit, je crois pouvoir regarder comme uné preuve de l'absorption de la vapeur aqueuse par des mammifères le résultat suivant. Je comparai la perte de poids de plusieurs co- chons d'Inde dans l'air sec et dans l’air humide: à cause de la nature de l’appareil je ne pouvais évaluer la perte par transpiration qu’en défal- quant de la perte totale celle des évacuations al- vines et urinaires d'animaux semblables à Pair li- bres ; mais lorsque je comparais le terme moyen de cette perte à la diminution de poids des ani- maux placés dans l'air à l'humidité extrême, il ne restait rien pour la transpiration ; loin de R, le terme moyen des évacuations alvines et uri- naires surpassait la diminution de poids dans l'air humide. Il paraissait donc que l'absorption de la vapeur aqueuse avait suppléé à cette différence, et à la perte par transsudation; car ce n’est pas à absorption d’une partie de l'air respiré que l’on peut attribuer cet effet, CHAPITRE XIII. 363 Faisons d’abord à l'homme l'application de tous ces résultats relatifs aux animaux, et voyons quel appui nous trouverons dans les observations spé- ciales. En premier lieu, il n’est pas croyable que l'homme n’ait pas, comme eux, la faculté d’ab- sorber la vapeur Rep et même en quantité suffisante pour qu'on puisse s’en apercevoir par le poids du corps, soit parce qu il ne diminue pas de poids dans l'air humide , soit parce qu’il aug- mente sensiblement à cet égard pendant quel- que temps. En second lieu, cescas doivent, en général, être rares , en comparaison de ceux où l’on n’observe qu'une diminution du poids du corps par la trans- piration, quoique l’air soit à l'humidité extrême. Si maintenant nous examinons les faits que l'on rapporte, tout en faisant la part de ceux qui paraissent douteux , nous trouverons la confirma- tion de ces conclusions. On a cité Gorter comme fournissant des faits d'absorption de la vapeur aqueuse; mais je n'ai trouvé dans son ouvrage que des faits relatifs aux vétemens. Keill dit, dans un aphorisme : « quæ in acre sub vaporis specie circumvolitant aquæ particu- læ , à cute nosträ attractæ | cum sanguine com- miscentur , et corpus pondere augent. » Si dans les observations de cet auteur on ne trouvait au- cun fait à l'appui de la proposition , nous serions 364 QUATRIÈME PARTIE. dans le doute , soit sur le sens qu’il y attache; soit sur les fondemens de cet aphorisme, que l’on pourrait regarder comme une opinion, ou comme une observation ; car l'augmentation du poids du corps dans Sanctorius et Gorier a une acception variable , tantôt exprimant un sentiment de pe- santeur, tantôt une diminution de poids moindre que de coutume, ce qui est une augmentation re- lative. Enfin , un nombre considérable d'apho- rismes expriment plutôt des opinions que des faits. On trouve cependant, dans une observation de l'auteur, que pendant une nuit qu'il cite, le corps avait absorbé 18 onces de vapeur. « 27 decemb. » Aäc nocte octodecim humoris uncias ex aere » ad se somnians attraxit. » L'expression est trop formelle pour qu’on puisse sy méprendre , et le fait trop facile à détermi- ner pour croire qu'il ait pu s’y tromper. Quel- que doute que l’on ait pu avoir, soit sur le sens , soit sur l’authenticité de cette observation de Keill , elle acquiert une grande valeur quand on là rapproche d’une autre de Lining , tellement circonstanciée qu’elle entraîne la conviction. « Le même jour ( 3 juillet), entre 2° 45 et 5° 7', après midi, mes vètemens étant les mêmes, et m’abstenant de tout exercice, je bus de 25 à 25 onces de punch; Vair étant refroidi par des nuages qui couvraient le ciel, la quantité d’urine fut considérablement augmentée, équivalant, dans cet espace de 2° 30', à 3 28€; mais la transpira: 7 CHAPITRE XI, 565 tion fut tellement diminuée, que la quantité de : particules humides attirées par ma peau excéda la quantité transpirée dans cet intervalle de 2° 50", de 8 onces ©. Il y a deux autres cas de cette at- traction dans la même table (a). » La première application que j'ai faite à l’homme des observations sur les animaux est pleine- ment justifiée par ces faits. La seconde ne l'est pas moins par la remarque suivante : jai dit que ces cas devaient être rares , relativement à ceux qui présentent une diminution de poids par la transpiration dans l'air humide : or, on en a la preuve quand on considère le nombre immense d'observations faites par Sanctorius, Keill, Gor- ter, Robinson, Rye, Lining, etc, et le très-petit nombre de faits semblables à ceux que je viens de citer. Mais nous pouvons conclure de tout ce que j'ai présenté sur la transpiration et l’absorption dans l'eau et dans l'air humide, que la diminution du (1) The same day again, betwixt 23 and 54 p.m., my cloathing being the same and using no exercice, I drank betwixt 3% 23 and 25 more of punch, and the air being cooled by the clouds overspreading the heavens , the quan- üty of urine was greatly increased, amounting in these 22 hours to % 28$; but the perspiration was so much dimi- nished, that the quantity of humid particles attracted by my skin exceeded the quantity perspired in these 22 hours, by 35 +; two more instances of this attraction you have in the same table. (Philos. Transact., vol. xtir, 1543, p. 496.) 566 QUATRIÈME PARTIE. poids dans l'air humide n’est, dans un grand nombre de cas, que le résultat de la différence entre les pertes par la transpiration et l’accroisse- ment par absorption de la vapeur aqueuse. CHAPITRE XIV. 365 CHAPITRE XIV. De la Température. $ 1. Du Degré de chaleur que l’homme et les animaux peuvent supporter. Ps après l'invention du thermomètre, lorsque les observations météorologiques étaient nécessai- rement peu nombreuses et incomplètes, on igno- rait que l’homme et les animaux à sang chaud pus- sent supporter une température supérieure à celle de leur corps. Boerhaave, en méditant sur lu- sage de l'air dans la respiration, avait adopté lo- pinion que l’abord de ce fluide servait à rafraichir les poumons, dans lesquels le sang subissait une fermentation qui produisait une chaleur considé- rable , et que la vie devait s’éteindre si l'air avait une température supérieure à celle du corps des animaux. Quelques expériences entreprises à son mvita- tion par Farembheit et Prévoost, semblérent confir- mer son opinion. Elle fut généralement adoptée jusqu’à ce que des observations de Lining à Char- lestown, en 1748, d’Adanson, pendant son voyage au Sénégal , de Heury Ellis, en 1758, alors gouverneur de la Géorgie, constatèrent que la chaleur, dans ces divers climats , s'était élevée à 3568 QUAÏRIÈME PARTIE. des degrés supérieurs à celle de homme, degrés qui n'avaient été nuisibles qu’à un petit nombre d'individus. Mais le fait le plus remarquable qu'on ait publié à ce sujet , est celui que nous devons à l'observation de Tillet et Duhamel, en supposant qu'il n’y ait aucune objection à faire à la mesure de la température. Pendant leur séjour à la Rochefoucault en An- goumois, en 1760, une fille de boulanger entra en leur présence dans un four dont ils évaluèrent la température au moins à r12°R, ce qui équi- vaut à 103° D. (1), 128°,75 cent. Elle passa environ 12 minutes dans cette chaleur excessive sans en être fortement incommodée. Cette expé- rience fut répétée plusieurs fois après leur dé- part, sur une autre fille, avec le même suc- ces (2). Îl mportait qu’on fit de nouvelles recher- ches, et qu'on multipliât les observations sous divers rapports. C’est ce qu’entreprit le doc- teur Fordyce, avec Banks, Blagden et Solan- der , et quelques autres physiciens, en 1775. Une réunion d'hommes aussi distingués par leur savoir et leur sagacité, observant sur eux-mêmes mm (1) L'espace compris entre la glace et l’eau bouillante est divisé en 87 parties dans le thermomètre de Réaumur. Le même -espace est divisé en So parties seulement dans le thermomètre corrigé par Delue. (2) Mem. de l'Acad. des Scienc., 1764, pag. 185. CHAPITRE XII: 369 les effets d’une chaleur excessive, devait obtenir des résultats très-intéressans (1). Ges expériences furent, pour la plupart, répétées par M. Dobson, à Liverpool (2). Cesujet n’était pas de nature àêtre épuisé ; MM. Delaroche et Berger s’en occupèrent en 1806, et remplirent plusieurs lacunes (3). J'ai cité ces auteurs dans un ordre chronologi- que, afin que l’on puisse reconnaître la priorité de leurs travaux, me proposant de n’avoir égard dans l'exposition des faits qu'à leur liaison naturelle. Les expériences de MM. Delaroche et Berger ont rapport non-seulement à l'homme, mais aussi aux animaux; et comme elles sont plus nombreuses et plus variées, nous commencerons par quelques- uns de leurs résultats. 1°. Dans l'air sec. Voulant déterminer les effets d’un air sec dont la chaleur était peu supérieure à celle des animaux à sang chaud , ils l’élevèrent au moyen d’un poele de fonte dans un petit ca- binet, à une température qui varia entre L2°,5 et 45° cent. Ils y exposèrent diverses espèces de vertébrés, un chat, un lapin, un pigeon, un bruant et une grosse grenouille : la plupart res- tèrent d’abord immobiles; mais après environ une demi-heure, ils éprouvèrent de l’agitation ; leur () Transact. Philos., ann. 1775, pag. 111 et 484. (2) Zdem , ann. 1775, pag. 463. (3) Exp. sur les effets qu'une forte chaleur produit sur l’économie , etc. Paris, 1806, 550 QUATRIÈME PARTIE. respiration s’accéléra progressivement pendant environ trois quarts d'heure, jusqu’à devenir ha- letante. Il y eut ensuite une rémission des sym- ptômes chez presque tous. Leur séjour fut d’une heure et demie; maïs aucun ne sortit dans son état naturel : une demi-heure ou une heure après ils parurent parfaitement remis. Il paraîtrait, d’après ces expériences, que les animaux vertébrés exposés à un air sec et chaud de 45° cent., seraient près de la limite de empé- rature où ils ne sauraient vivre long-temps. En effet , les mêmes individus des deux séries , après être sensiblement revenus des effets de Ja chaleur précédente, furent introduits dans l’étuve, dont air, d’abord à 56°,25 cent., s’éleva vers la fin à 65° c. Tous, à l'exception de la grenouille, pé- rirent dans des temps variabies, depuis 24 min. à 1h. 55°. Trois autres séries d'expériences sur des rep- tiles, des mammifères et des oiseaux dans des li- mites de température à-peu-près semblables , eu- rent les mêmes effets. Je ne connais pas d'exemple que l’homme ait supporté plus long-temps une aussi forte chaleur. Cependant il en est qui ont été exposés à une plus haute température de l’air, pendant un court espace de temps. Un jeune homme, dans les ex- périences de Dobson , séjourna pendant 20”, sans grande incommodité, dans une étuve dont l'air était à 98°,88 cent. (210 F.) ; mais son pouls, qui, CHAPITRE Xitle 371 ordinairement donnait 75 pulsations par minute, battait 164 fois dans cet air chaud; ce qui est d’une vitesse extrême. Remarquons que la cha- leur de l'air était très-près de la température de l'eau bouillante. Mais ce n'est pas encore la limite extrême. M. Berger supporta pendant 7’ une chaleur de l'air de 100°,48 c., et Blagden une température de 115°,55 à 127°,67 c. (240° à 260° F.) pen- dant 8. Nous voilà revenus au degré de cha- leur dans les expériences de Tillet et Duhamel ; ce qui ne prouve pas positivement que leur éva- luation fût correcte , mais que ce degré de cha- leur peut être supporté pendant l’espace de temps qu'ils ont indiqué. 2°. Dans la vapeur aqueuse. Des corps de nature différente, mais dont la température est la même, ne communiquent pas au contact la même quantité de chaleur dans un temps donne. Cette différence ne dépend pas d’une cause uni- que , mais probablement d'une réunion de plu- sieurs, telles que la capacité pour le calorique la mobilité relative des molécules, ete. Quoi qu’il en soit, nous appellerons pouvoir échauffant ce- lui de communiquer de la chaleur au contact : ce n'est que depuis peu qu’on a comparé les milieux sous ce rapport, On n’en a étudié qu'un petit nombre : ce sont des gaz. Nous devons ces re- cherches à MM. Petit et .‘ulong. Il ne les ont pas 4 étendues à la vajeur aqueuse, de sorte que nous 372 QUATRIÈME PARTIE. ignorons non- seulement la mesure de la diffé rence dans le pouvoir échauffant de la vapeur aqueuse comparée à l'air sec, mais encore de quel côté est la supériorité. Cependant, si lon distingue les deux états que l’on a reconnus à la vapeur aqueuse , la vapeur vésiculaire et la transparente, il ne peut guère y avoir de doute que la première n'ait un plas grand pouvoir échauffaut que Pair sec. En effet , on considère la vésicule de vapeur comme formée d’une enveloppe d’eau à l'état li- quide contenant de l’air saturé de vapeur trans- parente : or, en vertu de l'enveloppe composée d’eau liquide, la vésicule aura un plus grand pou- voir échauffant que l'air sec, à moins que cet ex- cès ne soit compensé par un déficit dans le pou- voir échauffant de la vapeur transparente con- tenue dans l’enveloppe; mais je ne crois pas que l'on soit porté à faire cette supposition. . Nous admettrons donc que le pouvoir échauf- fant de la vapeur vésiculaire est plus grand que celui de Pair sec; d’où nous inférerons, en ne considérant que cette seule condition,que l'homme et les animaux ne pourraient supporter une aussi forte chaleur dans l'air chargé de vapeur vésicu- laire que dans l'air sec; ce qui est conforme à l'expérience. M. Delaroche ne put supporter plus de dix mi- nutes et demie un bain de vapeur qui d’abord à 37°,5 cen.., s’éleva dans l'espace de 8 à 5:°,25 c., et baissa ensuite d’un degré, CHAPITRE XIII. 373 M. Berger fut obligé de sortir au bout de 12° et demie d’un bain de vapeur dont la tempé- rature s'était élevée de 41°,25 à 55°,75. Il était faible, vacillait sur ses jambes, et avait des verti- ges. La faiblesse et la soif durèrent le reste de la journée, Cependant MM. Delaroche et Berger suppor- tèrent beaucoup plus long-temps, et sans incom= modité notable, des températures égales et même supérieures dans lair sec. La sensation particulière qui résultait de l’im- pression de la chaleur était beaucoup plus vive dans le bain de vapeur : c'était un sentiment de brülure. Je cite ces expériences parce qu'elles sont comparatives; mais non comme l'extrême de cha- leur que l'homme est capable de supporter dans le bain de vapeur durant cet espace de temps. Joseph Acerbi rapporte, dans son Foyage au cap Nord, que les paysans finlandais peuvent rester pendant une demi-heure et plus dans un bain de vapeur dont la température s'élève à 70° ou 75° c. 3°. Dans l'eau liquide. Je n'ai pas besoin de dire que le pouvoir échauffant de l’eau est plus grand que celui de la vapeur aqueuse, quoiqu’on ne se soit pas occupé à en déterminer le rapport; et il n’est pas nécessaire de faire des expériences bien précises pour être convaincu qu'un bain d’eau chaude, à la même température élevée qu’un bain de vapeur, agirait bien plus fortemeut sur l'économie animale, 354 QUATRIÈME PARTIE. J'ai eu cccasion d’observer sur des reptiles la grande différence dans l'action de l’eau liquide et de la vapeur à la même température. Je n’ai ja- mais vu de batraciens qui aient pu vivre plus de 2 minutes dans de l’eau à 40° cent., quoique j'aie eu la précaution de tenir une partie de la tête hors de l’eau, pour laisser subsister la respira- tion pulmonaire; tandis que des individus de même espèce, des grenouilles, ont supporté la cha- leur de l'air chargé de vapeur au même degré de température pendant cinq heures et au-delà. Lemonnier étant à Barèges, se plongea dans la source la plus chaude, qui était à 45° c. Il ne put y rester que 8. Une agitation violente et des étourdissemens le forcèrent d’en sortir (1). Dans la comparaison de l'intensité d’action sur l'économie animale de différens milieux, l’air sec, la vapeur aqueuse et l’eau liquide, élevés à une haute température, nous n'avons rapporté la me- sure des effets qu’à la différence de leur pouvoir échauffant. Nous ne prétendons cependant pas exclure dautres causes. Nous nous proposons, au contraire , de les examiner à mesure que d’autres faits nous en fourniront l’occasion. En exposant les résultats des expériences, nous avons énuméré quelques-uns des effets produits par une chaleur excessive, tels que l'accélération du pouls et de la respiration, quelques symptômes nerveux et la re em ee (1) Mém, de l'Acad. des Scienc., 1747, pag. 259. CHAPITRE XIII. 375 sensation plus où moins vive de chaleur ; mais il en est dont je n’ai pas fait mention, et qui méri- tent d’être traités à part , l’état de la température du corps et de la transpiration. S IT. De l’Influence d’une chaleur excessive sur la température du corps. De l’homme. Les premières observations sur la stabilité de la température du corps, malgré les vicissitudes des saisons et la différence des chmats, firent connaître un phénomène bien remarquable. Elles ne se rapportaient d'abord qu'aux variations ordinaires de température ren- fermées dans des limites au-dessous de la chaleur du corps humain; mais Francklin observa, jecrois, le premier un fait qui parut plus étonnant. Dans un jour d’été, la température de l'air étant de 37°,77 c.(100° deF.), il remarqua que sa tempéra- ture propre était seulement de 35°,55 cent. (96° F.) Or, ce fait est particulièrement digne d'attention sous deux rapports : en premier lieu , il prouve que les animaux à sang chaud ont la faculté de se maintenir à un degré inférieur à celui de l'air, lorsque la chaleur extérieure dépasse la chaleur propre de l’économie, c’est-à-dire , sa tempéra- ture ordinaire; en second lieu, la température de Francklin observée dans cette chaleur exces- sive, n'étant que de 35°,55, est au-dessous de la ielapérature moyenne des hommes ; ce qui ne laisse 376 QUATRIÈME PARTIE. pas présumer qu’elle ait été élevée par La chaleur ambiante. k Reste donc à savoir si une chaleur plus forte est capable d'élever la température du M di de Yhomme et des animaux à sang chaud, et à à Le himite elle peut parvenir. Le docteur Fordyce et les savans qui ont con- couru à ses expériences sur les effets d’une cha- leur excessive de l’air, ont observé que leur tem- pérature propre pouvait s'élever en pareil cas de deux ou trois degrés de Fareinheit, ce qui équi- vaut à-peu-près à un degré et un degré et demi du thermomètre centigrade. Les plus fortes élévations de la température propre de l’homme , sous l'influence d’une haute chaleur extérieure, ont été observées par Dela- roche et Berger sur eux-mêmes. La température du premier étant de 36°,56 cent., augmenta de 5° par un séjour de 8’ dans une étuve dont T'air était à 80°. Berger, dont la température était semblable, eut un accroissement de chaleur de 4°,25 cent., après un séjour de 16 minutes dans Ja même étuve, à 87°,5; mais on pouvait objecter à l'évaluation de ces températures du corps qu’elles étafent prises à la bouche dans un air beaucoup plus chaud ; ce qui pouvait contribuer à léléva- tion des degrés du thermomètre, ou n’être que le résultat d’une chaleur locale. Pour avoir une détermination exempte de re- proches, MM. Berger et Delaroçhe se placèrent CHAPITRE XIII, 377 successivement dans une boite à travers laquelle ils pouvaient. passer la tête, et par le moyen de linges entourant cette ouverture et le col , ils in- terceptaient le passage de la vapeur. La tempéra- turé de la bouche devait donc être le résultat de l'élévation de température des autres parties du : corps. Après un séjour de 17 dans ce bain de vapeur de 37°,5 à 48,75 cent. , la température de la bouche de M. Delaroche augmenta de 3,12 c. Dans le même appareil, la vapeur étant de 40° à 41°,25, la température de M. Berger s’accrut de 1°,87 dans 15’. Il est évident qu'on ne saurait pousser assez loin les expériences sur l'homme pour savoir quel est le plus haut degré que sa température puisse attemdre sous l'influence d’une chaleur excessive de l'air. Pour en juger par approximation , il faut avoir recours aux animaux à sang chaud des deux classes : cest ce qu'ont fait MM. Delaroche et Berger. 2°. Des Animaux à sang chaud. Dans l'étuve dont j'ai déjà parlé, ils exposèrent diverses es- pèces de mammifères et d'oiseaux à des degrés différens d’un air sec et chaud ; le plus bas de 5o° c., et le plus élevé de 95°,75 cent. Ils les y laissèrent jusqu'à la mort. Tous les individus, malgré la diversité des espèces et des classes, et des degrés de chaleur auxquels ils furent exposés, acquirent un accroissement de température à-peu-près égal à cette époque. Les limites de variations étant 378 QUATRIÈME PARTIE. de 6°,25 à 7°,18 cent. n'offraient parconséquent que 0°,93 de degré pour la plus grande diffé- rence. La détermination de la température du corps ayant été faite par un thermomètre pro- fondément introduit dans l'anus, elle est à l'abri des objections que nous avons exposées plus haut. Lorsque l’on considère l’uniformité des résul- tats fournis par des individus d’espèces différentes, parmi les mammifères et les oiseaux, on peut en inférer que l’homme et les animaux à sang chaud, sous l'influence d’une chaleur excessive d’un air sec, ne sauraient éprouver, pendant la vie, une élévation de leur température propre au-delà de 7° ou 8 cent. … 8°. Des Vertébrés à sang froid. L'expression des résultats précédens n’est pas applicable aux vertébrés à sang froid. Ils n’ont pas de tempéra- ture propre, à cause de la grande étendue dans la- quelle leur température varie. On sait qu’elle dif- fère peu de celle de Fair dans les diverses saisoñs de l'année, et que cette différence n’est guère que. d’un ou deux degrés centigrades. Il était naturel de supposer que, si une chaleur modérée dans les vicissitudes ordinaires des saisons élevait celle des vertébrés à sang froid à-peu-près au même ni- veau, cette correspondance aurait lieu, à plus forte raison, dans des températures plus hautes. Blagden parait être le premier qui reconnut que des vertébrés à sang froid avaient en eux la faculté de maintenir leur température au-dessous d'une CHAPITRE XIII. 379 certaine élévation de la chaleur extérieure. Pen- dant un jour d'été, ayant plongé un thermomètre dans la bouche d’une grenouille , il le vit descen- dre de plusieurs degrés. Cependant leur tempé- rature est susceptible de s'élever au-delà des plus fortes chaleurs de l'été. Dans les expériences de MM. Delaroche et Berger, la plus haute tempé- rature que des individus de cette espèce, placés dans l’étuve, aient pu atteindre à l’époque de Jeur mort, était 40°,93 cent.; ce qui est entre les limites des températures propres aux animaux à sang chaud. $ IL Comparaison des pertes par transpiration dans l'air sec, l'air humide et l'eau à des tem- pératures supérieures à celle du corps. Si l’on se fondait uniquement sur le résultat d'expériences faites à des degrés inférieurs à la température propre des animaux à sang chaud , on tiendrait pour certain que les pertes par la transpiration doivent être plus grandes dans l'air sec que dans l'air humide, portés au même degré de température excessive. On ne voit pas d’abord pourquoi il n’en serait pas ainsi : c'était même l'opinion de Blagden , qui, dans les expériences entreprises par le docteur Fordyce, ayant éprouvé les effets d’une chaleur excessive de l'air sec et de l'air humide , pouvait se fonder sur l’observa- tion. Il ne se servait pas de la balance ; de sorte que Delaroche et Berger, qui eurent recours à ce 380 QUATRIÈME PARTIE. moyen, obtinrent des résultats décisifs. La diffé rence était considérable; mais la plus grande in- tensité d'action n’appartenait pas à l'air sec. L'air excessivement chaud, porté à l'humidité extrême, excitait une transpiration plus abondante, même à des degrés inférieurs à la température de l'air sec. Les expériences comparatives furent faites dans létuve et le bain de vapeur dont j'ai dejà parlé. Il ne s’agit ici que de la vapeur à l'état vési- culaire, qui est celui des bains de vapeur. Ce que J'ai exposé sur la transpiration peut faire conce- voir la cause de cette différence. Je n’ai pas be- soin d’insister ici sur celle que j'ai établie dans les modes de transpiration. Il sufhit de rappeler la distinction de la transpiration par évaporation et là transpiration par traussudation. Dans les variations de température au-dessous de 20° cent., et dans les circonstances ordinaires de santé, etc., la transsudation ne fait qu’une petite partie de la transpiration générale; mais elle croit rapidement par leffet de la chaleur dans des températures supérieures. À un degré de chaleur excessive la transsudation s’accroit à tel point, qu’elle couvre toute la surface de la peau: alors plus de transpiration par évaporation, à cette surface : il n’y a qu’une évaporation de l’eau déjà éliminée de l’économie, Dans cet état de choses, la transpiration à la peau se fait uniquement par trans- sudation, soit dans l'air sec, soit dans l'air chargé CHAPITRE iii. 58i d'humidité, Toutes choses égales d’ailleurs, à ne considérer que la peau, celui des deux airs qui aura un pouvoir échauffant plus grand détermi- nera uue plus forte transsudation. Or, comme nous l'avons fait voir précédemment, la vapeur vésiculaire, qui est celle des bains de vapeur, a un plus grand pouvoir échauffant que Pair sec; d'où nous concluons que la perte qui se fait par la peau scra plus grande dans le bain de vapeur que dans l'air sec. Reste la comparaison de la perte par les poumons : ici la prédominance n’a pas lieu dans le bain de vapeur. La perte, sous le rapport de l’eau, y est nulle, parce qu'elle ne saurait s’évaporer dans l'air à l'humidité ex- trême et à une chaleur supérieure à celle du corps; mais dans de l’air sec et à la même tem- pérature, l’évaporation peut être grande par cet organe. Cependant on reconnait par le resultat général des pertes de la transpiration dans l'air et dans le bain de vapeur, que l'excès de transsu- dation dans l'air chargé de vapeur vésiculaire lem- porte sur l'évaporation par les poumons dans Fair sec. L'on concevra plus facilement la prédominance des pertes causées par la transsudation, si l’on fait entrer dans les considérations précedentes un autre élément qui influe beaucoup sur la chaleur du corps dans l'air sec et dans l’air humide. Je veux parler de l’évaporation qui n’a lieu que dans l'air sec. On sait que c’est un moyen puissant de 382 QUATRIÈME PARTIE: refroidissement, d’où il doit résulter à cetté haute température une diminution considérable de la transsudation dans l'air sec. Nous examinerons ailleurs , en détail , l'influence de cette cause sur le refroidissement du corps, dans l'air sec, à de hautes températures. Il est facile de prévoir les effets d’un bain de liquide à des degrés de chaleur excessive, comparés à ceux de l’air sec et de l'air humide. Nous avons vu que les pertes par transpiration dans le bain de vapeur , à cette température, sont supérieures à celles qui ont lieu dans l'air sec. Par la même raison, elles seront plus grandes encore dans de l'eau au même degré ; car à cette haute tempéra- ture, ce qui augmente la transsudation fera pré- dominer les pertes. Or, le pouvoir échauffant de Veau étant plus grand que celui de la vapeur vé- siculaire et plus considérable encore que celui de l'air, la diminution de poids doit être plus grande dans l’eau. Cette déduction est confirmée par Le fait. Lemonnier, après un séjour de 8’ dans un bain d’eau à 45°cent., perdit 20 onces; ce qui est au moins le double de ce que Delaroche et Berger ont perdu, à une chaleur semblable, dans un bain de vapeur, et à une température de 90° cent. et au-delà , dans l'air sec. CHAPITRE XIII. 585 $ IV. De L Influence de l'évaporation sur la tem- pérature du corps exposé à une chaleur ex- cessive. Franklin ayant fait des expériences sur Île re- froidissement produit par l’évaporation des liqui- des, rapporta à cette cause la faculté qu'il attribuait aux animaux, d’après le fait qu’il avait observé sur lui-même, de maintenir la température de leur corps au-dessous d’une chaleur excessive de l'air. Quelques expériences de Fordyce tendent à confirmer cette opinion , quoiqu'il n’ait pas été d'avis que ce fût la seule cause. Celles de MM. De- laroche et Berger donnent une plus juste idée de l'influence de lévaporation sur la température du corps exposé à une forte chaleur. Un vase poreux susceptible d’évaporation par toute sa surface, de ceux que les Espagnols appel- lent alcarazaz, fut introduit dans une étuve avec deux éponges mouillées et une grenouille, On avait préalablement élevé la température du vase et des éponges au niveau de celle des animaux à sang chaud, de 38°,12 à 40°,95. La température de l’étuve varia entre 52°,5 et 61°,25. Au bout d'un quart d’heure , le vase , les deux éponges et Vanimal eurent une température presque unifor- me, ne dépassant pas la limite de la chaleur pro- pre aux animaux à sang chaud, etse maintinrent ainsi à-peu-près au même terme pendant les- 384 QUATRIÈME PARTIE. pace de deux heures. Ce terme est remarquabie : pour y arriver, le vase et les éponges, au lieu de s’'échauffer, se refroidirent environ d’un degré ; au contraire , la température de la grenouille, qui d’abord était de 21°,25 cent., s’éleva à 37°,18 dans lespace de 15", et demeura stationnaire pen- dant le reste du temps, se maintenant , ainsi que l’alcarazaz et les éponges, de 15° à 21°,5 au- dessous de la chaleur ambiante, On observe une plus grande différence à me- sure que la température extérieure est plus élevce; mais, en même temps, le terme où celle des corps évaporans, soit animés, soit inanimés , devient à-peu-près stationnaire , est un peu plus élevé, avec cet accroissement de chaleur de l'air. Si l’on suppose que tant qu'un animal respire, surtout un animal à sang chaud, il conserve la faculté de produire quelque chaleur, on en dé- duira une différence entre sa température et celle d’un corps inanimé à surface évaporante, exposé à une chaleur excessive , quoique leur point de départ soit le même. Ainsi un alcarazaz et un ani- mal à sang chaud , tel qu’un lapin, tous deux à la même température, exposés à une chaleur de l'air de62°,5 à 8705 c., jusqu’à la mort de l'animal, n'auront pas la même température finale, parce que, en admettant l'égalité d’évaporation de part et d'autre, la chaleur que l’animal continue à produire ajoutera à sa température et la rendra supérieure à celle du vase. “ CHAPITRE XIV. 585 Cette déduction est justifiée par des r'sultats d'expériences faites par MM. Delaroche et Berger. - L'évaporation chez le lapin , à en juger par la di- minution de poids, était toute aussi grande que pour l’alcarazas : cependant la température finale du lapin était supérieure au moins de 2°,5 C. Ainsi la même cause générale, l’évaporation, suflrait seule pour maintenir la température des animaux et des corps bruts au-dessous de la cha- leur extérieure de l'air, lorsqu'elle est excessive ; c’est-à-dire, lorsqu'elle dépasse la température propre des animaux à sang chaud; mais, au-dessous de cette limite, on aurait tort d'attribuer à cette cause , suivant l'opinion générale, le pouvoir de maintenir l’uniformité, réelle ou supposée, de la température propre de l’homme et des animaux à sang chaud, dans les vicissitudes des saisons et la diversité des climats : c’est ce que nous verrons ailleurs. $ V. Du refroidissement dans différens milieux, à des températures inférieures à celle du corps. Nous avons reconnu que, lorsqu'il s’agit des effets d’une chaleur excessive sûr l’économie ani- male, ils augmentent progressivement avec l’or- dre suivant des milieux, quoique leur température soit la même : air sec, air saturé de vapeur trans- parente , vapeur vésiculaire, eau liquide. On se- rait naturellement porté à croire que les refroi- 25 380 QUATRIÈME PARTIE. dissemens respectifs dans les mêmes milieux, à température égale et inférieure à celle du corps, suivent le même ordre; mais nous ne saurions admettre cette conclusion sans examen. Compa- rons, par exemple, l'air sec et la vapeur vésicu- lire , à une température supérieure à celle du corps, sous le double rapport du pouvoir échauffant etde l’évaporation. L'air sec communique moins de chaleur en vertu du premier, et en enlève davan- tage en raison du second. La vapeur vésiculaire, sous le premier rapport, communique plus de chaleur; quant au second, 1l n’en enlève pas, l’'évaporation étant nulle. x Ainsi les deux agens extérieurs qui influent sur la chaleur du corps se réunissent, dans l’un et autre cas, pour agir dans le même sens, pour augmenter l'accumulation de la chaleur du corps dans la vapeur , et la diminuer dans l'air sec. Comparons maintenant les sources du refroi- dissement dans les mêmes milieux à des tempé- atures inférieures à celle du corps. Dans l'air sec, 11 y a moims de chaleur enlevée au contact; ce qui équivaut à dire que le pouvoir refroidis- sant de ce milieu est moindre; par ce moyen, la chaleur tendra à s’accumuler dans le corps ; mais; d'autre part, l’évaporation étant plus grande, il ÿ aura, à cet égard, un plus grand refroidisse- ment que dans la vapeur. L’inverse aura lieu, sous les deux rapports , dans la vapeur vésiculaire. Ainsi l’on voit que, de part et d'autre, les deux APITRE XIV. 387 agens qui influent sur la chaleur du corps seront opposés dans leur action lorsqu'il s’agit de tem- pératures inférieures ; mais nous ne saurions com- parer la résultante de ces deux actions opposées, dans l'ignorance où nous sommes de la mesure de chacune d’elles. H se pourrait, par exemple, que dans l'air sec la chaleur enlevée par évaporation füt plus grande que celle soustraite au contact par la vapeur vésiculaire ; il se pourrait de même que l’inverse fût vrai. Nous ne saurions donc dire d'avance de quel côté le refroidissement sera plus grand. Ce que nous venons de dire du refroidissement dans la vapeur vésiculaire, comparé aux effets de l'air sec, est également appliquable à l’eau; et notre incertitude serait plus grande encore rela- tivement à l'air saturé de vapeur transparente; car les physiciens ignorent absolument l'intensité relative de son pouvoir refroidissant, et même s'il est plus grand ou plus faible que celui de l'air. Il est à espérer qu'ils ne tarderont pas à la déter- miner; Connaissance qui ne doit pas être inutile en physique, et qui, certes , n’est pas indifférente à la physiologie, Ce n’en est pas moins une opinion généralement établie que l'on éprouve un plus grand refroidis- sement dans Pair humide que dans l'air sec. Il est évident qu'elle est fondée sur la sensation et sur d’autres effets qui paraissent en résulter sur l’é- conomie animale. Si l'observation en était exacte, 388 QUATRIÈME PARTIE» elle ferait présumer que le refroidissement causé par une plus grande évaporation dans l'air sec est plus que balancé par celui qui résulte du con- tact de la vapeur transparente. Quoi qu'il en soit, nous n’insisterons pas da- vantagesur les opinions fondées sur les sensations ; méthode très - équivoque. C’est pourquoi je me suis proposé d'en trouver une autre plus à l'abri de reproches. Les observations que j'avais faites sur les phénomènes de chaleur chez les jeunes ani- maux à sang chaud m'ont paru en devoir four- nir les moyens. Nous avons précédemment établi qu'un grand nombre d’entr’eux n’ont pas la faculté, à leur nais- sance et à des époques qui en sont rapprochées, de soutenir leur température lorsqu'on les retire de leur nid et qu’on les expose séparément à l'air. Hs subissent alors un refroidissement plus ou moins grand, suivant leur âge. J'ai cherché à tirer parti de cette manière d’être pour comparer leur refroidissement dans l'air sec et dans l'air hu- mide. Jai employé de grands vases de forme et de dimensions semblables à ceux qui m'avaient servi pour étudier les phénomènes de la transpi- ration. J'ai préféré des animaux d’un très-petit volume, pour que la proportion d'air fût plus grande, voulant éviter l'influence que l’altération de ce fluide par la respiration pourrait exercer sur la température des animaux. D'ailleurs, les vases , formés de grands carreaux de verres ajustés CHAPITRE XIV. 369 par leurs bords, permettaient le renouvellement de l'air par les jointures , mais assez lentement pour que l’on püt y opérer les changemens néces- saires dans l’état hygrométrique. Il ne fallait pas que les animaux fussent trop jeunes; la vitesse de leur refroidissement pouvait être trop grande pour les comparer. Il fallait aussi ne pas établir de comparaison entre deux individus placés dans les deux conditions différentes, parce que lon aurait pu attribuer la différence des résultats, non à celle des circonstances extérieures, mais à celle des individus. Je plaçai donc le même individu successivement dans les deux conditions de sé- cheresse et d'humidité extrêmes; mais à des in- tervalles suflisans pour que le refroidissement qu'il avait subi n'influât pas sur celui qu'il éprouvait ensuite; influence qui serait très-sen- sible si le refroidissement précédent était trop grand , trop prolongé ou trop rapproché. J'ai fait voir ailleurs que le froid, au-delà de certaines limites, nuit à la production de chaleur, lors méme que le corps, par un changement dans les circonstances extérieures, a repris sa température habituelle. Je n’ai donc pas multiplié les refroi- dissemens sur les mêmes individus ; mais je me suis servi de plusieurs d'âge différent, dont chacun était alternativement placé dans les deux conditions différentes. I serait fastidieux d’exposer toutes les précautions que j'ai prises pour rendre les ré- sultats comparables : j’en indiquerai seulement L.4 3990 QUATRIÈME PARTIE. üne qu’il faut remarquer : c’est que, si les deux expériences comparatives sur le même individu étaient faites seulement à un jour d'intervalle, cet espace de temps suflirait pour accroître sensible- ment la production de chaleur, dont les pro- grès sont très-rapides après les premiers jours, à dater de leur naissance. C’est pourquoi je n'ai différé que de quelques heures. J'ai fait ainsi dix expériences dans l'air sec, et autant dans l'air humide, sur de jeunes moti- neaux. J'ai exposé dans un tableau (1) tous les détails des conditions physiques ainsi que les résultats numériques. On y voit qu'en prenant la somme des refroidissemens de part et d'autre, et divisant par le nombre d’animaux, pour avoir le terme moyen du refroidissement ;'onura 655 centig. pour Vlair sec, et G°,7 centig. pour l'air humide. Bornons-nous d’abord à ce résul- tat général: la différence est trop légère, dans ce genre d'expériences, pour qu'on puisse la re- garder comme une suite nécessaire de l'action des milieux. En négligeant cetie petite différence nous admettrons, comme résultat général de ces expériences, que le refroidissement a été le même dans l'air sec et dans l’air humide; d’où 1l suit que le froid produit par la plus grande évapo- ration dans l'air sec a pu être balancé par le froid résultant du contact de l’air humide. Sorel Glen COALICD LS TL MSC SES 0 1P EST {1} Voyez tab. Go. CHAPITRE XIV. 39 I En adoptant ces deux causes de refroidissement, on en conclurait qu’elles pourraient ne pas se balancer toujours de manière à produire un re- froidissement égal. En effet, au lieu de faire la comparaison des termes moyens des expériences ci-dessus, en les regardant chacun comme un ré- sultat unique, si nous examinons les expériences particulières dont il est composé, nous verrons que, dans quelques-unes , le refroidissement a éte exactement le mème de part et d'autre; quant au reste, il a été, pour les unes, plus grand dans l'air humide, et pour les autres, plus grand dans Pair sec. Notons que l'air humide était à son maximum dans presque tous les cas, et qu'il en différait très-peu dans les autres, con - me on peut le voir dans le tableau; que le de- gré de sécheresse de l'air sec a varié dans les diverses expériences, et que c'est précisément dans celle dont les limites étaient de 55 à 44 de l’hygromètre de Saussure, que la supériorité du refroidissement était décidément du cgté de l'air sec. $S VE Du Refroidissement dans L'air calme et dans l'air agité. Dans l'air calme , à une température inférieure à celle de notre corps , nous perdons de la chaleur de trois manières différentes : par évaporation, par le contact de l'air et par le rayonnement. 592 QUATRIÈME PARTIE. La perte par le rayonnement aurait lieu égale ment dans le vide, et ne paraît pas influencée par la nature des gaz. Maïntenant, que l'air vienne à s'agiter, le rayonnement n'en sera pas aflecté ; mais le renouvellement de l'air augmente considérablement la quantité de cha- leur enlevée au contact , et dans une raison qui pa- raît proportionnelle à la vitesse du courant. A la plus grande perte de chaleur par cette action du vent, il faut ajouter le refroidissement que produit une plus grande évaporation, laquelle augmente aussi avec la vitesse du vent. C’est à ces deux causes réunies que nous devons attribuer le sentiment si vif de fraicheur ou de froid que nous éprouvons lorsqu'il ne survient d'autre change- ment de l’état de l'atmosphère que dans la vi- tesse de son mouvement. On concevra facilement qu’un refroidissement causé par cette seule mo- dification de l'air pourra égalér l'effet qui résulte- rait du seul abaissement de la température; mais on ne se doute pas, en général, de l'étendue dans laquelle cette compensation peut avoir lieu. Dans le célèbre voyage de découvertes aux ré- gions arctiques, sous la conduite du capitame Parry, on eut fréquemment occasion de remarquer que les indications du thermomètre ne s’accor- daient nullement avec les sensations des voya- geurs , lorsqu'ils ne jugeaient des causes physiques du refroidissement que par les degrés de la tempé- rature. | CHAPITRE XIV. 593 Ils supportaient très-facilementunetempérature de 17°,77 C. au-dessous de la glace fondante (0° du thermomètre de Farenheit) quand ils se pro- menaient à l'air libre par un temps calme. Il n’en était pas de même si l’air était agité : cependant la température s'élevait toujours avec le vent, quelle que fût sa direction. Ils souffrirent plus du froid dans une brise lorsque la température n’était qu'à 6°,66 C. au-dessous de o° (+ 20° F.), qu'àr17°,77 C. dans l'échelle descendante (0° F.) lorsque l'air était en repos. La seule différence du mouve- ment de Pair équivalait au moins à une diffé- rence de température de 11° €. De pareilles observations, souvent répétées, durant le cours de ce voyage, ne laissent aucun doute sur leur exactitude. Le chirurgien en second de lexpé- dition, Alexandre Fisher, qui rapporte les faits précédens, nous fournit un exemple plus remar- quable du froid causé par le vent : il nous ap- prend que la température étant de 46°, 11 C. au- dessous de 0° (— 51° F.) par un temps talme, ils n'étaient pas plus incommodés par le froid que lorsque l'air était à — 17°,77C. (o° F.) pendant une brise. Le vent produisait une sensation de froid qui équivalait à l'effet d’un refroidissement de l'air de 29° centigrades. 394 QUATRIÈME PARTIE, CHAPITRE XV. De llnjfluence de la lumière sur le | développement du corps. / Î Lx lumière qui nous éclaire et nous échauffe a-t- elle quelqu’autre effet sur l’économie animale? Il est hors de doute qu’elle en produit sur les corps inorganiques et sur les végétaux. Les rayons so- laires, à température égale, produisent dans le règne minéral des combinaisons que ne saurait effectuer une chaleur obscure; les plantes, sans l'influence de la lumière, ne formeraient guère de matière verte, substance si généralement ré- pandue qu’elle paraît une des productions les plus essentielles à cette classe d'êtres. Lorsqu'on con- Sidère que, sans la lumière, abstraction faite de sa chaleur, il existerait à peine quelque trace du règne végétal, sera-t-elle sans influence sur la vie des êtres animés ? Mais lorsqu'on jette les yeux sur l’homme et les diverses classes d'animaux, on ne reconnait guère d’autres rapports sensibles avec la lumière que ceux de la vision, qui leur donne la perception des couleurs, des formes et des distances. La coloration en brun, plus ou moins légère, qu'on observe assez généralement sur les per- sonnes qui s’exposent beauçoup au soleil, n'ayant CHAPITRE XV. 595 guère lieu que sur les parties découvertes , sans qu'il faille que les rayons aient une grande ardeur, est justement attribuée à l’action propre de la lu- mière. Dans ce qu'on appelle Les coups de soleil, la chaleur paraît avoir une grande part. On les à même attribués À la concentration des rayons solaires par des dispositions de nuages agissant à la manière des lentilles; mais il n’est pas né- cessaire d’avoir recours à de pareiïlles suppositions, qui d’ailleurs sont très-hasardées. S'il est vrai que cette inflammation de la peau survient le plus sou- vent par l'effet d’un soleil ardent, elle peut aussi être l’effet d’une lumière peu intense. Jai connu des personnes qui étaient sujettes à cette affecuüon, lorsqu'elles étaient au grand jour, dans des cir- constances où le soleil avait peu de force; ce qui indique une grande sensibilité à l’action propre de la lumière. C’est à cette cause réunie à la cha- leur que l’on doit, en général, rapporter les morts promptes ou subites chez ceux qui sont long-temps exposés au soleil dans les jours les plus chauds. | Voilà à-peu-près à quoi se réduisent nos con- naissances positives relativement à l’action pro- pre de la lumière sur l’économie animale ; car , lorsqu'on donne pour exemple de l’action vivi= fiante de la lumière le dépérissement de ceux qui demeurent dans des lieux obscurs, tels que les prisons et les mines, il est évident qu'on ne peut distinguer Peffet de la privation de la lu- 390 QUATRIÈME PARTIE, mière parmi ceux qui doivent résulter d’une foule de causes délétères réunies dans ces lieux mal- sains. On ne saurait cependant se défendre de lo- pinion que la lumière a une part plus active dans les phénomènes des êtres animés que ce que la simple observation nous fournit. J'ai pensé que j'en trouverais peut-être un exem- ple dans le développement des animaux : si cela était, nous aurions la plus forte preuve de l’in- fluence bienfaisante de la lumière sur les fonc- tions générales. Par développement, j'entends ces changemens dans les formes qui surviennent de- puis la conception ou la fécondation jusqu’à l’âge adulte. En général, le développement qui a lieu jusqu’à la naissance , époque où l’animal se débarrasse de ses enveloppes, et se met, pour la première fois, en rapport avec le monde extérieur, s'effectue dans l'obscurité, Cependant il est des animaux dont les œufs, fécondés au dehors, ne laissent pas d’éclore, quoiqu'ils soient exposés aux rayons du soleil : de ce nombre sont les batraciens. J’ai cherché à dé- terminer quelle influence la lumière exercçait, in- dépendamment de la chaleur, sur ce genre de dé- veloppement. À cet effet je plaçai des œufs de grenouille avec de l'eau dans des vases, dont l’un était rendu imperméable à la lumière par des enveloppes et un couvercle de papier noir, l’autre était transparent, Jeles exposai de manière à ce que CHAPITRE XV. 397 leur température füt sensiblement égale ; et que le vase transparent recût les rayons du soleil. Les œufs exposés à la lumière se développèrent successivement. Il n’en fut pas de même des œufs dans l'obscurité : aucun ne vint à bien. Je remar- quai cependant sur quelques-uns des marques non équivoques du développement de l'embryon. Quand même il serait possible que, dans une réunion d’autres circonstances plus favorables, le développement eût lieu sans la lumière, ce fait suffit pour prouver combien cet agent peut y con- tribuer. Mais c’est surtout après la naissance qu'il était intéressant de déterminer les effets propres de la lumière sur le développement du corps, parce qu'alors presque tous les animaux y sont plus ou moins exposés. Quoique tous, en grandissant, chan- gent de forme et de proportions, il est diflicile d’apercevoir et d'apprécier avec justesse des mo difications qui consistent dans des nuances : il faut donc que le choix tombe sur des espèces, parmi les vertébrés , dont le développement présente des différences de formes précises et palpables. Ces conditions sont réunies, au plus haut de- gré, dans l'espèce qui a servi aux expériences précédentes , et dans celles qui appartiennent à la même famille. Dans toutes, les individus; pendant le premier âge, ont la forme et même la vie des poissons : point de membres, une queue, des branchies. Dans le second âge, ce sont des rep- 5yô QUATRIÈME PARTIE. tiles , sans traces de ressemblance avec la forme extérieure des poissons : quatre membres, point de queue, pas de branchies : la métamoyphose est complète. Plusieurs conditions extérieures y in. fluent : jen ai parlé dans la seconde partie de cet ouvrage : il reste à savoir ce que peut faire la lumière. Il est évident, par mes expériences, rapportées à l'endroit que je viens de citer, que l'absence de la lumière n'empêche pas nécessai- rement le développement en question , puisque deux têtards, sur douze contenus dans une boîte de fer-blanc, percée de petits trous pour le renou- veilement de l’eau, et placée à plusieurs pieds de profondeur dans la Seine , subirent le changement de forme qui les constitue à l’état de reptiles. Notons d’abord que ces deux individus se transformèrent beaucoup plus tard que ceux qui étaiente xposés à la lumière, et qui avaient la liberté de monter à la surface de l’eau. À quoi était dû ce retard, ainsi que la persistance de la forme de poissons chez les autres ? Etait-ce au défaut de lumière ou de respiration par les poumons, organes dont ils sont pourvus ainsi que de branchies, ou à la réunion de ces deux causes ? J'ai cherché à déterminer leur infiuence respec- tive, d’abord, en mettant des têtards de gre- nouille dans deux grands vases contenant une dixaine de litres d'eau, tous deux capables d’ad- mettre la lumière; lun de verre, mais avec un CHAPITRE XV. 399 diaphragme à fleur d’eau, pour empêcher la res- piration aérienne ; l’autre ouvert, pour laisser aux animaux la liberté de monter à la surface ; et respirer l'air de l'atmosphère. Les uns et les autres jouissaient de la lumière; il n’y eut de différence que dans le défaut de respirat ionpar les poumons. Ceux qui en étaient privés se trans- formèrent, à la vérité, plus tard ; mais ce délai fut si court que l'influence de la cause que je voulais apprécier me parut très-faible. Il résulte de la comparaison de ce fait et du précédent, que l'absence de la lumière avait la plus grande part dans le retard de la transformation des deux tétards plongés sous l'eau, et dans la persis- tance de la forme de tous les autres. Je mis cette conclusion à une contre-épreuve. Je fis lex- périence sur des têtards de crapauds accoucheurs ; je laissai à tous la liberté de respirer à la sur- face; j'en enfermai dans des vases où la lumière ne pénétrait pas ; j'en mis beaucoup d’autres dans des vases transparens : je savais déjà, par le fait que j'ai rapporté plus haut, que la transformation pouvait avoir lieu dans l'absence de la lumière : aussi un de ceux qui en étaient privés parvint-il à un développement complet ; mais l’autre per- sista dans sa forme première, caractéristique du premier âge , tandis que tous ceux qui jouis- saient de la présence de la lumière subirent le changement de forme qui appartient à l'adulte. H est ici très-important d'observer que cette in- 450 QUATRIÈME PARTIE. fluence de l'obscurité sur la forme ne provient pas d’un dépérissement de l'individu. Il paraissait en parfaite santé; et, ce qui est très-remarquable, * ‘il acquit de grandes dimensions. J’avais observé le même phénomène chez les tétards de grenouilles qui ne s'étaient pas transformés dans la boîte de fer-blanc submergée dans la Seine, expérience dont J'ai parlé plus haut. Voici ce que je remar- quai. J'avais eu la précaution de peser chaque tètard avant de le placer dans un compartiment particu- Lier , afin de pouvoir reconnaitre le poids de cha- que individu. À l’époque où je commencai l’ex- périence , ils avaient à-peu-près acquis le volume où ils sont près de se transformer, lorsque les conditions extérieures sont favorables à ce chan- gement. En effet, ceux qui jouissaient de la lu- mière et de la liberté de respirer à la surface se métamorphosérent promptement. En pesant de temps en temps les têtards qui ne se transfor- maient pas sous l’ean dans la boite de fer- blanc, je trouvai qu’ils augmentaient successive- ment de poids; et plusieurs d’entre eux gran- dirent au point d'acquérir le double et le tri- ple de leur poids primitif. Ainsi ces deux sé- ries d'expériences concourent à prouver que la présence de la lumière solaire favorise le déve- loppement de la forme, et servent à faire dis- tinguer ce genre de croissance de celui qui consiste dans l’augmentation des dimensions générales du Corps. | CHAPITRE XVe 40 En réfléchissant sur ces faits, on voit que l’ac- tion de la lumière tend à développer les différentes parties du corps dans cette juste proportion qui constitue le type de l’espèce. Ce type n’est bien caractérisé que dans l’âge adulte. Les déviations en sont d'autant plus marquées que l’époque est plus rapprochée de la naissance , et à tel point que certaines espèces , dont on ne verrait que de jeunes individus, seraient méconnaissables. S'il en était qui fussent dans des circonstances défavorables à leur développement ultérieur, on pourrait con- cevoir des espèces toujours subsistant sous un type très-différent de celui que la nature leur avait destiné, vivant toujours avec le caractère propre au jeune âge. Le protée anguiforme parait être de ce nombre. Les faits que je viens d’expo- ser sur l'influence de la lumière et de l'obscurité tendent à confirmer cette opinion. En effet, Le pro- tée anguiforme vit dans les eaux souterraines de la Carniole, où l'absence de la lumière concourt avec la basse température de ces lacs, à em- pêcher le développement de la forme propre à l'adulte. Le principe que nous avons déduit des expé- riences sur les animaux nous conduit aux con- sidérations suivantes , relatives à l’homme. Dans les climats où la nudité n’est pas incompatible avec | Ja santé, l'exposition de toute la surface du corps à la lumière sera très-favorable à la conformat#n régulière du corps: cette application est confir- 20 402 QUATRIÈME PARTIE. mée par une observation de M. de Humboldt, dans son Voyage aux régions équinoxiales (in-4°. Paris, 1814, p.471.) Voici comment il s'exprime en parlant des Chaÿmas : « Hommes et femmes ont le corps très-musculeux, mais charnu, à formes arrondies. Il est superflu d'ajouter que je n'ai vu aucun individu qui ait une difformité na- turelle; je dirai la même chose de tant de milliers de Caribes, de Muyscas, d’Indiens Mexicains et Pé- ruviens , que nous avons observés pendant cinq ans. Ces difformités du corps , ces déviations, sont infiniment rares dans de certaines races d'hommes, surtout chez les peuples qui ont le système der- moïde fortement coloré. Je ne puis croire qu’elles dépendent uniquement du progrès de la civili- sation et de la mollesse de la vie, de la cor- ruption des mœurs » Quelle que soit la mul- tiplicité des causes qui peuvent y influer, nous ne saurions douter que laction de la lumière sur toute la peau n'y contribue. D'autre part nous devons aussi conclure que le défaut d’une lumière suflisante doit faire partie des causes extérieures qui produisent ces déviations de forme dans les parties molles et dures chez les enfans affectés de scrophules : aussi cette conclusion est-elle appuyée par l'observation , que cette maladie se développe de préférence chez les enfans pauvres qui habitent des rues étroites ét peu éclairées. Nous déduirons du même principe que, dans les ças où ces déviations CHAPITRE XV. 403 de formes chez les enfans ne paraissent pas incurables , l'insolation à l'air libre est un des moyens qui tendent à les ramener à une bonne conformation. Les praticiens qui savent ürer parti de tous les moyens curatifs ne né gligent pas celui-ci, en ayant soin d'éviter l’ex- position à une lumière trop vive. Il est vrai que la lumière qui donne sur nos vêtemens n’agit que par sa chaleur, dont nous faisons ici ab- straction ; mais les parties découvertes reçoivent l'influence propre de la lumière, et parmi ces par- ties, on aurait tort de regarder les yeux comme uniquement destinés à nous faire apercevoir les couleurs, les formes et les dimensions ; leur sen- sibilité exquise pour le fluide lumineux doit les rendre plus aptes que toutes les autres parties du système nerveux à transmettre cette action de la lumière qui influe sur toute l’économie. Il est évi- dent que la lumière, en agissant sur les yeux , ne se borne pas uniquement aux sensations de la vi- sion, puisque l'impression d’une lumière , même modérée , sur ces organes produit l’exacerbation générale des symptômes dans plusieurs maladies aiguës, 404 QUATRIEME PARTIE. CHAPITRE XVE Des Aliérations de | Air par la respiration. Duvvis les premières expériences de Priestley et de Lavoisier sur les altérations de Fair par la res- piration, les savans n’ont été d’acord que sur deux points : la disparition d'une portion de loxigène et la production d'acide carbonique : encore dif- fèrent-ils sur la manière d'envisager la formation de cetacide, les uns le considérant comme formé de toutes pièces, dans la respiration, par lacombinaison de l’oxigène de l'air avec le carbone du sang; les autres comme le produit de l’exhalation , et l'oxi- gène qui disparait comme entièrement absorbé ; mais ces diverses manières de voir ne portent que sur le mode de formation de ce gaz; le fait de sa production a été un résultat uniforme de toutes les expériences sur la respiration. Sur tous les autres points il y a divergence. Relativement à la quantité d’oxigène qui disparait, comparée à celle de Pacide carbonique produit, les uns trouvent que ces quantités sont sensible- ment égales, les autres qu’elles different d’une manière marquée. À l'égard de l'azote il n’y a pas moins de dissentiment. . Ces contradictions n’ont engagé à reprendre ce sujet. Dans les premiers temps de la décou- CHAPITRE XVI. 4065 verte des parties constituantes de l'air atmo- sphérique, les proportions de l’oxigène et de l'azote n'étaient pas déterminées avec exactitude. Cette im perfection devait être une source d'erreurs dans les resultats, mais, depms le perfectionnement de l’analyse de l'air, les résultats n’en sont pas plus d'accord ; il a fallu en chercher la cause ailleurs ; Gans le mode d'expérience, ou dans la nature des in- dividus qu’on y soumet. Quant au procédé, jamais il n'imite parfaitement la respiration habituelle à Pair libre; il altère ou le rhythme de la respiration ou la pureté de l'air inspiré. De là, on conteste ou l’on adopte certains résultats, suivant que le procédé éloigne ou rapproche la respiration du mode natu- rel. Enfin,il peut y avoir une autre cause de diffe- rence qui serapporterait aux individus. Celle-ci dé- pendrait dela nature. En ce cas , ce ne serait pas la faute del’expérimentateur. C’est à quoi on a le moins pensé ; car, à l'exception de Spallanzani et de M. de Humboldt,presquetousles expérimentateurssesont exclusivementoccupésdelarespiration de homme, et de deux espèces de mammifères, le cochon d'Inde et 14 souris. Relativement à l'homme, ilse présente d’autres difficultés que celles que j'ai déjà exposées : le volume de ses poumons renferme une grande quantité d'air avant et après l'expérience ; l’éva- luation en êst indispensable dans un très-grand nombre de cas; mais elle est tellement incertaine que les résultats qui en dépendent sont un sujet perpétuel de doute et de discussion. 406 QUATRIÈME PARTIE. Les expériences de Spallanzani embrassent presque toute l'échelle des êtres animés. L’éten- due et la généralitéde ses résultats, la sagacité et le talent de l’expérimentateur, devaient in- spirer une grande confiänce ; mais il a eu peu d’in- fluence sur l'opinion des physiologistes relative- ment aux altérations de l’air dans la respiration, soit parce qu'il vécut à une époque où les propor- tions des parties constituantes de l'air atmosphé- rique n'étaient pas bien déterminées, soit parce qu'il ne fit pas d'expériences sur l’homme. Ce- | pendant; j'observerai qu'un savant qui a contribué avec M. Gay-Lussac à établir les proportions exactes de l’oxigène et de l’azote, M. de Humboldt, dans un travail très-étendu qu'il a fait avec M. Pro- vençal sur la respiration des poissons, a prouvé que cette classe de vertébrés altéraient l’air de la même manière que Spallanzani l'avait indiqué pour les autres vertébrés. Vers le même temps, un autre savant, dont le nom fait époque dans l'histoire de la chimie et de la physique, Davy, obtint les mêmes résultats sur l’homme et une espèce de mammifères. Les travaux successifs que je viens de citer semblaient devoir fixer les opi- nions; mais MM. Allen et Pepys entreprirent de nouvelles recherches, et par les précautions qu'ils prirent , donnèrent une grande autorité à leurs ré- _sultats. Suivant eux, la respiration libre et naturelle se réduit aux deux faits primitivement découverts, me CHAPITRE XVI. 407 la disparition d’une portion d’oxigène et la pro- duction d’une quantité équivalente d'acide car- bonique. La respiration devenait ainsi d'une grande sim- plicité : l’oxigène qui disparait était exactement représenté par la quantité d'acide carbonique ; de sorte que l’oxigène ne semblait jouer d'autre rôle que d'entrer en contact avec le sang des poumons, pour en brûler une partie du carbone, et être expulsé aussitôt: De là, si l’on raisonne d’après les idées reçues, point d’oxigène absorbé et porté dans le torrent de la circulation, soit pour y former de nouvelles combinaisons, soit pour y exciter et vivifier l'économie. L'azote ne paraissait pour rien dans les phénomènes de la respiration. Quelque exactitude qu'ils aient mise dans leurs expériences , il ne s'ensuit pas que leurs résultats soient constans. Ils n’ont opéré que sur l'homme et une seule espèce de vertébrés, les cochons d'Inde. Nous retombons ainsi dans plusieurs cau- ses d'incertitude que j'ai indiquées plus haut. Je ne voyais qu'un moyen d'en sortir : c'était d’avoir égard à toutes, et de varier les expériences de ma- nière à rendre les conclusions indépendantes de ces sources d'erreurs ; car il y en a toujours : il s’agit d’en évaluer l’influenge par la combinaison des résultats , afin d’en dégager la vérité. Je me suis donc proposé de multiplier les expé- riences, non-seulement sur des individus de même espèce, mais, ce qui était essentiel, d’y soumettre 408 QUATRIÈME PARTIE. des individus d’espèces différentes, prises dans les trois classes de vertébrés à respiration aérienne ; De varier les conditions dépendantes de l’âge et des circonstances extérieures ; De diversifier le mode respiratoire depuis le degré le plus laborieux jusqu’à celui qui appro- che le plus de l’état naturel; D’établir un tel rapport entre la quantité d’air respiré et le volume des individus que la quantité et le volume de l'air restant dans les poumons ne pût affecter sensiblement les résultats ; De faire une attention scrupuleuse aux mesures, et d'apprécier jusqu'à quel point les erreurs qui en sont inséparables peuvent affecter les con- clusions (1). Comme aucun procédé ne laisse la respiration absolument dans l'état naturel, il était essentiel (1) Il y a deux méthodes par lesquelles on peut rapprocher également le procédé respiratoire du mode naturel. Par la premiére, on renouvelle et l’on recueille Pair respiré comme l'ont fait MM. Allen et Pepys ; mais il faut remarquer qu’on ne renouvelle jamais assez promptement l'air pour qu'il soit aussi pur que l'air libre ; par la seconde ; on peut parvenir au même résultat en faisant séjourner l'animal pendant un court espace de temps dans une grande quantilé d'air relativement à son volume. jé J'ai choisi celle-ci, parce qu’elle permet l'appareil le plus simple ; ce qui est un point très-important sous bien des rap- ports, et surtout lorsqu'on se propose de multiplier beaucoup jes expériences. CHAPITRE XVI. 409 de comparer les effets d’une respiration plus ou moins gênée, pour juger de l'influence de cette respiration extraordinaire sur le mode d'altéra- tion de l’air. En commencant par le séjour le plus prolongé possible, et le diminuant successivement, dans diverses séries d'expériences, on parcourt tous les degrés de la respiration, depuis la plus laborieuse jusqu’à celle qui diffère peu de la respiration naturelle. Si les effets se ressemblent, sans cepen- dant être identiques, on peut juger de ce que la respiration doit être sous les rapports essentiels de l'altération de l'air, lorsqu'elle est à l’état naturel. Je me proposais, par cette méthode, un autre avantage, c’est que dans les degrés de respira- tion laborieuse déterminés par le procédé ex- périmental , il devait se présenter des altérations de cette fonction qui se rencontrent dans des maladies de poitrine, d’où résulteraient des ap- plications à la pathologie; car, si la physiologie ne s’occupait que des phénomènes de la santé, elle négligerait les connaissances les plus utiles. Dans le choix de mon appareil, j'ai fait une attention particulière au moyen de mesurer les quantités d’air avant et après l'expérience. IL con- siste dans un ballon de verre, auquel est adapté un tube dont le diamètre est assez large pour permettre l’introduction de lanimal. Comme les individus mis en expérience étaient ou des adultes 410 QUATRIÈME PARTIE. de très-petites espèces, ou des jeunes d'espèces plus grandes, le diamètre de ce tube était assez petit pour que la graduation pût déterminer de très- petites différences dans le volume de l'air. Chaque degré équivalait äun quart de centilitre. La gradua- tion était double, afin que l’on pütbien observer de part et d'autre le niveau du mercure. L'air y était porté , avant l'expérience, à l'humidité extrême, pour que la transpiration n’en changeñt pas le volume. L'animal était introduit , à travers le mer: cure, sur un diaphragme de fil de fer, jusqu'au baut du tube, et soutenu par une tige de même nature accrochée à l’orifice inférieur. S I*. Des Rapports de l'oxigène qui disparait et de l'acide carbonique produit. Trois petits chiens, âgés d’un ou deux jours, furent introduits chacun dans un des vases que J'ai décrits plus haut, contenant 150 centilitres. d'air. Ils y restèrent cinq heures. Pendant l’ex- périence, il était visible qu'il y avait une absorp- tion d'air; car le mercure montait dans le tube, et on était obligé d’en ajouter dans le vase où il plongeait, afin d’entretenir le niveau. Par Île même moyen, on reconnaissait que l'absorption était considérable, mais on ne pouyait ainsi en déterminer la mesure exacte. L'analyse de l'air respiré fit connaitre que les trois petits chiens avaient produit à-peu-près la même quantité d’a- CHAPITRE XVI. 4r1 cide carbonique, dont le terme moyen était 17,86 centiliires, etque l'absorption, à-peu-près la même dans tous, était, terme moyen, de 9,30 centil. Il s’agit maintenant de savoir quelle vue cette pre- mière expérience peut nous donner relativement à la nature du gaz absorbé. Il résultait bien de l'analyse que cette quantité de gaz absorbé l'était aux dépens de l’oxigène, mais on ne pouvait en déduire si c'était de l’oxigène pur, ou seulement de l’acide carbonique qui se mêle à l'air pendant la respiration , ou enfin un mélange de l’un et dal'au- tre. Nous supposerons d’abord , pour commencer à éclaircir la question , qu’il n'y a que les deux pre- mières hypothèses de possibles ; nous examinerons plus tard la dernière. Or, s'il fallait choisir entre l'absorption de l’oxigène et celle de l'acide carbonique, voici la considération qui pourrait nous gnider : dans les premiers temps de l'expérience, où la respiration commence, il n’y a guère d'acide carbonique dans le vase; mais la quantité de ce gaz augmente successivement avec la durée. Or, si l’on suppose que c'est l’acide carbonique qui est absorbé, l'ap- sorplion sera sensiblement nulle dans l’origine ; elle croitra avec la proportion d'acide carbo- nique dans l'air du vase, et sera à son maxi- num vers la fin de l'expérience. L’'inverse aura lieu relativement à l'oxigène, en supposant que l’ab- sorption n’agisse que sur Ce gaz, puisque sa pro- portion est la plus forte au commencement, et 4:2 QUATRIÈME PARTIS. qu’elle diminue successivement. Or, voici l’a perçu que nous fournissent les expériences pré- cédentes : lorsqu'on observe l'ascension du mer- cure dans le tube du vase, on reconnait facile- ment que l'absorption a lieu dès l’origine. Dès que les animaux sont introduits, si l’on remarque la hauteur du mercure dans le tube, on voit à peine de dilatation; effet qui devrait né- cessairement résulter de lélévation de la tem- pérature de l'air du vase par celle de l’animal. Si Jabdilatation a lien, elle n’est nullement en rapport avec l'augmentation de volume que de- vrait causer de suite l’accroissement de la cha- leur de l'air; lorsqu'il n’y a pas de dilatation, le volume de l'air reste stationnaire pendant un court espace de iemps; d’où il résulte, dans lun et l’autre cas, que labsorption a lieu dès l'origine, et par conséquent , que c’est de l'oxi- gène qui est absorbé. De plus, quand l'absorption est visible par l'ascension du mercure dans le tube, on voit qu’elle est plus rapide au commencement que vers la fin ; d’où nous conclurons que c'est à l'absorption de l’oxigène que cet effet est du. Cet apercu nous conduit à une vérification remarquable. Trois chiens, semblables aux précédens, fu- rent placés dans les mêmes conditions que dans la première série d'expériences; mais au lieu d'y demeurer cinq heures , ils n’y restèrent que deux heures. Or, il était intéressant de savoir CHAPITRE XVI. 415 quel serait l'effet de ce séjour beaucoup moins prolongé sur la proportion de l'acide carbonique produit et du gaz absorbé. Il y eut ici, terme moyen, 14,86 cent. d’acide carbonique produit, et 7,0 cent. de gaz absorbé. Le gaz absorbé était, dans cette série, un peu moins de la moitié de l’acide carbonique produit, et dans la première, un peu plus de la moitié. Nous voyons ici combien peu le séjour prolongé de ces animaux dans de Pair contenant une assez grande proportion d'acide car- bonique a influé sur la proportion en question. Il est donc évident que le gaz absorbé est princi- palement de l’oxigène, puisqu’un séjour de trois heures de plus dans le premier cas que dans le second a si peu altéré le résultat. Au lieu de continuer les expériences sur Îa même espèce, en diminuant successivement ia durée de l'expérience, pour rapprocher le mode de respiration de l’état naturel, nous prendrons les individus dans une autre espèce assez éloignée, pour étendre nos vues sur cette fonction. Trois cabiais très-jeunes furent soumis an même genre d'expériences pendant 1% 42°. Ils produisirent chacun, terme moyen, 21,60 cent. d'acide. carbonique, et absorbèrent 5,44 cent. d’oxigène. Le changement d'espèce a produit un changemerit notable dans la proportion de l’oxigène absorbé , relativement à l'acide car- bonique produit : chez les cabiais, elle est comme 1: 4.5 chez les jeunes chiens de la seconde série, 414 QUATRIÈME PARTIE: un peu moins de 1: 2. Cette différence tient nécessairement à celle de leur constitution. Ou- tre la distinction qui dépend de lespèce, les ‘uns étant carnivores et les autres herbivores, ül y en a une autre trèes-remarquable , dont nous avons souvent parlé, et qui tient à leur développement. Les cabiais nouveau nés vien= nent au monde dans un état plus avancé; ce qui leur donne la faculté de produire plus de chaleur. Quoi qu'il en soit de la part de l’une et de l’autre de ces conditions sur le phénomène qui nous occupe, toujours est-il vrai de dire que la constitution influe beaucoup sur le rapport de loxigène absorbé à celui de Facide carbo- nique produit. Jusqu'ici nous avons vu que le rapport du gaz absorbé à la quantité d'acide carbonique for- mé varie principalement suivant les espèces et l’âge; car, en jetant les yeux sur les tables (1), on verra que les termes moyens diffèrent peu des résultats particuliers. Mais nous allons voir des expériences sur d’autres espèces, où les in- dividus différaient beaucoup à cet égard. Ces exemples sont tirés des oiseaux , soit dans la respiration laborieuse (2), soit dans la respira- tion qu'on péut regarder comme à-peu-près libre (1) Payez tabl. 61. (2) Voyez tabl. 62 et 63. CHAPITRE XVI. 415 et naturelle(r); car on peut modifier les conditions de lexpérience de mauière à rapprocher infini ment la respiration du mode naturel. C’est cé qu'on peut effectuer avec le même appareil, en remplissant les conditions suivantes : que la quan- tité d’air soit très-grande relativement au volume de l'animal , et que la durée du séjour soit très- courte. L'animal respire alors dans un air très- peu altéré , et les résultats se rapprochent telle- ment de ceux qui ont lieu dans l'état habituel que l’on pourra avec raison conclure de lun à l'autre. Je choisis dix bruants adultes, dont le volume équivaut à-peu-près à 3 centilitres et une frac- tion. Je les plaçai chacun dans un vase de même nalure que ceux dont J'ai déjà parlé, contenant 155,0 cent. d'air. Je ne les laissai dans l’appe- reil que 15 minutes. Je fis ces expériences dans les mêmes circonstances. Ils produisirent, lun dans l’autre, 5,98 cent. d’acide carbonique, et absorbèrent 1,29 cent. d’oxigène. Cette série d'expériences réunit toutes les conditions qui peu- vent autoriser à conclure de ce résultat de la respiration dans les vases clos à celui qui au- rait lieu à l'air libre. La petitesse du volume de l'animal, la grande proportion d'air, la courte durée de l'expérience, la quantité d'acide carbo- nique, presque nulle au commencement , et en (1) Voyez tabl. 64. 416 QUATRIÈME PARTIE. petite proportion à la fin, ne laissent aucun doute que l'absorption n'ait été presque entièrement aux dépens de l’oxigène de l'air du vase, et qu'il n’en soit de même de la respiration à l'air libre. Or, dans les résultats individuels, on voit une grande variation dans la proportion de l’oxigène absorbé à l'acide carbonique produit, dans les limites d’un peu moins de la moitié à un sixième; mais cette grande irrégularité ne porte que sur le rapport ; la production d’acide carbonique était assez uni- forme dans les cas où les conditions étaient très- semblables, comme dans la série précédente (1). Il est évident que ces variations individuelles dans le rapport de l'oxigène absorbé à l'acide carbonique produit ne doivent pas se borner à l'espèce, comme je m'en suis assuré en. répé- tant l'expérience sur d’autres espèces d'animaux, et en faisant les expériences de la même manière, afin de rapprocher la respiration du mode na— turel. Descendons maintenant à l'extrémité opposée de l'échelle des vertébrés à respiration aérienne, pour déterminer si nous y trouverons d’aulres exemples d'absorption d’oxigène, dans le sens où nous avons jusqu'ici employé cette expression, c’est-à-dire, d’un excédant de l’oxigène qui dis- parait sur l’acide carbonique produit. Comme les reptiles altèrent l'air beaucoup plus (1) Foyez tabl. 64. CHAPITRE XVI. 417 lentement, il faut beaucoup prolonger leur séjour pour obtenir des résultats bien appréciables. La durée ici n'empêche pas que leur respiration, dans un vase los dout l'air n’est pas renouvelé, n’1- mite suflisamment la respiration à Fair libre, pourvu quon remplisse les autres conditions dont j'ai parlé , et qu'on Les retire à l’époque où ils ont produit une petite quantité d'acide carbo- nique relativement à l'air de l'appareil. Dans une chaleur peu commune, à 27° en été, je fis neuf expériences sur la grenouille verte ( R. esculenta ), dans 74 cent. d'air. Je les y laissai 24 heures. Elles produisirent, terme moyen, 5,26 cent. d'acide carbonique, et absorbèrent 2,18 cent. d’oxigène. D’autres expériences , faites à des températures plus basses, mais moyennes, ne laissèrent pas de donner un rapport considérable entre loxigène absorbé et l'acide carbonique produit (1). De semblables recherches, faites sur des lé- zards gris , eurent le même succès. Je ne multiplie rai pas Les tableaux pour présenter les détails de ces expériences : ceux que j'ai donnés suflisent pour éclaircir les questions que je me suis proposé d'examiner. Il en résulte que la proportion entre l’oxigène qui disparaît et l'acide carbonique produit est très- variable. L’excédant du premier, que nous avons LI (1) Voyez tabl. 65, 27. 418 QUATRIÈME PARTIE. appelé la quantité d'oxigène absorbé , varie dans des proportions telles que tantôt elle dépasse le tiers de l'acide carbonique formé , tantôt elle est si petite que l’on pourrait presque la regarder comme nulle. Cette différence ne tient pas uniquement à la constitution dépendant de l'espèce, mais aussi au développement relatif à l’âge chez les mêmes individus, et à des différences individuelles parmi les adultes. 3 ® IL est facile maintenant de savoir à quoi s’en tenir sur la diversité des résultats qu'ont obtenus les savans qui se sont occupés des altérations chi- miques de l'air dans la respiration. Ceux qui ont déduit de leurs expériences que Poxigène qui avait disparu excédait la quantité d’acide carbo- nique produit , ne se sont pas trompés, même dans l’origine de ce genre de recherches, lorsqu'il y avait plusieurs sources d'erreurs, et dans la me- sure du volume, et dans les procédés eudiométri- ques, et dans les conditions de l'expérience, parce qu'il y a des cas nombreux où cet excédant est tel qu'il dépasse la limite d’erreur que les savans de cette époque aient pu commettre. Ceci est particulièrement applicable à Lavoi- sier et à Spallanzani, même dans les cas où ils Jaissèrent les animaux séjourner long-temps dans l'air altéré, comme nous l'avons fait voir plus haut, et à plus forte raison lorsqu'il s’agit d’une époque récente où la détermination des mesutes et des proportions était plus exacte. CHAPITRE XVI. 419 Mais ces résultats n’excluent pas ceux de MM. Al- Len et Pepys, qui trouvèrent les quantités d’oxigène qui disparait et d’acide carbonique produit sensible- ment les mêmes, parce que nous ävons vu, d’a- près ce qui précède, que cette proportion est très-variable, et que, dans quelques cas, nous avons reconnu qu'elle approchait beaucoup de l'égalité. Mais il y a eu erreur de part et d’autre, en généralisant les résultats des expériences; chez les uns, qui considéraient la proportion en ques- tion comme peu variable; chez les autres, qui la regardaient comme constante et déterminée dans la respiration naturelle. Nous remarquerons que grand soin à obtenir des résultats exacts, les ont peu multipliés pour le nombre des individus, et en- core moins pour les espèces, Nous ne serons done plus embarrassés par la contradiction des opi- nions , puisqu'il n’y en a point dans les faits. Ce résultat de mes expériences sur la respi- ces derniers, quoiqu'ils aient mis le plus ration , relatif à la grande latitude de variations dans les proportions de l’oxigène qui disparait et de l'acide carbonique produit, m'a paru impor- tant, non parce qu'il concilie les résultats des travaux antérieurs, ce qui cependant n’est pas sans intérêt, mais parce qu'il établit un fait fon- damental utile à la théorie de cette fonction. Depuis l’époque où j'ai présentéce résultat à l'A- cadémiedes Sciences, en1821 , de nouvelles preu- ves ont été fournies de l'étendue dans laquelle les 420 QUATRIÈME PARTIE. proportions de l’oxigène qui disparait , et de l'acide carbonique produit, peuvent varier selon les es- pèces. Nous les devons à M. Dulong, qui a com- paré, avec le falent qui le distingue, les quantités de chaleur développées par les animaux, avec celle qui proviendrait de la respiration , en adoptant la théorie de Lavoisier. On en trouvera un extrait dans le Journal de Physiologie de M. Magendie, jan- vier. 1823. $ II. Des Rapports de l'azote dans l'air inspiré et expire. J'aborde maintenant une question fondamen- tale relative aux altérations de l’air par la respi- ration , sur laquelle lestravaux antérieurs diffèrent encore plus que sur la question précédente; car, dans la première, il n’y avait que deux résultats opposés, d’une part, que l’oxigène qui disparait excède l'acide carbonique , d'autre part, qu'il l'é- gale ; mais, dans la seconde, il y a toutes les con tradictions possibles : 1°. qu'il y a égalité entre l'azote inspiré et expiré; 2°. qu'il y a excès dans le premier ; 5°. qu'il y a, au contraire , excès dans le dernier. Cependant la plupart des physio- logistes avaient adopté la première de ces opi- nions, comme il arrive ordinairement de choisir le parti moyen entre les deux extrêmes, s'il pa- raît également fondé sur des faits positifs. C'était l'opinion-de Lavoisier , déduite de ses expériences ; et l'autorité de cet illustre chimiste a toujours été CHAPITRE XVI. 421 d'un grand poids, surtout lorsqu'elle a été appuyée, dans ces derniers temps , par les travaux de MM. Allen et Pepys, qui avaient profité des perfec- tionnemens de la chimie, etavaientemployédes pré- cautions particulières relatives à la physiologie. Cependant il devait toujours rester de l'incer- titude, à cause des résultats différens de savans dis- tingués dans l’une et l’autre science, à différentes époques, depuis Lavoisier jusqu'à nous. Des deux opinions extrêmes, dont l’une admet l'absorption et l’autre l’exhalation d’azate dans la respiration, la première est fondée sur les travaux les plus nombreux, “et qui, en même temps, paraissent avoir été faits avec le plus de soin. Mais, au lieu de balancer les autorités, j’ai cher- ché à me décider d’après l'observation des faits. Je donnerai d’abord les résultats, et je discute- rai ensuite la confiance que je devais leur accorder. Qu'on jette les yeux sur les tableaux des alté- rations de l'air par la respiration des chiens nou- veau nés et des jeunes cochons d'Inde, et l’on verra qu'il y a eu dans tous les cas, hormis un seul, aug- mentation de la quantité d'azote. Or, si quelques- unes de ces quantités sont petites, les autres me paraissent hors des limites d'erreurs que je pouvais commettre, et devaient me paraitre l'effet de lex- halation d'azote; et comme cet effet avait lieu dans la première et la seconde série d'expériences , où des animaux de même espèce et de même âge avaient séjourné dans l'air pendant des temps très-diflé- 422 QUATRIÈME PARTIE. rens , J'ai pensé qu’il en serait de même de la res- piration naturelle (1). Suivons de même les colonnes relatives à l'azote dans latable 62 des expériencessur la respiration des oiseaux, qui ont long-temps séjourné dans l'air res- piré, mais pendant des durées et à destempératures différentes, et nous verrons le même résultat. Examinons le même point dans la respiration des grenouilles , que nous devons regarder comme na- turelle, ou peu s’en faut, à cause de la faible alté- ration dans la proportion d’oxigène et la petite quantité d'acide carbonique à la fin de Fexpérience. Il y a dans presque toutes un excédant d’azote, et dans la plupart, une quantité assez notable pour qu'elle soit l'effet de l'exhalation (2). Je dirai la même chose des lézards. Il suit de tout ce qui précède que, dans les nôm- breuses expériences que j'ai consignées dans les tableaux et dans une foule d’autres que je n'ai pas rapportées, nous observons les résultats sui- vans : que, dans presque tous les cas, il y a eu un excédant d'azote ; mais la considération des différences conduit nécessairement aux deux con- clusions suivantes : 1°. Dans un grand nombre de cas, l'azote in- spiré et expiré approche tellement de l'égalité, que l'on doit négliger cette petite différence, et ne pas (1) Foyez tab. 67. (2) Voyez tabl. 65. Expériences de juin et de juillet. 3 LA CHAPITRE XVI. 423 admettre qu'il y ait eu d’exhalation apparente, 2°. Dans un grand nembre d’autres cas, l'excé- dant d'azote est tel qu'on ne saurait nier l’ex- halation de ce gaz, d'autant plus que la quantité surpasse beaucoup le volume des poumons, et fait une grande partie de celui de l'animal. Comme ces deux résultats se reproduisent dans chaque série d'expériences que j'ai citées dans ce paragraphe, soit sur les individus de mêmeespèce, soit sur d’autres d’espèces les plus éloignées, cette reproduction des phénomènes donne une grande garantie de la vérité des faits. Je n'aurais tenu aucun compte du trés-petit nombre de cas, dans les tables citées, où l'azote expiré était en défaut, par la raison que presque tous offraient de si petites différences que je n’au- rais pu les attribuer à l'absorption , si d’autres sé- ries d'expériences ne m'avaient fourni d’autres données. Remarquons d’abord que les faits précédens se rapportent à des expériences faites dans différens mois du printemps et de lété. Portons maintenant l'attention du lecteur sur les tables d'expériences faites en automne eten hiver. L’exhalation d’azote se reproduit encore sur des moineaux adultes le 22 octobre (1). Nous verrons ensuite le phénomène inverse, à partir du 26, dans la table 65. Le défaut d'azote ts (1) Voyez tabl. 63. 424 QUATRIÈME PARTIE, était aussi marqué que l'excès dans les expériences précédentes. Rien n’était :hangé, ni dans le mode d'expérience ni dans les circonstances extérieures. Cette série étant faite sur des individus qui sé- journaient aussi long-temps que possible dans un air altéré, on pourrait croire que cette absorp- tion d’azote n'aurait pas lieu dans le cas d'une respiration naturelle; mais on verra par la table 64 que le même phénomène se reproduit par un sé- jour si peu prolongé, que la respiration approchait infiniment de celle qui a lieu à l'air libre. Des expériences sur des bruans qui ne sont restés que 15 minutes dans 155 cent. d'air, et qui l'avaient très-peu altéré, comme on peut s’en as- surer par l'inspection des résultats, ont donné, au mois de novembre, dans presque tous les cas, une diminution de la quantité d’azote (1). Nous voyons que ces deux séries d'expériences faites sur des moincuux et des bruans adultes, dans une saison différente, nous présentent exac- tement le phénomène inverse de celui que nous avons observé précédemment. Nous appliquerons à ces résultats le même raisonnement que ci-des- sus : dans les cas où la diminution de l’aste est très-petite, nous la négligerons , et nous n’admet- irons pas d'absorption apparente ; dans les autres, où la différence est très-marquée, nous reconnai- trons l’absorption de ce gaz. (1) Payez tabl. 64. CHAPITRE XVI. 425 … Les expériences dans lesquelles j'ai observé ce phénomène sont, pour le moins, aussi nombreuses que celles qui m'ont fourni l'inverse dans une autre saison. Je l'ai constaté sur les mêmes espèces d'oiseaux, en automne, en hiver et au commencement du printemps. à C'est même ce genre de rapport entre l'azote inspiré et l’azote expiré que j'ai observé d’abord. Pendant la saison froide, les cas qui y faisaient exception étaient extrémement rares; mais en poursuivant ces recherches sur les mêmes espèces d'oiseaux qui m’avaient précédemment présenté ce phénomène, je remarquai bientôt le rapport inverse. J’observai, pour la première fois, ce changement au printemps : il se soutint , le reste de cette saison, pendant l'été et le commence- ment de l'automne, avec un petit nombre d’ex- ceptions, comme il était arrivé dans le cas con- traire. Quoique rien n’ait pu me faire prévoir le chan- gement dans le rapport de Fazote inspiré et ex- p'ré qui avait eu lieu dans les expériences pré- cédentes, et qui s'était maintenu dans la belle saison , Je devais m'attendre à ce que le rapport inverse s'établit à une époque quelconque de Pau- tomne, J'avais donc un motif puissant pour conti- nuer le même genre d'expériences ; et j’obtins les résultats que j'ai consignés dans lestableaux , et qui suffisent pour donner une juste idée de leur nature. 426 QUATRIÈME PARTIE: Dans la série d’expériences relatives aux o1- seaux, les quantités d'azote inspiré et expiré se présentent comme des quantités variables, sus- ceptibles de trois proportions : 1°. l'égalité des deux, 2°. l'excès de l’un, 3°. l'excès de l’autre. Comme il n’y a pas de méthode assez parfaite, même entre les mains des plus habiles, pour que la détermination des mesures ne soit su- jette à quelque erreur , il s’agit de savoir com- ment des causes de cette espèce peuvent affec- ter notre manière d'envisager les résultats pré- cedens. Il y a une manière de les considérer qui les rend indépendans du degré de confiance qu'on accorde à l'exactitude de lexpérimentateur. Si les différences dans les rapports de l'azote inspiré avaient été absolument irrégulières , et, pour ainsi dire, confusément éparses dans le cours des expériences, tantôt en excès, tantôt en dé- faut, on aurait pu être en défiance, comme on l’est pour tout résultat irrégulier, et l'attribuer, non à la nature des animaux, mais à l’inexactitude des mesures. Lorsque, au contraire, on voitles diffé- rences, quelque légères qu’elles soient , avoir lieu ; en général , dans le mêmesens pendant un longes- pace de temps, et puis dans un sens inverse à une autre époque également prolongée ; lorsqueles pro- cédés ont toujours été les mêmes, il faut en conclure qu'il y a eu un changement dans le sujet même de l'expérience, si le sujet est susceptible de varier. CHAPITRE XVI. 427 Mais quoi de plus variable qu’un être animé ? Et n’avons-nous pas vu, dans le cours de cet ou- vrage, que ces mêmes espèces subissent, sous d’autres rapports, des changemens notables dans leur constitution par l'influence des mêmes causes ? Cest ce changement de constitution dans la succession des saisons qui, me faisant présumer qu'il pouvait s'étendre aux rapports des altéra- tions de l'air par la respiration, m'a fait en- treprendre cette série de recherches dans Île cours de l’année. On voit que je ne me suis pas pressé de conclure d’un petit nombre de faits, et que leur multiplicité et leur accord devaient me donner la conviction que ce que j'observais n’é- tait pas une illusion de l'expérience, mais un effet de la nature. La vue des tableaux, quoi- qu'ils ne présentent qu'une partie des résultats, suffira pour justifier cette conclusion. Considérant donc l'azote inspiré et expiré d’une manière abstraite et indépendante des causes qui peuvent les faire varier, nous dirons qu'ils sont susceptibles de changer de rapports, de ma- nière à se dépasser mutuellement, et que Îeur plus grande différence parait la même de part et d'autre. Cette différence dans l'azote inspiré et expiré n’a jamais égalé la plus grande différence obser- vée entre l'oxigène qui disparait et l'acide carbo- nique bduits de sorte que les deux premières 428 QUATRIÈME PARTIE. quantités tendent beaucoup plus à l'égalité. Cette iendance est telle que, dans un grand nombre fe cas, les différences ont été trop légères pour être regardées comme réelles. Relativement aux causes qui peuvent les faire varier, elles sont probable- ment très-nombreuses et difficiles à saisir. Quant à l'influence des saisons, dont nous avons observé l'effet sur des bruans et des moineaux adultes, il est évident, par ces expériences mêmes, que cette cause ne domine pas toujours sur les autres, puisqu'il y a des cas où l’absorption était sensible en été et lexhalation en hiver. Il est vrai que j'ai reconnu l’absorption de l'azote, en hiver, sur des chauve-souris et des souris adultes; mais je n’ai pu multiplier assez mes recherches sur ces espèces comme sur les précédentes. À l'égard des animaux très-jeunes, tels que des cochons d'Inde, je n’ai guère observé que des cas d’exhalation d'azote, soit en été, soit en hiver. | Mais quelle qu'en soit la cause, toujours est- il vrai que l’azote inspiré et l'azote expiré sont susceptibles de varier de manière à présenter les trois rapports suirans : 1°. l'égalité, 2°. l’exces de l'un, 3°. l'excès de l’autre. Nous sommes parvenus à ce résultat par des expériences directes et multipliées, abstraction faite de toute considération tirée des travaux d'autrui. Nous verrons, dans le paragraphe suivant, com- bien ilest justifié par leur appui, quoique leurs opinions semblent dissidentes, et combien ce CHAPITRE XVI. 429 résultat devient important, à le considérer sous un nouveau point de vue. $ Il. De l’Exhalation et de l'Absorption de l'azote. Les principaux savans qui ont constaté l’ab- sorption d'azote dans la respiration des animaux vertébrés, souvent dans des quantités si nota- bles que ce résultat devait être hors de la li- mite des erreurs desl'expérience, sont Spallan- zani, de Humboldt} Davy, Pfaff et Henderson. Ceux qui n’ont pas trouvé d’altération sensible dans la quantité de ce gaz, par la respiration qui se rapproche du mode naturel, sont Allen, Pepys et Dalton ; les savans qui en ont recon- nu l’augmentation sont Berthollet et Nysteu. Quoique ce dernier ait quelquefois trouvé l'azote excédant en proportion telle qu’on ne saurait l'at- tribuer à des fautes d'analyse, le fait de l’exha- lation d'azote dans la respiration était celui qui avait le plus besoin de confirmation. Indépen- damment des preuves que j'en ai fournies, il vient d’être confirmé par les travaux de’M. Du- long. MM. de Humboldt et Provencal, dans une lon- gue suite d'expériences sur la respiration des pois- sons, ont constaté que ces animaux absorbent de Pazote dans une grande proportion Spallanzani a reconnu labsorption d'azote par des reptiles et diverses espèces d'animaux à sang 450 QUATRIÈME PARTIE. chaud. Davy l’a trouvée sur lui-même , et dans des expériences si nombreuses, qu'il ne put dou- ter de la vérité du fait. Il en est de même de Pfaff et Henderson. On ne peut pas douter que les savans que je viens de citer n'aient réellement observé lab- sorption d'azote. Quant à moi, je devais en être pleinement convaincu, puisque je l'avais constatée dans des cas multipliés. J'étais égale- ment persuadé de la vérité du fait de l’exhalation d'azote avancé par d'autreMlvans, puisque je l’a- vais reconnu par des observations tout aussi mul- tipliées que les précédentes. Il en est de même relativement au phénomène intermédiaire, lé- galité dans les quantités de l'azote inspiré et ex- piré; car de très-petites différences en pareil cas doivent être négligées. Mais l'esprit ne se complait que qu la°re- gularité des phénomènes. Accoutumé à les trou- ver constans dans la nature inorganique, et à ju- ger de-la vérité des résuliats de l’expérience par la possibilité de les reproduire à volonté dans le même sens et dans la même mesure, on recher- che avec empressement le même caractère dans un autre ordre de faits qui sont nécessairement variables. De là, la dificulté d'obtenir un assen- timent général aux résultats d'expériences phy- siologiques, qui, par leur nature, ne peuvent présenter cette uniformité sur laquelle Pesprit se repose avec confiance. CHAPITRE XVI. 451 Persuadé que des résultats différens, et même opposés, ne s'excluent pas nécessairement quand il s’agit de la vie, je me suis toujours appliqué à varier tellement mes recherches que je pusse re- produire quelques-uns de ces phénomènes , qui paraissaient contradictoires dans les travaux des autres physiologistes. C’est ce qui m'est arrivé relativement à la respiration, et surtout en ce qui concerne l'azote. Mais cela ne suflisait pas : 1l fal- lait aussi rechercher par quels liens ces phéno- mènes divers pouvaient être unis. Dans les expériences différentes où l’on obtient, d’une part, la diminution de la quantité d’azote, et de l’autre, l'augmentation de ce gaz, il y a deux manières d'envisager ces résultats. Dans la pre- mière, la quantité d'azote qui disparait serait due uniquement à l'absorption, et l’augmenta- tion de la quantité de ce fluide uniquement à l'exhalation; de manière qu’une seule de ces fonctions s’exercerait à la fois. Dans la seconde, les deux fonctions d'absorption et d’exhalation s'exerceraient en même temps, et l’on ne verrait, dans les résultats, que les différences de leur ac- tion. Ainsi, lorsqu'un animal respire dans l'air atmosphérique, les deux fonctions seraient simul- tanées ; d’une part, il absorberait de l'azote; d’au- tre part, il en exhalerait ; et du rapport des quan- ütés absorbées et exhalées proviendraient néces- sairement trois résultats différens, suivant la con- stitution des individus et les circonstances où ils 432 QUATRIÈME PARTIÉ. sont placés. Lorsque l’exhalation prédomine sur l'absorption, on n'aura pour résultat de l’expé- rience que de lexhalation ; lorsque l'absorption prédomine , la différence sera de l'absorption ; lorsqu'enfin ces deux fonctions ont lieu dans la même proportion, on ne verra les effets ni de l'une ni de l’autre, et l’azote expiré sera égal à l'azote inspiré. Jusqu'ici cette interprétation des résultats di- vers n’est qu’une vue de lesprit; mais comme il serait de la plus grande importance pour la phy- siologie de s’en assurer, il s’agit de la vérifier par des faits. On ne peut trouver la solution de cette question par des expériences directes; car on ne pourra jamais voir dans une même expérience que absorption et l’exhalation d'azote ont lieu en même temps. Il faut donc avoir recours à des méthodes in- directes, par lesquelles cependant on peut acquérir la même certitude. Supposons le cas d’un animal, donnant pour résultat d'expérience l'égalité de l'a- zote inspiré et expiré, ou des différences si légères qu'on pourrait les négliger ; dans lhypothèse où le résultat est dû à l'égalité dans les quantités ab- sorbées et exhalées, il y aurait un moyen certain de détruire cet équilibre. On ne saurait empêcher Pa- nimal d’exhaler de l'azote; mais on peut le placer dans des conditions telles qu’il ne puisse en ab- sorber, si ce n’est des quantités si petites qu'elles w'influent pas sur le résultat prévu. Voilà le genre de recherches quê je n'étais pro= CHAPITRE XVI. 433 posé , et dont je me suis occupé, après avoir pré- senté à l'Académie des Sciences le Mémoire déjà cité sur la respiration ; mais ces recherches de ma part étaient inutiles. Les expériences de cette na- ture avaient déjà été faites, mais dans des vues très différentes. MM. Allen et Pepys en ont fait avec la plus grande exactitude. Les résultats n’en sont pas équivoques, et il est facile de les prévoir bi ès les vues que j'ai exposées. Je n’ai pas besoin de décrire l'appareil ; il suffit de dire que l’animal était placé dans des con- ditions telles que sa respiration était à-peu-près semblable à celle qui avait lieu dans l'air atmo- sphérique, en entretenant le renouvellement de l'air par un courant constant et uniforme. Ces auteurs placent un cochon d'Inde dans leur appareil; l'animal s’y porte aussi bien qu'à l'air libre. Ils trouvent après l'expérience, relative- ment à l'azote, que sa quantité est sensiblement la même avant qu'après. Ce résultat, conforme à d’au- tres, les persuade que lazote n’éprouve aucune altération dans la respiration libre et naturelle. Dans le même appareil , au lieu d'azote, ils em- ploient de l’oxigène qui n’était pas absolument pur, et qui contenait encore cinq pour cent d’azote. Hs y placent un animal de même espèce ; ils entre- tiennent un courant de ce gaz, comme dans les ex- périences précédentes ; l'animal paraît en bon état. Prévoyons le résultat d’après ce que nous avons ex- poséplus haut. Si, dans les expériences précédentes, 26 434 QUATRLIÈME PARTIE: où l’animal respirait l'air atmosphérique, il ne s’est pas manifesté d’exhalation d’azote, c'est qu'il était dans le cas de pouvoir en absorber en quan- tité suflisante pour égaler la perte; mais dans loxi- gène presque pur, les conditions sont bien diffé- rentes. La petite quantité d'azote qui se trouve dans l’oxigène n’est plus en proportion suffisante pour que l’absérption équivale à l’exhalation de ce gaz, et l'absorption , s’il en existe, est si pe- tite, qu'on doit la regarder comme nulle. L’exha- [| tion se manifestera Fr dans ce cas , d'une ma- nière notable. Voilà le résultat de la théorie; voici celui de l'expérience : l’exhalation fut considérable, et il était impossible d’attribuer l’excédant d’azote à la quantité qui était dans les poumons au commén- cement de l’expérience; car le volume de l'azote expiré surpassait de beaucoup le volume de l'ani : mal. C'était donc une véritable exhalation , qui, dans cette série d'expériences, était rendue évi- dente par l'impossibilité où: était l'animal d’ab- sorber une quantité équivalente d’azote. Les au- teurs étaient portés à croire que l’exhalation était due à la circonstance extraordinaire de la respira- tion d’oxigène; mais elle a lieu également dans l'air atmosphérique , comme le prouvent, entre autres, les résultats que j'ai obtenus, et les faits constatés par M. Dulong. La quantité, à la vérité, en est variable ; mais on ne peut douter que cette ex- halation ne soit un phénomène naturel. CHAPITRE XVI. 4355 Voici une autre vérification qui ne laisse rien à désirer, et dont nous pouvons de même prévoir les résultats. Supposons qu’on fasse respirer un animal dans un air factice, composé d’oxigène et d'hydrogène dans les mêmes proportions que l'air atmosphéri- que, je dis que nous pouvons prévoir le résultat d’après les vues exposées plus haut. D'abord, à cause de l'absence de l’azote, ou de sa présence en très-petite quantité, l’exhalation de ce gaz ne pourra pas être contre-balancée par l'absorption ; et son exhalation sera alors manifeste, comme dans le cas précédent. Mais il y a plus : dans cet air factice, l'azote est remplacé par l'hydrogène. Or, je dis que, par la nature même de la fonction de l’ab- sorption dans les poumons, il y aura absorption de ce gaz, et elle sera manifeste, parce que l’exha- lation d'hydrogène if’étant pas un produit de la respiration, rien ne contre-balancera l'absorption. Je dis qu'il y aura nécessairement une absorption d'hydrogène dans les poumons, parce que tous Les liquides qu’on introduit dans ces organes sont ab- sorbés. Les expériencesnombreuses de M. Magendie le mettent hors de doute. Tous lesautres gaz le sont aussi. Ÿ aurait-il une exception pour l'hydrogène ? D’autres faits, que je ne cite pas, prouvent direc- tement que cette exception n'existe pas. Passons maintenant du projet de l'expérience, et des considérations qu'il a fournies , à l’exposi- tion du faut. MM, Allen et Pepys ont fail cette expé- 456 QUATRIÈME PARTIE. rience de la manière que j'ai indiquée, avec les mêmes précautions que dans les cas précédens. Les résultats ont été exactement semblables à ceux que j'ai déduits des vues exposées plus haut. L’exha- lation d'azote a été telle qu’elle a surpassé le volume de l’animal ; il y a eu une absorption considérable d'hydrogène. Voilà la preuve que les deux fonc- tions s’y exercent en même temps : d’une part, l'exhalation qui fournit nécessairement de l'azote ; et de l'autre, l’absorption qui s’exerce indispen- sablement sur le gaz respiré, dont une grande partie se trouve ici être de l'hydrogène. Or, l'hy- drogène est un gaz moins propre à la respiration, moins propre à l'entretien de la vie que lazote. Cependant il a été absorbé dans une proportion telle qu’elle surpassait la quantité d'azote exha- lée. Maintenant qu'on substitue à l'hydrogène qui formait cet air factice, de l’azote en même propor- tion pour former de l'air atmosphérique : n’est-il pas de toute évidence qu'il sera absorbé de même, et que cette absorption ne pourra se manifester qu'autant que la quantité absorbée surpassera celle qui sera exhalée? Or, ces deux fonctions étant né- cessairement variables dans la mesure de leur ac- tion , suivant une foule de conditions dépendantes soit de la constitution de l'individu , soit des cir- constances dans lesquelles il est placé , leurs rapports varieront, et donneront naissance aux trois résultats dont nous avons parlé plus haut, CHAPITRE XVI. 437 dans les rapports de l'air inspiré et expiré, l’ex- cès , l'égalité et la diminution d'azote. $ IV. De la Production de l'acide carbonique dans la respiration. Le Il ne peut y avoir que deux manières essen- tiellement difiérentes de considérer la production de l’acide carbonique dans la respiration. Dans la premiére, loxigène de l'air inspiré en- tre en contact, à travers les parois des vaisseaux pulmonaires, avec le sang qu'ils contiennent, s’unit à une portion du carbone de ce liquide, et forme ainsi de l'acide carbonique. Dans la seconde, l'oxigene qui disparaît est entièrement absorbé, et remplacé dans Fair res- piré par un volume plus ou moins semblab led'a- cide carbonique. Par la première hypothèse, l'acide carbonique expiré ne serait qu'une transformation de l'oxi- gène inspiré; par la dernière, une substitution d'un gaz à un autre. Ces deux modes d'interprétatior ne pouvaient échapper à Lavoisier : aussi les a-t-il formelle- ment exposés dans son premier mémoire sur la respiration. Voici comment il s'exprime: « Je me trouve, à cet égard, conduit à deux considérations également probables, et entre lesquelles l'expé- rience ne m a pas encore mis en état de prononcer. Enefiet , de ce qu'on vient de voir on peut conclure 438 QUATRIÈME PARTIE. qu'il arrive de deux choses l’une par Feffet de la respiration : ou la portion d’air éminemment respi- rable contenu dans l'air de l'atmosphère est con- vertie en acide crayeux aériforme , en passant par les poumons, ou bien ilse fait un échange dans ce viscère. D'une Part, l'air éminemment respirable est absorbé; et de l'autre, le poumon restitue à la place une portion d’acide crayeux aériforme pres- que égale en volume. » Malgré la parfaite impartialité avec huile il s'exprime sur la probabilité de ces deux manières de concevoir la formation de l'acide carbonique , il avoue qu'il serait porté à croire que l’un et l'autre de ces effets ont lieu pendant l'acte de la respiration. Mais il était difficile qu’en avançant dans ses travaux chimiques sur la formation de l'acide car- bonique par la combustion du charbon et le dé- gagement de chaleur qui en résulte, et en conti- nuant ses recherches physiologiques sur la res- piration, lanalogie ne lui parût parfaite entre ces deux ordres de phénomènes : aussi cessa-t-1l de regarder les deux manières d'envisager la pro- duction d'acide carbonique dans la respiration comme également probables , et il adopta de pré- férence la première, que l'acide carbonique se forme dans les poumons par la combinaison de Foxigène avec le carbone du sang, et qu'il est expiré dans cet état. On sait qu'il n'avait pas terminé ses travaux CHAPITRE XVI. 439 sur la respiration lorsqu'il fut enlevé par une mort prématurée et déplorable. [lest possible que, s’il avait vécu, il eût cherché, comme il en avait d’abord l'intention, à déterminer, par l’expé- rience, laquelle des deux hypothèses est vraie ; mais celle qu'il avait adoptée expliquai tpar- faitement tous les faits connus relatifs à la respira- tion, et présentait, en même temps, le rare avan- tage de rendre compte, d’une manière satisfaisante, d'une des fonctions les plus importantes, la pro- duction de la chaleur animale. L’attrait que de- -vait avoir pour lui la vue’ de phénomènes aussi bien coordonnés ne pouvait guère laisser de doute dans son esprit sur la vérité de l’inter- prétation qu'il avait adoptée : elle ne devait plus Jui paraitre une hypothèse ; et quoiqu'elle n’eût pas cessé de l'être, tel était le charme qui y était attaché, que presque tous ses successeurs qui se sont livrés au même genre de travaux l'ont ado] - tée sans examen. Cependant Spallanzani, et le fait est bien re- marquable, croyant être de l'avis de Lavoisier, avait adopté l’opinion contraire; et qui plus est, il chercha à l’établir par des expériences telles que, sielles étaient exactes , elles devaient con- duire à renverser l'opinion généralement recue. Elles ne parurent qu'après sa mort, dans ses mé- moires sur la respiration, traduits par M. Sénebier, sur le manuscrit inédit. Les faits dont il s’agit, quoique publiés en 1803, et consignés dans un ou- 416 QUATRIÈME PARTIE. vrage géhéralement connu, y restèrent, pour ainsi dire, ensevelis, puisqu'ils n’influèrent pas sur la manière de concevoir les phénomènes de Ja respiration et que personne n’entreprit une série d'expériences pour décider la question. Cependant cette décision importait beaucoup à la science, car la question est tout-à-fait fonda- mentale. J’ai été nécessairement conduit à l’exa- miner, après avoir traité Jes autres sujets princi- paux relatifs aux altérations chimiques de l'air dans la respiration , qui ont été en litige depuis les premieres découvertes. Il n’y a qu’un moyen de se décider par l'expérience en faveur de l'une ou de l’autre hypothèse sur la production de l’a- cide carbonique. Il est simple et se présente na- turellement à l'esprit : c'est le procédé employé par Spallanzani. Il est évident que si l'acide car- bonique résulte de la combinaison de l’oxigène de l'air avec le carbone du sang dans l'acte de la respiration , il ne se produira pas d’acide carbonique dans le cas où un animal respire un gaz dépourvu d’oxigène. Je n'ai pas be- soin d'ajouter qu'on fait abstraction de l’oxi- gene et de lacide carbonique que les poumons peuvent contenir lorsqu'on soumet l'animal à ce genre d'expériences. . Je suppose donc que l’on puisse écarter cet élé- ment de complication ; si unanimal respire dans un gaz dépourvu d’oxigène, et qu'il produise de l’a- cide carbonique, il sera le résultat de l’exhalation. CHAPITRE XVI. 44: Mais s'il est facile d'imaginer les conditions extérieures qui servent à decider la question, il est une difficulté qui nait du choix des su- jets propres à l'expérience. L'homme peut in- spirer plusieurs fois de l'hydrogène ou de l'azote purs; mais la quantité de ces gaz qu'il peut in- spirer sans danger est trop peu considérable pour qu’on puisse en tirer aucune conclusion. En effet, quelque forte que soit l’expiration pour se dé- barrasser de l'air contenu dans les poumons, il en reste toujours une grande proportion qui, en se mélant ensuite à l'hydrogène ou à l'azote respiré, fournit de l'acide carbonique. Or, les moyens d'évaluer ces quantités sont tellement inexacts qu'on ne saurait compter sur le résultat de pa- reilles expériences. Ce que je dis de l'homme en général est applicable aux animaux à sang chaud ; du moins cela paraît ainsi à la première vue. D'un autre côté, si l’on choisit les animaux dans les classes très-éloignées, comme parmi les invertébrés, les mollusques, par exemple, ainsi que l'a fait Spallanzani, on_est peu disposé. à ad- metire comme un phénomène général les résul- tats d'expériences faites sur des êtres d’un ordre st inférieur, et dont l'organisation paraît si diffe- rente de la nôtre. C’est ce qui m'a décidé à ne pas commencer mes recherches par vérifier les expé- rieñces sur les limacons, et à choisir, parmi les vertébrés, les espèces les plus propres à remplir les conditions requises. Les plus favorables sont 443 QUATRIÈME PARTIE. que l'animal vive long-temps sans oxigène ? que ; dans cet état, il exécute des mouvemens respi- ratoires, et que la capacité des poumons soit petite. Parmi les vertébrés à sang froid et à respiration aérienne, il n'y a guère que les batraciens qui réunissent ces avantages : encore ne les présentent- ils pas dans tous les temps. D'abord, relativement à la durée de la vie hors du contact de l’air, j'ai fait voir, dans mes premières recherches sur lin- {luence des agens physiques , qu’elle dépendait de deux conditions principales, la température ac- tuelle et la température précédente ; que l’éléva- tion de température, dansles deux cas, abrège sin- gulièrement le temps durant lequel ils peuvent se passer de l'influence de l'air ; de sorte qu’en été, dans un milieu dépourvu d’oxigène , et à 20° centig., des grenouilles ne vivraient guère qu’une heure si la température précédente avait été très- élevée ; tandis qu’en hiver, après uhe longue du= rée de la température de o°, si on les placait dans un milieu au même degré, elles y vivraient de deux à trois jours. Quant aux mouvemens respiratoires, ils ne peuvent les exécuter, ni dans tous les milieux privés d'air, ni dans toutes les saisons. Si on plonge des grenouilles sous l’eau, que ce liquide soit aéré ou non, ces mouvemens cessent à l’ins- tant ; et quelque temps qu'elles puissent y vi- vre,;on n'en voit presque Jamais. æ ° CHAPITRE XVI. 445 I en est à-peu-près de même si on les met dans l'hydrogène en été, ou dans les autres saisons de Pannée, où leur faculté de vivre sans air est con- sidérablement diminuée. Il n’en est pas ainsi en hiver et au commencement du printemps, lors- que leur constitution est encore modifiée par la saison précédente : elles exercent alors des mou- vemens respiratoires qui ont toute la régularité , l'étendue et la vitesse qu’ils auraient si ces animaux respiraient dans l'atmosphère. Relativement aux poumons , leur organisation les rend extrêmement favorables à ce genre d’ex- périences; car, en exerçant une pression sur les flancs, on peut expulser l'air qu'ils contiennent avant de les introduire dans l'hydrogène. Je fis mes premières expériences au commen- cement de mars, époque où je savais que les gre- nouilles pouvaient vivre assez long-temps dans l'hydrogène pour me donner un résultat satis- faisant. J’employai des vases très-propres à ce genre d'expériences, et susceptibles d’une grande exactitude pour la mesure du volume du gaz. J'en ai donné la description dans le premier paragra- phe de ce chapitre, page 400. Il est évident qu’il fallait prendre les plus gran- des précautions pour que l'hydrogène dans lequel ces animaux devaient respirer fût aussi pur que possible , afin qu'aucun élément étranger ne vint compliquer le résultat. C’est pourquoi je déga- geais l'hydrogène par le moyen du zinc, de l’acide 44 : QUATRIÈME PARTIE. o sulfurique et de l’eau, et je faisais passer le gaz; avant de lerecueillir, à travers un flacon contenant une forte dissolution de potasse caustique; je le recueillais au-dessus de l’eau bouillie, pour qu'il n'y eût pas de mélange d’air atmosphérique. Mal- gré toutes ces précautions, je m’assurais par l’ana- lyse qu'il ne contenait ni acide carbonique ni air atmosphérique, et de plus, son passage à travers la potasse l'avait dépouillé, autant que possible, de toute odeur étrangère. Je remplis le ballon de 153 centilitres de cet hydrogène, que je plaçai sur le mercure; j’intro- duisis une grenouille sur un diaphragme de fil de fer, soutenu par une tige accrochée à l'ouverture imférieure du tube. L'animal exécuta pendant long- temps des mouvemens respiratoires très-amples et trés-réguliers. Ces mouvemens cependant décli- nèrent, et cessèrent avant la fin de l'expérience, qui dura 8 h. 30’. L'animal, quoiqu'il eût cessé de donner des mouvemens , n’était pas encore mort. Exposé à l'air, il:revint quelque temps après. La comparaison du volume du gaz, avant et apres l'expérience , faisait déjà reconnaître qu'il y avait du gaz exhalé : nous reviendrons plus tard sur la mesure de cette différence. Üne portion de l'air du ballon fut ensuite analysée, dans un tube gradué, avec une solution de potasse caustique ; et Je reconnus qu'il y avait une quantité notable d'acide carbonique. La quantité d’acide carbo- nique contenue dans l'hydrogène dans lequel l'a- À] CHAPITRE XVI. 445 * mimal avait respiré montait à 2,97 cent. , c’est- à- dire, très-près de trois centilitres, ce qui équivaut à-peu-près au volume de ces animaux. Or, cet acide carbonique ne provenait nullement de l'air contenu dans les poumons ; car, en plon- geant l’animal sous le mercure pour l’introduire dans l'appareil, on avait eu soin de comprimer les flancs de manière à expulser l'air de ces organes. Cette compression peut aller au point de pousser les poumons jusque dans la gueule, où on les voit absolument exempts d’air. D'ailleurs , ces or- ganes sont si petits que la quantité d'acide car- bonique qu'ils peuvent contenir ne serait pas sensible aux eudiomètres ordinaires, lorsqu'on emploie un aussi grand volume d'hydrogène que celui qui a servi à l’expérience. Cet acide carbo- nique a donc été exhalé en entier. Je ne pouvais guère douter de la vérité de ce résultat; mais l’erreur se glisse sifacilement dans- une expérience qui paraît conduite avec tout le soin possible, que je me suis appliqué à la ré- péter plusieurs fois, en écartant toutes les causes de complication , et en donnant l'attention da plus scrupuleuse à l’exactitude de la mesure. En répétant l'expérience à plusieurs reprises, jacquis la certitude que ces animaux, placés dans l'hydrogène pur, exhalaient de l'acide car- bonique dans des quantités variables, suivant les individus et la durée de l'expérience. Tantôt la proportion correspondait à une portion considé-- 446 QUATRIÈME PARTIE. rable de leur volume, d’autres fois elle était assez grande pour l’égaler, sinon le surpasser. À mesure que j'avançais dans cette vérifica- tion, il arrivait ce que j'avais prévu en commen- çant ces recherches, que la durée sde lexpé- rience diminuait nécessairement par le change- ment de constitution. Je les avais commencées, comme je l'ai dit plus haut, le 1° mars. La tem- pérature alors était de 10° cent., et quoiqu’elle ait varié pendant que je m'occupais de ces expé- riences , elle ne s’est guère élevée au-delà dans cet espace de temps. Les animaux vivaient d'a- bord au moins huit heures dans l'hydrogène ; mais la durée de leur vie, dans les mêmes cir- constances, n’a pas tardé à diminuer sensible- ment , et à se réduire à la moitié de ce temps. C’est que la température n'agit pas seulement par son degré , mais par sa durée, pour modifier la con- stitution des animaux, ainsi que je l'ai fait voir dans mes premières recherches. Mais un autre phénomène non moins remarquable est celui que présentent les organes qui exercent les mou- vemens respiratoires. J’ai dit plus haut que lors- que ces animaux sont sous l'influence de la saison froide, ilsexécutent, dans une atmosphère d’ hydr 0- gène, des mouvemens respiratoires avec la même force et la même continuité que dans l’air atmo- sphérique. Ils conservent assez de leur constitu- tion acquise pendant l'hiver pour respirer de même dans l'hydrogène au commencement du CHAPITRE XVI. 447 - printemps; mais, à mesure qu'on avance dans la saison , ils perdent cette faculté, et se comportent alors dans ce gaz à-peu-près comme ils le feraient dans l’eau, quelle que fût l’époque de l’année, c’est-à-dire, que les mouvemens respiratoires cessent dès qu’on les y introduit, ou deviennent très-rares, quoiqu'ils puissent y vivre quelques heures. Ils deviennent alors peu propres à ce genre d'expériences par la diminution de la durée de leur vie et la cessation ou la rareté des mouve- mens respiratoires. Ce n’est pas qu'ils ne pro- duisent encore de l'acide carbonique, quoique les mouvemens de la respiration cessent :‘ils en exhalent par la peau, comme je m'en suis as- sûre") Je désirais étendre ces expériences à d’autres vertébrés. Je ne cherchais pas d’abord à les ré- “péter sur d’autres espèces de la même famille; la réussite me paraissait devoir être certaine. Les batraciens sur lesquels j'avais opéré pouvaient servir de type pour tous les reptiles, dont la plupart des espèces ne présentent pas des conditions assez favorables pour rendre les résultats aussi mani- festes et aussi exempts de complication. J’espé- rais en obtenir de satisfaisans en prenant les animaux dans la classe des poissons. La difficulté est dans le choix. Ils produisent peu d'acide car- bonique, même dans les circonstancés les plus fa- vorables; ils varient, en outre, beaucoup pour la 448 QUATRIÈME PARTIE. durée de la vie lorsqu'ils sont privés d’oxigène. En général ils vivent peu de temps dans cette condi- tion, surtout au printemps et en été. Leur vitalité éprouve le même genre d'influence de la part des saisons que nous avons exposé en parlant des batraciens. Mes recherches précédentes sur la du- rée de la vie des poissons dans de l’eau purgée d’air m'avaient appris que l’espèce de poissons rouges connus sous le nom de carpe dorée ( cyprinus aureus ) était la plus convenable pour ce genre d'expériences, puisqu'ils ont la faculté de vivre plus long-temps que les autres poissons d’eau douce dans ce liquide privé d’oxigène. Quoique la saison füt bien peu favorable, puisque c'était au prin- temps, après avoir fait mes expériences sur les grenouilles, je ne laissai pas de les entreprendre sur cette espèce de poissons : j'en mis deux d’un petit volume dans un vase semblable à celui que j'ai décrit plus haut , et contenant de l’hydrogènes pur. Les poissons étaient soutenus, de même que la grenouille, par un diaphragme de fil de fer. Un autre de même grandeur fut placé dans un vase de même forme, mais plus petit. Les individus , dans l'un et l’autre vase, firent des mouvemens respiratoires qui consistent , comme on sait, dans le battement des opercules ; mais ces mouvemens étaient plus faibles que dans l'eau aérée ou dans l'air, moins fréquens, moins réguliers. L'expérience dura 5h. 5'; l’un des poissons donnait encore des mouvemens respi- CHAPITRE XVI. 449 ratoires. Ils avaient cessé chez les autres. Les pois- sons ont, comme les batraciens, la faculté de vivre : assez long-temps après la cessation des mouve- mens respiratoires; de sorte que je ne retirais pas les individus dès que je ne voyais plus de mouvemens. En faisant l'analyse d’une portion de l'air res- piré par des poissons, dans l’un et dans l’autre vase, Je reconnus qu'ils avaient produit de l'acide carbonique dans l'hydrogène. “Après avoir obtenu ce résultat avec des ani- maux pris dans deux classes de vertébrés, je ne doutais pas que le phénomène ne fût général, quoique je ne l’eusse pas vérifié sur les autres. Mais s’il était difficile de faire la même épreuve sur des animaux à sang chaud , je pouvais la tenter sur des classes plus ébignées, en descendant dans l'é- chelle des étres , et soumettre à l'expérience des im- dividus pris parmi les animaux sans vertèbres. C'était le cas de répéter les expériences de Spallanzani sur des limacons. Je pris la même espèce, l’Lelix pomatia, le limaçon des vignes ; j'en introduisis deux dans le grand ballon tubulé; renfermant 147,5 cent. d'hydrogène. IL faut avoir le soin de les prendre lorsqu'ils sont bien retirés dans leur coquille, ou de les ÿ faire rentrer pour ne pas laisser d'air entre leur corps et cette en- veloppe. Placés dans le ballon et soutenus par le dia- Phragme de fil de fer, ils ne se pressèrent pas de 29 459 QUATRIÈME PARTIÉ. sortir de leur coquille; mais ils ne tardèrent pas * beaucoup à se développer et à se porter au dehors, et même à se promener dans le vase. Ce qu'il y avait de remarquable dans cette expérience , c’est sa longue durée : quoïqu'elle füt faite au mois d'avril, on les voyait, 24 h. après leur introduc- tion , se montrer au dehors et se mouvoir dans le ballon , comme s'ils eussent été dans l'air atmo- sphérique. Ce n’est pas que ces mouvemens fussent continuels; ils ne le sont pas même à l'air. Je les laissai dans l'hydrogène l'espace de 48 h., et quot- qu'ils fissent alors peu ou point de mouvemens, ils n'avaient pas cessé de vivre. La mesure du volume de Pair avant et après l'expérience montrait par son augmentation qu'il y avait eu exhalation de gaz. La nature d’une portion de ce gaz ne pouvait pas être doutcuse d’après tout ce que nous avons rapporté pré- cédemment : aussi l'analyse nous fit-elle recon- naître la présence de l'acide carbonique, ainsi que Spallanzani l'avait avancé. La longue durée de Texpérience, péndant laquelle ces animaux montraient assez d'activité pour que je pusse croire que la fonction d’exhalation m'avait pas été trop entravée , me faisait espérer une pro- portion considérable d'acide carbonique, relati- vement à leur volume. Spallanzani n'avait pas indiqué les conditions de Y expérience, et s'était borné à donner la prepa - tion d acide ( Car bonique relative à l hydrogè ne en CHAPITRE XVI. 451 ployé, sans rappeler la quantité absolue que les limacons avaient exhalée. La détermination de cette quantité, afin d'établir une comparaison entre elle et le volume du corps, étant un point d’une grande importance, j'eus soin de ne pas négliger ce rapport. Je ne fus pas trompé dans mon attente relativement à la grande proportion d'acide carbonique. Je trouvai dans l'hydrogène respiré 2,79 centil. d’acide carbonique; ce qui, est à-peu-près équivalent à leur volume. J’obtins un résultat semblable en répétant l'expérience. Relativement aux espèces que nous avons mises en expérience, il est indubitable qu'elles pro- duisent de l'acide carbonique, en respirant un gaz dépourvu d’oxigène; que cet acide carbo- nique n’est pas dû à une quantité de ce gaz contenu dans lascavité des organes respiratoires avant l'expérience, ou à Foxigène qu'ils peuvent renfermer; par conséquent qu'il n’est pas for- mé de toutes pièces dans l'acte de la respiration, par la combinaison de l'oxigène de Fair inspiré avec le carbone du sang, mais qu'il est le produit de l’exhalation. Supposons maintenant que je me fusse arrèté là, dans le choix des espèces soumises à l’expé- rience, pour la solution de la question que je m'étais proposée; faudrait-il aussi borner à ces mêmes espèces le: phénomène # elles! présen- , tent ? Où sera ; je pense, disposé appliquer aux au- 452 QUATRIÈME PARTIE. ires reptiles les résultats des expériences faites sur les grenouilles, et à faire de semblables concessions relativement aux poissons en général, et aux ani- maux invertébrés. Ilen résulterait déjà une grande généralité du phénomène de l’exhalation de l'acide carboniquedans la respiration, puisqu'il embrasse- rait les vertébrés à respiration aérienne, les verté- brésà respiration aquatique et lesanimaux désignés sous le nom d’invertébrés. Cependant il est des personnes qui ne voudront pas l’étendre plus loin, qui résisteront à l’analogie qui nous porterait à l’'admetire chez les mammiferes et les oiseaux ds et cela, parce que ce sont des animaux d’un or- dre supérieur , et qu'ils se distinguent de ceux sur lesquels nous avons expérimenté par la grande quantité de chaleur qu'ils produisent. Je me contenterai d'observer que le phénomène de respiration dont il s’agit est tellement fondamen- tal dans les fonctions de l’économie animale, que l’on ne peut supposer qu’il soit essentiellement difiérent chez les mammifères et les oiseaux d’une part, et de l’autre chez le reste des animaux; que la faculté de produire de la chaleur existe chez tous ; qu'elle ne diffère que du plus ou du moins ; que la température élevée qui semble ca- ractériser les mammifères et les oiseaux ne leur appartient pas exclusivement, puisqu'on en trouve des exemples chez les insectes ; que, d’ailleurs, la classe des mammifères eux-mêmes renferme des espèces qui présentent , à de certaines époques , CHAPITRE XVI 453 les phénomènes principaux des vertébrés à sang froid : tels sont les mammiferes hybernans dans les saisons de l'automne et de l'hiver ; enfin qu'un grand nombre de mammifères non hyÿ- bernans et d'oiseaux, dans les premiers temps de leur existence, se comportent, sous le rap- port des phénomènes de la chaleur , comme des animaux à sang froid, ainsi que je Pai exposé précédemment. Je fais ces observations dans l'in- térêt de la science en général, parce qu’il est des cas nombreux où des phénomènes physiologiques ne pourraient être constatés que sur de certaines espèces, les autres ne pouvant se prêter aux €con- ditions d’expérimentation nécessaires pour obtenir des résultats rigoureux; et que, si on se refu- sait à l’analogie qui en dérive, nous pourrions rester à jamais dans une parfaite ignorance de beaucoup de faits du plus haut intérêt dans Pétude de l’économie animale. J'ai cru devoir insister un moment sur les raisons propres à nous faire ad-— mettre chez les vertébrés à sang chaud le phéno- mène de l’exhalation d’acide carbonique dans la respiration, d’après les résultats que nous avons obtenus sur des reptiles, des poissons et des mol- lusques. Cependant je n'ai pas voulu m'y borner, non que j'eusse des doutes sur la validité de ces raisons , mais pour donner une satisfaction com plète par des preuves directes, si je pouvais y par- venir, Je lespérais, en profitant de la faculté qu'ont certaines espèces de mammifères nouvean 454. QUATRIÈME PARTIE. nés de vivre environ une demi-heure sans le con- tact de l'air. Ces espèces paraissaient réunir les qualités requises pour le succès de l'expérience. Lorsqu’elles sont privées d’air, les mouvemens respiratoires ne sont pas supprimés, mais ils. sont rares. Après deux ou trois minutes les mou- vemens volontaires cessent; ils sont remplacés par d’autres qui sont involontaires, et qui con- sistent dans de fortes inspirations accompagnées de bâäillemens, et de flexions du tronc. Ces mou- vemens se reproduisent à-peu-près une fois par minute, plus ou moins, suivant les individus ; de sorte que, s'ils vivent nne demi-heure, ils peuvent fournir environ une trentaine d’inspira- tions. S’il s'agissait de reptiles, cette courte du- rée de la vie, ce petit nombre d’inspirations, ne promettraient aucun résultat sensible, parce que leur production d’acide carbonique est toujours faible et que la longueur du temps est, en ce cas, un élément nécessaire pour le succès de l’ex- périence. Mais des mammifères, quoiqu'ils en produisent moins dans les premiers temps de leur, vie que dans un âge plus avancé, ainsi que je lai prouvé ailleurs, en fournissent beaucoup plus que les reptiles ; ce qui pourrait compenser le dé- faut dans la durée de l'expérience, et le nombre des inspirations. La petitesse de leurs poumons est un-auire avantage, sans lequel, à la vérité, il ne faudrait pas tenter l'expérience. J'en fis l'essai sur un jeune chat de trois ou quatre jours, EL cf CHAPITRE XVI. 455 âge trop avancé pour donner une grande lati- tude. J'employai le même appareil avec 146 cen- tilitres d'hydrogène. Il n’exécuta des mouvemens, À différens intervalles, que pendant 19'; ce qui donna, après la cessation des mouvemens voion- taires, à-peu-près autant d’inspirations. Je le re- tirai quatre minutes après ; et lorsque l'appareil fut refroidi complètement, je ne laissai pas de trouver , malgré le petit nombre d’inspirations , une quantité” três-sensible d'acide carbonique ; cette quantité équivalait à 1,96 centil. Or, il s'agissait de la comparer à la capacité des pou- imons. Je les retirai de l'animal avee da trachée- artère; je les insufllai autant que possible, ce qui les distendit outre Ja mesure naturelle ; jin- troduisis lai qu'ils contenaient dans ‘un tube gradué, en exercant une pression, extérieure. L'air ainsi expulsé ne montait qu'à +de centiliire. Or, en supposant que tout l’oxigènederce vo- lume d'air fût converti en acide carbonique pré- existant dans les poumons, ce qui est unñe sup- position exagérée, il n'y aurait eu d'acide car- bonique que le cinquième de ce volume d'air, c’est-à-dire, ont. 16, au lieu quenousavonstrouvé dans l'hydrogène respiré 1,96. Il s'ensuit que les mammifères exhalent de l'acide carbonique lorsqu'ils respirent de lhy- drogène pur, et qu'ils présentent le même phéno- mène que les -reptiles, les poissons et les mol- lusques. 456 QUATRIÈME PARTIE. La présence de l’oxigène dans l'air respiré n’est donc pas nécessaire à la production de cet acide carbonique. Je ne chercherai pas à établir ce fait sur d’autres preuves ; celles-ci suffisent pour que nous puissions regarder le phénomène comme général. En lappliquant au procédé de la respiration dans air atmosphérique, tout ce que nous pou- vons nous permettre de conclure des expériences précédentes, c’est qu’au moins une partie de la- cide carbonique qui provient de l'exercice de cette fonction n’est pas le résultat de la combi- naison directe ou immédiate de l’oxigène de l’air aveclecarbonedu sang dans l'inspiration , que l’ex- piration suivante expulse du corps et méleà l'air en- vironnant , mais qu'il est le produit del’exhalation. IL s’agit maintenant de savoir si ce qui est vrai pour une partie est vrai pour le tout; car on pourrait admettre les deux modes de forma- tion, une partie exhalée et une autre fabriquée de toutes pièces dans les poumons. J’observerai d’abord que le premier procédé est le seul qui soit appuyé sur des faits positifs ; que l’autre est une hypothèse. Mais il ÿ a moyen de soumettre cette hypothèse à l'épreuve de l'expérience fondée sur la considération suivante: Si, lorsqu'un animal respire dans l'air atmo- sphérique, une partie de l'acide carbonique est exhalée et l’autre formée de toutes pièces dans les poumons par la présence de l’oxigène , il s'ensuit CHADITRE XVI. 457 qu’en lui faisant respirer l'hydrogène pur ,la quan- tité d'acide carbonique qu'il y produira sera ré- duite à celle qu'il exhale, et qu’elle sera moindre que la totalité de l'acide carbonique qui résulte- rait de sa respiration dans l'air atmosphérique , de toute la portion qu’on suppose fabriquée dans les poumons. Or, s’il fallait s’en tenir à quelques expériences de Spallanzani , la question serait dé- cidée, au moins pour les animaux sur lesquels il a expérimenté. Il a comparé la production de l'a- cide carbonique par des limacons, les uns pla- cés dans l'hydrogène, les autres dans Pair at- mosphérique, et il a obtenu ce résultat remar- quable qu'ils produisaient au moins autant d’a- cide carbonique dans l'hydrogène que dans Pair atmosphérique. Mais si l’on soupconnait ce fait d’inexactitude, ou, qu’en ladmettant, on ne voulüt pas l’étendre aux animaux des classes su- périeures, je donnerai le résultat de recherches que J'ai faites sur des animaux vertébrés. Ici le choix des espèces est plus restreint que dans les expériences précédentes. Là il sufisait pour la dé- termination du fait que l'animal respirât, n'im- porte comment, mais pendant un assez long es- pace de temps pour qu’on püt s'assurer de l’exha- lation de lacide carbonique. Ici, il faut une condition de plus, que l'animal respire avec la même vitesse et la même ampleur dans l'hy- drogène que dans l’air atmosphérique; car on sait que le nombre et la grandeur des mouvemens f 72 458 QUATRIÈME PARTIE. respiratoires influent beaucoup sur la quantité d'acide carbonique expiré : or, c’est ce qui n’a ja- mais lieu chez les animanx à sang chaud, quel que soit leur âge ou leur espèce. IL est donc impossi- ble de faire l'expérience sur des individus de ce groupe d'animaux. Il n'y a que les vertébrés à sang froid qui y soient propres : encore lé nom- bre des espèces et les temps où ils ont cette fa- culté sont-ils très-limités , ainsi que je lai expli- qué plus haut. J'avais fait plusieurs séries d’ expériences sur la quantité d'acide carbonique produite par K respiration des grenouilles dans l'air atmosphé- rique dans un temps donné et à des tempc- ratures diverses. La comparaison de ces résul- tats avec ceux que j'ai obtenus de la respiration d'individus de même espèce dans l'hydrogène jette un grand jour sur cette question. À la température de 18°, au mois de juillet r821, trois grenouilles placées chacune dans un ballon de verre tubulé que j'ai décrit plus haut, con- tenant 74 centilitres d’air atmosphérique, après un séjour de 24 heures, ont donné, terme moyen, 2,57 cent. d'acide carbonique. La même expérience répétée sur trois individus de même espèce, au mois d'octobre, l'air étant à 14°, température peu différente de la précé- dente, a donné, dans le même-espace de temps, à-peu-près la même quantité, c’est-à-dire 2,77 cenbl. CHAPITRE XVI. 459 J'observerai d’ailleurs que les résultats de cha- que individu diffèrent peu de la moyenne. Si, maintenant, on compare cette production d’a- cide carbonique dans l'air atmosphérique avec celle que nous avons déterminée dans le cas où ces animaux respirent dans l'hydrogène, nous aurons la conviction ‘qu'il ne s’est pas formé d'acide carbonique dans Pacte de la respiration paf la combinaison de l’oxigène de Flair avec le carbone du sang. En effet, nous avons dit plus haut, en par- lant de la respiration des grenouilles dans Fhy- drogène, que nous avions obtenu une quantité de 2,79 centil. La température était à-peu-près la même; mais ce qu'il y a de remarquable, c’est que cette quantité d'acide carbonique a été ex- halée dans l'hydrogène dans l’espace de 8* 30’. ; tandis que dans l'air atmosphérique nous avons trouvé une quantité semblable au bout de 24 heures. Je n’insisterai pas sur cette différence en faveur de l’exhalation de l'acide carbonique dans l'hydrogène; je me conteñfterai de conclure de cette comparaison que la quantité d'acide car- bonique que ces animaux exhalent dans l'hy- drogène, lorsqu'ils sont dans les circonstances favorables, n’est pas inférieure à celle qu'ils produisent dans l'air atmosphérique; que, par conséquent, lorsqu'ils respirent dans l'air at- mosphérique ; il ne se forme pas sensiblement d'acide carbonique de ioutes : pièces dans l'acte 46o QUATRIÈME PARTIE: de la respiration par la combinaison de l'oxi- gène de l'air avec le carbone du sang, mais que le tout est le produit de l’exhalation. Ce résultat fourni par des grenouilles étant semblable à celui que Spallanzani a obtenu avec des limacons, nous dispense de la nécessité de répé- ter son expérience, et ne laisse aucun doute sur son exactitude. Or, comme le fait dont il s’agit a été vérifié d’une part sur les vertébrés à sang froid, d'autre part sur des mollusques , et que la comparaison ne peut s'établir par des expériences sur des animaux à sang chaud, pour les raisons que j'ai donnée splus haut, rien ne me paraît s'opposer à ce que nous admettions le principe comme général. Nous som- mes donc conduits par ces faits à rejeter cette es- pèce de compromis, cette opinion mitoyenne, sui- vant laquelle l'acide carbonique provenant de la respiration serait en partie exhalé et en partie formé detoutes pièces dans Pacte de la respiration. Comme les mêmes expériences qui ont fourni les faits dont j'ai déduit cette conclusion servent aussi à vérifier un autre ordre de phénomènes relatifs à la respiration , exposés dans le paragraphe pré- cédent, je ne puis négliger cette occasion de don- ner de nouvelles preuves à l'appui de ce que j'ai avancé alors. J'ai été conduit par les faits que j'ai exposés dans ce paragraphe à conclure que, lorsqu'un ani- mal respire dans l’airatmosphérique, ilexerce deux CHAPITRE XVI. 461 fonctions relatives à l'azote dans l'acte de la res- piration : par l’une, il exhale de l'azote; par l’au- tre, il en absorbe ; que l’exhalation de l'azote est une fonction constante dans quelque gaz qu'il respire, jusqu'à ce que la source de l’azote dans l’économie animale soit tarie; que l'absorption est également une fonction constante, mais, ce qui est évident, c’est qu’elle ne peut s'exercer re- lativement à l'azote que lorsqu'il y en a dans l'air respiré, comme dans l'air atmosphérique; que pour m'assurer si en effet les deux fonc- tions s’exercaient à la fois, je m'étais proposé de faire respirer des animaux dans un factice composé d’oxigène et d'hydrogène, dans des pro- portions telles que l'hydrogène représentät l'a- zote dans l'air atmosphérique. Dans ce cas, il devait résulter une exhalation manifeste d’azote dans une proportion considérable , parce que l'animal ne trouvant pas d'azote dans l'air factice, aucune absorption de ce gaz ne pouvait masquer les effets de l’exhalation; d'autre part, au lieu d'azote, il devait absorber de l'hydrogène, puisqu'il existait en grande proportion dans le gaz respiré. J'avais renoncé pour le moment à donner suite à ce projet d'expériences, parce que j'avais trou- vé dans les travaux de MM. Allen et Pepys sur la respiration, une expérience de, cette espèce faite avec tous les soins nécessaires pour en assurer l'exactitude, mais qui n'avait pas été faite dans cette vue, 462 QUATRIÈME PARTIES Cest, en effet, ce qui résulte de l'expérience de MM. Allen et Pepys ; et quoiqu'elle fût unique, je ne laissai pas de la regarder comme concluante. Cependant lorsque j’entrepris la série d’expériences sur l’exhalation de l'acide carbonique dans l’hy- drogène qui fait le sujet de ce paragraphe, je saisis l'occasion de vérifier le fait précédent, en ana- lysant sous d’autres rapports que celui de l’acide carbonique l'hydrogène respiré. Je n’en parlerai que sommairement, ces faits étant relatifs à un sujet que j'ai déjà traité. Le résultat fut au-delà de mon attente : je trouvai dans l'hydrogène res- piré un antité considérable d'azote , dans une proportion au moins de cinq ou six pour cent, et quelquefois bien au-delà ; de sorte que la quan- tté d'azote exhalée surpassait de beaucoup le volume des animaux. L’absorption d'hydrogène n'était pas moins considérable. Après m'en étre assuré par moi-même, je ré pétai une série d’expériences semblables avec M. Birruel, préparateur de chimie de la Faculté des Sciences. Nous les fimes sur des chatsnouveau nés, des grenouilles et des limacons, avec le même résultat. Je n’insisterai pas sur ces données, qui confir- ment celles sur lesquelles je me suis fondé pré- cédemment ; je ditai seulement qu’à cause de l’ab- sorption d'hydrogène qui tend à égaler la quantité d'azote exhalée, il n’y a pas une grande différence dans le volume du gaz avant et après l'expérience. CHAPITRE XVI. 463 Reprenons les expériences dans l'hydrogène. Nous avons constaté que les animaux y exhalent de l'acide carbonique. D'où vient ce gaz? Nous ne le voyons pas; ces expériences ne prouvent que le fait de l’exhalation , et non sa source. L’exhalation de l'acide carbonique, quand un animal est placé dans l'hydrogène , peut s’inter- préter de deux manières différentes. On peut dire qu'il provient du sang, source de toutes les sécrétions, de quelque manière qu’on envisage leur mécanisme ; ou l’on peut supposer qu'il provient uniquement de l'air dont les tissus seraient imprégnés. Il est évident que cette dernière interpréta- ton est possible; mais je crois qu'il est éga- lement évident qu’une pareille explication n’est pas fort satisfaisante. Je place un animal dans l'hydrogène, et lorsque les conditions sont conve- nables ,:on le voit exécuter des mouvemens res- piratoires avec la même ampleur et la même fré- quence que s'il était dans l'air atmosphérique. Cet animal est un vertébré à respiration aérienne ; il inspire et expire alternativement le gaz dans le- quel il est placé, comme si c'était de l'air atmo- sphérique ; ce gaz se charge d’acide carbonique, et l’on doit croire que, lorsqu'il est dans l'hydro- gène, il u’en produit pas de la même manière que lorsqu'il est dans l'air atmosphérique ; que sa peau, qui en fournit aussi dans l’un et l’autre gaz, n’en fournit pas de la même manière; que ses tissus 464 QUATRIÈME PARTIE. sont imprégnés de ce gaz, qu'il dégage dès qu'il est en contact avec l'hydrogène ; mais que, placé dans de l'air atmosphérique, il le retient en en- üer, et cependant qu’il produit une quantité plus ou moins équivalente de ce gaz par le contact de l’oxigène avec le sang à la surface du corps. Je crois qu'il suffit d'exposer la conséquence de la seconde interprétation du phénomène de l’exha- lation de l'acide carbonique dans l’hydrogène pour qu’on répugne à l’admettre; et l’on sera, je pense , disposé à adopter l’autre explication si na- turelle que lorsqu'un animal respire dans de l’hy- drogène, et qu’il y exhale de l'acide carbonique, il le produit de la même manière que lorsqu'il respire dans l’air atmosphérique. On ne fait aucune difficulté d’admettre que l’azote qui s’exhale dans l'hydrogène et dans Pair atmo- sphérique a la même origine : pourquoi ne ferait- on pas de même pour l'acide carbonique? Nous conclurons que dans l’air atmosphérique, l'acide carbonique est dû à l’exhalation, et qu'il provient en tout ou en partie du sang. Nous voilà arrivés aux sécrétions. En rapportant l'acide carbonique expiré à un produit du sang , il se présente ici la question de savoir s’il s’en trouve de tout formé dans la cir- culation générale, ou s'il ne se produit que dans les poumons et la peau, d’où il s’exhalerait à me- sure. Il est des faits bien avérés qui prouvent qu'il CHAPITRE XVI, 465 en existe dans la masse du sang : tels sont les résultats obtenus par MM. Vauquelin, Vogel, Brande et sir Everard Home. Les expériences de M. Vauquelin ne sont pas, que je sache, pu- bliées; mais je sais que depuis nombre d'années, il fait voir dans ses cours que du sang placé dans de l'hydrogène dégage de l'acide carbo- nique. Or, ces faits tendent à confirmer la conclusion des expériences précédentes , relativement à l’ex- halation de l'acide carbonique, et concourent avec les recherches de MM. Prévost et Dumas, à nous faire envisager plusieurs sécrétions d’une manière différente de ce qu'on avait fait avant eux. Nous dirons donc que l'acide carbonique ex- piré est une exhalation qui provient en tout ou en partie de l'acide carbonique contenu dans la masse du sang. $ V. J’ue générale des Altérations de l'air dans La respiration. Ayant successivement examiné ‘les principaux points relatifs aux altérations de l'air dans la res- piration , nous sommes arrivés à l’époque où nous pouvons présenter une vue générale de cette fonction. L'oxigène qui disparaît dans la respiration de l'air atmosphérique est absorbé en entier. Il 22 I9 406 QUATRIÈME PARTIE. est ensuite porté en tout ou en partie dans le torrent de la circulation. I est remplacé par une quantité plus ou moins semblable d’acide carbonique exhalé, qui provient en tout ou en partie de celui qui est contenu dans la masse du sang. En outre, l'animal respirant de l'air atmo- sphérique absorbe de l’azote ; cet azote est porté en tout ou en partie dans la masse du sang. L’azote absorbé est remplacé par une quan- tité plus ou moins équivalente d'azote exhalé qui provient en tout ou en partie du sang. Voilà quatre points fondamentaux : 1°. L’absorption de l’oxigène qui disparait ; 2°. L’exhalation de l'acide carbonique expiré ; 3°. L’absorption d’azote; 4. L’exhalation-d’azote. Les deux premiers re- latifs à loxigène , soit pur, soit combiné ; lesdeux autres à l’azote. On voit par là que le jeu de cette fonction est beaucoup plus compliqué qu’on ne l'avait pensé ; que son importance est considérablement accrue, et qu'il doit résulter des diverses modifications de ces phénomènes principaux une multitude de rapports. Suivant cette vue, la respiration n’est plus un procédé purement chimique, une simple combustion dans les poumons, où l’oxigène de Pair inspiré s’unirait au carbone du sang, pour for- mer de l’acide carbonique qui serait expulsé CHAPITRE XVIe 467 aussitôt; mais une fonction composée de plu- sieurs actes : d’une part, l'absorption et l’ex- halation, attributs de tous les êtres vivans; d’au- ire part, l'intervention des deux parties con- stituantes de l'air atmosphérique, l’oxigène et l'azote. Ceite vue n’est pas une idée préconçue; mais un résultat auquel nous avons été successivement conduits par une foule de faits. Eile nous présente les êtres animés, puisant dans la composition de l'atmosphère deux prin- cipes constitutifs de leur économie. Elle nous fournit de nombreuses déductions dont plusieurs sont déjà appuyées sur les faits qui font partie de la science. Ainsi loxigène qui disparait étant absorbé et l’a- cide carbonique exhalé, les proportions relatives sont nécessairement variables, par la nature des deux fonctions, qui doivent varier dans la me- sure de leur action. Le fait est maintenant hors de doute. Elles pourraient même varier de trois ma- nières : 1°. l'acide carbonique serait expiré en moindre quantité que l’oxigène qui disparait ; 2°. en quantité égale; 3°. en excès. Le premier est ie cas ordinaire ; le second est appuyé sur les ré- sultats d'Allen et Pepys; le troisième, s'il n’est pas encore constaté, le sera probablement dans la suite. Je pourrais même dire qu'il l'est déjà; en renvoyant à l’expérience de MM. Allen et Pe- “5, relatjve à la respiration dans l'air factice, 468 QUATRIEME PARTIE. composé d’oxigène et d'hydrogène. La même ob- servation a lieu relativement à l’azote absorbé et à l'azote exhalé; l'excès , l'égalité , Le défaut de l’a- zote expiré, relativement à l'azote inspiré. Les faits à l'appui de cette déduction sont consignés dans le 2° et le 3° paragraphe de ce chapitre. Reprenons l’oxigène , ‘et considérons ce qu'il devient dans l’économie, autant que nous le pou- vous dans l’état actuel de la science. Lorsqu'il est absorbé et porté dans la masse du sang , tout nous fait croire qu'il contribue à la for- mation de l'acide carbonique. Mais des expériences que j'ai exposées plus haut prouvent qu'il ne peut pas être la seule source du gaz contenu dans le sang. Puisque nous avons fait voirque certaines espèces peuvent exhaler dans un temps donnéautant d’acide carbonique dans l'hydrogène que dans Pair atmo- sphérique, ilya doncuneou plusieurssources sub- sidiaires de l’acide carbonique contenu danslesang. Il est facile d'en indiquer une. On sait, d’après les recherches de Jurine, de MM. Chevreul et Ma- gendie et d’autres , que ce gaz existe dans presque toute l’étendue du canal digestif. On ne peut re- fuser d'admettre qu’il s’en forme dans le travail de la digestion. En contact avec presque toute la sur- face muqueuse du canal digestif, une partie de ce gaz doit être absorbée. Si l’on en doutait , je cite- rais des cas où de l’eau imprégnée d'acide carbo- nicnsnthne en œuantité suffisante, a produit des CHAPITRE XVI. 46) symptômes d’asphyxie. Le docteur Desportes a communiqué des observations à ce sujet à l’Ata- démie royale de médecine. Quant à l’oxigène qui contribuerait à former l’a- cide carbonique contenu dans la masse du sang, il doitarriver de deux choses l’une : il entreen com- binaison ou subitement ou lentement. Dans le der- nier Cas , il y aura de l’oxigène en excès, circu- lant dans ja masse du sang. Cet oxigène libre sera donc à la disposition de l’exhalation qui aura lieu dans les organes propres à lui livrer passage : c’est ce qui a lieu chez les poissons, dans la vessie natatoire desquels on trouve de l’oxigène. Je me propose de poursuivre ce sujet en m’occupant avec M. Dumas de l'examen des gaz contenus dans les diverses espèces de sang, sous le rapport de leur nature et de leur quantité. 470 QUATRIÈME PARTIE CHAPITRE XVIL. Applications. Nots avons successivement examiné l'influence de divers agens physiques sous leurs principaux rapports. Nous avons étudié leurs actions simples et un grand nombre de leurs actions combinées ; les mo- difications de leur influence, selon qu’ils agissent sur des constitutions diverses, et réciproquement leur tendance à produire des changemens dans ces constitutions. J'ai indiqué, dans la quatrième partie de cet ou- vrage, quelques-unes des applications qui décou- lent des faits généraux que nous avons constatés. Je ne pouvais les indiquer toutes, ni m'étendre sur celles que j'ai présentées , sans passer Îles bornes de cet ouvrage et en changer la nature. Cette indication suffit dans un grand nombre de cas ; quelques-unes des conséquences que je n'ai pas déduites s’offriront naturellement à les- prit; d’autres ne seront apercues que lorsqu'on se donnera la peine de méditer les faits généraux qui servent de principes. Prenons d’abord pour exemples quelques faits relatifs à la faculté de produire la chaleur. CHAPITRE XVIF. 471 Nous avons fait voir qu’elle pouvait varier beaucoup chez le même individu dans l’état de santé ; à plus forte raison devons-nous nous atten- dre à ce qu'il en soit ainsi dans l’état de maladie. Déduisons de faits précédemment exposés ce qui pourrait arriver dans les cas où la faculté de pro- duire de la chaleur serait réduite au-dessous du type de la santé. Il en résulterait une variété d’af- fections, suivant la diversité des constitutions et le degré de diminution dans la faculté de pro- duire de la chaieur. $ I”. Il y a deux formes principales sous les- quelles cet état se présente , ainsi que nous l’a- vons précédemment exposé : une diminution suc- cessive dans l’activité des principales fonctions , d’où résulte la torpeur; ou, au contraire, une augmentation dans la vitesse des mouvemens de la respiration et de la circulation. Le premier cas est celui des animaux hybernans; le second celui des animaux à sang chaud non hybernans. Sans entrer dans l’examen des conditions qui détermi- nent l’une ou l’autre forme , une foule de raisons nous portent à croire qu'elles peuvent avoir lieu chez des individus adultes, de quelque classe qu'ils soient, parmi les animaux à sang chaud. Il y a une trop grande diversité de structure chez les animaux à sang chaud hybernans pour croire qu'il n’y ait qumne organisation spéciale qui soit susceptible de présenter les mêmes phénomènes. La structure influe sans doute sur le plus ou moins de facilité 472 QUATRIÈME PARTIE. avec laquelle cet état se produit et la durée dans laquelle il peut avoir lieu; mais il ne parait pas qu'aucune organisation en soit absolument inca- pable. Les constitutions peuvent tellement chan- ger par un concours de circonstances et la conti- nuité de leurs actions, qu’un pareil changement chez des animaux que l’on n’a pas encore observés dans cet état n’est nullement impossible. Les es- pèces, parmi les animaux à sang chaud , connues pour être hybernantes , ne le sont pas nécessaire- ment. Elles peuvent cesser de l’être. Il est des in- dividus appartenant à ces espèces, qui ne s’engour- dissent pas dans la saison de l’hybernation : c’est ce qu’on observe souvent dans l’état de do- mesticité. Il suffit en ce cas que leur faculté de produire de la chaleur se soit accrue; faculté susceptible, chez tous ces animaux, de varier dans des limites très-éloignées. On peut même, chez quelques-uns d’entre eux, produire ce changement à volonté par une nourriture convenable, et une température graduée. | Qu'on ne croie pas d’ailleurs que les phéno- mènes principaux de l’hybernation , chez les ani- maux qui en sont habituellement susceptibles, ne soient déterminés que par un certain abaissement de la température extérieure. J’ai observé, sur plu- sieurs de ces animaux, que le sommeil en été ré- duisait beaucoup leur température , que leur nes- piration diminuait de même, et qu'ils devenaient engourdis : seulement leur torpeur n'était pas se — CHAPITRE XVI. 475 aussi profonde que dans d’autres circonstances, Cet effet du sommeil naturel est tellement lié à la faculté de produire de la chaleur, qu'il est en général d'autant plus marqué que cette faculté est moindre. Aussi est-elle très-prononcée dans les chauves-souris et les lérots, chez qui la fonction qni préside au dégagement de la chaleur est plus faible que chez la plupart des mammifères hy- bernans. Quoique cette modification de fonc- tion soit essentielle à la production du phéno- mène , je suis loin de prétendre qu’elle seule soit toujours suffisante. L'état qui caractérise lhyber- nation peut avoir lieu, et a lieu en effet, sans qu'il soit amené par un abaissement de tem- pérature extérieure, et il est facile de le conce- voir. L'influence du froid extérieur est relative à la faculté de produire de la chaleur : elle est d’au- tant plus grande que celle-ci est moindre, et ré- ciproquement. La température de l'été , quoiqne très-élevée , est ordinairement bien inférieure à la chaleur habituelle aux mammifères et aux oiseaux. Les individus chez qui la faculté de développer de la chaleur est faible, subiront en été un refroi- dissement en rapport avec la diminution de cette fa- culté : c’estce qui a lieu lorsqu'ils s’endorment. Re- marquons bien que leur sommeil , à cette époque, n'étant pas déterminé par les conditions exté- rieures , mais par la suite nécessaire de la veille, il est parfaitement naturel. Or, comme l’obser- vation précédente est relative à des mammifères 474 QUATRIÈME PARTIE. appartenant à des genres différens , et que la liai- son des deux phénomènes y est extrêmement pro- noncée , nous en déduirons que l’état du sommeil naturel est en général accompagné d’une dimi- nution dans la faculté de produire de la chaleur. Je dis sommeil naturel, pour désigner l’état le plus ordinaire ; car il peut y survenir des modi- fications qui changent ce rapport. Ayant déduit cette liaison de phénomènes de l'observation , nous en suivrons les conséquences. Puisque la faculté de produire de la chaleur est diminuée dans le sommeil naturel , il s'ensuit que les causes extérieures de refroidissement , soit celles qui soustraient la chaleur développée , soit celles qui en diminuent le développement , doi- .vent avoir plus de prise sur l’économie animale pendant cet état; d’où l’on voit qu’un air humide et froid, ou un air sec et vif, que l’on supporte sans inconvénient pendant la veille, même sans le secours de l’exercice , pourra être nuisible pen- dant le sommeil. Nous ajouterons que l'effet de l'exposition au froid pendant le sommeil est nécessairement va- riable , d'après le même principe. Il varie suivant la diminution de la faculté de produire de la chaleur. Le sommeil naturel, chez plusieurs espèces d'animaux hybernans, mérite la dénomination de sommeil léthargique, par la diminution notable de leur température, de la respiration et de la CHAPITRE XVII. 475 circulation , des mouvemens extérieurs et de l’ex- citabilité des sens : seulement il diffère en in- tensité suivant les individus et les espèces. Nous avons fait connaître la modification de la constitution qui influe le plus sur ce rapport; de sorte que l’on concevra facilement qu'il puisse survenir chez l’homme des changemens à cet égard qui rendent son sommeil léthargique. Je dis sommeil , pour ne pas confondre cet état avec d’autres où les mêmes symptômes peuvent se pré- senter, mais qui sont amenés par des causes bien différentes, comme un épanchement dans le cer- veau, une forte commotion du système nerveux ; la privation d'air, les gaz délétères, etc. Quoiqu’on ne puisse pas douter que tout chan- gement dans la constitution ne corresponde à un changement dans l’état des organes , le sommeil dont nous parlons ne suppose pas nécessairement une altération sensible des organes , comme celles qui font l’objet de l'anatomie pathologique : s'cè que j'ai dit ailleurs à l’occasion des animaux hybernans en est une preuve suflisante. Des considérations déduites des faits rapportés dans cet ouvrage m'ont fait admettre que le sommeil léthargique pouvait avoir lieu chez l’homme. Je n’entreprendrai pas de rapporter les obser- vations consignées dans les annales de la méde- cine à l'appui de ce que j'avance; on les a sou- vent regardées comme fabuleuses , moins parce qu’elles n'étaient pas revêtues d’un caractère au- æ 476 QUATRIÈME PARTIE. thentique que parce qu’on ne concevait pas le phénomène, et qu’il répugnait aux idées qu’on s’est formées de la constitution de l’homme. Non- seulement les considérations précédentes m'ont convaincu que , dans les récits de cette espèce, :l devait y en avoir de vrais, mais encore, un cas qui est venu à ma connaissance aurait sufhi pour ne m en laisser aucun doute. Il ajouterait peu aux faits que . d’autres ont rapportés; il me suffit d’avoir mon- tré que si le phénomène est rare chez l'homme, il n’est pas hors des combinaisons de sa nature. $ IL. Nous avons indiqué un autre ordre de phé- noménes qu'on observe chez des animaux à sang chaud dont la production de chaleur est faible. Nous avons vu que dans les premiers temps de la vie cette constitution est commune à tous ; qu'ils different entr’eux par le degré d’énergie de cette faculté, de manière à former deux groupes da ns chaque classe des vertébrés à sang chaud. Ceux qui produisent le moins de chaleur se trouvent ordinairement dans des conditions ex- térieures qui y suppléent et qui entretiennent leur santé; mais dès qu'on les y soustrait, 115 présentent celte série de symplômes; un sen- timent vif de froid ou un abaissement appréciable de la température du corps , avec une accélération de la circulation et de la respiration. Nous avons prouvé que ces symptômes proviennent de ce qu'ils ne produisent pas assez de chaleur , et que la température extérieure ne supplée pas à ce dé- CHAPITRE XVII. 477 faut, quoiqu'ils soient exposés à l'air chaud de l'été ou du printemps. Le froid et le tremblement dont ils sont saisis, malgré la chaleur de la saison , le mouvement ac céléré de leur respiration et de la circulation , présentent une image si vive de l'accès en froid d'une fièvre intermittente, qu’on est conduit à ad- mettre une liaison entre ces deux ordres de phé- uomènes. En effet, nous savons que ces jeunes animaux présentent ces symptômes parce que leur faculté de produire de la chaleur est faible : or , si cette faculté chez l'homme venait à décroi- tre dans une proportion suflisante, il est tout na- turel qu'il en puisse résulter les mêmes phéno- mènes principaux. Il s’agit maintenant de savoir si cette fonction chez l’homme est réellement alté- rée de cette manière dans l'accès froid. D'abord le sentiment vif de froid qu'il éprouve est une forte présomption en faveur de cette opinion, quelle que soit d’ailleurs la température de son corps , phénomène que nous examinerons ensuite. Mais il est des faits qui le prouvent jusqu’à l’évi- dence, Si, dans cet état, on soumet le malade à une affusion froide, on produit un tel refroi- dissement qu'on peut le mettre, suivant l’mten- sité de l'accès , en danger de mourir. C’est ce qu'a observé le docteur Currie, à qui nous devons des expériences très-intéressantes sur l'usage des affu- sions froides, et qui prévient les médecins contre l'imprudence de pareilles tentatives. Remarquons 475 QUATRIÈME PARTIE. que l'exposition à une iempérature relativement basse, ou l'application du froid est précisément le moyen que nous avons employé dans le cours de cet ouvrage pour juger de la faculté de pro- duire la chaleur chez divers animaux , et que nous devons tirer la même conclusion de l'emploi de ce moyen dans le cas actuel. Passons maintenant à la considération de la température du corps. La respiration et la circu- lation n’ont plus leur rhythme habituel; les mou- vemens en sont plus précipités. J’ai consigné, dans le dixième chapitre de la quatrième partie, les recherches que j'ai faites pour déterminer l'effet de cesmouvemens accélérés au-delà du type de la santé sur la tempéraiure du corps. Nous y voyons que ces efforts extraordinaires tendent plus ou moins à rétablir la chaleur du corps, suivant que les moyens employés par l'animal, dans l’état de santé, pour produire de la chaleur sont plus ou moins faibles ; qu’il résulte de ces efforts extraordi- naires des états différens de latempérature du corps ; qu'elle peut baisser ou rester stationnaire, ou s'élever au-dessus du point de départ. Nous prendrons les cas favorables, ceux où l'accélération de la respiration et de la circulation reproduit assez de chaleur. Si les mouvemens qui l'ont développée n’ont pas été trop désordon- nés, 1] viendra un temps où ils cesseront, par cela même que la cause qui les avait fait naître ne subsiste plus, de même que nous faisons cesser Île GHAPITRE XVII. 479 même appareil de symptômes chez les jeunes ani- maux qui nous ont servi d'exemples en leur four- nissant une chaleur convenable; car la chaleur extérieure supplée, dans un grand nombre de cas, ainsi que nous l’avons fait voir précédemment, au défaut de production de chaleur: On pourrait croire que la cessation de l'accès dont nous avons parlé ne devrait être que momen- tané, et qu’elle ne. peut se prolonger au-delà du temps qu’il faut pour que la chaleur se dissipe ; mais nous avons fait voir, au chapitre 111, 4° partie, que l'application de la chaleur dans les cas où l’économie n’en développe pas assez, pro- duit des effets qui se prolongent plus ou moins au-delà du temps de cetteapplication, en augmen- tant la faculté de produire la chaleur par les moyens ordinaires à la santé; distinction extré- mement importante; car l’énergie de ces moyens ne se mesure pas, dans ce dernier cas , par l’acti- vité plus ou moins grande des mouvemens de la respiration et de la circulation , comme nous l’a- vons fait voir précédemment. Îl y aura donc une intermission plus ou moins longue, suivant le degré auquel la faculté de pro- duire de la chaleur aura été lésée. Les cas extrêmes de cette intermission se trou- vent, d’une part, dans le rétablissement de la santé par un seul accès ; d’autre part, dans les fièvres intermittentes algides , décrites par Torti, où cette faculté est tellement lésée , que le malade 480 QUATRIÈME PARTIE. meurt dans la période de froid, au bout de deux où trois accès, Si l’on n’emploie pas les moyens convenables. $ LL. Puisque l'application de la chaleur exté- rieure tend à ranimer la faculté de la produire, on pourra substituer ce moyen aux efforts extraor- dinaires de l’économie, qui tendent au même but. On pourra le faire, soit pour les prévenir, soit pour en diminuer la durée. Ce moyen aura plus ou moins de succès , sui- vant la mesure et le mode d'application et la gra- vité du cas. On en verra un exemple frappant dans l'emploi du bain de vapeur par M. Chomel, pour un cas de fièvre intermittente. (/Vowv. Journ. de Médecine, t. x, p. 270.) Ce mode d’applica- tion de la chaleur a un avantage remarquable sur plusieurs autres, qu’on saisira facilement en se rappelant les faits exposés chapitre vur , 4 partie. Comparons , par exemple, les effeis d’un bain liquide et ceux d’un bain de vapeur, portés l’un et l’autre à une haute température. On supportera d'autant mieux la chaleur que lon trouvera plus de ressource dans l'action vivifiante de Fair. Dans le bain liquide, laction de l’air est supprimée sur presque toute l'étendue de la peau ; dans le bain de vapeur , au contraire, elle est en rapport avec toute sa surface ; de sorte que, toutes choses égales d’ailleurs, on supporte beaucoup plus long-temps la chaleur de la vapeur que celle de l'eau. | à CHAPITRE XVIT, AS En général , quelle que soit la température de l’eau liquide, un des effets du bain résulte de la diminution des rapports de l'air avec l’économie : aussi y a-t-il beaucoup de personnes qui éprou- vent une gêne dans la respiration qui dépend es- sentiellement de cette cause. Il en est de même de J'affaislissement qui résulte d’un séjour prolongé dans l’eau , et l’on concoit que ces effets varieront chez les divers individus, suivant que la respira- üon pulmonaire aura plus ou moins d’étendue. ( Voyez chapitre 1v, $ 11, 1" partie. ) Je rai parlé de lapplication de la chaleur comme moyen curatif, dans les fièvres intermit- tentes , que parce qu’elle dérive de la connaissance des faits constatés dans le cours de cet ouvrage. Les autres moyens qui réussissent d’une manière plus générale et plus sûre appartiennent à un autre ordre de recherches ; ils sont cependant Rés à celles-ci par un principe commun, et nous nous en occuperons peut-être un jour. I nous suffit d’avoir indiqué la connexion de ces phénomènes de chaleur animale ; nous n’ajouterons qu'une seule observation relative aux conditions extérieures qui modifient la constitution de ma- nière à amener le développement des symptômes fébriles qui nous occupent. S IV. Dans nos recherches sur le refroidissement dans l'air sec et l'air humide (chap. xiv, S v, 4° parte), nous avons vu que ces deux modes de refroidissement étaient différens ; mais qu'ils Ad JL 482 QUATRIÈME PARTIE. tendaient , dans un grand nombre de cas , à pro. duire le même effet physique , c’est - à - dire, le même abaissement de la température du corps. Il est évident que le refroidissement dans l'air sec est produit par une plus grande évaporation ; mais le mode de refroidissement dans l'air hu- mide n’est pas aussi manifeste. Nous avons observé que les physiciens n'avaient pas déterminé les quantités relatives de chaleur enlevées au contact par l’air sec et par la vapeur aqueuse; mais quel que soit le résultat de pareilles recherches , il ne fouynira pas tous les élémens nécessaires pour expliquer le mode de refroidissement des ani- maux dans l'air humide; car, en supposant que l'on constate que la vapeur aqueuse enlève au contact plus de chaleur que l'air sec, on conce- vra , à la vérité, que ce mode de refroidissement physique puisse équivaloir , dans un grand nom- bre de cas, à celui qui résulte d’une plus grande évaporation dans l’air sec ; mais l'observation du refroidissement dans l'un et l’autre cas fait voir qu'il y a un autre élément. Dans les expériences citées plus haut, lorsque l'abaissement de la tem- pérature du corps était le même de part et d’au- tre, ou même plus grand dans l'air sec, les ani- maux me paraissaient souffrir davantage dans l'air humide : j’en jugeais par le tremblement et l’ac- célération de la respiration. Je sais que de pa- reils signes ne fournissent pas des moyens ri- goureux d'appréciation ; mais ces indices m'ont CHAPITRE X WT: 483 porté depuis long-temps à donner une attention particulière aux sensations respectives que l'air sec et l’air humide produisaient sur moi-même et sur d’autres par un temps froid. L’air humide, à température égale ou supé- rieure, produit une sensation spéciale de froid qui diffère, non par son intensité, mais par sa nature. Elle est aussi plus profonde; elle paraît pénétrer toute l’économie , et dispose particuliè- rement à la pâleur et au tremblement. A ces ca- ractères, je n’ai pu méconnaître un genre de re- froidissement qui consiste dans la diminution de la faculté de produire de la chaleur. Dans l'air sec, au contraire, on éprouve une sensation qu'on appelle froid vif, et qui désigne plutôt la nature que le degré de la sensation ; de plus, elle est superficielle, et lorsque l'abaissement de la température n’est pas trop grand, on éprouve un surcroit d'activité ; la peau rougit; et dans les cas extrêmes, les membres tendent à se roidir, au lieu de céder à ces mouvemens irréguliers et involontaires qui constituent le tremblement. On voit, par cette comparaison et par ce que nous avons exposé plus haut , que le froid humide doit tendre à produire , chez les individus dont la faculté de développer la chaleur est peu énergi- que , la série detmouvemens qui constitue laccès d’une fièvre intermittente , surtout s'ils sont expo- sés à cette influence pendant leur sommeil. ( Voyez ci-dessus, p. 474.) On en trouvera la con- 484 QUATRIÈME PARTIE. firmation dans l'étude de la topographie médicale Si, dans un grand nombre de cas, on rapporte ces fièvres aux émanations des marécages , pendant la belle saison , il en est d’autres où elles surviennent dans des lieux et dans des saisons où règne la con- stitution atmosphérique dont nous avons parlé. Je ne fais pas un traité sur cette matière. Je compare les phénomènes que nous avons consta- tés par l'expérience, et que l’on peut reproduire à volonté, avec ceux que nous fournit l’observa- tion de la nature; je remarque ce qu'ils ont de commun ; mais je n'entre pas dans toutes les mo- difications que ces deux ordres de faits présentent. $ V. Il en est de même de l’acclimatement , ou des effets que le changement de climat pro- duit sur la constitution. On trouvera des élémens relatifs à ce sujet dans le chapitre qui traite de l'influence des saisons sur la production de chaleur (chapitre v, 4° partie ). Puisqu'il y a sous ce rapport une constitution d'été et une constitution d'hiver, nous compa- rerons la première à celle des habitans des cli- mats chauds, et la seconde à celle des habitans des climats froids ; mais il y aura cette différence que la modification qui caractérise la constitu- tion d'été dans notre climat sera beaucoup plus marquée dans les climats chauds, Nous avons fait voir qu’elle consiste ici, chez les individus dont le tempérament est approprié au climat , en une diminution de la faculté de pro- CHAPITRE XÇIr. 485 duire de la chaleur en été, et un accroissement à cet égard en hiver; d’où nous conclurons que cette faculté sera moins énergique chez les ha- bitans des climats chauds que chez ceux des pays froids ; et, par cela même, lorsqu'ils chan- gent de climat, ils doivent être, en général, moins en état de supporter Je froid que les na- turels du pays. Si l’on en jugeaituniquement par leurs sensations, on serait souvent induit en erreur. Beaucoup d’indi- vidus venant de climats chauds sont d’abord moins sensibles au froid que les personnes du pays : c'est ce que l’on pourra concevoir par l’expérience sui- vante. Si en hiver , dans une chambre d’une cha- leur modérée, on tient quelque temps une main dans de l’eau glacée, et qu’on l’essuie après Pa- voir retirée, la sensation de froid se dissipe peu à peu; un sentiment de chaleur y succède, et ce sentiment peut être si vif, qu'on croie cette main plus chaude que l’autre. Mais cette illusion se dis- sipe lorsqu'on les applique l’une contre l’autre : elle parait alors plus froide au toucher. Elle l’est réel- lement , comme on peut s’en assurer par le ther- mometre. C’est que la chaleur de la main qui avait été refroidie renaît promptement ; et cet accrois- sement rapide dans le développement de la ch:- leur est accompagné d’une sensation comparable à celle que l’on éprouve lorsque ce développe- ment est stationnaire avec une plus grande pro- duction de chaleur, 486 QUATRIÈME PARTIE. Les naturels des pays chauds, qui sont les plus aptes à s’acclimater dans les régions froides, éprouvent un accroissement rapide de la faculié de développer de la chaleur ; et la sensation cor- respondante dont nous venons de parler les rendra moins sensibles à l'impression du froid. Au reste, cet état, ne dure pas long-temps ; il diminue progressivement et ne s’étend guère au- delà de deux hivers. Mais ceux dont la constitu- tion ne se prête pas à un changement de cette espèce , ou qui ne l’éprouvent pas à un degré suf- fisant , seront exposés à tous les inconvéniens et à tous les dangers qui résultent de l’action d'une température trop froide , s’ils ne prennent pas les moyens nécessaires pour s’en garantir. D'autre part, les naturels des pays froids, s'ils continuaient à produire la quantité de chaleur appropriée à leur climat lorsqu'ils vont habiter les régions équinoxiales, auraient un surcroit de chaleur qui pourrait leur être nuisible. La haute température. de ce nouveau climat, ainsi que sa durée, tend bien, comme nous l'avons fait voir précédemment , à diminuer l’activité avec laquelle la chaleur se produit ; mais la mesure de cette ac- tion n'est pas toujours en rapport avec les besoins de l’économie ; elle est souvent trop forte ou trop faible, suivant la nature des constitutions. $ VI. Ils trouvent, à la vérité, dans l’aug- mentation de l’évaporation par les plus grandes chaleurs, si l'air n’est pas trop humide ; une cause CHAPITRE XVII. 487 quien tempère les effets, mais dont on a exagéré l'influence, quand on a supposé qu'elle pouvait opérer une compensation exacte. C’est ainsi que l'on a expliqué l'égalité réelle ou présumée de la température du corps de l’homme et des animaux à sang chaud dans les saisons op- posées de l'été et de l'hiver. On peut concevoir des conditions d’évapora- ton qui balancent de certaines élévations de tem- pératures; mais il s’agit de savoir si elles ont ordinairement lieu chez l’homme. L'évaporation, toutes choses égales d’ailleurs , est en raison de la surface considérée sousles rapports de son étendue, et de sa relation avec la masse. L'eau contenue dans les vases et celle des rivières et des mers sont ordinairement au-dessous de la températurede l'air par l’évaporation qui leur entève de la chaleur; et quoique la différence de chaleur entre les deux mi- lieux dépendante de l'évaporation soit plus grande en été qu’en hiver, elle est toujours légère dans les limites de température des saisons et des variations hygrométriques de l'air. Mais, comme les animaux présentent une surface relativement plus grande , leur corps est mieux disposé pour lévaporation. Hs sont , à cet égard, plus comparables à des corps inanimés , dont toute la surface fournirait de la vapeur. Si, par exemple, on imbibe d'eau une éponge de manière à la saturer, et qu’on l’exa- mine dans les limites de température ordinaire aux saisons, elle varie considérablement sous cc 488 QUATRIÈME: PARTIE, rapport avec la chaleur de l'air, et n’en diffère que d’un petit nombre de degrés. Si maintenant on veut savoir ce qui se passe chez les animaux, nous choisirons l’espèce qui convient le mieux à ce genre d'observation. Il n’y en a pas qui perdent plus parévap ora- tion que les grenouilles, et, comme leur produc- tion de chaleur est extrêmement faible , nous en ferons abstraction. Malgré la différence de leurs pertes par évaporation en été et en hiver, leur température suit de bien près les variations de celle de Fair. A plus forte raison, l’évaporation , moins active chez les autres animaux , ne saurait compenser l'élévation de la température exté- rieur Il s'ensuit que l’égalité de la température des animaux à sang chaud en été et en hiver, en supposant le fait avéré, n’est pas maintenue par l’évaporation. La cause qui contribue avec celle-ci à rendre leur chaleur constante ou peu variable dans les vicissitudes des saisons, a été examinéé ailleurs. ( ’oy. p. 253, etc. ) $ VIT Nous voici conduits à une question que je n’ai pas encore traitée , savoir , si réelle- ment la température de l’homme et celle des ani- maux à sang chaud ne varient pas suivant les sai- sons. : On avait généralement cru, jusqu'à l’époque où je m'occupais de ces recherches, qu’elle était constante dans l’état de santé et dans les cir- constances ordinaires, malgré les chaleurs de CHAPITRE XVII. 489 ’été et les froids de l'hiver. Pour m'en éclaircir, j'ai fait une suite d'observations sur la tempéra- ture des bruans et des moineaux, dans le cours d’une année. Elles ont été faites sur un grand nombre d'individus récemment pris , à différentes époques ; ce qui est préférable à des observations sur des individus tenus dans une longue captivité. J'ai reconnu que les moyennes de leur température s’élevaient progressivement du cœur de l'hiver au fort de l’été dans les limites de deux ou trois degrés centigrades. Les observations sur les moi- neaux nvont donné la plus grande différence. La moyenne, pour ceux que j'ai examinés, était, au mois de février , de 40°,8 cent. ; en avril, de 42° ; en juillet , de 45°,77. J'ai suivi ensuite la marche inverse dans le déclin de l’année. J'ai iugé par à que l’homme éprouverait aussi des variations de température sous l'influence des saisons et du changement de climat, sinon dans la même étendue, du moins dans des limites appré- ciables. Je pensais que M. J. Davy, qui s'était beaucoup occupé de la chaleur animale avant son départ pour l'ile de Ceylan, ne négligerait pas l’occasion de comparer la température de l'homme dans les deux climats. Il m'apprit, à son retour , qu'elle était plus élevée chez les habitans de Cey- lan , soit indigènes, soit étrangers , d’un ou deux degrés de Fareinheit, et qu’il avait observé un pareil changement chez les mêmes individus avant Ieur départ et après leur arrivée. 490 QUATRIÈME PARTIE, $ VIIL. L'accroissement de température dont l'homme est susceptible dans l'état de maladie, sans qu’il provienne de la chaleur ambiante, est beaucoup plus considérable. Le docteur Prevost, de Genève, qu'il suffit de nommer pour qu’on ne puisse pas douter de l’exactitude de l'observation, m'a communiqué le fait le plus remarquable de cette nature, Un de ses malades, un garçon de douze ans, était affecté de tétanos avec un déve- loppement extraordinaire de chaleur. Il voulut le déterminer, en placant un thermomètre à lais- selle ; il le trouva de 55° R., ce qui équivaut à 45°,75 centig. En supposant que la température primitive de l’enfant fût 36°,756, ce qui est au- dessus de la moyenne de cet âge, elle se sera élevée de 7° cent. SIX.. On sait de quelle importance il doit être de modérer l’excès de la chaleur , non-seulement dans ce cas extrême, mais dans d’autres où elle est moins forte, soit qu’elle vienne du dehors, soit qu’elle naisse à l’intérieur. Il est des circonstances où la chaleur s’accroit par un#effort salutaire de la nature, et nous en avons donné plus haut des exemples. Alors même ces efforts sont souvent dé- sordonnés, et l’art doit intervenir pour les modé- rer, et, Ce qui vaut mieux encore, pour les préve- nir lorsqu'il en a la puissance. Souvent le travail extraordinaire , qui augmente la chaleur, n’a pas cette heureuse tendance, et la nécessité de la ré- primer devient plus manifeste. CHAPITRE XVII. 49 Le moyen le plus énergique de ceux que four= nissent les agens extérieurs consiste dans l’appli= cation de l’eau en masse, à une température con- venable. IL est évident d’abord qu’elle tend, par une action physique , à réduire la température du corps. Il est vrai que l'emploi n’en saurait être pro- longé ; mais quand même on n’obtiendrait qu'une réduction passagère, ce répit serait déjà fort avanta- geux ; et la répétition du moyen, ménagé suivant l'exigence du cas , multplierait les intervalles ; maisil produitun autre effet que nous avons exposé ailleurs. Le froid, quelle qu’en soit la nature, s'il est assez vif, tend à amortir l’activité avec laquelle la chaleur se développe, et le froid humide est , de tous les moyens extérieurs de réfrigération, le plus propre à amener ce changement. C'est ce qui sert à expliquer l'avantage qu’on a souvent retiré de l'emploi de l’eau froide , sous les formes variées de bains, de douches ou d’affusions, dans des cas où le développement de la chaleur était extraordinaire. Il y a sans doute d’autres con- sidérations qui doivent en diriger et en limiter l'usage ; mais je me borne àle considérer dans ses rapports généraux avec mon sujet. $S X. Lorsqu'on ne juge pas à propos d'y avoir recours, les autres moyens extérieurs de réfrigéra- tion, s'ils ont un effet moins prompt et moins. énergique, compensent en quelque sorte ce dé- faut par la durée de leur emploi. Ainsi , Fhumec- lation légère de diverses parties du corps, quoi- 492 QUATRIÈME PARTIE. q''on les essuie immédiatement , et quelle que soit la température de l’eau , pourvu que la cha- leur n’en soit pas excessive, produit à la surface qui est imbibée une évaporation plus abondante, d’où résulte un rafraichissement salutaire que l’on peut prolonger indéfiniment. $ XI. Quand on a soin d’entretenir dans un ap- partement une ventilation convenable, cette mé- thode de réfrigération ne dépend pas seulement de la quantité de chaleur enlevée au contact , mais aussi de l'augmentation de l’évaporation. Peu de résultats d'expériences m'ont plus frappé que la différence de transpiration par évaporation dans un air calme et dans un air légèrement agité, que j'ai observée sur les animaux les plus pro- pres à manifester ces effets. (J’oyez surtout page 91, et tab. 8 et 0.) $ XIL. Si la transpiration par évaporation pro- duit un refroidissement salutaire, elle produit aussi d’autres effets qui peuvent, suivant leur mesure, être très-nuisibles dans une foule de cas. Nous avons vu, dans les expériences sur les poissons , que la transpiration des ouïes et de la peau pouvait dessécher l’un ou l’autre organe, quoi- que le corps ne perdit pas de son poids, à cause de l'absorption de l’eau mise en contact avec l’autre surface. (Chap. m1, $ v, 2° partie.) L'intensité de cet effet, capable de causer la mort de ces animaux, a porté mon attention sur les circonstances où une forte évaporation à la sur- CHAPITRE XVII. 493 face des poumons ou de la peau, serait nuisible à l’homme. Une des situations où la transpiration par éva- poration est considérablementaugmentéese trouve dans les hautes régions de l'air, sur les montagnes élevées. Beaucoup de personnes y éprouvent une gène et une anxiété à la poitrine qu’elles rappor- tent uniquement à la raréfaction de l’air qui borne l'étendue de la respiration. Cette cause peut avoir sa part dans les effets ; mais l’autre, que nous ve- nons d'indiquer, agit d’une manière plus étendue et plus générale. Voyons comment nous distinguerons leur in- fluence respective. La raréfaction de l’air sur les hauteurs est accompagnée, dans le beau temps, d’une grande sécheresse ; de là une telle augmen- tation de la transpiration par évaporation, non- seulement à la peau, mais aussi aux poumons, que la perte d’eau soufferte par cet organe sera telle, chez un grand nombre d'individus, qu’ils éprou- veront à la poitrine une gène correspondante au desséchement. Si, comme il arrive souvent sur les montagnes, le temps vient à changer promptement en char- geant l'air d'humidité , l’évaporation devient mo- dérée, et la gêne diminue ou cesse entièrement ; s'il en subsiste encore, elle est due à la raréfac- tion de l'air. L'effet de l’évaporation se fait sentir le premier, et celui qui est dû au défaut d’air par la raréfaction de ce fluide vient long-temps après ; 494% QUATRIÈME PARTIE: il faut mêe une bien plus grande hauteur pour la produire qu’on ne serait porté à Le croire, lors= qu’on confond les deux sensations. | | La soif est un symptôme qui accompagne l’as- cension des montagnes; elle est quelquefois in- tense, sans qu'on puisse l’attribuer à la fatigue de l'exercice. On ne la satisfait que momentanément ; même par une boisson abondante et souvent ré- pétce. Mais si ce mème air se charge d'humidité, la soif disparaît en même temps. Voici un exemple absolument analogue à celui que nous avons rap- porté ailleurs d’un desséchement partiel, quoi- qu'on fournisse au corps une quantité suffisante d’eau pour qu'il ne perde pas de son poids total ; effet qui est dû à ce que la distribution du hquide aux différentes parties ne se fait pas en proportion suffisante pour réparer les pertes de l’organe. II est évident que les individus seront diversement affectés par la même cause, suivant l’état relatif de leurs poumons, de manière à offrir une grande étendue de variations; les uns n’éprouvant pas d’effet sensible, les autres de l'oppression et de” l'angoisse. S XIIL. Il y a aussi de grandes différences dans les effets dus à la raréfaction de l'air , suivant les constitutions. On en distingue les symptômes de ceux de l’évaporation , en plaçant les animaux dans des conditions où l'influence de cette perte peut être négligée, comme dans un grand récipient sur CHAPITRE XVII. 495 la machine pneumatique : en faisant promptement le vide, la raréfaction agit sur la respiration avant que l’évaporation ou l’altération des proportions de l'air produise des effets sensibles. On y voit alors la faiblesse du corps , l'accélération de la res- piration qui entraine celle de la circulation. Ces : symptômes ne sont pas compliqués dans ce cas, comme dans l'ascension des montagnes, de ceux qui proviennent d’une fatigue excessive et d’autres causes. | Il s’agit maintenant de déterminer si ces sym- ptômes sont réellement dus à la raréfaction de l'air qui borne la respiration. On ne saurait raré- fier ce fluide dans la machine pneumatique sans diminuer son élasticité, ce qui équivaut à une di- minution de pression , et les phénomènes que présentent les animaux pourront provenir de l’une ou l’autre cause, ou de la réunion des deux. Supposons d’abord que chacune ait ses phéno- mènes propres, et voyons ce qui résulte de la res- piration bornée dans les cas où la diminution de pression est nulle. Si l’on met un animal à sang chaud dans une quantité limitée d’air , soit qu’on y laisse l’acide carbonique qu’il produit, soit qu'on absorbe en ayant soin d’entretenir sensiblement la même pression, on observe les mêmes effets généraux que nous avons rapportés à la raréfac- tion de l'air. Or, comme ces divers moyens agis- sent en bornant la respiration , les effets com- muns doivent être attribués à cette cause. Quand / / / / | 456 QUATRIÈME PARTIE. méme la diminution de pression agirait dans le même sens, toujours est — il vrai de dire que le genre de phénomènes que nous avons décrits se rapporte à la raréfaction de Pair : seulement leur intensité serait accrue par le concours d’une autre cause. Il est un symptôme lié avec la respiration bor- née par la raréfaction de l'air qui ne me paraît pas avoir attiré l'attention, ou avoir été envisagé sous ce point de vue : il s’agit de la disposition au vomissement. Pour en juger , il convient de choi- sir des animaux à sang chaud, chez qui le vomis- sement est déterminé avec le plus de facilité : tels sont les oiseaux de petites espèces, comme les bruans , les. moineaux , les pinçons , etc. La ra- réfaction de l’air., portée assez loin, produit cet effet sur un grand nombre d'individus, et ce qui prouve qu'il se rapporte à la respiration bornée, c’est qu'ila lieu de quelque manière qu’on limite l'étendue de cette fonction par d’autres modifica- tions de l'air. Il est facile maintenant de rapporter à leur cause respective plusieurs phénomènes que l'on a observés chez l'homme lorsqu'il s’est élevé à de grandes hauteurs, soit sur des montagnes, soit dans des ballons. Si la disposition au vomissement a été peu observée dans ces circonstances , il est des personnes qui l'ont éprouvée, et j'ai été con- vaincu par leur récit qu’elle tenait'à la même con- dition qui se développe chez les animaux que nous CHAPITRE XVII 497 àvons soumis à l'expérience. Je l'ai indiquée , non pour ajouter au nombre des symptômes qui peu- vent se manifester dans ce cas, mais pour la rat- tacher à un grand nombre d’autres où la respi- ration est bornée par d’autres procédés, comme dans les engorgemens des poumons aigus ou chro- niques, où la disposition au vomissement et le vomissement même est souvent un symptôme qui dérive de la diminution des rapports de l’économie avec l'air. S XIV. Les espèces et les individus varient beau- coup dans la faculté de supporter la respiration bornée. Les limites auxquelles la raréfaction de l'air peut être portée sans gêner sensiblement la respiration d’un grand nombre d'animaux et d'hommes est vraiment surprenante ; mais les limites où la raréfaction extrême produit des effets presqu'aussi prompts que ceux de la privation abso- lue de ce fluide sontassez rapprochées pour qu’elles admettent peu de différences à cet égard chez les animaux à sang chaud. La pression à laquelle les bruants que j'ai soumis à l'expérience étaient près d’étouffer correspond, en prenant la moyenne, à 15°%%%,5, et la moyenne pour les cochons d'Inde ào"%%,1. Je cite les espèces qui m'ont présenté les résultats extrêmes. Au reste, la compa- vaison ne peut être bien établie entr’elles qu'en multipliant beaucoup les résultats individuels , sans parler des précautions spéciales qu'exige ce genre d'expériences. | "7 92 498 QUATRIÈME PARTIE. La connaissance des conditions qui étendent ot limitent la faculté de supporter une respiration bornée est une de celles qui fourniraient les ap- plications les plus utiles à la pathologie. Déjà nous avons touché ce sujet, et, conduits par d’autres considérations , nous y reviendrons vers la fin de ce chapitre; mais la matière que nous traitons ac- tuellement est déjà assez compliquée pour que nous évitions d'entrer dans de nouvelles diffi- cultés. Nous avons vu comment dans les hautes régions de l'air, l'évaporation par les poumons et la raré- faction de l'air influent sur l’économie animale; il faudrait y ajouter les effets propres à la diminu- ton de pression ; mais je ne les ai pas suffisamment appréciés. & XV. On peut observer ailleurs que dans Îles régions élevées des faits relatifs à une trop forte évaporation par les poumons. En hiver, lorsque, par un froid très-vif, on chauffe un appartement au moyen d’un poële, bien des personnes éprouvent une sensation pénible à la poitrine. L'air, dans un iempsde gelée, contient à peine de vapeur aqueuse, et la chaleur du poële élevant la température de la masse de l'air augmente sa capacité de satura- tion pour la vapeur ; de sorte qu'à température égale, la quantité de liquide qui se dissipe par évaporation est beaucoup plus grande dans cette circonstance qu’en été. Le moyen qu'on emploie ordinairement pour diminuer ou faire cesser la CHAPITRE XVII: 499 Sène que j'ai indiquée plus haut, est antérieur à la connaissance des principes qui servent à expli- quer la manière dont il opère; car la détérmina- tion des lois relatives aux vapeurs est une décou- verte que nous devons aux physiciens actuels, et c’est un ancien usage de placer sur le poële un vase contenant de l’eau, afin de remédier au mal- aise dont nous avons parlé; mais ce remède est ordinairement insuflisant , par une application in- complète des principes sur lesquels son utilité se fonde, les uns dérivés de la physique, les autres le la physiologie. Il faudrait produire une vapo- risation plus abondante pour ramener l'air au de- gré d’humidité qui convient à la constitution des individus. Dans la situation que je viens d'indiquer, je suppose la chaleur modérée, et j’observerai que ; même alors, cette chaleur peut paraître excessive ; parce qu'on lui attribue le malaise qui provient de la cause que je viens d'exposer, et que j’exa- mine seule pour ne pas perdre mon sujet de vue: De même, dans des régions arides, on rapporte à la chaleur delair et du vent des effets qui provien- nent en grande partie de l’évaporation causée par la sécheresse de Fatmosphère. Le docteur Knox ; qui a voyagé dans lintérieur de l'Afrique, au nord du cap de Bonne-Espérance, m'a rapporté des faits qui justifient cette: opinion , et il est à désirer que ce bon observateur veuille bien les publier. pp'i 500 QUATRIÈME PARTIE. . $ XVI. On sait .que dans un air agité dont l’hu- midité n’est pas extrême, l’évaporation, considé- rée d’une manière générale, peut être aussi grande que dans un air sec et calme; mais, en supposant deux conditions de l’atmosphère où les effets du mouvement compenseraient ceux de la sécheresse, leur influence sur la transpiration par évaporation ne serait plus la même. Le mouvement de l'air n’agit bien que sur les surfaces exposées aux cou- rans, comme les tégumens du corps : celles des poumons sont abritées , et malgré leur communi- cation au dehors, l'agitation de l'air a peu de part dans la quantité de vapeur qu’elles fournis- sent. Cette considération servira à déterminer le choix des lieux convenables à l’habitation des per- sonnes dont la santé est délicate. Celles à qui l'augmentation de l’évaporation par les poumons est nuisible doivent préférer un air moins sec, mais lésèrement agité, dans les cas où il est im- portant de produire une fraicheur agréable. S XVII. Dans une foule de maladies aiguës, la peau et une partie des voies aériennes se dessè- chent manifestement. Or, d’après les effets funestes que nous pouvons produire sur les animaux par le dessèchement de l’un ou l’autre organe, je crois qu’on sentira vivement la nécessité d’y remédier autant que possible. Nous avons vu combien la boisson est insuflisante ; l’inhalation de la vapeur aqueuse , à laquelle on a quelquefois recours , ne produit qu'un soulagement passagef}, et, dans CHAPITRE XVI. 50z bien des cas, Pemploi en est impossible. Si l'on rendait humide l’atmosphère du malade en entre- tenant près de lui une vaporisation d’eau conve- mablement ménagée, 1l respirerait continuelle- ment, et sans effort, une vapeur qui non-seule- ment arrêterait le dessèchement des organes res- piratoires, mais qui tendrait aussi à faire cesser cet état par absorption dont cette vapeur est sus- ceptible. ( Chap. xx, 4° partie. } Il faut des moyens plus actifs à la peau, lim biber d’eau liquide dans une étendue plus ou moins grande, et essuyer ensuite la surface ; précaution en général nécessaire pour procurer au malade par le contact immédiat l'avantage de Paction vi- vifiante propre à la constitution de l'air atmosphé- rique, ou, en d’autres termes, de la respiration cutanée. De tels soins donnés avec assiduîte et dis- cernement contribueraient à diminuer la morta- lité dans ce genre de maladies. S XVII. Il est des considérations relatives aux moyens de diminuer la mortalité dans d’autres cas, etdont l'application est plus générale. Elles dérivent des faits que nous avons exposés touchant les mo- difications des constitutions à différentes époques de Ja vie, dans leurs rapports avec la faculté de produire de la chaleur, et l'influence de la tem- pérature extérieure. Je me suis borné à déterminer ces rapports ; mais l'étendue de cette partie de mon travail montre le motif qui m'a porté à donner à ce sujet une attention particulière. Les faits que 502 QUATRIÈME PARTIE. j'ai exposés pourront prémunir contre les idées erronées, sur la, chaleur des enfans, et suggérer les soins qu'ils exigent à. cet égard dans les cli- mats, et les saisons peu favorables. à la conserva- tion de leur existence. Si de pareils soins étaient perfectionnés et gé- néralement employés, on réduirait considérable- ment une des.causes les plus puissantes de mor- talité à cet âge dans notre climat. Elle ne se borne pas, aux,enfans que la misère, de leurs parens ne saurait soustraire à la rigueur du froid; circon- stance où la cause de mort est manifeste et iné- vitable ,.si l’on ne vient pas à leur secours; mais elle règne dans une plus grande étendue, sans être aperçue ni soupconnée, dans des familles qui jouissent de l’aisance, et où l’on croit prendre les: précautions nécessaires pour-assurer la santé des;enfans. parce que le froid étantrelatif, on juge mal par soi-même de son action sur les autres, et que cette action.est.insidieuse, parce qu'elle ne se manifeste pas toujours par des. sensations déter- minées!et wniformes., On me sent pas le froid, et l’on, a,un malaise ou une indisposition qui en provient ; la constitution se, détériore, en passant par. des alternatives de. santé et de maladie; et l’on succombe à l’action d’une cause méconnue. Ce qui contribue. encore. à la rendre; telle, .c'est que les effets nuisibles du froid.ne se manifestent pas toujours pendant ou immédiatement après son ap- plication. Les changemens sont d'abord insensi- CHAPITRE XVIT. 503 bles; ils augmentent par la répétition de limpres- sion ou par sa longue durée; et la constitution s’altère sans qu’on s’en doute. Il est une précaution général qui servirait à pré- venir ces effets, et qu'il suflit d'indiquer sans entrer dans leurs détails et leurs rapports particuliers avec la cause qui les produit : C’est de veiller aux changemens qui peuvent survenir dans la santé au déclin de l’année, ou dans le cours de la saison froide; et pour peu qu’elle soit sujette à se de- ranger, de conserver la chaleur par un vêtement plus chaud. Si ce vêtement est approprié aux be- soins de l'individu, on contribue puissamment à le soustraire aux altérations dépendantes de lin- fluence de la saison; il jouira en même temps de l’avantage de pouvoir être exposé à l'air libre dans des conditions de l'atmosphère qui ne nui- raient pas à la santé. Si l’on se plait à croire que de pareilles précau- tions sont généralement prises, et qu'il n'y ait plus rien à faire pour perfectionner les méthodes propres à garantir l'enfance du danger qui dérive des rapports de sa constitution avec la cause que j examine, on tombera dans une erreur funeste. Les pays où le froid est excessif font tellement sentir aux habitans la nécessité de s’en garantir, que les soins particuliers qu'ils preunent rendent peut-être cetle cause de mortalité moindt@ chez eux qu'elle ne l’est dans des pays tempérés. FL suffit donc de sentir cette nécessité pour qu'on 504 QUATRIÈME PARTIE. trouve des moyens appropriés, J'ose espérer que les faits que j'ai exposés produiront cette im- pression. Ces moyens se rapportent à plusieurs chefs principaux : les soins relatifs, 1°. aux modifica- tions de l'air appropriées à l'économie; 2°. à la conservation de la chaleur naturelle par le vête- ment; 5°. aux changemens à produire dans la constitution de l'individu pour accroître sa faculté de développer de la chaleur, de manière à étendre les limites des variations atmosphériques aux- quelles il peut être exposé sans danger. On est souvent détourné de l'usage des vêtemens chauds, et de l'application extérieure de la cha- leur sous forme de bains, par l'idée, d’ailleurs très-juste, que la chaleur peut amollir et rendre plus sensible au froid. Cette opinion est sans doute fondée sur une expérience très-générale, et je pense que les observations à ce sujet, que j'ai rapportées ailleurs, ne tendent pas à l’af- faiblir ; mais d’autres faits non moins avérés ten- dent à la circonscrire dans de justes limites, ét nous font voir que, lorsque l'économie ne déve- loppe pas assez de chaleur, les moyens que nous venons d'indiquer contribuent à augmenter la fa- culté d’en produire. Quoiqu’on en sente actuellement le besoin, on se réfuse souvent à l'usage des vêtemens chauds parce qu'on veut se réserver cette ressource pour un âge avancé. Mais il arrive souvent que cette pré- CHAPITRE XVI. 504 caution même fait qu’on ne parvient pas à cet âge. On craint l'emploi du bain chaud parce que l’eau affaiblits mais on obvie à cet effet en rédui- sant la durée du bain, et l’on fait ainsi prédomi- ner l'application de la chaleur. $ XIX. Je porterai lattention du lecteur sur un fait d'application qui pourrait lui échapper. On sait combien il est difficile d’élever les enfans qui naissent long-temps avant terme, tels que ceux qui viennent environ au sixième mois de la gros- sesse. En général les soins que l’on emploie pour conserver la chaleur au moyen de vêtemens se- raient insuflisans, comme je m'en suis assuré à l'égard des jeunes animaux qui naissent dans un état aussi peu avancé ; il faut une application ex- térieure d’une chaleur soutenue, jusqu'à ce que le corps ait pris un développement suflisant (Poy. p. 236). Ce que j'ai dit de enfance en gé- néral est applicable à toutes les époques de la vie où la constitution , par une cause quelcon- que, se rapproche de la modification qui nous occupe. Quoiqu’on ait singulièrement perfectionné la condition des hôpitaux, et qu’il soit facile de prou- verqu’ilen est résulté une diminution sensible de la mortalité, un grand nombre d’entre eux sont en- core susceptibles d'améliorations sous le rapport de leur température en hiver. Je ne saurais trop re- commander ce sujet aux administrateurs éclairés qui les dirigent. Je citerai l'hôpital de Saint-Bar- 506 QUATRIÈME PARTIE. * thélemi à Londres comme un exemple des moyens judicieux employés pour concilier cette indication avec les autres qui sont relatives à la salubrité de l'air. $ XX. On est souvent porté à attribuer à des suppressions de transpiration des effets qui ré- sultent principalement de l’action du froid sur l’économie , soit par le degré de la température extérieure, soit par l’évaporation causée par un air sec ou un vent frais; et il arrive même qu'on suppose des suppressions de transpiration dans des cas où elle est réellement augmentée. Nous avons déjà fait voir qu'il n’y avait que la sueur qui pût réellement être supprimée; ce qui cependant n’entraîne pas nécessairement la sup- pression de la transsudation. Elle est alors dimi- nuée au point d’être insensible ; mais elle peut continuer d’avoir lieu. Il n’est cependant pas indifférent à l’économie que la même perte en poids se fasse principale- ment par évaporation ou par transsudation : dans le premier cas , l’eau qui se dissipe est pres- que de l’eau pure; dans le second , la transsuda- tion étant un procédé sécréloire, l’eau emporte avec elle une proportion notable de matière ani- male. Ainsi , à ne considérer que les effets dépendant des proportions des liquides et des solides, la trans- piration par évaporation porte sur la diminution de l’eau en général , et tend au dessèchement par- CHAPITRE XVII Boy tielde quelques organes importans à la vie.La trans- sudation , en même temps qu’elle diminue la masse totale de l’eau , diminue aussi celle des matières ani- males , et au lieu de dessécher l’organe qui en est le siége, elle tend, au contraire, à l'abreuver. De sorte que dans la comparaison des effet de deux pertes égales en poids par lun et par l’autre procédé , on conçoit, lorsqu'elles sont considé- rables , combien plus la sueur doit affaiblir. De même, une absorption d’eau équivalente en poids peut réparer, ou à peu - près, la perte que détermine la transpiration par évaporation ; mais il s’en faut de beaucoup qu'elle remplace celle qu'occasione la sueur. | Ces deux modes de transpiration diffèrent aussi par leur marche. La transpiration par évaporation tend à décroître dans des temps égaux et succes- sifs ; la transsudation ou sueur, déterminée par la chaleur dans les circonstances convenables , tend , au contraire, à l'égalité dans certaines li- mites. Il y a cette autre différence que lorsque les con- ditions physiques qui augmentent la transpiration par évaporation viennent à cesser, ce procédé diminue dans la même proportion. Iln’en est pas demême de la transsudation causée par une chaleur très-élevée. Elle continue dans une très-forte proportion après l'application de la chaleur. On ne se douterait nullement, sans avoir recours à desobservations statiques, de l'étendue ac 508 QUATRIÈMÉ PARTIE. \ la perte que l'on peut subir long-temps après être sorti d’un bain d’eau chaude ou de vapeur aqueuse, à une haute température. $S XXI. Lorsqu’en faisant abstraction des modifi- cations particulières de la transpiration, on veut connaître la quantité moyenne qu’un individu perd par cette voie dans l’espace d’un jour, on ne voit pas d'abord le parti qu’on peut tirer des ob- servations statiques qui ont été faites à ce sujet. En effet, les résultats varient suivant les personnes qui les ont constatés dans des limites très-éloignées, depuis 27 onces par jour jusqu’à 60, et l’on est porté à attribuer ces différences à la nature de la constitution de l'individu , à l’âge, au climat, et à des causes inconnues. Mais il arrive ici à peu- près ce qu’on observe dans d’autres occasions, où les faits, quoiqu'ils proviennent d’une multi- tude de causes qui sembleraient devoir les faire varier à l'infini, sont cependant susceptibles de présenter un résultat tellement uniforme qu'il est de nature à être prévu. Pour trouver un résultat relatif à la transpira- tion qui approche de cette régularité , il faut d’a- bord faire attention à un rapport qui se reproduit dans toutes les recherches statiques sur la transpi- ration de l’homme , continuées pendant un long espace de temps. En comparant la somme moyenne des alimens et des boissons d’un jour, pendant le cours d’une année, à la somme de toutes les pertes par là CHAPITRE XVIN. 5og transpiration et les évacuations alvines et urinaires, on voit qu’elles sont presque identiques. Il im- porte ensuite d'examiner les rapports de ces éva- cuations entre elles. Le rapport de l’urine à la'trans- piration varie dans les tables de Robinson, etc. ; mais en prenant la moyenne de ces rapports , elle approche singulièrement de légalité et se trouve ::1 : 1,08. En négligeant la légère différence , nous admettrons l’égalité entre les produits annuels de l'urine et de la transpiration. L’évacuation alvine ne forme qu’une petite quan- tité de la perte totale. La moyenne de toutes ces quantités éléminées par cette voie , dans les tables que J'ai citées, est de 4 onces. En soustrayant cette quantité de la somme des alimens et des boissons, et prenant la moitié du reste, on aura un résultat approché du produit de la transpiration moyenne d’un jour dans le cours de l’année. Pour juger du degré d’approximation auquel on peut arriver, en se servant de ces données avec la seule connaissance de la somme des alimens et des boissons, nous donnons la comparaison des résultats fournis par l'expérience d’après ces tables, et de ceux qui se déduisent des proportions pré- cédentes : Pertes moyennes par la transpiration d'un jour: Robinson. Robinson. Keill. Rye. Lining. 42 ans. 64-5 ans. 3gans. 42 ans. 4o ans. 4. l'obsers. 45 onces. 27 onces. 30 onc. 56 onc. 6o onces, du calcul. 41 27 35 46 62 s a1mpp DI10 * QUATRIÈME PARTIE: On peut voir, d’après les tables de ces auteurs ; que les vicissitudes de chaleur et de froid, lors qu’elles sont bien marquées, comme dans les pays qu'ils habitaient , tendent à faire prédomimer la transpiration sur l'urine dans la saison chaude, et à produire l'effet contraire dans les temps froids. | Les observations de Rye sont les seules qui y fassent exceplion ; car sa transpiration moyenne ; même en hiver, excède l'urine, quoiqu’elle ap- proche de l'égalité. La règle que nous avons donnée pour estimer la transpiration moyenne , d’après la connaissance de la somme moyenne des évacuations d’un jour dans le cours de l’année, n’est donc applicable qu'aux chimats dont nous venons de parler. Dans ceux oùl’hiverserait doux, ou dans les pays chauds où la température varie peu, il est probable que la transpiration moyenne de l’année dépasserait sensiblement la quantité moyenne de l'urine. Il paraît, d’après Sanctorius, quoiqu'il n'ait pas fourni toutes les données qu'ont pourrait désirer , que tel était le résultat de ses observations en Ita- lie; à plus forte raison devrait il avoir lieu dans les régions plus chaudes. À défaut d'observations, on pourrait se servir des tables que j'ai citées; en déduire le rapport moyen de la transpiration à l’urine dans les mois les plus chauds de l’année, et par une méthode semblable à celle que j'ai indiquée pour des cli- CHAPITRE XVII. Bti mats comme le nôtre, estimer la transpiration moyenne en connaissant la somme des alimens et des boissons, $ XXII. Nous ayons précédemment considéré les effets que produisent sur la transpiration diverses modifications de l'air; nous examinerons mainte- nant certains effets des mêmes conditions de l’at- mosphère sur la respiration. L’agitation légère de l’atmosphère dont l’état hygrométrique et la température sont appropriés à l’économie, produit un tel sentiment de bien- être, que la poitrine se dilate en conséquence et admet une plus forte proportion d'air. C’est un phénomène qui a particulièrement attiré mon at- tention , et que J'ai observé partout où l’espace étant plus grand , l’air admettait une plus grande variété de mouvemens. J’ai souvent eu occasion de m’assurer que des personnes qui ont ce qu’on appelle une poitrine délicate, doivent en grande parte la gêne et l'oppression qu’elles ressentent à la petitesse de leur appartement ; gêne qui dimi- nue ou disparaît entièrement, suivant qu’elles vont dans une chambre plus spacieuse ou au grand air. Quelle que soit d’ailleurs la différence de pureté que l’on puisse attribuer à l'air des petits et des grands appartemens , des rues étroites et de celles qui sont larges, de la ville et de la campagne, le degré de l’agitation de l'air a l'influence la plus marquée sur l’étendue avec laquelle la poitrine se b12 QUATRIÈME PARTIE. dilate : la sensation agréable qu’on en éprouve eï respirant à la campagne est due principalement à cette cause. Une foule d’autres y contribuent sans doute : nous en connaissons plusieurs; mais ne négligeons pas celles qui sont à notre por- tée, pour attribuer une plus grande eflicacité à d’autres que nous n'avons pas encore les moyens d'apprécier. On ne saurait trop s'appliquer à distinguer les cas où la gêne de la respiration provient d’un dé- faut d’étendue dans les mouvemens de la poi- trine, de ceux où elle est due à une obstruction mécanique. Les moyens de remédier à la première sont plus nombreux et plus puissans qu'on ne croit; et souvent, lors même qu'une altération organique y dispose, une attention convenable aux conditions extérieures peut apporter un grand soulagement. S XXIIL. Ilest des modifications de structure, soit congéniales soit acquises, relatives à la respiration et à la circulation, qui ne manifestentguère de symptômes de maladie que dans de certaines conditions extérieures. Il serait aussi vain d’essayer, au moins dans l’état actuel de nos connaissances , de ramener quelques-unes de ces modifications de structure aux proportions ordinaires, que de vou- loir changer celles qui caractérisent une espèce. L’art consiste donc à approprier les conditions extérieures à ce genre d'organisation. Les limites dans lesquelles les personnes ainsi constituées peu- CHAPITRE XVIt 515 vent jouir de la vie, sont plus resserrées ; mais Ja connaissance de ces limites sert à leur procurer le bien-être et mêtae la longévité. Les principes que nous avons déduits des observations et des expé- riences exposées dans cet ouvrage, me paraissent de nature à fournir des applications de cette es- pèce. Quant à celles qui ont rapport aux modifications de structure dont nous venons de parler, j'indi- querai le chapitre qui traite des effets de la tem-" pérature sur les mouvemens respiratoires et circu- latoires ( pag. 295), et je citerai une série d’ob- servations, cliniques qui servent d'exemples à ces principes : nous les devons à M. Rostan, qui les a consignées dans son intéressant mémoire sur Asthme des vieillards. Il a reconnu que l'affection qu'il appelle de ce nom correspond à certains vices de conforma- tion du cœur , des gros vaisseaux ou des poumons. Les cas en sont extrêmement nombreux à l’hospice de la Salpétrière, où 1l voit tous les ans Îles per- sonnes qui ont cette déviation de structure jour pour la plupart d’une assez bonne santé pendant la belle saison; mais lorsque la chaleur décline en automne et en hiver , elles arrivent en foule dans les salles de hôpital, avec les battemens de cœur et la respiration laborieuse qui caractérisent la maladie. $ XXIV. Lorsqu'un obstacle mécanique, tel que l'engorgementdes poumons, empêche l’entréed'une er 99 514 QUATRIÈME PARTIE. quantité suffisante d'air, il est un autre ordre de considérations relatives à ces maladies qui m'a été suggéré par mes recherches süur"les animaux. La multitude des cas où l’engorgement des poumons diminue les rapports avec l'air a porté mon at- tention sur les conditions qui déterminent la fa- culté de supporter la respiration bornée. Le lec- teur trouvera des faits relatifs à ce sujet cha- . pitre VIE, 4e partie ; mais nous l’envisagerons ict sous un autre point de vue. On sait depuis long- temps que les jeunes mammifères succombent moins promptement que les adultes lorsqu'ils sont entièrement privés d'air, Mais on sait aussi que cette différence cesse bientôt après la naissance, et même qu’elle est très-légère entre un très-grand nombre de mammifères nouveau nés et les adultes (chap. VI, 4m part. ). Il n’en est pas de même de la respiration bornée. Long - temps après l’é- poque où lasphyxie n’est guère plus prolongée chez les jeunes animaux que chez les adultes , je me suis assuré que les premiers supportent beau- coup mieux les effets de la respiration bornée. Ja- mais aucun des oiseaux adultes, dans les expé- riences multipliées que j'ai faites sur leur respi- ration dans des quantités limitées d’air , en les y laissant jusqu’à ce qu'ils y périssent, ne s’est ranimé en Pexposant à l'air libre. Tandis que plusieurs jeunes oiseaux qui avaient altéré une égale quantité d’air, au point de n’y,plus donner de signe de vie, sont revenus après avoir été re- CHAPITRE XVII. 2 COS ürés. Mais je ne l’ai jamais observé quandils étaient éntièrement privés du contact de l'air, comme dans le cas de submersion. Lorsque, au contraire, dans des quantités limitées d’air, ils l'ont altéré de ma- nière à ne pouvoir plus exercer de mouvemens res- piratoires , ce fluide a encore une action vivifiante qui entretient un reste de vie à un degré suflisant pour qu’elle se développe ensuite par l’exposition à l'air pur. Mais cette action est trop faible sur les adultes placés dans les mêmes circonstances. En limitant autrement l’action de l'air, on verra d’une manière très-sensible combien la constitu- tion des jeunes animaux est plus propre à sup- porter la respiration bornée. Si l’on ouvre large- ment la poitrine d’un adulte, les poumons s’aflais- sent, et les mouvemens externes volontaires et involontaires cessent presqu’aussi promptement que si l’animal était submergé sous l’eau. Cepen- dant l'air qui est en contact avec la surface du corps et des poumons entretient visiblement une action respiratoire, puisque le cœur continue à battre et que le sang devient vermeil à la surface des poumons. J'ai fait la même opération à des chats d’un ou deux jours , dont les uns étaient privés du contact de l'air, en les mettant sous l’eau : les autres étaient exposés à l'air libre. Les expériences ont été faites à la température de 20°, la plus favorable à la durée de la vie sous l’eau. Le terme moyen de la vie des chats submergés était de 38 minutes ; celui 516 QUATRIÈME PARTIE. des individus de même espèce et de même äge exposés à l'air était de 1 *. 2". Notons que dans cette circonstance, comme dans d’autres, nous avons jugé de la vie par les actes extérieurs seulement, et non par les faibles mouvemens qui se passent à l’intérieur quand ceux-là ont cessé. Ainsi l’on voit par ces deux séries d'expériences que la respiration bornée au même degré est beau- coup plus nuisible aux adultes qu'aux jeunes ani- maux à sang Chaud, soit très-peu de temps après leur naissance, soit long-temps après. Il suit de ce fait que les enfans chez qui la res- piration sera bornée par un engorgement des pou- mons seront, toutes choses égales d’ailleurs, moins en danger que des adultes dont les rapports avec l'air seraient limités au même degré par ce genre de maladie; et comme le trouble de l'économie, marqué par l'accélération de la res- piration , de la circulation, etc. , est d'autant plus grand que le besoin d’air est plus pressant, les symptomes d’une pneumonie seront plus intenses chez les adultes, dans les cas où l’étendue relative de l’engorgement des poumons sera également li- mitée de part et d'autre. On verra facilement qu'il doit exister entre les adultes des différences de cette nature, mais à un moindre degré, et qu'elles dépendent d’une cause commune, quelles que soient d’ailleurs les modifications accessoires. Les faits exposés précé- CHAPITRE XVII. bi demment nous prouvent que le caractère princi- pal qui distingue les animaux à sang chiaud , à dif- férentes époques depuis leur naissance jusqu’à l’âge adulte, est tiré de leur faculté de produire de la chaleur. Nous avons fait voir la liaison qui existe entre cette faculté et celle de supporter la privation to- tale d'air. Il en est de même de la respiration bornée. Comme nous avons constaté que les adul- tes peuvent différer beaucoup entre eux par la faculté de développer de la chaleur, nous en dédui- rons qu'ils diffèrent de même dans leur faculté de supporter la respiration bornée. Ce que j'a- vance ici, Je pourrais l’appuyer sur des preuves directes; mais je crois que l’analogie est assez forte pour qu’on m'en dispense. : SXXV. Cesconsidérations nous conduisent plus loin. Si un individu est affecté de pneumonie, au point de mettre sa vie en danger par la diminu- tion de ses rapports avec l'air, l'indication la plus pressante est d'employer les moyens les plus con- venables pour ramener sa constitution vers celle qui le mettrait en état de supporter cette respi- ration bornée. Or, quoiqu'on ne l'ait pas en vue dans le traitement consacré de tout temps à ce genre de maladie, on ne laisse pas de remplir cette indication. De quelque manière que le sang contribue à la production de chaleur, on sait , à n'en pouvoir douter, qu'il y influe puissamment. Une légère émission de sang peut ne pas opérer = 518 QUATRIEME PARTIE. à cet égard un effet sensible; mais une évacuation suflisante ne saurait manquer de diminuer la fa- culté de produire la chaleur; et en se tenant dans des limites compatibles avec la vie, plus le cas est grave, plus la soustraction doit être grande, afin de ramener le plus possible la constitution de l'in- dividu vers celle qui a le moins besoin de l'action de l'air. | S XXVL L'état actuel de nos connaissances sur lesang présente des vues nouvelles qui se lient de toutes parts avec la physiologie et la pathologie. MM. Prévost et Dumas , qui ont fait l'analyse du sang d’un grand nombre d'espèces parmi les ver- tébrés à sang froid , et les animaux à sang chaud , ont trouvé que la proportion d’eau était la plus grande chez les vertébrés à sang froid, moimdre dans les mammifères , et au minimum chez les oï- seaux ; ou réciproquement que le nombre relatif des globules croissait dans l’ordre des classes pré- cédentes. On voit que si l’on pouvait changer le rapport de l’eau et des globules, on aurait un au- ire moyen qui tendrait à ramener la constitution d’un mammifère vers celle d’un vertébré à sang froid. Supposons qu’on ait recours à l'ingestion de l’eau pour opérer ce changement, on reconnaitra de suite, par ce que nous avons établi précédem- ment sur l'absorption, dans quelles limites étroites ce changement sera resserré,. Dans les expérienges sur les animaux les plus CHAPITRE XVII. 51q propres à manifester les effets de l’absorption de l'eau, nous avons vu qu'il y a un point de satura- tion qu'ils ne dépassent pas tant que leur con- stitution n’éprouve pas certains changemens, quelque multiplié et prolongé que soit le contact de l’eau avec la surface absorbante. : Le point de saturation où l’absorption cesse est déterminé par le maximum de liquide que le corps peut contenir dans l’état naturel. Supposons maintenant que le corps soit à son point de saturation , l'absorption ne cessera que momentanément ; car il s’en éloignera prompte- ment par les pertes que la transpiration lui fait con- tinuellement éprouver, sans compter d’autres se- crétions dont les matériaux sont jetés au dehors. L’absorption aura lieu en conséquence ainsi que nous l’avons constaté ailleurs. Le corps tendra donc à se maintenir vers le point de saturation ; mais il ne s’y maintiendra pas exactement ; il subira des fluctuations dépen- dantes des alternatives d’excrétion et d'absorption; et tant que les alimens réparent les pertes de ma- tières animales, l’'ingestion de l'eau, quelque abondante qu’elle soit, changera peu les rap- ports de ce fluide avec les globules du sang. Si l’on observe une diète sévère, comme il arrive dans les maladies aiguës, les pertes de matière ani- male n'étant pas réparées, la proportion des glo- bules diminue nécessairement ; mais ce change- ment est trop lent dans les cas les plus graves. 520 QUATRIÈME PARTIE, Le moyen le plus prompt et le plus eficace d'o= pérer ce changement consiste dans Pémission du sang. La saignée d’abord ne porte que sur la quantité du sang , et non sur la proportion de ses parties constituantes; mais la déplétion, suivant son étendue, a éloigné le corps de son point de saturation ; l'absorption est augmentée en consé- quence ; elle s’exercealors principalement sur l’eau en contact avec les surfaces absorbantes. Le corps peut être ainsi ramené à son poids primitif, ou tres-près de cette limite. Il s'ensuit que le nombre des globules étant diminué par la soustraction du sang, et l’absorption suppléant à cette perte par de l’eau qui n’entraine guère avec elle que les ma- tières qu'elle tient en dissolution, les proportions du sang relatives à l’eau et aux globules peuvent changer très-promptement, et dans une grande étendue compatible avec la vie. Si la suite de ces déductions laissait quelques doutes dans l'esprit du lecteur sur la justesse de la conclusion , il peut s’en assurer par l'observation directe du fait. En eflet, MM. Prévost et Dumas ont constaté qu'après une première saignée, Île sang qu'on tire de nouveau, après uu intervalle converable, présente une diminution dans la pro- portion des globules. | Si, dans l'impossibilité de nier le fait, parce qu'il est avéré, le doutese reportait sur lenchai- nément des actions qui le produisent , tel que je Far exposé plus haut , il faudrait aussi refuser son CHAPITRE XVII. / Bat assentiment aux principes sur lesquels :l se fonde. Or, ces principes sont immédiatement déduits de quelques-unes de mes premières recherches sur les conditions physiques de l'absorption, consi- gnées dans le sixième chapitre de cet ouvrage, et que j'ai lues à l’Académie des Sciences en 1819. Les expériences sur l’absorption ont été faites sur des vertébrés à sang froid; et si l’on n’était pas disposé à admettre les applications que j'en ai faites aux animaux à sang chaud, dans le cours de cet ouvrage, on sera pleinement rassuré en consultant le mémoire que M. Magendie a lu, en 1820, sur le mécanisme de l'absorption chez les animaux à sang rouge et chaud. (Journal de Physiologie, tome. ) On y trouvera des expériences aussi ingénieuses que variées sur les organes de l'absorption , et sur :- le degré de leur activité, suivant leur plus ou moins de plénitude. Ce sujet a été repris par M. Foderà ; et j'engage le lecteur qui voudrait approfondir cette matière à lire l'extrait de son mémoire inti- tulé : Recherches expérimentales sur l’Absorption et lExhalation. ( Archives génér. de Médecine , mai 1823, p.57.) | L'intérêt du sujet m’a engagé à citer les princi- pales preuves à l’appui de la justesse du raisonne- ment que J'ai exposé plus haut, puisqu'il sert à ex- pliquer l’action d’un des moyens les plus puissans qui soient à la disposition de l’art pour effectuer un changement prompt et intime de la constitu- 522 QUATRIÈMÉ PARTIE. tion , changement qui lui donne un nouveau mode de vitalité approprié aux circonstances. Lorsqu'on considère que les vertébrés à sang froid ne diffèrent pas seulement à cet égard des animaux à sang chaud par leur faculté de suppor- ter la respiration bornée, mais aussi par leur ré- sistance à une foule d’autres actions délétères , on reconnait de suite que la méthode de traitement qui tendrait à ramener vers leur constitution celle des individus des classes supérieures, dans les Hi- mutes que leur organisation comporte, les met- trait aussi dans les conditions les plus favorables pour échapper à ces causes de destruction. S XXVIT. Nous avons vu par la comparaison du sang des diverses espèces, et l’action de quelques moyens propres à modifier ce fluide d’une manière déterminée, comment on peut opérer ce change- ment. Mais ce changementades bornes quitiennent non-seulement aux proportions d’eau et des glo- bules, mais aussi à la nature de ces globules eux- mêmes. Ils diffèrent, comme nous l’avons déjà indiqué d'après les travaux de MM. Prévost et Dumas, selon les classes et les espèces, par leur forme et leurs dimensions. Aucun moyen connu ne peut opérer des changemens de cette nature; et quand même nous en aurions à notre disposi- ton, leur emploi pourrait bien être, non pas sa- lutaire, mais mortel. En effet, ces savans ont pu rendre la vie et la santé à des animaux qui en pa- raissaient privés par la perte de leur sang , en leur CHAPITRE XVII. b25 en infusant d'autre dont les globules étaient de même espèce. Mais lorsqu'ils essayèrent de pro- duire le même effet avec du sang dont les globules étaient d'espèce différente, ils réussirent d’au- tant moins que la forme et les dimensions de ces globules s’éloignaient davantage de celles des globules du sang de l'individu soumis à lexpe- rience, et dans les diflérences extrêmes, tout en ranimant dabord Fanimal , ils causaient d’horribles convulsions, bientôt suivies de la mort. SXX VIIT. Il ya d’autres caractères que les dimen- sions et la forme des globules qui ont des rapports intimesavec lemode de vitalité. Ils dérivent d’abord du changement apparent que les globulessubissent dans leur couleur; changement commun à tous les vertébrés. Les globules sont composés d’un noyau central blanc, et d’une enveloppe colorée en rouge; ils ne subissent que dans cette partiela modification qui les fait passer d’un rouge obscuràune teinte ver- meille ; et, suivant la nuance , ils exercent sur les phénomènes de la vie une action non moins puis- sante que celle qui dérive de leur forme et de leurs dimensions. Leurs rapports avec l'air déterminent l'étendue de ce changement. Un grand nom- bre de faits consignés dans cet ouvrage s’y rap- portent, les uns immédialement , les autres d’une manière éloignée, et conduisent à la détermination d’autres faits que l’état de la science met à notre portée; telle est surtout la nature de ceux que nous 524 QUATRIÈME PARTIE: (A avons présentés sur les altérations de l'air par la respiration. ( Chapitre XVI, 4° partie. ) Comme ces faits nous portent à considérer l’oxi- _gène qui disparait dans la respiration comme étant réellement absorbé, 1l s'agirait maintenant de sui- vre ses traces dans l’économie, et de constater la nature de ses combigaisons et de ses actions. C'est ici que commence un nouvel ordre de recherches. Il en est de même de l’azote absorbé dans l'acte de la respiration, et des sources d’où dérive lexha- lation de ce gaz, et celle de l'acide carbonique : c’est aussi la limite prescrite à cet ouvrage ; mais je ne saurais terminer sans indiquer comment cet ordre de recherches se trouve nécessairement lié avec les découvertes récentes sur la composition du sang et l'action du système nerveux. SXXIX. Nous n'avons considéré la composition du sang que sous les rapports de l’eauet des globu- les ; mais ce ne sont pas les seules parties qui le constituent : on sait quela portion limpide n’est pas de l’eau pure ; elle contient en dissolution, entre autres substances, de l’albumine, des sels, etc. , et forme ce qu’on appelle le sérum. Il suffit de tirer du sang à un animal vivant et de l'analyser par les moyens connus, pour y trouver plusieurs de cé substances, et en déterminer les proportions. Mais si l’on se bornait à cette méthode, on n’y découvrirait pas d'autres parties consti- tuantes , dont la connaissance jette un grand jour, non-seulement sur la composition de ce fluide, mais CHAPITRE XVII. 525 aussi sur les fonctions sécrétoires. Les différences qu’on avait observées entre les matériaux immédiats du sang et ceux de plusieurs autres fluides de l’éco- nomie, avait fait attribuer aux uns etaux autresune origine différente. Ainsi, l’urée, principe caracté- ristique de l’urime, nese trouvant pas dans le sang par les procédés connus , on en avait conclu , avec unegrandeapparence de raison , qu’elle n’y existait réellement pas, et qu'elle devait sa formation aux reins. Cette opinion a été universellement adoptée depuis la découverte de l’urée. MM. Prévost et Dumas ont pensé que cette sécrétion pouvait être envisagée de deux manières différentes, soit comme je viens de l’exposer, soit de la manière suivante; et ont trouvé le moyen de décider la question. Ils ont supposé que les reins, au lieu de former l'urée avec des matériaux tirés du sang, pou- vaient lui donner passage à mesure que le sang leur fournit ce principe tout formé. En ce cas il se trouverait en assez petite quantité dans le sang qu'on tirerait de l'animal dans l’état naturel pour qu'on ne püût l’y reconnaitre par les moyens ordi- haires de l'analyse chimique; mais qu'ils sufli- raient si, dans la supposition que les reins don- nent passage à ce principe, on en arrêtait l'écou- lement. L’extirpation des reins, avec les précau- tions nécessaires , devait remplir cette indication , et alors l’urée, s’accumulant dans le sang , de- viendrait manifeste par les procédés ordinaires de l'analyse. Ils découvrirent ainsi dans l'urée un 526 QUATRIÈME PARTIE. nouveau principe du sang qu'ils y trouvèrent en grande quantité , et nous firent connaître une des principales sécrétions du corps sous un nouveau point de vue. IL est probable qu'ils’ applique à d’au- tres sécrétions; toujours est-il vrai qu'on ne saurait s'assurer déla composition du sang sans cette mé- thode ; à moins que les procédés analytiques ne soient portés à un plus haut degré de perfection. Cependant ils se perfectionnent rapidement, et les procédés que nous devons à M. Chevreul, qui con- . sacre ses talens à l’étude de la chimie organique, ont mis à même de reconnaître un autre principe du sang dans unesubstance grasse, ayant les pro- priétés de celle du cerveau ; découverte qui étend encore les rapports entre la constitution du sang et celle de nos organes. | Les faits que je viens d’exposer sont relatifs à l'état de santé ; mais il en est d’autres que nous devons au même chimiste, et qui constituent de nouveaux rapports entre la composition du sang dans l’état de maladie, et les sécrétions qui en dé- pendent. Les enfans sont sujets À une maladie qui porte le nom d’irduration du tissu cellulaire. M. Chevreul , en faisant, à l'invitation de M. Bres- chet, l'analyse du fluide sécrété par ce tissu, y à trouvé une substance qui se coagule à froid. Il en à aussi reconnu l'existence dans le sang de ces individus, et en grande proportion. Il en est de même de la matière colorante de Pictère qui ac- compague souvent cette maladie. Des sécrétions CHAPITRE XVI. b27 morbides ont ainsi leurs rapports avec la consti- tution du sang , par la coexistence des mêmes prin- cipes dans ce fluide et dans les autres. $S XXX. Ces rapports se multiplieront sans doute. Puisqu’une foule de principes immédiats des organes et des sécrétions doivent maintenant être rapportés au sang, ilest naturel de rechercher comment ils se trouvent en faire partie. On sait que l'appareil digestif'en fournit un grand nombre; mais Où ne saurait y rapporter l’origine de tous. Quoiqu'on n'ait pas observé la route que suit l'oxigène qui disparait dans la respiration, c’est une suite nécessaire de l'absorption de toute sub- stance , qu’elle passe en plus ou moins grande pro- portion dans le sang. Voilà donc évidemment une source de changemens dans ce fluide, qui pourrait donner naissance à quelques-uns des principes immédiats qui le constituent. C’est aux recherches ultérieures qu'il appartient de les déterminer. Les recherches de cette nature paraissent intime- ment liée$ avec l'étude de l'influence nerveuse, depuis que les travaux de M. Wilson Philip ont fait connaître la part du système nerveux dans la con- version en chyme des alimens ingérés dans l’esto- mac ; travaux dont l'exactitude a été vérifiée par les expériences de MM. Breschet, Vavasseur, et mon frère Henry Edwards. { Arch. gén. de Méd., août 1023, p. 485.) Quelque compliquées que soient les recherches que je viens d'indiquer, elles sont tependant de nature à être désormais pOursULVIES 528 * QUATRIÈME PARTIE. avec succès ; car les moyens d'investigation se sont rapidement accrus avec les difficultés. $ XXXI. Nous avons trouvé, dans les change- mens que le sang peut subir dans sa composition, une source féconde de changemens dans le mode de vitalité. Il paraîtrait d’abord que ce n’est que par cette voie que nous pouvons agir sur le système nerveux, pour modifier son action de manière à changer la constitution des individus; à cause de l'étendue dans laquelle ce fluide peut varier , et de l’'apparente immutabilité du système nerveux dans sa forme et sa structure. 4 IL est évident que les dimensions et les propor- tions de ce système ont des limites posées par la na- ture aux modifications que leur vitalité peut subir; cependant il est susceptible d’éprouver des chan- gemens considérables que nous ne saurions dis- cerner par l'inspection, mais qui se manifestent par les actions qui en résultent et qui ne provien- nent pas de l'influence du sang. De pareils effets peuvent être produits par la température, amsi que nous l’avons prouvé précédemment, par la lu- mière , l'électricité et une infinité d’autres actions au contact, sans compter les causes morales. C'est ce que j'ai eu en vue en parlant de l’action spé- ciale de l’air sur l’économie, etque j'ai désignée par l'expression d'influence vivifiante. Mes premières “expériences à cet égard m'ont conduit à reconnaitre une action au contact, indépendamment des chan- gemens que l'air produit dans la composition du ? CHAPITRE XVII 529 sang. Il en est de même de l’eau. (foyez chapitre 1, 1" partie.) C’est ainsi que l'impression de l’air sert à ranimer une vie presque éteinte dans le cas de mort appa- rente, et que l’homme, à cet égard , a l'avantage sur tous les animaux à sang chaud, même hyber- nans. Leur peau, couverte de poils ou de plumes, est moins accessible à l'air; et jamais je n’ai vu aucun individu adulte qui, après la cessation de tout mouvement extérieur par la submersion dans l'eau , ait été rappelé à la vie par l'exposition à l'air. L'homme, au contraire, dont la peau est nue, de- licate et sensible, peut être ranimé par l’action de l'air, lorsqu'il paraît avoir perdu sous l’eau le sen- timent et le mouvement. Nous avons fait voir ailleurs que les enfans nou- veau nés, lorsqu'ils sont privés d’air, ne doivent pas donner des signes de vie pendant un aussi long espace de temps que les jeunes mammifères de même âge qui naissent les yeux fermés : cepen- dant ils peuvent revenir plus facilement de la mort apparente, parce que leur peau est de nature à re- cevoir une plus forte impression de la part de l'air. Nous avons vu combien la chaleur est funeste dans les cas d’asphyxie, et ceux d’une respiration très-bornée. Or, lorsque l’action de l’air est ré- duite aux effets qu’elle produit au contact, son in- fluence est la plus faible possible, et l'on ne con- çoit pas d’abord quel avantage l’on peut retirer de l'application de la chaleur. Si cette application. 54 550 QUATRIÈME PARTIE, CHAPITRE XVII. est de longue durée elle sera mortelle; dans quel- ques cas elle peut être utile, si elle est de courte durée. Lorsqu un animal est plongé sous l’eau, à la température de 40°, ses mouvemens sont beau- coup plus énergiques, mais moins nombreux qu'à des températures inférieures. Il est donc des cir- constances où la chaleur peut être appliquée mo- mentanément pour exciter les mouvemens de la poitrine. T’immersion d’une grande partie du corps dans de l’eau chaude est souvent un méyen efficace pour ranimer un enfant qui vient de naître sans donner de signes de vie. Dès que le mouve- ment est produit, ou qu'il tarde à se manïfester, il faut renoncer à une méthode dont l'usage, plus prolongé', deviendrait funeste. Nous devons, d’après tout ce qui précède, en- visager l'influence vivifiante de l'air, celle qui ap- partient exclusivement à ce fluide, sous deux points de vue, son action directe sur le système nerveux par le:contact; son action sur le sang par les changemens qu’il y opère. De même la vitalité des individus peut être modifiée par une foule d'autres causes qui agissent immédiatement, soit sur le système nerveux, soit sur le sang. Un grand nombre de faits dans cet ouvrage donnent des exem- ples de l’un et de l'autre mode. Je ne me suis pas proposé d'entrer dans toute la série d'actions qui amènent ces changemens ; mais de déterminer quelques-unes des conditions dans lesquelles ces changements s’opèrent. APPENDIX: 531 APPENDIX. De l’Electricité (1). L'neruevce du fluide électrique dans les opéra- tions de la nature se manifeste aujourd’hui d’une manière si éclatante, qu’il est presque impossible de a contester désormais. La matière n’éprouve presque aucune modification, quelque faible qu'on puisse la supposer, sans qu'il en résulte un mouve- ment électrique plus ou moins considérable. On se trouve donc réduit à une alternative dans laquelle on restera peut-être encore pendant quelques an- nées, et dont les découvertes récentes permettent de prévoir le terme. Ou bien l’on admettra, con- jointement avec un grand nombre d'hommes cé- lèbres, que les phénomènes dont nous sommes témoins sont véritablement produits par le fluide électrique, et dans ce cas, ce serait en lui que nous devrions placer la force universelle qui pré- side aux opérations de la nature. Ou bien nous pourrons admettre seulement qu’il existe des mo- difications dans l’état électrique des corps dès l'ins- tant qu'ils éprouvent les altérations même les plus légères. Dans ce dernier cas, les mouvemens élec- triques ne devront plus être envisagés comme mm mn (1) Voyez l'Introduction, 4 532 APPENDIX, cause, et l’on se bornerait à les considérer comme des effets propres à nous indiquer des modifica- tions de la matière que les autres réactifs laisse- raient inaperçues. Quoi qu'il en soit de l'opinion à laquelle on voudra s'arrêter, il n’en est pas moins certain, d’après ce que nous venons d’expo- ser, que le fluide électrique mérite toute notre attention, et qu'il doit jouer dans les phénomènes de la vie un rôle fort important, soit comme effet, soit peut-être comme cause. Mais avant de nous engager dans une discussion aussi délicate, nous devons définir, autant qu'il est possible, la nature de l'être dont nous voulons étudier les modifications. Pour le plus grand nombre des physiciens, il existe deux fluides électriques dont il est facile de démonirer la présence. En effet, si l’on frotte un bâton de cire, ou d’une matière résineuse quel- conque, sur un morceau de drap sec, il acquiert diverses propriétés qui doivent être attribuées à la présence du fluide résineux ou négatif. Si l'on emploie au contraire un tube de verre, et qu'on le soumette à la même opération, on verra qu'il se charge d’un fluide doué de propriétés ana- Jlogues, mais qu’il est cependant facile de caracté- miser spécifiquement : c'est le fluide vitré ou po- sitif. Quelques principes simples vont nous mon- trer maintenant comment on peut concevoir les propriétés par lesquelles ces deux êtres se res- semblent, et celles qui servent à les distinguer. APPENDIX. 5335 L'un et l’autre sont imponderables, et il existe dans les molécules des fluides de même nom une propriété répulsive remarquable par son intensité ; enfin les fluides de nom contraire s’attirent avec une énergie que les physiciens se sont occupés de mesurer. Dans les cas dontnous avons parlé jusqu’à présent, le fluide électrique offre toujours une tendance sin- gulière à se porter à la surface des corps, et lorsqu'il y est accumulé, l’on ne peut l’enlever qu’au moyen de certains arrangemens qui méttent cette surface en rapport avec le globe terrestre. On appelle con- ducteurs les corps qui jouissent de la propriété d'offrir un écoulement facile à la matière électri- que, et l’on désigne par celui de cohibens ceux qui lui refusent le passage. Dans le but de cet ou- vrage, il suffira de rappeler ici que les métaux sont les meilleurs conductéurs connus, que le tissu nerveux rivalise avec eux en énergie, ét qu'enfin les dissolutions acides, alcalines, salines, et l’eau elle-même, occupent le dérnier rang. Les oxides métalliques sont, au contraire, des conducteurs fort imparfaits, et présentent au plus haut degré: la propriété cohibente lorsqu'ils ont été vitrifiés. D'après cela nous concevrons aisément qu'un corps chargé d’une espèce d'électricité quelconque attirera tous ceux qui posséderont l'électricité de nom contraire, et repoussera ceux quiseront doués de l'électricité de même nom. C’est là précisément {6 caractère que les physiciens emploient pour re- 534 fente connaitre dans un corps la présence de lélectri- cité libre, ainsi que sa nature. On pourrait également démontrer qu'au moyen de l’analyse rigoureuse des faits on peut se passer de l’un de ces fluides, et que tous les phénomènes s'expliquent en admettant qu’il n'existe réellement que l'électricité vitreuse. Dans cette supposition , un corps chargé d'électricité vitrée posséderait un excès de ce fluide unique, et celui qui manifeste les propriétés que l’on attribue à la présence de l'électricité résineuse se trouverait, au contraire, privé d’une portion plus ou moins considérable de son fluide naturel. Dès-lors toutes les modifica- tions que les corps éprouvent relativement à leur état électrique deviennent des propriétés de rela- tion comparables et analogues à celles que nous offre la distribution du calorique, et les rapports bien connus de la température. Quoi qu’il en soit de ces deux opinions, égale- ment propres à classer les phénomènes qu'on a pu constater jusqu'ici, nous nous en tiendrons à la première, plus généralement adoptée, et qui d’ail- leurs, par la forme du langage, se trouve presque toujours forcée d'exprimer les faits par les mêmes mots que l’on serait obligé d'employer si lon donnait la préférence à l’autre. Un corps chargé d'électricité présente un état particulier que l’on désigne sous le nom de tension électrique, soit positive, soit négative , ce qui dé- pend de la nature du corps d’une part, et de l’au- APPENDIX, 535 ire des couditrons auxquelles il a été soumis. Ainsi que nous l'avons déjà fait entendre, les circon- stances les plus légères suffisent pour attribuer à la matière l’un de ces deux états. Si lon met, par exemple, en contact deux corps hétérogènes, l’un se charge instantanément d’une certaine quantité de fluide négatif, et l’autre prend aussitôt le fluide positif correspondant. C’est à cette propriété re- marquable, fécondée par le génie de Volta, que nous devons l’immortel instrument qui porte son nom. La pile voltaïque n’est en effet qu'un système composé de pièces métalliques qui pré- sentent cette condition. Il ne nous conviendrait pas d'entrer ici dans les détails d’une construction qui ne laisse pas d’être compliquée, et nous nous bornerons à présenter dans sa plus grande sim- plicité le fait fondamental sur lequel elle répose. Qu'on prenne deux lames, l’une de zinc et l’autre de cuivre ; qu’on les soude bout à bout à l’une de leurs extrémités , et elles se trouveront par cela même placées dans des'conditions qui doivent amener des tensions électriques différentes dans chacune d'elles. Le zinc prendra l'électricité pô- sitive, le cuivre se chargera de l’autre, et l’on pourra facilement en accuser la présence dans les deux,cas, au moyen des électroscopes que la phy- sique possède. La tension qui résulte de ce con- tact est subite ; à l'instant même où on vient de la détruire, elle se reproduit au même degré, et cette faculté persiste tant qu’on ne détruit pas le rap- 536 APPENDIX. port intime des deux métaux. Plongeons mainte- nant dans un liquide conducteur les extrémités des deux lames que nous avons laissées en liberté; les fluides positif et négatif viendront se neutraliser au travers du liquide; et comme la tension se re- nouvelle sans cesse, il s’établira nécessairement un Courant continuél. Cette nouvelle modification de l'électricité pos- sède des propriétés particulières qui ont eu déjà la plus grande influence dans l'étude des sciences naturelles, et qui doivent bientôt en reculer sin- gulièrement les limites, Elles peuvent pourtant se rattacher toutes à deux lois principales découvertes par M. Ampère. Deux courans qui vont dans le même sens s’attirent, et lorsqu'ils vont en sens contraire ils se repoussent. C’est au moyen d’une telle influence que cet illustre physicien est par- venu à démontrer lidentité des fluides élec- trique et magnétique. Il suffit, en effet, de sup- poser dans l’aimant des courans circulaires, dis- posés obliquement à la direction de son axe, pour expliquer à la fois tous les effets observés jadis entre deux aimans , tous ceux que M. OErstedt a découverts éntre le courant électrique et l’aimant lui-même, et ceux enfin quirésultent de l’action des aimans sur le courant électrique dont nous devons la connaissance à MM. Ampère, Arago et Faraday. Ces deux conditions sous lesquelles le fluide électrique peut s'offrir diffèrent , comme on voit, à beaucoup d’égards, et doivent, par conséquent, mnnme APPENDIY. 537 amener des résultats variés. En effet, la tension électrique se manifeste principalement à la sur- face des corps; le courant électrique se propage au contraire au travers de ses molécules avec uniformité, sans offrir aucune espèce de préfé- rence. L’on sera moins étonné de cette dissem- blance si l’on se rappelle que la tension élec- trique résulte de l'accumulation d’une seule es- pèce d'électricité à l’état de repos, tandis que le courant provient du mouvement continu des deux électricités en sens contraire. Cette dernière circonstance donne lieu à certains phénomènes qui ont produit la révolution chimique dont nous avons été témoins. Lorsque le courant se propage au tra- vers d’un corps élémentaire, celui-ci ne tarde pas à se réchauffer, et peut arriver même à l’incan- descence. Si la matière au travers de laquelle s’é- tablit le courant consiste en deux ou plusieurs élémens réunis par l'effet d’une combinaison chi- mique, ceux qui jouent le rôle de base se trans- portent à l'instant vers le corps duquel provient l'électricité négative, tandis que les autres sont amenés autour de celui qui fournit l'électricité positive. C'est le seul exemple connu dans l’histoire de la nature d’une force très-faible en apparence, et pourtant capable de détruire les combinaisons chimiques sans en produire de nouvelles ; car le calorique et l'électricité elle-même sous forme de tension peuvent hien quelquefois présenter des 558 APPENDIXS effets analogues; mais il faut qu'ils soient l’un et l'autre dans un état d'intensité qui ne permet pas de les employer dans les explications relatives aux phénomènes bien connus des sécrétions. Au moyen des notions que nous venons d’ex- poser sommairement, il ne sera pas difficile.de concevoir tous les faits que nous avons à énumé- rer. Si cependant il restait encore quelque dif- ficulté dans l'esprit du lecteur, nous serions obli- gés de le renvoyer aux ouvrages de physique des- ünés par leur nature à approfondir un tel sujet. Relativement à l’économie animale, les phéno- mènes électriques peuvent se partager en deux classes : l’une comprendra les réactions du fluide extérieur sur le corps de lanimal , et l’autre sera réservée aux influences électriques qu'il exerce sur lui-même. Examinons, en premier lieu, les effets pro- duits par la tension, Que l’on place un homme ou un animal quelconque sur un tabouret isolant, et qu’on le mette en communication avec un corps chargé d'électricité Hbre : dès l'instant du contact il donnera les signes qui annoncent la présence de celte espèce d'électricité. Jusqu'à présent on a donné peu d'attention à cet ordre de phénomènes. Nous sommes forcés d’avouer que nous connais- sons peu les effets qu’une tension plus ou moins violente serait capable d'amener dans l’état phy- siologique de l'individu soumis à l'expérience. Passons maintenant aux effets qui proviennent APPENDIX. 5 39 du passage d’une seule espèce d'électricité au tra- vers d’un corps conducteur interposé entre Ja source qui fournit le fluide et le réservoir commun dans lequel il va se perdre. Pour plus de simpli- cité, supposons-le d’abord homogène dans toutes ses parties ; les molécules dont il est composé ten- dront à se séparer , à cause de l’action répulsive qu'elles acquièrent en se chargeant d’une électri- cité semblable. Lorsque cette influence sera de- venue suflisamment énergique, pour surmonter la force d’agrégation qui les maintenait unies, le corps se trouvera réduit en poudre. Il en sera de même si, au lieu d’être simple, nous le suppo- sons composé; car la tension qu'il éprouve s’op- pose à la force de cohésion, et ne détruit les combi- naisons chimiques que d’une manière accidentelle. Cette propriété s'applique sans didiculté aux phénomènes connus en physiologie, et les expli- que d’une manière qui laisse peu de chose à dé- sirer. En eflet, que l’on fasse passer une étincelle électrique au travers d’une petite goutte de sang, et l’on verra les molécules que celui-ci renferme prendre à l’instant un aspect framboisé qui indi- que la séparation partielle des globules élémen- taires dont elles sont formées. Si l’on fait la même tentative sur un liquide qui contienne des ani- malcules spermatiques ou infusoires } on obser- | vera le même effet, et ces divers êtres perdront à | l'instant le mouvement spontané dont ils se trou- vaient doués. Dans tous ces cas il semble que la 510 APPENDIX. désorganisation consiste simplement dans l'écar- tement forcé qu'éprouvent les globules organi- ques dont le tissu se trouvait composé. Mais si lon fait subir la même épreuve à des corps com- posés de divers tissus hétérogènes, il est manifeste qué l’action la plus forte sera perçue par les por- tions les plus propres à transméttre le fluide élec- trique. Dans un animal vertébré , ce sera donc le tissu nerveux qui souffrira le plus des effets d’une commotion électrique, et si son intensité se trouve telle que les globules qui composent les fibres ner- veuses puissent en être désuniés , toutes les fonc- tions de ce système seront à l'instant détruites, et la vie se dissipera sans retour. Tel ést l'effet d’un coup de foudre, et tels sont aussi les symptômes généraux qui se manifestent dans l’homme et les animaux foudroyés. A la vérité, lon n’a point en- eore fait d'expériences propres à constater la nature de la désorganisation que lencéphale et ses dé- péndances ont pu subir dans dé telles occasions; mais on sait fort bien que lirritabilité muscu- laire disparaît au moment même où la vie se trouve détruite par un choc électrique, tandis qu’ellé se conserve long-temps après la mort quand celle- ci a été amenée par d’autres causes. Cette circon- stance suffit à elle seule, et nous en verrons plus loin la raison, pour démontrer que l’action de électricité sous cette forme rend le système ner- veux incapable de transmettre lé fluide nerveux ou le courant électrique, qui sont'lés agens connus APPENDIX. 54 de Pirritabilité. L'explication la plus naturelle qui se présente à l'esprit consiste donc à supposer que les fibres nerveuses ont perdu cette propriété par la séparation survenue entre les molécules dont elles sont formées, et par l'introduction acciden- telle entre ces mêmes molécules du corps gras qui sert à isoler les fibres nerveuses les unes des autres dans l’état de santé. Outre l'abolition complète de l'irritabilité mus- culaire , on observe encore dans les animaux frap- pés par la foudre une particularité qui se rattache également aux principes que nous avons posés. Leur sang ne se coagule pas, comme cela se re- marque presque toujours après la mort; il reste, au contraire, fluide, ou ne présente du moins que des caillots rares et peu considérables. Or, comme il semble suffisamment démontré aujourd’hui que la coagulation du sang résulte d’une attraction moléculaire entre les globules qu'il renferme, on conçoit qu'elle devient nécessairement nulle lors- que, par l'effet du passage du fluide électrique, cette attraction se change en répulsion. Mais de ces deux résultats il semble pourtant fort probable que celui qui se rapporte au sys- tème nerveux joue le plus grand rôle dans ce phé- nomène, et que les animaux foudroyés perdent la vie en raison des désordres occasionés par la pré- sence du fluide électrique dans le cerveau et les nerfs qui en dépendent. | Il reste encore beaucoup de recherches à faire, 542 APPENDIX, beaucoup de notions à acquérir avant que l’on puisse espérer de connaître dans tous ses détails l'effet qui résulte d’une quantité faible d’électri- cité libre accumulée dans les divers organes. Cet effet varie sans doute suivant la nature de l’or- gane; il varie probablement aussi d’après l'in- tensité de la charge électrique, et des expériences multipliées et délicates pourraient seules nous fournir une histoire satisfaisante des modifications que l’état électrique de l'atmosphère peut amener sur l’état physiologique de l’homme et des ani- maux qui peuplent la surface du globe. Tels sont les divers phénomènes que l'on peut regarder comme constatés relativement à l’action qu’exercent les tensions électriques sur l’économie animale. Mais il est un autre genre d'influence qui mérite plus d'attention encore, puisqu'il paraît que c’est à lui que doivent se rapporter les réac- tions que le corps d’un animal est capable d’exer- cer sur lui-même. La contraction musculaire avait fixé, depuis les expériences de Haller, l'attention d’un très-grand nombre d’expérimentateurs. On s'était assuré qu’on excitait des convulsions dans les muscles en pincant le nerf qui va s’y distribuer, en le brü- lant, ou bien encore en le soumettant à l'influence des acides, des alcalis, et en général des réactifs chimiques puissans. Mais tous ces phénomènes étaient accompagnés d’une désorganisation qui jus- qu'alors avait semblé suffisante pour les expliquer. om APPENDIX « 543 En 1789, Galvani vint ouvrir une route nou- velle, par l’importante découverte dont les con- séquences ont produit une révolution si remar- quable dans les sciences chimiques et physiques. Il observa par hasard qu’un arc métallique com- posé de deux métaux hétérogènes placé en rap- port, d’une part avec les muscles, et de l’au- tre avec les nerfs, produit instantanément des contractions du système musculaire compris dans ce circuit. Il saisit habilement cette donnée et parvint à la géncraliser avec beaucoup de sagacité. L'explication physique du fait n’a pourtant été fournie que par Volta, qui parvint à démontrer que deux corps conducteurs en contact se char- gent d’électricités de nom contraire. Cette ana- lyse délicate d’un fait que rien ne pouvait faire supconner jusqu'alors, nous fournit une explica- tion très-claire du phénomène observé par Gal- van. Deux métaux hétérogènes en contact pren- nent chacun des électricités de nom contraire, et lorsqu'on vient à les réunir par un troisième corps capable de transmettre le flnide électrique, il s’é- tablit dans son intérieur un courant dù à la neu- tralisation du fluide qui s'est rassemblé dans les métaux. C’est ce courant qui détermine la convul- sion des muscles lorsque c’est le nerf d’un muscle qui sert de conducteur, et la sensation lors- qu'on fait usage d’un nerf qui va se distribuer dans l’encéphale. Prenons en ce moment les convulsions des mus- 544 APPENDIX. cles et les perceptions cérébrales comme un fait, sans nous embarrasser des causes qui les amènent, et nous dirons que toutes les fois que les nerfs sont compris dans un arc composé de deux sub- stances hétérogènes, pourvu qu’elles soient con- ductrices , il en résultera les effets que nous ve- nons de décrire. Cette donnée nous suffira pour comprendre, et les expériences de Galvani, et celles non moins remarquables que l’on trouve consignées dans un ouvrage plus ancien, intitulé Théorie du plaisir, et composé par Sultzer. Deux plaques métalliques hétérogènes, l’une d’argent ou de cuivre, l’autre de zinc, par exemple, que l’on place sur les deux surfaces opposées de la langue et que l’on met en contact en dehors, pro- duisent à l'instant une sensation particulière, dis- tincte du goût des métaux, et qui peut se com- parer au genre de saveur que nous appelons styptique. Dans plusieurs cas même cette sensation se répand jusqu'aux organes voisins, et les yeux percoivent au même moment une espèce d’éclair lorsqu'on les ferme ou qu’on se place dans un endroit obscur. Ces expériences , qu’il serait très-facile de mul- tiplier et de varier, nous fournissent une preuve claire de l’éminente faculté conductrice des nerfs dans leur état physiologique, et nous prouvent en mêmetemps que le passage de l'électricité dans leurs extrémités les plus déliées peut produire le mou- = APPENDIX. 545 vement lorsqu'il est question d’un muscle, et la sensation lorsqu'il s’agit du eerveau. Examinons de plus près chacune de ses pro- priétés, etnous verrons à quel ordre de phénomènes il est aujourd’hui permis de les rapporter. Il est bien connu des physiologistes que l’intégrité de la branche nerveuse quise rend dans le muscle, et la libre circulation du sang au travers des vais- _seaux qui s’y distribuent, doivent être considérées : comme les conditions nécessaires de la faculté con- tractile. Nous trouvons dans un muscle divers élé- mens organiques dont il importe de fixer, par expérience, l'usage et la nécessité relativement au phénomène qui nous occupe. Ce sont les fibres musculaires elles-mêmes, le tissu cellulaire qui les réunit , les tendons auxquels elles vont aboutir, outre les vaisseaux artériels, veineux, lym- phatiques ; €t le nerf, cui viennent s’y distribuer. Établissons en premier lieu, dans les limites que nos moyens actuels d'observation nous imposent, quels sont les rapports que l’on remarque dans la situation relative deces diverses parties, en pre- nant la fibre musculaire pour point de départ. Tous les anatomistes savent que les muscles pré- sentent une grande analogie chez les animaux dans lesquels on peut les observer avec une netteté suf- fisante. Ce sont des faisceaux de fibres molles, flexibles, peu résistantes et de longueur très-va- tiable. Un tissu cellulaire d’une grande finesse 35 546 APPENDIX- les unit entre elles, et leurs extrémités se perdent dans la masse commune, ou bien vontsefixer sur . les tendons qui forment le moyen d’union entre le muscle et les parties qu'il est destiné à mouvoir. La manière dont ces fibres se groupent est fort variée, ce qu'on peut prévoir en réfléchissant à la diversité des fonctions que les muscles ont à remplir ; mais l'élément musculaire parait stric- tement le même dans tous les cas. Sa couleur est blanche comme celle de la fibrine retirée du sang ; etsi, chez les animaux à sang chaud , elle paraît rouge, on doit l’attribuer uniquement au liquide qui le baigne : quelques injections d’eau le dé- montrent sans réplique. Afin d'éviter des répé- ütions ou des longueurs , nous subdiviserons la fi- bre musculaire en trois ordres. Les fibres tertiaires seront pour nous ces filamens musculaires qu'on rencontre en fendant le muscle dans le sens de sa longueur : nous appellerons secondaires celles qu’on obtient par la subdivision des précédentes : elles sont fort bien détérminées, en ce qu'il est impossible de les soumettre à aucune altération mécanique sans arriver à la fibre primaire , que les travaux de M. Home , les nôtres et ceux de M. Henri Edwards ont fait connaître d’unemanière très-salisfaisante. Il serait trop long de discuter ici les opinions des anciens anatomistes sur ce point. 1 nous suflira de poser en fait qu'aucune de leurs recherches expérimentales n'implique contra- diction avec les résultats publiés par M. H. APPENDIX. 547 Edwards. On sait qu'il a trouvé la fibre élémentaire identique dans tous les animaux et dans tous les âges, et formée, dans tous les cas, d’une série de globules de même diamètre. C’est de la ‘réunion d’un faisceau de pareils chapelets que résultent les fibres secondaires, et celles-ci méritent toute notre attention , en ce que les mouvemens de la con- traction s’opèrent par leur moyen. Lorsqu'on les examine avec un grossissement de trois cents dia- mètres, elles se montrent souvent sous une forme très-particulière qui serait susceptible d’induire en erreur sur leur véritable composition. On les voit comme des cylindres barrés en travers par un nombre considérable de petites lignes sinueuses placées à la distance régulière d’un trois centième de millimètre. Cet aspect paraît dû à la gaine membraneuse dont ils sont revêtus, et on ne le retrouve pas dans les fibres secondaires qui ont été fendués, ou déchirées_ Il disparait également sous certaines conditions d’éclairement, et l’on arrive à la véritable structure musculaire. La fi- bre secondaire se montre alors, comme l’a fort bien vue M. Edwards, et parait composée d’un très-grand nombre de petits filets élémentaires placés parallèlement ou à-peu-près, et de même forme que ceux dont M. Home a signalé existence. Si l’on prénd un muscle assez mince pour être examiné par transparence, sans qu'il soit né- cessaire de le diviser , on voit qu’il est produit par la réunion d’un certain nombre de fibres secon- 548 APPENDIX. daires placées quelquefois sans ordre l’une côtéde l’autre dans une situation parallèle ou à-peu-près, et souvent groupées de manière à produire les fais- ceaux musculaires qu’on remarque dans les mus- cles épais. Tout cet échafaudage est maintenu par un tissu cellulaire adipeux, et sillonné en divers sens par les vaisseaux et les nerfs, qui semblent parcourir le muscle sans avoir avec lui des liaisons faciles à observer. Nous ne pourrions pas en ce moment faire l’histoire de la circulation propre à ces organes sans sortir de notre sujet, et nous nous bornerons à observer que, s’il existe une commu nication matérielle entre les masses musculaires et les vaisseaux sanguins, cela ne peut se concevoir que dans la supposition d’une imbibition au travers des parois vasculaires. Le passage des artères aux veines se trace aisément, et ne présente point la division excessive qui serait indispensable à la nu- trition de l’orgaue, si elle se passait réellement comme on l’imagine en général. Considérons maintenant ces faisceaux mus- culaires, sans nous occuper des organes acces- soires , et examinons-les avec un grossissement très faible, pour éviter toutes les objections qu’on peut faire à l'emploi du microscope : nous n’y verrons qu'une certaine quantité de fibres parallèles, droites si le muscle est en repos, très-flexibles et disposées de telle sorte qu’elles puissent changer facilement de position relative au moindre mou- vement du muscle. nas APPENDIX. 549 Lorsque cette apparence est devenue fami- lière à l'œil, on se trouve dans les conditions convenables pour apprécier les changemens qui s’opèrent au moment de la contraction. À cet effet, nous prenons un muscle frais et mince, le fascia- lata de la grenouille, par exemple, ou bien encore le muscle sterno-pubien du même animal. Nous le transportons sous le microscope et nous le sou- mettons à l'influence galvanique, au moyen d'un petit arrangement fort simple qui se trouve suf- fisamment décrit dans notre Essai sur les animal- cules spermatiques. Dès l'instant où le courant est établi le muscle se contracte et nous offre le spec- tacle le plus remarquable. Les fibres parallèles qui . le composent se fléchissent tout-à-coup en zigzag, et présentent un grand nombre d’ondulations ré- gulières. Si lecourant se trouve interrompu, l'or- gane reprend sa première apparence , et se fléchit de nouveau lorsqu'on lerétablit. ILest même facile, lorsqu'on rencontre un muscle fort et irritable, de répéter l'expérience un grand nombre de fois. En général cependant on estobligéde lerenouveler après deux ou trois essais. La précision etl’instantanéitéde ces changemens font de ce phénomène un des plus curieux de la physiologie. Œn l’examinant avec attention, on ne tarde’pas à s'apercevoir d’une circonstance impor- tante, c'est que les flexions ont lieu dans des points déterminés et ne changent pas de position, ce qui semblerait indiquer que c’est un rapprochement 55a APPENDIX. occasione par l'attraction momentanée de ces mt- mes points entre eux. D'ailleurs il ne survient au- cune autre altération , et l’on peut assurer que la seule circonstance appréciable de la contraction consiste en cette disposition angulaire de la fibre. Dans tous les muscles on retrouve la même pro- priété : les animaux à sang chaud l'offrent aussi bien que ceux à sang froid; les oiseaux comme les mammiferes. On aperçoit aussi sans peine dans les muscles de l'estomac, des intestins, du cœur, de la vessie, de la matrice , etc. On remarque à la surface des fibres secondaires et à la partie interne du coude qu’elles forment, lorsqu'elles sont contractées , des rides ou plis dus évidemment à la courbure forcée à laquelle ils se. trouvent soumis. Cette apparence est souvent très- prononcée , dans d’autres circonstances elle le semble moins. Ceci provient uniquement de De. nergie de la contraction. Lorsqu'elle est faible; l'angle se trouve obtus , et la fibre n’éprouve pas une flexion suffisante pour donner naissance à ces rides ; mais si l'angle devient plus aigu, la partie intérieure du faisceau doit nécessairement être comprimée, et forme ainsi de petits bourrelets bien prononcés. Il est même probable que cette cause limite l'énergie des contractiofis , et ne leur permet pas de dépasser un certain angle. Du moins est-il bien certain que, dans les muscles de la lo- comotion, nous n'avons jamais pu produire des contractions assez fortes pour que les angles de la APPENDIX. bbr fibre fussent de cinquante degrés ou au-dessous, même en augmentant beaucoup l'intensité du cou- rant galvanique. C’est ce qu'on aura peu de peine à concevoir, si l’on réfléchit aux conditions de structure que nous avons développées. Il semble pourtant que les muscles intestinaux font exception à cette règle, et leurs fibres se montrent souvent sous des angles plus aigus. Mais, d’un côté, les sommets des angles sont sen- siblement plus distans entre eux que dans les au- tres muscles, et de l’autre leurs fibres secondaires sont plus minces et étalées sur un large champ. On conçoit qu’elles se trouvent ‘par là dans une situation tout-à-fait particulière, et que chaque fibre se contracte, pour ainsi dire, indépendam- ment des voisines et pour son propre compte, sans être gènée par les faisceaux environnans. Après avoir saisi les phénomènes que nous ve- nons de décrire, il était essentiel d’en détermi- “ner toutes les conditions. Il était possible que la fibre musculaire fût soumise à d’autres changemens matériels que ceux dont nous avions eu la percep- tion par ce procédé, et nous avons compris que , dans cette supposition , elle devait éprouver une variation de volume. En effet, ou bien on la con- sidère comme un cordon solide dont les extrémi- tés se rapprochent parce qu'il passe de la direction rectiligne à une forme sinueuse, et, dans ce cas, le volume doit rester le même; ou bien on admet des conditions que nous n’aurions pu apprécier : 552 APPENDIX. et comme un corps ne saurait subir d’altération que dans sa forme ou dans son volume, ce der- nier caractère était le seul dont la valeur püût va- rier. Nous avons mis toute notre attention à dé- terminer cette donnée du problème, et nous avons trouvé, dans les écrits de quelques physiciens, des démonstrations très-précises, qu'il a suffi de soumettre à une vérification convenable. D’anciens anatomistes, entre lesquels on remarque Borelli, avaient cru que le volume du muscle. éprouvait une augmentation sensible au moment où il vient à se contracter. Cette opinion, qui n’était basée sur aucune mesure, fut renversée par Glsson. Celui-ci faisait plonger dans un baquet rempli d’eau le bras d’un homme dans l’état de repos, et croyait apercevoir un abaissement de niveau dès l'instant où les muscles entraient en jeu. On a lieu d’être surpris aujourd’hui qu’on ait pu se conten- ter pendant long-temps, daus l'enseignement pu blic, d’une expérience aussi grossière. Elle a été répétée avec plus de soin par M. Carlisle, et ce savant est arrivé constamment à des résultats op- posés. Un homme ‘enfoncait son bras jusqu'au deltoïde dans un cylindre dont l'entrée avait à- peu-près la circonférence du bras près de l'épaule. Ce vase communiquait avec un tube mince et gra- due, disposé verticalement. L'appareil était rem- pli d’eau , et sa partie ouverte se lutait sur le bras: de manière que, lorsqu'il se contractait ; à un si- gnal donné; la variation de volume devait s’indi- ! APPENDIX. AS quer toute entière sur la colonne d'eau renfermée dans le petit tube gradué, et se mesurer par son mouvement. Il la vit monter dans tous les cas, et en conclut naturellement que le volume d’un muscle augmente lorsqu'il passe du relâchement à la contraction. Des observateurs plus judicieux ont cependant senti que ces résultats étaient illu- soires, puisqu'on ny tenait aucun compte des alté- rations survenues dans la peau et le tissu cellulaire sous-cutané, qui doit être plus ou moins com- primé par l'effort des masses musculaires. Ils ont donc cherché à dégager l'expérience de cette cause d'erreur. M. Blanc suivit un procédé analogue à celui de M. Carlisle; mais il eut le bon esprit de se servir d'une masse musculaire compacte, et plaça dans le vase un tronçon d’anguille, qu'il stimulait au moyen d’une tige métallique acérée. Cette méthode, déjà bien plus correcte, ne lui ayant montré aucune altération dans le niveau du liquide, il en déduisit l’égalité du volume sous les deux états du muscle. Mais avant lui, et sans qu'il en eût connaissance, M. Barzoletti, parune expérience bien plus élégante, était parvenu de son côté précisément à la même conclusion. Il suspendait dans un flacon la partie postérieure d’une grenouille, remplissait celui-ci d’eau, et le fermait avec un bouchon traversé par un tube étroit et gradué. IL forcait alors le muscle à se con- tracter, au moyen d’une excitation galvanique, et, dans aucun cas, il ne put observer de variation 554 APPENDIX. dans la colonne que le tube contenait. Nous n’a- vions, pour ainsi dire, rien à ajouter à ée résul- tat, qui se présente dégagé de toute objection plausible. Nous avons désiré toutefois lui donner un degré de certitude plus positif encore. L'appareil que nous avons employé ne diffère pas, quant aux principales conditions, de celui de M. Barzoletti; mais nous avons mis dans le flacon des masses musculaires plus considérables, afin de multiplier l'effet dû à la variation de volume présumée ou possible. Nous n’avons pas aperçu de trouble dans le niveau du petit tube, et nous en avons conclu , comme MM. Blanc et Barzoletti, que si le muscle :éprouvait quelque changement de cette espèce, il devait être bien faible. Les expériences que nous venons de rapporter suffisaient à nous démontrer que le muscle n'é- prouvait pas d’altération, si ce n’est dans la direc- tion de ses fibres. Cette incertitude donnant une grande importance à l’examen des sinuosités qu’elles décrivent, nous avons fait quelques ten- tatives à ce sujet. Il est évident que nous pouvons considérer la fibre musculaire comme étant com- posée d’un certain nombre de petites lignes droites susceptibles de s’incliner l’une sur l’autre sous des incidences variées, ce qui rend très-aisée la solution de tous leurs mouvemens. Nous avons dû nous occuper en premier lieu de la détermination précise de la longueur de ces petites lignes. APPENDIX. 555 Sur un des muscles de la cuisse d’une grenouille, placé sous le microscope et contracté par le moyen de la pile, nous avons relevé en divers endroits les lignes brisées ci-dessus, que nous avons soi- gneusement comparées aux sinuosités naturelles, en nous servant des deux yeux, comme dans beau- coup d'occasions qui se sont présentées dans les recherches que renferment nos mémoires précé- dens. Nous avons ensuite complété les triangles au moyen des lignes ponctuées et pris les mesures que nous ailons rapporter. 556 APPENDIX. Lougueur des ligues. Dustanée des pointe, ao—1omm ab—1qum ob—10 ; cd—16 Cn—10 ef—16 nd—10 gq—42 em—10 ry—39 M}—I1X gh=—i10 Total... «.—130 hi—io ik—11 Kkl— 1x lp—12 Si—11 tu—12 uv #2 vr—10,5 LXY—12 Total.. :+.—3172,5 * Si nous supposons que les 16 lignes comprises dans ce tableau forment une série, nous aurons 172,5 pour la distance des points & et y lorsque la fibre est droite, et 130 seulement pour le cas où elle est contractée. Ceci nous indique un rac- courcissement de 0,23 dans une telle fibre. Mais nous pouvions nous assurer directement de la vérité de ce fait, en prenant le même mus- cle et le mesurant avec soin dans les deux états, de relâchement et de contraction. À cet effet, dès l'instant où on l'avait enlevé du corps de l’ani- mal , il était placé sous le microscope pour s’assu- rer que ses fibres étaient bien droites, et on dé- terminait sa longueur au moyen d’un compas : il APPENDIX. 557 suffisait de le stimuler ensuite par le courant d’une pile faible, et de prendre une nouvelle mesure dans cet état. Muscle reläché 25mm contracté r7mm id. 20 id. 15 1: 25 id. 18 id, 20 idé.. :x5 La diminution de longueur dans cette série était donc de 0,27, tandis que par la méthode indiquée ci-dessus nous l’avions trouvée de 0,23. Il est évi- dent que des expériences de ce genre ne peuvent fournir des rapports plus rapprochés. Il est donc permis de conclure que la flexion de la fibre re- présente bien réellement la quantité dont elle s’est raccourcie, ce qui prouve que le change- ment qu’elle a subi porte sur sa direction seu- lement. Cette considération est d'autant plus impor- tante que beaucoup de faits vulgarement connus nous démontrent évidemment l’élasticité de la fi- bre, et l’on pouvait avoir quelque raison de pen- ser que cette propriété se trouvait intéressée dans le phénomène de la contraction. Nous allons ex- poser ici ce que nous savons de précis sur ce sujet. Le muscle vivant, abandonné à lui-même, prend toujours l’élat régulier sous lequel nous l'avons soumis à l'examen; mais lorsqu'on fixe ses ‘deux extrémités ct qu’on éloigne les points d'attache, 558 APPEN IX. la fibre s’allonge en vertu de son élasticité, comme l'ont prouvé d’anciens expérimentateurs qui ont cherché à déterminer la valeur du poids néces- saire pour amener sa rupture. Il est évident que cette action est de nature opposée à celle qui pro- duit la contraction et qu’elle doit la contrarier dans ses effets; du moins sommes-nous autorisés à le penser d’après les expériences suivantes. Nous avons pris des grenouilles femelles peu de temps avant la ponte. Leur abdomen était fort distendu par les œufs, et les muscles sterno-pubiens avaient dû se prêter par leur allongement à cette augmen- tation de volume. Nous les avons isolés du tissu cellulaire et de la paroi de l'abdomen ; nous avons déterminé leur longueur, puis nous avons coupé une de leurs extrémités. À l'instant même ils ont éprouvé un raccourcissement notable; mais en les examinant au microscope, on a pu S'assurer que ce phénomène n’était accompagné d’aucune flexion de la fibre, et qu'il différait par conséquent de la contraction. Soumis ensuite à l'influence galva- nique, les mêmes muscles diminuaient de nou- Véau de longueur, en présentant les sinuosités ordinaires. Nous donnerons ici les rapports nu- mériques qui expriment les conditions de ces deux phénomènes. Muscle en place 45mm id. coupé 34mm id. contracté 22" id, 49 id. 36 A 25 * 5t id, 37 id, 27 a 145 107 74 APPENDIX. 559 Ces nombres sont entre eux , à bien peu de chose près, comme 30—20— 15; cequisignifie, en d’au- tres termes, qu'un muscle dont les contractions fortes équivalent à un quart de sa longueur seule- ment peut être amené, au moyen d’une traction continue, à la distension exprimée par le rapport de 2:5, sans éprouver d’altération dans sa faculté contractile. | | Enraisonnant sur ce fait , ilse présente à l'esprit une vue qui lève en grande partie, ou, pour mieux dire, qui détruit tout-à-fait Pobjection qu'on pour- rait tirer de certains cas de contractions extraor- dinaires , difficiles en apparence à concevoir dans notre théorie. En effet, l’estomac, les intestins, la vessie, nous offrent des variations de volume pres- que incroyables; et, quoique leur disposition mus- culaire soit telle qu’il est facile d'expliquer pour- quoi leur faculté contractile produit des résultats bien plus énergiques que ceux dont nous avons mesuré l'intensité dans les muscles de la locomo- tion, il n’en est pas moins vrai qu'on se trouve- rait toujours au-dessous de la réalité si l’élasticité de leurs fibres ne jouait un grand rôle dans ce phénomène. L’explication des faits devient fort aisée si l’on fait usage des deux principes suivans : 1°. Les muscles sont élastiques, par conséquent susceptibles de s’allonger sous l'influence d’un ti- raillement exercé dansleur pointd’attache. 2°. Leur faculté contractile peut agir dans tous les cas ; mais elle augmente probablement en énergie à mesure 560 APPENDIX. qu'on se rapproche davantage de l'état naturel au muscle. Il résulte en effet de ces deux propriétés que l’estomac et l’intestin, par exemple, peuvent être distendus par la présence des matières alimen- taires, de facon à se présenter avec un volume beaucoup plus considérable que celui qu'ils offrent dans l’état de vacuité. Si, dans de telles circon- stances, ont fait agir sur eux un stimulus quel- conque , ils éprouveront des contractions succes- sives, qui chasseront peu à peu les corps étran- gers renfermés dans leur cavité , ét ils finiront ainsi par atteindre leur point de repos. Leurs fibres musculaires étaient droites pendant qu'ils étaient distendus, elles le sont encore sous ce dernier état. Une circonstance particulière favorise beau- coup cette faculté d'extension. Les fibres secon- daires de ces muscles sont fort minces et très- Jongues. Elles sont disposées à-peu-près sur le même plan, et réunies au moyen d’un tissu cel- lulaire fort lâche. Ces diverses conditions leur per- mettent de se séparer facilement; elles le font ef- fectivement lorsqu'on tiraille l'organe, et, si lon pousse trop loin cette épreuve, la rupture se ma- nifeste toujours entre leurs intervalles. ._ La contraction de ces organes diffère donc en- tièrement de celle des muscles de la locomotion. Ceux-ci sont fixés d’une manière invariable à leurs extrémités, et ne peuvent éprouver qu’une seule contraction, ou bien, s’ils en éprouvent un cér- tain nombre, elles sont alternatives, et ramènent APPENDIX. 5Gt toujours l’organe au même point. Dans les appa- reils abdominaux, au contraire, c’est au moyen d’une série de contractions que les muscles par- viennent à retrouver leur point de repos, et cha- cune d'elles est employée à faire équilibre à une fraction de la force qui les distend. Examinons maintenant quelles sont les liaisons qui existent entre les phénomènes que nous venons de passer en revue et le système nerveux. Avant de traiter la question sous un point de vue par- ticulier , nous serons obligés de rappeler quelques données générales bien connues des physiologistes. Dans l’état habituel de l'existence animale, les contractions s'effectuent dans les muscles au moyen d'une influence quelconque exercée sur eux par l'encéphale ; mais, dans certaines circonstances accidentelles, on peut arriver au même résultat après avoir supprimé toute communication avec cette partie, et l’on substitue alors une action étran- gère à celle que l'organe musculaire recevait an- térieurement du cerveau; et, pour ne pas entrer dans des détails inutiles, nous rappellerons ici comme des vérités suflisamment connues que le muscle se contracte : 1°. lorsque son nerf commu nique librement avec l’encéphale et qu'il existe dans cet organe la volonté de produire une con- traction; 2°. lorsqu'on pince le nerf après avoir aboli ses rapports avec le cerveau; 3°. lorsqu'on le fait traverser par le courant d’une pile galva- nique; 4°. lorsqu'on le touche avec des réactifs 56 562 APPENDIX. chimiques actifs , tels que les acides minéraux con= centrés, les chlorures d’antimoine, de bismuth,etc.; 5°. lorsqu'on lemet en contactavec un corps chaud. IL s’agit d'examiner tous ces cas particuliers avec attention, et de s'assurer s’il n'existe pas entre eux quelque condition de ressemblance qui nous permette de les réunir au moyen d’une seule ex- pression; et comme il est bien évident que la pré- sence du cerveau n’est point nécessaire à l'exercice de la faculté contractile , nous allons en faire abstraction tout de suite, et passer à l'étude des contractions déterminées au moyen de la pile. Les expériences nombreuses et variées que l’on a tentées peuvent toutes se ramener aisément aux deux principes suivans : si l’on met un des pôles d’une pile galvanique en contact: avec le nerf, et l’autre en rapport avec le muscle, ce dernier éprouve des contractions. Il en est de mème si l'en fait passer le courant dans une portion du nerf seulement, sans que le muscle y soit intéresse. Nous reviendrons plus bas sur la seconde propo- sition, ét nous nous bornerons pour le moment à faire usage de la première. L'expérience qu’elle représente consiste donc à conduire un courant galvanique au travers du nerf et du muscle; et pour nous former une idée nette de la marche de ce fluide , il est nécessaire d'étudier de plus près les rapports qui existent entre ces deux organes. Nous connaissons déjà la structure du muscle; il nous reste à mettre en évidence l’organisation du nerf et sa distribution. APPENDIX. 565 Les nerfs présentent, à l'œil nu, une appa- rence satinée, dont Fontana a donné le premier une histoire complete et exacte. Elle est très-nette, surtout dans ceux du chat, du lapin, du cochon d'Inde, de la grenouille, etc. Lorsqu’on les exa- mine avec un grossissement de 10 à 15 diamètres seulement, on voit alors sur leur surface des bandes alternativement blanches et obscures, qui simulent, dans beaucoup de cas, d’une maniere frappante , les contours d’une spirale serrée qui serait située sous le névrilème. Nous avions cru mème pendant long-temps que leur organisation était telle, et ce n’est que parunesuited’expériences variées , contradictoires à cette opinion , que nous nous sommes déterminés à la soumettre à un nouvel examen. Nous avons pu nous convaincre alors que cette apparence, comme celle des tissus tendineux, était due à un petit plissement des fi- bres du névrilème, qui perd sa transparence dans certaines partieset la conserve dansles autres. Celles qui sont devenues opaques réfléchissent toute la lumière qui arrive sur leur surface; les autres la laissent au contraire passer en quantité suffisante pour éclairer les corps colorés qu’on place sous le nerf. Dès qu'on essaie de tirailler celui-ci, toute cette apparence s'évanouit , et si l'on fend le névrilème, on ne trouve rien qui la rappelle. Elle ne mériterait donc aucune attention si elle ne présentait un critérium très-sûr pour re- connaître les petits filets nerveux et les rendre 564 APPENDIX. faciles à distinguer des vaisseaux sanguins ou ; ail 4 lymphatiques. Mais lorsqu'on prend un uerf, et qu'après avoir divisé longitudinalement son né- vrilème, on étale sous l’eau la matière pulpeuse in- térieure, on la trouve composée d’un très-grand > P ss) saux en S grosseur, et qui semblent continus dans toute la nombre de petits filamens parallèles, € longueur du nerf; du moins ne les voit-on jamais se diviser ni se réunir, quelle que soit la partie qu'on examine. Ces filamens sont plats et com- posés de quatre fibres élémentaires disposées à-peu- près sur le même plan, ce qui leur donne l'aspect de rubans. Celles-ci sont elles-mêmes formées de globules comme à l'ordinaire, et présentent une circonstance remarquable, en ce que les deux extérieures sont celles qui se distinguent le mieux. Les séries moyennes ne se laissent voir que de temps en temps, sans doute parce que la pression qu'elles éprouvent fait disparaitre la ligne qui dessine les globules dont elles sont composées. Le nombre de ces fibres nerveuses secondaires est très- considérable, ainsi que le montre le calcul suivant, quand bien même on se refuserait à regarder les données de l'observation comme rigoureuses. Sup- posons que chaque fibre nerveuse élémentaire occupe dans la section du nerf un trois-centième de millimètre carré , nous en aurons quatre-vingt- dix mille pour chaque millimètre carré. Mais nous savons que les fibres nerveuses secondaires renferment quatre fibres élémentaires : il devra APPENDIX. 565 donc s’en trouver vingt-deux mille cinq cents dans le même espace, ou bien environ seize mille, pour un nerf cylindrique de un millimètre de diamètre, tel que le crural de la grenouille, par exemple. Si l’on examine un nerf à son entrée dans le mustle, et qu’on le suive attentivement, on le verra se ramifier d'abord d’une manière peu ré- gulière en apparence, si ce nest toutefois qu'on s’apercevra d’une tendance marquée dans les ra- meaux à se diriger perpendiculairement aux fi- bres musculaires. Cette observation peut se faire aisément sur tous les muscles, ceux du bœuf, du chat, etc. ; mais elle exige dans ce cas des pré- cautions d’éclairement qui la rendent pénible et fatigante. Il est au contraire très-aisé de la répéter sur les museles minces de la grenouille , dont nous avons déjà fait si souvent usage, et elle n’est alors accompagnée d'aucune fatigue, à cause de leur transparence qui permet de les observer per trans- mission. Après avoir ainsi poursuivi l’une des branches nerveuses aussi loin que le permettent observation à l'œil nu et celle qu'on peut faire à l’aide d’une loupe, il devient aisé de fixer le point auquel on a été forcé de s'arrêter, et de con- tinuer l'examen en s'armant de grossissemens plus forts. Il peut se présenter deux cas : le pre- mier est celui où le nerf se dirige parallèlement aux fibres, le second est celui où sa marche les coupe à angle droit. Dans lun et l’autre, ilmontre, au moyen d’un grossissement de deux ou trois 566 APPENDIX. cents diamètres, un aspect tout particulier, qui ne permet pas de le confondre avec aucune autre partie du muscle. En effet, à mesure que le nerf arrive ainsi à ses dernières ramifications, 1l s’é- largit, et ses fibres secondaires se séparent, s’é- talent précisément comme dans le cas où ñl a été dépouillé de son névrilème. Ce petit tronc nerveux oftre alors l’aspect d’une nappe fibreuse , dont on voit se séparer de temps à autre quelques filets qui se jettent dans le muscle perpendiculairement à ses propres fibres. Mais ici il arrive plusieurs circonstances possibles qui mènent toutes au même résultat, bien qu'elles soient fort diffé- rentes entre elles. Tantôt ce sont deux troncs nerveux parallèles aux fibres du muscle, qui che- minent à quelque distance l’un de Flautre, et se transmettent mutuellement de petits filets qu'on voit passer au travers de l’espace mus- _culaire qui les sépare, en le coupant à angle droit. Tantôt le tronc nerveux é$t déjà lui-même perpen- diculaire aux fibres du muscle, et les filets qu'il fournits’épanouissenten conservant cettedirection, parcourent l'organe ,; étreviennentsur eux-mêmes “en forme d’anse. Mais, dans tous les cas, on observe deux conditions qui paraissent constantes : -la première, c’est que les extrêmes ramifications nerveuses se dirigent parallèlement entre elles et perpendiculairement aux fibres du muscle ; la se- conde, c’est qu’elles retournent dans le tronc qui les a fournies, ou bien qu’elles vont s'anastomoser APPENDIX. 567 dans un tronc xgisin. Mais, dans tous les cas; il parait bien certain qu’elles n’ont pas de terminai- son, et que leurs rapports sont les mêmes que ceux des vaisseaux sanguins. Ce résultat est le pre- mier de ce genre, et, jusqu'à présent, aucune con- sidération anatomique ou physiologique n'avait porté à le soupconner. Nous verrons pourtant plus tard avec quelle facilité il se lie à des faits d’un autre ordre. Que l'on fasse passer maintenant un courant galvanique au travers d’un muscle examiné de cette manière, et l’on verra que les sommets des angles correspondent précisément au passage de ces petits filamens nerveux. On concoit qu'avant d'admettre ce fait, nous l'avons soumis à toutes les vérifications qu'il nousa été possible d'imaginer, et ce n'est qu'après avoir répété et varié nos ex- périences à l'infini, que nous avons cru pouvoir l'adopter. Toutes les préparations ne réussissent pas; mais on trouve dans les muscles délicats de la mâchoire inférieure de la grenouille les meil- leurs échantillons qu'on puisse désirer. Il devient donc très-probable que ce sont les nerfs qui se rapprochentet déterminent ainsi le phénomène de la contraction. Maintenant, quelle est la cause qui les force à s’avancer l’un vers l’au- tre ? C’est ce que la nature des agens physiques propres à réveiller lirritabilité musculaire semble avoir voulu nous indiquer d’avance. Il est im- possible de méconnaître ici l'application de la belle 1 568 APPENDIX. , loi découverte par M. Ampère xt il nous reste senlement à chercher jusqu'à quel point elle est applicable. Si deux courans s’attirent lorsqu'ils vont dans le même sens, il suflira de supposer que le nerf transmet le fluide galvanique plus aisément et en quantité plus considérable que la matière musculaire elle-même, ce qui est bien d'accord avec l'expérience , pour se former une idée nette du phénomène dont nous nous occupons. En effet, si nous interposous un muscle entre les pôles d’une pile, il se trouvera traversé par le fluide, mais d’une manière inégale, à cause de la meilleure faculté conductrice du nerf. Les rameaux de celui- ei se trouvant parallèles entre eux, et placés à de très-petites distances, s’attireront réciproquement, et détermineront ainsi la flexion de la fibre et le raccourcissement du muscle. En admettant la réalité de cette opinion, on concevra facilement que le muscle vivant se trouve être un véritable galvanomètre , et la petite dis- tance qui sépare les branches conductrices d’une part, et leur ténuité de l’autre, concourent à lui donner une sensibilité extraordinaire. Nous allons maintenant le considérer sous ce point de vue, et comparer les phénomènes de la contraction mus- culaire avec les expériences électro-motrices dont la physique s’est enrichie dans ces derniers temps. Tout le monde connaît .les belles expériences faites par les physiciens italiens sur les contractions produites par le contact des matières hétérogènes, de si ne lie dm APPENDIX. 563 et l’on a, plus que jamais, aujourd’hui de bonnes données pour assurer qu’elles sont dues au passage d’un petit courant galvanique. Mais, au milieu de tous ces résultats on remarque celuiqueM. de Hum boldt a si bien constaté, et dans lequel les con- tractions se manifestent au moment où la commu nication entre le nerf et le muscle se trouve éta- blie au moyen d’un arc métallique homogène. On l'explique généralement en supposant que le mé- tal et le muscle se mettent dans des états électriques contraires , et que la neutralisation des deux fluides s'opère au travers du nerf. Voici ce que l’expé- rience prouve. Si l’on adapte aux deux bouts des branches du galvanomètre de Schweigger des lames de platine semblables, que l’on fixe autour de l’une d'elles une masse musculaire de quelques onces, ré- cemment enlevée d’un animal vivant, et qu'on les plonge alors dans du sang ou de l’eau légère- ment salée, l'aiguille aimantée se déviera et le courant ira du métal au muscle. Il parait donc que la manière de voir qu'on avait adoptée est d'accord avec l'expérience, et nous pouvions regarder cette méthode comme un excellent moyen de comparaison entre le galvano- mètre de Schweigger et la grenouille. En eflet , si nous armons les muscles et les nerfs de l'animal avec des portions du fil qui forme le galvanomèetre, et qu'on amène ensuite les deux bouts de l'appareil au contact des armatures, les contractions seront 570 APPENDIX. vives et fréquentes. L’aiguille aimantée ne chan- gera pourtant pas de situation dans le plus grand nombre des cas; et si quelquefois on croit aper- cevoir des oscillations légères, elles ne servent qu'à prouver encore mieux le défaut de sensibilité de l'instrument. D'ailleurs, l'animal percoit avec force tous les courans que le galvanomètre indique lui-même. L'action d'un métal incandescent sur un métal froid, celle d’un alcali sur un acide, celle de deux fils oxidables plongés dans un acide d’une manière inégale , toutes sont vivement signalées par la gre- nouille. Cependant il est bien certain que si l’on ne possédait pas le galvanomètre , il serait impos- sible d'offrir une analyse exacte dé ces divers phé- nomènés, puisque la grenouille n’mdique pas le sens du courant. Nous voyons bien, dans tout ce qui précède, l'eflicacité du fluide électrique pour amener les contractions musculaires, et nous savons, par d'autres expériences, qu'il est indispensable que ce fluide soit en mouvement. Que l’on approche en effet une grenouille préparée et isolée du pla- teau chargé d’un électrophore, les nerfs seront at- tirés vivement comme tous les corps légers, la gre- nouille donnera des signes très-prononcés d’élec- tricité libre; mais les contractions ne se manifes- teront qu'au moment où l’on tirera l’étincelle. Ainsi, toutes les fois que le courant galvanique traverse un muscle vivant, les contractions de cet APPENDIX. bai organe accusent son passage. Îl s’agit maintenant de montrer que dans tous le cas où les contractions se produisent, il existe aussi un développement d'électricité. Haller et ses disciples employaient comme excitans l'acide sulfurique ou nitrique concentrées, le chlorure d’antimoine, les métaux rouges de feu, enfin la pression ou la piqûre, qui sont évidemment deux phénomènes identiques. Nous allons examiner toutes ces conditions d’irri- tabilité. Adaptonsà cet effet deux filsde platine identiques aux. extrémités des branches du galvanomètre ; plongeons l’un d'eux dans les muscles de la gre- nouille, et touchous les nerfs de l'animal avec l’au- tre, après l'avoir chauffé au rouge; les contractions seront vives et la déviation de l'aiguille très-sen- sible. Ces deux phénomènes se reproduiront, mais avec moins d'intensité, si le métal rouge est porté sur les muscles. Substituons maintenant à l’un de ces fils une coupe de platine remplie d'acide nitrique, et fixons à l’autre un fragment de nerf, ou de muscle, ou de cerveau : à chaque contact l'aiguille sera déviée et le courant jra de l’acide à la matière animale. On obtiendra des effets analogues au moyen du chlorure d’antimoine. Quant à la pression, ou à la piqüre, qui n’en est qu'une modification, mous n'avons pu, dans ce genre d'expériences, accuser lélectricité qu’elles doivent exciter; mais les belles découvertes de 572 APPENDIX. M. Becquerel ne laissent aucune incertitude sur ce point; et les diflicultés que nous avons éprou- vées tiennent à des conditions qui rendent néces- saires des modifications dans l'appareil. D'ailleurs, nous savions, par d’autres essais en- trepris dans le courant de l'hiver dernier, que, par la pression la plus légère, deux matières ani- males vivantes se constituent dans des états élec- triques contraires. Il suffit que deux personnes 1s0- lées se touchent la main pour qu’elles se retirent du contact avec un excès d'électricité libre suffi- sant pour dévier l’électroscope de Coulomb. Il est bon de remarquer que. la plupart de ces effets ne sont point liés à l’état de vie; mais il est bien évident que lorsque la mort a frappé les or- ganes qu’on soumet à ce genre d'action, la faculté conductrice des nerfs a pu être modifiée essentiel- lement. Il est même possible que ce soit là la seule condition qui détermine l'irritabilité des muscles, sans quoi l’on aurait peine à concevoir pourquoi le courant galvanique, par exemple, ne produirait pas toujours le rapprochement de leurs branches nerveuses. Mais l’arrangement des tissus est si dé- licat que lorsque la matière abandonnée à ‘elle- même setrouve soustraite à la puissance qui l'avait organisée , elle doit perdreen peu de temps les propriétés dont elle avait été douée. On pourrait craindre que cette hypothèse ne fût point susceptible de se prêter à toutes les cir- constances de la contraction ; mais au moyen des | | APPENDIX. 573 résultats consignés dans notre Mémoire, cette no- tion peut s’obtenir avec une grande facilité. En effet, nous avons fait usage d'un grossissement de 45 diamètres, et nous avons trouvé 172,5 muili- mètres pour la longueur d’ure fibre musculaire susceptible de fournir huit angles de flexion. En supposant les côtés de ces angles égaux entre eux, supposition conforme à l'expérience, comme nous l'avons prouvé dans notre Mémoire, nous trou- mm. mm, min, mn vons =? — 3,83, et LT 0,24 ; nous avons donc 0,24 pour la longueur de chacun des côtés. Pre- nons-en deux, et, complétant le triangle, nous en formerons un triangle isocèle, dans lequel le côté opposé à l'angle de flexion exprimera la dis- tance réelle des extrémités de la fibre ainsi fléchie. Il ne s’agit donc que de connaître la valeur de l'angle de flexion, et d'en déduire celle de ce côté. Prenons d’abord le cas fourni par l'expérience, et nous aurons un angle sensiblement droit, puis- que ceux que nous avons déterminés plus haut varient entre 80 et 110°. Au moyen de ces don- nées, on trouve 0,34 pour la longueur du côté Ë ; ke k ! xQUEe LL mia, oppose; l'expérience avait fourni ne 200, LOL mm, — — 0,36. La différence, comme on voit, n’est pas sensible pour des déterminations de cette es- pèce. Nous joignons ici un tableau destiné à montrer les raccourcissemens correspondant à des angles donnés. 574 APPENDIX. Longueur des leux fibres qui forment l'angle, mm. raccourcissement. 0,480 — 100 o Angle, g0o° côté opposé, 0,339—= 70 0,90 AQU PROSENINRNQ = 7 x 60° 0,240 — 5o 0,50 45° 0,184 — 38 0,62 a Je \TERERS = 30 O2 — 20 0,75 19° 0,062— 13 0,87 On voit par là que notre hypothèse peut se pré- ter théoriquement aux conditions les plus éner- giques de la contraction musculaire; et s’il existe quelquefois des obstacles au raccourcissement du muscle, ils proviennent, comme nous l'avons dit précédemment , de la disposition mécanique de ses fibres, et non ‘point du principe en vertu duquel elles se fléchissent. D'ailleurs, en ce qui concerne l’état d'isolement dans lequel se trouvent les fibres nerveuses, il est produit par cette matière grasse abondante dont nous devons la connaissance aux travaux de M. Vauquelin. Elle entoure chacune des fibres, et ne permet pas au fluide électrique de passer de l’une à l’autre. Outre cette disposition, qui a lieu dans l’inté- rieur du herf, sous Le névrilème, il y a toujours, autour du tronc nerveux lui-même et à l'extérieur de son enveloppe, une autre couche graisseuse, qui se montre jusque dans ses plus petites ramifi- cations. On conçoit qu'au moyen de ces précau- tions, le fluide électrique qui est arrivé dans le nerf ne peut plus se dévier pour prendre une autre route. APPENDIX. 575 Les particularités de la contraction musculaire se trouvent expliquées de la sorte au moyen d’une action mécanique entre les branches nerveuses qui se distribuent dans le muscle. Mais jusqu'ici nous avons plutôt envisagé les effets résultant d’une action étrangère sur l’économie animale; il nous reste à montrer que dans les appareils orga- niques il se manifeste des phénomènes intérieurs des réactions d’un organe sur les organes voisins qui peuvent aussi recevoir quelque lumière si lon fait usage des notions physiques qui nous sont connues. Dès l'instant où la chimie a commence à acqué- rir une exactitude analytique suflisante , on a sou- mis à l’examen la plupart des liquides qui se ren- contrent dans les animaux. Nous n’entrerons pas ici dans le détail des matières diverses qu'on y a rencontrées ; nous nous arrêterons seulement sur quelques points de vue qui sufliseut à notre objet. Le système sanguin est rempli par un fluide dont nous avons déja parlé sous plus d’un rap- port; mais ce fluide présente une quantité de soude caustique libre assez considérabie pour lui donner des propriétés alcalines manifestes. Or, la plupart des matières séparées du sang par les or- ganes sécréteurs différent entièrement de lui sous ce rapport. Les unes, telles que la bile, la salive, sont alcalines aussi; mais elles renferment, relati- vement à la quantité de matière animale qu'on y trouve, une proportion desoudeincentestablement 576 APPENDIX. plus considérable que celle du sang. Les autres, telles que le lait, le chyme, sont au contraire tou- jours acides, et doivent cette propriété à la présence des acides lactique, phosphorique, etc., qui se rencontrent aussi dans le sang, mais qui s'y trou- vent neutralisés par des bases alcalines. Enfin, l'urine et la sueur, dans l’état de santé, peuvent s'offrir sous deux conditions différentes. Elles sont généralement acides et quelquefois neutres. Ce que nous appelons sueur, dans l’acception or- dinaire du mot, est toujours acide; mais le li- quide qui s’évapore continuellement de la peau présente, si on le recueille, des propriétés analo- gues à celles de l’eau qui accompagne l'air à sa sortie des poumons, c’est-à-dire qu'ils ne sont mi l'un ni l'autre acides ou alcalins, et que leur ana- lyse ne montre qu'une petite proportion de ma- tièreanimaleaccompagnée de quelques traces d’hy- dro-chlorates alcalins. L’urine est toujours acide dans l’état de santé; mais ce caractère devient presque nul si l'individu chez lequel on l’exa- mine a bu une grande quantité d’eau quelques heures auparavant. Mais il est évident que, sans entrer ici dans les détails des variations que les diverses sécrétions peuvent nous offrir, il nous suffit d'établir qu’elles différent du liquide dont elles sont extraites par leur acidité ou leur alcalinité, et que cette dif- férence est constante. Si nous cherchons parmi les faits connus en APPENDIX. br chimie une explication propre à nous satisfaire sur ce point important, nous ne tarderons pas à nous convaincre que l’action de la pile voliaïque est la seule qui puisse lui être comparée. Cet ap- pareil est le seul qui jouisse de la faculté de sé- parer d’un liquide homogène les matières acides ou alcçalines qu’il renfermait à l’état de neutra- lité saline. Or, comme l'action sécrétoire est ab- solument telle,nous avons quelque raison de la rapporter à cet ordre d'effet. Bien plus, c’est quil paraît possible d’imiter artificiellement les conditions principales des sé- crétions, et de séparer du sang, au moyen de la pile, un liquide analogue au lait, et des ali- mens eux-mêmes une matièke semblable au chyme. Ces faits et beaucoup d’autres de même nature se trouveraient sans doute bien placés ici; mais leur intelligence exigerait des détails que la forme de cet ouvrage ne comporte pas” nous suflit de poser en fait que l'emploi des forces électriques explique pleinement et d'une manière satisfai- sante, les propriétés qui caractérisent les diverses sécrétions. D'ailleurs, ce point de vue nous éclaire beaucoup sur leur équilibre mutuel, et nous in- dique l'influence qu’elles peuvent exercer l'une sur l’autre. En effet, les sécrétions acides ne peu- vent se manifester sans qu’il n’en résulte en même temps une sécrétion alcaline correspondante, et les causes qui augmentent ou diminuent les unes doi- — mp Lo d 7 5 APPENDIX. (6 | vent aussi produire des effets analogues sur les autres. Nous recommandons ce point de vue aux mé- décins, en te qu'ils peuvent trouver dans son ap- plication des vues précieuses relativement à l’em- ploi de divers médicamens. Plusieurs d’entr’eux agissent trop évidemment sur les fonctions sécrc- toires,, et en troublent trop clairement l'équilibre pour que leur action ne doive pas en grande par- ie être attribuée à cet effet particulier. Nous nous contenterons de citer le mercure pour la bile et la salive, les diurétiques pour les fonctions uri- naires, etc. Dans cette esquisse rapide nous n'avons pu faire entrer toutes les particularités de l’économie animale qui doivent se rapporter aux forces élec- triques, tous les faits qui pourraient venir à l’ap- pui du point de vue que nous avons embrassé. Mais nous ne terminerons pas ce chapitre sans remarquer que, si le mouvement musculaire et les sécrétions peuvent être envisagés comme dus à des mouvemens électriques, la cha- leur animale se trouverait par cela seul conve- nablement expliquée; car il est connu des phy- siciens que le fil conducteur s’échauffe considéra- blement pendant l’action de la pile, et M. dela Rive, savant professeur de chimie à Genève, a eu le premier l’heureuse idée de rapporter à la même çause les phénomènes de la chaleur ani- male. APPENDIX. 579 Ainsi ce puissant agent se trouverait de la sorte capable de réunir diverses fonctions de la vie sous une même loi, et nous devons es- pérer que l'attention des physiologistes, réveillée par les découvertes nombreuses et importantes des physiciens, excitée par la grandeur des ré- sultats que l’on peut entrevoir déjà, ne tardera point à produire des recherches, dirigées vers ce but si digne de notre curiosité. TABLEAUX DES PRINCIPALES SÉRIES D'EXPÉRIENCES: dre TABLEAU I. : 553 Tapzeau des Pertes de poids des Grenouilles. ; A L'AIR. A|vumÉROS | DURÉE | Potps des de ayant PERTES. PERTES. M |ESPÉRIENCES, | L'EXPÉRIENCE, | Lo DEnENCE, L'EXPÉRIENCE. è x "1 2 $ "+ E = = E < & Fa £ pe E % Le % © 23,105 $ 19,440 È RER PRE 584 TABLEAU IT. k A. Tableau des Pertes de poids des Grenouilles. A L'AIR. POIDS o POIDS avant PERTES. fL'EXPERIENCE. avant L'EXPÉRIENCE. CRE CORAERE Te cgram. UE 3 gran. ,806 2 8Tam OIL 7266 22 :,2092|1 ,062 » 23 052 0 ,065 59200 | ,372|21 527410 : ,478126 Des Salamandres. ,21216 ,23818 DB. Durée de la Wie des Grenouilles asph y xices comparativement dans le vide et dans l’eau. NUMÉROS ÊE NUMÉROS DUREE des des de EXPÉRIENCES, KXPÉRIENCES, LA VIE. 3b.15' 3.45! Cb- >b./5 ohb/5! Bb. /Q/ 274 LA do TABLEAU III. 585 TagcEeau des Fluctuations de la transpiration «qui ont lieu d'heure en heure. GRENOUILLES, Pesées d'heure en heure. N° r, pesant Gusran- 9, N° 2, pesant 808'2.,0. 0,6 0:9 92 0;7 D 0,7 0,2 029,111 0,7 HAS CURE A 0,40 FA, DETHU.. 0e 00 10/0 °@ 050 45 0;4 0,8 9;2 0,6 0,4 0;7 0,4 0,4 0 7 7 = N° 3, pesant 45,0. N°; pesant 47,3. 0,3 0,9 0;9 0,2 0,8 0,8 0,3 0,1 PEU. 2e Sie ODAIRSTEMU. ST. 0,1 Le D 0,1 0,9 0,9 0,1 0,2 0,9 LI . E 0,9 58G | TABLEAU HE 1Ÿ Suite du Tableau précédent. 1°. SUR LES CRAPAUDS COMMUNS, Pesés d'heure en heure. N°: ; pesant 26848 15. N° 2 : pesant GAsrn. 05. 0,25 0,55 0,29 0,20 0,05 0,80 0,35 0,40 0,10 0,90 Aperdu.........,:.{ 0,16 1lAperdu. 1: ASE IDN EG b. 0,09 0,10 0,0 0,10 0,05 0,0) 0,10 0,20 0,10 0,19 2°. SUR LES SALAMANDRES TRITONS. N° 1, pesant 10,15. N° 2, pesant 4,9. 0,2b 0,09 0,25 0,05 0,29 0,10 0,10 0,05 0,10 0,05 ADETOL ee eus ce 00, PA NE REU 20e au 0,05 0,20 0,10 0,19 0,05 0,05 0,05 0,3D 0,10 0,19 0,05 TABLEAU ÆV3 Ÿ 587 Tarceau des Fluctuations de lévaporation qui ont lieu d'heure en heure : 19. Chez les GRENOUILLES mortes, + Pesées d’heure en heure. N° 1, pesant / 7er: 0, N°2, pesant 3c8"%4, 0,4 0,9 0,6 0,3 0,1 : 0,2 A peldu:..:.... 16 02 Del. ee» 4121€ (OZ 0,5 0,9 0,2 0,2 0,4 0,3 2°. Sur les MORCEAUX DE CHARBON DE POIs saturés d’eau. Pesés de 15 heures en 15 heures, N° 1, pesant 1,77. N° 2, pesant 1,65. 0,115 0,13 APM: Sr" .. vee 210,200 À DAdu ere See OLD 0,060 0,07 N°. 3, pesant 1,935. 0,125 Aiperdu.-A%e5.1..+ 10,220 0,085 5856 ÿ TABLEAU VI «] . Ld e J " TaëcEeAu du Décroissement successif de la trans- piration , observé de trois heures en trois heures, GRENOUILLES, F Pesées de trois heures en trois heures. N° x, pesant 6ogra®,2, N° 4, pesant 348". 2, 1,D 1,8 perdu... 1.001 2 MAberdu.. 22. Pa de de V2 1,0 1,0 N° 2, pesant 39,5. N°5, pesant 35,25. 2,0 3,99 DBPECIL 2 eus ch NE NI ANDÉFAU es Ein 1,1 1,90 N°5, pesant 36,1. N°6, pesant 41,0. 1,6 J f? À Pet du. us 07 eee» À O>O0 1 À ie 1,6 £ 0,6 TABLEAU VI! 589 Tazceau du Décroissement successif de la trans- piration , observé de neuf heures en neuf heures. LL GRENOUILLES. —- . N° 1, pesant 39,3. La 2,0 Intervalle de 3 h... À 1,7 l Inter: derg BR. 2.0 4,8 I 7” Inter. de 9 h. de nuit... 4,0 1,6 . Inter. de3 h......., ‘0,6 Héer-detg"h. se 2,5 0,6 N°2, pesant 36,7. 1,4 Toter. de su... dns Inter. de 9'h::-:... HD 020 ! Inter. de 9 h. de nuit... 1,9 0,6 Inter. de 3 h....... 072 nier-Kde gui. 7.2.4 1,9 0,9 No 3, pesant 35,1. 1,9 Inter. de 3 h...... : 0,7 + Inter. de 9 h.......... 3,4 0,8 5 Inter. de 9 h. de nuit... 2,7 0,8 Inter. de 3h. 0 2% Inter. de:gh:,::-:202 1,5 2 0,9 5oa TÂBLEAU Viri . L TarzeAu de l’Influence des abris partiels sur la transpiration dans l'air. “ a —— GRENOUILLES placées à l’embrasure ‘d’une fenêtre fermée , Pesées d’heure en heure. e N° 1, pesant 3882 4. N°3, pesant 498%%,5. 9,9 057 APE AU. does a Alperdu,.....: 8; 06 0,4 0,3 3,5 N° 2, pesant 17,5. N° 4, pesant 39;,r. 0,4 0,6 0,5 0,5 perdus A perdu........ RES ” 2 0,2 - 0,3 0,3 0,1 2,2 2,9 Terme moyen des expériences ci-dessus... ,... 3,t Nota. Comparez ce tableau avec le suivant. TABLEAU VHR LX 59x Tasreau de l'Influence de l'air libre sur la transpiration. a GRENOUILLES placées à l’embrasure d'une fenêtre ouverte, Pesées d’heure en heure, N°xx,, pesant fes CG. N° 3, pesant (OH mt SO APE = come rte AVperdee 2.7. .-00e * RO O OO M D D C2 D Or 2 1 =] ss [S1 bn 5 | = à 1% + | © N° 2, pesant 31,2. * N°4, pesant 55,7. 3,2 4,5 2,0 2,0 1,9 EL 19,2 ‘ 19,7 MDERAUS SC ESS see: Terme moyen des expériences ci-dessus... ,.. 14,7 592 TABLEAU x. X Taszrau de l’Influence de l'air sec et de l'air humide calmes sur la transpiration. eme GRENOUILLES. AIR SECs Pertes. AIR HUMIDE. Pertes. N° 1, pesant BOerami 3, N°, pesant 828%:,6. En ro h. ( hygrome- En 10 h. (hygrome- 1e) on GRR | RES LEA PAR ER son N° 2, pesant 36,8. N°2, pesant 31,6. En 10 h. 35" (hygro- En 10 h. 35’ (hygro- metre BE) lee 9,4 |'métre xoo0°-}:...2..:. 10,9 N°3, pesant 35,7. N°3, pesant 31,6. En 21h. 30° (hygro- En 21 h. 30’ (hygro- meélre4"- Mens... 15,1 lImeétTelEOO en fee: 1,9 N° 4, pesant 26,9. N° 4, pesant 27,3. En 6 h. ( hygromè- En G h. (hygrome- AE 0 2) PSS CNE HONTE MOD este et 0,4 TABLEAU XJ 293 Tasreau de l’Influence de la température sur la transpiration dans l'air saturé d'humidité. GRENOUILLES, Pesées d’heure en heure. ” A zéro. N° 1, pesant 27e2m.,8. N° 3, pesant 2C8r2m,3, 0, 0,3 0,2 0,2 0,15 0,2 PEU... DE Brperau nef Le 0,15 0,1 0,10 0,1 0,10 0,1 1,00 1,0 N° 2, pesant 24.8. N°4, pesant 33,7. 0,4 0,2 0,6 0,2 0, PREDNILe es cie s | ; 0,1 0,1 ? AIPerdir. 2.61: « Le à | 0,1 0,19 0,05 0,15 1,09 1,00 594 TABLEAU X]1 Suite du Tableau précédent. a GRENOUILLES, Pesées d'heure et heure. À 10°. N° 1, pesant 268%, r. No 3, pesant 328r4m,7. 0,3 0,5 0,3 0,2 O, I 0,2 ? Appels. etes AIbéRAU. . saée seu ee 0, I : 0,2 0,0 DE 0,05 0,2 De, 0,82 1,5 N° 2, pesant 24,4. N° 4, pesant 38,0. 0,4 0,2 0,2 0 AMEN. 6 se ON 7 ANDELAU SU ur EU 0,2 0,2 0,1 0,1 TABLEAU X111 505 « Suite du Tableau précédent. GRENOUILLES, Pesées d'heure en heure. À 209. No 1, pesant 28872%,9. N° 2, pesant 2681 7, ff 0,6 0,5 0,4 0,9 A perdus. Situer eo SEA perdue... {ii o, 9 0, 0,4 0,3 0,3 1,9 2,0 À 40°. N° 1, pesant 30,2. N° 2, pesant 29,3. 122 1,4 LT APE er doses AIR 14 pere PA A DÉFI. 0 2 : Dior 1,6 1,1 1 OL) 0,9 —— 729 4,9 No 3 er | N° 5, pesant 27,7. AIDErdUs Lee. et 5096 TABLEAU XIV Tasceau de la Marche de l'absorption dans Peau : 1°. Comparée sur des GRENOUILLES également éloignées de leur point de saturation. N° 1, pesant 338" 9. Ayant perdu à l’air en CHER DD MR Ce + 032 à gagné dans l'eau : ENT ue lee ae a 030 CRE ee Re Cu à La APP PE RENE 2 4,5 EN CRRANASRANARERNR A A 76 ed N° 2, pesant 328. 6, Ayant perdu à Fair ER PAPE SD ssepmee 410 a gagné dans Peau : enr ete eee CE ES | EE CR SRE LL ENV ue Rnor Sur des GRENOUILLES inégalement éloignées de leur point de saturation. Ne 3, pesant 26,2. Ayant perdu à Pair CEE AE De Pois 19,2 a gagné dans l'eau : en 55’. CR EC 7] 5 19,7 Nota. Comparez cette dernière expérience aux deux pré- cédenies. TABLEAU XN. 597 Tascrau des rapports de l'absorption et de la transpiration dans l’eau, sous l'influence des températures de 0° et 30° cent. GRENOUILLES; Pesées d'heure en heure. À zéro. N° 1, pesant 225%°",6. N°2, pesant 269"";x. 0,9 ( 0, , 0,9 : 0,2 ur de À gagné... dE 0,1 0,1 FREE CLIP DOROU . sua ses 20 0,9 TE REP RL OPA DAME nee Dame O2 N°5, pesant 26,5. À gagné..... CCE APErdU ais eiei 0e N° 4; pesant 50,7. N°5, pesant 31,5. En 1 heure a gagné..... 0,1 | En 1 heure a gagné... .. 0,3 En 2 heures a gagné.... 0,1 | En 2 heures a gagné.... 0,2 En 3 heures a gagne.... 0,5 | En 3 heures à gagné.... 0,5 … < | > 598 TABLEAU XH. XV Suite du Tableau précédent. GRENOUILLES, À 30°. N°1 ; pesant 166 4e N° 2, pesant DOE,0. En x heure a gagné..... 1,1 | En 1 heure a gagné... En 9 heures a gagné... 0,2 | En 2 heures a gagné... En 3 heures a gagné... 0,3 | En 3 heures a perdu... Pesées d’heure en heure. N°3, pesant 29,0. N° 4, pesant 32,3. AU DENAS Eee eue et UT RADEON: nel mets ne ieie AVOAGNE MMS TE UE 1,0 À BARRE 0 » 04 me = mere NÉE Le ago o ue PANNE 0) | A vannes; et. A gagné.….......... À CNET AMEN N° 5, pesant 22,4. A PEL RSS LENS" :0,9 A Cane ed ONE A DEAD : :. + des etais à 0,3 0,0 0,2 0,1 0,7 0,4 0,4 WE 0,5 Er” PEN D dd TABLEAU XXE X 111 TasceAu comparatif des Sommes , des Pertes et des Accroissemens d2 poids résultant des expé- riences précédentes à 0° et 30°. PERTES, PERTES. À zéro. ACGROISSEMENS. . ram, OO mener en de rate 0 3 ... . LA] L2 0 / [e) LL: .. o . . . ,6 [e) ,90 cie eh » sie o'e ... 57 [eo] SE à ch 1e TC So 50 } LE 1120 ,9 A 30°. ACCROISSEMENS. RCA 7 sG ve 2.0 ». mÉe 0e ge» 0... L2 0,9 LUE D PO ER tes 0 30 Rd DR 1,1 PRÉC EER RCE 147 pa 600 TABLEAU KEY, Y Y 111 Tasreau de l'Influence de la température sur la vie des poissons , de même espèce, dans l'eau privée d'air. Novembre. LE, a) VERRON ( Cyprinus phoxinus ). Dans ot,132 d’eau non aérée. A ho. N° Tojale seiele caleleteiete RE See sel olbieleis À Ont vécu...... quelques secondes. AO. LE EOE NT RE ; de 2 à 3 Ont NECU TE ee x s'{aroiels min, AS 0e N° x pes" Senmr ; ob. 45 2e ) Ont ve ss 0e BU 2 PES At" s20 ok 54 Terme moyen...... Oo 49" 50" À 10°. (or ipes: {e. 12,0 ; a "To HRENE d Ont vecu. rues b # AIDES Ce an (Re Térme moren.: 2% 0x À zéro. ° TC AAA ; /% /6' N°1, pes LE Ont vécu ] ë s Ternre moyen..... 4% 22° 5ù TABLEAU #9. XIX Got TascEeau comparatif de l'Influence de la tempé- rature de 40° cent. sur la durée de la vie des poissons d'espèce et de genre différens, dans l’eau privée d'air. Novembre. LE, nt Dans 1 litre d’eau non aérée. “ONE A 4o°, ABLETTE ( Cypr. alburnus ). Nr en dPVÉCU. Rs nec cb 20" MEUNIER ( Cypr. Jeses ). PRES de d'VÉCU: eee Le ce 40" Gouox ( cypr. gobio ). NoiTL pes. 2 DES { 0’ 50” Dhipesiseà 0:00 ONE VéeH..:. eee Fe DPESee 2: » AN ER Li so" Terme. MOYENS 2e. 1 BARBILLON ( cypr. barbus ). Non peste 0,07 MOVECH. 2-0 HER 2! PERCHE ( perca fluviatilis ). N°1; Mestre En RESTE CARPE ( CYpr. Carpio ). N°. 1,peste. 27,0 a vécd:.. SA DER 2’ or ( gadus lota ). NAS IRS. 4: 1205) ED NEC er à à OR LUE À Go2 TABREAU Xi. Y * Tasreau de l'Influence de la température de 20° et de 10° cent. sur la durée de la vie des poissons d'espèce et de genre différens dans l'eau privée d'air. R Novembre. Sn, me Dans 1 litre d’eau non aércée. À 20°. , \ ÉPERLAN DE RIVIÈRE ( Cypr. alburnus ). NS eppess our avé, 5. Sr EEE GOUJON ( Cypr. gobio ). NAME PES er RU EU DST) A NEeU:.. ne F9, 19) BOUVIÈRE (Cypr. amarus ). À: QE DRE PNR SA ETES SEL ECS NA 26' nes lee ue D CE AU SUR Terme moyen... 6 10° 30 À 10°. ÉPERLAN DE RIVIÈRE ( Cypr. alburnus }). PA PES: en UD 4 La VERRE dede. LPO GOUJON ( cypr. gobio ). NO rpes. sn ssts te 4,0. Atbassé des is: sea 260 Fa o Terme moyen du refroidissement pour la première heure. ......sosssesedos es, 17702 Terme moyen du refroidissement pour les COR nt ARR PP RO ann. RE arte im. ot tnt TABLEAU XLVIT, | 629 TasLEAu comparalf de la durée de la vie des mam- mifcres adultes et des jeunes qui naissent les yeux ouverts, asphyxiés par submersion dans l'eau. Cocos D'INDE. Adultes. Jeunes de deux à trois jours, ES NN°tr 4 N°° 3 6’ 2 Pont véeu. +. .%3@U0S 2 6” L 1260 À ont vécu 3. 4 .... 4 # Terme moyen... 335" “ 3, 39 5 5 6 4’ erme moyen... 9° 29 “Cuxvreau de deux jours. AC VECUS PAPER SRE à a M ete + 630 TABLEAU XLVIN. Tasceau de l'Influence de la#ternpérature exté- rieure sur la durée de la vie des animaux à sang chaud privés de la respiration par submersion dans l'eau. JEUNES ANIMAUX. nn Cars de deux jours. Eau à o°. Nes I à 4 ONE VECUS ES MNT RES EP OT Dur & EN CE © si (er) e J'me Mo pers AR Ne, Se 0 ANS Eau à ro°. Nr WA 2 + HONLIVEEU. SN BOT LS be died 1DROUL 3 14 TERRE PIONEER EC ee se ui os MO 20 = TABLEAU XLIX: 631 Suite du Tubleau précédent. Cuars de deux jours. Eau à 20°. N°: , { ont BU ss de ets c'e tot 08 50 0 55 ©: 0 5 ve Lo’ Terme-moyens vs. RITES 45" Eau à 26°. N° 1,A VOCUL sr since nent cute ONE s 7/4 30" Eau à 30°. nes : { 28° OMÉNEER AE: roule sous ren due ; 2 | 30 Terme moyens: ss... PP 1 Eau a 42°. N°1 T4. 19° 2 V ont vécu 8 3 0.000609 2. 9’ 52  14 20" Terme morehps sé uynék ec... 10 27 L'ouverture du thorax i a été faite pour expulser Pair ? EL P des poumons , produit une effusion de sang qui diminue la durée de la vie; mais comme cette condition est la même pour tous , les rapports restent les mêmes. 652 TABLEAU L. Suite du Tableau précedent. Cuiens de cinq jours, de forte race. Eau à 0°. 08 , k , 12 N : DE VÉQU. eu... ue) D'ÉTRE ROME. se Le: ses SA D Eau à 22°,5. ÿ NO VÉCUE E Le déreseres N0D DO ADULTES. MoinEAux aille Eau à o°, Terme moyen de sept expériences. .... 0! 30" Eau à 200$ Terme moyen de sept expériences. ..... 0" 46" Eau à 4o°, . lard) ! 4 Z'erme moyen de six expériences... ..+ 0° 39 \ TABLEAU LI. 655 Tasceau comparatif de la Durée de la vie d'ani- maux à sang chaud adultes , et de jeunes indi- vidus de même espèce , dans des quantités limi- ices d'air. Dans 1 litre d'air. fre. ext. , 8°: MoiINEAUx-FRANCS. L Adultes, Très-jeunes, sans plumes. N®1 1 & N®r ; 11 4 35° ee 12 24 : ont vécu. Fes gr 5 HET ë ; ® 1 ; 1.907 Terme moyen.. 144% 40° 40" ont vécu. 7 5 h 25 6 1h. 22/ 7 1 b. 28” te) 1h37 Terme moyen.. 1:30’ 52 Pour absorber l’acide carbonique provenant de la respira- tion de l’animal , le vase dans lequel il était placé était ren- versé sur une dissolution de potasse caustique très-con centrée. (2 1b 4 3 de potasse dans 2,5 litres d’eau.) 634 TABLEAU LIT: Suite du Tableau précédent. Dans 1 litre d'air. Tre, ext. , 180. MoiINEAUX-FRANCS. Adultes. Jeunes, couverts de plumes. N®x sa (1: 5 Nos 2 k. 50’ b, / h 07 2 L'UP2É 2 ‘ 2 À 5o 3 pont vécu. 4 1 b 55/ 5 ont vécu.{ 2} 8 2 I h. Bo’ à 2 b. La’ 5 1 28 5 2h. 55’ Terme moyen.. 1h 32° 56"| Terme moyen. 24:39 32" << ABLEAU LIL. 635 Tasceau comparatif de la Durée de la vie d'animaux a sang chaud adultes dans des quantités limitées d air, en hiver et en été. ; SUR LE MERCURE. EEE IE IRIS IRE EEE NI ET EE En | E | £ [Nes : EL Z Nos. DUREE Ë 2 Nos. DURÉE î 2. Ë É de DATES, Es ë des ke 3 ñ expër. [DE LA VIE. g EPA ES UE ve Le Es Li 1 ES me | 2 ; 1819. | Janvier, Août. g À jE 5 |20°/76,2| 1: |okb. 48° 30”| 28 |20° |74, HAL UNS | » » | » 2 lo 45 » 29 » nD;: DIT. NO 2 6 » [76,2] 3 L'UT)T » » » » SU [FE -40 a » » » HOT. 2382 © » » » 4 |z A | » 21 © 5 1 4 > » » » ANR CPET MD 2») [a 10 6,%10:.-55.-2 30-12-5561 --6--Ér5-080eS ! » » » 7 |1 4 30 » » » SUR OTT0 » » » g |r 55 » Septemb, 10 21° 96,5] ro |r UD ) » » II I y] » » » » are 1072 » » » 13 ue OU he 7 Le nn pisse te QU] Termes! 200/56,2| » [rh 9° 25 » 200,5/75,5| » |r b. 22° » à Imoyens. 2 VERDIERS. Termes 20° moyens. TABLEAU LIV. 656 Quitte AU L'ADICAU preccaent: — Œ Fe rares SUR LA POTASSE. Bruans adultes. Nos. DATES.|[TEMPÉR.|BAROMÈTRE.| des expér, où ils ouvrent lebec, DURÉE ; : ÉPOQUES DURÉE ÉPOQUES. DATES. |TEMPÈR.|BAROMÈTRE.| des expér. [où ils ouvrent le bec.|DE LA VIE. DAS Ni Be lécemnbr. Août, 30 209 74,8 I » oh. 58 28 200 74,8 I 1b. 12° 1h.31° » » » 2 » Ut 11 30/| 29 5 7b,2 2 l= #13 DO -|r 7 » » » 3 » o b4 » » » 3 le) 59 2122 j' » ee) » A » I 20 » » » 4 1 12 I 19 31 » FDL C5 » 1 14 » » » 5 TOI L 13 janvier î 1311 ñ r » 76,0 6 DO 30e 2204290 35 x nb, 7 » 1 NC) » 15 D 54,6 8 pur 1 °1% » f 24 » 76,0 9 1e 25 x 90 » f » » » 10 o 47 054 Septem. f co Ah ne ane cr. » » » 12 Où 30 Oo 48 » il » » » 13 o Ds o 58 » H 25 » 79,7 14 0. 26 6 57 » f » « 1 29 0 ES TABLEAU LV. 657 Tasreau des Rapports de perte par la transpira- tion, dans des temps égaux et successifs, chez les animaux à sang chaud, exposés à l'air. CocHons-D’INDE. Pertes d'heure et heure. Tre. ext., 14°. N° 4, pesant 16£8r2m,7. N°5, pesant 18082. 0. 50 o7 0,63 0,08 1,03 56 RUES OP APPART A DORE. : sseeh es De 0,80 o,21 0,65 0,10 0,40 0,30 5,03 2,42 N°2, pesant 1968m.,3. N°4, pesant 1658"%,9, 1,45 0,99 0,73 499 0,30 0,73 0... = r .. 2/"& 8; e;279#.9,0: : À perdu 0 pe A perdu 073 0,70 0,30 | 0,15 0,10 3,09 3,09 Décroissement de 2 en 2 heures. 2,16 1,15 N° 1. ..... 1,83 LL RES OPEN RE AE PE 0,77 1,05 0,40 i 2,10 { 1,33 No Secret MENC TE. one tes ed 06 0,89 l 0,40 Dans les deux derniers cas, le décroissement n'a pas été constant de 2 en 2heures ; mais il est évident qu’en le prenant de 3 en 3 heures il devient constant, n° Re NS DER Le N° Hot ne 1,95 1,19 \ 658 TABLEAU LI. duite du Tableau précédent. SOURIS. Pesées d'heure en heure, Tre. ext., 19°. N°1, pesant 58rim. 9. N°3; pesant sem o, 0,179 0,085 0,180 0,150 2000 ; 0,000 DRPEdié ein, À 0,085 ADEME 0,090 0,098 0,050 0,000 0,050 SEE 0,445 N°2, pesant #22, N° 4, pesant 682,5. 0,030 0,140 0,100 0,140 * _ ]o,190 0,090 UNS ONCE 0.008 APE ee “No. dus 0,090 0,085 0,045 0,085 0,625 0,635 Fluctuations moindres de2 en 2h. Décroissement constant de3en3 h. 0,305 N° I me F1 LU à SANTA x 0,179 néons ee à LS 0,265 0,190 0,710 0,210 0,400 À vf 2 1 (re ep alRen PSe o 280 cab. FOOT os 0,199 0,625 (0,165 N° 3 re Nr ee... p. too UN NN 0,190 0,109 0,535 9370 0,280 | he 7 N° 4 s MER Ce x 0,185 N ASE ses mg 0,265 9,170 0,635 TABLEAU LVIT. 659 Suite du Tableau précédent. OISEAUX. Pertes d'heure en heure. TFre.ext., 19°. N° r, pesant 24822: 05. N°3, pesant 258,5, 0,55 0,54 0,48 0,14 0,49 0,36 PEUR ea re 0,43 A perdu. ... ... 0,25 0,15 0,17 0,10 0,22 2,26 1,98 N° 2, pesant 228,0. N° 4, pesant 238. 95, 0,43 : 0,54 0,91 0,30 " 0,95 0,23 725 nl D PAL PTE De AIBEEQU feet ee 0.32 0,32 0,16 0,04 0,09 1,75 1,04 Décroissement de 2 en 2 heures 1,03 "0,98 NEM E-rea O2 FT... en este 00 1 OUI 6,91 0,39 0,74 $ 0,54 N%2... CRC] CRC 0,65 LA RE POSER TE 0,75 0,90 0,29 G40 TABLEAU LVIIT. Suite du Tableau précédent. OISEAUX. Pertes d'heure en heure. Tre. ext., 20° N° 1, pesant 318%,6, N°35, pesant 2 2872 4 45 0,59 0,58 0,26 0,95 0,96 0,39 A perdu. .......... Ar À példu: .:.... a 0,14 0,11 0,10 0,13 1,45 1,71 N°2, pesant 26s"ams 3. N° 4, pesant 24872,0. 0,38 0,52 En 0,99 0,21 $ 0,49 0,22 Là Mb Le Aiperdu. 20.00 Dan | . 0,29 0,07 0,16 Uo,os 1,87 pe A Décroissement de 2-en 2 heures. | 0,65 0,93 Mon... Le Me BAIN Or eue es de x - 00/04 0,24 0,24 À 0,79 0,73 MR SUR PONT LE. ie. es 000 0,48 0,12 / L Toutes les pertes par évacuations alvines ont été détermi- nées avec soin au moment même de l’excrétion , et défalquées de la perte totale’, pour avoir Révaluation exacte des pertes par la transpiration. , TABLEAU LIXe _ 641 Tarceav de l'Influence de l'état hygrométrique de l'air sur la transpiration des animaux à sang chaud. . Cocuons-p'Innt. Pertes totales par la transpiration et les évacuations alvines, Tre. ext., 15°. Air sec. Ait humide. Pertes, Pertes. N° r, pesant 15; 8%:,0. N°1 ,pesant 16g8rm.,7. En 6/2 perdu: ...%"19,9"{ En GE a'perdu 2.711210 N°2, pesant 1948"2:,5. N° 2, pesant 2058"%,2, En 8! aperdu...:.4. 18,9 {| En 8 La perdu ::424..1957 N° 3, pesant 20487":8. N°3, pesant 2168%:,0. En Gk-a perdu....... 16,2 | En 6! a perdus ete: 145 N° 4; pesant 27€8"2,7. N°4, pesant 2558220, En 6.2 perdu. 0.0.1. 1997 1 Em Gha-perdu.,, 5. 959 N°5, pesant 2508%:,5. N°5; pesant 2988"%% 0: Ent6*:a perdu. :..:.. 25,2 | En.6 #: a perdu. .:.4 .:.( 6,5 Le terme moyen de quatre expériences faites à l'air libre pour déterminer la quantilé des excrémens est plus grand que celui des pertes générales dans Pair humide ; mais si l’on prend le minimum des exerémens (11,18) dans les quatre expériences ei-dessus, et qu’on le défalque des expériences faites dans le même espace de temps, n® r, 3, 4 et 5, dans Jair humide, on aura 0,04 de perte. D'après cela on établira le rapport suivant : 9,99 | 0,0/ 41 G42 TABLEAU LX. Suite du Tableau précédent. OISEAUX. Pertes totales par la transpiration et les évacuations alyines. Tre. ext., 130. Air sec. Air humide. ; Pertes. Pertes. N°1, pesant 2087m:,3, N°1, pesant 2r6ram.,5, : En 4h: a perdu....... 1,2 | En 4: a perdu...,.... 0,7 N° 2, pesant 258"%:,7, N° 2, pesant 248r2m. 7. En 6 a perdu. ...... 1,65 | En 6 * a perdu........ 0,7 N°3, pesant 248". 0. N°5, pesant 268,7. En G#'aperdu..:.... 1,81 } En 6? & pérdu... .. . :.! 0;9 N° 4, pesant 238"2m-,2, N° 4, pesant 248rm.,7. En.5 *’#æ perdu... 14,90} En.$ la perdus, 5,8 Huit expériences ont été faites à l'air libre, en prenant une note exacte des évacuations alvines pendant six heures. En dé- falcant le terme moyen de ces pertes (0,68) de la perte 10« tale de poids , on a approximativement le rapport de la trans- piralion dans l'air sec et humide , dans des vases clos. En faisant l'opération indiquée sur les résultats des expé- riences n°” 2 et 3, dont la durée est la méme (61-), on a le terme moyen suivant : | 1,04 | 0,17 TABLEAU Lx. 2 = [EL | RP) KE : «| of] AOÛ sous j | | « 6 No Y be ü1! EU ‘agde, pds, “sodxo pl'ipdus ‘apdxs,] apdxo AA LAN | LL CA ‘dé \ toidu | iuvau spas | capoxo N'OUXM] op üty Auvie A tqudu | Juvau pri | “uprxe “dx “ap AT op Lun | op | oadoad HUALVURANALT 10N ML ON OA N [UUUN | ,p otdoid HUMAINES voN] LILYNOUDAU AA LV UMA ee Ro. ‘XGINANIMIV ‘DAS MIV RE HU LY Ian UAA mg *XAVANIO “OopPHUNI AID } SUDP 79 € 998 AP SUPP pnbyo Suvs p xnbuun sounol op quowuassiproufoy np Jvavduwuos avaiay x ne ns G44 TABLEAU LXIT. Taszyau des Altérations de L'air par la r'espiraiiorr: RESPIRATION LABORIEUSE:. Peuts Ciens d’un à deux jours. : Treo, , r70. } H| QUANTITÉ DURÉE OXIGÈNE [ACIDE CARBON. RATE: de : dt. me mm, | d'air: l'expérience. absorbé. produit, absorbé. exhalé. | cent. cent. cent. cent. | 148 4 h. 59 -E 9,74 16,28 » 2,47 |b 152 4 29 0,05 19,67 » 1,09 | 4) 1 150 0.62 19,62 » 0,62 | mm | A|Zer. moy. » 9,50 17,96 » | 1,37 fe RAT VRP ET EST PA RO PRE PE RE ET SO CE PSS EE Se TABLEAU LXNI. 645 Suite du Tableau précédent. MoinEaux adultes. | Temp. , 200. DURÉE OXIGÈNE |AcrDe ‘CARzON. de l'expérience. | absorbé. duit. e 1'expérience absorbé produit Hs pés tale MIOUANTITÉS d’air, cent. cent. 159 4:73 18:42 159 7,93 19,09 7,30 | 19,56 5,44 20,92 6,221" 20:32 6,08 | 19,71 542 20,097 15 190,75 156,25 156,0 156 SJ O1 C0 = Qt D Ter. moy. » O1 GE O1 O1 646 TABLEAU EXIV. Suite di Tableau précédent. MornEraux adultes. à [Octobre le 22. ll Temp. , 15°. DURÉE de l'expérience, d'air. cent. 155,25 1595, 5 155 Novembre. ‘ Temp., 15°. "| 155 il 195 159 195 155 155 155 155 155 159 D ON D m N = mm D D TABLEAU LXV. C47 Taszeau des Altérations de L'air par la respiration. RESPIRATION PRESQUE NATURELLE, Bruans adultes. Novembre. Temp., 12°. RIQUANTITÉ DURÉE OXIGÈNE|ACIDE CARON. d'air. del’expérience. | absorbé. produit. tbe cent, 648 TABLEAU LXVI. Suite du Tableau précédent. . GRENOUILLES. t : {. ï QUANTITÉS del’expérience, | absorbé. PLGORE absorbé. exhalé. | | d’air. Là cent. 2,24 2,52 74,0 24 h 2249 : ke 1,99 2,43 1,68 4 Ter. moy. É Juillet 1 Temp., 18°. 74,0 24 h. ; M ITer. moy. Octobre. c . M |Temp., 140. 1,29 74,0 24 b. ne) 0,86 ñ LAVAAV LEV LAVE VIA VV LU L LL LIVRE VUE SAV ULV ALU EL ALERE TABLE DES MATIÈRES. PREMIÈRE PARTIE. Les Batracierrs. Evrnonvcriox. Page v Cuar. I. De l’'Asphyæxie. U I $ [*. Znfluence comparée de l'air et de l'eausur Les systèmes nerveux et musculaire. 3 S IT. Æsphyxie dans l’eau. 7 S IL. De la Strangulation. ‘10 S IV. Respiration cutanée. 12 $S V. Animaux renfermés dans les corps so- lides. 15 Cu. Il. De l’Influence de la température. 25 $S I. Znfluence des saisons. 33 Cuar. IL De l'Influence de l'air contenu dans l'eau. s Ax $ I”. Des Quantités limitées d’eau. nt, S IT. ÆEau stagnante renouvelée par inter- valle. 49 $ IL. Action de l’eau aëérée sur la peau. 52 $ IV. Eau courante. 55 $ V. Limites de ce genre de vie. 57 $ VI. Action combinée de l'eau, de l'air et de L&® température, C2 650 TABLE DES MATIÈRES. Cuar. IV. De l'Action vivifiante de l’atmo- sphère. Page 67 S$ I. Zn/fluence de la respiration cutanée. Xbid. $ Il. Znfluencede la respiration pulmonaire. 75 Cuir. V. De l’Influence de l'atmosphère sur la transpiration. 84 $ I”. Pertes par la transpiration dans des temps égaux et successifs. 85 $ IL. Æfjets du repos et du mouvement de l'air. 90 S IT. Transpiration dans . l'air à l'humidité extrême. O2 S IV. Transpiration dans l'air sec. 94 $S V. Effets de la température. 95 Car. VE De l’'Absorption et dela Transpiration dans l’eau. 08 SECONDE PARTIE. Poissons et Reptiles. Car. I. Tétards. 106 Cuar. IL. Poissons. 13 & 1. Znfluence de la température sur la vie des poissons dans l’eau privée d'air. Xbid. $ Il. /nfluence de la température de l'eau aërée et des quantités limitces de ce liquide , dans des vases clos. 119 + TABLE DES MATIÈRES. 65t $ IT. Znfluence de la température et des quan- tités limitées d'eau aërée , en contact avec l'atmosphère. Page 116 S IV. Respiration dans l'air. 118 S V. Vie des poissons dans l'air. Ibid. Cuar. I. ZLézards, Couleuvres et Tortues. 127 TROISIÈME PARTIE. Animaux à sang chaud. Cuar. I. De la Chaleurdes jeunes animaux. 132 Cuar. IT. De la Chaleur chez les adultes. 148 Cnav. IT. De Influence des saisons sur la pro- duction de la chaleur. 157 Cuar. IV. De l’Asphyæxie. 165 $ I". Znfluence de la température extérieure. 175 Car. Y. De la Respiration dans la jeunesse et dans l’'äge adulte. 178 Car. VI. De l’Influence des saisons sur la res- piration. 195 Cuar. VIE De la Transpiration. 207 S I. Marche de la transpiration dans des temps égaux et successifs. 209 S IL. /nfluence de l’état hygrometrique de l'air 215 $ IL. Zn/luence du mouvement et du repos de l'air. 229 652 TABLE DES MATIÈRES. QUATRIÈME PARTIE. De l’Homme et des Animaux vertébrés. Cnsr. Ie, Des Modifications de la chaleur chez l’homme depuis la naissance jusqu'à l’âge adulte. Page 229 Cuar. IL. De l’Influence du froid sur la mortalité à difjérens âges. 237 Cuar. I. Æpplication momentanee du froid. 247 Car. IV. Application momentanée de la cha- leur. 250 Cuar. V. /nfluence des saisons sur la production de chaleur. 352 Cu. VI. De l'Asphyxie. 263 Cuir. VIL Des Modifications de la respiration sui- vanit les espèces, l’âge, etc. 280 Cu. VII. De l'Action combinée de l'air et de la température. 287 Car. IX. Effets de la température sur les mouve- mens respiratoires ct circulatoires. 205 Cnair. X. De l'Influence des mouvemens respira- toires sur la production de cha- leur. 504 Cuar. XI. De la Transpiration. 512 S EL". Znfluence des repas. 316 S IL. Znfluence du sommeil. 321 TAÊLE DES MATIÈRES. 653 S IL Znfluence de l’état hygrométrique de PAU Page 523 S IV. Æffet du mouvement et du repos de l'air. 526 S V. Influence de la pression atmosphérique: 528 $ VI. Transpiration par évaporation et par transsudation. 350 $ VIL De l’Influence de la température. 338 $S VIIL. Transpiration cutanée et pulmonaire. SAT : $ IX. Transpiration dans l’eau. Cuir. XIT. Absorption dans l’eau. 345 Cuar. XIII. ÆOsorption dans L'air humide. 356 Cusp. XIV. De la Température. 367. $ I. Du Degré de chaleur que l’homme et les animaux peuventsupporter. Ibid. S IT. De l’Influence d'une chaleur excessive sur la température du corps. 375 S IT. Comparaison des pertes par transpira- tion dans l'air sec, l'air humide et l’eau, à des températures supérieures a celle du corps. 379 S IV. De l’Influence de l’évaporation sur la température du corps exposéà une cha- leur excessive. 583 $ V. Du Refroidissement dans difftrens mi- lieux à des températures inférieures à celle du corps. 385 654 TABLE DES MATIÈRES. $ VI. Du Refroidissement dans l'air calme et dans l'air agité. Page 5391 Car. XV. Del’ Influence de la lumièresur le de- veloppement du corps. 394 Cnae. XVI. Des Aliérations de L'air par la respi- ration. 404 $ 1". Des Rapports de l’oxigène qui disparait et de l'acide carbonique produit. 410 $ II Des Rapports de l'azote dans l'air ins- piré et expiré. 420 $ IT. De l’Exhalation et de l’ Absorption de l'azote. 429 $ IV. De la Production de l'acide carbonique dans la respiration. 437 $ V. Vue générale des Altérations de l'air dans la respiration. 465. Car. XVIL. Applications. 479 Avrexnix. De l'Électricité. 55t TasrEaux des principales Séries d'expériences. 58 FIN DE LA TABLE DES MATIÈRES, ERRATA. Page 586, en tête de la page : tableau 111, lisez tableau 1v. — 587, idem : tableau 1v, lisez tableau v. — 588, idem : tableau y, lisez tableau vr. — 589, idem : tableau ,vr, lisez tableau vtr. — 590, idem : tableau vit, lisez tableau vnr. — 5gr, idem : tableau vit, lisez tableau 1x. — 592, idem : tableau 1x, lisez tableau x. — 593, idem : tableau x, lisez tableau xt. — 594, idem : tableau x, Lisez tableau xir. — 595, idem:tableau x, lisez tableau xnr. — 596, idem : tableau x1, lisez tableau xtv. — 597, idem : tableau xtr, lisez tableau xv. — 598, idem : tableau xtr, lisez tableau xvr. — 599, idem : tableau xxrt , lisez tableau xvrr. — Goo, idem : tableau x1v, lisez tableau xvirr. — Gor, idem : tableau xv, lisez tableau xix. — 602, idem: tableau xvg , lisez tableau xx. — 603, idem : tableau xvir, Lisez tableau xxr. — 6o4, idem : tableau xvin, lisez tableau xxtr. — 60, idem : tableau x1x, lisez tableau xxrrr. — 606 , idem : tableau xx, lisez tableau xx1v. — 607, idem : tableau xxr, lisez tableau xxv. — 608, idem : tableau xx11 , lisez tableau xxvr. * 0 “ GLORIA sb NÉ MT à Ars {: É +, 4, ] 6 1 ; ÿ ï AL | ne” J » , h: ae" ; vw $ M. ALT > Le L f \ + EU ” ee; « n. "TR TE Par RUE | YsS | à | $ ‘ ] L - < e SA à Ÿ jet ; | + À A Le A F2 WT © Lu FTAWTIS CRE CHE : — f n LA 4 \ U * ; ‘ | 4 ) 4 : A x n M 4 2 a : $ à À ù k ° 5 | : } = $ : “+ | x k f: ? A 1 d e : ; , ji F . ; 4 : . RAT ? ° 1 QE j " * L 4 Î Nas: ” L ie ; ane 2 ù ss" 1 " à Ü 4 ! e. * % 1 : ” pes 4 ARBRE RAD DA Fig. 1. Muscle sterno-pubien de la grenouille vu dans sa parie supérieure etpostérieure pour montrer là manière dont le nerf s’y distribue. Le grossissement est de dix fois , et l’ob- servation est faite par réflexion. (a) est le nerf, dontilest aisé desuivre toutes les subdivisions. Fig. 2. Portion du même muscle vue par transparence et grossie davantage , afin de saisir les derniers ramuscules ner- veux. Onles voitépanouis et étalés dans les trones (au), puis se répandant au travers des fibres musculares, perpendiculaire- - ment à leur direction, se contournant sur eux-mn16mesen forme d’anse pour revenir dan$ le tronc qui les a fournis. Fig. 3. Lame musculaire grossie quarante-cinq fois et dans l'état de repos; (aa) nerf qui s’y distribue. Il fournit à des dis- . tances régulières des branches qui coupent à angle droit la di- rection des fibres du muscle. Fig. 4. La même contraciée. Les zigzags de la fibre mus- culaire sont parfaitement exprimés , et l’on retrouve le nerf (aa), dont les branches passent précisément au sommet des angles de flexion. Fig. 5. Fibre secondaire d'un muscle. Les bandes trans- verses eLsinueuses qu’elle présente tiennent ou à une illusion d'optique ou à l'enveloppe cellulaire qui la recouvre. Fig. 6. La même convenablement éclairée. On reconnaît aisément les chäpelets des fibres primitives. Fig. 7. Fibres nerveuses secondaires , formées de quatre séries de globules en chapelet, disposées de champ l'une à côté de l’âutre. Les deux extérieures sont bien plus distinctes que les autres. Les trois dernières figures ont étégrossies trois cents fois en diamètre. Conness Cucrin, d'après Duras .