DESCRIPTION

CULTURE ET TAILLE

DES

MU RIERS

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CULTURE ET TAILLE

DES

RICRS à

LEURS ESPÈCES ET LEURS VARIÉTÉS

Par N.=-C. SERINGE

PROFESSEUR DE BOTANIQUE A LA FACULTÉ DES SCIENCES DE LYON, Et Membre de la Commision de Sériciculture,

DCS CE

PARIS

Vicror MASSON, ÉDITEUR, RUE DE L'ÉCOLE-DE-MÉDECINE.

1899

Rene

6

La Société d'Agriculture de Lyon ayant mamifesté le désir de voir un Cours public et complet de Sériciculture se faire dans la Magnanerie établie au Jardin-des-Plantes, sous la direction de sa Commission des Soies, et en ayant chargé trois de ses Membres, MM. FOURNET, JOURDAN et moi, nous nous sommes concertés pour nous distribuer le travail selon la spécialité de notre Ensei- gnement officiel à la Faculté des Sciences. La Climatologie du Mürier et du Ver-à-Soie échut à M. FOURNET ; M. JOURDAN eut l'Histoire du Ver-à-Soie et son exploitation industrielle ; 1 y ajouta plus tard des notions étendues sur le commerce de la Soie dans les diverses parties du monde; enfin, je fus chargé de la Description botanique, de la Culture et de la Taille des Müriers.

Ces Cours ont été suivis avec un empressement flatteur pour nous. L'importance du sujet pour l'industrie lyonnaise et pour l'agriculture des environs, expliquent ce succés.

Mais le nombre de ceux qui peuvent aller entendre des leçons est bien petit relativement à celui des personnes susceptibles d’en profiter. La Société d'Agriculture jugea qu'il y avait avantage à donner une publicité plus grande à notre enseignement oral. Sûre de trouver un écho favorable dans la Chambre de Commeret, elle sollicita et obtint une subvention qui, réunie à celle qu'elle destinait à cet usage, permit aux auteurs de livrer à l'impression les manuscrits de leurs Cours, et à la Société de faire entrer ce travail dans ses Annales.

vi

Appelé à commencer cette série de publications, je puis offrir aujourd’hui à la Société d'Agriculture et à la Chambre de Commerce de Lyon, le texte des leçons entreprises sous léur haut patronage. Heureux si elles veulent bien agréer cet hommage comme une preuve de ma reconnaissance et de mon zèle!

Les publications particulières de mes deux Collègues ne tarde- ront pas à paraître. Elles constitueront avec mon travail un Cours complet de Sériciculture. Nous espérons qu'il ne sera pas sans utilité.

Lyon, Janvier 1855.

Membres de la Commission :

MM. MATHEVON , Président. TERVER, Secrétaire.

MM. BINEAU. MM. JANDARD. MM. MONTERRAT. FOURNET. JOURDAN. POTTON. GAMOT. HAMON. RIVIÈRE. GIRARDON. HÉNON. SAUZEY. GUINON. MICHEL (An. SERINGE.

(Extrait des Annales des Sciences physiques et naturelles, d’Agricul- ture et d'Industrie , publiées par la Société impériale d'Agriculture , etc., de Lyon, série, tome VII, partie, 1855.)

TABLEAU MÉTHODIQUE

DES SUJETS TRAITÉS DANS CE VOLUME.

{re DIVISION. CONNAISSANCES PRÉLIMINAIRES..................... 1 lee SECTION. milieu atmosphérique .......................... 3 CHapIiTRE 1°, Azote ..... Re de ATOME On CRE A MER CEE 4 == D RTE EE SD rer ee css PAL iee fe Met 5 dE PALIHO, CATHOMRIQIPE T2 28 00 deals ee sut eee 6 = AN ADEUE d'OS ete. RS res Pacte dues 9 DA MIA ON ae AU es 2 een eee ele 10 Il est traversé par Ga EMILE NS ER TA re ele tel tte Le NS 13 Has CAO NIQUER RE En EE de ect eee 16 GORE rate cue ANES C AND SEEN PRE LEE 18 9 SECTION: Milen aqueux it TA ie. ue. . eee 20 Bauxtet sesrdivershétats. fe ..:.............. » 3e SECTION. rstlieu terrestre ..::..11..................... 32 Cannes ler: lerrain:Sahionneux nr ne ee 42 2. = NAT TER A etes eee me 45 3. RL: CAICALTE à 1e «SE Re ee serie ee 47 ASOMANTÉS A SORA LR A ULNSTI Te ee 49 1"Adhérente.des molécules, 2..." » SE 2 LR VETOSCOPICIIES See» eee de aa St ae/stae 52 SPAGARERAMMICUT PRE ee nasale » $S 4. Absorption de l'oxigène .....:......... 53 S 5. Échauffement des terres............... 54 $ 6. Composition minérale ................. 55 CHAPIDRE DFE A MENTOMENISAT led e see teste cet 56 Seul, Cantteser ee. MDN I ER 59 Û SO OBAURTSE ere sers cree es 60 $ 3. Sulfate de chaux (ou Plâtre) ........... 61 SirattMarnel éd LAN Ne rene nue 63

+

vin TABLEAU MÉTHÔDIQUE. CHAPELLE, PROMIS RER eee me idee cc sole 65 © $ 1. Déjections du Cheval ................. 79 S 2. DEMANACHE =". .L.CE--0..67 80 S d. AUBPOIC PR ee arte le aie e » SPL ENTIER DEEE RL meet 81 Sie do 5 de mue bo A db SET MOUE d'ane 83 $ 6. Excréments de l’'Homme.............; 87 ST: HOSADISeANL RAT eee 88 S 18. des Moutons........."... 89 SUD MSANT ER PEN EE rer ect secte 90 $ 10. Noir des raffineries et 0s8.............. 91 S'IL COmMAMIen EP MEL e- rene rreens 92 SA2AChiftonsidellaine te: ee0re » SAS: SROCRILES TeÉPEAUX. 27-22 93 S LA CHAITSIS MER RS M nr U in Res » $ 15. Coquilles aquatiques.................. 94 S'AIDS ME DISSORS rer nee » ST /Poins/de Crée ARE 1e. Loeeceee » SR PC LE RE ES ho tre 95 SM Engrais flamands: CERCLE CCE ECcre 96 SUP RT EES 5 OBORT ie 97 Se A El on a bb ATOME Eee » S RARES EPA RE RE tro Core 98 SO SpAEUE Er E E EE Crs-crer 99 SOS ART - Cens-cc eoree- ce » S 25 Na vONR. Reese: tn- D. CEE » S'A6MSOIDIO RP MA A PEER RER ECre 100 S 27. Hélianthe annuel ...:.:....."........0.- » S'28: Débris'des/vignes ......-......14.... 101 SO SD PERL dec A au » $ 30. Feuilles et Plantes mortes............. 103 SNA DUREE Ses eenes scene re-bur 104 $S 32 Engrais Jautiret "eee cCreceEr 105 S 34. 1Comphst 55. APE N RER Sr. 106 2e DIVISION. PARTIES CONSTITUANTES DES PLANTES............. 108 Ir SECTION. @rganes élémentaires.......................... 113 CHSPIERE AT DINCUIES RS RUSSE 22e ane en ne LUC 114 Sir Unes Ce eee » RL ET PR TE A OR DTA ru SET 118 $ 3..Cuticule et Stomates.................. 120 S 4. Lacunes....... Ps ne et nu uses 122

CHAPITRE 2.

EDRUIBSTCLÉEIDTES,. .S ANS AT RER 123

TABLEAU MÉTHODIQUE.

CHapiTRE 1%, Graine (en général)

2e SECTION. Grganes composés

RSR AMIE EE M D een Mn bin eue Lee vois re e DORE LTD ee A QU RU. ARR ele EE ASE EU NE Canne esta e à CRU LE NES Re 2 6 ELLE APR Te 6. Nutrition......... DOUTE DOTE ME HR IFIENE, En PORPTAl 2 ue A ns LR 2 == S'ÉBTSctée BrTaC te Ole RE NE PRE ee 9. Fleur proprement dite... .......,...,.... Er OO One RER à he ee con een ne see ee EL ARCS SES ARS AR Rte Te LA De 0) A REV Er RER PE 5, Le TOC PO RU RERO me EL PE 25 Ne RE M DE PVO 4 au ES

Artocarpacées

ele)n le etetefelsiatoleto tele se (0 ee softs a eleis ele eo » = = °°

CICACEC CIE NC ECO SCC SCORE CO ON OC CT

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Morusacées::-..::..7 ac oct e seen esse

2e SECTION. Genres et Espèces des Morusacées

. CCC

GENRE MUR TER ES RL ee some ee l'e EsPÈcE. Mürier blane...................... Var.. 1. _ DUNCB ST eee

2. ITATIQUE EE RÉEL

3. TALIAT ONE Tee esse ste»

=" 4 MOTO 2 EUR LOU VAOR

65. TOSB TN else 0: Colombasse.........., sr = = Colombassette ........

8. a LÉO PRE date er otees Te Constantinople........

10. Nain ae mers

ll. pyramidal............

19: fibreux teens

2e Espèce. Mûrier multicaule................. Var. 1. bulle Enr e. 2. HIAUES PERRET

32 EsPÈCE. Mürier noir........................ Var. 1. NETENE SE Te sea inlers die 2. SA IODEST 202. Re. Tera e

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GENRE 2, MACLURE

TABLEAU MÉTHODIQUE,

EsrÊce.

EsPÈcE.

Esp

Var.

Esr Esr

ÈCE.

ÈCE.

ÊCE,

Muüurier rouge ..:.......::...:.,,... Mürier canadien..................

Müûürier longstyle...................

y 2 Ovale. be aies larges dents........ cordiforme.........

Müûrier Kæmpfer..................

Mûrier indiem.....................

PP EP I OO IDICICEC CIC CIC IC ECC ECC II

1" ESPÈCE, Macliure orangée ..................

2e

Esp

ÈCE.

GENRE 3. BROUSSONÉTIE.

Maclure hois-jaunc................

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15 EsPÈcE. Papirifère ..........:............. Far ds

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DOBAlE ER PER eds d'HMDUDIANC Pre re ere CADUCRONTEE er ep rie DANAUHÉB EEE RE Lee -- CHE. CHER. 222 -eoereee see

SECTION. Plantation des Müûriers ........................

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Guktüre, :;/5,.75:

Multiplication naturelle , Pure el Panne 0000 TE

Marcottes.,.,...,.

Boutures

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par rameau....,: en LOHEONNE , #28 LE NE El LAN E VU ERQt COS DIT CIO

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Luizet

TABLEAU MÉTHODIQUE.

ATDTES ES DIOMENATES re. cleleiete elle tee alone s{s ole nie ee ET OT RARE MER re ni ieuote ea dise » of Le or OR SIN OL LE ee SR SL NT Le tete dors ee

quadrisannuelle ...

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NOTE G NE Pense Eten elite elatete Dares lee laleratersfelti ei lele OT VB T AMAE e à els le le dla etes ele alale, », e/840 nul lo)s 010 1e 0 81e

des Müûriers gelés............... des vieux Müriers ...........

Maladies des Mûrlers..................... RD NE, Sphérie du Mürier 6u Rouille....................... Pléthore dur MUTIERS 5 eee eo sole sie olsrelatels aetes Te Cane AU, MIURICL M EE eee le eee ere cas meteis ere Hanneton commun ...............s..esss A CRE

Rhizoctonie du Mürier...

X1 296 298 301

» 305

» 307 312

Lre

PREMIÈRE DIVISION.

CONNAISSANCES PRÉLIMINAIRES.

On entend par connaissances préliminaires celles sans lesquelles A partie qu'on a à traiter serait obscure, ou nécessiterait à chaque instant des digressions explicatives.

Malgré notre imperfection, nous parvenons à saisir, par de profondes méditations, plusieurs des grands phénomènes de la création ; aussi, avant d'étudier les plantes que nous avons à décrire, nous devons acquérir quelques connaissances générales sur les espaces dans lesquels vivent ces végétaux.

La terre est entourée, jusqu’à une distance évaluée à environ soixante kilomètres, d’un mélange invisible de gaz azote, oxigène, acide carbonique, ammoniaque, iode et de vapeur d’eau, que l’on nomme atmosphère, qui tourne avec elle, comme une suite: de wagons mue avec rapidité, entraîne la portion d'air, sans que cette enveloppe immédiate soit sensiblement agitée. C’est bien au-delà de cette limite que flottent un nombre incalculable d’autres corps, d'une prodigieuse étendue, qui peut-être portent aussi des habitants. Tous ces corps se meuvent avec la parfaite régularité qu’un être, bien supérieur ànous a pu seul établir, et c’esten étudiant l’ensemble de l'univers que nous acquérons la certitude de l'existence de Dieu, car nous retrouvons l’ordre le plus parfait jusque dans les plus petits détails.

à CONNAISSANCES PRÉLIMINAIRES.

Nous avons vu que le globe terrestre est plongé dans un immense espace qui peut nous paraître vide d’abord, mais qui est occupé par l'air, corps d'une indispensable nécessité et essentiellement formé d'un mélange de deux gaz, également invisibles, qu'on nomme

zote et oxigène, de très-petites proportions d'acide carbonique et d’eau, laquelle est le plus souvent à l'état mvisible. Cette atmosphère renferme encore quelques parties minimes d’'ammoniaque etd'iode. Tous ces corps, visibles ou non, ont une pesanteur propre (ou spé- cifique) et sont très-mal appréciés par un très-grand nombre de personnes. C’est en partie à eux que sont dues les compositions et les décompositions chimiques. Ils sont absolument indispensables à la vie des végétaux et à celle des animaux.

D’autres corps, non moins importants, mais souvent insaisissables à cause de leur subtilité extrème, sont nommés corps impondé- rables , ce sont : la lumière, le calorique et l'électricité.

Tous les corps, pondérables non que nous avons signalés, constituent donc réellement le MILIEU ATMOSPHÉRIQUE.

Le LIQUIDE AQUEUX et ses divers états, aussi indispensable pour l'existence des corps vivants, ne l’est pas moins pour les corps inertes ou minéraux. Ce liquide, que nous nommons eau, constitue le milieu aqueux.

Enfin, le troisième est bien plus saisissable en général que les deux autres : c’est le milieu formé par les minéraux à l’état solide, ou pulvérulent, c'est le MILIEU TERRESTRE.

Nous allons entrer dans des détails suffisants pour développer ces trois sections préliminaires et leurs divers chapitres ; ils occu- peront plus tard une étendue plus considérable à mesure que les sujets le nécessiteront; d’ailleurs, la table alphabétique qui termi- nera indiquera les pages se trouveront ces compléments.

MILIEU ATMOSPHÉRIQUE. 3

PREMIÈRE SECTION. MILIEU ATMOSPHÉRIQUE.

Nous avons vu que l’atmosphère est cette énorme masse d'air qui enveloppe la terre jusqu’à quelques myriamètres de rayons. Elle tourne avec notre planète, la presse de toutes parts et, par suite de cette pression, pénètre le plus souvent les molécules des corps. Cette atmosphère n’est donc pas, comme on le croyait autrefois, un corps simple (ou élément). Il est formé d'environ : azote quatre parties, oxigène une, et de plus moins minimes portions variables d'eau, d'acide carbonique (moins d'un millième), d’am- moniaque, d'azote et d'iode. Les molécules de tous ces corps n’y sont qu'en contact (comme si l’on mêlait du sucre, de la craie, du sable, etc.), sans s'unir en aucune manière; mais comme ils ne sont nullement combinés, l’un d'eux peut s'unir à un autre corps pour lequel il aurait de l’affinité, sans que les corps constituant l'atmosphère aient besoin préalablement de se décomposer.

L'atmosphère presse sur nous dans tous les sens, comme une colonne de mercure de"75 à 76 centimètres d’élévation. Elle est rarement immobile, et alors on dit que l'air est calme; dans le cas contraire, l'atmosphère agitée constitue le vent, qui souvent est d'une prodigieuse impétuosité. Cette atmosphère sert à modérer l'évaporation de l’eau, celle du corps des animaux, des plantes, du sol, à empêcher le sang de sortir à travers les vaisseaux capillaires de nos poumons, ete., etc.

4 AZOTE.

PREMIER CHAPITRE.

Azote.

Le corps gazeux, invisible, qui constitue la plus grande partie de l'atmosphère est l'azote; c'est un corps simple, inodore, sans cou- leur, ni odeur, impropre à la combustion et à la respiration animale, ne troublant pas l'eau de chaux, et constituant environ les quatre cinquièmes de cette atmosphère. Il fut distingué en 1772 par RUNTERFOLD, d'Édimbourg, et signalé par LAVOISIER, comme for- mant la plus grande partie de l'air. Ces assertions se sont complé- tement confirmées depuis.

On peut l'obtenir facilement en faisant brûler du phosphore dans un ballon plein d'air, à la température de 16 degrés centigrades. Tout l’oxigène est absorbé par la combustion, et l'azote reste.

Le gaz azote et ses composés sont facilement absorbés par le charbon en poudre, par la tourbe et par les terres fortement séchées. L’argile a plus que d’autres cette propriété. Delà, les pré- parations d'engrais ou de terre engrais divers, qui, fabriqués éco- nomiquement, pourraient être ae grande utilité à l’agriculture et à l’horticulture.

Quelques végétaux absorbent plus ce gaz que d'autres, tels que l'Hélianthe tubéreux (ou Topinambour), les Froments, les FABA- CÉES (légumineuses), tels que Pois, Haricots, Fèves, etc.

L'azote de l'atmosphère, que l’eau dissout et entraîne, ainsi que les sels ammoniacaux, ne sont pas suffisants pour les TRITICACÉES (céréales), il faut encore entourer leurs racines d'engrais azotés. (Voir les articles Engrais et Nutrition des végétaux, ce qui complétera cet article.)

OXIGÈNE. 5 DEUXIÈME CHAPITRE. Oxigène.

L'oxigène (anciennement connu sous le nom d'air vital, air ou gaz indispensable à l'entretien de la vie), est un corps simple, invisible, élastique, sans odeur, incolore, oxidant (rouillant) les métaux. Sans lui, l'animal, ni le végétal ne peuvent vivre ; sans lui, aucun corps ne peut brûler. Il est fourni par les végétaux exposés à la lumière et par les désoxidations. Par son mélange avec l'azote (environ pour un cinquième), nous avons vu qu'il forme la plus grande partie de l'atmosphère; par son union intime avec l'hydro- gène, il constitue l'eau, et enfin, combiné au carbone, il forme l'acide carbonique. Mélangé dans de certaines proportions aux autres gaz atmosphériques, il devient un excitant puissant pour la vie animale surtout, et pour la vie végétale.

L'oxigène versé par les plantes, exposées à la vive lumière, est surtout appréciable dans les eaux végètent beaucoup de plantes &quatiques. M. Morren y a trouvé l’oxigène en bien plus grandes proportions le soir que le matin.

L'oxigène de l'atmosphère, en contact avec les substances orga- niques sèches, s’unit à elles ; il s’opère alors une combustion plus moins lente, l'acide carbonique se forme et le calorique déve- loppé devient sensible.

Les agriculteurs ont remarqué que les terres, qui ne sont pas suffisamment émiettées, et n’offrent conséquemment de perméabi- lité ni à l’eau, ni à l'air, ou autrement dit à son oxigène, sont impropres aux plantes herbacées, et à plus forte raison à la crois- sance des arbres. De Jà, dans les sols qui acquièrent facilement de la compacité, la nécessité de placer des broussailles dans les trous pour permettre à l'eau et à l'atmosphère d’y pénétrer, et donner aux racines une nourriture qui leur manquait. Il en est de même des fumiers fortement tassés ; ils fermentent beaucoup moins vite

6 | ACIDE CARBONIQUE.

que s'ils sont remués (ou aérés) de temps en temps. Par ce moyen, on y incorpore une certaine quantité d'oxigène (avec l'air), cause essentielle de leur décomposition. (Voir plus loin l'article Engrais, l'Évaporation de l'eau superflue et la Nutrition des plantes.)

TROISIÈME CHAPITRE.

Acide carbonique.

L'acide carbonique, quoique invisible, comme les deux gaz que nous venons d'examiner, n’est plus un corps simple. Il est à une combinaison (non à un simple mélange) d’oxigène et de carbone. Il est incolore; comme l'azote et l’oxigène, il est piquant (acide), impropre à larespiration et à la combustion ; ilest plus lourd que les gaz cités, il entre dans la composition des eaux gazeuses (dans lesquelles il n’est que mélangé), il trouble l’eau de chaux (en formant un carbonate de chaux en grande partie insoluble), et qui descend au fond du liquide. Ce gaz, quoique produit par la respiration des animaux, les diverses fermentations, la déco position des carbonates, qui se dégage en de très-grandes proportions des volcans, ne se trouve cependant qu'en petites quantités dans l'atmosphère, probablement à cause de sa grande affinité pour l'eau, qui se trouve partout à l’état liquide ou de vapeur ; enlevé de l'atmosphère par les pluies, les rosées, par l’eau des terrains et introduit essentiellement par les racines, ce gaz est décomposé dans les parties vertes des plantes au moyen de la lumière solaire directe et des forces vitales : l’oxigène est versé dans l'atmosphère et le carbone reste dans la plante, à moins que ce carbone ne redevienne partiellement acide carbonique par l'introduction de l’oxigène. Ce gaz acide carbonique, introduit essen- tellement avec l’eau, par les racines, est donc la source unique des masses charbonneuses que nous retrouvons dans les plantes, et principalement dans les arbres. Si, au contraire, la plante n’est pas

y. 1

ACIDE CARBONIQUE.

en contact avec les rayons directs du soleil, l'acide carbonique n’est pas décomposé, il se perd en petite quantité, pendant l'obscurité, par les feuilles ; la plante ne se colore pas, et si on la brûle en vase clos, on y trouve à peine des traces de carbone.

Tous les animaux diminuent done, par leur respiration, la quantité d’oxigène atmosphérique et augmentent celle de l'acide carbonique, et comme il se passe dans cette fonction une véritable combustion sans feu apparent, il y a augmentation de chaleur; aussi, plus l'oxigénation du sang est abondante et complète, plus les animaux indiquent de chaleur.

Ce qu’on a nommé respiration dans les plantes n’a aucune simi- litude avec celle des animaux. Dansles végétaux, comme il y à une véritable décombustion, ils ne peuvent accuser de chaleur que celle que la sève puise dans les couches du sol. Par s'établit en partie l’une des belles harmonies de la nature : le végétal donne à l'animal l'oxigène dont il ne peut se passer, et l'animal, en versant de l'acide carbonique dans l'atmosphère, donne à la plante le carbone dont elle a besoin. L'animal, recevant incessamment par son alimen- tation des masses de matières charbonnées, a nécessairement s’en débarrasser en formant l'acide carbonique.

D'ailleurs, eri réfléchissant à la quantité d’eau chargée d'acide carbonique, qui doit passer dans un arbre séculaire, et qui y dépose à la longue son carbone, on doit comprendre le rôle important de l'eau dans la vie, surtout végétale.

On a trouvé dans l'atmosphère environ quatre dixmillièmes d'acide carbonique, et les auteurs répétaient presque tous que c'était celte très-pelite quantité d'acide carbonique absorbée par les feuilles et leurs parties vertes, qui produisait le carbone contenu dans les plantes. C'était impossible, mais on le répétait dans tous les cours, dans tous les livres. On cherchait bien a apprécier les moindres parcelles d'azote qu'on retrouvait très-soigneusement, mais per- sonne ne s'était donné la peine de chercher la véritable source de cette accumulation incalculable du carbone. On disait bien que les engrais se décomposaient dans le sol, on savait bien qu'ils étaient

8 ACIDE CARBONIQUE.

nécessaires, mais comme l'azote était le point de mire, j'allais dire _ presque fantastique, en comparaison de l'évidence du carbone, on mettait le carbone comme dans l'oubli, ce carbone qui pourtant aurait bien plutôt attirer l'attention : car, enfin, en y réfléchis sant un peu, comment expliquer cette disparition de l’un des corps Les plus indispensables de la vie, et qui joue un si grand rôle dans les diverses séries des êtres organisés.

Heureusement, MM. BoussiNGAULT et LEwY vont rendre au carbone toute son importance.

Afin de s'assurer de la nature de l’air dans le sol perméable, ces savants agronomes ont enterré, à 30 ou 40 centimètres de la surface du sol, une pomme d’arrosoir reliée à un tube aspirateur, qui agissait avec une extrème lenteur. Le dosage de l'acide carbonique se faisait immédiatement et sur place, au moyen de la baryte placée dans le tube, et quand on voulait mesurer la dose d’ammoniaque, on remplaçait la baryte par l'acide chlorhydrique très-pur et allongé d'eau.

Les conditions de cette expérience ont été variées. On a alterna- tivement opéré dans des champs de Carottes, de Betteraves, dans une culture de Topinambour, dans un carré d’Asperges, avant et après avoir déposé du fumier dans une terre de jardin, dans une prairie située au bord d'une rivière, dans une terre très-chargée d'humus, et enfin dans la serre à palmiers du Jardin de Paris.

Ces diverses expériences ont constamment montré que l'air, en séjournant sous la terre, a été profondément modifié, et qu’en moyenne les quatre sixmillièmes ou les quatre déciltres d’acide carbonique s'élèvent jusqu'à 9 litres, c’est-à-dire 22 ou 23 fois plus que-dans l'air extérieur. Dans quelques circonstances même, cette proportion a été plus grande, et dans les sols récemment fumés, l'air placé entre les molécules terreuses s’est trouvé con- tenir 98 litres d'acide carbonique par mètre cube, soit 53 grammes de carbone, et environ 245 fois autant que l'air hors de la terre.

Après avoir établi ces données, toutes nouvelles, et que très-pro- bablement ces auteurs avaient pressenties, sur la composition des

VAPEUR D'EAU. 9

gaz contenus dans les terres, il était nécessaire d'établir la quantité d’air qui peut se trouver dans une étendue de terrain donnée, et susceptible de prendre une part aussi active à la végétation. Pour cela, ils ont pris un vase en bois, d’une capacité connue, et d’une hauteur égale à celle de la couche de terrain, dont ils voulaient connaître la porosité. Ils l'ont rempli de terre, l'ont nivelé avec une règle. On a alors versé peu à peu de l’eau sur cette terre, que l’on remuait avec une tige de fer pour en chasser l'air, et la quantité d’eau ainsi employée représentait le volume d’air que contenait la terre. Ce procédé ingénieux, appliqué à diverses terres, rendra de très-grands services pour constater les proportions d'acide carbo- nique qui se produit dans telles ou telles circonstances de tempé- rature de la matière organique contenue dans le sol. (On trouvera encore à l’article Nutrition de grands développements sur ce très- important objet.)

QUATRIÈME CHAPITRE.

Vapeur d'Eau.

Dans l’article Eau, dont nous nous occuperons bientôt, nous étudierons ses principes constitutifs, ses états si variés par la cha- leur; pour le moment, nous n'avons à indiquer qu'un de ses états, souvent invisible pour nous.

Tout le monde sait que de l’eau, plus ou moins pénétrée par la chaleur, s’évapore, ou, si l’on aime mieux, se volatilise ; mais, dans cet état invisible, elle n'est point décomposte, c'est-à-dire que ses deux gaz constitutifs ne se sont pas séparés l’un de l’autre en oxigène et hydrogène. A l’état de vapeur, elle occupe beaucoup plus de volume qu'à l’état d'eau; elle forme de petits ballons à parois liquides très-minces, et le centre est rempli par de l'air; quand, au contraire, l'air qui est dans ces utricules d’eau se refroi- dit, les parois du ballon se contractent, s’affaissent sur elles-mêmes,

10 AMMONIAQUE , IODE.

et bientôt des gouttes de pluie plus ou moins grosses, devenant plus lourdes que l'air (mélange atmosphérique), tombent en pluie, ete.

Cet état utriculeux de l’eau et la tension de l'air au moyen de la chaleur, peuvent peut-être expliquer la moindre pression alors de l'atmosphère sur le mercure du baromètre, ce sont des milliards de petits ballons à parois d'eau, qui, tendant longtemps à s’élever, doivent nécessairement diminuer la pression atmosphérique pro- duite.

Des hygromètres à cheveux, des hygromètres condensateurs, démontrent avec plus ou moins de précision les proportions d’eau utriculaires contenues dans l'atmosphère. Nous savons aussi que le chlorure de soude {sel de cuisine), la chaux vive, les cheveux dégraissés, les cordes à boyaux, démontrent d'une manière encore plus vague, l’humectation utriculaire de l’eau. Nous apprécierons bientôt cet état d'humidité atmosphérique, à l'article Eau propre- ment dit; il nous suflit, pour le moment, de savoir que l'eau peut entrer en plus ou moins grandes proportions pour constituer l'espace qui nous entoure.

CINQUIÈME CHAPITRE.

Ammoniaque (1), Kode.

On trouve dans l'atmosphère quelques proportions très-minimes, il est vrai, d’ammoniaque, mais on a pu la signaler dans quelques pluies d'orage. Cette substance, aussi nommée alcali volatil, est un liquide très-fétide, qui verdit les couleurs bleues végé- takes; il est impropre à la respiration et à la combustion ; mais comme il contient beaucoup d'azote, que ce gaz excite l'action vitale de quelques végétaux surtout, qu'il joue un très-

(4)Voici en résumé, pour les cas principaux, les proportions d’ammoniaque

AMMONIAQUE, IODE. 11 grand rôle dans les engrais, nous avons le signaler ici. Nous y reviendrons à l'article Fumure. On trouve d’ailleurs cette substance dans les matières animales en décomposition. A l'état gazeux, cet alcali est si léger, qu'il gagne facilement les régions supérieures de l'atmosphère, sa pression est moins grande que

déduites des expériences de notre collègue BINEAU ( Études chimiques sur Les Eaux pluviales, 1854, p. 69).

Milligram.

Lapports l'animoniaq - pondéraux. par kil d'air.

Lroxw, Observatoire, à 32 mètres au- } minimum. . . . | 0 0090 000 : 0,15 DESSUS TA SOL nai sa ets le maximum . | 0 000 000 2 0,26 Lyon, quai de Retz, à 7 mètres 1/2 } minimum. . . . | 0 000 000 1 0,13 AU AeSSUS MSG PE Se een maximum . | 0 000 000 5 0,54

Tarare, en un Jardin situé à l’extre- mite de la ville, en mars , . . . . . |

minimum, . . . 000 000 0 0,02

0,09

0,04

0,08

0 maximum ,.. | 0 000 000 C moyenne d'hiver | U 000 000 0 0 000 00 0

CACORBNEANNEMUNE

0 000 000 06 0,06

moyenne d’éte .

Voici les résultats obtenus par d’autres chimistes, qui se sont occupés d’essais comparatifs sur l’ammoniaque de l’atmosphère , consignés dans le même travail.

Les nombres suivants expriment le poids de l’'ammoniaque contenu dans un million de parties d’air :

Muzuausex, pendant quatre jours pluvieux, en mai 1845 (M. Græxcen). | 0,33 Borps De La MER D’IrLANDE, à 91 mètres au-dessus du niveau des eaux À

(MS Remb) OS ENT] LES RL CS ELU ME oh Me WiessBADEN, sur une hauteur située à l’extrémite de la ville, de jour . 0,10

pendant quarante jours, d’août et septembre 1848 de nuit. | 0,17

CETTE Me lee sic lelene 0e seen leu etes LE CIOVERDC 0,13 CAEN, à unc extrémité de la ville, 3 mètres au-dessus du sol, hiver de

DOS ME TS ER EEE | ME NEUT SET | 3,05 Cazw, station plus isolée, 8 mètres au-dessus du sol, mai 1852 ct “Ares |

AR MA CU NEO PO SE RTE 2 PEU S (OL Fe RS { 0,05

L'air de Wiesseanen, analysé par M. FrésiNius, passait à travers du coton carde;

celui de M. Pierre avait traversé des toiles métalliques.

12 AMMONIAQUE, 1IODE.

partout ailleurs, la colonne de pression étant nécessairement moins forte dans les hautes régions.

Ce mélange, constituant l'atmosphère, outre l’action de tel ou tel corps qui le constitue, est traversé par des corps encore bien plus subtils, car ceux dont nous avons parlé jusqu'ici, ont une pesan-

Aux résultats ci-dessus, M. BINEAU a ajouté ceux observés à: Paris ou dans la banlieue, l’air ayant été filtré, soit à travers du coton cardé, soit à travers des fragments de verre.

Ammoniaque daus

4,0C0,000

parties («d’air.

minimum . 0,118

Ixrénieur pe Panis, en 1849 et 1850 (M. Vire) . . . È d maximum . 0,132

minimum . | 0,016

CRESEULES AA MN RE) LR SNS AENEE, 0.027 2

maxinium .

On voit que la plupart de mes nombres, continue M. BINEAU, sont infé- rieurs, non-seulement au second nombre de M. PIERRE, mais aussi à celui de M. GRÆNGER. Ils se rapprochent de ceux qu'a obtenus M. FRÉSINIUS, et il résulterait de leur comparaison, que l’air à Wiessbaden est moins chargé d’ammoniaque qu'à Lyon. mais l’est plus que dans la campagne de nos environs. Les résultats de M. IS. PIERRE et de M. KemP semblent indiquer que le voisinage de la mer peut enrichir parfois l’air d’ammoniaque, avec une intensité particulière.

M. BINEAU rappelle, en outre, qu'il aurait obtenu une plus forte propor- tion d'ammoniaque si, dans ses expériences, il eut substitué l'acide sulfurique concentré à cet acide très-étendu, ce qu'il a cru devoir attribuer à une plus grande puissance de l'acide concentré pour attaquer les matières organiques azotées contenues dans l'atmosphère, plutôt qu’à une supério- rité d'aptitude à fixer l’'ammoniaque préexistante. Aux causes nécessaires ou accidentelles que chacun prévoit comme capable de diversifier les résultats Gu dosage de l’'ammoniaque de l'air, il pourrait s’en ajouter une autre, provenant de la dissemblance des liqueurs acides employées.

En acceptant les résultats trouvés par MM. GRÆNGER, FRÉSINIUS et BINEAU, comme bases aptes à donner une idée sommaire de la richesse ammonia- cale de l’atmosphère habituelle du continent, on lui assignerait une valeur

LUMIÈRE. 13

teur propre, tandis que ceux que nous allons avoir à apprécier dans les chapitres 6, 7 et 8, sont des substances tellement subtiles, qu’elles ont été nommées des corps impondérables, et qui sont loin d'être complètement appréciés, surtout l'électricité. Ce sont la Lumière ; Le Calorique ;

L'Électricité. SIXIÈME CHAPITRE.

Lumiére,

La lumière est l’un des plus puissants agents de la végétation. Les jardiniers savent très-bien que les plantes, placées à l'obscurité, ne verdissent pas, qu’elles sont languissantes, que leurs principes divers (amers, odorants, etc.) ne peuvent se produire; aussi n’ap- pliquons-nous l’étiolement (blanchir) qu'à des plantes qui sont naturellement âcres ou amères, et qui ne peuvent servir d’aliment dans leur état normal de croissance, telles que les Cardons, le Crambé maritime (Chou de mer), le Céleri et la Chicorée.

La lumière nous vient directement du soleil, des étoiles et des corps en combustion (prompte), et indirectement de la lune et d’autres corps qui la réfléchissent. Lorsqu'elle arrive sur ces corps,

notablement inférieure à la proportion d’un demi-millionième. Quelque faible que soit cette dose, elle ne l’est pas cependant au point que son admission puisse amoindrir la vraisemblance de l’opinion de M. LIEBIG sur la possibilité que l’ammoniaque atmosphérique soit capable, à elle seule, au besoin, de subvenir parfaitement à l’alimentation, en azote, des végé- tations spontanées, comme l’acide carbonique, à leur alimentation en carbone.

Quant à l’Zode, on admet qu’il y a dans l'atmosphère, à Paris, environ une partie d’iode pour deux millions de parties (en poids) du reste de l'air. On n’en a pastrouvé dans les vallées alpines abondent les goîtreux.

Â4 LUMIÈRE.

et que ses rayons sont réfléchis jusqu’à notre œil, elle est pour nous la cause de leur apparition; au contraire, si tous les rayons sont absorbés, il nous est impossible d’en percevoir même la forme.

Lorsque ses rayons ne sont pas séparés (triés pour ainsi dire) au moyen du prisme, ou par tout autre corps, elle nous paraît blanche; tandis que, s'ils sont isolés, nous percevons les couleurs de l'arc- en-ciel, c’est-à-dire le violet, l’indigo, le bleu, le vert, le jaune, l’orangé et le rouge. En les réunissant, au moyen d’une lentille de cristal, elle reparaît blanche. On a longtemps ignoré que ses rayons, pris isolèment, fussent plus actifs sur les végétaux. La position souterraine des racines avait fait conclure à SÉNEBIER et à INGENHOUZ qu'elles cherchent l'obscurité ; mais THÉODORE DE SAUSSURE à prouvé que la lumière ne leur était nuisible que lorsqu'elle était unie ou confondue avec le calorique, comme elle se présente le plus souvent à nous. Enfin, ZANTEDESCHI, de Venise, par suite d'expériences faites sur la germination et la coloration des plantes, a trouvé que des graines de Balsamines, de Basilic, exposées aux rayons verts d’un vitrage, germaient le deuxième jour; sous l'influence des rayons violets, le troisième ; sous les rayons jauneset oranges, le quatrième ; sous les bleus, le cinquième ; et enfin dans un compartiment semblable aux autres, mais sans vitraux et exposées-à la lumière blanche (non décomposée), les graines ne germèrent quele neuvième jour, toutes les circonstances étant égales d’ailleurs (sauf la couleur des vitraux). Les cotyles de ces plantes, qui sont foliacés et qui conséquemment prennent la lumière) la teinte verte, se colorèrent davantage sous les rayons verts et sous les violets, qu’à la lumière à rayons réunis (lumière dite blanche). Les plantes exposées aux rayons bleus s’allongèrent le plus, et celles qui prirent le moins grand développement, furent celles soumises aux vitraux verts.

Nous avons vu que la lumière active d’une manière énergique l'accroissement des plantes. On sait que l'été, en Sibérie, est très- court, et que le printemps y arrive brusquement ; peu de jours après la fonte des neiges, la contrée est toute verdoyante, la crois- sance des plantes y étant très-rapide, jouissant très-longtemps, dans

LUMIÈRE. 45 les 24 heures d'une journée, d'une lumière très-prolongée. Les plantes alpines, beaucoup plus éclairées et pendant plus long- temps que celles de la plaine, opèrent promptement leur fleuraison et leur fructification, malgré la fraicheur de ces hautes régions ; on sait aussi qu'elles y sont vivement colorées. Il est probable que l’un des obstacles au développement des plantes de ces régions élevées, transportées dans la plaine, est la moindre quantité de lumière que nous ne pouvons en outre leur donner qu'unie à une température élevée.

En pleine lumière, les plantes prennent toujours une direction perpendiculaire; mais lorsqu'elles sont plus particulièrement éclairées d'un seul côté, elles se dirigent vers ce point. Ce n’est ni l'air, ni la lumière qu’elles vont chercher, comme le disent les jar- diniers, mais la tige et ses ramifications sont vivement éclairées d’un côté, tandis que l’autre ne reçoit que la lumière réfléchie. La partie éclairée organise plus activement ses tissus; ils sont plus serrés que ceux du côté moins éclairé qui, étant plus lâches, ne peuvent équi- librer la force de traction exercée par ceux qui sont plus rigides.

TISSIER à prouvé depuis longtemps la fausseté de l'explication des jardiniers, qui disent que la plante va chercher l’air. Ce savant agronome avait mis des plantes vivantes et vigoureuses dans une cave percée de deux ouvertures: l’une, fermée par une porte vitrée, permettait à Ja lumière de pénétrer à travers les carreaux et inter- ceptait l'entrée de l'air; l’autre, qui n’offrait aucune possibilité à l'entrée du jour, donnait sur un vaste hangar obscur. Les plantes furent toutes dirigées vers l'ouverture vitrée (et nullement du côté par l’air s’introduisait sans cesse).

On ne peut donc dire, comme tant de personnes semblent le croire, que les plantes vont chercher la lumière, qu’elles vont cher- cher l'air; mais il est bien évident qu’elles sont dirigées vers le point le plus éclairé, en raison du développement inégal des forces vitales et de l'organisme différent du côté éclairé, oppositivement à celui qui ne reçoit que la lumière (et le calorique d’ailleurs) réflé- chi. Ce n’est donc réellement ni une suite de l'intelligence de la plante, puisqu'elle n'a ni cerveau, ni nerfs, ni muscles, niun effet

16 CALORIQUE,

purement mécanique, mais bien certainement un effet de la vie et de l’organisation inégale des tissus.

Quelques pédoncules ou quelques pédicelles sont aussi infléchis par l'effet organisateur de la lumière, et dirigent leurs fleurs vers elle Çç Hélianthe annuel (Soleil des jardins), Hélianthèmes, Pensées ).

Nous étudierons, à l’article Feuilles, l'effet que produit la lumière sur leur coloration et sur l’évaporation de l’eau par les stomates (pores évaporaltoires ).

(Voir l’article Feuilles pour la nutrition végétale, ce qui complé- tera celui-ci, et fera bien sentir l'importance du mode de circulation tout différent de celui des animaux).

SEPTIÈME CHAPITRE.

Calorique.

On nomme calorique (chaleur) un corps invisible, impondérable, qui rayonne comme la lumière, dilate les corps, en modifiant l'ar- rangement de leurs molécules, et qui produit dans plusieurs d’entre eux les divers états : solides, liquides ou gazeux. Ainsi, l’eau privée d’une certaine quantité de calorique est à l’état de glace, givre, neige, grêle, qui, avec l'addition de calorique, se présente à nous le : plus souvent à l’état liquide, tandis qu'avec une proportion plus élevée de calorique, elle se volatilise (en petites utricules remplies d'air), mais elle ne se décompose pas (comme quelques personnes se le figurent) (1). Puis, refroidie, elle tombe vers la terre en pluie, rosée, etc. Il en est ainsi des métaux eux-mêmes qui, exposés à une haute température, se liquéfient et même se volatilisent.

Nous disons qu'un corps est froid lorsqu'il est au-dessous de 10 à 12 degrés au-dessus de O0 (ou glace), mais cette expression est

——_—_—_——————————————————————————————.….—".—.—...————————…—.—..— ————————……….….….….…………—……_……_—…—_—_—____….-—…_—_-__….-_.….….—.….—…—

(4) Voir l’article Milieu aqueux:.

CALORIQUE. 47

très-vague, et ce n’est réellement qu’au moyen du thermomètre que l'on peut en apprécier la température. Tous les corps (inertes sur- tout) sont plus ou moins avides de calorique : ainsi du marbre, du bois et du Hiége placés pendant plusieurs heures dans un milieu (ou espace) également chauffé, produisent, sur la main qu'on y appli- quera, une sensation de température bien différente, quoiqu'ils soient également chauds (thermométriquement). Cela vient de ce qu'ils sont plus ou moins avides de calorique, et qu'ils l'enlèvent plus ou moins rapidement aux corps plus chauds qu'eux, qui les environnent. Ce corps s'y trouve à l’élat latent (caché), et peut parfois devenir appréciable dans diverses combinaisons. Ainsi, de l'eau froide et de la chaux au même degré, en contact l’une à l'autre, ont trop de calorique pour la nouvelle union qui s'opère, et abandonnent la chaleur qu’elles ont en excès. De l’eau et de l'acide sulfurique, à température égale, mélangés, développent subitement une très-grande chaleur (80 à 90° centigrade). Au con- traire de la glace à 0, sur laquelle on jette du chlorure de sodium (sel de cuisine), ilsse refroidissent subitement et gèlentles liquides que l'on met en contact avec eux. De la glace marquant 0 au ther- momètre et de l’eau à 60 degrés, mélangées à poids égal, marquent encore 0, jusqu'à ce que la glace soit entièrement fondue. Ainsi, les 60 degrés de chaleur qu'avait l'eau ont été ramenés à l’état latent (caché) par la fusion de la glace.

Tous les corps peuvent donc contenir une certaine quantité de calorique, sans que nous puissions d’abord l’apprécier, et tous l'abandonnent plus ou moins rapidement, suivant qu'ils sont plus ou moins bons conducteurs de calorique. Si l'air est calme, les surfaces polies retiennent plus de chaleur que celles qui sont rudes, rabo- teuses ou mattes : ces corps présentant réellement plus de surface ; elles se refroidissent également, au contraire, si l'air est agité. On peut done faire des applications de ces faits dans nos appartements, dans nos serres : ainsi, si un tuyau métallique, supposé d'égale épaisseur dans toute sa longueur, doit chauffer deux locaux, et que l'on veuille surtout obtenir des températures inégales, il faut qu'il

soit raboteux dans celui que l'on veut tenir plus chaud, tandis 2

48 ÉLECTRICITÉ.

qu'il sera tenu très-luisant pour empêcher le calorique de beaucoup rayonner dans la division qui a besoin d’une température moins élevée. Deux cuillères, l’une en argent et l’autre en bois, plongées aux trois-quarts et en même temps -dans la même eau bouillante, présentent une très-grande différence de conductibilité : la première sera trop chaude pour pouvoir la tenir, tandis que celle en bois sera à peine tiède. De cette conductibilité différente, peut se tirer un enseignement pratique pour la confection des bâches et des serres. Ainsi, le fer est meilleur conducteur du calorique que la pierre ou la brique ; le bois, au contraire, est le plus mauvais conducteur. Le fer, cependant, présente le grand avantage de l’économie et de la durée. De doubles parois en bois, à quelques centimètres d’écarte- ment, dont l'intervalle est rempli de mousse, de sciure, ou même de poussière de charbon, conserveront beaucoup mieux la chaleur que des parois en pierre, briques ou fer. Les bâches en bois sont réellement les plus avantageuses pour l’horticulteur ou le marai- cher, à moins qu'il n’entoure de fumier les bâches en fer.

On sait aussi que le moindre abri en paille, en toile, en feuilles sèches et en verre préserve souvent de la gelée des plantes un peu délicates (1).

HUITIÈME CHAPITRE. Électricité.

L'électricité est un fluide impondérable, invisible (extrêmement subtil), que nous développons par le frottement de plusieurs corps, qui acquiert ainsi la propriété d'attirer les uns et de repousser

(4) Nous n'avons pas à nous occuper dans ce moment du chauffage des bâcheset des serres, mais on trouvera dans le 4% volume de ma Flore des Jardins, les développements essentiels sur ces objets.

ÉLECTRICITÉ. 19 les autres. Malgré les magnifiques applications qu'on vient de faire de ce corps à la télégraphie, nous sommes bien loin d'en appré- cier toute l'importance, non-seulement quant à l'industrie, mais encore sur la vie animale et végétale. Peu d'expériences très-con- cluantes ont été faites à cet égard, mais on est naturellement porté à croire que l'électricité joue, sur les êtres organisés surtout, un rôle aussi important que la lumière et le calorique.

Les métaux, la paille, l’eau etl'atmosphère humide sont de bons conducteurs d'électricité ; tandis que le verre, la soie, la résine et l’air sec la retiennent dans le corps qui en est chargé. Si l’on voulait chercher les effets de ce corps d’une subtilité incompréhen- sible, 1l faudrait avoir soin d'isoler la plante.

On sait, d’ailleurs, que dans des temps d'orage, avant même que l'éclat de la foudre se fasse entendre, et qu’une pluie, qui souvent tient en dissolution des matières fertilisantes, les jeunes branches des arbres prennent un accroissement très-rapide et visible, pour ainsi dire, car ces branches s’allongent parfois de 45 à 30 centi- mètres en quelques heures.

D’après quelques expériences, faites par M. BECKENSTEINER, de Lyon, des graines anciennes, humectées d’eau, placées pendant quelques heures dans un courant électrique, germent; tandis qu’une partie de ces mêmes graines non soumises à l'électricité, mais d’ailleurs dans toutes les mêmes circonstances, ne germent pas. Il serait très-important de répéter ces expériences, qui assureralient

la germination et permettraient souvent d'utiliser d'anciennes graines que l’on pourrait se procurer.

DC DOC

20 EAU.

DEUXIÈME SECTION.

MILIEU AQUEUX ou

Eau liquide ou solide.

Le milieu, que nous avons à étudier en second lieu, est formé par l'hydrogène et l'oxigène combinés; il constitue un corps connu de tout le monde, sous la dénomination d’eau. Il à été considéré longtemps comme un élément, mais on est si certain actuellement de sa composition, qu’on peut la faire à volonté, ou la décomposer en deux gaz bien connus eux-mêmes.

On peut facilement décomposer l’eau : il suffit pour cela de chauffer une cornue en verre contenant de l’eau et qui est ajustée à un tube de porcelaine garni de tournure ou lames de fer, et traversant un fourneau que l’on allume. L'eau chauffée passe en vapeur à travers le fer rougi par le combustible du fourneau. Elle est décomposée en deux gaz : l'oxigène et l'hydrogène; le premier se combine au fer et l’oxide (rouille), l’autre, passant par l'extrémité opposée à la cornue, est reçu dans une éprouvette pleine d'eau ou de mercure, à travers laquelle ou lequel il passe dans l’éprouvette.

Quant à la recomposition de l’eau, on a un ballon en verre, muni de trois ouvertures: l'une qui s'applique sur le plateau d'une pompe pneumatique, les deux autres sont munies d'un robinet à vis et fermées. On fait le vide dans ce ballon, on adapte aux deux vis deux tubes à écrous munis chacun d’une vessie, contenant : l’une, de l'hydrogène, deux volumes; l’autre, de l’oxigène, un volume. Onfait

EAU. 21 passer dans le ballon une étincelle électrique, les deux gaz sont combinés et constituent de l’eau qui est parfaitement pure.

Nous avons vu que l’homme peut former et décomposer l’eau ; mais, nous le répétons, l’eau en vapeur n’est point décomposée (en hydrogène et en oxigène), et même dans cet état, souvent invisible alors, elle agit plus ou moins sur les corps de la nature.

L'état de l’eau varie, avons-nous vu aussi, suivant le calorique qui l’a pénétrée. De 0, ou degré de la congélation, jusqu’à son état d'ébullition (le baromètre marquant 76 centimètres de pression sur le mercure), elle est susceptible de s’évaporer en raison directe de la chaleur qu'elle renferme.

Plongée dans un milieu au-dessous de 0, elle se congèle et forme la glace. L'eau en vapeur arrivée dans de hautes régions s’y trouve en vésicules à parois d'autant plus minces, qu’elles sont dans un milieu plus chaud. Si ces vésicules diminuent beaucoup (proportionnellement au calorique), l’eau se réduit graduellement en très-petites gouttes aqueuses qui, s’agglomérant, forment des gouttes plus ou moins volumineuses. Celles-ci, plus pesantes que l'air, tombent en pluie.

Si, dans leur trajet, ces gouttes, qui tournent sur elles-mêmes en tombant et qui sont à peu près de forme sphérique, traversent une couche de l’atmosphère très-froide, elles se gèlent; de là, la grèle, dont le volume est d'autant plus considérable, qu'un grand nombre de gouttes d’eau s’y agglomèrent chemin faisant.

Si l’état vésiculeux de l’eau est en ballons aqueux microscopi- ques, et assez rapprochés pour former des nuages, et que cette eau, extrèmement divisée, soit prise par le froid, elle tombe d'autant plus légèrement que les vésicules sont moins rapprochées et qu'elles se trouvent dans une couche atmosphérique à une température au-dessus de 0, elles sont réduites en neige, d'autant plus épaisse que les petits glaçons sont plus soudés les uns aux autres. Quand ces flocons neigeux sont très-lourds, ils tombent assez rapidement, et parfois fondent en tombant sur la terre si la couche atmosphérique est un peu chaude. Dans le cas contraire, ces flocons flottent plus

22 EAU.

ou moins longtemps dans l'air, s’entassent sur la terre et ne fon- dent qu'après s'être unis à de grandes quantités de calorique. A l’état d'eau , elle est ordinairement très-favorable à la végétation, sides proportions convenables de lumière, de chaleur et d'électricité (peut-être) sont en un rapport convenable avec elle. Sans cela, elle peut nuire aux plantes par sa quantité minime ou trop consi- dérable. En un mot, elle ne peut agir directement et efficacement que lorsqu'elle est liquide. Froide, elle circule très-mal dans la plante ; si cette eau, en remplissant les utricules des plantes et leurs inter- valles, ainsi que ceux des fibrilles, vient à se geler, les corps qüi en sont pénétrés et qu'elle remplit sont déchirés, et si toute cette vitalité des organes élémentaires s'éteint, la vie de l'individu s’anéantit aussi graduellement. Dans les hivers très-rigoureux, et si l'automne qui les a ‘précédés a été très-humide, on entend souvent les troncs des arbres se fendre, et ils présentent alors de profondes déchirures qui se prolongent parfois sur tout le tronc (1).

C’est au moyen de l’eau, par les racines des plantes, que s’intro- duisent les matières solubles organiques décomposées, ainsi que la plupart des gaz ; c'est par elle seule que s’introduisent toutes les matières terreuses (cendres), et la matière charbonneuse, mais celle-ci sous la forme d'acide carbonique.

L'eau sert aussi comme corps humectant, mais lorsqu'elle séjourne trop longtemps dans la plante, elle relâche et distend tous les tissus, et cette plante meurt si la lumière, jointe à la chaleur, ne viennent point à son aide en évaporant bientôt le liquide en excès.

Beaucoup de plantes herbacées, et même les arbres, peuvent supporter 6-10 degrés de froid, sous0, etmême davantage, surtout s1

(4) Nous avons vu que le calorique dilate tous les corps, et nous voyons ici que l’absence de chaleur semble produire aussi une dilatation pronon- cée. Ce fait, en apparence contradictoire, a lieu, parce que l’eau, en se transformant en glace, présente un arrangement moléculaire tout différent, les petits glaçons microscopiques occupant beaucoup plus de place que les molécules de l'eau,

EAU. 23

l'automne a été sèche. L'inverse arrive toujours quand cette saison a été pluvieuse : 3 à 4 degrés suffisent alors pour les faire périr.

Si la rareté de l’eau n’est que momentanée ou que ce liquide soit peu au-dessous de la proportion nécessaixe à la plante, la végé- tation est sensiblement retardée, surtout si en même temps la lumière est vive et que l'air soit agité. A une chaleur trop consi- dérable, les feuilles se fanent, bientôt leurs utricules se dessèchent, etsi cet état dure, la dessication complète a lieu, la vie s’éteint successivement dans les organes les plus faibles, et les arrosements ne peuvent plus leur rendre la faculté d’absorber. Si, enfin, cette sécheresse se prolonge, la plante périt bientôt entièrement.

La quantité relative d’eau nécessaire à chaque espèce de plante est très-variable ; aussi, toutes ne peuvent vivre dans un même sol. Quelques végétaux, qui habitent l’eau, ont besoin d’être com- plètement immergés, et lorsqu'ils sont hors de l’eau, ils se fanent et se dessèchent très-vite (Potamots, NYMPHÉACÉES ).

D'un autre côté, l’évaporation du liquide que contiennent les plantes est en rapport avec la quantité de stomates (pores évapo- ratoires) que porte ordinairement la face inférieure de leurs feuilles. Ainsi, les plantes dites grasses (ou mieux à tissu épais plus ou moins succulent), (Joubarbe, OPONTIACÉES), qui sont privées de ces organes, supportent une très-grande chaleur, sans se faner sensiblement ; elles ne peuvent habiter que des contrées chaudes, elles n'évaporent qu’à travers des tissus dont on ne connaît pas d'ouverture. Si l'air est humide, l’évaporation, presque inappréciable qu'elles présentent, ne peut avoir lieu, et bientôt elles pourrissent, si l’'humectation extérieure de l'air continue.

L'homme ne peut rien pour les arrosements naturels, mais il lui importe souvent d’être sûr du beau et du mauvais temps, lorsqu'il a des travaux agricoles ou horticoles à entreprendre. Aussi, l'indication des pronostics météorologiques peut-elle devenir pour lui d'une grande importance. Comme l'étude des pronostics peut être d’un grand intérêt pour cueillir d'avance une certaine quantité de feuilles ou sécher des foins, nous allons entrer dans les détails les plus im- portants.

24 EAU.

En général, dans la belle saison, sur onze baisses ou hausses de baromètre, sept au moins ne laissent aucune incertitude. Cet instrument est disposé de manière, que si la colonne d’air qui pèse sur la surface du mercure contenu dans la colonne de verre (fermée par en haut etourverte par en bas), est plus pesante, le liquide mercuriel monte. Au contraire, il descend lorsque l'air devient moins pesant. Cette moindre pression de l'air est peut-être due à ces prodigieusement petites vessies d’eau, pleines d’air, qui, faisant l'office de ballons quelque temps ascendants, font que cette eau en vésicule contrebalance la pression ordinaire.

Les hausses ou baisses brusques du baromètre indiquent toujours quelque grand changement dans l'atmosphère, dans un certain éloignement du lieu elles s’opèrent. La baisse subite, surtout, annonce un orage ou la chute d’une grande quantité de pluie; tandis que l'ascension et la descente lentes du mercure sont un signe de beau ou de mauvais temps dans un petit nombre de jours.

Une gelée blanche au printemps ou en automne annonce souvent la pluie pour le jour le lendemain.

Des nébulosités très-élevées, qui semblent entourer la lune, annoncent souvent une pluie prochame : (on dit vulgairement alors que la lune baigne ou se baigne).

Un vent impétueux du sud annonce la pluie, qui tombera aussitôt que l'agitation de l'air eessera. Ce vent amène, en général, beaucoup de vapeur d’eau qui, en arrivant dans des régions plus froides, est condensée et tombe en pluie.

Quand le soleil nous apparaît le matin en projetant de la lumière blanche, qu'il est accompagné de taches, ou qu'il est presque caché par des nuages épais, ou bien qu'il projette une teinte rougeâtre dans l'atmosphère, c'est un signe assez certain de pluie le jour même ou le lendemain. S'il est pâle à midi et le soir, C'est une annonce de vent et par suite de pluie. Lorsque le ciel est blanchâtre et qu'il règne un léger vent du sud (que l’on nomme dans quelques contrées vent blanc), c'est encore un signe certain de pluie. Les hautes régions tiennent alors en suspension

EAU. 925

une grande quantité de vapeur, qui est (ôt ou tard condensée en pluie par le froid.

L'élévation de toute la vapeur d’eau dans les hautes régions, qui, ainsi que les couches inférieures de l'atmosphère, ne perdent pas de leur transparence, rend l'air parfois si clair que les mon- tagnes voisines nous apparaissent très-distinctement. Cet effet, qui est un pronostic certain de pluie, est désigné par les habitants des campagnes en disant que : les montagnes se rapprochent, nous aurons de la pluie.

Une forte rosée, qui se dissipe promptement au lever du soleil, est aussi un indice de pluie.

Les nuits chaudes et sans rosée sont ordinairement suivies d’orages, d’averses et de pluies longues.

10° La pluie soudaine n’est ordinairement pas de longue durée ;

11° L'apparition du brouillard après la pluie est souvent l'indice du retour du beau temps.

12° Les douleurs rhumatismales se manifestent et les anciennes cicatrices deviennent douloureuses à l'approche de la pluie, ainsi que les cors aux pieds.

Il devient tous les jours plus important pour l’agriculture de connaître, dans chaque contrée, la quantité de pluie qui tombe et les époques sa chute à ordmairement lieu. On sait, à Lyon, d'après des observations faites depuis vingt années, qu'il y tombe ordinairement 80 centimètres de pluie.

D'après les recherches de MM. AR4Go et DAUSSE, on sait :

Que la pluie s'accroît rapidement dans son trajet à travers les couches inférieures de l'atmosphère.

Toutes choses égales d’ailleurs, le produit de la pluie, dans un temps déterminé, est d'autant plus considérable, que le lieu on l’observe est plus élevé au-dessus du niveau de la mer, jusqu’à une certaine hauteur.

En général, il paraît que la pluie se forme jusque dans les couches les plus inférieures de l'atmosphère, de telle sorte que non-Seulememt chaque goutte augmente continuellement en volume

26 EAU.

dans sa chute, jusqu'à la fin de sa course, et que de nouvelles vouttes ne cessent de naître à ses côtés.

Les résultats moyens de la chute de la pluie sont, en général, les suivants : j

Que le produit de la pluie dans les mois de janvier et d’août, c’est-à-dire dans le mois le plus froid et dans celui qui est le plus chaud Paris), est à peu près dans le rapport de 4 à 5.

Que la différence de ces produits, dans la cour de l’Observa- toire et sur sa terrasse (1), est presque double en janvier de ce qu'elle est en août.

Ces faits indiquent qu’à Paris, la pluie et la neige se forment à une plus grande hauteur en été qu’en hiver.

La deuxième de ces lois est établie sur les recherches de M. DAUSSE, en voici quelques résultats :

DRE TR CR PR OR Re PR Ed

(4) La terrasse de l'Observatoire de Paris est à 28 mètres au-dessus du niveau de la cour du même établissement.

EAU. 27

HAUTEURS | QUANTITÉS 25 A métriques de pluie LIEUX. au-dessus de| tombée la mer. par année.

407 0,704 635 1,108 2,491 1,555 575 0,900 507 À 1,024 43 | 0,622 132 0,955 Pouilly (en Auæons) 208 0,642 Au point du passage du canal de Bour gogne. 247 0,677 Versant de la Seine, près Montbard e486 » T10,877 Cour de l'Observatoire de Paris (moyenne de 20 années, de 1818-1837) 60 | 0,572 Montmorency (moyenne de 40 années, d’après le P. Cotte). Cette station est dominée par des hauteurs boisées ayant 180 mètres... Guadeloupe (une année, d'août en juillet 1828, ilest tombé àla Basse-Terre, presque au niveau de la mer) Et enfin, à l'établissement de Macouba, situé dans les terres, à une assez grande hau- teur, très-voisine de montagnes couvertes de forèts vierges

La quantité de pluie qui tombe dans une localité est influencée, non-seulement par l'élévation de la portion du sol, mais encore par la présence ou l'absence des forêts qui retiennent de plus ou moins grandes masses de nuages.

La pluie ne produit pas un égal effet sur les plantes : celle qui tombe pendant les orages active d’une manière sensible la

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végétation. On a vu de jeunes rameaux de quelques arbres (Mar- ronniers d'Inde) s’allonger de 40 à 30 centimètres en quelques heures. Cette grande activité est due à de l’ammoniaque et à de l'acide carbonique contenus dans l’eau. L’électricité y a concouru aussi d’une manière puissante.

Toute l’eau évaporée des mers, des lacs, des étangs, des rivières, des marais, des ruisseaux, de la terre, ainsi que celle qui s’exhale des animaux et des plantes, retombe tôt ou tard dans telle ou telle région à l’état liquide ou à celui de congélation. Cependant, il ne faut pas croire que toute la rosée soit produite par la vapeur d’eau de l'atmosphère. En plaçant une plante sous une cloche de verre, isolée préalablement de la terre au moyen d'une lame métallique, ou de caoutchouc, on a acquis la certitude qu'il se formera des gouttes de rosée sur des points déterminés d’un certain nombre de feuilles. Ces gouttes proviennent de points glanduleux, et elles apparaissent en abondance d’autant plus grande, que les plantes sont plus remplies d'humidité et que le tissu utriculeux en est plus distendu.

L'air humide de la nuit augmente cependant le volume de ces gouttes exsudées de la plante. La rosée atmosphérique est d'autant plus abondante qu'il y a plus de nuages. Ceux-ci arrêtent le calo- rique rayonnant de la terre, et celui-cirevient vers elle; ce quitient cette portion de l'atmosphère à une température assez élevée pour que la vapeur ne puisse reprendre la forme liquide.

La rosée est très-nuisible aux animaux dans les contrées chaudes, en raison des transitions extrèmes de température auxquelles elle est due. Elle est le seul arrosement dont jouissent les plantes des déserts arides, et cette privation d'eau est la seule cause de la stérilité de ces portions du globe, car le sable, contenant quelques matières organiques, serait plus ou moins fertile s’il était humecté.

Toutes les plantes ne peuvent s'accommoder d'une même humectation atmosphérique ; ainsi, les unes supportent parfaitement un temps sec et brûlant : ce sont presque toujours celles qui sont privées de stomates (ou pores évaporatoires). Cette sécheresse leur est indispensable pour élaborer la petite quantité d'eau dont

EAU. 29

elles ont besoin pour leur nutrition. Placées dans une atmosphère remplie de vapeur, elles se pourriraient très-vite. D'autres, au contraire , ne sont bien portantes que dans une atmosphère humectée : c’est ce qui arrive aux plantes alpines.

L'eau, solidifiée en glace, neige ou givre, ne peut jamais être utile aux plantes, qu’en isolant d’un froid intense celles qui peuvent supporter un moindre degré de froid, et nous savons que les arbres vivants fondent beaucoup plus vite la neige qui couvre leur base que ces mêmes arbres morts. Cela s'explique facilement, en ce que leurs racines, isolées par cette couche de neige, recevant une sève provenant de couches terrestres plus chaudes plongent les racines, portent une température plus élevée dans le tronc que ne l'est celle de l'air qui environne l'arbre.

Quoique les arrosements naturels soient hors de la puissance de l’homme, il peut cependant souvent dévier ou accumuler une certaine quantité d’eau pour, au besoin, humecter la terre. Dans un grand nombre de cas, on pourrait utiliser des ruisseaux, pris à une certaine distance, l’eau des routes, celle des pentes supérieures à l'endroit l’on veut élablir ces réservoirs, celle des toitures, etc. En général, on prend trop peu de peine à cet égard. Le Mürier, qui doit nous occuper essentiellement ici, nécessite rarement l'emploi de pareils moyens, ses feuilles (dans les individus greffés) étant le plus souvent trop aqueuses. Au besoin, il faudrait bien plütôt détourner l’eau qui pourrait aller l’humecter.

L'eau des pluies, celle des fleuves contiennent ordinairement, d’après les recherches de MM. DE HUMBOLDT et GAY-LUSSAC, environ un 25° d'air, qui lui-même est formé de 68 parties d'azote sur 32 d'oxigène. Mais l’eau stagnante, et dans laquelle croissent des plantes aquatiques, contient de bien plus grandes proportions d’'oxigène.

MM. MorREN ont trouvé dans l’eau des viviers de 56 à 58 parties d'oxigène ; ils voulurent savoir si cette proportion était toujours la même à toutes les heures du jour, et trouvèrent dans l'air, chassé de l’eau par la chaleur, le matin 25/100, à midi 40/100 et le soir 61/100. Le volume qu'occupait l'air était aussi très-variable. L'oxigène était dans cette eau à un simple état de dissolution et

30 EAU.

non dans celui est réellement l’eau dite oxigénée. La lumière faisait aussi beaucoup varier la quantité de cet oxigène. Si le temps était obscur, la quantité d’oxigène restait constamment au-dessous de 28/100, lors même que la matière verte contenue dans l’eau était très-visible. Si, au contraire, elle avait disparu, même par de très-beaux jours, l'oxigène n’était aussi que de 28 à 30/100.

Cette matière verte des viviers, examinée au microscope, est due à une multitude d'animalcules extrèmement petits, presque tous appartenant au Chlomidomanus pulvisculus (Ehrenb.) MM. MoRREN ont acquis la certitude que ces animalcules agissent comme le végétal ; ils ont, comme lui, besoin de la vive lumière, unie à la chaleur, pour produire de l’oxigène; car, par une belle journée d'été, ils couvrirent le vivier d’un drap noir, et la proportion d’oxigène fut minime.

Il est probable que les algues d’eau douce, connues généralement sous le nom de Conferves, versent aussi dans l’eau, et par suite dans l'air, une grande quantité d’oxigène; que l’eau des mares, des viviers, etc., est beaucoup plus oxigénée et plus favorable aux plantes dans les arrosements du soir que dans ceux du matin. La température tiède de l’eau et son aérement sont aussi d’une grande importance. La température des eaux de source, presque toujours à 10 ou 12° centigrades sur 0 , est trop froide; elle a l'inconvénient d'arrêter l’activité vitale du végétal. Les eaux sont, en outre, trop peu aérées ; il faut donc les laisser séjourner dans des réservoirs, afin qu’elles s’y réchauffent et s’y oxigènent. En outre, un moyen mécanique qui les agiterait, y incorporerait beaucoup d’air.

On a remarqué que les matières animales et végétales, en décom- position, sont beaucoup plus favorables à la végétation lorsqu'elles sont unies à l’eau que lorsqu'elles sont réparties sèches ou presque sèches sur le sol. Les eaux fétides, convenablement allongées, sont aussi très-fertilisantes.

Le moment de la journée l’on arrose n’est pas non plus indif- férent, surtout lorsqu'on cultive des plantes délicates. On sait que l'évaporation ne se fait qu'aux dépens du calorique environnant, et que les arrosements arrêtent ou facilitent la végétation, selon qu’ils

EAU. 31 sont fait en temps défavorable ou bien en temps opportun, et que l’eau est plus ou moins froide.

Les arrosements d'automne et de printemps doivent avoir lieu dans la matinée. L’air est alors tiède, et le froid produit est modéré. Ceux du soir, dans la saison froide, sont généralement nuisibles par le refroidissement qu'éprouve la plante, et la possibilité même de la congélation de l’eau pendant la nuit. En été, au contraire , les arrosements doivent se faire, autant qu'il se peut, le soir, l’eau ayant le temps de bien pénétrer le sol, d'entrer dans les plantes, et d’équilibrer l'introduction de l’eau avec la grande évapo- ration qui a lieu pendant les jours longs et très-chauds. Les arro- sements du matin présentent l'inconvénient d’être beaucoup moins utiles, une grande quantité de l’eau s’évaporant bientôt et en pure perte, surtout à la surface du sol.

32 MILIEU TERRESTRE.

TROISIÈME SECTION.

MILIEU TERRESTRE.

La terre est un globe sphéroïdal enveloppé par l'atmosphère, que nous avons vu formé d’un mélange de gaz azote, oxigène, acide carbonique , vapeur d'eau, ammoniaque et iode, et qui est traversé par la lumière, le calorique et l'électricité. Ce globe est relevé ça et d’aspérités, et, en réduisant considérablement son volume, il ne présenterait pas autant d’inégalités qu’une orange dont il a à peu près la forme. II flotte dans l’espace immense qui l’en- toure, de manière qu'une portion s’en présente à temps fixe aux rayons du soleil, lesquels éclairent ce point sous un angle déter- miné, ce qui amène les saisons.

On nomme force d'attraction (ou pesanteur), la tendance qu'ont les corps de s'approcher de son centre. C’est par cette loi que l’eau est retenue dans les excavations plus ou moins vastes de sa sur- face. Ces grands amas d’eau portent les noms de mers, lacs, étangs, marais, etc. Lorsque leur bassin est rempli, l’eau s’en écoule dans d’autres excavations plus ou moins allongées, qui deviennent les lits des fleuves, des rivières et des ruisseaux. La convexité de la terre est prouvée par la manière dont les objets se présentent à nous en mer, et même parfois sur les grands lacs. Nous n’aperce- vons d’abord que le sommet des mâts, puis les voiles des bâtiments ; enfin, plus nous approchons, moins la convexité de la surface est grande, et plus nous les apercevons complètement.

Les couches qui composent notre globe augmentent de densité à mesure que l’on approche du centre, toutefois jusqu'a une

MILIEU TERRESTRE. 33

certaine profondeur. Les variations de température, qui résultent de l'influence des saisons, ne se font sentir, au plus, qu'à 2-3 mètres de sa surface. Parvenue à 33 mètres de cette surface, la tempé- rature a augmenté d'un degré, et l'accroissement continue dans les mêmes proportions. Il en résulte qu'à environ 3 kilomètres au- dessous du point de température stationnaire, on doit déjà trouver 100 degrés centigrades, température de l’eau bouillante au niveau de la mer. Si la chaleur s’accroit dans les mêmes proportions à 20 kilomètres, cette température est de 666 degrés, et alors pres- que tous les silicates sont en pleine fusion. D’après cette supposi- tion, le centre de la terre (qui a plus de 6,000 kilomètres de rayon) aurait une chaleur de 200,000 degrés, qui fondrait et volatiliserait tous les corps. D'ailleurs, la forme sphéroïdale de notre globe doit faire présumer qu'il à été primitivement fluide, et que sa surface se sera consolidée en perdant, dans l'espace, de sa chaleur primitive. Dans le moment la terre se fut refroidie et que l’eau püût rester liquide à sa surface, les premières parcelles terreuses suspendues formèrent un dépôt, et successivement toutes celles qui se sont placées depuis. La stratification horizontale arrive aux corps plus lourds que l’eau quand elle est immobile ; mais quelques stratifica- tions, opérées au moyen des courants dont la marche est à sa fin, présentent des ondulations. Les anciennes couches (terrain primitif), qui furent formées avant les corps organisés, ne renferment aucune trace d'animaux, ni de végétaux ; mais les plus rapprochées de notre époque, quoique encore à une très-grande distance, contiennent des fossiles ou pétrifications de plantes et d'animaux.

Le calorique ou la congélation, l’eau, les gaz, les chocs et les frotte- ments ont successivement désagrégé les couches solides en contact avec l'atmosphère, et ont produit la terre pulvérulente dans laquelle quelques plantes ont commencé à croître. Cette poussière , de nature très-variée, parce qu'elle provient de roches de compo- sition très-différentes, forme une matière pulvérulente souvent très-mélangée , à laquelle sont venus successivement s'unir des débris organiques, qui ont donné lieu à nos divers sols. Ainsi, en bri- santou désagrégeant une roche calcaire, nous formons à l'instant une

3

34 MILIEU TERRESTRE. terre qui, mélangée à des débris siliceux , permet à quelques plantes d’y vivre.

Les végétaux des régions très-chaudes, que nous trouvons à l’état fossile dans nos contrées, nous font penser qu'une plus haute température régnait dans notre portion du globe; car nous y rencontrons de grandes fougères arborescentes, de gigantestes prèles, des palmiers, qui n’y auront probablement pas été portés par des courants impétueux. Il est aussi probable que le sol, dans lequel croissaient très-activement ces grands végétaux, élait d’une nature tourbeuse et pénétré par de l'eau douce; car on ne trouve dans ces terres aucune trace de coquilles marines. Les tourbières nous offrent encore des exemples contemporains de cette croissance rapide, mais dans de petits végétaux ; car les racines et la partie inférieure des plantes aquatiques se carbonisent sous l’eau avec une telle rapidité, que vingt à trente ans suffisent pour niveler une tour- bière creusée à 2 mètres.

Si la terre n'avait jamais subi de bouleversement , les couches sédimentaires (pulvérulentes) seraient concentriques ; mais comme ordinairement nous ne pouvons en apercevoir qu'une très-petite portion , elles nous paraissent horizontales. Aussitôt que leur hori- zontalité est dérangée, nous devons penser que, dans le plus grand nombre des cas, il y a eu des bouleversements puissants ; car les grandes catastrophes, qui se sont manifestées à la surface de notre globe , paraissent toujours avoir été brusques. Nous savons que plus nous pénétrons dans le centre de la terre, plus la température augmente. Les matières inflammables du centre, en s’allumant , dégagent beaucoup de calorique. Ce ne peut guère être qu'à la grande dilatation que les corps prennent par le calorique que nous devons les tremblements de terre et ces énormes bouleversements dont nous avons quelquefois de trop malheureux exemples. C'est aussi au calorique que nous devons ces affreux soulèvements de quel- ques portions de notre globe qui apparaissent en montagnes même dans la mer, ces dislocations, ces crevasses, ces volcans, par lesquels sont lancés la lave, les cendres, des pierres, de la boue et des gaz. Quand ces éruptions sont terminées, les violentes secousses

MILIEU TERRESTRE. 39

diminuent ou cessent complètement , jusqu'à ce que de nouvelles commotions présagent de nouvelles éruptions.

On nomme volcans éteints ceux qui ont cessé depuis longtemps de vomir la lave, mais l'eau qui s’en dégage est très-chargée d'acide carbonique. L'eau qui s'en écoule est quelquefois pure, mais elle est souvent chargée de divers sels et gaz. Un volcan de Java produit de l'acide sulfureux et de l'acide sulfurique. La vapeur, et surtout les cendres que vomissent les cratères des volcans, forment parfois des nuages d’une très-grande étendue, et plongent dans l'obscurité les contrées voisines.

Les substances minérales fondues qui sont lancées hors ces cratères forment la lave, qui est d'une grande dureté lorsqu'elle est refroidie, et qui se délite très-dificilement. L’acide sulfurique et l'acide chlorhydrique coulent de ces voleans ; l'homme peut les éviter; mais, ce qui est encore bien plus dangereux, c’est l'acide carbonique qui sortdes volcans éteints. Il estlaterreur des habitants de Java. Dans le Guevo-Upas (vallée de poison), le sol est couvert d'ossements de tigres, de chevreuils, d'oiseaux et même d'hommes, car tout est asphyxié dans ce lieu de désolation. M. DE Bucx a remarqué que les premières émanations aqueuses sont de l'acide chlorhydrique , dans le moment de la grande intensité ; l'acide sulfurique apparaît lorsqu'elles s’affaiblissent, et enfin l'acide carbo- nique continue pendant des siècles, lorsque toute action volca- nique parait terminée. Aussi arrive-t-1l souvent qu'en creusant des terrains volcaniques dans les environs de Clermont (Auvergne) , on produit de grands dégagements de ce gaz. Avec des sources aussi intarissables , on peut comprendre la formation des chlorates, des sulfates et des carbonates (1).

La terre (pulvérulente) ne présente pas partout les mêmes carac- ières physiques, ni la même composition chimique. En parcourant une contrée montagneuse d’une certaine étendue, on observe une

(4) Combinaison d’un acide (chlorhydrique, sulfurique ou carbonique), avec une base ( chaux, potasse, soude, etc. ),

30 MILIEU TERRESTRE.

différence notable dans la nature et la position relative des roches qui la constituent. On voit qu'elles n’ont pas toutes la même origine et la même nature, et qu'elles ont été formées et placées dans leur situation actuelle à des époques distinctes.

L'eau, à raison de sa fluidité, pénètre dans la masse des rochers, qui sont doués d’une certaine porosité ; elle s’infiltre dans leur fissure, par la congélation, elle en écarte les parties constituantes, elle fait éclater les rochers les plus durs. Pendant la gelée, la glace peut servir de ciment et lier entr’elles les parties désagrégées ; mais, au moment du dégel, la moindre force, les courants d’eau, l’action seule de la pesanteur, suffisent pour entraîner les fragments au fond des vallées, et les frottements continuels auxquels ces débris de rochers sont exposés dans les torrents tendent à les réduire en sable. La quantité de matière pulvérulente charriée par les fleuves et les rivières est considérable. On peut s’en faire une idée par l’épais- seur du limon déposé par les eaux lorsque leur vitesse d’écoule- ment vient à se ralentir. Dans de nombreuses localités, le sol arable est formé ou puissamment amélioré par ces sortes d’alluvions. On connaît les vertus fertilisantes du limon du Nil : eau de ce fleuve en transporte un 32° de son volume. Celle du Rhin, aux époques des grandes crues, en charrie plus d’un centième. Le Fleuve-Jaune (en Chine) en entraîne plus de deux centièmes.

Aux causes mécaniques , comme nous l'avons déjà dit, s'ajoute encore une action chimique, dépendante des influences météorolo- giques. Cette action s'exécute avec une certaine énergie sur les éléments constitutifs des roches cristallisées. Du résultat final de la désagrégation des roches et de la décomposition des minéraux, qui entrent dans leur constitution , provient la formation de ces allu- vions qui occupent la pente des montagnes peu escarpées, le fond des vallées ou des plaines les plus étendues. Des plantes qui, par leur organisation, peuvent vivre en grande partie aux dépens de l'atmosphère , et qui ne demandent presque à la terre qu'un appui, s’y fixent, si le climat le permet. Les Opontiacées, les Mimosacées, les Equisétacées, les plantes à feuilles épaisses et charnues (plant. grasses) sont dans ce cas. Ces plantes, après leur chétive existence ,

MILIEU TERRESTRE. 37 laissent des débris qui seront profitables aux générations suivantes. La matière organique s'accumulera avec le temps dans ces sols presque infertiles , et, par ces additions successsives , ils devien- dront de moins en moins stériles. C’est probablement ainsi que les forêts vierges du Nouveau-Monde ont fourni au sol la prodigieuse quantité de terreau qui s’y trouve.

Si nous comparons maintenant les analyses des cendres des végétaux, nous voyons que les substances minérales qui se trouvent dans ces plantes, existaient également danse sol, avant même qu'il ait été amendé parles engrais décomposés. On doit donc poser, en prin- cipe, que celles qui se trouvent dans les plantes sont prises dans le terrain, et qu’elles proviennent toutes des roches qui forment la partie solide de notre planète.

Il est cependant à remarquer, d’après M. BOUSSINGAULT, que les phosphates, si constamment répandus dans les plantes, que l’on peut présumer essentielles à leur organisation, ne figurent pas parmi les éléments des roches cristallines. Nous rencontrons plus fréquemment l'acide phosphorique dans les terrains d'une époque, dont la formation a suivi l'apparition des êtres organisés ; de sorte qu’on peut présumer que cet acide a été introduit dans les sols nouveaux, par ces êtres vivants, qui y ont été ensevelis. Cependant, les phosphates se rencontrent dans les roches d'origine ignée. Dans les gîtes métallifères, on trouve, même en ne citant que les plus communs, des phosphates de plomb, de cuivre, de manganèse et de chaux. Il est aussi bien difficile de rencontrer un minerai ferrugineux qui ne contienne pas une dose, plus ou moins grande, d'acide phosphorique. Ce savant pense que s'il n'a été que rarement indiqué dans les substances minérales, c’est qu'il aura pu se soustraire aux investigations. Dans les analyses chimi- ques, la matière dont la présence n’est pas prévue, ou celles qui n'entrent qu'en proportion très-minime dans un minéral, passent souvent inaperçues aux plus habiles chimistes. Toutes les cendres des végétaux, examinées jusqu’à ce jour, ont donné des phosphates, et cependant ces sels n’ont pas encore été rencontrés dans Îles analyses des sèves, à la vérité peu nombreuses.

39 MILIEU TERRESTRE.

La terre, pour être propre à la culture, doit présenter plusieurs propriétés essentielles. Elle doit être assez meuble pour que les racines y pénètrent facilement et pour que l'eau humecte les molécules terreuses, mais n’y séjourne pas. Ces molécules doivent être ténues, pour que l'air puisse y pénétrer, sans qu'il s’ensuive cependant une dessication trop prompte.

On a beaucoup écrit sur la composition chimique des terres. Des chimistes très-distingués ont fait des analyses de sols reconnus les plus fertiles ; néanmoins, la pratique agricole n’a, jusqu'à présent, tiré que peu d'avantages de ce genre de travaux. C’est que les qualités, que nous estimons dans les terres labourables, dépendent presque exclusivement du mélange mécanique des divers agrégals, car il n’y a probablement aucune action chimique. Un simple lavage, qui indique le rapport du sable à l'argile, en dit certainement plus qu'une analyse précise. La qualité du sol cultivable dépend essentiellement de l'association de ces deux matières. Que le sol soit siliceux ou calcaire, il rend toujours la terre plus perméable, plus meuble (émiettée); il facilite l'accès de l'air et l'écoulement de leau. Son effet utile est plus ou moins marqué, plus ou moins favorable, selon qu'il s’y trouve en poudre fine, ou sous forme de sable grossier ou même de gravier.

La qualité d’un sol dépend donc surtout de la substance qui domine dans le mélange sable, argile, calcaire, et, entre deux extrêmes, également défavorables à la végétation, le terrain complètement sablonneux, argileux ou calcaire, viennent se placer toutes les variétés, toutes les nuances intermédiaires.

Il est très-rare que les sols cultivables soient formés uniquement de sable, d'argile ou de calcaire. Indépendamment de quelques substances salines qui s’y rencontrent fréquemment, bien qu'à faible dose, on y trouve aussi des débris de matières organiques, que l’on a désignées sous le nom vague d’humus, plus connu sous celui de terreau. Quoique une terre, entièrement privée de matières organiques, puisse être cultivée en faisant intervenir des engrais , et que, par celte raison, on ne doive pas considérer le terreau comme indispensable, cependant celte matière entre souvent dans

MILIEU TERRESTRE. 39

une certaine proportion dans les sols. La terre des forêts défrichées en contient beaucoup, et l’on cite des terrains assez riches pour donner de leur propre fonds, pendant des siècles, d'abondantes récoltes en céréales.

Dans l'examen d’une terre, l'attention doit se porter :

Sur la quantité de sable ;

2 Sur celle de l'argile ;

Sur celle de la chaux (carbonate ou plus rarement sulfate);

Sur la proportion d’humus ou terreau. Nous étudierons bientôt ces diverses substances.

La terre (végétale) desséchée à l'air, au point de devenir friable, peut encore néanmoins retenir une quantité d'eau considérable, qui ne peut se dissiper qu'à une température élevée.

Il convient donc d’abord de ramener les terres, que l’on veut examiner comparativement, à un degré constant (absolu) de siccité.

La dessication la plus sûre et la plus prompte s'opère au moyen de l'huile, placée dans un vase de cuivre, et tenue à une tempé- rature à peu près constante, au moyen d’une lampe. Un thermo- mètre, plongé dans le bain, permet de régulariser l'application de la chaleur. La substance à dessécher est mise dans un tube de verre, fermé par une extrémité, peu profond et suffisamment large, ou bien dans un creuset d'argent, si l’on opère sur une quantité plus considérable. Les vases doivent être disposés dans l'huile, de manière à y plonger jusqu'aux deux tiers de leur hauteur. On doit éviter que la surface de l'huile se trouve trop rapprochée de l'orifice du vase qui contient la terre ; car, par l'effet de la capillarité, il pourrait arriver que l'huile pénéträt dans le tube ou dans le creuset. On peut porter la température à 450 ou 460 degrés pour la dessication des terres. On prend d’abord, dit M. BOUSSINGAULT, le poids du verre, on y ajoute celui de la matière que l’on place dans le bain. Si l’on opère sur 30 grammes, on procède à la distillation pendant deux ou trois heures, et l'on pèse le vase après l'avoir bien essuyé ; on le replace ensuite dans le bain. Quinze ou vingt minutes après, on le pèse encore, et si le poids n’a pas diminué, on est sûr que la dessication est complète. Dans le cas contraire, on continue

40 MILIEU TERRESTRE.

l'opération. On ne doit considérer la dessication comme complète qu'après deux pesées successives, faites à quinze ou vingt minutes de distance, ne présentant plus que de très-légères différences.

Davy indique un moyen plus simple, quoique moins exact. On. place la terre dans une capsule de porcelaine, chauffée par une lampe. Un thermomètre, dont la boule plonge dans la terre, indique la température, et sert en même temps à la remuer. Enfin, dans plusieurs circonstances, on peut se contenter de la chaleur du bain de sable. Le point essentiel est de dessécher à une température connue, et qu'on puisse conséquemment reproduire, car la dessi- cation absolue d’une terre ne s'obtient réellement qu’à une chaleur voisine du rouge, qui détruirait nécessairement les matières orga- niques qu’elle contient presque toujours.

Ces débris organiques consistent en fragments de pailles, racines, etc. On les sépare au moyen d’un tamis de crin. On sépare aussi par ce moyen les graviers que le sol renferme. On introduit ensuite la terre dans un matras, avec 3-1 fois son volume d’eau chaude distillée. On agite fortement, on laisse reposer le liquide, puis l’on décante en faisant couler l’eau trouble dans une grande capsule en porcelaine. On répète les lavages, et lorsque le liquide s’éclaircit rapidement, on décante encore, et on fait glisser le sable dans un vase. L'eau du lavage est ensuite jetée sur un filtre. On rassemble ainsi toutes les substances tenues en suspension dans les eaux des lavages, et on les dessèche par l’un des moyens mdiqués. Le sable, d’abord recueilli, est séché avec les mêmes soins. Si l’on tient à doser les sels solubles, on réunit les eaux filtrées, et on les éva- pore. Quoique leur volume soit assez considérable, on peut les concentrer dans une capsule d’une certaine capacité, en ajoutant successivement du liquide à mesure qu'il s’évapore. On pousse l'opération jusqu'à siccité. Les sels sont ensuite rassemblés dans une capsule en platine, dans laquelle on les chauffe au rouge nais- sant, au moyen d'une flamme d'alcool, pour détruire les matières organiques qu'ils peuvent renfermer ; enfin, on les pèse.

Les divers composés minéraux, tels que sable, argile etchaux pris isolément, formeraient un sol à peu près stérile ; mais en les mélan-

MILIEU TERRESTRE. 41

geant avec discernement, on pourrait obtenir une terre offrant toutes les conditions qui contribuent à la rendre fertile. Ces condi- tions dépendent bien moins de la composition chimique du sol que de ses propriétés physiques, telles que la faculté d’imbibition, la densité, la couleur et la conductibilité.

C’est par l'étude attentive de ces diverses propriétés qu’on par- vient à se faire une idée précise des causes qui déterminent les facultés productives des sols.

Les proportions des différents débris de roches qui constituent nos terrains sont extrèmement variables dans un même champ, et surtout à différentes profondeurs.

Voici une liste des substances minérales que SCHÜBLER a trou- vées dans quelques terres, sur lesquelles il a fait de nombreuses recherches :

1. Sable siliceux.

2. Sable calcaire.

3. Argile maigre, renfermant environ 40/100 de sable.

4. Argile grasse, ee 24k/100

5. Terre argileuse, A1/100 . Argile, à peu près pure, mais dans laquelle l’analyse indique de la silice, de l’alumine et de l’oxide de fer.

7. Carbonate de chaux pulvérulent, dans divers états de ténuité, dans les terres et dans la marne.

8. Terreau (végétaux réduits en terre par la décomposition naturelle). e

9. Gypse ou Sulfate de chaux hydraté.

©

Arles eu 32,4

10. Terre légère de jardin,| sable quartzeux.….… 36,3 BUT 100. ...... 40 AE = laure 2 1.8

JOÉPO se 2,0

ÉÉCROIR nr +. 125

PIE RENTE 54,2

Sable siliceux ........ 49,7

14. Terre labourable, sur 1004 calcaire ........ 0,4 TETE. ci 8 y as « 2.4

MATE ES 9,4

SOL SABLONNEUX.

ER ET QE 33,3 Sable siliceux........ 63,0 12. Terre labourable, sur 100/ calcaire. ....... 1,2 DROIT ENT OUPSE 1,2 PÉITOAUE NES OMR ue de DO oU UE 4,3

Ces diverses substances une fois connues, on peut constater

ensuite :

Leur pesanteur spécifique ;

Faculté de retenir l’eau ;

Consistance ;

Aptitude à la dessication ;

Retrait résultant de la dessication ;

Pouvoir hygrométrique ;

Affinité pour l’oxigène de l'air;

8°. Échauffement par la chaleur solaire.

Actuellement, sans vouloir entrer dans de grands détails sur les

_—

caractères des sols cultivables, voyons au moins quels sont les moyens de les reconnaitre.

PREMIER CHAPITRE.

Sol sablonneux.

Ce terrain est le plus souvent à l'état de gros grains, très-rude

au toucher, ne formant point pâte lorsqu'il est humecté ; l’eau ne peut pénétrer dans chaque parcelle; elle ne mouille que sa surface ;

il

s’'échauffe facilement et beaucoup aux rayons du soleil, se

dessèche très vite ; il est inattaquable par les acides moins qu'il ne s’y trouve du sable calcaire mélangé).

La silice à l'état pur est, en poudre blanche, rude au toucher,

infusible au feu le plus violent. Dans l’état on l’observe ordinai-

re

ment, elle est considérée comme insoluble à l’eau; toutefois ,

lorsqu'elle est très-divisée, quand elle provient de l’oxidation du

SOL SABLONNEUX. 43

sulfure de silicium par son contact avec l’eau, elle est soluble. D'ailleurs, son insolubilité n’est pas aussi absolue qu'on le suppose communément. On en a trouvé des quantités notables dans l’eau jaillissante du puits de la fontaine de Grenelle et dans l'eau de la Seine. La silice existe surtout en quantité très-appréciable dans certaines eaux thermales, la présence d'une matière alcaline favorise sa dissolution.Le cristal de roche, quand il est très-transpa- rent et incolore, peut être considéré comme de la silice pure. Dans les variétés de quartz que les minéralogistes comprennent sous les dénominations de silex, calcédoine, agate et opale, la silice se trouve associée à diverses substances minérales et à l’eau.

Le volume des grains qui constituent le sable siliceux est très- variable ; nous le nommons surtout ainsi lorsque ces grains sont gros, très-rudes au toucher, comme nous le voyons souvent sur les rivages de nos fleuves ; celui, en un mot, qui entre le plus souvent dans la confection de nos mortiers. Dans cet état, il est très-peu propre à la végétation ; car il contient à peine des parcelles de terre fine et de débris de végétaux. Il laisse passer trop facilement l’eau, et celle qui pouvait rester à sa surface est bientôt évaporée aux rayons du soleil. Si, par quelques couches plus profondes , le sol n'est pas humide, il sera presque complétement stérile.

La fertihté des sols sablonneux est en rapport avec la quantité de pluie, et surtout avec leur fréquence. Ainsi, à Turin, il pleut souvent, on considère comme fertile un sol qui renferme 70-80 sur 100 de sable; tandis que, dans les environs de Paris , il pleut moins qu'à Turin, un bon sol n’en contient pas plus de 50 p. 100. Le terrain sablonneux qui, dans le Midi de la France, n'aurait qu'une faible valeur, présente des avantages réels sous le climat humide de l'Angleterre. L'irrigation supplée à la pluie, et dans les contrées l'irrigation permet d'y avoir recours, la composition des sols est de peu d'importance. Quand on peut humecter la terre , il suffit qu'elle soit meuble pour qu'elle acquière toute la fertilité que peuvent lui donner le climat et les engrais. Nous avons vu que les déserts arides ne sont stériles que parce qu'il n'y pleut jamais : ainsi, sur les plages sablonneuses des côtes de la Mer du Sud, on

L4 SOL SABLONNEUX.

voit une végétation acüive suivre les sinuosités des rares rivières qui les traversent ; tandis que tout est poudreux et inculte au-delà.

M. BOUSSINGAULT a vu une richeplantation de maïs sur le plateau des Andes-de-Quito, dans un sable presque mouvant, mais abondam- ment et habilement irrigué. La position inclinée est défavorable à un semblable terrain : car alors il se dessèche trop vite, et il est souvent entraîné par les pluies. C’est, en général, pour s'opposer à cette action des eaux pluviales que l’on préfère laisser les pentes rapides plantées d'arbres, dans le but de conserver, le plus possible, la terre végétale. Autant les sols argileux ont besoin d’être dessé- chés par les grands vents, autant ceux-ci sont contraires aux sols sablonneux, qui ont besoin d’abris. Ces derniers sont parfaitement convenables dans les pays qui ne sont pas fréquemment exposés à de longues sécheresses. Leur culture entraîne à peu de dépenses, étant très-facile à travailler. C’est le terrain qui convient le mieux au Mürier, pour peu qu'il contienne d'argile.

Là, il n’a pas une si vigoureuse végétation : les feuilles sont moins larges, moins épaisses ; mais elles sont bien préférables pour l’ali- mentation des vers-à-soie. Il est très-fâcheux pour la santé du Bombix sétifère qu’on ait presque abandonné le Mürier voisin de son état primitif, ce que nous nommons des sauvageons. De feuilles un peu minces, presque sèches, que nous leur donnons d’abord, nous lui faisons manger des feuilles de Müûriers greffés beaucoup trop aqueuses. Et si, avec cet inconvénient déjà assez grave, nous avons une saison pluvieuse, nous augmentons encore le mal: nous donnons aux vers des feuilles beaucoup trop aqueuses, peu nour- rissantes ; aussi, pendant des années semblables, voyons-nous la plupart des récoltes de soie bien inférieures en quantité.

Mais n’allons pas plus avant, pour le moment ; à l’article Mürier, nous entrerons dans de nouveaux détails, au moyen desquels nous déterminerons probablement quelques éducateurs à modifier Ja culture de leurs Müriers et leur taille ; en un mot, à faire usage de feuilles plus convenables à l’alimentation du ver-à-soie.

Nous n'avons fait mention jusqu'ici que du sable à gros grains (ou gros sable) ; mais un autre excès moléculaire se présente dans

TERRAIN ARGILEUX. 45

ce terrain ; c'est lorsqu'il existe dans un état de division extrême, et qu'il est presque en poudre impalpable : c’est le cas de la Bresse ou Dombes (département de l’Ain). Les molécules de sable y sont d’une finesse très-grande ; elles s'appliquent exactement les unes contre les autres, et se superposent si étroitement, que l’eau ne peut passer entr'elles. Si l'on joint à cette finesse du sable un vingtième de partie sur 4100 d'argile, incorporé à ce sable extrème- ment divisé, on comprendra facilement sa presque complète imper- méabilité, et la facilité qu'ont les habitants de ces contrées d'établir des étangs artificiels, que cette espèce de terrain ou des sols argileux peuvent seuls présenter. Aussi, cette terre de la Dombes , si elle n’est pas souvent labourée, devient-elle compacte, imperméable à l'eau ainsi qu'à l'air, et les végétaux herbacés qu'on y cultive vivent-ils tant bien que mal, parce qu'une certaine épaisseur de terre a été soulevée par la charrue ; aussi les arbres y présentent une végétation des plus languissantes. {Voir un peu plus loin l’article Amendement.)

DEUXIÈME CHAPITRE.

Terrain argileux ou alumineux.

Le terrain argileux (1) est un composé de silicate hydraté d’alumine , et non un simple mélange de ces substances. Lorsqu'il est pur et uni à l’eau, il forme une pâte liante, plastique, onctueuse au toucher ; sec, il happe à la langue, et émet, en soufflant dessus, une odeur connue sous le nom d'odeur argileuse ; il ne fait point effervescence avec les acides (2). Une fois humecté, il devient

(4) Terrain alumineux, Terre à poterie, T. glaise, T. forte.

(2) Espèce de bouillonnement causé par le développement du gaz acide carbonique. Si cette effervescence avait lieu, ce serait un signe que ce terrain serait mélangé avec une terre calcaire (ou de chaux).

46 TERRAIN ARGILEUX.

imperméable. Avec de tels caractères, il n'y a pas de culture avantageuse possible (dans un sol proprement dit argileux). Cette terre , d’une finesse extrême, mise en contact avec l’eau, se gonfle et finit par s’y diviser entièrement. En se desséchant, elle se dureit et se contracte tellement, qu'on y remarque des fentes et même plus tard des crevasses profondes.

Ces terres argileuses s’accommodent assez bien des situations inclinées. Comme l'humidité s’en écoule difficilement, on a soin de les labourer en billons (ou espèces de bandes convexes), de manière à laisser séjourner l’eau dans les sillons seuls, qui sont par cela plus ou moins improductifs.

Ce terrain s’échauffe difficilement ; car, pour que la chaleur puisse le pénétrer, il faut préablement que l’eau en soit en grande partie évaporée; aussi le nomme--on terrain froid. (Lire l’article Amendement.)

Les terrains argileux conviennent pour l'établissement des praï- ries ; les arbres fruitiers y réussissent, en général, assez peu; mais les Saules, les Peupliers et les Aulnes y prospèrent.

Les labours d'automne leur sont très-favorables, surtout si l’on retourne la terre en grosses mottes , aussitôt que l'humidité en est évaporée et qu'on a pu la travailler. La gelée alors les divise profondément, et tend à les rendre très-meubles. L'éco- buage, les cendres, les sables, le gravier même, les fumiers récents, les amendent d’une manière très-remarquable. L'eau a pour ces sortes de terrains une telle affinité, qu’elle ne s’en sépare entière- ment que si on l’expose à la chaleur rouge (1).

Ce terrain est le moins favorable à la culture du Mürier. Il y produit cependant de grandes et belles feuilles, dit-on; mais elles y sont réellement trop charnues, trop succulentes, et ne nourrissent réellement pas aussi bien les vers-à-soie que des feuilles moins grandes, moins épaisses, et contenant, sutout, moins d’eau.

{1) Voir l’article Écobuage au chapitre Amendement.

TERRAIN CALCAIRE. AT

Nous insistons, à chaque occasion, sur ce point; car nous voudrions voir les Müriers disparaître des prairies, des bords des fossés, des terrains argileux , pour les voir transporter dans des terrains un peu secs, ils donneront moins de feuilles en poids, en succulence. C’est ce que malheureusement nous ne verrons pas de longtemps ; car il sera difficile de persuader à des personnes de la campagne que des feuilles grandes, épaisses, belles, et surtout qui, cueillies, sont très-pesantes , ne soient pas les meilleures. Dans des années la sécheresse régnera, elles seront bonnes ; dans les années très- pluvieuses, elles seront détestables pour le but qu'on se propose. (Voir, d’ailleurs, l’article Choix des variétés de Müriers, leur culture et leur taille.)

TROISIÈME CHAPITRE.

Terrain ealeaire,

Le terrain calcaire est formé par le broiement ou le délitement de la pierre à chaux, dont nons construisons non-seulement nos maisons, mais encore dont nous faisons le mortier, qui sert à rendre adhé- rentes ces pierres entr'elles. C’est dans les roches formées de chaux que nous trouvons les premières traces de pétrifications ou fossiles végétaux et animaux. Cette nature de roche est très-abondante. A l'état solide ou à celui de terre, il est facile de reconnaître ce composé au bouillonnement qui s'opère lorsque nous y jetons quelques gouttes d'un acide liquide quelconque , tels que sulfu- rique, chlorhydrique, ete. Ce bouillonnement que l’on aperçoit est à l’action de l’acide sur ce composé inorganique. L’acide employé, qui a plus de tendance à s’unir avec la chaux composant essentiellement ce terrain, se combine à elle, et l’autre acide (gazeux) qui lui était uni devient libre et se dégage. Par cette opéra- tion, nous formons donc (avec l'acide sulfurique) du sulfate de chaux, ou sulfate d’oxide de chaux, ou sulfate de calcium hydraté,

48 TERRAIN CALCAIRÉ.

c'est-à-dire contenant, en outre, de l’eau : c'est ce que nous nommons plâtre (4).

Lorque la pierre à chaux est pure, elle est composée de :

Oxide de calcium (chaux vive) . . . . . 56,3 Acide carbonique, . ;: .: +... sos 49,7

Elle peut être d’ailleurs pénétrée d’une assez grande proportion d'eau à l’état latent (caché).

Elle se dissout dans la plupart des acides, avec lesquels elle cons- titue des composés salins (ou sels). Placée à une haute température, la pierre à chaux abandonne l'acide et l’eau qu'elle contenait ; il ne reste plus que l’oxide de chaux (ou oxide de calcium).

Le carbonate de chaux est considéré comme insoluble dans l’eau ; il s'y dissout cependant en quantité notable au moyen de l'acide carbonique libre. Lorsqu'une semblable dissolution dans l’eau est exposée à l'air, l'acide se dissipe peu à peu, et le carbonate se dépose, en incrustant les surfaces , si l’action continue. C’est à cette dernière circonstance qu'est due la production de ces nombreux dépôts de carbonate de chaux (tuf, stalactites). Le dépôt se fait d'autant plus vite que les tuyaux qui conduisent l’eau ne sont pas complètement pleins; car alors le vide que l’eau laisse facilite encore le dégagement du gaz qu'elle contient. Cette propriété, que possède le carbonate calcaire de se dissoudre dans l’eau acidulée par l'acide carbonique, permet d’entrevoir comment les sols peuvent transmettre ce sel aux plantes, et comment le peu de chaux qu’on met parfois dans les terrains, qui en sont privés, peut en disparaître graduellement et se déchauler (si l’on peut s'exprimer ainsi). Ce fait peut très-bien avoir lieu ; en outre, par les eaux qui coulent sur le sol, car elles contiennent presque toujours un peu d'acide carbo- nique.

(4) Nous -ntrerons plus loin dans quelques détails sur la composition de la chaux et du plâtre, sur leur préparation industrielle et leur applica- tion à l’agriculture.

QUALITÉS DU SOL. 49 Le sable peut être siliceux ôu calcaire ; le plus souvent, il est mélangé (excepté dans le grès de Fontainebleau, il est complètement siliceux). On constate dans les sables mélangés la silice et la chaux), en les traitant au moyen d'un autre acide qui ait plus d’affinité avec l’oxide de calcium. L’effervescence prouve la présence du carbonate, et on peut évaluer la quantité de ce sel en pesant le sable sec, et, après le traitement par l'acide, en prenant la précaution de bien laver le sable qui reste avant de le dessécher pour le peser. L'essentiel est de déterminer la quantité de matière siliceuse (ou sablonneuse). Si l’on avait un intérêt particu- lier à constater la présence et évaluer la quantité de carbonate ierreux contenue dans une terre, il vaudrait mieux faire une recherche spéciale, parce que le calcaire, très-divisé, étant entraîné avec la matière argileuse qu'il pourrait contenir, le sable obtenu par le lavage ne renferme plus la totalité du carbonate de chaux.

QUATRIÈME CHAPITRE. Qualités du sol.

1% $.L'adhérence des molécules terreuses ou ténacité est une chose très-importante à connaître en agriculture. On à cherché bien des moyens pour l’apprécier sans avoir pu y parvenir. Cette adhérence est représentée par les agriculteurs sous le nom de terre forte. La ténacité du sol, rendant les travaux plus difficiles, a fixer bien plus leur attention que la pesanteur. Elle a été bien exprimée dans la pratique par le général du génie VAILLANT (1847), et comme ce moyen est parfaitement applicable à la pratique pour les creusements des fossés, les trous à faire pour la plantation des arbres, les défoncements même, etc., nous allons indiquer le procédé employé par ce savant.

Pour parvenir à classer ce terrain, on prend un homme de confiance, fort et habitué au travail de la terre ; on le fait piocher pendant un certain nombre de minutes, et on lui fait charger dans

4

50 QUALITÉS DU SOL.

$

des brouettes la terre piochée. On observe le nombre de minutes employées pour chacune de ces opérations, et leur rapport fait connaître le nombre de piocheurs que cette terre exige, pour que le chargeur puisse travailler sans interruption, Cette méthode, usitée dans les travaux publics, pourrait l'être aussi avec avantage en agriculture et en horticulture, pour les minages, les fossés, les creux à recevoir les arbres, etc. Avec de légères modifications, elle offrirait un degré de précision assez grand, surtout si l’on voulait s’en servir seulement pour classer le degré de ténacité du sol; car, dans la pratique agricole, on exécuterait le travail d’une manière plus expéditive dans la plupart des terres, en se servant de la bôche, qui entame et charge la terre à la fois. Dans tous les cas, il faudrait avoir soin de n’employer ce procédé de classement des terres que dans des circonstances identiques, relativement à la richesse des terrains et à leur tassement.

Il résulte du temps employé par un homme, pour fouir et charger dans une brouette (ou plus facilement jeter sur la surface plate du sol), 45 mètres cubes de terre.

La terre qui peut être chargée sans être préalablement fouillée (piochée), comme le sable et la terre végétale calcaire, est nommée terre à un homme, parce qu'un homme seul suffit pour charger dans la brouette (ou, à plus forte raison, la jeter sur le sol hors d’un fossé, d'un creux), 15 mètres dans une journée.

Lorsque la dureté de la terre oblige d'employer la pioche, il est nécessaire d'ajouter un homme au premier : l'un la prépare, afin que l’autre n'ait qu'à la prendre à la pêle sans interruption; la terre est alors dite à deux hommes.

Elle est à un homme et demi, lorsqu'un piocheur suffit pour la préparer à deux chargeurs.

Enfin, elle est dite à trois hommes, lorsque deux piocheurs sont nécessaires pour que le chargeur puisse travailler constamment, et ainsi de suite.

La ténacité du degré d'atténuation des parcelles de la terre et de la forme de ces parcelles, influe sur leur disposition à être mises en contact, autant que par leur nature même. Elle résulte donc

QUALITÉS DU SOL. ol de causes compliquées dont l'analyse ne rendrait pas compte, et qui peuvent seulement être mdiquées par l'expérience. La quantité de travail faite par les ouvriers est en rapport avec la ténacité trouvée. Les ouvriers d'Orange bêchent en trois jours 600 mètres de surface à 20 centimètres de profondeur, ou 40 mêtres par jour, dans des terres de 1 à 2 kilogrammes de ténacité : ils n’en bêcheraient que 20 sur un terrain de 4 kilogrammes, si on les forçait à faire des mottes de grosseur égale, dans l’un ou l’autre terrain. Dans ces terrains d’une grande ténacité, l’on a plus d’avan- tages de détacher d'énormes mottes, que l’hiver pulvérise ensuite, ce qui avance l’ameublissement. La charrue n'a pas le même avantage, parce qu'on est obligé, par sa nature, de proportionner la profondeur du travail à la largeur de terre à renverser, et qu’elle doit toucher le fond de la bande et non la séparer par un effet de levier, comme la bèche. La charrue a donc, dans tous les cas, à vaincre deux résistances dans les terres d’une double ténacité.

Mais tel terrain, rebelle lorsqu'il est sec, devient doux et meuble dès qu'il est humecté. C’est ce qui arrive dans les terres calcaires, tandis que l'humidité rend intraitable celles qui sont argileuses. D'ailleurs, la ténacité des terres est aussi très-importante dans le travail des terrains secs lorsqu'elles se collent fortement à la bêche ou aux autres instruments.

Les expériences faites pour reconnaître l'aptitude des terres mouillées à se sécher à l’air, prouvent qu’elles suivent à peu près l'ordre inverse de leur hygroscopicité. Ainsi, pour des sols semblablement situés, la mesure de cette dernière propriété serait aussi celle par laquelle on rencontrerait leur disposition à devenir secs.

De toutes les substances examinées, le sable et le gypse sont ceux qui laissent le plus facilement évaporer l’eau ; on remarque, au contraire, que le terreau retient l’eau très-fortement. On comprend alors comment les terres, qui en contiennent beaucoup, sont plus avantageuses à la végétation, à cause du séjour prolongé de l'humidité,

52 QUALITÉS DU SOL.

Les sables siliceux et calcaires, ainsi que le gypse, ne changent pas sensiblement de volume en s’humectant. L'extrème retrait du terreau explique le boursoufflement des terrains tourbeux dans les temps humides, et leur abaissement par la sécheresse; ils perdent un cinquième de leur volume. On voit aussi que le retrait n’est pas proportionné à la faculté de retenir l’eau, car la chaux a peu de retrait, quoiqu'elle retienne plus d’eau que l'argile; il dépend probablement du nouvel arrangement des molécules, qui est spécial pour chaque nature de sol, et qui, dans des mélanges aussi, agit d’une manière particulière.

2ne $. L'hygroscopicité des terres est lune des propriétés importantes à étudier, car les agriculteurs admettent que les terres, douées de la propriété d'attirer l'humidité atmosphérique, se rencontrent généralement parmi celles qui sont fertiles. On ne doit pas confondre cette faculté avec celle de retenir l’eau déjà absorbée. Elle paraît dépendre de la porosité des terres et des sels plus ou moins déliquescents qu’elles peuvent renfermer. Le sable siliceux n’absorbe rien, le gypse et le sable calcaire très-peu, les terres argileuses beaucoup et le terreau en prodigieuse quantité.

L'humidité et la sécheresse du sol influent aussi considérablement sur son échauffement, dont la différence est constamment de 7-8 degrés. L'abaissement de température est à l’évapo- ration de l’eau; il se maintient jusqu'a ce que les terres soient sèches.

On peut conclure de tous les faits cités, que les terres froides sont celles qui ont une couleur peu foncée, une grande facilité à retenir l’eau, et à se dessécher lentement.

$. La pesanteur des diverses terres est en général très- mal appréciée; car nous nommons terres lourdes, celles qui, sous un volume et une dessication égale, offrent le plus haut poids ; ainsi, dans les exemples cités ci-dessous, la pesanteur va en diminuant du premier au dernier exemple : sable siliceux, sable

We

QUALITÉS DU SOL. DE calcaire, gypse, argile maigre, argile grasse, lerreau, terre arable et terre de jardin.

Les agriculteurs nomment un terrain léger celui qui laisse passer et évaporer l'eau avec une grande facilité; conséquemment, ils regar- dent le sable comme le plus léger, pendant que nous avons vu, en tête des terrains pesants, les sables. Ainsi, en général, la terre qui en contient le plus est pour l’agriculteur celle qu'il considère comme la plus légère.

$. L'absorption de l’oxigène par les terres est aussi un point important pour l'agriculture et l'horticulture, aussi at-elle occupé beaucoup les physiologistes. L'absorption de l'oxigène par le terreau est nulle dans l’état sec ; il est le plus considérable de tous les autres produits pulvérulents terrestres dans l'état d'humecta- tion. Il forme, avec le carbone, de l'acide carbonique. Si le terreau est complètement recouvert d'eau, il devient noir, et se change en terreau carbonisé insoluble, qu’on trouve dans toutes les terres de marais et mélangé avec les tourbes. Quand aux autres terres, elles se bornent à absorber l’oxigène sans se combiner avec lui; car si on les dessèche ensuite à une température un peu élevée, elles redeviennent susceptibles d’absorber les mêmes quantités de ce gaz. L'absorption a lieu aussi quand les terres sont complètement recouvertes d’une couche d’eau. L'eau seule, sous tefre, n’absorbe que des quantités très-petites d'oxigène.

La chaleur augmente la faculté d'absorption des terres : celles qui sont gelées n’ont presque aucune action absorbante, celles qui con- tiennent de l’oxide de fer et qui sont placées sous l’eau, ou qui sont humides, absorbent de l'oxigène ; aussi les terres humides ne sont- elles aptes à se combiner avec ce gaz, qu'autant qu'elles contiennent du terreau et du fer. Le terreau, combiné avec l'oxigène, produit immédiatement de l'acide carbonique, propre à passer dans les plantes. Le fer s’en empare aussi et le conserve. Les autres terres le gardent en réserve et ne le rendent que par leur dessication; alors s'exhale de la terre humide un air fortement oxigéné, dont on con- naît l'action énergique sur la germination.

54 QUALITÉS DU SOL.

5°$. L'échauffement des terres, par les rayons solaires, est l’une des propriétés les plus importantes en agriculture et en horticulture. Il dépend de plusieurs circonstances bien distinctes :

De la couleur du sol ;

De la composition minérale ;

De la disposition à la sécheresse ou à l'humidité (1).

La couleur du sol est l’une des causes principales de son échauf- fement; elle fait varier beaucoup la chaleur que la terre acquiert : de l'argile teintée en noir, exposée au soleil, indique une tempéra- ture de près de 49 degrés, tandis que la mème terre, en blanc, ne marque qu'environ #1.

Les terres blanches sont des glaises, et comme elles retiennent beaucoup d’eau, on doit attribuer le retard de leur végétation à l'humidité. Les cultivateurs du Midi savent bien, qu'à humectation égale, les terres calcaires rouges produisent des végétaux bien plus précoces que celles qui sont blanches. Les vins des terroirs blancs sont bien moins spiritueux que ceux des sols colorés. Les céréales et les fourrages, cultivés dans des terres foncées, sont beaucoup plus avancés, surtout au printemps, que ceux qui ont végété dans un sol pâle.

Tout porte aussi à croire que la coloration des murs n’influerait pas moins sur la maturation des fruits. Les murs blanes absorbent la chaleur solaire, mais la reflètent sur l’espalier ; tandis que les murs noirs absorbent la chaleur solaire et rayonnent pendant la nuit. Ainsi, dans le premier cas, on produit un climat extrème à l'arbre ; dans l’autre, un climat moyen. Dans les pays froids, il importe de hâter la maturité par des variations successives de température capable de provoquer le mouvement de la sève, on à adopté généralement les murs blancs; tandis que dans les contrées méridionales, il est très-probable qu'on obtiendrait des avantages des murs noirs. Ils préviendraient l’insolation brusque des fruits, el

(4) Voir, pour plus de développements, l'excellent ouvrage de M. p& GASPARIN, sont puisées la plupart de ces observations.

As rs

QUALITÉS DU SOL. , DD) réparliraient pendant la nuit la chaleur qu'ils auraient absorbée pendant le jour. Les habitants de Chamount répandent sur leurs champs, couverts de neige, un schiste noirâtre en poudre grossière, pour hâter la fonte de la neige qui couvre les portions de sol qu'ils veulent ensemencer de bonne heure.

$. La composition minérale des terres produit des effets bien moins marqués que ceux de la coloration sur leur échauffement par les rayons du soleil. On parvient à distinguer les résultats de cette influence, en exposant les diverses natures des terrains au soleil, avec leur surface noircie par une légère couche de noir de fumée, ou blanchie par une couche également légère de magnésie très-fine. On ne trouve dans la nature de terre la plus facile à s'échauffer et celle qui l'est le moins (le gypse blanc et l'argile blanche) qu’une différence de 2 degrés 1/2 environ, et entre l'argile noircie et le gypse noirei, environ 2 degrés 1/2, tandis que la différence du noir au blanc est presque constamment de 7-8. Il est donc évident que c’est à la coloration du sol que l'on doit attribuer son plus ou moins grand échauffement.

Nous devons conclure, avec M. DE GASPARIN, que la terre parfaite est celle dans laquelle les plantes rencontrent un ferme appui, soustraites aux alternatives de sécheresse et d'humidité, conservant constamment la quantité d'eau nécessaire à leur végétation, et pas au-delà, trouvent les éléments de nutrition qu'elles doivent rencontrer dans le sol; c’est encore celle qui, par son expo- sition et ses abris, est soustraite autant que possible au froid de l'hiver, seule modification atmosphérique qu'il nous soit peu facile de conjurer sans des moyens artificiels coûteux ; enfin, celle qui, à ses qualités, jouit d’une faible ténacité, et qui par conséquent peut se cultiver avec le moins de frais possible.

Les horticulteurs «préparent du mieux qu'ils peuvent cette terre parfaite, pour leurs serres, avec divers mélanges pulvérulents (et des engrais), et ils procurent aux plantes un développement qui surpasse souvent celui qu’elles acquièrent dans leur pays natal ; mais les agriculteurs ne peuvent approcher de cette perfection, presque

56 AMENDEMENTS.

absolue, qu'avec un certain nombre de conditions ; il leur est bien difficile de modifier la température de l'atmosphère et d'augmenter la quantité de lumière ; sous ce rapport, la perfection des terres est toujours relative au climat elles sont situées.

CINQUIÈME CHAPITRE.

Amendements.

Nous avons acquis quelques connaissances sur la nature des principales substances terreuses que l’on peut soumettre à la culture. Nous avons vu qu’elles ne sont jamais pures, que ces débris divers et ces mélanges ne sont encore susceptibles d’entre- tenir la végétation que d’un certain nombre de plantes.

On entend par amendement l'addition d’une terre de nature déterminée, à une autre d’une toute autre nature. Aïnsi, le sol sablonneux est amendé avantageusement par l'argile et par une certaine quantité de chaux ou de marne. Le sol calcaire est amendé par l'addition de la silice et de l’argile. Nous avons vu que ces divers mélanges présentent des propriétés physiques tout-à-fait différentes de celles qu'ils avaient séparément; mais il est encore une substance qui doit entrer dans les amendements, c’est l’eau. Dans le Midi de la France, les récoltes de Luzerne et de Froment son! souvent compromises si les terres ne sont pas arrosées ; et, dans d’autres cas, l'écoulement de l’eau rend fertile une terre maréca- geuse. Si la grande culture ne peut souvent employer le premier de ces moyens, l’horticulture en retire de très-grands avantages, car l'eau est indispensable.

La terre n'est pas toujours composée de sels minéraux peu solubles, l'eau qui l'humeecte tient parfois en dissolution du sulfate de soude, de magnésie et de fer; mais celui qu’on y rencontre en plus grande quantité est le chlorure de soude (sel marin, sel de cuisine). Les sables et les autres terrains qui bordent la mer en sont impré- saés souvent à de grandes distances. Une pincée de terre, mise sur

_

AMENDEMENTS. 51 la langue; annonce, avant toute analyse chimique, la présence du sel qu’elle contient. Tout le monde connaît la saveur du chlorure de soude : celle du sulfate de fer est styptique, celle du sulfate de soude est fraîche, puis amère ; le sulfate de magnésie est amer; la saveur fraiche, suivie d’une amertume particulière, annonce l'azotate de chaux et de potasse {nitre, salpètre). Les terres qui contiennent du sulfate de fer, appréciable aussi au goût, sont infertiles.

Quand aux terres qui contiennent du sel marin, un simple essai vient aider au goût. On en met une quantité dans de l’eau, on agite, le sel s’y dissout aussitôt, on filtre; on ajoute quelques gouttes de dissolution d’azotate d'argent, et il se forme un précipité. Si l’on veut connaître la proportion de ce sel, il suffit de filtrer et de faire évaporer l'eau de dissolution. Quand la quantité de ce sel dépasse 2 pour 100, la terre est impropre à la culture de la plupart des plantes : on n'y trouve que des Salicornes, de l’'Arroche maritime, des Tamarix de France, des Soudes, etc. Ces plantes cessent mème d'y croître si la dose s'élève à 5 centièmes. Quand les terrains sablonneux sont profonds, ils sont bientôt dessalés par les pluies ; car, présentant peu de capillarité, l’eau ne remonte pas à la surface, et le sel, ou plutôt l’eau salée, n’est que dans les couches mférieures. F :

Ces terrains sont assez fertiles dans les contrées humides, parce qu'ils sont mêlés de débris calcaires et organiques. On les emploie comme amendement des terres fortes (argileuses ). Les terrains salins sont mous, glissants et noirs quand ils sont humides, durs par la sécheresse, et alors le sel se montre en efflo- rescence à leur surface. On les reconnaît de loin à une humidité superficielle, qu'ils conservent par l'humidité atmosphérique et terrestre, avec laquelle ils ont une grande affinité.

Lorsqu'on ne peut facilement amender un sol argileux , surtout par l'addition du sable, on diminue la finesse de ses molécules en l’écobuant, c’est-à-dire en le calcinant (demi-vitrification) sur place.

L'opération de l’éeobuage est d’une grande importance en agriculture. On l'applique aux terrains essentiellement argileux, qui

58 AMENDEMENTS.

permettent difficilement le passage de l'air et de l'eau. On disperse sur le sol, par un temps sec, des fagots de peu de valeur et à distance plus ou moins éloignée. On les garnit de chaumes, arrachés sur un champ, s’il vient d'être cultivé en céréales. On recouvre chaque monticule de mottes de gazons ou de la terre du champ, de manière à ce que la combustion soit concentrée le plus possible.

Le bois que l’on emploie est pris dans les forêts voisines : des épines, des genèts, des fougères, des jones ettoutes sortes de brous- sailles sèches peuvent être utilisés.

La combustion produit deux effets : l’un d’agglomérer des molécules argileuses, de manière à les transformer plus ou moins complètement en briques écrasées, qui, incorporées avec les molécules argileuses , non atteintes par le feu, rendent le sol plus perméable. C'est presque comme si on y incorporait d'assez gros sable.

Le second effet est produit par les cendres contenant des sels plus ou moins solubles, et qui agissent bientôt sur la végétation.

Cet écobuage n’a pas été employé sur les terrains argileux seuls, on a aussi écobué (brûlé) des sols silico-argileux dont les molécules sableuses étaient extrêmement fixes, et on a obtenu de três-heureux résultats. Ils ont été tels, que M. Muxer, de Lyon, a fait construire des espèces de berceaux ou cages en fer et d’autres en fonte pour écobuer un terrain dont les molécules siliceuses étaient presque de la même nature que le sol de la Bresse.

Quelques agriculteurs craignent, quelquefois, que par l’'écobuage on détruise le peu d'engrais que contiennent ces sols ; mais au lieu de ces parcelles organiques (s'il s’en rencontre) , on produit des matières salines qui sont loin d’être inutiles aux plantes, el d’ailleurs, le peu de substances organiques qui pourraient se trouver dans le sol auraient besoin, pour être solubles, d'un temps très-ong sur des terrains aussi peu perméables (1).

{4) Voir pour complément l'Axendement par les cendres.

AMENDEMENTS. ( 59

ie" $. Les eendres des végétaux ligneux ne sont pas ordinaire- ment employées comme amendement, à moins que ce ne soit celles des fours à chaux et de ceux à plâtre : celles-ci contiennent de grandes proportions de chaux et peuvent servir au chaulage des terrains ; mais, en outre, les fours chauffés avecle bois produisent des cendres bien préférables, car elles renferment les matières salines du bois. Les cendres des savonneries, qui sont mêlées de fortes proportions de chaux, en partie carbonatée, qu’on ajoute pour rendre caustique le carbonate de potasse, sont aussi de puissants excitants ; elles sont fort recherchées. On les répand dans la proportion de 40 à 50 hectolitres par hectare, etelles agissent pendant une dixaine d'années. Les cendres lessivées, quoique bien moins actives, servent encore d’amendement pour les sols argileux; elles les divisent et lâchent encore quelques sels actifs. Il est des localités un hectare reçoit 150 hectolitres de ces cendres. Celles de houille sont encore très-utiles dans les mêmes sols ; elles les rendent plus perméables. Les cendres de tourbe contiennent, en général, les substances obtenues par la combustion des plantes; cependant, on y trouve une proportion d'azote un peu plus considérable que celle que l’on admet en moyenne dans les plantes herbacées supposées sèches. Elles contiennent des proportions remarquables de chaux et de sels alcalins ; leur effet est remarquable sur les trèfles. M. BOUSSINGAULT fait répandre sur eux, lorsqu'ils sont encore couverts de neige, 50 hectolitres par hectare de ces cendres. Les Hollandais l'emploient dans la proportion de 100 à 120 hectol. par hectare, mais à deux reprises.

Les cendres de houille contiennent de 4 ou 2 centièmes d'azote On a trouvé dans celles des mines de Saint-Etienne :

Argile inattaquable par les acides . . . . 63 parties. RAR Ne OUR COUT a LE RMS nu Put. ROBES RARES HAUT it. NU. D LA. 9 aide de Malpanesss nn - …. ee 0

TO NS OR AREAS (1

100 parties.

60 AMENDENENTS.

On trouve aussi dans les cendres de houille de faibles proportions de sels alcalins qui, ordinairement, échappent à l'analyse : parfois 1 pour 100.

On amende les sols salés en les arrosant abondamment d’eau douce, et aussi en jetant dessus des fragments de roseaux, de genêts, de massettes et autres plantes aquatiques (4), sur lesquelles l’eau salée dépose, par l'évaporation, les cristallisations de chlorure de soude, entretient dessous une certaine humidité, ce qui permet encore à ces terrains de produire des froments.

Quelques terrains sont formés essentiellement de silice d’une extrême finesse (mêlée d’un peu d'argile). Ces sols deviennent si compactes et si imperméables qu'ils tiennent l’eau. Comme ils manquent complètement de calcaire, on les amende par de grandes proportions de chaux vive, qui se transporte beaucoup plus écono- miquement que du gravier, quirendrait ces sols bien plus perméables.

2m $. Chaux. Pour cela on dispose la chaux (vive) en petits las (ce que pourrait contenir une brouette), distants de 5 à 6 mètres, on les couvre de terre. L'humidité du sol et de l'air hydratent la chaux ; elle se réduit en poussière impalpable. On la répand à la pelle sur le sol par un temps calme et un peu humide, et on laboure ou bien l’on herse.

Le chaulage des terrains (qui manquent de ce principe) a produit les meilleurs résultats. Puvis a étudié dans les plus grands détails cette opération dans le département de l'Ain, et il a publié un beau travail sur ce sujet. 3,000 hectolitres de chaux ont été dispersés successivement sur 32 hectares de terrain, dans l’espace de neuf ans. Ils ont doublé le rendement des céréales d'hiver.

Toutes les chaux ne sont pas identiques. On nomme chaux grasse (chaux à bâtir), celle qui contient le moins d'argile. Elle augmente beaucoup en volume quand elle est pénétrée par l'eau; on s’en sert surtout pour la construction de nos maisons. La chaux

(4) Ces diverses substances sont toujours recherchées dans le Midi.

AMENDEMENTS. Gi hydraulique (chaux maigre), possède la propriété de durcir sous l'eau ; elle prend peu d'expansion, (foisonne peu, disent les agri- culteurs). M. VIcaT a prouvé que cette faculté de durcir sous l'eau était due à une certaine proportion d'argile mêlée à du carbonate de chaux. Par la calcination, les éléments de l'argile, la silice et l’alumine réagissent sur la chaux ; il se forme des silicaies de chaux et d’alumine avec excès de base. Par l’hydratation (humectation), ces matières fixent de l’eau et se solidifient. Comme ces silicates sont insolubles, ou plutôt extrèmement peu solubles, ils se conser- vent sans altération sensible, alors même qu'ils sont submergés.

Ce n’est pas la chaux hydratée qu'il faut mettre pour les sols dont la base est siliceuse ; il faut, au contraire, faire choix de celle qui, sous un poids et un volume donnés , produit le plus grand effet lorsqu'elle est réduite en poudre. On emploie presque toujours la chaux (grasse) calcinée, ou autrement dit l’oxide de chaux (ou calcium, aussi nommée chaux vive) ; mais on pourrait très-souvent utiliser son carbonate (pierre à chaux) grossièrement pulvérisé. Comme amendement proprement dit, il diviserait beaucoup mieux les sols argileux ou ceux dont les molécules siliceuses sont entière- ment fines. Mais la chaux vive ou calcinée produit un tout autre effet: c’est de rendre solubles les matières organiques que contient le sol. Si l’on tenait x faire usage du carbonate de chaux, il serait très-facile de distinguer, à l’état de pierre, du sulfate de chaux (plâtre), ce dernier se rayant facilement sous l’ongle, ce qui n'arrive pas au carbonate. D'ailleurs, une goutte d'acide, versée sur la pierre à chaux, produit de suite une effervescence (bouillonnement), ce qui n'a pas lieu sur le sulfate, son acide (sulfurique) étant trop adhé- rent à sa base (oxide de calcium) pour pouvoir s’en séparer.

3e $. Le sulfate de chaux (pierre à plâtre ou gypse) se trouve moins souvent dans nos contrées que la pierre à chaux. Il est en masses grenues ou fibreuses dans les terrains de formation très- récente. Il est composé de #1 1/2 parties d’oxide de calcium et de 58 1/2 d'acide sulfurique. L'eau n’en dissout que 1/460 de son poids. Privé de son eau de composition (cachée) par une haute tempéra-

62 AMENDEMENTS.

ture , il devient sulfate de chaux anhydre (plâtre). On le réduit en poudre après sa déshydratation (évaporation de l’eau latente) ; on le tamise, et comme il est très-avide d’eau, qu'il absorbe avec une grande activité, cette eau s’unit à lui, etils forment ensemble un corps solide. L'excès de l’eau qu'il a absorbée se dissipe très-lentement, et lorsqu'il est sec, il n’en renferme plus que près de 21 centièmes, quantité qui en avait été chassée par la calcination. On nomme plâtre éventé celui qui s’est déjà approprié quelques parties de l'eau atmosphérique. Quand on le mêle à l’eau (gâche) , il absorbe d'autant plus lentement qu'il s’est déjà en partie saturé (rassasié) d'eau.

Une calcination trop forte prive le plâtre de la faculté d’absorber l'eau. Dans cet état, il n’est plus propre aux constructions.

C'est vers le milieu du xvirr° siècle que le pasteur MAYER en étudia les effets, d’après les renseignements qu'il reçut de HEHLEN, en Hanovre. On le considéra d’abord comme un engrais universel ; mais, après un grand nombre d'expériences, il fut bien prouvé qu'il convient surtout aux prairiales de la famille des Fabacées (Légumi- neuses), comme Trèfle, Luzerne, Esparcette, et qu'ilestsans action (appréciable) sur les herbes les plus fréquentes dans nos prés telles que Festuques, Paturin, etc., etc., qui appartiennent , ainsi que les céréales, aux Triticacées (ou Graminées). Des expé- riences comparatives ont prouvé que l'Esparcette ( Onobrychis sativa) plâtrée produisait une fois plus en feuilles et en graine que celle qui ne l'était pas. SmiTH à fait répandre sur un champ de Trèfle blanc (Trifolium repens) environ 5 hectolitres et 1/2 de plâtre le 22 mai. Ce trèfle, qui d'abord était très-pâle ,-prit de suite une vigueur remarquable, malgré qu'il n’eût pas plu depuis la dispersion du plâtre. L'ombrage que son feuillage produisit défendit le sol de l’action directe du soleil, qui brûla presque toutes les parties qui n'avaient pas été plâtrées. Il paraît que pour qu'il réussisse bien visiblement, il faut que le sol ait été fumé avec des engrais azotés. On croit d’ailleurs que le sulfate de chaux ne réussit bien que sur les sols qui manquent de chaux.

AMENDEMENTS. 63

4e $. La Marne est un mélange de carbonate de chaux et

d'argile, ou aussi quelquefois d'un peu de sable fin. On désigne ses

différentes doses par les noms de Marne argileuse, M. très-argi-

leuseet M. sablonneuse.Mais quelque modification qu’on rencontre, le carbonate de chaux domine toujours.

M. DE GASPARIN dit que pour expliquer la formation de la marne, il faut supposer que des bancs d'argile ou de sable aient été couverts d’eau surchargée d'acide carbonique, et qu’elle tenait en dissolution une grande quantité de bicarbonate de chaux. Cette eau, pénétrant à travers l'argile ou le sable, et l'imbibant, aura laissé par sa dessi- cation des particules de carbonate de chaux entre toutes les parcelles de l’un de ces corps, et s'il s'est trouvé des vides, le carbonate de chaux (ou chaux carbonatée) s’y sera aggloméré, et aura fourni des espèces de nœuds ou concrétions purement calcaires. C’est ainsi que l’on peut concevoir que les argiles sont devenues marneuses, et que les marnes sont mélangées en diverses proportions et présentent différents modes de compression.

Quoique la marne ne soit qu'un mélange de chaux carbonatée et d'argile, à laquelle se joignent parfois la silice, l’oxide de fer, etc., ces éléments minéraux y sont mélangés d’une manière si intime, qu'il est impossible de parvenir à imiter la nature par des procédés mécaniques, tellement ils sont juxta-posés molécules par molécules. Quand on à voulu essayer de composer une marne artificielle par le mélange le plus exact possible, ce produit de l’art s’est trouvé avoir des propriétés toutes différentes de la marne naturelle, composée des mêmes éléments. L'hygroscopicité et la chaleur en sont tout autres que celles de la marne naturelle, et sa pesanteur spécifique est moindre. De ce mélange intime , de cette structure, résulte la faculté de se diviser et de se réduire en pous- sière, quand la marne naturelle est mouillée ou qu’elle est exposée seulement aux variations hygrométriques de l'atmosphère, à cause du changement considérable de volume qu'acquiert l'argile pénétrée d'eau.

Il est des marnes très-compactes, qui ont l'aspect du marbre, et qui cependant se réduisent en poussière à l'air hbre, et assez

üE AMENDEMENTS.

promptement en une fine poussière homogène, sans laisser aucune petite agglomération de chaux carbonatée. D'autres ont plutôt l'aspect d'un pouding, et sont de véritables mélanges de marne et de concrétions calcaires qui ne se délitent pas. Certaines marnes , ayant éprouvé les effets de l'humidité, depuis leur formation, sont délitées; elles se présentent sous une apparence pulvérulente, mêlées, quelquefois, de plus ou moins de noyaux calcaires : les unes sont grises, d'autres plus ou moins jaunes ou rougeûtres , étant colorée par le fer oxidé ; elles contiennent de 45 à 90 p. 400 de chaux carbonatée. Ainsi, les variétés de marnes sont infinies comme les circonstances qui ont pu leur donner naissance.

On observe la marne dans les terrains peu anciens. Les assises supérieures des calcaires jurassiques sont souvent formées d’argiles marneuses, et on en voit les gisements dans les dépôts les plus récents.

Le but qu'on se propose, en marnant un terrain, est d'y introduire un principe calcaire. Sous ce rapport, le marnage revient à l'addition de la chaux. Dans l’un et l’autre cas, on se place dans la seule condition favorable à une bonne incorporation : celle d’une extrême division. L'importance de cet amendement est si bien appréciée, qu'on ne craint pas d'entreprendre des travaux souterrains assez étendus pour se la procurer. THAER dit que l’usage de la marne date de la plus grande antiquité, et on n’a pas cessé d'en faire usage.

Il faut distinguer dans la marne deux effets qui peuvent résulter de son emploi : l'un mécanique, qui dépend de la présence de l’argile ou du sable ; l’autre chimique, qui résulte du carbonate de chaux et qui est équivalant au chaulage. C’est à ces deux effets que les agriculteurs rapportent toute l'utilité du chaulage.

Il est aussi probable que la marne agit utilement sur le sol, en lui livrant un principe éminemment fertilisant. Il appartient aux corps organisés par la présence des matières azotées. Souvent _ces calcaires argileux, dont l’âge répond aux formations récentes, sont accompagnés de nombreux débris qui attestent la présence de ces êtres organisés, et l’on connaît plusieurs de ces dépôts qui

:NGRAIS. 65 sont formés presque en totalité de débris de coquilles. Il est quelques-unes de ces marnes qui contiennent aussi 4 ou 2 millièmes d'azote.

Comme la chaux, la marne doit être répandue très-uniformément sur le sol. On la dépose aussi en petits monceaux placés à égale distance, C’est une opinion générale qu'il est nuisible de l’enterrez quand elle est récemment extraite de son gisement, et on est dans l'usage de lui faire passer un été un hiver, ou mieux encore toute une année en pléin air, avant de l’incorporer au sol. On croit aussi qu'il ne faut pas l’enfoncer profondément. La marne, qui doit rester l'hiver sur le champ, est déposée sur le chaume, et lorsqu'elle est désagrégée par la gelée, on l’étend à la pelle; quand on doit l'appli- quer aux semailles d'automne, le dépôt se fait en été eton la répand sur les sillons au moment des labours. Celle qui n'a pas été exposée à l'air se divise rarement assez pour pouvoir être * mêlée convenablement au sol, malgré la répétition des labours, et elle ne produit que peu d'effet sur la première récolte de graine qui suit le marnage. Lorsqu'elle est très-bien étendue, on herse fortement par un temps sec, et l'on donne plusieurs labours très-peu profonds, suivis chacun d’un hersage, exactement comme si l'on avait incorporé la chaux.

La quantité de marne à placer dans un terrain dépend entièrement de la quantité de principe calcaire qui existe dans le sol : celui qui contient 3 pour 400 de carbonate de chaux n’a pas besoin de marne, quantité qui, dans le marnage d’un terrain qui ne contient pas de chaux, ne doit pas être dépassée non plus.

SIXIÈME CHAPITRE.

Engrais.

Les tissus organiques, sous la puissance de la force vitale, sont protégés par elle contre l'effort destructeur des agents atmosphé- riques. Leur décomposition commence du moment la vie cesse,

2)

66 ENGRAIS.

et que l’oxigène, l’eau et le calorique agissent simultanément sur eux. Alors, les éléments minéraux qui se trouvent engagés dans les corps organisés redeviennent libres, et peuvent se combiner les uns aux aulres.

On a nommé engrais tous les organes, dont la composition peut fournir des substances qui facilitent le développement et l’accrois- sement des plantes. La terre, quelles que soient sa constitution et ses propriétés physiques, ne produit de récoltes lucratives qu’autant qu’elle renferme une quantité suffisante de matières organiques, sous un état plus ou moins avancé de décomposition. Il est des sols particuliers dans lesquels cette matière, désignée sous le nom de terreau (ou humus), se trouve naturellement, comme d'anciennes forêts, des tourbières, etc. Il en est d’autres, et c’est le plus grand nombre, qui en sont totalement privés, ou qui n’en contiennent qu'une proportion très-petite. Ces derniers, pour devenir fertiles, exigent l'intervention des engrais ; rien ne saurait y suppléer, ni le travail qui les ameublit, ni le climat qui aide si puissamment à leur fécondité, ni les alcalis ou les sels, qui sont de si utiles auxiliaires à la végétation. Ce n’est pas qu'une terre, entièrement privée de débris organiques, ne puisse permettre à une graine de se déve- lopper, de produire des fleurs et des fruits, mais sa végétation en est lente et imparfaite dans de semblables conditions, et l'industrie agricole ne saurait se contenter d’un sol qui approcherait de ce degré de stérilité primitive.

Les plantes et les animaux, considérés dans l’ensemble de leur constitution, renferment de l’eau toute formée, ou ses éléments : du carbone, de l'azote, du phosphore, du soufre, des oxides métalliques combinés avec des acides sulfuriques, phosphoriques, des chlorures, des bases alcalines et ces mêmes bases combinées avec des acides végétaux.

Les agronomes avaient divisé les engrais en ceux qu'ils nommaient stimulants ou salins et ceux qui étaient retirés des matières orga- niques. De pareilles distinctions n’ont rien de réel. On doit nommer engrais tous les agents qui peuvent augmenter la fécondité du sol. D'après cela, le plâtre, la chaux, la marne et les cendres sont

ENGRAIS. 67 réellement aussi bien des engrais que le fumier d'écurie, le sang et l'urine; en un mot, tous les débris végétaux et animaux qui doivent être recueillis avec le plus grand soin. D'après cela, on com- prendra que le meilleur engrais, celui qui est le plus employé, es: d'une nature très-complexe, et réunit tous les principes fécondants exigés pour les cultures ordinaires. Un semblable fumier contient tous les éléments minéraux et organiques nécessaires. C’est l'asso- ciation de ces deux ordres de principes qui constitue l’engrais normal, nécessaire aux diverses cultures.

Les substances organiques qui s’altèrent le plus promptement sont celles qui renferment le plus d'azote. Soumises aux agents atmosphériques et abandonnées à elles-mêmes, elles donnent bientôt tous les signes de la putréfaction ; il s’en exhale une odeur fétide. et le résultat de leur décomposition est leur réduction en gaz, en sels à base d'ammoniaque et en substances terreuses souvent insolubles, ou qui le sont très-peu.

Si l'urine de tous les animaux renferme les mêmes principes, ce doit être l'une des substances les plus propres à Ja végétation.

On à trouvé dans l'urine de l’homme :

Carbone! 8 2 ei Anosrat 20,0 Hydrogèneltsrucos chou 6,6 Okisbné sien oh à M El 26,7 Mamie Lénine et! 46,7

400,0

Les matières dissoutes dans l’urine, comme le mucus de la vessie, éprouvent, en contact avec l'air, une modification qui les fait comporter comme ferment à l'égard de l’urée. Par leur influence, les éléments de l’eau réagissent sur cette matière et latransforment en carbonate d’ammoniaque.

Les substances organiques, placées dans certaines circonstances, éprouvent des altérations profondes lorsqu'elles sont en contact avec l’oxigène de l’air, et l’agriculture a souvent intérêt à activer ou à retarder cette composition. Humectées et exposées à une tempé- rature au-dessus de 9 ou 40 degrés, elles s'emparent de l’oxigène,

68 ENGRAIS.

l'absorbent en partie pour former de l’eau en l’unissant à leur hydrogène et de l’acide carbonique aux dépens de leur carbone. Lorsque ces matières sont accumulées en assez grande masse, la chaleur produite se dissipe moins rapidement, la température s'élève et favorise la réaction, au point de faire succéder une combustion ardente, un incendie, à Ja combustion lente qui s'était d'abord manifestée. Ainsi, on voit prendre feu à du foim entré trop humide dans les granges, et la température toujours élevée des chiffons humectés dans les pourrissoirs des papeteries, la production d'acide carbonique qui a lieu dans ces circonstances, montrent que c’est avec raison que l’on assimile ce genre d'action au phénomène de la combustion.

La combustion lente n'est pas particulière aux substances orga- niques azotées ; celles qui sont privées d'azote l’éprouvent égale- ment. Le bois, la paille et les feuilles, qui en contiennent très-peu, finissent par se transformer en une substance brune , presque noire quand ils sont mouillés ; ils se pulvérisent quand ils sont secs. C’est ce qui constitue le terreau (ou humus). L’atmosphère continue à exercer son action sur lui; ses éléments combustibles se dissipent en brülant lentement, et donnent lieu à de l’eau et à de l’acide carbonique; mais, dans cette décomposition ultérieure, on ne remarque plus ces produits fétides qui caractérisent la fermenta- tion putride. De la sciure de bois humectée, placée pendant quelques semaines dans de l’oxigène, forme une certaine quantité d'acide carbonique ; le volume du gaz ne diminue pas sensiblement, et le bois devient d’un brun foncé. Plusieurs expériences de THÉOD. DE SAUSSURE prouvent que le bois mort ne fixe point l'oxigène atmosphérique, et l'action se passe comme si le carbone de la matière organique éprouvait seul l'effet de l’oxigène. Cependant, la perte éprouvée par le ligneux, durant son séjour dans l’eau, est plus forte qu’elle ne devrait être, si du carbone seul était éliminé ; d’où l’auteur conclut qu'en même temps que le ligneux abandonne du carbone, il laisse échapper de l’eau de combinaison. En consé- quence, la proportion relative du carbone doit augmenter dans le bois humide, altéré par l'atmosphère, puisque, par cette action, on

ENGRAIS. 69 a constaté que le ligneux perd plus en éléments de l’eau qu'en carbone.

Le bois, qui se corrompt sous l'eau, sans contact direct avec l'air, subit une modification différente ; il blanchit au lieu de noircir, et le carbone, loin d'augmenter, diminue. DE SAUSSURE pense que ce genre d'altération tient principalement à la perte des principes solubles et colorants du bois, principes qui renferment plus de carbone que le ligneux lui-même : de sorte que le ligneux pur, exposé humide à l'action de l'air, donnerait un produit analogue à celui qui résulte de la décomposition sous l’eau. Aussi, les chiffons de chanvre et de lin, humectés, réduits en pâte, destinés à la fabri- cation du papier, sont-ils blancs et peu cohérents. La masse, qui s'échauffe beaucoup pendant cette opération, perd environ 20 p.100 de son poids primitif. C'est ce qui arrive, par l’action alternative de l'eau et de l'air, au bois pourri, qui devient blanc et friable.

Du bois de chène, parvenu à son état de décomposition, conte- nait, suivant LIEBIG :

GAbone ed NS SC ter rtf DORE, 1, Céé OS ir Ce DER ar x. He CEE CORNE SR NE © PAC RAS

100,0

Ces nombres, comparés à la composition du bois de chêne inaltéré, prouvent que, pendant sa modification, le bois a perdu du carbone, et que, d’un autre côté, il a gagné de l'hydrogène. Les éléments de l’eau ont donc intervenir et se fixer pendant la réaction. Le ligneux, qui se pourrit sous l’eau, n’est pas, par cela même, complètement à l'abri de l'atmosphère ; l'eau tenant toujours de l'air en dissolution, et l'oxigène de cet air réagit nécessairement comme s’il se trouvait à l’état gazeux.

L'emploi des alcalis, comme moyen d'accélérer la destruction des substances organiques, est connu depuis longtemps; c’est ainsi qu'on stratifie les fougères, la paille, les rameaux d'arbres avec de la chaux vive pour faciliter leur désorganisation, et, par suite, leur

19 ENGRAIS.

Jécomposition. Un caractère propre à toutes les substances végé- tales qui se décomposent, et qui devient d'autant plus prononcé que la décomposition avance vers sa dernière phase (la production du terreau), c’est l'apparition d’une matière brune, peu soluble dans l'eau , et se dissolvant facilement dans les alcalis; c’est l’albumine que M. POLYDORE BouLLAY a constamment reconnue dans les eaux du fumier.

DE SAUSSURE définit le terreau végétal, la substance noire qui recouvre les plantes mortes, après qu’elles ont été exposées pendant longtemps à l’action combinée de l’eau et de l’oxigène. Ses expériences ont été faites sur des terreaux presque purs, c'est-à- dire séparés au moyen d’un tamis des “débris végétaux qui y sont presque toujours mêlés. Ils avaient été recueillis soit sur des rochers élevés, soit dans des troncs d'arbres, ils n'avaient pas été altérés par des causes étrangères à celle de la décomposition spontanée qui les avait produits. Tous ont paru fertiles, surtout lorsqu'ils ont été préalablement mélangés avec du gravier, qui permet l'accès facile de l’eau et de l'air. En brûlant comparativement, en vases clos, divers terreaux et des plantes semblables à celles qui les avaient formées, et en recueillant le charbon et les matières volatiles el gazeuses, DE SAUSSURE a reconnu qu'ils contiennent, sous le même poids, plus de carbone et d'azote que les plantes d’où ils prove- naient. La plus forte proportion d’azote, dans la plante décomposée, semble indiquer que, pendant son altération, elle ne laisse pas dégager cet élément. 4 faut cependant ajouter à cette cause les dépouilles que peuvent laisser les insectes qui vivent dans le terreau.

La soude et la potasse se dissolvent complètement en émettant de l'ammoniaque. Celui qui est épuisé par des lavages à l'eau et qui est exposé ensuite à l’action de l’eau et de l'air pendant trois mois, a donné, par de nouveaux lavages, de la matière soluble. Le terreau se détruit à la longue , dans Fair, par une combustion lente.

Ce fait capital, qui ressort des belles expériences de THÉOD. DE SaussurE, le résultat directement applicable à la théorie des

ENGRAIS. “01 engrais, c'est que de terreau se brûle lentement lorsqu'il est en contact avec l'air, et que, pendant toute celte combustion très-lentement prolongée, il est une source continuelle d'acide carbonique.

L'autre corps, important dans les engrais, est l'acide azotique. li est à la combinaison de l'azote et de l’oxigène au moyen de l’eau, et, d'après CAVENDISH, à une suite d'étincelles électriques.

Nous avons déjà fait pressentir l'importance de l'azote sur la vie, et surtout sur le grand développement que peuvent acquérir les plantes; nous devons actuellement indiquer un procédé pour en apprécier la proportion soit dans les terres, soit dans les engrais , car il fait l’une des richesses du sol. Si l'on veut, dit M. DE GaspariN, se borner à connaître cette richesse dans le moment actuel, et à l’époque l'on se trouve d’une rotation, le dosage de l'azote est un excellent indice de la convenance d'appliquer immé- diatement de nouveaux engrais au sol, ou de la possibilité de différer la fumure. Mais quand on veut apprécier la valeur intrin- sèque du sol, sa faculté de retenir avec ténacité une plus ou moins grande quantité de principes azotés, c'est sur la portion de terrain qui n’a pas reçu d'engrais depuis longtemps qu'il faut opérer. Cette distinction est importante et nécessiterait peut-être que l’on répétèi l'analyse sur le même terrain à ces deux états différents. La première apprendrait l’état actuel de la terre, aidé parles fumiers et la culture, c'est celle qui doit servir de base à l'appréciation ; la seconde indi- querait jusqu'à quel degré une culture négligée pourrait faire descendre ce terrain. Ce degré dépend de la composition minéral: du sol. En faisant cette analyse, on verra qu'il est des terrains très- difficiles à épuiser, tandis que d’autres abandonnent tous leurs prin cipes fertilisants avec une grande facilité.

La plupart des terres en contact avec des animaux vivants, Île: décombres des bâtiments qui ont été habités, des anciens murs ei terre, le sol des écuries, des étables et des caves contiennent de: nitrates. Dans les contrées les pluies sont rares, dit M. Boussix\- GAULT, et où, par conséquent, ces sols sont peu solubles et peuxer: s'accumuler dans le sol, en Egypte, par exemple, les mines ces

72 ENGRAIS.

anciennes villes sont de véritables nitrières. Ce sel se manifeste dans uos exploitations agricoles; il prend naissance dans la confection des fumiers, au milieu de nos champs en culture. Nous le retrou- vons enfin dans les plantes que nous récoltons, et nous sommes d'autant plus intéressés à découvrir son existence , à constater son action, qu'il nous est encore impossible de dire si ce nitre contribue à la production des principes azotés qui entrent dans l’organisation des plantes. Nous voyons que dans les nitrières artificielles, on cherche à réunir les circonstances sans lesquelles les azotates ne se forment pas dans les écuries ; on met en présence des matières azotées et des carbonates terreux ou alcalins. La nécessité l’on est, dans les nitrières, de faire intervenir des matières d'origine animale, fait penser que la plus grande partie d’acide azotique qui se produit, provient de l'azote des matières animales, soit que cet azote se combine avec l'oxigène de l'air, ou avec celui des principes organiques ; mais nous ignorons encore par quelle voie s'effectue cette acidification.

L'engrais destiné à fertiliser la terre a pour origine les déjections des animaux et la litière, employée dans un double but de propreté et de salubrité. Ainsi, les substances qui concourent journellement à augmenter la masse des fumiers sont la paille, beaucowp de débris végétaux et les exeréments des animaux. Elles contiennent, en outre, des éléments inorganiques qui entrent dans leur compo- sition, les diverses substances minérales qui sont indispensables au développement des plantes.

Les substances organiques, introduites dans le canal alimentaire des animaux, y subissent d'importantes modifications au moyen des forces vitales et des divers sues qui les ont pénétrées. Les vaisseaux absorbants puisent dans les intestins les sucs nutritifs extraits des aliments, et les parties devenues inutiles sont expulsées au dehors. La matière organique, qui a subi une première modification dans le corps de l'animal, comme celle qui est exposée, après la mort, aux influences réunies de la chaleur, de l’eau et de l’oxigène de l'air, éprouve de profondes modifications et passe par une suite de transformations à un état de composition de plus en plus simple.

ENGRAIS. 13 Nous avons déjà vu que les tissus, faisant partie des êtres vivants, se trouvent protégés contre l’action destructive des agents atmosphé- riques, mais que cette protection ne s'étend pas au-delà de la vie des plantes et des animaux.

Les soins à donner à ces substances en décomposition sont d’une grande importance en agriculture ; ils font toute sa richesse. On doit disposer l’engrais de litière par couches régulières, et avoir grand soin de ne laisser aucun vide. Il faut aussi qu'il soit d'autant plus tassé, qu'on veut l'employer plus tard ; car, moins il se trouve d'air entre la paille, plus la fermentation est lente ; et comme on esl obligé souvent de le garder pendant quelque temps avant de l’employer, et qu'un fumier trop décomposé a déjà perdu une partie de ses principes gazeux, il faut en général retarder autant que l'on peut cette décomposition. Si, sans nuire à la facilité du chargement des charrettes, on peut ombrager le fumier par quelques arbres qui empêchent sa grande dessication, c’est le seul abri qu'on doive lui donner. Si les matières à employer pour le confectionner sont variées, il est préférable de les étendre par couches égales, plutôt que d’en faire un tas à part; à moins, cependant, qu'on ne tienne beaucoup à l’employer à la culture particulière d’une plante.

D'ailleurs, les engrais provenant des mêmes animaux offrent souvent plus de différences, d’après l’âge et l'alimentation, que ces divers fumiers n’en présentent entr'eux.

Lorsque les litières imprégnées de déjections animales sort accumulées en quantité suffisante, la fermentation ne tarde pas à se manifester par une certaine élévation dans la température et le dégagement des vapeurs ; comme au nombre des produits volatils se trouve du carbonate d'ammoniaque, il importe de la ralentir. On y parvient en tenant la masse dans une humectation convenable et en ménageant le plus possible l'action de l’air. L'addition journalière de nouvelles matières contribue à empêcher la dispersion des principes volatils qu’il est si important de retenir dans les engrais. Réparties avec intelligence, elles deviennent un obstacle à l'évapo- ration, et préservent les couches inférieures du contact trop Grecl

714 ENGRAIS.

de l'oxigène. Tant que le fumier est entretenu de cette manière, la fermentation est faible.

THAER s’est assuré que l'air recueilli à la superficie des fumuers, soumis à une fermentation modérée, ne contient pas beaucoup plus d'acide carbonique que celui pris au loin dans l'atmosphère. Un vase, renfermant de l'acide nitrique, ne produit pas non plus quand on le place dans le voisinage de la masse de fumier en fermentation, ces vapeurs blanches et épaisses, caractère certain de la présence de l’ammoniaque. Il importe d’enlever le fumier avant que les couches supérieures, récemment ajoutées, soient en voie d’altération, autrement la masse tout entière entre en pleine fermentation, et les matières volatiles, n'étant pas arrêtées au passage, s’échauffent. Un moyen de prévenir cette perte, dans le cas assez rare l’on aurait un motif pour laisser consommer la masse sur toute son épaisseur, serait de la recouvrir de terre, dans laquelle viennent se condenser les gaz. La terre, qui aurait servi de couverture, serait ainsi trans- formée en un engrais puissant.

On empêche aussi la dispersion du carbonate d'ammoniaque, en faisant intervenir certains sels, capables de transformer le carbonate ammoniacal en sel fixe. La fermentation tumultueuse peut aller jusqu’à l'inflammation dans le fumier de cheval, si on néglige les précautions nécessaires et une humectation convenable.

Le fumier a une couleur d'autant plus fauve, qu'onle prend à une plus grande profondeur; près du sol, il est complètement noir; l'odeur qu'il répand est celle de l'acide hydrosalfurique. On y reconnaît du sulfure de fer, qui est une conséquence de la décom- position des sulfates par l'influence des matières organiques. C'est à ce signe que M. BoussiNGauLT reconnaît la bonne confection des fumiers de ferme. La présence des sulfures et des hydrosulfates d'ammoniaque n’a rien d’alarmant pour la végétation; car, à peine l’engrais est-il étendu sur le sol, que ses produits se transforment en sulfate, et bientôt il émet cette odeur musquée qui lui es! particulière.

il est d'usage, dans quelques villages, d’entasser le fumier dans l'écurie ou l'étable, de le couvrir de paille chaque jour, ce qui, avec

PAT

ENGRAIS. 15 le piélinement du bétail, tend à arrêter toutes les émanations gazeuses. On ne remarque pas une très-mauvaise odeur dans ces endroits; les animaux paraissent y respirer sans trop d'incon- vénients si l’on a soin de laisser à l'air une circulation convenable. Cette méthode ne peut être praticable que pendant l'hiver, quand le bétail ne reçoit qu’une nourriture sèche; car, lorsqu'on les nourrit avec du fourrage vert, l'urine est trop abondante pour que l’on puisse sécher la litière par de nouyelle paille.

Ce liquide, qui s'écoule des fumiers en décomposition, est utilisé, non-seulement pour les arroser, mais le surplus doit être recueilli avec le plus grand soin, pour l’arrosage des jardins et des prés. Souvent même, comme il est assez concentré, il ne faut s’en servir qu’au moment il pleut, ou bien peu avant la pluie. Cette abondante source d'engrais est quelquefois perdue et coule dans les cours et dans les villages, et le peu de soin que l’on met à produire des engrais occasionne d'énormes pertes pour l’agriculture.

Les substances organiques ne deviennent susceptibles de favo- riser la croissance des plantes, qu'autant qu’elles ont subi une décomposition qui modifie leur nature. Le fumier frais, introduit directement dans les terres, y éprouve la même altération que lorsqu'il est déposé en tas. Il présente cependant cette différence , qu'étant disséminé dans une grande masse de terre, sa décompo- sition s'opère plus lentement qu'entassé. GAZZERI s’est livré avec une grande persévérance à des travaux qui ont eu pour objet de montrer que l'usage dans lequel on est généralement de laisser putréfier les engrais, avant de les condaire sur les terres, occasionne une perte considérable en principes fertilisants, et qu'il est avan- tageux de les employer tels qu'ils sortent de l'écurie. Ce chimiste a aussi voulu savoir s’il était réellement nuisible d'employer les engrais non fermentés. Il a fait croître du froment dans une terre qui avait reçu une grande quantité de colombine, qui passe pour l'un des engrais les plus actifs. Du crottin de cheval, récent et mêlé à la terre dans la proportion d’un quart de volume, n’a mis aucun obstacle à la végétation.

Davy à déjà prouvé que durant la décomposition du fumier, il

_

15 ENGRAIS. se perd des gaz, dont l'action peut être utilisée par les racines. a introduit du fumier dans une grande cornue, dont le bec se

rendait sous le gazon. En quelques jours, l'herbe, exposée aux émanations de la cornue, végétait avec vigueur.

Pour connaître la perte en poids éprouvée par les fumiers, GAZZERI les a soumis à la putréfaction après les avoir pesés. Il a ensuite, non-seulement constaté leur poids, mais il a encore déterminé la proportion des matières fixes et-celle des gaz. Pour le fumier de cheval, il a trouvé qu'il perdait, en quatre mois de fermentation, plus de la moitié de la matière sèche qu'il contenait avant la putréfaction. Dans le plus grand nombre de fermes, on ne porte le fumier sur les terres que lorsqu'il a fermenté ; cela tient à ce que son accumulation est presque une nécessité de la position et des instants l’on peut facilement l'utiliser.

Dans la grande culture, le transport des engrais n’a lieu qu'aux époques les terres sont vides; on est donc souvent obligé de les conserver pendant l'été. BoUSsINGAULT dit qu'en Alsace on les porte sur les terres toutes les fois que les circonstances le permet- tent, sans s’astreindre à leur état plus ou moins avancé de putré- faction ; mais la nécessité oblige, le plus souvent, de les laisser entassés pendant quelque temps.

L'engrais est, au bout de trois mois, à demi-consumé, et c’est peut être l’état il est réellement le plus convenable de l'intro- duire dans le sol. Il s’enterre facilement, et ses principes fertilisants sont déjà assez abondants pour agir plus promptement que ne le ferait un fumier récent. Dans les pays chauds et humides, il est à peu près indifférent d’enterrer ces fumiers nouveaux, la témpérature accélère leur décomposition ; mais il n’en est pas ainsi dans les pays froids : dans ceux-ci, le sol peut conserver intactes les substances orga- niques enfouies. Il convient alors de répandre les fumiers en partie décomposés, et il n’y a aucun doute que ce soit pour cette raison qu'on emploie en Suisse des engrais liquides fermentés, dont l'action est instantanée. C’est avec de telles matières qu'on active en Flandre les cultures industrielles. On s'en sert aussi très-avantageusement

ENGRAIS. pd

dans nos contrées, pour les plantes potagères et pour celles qui sont en vases.

L'un des moyens, pour utiliser complètement les engrais frais, consiste à les déposer dans les sillons à mesure que la charrue les trace; ils sont recouverts en ouvrant le sillon suivant. Les terres destinées à être fumées au printemps sont approvisionnées pendant l'hiver, lorsque le temps le permet. Il est préférable, dans ce cas, d'étendre de suite le fumier de dessus la charrette s'il doit en être couvert de suite par la charrue. La basse température empêche la fermentation et le dégagement des gaz. Ce moyen n’est cependant pas praticable dans les contrées les pluies du printemps sont abondantes. Quand elles sont modérées, elles entraînent les parties solubles de l’engrais dans la couche supérieure. L'emploi des fumiers en couverture, lorsqu'on n’a pu les introduire dans le sol au moment du labour, est encore une preuve du peu d'inconvénient de la dispersion sur la terre. Dans le comté de Marck, la fumure en couverture des terrains déjà ensemensés en céréales, se propage de jour en jour. On fume lorsque la plante est déjà sortie de terre, et l'expérience prouve que le passage des chariots sur les champs et le piétinement des chevaux n’occasionnent pas des dommages appréciables. Ce procédé, employé très en grand, a produit d'impor- tants résultats. En Suisse, souvent aussi, on transporte les fumiers pendant que le sol est couvert de neige, et au lieu de les mettre en tas, on fait mieux quand on les répand de suite sur cette neige. D'ailleurs, presque partout on dépose à distance le fumier en monceaux d’une ou deux brouettées, et comme souvent il y séjourne parfois un ou deux mois, on remarque facilement que les places qui l'ont reçu offrent une végétation bien plus vigoureuse. On doit donc en conclure que les fumiers en couverture ne peuvent être nuisibles, et que la fumure, délayée par les pluies et surtout en contact avec l'air, est très-utile à la végétation, qu’elle s'infiltre utilement et, en s'étendant, divise la partie incessamment active de l'engrais.

Il devenait indispensable de connaître la composition élémentaire du fumier : M. BOUSSINGAULT l’a donnée. Celui sur lequel il a opéré,

18 ENGRAIS.

était à 30 chevaux, autant de bêtes à cornes et 12-20 porcs. Le mélange en avait été fait le mieux possible en formant le tas. La quantité d'humidité a été déterminée en séchant d'abord à l'air une portion considérable de ce fumier ; et, après avoir broyé le produit desséché, sa dessication était achevée au bain d'huile, à une tempé- rature de 410 degrés centigrades.

En opérant sur un échantillon pris dans la masse, le fumier préparé En hiver (1837-1838), contenait 20,4 pour 100 de matière sèche.

(1838-1839), 22,2 En été (1839), 18,6 == En moyenne, matière sèche. . . 20,7 _ lo 79,3 _ Lcd

L'analyse a donné les résultats suivants : Carbone. Hydrogène. Oxigène. Azote. Ceuärces. Hiver de 1837-1838. 32,4 3,8 25,8 4,7 36,3 LE 32,8 4,1 26,0 1,7 36,4 CES Pr SSI AS BAT MT: 260 Printemps de 1833.. 36,4 4,0 19,1 2,4 38,1 1839.. 40,0 4,3 27,6 2,4 25,7 2 4 Jk:56 Re Or OT SION SRE

En moyenne, le fumier de ferme, Avec l'humidité, sa compo- desséché à 110 degrés, contient : | sition est représentée par :

Cine ses 35,8 7,41 Hydrogène. ....... 4,2 0,87 Oxigénessoncs ste 25,8 5,34 ArpfBe se: Ssiassx 2,0 0,41 Sels et Terre...... 32,2 6,67 Babe et bi » 719,30

100,0 100,00

La constitution des fumiers doit varier ; cependant, ceux qui ont une origine commune ne semblent pas présenter de très-grandes

ENGRAIS. 19 variations dans la proportion de leurs éléments. Ainsi, du fumier de cheval, provenant du Midi de la France, a donné à l'analyse 61 pour 400 d'humidité. 3

Jusqu'à présent nous n'avons considéré les engrais qu’à l’état de mélange, voyons actuellement quelques-uns d’entr’eux en parti- culier.

Si nous connaissions la composition et la quantité des déjections rendues dans vingt-quatre heures, par les divers animaux qui contribuent à la confection du fumier, il deviendrait possible de déterminer approximativement quels ont été les éléments dissipés ou utilisés pendant la fermentation. Il suflirait de comparer la matière élémentaire contenue dans les litières avec celle qui se trouve dans l’engrais fermenté. L’agronome souvent cité s’est livré à des recherches qui commenceront à établir des comparaisons.

1T$. Déjections du Cheval.

Un cheval, de taille moyenne, recevait pour nourriture du foin et de l'avoine. L'urine et ses excréments solides contenaient 76,2 pour 100 d'humidité. En 24 heures, les déjections ont pesé, humides, 45 kil., et sèches, 3 kil. 748.

On a trouvé : . à l'état sec. à l'état humide CARDIO de 2 APN SEE 38,6 9,49 Hydrpodne..; 22700008 5,0 1,20 CRETE TS AE ra 36,4 8,66 PA) (0 y EPS MAT NE 2,1 0,65 Sois: eRROrre sn 17,3 4,13 LE 1 ANSE AE durs NAS OS PA 2 » 76,17

———

100,0 100,00

FRERE GOETERTES

84) ENGRAIS.

$. Déjections de la Vache.

La vache, dont le fumier a servi aux expériences, était alimentée avec du foin et des pommes de terre crues. Tous les excréments réunis contenaient 86,4 d'humidité. Le poids des déjections, en 24 heures, était : humides, de 36 kil. 613, et sèches, de 4 kil. 964.

L'analyse à indiqué pour leur composition :

à l'état sec. à l'état humide.

ELEC PRIS ANNE 39,8 5,39 HydoPBne +. cn 4,7 0,64 Daitene. cs fe 20,5 4,81 AROe 2,6 0,36 Sels Et TER: db ire 17,4 2,36 Se » 86,44

00,0 100,00

$. Déjections de Pore.

Le porc, sur les déjections duquel ont porté les observations, avait 6-8 mois. Il était nourri avec des pommes de terres cuites à la vapeur. Tous les excréments ont perdu à la dessication 82 pour 100 d'humidité. La moyenne des déjections rendues par un porc, en 24 heures, a été : déjections humides, 4 kil. 470, et sèches,

0,750. Elles contenaient : à l'état sec. à l'état humide.

Gibbon er nes CT 38,7 6,97 HYHEOBPRE. 222 ce L,8 0,86 DRMBRE.. ie: bare, 32,5 5,85 LOT TRE es ; 3,4 0,61 Selsét Terre: : .. 2... 20,6 3,71 AT RARE ET ee » 82,00

——

100,0 100,00

CR a ee

ENGRAIS. 81

$. Litière.

La litière est faite, le plus souvent, avec de la paille de froment, qui renferme 20 pour 100 d'humidité. Sa composition est :

à l'état sec. à l'état desséché à l'absolu.

Carhameth af vain 1 48,k 36,8

Hydragéneo sims ai 5,3 3,9

GORE Bras. Scan pri 38,9 28,8

Azofet d. au sind h ur 0,4 0,3

Sels ah Eee oi elite 7,0 5

Eau Pinto +8 MENU Me BH 25,0

100,0 100,0

Un cheval reçoit pour litière, par jour . . 2 kil. 00

Une vache .. 3 00

Un porc Fe == ER Re

En 24 heures, on donne en litière aux écuries et aux étables : Pour 30 chevaux (paille). . 60 kil. 30 bêtes à cornes. . . 90 PEMONPORONE LE, VER GUE Paille . . .. 480 kil. Supposée très-sèche 133 kil.

Le fumier fermenté contient moins d’oxigène que celui qui n'a pas séjourné en tas ou dans les fosses ; il devrait aussi renfermer moins d'hydrogène, ce que les analyses n’indiquent pas. Mais la quantité de 4,6 d’oxigène, qui se trouve en moins, n’exigerait, pour former de l’eau, que 0,57 d'hydrogène, nombre dont on ne peut répondre dans les recherches faites sur de semblables produits.

Ce que l’on peut conclure, avec certitude, c’est que l’engrais qui a fermenté contient une plus forte proportion d'azote que Îles matières qui concourent à sa production, et qu'il est, par cette

6

32 ENGRAIS.

raison, très-vraisemblable qu’on n'observe sur la totalité de ce principe qu'une perte peu importante, lorsque la fermentation est bien conduite, quand on porte l'engrais sur les terres avant que la putréfaction ait fait trop de progrès.

Ce résultat s'explique, en partie, par les recherches intéressantes de M. HERMANN, qui établissent que le ligneux, en pourrissant , enlève une certaine quantité d'azote à l'atmosphère, et le fixe. Ce gaz est, en effet, l'élément qu'il importe le plus d'augmenter et de conserver dans les fumiers. Les matières organiques les plus avantageuses à la production des engrais sont précisément celles qui donnent naissance , par leur décomposition, à la plus forte proportion de corps azotés , solubles ou volatils. Cependant, la présence de l’azote dans une matière d'origine organique ne suffit pas pour la caractériser comme engrais. La houille renferme de l'azote en quantité appréciable, et cependant son action améliorante sur le sol est entièrement nulle. C'est que cette substance résiste à l’action des agents atmosphériques qui déterminent la putréfaction, dont le résultat final est toujours une production de sels ammonia- caux, ou d'autres combinaisons azotées, favorables au développe- ment des plantes. Tout en admettant l'importance et la nécessité des principes azotés dans les engrais, il ne faut pas croire qu'ils contribuent seuls à fertiliser la terre. Il est hors de doute que les sels alcalins ou terreux sont indispensables à l’accomplissement des phénomènes de la végétation, et on est loin d’avoir prouvé que les principes organiques, exempts d'azote, y jouent un rôle entière- ment passifs. Mais, à peu d’exceptions près, les sels fixes, l’eau , les éléments et le carbone surabondent dans les engrais.

Les Sociétés d'Agriculture, et surtout les Comices, rendraient un bien grand service à l’agriculture s'ils donnaient des récompenses aux cultivateurs qui apporteraient beaucoup d'attention à la prépa- ration et à la conservation de leurs fumiers. Pour assurer cette conservation, 1l faut d'abord empêcher le purin de s’écouler au dehors et le réunir dans un réservoir voisin, afin de pouvoir, au moyen d’une pompe, s’en servir pour arroser le fumier dans des

ENGRAIS. 83 temps de sécheresse. Il faut ensuite prendre tous les moyens pour empêcher les eaux courantes de venir le laver. En général, il ne doit recevoir que la pluie qui tombe à sa surface. Enfin, il ne doit pas avoir une trop grande épaisseur. Il ne faut pas oublier qu'une grande partie de la fertilité de la Flandre française est due aux soins minutieux que l’on met à recueillir les engrais.

En parlant des engrais en général, que l’on doit considérer comme des engrais mixtes, nous n'avons pas examiné quelques substances que nous pouvons nommer engrais animaux, Car ils sont dus seulement à cette grande classe d'êtres organisés. Comme les matières animales contiennent bien plus d'azote que les végé- tales, nous devons recueillir, avec le plus grand soin, tous les produits animaux dont nous ne pouvons tirer un meilleur parti. On se sert ordinairement des matières fécales et de l’urine , réunies souvent dans les fumiers, mais on les emploie aussi séparément dans un certain nombre d'exploitations rapprochées des grands centres de population.

$. Urine.

L'urine, qui est un liquide séparé de la masse du sang par les reins (vulgairement rognons), présente beaucoup de diversité, suivant l’espèce d’animal qui la produit. Son principe le plus carac- téristique est l’urée. L'eau contenue dans l'urine en forme la plus grande portion; les substances salines s'y rencontrent en de petites quantités. L'urine du cheval renferme , d’après M. Cr- VREUL, du carbonate de soude, de chaux et de magnésie, ‘du sulfate de soude, du chlorure de soude, de l'hippurate de soude, de l’urée et une huile rousse. M. BOUSSINGAULT a remarqué , en outre, qu'à la première ébullition , il se coagule une matière azotée qui ressemble beaucoup à de l'albumine. L'urine des bêtes à cornes offre une composition analogue, avec cette différence cependant qu'elle est beaucoup plus aqueuse, et ce savant a trouvé dans ces dernières

8# : :NGRAIS. la présence des carbonates alcalins , ainsi qu'un acide volatil auxquels elle doit probablement son odeur.

Les diverses urines analysées peuvent se représenter par le tableau suivant, malgré que le même animal, jeune ou âgé, bien portant ou malade, nourri avec telle ou telle substance, présente d'assez grandes variations dans les proportions de leurs composants :

Lion. Homme. Cheval Vache. EXT SE. PE 84,000 93,000 94,000 65,000 Matières organiques. 13,742 4,854 0,700 5,000 Matières salines.... 1,648 1,844 5,300 30,000

Quand aux proportions relatives de matières animales et salines; on a trouvé : Lion. Homme. Cheval. Yache. Matières animales. ..... 866 833 116 143 —, salines..-:42; 134 167 884 857

Si l'on fait ensuite le dosage de l'azote de ces extraits, les quan- tités ne sont plus concordantes avec celles des matières animales trouvées ; il est donc évident que celles-ci ne représentent pas des substances identiques, et qu'on ne peut juger de la valeur d’une urine, comme engrais, sur le seul aperçu des extraits. Ceux-ci, à l'état de dessication, ont présenté à l'analyse les quantités d’azote suivantes. On a vu, par le tableau ci-dessus, que l'urine de vache est très riche en matière saline, et qu'il faut bien la recueillir.

Extrait de l'urine humaine... 17,556 et 23,108 pour 100 £= ducheval... 12,050 —. = "‘Jbvacnes. ; 9.080 el .2,094

Généralement, on emploie l'urine putréfiée en l’allongeant d’eau pour arroser les terres ; mais, dans cet état, on est exposé à perdre une grande partie de l’'ammoniaque qui se forme pendant la fermentation. Il est donc préférable de l’employer à l’état frais et mélangée de quatre parties d’eau, ou bien , si l’on est obligé de la conserver, on doit arrêter l’évaporation de l’ammoniaque en

ENGRAIS. 85 dissolvant dans ce liquide 6 à 7 kilogrammes de sulfate de fer par 400 parties d'urine. On à fabriqué longtemps, sous le nom d'Urate, un mélange de 100 parties de plâtre, auquel on avait incorporé 100 parties d'urine, et que l’on pulvérisait ensuite. Mais on à ensuite augmenté, outre mesure, la proportion de plâtre, et encore on y à joint de la terre, de sorte que la préparation a été bientôt abandonnée. D'ailleurs, cet urate, en le supposant préparé dans les proportions indiquées, ne contient que 0,36 d’azote, et, en outre, on aurait la valeur de l'urine, l'achat du plâtre , les frais de fabrication et ceux de transports, pour représenter un engrais qui, à poids égal, aurait moins de valeur que le fumier de ferme. L’Acide urique, qui a d'abord été trouvé dans le calcul urinaire de l'homme, avait reçu le nom d’Acide lithique.

La litière la plus communément employée pour absorber l'urine des animaux à l’étable est la paille de froment, qui est en grande partie formée de ligneux. Nous avons vu qu'on pouvait y substituer de la poussière de tourbe, de la sciure, etc., ete. Cette paille contient, comme tous les tissus végétaux, un principe azoté et des matières solubles dans les alcalis caustiques. On trouve aussi dans la cendre de paille de la silice en abondance, et des sels alcalins et terreux. L'azote paraît y varier dans la proportion de 6-7 p. 100. Une analyse de paille sèche a donné à M. BoussiINeauLT :

CPRGO 4e ee Hop fe dep | ASE He n C4 DS CU nn ne rx «15 2 Oxigéne: :: -: 7) Mon ee nec fesse: ie cbr: Le vlan ds volé CHR. LA ce ee are 100,0.

Dans tous les temps, les agriculteurs ont admis que les engrais les plus énergiques sont ceux qui proviennent de substances animales. Cette opinion tradilionneue , exprimée dans le lan- gage de la science, revient à dire que les fumiers les plus actifs

86 ENGRAIS.

sont ceux qui renferment la plus forte proportion de principes azotés. On a vu, en effet, que toutes les matières qui concourent à la production du fumier de ferme contiennent de l'azote, et qu'il en est plusieurs , comme les acides urique, hippurique et l'urée , dans lesquels cet élément entre dans une proportion très-élevée. En considérant les changements successifs que toutes ces matières azotées éprouvent par la putréfaction , on prévoit que pendant leur transformation en fumier, elles donnent naissance à des sels ammo- niacaux. Des faits agricoles, parfaitement constatés, prouvent, de la manière la plus évidente , que les sels à base d’ammoniaque doivent être rangés au nombre des agents les plus puissants pour favoriser la végétation. On sait que dans la culture de la Flandre , l'urine putréfiée est un engrais employé avec le plus grand succès. Or, par la putréfaction, l’urée se transforme en carbonate d'ammo- niaque. De quel puissant engrais n’est pas privé l’agriculture par la. perte de l'urine dans les grandes villes, elle pourrait être si faci- lement recueillie, au lieu d’infecter nos rues, nos quais, et vicier l'eau que nous buvons ? Dans la plupart des villages de France, ne voit-on pas le purin s’écouler de tous côtés? Et l’on se plaint de manquer d'engrais.

En Suisse, on introduit du sulfate de fer (matière à bas prix) dans des fosses à purin, aussi nommé eau de fumier, pour transformer le carbonate d’ammoniaque en sulfate, et changer ainsi un sel très-volatil et susceptible de se perdre, en un sel fixe et stable. Ces eaux de fumier, ainsi préparées, répandues sur les prés, produisent un très-grand effet.

Déjà, dès 1802, THÉOD. DE SAUSSURE avait reconnu que l'azote de l'air n’est pas absorbé directement par les plantes, et qu'elles ne se l’assimilent que dans les extraits végétaux et animaux, dans les vapeurs ammoniacales , ou autres composés azotés solubles dans l’eau.

VAUQUELIN a trouvé que l'urine de lapin renferme des carbo- nates de chaux, de magnésie et de potasse, du sulfalte de potasse, du chlorure de potasse, du soufre, de l'urée et du mucus.

ENGRAIS. 87 Les oiseaux se distinguent surtout par une forte proportion d'acide urique : leurs aliments influent sur cette proportion. WOLLASTON a remarqué que les excréments d’une poule qui se nourrit d'herbages ne contenaient que 2 p. 400 d'acide urique. Ceux d'un faisan, alimenté avec de l’orge, en contenaient 44 p.100. Enfin, un faucon, qui ne mangeait que de la chair, ne rendait presque que de l’acide urique.

$. Excréments de l'Homme.

Comme la nourriture des différentes classes d'hommes est très- variée, les proportions des principes de leurs excréments sont aussi tellement diverses, qu'on n'a pas encore cherché à apprécier la quantité d'azote que ces déjections renferment; mais ce qui reste de ce gaz dans la Poudrette (excréments de l'homme desséchés), qui en a déjà perdu pendant sa préparation, annonce que ces matières en contiennent en abondance, et l'expérience agricole et horticole le confirme chaque jour. D'ailleurs, les déjections de l’homme, fraiches ou desséchées, mises en trop forte proportion sur la terre, donnent une grande activité aux plantes herbacées, leur commu- niquent une odeur etsurtout une saveur quirépugnent aux animaux. Dans quelques parties de la Suisse, l’on arrose journellement les jardins potagers avec les excréments humains, Fes légumes y con- tractent une saveur détestable. Les vachers des Alpes jettent autour des chalets les excréments des vaches /bouse); ces places restent stériles pendant quelques années, et lorsque ces matières ont été complètement décomposées, il y pousse une herbe très-belle ; mais, pendant une ou deux années, les vaches brouttent tout autour de ces anciens dépôts sans en manger l'herbe. Les excréments, incor- porés avec de la terre très-carbonisée chaude, formeraient une terre- engrais qui serait très-active, car les gaz qui s’y trouveraient combinés seraient utilisés graduellement par la végétation.

La Poudrette qu'on fabrique à Paris renferme 41,4 d’eau,

88 ENGRAIS.

1,56 d'azote pour 400 à l'état normal, et 2,67 à l'état sec. Elle pèse environ 70 kilog. l'hectolitre, et coûte 7 fr, 15 cent. par 100 kilog. On en répand environ 4,750 kilog. par hectare. M. SALMON a réussi à unir, sans trop de frais, les matières fécales fraiches, en les broyant avec une terre calcaire chargée de terreau desséché. Il a oblenu par ce moyen un engrais actif, contenant tous les principes des excréments, ne les cédant qu'avec lenteur et ne communiquant pas aux plantes de saveur désagréable.

1°$. Excréments des Oiseaux.

On connait très-bien actuellement les propriétés du Guano, produit des déjections solides d'une masse considérable d'oiseaux «Ardeas et Phénicoptères), qui se trouve sur des îlots de la côte du Pérou et du Chili. Ilest en couches de 20 mètres d'épaisseur. De temps immémorial, les côtes stériles du Pérou ne doivent leur fertilité qu'à l'emploi du Guano, que les Péruviens appliquent surtout à la culture du maïs, mais à petite dose. C’estune substance, extrêmement azotée, que l’on commence malheureusement à mélanger avec divers objets de moindre valeur.

M. GIRARDIN à trouvé dans le Guano 18,4 d'acide urique sec, renfermant 6,13 d'azote et 13,0 d'ammoniaque, celui-ci présentant 10,73 d'azote. Ce serait done 16,88 d'azote que cet engrais Con- üendrait.

M. PAYEN a trouvé 15,73 pour 400 dans le Guano sec, et 13,85 dans celui à l’état normal. Il a aussi analysé d’autres Guanos qui ne donnent que 6-7 pour 100. Cela peut s'expliquer, soit par la diversité des couches exploitées, soit par l’altération qu'éprouve la substance par la transformation de l’urate d'’ammoniaque en carbo- nate d'ammoniaque. Cette volatilité explique aussi le peu de durée des effets du Guano, si surtout on y joint la prompte solubilité de cet engrais.

G. Towxer a fait deux analvses de ce Guano : lune, odorant,

ENGRAIS. 89 contenal 66,2 d'oxalate d'ammoniaque, un peu de carbonate d’am- mouiaque, d'acide urique et des matières organiques; l’autre, complètement inodore, renfermait 44,6 d’oxalate d’ammoniaque presque pur et d’eau, sans acide urique.

Les exeréments des pigeons, mélés aux débris de plumes et de graines qui couvrent les planchers des colombiers, ont pris le nom de Colombine. Elle contient à l’état normal 9,6 d’eau, 30 pour 100 d'azote, et à l’état sec 9,2 d'azote. Cet engrais n'est abondant que dans les pays il existe de grandes fermes. Dans le dépar- tement du Pas-de-Calais, on achète 100 fr. par an la colombine de 6-700 pigeons, qui donnent une forte voiture d'engrais.

Les exeréments des poules, quoique moins actifs, ont, d’après l'expérience des agriculteurs, moins de valeur que ceux des pigeons. Il faut enlever deux ou trois fois par an les excréments de ces deux oiseaux pour assainir leur demeure.

$. Exeréments de Moutons.

Quand aux bêtes à laine, le moyen le plus économique et le plus eflicace est de les parquer de nuit, de manière à ce qu'ils déposent les excréments liquides et solides sur un terrain donné. Ce moyen dispense de la litière, et les déjections se volatilisent moins ; en outre, on économise les transports. Le parcage, pour être très-utile, doit avoir lieu après un labour et être suivi d'un second. On doit d'ailleurs choisir un temps sec, pour éviter que le sol ne soit pétri par les pieds des moutons. On calcule la dimension du parc à raison d’un mètre carré par mouton; si on donnait plus d'étendue, on fumerait trop inégalement, car les moutons se réunissent et se serrent toujours les uns contre les autres. Une nuit suffit pour une forte fumure ; on donne une demi-fumure en dépla- çant le pare au milieu de la nuit.

M. SCHMALZ ditn'avoir jamais obtenu un aussi grand effet du fumier recueilli pendant la nuit dans une bergerie, que de celui déposé

60 ENGRAIS.

dans une nuit de parcage. Selon lui, le froment donne plus de paille après le séjour des moutons qu'après l’engrais de ferme, et le terrain est plus exempt d'herbes inutiles. Un parc de 400 moutons, pendant une nuit, équivaut à 0,56 d'azote ou 440 kilog. de fumier de ferme, ce qui représente 14,000 kilog. par hectare. Le grand effet d'une aussi faible fumure ne s'explique que par son peu de durée, car on, doit la renouveler après chaque récolte. Cette espèce d'engrais étant dans un état de division parfaite, entre de suite en décomposition, et non peu à peu comme le fumier de ferme, dont elle ne s'opère que lentement.

Les excréments de moutons sont sans action sur la teinture de Tournesol (c'est-à-dire qu'ils ne sont ni avec excès d'acide, ni avec excès d'alcali). Ils sont composés de débris de végétaux agglutinés et mêlés à des mucosités colorées par la bile.

$. Sang.

L'un des produits les plus importants des animaux, c’est leur sang, qui est très-riche en azote et en alcali, et constitue un engrais très-énergique ; lorsqu'il n’est pas agité après la sortie des vaisseaux, il se sépare en sérosité (ou sérum), formée de la 909 millième partie du sang; l’autre est nommée fibrine ou caillot, elle en constitue de 83 à 108 millièmes du poids. La fibrine et les globules du sang desséchés se réduisent au quart du poids primitif, et renferment 19,93 pour 100 d'azote et point d’alcali; tandis que la sérosité, composée d'environ 990 parties d’eau, de 76 d'albumine, de 24 de sels alcalins, contient, lorsqu'elle est desséchée, 15,70 pour 100 d'azote. Ainsi, le sang desséché devrait contenir en totalité 18,75 d'azote pour 100. M. PAYEN a trouvé, par l'analyse directe, 17 pour 100.

On a répandu le sang entier sur les terres, mais les caillots restent sur le sol, et les corbeaux s'en nourrissent. On a proposé de le verser par couches sur le fumier d’écurie, et ce moyen est

ENGRAIS. 91

très-praticable; on l'a allongé de 5-6 fois son volume d'eau. M. HEYwARD a conseillé de n’employer la sérosité qu'après la sépa- ration du caillot, dans la proportion de 3,000 kilog. par hectare. M. PAYEN l’a fait dessécher, mais alors il devient très-difficilement soluble. M. NIviÈRE l'a incorporé à chaud dans de la terre desséchée au four ; il y ajoutait aussi du charbon végétal en poudre. Ce mélange, répandu sur le sol ensemencé, y produit une très-belle verdure. Dans tous les cas, il sera préférable d’agiter le sang (si on le peut facilement), afin d'empêcher la séparation de ses deux prin- cipes constitutifs.

10° $. Noir des raffineries et Os pulvérisés.

Le Noir des raffineries qui, avec l’albumine du sang, a servi à l’épuration du sirop, ne présente que 2 centièmes d’azote pour une quantité de noir représentant 12 kilogrammes de sang sec. L'emploi des os pulvérisés, pour servir d'engrais aux Oliviers et aux Orangers, est très-grand dans les environs de Gênes. Les Anglais en font un grand usage pour leurs cultures et ils en retirent de grands avantages.

Les os seuls, réduits en poudre plus ou moins fine, sont aussi d'un très-grand usage en agriculture, surtout applicables aux arbres fruitiers. Dans plusieurs endroits, on a établi des moulins à concasser les os. DARCET a trouvé dans ces substances 43,86 de matière animale combustible et 56,14 de phosphate de chaux. Ce savant pensait qu'en employant les os comme engrais, la matière graisseuse qu'ils renferment se liquéfie par la chaleur et qu'elle s’unit à la terre sèche. Que les os, ainsi dégraissés mécaniquement, deviennent plus facilement attaquables par l'air et l'eau, et qu'alorsles réactions chimiques ont lieu; qu’une partie de la graisse et de la gélatine se convertit en ammoniaque, que celle-ci saponifie la gélatine, la rend soluble à l'eau de pluie qui, entraînant alors cet espèce de savon, le disperse dans le terrain. Cette action devient d'autant plus lente,

92 ENGRAIS.

qu'elle a lieu sur des os plus compactes, plus épais et plus vieux. C’est parce que les os n’éprouvent qu'une décomposition presque insensible, et qu'ils contiennent, terme moyen, près de 0,40 de matière animale, qu’ils forment un engrais si durable et dont les effets sont si sûrs et si constants. C’est probablement ainsi qu’agis- sent beaucoup d'engrais, tels que la corne, les poils, les cuirs, les cheveux, la laine et autres débris solides des animaux. M. PAYEN à constaté que les os entiers et anciens n'avaient perdu en quatre ans que 0,08 de leur poids.

Les es et leur poudre ne peuvent avoir tous la même valeur : souvent on ne les livre au commerce, pour les pulvériser, qu'après en avoir extrait une partie de la graisse et la gélatine, et l’on ne peut y avoir une entière confiance qu'après avoir dosé leur azote. La poudre des os, non épuisés d'abord, contient à l'état sec 7,58 pour 100 d'azote. Dans l’état normal, comme on la livre au commerce, elle renferme 0,30 d’eau et se vend 12fr. les 100 kilog. Elle possède alors 5,30 pour 100 d'azote, qui revient à 2 fr. 27 le kilogramme. On assigne 10-20 ans à la durée totale de cet engrais, et l'effet en est appréciable dès les premières années. On l’emploie dans la proportion de 15-40 hectolitres par hectare.

11°$. Cornaille.

Les rognures et râpures de cornes fournissentune grande quan- tité d'engrais dont l’usage se répand tous les jours davantage. Il convient surtout aux Müriers et aux arbres fruitiers. Ces substances ne se décomposent que lentement quand les circonstances atmos- phériques et terrestres les favorisent. Elles ne lâchent que graduel- lement l’azote qu’elles contiennent. On ne saurait trop utiliser tous ces produits.

12°$. Chiffons de laine.

Les débris d'étoffes en laines, les poils, les cheveux et les lavages

ENGRAIS. 93

des laines sont aussi très-employés pour fumer surtout les vignes. Cette substance qui, à part la fabrication des papiers de laine, n’a guère d'autre usage, est utilisée dans des proportions considérables an France. Elle contient 17,88 pour 100 d'azote. En Angleterre, on en importe beaucoup du Continent et de la Sicile pour la culture du houblon. En Provence, on l’emploie dans les terrains secs pour toute sorte de culture. L'ouvrier a son tablier retroussé, rempli de chiffons, et à chaque coup de bèche il en met un morceau. On paye 180 fr. les 3,000 kilogrammes employés pour un hectare. Il dure de 3 à # ans, et remplace 45,000 kilogrammes de fumier qui coûtent 315 fr. Les chiffons de laine contiennent de 15 à 25 pour 100 d’eau. Il convient donc d'en sécher quelques kilogrammes avant d'en faire l'acquisition, pour ne pas acheter trop d’eau.

13° $. Rognures de peaux.

Les rognures de peaux, les crins, les cheveux, les plumes, les résidus de colle forte, etc., elc., sont des engrais analogues aux précédents, et dont la valeur agricole se déduit de la quantité conve- nable pour telle ou telle culture. Cette proportion doit être en rapport avec l’état de division dans lequel se trouve la substance ; car, plus elle est en gros fragments, moins elle agit promptement.

148$. Chairs.

La ehair des animaux, qui ne peut être utilisée par l'homme, devrait, dans le voisinage des grandes villes surtout, servir d'engrais. Tous les cultivateurs qui auraient des réservoirs voûtés et souter- rains, l’on établit une espèce de réservoir flamand , pourraient les y jeter, ainsi que beaucoup d'animaux qu'on laisse se pourrir dans les campagnes.

Dans le voisinage des grandes villes, on fait bouillir plusieurs chevaux dans une grande chaudière ; leur chair est ensuite dessé-

94 ENGRAIS.

chée à l'air ou à l'étuve, et réduite en poudre. La chair muscu- laire, à son état normal, renferme plus de la moitié de son poids d'eau : séchée à l'air, elle en contient encore 8-9 centièmes ; complètement desséchée, elle a 14-25 p. 100 d'azote. Le kilo- gramme de ce gaz coûte donc seulement alors 1,54. À ce prix, ce serait l’engrais le moins coûteux. Hors de Lyon, dans les champs (près de la Guillotière) , on prépare pour engrais les chairs des chevaux et d’autres animaux qui ne peuvent être utlisées autre- ment.

15°$. Coquilles aquatiques.

Les coquilles aquatiques et les vases, ou bourbe d'eau douce, ou mème d’eau salée, ont un équivalent qui s'approche du fumier de ferme. Leur abondance, la facilité de se les procurer en grandes masses, les rendent souvent très-utiles dans quelques localités. Les sels alcalins et terreux que ces matières contiennent ajoutent à leur propriété fertilisante

16° $. Poissons.

Les poissons deviennent aussi, dans les localités 1ls sont en excès, une source nouvelle d'engrais. Sur le littoral de la Grande- Bretagne et de l'Irlande, on fume les terres avec des poissons. On a conseillé de mêler ces débris à la chaux vive. Cette addition est surtout utile pour les huiles avariées de harengs ; il se forme alors un savon de chaux qui s'oppose à leur action nuisible sur la végétation, ce que les matières grasses ne manquent jamais de produire.

17° $. Pains de Crétone.

Les résidus de fontes de graisses pour chandelles, nommés Pain

ENGRAIS. 95 de Crétone , produisent aussi un engrais très-riche en azote. Il faut, avant de les disperser, les broyer et même les tremper dans l'eau. Tels qu'on les livre au commerce, ils contiennent 44 à 42 p. 400 d'azote. Il serait aussi convenable de les mêler à la chaux: vive, comme on doit le faire pour les poissons , les coquillages vivants, etc.

18°$. Tourteaux.

On donne ce nom au résidu des graines oléifères, alors qu'on ne peut plus en retirer d'huile. Ces tourteaux, mêlés à l’eau et fermentés, répandent une odeur qui approche de celle des matières fécales. Le tourteau seul, mêlé à l’eau et dans un état de décom- position, forme un engrais extrêmement actif pour les fleurs et les plantes potagères. Quelques horticulteurs en ont tiré de très-grands avantages. Pulvérisé et répandu sur le sol avant les labours, il a une action passagère.

Le Tourteau d’Olives à une trop grande valeur comme combustible dans le Midi, pour l'utiliser comme engrais ; mais celui de Colza, de Cameline, de Chanvre, de Féne ou Hétre, de Pavotet de Noix sont souvent employés comme engrais, si quelques-uns ne peuvent servir d’aliment aux bœufs et aux vaches. Ces graines, après avoir fourni des huiles, contiennent quelques proportions d'azote, et de plus grandes de carbone. Le tissu utriculeux des Pommes de terre, déchiré pour en obtenir la fécule, peut être aussi utilisé comme engrais, si on ne l’emploie pas pour alimenter le bétail : il en est de même des Betteraves après l'extraction du sucre. Ces substances contiennent du carbone et de l'azote. Cependant, on en tire un meil- leur parti pour la nourriture des bêtes à cornes, mélées avec la paille ouétendues dans l’eau. Si l’on emploie l’un de ces tourteaux pulvé- risés, il faut avoir soin de le disperser sur le sol 8-40 jours avant la pluie et avant de semer, car le peu d'huile qu’il contient encore, en contact avec des graines, les empêchent de s'humecter et de

96 ENGRAIS.

pouvoir germer, lors même qu'elles se trouvent en minimes propor- tions. L’agronome GASPARIN cite un propriétaire du Midi qui, trouvant son froment sale, le fit remuer avec une pelle en bois, légèrement huilée. Le grain prit une belle couleur ; mais, vendu pour semence, ilne germa qu'un petitnombre de graines, et le vendeur fut condamné à restituer le prix du grain et à des dommages-intérêts. On ne saurait donc trop recommander d’enterrer préalablement la poudre de tourteau, ou de l’humecter avant de la semer, afin de lui faire subir un commencement de décomposition.

19°$. Engrais flamand,

On donne ce nom aux exeréments de l’homme mélangés avec toutes sortes de débris organiques, conservés dans des espèces de caves voûtées et cimentées. À leur partie supérieure est pratiquée une ouverture pour y verserles liquides, et que l’on ferme immédia- tement après au moyen d’une trappe. On peut y pénétrer latéralement par une pente inclinée , au bas de laquelle est une seconde ouver- ture qui ferme de même. Beaucoup d'agriculteurs amènent dans ces fosses les eaux ménagères et celles des écuries ; ils y jettent beaucoup de débris végétaux et animaux. Ces citernes sont de la contenance de 2-3,000 hectolitres. On les remplit en toutes saisons et dans les moments les autres travaux permettent de le faire. Pour être actif, ce liquide doit être fermenté pendant quelques mois. On ne vide jamais complètement la fosse, et on ajoute des matières organiques à mesure qu'on en retire. Les cultivateurs assurent que cet engrais n'éprouve aucune perte dans sa qualité, même par un séjour de plusieurs années. La fermentation lui donne une certaine viscosité. Il paraît que la stagnation de l’air et la basse température rendent la décompositiontrès-lente, ce qui expliquerait le peu de déperdition de l’engrais pendant quelques années. Il est cependant à observer qu'on y ajoute des tourteaux pour augmenter la valeur de la masse.

ENGRAIS. 97

20° $. Engrais verts.

Les Engrais verts sont ceux qui doivent jouer le plus grand rôle dans la culture des Müriers, puisque ces arbres s’accommo- dent parfaitement des terrains sablonneux. Là, leurs feuilles sont dans les meilleures conditions pour la nourriture des vers-à-soie. Elles acquerront moins de grandeur, moins d'épaisseur dans ces sortes de terrains ; on en récoltera un peu moins dans une journée que dans un sol frais et humide; mais l’insecte s’en trouve beau- coup mieux si, en outre , les arbres ont été convenablement conduits, afin que ieurs feuilles soient moins aqueuses. (Voir l'article Taille, l’on trouvera de nombreux détails sur cet important sujet.)

On peut apprécier, par ce qui à été dit, l'importance des engrais verts et les services qu'ils peuvent rendre à l’agriculture. Ceux que l'on obtient par le défrichement des prairies artificielles sont bien plus prompts et moins coûteux, parce qu’ils résultent d'une culture qui à déjà payé ses frais. Ainsi, lorsqu'on a des terres négligées, maigres, sans pâturages pour nourrir des troupeaux, sans possibi- lité d'acheter du fumier ou de se procurer des masses de plantes sauvages , on est dans l'absolue nécessité d’avoir recours aux engrais verts.

21° $ Lupin (ou Pois-Lour).

Nous avons vu que les plantes riches en carbone contiennent aussi une quantité d'azote assez grande pour expliquer les avan- tages que présentent ces sortes d'engrais. Ce moyen d'améliorer le sol, encore trop peu répandu, a besoin d'êtreencouragé , surtout pour les terrains sur lesquels il est difficile d'en transporter d'autres. Le procédé le plus simple et le moins dispendieux dans bien des cas, serait de cultiver, sur le terrain même des plantes qu'on enfouirait fraîches, aussitôt qu'elles auraient pris tout leur

_

Î

98 ENGRAIS.

développement, ou bien de transporter du voisinage des fougères, des feuilles, des bruyères, des arbustes, elc., etc., qui ne peuvent être ütilisés autrement. Les frais qu’occasionnent les engrais verts sont ceux de leur culture, la valeur de leurs graines, l’enfouisse- ment des plantes et la rente du sol pendant la végétation. Le rapport de la somme de ces frais, à la valeur propre de l'engrais, doit déter- miner l'opportunité de leur emploi. Il faut bien se persuader que des terrains, longtemps incultes, peuvent être fertilisés en y enfouis- sant successivement les plantes. Des pâturages, des prairies même peu productives ou qui ont besoin d'engrais, peuvent être améliorés par les débris végétaux qu'ils contiennent. Des prairies, quirappor- tent 15,000 kilogrammes de foin par hectare, peuvent donner un engrais équivalent à 668 kilogr. d'azote par hectare, et propre à fournir trois récoltes de froment, donnant ensemble 72 hectolitres ; celles qui n’ont point reçu d'engrais, et dont on a recueilli l'herbe qui y croit naturellement, si elles fournissent seulement 500 kilog’ de foin, donnent 167 kilog. d'azote, propre à produire 48 hectol. de froment en trois récoltes. On peut donc, d’après M. DE GASPARIN, évaluer la fertilité des gazons à 0,44 d'azote par chaque kilogramme de foin recueilli sur la prairie par récolte moyenne. La terre qui a été longtemps en prairie conserve , même après avoir perdu son azote, une grande supériorité sur les terres de même nature, qui n’ont pas élé soumises au mème traitement, à cause de la même quantité de carbone qu'elles conservent, et qui, tout en colorant le sol, l'ameublit, le rend plus poreux et plus hygroscopique.

L'emploi du Lupin blane (Lupinus albus), aussi nommé Pots- loup, comme engrais, date de très-loim. Les Romains le semaient en automne pour l’enfouir au printemps, aussitôt qu'il était en fleur (mai), ou bien ils le ramassaient pour le placer au pied des vignes.

EE $, Feve.

Dans les environs de Bologne, on sème la Fève de marais (Faba vulgaris), pour engrais {en automne), sur les terrains destinés à

ENGRAIS. LE la culture du Chanvre (Carnabis sativa). C'est un moyen qui est trop peu employé, surtout dans les terrains sablonneux plantés en Müriers. Cette culture a beaucoup d’analogie avec celle du Lupin.

23° $. Spergule.

DE Wocur s’est servi, comme engrais vert, de la Spergule des champs (Sperqula arvensis). 11 semait la plante trois fois la même année et la retournait successivement. I dit ces trois fumures équivalentes à vingt-neuf voitures de fumier ou 2,900 kilogrammes par hectare, ce qui doit enrichir plus le sol qu'une récolte de seigle ne l’épuise. Le produit de la Spergule ne s'élève pas, pour la première récolte, au-delà de 3,000 kilogrammes par hectare. Les deux autres récoltes successives de la même année donnent sans doute une moindre quantité ; mais, supposons qu'elles soient égales et qu’on enterre 9,000 kilogrammes de fourrage sec, cela produit 1,062 kilogrammes d'azote ou 26,550 kilogrammes de fumier de ferme, qui peuvent rendre 47 hectolitres de seigle; c’est effecti- vement ce que récoltait DE WoGxT dans ses expériences.

24°$. Sarrasin.

Le Sarrasin ou Blé noir (Fagopyrum esculentum), a aussi été conseillé comme engrais. En Allemagne, on l’enterre lorsqu'il ne reste plus d'espoir d’en obtenir les fruits, à cause de la mauvaise saison. Ses débris renferment 0,54 d'azote pour 400 à l'état frais, et 0,48 après la dessication à l'air.

Däns plusieurs pays, on l’enterre en vert au moment même de sa floraison. C’est encore un bon moyen d'améliorer les terrains sablonneux, ceux surtout plantés en Müriers.

25° $. Navette.

La Navette /Brassica nupus oleifera) est depuis longtemps cultivée comme engrais vert dans les sols sablonneux. En Alsace,

100 ENGRAIS.

on la sème après la récolte des Pois, sur un seul labour, et on l'enterre en automne, avant les gelées, par un autre labour. La culture du Froment lui succède.

On sème aussi la Navette après la récolte des Pommes de terre printanières, de manière à pouvoir l’enterrer en automne lorsqu'on sème le Seigle. 10-12 kilogrammes de graines suffisent par hectare.

26° $. Seîigle.

On a conseillé aussi comme engrais vert la culture du Seigle, du Maisetdu Tabac : celle du Seigle (Secale cereale) a offert d'assez bons résultats ; celle du Maïs, semé serré et retourné lorsqu'il a la hauteur de 50 à 70 centimètres environ, produit un excellent effet. Il faut nécessairement, avant de l’enfouir, passer un fort rouleau pour l’écraser, afin qu'il puisse être bien recouvert.

27° $ Hélianthe=Fopinambour.

Une plante précieuse, dont nous sommes loin d’avoir tiré tout le parti qu’elle présente : c’est ll'Hélianthe=Topinambour, ou Topinambour, qui peut très-bien croître dans des sols sablon- neux. Cette plante, très-utile, présente plusieurs avantages fort remarquables. D'abord, elle réussit presque partout. Ses tubercules offrent un bon aliment cru ou cuit pour beaucoup d’herbivores, l'homme lui-même peut l'utiliser ; ensuite ses feuilles nombreuses, récoltées dans l'arrière saison, servent à nourrir les moutons, tandis que ses tiges, très-spongieuses, peuvent, coupées , se pénétrer très- facilement de l'urine et servir ensuite très-utlement d'engrais. Les . tiges sèches qu'on recueillerait pourraient s'élever à 10 ou 12,000 kilogrammes par hectare, et comme elles sont pénétrées d'assez grandes proportions d'azote, il serait plus avantageux de les réduire en fumier que de les brüler. Ces tiges ne se décomposent pas aussi

ENGRAIS. 101 vite que la paille. 1l en est de même pour celles très-utriculeuses du Froment Pétanielle. L'Hélianthe annuel ou Soleil réussirait aussi très-bien dans ces terrains pauvres en terreau.

28° $. Débris des Vignes.

Le mare de raisin peutservir d'engrais, souvent après l'avoir utilisé pour ladisüllation de l'alcool, ou, avec de l’eau pour en fare de la piquette. Il peut aussi servir à la nourriture des moutons” et il n’estsouvent employé comme engrais que lorsqu'on en aretiré toutes les parties les plus avantageuses. Quelques personnes l’emploient dans les vignes ou dans les sols argileux pour en diviser les par- celles terreuses, souvent beaucoup trop adhérentes. Les branches des vignes elles-mêmes peuvent servir d'engrais en les enfouissant sur place entre les rangées de ceps.

29°. Suie.

La suie est un produit éminemment végétal, qui peut rendre de grands services à l’agriculture, surtout par les principes azotés et les sels ammoniacaux qu’elle contient. BRACONNOT a trouvé dans la suie d'une cheminée dans laquelle on n'avait brûlé que du bois :

Acide: unique. sue Age Lei 30,0 Matière azotée soluble dans l’eau... ... 20,0 carbonatée insoluble......... 3,9 SD. de en ad ES does A à 4,0 farbonates de change 2 4e 0 EU 14,7 = MAGDÉSIE LCR. trace Sulate deschane:. LA 7 os 3 5,0 Phosphate de chaux ferrugineux. .. 1,5

À report... 76,1

102 ENGRAIS.

Hepont. 76,1

Chlorurede potasses x 222 22.2, 0,4 Acétate de chaes 02 ous Te A 5:17 hr POSER sn cs 4,1

il AMASNÉSIDE 0,5

ni ét: D nine pe een nr es trace

d'ammoniaque........... 0,2 Pringipe ACreét.Amer ne EL MAMA: 0,5 br Gb Ur do PRO IEnE LT AE 12,5 100,0

L'examen de la suie de bois et de celle de houille, fait par les savants PAYEN et BOUSSINGAULT, a confirmé dans cette substance la présence des principes azotés indiqués par BRACONNOT. On fait un assez grand commerce de la suie dans les villes principales pour l'appliquer à l’agriculture. On la répand, en couverture, sur les Trèfles, les jeunes Colza, les Froments, sur les prairies trop humides, dont elle détruit la mousse. On en emploie jusqu'à 18 hectolitres par hectare. Il ne faut pas, comme le font quelques personnes, la mêler à la chaux, car on volatiliserait l’'ammoniaque qui s’y trouve; 1l faut la répandre seule, par un temps calme et humide, comme l’a recommandé DE DoMBASLE. En Flandre, on la répand particulièrement sur les semis de Colza que l’on destine surtout à être replantés. On lui attribue la propriété de chasser les petits et nombreux insectes qui souvent les dévorent.

SCHWERTZ cite plusieurs faits qui prouvent que la suie produit un grand effet sur les Trèfles. Il admet que celle de houille est préférable à celle produite par le bois, qu’elle a plus de densité ; et, dans le dosage en volume, un hectolitre de suie de houille contient réellement plus de matière.

MM. PAYEN et BOUSSINGAULT ont aussi trouvé qu'à poids égal la suie de houille est plus azotée que celle de bois.

ENGRAIS. 103

30° $. Feuilles et Plantes mortes.

Les feuilles des arbres enrichissent aussi le sol dans les forêts, et ce n’est pas sans dommage pour elles qu'on les leur enlève, car elles forment de bon terreau. IE en est de même de celles du Mûrier, qu’il faut tâcher d’enterrer pour qu’elles ne soient pas enlevées par le vent. Celles du Chène donnent en automne 1,475 pour 100 d'azote, et à l'état sec, 1,565. Il faut les faire fermenter avant de s'en servir pour détruire le tannin qu'elles contiennent.

Les prairies artificielles ont une bien plus grande importance, et constituent, au moyen de la base de leur tige et de leurs racines, un engrais vert des plus puissants. Un hectare de luzerne défriché, dont les débris avaient été recueillis pour s'assurer de leurs poids, a donné à l’agronome GasPariN 27,021 kilog., à l'état frais, qui contenaient 0,80 p. 400 d'azote ; par conséquent, 216,168 d'azote, représentant 74,400 kil. de fumier de ferme, quantité susceptible de produire 22 hectolitres de froment.

Les plantes mortes en contact avec l'atmosphère sont décom- posées à la longue et réduites en terreau, dont l'efficacité est surtout appréciée par les horticulteurs. Nous avons déjà vu que les feuilles d'une forêt, accumulées pendant de nombreuses années, sont la sourcel'une longue fécondité. Le végétal puise à plusieurs sources cette grande quantité de carbone qui entre essentiellement dans sa composition ; celui qui provient du terreau, de l'air et de la décom- position des carbonates, se combine avec l’oxigène pour former l'acide carbonique. Celui-ci, introduit dans la plante avec l'eau, est décomposé par l’action de la lumière sur les parties vertes. A ce principe important, se joignent de petites proportions d'azote.

En se décomposant, les bois humides prennent à l'air 13 volumes d'azote et 27 d'oxigène ; ils renferment des principes analogues à ceux que l’on rencontre dans le terreau.

104 ENGRAIS. En traitant le bois décomposé par l’éther, il en dissout une

matière extractive azotée, et cet extrait est d'autant plus azoté que le bois avance dans sa décomposition.

La tourbe paraît être le dernier état de la modification du ligneux par les agents atmosphériques et humides.

On regarde comme moins avancé dans sa décomposition, le terreau produit par la décomposition des saules et des ehà= taigniers; cependant, il est très-favorable à la végétation d’un assez bon nombre de plantes, et sert dans plusieurs cas à remplacer la terre de bruyère.

Les plantes renferment aussi parfois un autre principe qui est asiringent et acide : c'estle Tannin. Son caractère le plus remar- quable est de s'unir à la gélatine, de former avec elle un corps insoluble qui produit la solidité et le peu de perméabilité des peaux. Quelques plantes, telles que le Chêne, le Chätaignier, les Bruyères, les Fougères, les Saules et le Sumac réussisséni mieux dans les terrains qui en contiennent. Ces terrains renferment aussi une certaine quantité de sels de fer. Il est très-probable qu’on neutraliserait ce tannin par la chaux ; on pourrait utiliser la tannée qui à servi à préparer les peaux, et l’employer ensuite comme engrais. Ce sont encore des recherches utiles à faire.

31° $. Tourbe.

Le terreau tourbeux humecté absorbe beaucoup de sels ammoniacaux qui s'échappent souvent des fumiers ; le principal avantage à obtenir serait de transformer la tourbe en un terreau doux, propre à alimenter les plantes de carbone, dans les sols ce précieux principe manque. Au reste, le lavage par la pluie et l'action de l’air désacidifieraient la tourbe à sa surface, et quand, après l'avoir tirée des fossés, on l’étend sur le sol, elle perd ses qualités nuisibles et finit par se convertir en terreau noir, propre à changer la coeur du sol, tout en y ajoutant du carbone.

ENGRAIS. 10:

Lorsque la tourbe est desséchée, elle doit ètre très-propre « absorber les matières azotées liquides. Quelques agriculieurs l'ont déja employée en litière, recouverte d'un peu de paille. Cette matière sèche absorbe une grande quantité de liquide, et elle se gonfle beaucoup. Mélangée avec les déjections animales, avec le sang des boucheries , elle est très-utile pour porter des principes fertilisants dans la terre, tout en l’ameublissant, en la rendant plus hygroscopique, et en y ajoutant du carbone. La tourbe, convenable- ment traitée, deviendra sûrement une source de richesse agricole.

32° $&. Engrais Jauffret.

- Parmi un certain nombre de préparations plus moins uüles pour augmenter la quantité des engrais, plus essentiellement végé- taux , en voici une connue sous le titre de Engrais Jaufifret, qui, malgré ses détracteurs, rendra de vrais services dans beaucoup de localités les engrais azotés sont extrèmement rares, ce qui empêche souvent de cultiver un grand nombre de terrains éloignés des habitations ou d’un abord très-difficile. L'apôtre etle martyr des engrais, comme le dit M. DE GASPARIN, ayant habité un pays pauvre en bestiaux et manquant de fourrages, voyait son élan agricole arrêté par les effets de son sol et de son climat. Mais, auprès de ses terres épuisées, de vastes espaces existaient, couverts de végétaux sauvages, d’arbustes, de roseaux et de fougères ; les habitants les recueillirent, les entassèrent, les humectèrent, provoquèrent leur fermentation et les employaient comme engrais. JAUFFRET perfec- tionna cette méthode, et, mélangeant à l’eau des substances azotées, il fit une lessive de fumiers animaux délayés et de diverses substances salines, de l’azotate de potasse (salpètre), des cendres, du plâtre, de la suie, etc. Cette marche était fondée, et il ne manquait à l’auteur que de mieux connaître la composition des plantes pour faire un meilleur engrais. Sa recette n’a été qu'un tàtonnement, Fon ne peut blâmer que les petites proportions des substances

106 ENGRAIS.

employées. Toute imparfaite qu'élait sa méthode, et elle à reçu des perfectionnements, on parvenait à développer une prompte fermentation. JAUFFRET à réellement rendu des services aux pays les végétaux sauvages étaient presque sans emploi, abondants et ne coûtaient que la peine de les ramasser, ensignalantles grandes ressources que l’on peut tirer de leur emploi. Ce service justifie les récompenses dont il a été l'objet, et accuse peut-être leur insuffi- sance.

Dans ces derniers temps, les esprits tournés vers les amélio- rations agricoles ont essayé une foule de préparations. Mais comme le secret est toujours la base de ces spéculations, on ne peut prononcer sur chacune d'elles que par la chimie. Il est rare, d’ail- leurs, que leur valeur intrinsèque égale le prix qu'on en demande, soit par la mauvaise foi des fabricants, soit par des vices de mani- pulations.

33° $. Compost. .

Les Composts ne sont formés que du mélange de tous les débris organiques, surtout végétaux et de terre, qu'encombrent souvent le voisinage des habitations. Ils montrent le peu d’impor- tance que quelques cultivateurs mettent à profiter des ressources de toute nature qui les entourent. En agriculture, l’on cherche à avoir le plus souvent des engrais homogènes, on mélange tous les débris des cours etdes ménages avec le fumier de la ferme ; mais en horticulture, la diversité des terreaux a de l'importance, on stratifie des tiges de végétaux, des feuilles et des gazons avec de la chaux, de la terre argileuse, de la marne, du sable fin, des boues de fossés, de mares, de viviers, etc., on les retourne souvent à la fourche, pour établir un mélange parfait et faciliter la décompo- sition des parties les plus dures. Toui doit être transporté sur ces amas, qui peuvent aussi être utiles aux agriculteurs. Par ces soins, on trouve le moyen de détruire en assez grande quantité les graines

ENGRAIS. 107 des Triticacées (Graminées), des Cypéracées, des tiges vivaces et quelquefois tracantes, ainsi que d’autres tiges et racines, qui sont souvent jetées et perdues sur les routes. On peut surtout aussi, par ce procédé, détruire beaucoup de graines. qui reparaissent dans les terreaux. Mais, pour y parvenir, il faut les retourner, afin de faciliter leur germination et leur décomposition en ameublissant souvent ce terreau. On fait aussi entrer dans ces mélanges tous les débris des rempotages et des vieilles terres de bruyères. On y introduit de même de la terre fine de tourbe. L’horticulteur obtient les plus heureux résultats de ces préparations terreuses, qui doivent être faites long- temps d'avance. Celte parcimonie de lhorticulteur doit servir d'exemple au cultivateur des grands terrains, qui ne doit laisser perdre aucun des produits végétaux et animaux, des vases des fossés et des mares; car, malgré tous ces soins, une masse effrayante d'engrais sera encore perdue.

DS E—

103 PARTIES CONSTITUANTES DES PLANTES.

DEUXIÈME DIVISION.

PARTIES CONSTITUANTES DES PLANTES

Voyons d’abord les différences que présentent les corps organisés d'avec la classe de ceux dont nous avons esquissé les principaux caractères dans le milieu atmosphérique, aqueux et terrestre.

La’science qui s'occupe de la structure du globe sur lequel nous vivons, et des corps'dispersés sur sa surface, des phénomènes dont la plupart d’entr'eux sont le siége, des caractères propres à les disünguer les uns des autres et du rôle qu'ils jouent dans la création," est désignée sous le nom d'Histoire naturelle. Son domaine est immense, et son importance ne le cède pas à son étendue.

Quelques hommes , auxquels les sciences sont peu familières , n'y voient qu'un recueil de faits propres à piquer la curiosité, à exercer l'intelligence, ou bien ils la considèrent comme une étude aride de noms techniques et de classifications arbitraires. De pareilles assertions ne peuvent avoir leur source que dans l'igno- rance; Car, celui qui a la moindre notion d'histoire naturelle ne peut se refuser à en reconnaitre l'utilité. Les beautés harmoniques de la création sont bien au-dessus de ces inventions de l’homme, et l'étude de la nature ramène sans cesse à de hautes méditations. La connaissance de nous-mêmes et des objets qui nous entourent n’est

PARTIES CONSTITUANTES DES PLANTES 1409 pas faite seulement pour satisfaire ce besoin de savoir, qui se déve- loppe toujours à mesure que l'intelligence grandit, elle est la base indispensable de bien d’autres études ; elle est éminemment propre à donner au jugement cette rectitude sans laquelle les qualités les plus brillantes perdent-leur valeur, et égarent plus souvent qu’elles ue conduisent à un but utile. L'histoire naturelle doit constituer un des éléments de tout système d'éducation, non pour faire de chaque jeune homme un naturaliste, car une science aussi vaste nécessiterait un temps dont toutes les études classiques ne permet- tent pas de disposer. Ce que tout homme doit savoir, ce n’est pas le caractère de chaque genre de plante, de chaque partie du corps de l'homme, ce serait s’assujettir à un travail qui ne laisserait aucune trace durable, ni utile ; mais ce qu’il importe de lui donner, ce sont des notons justes sur les grandes questions dont les sciences natu- relles cherchent la solution : sur la constitution du globe et ses révolutions physiques; sur la nature des plantes et des animaux ; sur la manière dont s’exercent les fonctions de ces êtres, et sur les principales modifications qui se remarquent dans leur struc- ture. Ce sont des connaissances qui, une fois acquises, ne s'oublient guère , qui doivent servir de base aux études spéciales de quiconque veut devenir naturaliste, et qui suffisent aux hommes dont les occupations ne se lient pas d’une manière intime aux sciences : ce sont, par conséquent, des notions générales qu'on doit chercher à graver dans l'esprit des jeunes gens.

Jusqu'à présent, nous ne nous sommes occupé que des corps inertes, dont les parties constituantes ne sont soumises qu'aux lois de la physique et à celles de la chimie; nous avons actuel- lement à étudier une seconde branche, dans laquelle les lois de l'affinité sont singulièrement modifiées par l’action de la vie.

Lorsqu'un corps minéral se forme, il naît ordinairement de deux ou de plusieurs autres corps qui, par leur nature, différent essen- liellement de la sienne, et qui se combinent en raison de leurs affinités chimiques. Un être vivant, au contraire, n’est jamais le produit de ces combinaisons spontanées ; il ne peut se former que

110 PARTIES CONSTITUANTES DES PLANTES.

sous l'influence d’un corps vivant, semblable à lui et qui l'a précédé, et la force vitale se transmet par une succession non interrompue d'individus qui naissent les uns des autres et qui se ressemblent. Le chlorure de soude {sel commun) se formera toutes les fois que l'acide chlorhydrique rencontrera de l’oxide de soude ; ces substances n'auront nullement besoin d'un sel semblable préexistant pour former un autre corps. Une plante ou un animal, au contraire, n’est jamais créé ainsi ; il doit participer à la vie de parents qui l'ont nécessairement précédé. Les êtres doués de la vie ont besoin d’une impulsion étrangère. Les corps inertes paraissent dans un état de repos intérieur; leurs molécules constituantes sont en repos (apparent). Sile volume du corps augmente, c’est par d’autres corps semblables qui se superposent. Tout corps vivant est, au contraire, intérieurement en mouvement molécula#re, par suite duquel les particules dont il se compose se renouvellent incessam- ment. Toujours , il ajoute à sa propre substance des molécules nouvelles qu'il prend hors de lui. Cette espèce de tourbillon cons- titue le phénomène de la nutrition, et sa continuité est l’une des conditions de vie pour l'être organisé. C’est de ce mouvement moléculaire que dépend l'accroissement ou la diminution des êtres organisés. Quand ils diminuent, c’est parce que la quantité de matière expulsée excède celle des molécules nouvelles qui s’assi- milent, et quand ils s’accroissent, c’est par intussusception (péné- tration à l'intérieur) , et non par Juxta-position, comme dans les minéraux. Les matériaux, ajoutés à leur masse, ne s'appliquent pas à la surface de ceux qui les ont précédés, mais pénètrent dans la profondeur de leur substance, pour s'interposer entre les molécules déjà existantes, et ils remplacent celles que le travail nutritif rejette. Après avoir existé pendant un temps,dont la limi te extrème est jusqu’à un certain point déterminée pour chaque espèce , les corps vivants périssent, tandis que les corps bruts existent tant qu'une force étrangère ne vient pas les détruire. Leur durée n'a pas de limite, et ils ne portent en eux-mêmes aucun principe de destruction. Tout corps vivant est, en quelque sorte, prédestiné à

PARTIES CONSTITUANTES DES PLANTES. 114 acquérir une forme générale déterminée, qu'il n'offre pas lorsqu'il commence à exister, mais qu'il dévoloppe peu à peu. Cette forme n'a rien de la simplicité géométrique que nous offrent les minéraux. Chaque être vivant est assujetti à des limites qu'il ne peut guère franchir, et une force intérieure tend à déterminer son accroisse- ment jusqu'à ce qu'il approche des limites, qui varient suivant les espèces. Pour les corps bruts, il en est tout autrement: leur masse n'a point de limites. Un marbre, par exemple, pourra exister également bien sous la forme d’un fragment microscopique ou sous celle d'une montagne. Une plante, un oiseau n'atteindront des dimen- sions déterminées et ne dépasseront jamais certaines limites que la nature à assignées à leur croissance. Un corps brut pourra être divisé mécaniquement sans que les portions, ainsi séparées, chan- gent de nature et perdent leurs caractères ; les diverses parties d'une même masse ne sont point nécessairement liées. Chez les êtres organisés, au contraire, diverses partigs réunies par la nature constituent un ensemble nécessaire à l'existence de chacune d'elles, un tout distinct de ce qui l’environne, et qui ne peut être divisé au-delà d'un certain degré sans cesser d'exister. Les corps organisés sont nécessairement constitués par des parties solides et des parties liquides ; ces dernières sont en profusion dans tous les points de

leur masse, et les parties solides affectent la forme de lames minces, ou de filaments disposés de manière à circonscrire des cavités plus moins rapprochées. Mais dans les minéraux, on ne voit jamais une organisation semblable. Ce monde de conformation est une condition d'existence pour tout être vivant. En effet, pour assurer à Ces corps une forme quelconque, il leur fallait des parties solides, soit pour faire pénétrer dans leur tissu des substances étrangères , soit pour entraîner au dehors les particules qui devraient en être éloignées. Il fallait aussi des fluides, car eux seuls offrent assez de mobilité dans leurs molécules pour se prêter 4 un pareil mouvement. Un corps brut peut être formé de molé- cules d’une substance simple (le fer et le soufre) , tandis qu'il n'en

112 PARTIES CONSTITUANTES DES PLANTES. est pas ainsi pour les êtres vivants, qui sont toujours d’une compo- sition chimique fort compliquée.

Voyons actuellement comment les végétaux se distinguent des animaux. Dans le plus grand nombre de cas, cette distinction est facile ; il arrive cependant d'en rapporter quelques-uns à l’une ou à l’autre de ces grandes divisions. La plante n’a que des organes de putrion (racines, tiges, feuilles) et de reproduction (fleurs). Nous savons que chez les animaux la vie existe au moyen d'organes plus compliqués : outre ceux de nutrition et de reproduction , comme dans les plantes, ils ont encore des organes propres de circulation , de locomotion, de respiration et des organes sensitifs. Les animaux peuvent pourvoir à leurs besoins, sentir le plaisir et la douleur, changer de place en leur masse ou par quelques-unes de leurs parties sans cause extérieure ; les végétaux sont réduits à la vie organique probablement sans éprouver de sensations , seules dues à la présence des appareils nerveux.

Nous savons quels sontles caractères distinctifs entre les minéraux, les végétaux et les animaux, que l’étude des corps inertes se nomme Minéralogie , que celle des végétaux se nomme Botanique (ou Phytologie), et qu’enfin l'étude des animaux est désignée sous le titre de Zoologie. Nous n'avons donc plus, pour la partie qui nous est dévolue, qu'à nous occuper de botanique, en restreignant encore, le plus possible, cette partie à l'étude des Hüriers. Nous devons donc prendre une idée nette des organes des végétaux, et apprécier leurs fonctions. Le tableau ci-joint servira de cadre pour les développe- ments que nous sommes dans la nécessité de donner, mais que nous abrégerons le plus possible.

à,

HIT ONU SPACE SAS EU 4 e

L'ile

Cult: Mür. p. 143 (1865).

ORGANES DES PLANTES.

Exoderme, . Mésoderme. Graine, Derme, Endoderme, dernier bourgeon Hile et micropile. La graine tenait au carpe par un funicule, ( cordon du romeau par Racine, ombilical) plus ou moins long. fleuraison Tige ; préalable. Embryon, Cotyles ; Albumen (souvent ): Racine, =

axe descendant de la plante, ser- vant à l'absorp- tion de la sève.

Corps. ColleL. Ramifications»

Branches. A feuilles. Bourgeons (sans fleuraison préalable), 4 A fleurs. A feuilles et à fleurs. Tige, Guticule et épiderme, lenticelles. axe ascendant de | Ecorce. Enveloppe utriculaire. la plante por- Utricules et fibres. (= Liber.) > tane E AOAEUE Canal utriculaire (ou DA EAnÈE médullaire ), = ) Utricules centrales ou Î : 8. Bois. TOIES dans Dicoty Couches ligneuses; Rayons utriculeux. Feuille, organe ordinaire | Utricules (—cellules = | TEE : Tissu utriculaire ou cellu- vert, servant | Pétiole. . laire des auteurs. ) essentiellement | L'me; lamelles, fibration. Lesvégétaux formésd'utricules à l'évaporation Stipules, stipelles. 17 seules sont dits utricalés de l'eau et au | Stomates (sur face inférieure ordinairement ). (Bryncées, Agarica- Méposement de céemjett:) formant les l'oxigène. organes Bractées et bractéoles. ORGANES ee omposé Pédoncule et pédicelle. composés SIMPLES { Onglet, E ï £ = . 8 des de | elles libres, unis ou adhérents; (unis, et alors tube et Fe Sépales. Lame et lamelles, lames. ) végétaux, enr | Appendice (quelquefois ), ÉLÉMENTAINES. modification * du tels que : rameau et de Onglet, ; ; ja feuille rudi- | Pétales. Lame, libres, unis, et alors tube et lames, ou adhérents. | m es, ser- / (anpendice, 2 ) Fibrilies ET FIBRES ( {| vant à la pro-\ Filet, | libres, unis ou bien adhérents. vaisseaux des auteurs ). ; | duction de la | Étamines. Anthère et quelquefois appendice, Sont toujours jointes par les graine ou de | Pollen, utricules, etles plantes sont |} l'œuf végétal. Carpe, libre, et alors nécessairement collamellaire, dites atriculo-fibrées). Style, ablamellaires. Bords porte-graine distants l'un de | pels: l’autre. Stigmate, | unis, et alors ( cellamellaires. Bords porte-graine unis l'an à l'autre, Inuflorescence ES anlitetres 5 : e CA NET $ Air loieides Fleurs solitaires, en grappe simple ou composée, ou bien en cime, Fruit Un seul carpel, libre d'union et d'adhérence. (Pois, Froment.) 3

es nersetan. À Plusieurs carpels libres. ( Æncolie, ) pue DES | Plusieurs carpels unis. (T'ulipe, collamellaire, Frolette, blamellaire. } et essentierte- | Corpelsunisetadhérents/aux organes extérieurs, (Campannlacées. )

ment le carpe. Capilel=. Plusieurs carpels, appartenant à la même fleur, qu'ils sotent libres, unis ou adhérents. } Droit. Courbé. Graine, Enveloppé par l'albumen. (/ernoncule.)

dernier terme de | Enveloppant l'albumen. (Myctage Belle-de-Nuit.) la fleur, consti- Plaqué sur l'albumen, (/roment.) tuant un .em- | Colle ( = Cotylédon), un ou plusieurs. bryon. libreou rarement unis. Racine au hile. à l'extrémité opposée au hile. Sommet des cotyles et de la racine au hile.

Œnf végétal, dernier terme de la fleur, et la reproduisant sans embryon connu,

Tels que les Polypodineées , Bryacées, elc., qui ont'besoin d'une incubation préalable avant l'apparition même rudimentaire de l'embryon:

ORGANES ÉLÉMENTAIRES. 113

PREMIÈRE SECTION.

ORGANES ÉLÉMENTAIRES.

On nomme élémentaires les organes des plantes, souvent à peine visibles, qui composent des organes très-visibles à l'œil nu, comme les racines, les tiges, les feuilles, les fleurs, les fruits et les graines.

C’est surtout dans ces organes composés des animaux que les différences sont bien plus grandes. Rien de semblables dans les plantes aux os, aux muscles, au cerveau et aux nerfs, ni dans les organes de la vision, de l'audition, dans ceux de la digestion, de la circulation et de la respiration.

Comme l'anatomie des animaux, et surtout celle de l'homme, a été étudiée avant celle des plantes, et que l’on a cru voir une certaine ressemblance entre ces deux grandes séries d'êtres orga- nisés, on a malheureusement adopté pour les végétaux les mêmes dénominations pour quelques-uns de leurs organes ; mais quand on a pu faire des recherches plus profondes au moyen du microscope, on a successivement trouvé d'énormes différences. Les fonctions qu'on désigne encore dans ces deux grandes classes des êtres organisés sous des dénominations semblables, montrent bien mieux les différences tranchées qui existent entr’elles.

SSI

UTRICULES.

PREMIER CHAPITRE.

Utricules (1), Méats, Cutieule, Lacunes.

&. Uirieules proprement dites.

Dès 4675, MALrIGuI avait désigné sous le nom d'Utricule de bien petites vessies, sans ouvertures connues, demi-transparentes, très-pénétrables par la sève, placées les unes à côté des autres et les unes sur les autres, qui s’observent dans toutes les parties des plantes. Elles ont des formes et des modifications nombreuses. Leurs dimensions ne sont pas en rapport avec la grandeur relative des plantes, ni de leurs organes, mais plutôt avec la consistance de leur tissu. Dans les parties molles, comme les fruits charnus, les tiges ou les rameaux des plantes grasses, ou bien celles qui sont succulentes, la partie utriculeuse centrale des tiges et des ramifica- tions du Sureau'( Sambucus), on trouve les utricules bien plus grandes que dans les parties dures, comme les bois, ete.

En, ) Si les utricules sont distantes, elles présentent PSN

(! \ leur forme sphérique native; mais, d’ailleurs, la

17

FLAN 7 pression leur donne successivement des appa-

rences extrêmement variées. Dans tous les cas,

(1) Ce mot est le diminutif d'Outre, peau de mouton cousue en forme de sac, dans laquelle on transporte encore le vin dans les contrées mon- tueuses.

Le mot d'Utricule a pour synonyme : Cellules, Tissu cellulaire, Vésicules, Tissu vésiculaire, Orgunes similaires, Bladders (des Anglais ).

UTRICULES. 115 leur adossement plus ou moins visible laisse toujours de plus ou moins grands intervalles que l'on nomme Méats. C'est par ces intervalles que “cireule la sève. (Voir le chapitre suivant.)

(Les figures ci-contre sont représentées vues à un fort Fig. 2. grossissement du microscope, il en est de même des suivantes.)

Ces ulricules constituent souvent la plus grande partie des organes végétaux. Il est même des plantes qui ne sont formées que d’utri- cules, et qui pour cela sont nommées UTRICULÉES (Agaricacées Champignons, Bryacées ou Mousses, Peltigéracées ou Lichens.)

Chez les animaux, le tissu cellulaire est probablement formé de petites lames, diversement entrecroisées, et non d’utricules ovales ou sphéroïdales, adossées les unes aux autres, comme le sont celles des végétaux ; c’est cette différence dans les tissus qui a fait adopter l'expression (très-claire), proposée par MArPiGH1, d'ufricule (ou petite outre).

Lorsque ces utricules sont jeunes, elles approchent de la forme sphérique comme dans la fig. 1 ; mais avec l’âge, et surtout lorsque leur nombre augmente, elles changent de forme par la pression mutuelle qu’elles éprouvent.

On connaît assez mal le mode de formation de ces utricules : les uns pensent qu'elles se développent dans les anciennes, qui se rompent ensuite ; d’autres auteurs pensent qu’elles naissent dedans et entre les utricules qui les ont précédées. Plusieurs faits démon- trent qu'elles croissent très-rapidement : les Champignons surtout en offrent la preuve; quelques-uns sont à peine visibles un jour, qu'ils ont déjà pris un très-grand développement le lendemain. Que de millions d’utricules ont dû, dans ce cas, se développer dans quelques heures.

Les parois des utricules ne présentent pas toujours la même appa- rence : tantôt elles sont formées par une membrane lisse et très- uniforme, ensuite elles sont marquées d’un certain nombre de petits points, ou de lignes courtes transparentes ou obliques;

116 UTRICULES.

d'autres fois elles semblent doublées par intervalles de petites bande- lettes. Ces fils ou bandelettes décrivent en général une spirale à tours plus ou moins rapprochés. On s’est assuré que ces apparences diverses ne caractérisent pas constamment différentes espèces d’utri- cules, mais que la même peut offrir successivement des apparences variées, suivant l’époque à laquelle on l’examine. Ces recherches, faites par À. DE JUSSIEU, que ses amis regretteront longtemps, nous apprennent qu'au moment nous commençons à apercevoir celte utricule, elle est sous la forme d’un petit suc formé par une membrane simple, dont la substance, d'abord molle et humide, se sèche insen- siblement et durcit. Elle peut persister dans cet état, en changeant seulement de volume et de forme; mais d’autres fois, à une époque ultérieure, il s’en forme une seconde sur toute la surface interne. Cette nouvelle membrane ne paraît pas identique avec la première dans son mode de développement; car, au lieu de s'étendre et de doubler complètement cette première, elle se rompt en divers points. Dans ceux-ci, la première n’est pas doublée par la seconde. De résulte cette inégalité d'épaisseur à divers endroits de la surface. Plus tard, on observe encore d’autres couches successives internes.

Les utricules paraissent remplies tantôt d'air, tantôt d’eau, le plus souvent d'un liquide déjà un peu élaboré et qui offre une certaine viscosité. On y trouve fréquemment de petits granules mobiles, opaques ou sans couleur, qui sont de nature amylacée et qui portent le nom de Fécule. Ces grains sont plus particulièrement contenus dans quelques parties du tissu utriculeux, comme dans les cotyles dits charnus surtout et dans l'albumen farineux des TRITICACÉES (Graminées). On trouve aussi dans les utricules de petits globules, le plus souvent appliqués contre les parois ; ils se colorent ordinai- rement en vert, lorsque la partie de la plante qui les porte estexposée à la lumière directe, et restent incolores lorsqu'elle en est privée. Ce sont eux qui donnent la teinte verte aux organes foliacés : les utri- cules qui les renferment étant transparentes. Ces globules, nommés Chromule ou Chlorophyle, paraissent être d’une nature résineuse ; ils changent de couleur en automne et passent quelquefois au rouge

UTRICULES. 117 au jaune (vigne), tandis que très-jeunes ils étaient d’un jaune verdâtre. D’après DUTROCHET, ils s'encroûtent de matière ligneuse, et le bois perd successivement de sa première demi-transparence,

On rencontre assez souvent des cristallisations dans les cavités des utricules et dans les grands vides ow lacunes qu’elles laissent quelquefois entr'elles. Il s'y forme, pendant l'acte de la végétation, un certain nombre d'acides particuliers aux végétaux, comme l'acide oxalique, malique, etc., et la plante puise l'acide carbonique dans l’eau, ainsi que l'acide silicique. D'une autre part, le sol contient en solution des alcalis minéraux, tels que la chaux, la potasse etla soude, qui sont absorbés et circulent avec la sève. Ces diverses substances doivent souvent se rencontrer dans les nombreuses cavités de la plante, et si les corps qu’elles contiennent ont des degrés d’affinités convenables, ils pourront se cristalliser en sels, de nature et de forme diverses. Il semble, au premier coup-d'œil, que ce soit une opération purement chimique qui a lieu dans les utricules , comme elle aurait lieu dans tout autre récipient ces solutions se trouveraient ,en présence, el comme on observe des cristaux, d'autant plus multipliés que les utricules sont plus avancées en àge et que l'activité vitale est plus affaiblie, on est confirmé dans l'idée que leur formation est du domaine des forces inorganiques, et non de celles de la vie. Cependant, plusieurs considérations viennent à l'appui de l'opinion contraire, et surtout l'observation de M. PAYEN, que les cristaux ne se forment pas et ne flottent pas librement dans l'utricule, mais qu’il existe un appareil particulier qui les produit et les contient. Une utricule renferme un ou plusieurs cristaux ; leur volume permet quelquefois de déterminer leur forme, mais le plus souvent ils sont réunis en grande quantité, et leur petitesse rend leur détermination difficile. Hs affectent deux dispositions : ils sont parallèles ou rayonnants.

Le tissu utriculeux forme à lui seul le cylindre utricule du centre des tiges et des rameanx du Sureau noir, que l’on désigne sous le nom de Moelle, mais qui ne ressemble que par le nom à celle des animaux et à celle du Froment Pétanielle CTriticum turgidum

118 MÉATS.

et de bien d'autres plantes. Dans sa jeunesse, cette moelle est extrèmement tendre, succulente et verte; en un mot, elle est dans toute son activité vitale ; tandis que, plus tard, elle ne présente plus que des utricules sèches et dans lesquelles la sève passe à peine.

Cet organe élémentaire, ou simple, forme, par son énorme abon- dance, la presque totalité des portions charnues ou succulentes des Pêches, des Abricots, des Melons, des Pommes, des Poires, etc. C'était avec la partie utriculeuse du Souchet à Papier (Cyperus Papyrus), que les Égyptiens formaient leur papier. Ils enlevaient, de la partie utriculeuse de cette plante des marais, des lames très- minces qui étaient placées bord à bord ou croisées, puis compri- mées et enduites ensuite, afin d'empêcher l'encre de pénétrer et de s'étendre (boire). C'était ainsi que se faisait l’ancien Papyrus.

Un autre papier complètement utriculeux est préparé de nos jours aussi sous le nom de Papyrus. I est retiré par les Chinois d’une plante aquatique connue des botanistes sous le nom de Sesbanie des marais Eschinomène des marais (Sesbania paludosa |. On enlève la partie verte qui entoure les utricules, et en coupe circulairement cette masse utriculeuse cylindrique, de manière à Jui donner les diminutions d’une feuille de papier à lettre. Ce papier, finement utriculeux, est d’un beau blanc, demi-transparent ; 1l sert aux Chinois à dessiner des oiseaux, des papillons, etc., et en Europe, il nous arrive en assez grande quantité, à faire des pétales de Roses et de Camellius, qui sont d’une grande fraîcheur.

Les poils qui couvrent les graines du cotonnier, ainsi que de ceux des surfaces poilues des végétaux, ne sont formés que d’ütricules placées bout à bout. Leur forme et leur apparence sont très-diverses.

$. Niéats.

Nous avons vu que, dans le plus grand nombre des cas, les utricules sont adossées les unes contre les autres, et qu’entr’elles, il existe Loujours un intervalle plus ou moins distinét, qui donne passage à la sève liquide nourrissier du végétal. Ce sont ces

MÉATS. 119 intervalles qui ont recu le nom de Méats {Ils sont grands dans les cas les utricules sont plus ou moins à sphériques et surtout peu nombreuses, À plus petits dans le cas elles sont M hexagones, octogones ou cubiques.Mais A ces méats existent (toujours, c'est par d eux que circule essentiellement la sève. À Les flèches qui sont représentées dans lcette fig. 3, y sont placées pour indi- À quer la circulation du liquide séveux. me 2 D'après ce qui vient d'être dit sur Fig. 3. | ces utricules, et sur les vides qui existent toujours entr'elles, on comprend que pendant la vitalité de ja plante, elles sont toujours plus moins humectées par la sève. DurrocHET a désigné sous le nom d'Endosmose (prononcez Indosmose), l'introduction du liquide dans ces utricules, et sous le nom d'Exosmose, sa sortie.

En prenant une vessie, en la remplissant à moitié de lait ou d'eau gommée, elle est ensuite liée et plongée dans de l'eau; celle-ci s'introduit à travers les parois de cette vessie par endosmose ; l'inverse a lieu si le liquide le plus dense (le plus consistant) est hors de la vessie, c'est alors par exosmose qu'il en sort. Il en arrive autant pour les utricules microscopiques des plantes : si l'eau monte en quantité entre les intervalles des utricules méats, celles-ci se gonflent, et les organes composés qui les forment se tendent, prennent de la fermeté ; si, au contraire, l’évaporation des feuilles et des partiés vertes est grande, la partie la plus liquide sort des utricules, alimente l'évaporation et les organes sont flasques.

Nous compléterons à l'article Feuille cette partie de la nutrition.

120 CUTICULE ET STOMATES.

$. Cutieule et Stomies:

d'os: AS

Toutes les parties des végétaux, exposées au contact de l'air, son revêtues d’une couche d’utricules très-minces, très fines, 10 isolent la plante d’un coptact trop direct de l'air. |

Les plantes aquatiques seules en sont dépo nes aussi, se dessèchent-elles très-rapidement lorsqu'elles ne sont ] pas rec dans l’eau. Cette membrane isolante a été désignée par AP. D CANDOLLE, sous la dénomination de Cutieule (petite peau)

(Ces figures sont toujours très-grossies. } Len) we

Cuticule et un Stomate, à Cette cuticule (fig. 4, surface supérieure) détachée d’une feuille te portante (ig- %

souvent un “oh ie ou moins considé- rable de taches ovales et verdâtres, offrant dans leur milieu une ouverture en forme de boutonnière, et que l'on nomme Sto= | mate, Ces utricules cuticulaires sont très- Fig. 5. adhérentes les unes avec les autres, mais fort peu avec les utricules, plus aqueuses, qui sont au-dessous. Cette cuticule, qu'il ne faut pas confondre axec le tissu cellulaire des auteurs, est humectable à l'air, car si on mouille la face supé- rieure ou inférieure des feuilles un peu fanées, elles reprennent leur attitude de vigueur. Cette membrane isolante est ordinairement d'autant plus coriace, qu'elle isole des organes exposés à un air très-sec et très-chaud. Dans les animaux aquatiques, la membrane qui isole leurs organes respiratoires (branchies), est aussi très- perméable à l'air contenu dans l’eau, afin de recevoir l'impression de ce corps. Peut-être, cette cuticule, humectée l'extérieur ), empêche-telle un peu l'évaporation.

CUTICULE ET STOMATES. 421

Les Stomates s’observent sur la cuticule; ils sont formés de deux utricules allongées assez fermes, plus ou moins arquées, et placées en regard, de manière que leurs bords concaves soient en dedans. Ils occupent ordinairement la face inférieure des feuilles. Ces grandes utricules sont presque droites à l'obscurité et d'autant plus arquées qu’elles reçoivent une vive clarté; c’est par ces ouver- tures que sortent les gaz, ainsi que la plus grande quantité de l'évaporation aqueuse.

C'est à Link que l'on doit cette expression qui a remplacé les dénominations nombreuses et vagues des auteurs, qui les avaient désignés sous les noms de Glandes miliaires, Glandes corticales, Glandes épidermoides, Pores, P. allongés, Grands pores, P. de l'épiderme. M. BOUSSINGAULT à vu sortir d’un stomate une bulle de gaz. Ils sont souvent peu ouverts sur les feuilles souffrantes. On les rencontre aussi sur les stipules, les écorces herbacées, les sipules verts, les carpels non charnus; ils manquent dans les racines, les pétioles non foliacés, ainsi que sur la plupart des pétales, les fruits charnus et les graines. Cependant, ces stomates sont facilement visibles sur les Marchanties dont MIRBEL a donné un si beau travail et de si belles figures.

Parmi les exceptions de position des stomates, il paraît qu'il faut citer les Liliaeées et les Fritieaeées, RUDOLPHI assure qu'ils manquent sur les piantes couvertes de poils nombreux (Marube), et lorsque les organes sont membraneux surtout. Quelques pétales en présentent à leur face extérieure, quand elle est verte. Ainsi, les pétales revenus à l’état de feuilles en offrent à leur face inférieure.

Ces stomates sont placés assez ordinairement à distances égales et sur les utricules ou entr’elles. Ils sont par lignes dans les sillons des Prèles. On les voit groupés en forme de taches dans les Saxifrages, dans la Bégonie spatulée et les Crassules. Quelques auteurs les croient placés à l'extrémité d’utricules très-allongées en fibrilles, mais tout porte à croire qu'ils sont en rapports avec les vides ou lacunes laissés entre des utricules écartées les unes des autres (comme le présente la fig. 4).

122 LACUNES.

Les stomates manquent dans les plantes fibro-utriculées parasites, quinesont pas de couleur verte (Orobanches, Latrée, Monotropes et Cuscutes), tandis qu'ils existent abondamment sur le Gui (Viscum) et les Loranthes.

Ces organes ont pour fonction de verser dans l'air la partie superflue de l’eau de la sève et les gaz qui se dégagent de la plante: l’oxigène à la vive lumière, l'air avec de l'acide carbonique en proportions très-petites pendant la nuit. Ils sont, d’ailleurs, comme les pores évaporatoires des animaux, destinés à verser la transpiration dans l'air et par moment à faire l'office de pores absorbants : c’est ce qui arrive pendant la nuit aux stomates. On saït actuellement que les plantes évaporent de jour et qu’elles tendent à observer pendant l'obscurité, car elles périssent dans les gaz délétères pendant la nuit et non de jour.

Il n’est pas probable que ce soit par les stomates que sorte le glauque (ou matière cireuse qu'on remarque sur le Æaïsin, les Prunes et les OEillets), car les stomates sont rares sur ces végétaux, ou sur quelques-unes de leurs parties.

$. Lacunes.

On nomme Laeunes ces petites cavernes ou vides que laissent quelques utricules entr'elles (fig. 4). Elles sont peut-être desti- nées à recevoir le gaz et l'humidité qui doivent sortir de la plante et aussi à contenir pendant un certain temps l'air extérieur ou intérieur qui s’est introduit par les stomates. On observe encore dans le tissu utriculeux d’autres lacunes souvent allongées et qui sont disposées assez régulièrement dans la moelle des plantes aquatiques. il semble qu'elles renferment plutôt de l'air que de l'eau. Les CYPÉRACÉES, TYPHACÉES et autres en présentent souvent. Si nous prenons à sa naissance une tige de froment, nous trouvons qu'elle est remplie d’utricules fraîches ; mais, lorsqu'elle a acquis plus de développement, son tissu utriculeux (ou moelle), se contracte, se

FIBRILLES ET FIBRES. 423 dessèche graduellement, adhère à la face interne du tube (ou chaume }, et laisse un très-grand vide. Le Jasmin officinal prend une apparence à peu près semblable.

DEUXIÈME CHAPITRE.

librilles et Fibres.

Nous venons d'étudier le plus abondant des organes élémentaires des plantes, l'Ufricule et ses principales modifications dans le tissu utriculaire, comprenant les Méats, la Cuticule, les Stomates et les Lacunes; nous avons désigné les végétaux qui n’ont que cet organe sous le nom de VÉGÉTAUX UTRICULÉS.

Voyons actuellement ceux qui présentent un nouvel organe élémen- taire : les fibrilles et les fibres. Ils constituent une série non moins importante pour le botaniste, pour l'agriculteur et pour l'industrie. Nous voulons parler des vÉGÉTAUXx FIBROUTRICULÉS.

Le passage entre l’utricule, plus ou moins allongée, et les fibrilles, est imperceptible. Ces fibrilles sont ce que les botanistes nomment

Vaisseaux, et souvent on n’en peut juger qu’en examinant leurs extrêmes.

Les fibres représentées dans cette figure sont consütuées par un certain nombre de fibrilles #-- unies au moyen des utricules, qui, elles-mêmes, | présentent des formes extrêmement variées. Ces fibres ne sont jamais seules, et ces deux organes, qu'on peut considérer comme élémentaires, affectent des dispositions infiniment variées.

Les fibrilles ne sont visibles qu'à un grossissement de 2-300 fois icur volume; elles s'observent dans presque tous les organes

124 FIBRILLES ET FIBRES. composés de plantes, elles se trouvent plus ou moins parallé- lement entr'elles ; leurs extrémités amincies sont engagées entre les extrémités d’autres fibrilles. Leurs parois sont géné- ralement assez épaisses, plus fermes que celles des utricules. Elles paraissent membraneuses et formées d'une seule lame, mais on croit qu'elles s'appliquent successivement de nouvelles couches intérieures , comme on l’a observé dans les utricules ; de sorte que l'axe, creux d’abord, se rétrécit de plus en plus, de manière à les faire paraître pleines et solides. Ce tissu se présente alors sous une apparence compacte, dans laquelle les parties pleines l'emportent de beaucoup sur celles qui sont vides. Les méats ou vides que laissent les fibrilles entr'elles sont extrêmement étroits.

D’après ADR. DE JUSSIEU, si l'on examine une plante (au micros- cope) peu de jours après sa naissance, on n’y trouve aucune trace de fibrilles , et c’est plus tard encore que les parois perdent leur homogénéité et s’allongent.

Ces fibrilles (vaisseaux des auteurs) présentent un certain nombre de modifications que nous ne suivrons pas dans ce travail, car il ne pourrait être utile dans le but pratique que nous nous sommes proposé. Cependant, nous devons ajouter que quelques-unes de Z ces fibrilles renferment des espèces despirales qui, quand la paroi se rompt, se détendent brusquement: c’est ce que les observateurs ont nommé des trachées. D’autres fois, ces prétendus vaisseaux paraissent rayés, annelés et ponctués.

Nous verrons par la suite, entraitant de la Sève élaborée, qu'un ordre de fibrilles contient des sucs imitant souvent du lait (Euphorbes et Chélidoine) : c'est ce que les bota- nistes nomment laticifères.

Nous avons vu qu'on nommeFébres des fibrilles unies entr'elles

FIBRILLES ET FIBRES 125 par un tissu utriculeux fin. Ces organes, plus solides, plus tenaces, constituent les parties les plus dures du végétal. D'abord très- délicates , insensiblement les matières salines, charboneuses , s'accumulent, et quelques-unes des parties qu'elles constituent offrent une solidité souvent très-grande. Ainsi, le Chanvre et le Lin, plongés dans l'eau ou déposés sur des prés humectés, montrent des parties bien différentes les unes des autres. Celles qui sont plus délicates et plus tendres se séparent d'autres qui sont plus dures. D'abord , l'écorce quitte Le bois, qui est composé d’un tissu plus solide. Par le rouissage, les fibres fines, mais très- résistantes de l'écorce, ne se trouvant plus liées ensemble par les utricules, beaucoup plus faciles à se décomposer, se séparent les unes des autres ; on les peigne, et elles forment notre filasse de Chanvre et de Lin. (Voir l’article Ecorce.)

Les fibres forment, en général, la partie solide des plantes; elles affermissent les tiges et leurs ramifications, de manière à résister plus facilement à l’action du vent et au choc des corps étrangers. Elles facilitent l'élévation des plantes, le développement des bourgeons, celui des feuilles, et concourent à la santé des plantes et à leur multiplication.

Quelques auteurs ont cherché à se rendre compte de l'union des utricules, des fibres et des fibrilles : suivant les uns, elles sont d'abord presque fluides, se rencontrent et s’agglutinent ; d’autres ont pensé qu'elles épanchent une matière collante qui les unit. Des membranes aussi minces, aussi perméables, laissent transuder des liquides plus ou moins collants, qui doivent se renouveler conti- nuellement par endosmose et exosmose, et que cette matière doit être cause de l'union de ces organes.

C'est à ce petit nombre d'organes élémentaires que se bornent ceux qui sont très-saisissables à La seule vue. Nous allons les voir constituer les racines, les tiges etleurs ramifications, former l'écorce, le bois et les feuilles, ainsi que tous les organes floraux.

Mais, auparavant, cherchons à comprendre les fonetions des

126 FIBRILLES ET FIBRES.

utricules , des fibrilles et des fibres. L'eau et les substances gazeuses salines qu'elle contient en dissolution constituent la sève. Elle est absorbée par les tissus délicats et utriculés qui se forment incessamment à l'extrémité de chaque ramification de racine. Elle parcourt les méats ou vides inter-utriculaires ou inter- fibrilleux, et en outre les traverse par endosmose, et parcourt ainsi tout le végétal en s'évaporant, en partie , lorsqu'elle trouve des organes verts. Après avoir subi dans tout ce trajet de nombreuses modifications, soit en dissolvant les substances qui ont commencé à s'organiser, soit après avoir subi de nouveaux changements par l’action de la lumière , par la décomposition de l'acide carbonique dont le carbone se fixe , tandis que l’oxigène se dégage dans l'air, la sève prend bientôt une plus grande consistance : elle s’est organisée et elle a nourri les nouveaux organes qui se sont formés. Cette sève, épaissie, redescend plus particulièrement par l'écorce d'utricule en utricule, et entr’elles, probablement pendant la nuit, temps pendant lequel l'ascension de la sève aqueuse est lente ; cette sève élaborée va alimenter essentiellement les racines. (Voir à l'article Nutrition pour plus de développements.)

Cr D GC @ Q EE ——

1

ORGANES COMPOSÉS DES PLANTES, 12

DEUXIÈME SECTION.

ORGANES COMPOSÉS DES PLANTES.

Les organes élémentaires que nous avons d’abord étudier forment, en s’arrangeant diversement, des organes très-visibles : les organes composés. Leur ensemble constitue la plante.

La première période de l'existence d’une plante se passe dans le fruit qui la précède. Elle tient encore à l'être auquel elle ressem- blera : cet être rudimentaire est l'embryon; son premier principe est l’utricule. Quelques autres organes semblables viennent se grouper autour d'elle sans annoncer encore une forme bien déter- minée, et l'embryon apparaît graduellement. La petite racine se forme, le ou les cotyles naissent de dessus un petit corps opposé à la racine : c’est la tige.

À côté du cotyle unique dans les Monoeotylés (fig. 9), ou entre les deux cotyles des Dicotylés (fig. 10), qui sont toujours opposés (en vis-à-vis), se trouvent parfois des feuilles rudimentaires. Ainsi, les trois appareils d'organes réellement fondamentaux du végétal existent déjà à la maturité de sa graine : la racine, la tige et les feuilles (1). La racine est déjà bien distincte; mais la tige et

(4) Ces trois organes se trouvent toujours enveloppés dans une mem- brane particulière ou derme que nous étudierons plus loin.

1 28 ORGANES COMPOSÉS DES PLANTES.

les premières feuilles ou cotylés sont très-souvent alors confondues. Ces organes aériens constituent le premier bourgeon de la plante (Gemmule des botanistes). La racine descend perpendiculairement dans la terre et se ramifie diversement; la tige s’allonge plus ou moins dans l'air; simple d’abord {le plus souvent) , elle porte des feuilles; de l’aisselle de chaque feuille naït un bourgeon qui se développe aussitôt dans la plupart des plantes herbacées qui, au contraire, semble rester stationnaire, pendant l'hiver, dans les arbres. Enfin, après avoir produit des ramifications successives, un ou quelques bourgeons , au lieu de continuer à produire autant de branches, sont transformés en autant de fleurs.

Voici d’abord, en attendant plus de développement, quelques exemples de ces embryons soumis à la germination :

Germination d’une monocotylée, présentant inférieurement la racine couverte de ses fines ramifications nommées chevelu; à gauche, est le cotyle, qui part d'une tige extrèmement courte, cachée par la base du cotyle ; et enfin, en haut et à droite, une jeune feuille qui part un peu au- dessus du cotyle, qu'on regarde ordinairement comme la première feuille de la plante.

ORGANES COMPOSÉS DES PLANTES. 129

Embryon droit dans un grand albumen charnu : racine vers le hile et à la partie pointue laquelle tenait au funicule. Autour de l’albumen est le derme.

Embryon courbé dépourvu de son derme, (peau), et dont la racine correspond à deux des bords des cotyles. Voir aussi pl. 1, fig. 7, 8, 9 et 10, pour l'embryon des Müriers.

Coupe transversale du même embryon, privé égale- ment de son derme.

Germination de deux dico- tylés. Les cotyles sont obovales dans la fioure de droite, et presque circulaires dans celle de gauche; et sur la tige, ma- nifestement allongée, au-dessus

N de la naissance des cotyles, sont

des feuilles composées.

Voir, en outre, la graine et l'embryon du Mürier, pl. 1, fig. de 7a41.

» .

150 GRAINE.

PREMIER CHAPITRE.

Graine.

La graine est vraiment le premier bourgeon à une fleur qui l'a précédée. On a toujours voulu établir des rapprochements entre les animaux et les plantes, on a dit que la graine était l'œuf végétal. Nous, au contraire, nous trouvons entre ces deux corps des diffé- rences majeures : dans l'œuf, nous ne voyons aucune trace d'organe qui rappelle l'animal ; dans la graine, les organes sont sensiblement distincts et reconnaissables.

-Cet état primaire de l'être nous présente dans les végétaux deux états bien distincts, qui nous permeltent d'établir deux grandes divisions : les SEMINIPARES, qui produisent des graines (que l’on a déja nommé aussi Phanérogames), et d'autres OVIPARES, qu'on à nommé aussi Cryptogames. Ces dénominations sont plus directe- æ meni appliquées aux végétaux. On nomme VIviPARES, les animaux qui viennent au monde avec tous leurs organes, el OYIPARES, ceux qui n'y sont déposés qu'à l’état d'œuf, lequel a besoin pour se développer du concours des grands agents atmosphériques : l'air, la chaleur et l’eau.

Nous étudierons particulièrement la graine après la fleuraison, contentons-nous de quelques points principaux qui la caractérisent. Depuis le moment elle apparaît à peine dans le fruit, jusqu'à sa maturité, elle est fixée dans la cavité de ce fruit, au moyen d’une espèce de petite corde que l’onnomme fænmieule, par laquelle elle reçoit sa nourriture, jusqu'à ce qu’elle puisse se suffire à elle-même, et souvent alors elle s'en détache. Isolée de toute autre partie qui lui est essentiellement étrangère, elle offre à son extérieur une peau plus ou moins dure, qui l’isole pendant plus ou moins de temps, c’est son derme (pl. 1, fig. 6 et 7). Sur un des points de sa surface, on observe une cicatrice aboutissait la petite corde ou funicule, par entrait sa nourriture : c’est le Bille (pl. 1. fig. 7, en haut à gauche).

,

GRAINE. 191 Plus tard, nous étudierons en détail ce derme ou peau de graine. Qu'il nous suffise pour le moment de savoir que toute la surface du derme peut être pénétrée par l’eau, excepté par son hile ou cica- trice. Ce derme est formé de trois membranes : à l'extérieur l'exo- derme, au-dessous est le mésoderme et intérieurement se trouve l’endoderme. Mais, dans beaucoup de cas, ces trois membranes sont tellement unies les unes aux autres qu'on ne peut les distinguer que difficilement.

Sous cette peau, ou pour parler plus exactement, dans ce sac clos, se trouve l'Embryæn, constitué par la racine, la tige, le ou Les cotyles. Dans ce même sac se trouve parfois un Corps, pour ainsi dire surnuméraire, l'allbuamen (pl. 1, fig. 8-10 et fig. 40 du texte). Cette graine, isolée du fruit, tombe sur laterre. Sielle est en contact avec l'air, humidité et la chaleur, elle germe. Si au contraire, ces trois agents de la vie n'existent pas autour d'elle ou que l'un d’entr’eux manque; elle peut se sécher ou se décomposer.

Les graines varient beaucoup de forme, de volume et de surface ; nous ne pouvons nous en occuper ici avec beaucoup de dévelop- pements, cependant nous devons présenter quelques-uns des points principaux.

La oraine (isolée de toute partie qui lui est étrangère) présente une enveloppe qui la protége pendant un certain temps : c'est son derme (pl. 1, fig. 7). Cette partie, dans quelques graines un peu volumineuses, est formée de trois membranes très-distinctes : dans celle de la courge (Cucurbita maxima), Yextérieure porte le nom d'exoderme (peau extérieure aussi désignée sous le nom de teste), dessous est le mésoderme (peau du milieu de l'épaisseur), endo- derme (peau intérieure), lequel est en contact avec l'embryon (s'il n’est pas lui-même enveloppé par l’albumen). (Voir aussi fig. 40 de la gravure page 174.)

L'embryon est droit dans les Amandes, sa racine occupe une extrémité, et le sommet des cotyles l’autre, sans aucune courbure. Dans les Pois, les Haricots et les Mâriers, il est courbé. (PI. 7, fig. 8,9, 10 et fig. 14 dans le texte, p. 129).

132 GRAINE.

Nous avons vu (pag. 3) que le milieu atmosphérique est formé d'azote, d’oxigène, de vapeur d’eau, de quelques millièmes d’acide carbonique, de parcelles d’ammoniaque et diode, et qu'il est traversé par la lumière, la chaleur et l'électricité. L'action de plusieurs de ces corps sur la graine est bien connue. On sait que l'eau, tenant en solution de l'air, pénètre le-derme ; elle arrive dans l'embryon, l'oxigène se combine avec l'excès de carbone de la graine et forme de l'acide carbonique ; mais comme la combinaison de ces deux corps ne peut se faire sans développement de chaleur, la température environnante s'élève, l'embryon se gonfle, il rompt son enveloppe, la racine paraït, et, comme sa dernière extrémité s'allonge, de nouvelles uiricules incessamment formées absorbent de l’eau et les corps qu'elle tient en solution, la plante continue son développement; la petite tige s’allonge de son côté dans toute sa longueur, et alors le ou les cotyles sortent de terre (Haricot et Mürier), ou bien elle ne s’allonge qu'au-dessus des cotyles qui restent en terre { Pois et Fèves).

Mais souvent les graines ne se détachent pas dans l'intérieur du fruit et tombent avec lui, s’il ne s’en trouve qu’une {dans ce fruit), alors, presque toujours, on nomme graine ce qu'on devrait nommer fruit. Beaucoup de plantes sont dans ce cas : ce que nous nommons graine dans le froment est véritablement le fruit. Après l'avoir écrasé, on en sépare les diverses parties : le grand albumen, à la base duquel est plaqué le petit embryon, est écrasé et réduit en farine, tout ce qui ne peut passer par le blutoir est le son. Mais ce son offre deux apparences très-différentes : l’un est en petites plaques minces, et garnies à leur face interne de débris de l’albumen (farineux), c’est le derme ; c’est absolument le même organe que la pellicule comme faïencée du Haricot; l'autre, en plaques plus larges et plus épaisses, lisses à leur face interne, est le gros son, ou botaniquement parlant le carpe (le même organe que la cosse ou gousse du haricot). En nous occupant de la graine de Mürier, nous trouvons aussi ces deux enveloppes ; mais encore moins faciles à voir dans ce Mürier que dans le Froment. Dans les fruits à noyau qui, le plus souvent,

GRAINE. 133 n'ont qu'une graine, ce n’est pas tout le carpe (ou enveloppe de Ja graine) qui persiste, mais seulement l'endocarpe ou l'enveloppe la plus intérieure du carpe ou noyau. Dans les Pomacées, la complication est encore bien plus grande.

Iest bien prouvé actuellement que si l’un des trois puissants agents de la nature mañque, la germination n'a pas lieu. Ainsi, on a soin de sécher lentement les graines, et une fois dans cet état, plusieurs se conservent (dans leur vie léthargique ou latente) un certain nombre d'années; ou bien, si elles sont placées profondément dans le sol, hors du contact de l'air ou de l’eau, elles restent encore dans cet état léthargique ; mais si l’on vient à retourner cette terre, et qu'elles soient S6umises à l'action de ces trois corps, on voit apparaître une abondante végétation, qui était inconnue jusqu'alors dans ce lieu.

Il est des graines (en prenant toutefois ce mot d’une manière très-générale), qui perdent très-vite leur faculté germinatrice : les Chênes sont dans ce cas. Ceux d'Amérique, dont les glards (qui sont ici de véritables fruits), nous sont envoyés dans des caisses mélangés (par couches) avec de la terre un peu humide ; ils germent pendant le trajet et nous les plantons en les déballant. Si on les avait envoyés comme notre froment, en sacs ou en caisses, ils ne germe- raient pas. Il en est de même pour nos glands d'Europe : s'ils tombent de nos arbres, ils sont couverts naturellement de feuilles humectées, en contact avec l'air et la chaleur ; nous les trouvons germés au printemps. Si les glands avaient été conservés dans nos habitations comme la majorité de nos graines, ils n'auraient pas germé au printemps, malgré que nous les eussions convenablement placés pour faire développer leur embryon.

D'autres graines, au contraire, présentent de longues années de longévité léthargique. Nous ne devons que constater ces faits, sans avoir, dans le but essentiel que nous avons à poursuivre, à citer de nombreux exemples. x

Mais, ce que nous devons répéter ici, c’est qu'il faut queles graines mürissent lentement, et qu’elles se sèchent graduellement. Une fois

134 GRAINE.

bien sèches, elles doivent êtres conservées dans un vase dont l'air ne serenouvelle que difficilement. En les semant, on doit les recou- vrir d'une petite quantité de terre fine et légère, oubien d’un peu de terreau ou de sable. Si elles sont grosses, elles peuvent être placées à 6 ou 8 centimètres de profondeur ; il faut les préserver d’une trop grande humidité, de trop de chaleur et surteut de gelée.

Quant à celles du Mürier (ou réellement aux fruits du Mürier, car on sème ses carpes ou fruits du botaniste, voir cet article plus loin), on peut les mettre en terre aussitôt après leur récolte, même entourées de leur partie succulente si l’on veut (il est cependant préférable de les en priver). On peut aussi les garder jusqu’au printemps suivant. J'en ai vu qui ont gerniéraprès deux ans de conservation.

Si on doit les conserver pour ne les semer que l'année suivante, on peut faire sécher un peu les fruits, afin de laisser la graine compléter sa maturité, puis les laver en les frottant. On fait écouler l'eau, on les passe dans une seconde, puis on les met sécher sur du papier à l'ombre, au grand air. Après plusieurs jours de parfaite dessication, on les conserve.

On pourrait bien faire le semis des fruits immédiatement après leur récolte, mais comme plusieurs graines de Müûriers se trouvent dans un même épi, les plants qui en naîtraient seraient trop rappro- chés et se gèneraient pendant leur développement.

Si la terre ou le terreau dans lequel on a fait le semis est suffisamment humecté, on se dispense de l'arroser, ce que l’on doit cependant faire quand on voit que le sol se dessèche trop. Si la terre dans laquelle on a semé est extrêmement légère, on la tasse au moyen d’une planche trouée au milieu à laquelle on adapte un manche. G

L'humidité, unie à la substance farineuse de embryon et de l’albumen du Mûrier et parfois à quelques principes huileux, devient émulsive et est utilisée par la jeune plante, La fonction du derme est d'isoler l'embryon des agents atmosphériques trop actifs sur lui, s’il était à nu, et en outre de lui transmeitre graduellement le liquide

RACINE. 135 nécessaire. On a pu faire germér des graines que l’on avait privées du sommet de la racine rudimentaire et du sommet des cotyles ; mais un cotyle entier ou des portions un peu considérables enlevées empêchent la jeune plante de se développer, ou bien souvent elle meurt bientôt après.

Huit à trente jours après, si Ja température e et les arrosements ont été convenables,on voit appar aître une tige blanche, très-tendre, du volume d'un fil et terminée par deux petils cotyles obovales, entiers, opposés, verts (que l’on prendrait véritablement pour les premières feuilles) (pl. +, fig. 44). Alors on doit avoir grand soin de la préserver des limaces surtout, qui leur font de grands ravages de nuit de grand matin. On entoure ordinairement le semis d'un bourrelet de sciure de bois, qui se colle à ces petits mollusques sans coquille, ce qui les empêche d'aller plus loin. Mais un meilleur moyen est de disperser, sur le sol qui porte le jeune plant, du coak en poudre grossière au moyen d’un tamis. Ces mollusques sont blessés par les petites pointes de cette espèce de sable et ils ne passent pas plus loin.

Cette substance, conseillée par B4RiLLET-DEscHAwPs, a le grand avantage, sur la sciure, de rester toujours granuleuse ; tandis que la sciure mouillée se couvre bientôt d’une couche comme glaireuse, ga ne blesse plus ces animaux dévastateurs. Ce moyen, bien Boile

a appliquer, doit être employé sur tous les semis.

DEUXIÈME CHAPITRE.

Racine, PI. I, fig. 11 et 12.

La racine est l'organe ordinairement souterrain, qui tient à la base de la tige, croît constamment de haut en bas par ses extré- milés libres, dont les angles, formés par ses ramifications , sont toujours en haut. Elle ne verdit pas à l'air, et si elle vit plusieurs années, elle s'organise à la manière des tiges des Dicotylées, dans

4136 RACINE.

cette grande classe que nous étudierons bientôt. Les utricules terminales augmentent incessamment ; elles sont essentiellement perméables, étant d'abord d’une délicatesse de tissu extrême et, pour ainsi dire, aqueuses. Alors, elles s'insinuent entre les moindres molécules terreuses et les plus étroites fissures des rochers. Avec l’âge, ces racines acquièrent des fibrilles qui s’enga- gent entre les utricules et forment bientôt, par leur nombre, des fibres. Leur volume augmente aussi par l'accumulation graduelle des substances solides qu'y laisse la sève, dont nous verrons qu'une grande quantité s’évapore par les feuilles. Nous avons déjà ditque c’est par les dernières extrémités de ces racines, continuelle- ment jeunes , nouvelles et très hygroscopiques, qu'elles absorbent les plus grandes proportions des substances nutritives dont la plante a besoin.

On nomme collet le point de jonction entre la base de la tige et celle de la racine. Ce point n’est souvent très-manifeste que pendant les premiers jours du développement de la jeune plante ; plus tard, dans les arbres surtout, il est impossible de distinguer la place qu'il occupait.

La seconde partie de la racine est ce que l’on nomme le corps, qui, le plus souvent, se divise et forme ses ramifications.

Peu après la germination, les jeunes ramifications sont couvertes d'un fin duvet, et bientôt elles en développent des nombreuses, qu'on nomme le chevelu.

La racine et la tige, dans tous les cas, ne peuvent se confondre : la première a ses angles de ramifica- tions en haut et les tiges en bas, et la seconde porte seule les feuilles. La figure ci-contre, appartenant à une dicotylée, offre des racines au-dessus d’une courte tige, d'où partent les,cotyles ; vers le sommet de cette AN tige sont deux feuilles alternes et composées.

Fig. 13:

RACINE. 4137

Celte figure, au contraire, représente une PA germination de MONOCOTYLÉE, dont les racines, M couvertes de poils absorbants, sortent d'autant : de gaines. Une ligne transversale indique le À] collet de la plante; au-dessus de ce point part la première feuille, et derrière est la partie féculente du grain du blé.

Toutes les racines ne naissent pas de l'embryon: il s’en déve- loppe.aussi souvent sur les parties aériennes de la plante, prin- cipalement sur les tiges et sur leurs ramifications ; on les nomme surnuméraires (ou adventives). Nous verrons à l’article Boutu- rage et Marcotte qu'elles jouent alors un rôle non moins important que les racines embryonnaires.

Les racines absorbent essentiellement, par leur dernière extré- mité, les liquides qui les entourent, et cela sans pouvoir faire un choix. C’est ordinairement (comme nous l'avons souvent dit) de l'eau qui contient en dissolution des gaz, des matières salines et des débris organiques également dissous. Les corps pulvérulents, tels fins qu'ils puissent être, n’y pénètrent jamais. À peine y voit-on quelques matières colorantes s’y introduire.

Si le liquide qui entoure les racines est trop épais, l'absorption ne peut plus avoir lieu, le végétal languit et meurt si de l’eau ne vient s’y ajouter. Les jardiniers disent alors que la plante a été brûlée.

La plante peut être empoisonnée par les substances vénéneuses (pour elle) que l’eau contiendrait.

Les racines ne paraissent pas seulement destinées à l'absorption ; elles exsudent, probablement pendant la nuit, des liquides qui,

déposés graduellement dans le sol, seront plus ou moins favorables aux plantes qu'on y placera immédiatement après elles, mais qui sont souvent nuisibles à elles-mêmes. On sait que les FABACÉES

138 TIGE.

(ou Légumineuses), telles queles Pois, Lupins, Fèves, Vesces, ete., déposent dans la terre une matière favorable aux TRITICACÉES (ou Graminées) ; on sait, contrairement aussi, que les PAPAVÉRACÉES laissent dans le sol un principe nuisible aux plantes qui leur suecè- dent immédiatement. Cette terre n’est point épuisée par la culture des Pavois, d'autres végétaux peuvent y vivre; mais ce sol est imprégné pour un an ou deux de substances nuisibles, qu'on n'a encore pu apprécier chimiquement , et qui sont détruites par le lavage causé par les pluies et par la décomposition : c'est ce que l'on nomme un terrain effrité (mais non épuisé).

On confond souvent les tiges souterraines avec les racines : ainsi, ce que l’on nomme des racines de Chiendent, de Fougère, de Réglisse, les Pommes de terre même, sont de véritables tiges, allongées et enflées. Ces mêmes parties de plantes, nommées incorrectement racines, ont leurs véritablesracines. Les Ognons el les Jacinthes sont des bourgeons souterrains vivaces et nullement des racines. Ces deux dernières plantes ont leur véritable tige souterraine, qui porte les feuilles et les fleurs, et donne naissance annuellement aux vraies racines.

TROISIÈME CHAPITRE.

La tige est la partie de la plante qui porte les feuilles , les fleurs et les fruits. Elle s’allonge seulement, chaque année, par une partie nouvellement ajoutée à la précédente, qui ne grandit plus; les marques faites à distances égales s’écartent d'autant plus pendant celte nouvelle végétation, qu'on examine les rameaux nouveaux vers leur sommet, tandis que tout ce qui était formé les années précédentes n’augmente plus qu'en diamètre. On sait que sur ce développement de l'année apparaissent les feuilles, et à l'aisselle de chacune un bourgeon.

TIGE. 139

Lorsque l'embryon commence à apparaître ; sa tige est, comme

toutes les autres parties, entièrement formée de tissus utriculeux ;

peu après, quelques fibrilles se groupent en plusieurs faisceaux

cireulairement disposés, et à leur centre se trouve le tissu utriculeux seul (ou moelle).

Voici comment sont placés les organes constitutifs, la première année de l'existence d’une tige (qui surtout deviendra ligneuse) :

En dehors,

y -.. 6si la première couche d'écorce.

y Ensuite la première année de la couche j ... ligneuse avec ses prolongements utriculeux Xe rayonnants.

... Tout le reste est le tissu utriculeux central (ou moelle).

Cette figure est considérablement grossie.

L'organisation que présente ce dessin est celle d’un végétal DICOTYLÉ, grande division à laquelle appartiennent les Müriers, qui doivent nous occuper spécialement. |

Les faisceaux fibreux sont séparés les uns des

Fig. 15. autres par des bandes d’un autre tissu utricu-

leux, beaucoup plus fin et plus dur. Ces rayons servent à établir, depuis le issu utriculeux central, les communications latérales et radiaires, jusque et y compris l'écorce. °

Nous avons vu que ces rayons primaires s'étendent du tissu utriculeux central jusqu'à l'écorce, et à travers elle-même, mais ensuite 1l s’en forme souvent de nouveaux qui prennent naissance aux nouvelles couches fibreuses annuaires. Nous verrons quelques lignes au-dessous la suite de cette modification ligneuse.

Celle des Monocotylées est toute différente.

D'abord, ce que l’on considère comme l'écorce n'est qu'un tissu utriculeux, peu garni de fibres, qui n’augmente pas en volume chaque année. L'intérieur présente des fibres spiralées dont la

#0 TIGE. disposition est très-difficile à comprendre. Elles sont dispersées dans une grande masse de tissus utriculeux.

Un grand nombre de ces fibres réunies se dirigent horizon- talement pour aller former une feuille qui, tôt ou tard, se désarticule de cette espèce d’écorce. A l'extrémité de chacune de ces fibres se trouve une légère tuméfaction, dont part supérieurement

une fibre semblable à la précédente, qui se

A \ courbe en un tour plus ou moins complet de spire, 3 AU

É | et qui, jointe à d’autres également disposées, vont #! donner naissance à une autre feuille. La base de chacune de ces fibres donne aussi naissance à un AA filament descendant, qui ressemble à une pelite Jracine, etse perd dans le tissu utriculeux

re NE) ere NY # Fe

NN

toutes les fibres ascendantes ou descendantes

35 = À

A sont comme noyées. Au lieu de trouver au centre 1 de ces tiges de MONOCOTYLÉE une agglomération de fibres compactes, c’est, au contraire, circulai- À rement qu'elles sont comme chassées.

1 Ces recherches sont dues à M. HEYLAND, dessi- nateur-botaniste genevois.

. Ja figure 46, beaucoup moins grossie, pré- sente l’arrangement transversal d’une même tige.

LOF Er

L'organisation dieotylée que nous avons commencé à exposer est celle de toutes les plantes ligneuses de France. On voit se former, entre l'écorce et le bois, deux zûnes ou couches nou- velles : l’une corticale, qui s'applique à la face interne de l'écorce

TIGE. 141 précédemment formée et augmente son épaisseur sans indiquer le plus souvent de point de contact; l'autre qui s'applique sur la face extérieure du bois (de la première année). Elle est plus particuliè- rement formée de fibres et présente à sa face interne une très-légère et compacte couche utriculeuse qui, dans beaucoup d'espèces d'arbres, indiquent les limites et les couches ligneuses de chaque année. Quand aux couches d'écorce, elles sont à peine visibles ; | elles sont organisées comme il vient d'être dit, excepté que chacune d'elles n’a pas la cuticule que porte seule la première. Les couches ligneuses et corticales continuent ainsi chaque année à se former, et chacune d’elles est beaucoup plus longue que celle qui a précédé. On doit se figurer comme deux sériesde cônes très-prolongés, pleins dans leur partie supérieure, creux dans l'inférieure, qui s'emboîtent chaque année entre le bois et l'écorce de l'année précédente, et qui augmentent annuellement l'épaisseur du tronc et de ses ramifi- cations. |

Ces couches ligneuses varient beaucoup d'épaisseur, suivant que l'année a été plus ou moins favorable à la végétation, ou que les racines plongent dans un sol meilleur ou plus mauvais, perméable ou non à l'humidité et à l'air. L

L'écorce est d’abord très-lisse dans beaucoup d'arbres, mais elle devient bientôt rugueuse dans le Mûrier, sa cuticule et quelques couches d'utricules (épiderme) sousjacentes se déchirant. Cette rugosité est encore augmentée par les lenticelles nombreuses qui se sont.élargies, ce qui donne un aspect roussâtre et comme subéreux aux Müûriers. Avec le temps, ces rugosités deviennent graduellement plus profondes, et après 15 à 20 ans, elles se confondent avec de nombreuses et profondes crevasses.

D'ailleurs, dans la plupart des arbres, les couchés ligneuses les plus internes prennent souventune texture plus ferme, plus colorée : c'est ce que l’on nomme bois parfait (cœur du bois), c’est celui dans lequel les fluides circulent peu, et quoique sa solidification continue, elle est lente. Les couches les plus extérieures, ou aubier,

142 FEUILLE.

tendent successivement à perdre cette teinte, mais c’est dans ces couches récentes que l’activité vitale est la plus grande.

Dans le Mürier, les couches ligneuses centrales ou bois parfait sont d'un brun verdâtre fauve ; elles acquièrent successivement une grande solidité et peuvent faire de bons échalas, d’exceilents manches de bêches et des triandines.

Les tiges des plantes vivaces existent longtemps : mais, étant sou- terraines, elles ont été souventméconnues, et on leur a donné parfois le nom inutile de Rhizome (Ellébore noir et Oseille ordinaire). Dans les plantes à ognons; elles sont souvent bien plus difficiles à voir, se trouvant réduites à un plateau très-bas, presque en forme de palet, quiest couvert de la base persistante des anciennes feuilles, et au centre donne naissance aux nouvelles et aux pédoncules ou au pédicelle. En dessous, ce plateau ou disque donne naissance chaque année à des racines longues et fibreuses, qui ne durent au plus qu'une année.

Quelques R£onoeotylées ont leurs fibres ascensionnelles plus régulièrement disposées que dans d’autres plantes de cette classe, toutes s’entrecroisent sur un seul plan horizontal et forment ce diaphragme (cloison transversale) que nous remarquons dans Îles Roseaux et les Froments, et donnent aussitôt naissance, à la base de leur gaîne, à de nouvelles fibres ascensionnelles aussi, qui, arrivées à une certaine hauteur, forment encore et la gaïîne et la lame de la deuxième feuille. Cette disposition continue jusqu'à une certaine hauteur, pour aller enfin former la panicule ou l'épi de fleurs. (Voir, pour plus de développements, ma Flore des Jardins, volume ).

QUATRIÈME CHAPITRE.

Feuille. CE

La feuille est cet organe ordinairement demi-charnu, très-souvent vert, le plus souvent aplati, qui naît de l'écorce sur la tige ou sur

FEUILLE. 143 ses ramifications et qui s'allonge particulièrement par sa base. Elle est presque toujours formée du pétiole, de la lame et parfois de ses stipules.

Le Pétiole (queue de feuille) est un faisceau de fibres qui partent plus ou moins bas de l'écorce, et qui, en s’épanouissant, vont concourir à la formation de la lame. Il est plus moins long : tantôt cylindrique dès sa base, canaliculé ou dilaté, et parfois engainant. Ce faisceau fibreux est quelquefois si court que la lame semble sessile {sans pétiole). Rarement le pétiole se dilate sans _produire de lame horizontale, mais une verticale ; alors les deux bords sont: l’un en haut, l’autre en bas (quelques Mimosacées,.

Dans quelques familles, entr'autres dans les Horusacées, le pétiole est accompagné à sa base de deux petites lames foliacées, très- variées de forme, quitantôtsontlhbres (Müriers); d’autres fois, unies au péliole (Rosiers), ce sont les séfpules. Dans le genre qui doit nous occuper essentiellement ici, ces deux stipules demi-membra- neuses ont une base assez large, qui se continue obliquement sur l'écorce, et avant que la lame de la feuille soit complètement développée, elles se détachent de leur base et tombent; on ne voit plus, pendant un ou deux ans après, que les cicatrices qu'elles laissent. La présence ou l'absence de ces stipules est d’une certaine importance, puisqu'elles existent manquent le plus souvent dans une famille. Ces organes sont lancéoles oblongs dans les Müûriers.

La Fame de la feuille est constituée caractéristiquement par la par- tie fibreuse. Celle-ci varie de dispositions dans divers grands groupes : ainsi, dans les Bicotylés, ces fibres se séparent angulairement ; dans les Rlonocetylés, les fibres sont parallèles. Si dans les premières elles sont disposées comme les barbes d’une plume, la lame est dite pennatifibrée ( Müriers) ; d’autres fois, le pétiole écarte ses fibres brusquement comme nos doigts, et alors elle est désignée sous le nom de palmatifibrée (Vignes). Ces fibres qui s’écartent suecessivement en embranchements plus ou moins nombreux s’évanouissent parfois insensiblement, ou d’autres fois

144 FEUILLE.

s'arrangent de mamière à former un réseau, souvent semblable a de la dentelle; ou bien, au lieu de former un réseau, elles se prolongent jusqu’au bord de la feuille et vont former des dents plus ou moins aiguës. Tout l'intervalle que ces fibres laissent est rempli par un très-grand nombre d’utricules placées côte à côte, et plus ou moins superposées suivant l'épaisseur de la feuille.

En parlant des organes en général, nous avons vu que les surfaces du végétal exposées à l'air étaient couvertes d’une seule couche d’utricules parfaitement transparente et placées côte à côte, et qu'on a désignée sous la dénomination de Cuticule.Ala face inférieure de . ces lames se trouvent aussi de plus ou moins nombreux stomates, et les Müriers en offrent {au microscope) un assez grand nombre ; aussi, leurs feuilles se fanent-elles facilement.

Dans le Saule de Babylone, dont les rameaux sont pendants, les

feuilles tournent sur leur pétiole pour que cette face supérieure soit toujours au soleil.

Dans leur jeunesse surtout, les feuilles du Mürier sont légèrement enduites d’une couche gommeuse.

La lame de la feuille est le plus souvent divisée en deux moitiés quelquefois égales, que l’on nomme lamelles. Alors , le faisceau fibreux central se nomme la dorsale ou fibre centrale. Presque toujours ces deux lamelles sont de même grandeur et largeur (Mürier); dans d’autres cas, au contraire, elles sont dissemblables ( Tilleul et Orme.)

Les fibres (improprement nommées nervures) sont ordinaire- ment plus saillantes sur la face inférieure (Wüärier) que sur la supérieure ; plus rarement, elles saillent presque également sur les deux faces ç Persil et Petite-Ciquë).

La feuille, enfin, est dite simple quand, telle lobée qu’elle puisse être, aucune de ses parties constitutives ne se détache à la fin de leur vie (ANGÉLICACÉES ou Ombellifères). Mais, comme des portions d'une feuille de rose peuvent se séparer les unes des autres ainsi que dans le Robinier fauracacia, ces feuilles sont nommées

BOURGEON. 143 composées ; chacun de leurs fragments (quise délachent à la fin de la vie de la feuille), est une foliole; quand, au contraire, les parties ne se séparent à aucnne époque de leur vie (Célerr, Angélique et Dent-de-Lion), alors ces feuilles sont dites pennatilobées ou palimatilobées; plus ou moins profondément, chacune de leur partie isolée est done un lobe.

Quant à la forme de la feuille de Mürier, elle varie assez peu ; elle est presque towjours cordiforme , plus ou moins allongée, d'une consistance plus ou moins ferme ; mais les nuances sont si peu tranchées qu'on n’a, jusqu’à présent, pu parvenir à donner le signalement exact des variétés que les jardiniers et les éducateurs de vers-à-soie désignent sous le nonrimpropre d'espèces.

Dans quelques plantes à feuilles composées , l'attitude des folioles est très-différente de jour ou de nuit; mais les feuilles simples sont, le plus souvent, peu sensiblement impressionnées par la lumière quant à leur position, et leur excitabilité est nulle.

Nous reviendrons sur les fonctions des feuilles à l'article Nutrition.

e OU CINQUIEME CHAPITRE.

Bourgeon.

On donne le nom de bourgeon au rudiment d’une plante, lequel naît sur quelque partie de la tige ou de ses ramifications ; sans fleuraison préalable et sans racines propres. Cet organe composé naît en même temps que la feuille et persiste ordinairement après sa chute. I consiste d'abord en une petite masse utriculeuse en rapport avec un ou plusieurs rayons utriculeux {médullaires). Il se trouve alors caché sous l'écorce, qu'il pousse bientôt devant lui, et il apparaît ensuite. Plus tard, les utricules de ce petit axe nouveau s'organisent en fibrilles et en fibres, et sa surface se couvre de pelites feuilles très-rudimentaires auxquelles on donne le nom d'écailles, parce qu'on leur à trouvé quelque ressemblance avec la

10

146 BOURGEON.

forme et la position de celles des poissons. Les fibres se continuent bientôt de la plante au bourgeon (ou peut-être plutôt du bourgeon à la mère-plante) ; mais le tissu utriculeux central de l'individu, comme greffé, ne communique pas visiblement avec la partie qui le porte. Ce bourgeon, formé d'une génération de feuilles qui va succéder à celle qui le portait à son aisselle , survit à cette feuille qui tombe et se flétrit (plus rarement persiste) à la fin de l'automne. Il reste (en apparence) presque stationnaire jusqu’au printemps , qui vient lui donner une plus vive impulsion et détermine son développement en branche. Nous avons vu que les écailles qui forment ordinairement ces bourgeons sont des modifications des feuilles de l’une ou l’autre de leurs parües; elles varient beau- coup de consistance et de forme. Elles sont souvent imprégnées de quelques matières insolubles aux agents atmosphériques , ou revêtues de poils qui les rendent moins perméables au froid. Ces écailles sont pressées les unes contre les autres, diversement appli- quées, roulées ou pliées, et disposées en spirales simples ou doubles , suivant que les feuilles sont alternes ou opposées , tellement contractées qu'elles semblent former des cercles con- centriques.

Nous avons déjà vu que la tige (ou axe central) d'un arbre , à sa première année d'existence, est ordinairement indivise, qu'elle porte un certain nombre de feuilles ; qu'à l’aisselle de chacune d'elles se trouve un bourgeon. Chacun d'eux, si une cause intérieure ou extérieure ne s’y oppose pas, produit un rameau. Cette évolu- tion a lieu ainsi, chaque année , au printemps. Mais assez souvent, lorsque l'humidité est jointe à la chaleur qui règne parfois au mois d'août, ces bourgeons se développent. Dans ce cas, l'arbre croit presque comme une plante herbacée.

Tant que la feuille est jeune et qu’elle a toute l’activité vitale dont elle est susceptible, elle attire la sève par l’évaporation qu'elle produit, et le bourgeon prend peu d’accroissement ; mais, lorsqu'elle commence à perdre de son activité, il s'accroît. est si vrai que c’est la cause du peu de développement

BOURGEON. 147

des bourgeons d’abord, que si on enlève les feuilles des Müriers , tous ceux qui étaient placés aux aisselles des feuilles se développent aussitôt, et quelquefois avec eux les bourgeons laté- raux (surnuméraires ou adventifs). Ainsi, l'accroissement de la feuille arrête celui du bourgeon, et plusieurs de ceux-ci (ordinaire- ment les inférieurs de la branche) ne peuvent se développer et meurent sur place. Si, au contraire, on coupe le rameau au-dessus de ces petits bourgeons, on les voit grossir aussitôt, s’allonger et se feuiller. Parmi les supérieurs, qui prennent toujours plus d’accroissement, soit parce qu’ils reposent sur un point plus herbacé, soit que la sève tende plus à se porter vers le sommet-des branches, il se passe dans ceux-ci un phénomène analogue. Tantôt le bourgeon terminal devient prépondérant: il attire la sève et prive ses voisins d’une quantité notable de nourriture : c’est ce qui arrive sauvent aux arbres résineux. D’autres fois, les bourgeons voisins du terminal prennent un accroissement plus rapide, et alors celui-ci périt et tombe. La branche alors se bifurque, ou bien l’un des latéraux se développe seul, et un rameau parait.

D'après ces faits et beaucoup d’autres que nous verrons dans l'article Greffe et ailleurs, l'individualité du bourgeon ne peut être douteuse. Ainsi, un bourgeon pris sur un individu panaché, ou seulement sur une branche à feuilles panachées, ou bien à fleurs doubles, développe ce même état au moyen de la greffe. On peut aussi multiplier, par ce moyen, un certain nombre de variétés de Rosiers, de Poiriers, ete., sur un individu du même genre sans qu'aucune d’elles n’influe très-sensiblement sur l’autre.

D'un autre côté, nous voyons des bourgeons de Lys bulbifère et du Cystoptère bulbifère se séparer spontanément, et il pousse à chacun d'eux des racines, ce qui forme autant de nouveaux mdividus.

Dans les plantes herbacées, au contraire, il ne se forme pas de bourgeons aux aisselles des feuilles, mais des rameaux tendres en partent presque en même temps qu’elles, et ainsi de suite successi- vement, jusqu’à ce que des circonstances atmosphériques, nuisibles

148 BOURGEON.

aux plantes herbacées ou même aux arbres dont la consolidation ne soit pas opérée, viennent les détruire en totalité ou dans leurs parties les plus délicates. Si ces circonstances étaient presque les mêmes pendant toute une année avec une température qui ne descendrait qu'à 4 ou 5 degrés au-dessus de zéro, sans s'élever à plus de 25 à 28, et que la température et l'humidité fussent un peu égales, nos arbres ne perdraient pas leurs feuilles pendant l'hiver : c’est ce qui arrive dans quelques contrées à nos Amandiers et à nos Cerisiers. Il est, d’ailleurs, à remarquer que ces arbres y fleurissent, mais leurs fruits n’y viennent jamais à maturité.

Chacun a pu remarquer que le point de la tige ou des rameaux d'où part une feuille est assez manifestement renflé; il s’y est déposé une certaine quantité de matière organique, élaborée par cette même feuille et accumulée pour commencer la nutrition de l'organe ou des organes qu’elle porte à son aisselle. En effet, nous voyons le plus souvent, dans l’angle qu’elle forme avec le rameau, un bourgeon; mais, généralement, il n’est pas seul; il est accompagné de deux latéraux (un de chaque côté), plus petits, mais qui grandissent rapidement si l'on supprime le central, ou qu'on coupe le rameau au-dessus d’eux : c'est ce que nous avons dit se nommer bourgeons surnuméraires ou adventifs. Hs sont parfois si petits qu’on ne les aperçoit très-distinctement que si l'on enlève le bourgeon principal ou la feuille. Si on supprimait ces trois bourgeons lorsqu'ils sont fort jeunes, et cela sans endomma- ger la partie qui les porte, on en verrait encore sortir d’autres sur le renflement d'où naît la feuille. Une étude intelligente de ces divers bourgeons facilite beaucoup la taille dans les arbres fruitiers.

Sans vouloir entrer dans tous les détails qu'offrirait cet important sujet, voici un tableau qui donnera une idée de leur manière particulière d’être :

BOURGEON. 149

dénominalions(foliacés. à.feuilles données \écailleux.

AU axillaires ? à fleurs d'après la pétolaires. mixtes | partie qui les Jstipulaires. Bourgeons _ forme. \bractéaires extraxillaires (touj. foliacés, quelq. a PAPE oliacés. souterrains rs “5 SA ie écailleux. tuniqués.

Les bourgeons du premier embranchement ne s’observent que sur les arbres, et doivent encore nous occuper. Les souterrains sont propres aux plantes vivaces, aux Liliaeées, Amarylli- sacées, etc. Nous avons vu que, dans ces deux derniers cas, les parties qui les forment sont les bases persistantes des anciennes feuilles, qui partent d'une portion de tige extrêmement courte. (Voir pour cet embranchement ma Flore des Jardins).

Par le tableau ci-dessus, nous remarquons trois modifications du bourgeon aérien, que le tailleur d’arbre doit bien connaître.

On nomme Bourgeon à feuille celui qui, comme son nom l'indique, n’est formé que de feuilles : c’est ce que les jardiniers désignent sous le nom de Bourgeons à bois ou yeux. Ce sont ceux que l’on prend pour la multiplication sans fleuraison préalable. II est important de bien les distinguer, soit pour la taille des arbres fruitiers, soit pour la greffe.

Bourgeons à fleurs (B. à fruit et Boutons des jardiniers). Ce sont ceux qui ne renferment que des fleurs ; ils sont plus courts, plus obtus que les précédents et ordinairement faciles à distinguer : les Cerisiers et les Pruniers surtout en présentent des exemples bien tranchés. Il arrive quelquefois que le bourgeon axillaire est à fleur et les latéraux à feuilles. Le jardinier ne peut ignorer ces distinctions, car il est de première importance pour lui de savoir ce qu'il doit détruire ou conserver, soit dans la taille, soit dans la greffe. Les genres qui viennent d'être cités présentent en même temps des B. à feuilles et d'autres à fleurs.

450 NUTRITION.

Enfin, on désigne sous le nom de Bourgeons mixtes ceux qui renferment ensemble des feuilles et des fleurs, c’est le cas de nos Pomimiers, de nos Poiriers, etc., mais en même temps ils ont aussi des B. à feuilles. Les B. mixtes sont encore plus gros, plus ‘courts et plus obtus que les B. à feuilles. Quand tous ces divers bourgeons sont jeunes, ils sont difficiles à distinguer, aussi se trompe-t-on parfois quand on fait des greffes ; mais en automne, et surtout au printemps, ils sont extrèmement faciles à reconnaître.

Le genre Mârier (Morus), présente des B. à feuilles, et d'autres mixtes. (Voir l'article Greffe qui complétera celui-ci).

SIXIÈME CHAPITRE,

Nutrition.

Après avoir rapidement passé en revue les organes élémentaires ou simples des plantes, nous avons ensuite étudié les organes composés qui concourent à la nutrition, tàchons de nous rendre compte de leurs fonctions.

Nous avons dit que l'atmosphère est formée d'azote, d’oxigène, de vapeur d’eau, d'acide carbonique, et qu'elle est traversée en outre par la lumière, le calorique et l'électricité. Nous savons que l'eau est indispensable dans la nature, que c’est elle qui tient en solution (outre l'air et quelques gaz) diverses autres matières inorga- niques. Nous savons encore que le sol n’est pas moins indispensable pour la vie de la plante,

L'eau, tenant en dissolution tel ou tel de ces corps ou plusieurs en même temps, s’'introduit essentiellement par les extrémités, toujours renouvelées et très-nombreuses de ses racines. Elle parcourt les intervalles incalculables que laissent entr'elles les utricules et les fibrilles, à travers lesquelles pénètre aussile liquide par endosmose. La sève, après avoir parcouru tous les organes élémentaires des racines et des tiges, arrive aux surfaces vertes de la plante une

x

NUTRITION. 151 partie de la prodigieuse quantité d'eau qui la compose s'évapore. Le liquide qui reste est devenu plus épais : de nouveaux organes élémentaires se sont formés. L'un des gaz introduit, l'acide carbo- pique, a subi un changement remarquable par l’action de la lumière solaire directe et la force vitale ; l’oxigène de l’acide carbo- nique décomposé se dégage dans l'air, et le carbone, si nuisible aux animaux et indispensable aux plantes, reste dans les tissus. L'action vitale modifie considérablement l’action mutuelle de tous ces Corps, qui vont former des parties souvent extrêmement différentes. Nous savons, d’ailleurs, que l’émanation de l’eau et de l’oxigène est abondante sous l’action du calorique et de la vive lumière, La nuit, au contraire, elle cesse, et la plante tend à absorber de l'air, ainsi que des gaz délétères qu’on lui présenterait et qui la tueraient ; tandis que par la vive lumière ils n’ont aucune action sur elle, preuve qu'ils n’en absorbent pas. La sève à pris de la viscosité ; elle contient des principes qui ne s'y trouvaient pas lors de son introduction : il s’y développe du sucre, de la gomme, des résines, des sels, et le végétal acquiert, suivant les familles, les genres, les espèces, des saveurs et des odeurs souventtoutes spéciales.

Tout porte à croire que cette sève, qui n’a aucun moteur propre, mais Sur laquelle la température et la lumière surtout agissent si puissamment, doit par conséquent se mouvoir d’une autre manière de jour et de nuit : de jour, mouvement ascensionnel plus ou moins rapide du liquide et des gaz; de nuit, presque stagnation de mouve- ment par l'absence de lumière et de calorique ; conséquemment, tendance du liquide plus lourd à descendre. De là, probablement reflux vers les racines ; mais si, chemin faisant, il y a arrêt plus ou moins prolongé aux incisions transversales, aux ligatures et à la texture des tissus placés au-dessous de ces obstacles ; si, par la greffe, le sujet ne peut élaborer autant qu’elle, il reste plus petit; si le tissu élabore beaucoup plus au-dessus de la greffe, le sujet prend moins de volume que la portion appliquée. IL est très-probable que tout se passe aussi simplement et que la sève ascendante et descendante se bornent à cela. Si celle-ci, dans sa

152 NUTRITION.

descension lente et nocturne, ne trouve point d'obstacle, elle arrive graduellement aux racines ; s’il y a obstacle, la sève séjourne, l’organisation s'y opère mieux qu'ailleurs, et il y a bourrelet formé à la lèvre supérieure. Il paraît y avoir quelques dépositions dans le sol de tel ou tel suc, par les dernières extrémités des racines, malgré qu'il n'ait pas pu être aussi bien prouvé par les expériences chimiques que par les observations de BURGMANN.

Après ce court exposé, on comprendra facilement que les organes des végétaux n’ont aucune ressemblance avec ceux des animaux, et que leurs fonctions en présentent encore bien moins. Dans le végétal, aucune trace d’organe qui puisse donner l'impulsion au liquide nutritif dans toutes les parties de l’organisation ; aucune trace de vaisseau embranché dans lequel passe ce liquide; aucune trace d'organe particulier qui ressemble à des poumons. L'eau et l'air, entrés essentiellement par les racines, servent bien à former et à modifier la sève introduite ; mais cette modification n’a aucune ressemblance avec celle que subit le sang. Celui-ci s'oxigène, c'est-à-dire qu'il débarrasse son sang du carbone qu'il avait en excès. La combustion latente qui s'opère développe la chaleur nécessaire à l'individu, pour que ses organes fonctionnent.

Le végétal, au contraire, a besoin de carbone ; mais ce dernier, ne pouvant s’introduire à l’état pulvérulent, à l'état matériel comme dans l'animal, ne pénètre qu’à l’état de combinaison avec l'oxigène ou d'acide carbonique.

Dans cette décomposition, il n'y a pas la moindre trace de combustion; conséquemment , il ne peut y avoir aucune chaleur produite avec l'évaporation de l’eau en excès, qui n’a servi en partie qu'à l'introduction obligée des substances nutritives du végétal, déjà bien des fois indiquées. L’acide carbonique, plus important encore que l'azote pour la vie de la plante, est décomposé par la vive lumière, l’oxigène se dégage par les stomates, le carbone est fixé. Cette réciprocité d'existence est encore l'une iles divines, des immuables harmonies de l'Univers.

FLEUR EN GÉNÉRAL. 153

SEPTIÈME CHAPITRE. Fleur en général.

Nous avons vu que le bourgeon normal naît de l’aisselle d'une feuille dans les arbres, et qu'il reste quelques mois dans un état presque stationnaire. Il est comme greffé sur le rameau de l'année précédente. Lorsque l'humidité et la chaleur arrivent, il quitte pour ainsi dire sa vie latente, et se développe en branche ou en fleur, suivant qu'il a reçu préalablement une alimentation plus ou moins aqueuse ou substantielle. Dans une tige herbacée, dont la vie est de beaucoup moins de durée, le bourgeon, au lieu de rester quelque temps presque stationnaire, se développe aussitôt que la feuille.

Ainsi, pour nous, le bourgeon à fleur n’est qu'a des modifi- cations de cet organe, suivant les circonstances du milieu terrestre, aérien et aqueux, jointes à la chaleur et à la lumière. De deux arbres, nés de deux graines (pepins) prises dans la même poire et déposées dans un même sol, aux mêmes circonstances atmosphériques, mais l'un en pleine terre, l’autre en pot; ce dernier, recevant une nourri- ture moins aqueuse, fleurira et fructifiera bien plus vite que celui de la pleine terre. Il en sera ainsi de deux poiriers de même prove-. nance et du même âge, qui seront mis dans deux vases égaux : l'un tenu presqu’à sec, l’autre très-arrosé. On verra encore le premier fleurir bien plus vite que l'autre.

Ce même fait s'observe dans nos promenades. Mettons deux individus d’une semblable espèce et de même âge dans deux sols différents : l'un, dans un sol fertile, convenablement humecté, poussera des rameaux vigoureux et portera de belles feuilles ; l'autre, dans un terrain sec, pierreux, qui aura peu de terre végétale, au lieu d’avoir de grands rameaux, n’en présentera plus que de courts, les feuilles en seront moins grandes et l'arbre se mettra bientôt à

154 BRACTÉE ET BRACTÉOLE.

iruit: c'est ce qui arrive aux arbres de l’Hippodrome qui, quoique jeunes, en portent déjà beaucoup. Il en est de même pour les légumes de nos jardins : tout le monde sait que des laitues bien arrosées pomment bien, et leurs feuilles sont tendres ; que la sécheresse arrive, ou qu'on les prive d’arrosements, elles montent, disent les jardiniers, c'est-à-dire qu’au lieu de développer beaucoup de feuilles, les rameaux floraux apparaissent aussitôt, et les feuilles ne sont plus mangeables, tant elles deviennent fermes. Cette dureté est produite par des utricules très-petites en comparaison du grand nombre de fibrilles qui sont également garnies propor- tionnellement de beaucoup de matières solides , au lieu d’être pénétrées d’une certaine quantité de liquide.

HUITIÈME CHAPITRE.

Bractée et Bractéole.

Les feuilles ne se transforment pas brusquement en organes floraux proprement dits ; on les voit successivement se métamor- phoser en bractées. Les Rosiers offrent souvent ce changement de la feuille en bractée. Accidentellement, nous voyons un rameau qui, dans son développement floral semble fâché d’être devenu fleur, redevient en partie feuilles : les Benoites et les Rosiers présentent parfois cette déformation; le Rosier lui-même montre assez souvent un rameau floral affectant plus ou moins exactement la forme de la rose; mais, au lieu de se terminer par des carpes et finir là, il s'allonge en une seconde fleur plus ou moins imparfaitement et même une troisième semblent s’allonger les unes sur les autres comme empilées, ou plutôt primitivement emboîtées les unes dans les autres. Quelquefois même, cet axe central se ramifie en roses latérales.

L'analogie de la feuille à la bractée est démontrée : par l'identité de leur position à l'égard de la tige et des rameaux ,

BRACTÉE ET BRACTÉOLE. 1555 puisque l’une et l’autre en ont un à leur aisselle, et que les rameaux sont alternes si les feuilles le sont; tandis que dans celles-ci, opposées (en vis-à-vis) les rameaux et les feuilles sont opposés (Lilas) ; par les plantes qui offrent un passage gradué des feuilles parfaites aux bractées proprement dites, par une succes- sion de feuilles de plus en plus altérées. (Hellébore fétide et Rosiers.)

Les bractées sont généralement plus petites que les feuilles, et souvent de la même couleur qu’elles /Lamiers). L'altération des feuilles dans le voisinage des fleurs est facile à expliquer, car elles s’amoindrissent et se simplifient à mesure que la sève développe des fleurs sessiles ou de petits rameaux floraux à leur aisselle. Lorsque les fleurs se développent en grand nombre, les bractées sont, le plus souvent, à peine visibles (Silénacées ei Hyacintha= eées). Quelquefois, elles manquent complètement (Brassicaeées et Müriers). Dans le genre Atlet les Amaryilisaeées, la bractée est si grande qu'elle enveloppe toutes les fleurs. D'un autre côté, lorsque les fleurs avortent, les bractées, à l'aisselle desquelles elles devraient se trouver, prennent un très-grand développement et souvent se colorent (Sauge Hormin et S. Sclarée). Parfois, elles ne peuvent se distinguer des feuilles que par leurs dimensions. Dans la Sauge éclatante, elles prennent une couleur extrêmement vive, et sont de la teinte des sépales et des pétales. Dans les Calla , la bractée est blanche et presque charnue ; presque foliacée dans le {rouet ou Pied-de-Veau.

La bractée qui porte à son aisselle une seule fleur prend le nom diminutif de Bractéole,

Souvent, les deux modifications du même organe existent en même temps. Ainsi, les Dahlia et les Tagètes (ou Œillets-d’Inde) ont des bractées à l'extérieur du capitule (tête de plusieurs fleurs), et chacune de celles-ci est séparée de sa voisine par une bractéole.

Dans les Angélicacées, la lame de la feuille est avortée prés desfleurs, et le pétiole, três-dilaté, enveloppe dans sa Jeunesse tou ce qui est au-dessus d'elle. Dans les Hélianthèmes, une seule de

156 FLEUR PROPREMENT DITE. süpule forme bractéole, qui se trouve alors latérale. Dans les

Violettes, les deux stipules réduites existent seules sur le pédicelle, tandis que le pétiole et la lame de la feuille sont avortés.

NEUVIÈME CHAPITRE.

lleur proprement dite.

Au-dessus des bractées et des bractéoles s’observe la fleur pro- prement dite, qui, le plus souvent, est formée de quatre rangs de feuilles si complètement métamorphosées, qu’on n’en reconnaît la véritable nature que dans ce que l’on nomme des monstruosités. D'après ce qui a été dit antérieurement, on doit conclure que la fleur n’est qu'un dernier rameau dont les spires foliacées sont portées sur un axe très-court, qui ne peut plus produire de bour- geons , à moins qu'on ne considère chaque graine comme un bourgeon portatif.

Cette fleur est tantôt sur un support plus ou moins long, que lon nomme pédicelle, et celle qu'il porte est dite pédicellée. Dans d’autres, cette fleur ne présente pas ce petit support propre, et alors elle est dite sessile : c'est le cas des Müriers. Plusieurs de leurs fleurs sont bien supportées par un axe commun, et nous avons vu que cet organe a reçu le nom de pédoncule. Ainsi, celles ues Müriers sont sans supports propres ; elles sont donc sessiles. ais, dans un certain nombre de cas, les fleurs sont groupées sur un axe commun, qui est le pédoncule de l’épi ou de la grappe.

La fleur est le plus souvent la partie de la plante la plus appa- rente; elle est essentiellement caractérisée par les organes de la frucüfication. |

On sait qu'un simple rameau d’une année porte un certain nombre de feuilles, qui sont arrangées en spirale simple. Admet- tons qu'il forme vingt feuilles disposées par spires de cinq: les cinq inférieures deviendront les sépales, les cinq suivantes formeront les

FLEUR PROPREMENT DITE. 157 pétales, c'est le rang ordinairement le plus apparent; les cinq d’après formentles étamines, et enfin les cinq supérieures les carpels. Supposons actuellement que l'axe de chaque spire se contracte fortement, tandis que la portion d’axe qui se trouve entre chaque spire conserve un certain allongement, alors les quatre spires se réduisent à des apparences d’anneaux {verticilles), espacés les uns des autres. Enfin, que l'intervalle qui reste entre chaque spire contractée se raccoureisse, et nous aurons l'appareil floral dont chaque verticille (en apparence) se sera brusquement modifié.

Si les pièces (feuilles) de chaque verticille sont semblables, elles constituent une fleur régulière ; si, au contraire, quelques-unes sont plus ou moins grandes dans leur développement, alors nous avons une fleur irrégulière.

Mais ce qui vient d'être présenté dans la formation de la fleur comme idéal est confirmé par un certain nombre de faits. Ainsi, dans le genre Silène, les sépales sont distants des pétales par l'allongement de l'axe entre la spire des premiers et celle des seconds. Dans les Capparisacées, l'axe est allongé entre les pétales et les étamines, et entre celles-ci et les carpels.

Mais ces organes présentent d’autres modifications bien plus surprenantes encore. Les pièces de chaque spire peuvent être complètement hbres entr’elles (Renoncules), ou bien les sépales peuvent être unis plus ou moins haut (les uns aux autres), alors ils sont dits unis (sépales des Œillets) ; tandis que les sépales et les pétales sont libres, et le rang central d'organes présente aussi les carpels unis plus ou moins haut par leurs carpes, ou bien égale- ment par leurs styles, ou enfin par leurs stigmates.

Mais ces spires de sépales’, pétales, étamines et carpels peuvent se coller d'un rang à l’autre : nous disons alors qu'ils sont adhé- rents. Malheureusement, dès l'origine de la science, on n'avait encore pu acquérir cette idée si simple, et on s’est torturé l'esprit pour se figurer que les pétales naissaient parfois de dessus les sépales (Roses), que les étamines en faisaient autant : de là, ces étamines hypogynes (libres), périgynes, adhérentes aux sépales

158 FLEUR PROPREMENT DITE.

sans adhérer aux carpels (Roses). Si tout enfin était soudé, les étamines partaient de dessus le carpel (Epigynes). Ces idées fausses s’effacent peu à peu, et ces faits seront bientôt rendus à l'évidence pour ceux qui voudront observer.

Des personnes qui seront pénétrées de ces vérités se rendront parfaitement compte de toutes les organisations florales et des fruits ; tout autre moyen de les considérer sera faux, et consé- quemment très-embarrassant lorsqu'on voudra chercher à s’en éclaircir.

Nous ignorons presque complètement encore quelle est la cause prédisposante qui détermine dans les plantes la transformation des organes foliacés en fleurs. Il n’y a rien de fixe sur l’âge auquel les arbres fleurissent ; on sait seulement que la chaleur, la sécheresse et la vive lumière influent puissamment sur cette modification des bourgeons. Nous avons déjà vu qu'un arbre, jeune surtout, fleurit bien plus tôt dans les contrées chaudes que dans les froides. Cette première loi est souvent contrariée : ainsi, les arbres ou même les plantes herbacées, trop arrosées ou plantées dans un sol contenant trop de débris organiques (engrais), tendent à développer beaucoup de feuilles et fleurissent plus tard.

C’est probablement par la même raison que les boutures, qui souffrent un peu par privation de sève, jusqu'à ce qu'elles aient développé des racines, ont une tendance à fleurir plus tôt. Dans les Indes-Orientales, on déchausse les racines de quelques arbres, pendant la grandé chaleur, lorsqu'on veut les faire frucüfier. Les plantes qu'on à transportées fleurissent aussi mieux la première année. Il est probable que la diminütion de nourriture aqueuse en est la cause.

Lorsqu'un végétal, dont la vie dure un certain nombre d'années, a commencé à fleurir, il continue, annuellement , à dévolopper ses fleurs si la fructification est assez précoce pour lui laisser le temps de préparer ses bourgeons à fleurs pour l’année suivante; mais s'il porte beaucoup de fruits , il arrive ordinairement qu'il est stérile l'année après. On sait aussi que dans quelques contrées la matu-

FLEUR PROPREMENT DITE. 159 nté des Olives s'opère mal, et que l’année qui suit les bourgeons à feuilles dominent, n’ayant pas pu se transformer en bourgeons à fleurs, et alors la récolte, dans des circonstances analogues , n’est plus que bisannuelle. Les Poiriers et les Pommiers sont à peu près dans le même cas : une abondante récolte de Poires et de Pommes une année (si l'on n’a pas le courage d’en supprimer beaucoup lorsqu'elles sont à moitié développement), présage avec certitude une très-faible production l’année suivante, les bourgeons à fleurs n’ayant pas eu le temps de s'organiser et n'ayant pas aecu- mulé une quantité de substance nutritive assez considérable. Les Cerisiers et les Groseillers, au contraire, dont les fruits se recueillent de bonne heure, en produisent d'autres l’année après , leurs bourgeons à fleur ayant le temps de s'organiser.

Tous ces faits prouvent évidemment que pour que la fleuraison puisse se faire, 1l doit y avoir un certain temps écoulé pour que les principes qui doivent opérer la transformation des bourgeons à feuilles en bourgeons à fleurs ait le temps de s’opérer. Jusqu'à ce ce que ce dépôt ait eu lieu, la plante ne fleurit pas, quoique exposée à une température supérieure à celle qui détermine la fleuraison ordinaire.

Ce qui prouve bien un fait connu, d’ailleurs, c’est que la tempéra- ture et la lumière sont de puissants agents de la fleuraison. Dans nos climats, les arbres fleurissent bien plus tôt les années chaudes que les froides. Les plantes mises en serre y fleurissent aussi bien plus vite qu’en pleine terre. Portées dans un climat plus chaud, leur fleuraison y est encore plus accélérée. Auguste SAINT-HILAIRE, dont tous les amis de la science déplorent la perte, a vu, le 4% avril (1816), les Péchers qui commençaient à fleurir à Brest; le 8, ils étaient entièrement fleuris à Lisbonne ; le 26, les Pêches étaient formées à Madère ; le 27, à Ténériffe , elles étaient müres. ScHÿ- BLER a constaté un fait semblable sur l'Amandier, qui fleurit dans la première moitié de février à Smyrne , dans la seconde moitié

d'avril en Allemagne , et à Christiania dans les premiers jours de juin.

460 FLEUR PROPREMENT DITE.

Les Müriers offrent aussi un exemple semblable : le 43 mai 1853, les feuilles commencçaient à peine à paraître à Lyon ; à Valence, les Mûriers étaient d’un jaune qui indiquaient la souffrance : on distinguait parfaitement du bateau à vapeur le jaune des feuilles et presque leur forme. Au Pont-Saint-Esprit, ils étaient jaunes-verts ; à Avignon, non-seulement ils étaient complètement feuillés et fleuris, mais leurs feuilles étaient d’un vert vigoureux. Toutes les deux ou trois heures, pendant cette journée de voyage rapide, le jaune faible était plus vivement teinté en vert.

Lors même qu'on supposerait connues toutes les causes météoro- logiques qui modifient l'apparition des feuilles et des fleurs , il faudrait tenir compte de la nature propre des individus , qui n’est point étrangère à l’accomplissement de ce phénomène. Ainsi, dans une position semblable, il est des Marronniers-d'Inde qui fieuris- sent quinze jours avant d’autres. Cette disposition se perpétue par les boutures et par les greffes. Il en est de même de quelques variétés de Müriers, à peine distinctes par des caractères botani- ques, qui fleurissent beaucoup plus tôt que d’autres : ainsi le Mürier Fourcade ou Pomau est beaucoup plus tardif que bien d’autres. Le Moretti et les arbres nains sont sensiblement plus précoces; d'autres développent leurs feuilles entre ces deux époques. Les tardifs offrent d’ailleurs l'avantage de geler beaucoup plus rarement. Dans tous les cas, on doit planter des uns et des autres, afin d’en profiter au besoin. Cette précaution peut devenir d'une grande importance.

Parmi les causes inhérentes aux variétés et aux individus , et qui peuvent modifier l’époque de leur fleuraison, il faut, surtout pour les végétaux cultivés, comme nous l'avons vu, compter la durée et l'abondance plus ou moins grandes des fruits que porte l'arbre. Tant qu'ils y restent, ilsattirent la sève, et les bourgeons des fleurs futures sont mal nourries. C'est en les supprimant, ainsi que les fleurs après qu'elles sont passées, qu'on hâte la fleuraison à venir.

FLEUR PROPREMENT DITE. 161

La figure ci-dessous nous aidera à faire connaître les divers organes de la fleur, dont quelques-uns ont été enlevés pour montrer l'organe central depuis sa base : tous sont libres.

À 7,21. Carpels (k° spire, la plus interne ).

:: Pétales (2° spire en comptant de l'extérieur). 4

VS Étamines (3° spire, toujours en comptant du : dehors). WE Sépales (1 spire, la plus extérieure, celle

qui est le plus souvent foliacée).

Cette autre fleur complète, puisqu'aucun organe n'en à été supprimé, est également régulière. Tous ses organes én sont libres.

Carpels libres, dont les carpes sont oblongs, les styles les surmontent, et ils sont terminés par autant de stig-

: DIR AEMAUEN males presque triangulaires. F a | // ) V4

NL °* Etamines nombreuses et libres.

AZ | D . Pétales obovales, arculaires, entiers. Ê Se Sépales lancéolés, aigus, plus courts

LRRaLEr A que les pétales.

Pédicelle portant la fleur. Fig. 149

Ces organes sont ceux qui composent le plus ordinairement la fleur, qu'on désigne alors sous le nom de Fleur complète. Les deux rangs extérieurs sont moins essentiels, ils ne servent qu'à protéger les deux séries centrales, absolument indispensables pour la propagation de l'espèce. Les modifications des feuilles, qui les forment, sont tantôt libres (les unes des autres), tantôt wntes (entre

elles), et peuvent être en outre diversement soudées d’une A1

462 FLEUR PROPREMENT DITE.

rangée à l'autre, c'est ce que nous désignons par l'expression adhérentes.

La première spire d'organes consüluant la fleur, qu'on nomme Sépales calice), est ordinairement verte. On a cru d’abord qu'ils étaient disposés en cercle, mais, par les diverses déformations dela fleur, on s’est assuré qu’elle était disposée comme les feuilles, en spirale.

LE re be Carpels Cette figure a été coupée

w r À RUES Eiamines Le long pour montrer la ef é : * Pétales superposition des organes, - ++ Sépales qui sont aussi (dans ce cas) tous libres.

Ces organes manquent rarement ; ils existent dans les Müûriers au nombre de #, et sont libres. (Voir plus loin la partie descriptive des Müriers.)

La deuxième rangée d'organes floraux (d’une fleur complète), est constituée par les Pétales { corolles des anciens botanistes). Ils forment ordinairement la partie la plus brillante de la fleur (Rose).

Ts manquent toujours dans le genre Mürier : aussi dit-on que leur fleur est incomplète ; nous verrons bientôt qu'elle l’est encore par une autre cause. Comme les sépales, ils peuvent être libres, unis, de plus parfois adhérents avec les sépales, et comme eux sembla- bles (entr’eux), ils constituent alors une fleur régulière, ou bien dissemblables, et la fleur est irrégulière. Dans les Müriers, les pétales manquent toujours, et tantôt les étamines, d’autres fois le carpel.

La troisième rangée d'organes constitutifs de la fleur se nomme Étamines, qui, comme les deux autres séries d'organes plus extérieurs qu'elles, sont libres, unies ou adhérentes. Cette rangée d'organes existe dans les Müriers à étamines (ou mâles) : ce sont

SÉPALE. 163 eux qui constituent l'individu anthéré (mâle). Les fleurs, ainsi formées dans l'arbre qui nous occupe plus particulièrement, tombent immédiatement après la fleuraison, en se détachant de l'arbre par le pédoncule qui porte l’épi (anthéré).

La rangée, ou spire centrale d’une fleur, est formée par son ou ses Carpels, qui, comme les autres organes constitutifs de la fleur, sont libres, unis ou adhérents.

Nous avons dit que le Mürier qui ne porte que des fleurs à étamines, était désigné sous le nom d’anthéré; actuellement celui qui ne porte que des carpels est nommé carpellé (ou femelle), (Voir plus loin la partie descriptive du Mürier). Mais, d'avance, il faut que nous sachions bien que ce que nous nommons vulgairement fruit dans cet arbre n’en est pas le carpel qui est au centre de la partie succulente, qu'il est sec et cassant, uni aux sépales qui se sont appliqués sur l'organe central et sont devenus succulents.

DIXIÈME CHAPITRE.

Sépale.

Les mots de calice, folioles du calice, feuilles du calice ei phylles sont autant de synonymes du mot Sépale, mot proposé par NECKER, et que l’on a bien raison d'admettre actuellement.

Les sépales, ordinairement foliacés, forment, comme nous l'avons vu, la première spire de la fleur. Is manquent rarement : ils sont au nombre de cinq, quatre ou deux dans les picoryLés et trois dans les MONOCOTYLÉS, grande classe dans laquelle ils se présentent le plus souvent sous l'apparence pétaloïde, ce qui leur fait encore quel- quefois refuser ce nom.

Ces organes sont ordinairement sessiles (sans support, vulgaire- ment queue), persistants pendant la maturation outombants, libres (entr’eux) [calice polyséphale ou polyphylle des auteurs), ou bien unis plûs ou moins haut calice monosépale gamosépale monophyle des auteurs). Ils peuvent aussi adhérer (être collés) aux

164 SÉPALE.

autres organes. S'ils sont unis, ils présentent inférieurement un tube de formes très-variées, et suivant la hauteur qu'atteint cette union, les parties non unies sont nommées /ames (limbe des auteurs, ou dents, lobes du calice).

Ces lames, ou bien les sépales libres, peuvent être affleurées les unes aux autres, et alors les sépales sont dits bord à bord (ou valvaires, les Tilleulsetles Mauves). Is sont irrégulièrement bord sur bord, lorsque les uns sont en dehors, d’autres en dedans, et d’autres recouvrant par un bord et recouvert par l'autre (Renon- cules), ou bien régulièrement bord sur bord (Pervenche).

Ces sépales sont, dans plusieurs familles, tellement unis, jusqu’en haut et tellement adhérents (Angélieaeées), que ce n’est que par d’autres exemples bien manifestes de quelques genres de la famille citée, qu'on peut être sûr de leur existence. D'ailleurs, 1l est bien convenu que nous entendons toujours par libres les organes qui n'ont aucune union (entr'eux), et par adhérents ceux qui sont collés à d’autres organes plus intérieurs ou plus extérieurs, et alors toujours portant un autre nom.

l'y .... Sépales unis en un tube, qui devient charnu avec la base des pétales et des étamines, tandis que les carpels, qu’on confond dans les Rosiers avec les graines, sont libres d'union et d’adhérence.

Fig. 21.

Dans les Renoncules (fig. 20, pag. 162), les sépales sont libres, tombants. Dans les Roses (fig. 21), dans les Pomacées, la pelure est le tube des sépales accru dans tous les sens, et à leur sommet sont cinq dents qui ne sont que les lames (non accrues}, tandis que le reste du tube l’est beaucoup. Dans les Lamiaeées, au

+ PÉTALE. 165 ‘contraire, le tube des sépales persiste, sans l’accroître, sensiblement ; pendant que dans l'Alkékenge ilprend un grand accroissement en longueur et en largeur, sans adhérer.

Les sépales unis ou libres, persistants ou non, peuvent être semblables (calice régulier), ou irréguliers (calice irrégulier ), Lamiaeées. Je ne crois pas devoir entrer dans de plus amples détails pour l’objet qui nous occupe. Qu'il nous suffise de savoir, comme nous l'avons dit, que les fleurs des Müriers ont quatre sépales libres (opposés deux à deux), se fanant sur place et tombant avec tout l’épi peu après la fleuraison dans les fleurs anthérées. Dans les fleurs carpellées, au contraire, ils deviennent suceulents, se soudent les uns aux autres (c'est ce que nous mangeons dans la Würe sous le nom de fruit); mais, en réalité, ils entourent étroitement le véritable fruit qui est le carpel, lequel renferme nécessairement la graine, ( Voir, en outre, plus loin les caractères du genre Mürier, et la pl. 1, fig. 3, 4 et 6).

ONZIÈME CHAPITRE.

Pétale (Corolle, Feuilles de la fleur

Dans l'Hellébore fétide, on voit le passage très-gradué de la feuille à la bractée et aux sépales. La figure 22 ci-dessous, montre de droite à gauche (Nymphée blanche), le passage insensible des sépales au rang le plus intérieur des étamines. Le sépale (S) est d'apparence foliacée en dessous, pétaloïde en dessus. Ce beau genro Nymphæa présente, comme excep- tion très - remarquable, d'avoir constamment, ce que nous nom- mons dans la majorité des plantes E P ù fleur double, plusieurs spires de

Fig. 22. pétales (P). Plus à gauche sont

4166 PÉTALE,

cinq rangs d’étamines (£), graduellement moins pétaloïdes. Dans le rang le plus à droite, le filet est manifestement pétaloïde et l'anthère rudimentaire; la suivante présente un filet moins large, tandis que l'anthère est plus marquée; les autres ont des filets d'autant plus étroits que les anthères s'agrandissent.

s4 ù Dans la fleur d'Amandier, figu- QT ÿ/ rée ci-contre, on voit un fragment de rameau de l’année précédente ; plus haut, une jeune branche feuil- lée qui commence à se développer. Enfin, une fleur sessile dont les sépales sont unis en tube. Au-dessus sont les cinq pétales libres (d'union), et disposés irrégulièrement bord sur bord, et au centre les étamines et le carpel libres, tandis que les autres organes sont adhérents.

On donne, comme nous l'avons vu, le nom de Pétales à cette spire d'organes floraux ordinairement d’une grande élégance, presque demi-charnus, diversement colorés, qui forment le second rang de l'appareil floral.

Les pétales manquent plus souvent que les sépales et sont généralement plus fagaces qu'eux. Ils paraissent avoir de plus grands rapports avec les étamines qu'avec les sépales, car les étamines ont une grande tendance à se métamorphoser en pétales : c'est alors que l’on nomme la fleur double. Ces organes grandissent toujours avec le bouton et parfois même lorsque la fleur s’épanouit.

Presque tout ce qui a été dit des sépales s'applique aux pétales ; ainsi, ils peuvent être libres, unis ou adhérents. Les diverses formes que présentent les feuilles se rencontrent souvent aussi dans les pétales. Ils tombent [Renoncules), se fanent sur place (Violeites). Ts peuvent être semblables (Roses), dissemblables (Dauphinelle), etc. Les pétales ont bien plus souvent un support distinct de la lame que les pétales (OEtllets) : on le désigne sous le nom d’Onglet, (c’est un véritable pétiole, mais de pétale, au lieu de l'être de feuille).

PÉTALE. 167

Cette figure (Nicotiane Tabac) présente des sépales (S) unis dans environ la moitié de leur longueur; ils en forment le tube, tandis que les parües libres en sont les lames. Il en est de même: des pétales (P), dont les longs onglets unis forment un long tube en trompe, lequel est couronné de cinq lames égales entr’elles. Au cenire s’aperçoivent Îles cinq anthères, dont on voit à peine les som- mets des filets.

Fig. 24,

La jonction de la lame à l’onglet est parfois munie d'appendices [Pétaloides) d'apparences diverses. (Silène, deux des pétales des Violettes).

Le point de départ des pétales a toujours lieu réellement sous le ou les carpels plus bas que les étamines (si celles-ci existent); mais, par suite des diverses adhérences que les pétales peuvent contracter avec les organes qui leur sont plus extérieurs surtout, ils sont regardés (faussement) comme naissant du tube des sépales dans les Amygdalacées et les Potentillacées. De cette (simple) apparence sont nées les expressions de périgynes ou calyciflores qu'il faut abandonner, et celles d'étamines insérées sur les pétales ou les sépales qui ne sont pas plus vraies.

Quand les pétales sont adhérents au tube des sépales, ils se désarticulent souvent ou ils cessent de lui adhérer; mais il ne faut pas croire qu'ils tombent entièrement : la partie qui reste concourt avec les filets des étamines à constituer la partie charnue de la Pomme, des Cynorrhodons, etc.

La position relative des pétales est souvent alterne avec les sépales : c’est ce que l'on voit facilement dans les Violettes, les Solanacées, etc.

Ces deux séries d'organes ne sont pas indispensables à la

168

reproduction du végétal,

ÉTAMINE.

mais 1ls protégent ceux de la fructifica-

ion, si importants pour la propagation de l'espèce. Ils manquent tous deux dans les Saules, dans les Müriers; les sépales seuls existent.

DOUZIÈME CHAPITRE.

Étamine ( Androcée ).

Les Étamines forment la troisième.

si 4 nthère Spire de l'appareil floral (dans une fleur

complète); elles sont formées de trois parties souvent très-distinctes : d’abord, le Filet, de forme, d'apparence et de longueur très-différentes ; il est surmonté d’un corps non moins diversifié de forme que l’on nomme Anthère. Celle-ci s'ouvre de diverses manières, et répand dans l'air une poussière très-abondante que l’on nomme Pollen, poussière fruc- üfiante (P. fécondante), dont les granules microscopiques varient aussi beaucoup d'apparence. Les anthères sont très- grandes dans les Lis, presque circulaires comprimées dans les Müriers, elles s'ouvrent chacune demi-circulairement sur leur bord.

Ces organes sont ordinairement placés devant les sépales s'ils sont sur un rang, et alternent avec les pétales ; c’est ce qui

Fig. 30.

ÉTAMINE. 169 s'observe dans les fleurs anthérées du Mürier, dans lesquelles on les croirait faire partie des sépales, tant elles y sont appli- quées.

Le filet, qui n’est que le pétiole de l'anthère, se termine le plus souvent par elle; mais, quelquefois aussi, il se pro- longe'en appendice au-dessus (Violettes).

Dans ce genre, les anthères sont sans filet (ou sessiles). Deux d’entr'elles sont prolongées en éperon, et sont sur- montées de larges appendices couleur chamois.

On a représenté dans la fig. 30, en bas, son très-court filet, les deux loges de l’anthère ouverte, et qui étaient du côté des carpels. Au-dessus est le large appen- dice qui n’est qu'un prolongement dilaté du filet, lequel dans la Nérie Laurier- rose est filiforme et poilu.

Ces filets, plus que les pétales, ont servi aux botanistes à indiquer le point apparent (seulement) de leur départ. C'est ce que: les auteurs de la méthode naturelle (ou par familles) ont désigné par le mot hypogyne, si les étamines sont parfaitement libres d'union et d'adhérence ; on les a nommés aussi thalamiflores. Nous avons vu que les pétales pouvaient adhérer aux sépales, et que lon avait dit qu'ils naissaient du calice (Potentillacées), ou bien ces filets adhèrent aux pétales (Nicotiane Tabac, fig. 24, p.167), et on les a dites épipétales, ce qui a constitué l’épipétalie de DE JUSSIEU (Adrien), et DE CANDOLLE en a fait ses corolliflores. Je le

170 ÉTAMINE.

répète souvent, on a pris les apparences pour le fait; nous devons done nous exprimer actuellement d'une manière précise et non fictive. Dans la fig. 28, p. 169, les filets adhèrent tellement au tube des pétales, que les personnes peu observatrices pourraient les croire insérés sur eux (comme on le répète trop souvent).

‘Les anthères ne s'ouvrent pas toutes en même temps : si elles forment plusieurs spires, celle de la spire la plus extérieure et qui est plus près des pétales s'ouvre avant celle qui approche le plus de l'organe central. Par suite de cetie ouverture successive, quelques- uns des granules que renferme l’anthère, en tombantsur le stigmate, le trouvera apte à recevoir l’imprégnation et à aller fructifier la graine ou les graines de l'organe central. Quand cette fleuraison se fait mal pour les vignes, les Tridieaeées, que les organes floraux souffrent ou de la gelée, ou des brouillards, que des pluies empê- chent le pollen d’être reçu par le stigmate avec des circonstances favorables, on dit que les vignes etles Froments ont coulé; cela signifie qu'il n'ont pas été fructifiés (ou fécondés).

Il est nécessaire d'entrer dans quelques détails physiologiques sur ce point important. On sait bien actuellement que le pollen contenu dans je anthères sert à fructifier le éarpel et les graines qu'il renferme, Lorsque ces deux organes -sont dans la même fleur, il n’est pas difficile de concevoir que ces milliers de granules fructifiants forment, pour ainsi dire, une atmosphère pollinique autour des carpels, et qu'il n'y a pas besoin que l’anthère et le stigmate (extrémité supérieure du carpel) soient en contacts pour que la fructification ait lieu. Les poètes et quelques botanistes-poètes ont fait beaucoup de gracieux rêves sur ce point. Cela est si vrai que les plantes qui n’ont que l’un des organes de fructification sur un individu et l’autre sur l'autre (Häriers, Chanvre, Epinards, etc.) sont bien fructifiées, souvent malgré leur distance parfois assez grande. On sait qu'en Egypte les habitants, possédant des Dattiers à fruits (carpellés) autour de leur demeure, ont soin de faire secouer sur leurs arbres le pollen qui tombe de’longues grappes de fleurs anthérées. Cette opération se

+ ÉTAMINE. 171 fait pendant les heures de la journée les stigmates sont dans un état parfait d’exsudation propre à fixer les granules polliniques qui se déchirent, et le liquide qui en sort est porté jusqu'à chaque graine, qui ne pourrait se développer sans ce contact. Celle opéra- lion est faite dans le but d'assurer la fertilité de ces Dattiers qui, cependant, sans ce moyen, auraient probablement été fructifiés si l'air avait apporté les granules polliniques des Dattiers anthérés du voisinage.

On sait, en outre, que des Palmiers nains, carpellés (Cha- mærops humilis), enfermés dans une serre, n’ont jamais porté de fruits qu'après avoir, pour ainsi dire, été poudrés, au moment de leur fleuraison, au moyen du pollen d’un individu à étamine envoyé dans une lettre et même conservé depuis quelques semaines.

Nous savons bien, au moyen du microscope, quelquefois mème de la loupe, que divers granules de pollen différent de formes et de surfaces ; mais nos remarques se bornent là; cette fructification restera à jamais aussi mystérieuse dans les végétaux que dans les animaux.

Dans cette figure (31), on a représenté une | portion du style et le stigmate considérable- ment grossis. Le style est formé de très-longues ulricules. Les utricules ovoïdes oblongues, qui sont placées au-dessus, sont les papilles stigma- lüiques; plus haut qu’elles sont trois corps irrégulièrement sphéroïdaux : ce sont des gra- nules de pollen qui, humectés par l’exsudation AA des papilles, se sont déchirés, et au-dessous, SES l'on voit le liquide glaireux, qui était renfermé Fig. 31. . * dans le pollen, s'engager entre les utricules du style, pour aller, du carpe par les funicules, frucüfier les graines rudimentaires qu'il contient.

Dans les Müriers, quoiqu'on ne trouve (ordinairement) que des fleurs anthérées ou des fleurs carpellées (toujours sans pétales) sur

172 ÉTAMINE. -

un individu, le pollen n’en est pas moins transporté (souvent à de grandes distances) de l’un à l’autre des individus ; mais ce dont on peut être étonné, c’est de trouver un si grand nombre de graines fertiles, vu le petit nombre d'individus anthérés que l’on rencontre dans les collections.

Il faut bien se rappeler que nous ne nommons pas fruit, dans le genre Mürier, la partie succulente de l’épi de l'arbre que nous recherchons, puisqu'elle est due seulement aux sépales devenus succulents. Dans leur centre se trouve un corps ovoïde sec que l'on prend vulgairement pour la graine, mais qui est le carpe ou véritable fruit, lequel renferme une ou deux graines. Ce corps, que l'on prend pour le fruit quoique ne contenant pas parfois de graines fécondées, n’en est pas moins succulent. Aussi, en écrasant un grand nombre de müres, trouve-t-on souvent très-peu de corps renfermant une graine (ou mieux un fruit) susceptible de germer.

ILest donc bien prouvé que la fructification a lieu au moyen du pollen ; mais ce qui ne l’est nullement, c’est, cette fructification opérée d’une espèce (botanique) à l'autre.

Dans les animaux, un cas bien avéré de ce croisement d'espèces a lieu entre le cheval et l'âne , ce qui forme le mulet, qu'on a comparé à nos prétendus hybrides végétaux. Aucun naturaliste , que je sache, n'a parlé de croisement d'espèces dans le genre Bœuf (Bos) (1), et cependant nous ne voyons pas un grand nombre de modifications tranchées depuis la vache naine et maigre de la Bresse , la charrolaise géante et la matérielle fribourgeoise. Ces animaux sont répandus dans une grande partie de notre globe, ils ont été modifiés par les climats, l'alimentation et les accidents de conformation.

(4) Ce genre renferme six espèces : Bœuf taureau (Bos taurus ) ; Bœuf aurochs (Bos urus); Bœuf bison (Bos americanus); Bœuf à queue de cheval ( Bos grunniens ); Bœuf du Cap (Bos Cafer) ; Bœuf buffle (Bos bubatas ).

ÉTAMINE. 173

Dans les végétaux les plus répandus dans l'univers, les espèces du genre Froment, il n’y a pas plus de croisements entr'elles qu'entre le soleil et la lune, et toute personne qui aura étudié les Céréales en vrai naturaliste, y reconnaîtra toujours de simples modifications ou variétés des espèces suivantes, et non des hybrides :

Le Froment touzelle (Triticum vulgare) ;

Le Froment durelle (Tr. durum, ;

Le Froment pétanielle (Tr. turgidum) ;

Le Froment polonielle (Tr. polonicum).

D'ailleurs , trois autres espèces , rapportées actuellement à deux genres bien distincts des Froments, sont :

L'Epeautre commune (Spélta vulgaris) ;

L'Epeautre amydonelle (Sp. amylea);

La Niviérie monoccoque (Nivieria monococcum).

Que n’a-t-on pas dit aussi sur les Ægilops ?

Ces sept espèces présentent beaucoup de modifications de variétés, mais elles ne laissent pas d'incertitude entr'elles (4). Malheureusement, il est si peu de personnes qui connaissent les vraies espèces de Froments, que chacun se croit autorisé , sans s'informer de ce qu'on à fait, à appliquer un nouveau nom à un Froment qui en a déjà trente ou quarante autres.

Quant aux Müriers, jusqu’à présent, pour nous, il n’existe que trois espèces connues, utilisées en Europe pour l'alimentation du ver-à-soie : le Mürier blanc, le multicaule et le noir. La dernière, qu'on n'a pas cru devoir multiplier par de nombreux semis, est restée fixe dans sa forme. La première, au contraire, qu’on a pro- pagée par tous les moyens connus, dans de nombreuses contrées, présente une synonymie presque aussi absurde que ‘celle des Froments (2).

(4) Voir SERINGE, Monographie des Céréales d'Europe.

(2) Voir à la fin de ce Cours, les espèces et les variétés de Müriers cultivées en Europe, qu’elles soient ou non utilisables pour l'alimentation des vers-à-soie.

174 CARPEL.

Voici quelques exemples de Carpels, dont l’un tend à revenir à l’état de feuille, et l’autre à l'apparence toute foliacée.

Fig. 32. Voir dans le texte, pag. 176,

Fig. 33. Carpel jeune et pédicellé de Fabaeée, présentant à sa base une portion du tube des sépales persistants, le carpe qui est oblong, et qui est terminé par le style, partant en formant un angle arrondi, et enfin terminé par un stigmate.

Fig. 34. Jeune fruit de-Pois cultivé, présentant en bas un court pédicelle, les sépales unis et persistants, le carpe courtement pédicellé et aplati, terminé par un court style et son stigmate, À

Fig. 35. Jeune carpel, dont le carpe est coupé en long pour montrer les graines qu'il renferme. Ce dernier est surmonté d’un long style et d’un très-petit stigmate.

Fig. 36. Jeune capitel de fruits du Sterculier à feuille äe platane, dont les carpels pédicellés sont encore clos.

Fig. 31. Même capitel de Stereulier, dont les bords des carpels sont désunis et pré- sentent des graines sphériques. Ici chaque carpel a complètement l'apparence d’une feuille.

Fig. 38. Dans le texte, pag. 176.

Fig. 39. Déformation d’une &esse (Lathyrus), dont les carpels redeviennent feuille, qu'ils étaient primitivement. Les dents très-aiguës rappellent des funicules rudi-

mentaires.

Fig. 40. Graine de €oeurge, donton a enlevé partiellement en hautles trois membranes constituant le Derme ou peau de la graine. A la pointe de cette graine, l'embryon est à nu; de la première à la deuxième ligne, on voit l’Endoderme, de la deuxième à la troisième est le Mésoderme, dans lequel se voit un gros bourrelet (presque demi-circulaire, qui est la suite du funicule); et enfin, de la ligne flexueuse inférieure à l'extrémité arrondie (qui est le sommet de cette graine) est l’Exoderme. Ces trois membranes, constituant le Derme (ou peau de la graine), sont de couleur et de texture très-différentes, de manière à bien prouver leur dissemblance.

Fig. 41. Graine de Selanacée (grossie et coupée en long), présentant à l'extérieur l'Exoderme; en dedans, une ligne ponctuée, assez épaisse, qui est le Mésoderme ; plus intérieurement est l’Endoderme. Ces trois membranes constituent le DERME. *

Plus intérieurement : encore est un grand EmgryoN en anneau droite la racine; à gauche, les deux cotyles); enfin, au centre, le grand corps ponctué qui complète, est l’ALBUMEN, qui conséquemment, dans ce cas, est enveloppé par

l'EuBrvox.

Pag 174

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CARPEL. 175

TREIZIÈME CHAPITRE.

Carpel

( Pistil des botanistes, quand celui-ci est réduit à l’unité, et non unis plusieurs ensemble) (1).

Le Carpel {vrai fruit du botaniste), sous quelque apparence de forme, d'union, d’adhérence et de texture qu’il puisse se présenter, n’est encore qu’une modification de l'organe foliaire. C’est vraiment une feuille diversement déformée, repliée sur sa face supérieure, qui devient interne. Quand il est seul, il est toujours clos. Les deux lamelles foliaires cessent rarement d'être distinctes. Sa surface extérieure présente le plus souvent dans sa jeunesse des stomates (comme la face inférieure des feuilles), et, comme elles, il produit de l’oxigène à la lumière solaire. Les fruits du Séerculier à feuilles de Platane offrent l'exemple le plus frappant de la feuille carpel- laire. (Voir fig. 36 et 37.)

Le carpel est comme la feuille, tantôt pétiolé (Baguenaudier et Pois); mais le plus souvent il est sessile /Ancolie et Renoncule).

Par suite du beau travail microscopique de MM. GuILLARD (2), que plusieurs anatomistes ont vérifié, on sait que le carpel des Fabaeées (Pois) est primitivement une petite feuille dont les bords sont écartés, et qui se réunissent un peu plus tard pendant l'organisation. |

(1) Que plusieurs de ces carpels, provenant de la même fleur, soient libres ou réunis comme un seul, c’est pour nous un CAPITEL. Ces deux états principaux du carpel isolé dans une fleur ou unis (entr’eux), ont été toujours confondus sous le nom vague de Pistil par les auteurs, ce qui a été lune des causes de l’obscurité qui règne souvent encore sur cet organe, dont les divers états sont de la plus grande importance.

(2) Mémoire sur lu formation et le développement des Organes floraux.

176 CARPEL.

= St mate J constituant par leur ensemble le Carpel

(qui varie considérablement par la lon- Style \gueur, la nature et la largeur des parties qui le composent). Voir fig. 33,34, 35, 36 et 37, vis-à-vis la pag. 474. Carpe Graine dans le carpel, coupé en long pour mon- trer sa position et le funicule qui la porte.

+

Fig. 32.

Les carpels ne présentent pas toujours un carpe surmonté en ligne directe d’un ei et d’un stigmate. Le style qui était d’abord presque " *:--Sépale. terminal, dans les Potentillaeées , La devient Lio et presque basilaire par la f Car pe. brusque dilatation de la graine à la dorsale Style. Qu carpe, graine qui prend un grand accrois- er sement latéral. (Potentillacées, surtout

e Borraginacées et Lamiacées.)

Fig. 38.

Les deux bords des lamelles carpellaires sont le plus souvent gonflés et allongés en une double masse utriculo-fibreuse , qui est essentiellement la continuation des bords porte-grames , et qui constituent le style. Ces bords s'épanouissent ensuite plus ou moins visiblement en stigmate, qui est plus particulièrement utriculeux , et qui est l’organe absorbant du fluide contenu dans le pollen. Ce stigmate, privé de cuticule (épiderme de quelques auteurs), transude, au moment il est susceptible de concourir à la fécondation, un liquide visqueux au moyen duquel les granules de pollen éclatent. (Voir page 171-173, la fig. 31 et l'explication de la fructification à l’article Etamine.)

Le carpel varie considérablement de forme, de consistance,

CARPEL. 474 d'apparence et de surface. Il nous présente des caractères très- importants, applicables aux familles, aux genres et même souvent aux espèces. Si l’on joint à ces diverses formes, déjà très-nom- breuses, les complications dues à la persistance, à la nature, à l'accroissement et à l’adhérence des organes accessoires de la fleur, on se figurera encore à peine toutes les modifications qui accom- pagnent parfois le ou les carpels, si surtout on n'a pas suivi les divers changements qui se sont opérés depuis la fleuraison jusqu’à la maturité du fruit.

Cette partie de la fleur surtout est d’une telle ob LA pour les classifications, qu'on doit l'étudier avec la plus grande attention; ce ne sera qu'en se rendant bien compte du carpel isolé, ou uni avec d’autres de la même fleur, ou même uni à d'autres carpels des fleurs voisines et qu'on aura suivi avec opinià- treté, depuis la fleuraison jusqu'à la maturité, les divers organes floraux qui viennent compliquer ce que l’on nomme communé- ment fruit, qu'on pourra parvenir à s’en rendre compte.

Après la fécondation, le carpe persiste et grandit; le style et le stigmate, nécessaires seulement avant cette époque importante de la vie de la plante, se fanent ou tombent ; toute l’activité vitale est portée vers la maturation ; aussi, les autres parties du végétal tendent-elles à décroître ou du moins ne grandissent PER plus.

Ce carpe est formé essentiellement, et plus visiblement que la feuille, de trois couches plus ou moins épaisses d’utricules et de fibrilles : La première (qui répond à l'inférieure de la feuille) est l’'EXOCARPE (extérieur du carpe), qui souvent est réduite à une membrane isolante , munie ordinairement de stomates : c’est la pellicule qui recouvre les Prunes, les Cerises, les Péchesetles Pois. La seconde, ou MÉSOCARPE (milieu de l'épaisseur du carpe), est au-dessous; elle est souvent charnue (c’est la partie sueculente de la Cerise, de la Péche, etc.), ou demi-charnue (partie essentielle- ment mangeable du carpe du Pois, surtout de la variété à grande gousse, ou cosse), abstraction de sa pellicule extérieure. Enfin, la

12

178 CARPEL.

troisième couche, plus interne, est l'ENDOCARPE (dedans du carpe), qui forme le noyau dans les Amygdalacées, La peau intérieure du carpe du Pois à écosser est tellement parcheminée que nous ne pouvons en faire usage comme aliment. Dans d’autres carpes, ces trois parües sont tellement minces qu’elles se confondent complète- ‘ment (Baguenaudier).

Tant que ce carpe est jeune, vert, en un mot, d'apparence foliacée , il dégage de l’oxigène au soleil comme la face inférieure de la plupart des feuilles. Dans la Fève, l’endocarpe (1) est poilu et non lisse comme dans le genre Vesce (Viscia), auquel on l'avait d'abord rapporté. Dans la Nigelle de Damas, l'exocarpe et le mésocarpe restent très-unis et prennent ensemble un grand déve- loppement, tandis que lendocarpe est réduit à une membrane presque transparente, appliquée sur les graines ; d’après cela, le capitel (2), formé de cinq carpes collamettaires et unis, présente, en apparence, dix loges : cinq qui renferment les graines, et cinq autres qui sont nécessairement vides.

Dans la jeunesse des Amygdalacées , les trois membranes (épaisseurs) sont peu distinctes, et présentent une égale résistance ; mais plus le fruit approche de la maturité, plus elles acquièrent de consistance très-différente pour chacune d'elles, car l'endocarpe (noyau) est très-difficile à casser ; le mésocarpe est d’une délicieuse succulence (c'est ce que l’on nomme souvent la chair ou la pulpe) ; enfin, l’exocarpe est velouté dans la Pêche ordinaire et dans l’Abricot, lisse et luisant dans la Cerise, glauque ou comme pulvérulent dans la Prune.

Je n’entre pas dans d’aussi grands détails que cet organe impor- tant le mériterait; je n’ai que fixer l'attention sur lui. Voyons

(4) Prononcez indocarpe, et non andocarpe.

(2) Agglomération de carpels; provenant d’une même fleur (Renoncules, Nigelle), ce qu’il ne faut pas confondre avec une agglomération de fleurs ( Dahlia ) qui porte le nom de Capitule. «

CARPEL. 179

cependant les particularités que présente le carpe dans les genres Mürier et Maclure, que nous avons spécialement à étudier.

En parlant des sépales, nous avons vu que les fleurs des Moru sacées étaient incomplètes, qu'elles n'avaient que des sépales et des étamines (fleurs mâles), ou des sépales et des carpels (fleurs femelles). Voici quel est l’état de cet organe :

Dans les fleurs carpellées du Müûrier, les quatre sépales ovales, obtus, un peu plus que foliacés d’abord, sont opposés deux à deux (comme le sont les pétales des Pavots). Au lieu d’être très-étalés, comme dans les fleurs anthérées, ils.sont au contraire infléchis et semblent plus larges que ceux des fleurs mâles. Ils deviennent presque méconnaissables à la maturité, si on ne les a pas suivis pendant la maturation. Ce sont essentiellement eux que l’on a nommés très-improprement fruits dans les Müriers, eux qui n’ont aucune ressemblance organique avec ce que l’on nomme fruit dans les Ronces ou Framboises (1).

Le carpel consiste ici en un carpe du volume d’un grain de millet, d'abord vert et peu ferme, et devenant par la suite, à la maturité, sec et cassant. Dans le moment de la fleuraison, il est surmonté d’un style et de deux stigmates divergents , plus longs que le style s'il existe ; ces stigmates sont cylindroïdes et plus ou moins papilleux. C'est sur ces papilles stigmatiques que doit être déposé le pollen pour opérer la fructification. (PL. 1, fig. 4, et pl. vi, fig. de 2 à 6.) Ce.carpe grossit peu, les styles se fanent et se contractent ; onne voit presque plus que les sépales, devenus succulents, qui l'enveloppent entièrement. Dans ce carpe, qu’on nomme dans le commerce une graine, se trouve, comme nous l'avons déja dit, une ou rarement deux graines pendantes. S'il n’en existe qu’une, elle remplit la cavité carpellaire; s’il en existe deux, l’une est presque toujours avortée. (Voir pl. 1, fig. 6.)

(4) Voir la récolte des fruits à la fin de l’article Graine, on recherche le carpe, constituant le fruit, que l’on récolte sous le nom de graine.

180 GRAINE.

Dans le genre Broussonétie {voir plus loin la partie descrip- tive), les sépales ne deviennent pas succulents comme dans le Mürier, et ke carpe, au heu de rester pelit et see, s’allonge, prend une demi-carnosité et une certaine transparence ; il est en forme de massue et dépasse beaucoup les sépales.

Dans la Waclure, la tète de fleurs carpellées, qui est d’abord du volume d’une grosse noisetle et hérissée de longs stigmates indivis, irès-finement papilleux, devient du volume et un peu de la couleur d'une orange encore légèrement verte, mais avec cette différence que les extrémités des longs sépales, renflés au sommet qui est obtus, sont très-entassés et imitent un peu les inégalités d’une orange commune. Dans ce singulier genre, il ne reste plus à l'extérieur de traces de styles; le carpe, qui est un peu en massue, demi-transparent et contient une graine ovoide comprimée, est caché.

QUATORZIÈME CHAPITRE.

Graine ( Semence, Pepin, Semen).

Nous avons vu que ce qu'on vend sous le nom de graine de Mürier est le carpe ou véritable fruit du Botaniste, nous avons déjà donné quelques développements sur ce sujet ; cette inexactitude se renouvelle pour beaucoup de nos prétendues graines. Cela arrive pour tous les carpels qui n’en renferment qu'une seule qui ie les distend pas assez pour les ouvrir. Ainsi, nous semons des carpels de Mais, de Froment (1) et de Murier,que nous nommons

(4) De même, quand on réduit ces grains (ou mieux fruits) en farine, nous mettons en poudre non-seulement lembryon, mais aussi le très-grand albumen qui l'accompagne. Le carpel et le derme ne pouvant s’écraser, restent sous forme d'espèces de paillettes; les plus larges, qui ne portent pas de trace de farine, sont formées par le carpe (c’est le gros son ), les

GRAINE: 181 familièrement leurs graines. Dans les Fraisiers etles Potentilles, nous semons eñcore leurs fruits : c’est d'autant plus certain, que nous pouvons reconnaitre le carpe, le style et le stigmate de chacun d'eux. |

Dans les Angélicacées et les Chicoracées, nous semons non-seulement la graine, mais autour d'elle est le carpel et le tube communs des pétales, des étamines, des sépales, tout étant adhé- rent. Dans les Amygdalacées, nous semons la graine {Amande) avec son endocarpe (1) ligneux (ou coquille).

Il est cependant vrai qu'assez souvent nous ne semons que des graines dites nues, quand elles sont privées de leur carpe (Pois).

Nous avons vu, au commencement de ce Cours, que la graine présente à l'extérieur une espèce de sac, sans ouverture apparente, que nous nommons derme; qu'il à une ou deux très-pelites cica- trices aboutissaient au hile l'extrémité du funicule qui lui appor- taitla nourriture, et le micropile par la fructification s’est opérée.

Ce derme est formé, comme le carpel, de trois membranes, souvent confondues les unes dans les autres : l’extérieure est l’exo- derme, qui est perméable par l’eau sur toute la surface, excepté aux points s’implantait le funicule. Dessous est le mésoderme : c'est dans lui que séjourne plus ou moins longtemps le liquide apporté pour l'embryon. C’est aussi dans le tissu très-utriculeux de cette membrane que passe souvent la continuité du funicule, quand il

plus petites, qui portent sur une de leurs faces (l'interne) des granulations féculentes, appartiennent au derme ou petit son. On comprend parfois dans les organes accessoires au fruit, letube commun, formé, comme nous l’avons souvent dit, par les sépales, pétales et étamines ; en écrasant la graine, il pourrait se trouver (rois sortes de paillettes ( Angélicacées ou Ombellifères ).

(4) Il est bien entendu que sous le nom de graine nous comprenons

l'embryon et son enveloppe ou derme, et même l’albumen, si elle en est accompagnée.

182 GRAINE. ne traverse pas perpendiculairement les trois membranes qui constituent le derme. La troisième, ou plus intérieure de ses membranes, se nomme endoderme; elle est souvent en contact immédiat avec l'embryon. Cette membrane est percée aussi pour donner passage au liquide nutritif qui se porte à l'embryon. C’est donc dans ce triple sac que se forme le premier bourgeon du végétal, l'embryon. (Voir fig. 40, p. 174.)

| Dans la figure 42, l'Embryon dicotylé a sa racine courbée sur la face externe de l’un des cotyles. (Le derme qui l'enveloppait a été enlevé.)

Fig. 42

Cette figure (43) représente un Embryon dicotylé, dont la racine est courbée sur les deux bords des

deux cotyles. (Le derme a aussi été enlevé.)

Fig. 43.

Celle-ci (fig. 44) offre la germination d’une Dicotylée à feuille composée-trifoliolée. (La lettre F indique les feuilles; le mot Cot. les cotyles (toujours opposés); et enfin Z, la racine. (Tous ces organes étaient enveloppés, avant la germination, par le derme.)

GRAINE. 183

Cette figure (45) représente la germination Alb.d'une Monocotylée, l'on voit en R. des racines couvertes de poils absorbants ; à la base de celles-ci sont les traces des gaînes PF. quiles renfermaient, F. indique la jeune feuille. Tout le reste est l’albumen /4{b.), très-considérable, encore enveloppé par le carpe et le derme.

Celle-ci offre encore la germination d’une Monocotylée.

R. sa racine.

Cot. son cotyle unique et très-dilaté à sa base.

F. sa première feuille et à côté de sa base R est le rudiment d’une seconde racine.

L'embryon consiste en une racine ordinairement reconnaissable, de la base de laquelle s'élève une tige d’une brièveté extrême, mais assez grande pour donner naissance à un ou deux petits organes présentant souvent une certaine épaisseur, nommés cotyles, qui sont réellement la première ou les deux premières feuilles de la plante. Quelquefois, en les écartant, on découvre des rudiments d’autres feuilles, plus semblables aux autres feuilles de la plante.

184 GRAINE.

Cet ensemble de la plante rudimentaire est tantôt sans nulle courbure, alors on dit que l'embryonest droit (Amygdalacées), fig. 10; d’autres fois, il est courbé souvent au point de jonction de la racine à la tige (fig. 42 et 43).

On trouve dans les utricules qui forment l'embryon, et généra- lement dans les cotyles, d'assez grandes proportions de fécule, d'huile et d’autres principes chimiques.

Outre l'embryon, on observe souvent, dans le sac qui le contient, une matière accessoire plus ou moins considérable, de nature féculente dans les céréales, huileuse et féculente dans le Ricin, cornée dans le Café : c'est l Albumen (périsperme). Il enveloppe souvent l'embryon (fig. 10, p. 129), ou bien il est enveloppé par lui (fig. 40, vis-à-vis la pag. 174). La fixité de la forme, de la direction de l'embryon, de la présence ou de l'absence de l’albumen etleur position relative offrent de bons caractères classiques, qu'on peut saisir assez facilement à la loupe au moyen de coupes diverses et d’un peu d'habitude. Ces corps se distinguent mieux lorsque la graine n’a pas acquis toute sa maturité. Cependant, en laissant humecter lentement, pendant un ou quelques jours des graines sèches, on parvient à apprécier la position et la forme de l'embryon et de l’albumen.

Nous avons dit que l'embryon contenait le plus souvent, dans ses cotyles surtout, une certaine quantité de fécule, nous avons retrouvé aussi dans l’albumen ce principe chimique, ainsi que plusieurs autres ; par la germination et l’action vitale, ils se dissol- vent dans la sève, se combinent diversement avec les principes de l'air, des substances minérales et l’eau qui les contient, et vont concourir au développement des parties qui se forment successi- vement dans le végétal.

CUEILLETTE DE GRAINE DE MURIER. 185

CUEILLETTE DE GRAINE DE MURIER.

Pour obtenir les graines du Mürier, il faut récolter les fruits de préférence sur un arbre vieux que trop jeune et sur des variétés à feuilles épaisses, dites entières dans ce cas, quoique dentées, et non sur une variété à feuilles minces et lobées.

On ramasse les müres à l’époque de leur maturité, en secouant l'arbre ou les branches sur des linges qu'on a placés à terre. On étale ensuite les épis de fruits sur des planches pour les sécher un peu et avancer graduellement la maturité des graines. On les met ensuite dans l’eau en les frottant entre les mains ; ces graines (véritables fruits) tombent au fond, on les relave et on décante le liquide. Elles sont ensuite étendues au grand air et à l'ombre. Si on veut les semer de suite, on n’a pas besoin d'attendre leur dessica- tion; mais si on doit les conserver, il ne faut les placer dans un vase ou dans un sac qu'après qu’elles sont bien sèches, de crainte qu'elles ne se moisissent.

186 DESCRIPTION DE LA FAMILLE.

TROISIÈME DIVISION.

DESCRIPTION DE LA FAMILLE, DES GENRES, DES ESPÈCES ET DES VARIÉTÉS.

Antoine-Laurent ne Jussieu avait placé, dans son Genera plantarum (1789), les Müûriers dans la famille des OrriEs ou Unnicx, qu'il avait divisée cn trois sections ou sous-familles. Ces trois divisions ont dû, comme celles des anciennes AMENTACÉES, devenir autant de familles, depuis qu’elles ont été mieux étudiées, ce qu’on n’avait pu faire d’abord.

Exouicuer, dans son Genera plantarum (1556), a établi les familles des Horées, des Artlocarpées, des Urticacées et des Cannabinces.

MM. Cossox et German les ont adoptées dans leur Flore des environs de Paris (1845), et il me paraît indispensable de les conserver, tout en régularisant la désinence adoptée actuellement pour les familles ; elles doivent donc être désignées sous Îles noms d’'Urticacées, de Cannabisacées, d’Artocarpacées et de Morusacées.

Voyons actuellement quels sont les caractères (ou le signalement) de ces nouvelles familles.

DESCRIPTIONS DE FAMILLES. 187

PREMIÈRE SECTION.

DIVISION DES ORTIES (JUSS.) EN QUATRE FAMILLES.

URTICACÉES (Urticaceæ, Endl. gen. 282 (1836) (1).

Pranrss le plus souvent herbacées, très-rarement lactescentes, portant souvent des poils qui produisent dans la peau une douleur très-vive.

Feurrres pétiolées, simples, opposées ou alternes, à fibres pennées; stipules oblongues-linéaires, libres, entières.

Freurs anthérées, ou carpellées sur un ou deux individus ; privées de pétales.

Freurs ANTHÉRÉES à 4 ou 5 sépales plus ou moins unis, étamines devant les sépales, libres, à filets ridés en travers et s’écartant avec élasticité. Anthères ouvrant en dedans, à loges contiguës, mais un peu écartées au sommet et à la base.

Freurs CArPELLÉES, sépales parfois inégaux et unis

A) Urticées, A.-P. de Cand. Flor. frane. 3, sect. 2. Urticées, 3, p. 321 (1805). Baril. ordin. natur. partie des Artocarpées, p. 105 (1830). Coss. ct Germ. Flor. par. p. 473 (1845).

188 DESCRIPTIONS DE FAMILLES. plus ou moins haut. Carpel libre, ovale, terminé par un style en pinceau.

GRAINE solitaire, dressée, dans un albumen.

Exoricner rapporte à cette famille les genres européens :

Ortie (Urtica); Pariétaire (Parietaria) ;

nous n'avons pas à nous en occuper dans ce Cours,

CANNABISAOMES (Serinc.) (1).

Pranrtes herbacées, à tige droite ou spiralée.

Feuicres opposées (au moins les inférieures), à fibres et lame palmée.

Freurs anthérées sur une plante, et carpellées sur l’autre.

FLEur ANTHÉRÉE à D élamines devant les sépales. Anthères bilobées.

FrEurs CARPELLÉES, sépales 5 unis, formant un tube qui entoure le carpe, lequel est surmonté par un style court, terminé par deux longs stigmates filiformes.

Carre entouré par le tube des sépales, sec, crustacé.

Graine pendante, sans albumen. Embryon plié ou spiralé. Racine au hile.

Les genres Chanvre (Cannabis), Houblon (Humulus), appartiennent à cette famille ; nous n’avons pas non plus à nous en occuper.

1) Cannabineæw, Endl. gen. plant. p. 286 (1836). Coss. et Germ. flor. par. p. 470 1845).

DESCRIPTIONS DE FAMILLES. 189

ARTOCARRPACEES (Serinc.) (1).

Ansres à suc laiteux, à rameaux creux, spontanés entre les tropiques d’Asie et d'Amérique.

Feuirres alternes, pétiolées, simples, entières, ou dentées ; à stipules libres, caduques.

Freurs anthérées ou carpellées sur deux plantes ou sur une seule, le plus souvent entourées de bractées, et portées sur un réceptacle commun plus ou moins évasé.

Freurs ANTHÉRÉES sessiles sur le réceptacle. Éta- mines devant les sépales, parfois un peu unies au tube des sépales. Filets minces, filiformes. Anthères ouvrant en dedans et en long.

Freurs carpecrées nombreuses, également portées sur un gros réceptacle, plus ou moins féculent ou sucré, à sépales parfois unis.

Carrez sessile, renfermant une seule graine pen- dante, terminé latéralement par un style.

Gras dressée ordinairement. Gotyles épais. Racine courte, dirigée en haut ou latéralement. Albumen nul.

Plantes entièrement exotiques , très-rarement dans nos serres, parmi lesquelles se trouve l’ Arbre à pain ( Artocarpus incisa ]. Il faudrait peut-être en exclure les Figuiers {Ficus], car les carpels mûrs ressemblent beaucoup à ceux des Maclures.

(1) Artocurpeæ, End. gen. p. 278 (1830),

190 . DESCRIPTIONS DE FAMILLES.

MORUSACÉES (Scrinc.) (1).

Arsres à suc laiteux.

Feuizres alternes, variables, surtout dans leur lobation ; à stipules linéaires-lancéolées, tombant de bonne heure, et laissant à leur chute autant de lignes presque horizontales sur le rameau.

Freurs anthérées et fleurs carpellées séparées, le plus souvent sur deux plantes différentes; dispo- sées presque toujours en épi.

Freurs ANTHÉRÉES à 4 sépales à peine unis, bord sur bord; filets filiformes, infléchis d’abord, parfois transversalement plissés, placés devant les sépales et les dépassant au moment de lancer le pollen. Anthères courtes, un peu échancrées aux extrémités, ouvrant en long en dedans.

FLeurs GARPELLÉES à 4 sépales, opposés 2 à », foliacés d’abord, puis succulents ou membraneux à la maturité du fruit. Carpel sessile ou pédicellé, ovoïde, sec /{Müûrier), charnu /Broussonétie)], ou mem- braneux /Maclura). Style indivis, fourchu ou nul.

Graixe pendante, le plus souvent solitaire, albumen corné, renfermant un embryon courbé, racine au hile.

Cette famille étant la seule qui nous intéresse dans ce moment, nous allons en décrire les genres, les espèces et les variétés.

(1) Morées, Endl. prodr.. flor. norf. 40, et gen. p. 277 (1830). Broussonetices Morées, Chlorophorées, Ficées et Dorsténiées, Gaud. ad freyc. p. 509 ( ). D'ailleurs, le mot, s’il avait eu une désinence régulière, aurait fait croire qu'il venait du mot

Moræa, plante monocotylée.

F

MURIER. MURIER BLANC. A91

DEUXIÈME SECTION.

GENRE ET ESPÈCES DE MURIERS.

a ——

GENRE 1. MURIER (1) (MORUS, TOURNEr. inst. À, p. 589, tab. 362 (1719), et dans ce travail, pl. de 1 à xx.

FLEURS ANTHÉRÉES en épis ovoides ou oblongs (sur un individu, caduc après la fleuraison). Etamines, 4.

FLEURS CARPELLÉES aussi en épis ovoides ou oblongs, sur l'autre; sépales persistants, grandissant et devenant succulents, s'appliquant sur le carpel sec et cassant. (C’est cet ensemble que l’on nomme vaguement fruit.) |

CARPEL terminé par deux stigmates sans style ou par un style finissant par deux stigmates.

PREMIÈRE ESPÈCE.

MURIER BLANC (MORUS ALBA, Linx. spec. 1398 (1764). SERING. Mür. pl. de 1 à XVII.

ARBRE de taille moyenne, souvent presque chauve sur toutes ses parties aériennes , d’un bois roux (dans les couches solides), blanc (dans son aubier).

BOURGEONS écailleux, ovoides et à écailles imbriquées.

1) Anciennement on disait Meurier,

192 MURIER BLANC.

FEUILLES alternes, simples, souvent chauves et luisantes, à fibres pennées, échancrées à leur base, dentées, parfois lobées, pétiolées et à stipules linéaires-oblongues, entières, pointues , demi-membra- neuses, existant toujours sur les jets vigoureux, nulles sur les rameaux faibles ; laissant à leur chute, qui à lieu de bonne heure, deux cicatrices transversales sur les parties latérales de la base du pétiole.

FLEURS incomplètes, disposées en petits épis à l’aisselle d’un certain nombre de feuilles, surtout vers la base de ceux d’une vigueur médiocre ; celles à étamines ordinairement sur un arbre, et celles à carpels sur l’autre.

ÉPT 4 ÉTAMINES ou mâle (pl. x1i, fig. 1 ; pl. xvi, fig. 4, etc.), oblongs, obtus , à fleurs peu serrées , toujours sessiles, tombant après la fleuraison.

SÉPALES (pl. 1, fig. 1-3), 4 membraneux, oblongs-obtus, opposés-croisés et ouverts. Etamines %# devant les sépales et une fois plus longues qu'eux; anthères courtes , irrégulièrement circulaires, échancrées aux extrémités, s’ouvrant largement sur les bords flexueux, et fixées au sommet du filet par le milieu du dos. Au centre de la fleur, on remarque parfois un rudiment de carpel mal conformé.

ÉPT CARPELLÉ ou femelle (pl. 1, fig. 4), ovoïde ou presque sphérique, à fleurs très-rapprochées , pédoncule à peu près de la longueur de l’épi; sépales #, comme dans celles à étamines, mais persistant et devenant bientôt charnus, assez étroitement appliqués sur le carpe qu'ils recouvrent d’abord, puis se soudant entr’eux à mesure qu'ils deviennent plus succulents. Carpel terminé par deux stigmates séparés dès le sommet du carpe ou portés sur un style.

CARPE (pl. 1, fig. 6), réduit à sa maturité, a un corps ovoide-len- ticulaire, mince, cassant (que l’on vend dans le commerce sous le nom de graine) et qui renferme réellement une ou rarement deux graines; quand il n’y en a qu'une, elle remplit le carpe.

GRAINE (pl. 1, fig. 7-10) également de forme ovoïde-lenticulaire, renfermant un embryon très-courbé, à longue racine, dans un

MURIER BLANC: 193 albumen. A la germination, les cotyles (pl. r, fig. 11) sont entraînés à l’air sur une petite tige; ils sont elliptiques, très-obtus, foliacés et soulève parfois le carpe tapissé par le derme, qui est aussi soulevé du sol.

Presque tout le monde nomme fruit la partie que nous mangeons sous le nom de Müre ; mais cette partie suecculente n’est réelle- ment pas le fruit pour le botaniste (comme il a été dit plusieurs fois) ; car cette suceulence n’est produite que par les sépales persis- tants dans la fleur carpellée seulement; ce sont les sépales qui se collent les uns aux autres, tout en enveloppant étroitement le véri- table fruit ou carpe. Les caractères de couleur des sépales sont totalement insignifiants pour distinguer même les variétés.

La culture, les sols, les climats et l’exposition ont considé- rablement influé sur cet arbre, source de tant de richesses, que quelques personnes ont été tentées d’en faire plusieurs espèces, ou au moins de regarder telle ou telle variété comme autant d'espèces qui ont reçu aussitôt un nom (d'espèce jardimière). Chacun s’est cru autorisé à donner à telle ou telle modification un nom qui la lui rappelle. C’est toujours ce qui arrive à nos plantes, culüivées presque partout; à nos céréales, par exemple, qui, au lieu d’un nom, en ont cinquante dans une même langue.

Ce n’est qu'avec un bien grand travail que j'ai pu, particulière- ment au moyen de l'immense collecüon de MM. AUDIBERT et de leurs conseils, que je tente de caractériser quelques variétés, et de donner leurs synonymes. Après plusieurs voyages auprès de ces savants horticulteurs , aidé de leur inépuisable complaisance, j'ai pris sur les lieux des échantillons à divers âges; je les ai décrits et desséchés sur place, et souvent confrontés les uns avec les autres.

On regarde ordinairement le Mürier comme ayant les fleurs anthérées (mâles) sur un arbre, etlesfleurs carpellées (femelles) sur un autre, ou, autrement dit, les Mûriers sont dioïques ; mais iln’en est pas toujours de même : j'ai eu occasion de voir, chez MM. Aupr- BERT et ailleurs, de fréquentes exceptions : ainsi, sur un arbre, on trouve des épis de fleurs à étamines et d’autres à carpels, disposition

13

194 MURIER BLANC.

que les botanistes nomment monoique, et cela varie même à tel point qu'une année un arbre est assez généralement à fleurs anthérées, tandis que l’année suivante ce sont les fleurs carpellées qui dominent. Ces modifications des organes de la reproduction varient parfois à tel point qu'on trouve sur le même épi et des fleurs anthérées et d’autres qui sont carpellées.

Ces faits ne peuvent s’observer aussi facilement sur les Müriers fréquemment taillés, mais bien sur ceux qui sont à peu prè: abandonnés à eux-mêmes, et que l’on ne taille pas. Cela prouÿe, ainsi que bien d’autres cas le constatent, quele bourgeon rudimen- taire, alimenté de diverses manières, peut tantôt produire ou une branche à feuilles, ou des ramifications florales.

Un Mürier, ou tout autre genre d'arbre, pendant les premières années de son existence, ne donne que des feuilles. A leur aisselle, poussent des fleurs; alors, les branches modifiées ne produisent plus de rameaux; cette portion de l'individu cesse de croître, à moins qu’il ne produise des graines.

Jusqu'à présent, on n’a trouvé que les feuilles du Mürier blanc (et ses nombreuses variétés), celles du Mürier multicaule et celles du Märier noir qui aient pu servir utilement à la nourriture du ver-à-soie. Toutes les autres plantes essayées ne m'ont produit qu'un résultat de pure curiosité et sans applications utiles.

On a donné à ces insectes des feuilles de Scorzonère ( Scorzo- nera hispanica), qui ont pu mener jusqu’au terme de leur vie un certain nombre d’entr'eux. M. JouRDAN m'a montré, dans le Musée de Lyon, des cocons obtenus de trois générations succes- sives du Bombix du Mürier, faites avec la feuille dela Scorzonère d'Espagne. Le cocon de la troisième était très-petit, fort mince et d’un jaune citron. D’autres ont vécu pendant quelque temps avec la feuille de la Ronce des haies (Rubus fruticosus), celle de Laitue (Lactuca sativa capitata). M. ROBINET a cité un éducateur turc qui est parvenu à nourrir ses vers-à-soie en leur donnant des feuilles de Laitue jusqu'à ce que les Müriers aient été feuillés.

MURIER BLANC. 195

MM. GUÉRIN-MÉNEVILLE et EUG. ROBERT ont cité une femme des environs de Sainte-Tulle , qui avait reçu quelques vers éclos le 4 mai, et les bourgeons des Müûriers n'étant pas encore déve- loppés, elle eut l’idée de leur donner des feuilles de Ronce (Rubus fruticosus) et de l'Orme des champs (Ulmus campestris). Ses vers, dit-on, s’en sont nourris pendant quinze jours, mais ils se sont peu développés. Deux jours après leur avoir donné des feuilles de Mürier, ils ont fait leur première mue, et on ajoute ensuite qu'ils ontbien pris de la vigueur.

J'ai nourri, à plusieurs reprises, des vers avec les feuilles de Maclure orangée (Maclura aurantiaca) ; un certain nombre d'entr'eux sont parvenus à faire des cocons minces ; mais, huit à dix jours avant de coconner, ils ont acquis une teinte verte très- prononcée et un aspect un peu sanieux. D'ailleurs, ils ont toujours mangé cette feuille (très-laiteuse) avec beaucoup d’avidité, et de tout ce que je connais, après les trois espèces de Mûriers indiquées, c'est la Maclure (aussi nommée Märier des Osages) qui pourrait plus facilement les nourrir; mais cet arbre est plus tardif que les Mûriers, et ne pourrait les remplacer dans les premiers âges. D'ailleurs , ses feuilles seraient très-difficiles à cueillir à cause des rameaux épineux qu’elles présentent à leur aisselle.

Tous ces succédanés du Mürier, pour nourrir les vers jusqu’à ec que les seconds bourgeons apparaissent, après que la gelée a détruit les premiers, ne produiront jamais une nourriture assez substantielle pour conduire avantageusement les larves jusqu'au coconnage, et on ne doit pas (industriellement) faire d'éducation cette année, à moins que ce ne soit dans le but de conserver une variété à laquelle on peut tenir, et qu’on n'ait pris des précautions pour protéger de jeunes feuilles de Mürier.

Toutes les variétés du Mârier blanc servent plus ou moins bien à la nourriture du Bombix du Mûrier (ou ver-à-soie) ; mais on a trop abandonné la culture des variétés à feuilles minces et petites, nommées aussi Sauvageon. La négligence qu'on a mise à la culture, à la taille et à la récolte de leurs feuilles a engagé à recourir

496 ._ MURIER BLANC,

à celles dont les feuilles sont grandes, épaisses, presque charnues, qui conviennent beaucoup moins à la nourriture de cet insecte. Nous entrerons dans quelques détails à cet égard, en traitant des variétés, de leur culture, de leur taille, etc.

L'apparition des feuilles du Mürier blanc varie, comme on le comprend bien, avec la température, la lumière, l'exposition et le sol même.

Le 43 mai 1853, époque de mon prenuer voyage dans le Midi de la France pour étudier les Müriers, les feuilles, dans le Lyonnais, commençaient à sortir des bourgeons ; la teinte jaune les distinguait à peine des branches qui les portaient. De deux en deux heures de marche du bateau à vapeur, elles se montraient toujours mieux. A Valence, “la teinte jaune commença à prendre un peu plus de verdeur.

Jusque-là, la taille était entièrement négligée. A la Voulte, les Mûriers sont très-nombreux et la taille approchant de la forme méridionale, ils étaient déjà d’un jaune beaucoup moins pâle. Vis-à- vis, à Montélimart, la taille est extrèmement négligée; sur K droite, au contraire, la forme hémisphérique commençait à dominer. Entre Pierre-Latte et le Pont-Saint-Esprit, la végétation des Müriers avançait très-sensiblement et la taille était déjà soignée ; cependant, les branches m'ont paru trop longues et trop lâches. À Avignon, ils étaient en pleine fleuraison et les feuilles très-vertes.

En automne, les feuilles du Märier blanc servent, dans les contrées méridionales, à la nourriture des vaches. On les récolte à l'approche des frimas , lorsqu'elles commencent à jaunir; alors, elles se détachent avec une grande facilité. On peut les mettre sécher dans des hangars, des granges, sur les claies des magna- neries, si leur grande quantité empêche de les utiliser fraîches. Elles augmentent la production du lait. On fait, dit M. Isidore HEDDE (1), p. 120, une farine avec les feuilles, de Mürier

{) Deseription méthodique des produits divers, recueñlis dans un Voyage en Chine; St-Etienne, 1848, 1 vol. 8 de 400 p.

MURIER BLANC. 197 Sang - Fen Mürier farine aux vers-à-soie, soit dans les temps de disette, soit pour alimenter les jeunes vers après la première mue. On pourrait peut-être l'utiliser aussi en saupoudrant les feuilles de Mûrier, trop aqueuses pendant des temps de pluies continuelles , ou si elles étaient mouillées et difficiles à sécher,

D’autres livres chinois indiquent aussi la farine des Dolics, voisins des Pois, du Riz mondé et de mélanges de feuilles de Mürier. M. HEDDE cite M. CHAMPOISEAU, de Tours, comme en ayant obtenu d’heureux résultats.

(désignée, en chinois, sous le nom de ) pour donner

Cette farine est faite de diverses manières. La cueillette des feuilles s'en fait à la fin de l'automne, avant qu'elles jaunissent. On les sèche au soleil; on les bat, on les brise en petits fragments, on les conserve pendant l’hiver dans des jarres, dont l’ouverture est soigneusement fermée. Au printemps,-on réduit ces feuilles brisées en farine qui sert à alimenter les vers. Telle est la recette employée dans le district de Hai-Hien, département de Kia- Shing, sans qu’on ait donné d’autres détails.

On pourrait aussi utiliser l'écorce des branches que l’on coupe dans le Midi après la première cueillette des feuilles, en les faisant rouir. On retirerait encore des filaments propres à confectionner des toiles.

Les passementiers s’en servent même pour la confection des épaulettes d'officiers.

Le bois, très-ferme, quoique jouissant d'une grande élasticité , sert à la confection d'excellents manches d'outils (bêches, haches, pioches et triandines). Il est très-bon aussi pour le chauffage.

Son bois est assez dur, il peut être employé à un grand nombre de travaux des champs : la menuiserie, le charronnage et la tonnel- lerie. IL est aussi bon que le châtaignier pour les treillages et les échalas. Ses racines produisent une couleur jaune qui pourrait servir dans la teinture si cette couleur n'était pas si com-

198 MURIER BLANC MINCE.

mune. Dans les années le raisin manque, ses fruits pour- raient servir à faire une liqueur fermentée; on peut en faire des SiTOPS.

Ce Mürier blanc, naturalisé, paraît avoir été introduit de la Perse ou de la Chine en 1230 ; il fut transporté en Orient et dans l'Asie-Mineure ; de là, en Sicile et en Provence en 1494; mais ce ne fut qu'à parür du règne d'Henri IV que peut dater la multiplication de cet arbre précieux. On le cultive en Allemagne jusque vers le 55° degré de latitude, et en Russie jusqu’au 50°. Dans ces contrées, il gèle plus souvent que dans les nôtres à l'extrémité des rameaux qui ont végété tard.

C'est l'arbre qui supporte le mieux les sols et les orientations dont s'accommode la vigne, et dans celle la maturité du raisin est incertaine ; on ferait bien de le planter avec elle, quoique à une certaine distance ; car si l’on ne peut faire du vin, on a au moins des feuilles, et,si l’une et l’autre peuvent réussir, l'enlèvement des feuilles dans un temps donné permettrait à la vigne de müûrir ses fruits.

On peut aussi utilement employer le Mürier pour faire des abris dans les contrées chaudes le Hétre et le Charme réussissent mal. Les Müriers, comme les Poiriers , pourraient être élevés en murs de verdure pour remplacer les Thuya de nos jardins et pour ombrer beaucoup de plantes délicates. On pourrait aussi l'utiliser pour faire des salles d’ombrage, il se prèterait à toutes les formes qu'on voudrait lui donner.

Var. 1. Murier blanc mince (Morus alba tenuifolia, SERING. pl. XI, présentant un grand nombre de modifications de feuilles (4).

RAMEAUX minces, effilés, nombreux, durs.

1) Lixxé rapporte {spect. plan. éd. 2, p. 1399 (1764), et qui est reproduite dans ce

MURIER BLANC MINCE. ; 199

FEUILLES lobées plus ou moins profondément, et alors à sinus entiers sur les bords, minces et presque parcheminées, rarement entières dans la jeunesse de l'arbre, mais souvent lorsqu'il est âgé ; stipules le plus souvent nulles (l'arbre étant peu vigoureux).

C’est ce que l'on suppose être l’état normal (ou sauvage) du Mürier blanc. C'est lui que l’on a souvent en haies, que l’on taille ordinairement sans aucun soin, qui semble devoir être soumis aux mutilations les plus absurdes et que l’on obtient ordinairement par les semis, quand on ne prend pas des fruits de Mûriers greffés. Lorsque l'arbre est âgé, il a presque toujours des feuilles non lobées, mais petites, vu le grand nombre de branches produisant peu de feuilles qui sont difficiles et longues à cueillir.

Pour remédier à cet inconvénient, M. PERRET, des Granges, près Villefranche (Rhône), a eu l'heureuse idée de couper en hiver toutes les premières branches un peu au-dessus de leur base, presque comme on le fait pour le Saule blanc, que l'on soumet en taille réglée tous les trois ou quatre ans. Ces arbres ont développé au printemps de jeunes branches, par suite de l'apparition de bour- geons surnumérairess ou adventifs qui ont offertune grande vigueur.

Si les feuilles entières, ou mieux lobées dites sauvageon, ont l'in- convénient de présenter peu de facilité pour leur récolte, etdemandent conséquemment plus de frais,au moins ont-elles l'avantage d'être bien préférables à ces feuilles épaisses et aqueuses des Müriers greffés et convenant si peu aux vers qui ont besoim d’avoir une alimenta- tion substantielle. Ce serait probablement un moyen d'empêcher

travail pl. xxr, fig. de gauche), le Morus indica de RumPHius, ou Bahesarang, Caju Besaar, Lerbarium amboineuse 6, auctuarium 8, p. 5, comme synonyme de son Morus indica; mais il est sûrement dans l’erreur (voir la synonymie du Mürier indica); c’est bien plutôt la forme du Mürier blanc à feuilles non lobées qu'on a représentée, IL est impossible de se méprendre sur ces deux formes de feuilles et sur celle des fruits. Rumpmius cite les noms que lui donnent les Chinois : donc ils le cultivent; ces noms sont :

Bahesarang, Caju BBesaar (Voir l’article Rsèrier indien (Morus indica).

J'ai tout lieu de croire que c'est un type à feuilles minces non lobées du Murier blaune.

200 MURIER BLANC MINEE.

les maladies graves auxquelles ils sont très-exposés à la fin de leur vie de larve. En taillant ces vieux Mûriers, on obtient des rameaux longs et vigoureux, qui produisent des feuilles bicn plus grandes que quand l'arbre est abandonné à lui-même après tant d’absurdes mutilations, et qui se détacheraient bien plus facilement de la branche que celles des vieux arbres abandonnés.

En confirmation de cette explication, M. RIVIÈRE, de Montmerle, a bien soin de conserver, pour la dernière ou les deux dernières mues de ses vers, la feuille de ses Müriers non greffés.

Cette variété, tenue naine, est généralement plus précoce; elle offre en cela quelques avantages sur le Mürier en arbre, car elle gèle moins facilement que plusieurs autres.

D'ailleurs, élevé en nain ou en haie, il peut au besoin, si les premières feuilles sont enlevées de bonne heure, repousser très-vite en le taillant en vert; au-dessus du troisième ou du quatrième rameau poussant, et la deuxième feuille peut encore être utilisée à la fin de l'éducation, sans faire souffrir l'arbuste qui est très- vigoureux.

Les Müriers à feuilles minces ont réellement été traités em dépit du bon sens, si on'les compare à ceux à feuilles épaisses (Müriers greffés). Dans ces derniers, on a employéles engrais, tandis qu'ils auraient être soumis à la culture appauvrissante. Ceux à feuilles minces, qui auraient ètre soumis à une eulture luxuriante, sont placés dans les plus fâcheuses circonstances du milieu terrestre. Le sol autour d’eux est see, l’air et l’eau peuvent à peine pénétrer à leurs racines ; on n’y ajoute jamais d’engrais (on ne pense pas qu'une haie en ait besoin), on les plante souvent à 15 ou 26 centimètres les uns des autres. De nombreuses racines se développent, s’entrelassent, épuisent le sol, sans que jamais on y ajoute la moindre matière organique ; on coupe inconsidérément les branches, on en récolte aussi imprudemment les feuilles, et l'on se plaint de ce que ces arbres ne produisent que de petites feuilles difficiles à cueillir, sèches et en apparence peu nutritives, et cependant estimées.

MURIER BLANC ITALIQUE. 201

VAR. 2. Mürier blanc ftalique (!) (Horus alba italica, SPACH! suit. Buff. t. 11, p. #3 (1842).

Cette variété ne diffère essentiellement de la première, regardée comme l’état primitif du Märier blanc, que par son bois (l'écorce enlevée), rouge à sa surface pendant la végétation active. Cette couleur est d’ailleurs si peu fixe, que les échantillons séchés pour l'herbier, la perdent très-vita. L'arbre a, comme l’état sauvageon du Mürier blanc, des rameaux minces, assez raides, peu allongés. Ses feuilles sont aussi minces que celles du Mürier blanc mince, et lobées parfois comme lui dans leur jeunesse. Ses fruits et leurs pédoncules ont aussi la même apparence que dans cette première variété.

Pour utiliser avantageusement ces deux variétés, on aura soin de les soumettre à une taille régulière, de manière à faire développer des feuilles les plus larges et les plus épaisses qu'il se pourra. Une taille intelligente leur en fera produire d’un peu moins sèches et plus faciles à cueillir.

Les graines de cette variété (d’après PorRET) nous viennent de Tartarie, et la couleur du bois s’est toujours conservée au Jardin du Musée de Paris. Les fruits ont une teinte semblable à celle du bois.

M. SPACH rapporte à son Mürier blanc d'Italie les Müriers Morettiana et Patavina des jardins. Mais ce que nous tenons directement d'Italie sous le nom de Mérier Moretti n'a certaine- ment pas le jeune bois teinté de rose.

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(1) SYNON. Mürier d'Italie et Morus ttaliea, Poir, Encycl. bot. \, 4, p. 377* (1796 .— M. d'Italie & bois rouge. A1. à bois rouge.

202 MURIER BLANC TARTARE,

Var. 3. Muürier blane tartare (|) (Morus alba tatarica, SERING. pl.x11).

RAMEAUx nombreux, minces et fermes.

FEUILLES presque elliptiques, à lame assez mince, très-obtuses au sommet et à peine échancrées à leur base, largement et plus égale- ment dentées que dans les autres variétés ; pétiole aussi plus long, plus mince et velu.

SÉPALES (des fleurs anthérées), oblongs-linéaires, presque mem- braneux et chauves.

Cette variété a beaucoup de rapport avec les deux précédentes par le peu d'épaisseur des feuilles, mais les caractères indiqués peuvent assez facilement la faire reconnaitre. Elle a la même valeur industrielle qu'elles. Je n’ai encore vu que l'individu à étamines.

La description du Morus tatarica donnée par LiN\É et celle de POIRET ne me paraissent laisser aucun doute sur la nécessité de rapporter cette espèce des auteurs, comme variété du Mürier blanc, mais je l’ai figurée afin d’atürer l'attention sur elle. Si, comme la variété fibreuse, elles doivent rester comme simples variétés, elles offriront un exemple des modifications extrèmes que peuvent subir les espèces. Un individu carpellé (femelle) permettrait probable- ment d'assurer la chose, les stigmates du Mürier blanc portant un caractère tout spécial. Les recherches, sous le point de vue de caractériser solidement les espèces, devront se porter sur cet organe. (Voir, d’ailleurs, les quatre modifications caractéristiques que présente la planche vi, fig. 3, 4, 5 et 6, qui feront bien eom- prendre l'importance spécifique des styles et des stigmates.)

(1) I1 me paraît fort douteux que la synonymie citée soit exacte.

Morus tatarica, Linx. spec. p. 1399, éd. de 1764?—Porr. ÆEncycl. bot. v. 4, p. 578 (1796)? Mar. Dicc jard. éd. françg. de 1785, v. 5, p. 165? Morus tatarica, AUbIB |

MURIER BLANC MORETII MURIER BLANC ROSÉ. 203

Var. 4. Mürier blanc Moretti (Morus alba Morettii, SERING. ) (1).

Cette variété, très-précoce en haie, est à épis blancs, assez gros, fades, présente des feuilles qui se détachent plus facilement tenues courtes et souvent taillées, que lorsqu'on élève la plante en arbre. Dans cet état, elles sont tellement adhérentes, dit-on, qu'on la nomme à Valence écorche-main.

Elle est à placer entre le Mürier blanc mince et le Mürier blanc rosé pour la grandeur de ses feuilles. Elle se propage facilement de bouture. On peut récolter une seconde fois ses feuilles pour la fin de l'éducation, tant elle repousse activement.

Cet état est bien préférable pour haie au Mürier blanc mince, il est bien plus productif et très-rustique. Il n’est pas cultivé dans la France méridionale. Les individus anthères et carpelles qu'en possède le Jardin Botanique de Lyon lui ont été envoyés par l'excellent MATTHIEU BONAFOUS.

Var. 5. Muürier blane rosé (Morus alba rosea, SERING. pl. XIII.) (2).

RAMEAUX nombreux, rapprochés. FEUILLES largement cordiformes , élégantes, luisantes, peu acuminées et même le plus souvent obtuses, d’un beau vert,

(1) Morus Moretti, Aupis ! Murier Moretti des jardiniers. Æcorche-Muain, à Valence.

(2) SYNONYMIE PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE.

A feuilles rose de Provence, Aunis! Alba integrifolia latifolia, Aunis ! Alba latifolia, Aunis !

Alba lucida, Avois !

204 MURIER BLANC ROSÉ.

d'épaisseur moyenne, très-nombreuses, à dents larges et inégales, pétiole assez prononcé, rosé, s'évasant triangulairement au sommet et présentant à la base de la lame de la feuille deux échancrures très-arrondies, peu adhérentes aux rameaux.

EPI CARPELLÉ Ovoide-sphérique, à peu près de la longueur du pédorcule.

FRUITS (des jardiniers), ou mieux sépales blancs, roùges ou plus rarement noirs, sucrés, agréables ou totalement insipides.

Cette variété, ainsi que la suivante, quoique devant rentrer en général dans ce que l’on nomme communément Mürier greffé, sont réellement meilleures dans le Midi de la France que dans le Nord. A Lyon, déjà, la chaleur étant moindre et l'humidité plus grande rendent les feuilles plus épaisses, ou pour mieux dire réellement

Alba mascula, Aupie!

Belle blanche, Aunis!

Belle grise à fruit rose, Aunis!

Blanc à feuilles lobées, Avis! (Elles ne sont que dentées.)

Blanc femelle. |

Blanc à feuilles entières, Aunis! (C'est-à-dire non lobées.)

Blanc feuilles lobées glabres, fruit rose, Aupis !

Blanc St-Andéol St-Andiol.

Duchesse, AuüniB !

Feuilles de lys, Aunis! (Elles sont probablement lobées lorsqu'elles sont jeunes. Fruit assez gros.)

Feuilles lobées glabres, Aunis! (Même remarque que le précédent synonyme.)

Feuille rose, Aunig! (Précoce et très-estimé dans le Midi, les feuilles étant d'une épaisseur médiocre, luisantes et excellentes ; qualité précieuse.)

J'euille rose de Provence.

Foglia doppia, Auni! (Nom probablement donné à cause de la quantité de feuilles que porte cette variation et de leur grandeur. Épi carpellé presque sphérique.)

Fruit noir chubaud, Aupis !

Giazzolu, AuDie !

Grosse reine, AuniB! (N'est estimé dans le Midi que pour l’alimentation des vers- à-soie après la 4 mue. On dit que la feuille les purge.)

Grosse reine d'Espagne, Auvib !

Mâle de Piémont, Aunis! (Les arbres anthérés (mâles) sont généralement-peu estimés, ne donnant souvent des feuilles qu'aux sommets des branches, tandis que leur base ne porte que des fleurs.)

Margeot, Aunis!

Meyne, Aupi8!

Morus alba mascuia, Atbi8!

MURIER BLANC ROSÉ. 205

plus aqueuses, comme demi-charnues el moins propres à la nutrition des vers ; tandis que dans le Midi, l'évaporation étant plus considérable par la chaleur et la vive lumière, elles sont beaucoup moins épaisses et bien plus propres à la nourriture des vers-à-soie. Tout devrait donc engager à planter dans le Nord plutôt des Müûriers obtenus de semis de ceux greffés, que de greffer des arbres ayant déja beaucoup trop de tendance à la turgescence. Je dois donc conseiller aux planteurs du Nord de propager les variétés à feuilles plutôt minces qu'épaisses, et à ceux du Midi, qu'ils se trouveraient probablement aussi très-bien des Mûriers francs de pied, à feuilles non lobées, obtenues de leurs Müriers méridionaux, qu'ils ne grefferaient qu'autant que les sujets

Morus integrifolia latifolia, AuDis!

Morus alba lucida, Aunis !

Morus lucida, Aunis !

Mürier des Cevennes, Aunis!

Mürier du Comtat, AuniB!

Noir chabaud, AuniB! (L'individu anthéré diffère à peine des autres synonymes de cette variété. Il est plus feuillé au sommet des rameaux comme tous les autres à étamines, mais je pense qu'en les taillant convenablement ils fleuri- raient peu, donneraient plus de feuilles, et deviendraient plus avantageux que les individus carpellés (femelles), car les épis anthérés seraient beaucoup moins abondants, n’humecteraient pas les litières des vers-à-soie, comme le font trop souvent les jeunes fruits.)

Ovalifolia, AuniB! (Feuilles très-grandes.)

Pécoul rose, AuniB! (A St-Rémi, l’on prononce Pécou rose; et pécoul est syno- nyme de Pétiole ou queue de feuille.)

Petite blanche, AuniB! (Très-estimé dans le pays.)

Pommeau, AuDi8!

Romain, AuniB! (Très-estimé dans le Midi.)

Romain à fruit blanc, Auris!

Romain à grandes feuilles, Auni8! (Individu mâle.)

Rose, Aupi8! (Très-estimé dans le Midi.)

Rose de Languedoc, Aunis ! s

Sauvageon (non fertile). Sur cette variation se remarque encore tantôt des fleurs anthérées et alors stériles, tandis que parfois le même arbre devient partielle-

ment fertile. Ces faits se remarquent souvent sur des arbres âgés et non taillés. St-Andéol, Aunis!

St-Andiol.

206 MURIER BLANC COLOMBASSE.

obtenus de graine ne rempliraient pas les conditions de foliation convenables.

Var. 6. Muürier blane eolombasse (1) (Horus alba colombassa },

RAMEAUX minces, eflilés, assez nombreux.

FEUILLES assez minces, moins grandes et plus écartées que dans la variété précédente, rosées de même, légèrement écartées les unes des autres, ce qui l'empêche un peu de se répandre dans les cultures, bordées de dents obtuses; pétiole assez long etmince.

(1) Blanc feuilles lobées glabres, fruit rose, Aunis !

Blanc romain, Aunis! (C'est lui qu’on cultive presque exclusivement à Tonelle, près Tarascon. Il est très-estimé dans les marchés des environs (où l’on vend la feuille toute cueillie). Ces feuilles ne sont pas trop épaisses, ni trop charnues, et se conservent bien.)

Château-Renurd, fruits blancs, Aunis !

Colombasse, Aunis !

Colombasse fourcade (des Cevennes), Aunis!

Colombasse rebaluyre, Aunis !

Du Comtat, AuDis !

Dure, Aupis !

Feuille parchemince, Aunis !

Fourcade des Cevennes, Aunis!

Langue de bœuf, Aunis! (Cette variation est dit-on à l’abri des gelées du printemps, et cependant, quelques jours après avoir développé ses bourgeons, elle égale les autres en produits.)

Rébalayre, Aunis !

Rose de Calabre, Aunis !

Ste-Épine, SÉNÉCL!

Sauvageon noir.

Serotina, MarrT. Buro.

Tardif de St-André, Aunis! (La tardivité ou la précocité de quelques individus (je ne dis pas de quelques espèces comme s'expriment les jardiniers), n’est nullement une preuve d'espèce ou même de variété, car la différence n’est sensible qu'au moment de la fleuraison. Cependant il est bon de signaler des individus tardifs ou précoces pour les propager par la greffe ou la bouture, et les utiliser dans tel ou tel intérêt du planteur. Dans une exposition les gelées précoces sont fréquentes, il est préférable de planter des tardifs; dans l'autre cas, on doit planter des individus précoces, afin d'éviter de faire l'éducation pendant les grandes chaleurs. D'ailleurs, on doit avoir des uns et des autres, afin d'être moins exposé aux chances défavorables.

MURIER BLANC COLOMBASSETTE. 207

Epis de fruits ovoïdes sphériques plus petits que dans la précé- dente variété.

Plus tardive que les autres variétés, aussi réussit-elle partout.

Les caractères distinctifs de cette variété, d'avec le Mârier blanc rosé, sont si peu appréciables, que j'ai souvent été tenté de les réunir. Ce qui m'en a empêché essentiellement, c’est l'énorme syno- nymie qui aurait été accumulée dans le Mèrier blanc rosé. Cette nécessité de rapprocher des noms, vu l'absence de caractères saillants, est la partie du travail qui m'a pris beaucoup de temps. Je w'attends bien à quelques récriminations, mais, pour le moment, je n'ai pu rien faire de mieux. Je prie instamment les personnes qui voudraient concourir à perfectionner cette synonymie, de vouloir bien m'envoyer des échantillons en fleurs, en fruits, et plus tard en feuilles, des localités que je n'ai pu encore aller visiter. Je serai très-reconnaissant des observations raisonnables qu’on voudra bien me faire, et on peut être sûr d'avance que j'en profiterai si l’on peut me convaincre. Je ne cherche que la vérité.

Var. 7. Mürier blane colombassette (Horus alba colombassetta) (1).

RAMEAUX minces.

FEUILLES bien plus petites que dans les deux précédentes variétés, fortement en cœur, imitant un peu la feuille du Tilleul à petites feuilles, peu échancrées à leur base, assez obtuses à leur sommet. Pétiole très-mince.

ÉPis petits, sphériques, portés sur un court pédoncule.

Cette variété est plus distincte que les deux précédentes : la

DRE Le

(1) Colombussette, Auris !

Femelle sans parchemin, Aunin!

Morus alba microphilla, Marr. Boxar. (fig.) Rose de Lombardie.

208 MURIER BLANC LHOU.

petitesse des fruits et des feuilles, le peu d'épaisseur de celles-ci la rendent plus facile à saisir.

Var. 8. Mürier blane Lhou (Horus alba Lhou) (1).

ARBRE (jusqu'ici) de moyenne taille, à rameaux très-vigoureux, verts et teintés de rose.

FEUILLES en cœur, lancéolées, acuminées, régulièrement dentées et presque aussi grandes que celles du Mürier multi- caule en arbre. Un peu moins épaisses que ce que l’on désigne vaguement à: Lyon sous le nom de Mürier greffé, légèrement gaufrées et fortement fibrées. Pétiole cylindroïde à canal arrondi, ainsi que ses bords.

FRUITS en épis ovoides très-émoussés, d’un rouge noir ou noirâtre, moins gros que ceux du Mürier noir, mais généralement plus fort que ceux du Mürier blanc.

Nous possédons au Jardin Botanique de Lyon un très-grand arbre obtenu de graine par notre excellent collègue le Docteur HÉNON, qui à bien voulu me le dédier. Il est à une modification du Märier blanc. On en trouvera la représentation dans la planche 1v. Il a été dessiné avant qu'on lui eut enlevé quelques branches. C’est un individu à carpels, dont les épis sont

(1) Ki-Sang ou Mürier des poules. Selon HEDDE, ce nom paraîtrait venir de ce que les poules vont se percher sur cet arbre en Chine.

Morus intermedia, PERR. dans arch. bot. v. 1, p. 234, fig. vir, mais je n'ai pas vu de fruits de la plante de PErRoTTET, proprement dit; d’ailleurs, la fig. B qu'il en donne, n’a jamais été vue, je crois, dans les Müriers.

M. intermédiaire, AUbi8 !

M. Lhou et M. Lou, Cam. Bauvais.

M. de Padoue, Aunis !

M. Seringe, HENON.

Müriers dont les graines proviennent directement de Chine, et qui ont été envoyées, en 1851, par M. le Ministre de l'Agriculture à la Société impériale d'Agriculture de Lyon. Cultivés au Jardin Botanique de Lyon et chez plusieurs Lyonnais,

MURIER BLANC LHOU. . 309

plus gros que ceux du Mürier blanc Lhou, mais dont il ne peut d'ailleurs être distingué comme variété.

Le Mürier blanc Lhou paraît avoir été importé en Europe au moins à Paris, en 1836. Il fut donné à notre plus zélé éducateur de vers-à-soie, CAMILLE BAUvAIS, qui l'a répandu rapidement de bouture et de graine ; de sorte qu'en 1841, il s’en trouvait déjà plus de 10,000 dans le commerce. Cette belle variété avait remplacé toutes les autres aux Bergeries de Sérard, non-seulement à causé de la grandeur de ses feuilles, de leur consistance moyenne, de la facilité de les récolter, mais encore de les conserver. Cet arbre offre l'avantage de résister aux gelées, n’étant pas trop précoce.

M. HEDDE le dit fréquemment cultivé dans le Nord de la Chine pour la nourriture du ver-à-soie. Il mentionne même dans son ouvrage sur la Chine, p. 85, une prairie de Mürier Lhou. Il parait qu'on l'y cultive en nain, de manière à imiter une prairie. Il le cite même encore, p.118, 14. Il serait à craindre, cependant, que le Mürier Lhou, décrit aux pages que je viens de citer, ne fut semblable au nôtre que de nom moins que cette plante ne varie aussi beaucoup}, car il lui attribue des feuilles rondes et minces. Il en avait rapporté de Sio-Van-Dam, près Sou-Tchou, du Jardin de Kang-Sou, cueillies par le Père LANGUILLAT; d’autres, 45, provenant d’une pépinière dans l'intérieur de Sou-Thou, . par le prêtre chinois SEM; et enfin le 46 venait du voisinage de la magnanerie de Sin-So-Tchio, faubourg de Sou-Tchou. 11 serait à désirer que ces échantillons desséchés pussent se retrouver (1).

(1) M. Henne, p. 118, indique encore quatorze Mûriers qui ont des noms diffé< rents qui proviennent de localités différentes. Jls ont été apporté en France dans une serre, dont la confection était due au contre-amiral CÉGIxE, et qui a été mise à bord de l'Ælcmène, par M. Duran (de Macao).

Ces arbres sont arrivés en parfait état à Rochefort; ils avaient résisté à toutes les chances d’une longue navigation. Leur végétation active avait garni de feuilles et de

14

210 MURIER BLANC CONSTANTINOPLE.

Quoi qu'il en soit de ces diverses notes, qui auraient eu quelque utilité pour moi, si j'en voyais des échantillons desséchés, les trois derniers individus que j'ai cité dans la synonymie sont appelés à offrir un grand intérêt à la sériciculture ; ces arbres se multiplient très-facilement de bouture et de graine, résistent très-bien aux gelées de nos climats, et leurs feuilles n'étant pas trop épaisses, présen- tant un grand développement, se récoltent sans aucune difficulté. Cette belle variété, qui a déjà fourni ses preuves dans le grand établissement des Bergeries de Sénard, sera d'autant plus favorable qu'on la cultivera dans des lieux secs, peu riches en humus; tandis que placée dans des sols humides, argileux, trop féconds , on fera passer ses feuilles à l’état de presque carnosité que présentent trop souvent nos variétés lyonnaises de Müriers dits greffés.

VAR. 9. Murier blane Constantinople (!) (Horus alba Constantinopolitana , SERING. pl. v et XVII.)

Ce grand ARBRE, lorsqu'il est abandonné à lui-même, offre un embranchement tout particulier pendant l'hiver ; 1l présente, pendant la végétation, un aspect disgracieux et contourné, vu la brièveté et la torsion des fragiles, courts et flexueux rameaux qui portent les feuilles. |

FEUILLES chauves, largement cordiformes, très-épaisses, dures, obtuses ou terminées brusquement parfois en pointe courte et à dents larges, obtuses et inégales. (Les feuilles représentées dans la

rejetons les parois vitrées de leur habitation, et ombrageaient d’autres plantes indus- trielles qui pouvaient doter le pays de nouvelles richesses. Le transport par terre, de Rochefort à Paris, a été funeste aux unes et aux autres. Néanmoins, par les soins minutieux de M. Neumann, directeur des serres du Jardin Botanique du Musée, on est parvenu à sauver les Müûriers. M. Auserr, directeur du Jardin de Neuilly, a même pu s’en procurer des boutures. Il faut espérer que ces arbres ne seront pas perdus pour la science et pour l’industrie.

{1) Morus Constantinopolitana, jard. de Paris d’après Porr. Encycel. bot. V. 4, p. 381 1796), et jard. Tonelle!

MURIER BLANC CONSTANTINOPLE. 211

pl. XVIT, ainsi que les fruits, sont encore petits et jeunes). Stipules oblongues, linéaires, très-aiguës, demi-membraneuses et égalant Ja longueur du pétiole.

Ép1 de fleurs carpellées ovoide-sphérique, très-compact.

Cette singulière déformation, pl. v, donne l’idée de l'embranche- ment que présenteraient nos arbres dès la surface du sol si, à force de coups de serpettes, nous ne les forcions pas à se développer en tronc. Ce dessin à été fait sur un bel original que possède M. ANT. MICHEL, à [rigny, près Lyon, dans sa propriété de la Damette.

Il faut bien se persuader que ce serait l'embranchement que nos arbres prendraient, sauf la flexuosité des branches, s'ils étaient abandonnés à eux-mêmes, et non celui que les jardiniers nous offrent. Ce serait ainsi qu'ils s'embrancheraient dès leur base s'ils n'étaient pas très-rapprochés dans nos forêts.

Un embranchement normal s’observe chez Mme EVESQUE, près Lyon, un magnifique Sapin des Alpes (Abies epicea, ou Abies excelsa). On voit ses branches inférieures couvrir le sol, sur lequel on ne peut passer. I1 n’est pas besoin d'exprimer qu'il est complètement isolé de tout autre arbre, il s'élève dans toute sa majesté du milieu d’un gazon. Là, on voit le vrai type natif de ce bel arbre dont nous trouvons parfois dans les Basses-Alpes de semblables modèles isolés.

J'ignore comment le Mürier dit de Constantinople est parvenu 4 Toulon ; mais M. HEDDE rapporte que son introduction date, à Bourbon, de 1820, et qu'il provient de ce Jardin.

On ne peut utiliser ses feuilles qui sont trop dures. Si l'arbre mourait devait être abattu, on pourrait l'employer très-avanta- seusement pour former de pittoresques barrières rustiques d'ornementation pour un pavillon agreste. | ,

212 MURIER BLANC NAIN. MURIER BLANC PYRAMIDAL.

Var. 40. Muürier blane naïn (Morus alba nana, AUDI. jard. Tonell. |)

Cette variété, très-voisine du Constantinople par la tortuosité et la brièveté de ses rameaux, a été obtenue par MM. AUDIBERT dans un semis du Mürier blanc ordinaire. Ils en possèdent l'individu anthéré et celui à carpels. Ils la conservent dans leur précieuse collection, plus facile à épuiser que leur obligeance pour tout le monde. Cette déformation, quoique très-basse, est moins tortueuse que la précédente.

Vue vivante et sèche, provenant du jardin AUDIBERT.

Var. 11. Muürier blane pyramidal (1) ( Horus alba pyramidalis ).

ARBRE de moyenne grandeur, assez tortueux, raboteux et court, formant des angles aigus avec l'axe, à la manière du Pewplier pyramidal.

FEUILLES ovales, aiguës, à peine échancrées à leur base, à dents assez pointues. | |

Épis presque sphériques.

Var. 12. Mürier blane fibreux (2) (Horus alba fibrosa, SERING. pl. XVI).

ARBRE peu élevé, à rameaux minces et allongés. FLEURS ANTHÉRÉES en épis solitaires ou 3-6 partant d'un même point, serrées.

(1) Mérier pyramadal, Mart. Burn. d'après AuniB! 2) Mürier blanc nerveux, SPACA. suit. BUFF, V. 2, p. 43. Morus venosa, Dai. selon Spacn. lieu cité.

MURIER MULTICAULE. 213

FLEURS CARPELLÉES en petits épis blanchâtres.

FEUILLES très-variables de forme, oblongues, spatulées et obtuses, ou lancéolées, aiguës souvent sur le même rameau, très-obscuré- ment et très-vaguement dentées ou festonnées. Fibres très- nombreuses et très-saillantes, obliquement ascendantes, à réticu- lation très-variable et flexueuse, garnies, surtout sur les principales, de poils couchés, placés parallèlement les uns aux autres.

Vue fraiche dans le jardin AuptBERT et dans le Jardin Botanique de Lyon.

Cette variété pousse peu vigoureusement, et lors même qu'elle produirait beaucoup de feuilles, le tissu fibreux est trop abondant pour être mangé par le Bombix du Mürier. Elle n’est guère cultivée qu'à cause de la bizarrerie de sa fibration et comme exemple des déformations qu’une même espèce peut présenter.

DEUXIÈME ESPÈCE.

MURIER MULTICAULE (MORUS MULTICAULIS , PERR. inst. agron. de from. janv. 1830. SERING. pl. vi, fig. 6, et pl. xvrIT. SPACH, suit. Buff. 11, p. 46, 1842).

ARBRE ou arbuste à rameaux très-élancés ; foliation plus précoce que celle des autres espèces.

FEUILLES les plus grandes de l'espèce, très-minces, fortement bullées dans la jeunesse de la plante, surtout rarement lobées, plus fermes et presque planes quand l'arbre est ägé.

ÉPIS CARPELLÉS ovoïdes, courts,

SÉPALES circulaires, plus minces d’abord et beaucoup moins appliqués que dans les autres espèces, passant assez brusquement au rouge foncé.

CARPE surmonté d’un style court, mais très-manifeste, et de deux stigmates, minces ef très-finement papilleux et longs.

FRUITS en épis oblongs, rouges foncés ou noirâtres, insipides.

214 MURIER MULTICAULE.

Le port qu'a donné PERROTTET de son Mürier multicaule, ainsi que les analyses, sont évidemment de nulle valeur, à moins qu'ils ne doivent être rapportés à son Mürier intermédiaire, que je connais mal. Je crois l'analyse qu'il adonnée de son Märier indica plus juste, toutefois en le citant comme synonyme de mon Morus stylosa. Quant à son Morus intermedia, je pense qu'il faut le rapporter au Mürier blanc Lhou.

J'ai encore vu dans cette variété des épis anthères et d’autres carpellés sur le même arbre, chez MM. AUDIBERT! et HERg. SERINGE |

La propagation de celte remarquable espèce se fait, comme toutes celles à jets longs et un peu herbacés d’abord, de bouture.

A l'époque elle apparut en France et ampleur de ses feuilles séduisit les horticulteurs, MM. AuDiBERT la multiplièrent à profusion. Ils se contentérent pour cela de couper les rameaux entre chaque bourgeon et de les disperser dans des sillons peu profonds, qu'on recouvrit d'une couche de terre legère. Chaque fragment développa des racines près du bourgeon, qui lui-même s’allongea bientôt en branches.

Cette espèce, si distincte de toutes les autres, paraît provenir, d’après M. HEDDE, du Fokien, d’où elle a été transportée, en 1593, aux Philippines par le Jésuite SEDENIO Ou SEDEGNO, qui la planta dans la province de Bisaye, partie des îles Philippines. Il essaya d'y introduire aussi les vers-à-soie, mais sans succès.

M. HEDDE a vu cette remarquable plante à Java parmi les plantations de Ghendrie, département de Rembang, province de Samarang, dirigées par M. ROLLIN CONQUERQUE, élève du vénérable CAMILLE BEAUVAIS.

Ce même voyageur a aussi vu cette belle espèce à Pondichéry, il pense qu’elle a été introduite par PERROTTET.

Il l’a retrouvée dans le Jardin de l’Archevêché, à Manille, et dans l'habitation de M. BARROT, consul-général dans la même ville. La plantation avait été faite par M. HÉBERT, qui est mort à Malte, revenant en France (1839).

“MURIER MULTICAULE. 215

M. HeppE pense également que le Mârier mullicaule à été

introduit à Bourbon par PERROTTET, en 1839; il dit aussi qu'un

Morus philipinensis a été apporté à Bourbon en 4837, par

LE VAILLANT, capitaine de {a Bonite, et qu'il a été transporté de Bourbon au cap de Bonne-Espérance.

Pendant son séjour à Manille, notre voyageur vit, en compagnie de M. AzaoLA, dans le Jardin Botanique de la Société de cette ville, un pied de ce Mürier dans un piédestal, reste d’un monument élevé à ANTONIO PINEDA, savant botaniste, mort victime de ses recherches scientifiques (vers 1792).

M. HÉBERT, élève de CAM. BauvaIs, avait aussi planté le Mürier multicaule : M. HEDDE en vit encore, en4184%5, des tiges très-fortes ; ses feuilles, toutes cloquées, avaient de 30 à 32 centimètres.

PERROTTET paraît avoir rapporté en France le Mürier mulli- caule en 1821; il l'a pris à Manille, dans les Philippines, croyant qu’il venait d'abord de Canton, tandis qu'il nese trouve que dans le Fokien, qui est dans l'archipel Indien, à plus de 100 milles de Canton, et il est très-rare de voir un Cantonnais. Il se pourrait très-bien que les Fokiens eussent porté cette variété dans tout l'archipel Indien.

Il est d’ailleurs certain que le Mûrier multicaule était à Lyon avant le retour de PERROTTET, Car M. RasT-Maupas le possédait déjà ; il l'avait donné au Jardin Botanique de Lyon, j'en ai vu, il y à 24 ans, des individus d’un assez gros volume, qui ont tous péri par un de nos hivers rigoureux. M. MAD10T, ancien Directeur de la Pépinière départementale l'Observance de Lyon, près de l'École impériale Vétérinaire), l'avait déjà vu l'an VII de la République (p. 98), dans le jardin de M. NEYRARD, à Vaise.

Quoi qu'il en soit, ce Mürier multicaule n'a été utilisé en Europe, pour la nourriture des vers-à-soie, que depuis PERROTTET, et malgré qu’il soit abandonné par le plus grand nombre des éduca- teurs de vers-à-soie, il pourrait être utilisé facilement en le cultivant en prairies comme MATrH. BONAFOUS l'avait conseillé, en le fauchant

216 MURIER NULTICAULE. de grand matin, et transportant aussitôt les rameaux à la cave, sans en froisser les feuilles.

D'ailleurs, élevé en grands arbres, les feuilles en deviennent plus unies, plus fermes et perdent leur bullation.

En le soumettant à la taille en vert, on en retirerait un très-bon parti dans les contrées ses feuilles minces et très-tendres ne sont pas déchirées par les vents impétueux. Elles auraient aussi l’avan- tage de ne pas fournir un aliment si charnu aux vers.

Rien n'empêcherait encore, vu leur extrème précocité, d'utiliser les feuilles pour la première éducation, si elles ne gèlent pas, et d'employer la seconde coupe à la fin, époque l’on en manque très-souvent.

Il est arrivé à cette variété ce qui se présente toujours quand une chose a été vantée à l'excès, elle est presque abandonnée, quoique dans certains cas elle pourrait être parfaitement utilisée. (Voir les articles Plantation et Taille).

Il est vraiment à regretter que ee Mürier soit négligé par beaucoup de cultivateurs, et qu'il ne soit pas cultivé en haies, même passagères, Si je puis m'exprimer ainsi, au moins jusqu'à ce que l’on ait obtenu une plantation que l’on puisse considérer comme en plein rapport. Aucune plante ne sera jamais d’une utilité aussi continue. On peut l'obtenir en profusion par des bourgeons semés dans le sol, elle est utilisable dès la seconde année; elle peut être taillée (massacrée même), et elle produit encore. Cette plante peut servir très-avantageusement {en l’abritant) à l'alimentation des deux premiers âges, elle est dans les conditions les plus favorables pour les jeunes vers. Quand ils sont plus forts, on a recours aux haïes, aux mivents, et à lafin de l'éducation, ses feuilles, qui ont eu le temps d'être remplacées, viennent encore souvent à votre secours dans des moments de pénurie.

La soie qu’elle produit est fine, très-élastique et d’une excellente qualité. Mais on dit: ses feuilles sont déchirées par le vent? Laissez- le en nain, plantezle un peu serré, traitezle presque en prairie, comme le conseillait l'excellent MATTHIEU BONXAFOUS, mais n'oubliez

MURIER MULTICAULE. 217

pas que cette plante peut dans quelque temps couvrir un terrain, être utilisée de suite et à peu de frais, et que si vous avez une plan- lation qui vous paraîtra plus importante, vous pourrez l’arracher, ce dont vous vous repentiriez encore.

Voici, sur le Mérier multicaule, les idées de l’homme que nous venons de citer, quia consacré généreusement sa vie à l'étude du Mürier et du ver-à-soie, et qui a rendu des services signalés à cette belle industrie :

La culture du Mürier multicaule en nain peut convenir à des localités dont la couche de terre n’a pas assez d'épaisseur pour que de grands Müriers y réussissent.

Des enfants et des femmes âgées peuvent en cueillir les feuilles sans aucun danger et très-promptement.

La végétation plus précoce des Müûriers en taillis permet d'avancer l'éducation des vers-à-soie et de les préserver des fortes chaleurs.

L'absence ou la rareté des fruits facilite l’épluchement des feuilles, met la litière des vers-à-soie à l'abri d’une fermentation que la présence de ces fruits excite.

La végétation hâtive de ce Mürier et la promptitude avec Jaquelle il renouvelle ses feuilles, offrent la possibilité de faire deux éducations, ou de se servir au besoin des secondes feuilles pour la fin d’une éducation, sans altérer aucunement la vigueur de la plante, qui s'approche le plus possible d’une plante herbacée. Il peut, en outre, résister aux hivers, et repousse très-facilement du pied.

A l’aide de cette culture, les fermiers ou métayers, pendant la courte durée de leur exploitation, peuvent former*à leurs frais des taillis de Mûriers, et les petits propriétaires, toujours pressés de jouir, se livrer plus facilement à l'éducation du ver-à-soie. Ces petites productions, en proportion plus lucratives que les grandes, donneront en somme des résultats importants.

Les tiges et les rameaux que l’on taille pourront être employés

218 MURIER MULTICAULE.

à la fabrication d'un très-bon papier, en soumettant leur écorce à des procédés particuliers.

Enfin, cette culture, à la portée de tous, présente à la fois accroissement de produits, diminution de dépense, économie de terrain, et offre surtout le grand avantage de pouvoir s'étendre ou se resserrer en proporuon des besoins de l’industrie.

La multiplication du Mürier blanc en nain, quoique moins rapide, offre aussi des conséquences généralement trop peu senties.

Tout prouve d’ailleurs que le Mürier multicaule n’est pas plus délicat que diverses variétés du Märier blanc, puisque des Müriers multicaules presque submergés ont aussi bien nourri des vers que celles du Mürier blanc adulte, cultivé dans un terrain sec. Les vers nourris avec ce Mürier multicaule formèrent des cocons fermes et d'une structure parfaite, tandis que les autres restèrent mous et en partie inachevés.

Le dévidage des cocons a présenté une différence telle, que l'acheteur trouve que la soie obtenue du Märier multicaule présente des particularités tout-à-fait inconnues sous le rapport de la force, de la souplesse et du brillant.

Ilest donc bien a désirer que de nouveaux essais de culture et d'éducation soient faits, afin de voir si ce que l’on a avancé est bien réel et s’il faut continuer la culture de cette belle plante.

C’est au moment de mettre sous presse ce Cours sur les Müriers que j'ai fait pour la Commission des Soies de la Société impériale d'Agriculture de Lyon, et après avoir étudié très-attentivement ces arbres, que j'ai enfin trouvé dans la forme des sépales, et surtout dans le style et les stigmates, des caractères que je crois impor- tants dans les Mûriers : j'en ai donné quatre formes qui sont tranchées. Il faudra faire de nouvelles recherches l’année prochaine sur le frais, et voir aussi s'il ne se trouvera pas quelques autres bons caractères sur la forme des anthères et sur le sommet du filet.

J'ai donné, planche vr, les principales formes du style et du stigmate de quatre espèces.

MURIER MULTICAULE BULLÉ. M. MULT. PLANE. 219

Fig. 3. Mürier blanc, stigmates sessiles sur le carpe, papilleux sur leur partie convexe seulement.

Fig. 4. Mürier noir, stigmates sessiles, couverts de longues papilles sur toute leur surface.

Fig. 5. Mürier longstyle, stüigmates finement papilleux, portés par un style bien prononcé.

Fig. 6. Mürier multicaule, style plus court que les stigmates, très-minces et finement papilleux sur toute leur surface, sépales circulaires, tandis qu'ils sont ovales dans les autres espèces.

Var. 1. Mürier multicnule bullé (1) (Horus multicaulis cucullata, SERING. pl. XVI).

FEUILLES plus ou moins eloquées et bullées, minces, très-molles au toucher, surtout dans les jeunes individus. FruiTs ovoides rouge assez foncé (2).

Var. 2. Mürier multicaule plane (3) (Morus multicaulis planifolia ).

FEUILLES planes fermes, quoique assez minces, moins lisses que dans la première variété. FRUITS ovoïdes-oblongs, d'un rouge très-foncé.

(1) Morus multicaulis, PERR. archiv. bot. v. 1, p. 228, fig. 1? (1833).

SpAcH, suit. Buff. V. 2, p. 46 (1842).

Morus cucullata, BONArF. mem. cult. Mér. 1831, p. 7.

Murier multicaule et M. multitige.

M. des Philippines.

M. Perrottet.

Morus bullata, BALs.

® Tout ce qui a été dit à l’espèce se rapporte essentiellement à cette variété, bien connue des horticulteurs et des sériciculteurs.

(3) Alürier multicaule hybride, Aunis. jard. Tonn. 83! 65! 123! 47! 48!

220 MURIER NOIR.

Dans les divers semis faits par MM. AUDIBERT, on a trouvé d'assez nombreuses variations, à peine caractéristiques, comme cela arrive toujours dans les très-nombreux semis d'arbres que font depuis vingt ans les horticulteurs. Ainsi, personne ne doute que le Robinier faux-acacia n'ait produit l’Acacia parasol des jardiniers, l’Acacia pyramidal, l' Acacia sophora, et il est éton- nant, depuis que la manie des hybridations a lieu, qu’on ne les ait pas regardées comme autant d’hybrides. Il en est de même de bien d’autres espèces. Si les jardiniers, et même les botanistes, enten- daient par hybrides la fécondation d’une variété par une autre de la même espèce, nous pourrions nous entendre ; mais l'appliquer entre deux espèces vraies, bien caractérisées par des botanistes sérieux, c'est ce que je n'admettai qu'avec des preuves bien valables.

C’est pour chercher à faire abandonner cette expression, que j'ai employé dans un ouvrage publié à cet égard, le mot de métisme pour des croisements de variétés, en n’appliquant le mot d’hybride qu’à la zoologie, pour des croisements de véritables espèces.

TROISIÈME ESPÈCE.

MURIER NOIR (HORUS NIGRA, LIN. spec. p. 1398. SERING. pl. x1x et vi, fig.3, #, 5 et 6).

GRAND et BEL ARBRE à écorce grisätre, puis noirtre, ge ot de toutes les variétés du Mürier blanc.

RAMEAUx courts, bruns, poilus dans leur jeunesse, à entre- bourgeons (ou méritalles) courts, portant de longues lenticelles linéaires.

BoURGEONS ovoides-coniques au printemps, portant au-dessous la cicatrice qu'a laissée la chute de la feuille, et latéralement deux autres lignes cicatrisées par suite de la chute des stipules.

MURIER NOIR. 221

FEUILLES en cœur, courtes et très-larges, fortement fibrées, dernières ramifications des fibres accusées par un point au milieu de presque toutes les mailles du réseau , profondément échancrées à leur base, épaisses et très-rudes à leur surface supérieure surtout, soit par les poils courts et raides qui les couvrent, soit par les petites bullations qu'elles présentent, bordées de larges dents obtuses , inégales , plus rarement lobées que dans le Murier blanc. Pétiole court, cylindrique , à peine creusé d’un léger sillon en dessus; stipules très-grandes, lancéolées, à dorsale très- marquée.

FLEURS disposées en gros épis laineux d’abord, à sépales larges, obtus, laineux, surtout au sommet.

FLEURS CARPELLÉES nombreuses, serrées; séigmates très- grands, partant immédiatement de dessus le carpe, et couverts sur toute leur surface de papilles très-marquées.

ÉPIS DE FRUITS très-gros, luisants, d’un noir violet et d’une grande succulence.

Ce grand et bel arbre paraît être aussi originaire de la Perse et de la Chine. On en trouve encore quelques-uns dans les cours de plusieurs constructions rurales ; il est peu cultivé pour la nourriture du ver-à-soie, qui mange sa feuille, mais que l’on accuse de produire une soie plus grosse que celle obtenue par le Mürier blanc. Il paraît qu’anciennement le Mürier noir était assez souvent cultivé, car OLIVIER DE SERRE (sous Henri IV) disait : Si vous avez des Müriers noirs, conservez-les; mais si vous en plantez de nouveaux, faites choix du blanc. Il trouvait aussi, que le Mürier noir poussait trois fois moins vite que le blanc, et que la soie que produisait le noir était plus grosse. On sait que le choix de la variété du Mürier blanc influe aussi sur la finesse de ce fil précieux, que le Mürier multicaule le produit plus fin que les autres. D'ailleurs, le Märier noir pousse moins vigoureusement et donnerait probablement une trop petite quantité de feuilles.

Les fruits de ce Mûrier sont employés pour la confection du Sirop de Müres ; ils sont aussi très-recherchés par la volaille.

229 MURIER NOIR DENTÉ.

Cette espèce, étant peu cultivée, ne présente que peu de variétés. Cependant, dans la jeunesse de l'arbre , il produit souvent des feuilles profondément lobées, mais toujours bien différentes de celles du Mürier blanc. D'ailleurs, son bel embranchement et son large feuillage devraient le faire entrer dans nos jardins paysagers.

M. HEDDE pense que le Märier noir a été porté d’Espagne à Sainte-Croix-de-Ténériffe, lors des premiers temps de la colonisa- tion , et des îles du cap Vert au cap de Bonne-Espérance.

Cette espèce devient toujours plus rare dans nos cultures. Il y a un demi-siècle , on en trouvait de très-grands et très-volumineux individus dans des cours de maisons de campagne. On en rencontre encore quelques-uns dans les Cevennes. Le Bombix du Mürier mange très-bien sa feuille, quoique très-dure. On assure que le ver-à-sole qui s'en nourrit produit une soie plus grosse, moins souple , et conséquemment moins recherchée. Son emploi serait, par suite de cela, plus restreint. Ce Mürier, parfaitement distinet, comme espèce, des nombreuses variétés du Würier blanc, se feuil- lant un peu plus tard que ce dernier, serait moins sujet à la gelée ; mais il offrirait peut-être l'inconvénient de pousser moins vigoureu- sement dans sa jeunesse, et d’être plus long à fournir une nourriture abondante. D'un autre côté, ses feuilles, dures, rudes et épaisses se conserveraient plus facilement après avoir été cueillies.

Les fruits du Mürier noir sont très-recherchés par la volaille, mais n'ayant pas été semé dans beaucoup de climats et de terrains divers, il n’a pu présenter que très-peu de modifications ou

de variétés. Ses fruits servent aussi à faire le sirop de Müres des pharmacies.

Var. 4. Muürier noir denté (Morus nigra dentata).

Dexrs des feuilles larges à leur base, mais non lobées. Cette forme est la plus fréquente.

MURÎER NOIR LOBÉ. MURIER ROUGE. 223

Var. 2. Murier noir lobé (Morus nigra lobula).

FEUILLES plus ou moins profondément lobées eten outre dentées, surtout dans les jeunes branches qui partent au niveau de Ja terre.

\ A

QUATRIÈME ESPECE.

NURIER ROUGE (1) (MORUS RUBRA, LIN\. spec. 1398 (1764), SERING. pl. xx.

Le plus bel ARBRE du genre, à écorce gris-cendré sur les anciennes branches, mais couleur canelle dans celles de l’année précécente, et dont presque tous les organes verts, très-mollement veloutés dans leur jeunesse, perdent bientôt tous leurs poils.

FEUILLES grandes, ovales, à peine échancrées à leur base, brus- quement acuminées au sommet, rudes dans un âge avancé par les très-petites bullations qu’elles portent à leur face supérieure (2), très-finement et abondamment veloutées et blanches en dessous dans leur jeunesse , ressemblant un peu à celles du Tülleul à grandes feuilles; elles sont moins échancrées et un peu plus acuminées, mais à lamelles semblables. Pétiole cylindroïde, creusé d’un léger sillon à bords obtus. Stipules rougeûtres.

FLEURS ANTHÉRÉES en épis làches (comme dans les Chênes), pendants, oblongs et à pédoncule velouté. Sépales très-obtus , rougeâtres et un peu laineux au sommet.

(1) Muri. dict. éd. 1785, v. 5, p. 162*, 3.

Mürier de la Curoline, Marr. Buro. selon Auni8. 1853 et 1854!

M. missouriensis, Aupis. jard. Ton. 1853 et 1854!

M. rouge d'Amérique, Aunis. jard. Ton. 1853 et 1854!

M. pensylvanica, Marr. Buro. selon Aupi8. jard. Ton. 1853 et 1854! M. rouge hybride, Aunis. jard. Ton. 1853 et 1854!

M. canadensis, Ar. SÉNÉL. 1853!

(2) Ces bullations légères s’effacent par la dessication.

224 MURIER CANADIEN.

FLEURS CARPELLÉES en épis cylindriques, nombreuses et serrées. Sépales comme dans les fleurs anthérées, d’un rouge-brun, deve- nant promptement noir et assez sapide. Stigmates très-longs, filiformes, partant immédiatement de dessus le carpe.

Cette belle espèce, dont de très-grands individus se trouvent dans le jardin AUDIBERT, à Tonnelle, présente, plus que d’autres, la singularité de porter une année des fleurs anthérées, et l’autre des _fleurs capellées ; c'est, d’ailleurs, l'un des Müriers qui donne très-souvent, en même temps (sur le même individu), des fleurs anthérées et d’autres carpellées.

Quelques vers nourris avant leur troisième mue avec les feuilles de cette espèce ont assez bien réussi. Il est convenable de faire, sous ce point de vue, de nouveaux essais. Les feuilles, plus sèches que celles du Märier blanc greffé, alimenteraient probablement mieux les vers.

M. HEDDE indique que le Märier rouge à été apporté de la Nouvelle-Orléans à Bourbon.

CINQUIÈME ESPÈCE.

MURIER CANADIEN (MORUS CANADENSIS , Poir. encyel. bot. t. 4. p. 380 (1796).

ARBRE de moyenne taille (dans nos jardins), à écorce d’un brun jaunâtre. Rameaux de l’année olivâtre, lisse ; lenticelles linéaires.

FEUILLES largement ovales, arrondies, non échancrées à leur base, ternes, velues en dessous dans leur jeunesse. Pétiole cylin- droïde à peine canaliculé, s’épanouissant dans la feuille, quelquefois à deux autres lobes latéraux très-arrondis, beaucoup plus grandes que celles du Mürier rouge avec lequel cette espèce à des rapports, ovales acuminées, à trois fibres principales peu diver- gentes, de manière que les latérales sont très-éloignées des bords obtusément dentés, présentant un gros réseau très-saillant en

MURIER LONGSTYLE. 225 dessous et déprimé en dessus. Entre cette forte réliculation, les utricules forment des bullations en dessus à la manière des Laitues.

Épts allongés, ovales, portés sur un pédoncule velu, comme les pétioles, dans ceux à étamines. Fleurs serrées.

Habite le Canada, l'Amérique boréale.

Les vers-à-soie ne le mangent pas.

SIXIÈME ESPÈCE.

MURIER LONGSTYLE |!) (MORUS STYLOSA, SERING. pl. XXI (1854).

PETIT ARBRE à rameaux effilés, nombreux, bruns, ascendants, fasciculés et formant des angles très-aigus.

FEUILLES ovales, arrondies à leur base , assez minces, un peu rudes, le plus souvent très-longuement acuminées , ressem- blant à celles du Micoucoulier austral (Celtis australis), iné- galement dentées, rarement divisées profondément en deux ou trois lobes, et à sinus arrondis. Stipules très-longues, très-étroites et fort aiguës. Pétiole cylindroïde et étroitement canaliculé.

EPIS ANTHÉRÉS.....

Epis CARPELLÉS (femelles), ovoïdes-sphériques et à fleurs serrées. Sépales très-luisants, passant rapidement du vert au rouge et bientôt au noir. Stigmates très-longs et très-papilleux, unis

(1) Le vague que laissent les diverses dénominations données à cette espèce, sans pouvoir trouver nulle part des caractères, me force à appliquer un nom nouveau, pris dans la grandeur du style, caractère qui se rencontre rarement dans les autres espèces. Je m'y suis d'autant plus facilement décidé, que le nom d'Zndica que semblent lui donner quelques auteurs, ne peut s'y appliquer, vu l'analyse qu'en donne Rugepe, et dont les feuilles d’ailleurs répondent à la description tracée par le grand botaniste suédois. L'examen de la fleur carpellée (femelle) qu’en donne Rugene, ne peut permettre de la rapporter à notre Mérier à longstyle (M. stylosa).

Voir hortus malabaricus, v. 1, p. 87, tab. 48, et plus loin le Mérier indien.

Le caractère de l'acumination des feuilles est si saillant, qu'avant d’avoir remarqué le style, j'avais désigné l'espèce sous le nom d’acuminosa.

415

226 MURIER LONGSTYLE.

au-dessus du carpe en un style bien marqué, (tandis que dans le Mürier blanc et le noir, le carpe est surmonté de deux stigmates, sans être unis en style).

FRUITS pourpres et doux.

Cette espèce est extrèmement distincte de toutes les autres. Elle est délicate : elle avait déjà souffert chez MM. Auptis8ert en 41853, mais bien davantage en 1854. On dit qu’elle sert à alimenter les vers-à-sole dans son pays natal. Quant aux essais que j'en ai fait sur des vers après leur seconde mue, ils ont été infructueux. Il faut répéter cette tentative (1).

Cette espèce de Mürier, dont les extrémités des rameaux ont souffert du froid pendant les deux derniers hivers dans le jardin AUDIBERT, a des rameaux minces, allongés, flexibles et . rapprochés comme ceux du Bouleau blanc.

Il est probable que cette espèce atteindra peu d’élévation, même dans le Midi de la France, et ses rameaux fasciculés et disgracieux la feront probablement repousser comme arbre d'ornement.

(1) Voici les diverses dénominations sous lesquelles j'ai vu, dans les jardins ou dans les collectidns, cette espèce :

M. japonicu, jard. Aunis !

A1. de la Bonite, jard. Au!

M. japonica de lu Bonite, d'après AuDis.

31. indica, rapporté de l'Inde, PEER par M. Mace, et communiqué par le Musée de Paris! 1834.

M. Lhou, rapporté par M. Perrorrer (d’après MM. Aunisenr), mais bien certai- nement ce n’est pas le D. Lhou ou Lou, cultivé et envoyé par Camille Beauvais.

M. indica, échantillon à la complaisance de M. Spacx, avec un deuxième nom, M. intermedia Perrottet! échantillon provenant du jardin Noisezce, 1832, par M. Spacu!

Si ce dernier synonyme (éntermedia) est vrai, ce voyageur a bien mal figuré les analyses de sa plante, dont il donne une meilleure analyse pl. 2, sous le nom de M. indica, fig. 2, lettre H. I. K. L. Je doute cependant que la fig. I. soit juste, tant pour la forme de la graine, que pour celle de la position de “l'embryon, dont la racine répond à deux des bords des cotyles, et non à la face de l’un d'eux (comme il l'a indiqué).

af. indica, provenant de Coromandel, par M. Macé, d’après l'exemplaire à la bienveillance de M. Decaisne, 1851.

A1. alba? M. indica? provenant d'Arabie (Nakhal, près Mascate), recueilli par M. Éloy Aucuer, herb. d'Orient, 5320! à M. Decaisne.

LR LES) 5 à

MURIER LONGSTYLE.

Var. 1. Muürier longstyle oval ( Morus slylosa ovalifolia ).

Tout ce qui a été décrit et cité jusqu'ici se rapporte à cette variété; mais je dois encore à l'extrême bienveillance de MM. DE- AISNE et SPACH, la variété suivante.

VAR. 2. Murier longsiyle à larges denis ( Horus stylosa latidentala ),

FEUILLES ovales, longuement acuminées , à dents grandes et peu nombreuses.

MURIER INDIEN, d'après VICTOR JACQUEMONT, provenant de l'Inde- Orientale, et catalogué sous le 346 ! au Musée de Paris 1854. M. DECAISNE m'écrit que cette plante est en arbuste, mais que dans l’Indoustan elle s'élève à la hauteur de notre Mürier blanc.On croit qu'on donne ses feuilles à manger au ver-à-soïe dans le Bengale, on le cultive abondamment de bouture.

L'Herbier du Musée de Paris possède un exemplaire récolté en Chine (Macao), par GAUDICHAUD (Voyage de la Bonite, en 1836- 1837); donné par M. CALLÉRY, qui se rapporte certainement à cette variété. :

Var. 3. Muürier longsiyle cordiforme (Morus stylosa cordifolia ). :

FEULLES en cœur très-courtement acuminées (dans la grandeur et la forme des figures 4, 2, 3 du Mürier blanc à feuilles minces, pl. x1 de ce travail). J'ai à citer deux exemplaires provenant encore du Musée de Paris : l’un de l’Inde-Orientale, récolté par M. Vicror JACQUEMONT , catalogué 442! l'autre , recueilli par le même voyageur, à Delhi (Inde-Orientale), 250 ! M. DECAISNE ajoute que ces Müûriers sont cultivés, dans ces localités, à cause de leur

228 MURIER KÆMPFER.

ombrage et de leurs fruits, et non pour la nourriture du ver-à-soie qui n’y est pas connu. D'ailleurs, ces trois variétés offrent toujours un style très-prononcé.

SEPTIÈME ESPÈCE.

MURIER K/ÆMPFER (MORUS RÆMPFERI, hort. AuDIB! 1853 et 4854. SERING. pl. XxXIH1).

ARBRE jeune (2 ou 3 ans), très-remarquable au premier aspect par la teinte d’un noir violâtre qui est répandue sur toute la plante.

RAMEAUx de l’année, ouverts, pétioles et pédoncules couverts de poils appliqués.

LAMEs des feuilles ovales acuminées, régulièrement dentées, à fibres réunies élégamment en festons près du bord, celles du troisième ordre partant à angles horizontaux et formant un réseau carré tout particulier et moins marqué que dans les autres espèces.

PÉTIOLE cylindrique court, très-étroitement creusé en canal.

STIPULES lancéolées-oblongues, acuminées, à dorsale très- prononcée.

z. FLEURS ANTHÉRÉES en épi violâtre, relevé d’anthères blanches. Pédoncule plus long que l’épi. Sépales violâtre lie de vin, un peu charnus, mais presque transparents. |

FLEURS CARPELLÉES. . . ..

Fleurit un peu plus tard que le Mürier blanc. Son pays natal m'est inconnu. Il a été envoyé à MM. AUDIBERT par MM. VAN-HOUTTE et PAPELEN. Cette belle espèce est extrèmement distincte des autres par la teinte violet-sale qui couvre toutes ses parties. Elle se multi plie facilement de bouture.

Quelques essais faits pour alimenter les vers-à-soie sont encore très-incertains. |

MURIER INDIEN. 229

HUITIÈME ESPÈCE.

MURIER INDIEN (Horus indica, LINN. spec. ed. 2, p. 1399 (1764), en excluant la synon. de RUMPH. qui se rapporte au M. blanc.—Pl, xx1, fig. 2 de ce travail).

FEUILLES ovales-oblongues, égales aux deux extrémités, inéga- lement dentées.

A ce peu de mots se borne le signalement de l'espèce établie par Linné, sous le nom de Morus indica. Il cite, il est vrai, deux figures, mais qui ne servent qu’à augmenter l'incertitude : l'une est celle de Rumpurus, herb. amb, auct. 6, p. 9. et tab. 6. (1650), (et SERING., pl. XXI, fig.l), qui se rapporte au Mürier blanc ; l'autre de RHSEDE, hort. malab., 4. p. 7, tab. 48 (1678), qui porte pour nom Tinda parua, dont la forme des feuilles correspond bien à la description qu'en donne l’auteur suédois. L'analyse que figure RHEEDE ne laisse aucun doute que sa plante ne soit un Mûrier (voir l'explication de la planche) et que ce soit bien elle qu'il a entendu décrire.

M. Spacx, suit. à Buff. 14, p. 47 (1843), décrit un Mürier de l'Inde ; il cite aussi les deux planches indiquées par LINNÉ (1).

D'ailleurs, les figures du Morus indica PERR., (observations sur le Mürier multicaule, p. M et pl. 2, lett. h, e, k, 1), ne se rap- portent pas à ce que je crois être le vrai Morus indica, d'après les analyses données par RHEEDE, mais bien à ce que je décris sous le nom de Morus longistyla.

Le TINDA-PARUA, RHEED. hort. malab. p. 87, fig. #8 (et non

(1) Malgré les exemplaires qu'a bien voulu m'envoyer M. Spacu, du Morus indicu, je ne puis en rapporter aucun, à ce que je crois, que LiNNE a eu l'intention d'indi- quer sous ce nom.

230 MURIER INDIEN.

par erreur 49) (1). SERING. pl. xXx1, fig. 2, À. B. C. D. E., est, dit ‘auteur, un grand ARBRE qui croit dans les sables.

RACINE à écorce épaisse, blanchâtre, molle, d’un blanc-jaunâtre, lactescente, à saveur astringente, à bois blanc.

TRONC pouvant être entouré par les bras de l'homme. Ecorce cendrée, lactescente.

FEUILLES raides, dures, oblongues, arrondies, nullement échan- crées à leur base, de la forme de celles du Saule des Chévres, à peine acuminées, à dents écartées et courtement pétiolées, fibres qui partent de [a dorsale, peu nombreuses, arquées en dedans.

FLEURS disposées en épi sphérique.

Fous les autres caractères donnés dans la description par RHEEDE, signalent parfaitement le genre Mürier, ce que confirme encore l'analyse que l'auteur en a donnée, mais qui ne peut nullement se confondre avec notre Mérier longstyle.

(1) LinXE, Species plantarum, p. 1399 (1764), rapporte à son Mrier de l'Inde Morus indica), la table 5, v. 6, p. 9 de Ruwpmius, hortus malobaricus (reproduite par SERINGE, pl. xx1, fig. 1), une plante, qui certainement n’est nullement en rapport avec la courte description (cependant caractéristique) qu'il en donne. Cette figure, selon moi, doit être rapportée au Mürier blanc (Morus ulba).

Comme on peut le voir par la figure donnée par Rumpxius, dont nous reprodui- sons un fragment, ces deux espèces ne peuvent se confondre :

Celle de RumPius. Celle de RHEEDE.

Feuilles en cœur, échancréés à {eur Feuilles ovales, nullement échancrées base qui est large; fibres secondaires à leur base, se terminant en pointe à étalées-ascendantes, atteignant les bords leurs extrémités; fibres secondaires ar- presque sans se courber; dents fines et quées en dedans et se perdant sans nombreuses. joindre les bords ; dents écartées cou-

chées.

Il ne peut donc y avoir le moindre doute : ce sont évidemment deux espèces très- distinctes, que Je nom donné par les auteurs anciens rapprochent et nullement par les caractères; d'ailleurs, Ja description donnée par Ru£epe est lrès-claire, celle

de Ruuraius l'est bien moins.

MACLURE. 231

GENRE ?. MACLURE (1) (#HACLURA, NUTT. gen. 2, p. 234. SERING. pl. XXVII.)

ARBRES de taille moyenne, à rameaux verts, garnis de lenticelles oblongues.

FEUILLES lancéolées entières ou faiblement dentées, portant à leur aisselle un bourgeon et souvent une épine, très-dure (dans la Maclure orangée).

FLEURS ANTHÉRÉES très-pelites, disposées en petites têtes et pédicellées, à » sépales libres, devant lesquels sont autant d’éta- mines (au moins dans la Maclure orangée).

FLEURS CARPELLÉES sessiles, réunies en capitule très-serré (comme celles des Platanes), portées sur un réceptacle charnu, sphérique. Sépales k libres, opposés 2-2, s’allongeant beaucoup pendant la Maluralion, à sommets très-obtus et renflés, ettellement serrés à la maturité qu'ils forment une tête de fruits, du volume d'une grosse orange, mais bien plus bosselée qu’elle.

CARPE ovale, membraneux-charnu, rosé, caché par la base des sépales , et qui était longuement dépassé (lors de la fleuraison), par un long style velouté.

GRAINE ovoïde-comprimée, un peu échancrée au sommet. Racine el cotyles opposés au hile, à cotyles ovales, obtus à la germi- nation; albumen nul et ressemblant à une graine de concombre enveloppée par un carpe membraneux.

Ce genre est extrèmement distinct de celui des Märiers : il n’a qu'un long style non divisé, des sépales grandissant beaucoup pendant la maturation, et restant verts jusqu'à la maturité, qui n'offre aucune succulence.

DL LITALS Res ue eee RP OL SR CL UT OL TR TT TONNERIVINNEE

(A) Lamb. Pin. 2, append. tab. 12. Jokilon, RArINEs0Q. Chioropghora, Gaunic. ad. Freyc. 509.

WW Go iK

MACLURE ORANGÉE.

PREMIÈRE ESPÈCE.

BACLURE ORANGÉE |!) (Æ4CLURA AURANTIACA, NuTT. gen. 2, p. 234. SERING. pl. XxXvI1, avec analyses).

FEUILLES alternes, ovales acuminées , ondulées sur les bords irès-entiers. Fibres nombreuses , les secondaires partant presque symétriquement du faisceau de fibres qui séparent les lamelles, très- marquées en dessous, planes et déprimées en dessus, mais fibres iertaires en relief sur ces deux faces et se réunissant en feston près des bords. Pétiole cylindroïde; stipules oblongues , très- caduques, laissant deux cicatrices peu marquées. |

ÉPINES et souvent en même temps bourgeons axillaires.

CAPITEL DE FRUITS MURS, du volume d’une grosse orange, mais bien plus inégal qu’elle.

Cet arbre, en plain air, se feuillant tard, n'a pas encore été aiteint par nos gelées. Il résiste partout. Il est très-épineux.

Le Bombix du Mürier est très-avide des feuilles de cette plante, même ceux qui ont déja mangé celles du Mürier blanc ; mais s'il était facile d'en cueillir les feuilles , assez grandes, que porte l'arbre et que les épines qui se trouvent à leur aisselle n’y fussent pas , on ne pourrait utilement leur en donner, car les vers qui en ont été nourris constamment sont verdâtres, comme sanieux à la surface; les cocons en sont très-faibles , et beaucoup de vers n'arrivent pas au quatrième âge.

On a commencé à essayer les fruits de la Maclure comme matière unctoriale jaune. Il paraît y avoir chance de succès.

L'introduction en Europe de la Maclure orangée date, d'après BoNNxAFOUS (Traité de l'Éducation des Vers-à-Soie, édition,

1) Morus tinctoria sloune. TAUND bp. 3?

MACLURE BOISJAUNE. 233 1840), de jeunes plants envoyés de Baltimore, en 1815, par M. Victor LEROY à ANDRÉ MicHAUx. Quatre d'entr'eux furent plantés chez M. CELs, et le cinquième au Jardin du Muséum de Paris.

Le nom de Mürier des Osages, sous lequel cette plante a été désignée, quoique n’appartenant pas au genre Mrier, provient du nom d’une tribu de la Louisiane qui emploie ses rameaux à faire des arcs. |

La Maclure orangée est l'arbre qui offre le plus de moyens de multiplication, car on peut l'obtenir de graine, de marcotte, de bouture, de racines etmème de greffe sur la Broussonétie à papier.

SECONDE ESPÈCE.

MACLURE!: BOIS JAUNE (MACLURA XANTHOXYLON, End.)

ARBRE qui semble moins fort que la Maclure orangée.

RAMEAUX cylindriques , couleur chamois, un peu veloutés dans leur jeunesse, ensuite chauves, garnis de lenticelles ovales et très- obtuses.

FEUILLES ovales, très-aigument acuminées, à peine denticulées, à fibres planes en dessus, convexes et saillantes en dessous, cour- tement velues sur les deux faces, à dernières ramifications très- fixes et très-irrègulières , obseurément réunies en festons vers les bords. Pétiole court, velouté et canaliculé en dessus. Bords du canal arrondis. Stipules oblongues , acuminées , demi-membra- neuses , laissant une assez grande cicatrice obliquement trans- versale.

BOURGEON axillaire , très-oblong et fort pointu.

CAPITULE du volume d’un gros pois au moment de la fleuraison , porté sur un pédoncule de moyenne grosseur, formé de sommets de sépales très-arrondis et finement veloutés ; style indivis très- velouté, dépassant beaucoup les sépales.

FRUITS. ...

234 BROUSSONÉTIE.

Les deux exemplaires envoyés de l’Herbier du Muséum de Paris proviennent : l’un, de Corcoyado {Brésil méridional), recueilli par M. GUILLEMAIN (N° 144 et 847 du Catalogue de 1839 ); l'autre, récolté à Rio-de-Janeiro par GAUDICHAUD, en 1832. Ils se rapportent certainement au genre Maclure et non à celui de la Broussonétie (1).

© GENRE 3. BROUSSONÉTIE (2 (BROUSSONETIA , L'HÉRITIER, manuscr. selon VENTENAT, tab. règn. végét. 3, p. 547, 1799 (3).

D

GRAND ARBRE, à suc laiteux, spontané dans les îles de l’Asie, du Japon à la Nouvelle-Zélande, dont tous les organes , excepté les étamines et les carpels, sont couverts de nombreux poils laineux.

ECoRCE d’un brun noirâtre, mouchetée de points jaunes, dus aux lenticelles, qui d'abord sont circulaires et s’allongent ensuite en travers, de manière à la panacher de nombreuses taches de la nature du liége. Épiderme se déchirant de bonne heure. Fibres de l'écorce de l’année surtout extrêmement fines et employées à la fabrication d’un papier au Japon.

Bois blanc. Utricules centrales abondantes et très-blanches.

FEUILLES ovales, acuminées, mais d’ailleurs très-variables dans leur bizarre lobation, mollement poilues en dessous, surtout à leur naissance où- cette face est garnie de longs et nombreux poils couchés de haut en bas, ce qui rappelle les villosités également

PR -

1) Broussonctia tinctoria, Kuntu. d'après les deux exemplaires du Muséum de Paris. C’est sur eux que j'ai fait ma description.

(2) BROUSSONET était professeur de Botanique à l'École de Médecine de Montpel- lier en 1805.

(3: ANDREWS, bot. reposit. tab. 488.

Papirias Papirier, Poir. Encycl. bot. illust. tab 762 ‘bonne.

Broussonétier des jardiniers. .

BROUSSONÉTIE. 235 passagères de celles du Mârier rouge (M. rubra), très-rudes (de haut en bas) en dessus, rudesse due à de forts petits tuber- cules poilus; poils courts, raides et ascendants ; d’ailleurs ciliées, d'un vert sombre en dessus, d’un vert jaunàtre en dessous, les fibres sont assez saillantes.

FLEURS ANTHÉRÉES disposées en épis cylindriques étalés, sou- vent longs de plus de 4 centimètres , veloutées , naissant chacune à l’aisselle d'une longue bractée linéaire. Sépales k, lancéolés, unis (en tube) dans leur moitié inférieure ; filets filiformes transver- salement inégaux, infléchis d’abord, mais se déjetant élastiquement en dehors à la projection du pollen.

FLEURS CARPELLÉES disposées sphériquement sur une dilatation orbiculaire charnue du sommet du pédoncule, très-serrées les unes contre les autres, séparées par autant de bractées, en massue, à sommet pyramidal et poilu. Sépales 4-5, oblongs, unis presque jusqu'aux trois quarts (présentés trop peu unis dans la pl. xxvr, fig. 6). Carpel longtemps enveloppé par les sépales devenus membraneux, qui ne sont dépassés que par un très-long style non divisé en stigmates, mais finement papilleux.

FRuIT du botaniste (ou CARPE) presque succulent, d’un beau rouge orangé, porté sur une petite prolongation de l'axe floral de même couleur, dépassant le capitule sphérique vert formé de nom- breuses fleurs stériles. Ce carpe s'ouvre au-dessous de la naissance du style en deux valves ou lobes inégaux (charnus et d’un beau rouge orangé), dont l'un est terminé par le style fané et l'autre plus court. (PI. xxv1, fig. 10 et 14.)

GRAINE irrégulièrement ovoïde-triangulaire, pendante sous la naissance du style de la grande valve charnue, et portant la loupe) de nombreuses petites protubérances verruqueuses , disposées en lignes longitudinales.

236 BROUSSONÉTIE PAPIRIFÈRE.

PREMIÈRE ESPÈCE.

BROUSSONÉTIE PAPIRIFÈRE (BROUSSONETIA PAPYRIFERA (||), VENT. tab. règn. vég. 3, p. 547 (1799).

Voir le genre qui donne, en même temps, les caractères spéci- fiques.

LA BROUSSONÉTIE à papier est dans tout le Nord de la Chine, elle est connue sous le nom de Thou-Shi ou Schi.

Var. 1. Broussonétie papirifère normale (Broussoneiia papyrifera normalis, SERING. pl. xxvi, avec de nombreuses analyses.)

FEUILLES irrégulièrement dentées, non lobées ou à larges lobes, très-irrégulières. Répandue partout dans les jardins d'Europe.

Var. 2. Broussonétie papirifére à fruits blanes (Broussonetia papyrifera leucocarpa, AUDI. ).

CARPELS blancs, au lieu d’être d’un beau rouge orangé. Jardin AUDIBERT.

(1) Morus papyrifera, Linn. spec. 1399 (1764).

M. sativa, foliis urticæ mortuæ, cortice papyrifera, KæwpG. amœæn. 471. tab. 472. M. papyrifera sativa japonica, Ses. thes. p. 44, tab. 28, fig. 3 (selon Lin). Papirius japonicu, Porn. Encycl. Lot.

P. polymorphus, Ca.

BROUSSONÉTIE PAPIRIFÈRE. 237

Var. 3. Broussonétie papirifère capuchonnée ||) (Broussonetia papyrifera cucullata, SERING. pl. XxXVI, fig. 9).

FEUILLES entières, concaves en dessus, convexes en dessous, (capuchonnées ou cucullées par déformation).

PIROLLE, jardinier-amateur (1824), p. 643), l'annonce comme obtenue d’un semis fait au Jardin du Museum d’hist. nat. de Paris.

C'est un individu à étamines ou anthéré , qu'on n’a encore propagé que par la greffe.

VAR. 4. Broussonétie papirifère panachée (2?) ( Broussonelia papyrifera variegata).

FEUILLES panachées.

Var. 5. Broussonétie papirifère laciniée ( Broussonelia papyrifera laciniata).

C’est un état nain, d’un aspect tout particulier, que je considère comme variété à feuilles étroitement lacinées. La ciliation des lobes, l'espèce toute particulière de rugosité de leur face supérieure, la pilosité de toutes les parties vertes ne me laissent aucun doute. Le Jardin Botanique de Lyon possède ce singulier état depuis 25 à 30 ans ; mais 1l n’a jamais fleuri. Il a été toujours tenu en pot, et rentré pendant l'hiver. Il est lactescent aussi comme les diverses variétés de cette plante (fraiche) et à une saveur manifestement poivrée.

(1) Broussonetia cucullata des jardiniers. B. Spathulata des jardiniers.

B. navicularis, Lonp.

B. navifolia des jardiniers.

Mürier en capuchon des jardiniers.

2 B. maculata des jardiniers.

338 PLANTATION DES MURIERS.

TROISIÈME SECTION.

PLANT'ATION DES MURIERS.

Dans l'antiquité, on ne connaissait en Europe que le Mürier noir. Les anciens naturalistes, tels que DIOSCORIDE (chap. 143) et PLINE (livr. Xv, ©. p. 24), ne mentionnent pas le Märier blanc, et leur silence ne peut être une omission; car en 1570, MERCURIALI, médecin de Forli, n’attribuait la lenteur des progrès de l'industrie séricicole dans son pays, qu’en ce que le Mürier noir avait une végétation trop tardive, et que sa multiplication était trop difficile.

Il paraît donc bien certain, dit M. DE GASPaRIN, que l'introduc- tion du Mérier blanc accompagna celle du ver-à-soie, qui eut lieu sous le règne de JuSTINIEN. Cet insecte precieux fut importé à Constantinople, en 552. A cette époque mémorable, l'industrie de la soie, arrachée aux mystères dont la couvraient les peuples de l'extrême Orient, fit des progrès rapides en Grèce, et ce n'est que par une marche fort lente qu’elle a fini par atteindre les limites actuelles. (Voir, pour plus de développement, le Recueil des Mémoires d'Agriculture, vol. 3.)

Cette branche d'industrie est devenue tellement importante pour la France qu'elle produit pour 19 millions de francs de feuilles

S de Müriers.

L'industrie de la soie ajoute 23 millions.

14 MMOMDN.:.. /rue.. 270 id.

Latal.s4.44 3142 millions.

£e qui forme le tiers du produit de ses vignes (936 millions).

PLANTATION DES MURIERS. 239 Le Mürier blanc ne supporte pas la température de moins 25° centigrades. ;

90 Il ne vit pas dans les pays la température moyenne ne reste pas au moins trois mois, à plus 12°,5 après la récolte des feuilles, temps nécessaire pour que les nouvelles pousses puissent se consolider.

Les Müriers ne peuvent supporter de fréquentes gelées blanches au printemps.

Ni des gelées blanches tous les mois de l'année, ce qui s'oppose aux pousses herbacées de l'arbre.

Ils ne peuvent réussir dans les pays habituellement nébuleux, et dans les lieux ombragés, l'arbre manque de lumière, et ses feuilles fixent peu de matière solide (moins de 0°,30).

Il vit mal dans les contrées soumises aux effluves maréca- geuses, aux maladies miasmatiques.

Le Mürier reconnaît aussi des limites économiques: ce sont celles la production cesse de donner une rente du terrain notablement supérieure à celle des autres genres de culture,

Quand la végétation du Màrier s’arrête en automne, les branches de l’année présentent trois états différents : leur sommet est encore herbacé et est détruit par les premières gelées ; au-dessous est une portion un peu ligneuse, souvent verdâtre, qui périt si le froid est un peu intense; enfin, la partie dont le bois est bien formé (aouté), dont l'écorce est grise, porte les bourgeons assez solidement conformés, et qui formeront l’'embranchement de l’année suivante.

La partie herbacée est d'autant plus longue que la tige est moins élevée, qu’elle est plus près de terre et a reçu moins de chaleur dans l'arrière saison.

M. DE GASPaRIN à fait le calcul que le rameau de l’année ne passe à l’état vert qu'après avoir reçu 170° de chaleur en huit jours, au mois d'octobre, à Orange (en ajoutant chaque jour les maxima de chaleur); en treize jours, à Paris, sur des jets de 4 à 2 mètres.

La partie herbacée ne passe de l’état vert à l'apparence ligneuse

240 PLANTATION DES MURIERS. (aoutée), qu'après avoir reçu 450 à 560° de chaleur moyenne, selon les variétés.

Dans la France méridionale, après la cueillette des feuilles, qui est terminée quarante jours après l’incubation des œufs des vers-à- soie, la masse des arbres recommence à développer ses nouveaux bourgeons.

Ainsi, pour déterminer le nombre d’entre-nœuds (ou de feuilles que l’on pourra encore obtenir dans une localité, il faut ajouter quarante jours à la date du jour l'on met à l’éclosion, et ensuite calculer ce qui reste de degrés de chaleur moyenne jusqu’au moment la température tombe à + 13°5. En retranchant du total, 400 sur la somme de chaleur nécessaire au développement des bourgeons après la cueillette, 500 pour la partie verte qui ne se conserve pas, et en divisant le reste par 56, on aura nombre d’entre-nœuds que les rameaux conservent pour l’année suivante et

qui résisteront à l'hiver. Ainsi :

Stockholm.

A Palerme. | Orange. Paris. Berlin.

Commencement de l’incu- Dati" meurt 20 mars | 20 avril | mai | 20 mai | 2 juillet Fin de l'éducation ....... 23 avril | juin | 45 juin |1°* juillet} 20 août

Époque la température

descend à plus de 13°,5.115 octob. [25 octob.| 5 octobre) 20 sept. | 20 août Somme de température

moyenne pendant cet

INMerVaMe rer ee. 4351,59 | 2980,60 | 1903,56 | 1548,50 » Dontilreste en retranchant| 3751,59 | 2380,60 | 1363,56 | 1548,50 » Qui, divisée par 56,donnent

le nombre de feuilles dé-

VEIODDÉESS che cer 67 42 2% 16 »

On concevra facilement que si on laisse sur la base de chaque rameau de l’année précédente trois ou deux rameaux du premier printemps sans l’abattre et sans en cueillir les feuilles, comme nous

PLANTATION DES MURIERS. 41 le conseillons par la taille annuelle en juin, ces rameaux pourront bien facilement en développer autant de vigoureux, tout en gagnant les quarante jours évalués depuis le temps de léclosion jusqu'au moment de la montée, et que le rameau de l’année précédente aura bien le temps de cicatriser cette branche. Conséquemment, un jet qui aura duré du premier moment de l'incubation et quarante jours après, quarante Jours pendant lesquels l'activité printanière de la végétation a bien eu Le temps d'agir.

Il nous semble donc :

Que tout doit concourir à faire adopter la taille annuelle sur . rameau de l'année précédente, sur lequel on aura laissé les deux ou trois rameaux poussants, qui se développeront dans leur entier.

A ce très-grand avantage, on doit en ajouter encore un autre, celui de faire bien plus rapidement la cueillette des feuilles.

La non suspension de circulation de la sève et, par suite, le non engorgement des tissus.

Quant à lataille, ne s’opérant plus que sur des rameaux d'un an, elle sera plus facile à se cicatriser, que par la taille bisannuelle ou trisannuelle.

Le Mürier noir, le blanc et le multicaule sont presque les seuls que l’on emploie de nos jours pour élever le Bombix du Mûrier. Le Mûrier noir, notre ancien compatriote, a presque partout été remplacé par le blanc, dans les contrées surtout l'industrie de la soie est considérable. La lenteur de sa croissance, le peu de longueur annuelle de ses rameaux, la difficulté de le propager et la grosse soie qu’il produit, l'auront probablement fait abandonner.

La persistance de l'emploi du Mürier noir en Sicile, dans les Calabres, les Canaries, ‘et la préférence des sériciculteurs de ces contrées vient probablement, comme le pense M. DE GASPARIN, de ce que le Mürier blanc et le multicaule sont trop exposés à la gelée à cause de leur précocité, inconvénient que ne présente pas

le noir:

16

242 PLANTATION DES MURIERS.

Il parait bien prouvé actuellement que les vers-à-soie nourris avec le Mürier multicaule produisent de la soie très-fine, mais en même temps très-résistante; que les diverses variétés du Märier blanc en forment de moyenne grosseur, et que le noir produit des soies de Sicile, qui sont utilisées de préférence pour les galons.

D'un autre côlé, la moins grande précocité du Mürier blanc dans le Midi que dans la Sicile et dans les Cevennes, et en outre la grande facilité de sa multiplication, auront fait préférer le blanc au noir.

D'ailleurs, 1l est bien prouvé quele Mürier multicaule est plus précoce que le blanc; parmi les variétés de ce dernier, le plus printanier est la variété Moretti, ensuite celle à feuilles minces. En général, ceux tenus très-bas sont aussi plus tôt feuilés que les mivents, et surtout que les grands arbres. D’après cela, l’éducateur intelligent pourra profiter de ces observations pour avoir des uns et des autres ; il abritera, s’il le juge convenable, quelques mètres de haies, et trouvera, de cette manière, les moyens de préserver de la gelée les Müriers qu'il aura placés au Midi et qu'il veut utiliser les premiers.

il nous paraît très-diflicile, si ce n’est impossible, d'apprécier la quantité réelle de matière nutritive que contient telle ou telle espèce de Mürier, ainsi que leurs diverses variétés; car, pour faire toutes les recherches exactement comparatives, 1l faudrait que toutes fussent cultivées dans le même sol, parfaitement au même âge; et lors même que nous aurions des comparaisons rigoureuses, nous ne pourrions séparer exactement les proportions de la matière utriculeuse de celle de la partie fibreuse.

Quoi qu'il en soit, voici le résultat de quelques recherches faites par M. ROBINET :

PLANTATION DES MURIERS.

il 1

Consommation sur {00 de feuilles.

Épaisseur de la feuille (poids de d% millim. carrés ).

0 sur 100 parti

Muürier blanc mince.... 10.62 13,2 | 55 18.550 5.60 _— —usMohétii-s\. 9,90: 12245 51 |15,390| 5,31 es PI OSE ET €. 14,65 | 23,7 | 46 117,460! 5,45 —. maullicaule..:.. 8,90 | 17,2 58 116,270! 5,25

Quant à la conservation des feuilles en magasin, voici les résul- tas indiqués par M. DE GASPARIN :

Le Mürier dit d'Espagne est celui qui réussit le mieux dans les terres grasses et fortes du Midi. Il donne une grande quantité de feuilles épaisses et pesantes.

Le Mürier blanc rosé produit une moins grande proportion de feuilles, mais bien préférables : elles se conservent très-facilement.

Le Mürier multicaule ferme, dit hybride, résiste assez bien aux froids du Midi, ses feuilles sont d'une moyenne épaisseur et ne se fanent pas facilement. od

Le multicaule à ses feuilles très-fines , susceptibles d'être déchirées par les vents (dans le Midi et lorsqu'il est en arbre). IL est très-précoce ; il ne résiste pas à la température de moins 14° centigrades. .

. Le même savant agronome a obtenu les résultats ci-dessous de l'analyse des feuilles d'un jeune rameau de Mûrier greffé, complè- tement développé :

244 PLANTATION DES MUAIERS.

PR Ut is ES 68,6 Cataome nc. dr és 13,720 HNANUPEnR SE 6 re 4,760 OXISENG. 4 LUE à 13,080 AOC LS Me does nn 4,589 Cebdre, Lu ent 1,950

190,090

La première attention que l'on doit avoir lorsque l'on veut planter des Mûriers, c’est de faire choix du sol. Le plus avanta- geux est un terrain sablonneux ou graveleux , plutôt see qu’hu- mide, pourvu qu'il soit perméable, ou enfin un terrain calcaire. Dans ces sols, les Müriers n’y produisent pas des feuilles très- grandes et très-épaisses , les rameaux sont moins vigoureux, mais elles sont préférables. À poids égal, les moins grandes et les moins épaisses sont bien meilleures : les premières contenant beau- coup trop de parties aqueuses. Les terrams humides argileux produisent des feuilles d'une valeur nutritive bien inférieure , malgré que les arbres soient souvent d’une belle apparence.

Le choix du terrain étant fait pour une plantation d'une certaine étendue, il convient de le préparer économiquement, tout en mettant les raëines des arbres dans les meilleures conditions possibles. Comme le sol convenable pour le Mürier est sablonneux ou légère- ment caillouteux, et en général peu adhérent, on fera le travail préparatoire à la charrue , en creusant le plus possible. Le sillon fait, on fera passer une seconde charrue, des hommes remue- ront le fonds à la houe, à la triandine ou à la bêche.

Si le sol est très en pente, et qu'on ne puisse faire agir la charrue dans le sens transversal , on se contentera de faire des creux très-profonds.

En général, on fera mieux de planter les arbres ou les arbustes PLUTOT JEUNES que gros. En les arrachant, on peut mieux préserver leurs racines. Il ne faut jamais couper que celles qui sont cassées

PLANTATION DES MURIERS. 245 ou déchirées , et ne toucher aux branches que dans le cas elles seraient trop rapprochées ; mais il faut surtout avoir soin de ne pas tailler le sommet.

En outre, si la place qui doit recevoir les Müriers est dispo- nible, que la plantation ne soit pas exposée à être endommagée par une cause quelconque, les plantations jeunes sont préférables ; mais, pour la vente, ce n'est que la troisième année de greffe (au printemps) que les arbres sont vendus, lorsqu'ils ont de 20 à 25 centimètres de diamètre.

Malgré que nous conseillons des plantations de Müriers à larges feuilles (obtenus de semis de greffes), et que nous préférions des nains et des minains, dont on jouit promptement et que l’on peut détruire au bout d’un certain nombre d'années, pour faire d’autres plantations ailleurs, toujours à meilleur marché qu'avec de grands arbres dont on ne peut assez tôt jouir, voici les résultats de sérieuses observations faites par M. le comte DE GASPARIN, trop compétent sur ce sujet pour ne pas faire connaître les résultats de ses nombreuses remarques, et d’une longue expérience acquise dans une contrée essentiellement séricicole.

Le plant de Mürier à plein vent, greffé, se vend sur les lieux 1.25 c. pièce. Le cultivateur intelligent l’obtiendrait par lui-même à 40 c., et les nains à 25. Le plant du Mürier blanc Lhou et ses variations, celles du Mürier blanc Moretti, du Märier multi- caule, surtout la variété dite hybride, provenant de boutures ou de semis (individus à larges feuilles), reviendrait au producteur de 5 à 10 c., suivant l’âge.

Si l'on devait faire une plantation de grands Mûriers, comme on le pratique ordinairement, voici les dépenses qu'elle nécessiterait par hectare {dans le Midi) :

240 PLANTATION DES MURIERS.

Plantation de Müriers en plein vent, à 7 mètres en fous sens.

Préparation d’un hectare de terre. ...... 120 » Valeur de 204 Müûriers à 35 cent........ T1 40 Plantation à 40 cent. pièce . ........... 20 80 Culture pendant trois ans ............. 360 » Rente du terrain pendant trois ans...... 210 »

182 20

Frais annuels.

Amortissement : la plantation devant durer

SOixAntE. ANS: 7 MAPS RIRES 32 91 PECULIUrTES ARDTPES 221 PRE Re FM DEV CU RE TO ARE pans Salou 25 50 Engrais moyen dosant 160 kil. d'azote... 256 » D henie de A TEFr Per. EE Ca 70: »

458 12

Produit moyen comme dessus, 13,990 kil. de feuilles de printemps, diminué de 0,05 pour chance de pertes, ci 43,291 kil. AE ES 1 CODAGE: LS CR en 930 37

hésite nets LE 2e RES

Plantation de nains à 4 mètres.

APTE DAMON LESC PR PE RER Re AETE 120 » SUD MHTIÉLS SE PS, CNRC 156 25 APODOTIEN EEE, 276 25

PLANTATION DES MURIERS. 247

HODÉNEPRINENSS. LE 3 276 25 a PAntationracents ET eT. 125 » Culture pendant trois ans.............. 360 » DÉS UMP TEAM US EN gr AOL Pire, 210 » 971 25

Frais annuels. l-AMOorUsSements Tien: CLR ARE 54 12 PACE EE OT NS RE UT A TE CRD, Ce 73 TA DRAUIe A ACCEDER ES NUE Re 62. 50 RSR FAI EN Dee ia PE es L 256 » PAREIL der Id terre NS AN PIE NEUTRE 70 »

Produit maximum 30 kil. 63 par hectare, réduit au prix moyen pour chances 25 k.12, et par 625 arbres, 13,700 k.. 14099 »

Réstemets:: A A d'tar 582 68

Plantation de Müriers à 2 mètres l’un de l’autre.

AU EFODATALIDN 7 EN RAR QE 120 » A SOON MEUNIER NT D Peru RP TN A PR D 025 » du RIAUON T0 NET Ne MER 500 » MT AL aa C0 CR CAMAN 260 » DUR PU PT PR RS ORAN ee es RCE 210 »

1,749, »

Ni

44 PLANTATION DES MURIERS.

Frais annuels.

1 AOL ES Le PTE TE CE 169 40 CE AMAUPE SE EL RE ES et MS DE AO ETS Rare 13 71 RATE CE te RENE Pare US ARR AU 250 » SnePais 2e ne. SRAPRL MERE Re Et 256 » 5 -hente:de 1derré 52: TERRE RE 70 >

819 11

Produit maximum, avec réduction de chance à courir, 8 kil. 82, par 2,500 arbres,

DO DD MT EL CAT ARTE ST RUE A RS TS 1,543 50 Restéanet ES 2 MES EE ts 124 A9

Sur des plantations de Müriers, au Vigan, dans des conditions de végétation autant identiques qu’on peut en juger, on a obtenu d'arbres plantés à 7 mètres de distance en tous sens, à

An 0:00:12, “9.'ans...1:48:30 17 ans... 90,80 Dans: r10.00 140» 70158 80 4180217 008240 AUDE 20 9001 | MATE» 7 6160 1097 NOSEE Rp ART MR A0 AT ARE. E469,00 20: » = 9890 D 6 SAMOA SAS ES AL CUBUAD ER es 0008 00 6.» .. 9570 | 44 »:.. ‘77,60 | 22» .. 400,00 TPE Le DD T0 PRE Ep TE SORA

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La production moyenne pendant cette période a été de 57 kil. 8 par arbre, sur 208 arbres que porte l’hectare (plantation à 7 mètres, et chaque arbre jouissant de 49 mètres carrés de terrain) ou 12,022 kil. de feuilles de printemps, et en déduisant 5/100 pour les risques de gelée blanche, nous avons pour produit moyen 54 kil. 9 par arbre, et par hectare 44,419 kil. par an de feuilles de printemps.

Ces calculs (faits pour le Midi de la France) prouvent clairement

PLANTATION DES MURIERS. 249 qu'il y à avantage à faire des plantations rapprochées, qui durent moins, mais donnent un produit moyen plus élevé. C’est aussi la pratique qui prévaut aujourd'hui parmi les nouveaux planteurs.

En élevant soi-même des Müûriers de graine prise sur des arbres sreffés (non taillés préalablement depuis deux ans, s’il se peut), on à de jolis plants (pourrettes) à peu de frais, ou bien par des boutures de Lhou, de multicaule, on aura rapidement et à beau- coup moins de frais des plantations dont on pourra jouir même l’année de la plantation (4), et qu'on détruira aussitôt qu'on s'apercevra que la production diminue. On n’oubliera pas non plus que nous ne conseillons les engrais que pour les terrains très- pauvres l'on plante des Müriers dont les feuilles sont minces, et que l'on évite des achats d'arbres et des frais de plantation très- élevés ; que des personnes très-faibles peuvent faire la cueillette de feuilles et entretenir facilement les Müriers en bon état.

Avant de commencer la plantation, il faut avoir soin de pré parer les racines des arbres. Si ce sont de jeunes plants de deux ans et qu'ils proviennent d’un sol très-meuble, ils offrent une très-longue racine pivotante, qu'il faut raccourcir, moins si l’on plante à demeure dans un sol meuble, que si on les transporte en pépinière pour les laisser grandir ou les greffer et les retransplanter ensuite. Si, lors de cette mise en pépinière, on n’a pas fortement raccourci la racine pivotante, elle s'allongera, et lors de l'arrachage, on Sera obligé de la mutiler. Il vaut donc mieux, en la coupant courte, forcer le développement des racines latérales, qui s'augmen- teront beaucoup en nombre, présenteront moins de mutilation dans l'arrachage et bien plus de facilité pour la transplantation.

Si l'un des trois jets qui doit former les premiers membres d'un arbre n’était pas parfaitement égal aux autres, il ne faudrait pas trop s’en inquiéter ; on trouvera bientôtle moyen de l'équilibrer.

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b En employant la méthode de la Taille en vert ou annuelle. Voir cet article

250 PLANTATION DES MURIERS. il en sera de mème si l’un des autres embranchements était un peu plus faible.

En général, il vaut mieux réserver quatre branches primitives

que deux; car, en cas d'accidents sur une branche , on en trouve encore trois.

Dans le cas l'arbre n’aurait que deux branches, on le ramène à trois; on profiterait d’un nouveau rameau de l’année pour réta- blir l'embranchement ternaire , en ne détruisant pas cette nouvelle

pousse, (ou comme le disent les jardiniers) ne l’ébourgeonnant pas.

On sait que HALE a voulu connaître, par l'expérience, la force absorbante des racines du Mürier; il a trouvé qu’un jeune Mürier portant 395 grammes de feuilles employait 29 grammes d’eau en 2% heures. Il à observé que la consommation de la nuit est d'environ le quart de celle du jour.

Comparalivement avec quelques autres végétaux, il a trouvé que l'absorption était pour :

Le Soleil /Helianthus annus) . . . . 35 gram. 8 Le Chou [Brassica oleracea) . . . . 69 6 La Vigne. (Palis Du er din D LE DE MSNCEE Le Mürier (Morus alba) . . . . . . 29

Dans les nouvelles plantations, il faut éviter surtout les lieux les gelées printanières (gelées blanches) sont fréquentes. Le voisi- nage des rivières et des bois leur est aussi défavorable. Aussi, voyons- nous à regret sur les bords extrêmes du Rhône un certain nombre de Müriers dont les racines sont souvent mouillées par ce fleuve. Leurs feuilles sont évidemment (quoique belles) les plus nuisibles aux vers-à-soie, et pour les utiliser avec moins de désavantage, on devrait au moins ne les cueillir que dans les cas règne la sécheresse.

D'ailleurs, si un propriétaire voulait absolument planter des Müriers dans un sol un peu humide, je l’engagerais au moins à ne jamais y placer que des Müriers de semis à feuilles non lobées et

PLANTATION EES MURIERS. 251 grandes. Ces arbres ne produiraient jamais des feuilles aussi épaisses (aussi belles , dit-on) que celles de l'arbre greffé à feuilles presque charnues, que je repousserai toujours, surtout dans les sols fertiles et substantiels. Si j'en possédais, je ferais tout ce qu'il serait possible , tout en les utilisant, d'appauvrir l'apparente beauté de leurs feuilles.

Le Mürier est l’une de ces plantes bien plus rustiques que tant d'autres ; il résiste à tous les traitements qu'on lui inflige : récolte de feuilles, taille inconsidérée, replantation presque dans toutes les saisons, souvent après avoir été en partie gelé, après avoir eu les racines en parties séchées par l'air. Mais les époques les plus conve- nables sont, si l’on peut, en automne ou bien au premier printemps, même quand ses bourgeons sont déjà assez volumineux et commen- cent à montrer quelque verdeur. J'en ai replanté avec cinq à huit feuilles bien développées sur de jeunes rameaux de 10 à 18 centi- mètres, et qui ont repris en 1854 au moyen de faibles arrosements.

Le terrain qui paraît essentiellement disconvenir au Mürier, c'est de le replacer dans un endroit un autre vient d’être enlevé. C'est ce dont M. GAILLARD, de Brignais, qui a examiné l’année dernière les Müriers dans les Cevennes, s’est assuré. Si l’on ne laisse pas dix à quinze ans d'intervalle afin que le solse débarrasse profondément par la putréfaction des exsudations qu'ont déposé les racines de l'arbre précédent, on voit le Mürier nouvellement planté y languir sensiblement, tout comme le Pêcher, dans un sol on vient d'en arracher un autre.

Les Müriers nains ont généralement une foliation plus précoce : la cueillette s’en fait facilement ; les mivents les suivent et présentent les mêmes avantages. Les grands arbres se feuillent en général plus lard, et en cas de gelées printanières , ces trois grandeurs d'arbres offrent donc des avantages, si surtout l’on joint à ses cultures des variétés tardives ; mais ce que je conseillerai toujours, surtout dans des sols fertiles, argileux , humides , s'il faut absolument y placer des Müriers, c’est de n’y mettre que des arbres de graine à larges feuilles et non greffés.

252 PLANTATION DES MURIERS.

Si une plantation de Müriers nains de 45 ans donne encore d'abondantes récoltes de feuilles, pourquoi des mivents ne présente- raient-ils pas le même avantage, sisurtoutils sont convenablement écartés, cultivés et taillés, et que la terre végétale soit perméable.

d’ailleurs, des Müriers nains, qui sont d'habitude complè- tement abandonnés à eux-mêmes, souvent sans sarclage, sans binage, dont les feuilles sont recueillies sans la moindre apparence de soins, ne produisaient pas des feuilles aussi grandes qu'ils pour- raient le faire dans des sols extrêmement pauvres en débris organi- ques, pourquoi alors seulement ne leur donnerait-on pas quelques engrais et des binages convenables ?

Mais comme, en général, il faut profiter de l’espace, et que nous conseillons de planter les arbres ou les mivents à de grands inter- valles , on peut, si l’on ne veut y joindre aucune culture herbacée, placer pour un certain nombre d'années des nains en haies qui de longtemps ne seront ombragés par les autres Müriers en arbres.

On peut aussi élever des Müriers en £aillis dans les intervalles de hauts Mûriers. Ces taillis sont recoupés près de terre tous les quatre ans. Selon moi, ils n’ont pas d'avantage sur les nains, en ce que la première et la deuxième année après le recépage, les feuilles sont plus aqueuses que dans les Mûriers nains, sur sas nous conseillons la taille que nous avons proposée.

Une des exceptions que nous pourrions tolérer, ce serait de laisser des Müriers en arbres ou en mivents greffés dans des cultures en luzerne, en trèfle, un pré naturel sec ; mais alors je ne voudrais pas qu’on supprimät les plantes herbacées qui touchent le tronc. Dans un cas semblable, le Mûrier greffé, recevant une nour- riture appauvrissante, donnerait des feuilles approchant de celles du Müûrier non greffé.

Si, au contraire, le Mürier greffé est dans un sol substantiel, riche en engrais, humecté, ne craignez nullement de mettre à nu une partie de ses racines, à en enlever même une certaine quantité par la charrue, vous ne tuerez pas l'arbre (il est robuste); mais “ous rendrez les feuilles plus minces, moins charnues et bien plus

PLANTATION DES MURIERS. 253 convenables à la santé des vers-à-soie et à leur amélioration succes- sive. Nousles avons appauvris par des éducations continuelles, dans des lieux malsains pour eux ét trop peu aérés ; nous les avons nourris avec des feuilles trop aqueuses , ayons le courage d’en rétablir l’espèce par des soins aussi longtemps prolongés que notre indifférence a été longue.

Les. nombreuses variétés ou plutôt variations du Mürier blanc présentant des époques d'évolutions de bourgeons très-différentes, il est bon, dans une plantation, d'en posséder de précoces et de tardives ; dans le premier cas, pour avoir la possibilité d'obtenir des éducations de vers-à-soie avancées ; dans le second cas, si ces Müriers perdaient leur premières feuilles par la gelée, on püt pro- fiter des tardives pour alimenter des vers qu'on aurait été obligé de faire éclore plus tard pour remplacer les premiers.

Les Müriers en haies, qui sont préservés facilement par de légers abris, pourraient favoriser cette précocité dans les éclosions, ce qui permettrait d'éviter les grandes chaleurs de l'été qui sont l’un des écueils les plus graves.

On cherche depuis longtemps un suecédané au Mürier, et aucune plante n’a mieux réussi jusqu’à présent que l'alimentation avee la Maclure orangée. Get arbre se feuille plus tard que le Mürier, et ses feuilles pourraient servir à remplacer momentanément celles des Mûriers qui auraient été gelées.

MATTH. BONAFOUS signale, dans son Traité sur l'Education du Ver-à-Soie (1840) l'un de ses correspondants qui a alternativement nourri des vers avec le Murier blanc et la Maclure orangée sans qu'ils aient montré la moindre répugnance. Ils ont fait d'aussi bons cocons que les autres. J'ai fait la même expérience avec la Maclure dans les années je me suis occupé de petites éducations. Il serait possible, comme pour quelques Müriers en haies surtout, d’en placer dans des expositions variées, afin d'obtenir au besoin des feuilles précoces et d’autres tardives de l’un et de l’autre.

Que faire, dit CAMILLE BEAUVAIS dans une lettre à MATTH. BONA- FOUS, quand on n’a que 30 à 35 centimètres de terre végétale, et

254 PLANTATION DES MURIERS.

que le sous-sol ne vous offre ici qu’un banc d'argile froide, qu'une terre ferrugineuse , plus loin qu'une marne, tous contraires à la plantation des Müûriers? J'adoptai, ditl, le Mürier à basse tige : d'abord, parce que les enfants et les femmes âgées peuvent, à peu de frais, en récolter les feuilles ; en second lieu, parce que le Mürier, ainsi dirigé, produit moins de fruits ; ensuite, parce que les frais de plantation d'un demi-hectare de Müûriers à basse tige ne coûte guère plus que s'il était planté en grands arbres, et que si l’on compare le produit dans la première période de 24 années, on se persuadera que le premier donne trois fois plus de feuilles que le deuxième; enfin, parce qu’on entre en récolte appréciable dès la £e ou année avec des Müûriers à basse tige, et qu'il faut aitendre pendant dix à douze ans pour des Müriers en plein vent.

Chez une nation comme la nôtre, le temps exerce une grande influence, il est constant que beaucoup de cultivateurs s’adonneront à cette mdustrie, s'ils acquièrent la certitude de retirer des produits dès les premières années de plantation. À |

Cette culture à été adoptée par les Anglais qui habitent la presqu'île du Gange, ainsi que par les planteurs auxquels le Gouvernement britannique accorda , en 1826 , des concessions de terres considérables, avec de très-grands priviléges à Ceylan, à l’île Maurice, à la Jamaïque, etc.

Si on veut planter en haies, on creuse un fossé d'un mètre de large sur 60 à 70 centimètres de profondeur ; la moitié de l'épais- seur du’ sol est jetée d’un côté, l’autre moitié de l’autre ; le fonds est bèché à la triandine. On remplit le fossé jusqu'aux deux tiers avec la terre qui était d'abord en dessus, on place et étend les racines de Mürier dessus, à un mètre de distance et en ligne; on les recouvre avec de la terre prise au fond. On a soin ensuite de secouer perpen- diculairement les arbustes et d'engager la terre entre leurs racines, de manière à laisser le moins d’air dans le sol. On tasse convenable- ment avec les pieds.

Si on plante en lignes parallèles, on ouvrira un second fossé à 2 ou 3 mètres du précédent, en agissant de mème. Cette distance est

PLANTATION DES MURIERS. 255 convenable pour profiter du sol intermédiaire, ‘jusqu'à ce que les Müriers soient grands, en semant en Lupin, en Vesce, si le sol est pauvre en matières organiques ; ou bien, s’il est plus riche et qu'on puisse le fumer, on le plantera en Pommes de terre, Colza, Bette- raves et autres plantes annuelles ou bisannuelles. Après la récolte des Pommes de terre, on sème la Vesce (Pesette), qui couvre le sol le printemps suivant. On retourne cette plante prairiale (très-azotée) au moment de la fleuraison, ou bien on fait une première coupe pour retourner le sol plus tard. On revient ensuite aux Carottes ou aux Pommes de terre.

Si l’on a planté des arbres, on passe la charrue tantôt dans la longueur du champ, d’autres fois en travers; on a soin de laisser autour de chaque arbre un carré non travaillé que l’on bine deux ou trois fois par année. Après plusieurs années d'un travail assidu, on a fait des récoltes de feuilles de Mürier, de Pommes de terre, de Seigle, de Carottes, de Raves, plus tard de Betteraves, ec.

Après avoir labouré le terrain, le Lupin, la Vesce et le Seigle se sèment à la volée ou dans les sillons. Dans le premier cas, on passe ensuite la herse un peu chargée; dans le second, la charrue referme le sillon précédent ensemencé ou planté. On sème de deux à trois hectolitres de Lupin ou de Vesce par hectare ; au moment de la parfaite fleuraison, on passe le rouleau sur les tiges, et on laboure pour cultiver pendant deux années consécutives. M. PAYEN a trouvé dans le Lupin blanc 3,49 d'azote p. 100 à l’état frais, et 4,36 à l’état complètement sec. C’est donc un engrais fort riche en azote. Ces graines, macérées dans l’eau, perdent leur amertume, et lorsqu'elles sont bouillies , on les emploie pour engrais aux pieds des Oliviers.

La disposition des Müriers en haies offre de très-grands avantages. Quand la plantation est bien dirigée, elle forme l’une des meilleures elôtures, et d’un certain produit dès la seconde année. On peut en avoir de grandes étendues. Les feuilles en sont très- précoces ; elles peuvent, à peu de frais, être préservées de la gelée par de très-légers abris, par de simples et grossières toiles, de légers

256 PLANTATION DES MURIERS.

paillassons. On peut, par le même moyen, en couvrir des parties en temps de pluie. Traitées par la tulle en vert, on peut encore profiter de la seconde feuille à la fin de l'éducation; c’est un des moyens dont les éducateurs de vers-à-soie sont loin de connaître toute l'importance.

Dans quelques sols dont la couche de terre perméable est peu profonde et dont le sous-sol ne peut être pénétré par les racines, les Müriers mivents, et à toute rigueur en haie, sont bien préfé- rables. Quelques sondages faits sur divers points du sol qu'on veui planter doivent décider d’ailleurs l'élévation que l’on veut donner à ces Müriers ; mais je ne saurais trop le répéter, les haies et les mivents sont bien préférables aux arbres. Que d'économie dans la taille etla récolte des feuilles ! que de dangers à éviter, tout en laissant arriver les arbres à la vieillesse que l’on voudra qu'ils acquièrent!

Pour les Muüriers mi-naîns, le sol sera préparé à la char- rue le plus profondément possible; et un peu nivelé s’il est néces- saire. On ouvrira des trous carrés à six ou huit mètres de distance dans tous les sens. Ils auront au moins un mètre de côté et autant de profondeur.

La plantation des mI-NaINS, embranchés à 1 mêtre du sol, est préférable à toute auire. Que l'on veuille tailler en vert (1) ou ramasser les feuilles directement sur l'arbre, le travail sera toujours bien plus économique, et pourra facilement être fait, même par des femmes.

Il semble inutile d'indiquer que la profondeur, à laquelle les racines des Müriers doivent être placées, est variable suivant la nature plus ou moins compacte du sol, suivant que l'arbre sera placé dans les climats méridionaux ou du nord. Dans ces derniers , si l’on plante trop profond , l'arbre ne jouit pas assez vite du bienfait de la chaleur , et poussera plus tard. Dans le Midi, les vents sont impétueux, il faut non-seulement planter plus profondément à

1) Voir l'article Taille.

PLANTATION DES MURIERS. 257 cause de la chaleur, mais aussi pour que les racines ne soient pas trop desséchées par un soleil brûlant.

En plaçant les Muüriers en arbre à grande distance (7 à 12 mètres dans tous les sens) et dans des trous de grandeur propor- tionelle (1 mètre 50 à 2 mètres), on pourra cultiver à la charrue le sol qui portera soit des Céréales, des Pommes de terre, des Haricots, Pois, Fèves, etc., en laissant parallèlement à chaque rangée de Müriers, dans un seul sens, un sentier pour faire la récolte des feuilles. De cette manière, les travaux de culture des Müriers seront amplement couverts par les récoltes annuelles ou bisannuelles que le sol portera. D'ailleurs, en ne passant pas trop près des arbres avec la charrue en long et en travers, on n'aura plus qu’à faire quelques binages autour du pied de chaque Müûrier, qui, de cette manière, ne sera pas entouré de cultures. Par ce moyen, après quelques années d’une culture intelligente, on parviendra à utiliser des terrains qui jusqu'alors étaient restés incultes. :

Dans ce cas aussi, on plantera, si les Müriers sont jeunes, sans les ébrancher ; ils ne seront formés qu’au mois de juin, quand les nouveaux rameaux se seront développés.

Quelques terrains sablonneux ou pierreux, planes, sont avanta- geusement cultivés en Müriers par bandes de 410 à 45" de distance entoussens. Dans la même rangée, on place-des Vignes, cinq ou six ceps entre chaque. L'intervalle que laissent les rangées est ense- mencé de Trèfle, Vesce (ou Pesette), Pommes de terre, Haricots, Pois, Seigle, Froment, etc. Les labours à la charrue que la terre doit subir pour ces cultures, et les légers engrais qu’on est appelé à y mettre, suffisent à la Vigne et au Mürier. Si l’une des cultures manque, l’une des deux autres réussit, et la perte est plus supportable. D'ailleurs, il ne faut pas croire que les Mûriers projetteront trop d'ombre : ils seront ébranchés en juin. Ils ombrageront peu les Vignes, et leurs troncs serviront à soutenir un ou deux gros fils de fer soutenus entre chaque arbre par un fort piquet de 4 à 6 pieds de long hors de terre, afin que les feuilles des Mûriers soient mieux éclairées ; les rangées seront dirigées du nord au sud.

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258 CULTURE DU MURIER.

En résumant ce qui a été dit sur les divers modes de plantation du Mürier, nous pensons qu'on doit mettre en première ligne les haies de Müriers , en seconde les mivents, et que les grands arbres sont bien inférieurs en avantages ; que, égaux en âge, les haies et les mivents, convenablement entretenus, comme il est bien facile de le faire, sont beaucoup plus producüfs que les arbres. La cueillette, la taille (en employant celle sur rameaux de l’année précédente) peut être faite par des femmes ou des enfants grands et intelligents. J'espère que tout homme, qui voudra voir si ce n’est pas le progrès, emploiera ces deux moyens, et qu'il y trouvera économie el avantage prononcés.

Quant au choix de la variété du Mûrier, je conseille de préférer celui à larges feuilles obtenu de semis de Mürier greffé, ou bien le Mürier blanc à larges feuilles obtenu de bouture.

Je ne parle pas à ceux qui ne pensent au Mürier que pour le dépouiller brutalement de ses feuilles, nous n'avons pas à nous en occuper; mais à l’agronome sensé et intelligent, intéressé à avoir de bons et nombreux produits, tout en protégeant et conservant ses arbres et ses vers-à-s01e.

Quelle opinion que l’on ait sur ce sujet, que risque un planteur nouveau à en faire l'essai?

CULTURE DU MURIER.

La culture qu'on doit donner aux Müriers variera (comme nous l'avons déjà entrevu) suivant qu'ils seront obtenus de graine ou bien qu'ils seront à feuilles larges et épaisses, état que l'on _ désigne ordinairement sous la dénomination de Märiers greffés. Si ces derniers sont dans un terrain médiocrement fertile, on ne doit pas craindre d'y joindre les plantes annuelles que nous avons indi- quées sans fumier, ou même si les arbres sont trop vigoureux et qu'une année sèche advienne, il faut se contenter de sarcler le plus économiquement possible.

CULTURE DU MURIER. 259

Si ce sont des Mûriers non greflés, des cultures appropriées à celte nature de sol, ils pourront recevoir quelques fumures.

Dans les cas on n’ensemencerait pas le sol, il ne faut jamais y laisser grainer les plantes inutiles.

Dans les sols riches, plantés de Müriers greffés, on ne doit pas craindre de passer la charrue assez près des arbres, et même, si les feuilles sont trop succulentes, je conseille de découvrir un peu les racines , afin qu'une sève trop abondante ne gorge pas trop les feuilles. En répétant souvent ce conseil, je voudrais qu’on senti bien que la succulence des feuilles du Mürier greffé est l’une des malheureuses causes de l’appauvrissement de la constituion de nos vers-à-So0le,

Dans les Müriers d'arbres greflés, dans un sol humide et une culture mixte ne gênerait pas, on doit même herser, passer la houe , afin d’évaporer le plus possible l’eau qu'il content.

Dans le cas l’on aurait planté les Mûriers dans un sol qui n'aurait été travaillé que par bandes, en les plaçant, on devra avoir soin de passer à distance convenable la charrue, la houe, la trian- dine, afin que les racines puissent s'étendre,

Il paraîtra probablement fort exagéré que nous supprimions tout engrais pour les Müûriers greffés, car quelques agriculteurs pensent que les engrais sont la seule bonne chose dont on ne puisse abuser. Cependant, nous répétons encore que c’est directement à eux qu'il faut attribuer la carnuosité des feuilles de Mürier, ainsi que le mal que fera toujours l’engrais aux Pommes de terre, surtout dans les années humides. Cultivons pendant huit à dix ans nos tubercules dans des sols sablonneux fumés avec des engrais secs seulement ou très-décomposés , et nous ramènerons à la santé cet indispen- sable tubercule, dont nous avons abusé par des cultures souvent absurdes.

D'après cela, pour que les Müriers donnent des feuilles vraiment appropriées à la bonne alimentation du ver-à-soie, on doit traiter les Mûriers greffés par une culture appauvrissante, s'ils sont dans

260 MULTIPLICATION NATURELLE DU MURIER.

des terrains fertiles ou humides, tandis que ceux dits sauvageons ou ceux obtenus de semis de graines de Müriers greffés doivent recevoir quelques engrais, surtout s'ils sont dans des sols très-secs et très-pauvres.

Tous les éleveurs de vers-à-soie conviennent que si la cueillette du Mûrier sauvage était aussi facile que celle du Mürier greflé , ils donneraient, sans hésiter, la préférence au premier, dont la feuille est toujours plus légère, moins aqueuse et plus en harmonie avec les besoins des vers, qui n’en ont pas d’autres dans l’état spontané.

Un très-petit nombre de praticiens préfère, avec raison, le Mürier non greffé obtenu de semis et à larges feuilles, au Mürier greffé ‘qui produit de très-larges feuilles , très-fermes , mais trop aqueuses, et regardent avec raison ces mêmes feuilles trop succu- lentes comme l’une des causes de la faiblesse ou des maladies de nos vers-à-soie domestiques.

MULTIPLICATION NATURELLE DU MURIER.

Nous avons déjà vu à l’article Graine (p.130 et 180) qu'il suffisait de mettre en contact des graines de Müûriers immédiatement ‘après leur récolte, ou une ou même deux années après, avec une humec- tation, une chaleur convenable etl’oxigène, pour qu’elles germassent (pl. fig. 8, 9, 44) et qu'elles produisissent des individus spécifique- ment semblables à celui qui les avait produites ; mais ces semis sont souvent loin de donner des êtres parfaitement ressemblants. C’est ce que les botanistes nomment des variétés ou des varia- tions, et que les cultivateurs qualifient de nouvelles espèces. Les nombreuses et insaisissables circonstances atmosphériques, terres- tres, nutritives, etc., peuvent bien modifier ces jeunes êtres, mais non créer de nouvelles espèces ; aussi voyons-nous que c’est parmi les véritables espèces, ‘que nous semons continuellement, que nous obtenons le plus de modifications purement accidentelles.

MULTIPLICATION ARTIFICIELLE. 261

MULTIPLICATION "ARTIFICIELLE. ::1.

Actuellement que nous avons étudié tous les organes de la nutri- tion proprement dite, voyons quel est le moyen d’en tirer parti pour la multiplication de la plante. Celui qui s’y prête le mieux, après la graine, est la tige ou le rameau, quoiqu'on puisse parfois tirer parti pour cela de la racine et de la feuille.

Nous avons déjà dit que le moyen le plus usité pour multiplier les plantes est d’en faire germer les graines. Ce mode de propagation, regardé comme le plus naturel, est généralement employé en agri- culture. Mais l'hortieulteur est souvent appelé à faire usage d’autres procédés. Il cultive très-souvent des plantes herbacées, ou même des arbres qui fleurissent rarement et fructifient encore plus diffici- lement : leur multiplication serait donc très-bornée. Mais comme plusieurs des parties des plantes, et surtout la tige, sont suscepti- bles de développer l'organe qui leur manque, le jardinier a cherché à profiter de la tendance que la plupart des rameaux ont de pousser des racines pour faire développer celles-ci, ou bien il implante ces rameaux sur des végétaux qui ont de l’analogie avec ceux qu'il veut propager. Il a done mis des branches et des feuilles détachées de la plante dans des conditions convenables pour faire naître des racines surnuméraires (ou adventives), soit en les laissant en rapport avec la mère-plante jusqu'à ce que de nouvelles racines se soient déve- loppées (marcottes), soit en les détachant d’abord et en les mettant ensuite dans un milieu humide, cet organe essentiel de nutrition puisse se développer. Ces moyens de propagation artificielle sont ce que l’on nomme #marcotte, bouture, greffe. Enfin, il est un dernier moyen de propagation des plantes, c'est celui qu'on nomme éclat.

L'observation a conduit les horticulteurs à la plupart de ces modes de multiplication : les uns sont le résultat d'essais souvent

262 MARCOTTES. hasardés, d’autres sont dus à leurs méditations et à l'étude des faits physiologiques.

Par le semis, 1ls ont observé qu'ils obtenaient des modifications dans la surface de la plante, dans la couleur de ses fleurs, ete.; par les autres moyens, au coniraire, ils ont trouvé plus de fixité. Is.ont donc profité de ces observations, d’un côté pour multiplier les variétés et les variations, et de l’autre pour conserver dans leur intégrité des variétés précieuses de fruits, de feuilles, de port que de nombreux semis n'auraient peut-être produites detrès-ongtemps, eu bien qui se seraient perdues.

Si l'on tient à conserver de préférence et essentiellement uns variété de Mürier (on ne peut y parvenir avec sûreté au moyen de la graine); il faut donc, dans ce cas, avoir recours à un moyen artificiel.

On sait qu'il en existe plusieurs : la Marcotte , la Bouture et La Greffe.

Niarcoëites.

L'un des plus anciens moyens d'augmenter le nombre des indi- vidus qui se soit présenté à l’homme après celui de la grame, & être le marcottage. On aura remarqué que des branches , des ges , recouvertes d'un peu de terre, de pierres, de mousse, donnaient naissance à des racines ; on aura détaché ces portions de plantes enracinées et on en aura fait autant d'individus parfaitement semblables. Des Courges, des Saules, des Peupliers et des Frat- siers s'enracinent journellement ; d’autres, au contraire, dévelop- pent difficilement des racines surnuméraires.

Les racines naissent dans quelques plantes de toute la surface de la tige , très-rarement des feuilles ; mais c’est surtout des endroits se trouve rassemblé une certaine quantité de matière nutritive, telle que les petites protubérances des tiges ou des rameaux, d'où naissent les feuilles et les bourgeons. Il est des plantes qui présen-

MARCOTTES. 263 tent des racines surnuméraires sans toucher la terre; d'autres, au contraire, qui résistent pendant un ou deux ans au marcottage.

Il est quelques moyens de faciliter leur développement : une ligature, une incision circulaire, une entaille faite au-dessous d’un point d'activité vitale, la torsion d’un rameau gênant la descension de la sève, hâtent l'apparition de ces racines.

Que l’on tienne les rameaux sur terre ou qu'on couche la plante entière sur le sol en fixant les ramifications étalées sur la terre avec quelques petites fourches (fichets) en bois; qu'on entoure les portions de branches, qu’on ne peut faire toucher le sol, de terre placée dans des godets fendus et tenus humides par des arrosages convenables, ou qu’on les entoure de mousse humectée et de toile cirée, on réussit plus ou moins bien à développer les racines. Le point essentiel est que cette humidité soit modérée, permanente, et qu'il n’y ait pas d’alternatives fréquentes d'humidité et de séche- resse. Dans les marcottes en l'air, les soins doivent être plus grands encore, la surface des vases évaporant facilement l’eau de la terre qu'ils renferment. Un syphon en laine, qui verse l’eau goutte à goutte , est donc le meilleur moyen pour cela. L'horticulteur minu- üeux réussit, parce qu'il porte des soins continuels à ses multipli- cations ; l'amateur, souvent peu attentif, voudrait s’en rapporter à la nature seule, et il échoue. Si les racines ont paru, on ne doit pas, pour cela, négliger les arrosements convenables; ear, si la terre est sèche autour de la marcotte, comme dans la terre se trouve Ja mêre-plante, la totalité de l'individu souffre, et surtout kes jeunes racines placées dans une terre brûlante et aride. Celle qui doit entourer les parties à marcotter sera fine, légère et perméable, sans cependant pouvoir perdre trop facilement l'humidité. Dans les cas ordinaires, du terreau suffit; dans d’autres, un mélange de terreau et de terre de bruyère; de la terre de saule est aussi favorable.

Si l’on voulait opérer en grand, il faudrait traiter un Mürier au niveau du sol, comme on le fait pour obtenir des Cognassiers à grefler par des buttages ; en un mot, former des tétards souter-

264 MARCOTTES.

rains, comme on le fait en l'air pour nos Saules. Par une taille convenable , il faudrait donc faire naître successivement un grand nombre de branches à des Müriers plantés à 2 m. 4/2 les uns des autres dans tous les sens. Les branches de ce tétard , au niveau du sol, seraient traitées de manière qu'avant de les coucher sur le sol (en automne) la sève descendante füt arrêtée en partie par une légère mcision, une ligature ou une entaille circulaire de l'écorce , ou bien courbée par angle de 10 à 15 centimètres de leur naissance. Elles seraient recouvertes d’un peu de terre, de manière à ce qu’elles puissent ètre dans une position à peu près verticale dans leur partie laissée à l'air. En automne, l’année suivante, ou même au printemps, chacune de ces branches, de quelques mois d’exis- ience , ou d’un ou deux ans , seraient munies de racines surnumé- raires. Ces plantes seraient détachées de la mère-plante au-dessous de ses nouvelles racines, vendues comme jeune plant, ou mises en pépinières à 4 mètre de distance en tous sens, ou davantage si l’on veut obtenir des arbres.

On peut facilement, sans soulever les rameaux couchés, s'assurer s'ils ont pris racines. Il suffit, pour cela, de dégager un peu la terre qui les entoure. Une fois cette certitude acquise, on peut les sevrer graduellement en incisant successivement la petite branche au- dessous de la naissance des racines , et plus tard on les trans- plante. Les marcottes, détachées de la mère-planie, sont mises ordinairement dans des vases appropriés, convenablement arrosées, ombrées pendant quelque temps et soignées jusqu'a ce qu'elles soient assez fortes pour être mises en place, et alors protégées contre les variations atmosphériques qui pourraient leur nuire.

Pendant l'année de plantation et les années suivantes , on les formerait par la taille çau moment l’on peut utiliser les feuilles) en nains, mi-nains ou arbres. Par ce moyen, on pourrait livrer au commerce des arbres déjà formés. (Voir, en outre, l’article Taille.)

Abstraction faite de l'hiver, l’époque se fait le marcottage est presque indifférente ; car, pourvu qu'il règne une certaine tempéra-

BOUTURES. 265 ture et que l'humidité soit modérée, les rameaux appliqués sur le sol tendent à développer leurs racines ; cependant, lorsque l’époque de la fleuraison ou de la fructification est peu favorable, la sève se porte avec abondance vers les organes floraux; les feuilles ne peuvent élaborer que la sève qui leur est nécessaire. Mais aussitôt que cette époque est passée, les parties vertes de la plante élaborent et accumulent des substances nutritives dans les rameaux nouveaux : c’est donc le moment qu'il faut choisir de préférence. Ainsi, on marcotte les Œillets après leur fleuraison. Si le marcottage se fait en bache ou en serre, il est bien plus facile d'obtenir les circons- tances convenables au développement des racines surnuméraires. Il faut donc, pour assurer cette réussite, avoir des couches, ou baches à marcottes, ou boutures, dont on puisse modifier l'humidité et la chaleur à volonté.

Du temps d’'OLIVIER DE SERRE, on marcottait des Müriers, et si nous en tenions de très-courts et taillés convenablement, nous obüendrions facilement des marcottes ou couchages ; en tenant des individus très-courts, nous en ferions bientôt des tétards souterrains, comme nous le faisons pour les Cognassiers. C'est un moyen de culture qui serait parfaitement praticable; nous n'aurions qu’à entourer chaque mère-plante d'un monceau de terre.

Boutures.

Quoique le bouturage semble , au premier abord, moins sûr que le marcottage, il a cependant rendu de très-grands services, à l'horticulture surtout. On devait craindre qu'un rameau détaché d'une plante ne put entretenir son existence par son propre sue et par la petite quantité d'humidité qui pénètre par son entaille infé- rieure. Quelques branches d'arbres enfoncées vivantes dans le sol, comme tuteur ou comme clôture et qui se seront enracinées, auront probablement donné l'idée de ce mode de multiplication. On choisit, pour faire cette opération, le moment la végétation

266 BOUTURES.

va prendre son activité printanière, celui l'arbuste, ou bien fa plante demi-ligneuse, a ses bourgeons assez bien formés et se trouvent des dépôts nombreux de matières nutritives. C’est donc plus généralement au printemps que se font les boutures en plein air ; cependant, celles d'arbres se placent souvent aussi en terre en automne.

On prend de jeunes rameaux vigoureux de l’année précédente (pour les plantes ligneuses) ; on enlève les feuilles si la plante en porte à cette époque, mais en les coupant à leur base, afin de ne pas déchirer l’écorce. On les enfonce dans de la bonne terre, et on les abrite convenablement des rayons solaires. Il n’est pas indiffé- rent de mettre en terre le sommet ou la base de la branche : souvent l'extrémité supérieure n’est pas assez solidement constituée pour supporter quelque temps une certaine privation de nourriture. Il faut donc prendre 12 à 15 centimètres de la base de la branche, l’enfoncer à moitié ou aux deux tiers (au moyen d’un plantoir), tasser légèrement la terre qui aura été bien préparée d'avance, en laissant de 20 à 30 centimètres de distance dans tous les sens. Si la branche est assez longue et assez ligneuse, on peui encore utiliser sa partie supérieure ; mais on fera mieux de ne mettre ensemble que les portions dont on sera sûr de la reprise, et placer ensuite le reste à part, plus rapprochées , car elles réussiront probablement moins bien.

Quelques personnes , peu exercées en culture, enfoncent de longues branches, de Mûrier par exemple, dans le sol, ou les placent dans un profond sillon qu’on comble à la charrue : la partie infé- rieure , celle qui réussirait dans d’autres cas, plantée moins profondément , ne peut jouir souvent ni de l'humidité, ni de l'air, ni de la chaleur, et ne développe pas de racines ; tandis que la partie tendre, faible, ne peut résister à l’action de l’air, du soleil ou de la gelée. Cette trop grande profondeur ne permet pas au bourrelet de l’entaille de se former, et après un travail mal entendu, on est tout surpris de n'avoir aucun résultat satisfaisant. Pour en donner la preuve, je citerai le moyen qu'avait employé AUDIBERT, de regret-

BOUTURES. 267 {able mémoire, pour propager abondamment le Warier multicaule au moment de son introduction. Il fit couper les rameaux à chaque entre-nœud, c’est-à-dire au-dessous et au-dessus des bourgeons, et les fit jeter dans un sillon peu profond, comme on sèmerait des graines , et les recouvrit de terre légère. Chaque fragment poussa, du renflement qui porte le bourgeon, des racines, et le bourgeon lui-même se développa en tige. Si l’on était dans la nécessité d'appliquer cette modification du bouturage, il faudrait jeter dans le petit sillon un peu de charbon de bois en poudre, disséminer les bourgeons, les recouvrir de terre et avoir soin d'entretenir une humidité convenable.

Pour quelques variétés du Mürier blanc, la bouture réussit , surtout si à la base d’un rameau de l’année on laisse une petite portion de celui de l’année précédente ( ce que les jardiniers nomment un £alon). Les rameaux de l’année sont souvent trop tendres pour développer des racines surnuméraires (adventives). Les variétés Moretti et Lhou réussissent parfaitement ; celles à branches petites, faibles, à feuilles minces viennent très-mal.

En choisissant, après la chute des feuilles, des branches vigou- reuses (munies, s’il se peut, d’un £alon) ; en les mettant verticale- ment en terre, en automne, de 20 à 30 centimètres les unes des autres, dans un sol bien préparé, et en les couvrant de feuilles ou de paille hachée, pour l'hiver, en les découvrant au printemps, en les sarclant et binant au besoin; ensuite, en cas d’extrème sécheresse, en les arrosant ; on-peut avoir déjà, l'automne suivant, un plant assez fort pour être mis en pépinière.

On peut aussi faire des boutures au printemps, mais ordinaire- ment elles développent moins facilement leurs racines ; celles faites en automne, au contraire, présentent presque toujours, au prin- temps suivant, ou un bourrelet bien formé, ou même des racines dejà développées. C’est d'ailleurs ce que l’on observe souvent dans les jeunes branches mises en terre en automne pour faire des greffes au printemps. |

Un certain nombre de plantes ne nécessitent pas les mêmes

268 BOUTURES.

précaulions pour le bouturage: les Pommes de terre, le Fopinain- bour, quelques Oxalis ne sont pas difficiles à bouturer. Il suflit, pour ces plantes à portion de tige charnue, de mettre le tuber- cule entier en terre, ou bien de laisser un peu de chair autow de chaque bourgeon (œil des jardiniers) pour qu'il apparaisse bientôt des racines, et que le bourgeon se montre au-dessus du sol.

On peut aussi bouturer des feuilles d’Oranger, des écailles de bourgeon souterrain et vivace de Lys, des feuilles de quelques Figuiers, d'Aucuba, Hoya et Ornithogale thyrsoide.

On peut mème parfois obtenir aussi des boutures faites avec Les racines, comme celles de Maclura, du Vernis du Japon, Ormes, Robinier Fauxacacia. Ces racines sont coupées en fragments de quelques centimètres de long sur 6-10 millimètres de diamètre, placées debout dans la terre, de manière que la partie la plus large dépasse à peine le sol. Après quelques mois de séjour en terre, on voit apparaître de l’entaille supérieure des tubercules qui s'organi- sent en rameaux.

Dans les cas le bouturage en plein air ne réussirait pas, et qu'on cherchàt à vaincre la difficulté, on peut, au moyen de serres- à-boutures, se rendre maître de la température , de l'atmosphère non renouvelée et parfois de la lumière; et pour cela, outre les couches chaudes, on place les plantes dans de très-petits pots que l'on recouvre de cloches; elles sont soulevées, au besoin , pour les essuyer au dedans et renouveler l'air. Tous ces très-petits pots (ou godets) sont très-rapprochés les uns des autres, sur une couche de fumier, ou au moyen d'un calorifère, dans de la tannée ou de la sciure, de la mousse ou du sable, de la poudre de _coak, et recouverts par une seule cloche pour plusieurs, ou d’une petite pour chacun.

M. CH.-FORTUNÉ WILLERMOZ a fait des expériences pour faciliter le développement des racines dans ces bouturages délicats : il a trouvé que l'addition de charbon finement pulvérisé, placé au fond des pots, hâte beaucoup la réussite. La même terre, seule ou avec addition de diverses proportions de charbon, a été employée, tout

GREFFES. _269

étant d'ailleurs semblable. Le résultat obtenu a été que Les boutures, dans les godets desquelles était la plus grande quantité de charbon,

ont développé plus tôt leurs racines. On n’est pas dans l'habitude de faire des boutures herbacées de

Müriers ; mais il est probable qu’en les mettant sous verres (ou étouffées), on parviendrait à réussir, comme nous le faisons actuel- lement pour tant d'autres plantes dont le bouturage semblait autre- fois impraticable. Ce moyen ne serait peut-être pas applicable en grand, mais au moins pour obtenir un Mürier qu'on ne pourrait avoir que pendant son active végétation.

Greffes.

Malgré que je conseille plutôt la multiplication du Mürier au moyen des graines de Märier greffé, bien célui obtenu de marcotte de bouture; voici les moyens employés pour cette propagation :

On nomme greffe le transport sur un individu d’une jeune partie de rameau d’un an (ordinairement) et d’un ou plusieurs bourgeons munis d’un fragment d’écorce, dont les tissus frais sont mis en contact et s'unissent, en sorte que l’un deux, qu’on nomme greffe, puisse recevoir la sève de l’autre qui est enraciné , et que tous deux puissent exister d’une vie commune.

L'espèce de greffe primitive, qui s'éloigne un peu de celle qu'on pratique actuellement sur le Mürier, est sûrement celle qui a donné lieu aux autres modifications dont nous nous entretiendrons bientôt. Mais avant d'expliquer les procédés opératoires, nous devons entrer dans quelques généralités physiologiques indispensables.

Les anciens ont regardé la greffe comme l’un des faits les plus remarquables. En effet, un bourgeon se développe sur un arbre qui n’a avec le sujet que quelques rapports, qui porte ses feuilles et ses graines; son bois grandit en longueur et en diamètre, tout en conservant sa nature. Au-dessous du point l'union a eu lieu, le

270 GREFFES.

sujet vit à sa manière ; son bois, son écorce restent ce qu'ils étaient avant l'opération ; s’il pousse des branches au-dessous de cette greffe, ce sont les mêmes que celles du sujet. Il paraïtrait que chaque utricule élabore le suc qui lui revient des feuilles. Les utricules du Prunier en font du ligneux du Prumier, celles de l’'Amandier en font du bois coloré de l'Amandier. Si le suc descendant n’a qu’une ressemblance éloignée avec les besoins du sujet, celui-ci prospère peu quoique la soudure ait eu lieu ; d’autres fois, le sujet prend plus d’accroissement en volume que la greffe. Si la texture des aubiers est nulle, la soudure primitive ne s'opère pas, les utricules en contact ne peuvent absorber la sève et l'opération manque. Dans la greffe du Gui (Viscum album), 1 paraîtrait qu'il n’y a d’analogie qu'avec les aubiers et non avec l'écorce, d’où il résulterait que le Gui peut bien se souder avec le bois et espérer la sève, mais que le suc descendant formé par le Gui ne sert pas à nourrir l'arbre ; de _résulterait l’amaigrissement du sujet, et surtout celui des branches qui en sont chargées, et peut-être la possibilité qu'offre ce parasite de vivre sur les arbres de toutes les familles, probabilité attribuée à l'identité de la sève ascendante de la plupart des arbres.

D'abord, on avait cru pouvoir greffer un grand nombre de végé- taux les uns sur les autres, et, par suite de cette idée, on trouve des citations de greffes miraculeuses ; on donne des exemples de Rosiers greffés sur le Houx (Ilex aquifolium), ce qui devait donner des Roses vertes ; le Jasmin sur l'Oranger, la Vigne sur le Noyer, et d’autres absurdités de ce genre, qui n’ont jamais été que des super- cheries. J'ai vu, à Nice, un Oranger dont le tronc était percé de la base de ses racines jusqu'à l’'embranchement de sa tige, et dans le cylindre duquel on avait engagé un jeune jet d'Olivier et un autre de Jasmin. Ce prétendu Oranger greffé ne dourrissait pas les deux autres arbustes, chacun avait ses racines, et le Jasmin et l’Olivier seront morts quand ils auront été trop gènés dans leur développe- ment en volume, lorsqu'ils auront été trop serrés par le tronc non élastique de l'Oranger. On à fait aussi passer une Vigne dans un Noyer dont le centre du tronc était décomposé.

GREFFES. 274 il faut, pour qu'une greffe puisse réussir, qu'il existe certains rapports dans l’organisation des plantes que l'on veut unir étroi- tement. On greffe souvent des espèces d'un même genre, el quelquefois de genres différents, d'une même famille cependant. Il faut qu'il y ait une certaine analogie dans la manière de vivre ; Que l’époque de leur végétation soit à peu près égale, ou, comme le disent les jardiniers, que les plantes soient en sève en même (eMps ; Que les sucs aient de l’analogie dans leurs composants. (Des arbres résineux ne peuvent se greffer sur ceux à sève aqueuse); d’autres à suc laiteux ne peuvent se greffer sur ceux à suc aqueux;

Que les arbres soient à feuilles caduques, ou qu’elles soient toutes deux persistantes ;

Qu'’elles offrent de certaines proportions dans leur volume ; ainsi on ne peut greffer avantageusement le Lilas sur le Fréne. Le tronc du Marronnier placé sur Pavie, devient sensiblement plus gros au-dessus de la greffe. L’inverse a lieu pour les Pavies qu’on greffe sur l’Hippocastane Marronnier-d'Inde. 11 en est de mème du Frêne qu'on veut greffer sur le Zilas, dont la greffe se cicatrise difficilement. L'Érable jaspé est toujours moins gros que le sujet ( Érable sycomore ).

Le Pommier Paradis est beaucoup moins utilisé actuellement qu'il ne l'était 1l y a quelques années pour greffer les Pommiers nains. Le premier, nourrissant faiblement les Reinettes et les Calvils , devenait moins grand et exigeait une taille moins courte et moins fréquente.

Le Pommier Doucin, à peu près de même vigueur que les autres , est pris actuellement pour greffer des Mi-nains. Ils réussissent très-bien dans les terrains peu riches. Les Pommiers à grand vent sont actuellement greffés sur franc. On greffe aussi sur Aubépine, qui ne produit presque jamais des arbres vigoureux.

Dans tous les cas cités ci-dessus, les objets greffés ont une Organisation aussi similaire qu'il se peut. Ils appartiennent

272 GREFFES.

aux mêmes familles (Aecéraeées, Jasminaeées ct Pomas= cées).

Jusqu'à ces derniers temps, on a dit que les variétés n'étaient pas modifiées pour la greffe. On a regardé cela comme une vérité tant qu'on n’a greffé que des arbres forestiers. Le port est parfois changé par la greffe. Le Cerisier du Canada Ragouminier, qui est rampant dans l'état naturel, devient un arbre droit quand il est greffé sur notre Prunier. La Bigonie de Virginie (Bignonia radicans), greffée sur Catalpa, y forme une tête arrondie, à rameaux pendants. Les Grenadiles (Granadilla, TourNEr.) greffées, fleurissent plus jeunes et plus abondamment que si elles ne l'étaient pas. Les arbres fruitiers ont présenté d'assez grandes diffé- rences de qualités. On sait que la Prune Reine-Claude varie de goût suivant la variété de Prunier sur laquelle elle a été greffée.

L'époque de l'apparition active de la sève et sa durée dans quelques arbustes est aussi d’une grande importance. Autrefois on greffait sur Rosier sauvageon la plupart de nos Rosiers qui fleu- rissent souvent deux fois par année; actuellement on préfère greffer sur Rosier du Bengale ordinaire, ou sur une grande variété nommée Grand Rosier de l'Inde ( Rosa indica major ). Ces deux variétés sont presque toujours en sève, et peuvent plus utilement et plus luxurieusement servir pour obtenir une fleuraison longtemps prolongée et beaucoup plus belle. Mais elles offrent pour les pays du Nord un inconvénient grave, c’est de geler (par le sujet) dans les hivers très-froids. Le Rosier sauvage (1) n'est pas égale- ment en sève, surtout l’été dans le Midi, et les Rosiers dits remon- tants sont souvent pauvres de fleuraison pendant les grandes chaleurs. D'ailleurs, ceux qui tiennent au Rosier de l'Inde (Rosa indica), Rosier du Bengale, äcivent greffer très-bas, afin de

{) Ce mot devrait être appliqué seulement au Rosier des Chiens (Rosa Canina), mais on récolte souvent sous ce nom d’autres espèces botaniques ou des variétés bien différentes; d’ailleurs le vrai Æglantier (Rosa églenteria des hotanistes) est une

espèce très-distincte,; et qui n'est pas employés comme sujet.

GREFFES. 273 pouvoir, au besoin, enterrer ou couvrir la greffe dans les hivers très-rigoureux. [ls la déchaussent ensuite s’il est nécessaire. C’est le moyen qu'emploie l’un de nos rosiéristes intelligents et heureux dans ses nombreux semis.

Pour obvier à ce double inconvénient du Rosier des Chiens, quelques rosiéristes emploient actuellement pour sujet le Rosier de tous les mois (Rosa bifera ou calendarum), qui est beaucoup plus longtemps en sève que les autres espèces, et fleurit ordinai- rement deux fois l’année.

L'homme a retiré d'énormes avantages de la greffe. C’est elle qui lui donné la facilité et, par elle, le seul moyen possible d'augmenter le nombre des plantes de chaque espèce ou de chaque variété utile, et de conserver ainsi toutes les modifications obtenues accidentellement. Des espèces, faibles dans un climat, deviennent parfois robustes lorsqu'elles sont placées sur des individus vigou- reux, et produisent plus de fleurs et de fruits. C’est ainsi qué nos vignes délicatés produisent dés fruits plus beaux quand on les greffe sur des vignes plus robustes. ë

Les diverses particularités, qui caractérisent souvent des variétés ou des variations, ne peuvent se conserver que par la greffe, (Rosiers à feuilles pañnachées). Au moyen de ‘cette opération, on peut obtenir beaucoup plus tôt des fruits de jeunes plantes élevées de graines ; on évité ainsi de cultiver pendant plusieurs années des arbres dont les fruits ne présenteraient que peu d'intérêt.

La greffe à aussi offert des applications à la théorie des classifi- cations : par ellé, on à vu que l'Hortensia appartenait aux Hydrangées plutôt qu'aux Viornes.

Quelques personnes ont conseillé de greffer sur sauvageon, encore dans la planche du semis: mais il y à bien plus d'avantage à ne greffer qu'en pépinière, ou lorsque le plant ést à demeure. Par la transplantation préalable , on peut Supprimer la racine pivotante du Mürier, lorsqu'il est jeuné; ce que l’on peut faire aussi impunément lorsqu'il a déjà une certaine force. Par ce moyen , on provoque au développement des racines latérales , qui, étant peu

18

14 GREEFES. profondément sous terre, profitent mieux de l'humidité üède üe la surface du sol et de son aération.

Si on veut les mettre en pépinière, il faut choisir à la fin de la première année, ou dans la seconde, les jeunes Müûriers qui ont le volume d’une plume d’oie. A cette époque, les racines latérales se développent parfaitement lorsqu'on à supprimé la racine pivotante primitive.

On applique la greffe dans deux parties de l'arbre, ou presque au niveau du sol : on la nomme greffe au pied ; l'autre, appliquée plus moins haut sur l'arbre, est celle dite en téte. Dans le Midi et à Lyon, on greffe presque toujours peu au-dessus du sol, ailleurs de 60 à 80 centimètres au-dessus du sol pour les mivents, ou à 4 mètre 60 à 4,80 au-dessus. C’est à l’une de ces dernières hauteurs que l’on greffe toujours dans les Cevennes. Par la grelfe au pied, on a des troncs plus beaux, plus lisses, parfois d'un seul jet de l’année, et alors, comme ils ne peuvent porter que les cica- trices des premiers bourgeons et des feuilles à l’aisselle desquelles ils étaient, on à un tronc beaucoup plus uni que lorsqu'on en laisse un qui à produit deux ou trois évolutions de rameaux, qu'on est obligé de couper sur l'écorce, et qui laissent un grand nombre de petites saillies (bosses) qui déparent l'arbre.

La greffe en sifflet n’est presque plus usitée que dans les Cevennes; celle en fente, quelquefois sur des arbres à petites feuilles et auxquels on veut en faire produire de grandes.

Parfois la greffe axillaire est pratiquée sur le Mürier ; elle consiste à enlever en septembre un bourgeon accompagné de sa feuille et une portion de bois et d’écorce taillés en cure-dent, et placés dans une fente un peu oblique, pratiquée à un bourgeon du sujet; puis on la fixe par un léger lien.

En général, les Müriers greffés près de terre sont bien préféra- bles ; ils ont un tronc plus droit, plus lisse. Si un accident quelconque le rompt plus moins haut, il développe toujours des feuilles semblables à celles qu'on a voulu avoir; tandis que si la sreffe est placée en tête, l'arbre fracturé au-dessous d'elle ne

GREFFES. 275 produit plus que des rameaux de celui qu'on ne voulait pas avoir.

Si, d'un autre côté, la greffe en tête ne réussit qu'en partie, on a toujours un arbre difforme sur lequel on établit difficilement un embranchement régulier, ce qui occasionne du retard et dépare l'ensemble de la plantation.

La greffe au-dessus du sol est toujours celle qu'il faut préférer en pépinière; celle en tête peut être employée lorsqu'on veut faire produire à un grand arbre des feuilles que l’on croit préférable.

MM. BoyER et DE LABAUME conseillent de mettre en réserve, dès le mois de mars, les rameaux qui doivent servir à la greffe en écus- son, de les placer dans du sable, en laissant sortir leur extrémité de 42 à 45 cent. seulement. Ils n’avancent pas autant que les sujets enracinés ; mais les bourgeons sont assez gonflés pour servir d’écus- sons pendant que les autres monirent déjà leurs feuilles. On se conforme ainsi, disent ces agronomes , au précepte d'OLIVIER DE SERRE : « Pour faire de bonnes entures (greffes), ditl, il est » nécessaire d'avoir deux choses contraires à la fois; savoir : le » sauvageon avancé et la greffe reculée (retardée); ce qui arrive au » premier par la patience de les laisser commencer à bourgeonner » par l’ordre de la nature, êt à l’autre par l’artifice susdit. »

Si c'est au pied, on place un seul écusson (deux si l’on craint que l'autre manque); on le fixe du côté du nord, afin que la pousse soit moins tourmentée par les vents violents du sud. Cette position offre aussi l'avantage d’être moins exposée à la lumière, et conséquemment aussi à la chaleur. Si l’on greffe en tête, on doit en placer plusieurs. On a soin de surveiller l'arbre, d'enlever les jeunes rameaux du sujet, afin de faire porter la sève sur les parties greffées. Cette greffe précoce a l'avantage de se trouver déjà forte à la fin de l'automne, et de ne pouvoir être endommagée par les froids, soit du printemps, soit par ceux de l'hiver suivant.

L'époque de la greffe conseillée par les deux agronomes de Nimes offre, en outre, le grand avantage de mettre en contact deux parties qui ne sont pas à un point de végétation parfaitement égal.

LA

276 GREFFES.

Le bourgeon placé, qui est plus retardé en sève que le sujet, reçoit avec avantage le contact de celui-ci dont l’activité vitale est un peu plus grande, et la soudure s'opère plus facilement.

On greffe encore en écusson dans la dernière quinzaine de juin, ou au commencement de juillet; mais elle est moins avantageuse : les jeunes rameaux n ‘ayant pas le temps de devenir assez ligneux pour résister à l'hiver rigoureux qui peut suivre.

Enfin, vers la fin d'août ou dans le commencement de septembre, on greffe à bourgeon non poussant de suite (œil dormant) les Müriers dont la greffe n’a pas réussi, ou qu'on n’a pu greffer au moment de la première apparition des feuilles. Cette greffe, dont le bourgeon reste à l’état latent pendant l'hiver, est regardée comme préférable aux autres époques ; cependant, celle à bourgeon (d’abord retardé, puis assez rapidement développé) placée sur un sujet commençant à se feuiller, me semble bien préférable : la cicatrisation des parties en contact s’opérant bien plus facilement que celle dans laquelle tous les bourgeons sont du même âge.

Dans tous ies cas, le moment d'opérer est subordonné à l’état de la sève dans l'arbre. Il faut qu'elle ne soit ni trop abondante, n1 rare. En général, l'époque me paraît mieux appréciée par MM. BOYER et DE LABAUME ; les sèves du sujet et de la greffe me semblent devoir être plus facilement utilisées pour la réussite.

Dans le courant de la première année de la végétation du sujet greffé, on ne doit pas l’abandonner à lui-même. Aussitôt qu’on voit que la soudure de la greffe est assez solide, il faut en ôter les liens, supprimer, un peu plus tard, tous les rameaux verts ou autres que porte l'arbre, en laissant toutefois un fragment de 40 à 45 centi- mètres, qui servira à fixer la nouvelle poussée, mais que l'on détruira plus tard à peu de distance du rameau greffé. MM. BOYER et DE LABAUME conseillent même d'enlever avec l’ongle les bour- geons qui naissent à l’aisselle des feuilles (de la greffe) lorsque le rameau a déjà acquis une certaine force, et cela afin que le seul rameau vert qui existe s'allonge avec plus de vigueur. Effective- ment, on doit tout employer pour faciliter un beau et vigoureux

GREFFES. 217 jet qui doit former le tronc de l'arbre mivent, ou arbre, suivant que ce développement de première année de grelle le permet.

Pendant toute l’année, les soins doivent se porter à détruire les rameaux et les feuilles inutiles qui se développeraient, ce qui se fait facilement en passant la main de haut en bas sur le tronc. On peut d’ailleurs, s’il est dans la convenance des éducateurs, utiliser les jeunes rameaux qui tombent, soit pour nourrir les vers-à-soie, soit pour le bétail.

Il faut avoir soin de fixer le rameau de la branche sur la portion du sujet conservée et à opérer des labours profonds si l'année est sèche (mais dans un moment opportun), afin de laisser pénétrer l'eau; au contraire, ne faire que sarcler, biner et soulever la terre, si l'année est très-humide.

L'une des applications trop peu usitées de la greffe est celle proposée par PERROTTI et qui est beaucoup trop négligée des horti- culteurs, c’est de transformer des plantes dioïques (un individu à étamine et un autre à carpels) en monoïque (les deux réunis, mais sur des branches différentes). Le Ginkgo bilobé à été greflé l'un sur l’autre par JAcouIN. Les deux individus du Pistachier pour- raient aussi être réunis sur le même pied.

Mais entrons dans plus de développements sur ce point important.

Les sreffes peuvent se diviser en deux sections, l’une

PAR RAMEAU PAR ÉCORCE En approche. En écusson. En fente. En flûte.

En couronne. Re

, Axillaire. De côté. À la Pontoise. En placage. Herbacée. Luizet.

En cheville.

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# GREFFES.

Greffe par Rameau. Les rameaux des arbres qui se dépouillent de leurs feuilles peuvent être coupés dès le mois de novembre, ou bien au prin- temps. Dans l'un ou l'autre cas, on les conserve pour servir à la greffe, en les plaçant dans de la terre fraiche, ou dans la cave, à l'abri des gelées. Leur implantation sur les sujets exige souvent l'enlèvement de la partie supérieure du sujet ou des branches , et toujours des incisions ou des plaies plus ou moins profondes. Toutes ces coupes doivent être faites avec des instruments très- ranchants et très-propres, de manière que les entailles présentent le moins de déchirure.

Dans greffe en approche, le croisement de deux branches d'arbre , qui auront été usées l’une l’autre par le mou- vement de l'air et unies ensuite, aura sûrement été la première idée qui se sera présentée pour établir des greffes. Toutes les parties des plantes, même souvent les racines, sont susceptibles de se souder, et d'autant plus facilement qu’elles sont plus récentes. Il suffit même de tenir en contact, dans leur jeunesse, deux parties d'une même plante pour les souder l’une à l’autre. Des tiges même, recouvertes d’une écorce d’une année d'existence, tenues fortement en contact les unes avec les autres, seront intimement unies au bout de quelques années. En entamant l’écorce de deux branches, et en mettant en contact les deux surfaces, elles se soudent avec une grande facilité. L'un de nos laborieux horticulteurs lyonnais , 1. LUIZET, est parvenu à souder des Poires, cette année, en leur faisant deux entailles correspondantes, et en les tenant en contact. Pour mieux souder deux branches, on fait une entaille demi- cylindrique dans laquelle on engage la partie convexe d’une branche aussi dénudée d’écorce aux points de contact. C'est un moyen de regarnir facilement des espaliers qui perdent parfois de leurs petites branches.

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Si l'on agit sur des arbres précieux, on a soin d'enduire les parties de la greffe, qui resteraient nues, avec la cire des jardiniers D'ailleurs, les liens qu’on est obligé d'employer pour établir l'adhé- rence ont besoin d’être surveillés, afin qu'ils ne marquent pas leur présence par de plus on moins profondes dépressions. Cette greffe par approche a été très-employée d’abord pour placer une branche de Camellia double sur un individu à fleur simple. Aussitôt que l'union est intime, on abandonne sur le Camellia simple la branche du double qu’on y a fixée. On a soin en outre de ne pas laisser déve- lopper des branches sur le sujet.

Cette espèce de greffe est extrêmement commode pour former des haies en général, et surtout pour celles des Müriers. Elle présente, ainsi croisée et soudée en losange ou en carré, une solidité très-remarquable, et produit, en outre, une grande quantité de feuilles, surtout pour la première alimentation des vers. (Nous reviendrons sur ce sujet.)

M. LUIZET, que nous aurons souvent occasion de ne quand il sera question de greffe et d’autres travaux horticoles, a utilisé cette greffe par approche pour la formation rapide des arbres en que- nouilles pyramides. Cet habile arboriculteur planta, en 1847, trois Poiriers greffés sur francs et destinés à former un seularbre. Il prit des arbres de deux ans, bien égaux et de la même variété; 1] les plaça dans le même creux, à 50 centimètres les uns des autres, de manière à former une pyramide triangulaire. Il réunit les trois tiges à un demi-mètre au-dessus du sol et les tordit en corde ; ensuite , 1l les attacha fortement en quatre endroits jusqu'à 4 mètre 70 centimètres de hauteur. La réunion de ces trois arbres ainsi cordés forma une quenouille garnie de haut en bas de petites branches. Les trois sujets étaient déjà soudés en 1848 en plusieurs points. Is annonçaient une pyramide de 3-k ans. Ils ont produit des fruits cette même année; ils avaient, en outre, été soumis à une taille longue. Un arbre de ce genre peut convenir à l'entrée d'un jardin, dans un lieu espacé que l'on veut remplir. On pourrait planter trois variétés différentes pour former un seul groupe,

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mais 1l faudrait choisir des arbres d’une végétation [a plus égale possible. Ainsi, un Poirier Madeluine (Gros Saint-Jean, Citron des Carmes), un Bon Chrétien William et une Duchesse d'Angoulême , produiraient, sur le même arbre, des Poires fin juillet, août, septembre et octobre.

Un fait à peu près semblable s’est présenté à M. C.-F. WILLERMOZ. Son père avait placé dans le même trou trois noyaux de Pêches, il plaça dessus un cou de bouteille étroit. Les graines germèrent, les tiges passèrent par le trou de la bouteille , se soudèrent et n’en formèrent qu'une seule à la fin de l’année.

Le contact respectif de l'écorce, du bois du sujet et de la greffe, dans la plus grande étendue possible, est de rigueur. Les ligatures et les enduits sur les parties, quidoivent être préservées du contact de l'air, sont aussi indispensables. Les fils de laine, qui offrent une certaine élasticité, sont utilement employés.

Dans tautes les modifications de cette greffe par rameau, le bois de celle-ci correspondra nécessairement avec celui de la couche la plus récente du sujet. Ces petites branches seront engagées avec un peu de force dans les fentes pratiquées sur le sujet et puis liées. On pourra garnir ainsi de rameaux l'extrémité du jeune tronc ou des branches d’un arbre plus grand. Les bourgeons , placés au moment la sève du sujet est abondante, grossiront bientôt et se développeront en autant de jeunes branches. On aura soin de détruire tous les bourgeons qui naîtront en dessous de la partie opérée. Lorsque l'adhérence des parties implantées sera bien établie, on desserrera les ligatures, afin de ne pas gêner l'accroissement de la branche. Cette manière de greffer est appliquée particulièrement aux grands arbres fruitiers des vergers et des routes.

La greffe en fente consiste à couper une branche du sujet, à fendre ensuite en long son sommet tronqué, et à placer dans cette fente, simple ou croisée par un autre, de petits rameaux ligneux de l'année précédente. Ils sont taillés en coin à leur base, et ensuite placés dans les fentes du sujet, de manière que les écorces soient

GREFFES. 281 le plus exactement possible bord à bord. On lie et on enduit les plaies avec de la cire à greffer (1). Gette greffe se pratique au printemps et en automne. Lorsqu'on la fait en automne , elle est nommée à bourgeon (œil) dormant, et à bourgeon poussant lorsqu'on la pratique au printemps. Dans tous les cas, il faut que le sujet soit plus en sève que la greffe. Si, au lieu de prendre un sujet d’un certain volume, on opérait sur un Jet de l’année précédente, on ne pourrait placer qu’une seule petite branche.

La greffe en couronne offre de grands rapports avec la précédente ; elle en diffère cependant en ce que les jeunes extré- mités des branches sont taillées en coin irrégulier à leur base, le sont en cure-dent, et sont engagées sous l'écorce du sujet légère- ment enlevée, ou enfoncées le plus souvent dans de petits creux faits avec un cône de bois dur préparé à cet effet, et enfoncé dans le nouveau bois tout près de l'écorce, à la profondeur de # à 6 cent., afin d'y engager ensuite la greffe. On place cireulairement plusieurs de ces petits rameaux, d’où est venu à cette greffe le nom qu'elle porte. On applique aussi cireulairement une ligature en laine, et on enduit les surfaces entaillées. Cette greffe doit probablement son peu de succès à l'impossibilité d'établir une communication assez directe, et sans trop de déchirure, du sujet à la greffe. Les bois sont bien en contact, mais non l'écorce, ou à peine.

La greffe Lagrange à beaucoup de rapport avec celle en couronne. On coupe transversalement la tige ou des branches du sujet, et au lieu de soulever l'écorce pour enfoncer dessous des

(1) Poix blanche ou de Bourgogne...........:........ 500 gr. » cent. ROIXANGITON LS TT RS EN CRUE 125 50 NANTES. Peas dut de die Re ne Ue 62 50 SLA MR Se SA Poe eme en ETS DS NN à 46 88

Faites fondre , agitez le mélange, et employez-le ensuite tiède; ou bien avec la Collodie (Collodium, dissolution du Coton dans l'Éther) dont on étend une couche au pinceau.

282 GRÈFFES.

petits rameaux taillés en cure-dent, ou faire des creux pointus pour y engager la base des petits rameaux taillés en cône, on fait des incisions longitudinales et obliques dans l'écorce etla couche de bois de l’année ; on engage aussi obliquement les jeunes rameaux taillés de deux côtés en pyramide, présentant deux larges faces planes et nues ; tandis que la dernière , revêtue d’écorce , est légèrement courbée. Cette petite pyramide est engagée dans la couche de bois de l’année. De cette manière, les deux faces planes des rameaux sont complètement engagées dans le bois de la même année, et une partie des bords de l'écorce est en contact avec ceux de l’un des bords de l’entaille du sujet. On lie ensuite et l’on enduit les surfaces qu restent à nu. Avant de lier, on peut aussi appliquer un pelit tuteur, qui s'adapte à la branche taillée et sur la greffe ; on place deux liens : un sur la branche du sujet en y comprenant le tuteur, et l’autre sur le tuteur et la partie supérieure du rameau. Il faut enlever plus tard ce soutien, aussitôt que les cicatrices sont bien établies.

La greffe de côté n'exige pas l'enlèvement de la branche au-dessus de l'endroit l’on veut placer la nouvelle. On fait laté- ralement une entaille en forme de pyramide triangulaire dont la base est en bas; on remplace la partie enlevée par la base du jeune rameau de l’année précédente dont la base est taillée de manière à remplacer la partie enlevée, et on la fixe au moyen d’un lien en laine. Cette espèce de greffe n’est guère employée que pour remplacer des branches qui auraient été détruites accidentellement, ou manqueraient à des arbres faits, ou bien qui sont soumis à une taille régulière. Elle réussit d’ailleurs moins facilement que celles qui ont été indiquées ci-dessus. On la pratique presque toujours à l'époque de la sève du printemps, avant le développement des bourgeons.

La greffe sur racine est due à KwiGHT, qui, le premier, la conseillée. Il a appliquée aux plantes herbacées en transportant

GREVFES. 283 des rameaux sur les racines de leurs congénères. C'est ainsi qu'on sreffe actuellement les Dahlia, les Pivoines et la Combréte pourpre. Cette greffe se pratique sur une racine que l'on sépare de la plante, sans l’arracher de la terre, en faisant seulement l'entaille en haut, au niveau du sol, et en introduisant un ou deux rameaux de l’année précédente, taillée en coin, dans la fente qu’on y a pratiquée. L'année suivante, le jeune individu peut être trans- planté.

Elle s'exécute aussi en retirant de la terre un fragment de racine, que l'on greffe en fente et remet dans le sol, de manière qu'un ou deux bourgeons seulement restent à l'air libre. Il est probable que par cette opération on entretient pendant quelque temps le rameau dans une certaine humidité, et que des racines surnuméraires ont le temps de se développer. Il est donc vraisemblable que c’est plutôt une bouture qu'une greffe.

La grefle à la Pontoise s'opère en transportant tout un rameau d'Oranger plus ou moins embranché, garni de feuilles et de boutons, sur un Oranger ou un Citronnier de 2-3 ans, obtenu de graine. On coupe le sujet en travers, on lui enlève une pyramide triangulaire (écorce et bois) de 6-7 centimètres de longueur, on place dans cette entaille en creux un rameau d’Oranger feuillé et en bouton dont la base est taillée aussi, mais en relief, de manière à ce qu'elle puisse remplir entièrement l’entaille du sujet. On applique la ligature et la cire à greffer. On place ensuite les vases étaient établis les sœuvageons dans une bache basse et un peu humide; alors, la soudure des surfaces s'établit promptement, et l'en a de jolis petits embranchements d’Orangers couverts de fleurs pour orner les desserts et les cheminées.

La greffe herbacée (ou G. Tsehudy) ne diffère réelle- ment de celle en fente que par la consistance des parties sur lesquelles on opère, et par l’époque se pratique l'opération. Elle à été employée par curiosité pour les Cueurbitaeées (les

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Tomates). Elle sert surtout très-utilement pour les Abiétacées (arbres résineux) ou pour celles qui sont lactescentes. C’est la seule qui réussisse pour les Pins, les Sapins, elc. On rompt la pousse centrale d’un jeune Sapin lorsqu'elle a atteint les deux tiers de son développement à environ 44 centimètres au-dessous du sommet ; on en coupe les feuilles dans une étendue de 45 centimètres au- dessous de son extrémité, en en laissant deux peu près opposées) près du sommet de la fracture. La portion de la jeune pousse restante est ensuite fendue en long entre ces deux feuilles. On taille en coin la base du jeune jet que l’on veut implanter de la mème longueur que la fente du sujet, et quand ce jeune rameau est engagé dans la fente pratiquée, on fait une ligature convenable. On peut aussi placer la greffe latéralement à l’aisselle d’une feuille. On s’est servi de cette manière d'opérer pour greffer la Tomate sur la Pomme de terre; de lasorte, on a une double récolte : lune aérienne par les Tomates, et une souterraine par les tubercules.

M. Luizer, d'Ecully, l'un de nos plus habiles horticulteurs lyonnais, a exécuté récemment une autre modification de la greffe en rameau qu'il nomme greffe en cheville; il fait, au moyen d'un vilebrequin portant une mèche du volume d’une plume d’oie, des trous à des Poiriers en espalier qui portent de mauvais fruits ou qui manquent de quelques branches; ces trous sont élargis à leur entrée, de manière à les rendre un peu coniques. Il détache des extrémités de branches d’un an auxquelles il ne laisse que 2 centimètres au-dessous du bourgeon à bois du sommet. Il les tailla (en forme de crayon) et les enfonça dans les trous prati- qués à l'arbre. Le tout est enduit de cire à greffer. Les greffes ont été protégées du soleil par des morceaux de papier. Les soudures sont tellement complètes qu'on ne s'aperçoit pas que les branches aient élé implantées. Cette manière fort simple de grefter offre l'avantage de regarnir les vides que de mauvais embranchements pourraient présenter, ou dont les branches auraient été cassées.

Ce mode opératoire pourrait aussi s'appliquer aux Müriers, quand une branche serait détruite.

GREFFES. 285

Greffe par Bourgeon seul.

elte modification de greffe n'est plus pratiquée au moyen de jets ordinaires ligneux; elle consiste à enlever une plaque d'écorce, munie d'un bourgeon de l’année précédente, et de la placer sur le sujet. Ce mode de propagation présente quelques variations assez distinctes, dont les principales sont la greffe en écusson, la G. en flûte (ou sifflet) et la G. en placage. Toutes celle-ci ne peuvent se pratiquer qu'au moment l'écorce peut facilement se décoler de la partie ligneuse (bois); c’est l'époque l'écorce est enduite d’une matière comme gommeuse, qui permet de la soulever sans aucun effort; c'est le moment la création des nouvelles couches de bois et d'écorce commence.

La greffe en écusson (aussi nommée inoeulation) consiste à engager sous l'écorce d’un individu bien enraciné et vigoureux, un fragment d’écorce muni d’un bourgeon à feuille (1). L'enlèvement de ce fragment d’écorce (ou écusson) demande une

(1) Les horticulteurs qui, anciennement surtout, n'étaient pas très-forts en français, et encore moins dans l’étude des organes des végétaux et de leurs fonctions, nomment encore Bourgeon un rameau vert frais, en pleine végétation. Ils disent qu'ils ébourgeonnent un arbre, en cassant plus ou moins bas ce jeune rameau; ils se servent même du mot ébourgeonner quand ils suppriment totalement ce même rameau en le rompant à son articulation. Cependant, en terme d’horticulteur, ce mot est entendu plus généralement par enlever en le pinçant une portion seulement de son sommet, ce qu'ils désignent aussi par pincement.

Ayant fait ainsi une fausse application du mot Bourgeon, il a bien fallu qu'ils trouvassent une autre expression pour remplacer le mot qu'ils n'avaient pas su comprendre. Eh bien, ils en ont adapté deux qu'ils n’ont pas su plus heureusement appliquer. Ils ont nommé OExl le bourgeon qui ne renferme que des feuilles (sans fleurs), et le Bouton (des jardiniers) est notre bourgeon à fleurs. Mais l'absurdité ne s’est pas-bornée là, ils ont été aussi obligés de nommer bouton une fleur non épanouie. IL faut espérer que bientôt, surtout quand les jardiniers auront acquis des connaissances indispensables pour leur état, connaissances dont ils sentent beaucoup trop tard la nécessité, nous verrons disparaître le mot de OEil (comme ils l’entendent), et ceux de OEil à bois (qui est notre bourgeon à feuilles).

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certaine dextérité pour ne pas laisser sur la branche le très-petit cône de bois engagé dans la base du bourgeon, celui-ci ne pouvant pousser s’il est vide; c’est ce que les jardiniers nomment bowrgeon boudeur ou aveugle. L'intervalle qui se trouverait entre le bois du sujet et celui de la base du bourgeon rendrait la soudure très- incertaine. On opère en faisant sur l'écorce du sujet une incision transversale demi-circulaire jusqu’au bois. On choisit de préférence un sujet d’un à trois ans. Celte première incision est coupée perpendiculairement en descendant, au milieu de la première entaille. On soulève légèrement, avec la spatule du greffoir, les deux lambeaux triangulaires qu'on a produit, et on y engage l’écusson. On le place de manière que le sommet du bourgeon soit en haut; on met en contact la coupe horizontale faite à l'écorce du sujet avec la ligne droite de l'extrémité supérieure de l’écusson (pl. 11, fig. 5). Quelques horticulteurs ne font qu'une incision longi- tudinale un peu longue, etsoulèvent l'écorce pour y placer l’écusson d'écorce de forme oblongue (pl. 111, fig. 7).

La greffe en flûte, employée souvent dans le Midi, est trop longue ; celle en écusson, au printemps, est bien préférable. Celle d'automne souffre souvent des gelées ; au lieu qu’en mettant en automne dans un endroit frais plutôt humude que see, età l'obscurité, des rameaux vigoureux pour en enlever les écussons au printemps, on est bien plus sûr de réussir. Il faut choisir plutôt un temps sec qu'un temps humide. Si le sujet a trop de sève, la soudure du bourgeon se fait mal; il faut préférer un temps sec, pourvu que les lambeaux irrégulièrement triangulaires du sujet puissent se décoller facilement du bois. Les baguettes conservées, comme il a

et leur expression de Bouton, pour notre bourgeon renfermant des feuilles et des fleurs, ou des fleurs seules. Ils sauront qu’un bourgeon n’est qu'une branche à feuilles, ou une branche à fleurs seules, ou à feuilles et à fleurs, non épanouies ; qu'aussitôt que nous apercevons, même d’une manière peu marquée, les feuilles et les fleurs, que les écailles, qui ordinairement enveloppent ces bourgeons, s’écartent ou sont tombées, nous nommons les corps qui en sortent des rameaux à feuilles à fleurs.

GREFFES. 287 été dit, sont toujours prêtes à être utilisées. Cette grefle se fait si vite, qu'un bon greffeur peut en poser, même sur Cognassier, de 4,500 à 4,800 par jour (une ou deux personnes faisant les ligatures). Quoiqu'on rencontre sur toute la circonférence de la branche sur laquelle on doit placer l’écusson des points aboutissent les rayons utriculeux (ou médullaires) , de manière à ‘toujours rencontrer quelques-uns de ceux de l'écorce qu'on applique, quelques prati- ciens cherchent à placer la base du bourgeon que l’on pose sur un endroit il y en avait déjà un au moment l’on opère. Il paraîtrait que cette position serait plus favorable à la soudure des parties ligneuses mises en contact. La portion de branche qui se trouve au-dessus de la greffe reste intacte ; elle est utile pour exciter l'ascension de la sève. On fait ensuite deux ligatures dans le but de mettre immédiatement en contact l'écorce de l’écusson avec le bois du sujet pour que l'air ne puisse dessécher les surfaces , ce qui empêcherait la communication de la sève et la formation de la matière organique entre ces deux parties.

On se sert de gros fil de laine , peu tordu, ou même de filasse non tordue, pour établir le contact des parties au-dessous et au- dessus de l’écusson, tout en laissant un intervalle pour que le bourgeon soit bien à découvert. KNiGuT se servait aussi de deux ligatures pour le Pêcher : l'une au-dessus du bourgeon sur la section transversale ; l’autre, destinée seulement à fixer le bourgeon , était placée au-dessous. Aussitôt que l’écusson adhérait, il enlevait la ligature inférieure. En opérant ainsi, il trouvait qu'un obstacle considérable était mis au passage de la sève aqueuse, au-dessus du bourgeon, et que les arbres, ainsi greffés en juin, commençaient à pousser en juillet, et produisaient une branche de 90 à 108 milli- mètres. La dernière ligature était ôtée plus tard pour permettre à la sève de passer outre. Alors, il fixait les jeunes pousses à l’espalier. Par ce fait, exposées à une lumière convenable , elles se durcis- saient et donnaient des fleurs au printemps suivant.

M. CH. PETITHUGUENIN à apporté au procédé ordinaire une modification qui paraît importante. Après avoir enlevé de la plante

288 GREFFES.

à multiplier l'écusson comme à l'ordinaire, on le coupe transversa- lement en haut et en bas, de manière à lui donner la forme d'un carré long, en ne lui laissant qu'un centimètre au plus de hauteur. On fait à l'écorce du sujet une incision horizontale et deux verticales parallèles, très-courtes, à un écartement nécessaire pour recevoir l'écusson. On saisit, entre le greffoir et le pouce, le petit lambeau d’écorce du sujet, et de la main gauche, on prend l’écusson par le pétiole et on le met en place, en soulevant successivement, autant qu’il est nécessaire, le lambeau de l'écorce pour engager l’écusson à une profondeur convenable, afin que son bord supérieur coïncide à celui du sujet; on applique ensuite la ligature. On abrite du soleil et de la pluie au moyen d’une feuille d'arbre qu'on fixe faci- lement autour du sujet en perçant sa lame par le pétiole resté à l'écusson. Par cette méthode, la partie de l'aubier repose l'écusson n’est mise à nu qu'à mesure qu’on engage ce dernier sous l'écorce du sujet, sans que cette surface puisse avoir le temps de se dessécher, circonstance essentielle pour la reprise.

Dans la greffe en écusson ordinaire, le greffoir blesse plus ou moins la portion du bois du sujet, qui va être mise en contact avec l'écusson. Cette greffe peut se faire avec tout instrument tranchant, s'appliquer à tous les sujets ligneux, principalement à ceux à écorce mince. Elle réussit parfaitement sur les Rosiers.

Que l’on emploie cette nouvelle modification éu que l’on suive l'ancienne , il est toujours bon d’abriter la greffe par un moyen quelconque, soit contre le soleil, soit contre la pluie.

La greffe en flüte (ou sifflet est bien moins pratiquée que celle en écusson ; cependant, on la rencontre encore sur les Müûriers et les Châtaigniers. Elle consiste à couper transversalement une branche de l’année précédente à quelques centimètres au-dessus de sa naissance, à la priver d’un anneau ou d’un cylindre d’écorce, à y substituer un cylindre d’écorce semblable, muni de plusieurs bour- geons à feuilles, pris sur l'arbre qu'on veut multiplier.

On opère quelquefois autrement. On coupe transversalement une

GREFTES. 289 branche que l'on veut greffer, et ensuite on y fait quatre à six inci- sions longitudinales de quelques centimètres de long. On baisse ces lanières, on recouvre la partie dénudée d’écorce d’un tube d'une écorce prise sur une variété que l’on veut multiplier, de manière que la portion du sujet, mise à nu, puisse remplir le tube. On relève ensuite les lanières de l'écorce du sujet et on les lie autour de l'écorce ajoutée. Il semblerait que les nombreux points de contact que présente cette espèce de greffe devrait faciliter le déve- loppement des bourgeons, et engager à l'employer plus souvent ; mais on préfère la greffe en écusson, probablement à cause de la promptitude de l'opération et par le plus grand nombre de bour- geons que l’on peut utiliser. {Voir pl. 111, fig. 5, 6 et 7.)

La greffe axillaire est bien distincte de celle à écusson ; elle consiste à introduire à l’aisselle d’une feuille, séparée en partie de son axe, par une incision qui attaque plus ou moins le bourgecon qu'elle porte à son aisselle, et à y introduire un très-court frag- ment de branche herbacée ou ligneuse, taillée en coin et terminée par un bourgeon à feuille. Cette espèce de greffe est employée parfois sur les Müriers ; elle se pratique ordinairement en automne, offre beaucoup de rapidité dans l'opération et une bonne réussite. Aussitôt que l'introduction du coin a lieu, une autre personne applique la ligature. Les Müûriers peuvent être ainsi greffés la première ou la deuxième année après leur germination. L'opération se fait à l’aisselle de la troisième ou quatrième feuille inférieure (pl.-nr, fig. 8). D'autres, au lieu de fendre longitudinalement en deux le bourgeon du sujet, pratiquent l'incision longitudinale entre le bourgeon du sujet et le rameau.

La greffe en placage consiste à enlever obliquement sur un jeune sujet, qu'on laisse d’ailleurs intact, une plaque d’écorce et de bois, et à mettre à la place une lame d’écorce exactement semblable, pour la grandeur, à celle qu'on vient d'enlever ; mais munie d’une feuille et du bourgeon qu’elle porte à son aisselle. II

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faut avoir grand soin que cette écorce porte une lame de bois très- mince. On tient les parties exactement appliquées au moyen d'une ligature convenable. Cette espèce de greffe doit être éfouffée sous cloche, après avoir recouvert la ligature d’une légère couche de cire à greffer sur les points le bois serait un peu à découvert. On peut la placer très-bas et sur un sujet fort jeune. Ce moyen de multipli- cation, très-employé pour les Camellia, peut s'appliquer à un grand nombre de plantes , et surtout très-avantageusement pour celles qui ont des feuilles opposées, les rameaux étant susceptibles de produire un grand nombre de nouveaux individus. M. CAMUSET a remarqué qu'il est préférable d'employer le fil non tordu plutôt que la laine, qui peut s’interposer entre les parties mises en contact, et gêner leur union.

Greffe Luizet.— Toutes les greffes que nous avons décrites sont faites au moyen de bourgeons à feuilles (B. à bois des jardi- niers); mais M. LuiZET, d'Ecully, a eu l’heureuse idée de greffer des bourgeons à fleurs (B. à fruit des jardiniers, boutons des jardiniers), et cette idée a été d'autant plus heureuse, qu'il les a appliqués sur des arbres trop vigoureux pour porter des fruits : nous en avons souvent qui sont ainsi dans nos jardins. Quelques auteurs ont bien mentionné cette espèce de greffe, mais on l'avait regardée comme une idée théorique, idée à laquelle les horticul- teurs ne font malheureusement pas le plus souvent assez d'attention. Cet habile horticulteur y a été conduit par l'observation. Il se rencontrait qu'en greffant on prenait chez lui des bourgeons à fleurs jeunes pour des bourgeons à feuilles, et 1l avait remarqué que ces bourgeons fructifiaient la même année; c’est ce qui lui donna l'idée d'en placer sur des arbres très-vigoureux en feuilles et en branches, et par cela même stériles. Cette greffe a encore un autre avantage, c'est de juger promptement de la valeur des fruits que porteraient tard des arbres obtenus de semis, et souvent trop impar- faits s'ils n’ont pas été greffés.

Le choix de l'arbre sur lequel on prend les bourgeons à fleurs

GREFFES. 291 n'est pas indifférent. On doit préférer ceux des arbres à grand vent ou les variétés très-productives (Duchesse d'Angoulême, Bon Chrétien William et Colmar d'Arenberg). Ces variétés, ainsi dépouillées de leur superflu, portent de plus beaux fruits et ne s'épuisent pas, d'autant plus qu'on en laisse toujours trop sur les arbres. Il peut arriver que les variétés très-productives manquent au greffeur ; alors, il choisira dans celles qu'il possède une ou deux des plus fertiles, et, quand le moment de la taille arrivera, il aura soin de conserver sur chacune d'elles quelques rameaux bien constitués, et de les courber. C’est sur ces rameaux courbés qu'il trouvera, quand l’époque sera favorable, des bourgeons à fleurs plus que suffisants, qu'il greffera en écusson sur des branches d’un ou deux ans, les plus saines et les mieux placées.

Cette greffe (Bullet. soc. hort. Rhône, 1848, p.80, avec planche) peut se pratiquer depuis fin août jusqu'au déclin de la sève. Le rameau de la planche citée appartient au Beurré Goubault et a été placé le 24 août 1847 sur la Duchesse d'Angouléme.Le bourgeon, parfaitement soudé , s’est développé au printemps suivant, et a produit des fruits. En général, ces bourgeons à fleurs donnent tous des fruits, étant placés sur la partie la plus favorable à la circula- tion de la sève : celle-ci trouve dans l'opération un obstacle à sa marche et s'y arrête davantage. Depuis cette époque, on trouve très-souvent cette greffe sur les arbres de nos jardins lyonnais ; elle réussit très-bien partout ; elle produit des groupes de fruits souvent trop nombreux. On fera bien d'enlever, un peu plus tard, ceux qui seront les plus faibles. On à cru d’abord que ces bourgeons greffés produiraient des fruits et périraient ensuite; mais, sur la base du bourgeon appliqué, un ou plusieurs bourgeons surnuméraires à feuilles paraissent, et la branche greffée continue à donner des ramifications à feuilles d'abord, et plus tard à fruits (de la variété qui a été transportée).

M. LuiZET a employé non-seulement des bourgeons pour greffer en écusson, comme on le fait pour cette opération devenue fami- lière ; mais il a utilisé des brindilles, des dards et des extrémités

293 TAILLE.

de rameaux. Pour cela, on choisit, autant que possible, parnn Les rameaux longs de 5-12 centimètres, les mieux constitués et portant le plus de bourgeons à fleurs. On les taille en biseau de 2 à 3 centimètres de longueur, et on introduit ce biseau sous l'écorce coupée en T, comme pour la greffe à éeusson. En recommandant de tailler immédiatement au-dessus d'un bourgeon à feuille (œil), c’est que le rameau forme presque toujours une courbe sur ee point, de manière que lorsqu'il est posé son sommet s’écarte de la branche, et forme avec elle un angle aigu. Ainsi, les fleurs, se trouvant écartées de la branche , ne sont nullement gènées ; les fruits peuvent aussi se développer factlement.

TAILLE DES ARBRES EN GÉNÉRAL.

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Nous avons vu qu'un arbre, dans la première année de son existence, présentait de six à vingt feuilles; qu'à leur aisselle se trouvaient autant de bourgeons ; qu'en automne les feuilles tom- baïent de la plupart des arbres ; que les bourgeons s’accroissaient très-lentement pendant l'hiver, et qu’au printemps ils se déve- loppaient assez rapidement en autant de branches, si rien ne Îles avait détruits. Cette végétation continue ainsi chaque année, et lembranchement s'étend en longueur et en largeur, sans laisser d'axe ou tronc apparent. C’est ce que nous voyons rarement, à moins qu'un arbre ne se trouve complètement isolé, et que les animaux ne viennent le mutiler. Il en serait ainsi du Mûrier si le jardinier ne venait sans relâche supprimer ses branches latérales, et dénuder continuellement son axe. Mais avec le peu d'espace que nous sommes souvent appelés à occuper sur la terre, ce n'est pas la seule mutilation que nous avons à faire subir aux arbres, et que nous regardons , bien à tort, comme l’état naturel. Après avoir dépouillé les Müriers de leurs feuilles, avoir cassé leurs branches, les avoir mis dans l’état d'un buisson, nous sommes étonnés que le Mürier dit Sauvageon ne puisse plus ètre utilisé, ou du moins

TAILLE. 293 que la récolte de ses feuilles ne puisse plus se faire avantageuse- ment.

C’est l'état de continuelles mutilations ont successivement mis nos Müriers dans les contrées l'éducation des vers-à-soie n’est, pour ainsi dire, qu'un objet de curiosité, ou plutôt un jouet, dans les lieux l’on veut qu'un arbre produise des feuilles , lors mème qu'on le massacre de toutes les manières, qu'on néglige complètement le sol dans lequel il croît. Le Saule blanc, que l'on prive de branches tous les trois ou quatre ans, n’est pas aussi maitraité ; car, au moins pendant les quelques années de l’exis- tence de ses jeunes branches, on lui laisse ses feuilles, qui élaborent la sève dont elles ont besoin pour vivre.

Nos Müriers, ainsi mutilés, sont certainement bien plus miséra- bles que cet arbre dans son état spontané (sauvage). Dans son pays natal, destiné à nourrir le Bombix du Mürier, il n’est pas instan- tanément privé de ses feuilles ; l'insecte qu'il doit substenter ne mange que graduellement ses feuilles, ses branches restent au moins parfaitement intactes.

Cet état du Würier blanc dénommé sauvage, qui est désigné dans ce Travail sous le nom de variété mince (pour à feuilles minces), aura été successivement semé en Europe. Quelques indi- vidus, dont les graines étaient mieux constituées, quise sonttrouvés dans des circonstances climatériques plus favorables, qui ont été bien cultivés, ont présenter des branches plus vigoureuses, des feuilles plus larges et plus épaisses. On aura graduellement cherché à les propager de préférence ; ils auront été transportés par un moyen artificiel sur des individus à feuilles minces, et on sera parvenu à obtenir des variétés à feuilles plus amples.

On aura d’abord placé le Mürier dans des localités très-variées , dans de bons terrains et dans d’autres pauvres; on aura préféré ceux qui produisaient de grandes feuilles, bien épaisses et presque succulentes. L'abondance de sève aura rendu ces feuilles moins adhérentes ; on n'aura jugé que sur l'apparence, comme on le fait encore beaucoup trop de nos jours, et on aura planté les Müriers à

294 TAILLE. feuilles bien luxuriantes , qui, d’après leur belle apparence, semblent les meilleures.

Dans le Midi, ces larges feuilles, évaporant plus abondamment, les racines étant dans des sols plus chauds, sont moins disconve- nables aux vers; mais plus on approche du Nord, dans des sols plus froids, à une lumière et une chaleur moins vives, les feuilles évaporent moins ; elles sont plus épaisses, parfois presque charnues, et par cela même deviennent toujours moins appro- priées à l'alimentation des vers.

D'après ce qui vient d’être dtt, on comprendra ce qu'il convien- drait de faire pour le Mûrier; mais on y arrivera avec peine, car 1l est difficile d'abandonner des habitudes routinières. Quelque moyen qu'on emploie, on sera toujours dans l'absolue nécessité de le tailler. Actuellement, voyons ce qu'on à fait et ce qu'il convient de faire.

Avant d'entrer dans quelques développements sur cet important sujet, jetons un coup-d’œil rapide sur l’élagage et la taille auxquels nous assujétissons nos arbres en général.

Primitivement, la taille des arbres a consisté en ce que nous nommons vaguement élagage , c'est-à-dire l'enlèvement de. branches trop voisines d’une maison, d’un mur, d’une route ou d’un jardin, masquant la vue, etc. C’est ce que nous faisons encore souvent presque avec autant de barbarie que dans l’origine; car, au lieu de diriger avec intelligence des arbres dès leur jeunesse pour une promenade, une salle d’ombrage , ou dans un but quelconque, nous ättendons que ces arbres aient acquis un grand développe- ment pour en supprimer à grands coups de serpe, de scie et de croissant toutes les branches qui gênent.

L’élagage, dans l’art forestier, consiste à enlever avec intelligence les ramifications inutiles des arbres de nos bois, afin de faciliter leur développement, y faire pénétrer une lumière suffisante, un renouvellement d'air convenable, et d'arrêter quelques branches qui prendraient une trop grande extension.

TAILLE, 295 Le forestier intelligent, le jardinier surtout, n'attend pas que cet axe central se dénude tout seul ; il facilite cette dénudation tout en favorisant l'allongement de l'arbre. A la seconde année de son existence, il supprime les rameaux nuisibles au but qu'il se propose, ce qui est extrêmement facile, vu la mollesse des tissus dans la deuxième ou troisième année; il coupe à la serpette Îles ramifications superflues sans déchirer l'écorce, mais sans laisser d'ailleurs de traces de mutilation. Ce premier élagage forestier se fait en même temps qu’on nettoie le jeune plant. Douze ou quinze ans après, lorsqu'on procède à l'exploitation définitive des taillis, on élague ce qui est inutile, et on en fait des fagots, ainsi que de ce que l’on arrache.

L'époque de l'année l'élagage réussit le mieux est celle de l’ascension de la sève du printemps; car alors la cicatrisation des plaies se fait très-facilement, les feuilles activant la circulation et l'élaboration du sucnourricier. On peut yrevenir tous les trois ou quatre ans , et parcourir ainsi toute la forêt. En faisant successive- ment, à temps convenable, les élagages nécessaires, le taillis reçoit l'influence solaire, et prend un accroissement bien supérieur. Pour faciliter encore le développement des jeunes arbres, les proprié- taires devraient se décider à faire élaguer aussi les Baliveaux (grands arbres d’une forêt). Le produit de la vente des fagots dépasserait le chiffre des dépenses qu’on ferait pour cela. Dans une forêt qui a été bien dirigée, on ne doit jamais trouver que des petites branches à abattre. L'élagage des Chênes, des Hétres et autres arbres doit être opéré pendant l'hiver, jusqu'au moment les bourgeons grossissent sensiblement. Quant aux arbres des jardins paysagers, ils doivent être complètement abandonnés à eux-mêmes, et on ne doit en abattre que le bois mort.

Dans nos bois, les arbres n’ont le plus souvent un tronc privé de branches qu'à cause de l’étiolement de ces mêmes branches, par suite de leur décomposition ou de l’élagage ; dans nos jardins, la serpette du jardinier est seule cause de leur nudité jusqu'à une

296 TAILLE.

certaine hauteur. Des troncs branchés dès la surface du sof, excepté dans les jardins paysagers, nous gêneraient ; aussi, ce n’est qu'avec une volonté assez persévérante qu'ils se présentent comme nous les voyons le plus souvent.

. Les arbres des promenades doivent être plantés et taillés selon la direction qu'on se propose de leur donner. En général, leur embranchement doit être surbaissé. Leur sommet doit être supprimé à une certaine hauteur, afin d'obtenir un embranchement latéral, et tendre, dès la jeunesse de la plantation, à empêcher l'ascension du tronc et des branches; la taille doit être continuée au moins tous les deux ans, afin de ne pas être obligé, par la suite, d'attaquer des branches d’un certain volume.

En abandonnant ces arbres à eux-mêmes , ils tendent à déve- lopper des branches ascendantes ; celles-ci reçoivent, par suite de leur position, une plus grande abondance de sève , et la lumière dont elles jouissent favorise encore leur croissance. Les branches inférieures, au contraire, sont étiolées par l'ombre; elles périssent successivement, et l’arbre se trouve dénudé sur ses branches principales. Autant on doit éviter de les tailler dans un jardin et sur une promenade paysagers, autant la nécessité de l'ombre et celle de démasquer les maisons exigent une taille courte et annuelle.

Une fois que les arbres ont pris un plus grand accroissement, il est difficile de les ramener à 10 ou 12 mètres de hauteur

par la taille. I faut alors abattre de grosses branches, et risquer, si les entailles ne sont pas très-obliques et enduites -de quelque matière imperméable, de voir l’eau s’infiltrer dans le canal utricu- leux central, et causer, à la longue, la destruction de l'arbre. Malgré ce grave inconvénient, il n’y a pas d’autre moyen, lorsque les arbres sont trop élevés, que de procéder, le plus tôt possible, à cette taille. La promenade est laide pendant deux ans; mais de nouveaux et nombreux bourgeons surnuméraires percent l'écorce sur des parties même assez anciennes, les rameaux s'allongent, et l'ombrage renaît. Si, au contraire, on abandonne les arbres à eux-

TAILLE. 297 mêmes, leurs branches continuent à perdre leurs ramifications, et bientôt l'œil, au lieu d’un aspect de verdure épaisse, ne découvre plus qu'un squelette grisâtre sur un fond dont on aperçoit à peine la verdure. Le cours Napoléon, à Lyon, en était un exemple avant qu'on n’eût rabattu les branches. Nos haies vives doivent seules , par nécessité, se ressentir du mauvais goût du siècle dernier, pendant lequel on réduisait nos arbres en murs de verdure, en colonnes, en pyramides , en boules, en arcs et même en animaux.

Mais nous avons encore un plus frappant exemple de l’état de barbarie dans lequel se trouve la taille dans nos tétards de Saules : une bouture est faite avec une longue branche de Saule blanc, on la laisse dépasser le sol d'environ 2" 1/2. Nous ne conservons que les trois à six branches supérieures qui se sont développées ; toutes les petites qui paraissent sont soigneusement et successivement coupées. Après trois ou quatre années, les branches terminales sont assez grosses; nous les coupons au-dessus de leur base pour en faire de longues perches légères. L'année après la première taille , la sève se porte en abondance dans cette extrémité massacrée à coups de serpe; un grand nombre de bourgeons surnuméraires apparaissent au printemps suivant, et comme se trouvent de nombreux obstacles à la circulation séveuse, l'extrémité tronquée se tuméfie, et il en part tous les quatre ans des branches nombreuses qui sont coupées toujours un peu au-dessus de leur base. De là, l’'augmention persistante du volume que présentent ces arbres, qui continuent à être traités de lamême manière. Mais le séjour de l'eau et toutes les blessures permettent à l'humidité de pénétrer graduel- lement dans le tronc, qui se pourrit, et il contient alors la terre de Saule que nous utilisons souvent. A la fin de son existence, on ne trouve, la plupart du temps, qu'un Saule tout-à-fait creux, ou même des moitiés de Saules qui, cependant, produisent encore des branches. Voilà un exemple frappant de mutilation extrême que peuvent présenter des arbres qui, Kg à eux-mêmes, ont un port élégant.

Nous arrivons successivement à un peu plus de perfection dans

298 TAILEE. la taille, et avant de donner quelques détails sur celle des arbres fruitiers qui, pour le moment, nous intéresse moins, voyons comment se fait celle des Müriers, qui est encore loin de présenter la régularité dont elle est susceptible.

Taille du Mürier en particulier.

Peu de nos arbres ont à supporter autant de mutilations que le Mürier. Aucun ne résisterait si bien que lui à l'effeuillaison à laquelle nous le soumettons, ét, chose plus extraordinaire encore, c'est qu'immédiatement après, et au fort de la végétation, nous lui faisons subir une taille très-courte.

Nos arbres fruitiers supportent assez bien la taille, parce que nous la praliquons quand la circulation de la sève est presque stationnaire, c'est-à-dire à la fin de l'automne, au printemps ou en hiver. À ces époques, ce liquide circule assez pour entretenir la vie de l'arbre, qui a toujours pendant cette saison, au moyen de ses racines, une température plus élevée que celle de l'atmosphère ; mais l’enlèvement des branches pendant cette période hivernale est bien moins désavantageuse à l'arbre que celle qu'on fait subir aux Müriers après la récolte de leurs feuilles. Un mois environ après l'apparition de leurs premières feuilles, nous leur enlevons cet organe essentiel de nutrition, et en même temps de grande activité vitale. De cette manière, nous arrètons subitement ce grand mouve- ment ascensionnel du liquide nutritif; car c'était par les feuilles que s'élevait dans l'atmosphère une quantité très-considérable d’eau distillée, ce qui excitait puissamment le mouvement de la sève et le dégagement de l’oxigène.

Les jardiniers nomment ce ralentissement de la sève refoule- ment de la sève. Cette expression n’est pas juste, car ce n’est qu'un arrêt de sève dans les tissus, un moment de stagnation et non un refoulement, une descension complète. Cette abondance d’eau dans les tissus fait un moment de l'arbre une plante herbacée, c'est-à-

TAILLE. 299 dire que les bourgeons, qui étaient presque stationnaires (et aqueu- sement nourris), se développent instantanément, comme cela arrive dans une plante herbacée, dans laquelle les bourgeons, aussitôt créés, s’allongent en branche. Conséquemment des bourgeons qui ne se seraient développés qu'en août, ou le plus souvent au printemps suivant, poussent aussitôt, et, si les circonstances atmos- phériques sont favorables, l'arbre, dix à quinze jours après, se trouve déjà regarni de feuilles

Si l'arrière saison est chaude, l'arbre apparaît bientôt presque aussi fourni de feuilles que si on ne lui avait pas enlevé les premières. Elles ont le temps, suftout dans le Midi, d'élaborer assez de sève pour développer des branches très-solidement organisées pour supporter l'hiver et développer à leur aisselle autant de bourgeons, espoir du printemps suivant.

Par l'enlèvement des feuilles au printemps, si la cueillette a été adroitement faite, les bourgeons qui se trouvaient à l’aisselle de ces feuilles n'ont pas été atteints ; ils sont jeunes, herbacés pour ainsi dire ; ils peuvent aussitôt se développer très-vite et réparer prompte- ment les organes indispensables pour la nutrition de l'arbre, qui en souffre, mais qui peut supporter cette effeuillaison précoce, malgré que la couche de bois et celle d’écorce qui se forment ne soient pas aussi épaisses, aussi solidement organisées qu'elles l’auraient été si l'arbre avait conservé ses premières feuilles.

Mais nous suspendons l'organisation des tissus un peu plus longtemps, quand nous taillons l'arbre quatre à dix jours après lui avoir enlevé-ses feuilles, comme on le fait presque partout dans le Midi de la France. Nous l'avons déjà fait souffrir en les lui suppri- mant; nous-avons laissé languir quelque temps sa végétation , et nous aggravons encore le mal en lui enlevant bientôt après presque tous ses bourgeons préparés d'avance. Nous augmentons encore la stagnation de la sève, et par suite de son abondance, nous voyons se développer le peu de bourgeons qu'on a laissés, et d’autres, mal préparés d'avance, commencent à paraître : ce sont les bourgeons adventifs surnuméraires. La chaleur, la vive lumière de cette

300 TAILLE.

saison dissipent heureusement bientôt, en partie, la grande humidité des tissus et l'équilibre normal de l'arbre se rétablit, au moins en apparence. Aussi la plupart des Mûriers taillés du Midi, renfermant quinze à vingt jours après la taille trop de sève aqueuse, présentent des écoulements sanieux sur leur tronc, signe certain qu'elle n'a pu suivre le cours ordinaire de son élaboration. Cette plétore (plénitude) se fait jour à un point quelconque.

Outre les écoulements de sève que présentent beaucoup de Müriers du Midi, taillés après la récolte des feuilles, leurs branches principales sont extrêmement raboteuses, à cause des cicatrices rapprochées, produites par les tailles précédentes.

La sève, engorgeant les tissus après la récolte et la taille immédiates de l'arbre, est si abondante qu'elle s'écoule par les entailles nombreuses qu'on vient de faire à des rameaux qui n'avaient pas eu le temps, l'année dernière, de parvenir à leur perfec. tion normale. Cetécoulement continue souvent en ulcères (chancres), et même il ne suffit pas, car on voit souvent s'établir un large ulcère dans une partie du tronc de l'arbre. Cette plaie ne pourra se guérir qu'en opérant sur l'arbre une toute autre taille, faite surtout dans un moment opportun, Si cette trop abondante sève ne peut se faire jour par quelque point, les feuilles jaunissent, et si l’on ne vient pas au secours de l'arbre par de profondes incisions longitudinales de l'écorce, 1l finit par périr.

Ce traitement, fait en dépit de toutes les règles physiologiques, prouve d’une part la puissance de la routine, et de l’autre la vigueur du Mürier ; et, en outre, l'empire d’une habitude irréfléchie se continuera encore beaucoup trop longtemps.

Il faut avouer cependant que cette manière d'opérer n’a guère élé employée que dans le Midi de la France, la récolte de la feuille est faite de bonne heure, le développement des bourgeons surnuméraires laisse encore un assez long intervalle de temps avant l'hiver, pour réparer, du moins en grande partie, le mal que l'on a fait. Cette taille à cependant aussi réussi à Lyon.

TAILLE. 301

Taille Trisannuelle ou Quadrisannuelle

des Muüriers,

On recueille généralement les feuilles du Mürier toutes les années ; mais quelques personnes ne les taillent que la troisième ou la quatrième année : c’est ce que l'on désigne ordinairement par l'expression laisser reposer le Mürier une année sur quatre. Alors, cette prétendue année de repos est employée, au printemps -de la troisième année (ou de la quatrième), à couper (rabattre) les branches de deux ou trois ans au-dessus des 20 à 40 centimètres de la base de celles qui existaient depuis la dernière taille. Pen- dant cette année de repos factice, des bourgeons surnuméraires apparaissent subitement et se développent. Il faut avoir soin alors de supprimer, à la fin de juillet, tous les rameaux verts qui sont inutiles pour un embranchement régulier, qui doit rester intact (de taille) pendant les deux ou trois années suivantes.

Ce mode offre l'inconvénient de laisser des coupes de branches trop larges, et d'exposer l'arbre à une dégradation trop prompte.

Mais, d'un autre côté, l'arbre produit certainement, dans un nombre d'années donné, plus de feuilles que par la taille bisan- nuelle.

Le mode de taille BOYER et LABAUME se rapporte à cette manière de conduire les Müriers ; 1l offre l'avantage de guider successive- ment le cultivateur. Voici comment procèdent ces moriculteurs :

La première année, l'arbre est planté et coupé en travers au sommet du tronc, ou avec deux à trois branches tenues extrè- mement courtes ; les racines sont taillées au sommet ou supprimées au-dessus des blessures qu'on rencontre trop souvent hors de l'arrachage. (Voir l'article Plantation, pag. 238.)

302 TAILLE.

En mars de l’année suivante, et avant la foliation, on fait choix de trois des rameaux les mieux placés, espacés le plus possible, les plus forts et les plus égaux ; on les conserve entiers, tandis que tous les autres sont coupés à leur base, très-près de l'écorce. Dans le cas l’un des trois serait plus faible, il faut le conserver ; on le ramènera à un volume convenable l’année suivante. (Voir cette trifurcation, pl. vi, fig. 2.)

Si l’on est obligé de ne conserver que deux rameaux également distants, il faut s’en contenter. D’autres fois, on se voit contraint d’en laisser quatre. Mais ces deux derniers embranchements princi- paux sont moins élégants et surtout moins commodes pour l'homme: qui montera, par la suite, sur l'arbre. Leur naissance, souvent presque horizontale, produit une excavation s’assemble parfois l'eau des pluies qui peut nuire à l'arbre.

En mai ou juin, on enlève à la main les rameaux verts qui se sont développés à la base des jets de l'année dernière, jusqu'à environ le tiers de leur longueur; les deux autres tiers supé- rieurs sont laissés complètement intacts. On coupe, à la même époque, tous les autres jeunes rameaux verts qui ont apparu sur l'arbre : on les utilise pour les vers-à-soie ou pour le bétail. On a soin, pendant la belle saison, de supprimer, à plusieurs reprises, tous les rameaux qui apparaissent ailleurs que sur la partie laissée intacte lors de la première opération. Cet enlève- ment de rameaux verts (bourgeons des jardiniers) ne doit jamais s'opérer pendant la pluie.

En mars de la troisième année de plantation (deuxième de taille), avant l'apparition des feuilles, on examine attentivement l'arbre avant de se décider à la taille vraiment importante. Les trois branches principales, conservées l’année précédente, ont produit des rameaux dans tous les sens ; il faut

faire choix sur chacune d'elles de deux ou trois rameaux pour les

TAILLE. 503

conserver, en laissant ceux au moyen desquels l'arbre présentera un évasement. On coupe ces rameaux (d'embranchement secon- daire), au-dessus du deuxième ou du troisième, en partant de la base, et on enlève tous les autres. On a soin, comme l’année dernière, de supprimer tous les bourgeons qui se développe- raient ailleurs que sur les rameaux de l’année précédente (laissés par la taille). Après cela, l'arbre a un aspect désagréable, mais il devient magnifique en automne.

Dans la quatrième année de plantation s’opère la troisième taille. Elle consiste tout simplement à couper les rameaux laissés de l’année précédente au-dessus d’un ou de plu- sieurs jets latéraux, en ayant soin d'enlever principalement toutes les petites branches qui se dirigent vers le centre de l'arbre qui doit être laissé, le moins possible, garni de rameaux. On conserve cependant parfois quelques petites branches latérales faibles, qui servent à modérer l'ascension de la sève dans les branches vigou- reuses. Il est inutile de recommander constamment d'enlever toutes les petites pousses (brindilles) inutiles.

Pendant les quatre premières années, ces agronomes se soni altachés à créer du bois ; mais actuellement, ils doivent tailler de manière à obtenir pour l’année suivante le plus de feuilles possible. Comme précédemment, on diminuera les branches {de l’année précédente) qui se dirigent vers le centre, afin de permettre à la lumière de pénétrer partout. On coupera, comme les autres années, deux à quatre branches au-dessus de la base de ce dernier embran- chement, et au lieu de laisser entiers les derniers rameaux, on les taillera (écourtera) eux-mêmes sur le troisième ou quatrième bour- geon en partant de la base, afin qu'ils se garnissent de bourgeons. On cherchera, cette année surtout, à donner à l’embranchement général la forme d’un cône renversé, ou plutôt la forme d’une Poire.

L'année suivante (sixième de la plantation), on cueille les feuilles et on émonde. Alors, les Müriers produisent environ 25 kilogr. de

304 TAILLE.

feuilles bien plus parfaites que celles obtenues sur des Müriers dont le feuillage est entassé, dont l’évaporation aqueuse se fait fort mal, et dont elles ne peuvent être dans des conditions hygiéniques convenables à l'alimentation des vers-à-soie. Il n’y a donc aucun doute sur l'avantage des feuilles obtenues par cette taille sur celles produites par celle du Midi, tous les rameaux sont dans une abondance extrème. Nous n'avons que deux objections à faire sur cette manière de tailler : la première, quoique bien exposée par MM. Boyer et DE LABAUME, offre quelques difficultés pour des cou- peurs d'arbres non exercés ; la seconde, c'est que les arbres sont trop longuement embranchés, et que les feuilles, d'ailleurs extré- mement convenables, sont comme dans les Cevennes, assez longues à cueillir. Des arbres que l’on veut traiter de cette manière, ou comme on fait dans les Cevennes, doivent être plantés à de grandes distances , surtout si l’on veut établir quelques cultures au-dessous.

Les agronomes cités traitent à peu près de même les mivents et les nains; seulement ils diminuent la longueur de leur embranche- ment, c'est-à-dire au lieu de laisser entiers les rameaux de l’année précédente, ils les raccourcissent de manière à ce que le nain ou le mivent n'offre pas un si ample embranchement en longueur et en largeur. Ils ont soin, plus que jamais, de supprimer les rameaux verts surnuméraires qui apparaissent. Ils conseillent d'utiliser leurs feuilles dès la quatrième année de plantation (troisième de taille). Si les arbres-n’ont que dix ans, on peut facilement les ramener à l'embranchement conseillé par les agronomes de Nîmes, en coupant, le plus haut possible, au sommet du premier embranchement , en conservant les jeunes rameaux convenables qui se trouvent au- dessous de la coupe pour établir le troisième.

Je n'ai point vu d'anciens arbres conduits au moyen de la taille BoxER ; mais le lisse des écorces, la beauté des embranchements, et l’état parfait des feuilles, ne peuvent laisser aucun doute sur leur longévité. Ils ne seront probablement jamais sujets à ces

TAILLE. 305 suintements séveux qu'on voit si souvent dans la taille courte, rabougrie et raboteuse du Midi, qui sont, au premier aspect, malheureusement très-séduisants par leur forme régulièrement en demi-sphère ou en entonnoir.

MM. MOREL et GAILLARD qui, comme moi, ont vu l'aspect des Müriers conduits par M. BOYER, en ont été très-satisfaits. Ils ont même retrouvé de grandes plantations de cet arbre, traitées par la taille de l'habile horticulteur nimois ; elles avaient une fort belle apparence.

Beaucoup d'arboriculteurs conseillent la taille (complète) du Mürier la quatrième année, après en avoir cueilli les feuilles les trois années précédentes ; mais nous avons tout lieu d'espérer que la taille sur rameaux ou en vert de l’année précédente sera préférable.

Taille Bisannuelle.

Il est peu de cultivateurs de Müriers qui taillent leurs arbres au printemps de l’année qui suit celle de la récolte des feuilles pour n'en nourrir les vers-à-soie que l’année suivante; c’est cependant l'une des tailles les moins défectueuses sous le rapport de la santé de l'arbre. Ce mode offre un grand désavantage : c'est celui de ne pouvoir faire de récolte de feuilles que la seconde année, et consé- quemment de ne pas utiliser convenablement la production , et de rendre les feuilles trop chères.

Taille Annuelle.

La taille des Müriers pratiquée dans le Midi de la France, se rapporte en général à celle que l’on doit nommer annuelle; elle s'opère d'abord en laissant partir du sommet du tronc un certain nombre de rameaux qui deviendront sa première ramification. Elle consiste à couper très-prês du point de départ les branches de l’année précédente aussitôt après en avoir cueilli les feuilles. Il en

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306 TAILLE.

résulte , chaque année , des petits moignons ou tétards d'où les bourgeons adventifs (sous yeux) paraissent peu de jours après, et qui donnent un grand nombre de rameaux verls pour l’année suivante. Ces nombreux rameaux ont encore le temps, surtout dans cette contrée chaude, de devenir assez ligneux pour résister aux gelées; ce procédé a même réussi à Lyon.

Que l’on donne aux Müûriers la forme d’une coupe (pl. x), ou bier celle d’une demi-sphère déprimée ou Oranger (pl. vu et 1x), cette taille offre toujours les mêmes inconvénients physiologiques. La première cependant me paraît préférable à la deuxième: les feuilles étant plus exposées à la lumière et plus faciles à cueillir.

L'un de ses inconvénients est de produire, l’année suivante {dans le Midi), des feuilles épaisses, et conséquemment trop aqueuses , puisqu'elles naissent de rameaux qui sont encore trop peu ligneux , ou sont encore (en exagérani un peu l'expression) trop herbacës. Dans le Nord, on aurait, à plus forte raison, ce double reproche à lui faire.

Un inconvénient, que j'ai déjà signalé, nait de l'arrêt brusque de la sève dans un moment elle est extrèmement abondante , dans le Midi surtout. Dans les contrées l’on ne taille pas après la cueillette des feuilles , la sève abondante qui pénètre le tissu ligneux et cortical se porte aussitôt sur le grand nombre de bour- geons qui étaient à l’aisselle des feuilles, bourgeons qui, au lieu d’être durs comme ceux qui viennent au printemps, sont véritablement herbacés, poussent aussitôt, et utilisent bien plus mstantanément une bonne partie de la sève ; tandis que celle-ci, dans les arbres taillés, ne se porte que sur des bourgeons surnuméraires (sous yeux) qui sont loin d’apparaître, et surtout de se développer aussi rapidement que les jeunes bourgeons de l’aisselle des feuilles qu'on vient d'enlever. Ce torrent de sève (qu'on me permette cette expres- sion) séjourne dans le tissu ligneux et cortical, y produit quelque temps une espèce d'hydropisie, dont le liquide se fait très- souvent jour sur le tronc de l'arbre, et cet écoulement continue bien heureusement pour celui-ci. Si, même au moment cette

TAILLE. 307 seconde pousse a lieu, on voyait que les feuilles restassent jaunes, que l'arbre fut souffrant et qu'on put penser que ce fut par le trop d'abondance de sève, on devrait faire une ou deux incisions longi- tudinales à l'écorce pour établir un écoulement.

La taille des Müûriers du Midi, surtout en vase ou en coupe (pl. vrrretix), malgré ses inconvénients, offre l'avantage de produire énormément de feuilles, qui sont d’ailleurs moins charnues qu'elles le seraient dans le Nord.

Faille sur Rameaux de l’année précédente ou Faille en vert.

Ce mode de tailler le Mürier que je propose, ou plutôt que quel- ques auteurs ont déjà indiqué en n'en motivant pas assez les avantages , est celui qu'on peut désigner sous le nom de {aille en vert. Il a, selon nous, de grands avantages sur tous ceux qu'on a employés jusqu'à ce jour. Il contrarie, à tous égards, le moins qu'il est possible la végétation de l'arbre, tout en lui faisant produire un nombre équivalent de feuilles à ce que les autres arbres produisent dans des temps égaux.

Mes excursions dans le Midi, mes observations sur de nombreux Mûriers , l'examen attentif des figures publiées par M. BRUNET DE LA GRANGE, l'étude des divers systèmes de taille, le cours que j'ai été appelé à faire pour la Société impériale d'Agriculture, et des méditations fréquentes sur lesquelles j'ai être naturellement porté, m'engagent à présenter un système de taille qui me parail bien plus en rapport avec la vie du Mürier, le bon état de ses feuilles et les besoins d’une meilleure alimentation des vers-à-soie.

J'ai la persuasion complète qu’en taillant, chaque année, sur rameaux de l’année précédente, on évitera les larges coupes des branches de trois à quatre ans d'existence, et les rugosités innom- brables que présentent les Müriers du Midi; qu'on obtiendra des écorces aussi unies que par la taille BoYER; qu'on évitera l’engor- gement des tissus en ne supprimant qu'une partie des rameaux en

408 TAILLE:

pleine foliation, sans laisser aux arbres un embranchement trop allongé. Enfin, on donnera par-là une longévité plus grande à l'arbre en évitant la destruction de son centre, qui commence ordi- nairement par celle du départ des premières branches tronquées.

Les bourgeons qu’auront produits les jets de l’année précédente se développeront à leur tour. Au moment d'utiliser les feuilles du Mürier, on conservera sur chacun d'eux trois nouvelles branches, et tout ce qui est au-dessus sera abattu et utilisé (pl. vit).

Cette seconde année de plantation, le jeune arbre aura neuf branches qui seront en pleine et vigoureuse végétation pendant cinq molis.

La troisième année et les suivantes, on procédera foupours de la même manière. L'arbre aura donc, cette même année, vingt- sept branches fonctionnant activement.

Supposons qu'on place un jeune Mürier d’une année d’existence, obtenu dans les conditions indiquées à l’article Plantation (p.238), soit en pépinière , soit en place; qu’on lui laisse les branches qu'il avait en l’arrachant : les bourgeons qu'il portait se développent, s'allongent en jeunes rameaux portant quelques feuilles bien déve- loppées. Nous sommes vers la fin de juin : on commence par faire choix de trois des jeunes pousses les plus convenablement placées, et qu'on veut conserver ; on coupe toutes les autres à leur base (pl. vit), au moyen de la serpette (les feuilles en sont utilisées, soit pour commencer à nourrir quelques vers-à-soie , soit pour le bétail) ; on livre l'arbre à lui-même en l’arrosant, s’il y a nécessité absolue et possibilité de le faire , et on supprime à une ou deux reprises les bourgeons surnuméraires ou les petites brindilles auxquels ils pourraient donner naissance. On sarclera, on binera autour de l'arbre, s’il y a lieu.

Il se pourra que par la suite on ne puisse pas continuer à couper la branche de l’année précédente au-dessus du jet vert (par un embranchement trop abondant), alors on rabattra au-dessus du 2°.

TAILLE. 309

Dans tous les cas, il faudra toujours tendre à écarter par la taille les rameaux qu’on laissera, de manière à tenir l'embranchement le moins serré possible.

On comprendra, par cette manière d'agir, que les feuilles ne seront plus cueillies sur l'arbre; qu’un homme , avec l'intelligence la plus bornée, pourra suffire à quelques femmes ou quelques enfants pour les ramasser à terre en prenânt les rameaux abattus par le sommet et en les entraînant toutes de haut en bas, sans avoir à protéger des bourgeons. La récolte deviendra bien moins dispen- dieuse et plus rapide.

Si l'on est menacé par la pluie, il sera facile de porter les branches à l'abri, d’en faire sécher les feuilles bien plus facilement que si elles en sont séparées.

Les routiniers ne manqueront pas de dire que tout cela est impraticable ; :

Qu'il faudra toujours avoir un jardinier sous la main, tandis qu’en faisant tailler ainsi quelques Mûriers sous ses yeux, le premier venu opérera facilement ensuite ;

Que les feuilles se fanent plus vite quand on coupe les branches que lorsqu'on les ramasse sur la branche, ce qui est entièrement controuvé ;

Qu'on aura beaucoup plus de poids à porter si l'éloignement est considérable, que dans des sacs.

Tous ces prétendus obstacles seront facilement levés ou plutôt évités avec la plus simple intelligence et la moindre bonne volonté.

La taille en vert offre encore d’autres avantages : elle n'en- dommage pas les bourgeons qui restent, ni ne déchire l'écorce, ce qui laisse les arbres en très-mauvais état. Par le moyen de cette taille, il est très-facile de transporter, le matin ou le soir, des fagots de branches toutes feuillées, de les mettre dans un lieu frais, elles s'échaufferont moins que serrées les unes contre les autres: en outre, de les détacher facilement du sommet à la base, sans crainte de rien endommager. Par cette taille, on aura aussi de

310 TAILLE.

moins grands émondages, et la feuille sera complètement (ou presque) privée de fruits inutiles, qui sont pesants et entretiennent beaucoup d'humidité dans les magnaneries.

Cette taille offrira donc sur les autres :

De ne pas suspendre la vigueur de la végétation et d’entre- tenir une ascension de sève constante et égale ;

2 De ne faire des coupes que sur des branches de l’année précédente, lesquelles se cicatrisent facilement ;

D'éviter de grands amas de sève dans le tronc;

De ramasser les feuilles des branches abattues ;

De pouvoir, lorsqu'on est pressé par le beau ou le mauvais temps, transporter sans peine ces branches ;

D'’en sécher les feuilles plus facilement au besoin ;

De produire des rameaux très-vigoureux et qui auront tout le temps de se consolider avant les gelées ;

On ramassera beaucoup moins de jeunes fruits que par le moyen de la taille et de la récolte ordinaires, et conséquemment les litières seront moins humides.

Si l’on plante un Mürier nain, mivent ou arbre, ne présentant qu’une tige unique ou baguette, sans ramifications, on supprimera en juin tous les jeunes rameaux qui apparaîtront, excepté trois des plus convenablement disposés pour cemmencer l'embranchement ; ainsi l'arbre aura la

ire année... 3 branches. année... 841 branches. DANSE, 9 » DE. pic M12RS » SRE MS TR 27 » 6.4 ; Di, 2 TOO » Si on plante de jeunes arbres avec trois branches, on aura la jre année... 9 branches. année... 243 » D ARS ER D 27 » Déni : DO » 3e LED AT 81 » 6x2: te se 2181 »

Mais comme après la ou année le nombre des branches sera probablement trop considérable, on pourra se contenter de tailler sur deux branches au lieu de trois.

TAILLE. 314 Toute idée systématique à part, on concevra facilement :

Qu'il faut, dès la plantation du Mèrier, établir son embranche- nent, ne lui laisser que trois branches le plus également espacées ;

20 Que celte première année de plantation, on supprimera au- dessus de ces trois branches tous les jeunes rameaux verts placés au-dessus des trois mférieurs, et que leurs feuilles en seront utilisées pour l'alimentation des vers;

Que ces branches abattues seront enlevées de suite, mises à l'ombre, ou transportées dans la magnanerie ;

Que chaque année, les trois rameaux, développés l’année précédente, seront taillés au-dessus du troisième rameau nouvelle- ment apparu, et utilisés de la même manière ;

Que si, par la suite, l'embranchement devenait trop serré, au lieu de tailler au-dessus du troisième rameau vert, on couperait au- dessus du deuxième ;

Que par ce moyen on ne suspend nullement le mouvement de la sève, que toujours le liquide continue à s’évaporer par les feuilles laissées ;

Que l'arbre ne peut donner des signes de pléthore ;

Que les seules plaies faites à l'arbre sur les branches de l'année précédente, se cicatrisent facilement ;

Que des ulcères ne s’établissent pas par suite de la destruc- üon du centre des grosses branches, dont les plaies restent exposées à toutes les vicissitudes atmosphériques ;

10° Qu'on peut facilement, en peu de temps, recueillir à l’ap- proche de pluie une certaine masse de feuilles qui, déposées convenablement, se conservent bien mieux, sans contracter un commencement de décomposition, dont l'odeur déplaît aux vers ;

41° Que les branches longues et tendres, privéés de feuilles ; doivent être mises en fagots, pour les mettre rouir quand on ne peut faire d’autres travaux l'hiver, afin d'en enlever l'écorce qui sera teillée et peignée, puis filée, pour faire soit de la toile, soit des cordes, ou au besoin du papier ;

312 TAILLE.

12° Les branches écorcées serviront ensuite de combustible.

D'ailleurs le bois du Mürier est ferme et flexible, et peut avoir un très-grand nombre d'usage, surtout à cause de sa résistance à ia putréfaction, tels que charpentes de charrues, herses, planches, échalas, manches d'outils, etc.

En résumé, on voit qu'aucun arbre ne peut présenter de plus grands avantages, en y ajoutant encore l’utilisation de terrains presque infertiles, et qu'avec peu de travail on peut fertiliser par quelques labours, faits même parfois dans l'hiver, et en y semant successi- vement des plantes, qui d’abord peuvent être employées comme engrais verts, et par suite, en culture sarclée, telles que Raves, Topinambours, Pommes de terre, etc.

Faille des Müriers gelés.

Depuis quelques années, les gelées printanières on endommagé les Müriers au moment les bourgeons commen- çaient leur développement. Il a donc fallu retarder l’éclosion des œufs de vers-à-soie, et attendre que de nouvelles feuilles se soient formées.

Aux bourgeons qui avaient mis près d’un an à s'organiser, et qui ont été détruits en quelques instants , ont succédé des bourgeons rudimentaires (surnuméraires ou adventifs), placés sur les parties latérales des premiers, et qui le plus souvent seraient avortés ou n'auraient formé que de très-petits et minces rameaux (brindilles des jardiniers), si les rameaux principaux n'avaient pas été détruits pendant leur croissance.

Ce sont ces bourgeons surnuméraires qui se développent après la destruction de ceux qui avaient mis un an à se former. Ces nouveaux bourgeons ont pris un accroissement beaucoup trop prompt pour produire des ramifications bien constituées et des feuilles propres à une bonne alimentation du ver-à-soie; aussi la production de la soie sera toujours mauvaise toutes les fois que

TAILLE. 313 pareille circonstance atmosphérique se rencontrera, ou lorsque des pluies printanières abondantes feront produire aux Müriers des feuilles dans lesquelles l'élaboration de la sève se sera mal opérée. En 1852, le mal a encore été augmenté par les fâcheuses circons- tances atmosphériques qui ont régné pendant la vie des vers. Bien des années précédentes ont présenté les mêmes résultats, et il ne peut en être autrement.

Il est presque impossible d'éviter une partie de pareilles circons- tances atmosphériques ; mais, cependant, il se pourrait qu’en abritant, pour quelques nuits seulement, une plus ou moins longue haie de Müriers, on parvint à empêcher que les feuilles ne fussent gelées : de très-légers paillassons, de grosses toiles d'emballage, de vieilles voiles, de gros papier sans fin même, légèrement fixés, sufliraient pour préserver les jeunes feuilles de la gelée. On pour- rait réunir par faisceaux les branches que l’on coucherait sur la haie, afin que celle-ci ne présentât pas trop de largeur. Ces soins ne seraient que de quelques nuits, et on aurait une feuille dans des conditions convenables à l'alimentation des vers. Leurs deux pre- mières mues passées, pendant lesquelles les vers consomment peu, ils pourraient plus facilement supporter une alimentation affaiblis- sante, due aux feuilles qu'on donnerait alors. Même, dans un cas pareil, il faudrait tâcher de se procurer, pour quelques jours, entre la deuxième et la troisième mues, des feuilles les plus avan- cées, et surtout les moins aqueuses : celles, par exemple, cueillies dans un lieu sec et très-aéré.

On se récriera sur les moyens proposés ; mais que ne fait-on pas pour des Pêchers en espaliers? De grosses toiles d'emballage, des paillassons protecteurs, ne sont pas des moyens impraticables pour assurer la production d’une substance aussi précieuse que la soie.

Dans tous les cas, si nous ne pouvons remédier qu'incomplète- ment au mal produit sur les Müriers, voyons s’il n’y a pas quelque chose à faire aux arbres partiellement gelés. Le froid des 19 et 20 avril 4852 n'a pas atteint les jeunes bourgeons seuls , il a endom- magé aussi les bourgeons surnuméraires, et les branches de nos.

314 TAILLE.

Müriers, qui se sont développées plus tard, ont sensiblement souffert. Non-seulement des portions assez longues de branches sont mortes, mais la destruction a continué. Des rameaux verts, garnis de feuilles qui paraissaient bien portantes , se sont fanés brusquement et ont séché le troisième ou quatrième jour. En les examinant, on trouva la face interne de l'écorce brune et sanieuse. La décom- position se prolonge souvent plus bas qu’il ne paraît d’abord. Pour l'arrêter, il convient de tailler de suite l'arbre jusque dans la partie saine. L'inspection de l’incision fera facilement connaître si l’on doit couper plus bas. Pour peu que la partie de l'écorce qui touche le bois ne soit pas très-fraîche, il faut encore entailler au-dessous.

Pour utiliser la feuille, il convient de placer une ou deux personnes sous l'arbre, afin de la ramasser rapidement sur les parties abattues; on laissera toutes les branches saines sans. en cueillir les feuilles cette même année. Ces jeunes branches auront parfaitement le temps de se consolider, et résisteront, sans nul doute, aux rigueurs des hivers ordinaires.

Si l’on a absolument besoin de feuilles, il faut couper les bran- ches plus bas, mais laisser intactes sur l'arbre toutes celles qui sont vigoureuses et qui ne déparent pas sa forme; elles continueront à pousser , et même avec plus de vigueur que si vous abandonnez l'arbre à lui-même.

Quant aux arbres déjà dépouillés de feuilles (qui ont servi à l'alimentation des vers), si vous n'ôtez pas, dans le mois de juin même (ou, à la rigueur, au commencement de juillet), tout le bois mort, non-seulement vous serez obligé de le faire au printemps, mais encore l'opération sera moins facile et plus dispendieuse qu’en la pratiquant au moment la maladie fait des ravages (juin); alors la maladie aura fait des progrès, elle aura communiqué bien plus bas, et vous serez privé d'un plus grand nombre de feuilles pour l’année suivante.

TAILLE. 315

Taille des vieux Muüriers.

Nos très-anciens Müûriers non greffés ont été de tout temps traités avec une vraie barbarie. Une fois plantés, ils ont été abandonnés à eux-mêmes , et sans recevoir le moindre soin; bien au contraire, on les a toujours massacrés en leur enlevant impitoyablement et sans cesse leurs feuilles.

Ces vieux arbres en produisent encore, mais elles sont petites et difficiles à cueillir, et conséquemment coûtent à récolter. On y tient beaucoup pour l'alimentation du ver-à-soie, et cependant on ne fait rien pour les protéger et les entretenir convenablement.

M. PERRET (des Granges, à Saint-George, près Villefranche) nous a donné, à cet égard, un bon exemple qui ne doit pas rester dans l'oubli. Pendant l'hiver de 1851 à 1852, ce zélé agronome eut l’heureuse idée de faire couper au-dessus de la naissance de leur. premier embranchement un certain nombre de vieux Müûriers sau- vages. Ses voisins croyaient qu'il allait les faire périr, mais le succès a dépassé son attente. On devait s’y attendre, car le Mûrier supporte, aussi bien que le Saule blanc, tous les plus mauvais traitements, et ils vivent encore. La base des principales branches a donné, en 1852, de nombreux jets très-vigoureux et très-longs. Il n’y à eu, au com- mencement de la récolte des feuilles de 1853, qu'à supprimer toutes les branches inutiles et conserver toutes celles qui sont nécessaires pour donner à l'arbre un embranchement convenable : celles qu'on a laissées étaient du volume du petit doigt.

Les bourgeons qu'elles portaient pendant l'hiver se sont déve- loppés, et au moment l’on avait besoin de feuilles, on a coupé ce jet (de l’année précédente) au-dessus du deuxième ou troisième jeune rameau, en choisissant, le plus possible, ceux qui ont poussé en dehors de l'arbre. Enfin, on traite ces Müûriers par la taille en vert sur rameaux de l’année précédente, comme il à été dit. :

310 TAILLE.

On pourra aussi ramener à la même taille les anciens Müûriers sreffés en les rabattant, comme le disent les jardiniers, et en les conduisant, comme nous l'avons dit, à la taille en vert ; on n'aura qu'à les couper comme M. PERRET l’a fait, et enlever, au mois de juin tous les jeunes rameaux qui ne pourraient servir à établir l'embranchement. Les années suivantes, la taille s’opérera toujours sur les rameaux de l’année précédente , et au moment même l’on a besoin de feuilles.

M. MATTHIEU BONAFOUS qui a employé une bonne partie de son existence aux études séricicoles, doit encore être cité ici, il est question de la production de la feuille du Mûrier et de sa meilleure utilisation.

Il entreprit quelques essais qui tendaient à introduire en Europe un mode de culture pratiqué dans l'Inde, et adopté avec succès dans la Caroline du Sud. Dans ces contrées, on sème, aux premiers jours du printemps, des graines de Müriers ; dans le cours de la saison suivante , on fauche ou l’on effeuille les jeunes Müriers qui en proviennent pour alimenter les vers-à-soie, jusqu'à ce que, devenus trop forts, ils ne poussent plus que des rameaux courts. On défriche alors le sol, qui retourne à l’assolement de la ferme , tandis qu'un autre terrain estensemencé en Müûriers pour remplacer le premier.

BONAFOUS Sema, au milieu de l'été, les graines du Mèwrier blanc, et le jeune plant qu'il en obtint fut transplanté , en mars de l’année suivante, dans un terrain de l'étendue de douze tables. Ces Mûriers, au nombre de 1,000 par chaque table, furent placés à 8 pouces les uns des autres (81 millimètres), et en lignes parallèles de 8 pouces d’intervalles (21 centimètres). Ces jeunes plants avaient acquis en mai plus d'un pied de hauteur (32 centimètres). Ils produisirent 25 kilogr. de feuilles, ce qui donnerait un produit de 50 quintaux par journal (1). Donc, en évaluant à environ 19 quin-

(1) Le journal de Piémont se compose de 100 tables, qui correspondent à un tiers hectare environ,

TAILLE. 317 taux la quantité de feuilles nécessaires pour former un quintal de cocons, un journal produirait assez pour en obtenir deux quintaux et demi. Un pareil produit s'occroîtrait d'une année à l’autre, jusqu’à ce que les Müûriers, ne poussant plus qu'un bois très-difficile à effeuiller, fussent employés au chauffage.

On pourrait craindre que des vers nourris avec des feuilles de Pourrettes (jeunes plants) ne donnassent des cocons de qualité inférieure; mais BONAFOUS a expérimenté comparativement avec des feuilles de Mûriers greflés.

On a beaucoup parlé de la valeur alimentaire du Mürier blanc mince (ou sauvageon), et peu de personnes ont fait des éduca- tions comparatives très-exactes. C’est toujours MATTH. BONAFOUS que nous avons à citer, quand 1l faut avancer la science de la pro- duction de la soie.

Il soumit absolument aux mêmes conditions deux onces d'œufs de vers-à-soie de race chinoise à cocons blancs : l'une nourrie avec le Mürier greffé, et l’autre avec le Mürier sauvageon.

Ceux nourris avec le Mürier greffé

CONSOUIMETENNE. 2 ME RENE EU 3,198 livres » Idem avec le Mürier sauvage....... 2,144 D 1/2 Différence. .…. :.... 453livres 17/2

Le poids de la litière des premiers fut de 4,835 livres Idem de ceux nourris avec le sauva-

OO, DER LR ER Ne eee» à se she 1,325 Diflérence: 4x 510 Le poids total de la récolte de cocons s’éleva à.... 547 livres. Les cocons des vers nourris avec le Mürier greffé DÉSCRCANR NT SORT LRU 271

Les vers nourris avec le Mürier sauvage pesèrent. 276

318 TAILLE.

Les cocons des deux lots étaient absolument de la même qualité, et 429, pris mdistinetement dans chaque partie, en formaient ia livre. Les cocons privés de leur chrysalide n'offraient aucune différence en poids.

On en prit de part et d'autre 10 livres, qui furent filés de la même manière, et par la même personne.

Le produit des Müriers greffés fut de 11 onces 1/2 Idem des sauvageons......... One: TS

Il n'y eut donc que 5/8° d'once de soie de plus pour les cocons produits par les Müriers greffés.

La soie provenue des deux parties fut parfaitement égale en force et en éclat.

Il faut donc en conclure :

Que la feuille du Mèrier blanc à feuilles minces (ou sauva- geon) offre une économie d'environ 45 livres par quintal sur celle du Mürier greffe ;

Que les débris de la feuille du Mürier sauvage, et ses fruits, d'un volume inférieur à ceux du Märier greffé, forment une litière moins épaisse ;

Il s’est trouvé moins de malades parmi les vers alimentés avec des feuilles sauvages, parce qu'il est vraisemblable que le Mürier sreffé , dont les feuilles sont plus aqueuses , fournit aux vers, à poids égal, une nourriture moins substantielle que celui à feuilles sauvages, ce dont l’auteur s’est assuré par la dessication de 400

onces de l’un et de l’autre. Les feuilles du Mârier greffé ont pesé, sèches . 31 onces.

Celles du Mürier blanc à feuilles minces. . . 37

Le produit en cocons des vers nourris de feuilles minces à été de 2 livres et 1/2 de plus par once de graines que celui des autres VETS ;

La soie produite par les vers nourris avec le Mürier blanc à

TAILLE. 319 feuilles minces a présenté un degré de finesse supérieure à celle des vers nourris avec le Mûrier greffe.

Cet exposé, appuyé sur l'expérience, devrait paraitre suflisant pour obtenir la préférence et déterminer le choix des eultivateurs à l'égard du Mürier à feuilles minces. Néanmoins, MATTIEU Bonarous pense qu'il leur importe de suspendre leur jugement et de peser les observations suivantes avant de se prononcer :

Il ajoute que le ver ne témoigne aucune préférence pour l’une ou l’autre feuille ; mélangées, il les mange de même ;

Une livre de feuilles (Mürier greffé) donnée à cent vers du mème âge, pris sur la même table, a été consommée aussi vite que celles du Märier à feuilles minces ;

La feuille du Mürier greffé offre l'avantage sur l’autre de moins se mouiller soit par la pluie, soit par la rosée, étant plus lisse, et de se conserver plus fraiche ;

Celle du Mürier greffé se récolte beaucoup plus facilement que l'autre : deux ouvriers ramassent un poids égal de feuilles du Mürier greffé à celui de trois sur un Mürier sauvageon. Il est à remarquer cependant que cette différence n'existera probablement plus quand on traitera avec le même soin ces deux espèces ;

A volume égal, le poids des feuilles du Märier greffé est bien plus considérable, vu leur largeur et leur épaisseur. Quoique cela soit vrai, la récolte des feuilles minces sera plus abondante dans un temps donné, quand le Mürier de cette espèce sera soigné comme celui à feuilles épaisses ;

La comparaison devra d’ailleurs s'établir entre des Müûriers d'une variété bien déterminée avec un état quelconque de celui à feuilles minces ;

I y aurait encore à comparer le Mérier à feuilles minces ci le Mûrier à feuilles épaisses dans des circonstances atmosphéri- ques, les climats et les terrains parfaitement identiques.

320 TAILLE.

Ainsi, le Mürier greffé, placé dans un sol sec, produira de bonnes feuilles pour l'alimentation ; tandis que la même variation de Mürier, dans un terrain humide ou argileux, produira des feuilles épaisses très-grandes, et qui, hygiéniquement parlant, ne pourront se comparer à celles de celui d’un autre sol.

De ce qui a été dit dans plusieurs pages de ce Travail, on doit conclure que :

Les Müriers blanc, multicaule et noir peuvent servir, en Europe, à nourrir les vers-à-soie ;

Que le Mürier blanc à feuilles minces à été reconnu pour celui qui, à poids égal, contenait la substance alimentaire la plus convenable ;

Qu'il a toujours été tenu, relativement à la culture, dans les circonstances le plus disconvenables pour en tirer meilleur parti;

Que le Mürier blanc à feuilles non lobées, de semis du Mürier greffé, est celui qu'il serait le plus convenable de cultiver dans le Nord pour l'alimentation du ver-à-soie ;

Que dans les contrées froides, le Mürier greffé à feuilles épaisses est le moins propre de toutes les variétés, à cause de la grande quantité d’eau qu’elles contiennent et de la mauvaise ventilation des magnaneries ;

Que les sols sablonneux ou pierreux sont préférables à tous les autres ;

Que si l’on a des sols de nature différente , 1] vaut mieux planter les Müriers à feuilles minces dans des sols plus substan- tiels et ceux à feuilles épaisses dans les terrains pauvres ;

Que les plantations de Müriers à larges feuilles doivent être traitées, le plus possible, par la culture appauvrissante;

Que la taille annuelle en vert est celle qui offre le moyen de récolter le plus promptement les feuilles et qui est la moins défavo- rable à l'arbre. |

MALADIES DU MURIER. 321

MALADIES DU MURIER.

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SPHÉRIE DU MURIER

ou ROUILLE DU MURIER (Pl. vu bis).

Pendant les deux dernières années très-humides qui viennent de s’'écouler , les Müriers ont présenté plus particulièrement une maladie de leurs feuilles, qu'on a désignée sous le nom de rouille. Cette affection n’a de rapport avec celle des Friticacées (ouGra minées) que par le nom. La rouille des blés (Uredo rubigovera) est due à un développement pulvérulent roux, soulevani la cuticule des organes verts, qui attaque particulièrement leurs tissus utriculeux et nuit beaucoup à ces plantes ; mais la rouille des Müriers consiste dans une décomposition du tissu utriculeux et du tissu fibreux, qui prennent une tout autre apparence.

On a attribué ces taches à diverses causes : les uns veulent que ce soient des gouttes de rosée qui, au lieu de s’évaporer rapidement au soleil, concentrent les rayons calorifiques et détruisent le tissu; d’autres pensent que ce sont des gouttelettes d’eau contenant un principe âcre ou salé qui corrode la feuille. M. D'HomBrE- FIrmAS suppose, dans le Mémoire qu'il vient de publier, la maladie de la feuille du Mürier causée par les atomes minéraux corrosifs dont les éléments ont été charriés par l'air, les brouillards, et déposés sur les feuilles de nos arbres. D’autres l’attribuent à des piqûres d'insectes. ù

J'ai cherché aussi à me rendre compte de ces taches, et je puis assurer qu'elles sont dues à une Sphérie, que je nommerai S.mori jusqu'à ce qu'on s'assure que la même espèce puisse habiter sur les feuilles d'arbres différents. La présence de ce parasite est très-

21

322 MALADIES DU MURIER.

visible sur l’un des points de cette partie morte de la feuille du Mürier que l’on nomme fache de rouille. Le parasite ne se présente qu'après la mort partielle du tissu de la feuille, qui est roux et très-mince ; il apparaît sous la forme de petits points convexes, inégaux, noirs et luisants. Cette Urédinacée se multi- plie comme tous les autres champignons terrestres ou parasites. Une poussière d’une finesse extrême (séminules, sporules, véritables œufs végétaux) est dispersée dans l'air ; elle se dépose sur une surface ou s’introduit dans une plante avec l’eau qui va constituer la sève. Si ces œufs, circulant avec le liquide nutritif, trouvent un milieu convenable pour que leur développement ait lieu, ils s’y établissent; mais, en même temps, ils décomposent la portion du végétal dans laquelle ils vivent. Cette portion s’épuise peu à peu pour nourrir le parasite, et ce n’est que lorsque la Sphérie est parvenue à son parfait développement que l’on aperçoit, à la loupe, sur l’un des points de cette tache couleur rouille, de petits tuber- cules demi-sphériques noirs qui constituent l'état parfait du végétal parasite. Souvent cette tache ne "présente pas ces points noirs; cela vient probablement de ce que l'Urédinaeée à été arrêtée dans son développement. Mais une partie du tissu utriculeux de la feuille n’en est pas moins morte, et la chaleur, en séchant cette partie, l’exfolie, ou bien l’extrème humidité la pourrit, et alors on trouve un trou à bords irrégulièrement découpés.

Il est bien prouvé, pour tous les observateurs attentifs, que les années humides donnent naissance à un plus grand nombre de champignons terrestres et parasites, et que les Müriers sont surtout exposés à cette maladie lorsqu'ils se trouvent dans un sol plus humide, et surtout lorsque, comme pendant ces dernières années, l'évaporation de l’eau introduite dans les plantes n’est pas dans des proportions équilibrées avec l’évaporation des parties vertes.

D'ailleurs, les feuilles attaquées de ces taches rouillées, qui ne sont point mangées par les vers, ne leur seraient nuisibles qu’autant qu’on les leur donnerait mouillées , et que les parties mortes et portant les Sphéries se seraient décomposées et répandraient une

MALADIES DU MURIER. 323

odeur désagréable. Cependant, il vaudrait mieux n’utiliser ces feuilles partiellement décomposées que si on s’en trouvait absolument privé d’autres saines ; les frais de leur cueillette n’équivaudraient jamais à leur valeur.

Cette maladie, une fois établie, est incurable ; mais on l’évitera en ne plantant les Müriers que dans des sols légers et perméables, et elle apparaîtra d'autant moins que les années seront sèches et que les Mûriers ne seront pas dans des sols humides ou à l'ombre.

Si on n’a pas uülisé les feuilles atteintes de la Sphérie, on pourra, sans le moindre inconvénient, les employer en automne pour la nourriture du bétail.

I est probable qu’en étudiant mieux qu’on ne l’a fait jusqu’à ce jour, on n’établira pas autant d'espèces de Sphéries qu'on trouve de végétaux qui les portent; mais, pour le moment, j'ai suivre la marche déjà employée et signaler la véritable cause des taches rousses et mortes qu'on remarque sur le Mürier blanc, et détour- ner de l’idée que semble faire naître le nom qu’on lui a donné, nom qui ne peut être appliqué qu’à l'Uredo rubigovera , ou rouille des Triticacées (ou Graminées), dont les feuilles, surtout dans le printemps, présentent d'abord des boursoufflures nombreuses de la cuticule (vulgairement épiderme) des lames des feuilles surtout. Ces très-nombreuses petites pustules (ou vessies) se rompent bientôt, et alors les parties vertes sont couvertes d’une pulvérulence très-fine, couleur de l’oxide de fer roux (vulgairement rouille). En passant à travers les blés dans les printemps humides , les souliers en sont complètement couverts. Les feuilles qui en sont atteintes, ce sont particulièrement leurs lames , ne fonctionnent plus, se dessèchent bientôt, et la plante souffre beaucoup pendant tout le reste de son existence, alors même qu’une atmosphère sèche vient concourir'au développement des nouvelles feuilles, toujours trop rares pour la santé de la plante. Voilà ce qu'est la vraie rouille qui, en réalité, n’a de rapport avec celle désignée sous ce même nom dans le Mürier que par la couleur.

CO 1 LS

MALADIES DU MURIER.

Piléthore des Müriers,

Nous avons déja signalé à l’article Taille les engorgements séveux que présentent souvent les Müûriers du Midi de la France, dont on coupe chaque année les branches, après en avoir récolté les feuilles. On taille les branches de l’année si courtes que, par l'abondance de sève, des rudiments de bourgeons se développent aussitôt. Malgré cette utilisation trop partielle de la sève, qui reste quelque temps sans s’élaborer, les tissus ligneux s’engorgent et le liquide se fait jour par quelques-unes des plaies. D'un autre côté, si cet écoulement ne peut s'établir naturellement, l'écorce se soulève et les feuilles jaunissent ; elles tombent avant le temps, si l'on ‘ne remédie pas à cet engorgement général , en faisant une profonde incision longitudinale à l'écorce. (Voir l’article Taille, p- 297.)

Si d’ailleurs l'arbre ne reprenait pas de la vigueur peu de temps après, il faudrait voir si le mal ne viendrait pas des racines.

Carie du Murier.

Nos Müriers greffés ne sont pas encore assez anciens pour présenter des plaies profondes de pourriture dans leur tronc ; mais le mal se prépare, et les grandes et nombreuses entailles que nous faisons à de grosses branches, qui ne peuvent être recouvertes assez vite par l'écorce pour que le bois mis à nu ne se décompose pas graduellement. C'est ce que les tailles inconsidérées que nous faisons subir à nos Müriers amèneront nécessairement.

En traitant l’arbre dès sa jeunesse par la taille en vert, ou autrement dit en coupant les branches qui ont à peine une année d'existence après la de la base, on évitera ces grandes blessures.

D'ailleurs , s’il fallait couvrir des plaies qui ne.pourraient se cica- triser facilement, on devrait avoir recours ou à la cire à greffer, ou à l’onguent de Saint-Fiacre, ou bien, si les blessures, les caries ou

MALADIES DU MURIER 321

les déchirures étaient très-grandes et très-profondes, on devrait les maçonner avec du plâtre, des briques, des pierres, et recouvrir le tout de craie délayée dans l'eau et teintée en gris ou couleur bois. Ces derniers pansements sont un peu grossiers, mais ils intercepte- ront au moins le passage de l’eau, et le tronc se décomposera moins vite.

Hanneton commun (Melolontha vulgaris).

Le Mûrier n’a jamais été attaqué dans ses feuilles par l'état parfait du Hanneton; mais sa larve y fait de grands ravages sous terre ; elle ronge dans les pépinières l'écorce de ses racines et détruit souvent des plantations presque entières.

Aussitôt qu'on aperçoit les feuilles de cet arbre se faner, il faut creuser autour des racines, et très-souvent on y trouve la larve du Hanneton qu'on nomme vulgairement ver blanc ou turc. Il faut la détruire le plus possible.

Si l’on a aperçu cette larve dans le terrain que l’on voudrait planter en Mürier, il faut, en même temps qu'on sème ou qu'on plante ces arbres, y disséminer des Laitues, qu’elles recherchent. Si l’on voit quelques-unes de ces plantes se faner subitement, on peut être bien sûr que leur mort n’est due qu'à la présence souter- raine de cet insecte, et des recherches attentives en feront sûrement découvrir.

Rhizoetonie? du Mürier (Rhizoctonia? Mori).

Je n'ai pas eu l’occasion de voir, depuis quelques années, une matière pulvérulente blanche qui s’observe parfois sur les racines des Müûriers, laquelle présente des rapports avec la Rhizoctonie de la Luzerne, ce qui est un point à étudier. Quand on voit les feuilles de cet arbre se faner tout-à-coup , on doit en découvrir les

326 MALADIES DU MURIER.

racines; si elles sont comme couvertes de craie , 1l faut aussitot avoir soin de détruire complètement les racines, même l'arbre, en creusant promptement, afin d'empêcher le mal de se propager sur les racines voisines. On doit, en conséquence , les suivre avec la plus grande attention, et ne pas replanter de Müûriers dans ce lieu avant qu'il se soit écoulé un nombre d’années assez grand pour présumer qu'il n’en reste plus dans le sol. Il serait convenable de mélanger la terre avec une certaine proportion Ge chaux vive dans l'endroit ont poussé les racines du Müûrier, que l’on doit détruire de suite en les brûlant.

FIN.

TABLE ALPHABÉTIQUE

DES NOMS EMPLOYÉS.

+ Nora. Les noms en caractères ordinaires sont ceux qu'il faut préférer. Ceux en Italiques sont des synonymes. Les mots en Normandes sont ceux des objets les

plus importants.

A

Absorption de l’oxigène ...... 53 Acide carboniîique............. 6 Adhérence des molécules ......... 49 Air vual (OxIpÈNe) er Er re eue 5 Albumen:- it user 131, 184 RTE HENES Eee ee elersieles eee iete 56 ATIMONIAQUE EPA RET e e- Cr e 10 Androcé (Étamines)............ ». - 168 ANMÉRÉTEN TE ele Lester ile »

Arbres des promenades........... 296 ARTOCARPACÉES............ 186 ATIOCOPNÉES EEE EEE CRE eee »

EVE eo LE din alc AS OENERS 4

Belle grise à fruit rose............ 204 Belle blanche TRE" » Biaddersi ETC EE TE. 114 Blanc à feuilles entières ........... 204 loVées 2. PAS » —.. glabres....... » = An à 206

LT femelle. NN, SARA ES. 204

IBUIME) TOMATE ET.» are DEN LAN O UPPER eee ete e PIÉTIOU L ISSN SN TE AN ere er eleletete BOIS DR MAR EEE ve Bois jaune”............... ? OER RONA EP CPE CCE Hourgeon..-................... Al IOUTHO Sd mime ee

DEUT tree ac the

EI dE EL ES Mn MORE ON-. TE eee este Hrnctée ist A RE Bractéole::.2252.,. HR Sie Broussonetia cucullata............. MACULLIA LYS ARTE LT

navicularis. ..........

== navifolig.....:.......

spathulata............ Broussonétie .................. DAPITITÉTE ERA RS RE

fruits blancs.

capuchonnée

. laciniée...:.

nôrmale ....

panachée ..… IBTOUSSONELTER : Des de ee die la elelei ere

332

CAE ML Te de NAN Ie ARE. 161 Calorique...........:......... 16 Cannabinées (Cannabisacées) ...... 188 Cannabhisacées ................ » Canal médullaire..::..........7. 139 Canai utriculeux.............. » Carhonate de chaux ........ 60, 61 CARE LR ae 176 Carcpel:"….. mem Rene 2145 CONVERSE NT ete ne ir nele ele 114 Ceres Le NE RU ee 59 "de tourbe meer » TeSSIVÉRS- Et tue Se ce » CHATS NP ARE EE re SAGE AE Ne 92 Château-Renard ...........:....3. 206 CRAN SAS 3 MAL, DE ner LE 60 Chifonsiderlaine. arrete 92 CRIDTOPLONES CEE CR EPL 231 CE Ur \DIPAVOLS ES RL eo 139 Collet. EEE RE RS 136 Chlomhasse: 22: : AR. LEE 206 NS MOUCHE » rebalayre RECENSE EE » Colombasselte... Je EE TEE 207 Composition des terres....:....... 55 COMPOSLEE ARTS NACRE Re ET 106 Connaissances préliminaires....... l Coquilles aquatiques ............. 94 Bornailies er ar Re ee 92 Corolle (Pétäles).:.. Ste 165 CRYPIOGUME. TERRIER EEE ERUE 130 Cueillette de la graîine....... 185 Culture du Mûrier............ 258 Cufioule 552007 avec eco ce à 120 D Déjections de la Vache ........... 80 dus POTC PE NRNETeE » du3Ghevals: Re tr 79 DErME rdc css enesee 130, 181 DICOTYLÉS...... 127, 139, 140, 143 DUCheSSe LL AAA) LUE LEE 204 DÉCOMPTE dE. dv 206 TT RDA DUC PEL OC CCS LOT ES »

TABLE ALPHABETIQUE.

MR... . ME Da ce ES UND 20 SR de fumier, sx Se EUR 85 =) DiUvinle Lee. teteeethe 27 Échauffement des terres........... 04 Écobuage...................... 51 concerne ete 139 Élagage MByda de nfdèc ND cad à 294 Flectricité. | 2er SERIE ae 18 Embryon................... 131, 181 COUTDÉ TA Eine er er 129 AÉOLRSS ER EENENNEtERE » Endoderme................ 131, 181 Enordise. tree Cr er 65 =" NAéCUTES CE RERIS eR 79 1 (Raman rase NS Re 96 2 TaUÉETEtse RAT re ARE °. 1 LOD PINOT ES L'ONERE S J6le Loue Al 97 Épeautre AS SAMU D 50 0 NN EE 173 amine to ir ae". ee 168 Excréments de l'Homme.......... 87 = de Moutons........... 89 de Pire ons: .cren-r cer » derPONIeS, ee... Ær2eLRe » des Oiseaux..." 88 Exoderme.................. SIL

Fécondation (fructification) ........ 171 méculé :. sec due LUN w. 116 Meunléz:::-h 2h. Cr rat 142 Feuille sans parchemin. ........... 207 de la fleur (sépales)........ 165 2 DONS see Man ci teleiee 204 = MA CHIC AR NE DE à 163 1 COUTAIS) ASE eee er 103 lobée glabre ............... 204 parcheminée............... 206 el OL 080000 moe 30 PEUR ose de Provence....1.... 204 P'ÉMER SR ere lon der ae 98 ANTPAOUD IE re ES rene Te 165 Fleur en général.............. 153 Fleur proprement dité........... 156 Fibres Armor eee ue 123 ADIAIEN Te vrais à eee « stole e »

FIDROUTRICULÉS........... "

TABLE ALPHABÉTIQUE. 333

AN CO CAE ME MERE ARR 168 FOGR EI doppiA SE NERR 204 Fohole dt calice... NE 163 Fourcade des Cevennes ............ 206 ETOMENTARN APN MER ES Ar. 173 PRUCCANIO D SR EE RE 171 Fruit noir Chabaud... ............. 204 OO FO COTE AR PRE ES RE 130

Gamosépale (sépales unis) ......... 163 Germination .................. _132 GDS EOIR. SE Ne El ER 204 Graine .:7:.:2...... 0. 130, 180, 185 Green rien eee nes RER: 269 = MA la PONtOIS EE RES 283 —. "faxillaire sr NRA 289 ds ne COUR EE Pre HAE 282 AACONAPNTOCNER EP NRA MPENEE 278 MN ETECDE VIE RATE ES 284 FN TENECOUTONRE 6 et NU 281 M CNIÉCUSS OM se nee TER TOI) Er NEN fente ae Ter Le 280 AR N LENEITUES een RUE DUR à 288 I eRIDIACare UE TEEN TRS 289 mt RCD SLDLODESS ee URRN 288 = therbacée:22..7.0, ER AURA 283 De LATE TAUPE tan à eo LUNA 281 ad D A AOL ANS EE 290 par bourgeon seul......... 285 Ent DAT RTANTE AU - UE 278 SUR TAC CARS 282 GABESE RENE TE RE Neue, et 7 OU DESHAQNES. re. LE » (UN OP TANT EN CE ER SCENE 88 H HÉDANTDE Nr ANT RER 100 1 0 COPROAEMRENEEES I Ae< INER 131 Hygroscopicité .......,........ 52 Î LOU CR AN ER 10 TORLIOTR PRENDRE 231

| L REDON SE AN Ra te 122 Lame de feuille............... 143 Langue de Bœuf.................. 206 Dumiére nee cou ited 13 BTE PRE te As CT ee RQ 2 81 MDI AA EST do MEN Est 97 M

Maclura xanthoxylon .......,..... 233 Maclure: 7 HR NT 231 —... bois-jaune., ::........:... 233 MO UNOO OEM AMI Se VU eee 232 Mâle du Piémont..:.........,.:..: 204 Marcottes...................... 252 Marc deirarsim NN. re 101 MORGOONRE ae NET 204 RARE en ne Us 0.1. FA 63 Méats ...., BEC OL EE re 118 Mésoderme ................ 131, 181 MeYne ES NE R E NE ee 204 Milieu aqueux................. 20 atmosphérique........ 3 PSE OeSÉre: 1 32

MONOCOTYLÉS 127, 139, 140, 142, 143

Morées (Morusacées) .............. 186 Monosépale (sépales unis),........ . 163 MORUSACÉES ................ 190 IMOornus. ain 2%. MR LLE MERE 226 tntegrifolia latifolia.... 203 en ee UOTE ee AE TORRES) M0 AU CIUO SLO NS AE ER à 203, 205 = NN AUS CUS ee EEE EE 204 Ac on AUICTOpRyIIn Se. 207 = MOULES RES LRE ATRU TE 219 SE VCANUTENSIS NN CERN EEE 223 NCUCUUQI SRE EE. LR NES 219 FIRMES SE NE EE à 226, 229 integrifolia latifolia......... 205 -nlermela SEINE 208 —"SUaNCR ASS LEE RL AE 201 +, RADORER AE NON F5 dE 226 de la Bonite........ » y UT NES SR NOR OT LEE » DE TE LORS M Re 205 —. Missouriensis®. 2... 223 NT ET Re NUITS 201

334 TABLE ALPHABÉTIQUE. Morus papyrifera............. Ne . MB26 multicaule bullé........ 219 - pensyluania ........:......,. 223 hybride ...... » —TUDTAR ES... ec e2 een » plane 7"; » D NSDEIDL aie some ses eaneesese 236 OIMUMITE Lam: lcLect » OT a 2 T5 oo 202 NO S bo LA 222 2 MDPNSU.. HR ere Rice - 20e 212 == lobé....... HS BE 223 MORUSACÉES ................ 187 = ODerTOtet ee: 22! ee duo nine 219 Multiplication artificielle..... 251 Pyramidal............... 212 ns nataree er 250 a ESS Te 223 CT ST MS PRE DS 0 7 re QUE. , à bois rouge.............. 201 re hybride,.......... 2 à feuille rose de Provence.. 203 FT POENPENeR RL PE - ER 199 +; 'manesMElS L.ue 191 mn PAUSE FC SE. > Colombasse ........ 206 = Colombassette. ... » N Constantinople..... 211 ON, PT ONDTELLe Reese 212 AANayette FRE an RARES 99 italique........... 2OTLAANIVIÉTIE LE Eden Er 173 ee LOUE T-C28 = cie de 208 No TC RAbEUTE ER ET LE AE 205 en mn CE SAIS he ee 199 | Noir des raffineries.......... Res: 01 _— Morel. Re. 203 UNIT, ARE PE 212 ] —— RETVEULT M mea eee » pyramidal......... » 2 we 5 D Re TS 203 Organes op 4 A ro 127 ; élémentaires........ 113 canadien ............. 224 LBR ; SUMAATES 2, See ee ae 114 de Constantinople........ 210 DR TT UE +: AA NET US pe 226 Orties Cine CIC espere 186 5 APN lon 208 Os pulv érisés .........- bre 9 RÉAE Coran Te ea 205 OPnhfoit ne. ren eee 21E 2e 205 Æ. Contre En 4 205 Ovipare......... EEE 130 ESS Oxide de calcium (Chaux)..... 60 des Philippines... ,..... 219 FACRTIRER È 5 : du Ministère :........... 208 TE TR NE REC A à CHCAPUCHONE 2-22... 231 en halle. 212... 1... 254 P D ANAIENR 55 me Le ee 199 ee indien 701.02. 229MaPan derctéioner.t te Re ee LE intermédiaire... 7". 27: COPA ÉPAPIT VASE à RE. ne eee ep 234 NA Niques ER 2 ue cet 201 | Papirius japonica................. 236 Kæmpfer............. 228 polymorphus ............. » _ Thon SENS Vraie 2081 Papirier . Mn... cerneemie 234 longstyle.............. 225 | Parties constituantes des plantes .. 108 à larges/dents’ 2274 "Pécoul rose "212 RSR 205 cordiforme.: 2»: Penn! (Graine). 2---57020000: 020 180 OVAIESE EE ECÈEE » PÉSAGLERTE. Pret eedeesnt pe 52 DOI. 220 EE UE De ele ele AUBRIMPEIALE 11.7, 254. ee SRE 165 = mi-Nain............... 256 INPétiOLle, ::.-.:...21/./CrCRLURE 143 WiDrerti Res UE ie. 208 Petite blanches. e 27 "NME RCRECE 205 multicaule............ AS" Phanérogames,. "TIR ee ee ae 130

TABLE ALPHABÉTIQUE.

1 OU SSSR RCE at 0 ot 163 HIS EN OLACArpel. ARE EEE 175 Plantation des Müriers ...... 238 AATNLESATILOTLES Vap. n'e Vale eo 8 Ve rate are 103 ROTSEIOUDIN UE 220. pee nie » ee 97 * Poissons... :.. de 6 RPM: 94 Pollen ...... ELA M ee do date 168 Polysépales (Sépales libres)........ 163 Pommeuu ........ 2 0 5 Mc PDP CRE 205 Poudrette. #1. 2% Do Ge Dani 87 Préparer les racines".....:....... 249 PTOROSILES Ts de case ts lee HSE TE 23 Purinér Den ee ee de EE AO 86 0 QUALTÉSIAUESOR APRES A9 R Hacine "tete Nes ot 135 Rayons médullaires ...,.,......... 139 utriculeux.............. » REUUIQUTEREER ETS RE ECC Rte 206 Rosnuresidefpeaux. "0-0. 93 RON ele ae e ee AN Se NN Tr etats 205 NC fTUMDIANC een... 205 FOSC JAN tee o1e ARE Son 205 de Calobre FN AN re RC 206 "de Languedoc... 205 de Lombardie............... 207 $ SES AN PRTET AIRES 1209 SL-ANALOUS, SAT NOR ee » SAND TS Te RE ee HN ee» ET 90. DAT AZI RE NA tot ENS 99 SAUDAGEOR RO ee ee « 205 ant LRO SOU one COMME 206 RTS TA RSR ESS» SCO TUE TT ENNES 100 Semen: (GTAINO)E RENE ee eee « 180 Semence, Voir Graine-............. » Séminipare.................... 130 QÉPDALE MMS ere PIN cn ne, 163 STATUT FAR OBCE 0 CE UE EEE 206 Sol calcaire ................... 47 sablonneux................ 42

335 SOISRSALÉS rer eu NE ATEN 60 SDOTEULE Sr her ie eiette AE 0e 99 Sigma tes 7... heros. - 176 SUIPULOS.. 0e ete At 0 BE 143 Stomates....11.,...,. 22 + HAL 20) SUIC.. ART PNR SP EURE MedETOL Suliate: del CHAR SL EM eERET 2e 61 Un 4 TOPOBP ESA Éd PC OR ACE 176 T Taille du Mûrier en particulier. 298 3et 4 annuelle du Mürier 301 des arbres en général.. 292 Tardif de St-André .............. . 206 Terrain alumineux........... 45 ArSIIEuUx .. .........., » calcaire.............. 47 Terreau.............. no ché 1 I0Z Perret de SAnleSe rm AM Re ee » —#Wsablonneusen eN. 2... ... 42 mige rs fer. Pate Made son ee 138 de dicotylé ............. 140 de monocotylé..... eos 139 INA POTUL NES PSS NN NE Ne à ele 229 Tisst' cell re RE RE 114 PPUCSICUIUT EN. . Nes ee ee » TOPIRAMDOUT SN ER ER EE er eee 100 OUEN Se ES LORS 104 MOLRTEQUX NE RENTE LE ET I RER 95 d'olives". 2220 PRE » U Uréer een DR ER 83 UT ZAR EL LAS PRE PR ER » URTICACÉES ................. 187 Uiricules: 7, 220 114 UTRICOULÉS................... 123 Urticées (Urticacées).........., 186, 187 V VapeurmMeanEe PER Res 9 HE TEN(G ET) OMC CNE EE M 101 PÉSICUIBSE ER À. d'en UD, TSI 114 NAUIDALE 0200, EU TMPN RE 130

330

PLANCHE

MURIERS FIGURÉS DANS CET OUVRAGE.

Fleurs, Fruits, Graines et Germination.

1

2. Boutures.

.3. Greffes.

4. Mürier blanc, 1r° année de taille.

5. Port du Mürier blanc Constantinople.

6. Taille en vert et Stigmates des Müûriers.

fi en vert, 2e année.

7 bis. du Müûrier blanc et Sphérie du Müûrier. 8. en Oranger, avec rameaux de l’année précédente. 3 dont on a enlevé les rameaux de l’année précédente. 10. en Vase ou Gobelet.

11. Mürier blanc mince.

12: _ tartare.

13. -- rosé.

14. Colombasse.

15. Colombasselte.

16. fibreux.

17. Constantinople.

18. —" multicaule.

19 noir.

20, rouge. 21: indien.

22. Jlongstyle. 23: Kæmpfer.

24.) LE Supprimées. 25.

26. Broussonétie à papier. 97. Maclure orangée.

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